(Neuf heures trente minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Bonjour, tout le monde. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la commission spéciale sur l'évolution des soins de fin de vie ouverte.
La commission est réunie virtuellement aujourd'hui
afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Non,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. J'aimerais également avoir le consentement pour permettre au député de Chomedey
de se joindre à nous. Merci. Consentement.
Auditions (suite)
Donc, cet
avant-midi, nous entendrons, par visioconférence, les groupes suivants,
donc : l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l'Ordre des
psychologues du Québec et le Dr Louis Morissette.
Donc, sans
plus tarder, je vous présente Mme Carine Milante, conseillère à la
qualité de la pratique, Direction du développement et du soutien
professionnel, et M. Luc Mathieu, président de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec. Bienvenue. Merci d'être avec nous ce
matin.
Donc, la
procédure, vous avez 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et par la
suite il y aura un échange avec les membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ)
M.
Mathieu (Luc) : Oui. Bien,
merci, Mme la Présidente. Alors, comme vous l'avez mentionné, je suis Luc Mathieu, président de l'Ordre des infirmières,
infirmiers du Québec. Je suis accompagné de Mme Milante, là, qui est
infirmière, conseillère à la qualité de la pratique à l'ordre.
Alors, investi de sa mission de protection du
public, notre ordre représente quelque 80 500 infirmières et
infirmiers, le plus grand ordre professionnel du Québec. Ce mémoire présente la
position de l'ordre relativement aux deux enjeux au coeur du mandat de la commission
spéciale, soit l'élargissement de l'accessibilité à l'aide médicale à mourir
pour les personnes en situation d'inaptitude et pour celles souffrant d'un
trouble mental comme seul problème médical invoqué.
Alors, débutons avec l'élargissement de l'aide
médicale à mourir à une nouvelle clientèle. D'abord, parlons des personnes en
situation d'inaptitude. Pour l'OIIQ, l'aptitude à consentir aux soins est
impérative en tout temps et reste un critère essentiel à l'admissibilité à l'aide
médicale à mourir. Nous accueillons favorablement la possibilité pour une
personne de signifier son désir de recevoir l'aide médicale à mourir par le
biais d'une demande anticipée.
En 2019, un rapport nommé L'aide médicale à
mourir pour les personnes en situation d'inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l'autodétermination, la
compassion et la prudence fut
déposé au ministère de la Santé et
des Services sociaux. Composé de
13 experts provenant de divers milieux, dont l'OIIQ, ce groupe a déposé 14 recommandations en cas
d'application de l'aide
médicale à mourir pour des personnes
en situation d'inaptitude. Ces recommandations ayant
été faites avant que ne soit rendu le jugement dans l'affaire Truchon-Gladu et
le projet de loi C-7, nous suggérons de poursuivre la réflexion sur la
possibilité de recevoir l'aide médicale à mourir dans les situations
d'inaptitude.
Cela étant dit, nous tenons tout de même à faire
part de nos préoccupations. Nous sommes aussi conscients que certaines de nos
recommandations ne seront pas identiques à celles du groupe d'experts. En ce
qui concerne les personnes ayant reçu un diagnostic de maladie
neurodégénérative, voici notre position. Pour cette clientèle, l'OIIQ est
favorable à leur permettre d'exprimer une demande anticipée par le biais des
directives médicales anticipées, appelées DMA. Tel que défini par la loi, si la
personne devenue inapte a antérieurement exprimé ses volontés dans une DMA, les professionnels n'auront pas
besoin d'obtenir un consentement substitué pour intervenir auprès de ces
personnes.
Les DMA ont
donc une valeur contraignante, c'est-à-dire que les professionnels de la santé ont l'obligation de les respecter et évitent aux proches de porter le fardeau
d'une décision délicate. La DMA constitue donc un véhicule à privilégier,
d'autant plus qu'une législation est déjà en place depuis plusieurs années.
De plus, dans
la Loi concernant les soins de fin de
vie, les DMA s'appliquent selon des situations
cliniques très précises, dont la suivante, lorsqu'une personne souffre d'une
atteinte sévère et irréversible des fonctions cognitives sans possibilité d'amélioration, par
exemple, la démence de type d'Alzheimer
ou tout autre type de démence à un stade avancé.
L'OIIQ
considère que la situation clinique ci-dessus, décrite pour l'application des DMA, englobe les personnes ayant reçu un diagnostic de
maladie neurodégénérative. Toutefois, il importe que des critères précis et
objectivables soient clairement établis pour déterminer
le moment où la personne dans cette situation deviendrait sujette à recevoir l'aide médicale à mourir. Les DMA, grâce à leur valeur contraignante,
constituent ici le moyen privilégié pour l'expression des volontés de
recevoir l'aide médicale à mourir.
Nos recommandations pour les personnes ayant un
diagnostic de maladie neurodégénérative sont donc les suivantes. Recommandation 1 : Nous recommandons que les personnes
ayant reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative et étant encore
aptes à consentir aux soins puissent demander l'aide médicale à mourir par le
biais d'une demande anticipée, dont la forme reste à définir.
La deuxième recommandation est à l'effet que des
critères d'application soient clairement définis en ce qui a trait aux demandes
d'aide médicale à mourir exprimées par des DMA pour la personne souffrant d'une
maladie neurodégénérative en stade avancé, notamment par la définition d'un
stade d'évolution précis de la maladie et par des critères objectivables à
l'intention des professionnels.
J'aimerais maintenant aborder l'élargissement
aux personnes qui sont dans d'autres situations d'inaptitude. Pour les personnes victimes d'un accident majeur
avec atteinte cérébrale, tel qu'un accident de la route, un AVC majeur
ou une hémorragie cérébrale plongeant la personne en état comateux ou
végétatif, et les personnes qui n'ont jamais été
considérées comme aptes à consentir, le groupe d'experts dont je vous parlais
plus tôt avait recommandé de ne pas autoriser de demande anticipée d'aide
médicale à mourir pour ce type de personnes, que ce soit par le biais des DMA
ou un autre type de demande. À notre avis, la réflexion doit se poursuivre au
sein de groupes d'experts mais aussi au sein
de la société. De notre côté, nous ne sommes pas en
mesure actuellement de statuer sur une recommandation à ce
sujet et nous offrons notre entière collaboration à participer au débat et aux
réflexions.
J'aborderai maintenant la situation des personnes
dont le seul problème médical invoqué est un trouble mental. Comme de nombreux troubles d'ordre physique, les troubles
mentaux peuvent causer une souffrance importante chez les personnes qui en sont atteintes.
Ils peuvent être chroniques, dans bien des cas, et entraîner d'importantes
limitations à la qualité de vie des personnes en souffrant, ces dernières
pouvant par ailleurs être réfractaires à certains traitements. Selon nous, les personnes ayant un trouble mental comme seule problématique médicale évoquée devraient être
aussi autorisées à présenter une demande d'aide médicale à mourir, au
même titre que celles souffrant de problèmes de santé physique.
Toutefois,
l'ouverture de l'aide médicale à
mourir aux personnes ayant le trouble
mental comme seule problématique
médicale invoquée comporte des enjeux qui nécessitent l'instauration de mesures
de sauvegarde. Ces enjeux sont les
suivants : l'aptitude à décider pour les soins qui peut être altérée par
le trouble mental, la notion de maladie incurable qui est difficile à
définir, dans certains cas, en raison de symptômes qui peuvent évoluer dans le
temps, sans compter le désir de mourir, qui
fait partie, dans certains cas, de la symptomatologie du trouble mental, et la
souffrance psychique qui est difficile à évaluer. C'est pourquoi un processus
d'évaluation rigoureux des demandes doit exister. Nous préconisons que l'évaluation
des demandes d'aide médicale à mourir pour cette clientèle soit basée sur des circonstances cliniques et non des diagnostics de trouble mental. Des balises claires et objectives doivent être définies.
