To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Health and Social Services

Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Friday, May 10, 2013 - Vol. 43 N° 22

Interpellation by the Member for Jean-Talon to the Minister of Health and Social Services and Minister responsible for Seniors on the following subject: The autonomy insurance project of the Minister of Health and Social Services and responsible for Seniors


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Exposé du sujet

M. Yves Bolduc

Réponse du ministre

M. Réjean Hébert

Argumentation

Conclusions

M. Réjean Hébert

M. Yves Bolduc

Autres intervenants

Mme Denise Beaudoin, présidente suppléante

Mme Diane Gadoury-Hamelin

Mme Marguerite Blais

Mme Sylvie Roy

Mme Suzanne Proulx

Journal des débats

(Dix heures)

La Présidente (Mme Beaudoin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je vous souhaite la bienvenue à tous et à toutes.

La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Jean-Talon au ministre de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant : Le projet d'assurance autonomie du ministre de la Santé et des Services sociaux et ministre responsable des Aînés.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme de Santis (Bourassa-Sauvé) est remplacée par Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne) et Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme Roy (Arthabaska).

La Présidente (Mme Beaudoin) : Je vous rappelle brièvement le déroulement de l'interpellation. Dans un premier temps, le député de Jean-Talon aura un temps de parole de 10 minutes, suivi du ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante : d'abord le député interpelleur, ensuite le ministre, puis un député du groupe formant le gouvernement et ainsi de suite. 20 minutes avant midi, j'accorderai 10 minutes de conclusion au ministre et un temps de réplique également au député de Jean-Talon.

Je comprends qu'il y une entente à l'effet que le député du deuxième groupe d'opposition interviendra lors de la troisième et sixième série d'intervention. C'est exact?

Enfin, je vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser deux heures.

Alors, M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet

M. Yves Bolduc

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. D'abord, je voudrais vous saluer, vous et votre équipe, saluer ma collègue députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, saluer également le ministre de la Santé et des Services sociaux et responsable des personnes Aînées — aujourd'hui, on va parler beaucoup des personnes aînées — et également saluer son équipe qui est présente, et qui, je sais, fait un excellent travail au niveau du ministère. Et, je crois, il faut le reconnaître, tous, on veut que nos personnes aînées soient mieux, soient mieux prises en charge et également puissent demeurer le plus longtemps possible à domicile et également avoir un continuum de services. Et, lorsque leur situation se détériore, qu'ils puissent avoir les soins.

Mme la Présidente, je commencerais peut-être par un... juste un petit commentaire. Ce matin, j'ai pris les nouvelles au Saguenay—Lac-Saint-Jean, où il devait y avoir la présence d'hémodialyse à Roberval et à Alma, dans un souci de ramener les services le plus près possible de la population. Il faut comprendre, ce sont souvent des personnes aînées — donc, directement en rapport avec notre sujet — qui vont se faire traiter à Chicoutimi, souvent, vont faire trois, quatre fois par semaine des distances de plus qu'une centaine de kilomètres pour les gens de Roberval, également plus de 60 kilomètres pour les gens d'Alma. Et j'ai appris avec déception — je veux juste le laisser savoir au ministre puis je ne veux pas en faire un enjeu — que l'hémodialyse ne serait pas développée ni à Roberval ni à Alma. Et ça, ça a été dit à la télévision par le député de Roberval. Donc, juste lui laisser savoir que, dans une approche que l'on veut rapprocher le plus possible les soins près des personnes, d'éviter, souvent par coupures budgétaires, de développer des services d'hémodialyse dans des régions éloignées, je ne suis pas certain que c'est une bonne décision. Donc, je demanderais peut-être au ministre de revoir le dossier puis d'y repenser. Ça n'avait pas besoin d'être fait cette année, mais la planification était là, et, ce matin, la porte était complètement fermée pour développer ces services.

Une fois qu'on a dit ça, Mme la Présidente, ma première partie, mon premier 10 minutes, c'est surtout pour discuter avec le ministre, parce que lui parle du principe qu'au Québec rien n'a été fait. C'est comme si nos personnes aînées, du jour au lendemain, on va mettre en place l'assurance autonomie, on part d'un système des années 60, on s'en vient en 2012 et… comme s'il n'avait été rien fait. Je pense que le ministre, en jasant avec son équipe ministérielle actuelle, peut reconnaître qu'il y a eu beaucoup de travail de fait au cours des dernières années, entre autres au niveau du développement des soins à domicile, et on sait qu'il y en avait encore à faire parce que c'est des montants qu'il faut investir sur plusieurs années. Également, on a eu la création au niveau des ressources intermédiaires.

Et également, le ministre, dans son plan budgétaire, un des objectifs, c'est d'avoir moins de places en CHSLD. Ce que, nous autres, on avait comme plan, puis déjà depuis plusieurs années, c'était d'ajuster le nombre de places en CHSLD en fonction des besoins de la population en développant plus de soins à domicile, ce qui a été déjà fait dans le passé. La preuve, on a passé de 3,5 places par 100 personnes de 65 ans et plus à 3,1 et on s'en va vers le 2,8. Donc, même sans l'assurance autonomie — et c'est là ce que je veux mettre dans mon propos, qui est bien important — la transformation du réseau est en train de se faire actuellement.

Et l'assurance autonomie n'est qu'une façon de financer et ne change rien dans l'approche au niveau de la transformation du réseau. Un exemple, au niveau des soins à domicile, les budgets sont déjà alloués, et le nouveau budget qui peut être mis en place peut être un budget protégé. On n'a pas besoin de l'assurance autonomie pour faire ça. Également, en mettant l'assurance autonomie en place, on met l'équivalent d'une grosse CSST pour les personnes âgées avec aussi des principes qu'il va y avoir des droits d'appel, mais la différence avec la CSST, la cotisation va être payée par la personne aînée ou par les citoyens. Donc, déjà, on voit à mettre en place une grande structure administrative de gestion pour dire qu'on fait quelque chose, alors que c'est en train de se faire actuellement.

La transformation du réseau est déjà commencée depuis... même avant notre gouvernement, dans le gouvernement libéral, ça s'est fait avec un certain virage ambulatoire, qui a été manqué à l'époque parce qu'il n'y a pas eu de réinvestissement de ressources; ça s'est fait avec l'approche du développement des ressources intermédiaires, plus d'argent au niveau des soins à domicile, parce que le principe, puis je l'ai dit à plusieurs reprises lorsque j'étais ministre de la Santé et des Services sociaux, c'est qu'il faut investir de plus en plus dans nos personnes à domicile. Et plus on va les garder longtemps à domicile, moins ils vont avoir besoin d'aller dans des ressources intermédiaires ou dans des lits de CHSLD. Même si on développe au maximum les ressources à domicile, il va demeurer qu'il y a des gens qui vont avoir besoin de services au niveau de ce qu'on appelle des ressources intermédiaires pour les semi-autonomes ou encore dans les CHSLD pour les personnes avec grande perte d'autonomie. Ça, je le crois aussi, puis je reconnais que le ministre le sait également, on ne fermera pas les CHSLD.

Également, dans notre transformation du réseau de la santé, les personnes qui sont en attente dans nos établissements de santé pour des lits de CHSLD, bien, théoriquement, on devrait développer les ressources nécessaires pour pouvoir les accueillir. Et également, dans l'assurance autonomie, le ministre reconnaît également qu'il y a une partie des gens qui sont en CHSLD actuellement qui devraient être dans des ressources adaptées. Puis moi, je suis allé visiter la Maison Martin-Matte, je crois que c'est dans les Laurentides, où tu as des gens qui sont des handicapés physiques, des jeunes adultes handicapés physiques qui maintenant habitent dans des maisons qui sont adaptées, et c'est ce qu'on doit faire également. On parle également des programmes pour la sclérose en plaques. Une personne qui a 30 ans, qui a une sclérose en plaques ne devrait pas être dans un CHSLD, à moins que sa condition ne permette vraiment pas... et peut demeurer le plus longtemps possible à domicile, ou encore avoir des ressources appropriées en termes de domicile.

Donc, mon propos aujourd'hui, Mme la Présidente, c'est : Pourquoi créer une grande structure bureaucratique, alors que nous avons déjà des outils de transformation du réseau de la santé? Et, je tiens à le dire, puis ça, c'est quelque chose que je pense qu'il faut qu'on le répète, ce que nous sommes en train de créer, là, c'est l'équivalent d'une CSST avec tout l'administratif nécessaire pour le gérer, avec des processus d'appel, alors qu'on peut, avec nos ressources régionales, par l'approche du CSSS, être capables de donner les mêmes services. La question : Pourquoi aller investir dans des fonctionnaires qui vont faire des évaluations puis qui vont gérer des anomalies ou encore des droits d'appel plutôt que d'investir directement aujourd'hui des infirmières, des préposés ou encore au niveau des aidants naturels? D'ailleurs, dans le projet du ministre de la Santé, les aidants naturels, je crois, voyaient une façon d'être rémunérés. Ce que l'on peut voir, les personnes qui sont des proches, il va y avoir des mécanismes de protection, comme le dirait l'article que le ministre a déjà écrit, de façon à s'assurer que, justement, il n'y ait pas ce type de possibilité.

Donc, quand on regarde à la fin, je pense qu'on est en train de mettre en place un moyen qui n'atteindra même pas les buts recherchés, parce que le temps de mettre ça en place va prendre des années, ça va coûter de l'argent. On n'a pas nécessairement tous les outils informatiques actuellement pour que ce soit développé. Donc, ça va prendre un certain temps avant de se mettre en place et, à la fin, ça va nous coûter plus cher en administration que ce qu'on pourrait développer en services directs aux patients.

Mme la Présidente, je voudrais juste rappeler au ministre qu'au cours des dernières années il y en a eu beaucoup, de travail de fait, hein? Il y a eu des ressources intermédiaires de développées, il y a eu des soins à domicile de développés et également il y a eu des CHSLD, où on a diminué la croissance au niveau des CHSLD pour justement ramener les ratios autour de 2,8 places par 100 personnes de 65 ans et plus. Et, juste pour donner un exemple, le secteur que je parlais ce matin, où est-ce qu'on ne mettra pas en place l'hémodialyse, eux ont fait la transformation. On peut même descendre jusqu'à 2,5 lits par 100 personnes 65 ans et plus, mais en faisant un travail très intensif au niveau des soins à domicile. Mais ça ne se fera pas dans une journée; ça pourra se faire sur plusieurs années. D'ailleurs, le ministre, quand il dit qu'il va aller chercher 350 millions en ressources au niveau des CHSLD, il ne le fait pas demain matin, il faut qu'il le fasse sur plusieurs années, et ses prédictions font qu'il ne sera pas capable de réaliser son projet en l'espace de deux ou trois ans.

(10 h 10)

Je pense qu'on peut atteindre le même but, et moi, j'offre ma collaboration au ministre pour regarder comment on peut faire pour faire cette transformation du réseau sans se créer une nouvelle bibitte ou une patente administrative, tout simplement en investissant encore plus dans nos établissements de santé via les CSSS, en mettant en place, oui, les recommandations, en protégeant les budgets et en mettant plus d'argent dans soins à domicile, dans les ressources intermédiaires pour qu'on atteigne le taux qui est acceptable.

Donc, quand on parlait des ressources intermédiaires, généralement, c'est un taux entre 0,6 et 0,8 par 100 personnes de 65 ans et plus. Au niveau des CHSLD, déjà, on est, d'après moi, à la veille d'atteindre le 2,8. Il pourrait y avoir du travail d'être fait si on investit plus dans les services à domicile, les soins à domicile, pour atteindre le 2,5.

L'autre élément, Mme la Présidente, sur lequel j'émets un doute, c'est que le ministre, pour passer son dossier, nous fait des prédictions pour 2050. Là, je vais lui conter une anecdote qu'il va entendre souvent, parce que je vais la conter souvent, là. C'est qu'en 1980 on avait prédit que tous les lits de courte durée au Québec seraient pris par les gens qui se feraient opérer pour la cataracte, hein? Ça fait que 30 ans plus tard, là, c'est une prédiction qui s'est révélée fausse. Pourquoi? Personne ne peut dire, dans 40 ans, comment va être le système de santé. Donc, de nous faire des prédictions en disant qu'on va sauver des coûts dans 30 ans, je pense que c'est un argument fallacieux qu'on devrait tout de suite retirer de l'argumentation puis de la discussion. On a de la misère à prédire ce qui va se passer dans cinq ans, parce que les technologies avancent. Nos gens, on est capables de les garder plus longtemps à domicile, on est capables de faire des chirurgies ambulatoires de plus en plus importantes. Donc, je ne vois pas comment est-ce qu'on peut prédire des coûts de santé dans 50 ans.

Et, également, puis je vais revenir dans quelques minutes, il y a des incohérences dans le discours du ministre, qui a évolué au cours du temps, que son discours du début est complètement différent du discours d'aujourd'hui. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre pour une période de 10 minutes. À vous la parole.

Réponse du ministre

M. Réjean Hébert

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Permettez-moi d'abord de saluer mes collègues de l'opposition : la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne, le député de Jean-Talon et de même que mes collègues de la partie gouvernementale, la députée de Masson et députée de Sainte-Rose.

Je suis accompagné aujourd'hui de MM. Cyril Malouet, Robert Bellefleur et Samuel Labrecque, qui sont dans mon cabinet, et du sous-ministre associé, Sylvain Gagnon, et également de d'autres personnes du ministère surtout liées à la Direction des personnes âgées : Chantal Maltais, Gilles Paradis, Marie-France Hallé et Annie-Ève Girard.

Je suis très heureux d'être ici et de vous entretenir de l'autonomie des personnes âgées, un sujet que je connais bien, Mme la Présidente. J'avais planifié faire une belle annonce dans le comté du chef de l'opposition officielle, mais malheureusement il y a des priorités, et la priorité, c'est d'être ici pour répondre aux questions de l'opposition sur l'assurance autonomie.

Permettez-moi, Mme la Présidente, de situer mon intérêt pour ce dossier. Je n'ai pas eu la chance de connaître mes grands-parents. J'ai connu ma grand-mère en fait, et qui est décédée lorsque j'avais 10 ans, ma grand-mère Léocadie, et qui était déjà, aussi loin que je m'en souvienne, dans un centre d'hébergement sur la Rive-Sud de Québec, et c'est le seul souvenir que je garde de ma grand-mère.

J'ai une génétique qui n'est pas favorable à un vieillissement puisque mes grands-parents et mes parents sont décédés de maladies cardiaques. Mes deux frères ont été opérés déjà pour des problèmes cardiaques. Donc, j'ai une génétique qui ne me prédispose pas à vieillir, Mme la Présidente.

