(Dix heures)
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la santé et des services
sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je vous souhaite
la bienvenue à tous et à toutes.
La commission
est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Jean-Talon au
ministre de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant :
Le projet d'assurance autonomie du ministre de la Santé et des Services sociaux
et ministre responsable des Aînés.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme de Santis (Bourassa-Sauvé) est remplacée par Mme Blais
(Saint-Henri—Sainte-Anne)
et Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Dans un
premier temps, le député de Jean-Talon aura un temps de parole de 10 minutes,
suivi du ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq
minutes seront allouées selon la séquence suivante : d'abord le député
interpelleur, ensuite le ministre, puis un député du groupe formant le
gouvernement et ainsi de suite. 20 minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes
de conclusion au ministre et un temps de réplique également au député de
Jean-Talon.
Je comprends
qu'il y une entente à l'effet que le député du deuxième groupe d'opposition
interviendra lors de la troisième et sixième série d'intervention. C'est
exact?
Enfin, je vous rappelle que le débat ne peut, à
moins d'un consentement, dépasser deux heures.
Alors, M. le député de Jean-Talon, vous avez la
parole pour 10 minutes.
Exposé du sujet
M. Yves Bolduc
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, Mme la
Présidente. D'abord, je voudrais vous saluer, vous et votre équipe,
saluer ma collègue députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, saluer également le ministre de la
Santé et des Services sociaux et responsable des personnes Aînées — aujourd'hui, on va parler beaucoup des
personnes aînées — et
également saluer son équipe qui est
présente, et qui, je sais, fait un excellent travail au niveau du ministère.
Et, je crois, il faut le reconnaître, tous, on veut que nos personnes
aînées soient mieux, soient mieux prises en charge et également puissent
demeurer le plus longtemps possible à
domicile et également avoir un continuum de services. Et, lorsque leur situation
se détériore, qu'ils puissent avoir les soins.
Mme la Présidente, je commencerais peut-être par
un... juste un petit commentaire. Ce matin, j'ai pris les nouvelles au Saguenay—Lac-Saint-Jean, où il devait y avoir la présence
d'hémodialyse à Roberval et à Alma, dans un souci de ramener les services le plus près possible de la population. Il
faut comprendre, ce sont souvent des personnes aînées — donc,
directement en rapport avec notre sujet — qui vont se faire traiter à
Chicoutimi, souvent, vont faire trois,
quatre fois par semaine des distances de plus qu'une centaine de kilomètres
pour les gens de Roberval, également plus
de 60 kilomètres pour les gens d'Alma. Et j'ai appris avec déception — je veux juste le laisser savoir au
ministre puis je ne veux pas en faire un
enjeu — que
l'hémodialyse ne serait pas développée ni à Roberval ni à Alma. Et ça,
ça a été dit à la télévision par le député de Roberval. Donc, juste lui laisser
savoir que, dans une approche que l'on veut rapprocher
le plus possible les soins près des personnes, d'éviter, souvent par coupures
budgétaires, de développer des services d'hémodialyse dans des régions
éloignées, je ne suis pas certain que c'est une bonne décision. Donc, je demanderais peut-être au ministre de revoir le
dossier puis d'y repenser. Ça n'avait pas besoin d'être fait cette année,
mais la planification était là, et, ce matin, la porte était complètement
fermée pour développer ces services.
Une fois qu'on a dit ça, Mme la Présidente, ma
première partie, mon premier 10 minutes, c'est surtout pour discuter avec le ministre, parce que lui parle du
principe qu'au Québec rien n'a été fait. C'est comme si nos personnes aînées, du jour au lendemain, on va mettre en
place l'assurance autonomie, on part d'un système des années 60, on s'en
vient en 2012 et… comme s'il n'avait été rien fait. Je pense que le ministre,
en jasant avec son équipe ministérielle actuelle,
peut reconnaître qu'il y a eu beaucoup de travail de fait au cours des
dernières années, entre autres au niveau du développement des soins à
domicile, et on sait qu'il y en avait encore à faire parce que c'est des
montants qu'il faut investir sur plusieurs années. Également, on a eu la
création au niveau des ressources intermédiaires.
Et
également, le ministre, dans son plan budgétaire, un des objectifs, c'est
d'avoir moins de places en CHSLD. Ce que, nous autres, on avait comme
plan, puis déjà depuis plusieurs années, c'était d'ajuster le nombre de places
en CHSLD en fonction des besoins de la population en développant plus de soins
à domicile, ce qui a été déjà fait dans le passé. La preuve, on a passé de 3,5 places par
100 personnes de 65 ans et plus à 3,1 et on s'en va vers le 2,8. Donc,
même sans l'assurance autonomie — et c'est là ce que je veux mettre dans mon
propos, qui est bien important — la transformation du réseau est en train
de se faire actuellement.
Et l'assurance
autonomie n'est qu'une façon de financer et ne change rien dans l'approche au
niveau de la transformation du réseau. Un
exemple, au niveau des soins à domicile, les budgets sont déjà alloués, et le
nouveau budget qui peut être mis en
place peut être un budget protégé. On n'a pas besoin de l'assurance autonomie
pour faire ça. Également, en mettant
l'assurance autonomie en place, on met l'équivalent d'une grosse CSST pour les
personnes âgées avec aussi des principes qu'il va y avoir des droits d'appel,
mais la différence avec la CSST, la cotisation va être payée par la personne aînée ou par les citoyens. Donc, déjà, on
voit à mettre en place une grande structure administrative de gestion
pour dire qu'on fait quelque chose, alors que c'est en train de se faire
actuellement.
La
transformation du réseau est déjà commencée depuis... même avant notre
gouvernement, dans le gouvernement libéral,
ça s'est fait avec un certain virage ambulatoire, qui a été manqué à l'époque
parce qu'il n'y a pas eu de réinvestissement de ressources; ça s'est
fait avec l'approche du développement des ressources intermédiaires, plus d'argent au niveau des soins à domicile, parce que
le principe, puis je l'ai dit à plusieurs reprises lorsque j'étais
ministre de la Santé et des Services
sociaux, c'est qu'il faut investir de plus en plus dans nos personnes à
domicile. Et plus on va les garder longtemps à domicile, moins ils vont
avoir besoin d'aller dans des ressources intermédiaires ou dans des lits de CHSLD. Même si on développe au maximum les
ressources à domicile, il va demeurer qu'il y a des gens qui vont avoir besoin de services au niveau de ce qu'on
appelle des ressources intermédiaires pour les semi-autonomes ou encore dans les CHSLD pour les personnes avec grande
perte d'autonomie. Ça, je le crois aussi, puis je reconnais que le
ministre le sait également, on ne fermera pas les CHSLD.
Également, dans notre transformation du réseau de
la santé, les personnes qui sont en attente dans nos établissements de santé pour des lits de CHSLD, bien,
théoriquement, on devrait développer les ressources nécessaires pour pouvoir
les accueillir. Et également, dans
l'assurance autonomie, le ministre reconnaît également qu'il y a une partie des
gens qui sont en CHSLD actuellement qui devraient être dans des
ressources adaptées. Puis moi, je suis allé visiter la Maison
Martin-Matte, je crois que c'est dans les Laurentides, où tu as des gens
qui sont des handicapés physiques, des jeunes adultes handicapés physiques qui
maintenant habitent dans des maisons qui sont adaptées, et c'est ce qu'on doit
faire également. On parle également des programmes pour la sclérose en plaques.
Une personne qui a 30 ans, qui a une sclérose en plaques ne devrait pas être
dans un CHSLD, à moins que sa condition ne permette vraiment pas... et peut
demeurer le plus longtemps possible à domicile, ou encore avoir des ressources
appropriées en termes de domicile.
Donc,
mon propos aujourd'hui, Mme la Présidente, c'est : Pourquoi créer une
grande structure bureaucratique, alors
que nous avons déjà des outils de transformation du réseau de la santé? Et, je
tiens à le dire, puis ça, c'est quelque chose que je pense qu'il faut qu'on
le répète, ce que nous sommes en train de créer, là, c'est l'équivalent d'une
CSST avec tout l'administratif nécessaire pour le gérer, avec des processus d'appel,
alors qu'on peut, avec nos ressources régionales,
par l'approche du CSSS, être capables de donner les mêmes services. La
question : Pourquoi aller investir dans des fonctionnaires qui vont
faire des évaluations puis qui vont gérer des anomalies ou encore des droits d'appel
plutôt que d'investir directement aujourd'hui des infirmières, des préposés ou
encore au niveau des aidants naturels? D'ailleurs,
dans le projet du ministre de la Santé, les aidants naturels, je crois,
voyaient une façon d'être rémunérés. Ce que l'on peut voir, les
personnes qui sont des proches, il va y avoir des mécanismes de protection,
comme le dirait l'article que le ministre a déjà écrit, de façon à s'assurer
que, justement, il n'y ait pas ce type de possibilité.
Donc,
quand on regarde à la fin, je pense qu'on est en train de mettre en place un
moyen qui n'atteindra même pas les buts recherchés, parce que le temps
de mettre ça en place va prendre des années, ça va coûter de l'argent. On n'a pas nécessairement tous les outils
informatiques actuellement pour que ce soit développé. Donc, ça va prendre un
certain temps avant de se mettre en place et, à la fin, ça va nous coûter plus
cher en administration que ce qu'on pourrait développer en services directs aux
patients.
Mme
la Présidente, je voudrais juste rappeler au ministre qu'au cours des dernières
années il y en a eu beaucoup, de travail
de fait, hein? Il y a eu des ressources intermédiaires de développées, il y a
eu des soins à domicile de développés et également il y a eu des CHSLD,
où on a diminué la croissance au niveau des CHSLD pour justement ramener les ratios autour de 2,8 places par 100 personnes de
65 ans et plus. Et, juste pour donner un exemple, le secteur que je
parlais ce matin, où est-ce qu'on ne mettra
pas en place l'hémodialyse, eux ont fait la transformation. On peut même
descendre jusqu'à 2,5 lits par 100 personnes 65 ans et plus, mais en faisant un
travail très intensif au niveau des soins à
domicile. Mais ça ne se fera pas dans une journée; ça pourra se faire sur
plusieurs années. D'ailleurs, le ministre, quand il dit qu'il va aller
chercher 350 millions en ressources au niveau des CHSLD, il ne le fait pas
demain matin, il faut qu'il le fasse sur
plusieurs années, et ses prédictions font qu'il ne sera pas capable de réaliser
son projet en l'espace de deux ou trois ans.
• (10 h 10) •
Je
pense qu'on peut atteindre le même but, et moi, j'offre ma collaboration au
ministre pour regarder comment on peut
faire pour faire cette transformation du réseau sans se créer une nouvelle
bibitte ou une patente administrative, tout simplement en investissant
encore plus dans nos établissements de santé via les CSSS, en mettant en place,
oui, les recommandations, en protégeant les budgets et en mettant plus d'argent
dans soins à domicile, dans les ressources intermédiaires pour qu'on atteigne
le taux qui est acceptable.
Donc,
quand on parlait des ressources intermédiaires, généralement, c'est un taux
entre 0,6 et 0,8 par 100 personnes de 65 ans et plus. Au niveau des
CHSLD, déjà, on est, d'après moi, à la veille d'atteindre le 2,8. Il pourrait y
avoir du travail d'être fait si on investit plus dans les services à domicile,
les soins à domicile, pour atteindre le 2,5.
L'autre élément, Mme la Présidente, sur lequel j'émets
un doute, c'est que le ministre, pour passer son dossier, nous fait des
prédictions pour 2050. Là, je vais lui conter une anecdote qu'il va entendre
souvent, parce que je
vais la conter souvent, là. C'est qu'en 1980 on avait prédit que tous les lits
de courte durée au Québec seraient pris par les gens qui se feraient opérer pour la cataracte, hein? Ça fait que 30
ans plus tard, là, c'est une prédiction qui s'est révélée fausse.
Pourquoi? Personne ne peut dire, dans 40 ans, comment va être le système de
santé. Donc, de nous faire des prédictions
en disant qu'on va sauver des coûts dans 30 ans, je pense que c'est un argument
fallacieux qu'on devrait tout de suite retirer de l'argumentation puis
de la discussion. On a de la misère à prédire ce qui va se passer dans cinq ans, parce que les technologies
avancent. Nos gens, on est capables de les garder plus longtemps à
domicile, on est capables de faire des
chirurgies ambulatoires de plus en plus importantes. Donc, je ne vois pas
comment est-ce qu'on peut prédire des coûts de santé dans 50 ans.
Et,
également, puis je vais revenir dans quelques minutes, il y a des incohérences
dans le discours du ministre, qui a évolué au cours du temps, que son
discours du début est complètement différent du discours d'aujourd'hui. Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre pour une période de
10 minutes. À vous la parole.
Réponse du ministre
M. Réjean Hébert
M.
Hébert : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Permettez-moi d'abord de saluer mes collègues de l'opposition :
la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, le député de Jean-Talon et de même
que mes collègues de la partie gouvernementale, la députée de Masson et
députée de Sainte-Rose.
Je suis accompagné aujourd'hui de MM. Cyril
Malouet, Robert Bellefleur et Samuel Labrecque, qui sont dans mon cabinet, et du sous-ministre associé,
Sylvain Gagnon, et également de d'autres personnes du ministère
surtout liées à la Direction des personnes âgées : Chantal Maltais,
Gilles Paradis, Marie-France Hallé et Annie-Ève Girard.
Je suis très
heureux d'être ici et de vous entretenir de l'autonomie des personnes âgées, un
sujet que je connais bien, Mme la Présidente. J'avais planifié faire une
belle annonce dans le comté du chef de l'opposition officielle, mais malheureusement il y a des priorités, et la
priorité, c'est d'être ici pour répondre aux questions de l'opposition
sur l'assurance autonomie.
Permettez-moi,
Mme la Présidente, de situer mon intérêt pour ce dossier. Je n'ai pas eu la
chance de connaître mes grands-parents.
J'ai connu ma grand-mère en fait, et qui est décédée lorsque j'avais 10 ans, ma
grand-mère Léocadie, et qui était déjà, aussi loin que je m'en
souvienne, dans un centre d'hébergement sur la Rive-Sud de Québec, et c'est le
seul souvenir que je garde de ma grand-mère.
J'ai une génétique qui n'est pas favorable à un
vieillissement puisque mes grands-parents et mes parents sont décédés de
maladies cardiaques. Mes deux frères ont été opérés déjà pour des problèmes
cardiaques. Donc, j'ai une génétique qui ne me prédispose pas à vieillir, Mme
la Présidente.
Mais,
nonobstant ça, j'ai, au cours de mes études de médecine, développé un intérêt
pour les personnes âgées. J'ai une
formation de médecine de famille. Je suis arrivé à la médecine de famille par
choix et, comme je le dis souvent, je suis arrivé à la gériatrie par accident parce que j'ai développé un certain
intérêt, et cet intérêt-là m'a poussé à faire une partie de ma formation
en Europe, où il y avait déjà une science qui s'appelle la gériatrie et la
gérontologie, qui étaient en plein développement.