Dans l'optique de ne pas favoriser ou banaliser
le suicide auprès des personnes avec un trouble mental, ces personnes doivent
avoir plusieurs options qui leur sont présentées afin d'explorer toutes les
possibilités de traitement et non pas juste l'aide médicale à mourir. Ce
principe est d'ailleurs déjà en place pour les demandes actuelles d'aide
médicale à mourir pour un trouble physique, puisque l'on exige des médecins de
présenter l'ensemble des options possibles de soins de fin de vie afin de
permettre une décision libre et éclairée de la personne.
Nous sommes d'avis que toute demande médicale à
mourir d'une telle personne doit avoir fait l'objet d'une évaluation multidisciplinaire, à la fois par le
professionnel ayant pris en charge le suivi de la pathologie psychiatrique
et par un psychiatre consulté dans le cadre de la demande d'aide médicale à mourir. Ainsi, la personne pourrait bénéficier d'une évaluation de son traitement en cours ainsi que d'une possibilité d'intensification ou d'ajustement du traitement en cours, selon le cas, même
si cela signifie un changement des professionnels impliqués auprès de la
personne. Ce qui m'amène à vous présenter notre troisième recommandation :
Nous recommandons que les personnes avec un trouble
mental comme seule problématique médicale invoquée soient autorisées à demander
l'aide médicale à mourir,
selon des critères d'admissibilité et d'application clairement définis.
• (09 h 40) •
J'aimerais maintenant aborder le sujet de l'aide
médicale à mourir et les infirmières et infirmiers praticiens spécialisés, appelés IPS. Notons que le Québec
accuse un retard quant à l'implication des IPS dans le cadre du processus
de l'aide médicale à mourir. D'autres provinces canadiennes autorisent les IPS
à être évaluateurs ou dispensateurs de l'aide médicale à mourir, mais la loi québécoise
ne le permet pas.
Avec l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la
Loi sur les infirmières et les infirmiers et d'autres dispositions afin de
favoriser l'accès aux services de santé en janvier 2021, les IPS sont désormais
autorisés à diagnostiquer des maladies, à déterminer des traitements médicaux
et à prescrire des médicaments et d'autres substances. Ces nouvelles activités
leur permettent ainsi d'exercer, selon leur classe de spécialité, les activités
professionnelles nécessaires à l'évaluation de l'admissibilité à la
prescription et à l'administration de l'aide médicale à mourir. Maximiser la
contribution des IPS en leur permettant d'évaluer, de prescrire et
d'administrer l'aide médicale à mourir constituerait une avenue souhaitable pour en
favoriser l'accessibilité. Notre quatrième recommandation est donc que les IPS soient autorisées à
participer à toutes les étapes du processus de l'aide médicale à mourir, soit l'évaluation
à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, sa prescription et son administration.
Et, pour terminer, voici notre cinquième recommandation :
L'OIIQ recommande que la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi
concernant les soins de fin de vie implique activement l'OIIQ dans les travaux
à venir concernant l'aide médicale à mourir et les soins en fin de vie.
En terminant, nous
réitérons l'importance de mettre à profit l'expertise des infirmières et
infirmiers. Nous croyons que l'utilisation adéquate de cette expertise pourrait
profiter grandement à la population grâce à une accessibilité accrue à des soins
de fin de vie de qualité. Merci pour votre écoute. Nous sommes maintenant prêts
à répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, M. Mathieu. Donc, je céderais maintenant la parole au député de Rosemont.
M. Marissal : ...merci d'être là.
Votre contribution est assurément appréciée et appréciable. Je vais y aller
dans l'ordre inverse de ce que vous avez présenté, donc je vais commencer par
la fin, sur les troubles mentaux.
Pour des questions de compréhension du public,
dont je fais assurément partie, je ne suis pas un spécialiste de la santé, je
ne travaille pas dans ce domaine-là, vous dites, dans votre recommandation,
qu'il faudrait des critères d'admissibilité clairement définis, mais vous ne
vous avancez pas dans ces critères. Donc, avez-vous une idée quand même?
Avez-vous des pistes ou vous lancez simplement l'idée, puis on devra ensuite
les définir? Mais je présume que vous avez quand même quelques pistes, là, sur
la définition que vous cherchez pour les critères.
M. Mathieu (Luc) :
...
La Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend pas, M. Mathieu. Ouvrez votre micro. Merci.
M. Mathieu (Luc) :
Oui. C'est... Après un an et demi, là, on fait encore ces petites choses là.
Alors, ce que j'essayais de vous dire, c'est qu'on n'a pas encore travaillé sur
des critères précis, à ce que je sache, mais peut-être que ma collègue Mme Milante, là, pourrait... pourrait préciser, là,
ma réponse. Ce qu'on se dit, c'est qu'il faut en préciser les critères.
Mais à moins qu'à l'interne, là, Carine, tu peux préciser s'il y a des
réflexions à ce niveau-là.
Mme Milante (Carine) : Il y a
différents points de vue à regarder. On a aussi... On voudrait, dans le fond,
consulter aussi, là, nos différents collègues à ce niveau-là, surtout
l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui ont proposé certains
critères, qui ont quand même beaucoup d'expertise à ce sujet-là. Le Collège des
médecins aussi propose des critères. On est
d'accord avec les différents critères qui ont été proposés, mais on n'était pas
prêts, là, à vraiment, là... à appuyer un... d'un côté ou de l'autre,
là. Je pense que la réflexion doit se poursuivre, là, au sein de plusieurs
experts, là, par rapport à ça.
M. Marissal : O.K. Parce que
vous apportez quand même des choses dans votre mémoire. «Ce principe est
d'ailleurs déjà en place en ce qui a trait aux demandes...» Attendez, je cherche,
là. Je cherche le passage où vous dites
qu'il faudrait des circonstances cliniques et non des diagnostics de troubles
mentaux. Pour le commun des mortels, là, ça veut dire quoi, ça?
M. Mathieu (Luc) :
Tu peux y aller, Carine.
Mme Milante (Carine) : Bien,
dans le fond, c'est qu'il faut étudier les cas spécifiquement pour les raisons,
là, qui ont été évoquées par
M. Mathieu, là, que, dans le fond, les troubles mentaux, de par leur
nature, ont certaines... posent certaines difficultés, là, en termes, là,
d'évaluation, là, c'est-à-dire que le désir de mourir peut faire partie de la
symptomatologie de la maladie. L'inaptitude peut aussi faire partie, dans le
fond, d'une problématique du trouble mental.
Les symptômes évoluent selon le temps. C'est difficile de vraiment bien
mettre... dire, par exemple : Bien, tous les schizophrènes ne
devraient pas recevoir l'aide médicale à mourir.
On croit qu'il faut, là, absolument, là, étudier
cas par cas. C'est pourquoi aussi on propose qu'il y ait une évaluation beaucoup
plus poussée, une évaluation multidisciplinaire aussi qui soit faite de ces
cas, pour permettre d'offrir, dans le fond, là, tous les traitements possibles
à cette clientèle-là.
Si on prend,
par exemple, les patients avec des problématiques de dépression majeure, un
traitement qui est utilisé, là, souvent en fin de parcours, quand la dépression
est réfractaire à certains traitements, c'est l'électroconvulsivothérapie.