Mais, nonobstant ça, j'ai, au cours de mes études de médecine, développé un intérêt pour les personnes âgées. J'ai une formation de médecine de famille. Je suis arrivé à la médecine de famille par choix et, comme je le dis souvent, je suis arrivé à la gériatrie par accident parce que j'ai développé un certain intérêt, et cet intérêt-là m'a poussé à faire une partie de ma formation en Europe, où il y avait déjà une science qui s'appelle la gériatrie et la gérontologie, qui étaient en plein développement.

Et j'ai eu la chance de travailler donc avec Robert Hugonot et Michel Philibert, un tandem assez inhabituel puisque Robert Hugonot était un médecin microbiologiste qui a fait sa carrière au Maroc et qui a été rapatrié, et, lors de ce rapatriement, on lui a confié un hôpital de soins de longue durée, un hospice, et il a décidé, plutôt que de prendre ça comme un temps... un purgatoire pour éventuellement avoir un service plus actif, plus intéressant, il a décidé de transformer cet hospice en un hôpital de gériatrie. Et Robert Hugonot était associé à Michel Philibert, un philosophe qui a écrit un livre qui a marqué les années 60, qui s'appelle L'échelle des âges, où il apportait une réflexion extrêmement intéressante sur le vieillissement et sur la place des aînés dans la société.

Alors, Robert Hugonot et Michel Philibert ont non seulement transformé le système de santé, le système hospitalier pour les personnes âgées, pour permettre qu'il y ait une réadaptation des personnes âgées, une réactivation, une promotion de l'autonomie, mais ils ont aussi fait en sorte de mettre en place des mesures préventives dans la cité pour que la cité accueille de façon beaucoup plus intéressante les personnes âgées et qu'on puisse ménager des conditions qui permettent à ces personnes âgées de conserver leur autonomie le plus longtemps possible, et donc ils ont mis en place des systèmes de prévention, des systèmes d'activité physique pour les personnes âgées. Et cette formation en Europe a été vraiment mes premiers pas au niveau de l'autonomie. J'ai d'ailleurs rédigé un mémoire qui s'appelait Prévenir les pathologies de la dépendance, pour une prévention des dépendances pathologiques, c'est-à-dire comment est-ce qu'on peut favoriser l'autonomie fonctionnelle, et, dans ce mémoire, en exergue, je dédiais ce mémoire à mes parents, qui étaient autonomes et heureux. Mes parents étaient déjà âgés à cette époque-là, parce que je suis le dernier d'une famille de trois enfants, ma mère avait 42 ans lorsque je suis venu au monde. Donc, mes parents étaient déjà âgés, et je leur souhaitais «que Dieu et la société leur permettent de vivre autonomes le plus longtemps possible». Et, effectivement, ils sont demeurés autonomes, les deux sont décédés d'une brève maladie cardiaque et ils n'ont pas eu de perte d'autonomie significative avant le décès. Et je pense que ce voeu, je le souhaite à toutes les personnes âgées du Québec. Et c'est ce travail sur l'autonomie fonctionnelle des personnes âgées qui m'a amené à m'intéresser, d'une part, à la gériatrie et, d'autre part, à l'autonomie fonctionnelle.

Ce travail m'a permis de concevoir un outil d'évaluation de l'autonomie fonctionnelle — parce que ce n'est pas tout d'en parler, il faut la mesurer — et cet outil, le système de mesure de l'autonomie fonctionnelle, a été adopté dans plusieurs pays, notamment au Québec depuis 1988, et a été intégré dans l'outil d'évaluation clientèle qui est actuellement utilisé dans tout le réseau pour évaluer les besoins des personnes âgées et des personnes handicapées qui sont en perte ou en quête d'autonomie, selon leur situation. C'est un outil qui évalue donc les incapacités de la personne, c'est-à-dire les limitations fonctionnelles, les restrictions dans les activités, mais qui évalue également à quel point les ressources en place permettent de compenser cette incapacité dans le but de dégager la présence ou non d'un handicap. Et notre tâche comme professionnels, comme réseau de la santé, c'est de faire en sorte de diminuer les incapacités par de la réadaptation, par de la chirurgie — on pense au remplacement d'une hanche, par exemple, qui est abîmée par l'arthrose — par une médication, ou encore d'améliorer les ressources qui sont en place pour compenser l'incapacité, de sorte qu'on retrouve un état d'autonomie en dépit d'une incapacité. Alors, cet outil permet donc d'avoir cette évaluation de l'autonomie.

(10 h 20)

J'ai, par la suite, Mme la Présidente, donc, de retour au Québec, été en mesure de mettre en place un certain nombre de structures, de services pour mieux répondre aux besoins des personnes âgées, notamment l'hôpital de jour, les unités d'évaluation et les unités de réadaptation fonctionnelle intensive, et j'ai eu la chance également, à ce qui était à l'époque l'Hôpital D'Youville de Sherbrooke, qui est devenu l'Institut universitaire de gériatrie, de concevoir le premier programme-cadre pour les soins de longue durée. Il n'y avait pas à l'époque de programmation-cadre pour les CHSLD, et j'ai eu l'occasion de travailler à la réalisation de ce premier programme-cadre pour les soins de longue durée. Ensuite, j'ai donc participé à la formation, que ce soit la formation des professionnels ou encore la formation des chercheurs, puisqu'on a mis en place le premier programme de maîtrise en gérontologie et le premier programme de doctorat en gérontologie. Et, depuis 1988, j'ai travaillé en recherche, d'abord comme directeur du Centre de recherche sur le vieillissement, et ensuite comme directeur du réseau de recherche sur le vieillissement, et directeur de l'Institut du vieillissement et des Instituts de recherche en santé du Canada.

Et ces travaux de recherche m'ont amené à m'intéresser, d'une part, à l'autonomie, bien sûr, mais aussi à l'organisation des services de santé pour les personnes âgées en perte d'autonomie, et on a développé un nouveau mode d'intégration des services qui s'appelle PRISMA, et qui est actuellement en implantation dans tout le réseau de la santé, et qui est basé autour de gestionnaires de cas qui évaluent les besoins des personnes et s'occupent que la personne puisse avoir le bon service au bon moment par la bonne organisation, ces gestionnaires de cas qui n'ont de gestionnaire que le nom puisqu'ils sont des cliniciens qui sont parfois des infirmières, des travailleurs sociaux ou d'autres professionnels de la santé. Et ces professionnels, donc, évaluent les besoins de la personne, sont des courtiers de service, et on va leur confier, dans le cadre de l'assurance autonomie, d'autres responsabilités puisqu'ils auront les leviers qui leur permettront d'obtenir, de façon concrète, les services dont la personne a besoin et d'évaluer, de suivre la qualité des services qui seront mis en place.

Alors, Mme la Présidente, ce parcours m'a amené des frustrations, frustrations de voir que notre gouvernement ne prenait pas les mesures nécessaires pour être capable de répondre adéquatement aux besoins d'une société vieillissante, notamment par un manque d'accès aux services à domicile et un manque de vision par rapport aux services qui doivent être mis en place et à la façon dont ces services peuvent être financés, Mme la Présidente. Et c'est cette grande frustration qui m'a amené à aller porter ce message sur l'espace public en m'engageant en politique. Et c'est donc la motivation qui m'amène aujourd'hui à travailler sur un nouveau mode de financement et de gestion des services pour les personnes âgées en perte d'autonomie qu'est l'assurance autonomie, et j'aurai l'occasion d'y revenir, Mme la Présidente.

Argumentation

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Nous allons maintenant entamer la période d'échange. M. le député de Jean-Talon, vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. D'abord, je suis content que le ministre reconnaisse qu'il y a eu beaucoup de travail de fait dans le réseau, parce qu'il a décrit, justement, toute la continuité des services puis également toute l'accessibilité des services qui est en train de se développer actuellement. Et on reconnaît qu'il y a eu des beaux travaux de faits, également l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, également au centre du vieillissement de Québec, où ce sont tous des gens qui ont à intérêt les personnes aînées.

Et, ce que le ministre vient de décrire, le travail est déjà commencé depuis plusieurs années. La question, ce n'est pas si c'est ça qui doit être fait, nous savons que c'est ça qui doit être fait, et c'est ça qui doit être continué. La question, c'est : Est-ce qu'on doit créer une CSST des personnes aînées, avec un financement que je vous dirais difficile à trouver? Et, juste pour vous dire, Mme la Présidente, le ministre a évolué dans son discours. Avant d'être ministre, il nous parlait que ça prenait de la capitalisation et puis qu'il fallait être capable de penser aux générations futures. Mais, lors de la campagne électorale de 2012, la première ministre, à l'époque, qui était en élections, a dit qu'on ne pouvait pas capitaliser. Le ministre a changé son discours : maintenant, il n'était plus nécessaire de capitaliser. Dans l'article qu'il a écrit en 2012, il parlait de capitalisation au moins... au moins, en partie, capitaliser.

À un moment donné, il parlait que, oui, on va donner l'argent, et la personne va décider qu'est-ce qu'elle va faire avec. La question lui avait été posée : Est-ce qu'on va pouvoir utiliser le privé? La réponse, à l'époque, était oui. Bien là, depuis quelque temps, surtout depuis que les syndicats ont compris que ce qu'ils présentaient, ça ressemblait beaucoup à PPP, hein, c'est-à-dire qu'on prend de l'argent du public puis on offre aux entreprises privées de pouvoir y participer. Donc, il y a une bonne partie, peut-être, des gens qui iraient vers ça. Là, il a fermé la porte à ça. Là, il est moins sûr qu'il va embarquer le privé, on parle d'économie sociale. Même principe qu'avec l'échographie, on devait la rendre accessible facilement, où, actuellement, on dit : Bien, on va plutôt développer dans le public, donc, les ressources ne seront peut-être jamais là. Donc, est-ce que ça va devenir un service public? C'est une question qu'on doit se poser. Donc, il a dit, comme je vous le disais, le ministre nous a dit qu'il y avait une ouverture au privé, puis il l'a fermée par la suite, là. Il faudrait qu'il nous clarifie où on va se situer par rapport à ça. Puis je comprends qu'il ne peut pas tout nous dire par rapport à un livre blanc qui s'en vient, mais ça nous pose des questions.

Au début, il devait mettre beaucoup d'argent, hein, on parle de centaines de millions de dollars. Par la suite, bien, il s'est fait dire que, dans le contexte des finances actuel, ça serait à coût nul. Le ministre a dit, à un moment donné, qu'il pourrait se financer à partir des mines. Là, les mines, il n'y aura plus de rendement dans les mines, il faut chercher autre chose. On était rendus dans l'hydroélectricité. L'hydroélectricité est moins rentable. Là, on est rendus qu'il faut chercher ailleurs des sources de financement. Donc, c'est inquiétant, parce que, ce qu'on pensait où qu'il y aurait beaucoup d'argent où ce qu'on irait se financer de façon indirecte par des taxes ou par de l'impôt, ce n'est pas disponible. Également, il n'est pas question d'augmenter les impôts. Mais, à un moment donné, ça va prendre quelqu'un qui va payer ces services-là. Là, ce qu'on a trouvé récemment, c'est qu'on a fait l'enveloppe du budget global, puis il a dit : Bien, on va récupérer, on va enlever les crédits d'impôt, 600 millions de dollars. Là, il faudrait être clair, puis dire aux personnes aînées, là, que les crédits d'impôt qu'ils ont actuellement pour justement les aider à demeurer à domicile, avoir une meilleure vie, ça… n'en aura plus.

Après ça, c'est sûr que... Je pense que c'est le ministre qui a participé au rapport du Vérificateur général, où le Vérificateur général dit : Il faudra augmenter les revenus. Aujourd'hui, Mme la Présidente, le Québec a décidé que, pour ses aînés, qu'il paierait moins, peut-être, que ce que ça coûte pour vivre en CHSLD. Et, au Québec, ça nous coûte maximum 12 157 $. Bien, l'Ontario, c'est 18 936 $, puis ça va jusqu'à Terre-Neuve, 33 600 $ par année. Bien là, le ministre, il a dit que, oui, il fallait que les gens paient plus. Mais, si on se rend juste à la moyenne canadienne, on va probablement être autour de 23 000 $, 24 000 $. Est-ce qu'il va falloir que les personnes aînées portent le carré rouge pour dire qu'une augmentation de 70 % ne fait pas de sens? En passant, il va falloir que ce soit un discours cohérent au niveau du gouvernement, qui a refusé une augmentation au niveau des étudiants, mais qui, demain matin, augmenterait de 70 % les frais dans les CHSLD. On ne fera pas une transformation pour 1 000 $.

Donc, c'est récupération de crédits d'impôt, augmentation de contribution des usagers. Et le ministre a été clair aussi, ça va être universel, mais pas gratuit. Il y a une cotisation en fonction de la capacité à payer. Est-ce que ça veut dire que quelqu'un qui va recevoir des soins à domicile, qui a une capacité à payer, devrait, à ce moment-là, si ça lui coûte 10 000 $, l'assumer elle-même si elle a les moyens? Parce que, de toute façon, elle serait en CHSLD, ça lui en coûterait... peut-être qu'avec les nouveaux calculs du ministre ça va monter autour de 20 000 $.

Donc, au niveau financier, ça commence à être à risque. Il faut se poser des questions. On est-u en train de se créer une CSST où ça va nous coûter trois fois plus cher en cotisant que ce qu'on a en services? Ça, c'est la question que je pose au ministre, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le ministre pour une période de cinq minutes.

M. Hébert : Quand on parle d'assurance autonomie, il faut, d'une part, bien réaliser que cette assurance autonomie arrive une fois que la perte d'autonomie de la personne est effective. Il faut agir bien en amont, Mme la Présidente. Et la meilleure assurance autonomie qu'on puisse trouver, c'est d'être capables, dans notre réseau de la santé et des services sociaux, de prévenir, de prévenir la perte d'autonomie, de prévenir les maladies chroniques. La grande majorité des maladies chroniques qui sont à l'origine des incapacités et de la perte d'autonomie sont des maladies qui peuvent être prévenues si on agit en amont, Mme la Présidente. Et c'est pour ça que nous voulons développer une politique, une politique de prévention, une politique gouvernementale, pour être en mesure de diminuer le nombre de maladies chroniques au niveau de la population, et surtout, à moyen et à long terme, au niveau des populations qui vont devenir vieillissantes.

Et cette politique, donc, va inclure, en plus de la lutte au tabagisme, va inclure une meilleure alimentation, va inclure des activités pour promouvoir la pratique régulière d'activité physique et va inclure des mesures de dépistage, de façon à détecter des maladies comme le cancer, par exemple, qui peuvent être traitées beaucoup plus efficacement, avec beaucoup moins d'invalidité si elles sont traitées plus tôt.

