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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, January 13, 2010 - Vol. 41 N° 19

Consultations particulières sur le projet de loi n° 67 - Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate le quorum des membres de la Commission de la santé et des services sociaux. Donc, je déclare la séance ouverte, en rappelant le mandat de la commission. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Drainville (Marie-Victorin) remplace Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve).

Auditions (suite)

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. On est un petit peu en retard, mais on va commencer avec nos premiers témoins, qui sont des représentants du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, représenté, entre autres, par son président, M. Gilles Dussault. Alors, sans plus tarder, M. Dussault, la parole est à vous.

Syndicat de professionnelles
et professionnels du gouvernement
du Québec (SPGQ)

M. Dussault (Gilles): Merci, M. le Président. Je suis accompagné de M. Gaëtan Hébert, qui est conseiller chez nous.

Avant d'entamer le sujet ce matin, évidemment que je voudrais essayer de profiter de l'occasion, mais très brièvement, pour demander aux personnes ici présentes et à toutes celles qui nous écouteront d'avoir une pensée particulière mais aussi de poser un geste, là, pour Haïti. Et, ce matin, j'entendais à la radio qu'Oxfam-Québec est présent sur place. Donc, si les gens sont intéressés à faire un don, c'est un organisme fiable, de bonne réputation et qui est déjà là, sur place, avec d'autres organismes de l'ONU pour aider la population haïtienne qui est durement éprouvée.

M. le Président, membres de la commission, je vous remercie de nous avoir invités. Alors, je vais faire une brève présentation du mémoire que nous avons déposé.

.(9 h 40).

Le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec représente 20 000 personnes, dont à peu près 18 000 dans la fonction publique et 2 500, 3 000, là, dans quelque 37 autres unités d'accréditation. Il représente tout le personnel professionnel du Conseil du médicament, alors ça fait à peu près... ça fait une trentaine, et de l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, et c'est cinq. Donc, au total, on a 35 personnes, là, qui sont membres du syndicat à titre de pharmaciennes ou pharmaciens surtout ou autres professions comme statisticiens, économistes de la santé, épidémiologistes et qui travaillent pour l'un ou l'autre des deux organismes qui sont appelés donc à se fondre dans l'INESSS. Donc, on est extrêmement intéressés par ce qui se passe, compte tenu que tout le personnel professionnel qui y travaille - en tout cas, une très bonne partie du personnel professionnel à l'emploi de la fonction publique qui y travaille - est représenté par le SPGQ.

J'aurais aimé, avant la tenue de la commission, avoir des discussions avec l'employeur. On a tenté d'avoir des rencontres, mais elles n'ont pas eu lieu. Et donc je vais être obligé de demander ici des éclaircissements et de demander des changements à la loi, au projet de loi, parce qu'il y a des irritants évidents dans ce projet de loi là en ce qui concerne la gestion du personnel.

Je fais une petite remarque en passant, là, c'est que la ministre du Conseil du trésor, la présidente du Conseil du trésor qui demande aux syndicats de s'inscrire dans une démarche sur l'organisation du travail aurait pu saisir cette occasion-là pour nous faciliter la tâche et faire en sorte que cette rencontre-là ait lieu. Et il en va de même aussi de l'autorité du Conseil du médicament et de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé. Alors, on a perdu une belle occasion. On verra pour la suite.

Par ailleurs, je tiens à dire aussi que le Secrétariat intersyndical des services publics, le 11 mars 2008, a émis un communiqué disant, à l'occasion de l'annonce du chantier pour l'implantation de l'Institut national d'excellence en santé et services sociaux - à l'époque, on n'avait pas le volet service social, mais il s'est ajouté plus tard - que ce n'était pas nécessairement ça qui était la priorité au Québec, qu'il fallait d'abord travailler sur les soins à domicile et aussi sur les solutions aux listes d'attente. Ceci étant dit, c'est que... Maintenant, on a le projet de loi. Le rapport du comité d'implantation est un document assez volumineux, on ne peut pas dire que ce n'est pas sérieux, et, nous, on l'a examiné aussi sérieusement. Cependant, c'est qu'il faut s'organiser pour que ce soit bien encadré et que, comment je peux dire ça, ça ne prête pas flanc à toutes sortes d'influences, toutes sortes de conflits d'intérêts, et que la valeur scientifique, la crédibilité de cette organisation-là soient maintenues.

D'ailleurs, le rapport du comité d'implantation écrit par... c'est-à-dire du comité d'implantation présidé par Claude Castonguay fait état, dans ses consultations menées, que les personnes consultées, puis il n'y a pas aucun syndicat là-dedans, là... ont fait état de l'excellente réputation du Conseil du médicament et de l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé. Et je tiens à dire que, bon, ce n'est donc pas parce que les personnes qui y travaillent, que ce soit à titre d'employé ou à titre de consultant, n'étaient pas compétentes qu'on a décidé de former une institution différente. Parce qu'il y a souvent des gens qui se plaisent à dire que les fonctionnaires, ça ne fout pas grand-chose. Bien là, des experts ont dit que c'étaient des gens qui avaient donné, à ce jour, un excellent service, et là les deux organismes ont une bonne notoriété dans le public et dans le milieu scientifique.

Maintenant, le SPGQ formule neuf recommandations. D'une part, c'est qu'on voudrait que toutes les fonctions actuelles assumées par le personnel du Conseil du médicament et de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé soient les mêmes sous l'INESSS.

Deuxièmement, que l'INESSS se dote d'un plan d'effectif qui prévoit l'embauche d'un nombre suffisant de professionnels et qui permette à l'organisme de donner priorité à l'utilisation de l'expertise interne sur l'expertise interne... externe sur interne. Ceci étant dit, c'est qu'il y a une raison à ça, bien simple, là, c'est les coûts. Et présentement, par exemple à l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, il y a cinq professionnels membres du SPGQ donc qui sont des employés de la fonction publique et il y a 39 consultants externes, et les consultants externes qui ont des qualifications académiques, si on peut dire, comparables à celles de nos membres sont payés trois fois plus. Donc, on peut bien dire que ça coûte cher, puis les services publics sont en crise, etc., mais il me semble que, là, c'est une donnée qui est assez intéressante à considérer. Et, pour la suite des choses, bien, il me semble que ça vaudrait la peine de recruter des chercheurs. Je ne dis pas de ne pas les payer, là, mais, je veux dire, même si on les payait un petit peu plus, là, ce seraient déjà des économies appréciables, là, pour une boîte comme celle-là.

On recommande aussi que l'article 19, qui prévoit qu'un administrateur qui peut être ponctuellement en conflit d'intérêts ne puisse plus... comment dire, ne soit pas, comment dire, disqualifié de sa charge d'administrateur, et ça, nous, on trouve ça absolument inacceptable, là, compte tenu du contexte où on voit que, bon... en tout cas, disons que, dans l'industrie de la construction, on se pose énormément de questions. Mais je ne voudrais pas être obligé d'arriver, dans quelques années, en disant qu'il faudrait réclamer une enquête sur l'industrie pharmaceutique, hein, parce qu'on aurait des conflits d'intérêts. Puis je rappelle une chose, là, c'est que, dans la fonction publique, là, le personnel professionnel et le personnel-cadre sont tenus à l'exclusivité de service et ne peuvent pas occuper deux emplois, hein? Donc, il me semble que, pour l'INESSS, là, une institution qui doit être au-dessus de tout soupçon, ça devrait être la même chose.

Maintenant, pour préserver l'indépendance et l'objectivité du personnel de l'institut, il faut que, selon nous, le nouvel organisme soit intégré à la fonction publique, qu'il relève du ministre de la Santé et des Services sociaux et qu'il soit dirigé de la même manière que le Conseil du médicament ou l'agence actuellement, avec un comité de direction, direction générale, bref, des comités d'orientation, comités scientifiques, comités d'éthique qui ont fait leurs preuves. Donc, ces deux organismes-là de bonne notoriété sont dirigés de cette façon-là, et il n'y a pas eu de problème pour les services publics.

Maintenant, pour que les spécialistes membres de la fonction publique employés de l'INESSS soient bien rémunérés, bien, que le Conseil du trésor accepte de revoir la classification de ces personnes-là et aussi leur rémunération pour faire en sorte, à un moment donné, qu'il n'y ait pas trop d'écart entre ce qui se paie à l'extérieur puis ce qui se paie aussi pour les personnes qui sont au service du public à l'emploi des ministères ou des organismes, en l'occurrence l'INESSS.

Maintenant, dans le projet de loi, il y a une drôle de disposition qui dit que l'INESSS assume la défense de tout administrateur poursuivi dans l'exercice de ses fonctions, mais il n'y a rien qui est prévu pour le personnel. Alors, moi, je le demande, je me dis... Parce qu'on a des gens chez nous qui engagent leur responsabilité professionnelle en tant que pharmaciennes, pharmaciens, par exemple, et qui pourraient être poursuivis. Donc, la loi ne prévoit rien à cet égard-là. Et je fais... je rappelle que, dans les conventions collectives, on a des dispositions semblables déjà pour les employés syndiqués.

Maintenant, j'aimerais aussi que les salaires et les conditions de travail du personnel de l'agence d'évaluation et du conseil soient maintenus dans leur intégralité. Bon, si jamais des gens sortent de la fonction publique, il y a un problème ici, là. C'est que, par exemple, il y a des personnes chez nous qui reçoivent une majoration de traitement de 10 % parce qu'elles occupent, selon le régime de classement actuel, un emploi de niveau de complexité supérieure, et là on n'a aucune garantie à l'effet que cette disposition-là serait maintenue, par exemple, si l'INESSS était sorti de la fonction publique. Alors, imaginez que, pour ces gens-là, ça voudrait dire que la créature du nouvel organisme signifierait une baisse de traitement de 10 %. Alors là, on se dit: Ça prend des garanties là-dessus, et c'est pour ça qu'on demande que toutes les conditions soient maintenues dans leur intégralité.

Maintenant, il y a aussi une nouvelle disposition, et l'employeur questionné là-dessus - là, je parle du Conseil du médicament - a dit: «Il s'agit d'une nouvelle orientation gouvernementale.» On dit que les gens qui sont versés à l'INESSS, dans le cas où elles seraient exclues de la fonction publique, auront 36 mois pour décider si elles veulent... ces personnes-là veulent revenir dans la fonction publique. C'est une nouvelle disposition, et là il y a beaucoup de gens qui se posent des questions là-dessus, et ça peut provoquer, à un moment donné, des désistements.

Alors que les gens qui sont à l'INESSS... pas à l'INESSS, mais qui sont au conseil ou à l'agence actuellement, ce n'est pas des gens qui sont malheureux, mais, à partir du moment où on leur dit: On vous dit tout de suite que... ou une espèce de carcan temporel en ce qui concerne la poursuite de votre carrière au service du public, dans le domaine, par exemple, de la santé, bien, là, les gens se posent des questions, particulièrement, par exemple, en ce qui concerne les économistes de la santé qui peuvent faire de l'économie de la santé, ils peuvent faire de l'économie aussi de d'autre nature. Donc, pourquoi mettre cette barrière-là? On voit que c'est plus contre-productif qu'autre chose. Et, dans le passé, il y a eu des cessions d'unités administratives comme ça qui n'avaient pas cette barrière-là, et on n'a pas assisté à une migration, là, massive de gens qui n'ont pas voulu intégrer, qui se sont désistés ou qui ont voulu revenir dans la fonction publique. Donc ça, cette disposition-là de l'article 97 est superfétatoire, puis il faut enlever ça, c'est contre-productif.

Maintenant, il y a aussi le transfert du personnel. Actuellement, ce qui est prévu, c'est que seulement le personnel permanent, dans le cas où ça sortirait de la fonction publique, puisse être versé automatiquement, disons, à l'INESSS. Mais ce qu'on recommande, c'est que tout le personnel y soit. Pourquoi? Parce qu'il y a actuellement sept personnels de statut temporaire et... Ces gens-là ont été engagés, au fond, pourquoi? Ils ont été engagés pour faire un travail qui, selon les règles actuelles, les mènerait à la permanence d'emploi au bout de deux ans. Mais, quand on fait ça, quand un gestionnaire fait ça, surtout ces temps-ci où le Conseil du trésor ferme les valves partout, c'est parce qu'il entend garder les ressources. Là, on créerait l'INESSS puis on dirait à ces gens-là: Excusez, mais là le règlement prévoit que... ne prévoit rien pour vous, donc on ne vous indique pas ce qu'on va faire avec vous et puis on ne vous donne aucune garantie. Moi, je me dis que l'INESSS, la création de l'INESSS ne devrait pas être une occasion pour appliquer un règlement qui nous ferait perdre des ressources des... de l'expertise qu'on a de la misère à avoir dans la fonction publique, semble-t-il. Bon.

Alors, M. le Président, membres de la commission, c'était ma présentation.

.(9 h 50).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Dussault. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission, une vingtaine de minutes des deux côtés de la table, en commençant avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux et député de Jean-Talon.

M. Bolduc: Merci beaucoup. Bien, je vous remercie pour le mémoire que vous avez déposé. Et puis je voudrais prendre l'occasion pour vraiment dire la reconnaissance qu'on a envers le personnel autant de l'AETMIS que du Conseil du médicament. Et puis, vous l'avez très bien mentionné, l'expertise de ces gens-là est reconnue partout, et les rapports, entre autres, de l'AETMIS, ils sont lus partout dans le monde, ils sont disponibles, ils sont partout dans le monde. Et on a une expertise au Québec, en termes d'évaluation, qui est remarquable.

C'est pour ça d'ailleurs qu'en créant la nouvelle organisation, qui est l'INESSS, on ne veut pas perdre cette expertise-là. C'est certain que l'INESSS est transféré dans un autre cadre, et puis les employés vont être appelés à transférer, comme vous l'avez dit, à l'extérieur de la fonction publique. Moi, de ma connaissance, on ne veut pas qu'ils perdent les avantages qu'ils ont actuellement, et ça, c'est des choses qui... sans aller dans les détails, je pense que c'est des choses qui vont se discuter. Et puis c'est certain qu'on aimerait ça avoir des garanties en commission parlementaire, mais je peux vous assurer qu'on ne pense pas que les gens vont transférer avec un désavantage.

Par rapport aux 36 mois, bien, c'est des choses qu'on va regarder, mais généralement on laisse un certain temps aux gens pour voir: Est-ce que ça fait ou ça ne fait pas? Et puis, après ça, ils sont en mesure de prendre une décision parce que c'est... On ne leur donne pas deux, trois mois, il faut qu'ils prennent la décision au départ; ils ont un certain temps pour être capables d'évaluer si, oui ou non, ils veulent rester à l'intérieur de l'INESSS.

Et là-dessus, au niveau de l'INESSS, vous avez fait mention de la question de la responsabilité, bien, moi, je m'attends qu'une organisation comme l'INESSS va probablement avoir une couverture par rapport à ça, comme la plupart des employeurs. Ça, c'est toutes des choses qui vont être à discuter, puis je suis d'accord un peu avec vous, vous n'avez pas eu l'occasion d'en discuter avant, mais je pense qu'il fallait passer en commission parlementaire puis, après ça, il va y avoir des discussions qui vont se faire par rapport à ça.

La question que, moi, je dirai de base: Vous, la création de l'INESSS, indépendamment de ça, est-ce que vous voyez ça comme étant une bonne chose à faire, entre autres au niveau de l'expertise, le fait de regrouper les deux? Je ne sais pas comment vous percevez la nouvelle organisation qu'on va créer.

Le Président (M. Kelley): M. Dussault.

M. Dussault (Gilles): Oui, en fait, c'était une bonne chose à faire, mais en autant que ce soit bien balisé, d'une part. Puis, dans le mémoire qu'on a déposé, j'ai oublié de le présenter... pas de le présenter, mais de le mentionner dans ma présentation, à mon sens, la meilleure valeur ajoutée là-dedans, c'est le fait qu'on introduise à l'INESSS, qu'on lui donne le mandat... qu'on donne un mandat de volet social, O.K.? Et, bon, c'est un début, ce n'est qu'un début, continuons le combat, là, si on peut dire, pour que le social soit traité sur le plan scientifique avec les mêmes égards que le médical.

Donc, on ne peut pas dire qu'on est contre l'excellence, mais cette caractérisation mérite de... comment je peux dire ça? de faire ses preuves, O.K.? Et on s'est davantage attaché aux questions de gouvernance, parce qu'on sait bien que les gens qui travaillent là, c'est du monde sérieux, là, puis on connaît la réputation soit du conseil ou de l'agence, là, mais, en même temps, c'est très dangereux, et c'est ce qu'on veut souligner à la commission, que cette nouvelle agence là soit pénétrée d'une logique... comment je peux dire ça, donc? d'agence-conseil, et d'ailleurs les consultations qui ont été menées par Castonguay et compagnie le disaient, pénétrée d'une logique, je dirais, d'agence de rationnement, hein, réduire autant que possible le panier de services. Parce que cette agence-là va travailler là-dessus, là, O.K., et ça, c'est très important.

Deuxièmement, c'est qu'il y a beaucoup de consultants actuellement, même actuellement, là, qui sont employés par l'agence, mais, comme l'agence relève du ministre, on peut peut-être avoir un meilleur contrôle. Écoutez, juste à l'Agence d'évaluation, là, il y a cinq membres du personnel - j'ai fait un tableau où il y en avait quatre, mais on en a oublié un, là, il faut en rajouter un, ou une, en fait, je pense que c'est la personne responsable des communications - et il y a 39 personnes qui sont des consultantes ou consultants. De ces personnes-là, il y en a quatre qui sont des médecins, dont une... un qui n'a pas droit de pratique. Les autres ont des qualifications de chercheur comparables à celles qu'on retrouve soit au Conseil du médicament ou à l'agence, mais ils sont payés trois fois plus cher l'heure. Puis, en plus de ça, ces personnes-là qui viennent travailler pour l'agence ou, dans le cas du conseil, pour le conseil, c'est des personnes qui peuvent travailler aussi pour des entreprises pharmaceutiques. Donc, je m'en viens faire l'évaluation, je ne sais pas, moi, de l'utilisation optimale d'un médicament x, mais, il y a deux semaines, j'étais employé par l'entreprise qui le fabrique. Mettons qu'il y a comme un petit danger, là.

Même chose en ce qui concerne les membres du conseil d'administration, on ne sait pas qui ce sera. Probablement des gens qui connaissent, entre guillemets, le domaine, peut-être des gens qui viennent de ces secteurs-là, là. Alors là, c'est extrêmement dangereux que des cercles d'influence se constituent puis qu'on puisse, comment dire, assister, à un moment donné, à des coups de téléphone en partie de golf, comme on l'a eu dans la construction, là, à propos des médicaments.

Donc, c'est pour ça qu'on dit qu'il faut que cette organisation-là soit sous l'égide de la Loi sur la fonction publique. La Loi sur la fonction publique n'est pas parfaite, là, mais sa principale fonction, là, c'est de protéger les employés qui y travaillent. Que ce soient des syndiqués, ou des cadres, ou autres catégories, là, elle protège l'intégrité de l'administration publique. Et là les nouvelles règles de gouvernance, et je termine là-dessus, instituées notamment par la nouvelle loi, enfin la Loi sur l'administration publique, bien, font en sorte qu'on a de plus en plus de gens de l'extérieur qui ont des intérêts particuliers qui viennent en quelque sorte décider de la façon dont on rend les services publics et comment on va acheter, en tout cas, tel ou tel service. Alors, c'est ça, le danger.

M. Bolduc: Peut-être juste une clarification. Il n'y a pas d'objectif de contrôle du panier de services, de diminution des coûts avec la création de l'agence, de l'INESSS. L'objectif de l'INESSS, c'est d'avoir des processus d'évaluation pour nous faire un état de situation pour qu'on fasse un meilleur choix comme société. Le niveau des coûts, c'est que, quand quelque chose coûte trop cher pour les avantages que ça donne, il faut prendre la décision: Est-ce qu'on se le paie ou pas? Mais l'objectif premier, puis ça, je veux que ce soit bien clair, ce n'est pas l'objectif de dire: On va désassurer des services. Ce qu'on peut redemander à l'INESSS, à la limite, de dire: Écoutez, dans un contexte... dans le contexte actuel, est-ce qu'il y a des services qui actuellement n'offrent pas les avantages qu'ils devraient offrir ou encore il n'y a aucune valeur ajoutée? À ce moment-là, on regardera si on continue à les payer ou pas. Mais il n'y a pas d'objectif de désassurance ou quelque chose comme ça. C'est d'ailleurs pour ça qu'on n'a pas mis la révision du panier des services dans la nomenclature de l'INESSS. À la limite, je l'ai dit hier, puis c'est clair, dans les autres mandats, on pourrait demander, pour quelque chose de particulier, de dire: C'est quoi, les avantages ou les inconvénients d'assurer ou de désassurer un service? Premièrement.

Deuxièmement, il va y avoir un code d'éthique au niveau du conseil d'administration. Et puis vous savez qu'actuellement les codes d'éthique, on les met assez sévères. Et l'autre chose par rapport aux conflits d'intérêts, si vous prenez juste l'exemple de la recherche actuellement, quand quelqu'un fait de la recherche, il est obligé de déclarer ses intérêts. Quand on arrive au niveau de la composition interne versus externe, moi, je peux vous dire comment je vois l'INESSS. C'est d'abord... Le coeur de l'INESSS, ça, ça va être des professionnels qui sont embauchés par l'INESSS à plein temps à l'INESSS qui font le gros du travail. Excepté que, dans la plupart des évaluations, on va aller chercher de l'expertise externe parce que ce sont soit des chercheurs ou des gens reconnus dans leur milieu qui font du travail et qu'eux autres, on en a besoin pour leur expertise en tant que telle, comme l'expertise médicale ou l'expertise pharmaceutique.

.(10 heures).

Généralement, avec l'INESSS - je ferai un petit bémol - ce n'est pas quelqu'un qui part de la compagnie pharmaceutique qui venir dire quoi faire. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. On va chercher quelqu'un qui a une expertise qui est reconnue, et que cette personne-là, on va l'embaucher, puis ça va être un contrat par rapport à nous donner une opinion qui est scientifique. La balise qu'on a, c'est que ce n'est pas une personne, c'est un groupe de personnes, puis généralement c'est en relation aussi avec la littérature mondiale. Puis on regarde ce qui se fait en Ontario, on regarde ce qui se fait en Alberta, ce qui se fait en Colombie-Britannique, puis on fait souvent venir les rapports, puis, à la fin, on fait une évaluation puis on fait une recommandation par rapport à ça. C'est juste pour vous donner la procédure que, moi, je pense, est assez rigoureuse.

Où, moi, je pense qu'on va devoir discuter puis regarder, puis, comme de fait, c'est au niveau du conseil d'administration, la question, là, de... «Conflit d'intérêts ponctuel», qu'est-ce que ça veut dire? Il y a peut-être des exceptions, à un moment donné, que tu dis: On peut-u disqualifier quelqu'un comme ça pour quelque chose qui va arriver dans le temps, quitte, à la limite, à ce qu'il se retire? Mais on va le regarder. Mais une chose qui est certaine, il y a une volonté de... qu'on ne veut pas de conflit d'intérêts. Ça, c'est clair dans ma tête, là. Sauf qu'on est dans le vrai monde, là, et puis il peut arriver à un moment donné une situation particulière que... est-ce que ça pourrait être acceptable ou pas? Ça, on va avoir l'occasion d'en discuter, puis, quand on va faire l'étude article par article, ce n'est pas une... ce n'est pas un article que je tiens absolument, puis, si c'est pour amener des problèmes, on le regardera, mais il faut le regarder pour l'intérêt de l'INESSS, voir: C'est-u quelque chose qui pourrait, à la limite, être acceptable? Moi, je pense à ces niveaux-là.

Pour l'assurance responsabilité, généralement, comme je vous disais, une organisation va se doter d'une assurance responsabilité pour ses employés, et l'INESSS probablement va aller dans le même sens. Mais il y a comme des choses qu'il va falloir qu'elles soient réglées après, qu'on ne peut pas nécessairement toutes régler avant, mais qu'on sait que, sous la loi du gros bon sens, bien, ça devrait s'organiser assez bien.

L'objectif, c'est vraiment qu'on ait une organisation de qualité, avec des gens de qualité, à qui on va offrir des conditions qui sont compétitives avec le marché dans lequel ils travaillent. Moi, pour moi, là, c'est vraiment une des raisons que je pense que... je ne pense pas qu'on puisse avoir de crainte par rapport au fonctionnement.

Le trois ans. Ça, le trois ans, je reviens là-dessus parce que... À la fin, les gens, comme on le voit, c'est qu'ils vont devoir décider. Mais vous savez que ça va être une bonne organisation. Et puis, à la limite, si quelqu'un dit: Moi, je ne suis pas satisfait, j'ai des craintes, ils vont ravoir leur place dans la fonction publique. Mais on ne veut pas que l'INESSS soit une... on veut que ce soit une organisation qui soit à l'extérieur de la fonction publique en tant que telle.

Un autre élément qu'on me fait mentionner, c'est que c'est sûr que, quand les gens vont siéger au conseil d'administration, il va y avoir des déclarations par rapport aux intérêts, et il va y avoir une surveillance par rapport à ça. L'éthique est au coeur de ce type d'organisation là.

Le Président (M. Kelley): M. Dussault, avez-vous des commentaires ou...

M. Dussault (Gilles): Moi, pour ce qui est du 36 mois, moi, je vous le dis, là, informez-vous ou, en tout cas, allez voir dans le passé, ça n'a jamais créé de problème, et je me demande pourquoi c'est là aujourd'hui. J'ai entendu dire, et j'aurais aimé ça le vérifier avant, là, que c'est le Trésor, le cher Trésor, qui insiste pour inscrire une norme comme celle-là. Mais il n'y a jamais eu de problème. Mais là le problème qu'on a avec ça, c'est que le monde commence à se poser des questions, et particulièrement, je vous le dis, là, des gens qui font de l'économie. Par exemple, ils se disent: Mais là, là, moi, ma carrière va être bloquée ici, là, alors que, dans la fonction publique, il y a une certaine mobilité. Alors, c'est contre-productif. Et, dans le passé, si on avait eu, je dirais, des migrations de retour, on pourrait se dire: Bien là, on va mettre une limite, mais ça n'a pas été le cas. Alors, c'est contre-productif, cette histoire-là. Ça fait peur au monde, tout simplement. Si vous l'enlevez, là, vous n'aurez pas plus de problème. Vous aurez moins de problème, je dirais, là. O.K.? Donc, je vous le demande. J'aurais aimé ça vous le demander avant, là, mais là, regarde, je suis obligé de le faire en commission. Enlevez ça, c'est contre-productif, ça ne marche pas. Alors, voilà.

Pour ce qui est du noyau d'employés, j'ai un petit commentaire là-dessus. Actuellement, on le voit, là, actuellement, pour ce qui est du conseil et de l'agence, il y a plus de jeunes qui viennent de... à l'extérieur. Il y a plus de monde qui sont rattachés en permanence au Conseil du médicament qu'à l'agence. À l'agence, là, tu as cinq personnes, là, hein, puis il y en a quatre là-dessus qui sont vraiment engagées dans la recherche, etc., puis tu en as 39 qui sont des consultants externes. Je ne dis pas qu'il ne faut jamais aller à l'extérieur, mais, en même temps, c'est que, si on veut y donner, comment dire, un certain poids scientifique permanent, une mémoire organisationnelle, bien je pense qu'il faut faire un plan d'effectif, c'est ce qu'on recommande, parce qu'autrement on va être à la remorque... Puis les gens de chez nous, là, particulièrement au conseil, ils craignent ça. C'est qu'ils ne veulent pas devenir comme des espèces de, je dirais, de coordonnateurs de projets, ils veulent continuer d'exercer leur pratique scientifique, alors que... Là, si les consultants se multiplient à l'extérieur, qu'on a un tout petit noyau, là, bien on va se ramasser avec des gérants de projets, là. Ça, ils n'en veulent pas, de ça, O.K.? Puis, si c'est ça qui se dessine, là, bien, le personnel qui est là actuellement, là, il va regarder ailleurs, hein? Il y en a... Je ne dis pas que tout le monde va vouloir s'en aller, là, mais c'est parce qu'on va expulser en quelque sorte, comment dire, leur vocation scientifique là-dedans. C'est des gens qui sont habitués de travailler, là, dans le domaine scientifique, ils ne veulent pas devenir des gérants. C'est ça que ça veut... C'est-u assez clair, là? C'est ça que je... C'est ça qu'ils nous disent.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Ma question, et je pense que vous y avez répondu en grande partie, concernait le plan d'effectif des professionnels, où vous avez une recommandation sur le sujet, la recommandation 2, où vous exprimez vos craintes. Bien, vous venez d'en parler. Mais, de ce qu'on comprend de l'INESSS à sa création, il n'y a aucune prévision de réduction d'effectif. Au contraire, au fil des années, en fonction des mandats, il y aura probablement l'ajout de personnel à cet effet-là pour exécuter les mandats qui seront donnés à l'INESSS. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'étaient mon commentaire et ma question, à savoir: Quelles sont réellement vos craintes par rapport au plan d'effectif?

M. Dussault (Gilles): Bien, ma crainte, c'est d'abord que, pour l'instant en tout cas, il n'existe pas, O.K.? Et là je dirais que le jeu, si je peux dire, c'est de savoir: Combien est-ce qu'il va y en avoir, finalement? Parce que le rapport du comité d'implantation, le rapport Castonguay, dit: Il va falloir qu'on ajoute des ressources additionnelles. Puis on comprend même dans ce rapport-là que c'est des ressources qui seraient comme directement à l'emploi de l'INESSS.

Ce qui est moins, je dirais, apprécié, c'est que, dans ses commentaires, il dit: Pour doter correctement l'INESSS des effectifs dont elle a besoin, il faut la sortir de la fonction publique parce que la fonction publique sera incapable de relever ce défi-là. Et là ce qu'il faut comprendre, là, c'est que la fonction publique, selon M. Castonguay, serait incapable dorénavant d'attirer du personnel scientifique, parce que les salaires, les conditions de travail sont - comment je peux dire ça donc? - rebutantes pour ce type de clientèle là. Il y a un signal d'alarme là, là, en passant. C'est évident que, si ça reste comme ça, bien, je veux dire, on n'attirera plus personne, non seulement dans le domaine scientifique relié à la santé, mais dans les autres domaines.

Écoutez, là, ce n'est pas pour rien qu'actuellement, à l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention en santé, il y a 39 personnes qui sont des consultants externes et qui sont rémunérées trois fois plus à l'heure que le personnel professionnel qui y travaille avec les mêmes qualifications. Et même je dirais qu'on m'a dit qu'il y a des choses des fois qu'on leur demande de faire qui sont très élémentaires, qui ne sont pas... il n'y a pas de complexité, comment dire, particulière, mais ils sont payés trois fois plus. Pourquoi ça? Je ne dis pas qu'il faut faire une parité de salaire. Mais là qu'est-ce qu'on voit, là, c'est qu'on voit que la fonction publique devient inintéressante pour le personnel scientifique, pour la relève dans nos universités. Il faut faire quelque chose, là. Alors, si on veut avoir un plan d'effectif puis qu'on dit qu'on va avoir un bon noyau de personnes rattachées à l'organisme, à l'INESSS, bien là, il faut grouiller, là, parce que, si on ne grouille pas, là, bien ça va être juste des consultants externes. Bon. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Peut-être une dernière question, parce que j'essaie... Vous n'êtes pas le premier témoin qui soulevez la question sur l'article 19 et les conflits d'intérêts ponctuels, alors... Mais, si j'exclus ces personnes - parce que ça, c'est les postes au conseil d'administration non rémunérés - qui peuvent être les membres indépendants du conseil d'administration? Parce que, si j'exclus toutes les personnes qui travaillent pour le gouvernement - qui est à l'article 16 - si j'exclus toutes les personnes avec un conflit d'intérêts ponctuel, c'est quoi, le genre de personnes aptes à être nommées sur le conseil d'administration de l'INESSS?

M. Dussault (Gilles): Bien, c'est-à-dire que vous n'excluez personne du conseil.. du gouvernement, d'une part, parce qu'actuellement, au gouvernement...

Le Président (M. Kelley): ...

.(10 h 10).

M. Dussault (Gilles): Non, mais actuellement, là, au gouvernement du Québec, là, hein, une personne qui est en conflit d'intérêts, là, un cadre, par exemple, O.K., ne peut pas continuer à diriger. C'est dans les règles d'éthique de la fonction publique, O.K.? Alors, on va l'envoyer ailleurs ou je ne sais pas, là, mais on ne peut pas lui laisser sa fonction. Pour ce qui est de quelqu'un de l'extérieur, pourquoi ce serait différent? Chez nous, on a des gens, là - je parle du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec - qui ont été congédiés parce qu'ils ont travaillé pour, bon, disons consultants, pour des entreprises qui rendaient des services au gouvernement. C'est arrivé, ça, O.K.? Puis on a été très sévères, on les a congédiés: «Goodbye Charlie». Alors là, ça veut dire quoi, là? C'est-u... c'est quoi? c'est deux poids deux mesures.