Elle n'est pas offerte partout de façon équitable à travers le Québec et elle
n'est pas offerte par tous les psychiatres. Donc, il faudrait s'assurer que les
personnes qui font une demande et qui ont un trouble mental comme seule
problématique médicale invoquée puissent avoir accès à tous les types de
traitements possibles, là, et, dans le fond, qu'ils puissent avoir d'autres
options que l'aide médicale à mourir.
M. Marissal : Mais ça, vous
conviendrez avec moi que c'est vrai dans bien des cas que des soins en santé
mentale et en soins physiques ne sont pas égaux à travers le Québec et ne sont
pas appliqués de la même façon. On pourrait avoir cette logique-là pour à peu
près tous les problèmes de santé.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de
Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je vais aussi commencer par la fin,
mais la toute fin. Ce n'est pas dans le cadre de notre mandat, ce n'est pas
l'objet de notre mandat, mais je note, donc, qu'il y a eu
une évolution dans votre positionnement par rapport au moment où on a débattu
de la Loi sur les soins de fin de vie, en recommandant maintenant, compte tenu
des changements qui ont été apportés entre-temps à votre loi, que les
infirmières et infirmiers praticiens spécialisés puissent vraiment administrer
l'aide médicale à mourir. Je note ça avec beaucoup d'intérêt, parce que je
pense que c'est un moyen potentiel d'accessibilité plus importante aussi aux
soins. Donc, si jamais vous voulez nous exposer davantage, bien que ce n'est
pas le coeur du mandat mais.... ce qui a fait que vous êtes arrivés à cette
position-là, ça m'intéresserait.
Mais je vais
tout de suite vous poser mon autre question, qui est plus au coeur de ce qui
nous occupe. Deux choses. La première, c'est aussi sur la question des
critères précis et objectivables mais pour la question des demandes anticipées ou
des directives anticipées, parce que je comprends très bien que vous, vous
souhaitez qu'il y ait une valeur contraignante, quand on répond à certains
critères, d'où, j'imagine, le fait que vous vouliez des critères précis et
objectivables.
Donc, est-ce que vous pouvez... Je ne sais pas,
encore une fois, si vous y avez réfléchi, mais est-ce que, pour vous... Là,
vous faisiez référence, par exemple, à un stade d'évolution de la maladie.
Hier, les sociétés d'Alzheimer nous ont dit,
par exemple, que ça ne devrait pas
être avant le stade 6. Je veux savoir, là, à quoi vous réfléchissez. Est-ce que c'est des critères
objectivables, donc une portée limitée dans ce que la personne demanderait à
l'avance, parce que ce serait plus précis et
universel, disons, les conditions qui pourraient donner ouverture à l'aide
médicale à mourir, en termes de critères de stade et de souffrance, par
exemple? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Mathieu (Luc) :
Peut-être, Mme Milante peut répondre à votre question, la dernière, là,
Mme Hivon, et puis je pourrais répondre à la question des IPS par la
suite.
Mme Milante (Carine) : Pour les
différents stades d'évolution... En fait, là, il existe, là, différents stades
d'évolution, effectivement, là, pour les maladies neurodégénératives. Selon
certains experts, là, il peut y avoir de la souffrance, là, à différents
stades, dépendant, là, dans le fond, comment l'atteinte cognitive, elle est,
puis quels sont les symptômes psychologiques, là, dans le fond, de l'atteinte
cognitive aussi. Là, on sait qu'il y a certaines personnes qui, même en stade
précoce, peuvent faire des syndromes crépusculaires, où ils ont une peur
importante de la tombée de la nuit qui cause beaucoup d'anxiété chez eux, puis
tout ça.
On n'a pas, dans le fond, vraiment de moment
précis à définir. Ce qui est important pour nous, c'est... bien, on en a parlé, la valeur contraignante. Parce que
les études le montrent, là, dont l'étude de Mme Gina Bravo, là, de
2018, là, qui fait mention que les proches aidants des personnes
souffrant de maladies neurodégénératives, là, ont quand même une grande vulnérabilité, démontrent beaucoup de détresse
psychologique, de désarroi et démontrent une faible capacité, là, à prendre des décisions éclairées,
là, en termes de soins pour leurs proches, donc, c'est... de là l'importance
de la valeur contraignante, pour nous.
Mais l'important, ce serait de permettre à
chaque personne de faire une demande anticipée en cas de diagnostic de maladie
neurodégénérative, peu importe la façon dont ça se présenterait, là, que ce
soit via les directives médicales anticipées ou un autre type de demande
anticipée. Mais la valeur contraignante, pour nous, a beaucoup de sens.
• (9 h 50) •
Mme
Hivon : O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Donc, nous reviendrons sûrement à la deuxième question
au fil des discussions avec les collègues. Je céderais maintenant la parole à
la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Merci beaucoup
d'être parmi nous ce matin. Vous avez mentionné qu'avec le cas... les troubles
mentaux vous n'iriez pas vers un diagnostic précis. Par contre, vous mentionnez
qu'avec les maladies incurables, les maladies neurologiques, vous iriez plutôt
avec des diagnostics précis. Que faites-vous avec les cas de maladie rare où il
n'y a pas vraiment de diagnostics précis qui sont associés?
M. Mathieu (Luc) :
Peux-tu répondre, Carine, là-dessus?
Mme Milante (Carine) : Bien, on est
pour, dans le fond, que les demandes anticipées soient possibles pour les
patients qui ont une maladie neurodégénérative, sans préciser de diagnostic. Je
crois que chaque cas est unique. C'est un peu la même façon, là, qu'on le voit,
là, pour les troubles mentaux. La loi étant faite, actuellement... parle de
maladie incurable. Donc, on resterait dans le même type de chose, là.
Mme Picard : Parfait. Et puis vous
mentionnez l'équipe multidisciplinaire qu'il pourrait y avoir autour de la
demande. Est-ce que vous ne voyez pas que ça allongerait peut-être les délais
pour une demande? Est-ce que ça pourrait l'alourdir? Parce qu'il y a une
séquence, en fait, à respecter. Des fois, j'imagine que les cas sont urgents.
Comment on pourrait améliorer la rapidité de ce processus?
Mme Milante
(Carine) : C'est surtout dans le contexte de trouble mental comme
seule problématique médicale invoquée qu'on voit l'utilité, là, de l'évaluation
multidisciplinaire du cas, dans le fond. Je crois que ça nécessite de prendre
le temps, là, avec cette clientèle-là dans le contexte où, justement... Notre
position est qu'on voudrait favoriser, leur offrir tous
les traitements possibles, peut-être une révision de leur traitement en cours,
un changement du traitement en cours, un réajustement, donc, pour leur
permettre, là, de leur offrir toutes les solutions possibles. Et, avec ce type
de trouble, dans le fond, les résultats ne sont pas toujours rapides, donc
prendre le temps avec l'équipe multidisciplinaire a tout son sens.
Mme Picard :
Et j'ai une petite dernière question : Est-ce que vous feriez notarier,
homologuer les directives médicales assistées ou vous trouveriez que ça
ajouterait une lourdeur?
Mme Milante
(Carine) : M. Mathieu.
M.
Mathieu (Luc) : Oui. Bien, on l'a mentionné... Je ne sais pas
si on l'a mentionné, je ne pense pas, dans notre mémoire, mais le fait de le
notarier, puis tout ça, au niveau de l'accessibilité, bien, ça restreint, parce
qu'il y a des frais qui sont encourus à ça. Alors, on n'est pas nécessairement en
faveur de cette option-là.
Mme Picard :
Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Je céderais maintenant la parole à la députée de
Saint-François.
Mme
Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Mathieu, Mme Milante.
