(Quatorze
heures une minute)
Le Président (M.
Bergman) : À l'ordre, s'il vous
plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des
services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La
commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières sur la
pétition concernant la fluoration de l'eau
potable.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui,
M. le Président. Mme De Santis (Bourassa-Sauvé) est remplacée par Mme Vallières (Richmond) et Mme Daneault (Groulx) est remplacée par Mme
St-Laurent (Montmorency).
Le
Président (M. Bergman) : Alors, collègues, vous avez entendu les remplacements. Aussi, on a le
député de Mégantic
ici aujourd'hui. Il n'est pas membre de cette commission, alors, avec votre
permission, il nous joint aujourd'hui. Consentement?
Des voix : …
Le Président (M.
Bergman) : Consentement?
Consentement. Merci beaucoup.
Auditions
Alors,
cet après-midi, nous allons recevoir les représentants de l'Institut national
de santé publique, la Coalition Eau Secours!,
de l'Ordre des dentistes du Québec et du Réseau Environnement.
Nous allons sans plus
tarder débuter les auditions avec l'Institut national de santé publique.
M. Boileau, bienvenue. Je vous invite à
présenter vos collègues et de commencer votre présentation, vous
disposez de 15 minutes, suivie d'un échange avec les
membres de la commission. Bienvenue.
Institut national de santé
publique du Québec (INSPQ)
M.
Boileau (Luc) :
Merci beaucoup, M. le Président. Alors, permettez-moi d'abord de me
présenter : Dr Boileau, je suis
médecin spécialiste et président-directeur général de l'Institut national de
santé publique. Je viens de vous entendre nommer mon nom, ça m'a fait penser à
quelque chose, là, étant donné que c'est Boileau.
Bon,
ceci étant dit, je suis accompagné par des experts, avec moi, qui seront en
mesure de soutenir les échanges que vous aurez
le privilège de présider. Alors, il y a le Dr Lévy qui est avec moi, qui
est un dentiste spécialiste de la fluoration
des eaux; il y a le Dr Pierre Ayotte, qui est un spécialiste de la santé
environnementale et de la toxicologie; de même que Mme Corbeil qui est avec nous
et qui est une experte au niveau de notre Laboratoire de santé publique, qui
est chimiste et qui gère, si vous voulez, l'ensemble des processus de
fluoration des eaux au Québec et surtout de leur assurance qualité.
D'entrée de jeu, je
vous dirais que le rôle de l'Institut national de santé publique... c'est
essentiellement une organisation qui est ancrée dans le gouvernement, attachée
au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui a sa propre autonomie, qui existe depuis une quinzaine
d'années et qui a pour objectif principal de rapporter l'ensemble des éléments scientifiques qui entourent des questions
de santé publique. Alors, on est en mesure de recenser, d'analyser, de synthétiser, s'il y a lieu, et même développer les
connaissances pour toute question de santé publique. Et, fondamentalement,
notre objectif, c'est de mettre la
connaissance à l'appui pour la prise de décision, qu'elle soit dans le système
de santé ou plus particulièrement ici, au niveau d'une politique de
santé.
On ne défend aucun
intérêt, on n'est attachés à aucune ligne de quoi que ce soit politique ou
d'associations quelconques sur le plan de la manifestation de nos idées et de
nos points de vue, que ce soit dans ce domaine-ci comme dans tous les autres
domaines. Et bien sûr on s'appuie sur nos
propres travaux mais, bien sûr, également, là — je me répète — les
travaux qui sont menés sur une base scientifique partout sur la planète pour
être en mesure d'être le plus solides possible
lorsqu'on se présente devant vous.
Je vous ai présenté la
délégation. C'est un dossier, la fluoration des eaux, qui est traité depuis longtemps, d'abord scientifiquement, depuis plus
d'une soixantaine d'années, mais, à l'institut national, il a toujours faitpartie de la zone
scientifique, et sans compter non plus le Laboratoire de santé publique qui existait avant nous, depuis maintenant plus d'une centaine d'années, et qui est
actif sur le dossier depuis plus d'un quart de siècle.
Écoutez, je souhaiterais, si vous me
permettez, M. le Président, dans l'utilisation des quelques minutes résiduelles, resituer
l'importance du problème de la carie dentaire. Le problème de la carie
dentaire, à l'occasion, on l'éclipse un peu trop — mais c'est un problème qui s'est amélioré au fil des
quelque 30 dernières années — mais ça
demeure un problème important pour la santé de notre population québécoise et ça touche
toute la population québécoise, que ce soient les enfants, les
adolescents, les adultes et les personnes âgées.
On
est particulièrement touchés au Québec, plus qu'ailleurs en Amérique du Nord,
plus que toutes les autres provinces du
Canada, pour s'y référer. Chez nous, déjà à la maternelle, plus de 40 %,
42 % des enfants souffrent de la carie
dentaire. Lorsqu'on fait des études chez les enfants de deuxième année ou de
sixième année, on atteint également des
taux qui dépassent... la moitié qui ont déjà expérimenté, et de façon sévère,
la carie dentaire, c'est-à-dire que ça touche déjà au niveau de la
dentine. Et, lorsqu'on regarde la population de plus de 18 ans au Québec,
bien, c'est presque 100 % qui ont expérimenté la carie dentaire, c'est
98 %, donc c'est exceptionnel de ne pas avoir eu la carie dentaire.
Ça touche donc toute la population et à tous
les âges, mais, qui plus est, ça touche encore plus les populations plus défavorisées. Donc, c'est à peu près 2,5 à trois fois plus, donc presque 300 % de
plus, de problèmes de carie dentaire chez les gens qui sont
en situation de défavorisation, les groupes, donc, socioéconomiquement
défavorisés. Ce n'est pas une donnée nouvelle, c'est documenté depuis
fort longtemps. Ce n'est pas spécifique au Québec, mais on l'a documenté solidement au Québec, il n'en demeure pas moins.
Et ce n'est pas une maladie bénigne, ça donne de la souffrance, de la douleur, ça donne des problèmes, oui, de
mastication, des problèmes de nutrition, d'apparence, évidemment, qui
touchent, comme je vous le disais, toute la population, sans oublier les
problèmes d'infection, et ça coûte cher.
La fluoration des eaux, c'est une stratégie
qui est très connue sur le plan international pour permettre de pallier ou d'améliorer la santé dentaire de tous. Elle
permet de rejoindre, bien sûr, tous les groupes de la population de façon équitable, et c'est une mesure de santé publique
qui est capable de réduire directement les inégalités sociales — vous le savez bien, comme
plateforme supérieure de l'État — et les gouvernements cherchent à
réduire les inégalités sociales, alors c'est
une mesure qui est très bien dirigée en ce sens-là et qui n'a pas d'effet parce
qu'elle est,
en fait,
totalement sécuritaire et extrêmement
efficace — et on pourra y revenir — et elle est recommandée par tous les organismesscientifiques que vous
pouvez trouver, que ce soit l'Organisation mondiale de la santé, et passer par
tous les autres. C'est une
recommandation ferme, sans équivoque. Et ce n'est pas lancé comme ça dans les
airs, c'est appuyé par des centaines, des milliers d'études scientifiques sur le sujet,
et l'institut national les recense. Elle n'a pas pour idée de venir
banaliser les points de vue et les opinions
ou les idées que certains peuvent en avoir, mais nous, on est ici pour vous
relater les faits scientifiques et essayer de faire en sorte d'être les
plus éclairants possible de ce côté-là.
C'est une mesure qui fait donc largement
consensus sur le plan scientifique. Il n'y a pas d'écart de ce niveau-là. La littérature scientifique a démontré ça depuis maintenant
de nombreuses années et continue à le démontrer en termes d'efficacité et d'innocuité. La fluoration de
l'eau bénéficie, comme je le disais, à, bien sûr, toute la population et
diminue, réussit à diminuer la prévalence de
cela à des taux qui vont varier de 18 %... mais surtout vers 40 %, et plus encore au niveau des populations qui sont défavorisées. Les
données nous montrent qu'on est capables de réduire, ne serait-ce qu'avec ce
geste-là, de plus de 50 % de tous les phénomènes de carie dentaire qui
sont documentés.
C'est une mesure qui est très sécuritaire. Il y a une absence, j'insiste, une
absence de risque au niveau de la santé humaine. Il y a une absence de risque également au
niveau de l'environnement. Ce n'est pas à peu près, c'est une absence. Lorsqu'on parle de fluorose dentaire ou de
problèmes qui peuvent être associés, on parle à des taux de fluor dans
l'eau qui dépassent très largement, de presque plus de 400 %, les taux
recommandés, et ce, c'est pour commencer à voir peut-être des petits problèmes apparaître, de fluorose, qui demeurent un
élément très bénin. Donc, on est dans quelque
chose de hautement sécuritaire, et, dans
l'ensemble, les données scientifiques convergent clairement pour dire que ça
n'entraîne aucun effet nocif chez l'être
humain, et ce, en tenant compte de toutes les autres expositions, qu'elles
soient naturelles, qu'elles soient également de dentifrice fluoré ou des
aliments qui en contiennent. Ça n'entraîne non plus aucun risque, là, pour les
animaux ou pour les plantes, là. J'ai insisté sur l'environnement, mais je
réinsiste là-dessus.
•
(14 h 10) •
Somme
toute, la mesure qu'on prend, c'est de vous dire qu'il n'y a aucune évidence
scientifique que les concentrations optimales d'ions fluorés — parce qu'on veut quand même rester sur l'élément que
nous introduisons dans l'eau, que nous recommandons d'introduire dans l'eau pour son
innocuité, c'est les ions fluorures — ne causent de problèmes de toxicité reliés à son produit et à son
utilisation. Les produits qui sont utilisés sont très connus, ils sont de très bonne qualité, complètement solubles et
sécuritaires, et ce sont des produits qui sont
certifiés et qui respectent toutes les normes
de qualité, qui sont très strictes à cet effet.
Alors, que ce soit au niveau de l'American
Water Association, ou encore l'American National Standards Institute, ou encore le
National Sanitation Foundation, on respecte leurs éléments normatifs. On a
établi, de bon concert avec tous ces regroupements-là scientifiques de
haut niveau, les mesures qui devraient être prises ici. Et les recommandations
qui sont faites sont appuyées de façon solide et sont maintenues en
application, elles sont surveillées également par l'Institut national de santé
publique, à travers son Laboratoire de santé publique, et notre collègue
pourra, si vous le voulez, répondre à des
questions à cet effet. Donc, notre
laboratoire vérifie la conformité des produits qui sont interpellés, là, par des processus d'appel d'offres, il
s'assure que la concentration des produits chez les exploitants respecte la
recommandation, et, pour chacune des livraisons de produits, nous exigeons, dans…
qui est mise dans un réseau de distribution, que ce soit contrôlé par l'INSPQ,
ce qui est fait. Alors, plusieurs échantillons sont faits régulièrement.
Je vous rappelle que la quantité qui est mise
dans les eaux fluorées… Parce que, lorsqu'on regarde sur le contexte canadien,
70 % de l'eau de consommation chez nos voisins ontariens est fluorée; au
niveau canadien, ça s'approche de 50 %. Si on devait exclure le
Québec, là, sur ce calcul-là, on s'approcherait... on dépasserait, en fait, le
60 %. Il y a déjà 350 millions
d'habitants qui vivent dans des États où on recommande, et on fait, et on
privilégie, c'est-à-dire on fait de façon
délibérée, la fluoration des eaux, que ce soient les Américains, les
Australiens, Néo-Zélandais, Irlandais, etc. Donc, on a déjà des populations largement... qui
bénéficient largement de cette mesure-là. Il y a également une autre
cinquantaine de millions sur la planète Terre, là — c'est celle qu'on
connaît — qui ont accès à
l'eau fluorée de façon naturelle.
Parce que
c'est un produit qui n'est pas un médicament, c'est un produit... c'est tout
simplement un produit qui existe
naturellement, qui n'est absolument pas changé. Les ions fluorures, on en
retrouve déjà naturellement. Dans l'eau de mer, par
exemple, vous avez plus qu'autour d'à peu près deux fois la recommandation
qu'on propose dans les eaux lorsqu'on veut fluorer les eaux. Alors, on
ne boit pas de l'eau de mer, là, mais il y en a là. Il y en a déjà au Québec.
Il y a des régions où est-ce que... Par exemple,
la ville de Rigaud a déjà un taux à peu près de 1,2 milligramme par litre
de fluor dans son eau, ce qui est déjà plus élevé que ce qui est recommandé
dans la fluoration des eaux, mais qui ne donne pas
de problème. Il y a quelques autres puits. Donc, on est dans un environnement
national et international où ça existe
déjà de façon naturelle. Il n'y a donc pas d'ajout de médicament ou quoi que ce
soit. Il y a une grande innocuité.
Et, pour vous donner un
élément de comparaison, c'est… La distance qui me sépare d'ici à vous est à peu
près de, je dirais, une dizaine de mètres.
Alors, c'est l'équivalent d'un centimètre non pas d'ici à vous, mais c'est
d'ici à l'autre côté du pont Pierre-Laporte qui est la quantité de fluor qui
est ajouté dans un litre de consommation, en termes de visibilité. Et,
lorsque les gens s'inquiètent sur l'impact des eaux courantes, des fleuves,
etc., bien, la quantité est extrêmement négligeable. C'est comme un centimètre
entre la distance... entre ici et la Maison-Blanche à Washington. Donc,
c'est extrêmement petit, et déjà, dans la plupart... en fait, tous les océans,
on en retrouve déjà beaucoup.
Alors donc, somme toute, pour nous, il
s'agit... il s'agissait, en quelques minutes, de faire le point sur la solidité des preuves autour de l'innocuité de ce produit
et de sa bienfaisance au niveau de la santé dentaire de notre population,
touchant tout le monde. Il y a une mesure également qui a une portée
significative au niveau des populations qui sont plus vulnérables et en situation socioéconomiquement défavorisée. Et nous sommes totalement disponibles
pour répondre à vos questions et le serions également si nous devions être
réinterpellés. Si d'autres questions devaient émergées, nous serions
complètement disponibles. Merci beaucoup, M. le Président.
Le
Président (M. Bergman) :
M. Boileau, merci pour votre présentation, merci pour votre présence ici aujourd'hui. Alors, on commence l'échange avec les
députés et le bloc du gouvernement. Mme la députée de Sainte-Rose, vous
avez un bloc de 20 minutes, du côté du gouvernement.
Mme Proulx : Merci, M. le Président.
Dr Boileau, ça me fait plaisir de vous accueillir, de vous saluer, et les gens qui vous
accompagnent aussi. Je salue aussi mes collègues membres de la commission.
Donc, voilà un sujet extrêmement intéressant
et qui semble soulever quand même plusieurs passions de part et d'autre. Mais j'ai
trouvé très intéressant, là, ce que vous avez expliqué dans votre présentation.
Mais il y a une question, je dirais,
un peu plus fondamentale qui m'anime : Comment se fait-il que la santé
dentaire des Québécois soit en si mauvaise posture? Et
est-ce que vraiment la
fluoration de l'eau est la mesure la plus appropriée en termes de prévention, compte tenu qu'elle touche actuellement à peine 3 %
de la population, et vous parlez d'un problème de santé dentaire qui touche
pratiquement de 98 % à 100 % de la population? Donc, comment
s'inscrit la fluoration de l'eau? Est-ce que ça s'inscrit... C'est un moyen.
Est-ce qu'il y a d'autres mesures qui sont ou qui pourraient être mises de
l'avant pour faire de la prévention?
M.
Boileau (Luc) : D'abord...
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) : Oui, excusez-moi.
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) : M. le Président, des
fois, on ne connaît pas toujours toutes vos règles de fonctionnement, vous nous
excuserez.
Alors,
écoutez, l'état de santé dentaire des Québécois, effectivement, il est
certainement bien moindre que celui qu'on
retrouve de façon générale en Amérique du Nord. On a un profil populationnel…
Non pas qu'on a une qualité dentaire
qui est moindre que celle des autres, et il n'y a pas de raison de croire ça,
mais on n'a pas d'eau fluorée au Québec;par rapport à, par
exemple, nos voisins canadiens, notre eau fluorée est beaucoup moins prévalente, d'une
part. D'autre part, nos habitudes de vie sont
certainement à regarder de ce côté-là. Donc, lorsqu'on fait une analyse de ce
côté-là, il faut réfléchir sur l'impact d'une mesure qui est très efficace et
qui est de mise à peu près partout en Amérique du Nord, incluant nos voisins
américains, ce qui nous décale en termes de santé dentaire.
On a eu une amélioration de notre état de
santé dentaire, et nous espérons continuer à l'avoir. Les gens ontcertainement des
mesures hygiéniques plus adaptées. Lorsqu'on recule quelque 30, 40, 50 ou
60 ans dans la population québécoise,
l'édentation complète était très
régulière, et on retrouve encore ça chez des populations un peu plus âgées. Mais ce n'est
pas exclu encore en ce moment, c'est juste que l'état de santé dentaire est
certainement moindre ici, et une mesure comme la fluoration des eaux,
qui est très équitable et qui n'a aucun effet secondaire de quoi que ce soit scientifiquement parlant et documenté solidement,
n'a aucun effet secondaire, n'a que des effets bénéfiques et pourrait réduire, comme je le mentionnais, jusqu'à
40 % l'incidence de la carie et les problèmes de carie, allant plus encore
que ça, autour de 50 % au moins, chez les personnes les plus vulnérables.
Donc,
c'est une mesure qui existe. Il y en a d'autres, il y a... on peut rajouter des
fluors topiques — on le fait déjà — on peut avoir des dentifrices fluorés, on peut avoir
d'autres... ou, tout le monde,
déménager à Rigaud, mais là ça devient un peu compliqué.
Mais, comme mesure de santé publique, c'est la mesure qui est actuellement la
plus efficace en termes de portée populationnelle.
Si
vous me permettez, M. le Président, j'inviterais mon collègue le Dr Lévy,
qui est dentiste, à compléter.
M.
Lévy (Michel) : Je pense...
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Lévy.
M.
Lévy (Michel) : Merci. Je pense que
Dr Boileau a bien résumé la situation. Si on compare, mettons, le Québec avec l'Ontario, on trouve une différence
d'environ 40 % de... au Québec, on aurait 40 % de plus de caries
qu'en Ontario. Cette différence, est-ce que c'est uniquement causé par le
niveau socioéconomique? On sait que, la carie, il y a un lien avec le niveau socioéconomique, mais on n'est
pas vraiment très, très différents de l'Ontario. Donc, comment expliquer cette
différence entre l'Ontario et nous autres?
Et la différence est vraiment… Selon les experts, c'est l'absence de la fluoration. Parce
que, si on regarde toutes les études des
régions fluorées... des comparaisons entre régions fluorées et non fluorées, on
s'aperçoit que ça donne une différence d'environ 30 %, 40 %. Donc,
c'est une différence entre l'Ontario et le Québec qui est tout à fait réaliste.
Les nouvelles données, qui sont encore
préliminaires, nous montrent qu'on a atteint un plateau. Donc, depuis 1999, il n'y a pas beaucoup, beaucoup de changement. Et
ça, c'est quelque chose qui nous inquiète aussi, du côté de la santé publique. On a atteint ce plateau-là et,
malgré tous les efforts qu'on fait au niveau de la santé publique, au
niveau des hygiénistes dentaires qui vont
dans les écoles, qui donnent des applications topiques de fluor, on n'est plus
capables de réduire la carie.
Donc, je pense que ça, c'était votre question. Puis vous
avez aussi posé une deuxième question, les
alternatives, est-ce que c'est bien ça?
Mme
Proulx : Quelles autres mesures
pourraient être mises de l'avant?
•
(14 h 20) •
M. Lévy (Michel) : Dr Boileau, voulez-vous répondre
ou... Bien, écoutez, il n'y a pas vraiment d'alternative très bonne à part la fluoration de l'eau. On peut parler
de la fluoration du sel, mais, la fluoration du sel, il y a beaucoup de problèmes avec ça. Le premier problème, c'est
qu'on ne recommande pas l'usage du sel. D'ailleurs, les Canadiens font
déjà beaucoup trop usage du sel. Le deuxième problème, c'est que l'apport de
sel est très, très variable dans la population. Certaines personnes prennent
beaucoup de sel, d'autres n'en prennent pas. Les enfants, qui ont besoin de
fluor en bas de trois ans, ne prennent
généralement pas de sel. Donc, ce n'est pas une mesure
qui est très privilégiée.
À part ça, les autres mesures… Il y a
certaines études sur la fluoration du lait, mais c'est nouveau, il n'y a pas beaucoup, beaucoup de données. Même sur la fluoration
du sel, il n'y a pas vraiment beaucoup de données là-dessus. La fluoration du lait est utilisée, mais c'est
encore expérimental. Et encore une fois
le lait, c'est le même problème, c'est que ça ne rejoint pas toute la population. Et les autres mesures sont des mesures individuelles,
comme je vous ai dit. Les hygiénistes qui font
des applications de fluor sur tous les enfants, c'est extrêmement coûteux. Si
on faisait ça sur toute la population au
Québec, il faudrait prendre tous les dentistes, toutes les hygiénistes, toutes
les assistantes, qu'ils travaillent 24 heures par jour, sept heures
par semaine. Donc, ce n'est pas une mesure qui peut être utilisée. Donc, c'est
pour ça qu'au fond la seule mesure réaliste, c'est vraiment la fluoration de
l'eau.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. Vous mentionnez beaucoup que
tout ça, toute votre position, elle est documentée, qu'il y a des études et que tous les experts se rallient autour de
l'impact positif de la fluoration de l'eau. Est-ce qu'il y a des études
québécoises? Par exemple, vous avez parlé de comparaison entre le Québec et
l'Ontario, mais, à l'intérieur même du Québec, est-ce
qu'il existe des études comparatives pour comparer, par exemple, les
populations qui ont accès à l'eau fluorée par rapport aux populations
qui n'ont pas accès à l'eau fluorée?
M.
Boileau (Luc) : Oui, on…
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Excusez-moi,
M. le Président. On a des données là-dessus. Je veux
quand même insister sur le fait que, écoutez, l'Institut national de santé
publique n'a pour objet que de vous amener, au rendez-vous de votre
prise de décision, la science. On n'a pas le droit… on ne peut pas se tromper.
S'il y avait des nuances à faire, on les ferait. Il y a énormément de sujets où
est-ce qu'il y a beaucoup de nuances à faire lorsqu'on veut proposer telle ou
telle chose, il y a des documentations de tel effet, il y a telle autre chose.
Ici, ce n'est pas par dogmatisme, c'est par validation scientifique : il n'y a pas d'effet autre, de la fluoration des
eaux, qu'un effet bénéfique sur la santé dentaire. Il n'y a pas d'autre
chose qui se passe.
Toutefois,
la population, actuellement, qui bénéficie de cette mesure-là au Québec, c'est
à peine 3 %, et ça a même été en
diminution au fil des quelques récentes années parce qu'il y a des inquiétudes
qui sont soulevées, qui ne sont pas
corroborées scientifiquement et pas appuyées par les grands organismes qui se
doivent d'étudier tout ça avec respect des différents points de vue qui sont émergents. Et nous le faisons, et
c'est notre devoir, mais, une fois que nous le faisons, nous sommes en
mesure de documenter ça.
Maintenant, à l'intérieur de la zone québécoise, les
comparaisons, avec les petites populations, que nous avons, on a des données, et je vais demander, si vous me
permettez, M. le Président, au Dr Lévy de soutenir cela.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Lévy.
M.
Lévy (Michel) :
Oui. Vers la fin des années 80, il y a eu une enquête entre les enfants de Sherbrooke, de la ville
de Sherbrooke, et de Trois-Rivières — et Trois-Rivières est fluorée. Les enfants de Sherbrooke
avaient plus de caries que les enfants de Trois-Rivières. Il y a eu aussi une enquête, une petite enquête entre Richmond et Windsor. Je ne me rappelle pas, là, je pense que c'est Windsor qui
était fluorée, mais, là encore, il y avait une différence de caries entre les
enfants qui vivaient dans la zone fluorée et ceux qui demeuraient dans la zone
non fluorée.
Maintenant,
aussi, d'une façon moins scientifique, on a regardé les enfants de Dorval quand
la fluoration s'est arrêtée à Dorval. Et, en se basant uniquement sur les examens des
hygiénistes dentaires, qui font des examens de dépistage, on s'est aperçus qu'une fois que la fluoration
s'est arrêtée à Dorval il y a eu une augmentation très rapide de la
prévalence de la carie. Encore une fois, ça, c'est moins scientifique, mais
c'est plus une observation des examens de dépistage des hygiénistes dentaires.
Donc, au niveau du
Québec, c'est à peu près ce qu'on a. Le reste, c'est des comparaisons entre le
Québec et l'Ontario et les autres pays.
M.
Boileau (Luc) :
Et, M. le Président, si vous me permettez de rajouter, dans ces éléments-là, il
faut demeurer prudents, dans la mesure où des
études de comparaison doivent être faites avec une grande rigueur scientifique
pour essayer d'éliminer les facteurs de
confusion, que ce soit, par exemple, le statut socioéconomique ou qu'est-ce
qu'on mange, au niveau des enfants,
des adultes, etc. Donc, il faut bien mesurer ça, et ça commande des analyses et
des études qui sont faites, normalement, avec de grandes capacités, de
bien vouloir pallier à ces biais-là qui peuvent se produire, de sorte qu'il peut arriver que des gens vont se manifester
avec des anecdotes en disant : J'ai vu, sur tel pays, il y a telle
quantité de fluor, puis là on a remarqué que
les caries augmentent, etc. On ne peut pas faire ce genre d'analyse là
scientifique ou… c'est-à-dire de conclusion scientifique, ça commande
une capacité analytique qui est d'une autre nature. Alors, dans ce sens-là,
pour nous, c'est important de mettre ça en relief.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Bonjour. Bonjour, Dr Boily, messieurs, madame. Alors, merci d'être là et
de participer, aux gens qui vont nous éclairer
sur la question.
Alors,
écoutez, moi, j'avais une question qui touche... Dans les opposants qui… Les
opposants, souvent, soutiennent que les
produits utilisés pour faire la fluoration de l'eau potable sont toxiques et
issus de processus de dépollution des usines d'engrais chimiques phosphatés.
Est-ce que vous pouvez nous en parler, de votre opinion sur cet argument-là?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) :
Merci, M. le Président. Écoutez, il y a beaucoup de choses qui ont été dites.
Nous les avons entendues et nous sommes en
mesure de confirmer que ce n'est pas le cas. Et je vais inviter ma collègue ou mes collègues, si M. le président accepte, de pouvoir répondre à ça avec toute la
précision scientifique que ça commande.
Le Président (M.
Bergman) : Dre Corbeil.
Mme
Corbeil(France) : Bonjour. Oui, les produits chimiques… juste
un peu décrire, il y a trois types de
produits, il y en a deux
qui sont solides et il y
en a un qui est liquide, qui
sont utilisés pour la fluoration. De la manière qu'ils sont produits, c'est le produit liquide, là, qui est à la
base de tout. Finalement, c'est... Généralement, dans l'industrie du phosphate,
quand ils font des fertilisants, ils font une réaction chimique avec la roche
qu'ils ont prise dans la croûte terrestre
pour aller chercher le phosphate. Ça fait qu'en produisant le phosphate,
finalement, ils extraient le phosphate, ils mettent un acide, puis les autres
produits… — parce qu'il y a d'autres réactions chimiques qui se
produisent en même temps — là, à ce moment-là, il y a la
production de l'acide, qui est le produit liquide qu'ils vont concentrer et s'assurer... Ça fait que c'est vraiment une solution
aqueuse avec de l'acide — on
appelle l'acide fluorosilicique — qui va contenir du fluor, puis c'est ça qui est utilisé. Donc,
c'est vraiment un coproduit qui se fait en même temps qu'on produit le
phosphate.
Après ça, ces trois produits-là... bien, celui qui est liquide va être neutralisé avec
d'autres... je ne veux pas aller trop loin, mais il va être neutralisé avec d'autres produits
pour former les deux autres produits qui sont solides et doivent
atteindre une pureté d'en haut de 97 %. Donc, le produit qu'ils reçoivent
dans les municipalités, c'est vraiment comme un sel, un peu comme le sel de
table — c'est une petite poudre blanche
qui est d'une pureté — puis, une fois que les trois produits sont mis dans
l'eau, peu importe lequel, ils vont se dissocier automatiquement en fluorure, et le restant, qui va être... Si
on prend l'exemple du NaCl, ça va être le
sodium et le chlore, mais c'est la même chose avec le NaF, qui va faire du sodium et du fluorure; puis là l'ion fluorure, c'est lui qui va être utile pour
la population. Donc, c'est vraiment important de voir que ça se dissocie au
complet. À la quantité où on le met dans l'eau, c'est vraiment tout dissocié.