Puis c'est drôle qu'on institue un truc semblable dans un projet de loi à une époque où on se dit: Il est plus nécessaire que jamais que de... pour protéger l'intégrité de l'administration publique. Je répète, là, je ne veux pas insister trop, là, mais c'est clair que, là, c'est dans l'air: dans la construction, là, on a des problèmes de crédibilité qui se répandent jusque dans les organismes gouvernementaux, aux Transports en particulier. Bien là, je veux dire, moi, je vois arriver un article comme ça qui dit: «Le seul fait pour un membre du conseil d'administration ayant la qualité d'administrateur indépendant de se trouver, de façon ponctuelle - ce n'est pas défini, on ne sait pas c'est quoi - en situation de conflit d'intérêts, n'affecte pas sa qualification.» Mais je peux vous dire, moi, que, pour les fonctionnaires, les professionnels à plus forte raison, il n'y a pas de conflit d'intérêts ponctuel qui est tolérable. Il n'y a aucun conflit d'intérêts. Donc, c'est pour ça que je vous dis que je ne vois pas le sens de cet article-là. Il y a une culture derrière ça que je ne comprends pas. Voilà.

Le Président (M. Kelley): Moi, j'essaie de comprendre aussi, parce que... on veut que ces personnes sont indépendantes, sont des personnes qui ne seront pas payées. Alors, j'essaie de comprendre où on peut chercher ces personnes. Et je comprends l'importance de l'éthique, je comprends l'importance de tout le reste, mais j'essaie de voir dans quel bassin des candidats, pour assurer l'indépendance, qui est un autre enjeu qui a été soulevé par d'autres témoins aussi, on veut chercher les personnes qui connaissent un petit peu l'évaluation des technologies médicales, et tout le reste. Alors, ils doivent avoir une connaissance de l'industrie, et tout le reste, mais il faut s'assurer qu'ils ne sont pas de conflit d'intérêts, mais ils ne sont pas... ils demeurent indépendants selon l'article 16. Alors, j'essaie juste de mieux comprendre le bassin des candidatures potentielles pour un conseil d'administration.

M. Dussault (Gilles): M. le président de la commission, est-ce qu'il faudrait se dire, au fond, que le conseil d'administration, compte tenu de la culture du milieu, ne pourrait pas être composé d'autres personnes que celles qui peuvent avoir des conflits d'intérêts?

Le Président (M. Kelley): C'est pourquoi je pose la question.

M. Dussault (Gilles): Bon, voilà. Moi, je ne suis pas un spécialiste du milieu, mais les membres chez nous m'ont expliqué qu'il y avait des... comment je peux dire ça, il y avait des personnes qui avaient... comment dire, qui travaillaient pour l'industrie, travaillaient comme consultants pour le gouvernement, etc. Là, je parle des employés. Au niveau des administrateurs, c'est évident qu'il y a des personnes qui ont eu toutes sortes de cheminements dans leur vie, et ce n'est pas parce qu'on n'est pas rémunérés qu'on ne peut pas avoir certains intérêts, hein? Ça, c'est évident, hein? Bon. Alors, d'où l'idée d'avoir, je dirais, une règle extrêmement claire. On demande aux personnes de dénoncer leurs intérêts, donc de dire s'ils sont en conflit d'intérêts, ça, c'est correct, ça, c'est une norme... Mais, à partir du moment où la personne est en conflit d'intérêts, il n'y a rien qui est prévu, on ne dit même pas qu'elle va sortir du conseil d'administration pour telle décision. C'est ça. Et, si un employé, professionnel ou autre, de l'INESSS était, lui ou elle, en conflit d'intérêts, bien j'imagine que l'employeur, comment dire, sévirait ou donnerait tout de suite, là, une consigne à l'effet de quitter tel... je ne sais pas, moi, de ne plus collaborer avec telle entreprise ou telle autre organisation qui peut avoir des intérêts conflictuels avec l'INESSS. Mais là, dans le conseil d'administration, on dit: Si tu as un conflit d'intérêts ponctuel, ce n'est pas grave. Attends une minute, là! Tu sais, regarde, là, moi, je dis que ça ne marche pas, là.

Le Président (M. Kelley): Dernier commentaire, M. le ministre? Très rapidement.

M. Bolduc: Oui. Je pense qu'on va avoir à faire une réflexion là-dessus, O.K.? Il ne faut pas donner une réponse aujourd'hui, mais... Voyez-vous jusqu'où ça peut aller, les histoires de conflit d'intérêts? Puis en passant, je suis quelqu'un qui est contre les conflits d'intérêts, là. Un médecin, à la limite, ne pourra pas siéger sur un... à l'INESSS, parce que tous les médecins, à un moment donné, peuvent avoir des relations avec l'INESSS d'une façon ou d'une autre. Les pharmaciens ne pourront pas siéger à l'INESSS, parce qu'un pharmacien, mettons, qui possède une pharmacie, qui... Là, ça nous prendrait un pharmacien qui ne travaille pas. C'est comme je vous dis, on va faire une réflexion, là, mais, à un moment donné, il faut voir, là, que, si on veut avoir des gens... Autrement dit, ça va prendre quelqu'un qui n'a pas d'argent, qui ne travaille pas nulle part et qui est retraité, puis on va le mettre membre du conseil d'administration, puis il n'aura pas nécessairement les qualifications. Là, je ne veux pas exagérer, c'est juste que... voyez-vous que... c'est des gens très, très compétents.

Puis, moi, je suis d'accord avec vous, si, à un moment donné, tu arrives dans une situation où tu es obligé de faire affaire avec quelque chose qui pourrait avoir une apparence de conflit d'intérêts, tu devrais le dire, quitte à se retirer pour la discussion de ces dossiers-là. Mais le problème qu'on a, c'est que, c'est dommage à dire, ces gens-là de qualité qui siègent sur les conseils d'administration, s'ils ne sont pas en relation avec... pas avec l'industrie mais avec la matière, on n'a pas de raison de les nommer parce qu'ils n'ont pas les compétences. Puis j'assume que, s'il y a compétence, c'est parce qu'ils ont fait quelque chose ou qu'ils font encore quelque chose.

Je pense que... On va avoir des discussions là-dessus. Moi, je suis ouvert à... D'enlever l'article, qu'est-ce que ça veut dire pour l'INESSS? Qu'est-ce que ça veut dire aussi pour la société québécoise? Ça veut-u dire que, dès que tu as une expertise à quelque part, tu ne peux plus siéger nulle part? Il y a peut-être des mécanismes de protection qu'on devrait avoir. Là, je fais le parallèle... Ça n'a rien à voir avec les affaires de la construction, là. Tu sais, on parle de quelque chose, là, mais là on parle... on est dans un milieu où... Juste pour vous donner un exemple, tous les médecins... n'importe quel médecin qu'on va nommer là-dessus, un jour, va avoir fait de la recherche avec une compagnie. On ne prendra pas quelqu'un qui ne connaît pas ça nulle part, là.

Ça fait que c'est une réflexion qu'on va faire. Moi, je pense qu'il faut faire la réflexion. Mais c'est certain qu'on a une protection à donner au niveau des conflits d'intérêts, ça, je suis convaincu de ça, sauf que, de là à dire qu'on disqualifie tout le monde pour tout, c'est une réflexion à faire. Mais on va la faire.

Le Président (M. Kelley): Maintenant... pardon, c'est juste... je pense, le point est interpellant. Règle générale, le président ne pose pas de question, mais je pense que c'est très important parce que la question des conflits d'intérêts, la question des intérêts sont très importantes, la question de l'éthique. Mais aussi il faut avoir un processus après qu'on peut chercher l'expertise pour un conseil d'administration. C'est de trouver l'équilibre entre les deux. C'est l'esprit de mes questions. Merci, M. Dussault.

Je vais céder la parole maintenant au député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Bien, il va falloir que le gouvernement, que le ministre nous dise, à un moment donné, c'est quoi, un conflit d'intérêts ponctuel, hein? Il va falloir, à un moment donné, en discuter de ça, là.

Par ailleurs, je trouve, M. le Président, que le ministre... il dit qu'il ne veut pas exagérer, là, mais d'opposer systématiquement expertise et conflit d'intérêts, franchement là, je pense qu'on est capables de trouver des gens qui ont de l'expertise, qui ont une expérience, qui ont des connaissances, puis qui ne sont pas en conflit d'intérêts, là.

On va avoir cette discussion-là un peu plus tard, mais, moi, je vais vous dire, l'article 19, en tout cas tel qu'il est écrit présentement, est totalement inacceptable, là. Ce n'est pas une grande surprise pour vous. Ce que je comprends, M. Dussault, c'est qu'il l'est également pour vous. Quel conflit d'intérêts vous craignez, vous? Donnez-nous des exemples, là.

M. Dussault (Gilles): Dans l'industrie pharmaceutique, je prends cet exemple-là, les compagnies embauchent des personnes qui ont beaucoup d'expertise puis qui ont... en tout cas, ils les embauchent parce qu'elles sont bonnes, là. Puis ces gens-là, au fil de leurs carrières, peuvent se retrouver justement toujours employés, ou à contrat, ou avec des liens avec ces entreprises-là, et se retrouver, à un moment donné, à l'INESSS parce que ce sont des sommités O.K.? Mais, en même temps, ce sont des personnes compétentes, mais ce sont des gens aussi qui ont des intérêts. Bon. Et c'est ça que je crains, c'est qu'à un moment donné on ait, comment dire, des gens qui viennent siéger sur le conseil d'administration avec, en quelque sorte, un programme dans la tête qui est conditionné soit... pas nécessairement par des intérêts, je dirais, personnels mais des intérêts qu'ils... comment je peux dire ça, de leurs amis ou de leurs cercles, là, si on peut dire. Bon, c'est ça que je crains.

Alors que, si l'organisme demeure dans la fonction publique... Comme, actuellement, le Conseil des médicaments, là, les gens qui sont là-dedans, les gens qui dirigent ces organismes-là, c'est des gens qui sont des employés du gouvernement, pour une bonne part, là, je pense, et donc ils sont voués à l'exclusivité de service, puis on ne peut pas craindre qu'ils soient comme soumis à des influences extérieures.

Maintenant, moi, je vais suggérer quelque chose ici, là. C'est que, si vous avez un conseil de direction de l'INESSS puis si vous voulez avoir l'opinion d'une sommité, mettons, dans le domaine de la pharmacie ou de la médecine, bien, le conseil d'administration a le droit de la demander. Mais le conseil d'administration lui-même, il faut qu'il soit au-dessus de tout soupçon.

M. Drainville: On est totalement d'accord là-dessus.

M. Dussault (Gilles): Alors, voilà. C'est ça.

.(10 h 20).

M. Drainville: Et c'est bien évident qu'il n'est pas question qu'on fasse quelque référence que ce soit au fait qu'un membre du conseil d'administration pourrait être qualifié pour siéger sur le C.A. tout en étant en conflit d'intérêts, que ce soit ponctuel, transitoire, intérimaire, superficiel, tu sais, là. Non. C'est sûr qu'il ne sera pas question de quelque façon que ce soit d'ouvrir un tant soit peu la porte à la nomination d'un membre du conseil d'administration qui serait en conflit d'intérêts de quelque façon que ce soit.

Maintenant, sur la question de l'indépendance de l'INESSS, il y a plusieurs personnes qui se sont présentées devant cette commission, hier, qui ont regretté le fait que l'INESSS ne soit pas davantage indépendant du ministre et qui ont demandé que l'INESSS soit, dans certains cas en tout cas, ils ont demandé que l'INESSS soit indépendant pour ne pas dire complètement indépendant du ministre. À certaines de ces personnes, j'ai dit: Est-ce que vous envisagez, par exemple, une nomination par l'Assemblée nationale, comme c'est le cas pour le Vérificateur général ou le dirigeant... le directeur de la commission à l'accès, le président, le président de la Commission d'accès à l'information, le Protecteur du citoyen, etc.? Et, nous, c'est des scénarios, là, auxquels on est certainement ouverts, là. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, vous. Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire pour que l'INESSS soit indépendant du ministre?

M. Dussault (Gilles): Bien, moi, je vous dis... Ce que je viens de dire, je dirais, entre guillemets, que c'est le contraire. Nous, on veut que ça demeure dans la fonction publique. Actuellement, le projet de loi, il dit que ça relève du ministre, ça relève du ministre puis, tu sais, je dirais que c'est un peu normal que ce soit comme ça, là. Bon. Maintenant, est-ce que...

L'autre modèle, c'est le modèle universitaire. Tu crée une université, puis le recteur de l'université ou l'université elle-même, bon, bien, en tout cas, il y a plus de distance d'avec le ministre ou la ministre de l'Éducation, par exemple, là, O.K.?

Mais, nous, on ne voit pas pourquoi est-ce que l'INESSS ne serait pas une organisation qui est intégrée au ministère de la Santé et Services sociaux puis qui relève du ministre, puis qui soit gérée comme toutes les autres organisations. Parce que, là, on a des nouvelles règles de gouvernance qui placent la gouvernance à l'extérieur. Pourquoi est-ce que c'est comme ça? Pourquoi est-ce que c'est nécessaire que ce soit comme ça? Je ne comprends pas. Puis là, après ça, on... comment je peux dire ça, là, on se pose des questions sur les conflits d'intérêts et... La fonction publique fournit tout le cadre nécessaire, puis ce qu'elle dit clairement, là, c'est que, quand tu travailles au gouvernement comme cadre, par exemple, comme gestionnaire ou comme professionnel, tu ne peux pas avoir... tu ne peux pas servir deux maîtres, puis - l'intégrité - tu dois être absolument, là, je veux dire, exempt de tout conflit d'intérêts ponctuel, superficiel ou virtuel. Bon.

M. Drainville: Excusez-moi, M. Dussault, mais, à la page 17 de votre mémoire, vous écrivez, en conclusion, je cite: «Le SPGQ ne s'oppose à la création de l'INESSS. S'il est placé sous une gouvernance indépendante», etc.

M. Dussault (Gilles): Oui.

M. Drainville: Mais c'est quoi, une gouvernance indépendante, pour vous?

M. Dussault (Gilles): C'est une gouvernance qui relève de la fonction publique. Je pense qu'on ne s'entend pas, évidemment, là-dessus, là, mais, moi, ce que je vois, c'est que la gouvernance actuelle, celle qui est proposée, elle ne sera pas indépendante. Puis là je me suis dit...

M. Drainville: Parce qu'elle ne relèvera pas de...

M. Dussault (Gilles): Non, mais...

M. Drainville: ...la Loi sur la fonction publique.

M. Dussault (Gilles): Oui. Et aussi parce que, quand j'ai vu arriver... quand j'ai lu l'article 19, j'ai dit: Coudon! - j'ai dit - elle ne sera tellement pas indépendante qu'on prévoit tout de suite que, s'il y a des conflits d'intérêts, ce n'est pas grave. Ça fait que, là, regarde, là, un instant... ou ce n'est pas grave ou en tout cas on ne disqualifiera pas les gens. Là, je me suis dit: Non, non, non. La fonction publique, la Loi sur la fonction publique offre actuellement les balises nécessaires. C'est quoi qu'il se passe avec la fonction publique? Elle a-tu pogné la peste, la fonction publique, là? C'est qu'on est en train de la vider, on ne paie pas le monde qui y travaille, puis on ne voudrait pas que les cadres qui y travaillent puissent diriger des choses... des organisations aussi importantes que l'INESSS. On a, comment dire, on a un... Il y a un problème, là. Je ne sais pas, on est en train d'instituer une culture où on a, comment dire, toutes sortes de fonctions publiques parallèles qui sont instituées. Alors qu'on a travaillé depuis le début des années... le milieu des années soixante avec la Loi sur la fonction publique pour essayer justement de se donner un cadre qui va protéger le service public des ingérences politiques puis des influences mercantiles, puis là on est en train de tout défaire ça, puis là on est en train d'inventer des histoires de... je dirais de... comment dire, qu'est-ce que ça veut dire, «un conflit d'intérêts ponctuel», etc. On se donne du trouble pour rien. On met 45 ans d'ouvrage en arrière de nous autres, puis on dit: On réinvente le monde. Ça ne marche pas, là.

M. Drainville: Sur le fond de la question, c'est-à-dire l'utilité de créer un nouvel organisme dans le domaine de la santé, à votre avis, on a besoin d'un nouvel organisme dans le milieu de la santé actuellement? On a besoin de l'INESSS? Le secteur de la santé a besoin de l'INESSS? Les Québécois ont besoin de l'INESSS pour être mieux soignés, pour avoir accès à une meilleure qualité de soins?

M. Dussault (Gilles): Moi, je vous dirais, d'entrée de jeu... Moi, je ne suis pas un expert du domaine de la santé, là, mais il y a des gens qui sont membres chez nous qui le sont, là, puis qui sont directement au coeur des deux organismes appelés à se fondre dans l'INESSS. Moi, ça ne m'apparaissait pas évident, O.K., surtout que, dans le rapport Castonguay, on fait...

M. Drainville: Excusez-moi, ça ne vous apparaissait pas évident?

M. Dussault (Gilles): Ça ne m'apparaissait pas évident...

M. Drainville: Qu'on avait besoin de l'INESSS.

M. Dussault (Gilles): Non, parce que j'ai regardé le rapport Castonguay, et j'ai regardé... Il y a une annexe, à un moment donné, qui parle de ce qui existe actuellement: l'Institut national de santé publique, le Commissaire à la santé, là, qui vient d'être institué, en 2008, puis il y a ces deux organismes-là. Je me disais: Bon Dieu! tu sais, qu'est-ce qu'on fait? Là, on fait ça. Pourquoi? Puis là, finalement, je me suis dit: Bon, c'est peut-être nécessaire pour, comment dire, donner une nouvelle envergure, parce que, là, on met l'accent sur les guides d'intervention.

Deuxièmement, il y a le volet social aussi qui est pris en compte. Actuellement, le Conseil du médicament ou l'agence, ils n'ont pas ça. Est-ce que ça prenait absolument l'INESSS pour prendre en compte le volet social? Puis il y a peut-être là l'amorce, en quelque sorte, d'une culture, je dirais, d'intervention holistique, là, c'est-à-dire de prendre à la fois le médical et le social puis d'essayer de leur donner la même envergure scientifique l'un et l'autre. Donc, je me suis dit, entre guillemets, sur le plan scientifique, peut-être qu'il faut donner la chance au coureur.

M. Drainville: Mais, M. Dussault, laissez-moi me faire l'avocat du diable un peu, là, O.K.? Vous êtes en négociation actuellement pour le renouvellement de vos conventions collectives. Le débat, vous le voyez, sur l'état de finances publiques, on met 27 milliards actuellement en santé et en services sociaux au Québec. Vous avez parlé du Commissaire à la santé. Il y a AETMIS. Il y a l'Institut national de santé publique. Le Vérificateur général fait des vigies en matière de santé sur les PPP, sur le Dossier de santé du Québec, étudie toute la question des indicateurs également de performance... Est-ce que c'est la meilleure façon de dépenser l'argent du contribuable actuellement que de créer l'INESSS? Moi, je me pose la question et je suis pas mal convaincu qu'il y a quelques contribuables qui vont se la poser également.

Vous parlez... vous dites: Bon, ils ajoutent le mandat services sociaux. Oui, mais ça s'appelle le ministère de la Santé et des Services sociaux, puis le député de Jean-Talon est ministre de la Santé et des Services sociaux. En d'autres mots, est-ce qu'on ne pourrait pas trouver, dans l'enveloppe actuelle de 27 milliards, l'argent et le personnel très compétent - je suis d'accord avec vous là-dessus - pour faire le travail qui va être confié à l'INESSS? Est-ce que c'est une priorité actuellement de créer cet organisme-là, dans le contexte actuel?

M. Dussault (Gilles): Moi, je ne le voyais pas comme ça, là. D'ailleurs, je vous l'ai déjà dit, d'entrée de jeu, il y a un an à peu près, le 11 mars 2008, le Secrétariat intersyndical des services publiques, dont notre syndicat est membre, disait: Ce n'est pas ça, la priorité. Il parlait d'essayer de travailler sur les soins à domicile puis de travailler pour trouver des solutions pour la question des listes d'attente, là, puis d'essayer de réorganiser le travail, dans les blocs opératoires par exemple. En tout cas, bon.

Ceci étant dit, c'est que, là, c'est là, O.K.? Puis la «drive» est assez forte. J'ai vu un peu les mémoires des uns et des autres. Le milieu scientifique semble satisfait. Bon. C'est pour ça que je vous dis aujourd'hui: Je suis prêt à donner la chance au coureur. Mais, si l'organisation est placée, comment dire, dans un cadre qui la soumet à toutes sortes d'influences malpropres, si je peux dire, là, ça ne marchera pas, cette histoire-là.

Mais, ceci étant dit, c'est qu'un autre gouvernement ou un autre ministre aurait pu choisir autrement, peut-être remanier les choses autrement puis de ne pas créer cet organisme-là. Est-ce que cet organisme-là est absolument nécessaire pour la suite de l'humanité? Bon, je réponds non. Mais, en même temps, là, c'est là, on nous pose la question: Créons ça pour, comment je peux dire ça, donner, comment dire, un peu plus de méthode, si je peux dire, à nos façons de faire, non seulement dans le domaine médical, dans le domaine de la pharmacie, mais aussi dans le domaine social. Bon, moi, je me dis... Je suis mal placé pour dire non à ça.

M. Drainville: Mais ce n'est pas, comment dire, ce n'est pas un appui enthousiaste.

.(10 h 30).

M. Dussault (Gilles): Non. Ce n'est pas... Comme Mulroney disait, là: J'espère que ça va être dans l'honneur, mais ce n'est pas tout à fait dans l'enthousiasme. Mais, en même temps, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est que, si on nous propose ça... Puis, quand on lit le rapport Castonguay, on ne peut pas dire que ce n'est pas sérieux, cette histoire-là, là, même si personnellement j'ai beaucoup de réserves par rapport à la philosophie de cet homme-là quant aux soins de santé. Donc, passons par là.

Puis les gens de chez nous, là, les personnes que je représente, ne sont pas nécessairement contre l'affaire. Mais, quand ils regardent, comment je peux dire ça, comment ce qu'on est en train d'organiser les choses, ils ne voient pas, comment dire, des... Ils ne voient pas ça comme étant intéressant, là, sur un strict plan, là, d'employés, O.K.? Bon. Alors, moi, je dis au ministre, je dis à la commission: Bien, regardez les affaires pour faire en sorte que, le monde qui sont déjà à l'emploi de ces deux organisations-là, le Conseil du médicament puis l'agence, bien, on ne les écoeure pas en partant, là. Si on tient à avoir une expertise, un noyau d'expertise qui est rattaché à l'INESSS, futur INESSS, bien là, qu'on facilite les choses au lieu de les compliquer.

M. Drainville: O.K. Sur la transmission des renseignements personnels, l'article 12, est-ce que vous avez une suggestion à nous faire là-dessus? Parce qu'il y a des personnes qui se sont présentées devant nous pour dire qu'elles étaient très mal à l'aise avec l'article 12, qui prévoit la transmission de renseignements personnels à l'INESSS. Là-dessus, est-ce que vous avez un commentaire à faire ou est-ce que vous...

M. Dussault (Gilles): Bien, moi, je peux dire simplement que, selon moi, quand c'est pour des fins de recherche, les renseignements - à moins d'être malfaisant, là - personnels sont banalisés; on ne les retrouve pas dans des rapports. Puis les personnes qui ont à en prendre connaissance, je veux dire, vont respecter, dans la mesure où il n'y aura pas de délinquant... Au ministère du Revenu par exemple, où on a du monde qui travaille là-dedans, là, puis il y en a qui vont pigrasser dans les données personnelles, puis ils se font pogner, puis ils se font congédier... Mais, la plupart du temps, là, les gens respectent la confidentialité. Puis ils peuvent aller voir le rapport d'impôt du ministre, tiens, O.K., puis ils ne vont jamais en parler, là, hein? Mais c'est déjà arrivé, dans le passé, que les choses sont sorties. Mais ça, ça peut arriver avec des gens qui sont rattachés à la fonction publique comme des gens qui sont, comment dire, dans une organisation externe autorisée à recevoir des renseignements.

Donc, moi, je pense que, si, pour les besoins de la recherche, on a besoin de renseignements personnels, bien, voilà. Mais, en même temps, c'est qu'il faut que ça soit pour des besoins de recherche et pas pour d'autres... Il ne faut pas que ça soit pour d'autres questions.

M. Drainville: Sur la question du panier de services, certains groupes nous ont parlé du mandat de révision du panier de services qui n'est pas écrit dans le projet de loi. Est-ce que vous croyez que l'INESSS devrait avoir ce mandat, vous?

M. Dussault (Gilles): Non. Non, moi, je pense que ça, vraiment ça relève plus de la décision du gouvernement, parce que de toute façon l'INESSS, c'est appelé à devenir un organisme-conseil, et c'est le gouvernement qui prend les décisions, O.K.? Mais là, si on lui confie en plus le panier de services, et c'est ce que proposait, à un moment donné, le groupe de travail de M. Castonguay, c'est que là ça lui donne une autorité morale qu'il ne doit pas avoir, O.K.? Je peux comprendre que, par exemple, on peut s'appuyer sur le Conseil du médicament pour, bon, les médicaments, puis c'est des gens... des spécialistes, mais c'est toujours le ministre, hein, qui va prendre la décision finalement de la couverture ou non, là, O.K? Puis, pour ce qui est des autres travaux effectués par l'agence, c'est un peu la même chose. Mais, moi, je ne verrais pas que cette agence-là, là, soit chargée de définir le panier de services. Non. Parce que là, à ce moment-là, la suspicion serait partout dans le réseau.

M. Drainville: Dernière question: Si on se projette, disons, dans cinq ans, pour les fins de la discussion, on prend pour acquis que le projet de loi est adopté puis que l'INESSS est créé, qu'est-ce que ce nouvel organisme nous aura permis d'accomplir que le système actuel ne nous permet pas de réaliser? Qu'est-ce qu'on aura fait, dans cinq ans, avec l'INESSS qu'on ne peut pas faire maintenant avec ce qui existe déjà?

M. Dussault (Gilles): Actuellement, la question des guides de pratique, il semble que ça ne lève pas, là. Ça ne lève pas à l'agence, ça ne lève pas non plus au Conseil du médicament. Là, on semble mettre l'accent là-dessus, peut-être que ça peut être intéressant, ça va instituer des normes. Là, les ordres professionnels sont très sceptiques par rapport à ça, ne veulent pas trop, trop, comment je peux dire ça, se faire bousculer, hein, par des normes qui viendraient, là, leur dire comment faire leur job. Ceci étant dit, on verra.

Mais, moi, il y a le volet social, j'ai une petite tendance de ce côté-là, là. Vous permettrez que je me réjouisse finalement qu'on puisse traiter avec autant d'égard scientifique le social que le médical. Donc, dans cinq ans, ce qu'on devrait trouver, c'est que, dans le réseau des services sociaux, peut-être qu'on aura, comment dire, de meilleurs éclairages quant aux façons de faire. Bon. Maintenant, moi, je ne suis pas un spécialiste, je suis prêt à donner la chance au coureur. Dans le rapport de M. Castonguay, il y a une série de, comment dire, remarques sur les valeurs ajoutées potentielles, là, O.K.? On ne s'est pas trop attardés là-dessus, mais, moi, je me suis plus attardé aux gens de chez nous.

Je vous le dis, là, les membres du SPGQ, ils ne sont pas contre la création de l'INESSS, mais ils n'ont pas toute la perspective financière ou économique en tête. Mais, en même temps, ils veulent avoir une bonne place là-dedans, ils veulent continuer de servir le public comme ils l'ont bien servi au conseil puis à l'agence. Puis, au départ, ils veulent enlever tous les irritants, là, qui risqueraient de faire en sorte que, bon, en tout cas la bulle, en quelque sorte, d'expertise permanente qui s'y trouve éclate, parce qu'on trouve que le nouvel organisme place des conditions et n'est pas assez accueillant.

M. Drainville: Merci, M. Dussault.

Le Président (M. Kelley): Et, sur ça, il me reste de dire merci beaucoup à M. Dussault pour votre contribution à notre réflexion. Mais je veux aussi souligner vos commentaires quant à la crise humanitaire en Haïti. Merci beaucoup pour avoir attiré notre attention à cette question sur le plan humanitaire. Mais également, étant donné les liens étroits entre Haïti et le Québec, on pense, entre autres, aux policiers de Montréal qui se trouvent à Haïti en ce moment, beaucoup de familles québécoises qui ont des proches qui demeurent là-bas. Je pense que c'est quelque chose qui nous interpelle tous. Alors, merci beaucoup pour cet appel que vous avez lancé au début de votre présentation.

Sur ça, je vais ajourner nos travaux quelques instants. Je vais demander aux représentants de l'Association canadienne du médicament générique de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 10 h 37)

 

(Reprise à 10 h 43)

Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! On va reprendre nos travaux. Le prochain témoin, c'est l'Association canadienne du médicament générique, représentée, entre autres, par son président, M. Jim Keon. Alors, M. Keon, la parole est à vous. It's your turn, O.K?

Association canadienne du
médicament générique (ACMG)

M. Keon (Jim): Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de remercier la Commission de la santé et des services sociaux de donner l'occasion à l'Association canadienne du médicament, que je représente, de prendre la parole aujourd'hui.

Permettez-moi également de vous présenter les personnes qui m'accompagnent: M. Yves Dupré, directeur exécutif pour le Québec pour l'ACMG; à ma gauche, M. Daniel Charron, économiste et responsable des relations gouvernementales au bureau de Montréal de notre association; et M. Jacques Bergeron, vice-président, Relations industrie et gouvernement de Sandoz, un de nos membres qui a une grande usine à Boucherville au Québec. Moi, je suis Jim Keon, président de l'Association canadienne du médicament générique.

Et, aujourd'hui, j'aimerais inviter M. Dupré à poursuivre cette présentation qui s'inspire largement du mémoire que nous avons fait parvenir au secrétariat de la commission la semaine dernière.

Le Président (M. Kelley): M. Dupré.

M. Dupré (Yves): Alors, bonjour...

Le Président (M. Kelley): Bonjour.

M. Dupré (Yves): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Notre association représente un groupe de sociétés qui se spécialisent dans la fabrication de médicaments génériques de qualité à prix abordables de même que dans l'exécution des essais cliniques nécessaires à l'obtention de l'approbation gouvernementale de ces médicaments. Au Québec, notre industrie génère aujourd'hui 4 800 emplois directs, soit près de 25 % de l'emploi total dans l'industrie pharmaceutique, et cela, sans compter des milliers d'emplois indirects que nous soutenons, évidemment. Pour en illustrer le dynamisme, qu'il me suffise de dire que le nombre d'emplois dans l'industrie du médicament générique au Québec a fait un bond de 85 % entre 2001 et 2008, donc en sept ans.

Notre industrie consacre plus de 15 % de son chiffre d'affaires à l'innovation, soit, et cela en surprendra plusieurs, je le sais, deux fois plus - je dis bien deux fois plus - que l'industrie du médicament d'origine. En fait, nous nous distinguons comme l'une des industries québécoises les plus actives en recherche et en développement. Soulignons également que, contrairement à l'industrie du médicament d'origine, notre industrie fabrique elle-même et ici... et ici même la quasi-totalité des médicaments génériques vendus au Québec et au Canada.

Qui plus est, nos exportations, qui représentent 40 % de nos ventes, se font dans plus de 120 pays, ce qui fait de l'industrie du médicament générique l'une des industries québécoises les plus diversifiées sur le plan international. Ce rayonnement international et ce dynamisme ont d'ailleurs été reconnus par la prestigieuse Generic Pharmaceutical Alliance, qui regroupe les plus gros joueurs mondiaux dans notre industrie et qui a choisi de tenir sa 12e conférence annuelle à Montréal à l'automne dernier. Soulignons que c'était la première fois que ce grand rassemblement se tenait au Canada et, en conséquence évidemment, à Montréal.

M. le Président, je conclus cette brève présentation de notre association et de notre industrie en vous rappelant une donnée essentielle. L'an dernier, l'industrie du médicament générique a fait épargner près de 900 millions de dollars au gouvernement du Québec en proposant aux Québécois des solutions de rechange sûres, efficaces, éprouvées et moins coûteuses aux médicaments d'origine. Nous apportons une contribution, croyons-nous, indispensable à notre système de santé. Nous sommes fiers de cette contribution et nous souhaitons non seulement la poursuivre, mais l'accroître dans les années à venir.

M. le Président, vous le savez, l'orientation de notre association est de collaborer avec le gouvernement. Une représentante de notre industrie participe d'ailleurs aux travaux actuels du Conseil du médicament comme membre de la Table de concertation du médicament. Nous avons suivi avec attention le processus de création de l'INESSS et avons étudié avec soin le projet de loi n° 67, évidemment dans la perspective qui est la nôtre, celle du médicament, et non pas de façon plus large, comme d'autres ont pu le faire. Nous constatons que la mission confiée par le gouvernement à cet institut, à savoir, et je cite: «promouvoir l'excellence clinique et l'utilisation efficace des ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux» rejoint par ce fait tout à fait les priorités de notre association.

Nous sommes d'avis que l'intégration du Conseil du médicament et de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé dans un même institut peut nous conduire à une vision mieux intégrée de l'utilisation de l'ensemble des ressources, notamment des médicaments génériques, dans notre système de santé, à la condition bien sûr que les services aujourd'hui rendus par le Conseil du médicament et par l'agence connaissent une amélioration significative suite à cette intégration, à la condition aussi que notre industrie ne soit pas tenue à l'écart de ces changements et que la Table de concertation pour les secteurs de la santé et des services sociaux, prévue au chapitre IV à l'article 40 du projet de loi n° 67, accorde une place au moins... à au moins un représentant de l'industrie du médicament générique, comme le prévoit la composition actuelle de la Table de concertation du médicament. Dans la mesure où nous obtenons des assurances à cet égard, l'Association canadienne du médicament générique se déclare favorable à la mise en place de l'INESSS.