Et, si je prends mon exemple personnel, je vous disais tout à l'heure, Mme la Présidente, que j'ai une génétique qui ne me prédispose pas à un vieillissement, hé bien, moi, j'ai décidé de prendre ma santé en main par un changement dans mon alimentation et un changement dans ma pratique de l'activité physique. Ce matin, j'ai fait encore mon 1 h 30 min de gymnase pour être capable d'être en meilleure forme. Et grâce à ça, Mme la Présidente, j'ai pu diminuer du quart la médication que je prenais pour l'hypertension et j'ai pu arrêter la médication que je prenais pour diminuer le cholestérol dans le sang. Juste la pratique d'activité physique et une alimentation plus saine permet de diminuer de façon importante la médication et permet d'améliorer mes chances de survivre, Mme la Présidente, sans avoir une perte d'autonomie.

(10 h 30)

Il faut aussi, si on veut une assurance autonomie, être capable que les maladies chroniques puissent être bien suivies. Parce que, si elles ne sont pas bien suivies, ces maladies chroniques que sont le diabète, les maladies pulmonaires, les maladies cardiaques, l'hypertension artérielle, bien, il y a un risque, il y a un risque d'accident vasculaire cérébral, il y a un risque d'insuffisance rénale, il y a un risque, donc, d'invalidité et de perte d'autonomie.

Il faut donc insister sur la première ligne, Mme la Présidente, et c'est pour ça qu'une stratégie extrêmement importante et prioritaire de notre gouvernement, c'est d'améliorer l'accès de tous les citoyens, particulièrement des personnes âgées, à un médecin de famille. Non seulement à un médecin de famille, mais également à l'ensemble des professionnels qui, avec leurs médecins de famille, vont permettre que les maladies chroniques soient traitées, suivies et stabilisées de façon à éviter qu'on ait recours à la salle d'urgence, de façon à éviter qu'on ait recours à l'hospitalisation, de façon à éviter des catastrophes qui vont entraîner une perte d'autonomie, Mme la Présidente, qui, dans bien des cas, ne pourra pas être renversée.

Et je pense que ce suivi par le médecin de famille est extrêmement important, et nous allons compléter le réseau des groupes de médecins de famille. Nous allons aussi corriger la situation, qui n'a jamais été corrigée par le gouvernement précédent, où les groupes de médecins de famille ne remplissent pas leurs contrats, Mme la Présidente. Ils ne remplissent pas, dans 40 % des cas, leurs cibles d'inscription, ils ne remplissent pas dans 43 % des cas ce qu'on leur demande en termes d'heures d'ouverture le soir et la fin de semaine. Et on paie pour ça, les Québécois paient pour des groupes de médecins de famille autour de 400 000 $ à 500 000 $ par groupe de médecins de famille, et ils n'obtiennent pas les services pour lesquels l'État a payé. Alors, il est important qu'on puisse corriger la situation. Il est important qu'on puisse investir davantage pour doter les groupes de médecins de famille de d'autres professionnels, on pense aux infirmières, aux infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne. Mais il y a aussi des travailleurs sociaux, des intervenants psychosociaux pour les problèmes de santé mentale, des inhalothérapeutes pour les problèmes pulmonaires, des diététistes pour l'ajustement d'une diète, et, pourquoi pas, des kinésiologues pour qu'on puisse utiliser cet outil thérapeutique extrêmement puissant qu'est l'activité physique pour être capable de juguler des problèmes d'hypertension, des problèmes de cholestérol ou des problèmes pulmonaires ou cardiaques.

Alors, il est important qu'on puisse donc avoir en première ligne les services nécessaires pour prévenir la perte d'autonomie et faire en sorte qu'on n'ait pas besoin de recourir à une assurance autonomie parce qu'on aura été autonomes et libres de maladies chroniques et d'invalidité.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à Mme la députée de Masson, du côté ministériel. À vous la parole.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, Mme la Présidente. Alors, effectivement on parle de vieillissement de la population. On sait que le vieillissement de la population entraîne un changement majeur dans la façon d'offrir des soins aux aînés. Les temps changent et apportent des défis importants à relever à ce niveau-là. Nous sommes passés d'une prépondérance de maladies aiguës au siècle dernier à celle de l'ère où les maladies chroniques, comme M. le ministre vient de le mentionner, où les maladies chroniques sont de... beaucoup plus présentes actuellement. C'est un phénomène qui est là dans le vieillissement de la population. C'est un phénomène important à tenir compte. Donc, le système de la santé centré sur l'hôpital développé aux XIXe et XXe siècles pour faire face aux maladies aiguës et infectieuses est de moins en moins approprié pour répondre aux besoins de la population vieillissante de notre XXIe siècle.

Notre système de santé, on pense qu'il doit être repensé et recentré pour être capable justement de faire face à ces nouveaux défis là qui sont devant nous. Alors, comme chercheur, notre ministre Dr Hébert l'a mentionné tout à l'heure, son travail a porté principalement sur ces aspects-là. Alors, il en a fait une priorité dans sa vie. Donc, c'est important de pouvoir compter sur son expertise. Alors, j'aimerais que notre ministre puisse nous parler des grands enjeux actuels auxquels est confronté notre système de santé québécois face au vieillissement, et comment nous allons faire face à celui-ci aujourd'hui pour que demain soit amélioré, parce qu'on sait que, si on laisse les situations se détériorer et qu'on ne les prend pas en considération maintenant, demain nous rattrapera très rapidement.

Alors, M. le ministre, j'aimerais vous entendre là-dessus. Merci.

La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le ministre.

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la députée de Masson. Effectivement, le Québec vit actuellement un vieillissement important de sa population. En fait, le Québec vivra le vieillissement de sa population sur une période extrêmement concentrée. Alors que les pays européens ont présenté ce passage d'une population jeune à une population vieille sur une période d'environ 50 à 60 ans, nous, on va faire les choses de façon accélérée en une trentaine d'années. En fait, le seul pays qui a un vieillissement plus rapide que le nôtre, c'est le Japon, qui a déjà dépassé les 25 % de personnes âgées, ce qui nous arrivera dans une quinzaine d'années, Mme la Présidente. Mais le Japon a vécu un vieillissement extrêmement accéléré et le Japon a d'ailleurs mis en place une assurance autonomie il y a une douzaine d'années, avec beaucoup de succès, pour répondre justement à ce vieillissement accéléré.

Notre système de santé a été, il est vrai, basé autour des hôpitaux qui étaient, à l'époque où le système de santé a été conçu, la meilleure réponse à une population jeune qui présentait des maladies aiguës. Avec le vieillissement de la population, on a surtout des maladies chroniques, et on voit, chaque jour, chaque jour, Mme la Présidente, des exemples, des illustrations de l'inadaptation de notre système de santé au vieillissement de la population. L'engorgement des salles d'urgence, l'occupation de lits d'hôpitaux par des malades en attente de soins de longue durée en sont deux exemples patents.

Pourquoi? Parce qu'il faut recentrer le système de santé non pas autour de l'hôpital, mais autour de là où vivent les gens pendant de longues périodes de temps avec leurs maladies chroniques, c'est-à-dire autour du domicile, et c'est cette opération qu'il est important de faire actuellement au Québec. Et, comme je le disais dans ma réponse précédente, on doit faire cette opération en accentuant la prévention, les soins de première ligne et, si on veut travailler en aval de l'hospitalisation, les soins à domicile pour les personnes en perte d'autonomie. Et il faut donc faire en sorte que, pour une personne en perte d'autonomie qui n'a pas le privilège d'avoir un proche aidant, souvent une proche aidante qui s'épuise à lui donner des soins, cette personne-là n'a qu'une seule option, c'est le CHSLD, et le Vérificateur général soulignait avec beaucoup de justesse qu'une grande partie des gens qu'on dirige en CHSLD en fait pourraient recevoir des services dans d'autres structures ou à domicile, mais vu l'insuffisance des services à domicile, bien, ils sont obligés de recourir aux CHSLD, d'où, d'où le blocage en aval de l'hôpital, d'où l'attente des gens pour avoir une place en CHSLD, et cette attente-là peut être faite à l'hôpital avec une occupation des lits qui, par effet domino, fait en sorte que l'urgence est encombrée et qu'on n'a pas accès au système de santé.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à Mme la députée de Saint-Henri—Saint-Jean, de l'opposition officielle. À vous la parole.

Mme Blais : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je suis heureuse de constater que le ministre reprend les mesures qui sont contenues dans la politique Vieillir et vivre ensemble au sujet de la prévention et d'une saine alimentation. Par ailleurs, on ne répond pas aux questions concernant toute la question autour de l'assurance autonomie, et la rencontre d'aujourd'hui est extrêmement importante pour les aînés et les familles qui nous écoutent et nous regardent, plus importante peut-être qu'une annonce au Lac-Saint-Jean.

Je regarde La Presse du 23 avril dernier, où le ministre souligne que le gouvernement avait toujours l'intention que le projet se fasse à coût nul, on parle d'assurance autonomie : «…pas besoin d'une cotisation supplémentaire des contribuables, à moins qu'on veuille "capitaliser" la caisse pour les générations futures.»

Quand je lis son article, L'assurance autonomie : une innovation essentielle pour répondre au défi du vieillissement, publié en 2012 et qu'il a déposé en 2011, quand il parle des principes de l'assurance autonomie, le deuxième principe, c'est la solidarité financée publiquement à partir d'un mode de taxation spécifique, impôt sur le revenu ou taxe de vente ou de cotisations. Un peu en amont, il écrit : «On note maintenant dans plusieurs pays une variété des sources de financement qui incluent l'impôt, comme c'est le cas en [Espagne], au Japon, en Corée du Sud, [en France, au Luxembourg].»

À la page 9 : «Comment financer cette caisse? Une partie du financement est déjà incluse dans le budget actuel de la santé et des services sociaux, soit les 2,8 milliards de dollars consacrés actuellement aux soins de longue durée. On peut toutefois ajouter à cette contribution les quelques 606 millions consacrés chaque année aux multiples programmes de crédits d'impôt : pour maintien à domicile, pour aidants naturels, pour répit à un aidant naturel, pour services médicaux touchant l'invalidité.» Et il écrit : «…ils sont souvent utilisés au bénéfice des résidences privées d'hébergement qui aident leurs résidents à compléter les formulaires de demandes souvent complexes.» J'aimerais ici rectifier le tir. Nous avons modifié le formulaire, qui est maintenant indexé au bail et qui est beaucoup plus simple. D'autant plus que c'est le Parti québécois qui a mis en place, en 2000, le crédit d'impôt remboursable pour maintien à domicile. L'AQRP, qui est une association de retraités des secteurs public et parapublic, mentionne, dans son communiqué du 7 mai… et demande au ministre de maintenir les crédits d'impôt.

• (10 h 40) •

Le ministre écrit aussi que l'assurance autonomie «remplacerait aussi les mesures de financement direct implantées au cours des dernières années[, soit l'allocation] directe, programme d'exonération financière pour le soutien à domicile». Il mentionne qu'«il faut réaliser que nous devrons tous payer davantage pour d'éventuelles pertes d'autonomie, soit par le biais de nos impôts, soit par des assurances privées, soit directement par l'achat de services, soit encore en nature par la prestation bénévole dans le rôle de proche aidant». On constate, Mme la Présidente, que ça ne peut se faire à coût nul.

Une chercheuse professeure au Département de relations industrielles, qui est Mme Louise Boivin, écrit que «l'organisation des services que le ministre […] veut instaurer avec l'assurance autonomie — et ça, c'est en date du 30 avril 2013 — étendrait un modèle qui est déjà en vigueur depuis la dernière réforme du système de santé et de services sociaux de 2003. Les services d'aide à domicile sont organisés en réseaux sur chacun des 95 territoires administratifs du Québec; ils sont coordonnés par les centres de santé et de services sociaux de chaque de territoire, mais ils peuvent être dispensés par des prestataires publics ou privés».

Moi, la question que je pose au ministre : Pourquoi ne pas renforcer le système qui est déjà en place plutôt que d'inventer une nouvelle structure administrative?

Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

La Présidente (Mme Beaudoin) : Oui. Il vous reste quelques minutes.

Mme Blais : Mon collègue... Et je n'ai pas pris la peine, tout à l'heure, de saluer les gens qui étaient ici alors je vais prendre la peine de saluer les gens du ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministre lui-même, le député de Jean-Talon, et la députée d'Arthabaska.

Alors, la question : Pourquoi faire en sorte qu'il y ait une nouvelle structure administrative plutôt que de protéger des enveloppes dédiées pour les soins à domicile et qu'on puisse demander aux CSSS de tout le territoire du Québec de pouvoir allouer ces sommes-là? Il me semble que le système est en place, et nous sommes pour une assurance autonomie, mais nous sommes aussi pour une logique organisationnelle. Ça coûte déjà assez cher, il manque de l'argent, et il faut que notre système soit équilibré entre les CHSLD et le maintien à domicile. Merci.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Hébert : Merci, Mme la Présidente. En fait, je me réjouis et je suis très honoré que mes collègues de l'opposition officielle aient lu mon article scientifique et je pense que c'est la consécration de mon travail puisque... Mais j'aurais aimé, j'aurais aimé qu'ils le lisent bien avant et j'aurais aimé qu'ils lisent aussi les nombreux articles que j'ai écrits auparavant.

J'aurais aimé qu'ils lisent également mon rapport lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés puisqu'il a fallu cinq ans au gouvernement précédent avant d'accoucher d'une politique sur le vieillissement, une politique qui en fait était beaucoup plus un catalogue des différents programmes gouvernementaux qui existaient qu'une réelle politique avec une vision, Mme la Présidente, avec des objectifs précis et avec une stratégie claire pour permettre à nos aînés de pouvoir rester à la maison, de pouvoir rester là où ils ont choisi de vivre et de pouvoir bénéficier des services dont ils ont besoin en cas de perte d'autonomie. Parce que ce qui nous attend, Mme la Présidente, c'est un vieillissement qui est prévisible, qui est attendu.

Quand on parle de tsunami gris pour parler du vieillissement de la population, on nie une réalité, qui est que ce vieillissement de la population, il est hautement prévisible. Ce n'est pas vraiment un tsunami, c'est plutôt un iceberg, Mme la Présidente. On le voit, il était au loin, il se rapproche, et le paquebot du réseau de la santé est en train d'aller droit dessus. Et vous savez ce qui est déjà arrivé : il y a un célèbre paquebot, il a coulé, Mme la Présidente. Il est important que ce paquebot puisse faire un changement de cap de façon à contourner, à s'adapter au vieillissement de la population, et c'est ce que nous sommes en train de faire avec la mise en place d'une stratégie concrète pour prioriser les soins à domicile.

Sous le gouvernement précédent, je me souviens de promesses électorales en 2008, je m'en souviens parce que j'ai participé à cette campagne électorale, on avait promis, chez les libéraux, 400 millions de plus dans les soins à domicile. Il y a eu à peine 50 millions en quatre ans, qui ont été ajoutés au maintien à domicile, de sorte qu'on se retrouve actuellement avec un maintien à domicile qui est marginal dans le financement du système de santé. En fait, 500 millions de dollars seulement sont consacrés au maintien à domicile. Nous, depuis que nous sommes en poste, nous avons, dans une situation budgétaire extrêmement difficile qu'on a héritée du gouvernement précédent avec un déficit sans précédent et une dérive des dépenses publiques… En dépit de ça, en dépit de l'objectif d'atteindre un équilibre budgétaire dans l'année budgétaire actuelle, on a décidé d'investir 110 millions de plus dans les soins à domicile. C'est plus de 20 % d'augmentation. Notre engagement, c'est 500 millions en une année. On a livré. On a livré sur un engagement qui est ferme. 110 millions de plus, donc, ça passe le budget au-dessus de 600 millions dans le maintien à domicile.