M. Boileau (Luc) : Autrement dit, M. le Président, ce
sont des produits qui ne sont pas des déchets
d'entreprises polluantes, ou autres, ou
faisant d'autres produits, de pesticides, ou autres, un. Deux, ce sont des
produits qui sont très calibrés sur le plan industriel et qui nous
arrivent avec un niveau de pureté extrêmement élevé. Et, trois, lorsqu'on les
introduit dans l'eau, ils sont complètement dissous pour ne laisser disponible
que l'ion fluor, et c'est ce que nous recherchons
comme effet. Donc, sans faire tout un cours de chimie... Je pense qu'elle a
essayé de réduire un cours de chimie en
1 min 30 s,
mais, pour ceux que ça
les intéresse, on pourrait continuer et approfondir ça, mais c'est l'ion fluor
qui est libéré,
et ce ne sont pas des produits dérivés. Un ion fluor, là, qu'il vienne de l'eau
de mer, ou d'une roche, ou quoi que ce soit,
ça reste un ion fluor. On ne peut pas vous le montrer, là, parce que c'est un
ion, là, mais ce n'est pas... ça n'a pas le... un liant quelconque avec
un produit dérivé ou un produit de déchet qui est accompagné par des produits
toxiques.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Masson.
•
(14 h 30) •
Mme Gadoury-Hamelin : Finalement, pour simplifier tout ça,
est-ce que... Dans les lectures qu'on a faites,
en tout cas, on parle de minerai. Est-ce que
c'est un minerai ou c'est un produit toxique, le fluor qu'on introduit dans
l'eau?
Le
Président (M. Bergman) : Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) : M. le Président, tout
produit que vous pouvez ingérer, respirer, ou quoi que ce soit, en quantité excessive peut léser l'état de santé
d'une personne ou d'une population. On pourrait vous faire boire de
l'eau pendant quelques heures, et vous
pourriez en mourir, là, votre natrémie va changer. Donc, ce n'est pas une
question qu'un produit peut-il avoir un effet plus qu'un autre, il
s'agit de regarder le dosage à lequel on ajoute.
Mais ce n'est pas un médicament, c'est
un produit qui est totalement naturel et qui n'a pas de toxicité au niveau où on le donne, et il faut que ce soient des
niveaux colossalement supérieurs pour pouvoir avoir des effets néfastes,
colossalement supérieurs à ce que nous faisons au niveau du Québec, comme dans
toutes les communautés, les pays qui utilisent la fluoration de l'eau. M. le
Président, peut-être Dr Ayotte ou Mme Corbeil veulent...
Le
Président (M. Bergman) : Dr Ayotte.
M. Ayotte (Pierre) : Oui. Bien, comme le Dr Boileau le
disait, les ions fluorures qui sont ajoutés à l'eau, c'est un ion naturel qu'on retrouve déjà dans une certaine
concentration, dépendamment des sources d'eau qui alimentent la population. Donc, finalement, ce qu'on fait par le
traitement avec les produits dont Mme Corbeil a parlé, c'est d'ajuster
la concentration des ions fluorures à un niveau qu'on trouve optimal pour la
santé dentaire.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Vous avez parlé...
Le
Président (M. Bergman) : Il vous
reste 3 min 30 s.
Mme Gadoury-Hamelin : O.K. Vous avez parlé que cette
eau-là, finalement, elle est testée dans les
municipalités. À quel rythme l'est-elle?
Est-ce que c'est régulier? Vous avez parlé de régulièrement, mais à quel rythme
cette eau-là est testée?
Le
Président (M. Bergman) : Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) : Oui. M. le Président,
je vais demander à Mme Corbeil de répondre.
Le
Président (M. Bergman) : Dre Corbeil.
Mme
Corbeil (France) : Oui. Dans les
municipalités, il y a des normes et recommandations qui ont été émises par le
ministère de la Santé. Les municipalités doivent suivre ces règles-là, doivent
analyser leur eau de façon quotidienne. En
plus, pour… au niveau de la teneur en ions fluorures, là, en plus, ils nous
envoient quotidiennement un nombre...
non, c'est hebdomadairement un nombre d'échantillons qu'on analyse aussi de
notre côté pour s'assurer que le taux
de fluor est vraiment à 0,7 dans les municipalités. C'est ce qu'on fait. En
plus, il y a tout le contrôle au niveau du produit chimique. On
n'en a pas parlé tantôt, mais il y a aussi un contrôle qui est fait au
niveau de l'appel d'offres, où on s'assure
que le fournisseur qui va être choisi va fournir des produits de qualité selon
les certifications qu'on veut et les normes qu'on veut. Ensuite, nous,
on va faire le... Quand la municipalité reçoit un lot, nous envoie un
échantillon, on contrôle aussi le produit à
la réception pour différents paramètres, tant physiques que... les
contaminants, les impuretés, on vérifie ça. Puis après ça il y a aussi
tout le volet règlement sur l'eau potable, où là, en amont, en plus, il y a
tout le suivi qui est fait au niveau de l'eau potable.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Masson, il vous reste 1 min 30 s.
Mme
Gadoury-Hamelin : Je vais laisser...
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil,
il vous reste 1 min 30 s.
M.
Richer : M. le
Président. Bonjour, Dr Boileau, merci d'être là avec votre équipe. Les
opposants à la fluoration se posent... Et je pose la question parce que
tantôt vous disiez qu'il n'y avait pas d'effet négatif, que c'était une
mesure sécuritaire, et pourtant on voit dans les lectures que la fluoration
serait la principale cause de la fluorose dentaire, terme que je connaissais peu avant de faire mes lectures. Alors, comme
il y a seulement 3 % de l'eau, ça ne doit pas être magistral au Québec.
Alors, j'aimerais avoir juste vos commentaires. Est-ce qu'il peut y avoir un
effet négatif à ce niveau-là?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boileau, dans une
minute.
M. Boileau
(Luc) : Oui. J'ai une minute pour
répondre?
Le Président (M.
Bergman) : Vous avez une minute.
M. Boileau
(Luc) : Ah bon! Bien, si j'ai une
minute pour répondre, je vais la laisser au Dr Lévy, si vous me permettez.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Lévy.
M.
Lévy (Michel) :
Merci. C'est difficile de répondre à la question de la fluorose dentaire en une
minute. Je vais essayer. Il faut comprendre que la fluorose dentaire, ce n'est pas un
problème de santé publique. La fluorose légère, ce qu'on appelle légère ou très légère, c'est vraiment une
affectation que les gens ne peuvent pas voir. Il faut être vraiment une personne, un dentiste avec un oeil entraîné. Ce
n'est pas un problème cosmétique, c'est même... Certaines études
montrent que c'est une amélioration de
l'apparence parce que ça rend les dents un petit peu plus blanches. Quand on parle
de fluorose cosmétique, où on voit
des taches brunes, blanches, mais vraiment très visibles sur les dents, on
parle de doses beaucoup plus élevées,
beaucoup, beaucoup plus élevées. Donc, ce qu'on recommande, 0,7 partie par
million, ça ne peut pas causer de fluorose dentaire. Puis les dernières
données de Santé Canada démontrent que la fluorose modérée, la fluorose cosmétique, elle n'existe pas, à moins que c'est
des personnes qui viennent de pays étrangers où il y a beaucoup,
beaucoup de fluor dans l'eau. Mais, au Canada, ça n'existe pas, ni au Québec.
M.
Boileau (Luc) :
Donc, M. le Président, la fluorose n'est pas un problème de santé, elle
n'existe pas au dosage que nous recommandons,
au niveau ici comme ailleurs. Nous n'en avons pas au niveau québécois, dû à la
fluoration des eaux de consommation, si on
le met à sept parties par million. Il faut monter ça à au moins 400 % plus
pour commencer à voir peut-être un
petit effet, qui est cosmétique, mais qui ne donne pas la déclinaison de ce que
certains pensent que ça peut donner. Mais il n'y a aucun fait pour
corroborer ça.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Maintenant, il y a un bloc
de 20 minutes pour l'opposition
officielle, et je prendrai la première question sur le temps de l'opposition
officielle.
Dr
Boileau, dans la section de votre mémoire, qui était excellent, vous avez une
section Absence de risque sur la santé. Sur la section b, vous avez une phrase
qui dit : «Néanmoins, certaines hypothèses de recherche peu
documentées auraient intérêt à être
davantage investiguées, comme le lien entre l'insuffisance rénale et la
rétention de fluorure dans les os», et, dans la section suivante, la
section 6... c, je m'excuse : «Un lien potentiel entre le fluorure et
le cancer, et en particulier l'ostéosarcome, a été évoqué par certains
chercheurs.» Alors, en lisant ces deux phrases... Je voulais avoir vos
commentaires sur la question de risque sur la santé. Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) :
M. le Président, lorsque vous lisez la littérature scientifique, il existe toujours... et c'est
normal, et c'est souhaité même, qu'il y ait des espèces de relations qui soient
faites mathématiquement entre une idée
et une autre, c'est-à-dire un produit comme l'ion et le cancer, ou quoi que ce
soit. Et nous n'aurions pas assez de la salle ici pour remplir tout ce
qui sort par jour d'études, non pas sur le fluor mais au niveau scientifique,
de façon quotidienne. Donc, il faut être
capable de capter les études qui ont un relief solide sur le plan
méthodologique et de laisser poursuivre les critiques méthodologiques et
scientifiques autour de cela.
Nous ne pouvons cacher que certains ont prétendu
qu'il pouvait exister un lien entre, par exemple — l'ostéosarcome
—c'est le cancer des os, et la fluoration, mais ça
a été démenti par toutes les autres études qui ont été faites de ce
côté-là, et les acteurs mêmes méthodologiques se sont repliés avec d'autres
critiques méthodologiques. Parce qu'il faut
regarder les méthodes, il faut qu'il y ait une causalité, un lien dans le
temps, etc., il y a plusieurs critères pour établir ça. Alors, nous pouvons faire sortir plusieurs données
pour montrer que, ah, il y a peut-être une relation entre ça et ça, mais
le silo scientifique qui s'est creusé autour de ça, considérant l'importance du
sujet… il y a quand même 400 millions de personnes sur la terre qui sont
exposées, de façon volontaire ou délibérée par les gouvernements en place, au fluorure dans l'eau. Alors, c'est une
question importante, et tout a été creusé pour documenter qu'il n'y
avait pas ces effets-là, que ce soit là ou sur l'effet rénal, comme certains
ont pensé qu'il pourrait y avoir.
Nous augmentons, depuis 40 ans,
l'espérance de vie des Québécois, à chaque jour, de six heures par jour. C'est ce que vous voyez au niveau de votre
population et c'était même plus un peu avant. Donc, on a une
augmentation énorme de l'espérance de vie et
de la vie des citoyens québécois depuis une quarantaine d'années, même avant,
comme je le disais, et tout ceci est lié à
une série d'événements qui ne sont pas... ce n'est sûrement pas la fluorose...
la fluoration des eaux qui a amélioré
l'espérance de vie à la naissance, mais il y a beaucoup de choses qui nous
apparaissent maintenant plus visibles
avec le vieillissement des populations. Et tous les liens qu'on a essayé de
faire, chez nous comme dans l'espace scientifique général, en lien avec
le fluor, c'est zéro, il n'y a que l'effet bénéfique. Donc, pour ces deux
questions, il n'y en a pas…
Peut-être
mon collègue Dr Lévy veut rajouter sur l'effet rénal ou si...
Le
Président (M. Bergman) : Dr Lévy.
•
(14 h 40) •
M. Lévy (Michel) : Je pourrais vous parler au niveau de
l'ostéosarcome. L'ostéosarcome est un cancer très rare qui se retrouve chez les enfants; chez les personnes âgées aussi,
mais ça, c'est autre chose, c'est causé par d'autres causes. Mais certains ont émis l'hypothèse que, puisque le fluor se
dépose dans les os, il pourrait y avoir un lien avec ce cancer rare, qui est le… des os, qui s'appelle
l'ostéosarcome. Bien qu'une étude, une ou deux études ont rapporté un
lien entre le fluorure et le cancer des os,
l'ostéosarcome, chez les enfants, d'autres études ont rapporté le contraire,
surtout chez les garçons. C'est vraiment… Le
lien qui a été trouvé, c'est chez les jeunes garçons, mais d'autres études ont
démontré un effet protecteur.
Donc, ce que le National Research Council
avait recommandé, c'est de faire une étude où la quantité de fluorure à l'intérieur
des os, des biopsies, serait mesurée. Donc, cette étude, c'est une étude de
Harvard où ils avaient trouvé un lien ou
une association avec les enfants de cinq à huit ans et l'ostéosarcome. Cette
fois-ci, la même équipe de Harvard a pris des mesures, des biopsies
osseuses et n'a trouvé aucune relation avec les concentrations de fluorure dans
les os et puis l'incidence d'ostéosarcome. Donc, ça a démenti la première
étude.
Nous
autres, à l'institut, on a fait deux analyses sur deux bases de données
américaines, avec plusieurs milliers de cas
d'ostéosarcome de 1974 à 2007, et on n'a trouvé aucune relation. C'est
exactement les mêmes taux entre
garçons et filles. On sait que, chez les filles, il n'y a pas de lien entre le
fluorure et l'ostéosarcome. Donc, il n'y a pas vraiment de raison de
croire qu'il y a un lien, et l'effet du fluorure sur tous les autres cancers a
été démenti par les études. Donc, vraiment,
ce qu'on peut conclure à date, c'est qu'il n'y a pas de lien entre le fluorure
et tous les cancers.
Le
Président (M. Bergman) : Et en ce qui
concerne l'insuffisance rénale?
M. Lévy (Michel) : Concernant l'insuffisance rénale, si
des personnes sont dialysées, l'eau qui est utilisée pour les machines à dialyse, automatiquement ça doit être
de l'eau purifiée, ne doit contenir aucun contaminant.
Maintenant, à une concentration très faible
de 0,7 partie par million, est-ce qu'une personne qui a une insuffisance rénale doit
s'abstenir de boire de l'eau? Ça, c'est une hypothèse, mais, jusqu'à présent,
les grandes organisations qui se sont
penchées là-dessus, les CDC aux États-Unis, Santé Canada, n'ont pas vraiment
émis de recommandation là-dessus.
M. Boileau (Luc) : Autrement dit, la relation de cause à
effet, il n'en existe pas. Ça n'induit pas une
insuffisance rénale. La question qui était relevée, c'était plus :
Lorsqu'on a une insuffisance rénale, par toutes sortes de raisons, est-ce qu'on peut continuer à boire de l'eau? Et,
quand on utilise la machinerie pour la dialyse, technologiquement… on
rentre ça dans le sang direct. Donc, c'est pour enlever tout, tout, tout. Donc,
on ne fait pas exprès d'enlever le fluor, c'est juste que le filtrage enlève
tout, pour ne garder que les produits sanguins qu'on veut nettoyer. Alors,
c'est technologiquement comme ça.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. M. le
député de Mégantic.
M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. M. Boileau,
j'ai bien pris en note vos recommandations, ici,
en disant qu'il n'y avait aucun effet nocif
et qu'il n'y avait aucune sensibilité significative sur la consommation de
fluor dans l'eau. J'ai un livre ici
qui s'appelle La fluoration — Analyse d'une erreur scientifique, par Berger, qui, principalement, se base sur les 170 millions
d'Américains qui consomment du fluor depuis plus de 50 ans. Et ce
document-là met en contradiction beaucoup des éléments sur lesquels vous nous
avez informés tout à l'heure, en termes de fluorose, en termes de cancer, en
termes d'impacts biologiques, en termes d'impacts sur les écosystèmes, etc.
Est-ce que vous avez pris connaissance de ce manuel-là et quelles sont vos
conclusions à l'intérieur de ce manuel-là?
Le
Président (M. Bergman) : Dr Boileau.
M. Boileau (Luc) : Oui. M. le Président, on a pris
connaissance de ce manuel-là. On en tient compte dans toutes les analyses et
ce qu'on vient de vous dire. Donc, on n'a pas éclipsé, là, quelque domaine que
ce soit. Nous serions en mesure de vous donner une critique que nous
avons documentée de ce livre-là, nous, comme d'autres groupes scientifiques.
Donc,
il y a beaucoup de gens qui vont écrire beaucoup de choses. Notre job à nous,
c'est de voir si le relief scientifique qui
est utilisé là-dedans permet de traverser la barre de la recommandation pour
des décideurs publics que vous êtes, et puis ça ne permet pas de le
faire. Donc, il y a...
Si vous nous demandez spécifiquement, page par page, on
pourrait vous le traiter, mais, de façon générale, nous avons une critique complète de ce livre-là, comme
des... parce que ce n'est pas le seul. Il y a eu d'autres éditions également qui ont remis en question des choses.
Mais on en retrouve de tout, là, il y a un anesthésiste qui parle qu'on
est capable de réfléchir dans l'au-delà, etc. Il y a toutes sortes de choses,
là, qui s'écrivent abondamment.
Puis
ce n'est pas parce qu'on est un professionnel qu'on a nécessairement du
jugement, là. Je ne veux pas en faire la
preuve aujourd'hui, mais je veux vous dire que ce n'est pas parce qu'on a écrit
un livre sur un sujet que ça devient une
référence scientifique. C'est important pour nous, pour votre bénéfice, qu'on
en tienne compte. On le prend au complet, on analyse tout ça, mais on
est en mesure de vous dire que nos points de vue tiennent totalement compte de
ce qui est écrit là-dedans, parce que ce n'est pas fondé scientifiquement,
nonobstant ce qu'il en écrit lui-même. Désolé, mais ça arrive comme ça.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc (Mégantic) : Est-ce que le Dr Boileau peut déposer ce document-là qui est en
référence à la critique de ce document-là,
pour qu'on puisse aussi le consulter et en tenir compte adéquatement dans notre
évaluation?
Le Président (M.
Bergman) : Si vous voulez déposer,
c'est à votre choix.
M.
Boileau (Luc) :
Oui. C'est un sommaire de la critique du livre. On n'a pas écrit un livre sur
le livre, là, mais... C'est un sommaire, mais
ça... on n'a aucun problème. Toutes les données de l'institut sont des données
toujours publiques, à moins qu'elles soient nominatives.
Document déposé
Le Président (M.
Bergman) : Parfait. Alors, c'est
déposé. Merci. On rendra des copies aux membres de la commission. M. le député
de Jean-Talon.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Dr Boileau, j'aurais peut-être aimé vous
entendre, là… de votre impartialité par rapport aux positions gouvernementales. Je sais que
l'Institut national de santé publique dépose souvent des documents, basés habituellement sur des
documents scientifiques, avec des études. Et, au niveau gouvernemental,
vous recommandez, et, advenant le cas que le gouvernement n'est pas d'accord
avec vous, ça ne doit pas changer vos idées.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boileau.
M. Boileau
(Luc) : Oui. M. le Président, cette
question, nous l'entendons bien, surtout de quelqu'un aussi expérimenté que la
personne qui a posé la question, pour la contribution qu'il a eue comme
ministre de la Santé.
L'Institut
national de santé publique du Québec est une organisation qui est créée par une
loi qui le crée,
qui a maintenant une quinzaine d'années. C'est M. Rochon qui avait mis de
l'avant la proposition structurante. Il a pour objet d'apporter, sur la table de la prise de décision ou encore de
nos laboratoires, ou autres, mais par rapport à des politiques publiques, toutes les données qui sont
nécessaires à une saine prise de décision. Nous ne pouvons être
influencés par le gouvernement, Dieu
nous en garde, et nous avons comme mécanique le fait qu'un avis, par
exemple, qui nous est demandé par le
ministre, nous lui donnons l'avis, mais nos avis deviennent publics quelque
60 jours plus tard, pour laisser l'occasion du ministre
interpellant le bénéfice de prendre note de nos propositions.
Jamais,
dans les quelque quatre dernières années et demie que j'assume cette
fonction-là, je n'ai eu d'interpellation d'un ministre pour venir modifier, gêner, changer,
ajuster quoi que ce soit au niveau des avis scientifiques de l'institut.
Nous sommes très heureux de la chose, parce que ça nous permet d'être
totalement, j'espère, objectifs et transparents sur les questions qui nous sont demandées. Nous devons être votre
référentiel scientifique au niveau national et nous essayons de l'exercer au mieux que nous pouvons. Et nous
sommes très heureux du côté assez rayonnant de nos positions, qui sont généralement reprises par l'ensemble des acteurs,
incluant des gens sur la scène ailleurs au Canada ou dans le monde.
Donc, là-dessus, il y a ce qu'on appelle un «arm's length», c'est-à-dire une
distance de bras pour ne pas être influencé par des positions…
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Puis, advenant le cas également que vos études,
vos évaluations démontrent un fait mais que
99 % de la population n'est pas d'accord, à ce moment-là, à ma
connaissance, vous allez vous en tenir à votre rapport et vous ne changerez pas
nécessairement votre opinion par rapport à la popularité ou par rapport aux
articles de journaux.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) :
M. le Président, normalement, en fait, on ne change pas de point de vue. Ce
qu'il nous faut cependant, c'est gagner en
sensibilité sur le fait que des gens peuvent ne pas partager ce point de vue
là, et là on doit, bien sûr, utiliser, nous ou d'autres,
des moyens pour mettre en relief ces informations-là et faire en sorte que les
gens gagnent en information et ne soient pas soumis à des points de vue ou des
idées qui peuvent être attirantes par le fait qu'on
s'assimile toutes sortes de nouvelles données, des peurs, etc., puis ce qui
arrive très, très souvent. On n'est pas dans la première chose qui nous
interpelle de ce côté-là.
Mais
on doit être sensibles à l'opinion des gens, et ça doit venir nous influencer
sur l'importance de bien utiliser les bons
mots et de bien traduire nos points de vue scientifiques. Mais ça ne devrait
pas nous amener à pencher dans une balance
quelconque, même si, soit dit en passant, les données qu'on avait montraient
que, la fluoration des eaux, lorsqu'on demande aux populations en
général, ils sont d'accord avec ça, donc... Puis ce n'est pas une donnée, là,
qui vient changer nos points de vue, là, c'est simplement de vous ramener sur
le dossier en ce moment.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
• (14 h 50) •
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. J'aimerais ça vous entendre sur l'Organisation
mondiale de la santé. C'est quoi, leur
position par rapport à la fluoration de l'eau?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Lévy.
M.
Lévy (Michel) :
Toutes les grandes organisations, dont l'Organisation mondiale de la santé,
sont en faveur de la fluoration de l'eau, reconnaissent la fluoration de l'eau comme la
mesure la plus efficace pour prévenir la carie dentaire et la plus
équitable parce que ça rejoint, comme Dr Boileau a dit, toutes les
populations, quel que soit l'âge, le niveau socioéconomique.
Donc, si on regarde l'Organisation mondiale de la santé, les CDC à Atlanta,
Santé Canada, toutes les autres grandes organisations ont la même
recommandation envers la fluoration de l'eau.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) :
M. le Président, l'Organisation mondiale de la santé, c'est une organisation
qui est une machine à production d'avis scientifiques aussi, de sorte que ces grandes
organisations là, tout comme l'institut — on
n'a pas la prétention
d'être l'Organisation mondiale de la santé — doivent
carburer à toutes les données qui sortent sur un
sujet, qu'elles soient dans une ligne de pensée déjà scientifiquement
documentée ou qu'elles s'en écartent. Nous n'avons aucune restriction du côté de l'Organisation mondiale de la santé, tout
comme l'institut national, à accueillir des points de vue, et des
données, et de la documentation qui pourraient diverger. Il n'y a aucun
militantisme ici, ce n'est que la donnée scientifique qui est amenée.
Donc,
on n'est pas des gens qui sont pour la fluoration des eaux. Ce n'est pas le
point. Ce sont... On est des gens capables de vous dire que la fluoration des eaux a
des effets bénéfiques et n'a pas d'effet négatif, tel que documenté et
tenant compte de tout ce qui est écrit, tout ce qui est dit et tout ce qui est
rapporté dans quelque pétition que ce soit. On
a accès au complet. Tous les mots sont analysés, pesés. Les référentiels, on va
les chercher au complet pour être certains qu'on ne manque pas quoi que
ce soit.
On
fait notre travail de façon consciencieuse, élargie, pour vous assurer, tout
comme l'Organisation mondiale de la santé le fait... Ils ne carburent pas juste avec
des gens qui ont la même opinion qu'eux autres. Ils doivent tenir compte
de tout l'espace scientifique, parce qu'il y
a des choses qui évoluent dans des domaines. Mais celui-ci, malgré
l'évolution des 65 dernières années en termes de référentiels
scientifiques, il n'y a aucun écart qui justifie le fait qu'on vienne vous
donner un point de vue différent de celui qu'on vous exprime.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon,
il vous reste trois minutes.
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Oui, M. le Président.
Peut-être une réponse, si possible, assez brève, parce que j'aimerais ça que ma collègue puisse poser une
question. C'est quoi, votre réponse aux gens qui disent qu'il faut
laisser le libre choix par rapport à
l'utilisation de l'eau? C'est souvent un argument qui est apporté par les gens,
c'est-à-dire : on ne devrait pas imposer ça à une personne, ça
devrait être un libre choix.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Boileau.
M.
Boileau (Luc) :
M. le Président, c'est une bonne question, effectivement. Il y a beaucoup de
choses qui sont rajoutées sans demander
nécessairement l'opinion collective de tous les citoyens, par exemple l'acide
folique dans tout ce qui s'appelle farine au
Canada. Et c'est des recommandations qui ont émergé d'un peu partout, notamment
ici, du Québec, pour éviter les problèmes du
tube neural dans les problèmes de croissance. On a l'iode qui est rajouté au
niveau du sel de table pour permettre la diminution des risques de goitre. On a
bien sûr la vitamine D qui est dans le lait, et que certains... Moi, j'ai des gens, quand j'étais clinicien, qui me
demandaient : Est-ce que je pourrais avoir accès à du lait non pasteurisé, pas de vitamine D, parce que je ne
crois pas là-dedans? Bien, ça n'existe pas, là. Vous n'achetez pas ça.
Il faut que vous alliez voir une vache pour ça. Donc, ce n'est pas facile
d'avoir ça.
Donc,
on a des mesures qui existent déjà et qui ont un effet bénéfique pour
l'ensemble de la santé de la population, qui
n'ont pas d'effet secondaire létal, et le fluor en est une. Il y a d'autres
mesures qui existent, d'autres choses qui se passent,
que ce soient les cellulaires, l'électricité, et qui vous donnent des champs
électromagnétiques qui peuvent avoir des effets sur vos cellules, etc.
Mais il y a un bénéfice à être éclairé, à se promener, des fois, avec un
cellulaire, ou autres, là.
Je ne dis pas qu'il faut que tout le monde ait ça. Mais il y a des mesures qui
existent, qui sont existantes dans tous les secteurs et qui peuvent
avoir des effets positifs pour tout le monde. Il n'y a pas, ici, d'effet
négatif. Donc, par rapport à la liberté, c'est ça, d'une part.
D'autre
part, il y a un comité national d'éthique qui a été saisi de la question,
commandé par le ministère il y a de cela quelques années à peine, par le directeur
national qui voulait modifier le règlement par rapport à la fluoration
des eaux et qui a réfléchi en disant que
c'était une mesure qui, justement, par son bénéfice collectif et sans réserve,
pouvait être accueillie, dans la mesure où
on informe les populations de cela, où on les mobilise, on les tient au courant
pour qu'elles soient complices de la décision, idéalement, là, pour bien
les informer… Ce n'est pas de faire ça en cachette, c'est de rendre le tout
transparent.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, le temps pour ce bloc s'est écoulé. Et Mme la députée de Montmorency, pour un bloc de cinq minutes.
Mme
St-Laurent :
Oui, je vais aller très vite. On voit qu'il y a des effets bénéfiques.
Quelques-uns disent des effets bénéfiques, d'autres experts disent des effets
négatifs. Ici, selon ce que je lis ici, on dit que les grandes villes de
Montréal, Régina et Vancouver, ils n'ont pas
eu de fluoration, et que Toronto en a eu, et que ces villes-là, Montréal et
Vancouver, ont un taux plus bas. C'est quand même des statistiques assez
bonnes. Et d'où vient l'utilité… l'inutilité? Page 67 de ce document-là.
Je
vais continuer ma question. Vous dites : Ce n'est pas un livre
scientifique, ce livre-là. J'ai lu de la
jurisprudence, j'ai lu des experts qui sont
dedans, je suis avocate de nature, et je vais arriver avec une autre question,
et je reviendrai à la première question que je vous ai posée : Pour
des experts, quelle est votre méthodologie? Sur quoi vous vous basez? Vous avez des études ici et là, vous regardez,
vous savez que, les expertises, ça peut arriver, des effets contraires.
Est-ce que... Quelles sont vos bases? Vous
avez parlé, au départ, des Américains, et vous savez que les Américains, avec
le rapport Taylor, Armstrong et
Martin, ils sont partis avec ça pour donner de la fluoration. Et vous savez que
ces rapports-là, ils ont eu des
erreurs méthodologiques épouvantables, de sorte que ces rapports-là, des années
après, ont été rejetés. On a maintenu ça quand même aux États-Unis.
Et
vous, ici, pourriez-vous me dire sur quel rapport vous vous fondez, sur quelle
base méthodologique vous vous fondez?
Le Président (M. Bergman) : Dr Boileau.