M. le Président, le comité consultatif sur l'économie et les finances publiques vient de nous rappeler, dans son premier rapport intitulé Le Québec face à ses défis, publié en décembre dernier, l'urgence de faire face au défi de la croissance des dépenses en santé, qui représentent aujourd'hui près de 45 % des dépenses des programmes du gouvernement du Québec. Cette croissance est due en particulier - pas uniquement évidemment mais en particulier - à la hausse des coûts des médicaments: 11,6 % au cours des 10 dernières années comparativement à 8,7 % des dépenses en immobilisations et 5,5 % pour la rémunération des médecins.

Or, le gouvernement peut agir sur le coût des médicaments. Nous savons tous que, par rapport aux provinces canadiennes et aux États-Unis, le Québec est malheureusement à la traîne quant à l'utilisation des médicaments génériques. La part des médicaments génériques dans les ventes de médicaments au Québec n'est que de 17,4 %, alors qu'elle est en moyenne de 26,2 % dans les autres provinces canadiennes. Si le taux d'utilisation des médicaments génériques était le même au Québec qu'ailleurs au Canada, le système de santé québécois épargnerait immédiatement 1 350 000 000 $ par année, soit 450 millions de dollars de plus qu'actuellement. Dans ce contexte, nous vous soumettons qu'il est non seulement justifié, mais essentiel d'associer l'industrie du médicament générique à la recherche d'une plus grande efficacité dans l'utilisation des ressources de notre système de santé.

.(10 h 50).

M. le Président, nous croyons que le nouvel institut, l'INESSS, pourrait agir rapidement sur les coûts des médicaments. Comment? D'abord, en reconnaissant les exceptions à la règle actuelle à l'établissement des prix, la fameuse formule 60 %-54 %, avec laquelle j'imagine vous êtes familier, et l'application du prix maximum payable. De telles exceptions existent déjà, par exemple, pour les produits génériques qui sont fabriqués à partir de technologies dispendieuses ou d'ingrédients coûteux. Mais d'autres modifications devraient être apportées à la Politique du médicament pour corriger les iniquités et les aberrations de ce système qui, un, dissuadent les patients d'utiliser certains médicaments génériques, parce que finalement ils doivent débourser pour les obtenir, deuxièmement, engendrent des coûts supplémentaires pour le gouvernement et, finalement, qui entravent le développement de futurs produits génériques. Le problème que j'évoque est fort bien illustré dans le tableau qui se trouve en page 5 de notre mémoire.

Voilà pourquoi notre association fait une recommandation sur cette question et demande au gouvernement du Québec de travailler de concert avec l'industrie du médicament générique en vue de définir des critères qui détermineraient les produits qui feraient exception à la règle du 60 %-54 %, deuxièmement, en accélérant l'inscription des produits pharmaceutiques génériques à la liste du médicament. Le gouvernement d'ailleurs a reconnu, au moment de la Politique du médicament, cette nécessité, qui apparaît d'ailleurs dans la politique. Et certaines mesures ont été adoptées dans ce sens, mais on pense qu'il reste encore beaucoup à faire. Par exemple, on tarde à mettre en place un mécanisme administratif permettant de modifier rapidement la liste des médicaments pour les cas de routine. On tarde aussi à procéder à la diffusion officielle de la liste des médicaments du RGAM et de la liste des médicaments par l'intermédiaire d'un site Web.

Voilà pourquoi notre association demande au gouvernement de tout mettre en oeuvre pour faciliter et accélérer les processus de confection et de gestion en vue de permettre l'inscription des médicaments génériques à la liste des médicaments dès leur approbation par Santé Canada. M. le Président, il n'y a aucun doute dans notre esprit: l'application de ces deux seules recommandations permettrait au gouvernement du Québec de réaliser rapidement des économies notables.

Mais, M. le Président, ces deux actions ne sauraient suffire. Il nous semble évident que, dans le contexte actuel de crise financière, on ne peut poser la question de l'efficacité dans l'utilisation des ressources en santé sans aborder le problème de la règle de 15 ans. Cette règle, unique au Québec, fait en sorte que des médicaments d'origine sont remboursés à leur plein prix, même si leur brevet est expiré et qu'un équivalent générique deux fois moins cher, en moyenne, est disponible. Dans toutes les autres provinces, on paie uniquement les versions génériques abordables dès leur approbation par Santé Canada, et ce, afin de préserver la viabilité des régimes d'assurance médicaments.

Cet avantage consenti aux grandes entreprises de l'industrie du médicament d'origine entraîne une hausse massive et rapide des coûts du régime d'assurance médicaments du Québec. Nous estimons que, pour la seule année 2009, le maintien de ce privilège accordé à l'industrie du médicament d'origine coûte au gouvernement du Québec pas moins de 120 millions de dollars. Et ce coût est appelé à croître encore davantage au cours des prochaines années. Le coût cumulé pourrait, à notre avis, friser le milliard de dollars d'ici cinq ans.

Prenons l'exemple de l'atorvastatin, mieux connu sous le nom de Lipitor. Il s'agit du médicament le plus vendu au Québec avec des ventes de 380 millions de dollars. Il deviendra disponible dans quelques mois en version générique, mais la protection assurée par la règle de 15 ans durera, elle, jusqu'en mars 2012. Le Québec fera donc bande à part au Canada en acceptant volontairement de rembourser le prix du médicament d'origine plus cher, alors que la version générique, beaucoup moins chère, est disponible. Résultat: pour ce seul médicament, le gouvernement du Québec renoncera à des économies mensuelles évaluées à 10 millions de dollars par mois pendant environ 20 mois, soit un total de 200 millions de dollars.

Ce seul exemple illustre bien, à notre avis, que la règle des 15 ans génère des coûts excessifs et n'est visiblement plus adaptée au conseil... au contexte économique et fiscal actuel. Le moment n'est-il pas venu, M. le Président, de débattre franchement de son utilité et de sa pertinence? Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Dupré. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission, une vingtaine de minutes des deux côtés de la table, en commençant avec M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: M. le Président, je vois, il y a quand même deux aspects, on a l'aspect que j'appellerais INESSS puis l'aspect Politique du médicament. Parce que tout ce que vous avez décrit durant la deuxième partie, le brevet, les coûts, ça a beaucoup relation avec la Politique du médicament, qui avait déjà été discutée. Mais ma principale considération aujourd'hui, c'est l'INESSS. Vous, la façon dont vous voyez le Conseil du médicament, étiez-vous satisfaits du fonctionnement du Conseil du médicament auparavant?

M. Dupré (Yves): Bien, comme vous savez, M. le ministre, nos membres sont en relation je ne dirais pas quotidienne, mais hebdomadaire avec le Conseil du médicament. Et le problème, je l'ai évoqué tantôt, que nous rencontrons, c'est celui de l'application du prix maximum payable qui fait qu'à une exception acceptée, dans un premier temps, on applique le prix maximum payable, ce qui fait que finalement on refuse l'exception, à quelque part. Et, dans certains cas, les patients sont obligés de débourser pour avoir le médicament générique, qui, on le sait, coûte 50 % moins cher. Alors, il y a quelque chose d'aberrant.

Et c'est une chose avec laquelle on est aux prises. On en entend parler, nous, à l'association par nos membres, je dirais, une fois par semaine au moins depuis qu'on a commencé à appliquer ça. Alors ça, c'est une chose qui relève en grande partie du Conseil du médicament parce que c'est lui qui applique cette règle-là. Mais, bien sûr, on sait qu'il y a aussi des considérations qui sont du ministère de la Santé dans ce domaine-là et on essaie actuellement de trouver une façon d'en sortir.

M. Bolduc: Vous comprenez que le Conseil du médicament, en s'intégrant à l'INESSS, va continuer à fonctionner de la même façon, à moins qu'on décide de changer la règle. Mais pour vous est-ce qu'il y a des craintes par rapport... de transférer le Conseil du médicament à l'intérieur de l'INESSS?

M. Dupré (Yves): Au moment où on se parle, M. le ministre, je l'ai mentionné au début de l'intervention, vous comprendrez que, quand on a vu la liste des gens que vous avez invités en commission, ici, on a considéré qu'il y avait des gens qui étaient beaucoup plus qualifiés que nous pour discuter des parties, j'appellerais, plus techniques. Alors, nous, quand on regarde ça, à partir des besoins qu'on a, on ne voit pas qu'il y ait, a priori, un problème en autant que les mandats du conseil, et ce que vous venez de dire justement, ne changeront pas.

M. Bolduc: Ce qu'on voit, c'est que ça ne change pas. La proposition, c'est que ça ne changera pas. En plus, il va y avoir également des tables de concertation au même titre qu'on avait le Conseil du médicament.

Puis là j'en profiterais peut-être pour clarifier quelque chose que l'opposition a mentionné tantôt. On pose la question: Au niveau du ministère, pourquoi est-ce qu'on crée l'INESSS pour faire ce genre de choses là? Ce que je veux mettre très, très clair: actuellement, pour le ministère, ceux qui font l'évaluation, autant au niveau du médicament que des technologies, on a deux organismes qu'on finance déjà. L'argent est déjà là. Et ce n'est pas de la nouvelle argent qu'on va prendre pour créer l'INESSS, c'est l'argent qui est déjà disponible, qu'on transfère à l'INESSS, où là on va avoir une meilleure productivité, une meilleure vue d'ensemble.

Ça fait qu'à la question: Avec le 27 milliards, qu'est-ce qu'on a fait?, c'est que, dans le 27 milliards, il y a de l'argent qui va à l'AETMIS, il y a de l'argent qui va au Conseil du médicament, parce que ce sont nos organismes pour faire les évaluations, et on prend cet argent-là, on la transfère dans la nouvelle structure qui est l'INESSS, et l'INESSS, elle, va avoir le même mandat, mais également on va l'élargir avec les guides de pratique. Puis on pense que ça va être évidemment plus productif parce qu'il va avoir les services sociaux, qui étaient déjà ajoutés récemment à l'AETMIS, mais on va également avoir une vision plus globale, si, mettons, on utilisait le mot «holistique» que j'aime bien.

Donc, la notion de dire: On crée une nouvelle structure, non, on prend deux structures, on en crée une et on prend le même argent. Puis ça, je veux le répéter, c'est important. Si on me demande: Le ministère est-il capable de le faire?, le ministère le fait déjà. Et ce que le ministère fait, ça s'appelle l'AETMIS et le Conseil du médicament. Donc, il n'y a pas d'autre structure à créer, là, on l'a déjà, puis qu'on transfère à l'intérieur de l'INESSS. Et puis, ça, je pense, c'est important. Parce que, ce matin, on avait l'air de dire qu'on créait une nouvelle structure, puis qu'on remettait de l'argent, puis qu'on était capables de faire ça avec notre 27 milliards. Dans le 27 milliards, l'argent était déjà là, et on l'utilise différemment. D'ailleurs, c'est un geste de bonne gestion parce qu'on va utiliser le même argent, et on va être plus productifs à cause de la structure qu'on est en train de se donner.

M. Dupré (Yves): C'est de là, M. le ministre, que vient notre accord. Nous, c'est ce que nous avions compris.

M. Bolduc: Oui. Et puis là-dessus je peux vous assurer qu'on va continuer à avoir des collaborations parce que c'est... Également avec les compagnies pharmaceutiques novatrices, les génériques, je pense qu'au Québec on s'est donné une structure particulière.

Pour répondre à la question du 15 ans, bon, au Québec, c'est une décision qui, encore là, est une décision politique. Nos compagnies novatrices... Puis vous avez fait mention que vous investissez beaucoup aussi. Mais, les compagnies novatrices, on a décidé d'offrir un certain avantage en leur prolongeant le brevet, en sachant également qu'ils vont faire de la recherche fondamentale au Québec, ce qui, en fin de compte, se réalise.

  Je sais qu'il y a peut-être des oppositions par rapport à vous. Donc, c'est des discussions, bien, je vous dirais que je ne veux pas les faire dans le cadre de l'INESSS. On les fera dans le cadre de la Politique du médicament. Et puis je sais qu'il y a des interventions que vous pouvez faire au niveau politique pour que votre dossier puisse évoluer. Là-dessus, je vous remercie.

Dernière question: Êtes-vous très favorables à la formation de l'INESSS?

.(11 heures).

M. Dupré (Yves): Nous sommes favorables, nous l'avons dit, et je n'ai pas d'hésitation à le répéter. Par contre, permettez-moi de relever, M. le ministre, quand on parle... vous parlez, à l'intérieur du projet de loi, d'efficacité, évidemment, je tiens à répéter que, nous, quand on voit «efficacité» en termes de générique, on pense à une utilisation accrue du générique, et c'est comme ça qu'on en arrive à parler du prix maximum payable et, au bout de la ligne, de la règle de 15 ans.

Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci, M. le Président. Dans votre présentation, vous exprimez le souhait d'être un représentant de la table de concertation. On sait qu'en vertu de l'article 40, cette table de concertation a un mandat conseil dans la détermination des sujets prioritaires à examiner par l'INESSS et que l'article 40 prévoit aussi... elle va rassembler des intervenants à qui peuvent s'adresser les recommandations, les recommandations et les guides. Alors, ma question serait la suivante par rapport à votre organisme: Quel pourrait être votre contribution particulière sur cette table? Quels seraient les principaux éléments pour votre présence sur cette table?

M. Dupré (Yves): D'abord, je tiens à dire, à répéter en fait, qu'on a déjà une personne qui représente l'association à la Table de concertation du médicament actuelle. Évidemment, on espère que ça va se poursuivre avec la nouvelle table. Et c'est clair qu'à ce moment-là nous avons dans nos entreprises membres ici, au Québec, plusieurs spécialistes dans différents domaines du médicament mais aussi de la recherche clinique. Et, dépendant des besoins de la table, on déléguera là des personnes qui sont spécialisées dans ces matières-là. Donc, on va contribuer ce dont la table aura besoin.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci beaucoup. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. M. Dupré, est-ce que vous trouvez que le Conseil du médicament fonctionne bien actuellement? Est-ce qu'il fait bien son travail?

M. Dupré (Yves): Pour nous, de façon générale, pour nos besoins, il y a... je dirais oui, soyons précis, oui.

Il y a deux problématiques avec lesquelles on est aux prises. Je les ai mentionnées. La première, c'est la rapidité avec laquelle... ou la lenteur, je devrais dire, avec laquelle les médicaments génériques sont inscrits au formulaire. Parce que vous comprenez que, si on prend - je donne n'importe quel exemple - quatre mois pour inscrire un produit qui a été approuvé par Santé Canada, durant ces quatre mois-là, le gouvernement du Québec se prive des économies qu'il pourrait réaliser si le médicament était sur le formulaire. À la loi n° 130, il a été prévu que ce serait accéléré. Il y a eu des mesures de prises, mais on est encore loin du compte. Alors ça, c'est la première chose qu'on dit et qu'on répète.

La deuxième, bien, j'en ai parlé tantôt et je ne voudrais pas entraîner la commission dans les détails du prix maximum payable parce que ceux qui en ont entendu parler savent que c'est une plomberie assez complexe, mais c'est un système qui actuellement...

M. Drainville: ...M. Dupré, là, parce qu'il y en a quelques-uns quand même qui nous écoutent, là, êtes-vous capable de résumer c'est quoi, ça, le prix maximum payable...

M. Dupré (Yves): Oui. C'est que...

M. Drainville: ...avec toute la vulgarisation dont vous savez faire preuve?

M. Dupré (Yves): Oui. Oui, en effet. Le gouvernement... Écoutez, je vais commencer par le 60 %-54 %. Il faut vraiment reculer de deux pas, là. Un produit générique qui arrive au marché, son prix est fixé en fonction du prix du médicament d'origine. Le premier générique arrive, il est à 60 % du prix d'origine puis...

M. Drainville: Le générique, c'est la copie. C'est la copie de l'original, hein?

M. Dupré (Yves): C'est une copie conforme, approuvée par Santé Canada. Alors, quand il arrive, il est... le premier est donc à 60 % et le deuxième est à 90 % de ça, c'est pour ça qu'on parle de 54 % comme prix fixé. Maintenant, le gouvernement reconnaît que certains génériques qui sont de source unique ou qui utilisent des technologies très pointues pour les fabriquer peuvent demander des prix différents et donc supérieurs au 60 %-54 % en question, et ça, il y a des reconnaissances qui sont faites par le Conseil du médicament de certains génériques dans ces cas-là.

Alors, depuis l'application ou la mise en oeuvre du prix maximum payable, il arrive maintenant que l'on accepte l'exception dans certains cas. Je ne vous dis pas que c'est généralisé, là, mais, dans certains cas, on accepte l'exception en disant: Oui, c'est vrai, ce médicament devrait se vendre plus cher par... pour telle, telle, telle raison. Mais, de l'autre main, on applique le prix maximum payable, qui, lui, dit que c'est 60 %-54 %. Alors, c'est comme de dire: Oui, vous pouvez le vendre plus cher, mais, non, vous ne pouvez pas le vendre plus cher. Et, quand on applique ça, et c'est là que ça devient une plomberie un peu complexe, là, mais il arrive, dans certains cas, que le patient qui requiert ce médicament générique doive débourser un montant d'argent, pour obtenir le générique, additionnel à ce qu'il paierait habituellement, ce qui est aberrant quand on sait que le médicament générique en moyenne coûte 50 % moins cher.

M. Drainville: Donc, vous, votre proposition, c'est de dire... pour régler cette plomberie, disons, c'est de dire: Dès qu'arrive le générique, on devrait l'offrir, et c'est ce que le patient... enfin, le malade, la personne qui a besoin de ce médicament-là, c'est ce médicament-là qu'elle devrait avoir, et ça permettrait au gouvernement, dites-vous, d'économiser beaucoup d'argent.

M. Dupré (Yves): Oui. Mais disons que là vous combinez, M. Drainville... M. le député, deux processus.

La rapidité d'accès, c'est une chose, et ça, c'est un processus particulier qui fait qu'actuellement, si on veut, pour faire une... Pour faire une image, les gens sont en ligne pour inscrire leurs médicaments. Devant nous, il y a des gens qui ont des médicaments d'origine dont la... le processus d'approbation est beaucoup plus long que le nôtre. Nous, quand c'est approuvé à Santé Canada, c'est une formalité de l'inscrire sur le... ici. Alors, quand on est en ligne, qu'on attend derrière, bien, évidemment, le temps s'écoule - dans certains cas, comme je disais tantôt, ça peut être trois, quatre, cinq, six mois - et là il y a des économies qui sont perdues parce que le médicament n'est pas disponible. Ça, c'est un premier processus.

L'autre processus, c'est qu'il y a des fabricants de génériques qui demandent au Conseil du médicament la possibilité de faire en sorte que leurs médicaments, pour x raisons qui sont assez complexes ou enfin qui sont bien connues, devraient pouvoir se vendre à un prix supérieur au 60 %-54 %. Il y a un morceau qui dit: Oui, parce qu'effectivement vous utilisez une technologie particulière, ou: Oui, parce que c'est un médicament de source unique, c'est-à-dire, en d'autres mots, il n'y a personne d'autre qui en fabrique, alors il est le seul sur le marché, donc, oui, on reconnaît qu'il pourrait se vendre plus cher. Mais en même temps, de l'autre côté, on vient dire: Écoutez, le prix maximum payable là-dessus, c'est 60 %-54 %.

M. Drainville: J'ai bien compris ça. Mais ce que je voulais dire, c'est qu'une des façons de régler en partie le problème, c'est de donner accès aux médicaments génériques beaucoup plus rapidement que ce n'est le cas présentement.

M. Dupré (Yves): Absolument.

M. Drainville: À ce moment-là, la règle du 60 %-54 %, elle devient secondaire puisque le médicament générique est celui qui est donné au patient.

M. Dupré (Yves): Je ne suis pas sûr que je comprends bien votre question.

M. Drainville: Actuellement, ce que je comprends dans votre mémoire, puis peut-être que je comprends mal, mais ce que je comprends, c'est que, quand le médicament générique est disponible, au Québec il n'est pas nécessairement offert immédiatement au patient.

M. Dupré (Yves): Première chose.

M. Drainville: C'est exact ou pas?

M. Dupré (Yves): Oui.

M. Drainville: Et, vous, vous dites...

M. Dupré (Yves): Il arrive qu'il prenne... ça prenne un certain temps.

M. Drainville: Bon. Alors, est-ce qu'il y a moyen d'accélérer cet accès-là? La réponse, c'est oui.

M. Dupré (Yves): Oui.

M. Drainville: Et vous dites: Si on donnait accès à ce médicament-là plus rapidement, si on donnait accès à la copie plus rapidement, ça permettrait au trésor public d'épargner des sous puisque le médicament générique coûte moins cher que le médicament d'origine.

M. Dupré (Yves): Parfaitement.

M. Drainville: On s'entend là-dessus?

M. Dupré (Yves): Oui.

M. Drainville: Bon, alors, c'est quoi... Qu'est-ce que je comprends mal, alors?

M. Dupré (Yves): C'est qu'en fait le processus d'accès, comme vous venez de le mentionner, oui, c'est une donnée. L'autre donnée... Je reprends l'exemple de Lipitor, que je donnais tantôt. Lipitor, son brevet vient à échéance dans quelques mois. Lipitor va devenir... Il y aura un générique qui va apparaître dans quelques mois. La règle de 15 ans au Québec fait en sorte que le gouvernement du Québec va continuer de rembourser le Lipitor à son prix d'origine. Disons, grosso modo, 50 %. Ça fait des sommes extraordinaires, et ça, jusqu'en 2012. C'est pour ça que, nous, on se sent obligés, quand on parle d'efficacité, de ramener sur la table la question de la règle de 15 ans, qui ne répond plus, à notre avis, aux objectifs qui étaient là lorsqu'elle a été mise en place.

M. Drainville: Mais vous connaissez la réponse de l'industrie du médicament d'origine...

M. Dupré (Yves): Très bien.

.(11 h 10).

M. Drainville: ...à cet argument-là. Ils vont vous dire: Si on met fin à la règle du 15 ans ou la règle des 15 ans, le Québec va perdre non seulement des investissements, mais peut-être même aussi des centres de recherche, des sièges sociaux, des centres de fabrication, etc. Vous, vous avez l'air à dire, si je vous comprends bien, que les avantages économiques, appelons-les comme ça, liés à la règle du 15 ans ne sont plus ce qu'ils étaient ou ne sont pas... sont inexistants ou sont à peu près inexistants. En d'autres mots, ces avantages-là ne justifient pas le maintien de cette règle de 15 ans. Je vous comprends bien?

M. Dupré (Yves): Oui. Si vous permettez, le gouvernement du Québec a produit, je crois que c'est en 2007, une étude coût-bénéfice sur la règle de 15 ans. Il en arrivait, à ce moment-là, à la conclusion que la règle de 15 ans coûtait, oui, parce qu'on rembourse des médicaments qui sont... pourraient coûter moins cher, et pour d'autres raisons coûtait... c'est-à-dire rapportait au gouvernement environ 30 millions. Donc, le rapport coût-bénéfice était favorable au gouvernement et donc à la règle de 15 ans. Mais la règle de 15 ans fait en sorte que les médicaments qui sont couverts changent à chaque année, évidemment, puisqu'il y en a qui apparaissent, il y en a qui disparaissent. Cette année, c'est-à-dire 2009, c'est 120 millions, qu'elle va coûter, la règle de 15 ans. Alors, le 30 millions...

M. Drainville: C'est la différence entre le prix du générique et le prix de l'original.

M. Dupré (Yves): Exactement. C'est ça.

M. Drainville: Et, vous, ce que vous soutenez, c'est que ce 120 millions là n'est pas compensé, selon vos calculs, n'est pas compensé par soit des investissements, soit des emplois ici, au Québec, etc.

M. Dupré (Yves): Ce n'est plus le cas, effectivement.

M. Drainville: Ce n'est pas compensé par les retombées économiques qui découlent de cette règle de 15 ans.

M. Dupré (Yves): Exactement.

M. Drainville: Et ça, vous basez ça sur des calculs que vous avez faits, vous?

M. Dupré (Yves): Des calculs qu'on a faits, nous...

M. Drainville: Parce que vous admettrez avec moi, là, qu'on s'embarque dans un méchant débat, là. Il faut que vous soyez capable de soutenir ça, vous, là, là.

M. Dupré (Yves): Ah! parfaitement! Veux-tu intervenir, Daniel?

Le Président (M. Kelley): M. Charron.

M. Charron (Daniel): Juste pour être plus... continuer sur ce que M. Dupré disait tout à l'heure dans sa présentation, lorsqu'il disait: Est-ce qu'il n'est pas le temps d'ouvrir ce débat-là?, nous, ce qu'on a regardé de notre côté, c'est l'évolution du coût de la règle, comparé le 30 millions qui avait été évalué, comme M. Dupré le disait, en 2005, par rapport à actuellement, puis en se projetant un peu dans l'avenir, c'est pour ça qu'on regardait aussi dans l'avenir, puis on en arrive à un coût cumulé, là, sur les cinq prochaines années, qui frise le milliard de dollars. Nous, on a regardé le côté des coûts, quel est le coût de cette règle-là.

M. Drainville: Cinq milliards, vous dites?

M. Charron (Daniel): Sur les cinq prochaines années, qui friserait le 1 million de... 1 milliard de dollars, pardon.

M. Drainville: O.K.

M. Charron (Daniel): Donc, nous, c'est ce qu'on a regardé de notre côté. Est-ce que c'est compensé ou non par de l'activité économique, par des retombées fiscales et économiques de l'industrie du médicament d'origine? Nous, ce qu'on prétend de notre côté, c'est que l'industrie du médicament d'origine vit des difficultés, là, au... depuis les dernières années, que ce soit au nombre... en termes d'emplois, que ce soit en termes d'investissements. Et puis les nouvelles ne sont pas très positives, lorsqu'on regarde l'actualité, les journaux, concernant l'industrie du médicament d'origine. Donc, il y a lieu, à notre avis, de refaire ces calculs-là pour évaluer si l'impact est encore aussi positif qu'il l'était. Et, comme le coût a augmenté beaucoup, notre présomption, c'est que le gain-bénéfice n'est plus ce qu'il était lorsqu'on regarde la règle des 15 ans.

M. Drainville: Mais, M. Charron, pour que vous puissiez en venir à une conclusion comme celle-là, il ne s'agit pas juste de calculer la différence de prix entre le médicament générique et le médicament d'origine. Il faut que vous soyez également capables de mettre dans votre équation les avantages fiscaux et économiques liés à la règle du 15 ans, donc ce que ça nous rapporte ici, au Québec. Donc, vous avez visiblement fait ce calcul-là.

M. Charron (Daniel): Nous, on a fait le calcul au niveau de la... du coût de la règle des médicaments. Vous n'êtes pas sans savoir par contre, M. le député, qu'il y a d'autres mesures et d'autres avantages qui sont consentis à l'industrie du médicament d'origine, qui font en sorte qu'elle se développe ici puis qu'elle investit ici. Qu'on pense aux crédits d'impôt sur la recherche et développement, qu'on pense à d'autres mesures qui jouent certainement plus fort que la règle des 15 ans dans la prise de décision au niveau de l'investissement, au niveau de l'emploi puis au niveau de la recherche et développement.

M. Drainville: O.K. Mais est-ce que c'est possible pour vous de fournir à cette commission les calculs sur lesquels vous vous basez pour évaluer les retombées fiscales et économiques liées à la règle du 15 ans, les calculs que vous faites et qui vous amènent donc à conclure que finalement le Québec n'est pas si gagnant que ça ou pourrait même être perdant?

M. Charron (Daniel): Nous, ce qu'on pourrait partager avec les membres de la commission, c'est le calcul au niveau des coûts de la règle des 15 ans. Nous, ce qu'on a fait, c'est qu'on a regardé les molécules, les médicaments qui sont actuellement couverts par la règle des 15 ans. On a projeté dans l'avenir, en regardant les médicaments, comme Yves... M. Dupré le disait, qui vont sortir et vont entrer, et donc, nous, au niveau des molécules qui sont concernées, des prix d'origine versus génériques qui concernent ces médicaments, on peut certainement partager ça rapidement avec les membres de la commission.

M. Drainville: O.K. Mais sur l'avantage ou le gain fiscal et économique lié à la règle du 15 ans, ça, vous n'êtes pas disposés à nous fournir vos calculs?

M. Charron (Daniel): Bien, pour nous... je veux dire, pour nous, on a des outils limités pour l'évaluer, étant donné, comme je vous disais... il y a de l'interférence de d'autres mesures, qui interviennent et qui sont difficiles à dissocier. Qu'est-ce qui fait qu'une décision d'investissement se produit? Est-ce que c'est parce qu'il y a un crédit d'impôt sur la recherche et développement? C'est-u parce qu'il y a une présence universitaire très forte au Québec ou c'est parce qu'il y a la règle des 15 ans? Dissocier chacun de ces éléments-là est un travail très difficile.

M. Drainville: Mais ça ne vous empêche pas de conclure qu'au solde il pourrait y avoir une différence de 1 milliard au bout de cinq ans.

M. Charron (Daniel): Exactement. Donc là, on regarde du côté des finances publiques, ce qu'il en coûte au gouvernement. Lorsqu'on regarde l'an dernier, où 120 millions de dollars... on a évalué le coût de la règle des 15 ans, puis que ce coût-là a été évalué à 30 millions de dollars il y a cinq... il y a 10... il y a cinq ans, on se pose la question: Comme ce coût a quadruplé au cours des quatre à cinq dernières années, est-ce que ce rapport, qui était bénéfique en 2005, l'est toujours aujourd'hui?

M. Drainville: Mais, si je vous comprends bien, et je vais conclure là-dessus, là, quand vous dites: L'écart pourrait s'élever jusqu'à 1 milliard sur cinq ans, 1 milliard, donc, qui est le cumul des cinq années, ça, c'est la différence entre le prix du générique et le prix de l'original?

M. Charron (Daniel): Tout à fait.

M. Drainville: L'industrie du médicament d'origine pourrait arriver et soutenir que, ce milliard-là, on l'obtient autrement: par des emplois, des investissements, des... etc. Donc, ils pourraient arriver, eux, avec un calcul que vous n'avez pas, me dites-vous, ou en tout cas que vous n'avez pas fait dans le détail, qui pourrait démontrer que l'écart de 1 milliard que nous payons pour la règle du 15 ans, donc pour acheter ou rembourser des médicaments qui ont un prix plus élevé, des médicaments d'origine, ce milliard-là, on le récupère autrement, par des investissements économiques et par des retombées fiscales. Exact?

M. Charron (Daniel): Ce qu'il faudrait démontrer de leur côté, c'est que les autres mesures et les autres avantages ne sont pas venus justifier ces décisions-là. Ça va être très difficile d'isoler le coût de 1 milliard et d'estimer ce que ce coût gouvernemental a rapporté en termes fiscaux et économiques. Et il sera, à mon avis, impossible de démontrer que les retombées seront supérieures pour l'effet de la règle des 15 ans elle-même. En...

M. Drainville: Oui, je comprends, mais...

M. Keon (Jim): Mais, M. le député, nous voyons que les emplois dans le médicament de marque au Québec diminuent, nous voyons que la recherche au Québec par les compagnies de médicaments de marque diminue depuis des années, nous voyons que les coûts de la règle de 15 ans augmentent beaucoup, beaucoup. Il y a deux ans, le gouvernement a coupé les prix des médicaments génériques par 20 %. Alors, l'écart a augmenté beaucoup. Et, si c'est utile pour le comité, on peut faire une étude plus détaillée sur les coûts et les avantages de la règle de 15 ans et...

M. Drainville: Moi, je le souhaiterais.

M. Keon (Jim): O.K.

M. Drainville: Je le souhaiterais.

M. Keon (Jim): Nous sommes prêts d'envoyer...

M. Drainville: Vous allez l'envoyer à la commission?

M. Keon (Jim): Certainement. Certainement.

M. Drainville: Ce serait très utile, M. Keon, je vous remercie beaucoup. Je sais que c'est périphérique à la discussion, mais c'est tellement important pour d'abord l'avenir de notre système de santé puis dans le contexte du débat budgétaire dans lequel on est, là. Je pense que ce serait très utile.

Il me reste seulement quelques minutes avant de céder la parole à mon collègue de Saint-Jean. M. Dupré, tout à l'heure, je vous demandais: Le Conseil du médicament, est-ce qu'il fait bien son travail actuellement? Vous dites: En un mot, oui, il fait bien son travail. Tout à l'heure, le ministre vous posait la question: Est-ce que vous voyez... Comment vous voyez ça, vous, l'intégration du Conseil du médicament à l'INESSS? Vous avez dit: On ne voit pas de problème. On ne voit pas de problème. Ce sont les mots que vous utilisiez. Vous ne voyez pas de problème, mais est-ce que vous y voyez des avantages?