Et ces 110 millions, Mme la Présidente, vont nous permettre de mieux financer les services à domicile qui sont prodigués par les établissements, mieux financer les services à domicile qui sont prodigués par les entreprises de l'économie sociale, Mme la Présidente, qui sont très actives et dont on veut élargir le mandat pour ne pas simplement se concentrer sur les tâches domestiques mais aussi englober l'aide à la vie quotidienne, c'est-à-dire l'aide pour aider les personnes à se laver, à s'habiller et à faire leur entretien habituel. Un investissement qui va nous permettre de mieux financer les organismes communautaires, un investissement qui va nous permettre de mieux financier des organismes en soins palliatifs à domicile, un investissement qui nous permet de compléter le réseau intégré de services aux personnes âgées, un réseau intégré qui est basé sur le programme PRISMA, qui a fait l'objet de mes travaux de recherche dans le passé et qui est basé autour du gestionnaire de cas et de tables de concertation locales qui permettent vraiment de pouvoir mieux coordonner l'ensemble des acteurs qui sont impliqués dans les soins à domicile.

Vous savez, le domicile, c'est un carrefour beaucoup plus complexe que l'hôpital. Alors, si on veut décentrer les services autour du domicile, il faut donc avoir une structure qui permette de coordonner, de mieux coordonner les services, de mieux les intégrer. Et donc ça prend des tables de concertation, ça prend un guichet d'accès unique, ça prend un gestionnaire de cas qui procède à l'évaluation et au courtage de services, ça prend un dossier clinique informatisé pour favoriser les communications et ça prend un plan de services individualisé qui permet que la personne puisse recevoir le bon service au bon moment par la bonne organisation.

Alors, ces réseaux intégrés pourront être complétés. On s'est traîné les pieds au cours des dernières années, puisque cette implantation n'était réalisée qu'à 60 %. Il faut vraiment dépasser 70 % et les travaux que nous avons faits le démontrent...

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre.

M. Hébert : ...pour avoir un impact réel.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Alors, la parole est maintenant à Mme la députée de Masson, du côté ministériel. À vous la parole.

Mme Gadoury-Hamelin : Merci, Mme la Présidente. Vous avez parlé, M. le ministre, d'iceberg. Effectivement, je pense que le vieillissement de la population québécoise, c'est un phénomène important que l'on prédit depuis plusieurs années. Puis on s'y rapproche techniquement très rapidement. Dans mes notes ici, j'ai quelques chiffres qui vont justement illuminer ce qu'on vient d'avancer à propos de l'iceberg qui s'annonce.

En 2011, les Québécoises et les Québécois de 65 ans et plus représentaient 16 % de la population. Ils cumuleront en 2031 26 % de la population, soit environ 2 000 263 personnes de plus. À chaque année, la population des 65 ans et plus croît en moyenne de 50 000 personnes. Alors, c'est important. De son côté, la proportion des personnes aînées de 75 ans et plus — on sait que les gens vieillissent de plus en plus tardivement, les gens vivent plus vieux — représente actuellement 7 %, les gens de 75 ans et plus. Et elles vont doubler leur part de présence en passant à 13 % au cours de cette même période. Donc, c'est très, très important, le volume de personne aînées avec lesquelles nous devrons composer. Et c'est très, très accentué.

(10 h 50)

Donc, le vieillissement de la population se traduit aussi par l'augmentation du nombre de personnes présentant des problèmes de santé chronique. On en a parlé tout à l'heure, c'est une situation qui concerne 81 % des personnes de plus de 65 ans vivant à domicile. Dans ce contexte, une étude de l'Institut de la statistique du Québec réalisée en 2010 prévoit que le nombre d'aînés présentant des problèmes liés à des pertes d'autonomie devrait doubler d'ici 2031.

Alors, dans le contexte où l'on poursuit le statu quo traditionnel, que l'équipe libérale semble privilégier depuis les dernières semaines, parce qu'on entend parler beaucoup de places en CHSLD, et ce genre de besoin là... Donc, dans ce contexte-là, est-ce que M. le ministre... Pouvez-vous nous informer, vous, de l'impact budgétaire pour le Québec, si on ne fait rien, si on ne bouge pas et si on adopte le statu quo dans cette situation-là, si rien de novateur n'est entrepris pour solutionner la problématique du vieillissement de la population?

Alors, Dr Hébert, ministre de la Santé, j'aimerais ça vous entendre sur ce sujet-là.

La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le ministre, à vous la parole.

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la députée de Masson. Effectivement, comme je le disais, on a un vieillissement anticipé qui est là à nos portes. Et, quand on regarde ce qu'on consacre aux soins à long terme, au Québec, par rapport aux autres pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique, on constate que 1,2 % du budget du produit intérieur brut de notre pays est consacré aux soins à long terme, un peu plus de 3 milliards. Et ce 1,2 % nous place dans la moyenne inférieure des pays de l'OCDE. Il y a des pays comme les pays scandinaves qui consacrent plus de 3 % de leur PIB aux soins à long terme, surtout les personnes âgées.

Ce que l'OCDE est en mesure de faire, c'est de prévoir ce qui arrivera au cours des prochaines décennies. Et l'OCDE donne un horizon de 2050. Le député de Jean-Talon peut trouver que c'est loin, mais c'est l'OCDE qui donne cet horizon-là et nous dit que, pour un pays comme le Québec, si le vieillissement se réalise — et, ce vieillissement-là, comme je le disais tout à l'heure, c'est un iceberg, il va se réaliser, on a toutes les données, la démographie est implacable — on sera, à ce moment-là, à 3,2 %, 3,3 % du PIB, juste à cause de l'effet du vieillissement. Et l'OCDE nous dit que, si on est capables de changer notre mode de prestation de services vers des soins à domicile… Actuellement, on ne consacre que 15 % à 17 % du budget des soins à long terme au domicile, on est les cancres internationaux dans le peu d'investissements dans les soins à domicile. Tous les autres pays font mieux que nous : la France est à 40 % de son budget de soins à long terme pour le domicile, le Danemark à 73 %. On est le pays... le dernier de classe sur l'investissement dans les soins à domicile. Alors, l'OCDE nous dit : Si vous continuez comme ça, vous allez être à 3,2 %, mais, si vous faites vraiment un virage vers les soins à domicile, vous allez descendre à 2,4 %, ça c'est 0,8 % du PIB que n'auront pas à payer mes enfants et mes petits-enfants pour ma perte d'autonomie, Mme la Présidente. C'est plus de 3 milliards de dollars.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à la députée d'Arthabaska pour une période de cinq minutes également, du côté du deuxième groupe de l'opposition officielle.

Mme Roy (Arthabaska) : Merci, Mme la Présidente. Je veux remercier M. le ministre, mes collègues pour avoir mis sur la table cet important enjeu que sont nos aînés. Pour continuer sur ce que disait M. le ministre, nous sommes les cancres au niveau du maintien à domicile, mais, par contre, moi, j'ai la chance d'être dans le comté d'Arthabaska, où ils ne sont pas les cancres au niveau du Québec dans le maintien à domicile.

Ils sont franchement les champions, allons dire comme ça, du maintien à domicile parce que, chez nous, le taux de mortalité à domicile est de beaucoup plus élevé que la moyenne québécoise et que la moyenne canadienne. Pourquoi? Parce que je rencontre régulièrement M. Charland, qui s'occupe de l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska. Pourquoi? Parce que les autorités, au niveau des soins de santé, des organismes communautaires, et les entreprises, et le monde scolaire, et le monde municipal travaillent ensemble. Et puis parce qu'on a fait confiance, à une époque, maintenant dévolue, en donnant des enveloppes qui n'étaient pas attachées, qui n'étaient pas, comme on dit dans le jargon, taggées. On a fait confiance à ces administrateurs-là puis à ce milieu-là pour se doter de ce qu'ils avaient de besoin.

Moi, vous parler d'autonomie, d'une caisse autonomie… Mais est-ce qu'on pourrait rendre un peu plus autonomes nos organismes, leur faire un peu plus confiance puis leur permettre d'évoluer selon la personnalité de leur comté, ou de leur région, ou de leur clientèle? C'est comme ça qu'ils sont devenus les meilleurs dans ce... en le disant, en ayant une vision de l'avenir. Lorsqu'on envoie des projets mur à mur et puis qu'on décide de faire, partout au Québec, en Abitibi comme à Percé, la même chose, forcément, ça ne convient pas à tout le monde. Et, moi, j'appelle M. le ministre à avoir plus de souplesse, à faire plus de confiance aux gens du milieu pour se doter de ce dont ils ont besoin. Les réalités géographiques sont différentes à Montréal que sur la Côte-Nord. Les soins à domicile, lorsqu'on gère la population et qu'on gère des distances, sont vraiment différents. Donc, moi, je pense qu'il faut avoir des modulations pour faire confiance.

Maintenant, je dis aussi que, lorsque la cohorte — vous n'allez pas comprendre tout de suite où je m'en vais — des baby-boomers est arrivée aux écoles, tu sais, il y avait les écoles de rang, il y avait toutes sortes d'écoles. Il y en a qui enseignaient jusqu'en cinquième année, en sixième année et puis là, ça nous a pris une commission Parent pour refaire tout le système d'éducation puis avoir les primaires, secondaires que nous avons. Mais cette cohorte-là est rendue à la porte des services pour les aînés, soit des RI, soit des CHSLD, soit des maisons privées ou publiques, mais on est rendus à la porte, cette grosse cohorte-là.

Puis faire des ajouts à la pièce toujours, je me dis qu'une fois, il faut revenir aux jeux de base. Il faut faire bien ce qu'on doit faire en premier avant d'aller faire autre chose. Il y a tellement d'inégalités dans ce système, là, ne serait-ce que des CHSLD. J'en ai visité plusieurs, ayant été dans deux comtés différents. J'ai vu des réussites, là, vraiment des réussites. Le RI de l'Amitié, le CHSLD le tilleul, que je visitais pendant la semaine de travail dans le comté, sont des réussites. J'avais déjà lu une étude sur ce que vous appelez des milieux prothétiques puis je me disais que c'était franchement des rêves à la Walt Disney que d'avoir des milieux comme ça, mais j'en ai vu de mes yeux. J'ai, par contre, vu d'autres CHSLD qui, je vous le dis, Mme la Présidente, c'était déplorable, la situation dans laquelle on... Les personnes étaient là comme dans un mouroir. On ne peut pas commencer par régulariser cette situation avant de faire plus.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Il vous reste encore 42 secondes.

Mme Roy (Arthabaska) : Ah! Le temps a diminué. Bien, c'est simple, je me dis qu'il y a encore beaucoup de travail dans le système et puis, pour moi, le vieillissement de la population, lorsqu'on dit ça, je me dis que c'est comme si on mettait tous les torts de notre système de santé sur les personnes aînées. Moi, j'appelle plutôt ça le défi de la longévité, parce qu'on vieillit tous, hein? Ma fille de neuf ans vieillit aujourd'hui en même temps que la personne aînée. Et puis c'est un défi qui est à nos portes, là, puis il ne faut pas le voir d'une façon micro. Moi, je pense qu'il faut le voir d'une façon beaucoup plus macro et dans son ensemble.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, Mme la députée. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la députée d'Arthabaska. Je suis très heureux que vous souligniez le système mis en place dans la région d'Arthabaska, puisque ça a été la zone pilote pour l'élaboration du réseau intégré de services de personnes âgées, le réseau PRISMA. Alors, dans... Il y a une dizaine d'années, nous avons travaillé avec les professionnels, gestionnaires de cette région-là pour développer, justement, le modèle PRISMA, basé sur six éléments. Et c'est dans cette région-là qu'il a été testé pour la première fois. Donc, ça a été la zone pilote, la zone d'Arthabaska-Érable.

Et ce réseau PRISMA, en fait, se base d'abord sur la concertation locale. Alors, il est important qu'on puisse, à un niveau stratégique, au niveau des décideurs, des dirigeants, permettre qu'autour d'une table on puisse élaborer comment on va donner les services aux personnes âgées. Et ça, ça veut qu'au lieu d'avoir une approche basée sur l'usager ou le client de chacun des organismes, de chacune des entreprises, chacun des établissements, il faut développer une approche populationnelle, c'est-à-dire comment est-ce qu'on peut, avec nos organisations, nos entreprises, développer une meilleure façon de donner les services.

• (11 heures) •

Et donc, c'est vraiment un changement important de mentalité qui s'opère autour de ces tables de concertation et qui permet que, pour certains établissements, bien, ils ont actuellement certains clients qu'ils ne devraient pas avoir et, au contraire, parfois, ils n'ont pas les clients qui devraient faire appel à leurs services. Donc, ces tables de concertation ont pour but de voir comment on arrange le système pour que les services puissent répondre aux besoins des personnes âgées et qu'on puisse être en mesure d'envoyer la bonne personne à la bonne place. Alors, ces tables de concertation stratégiques sont couplées avec des tables également des gestionnaires, parce qu'il faut que ces décisions-là puissent descendre dans les organisations, donc il y a des tables de concertation tactiques, si vous me passez ce vocabulaire un peu militaire, où les gestionnaires opérationnalisent ce qui a été décidé par les dirigeants. Et sur le terrain, bien, il y a les équipes multidisciplinaires de cliniciens qui entourent la personne âgée et sa famille. Alors, ce premier élément que sont les tables de concertation est un élément clé du modèle de réseau intégré.

Suit un deuxième élément, qui est le guichet d'accès unique, c'est-à-dire un endroit où la personne âgée et sa famille peuvent s'adresser pour avoir accès à tout le continuum de services, à l'ensemble des services disponibles, que ce soit par des organismes communautaires, des entreprises d'économie sociale, des établissements du réseau ou même des entreprises privées qui donnent des services à domicile. On pense aux résidences privées d'hébergement par exemple. Alors, guichet unique avec une seule place où on frappe. Parce qu'actuellement ou avant la mise en place de ces réseaux intégrés, les gens reçoivent le service de la place où ils ont frappé. Ce n'est pas nécessairement le service le plus approprié. Alors, il faut que le guichet unique puisse permettre d'avoir un seul mode d'accès pour avoir accès aux services dont la personne a besoin.