M. Boileau
(Luc) : M. le Président, la façon
dont on doit traiter dans l'espace scientifique toutes les données qui sont apportées, et je... Si vous me permettez,
on vient dire que c'est un livre scientifique, il y a beaucoup de livres
scientifiques qui sont publiés, beaucoup de
documentations qui sont dans l'espace scientifique. Ça ne veut pas dire…
malgré l'amalgame qu'on veut faire d'une
série de positions, c'est un livre qui est connu et qui est d'abord,
fondamentalement, militantique, et qui capte l'espace scientifique, et qui le
tord pour l'apporter avec un point de vue.
La
façon méthodologique de traiter… parce que la question est sur la méthode, comment on traite
l'aspect méthodologique lorsqu'on soulève
une question comme celle-là; il n'y a pas beaucoup de méthodes. Il y a ce qu'on
appelle des approches qui sont fondées sur les évidences, et les évidences
peuvent être classifiées selon plusieurs catégories, mais il y a des évidences très fortes qu'on peut avoir, par exemple, sur
un médicament, son effet, des documentations à double insu qui sont à
l'aveugle, vous faites ci, ta ta ta. Alors, il y a différentes classifications.
La façon dont on amène les points de vue scientifiques,
c'est en tenant compte de cet arbre décisionnel qui est éprouvé, utilisé
par tous les organismes de recommandation scientifiques, donc que ce soit le
National Cancer Institute, que ce
soit l'Institut national de santé publique, l'Agence de santé publique du
Canada, les grandes agences internationales, l'OMS, etc. C'est comme ça
que ça doit être fondé.
Maintenant,
spécifiquement, si vous me permettez, sur la question de la fluoration des eaux, bien, il y a cette série d'études là qui
sont analysées par des groupes, qui ne sont pas tous chez nous, on ne peut
pas abriter tout ça, mais plusieurs groupes
qui sont des référentiels scientifiques reconnus et qui expliquent leurs
méthodes qui sont reconnues, classifiées dans le Cochrane, etc., et
qu'on peut utiliser, d'une part.
D'autre part, les
réserves qu'on peut avoir par rapport à certains grands rapports américains… Il
y a plusieurs grandes études américaines, ou
canadiennes, ou internationales sur différents sujets qui doivent être
nuancées. Il n'ya à peu près rien
qui peut être pur, sauf, des fois, ce qu'on vient de dire tantôt sur les ions,
mais la pureté de la science, elle a ses portées limites. Mais, lorsque
100 % — ce n'est pas 99 %,
100 % — de l'espace
scientifique international converge sur une
chose, c'est probablement parce qu'il faut s'attendre à ce qu'en arrière-plan
il y a quelque chose d'assez solide de ce côté-là; et nos méthodes ne
sont pas différentes des autres.
Donc, classification
de la force des rapports, des liens associatifs, des bases méthodologiques en
termes de documentation. Il ne faut pas que
ce soit anecdotique. Avec des anecdotes, moi, je peux vous amener très, très
loin, là, mais il faut qu'on puisse rester dans un espace solide,
scientifique. Veux-tu rajouter?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Lévy.
M. Lévy
(Michel) : Je peux répondre?
• (15 heures) •
Le
Président (M. Bergman) : Est-ce que vous avez un commentaire? Il reste juste une demi-minute.
Est-ce que...
M. Lévy (Michel) : Je pense que je rejoins un peu ce que
le Dr Boileau a dit. Nous autres, ce qu'on fait,
c'est un peu la même chose que les grandes
organisations font, on regarde toute la science. On ne va pas chercher… on ne
va pas faire du «pick and choose»,
choisir ce qui nous convient, prendre un petit morceau d'une étude ou d'une
autre comme ce qui est fait dans ce livre; on regarde toute la science,
on regarde l'ensemble, et c'est comme ça qu'on se forme une opinion. Et toutes
les grandes organisations qui ont fait ça, que ça soit le National Cancer
Institute… toutes les autres organisations font exactement la même chose, elles
regardent tout l'ensemble, et on se fait une opinion avec ça.
Le
Président (M. Bergman) : Alors,
malheureusement, le temps s'est écoulé. Alors, Dr Boileau, Dr Ayotte,
Dr Lévy, Dre Corbeil, merci pour votre présentation, merci d'être
ici, avec nous, aujourd'hui, ici.
Et je demanderais aux gens de la Coalition
Eau Secours! de prendre leur place à la place à la table et je suspends notre séance pour quelques instants.
(Suspension
de la séance à 15 h 1)
(Reprise
à 15 h 4)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre,
s'il vous plaît! Alors, je vous souhaite la bienvenue, Coalition Eau Secours!,
M. McGee, M. Pirani, Mme Bernier, Mme Guay. Merci d'être
ici, avec nous, aujourd'hui. Vous pouvez commencer
votre présentation. Vous avez 15 minutes. S'il vous plaît, faites votre
identification, et on va savoir vous êtes qui, et continuez votre
présentation.
Eau Secours! Coalition
québécoise pour
une gestion responsable de l'eau
Mme Châtelain (Martine) : Bonjour. Je vais vous présenter les
différents intervenants. Je suis Martine
Châtelain, la présidente de la Coalition québécoise pour une gestion
responsable de l'eau Eau Secours!
Je veux vous dire bon Jour de la Terre, c'est
la journée de la terre aujourd'hui. La Coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau vous remercie, remercie
la commission de lui permettre d'exprimer son opposition à la fluoration de
l'eau potable.
Avant de vous livrer votre mémoire, je veux
vous mentionner que la Coalition pour une
gestion responsable de l'eau adhère au réseau sans fluor, qui est constitué de
l'ensemble des personnes, comités, groupes et organismes
dont l'objectif commun est d'avoir cette commission parlementaire et de pouvoir
exprimer son opposition. Alors, vous
avez un beau cas de collusion; nous nous sommes entendus pour que vous
n'entendiez pas des répétitions lors de
ces deux jours. Donc, certains vont traiter de l'aspect plus scientifique;
d'autres, de l'aspect éthique; d'autres, de l'aspect légal; d'autres, de
l'aspect sanitaire; et d'autres, de l'aspect économique de la question. Nous
nous sommes séparé les dossiers.
Alors, aujourd'hui, nous nous sommes aussi
séparé les droits de parole, parce que la Coalition Eau Secours! est une coalition de
différents groupes. Alors, elle a été constituée en 1997, suite à la lutte
citoyenne qui a permis de contrer la privatisation
des services de l'eau de la ville de Montréal. Elle compte
1 700 membres individuels à peu près, 266 groupes, dont 47 nationaux, et 87 porteurs d'eau,
qui sont des personnalités dont la notoriété a été mise au service de l'eau.
Alors, dans cette coalition-là, il y a le
Conseil des Canadiens. Alors, le Conseil des Canadiens représente... Nous, on
touche environ 1,5 million de
personnes. Le Conseil des Canadiens en touche facilement 50 000 à
55 000 dans le reste du Canada.
Il est représenté à la Coalition Eau Secours! par M. Abdul Pirani, du
chapitre de Montréal, qui, dans son mémoire, a présenté la situation
dans le reste du Canada.
Alors, je vous incite à lire que, dans
l'ensemble du Canada, la fluoration baisse en ce moment. Plusieurs municipalités se retirent du programme de fluoration, et
on est passés des 60 % dont nous parlait la Santé publique à environ
34 %. Vous avez la liste des grosses villes qui se sont retirées du
programme.
J'ai aussi avec moi Dominique Bernier, des
Ami-e-s de la Terre, qui va vous adresser la parole, et Mireille Guay, qui est chimiste et qui va pouvoir vous entretenir
un peu plus de notre position par rapport à la position de la Santé publique.
Alors, je donne tout de suite la parole à Mme Dominique Bernier.
Mme Bernier (Dominique) : Bonjour. Les principes qui animent
Les Ami-e-s de la Terre, qui sont membres de
la Coalition Eau Secours! depuis qu'on se penche sur cette question, sont les
principes de précaution, la protection de l'environnement et le choix libre et
éclairé.
Le principe de précaution, il se définit
comme suit : c'est qu'en cas de risque de dommage grave ou irréversible, l'absence
de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour
remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives qui viseraient à prévenir la dégradation de l'environnement.
Nous, c'est un concept auquel on tient, et il est enchâssé dans la
constitution de plusieurs pays, notamment des pays européens.
La
fluoration de l'eau, pour nous, c'est un exemple classique de non-respect du
principe de précaution. Pourquoi? Parce qu'entre autres l'innocuité de cette
mesure est contestée par de nombreuses études et des revues de littérature
récente, notamment la revue de M. Declan Waugh, en Irlande, à laquelle je
vous réfère. Je ne sais pas si M. Waugh
va participer à la commission, mais ça vaut la peine d'être lu, c'est éloquent.
Notamment, il y a des impacts qui vont des fluoroses dentaires et
osseuses — parce que les dents
c'est la partie visible des os, donc, quand il y a fluorose
dentaire, il peut y avoir fluorose osseuse — il y a des effets
cancérogènes qui sont documentés ainsi que la réduction
du quotient intellectuel, qui a été largement documentée aussi. À des
concentrations de 0,88 %, il y a déjà des effets documentés sur le
quotient intellectuel, ce qui est très proche du 0,7 % préconisé par
l'INSPQ, et ça s'ajoute au fluorure qu'on ingère d'autres sources, parce que
l'eau potable n'est pas la seule source de fluorure. On n'a aucun contrôle sur
la dose totale consommée par une personne. Ça, c'est important de le dire.
En
fait, les produits utilisés non plus n'ont jamais fait l'objet de réels tests
toxicologiques et pharmacologiques. Il n'y a pas... On cherche encore les études d'impact
de ces produits-là et on cherche les essais cliniques aussi, notamment
les essais cliniques, sur le long terme, de faibles doses. Qu'est-ce que ça
fait à long terme d'ingérer une faible dose de fluorure toute sa vie durant? Est-ce
qu'il y a des études sérieuses qui ont été faites là-dessus? On n'en a pas
trouvé.
• (15 h 10) •
L'INSPQ
se base souvent sur la fameuse revue The York, il la cite beaucoup.
C'est une revue de littérature qui a été beaucoup utilisée, qui est sortie au début des
années 2000, mais les auteurs de cette étude ont soumis une
déclaration en 2008 pour mettre de gros
bémols sur la façon dont les conclusions de leurs études avaient été utilisées.
Je vous l'ai citée, cette déclaration, en conclusion du mémoire des
Ami-e-s de la Terre. Je vous invite à vous y référer, c'est éloquent. En fait, ce qu'ils disent, en substance, c'est que
la plupart des études scientifiques… la plupart des scientifiques qui se
sont penchés sur cette question s'accordent pour dire que les études qui
justifient la pratique de la fluoration sont soit de mauvaise qualité soit
obsolètes. Donc, il y a quelque chose là. C'est l'étude... la revue principale
qui est utilisée pour justifier la fluoration aujourd'hui.
Même son efficacité, à
la fluoration, pour combattre la carie dentaire est remise en question par de
nombreux experts, parce qu'en fait on se
base sur des données recueillies dans les années 40. Les meilleures
données proviennent des
années 40. Et puis cette mesure ne s'attaque pas aux causes de la carie
mais seulement aux symptômes, alors que les causes sont connues et sont communes à d'autres maladies : la
mauvaise alimentation, une hygiène dentaire déficiente, le manque d'accès aux soins dentaires préventifs. La
carie dentaire, dans le fond, est le symptôme visible d'un
affaiblissement plus large de l'état de
santé. Puis ça, c'est important d'en tenir compte, parce que, par exemple, la
fluoration de l'eau ne réglera pas le
problème de diabète, qui a une cause commune avec la carie dentaire, celle de
la consommation excessive de sucre. Donc, c'est important d'en tenir
compte.
Quant
au bilan environnemental, il n'est pas réjouissant. En fait, les fluorures...
la concentration permise par le MDDEFP est de 1,5 milligramme par litre de
fluorure, alors que le fluorure est reconnu comme étant aussi toxique
que l'arsenic et le plomb. C'est des concentrations permises supérieures...
100 fois la concentration de plomb permise et 60 fois la concentration d'arsenic. Alors, nous, on a plusieurs
recommandations, dont on fait la liste dans notre mémoire, la principale
étant de stopper la fluoration de l'eau potable. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : Mme Guay, maintenant. Mme Mireille Guay, chimiste, va vous
adresser la parole.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
Mme Guay
(Mireille) : M. le Président,
mesdames messieurs, j'aimerais aujourd'hui vous convaincre que la fluoration de l'eau potable est une mesure
inutile, nocive pour plusieurs personnes, désuète dans la façon de prévenir
les maladies par la nutrition et qu'elle nuit aussi à la crédibilité de la
Direction de la santé publique, parce qu'elle est basée sur des omissions et
des données erronées.
Tout
d'abord, le fluorure a usurpé la réputation de protecteur des dents. Dans les
années 70, une équipe a montré que la corrélation statistique entre faible taux
de carie, présence d'ions dans l'eau s'établit avec le strontium mais ne
s'établit pas avec le fluorure. Et les
dentistes ont peut-être accepté cette idée-là, parce que, depuis plusieurs
années, ils appliquent du fluorure de
strontium sur les dents des enfants. Les doutes sur le rôle du fluorure comme
protecteur des dents avaient déjà été émis par des dentistes dans les
années 50, mais ces informations ont été, petit à petit, passées sous
silence, éliminées des rapports et des livres, et, à partir du moment où on a
fait ça, eh bien, l'hypothèse du fluorure protecteur des dents, c'était une
bonne hypothèse de travail, mais ça s'est transformé en dogme, tout simplement.
La
fluoruration de l'eau, c'est aussi quelque chose de dangereux pour plusieurs
personnes, et, fondamentalement, le fluorure est un inhibiteur de l'énolase, une
enzyme dont toutes les cellules de tous les organes ont besoin pour
produire leur énergie. Donc, c'est un
inhibiteur général d'un processus fondamental, et, comme il y a de grandes
familles d'enzymes, je n'ai pas été surprise de découvrir que le
fluorure inhibe d'autres processus, dont la synthèse du collagène. Et le
collagène, c'est une protéine qui est l'armature pour les os, les dents et pour
que le calcium se dépose. Donc, c'est un problème assez général d'inhibition
d'enzymes par le fluorure.
Le
fluorure, ce que j'ai remarqué et qui m'a frappée, c'est que, dans le sérum
sanguin, le taux de fluorure reste toujours beaucoup plus bas que la concentration de
fluorure, plus bas que la concentration du fluorure dans l'eau ingérée,
même quand il s'agit de faibles concentrations dans l'eau. Et, à ce moment-là,
ça m'amène à faire une hypothèse : si
les os et les dents accumulent le fluorure, ce n'est pas parce que les os et
les dents en ont besoin pour leur structure, c'est plutôt parce que
c'est un moyen pour le corps d'immobiliser, de confiner un poison qu'il n'a pas
pu éliminer par les reins, par exemple, ou d'une autre façon. Et ce qui
corrobore ça, c'est qu'on accumule le fluorure également dans les cheveux et
dans les ongles.
Alors,
finalement, j'aimerais aller à la dernière opinion que j'émets dans mon mémoire
et qui est la suivante : J'estime que
la Direction de la santé publique est en train de perdre sa crédibilité en
continuant de soutenir la fluoruration de l'eau
comme moyen et je pense que c'est une situation très grave, parce que, quand
les agences gouvernementales perdent leur
crédibilité auprès de la population ou auprès des maires des petites
municipalités, il y a quelque chose qui ne va pas dans l'État.
Je
vous remercie de votre attention. Je reste disponible pour répondre à des
questions sur la partie de mon mémoire dont je n'ai pas traité.
Le
Président (M. Bergman) :
Mme Châtelain.
Mme Châtelain (Martine) : Pourquoi nous avons partagé le temps?
C'est que nous croyons que ces personnes devaient être entendues. Ils font partie de la
Coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau. Nous sommes
19 dans un comité de coordination. À cette table, nous sommes les trois
principaux syndicats du Québec, la CSN, la FTQ et la CSQ, il y a des communautés religieuses, des associations
étudiantes, des artistes et des membres du
public, des comités en défense de lutte. Alors, c'est vraiment une large
coalition.
En 2008, la coalition a été demandée par la
commission de l'eau de Gatineau pour avoir une position sur la fluorationde l'eau potable. Nous n'en avions pas à
l'époque. Nous avons donc engagé des chercheures, et trois chercheures — parce que c'étaient
des femmes — différentes nous ont
recommandé de ne pas appuyer la fluoration de l'eau potable pour différentes raisons. Et une revue scientifique,
dont je vous passe la lecture mais que vous trouverez dans nos documents
et sur notre site Internet... C'est qu'on
croit qu'ultimement la fluoration de l'eau, ce n'est pas une mesure
scientifique, c'est une mesure de
nature politique. Et un des rôles de la Coalition Eau Secours!, c'est de
soutenir les gens qui n'en veulent pas.
Nous
avons rencontré en 2008 la Direction de la santé publique. Nous avons rencontré
à ce moment-là le Dr Fortin, le dentiste de la Santé publique, et le
Dr Poirier, qui était à l'époque directeur de la Santé publique. Je vais vous dire, nous étions deux personnes et nous
avons reçu un accueil que je qualifierais de condescendant. On nous a
traitées de petites madames qui ne savaient
pas lire les études. Alors, comme citoyens, c'est un peu insultant de la part
de la Santé publique. Par contre, on
nous a dit qu'il n'y avait pas d'opposition de la Santé publique à ce que nous
allions, municipalité par municipalité, défendre le point que nous
soutenions, c'est-à-dire l'interdiction de la fluoration. C'est ce que nous
avons fait au cours des années.
Au cours des années, nous avons eu des appels
de citoyens. Et je dois vous dire que jamais nous n'avons eu de citoyens qui nous ont appelés pour qu'on mette du fluor
dans l'eau. Tous les citoyens qui nous ont appelés nous ont appelés pour
dire : Mais qu'est-ce que c'est que ça, cette affaire-là? On n'en veut
pas. Qu'est-ce que la Coalition Eau Secours!
peut faire? Alors, quand ils nous appelaient, nous leur fournissions des
dépliants, des études scientifiques, des scientifiques qui allaient faire des formations. Et on rencontrait
souvent sur notre chemin la Santé publique. Jamais la Santé publique n'a accepté d'être à un même débat avec
la Coalition Eau Secours! Nous faisons nos débats des soirées
différentes, et jamais cela n'a changé l'opinion des citoyens.
Je vous donne, par exemple… À Mont-Joli, où
il y a eu deux rencontres citoyennes, une avec la Santé publique et une avec
Eau Secours!, bien, il y a la moitié de la population qui a signé. Sur
6 000 habitants, il y a plus de 3 000 habitants qui ont
signé une pétition contre la fluoration de l'eau potable, ce qui a amené le
maire de Mont-Joli à demander un référendum lors des prochaines élections.
Les pauvres maires des municipalités sont des
élus qui n'ont pas les compétences scientifiques pour juger ou non du bien-fondé de la
fluoration de l'eau potable. Et, comme citoyen, quand quelqu'un n'en veut pas
dans son eau potable, ultimement, que fait-il s'il ne veut pas en boire?
Il n'a plus le choix, le libre choix. Quand on parlait de pintes de lait tantôt, de sel iodé, on a le libre choix. Quand
c'est dans notre eau potable, nous n'avons plus le choix. Et c'est ça
qu'on veut défendre, à la Coalition Eau
Secours!, le droit des citoyens de choisir s'ils veulent ou non d'avoir du
fluor dans leur eau potable. Et, pour
nous, la réponse est claire. Pour nous, c'est non. Nous n'en voulons pas pour
différentes raisons. Et on aura beau nous sortir toutes les études du
monde, quand un citoyen est convaincu qu'il n'en veut pas dans son eau potable,
il va déplacer les montagnes, il va faire mer et monde.
Nous croyons aussi que l'eau du Québec ne
mérite pas ça. Les fluorures, c'est un ion qui se bioaccumule dans les moules, dans
les algues et qui peut faire partie, à un moment donné, ultimement, de la
chaîne alimentaire, c'est-à-dire être avalé par certains poissons et
arriver... Et on se dit que l'overdose de fluor est aussi pour les écosystèmes,
pas seulement pour les citoyens, les humains.
Le
Président (M. Bergman) : En
conclusion, s'il vous plaît.
•
(15 h 20) •
Mme Châtelain (Martine) : En conclusion, nous suggérons que le
gouvernement interdise la fluoration, que le gouvernement décrète dès maintenant un moratoire
complet sur la fluoration de l'eau potable en attendant qu'il prenne sa
décision, et que, par mesure d'équité, il renonce à demander un remboursement
aux municipalités qui, de bonne foi, ont
signé une entente, et que l'argent économisé par l'arrêt de la fluoration — parce
que ça coûte très cher — soit investi dans l'information,
la formation et la sensibilisation à une saine hygiène buccale, et dentaire, et
alimentaire. Je vous remercie.
Le Président (M. Bergman) : Merci pour votre présentation. Et
maintenant, pour un bloc de 20 minutes
pour le gouvernement, la députée de Masson.
Mme Gadoury-Hamelin : Bonjour, Mme Châtelain. Bonjour.
Bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Merci
de venir nous éclairer sur votre point de vue par rapport à la fluoration de
l'eau.
Alors,
écoutez, j'ai une petite question pour vous, pour favoriser nos échanges puis
être le plus informé possible. Alors, vous, dans vos écrits, dans votre
mémoire, vous soutenez que la fluoration de l'eau potable est dommageable pour la santé et l'environnement. Dans ce contexte,
comment expliquez-vous que cette mesure de prévention
de la carie dentaire soit soutenue et recommandée par différentes
organisations, dont, entre autres, l'Organisation mondiale de la santé, les Centers for Disease
Control des États-Unis et Santé Canada aussi, le ministère de la Santé
et des Services sociaux du Québec, l'Ordre
des dentistes du Québec et l'Ordre des hygiénistes dentaires? Selon vous,
pourquoi ces organisations-là soutiennent-elles la fluoration?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : Au niveau de l'Organisation mondiale de la santé, c'est un avis qui a
été donné sans aucune étude, c'est-à-dire que l'Organisation mondiale de la santé a
donné, sans avoir fait d'étude, son accord. Alors, c'est aussi la même chose... J'ai demandé à des
hygiénistes dentaires, je suis en scolaire et j'ai demandé aux hygiénistes
dentaires comment ça se fait qu'ils
appuyaient ça, et ils m'ont dit : Nous n'utilisons plus d'application de
fluor chez les enfants, nous utilisons
des scellants, car les applications de fluor n'étaient pas efficaces. Alors,
moi, à ma commission scolaire, on n'utilise
même plus des applications topiques de fluor, on utilise seulement des
scellants contre la carie dentaire, c'est plus efficace. Alors, elles m'ont dit qu'elles ça avait été présenté à un
congrès il y a plusieurs années de ça, qu'il y a eu une proposition de
l'Ordre des dentistes et qu'elles ont accepté sans se pencher sur la question,
et malheureusement je pense que c'est ce qui arrive.
Si
je regarde les différentes études qui sont sur le site de la Santé publique, on
s'aperçoit que les études datent un peu. Et nous, ce qu'on a fait, on a recensé
simplement le taux de variabilité d'efficacité de la fluoration contre la
carie dentaire, et on s'aperçoit qu'en 1974 on plaçait ça à 60 %
d'efficacité mais que, dans les dernières études, en 2007, et quand on compare
des villes où l'eau est fluorée et celles qui ne le sont pas, on arrive à des
taux qui frisent le 0 %, c'est-à-dire qui frisent l'équité.
Et,
quand j'entendais tantôt le dentiste nous dire que l'Ontario... les enfants de
l'Ontario avaient moins de caries dentaires, c'est faux. Moi, ce n'est pas les
études que j'ai lues. Alors, je ne sais pas si on va faire une guerre d'études,
mais, moi, les études que j'ai lues, c'est
qu'il y a la parité entre la carie dentaire, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune
différence de carie dentaire chez les
enfants ontariens et chez les enfants québécois, tandis qu'ils fluorent à
60 % depuis plus de 60 ans, tandis qu'au Québec on fluore à
moins de 3 % depuis les mêmes 60 ans, ce qui voudrait dire, par
l'absurde, qu'il y a une inefficacité de la mesure. Alors, on se dit : Non
seulement on n'en veut pas dans l'eau potable, mais en plus on considère, sur
les... Nous, les études qu'on a lues — et on en fait un recensement dans notre brochure, et on a pris…
croyez-le, on n'est pas des petites madames qui ne l'ont pas lue — on s'est penchées là-dessus et on a mis des gens
différents, de différentes origines… il y avait une océanographe, il y avait
une biologiste...
Et
Santé Canada n'est pas si catégorique que ça, parce que ce que Santé Canada
dit, c'est que la dilution dans l'eau permet
que la dose ne soit pas dangereuse, et on est d'accord avec ça. On ne s'obstinera
pas avec Santé Canada. Par contre, ils
disent qu'il ne faut pas préparer les biberons des bébés et que c'est
décommandé pour les enfants de trois ans et moins. C'est quand même une grosse partie de la population. Ça veut
dire… Et on ne peut pas préparer de biberons avec de l'eau fluorée, il faut aller acheter de l'eau, on
ne peut pas en donner à nos enfants en bas de trois ans si on a peur, et,
si on est diabétique et qu'on a peur pour
nos reins, on est peut-être mieux d'aller se chercher de l'eau ailleurs. C'est
de ça qu'on parle. Nous, on
dit : Il y a d'autres moyens pour la carie dentaire, il n'y a pas d'autre
moyen que de boire l'eau du robinet. Alors, on dit : Nous, on ne veut pas que ça soit mis dans l'eau du
robinet, trouvez d'autres moyens de diminuer la carie dentaire.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député d'Argenteuil.
M. Richer : Merci, M. le Président. Bonjour, merci d'être là.
Mme Châtelain
(Martine) : Bonjour.
M.
Richer : J'ai
quelques questions. Tantôt, vous affirmiez, madame, que c'était important pour
vous que les gens
puissent choisir le fait de boire de l'eau fluorée ou pas. Mais le choix
implique quand même une quantité minimale de connaissances pour pouvoir
faire un choix. C'est quand même un domaine... Et les gens pourraient être
influencés par une position contraire ou positive. Alors, comment on peut
penser que la population en général, actuellement, est apte à faire des choix
bien éclairés?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : Bien, justement, nous, nous pensons qu'elle n'est pas assez informée.
Les gens qui n'en
ont pas, d'eau fluorée dans leurs municipalités, connaissent très peu... Il y a
beaucoup de gens qui m'ont dit : C'est comme le chlore, ça? On met
ça dans l'eau pour qu'il y ait de la potabilité? Eh bien, non, ce n'est pas
pour assurer la potabilité. Les gens ne savent pas ce que c'est.
Par
contre, quand on arrive dans une municipalité et que les gens savent ce que
c'est, ce que sont les fluorures, presque partout où on est allés faire des séances
d'information, les gens sont contre, même avec les séances d'information de la
Santé publique. Alors, ça, je peux vous le dire. Sur le terrain, comme je vous
dis, souvent c'est les 100,
125 mêmes personnes, dans une municipalité, qui vont assister aux deux
séances d'information. Et, quand ils ressortent, ils sont encore plus
convaincus. Alors, je ne sais pas ce qu'on fait pour les convaincre de plus que
la Santé publique, mais en général les gens, quand ils sont informés, sont
contre la fluoration.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
M.
Richer : Tantôt,
quelqu'un disait qu'on n'avait pas le contrôle sur la dose totale de fluor.
Pourtant, les documents disent que l'eau fluorée ne dépasse pas
0,7 milligramme par litre. Donc, ça m'apparaît très, très, très faible.
Donc, globalement, comment on pourrait dépasser une dose totale à partir d'une
dose qui m'apparaît très faible?
Mme Bernier
(Dominique) : Bon, je vais répondre.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bernier.
Mme
Bernier (Dominique) : Merci. En fait, le 0,7 milligramme par litre, ce n'est pas une
dose, c'est uneconcentration, c'est la concentration de fluorures qui sont présents
dans l'eau. Mais, en ce qui a trait à la dose quotidienne consommée par
une personne, elle varie énormément. On sait qu'il y a des gens qui boivent
beaucoup plus d'eau que d'autres, les
athlètes notamment, mais pas seulement, les gens diabétiques boivent beaucoup
plus que les autres aussi. Et en plus
il se retrouve du fluorure dans beaucoup d'autres produits; dans beaucoup
d'autres aliments, il y a du fluorure. Il y a du fluorure dans la
plupart des aliments transformés, dans les jus et boissons. Pourquoi? Parce que
plusieurs sont faits aux États-Unis avec une
eau qui est déjà fluorée, et souvent c'est des boissons qui sont concentrées, dont
la concentration de fluorure est supérieure à celle de l'eau. Donc, si on
additionne toute cette consommation de fluorure, on excède fort probablement
largement la dose qui est considérée comme sécuritaire.