J'irais... Je continuerais, je ferais du pouce sur ce que ma collègue de
Soulanges a dit par rapport à... par rapport... sur le temps. Vous avez
dit : De revoir le processus par rapport... toute la médication ou... avec
l'équipe disciplinaire pour rendre quelqu'un admissible avec les troubles
mentaux. On a entendu, dans plusieurs intervenants, qu'il y en a que ça a pris
jusqu'à 20, 25 ans avant qu'on trouve la bonne médication ou le bon
diagnostic puis qu'ils trouvent un certain allègement dans leurs souffrances
puis une certaine joie de vivre. Donc, pour vous, quel délai serait raisonnable
avant d'être éligible à l'aide médicale à mourir? Parce que ces personnes-là,
si... Ils nous ont dit que, si ça avait été accessible, bien, elles seraient
mortes aujourd'hui. Donc, il y a-tu un délai que vous avez réfléchi, à savoir
combien de... combien de temps avant qu'on puisse le rendre admissible?
M. Mathieu
(Luc) : Il n'y a pas de... On n'a pas
réfléchi à des délais, que ce soit pour les maladies, là, physiques ou le
trouble mental. Mais, dans le trouble mental particulièrement, il faut faire
attention, hein? C'est un... Si on veut mettre des délais puis qu'ils soient
contraignants, bien, il peut y avoir certaines circonstances, certaines situations
où ce n'est pas approprié. Alors, il faut faire preuve de prudence.
Il ne faut pas non
plus faire exprès pour alourdir puis allonger le processus pour se retrouver
dans des situations que certaines personnes ont déjà vécues, là, par le passé.
Mais on n'a pas statué sur... de délai. On n'est pas... Ce n'est pas... À notre
sens, ce n'est pas un élément majeur de la réflexion à ce moment-ci.
Mme Hébert :
Parfait. Est-ce qu'il me reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente
(Mme Guillemette) : Oui, tout à fait.
Mme Hébert :
Parfait. Alors, pour les directives médicales anticipées, pour les personnes
qui ont des diagnostics de maladie grave ou neurodégénérative, vous avez parlé
que vous n'avez pas encore nécessairement de critères que vous avez réfléchis,
à savoir où aller au niveau des stades. Mais est-ce que ces critères-là
seraient déterminés par l'équipe médicale ou ils pourraient être déterminés par
le patient?
M. Mathieu
(Luc) : Carine, veux-tu répondre à ça?
Mme Milante
(Carine) : Bien, c'est un peu la réflexion qu'il faut poursuivre à ce
sujet-là. Dans le fond, là, chaque cas, encore, est différent. Donc, il
faudrait voir, là, dans les réglementations, là, comment c'est défini, est-ce
que c'est défini par l'équipe ou c'est défini par la personne.
C'est sûr que, si
c'est une directive anticipée, ce serait peut-être, dans le fond, d'une
manière, défini par la personne, mais à voir. Mais ce qu'on veut surtout, c'est
éviter de mettre la... que le fardeau soit sur l'équipe ou sur la famille, de
prendre la décision de passer à la demande d'aide médicale à mourir.
Mme Hébert :
Mais, pour décider de passer à la demande, il va falloir qu'il y ait des
critères qui ont été établis au départ. Alors, ces critères-là seraient établis
avec l'équipe si l'équipe... je ne sais pas, moi, un groupe ou le médecin, le
patient. Je comprends que ce n'est pas la...
Mme Milante
(Carine) : Le fonctionnement est à voir, là. Le fonctionnement est à
voir, là. On n'a pas réfléchi à ça, là. Il faudrait poursuivre la réflexion.
Mme Hébert :
O.K. Mais, pour vous, ce qui est important, c'est que la journée où... le quand
on appliquera cette directive-là, que ça ne revienne pas, le fardeau, à une
personne tierce, que ce soit l'équipe médicale qui décide avec... en discutant
avec la famille, de dire : La patiente est rendue là, elle souffre, donc
on applique les règles. Donc, ce serait l'équipe médicale qui déciderait du
quand.
Mme Milante
(Carine) : Avec les critères objectivables, oui, de façon objective,
qu'il n'y ait pas une nécessité de devoir
faire des études approfondies ou des réunions multidisciplinaires complexes à
avoir et qui rajouteraient un délai, avec des critères objectivables,
oui, l'équipe pourrait, là, à ce moment-là, facilement parler à la famille et
dire que le moment est venu.
Mme
Hébert : Parfait.
Moi, j'ai terminé, Mme la Présidente. Merci beaucoup de vos interventions.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Maintenant, je céderais la parole au député de Mégantic.
M. Jacques : Merci, Mme la
Présidente, Mme Milante et M. Mathieu. J'aimerais continuer, là, sur ce que la députée de Saint-François... vers où elle allait,
parce que... Pour moi, je pense que... J'aimerais ça avoir votre position,
non pas de l'ordre, mais votre position personnelle par rapport à tout ça. Tu
sais, quand...
Moi, là, je pense que chaque vie, chaque
personne a son corps et sa responsabilité envers lui-même, ses vouloirs et ses
besoins personnels, où est-ce qu'il y a quelque chose qu'ils ne sont pas
capables d'accepter ou qu'on n'est pas capables d'accepter, qu'on est tous
uniques, et je me demande c'est où... Est-ce que c'est les... Vous dites :
Ce n'est pas l'équipe médicale, vous dites : Ce n'est pas la famille,
c'est la personne. Donc, la DMA, la personne dirait un moment, un stade...
peut-être pas un stade, mais un moment précis, dans la maladie, où elle serait
prête à bénéficier de l'aide médicale à mourir. Donc, est-ce qu'on peut aller
au stade 1? Est-ce qu'on peut aller au stade 2? Est-ce qu'on peut
aller au stade 3? C'est quoi, le minimum, malgré le fait que chaque
personne est unique?
M. Mathieu (Luc) :
Bien, chaque trouble mental... Il y a des troubles mentaux, là... Je pense que
ma collègue l'a mentionné tantôt, il y a les troubles mentaux où l'envie des
personnes... «l'envie», ce n'est peut-être pas le bon mot, mais les gens
veulent mettre fin à leurs jours, veulent...
M. Jacques :
Mais je ne parle pas des troubles mentaux, je parle, mettons, d'alzheimer, là,
mettons, de dégénérescence...
M. Mathieu (Luc) :
Oui, oui. O.K. Bien, dans ces cas-là, il faut voir. Ça, c'est... Il y a des
discussions à avoir avec les groupes d'experts, les gens qui connaissent bien
les types de démence, parce que, selon les types de démence... Il y a la
démence d'Alzheimer où il y a différents stades, il y a d'autres types de
démence aussi qui présentent d'autres types de symptômes. Alors, il y a une
réflexion à avoir là-dessus. Je ne pense pas qu'à ce moment-ci on peut
déterminer, là, pour... même pour la démence d'Alzheimer, c'est à partir de tel
stade, là. Il y a... Et éventuellement on pourrait le faire, mais il y a des
discussions à avoir là-dessus. Il faut agir avec prudence dans ce domaine-là.
• (10 heures) •
Nous ce qu'on dit à ce moment-ci, c'est :
Il faut avoir ce type de critère, de mesure objectivable là puis, dans le cas
des troubles mentaux, ne pas se fier juste sur les diagnostics mais plus sur...
on a appelé ça les circonstances cliniques,
là, parce que, souvent, l'évolution, pour un trouble mental donné, est
différente, là, chez différentes personnes.
M. Jacques : O.K. Une petite rapide,
là. Moi, je décide de mettre dans une DMA ou quelque chose... Je n'ai pas de
maladie, je n'ai rien, mais, si ça arrive, je veux que l'aide médicale à mourir
soit effectuée. Est-ce que vous êtes prêts à ça, que je fasse une directive
médicale anticipée ou un mandat quelconque pour ma fin de vie rapide si jamais
j'ai une problématique majeure et que je ne peux plus savoir ce qui se passe?