Troisième élément qui est fondamental, c'est le gestionnaire de cas, c'est-à-dire un professionnel qui est désigné par l'ensemble des acteurs et qui est légitime pour l'ensemble des organisations. Donc, c'est une espèce de casque bleu, si je reprends l'analogie militaire, qui a la légitimité d'intervenir à l'hôpital, dans l'organisme communautaire, à l'entreprise d'économie sociale, aux centres de réadaptation, et donc il est, il est en dehors, si on veut, de chacune des composantes du réseau intégré de services, et ce gestionnaire de cas a la responsabilité d'évaluer la personne âgée, et ses proches aidants, et la famille, de définir un plan de services avec la personne âgée et sa famille, et d'être le courtier de services, de s'occuper que les services soient au rendez-vous. Ce qui manquait dans le modèle, c'est qu'on ne donnait pas à ce gestionnaire de cas les moyens d'obtenir les services. Il n'avait pas une allocation à gérer, ce que va corriger l'assurance autonomie.

Quatrième élément, extrêmement important, c'est ce plan de services individualisé qu'il est important de tenir à jour, avec des objectifs, avec un plan d'action.

Cinquième élément, le dossier clinique informatisé, qui a été développé d'ailleurs en Arthabaska-Érable. C'était le Système d'information gérontogériatrique, qui a été le modèle au système informatique qui est actuellement déployé dans l'ensemble du réseau, un système où tous les intervenants ont accès aux mêmes dossiers et où on évite des réévaluations inutiles et redondantes et où on permet une communication instantanée de l'ensemble des acteurs du réseau, qu'ils soient à l'urgence, à l'hôpital, en centre de réadaptation.

Et finalement, il faut être en mesure d'avoir un outil unique d'évaluation, et ça, c'est le système de mesure d'autonomie fonctionnelle, avec un outil de gestion qui permet de pouvoir gérer le système.

Alors, ces six éléments-là ont été testés dans la région d'Arthabaska-Érable, ensuite dans la région de l'Estrie et ils sont maintenant en implantation.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Rose, du côté ministériel. À vous la parole.

Mme Proulx : Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Ça me fait plaisir de saluer mes collègues membres de la commission.

Moi, j'aurais, d'entrée de jeu, là, une question pour le ministre concernant les dépenses de santé, pour les soins et services de longue durée. On sait qu'en 2011-2012, le Québec a consacré près de 4,3 milliards de dollars en fonds publics aux soins et services de longue durée pour les personnes âgées en perte d'autonomie sur un budget de 32,7 milliards consacré à la santé et aux services sociaux. C'est donc une somme représentant 13 % de son budget de soins et services de longue durée aux aînés.

À titre d'exemple, les sommes dépensées en 2005 représentaient environ 1,2 % du produit intérieur brut de la province, ce qui est la même proportion que le Canada, qui se situe dans la moyenne inférieure des pays de l'OCDE à ce chapitre, devant l'Allemagne et la France, qui sont respectivement à 0,9 % et 1,1 % du PIB, mais moins que le Japon, qui est à 1,5 %, les Pays-Bas, 3,5 %, et la Suède, 3,6 %. On note cependant qu'effectivement l'utilisation des fonds publics dans ce secteur est quand même fort différente d'un pays à l'autre.

Dans ce contexte-là, le ministre pourrait-il nous informer de la réelle proportion des fonds publics que le Québec a investie à ce jour dans le secteur des soins et services à domicile aux aînés comparativement aux autres pays de l'OCDE?

La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le ministre, à vous la parole.

M. Hébert : Merci beaucoup, Mme la députée de Sainte-Rose. Effectivement, le Québec, et ce n'est pas très différent dans les autres provinces canadiennes, investit peu dans les soins à long terme, on l'a mentionné, 1,2 % du PIB, ce qui est 4,3 milliards pour le Québec. Et, comme je le disais tout à l'heure, on est les champions, les pauvres champions du peu d'investissements dans les soins à domicile, puisque seulement à peine 500 millions, un peu moins que 500 millions étaient consacrés... Heureusement, depuis le 1er avril, c'est passé à 600 quelques millions, et donc on a fait un progrès important. Et ce n'est pas fini : imaginez quatre ans, Mme la Présidente. Et notre engagement est d'ailleurs de faire doubler le budget des soins à domicile et de passer donc à près de 1 milliard cette proportion-là.

Mais il faut qu'il s'opère à l'intérieur du réseau également un passage de l'hébergement vers le domicile. En fait, plus de 80 % des sommes en soins à long terme sont consacrées à l'hébergement au Québec. On a investi beaucoup dans l'hébergement, et, malgré cet investissement-là, on a, comme le disait la députée d'Arthabaska… encore des centres d'hébergement qui ne sont pas à la hauteur des standards, à la hauteur des investissements qu'on y fait et qui ne donnent pas des services de qualité. Et je pense qu'il y a toute une procédure, et j'y reviendrai sans doute, pour corriger ces situations, qui sont désolantes.

Cet investissement majeur dans l'hébergement fait en sorte de créer une iniquité, une iniquité que l'on voit tous les jours, où les gens qui vivent à domicile, qui doivent recevoir des services, ne reçoivent de l'État que 12 % à 15 % des services qui sont nécessaires au maintien à domicile. En hébergement, c'est plus de 85 % des coûts de l'hébergement qui sont financés par l'État. Alors, vous voyez tout de suite, là, un incitatif extrêmement puissant d'utiliser une solution institutionnelle, une solution d'hébergement pour répondre à la perte d'autonomie, alors que les personnes âgées souhaitent rester à domicile. Ils nous l'ont dit, la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne s'en souvient, on l'a entendu 4 000 fois plutôt qu'une lors de la consultation publique sur les conditions de vie des aînés en 2007 : Nous voulons rester à domicile. C'est le cri du coeur que nous avons entendu à maintes reprises dans toutes les régions du Québec.

Mais force est de constater que notre système encourage la solution institutionnelle et, bien qu'on ait réussi à diminuer la proportion de personnes âgées admises en CHSLD, en fait, ce qu'on a fait, c'est de créer des ressources intermédiaires — qui étaient une création absolument nécessaire — pour y transférer 0,8 % des personnes âgées en perte d'autonomie, mais globalement on reste à 3,6 % de taux d'hébergement quand on inclut les ressources intermédiaires. Alors, ça, ce n'est pas le virage à domicile que l'on doit faire, Mme la Présidente; il faut que les personnes âgées puissent vieillir chez elles, il faut que les personnes âgées puissent avoir cette liberté fondamentale de choisir là où elles veulent vivre, Mme la Présidente. Actuellement, les personnes âgées en perte d'autonomie doivent déménager vers les ressources qui répondent à leurs besoins, avec tout ce que ça a comme conséquences dans le déracinement, dans la séparation des couples, Mme la Présidente. Il faut redonner aux aînés cette liberté fondamentale.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à M. le député de Jean-Talon.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Bien, je vois que le ministre nous donne raison sur plusieurs points. Un, j'aimerais apporter un correctif. Le ministre, il a l'air de faire une catastrophe du vieillissement de la population. Il devrait lire les articles récents. On vieillit au Québec comme au Canada d'environ 1 % par année. Il essaie de nous faire accroire qu'en l'espace de trois ans le Québec va devenir très vieux, alors que ça va se faire sur plusieurs années. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'ils font toujours leurs prévisions sur 20, 25 ans, parce que, dans 20, 25 ans, il va y avoir beaucoup d'évolution, le portrait va complètement changer. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'en occuper, mais arrêter d'en faire une catastrophe. Et, je suis d'accord avec la députée d'Arthabaska, vieillir, c'est quand même une bonne nouvelle pour notre société, ça veut dire qu'il y a une amélioration au niveau des soins de vie.

Deuxièmement, le ministre a fait une démonstration fantastique de tout ce qui se fait au Québec actuellement : Arthabaska, Lac-Saint-Jean-Est, Rivière-du-Loup, Rimouski, la Gaspésie, l'Abitibi-Témiscamingue, Gatineau... Il y a Montréal qui avait pris du retard, puis ça, on l'a toujours dit. Ils sont en train de récupérer leur retard, ils sont en train de faire leurs transformations de changement. Donc, ce que le ministre nous dit aujourd'hui, lui, il pensait que... il dit : Il n'y a rien qui s'est fait dans le passé. Ce qu'il vient de nous dire aujourd'hui : Il y a beaucoup de choses qui ont été faites, sauf qu'il veut changer le financement, et c'est là qu'on a un problème.

Le ministre, pour commencer, s'il compte comme il comptait tantôt, ça m'inquiète : il dit qu'il y a 50 millions qui ont été mis sous notre gouvernance. On a passé de 291 à 550 millions, c'est une augmentation de près de 100 %, et puis, dans le budget qu'on avait déposé, le dernier budget, il y avait une augmentation rapide qui était encore plus marquée que celle-là du Parti québécois, parce que le ministre s'en est fait couper une partie. Donc, ce virage-là était déjà entrepris, et il essaie de nous faire accroire que, pour faire le virage à domicile, pour faire la nouvelle organisation de services style Arthabaska, Lac-Saint-Jean-Est, Rivière-du-Loup, Gatineau, ça prend ce changement de financement.

(11 h 10)

Mais ce qu'il est en train de nous faire, c'est la création d'une CSST avec des gros coûts administratifs, une grosse structure administrative. Et on parle de décentralisation, centralisation vers la RAMQ, alors que déjà, comme nous disait la députée d'Arthabaska, on est déjà décentralisés en CSSS. C'est ça, la grande transformation du XXIe siècle, c'est l'organisation des soins intégrés par territoire, et, il nous le dit, tout était en train d'être mis en place. Pourquoi il veut changer la transformation du réseau? Juste pour mettre son nom sur une affaire d'assurance autonomie? Il n'a pas besoin de faire ça. Ce que les gens ont besoin, ils ont besoin de plus de services, ils ont besoin de plus de soins et de personnel localement; qu'on prenne le modèle d'Arthabaska, le modèle de Lac-Saint-Jean-Est, le modèle de Sherbrooke et qu'on l'applique partout au Québec. Et ça, ça ne prend pas une transformation administrative, avec des fonctionnaires payés à Québec pour gérer ou des droits de deuxième appel comme à la CSST — ça ne finira plus d'évaluer jusqu'à quel point ces gens-là sont malades — ça leur prend des soins directs. C'est ça, le risque qu'on a actuellement.

Mme la Présidente, le ministre essaie de nous faire accroire qu'il ne s'est rien fait dans le réseau de la santé. Le réseau a évolué de façon très adéquate, et le réseau va continuer d'évoluer de façon très adéquate avec ce ministre-là ou sans ce ministre-là, parce qu'il y a des gens au Québec qui, indépendamment des ministres, ont fait cette transformation du réseau de la santé. Le ministère, son équipe actuelle également a participé à cette transformation du réseau de la santé. Les ressources intermédiaires ont été créées... M. le ministre, juste pour vous l'apprendre, c'est moi qui l'ai faite, l'étude, pour le ministère, et je l'ai vu, le continuum de services, et je suis allé les visiter, les établissements, un peu partout...

La Présidente (Mme Beaudoin) : ...

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je disais au ministre que je suis allé les visiter, puis je les ai faites, ces visites-là, d'Arthabaska, et le plan de transformation du ministère, en partie, est basé sur ces réseaux-là. On peut bien s'échanger nos expertises scientifiques, là, mais c'est un dossier de financement.

On sait, on veut tous faire les mêmes choses. Et on est en train de les faire, et c'est commencé déjà depuis 10 ans, c'est même commencé avant notre... avant que ce qu'on a fait. Il y a eu des virages de faits dans le passé. Maintenant, on veut mettre en place une structure de financement qui va couper directement des allocations des personnes aînées et qui également va mettre à risque le financement qui devrait plutôt être dédié aux personnes directement qui ont besoin des soins. Ça va être des fonctionnaires qui vont être créés, ça va être des évaluateurs, ça va être des droits d'appel puis ça va être des avocats qui vont être payés.

L'autre élément, M. le ministre, là, quand on fait les évaluations...

La Présidente (Mme Beaudoin) : ...adresser à la présidence et non au ministre.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, Mme la Présidente. L'autre élément, M. le ministre, les évaluations... Mme la Présidente, je dis au ministre : Les évaluations se font déjà, les évaluateurs, les gestionnaires de cas, ils sont déjà en place. C'est quoi, le nouveau qu'il apporte? Ça prend plus d'argent dans le réseau, et on est capables de le mettre. En passant, cette transformation est en train de se faire, parce que, oui, on est en train de récupérer de l'argent dans certains secteurs, mais pas directement dans les allocations aux personnes aînées.

Le coût administratif… et le ministre le sait parce que, quand il a voulu le mettre en place au début, ce n'était pas le plan qu'il propose aujourd'hui… les coûts administratifs reliés à l'assurance autonomie vont être aussi dispendieux que de mettre en place une nouvelle CSST pour les personnes aînées. Mais, plutôt que de faire ça, Mme la Présidente, pourquoi on ne met pas l'argent directement dans les soins? Et le ministre, on pourrait en parler, de toutes nos expertises, moi, je les vois encore, les patients dans nos établissements, et les CSSS actuellement font un très, très bon travail.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le député. Maintenant, je cède la parole à M. le ministre.

M. Hébert : Mme la Présidente, j'encourage nos collègues de l'opposition à lire d'autres articles que j'ai écrits, et ils constateraient que je me suis toujours inscrit en faux contre la vision catastrophique du vieillissement, Mme la Présidente. Il y a plusieurs articles que j'ai écrits là-dessus et qui montrent bien que le vieillissement, c'est un plus pour une société. Le vieillissement, c'est un élément extrêmement positif de nos sociétés civilisées et, en fait, c'est un luxe que les sociétés civilisées se donnent, puisqu'elles ont réussi, par des mesures de santé, mais aussi des mesures sociales, à faire en sorte que les personnes puissent vivre plus longtemps. Et ça, c'est un apport extrêmement important.

Et il faut reconnaître l'implication des personnes âgées dans la société, mais il faut aussi être en mesure d'adapter la société et le réseau de la santé à ce vieillissement de la population. Le vieillissement n'est pas une catastrophe, le vieillissement est un défi pour le réseau de la santé, et c'est ce défi-là que nous voulons relever.

À entendre le député de Jean-Talon, Mme la Présidente, tout va très bien dans le réseau de la santé. Et j'aurais le goût de lui dire : Tout va très bien, Madame la Marquise. Les écuries sont en feu, mais ça, ce n'est pas grave, hein? Les durées d'attente pour les patients de plus de 75 ans à l'urgence sous sa gouverne, Mme la Présidente, ont augmenté de façon importante de plusieurs heures. Les patients de 75 ans et plus dans les salles d'urgence, la moyenne de durée de séjour, elle atteint presque une journée complète, 24 heures. Imaginez une personne de 85 ans en perte d'autonomie qui passe 24 heures dans une salle d'urgence, dans un corridor à attendre un lit à l'hôpital. On aura beau mettre les plus belles approches adaptées dans l'hôpital pour s'occuper des personnes âgées, s'ils ont passé les 24 premières heures sur une civière dans une urgence, Mme la Présidente, ça ne sera pas efficace. Une personne âgée en perte d'autonomie, si on n'intervient pas dans le premier 24 heures, c'est ce qu'on appelle la période dorée, dans le premier 24 heures, les chances de récupération fonctionnelle diminuent de façon importante. Et, ce que le député de Jean-Talon a laissé faire pendant le temps qu'il dirigeait le ministère de la Santé, c'est une augmentation de la durée moyenne de séjour des patients de plus de 75 ans à l'urgence. C'est la même chose en santé mentale.