Et j'ai eu la chance de travailler donc avec
Robert Hugonot et Michel Philibert, un tandem assez inhabituel puisque Robert Hugonot était un médecin
microbiologiste qui a fait sa carrière au Maroc et qui a été rapatrié, et, lors
de ce rapatriement, on lui a confié un hôpital de soins de longue durée, un
hospice, et il a décidé, plutôt que de prendre ça comme un temps... un
purgatoire pour éventuellement avoir un service plus actif, plus intéressant,
il a décidé de transformer cet hospice en un
hôpital de gériatrie. Et Robert Hugonot était associé à
Michel Philibert, un philosophe qui a écrit un livre qui a marqué
les années 60, qui s'appelle L'échelle des âges, où il apportait une
réflexion extrêmement intéressante sur le vieillissement et sur la place des
aînés dans la société.
Alors, Robert Hugonot et Michel Philibert
ont non seulement transformé le système de santé, le système hospitalier pour les personnes âgées, pour
permettre qu'il y ait une réadaptation des personnes âgées, une
réactivation, une promotion de l'autonomie,
mais ils ont aussi fait en sorte de mettre en place des mesures préventives
dans la cité pour que la cité
accueille de façon beaucoup plus intéressante les personnes âgées et qu'on
puisse ménager des conditions qui permettent à ces personnes âgées de
conserver leur autonomie le plus longtemps possible, et donc ils ont mis en place des systèmes de prévention, des systèmes
d'activité physique pour les personnes âgées. Et cette formation en
Europe a été vraiment mes premiers pas au niveau de l'autonomie. J'ai d'ailleurs
rédigé un mémoire qui s'appelait Prévenir les pathologies de la dépendance, pour une prévention des dépendances pathologiques, c'est-à-dire comment est-ce qu'on peut
favoriser l'autonomie fonctionnelle, et, dans ce mémoire, en exergue, je
dédiais ce mémoire à mes parents, qui étaient
autonomes et heureux. Mes parents étaient déjà âgés à cette époque-là, parce
que je suis le dernier d'une famille de trois enfants, ma mère avait 42
ans lorsque je suis venu au monde. Donc, mes parents étaient déjà âgés, et je
leur souhaitais «que Dieu et la société leur
permettent de vivre autonomes le plus longtemps possible». Et, effectivement,
ils sont demeurés autonomes, les deux sont
décédés d'une brève maladie cardiaque et ils n'ont pas eu de perte d'autonomie
significative avant le décès. Et je pense que ce voeu, je le souhaite à toutes
les personnes âgées du Québec. Et c'est ce
travail sur l'autonomie fonctionnelle des personnes âgées qui m'a amené à
m'intéresser, d'une part, à la gériatrie et, d'autre part, à l'autonomie
fonctionnelle.
Ce
travail m'a permis de concevoir un outil d'évaluation de l'autonomie
fonctionnelle — parce
que ce n'est pas tout d'en parler, il
faut la mesurer — et
cet outil, le système de mesure de l'autonomie fonctionnelle, a été adopté
dans plusieurs pays, notamment au Québec
depuis 1988, et a été intégré dans l'outil d'évaluation clientèle qui est
actuellement utilisé dans tout le réseau
pour évaluer les besoins des personnes âgées et des personnes handicapées qui
sont en perte ou en quête d'autonomie, selon leur situation. C'est un
outil qui évalue donc les incapacités de la personne, c'est-à-dire les limitations fonctionnelles, les restrictions
dans les activités, mais qui évalue également à quel point les ressources
en place permettent de compenser cette
incapacité dans le but de dégager la présence ou non d'un handicap. Et notre
tâche comme professionnels, comme réseau de
la santé, c'est de faire en sorte de diminuer les incapacités par de la
réadaptation, par de la chirurgie — on pense au remplacement
d'une hanche, par exemple, qui est abîmée par l'arthrose — par
une médication, ou encore d'améliorer les ressources
qui sont en place pour compenser l'incapacité, de sorte qu'on retrouve
un état d'autonomie en dépit d'une incapacité. Alors, cet outil permet donc d'avoir
cette évaluation de l'autonomie.
• (10 h 20) •
J'ai, par la suite, Mme la Présidente, donc, de
retour au Québec, été en mesure de mettre en place un certain nombre de structures, de services pour mieux
répondre aux besoins des personnes âgées, notamment l'hôpital de jour,
les unités d'évaluation et les unités de réadaptation fonctionnelle intensive,
et j'ai eu la chance également, à ce qui était à l'époque l'Hôpital D'Youville de Sherbrooke, qui est devenu l'Institut
universitaire de gériatrie, de concevoir le premier programme-cadre pour
les soins de longue durée. Il n'y avait pas à l'époque de programmation-cadre
pour les CHSLD, et j'ai eu l'occasion de
travailler à la réalisation de ce premier programme-cadre pour les soins de
longue durée. Ensuite, j'ai donc participé à la formation, que ce soit
la formation des professionnels ou encore la formation des chercheurs,
puisqu'on a mis en place le premier programme de maîtrise en gérontologie et le
premier programme de doctorat en
gérontologie. Et, depuis 1988, j'ai travaillé en recherche, d'abord comme
directeur du Centre de recherche sur le vieillissement, et ensuite comme
directeur du réseau de recherche sur le vieillissement, et directeur de l'Institut
du vieillissement et des Instituts de recherche en santé du Canada.
Et ces travaux de recherche m'ont amené à
m'intéresser, d'une part, à l'autonomie, bien sûr, mais aussi à l'organisation
des services de santé pour les personnes âgées en perte d'autonomie, et on a
développé un nouveau mode d'intégration des
services qui s'appelle PRISMA, et qui est actuellement en implantation dans
tout le réseau de la santé, et qui
est basé autour de gestionnaires de cas qui évaluent les besoins des personnes
et s'occupent que la personne puisse
avoir le bon service au bon moment par la bonne organisation, ces gestionnaires
de cas qui n'ont de gestionnaire que le
nom puisqu'ils sont des cliniciens qui sont parfois des infirmières, des
travailleurs sociaux ou d'autres professionnels de la santé. Et ces
professionnels, donc, évaluent les besoins de la personne, sont des courtiers
de service, et on va leur confier, dans le
cadre de l'assurance autonomie, d'autres responsabilités puisqu'ils auront les
leviers qui leur permettront d'obtenir, de façon concrète, les services
dont la personne a besoin et d'évaluer, de suivre la qualité des services qui
seront mis en place.
Alors, Mme la
Présidente, ce parcours m'a amené des frustrations, frustrations de voir que
notre gouvernement ne prenait pas les
mesures nécessaires pour être capable de répondre adéquatement aux besoins
d'une société vieillissante, notamment
par un manque d'accès aux services à domicile et un manque de vision par
rapport aux services qui doivent être mis
en place et à la façon dont ces services peuvent être financés, Mme la
Présidente. Et c'est cette grande frustration qui m'a amené à aller
porter ce message sur l'espace public en m'engageant en politique. Et c'est
donc la motivation qui m'amène aujourd'hui à travailler sur un nouveau mode de
financement et de gestion des services pour les personnes âgées en perte d'autonomie
qu'est l'assurance autonomie, et j'aurai l'occasion d'y revenir, Mme la
Présidente.
Argumentation
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. Nous allons maintenant entamer la période d'échange. M. le
député de Jean-Talon, vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.
M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme
la Présidente. D'abord, je suis content que le ministre reconnaisse qu'il y a eu beaucoup de travail de fait dans le
réseau, parce qu'il a décrit, justement, toute la continuité des services
puis également toute l'accessibilité des services qui est en train de se
développer actuellement. Et on reconnaît qu'il y a eu des beaux travaux de
faits, également l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, également
au centre du vieillissement de Québec, où ce sont tous des gens qui ont à
intérêt les personnes aînées.
Et, ce que le
ministre vient de décrire, le travail est déjà commencé depuis plusieurs
années. La question, ce n'est pas si
c'est ça qui doit être fait, nous savons que c'est ça qui doit être fait, et
c'est ça qui doit être continué. La question, c'est : Est-ce qu'on doit créer une CSST des personnes aînées, avec
un financement que je vous dirais difficile à trouver? Et, juste pour
vous dire, Mme la Présidente, le ministre a évolué dans son discours. Avant d'être
ministre, il nous parlait que ça prenait de la capitalisation et puis qu'il
fallait être capable de penser aux générations futures. Mais, lors de la
campagne électorale de 2012, la première ministre, à l'époque, qui était en
élections, a dit qu'on ne pouvait pas capitaliser.
Le ministre a changé son discours : maintenant, il n'était plus nécessaire
de capitaliser. Dans l'article qu'il a écrit en 2012, il parlait de
capitalisation au moins... au moins, en partie, capitaliser.
À
un moment donné, il parlait que, oui, on va donner l'argent, et la personne va
décider qu'est-ce qu'elle va faire avec. La question lui avait été
posée : Est-ce qu'on va pouvoir utiliser le privé? La réponse, à l'époque,
était oui. Bien là, depuis quelque temps, surtout depuis que les syndicats ont
compris que ce qu'ils présentaient, ça ressemblait beaucoup à PPP, hein, c'est-à-dire
qu'on prend de l'argent du public puis on offre aux entreprises privées de
pouvoir y participer. Donc, il y a une bonne partie, peut-être, des gens qui iraient
vers ça. Là, il a fermé la porte à ça. Là, il est moins
sûr qu'il va embarquer le privé, on parle d'économie sociale. Même principe qu'avec
l'échographie, on devait la rendre
accessible facilement, où, actuellement, on dit : Bien, on va plutôt
développer dans le public, donc, les ressources ne seront peut-être
jamais là. Donc, est-ce que ça va devenir un service public? C'est une question
qu'on doit se poser. Donc, il a dit, comme
je vous le disais, le ministre nous a dit qu'il y avait une ouverture au privé,
puis il l'a fermée par la suite, là. Il faudrait qu'il nous clarifie où
on va se situer par rapport à ça. Puis je comprends qu'il ne peut pas tout nous
dire par rapport à un livre blanc qui s'en vient, mais ça nous pose des
questions.
Au
début, il devait mettre beaucoup d'argent, hein, on parle de centaines
de millions de dollars. Par la suite, bien, il s'est fait dire que,
dans le contexte des finances actuel, ça serait à coût nul. Le ministre a dit,
à un moment donné, qu'il pourrait se
financer à partir des mines. Là, les mines, il n'y aura plus de rendement dans
les mines, il faut chercher autre chose. On était rendus dans
l'hydroélectricité. L'hydroélectricité est moins rentable. Là, on est rendus
qu'il faut chercher ailleurs des sources de financement. Donc, c'est
inquiétant, parce que, ce qu'on pensait où qu'il y aurait beaucoup d'argent où ce qu'on irait se financer de
façon indirecte par des taxes ou par de l'impôt, ce n'est pas
disponible. Également, il n'est pas question
d'augmenter les impôts. Mais, à un moment donné, ça va prendre quelqu'un qui va
payer ces services-là. Là, ce qu'on a trouvé récemment, c'est qu'on a fait l'enveloppe
du budget global, puis il a dit : Bien, on
va récupérer, on va enlever les crédits d'impôt, 600 millions de dollars.
Là, il faudrait être clair, puis dire aux personnes aînées, là, que les
crédits d'impôt qu'ils ont actuellement pour justement les aider à demeurer à
domicile, avoir une meilleure vie, ça… n'en aura plus.
Après
ça, c'est sûr que... Je pense que c'est le ministre qui a participé au rapport
du Vérificateur général, où le Vérificateur général dit : Il faudra
augmenter les revenus. Aujourd'hui, Mme la Présidente, le Québec a décidé que, pour ses aînés, qu'il paierait moins, peut-être,
que ce que ça coûte pour vivre en CHSLD. Et, au Québec, ça nous coûte
maximum 12 157 $. Bien, l'Ontario, c'est 18 936 $, puis ça
va jusqu'à Terre-Neuve, 33 600 $ par année. Bien là, le ministre, il
a dit que, oui, il fallait que les gens paient plus. Mais, si on se rend juste
à la moyenne canadienne, on va probablement être autour de 23 000 $,
24 000 $. Est-ce qu'il va falloir que les personnes aînées portent le
carré rouge pour dire qu'une augmentation de
70 % ne fait pas de sens? En passant, il va falloir que ce soit un
discours cohérent au niveau du
gouvernement, qui a refusé une augmentation au niveau des étudiants, mais qui,
demain matin, augmenterait de 70 % les frais dans les CHSLD. On ne
fera pas une transformation pour 1 000 $.
Donc,
c'est récupération de crédits d'impôt, augmentation de contribution des
usagers. Et le ministre a été clair aussi,
ça va être universel, mais pas gratuit. Il y a une cotisation en fonction de la
capacité à payer. Est-ce que ça veut dire que quelqu'un qui va recevoir des soins à domicile, qui a une capacité à
payer, devrait, à ce moment-là, si ça lui coûte 10 000 $, l'assumer elle-même si elle a les moyens? Parce que,
de toute façon, elle serait en CHSLD, ça lui en coûterait... peut-être
qu'avec les nouveaux calculs du ministre ça va monter autour de
20 000 $.
Donc, au niveau
financier, ça commence à être à risque. Il faut se poser des questions. On
est-u en train de se créer une CSST où ça va nous coûter trois fois plus cher
en cotisant que ce qu'on a en services? Ça, c'est la question que je pose au
ministre, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre pour
une période de cinq minutes.
M. Hébert :
Quand on parle d'assurance autonomie, il faut, d'une part, bien réaliser que
cette assurance autonomie arrive une fois que la perte d'autonomie de la
personne est effective. Il faut agir bien en amont, Mme la Présidente. Et la meilleure assurance autonomie
qu'on puisse trouver, c'est d'être capables, dans notre réseau de la
santé et des services sociaux, de prévenir,
de prévenir la perte d'autonomie, de prévenir les maladies chroniques. La
grande majorité des maladies chroniques qui sont à l'origine des incapacités et
de la perte d'autonomie sont des maladies qui
peuvent être prévenues si on agit en amont, Mme la Présidente. Et c'est
pour ça que nous voulons développer une politique, une politique de
prévention, une politique gouvernementale, pour être en mesure de diminuer le
nombre de maladies chroniques au niveau de la population, et surtout, à moyen
et à long terme, au niveau des populations qui vont devenir vieillissantes.
Et
cette politique, donc, va inclure, en plus de la lutte au tabagisme, va inclure
une meilleure alimentation, va inclure des
activités pour promouvoir la pratique régulière d'activité physique et va
inclure des mesures de dépistage, de façon à détecter des maladies comme
le cancer, par exemple, qui peuvent être traitées beaucoup plus efficacement,
avec beaucoup moins d'invalidité si elles sont traitées plus tôt.
Et,
si je prends mon exemple personnel, je vous disais tout à l'heure, Mme la
Présidente, que j'ai une génétique qui
ne me prédispose pas à un vieillissement, hé bien, moi, j'ai décidé de prendre
ma santé en main par un changement dans mon alimentation et un changement dans ma pratique de l'activité
physique. Ce matin, j'ai fait encore mon 1 h 30 min de gymnase
pour être capable d'être en meilleure forme. Et grâce à ça, Mme la Présidente,
j'ai pu diminuer du quart la médication que
je prenais pour l'hypertension et j'ai pu arrêter la médication que je prenais
pour diminuer le cholestérol dans le
sang. Juste la pratique d'activité physique et une alimentation plus saine
permet de diminuer de façon importante la médication et permet d'améliorer
mes chances de survivre, Mme la Présidente, sans avoir une perte d'autonomie.