M. Mathieu (Luc) : Dans le cas de
maladies neurodégénératives?
M. Jacques : Bien, avant d'avoir un
diagnostic.
M. Mathieu (Luc) : Bien, que les
gens puissent faire des demandes, oui, on l'a dit, là, c'est légitime dans tous
les cas. C'est... À partir de là, selon les cas, c'est là que le cheminement
d'analyse et d'aller plus loin dans le processus... c'est là que la réflexion
doit se poursuivre.
M. Jacques : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Moi, j'aimerais vous entendre. Je ferais un petit peu
de... la suite de ma collègue de Joliette sur votre cheminement en lien avec la
pratique des IPS dans tout le processus. Vous n'étiez pas tellement favorables,
il y a quelque temps, puis là vous seriez favorables, peut-être même pour administrer, là, l'aide médicale
à mourir. Donc, pouvez-vous m'en dire un petit peu plus sur votre processus?
M. Mathieu (Luc) : Oui, tout à fait.
Je vais remonter... Quand les IPS ont été créés, c'est pour favoriser l'accès
aux soins de santé de façon générale. Et, jusqu'en janvier 2021, ce
n'était pas possible... suite à... jusqu'à l'adoption de la loi n° 6, ce
n'était pas possible pour les IPS de diagnostiquer puis d'effectuer...
Alors là,
maintenant, c'est possible. Ils ont... Leur envergure de pratique a été
élargie. Elle ressemble beaucoup, beaucoup à ce qui se fait ailleurs,
dans les autres provinces canadiennes, et, dans les autres provinces
canadiennes... Comme vous avez pu le voir, peut-être,
dans l'annexe du mémoire, là, il y a plusieurs provinces où ils peuvent faire
tout le processus, jusqu'à l'administration de l'aide médicale à mourir.
Alors, c'est ça qui a
amené une modification de notre position, et surtout qu'ils sont... les
infirmières en général, pas seulement les
IPS, sont proches des patients qui sont en soins de vie, mais, pour le contexte
particulier de l'aide médicale à
mourir, bien, les IPS sont équipés, en termes de formation, de compétence, pour
faire l'ensemble, là, du processus.
Et, si le
législateur, là, allait dans le sens de permettre aux IPS de pouvoir faire tout
le processus, bien, il y a notre comité de formation des IPS, là, qu'on
solliciterait pour voir est-ce qu'il y a des ajustements à apporter, soit au
programme de formation pour les futurs IPS ou des activités de formation
continue à prévoir pour les IPS qui sont actuellement en pratique, comme ce fut le cas pour l'ensemble
des professionnels de la santé, là, quand l'aide médicale à mourir a été rendue possible au Québec. Je ne
sais pas si ça répond à votre...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, ça répond à ma question. Merci beaucoup. Donc, je
céderais la parole au député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci
beaucoup, Mme Milante,
M. Mathieu, pour vos interventions très importantes aujourd'hui et
tout au long des délibérations sur ce sujet très important. Et ils alimentent
de façon très constructive nos délibérations sur ces sujets-là.
Vous avez indiqué
qu'en ce qui a trait aux accidents très majeurs et aux gens inaptes de façon
continue vous voyez un besoin d'étude approfondie. Et, si j'ai bien compris,
vous vous désistez, pour l'instant, de vous prononcer de façon spécifique à ce
sujet. Si j'ai bien compris et c'est le cas, pouvez-vous nous aider à... parler
un petit peu de la voie qu'il nous reste à faire, de votre avis, la qualité de
questions qu'il y a à poser, des critères qui devraient être considérés, les
gens qui devraient être impliqués dans une telle réflexion qu'il reste à faire,
de votre avis, les gens qui devraient travailler à ce sujet?
M.
Mathieu (Luc) : Je vais laisser ma collègue Mme Milante
répondre à la question.
Mme
Milante (Carine) : Il y a eu un grand travail qui a été fait, là, par
un groupe d'experts, là, de 2017 à 2019, justement, pour les situations d'inaptitude et toute la réflexion à
avoir à ce sujet-là. Le groupe d'experts s'était penché sur différentes choses qui, je crois, devraient...
en fait, que nous croyons, là, devraient être révisées suite au changement
de la loi, mais aussi au fait que, dans le fond, là, quand ça a été fait, il
n'y avait pas les changements de loi annoncés, il n'y avait pas non plus eu
gain de cause pour l'affaire Truchon-Gladu. Donc, il faudrait revoir, avec ce
type d'experts là, probablement, en plus,
là, des gens que vous interrogez à la commission présentement, là, qu'est-ce
qu'il pourrait en être.
M.
Birnbaum : Si je peux vous
inviter à élaborer sur les questions qui sont toujours, de votre avis, sans
réponse, y a-t-il un genre de recherche qui s'impose afin qu'on soit en
mesure de trancher de façon responsable la qualité des questions qu'il reste?
Auriez-vous un mot ou deux à dire là-dessus?
Mme Milante
(Carine) : Bien, on croit vraiment qu'il y a une réflexion à
poursuivre, là. De quel ordre, les questions exactes, là, on ne les a pas
définies encore.
M. Birnbaum :
D'accord. En ce qui a trait aux gens atteints de troubles de santé mentale
exclusivement, à juste titre, si j'ai bien compris, comme plusieurs autres
groupes, vous nous suggérez que de les écarter de cette option serait peut-être discriminatoire
et difficile à justifier. Par contre, comme d'autres groupes aussi, vous nous
invitez à imposer d'autres critères additionnels, qu'il y ait des
niveaux d'assurance à chercher, d'expertise à chercher, et fort possiblement à juste titre. Et vous parlez du rôle
de l'équipe médicale, d'exigence d'impliquer plusieurs experts, et tout ça.
J'ai deux questions
en ce qui a trait à cette étape-là. Dans un premier temps, y a-t-il un danger,
et comment l'adresser, si oui, de ne pas respecter un équilibre entre la
volonté, des fois difficile à établir, mais l'autonomie, et la volonté de
l'individu, et la protection contre une autorisation à l'aide médicale à mourir
qui n'est pas respectueuse de la déontologie, de la possibilité qu'une telle
personne aurait une possibilité de récupérer et de vivre une bonne vie? Ma
première question : Comment on trouve cet équilibre pour assurer qu'on ne
met pas un trop gros fardeau à la fois sur les experts et aussi qu'on respecte
comme il faut les voeux identifiés par la personne en question?
M.
Mathieu (Luc) : Bien, c'est... Quand je vous écoutais poser
votre question... En médecine, on dit, d'abord, ne pas nuire. C'est la
première... Puis je pense que ça s'applique à tous les professionnels de la
santé. Puis, comme vous l'avez mentionné, il faut trouver c'est quoi, le juste
équilibre entre le respect de la volonté de la personne qui émet... qui
souhaite, là, avoir l'aide médicale à mourir et le suivi qu'on va lui donner,
selon la nature de la maladie qui est... dont elle est affectée.
Alors, pour la
question des troubles mentaux, il faut poursuivre la discussion, en débattre.
C'est quelque chose de... C'est plus sensible, je vais dire ça, que certaines
maladies physiques où c'est plus clair. Là, on n'est pas là. Les troubles
mentaux, l'évolution... Même pour un diagnostic donné, chez différentes
personnes, l'évolution va être différente. La notion de souffrance, comment la
mesurer, ça, ça va être difficile. Même chez les cas de maladie d'Alzheimer, on
a la question... On appelle ça les démences heureuses. On pense que les
personnes sont bien. Ce n'est pas nécessairement le cas, parce que c'est
difficile d'évaluer la souffrance psychique.