M. Dupré (Yves): Nous, on pense... Écoutez, ce qu'on a constaté en prenant connaissance du projet de loi, je suis obligé de répéter ce que M. le ministre disait tantôt, c'est qu'il y a deux organismes existants, avec des budgets, des budgets déjà votés. On va les mettre ensemble, c'est ce qu'on a compris, et, les mettant ensemble, on va créer un nouvel organisme plus efficace. Est-ce qu'il sera précisément plus efficace? Comme je vous disais tantôt, il y a des gens qui vont venir ici vous en parler mieux que nous. Mais, nous, quand on regarde l'efficacité, on en arrive à des questions qui ont trait aux éléments que j'ai soulevés tantôt. Donc, conséquemment, on se dit: A priori, on ne voit pas, s'il n'y a pas de changement de mandat, on ne voit pas quel problème ça pourrait causer à l'industrie du médicament générique que la création de l'INESSS.

M. Drainville: O.K. Mais peut-être que j'ai été distrait, là, mais ma question, c'était: Est-ce que vous y voyez des avantages par rapport à la situation actuelle? Je ne vous entends pas dire que vous y voyez des avantages. Vous n'y voyez pas...

M. Dupré (Yves): On n'a pas fait cet examen-là. On prend pour acquis qu'en intégrant les deux organismes en question on va avoir une plus grande efficacité. Nous, on dit: Oh! si vous voulez une plus grande efficacité, il y en a aussi une à utiliser plus de génériques.

.(11 h 20).

M. Drainville: Voilà. Une très, très courte question sur l'article 19: «Le seul fait pour un membre du conseil d'administration ayant la qualité d'administrateur indépendant de se trouver, de façon ponctuelle, en situation de conflit[...], n'affecte pas sa qualification.» Il y a plusieurs groupes qui nous disent: Il faut retirer ça du projet de loi. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'il faut retirer l'article 19 du projet de loi?

M. Dupré (Yves): Ça, je dois vous répéter ce que je disais tantôt, ce n'est pas une chose sur laquelle on s'est penchés, considérant qu'il y a des gens ici qui sont mieux placés que nous pour se prononcer là-dessus.

M. Drainville: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Oui. Tantôt, vous avez parlé de votre réflexion sur l'INESSS, donc l'Institut national d'excellence, puis voir que vous n'avez... vous ne voyez pas nécessairement, là, d'avantage parce que vous supposez que ça va demeurer en fonction des mandats des deux organismes qui sont fusionnés. Le groupe juste avant vous, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, dans son mémoire, mentionne l'absence d'une mission claire concernant l'évaluation de la qualité de l'utilisation des médicaments. Donc, eux ne voient pas, dans le projet de loi n° 67, cette mention-là, qui était en ce moment dans un mandat du Conseil du médicament. Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Voyant ça, c'est quoi, votre position à ce sujet-là?

M. Dupré (Yves): Je me vois obligé de répéter ce que je signalais tantôt. J'ai bien entendu d'ailleurs les représentants du syndicat des fonctionnaires faire mention de ça. Et, comme je vous dis, nous, nous l'examinons sous l'angle du médicament générique. C'est notre spécialité. Nous ne sommes pas des spécialistes du réseau de la santé de façon générale, alors on n'a pas poussé notre réflexion là-dessus. C'est sûr que, pour nous, s'il y a des gens qui sont spécialisés et qui font cette mention-là, bien j'imagine qu'ils l'ont fondée sur quelque chose. On ne voudrait pas, nous, faire des affirmations dans des secteurs où on n'est pas spécialisés.

Le Président (M. Kelley): Alors, sur ça, M. Keon, M. Dupré, M. Charron, M. Bergeron, merci d'avoir partagé votre perspective avec les membres de la commission.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 11 h 30 et je vais demander aux représentants... le Collège des médecins du Québec de prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 11 h 22)

 

(Reprise à 11 h 31)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Notre troisième témoin ce matin, c'est le Collège des médecins du Québec, représenté par le Dr Yves Lamontagne, qui est le président et directeur général. Alors, Dr Lamontagne, la parole est à vous.

Collège des médecins du Québec (CMQ)

M. Lamontagne (Yves): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les parlementaires, permettez-moi de vous présenter, pour ceux qui ne le connaissent pas déjà, le Dr Yves Robert, qui est le secrétaire général du CMQ.

En passant, c'est la première fois que je m'entends appelé comme témoin. La dernière fois que j'ai entendu ça, j'étais en cour, ça fait que j'ai un peu peur, là, à matin. Il n'y a pas de danger, hein, M. le Président?

Le Président (M. Kelley): Non, pas du tout.

M. Lamontagne (Yves): Non? Bon. Parfait.

M. Bolduc: Pas de notre côté non plus.

Le Président (M. Kelley): Je n'ai pas dit «banc d'accusé».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Alors, voilà. Le Collège des médecins évidemment vous remercie de nous permettre de vous présenter nos réflexions sur le projet de loi n° 67 qui crée l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

Qu'il me soit permis d'exprimer clairement, dès le départ, notre accord avec la création de cette nouvelle institution qui devrait permettre de mieux intégrer dans les pratiques professionnelles des nouvelles technologies et des nouveaux médicaments, de retirer les pratiques et les technologies ou les médicaments qui sont désuets, de normaliser les pratiques partout au Québec pour atteindre des standards de qualité qui sont reconnus partout. Plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne et la France, vous le savez, se sont dotés d'institutions similaires qui ont démontré leur pertinence avec les années. La mission du collège étant de promouvoir l'exercice d'une médecine de qualité et de protéger le public, évidemment il est tout naturel pour nous de supporter la mise en place d'une institution qui sera outillée pour permettre de poursuivre le même objectif. Voilà pourquoi le conseil d'administration du collège avait accepté de nommer d'ailleurs le secrétaire de l'ordre, le Dr Robert, comme membre du Comité d'implantation de l'Institut national, présidé alors par M. Claude Castonguay.

Je commenterai maintenant certains articles du projet de loi dans le but d'alimenter votre réflexion dans ce processus qui mènera éventuellement vers son adoption.

Tout d'abord, la mission de l'INESSS. Nous observons que le nom même du nouvel institut regroupe sous le même toit une préoccupation à la fois touchant les meilleures pratiques dans le domaine de la santé, mais également dans le domaine des services sociaux. À cet égard, nous croyons que le Québec fait preuve de continuité et d'innovation.

De continuité, d'une part, parce que, dès sa création en 1970, une volonté politique avait clairement été exprimée de regrouper sous une même administration les services de santé et les services sociaux. Cette orientation est unique au Canada. Certains critiques y voient une lourdeur administrative et déplorent que les services sociaux soient moins considérés que les services de santé; d'autres y voient au contraire une opportunité de prévenir un fonctionnement en silo qui défavoriserait la prise en charge globale du patient qui vit le plus souvent des problèmes personnels et de santé simultanés et qui doivent être pris en charge, bien sûr, par des équipes de soins qui sont unifiées.

D'innovation, d'autre part, parce que de regrouper dans une institution responsable d'étudier les meilleures pratiques professionnelles à la fois dans le domaine de la santé et des services sociaux sera un modèle unique. Les dirigeants des institutions européennes analogues consultés à l'occasion des travaux du comité d'implantation ont d'ailleurs exprimé beaucoup d'intérêt, de curiosité et d'encouragement à s'engager dans cette direction, déplorant eux-mêmes de ne pas pouvoir explorer, par leur mandat limité, ces possibilités d'améliorer les pratiques et les outils professionnels qui sont relatifs aux effets sur la santé des conditions de vie des patients. Voilà donc une orientation à laquelle nous souscrivons mais qui, par son aspect innovateur, méritera sans aucun doute d'être évalué, comme cela est prévu d'ailleurs dans le projet de loi, au moins sur une base quinquennale.

L'article 5 précise en 11 points la mission de l'INESSS. Les alinéas 2° à 5° concernent l'élaboration et l'implantation de guides de pratique professionnelle. À ce sujet, il nous apparaît incontournable que, dans l'exercice de ces mandats, l'INESSS devra s'associer naturellement aux ordres professionnels qui produisent également dans leur mission de protection du public et de promotion de la pratique professionnelle de qualité des guides d'exercice, des lignes directrices et d'autres normes professionnelles. Il serait malvenu que des priorités ou des agendas diffèrent dans la production et l'implantation de tels guides entre l'INESSS et les ordres professionnels. Nous comprenons qu'une telle coordination, incontournable et nécessaire, devrait s'effectuer par le biais de la table de concertation qui est prévue à l'article 40. Nous y reviendrons.

Les alinéas 8° et 9° précisent les mandats de l'INESSS relativement aux médicaments. Il en est de même de l'article 7 du projet de loi. Notre préoccupation à cet égard est une mise en garde auprès des dirigeants du futur institut relativement à la difficulté que nous pressentons de maintenir un équilibre dans l'allocation des ressources de l'institut pour répondre adéquatement à ses différents mandats. La place qu'occupera le médicament risque d'être dominante, ne serait-ce qu'à cause des intérêts économiques et des pressions de l'industrie pharmaceutique. Nous l'observions déjà au Conseil du médicament. Il ne faudrait pas à la longue que la mission de l'INESSS soit détournée et concentrée sur la seule innovation pharmaceutique. Le conseil d'administration de l'institut devra donc en être avisé et rester vigilant.

Enfin, nous constatons, entre les recommandations du rapport du comité d'implantation et l'article de... et la lecture, dis-je, de l'article 5 décrivant la mission de l'INESSS, que trois mandats proposés ne semblent pas avoir été retenus, soit la révision du panier de services assurés, la gestion de l'obsolescence et l'élaboration d'indicateurs de performance clinique. Ces trois mandats sont liés à l'évaluation critique des pratiques en cours et non pas seulement aux nouvelles pratiques ou technologies vers lesquelles semble concentré le projet de loi. Peut-être y a-t-il des pratiques qui sont devenues désuètes qu'il n'est plus utile ni de poursuivre ni de couvrir financièrement par des fonds publics. L'exemple du dépistage annuel systématique du cancer du col l'illustre bien, et, malgré plusieurs avis pour restreindre et mieux calibrer cet examen, la pratique reste encore très présente. Qui d'autre alors pourrait évaluer ces pratiques? À mon avis, ces trois mandats proposés mais non retenus sont aussi importants. Il se peut par contre qu'ils n'aient pas été retenus soit pour des raisons politiques ou encore parce que cela sera fait ailleurs. Je pense qu'il est... J'attire donc votre attention particulièrement sur ces points.

Le pouvoir de requérir de l'information. Deux articles confient à l'INESSS des pouvoirs de sollicitation d'information.

L'article 9 donne un pouvoir à l'institut, dans le troisième alinéa, je cite, de «requérir des fabricants reconnus, ou qui demandent de l'être, tout renseignement d'ordre pharmacothérapeutique ou pharmacoéconomique concernant un médicament ou tout renseignement concernant les médicaments qu'ils offrent en vente». Cette citation illustre notre préoccupation quant au «pharmacocentrisme» qu'on ressent en filigrane à la lecture du projet de loi. Nous sommes d'avis que cet alinéa ou un autre devrait offrir à l'institut les mêmes pouvoirs auprès des... des fabricants, dis-je, de technologies non pharmacologiques, qui doivent également faire l'objet d'évaluations et qui ne sont pas moins dépourvues de risques potentiels pour le public et d'évaluations de coûts-bénéfices pour les systèmes de soins.

L'article 12 mérite une attention particulière et, devrons-nous dire, suscite une certaine jalousie de notre part. Il est évident qu'une institution qui est vouée à l'analyse et à l'évaluation a besoin d'avoir accès à des données. Nous ne pouvons que souscrire à l'inclusion de cet article qui impose aux organismes publics soumis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels de fournir à l'INESSS, et je cite, «les renseignements non personnels qu'il demande et qui sont nécessaires à l'application de la présente loi». Le deuxième alinéa donne le même pouvoir à l'institut de requérir même des renseignements personnels.

La nécessité d'inclure cet article dans le projet de loi est symptomatique du problème d'accès à l'information que vivent les institutions qui partagent des missions analogues au futur INESSS, dont le Collège des médecins. Jusqu'à tout récemment, nous avions accès à des informations dénominalisées comme les fichiers Med-Écho du ministère de la Santé et des services sociaux et d'autres banques de données similaires dans l'exercice de notre mission de surveillance de la qualité de l'exercice de la médecine. Depuis plusieurs mois maintenant, nous n'avons plus accès à ces informations apparemment à cause des contraintes de la loi précitée et de l'interprétation qu'en fait la Commission d'accès à l'information. Nous avons eu l'occasion de faire part de ces difficultés avec vous, M. le ministre, et nous sommes heureux d'avoir eu une écoute positive de votre part à ce sujet. Nous sommes d'avis que des dispositions similaires au présent article 12 de ce projet de loi pourraient faire l'objet d'un autre projet de loi qui permettrait aux organismes ayant des mandats analogues à l'INESSS, comme le Collège des médecins et d'autres ordres professionnels en santé... aient accès aux banques de données sur la santé, à tout le moins les données qui sont dénominalisées.

.(11 h 40).

La gouvernance de l'INESSS, maintenant. Le chapitre III décrit les principes d'organisation et de gouvernance. L'article 16 décrit les caractéristiques d'indépendance des membres du conseil d'administration. On précise au deuxième alinéa qu'«un membre se qualifie comme indépendant s'il n'a pas, de manière directe ou indirecte, de relations ou d'intérêts, par exemple de nature financière, commerciale, professionnelle ou philanthropique, susceptibles de nuire à la qualité [des] décisions [en] égard aux intérêts de l'institut».

N'aurait-on pas avantage, compte tenu que les principales activités de l'INESSS auront trait à l'évaluation de nouveaux médicaments et de nouvelles technologies de la santé, de préciser qu'un membre du conseil d'administration ne devrait pas avoir d'intérêts dans une compagnie pharmaceutique ou une compagnie impliquée dans une technologie de la santé ou qu'au moins, s'il avait des intérêts dans une telle compagnie, ne devrait-on pas préciser explicitement qu'un tel membre est tenu de se retirer des débats si le produit d'une compagnie dans laquelle il a des intérêts fait l'objet d'une discussion?

À ce point-là aussi, j'ajoute que j'ai un peu de difficultés à comment définir lorsqu'on parle de conflit d'intérêts professionnel ou philanthropique. Je vous donne un exemple bien banal. Si je crois que le vaccin contre le H1N1 est bon au niveau professionnel, est-ce que je suis en conflit d'intérêts avec Glaxo Wellcome? Je m'occupe de la fondation des maladies mentales, est-ce que je suis en conflit d'intérêts avec les compagnies qui produisent des antidépresseurs? Alors, il me semble que c'est un peu difficile, et des fois je me demande si on n'a pas tendance à être plus catholique que le pape. Voilà.

Quant à la table de concertation, bien, on est d'accord avec la mise en place d'une table de concertation dont la composition est «représentative des intervenants et des groupes à qui s'adressent les recommandations et les guides». Une telle instance de planification et de concertation est incontournable à la fois pour coordonner les travaux de l'INESSS avec ceux des ordres professionnels notamment, mais également pour faciliter l'implantation des guides d'exercice. Toutefois, on suggère d'ajouter spécifiquement la table de concertation à l'alinéa 9° de l'article 33 énumérant les comités dont le conseil d'administration doit s'assurer du bon fonctionnement. À la lumière de l'expérience vécue des premières années de la Table de concertation du Conseil des médicaments, il ne nous paraît pas superflu d'inclure une disposition de cette nature.

En ce qui a trait aux effectifs médicaux, l'article 42 précise que «le ministre approuve le plan des effectifs médicaux de l'institut, avec ou sans modifications, en tenant compte notamment des plans régionaux d'effectifs médicaux prévus par la Loi sur les services de santé et les services sociaux». Puisque l'institut aura principalement ses activités à Montréal et à Québec, je présume, il ne faudrait pas que les plans d'effectifs médicaux de ces deux régions soient amputés de postes cliniques desservant la population au profit de l'INESSS. À notre avis, les effectifs médicaux de l'INESSS devraient être calculés en sus des postes cliniques qui sont autorisés dans ces régions.

Et enfin je vous ajouterai deux petits points, page 10, numéro 23, et en rapport avec la page 10, qui concerne la rémunération, et même si, vous savez, le collège étant l'autorité morale et qu'on ne parle jamais d'argent chez nous... On parle que les membres sont non rémunérés. Bien, je me pose certaines questions. Si on veut avoir des experts, par exemple, et ce sont des médecins qui sont en pratique, qui sont payés à l'acte, vous allez avoir beaucoup de difficultés à trouver des experts. Et ça ne tient pas juste pour les médecins, ça pourrait tenir pour les pharmaciens ou d'autres personnes. Et, à mon avis, si on regarde les principes de nouvelle gouvernance, c'est des questions qui sont soulevées en ce qui a trait à la rémunération même dans des organismes gouvernementaux. Il y a des fois, moi, je me dis que la qualité des membres, ça ne s'évalue pas uniquement parce que ce sont des gens qui sont à salaire.

Le deuxième, c'est le président du conseil d'administration. Moi, je pense qu'il devrait aussi être rémunéré. Et, quand je lis l'importance et la grosseur de sa tâche, il préside le C.A., il doit s'assurer du bon fonctionnement du conseil d'administration et des comités du conseil, et Dieu sait qu'il peut y en avoir beaucoup, il doit évaluer la performance des autres membres du C.A., il doit établir des critères, alors je pense que, comme le P.D.G., le président du C.A., ce qui est inclus également dans des principes de nouvelle gouvernance, devrait être également rémunéré.

En conclusion, le Collège des médecins du Québec est favorable à la création de l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux et à l'adoption du projet de loi n° 67 en tenant compte des éléments suivants: en ne limitant pas la mission de l'INESSS aux seules nouvelles technologies, mais en incluant également la révision de technologies ou de pratiques en cours; en élargissant le pouvoir de requérir l'information prévue à l'article 12 à d'autres organismes partageant des mandats qui sont similaires à ceux de l'INESSS, dont le collège et d'autres ordres professionnels en santé; en faisant jouer à la table de concertation prévue à l'article 40 son véritable rôle de coordination et de concertation entre l'INESSS et ses partenaires; en s'assurant que les membres du conseil d'administration de l'INESSS ne se placent pas en situation de conflit d'intérêts lors de l'évaluation de produits pharmaceutiques ou des technologies de santé; en s'assurant que le plan d'effectifs médicaux de l'INESSS n'aura pas d'impact négatif sur le plan d'effectifs médicaux des régions où il tiendra ses activités.

Alors, voilà. Je vous remercie de l'attention que vous porterez à nos suggestions et, bien sûr, c'est avec plaisir que le Dr Robert et moi sommes disposés à répondre à vos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Dr Lamontagne. On va passer à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vais céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: Je retiens vos recommandations, mais on va les regarder de façon attentive. Je trouve que c'est très intéressant. Vous avez très bien compris l'essence de l'INESSS, à tous les niveaux, et puis je pense qu'on va discuter de quelques points, mais je trouve que vos recommandations sont intéressantes.

Je trouve ça très, très intéressant, la mise en garde, parce que, comme de fait, il y a le Conseil du médicament, puis vous êtes le premier à nous laisser savoir: Bien, ça a l'air de prendre beaucoup de place. Pour moi, le Conseil du médicament va continuer comme il l'était à l'intérieur de l'INESSS, mais l'Agence d'évaluation des technologies va continuer également, puis probablement que les deux vont prendre une certaine ampleur, mais il faut qu'il y ait un équilibre. L'autre affaire que je mettrais en équilibre, il faut qu'il y ait un équilibre aussi entre la santé et les services sociaux. Donc, pour moi, je la retiens, cette mise en garde là, puis on va en parler avec les dirigeants. C'est bien important qu'il y ait un équilibre entre les trois, et chacun doit avoir son dû. Et le développement de l'un ne doit pas se faire aux dépens de l'autre.

L'autre élément que je trouve très intéressant, puis ça, on pourrait peut-être en discuter un peu: comme de fait, il y a trois facteurs qu'on n'a pas retenus. Le panier de révision, ce n'est pas qu'on ne pourrait pas demander des avis sur certains éléments du panier de révision, qu'est-ce qu'on devrait... ce seraient quoi, les impacts, les avantages ou les inconvénients soit d'inclure quelque chose ou de l'exclure? Mais on ne voulait pas que l'INESSS soit perçu comme étant l'organisme qui va décider, au Québec, de qu'est-ce que les Québécois vont avoir le droit en termes de services. Par contre, ils peuvent être d'une aide à cause de leur expertise pour nous indiquer c'est quoi, les conséquences. Et ça, je le mettais dans «tout autre mandat». C'est volontaire qu'on n'a pas marqué «comité de révision» parce que, si on avait marqué «comité de révision du panier de services», là, on aurait passé trois jours de commission à discuter de ça. O.K.? Par contre, on va s'en servir pour avoir des avis objectifs, puis après ça - puis ça, je pense que les gens font consensus là-dessus, je n'en ai pas vu un qui s'est opposé à ça - c'est au politique de décider. C'est au gouvernement de décider si, oui ou non, ça va être couvert ou pas. Ça, c'est... Puis je vais vous avouer, oui, ça peut servir à donner des opinions, puis un bel exemple: si on pense qu'une technologie n'est plus du tout utile, bien ce n'est pas le ministre qui sait ça, il faut demander l'opinion des experts, qu'eux autres vont nous dire: Comme de fait, n'étant plus utile, ça devrait peut-être ne plus être couvert.

L'autre chose que je veux également mentionner, c'est que les gens ont l'impression que, si on enlève ce qui n'est pas utile au niveau du panier de services, on va tout enlever. Ce n'est pas vrai, là. Puis le Dr Barrette, là-dessus, je vais le reprendre, il a dit: La journée que vous allez avoir fait l'exercice, là, vous allez voir qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui ne sont pas utiles. Après ça, c'est un choix, qu'est-ce que tu paies ou pas, peut-être en fonction de ta capacité à payer. Mais, dans ce qui se fait au niveau médical, des choses pas utiles, il n'y en a pas tant que ça. Et, quand vous dites... À un moment donné, quelqu'un a dit: Moi, j'ai... tel test n'a pas donné des... ça ne donne pas tant de résultats que ça. Il n'y en a pas beaucoup, des tests comme ça. Ceux qui existaient souvent ont été enlevés.

Je trouve ça intéressant, c'est la notion d'obsolescence, par exemple, parce que... Comme de fait, puis on en a discuté, je suis content que vous l'ayez mentionné, le dépistage du cancer du col, il faut que ce soit revu au Québec. On regarde les normes actuellement, ce n'est pas vrai qu'une femme a besoin du dépistage à chaque année, il y a des conditions qui font que ça pourrait être distancé. Entre autres, juste un exemple, on n'a pas besoin de commencer à 17 ans ou un an après la première relation sexuelle; maintenant, c'est 21 ans, O.K.? Donc ça, ce seraient des choses, puis on en avait discuté, que le mandat de l'INESSS, ils nous font une évaluation avec un beau rapport comme on a vu hier, et puis, à ce moment-là, ça va baser nos guides de pratique. Ça, c'est peut-être quelque chose qu'on va regarder, puis peut-être qu'on pourrait l'inclure dans les choses, de dire: Bien oui, l'INESSS devrait avoir ce mandat-là de rechercher les pratiques obsolètes et, à ce moment-là, s'organiser pour refaire des recommandations. Ça, je pense, ça, c'est très positif.

Les indicateurs cliniques. Ils n'ont pas un mandat spécial par rapport à ça, mais les indicateurs cliniques, moi, je m'attends qu'étant une organisation d'évaluation ils vont nous les donner, hein? On prenait un exemple hier: rétinopathie diabétique. S'ils font une recommandation, à un moment donné, que quelqu'un devrait avoir un examen à tous les six mois, à tel niveau, par un ophtalmologiste, ils vont nous donner l'indicateur clinique. Puis il y a différents indicateurs, puis là c'est intéressant de mettre ça en perspective.

.(11 h 50).

Je veux donner l'explication. C'est que, quand on parle au niveau clinique, on a des indicateurs cliniques. Quand on arrive au niveau administratif, on a des indicateurs administratifs. Puis on a également des indicateurs de gestion de notre organisation de services. Un exemple: en chirurgie, la norme, c'est qu'on devra opérer les patients en électif à l'intérieur de six mois. Donc, ça, moi, je pense que c'est un... ça, c'est un indicateur clinique, mais, nous autres, on va s'en servir également comme indicateur administratif pour dire il y a combien de personnes qui sont opérées à l'intérieur de six mois, et puis on s'attend que 90 % soient opérées à l'intérieur de six mois. Je pense que c'est là-dessus, mais je vais m'attendre à ce que l'INESSS nous donne ces indicateurs-là pour la partie qui les concerne.

Puis juste pour vous mettre en perspective: par contre, l'évaluation du réseau de la santé, du système de santé, ça, c'est au commissaire, ça fait que... Là, c'est important que les gens commencent à comprendre, là, qu'on va tout couvrir mais par des organismes différents. Il faut penser, là, que, s'il fallait que l'INESSS fasse, en plus de ça, l'évaluation du système de santé alors qu'il participe à la progression du système de santé, il serait en conflit d'intérêts. On ne veut pas ça. On ne veut pas de... C'est des personnes objectives extérieures, un genre de vérificateur externe qui nous dit notre état de système de santé, a les indicateurs par rapport au système de santé, qu'on veut partager avec le Canada, qu'on veut partager avec l'OCDE, puis voir où on se situe, puis chercher à s'améliorer. C'est ça, la perspective qu'on veut donner à tout ça.

Maintenant, ce qui vous concerne directement, puis ça, je vais vous poser la question, c'est... Comme de fait, on ne veut pas de duplication. On n'a pas assez d'experts pour dire qu'on va les faire travailler deux puis trois fois sur la même chose, puis on ne peut surtout pas se permettre d'avoir deux guides puis trois guides de pratique différents qui proviennent à peu près des mêmes organisations. Comment vous voyez votre collaboration avec l'INESSS? Puis, moi, si je comprends, ça se pourrait que l'INESSS, dans ses priorités à la table de concertation, pourrait s'entendre avec vous autres que... peut-être un guide de pratique qui pourrait être originaire du collège, comme le collège les fait très bien actuellement. Comment vous voyez ça?

M. Lamontagne (Yves): Bien, je vous répondrais là-dessus, c'est sûr, on vous l'a dit un peu, que, nous, on est prêts à collaborer à 100 %. Évidemment, ça dépend qu'est-ce qu'ils nous demandent. On ne bâtira pas un étage de plus pour engager 12 chercheurs, parce qu'on n'aura pas les moyens de le faire. Mais, pour les choses avec lesquelles on connaît bien - comme les guides, je pense qu'on connaît bien ça - c'est sûr qu'on est prêts à collaborer.

Et c'est un élément intéressant que vous soulevez, parce qu'à mon avis un truc comme l'INESSS, si vous regardez... Je m'amusais, en m'en venant ce matin... Regardez, le collège, nous, on publie des énoncés de position, des lignes directrices, des rapports de groupes de travail, des guides d'exercice, des documentations de référence, des protocoles, des brochures d'information. On en sort pas mal, de stock. Bien là, on n'est pas pour se mettre à se dédoubler avec eux autres en haut. Qu'on travaille ensemble, c'est important. Et là, c'est ça, c'est sans parler des publications qui viennent, je ne sais pas, moi, de l'AQESSS, de l'Association des CMDP, de la RAMQ, du ministère. Vous imaginez le pauvre clinicien qui est en bas, là, puis qui reçoit en plus les rapports de l'AETMIS, puis tout ça, là? Bien, il a de quoi à lire 35 heures par semaine puis arrêter de travailler carré.

Bien, peut-être qu'il faudrait s'organiser pour que ce soit plus efficace, puis qu'il y ait juste une affaire qui est chapeautée par l'INESSS, justement, où il y aurait une centralisation de l'information, tout ça pour arriver à quoi? À une efficacité plus grande, une diminution de l'information qui arrive chez le clinicien de toutes parts, puis qui parfois est contradictoire, une diminution de la bureaucratie aussi, finalement, en bout de ligne, parce que tout le monde met des forces là-dedans, et, au fond, en bout de ligne aussi, avoir une opinion scientifique qui serait complètement uniforme. Et ça, ce serait l'idéal, où tout le monde s'est entendu puis dire: Bien, c'est ça. Jusqu'à temps que la science change. Et ça, je pense que c'est un atout qui est extraordinaire. Et là-dessus, nous autres, c'est évident que vous avez tout à fait notre collaboration.

Maintenant, vous avez mentionné les indicateurs cliniques. Vous savez comme moi qu'au collège on a développé des indicateurs. Et ça, c'est très, très utile. Le problème qu'on a avec nos indicateurs actuellement, c'est qu'on est bloqués à cause de l'accès à l'information, puis on n'a plus accès à Med-Écho, et là, encore, même... puis, nous, on n'a même pas besoin que ce soit personnel, que ce soit dénominalisé, comme on l'avait avant. Si on avait encore ça, on pourrait sans aucun doute aider l'INESSS de façon très, très importante.

Je vous donne juste un exemple là-dessus pour vous montrer, pour les gens qui sont moins au courant que possiblement vous, M. le ministre. À un moment donné, dans une région du Québec, on avait vu, parce qu'on avait des données, qu'il y avait beaucoup, beaucoup de prescriptions d'anxiolytiques chez les personnes âgées. Bien, on a fait un tour, puis on a regardé ça, puis on a développé un atelier sur la prescription d'anxiolytiques spécifiquement pour les médecins de cette région-là, puis on a repris nos indicateurs par après et le taux d'anxiolytiques avait diminué. Alors, vous voyez, je pense que c'est un bon exemple où on peut aller chercher des données de cette façon-là et voir que, quand il y a un problème, on peut trouver la solution au problème et sans en étant, là, à coups de matraque sur les cliniciens en bas, mais en faisant de l'enseignement puis de l'information, et que nécessairement le taux, si vous voulez, de prescription des anxiolytiques chez les personnes âgées dans cette région-là a de beaucoup diminué. Je pense que c'est des bons exemples, ça.

M. Bolduc: O.K. Je vais le retenir, votre exemple, parce que ça fait plusieurs fois qu'on en parle. Quand on s'est rencontrés, en tout cas, je pense que vous allez admettre que j'étais très sympathique à votre cause, là. Le premier élément, puis ça, on va mettre ça clair pour les gens qui nous écoutent, c'est qu'on veut respecter la confidentialité de la personne. Il ne faut pas savoir le nom de la personne, puis on ne veut pas suivre le nom de quelqu'un, puis on ne veut pas faire une étude sur cette personne-là. Excepté qu'on s'est mis tellement dans le partage des données qu'à un moment donné on s'empêche de faire progresser la science qui profiterait à l'ensemble de la population. Et c'est dans ce sens-là qu'il faut qu'on se trouve des mécanismes où on peut partager des données, surtout avec des organismes comme les ordres professionnels dont le but est justement la protection du public, de partager ces données-là pour qu'on en arrive à faire des études, tout en respectant la confidentialité, pour en arriver avec ce que vous avez dit là, travailler avec les professionnels pour avoir des meilleures pratiques. Je pense que c'est l'esprit dans lequel on le fait. Puis, moi, comme ministre, je n'ai pas peur de déplorer des choses, je trouve qu'à un moment donné, au nom de ça, de tellement protéger l'information, on en vient qu'on nuit pratiquement aux gens qu'on serait supposé d'aider. Donc, il y a peut-être ce travail-là à faire, puis ça, je me suis engagé à travailler avec vous autres.

L'objectif de l'article... L'article, il va avoir besoin peut-être d'être rédigé différemment, parce que je pense que vous avez utilisé le bon mot, il faut que ce soit... les données doivent être dénominalisées. Puis, quand on parle de renseignements personnels, parfois ça peut être style... ça nous prend peut-être un numéro de téléphone pour rejoindre... pour faire des études. En tout cas, on va le regarder. Mais l'objectif final, ce n'est pas d'aller dans l'intimité des gens, c'est d'en arriver à utiliser une information pour faire avancer les pratiques puis aider ces gens-là en rétrospective. Moi, je pense qu'on se situe là.

L'autre élément que je veux vous vous rassurer, les effectifs médicaux des gens qui sont au niveau de l'INESSS, là, vous pouvez être certain que ce ne sera pas des gens qu'on va enlever dans les urgences puis au niveau des plans d'effectif des établissements, là, ils n'en ont déjà pas trop. Ça, je tiens à vous rassurer.

Également, la question de la rémunération. Les experts qu'on utilise, on les paie, O.K.? Je pense que la question de la rémunération... Vous, est-ce que c'est plus au niveau des membres de conseil d'administration ou encore des bénévoles experts qui viendraient siéger sur des comités?

M. Lamontagne (Yves): Bien, les gens du conseil d'administration et peut-être aussi, comme vous dites, les bénévoles sur les comités. Vous savez, j'ai déjà dit que souvent le ministère, entre autres, nous demandait d'envoyer du monde du Collège des médecins, puis, à un moment donné, je me suis tanné parce que j'aurais eu une filiale à Québec. Mais, moi, mes gens, je ne les paie pas pour venir à être une filiale du ministère, travailler pour le ministère, je les paie pour faire ce qu'ils ont à faire comme ordre professionnel. Ça fait que tu peux bien être généreux, mais, à un moment donné, tu sais, dire: Lâchez-moi, là! Parce qu'à toutes les semaines je recevais des demandes de faire sur des comités de ci puis de ça. Alors, j'avais réglé ça assez vite, j'avais dit: Si c'est un comité qui est décisionnel, je suis prêt à faire un deal; si c'est un comité, là, qu'on jase tout l'après-midi puis qu'on n'avance pas, ils n'iront pas. Puis c'est comme ça qu'on a tranché la poire à ce moment-là.