• (10 h 30) •
Il faut aussi, si on
veut une assurance autonomie, être capable que les maladies chroniques puissent
être bien suivies. Parce que, si elles ne
sont pas bien suivies, ces maladies chroniques que sont le diabète, les
maladies pulmonaires, les maladies
cardiaques, l'hypertension artérielle, bien, il y a un risque, il y a un risque
d'accident vasculaire cérébral, il y a un risque d'insuffisance rénale,
il y a un risque, donc, d'invalidité et de perte d'autonomie.
Il faut donc insister sur la première ligne, Mme
la Présidente, et c'est pour ça qu'une stratégie extrêmement importante et
prioritaire de notre gouvernement, c'est d'améliorer l'accès de tous les
citoyens, particulièrement des personnes âgées, à un
médecin de famille. Non seulement à un médecin de famille, mais également à l'ensemble
des professionnels qui, avec leurs médecins
de famille, vont permettre que les maladies chroniques soient traitées,
suivies et stabilisées de façon à éviter
qu'on ait recours à la salle d'urgence, de façon à éviter qu'on ait recours à
l'hospitalisation, de façon à éviter des
catastrophes qui vont entraîner une perte d'autonomie, Mme la Présidente, qui,
dans bien des cas, ne pourra pas être renversée.
Et je pense que ce suivi par le médecin de
famille est extrêmement important, et nous allons compléter le réseau des
groupes de médecins de famille. Nous allons aussi corriger la situation, qui n'a
jamais été corrigée par le gouvernement
précédent, où les groupes de médecins de famille ne remplissent pas leurs
contrats, Mme la Présidente. Ils ne remplissent pas, dans 40 % des
cas, leurs cibles d'inscription, ils ne remplissent pas dans 43 % des cas
ce qu'on leur demande en termes d'heures
d'ouverture le soir et la fin de semaine. Et on paie pour ça, les Québécois
paient pour des groupes de médecins
de famille autour de 400 000 $ à 500 000 $ par groupe de
médecins de famille, et ils n'obtiennent pas les services pour lesquels l'État a payé. Alors, il est important
qu'on puisse corriger la situation. Il est important qu'on puisse
investir davantage pour doter les groupes de médecins de famille de d'autres
professionnels, on pense aux infirmières,
aux infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne. Mais il y
a aussi des travailleurs sociaux, des intervenants psychosociaux pour
les problèmes de santé mentale, des inhalothérapeutes pour les problèmes pulmonaires, des diététistes pour l'ajustement
d'une diète, et, pourquoi pas, des kinésiologues pour qu'on puisse
utiliser cet outil thérapeutique extrêmement puissant qu'est l'activité
physique pour être capable de juguler des problèmes d'hypertension, des
problèmes de cholestérol ou des problèmes pulmonaires ou cardiaques.
Alors, il est
important qu'on puisse donc avoir en première ligne les services nécessaires
pour prévenir la perte d'autonomie et
faire en sorte qu'on n'ait pas besoin de recourir à une assurance autonomie
parce qu'on aura été autonomes et libres de maladies chroniques et d'invalidité.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à Mme la députée de
Masson, du côté ministériel. À vous la parole.
Mme Gadoury-Hamelin : Merci, Mme la
Présidente. Alors, effectivement on parle de vieillissement de la population. On sait que le vieillissement de la
population entraîne un changement majeur dans la façon d'offrir des
soins aux aînés. Les temps changent et apportent des défis importants à relever
à ce niveau-là. Nous sommes passés d'une prépondérance
de maladies aiguës au siècle dernier à celle de l'ère où les maladies
chroniques, comme M. le ministre vient de
le mentionner, où les maladies chroniques sont de... beaucoup plus présentes
actuellement. C'est un phénomène qui est là dans le vieillissement de la population. C'est un phénomène important à
tenir compte. Donc, le système de la santé centré sur l'hôpital
développé aux XIXe et XXe siècles pour faire face aux maladies aiguës et
infectieuses est de moins en moins approprié pour répondre aux besoins de la
population vieillissante de notre XXIe siècle.
Notre système
de santé, on pense qu'il doit être repensé et recentré pour être capable
justement de faire face à ces nouveaux défis là qui sont devant nous.
Alors, comme chercheur, notre ministre Dr Hébert l'a mentionné tout à l'heure,
son travail a porté principalement sur ces aspects-là. Alors, il en a fait une
priorité dans sa vie. Donc, c'est important
de pouvoir compter sur son expertise. Alors, j'aimerais que notre ministre
puisse nous parler des grands enjeux actuels auxquels est confronté
notre système de santé québécois face au vieillissement, et comment nous allons
faire face à celui-ci aujourd'hui pour que
demain soit amélioré, parce qu'on sait que, si on laisse les situations se
détériorer et qu'on ne les prend pas en considération maintenant, demain nous
rattrapera très rapidement.
Alors, M. le ministre, j'aimerais vous entendre
là-dessus. Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre.
M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la
députée de Masson. Effectivement, le Québec vit actuellement un vieillissement
important de sa population. En fait, le Québec vivra le vieillissement de sa
population sur une période extrêmement
concentrée. Alors que les pays européens ont présenté ce passage d'une
population jeune à une population vieille
sur une période d'environ 50 à 60 ans, nous, on va faire les choses de façon
accélérée en une trentaine d'années. En fait, le seul pays qui a un vieillissement plus rapide que le nôtre,
c'est le Japon, qui a déjà dépassé les 25 % de personnes âgées, ce
qui nous arrivera dans une quinzaine d'années, Mme la Présidente. Mais le Japon
a vécu un vieillissement extrêmement accéléré et le Japon a d'ailleurs mis en
place une assurance autonomie il y a une douzaine d'années, avec beaucoup de
succès, pour répondre justement à ce vieillissement accéléré.
Notre système
de santé a été, il est vrai, basé autour des hôpitaux qui étaient, à l'époque
où le système de santé a été conçu, la meilleure réponse à une
population jeune qui présentait des maladies aiguës. Avec le vieillissement de
la population, on a surtout des maladies chroniques, et on voit, chaque jour,
chaque jour, Mme la Présidente, des exemples,
des illustrations de l'inadaptation de notre système de santé au vieillissement
de la population. L'engorgement des
salles d'urgence, l'occupation de lits d'hôpitaux par des malades en attente de
soins de longue durée en sont deux exemples patents.
Pourquoi? Parce qu'il
faut recentrer le système de santé non pas autour de l'hôpital, mais autour de
là où vivent les gens pendant de longues
périodes de temps avec leurs maladies chroniques, c'est-à-dire autour du
domicile, et c'est cette opération qu'il est important de faire actuellement au
Québec. Et, comme je le disais dans ma réponse précédente, on doit faire cette opération en accentuant la prévention,
les soins de première ligne et, si on veut travailler en aval de l'hospitalisation, les soins à domicile
pour les personnes en perte d'autonomie. Et il faut donc faire en sorte
que, pour une personne en perte d'autonomie
qui n'a pas le privilège d'avoir un proche aidant, souvent une proche
aidante qui s'épuise à lui donner des soins, cette
personne-là n'a qu'une seule option, c'est le CHSLD, et le Vérificateur général
soulignait avec beaucoup de justesse qu'une
grande partie des gens qu'on dirige en CHSLD en fait pourraient recevoir
des services dans d'autres structures ou à
domicile, mais vu l'insuffisance des services à domicile, bien, ils sont
obligés de recourir aux CHSLD, d'où, d'où le
blocage en aval de l'hôpital, d'où l'attente des gens pour avoir une place en
CHSLD, et cette attente-là peut être faite à
l'hôpital avec une occupation des lits qui, par effet domino, fait en sorte que
l'urgence est encombrée et qu'on n'a pas accès au système de santé.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Merci, M. le ministre. La parole est
maintenant à Mme la députée de Saint-Henri—Saint-Jean, de l'opposition
officielle. À vous la parole.
Mme Blais :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis heureuse de constater que le
ministre reprend les mesures qui sont
contenues dans la politique Vieillir et vivre ensemble au sujet de la prévention
et d'une saine alimentation. Par
ailleurs, on ne répond pas aux questions concernant toute la question autour de
l'assurance autonomie, et la rencontre d'aujourd'hui est extrêmement
importante pour les aînés et les familles qui nous écoutent et nous regardent,
plus importante peut-être qu'une annonce au Lac-Saint-Jean.
Je
regarde La Presse du 23 avril dernier, où le ministre souligne que
le gouvernement avait toujours l'intention que le projet se fasse à coût
nul, on parle d'assurance autonomie : «…pas besoin d'une cotisation
supplémentaire des contribuables, à moins qu'on veuille "capitaliser"
la caisse pour les générations futures.»
Quand je lis son article, L'assurance
autonomie : une innovation essentielle pour répondre au défi du vieillissement,
publié en 2012 et qu'il a déposé en 2011,
quand il parle des principes de l'assurance autonomie, le deuxième
principe, c'est la solidarité financée
publiquement à partir d'un mode de taxation spécifique, impôt sur le revenu ou
taxe de vente ou de cotisations. Un
peu en amont, il écrit : «On note maintenant dans plusieurs pays une
variété des sources de financement qui incluent l'impôt, comme c'est le
cas en [Espagne], au Japon, en Corée du Sud, [en France, au Luxembourg].»
À
la page 9 : «Comment financer cette caisse? Une partie du financement est
déjà incluse dans le budget actuel de
la santé et des services sociaux, soit les 2,8 milliards de dollars
consacrés actuellement aux soins de longue durée. On peut toutefois
ajouter à cette contribution les quelques 606 millions consacrés chaque
année aux multiples programmes de crédits
d'impôt : pour maintien à domicile, pour aidants naturels, pour répit à un
aidant naturel, pour services médicaux touchant
l'invalidité.» Et il écrit : «…ils sont souvent utilisés au bénéfice des
résidences privées d'hébergement qui aident leurs résidents à compléter les formulaires de demandes souvent
complexes.» J'aimerais ici rectifier le tir. Nous avons modifié le
formulaire, qui est maintenant indexé au bail et qui est beaucoup plus simple.
D'autant plus que c'est le Parti québécois
qui a mis en place, en 2000, le crédit d'impôt remboursable pour maintien à
domicile. L'AQRP, qui est une association de retraités des secteurs
public et parapublic, mentionne, dans son communiqué du 7 mai… et demande
au ministre de maintenir les crédits d'impôt.
• (10 h 40) •
Le ministre écrit
aussi que l'assurance autonomie «remplacerait aussi les mesures de financement
direct implantées au cours des dernières
années[, soit l'allocation] directe, programme d'exonération financière pour le
soutien à domicile». Il mentionne qu'«il
faut réaliser que nous devrons tous payer davantage pour d'éventuelles pertes
d'autonomie, soit par le biais de nos impôts, soit par des assurances privées,
soit directement par l'achat de services, soit encore en nature par la
prestation bénévole dans le rôle de proche aidant». On constate, Mme la
Présidente, que ça ne peut se faire à coût nul.
Une chercheuse
professeure au Département de relations industrielles, qui est
Mme Louise Boivin, écrit que «l'organisation des services que le
ministre […] veut instaurer avec l'assurance autonomie — et
ça, c'est en date du 30 avril 2013 — étendrait un modèle qui est déjà en vigueur
depuis la dernière réforme du système de santé et de services sociaux de
2003. Les services d'aide à domicile sont organisés en réseaux sur chacun des
95 territoires administratifs du Québec; ils
sont coordonnés par les centres de santé et de services sociaux de chaque de
territoire, mais ils peuvent être dispensés par des prestataires publics
ou privés».
Moi,
la question que je pose au ministre : Pourquoi ne pas renforcer le système
qui est déjà en place plutôt que d'inventer une nouvelle structure
administrative?
Est-ce qu'il me reste
encore un peu de temps?
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Oui. Il vous reste quelques minutes.
Mme Blais :
Mon collègue... Et je n'ai pas pris la peine, tout à l'heure, de saluer les
gens qui étaient ici alors je vais prendre la peine de saluer les gens
du ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministre lui-même, le
député de Jean-Talon, et la députée d'Arthabaska.
Alors,
la question : Pourquoi faire en sorte qu'il y ait une nouvelle structure
administrative plutôt que de protéger des
enveloppes dédiées pour les soins à domicile et qu'on puisse demander aux CSSS
de tout le territoire du Québec de pouvoir
allouer ces sommes-là? Il me semble que le système est en place, et nous sommes
pour une assurance autonomie, mais
nous sommes aussi pour une logique organisationnelle. Ça coûte déjà assez cher,
il manque de l'argent, et il faut que notre système soit équilibré entre
les CHSLD et le maintien à domicile. Merci.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Merci. La parole est maintenant à M. le ministre.
M. Hébert : Merci, Mme la
Présidente. En fait, je me réjouis et je suis très honoré que mes collègues de
l'opposition officielle aient lu mon article scientifique et je pense que c'est
la consécration de mon travail puisque... Mais j'aurais aimé, j'aurais aimé qu'ils le lisent
bien avant et j'aurais aimé qu'ils lisent aussi les nombreux articles
que j'ai écrits auparavant.
J'aurais aimé
qu'ils lisent également mon rapport lors de la consultation publique sur les
conditions de vie des aînés puisqu'il
a fallu cinq ans au gouvernement précédent avant d'accoucher d'une politique
sur le vieillissement, une politique
qui en fait était beaucoup plus un catalogue des différents programmes
gouvernementaux qui existaient qu'une réelle
politique avec une vision, Mme la Présidente, avec des objectifs précis et avec
une stratégie claire pour permettre à nos aînés de pouvoir rester à la
maison, de pouvoir rester là où ils ont choisi de vivre et de pouvoir
bénéficier des services dont ils ont besoin en cas de perte d'autonomie. Parce
que ce qui nous attend, Mme la Présidente, c'est un vieillissement qui est
prévisible, qui est attendu.
Quand on
parle de tsunami gris pour parler du vieillissement de la population, on nie
une réalité, qui est que ce vieillissement de la population, il est
hautement prévisible. Ce n'est pas vraiment un tsunami, c'est plutôt un
iceberg, Mme la Présidente. On le voit, il
était au loin, il se rapproche, et le paquebot du réseau de la santé est en
train d'aller droit dessus. Et vous
savez ce qui est déjà arrivé : il y a un célèbre paquebot, il a coulé, Mme
la Présidente. Il est important que ce
paquebot puisse faire un changement de cap de façon à contourner, à s'adapter
au vieillissement de la population, et c'est
ce que nous sommes en train de faire avec la mise en place d'une stratégie
concrète pour prioriser les soins à domicile.
Sous le gouvernement précédent, je me souviens
de promesses électorales en 2008, je m'en souviens parce que j'ai participé à cette campagne électorale, on
avait promis, chez les libéraux, 400 millions de plus dans les soins
à domicile. Il y a eu à peine
50 millions en quatre ans, qui ont été ajoutés au maintien à domicile, de
sorte qu'on se retrouve actuellement avec
un maintien à domicile qui est marginal dans le financement du système de
santé. En fait, 500 millions de dollars seulement sont consacrés au
maintien à domicile. Nous, depuis que nous sommes en poste, nous avons, dans une situation budgétaire extrêmement difficile
qu'on a héritée du gouvernement précédent avec un déficit sans précédent
et une dérive des dépenses publiques… En
dépit de ça, en dépit de l'objectif d'atteindre un équilibre budgétaire dans
l'année budgétaire actuelle, on a décidé
d'investir 110 millions de plus dans les soins à domicile. C'est plus de
20 % d'augmentation. Notre
engagement, c'est 500 millions en une année. On a livré. On a livré sur un
engagement qui est ferme. 110 millions de plus, donc, ça passe le
budget au-dessus de 600 millions dans le maintien à domicile.