Alors, nous, à ce
moment-ci, là, au moment où on se parle, c'est vraiment... Il faut poursuivre
la discussion, pas prendre... Ce n'est pas l'idée de la mettre de côté mais,
comme on l'a fait au Québec, là, depuis le début, dans ces questions-là, arriver à un large consensus au sein de la population, au sein des différents intervenants,
mais en disant, dans les... Peu importe le type de maladie dont les
personnes sont affectées, qu'ils puissent avoir le droit de faire une demande
d'aide médicale à mourir et qu'elle soit traitée, là, en toute objectivité, si
je peux dire ça comme ça, pour rendre le meilleur soin, là, possible aux personnes.
• (10 h 10) •
M. Birnbaum : Merci. J'aurais une
autre petite question, Mme la Présidente. Suite à ça, Mme ma collègue de
Mille-Îles aurait une question aussi.
Sur le plan
très pragmatique, terre-à-terre, est-ce que vous avez des inquiétudes, en ce
qui a trait à l'implantation éventuelle de votre recommandation sur ces
équipes multidisciplinaires, que la disponibilité, les ressources ne seront pas au rendez-vous de façon équitable en région
éloignée dans certains cas? Y a-t-il des craintes sur le plan logistique,
sur votre recommandation là-dessus?
M. Mathieu (Luc) :
Bien, je pense que vous avez dit le bon mot, il y a des préoccupations. Bien,
on le sait, actuellement, dans le système de santé, juste pour les infirmières,
là, il y a... on entend qu'il y a des pénuries partout. Mais, comme je l'ai dit
en début de l'introduction de mon allocution, on est rendus à
80 500 infirmières au Québec. Il n'y en a jamais eu autant. Mais,
bon, ça, c'est un autre débat. Mais la question... Oui, on a des
préoccupations. Ma collègue Mme Milante l'a mentionné tantôt. Puis, même,
tantôt, un autre... M. Marissal l'a mentionné, même pour certaines
maladies, actuellement, là, l'accès, là, au Québec, n'est pas égal partout.
Alors, on a à composer avec cette situation-là.
M. Birnbaum : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole à la députée de Mille-Îles.
Mme
Charbonneau : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Ce que vous venez de
donner comme nombre d'infirmières au Québec, ou d'infirmiers et d'infirmières,
ça fait bien du monde fatigué en ce moment. Je réalise l'impact que ça a sur
l'ensemble de notre monde quand vous nommez et donnez le chiffre.
J'avais une question sur les maladies
orphelines, mais vous y avez touché.
Je voulais vous parler un peu de l'implication
des ISP. Quand on a, au départ, imaginé tout le principe de l'aide médicale à
mourir, on a donné une option aux médecins. On a dit : Vous pouvez
participer et vous pouvez refuser de
participer à l'aide médicale à mourir. Est-ce
que vous y voyez les mêmes conditions
pour les ISP, puisque vous nous parlez de leur implication puis
de la possibilité d'y participer?
M. Mathieu (Luc) :
Je peux laisser ma collègue Mme Milante répondre, là. Elle a peut-être un
peu plus... J'ai ma réponse, mais je pense qu'elle pourrait être plus complète
de la part de Mme Milante.
Mme Milante (Carine) : En fait, présentement,
là, le code de déontologie est en révision, et on est en train de regarder, là,
à réviser, là, dans le fond, les choses de façon à pouvoir travailler sur...
qu'il y ait, dans le fond, une notion d'objection de conscience, au besoin, là,
en cas d'administration de l'AMM par les IPS. Voulez-vous rajouter quelque
chose, M. Mathieu?
M. Mathieu (Luc) :
Non. C'est ça. Puis là-dessus on a des discussions, bien, sur toute la question
des IPS, depuis le début, là, du projet de loi n° 43, avec les gens... nos
collègues du Collège des médecins. Et on sait que le collège... le
Dr Gaudreault m'avait informé, quand ils ont déposé leur mémoire, qu'ils
étaient en faveur que les IPS puissent faire tout le processus, là, de l'aide
médicale à mourir, bien sûr, selon leur domaine de spécialité. Mais, oui, on
est là-dessus.
Mme
Charbonneau : Je
vous dirais que je vois... Personnellement, là, je n'engage pas le... bien, je
suis très à l'aise avec votre recommandation. Mon objectif, c'était plus de
comprendre, sur la possibilité de refuser à la participation, puisque, dans
votre mémoire, vous citez différents endroits, que ce soient les Pays-Bas, la
Belgique, et différents endroits donnent différentes options aux ordres
professionnels ou aux gens qui pratiquent dans cette perspective-là. Donc,
merci.
Est-ce que j'ai le temps d'une dernière petite,
Mme la Présidente? Par un signe de tête... Oui, non, il me reste du temps? Non.
Alors, je ne poserai pas la dernière question.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Désolée.
Mme
Charbonneau : Non,
il n'y a pas de souci. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Désolée, Mme la députée. Donc, ça met fin aux échanges pour ce matin. Merci
beaucoup d'avoir été avec nous. Ça nous éclaire pour la suite de nos travaux.
Donc, sur ce, nous suspendons
les travaux quelques instants pour accueillir nos nouveaux invités. Merci
encore.
(Suspension de la séance à 10 h 14)
(Reprise à 10 h 25)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous reprenons nos travaux. Donc, nous accueillons maintenant l'Ordre des psychologues du Québec avec la
présence de Dre Christine Grou, présidente, Dre Isabelle Marleau,
directrice de la qualité et du
développement de la pratique, et Dre Marie-Ève Rouleau, conseillère à la
qualité et au développement de la pratique. Bienvenue avec nous ce
matin.
Donc, nous procéderons avec un 10 minutes
d'échange... un 10 minutes d'exposé de votre part et ensuite un
35 minutes d'échange avec les membres de la commission. Donc, sur ce, je
vous cède la parole.
Ordre des psychologues du Québec (OPQ)
Mme Grou (Christine) :
Alors, Mme la Présidente, membres de la commission, d'abord, permettez-moi de
vous remercier de nous avoir invités à réfléchir avec vous sur l'évolution de
la Loi concernant les soins de fin de vie.
Donc, les présentations étant faites, je vais, d'entrée
de jeu, rentrer dans le vif du sujet. Il y a deux principales questions qu'on
doit aborder ce matin. Donc, la première, c'est : Est-ce qu'il est
acceptable d'envisager de permettre l'aide
médicale à mourir pour les personnes
qui souffrent de troubles mentaux sans autre condition médicale associée?
Et la deuxième question, évidemment, c'est : Qu'en est-il des demandes
anticipées?
Je vous dirais, d'entrée de jeu, que, la
première question, on l'a développée davantage, et, pour nous, c'est une
question qui est beaucoup plus urgente depuis l'abolition du critère de fin de
vie ou de la mort raisonnablement prévisible. Donc, c'est une question où notre
réflexion est plus avancée que pour la deuxième, mais on va quand même aborder
la deuxième brièvement.
La façon dont on a procédé, évidemment, pour
produire le mémoire, c'est de regarder, évidemment, ce qui se dit dans la
littérature scientifique. C'est aussi par consultation auprès de nos membres
qui travaillent en soins de fin de vie et
par la création d'un petit groupe d'experts qui travaillent en soins de fin de
vie, qui sont psychologues cliniciens, neuropsychologues et deux
éthiciens.