Non, tout ne va pas très bien, Madame la Marquise, parce qu'on a un système de santé qui présente une inadaptation par rapport au vieillissement de la population. Il faut absolument être en mesure de pouvoir améliorer les soins à domicile, améliorer la réponse du système pour que, justement, la pression diminue sur les CHSLD et qu'on puisse faire en sorte de libérer les 800 à 1 000 lits qui, chaque jour, dans le réseau de la santé québécois, sont occupés par des personnes âgées en attente d'hébergement. Ce n'est pas la place pour une personne âgée qui a terminé ses soins actifs, de rester dans un lit d'hôpital, avec tout le risque qu'on a que cette personne-là puisse attraper des infections, puisse également perdre de l'autonomie, parce que ce n'est pas le rôle de l'hôpital de fournir un milieu de vie et un milieu pour être capable d'optimiser son autonomie.

Il faut absolument que, lorsque les soins actifs sont terminés, que les personnes âgées puissent être retournées à domicile ou retournées dans les ressources intermédiaires, ou encore, s'il n'y a pas moyen de faire autrement, admises rapidement en CHSLD. C'est ça qu'il faut faire. Mais, pour faire ça, il faut être capable d'agir en aval, Mme la Présidente, et de faire en sorte que les soins à domicile soient au rendez-vous, que l'hébergement ne soit pas la seule option lorsqu'il y a une perte d'autonomie et qu'il n'y ait pas de proche aidant qui s'épuise à donner des soins. Il faut être capable de donner des services là où la personne a choisi de vivre et de les donner en intensité suffisante. Et c'est ça qui manque dans le réseau actuellement, l'État ne fournit que 15 %, 12 % à 15 %, si on prend les soins infirmiers ou si on prend les soins personnels, 12 % à 15 % de ce qui est requis pour être en mesure de pouvoir répondre aux besoins de la personne âgée en perte d'autonomie.

Alors, en intensifiant le maintien à domicile, on diminue la pression sur le CHSLD et on permet d'améliorer la fluidité des personnes âgées qui doivent passer par l'hôpital pour recevoir des soins, des soins aigus. Et, ce faisant, on diminue la durée de séjour des personnes de plus de 75 ans dans la salle d'urgence, dans le corridor d'une urgence où les lumières sont allumées la nuit et où il est impossible, Mme la Présidente, de pouvoir donner des soins adaptés, des soins gériatriques, de pouvoir offrir une réadaptation, une réactivation, une promotion de l'autonomie à ces personnes.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à Mme la députée de Sainte-Rose, du côté ministériel.

(11 h 20)

Mme Proulx : Merci, Mme la Présidente. Vous savez, j'entends, j'écoute et je me dis qu'en fait, question de catastrophe, si on veut s'assurer justement qu'au Québec vieillir ne devienne pas une catastrophe et n'engendre pas une angoisse indue chez les personnes vieillissantes, je pense qu'il faut qu'on s'en occupe. Et je pense qu'on ne doit pas considérer le statu quo comme une option.

Vous savez, à mon avis, il y a beaucoup de travail à faire au niveau des soins à domicile. En écoutant, en lisant, en m'informant, comme députée mais aussi comme citoyenne, comme fille de parents vieillissants qui commencent à avoir quelques problèmes de santé, comme petite-fille d'une grand-mère en centre hospitalier et de soins de longue durée, il m'apparaît de plus en plus, à la lumière de toute l'information que je peux capter et de ma propre vision des choses, il m'apparaît que la solution n'est pas tellement d'injecter encore toujours plus d'argent; ce serait peut-être de mieux organiser les services et de mieux redistribuer les ressources dont on dispose, et de nous assurer d'investir les sommes disponibles peut-être autrement.

Réinvestir sans cesse plus d'argent, c'est se conforter, à mon avis, dans le statu quo comme si c'était ça la solution. Je pense qu'on ne se retrouverait pas aujourd'hui avec certaines situations qu'on vit si c'était ça, la solution. On aurait pu le faire bien avant et on aurait pu continuer à investir des sommes. On se retrouverait comme on se retrouve aujourd'hui, c'est-à-dire des personnes âgées qui occupent des lits dans les hôpitaux faute de ressources alternatives, des personnes âgées en perte d'autonomie placées dans des centres hospitaliers de soins de longue durée faute de mieux, alors que leur état n'exigerait pas nécessairement un placement. En fait, de ce que je comprends, ce que le ministre propose est une innovation sociale qui permettra au réseau, à notre système de santé de s'adapter à la réalité que nous vivons actuellement, c'est-à-dire une population vieillissante qui vivra de plus en plus longtemps, bien sûr, mais aussi avec un état de santé pas toujours optimal, atteinte de maladies chroniques nécessitant des soins.

On connaît la grande vulnérabilité des personnes âgées, c'est pour ça que c'est si important de faire de la prévention et de pouvoir être en mesure de détecter les petits problèmes avant qu'ils ne se dégradent, avant que les personnes âgées ne voient leur condition se détériorer. Je pense qu'on peut, sans craindre de se tromper, présumer que le fait de permettre aux personnes âgées de vieillir à la maison... de vivre à la maison, dans leur environnement, entourées de leurs proches a certainement un impact positif sur leur état de santé et contribue à prévenir les problèmes et à repousser le plus loin possible l'hospitalisation ou le placement en centre de santé de... en centre de soins de longue durée.

Le vieillissement accéléré de la population du Québec et la problématique des maladies chroniques qui l'accompagne oblige une réforme en profondeur dans l'organisation et le financement des soins de longue durée qui deviendront de plus en plus prépondérants. De nombreux pays ont fait face à cette situation et ont mis sur pied des modèles novateurs de dispensation de soins et de services sur la base d'une assurance universelle couvrant tant les soins que l'ensemble des services à domicile, de même qu'en institution.

Confronté à des défis similaires, le Québec doit aussi se doter d'une telle assurance autonomie et créer une caisse financée, d'une part, par une utilisation plus judicieuse des budgets actuels et des crédits d'impôt et, d'autre part, par un investissement significatif dans les soins à domicile. Mme la Présidente, le ministre pourrait-il nous instruire davantage sur les principes directeurs et sur les avantages sur l'assurance soutien à l'autonomie et de ses modalités à l'autonomie, qu'il propose, dans un contexte de la valorisation des soins à domicile?

La Présidente (Mme Beaudoin) : M. le ministre, à vous la parole pour une durée de 50 minutes.

M. Hébert : Oui. Alors, ce que je voudrais préciser, c'est pourquoi on en est là, pourquoi on a un sous-financement des soins à domicile. Il faut comprendre qu'il y a une ambiguïté du système de santé actuel, qui a été construit suite à la loi canadienne sur la santé, qui définissait les principes de la couverture d'assurance santé comme étant ce qui est médicalement nécessaire. Alors, à l'époque, on avait une population jeune, bien sûr, ce qui était médicalement nécessaire était facile à définir, c'était les services hospitaliers et les services médicaux. Alors, on a donc défini ce qui était couvert par ces principes-là. Mais on se rend bien compte, avec une population vieille et surtout des maladies chroniques, que ce n'est pas là que ça se passe. Ça se passe à domicile, et ça, ce n'est pas en principe couvert par nos régimes d'assurance publique, d'où l'importance d'élargir formellement, par une assurance autonomie, cette couverture.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Saint-Henri—Saint-Jacques.

Une voix : Sainte-Anne.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Oh! Excusez. Sainte-Anne. Excusez-moi.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. Alors, j'écoutais la députée de Sainte-Rose et je pense qu'elle va accueillir favorablement l'idée d'examiner les conditions de vie des adultes hébergés en CHSLD, parce qu'il y a des personnes qui vivent là‑bas en CHSLD.

Par ailleurs, Mme la Présidente, je tiens à féliciter les fonctionnaires du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui ont travaillé très, très fort pour l'élaboration de la première politique sur le vieillissement, Vieillir et vivre ensemble. Alors, je vous remercie pour tout ce que vous avez fait.

Troisièmement, Mme la Présidente, quand on part d'écrits scientifiques, ça nous permet de voir l'évolution du discours. Parce que le ministre a écrit un texte, ça nous permet de voir comment il va évoluer dans son assurance autonomie. Et on ne remet pas en question ici les soins à domicile. Tout le monde veut vieillir à domicile le plus longtemps possible. On parle le même langage. C'est dans le modus operandi. C'est ça, la question.

Le ministre, ici, dans une diapositive qu'il a présentée à l'Association québécoise de gérontologie, mentionne que ça prend 500 millions d'investissements par an pour l'assurance autonomie, et, pas plus tard qu'en Chambre, la première ministre mentionnait 100 millions par année pendant cinq ans. Alors, on voit qu'il y a déjà une contradiction au niveau du discours, une forme de paradoxe. Mais oui, mais ça c'est passé. C'est normal que nous posions des questions. Et il y a aussi des questions qui sont posées par les associations, entre autres l'association du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, qui mentionne notamment qu'il manque actuellement 400 travailleurs sociaux dans le réseau, qu'il y a une pénurie de physiothérapeutes, de 130, comme de 200 ergothérapeutes. Il manque aussi des travailleurs auxiliaires, des auxiliaires familiales. Et même la première vice-présidente de cette association dit que les compressions effectuées partout font mal, surtout à Montréal, où les compressions sont de l'ordre de 100 millions de dollars. Dire que les services ne seront pas touchés relève de la pensée magique. Alors, oui, ça prend des soins à domicile, mais encore faut-il qu'il y ait des professionnels de la santé pour être en mesure d'offrir le soutien à domicile. Et la présidente de cette association, Carolle Dubé, mentionne dans son communiqué qu'il faudrait ajouter 500 millions de dollars pour couvrir 40 % des besoins seulement. Selon elle, il manque encore une couverture des besoins.

Si je regarde un autre communiqué de presse... Je parlais justement un peu plus tôt de Mme Louise Boivin, qui est chercheuse. Elle s'inquiète que ce virage vers les soins à domicile risque de se faire sur le dos des employés qui vont dispenser ces services, parce que ces employés sont faiblement rémunérés, et que, dans certaines régions, quand on posait la question au ministre : Comment vous allez faire quand, dans certaines régions, il y a une pénurie de personnes pour offrir les services à domicile?, le ministre a répondu qu'il va y avoir... ça va se développer par... Comment il a dit ça? Que le marché devrait équilibrer l'offre et la demande. Pour moi, c'est un peu utopique. C'est comme si ça relevait de la pensée magique.

Dans un autre communiqué, où on parle d'assurance autonomie, c'est un autre groupe, l'AQRP, qui a très peur à cette désinstitutionnalisation. Et là, on va dire : Fais attention aux termes que tu utilises. Mais, quand je regarde aussi, dans la diapositive présentée à l'Association québécoise de gérontologie… On voit ici clairement que le maintien du nombre de lits actuels en CHSLD sera à la baisse. Alors, le ministre ne coupe pas des lits, mais c'est comme s'il yavait un statu quo et, quand il y a un statu quo et qu'il y a une augmentation de personnes vieillissantes, c'est comme s'il y avait un moratoire ou, pour les gens qui nous regardent, c'est comme si on ne faisait pas d'indexation. Donc, il n'y aura pas plus de lits en CHSLD, mais il y aura plus de personnes en perte d'autonomie. C'est la raison pour laquelle il y a des groupes qui s'inquiètent.

Maintenant, Mme Diane Lavallée, de l'AQESSS, mentionne que la surveillance permanente devra... Un usager qui nécessite une surveillance permanente devra payer, en moyenne, entre 2 000 $ et 5 000 $ par mois pour recevoir les soins et les services requis à la maison.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, Mme la députée.

Mme Blais : Donc, ça ne peut pas se faire à coût nul.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. M. le ministre, la parole est à vous.

(11 h 30)

M. Hébert : Merci beaucoup. Mme la Présidente, je voudrais d'abord rectifier, là, certaines données. Quand on parle d'un investissement de 500 millions dans les soins à domicile, en fait, ce qu'on fait, c'est que le calcul que la plupart des comptables et des administrateurs font, c'est 500 millions à terme de plus pour les soins à domicile. Par contre, les libéraux, eux, calculent différemment. Alors, quand ils calculent, eux autres, ils additionnent. Alors, si c'est 100 millions la première année, puis que la deuxième année, on rajoute 100 millions, pour eux autres, ça fait 300 millions. Puis on aboutit, là, au bout de la ligne, lorsqu'on fait un calcul — c'est comme l'intérêt composé, hein — on arrive à 1,5 milliard. Alors, si on était sur la base du calcul libéral, on dirait, nous : On va investir 1,5 milliard dans les soins à domicile, mais, en fait, pour tout le monde, là, ça veut qu'à terme, après un mandat complet du Parti québécois, on aura investi 500 millions de plus dans les soins à domicile de façon récurrente, ce qui représente, dans le calcul libéral, 1,5 milliard. C'est comme ça qu'on le présenterait si on le présentait avec les formules que nous ont habitué le gouvernement précédent.

Alors, cela dit, cela dit, Mme la Présidente, il faut bien réaliser que l'assurance autonomie, comme je le disais tout à l'heure, ce sera un nouveau mode de solidarité sociale. On a eu, au cours du siècle dernier, l'implantation des pensions de vieillesse, qui était un premier risque, le risque de la retraite, qui a été couvert par la plupart des sociétés civilisées au Canada. Ça s'est traduit par le régime des pensions de vieillesse du Canada. Un deuxième risque qui a été assuré, c'est les accidents de travail. Dans tous les pays, on a assuré ce risque-là. Un troisième risque, c'est l'emploi. Alors, l'assurance-emploi au Canada, mais dans la plupart des pays, ce troisième risque là a été couvert. Et le quatrième risque est survenu à la fin du XXe siècle, c'est la santé, donc les assurances santé, qui ont été mises en place dans la plupart des pays civilisés, sauf aux États-Unis, évidemment. Mais ces assurances santé couvraient donc le risque qui était un risque absolument important au XXe siècle et, si... 