M. Bolduc: Je pense que... Oui, Dr Robert.

Le Président (M. Kelley): Dr Robert.

M. Robert (Yves): Pour revenir à votre question antérieure sur la collaboration entre le collège et le futur INESSS, en fait, ce qui nous apparaissait important, c'était non seulement le fait de produire ensemble des guides, mais le fait de déterminer ensemble l'agenda: c'est quoi, les priorités exactement pour éviter que le collège ait des priorités d'un côté, puis l'INESSS ait des priorités de l'autre côté, puis qu'on fasse du travail non pas en le dédoublant, mais en dispersant nos efforts, et ça, ça, c'est une crainte qu'on avait.

Mais on pense qu'avec un outil qui serait efficace, comme la table de concertation pour laquelle j'avoue que le projet de loi nous laisse un peu en appétit parce qu'on ne sait pas trop comment ça va fonctionner, puis c'est un peu compréhensible aussi, là, on pense que ce serait certainement l'outil utile avec des bonnes règles de fonctionnement pour établir un agenda, un calendrier, une façon de produire les guides. Parce que, les ordres professionnels, non seulement c'est important de produire des guides, mais il faut qu'ils soient implantés. Donc, comme des outils d'implantation des guides auprès de l'ordre professionnel, on a un pouvoir que bien d'autres organisations n'ont pas. Puis, avec l'INESSS, eux autres vont avoir les ressources pour être capables de nous alimenter pour avoir les justifications pour soit implanter une nouvelle pratique soit modifier une pratique déjà existante. Donc ça, on voit ça de façon très positive. Et l'avantage d'une table de concertation avec plusieurs autres types de professionnels, ça permet de faciliter le travail interprofessionnel qui était déjà préconisé par le Code des professions. Donc, on voit là une façon de potentialiser les outils qu'on a déjà.

.(12 heures).

M. Bolduc: Ça me permet d'expliquer ma vision de l'INESSS où il y a une grosse valeur ajoutée. Quand on dit: Est-ce que ça... C'est quoi, la différence: Juste garder l'AETMIS - parce que c'est peut-être plus souvent posé comme question - puis c'est quoi, le fait d'avoir une AETMIS, le Conseil du médicament? Y a-tu une valeur ajoutée? Il y en a une grosse. C'est qu'on va avoir une organisation qui va être responsable de la coordination de ce que vous venez de dire.

Moi, la façon dont je le vois. On ne veut pas enlever l'autonomie des différentes sociétés savantes dont le collège est, mais le fait que le collège va rédiger un guide, bien j'imagine qu'il va y avoir une banque de données qui va exister au niveau de l'INESSS, et ensemble vous allez vous entendre: C'est quoi, la meilleure façon de l'implanter et de faire le contrôle?

Et là je tiens à insister. L'INESSS, elle ne deviendra pas responsable de tout, mais elle va être au moins responsable de coordonner pour l'ensemble des ordres professionnels, les sociétés savantes, les associations, association des néphrologues... Ça fait que, quand il va se faire quelque chose au Québec, plutôt que ce soit un petit groupe, on va plutôt chercher à le diffuser. Et vous savez qu'un guide de pratique, le gros problème, ce n'est pas de le rédiger, ce n'est pas de le diffuser, c'est de l'implanter et puis que ça se fasse sur le terrain. Mais ça, je pense qu'on va avoir une coordination.

Quand on parlait tantôt, c'était demandé par les gens de l'opposition, ça va être quoi, la valeur ajoutée, ni l'AETMIS, ni le Conseil du médicament ne peuvent faire ça actuellement, tandis que l'INESSS, elle, elle va pouvoir le faire dans son nouveau mandat. Et ça, ça va apporter une valeur ajoutée où, quand on va poser la question: Comment est-ce qu'on voit ça dans cinq ans?, bien, dans cinq ans, on s'attend à ce que, le Québec, on ait une cohérence au niveau de nos guides de pratique puis au niveau de nos pratiques médicales également, ce qui nous manque actuellement. Et ça, l'INESSS va nous apporter une grande valeur ajoutée, sans ajout d'argent, lorsqu'il va y avoir ce nouveau mandat, que l'AETMIS, compte tenu que c'est juste l'évaluation des nouvelles technologies, ne faisait pas.

Autre élément que je retiens, je pense qu'il y aurait un élément peut-être à ajouter - on va voir, là, comment ça peut se faire ou si c'est déjà compris - peut-être évaluer les techniques, des choses qui seraient obsolètes dans le réseau de la santé, de façon à ce qu'il y ait ce mandat-là, particulier, de voir, oui, il y a des choses qu'on fait qui ne devraient plus être faites. À ce moment-là, ils devraient rédiger un avis là-dessus et faire des recommandations.

M. Robert (Yves): Mais, si vous me permettez, j'ajouterais un peu à cet élément-là de valeur ajoutée. C'est qu'actuellement l'AETMIS peut évaluer une technologie comme telle, ou le Conseil du médicament, un médicament comme tel. Sauf que ce que, nous, on a à gérer, ce n'est pas une technique ou un médicament, c'est le problème de santé pour lequel la technique ou le médicament ont été faits et la place de cette technique, ou de ce médicament, ou des pratiques professionnelles pour régler les problèmes qu'on a à régler, et non pas simplement trouver une place pour une nouvelle technologie ou un nouveau médicament. Donc, il faut voir le problème globalement et voir comment on va le gérer. Et c'est de cette façon-là qu'on va situer le nouveau médicament dans les soins des patients.

M. Lamontagne (Yves): Et j'ajouterais, un peu comme vient de dire le Dr Robert, qu'en plus le collège, à ce niveau-là, on a, je dirais, un certain avantage de travailler très en collaboration. Parce que vous avez mentionné, entre autres, l'association des néphrologues, par exemple, avec les associations de spécialistes. Et donc on fait un peu ce rôle-là aussi où on va chercher des spécialistes, des experts avec lesquels on travaille. Et, un peu comme disait le Dr Robert, quand il y a un problème clinique, 12 paires de guillemets, bien là, à ce moment-là, ça peut être une, deux, trois associations de spécialistes, et on en arrive comme à un consensus. Puis là, après ça, on sort notre guide de pratique ou une ligne directrice.

M. Bolduc: Je vous remercie parce que vous éclairez ma vision, et puis ça permet de l'améliorer. Mais je pense qu'on... avec votre groupe, et le ministère, et comme ministre, on partage la même vision de l'INESSS. Merci beaucoup.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Dr Robert, vous siégez sur le comité d'implantation, n'est-ce pas?

M. Robert (Yves): Je siégeais. Parce que le comité a fini ses travaux.

M. Drainville: C'est ce que je dis, vous siégiez...

M. Robert (Yves): Oui. Oui, voilà.

M. Drainville: ...siégiez, hein?

Une voix: Il siégeait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Il siégeait... Vous siégiez. Je pense que ça va.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Le rapport était unanime, non, le rapport du comité d'implantation?

M. Robert (Yves): Oui, absolument, et puis ça avait fait l'objet de vastes discussions et de consensus. On avait rencontré beaucoup de partenaires. Puis je crois que, sous la gouverne de M. Castonguay, on a pu partager beaucoup de points de vue là-dessus et de rencontrer des gens d'autres organisations, surtout européennes. On fait allusion au NICE puis à la Haute Autorité de santé de France, qui nous ont beaucoup alimenté dans la réflexion parce qu'ils ont un petit peu de chemin d'avance sur nous là-dessus.

M. Drainville: Vous avez recommandé, dans votre rapport, l'élaboration d'indicateurs de performance clinique dans le mandat de l'INESSS. Si vous recommandez que l'INESSS, devant être créé, devrait être responsable de l'élaboration d'indicateurs de performance clinique, c'est que vous jugiez qu'il n'y a pas d'organismes actuellement qui le font, vrai ou faux?

M. Robert (Yves): Bien, ce n'est pas si vrai ou faux que ça, là. Disons que le collège lui-même fait de l'évaluation de la performance clinique de ses médecins. On a développé, comme le disait le Dr Lamontagne, des indicateurs pour savoir comment évaluer la qualité de l'exercice d'un médecin. Ça, on peut faire ça. Mais, comme je le disais, un problème de santé est souvent beaucoup plus complexe et dépasse le seul médecin qu'on a. Donc, ça nous prend une vision un petit peu plus large que les seuls soins médicaux pour être capables d'évaluer la qualité des soins. Ça inclut les autres professionnels de la santé, ça inclut l'évaluation des normes qui sont proposées, la façon dont elles sont appliquées, la gestion de ces choses-là. Et c'est ça qui... pour lequel il y a un trou... qui nous apparaissait un trou et pour lequel l'INESSS pourrait proposer des indicateurs de performance beaucoup plus englobants et qui nous permettraient d'améliorer l'ensemble des soins, pas seulement la portion médicale des soins.

M. Drainville: O.K. Mais ce que je comprends, c'est que, dans le mandat actuel de l'INESSS, qui est prévu dans le projet de loi qui est devant nous, le 67, vous ne retrouvez pas, dans ce mandat, l'élaboration d'indicateurs de performance clinique, auquel cas, si vous le retrouveriez, vous ne l'auriez pas mis dans votre mémoire.

M. Robert (Yves): Exact. En fait, ce n'est pas explicitement dit. Ce n'est pas exclu, mais ce n'est pas explicitement formulé.

M. Drainville: Et l'idée que l'INESSS serve à définir puis éventuellement à harmoniser les guides de pratique, pour vous, ça ne satisfait pas le critère d'indicateur de performance clinique? Ça ne va pas assez loin?

M. Robert (Yves): C'est une autre chose. Le guide d'exercice, c'est une chose, les indicateurs, c'est ce qui va nous permettre d'évaluer l'application... l'implantation des guides comme tels. Donc, c'est deux choses totalement différentes. Les indicateurs nous servent à l'évaluation. Les guides d'exercice, c'est en fait la somme des connaissances acquises à ce moment-là, qui nous apparaissent comme étant les pratiques les plus optimales à offrir aux patients.

M. Drainville: O.K. Mais c'est ce qui vous amène à dire: Si on s'occupe des guides de pratique, on devrait aller plus loin et dire: Maintenant qu'on s'occupe des guides de pratique, on devrait également évaluer la mise en oeuvre desdits guides de pratique.

M. Robert (Yves): Et de développer les outils pour le faire. Vous avez raison.

M. Drainville: Bon. Quel est, dans votre... Et là ça peut être tout aussi bien vous que le Dr Lamontagne qui réponde à la question. Est-ce que vous jugez, vous, actuellement, avec les 27 milliards qu'on met en santé et en services sociaux chaque année, que la performance de cet investissement est suffisamment bien évaluée? Et, si c'est le cas, qui le fait, à votre... actuellement, selon vous, qui s'occupe de ça?

M. Lamontagne (Yves): Je pourrais peut-être commencer en vous disant: Est-ce que la performance est évaluée? Ma réponse, ce serait oui. Est-ce qu'elle est évaluée de façon optimale? Ça, je suis loin d'être sûr.

M. Drainville: Elle est évaluée par qui?

M. Lamontagne (Yves): Bien ça, c'est votre deuxième question. Là, je suis plus dans le doute, je dois vous avouer.

M. Robert (Yves): Il y a plusieurs sortes d'évaluation qui se font présentement. Il y a des évaluations en santé publique qui se font, il y a des évaluations plus microscopiques, au niveau de chacune des organisations, les agences, les hôpitaux, il y a des évaluations... des appréciations qui sont faites par le Commissaire à la santé et au bien-être, que vous avez, comme parlementaires, créé il y a quelques années. Il y a... Donc, il y a certaines formes d'appréciation.

Vous savez, quand on fait une évaluation, il n'y a pas une évaluation, qu'on peut faire, totale, globale et finale. C'est différents points de vue qui nous sont apportés. Et la vision d'ensemble nous apporte une idée... Est-ce que les services sont de qualité? Est-ce qu'ils sont offerts? Est-ce qu'il y a un mécanisme d'amélioration de ces qualités... de ces services-là? Est-ce qu'il y a un moyen de pouvoir intégrer des nouvelles technologies ou des nouveaux produits et de... et éventuellement de se débarrasser d'anciennes pratiques - on en a donné quelques exemples dans notre mémoire - qui nous permettrait justement de faire en sorte d'optimiser encore davantage? C'est un processus continu, là, c'est un monitoring qu'on doit faire. Alors, actuellement, à ma connaissance, il n'y a pas une organisation qui est responsable de l'ensemble de cette vision-là. L'INESSS ne sera pas ça non plus.

M. Drainville: ...pas... Non, voilà, l'INESSS ne fera pas ça.

M. Robert (Yves): L'INESSS, ce ne sera pas ça non plus, mais ça va être plus, pour ce qui est des nouvelles technologies et des pratiques professionnelles, que ce qu'on a présentement. Parce qu'actuellement il y a plusieurs organismes qui le font, mais on a une vision fragmentée de la chose. L'avantage de l'INESSS, c'est qu'on va pouvoir éventuellement se mettre autour d'une même table, avec une même institution, pour revoir l'ensemble des pratiques professionnelles vues globalement, et ça, c'est nouveau.

M. Drainville: Alors, cette vision globale, elle va intégrer les informations de quels groupes ou de quels organismes existants?

M. Robert (Yves): À ma vision, certainement au moins celles des ordres professionnels, celles des... de la façon dont les professionnels utilisent les technologies qui sont achetées par le gouvernement. Que ce soient des médicaments, que ce soient des tests, que ce soient des façons d'investiguer des patients, ces aspects-là ne sont pas actuellement évalués, comme tel. Ils sont évalués avant, mais, une fois qu'ils sont implantés dans le réseau, on n'a pas d'évaluation et de monitoring continus sur l'«outcome», ce que ça donne, ces nouvelles technologies là. On en avait une idée au point de départ, on avait fait l'achat de ces produits-là parce qu'on pensait qu'effectivement ça pouvait être utile. On pense probablement que c'est utile avec l'évaluation de la qualité de l'acte qui se fait dans chacun des hôpitaux ou des organisations, mais est-ce que ça aide à favoriser une appréciation que le 27 milliards qu'on dépense vaut vraiment le coût? C'est un bout qui nous manquait, ça, actuellement.

M. Drainville: O.K. Mais, le bout qui nous manquait et qui va s'ajouter, vous croyez qu'il peut être fait à même les budgets actuels de l'AETMIS et du Conseil du médicament, sans nouvel argent?

.(12 h 10).

M. Robert (Yves): C'est une bonne question. Moi, je ne suis pas un expert en gestion là-dedans, mais sauf, il y a une chose certaine, c'est qu'en regroupant les gens autour d'une même organisation on peut faire en sorte que cet argent-là favorise les communications et la coordination des efforts qui sont actuellement faits là-dessus, certainement.

M. Drainville: Je vous parle de «sans nouvel argent» parce que je viens d'entendre le ministre dire qu'on pourrait regrouper AETMIS et Conseil du médicament au sein de ce nouvel institut et lui permettre de faire le travail que ces deux organismes font déjà, ajouter également les autres mandats, dont celui des guides de pratique, sans nouvel argent. Moi, ça me semble douteux. Je suis un peu sceptique. Vous ne partagez pas mon scepticisme? Peut-être, Dr Lamontagne, là-dessus...

M. Lamontagne (Yves): Un peu comme je parlais tantôt, il va y avoir sûrement du bénévolat en quelque part, là, hein?

M. Drainville: Bien là, vous ne me dites...

M. Lamontagne (Yves): Bien, c'est pour ça... Non, mais c'est...

M. Drainville: ...vous ne me dites pas ça sérieusement, là!

M. Lamontagne (Yves): Oui, oui, oui! Bien oui, je vous dis ça sérieusement. Mais non, mais ce n'est pas...

M. Drainville: Bien là, ça ne peut pas être juste du bénévolat. Comme vous le disiez tout à l'heure...

M. Lamontagne (Yves): Mais, M. Drainville... Bien oui!

M. Drainville: ...si on veut avoir les meilleures ressources, si on veut avoir les meilleures qualifications et les meilleures expertises, à un moment donné, il va falloir les payer.

M. Lamontagne (Yves): Oui, ça, vous avez raison, et c'est... ça a toujours été mon critère dans bien des affaires, d'ailleurs. C'est...

M. Drainville: Donc, ça ne se fera pas sans nouvel argent. Il va falloir mettre de l'argent nouveau, à un moment...

M. Lamontagne (Yves): Bien, peut-être qu'il faudra en mettre. Ça, évidemment, j'ai...

M. Robert (Yves): Bien, je ne sais pas si ça va être du nouvel argent ou de l'argent qui est déjà existant, présentement...

Une voix: Ou de l'argent qui est à quelque part, qui ne sert à rien.

M. Robert (Yves): ...mais, c'est clair, ça va prendre des ressources et possiblement un peu plus que celles qui sont actuellement dévolues à l'AETMIS et au Conseil du médicament. Maintenant, est-ce que c'est du nouvel argent, véritablement nouveau, qui n'était pas dans le budget de la Santé jusqu'à maintenant, ou est-ce que c'est un déplacement d'argent parce qu'on coupe un programme ailleurs ou qu'on essaie d'optimiser un programme ailleurs pour essayer de dégager une somme qu'on va mettre là? Ce qui m'apparaît clair, c'est que, si on augmente les mandats actuels de l'AETMIS et du Conseil du médicament, il va y avoir vraisemblablement des ressources additionnelles qu'il va falloir mettre. Donc, si on veut, disons, résumer - et j'espère ne pas me tromper, là, vous saurez me le dire si je me trompe - mais, dans le fond, ce que vous dites, c'est que cet organisme-là joue un rôle que personne ne joue présentement. C'est une espèce de mise en commun d'une information qui se trouve, à un moment donné, répartie ou, comment dire, qui se trouve... Je cherche mes mots, là, mais elle est un peu...

M. Robert (Yves): Fragmentée ou dispersée, je dirais.

M. Drainville: Voilà. Et là vous dites: L'INESSS va pouvoir la centraliser, cette information-là, et de ça on va pouvoir tirer des enseignements, éventuellement prendre des décisions, etc. Donc, c'est essentiellement au niveau du partage de l'information et des décisions qui en découlent.

M. Robert (Yves): Ça va être beaucoup ca.

M. Lamontagne (Yves): Moi, je vous dirais deux choses là-dessus. C'est que je pense que l'INESSS peut arriver à nous amener à optimiser des ressources, d'une part, et peut arriver aussi à prendre des positions qui, je l'espère, évidemment seraient respectées par les gouvernements. Ça, je pense, c'est des... c'est cette tendance vers l'optimisation des ressources, principalement. Le danger de ça, puis je pense que vous l'avez soulevé un peu, c'est que souvent vous dites: Bien, on va rationaliser puis on va mettre deux, trois affaires ensemble pour être plus efficaces. Bien, il y a un danger évidemment à ça, c'est que vous pouvez faire un...

M. Drainville: L'INESSS.

M. Lamontagne (Yves): ...un éléphant juste plus gros au lieu de... Ça, c'est un danger mais qui tient autant dans le public que dans le système privé.

M. Drainville: Parce que je me rappelle, moi, de...

M. Lamontagne (Yves): Quand vous avez un «merger», des fois, bien, vous créez un plus gros dinosaure.

M. Drainville: Oui, mais justement...

M. Lamontagne (Yves): Ça, il y a un danger toujours, là, c'est évident.

M. Drainville: Moi, je me rappelle d'un certain Dr Yves Lamontagne, avec lequel j'ai fait quelques entrevues par le passé, qui se plaignait, qui trouvait que le système actuel était passablement... je ne sais pas si vous utilisiez ce mot-là, mais bureaucratisé...

M. Lamontagne (Yves): Oui, oui. Oui, oui.

M. Drainville: ...vous trouviez qu'il y avait pas mal de structurite. Je pense que ça, c'est un mot que je vous ai déjà...

M. Lamontagne (Yves): Oui, oui. Oui, oui. De la «comitite» aussi, puis de la «commissionnite», puis tout ce que tu veux, là.

M. Drainville: Bon. Alors là, on ajoute...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Kelley): On apprend des mots.

M. Drainville: On est... Là, si vous ne faites pas attention, on ne va pas vous réinviter, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Non, mais j'aime ça venir vous voir pareil, tu sais, parce qu'on a du plaisir, quand même.

M. Drainville: Alors, on ajoute une nouvelle structure, puis là vous nous dites...

M. Lamontagne (Yves): Bien oui, c'est un «merger» de deux structures, où vous arrivez à une nouvelle structure. Ça, c'est comme un «merger» dans l'industrie, c'est la même affaire. Des fois, ça réussit très bien, puis des fois c'est un flop monumental. Donc, soyons logiques, là, c'est l'avenir qui va le dire. Je pense que, juste le positif là-dedans, c'est qu'au moins, si on peut optimiser les ressources... Mon voeu est toujours le même. C'est que souvent on augmente beaucoup notre bureaucratie. Puis ça, j'ai... le poil me frise, quand je parle de bureaucratie, parce que je trouve que partout on a trop de bureaucratie, puis je suis d'accord avec vous. Tu sais...

M. Drainville: On ne veut pas voir ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Ça dépend où est-ce que ça frise.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamontagne (Yves): Bon. Et ça, je l'ai encore, M. Drainville, puis ça n'a pas changé depuis le temps qu'on travaillait ensemble à ce niveau-là. Et je pense qu'il faut se guider vers un adoucissement des structures. Et je peux vous dire que... Je vais vous en prendre un, exemple, fort simple, à mon avis. Regardez ce qui a été fait et par le ministère, en collaboration avec les fédérations - nous autres, on n'était même pas là-dedans - puis qui ont fait le tour des salles d'opération, il n'y a pas longtemps...

M. Drainville: On est d'accord.

M. Lamontagne (Yves): ...parce que la liste d'attente... etc.

M. Drainville: Bien sûr.

M. Lamontagne (Yves): Et, vous voyez...

M. Drainville: C'est un bon exemple, ça.

M. Lamontagne (Yves): Voilà. Et là vous êtes arrivés à un... chose, dire: On peut regarder les choses et faire en sorte que les choses s'améliorent en changeant certaines affaires. Et ça, c'est un positif, à mon avis, très, très fort. Et, quant à moi, ça ne prend pas une grosse structure pour faire ça. Ça prend du monde qui ont du «guts», puis qui y vont, puis on dit: On va changer les affaires, puis, voyez-vous, si vous faites ça de telle façon, ça va être plus efficace que d'une autre façon. Et là vous n'avez pas à augmenter vos coûts puis vous augmentez votre productivité.

M. Drainville: ...compris ça.

M. Lamontagne (Yves): Ça, là-dessus, je suis acheteur à 100 %.

M. Drainville: Comment vous avez réagi quand vous avez entendu le Dr Barrette dire qu'il ne voyait aucune valeur ajoutée à démanteler deux organismes existants pour créer une nouvelle structure qui devra forcément établir sa crédibilité?

M. Lamontagne (Yves): Oui, bien...

M. Drainville: Il trouvait que c'était un...

M. Lamontagne (Yves): Il a droit à son opinion, Gaétan, puis, nous, on a droit à la nôtre aussi, évidemment. Moi, je vous dirais, ce que j'aime là-dedans... Puis je vais vous sortir mon vieux slogan quand j'étais en psychiatrie puis j'avais monté un centre de recherche comme ça: biopsychosocial. Puis en psychiatrie, je disais, c'est la même chose là: Il faut du biologique. Le biologique, c'était quoi, nous autres? C'est les pilules. Il faut du psychologique. C'est quoi? C'est les psychothérapies. Puis il faut du social. C'est quoi? Tu as beau traiter le patient avec la meilleure pilule, la meilleure psychothérapie, si tu l'envoies dans le ghetto, puis la femme, elle se fait battre par son mari à toutes les semaines, tu vas la traiter longtemps. On a fait un centre de recherche et on a combiné tout ça: du biologique avec du psychologique, puis d'aller voir dans le social.

M. Drainville: Puis vous retrouvez ça dans l'INESSS? Vous retrouvez ça dans l'INESSS?

M. Lamontagne (Yves): Bien, puisque les trois s... Comme disait le Dr Barrette, il y en avait un au départ, puis là c'est rendu avec trois. Bien, c'est... pour moi, là, c'est l'approche biologique, Conseil du médicament, psychologique, bon, appelez ça technologie, «whatever», l'ancien AETMIS, puis le social, s'occuper... parce que c'est «santé et services sociaux».

M. Drainville: Oui. C'est parce que, lui, il soutient...

M. Lamontagne (Yves): Et, cette approche-là, moi, qui est tout ensemble, là, je tiens à ça parce que le patient, lui, en bout de ligne, là, il est tout ça dans un pain. Puis trop longtemps... on a toujours vu ça comme en silo. Le biologique parlait juste au psychologique, le psychologique... puis le social. Tout ce monde-là, ça ne se parlait pas puis ça se lançait dans toutes sortes d'affaires à gauche, à droite, alors qu'en fait le traitement, c'est toujours la combinaison de ces trois variables-là.

M. Drainville: C'est parce que, lui, il soutient que l'AETMIS a obtenu ce mandat-là en 2009, là. Vous l'avez entendu, ça?

M. Lamontagne (Yves): Oui. Oui, oui, oui.

M. Drainville: Il a dit qu'il y a eu un décret. AETMIS a obtenu des fonctions supplémentaires pour l'évaluation des services sociaux personnels couverts par l'État et pour l'élaboration des guides de pratique destinés aux intervenants du système de santé et de services sociaux. Ça, c'est dans un décret daté du 8 avril 2009. Donc, il dit: Ils l'ont donné à l'AETMIS. Pourquoi est-ce qu'ils le prennent à l'AETMIS pour le donner à l'INESSS? Qu'ils le laissent à l'AETMIS, pour laquelle il a un très, très... une très, très bonne opinion, puis il dit: Développons à partir des organismes existants plutôt que de créer un nouvel organisme qui va prendre un certain temps à s'installer. Il va y avoir des remaniements, nécessairement, administratifs, ça va... la période de transition nécessairement va impliquer une adaptation, puis qui dit adaptation dit parfois perte d'efficacité pendant le temps que dure cette transition.

M. Robert (Yves): Vous savez, ça dépend toujours de la façon dont on voit les choses. Moi, ce que je vois, c'est qu'on passe de deux structures à une structure. Donc, on en perd une, ça fait que ça, c'est un avantage. Puis de l'autre côté c'est que ces mêmes structures là, qui sont déjà existantes, vont être le point de départ de la nouvelle. Donc, c'est les mêmes personnes puis les mêmes...

M. Lamontagne (Yves): Oui, c'est ça, ils restent là.

M. Robert (Yves): Donc, il y a une forme de continuité, de ce côté-là. Donc, je m'attends personnellement à ce que la transition se fasse en douceur. Troisièmement, l'AETMIS est centrée sur la technologie. Et, comme je le disais, le problème que nous avons à régler, nous autres, ce n'est pas des technologies, c'est des problèmes de santé.

M. Drainville: Ça, je lui ai souligné ce point-là.

M. Robert (Yves): Et effectivement... Et donc c'est probablement le point qu'il ne voyait pas comme valeur ajoutée. Et je suis convaincu que, dans nos futures discussions avec le Dr Barrette, il va être convaincu éventuellement, par la preuve des choses que c'était une valeur ajoutée.

M. Drainville: Ah! Ça, on veut que vous nous fassiez rapport là-dessus. On veut que vous nous fassiez rapport là-dessus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robert (Yves): Nous nous en chargerons.

M. Lamontagne (Yves): Je vais laisser le Dr Robert aller dîner avec le Dr Barrette.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: C'est vous, Dr Robert, qui allez être devant les microphones, apparemment, et non pas le Dr Lamontagne.

M. Robert (Yves): Aucun problème. Je m'entends très bien avec le Dr Barrette.

M. Drainville: Il me reste seulement quelques minutes. Sur l'indépendance de l'INESSS, Dr Lamontagne, vous, vous trouvez que cet institut-là - ou le Dr Robert, qui était sur le comité d'implantation - , il est suffisamment indépendant du ministre, tel que conçu dans le projet de loi, ou est-ce qu'il ne devrait pas y avoir des mesures pour en renforcer considérablement, c'est notre avis, nous, en tout cas, l'indépendance?

M. Lamontagne (Yves): Moi, je vous dirai deux choses à ce niveau-là, quand on parle d'indépendance. Vous savez, au Québec, on est un petit pays puis on se connaît, tout le monde.

M. Drainville: On aime ça.

M. Lamontagne (Yves): Ça fait que, si jamais il faudrait être indépendant, il n'y a jamais personne qui pourrait siéger à quelque part, parce que c'est le beau-frère du cousin, de la cousine, que... Alors, à un moment donné, c'est où que ça commence puis où ça finit? Ça, c'est mon premier argument.

Deuxième des choses, c'est que je pense qu'au Québec comme ailleurs il y a des gens qui sont quand même assez intelligents d'être capables d'enlever leurs chapeaux selon la pièce dans laquelle ils rentrent. Et ça, on a de la misère à comprendre ça. Il y en a qui ne sont pas capables, remarquez, mais, ceux-là, on devrait les discarter. Puis, quand on est capable de faire ça...

.(12 h 20).

M. Drainville: O.K. Mais la réponse courte, M. Lamontagne, parce que - docteur - il me manque... il va me manquer de temps, là: vous, vous ne proposez pas des modifications au projet de loi pour renforcer l'indépendance de l'INESSS?

M. Lamontagne (Yves): Bien, moi, je pense que plus... je dois vous avouer que plus je pense que les gens sont indépendants - je l'ai déjà écrit dans un de mes livres aussi - plus les gens sont indépendants, mieux c'est. Maintenant, ça dépend comment c'est fait, ça, l'indépendance. Vous savez, si on commence à... que tout le monde serait élu là-dessus...

M. Drainville: Non, non, non, mais je vous parle par exemple...

M. Lamontagne (Yves): ...puis qu'il faut un jeune, un vieux, un handicapé, puis l'autre... alors là on ne s'en sort pas, là.

M. Drainville: Dr Lamontagne, je vous parle par exemple, par exemple, de dire, le président-directeur général - éventuellement, on verra pour les membres du C.A., là - qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale, par exemple, ou par, comme le suggérait je ne sais plus si c'est le Dr Godin, ou le Dr Barrette, ou quelqu'un d'autre, mais un collège, un collège d'un certain nombre de représentants - je pense que c'est Barrette qui disait ça - un collège de représentants qui, donc, recommanderait les candidatures pour s'assurer, donc, qu'il y a une indépendance face au pouvoir politique. Ça, est-ce que vous seriez ouverts à ça?

M. Lamontagne (Yves): Bien, entre les deux, j'aimerais mieux avoir comme un comité de sélection, appelons ça comme ça, que quand vous dites «nommé par l'Assemblée nationale», tu sais. Que ce soit nommé par le ministère ou l'Assemblée nationale, c'est juste que tu aies moins de chums en bas puis plus de chums en haut, puis tu vas passer pareil, tu sais.

M. Drainville: Bien là...

M. Lamontagne (Yves): Alors qu'un comité...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Drainville: Je ne suis pas sûr qu'on est d'accord là-dessus, mais...

M. Lamontagne (Yves): Non, non, je conçois que, vous, vous ne soyez pas d'accord là-dessus, je conçois ça très bien, très, très bien. Mais, vous savez, donc...

M. Drainville: Alors, la réponse, c'est quoi?

M. Lamontagne (Yves): Mais c'est pour ça que je vous dis que...

M. Drainville: Vous seriez d'accord avec le Dr Barrette là-dessus, sur un comité, une sorte de comité?

M. Lamontagne (Yves): Bien, je ne sais pas qu'est-ce qu'il a dit. Moi, je pense que, souvent, quand il y a un comité pour faire de... un comité de sélection, si je peux dire, principalement pour le D.G. et possiblement pour le président du conseil, je pense qu'il y a une certaine transparence là-dedans. Je préférerais ça à une nomination...

M. Drainville: Politique.

M. Lamontagne (Yves): ...de quelque niveau politique que ce soit, si vous voulez. Je pense que ce serait encore plus transparent de cette façon-là que de l'autre façon. Mais ça, c'est purement personnel. J'ai...

M. Robert (Yves): J'allais dire: D'autre part, on peut imaginer n'importe quel processus qui peut essayer de garantir une indépendance, mais il n'y a rien qui garantit totalement une indépendance absolue. Et, j'allais dire, le plus gros test que l'INESSS pourrait éventuellement avoir, c'est d'émettre un avis... Puis on vit dans une société démocratique. Le jour où l'INESSS émettra un avis qui serait contre la science ou contre l'opinion générale, ils vont se faire «blaster» sur la place publique par les experts. Donc ça, ça va être la meilleure preuve d'indépendance.

M. Drainville: M. le Président, je sais que mon temps est écoulé, mais est-ce que je peux demander...

Le Président (M. Kelley): Une dernière question très...

M. Drainville: ...l'assentiment de cette commission pour poser une dernière question?

Le Président (M. Kelley): Oui.

M. Drainville: Dans votre mémoire, vous dites... vous vous réjouissez, donc, de la création de l'INESSS - je parle de la page 1, là - parce que notamment c'est une nouvelle institution qui va permettre de mieux intégrer les pratiques professionnelles, nouvelles technologies, nouveaux médicaments, «retirer les pratiques, technologies ou médicaments désuets», etc. Donc, d'un côté, vous dites, votre compréhension de l'INESSS, c'est qu'elle va permettre éventuellement de retirer ou de recommander le retrait et en même temps vous déplorez le fait que le panier de services ne fasse pas partie du mandat. Et vous donnez l'exemple du dépistage du col de l'utérus.