Il
faut faire vraiment une nette distinction entre la dose et la concentration de
l'eau. La dose journalière consommée par une
personne, on n'a aucun contrôle là-dessus. Il n'y a aucun suivi médical sur
cette question-là. Il n'y a pas un médecin
attitré à chaque citoyen qui va vérifier si vous consommez chaque jour… si vous
dépassez la dose de fluorure qui est jugée sécuritaire. Personne ne vous
suit, donc vous ne pouvez pas savoir. Et il n'y a pas d'essai clinique, il n'y
a jamais eu d'essai clinique à long terme non plus sur la consommation de
faibles doses sur une longue période.
Puis en plus ce qu'il
faut savoir à propos du fluorure, c'est que, contrairement à l'iode,
contrairement à la vitamine D, ce n'est
pas un élément nutritif essentiel du corps. Et ça, toutes les organisations de
la santé vont vous le dire, même
Santé Canada le dit : La carence en fluor n'existe pas, ce n'est associé à
aucun processus biologique du corps.
C'est vraiment... On le considère… On l'a classé, chez Santé Canada, comme
élément bénéfique. Mais «élément bénéfique», en science, ça n'existe
pas, en ce sens que ça ne joue pas un rôle nécessaire dans le corps, mais on considère qu'il agit sur les dents, donc que
c'est bénéfique. Mais la carence en fluor n'existe pas, donc de
l'ajouter dans l'eau pour combler un manque qui n'existe pas, ça ne fait aucun
sens, selon nous.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
• (15 h 30) •
Mme
Proulx : Merci,
M. le Président. Alors, bonjour, messieurs dames. Ça me fait plaisir d'échanger
avec vous. Écoutez,
j'ai bien entendu, là, votre présentation, mais je vous avoue,
Mme Châtelain, que j'ai accroché sur quelque chose que vous avez dit. Vous avez parlé des maires des
municipalités, vous avez dit : Nos pauvres maires n'ont pas les
compétences scientifiques pour déterminer si on devrait fluorer ou pas. Et, du
même souffle, vous avez dit aussi : Malgré
toutes les études du monde, quand un citoyen est convaincu et qu'il n'en veut
pas, il n'en veut pas. Il va déplacer des montagnes parce qu'il n'en
veut pas. Mais là, moi, ça m'inquiète. Ce que vous venez de dire là, ça
m'inquiète. Est-ce qu'on est ici dans un débat idéologique ou dans un débat
objectif?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme Châtelain
(Martine) : Objectivement, quand
quelqu'un ne veut pas de quelque chose, ne veut pas ingérer une substance qu'il
considère comme nocive pour lui, je ne vois pas très bien comment ça pourrait
devenir idéologique, c'est-à-dire que ce
n'est pas une idéologie, c'est une prise de position. Il y a une différence
entre une idéologie et une prise de position.
Alors,
si, comme citoyen, je vote pour ou contre quelque chose, c'est-à-dire je vote
pour un maire ou pour un autre, là on devient... c'est un parti ou un autre. Mais,
si je ne veux pas d'une substance, si je me bats contre de la pollution,
ce n'est pas la même chose. Alors, pour moi,
c'est très, très différent. On n'est pas une religion antifluor. Nous, ce
qu'on fait, on soutient des citoyens qui n'en veulent pas dans leur eau potable
et on les aide dans leur débat démocratique; et, je vous dis, nous n'avons pas
utilisé de moyen autre que la démocratie pour y arriver.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Vous
savez, nous, comme parlementaires, on doit pouvoir se baser sur les données les
plus objectives possible pour guider nos choix
ou nos orientations. Et moi, quand je vois, par exemple, que vous dites que, malgré toutes les études du monde… Dans le
fond, ce que vous nous dites : Ça ne changera pas notre opinion,
nous n'en voulons pas, de fluor, dans notre
eau. C'est le message que j'entends et... Mais nous, comme parlementaires, on
regarde... on entend bien le message des
gens que vous représentez, mais on regarde aussi les études produites par des
organismes. Par exemple, je vous donne
l'exemple, l'Organisation mondiale de la santé; l'Organisation mondiale de la
santé, ce n'est pas une organisation
locale, c'est un ensemble d'experts qui proviennent d'une multitude de pays et
qui vont faire des constats, à partir de la
documentation produite, qui peuvent être à l'effet d'être pour ou contre
certaines mesures de santé, par exemple.
Mais nous, comme parlementaires, si on ne peut pas se baser sur des études
scientifiques, ça revient à dire
qu'on devra se baser sur des opinions, et la vôtre vaut la mienne. Donc, nous
sommes des citoyens, mais, comme parlementaires,
on doit aller un peu plus loin qu'une simple opinion, donc on doit pouvoir
faire confiance et se baser sur l'opinion d'experts. Est-ce que vous
n'êtes pas d'accord avec moi?
Le
Président (M. Bergman) : Mme
Châtelain.
Mme Châtelain (Martine) : Nous, ce que je vous dis, c'est que
nous avons basé nos opinions sur des opinions d'experts. Ce que je voulais dire, c'est que je ne
veux pas entrer dans une guerre d'études, parce que je pourrais vous
sortir le même nombre d'études que la Santé
publique va sortir pour dire que c'est bon, que moi, je vais vous sortir
d'autres études ou les mêmes qu'on n'a pas lues de la même façon.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'en ce
moment, mondialement, dans le reste du monde, comme parlementaires, là, ce
qui pourrait vous aider, c'est qu'en ce moment la fluoration est interdite dans
plusieurs pays du monde,principalement
en Asie, parce que le degré de fluor dans l'environnement est suffisamment
grand. En Europe, il y a, la semaine
dernière, un grand prix Nobel suédois qui a dit qu'il ne comprenait pas que la
fluoration pouvait faire encore l'objet de promotion quand on sait que
les dernières études disent qu'elle est inefficace. C'était dans un journal la
semaine dernière. Il y a des prix Nobel qui
ont signé une pétition et de nombreuses associations de dentistes et
d'hygiénistes dentaires à travers le monde qui se retirent de ce processus-là.
Elle est en baisse aux États-Unis, qui étaient les plus grands promoteurs de la
fluoration. Elle est en baisse dans le Canada anglais. C'est tout ce que je
peux vous dire.
Pour nous, c'est une mesure désuète, qui
n'est pas utile, qui est potentiellement dangereuse et dont on ne veut pas. Ce n'est pas
un débat idéologique, c'est un débat sur lequel nous, on a une opinion. La
Santé publique en a une autre. Ce que je vous dis, c'est qu'ils
pourraient amener des études, et nous, autant d'études pour prouver tout et son
contraire. Ce qu'on dit ultimement, nous, ce qu'on remarque au Québec, sur le
terrain, municipalité par municipalité, c'est que les citoyens du Québec n'en
veulent pas. C'est juste ça que je vous dis.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
M. Richer : Merci, M. le Président. Mme Guay,
tantôt, vous nous avez dit que l'Institut de santé publique était en train de
perdre sa crédibilité. Est-ce que je peux savoir à partir de quelles données et
sur quelle base vous pouvez nous faire une affirmation quand même très
sérieuse?
Mme Guay (Mireille) : Je vais répondre à votre question en
même temps peut-être des questions
précédentes. En résumant rapidement, j'avais
déjà présenté un mémoire en 1988 aux audiences publiques de la ville de
Montréal et, pour ce mémoire-là, au départ, je pensais, comme tout le
monde, comme beaucoup de gens, que le fluorure protégeait les dents. Alors, j'ai voulu vérifier si, d'en placer dans
l'eau, d'en ajouter à l'eau, ça pouvait nuire à certaines personnes, si
c'était une mauvaise idée de ce point de vue là.
Donc, j'ai fait l'étude bibliographique sur
le sujet et je n'ai pas du trouvé les mêmes choses que la Direction de la santé publique, et c'est pourquoi maintenant, quand
les gens sont contre la fluoration, c'est basé sur des données scientifiques. Et ce que j'ai trouvé — c'est résumé dans le mémoire actuel, ça l'était déjà en
1988 — c'est qu'on a, petit à petit, enlevé
tout ce qui n'allait pas avec le dogme plus de fluorure, moins de carie. Et ce
que j'ai observé, c'est que, dans des livres,
par exemple, qui sont publiés sous l'égide de l'OMS, il y a des chapitres qui,
visiblement, ont été écrits par des gens qui avaient une idée a priori
et qui ont éliminé ce qui ne faisait pas leur affaire.
Il y a des références où... j'avais
trouvé que deux villes du Japon avaient fluoré... l'une avait fluoré, l'autre n'avait pas fluoré.
Celle qui n'avait pas fluoré avait moins de caries que celle qui avait fluoré,
mais ça, ça n'était jamais repris ailleurs.
Je l'ai trouvé parce qu'à cette époque, en 1988, j'ai passé cinq semaines à
faire de la bibliographie à la Faculté de médecine pour remonter depuis
les livres qui résument les connaissances aux publications originales. J'ai
vérifié, j'ai lu attentivement les publications originales. Quand ces
publications avaient été critiquées, j'ai lu la critique; quand la critique avait été critiquée, j'ai lu la critique
de la critique. Et, de cette façon-là, j'en suis arrivée à me faire une idée
très nette, à savoir que le fluorure ne
protège pas, et que, selon les personnes, selon leurs caractéristiques
personnelles — parce
que nous sommes tous différents — selon leur mode de vie, selon ce qu'ils mangent — parce que les aliments sont aussi une source de
fluorure — selon leur capacité à
excréter le fluorure, ces personnes-là accumulent plus ou moins de fluorure, et
que donc on voit de la fluorose même aux doses recommandées.
Et
précédemment on citait l'étude comparative entre Trois-Rivières et Sherbrooke.
Je l'ai lue récemment, cette étude
comparative, et les auteurs de l'étude rapportent qu'il y avait autour de
50 %, 58 % de cas de fluorose chez les enfants de
Trois-Rivières, alors qu'il n'y en avait que 30 % chez les enfants de
Sherbrooke. Et, d'autre part, même chez les enfants de Sherbrooke, dont l'eau
n'est pas fluorée et ne l'est toujours pas, il y avait environ 30 % de cas
considérés comme de la fluorose.
Donc, l'idée qu'on ne veut pas de fluorure, ce
n'est pas une croyance, c'est basé sur des recherches bibliographiques. Toutes les données étaient déjà là. Et, je l'ai
mentionné au début, dès 1950, des dentistes qui participaient à des
études comparatives, fluoration, pas de
fluoration, amélioration, ainsi de suite, déjà certains émettaient des doutes.
D'ailleurs, j'ai des photocopies ici de quelques publications, que je pourrai
déposer, dont celle dont je parle actuellement, où un dentiste émettait des
doutes dès les années 1950 sur la capacité du fluorure à protéger les dents.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil, il vous reste deux minutes. Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Oui.
Vous mentionnez dans votre mémoire qu'il n'y a pas d'étude de toxicologie sur
les produits utilisés
pour la fluoration, sauf qu'il y a des affirmations à l'effet que ces
produits-là sont, de toute façon, complètement dissous dans l'eau, donc
ils s'hydrolysent. À partir du moment où il n'y a pas d'études qui viennent
contredire cette affirmation, quel genre
d'étude toxicologique on pourrait faire dans l'eau, si le produit dont on
voulait évaluer la toxicologie s'est complètement dissous dans l'eau?
Mme Guay
(Mireille) : La question s'adresse à
moi?
Mme Proulx : Oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
Mme Guay
(Mireille) : Pardon. Mon mémoire ne
parle pas de cet aspect-là, puisque nous nous sommes partagé le travail et
que...
Mme Proulx : ...ou un autre.
• (15 h 40) •
Mme
Bernier (Dominique) : Je peux répondre, si vous voulez. En fait, bon, ma chimie est loin, là,
je ne suis pas une scientifique... bien, je suis une scientifique de formation, mais je
travaille en défense de droits actuellement, mais, à ma connaissance, quand quelque chose se dissout dans
l'eau, il ne disparaît pas, O.K.? C'est quelque chose qui est encore présent, sauf qu'il est en solution dans l'eau. Et
puis, en fait, il n'y a pas de tests toxicologiques qui ont été faits sur
le fluorure. Des tests toxicologiques, ça
viserait à avoir des effets cliniques, des études sur des animaux qui
démontrent est-ce que ça a un effet nocif ou non à telle ou telle
dose, sur telle ou telle durée. Ça, ça n'a pas été fait. Les produits...
Le Président (M.
Bergman) : En conclusion, s'il vous
plaît.
Mme
Bernier (Dominique) : Oui. Les produits sont réglementés mais sont approuvés par la NSF, la National Sanitation
Foundation, qui se fie sur les données de l'EPA, qui, elle-même, ne produit pas
de test toxicologique. Elle fixe une dose en se fiant sur un autre
institut américain.
Donc,
ce que je voulais dire par là, c'est qu'au Canada, au Québec, il n'y a pas de
tests toxicologiques qui ont été faits par les
autorités nationales et il n'y en a pas à notre disposition sur les produits
utilisés.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Malheureusement, le temps du gouvernement pour ce bloc s'est écoulé. Le bloc de l'opposition officielle, Mme la députée
de Richmond.
Mme
Vallières :
Merci, M. le Président. Je continuerais sur ce point-là. Donc, l'INSPQ nous
expliquait tout à l'heure qu'ils sont en vigie continuelle dans le dossier de la
fluoration et stipulait qu'il n'y avait vraiment aucun risque et sur la
santé et sur l'environnement, que l'innocuité a été prouvée. Donc, si je
comprends bien vos propos, elle a été prouvée par rapport à des tests de
toxicologie qui viendraient d'ailleurs et non pas du Québec.
Comment, à ce
moment-là, pouvez-vous nous dire, dans votre mémoire, qu'il peut y avoir
certains aspects de dangerosité par rapport à la fluoration de l'eau si le test
de toxicologie ne vient pas le démontrer, justement?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : Nous, on a demandé souvent, avec la loi d'accès à l'information, la
preuve que les produits ne sont pas toxiques et la preuve... et, à aucun moment... Les
réponses qu'on a reçues, c'était : Il n'y a aucune... aucun test
n'a été effectué sur cette substance. Et c'est les réponses qui nous venaient.
Il n'y a aucun test sur cette substance. Et ça revenait continuellement, il n'y
avait pas de test d'effectué.
Quand
on... Nous, on a la chance d'avoir les cols bleus associés à Eau Secours! dans
nos groupes syndicaux. Sur les sacs des fluorures qui sont mis dans les
municipalités, c'est écrit : «Pour usage industriel seulement.» Il y a des
normes très sévères pour... comment les
manipuler. C'est une substance qui est très toxique. C'est classé par
Environnement Canada comme substance
toxique. Alors, ce n'est pas des fluorures synthétiques comme vous mettez sur
votre pâte à dents, là.
Et,
quand on dit «dissolution», il y a des poisons très forts qui peuvent être
complètement dissous dans l'eau, et vous allez vous empoisonner. Alors, la dissolution
n'est pas un principe, puis la toxicité de la substance, elle n'est pas prouvée. Donc, nous non plus, on ne peut pas
prouver qu'elle est toxique. La seule chose, si on se fie sur ce qui est
écrit sur le sac, ce l'est. Si on se fie à ce qui nous est envoyé par
Environnement Canada, bien, on ne peut pas le savoir.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bernier.
Mme Bernier
(Dominique) : Je voudrais compléter.
En fait, il y a beaucoup d'études de par le monde qui démontrent que le
fluorure a un niveau de toxicité qui se situe légèrement au-dessus de celui du
plomb et légèrement en
dessous de celui de l'arsenic. C'est documenté, et récemment, en 2012, la revue
de littérature de Declan Waugh vient confirmer cet état de fait.
Cependant, effectivement, les autorités canadiennes et
québécoises ne sont pas en mesure de nous fournir de tests toxicologiques produits par eux ou de nous fournir
les tests toxicologiques qu'eux utilisent pour justifier, dans le fond, les rejets qui sont permis dans
l'environnement, parce qu'il y a aussi des rejets industriels de chlorure qui
sont permis dans l'environnement, à
des niveaux largement supérieurs à ceux du plomb et de l'arsenic, et ils sont
incapables de nous les fournir. Donc, on suppose que soit il n'y en a
pas, soit ils veulent les garder secrets. Il n'y a pas de raison de ne pas nous
les fournir, sinon.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Richmond.
Mme
Vallières :
Merci. Donc, je pense qu'il est probablement important de faire une différence
entre le danger et le risque. Quand on parlait des doses... des photos dont vous parlez,
là, je les ai vues dans une présentation PowerPoint aussi, c'est comme si on faisait une analogie,
pour les gens à la maison qui peuvent nous écouter, si on travaille avec
du chlore dans nos piscines, ce n'est pas parce qu'on va mettre du chlore dans
notre piscine qu'on va nécessairement se mettre la tête dans la chaudière. Ça
fait que c'est peut-être un petit peu la même chose. Il ne faut pas
nécessairement apeurer les gens avec ça non plus; les doses sont très minimes.
Et,
par rapport à ça, j'aimerais vous entendre… Vous ameniez également le débat sur
le produit comme tel, puisque c'est considéré... l'INSPQ parlait d'un produit naturel.
Vous avez nommé l'ajout de médication tout à l'heure, donner de la médication à quelqu'un alors qu'il n'a pas
choisi de le prendre. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, le
médicament versus le produit naturel.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme Bernier.
Mme
Bernier (Dominique) : Oui. Mais, en fait, les médicaments comme les produits naturels sontréglementés au niveau
national, au niveau canadien, il faut avoir passé par toute une batterie de
tests pour avoir le droit de classifier
quelque chose comme médicament et même comme produit naturel. Donc, si le
fluorure est un produit naturel, il faudrait
qu'il passe par cette batterie de tests, puis, à l'heure actuelle, il est
considéré, à notre connaissance, comme un produit de traitement de l'eau et, pour cette raison, il n'a pas à
passer par cette batterie de tests. Il est considéré au même titre que le chlore, sauf qu'il ne vise pas à rendre
l'eau potable, il vise à s'attaquer à la carie dentaire. C'est très différent.
Ça vise à modifier des caractéristiques
physiologiques humaines puis à prévenir une maladie. Si ça vise à prévenir une maladie, c'est soit un produit naturel soit un
médicament, et ça devrait faire l'objet de l'ensemble des tests dont les médicaments font l'objet, et ça devrait être
des produits de qualité pharmaceutique aussi, de grade pharmaceutique,
ayant fait l'objet d'essais cliniques, et tout ça. Ce qui n'est pas le cas
puisque ce sont des produits industriels. Ce sont des produits comme le chlore,
dans le fond.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Richmond.
Mme
Vallières :
Votre réflexion se base aussi beaucoup, à ce que je comprends, sur le principe
de précaution. En lien avec ce principe-là, est-ce que vous avez des mesures qui
pourraient venir prévenir la carie dentaire? Qu'est-ce que vous suggérez
comme mesure de remplacement à la fluoration de l'eau au Québec?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : Nous, à Eau Secours!, on préconise les soins dentaires, c'est-à-dire que l'argent qui serait enlevé
des... Parce que ça coûte énormément cher. Il y a des coûts à la fluoration de
l'eau potable. Il y a des coûts de la machinerie,
des coûts d'entretien de la machinerie et des coûts des produits. Il faut
comprendre aussi qu'on gaspille ce produit-là,
parce qu'il y a moins de 1 % des produits... de l'eau qui va passer par la
bouche des enfants. Donc, on fluore 100 % de l'eau potable pour en
jeter 99,5 % directement au milieu récepteur. Ça, on en a contre ça. On
dit : C'est un gaspillage, c'est une mesure qui est inutile. Ce qu'on
préconise, c'est des meilleurs soins dentaires, une meilleure sensibilisation à
une meilleure alimentation. Et puis, si on veut absolument payer quelque chose,
bien, qu'on paie... qu'on augmente les soins dentaires au degré où ils étaient
avant.
Le Président (M. Bergman) : Mme Bernier.
Mme Bernier
(Dominique) : En fait, je suis allée
chez ma dentiste très récemment, on discutait de la fluoration ensemble, elle est contre la fluoration; ça existe, il y
en a plusieurs d'ailleurs. Elle me disait que, depuis une dizaine...
cinq ou six ans, elle n'a jamais vu autant de jeunes garçons, de jeunes hommes
édentés ou en voie de l'être. Pourquoi?
Parce qu'il y a un lien de cause à effet. En fait, l'Organisation mondiale de
la santé dit que seulement 10 % de notre... des calories qu'on
consomme devraient provenir des sucres. Chez les jeunes hommes de 14 à 18 ans, c'est 41 %, au Canada, des
calories qui proviennent du sucre, notamment à cause des boissons énergisantes
et autres boissons sucrées comme les
thés glacés, dans lesquels il y a des sucres nouveaux, des sucres invertis, qui
sont hautement dommageables pour les dents, qui sont vendus en formats
démesurés. Et il y a des liens de cause à effet, paraît-il, très clairs pour les dentistes depuis l'arrivée sur le
marché de ce type de produits et d'autres produits faits à partir de
sucre.
Donc, une des mesures, ce serait,
bien, notamment l'éducation mais aussi, possiblement, du côté réglementaire, essayer
de trouver une façon de limiter la consommation de ce genre de produits hautement
nocifs. Parce que, si c'est nocif pour les dents, qu'en est-il du reste
du corps? On peut se le demander.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Richmond.
Mme
Vallières : Merci. On entendait le
dentiste-conseil de l'INSPQ tout à l'heure qui nous disait que, selon l'institut, il est clairement démontré que la
carie dentaire, au Québec, est plus élevée. Il y a une corrélation directe
avec le fait que l'eau de l'Ontario est
fluorée. Donc, il y a une différence marquée. Vous dites que c'est le
contraire, selon d'autres... une autre étude que vous auriez lue. Est-ce
que cette étude-là a été prise en compte ou est-ce qu'à votre connaissance
l'INSPQ est en possession de cette étude-là? Et elle date de quand?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme Châtelain
(Martine) : Je ne sais pas. Mireille,
as-tu quelque chose à dire?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
• (15 h 50) •
Mme Guay
(Mireille) : En fait, depuis que
j'avais travaillé sur le dossier du fluorure en 1988, j'ai de plus en plus de doutes sur ces études comparatives, parce
que ce qui s'est passé en Nouvelle-Zélande, je pense, c'est qu'en fait
ils ont un peu poussé les données pour que ça
aille avec moins de caries quand il y avait du fluorure, et ainsi de suite.
Donc, je n'ose plus tellement me fier à ce
genre d'études. C'est trop facile de pousser un petit peu sur le bord qui fait
notre affaire.
Et, quand je vois que, finalement, la Direction de la
santé publique parle toujours uniquement des bienfaits du fluorure et ne parle pas de choses que j'ai trouvées
dans des rapports qui ont été produits pour eux, je me demande d'où viennent leurs statistiques. La même chose
s'est produite pour la comparaison entre Richmond et Windsor qui a été faite entre 1981 et 1987. Évidemment, Windsor
avait fluoré l'eau potable, et on a trouvé qu'il y avait moins de caries
à Windsor. Le problème, c'est qu'ils ont
présenté un questionnaire pour savoir quelle eau les enfants buvaient, mais je
ne sais pas, dans l'analyse des données, s'ils ont tenu compte du fait qu'à
Windsor énormément de gens dans la ville allaient chercher leur eau à une
source parce que l'eau de l'aqueduc sentait tellement le chlore qu'elle était
imbuvable, même pour cuire les aliments.
Donc,
dans une étude épidémiologique, il y a tellement de choses qui sont différentes
qu'il est bien difficile... il est bien facile de pousser sur le bord qu'on veut
et, d'autre part, il est bien difficile pour ceux qui examinent la
publication de savoir, à moins de remonter vraiment aux sources, aux analyses,
aux données de base.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Mégantic.
M. Bolduc
(Mégantic) : Merci, M. le Président.
Mme Guay, vous avez parlé qu'il n'y avait pas d'étude toxicologique qui avait été faite sur les différentes formes de fluorure
qui existent pour desservir notre, comment je dirais ça, eau potable. Est-ce que vous avez vu des études en
rapport avec l'environnement, par exemple, ou des choses comme ça, qui
démontrent que, par exemple, le 98 % de l'eau qui n'est pas consommée par
les individus se retrouve dans l'environnement? Et quel en est l'effet,
d'après ce que vous avez retrouvé dans vos informations?
Mme Guay (Mireille) : Dans mes deux...
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
Mme
Guay (Mireille) :
Pardon. Dans mes deux mémoires, 1988 et 2013, cet aspect-là, je ne l'ai pas examiné de façon détaillée. Donc, je ne peux pas me
prononcer et je ne m'avancerai pas sur des choses que je n'ai pas vérifiées et contrevérifiées. Et donc le côté test
toxicologique, ce n'est pas moi qui en ai traité, je pense. Et, d'autre
part, ce que je retiens, moi aussi, c'est
que... Ce que j'ai vérifié, c'est que la fluoration de l'eau potable, le
fluorure pour la protection des dents, c'est faux, tout simplement. Et
il me semble qu'il n'y a pas besoin d'aller plus loin si la mesure est inutile
pour l'objectif recherché. On n'a pas besoin de se questionner sur beaucoup
d'autres choses. Donc, c'est ce que je vois principalement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Bernier.
Mme Bernier
(Dominique) : Je vais compléter. En
fait, les rejets de fluorure liés à la fluoration
de l'eau, ils ont été estimés, aux États-Unis, en 1975, par Groth, à
20 kilotonnes de fluorure inorganique par 100 millions de
personnes approvisionnées en eau potable fluorée. Si on fait une règle de trois
avec la population du Québec, si la population totale du Québec avait de l'eau
fluorée, ce serait 1 600 tonnes métriques de fluorure directement
rejetées dans l'eau chaque année, et ça, ça s'ajoute au fluorure industriel.
On sait que ça a un effet hautement toxique, selon les
fabricants, là. Selon les fiches signalétiques des produits que vous avez
dans les sources de mon mémoire, le fluorure de sodium, le fluosilicate de
sodium et l'acide fluorosilicique sont nocifs pour les écosystèmes
aquatiques, et ce, à de très faibles concentrations, moins qu'à la dose
recommandée, qu'à la concentration recommandée par l'INSPQ,
notamment pour les salmonidés, les saumons et truites. Donc, c'est des produits, je le répète, reconnus comme étant
aussi toxiques que le plomb et l'arsenic mais des rejets 100 fois
supérieurs sont permis.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le
Président. Il nous reste combien de temps, M. le Président?
Le Président (M.
Bergman) : Il vous reste six minutes.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Merci d'être ici, parce que je pense que c'est
important qu'on entende tous les points de
vue, puis c'est un dossier qui, je comprends, est très sensible au niveau de la
population, très sensible politiquement et très sensible scientifiquement.
Lorsque
je vous écoutais, en tout cas, vous m'aviez l'air d'accord… je voudrais juste le faire confirmer, que, pour ce qu'il
s'agit de l'iode dans le sel, là, vous n'aviez pas d'opposition à ça.
Mme
Châtelain (Martine) : Si quelqu'un ne veut pas consommer de sel, il y a une possibilité pour
lui de le faire. Quelqu'un qui ne veut pas consommer d'eau potable, il est mal pris, il
faut qu'il aille acheter son eau. Alors, nous, on n'est pas d'accord avec ça. Quelqu'un qui ne veut
pas consommer de lait peut prendre du lait de soya, peut prendre autre
chose. S'il y a quelque chose d'ajouté dans un aliment, le citoyen a toujours
la possibilité de ne pas le consommer, tandis que l'eau potable, c'est quelque
chose à laquelle il ne faut pas toucher.
On parlait tantôt de
carie dentaire, mais la carie dentaire, elle est en baisse, de toute façon,
même si on est à moins de 3 %.
M. Bolduc
(Jean-Talon) : …on n'ira pas sur...
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : …parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, puis je voudrais bien utiliser
le temps, là. Une hypothèse : vous avez une municipalité, 99 % des citoyens,
pour eux, ça serait important qu'on ait la fluoration de l'eau de la
ville. Êtes-vous d'accord que cette ville se dote de la fluoration?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : C'est un cas qui est arrivé. J'ai discuté avec la ville de Montréal de
fluoration d'eau potable, avec le Service de l'eau. Ils nous ont dit : Nous ne
fluorerons pas. Nous vous promettons, Mme Châtelain, nous ne fluorerons
jamais, nous sommes contre. Mais, écoutez, la ville de Dorval, qui est une
ville annexée de la ville de Montréal,
fluorait. Et Montréal a dit : Comme c'est la volonté des citoyens de
Dorval de fluorer l'eau potable, nous les laissons fluorer l'eau potable, et ce en quoi nous sommes d'accord,
jusqu'à preuve du contraire. Jusqu'à temps que des citoyens se lèvent et
disent le contraire, nous, on est d'accord, si c'est la volonté de la
population. Par contre, nous ne sommes pas d'accord qu'on mette du fluor dans
l'eau. Mais, si c'est ce à quoi vous en arrivez, qu'ultimement la population du
Québec est d'accord avec la mesure… Mais nous, on est persuadés du contraire. À
avoir rencontré les gens sur le terrain, on est persuadés du contraire.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Merci, M. le
Président. Bien, moi, je dois vous avouer, vous avez toujours cette perception-là, mais, quand on rencontre d'autres
personnes qui sont pour la fluoration, puis ils forment leurs groupes
qui sont d'accord avec la fluoration, là
vous pouvez avoir 90 % des gens qui se réunissent un soir qui peuvent être
d'accord.