Je parlais de ma grand-mère au début. Ma grand-mère Léocadie, en fait, était la femme d'un riche, M. Demers, qui était un riche propriétaire terrien dans la région de Saint-Agapit, et il a eu le malheur d'avoir un problème oculaire, un glaucome, et il a enfoui toute sa terre en fait pour essayer de traiter son glaucome, pour payer des soins médicaux, de sorte qu'ils se sont retrouvés dans le sous-sol d'une maison de la rue Saint-Louis, à terminer leurs jours dans la pauvreté parce que les besoins de santé de mon grand-père avaient nécessité la vente de la ferme patrimoniale. Ça, ça vous explique les dangers d'une privatisation du système de santé. Et moi, je suis inquiet, particulièrement en ophtalmologie, par exemple, où il y a des frais accessoires qui sont demandés aux patients, je suis inquiet qu'on retourne à ces pratiques qui ont mis plusieurs personnes en faillite et ont privé de soins de nombreux Québécois dans les années 30, dans les années 40 et 50, et je ne voudrais pas qu'on retourne là. Alors, d'où l'importance de vraiment consolider notre système de santé, de l'adapter au vieillissement de la population.

Alors, il faut absolument être en mesure d'ajouter un cinquième risque. En plus de la santé, il faut permettre de couvrir ce cinquième risque, ce qui est la perte d'autonomie, qui est un risque associé au vieillissement de la population. Et dans de nombreux pays civilisés, industrialisés, on a implanté ce cinquième risque, une assurance de soins à long terme. Je mentionnais le Japon. Le premier qui a implanté ce cinquième risque, c'est les Pays-Bas, à la fin des années 60, qui ont été suivis par de nombreux pays européens et des pays asiatiques. Je mentionnais le Japon, la Corée du Sud également. Les derniers en lice, c'est l'Espagne, qui ont mis en place un régime d'assurance à long terme qui permet d'assurer un cinquième risque, et de l'assurer par la solidarité sociale.

Pourquoi la solidarité sociale? Pourquoi utiliser le public? Parce qu'il n'y a pas vraiment de marché pour les assureurs privés dans ce domaine, et il y a eu de nombreuses études qui l'ont bien démontré, une étude canadienne récemment d'ailleurs qui faisait un état de la question et qui concluait que c'est un marché essentiellement public, qui n'est pas d'intérêt pour les assureurs privés. Pourquoi? Parce que c'est un risque qui est très fréquent. On aura tous, à la fin de notre vie, si on survit au-dessus de 70 ans, une période de deux ou trois ans vécus en perte d'autonomie et que nous ne prévoyons pas ce risque en cotisant à une assurance très tôt, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à la députée de Sainte-Rose, du côté ministériel.

Mme Proulx : Merci, Mme la Présidente. Le projet d'assurance autonomie a déjà fait l'objet de plusieurs communications et présentations au Québec et à l'extérieur au cours de la dernière année, notamment par le ministre de la Santé. Nos collègues de l'opposition ont justement mentionné qu'ils ont pris... ont pris le temps de nous signifier qu'ils ont pris connaissance de certains articles scientifiques écrits par le ministre de la Santé.

Le modèle très novateur de distribution des soins et services à domicile aux personnes aînées intéressedéfinitivement plus d'un acteur dans ce secteur d'activité. À date, ce projet semble susciter beaucoup d'espoir de la part des aînés, de la part de leurs proches et des groupes de défense des droits et de services qui gravitent autour d'eux. On constate que le projet du ministre suscite définitivement un élan d'enthousiasme dans la société. À ce niveau, une grande majorité de ces groupes félicitent publiquement le ministre pour la pertinence et la validité de son projet d'assurance autonomie. Ils l'encouragent de plus à mettre rapidement en place ce programme novateur et d'avant-garde qui garantira enfin aux aînés en perte d'autonomie la possibilité de poursuivre leur vie à domicile, dans leur milieu et près des leurs.

Je pense que ce serait intéressant, Mme la Présidente, de connaître l'opinion des organisations concernées par ce projet. Le ministre peut-il énumérer le nom et les attentes des principaux groupes sociaux communautaires et institutionnels qui ont à ce jour salué son initiative et reconnu la pertinence de son projet d'assurance autonomie?

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. M. le ministre, à vous la parole.

M. Hébert : Mme la députée de Sainte-Rose, effectivement, on citait... notre collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne citait une association qui avait exprimé un certain nombre de réserves. Cette association-là d'ailleurs exprime souvent des réserves. Mais il y en a plusieurs autres qui saluent et attendent avec impatience le dépôt du livre blanc sur l'assurance autonomie, qui devrait se faire au cours des prochaines semaines, et où on pourra voir en quoi consistera l'assurance autonomie et où les gens pourront nous apporter des commentaires. Il y aura une période de consultation sur ce livre blanc avant qu'on en vienne à un projet de loi.

Alors, j'en cite quelques-unes : L'Association québécoise de gérontologie, où j'ai fait cette présentation, qui a été citée par Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne : «…l'ACG estime que la création d'un régime d'assurance autonomie — et je cite — est un projet majeur et prometteur pour l'avenir pour des Québécois âgés et pour la société québécoise en général…» Le Regroupement provincial des comités d'usagers émet un préjugé favorable à l'instauration d'une assurance autonomie dans le contexte où celle-ci reprendra les principes énoncés par le ministre de la Santé et des Services sociaux. L'Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées, une association qui n'a pas l'habitude d'être complaisante envers le gouvernement, c'est une association qui, comme son nom l'indique, est une association de défense de droits et qui nous dit, dans un communiqué, que «les propos de certains groupes et de l'opposition libérale sur ses intentions dans le projet d'assurance autonomie sont abusifs et inutilement alarmistes». Ce n'est pas moi qui le dis, mais je suis d'accord. Et, plus loin, cette association nous dit qu'«un véritable virage s'exige et des solutions novatrices s'imposent pour changer les rouages des systèmes de prise en charge à domicile et en établissement et le ministre [de la Santé et des Services sociaux] lance un projet d'assurance autonomie pour favoriser ce virage souhaité par la communauté des aînés depuis deux décennies», Mme la Présidente.

Les entreprises d'économie sociale, dont on doute de la capacité de pouvoir répondre à la demande… «…les entreprises d'économie sociale en aide à domicile souhaitent clairement se positionner en faveur de l'assurance autonomie — et je cite au texte — qui permettra aux personnes en perte d'autonomie de rester plus longtemps dans le confort de leur demeure et à moindre coût pour l'économie du Québec». Je cite également un des gériatres les plus influents, le Dr Pierre Durand, qui a été doyen de la Faculté de médecine de l'Université Laval, et qui, dans un article récent publié dans Le Soleil du 9 mai dernier, nous dit : «L'assurance autonomie est conçue à partir des expériences réalisées dans plusieurs pays industrialisés et sur la connaissance et l'expertise développées ici au Québec. Nous avons le devoir de prévoir l'avenir et de nous doter des moyens pertinents pour éviter le désastre humain, familial, social et financier qui serait [relié] au statu quo.»

Et, finalement, dans Le Devoir, Mme Suzanne Girard, présidente de l'Association des proches aidants de la Capitale-Nationale, nous dit : «Ce virage annoncé comme une innovation sociale du XXIe siècle est déjà mis en place dans d'autres pays […] pour faire en sorte que les soins et […] soutien à domicile deviennent un droit et non plus un privilège. C'était une obligation familiale et ça deviendra une politique sociale», Mme la Présidente.

Conclusions

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci. Alors, nous en sommes maintenant aux dernières interventions. M. le ministre, vous avez un maximum de 10 minutes. À vous la parole.

M. Réjean Hébert

M. Hébert : Mme la Présidente, je pense avoir, au cours de cette période à l'Assemblée nationale, pu expliquer d'où vient cette nécessité de pouvoir non seulement augmenter le soutien à domicile pour les personnes âgées en perte d'autonomie, mais également, comme le soulignait à juste titre la députée d'Arthabaska, de faire un changement en profondeur dans la façon de répondre aux services aux personnes âgées et handicapées en perte d'autonomie. Et d'ailleurs, une des surprises que j'ai eues en arrivant en poste, lorsque j'ai rencontré les établissements impliqués en déficience physique, en déficience intellectuelle, lorsque j'ai rencontré les organismes représentant ces personnes, ça a été de constater que ces organismes et ces établissements souhaitaient être partie prenante d'une assurance autonomie.

• (11 h 40) •

Vous savez, dans les différents pays qui ont implanté de telles assurances de soins à long terme, on retrouve le plus souvent deux systèmes différents et parallèles, l'un pour les adultes plus jeunes et l'autre pour les personnes âgées, et la présence de ces deux systèmes cause de nombreuses difficultés. D'abord, des difficultés liées à l'équité entre les deux régimes qui parfois, dans certains pays, est tout à fait débalancée, mais, d'autre part, des problèmes de transition. On sait que les personnes avec des déficiences physiques et intellectuelles plus jeunes vieillissent et donc doivent passer, à un moment donné, d'un régime à un autre, et ça cause d'énormes difficultés, notamment en France.

Et j'étais très ravi de constater que ces représentants d'organismes et d'établissements souhaitaient faire partie du projet d'assurance autonomie. Et ce que nous présenterons à la population, lorsque nous déposerons le livre blanc, sera une assurance autonomie pour tous, Mme la Présidente, quel que soit l'âge. Évidemment, ça ne couvrira pas les enfants, qui ont des problématiques particulières, mais toutes les personnes en perte ou en quête d'autonomie pourront être couvertes par cette assurance autonomie, qui représente la couverture du cinquième risque, un risque qui est associé, hein, au vieillissement de la population.

Nous aurons l'occasion, dans ce livre blanc, de présenter ce projet. Nous aurons l'occasion, dans ce livre blanc, de présenter également un certain nombre d'enjeux qui doivent être considérés pour la mise en place de cette assurance autonomie. Le but de cet exercice extrêmement important est de consulter la population, de consulter les organismes représentant les personnes âgées et les personnes handicapées, de consulter les personnes âgées et les personnes handicapées elles-mêmes pour qu'elles puissent nous donner leur avis sur les orientations que doit prendre l'assurance autonomie dont le Québec a besoin.

Cette assurance autonomie va être basée, ne sortira pas du néant, elle va s'appuyer sur ce qu'on a déjà au Québec. Je vous le disais, nous avons déjà, au Québec, des réseaux intégrés de services qui ont été lents à s'implanter mais, maintenant que nous sommes en poste, nous avons été capables d'investir massivement pour compléter les réseaux intégrés de services et faire en sorte que, dans chacune des régions du Québec, on ait le même système que dans l'Arthabaska-Érable, que dans l'Estrie et qu'on puisse compter sur des tables de concertation, qu'on puisse compter sur un guichet unique d'accès, sur un gestionnaire de cas et sur un dossier clinique informatisé, partageable par l'ensemble des organisations pour éviter que les personnes aient à répéter de façon indue les mêmes informations ou à être évaluées à répétition et de façon inutile, avec l'utilisation d'un outil unique.

Et on a la chance au Québec d'en avoir un, c'est le système de mesure de l'autonomie fonctionnelle, le SMAF, qui est inclus dans l'outil d'évaluation multiclientèle. Et, avec cet outil-là, qui évalue 29 fonctions, qui vont de se laver jusqu'à gérer son budget, on a un portrait global des incapacités des personnes. Et, sur les milliards de différents profils d'incapacité qu'on peut imaginer, on a été capables de les regrouper en 14 profils. Et c'est ma collègue, Nicole Dubuc, qui a fait son doctorat sous ma supervision, qui a défini ces profils ISO-SMAF, c'est-à-dire les groupes d'incapacités qui se retrouvent fréquemment associées et qui nous permettent de mieux apprécier une perte d'autonomie. Au lieu d'avoir des milliards de profils, on peut les regrouper en 14 profils. Chacun de ces profils-là conditionne l'utilisation de ressources, et cette utilisation de ressources conditionne également à un coût. Donc, on a déjà, au Québec, implanté, dans tout le réseau de la santé, ces profils ISO-SMAF, qui nous permettent de savoir, pour une perte d'autonomie donnée, quel est le coût qui peut y être associé, de façon à ce qu'on puisse définir une allocation de soutien à l'autonomie qui couvrira les services qui sont nécessaires.

On a déjà l'outil, on a déjà le système de gestion, on a déjà l'informatique, on a déjà le gestionnaire de cas. Alors, l'assurance autonomie va venir changer la façon dont on finance et on gère ce système, et c'est un changement fondamental. Parce que simplement d'injecter de l'argent dans le soutien à domicile, ce ne sera pas suffisant pour redonner aux personnes âgées la liberté, la liberté de choisir là où ils veulent vivre, la liberté de choisir par quel prestataire ils veulent recevoir les services.

Et c'est ça que l'assurance autonomie va permettre de faire, de redonner aux aînés ces deux éléments de liberté qui sont fondamentaux, d'éviter ce qu'on retrouve trop souvent, Mme la Présidente, où on déménage les gens vers différentes structures d'hébergement qui répondent à leurs services. Chacun de ces déménagements-là est associé à un déracinement, un déracinement de la famille de la personne, parfois même une séparation, une séparation causée par la perte de l'autonomie lorsqu'une personne n'a pas le hasard ou la coïncidence d'avoir un conjoint qui perd de l'autonomie en même temps qu'elle. Il faut séparer les couples; c'est une situation qui ne peut plus durer. Il faut être en mesure de redonner aux personnes la liberté de choisir là où ils veulent vivre et de donner les services dont ils ont besoin à cet endroit-là. La personne peut choisir de vivre, de continuer à vivre dans son logement, dans sa maison individuelle, ou peut choisir d'aller vivre dans un condo, dans une résidence pour personnes âgées, mais ce n'est pas l'endroit où elle a choisi de vivre qui doit conditionner les services, et c'est ça, le changement fondamental qu'une assurance autonomie va apporter, de pouvoir permettre aux gens de vieillir là où ils ont choisi de vivre.

Pour avoir été au Danemark… Je vous disais tout à l'heure que le Danemark consacre 73 % de son budget à des soins à long terme, aux soins à domicile. Je suis allé au Danemark et, au Danemark, j'ai demandé de voir des centres d'hébergement de soins de longue durée, et les gens me regardaient avec un air ahuri en me disant : Mais on n'a pas ça. Non, au Danemark, on a des soins à domicile appropriés qui permettent à des gens... Et souvent les gens vont choisir d'aller vivre dans une résidence pour personnes âgées, et c'est leur choix, mais les services vont être ajustés à leur perte d'autonomie, de sorte qu'on n'a pas besoin de transférer ces gens-là vers un CHSLD, on peut leur permettre de vieillir sur place. Et c'est ce qui explique que le Danemark a eu le succès de pouvoir répondre aux besoins de sa société vieillissante, de pouvoir répondre aux besoins des personnes âgées et aux souhaits des personnes âgées de rester à la maison et de pouvoir le faire tout en contrôlant l'évolution des dépenses.