Alors, est-ce que je dois comprendre... dans le premier paragraphe, ça, c'était votre vision idéalisée et que là, par la suite, vous déplorez que ce ne soit pas le cas? Ou est-ce qu'à votre avis, sans que le panier de services fasse nommément, explicitement partie du mandat dans le projet de loi n° 67, vous considérez quand même qu'en vertu de 67 l'INESSS pourra recommander éventuellement le retrait de certaines pratiques, comme celle, par exemple, du dépistage annuel du col de l'utérus?

M. Robert (Yves): Il y a deux questions dans votre question. Parce que la première, c'est les... de faire le ménage dans les pratiques désuètes, puis la deuxième, c'est de couvrir ou de ne pas couvrir par les frais publics un service qui était offert jusqu'à maintenant. Donc, on n'a pas besoin nécessairement de désassurer un service si on recommande de ne plus faire telle ou telle pratique. Le service peut continuer à être financé, mais, si on ne le prescrit plus, ça n'aura pas véritablement d'effet. Donc, il y a deux questions là-dedans. Et le... je pense que l'objectif premier de l'INESSS, ce serait de recommander les meilleures pratiques possible à la lumière des données scientifiques qui sont disponibles.

Maintenant, si on recommandait de retirer une pratique quelconque qui était financée, l'application de ça pourrait être faite par la désassurance d'un service. Mais ça pourrait être fait d'autres façons, notamment par la production de guides d'exercice et d'évaluations de la qualité des... de l'exercice des professionnels, où, si on voyait qu'ils faisaient ces pratiques qui sont désuètes, on leur dirait: Arrêtez de le faire. Ça peut se faire... Ça devient un levier plutôt qu'un objectif en soi. Parce que l'objectif, ce n'est pas de désassurer ou d'assurer. Ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif, c'est d'avoir les meilleures pratiques possible.

M. Drainville: Mais, encore une fois, c'est un peu comme si on s'arrêtait en chemin.

M. Robert (Yves): Bien, c'est-à-dire que...

M. Drainville: Vous dites que la pratique... Si on évalue qu'une pratique est devenue désuète, vous déplorez, si je comprends bien, qu'on ne pose pas le geste supplémentaire de dire: Comme la pratique est désuète, on devrait évaluer la possibilité de désassurer le service qui est lié à cette pratique.

M. Robert (Yves): C'est ça. Le projet de loi ne le dit pas explicitement mais ne l'empêche pas.

M. Drainville: Je vous remercie beaucoup. Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ce, merci beaucoup, Dr Robert, Dr Lamontagne, pour votre contribution à notre réflexion.

Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures. La salle va être barrée, alors le monde peuvent laisser leurs documents ici. Bon appétit, tout le monde!

(Suspension de la séance à 12 h 26)

 

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Kelley): Alors, la Commission de la santé et des services sociaux reprend ses travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 67, Loi sur l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux.

On a deux témoins prévus pour cet après-midi et on va commencer avec le Syndicat de la fonction publique du Québec, représenté, entre autres, par sa présidente générale, Mme Lucie Martineau. Alors, Mme Martineau, la parole est à vous.

Syndicat de la fonction publique
du Québec inc. (SFPQ)

Mme Martineau (Lucie): Merci, M. le Président. Alors, pour les besoins de la commission, je suis accompagnée de Mme Joanne Laperrière, qui est conseillère à la recherche au syndicat, ainsi que du confrère Paul de Bellefeuille, qui est vice-président au syndicat également, à la défense des services publics.

Alors, le Syndicat de la fonction publique représente 43 000 membres dont la majorité travaillent évidemment dans les ministères et organismes de la fonction publique. Nous avons également 30 unités d'accréditation qui sont issues de la fonction publique mais qui sont sorties de la fonction publique, un peu comme le projet de loi n° 67 le préconise. Et, parmi elles, on en a 22 qui sont des mandataires directement de l'État. Alors, le syndicat, en plus de défendre les conditions de travail de ses membres, voit à la promotion des services publics comme un moyen pour répondre aux besoins de la population.

Évidemment, tous vont s'entendre ici, j'imagine, sur le fait que notre système de santé doit s'adapter à des changements rapides tant dans ses technologies, dans les médicaments, des autres types d'interventions du domaine de la santé et des services sociaux. Le syndicat est d'accord avec ça et il joint sa voix. Par contre, on ne doit pas le faire à n'importe quel prix, selon nous.

Alors, deux problématiques, le fait de passer en commission, vous seront soulevées: la première relève du modèle de gouvernance de la future agence, le futur institut, et la deuxième, évidemment c'est le traitement inéquitable aux membres qui sont issus de la fonction publique.

Alors, dans le mémoire, nous avons... allons affirmer l'importance de maintenir le futur Institut national d'excellence en santé et services sociaux au sein de l'appareil gouvernemental, c'est-à-dire au sein de la fonction publique.

D'abord, ces activités qui vont être dévolues à l'institut sont très sensibles à la population, auront un impact sur les produits, les traitements, le prix des médicaments et possiblement sur le panier de services assurés par le régime public. L'obligation de garantir l'imputabilité, l'impartialité des choix de l'institut nous paraît très évidente, surtout dans un contexte où plusieurs firmes privées font de plus en plus de pression sur les décideurs politiques afin de promouvoir, de vendre leurs technologies, les médicaments, les vaccins ou les produits d'assurance, et j'en passe parce qu'il y en a dans tous les secteurs d'activité. Il est impératif, pour nous, que l'institut soit tenu de respecter des lois strictes, des règlements, des règles d'éthique strictes également qui sont applicables habituellement... pas juste habituellement, qui sont toujours applicables aux ministères et organismes de la fonction publique et qui sont soumis à la Loi de la fonction publique.

Alors, peut-être parmi les gens que vous allez écouter, plusieurs vont venir vous citer l'OCDE, l'Organisation de coopération, de développement économiques - en passant, ce n'est pas une organisation syndicale, loin de là - et ils vont venir indiquer le modèle de gouvernance, de souhaiter que change le modèle de gouvernance de ce qui est actuellement le Conseil du médicament et l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé.

L'OCDE a fait un rapport sur les autres visages de la gouvernance, et je vous citerai, à sa page 24 - de ce rapport - qu'on critique beaucoup le recours à des organismes autonomes pour des «dossiers complexes et politiquement sensibles». La santé en est un, vous en conviendrez, M. le ministre. «Ces organismes fournissent au gouvernement des avis indépendants formulés par des experts indépendants», et souvent permettent «aux gouvernements d'éluder des décisions politiques». Vous retrouverez ça à la page 24.

Ensuite, on indique également, l'OCDE toujours, qu'il est difficile d'obtenir d'une structure différenciée du gouvernement l'obligation de rendre des comptes, et on y voit des difficultés engendrées par un sentiment de perte de contrôle politique. Alors, évidemment ici, à l'Assemblée nationale, c'est important, le contrôle politique.

Et, à sa page 27 - du même rapport de l'OCDE - on indique que le manque de clarté du système organisationnel font en sorte qu'il y a des difficultés de suivi et de contrôle de ces organismes, et on accroît le risque d'une non-confiance de la part des citoyennes et citoyens. J'imagine qu'au Québec on ne veut pas en arriver là.

.(14 h 10).

Alors, nous, on pense que le projet de loi n° 67 comporte de tels risques et augmente les opportunités d'influence de corporations d'intérêt privé, de compagnies pharmaceutiques et de compagnies d'assurance privées. Dans le cadre de ses fonctions, l'institut aura des responsabilités sur des biens qui relèvent du domaine de l'État, des effets directs sur des ministères, des organismes gouvernementaux, des organismes publics et sociaux. Il est inconcevable pour nous qu'on n'accorde pas un droit de regard déterminant du public sur ce nouvel institut.

Alors, on appelle, nous, dans notre mémoire, «une gouverne sous influence»... Le conseil d'administration aura d'importantes responsabilités. Pour nous, ça doit être clairement encadré, avec des moyens d'orientation clairs concernant l'accès et la qualité des services pour la population. Pourtant, dans l'article 33 du projet de loi, on indique que l'institut adoptera ses propres règles, ses politiques d'encadrement et sa délégation d'autorité.

Il est tout à fait inacceptable pour nous qu'un mandataire de l'État établisse ses propres règles. Par exemple, nous vous donnons des exemples d'organismes gouvernementaux qui sont soumis à la Loi de la fonction publique, qui ont des conseils d'administration et qui sont soumis aux mêmes règles, tels que la CSST, la Régie d'assurance maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec, la Société d'assurance automobile du Québec. Nous croyons plutôt qu'un modèle de gouvernance de la sorte serait plus approprié.

Le projet de loi n° 67 ouvre, comme je le disais, la porte à une influence marquée et nous fait craindre que les personnes qui seront assujetties, qui seront membres du conseil d'administration, puissent être portées à chercher d'abord les intérêts corporatifs des gens qu'ils représentent au lieu des intérêts publics.

Un article de loi qui nous a passablement chicotés est bien son article 19: Que penser d'une loi qui permet des conflits d'intérêts? Je vous dirais que nous n'en sommes pas encore revenus. Au contraire, la loi devrait prévoir qu'aucun mécanisme... devrait prévoir des mécanismes pour limiter les conflits d'intérêts. Au contraire, il les permet.

Rien dans la loi n'interdit, de plus, les échanges de données, les informations qui sont transmises à l'institut par des organismes publics. On prévoit même la création d'un registre d'information pour les diverses technologies, interventions médicales et sociales et ainsi que les médicaments. Nous avons des craintes concernant cette permission. À quelle fin pourrait-elle utiliser le registre? À quel prix? Et surtout par qui?

Notre deuxième crainte visait, et je vous l'ai indiqué, le traitement inéquitable pour les membres qui sont actuellement au Conseil du médicament et à l'agence d'évaluation. Ce n'est pas la première fois - comme je l'indiquais, nous avons 30 organismes qui sont sortis de la fonction publique - qu'on veut sortir une entité de la fonction publique. Longtemps avant la présentation du projet de loi, on avait fait notre lit, comme on dit dans le milieu syndical, c'est-à-dire: le gouvernement avait fait ses choix, il fallait absolument sortir l'institut de la Loi de la fonction publique.

Et pourquoi? Et, sur ce point nous serons d'accord avec M. Castonguay: à cause du sous-financement chronique et du manque d'embauche de personnel pour l'institut. Je vous dirais que là-dessus nous sommes d'accord. Toute la fonction publique est soumise au non-renouvellement des effectifs, à des coupures budgétaires, ce qui fait en sorte qu'ils remettent en question les missions pour lesquelles ils sont censés... ils ont été créés. Alors, évidemment, le gouvernement a choisi d'affamer la fonction publique.

Et nous croyons, et nous disons, et nous savons que c'est un leurre à la population que de dire: Nous allons sortir des pans de mur de la fonction publique. On le sort du périmètre comptable, mais, en bout de ligne, ce sont tous les citoyens et citoyennes qui paient et pour de plus en plus d'administrateurs et non pas de services à la population. Ce serait plus logique pour nous qu'on accorde aux organismes actuels de la fonction publique régis par la Loi de la fonction publique des budgets nécessaires, du personnel nécessaire pour exercer leur mission.

Pour les conditions de travail, vous savez, sortir un organisme ou une partie d'organisme de la fonction publique, évidemment ça a un effet sur le personnel qui travaille dans la fonction publique. Ça peut se traduire par des mises en disponibilité, ça peut se traduire par des fins de contrat d'occasionnels, ça peut se traduire par la non-acquisition de la permanence. Contrairement à tout ce qu'on a vu dans le passé de nos 30 organismes qui sont sortis de la Loi de la fonction publique, le projet de loi n° 67 limite des droits reconnus au personnel fonctionnaire, c'est-à-dire qu'il limite le droit de retour dans la fonction publique. Alors, dans les premiers temps où on sortait des organismes, le droit de retour dans la fonction publique. Alors, dans les premiers temps où on sortait des organismes, le droit de retour dans la fonction publique était quand la personne le désirait. Aujourd'hui, il est par mutation ou par promotion. Et, en plus, dans le projet de loi n° 67, nous limitons ce temps à 36 mois. Et là je vous dirais: Premièrement, nous n'avons jamais vu ça, et c'est inacceptable, et c'est une non-reconnaissance du personnel qui travaille actuellement pour le Conseil du médicament et l'Agence d'évaluation des technologies.

Et que veut dire ce droit de retour? Je vous ai indiqué que la fonction publique était soumise au non-renouvellement d'effectif de un sur deux qui partent pour la retraite, aux coupures budgétaires, et c'est assorti, depuis le mois d'octobre, d'un décret qui limite même l'embauche et le renouvellement de personnel occasionnel. Alors, est-ce que c'est un droit de retour virtuel ou réel? Est-ce qu'il n'est que sur papier? Qui va prétendre que, dans 36 mois, dans la fonction publique, il y aura un poste ouvert en promotion ou en mutation? Moi, là, je suis présidente du Syndicat de la fonction publique, ça fait 15 ans que je suis libérée, et je fais l'ensemble des ministères et organismes et je vous dis que, de la mutation, il n'y en a pas beaucoup. Mais c'est sûr, ça prend un poste. Bon. De la promotion, il peut y en avoir, encore faut-il que ce soit dans les classes d'emploi que tu es visé.

En conclusion - et nos recommandations - premièrement, nous aurions apprécié être consultés avant le dépôt de projet de loi, c'est-à-dire dans les travaux de l'implantation du futur institut. C'est assez spécial de dire: On vient dire de ne pas la sortir de la fonction publique dans un projet de loi où on la sort de la fonction publique, puis en plus on prévoit déjà les conditions de travail, mais on n'en a pas parlé aux syndicats respectifs. Nous, on a trouvé ça assez spécial. Surtout que le gouvernement du Québec, de sa présidente du Conseil du trésor, veut absolument qu'on retourne aux tables d'organisation du travail, mais, dans le fond, ils ne nous consultent pas sur des projets d'envergure de la sorte, qui ont un impact direct sur les employés qu'on représente, sur le personnel de la fonction publique. Encore une fois, on tient à exprimer... En plus, à cette commission, il a fallu demander la permission d'être entendus parce que nous n'étions pas prévus. Pourtant, nous avons quand même 13 personnes qu'on représente qui sont visées, et peut-être plus, dépendamment la Régie de l'assurance maladie - ce n'est pas tout à fait clair qu'est-ce qu'il y a.

Évidemment, ce qu'on vous redit encore, et ce que j'aimerais vous répéter, c'est les raisons pour lesquelles nous souhaitons qu'elle soit à l'intérieur de la fonction publique. On n'est pas contre la formation de l'institut, à l'intérieur, pour des raisons bien évidentes: un, l'imputabilité, pour l'imputabilité, contre les apparences de conflit d'intérêts, contre l'arbitraire, la nomination du personnel des employés de l'État, pour le principe de l'indépendance de la fonction publique aux pressions externes, évidemment. C'est les mêmes recommandations que nous vous aurions dites lors de la formation de l'agence d'Infrastructure Québec, à laquelle nous n'avons pas été conviés.

Alors, oui, pour la création de l'institut, qu'elle soit régie sur la Loi de la fonction publique, avec un conseil d'administration, comme des organismes qui existent. Évidemment que les politiques gouvernementales, y compris le non-remplacement de un sur deux, et les restrictions budgétaires soient levées pour lui permettre d'avoir les ressources financières et le personnel pour faire... pour l'exercice de sa mission.

Et, en terminant, il n'y a pas besoin que je reprécise qu'aucune loi ni aucun règlement au Québec ne devraient prévoir des conflits d'intérêts de la part des membres du conseil d'administration, que ce soit une loi ou un règlement public ou privé. Alors...

Et, pour tous les tenants de la mise en oeuvre d'un organisme encore plus indépendant, parce que c'est ce que j'ai entendu des derniers... bien, peut-être pas des derniers, mais de ce qui s'est passé depuis hier, je vous dirais que rien n'empêche personne de se créer une association, de se nommer un conseil d'administration, de s'inscrire au registre du lobbyiste et de faire leurs recommandations au ministre de la Santé. Il n'y a personne, au Québec, qui interdit ça. Le pouvoir, pour nous, de décider doit appartenir à l'État, du domaine des décideurs politiques, dont vous faites partie. Évidemment, vous pouvez consulter toutes les associations possibles au Québec, mais les citoyens n'ont pas à payer pour ces associations.

Et terminant, je reprendrai le même argument du rapport Castonguay sur le financement... vous l'indique, et c'est assez incongru: «Le financement de l'INESSS devra provenir exclusivement de fonds publics, afin d'assurer son indépendance.» Eh bien, au même titre, les décisions doivent provenir des décideurs publics afin d'en assurer son indépendance. Merci, M. le Président.

.(14 h 20).

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vais céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: Bien, merci beaucoup. Je suis content de vous avoir entendus. Je pense, c'est intéressant puis ça donne une perspective. Puis, sur plusieurs points, on se rejoint. Je pense qu'il y a peut-être des adaptations à faire, là, pour, je vous dirais, dire qu'on soit 100 % d'accord. Il y a des... On va avoir de la discordance.

La première chose, j'aimerais voir au niveau de la gouvernance. Je suis d'accord avec vous, il faut avoir un certain contrôle public, O.K.? Mais, la façon dont on le fait, on garde quand même une certaine indépendance avec un conseil d'administration. Il y a une nomination des membres par le gouvernement, et puis on s'attend que l'INESSS, comme actuellement l'AETMIS, comme actuellement le Conseil du médicament, ait une certaine autonomie. Ils sont quand même soumis à un certain contrôle gouvernemental. Ça, je pense que vous n'avez pas d'objection à ce niveau-là.

Mme Martineau (Lucie): Pas si c'est sous le règne de la Loi de la fonction publique.

M. Bolduc: Bon.

Mme Martineau (Lucie): Comme la CSST, la SAAQ, ils ont tous des conseils d'administration.

M. Bolduc: C'est là qu'on a un petit peu de divergence, là. C'est que possiblement qu'on va préférer garder l'INESSS comme elle est dans la loi, c'est-à-dire qu'elle n'est pas soumise à la loi... elle n'est pas soumise à la loi sur la... Elle est-u soumise?

Une voix: ...

M. Bolduc: Non, elle ne sera pas soumise à la Loi sur la fonction publique, comme on disait. Et puis, par contre, les employés, qui, pour nous autres, ont une grande valeur, je l'ai dit ce matin, on a beaucoup de reconnaissance... Puis tout le monde reconnaît la qualité du travail qui se fait au niveau du Conseil du médicament puis l'AETMIS. Par contre, les employés, on va les mettre dans un nouveau régime qui va être avec l'Institut national d'excellence de santé publique. Par contre, on veut garder quand même les avantages qu'ils avaient, puis on pense être capables de le retrouver à l'intérieur de cette nouvelle organisation mais sans qu'elle fasse partie de la Loi sur la santé publique.

Mme Martineau (Lucie): Bien, évidemment, quand on ne fait pas partie de la Loi de la fonction publique, il y a plein d'autres lois publiques, qui n'ont pas la même portée, dont celle de l'imputabilité, des organismes gouvernementaux. Vous avez également celle du Vérificateur général qui n'est pas la même. Il y a des dispositions, mais ce n'est pas aussi contraignant. C'est ça, dans le fond, c'est ce qu'on vient dire. Et on le voit avec les autres qu'on représente. Nous en avons 30 qui sont sortis de la fonction publique, dont 22 qui sont mandataires directement du gouvernement. Dans le fond, on vient créer une fonction publique parallèle. Si on veut que ce soit public, mettons-le public.

Oui, je suis d'accord qu'il y a un problème avec le un sur deux, qu'il y a un sous-financement, qu'il y a... on ne peut pas... Non, mais c'est... Vous pouvez, vous avez le pouvoir d'arrêter ça, tu sais. Mais je suis d'accord avec ça, mais c'est parce que, là, on dit... Actuellement, là, ce qu'on fait, là... Puis c'est le deuxième, certain, si ce n'est pas le troisième, là, où on l'écrit, on n'est même plus gênés, on l'écrit: parce qu'on n'a pas les ressources financières, parce qu'on n'a pas les ressources humaines, bien, on va le sortir de la fonction publique. Ce n'est pas une bonne raison.

M. Bolduc: Bien, pour nous autres, au niveau des ressources financières, notre discussion n'est pas à ce niveau-là parce que, pour ce qui s'agit de l'INESSS, ça va être les ressources de l'AETMIS, ça va être les ressources du Conseil du médicament qu'on va mettre ensemble.

Mme Martineau (Lucie): Oui. Ça équivaut à 10 millions.

M. Bolduc: C'est ça.

Mme Martineau (Lucie): Par contre, le rapport Castonguay prévoit que ça va augmenter à 20.

M. Bolduc: Bien, écoutez, ça, c'est des prévisions dans le rapport. M. Castonguay va peut-être nous en reparler. Mais l'objectif, dans un premier temps, c'est d'avoir... c'est de faire le regroupement des deux organisations et d'augmenter la performance des organisations en enlevant les cloisons. Puis surtout la vision de l'INESSS, c'est d'avoir une vision globale, c'est-à-dire de faire de l'évaluation non pas pour soit la technologie soit le médicament mais pour l'ensemble. Et puis je pense que...

Puis, l'autre affaire, dans le regroupement, on parlait de santé et services sociaux, qui est quand même, je pense, un avantage par rapport à ce qu'il y avait auparavant. Ça, je vous dirais qu'au niveau des budgets, au niveau de la fonction publique, on a l'intention de garder les mêmes ressources. Si possible, ce qu'on veut, c'est que les gens qui travaillent actuellement au Conseil du médicament et qui travaillent au niveau de l'AETMIS puissent continuer dans la nouvelle organisation.

Mais je suis d'accord avec vous, la règle qu'on établit, qui est une nouvelle règle... C'est-à-dire, après 36 mois, les gens vont avoir le temps de voir, là ils vont avoir le choix de soit revenir dans la fonction publique ou de continuer avec l'INESSS.

Mme Martineau (Lucie): Ce n'est pas tout à fait ça, votre projet de loi, là. Ce n'est pas: ils vont avoir le choix. Ils vont pouvoir sur mutation ou promotion. Si vous me dites: Ils vont avoir le choix, je lève la main puis je veux revenir, là je vais changer mon discours, M. Bolduc.

M. Bolduc: Ah! O.K.

Mme Martineau (Lucie): Oui.

M. Bolduc: On me dit que...

Mme Martineau (Lucie): Et qu'est-ce qui empêche le gouvernement de fusionner actuellement le Conseil des médicaments et l'Agence d'évaluation des technologies et modes d'intervention pour éviter, comme vous dites, des cloisons? Imaginez-vous pas qu'en sortant ça de la fonction publique il n'y aura pas de cloisons, là. C'est pire.

M. Bolduc: Je pense que ça va être un niveau différent, ça va être différent.

Mme Martineau (Lucie): Oui. Plus d'influence, mettons.

M. Bolduc: O.K. Un endroit où est-ce qu'en tout cas on est en train de faire la réflexion, c'est l'article sur les conflits d'intérêts, puis, de ce qu'on peut voir... L'objectif, c'est qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts. On voulait juste, je pense, quand on a fait cet article-là, voir s'il peut arriver une période ou des cas particuliers... Est-ce qu'on devrait disqualifier quelqu'un pour une situation particulière dans laquelle, à la limite, il y aurait des déclarations? Mais, je peux vous dire, on va le retravailler, cet article-là. Puis on laisse savoir notre volonté de vraiment vérifier à ce qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts. Pour nous autres, c'est fondamental. Comment on va le retravailler? Je pense qu'il va y avoir des discussions là-dessus. Là-dessus, moi, j'aurais pas mal terminé. Je ne sais pas si mes partenaires auraient des questions.

Le Président (M. Kelley): Oui, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie: Merci beaucoup.

Mme Martineau (Lucie): Ça fait plaisir de vous voir.

M. Chevarie: De ce que je comprends de votre position, si je regarde à la page 20 de votre mémoire, votre première recommandation, c'est de créer l'Institut national en santé et services sociaux. Vous êtes tout à fait d'accord avec le contenu de l'INESSS. Ce que vous questionnez, c'est un peu les modalités qui enveloppent ou qui structurent l'INESSS. Est-ce que c'est bien ça?

Mme Martineau (Lucie): C'est sa gouvernance.

M. Chevarie: Pardon?

Mme Martineau (Lucie): M. Chevarie, c'est sa gouvernance. Si on crée... C'est comme créer la Régie de l'assurance maladie du Québec, hein? Anciennement, là, en 1969, elle n'existait pas, alors là elle a été créée, a été créée dans la Loi de la fonction publique. Elle a la gouvernance et les règles de la Loi de la fonction publique, et toutes ses contraintes d'éthique, de déclaration, et de tout. C'est vrai qu'il y en a, des contraintes, mais ça assure son indépendance. Alors, c'est la même chose, c'est la gouvernance. Le fait de fusionner deux services qui appartiennent un petit bout au ministère de Santé et Services sociaux et l'autre bout... Peut-être qu'ils sont même sur le même étage, là, O.K.? Ce n'est pas grave, ça, et de revoir sa mission, ce n'est pas grave, c'est la gouvernance de l'institut. C'est les mêmes critiques que l'OCDE, qui, je vous ai fait rire, mais c'est vrai, n'est pas une organisation syndicale, loin de là. C'est juste ça.

M. Chevarie: Merci.

Le Président (M. Kelley): M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. Dites-moi, est-ce que les employés du Conseil du médicament et de l'AETMIS sont actuellement régis par la Loi sur la fonction publique?

Mme Martineau (Lucie): Oui.

M. Drainville: Et, à votre connaissance, est-ce que ça fonctionne bien?

Mme Martineau (Lucie): Bien, tous les employés actuellement régis par la Loi de la fonction publique sont soumis à des règles qui, à notre avis, devraient être enlevées, soit le non-renouvellement des effectifs... Écoutez, je ne peux pas... je ne peux pas... Bien oui, je peux, je viens ici répéter toujours les mêmes choses, et les restrictions budgétaires, les décrets qui... Écoutez, dans la fonction publique, là, on est le seul...

On veut souvent nous comparer au privé, là, je vais vous dire: Jamais, si j'étais une P.D.G. privée, je ne me dirais: Il faut que je coupe un sur deux, qu'importe ça va être quoi, le résultat après, là. Je vais toujours bien faire un exercice intelligent de regarder quels services je dois rendre, comment je dois les rendre, et il faut que ça se rende. Mais là, ici, là, on a un exercice mathématique, depuis le mois de mai 2004, de non-renouvellement des effectifs un sur deux, qu'importe s'il y a de l'ouvrage ou pas. Alors, on soumet tous les gestionnaires de la fonction publique à l'obligation de: s'ils ne sont pas capables de rendre leur mission, on s'en va à l'extérieur, on s'en va en sous-traitance. Et regardez-moi bien, là: les citoyens et citoyennes paient plus cher pour la sous-traitance, notamment dans les technologies. Alors là, c'est encore pire. Puis je pense que Mme Gagnon-Tremblay a dit ça dernièrement.

C'est toutes des choses que, non, ça ne va pas bien dans la fonction publique, M. Drainville, c'est évident. Il y a des endroits où c'est surchargé, essoufflé, plus capable de rendre une mission. Les citoyens, il y a des impacts aux citoyens, on sort... on n'arrête pas de sortir là-dessus. Les viaducs tombent, les... bon, la Régie du bâtiment, vous m'avez tout vu ça, là.

M. Drainville: Pour quelle raison, croyez-vous... Pour quelle raison le projet de loi prévoit-il que les futurs employés de l'INESSS ne seront pas régis par la Loi sur la fonction publique?

Mme Martineau (Lucie): Ah bien! c'est clairement... C'est ça que dit le projet de loi, c'est clairement indiqué, on la sort de la fonction publique, on la sort des règles.

M. Drainville: Oui, mais pourquoi?

n(14 h 30).

Mme Martineau (Lucie): M. Castonguay, dans son... Bien, il l'a dit, il l'a écrit, M. Castonguay. Parce qu'on dit toujours le rapport Castonguay, mais je veux être polie quand même, là. Le deuxième rapport: «En conséquence...» Je suis à la page 150 de son rapport.

M. Drainville: Vous parlez du comité d'implantation, là...

Mme Martineau (Lucie): Oui, tout à fait.

M. Drainville: ...le rapport du comité d'implantation?

Mme Martineau (Lucie): C'est ça. «...l'INESSS devra disposer de ressources humaines additionnelles, par rapport aux ressources attribuées actuellement à l'AETMIS et au Conseil du médicament.

«Le nombre [...] de postes permanents, dans ces deux organismes, est de 47. Un ajout significatif de ressources humaines devra être effectué graduellement au cours des deux premières années. Certains postes au sein du ministère pourraient être transférés à l'institut.» On le sait, nous, ça représente 13, et je crois que mon collègue, M. Dussault, ce matin, vous a dit le nombre pour les professionnels.

«Enfin, il importe...» Bon.

«Le secteur d'activité [est de plus en plus concurrentiel].

«Afin de relever ce défi, [...] l'INESSS doit avoir la possibilité de déterminer lui-même [ses] taux de rémunération et [de] conditions [de travail et donc] le personnel n'est pas soumis à la Loi [de] la fonction publique.» Je suis à la page 150 du rapport.

M. Drainville: Oui, vous citez, vous citez largement l'extrait que vous venez de lire dans le mémoire que vous avez déposé, là, à la page 14.

Mme Martineau (Lucie): Oui, oui.

M. Drainville: Oui. C'est parce que, jusqu'à maintenant, il n'y a pas personne qui est venu nous dire que le Conseil du médicament ou l'AETMIS ne fonctionnait pas bien, au contraire. Dans le cas de l'AETMIS en particulier, le Dr Barrette est venu nous dire à quel point cet organisme-là jouissait d'une grande crédibilité. Le ministre a parlé ce matin, je pense, de réputation internationale, une bonne réputation internationale. Dans le cas du Conseil du médicament, je n'ai pas de raison de penser que le conseil ne fait pas bien son travail. Au contraire, le représentant de l'industrie, ce matin, nous disait que... enfin, sa réponse courte, c'était: Oui, le Conseil du médicament fait bien son travail.

Donc, si le travail est bien fait actuellement avec des employés qui sont régis par la Loi sur la fonction publique - ce qui n'empêche pas par ailleurs, et on me corrigera si je me trompe, mais ça n'empêche pas par ailleurs l'AETMIS et le Conseil du médicament de recourir à des consultants externes de toutes sortes, des expertises externes qu'on paie, je ne sais pas si on peut dire à la pièce ou de façon forfaitaire, mais enfin, bref, ce ne sont pas des employés ou des fonctionnaires, mais des gens qu'on engage périodiquement sur une base ad hoc pour remplir certaines obligations contractuelles - donc, effectivement, la question que vous posez: Pourquoi...

Mme Martineau (Lucie): Pourquoi la sortir?

M. Drainville: ...est-ce qu'on doit les sortir, alors qu'actuellement ils sont assujettis à cette loi et que, selon les avis que nous recevons, y compris ceux du ministre, ça va plutôt bien? La réponse à cette question-là, le pourquoi, pour le moment, on ne l'a pas. Pour le moment, on ne l'a pas.

Mme Martineau (Lucie): Bien, moi, je la sais. Bien...

M. Drainville: Je note avec vous ce que disait M. Castonguay... ou ce que disait plutôt le comité d'implantation... le comité d'implantation, pas le rapport Castonguay, mais le comité d'implantation. Et effectivement on semble dire que le fait de soustraire le nouvel institut à la Loi sur la fonction publique permettrait... faciliterait le recrutement de compétences indispensables à la réalisation. Écoutez, on a le bonheur de recevoir M. Castonguay juste après vous, on pourra lui poser la question: Pourquoi est-ce que ca fonctionne actuellement avec la Loi sur la fonction publique et pourquoi est-ce que ce serait nécessaire de soustraire les futurs employés de l'INESSS à l'avenir? On verra bien ce qu'il nous répondra à ce moment-là.

Par ailleurs, j'aimerais vous poser une question, et sincèrement je m'interroge: Est-ce qu'à votre connaissance il existe actuellement dans l'État québécois, au sein de l'État québécois, un organisme ou une société, peu importe, mais une créature, je dirais, de l'État québécois où les employés... ou dont les employés sont régis par Loi sur la fonction publique mais dont les dirigeants, président, directeur général, conseil d'administration, ne sont pas nommés par le gouvernement?

Mme Martineau (Lucie): Non.

M. Drainville: Je pense...

Mme Martineau (Lucie): Il n'y en a pas. Moi, à la CSST...

M. Drainville: À ma connaissance non plus, il n'y en a pas.

Mme Martineau (Lucie): Non, non.

M. Drainville: Mais je voulais vérifier ça auprès de vous. Donc...

Mme Martineau (Lucie): Non, mais j'espère, aussi. J'espère qu'il n'y en a pas. Mais, non, à ma connaissance, non.

M. Drainville: Pourquoi dites-vous: J'espère qu'il n'y en a pas?

Mme Martineau (Lucie): Mais non, mais c'est parce qu'on ne peut pas nommer... À moins que ce soient les citoyens qui nomment, là.