Mais
j'ai aimé votre réponse, parce que, là, ce que vous venez de me dire assez
clairement, c'est que votre groupe est
d'accord que, si une partie, la majorité des citoyens d'une municipalité, eux,
choisissent d'avoir la fluoration, on peut les laisser faire, sur l'exemple de
Dorval.
Mme Châtelain
(Martine) : Nous, on préférerait...
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Je vais juste...
Mme Châtelain
(Martine) : Non.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Châtelain.
Mme Châtelain
(Martine) : La position de... Je vais
vous dire la position de la coalition. La position de la coalition, c'est qu'on
demande que ça soit au niveau du Québec qu'il y ait une position qui se prenne
et non pas municipalité par municipalité, parce que c'est ardu. On est tannés
de faire le tour du Québec.
Et, je vais vous dire, nous, au cours des
années, aucun groupe n'a appelé Eau Secours! pour nous dire : Nous voulons absolument fluorer, et ils n'en mettent
pas chez nous. Ce n'est jamais arrivé. Ça fait plusieurs années, et on a
eu énormément de groupes : Mont-Joli,
Richmond, La Prairie, Châteauguay, Gatineau, plein de gens. Il y a même
Verchères qui a arrêté de fluorer simplement en lisant notre brochure.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
de Jean-Talon, il vous reste deux minutes.
M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui, merci, M. le Président. Juste au
point de vue arguments, je ne pense pas qu'un
groupe va vous appeler pour vous dire qu'ils veulent avoir la fluoration,
sachant que vous êtes contre. Ça prend un élément
plus objectif que celui-là. Mais vous savez que, si jamais la population du
Québec, la majorité, décidait d'avoir la fluoration, vous seriez
d'accord pour qu'on impose la fluoration à l'ensemble de la population du
Québec. C'est ce que j'ai compris dans votre discours.
Le
Président (M. Bergman) : Mme
Châtelain.
Mme
Châtelain (Martine) : On serait
toujours contre la fluoration de l'eau potable, mais on accepterait la décision
démocratique de la population.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
de Jean-Talon.
• (16
heures) •
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le
Président. Sauf que le choix qui a été fait au Québec, puis ça a été vraiment
selon une volonté, je vous dirais, de respecter la démocratie, c'est qu'on
pense que les municipalités sont en mesure
de décider pour leurs citoyens, en accord avec leurs citoyens. C'est certain
que, quand vous arrivez dans un dossier comme celui-là, il y a toujours des gens qui vont être en opposition,
puis ça, il faut respecter ça, ça fait partie de notre démocratie, on
n'aura pas l'unanimité. Mais, à la fin, je pense, l'ensemble des citoyens
peuvent décider.
L'autre élément sur lequel j'ai une prudence…
Moi, je suis beaucoup de l'école, là, du principe des précautions, qui est
issu de l'éthique de la responsabilité de Hans Jonas. Ça, on est tous d'accord
là-dessus. Moi, j'ai une formation en éthique puis je le défends je ne
dirais pas à la vie, à la mort, parce qu'il faut nuancer, parce que, lorsqu'on
pousse à l'extrême... puis même Hans Jonas,
à la fin, était moins d'accord avec ce principe... il était d'accord avec son
principe mais pas poussé à l'extrême, parce
qu'à la fin vous ne pouvez plus rien faire. Même la pasteurisation du lait,
aujourd'hui, qui est acceptée comme une méthode pour prévenir les
maladies, ne passerait pas ce test-là du principe de précaution.
Donc, il y a un autre principe qu'il faut
utiliser, qui est le principe de proportionnalité, c'est-à-dire qu'on mesure un risque et on
mesure des avantages. Et il faut appliquer ce principe de proportionnalité en
autant qu'il n'y ait pas d'élément ultradangereux. Et puis, en recherche
scientifique, c'est la même chose, c'est-à-dire, à un moment donné, on accepte de prendre un risque pour faire avancer les
découvertes. Puis ça, je vous laisserais là-dessus, parce que je pense que
c'est une réflexion qu'il faut avoir, parce
qu'on utilise beaucoup le principe de précaution comme étant un principe, là,
que… tu meurs ou tu vis, alors que c'est un principe qui doit plus s'appliquer
dans un principe de proportionnalité, sinon on n'aura pas de société évolutive.
Je suis certain que ce n'est pas ce que vous voulez. Mais je suis d'accord puis
je suis content de vous avoir entendu dire qu'on veut quand même respecter la
volonté de l'ensemble d'une population. Et, en général, la volonté de
l'ensemble d'une population, bien, c'est la majorité, 50 plus un. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) : Merci, M. le député. Mme la députée
de Montmorency, pour un bloc de cinq minutes.
Mme
St-Laurent : Oui. Ce n'est pas long,
hein? Ça s'adresse à Mme Guay. Mme Guay, vous êtes chimiste. Vous savez que la qualité d'un scientifique, c'est
d'étudier toutes les options. Et vous avez dit ici, devant la
commission, tout à l'heure : Moi, j'ai fait des recherches jusqu'à très
récemment, mes recherches sont avancées dans le temps. Pourriez-vous me dire de
quelle année à quelle année vous avez effectué vos recherches par rapport à ce
sujet?
Mme
Guay (Mireille) : Dans la
littérature...
Le
Président (M. Bergman) : Mme Guay.
Mme Guay (Mireille) : Pardon. Dans la littérature
scientifique, je suis remontée jusqu'aux publications de Dean, qui a été le premier à dire qu'il y avait un lien
entre présence de fluorure dans l'eau et faible taux de carie, et je suis allée
jusque dans les années 80.
Évidemment, c'est une montagne énorme, ce qui
assure la publication. À la faculté de médecine, il y avait une brique d'à peu près 1 000 pages, qui était
juste un résumé avec beaucoup, beaucoup de référents scientifiques. Donc, on ne peut pas tout lire, mais on est quand même
capables de cibler les principales publications et de voir si elles sont
de bonne qualité ou non.
Mme St-Laurent : Dans les publications que vous avez
lues, dans les rapports et les études que vous avez faits, est-ce qu'à
l'intérieur on mettait la méthodologie? Parce que vous savez qu'un rapport va
être exact selon la méthodologie suivie. Est-ce que, dans la plupart des rapports
que vous avez vus, vous avez regardé s'il y avait la méthodologie avec?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
Mme
Guay (Mireille) : Dans les
publications originales, oui, il y a la méthodologie, et, entre autres, par exemple, la publication qui est relativement
récente, qui montre que le taux de fluorure normal chez un humain est
beaucoup plus bas que ce qu'il y a dans
l'eau, c'est une très bonne méthodologie. Ils se sont assurés… ils ont fait
tous les contrôles, ils ont fait des analyses avec une technique qui est
très performante, en utilisant la méthode de dopage, par exemple, pour mesurer
des concentrations faibles. Alors, oui. Quand ce sont des résumés, bien là, il
n'y a pas la méthode.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Montmorency.
Mme
St-Laurent :
Oui. Pourriez-vous dire combien d'études que vous avez lues avec la
méthodologie? Vous avez terminé votre étude en
1980, vous me dites, à peu près? Est-ce qu'il y a... quelles sont les études
que vous avez regardées avec la méthodologie avec, là?
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
Mme Guay
(Mireille) : Avec la méthodologie
statistique ou avec la méthodologie d'analyse chimique et biochimique?
Mme
St-Laurent : Oui, avec toute la
méthodologie de recherche.
Mme
Guay (Mireille) :
Parce que les études épidémiologiques... Moi, je ne suis pas une
statisticienne. Donc là, je ne peux pas
examiner dans le détail, je suis obligée de me fier à des études qui sont une
espèce de compilation et surtout une critique. Donc, il y a eu des études
critiques sur les études épidémiologiques. Pour la partie publications
expérimentales, bien là, oui, celles que j'avais regardées contenaient la
méthodologie.
Mme
St-Laurent : Est-ce que vous
maintenez...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Montmorency.
Mme
St-Laurent : Excusez-moi. Est-ce que
vous maintenez aujourd'hui votre opinion face aux études contradictoires? Parce
que vous avez vu des études et des rapports contradictoires.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Guay.
Mme Guay
(Mireille) : 25 ans après, je
maintiens mon opinion, parce que les choses que j'avais prévues de façon logique sont confirmées par les publications
récentes qui sont amenées avec les autres personnes qui travaillent dans
le réseau. Exemple, il était facile de prévoir que le fluorure, en s'accumulant
dans les os, puisque ça rendait l'os plus dur, ça se traduirait par une
augmentation des fractures et non pas par des meilleurs cas... par une façon de
résoudre l'ostéoporose. Et, ces années-ci,
il y a des publications qui montrent que le taux de fractures est plus élevé
quand il y a une accumulation de fluorure dans l'os.
Mme
St-Laurent : Mais, comme chimiste...
Et, comme chimiste, vous validez ça?
Mme Guay
(Mireille) : Bien, comme chimiste...
Je suis Ph. D. en chimie, je ne suis pas chimiste membre de l'Ordre des chimistes. J'ai fait 11 années
comme assistante de recherche en biochimie, sur le tissu conjonctif. De ce
point de vue là, je suis capable, je pense,
de porter un jugement sur des publications qui sont à la fois de chimie et de
biochimie.
Le Président (M.
Bergman) : Malheureusement, le temps
s'est écoulé. M. McGee, M. Pirani, Mme Bernier, Mme Guay, Mme Châtelain, merci
d'être avec nous aujourd'hui, ici, et on vous remercie pour votre présentation.
Et
je demande les membres de l'Ordre des dentistes du Québec pour prendre place à
la table. On suspend pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 6)
(Reprise à 16 h 11)
Le
Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à l'Ordre
des dentistes de Québec. Vous avez 15 minutes
pour faire votre présentation. Alors, Dr Dolman, bienvenue. S'il vous plaît,
identifiez les membres de votre délégation, et vous avez 15 minutes pour
faire votre présentation.
Ordre des dentistes du Québec (ODQ)
M. Dolman (Barry) : Bon après-midi. Je suis Dr Barry
Dolman, président de l'Ordre des dentistes du
Québec, l'ancien président de l'Association dentaire canadienne et en pratique
privée pour plus que 35 ans à Montréal. Je suis accompagné
de Dre Josée Bellefleur, à ma gauche, vice-présidente de l'ordre et spécialiste
en dentisterie pédiatrique; à ma droite, Dr
André Lavallière, président de l'association de dentistes-conseils en santé
publique; Dr Guy Maranda, administrateur de l'ordre; et Me Caroline
Daoust, directrice générale de l'Ordre des dentistes du Québec.
L'Ordre des dentistes du Québec aimerait
remercier la commission d'avoir eu le courage d'aborder une question qui fait
l'objet de débats depuis déjà trop longtemps. Aucune autre conclusion n'est
possible, étant donné l'unanimité de cette
pratique suscitée dans le reste du monde civilisé et des avis scientifiques
basés sur des données probantes qui… depuis plus que 35 ans, les connaissances sont bien fondées. La fluoration
de l'eau constitue la méthode à la fois la meilleure, la plus efficace, la plus rentable et, plus
important, la plus sécuritaire pour prévenir des maladies buccodentaires et
réduire les coûts que doit assumer la société pour les traiter.
En effet, alors que des milliers d'enfants et
des citoyens vulnérables de notre société auraient pu bénéficier de la fluoration d'eau, les pressions provenant des
puristes mal informés ont poussé les élus de tous partis confondus à faire fi de la logique et de la science qui
recommandent la mise en oeuvre d'initiatives de santé publique allant du
traitement de l'eau au programme public de vaccination.
Ce
n'est pas le temps de mettre nos têtes collectives dans le sable. C'est la
raison pourquoi nous sommes ici aujourd'hui, pour vous implorer d'avoir le
courage de faire ce qui doit être fait. Mes collègues, des dentistes en… parmi
lesquels on retrouve Dre Bellefleur, dentiste pédiatrique et vice-présidente de
l'ordre, vont vous faire part des difficultés
vécues au quotidien, des coûts importants associés au traitement des jeunes et
des citoyens plus vulnérables lorsque
ceux... doivent subir une anesthésie générale en raison de la présence étendue
des caries, la perte de productivité des parents qui accompagnent leurs
enfants lorsque tel traitement représente une couche cachée mais bien réelle.
On peut prévenir les maladies buccodentaires
ou tout autre moyen, en réduire l'ampleur par la fluoration d'eau, une mesure universelle, peu coûteuse et dont
l'efficacité n'a pas pu être contestée par aucune étude. Résolu à jouer un rôle de leader, l'Ordre des dentistes du Québec a
annoncé récemment une création d'un comité mandaté pour trouver des
solutions permanentes au problème d'accès aux soins dentaires de qualité. Nous
croyons que la fluoration de l'eau constitue
un premier pas qui démontrerait un engagement du gouvernement à participer aux
efforts en vue d'améliorer la santé et le bien-être des Québécois.
Plutôt que de lire les mémoires, qui ont été
préparés avec soin et qui vous ont été remis déjà, j'aimerais donc donner la parole à Dre
Bellefleur et après ça à Dr Lavallière. Et ensuite nous sommes ici pour
répondre aux questions. Dre Bellefleur.
Le
Président (M. Bergman) : Dre
Bellefleur.
Mme Bellefleur(Josée) : Merci. Mon nom est Josée Bellefleur.
Je suis vice-présidente de l'Ordre des
dentistes du Québec et je suis une dentiste pédiatrique.
Un
dentiste pédiatrique, c'est un dentiste spécialiste qui a fait des études de
généraliste, puis ensuite on a fait, deux,
trois ans après, au niveau de spécialité, au niveau de la dentisterie
pédiatrique. On est une cinquantaine au Québec. Un dentiste pédiatrique,
ça traite forcément les enfants qui ont besoin de soins particuliers, soit par
leur comportement ou encore par les traitements spéciaux, mais ça traite
surtout des enfants d'âge préscolaire qui sont pleins de caries.
Quand j'ai commencé à pratiquer, il y a
20 ans, je me disais : Dans 20 ans — maintenant — je
suis certaine que je ne verrai presque plus de caries. Mais ce n'est vraiment pas ça qui se
passe. Je vous dirais que cliniquement j'en vois plus. Dans mon coin,
avant, Dorval avait du fluor dans l'eau. Ils l'ont enlevé. On a vu, entre
autres, plus de caries, à ce moment-là. On
voit vraiment une démarcation. Entre autres, Dollard-des-Ormeaux, il y a une
partie qui prennent leur eau de Pierrefonds, qui n'a pas de fluor, puis
l'autre partie qui prend ailleurs son eau. On voit vraiment une différence au
niveau des caries chez les enfants.
Comme vous avez pu voir peut-être dans le
mémoire, les photos qui viennent de l'Hôpital de Montréal pour enfants, vous pensez peut-être que c'est des photos de cas
extrêmes. Mais, non, c'est vraiment... c'est du quotidien, là. C'est du
quotidien, et ces enfants-là, souvent, comme ils ne peuvent pas coopérer, ils
sont très jeunes, alors on doit les traiter
sous anesthésie générale. Il y a environ 3 000 enfants qui sont endormis
chaque année pour des traitements dentaires. Ces enfants-là, on les
mutile. Il faut faire des extractions, des traitements de canaux, des couronnes. C'est vraiment des traitements extensifs. C'est dur pour les
enfants, c'est dur pour les parents. Les parents manquent du travail, les enfants manquent de l'école. On n'a pas idée
comment c'est encore fréquent.
Si
on ajoutait du fluor dans l'eau, de façon générale, selon les données
probantes, on diminuerait vraiment ces
genres de cas là. Parce que, quand vous êtes un enfant, si votre dent n'a pas
eu de fluor systémique quand la dent s'est formée, vous avez une prise
contre vous. Si vos parents ne vous brossent pas les dents, pour une raison x,
y, z, vous avez deux ans, vous ne pouvez pas
vous brosser les dents vous-mêmes, il faut que ça soit un parent qui le fait, s'il ne le fait pas, vous avez deux prises. Et, si en
plus votre alimentation contient un sucre quelconque, ça peut être juste du
lait, le lait maternel, un autre... ou
encore du... surtout le jus, eh bien, là, ça, c'est la troisième prise. Et là,
bien, vous vous ramassez chez moi. Mais c'est fréquent.
Moi, j'aimerais juste que, dans 20 ans, quand
je prendrai ma retraite, on n'ait plus besoin de moi. Puis, en mettant du fluor dans l'eau, je pense qu'on pourrait
rendre mes services un peu presque obsolètes. C'est tout ce que j'avais à dire.
Dr Lavallière.
•
(16 h 20) •
M.Lavallière(André) : Bonjour. Je suis Dr André Lavallière.
Je suis le président de l'Association des
dentistes de santé publique du Québec. J'ai gradué il y a 30 ans, j'ai
fait une résidence multidisciplinaire en milieu hospitalier. J'ai travaillé en
cabinet privé, en milieu hospitalier, en centre d'hébergement et en CLSC.
La
carie dentaire constitue un important problème de santé publique. C'est un
problème qui affecte les enfants, les adolescents, les adultes, les personnes âgées,
pas seulement qu'une fois, mais à plusieurs reprises tout au long de la vie. C'est non seulement
une maladie qui affecte un grand nombre d'individus, c'est aussi une des
plus coûteuses pour l'ensemble de la société. Les coûts associés au traitement
de la carie dentaire et de ses complications occupent
la première position avec le coût des traitements des maladies
cardiovasculaires. C'est environ 3 milliards de dollars par année
que les Québécois dépensent pour traiter une maladie qu'on pourrait prévenir.
La
fluoration de l'eau constitue notre meilleure façon de réduire la prévalence et
l'incidence de la carie dentaire. Il y a des problèmes majeurs d'accessibilité aux
soins dentaires pour les plus démunis. On pense aux itinérants, des gens
provenant de milieux défavorisés, les
personnes âgées, d'autant plus qu'au courant des prochaines années les
personnes âgées vont avoir des dents. On va
faire face, au Québec, au courant des 20, 30 prochaines années, à une explosion
de la carie auprès des personnes
âgées. Avec l'âge, il y a un déchaussement des dents et il y a un risque de
carie qui se produit au niveau des
racines des dents, de la même façon que les jeunes enfants sont à risque élevé
de carie. Il y a deux clientèles qui sont particulièrement à risque de
carie : les enfants et les personnes âgées lorsqu'elles ont des dents. Et
on va faire face, au Québec, à un défi
important au courant des prochaines années. La fluoration de l'eau constitue un
moyen efficace d'intervenir à la fois auprès des enfants et auprès des
personnes âgées.
On parle souvent du
problème de l'accessibilité aux soins dentaires. C'est très bien d'organiser
des services, d'assurer des services via la
Régie de l'assurance maladie du Québec, mais, lorsqu'une maladie peut être
prévenue et qu'on a des moyens efficaces de prévenir les maladies, ça
constitue la meilleure façon de réduire nos listes d'attente, de réduire les
problèmes d'accessibilité aux soins qu'on peut avoir dans la société. La
fluoration est reconnue depuis plusieurs années comme étant une mesure
efficace, sécuritaire, économique et équitable, parce qu'elle permet aussi de
réduire les écarts de santé entre les gens les plus défavorisés de notre
société et les gens qui ont les moyens de recevoir des services sur une base
régulière. Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, merci pour votre présentation. Maintenant, pour le gouvernement,
bloc de 20 minutes, Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Merci,
M. le Président. Alors, bonjour, Dr Dolman. Ça me fait plaisir d'échanger
avec vous et les personnes qui vous
accompagnent.
J'ai
bien écouté votre présentation et, un petit peu comme… On a eu certaines
discussions avec des groupes qui vous ont précédés, notamment sur les droits
individuels des personnes de pouvoir consommer une eau qui contient ou
pas du fluor. Et je regarde à la page 8
de votre mémoire, et vous mentionnez un point de vue un peu différent, et
j'aimerais ça vous citer l'exemple, l'extrait, là, dont je... que je vais vous
demander de commenter.
Alors,
ce que vous dites, c'est que «l'Ordre des dentistes n'a pas de mots assez forts
pour dénoncer cette situation intolérable qui
fait, entre autres, qu'il faille encore débattre en 2013 de la preuve
scientifique et plaider devant les autorités
gouvernementales les droits des citoyens à une meilleure santé dentaire, ainsi
que rappeler que le Québec a reconnu l'importance de la fluoration dans
sa propre Loi de santé de publique».
Et
vous dites : «Les opposants à la fluoration n'ont d'arguments que leurs
principes de liberté de choix. Les droits et
libertés qui — selon vous — doivent être pris en compte dans un tel contexte sont
les droits des enfants et des citoyens
d'être assurés que les autorités publiques prennent les dispositions pour leur
assurer les meilleures conditions de vie possibles, compte tenu de leurs
besoins et des moyens dont on dispose.»
Donc,
c'est sûr que, comme parlementaires, on doit toujours arbitrer, souvent, les
droits des uns par rapport aux droits des
autres, et j'aimerais ça que vous commentiez cet extrait de votre mémoire.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) :
Ici, je veux dire quelque chose, je suis en pratique privée, même que je porte
le chapeau de l'Ordre des dentistes du Québec, et je pense que, comme dentiste, j'ai
une obligation, vis-à-vis les citoyens, d'assurer que, les citoyens, les Québécois les plus vulnérables,
qui n'ont pas vraiment de voix ici aujourd'hui, on parle pour eux
autres. Et c'est sûr que, dans la vie, il
faut faire des choix. De mettre une ceinture quand tu conduis une automobile,
de faire passer et de prendre un
vaccin, c'est tous des choix qu'on doit faire. Mais, pour nous, représentant le
public… Parce que l'ordre, c'est une
agence, on peut dire, entre guillemets, paragouvernementale, on est des experts
vis-à-vis les prestations des services buccodentaires, alors il faut que
je parle pour des citoyens les plus vulnérables.
Alors, quand je vois, par exemple, un enfant, à l'âge de
10 ans, plein de caries, et on peut trouver une solution, je pense
qu'on a une obligation de législateurs de regarder qu'est-ce qu'on peut faire.
Dr Lavallière peut parler, par exemple, le coût relatif, mais, si on compare des chiffres, un dollar qu'on va
investir pour la fluoration de l'eau va amener une solution qui va
sauver à l'État de l'argent énorme. Et on peut sauver beaucoup de misère à des
citoyens les plus vulnérables. Si tu regardes la démographie du Québec dans
15 ans ou 20 ans, on va être face à un tsunami des adultes en perte
de mobilité. Et on veut garder ces gens chez eux, on ne veut pas nécessairement
augmenter les problèmes à l'intérieur des institutions. Pour moi, écouter la
voix de la minorité pour articuler une décision pour la santé de la plupart de
la population, ça n'a pas de bon sens.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui, merci, M. le Président. Dre Bellefleur, à titre de
dentiste pédiatrique, j'aimerais ça que vous
nous expliquiez concrètement, selon vous, ce que ça aurait comme effet ou comme
impact chez les enfants de cesser le programme de fluoration de l'eau au
Québec.
Le
Président (M. Bergman) : Dre
Bellefleur.
Mme Bellefleur
(Josée) : Bien, vous savez, seulement
3 % de la population reçoit du fluor dans l'eau. Donc, si vous enlevez ces 3 % là, je peux dire que
l'effet… je ne veux pas dire qu'il est négligeable, mais on n'a pas de
fluor dans l'eau. On peut dire qu'à 3 % l'eau du Québec n'est pas fluorée.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme Proulx : Mais, à ce moment-là, est-ce que vous envisagez ou vous
croyez qu'il y a d'autres mesures de prévention qui pourraient être mises de
l'avant pour prévenir la carie chez les enfants?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bellefleur.
Mme Bellefleur
(Josée) : Aussi peu coûteuse et aussi
universelle, non.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Donc,
si je comprends bien, selon vous, la fluoration de l'eau représente une mesure
de prévention efficace et concrète.
Mme Bellefleur
(Josée) : Définitivement.
Mme
Proulx : Donc,
ça revient à ma question. Si on cessait ce programme-là, pour vous… Pouvez-vous nous décrire un peu l'impact que ça aurait chez vos
patients?
Mme
Bellefleur (Josée) : Bien, forcément, les 3 % qui reçoivent du fluor auraient forcément
plus de caries, tout ça. Ça, c'est sûr, parce
que, là, on serait à zéro.
Mme
Proulx : Dans une
optique de santé globale, la carie, qu'est-ce que ça représente, la carie chez
les enfants, dans une optique de santé
globale? C'est quoi, l'impact?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Josée) : Oui. Pour les enfants, on s'entend que, quand la maladie de la carie
avance, on a des problèmes au niveau de douleur. Qui dit douleur dit manque de sommeil,
dit difficulté à mastiquer, à avaler. Souvent, ces enfants-là se
ramassent avec des infections, des cellulites faciales. C'est vraiment... Même
les enfants, des fois, ils n'engraissent pas
parce qu'ils ne mangent pas. Mais souvent, quand on réhabilite leur bouche en
anesthésie, on voit… deux, trois jours après, les parents vont me dire :
Finalement, il mange. Il mange, il boit, tout va bien.
C'est
sûr, un enfant qui, en bas âge comme ça… Souvent, ils ne sont même pas capables
de verbaliser la douleur qu'ils ont parce que c'est des enfants qui ont
deux, trois ans. Eux, ils ont toujours eu mal dans la bouche, ils ont
toujours eu mal aux dents, parce que souvent
c'est : dès que la dent sort, elle commence à carier. Donc, c'est des
enfants vraiment qu'on voit une différence au niveau de leur santé quand
leur bouche est réhabilitée. Puis, si à la base il n'y avait pas eu de carie,
bien, ça aurait été beaucoup plus préférable.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Et, Dr
Dolman, j'aimerais que vous nous donniez votre point de vue sur le fait que,
malgré les impacts positifs, malgré l'opinion
de tous les experts à travers le monde, l'Organisation mondiale de la santé et
tout ça, il y a quand même des pays,
d'Europe notamment, qui se retirent des programmes de fluoration de l'eau. À
votre point de vue, qu'est-ce qui, vous croyez, motive leur décision de
se retirer d'un programme de fluoration?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
• (16 h 30) •
M.
Dolman (Barry) :
C'est difficile pour moi de commenter sur la juridiction d'un autre pays.
Peut-être, Dr Lavallière, étant donné qu'en
santé il a plus d'information… Mais, une chose qui est claire, le problème
qu'on a à Québec, au point de vue carie, au
point de vue perte de dents, au point de vue du pourcentage des citoyens qui
portent des prothèses, c'est vraiment distinct. Et ce n'est pas un pourcentage,
ce n'est pas un critère que j'aimerais avoir si je regarde notre société en
2013.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme Gadoury-Hamelin : Bonjour, Dr Dolman. Bonjour,
tout le monde qui vous accompagne. Alors, merci
d'être là pour nous apporter un éclairage supplémentaire sur ces questions. On
a parlé tout à l'heure un peu avec d'autres groupes
que certains dentistes ou... avaient cessé l'application topique de fluor.
Pouvez-vous nous en parler? Est-ce que c'est vrai que c'est une coutume qui a été mise de côté parce qu'elle est
moins efficace? Est-ce que c'est vrai ou est-ce que ça se poursuit,
cette action-là, auprès des jeunes enfants?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) :
Je n'ai jamais entendu que les dentistes arrêtaient de mettre des agents
topiques du fluor. Peut-être, à l'intérieur de
cette discussion, je vais donner le discours à Dr Lavallière.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Lavallière.
M.
Lavallière (André) : Si c'est le cas, ce serait contraire aux évidences scientifiques qui
sont disponibles. Que ce soit la fluoration de l'eau ou les applications
topiques de fluorure, les évidences scientifiques sont très, très, très
solides en termes d'efficacité de ces
mesures. Si ça se produit, c'est probablement très marginal. Il y a 4 800
dentistes au Québec et c'est probablement des cas isolés qui ont cessé
d'utiliser les applications topiques de fluorure dans leur pratique.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Merci. Dre Bellefeuille, pouvez-vous nous dire, chez les enfants très
jeunescomme
ça, deux, trois ans — on a vu les photos, c'est assez
impressionnant, là, de voir leurs bouches — quelles sont les raisons qui font
que ces jeunes enfants là se retrouvent dans des situations de cette nature-là
puis être obligés de vivre ce qu'ils vivent, avec des bouches comme ça?
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bellefleur.