Et ces 110 millions, Mme la Présidente,
vont nous permettre de mieux financer les services à domicile qui sont
prodigués par les établissements, mieux financer les services à domicile qui
sont prodigués par les entreprises de l'économie
sociale, Mme la Présidente, qui sont très actives et dont on veut élargir le
mandat pour ne pas simplement se concentrer sur les tâches domestiques
mais aussi englober l'aide à la vie quotidienne, c'est-à-dire l'aide pour aider
les personnes à se laver, à s'habiller et à
faire leur entretien habituel. Un investissement qui va nous permettre de
mieux financer les organismes
communautaires, un investissement qui va nous permettre de mieux financier des
organismes en soins palliatifs à domicile,
un investissement qui nous permet de compléter le réseau intégré de services
aux personnes âgées, un réseau
intégré qui est basé sur le programme PRISMA, qui a fait l'objet de mes travaux
de recherche dans le passé et qui est
basé autour du gestionnaire de cas et de tables de concertation locales qui
permettent vraiment de pouvoir mieux coordonner l'ensemble des acteurs
qui sont impliqués dans les soins à domicile.
Vous savez,
le domicile, c'est un carrefour beaucoup plus complexe que l'hôpital. Alors, si
on veut décentrer les services autour du domicile, il faut donc avoir
une structure qui permette de coordonner, de mieux coordonner les services, de mieux les intégrer. Et donc ça prend
des tables de concertation, ça prend un guichet d'accès unique, ça prend
un gestionnaire de cas qui procède à l'évaluation et au courtage de services,
ça prend un dossier clinique informatisé pour favoriser les communications et
ça prend un plan de services individualisé qui permet que la personne puisse
recevoir le bon service au bon moment par la bonne organisation.
Alors, ces réseaux intégrés pourront être
complétés. On s'est traîné les pieds au cours des dernières années, puisque
cette implantation n'était réalisée qu'à 60 %. Il faut vraiment dépasser
70 % et les travaux que nous avons faits le démontrent...
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre.
M. Hébert : ...pour avoir un impact
réel.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. Alors, la parole est maintenant à Mme la députée de Masson, du
côté ministériel. À vous la parole.
Mme
Gadoury-Hamelin : Merci, Mme
la Présidente. Vous avez parlé, M. le ministre, d'iceberg.
Effectivement, je pense que le vieillissement de la population québécoise, c'est
un phénomène important que l'on prédit depuis plusieurs
années. Puis on s'y rapproche techniquement très rapidement. Dans mes notes
ici, j'ai quelques chiffres qui vont justement illuminer ce qu'on vient
d'avancer à propos de l'iceberg qui s'annonce.
En 2011, les
Québécoises et les Québécois de 65 ans et plus représentaient 16 % de
la population. Ils cumuleront en 2031 26 % de la population, soit
environ 2 000 263 personnes de plus. À chaque année, la
population des 65 ans et plus croît en
moyenne de 50 000 personnes. Alors, c'est important. De son côté, la
proportion des personnes aînées de 75 ans
et plus — on sait
que les gens vieillissent de plus en plus tardivement, les gens vivent plus
vieux — représente actuellement 7 %, les gens
de 75 ans et plus. Et elles vont doubler leur part de présence en passant
à 13 % au cours de cette même période.
Donc, c'est très, très important, le volume de personne aînées avec lesquelles
nous devrons composer. Et c'est très, très accentué.
• (10 h 50) •
Donc,
le vieillissement de la population se traduit aussi par l'augmentation du
nombre de personnes présentant des
problèmes de santé chronique. On en a parlé tout à l'heure, c'est une situation
qui concerne 81 % des personnes de plus de 65 ans vivant à domicile. Dans ce contexte, une étude de
l'Institut de la statistique du Québec réalisée en 2010 prévoit que le
nombre d'aînés présentant des problèmes liés à des pertes d'autonomie devrait
doubler d'ici 2031.
Alors, dans
le contexte où l'on poursuit le statu quo traditionnel, que l'équipe libérale
semble privilégier depuis les
dernières semaines, parce qu'on entend parler beaucoup de places en CHSLD, et
ce genre de besoin là... Donc, dans ce
contexte-là, est-ce que M. le ministre... Pouvez-vous nous informer, vous, de
l'impact budgétaire pour le Québec, si on ne fait rien, si on ne bouge
pas et si on adopte le statu quo dans cette situation-là, si rien de novateur n'est
entrepris pour solutionner la problématique du vieillissement de la population?
Alors, Dr Hébert, ministre de la Santé, j'aimerais
ça vous entendre sur ce sujet-là.
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre, à vous la parole.
M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la
députée de Masson. Effectivement, comme je le disais, on a un vieillissement anticipé qui est là à nos portes.
Et, quand on regarde ce qu'on consacre aux soins à long terme, au
Québec, par rapport aux autres pays de
l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique, on
constate que 1,2 % du budget du produit intérieur brut de notre
pays est consacré aux soins à long terme, un peu plus de 3 milliards. Et
ce 1,2 % nous place dans la moyenne inférieure des pays de l'OCDE. Il y a
des pays comme les pays scandinaves qui consacrent plus de 3 % de leur PIB
aux soins à long terme, surtout les personnes âgées.
Ce que l'OCDE est en mesure de faire, c'est de
prévoir ce qui arrivera au cours des prochaines décennies. Et l'OCDE donne un horizon de 2050. Le député de
Jean-Talon peut trouver que c'est loin, mais c'est l'OCDE qui donne cet horizon-là et nous dit que, pour un pays comme
le Québec, si le vieillissement se réalise — et, ce vieillissement-là, comme je le
disais tout à l'heure, c'est un iceberg, il va se réaliser, on a toutes les
données, la démographie est implacable — on sera, à ce moment-là, à 3,2 %,
3,3 % du PIB, juste à cause de l'effet du vieillissement. Et l'OCDE
nous dit que, si on est capables de changer
notre mode de prestation de services vers des soins à domicile… Actuellement,
on ne consacre que 15 % à
17 % du budget des soins à long terme au domicile, on est les cancres
internationaux dans le peu d'investissements
dans les soins à domicile. Tous les autres pays font mieux que nous : la
France est à 40 % de son budget de soins à long terme pour le
domicile, le Danemark à 73 %. On est le pays... le dernier de classe sur l'investissement
dans les soins à domicile. Alors, l'OCDE
nous dit : Si vous continuez comme ça, vous allez être à 3,2 %, mais,
si vous faites vraiment un virage vers les soins à domicile, vous allez
descendre à 2,4 %, ça c'est 0,8 % du PIB que n'auront pas à payer mes enfants et mes petits-enfants pour ma
perte d'autonomie, Mme la Présidente. C'est plus de 3 milliards de
dollars.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à la députée d'Arthabaska pour
une période de cinq minutes également, du côté du deuxième groupe de l'opposition
officielle.
Mme Roy
(Arthabaska) : Merci, Mme la
Présidente. Je veux remercier M. le ministre, mes collègues pour avoir mis sur la table cet important enjeu que sont nos
aînés. Pour continuer sur ce que disait M. le ministre, nous sommes les
cancres au niveau du maintien à domicile, mais, par contre, moi, j'ai la chance
d'être dans le comté d'Arthabaska, où ils ne sont pas les cancres au niveau du
Québec dans le maintien à domicile.
Ils sont
franchement les champions, allons dire comme ça, du maintien à domicile parce
que, chez nous, le taux de mortalité
à domicile est de beaucoup plus élevé que la moyenne québécoise et que la
moyenne canadienne. Pourquoi? Parce que je rencontre régulièrement M.
Charland, qui s'occupe de l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska. Pourquoi? Parce que les autorités, au niveau des soins de santé, des
organismes communautaires, et les entreprises, et le monde scolaire, et
le monde municipal travaillent ensemble. Et puis parce qu'on a fait confiance,
à une époque, maintenant dévolue, en donnant des enveloppes qui n'étaient pas
attachées, qui n'étaient pas, comme on dit dans le jargon, taggées. On a fait
confiance à ces administrateurs-là puis à ce milieu-là pour se doter de ce qu'ils
avaient de besoin.
Moi, vous
parler d'autonomie, d'une caisse autonomie… Mais est-ce qu'on pourrait rendre
un peu plus autonomes nos organismes,
leur faire un peu plus confiance puis leur permettre d'évoluer selon la
personnalité de leur comté, ou de leur
région, ou de leur clientèle? C'est comme ça qu'ils sont devenus les meilleurs
dans ce... en le disant, en ayant une vision
de l'avenir. Lorsqu'on envoie des projets mur à mur et puis qu'on décide de
faire, partout au Québec, en Abitibi comme à Percé, la même chose,
forcément, ça ne convient pas à tout le monde. Et, moi, j'appelle M. le ministre à avoir plus de souplesse, à faire plus
de confiance aux gens du milieu pour se doter de ce dont ils ont besoin.
Les réalités géographiques sont différentes à Montréal que sur la Côte-Nord.
Les soins à domicile, lorsqu'on gère la population et qu'on gère des distances, sont vraiment différents. Donc, moi, je
pense qu'il faut avoir des modulations pour faire confiance.
Maintenant, je dis aussi que, lorsque la
cohorte — vous
n'allez pas comprendre tout de suite où je m'en vais — des baby-boomers
est arrivée aux écoles, tu sais, il y avait les écoles de rang, il y avait
toutes sortes d'écoles. Il y en a qui enseignaient jusqu'en cinquième
année, en sixième année et puis là, ça nous a pris une commission Parent pour
refaire tout le système d'éducation puis avoir les primaires, secondaires que
nous avons. Mais cette cohorte-là est rendue
à la porte des services pour les aînés, soit des RI, soit des CHSLD, soit des
maisons privées ou publiques, mais on est rendus à la porte, cette
grosse cohorte-là.
Puis faire des ajouts à la pièce toujours, je me
dis qu'une fois, il faut revenir aux jeux de base. Il faut faire bien ce qu'on
doit faire en premier avant d'aller faire autre chose. Il y a tellement
d'inégalités dans ce système, là, ne serait-ce que des CHSLD. J'en ai visité
plusieurs, ayant été dans deux comtés différents. J'ai vu des réussites, là, vraiment des réussites. Le RI de l'Amitié, le CHSLD le
tilleul, que je visitais pendant la semaine de travail dans le comté, sont des réussites. J'avais déjà lu une
étude sur ce que vous appelez des milieux prothétiques puis je me disais
que c'était franchement des rêves à la Walt
Disney que d'avoir des milieux comme ça, mais j'en ai vu de mes yeux. J'ai, par contre, vu d'autres CHSLD qui, je vous le
dis, Mme la Présidente, c'était déplorable, la situation dans laquelle
on... Les personnes étaient là comme dans un mouroir. On ne peut pas commencer
par régulariser cette situation avant de faire plus.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Il
vous reste encore 42 secondes.
Mme Roy
(Arthabaska) : Ah! Le temps
a diminué. Bien, c'est simple, je me dis qu'il y a encore beaucoup de travail dans le système et puis, pour moi, le
vieillissement de la population, lorsqu'on dit ça, je me dis que c'est
comme si on mettait tous les torts de notre système de santé sur les personnes
aînées. Moi, j'appelle plutôt ça le défi de la longévité, parce qu'on vieillit tous, hein? Ma fille de neuf ans
vieillit aujourd'hui en même temps que la personne aînée. Et puis c'est un défi qui est à nos portes, là,
puis il ne faut pas le voir d'une façon micro. Moi, je pense qu'il faut le
voir d'une façon beaucoup plus macro et dans son ensemble.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, Mme la députée. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Hébert : Merci beaucoup, Mme
la députée d'Arthabaska. Je suis très heureux que vous souligniez le
système mis en place dans la région
d'Arthabaska, puisque ça a été la zone pilote pour l'élaboration du réseau
intégré de services de personnes âgées, le réseau PRISMA. Alors, dans...
Il y a une dizaine d'années, nous avons travaillé avec les professionnels, gestionnaires de cette région-là
pour développer, justement, le modèle PRISMA, basé sur six éléments. Et c'est dans cette région-là qu'il a été testé pour
la première fois. Donc, ça a été la zone pilote, la zone d'Arthabaska-Érable.
Et ce réseau PRISMA, en fait, se base d'abord
sur la concertation locale. Alors, il est important qu'on puisse, à un niveau stratégique, au niveau des décideurs,
des dirigeants, permettre qu'autour d'une table on puisse élaborer
comment on va donner les services aux
personnes âgées. Et ça, ça veut qu'au lieu d'avoir une approche basée sur
l'usager ou le client de chacun des
organismes, de chacune des entreprises, chacun des établissements, il faut
développer une approche populationnelle,
c'est-à-dire comment est-ce qu'on peut, avec nos organisations, nos
entreprises, développer une meilleure façon de donner les services.
• (11 heures) •
Et donc,
c'est vraiment un changement important de mentalité qui s'opère autour de ces
tables de concertation et qui permet que, pour certains établissements,
bien, ils ont actuellement certains clients qu'ils ne devraient pas avoir et, au contraire, parfois, ils n'ont pas les
clients qui devraient faire appel à leurs services. Donc, ces tables de
concertation ont pour but de voir comment on
arrange le système pour que les services puissent répondre aux besoins des
personnes âgées et qu'on puisse être en mesure d'envoyer la bonne personne à la
bonne place. Alors, ces tables de concertation stratégiques sont couplées avec
des tables également des gestionnaires, parce qu'il faut que ces décisions-là
puissent descendre dans les organisations, donc il y a des tables de concertation
tactiques, si vous me passez ce vocabulaire un
peu militaire, où les gestionnaires opérationnalisent ce qui a été décidé par
les dirigeants. Et sur le terrain, bien, il y a les équipes
multidisciplinaires de cliniciens qui entourent la personne âgée et sa famille.
Alors, ce premier élément que sont les tables de concertation est un élément
clé du modèle de réseau intégré.
Suit un
deuxième élément, qui est le guichet d'accès unique, c'est-à-dire un endroit où
la personne âgée et sa famille peuvent s'adresser pour avoir accès à
tout le continuum de services, à l'ensemble des services disponibles, que ce soit par des organismes communautaires, des
entreprises d'économie sociale, des établissements du réseau ou même des
entreprises privées qui donnent des services
à domicile. On pense aux résidences privées d'hébergement par exemple.
Alors, guichet unique avec une seule place où on frappe. Parce qu'actuellement
ou avant la mise en place de ces réseaux
intégrés, les gens reçoivent le service de la place où ils ont frappé. Ce n'est
pas nécessairement le service le plus approprié. Alors, il faut que le
guichet unique puisse permettre d'avoir un seul mode d'accès pour avoir accès
aux services dont la personne a besoin.