M. Drainville: Non, mais ça pourrait être l'Assemblée nationale, par exemple. Je parle du gouvernement.

Mme Martineau (Lucie): Ah! mais il y en a aussi.

M. Drainville: Je parle du gouvernement.

Mme Martineau (Lucie): Ah! O.K.

M. Drainville: J'ai parlé du gouvernement.

Mme Martineau (Lucie): Vous parlez du gouvernement en place et non pas de l'Assemblée nationale.

M. Drainville: Oui.

Mme Martineau (Lucie): Alors, moi, le gouvernement, je l'ai pris comme étant l'Assemblée nationale, parce que l'Assemblée nationale également nomme certaines... ils font certaines nominations, sauf que, oui, le gouvernement nomme des gens sur le conseil d'administration. Il y a certains critères dans certains organismes. Il y a... Quelquefois, c'est déjà déterminé d'avance, tant de personnes qui représentent... Mettons que je prends la CARRA, la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, alors c'est prévu, le conseil d'administration... Il y a des choses de prévues, pas le nom des personnes, mais des représentants tant pour les syndicats, tant pour le... Bon.

M. Drainville: Mais les employés, par exemple, du Vérificateur général, est-ce qu'ils sont assujettis à la Loi sur la fonction publique?

Mme Martineau (Lucie): Oui, mais ils ne sont pas syndiqués évidemment, c'est le Vérificateur général.

M. Drainville: O.K.

Mme Martineau (Lucie): Ils sont dans le non-syndicable.

M. Drainville: Alors, disons, Commissaire au...

Mme Martineau (Lucie): Ils ont de la misère à recruter, eux autres aussi.

M. Drainville: Commissaire au lobbyisme?

Mme Martineau (Lucie): Oui, je... Oui, oui, je dis oui.

M. Drainville: Oui quoi?

Mme Martineau (Lucie): Oui, ils sont assujettis à la Loi de la fonction publique.

M. Drainville: Même chose pour la Commission d'accès à...

Mme Martineau (Lucie): Commission de l'équité, Commission d'accès.

M. Drainville: Commission d'accès à l'information?

Mme Martineau (Lucie): Oui.

M. Drainville: O.K. Donc, le modèle existe.

Mme Martineau (Lucie): Tout ce qui est non...

M. Drainville: Le modèle existe. Le modèle existe.

Mme Martineau (Lucie): Il y en a évidemment beaucoup, la Commission des normes du travail, ils ont des conseils d'administration. Il y en a beaucoup. Ça se fait, le modèle existe.

M. Drainville: Non, mais attention...

Mme Martineau (Lucie): Écoutez, on va être clairs, ce n'est pas clair...

M. Drainville: Dans le cas de la Commission d'accès, c'est le ministre qui choisit...

Mme Martineau (Lucie): Oui. D'accès, oui.

M. Drainville: ...le ministre de tutelle qui choisit les dirigeants de la commission. Là, je vous parle de dirigeants d'organismes qui sont... dont le choix, la nomination dépend de l'Assemblée nationale.

Mme Martineau (Lucie): Bien, il y en a.

M. Drainville: Donc, il faut que leur... Ce n'est pas juste le gouvernement qui choisit, là.

Mme Martineau (Lucie): Oui, la présidente de l'équité...

M. Drainville: Alors, Commission d'accès à l'information, Vérificateur général...

Mme Martineau (Lucie): Oui, équité salariale.

M. Drainville: Commissaire au lobbyisme.

Mme Martineau (Lucie): Équité salariale.

M. Drainville: Équité salariale, je ne suis pas sûr.

Mme Martineau (Lucie): Protecteur du citoyen.

Une voix: Non.

M. Drainville: Protecteur du citoyen.

Mme Martineau (Lucie): Oui, oui.

Une voix: Directeur des élections.

M. Drainville: Commissaire à la santé, Directeur général des élections.

Mme Martineau (Lucie): Oui. Habituellement, tout ce qui est neutre, peut-être même la Commission de la fonction publique, là, tout ce qui est censé être neutre.

M. Drainville: O.K. Sur la question du conflit d'intérêts, on s'entend, hein? Vous m'avez entendu, j'imagine, là, j'ai eu l'occasion de le dire à d'autres représentants d'organismes qui vous ont précédés, là, nous autres aussi, on trouve ça inacceptable. On a bien hâte de voir la formulation avec laquelle le ministre va nous arriver, là.

Sur la question du panier de services, c'est quoi, votre avis là-dessus, vous?

Mme Martineau (Lucie): Ça, là, ce n'est pas nécessairement clair, ça pourrait permettre...

M. Drainville: Oui.

Mme Martineau (Lucie): ...mais ce n'est pas écrit clairement.

M. Drainville: Ça pourrait permettre quoi?

Mme Martineau (Lucie): Ça pourrait permettre de le modifier, par l'organisme, de modifier le panier de services, mais pas écrit très clairement. C'est à peu près ça, à moins que, Joanne, tu veux rajouter, tu me le dis. C'est à peu près ça.

M. Drainville: O.K. Ça, vous ne trouvez pas ça clair?

Mme Martineau (Lucie): Non, mais ça nous questionne parce que ça pourrait... l'institut pourrait avoir de l'influence et même de décision sur le panier de services, ce qui, à notre avis, relève toujours de la gouvernance: Qui gère qui? Bien, on élit une Assemblée nationale, c'est pour diriger la nation.

M. Drainville: Là-dessus, on est d'accord. Vous craignez beaucoup l'intérêt... l'influence des intérêts privés. Pouvez-vous être un petit peu plus...

Mme Martineau (Lucie): Oui, pas nécessairement... pas juste dans...

M. Drainville: Vous évoquez l'influence des corporations d'intérêts privés, y compris les compagnies pharmaceutiques, les compagnies d'assurance privées. Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

Mme Martineau (Lucie): Mais, écoutez, ça, c'est plus la composition du conseil d'administration qui nous fait... Écoutez, sept personnes minimum doivent être...

Une voix: Indépendantes.

Mme Martineau (Lucie): Indépendant. Et on dit ensuite qu'est-ce qui fait que tu es un administrateur indépendant. Écoutez, il n'y a pas beaucoup de place... il y aurait certaines places pour... mais la majorité des décideurs ne seraient pas sur le conseil d'administration, des gens provenant du public. Alors, on s'imagine que c'est des gens provenant du privé. Évidemment, on ne peut pas présumer que tout le monde, que tout le monde n'est pas gentil puis n'est pas correct, là, ça, c'est évident, sauf qu'on peut présumer qu'on puisse avoir envie de donner plus de préséance à l'intérêt de l'organisme que je représente sur un conseil d'administration que l'intérêt du citoyen, tandis que, si on a une personne élue... habituellement, une personne élue doit favoriser l'intérêt du public qui l'a élue avant son intérêt personnel. C'est juste ça qui fait qu'on puisse craindre des influences. Mais il y en a dans différents domaines, là, c'est sûr.

M. Drainville: Sur la question des ressources, vous, est-ce que vous y croyez, à cet engagement à l'effet qu'on va fusionner les deux organismes, AETMIS et Conseil du médicament, et qu'on va ajouter au nouvel organisme ainsi créé, l'INESSS, un certain nombre de mandats, de responsabilités, mais qu'on ne dépensera pas un sou de plus que ce qui est dépensé actuellement par l'AETMIS et par le Conseil du médicament?

.(14 h 40).

Mme Martineau (Lucie): Non, non. D'ailleurs, M. Castonguay, là, prévoit le double du budget, qui... soit dit en passant, est citoyen...

M. Drainville: Oui. Est-ce que je peux faire juste une petite...

Mme Martineau (Lucie): Oui.

M. Drainville: ...juste un petit aparté, là? Quand M. Castonguay parle du 20 millions, il parle du 20 millions en fonction du mandat que le comité d'implantation donnait à l'INESSS, et le comité d'implantation a donné à l'INESSS un mandat qui est quand même différent que celui que l'INESSS reçoit en vertu du projet de loi. En d'autres mots, je ne suis pas sûr que vous pouvez prendre le chiffre de 20 millions qu'évoquait le comité d'implantation et le reporter sur l'INESSS qui est créé en vertu de 67 parce que ce n'est pas le même mandat. Je veux juste refermer cette parenthèse-là.

Mme Martineau (Lucie): O.K. Je suis d'accord avec vous.

Reprenons d'abord la page 150 du même rapport. On indique: On doit «disposer de ressources humaines additionnelles». Là, ce n'est pas pour les payer moins que dans la fonction publique, là. Oubliez ça. C'est dans la fonction publique qu'ils sont le moins payés. Alors, on dit, dans l'autre paragraphe, que l'INESSS va «déterminer lui-même les taux de rémunération et les conditions [de travail] d'emploi de son personnel stratégique». Encore là...

M. Drainville: Là, vous citez le rapport du comité d'implantation.

Mme Martineau (Lucie): Exact. Écoutez, si on demande des ressources additionnelles puis qu'on donne des mandats additionnels, là, moi, je... Je n'ai peut-être pas un bac en économie, là, mais ça coûte plus cher. Et, de toute façon, tous les fonds vont venir du public. Alors, c'est vrai que le citoyen va payer encore plus, puis, en bout de ligne, c'est pour des administrateurs de plus, parce qu'on peut le faire à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce n'est pas compliqué, ça. On n'a pas besoin de deux systèmes. En tout cas.

M. Drainville: Qu'est-ce qu'on peut faire à l'intérieur du ministère?

Mme Martineau (Lucie): La création de cet institut à l'intérieur du ministère de la Santé ou même dans la fonction publique. On n'a pas à créer une autre structure qui demande un autre système informatique, un autre... C'est toute la gestion administrative d'un nouvel organisme. Alors, si on peut sauver ça...

M. Drainville: O.K. Vous en... oui. Vous, ce que vous dites, c'est qu'on pourrait, un peu comme vous le disiez tout à l'heure, fusionner les deux organismes en un seul mais les laisser à l'intérieur du ministère et leur demander de faire ce que le projet de loi leur demande de faire?

Mme Martineau (Lucie): Exactement. Pourquoi pas? C'est possible. La vraie raison, là, ce n'est pas compliqué, là, puis c'est clair, là... Dans le décret qui a formé l'Agence de l'efficacité énergétique - c'est un des derniers pour lesquels je suis venue - c'est clair: à cause qu'on n'a pas les ressources humaines, on ne peut pas les payer plus, à cause qu'on n'a pas les ressources financières, il faut le sortir de la fonction publique. Aujourd'hui, on ne se pose même plus de questions là-dessus. Si on a besoin de ressources humaines, si on a besoin de ressources financières, au lieu d'aller se battre pour enlever les décrets, là, au Conseil du trésor, bien on prend la facilité puis on les sort. Et là on fait miroiter... Et là je vais y aller encore plus, on dit aux employés: Tu sais, le personnel stratégique... Moi, si je suis un professionnel au Conseil du médicament ou à l'Agence d'évaluation, écoutez, je pense que je vais gagner plus cher...

M. Drainville: O.K. Mais...

Mme Martineau (Lucie): ...parce qu'on dit qu'on va payer bien son personnel stratégique. Moi, je représente les agents de secrétariat, les agents de bureau, les techniciens en administration, et, dans toutes les sorties de la Loi de la fonction publique, il est faux que, dans les postes techniques et de soutien, on a payé plus ces gens-là.

M. Drainville: O.K. Mais, Mme Martineau, qui va-t-on payer plus? Parce que...

Mme Martineau (Lucie): Personnel stratégique, c'est marqué. Bien là, j'imagine. Puis d'ailleurs, oui, on devrait être payé plus, là, ça, c'est vrai. Mais...

M. Drainville: Non, non. Vous parlez des employés du nouvel INESSS.

Mme Martineau (Lucie): Oui. Oui, mais...

M. Drainville: C'est pour les payer plus qu'on les sort de la fonction publique.

Mme Martineau (Lucie): Bien sûr. La Loi de la fonction publique prévoit les conditions de travail. Il y a la Loi de l'équité salariale qui est venue faire des courbes à la grandeur de la fonction publique. Et là...

M. Drainville: O.K. Mais...

Mme Martineau (Lucie): ...pour se soustraire de ça, on sort de la fonction publique.

M. Drainville: O.K. Mais vous pensez que les employés du Conseil du médicament et de l'AETMIS vont être malheureux d'être payés plus, si c'est ça, la raison?

Mme Martineau (Lucie): Bien non. Bien non, ce n'est pas ça que je dis.

M. Drainville: Bien, c'est parce que... Oui, c'est ce que vous me dites.

Mme Martineau (Lucie): C'est la raison qu'on prend pour sortir. Écoutez...

M. Drainville: Mais c'est...

Mme Martineau (Lucie): Assisez-vous avec les syndicats, puis on va réussir à les payer plus, ce monde-là. Ce n'est pas grave, on est en négo, là. Tu sais, c'est... Tu sais, dans le fond, là, c'est la raison qu'on prend parce qu'il y a des règles...

M. Drainville: O.K. Mais la vraie raison, c'est quoi, alors? Vous me dites: La raison invoquée, la raison publique, officielle, pour sortir les employés de ces deux organismes-là qui vont maintenant se retrouver à l'INESSS, c'est, dites-vous, et ça semble être confirmé par ce que dit le comité d'implantation...

Mme Martineau (Lucie): C'est marqué...

M. Drainville: ... pour des raisons de rémunération. Donc...

Mme Martineau (Lucie): Bien, entre autres, et de budget, et de non-renouvellement des effectifs.

M. Drainville: Mais est-ce que ça, c'est la vraie raison, selon vous, ou est-ce qu'il y a une autre raison?

Mme Martineau (Lucie): Bien, en tout cas, c'est ce qui est indiqué. C'est ce qu'on a lu. Là, moi, M. Castonguay n'est pas venu me dire ses vraies raisons, là, mais c'est ce qu'on a lu dans les rapports. C'est ce que Joanne a lu, c'est ce que Joanne a décortiqué dans les deux rapports. Puis même, je pense, les huit, là. Je ne sais pas comment il y en avait, là, mais il y en avait pas mal.

M. Drainville: O.K. Mais c'est parce que... Je vous repose la question: les employés en question, s'ils sont mieux payés à l'INESSS qu'ils le sont présentement.

Mme Martineau (Lucie): Oui, mais nous sommes d'accord avec ça.

M. Drainville: Vous êtes...

Mme Martineau (Lucie): Mais pourquoi les sortir de la fonction publique en plus de limiter leur droit de retour? Dans le fond, là, on leur enlève des droits puis on leur fait miroiter qu'on va plus les payer. Moi, là, je vais vous emmener dans les autres accréditations que j'ai, là...

M. Drainville: Dans le fond, ce que vous n'aimez pas, c'est le traitement différencié inéquitable pour ceux qui restent dans la fonction publique, Dans le fond, c'est l'espèce de... la création d'une deuxième classe, dirions-nous, de fonctionnaires. C'est ça que vous n'aimez pas.

Mme Martineau (Lucie): Oui, oui, c'est des fonctionnaires aussi, là, parce que tous les fonds vont venir du public.

M. Drainville: Mais est-ce que...

Mme Martineau (Lucie): Dans le fond, les règles qui sont dans la fonction publique, et qui s'appliquent à l'ensemble des ministères et organismes, et qui transcendent la fonction publique, au lieu de se battre contre ces règles-là que d'autres que vous mettent, là, mais il y en a, on prend la facilité, on dit: On a besoin de ressources de plus, on a besoin d'argent de plus, donc sortons ça de la fonction publique, ça va être plus facile d'avoir des budgets. C'est sûr que ça paraît bien. Là, on va arriver, là, puis on va dire: On a réduit la taille de l'État. Moi, ça me fait assez rire quand je vois ça, là, puis les vaches sacrées, là...

M. Drainville: O.K. Mais je veux juste vous dire, là, parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, je suis d'accord avec vous que ça va coûter plus cher que le budget combiné des deux. Ça, pour moi, c'est évident.

Mme Martineau (Lucie): Moi aussi.

M. Drainville: Et, quand j'entends M. le ministre nous dire que ce ne sera pas le cas, là, je suis très sceptique - pour utiliser un mot poli - très sceptique. Par ailleurs, je note également qu'au Conseil du médicament actuellement et à l'AETMIS, ce sont des employés de la fonction publique, et ça n'empêche pas les deux organismes en question d'aller chercher les ressources à l'externe dont ils ont vraisemblablement besoin puisqu'ils les utilisent. Je note ça également.

Mme Martineau (Lucie): Bien, probablement pas dans mes unités d'accréditation, là. Peut-être plus avec M. Dussault.

M. Drainville: Ça, c'est un autre débat, mais ce que je vous dis, c'est: Il y a une flexibilité dans le fonctionnement actuel, il y en a une, que vous pouvez déplorer, mais ce que je vous dis, c'est qu'il y en a une qui existe, et ça n'empêche pas les employés des deux organismes en question de faire partie de la fonction publique.

Mme Martineau (Lucie): C'est ça.

M. Drainville: Je note ça également. Et je vous remercie.

Mme Martineau (Lucie): Merci.

Le Président (M. Kelley): Sur ça, merci beaucoup, Mme Martineau et votre équipe, pour votre contribution à notre réflexion. Je vais suspendre quelques instants et je vais demander à M. Castonguay de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

 

(Reprise à 14 h 54)

Le Président (M. Kelley): Alors, la commission reprend ses travaux. Depuis hier, on a cité en abondance M. Claude Castonguay, le rapport Castonguay, le comité de suivi, alors ça tombe bien que M. Castonguay peut parler dans son propre nom plutôt qu'être cité un petit peu par tous les témoins. Alors, c'est un grand privilège pour moi de passer la parole à notre prochain témoin, ancien député de Louis-Hébert, ancien ministre du gouvernement de Robert Bourassa, M. Claude Castonguay. La parole est à vous.

M. Claude Castonguay

M. Castonguay (Claude): Merci, M. le Président. Merci de m'avoir... accepté de m'entendre. Je vais essayer d'être assez bref, là, étant donné que vous avez eu l'occasion de lire le rapport du comité d'implantation, vous avez reçu, si je comprends bien, copie de mon petit mémoire. Mais, avant d'aborder le coeur du sujet, j'aimerais vous parler un peu du comité, de ses travaux et du rapport que nous avons préparé.

Le comité d'implantation était composé, comme vous pouvez le voir dans le petit mémoire que je vous ai remis, de personnes très compétentes qui bénéficiaient d'une large gamme d'expériences et qui en plus sont reconnues par leurs pairs, là, dans le domaine, étant donné les fonctions que chacun des membres occupe.

On peut voir, par exemple, que le Dr Boileau, qui était directeur de l'Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie, en cours de mandat est devenu le président-directeur général de l'Institut national de santé publique.

M. Jean-Pierre Duplantie, je pense bien que, de l'avis de tout le monde, c'est probablement celui qui a la meilleure connaissance de ce que sont les services sociaux.

Dr Roberto Iglesias, président-directeur général de l'AETMIS. Et, si vous me permettez, je suis un petit peu surpris de voir qu'il n'avait pas été invité à venir à cette commission. Il pourrait répondre d'une façon beaucoup plus directe aux questions qui viennent juste d'être soulevées, là, dans la discussion qui a précédé.

Le Dr Yves Robert, le secrétaire du Collège des médecins, qui, si je comprends bien, était ici hier ou ce matin.

Mme Lucie Robitaille, directrice générale du Conseil du médicament, qui, elle non plus... Je me serais, moi, attendu à la voir sur la liste des personnes qui devaient venir vous rencontrer.

Et finalement Mme St-Jacques... Et d'ailleurs je dois dire que j'ai dû insister pour être invité ici, à votre commission, alors malgré le rôle, là, que j'ai pu jouer dans tout ça. Mme Angèle St-Jacques, directrice des soins infirmiers, de la qualité et de la gestion des risques du CHU Sainte-Justine, qui, elle aussi, en cours de mandat, a été nommée directrice des regroupements clientèles du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, le CHUM.

Alors donc, tous des gens très au courant, très sérieux, indépendants et qui ont travaillé d'arrache-pied et ont consacré énormément de temps, malgré que chacune de ces personnes avait d'autres fonctions.

On s'est inspirés aussi de l'expérience de l'AETMIS et du Conseil du médicament et on a eu l'avantage de pouvoir prendre connaissance de l'expérience d'autres organismes de même nature. Il y a d'excellentes études qui existent. Et, par un hasard, sans qu'on soit obligés de se déplacer, il y a eu un tournoi... un tournoi! un congrès au cours de l'été quatre-vingt-neuf... quatre-vingt-neuf, oui... excusez, quatre-vingt-huit, au cours de l'été où on effectuait notre mandat, un congrès international d'organismes de la même nature que l'INESSS, ou l'AETMIS, ou le Conseil du médicament, et on a pu discuter avec le président de la Haute Autorité française, M. Laurent Degos, on a pu discuter avec la directrice du NICE qui s'est acquis une excellente réputation à travers le monde, l'organisme britannique, on a pu discuter aussi avec le directeur de l'institut des services sociaux en Grande-Bretagne, et donc on a pu bénéficier de leurs lumières.

Avant de remettre notre rapport, alors qu'on avait une assez bonne connaissance des orientations que nous voulions proposer, on a rencontré les représentants de 21 associations ou organismes québécois et on a pu discuter avec eux, et on a dégagé de ces discussions un désir général de voir un organisme comme l'INESSS être créé, qu'il lui soit conféré un assez large degré d'indépendance, que son mandat soit élargi par rapport aux deux mandats du Conseil du médicament et de l'AETMIS.

.(15 heures).

Et, finalement, tous les membres sans exception ont signé le rapport unanimement. Il n'y a pas eu de dissidence, tout le monde était d'accord. Alors, je pense que, ça aussi, on doit en tenir compte, là, quand on analyse le contenu de nos propositions. Ce n'est pas le rapport de Claude Castonguay, c'est le rapport de ce groupe-là, et j'y tiens, parce que nous avons vraiment travaillé en équipe, et toutes les questions ont été discutées. Il n'y a pas une question qui a été escamotée. Et tout le monde était satisfait, au terme de nos discussions, que les propositions que nous formulions étaient... Ils étaient vraiment d'accord avec ces propositions.

Je ne vais pas reprendre l'analyse détaillée du contenu du projet de loi. Il y a bien des choses d'ailleurs qui, j'en suis certain, sont discutées par les autres organismes, là, qui viennent ici vous rencontrer. Mais il y a trois aspects ou quatre aspects, moi, qui m'apparaissent bien fondamentaux. Il y en a trois qui ont trait à la nature de l'organisme, son fonctionnement et la composition du panier des services couverts. Le quatrième, qui est un peu d'une autre nature, c'est celui des services sociaux.

Et je voudrais, avant d'aborder... Parce que j'ai aussi entendu la discussion qui a précédé. Il n'est pas question ici, en créant cet institut-là, de l'avis des membres du comité d'implantation, de créer une régie, ou une commission, ou un organisme, là, selon le modèle, là, de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou de la Régie de l'assurance maladie, mais il est question de créer un institut, et un institut d'excellence, donc un institut qui se situe vraiment à un niveau, là, qu'on situe... auquel on situe les universités, les instituts de recherche, les instituts à caractère scientifique. Et ça, c'est une... il y a une distinction, là, qui doit être établie. Les règlements, les décisions, les avis qui doivent émaner de cet institut-là ne doivent pas s'appuyer sur le pouvoir réglementaire du gouvernement, ou de l'État, ou du ministère, ou du ministre. Ils doivent s'appuyer sur la crédibilité de l'institut, sur son indépendance. Donc, on parle d'un animal, là, assez spécial, qui est différent de ce qu'on est habitué, là, de voir dans le paysage, là, autour d'un gouvernement.

Et c'est une notion, ça, que ce n'est pas nous, là, dans notre sagesse, les cinq, six membres du comité, en... nous sommes arrivés à cette conclusion-là, c'est la leçon qui nous a été transmise par les responsables des organismes qui existent dans les autres pays. Et c'est aussi la leçon qui nous a été transmise par tout particulièrement les deux responsables, en Angleterre et en France, que nous avons eu l'avantage de rencontrer. Alors, la question de l'indépendance... Je ne parle pas de l'indépendance, là, au sujet, là... vis-à-vis, là, de petites discussions touchant les prix, peut-être, d'un médicament ou une influence pour une question d'ordre secondaire. Je parle de l'indépendance et de la crédibilité de l'organisme pour que ses avis, ses recommandations soient acceptés, que les gens dans la... les médecins, les pharmaciens, les infirmières, la population disent: Cet organisme-là, quand il émet des opinions, des avis, c'est vraiment crédible, c'est quelque chose de sérieux. Et c'est ça qui est l'esprit derrière l'INESSS.

Alors, on a fait un certain nombre de recommandations à cet effet-là. Elle apparaissent à la page 4 du petit mémoire. On dit qu'il faudrait:

Que le conseil d'administration puisse établir lui-même ses priorités et définir qu'est-ce qui lui apparaît le plus important et le moins... et moins important;

Qu'il soit doté de moyens lui permettant d'émettre des avis de qualité, en quantité suffisante, au bon moment et dans les délais impartis - on reviendra sur cette question-là, elle a été discutée, là, avec le groupe qui a précédé;

Que l'institut dispose d'un financement adéquat, indépendant et stable. Si on veut constituer des équipes, si on veut aborder des sujets qui demandent des travaux de recherche qui ont une certaine durée, il faut être assuré que le financement va être là et il faut être assuré qu'à un moment donné il n'y aura pas des coupures ou qu'on va serrer la vis pour que les travaux ne se poursuivent pas, au besoin. Alors, la stabilité dans le financement est extrêmement importante. Que l'institut, donc, dispose d'un financement adéquat, indépendant et stable; et enfin

Que l'institut puisse prendre, à certains moments, certaines initiatives, des initiatives qui, sur le plan politique, ne sont pas toujours faciles à prendre parce que, dès qu'on touche à la santé, dès qu'on veuille toucher un petit peu ce qui est couvert, ce qui ne l'est pas, dès qu'on veut se prononcer et que c'est dans l'arène politique, bien souvent ça devient presque impossible d'avoir une discussion objective, ça devient très émotif, ça devient très difficile.

Je pourrais vous citer un exemple encore récent, celui des examens du cancer du sein. Je l'ai vécu, je l'ai regardé de l'extérieur, j'ai des personnes aussi que je connais, qui émotivement étaient prises dans ce débat, dans cette discussion publique. Et, s'il y avait eu un organisme comme l'INESSS... pouvoir émettre des avis dans une question comme celle-là, ça aurait été hautement avantageux pour tout le monde. Je pourrais vous donner d'autres exemples, il y en a des tonnes, on aura l'occasion d'en reparler, au besoin, si vous le souhaitez.

À la place de ce que nous avons recommandé - je regarde les recommandations qui ont été faites - l'institut ne possède aucun pouvoir d'initiative hors du cadre du plan triennal. Au lieu d'un financement adéquat, stable et qui lui confère un degré d'indépendance, il doit soumettre régulièrement son budget au ministre. Et enfin il doit soumettre son plan triennal pour approbation au ministre. Ça va pour des commissions, ça va pour des régies, peut-être, mais ça n'est pas de la nature de l'organisme dont nous avons essayé, là, de communiquer ce que ce devrait être.

La nomination des membres. Je comprends que, pour un premier conseil, il faut qu'il y ait un processus qui soit mis en marche. Mais, une fois ce processus-là bien en marche, il me semble, et moi, j'en suis convaincu, que le conseil devrait se constituer un comité de membres du conseil et, en voyant comment l'organisme fonctionne, au fur et à mesure qu'il y a des renouvellements, que ce soit un comité du conseil, des membres déjà impliqués, qui fasse les recommandations quant aux nominations des autres membres. Et évidemment, si on a confiance dans le premier conseil, bien on a confiance normalement dans les recommandations qu'il pourrait faire. Parce que là, également, il ne s'agit pas juste de nommer des gens indépendants, mais il s'agit aussi de nommer des gens qui ne sont pas vus comme étant liés au gouvernement, ou des amis du gouvernement, ou qui pourraient être influencés par le gouvernement. Alors, ce sont des aspects, moi, qui m'apparaissent absolument essentiels.

Quant à la rémunération des membres du conseil d'administration, il n'en est pas question. On sait qu'aujourd'hui, dans les nouvelles normes sur la gestion, là, des corporations, des créations de l'État, que ce soit à l'Hydro-Québec, que ce soit à la Caisse de dépôt, etc., les membres du conseil sont rémunérés. Ici, il s'agit d'une fonction sociale avant tout, et ce n'est pas une raison pour laquelle les membres ne devraient pas être rémunérés. Ils vont être appelés à consacrer beaucoup de temps. Ils doivent être en mesure de consacrer justement le temps nécessaire, d'autant plus que, s'ils font bien leur travail, il y a des économies importantes, substantielles, en termes de qualité de soins, en termes de réduction d'erreurs, en termes de bons choix, qui pourront être faites. Alors, la rémunération des membres du conseil d'administration, ce n'est pas une dépense qui m'apparaît exagérée, bien au contraire.

.(15 h 10).

La transparence. Si on veut aussi qu'un organisme comme celui-là fonctionne de façon crédible, que ses avis soient vus comme objectifs et que les décisions prises par le ministre, par le gouvernement soient vues de la même manière, il faut qu'il y ait un processus transparent de transmission des avis par l'INESSS, un mécanisme aussi transparent de transmission des décisions du ministre avec les motifs à l'appui. Ce n'est pas un système qui va juste dans un sens. Si on veut que ce soit vraiment crédible, objectif et accepté, accepté dans le sens, là, où les professionnels disent: C'est les meilleures décisions qui viennent d'être prises, il faut que le processus soit transparent dans les deux sens. Alors, c'est un autre aspect. Il n'en est pas question dans le projet de loi, du processus touchant la prise de décision par le ministre et la transmission de ses décisions.

La composition du panier des services couverts. C'est clair que les dépenses de santé augmentent plus vite que les revenus de l'État. Tous les pays sont confrontés par ce problème-là, et le problème, il est de plus en plus difficile. Il n'est pas possible de toujours, toujours ajouter aux dépenses de santé sans jamais, à un moment donné, revoir les priorités. Il ne s'agit pas de se servir de l'INESSS pour couper dans les dépenses de l'État, comme j'ai entendu le ministre le dire, depuis un an, à une couple de reprises dans des entrevues. Il s'agit de fixer des priorités, de déplacer les dépenses au besoin et faire en sorte qu'elles soient le mieux utilisées possible.

Il ne s'agit pas non plus de donner à l'INESSS le pouvoir de prendre les décisions touchant la composition du panier de services, comme je le lisais dans le journal ce matin. Il s'agit de faire en sorte que l'INESSS donne des avis éclairés, objectifs, appuyés scientifiquement, et là que ces avis-là soient transmis de façon transparente, et que les décisions soient prises de façon transparente. Alors, la décision, elle doit demeurer dans les mains du gouvernement, ça, c'est clair, mais ça doit être par contre appuyé sur des avis sérieux, objectifs et non pas un mécanisme plus ou moins, là, occulte. Et il y en a eu, des décisions comme celles-là, qui ont été prises dans le passé. On vit encore avec elles.

Je peux juste vous donner un exemple d'une décision importante qui avait été prise, qui, à ma connaissance, était passée presque de façon silencieuse. Tous les examens au-delà des examens de radiologie, tout ce qui fait appel à des appareils plus sophistiqués, de résonance magnétique, etc., aujourd'hui c'est couvert à l'hôpital; ce n'est pas couvert quand c'est en clinique privée. Pourquoi? Pourquoi est-ce qu'on favorise l'hospitalisation dans des cas comme ça? Pourquoi qu'on ne couvre pas ces examens, qui peuvent coûter des centaines de dollars et même des fois plus, alors qu'on couvre toutes sortes de choses plus ou moins importantes? Ce sont des débats, ça, qui doivent être faits, en fait. Et c'est une des raisons pour laquelle nous croyons que la composition du panier des services couverts devrait faire l'objet des fonctions de l'INESSS.

Je vais vous donner une couple d'autres exemples. Vous savez comme moi qu'on consomme au Québec plus de médicaments qu'à peu près partout ailleurs. Il y a des abus qui apparaissent assez évidents, comme il s'agit de consommation, par exemple, du Ritalin ou encore des antidépresseurs. Toucher à cette question-là, là, sans qu'il y ait un processus crédible et qu'à un moment donné on dise aux médecins, là: Allez-y donc un peu plus lentement, là, ou à l'avenir, là, vous devriez procéder de telle façon... À moins que ce soit fait par un organisme qui est vraiment tout à fait crédible, qui est tout à fait indépendant, qui s'appuie sur des données probantes, il n'est pas possible d'aborder ces questions-là aujourd'hui, et ça donne lieu à des exagérations, des abus qui sont évidents. Alors, c'est le motif pour lequel nous croyons que la composition du panier des services devrait faire partie des fonctions de l'INESSS.

Enfin, la question des services sociaux. Les services sociaux ne sont pas au même stade de développement que les services de santé. On est encore dans le domaine, bien souvent, de l'expérimentation, des projets de développement, etc. Lorsqu'on lit le projet, on les place exactement... tout le long, exactement au même niveau que les services de santé, comme s'il n'y avait pas aucune différence, et nous étions, nous, arrivés à la conclusion que l'INESSS devait avoir des fonctions quelque peu différentes en ce qui a trait aux services sociaux. Il s'agit beaucoup plus d'un rôle de dissémination de la connaissance, un rôle de promotion de recherches qui s'imposent, un rôle de dissémination d'avis sur les façons d'aborder certains problèmes qui sont généralement de nature assez complexe.