Mme Bellefleur
(Josée) : Au niveau de la carie de la
petite enfance — parce que c'est
comme ça qu'on appelle ça — la majorité des enfants de cet âge-là, deux,
trois ans, c'est souvent des enfants qui vont soit s'endormir avec du lait dans la
bouche — soit du lait de formule ou du lait
maternel — ou, encore, souvent qui vont prendre
un liquide quelconque sucré — souvent, ça va être du jus — et ils vont s'endormir avec. Alors, ça reste dans la
bouche — c'est vraiment classique — ça va faire carier les quatre dents d'en avant, plus les
petites molaires en haut. C'est vraiment la carie de la petite enfance. S'il n'y a aucune
mesure d'hygiène en plus de ça, bien, ça va vraiment très, très, très
rapidement, la progression, oui.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Dans une situation
comme ça, où est-ce que les enfants vivent ça, un traitement... bien, je veux
dire, s'ils consomment de l'eau qui est fluorée, ça pourrait venir induire
cette situation-là? Est-ce que...
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Josée) : Oui. Vous voulez dire réduire? Oui, ça pourrait, oui, réduire ce nombre
de traitements là qu'on a à leur faire,
définitivement.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
J'ai une autre question. Vous avez parlé des enfants qui sont censés... bien,
qui sont dans cette situation-là, qui doivent
subir une anesthésie générale pour être traités. Pouvez-vous nous dire, au
Québec actuellement, ça ressemble à quoi?
Est-ce qu'un enfant qui se retrouve dans cette situation-là peut être traité
rapidement ou est-ce qu'il doit attendre d'être traité, là, pour une anesthésie
générale, actuellement?
Mme
Bellefleur (Josée) : Actuellement, si vous parlez de l'accès en milieu hospitalier, oui,
l'attente est longue, parce que les dentistes n'ont pas beaucoup de temps
opératoire au niveau des hôpitaux. Donc, à certains endroits, c'est assez long. Même, je vous dirais, au
Children's, à Montréal, Sainte-Justine, on a des attentes de presque un
an. La majorité de ces enfants-là sont redirigés au niveau de cliniques privées
d'anesthésie où est-ce que, là, l'accès est
plus rapide, mais les parents doivent quand même débourser, à ce moment-là,
un certain frais pour l'anesthésie. Pour les
médicaments anesthésiques, ils sont aux alentours de 300 $, alors qu'en
milieu hospitalier c'est gratuit. Donc, pour un enfant dont les parents ne
pourraient pas payer ces frais-là, effectivement, il faudrait qu'ils attendent,
je vous dirais, en moyenne, de neuf mois à 12 mois, pour une attente
en milieu hospitalier...
Mme
Gadoury-Hamelin : ...
Mme Bellefleur
(Josée) : Oui, organisé comme ça.
Mme Gadoury-Hamelin : Merci.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Masson.
Mme Gadoury-Hamelin : Une dernière petite question. Tantôt,
on a écouté d'autres groupes qui nous ont
parlé aussi du fait que certains dentistes
pourraient être d'avis contraire à ce que vous nous présentez comme position,
mais qu'il y avait peut-être un dogme qui
s'était installé par rapport à la fluoration de l'eau, comme quoi que c'était
une doctrine ou, en tout cas, un principe à aller de l'avant.
Pouvez-vous nous parler de votre position par rapport à cet énoncé-là?
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : Dans la vie, dans une profession, si
on parle de dentiste, avocat, ingénieur, ou autres, il doit y avoir des
opinions, parce qu'on est des docteurs, on n'a pas... on passe une éducation
universitaire. Mais, si on regarde à travers les 4 800 presque
50 dentistes dans la province de Québec, les personnes qui opposent la
fluoration, de mon point de vue, peut-être,
tu parles de 50 dentistes, 100 dentistes, 25 dentistes. Le
problème aujourd'hui, c'est... Les personnes qui opposent la solution la
plus efficace sont non seulement dans une minorité à l'intérieur de la
population, mais vraiment une sous-minorité à l'intérieur de la profession.
Mme
Gadoury-Hamelin : Je vous remercie.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
M. Richer : Merci, M. le Président.
M. Dolman, bonjour, merci d'être là avec votre équipe. J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui me paraît une différence
majeure : l'Association de médecine dentaire holistique du Québec se prononce contre la fluoration de l'eau. Alors, je
reçois bien la position de l'Ordre des dentistes, mais comment expliquer
cette opposition entre spécialistes du même domaine?
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : C'est très clair qu'«association
holistique», déjà, tu décris un genre de personne qui est contre beaucoup des
méthodes en sciences qu'on utilise aujourd'hui pour effectuer des traitements
et pour améliorer la santé des Québécois. Alors, c'est le même genre de
personne qui est contre les vaccins. Dans la vie, la question d'avoir des traitements purs est presque impossible. L'eau
qu'on boit autour de la table, ici, il y a des traitements. Alors, pour
moi, c'est une... Il faut que je base mes
efforts sur la majorité, une décision de science probante et aussi la question
pour avoir le meilleur accès pour
améliorer le plus de personnes possible. C'est sûr que les enfants les plus
vulnérables ne sont pas traités chez les holistiques. C'est sûr que les
personnes dans des centres d'hébergement, dans des CHSLD, des patients
avec des alzheimers, ce n'est pas des
personnes qui vont être traitées chez les dentistes holistiques. Je regrette,
mais c'est une opinion que, pour moi,
tu vas toujours avoir des personnes qui sont contre tout, contre l'iode dans le
sel, contre... Peut-être, je vais laisser Dr Lavallière, parce
qu'il a une base de science, peut-être, de répondre un petit peu plus… être
précis.
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Lavallière.
M.
Lavallière (André) : L'association
des dentistes holistiques du Québec regroupe une vingtaine, peut-être 25 dentistes sur les 4 800 dentistes. Les
positions des organismes officiels sont basées sur des données probantes,
que ce soient les positions de l'Ordre des
dentistes du Québec, de l'Association dentaire canadienne, le CDC, Santé
Canada. Je ne pense pas que ce soit
un dogme comme on l'a laissé entendre, je pense que ces positions d'organismes
officiels, d'organismes crédibles sont basées sur des données probantes,
des données scientifiques. Qu'un petit groupe de dentistes marginal ait des
positions qui vont à l'encontre de ces positions, je pense qu'on devrait exiger
des dentistes en question de fournir les données probantes qui justifient leur
position.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
•
(16 h 40) •
M. Richer : Oui. J'aimerais... À la fin de votre
document, vous avez une partie qui est en lien avec la Commission d'accès à l'information. J'aimerais ça en
entendre parler davantage. À la toute fin, avec la conclusion.
Le
Président (M. Bergman) :
Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) : Est-ce qu'il peut
citer la question spécifiquement?
M.
Richer : Non, je ne trouvais pas le
lien en lisant votre conclusion. Vous parlez de… «La loi d'accès à l'information n'oblige pas [de] fournir de
l'information déjà disponible et accessible, entre autres via Internet.»
Alors, je ne comprenais pas le lien avec la Commission d'accès à l'information,
tout simplement.
M. Dolman
(Barry) : Je pense qu'en arrière de
ma présidence il y a un groupe qui a demandé toute une série de documents pour
la fluoration qui étaient déjà en... et l'Ordre des dentistes a pris une
position que c'était presque onéreux d'avoir l'obligation de fournir toute l'information que ce
groupe a demandée, parce que, quand même, on a des ressources avec
certaines limites. Ce n'est pas une question de cacher de l'information, toute
l'information était ouverte. Le public peut
avoir l'information autour de la base de science. Et, à l'intérieur de ce
processus en particulier, c'était rejeté à la cour. Et ça n'a rien à
faire avec le sujet qu'on...
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose, il vous reste une minute.
Mme
Proulx : Oui.
Alors, Dr Dolman, Dr Lavallière, j'aurais une question. Vous avez
mentionné que l'ordre a pris une position et a une position. Je voudrais juste savoir, vos
processus internes pour prendre position… Est-ce que la position, par exemple, dans le cas qui nous occupe, là, pour la
fluoration de l'eau, est-ce que vous
avez un comité d'éthique qui se préoccupe de cette question-là? J'imagine que
toutes les nouvelles études qui pourraient sortir vous permettent
d'avoir une position régulièrement revue, mise à jour. Comment, concrètement,
ça fonctionne votre prise de position?
Le Président (M.
Bergman) : En 30 secondes.
M. Dolman
(Barry) : C'est sûr que la position
de l'ordre, ce n'est pas une nouvelle position, c'est la même position,
toujours, mais on est en contact toujours avec des personnes dans la communauté
académique, les doyens, les facultés; je
pense qu'il doit y avoir une opportunité d'avoir une présentation du
Dr Kandelman demain. La science bouge,
et on est à la limite, on est à l'écoute des derniers événements à travers le
monde. Mais il faut avoir des solutions pour nous, ici, à Québec. Et je
pense que la solution de fluoration de l'eau, c'est la solution.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, malheureusement, ce bloc est écoulé. Pour le bloc de
l'opposition officielle, M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. D'ailleurs, bonjour et merci d'être ici
aujourd'hui. Puis je pense que je voudrais quand même faire un
commentaire : Au cours des dernières années, l'Ordre des dentistes s'est
beaucoup impliqué pour la santé buccodentaire, puis je pense que vous avez fait
un travail extraordinaire, tant par les soins, la prévention. Puis d'ailleurs, aujourd'hui, vous êtes un groupe qui venez
en disant : Nous autres, on va avoir moins de travail, mais on veut
avoir une meilleure santé, ce qui est, je pense, tout à votre honneur.
Je
commencerais aussi par faire une réflexion. Le premier élément, c'est que je
pense que la vérité va triompher, mais, pour
triompher, il va falloir la faire travailler pas mal plus puis différemment de
ce qu'on fait aujourd'hui, quelle que soit
la vérité que l'on croit. Deuxièmement, quand vous arrivez puis vous dites…
Vous insistez beaucoup : C'est unanime,
c'est certain; sauf lorsqu'on entend des groupes, ils nous donnent... ils nous
font des démonstrations complètement opposées, ils remettent tout en
question.
Tout ça pour vous dire
que, comme parlementaires, politiciens — vous savez, j'ai une
formation scientifique en étant un médecin — c'est qu'on a l'impression qu'on apporte des arguments
qui sont durs comme du béton, mais ça ne tient
pas la route. Puis il y a une donnée qui fait qu'il y a quelque chose qui
fonctionne ou qui ne fonctionne pas au Québec : ce n'est seulement que
3 % de la population qui a accès à de l'eau fluorée. Ça fait que, si on
pense que scientifiquement c'est si bon que ça, comment se fait-il
qu'objectivement on n'a seulement que 3 % de la population qui a de l'eau
fluorée? C'est la première question.
Là,
je vais finir. Le deuxième élément, c'est peut-être qu'on oppose la science à soit une
autre science ou à de la croyance. Et j'ai appris quelque chose en
politique : si on n'a pas l'acceptabilité sociale d'une population,
vous avez beau avoir le meilleur dossier au monde, il ne passera pas, et ça ne
s'appliquera pas. Et je pense c'est là, dans
cette commission, qu'on a des évaluations à faire, des choix à faire et des
jugements à porter, parce que des gens, dans notre pluralité de société,
nous amènent des arguments qui sont convaincants. Puis, je vais vous dire, au
niveau émotif, ceux qui sont opposés à la
fluoration de l'eau, ça prend plus dans la population, c'est plus facile dans
la population — sans porter de
jugement. C'est plus facile parce qu'ils apportent des arguments, puis, à la
fin, c'est le principe de précaution, là, qui fait qu'on dit : Pourquoi on
le ferait? On n'a pas besoin de ça.
Donc,
je pense que, si vous croyez dans votre dossier, vous êtes loin en arrière. Et
comment on fait maintenant pour en arriver à ce que… Je pense que peut-être la
vérité va triompher ou encore qu'on n'en fera pas, de la fluoration de
l'eau. Un des aspects que je trouve importants… Parce que, le groupe, je l'ai
questionné tantôt, je leur ai dit : Êtes-vous au moins capables d'accepter que, s'il y a une volonté populaire, dans une ville, d'avoir la fluoration de l'eau,
c'est-à-dire une majorité des gens qui diraient : Nous autres, on est en accord avec
ça, ça puisse se faire? Ça a été du bout des lèvres, mais les gens m'ont
dit : Oui. Je pense que ça va être ça.
Comme
gouvernement... Moi, j'ai été ministre de la Santé, là, on me l'a présenté, ce
dossier-là, puis les dentistes qui viennent
nous voir, la Santé publique, qui nous disent : Il faut que tu imposes ça.
Mais, en vérité, il n'y a pas un politicien
qui va l'imposer. Ça, ça va être clair, selon moi, là. On n'est pas dans ce
type de société là, on va imposer par une majorité à une minorité une
solution comme ça. Par contre, il faut se trouver une voie démocratique pour
amener une population qui, en général, voudrait l'avoir de pouvoir l'avoir. Et
là vous avez un travail d'information à faire.
Si
vous avez 4 800 dentistes, puis il y en a peut-être 50 qui ne sont pas
d'accord, comment se fait-il que, dans les
villages ou dans les villes, les gens refusent la fluoration de l'eau après
avoir eu quelques rencontres? Ça, c'est la question à laquelle vous devez
répondre. Je vous écoute.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) : C'est sûr que notre
grand travail, c'est l'éducation, l'éducation ici et l'éducation à des
citoyens. Ça, c'est sûr — vous êtes un
médecin, tu comprends ça.
Je
peux dire… c'est un petit peu une anecdote, mais de plus que 35 ans je
travaille à Montréal, dans mon cabinet privé,
pour être capable de fermer ma clinique, j'ai toujours mes patients.
Aujourd'hui, même en 2013, 30 % de la population du Québec ne passe pas le
fil dentaire. Ça ne coûte rien. Ce n'est pas une obligation, on peut faire ça
sans rendez-vous. La régie offre un service gratuit zéro à neuf ans — dans le temps, c'était zéro à 16 ans — on n'a jamais atteint 50 % de la population.
Le
travail pour nous, les dentistes, ce n'est pas évident. Mais une chose qui est
sûre, c'est : les complications à la
carie dentaire, la complication à des infections ont un coût à notre société et
un coût énorme à l'intérieur du Québec. Parce
que les problèmes qui… Si on n'a pas une solution dans des cabinets, ou privés
ou dans des systèmes de la santé, on va retrouver dans le système
médical, à l'urgence. Il va coûter une fortune.
Alors,
à un moment donné, c'est bien beau à dire qu'il ne faut pas imposer certains
gestes, mais des fois on a une obligation d'imposer quelque chose pour une
raison. Une personne avec une base d'éducation, avec une base de science
non seulement est-ce qu'on est au courant des gestes qu'on peut poser, mais on
est aussi... on comprend très, très bien des gestes qu'on ne peut pas poser, et
c'est une balance entre les deux.
Il y a un an ou deux qu'on a eu le programme de
vaccination H1N1. On a fait ça pour quelle raison? On a demandé à la population d'être vaccinée pour la majorité
de la population du Québec. Parmi cet épisode de vaccination, il y a des
gens qui ne veulent rien savoir, mais on est allé de l'avant. Peut-être la
fluoration, ce n'est pas tout à fait la même
chose. Et c'est sûr que la fluoration, c'est une mesure parmi d'autres mesures,
ce n'est pas la solution magique. On n'a
pas les solutions magiques, ni pour la carie dentaire ni pour l'accès.
Peut-être que je vais demander à Dr Lavallière de...
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
• (16 h 50) •
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Juste un commentaire, puis vous n'aurez pas à répondre, là. Mon point,
il est là, c'est : vous apportez une
approche scientifique à plutôt une approche sociale. Le H1N1, à la fin, ça n'a pas été la science qui a fait que les gens se
sont fait vacciner, ça a été une crainte, dans la population, de mourir. Ça a été ça, la fin. Parce que, je peux
vous dire, on l'a vécu, à un moment donné, personne ne voulait se faire vacciner, puis le lendemain tout le monde
était prêt à se faire vacciner, parce qu'il y a eu un événement qui a
fait que les gens se sont fait vacciner.
Moi, ce que je vous dis, c'est que la réflexion que vous devez faire… Quand
vous apportez l'argument scientifique, ce n'est pas suffisant, et, de
persuader, de convaincre, il faut aller au-delà de ça. Et, si on a raison, on va trouver d'autres arguments, mais il
faut convaincre la population. Et de demander aux politiciens de l'imposer à
nos sociétés d'aujourd'hui, démocratiques, ça ne passera pas, ça va
passer par la volonté du peuple.
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman,
voulez-vous répondre à cette...
M.
Dolman (Barry) :
C'est une campagne d'éducation qui va être longue et dure. J'accepte cette responsabilité. Ça, c'est le mandat de l'ordre. Mais notre
mandat, c'est la protection du public. C'est notre obligation de faire cette
intervention aujourd'hui, parce qu'on pense que c'est la meilleure solution.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Richmond.
Mme
Vallières : Oui.
Merci. Pour continuer un peu là-dessus, mon collègue disait qu'il faut une
volonté politique pour qu'on puisse aller de
l'avant avec la fluoration pour tous. À partir du moment où on rend la
vaccination obligatoire, par exemple… Quand on dit que la carie dentaire...
plus tôt dans la journée, quelqu'un nous disait que ça touche 98 % à
100 % de la population, est-ce que, selon vous, aussi, ça rejoint… qu'il
faudrait qu'il y ait une claire volonté politique de dire : On fluore pour
tout le monde au Québec ou on ne fluore pour personne au Québec?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman...
Dr Lavallière.
M. Lavallière
(André) : La fluoration est une
mesure importante. Oui, la carie dentaire est une épidémie silencieuse, oui, l'acceptabilité sociale est la
clé, la clé pour la déployer, la faire reconnaître, sauf que c'est un
problème majeur de société, et je ne pense
pas que ce soit uniquement à l'Ordre des dentistes ou à la Santé publique de
travailler à l'acceptabilité sociale. À
partir du moment où c'est un problème collectif, je pense que l'ensemble des
professionnels de la santé mais aussi
l'ensemble des décideurs doivent favoriser la mise en place des mesures les
plus efficaces, les mesures les plus efficientes aussi au niveau
économique.
Quand
on dit que l'implantation de la fluoration, on
investit 1 $, nous permet de sauver de 40 $ à
60 $ en services curatifs, si on pense, au niveau collectif, que d'investir
1 million de dollars nous permettrait de sauver de 40 à
60 millions de dollars dans un programme de services, moi, je pense qu'il
faut l'expliquer à la population. Et, au-delà des éléments scientifiques, je pense que, collectivement, il va
falloir se donner les moyens de bien informer, de bien sensibiliser la population.
Et, oui, on a des efforts considérables à faire dans ce sens-là, si on veut
être en mesure de faire accepter la fluoration.
Actuellement,
au Québec — je dis actuellement, je devrais dire
historiquement, au Québec — quelques individus s'opposant à la fluoration ont véhiculé, de façon régulière,
des informations qui étaient plus ou moins vraies ou déformées et qui allaient à l'encontre de la science. Oui, il y a la
dimension scientifique, mais il y a toute la dimension de
l'acceptabilité sociale, et, collectivement, je pense qu'on devra se donner les
moyens d'informer la population sur les évidences qui sont disponibles, qu'elles soient
économiques, qu'elles soient scientifiques, en termes d'efficacité. Mais
c'est certain qu'à quelque part on devra
mettre les énergies nécessaires, collectivement, pour bien informer la
population. Et moi, j'ai énormément confiance en la population. Quand la
population, elle est bien informée, la population prend les bonnes décisions.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Richmond.
Mme
Vallières : Oui.
Et, à ce moment-là, les dentistes qui font partie de votre ordre et qui, eux,
sont contre la fluoration, sur quoi se basent-ils, selon vous, à ce moment-là? Parce
qu'on ne peut pas dire que c'est dans... Il ne faudrait pas aller dire
que ces dentistes-là sont mal informés non plus, sinon c'est un peu inquiétant
pour les gens qui sont traités par ces gens-là. Mais, à ce moment-là, le
fondement de leur réflexion à eux se base sur quoi?
Le Président (M. Bergman) : Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) :
C'est difficile de répondre à cette question parce que ça devient une question,
peut-être, de discipline plus que d'autre
chose.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Richmond.
Mme
Vallières : Oui.
Et que pensez-vous, maintenant, de la possibilité de mettre en marché des
produits dans lesquels on retrouverait des fluorures, qui seraient des mesures de
remplacement, à ce moment-là, à la fluoration de l'eau?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M. Dolman
(Barry) : De quelle façon... Je n'ai
pas...
Mme
Vallières : On parlait...
M. Dolman
(Barry) : Comme un supplément ou...
Mme
Vallières :
Certains parlaient, par exemple, de sel ou de fluor à l'intérieur de laits, des
trucs comme ça, là.
M. Dolman
(Barry) : Si tu parles, par exemple,
des produits... Le problème aujourd'hui, c'est… On sait que tout le monde boit de l'eau. Si, par exemple, on
va essayer d'utiliser d'autres formules, par exemple des suppléments ou des
rinces, la population qui a besoin
probablement ne va pas acheter. Alors, on va... Si on essaie de trouver une
solution collective, c'est vraiment
difficile d'atteindre ces groupes, comme je dis, la population la plus
vulnérable à l'intérieur de la société.
Et, pour répondre à un
autre côté de la question que le Dr Lavallière a fait une réponse, une
jeune femme, aujourd'hui, qui doit prendre
du calcium pour prévenir un problème plus tard, souvent c'est difficile de
convaincre cette personne qu'elle a un
problème présentement. C'est un petit peu la même chose avec la carie dentaire,
avec la fluoration, avec l'hygiène.
Pour la plupart de la population, toute cette notion que la bouche est un
miroir de la santé, qu'il y a des problèmes cardiovasculaires,
l'inflammation, toutes sortes de problèmes à l'intérieur de la bouche qui vont
avoir des répercussions sur la santé
globale, ce n'est pas évident. On ne peut pas nécessairement voir les belles
photos qui peuvent démontrer les relations avec des problèmes plus tard.
Et, quand on a des caries, par exemple, chez des personnes vulnérables, dans
cette population démographique qui va être plus vieille, beaucoup plus
médicamentée, beaucoup plus difficile de faire des réparations ou des
restaurations, ça va être trop tard. Alors, si on ne peut pas réagir
maintenant, on va dans une situation où le tsunami va passer.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de Mégantic.
M.
Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. Pour faire suite aux commentaires de mes
collègues, je voudrais extrapoler un peu plus
loin. Parce que, comme on l'a mentionné précédemment… Premièrement, ma
compréhension est que le fluor, pour être effectif chez les dents, il doit
entrer en contact avec les dents. Donc, si je me pars de cette prémisse-là, je me dis : Si on prend le
1 600 tonnes de fluorosilicate qui pourrait être utilisé dans la société
québécoise, et qu'on s'en sert pour produire
de la pâte à dents, O.K., et qu'on distribuerait gratuitement à la population
dans son ensemble, et qu'on
éliminerait 98 % de l'impact environnemental, il me semble, à moi, là,
que, sur le plan social, il serait beaucoup plus acceptable de
travailler dans une direction comme ça. Est-ce que vous avez exploré une solution
de cet ordre?
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M. Dolman (Barry) : La fluoration, il y a deux côtés, il
y a le côté topique et le côté systémique.
Systémique, ça veut dire que tu vas boire de l'eau et tu vas avoir un émail qui
est beaucoup plus fort. Et il y a le côté topique, et on sait très, très bien que, topiquement, pour
certaines portions de la population, s'ils utilisent la pâte à dents fluorée,
il y a ce genre d'action. Mais, comme j'ai dit, la question, surtout… Il
n'y a pas une solution avec une ligne directe, il faut utiliser plusieurs
solutions pour arriver…
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
de Mégantic.
M. Bolduc
(Mégantic) : Ça va.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Gatineau.
Mme
Vallée : Merci.
Alors, bonjour. Je comprends votre position quant à l'importance d'aller de
l'avant avec la fluoration de l'eau, compte tenu de l'épidémie de caries dentaires, mais
il y a une réalité au Québec : on a beaucoup de citoyens qui
habitent en milieux ruraux et qui ne sont pas branchés sur un réseau d'aqueduc.
Je vous le dis, j'habite une petite
municipalité qui est entourée de municipalités où les gens s'approvisionnent à
même leurs puits. Alors, quand bien
même qu'on aurait cette politique-là de fluoration obligatoire, ces gens-là ne
seront pas touchés. Ils consomment de l'eau, mais ils consomment l'eau
de leurs puits.
Alors, je reviens un
petit peu aux questions de mes collègues : On fait quoi pour ces
populations-là? Parce que la problématique…
Vous parlez des populations qui sont plus défavorisées. J'ai des communautés
autochtones dans la circonscription
que je représente, j'ai beaucoup de gens qui habitent... qui sont vraiment en
dehors des grands cercles, des gens
qui sont isolés, qui vivent de l'isolement. Comment on les rejoint, ces
gens-là? Qu'est-ce qu'on fait pour aider les tout-petits à ne pas se
retrouver chez vous, à Montréal, complètement dépaysés? Et comment on peut
faire en sorte aussi que ce besoin-là sera
attaqué? Parce que je vous entends, mais ça ne touche pas une bonne partie de
la population que je représente, de
toute façon. Quand bien même qu'on l'oblige et puis qu'on va au-delà du
3 %, il y a une population qui ne sera pas touchée. Ça, c'est
clair.
• (17 heures) •
Le Président (M.
Bergman) : Dr Dolman.
M.
Dolman (Barry) :
C'est sûr que l'ordre est préoccupé par le problème que vous décrivez, et ça, c'est
la raison qu'on a commencé ce comité d'accès, pour essayer d'avoir une
évaluation de la population en général. Parce que l'accès pour des personnes qui sont à l'extérieur des grands
centres, éloignées… Et les questions de l'eau, ça touche cette situation, c'est... Mais il faut
commencer par quelque chose, et la fluoration de l'eau va toucher la
majorité des personnes. Mais je vais… peut-être Dre Bellefleur pourrait...
Mme Bellefleur
(Josée) : Bien, juste pour faire une
petite...
Le Président (M.
Bergman) : Dre Bellefleur.
Mme
Bellefleur (Josée) : Juste faire une petite parenthèse. La députée de Gatineau... Effectivement,
c'est dur de rejoindre
les gens qui sont peut-être isolés, mais moi, je me trouve à pratiquer à
Pierrefonds, puis, à un moment donné, il n'y avait plus d'accès à Gatineau au
niveau d'un milieu hospitalier, et tous les patients m'étaient référés. Et je
peux vous dire qu'ils n'habitaient pas
nécessairement dans les régions très éloignées, mais à Hull, à Gatineau, et
vraiment central. Donc, vous seriez
étonnée de savoir que ça touche une grande partie de ces enfants-là, pas
nécessairement juste ceux qui sont isolés.
Mme Vallée : Je pense que vous n'avez pas compris mon intervention.
Oui, il y a les gens urbains, là, mais la
circonscription... Bon, en tout cas, on en rejaserait, mais j'ai une
circonscription qui a 15 500 kilomètres carrés, donc c'est un
petit peu plus que la ville de Gatineau.
Mais tout ça pour vous dire que, moi, ma question, là,
c'est : On les rejoint comment, ces gens-là, les gens qui sont dans les
petites municipalités comme, je dirais, Montcerf-Lytton, qui sont à Grand-Remous,
et même plus près, là? À Chelsea, les
gens s'approvisionnent directement dans leurs puits. Alors, pour ces jeunes-là
qui sont à risque, parce que ce que
vous avez décrit comme étant la problématique de la carie chez les nourrissons,
elle est présente partout dans la
population, alors qu'est-ce qu'on fait? Moi, je pense que c'est beau, là, un
programme général, mais il ne touchera pas tout le monde. C'est clair.
Donc, on a besoin d'avoir une solution alternative, de toute façon, pour
rejoindre ces gens-là. Et qu'est-ce qu'on fait pour les rejoindre, ces gens-là?
Le
Président (M. Bergman) : En conclusion, s'il vous plaît, en conclusion. Malheureusement, le
temps pour ce bloc s'est écoulé, il n'y a pas de temps pour une réponse, et on doit
aller au dernier bloc. La députée de Montmorency pour un bloc de cinq
minutes.
Mme
St-Laurent :
Merci, M. le Président. Tout à l'heure, j'écoutais le Dr Lavallière qui
parlait… pour 1 $, on sauve 40 $, et ça, c'est basé sur les données scientifiques. Et on parle toujours
d'évidences scientifiques. Vous avez parlé, depuis le début, d'évidences scientifiques. Mais,
dans les études scientifiques, vous savez qu'elles sont contradictoires.
À ce moment-là, quelle a été votre position, vous autres, à l'Ordre des dentistes,
devant, justement, des évidences scientifiques mais contradictoires?
M. Lavallière (André) : On regarde l'ensemble des études.
Qu'on prenne n'importe quel sujet dans le
domaine de la santé, on va toujours trouver
un ensemble d'études qui vont dans une direction et on va trouver une, deux ou
trois études qui vont dans des
directions opposées. Si on fait notre travail de façon rigoureuse, et qu'on
regarde l'ensemble des études, puis qu'on regarde si les études ont été faites
correctement, à ce moment-là il est possible de vraiment déterminer
quelles sont les économies qu'on pourrait réaliser.