Troisième élément qui est fondamental, c'est le
gestionnaire de cas, c'est-à-dire un professionnel qui est désigné par l'ensemble des acteurs et qui est
légitime pour l'ensemble des organisations. Donc, c'est une espèce de
casque bleu, si je reprends l'analogie militaire, qui a la légitimité d'intervenir
à l'hôpital, dans l'organisme communautaire, à
l'entreprise d'économie sociale, aux centres de réadaptation, et donc il est,
il est en dehors, si on veut, de chacune des composantes du réseau
intégré de services, et ce gestionnaire de cas a la responsabilité d'évaluer la
personne âgée, et ses proches aidants, et la
famille, de définir un plan de services avec la personne âgée et sa famille, et
d'être le courtier de services, de
s'occuper que les services soient au rendez-vous. Ce qui manquait dans le
modèle, c'est qu'on ne donnait pas à ce gestionnaire de cas les moyens d'obtenir
les services. Il n'avait pas une allocation à gérer, ce que va corriger l'assurance
autonomie.
Quatrième
élément, extrêmement important, c'est ce plan de services individualisé qu'il
est important de tenir à jour, avec des objectifs, avec un plan d'action.
Cinquième élément, le dossier clinique
informatisé, qui a été développé d'ailleurs en Arthabaska-Érable. C'était le Système d'information
gérontogériatrique, qui a été le modèle au système informatique qui est
actuellement déployé dans l'ensemble du réseau, un système où tous les
intervenants ont accès aux mêmes dossiers et où on évite des réévaluations inutiles et redondantes et où on
permet une communication instantanée de l'ensemble des acteurs du
réseau, qu'ils soient à l'urgence, à l'hôpital, en centre de réadaptation.
Et finalement, il faut
être en mesure d'avoir un outil unique d'évaluation, et ça, c'est le système de
mesure d'autonomie fonctionnelle, avec un outil de gestion qui permet de
pouvoir gérer le système.
Alors, ces
six éléments-là ont été testés dans la région d'Arthabaska-Érable, ensuite dans
la région de l'Estrie et ils sont maintenant en implantation.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Sainte-Rose, du côté ministériel. À vous la parole.
Mme
Proulx : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour. Ça me fait plaisir de saluer mes collègues
membres de la commission.
Moi,
j'aurais, d'entrée de jeu, là, une question pour le ministre concernant les
dépenses de santé, pour les soins et services
de longue durée. On sait qu'en 2011-2012, le Québec a consacré près de
4,3 milliards de dollars en fonds publics aux soins et services de
longue durée pour les personnes âgées en perte d'autonomie sur un budget de
32,7 milliards consacré à la santé et
aux services sociaux. C'est donc une somme représentant 13 % de son budget
de soins et services de longue durée aux aînés.
À titre d'exemple, les sommes dépensées en 2005
représentaient environ 1,2 % du produit intérieur brut de la province, ce qui est la même proportion que le
Canada, qui se situe dans la moyenne inférieure des pays de l'OCDE à ce chapitre, devant l'Allemagne et la France, qui
sont respectivement à 0,9 % et 1,1 % du PIB, mais moins que le
Japon, qui est à 1,5 %, les Pays-Bas,
3,5 %, et la Suède, 3,6 %. On note cependant qu'effectivement l'utilisation
des fonds publics dans ce secteur est quand même fort différente d'un
pays à l'autre.
Dans ce
contexte-là, le ministre pourrait-il nous informer de la réelle proportion des
fonds publics que le Québec a investie
à ce jour dans le secteur des soins et services à domicile aux aînés
comparativement aux autres pays de l'OCDE?
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre, à vous la parole.
M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la
députée de Sainte-Rose. Effectivement, le Québec, et ce n'est pas très différent dans les autres provinces canadiennes,
investit peu dans les soins à long terme, on l'a mentionné, 1,2 % du
PIB, ce qui est 4,3 milliards pour le
Québec. Et, comme je le disais tout à l'heure, on est les champions, les
pauvres champions du peu d'investissements dans les soins à domicile,
puisque seulement à peine 500 millions, un peu moins que 500 millions étaient consacrés...
Heureusement, depuis le 1er avril, c'est passé à 600 quelques millions, et
donc on a fait un progrès important. Et ce n'est pas fini : imaginez
quatre ans, Mme la Présidente. Et notre engagement est d'ailleurs de faire
doubler le budget des soins à domicile et de passer donc à près de
1 milliard cette proportion-là.
Mais il faut
qu'il s'opère à l'intérieur du réseau également un passage de l'hébergement
vers le domicile. En fait, plus de 80 % des sommes en soins à long
terme sont consacrées à l'hébergement au Québec. On a investi beaucoup dans l'hébergement, et, malgré cet
investissement-là, on a, comme le disait la députée d'Arthabaska… encore des
centres d'hébergement qui ne sont pas à la
hauteur des standards, à la hauteur des investissements qu'on y fait et qui ne
donnent pas des services de qualité. Et je pense qu'il y a toute une
procédure, et j'y reviendrai sans doute, pour corriger ces
situations, qui sont désolantes.
Cet
investissement majeur dans l'hébergement fait en sorte de créer une iniquité,
une iniquité que l'on voit tous les jours,
où les gens qui vivent à domicile, qui doivent recevoir des services, ne
reçoivent de l'État que 12 % à 15 % des services qui sont
nécessaires au maintien à domicile. En hébergement, c'est plus de 85 % des
coûts de l'hébergement qui sont financés par
l'État. Alors, vous voyez tout de suite, là, un incitatif extrêmement puissant
d'utiliser une solution institutionnelle,
une solution d'hébergement pour répondre à la perte d'autonomie, alors que les
personnes âgées souhaitent rester à domicile. Ils nous l'ont dit, la
députée de Saint-Henri—Sainte-Anne
s'en souvient, on l'a entendu 4 000 fois plutôt
qu'une lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés en
2007 : Nous voulons rester à domicile. C'est le cri du coeur que
nous avons entendu à maintes reprises dans toutes les régions du Québec.
Mais force est de constater que notre système
encourage la solution institutionnelle et, bien qu'on ait réussi à diminuer la
proportion de personnes âgées admises en CHSLD, en fait, ce qu'on a fait, c'est
de créer des ressources intermédiaires — qui étaient une création
absolument nécessaire — pour
y transférer 0,8 % des personnes âgées en perte d'autonomie, mais globalement on reste à 3,6 % de taux
d'hébergement quand on inclut les ressources intermédiaires. Alors, ça, ce n'est pas le virage à domicile que
l'on doit faire, Mme la Présidente; il faut que les personnes âgées
puissent vieillir chez elles, il faut que les personnes âgées puissent avoir
cette liberté fondamentale de choisir là où elles veulent vivre, Mme la Présidente. Actuellement, les personnes âgées en perte
d'autonomie doivent déménager vers les ressources qui répondent à leurs
besoins, avec tout ce que ça a comme conséquences dans le déracinement, dans la
séparation des couples, Mme la Présidente. Il faut redonner aux aînés cette
liberté fondamentale.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à M. le député de Jean-Talon.
M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme
la Présidente. Bien, je vois que le ministre nous donne raison sur plusieurs
points. Un, j'aimerais apporter un correctif. Le ministre, il a l'air de faire
une catastrophe du vieillissement de la
population. Il devrait lire les articles récents. On vieillit au Québec comme
au Canada d'environ 1 % par année. Il essaie de nous faire accroire
qu'en l'espace de trois ans le Québec va devenir très vieux, alors que ça va se
faire sur plusieurs années. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'ils font toujours
leurs prévisions sur 20, 25 ans, parce que, dans 20, 25 ans, il va y avoir
beaucoup d'évolution, le portrait va complètement changer. Ce qui ne veut pas
dire qu'il ne faut pas
s'en occuper, mais arrêter d'en faire une catastrophe. Et, je suis d'accord
avec la députée d'Arthabaska, vieillir, c'est quand même une bonne nouvelle pour notre société, ça veut dire qu'il y a
une amélioration au niveau des soins de vie.
Deuxièmement,
le ministre a fait une démonstration fantastique de tout ce qui se fait au
Québec actuellement : Arthabaska,
Lac-Saint-Jean-Est, Rivière-du-Loup, Rimouski, la Gaspésie,
l'Abitibi-Témiscamingue, Gatineau... Il y a Montréal qui avait pris du
retard, puis ça, on l'a toujours dit. Ils sont en train de récupérer leur
retard, ils sont en train de faire leurs
transformations de changement. Donc, ce que le ministre nous dit aujourd'hui,
lui, il pensait que... il dit : Il n'y a rien qui s'est fait dans le passé. Ce qu'il vient de nous dire
aujourd'hui : Il y a beaucoup de choses qui ont été faites, sauf qu'il
veut changer le financement, et c'est là qu'on a un problème.
Le ministre,
pour commencer, s'il compte comme il comptait tantôt, ça m'inquiète : il
dit qu'il y a 50 millions qui ont été
mis sous notre gouvernance. On a passé de 291 à 550 millions, c'est une
augmentation de près de 100 %, et puis, dans le budget qu'on avait déposé, le dernier budget, il y avait une
augmentation rapide qui était encore plus marquée que celle-là du Parti québécois, parce que le ministre
s'en est fait couper une partie. Donc, ce virage-là était déjà
entrepris, et il essaie de nous faire accroire que, pour faire le virage à
domicile, pour faire la nouvelle organisation de services style Arthabaska,
Lac-Saint-Jean-Est, Rivière-du-Loup, Gatineau, ça prend ce changement de
financement.
• (11 h 10) •
Mais ce qu'il
est en train de nous faire, c'est la création d'une CSST avec des gros coûts
administratifs, une grosse structure administrative. Et on parle de
décentralisation, centralisation vers la RAMQ, alors que déjà, comme nous disait la députée d'Arthabaska, on est déjà
décentralisés en CSSS. C'est ça, la grande transformation du XXIe siècle,
c'est l'organisation des soins intégrés par territoire, et, il nous le dit,
tout était en train d'être mis en place. Pourquoi il veut changer la
transformation du réseau? Juste pour mettre son nom sur une affaire d'assurance
autonomie? Il n'a pas besoin de faire ça. Ce que les gens ont besoin, ils ont
besoin de plus de services, ils ont besoin de plus de soins et de personnel localement; qu'on prenne le modèle
d'Arthabaska, le modèle de Lac-Saint-Jean-Est, le modèle de Sherbrooke et qu'on l'applique partout au Québec. Et ça, ça
ne prend pas une transformation administrative, avec des fonctionnaires
payés à Québec pour gérer ou des droits de deuxième appel comme à la CSST — ça ne
finira plus d'évaluer jusqu'à quel point ces gens-là sont malades — ça
leur prend des soins directs. C'est ça, le risque qu'on a actuellement.
Mme la
Présidente, le ministre essaie de nous faire accroire qu'il ne s'est rien fait
dans le réseau de la santé. Le réseau a évolué de façon très adéquate,
et le réseau va continuer d'évoluer de façon très adéquate avec ce ministre-là ou sans ce ministre-là, parce qu'il y a des gens
au Québec qui, indépendamment des ministres, ont fait cette
transformation du réseau de la santé. Le ministère, son équipe actuelle
également a participé à cette transformation du réseau de la santé. Les ressources intermédiaires ont été
créées... M. le ministre, juste pour vous l'apprendre, c'est moi qui l'ai
faite, l'étude, pour le ministère, et je
l'ai vu, le continuum de services, et je suis allé les visiter, les
établissements, un peu partout...
La Présidente (Mme Beaudoin) : ...
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, Mme la
Présidente. Mme la Présidente, je disais au ministre que je suis allé
les visiter, puis je les ai faites, ces visites-là, d'Arthabaska, et le plan de
transformation du ministère, en partie, est basé sur ces réseaux-là. On peut
bien s'échanger nos expertises scientifiques, là, mais c'est un dossier de
financement.
On sait, on
veut tous faire les mêmes choses. Et on est en train de les faire, et c'est
commencé déjà depuis 10 ans, c'est
même commencé avant notre... avant que ce qu'on a fait. Il y a eu des virages
de faits dans le passé. Maintenant, on veut
mettre en place une structure de financement qui va couper directement des
allocations des personnes aînées et qui également va mettre à risque le
financement qui devrait plutôt être dédié aux personnes directement qui ont
besoin des soins. Ça va être des
fonctionnaires qui vont être créés, ça va être des évaluateurs, ça va être des
droits d'appel puis ça va être des avocats qui vont être payés.
L'autre élément, M. le ministre, là, quand on
fait les évaluations...
La Présidente (Mme Beaudoin) :
...adresser à la présidence et non au ministre.
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, Mme la
Présidente. L'autre élément, M. le ministre, les évaluations... Mme la
Présidente, je dis au ministre : Les évaluations se font déjà, les
évaluateurs, les gestionnaires de cas, ils
sont déjà en place. C'est quoi, le nouveau qu'il apporte? Ça prend plus
d'argent dans le réseau, et on est capables de le mettre. En passant, cette transformation est en train de se
faire, parce que, oui, on est en train de récupérer de l'argent dans
certains secteurs, mais pas directement dans les allocations aux personnes
aînées.
Le coût
administratif… et le ministre le sait parce que, quand il a voulu le mettre en
place au début, ce n'était pas le plan
qu'il propose aujourd'hui… les coûts administratifs reliés à l'assurance
autonomie vont être aussi dispendieux que de mettre en place une
nouvelle CSST pour les personnes aînées. Mais, plutôt que de faire ça, Mme la
Présidente, pourquoi on ne met pas l'argent
directement dans les soins? Et le ministre, on pourrait en parler, de toutes
nos expertises, moi, je les vois encore, les patients dans nos
établissements, et les CSSS actuellement font un très, très bon travail.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole à M. le ministre.
M. Hébert :
Mme la Présidente, j'encourage nos collègues de l'opposition à lire d'autres
articles que j'ai écrits, et ils
constateraient que je me suis toujours inscrit en faux contre la vision
catastrophique du vieillissement, Mme la Présidente. Il y a plusieurs
articles que j'ai écrits là-dessus et qui montrent bien que le vieillissement,
c'est un plus pour une société. Le vieillissement, c'est un élément extrêmement
positif de nos sociétés civilisées et, en fait, c'est un luxe que les sociétés civilisées se donnent,
puisqu'elles ont réussi, par des mesures de santé, mais aussi des
mesures sociales, à faire en sorte que les
personnes puissent vivre plus longtemps. Et ça, c'est un apport extrêmement
important.
Et
il faut reconnaître l'implication des personnes âgées dans la société, mais il
faut aussi être en mesure d'adapter la société et le réseau de la santé
à ce vieillissement de la population. Le vieillissement n'est pas une
catastrophe, le vieillissement est un défi pour le réseau de la santé, et c'est
ce défi-là que nous voulons relever.
À
entendre le député de Jean-Talon, Mme la Présidente, tout va très bien dans le
réseau de la santé. Et j'aurais le goût
de lui dire : Tout va très bien, Madame la Marquise. Les écuries sont en
feu, mais ça, ce n'est pas grave, hein? Les durées d'attente pour les patients de plus de 75 ans à l'urgence sous sa
gouverne, Mme la Présidente, ont augmenté de façon importante de plusieurs heures. Les patients de 75 ans et plus
dans les salles d'urgence, la moyenne de durée de séjour, elle atteint presque une journée complète,
24 heures. Imaginez une personne de 85 ans en perte d'autonomie qui
passe 24 heures dans une salle d'urgence, dans un corridor à attendre un lit à
l'hôpital. On aura beau mettre les plus belles
approches adaptées dans l'hôpital pour s'occuper des personnes âgées, s'ils ont
passé les 24 premières heures sur une
civière dans une urgence, Mme la Présidente, ça ne sera pas efficace. Une
personne âgée en perte d'autonomie, si on n'intervient pas dans le premier 24 heures, c'est ce qu'on appelle
la période dorée, dans le premier 24 heures, les chances de récupération fonctionnelle diminuent de façon
importante. Et, ce que le député de Jean-Talon a laissé faire pendant le
temps qu'il dirigeait le ministère de la
Santé, c'est une augmentation de la durée moyenne de séjour des patients de
plus de 75 ans à l'urgence. C'est la même chose en santé mentale.