Alors, la première chose que je voudrais dire,
c'est : Les personnes qui souffrent de troubles mentaux puis qui vont...
qui sont susceptibles de faire la demande de l'aide médicale à mourir sont des
cas qui seront rarissimes, hein,
c'est-à-dire qu'il ne faudrait pas penser qu'il y a une grande proportion des
gens qui souffrent des troubles mentaux qui vont faire la demande. C'est
faux. C'est vraiment des cas isolés. Et je peux vous dire que, pour répondre
aux critères... Moi, j'ai travaillé 30 ans en milieu psychiatrique, et avec des
cas qui étaient sévères, qui étaient réfractaires aux traitements, qui
étaient... qui, souvent, souffraient de plusieurs pathologies. Puis je peux
vous dire que j'ai vu des milliers de patients en 30 ans et je peux
compter sur les doigts de mes mains les personnes qui auraient pu répondre à
ces critères-là. Alors, je pense que c'est important de le souligner.
Ce qu'il est aussi important de souligner pour
nous, c'est que les troubles mentaux, ça peut être grave et incurable, encore
là, pas dans la majorité des cas mais dans une petite proportion de cas. Ça
peut occasionner un déclin avancé et irréversible d'un ensemble de capacités et
de facultés et ça peut aussi générer une douleur qui est constante, qui est
difficile à supporter et qui ne peut pas être apaisée par les moyens que la
personne qui en souffre juge acceptables.
Il y a deux grandes questions qui sont particulièrement
sensibles quand on parle de troubles mentaux, puis j'en fais un petit peu un
point central de la présentation. La première question, c'est cette délicate question
de l'aptitude, O.K.? Est-ce que les patients qui souffrent de troubles mentaux
graves, et suffisamment graves pour demander l'aide médicale à mourir, peuvent
être aptes à faire la demande? Alors, ça, c'est vraiment une question de fond. Et je peux vous dire que toutes les
personnes qui souffrent de troubles mentaux graves, en général, ont des atteintes cognitives, O.K.? Ça fait légion. Et là c'est
la neuropsychologue qui vous parle.
Par ailleurs, ils ne sont pas tous nécessairement
inaptes à faire la demande et inaptes à comprendre ce qu'est l'aide médicale à
mourir, quelles sont les alternatives qui peuvent être envisagées, et les
bienfaits, et les méfaits des alternatives. Donc, ce qui est délicat, c'est
d'évaluer l'aptitude cognitive, O.K.? On y reviendra. Mais le trouble mental ne rend pas nécessairement inapte, en
dépit du fait que, oui, souvent, on peut retrouver, dans les troubles graves,
des atteintes cognitives.
Le deuxième élément qui est l'autre question
délicate, c'est : On ne veut pas que la demande d'aide soit le fruit de l'effet de la pathologie. En fait, ce
qu'on ne veut pas, là, c'est... Ce qu'on veut éviter, c'est l'expression
ponctuelle puis réversible de symptômes psychiatriques qui mèneraient à
une demande d'aide médicale à mourir. Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que la douleur puis le déclin, que ce soit en santé mentale ou en santé physique, c'est nécessairement associé à la pathologie, O.K.?
Si vous avez un cancer, là, bien, la douleur, elle est associée au cancer.
Alors, si vous avez un cancer de l'âme, la douleur est aussi associée au cancer
le l'âme.
• (10 h 30) •
Puis ce qu'il
faut comprendre, c'est que, quand on parle de pathologies puis de troubles
mentaux graves, là, on ne parle pas nécessairement d'un trouble mais de plusieurs pathologies. C'est ce qu'on appelle les troubles
concomitants, qui surviennent en même temps. On
parle souvent de grandes carences dans l'histoire de vie, on parle d'énormément
d'adversité avec très peu de moyens pour y faire face. Alors, c'est de ça qu'on
parle, souvent, quand on parle de souffrance, de déclin et de douleurs
difficilement tolérables ou irréversibles.
Puis là il y a deux postures éthiques qu'on peut
prendre. Alors, on peut dire : Bien, étant donné que c'est difficile
d'avoir confiance en la capacité décisionnelle du patient puis étant donné
qu'on n'a jamais de certitude sur le
pronostic, on exclut. Mais jusqu'où est-ce
qu'on évalue bien la capacité
décisionnelle d'un patient qui est en phase... tu sais, qui a quelque
autre maladie physique puis jusqu'où on est certains du pronostic? En fait, on
ne l'est jamais complètement.
L'autre posture éthique, c'est : On permet
la demande pour ne pas discriminer les personnes qui souffrent de troubles
mentaux, pour ne pas porter atteinte à l'autonomie dont ils sont capables, à
leurs droits fondamentaux puis à leur autodétermination et on évite de
régresser puis de retourner des décennies en arrière en traitant la santé
mentale de façon complètement différente de la santé physique et surtout en les
traitant comme des gens qui ne sont pas suffisamment aptes pour faire la
demande.
Alors, la posture qu'on a, évidemment, c'est de
ne pas exclure les personnes qui souffrent de troubles mentaux mais de bien,
bien, bien baliser. Et là je m'explique. Et évidemment, dans le rapport, vous
trouverez plus que ce que je vais vous dire. Mais, quand on parle de balises,
là, bien, il faut considérer l'histoire longitudinale de la personne, il faut
créer un espace narratif. C'est quoi, un espace narratif? Bien, c'est un espace
relationnel où on instaure une relation de confiance avec la personne puis où on
se met dans une posture de comprendre son vécu phénoménologique sans porter de
jugement. Donc... Et c'est difficile de se mettre à la place de quelqu'un quand
on n'a pas son vécu, mais il faut essayer le plus possible de neutraliser nos
jugements de valeur pour essayer de comprendre le vécu de la personne, et ça,
ça demande vraiment un savoir-être.
Puis ensuite il faut porter un jugement
clinique, et le jugement clinique qu'on doit porter sur la décision.... sur la
capacité de la personne à porter une décision puis sur la constance
décisionnelle, il doit porter... En fait, on doit porter un jugement non pas
sur la décision de la personne mais sur sa capacité d'en prendre une. Autrement
dit, on n'a pas de jugement de valeur à porter sur est-ce que la décision
nous paraît raisonnable ou pas, parce que ça, c'est un jugement qui concerne
nos valeurs. Le jugement qu'on doit porter, c'est : Est-ce que la décision
est éclairée?
Et tout est dans l'évaluation de la capacité de
la personne. Est-ce que la personne est capable de comprendre l'information? Est-ce qu'elle est capable de
raisonner? Est-ce qu'elle est capable d'envisager des scénarios comparatifs?
Est-ce qu'elle a assez de flexibilité cognitive? Est-ce qu'elle est capable
d'anticiper les conséquences de ses actions? Et est-ce qu'elle est capable
d'exprimer dans une certaine constance sa décision?
Alors, je
pense que c'est important que les évaluateurs soient compétents pour évaluer la
souffrance psychologique puis sa constance, son irréversibilité, et aussi
pour évaluer la capacité décisionnelle.
Maintenant, quand on dit que le trouble peut
être grave et incurable, là, il faut considérer la maladie, il faut considérer
l'histoire, il faut considérer l'ensemble du soutien psychosocial, toutes les
comorbidités puis les tentatives de traitement que la personne a eues. Il faut
regarder aussi, au niveau du déclin avancé, ses capacités cognitives, ses
capacités d'autorégulation, son ressenti émotionnel, ses capacités
relationnelles, ses capacités de s'approprier un pouvoir qui lui permet d'avoir
une autonomie dans la vie.
Et, quand on parle de souffrance, bien,
évidemment, je sais que la souffrance... Je suis bien placée pour savoir que la
souffrance psychologique, c'est très subjectif. C'est très difficile à évaluer.