Et c'est pour ça qu'on parle d'un
ordre de grandeur, que 1 $ dollar investi permet de sauver
peut-être de 40 $ à 60 $. Ce sont des méthodes à
utiliser. Lorsqu'on utilise des méthodes pour faire une revue de littérature
qui est complète, à ce moment-là ça nous permet d'identifier des données,
on n'a jamais une certitude absolue en sciences, mais qui nous permettent quand
même d'avoir suffisamment de connaissances pour dire : Voilà, si on met la
mesure en place, voilà l'ordre de grandeur des économies qu'on pourrait
réaliser.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Montmorency.
Mme St-Laurent : Oui. Et est-ce que vous avez formé un
comité d'étude sur la fluoration? Il y a un comité de formé, là, à l'Ordre des dentistes, par exemple.
M. Lavallière (André) : On se fie beaucoup plus sur des
organismes qui ont les ressources suffisantes pour faire les revues de littérature en question. Vous
comprendrez que, pour faire une revue de littérature complète, qui regarde
l'ensemble de la littérature scientifique, ça prend des ressources importantes,
et c'est souvent ce que les organismes crédibles
se donnent. L'Organisation mondiale de la santé, le CDC, le Centers of Disease
Control, aux États-Unis, Santé Canada,
ce sont des organismes qui ont des ressources, et souvent, soit au niveau de
l'Ordre des dentistes ou au niveau de la Santé publique, on regarde les
revues de littérature les plus judicieuses, qui nous permettent de prendre les
décisions. Et, à l'occasion, il y a des études qui sont faites au Québec. Il y
a une étude économique qui a été faite concernant la fluoration au Québec.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Montmorency, il vous reste deux minutes.
Mme St-Laurent : Oui. Merci, M. le Président. Tout à
l'heure, on parlait qu'il y a des dentistes,
évidemment, qui ne sont pas pour la
fluoration. Vous avez dit : Écoutez, c'est un très petit nombre. Mais
est-ce que vous avez fait une enquête auprès des dentistes, justement,
ceux qui ne pratiquent pas la fluoration, ou bien ça vous vient comme ça, à
l'idée, tout simplement? Est-ce que vous avez une enquête? Est-ce que vous avez
un pourcentage du nombre de dentistes qui n'adhèrent pas à ce programme-là?
M. Dolman (Barry) : Bien, d'abord, c'est une question...
Quand tu parles de la fluoration de l'eau,
celle qui est... les dentistes qui sont contre l'idée de faire la fluoration de
l'eau?
Mme St-Laurent : La fluoration, oui. Oui, c'est parce
qu'il y en a qui donnent des traitements, vous savez comme moi, il y en a
qui en donnent, des traitements, aux jeunes. On parlait des enfants, entre
autres, et on disait qu'il y a des dentistes, là, qui ne veulent rien
savoir de ça. Vous avez dit : C'est une minorité, tout à l'heure. Est-ce
que vous avez fait une enquête parmi les dentistes relativement à ce sujet-là
de fluoration, là?
M.
Dolman (Barry) : Non.
Mme
St-Laurent : Je vous remercie. Je
reviens avec madame, parce que tout à l'heure — je vais aller très, très
vite — madame a parlé qu'en 30 ans elle avait vu, évidemment, une
évolution et, les endroits où il n'y avait pas
eu de fluoration, qu'il y avait beaucoup de
caries. Comment concilier ça, que, selon des données les plus récentes,
Vancouver a un taux plus bas de caries dentaires que Toronto qui fluore
pourtant son eau? Et je pose la question à madame, c'est une première question,
mais je rajoute : N'y aurait-il pas, dans 30 ans, un changement
démographique?
Le
Président (M. Bergman) : Dr Dolman,
il vous reste une demi-minute. Dre Bellefeuille.
Mme Bellefleur (Josée) : Dans 20 ans, en passant, pas 30.
Mais c'est... Changement démographique,
honnêtement, je ne peux pas vous répondre là-dessus.
Le
Président (M. Bergman) : Alors,
malheureusement, le temps s'est écoulé. Dr Dolman, Dre Bellefleur, Me Daoust,
Dr Lavallière, Dr Maranda, merci pour votre présentation, merci d'être
avec nous ici aujourd'hui.
Et je demande aux gens de Réseau Environnement pour prendre
leur place à la table. Je suspends pour quelques instants.
(Suspension
de la séance à 17 h 8)
(Reprise
à 17 h 9)
Le Président (M. Bergman) : À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je demande aux
gens de Réseau Environnement pour prendre
leur place à la table. Mme Myre, M. Tremblay, M. LeBlanc, bienvenue. Vous
avez 15 minutes pour faire votre présentation, suivie d'un échange avec
les membres de la commission. Alors, je vous demande de vous identifier et pour
faire votre présentation.
Réseau
Environnement
Mme
Myre (Stéphanie) :
Alors, bonjour. D'abord, merci de nous donner la chance d'être ici pour vous présenter en personne
notre mémoire et évidemment, plus avant, répondre à vos questions,
éventuellement, si vous en avez sur le contenu
de ce mémoire. Nous avons également préparé des pochettes, si jamais il est
possible de déposer de l'information complémentaire
sur Réseau Environnement, qui pourraient vous servir de complément
d'information sur l'association.
• (17 h 10) •
Donc, je suis
Stéphanie Myre. Je suis présidente-directrice générale de Réseau Environnement.
Je vais vous présenter brièvement ce qu'est l'association Réseau Environnement
et ensuite je vais céder la parole à MM. François Tremblay, qui oeuvre comme vice-président du secteur de l'eau chez
Réseau Environnement depuis octobre 2012 et qui est également
superviseur de la production et de l'entretien de la division de l'eau potable
de la ville de Laval, ainsi que M. Daniel
LeBlanc, qui est directeur du comité de rédaction du mémoire qu'on vient vous
présenter aujourd'hui et qui est également chef de division de la
Direction de l'eau potable à la ville de Montréal.
Donc, brièvement,
Réseau Environnement, c'est la plus grande association d'experts en
environnement au Québec avec, je vous dirais, de 2 300 à
2 500 membres. Nous oeuvrons dans différents secteurs d'activité, et,
un des créneaux fondateurs de Réseau Environnement, qui a eu 50 ans en
2012, c'est le secteur de l'eau, autant l'eau potable que l'eau usée.
Évidemment,
Réseau Environnement est devenu réseau en 1997, alors qu'avant c'était
l'Association québécoise des techniques de
l'eau et l'association des vidangeurs du Québec, qui ont fusionné en 1997 pour
devenir Réseau Environnement. Et nous sommes
également actifs non seulement au niveau de la gestion des matières résiduelles
et de l'eau, mais des changements
climatiques, de la qualité de l'air, des sols et de l'eau souterraine, la
qualité de l'eau souterraine également et de la biodiversité.
Donc,
essentiellement, Réseau, ce sont des experts, des spécialistes en environnement
de tout acabit, autant au niveau du public que
du privé, que des agences gouvernementales, qui se réunissent en comité sur des
sujets d'intérêt pour l'environnement et
donc qui, lorsqu'ils le jugent opportun, déposent des lettres de position ou
des mémoires par rapport à différents projets, dont c'est le cas
aujourd'hui pour la fluoration de l'eau potable.
Alors,
sans plus tarder, je vais laisser la parole à M. LeBlanc et M. Tremblay, et
éventuellement, si vous avez des questions
plus avant sur l'association, ça me fera très plaisir d'y répondre. Merci.
Le Président (M.
Bergman) : M. Tremblay.
M. Tremblay
(François) : Bonjour. Donc, la
position de ce mémoire, c'est une révision qui avait été... un mémoire
précédent qui avait été fait en 1988 par l'Association québécoise des
techniques de l'eau. Donc, c'est une révision qui a été faite conjointement
avec les bénévoles de Réseau, les spécialistes qui ont rédigé ce mémoire, et
les arguments restent sensiblement les mêmes. Notre position reste la
même : on est contre la fluoruration de l'eau. Et je vais laisser M. Daniel LeBlanc expliquer un peu le
cheminement, étant donné qu'il était directeur du comité lors de la
rédaction. Il va vous expliquer pourquoi, les arguments qui ont mené à cette
conclusion.
Le Président (M.
Bergman) : M. LeBlanc.
M.
LeBlanc (Daniel) :
Bonjour. Peut-être, tout d'abord, évidemment, en faisant le mémoire, il y a une
revue de littérature qui a été faite pour
réaliser le mémoire. Si ce n'est pas complet, on pourra vous faire parvenir
exactement notre démarche pour compléter notre documentation.
Donc,
à la base, c'est quoi, le traitement de l'eau potable? C'est quoi, le rôle d'un
exploitant? Évidemment, c'est de rendre l'eau
potable, qu'elle soit eau de surface ou eau souterraine. Donc, ça consiste à
enlever tout ce qui est micro-organismes et polluants
chimiques. Donc, le fluor, ça ne constitue pas un élément essentiel pour rendre
l'eau potable. La fluoration de l'eau est une mesure qui consiste
essentiellement à élever de façon artificielle le taux de fluorure dans l'eau
potable, évidemment dans l'unique but de prévenir la carie.
On
a fait un peu un survol à regarder ce qui... le contexte de la fluoruration
dans le monde. Donc, on a constaté que 98 % de l'Europe continentale a rejeté ou
banni l'utilisation de fluorure dans l'eau potable et dans leur réseau de
distribution en raison des impacts inconnus sur l'environnement, évidemment
impacts sur la santé aussi qui étaient inconnus, ainsi que pour des
préoccupations juridiques et éthiques.
Il
faut comprendre que, quand on a fait le mémoire… Nous, notre spécialité,
évidemment, c'est le traitement d'eau. Donc,
on ne touchera pas aux aspects qui sont santé. Notre organisation, on n'est pas
des médecins. Notre spécialité, c'est le traitement de l'eau.
Si on regarde en
France, la France aussi a écarté le choix de la fluoruration de l'eau de
consommation, pour trois raisons. La mise en
œuvre, faire la mise en oeuvre de la fluoration, implanter ça dans leurs
usines, bien, le coût était extrêmement
élevé et réaliste. Si je fais un parallèle avec la ville de Montréal, si on
prend nos usines puis on dit : O.K., demain matin, on va implanter la fluoration, c'est un coût d'à peu près
3 millions de dollars par année qui va être ajouté à nos coûts
d'exploitation, sans compter aussi le transport; 85 camions qu'on a
calculés, environ, pour le transport des fluorures à travers nos usines.
Je poursuis avec la France. Évidemment, eux
se sont basés... ils ont dit : Bien, il y a 1 % de l'eau potable qui est utilisée pour la consommation, donc on prend un verre
d'eau, on le boit, donc 99 % de l'utilisation de l'eau potable sert à d'autres fins, lavage, il y en a qui
arrosent leur pelouse, on fait à manger, tout ça, autres que pour la
consommation. La France a dit aussi : La
consommation de l'eau du robinet est extrêmement inégale dans la population, de
sorte que certains ne bénéficieraient pas du tout de cette prévention, alors
que d'autres risqueraient de recevoir une dose excessive de fluorure.
Si je poursuis, au New Jersey, dans un
État de la section locale de l'American Water Works Association, là aussi, ils se sont positionnés contre la fluoration, bien
que l'AWWA est en faveur. Cette décision a été basée sur les coûts de revient
de la fluoration et sur son efficacité réelle à prévenir la carie dentaire.
L'impact sur l'environnement et la comparaison
entre les analyses de risques et les bénéfices de la fluoration ont aussi
motivé cette décision. Évidemment, on parle de rejets à l'environnement.
Je veux faire encore un parallèle avec la ville de Montréal. On parle de
316 tonnes de fluorure qui seraient rejetées à l'environnement, parce
qu'évidemment les usines d'épuration ne sont pas habilitées à enlever le fluor
dans l'eau usée.
Au niveau des coûts de la fluoration, il y avait une étude
qui avait été déposée par la ville de Gatineau sur les impacts de la fluoration à l'eau potable. Donc, il y a eu aussi les
coûts. Évidemment, doser du fluor, ça a un impact au niveau de la composition chimique de l'eau, donc
il faut réajuster le potentiel agressif de l'eau. On dose du fluor, ça
rend l'eau un peu plus agressive, plus corrosive, donc il faut venir pallier à
ça, donc il faut ajouter un produit pour corriger le pH. Donc, on va augmenter
les frais, tout ça.
Si on augmente la corrosivité de
l'eau… Évidemment, il y a encore certains réseaux d'aqueduc où il y a des entrées de service en plomb. Donc, si l'eau est plus
corrosive, on peut créer un autre problème en accélérant la corrosion des tuyaux, de la tuyauterie en plomb. Évidemment — il y a un règlement, là, avec le ministère de
l'Environnement — on veut éliminer ça, mais ça va être fait sur une période
de peut-être 20 ans. Il y en a qui ont des réseaux où il y a de la
tuyauterie en plomb, il y en a un peu plus que d'autres. Donc, c'est le temps
de tout mettre ça en place.
Gatineau était arrivée à un coût de
83 $... de 0,83 $ par habitant, par année. Évidemment, on ajoute les subventions du
ministère au niveau de la fluoration, qui viennent faire baisser le coût à
0,32 $ par habitant. Mais, si on regarde ça, ça veut dire qu'il y a 0,32 $ qui vont être
chargés sur le compte de taxes du citoyen, et le restant, bien, c'est une
subvention, donc c'est l'ensemble des
Québécois qui vont venir à subventionner le restant pour le projet de fluoration.
Si je revenais un peu à mon parallèle
aussi à Montréal, bien, on disait que ça avait un impact d'environ
3 millions de dollars par année.
Donc, je vais laisser la place à mon collègue François pour
faire un survol, une conclusion de notre mémoire.
Le
Président (M. Bergman) : M. Tremblay.
M. Tremblay (François) : En fait, on peut y aller avec trois
raisons, trois points qui motivent notre choix
d'être contre la fluoration. En premier
lieu, la question d'éthique. En fluorant artificiellement l'eau, donc c'est une
imposition à l'entière... à la population entière de consommer ces fluors-là.
On ne demande pas la permission, c'est ça qu'on fait. Donc, que ce soient des gens qui ont des problèmes buccodentaires ou
pas, on n'a pas le choix, elle se retrouve dans l'eau, et cette eau-là
est censée être exempte de micro-organismes et avoir une qualité au niveau
physicochimique qui, selon le ministère, est adéquate. Donc, c'est un surplus
qui n'est pas nécessaire, et, en ayant du fluor, on oblige tout le monde à en
prendre.
En deuxième lieu, donc, il y a la sécurité
des travailleurs, manutention. Vous n'êtes pas sans savoir, les produits pour fluorer l'eau sont extrêmement corrosifs. On
parle d'acides très, très, très... à pH très, très bas. Donc, au niveau dommages sur les équipements, entretien, ça prend
une équipe très, très, très formée, et c'est des dangers
supplémentaires. Et, lorsqu'on parle de
santé et sécurité au travail, on parle toujours d'élimination à la source et là
on parle d'une source qui n'est pas nécessaire. Donc, c'est des produits
très difficiles à doser.
•
(17 h 20) •
M.
LeBlanc (Daniel) : Si vous permettez,
je vais renchérir là-dessus. Actuellement, il y a plusieurs usines de
production d'eau potable qui font la désinfection avec le chlore gazeux, qui
est extrêmement... S'il y a une fuite, évidemment,
c'est extrêmement à risque pour le citoyen. Donc, on tend à éliminer le chlore
gazeux, on tend à éliminer ce risque-là.
À Montréal, la ville a investi pour mettre l'hypochlorite de sodium, en termes
français : l'eau de Javel. On a dit : On veut même aller à éliminer le risque du transport de l'hypochlorite
aux usines pour nos deux grandes usines, Atwater et Desbaillets. On a
décidé de la générer sur place pour éliminer ce risque-là.
Alors que, là, avec la fluoration, on vient
d'entrer par une autre porte. On dit : Bien, on vous entre un autre produit qui est
extrêmement dangereux, vous allez en faire la manutention. On ne peut pas
produire ça sur place, donc il va y avoir du camionnage de plus; comme
je mentionnais, on estime à à peu près 85 camions. Évidemment, on passe
dans des secteurs résidentiels, pour la ville de Montréal. Donc, c'est un autre
risque qu'on vient implanter, alors qu'on essaie d'éliminer de l'autre côté. Donc, l'ajout de fluoration va un peu à
l'encontre de notre démarche de minimisation des risques.
M. Tremblay (François) : Puis, en troisième lieu, qui est
l'empreinte écologique, on en a parlé
précédemment, 1 % de l'eau est utilisée pour la consommation. Le reste,
c'est un rejet direct au système d'égout. Ce rejet-là ne sera pas traité adéquatement, étant donné que les
usines d'épuration ne sont pas conçues pour ce genre de produit là.
Donc, c'est des tonnes et des tonnes de produit artificiel qui est rejeté dans
la nature, et on n'a aucune étude à long terme qui a été réalisée, qui puisse
dire : Oui, l'impact est ça. On n'en a pas.
Donc, on rajoute un produit, 99 % de
l'eau, donc on parle, au Québec, entre 500 et 600 litres par personne, par jour. Donc, sur ce 500, 600 litres là, il y en a
moins de cinq qui est utilisé pour la consommation. Le 500 restant, qu'on va
appliquer une dose d'environ 1 milligramme par litre, va se retrouver
directement dans notre écosystème, dans nos rivières, dans nos lacs, et ça, il
n'y a pas eu d'étude de faite du tout là-dessus.
Donc,
c'est les trois points qui motivent notre mémoire, soit, comme je disais, la
question d'éthique, les dangers et puis
l'écologie, donc l'empreinte écologique de ces produits-là. Donc, pour nous,
c'est...
Le Président (M.
Bergman) :
Alors, merci pour votre présentation. Maintenant, pour un bloc de
20 minutes pour le gouvernement, Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Merci, M. le Président. Alors,
bonjour à vous, ça me fait plaisir de vous accueillir, Mme Myre, M. Tremblay et M. LeBlanc.
Dans la conclusion de votre mémoire,
Mme Myre, vous soulignez finalement qu'«il faut bien évaluer le rapport bénéfices-risques
de la fluoruration de l'eau [pour être en mesure] de prendre une décision
éclairée». Et vous mentionnez votre position, que «l'association de
professionnels en environnement Réseau Environnement juge que les risques
encourus par la population, les opérateurs d'usine et l'environnement sont trop
importants comparés aux bénéfices pour la santé buccodentaire d'une minorité de
la population».
Et là vous êtes un réseau d'experts en
traitement des eaux, si j'ai bien entendu, si j'ai bien compris, en fait, l'eau, là, c'est votre
champ d'expertise, et on a, je pense, une vision opposée à celle d'un autre
regroupement d'experts, qui sont les experts en santé, puisque, ce
matin, l'Institut national de santé publique du Québec nous a déposé, dans son
mémoire entre autres, un constat à l'effet que «la fluoration de l'eau potable
est reconnue par la communauté scientifique internationale,
dont l'Organisation mondiale de la santé, comme l'un des moyens les plus
sécuritaires, efficaces, économiques et équitables pour réduire la carie
dentaire».
Alors,
nous, comme parlementaires, là, qu'est-ce qu'on fait devant ce constat et ces
deux réseaux d'experts qui en viennent à des
conclusions… Et là on se retrouve, un peu comme je le mentionnais précédemment,
devant cet arbitrage qu'on doit faire. À quel moment les besoins et les
intérêts des uns prennent le pas sur les besoins et les intérêts des autres?
Le
Président (M. Bergman) : Mme Myre.
Mme
Myre (Stéphanie) : Je comprends bien
votre défi comme parlementaire. Évidemment, ce n'est pas la première fois, j'en suis convaincue, que vous êtes
mise devant des positions diamétralement opposées. En fait, on vient
complémenter l'information de notre point de vue comme spécialistes, entre
autres au niveau du traitement de l'eau potable
et de l'environnement. Mais, bien entendu, à la fin de la journée, vous devrez
tenir compte de tous les paramètres.
En
fait, ce qu'on est venus vous dire, c'est le principe de précaution. C'est
qu'en l'absence d'étude qui nous renseigne sur les impacts du rejet d'aussi
grandes quantités de fluor dans l'environnement, il est difficile de se positionner, puisque, comme le disaient M.
Tremblay et M. LeBlanc, il n'y a que 1 % de l'eau potable traitée qui se
retrouve dans votre verre ou qui se retrouve
directement consommée par les êtres humains. Évidemment, on est dans un
écosystème, donc il y a tout ça.
Et, peut-être qu'en voulant agir sur un volet, qui est la santé buccodentaire en
l'occurrence, bien, évidemment, on est en train de créer toutes sortes d'autres
problématiques au niveau des nappes phréatiques, au niveau des cours
d'eau, au niveau... parce qu'on n'a pas été
plus avant au niveau des études. Et, de plus en plus, je vous dirais, les
spécialistes ont tendance à étudier de façon holistique, donc de façon
globale, les impacts qu'on peut avoir sur l'environnement, puisqu'il y a quelques années on étudiait, par
exemple, la gestion des matières résiduelles, l'eau potable, l'eau usée,
et tout ça, et on s'est rendu compte
finalement que c'étaient des vases communicants et que la meilleure approche,
c'est de valider de façon globale,
lorsqu'on interagit ou qu'on ajoute, par exemple, un agent, dans ce cas-ci du
fluor, bien, de regarder l'analyse ou le cycle complet d'interaction et
de voir, au bout de la journée, quels sont les impacts globaux d'une telle
action.
Écoutez, je n'ai pas de réponse pour vous.
Bien entendu, on voulait vous présenter notre point de vue d'experts en environnement. Ce n'est pas nous qui allons
statuer, mais on souhaitait vivement venir vous éclairer quant à nos préoccupations et également quant aux
préoccupations opérationnelles, puisque les gens du secteur de la santé n'ont
pas à opérer les usines de traitement d'eau
potable. Et j'ai amené avec moi deux spécialistes qui, au quotidien, et à la
ville de Laval et à la ville de
Montréal, sont confrontés à tous les défis qu'encoure le fait de vous amener
une eau à votre robinet qui est propre à la consommation.
Et notamment ils vous ont invoqué un risque
par rapport au plomb. Donc, si on se met à fluorer l'eau dans certains secteurs où les canalisations sont encore en
plomb, bien, il y a une incidence augmentée, par exemple, sur le fait d'amener
davantage de plomb. Donc, effectivement, les gens vont avoir peut-être une
meilleure santé buccodentaire, quoique je ne suis pas là pour en témoigner, je
ne suis pas une spécialiste de la question, mais peut-être auront-ils une accumulation de plomb, parce qu'il va y avoir
une dégradation au niveau de la corrosion du système. Et donc, un dans
l'autre, il faut considérer, je pense, les impacts globaux par rapport à cette
problématique-là.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Sainte-Rose.
Mme Proulx : Oui. Ce que vous soulevez, là, comme
possible difficulté avec des tuyaux, est-ce que, parmi vos membres dans le Réseau Environnement... Parce qu'on
sait qu'il y a très peu, là, une dizaine, de municipalités au Québec qui fluorent leur eau. Laval et Montréal
n'en font pas partie, mais, dans les municipalités qui le font, est-ce
que ce sont des difficultés opérationnelles
qui vous ont été rapportées? Est-ce que vous pouvez nous parler de villes qui
sont aux prises avec des difficultés de cet ordre-là?
Le
Président (M. Bergman) : M. Tremblay.
M. Tremblay
(François) : La question est au
niveau du plomb ou au niveau de la difficulté en général?
Mme
Proulx : En général. La difficulté de
fluorer l'eau.
M.
Tremblay (François) : Parce que ville de Laval a fluoré l'eau jusqu'au début des
années 2000. Ils ont arrêté par bris, par
désuétude des équipements. Lorsqu'il y a une fuite sur une pompe doseuse, ça
passe au travers du béton, du métal. Ça
passe au travers de tout, et ça, on parle en dedans de quelques jours. C'est
extrêmement dangereux, travailler avec
ça. Toute personne qui a travaillé avec ces systèmes peuvent le témoigner. On
va voir ça surtout au niveau liquide, mais
il y a aussi des solutions en grains. Ça crée un air qui va être très corrosif.
Donc, au niveau du travail, moi, je peux vous dire que, pour avoir parlé avec des opérateurs qui ont travaillé avec le
produit, c'était la fête quand c'est sorti de l'usine. Les vitres se faisaient corroder. Lorsque de la vitre
réussit à se faire corroder par un produit, on parle de produit corrosif.
Là, quand je parlais du béton, une fuite sur
une dalle de béton, après quelques semaines un trou s'était formé sur une
dalle de six pouces. Donc, on parle de
produit extrêmement corrosif. Là, quand vous parlez qu'il n'y a aucun danger,
c'est pour qui?
• (17 h 30) •
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme Proulx : Non, je comprends bien que...
M.
Tremblay (François) : Non, mais les dentistes, ils disaient qu'il n'y a aucun danger à doser,
mais c'est pour qui, aucun danger? Parce que
les dangers sont réels en usine, très réels.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de
Sainte-Rose.
Mme
Proulx : C'est
ça. Donc, ce que vous mentionnez, c'est vraiment des difficultés
opérationnelles pour les travailleurs, les employés qui doivent traiter ce
produit-là. Mais j'imagine qu'il est en concentré, là, il arrive en...
c'est un produit concentré.
M. Tremblay (François) : Oui, c'est un concentré.
Mme Proulx : Et il y a des méthodes, j'imagine, sécuritaires pour
manipuler ces produits-là.
Le Président (M.
Bergman) : M. Tremblay.
Mme
Proulx : Parce
que ce n'est certainement pas le seul produit corrosif que les employés ont...
avec lesquels ils ont à intervenir.
M.
Tremblay (François) : Non. Cependant, c'est un des plus difficiles. Et puis là il faut
toujours revenir à la base : Est-ce qu'il est essentiel? Les autres produits
qui sont corrosifs, oui, effectivement, le sont moins. Cependant, celui-là
est considéré comme un des très difficiles à
doser, étant donné que, comme je dis, le produit est tellement corrosif. Oui,
on a des façons de travailler. Cependant,
est-ce qu'on se rajoute une charge? Parce que je parlais tout à l'heure
élimination à la source. Donc, si on n'est
pas obligé de le mettre et on vient se rajouter des risques... Si vous visitez
des usines qui ont des installations,
il y a énormément de quincaillerie en arrière de tout ça, beaucoup plus
complexe qu'un produit comme de l'alun, qui va être un acide faible mais
qui est beaucoup plus facile à doser. Ce n'est pas comparable du tout, du tout.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Merci, M. le
Président. Bonjour, merci d'être là pour nous apporter un éclairage supplémentaire. Pour aller dans le même sens que
ma collègue, pour continuer dans ce que vous venez de nous présenter,
dans ce sens-là, au niveau de la corrosion des conduites des réseaux d'aqueduc,
on voit aussi qu'il y a des articles de référence des organismes
gouvernementaux américains qui, eux, affirment le contraire. Pouvez-vous nous
apporter un éclairage par rapport à ça?
M.
LeBlanc (Daniel) :
Bien, écoutez, nous, on s'est fiés avec l'École polytechnique à Montréal au
niveau de notre démarche, donc, Polytechnique,
je pense, qui est une université assez crédible au niveau du traitement de l'eau, qui font beaucoup de travaux, justement,
sur le plomb. Donc, évidemment, c'est tout ce qui peut emmener à rendre
l'eau plus corrosive. C'est de la chimie pure, dans le fond : eau plus
corrosive, évidemment, va attaquer un peu plus le plomb. Donc, oui, le plomb, ça va se résorber dans le temps,
peut-être dans 20 ans, toutes les entrées de service vont être éliminées. Est-ce que, dans les villes, peut-être
pour répondre à la question de votre collègue, est-ce que, dans les 11 villes
qui en dosent, il y a des problématiques? On ne peut pas répondre, il faudrait
peut-être aller voir sur le terrain si, un, ils ont des conduites en
plomb, s'il y a des problématiques. Mais on sait évidemment que, si l'eau est plus corrosive, oui, il y a un risque d'attaque au
niveau des conduites. Ça, c'est évident, que ça soit par le fluor ou
autres, une eau corrosive, évidemment, va attaquer notre tuyauterie.
Le Président (M.
Bergman) : Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Je crois que madame
avait un complément. Est-ce que...
Le Président (M. Bergman) : Mme Myre, certainement.
Mme
Myre (Stéphanie) : Oui, j'aimerais
faire un complément. Évidemment, nous, on est des experts au Québec, alors, quand on prend une position, c'est
souvent une position de contexte. C'est sûr qu'aux États-Unis, ils ont
un réseau qui peut être différent de celui qu'on opère au Québec, alors
évidemment c'est à la lumière des connaissances qu'on a par rapport au réseau québécois, qui, en l'occurrence, je pense…
c'est celui qui nous occupe actuellement. Donc, évidemment, on prend plusieurs références, comme dans n'importe quel
débat d'experts, et il y a des nuances à apporter. Ce que je peux vous
dire, c'est que nous, on s'est astreints à regarder ce qu'il en était par
rapport au réseau québécois.