Parce que, si on continue sur notre lancée, au Québec, il faudra construire environ 1 000 lits de CHSLD par année. 1 000 lits de CHSLD par année, ça, ça veut dire 60 000 $ récurrents de financement par année, plus à peu près 30 000 $ pour la brique, le béton, pour l'infrastructure. 90 000 $ par année. Multipliez ça par 1 000, vous avez une idée de l'augmentation des coûts que cette solution nous entraîne. Et nous proposons de changer ça, de faire en sorte qu'au lieu d'investir dans la construction de CHSLD, on investisse plutôt dans les soins à domicile, on investisse plutôt dans des services qui vont être donnés à la personne là où elle a choisi de vivre, on investisse plutôt dans le choix de la personne âgée. Et ça, c'est fondamental, Mme la Présidente.

Ces assurances autonomie à travers le monde font très peu appel au privé, comme je le disais tout à l'heure, parce que le risque de perte d'autonomie, c'est un risque qui est inéluctable. Chaque personne, si elle dépasse 70 ans, vivra en moyenne deux ans en perte d'autonomie. Et ce risque-là est important, et ce risque-là n'est pas pris en compte par les personnes tôt dans leur vie. Ce n'est pas à 30 ans, à 40 ans, à 50 ans, même à 60 ans qu'on envisage une perte d'autonomie, Mme la Présidente, de sorte qu'on ne peut pas cotiser pendant des années pour bénéficier, lorsque la perte d'autonomie survient, d'une cagnotte au niveau de l'assurance qui soit suffisante, de sorte que les quelques compagnies d'assurance qui offrent ce risque vont avoir une cotisation qui est extrêmement importante et des primes, lorsqu'il y a une perte d'autonomie, qui vont être réservées aux personnes qui ont une perte d'autonomie vraiment importante, avec un délai de carence important et une période déterminée de couverture qui est très courte. Il n'y a pas de place vraiment pour le marché privé, de sorte que c'est un marché de solidarité, et c'est la nouvelle mesure de solidarité sociale qui devra être mise en place au Québec. Ce que nous voulons, c'est donner des services à domicile. Ce que nous voulons, c'est l'autonomie pour tous, Mme la Présidente.

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Jean-Talon, qui a également un temps de parole de 10 minutes. À vous la parole.

M. Yves Bolduc

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, Mme la Présidente. Le raisonnement du ministre ne tient pas la route parce que, lorsqu'il fait sa présentation, il dit aux gens : Si vous n'investissez pas dans une assurance autonomie, vous n'aurez pas de service à domicile, vous ne pourrez pas vieillir à la maison. C'est ça qui est faux. Tout ce que le ministre nous a dit tantôt, c'est vrai; il y a plusieurs choses qui ont été faites au Québec. D'ailleurs, le ministre est souvent en contradiction. Publiquement, premièrement, politiquement, il dit qu'il n'y a rien qui est fait puis on n'avance pas. Quand il est ici pour dire qu'il va mettre ça en place, on a tout mis en place déjà. C'est présent, il s'agit juste maintenant de le financer. C'est la contradiction que l'on voit de façon répétitive. Oui, la transformation a été faite.

D'ailleurs, tantôt, encore quelque chose de faux qui a été dit. Les gens nous disent : Le statu quo. Il n'y a jamais eu de statu quo au Québec. Si, dans les cinq dernières années, on a augmenté d'une année l'espérance de vie des Québécois, c'est parce qu'il s'est passé quelque chose. Les nouvelles technologies, une nouvelle façon de faire, le virage à domicile, les ressources intermédiaires, les soins préhospitaliers, ça a tout évolué, et on se compare très bien avec le reste du monde.

D'ailleurs, le ministre est allé en France, puis il ne nous parle pas beaucoup de son expérience française parce qu'il a vu qu'il y avait des failles aussi en France. Et on le sait, hein, la France — puis le ministre va pouvoir le confirmer — s'inspire beaucoup du modèle québécois pour développer leur système, dont, entre autres, la régionalisation puis l'approche locale. Donc, quand vous regardez ça, ici au Québec, il n'y a jamais eu de statu quo. On a énormément avancé.

Et on est... moi aussi, je suis allé en Europe. Et, quand vous allez en Europe, tout le monde vous fait miroiter : Aïe! C'est beau, là-bas! Mais je suis allé aux Pays-Bas. Ils ont leurs défis et des gros défis. D'ailleurs, leur dernière transformation — je parlais avec les dirigeants là-bas — ils trouvaient qu'ils avaient des problèmes. Quand vous regardez qu'est-ce qui se fait au Québec actuellement, c'est le modèle d'Arthabaska, Sherbrooke, Lac-Saint-Jean, le modèle qui se fait également dans les régions du Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie. Nous sommes en train de faire cette transformation-là, et même quand le ministre... D'ailleurs, le ministre, il faudrait faire marque de beaucoup d'humilité; c'est comme s'il n'y avait pas eu de système de santé avant qu'il arrive. En arrivant, en six mois, il a tout changé.

Un petit aparté, Mme la Présidente : il a parlé des urgences. C'est intéressant. On a stabilisé les urgences, on a baissé la durée de séjour des urgences, et, actuellement, il est en train de la remonter, tout simplement parce qu'il faut s'en occuper, des urgences, il faut s'en occuper aussi au jour le jour. Et, oui, il faut faire cette transformation vers les soins à domicile, prendre en charge les personnes de façon plus adéquate, l'approche adaptée qui a été développée avec Sherbrooke et Montréal.

Mme la Présidente, le risque qu'il y a actuellement, c'est de faire miroiter, de penser que par un changement juste de gestion au niveau du financement, qu'on va changer le réseau de la santé. Et pendant qu'on met de l'énergie là-dessus, on ne la met pas à la bonne place, c'est-à-dire de les développer, les services de santé.

Et il y a également un grand risque. Le risque, tout simplement, ce que le ministre nous dit, il va y avoir des coûts administratifs. Ça lui prend une nouvelle bureaucratie, il l'a dit lui-même, c'est l'équivalent d'une CSST, alors qu'au Québec, au cours des dernières années, on s'est donné de nouvelles structures qui est les soins intégrés par territoire avec l'approche des CSSS. Et ça, personne ne le conteste. Même le ministre ne conteste pas que c'est la bonne approche. Les gestionnaires de cas existent, l'informatisation existe. Il faut continuer à la diffuser puis à bien l'organiser sur le territoire.

Il faut une meilleure organisation des services, c'est ce qui est en train d'être fait puis ça a commencé déjà voilà 10 ans. Ça n'a pas commencé hier, c'est une poursuite qui se fait. Et, en passant, il y a eu beaucoup de transformations qui n'ont pas pu se faire parce qu'il y avait une pénurie de personnel, mais on ne reviendra pas là-dessus. Il y a eu une pénurie de personnel qui a empêché de développer des services, mais cette pénurie-là est en arrière de nous autres. Pourquoi? On a augmenté les admissions en médecine, au niveau des soins infirmiers, au niveau de tous les professionnels, l'apparition des kinésiologues. Cette approche de soins intégrés, c'est ce qu'il faut mettre en place.

Le ministre nous l'a dit tantôt : Le reste, c'est du financement. Mais lorsqu'il fait sa présentation... Ça, le ministre, là, il faut au moins qu'il ait l'honnêteté intellectuelle de le dire, lorsqu'il fait sa présentation, il dit qu'il n'y aura pas de transformation du réseau si vous ne financez pas comme ça, alors que ça prend de l'argent bien organisé, de l'argent qui va être bien investi aux bons endroits, ce qui est en train de se faire, et on n'a pas besoin de l'assurance autonomie.

On est en train de se créer une grosse bibitte administrative pour payer des fonctionnaires, qui va nous coûter des dizaines de millions de dollars juste pour la gestion. Les évaluations se font actuellement, les ressources peuvent être canalisées peut-être de façon différente, sans nécessairement rechercher une nouvelle façon de financer. Parce que là ça va avoir des impacts. Le ministre, au début, voulait capitaliser. Il s'est fait dire : Tu ne seras pas capable de capitaliser. Le ministre, il disait : On va prendre l'argent des mines. Il n'y a plus d'argent dans les mines. Ils ont mis ça à sec. Il voulait prendre une taxe au niveau de l'hydroélectricité; dans son article, soit monter la TVQ ou en impôt. Le faire à coût nul, comme il veut le faire, juste des coûts administratifs… vont devoir être augmentés.

Mme la présidence, j'ai une grande inquiétude puis, je dois le dire au ministre, je l'ai regardée comme il faut, l'assurance autonomie. Je pense qu'il y a moyen peut-être de trouver une nouvelle façon qu'on peut le regarder ensemble pour aider nos personnes aînées. Mais de penser qu'en changeant la façon de le financer, en coupant les crédits d'impôt… Et, à la fin, il va avoir besoin entre 1,5 et 2 milliards de dollars supplémentaires pour être capable de mettre ces choses en place, parce qu'il y a beaucoup d'éléments qui n'ont pas été calculés, dont, entre autres, tous les aidants naturels. Là, le ministre, au début, avait l'air de faire miroiter aux aidants naturels que l'argent pourrait être utilisé comme ils voulaient par la personne. Dans son article, c'est très clair : les aidants naturels, il y a des conditions dans lesquelles il pourrait le voir, puis c'est de façon exceptionnelle, dont, entre autres, pour... lui-même va pouvoir le confirmer, entre autres, les gens qui demeurent dans la même maison, théoriquement, n'auraient pas droit à ça, parce que ça fait partie un peu de leur travail familial.

Donc, il y a tous ces éléments-là qui doivent être regardés. Et s'il dit que demain matin il paie tout ce monde-là au salaire qui serait requis pour le travail qu'ils font, il va falloir qu'il nous explique où il va trouver l'argent. Et son raisonnement par rapport aux CHSLD ne tient pas beaucoup la route, parce que là il s'en va comme au Danemark, où, demain matin, 37 000 personnes qui sont dans nos CHSLD au Québec devraient sortir.

Mme la Présidente, moi, je fais de la pratique, et puis j'en ai fait pendant longtemps. J'inviterais le ministre à retourner voir sur le terrain comment ça fonctionne, hein, cela fonctionne... Il y a des gens qui, à la fin de leur vie, ont besoin de CHSLD et, à la fin de leur vie, ont besoin de lits de courte durée. D'ailleurs, dans le plan du ministre, il y a une fermeture de 1 100 lits de courte durée au Québec, puis, actuellement, ce qu'il propose aux établissements de santé, c'est d'envoyer les patients en surcapacité sur les étages, dans les corridors de façon à pouvoir désengorger les établissements de santé. La population, sans que ce soit une catastrophe, vieillit de 1 % par année. La population du Québec augmente de 80 000 personnes par année, et, avec les mêmes ressources, par une amélioration de performance, on peut donner des services, mais ça demande une amélioration de la performance, pas nécessairement une grosse façon de changer de financement.

Et le ministre, également, utilise un argument en disant : Oui, mais ils mettent l'argent ailleurs. M. le ministre, en chirurgie, on a mis l'argent en chirurgie, puis il est dépensé en chirurgie, et...

Une voix : ...

M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, Mme la Présidente. Et, Mme la Présidente, le ministre devrait savoir qu'on peut mettre l'argent directement en chirurgie, et nos systèmes comptables nous permettent de voir exactement où va chacun des dollars dans notre réseau de la santé, dont entre autres aux soins à domicile. Donc, s'il décide de rajouter de l'argent aux soins à domicile plutôt que de rajouter des fonctionnaires à la RAMQ qui vont faire des évaluations puis ils vont essayer de gérer ça de Québec, il devrait envoyer l'argent directement dans les CSSS, et il devra y avoir un rapport avec une imputabilité pour s'assurer que l'argent est allé au bon endroit.

Mme la Présidente, le ministre est parti avec une idée, et je pense qu'à un moment donné le problème... il croit tellement dans son idée qu'il ne voit pas les effets néfastes. Mais j'ai des inquiétudes. D'ailleurs, même son gouvernement va devoir avoir des inquiétudes, parce que, quand il va devoir passer ça au Conseil du trésor, ça va amener la coupure au niveau des crédits d'impôt, une façon différente de financer, et il n'est pas capable de prévoir les coûts, parce que ça veut dire que c'est un régime universel. Donc, il y a des gens qui peut-être qu'actuellement sont à domicile, puis ils jugent que le système de santé est adéquat, mais, à partir du moment qu'il va y avoir de l'argent associé à ça, c'est sûr, comme dans tout système, il y en a qui pensent qu'ils vont y avoir droit. Et peut-être qu'ils y ont droit, ça, je n'ai pas de problème avec ça, sauf qu'il va devoir y avoir des arbitrages. Est-ce que le ministre, à ce moment-là, va accepter le principe que quelqu'un qui n'est pas satisfait de son évaluation ait un droit d'appel? Là, il va nous dire : Non, on n'a pas besoin de ça. Mais, rapidement, il va se rendre compte qu'il n'aura pas le choix d'avoir ce droit d'appel là. Pourquoi? Parce que, oui, il va y en avoir peut-être, des injustices.

Là, on est dans un système de gestion intégrée des services où, au niveau du CSSS, tout ce que le ministre a décrit, qu'il dit qu'il veut mettre en place, qui est déjà en place, se fait déjà, il faut renforcer ça. Il faut prendre les modèles qu'on a décrits ici qu'on sait qu'ils fonctionnent. En passant, ils ne fonctionnent pas depuis une année. Arthabaska, je l'ai visité voilà six ans, avant d'être ministre, et Arthabaska fonctionnait déjà comme ça, et c'est un modèle que tout le monde au Québec est en train d'implanter. Alors, pourquoi dire que ça prend absolument une nouvelle façon de financer pour mettre en place un modèle qui est déjà en train de se généraliser dans tout le Québec et qui fonctionne très bien?

Au Québec, on a compris, on est allés voir ailleurs qu'est-ce qui se faisait, on est allés voir en Europe qu'est-ce qui se faisait, et, en passant, on va chercher les meilleures pratiques au monde. Et les meilleures pratiques au monde, c'est quoi? D'abord, c'est le virage vers l'ambulatoire, garder les gens le plus longtemps possible à domicile; lorsqu'il y a une détérioration de leur état, être capable de les amener dans une ressource qui est adaptée qui est la plus légère possible; et, à un moment donné, quand quelqu'un n'est plus capable de demeurer à domicile, ça nous prend une nouvelle ressource qui peut être un CHSLD. Et, oui, il y a des endroits, comme à Montréal, où il y avait des CHSLD en plus grande capacité parce qu'il n'y avait pas de ressource intermédiaire. Même chose à Québec. Développons les ressources intermédiaires, développons les ressources de soins à domicile, mais cessons de penser que de mettre ça dans un financement différent, que ça va changer quelque chose. M. le ministre, vous devriez ajuster votre discours pour dire la vérité.

La Présidente (Mme Beaudoin) : ...présidence.

M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci.

La Présidente (Mme Beaudoin) : Merci, M. le député. Alors, je lève donc la séance.

Et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux à mardi le 14 mai 2013, 10 heures, où elle se réunira en séance de travail. Merci.

(Fin de la séance à 12 heures)

Document(s) related to the sitting