Non, tout ne va pas
très bien, Madame la Marquise, parce qu'on a un système de santé qui présente
une inadaptation par rapport au vieillissement de la population. Il faut
absolument être en mesure de pouvoir améliorer les soins à domicile, améliorer la réponse du système pour que,
justement, la pression diminue sur les CHSLD et qu'on puisse faire en sorte de libérer les 800 à
1 000 lits qui, chaque jour, dans le réseau de la santé québécois,
sont occupés par des personnes âgées
en attente d'hébergement. Ce n'est pas la place pour une personne âgée qui a
terminé ses soins actifs, de rester dans un lit d'hôpital, avec tout le
risque qu'on a que cette personne-là puisse attraper des infections, puisse
également perdre de l'autonomie, parce que ce n'est pas le rôle de l'hôpital de
fournir un milieu de vie et un milieu pour être capable d'optimiser son autonomie.
Il
faut absolument que, lorsque les soins actifs sont terminés, que les personnes
âgées puissent être retournées à domicile
ou retournées dans les ressources intermédiaires, ou encore, s'il n'y a pas
moyen de faire autrement, admises rapidement
en CHSLD. C'est ça qu'il faut faire. Mais, pour faire ça, il faut être capable
d'agir en aval, Mme la Présidente, et
de faire en sorte que les soins à domicile soient au rendez-vous, que
l'hébergement ne soit pas la seule option lorsqu'il y a une perte d'autonomie
et qu'il n'y ait pas de proche aidant qui s'épuise à donner des soins. Il faut
être capable de donner des services là où la personne a choisi de vivre et de
les donner en intensité suffisante. Et c'est ça qui manque dans le réseau actuellement, l'État ne fournit que
15 %, 12 % à 15 %, si on prend les soins infirmiers ou si on
prend les soins personnels, 12 %
à 15 % de ce qui est requis pour être en mesure de pouvoir répondre aux
besoins de la personne âgée en perte d'autonomie.
Alors, en intensifiant
le maintien à domicile, on diminue la pression sur le CHSLD et on permet d'améliorer
la fluidité des personnes âgées qui doivent
passer par l'hôpital pour recevoir des soins, des soins aigus. Et, ce faisant,
on diminue la durée de séjour des personnes de plus de 75 ans dans la
salle d'urgence, dans le corridor d'une urgence où les lumières sont allumées la nuit et où il est impossible, Mme la
Présidente, de pouvoir donner des soins adaptés, des soins gériatriques, de pouvoir offrir une
réadaptation, une réactivation, une promotion de l'autonomie à ces
personnes.
La Présidente (Mme
Beaudoin) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à Mme la
députée de Sainte-Rose, du côté ministériel.
• (11 h 20) •
Mme Proulx :
Merci, Mme la Présidente. Vous savez, j'entends, j'écoute et je me dis qu'en
fait, question de catastrophe, si on veut s'assurer justement qu'au Québec
vieillir ne devienne pas une catastrophe et n'engendre pas une angoisse indue
chez les personnes vieillissantes, je pense qu'il faut qu'on s'en occupe. Et je
pense qu'on ne doit pas considérer le statu quo comme une option.
Vous
savez, à mon avis, il y a beaucoup de travail à faire au niveau des soins à
domicile. En écoutant, en lisant, en
m'informant, comme députée mais aussi comme citoyenne, comme fille de parents
vieillissants qui commencent à avoir quelques
problèmes de santé, comme petite-fille d'une grand-mère en centre hospitalier
et de soins de longue durée, il m'apparaît de plus en plus, à la lumière
de toute l'information que je peux capter et de ma propre vision des choses, il
m'apparaît que la solution n'est pas tellement d'injecter encore toujours plus
d'argent; ce serait peut-être de mieux organiser les services et de mieux
redistribuer les ressources dont on dispose, et de nous assurer d'investir les
sommes disponibles peut-être autrement.
Réinvestir
sans cesse plus d'argent, c'est se conforter, à mon avis, dans le statu quo
comme si c'était ça la solution. Je pense qu'on ne se retrouverait pas
aujourd'hui avec certaines situations qu'on vit si c'était ça, la solution. On aurait
pu le faire bien avant et on aurait pu continuer à investir des sommes. On se
retrouverait comme on se retrouve aujourd'hui, c'est-à-dire des personnes âgées
qui occupent des lits dans les hôpitaux faute de ressources alternatives, des personnes âgées en perte d'autonomie placées
dans des centres hospitaliers de soins de longue durée faute de mieux, alors que leur état n'exigerait pas nécessairement
un placement. En fait, de ce que je comprends, ce que le ministre
propose est une innovation sociale qui permettra au réseau, à notre système de
santé de s'adapter à la réalité que nous vivons actuellement, c'est-à-dire une population vieillissante qui vivra de
plus en plus longtemps, bien sûr, mais aussi avec un état de santé pas
toujours optimal, atteinte de maladies chroniques nécessitant des soins.
On connaît la grande vulnérabilité des personnes
âgées, c'est pour ça que c'est si important de faire de la prévention et de
pouvoir être en mesure de détecter les petits problèmes avant qu'ils ne se
dégradent, avant que les personnes âgées ne voient leur
condition se détériorer. Je pense qu'on peut, sans craindre de se tromper,
présumer que le fait de permettre aux personnes âgées de vieillir à la
maison... de vivre à la maison, dans leur environnement, entourées de leurs proches a certainement un
impact positif sur leur état de santé et contribue à prévenir les
problèmes et à repousser le plus loin
possible l'hospitalisation ou le placement en centre de santé de... en centre
de soins de longue durée.
Le vieillissement accéléré de la population du
Québec et la problématique des maladies chroniques qui l'accompagne oblige une
réforme en profondeur dans l'organisation et le financement des soins de longue
durée qui deviendront de plus en plus prépondérants. De nombreux pays ont fait
face à cette situation et ont mis sur pied des modèles novateurs de dispensation de soins et de services sur la base
d'une assurance universelle couvrant tant les soins que l'ensemble des
services à domicile, de même qu'en institution.
Confronté à
des défis similaires, le Québec doit aussi se doter d'une telle assurance
autonomie et créer une caisse financée,
d'une part, par une utilisation plus judicieuse des budgets actuels et des
crédits d'impôt et, d'autre part, par un investissement significatif dans les soins à domicile. Mme la
Présidente, le ministre pourrait-il nous instruire davantage sur les principes directeurs et sur les avantages sur
l'assurance soutien à l'autonomie et de ses modalités à l'autonomie, qu'il
propose, dans un contexte de la valorisation des soins à domicile?
La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le
ministre, à vous la parole pour une durée de 50 minutes.
M. Hébert : Oui. Alors, ce que je
voudrais préciser, c'est pourquoi on en est là, pourquoi on a un sous-financement des soins à domicile. Il faut
comprendre qu'il y a une ambiguïté du système de santé actuel, qui a été
construit suite à la loi canadienne sur la
santé, qui définissait les principes de la couverture d'assurance santé comme
étant ce qui est médicalement nécessaire. Alors, à l'époque, on avait
une population jeune, bien sûr, ce qui était médicalement nécessaire était facile à définir, c'était les
services hospitaliers et les services médicaux. Alors, on a donc défini ce
qui était couvert par ces principes-là. Mais
on se rend bien compte, avec une population vieille et surtout des maladies
chroniques, que ce n'est pas là que ça se passe. Ça se passe à domicile, et ça,
ce n'est pas en principe couvert par nos régimes d'assurance publique, d'où l'importance
d'élargir formellement, par une assurance autonomie, cette couverture.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Saint-Henri—Saint-Jacques.
Une voix : Sainte-Anne.
La Présidente (Mme Beaudoin) : Oh!
Excusez. Sainte-Anne. Excusez-moi.
Mme
Blais : Merci, Mme la
Présidente. Alors, j'écoutais la députée de Sainte-Rose et je pense qu'elle va
accueillir favorablement l'idée d'examiner les conditions de vie des adultes
hébergés en CHSLD, parce qu'il y a des personnes qui vivent là‑bas en CHSLD.
Par ailleurs, Mme la Présidente, je tiens à
féliciter les fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux,
qui ont travaillé très, très fort pour l'élaboration de la première politique
sur le vieillissement, Vieillir et vivre ensemble. Alors, je vous remercie pour
tout ce que vous avez fait.
Troisièmement, Mme la Présidente, quand on part
d'écrits scientifiques, ça nous permet de voir l'évolution du discours. Parce
que le ministre a écrit un texte, ça nous permet de voir comment il va évoluer
dans son assurance autonomie. Et on ne remet
pas en question ici les soins à domicile. Tout le monde veut vieillir à
domicile le plus longtemps possible. On parle le même langage. C'est
dans le modus operandi. C'est ça, la question.
Le ministre, ici, dans une diapositive qu'il a
présentée à l'Association québécoise de gérontologie, mentionne que ça prend
500 millions d'investissements par an pour l'assurance autonomie, et, pas
plus tard qu'en Chambre, la première
ministre mentionnait 100 millions par année pendant cinq ans. Alors, on
voit qu'il y a déjà une contradiction au niveau du discours, une forme de paradoxe. Mais oui, mais ça c'est
passé. C'est normal que nous posions des questions. Et il y a aussi des questions qui sont posées par
les associations, entre autres l'association du personnel professionnel
et technique de la santé et des services sociaux, qui mentionne notamment qu'il
manque actuellement 400 travailleurs sociaux
dans le réseau, qu'il y a une pénurie de physiothérapeutes, de 130, comme de
200 ergothérapeutes. Il manque aussi
des travailleurs auxiliaires, des auxiliaires familiales. Et même la première
vice-présidente de cette association dit que les compressions effectuées partout font mal, surtout à Montréal, où
les compressions sont de l'ordre de 100 millions de dollars. Dire que les services ne seront pas
touchés relève de la pensée magique. Alors, oui, ça prend des soins à
domicile, mais encore faut-il qu'il y ait des professionnels de la santé pour
être en mesure d'offrir le soutien à domicile. Et la présidente de cette
association, Carolle Dubé, mentionne dans son communiqué qu'il faudrait ajouter
500 millions de dollars pour couvrir 40 % des besoins seulement.
Selon elle, il manque encore une couverture des besoins.
Si je regarde un autre communiqué de presse...
Je parlais justement un peu plus tôt de Mme Louise Boivin, qui est chercheuse. Elle s'inquiète que ce virage
vers les soins à domicile risque de se faire sur le dos des employés qui
vont dispenser ces services, parce que ces
employés sont faiblement rémunérés, et que, dans certaines régions, quand
on posait la question au ministre : Comment
vous allez faire quand, dans certaines régions, il y a une pénurie de
personnes pour offrir les services à domicile?, le ministre a répondu qu'il va
y avoir... ça va se développer par... Comment il a dit ça? Que le marché
devrait équilibrer l'offre et la demande. Pour moi, c'est un peu utopique. C'est
comme si ça relevait de la pensée magique.
Dans un autre
communiqué, où on parle d'assurance autonomie, c'est un autre groupe, l'AQRP,
qui a très peur à cette désinstitutionnalisation. Et là, on va
dire : Fais attention aux termes que tu utilises. Mais, quand je regarde aussi, dans la
diapositive présentée à l'Association québécoise de gérontologie… On voit ici
clairement que le maintien du nombre de lits
actuels en CHSLD sera à la baisse. Alors, le ministre ne coupe pas des lits,
mais c'est comme s'il yavait un
statu quo et, quand il y a un statu quo et qu'il y a une augmentation de
personnes vieillissantes, c'est comme s'il y avait un moratoire ou, pour
les gens qui nous regardent, c'est comme si on ne faisait pas d'indexation.
Donc, il n'y aura pas plus de lits en CHSLD, mais il y aura plus de personnes
en perte d'autonomie. C'est la raison pour laquelle il y a des groupes qui s'inquiètent.
Maintenant, Mme Diane Lavallée, de l'AQESSS,
mentionne que la surveillance permanente devra... Un usager qui nécessite une
surveillance permanente devra payer, en moyenne, entre 2 000 $ et
5 000 $ par mois pour recevoir les soins et les services requis à la
maison.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, Mme la députée.
Mme Blais : Donc, ça ne peut pas se
faire à coût nul.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. M. le ministre, la parole est à vous.
• (11 h 30) •
M. Hébert : Merci beaucoup. Mme la
Présidente, je voudrais d'abord rectifier, là, certaines données. Quand on parle d'un investissement de 500 millions
dans les soins à domicile, en fait, ce qu'on fait, c'est que le calcul que
la plupart des comptables et des
administrateurs font, c'est 500 millions à terme de plus pour les soins à
domicile. Par contre, les libéraux,
eux, calculent différemment. Alors, quand ils calculent, eux autres, ils
additionnent. Alors, si c'est 100 millions la première année, puis
que la deuxième année, on rajoute 100 millions, pour eux autres, ça fait
300 millions. Puis on aboutit, là, au
bout de la ligne, lorsqu'on fait un calcul — c'est comme l'intérêt composé, hein — on
arrive à 1,5 milliard. Alors, si
on était sur la base du calcul libéral, on dirait, nous : On va investir
1,5 milliard dans les soins à domicile, mais, en fait, pour tout le monde, là, ça veut qu'à
terme, après un mandat complet du Parti québécois, on aura investi
500 millions de plus dans les soins à
domicile de façon récurrente, ce qui représente, dans le calcul libéral, 1,5 milliard.
C'est comme ça qu'on le présenterait si on le présentait avec les
formules que nous ont habitué le gouvernement précédent.
Alors, cela
dit, cela dit, Mme la Présidente, il faut bien réaliser que l'assurance
autonomie, comme je le disais tout à l'heure,
ce sera un nouveau mode de solidarité sociale. On a eu, au cours du siècle
dernier, l'implantation des pensions de vieillesse, qui était un premier
risque, le risque de la retraite, qui a été couvert par la plupart des sociétés
civilisées au Canada. Ça s'est traduit par
le régime des pensions de vieillesse du Canada. Un deuxième risque qui a été
assuré, c'est les accidents de
travail. Dans tous les pays, on a assuré ce risque-là. Un troisième risque,
c'est l'emploi. Alors, l'assurance-emploi
au Canada, mais dans la plupart des pays, ce troisième risque là a été couvert.
Et le quatrième risque est survenu à la fin du XXe siècle, c'est la santé, donc les assurances santé, qui ont
été mises en place dans la plupart des pays civilisés, sauf aux États-Unis,
évidemment. Mais ces assurances santé couvraient donc le risque qui était un
risque absolument important au XXe siècle et, si...