M.
LeBlanc (Daniel) : Peut-être...
Le
Président (M. Bergman) : Oui, certainement,
M. LeBlanc.
M.
LeBlanc (Daniel) : ...si je peux
juste continuer. Comme je le mentionnais précédemment, le New Jersey, bien
qu'il est aux États-Unis et que la position de l'AWWA était plus en faveur de
la fluoration, se sont positionnés contre la fluoration de l'eau potable.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Masson.
Mme Gadoury-Hamelin : Oui. Je vais dans votre mémoire, il y
a une phrase qui me préoccupe, là, dans le sens que j'aimerais avoir des
explications. Vous dites : «Le terme "fluoration" est plus connu
et plus populaire, mais il n'est pas tout à fait juste, car ce sont les
fluorures qui sont ajoutés à l'eau et non le fluor. Par conséquent, nous utiliserons le terme "fluoruration."»
C'est «fluoruration», c'est bien ça? Alors, pouvez-vous juste nous éclairer sur
cette phrase-là? Ça m'a interpellée quand j'ai lu votre document.
Le
Président (M. Bergman) : Monsieur...
M.
LeBlanc (Daniel) : Les ions... C'est
le fluorure qu'on va doser, et non l'ion F-, fluor, donc c'est pour ça
qu'on utilise le mot «fluoruration».
Mme
Gadoury-Hamelin : O.K. Parce que,
jusqu'à maintenant, on a entendu des« ions fluors». Ce n'est pas réaliste, ça?
Mme
Myre (Stéphanie) : Non.
Mme
Gadoury-Hamelin : O.K.
M.
Tremblay (François) : C'est
«fluorure».
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
M. Richer : Merci, M. le Président. Merci d'être
là pour éclairer notre compréhension sur la problématique. Je constate qu'il y a
beaucoup d'inquiétudes environnementales dont vous nous faites part. Vous
parliez tantôt de Montréal, le coût
et de la quantité d'eau qui ne pourrait pas être traitée aux usines de
traitement parce qu'ils ne sont pas préparés. Donc, c'est un impact
potentiel, parce que vous dites : Il n'y a pas d'étude, mais la situation
n'existe pas, donc on présume qu'il y aurait problème là.
À la page 12 de votre mémoire, vous
dites que, «selon une étude de Santé Canada réalisée en 2009, 45 % de la population canadienne consomme de l'eau
artificiellement "fluorée"» et que les provinces canadiennes qui ont
plus de deux tiers des citoyens qui ont
accès à l'eau fluorée… donc l'Alberta, avec près de 75 %; le Manitoba,
avec 70 % et l'Ontario, avec
76 %. Donc, c'est des situations réelles, leur eau est fluorée, et, comme
ailleurs, probablement qu'il y en a 1 %
qui est bue et 99 % qui est rejetée. Alors, est-ce qu'il y a des études
d'impact environnemental, dans ces provinces-là, qui viennent appuyer
vos craintes, finalement?
Le
Président (M. Bergman) :
M. LeBlanc.
M. LeBlanc (Daniel) : Dans notre recherche documentaire
qu'on a faite, on n'a pas trouvé d'études qui ont été faites au niveau des impacts sur l'environnement, au niveau des
rejets. Si on revient... Vous avez apporté le cas de Montréal, je vais le mettre pour l'ensemble des stations d'épuration.
Les stations d'épuration ne sont pas faites pour traiter. Donc, on n'a
pas besoin de faire d'étude en tant que telle, à savoir est-ce que les stations
d'épuration sont aptes à traiter le rejet de fluor, elles ne le sont pas.
Est-ce qu'il faudrait ajouter des chaînes de traitement supplémentaires? Ça serait
peut-être là où il faudrait s'interroger si on veut limiter les impacts au
milieu récepteur.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
M. Richer : Donc, vous n'avez aucune information à savoir si, dans les
trois provinces mentionnées ici, leur usine de traitement est apte à les
traiter et s'il y a eu des études d'impact de réalisées?
M.
LeBlanc (Daniel) : Bien, comme
mentionné, non, il n'y a pas d'étude qui a été faite dans notre recherche
documentaire. On n'a pas trouvé d'étude au niveau des impacts dans le milieu
récepteur des rejets de fluor.
Le
Président (M. Bergman) : M. le député
d'Argenteuil.
M. Richer : Oui, une petite dernière, M. le
Président. Toujours au niveau des craintes, avec ce qu'on a entendu depuis ce matin, il y a un problème de carie
dentaire évident au Québec. Donc, si ce n'est pas traité par la fluoration, il y aura sûrement d'autres moyens utilisés. Donc,
toujours par rapport aux inquiétudes environnementales, est-ce que les
produits alternatifs autres que le fluor n'auraient pas autant d'impact
environnemental que l'eau fluorée?
M. LeBlanc (Daniel) : Comme mentionné, notre spécialité,
c'est au niveau du traitement de l'eau. Les
impacts, si on utilise des dentifrices à base de fluor, si on invente un
gargarisant au fluor, ce n'est pas notre domaine d'expertise, donc on ne peut
pas vraiment répondre à cette question-là pour une...
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Sainte-Rose.
•
(17 h 40) •
Mme Proulx : Oui, merci, M. le Président. Mais
c'est un peu, je pense, dans le même ordre d'idées. Dans votre présentation, M. Tremblay, tantôt, au début,
vous avez dit qu'en fait le surplus de fluor qui est ajouté dans l'eau… le fluor ajouté dans l'eau, finalement, c'est un
surplus qui n'est pas nécessaire. Et qu'est-ce qui vous fait dire que le
surplus de fluor ajouté dans l'eau n'est pas
nécessaire? Parce que, là, on ne parle pas ici au niveau opérationnel de
traitement des eaux, on parle plutôt de l'impact sur la santé, la
nécessité d'ajouter du fluor ou non dans l'eau. Mais vous dites que c'est un surplus qui n'est pas nécessaire. Sur quoi vous
vous basez pour faire cette affirmation-là, que ce n'est pas nécessaire?
Le
Président (M. Bergman) :
M. Tremblay.
M. Tremblay (François) : Elle n'est pas nécessaire pour la
rendre potable. Donc, les produits qu'on met,
c'est le minimum pour que notre eau soit sainte et qu'elle soit potable pour
tout le monde, sans aucun risque. Tout rajout qui ne la rend pas potable est un
surplus qui est non nécessaire. C'était au niveau du fait qu'elle peut être
consommée et qu'elle soit potable. Donc, c'était à ce niveau-là. Donc, ce n'est
pas nécessaire pour qu'elle soit potable, puis c'est uniquement ça.
Mme Proulx : Je n'avais pas compris que vous
parliez du fait que l'eau soit potable ou pas, là. Je pensais que, vous, c'était
vraiment une analyse que vous faisiez sur la nécessité d'ajouter du fluor ou
pas pour la santé. C'est vraiment au niveau...
une eau... Parce que, de toute façon, quand on parle d'ajouter du fluor dans
l'eau, c'est vraiment dans une optique de prévention de la carie. C'est
ça, l'objectif. Ce n'est pas pour rendre l'eau plus ou moins potable, c'est
pour prévenir un problème de santé publique.
Le
Président (M. Bergman) :
M. Tremblay. Mme Myre.
M.
Tremblay (François) : Bien, c'est
juste... c'est uniquement ça que je disais, c'est pour la rendre potable. Je
n'allais pas plus loin dans l'analyse. C'était au niveau du traitement.
Mme
Proulx : Parfait, merci.
Le
Président (M. Bergman) : Alors, pour
le bloc de l'opposition officielle, M. le député de Jean-Talon.
M. Bolduc (Jean-Talon) : Merci, M. le Président. Un, je veux
vous remercier parce que vous venez nous
présenter un autre aspect par rapport au dossier. Et puis, comme ma collègue
l'a dit, je pense que c'est important de voir cette perspective-là que vous
nous apportez. Puis j'aurais quand même plusieurs questions.
La première, quand vous nous apportez des
arguments, c'est beaucoup des arguments de coût, de fonctionnalité puis également par rapport aux employés qui
travaillent dans les usines, de ce que je peux voir. Moi, j'avais retenu, bien, le coût élevé. Consommation inégale, ça veut
dire qu'il y a peut-être 95 % de la population qui vit dans des
villes qui pourrait y avoir accès, mais il y
a un 5 % que, pour eux autres, il faudrait peut-être voir qu'est-ce qu'on
peut faire; d'ailleurs comme l'a noté la députée de Gatineau, qui défend
toujours la ruralité au maximum à cause de la région d'où elle vient, puis, à chaque fois, c'est toujours un
dossier qui est majeur. Puis également on parlait du coût de revient qui
est, en fin de compte, une approche économique.
Les trois autres gros arguments que j'ai
entendus, bien, il y avait la question de l'éthique, qui était l'imposition à toute la
population. Mais ça, vous comprenez que vous venez pour traiter de l'eau au
niveau technique, mais ça, c'est un jugement, puis on peut porter un
jugement différent. D'ailleurs, c'est ma première question, ça va être :
Si, dans une ville, 60 % de la population est d'accord pour avoir de l'eau
fluorée, êtes-vous d'accord que la ville devrait l'offrir?
Le Président (M.
Bergman) : M. Tremblay.
Mme Myre.
Mme Myre (Stéphanie) : En fait, j'aimerais prendre un pas de
recul en premier. Une des choses qui a
préoccupé le groupe d'experts qui s'est réuni pour mettre à jour la position de
1988 — et c'était le même cas en 1988,
puisque ces gens-là interviennent directement tous les jours au niveau du traitement
de l'eau que vous buvez, probablement, présentement — c'était : Est-ce qu'on doit se servir du traitement
de l'eau potable, et donc de l'eau potable, comme vecteur de transmission de certaines
substances qu'on considère généralement, ou non… puis, encore là, c'est un
jugement de valeur, puisque le
60 % de la population qui va se prononcer ne sera probablement pas… ne
seront probablement pas des experts,
mais comme vecteur pour amener à la population quelque chose qu'on considère
comme bon pour eux? Si on pousse ce raisonnement-là un peu plus loin,
est-ce qu'on pourrait décider, par exemple, si on avait un problème de surpopulation — ce qui n'est clairement pas le cas au Québec, mais
poussons l'exemple un peu plus loin — de mettre une certaine quantité d'anovulants dans l'eau
potable pour se dire... Bien, je sais, je sais qu'on pousse à l'extrême.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : M. le Président, non, je pense qu'il ne faut pas embarquer dans ce type
de discussion là avec des arguments comme celui-là, parce que ça, j'appelle ça... c'est
du sophisme, c'est-à-dire qu'on prend un argument qui est utilisé pour le faux… Puis où je vais vous
amener, là, c'est important d'en discuter, là, quand les gens utilisent
ces arguments-là, moi, je me lève tout de
suite puis je dis : Regardez, là, on ne parlera pas d'utiliser des
arguments comme ceux-là pour essayer de nous convaincre d'un autre.
Je
veux juste vous poser... Ici, nous autres, on est des parlementaires et on
entend plusieurs points de vue, O.K., puis on ne veut pas détruire l'un par rapport à
l'autre. Mais je comprends que votre point de vue que vous apportez
aujourd'hui, c'est un point de vue eau, point. Nous autres, il faut avoir une
vision globale, santé versus eau, et, comme politiciens, si on respecte la volonté d'une population, on
pourrait décider que la priorité va être la prévention des caries
dentaires. Et, en passant, l'eau n'est pas
une fin, hein? Si vous... On parlait tantôt de Jonas, mais on peut parler de
Kant, l'eau n'est pas une fin, l'eau
est un moyen. La fin, c'est l'humain. Et, si l'humain est la fin, on peut
décider que nos techniques aujourd'hui nous permettent d'offrir une
meilleure santé. Par contre, on va tenir compte du côté environnemental.
Mais
je vais vous laisser continuer, mais je ne veux juste pas... Mais je vous ai
interrompue parce que je trouve que c'est
important de ne pas commencer à aller de l'autre côté, là.
Le Président (M.
Bergman) : Mme Myre.
Mme Myre
(Stéphanie) : Mais je n'irai pas
loin, là, dans ça. En fait, premièrement, je veux vous dire que je suis une juriste, donc, de formation, je suis
avocate. Je me suis posé beaucoup de questions sur l'éthique dans ma vie,
premièrement.
Deuxièmement, ce
n'était pas tant pour vous dire… ou pour aller dans ce secteur-là, c'était pour
vous dire que les travailleurs qui, eux,
s'astreignent à rendre l'eau potable pour la population se posent cette
question-là de façon extrêmement légitime. Je n'irai pas dans d'autres
substances que le fluor, là. Je vous dis juste qu'eux, tous les jours, ils s'astreignent à rendre l'eau potable, et, dans
le fond, on leur demande d'ajouter une substance via ce vecteur-là, qui
est l'eau potable qui se rend directement aux maisons. Évidemment, la plupart
des gens n'ont aucune espèce d'idée du traitement
de l'eau potable tous les jours. On le sait parce qu'on fait une campagne
d'économie d'eau potable l'été, qui touche
à peu près 5 millions de Québécois, et, en posant la question, les gens
sont très peu éclairés par rapport à tout ce qui se passe derrière le robinet, finalement. Alors, c'était juste là que je
voulais aller. Je disais juste : Comme travailleurs, les gens qui
étaient autour de la table dans ce comité-là se sont posé la question, et je
pense qu'elle était légitime, cette question-là. Donc, voilà.
Si 60 % des gens
voulaient sciemment que leur eau soit fluorée, bien, écoutez, en définitive,
j'imagine que la réponse leur reviendrait. Cependant, ce que je vous dis, c'est
qu'il faut faire attention à ce 60 % là, qui consomme 1 % de l'eau potable, qui, en définitive,
rejettera 99 % de cette eau-là dans l'environnement. Et probablement qu'on
n'a pas encore idée de l'impact total que ça peut avoir sur les nappes
phréatiques, sur l'habitat du poisson, sur les effluents qui sont concernés, et
qu'éventuellement, comme c'est le cas dans énormément de dossiers, à l'heure
actuelle, en environnement, dans quelques années on se rendra compte de
l'ampleur des dégâts, et on sera devant un constat. Donc, je parlais du
principe de précaution tout à l'heure, mais c'est tout. En fait, on est là pour
vous en parler.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
M.
Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Puis, en passant, j'adopte le principe de précaution, mais je
n'adopte pas le principe de faire miroiter des
scénarios toujours catastrophiques, alors qu'avec le temps les sciences vont
nous démontrer des choses. Puis nos lacs ont
été beaucoup plus pollués dans le passé. Moi, je viens du Lac-Saint-Jean, puis
il y a eu bien plus de pollution par
le bois, puis par toutes choses, puis je peux vous dire qu'aujourd'hui notre
qualité de l'eau, au Québec, en général, est relativement bonne, puis il
faut continuer à la protéger.
Mais
d'ailleurs, au niveau de l'argumentation, je dois vous avouer que, quand on
arrive puis on me dit : Bien, il faudrait
qu'ils pensent à ça, moi, j'assume qu'il va y avoir des discussions. Et il
pourrait arriver, à un moment donné, qu'il
pourrait y avoir, exemple, un reportage à Découverte où les gens
diraient : Bien, il faudrait absolument fluorer l'eau, comme il pourrait y avoir un reportage à Découverte
en disant : Bien, peut-être qu'il ne faudrait pas fluorer l'eau.
Moi, le principe que je défends, c'est
qu'une population, une ville, une municipalité… la population peut être en
mesure de décider. Jusqu'à date, ce n'est seulement que 3 % des
gens qui ont la fluoration, donc on suppose qu'il n'y a peut-être pas cette grande volonté là. Mais, advenant le cas
qu'il y aurait la volonté, est-ce que les gens qui sont opposés quand
même à la fluoration pourraient respecter la volonté de la majorité d'une
municipalité?
Le
Président (M. Bergman) :
Me Myre.
Mme
Myre (Stéphanie) :
Je ne pense pas que ça nous revienne, comme spécialistes du traitement de
l'eau, de répondre à cette question-là. C'est
la question qui vous est soumise, je pense, devant vous, respectueusement.
D'autre
part, je veux juste vous dire que — vous êtes un scientifique, si je
ne m'abuse — chaque fois qu'on ajoute un élément qui n'était pas là, par ailleurs, dans
un environnement quelconque, dans un écosystème, le risque de débalancer
cet écosystème-là est habituellement beaucoup plus grand que celui de ne pas le
débalancer, puisque la nature est prodigieuse
et qu'habituellement elle a la capacité de s'autoréguler. Donc, comme
spécialistes de l'environnement, ce qu'on vous dit, c'est :
Lorsqu'on ajoute un élément dans l'environnement, il faut le faire avec
précaution, puisque l'expérience nous
démontre que, lorsqu'on modifie l'équation de par notre action comme humains,
les chances de créer un impact sont beaucoup plus grandes que celui de
ne pas en créer un.
Le Président (M.
Bergman) : M. le député de
Jean-Talon.
• (17 h 50) •
M. Bolduc
(Jean-Talon) : Non seulement je suis
un scientifique, je suis également un clinicien puis j'ai également une formation en éthique, et, cette
argumentation, on me l'a servie souvent pour éviter que des gens
reçoivent des meilleurs traitements sous
principe qu'on devrait faire le moins possible. Donc, ce n'est pas un argument
que j'achète, tout en respectant le principe de précaution. Mais, si on
écoutait cette argumentation-là, on ne ferait plus jamais rien. Il n'y aurait pas de nouveaux produits sur le marché,
il n'y aurait pas de nouvelles technologies. Ça fait que je pense qu'il
faut juste le... Puis j'abonde dans votre
sens, dans le sens que, oui, il faut en tenir compte, mais d'apporter cette
argumentation-là va faire qu'en sorte... ça
va toujours nous dire : Bien, ne faites rien, parce que, si vous faites
quelque chose, vous êtes à risque. Et
là on parle dans un dossier qui est très, très, je pense, humain. En passant,
vous l'amenez du côté technologique, je pense que c'est important
d'avoir cet aspect-là. Mais actuellement la façon dont il faut le voir, c'est
le pour, le contre, voir les moyens.
Puis
ce que j'ai compris de ce que vous nous disiez… Bien, le coût élevé, ça, je
pense que c'est une décision qui peut décider... comme société, on peut décider de
se le payer ou on peut trouver peut-être des façons que ça coûte moins cher. Consommation inégale, il faut trouver une
autre façon peut-être de le corriger pour les gens qui ne l'ont pas. Le
coût de revient, ça revient à peu près au
coût élevé, dans le sens qu'il y a un coût à payer de ce côté-là. La question
éthique, l'imposition à toute la population, c'est un choix de la population de
décider si eux autres, ils vont la prendre ou pas. Pour ce qui s'agit de la sécurité des travailleurs, je suis très, très
sensible à ça, mais, comme dans toute industrie, il y a des moyens de protection; puis je pense qu'il faut
s'occuper des travailleurs. Mais, le fait de ne pas le faire, si une
population le déciderait, je pense que ce n'est pas un bon argument. Il faut se
donner les outils pour le faire.
Pour ce qui s'agit de
l'empreinte écologique, bien, ça, c'est un choix, encore là. Je veux dire, là
les gens nous servent toujours qu'il y a
1 % qui est consommé versus un 99 % qui n'est pas consommé. Il
faudrait peut-être voir aussi que,
là, c'est l'impact, parce qu'on parle de l'eau pour tout le territoire du
Québec. Puis, ça me fait penser, à un moment donné, Line Beauchamp, quand elle était à l'Environnement, bon, les gens
parlaient de l'eau puis que ça allait vider nos lacs, mais, ce qui avait été dit à l'époque — vous
êtes des spécialistes de ça, je pense, vous pouvez confirmer — quand même qu'on boirait tous de l'eau achetée, là, ça va
prendre probablement un petit lac dans une région, puis c'est tout, là. Ça fait que les gens mettaient toujours ça en
proportion comme si c'était catastrophique, alors que la réalité, ça va
représenter un petit montant. Ce qui ne veut pas dire que j'encourage l'eau à acheter,
là, ça, je peux vous le dire, mais c'est juste pour vous dire : Dans les
raisonnements, dans l'argumentation, chacun apporte son argumentation.
Puis ce que je trouve
dans la commission — je ne le déplore pas
nécessairement parce que c'est comme ça — c'est que les gens arrivent avec une position pour ou
contre, que ce soient les dentistes ou vous autres, puis après ça ils nous apportent leur argumentation en essayant
d'attaquer les autres arguments, alors que moi, je pense qu'il faut avoir, comme parlementaires, une position beaucoup
plus globale puis être capables de voir le pour et le contre. Et, à la fin, on va prendre une décision qui pourrait être
ajustée dans le temps. C'est là qu'on est dans ce dossier-là.
Le Président (M.
Bergman) : Me Myre.
Mme
Myre (Stéphanie) :
Tout à fait. Écoutez, je ne peux pas être contre ça. Évidemment, les gens qui viennent vous dire
qu'ils sont contre aujourd'hui, ce sont les gens qui sont des spécialistes en
traitement de l'eau potable. Donc, de
leur point de vue à eux, ce n'est pas quelque chose de souhaitable. C'est
évident que c'est un débat qui est émotif et qui est polarisé, la fluoruration de l'eau potable. Ça, je pense que
vous êtes les mieux placés pour vous en rendre compte. Notre objectif en
venant devant vous — puis, encore une
fois, je vous remercie de nous donner la chance de venir présenter notre
mémoire — c'est de vous
apporter un éclairage nouveau.
Et
en terminant, comme P.D.G. de Réseau, je veux vraiment appuyer là-dessus, puis
je pense que vous l'avez bien mentionné :
L'objectif est technologique. On n'est pas un groupe environnementaliste, on
est vraiment un groupe de spécialistes qui
nous retrouvons avec les impacts environnementaux des gestes passés et donc à
faire de la réhabilitation, ou de la
minimisation, ou de la mitigation, ou évidemment de la prévention pour le
futur. Donc, tous les jours on est confrontés à ces impacts-là, en fait, qu'on a créés par l'action humaine, à vouloir — parce que c'est toujours légitime lorsqu'on prend la décision, je pense qu'il n'y a personne qui est
de mauvaise foi là-dedans — poser des gestes.
Donc,
ce que je vous dis, et puis je vais finir là-dessus, c'est que la nature est
plus grande que nous, puis il ne faut pas
jouer aux apprentis sorciers. Quand on ajoute une substance chimique dans
l'environnement, bien, évidemment, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il n'y ait
pas d'impact qui soit causé, c'est tout.
Le Président (M. Bergman) : M. le député de Jean-Talon.
M. Bolduc (Jean-Talon) : Oui. Dans le fond, je terminerais... Je veux encore vous remercier parce que vous nous apportez un éclairage d'un point de vue différent.
Et, lorsqu'on travaille dans ce type de dossier, il faut vraiment avoir tous les éclairages de tous les points de
vue. Et je peux vous dire qu'aujourd'hui ce que vous avez présenté,
malgré qu'on a eu une argumentation assez costaude, là, je l'ai apprécié
énormément. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bergman) : Est-ce qu'il y a d'autres
interventions du côté de l'opposition officielle? Alors, Mme la députée de Gatineau, il vous reste sept minutes. Non?
Mme
Vallée : Je n'avais pas de question,
je vous regardais, M. le Président.
Le Président (M. Bergman) : O.K. Alors, Mme la députée de
Montmorency, vous avez un bloc de cinq
minutes.
Mme St-Laurent : Oui, quelques petites questions. Vous
dites que vous êtes... On voit que vous êtes actifs depuis 50 ans.
Moi, je veux connaître votre organisme, parce que, vous dites, vous êtes un
groupe de spécialistes. Quelles sont les spécialités qui se regroupent
au sein de votre organisme?
Mme Myre (Stéphanie) : Alors, comme je le mentionnais en
début d'énoncé, on est spécialisés aussi au
niveau de la gestion des matières
résiduelles, donc tout ce qui est déchets, que ce soit organiques, déchets
solides, etc.; au niveau des changements climatiques et de la qualité de
l'air; au niveau des sols, donc réhabilitation des sols contaminés, des nappes phréatiques, ce qu'on appelle les eaux
souterraines, et de la biodiversité également, puisque, comme je lementionnais tantôt, de plus en plus, les experts
en environnement se rendent compte que ce n'est pas un vase clos, c'est un écosystème. Et donc, comme tel, on doit le gérer
de façon globale, de façon holistique. Et la biodiversité, c'est un peu
tout ça, en fait. C'est vraiment l'environnement en général. Donc, les
spécialistes en environnement fonctionnent de plus en plus de façon
transversale, en considérant tous les domaines que je vous ai mentionnés
précédemment comme interreliés les uns avec les autres.
Mme
St-Laurent : On parle de spécialistes
en environnement. Est-ce que vous avez des chimistes dans votre groupe?
Mme
Myre (Stéphanie) : Chez Réseau
Environnement?
Mme
St-Laurent : Oui.
Mme Myre (Stéphanie) : Ah, bien sûr! On a 2 300
membres. Alors, dans nos membres, on a des biologistes, on a des chimistes, on
a des gens qui sont des écoconseillers, on a des gens qui sont des spécialistes
du traitement de l'eau potable, des spécialistes du traitement de l'eau
usée, des spécialistes de la réhabilitation des sols, on a des gens qui
fonctionnent au niveau du marché du carbone, donc, autant au niveau financier,
au niveau juridique, qu'au niveau technique.
Et on fait aussi... Chez Réseau Environnement, on organise l'événement
Americana. Donc, à tous les deux ans, on a des conférenciers, à peu près
350 conférenciers qui viennent de partout dans le monde pour venir donner des conférences à Montréal sur les différents sujets
de pointe. Donc, évidemment, on est tournés vers l'extérieur de la
province et on va chercher des conférenciers
aussi loin qu'au Japon pour venir nous enseigner ce qu'ils ont appris par
rapport à l'environnement. Et
évidemment un des objectifs de Réseau Environnement, c'est — ça le dit, «réseau» — mettre les spécialistes
ensemble pour faire la promotion du savoir et de l'innovation en environnement
et évidemment discuter des meilleures pratiques pour qu'on soit meilleurs, on
trouve les meilleures solutions technologiques.
Mme
St-Laurent : Ma question s'adresse à
M. LeBlanc, qui est le directeur du Comité de fluoration de l'eau potable.
Ça fait combien d'années qu'existe ce comité-là?
M. LeBlanc (Daniel) : Le comité a été remis à l'ordre du
jour, si on veut, en 2011. Je dirais : C'est un comité sporadique, parce qu'évidemment, en 1988,
j'imagine, avec l'AQTE qui avait déjà déposé un mémoire, le fluor avait été un sujet à la mode à cette époque, si je peux
m'exprimer ainsi. Au début des années 2010, c'est un dossier qui est
revenu un peu sur le plancher. On a discuté entre nous. On a commencé à
regarder l'ancien mémoire. Puis on s'est dit : Bien, ça serait peut-être intéressant de le réactualiser. Donc, on a
décidé de former un comité, autour de 2011, pour dire : Bien, on va prendre notre ancien mémoire, l'ancien mémoire
de l'AQTE, puis de dire : bien, on va le revoir, puis est-ce qu'il
y a des points à remettre à jour?
Essentiellement, la position de Réseau n'a pas changé à la fin de ce mémoire-là.
Il y a plusieurs points de vue qui
sont restés semblables. On a essayé de trouver de la littérature plus à jour,
bon, des années fin 2000, bon, 2009, 2010, tout ça, pour au moins avoir
des statistiques en date des années 2000 et non des statistiques qui
dataient des années 80. Donc, c'est un peu pour ça que le comité avait été
formé.
Le
Président (M. Bergman) : Mme la
députée de Montmorency, il vous reste une minute.
Mme
St-Laurent :
Oui. Vous avez parlé de littérature. Est-ce que vous avez regardé des rapports scientifiques? Parce que vous parlez de littérature, là.
M. LeBlanc (Daniel) : Oui, il y a des rapports scientifiques qui ont été regardés. Je n'ai pas la revue
de littérature ici. Ça me ferait plaisir de
vous la remettre ultérieurement. Nous allons vous la transmettre. Parce
qu'évidemment elle n'était peut-être pas dans notre mémoire, mais nous allons
vous la transmettre.
Mme
St-Laurent : Parfait. Je vous
remercie.
Le
Président (M. Bergman) : Merci. Alors, Me Myre, M. Tremblay et M. LeBlanc, merci
d'être ici avec nous aujourd'hui. Merci pour
votre présentation.
Mémoire déposé
Collègues,
avant la suspension de nos travaux, je vais procéder au dépôt du mémoire d'un
organisme qui n'a pas été entendu lors de nos auditions. C'est la pétition
concernant les chiens d'assistance, il s'agit du mémoire du regroupement
des gestionnaires et copropriétaires du Québec. Merci beaucoup.
La commission suspend
ses travaux pour quelques instants avant de se réunir en séance de travail sur
un autre mandat. Merci. On suspend pour quelques instants.
(Fin de la séance à
18 heures)