Et d'ailleurs ceux qui sont venus devant notre conseil, notre comité d'implantation, ont insisté énormément sur cette dimension-là. Ils ont peur que, dans l'INESSS, si on ne distingue pas entre services de santé et services sociaux, la partie santé va prendre le dessus, et les services sociaux, qui sont tout aussi importants, vont prendre le second plan. Alors, c'est une dimension du projet de loi sur laquelle, moi, j'attire votre intention... votre attention parce que je crois qu'on devrait lui donner... on devrait définir le rôle de l'INESSS, en matière de services sociaux, d'une façon distincte, ne pas toujours assimiler ça comme si c'étaient des services de santé, M. le Président. Alors, voilà, merci.

Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Castonguay, pour cette présentation. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vais céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Bolduc: M. Castonguay, je veux vous rassurer, je pense qu'on a le même résultat à atteindre, on a les mêmes objectifs. Dans les moyens puis dans la rédaction du projet de loi, il y a peut-être des nuances, puis, si je vous les explique, vous allez voir comment, moi, je le voyais avec les gens qui ont travaillé là-dessus.

Premièrement, je pense que vous êtes d'accord, d'avoir l'AETMIS avec le Conseil du médicament regroupés sous le même chapeau, avoir un Institut national d'excellence en santé et services sociaux. Même si le projet n'est pas parfait, c'est mieux que le statu quo.

M. Castonguay (Claude): Bien, écoutez, je vous demanderais, là, de ne pas présumer de mon accord, avant de faire un commentaire, si c'était possible. Parce que des fois je vais être en désaccord, pas juste sur des nuances, sur des aspects pas mal plus fondamentaux.

M. Bolduc: O.K. Mais je pense que globalement, pour le Québec, c'est déjà une belle évolution que de regrouper ensemble les deux organismes, ne serait-ce, comme vous...

M. Castonguay (Claude): Si vous lui donnez des dimensions un peu plus grandes qu'à peu près les dimensions actuelles de l'AETMIS et du Conseil du médicament.

M. Bolduc: En tout cas, il y a des possibilités, excepté qu'on ne veut pas nécessairement tout écrire dans la loi. Puis je sais que, vous, vous auriez aimé, parce que vous avez fait le rapport, dire: Moi, j'aimerais ça que ce soit encadré dans la loi. On en avait discuté déjà. Par contre, moi, à l'époque, même j'avais dit, par rapport au panier de services: J'ai une réserve. Puis je vais vous l'expliquer un petit peu, pourquoi.

La première chose, au niveau des services sociaux, moi, je pense, le fait de regrouper santé et services sociaux, je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut avoir une certaine protection pour les services sociaux. Les services sociaux, c'est... sont moins habitués, puis je dirais que c'est moins développé au niveau de l'évaluation, mais c'est important qu'au niveau de l'institut il accorde autant d'importance à l'un qu'à l'autre. Au même titre, comme les gens faisaient mention ce matin, il ne faut pas que le médicament prédomine sur la fonction évaluation comme avait l'AETMIS. Ça, pour nous autres, je pense, c'est à l'intérieur... Puis là il faut faire confiance aux gens qui vont être là-dessus. Il y a des balises qui vont se donner, mais je suis certain qu'il va y avoir un équilibre. On peut déjà voir qu'il va y avoir trois bras assez majeurs: l'équivalent de l'AETMIS, l'équivalent du médicament puis également tout ce qu'il y a au niveau des services sociaux.

L'autre élément, si vous regardez l'AETMIS, le Conseil du médicament, tout le monde nous a dit, puis je pense que vous le reconnaissez, que ça fonctionne très bien, que généralement ils font un bon travail, ils ont la crédibilité. La façon dont ils sont gérés actuellement, ils dépendent du ministre, ce qui n'a pas empêché qu'ils ont développé de la crédibilité avec le temps. Et, moi, je pense que la crédibilité est beaucoup plus en fonction du travail qu'ils font et des gens qui sont là-dessus. Que ce soit indépendant ou dépendant - puis je comprends qu'on pourrait avoir un mécanisme de protection de l'indépendance - la crédibilité, elle vient beaucoup plus du travail qu'ils vont faire, des résultats que ça va apporter que la crédibilité que les gens vont leur donner. Moi, je pense que là-dessus...

Puis c'est certain que, comme gouvernement, on veut se garder quand même une certaine façon de voir, puis je peux vous dire que la volonté, c'est de les rendre relativement autonomes, un peu comme l'AETMIS l'était, sauf qu'il faut qu'il y ait, je dirais, une certaine discussion avec le gouvernement. Puis, quand vous arrivez... Vous avez dit tantôt... Bon, vous avez dit: Le ministre, il va fixer les priorités. Moi, de ce que j'ai compris, ils ont un pouvoir d'initiative, comme l'AETMIS l'avait. Moi, à ma connaissance, l'AETMIS ne nous demandait pas de dire: Ministre, je voudrais évaluer telle affaire, tu me donnes-tu l'autorisation? Ils pouvaient d'eux autres mêmes décider de faire l'évaluation de certains sujets, ils établissaient eux autres mêmes les priorités.

Par contre, si on avait un problème, puis vous avez décrit tantôt la problématique, mettons, de l'utilisation du Ritalin, bien le ministre, voyant ça, pourrait dire à l'AETMIS: Est-ce que vous pourriez nous faire une évaluation indépendante et nous faire rapport là-dessus? Autrement dit, il y a une possibilité d'initiative, même si ce n'est pas noté comme ça dans la loi, et les priorités, elles vont être faites... Non seulement le ministre va regarder pour les priorités, mais la table de concertation également.

Puis, quand on a rencontré le collège, ce matin, le collège disait: Bien, nous autres, on va s'attendre à ce qu'on puisse discuter des priorités ensemble parce que ce qu'on veut, c'est de l'amélioration pour la société québécoise, avoir de l'évaluation. Puis je comprends que ce ne sera pas un bras du ministre qui va dire: Tu vas... Vous allez faire ci, vous allez faire ça. Par contre, oui, il va y avoir de l'interaction avec le ministre, puis le ministre, à la fin, c'est lui qui est responsable de l'organisme.

L'autre élément, au niveau de la transparence, il va quand même y avoir...

.(15 h 20).

M. Castonguay (Claude): Est-ce que je pourrais commenter sur ce que vous venez de dire?

M. Bolduc: Oui, allez-y. Oui, allez-y. Allez-y là-dessus.

M. Castonguay (Claude): Évidemment, vous dites, vous, là: Moi, je suis plein de bonnes intentions et je vais faire en sorte que tout ça fonctionne de façon harmonieuse, etc. Sauf que vous n'êtes pas seul, il y a bien du monde qui vous regarde, et on sait que les apparences, bien des fois, sont aussi importantes et plus importantes que la réalité. Et on est dans un domaine où il y a des influences qui jouent, il y a des intérêts, et c'est pour ça que l'on a proposé un certain nombre de choses qui diffèrent par rapport à la situation actuelle. Et monsieur... le Dr Iglesias, qui est président de l'AETMIS, a signé ces recommandations-là. Mme Robitaille, qui est ici, qui est directeur général du Conseil du médicament, l'a signé, elle aussi. Alors, si vous voulez savoir pourquoi est-ce que ce serait bon que ça se passe d'une façon un peu différente, il me semble que vous auriez intérêt à les écouter. Moi, ce que j'ai à vous dire, je vous l'ai dit, je l'ai... nous l'avons écrit, et, si ça ne vous convainc pas, vous devriez leur demander.

M. Bolduc: O.K. Mais je veux juste... Oui, de toute façon, c'est d'être... Moi, j'avais déjà eu des discussions avec le Dr Iglesias puis avec Mme Robitaille...

M. Castonguay (Claude): Non, non, devant les membres ici, là, hein?

M. Bolduc: Ah! Bon, ça, c'est une discussion qu'on va avoir entre nous autres.

La question du panier de services... Puis ça, je pense que c'est central parce que, vous, ce que vous aviez recommandé, vous disiez: D'emblée, l'INESSS devrait avoir un rôle d'évaluation du panier de services puis faire des recommandations, puis après ça, bien, le ministre, il décidera si, oui ou non, c'est... de les appliquer. Si, moi, je m'étais... Puis, moi, la façon dont on l'a vu, c'est que, si on met le panier de services d'emblée dans la fonction de l'INESSS, moi, ce que je pense que ce qui aurait été perçu par la population, ça va être l'organisme régulateur de décider qu'est-ce qui va être dans le panier de services, qu'est-ce qui ne le sera pas.

Et ce que j'ai dit, puis je l'ai dit plusieurs fois depuis hier - juste pour finir - j'ai dit plusieurs fois, depuis hier: Je pense que, si un gouvernement décide de dire: On va jouer dans le panier de services, ou on doit réévaluer le panier de services, ou encore il y a des choses, tout simplement, qui devraient être éliminées du panier de services, à ce moment-là, je pense que c'est intéressant, et c'est la possibilité que le ministre a, avec la possibilité de demander d'autres mandats, la possibilité de dire à l'INESSS: Écoutez, faites-nous une évaluation. C'est quoi, les conséquences de retirer ou de garder dans le panier de services telle chose? Également, je pense qu'on peut demander à l'INESSS - et je pense qu'on va le faire - sur certaines technologies: Est-ce que c'est des technologies qu'on devrait garder? Est-ce que c'est des technologies qu'on devrait continuer à assurer? Ça, ça peut faire partie du... ça fait partie du mandat de l'INESSS, mais dans ce que j'appellerais «tout autre mandat».

Si on avait dit d'emblée que l'INESSS, elle va être responsable d'évaluer ça... Puis je suis content que vous ayez fait la nuance parce qu'il y en a beaucoup qui disaient: Bien, c'est l'INESSS qui va décider. Je pense que vous le reconnaissez, c'est au politique de décider qu'est-ce qui va être dans le panier de services, mais sur recommandation ou sur avis d'une organisation que, je pense, qui fait de l'excellente évaluation objective, que va être l'INESSS.

M. Castonguay (Claude): M. le Président, la révision du panier de services, on retrouve ça dans la plupart des organismes dans les autres pays, et je pense que les Québécois sont aussi intelligents, malgré, là, ce que le ministre vient de dire, que les Québécois ne comprendront pas, ils vont penser que c'est un autre organisme qui décide à la place du gouvernement. Moi, je pense que les Québécois sont capables aujourd'hui de faire ces distinctions-là.

Et ce qui importe le plus, c'est l'indépendance, encore une fois, et la crédibilité des avis qui sont donnés. Et, quand c'est fait sans qu'on sache trop qui a décidé de regarder quelle question, qui a décidé qu'on ne regarde pas celle-là, elle est peut-être un peu trop délicate, c'est là que des malentendus s'insèrent dans les systèmes. Et c'est pour ça que l'indépendance, la transparence sont partie de la question. Et c'est pour ça que je continue de croire que la composition du panier de services, ça devrait faire partie du mandat de l'INESSS.

M. Bolduc: O.K. C'est parfait. Ça va être tout, M. le Président.

Le Président (M. Kelley): Parfait. Merci. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens à dire ma surprise d'apprendre qu'il a fallu que vous insistiez pour être invité à témoigner devant cette commission. Je l'ai appris quand vous l'avez affirmé et j'en suis surpris et un peu indigné. Je suis d'accord avec vous...

M. Castonguay (Claude): ...aussi, d'ailleurs.

M. Drainville: Oui. Je suis d'accord avec vous que ce serait une excellente idée que nous entendions le Dr Iglesias et que nous entendions également Mme Robitaille. Et je tiens à dire également que Génome Québec aimerait bien être entendu par cette commission, et nous sommes en discussion avec le bureau du ministre sur cette question-là. Mais, si on doit changer l'ordre... l'échéancier des travaux de cette commission pour y inclure Génome Québec, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire pour y inclure également les dirigeants de l'AETMIS et du Conseil du médicament.

Sur le fond des choses, maintenant, moi, je partage plusieurs de vos inquiétudes. La première inquiétude que je partage, c'est celle du manque d'indépendance de l'INESSS dans sa version proposée par le ministre. Et, depuis hier, je questionne les gens qui se présentent devant nous et j'essaie de voir les différentes formules qui pourraient, comment dire, être aménagées pour nous permettre d'obtenir cette indépendance qui soit la plus grande possible à l'égard de l'autorité politique ministérielle. Et peut-être pouvez-vous nous éclairer un petit peu là-dessus par rapport aux exemples d'autres organismes qui existent comme ça ailleurs dans le monde. Est-ce que... Bon, le Dr Barrette nous a dit, par exemple, que lui souhaiterait que ce soit une sorte de collège, regroupant un certain nombre de représentants, des gens du milieu de la santé et des services sociaux, qui pourrait recommander des candidatures pour le conseil d'administration et pour la direction de l'organisme. Il y a évidemment la formule que j'ai évoquée, celle de dirigeants ou même éventuellement d'un conseil d'administration dont la composition serait approuvée par l'Assemblée nationale.

Vous, qu'est-ce que vous pensez? Qu'est-ce qui serait la meilleure façon de choisir, de désigner donc le conseil d'administration, et en particulier le président du C.A. et le directeur ou la directrice générale?

M. Castonguay (Claude): Bon, en ce qui a trait aux membres du conseil d'administration, on avait proposé dans le rapport... on a proposé dans le rapport, là, du comité d'implantation qu'il y ait une certaine représentation équilibrée, là, de gens provenant... représentant les médecins, les infirmières, pharmaciens... En tous les cas, on a fait une liste. Et, s'il y avait un processus bien établi de consultation des organismes, pas juste des organismes comme la Fédération des médecins spécialistes, là, qui a une fonction syndicale, mais le Collège des médecins et les autres organismes, l'Association médicale du Québec... et qu'on pouvait, là, identifier quelques personnes qui sont vues vraiment comme étant très compétentes, acceptées au plan, là, de leur rigueur, de leur objectivité et de leur indépendance par la profession, ce serait l'idéal. La même chose si on veut nommer, je ne sais pas, moi, une infirmière, un travailleur social. Et c'est des processus qui ne sont pas tellement longs.

Et, si vous avez un bon conseil de constitué au départ, après ça, pour que la roue tourne, il n'est peut-être pas nécessaire de reprendre un processus comme celui-là, mais peut-être que le conseil lui-même pourrait se former un comité et aller faire les recommandations pour le renouvellement des membres au fur et à mesure que ça se déroule. Et c'est ce genre d'organisme là... de processus là qui devrait être utilisé.

C'est différent de consulter. On consulte... Je le sais, moi, j'ai été ministre, j'ai fait des consultations, mais en définitive, bien souvent, je nommais ceux que je croyais qui devaient être nommés, pas nécessairement ceux que les autres croyaient qui devaient être nommés.

Alors, c'est un processus comme celui-là, moi, je crois qui devrait être suivi.

M. Drainville: Et qui devrait mener ce processus, selon vous?

M. Castonguay (Claude): Bien, écoutez, vous avez des... il y a, je ne sais pas, moi...

M. Drainville: Est-ce que ça pourrait se faire par une commission comme la nôtre ou est-ce qu'il faut sortir ça complètement du politique?

.(15 h 30).

M. Castonguay (Claude): Bien, vous pourriez demander au secrétariat, je ne sais pas, moi, au ministère de la Justice de créer un petit mécanisme, une petite équipe temporairement pour que... ou au Directeur général des élections, je ne le sais pas. Il y a un certain nombre de personnes, là, qui sont vues comme indépendantes, qui ne sont pas intéressées à jouer des jeux, qui seraient capables de mettre un petit processus comme ça en marche de façon rigoureuse, honnête, acceptable. Ce n'est pas une grosse affaire, hein?

M. Drainville: Quand vous parlez, dans votre mémoire: «que l'institut dispose d'un financement adéquat, indépendant et stable», est-ce que vous pouvez nous éclairer là-dessus? Quand vous parlez de «stable», est-ce que vous parlez, par exemple, d'un pourcentage du budget du ministère de la Santé, comme ça se fait ailleurs?

M. Castonguay (Claude): Bon, on n'a pas voulu aller dans des formules, là, mais l'idée est qu'on puisse peut-être établir un budget, là, sur une période de trois ans ou de cinq ans de telle sorte que l'on sache que, l'année d'après, si on commence à engager du personnel, l'année d'après, on ne sera pas mal pris par des coupures de budget, qu'on puisse savoir s'il y a une certaine croissance. Parce que c'est clair qu'au début un organisme comme l'INESSS ne sera pas en mesure de se lancer, là, tous azimuts. Il va falloir qu'il fasse bien attention à ses priorités, qu'il s'engage dans certaines choses bien ciblées, et graduellement, au fur et à mesure que sa crédibilité va s'établir, il va pouvoir en prendre un peu plus, alors un budget un peu en croissance pour pouvoir aller chercher les équipes.

Et je reviens aux questions qui ont été discutées, là, avec le groupe précédent, il faut qu'il y ait, dans un tel organisme, un certain noyau permanent. Et l'idée que vous pouvez aller recruter des gens, là, avec des mandats, là, si vous avez besoin d'autres expertises, ça répond peut-être à certains besoins quand vous avez une question très pointue, mais il vous faut une certaine équipe. Et le message que, moi, j'ai retenu des travaux que nous avons faits, des problèmes que vit le Conseil du médicament et l'AETMIS, c'est qu'ils ont beaucoup de difficultés, dans les barèmes de la fonction publique, de recruter tout le personnel, là, de cette équipe un peu spécialisée dont ils ont besoin pour bien fonctionner et faire plus que ce qu'ils font présentement. Et c'est pour ça que je vous dis que, si vous écoutiez les deux représentants, les deux dirigeants de ces organismes-là, vous pourriez avoir des exemples beaucoup plus précis, beaucoup plus concrets que ce que je peux vous dire, moi.

M. Drainville: Mais les raisons pour lesquelles c'est difficile soit de recruter ou de retenir l'expertise dont vous nous parlez, est-ce que c'est des raisons de rémunération, notamment?

M. Castonguay (Claude): Oui.

M. Drainville: C'est ça?

M. Castonguay (Claude): Dans une bonne mesure, si j'ai bien compris, ce sont des questions de rémunération. Et la raison pourquoi pour... Là, on parle d'un institut, là, de niveau élevé, là, et on ne parle pas, là, des normes qui s'appliquent à l'ensemble, là, des professionnels, là. Et, si vous voulez qu'il puisse recruter ce personnel-là, il faut aller un peu au-dessus des normes, à mon avis. Et la raison pour laquelle le gouvernement ne veut pas appliquer ça à tous les professionnels, c'est que les coûts deviendraient prohibitifs. Alors, il s'agit d'avoir un peu de marge de manoeuvre pour que le Conseil du médicament, l'AETMIS puissent aller chercher cette équipe-là hautement spécialisée. C'est clair que les médecins qui travaillent ou les spécialistes qui travaillent à l'Institut de cardiologie de Montréal, ils gagnent plus que le personnel qui travaille dans un hôpital général, ça va de soi. Il me semble, c'est assez clair, ça, cette question-là, à mon avis.

M. Drainville: Donc, est-ce que ça vous semble raisonnable d'entendre le ministre nous dire et dire publiquement que le budget de la future INESSS sera le budget de l'AETMIS et du Conseil du médicament sans que plus de ressources ne soient nécessaires? Est-ce que ça vous semble raisonnable, ça?

M. Castonguay (Claude): Bien, écoutez, si le conseil... Si on fusionne les deux, il n'y aura pas beaucoup d'économies. Bon. Peut-être une réceptionniste ou un bonhomme... une personne affectée à la réception, peut-être quelques... un, ou deux, ou trois postes, là, mais c'est minime, à mon avis. Alors, si l'AETMIS... l'INESSS est pour assumer plus de fonctions que celles qu'il assume... que les deux assument présentement, ça va entraîner des coûts additionnels, c'est bien clair.

M. Drainville: Sur la question du panier de services, M. Castonguay, j'ai posé cette question-là à M. Venne et je vais vous la poser également. Il y a beaucoup de gens, beaucoup de personnes au sein de la société québécoise qui sont très inquiets quand ils voient «révision du panier de services», parce qu'ils n'entendent pas «révision», ils entendent «réduction». Et je ne juge pas cette opinion-là. Je pense que, dans certains cas, ils ont raison de le craindre, très certainement. La question est de savoir: Est-ce que c'est vraiment une révision ou est-ce que «révision» n'est pas un mot codé pour réduction et réduction systématique? Et, à ce moment-là, c'est ce qui fait... Moi, je pense, qu'il y a certains des groupes qui se présentent devant nous qui sont plutôt heureux de ne pas voir le mandat «panier de services» dans l'INESSS, parce que, pour eux, «révision», ça veut dire «réduction». Vous leur répondez quoi?

M. Castonguay (Claude): Évidemment, ces craintes-là, elles sont... Vous les avez entendues, et elles sont... semblent exister, et je pense bien qu'on ne peut pas le nier. Mais c'est de là l'importance de la transparence dans les processus. Si l'INESSS envoie un avis au ministre qui aurait pour objet de vraiment couper dans les dépenses, sans plus, si c'est fait de façon transparente, les gens vont le voir. Vous allez le voir, l'opposition va le voir, les médias vont le voir. Et ça va être... ça va couper toute l'histoire bien vite, hein? Le ministre n'ira pas beaucoup plus loin si c'est uniquement une question de couper. Et, si c'est un avis qui est bien fait et qui dit: Il serait peut-être plus approprié de dépenser là et peut-être un petit peu moins là, ou encore: les ressources additionnelles que nous avons, au lieu de les éparpiller, on va les concentrer sur tel endroit, si c'est bien fait, si c'est bien expliqué, moi, j'ai encore confiance dans la capacité de la population de comprendre, en autant qu'on l'informe.

M. Drainville: Et en autant que la crédibilité de cet organisme soit sans tache, sans faille.

M. Castonguay (Claude): Oui. Oui.

M. Drainville: Parce que, vous le dites vous-même, si les gens ont l'impression que cet organisme-là ne sert qu'à proposer des coupes sombres dans le réseau, dans les services de santé et de services sociaux, cet institut-là va perdre très rapidement sa crédibilité. Parce que, dans le fond, sa force, elle va... Elle va tirer sa force de son autorité morale, essentiellement, on s'entend là-dessus.

M. Castonguay (Claude): Oui. Exactement. Et vous pouvez imaginer que, les cinq personnes ou six personnes avec qui j'ai travaillé - regardez-les de nouveau, là, qui elles sont - c'était dans cet esprit-là qu'on a formulé nos propositions.

M. Drainville: Là, la question qui va se poser, M. Castonguay, puis je l'ai posée à M. Venne, je l'ai posée à quelques autres personnes également, la question qui va se poser, c'est: Est-ce qu'on... Est-ce que ce projet-là vaut mieux que rien du tout? Est-ce qu'il vaut mieux aller de l'avant avec cet INESSS qui n'est qu'une pâle copie, dites-vous, de ce que vous aviez recommandé dans deux rapports, qui est un acte politique manqué, selon Michel Venne? Est-ce qu'il vaut mieux aller de l'avant avec cette demi-INESSS, quitte à l'améliorer par la suite, ou est-ce qu'il vaut mieux tout simplement dire: Écoutez, tant qu'à partir comme ça du mauvais pied, on laisse faire et on garde le statu quo? Quel est votre avis là-dessus?

M. Castonguay (Claude): Bien, moi, je dirais, là, qu'on est dans un domaine où on bâtit pour le long terme. On discute de notre système de santé qui a été mis en place il y a déjà 40, 45, 50 ans. Et c'est un système qui est évidemment permanent, et on bâtit pour le long terme. Le débat est engagé sur la création d'un institut national d'excellence. Je pense que pas mal tout le monde est d'accord avec la création d'un tel organisme. L'idée a flotté longtemps sans que rien ne soit fait. On est rendus, là, finalement à l'étape où il y a un accord sur le fait que ça devrait être fait. Il n'y a rien qui urge et qui demande que ça soit fait, là, dans le mois, là, qui vient ou les deux mois qui viennent. Moi, il me semble que, compte tenu, là, de tout ce que vous entendez, il y aurait avantage de bien réfléchir et non pas mettre de côté le projet, mais de l'améliorer, de faire en sorte que le projet qui ressortira, il soit vu par tout le monde comme étant le meilleur projet et non pas un projet dilué ou un projet, là, qui n'a pas le souffle ou l'élan qu'il devrait avoir.

.(15 h 40).

M. Drainville: Oui, mais, M. Castonguay, moi, je peux vous dire, du côté de l'opposition, on est bien prêts à travailler pour tenter de l'améliorer, mais on n'est pas majoritaires au Parlement, là, nous, là. Alors, à un moment donné, il y a un bout qui ne nous appartient pas.

Et, moi, ce que j'entends du côté ministériel et ce que j'entends de la part du ministre jusqu'à maintenant, en tout cas, sur la question du panier de services - et c'est très clair, là, je ne sens pas beaucoup d'ouverture - c'est de dire: Moi, je veux envoyer un signal clair que c'est les élus qui prennent la décision sur le panier de services puis je n'ai pas le goût de donner ça à l'institut, en tout cas, certainement pas dans son mandat explicite tel qu'énoncé dans la loi. Alors, il va falloir qu'il y ait une ouverture là-dessus pour que vous donniez votre appui à la création éventuelle de l'INESSS. Ça, je pense que, pour vous, c'est pas mal une condition sine qua non. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Castonguay (Claude): Écoutez, je pense que vous présumez, là, en disant qu'il faut que je donne mon appui.

M. Drainville: Non, non, non, je dis... Je ne dis pas qu'il faut, mais je dis que, pour que vous le donniez, il me semble qu'il y a un certain nombre de conditions qui doivent être rencontrées. Et ma... Je peux me tromper, mais il me semble que ma compréhension de votre position, c'est que, pour que vous donniez votre appui à la création de l'INESSS, il va falloir que le panier de services fasse partie du mandat. Est-ce que je me trompe ou est-ce que...

M. Castonguay (Claude): Bien, c'est une espèce... C'est un dilemme, là, que vous soulevez. Moi, je ne suis pas dans le processus politique, et, comme vous pouvez le constater, mon influence auprès du ministre est très limitée, comme vous pouvez le voir. Alors, vous soulevez un dilemme pour moi. Je ne peux pas vous dire non parce qu'il y a du bon dans le projet, mais je ne peux pas vous dire oui, d'y aller comme ça sans l'amender, alors, tout ce que je peux vous dire, c'est que j'espère, j'espère sincèrement, profondément, que le projet va être amélioré avant d'être adopté. C'est tout ce que je peux vous dire.

M. Drainville: O.K. Bon. Sur le panier de services, vous me dites: Attention! Voyons. Sur la question de l'indépendance, êtes-vous...

M. Castonguay (Claude): Non, je ne vous dis pas... je ne vous dis pas: Attention! Voyons. Je crois, moi, que les trois points que j'ai soulevés devraient faire l'objet d'améliorations, d'amendements et d'améliorations au projet de loi.

M. Drainville: Les trois étant la nature et l'indépendance...

M. Castonguay (Claude): La transparence.

M. Drainville: La transparence et le panier de services.

M. Castonguay (Claude): Et le panier de services, oui. Non, si j'avais à vous... S'il y avait d'autres histoires, là, d'un deuxième ordre, là, j'aurais pu aller plus loin. J'ai voulu justement porter... faire porter mon... en tous les cas, mes commentaires sur des aspects que je considérais comme étant fondamentaux.

M. Drainville: Je ne sais pas si vous avez entendu nos débats ou si on vous a rapporté quelques-uns de nos débats, il y a le fameux article 19 sur la question des conflit d'intérêts. Est-ce que vous souhaitez que je vous le lise?

M. Castonguay (Claude): Bien, j'ai la copie de la loi ici, là, je vais la regarder, oui.

M. Drainville: Alors, je vous le lis. Article 19: «Le seul fait pour un membre du conseil d'administration ayant la qualité d'administrateur indépendant de se trouver, de façon ponctuelle, en situation de conflit d'intérêts, n'affecte pas sa qualification.»

C'est ce que dit le projet de loi. Nous, on a un sérieux problème avec ça parce qu'on conçoit mal un projet de loi qui ouvre la porte à un conflit d'intérêts pour un membre du conseil d'administration de la future INESSS, si jamais elle est créée. Vous, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Castonguay (Claude): Bien, écoutez, je ne suis pas, là, un spécialiste de la gouvernance, je ne suis pas un juriste. L'expérience, moi, que j'ai eue, c'est dans des compagnies dans le secteur privé: j'ai été dans le domaine des services financiers à une époque où ils avaient meilleure réputation qu'ils l'ont aujourd'hui. Et il y a évidemment des fois des membres du conseil qui étaient placés dans une situation de conflit d'intérêts. La règle qui était suivie à cette époque-là, c'est: quand une question était soulevée au sein du conseil, qui les mettait en conflit d'intérêts, ils s'absentaient, ils ne participaient pas à la décision, et le secrétaire du conseil le notait pour qu'il soit bien clair que la décision avait été prise en l'absence de la personne. Bon. Ça, moi, c'est ce que j'ai connu, et ça donnait de bons résultats.

Maintenant, ici, est-ce que ça va trop loin, est-ce que... Tout ce que je peux dire, c'est que, dans le monde, moi, que j'ai connu, la règle qui s'appliquait est un peu conforme à celle que l'on voit ici. Est-ce qu'on devrait expliciter par contre quel devrait être le comportement quand la personne est vraiment en conflit d'intérêts, qu'est-ce qu'elle devrait faire? Mais ça, peut-être que le projet pourrait être un peu plus précis, au lieu de juste dire que ça ne le disqualifie pas.

M. Drainville: Avant de céder le reste de notre temps de parole à mon collègue de Saint-Jean, j'aimerais vous remercier de vous être déplacé et vous signifier le respect que j'ai. Je ne suis vraiment pas toujours d'accord avec certaines des prises de position que vous avez eues par le passé, entre autres sur le rôle du privé en santé, mais je pense que vous êtes quelqu'un qui apportez encore, à un âge vénérable, une contribution fort importante au débat public, et je vous en suis reconnaissant.

M. Castonguay (Claude): Merci.

Le Président (M. Kelley): Alors, une dernière question. M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: J'aimerais ça vous poser une question qui paraît simple mais à la fois peut-être qui est assez complexe: Lors des travaux de votre comité au départ, quand il vous est apparu l'idée de créer justement l'INESSS, comment vous avez amené cette réflexion-là? C'est quand même une... en apparence, là, un gros institut, une grosse machine qui peut être peut-être difficile à amener un équilibre entre le système de santé, services sociaux, la question des médicaments, la question des technologies. Comment... Est-ce que vous avez eu une réflexion au niveau des balises qui pourraient être faites pour assurer un certain équilibre entre tous ces secteurs-là dans un même institut?

M. Castonguay (Claude): Bon. D'abord, je m'excuse, là, de vous dire ça, mais ça ne sera pas... ça ne devrait pas être une grosse machine, justement. Il faut que ce soit une équipe bien constituée, qui, lui, confie à des groupes les questions, là, qui doivent être étudiées, analysées, qu'il y ait une équipe, là, un noyau au sein de l'organisme mais que les travaux se fassent par des spécialistes, par des gens les plus aptes à se prononcer sur chaque question, alors des mandats qui sont donnés. Alors, on ne voit pas une grosse machine.

L'autre question par contre, elle est très importante, c'est le choix des priorités, et ça, c'est la question la plus importante à laquelle le conseil d'administration, et la direction de l'INESSS, aura à aborder, parce que justement il y a plusieurs questions qui vont se poser et qui se posent. Évidemment, il y a des mécanismes déjà en place, l'AETMIS existe, le Conseil du médicament, puis on réussit à concilier, chacun, là, dans leur domaine, ces deux questions-là, comment fixer leurs priorités. Alors là, on ne voit pas... moi, je ne vois pas l'INESSS, du jour au lendemain, se lancer, là, dans toutes sortes de directions, il va falloir aussi qu'il y aille graduellement et qu'il fasse ses armes dans l'émission d'avis ou de guides de pratique ou dans l'émission d'avis sur le champ de... la couverture, par exemple.

Alors, c'est un organisme qui est là pour le long terme et qui, à mon avis, devrait établir sa crédibilité en fonctionnant d'une façon, là, bien contrôlée, à partir de priorités bien établies et en s'appuyant sur des ressources externes aussi.

Le Président (M. Kelley): Je vous remercie. Je vais faire un court commentaire... de député de Marie-Victorin, merci beaucoup pour votre contribution continue à notre réflexion sur notre système de santé et des services sociaux, le partage de votre expertise.

Avant de terminer notre journée, on a commencé avec un appel que Gilles Dussault a lancé sur la question d'Haïti et la solidarité, et je veux exprimer une pensée particulière à un ancien député à l'Assemblée nationale, Serge Marcil, qui était porté malheureusement disparu, il est arrivé en Haïti hier. À ses proches, notamment la présidente du Conseil du statut de la femme, Mme Pelchat, et Olivier Marcil, son fils, qui travaille au bureau du premier ministre, un souci particulier pour cette famille qui est juste un exemple des liens étroits entre le Québec et l'Haïti, et la grande détresse de ce pays suite au tremblement de terre. Alors, sur ça, une prière particulière pour cette famille, les proches de notre ancien collègue et ami Serge Marcil. Sur ça, on va ajourner nos travaux à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 15 h 49)

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