Je parlais de
ma grand-mère au début. Ma grand-mère Léocadie, en fait, était la femme d'un
riche, M. Demers, qui était un riche propriétaire terrien dans la région
de Saint-Agapit, et il a eu le malheur d'avoir un problème oculaire, un
glaucome, et il a enfoui toute sa terre en fait pour essayer de traiter son
glaucome, pour payer des soins médicaux, de sorte qu'ils se sont retrouvés dans
le sous-sol d'une maison de la rue Saint-Louis, à terminer leurs jours dans la pauvreté parce que les besoins de santé de
mon grand-père avaient nécessité la vente de la ferme patrimoniale. Ça,
ça vous explique les dangers d'une privatisation du système de santé. Et moi,
je suis inquiet, particulièrement en ophtalmologie,
par exemple, où il y a des frais accessoires qui sont demandés aux patients, je
suis inquiet qu'on retourne à ces
pratiques qui ont mis plusieurs personnes en faillite et ont privé de soins de
nombreux Québécois dans les années 30, dans les années 40 et 50, et je
ne voudrais pas qu'on retourne là. Alors, d'où l'importance de vraiment
consolider notre système de santé, de l'adapter au vieillissement de la population.
Alors, il
faut absolument être en mesure d'ajouter un cinquième risque. En plus de la
santé, il faut permettre de couvrir
ce cinquième risque, ce qui est la perte d'autonomie, qui est un risque associé
au vieillissement de la population. Et dans
de nombreux pays civilisés, industrialisés, on a implanté ce cinquième risque,
une assurance de soins à long terme. Je mentionnais le Japon. Le premier
qui a implanté ce cinquième risque, c'est les Pays-Bas, à la fin des années 60,
qui ont été suivis par de nombreux pays européens et des pays asiatiques. Je
mentionnais le Japon, la Corée du Sud également. Les derniers en lice, c'est l'Espagne,
qui ont mis en place un régime d'assurance à long terme qui permet d'assurer un
cinquième risque, et de l'assurer par la solidarité sociale.
Pourquoi la solidarité sociale? Pourquoi
utiliser le public? Parce qu'il n'y a pas vraiment de marché pour les assureurs
privés dans ce domaine, et il y a eu de nombreuses études qui l'ont bien
démontré, une étude canadienne récemment
d'ailleurs qui faisait un état de la question et qui concluait que c'est un
marché essentiellement public, qui n'est pas d'intérêt pour les
assureurs privés. Pourquoi? Parce que c'est un risque qui est très fréquent. On
aura tous, à la fin de notre vie, si on survit au-dessus de 70 ans, une période
de deux ou trois ans vécus en perte d'autonomie et que nous ne prévoyons pas ce
risque en cotisant à une assurance très tôt, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à la députée de Sainte-Rose,
du côté ministériel.
Mme Proulx : Merci, Mme la
Présidente. Le projet d'assurance autonomie a déjà fait l'objet de plusieurs
communications et présentations au Québec et à l'extérieur au cours de la dernière
année, notamment par le ministre de la Santé. Nos collègues de l'opposition ont justement mentionné
qu'ils ont pris... ont pris le temps de nous signifier qu'ils ont pris
connaissance de certains articles scientifiques écrits par le ministre de la
Santé.
Le modèle très
novateur de distribution des soins et services à domicile aux personnes aînées
intéressedéfinitivement plus d'un
acteur dans ce secteur d'activité. À date, ce projet semble susciter beaucoup
d'espoir de la part des aînés, de la part de leurs proches et des
groupes de défense des droits et de services qui gravitent autour d'eux. On
constate que le projet du ministre suscite définitivement un élan d'enthousiasme
dans la société. À ce niveau, une grande
majorité de ces groupes félicitent publiquement le ministre pour la pertinence
et la validité de son projet d'assurance autonomie. Ils l'encouragent de
plus à mettre rapidement en place ce programme novateur et d'avant-garde qui garantira
enfin aux aînés en perte d'autonomie la possibilité de poursuivre leur vie à
domicile, dans leur milieu et près des leurs.
Je pense que ce serait intéressant, Mme la
Présidente, de connaître l'opinion des organisations concernées par ce projet.
Le ministre peut-il énumérer le nom et les attentes des principaux groupes
sociaux communautaires et institutionnels qui ont à ce jour salué son
initiative et reconnu la pertinence de son projet d'assurance autonomie?
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. M. le ministre, à vous la parole.
M. Hébert : Mme la députée de
Sainte-Rose, effectivement, on citait... notre collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne citait une association qui avait
exprimé un certain nombre de réserves. Cette association-là d'ailleurs
exprime souvent des réserves. Mais il y en a plusieurs autres qui saluent et
attendent avec impatience le dépôt du livre blanc sur l'assurance autonomie, qui devrait se faire au cours des prochaines
semaines, et où on pourra voir en quoi consistera l'assurance autonomie
et où les gens pourront nous apporter des commentaires. Il y aura une période
de consultation sur ce livre blanc avant qu'on en vienne à un projet de loi.
Alors, j'en
cite quelques-unes : L'Association québécoise de gérontologie, où j'ai
fait cette présentation, qui a été citée par Mme la députée de
Saint-Henri—Sainte-Anne :
«…l'ACG estime que la création d'un régime d'assurance autonomie — et je
cite — est
un projet majeur et prometteur pour l'avenir pour des Québécois âgés et pour la
société québécoise en général…» Le
Regroupement provincial des comités d'usagers émet un préjugé favorable à
l'instauration d'une assurance autonomie
dans le contexte où celle-ci reprendra les principes énoncés par le ministre de
la Santé et des Services sociaux.
L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et
préretraitées, une association qui
n'a pas l'habitude d'être complaisante envers le gouvernement, c'est une
association qui, comme son nom l'indique, est une association de défense
de droits et qui nous dit, dans un communiqué, que «les propos de certains
groupes et de l'opposition libérale sur ses
intentions dans le projet d'assurance autonomie sont abusifs et inutilement
alarmistes». Ce n'est pas moi qui le
dis, mais je suis d'accord. Et, plus loin, cette association nous dit qu'«un
véritable virage s'exige et des solutions
novatrices s'imposent pour changer les rouages des systèmes de prise en charge
à domicile et en établissement et le ministre [de la Santé et des
Services sociaux] lance un projet d'assurance autonomie pour favoriser ce
virage souhaité par la communauté des aînés depuis deux décennies», Mme la
Présidente.
Les entreprises d'économie sociale, dont on
doute de la capacité de pouvoir répondre à la demande… «…les entreprises d'économie
sociale en aide à domicile souhaitent clairement se positionner en faveur de l'assurance
autonomie — et je cite au texte — qui permettra aux personnes en perte
d'autonomie de rester plus longtemps dans le confort de leur demeure et à moindre coût pour l'économie du Québec». Je
cite également un des gériatres les plus influents, le Dr Pierre Durand,
qui a été doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, et qui, dans
un article récent publié dans Le Soleil
du 9 mai dernier, nous dit : «L'assurance autonomie est conçue à partir
des expériences réalisées dans plusieurs pays industrialisés et sur la
connaissance et l'expertise développées ici au Québec. Nous avons le devoir de
prévoir l'avenir et de nous doter des moyens pertinents pour éviter le désastre
humain, familial, social et financier qui serait [relié] au statu quo.»
Et, finalement, dans Le Devoir, Mme
Suzanne Girard, présidente de l'Association des proches aidants de la Capitale-Nationale, nous dit : «Ce virage
annoncé comme une innovation sociale du XXIe siècle est déjà mis en
place dans d'autres pays […] pour faire en sorte que les soins et […] soutien à
domicile deviennent un droit et non plus un privilège. C'était une obligation
familiale et ça deviendra une politique sociale», Mme la Présidente.
Conclusions
La
Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci. Alors, nous en sommes maintenant aux dernières interventions. M.
le ministre, vous avez un maximum de 10 minutes. À vous la parole.
M. Réjean Hébert
M. Hébert : Mme la Présidente, je
pense avoir, au cours de cette période à l'Assemblée nationale, pu expliquer d'où vient cette nécessité de pouvoir
non seulement augmenter le soutien à domicile pour les personnes âgées
en perte d'autonomie, mais également, comme
le soulignait à juste titre la députée d'Arthabaska, de faire un
changement en profondeur dans la façon de
répondre aux services aux personnes âgées et handicapées en perte d'autonomie.
Et d'ailleurs, une des surprises que j'ai eues en arrivant en poste,
lorsque j'ai rencontré les établissements impliqués en déficience physique, en
déficience intellectuelle, lorsque j'ai rencontré les organismes représentant
ces personnes, ça a été de constater que ces organismes et ces établissements
souhaitaient être partie prenante d'une assurance autonomie.
• (11 h 40) •
Vous
savez, dans les différents pays qui ont implanté de telles assurances de soins
à long terme, on retrouve le plus
souvent deux systèmes différents et parallèles, l'un pour les adultes plus
jeunes et l'autre pour les personnes âgées, et la présence de ces deux
systèmes cause de nombreuses difficultés. D'abord, des difficultés liées à
l'équité entre les deux régimes qui parfois,
dans certains pays, est tout à fait débalancée, mais, d'autre part, des
problèmes de transition. On sait que les personnes avec des déficiences
physiques et intellectuelles plus jeunes vieillissent et donc doivent passer, à
un moment donné, d'un régime à un autre, et ça cause d'énormes difficultés,
notamment en France.
Et j'étais
très ravi de constater que ces représentants d'organismes et d'établissements
souhaitaient faire partie du projet
d'assurance autonomie. Et ce que nous présenterons à la population, lorsque
nous déposerons le livre blanc, sera une assurance autonomie pour tous,
Mme la Présidente, quel que soit l'âge. Évidemment, ça ne couvrira pas les
enfants, qui ont des problématiques
particulières, mais toutes les personnes en perte ou en quête d'autonomie
pourront être couvertes par cette assurance autonomie, qui représente la
couverture du cinquième risque, un risque qui est associé, hein, au
vieillissement de la population.
Nous aurons
l'occasion, dans ce livre blanc, de présenter ce projet. Nous aurons
l'occasion, dans ce livre blanc, de
présenter également un certain nombre d'enjeux qui doivent être considérés pour
la mise en place de cette assurance autonomie. Le but de cet exercice
extrêmement important est de consulter la population, de consulter les
organismes représentant les personnes âgées
et les personnes handicapées, de consulter les personnes âgées et les personnes
handicapées elles-mêmes pour qu'elles puissent nous donner leur avis sur les
orientations que doit prendre l'assurance autonomie dont le Québec a besoin.
Cette
assurance autonomie va être basée, ne sortira pas du néant, elle va s'appuyer
sur ce qu'on a déjà au Québec. Je vous le disais, nous avons déjà, au
Québec, des réseaux intégrés de services qui ont été lents à s'implanter mais, maintenant que nous sommes en poste, nous avons
été capables d'investir massivement pour compléter les réseaux intégrés de services et faire en sorte que, dans chacune
des régions du Québec, on ait le même système que dans l'Arthabaska-Érable, que dans l'Estrie et qu'on puisse compter
sur des tables de concertation, qu'on puisse compter sur un guichet
unique d'accès, sur un gestionnaire de cas
et sur un dossier clinique informatisé, partageable par l'ensemble des
organisations pour éviter que les personnes aient à répéter de façon indue les
mêmes informations ou à être évaluées à répétition et de façon inutile, avec l'utilisation
d'un outil unique.
Et on a la
chance au Québec d'en avoir un, c'est le système de mesure de l'autonomie
fonctionnelle, le SMAF, qui est
inclus dans l'outil d'évaluation multiclientèle. Et, avec cet outil-là, qui
évalue 29 fonctions, qui vont de se laver jusqu'à gérer son budget, on a un portrait global des
incapacités des personnes. Et, sur les milliards de différents profils
d'incapacité qu'on peut imaginer, on a été
capables de les regrouper en 14 profils. Et c'est ma collègue, Nicole Dubuc,
qui a fait son doctorat sous ma
supervision, qui a défini ces profils ISO-SMAF, c'est-à-dire les groupes
d'incapacités qui se retrouvent fréquemment
associées et qui nous permettent de mieux apprécier une perte d'autonomie. Au
lieu d'avoir des milliards de
profils, on peut les regrouper en 14 profils. Chacun de ces profils-là
conditionne l'utilisation de ressources, et cette utilisation de
ressources conditionne également à un coût. Donc, on a déjà, au Québec,
implanté, dans tout le réseau de la santé,
ces profils ISO-SMAF, qui nous permettent de savoir, pour une perte d'autonomie
donnée, quel est le coût qui peut y
être associé, de façon à ce qu'on puisse définir une allocation de soutien à
l'autonomie qui couvrira les services qui sont nécessaires.
On a déjà l'outil, on a déjà le système de
gestion, on a déjà l'informatique, on a déjà le gestionnaire de cas. Alors, l'assurance autonomie va venir changer la
façon dont on finance et on gère ce système, et c'est un changement fondamental. Parce que simplement d'injecter de
l'argent dans le soutien à domicile, ce ne sera pas suffisant pour
redonner aux personnes âgées la liberté, la liberté de choisir là où ils
veulent vivre, la liberté de choisir par quel prestataire ils veulent recevoir
les services.
Et c'est ça
que l'assurance autonomie va permettre de faire, de redonner aux aînés ces deux
éléments de liberté qui sont
fondamentaux, d'éviter ce qu'on retrouve trop souvent, Mme la Présidente, où on
déménage les gens vers différentes structures
d'hébergement qui répondent à leurs services. Chacun de ces déménagements-là
est associé à un déracinement, un déracinement de la famille de la
personne, parfois même une séparation, une séparation causée par la perte de l'autonomie
lorsqu'une personne n'a pas le hasard ou la coïncidence d'avoir un conjoint qui
perd de l'autonomie en même temps qu'elle.
Il faut séparer les couples; c'est une situation qui ne peut plus durer. Il
faut être en mesure de redonner aux
personnes la liberté de choisir là où ils veulent vivre et de donner les
services dont ils ont besoin à cet endroit-là. La personne peut choisir de vivre, de continuer à
vivre dans son logement, dans sa maison individuelle, ou peut choisir d'aller
vivre dans un condo, dans une résidence pour personnes âgées, mais ce n'est pas
l'endroit où elle a choisi de vivre qui doit
conditionner les services, et c'est ça, le changement fondamental qu'une
assurance autonomie va apporter, de pouvoir permettre aux gens de
vieillir là où ils ont choisi de vivre.
Pour avoir
été au Danemark… Je vous disais tout à l'heure que le Danemark consacre
73 % de son budget à des soins à long terme, aux soins à domicile.
Je suis allé au Danemark et, au Danemark, j'ai demandé de voir des centres d'hébergement de soins de longue durée, et les
gens me regardaient avec un air ahuri en me disant : Mais on n'a pas
ça. Non, au Danemark, on a des soins à domicile appropriés qui permettent à des
gens... Et souvent les gens vont choisir d'aller
vivre dans une résidence pour personnes âgées, et c'est leur choix, mais les
services vont être ajustés à leur perte d'autonomie, de sorte qu'on n'a pas besoin de transférer ces gens-là
vers un CHSLD, on peut leur permettre de vieillir sur place. Et c'est ce qui explique que le Danemark a
eu le succès de pouvoir répondre aux besoins de sa société
vieillissante, de pouvoir répondre aux
besoins des personnes âgées et aux souhaits des personnes âgées de rester à la
maison et de pouvoir le faire tout en contrôlant l'évolution des
dépenses.
Parce
que, si on continue sur notre lancée, au Québec, il faudra construire environ
1 000 lits de CHSLD par année. 1 000
lits de CHSLD par année, ça, ça veut dire 60 000 $ récurrents de
financement par année, plus à peu près 30 000 $ pour la brique, le béton,
pour l'infrastructure. 90 000 $ par année. Multipliez ça par
1 000, vous avez une idée de l'augmentation des coûts que cette solution nous entraîne. Et nous proposons de changer
ça, de faire en sorte qu'au lieu d'investir dans la construction de CHSLD, on investisse plutôt dans
les soins à domicile, on investisse plutôt dans des services qui vont
être donnés à la personne là où elle a choisi de vivre, on investisse plutôt
dans le choix de la personne âgée. Et ça, c'est fondamental, Mme la Présidente.
Ces
assurances autonomie à travers le monde font très peu appel au privé, comme je
le disais tout à l'heure, parce que
le risque de perte d'autonomie, c'est un risque qui est inéluctable. Chaque
personne, si elle dépasse 70 ans, vivra en moyenne deux ans en perte d'autonomie.
Et ce risque-là est important, et ce risque-là n'est pas pris en compte par les
personnes tôt dans leur vie. Ce n'est pas à
30 ans, à 40 ans, à 50 ans, même à 60 ans qu'on envisage une perte d'autonomie,
Mme la Présidente, de sorte qu'on ne peut
pas cotiser pendant des années pour bénéficier, lorsque la perte d'autonomie
survient, d'une cagnotte au niveau de
l'assurance qui soit suffisante, de sorte que les quelques compagnies d'assurance
qui offrent ce risque vont avoir une cotisation qui est extrêmement importante
et des primes, lorsqu'il y a une perte d'autonomie, qui vont être réservées aux
personnes qui ont une perte d'autonomie vraiment importante, avec un délai de carence important et une période
déterminée de couverture qui est très courte. Il n'y a pas de place vraiment
pour le marché privé, de sorte que c'est un marché de solidarité, et c'est la
nouvelle mesure de solidarité sociale qui devra être mise en place au Québec.
Ce que nous voulons, c'est donner des services à domicile. Ce que nous voulons,
c'est l'autonomie pour tous, Mme la Présidente.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la
parole au député de Jean-Talon, qui a également un temps de parole de 10
minutes. À vous la parole.
M. Yves Bolduc
M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Le raisonnement du
ministre ne tient pas la route parce que, lorsqu'il fait sa présentation, il dit aux gens : Si vous
n'investissez pas dans une assurance autonomie, vous n'aurez pas de
service à domicile, vous ne pourrez pas vieillir à la maison. C'est ça qui est
faux. Tout ce que le ministre nous a dit tantôt,
c'est vrai; il y a plusieurs choses qui ont été faites au Québec. D'ailleurs,
le ministre est souvent en contradiction. Publiquement, premièrement, politiquement, il dit qu'il n'y a rien qui
est fait puis on n'avance pas. Quand il est ici pour dire qu'il va
mettre ça en place, on a tout mis en place déjà. C'est présent, il s'agit juste
maintenant de le financer. C'est la contradiction que l'on voit de façon
répétitive. Oui, la transformation a été faite.
D'ailleurs,
tantôt, encore quelque chose de faux qui a été dit. Les gens nous disent :
Le statu quo. Il n'y a jamais eu de
statu quo au Québec. Si, dans les cinq dernières années, on a augmenté d'une
année l'espérance de vie des Québécois, c'est parce qu'il s'est passé quelque chose. Les nouvelles technologies,
une nouvelle façon de faire, le virage à domicile, les ressources intermédiaires, les soins
préhospitaliers, ça a tout évolué, et on se compare très bien avec le reste du
monde.
D'ailleurs, le
ministre est allé en France, puis il ne nous parle pas beaucoup de son
expérience française parce qu'il a vu qu'il
y avait des failles aussi en France. Et on le sait, hein, la France — puis le ministre va pouvoir le confirmer — s'inspire beaucoup du modèle québécois pour
développer leur système, dont, entre autres, la régionalisation puis l'approche locale. Donc, quand vous regardez
ça, ici au Québec, il n'y a jamais eu de statu quo. On a énormément
avancé.
Et
on est... moi aussi, je suis allé en Europe. Et, quand vous allez en Europe,
tout le monde vous fait miroiter : Aïe! C'est beau, là-bas! Mais je
suis allé aux Pays-Bas. Ils ont leurs défis et des gros défis. D'ailleurs, leur
dernière transformation — je parlais avec les dirigeants là-bas — ils trouvaient qu'ils avaient des problèmes.
Quand vous regardez qu'est-ce qui se
fait au Québec actuellement, c'est le modèle d'Arthabaska, Sherbrooke,
Lac-Saint-Jean, le modèle qui se fait
également dans les régions du Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie. Nous sommes en
train de faire cette transformation-là, et même quand le ministre... D'ailleurs,
le ministre, il faudrait faire marque de beaucoup d'humilité; c'est comme s'il
n'y avait pas eu de système de santé avant qu'il arrive. En arrivant, en six
mois, il a tout changé.
Un
petit aparté, Mme la Présidente : il a parlé des urgences. C'est
intéressant. On a stabilisé les urgences, on a baissé la durée de séjour des urgences, et, actuellement, il est en
train de la remonter, tout simplement parce qu'il faut s'en occuper, des
urgences, il faut s'en occuper aussi au jour le jour. Et, oui, il faut faire
cette transformation vers les soins à domicile, prendre en charge les personnes
de façon plus adéquate, l'approche adaptée qui a été développée avec Sherbrooke
et Montréal.
Mme la Présidente, le
risque qu'il y a actuellement, c'est de faire miroiter, de penser que par un
changement juste de gestion au niveau du financement, qu'on va changer le
réseau de la santé. Et pendant qu'on met de l'énergie là-dessus, on ne la met
pas à la bonne place, c'est-à-dire de les développer, les services de santé.
Et
il y a également un grand risque. Le risque, tout simplement, ce que le
ministre nous dit, il va y avoir des coûts administratifs. Ça lui prend
une nouvelle bureaucratie, il l'a dit lui-même, c'est l'équivalent d'une CSST,
alors qu'au Québec, au cours des dernières
années, on s'est donné de nouvelles structures qui est les soins intégrés par territoire
avec l'approche des CSSS. Et ça, personne ne
le conteste. Même le ministre ne conteste pas que c'est la bonne approche.
Les gestionnaires de cas existent,
l'informatisation existe. Il faut continuer à la diffuser puis à bien
l'organiser sur le territoire.
Il faut une meilleure
organisation des services, c'est ce qui est en train d'être fait puis ça a
commencé déjà voilà 10 ans. Ça n'a pas
commencé hier, c'est une poursuite qui se fait. Et, en passant, il y a eu
beaucoup de transformations qui n'ont pas pu se faire parce qu'il y
avait une pénurie de personnel, mais on ne reviendra pas là-dessus. Il y a eu une pénurie de personnel qui a empêché de
développer des services, mais cette pénurie-là est en arrière de nous
autres. Pourquoi? On a augmenté les
admissions en médecine, au niveau des soins infirmiers, au niveau de tous les
professionnels, l'apparition des kinésiologues. Cette approche de soins
intégrés, c'est ce qu'il faut mettre en place.
Le ministre nous l'a dit tantôt :
Le reste, c'est du financement. Mais lorsqu'il fait sa présentation... Ça, le
ministre, là, il faut au moins qu'il ait
l'honnêteté intellectuelle de le dire, lorsqu'il fait sa présentation, il dit
qu'il n'y aura pas de transformation du réseau si vous ne financez pas
comme ça, alors que ça prend de l'argent bien organisé, de l'argent qui va être bien investi aux bons endroits, ce qui
est en train de se faire, et on n'a pas besoin de l'assurance autonomie.
On
est en train de se créer une grosse bibitte administrative pour payer des
fonctionnaires, qui va nous coûter des dizaines de millions de
dollars juste pour la gestion. Les évaluations se font actuellement, les
ressources peuvent être canalisées peut-être
de façon différente, sans nécessairement rechercher une nouvelle façon de
financer. Parce que là ça va avoir
des impacts. Le ministre, au début, voulait capitaliser. Il s'est fait
dire : Tu ne seras pas capable de capitaliser. Le ministre, il disait : On va prendre l'argent
des mines. Il n'y a plus d'argent dans les mines. Ils ont mis ça à sec. Il
voulait prendre une taxe au niveau de
l'hydroélectricité; dans son article, soit monter la TVQ ou en impôt. Le faire
à coût nul, comme il veut le faire, juste des coûts administratifs… vont
devoir être augmentés.
Mme la présidence, j'ai
une grande inquiétude puis, je dois le dire au ministre, je l'ai regardée comme
il faut, l'assurance autonomie. Je pense
qu'il y a moyen peut-être de trouver une nouvelle façon qu'on peut le regarder
ensemble pour aider nos personnes aînées.
Mais de penser qu'en changeant la façon de le financer, en coupant les crédits
d'impôt… Et, à la fin, il va avoir besoin
entre 1,5 et 2 milliards de dollars supplémentaires pour être capable de
mettre ces choses en place, parce
qu'il y a beaucoup d'éléments qui n'ont pas été calculés, dont, entre autres,
tous les aidants naturels. Là, le ministre,
au début, avait l'air de faire miroiter aux aidants naturels que l'argent
pourrait être utilisé comme ils voulaient par la personne. Dans son article, c'est très clair : les aidants
naturels, il y a des conditions dans lesquelles il pourrait le voir,
puis c'est de façon exceptionnelle, dont, entre autres, pour... lui-même va
pouvoir le confirmer, entre autres, les gens qui demeurent dans la même maison,
théoriquement, n'auraient pas droit à ça, parce que ça fait partie un peu de
leur travail familial.
Donc,
il y a tous ces éléments-là qui doivent être regardés. Et s'il dit que demain
matin il paie tout ce monde-là au salaire qui serait requis pour le
travail qu'ils font, il va falloir qu'il nous explique où il va trouver l'argent.
Et son raisonnement par rapport aux CHSLD ne tient pas beaucoup la route, parce
que là il s'en va comme au Danemark, où, demain matin, 37 000 personnes
qui sont dans nos CHSLD au Québec devraient sortir.
Mme la Présidente,
moi, je fais de la pratique, et puis j'en ai fait pendant longtemps. J'inviterais
le ministre à retourner voir sur le terrain
comment ça fonctionne, hein, cela fonctionne... Il y a des gens qui, à la fin
de leur vie, ont besoin de CHSLD et,
à la fin de leur vie, ont besoin de lits de courte durée. D'ailleurs, dans le
plan du ministre, il y a une fermeture
de 1 100 lits de courte durée au Québec, puis, actuellement, ce qu'il
propose aux établissements de santé, c'est d'envoyer les patients en surcapacité sur les étages, dans les corridors
de façon à pouvoir désengorger les établissements de santé. La
population, sans que ce soit une catastrophe, vieillit de 1 % par année.
La population du Québec augmente de 80 000 personnes par année, et, avec
les mêmes ressources, par une amélioration de performance, on peut donner des
services, mais ça demande une amélioration de la performance, pas
nécessairement une grosse façon de changer de financement.
Et
le ministre, également, utilise un argument en disant : Oui, mais ils
mettent l'argent ailleurs. M. le ministre, en chirurgie, on a mis l'argent
en chirurgie, puis il est dépensé en chirurgie, et...
Une voix :
...
M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, Mme la Présidente. Et, Mme la Présidente, le
ministre devrait savoir qu'on peut mettre
l'argent directement en chirurgie, et nos systèmes comptables nous permettent
de voir exactement où va chacun des
dollars dans notre réseau de la santé, dont entre autres aux soins à domicile.
Donc, s'il décide de rajouter de l'argent aux soins à domicile plutôt
que de rajouter des fonctionnaires à la RAMQ qui vont faire des évaluations
puis ils vont essayer de gérer ça de Québec, il devrait envoyer l'argent
directement dans les CSSS, et il devra y avoir un rapport avec une imputabilité
pour s'assurer que l'argent est allé au bon endroit.
Mme
la Présidente, le ministre est parti avec une idée, et je pense qu'à un moment
donné le problème... il croit tellement
dans son idée qu'il ne voit pas les effets néfastes. Mais j'ai des inquiétudes.
D'ailleurs, même son gouvernement va
devoir avoir des inquiétudes, parce que, quand il va devoir passer ça au
Conseil du trésor, ça va amener la coupure au niveau des crédits d'impôt, une façon différente de financer, et il
n'est pas capable de prévoir les coûts, parce que ça veut dire que c'est un régime universel. Donc, il y a
des gens qui peut-être qu'actuellement sont à domicile, puis ils jugent
que le système de santé est adéquat, mais, à
partir du moment qu'il va y avoir de l'argent associé à ça, c'est sûr, comme
dans tout système, il y en a qui pensent
qu'ils vont y avoir droit. Et peut-être qu'ils y ont droit, ça, je n'ai pas de
problème avec ça, sauf qu'il va
devoir y avoir des arbitrages. Est-ce que le ministre, à ce moment-là, va
accepter le principe que quelqu'un qui n'est pas satisfait de son
évaluation ait un droit d'appel? Là, il va nous dire : Non, on n'a pas
besoin de ça. Mais, rapidement, il va se rendre compte qu'il n'aura pas le
choix d'avoir ce droit d'appel là. Pourquoi? Parce que, oui, il va y en avoir
peut-être, des injustices.
Là, on est dans un
système de gestion intégrée des services où, au niveau du CSSS, tout ce que le
ministre a décrit, qu'il dit qu'il veut mettre en place, qui est déjà en place,
se fait déjà, il faut renforcer ça. Il faut prendre les modèles qu'on a décrits
ici qu'on sait qu'ils fonctionnent. En passant, ils ne fonctionnent pas depuis
une année. Arthabaska, je l'ai visité voilà
six ans, avant d'être ministre, et Arthabaska fonctionnait déjà comme ça, et
c'est un modèle que tout le monde au Québec est en train d'implanter.
Alors, pourquoi dire que ça prend absolument une nouvelle façon de financer
pour mettre en place un modèle qui est déjà en train de se généraliser dans
tout le Québec et qui fonctionne très bien?
Au Québec, on
a compris, on est allés voir ailleurs qu'est-ce qui se faisait, on est allés
voir en Europe qu'est-ce qui se faisait, et, en passant, on va chercher
les meilleures pratiques au monde. Et les meilleures pratiques au monde, c'est quoi? D'abord,
c'est le virage vers l'ambulatoire, garder les gens le plus longtemps possible
à domicile; lorsqu'il y a une détérioration de leur état, être capable
de les amener dans une ressource qui est adaptée qui est la plus légère possible; et, à un moment donné, quand quelqu'un
n'est plus capable de demeurer à domicile, ça nous prend une nouvelle
ressource qui peut être un CHSLD. Et, oui, il y a des endroits, comme à
Montréal, où il y avait des CHSLD en plus grande
capacité parce qu'il n'y avait pas de ressource intermédiaire. Même chose à
Québec. Développons les ressources intermédiaires, développons les
ressources de soins à domicile, mais cessons de penser que de mettre ça dans un
financement différent, que ça va changer quelque chose. M. le ministre, vous
devriez ajuster votre discours pour dire la vérité.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
...présidence.
M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci.
La Présidente (Mme Beaudoin) :
Merci, M. le député. Alors, je lève donc la séance.
Et la
commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux à mardi le
14 mai 2013, 10 heures, où elle se réunira en séance de
travail. Merci.
(Fin de la séance à 12 heures)