Mais ce n'est pas parce que quelque chose est difficile qu'on doit l'exclure
nécessairement, et c'est un peu l'erreur qu'on fait avec l'autonomie des
patients, c'est-à-dire que, parce que c'est complexe, on a tendance à en
sous-estimer l'évaluation, alors que tout est là, à mon avis. Alors, il faut
considérer qu'il y a des gens qui sont vraiment souffrants. Puis on pourra
revenir sur les paramètres de la souffrance.
Un mot sur les directives anticipées. Écoutez,
on peut anticiper une pathologie, on peut anticiper sa gravité, on peut
toujours anticiper son évolution, quoique ce n'est quand même pas toujours
simple, mais c'est très difficile d'anticiper comment on va percevoir, comment
on va s'adapter ou comment on va ressentir si la situation s'avère.
Maintenant, à partir du moment où on permet des
directives anticipées, si elles ne sont pas exécutoires, ça ne donne pas
grand-chose. Alors, est-ce qu'on peut penser à faire un mandat en cas
d'inaptitude puis que ce ne soit pas exécutoire parce qu'on devient inapte? Je
ne suis pas certaine. Est-ce qu'on peut penser à faire des directives
anticipées qui ne sont pas exécutoires parce qu'on devient inaptes? À
réfléchir. Je ne suis pas certaine non plus.
Mais ce qu'on suggère, c'est, encore là, une
rigueur puis une exhaustivité dans le processus d'évaluation, et que ce
processus d'évaluation décisionnelle des directives anticipées se fasse
accompagné par un professionnel ou quelques professionnels compétents pour
qu'on soit capables, justement, de soulever les questions avec la personne, et en disant : Bien, si, rendu là, vous ne
voulez plus, qu'est-ce qu'on fait?, si, rendu là, il y a une dissension dans la
famille, qu'est-ce qu'on fait?, si,
rendu là, la famille n'est pas d'accord, qu'est-ce que vous voulez qu'on
fasse?, et d'essayer de prévoir, autant que faire se peut, tout ce qui
est imprévisible.
Alors, je m'arrête là-dessus parce que mon temps
est écoulé. Je vous remercie de m'avoir écoutée.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Dre Grou. Donc, nous allons débuter les échanges avec
la députée de Joliette. Mme la députée.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour. Merci beaucoup, Dre Grou et l'ordre, pour vraiment un mémoire
très étoffé qui va vraiment en profondeur, là, notamment sur la question des
troubles mentaux. Je vous remercie d'avoir vraiment pris le temps. C'est très
précieux.
Je
vais, par ailleurs... Je sais que j'ai beaucoup de collègues qui vont
s'intéresser aux troubles mentaux puis qui vont vous questionner. Moi, je veux
poursuivre sur le dernier élément, là, sur la demande anticipée. Je pense qu'il y a
beaucoup de gens qui trouvent le principe intéressant, parce qu'on veut aider les gens qui perdent leur aptitude
à pouvoir, donc, moins souffrir et avoir accès, mais les défis d'application
sont énormes, et je pense que vous l'avez bien souligné dans le peu de temps
que vous y avez consacré.
Donc, je voulais voir
si, pour vous, c'est un peu une utopie de penser qu'on va être capables à la
fois d'avoir quelqu'un qui va nous prévoir les circonstances dans lesquelles
ils voudraient que ça se passe, tout en devant, évidemment, respecter le
principe de la souffrance en temps réel de l'administration de l'aide médicale
à mourir.
Donc, est-ce que,
pour vous, si on ouvre à ça, ça va faire en sorte que, l'autonomie de la
personne, oui, on va essayer de la
respecter, mais ça va prendre toute une équipe autour pour évaluer la
souffrance, qui n'est pas nécessairement évidente? Et, avec votre expérience surtout en neuropsychologie, est-ce
qu'on est capables d'évaluer cette souffrance-là en temps réel, y
compris la souffrance psychologique?
Mme
Grou (Christine) : C'est une excellente question,
Mme Hivon. Puis je vous dirais que le défi, c'est de savoir : Est-ce
que, la souffrance, on l'évalue au moment où elle est anticipée ou est-ce qu'on
l'évalue au moment de l'administration de l'aide médicale à mourir? Parce que
c'est un peu comme quand on fait un mandat en cas d'inaptitude, hein? Si moi, je détermine mes volontés, je vais dire à la
personne que je mandate comment je veux qu'on s'occupe de moi, mais je
ne serai plus en mesure de lui dire rendu là.
Alors, tu sais, on
essaie de tout prévoir, mais est-ce qu'on doit considérer... Si, par exemple,
la personne vous dit : Moi, le jour où
je ne reconnais plus mes enfants, où je suis incontinente, où je dépends de
tout le monde pour tout, je veux
qu'on m'administre l'aide médicale à mourir, elle ne vous dit pas : Je
veux qu'on me l'administre si je souffre. Elle dit : Je souffre de penser ça maintenant, alors que je suis
capable de m'autodéterminer, et, au moment où ça arrivera, quand telle
chose arrivera, ma limite ou ma frontière, c'est ça.
Le problème, c'est
qu'il faut le déterminer pendant qu'on est apte, parce que la souffrance est
encore plus difficile à déterminer, de toute façon, rendu là. Et je pense que,
quand on fait des directives anticipées, c'est au moment où on est capable de
prendre la décision qu'on la prend, et non pas au moment où on doit
administrer.
Cela dit, je pense
que, dans les directives anticipées, il faut prévoir. Si vous êtes inapte, que
vous dépendez de tout le monde pour tout, que vous ne reconnaissez pas vos
enfants, que vous n'êtes pas capable de manger, de vous laver tout seul puis
que vous ne savez pas sur quelle planète on est ni quelle saison on est, mais
que vous semblez heureux, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, tu sais, si
vous ne semblez pas souffrir?
Maintenant, il y a
quand... (panne de son) ...de déterminer les paramètres de la souffrance, puis
je serai ravie de pouvoir y collaborer, mais, vous savez, quand les gens
deviennent inaptes, il y a d'autres éléments de souffrance qui sont
perceptibles et qui, souvent, vont se transposer en troubles graves du
comportement, en cris, en hurlements, en faciès crispé ou encore en inertie, en
apathie. Mais, cela dit, c'est un autre chapitre, effectivement.
Mme Hivon :
Puis, puisqu'on peut bénéficier de... Deux petits points, juste me préciser.
Donc, ça voudrait dire qu'il faudrait changer le critère, qu'il ne serait plus
un critère de souffrance mais un critère de souffrance anticipée. Ce n'est pas
rien non plus...
• (10 h 40) •
Mme Grou
(Christine) : Ce n'est pas rien.
Mme Hivon :
Puis l'autre élément, c'est : Est-ce qu'une personne qui vient d'avoir un
diagnostic de maladie dégénérative... Évidemment, elle est sous le choc. Elle
passe à travers toutes sortes d'émotions et... Est-ce qu'on devrait prévoir,
avant qu'elle puisse, donc, coucher sur papier ses volontés, un encadrement
avec un professionnel, je dirais, aussi,
comme un psychologue, est-ce que le... pour voir un peu si c'est une réaction à un
choc qu'elle va coucher sur papier, cette demande anticipée là, ou c'est
vraiment un processus mûrement réfléchi?
Mme Grou
(Christine) : Bien, la réponse à votre question, c'est oui. On
doit prévoir un espace temporel puis on doit prévoir un accompagnement. Puis je
vous dirais que le consentement... La décision, c'est un processus, hein? Ce
n'est pas... Tant que la personne est capable, là, puis tant qu'elle est apte
puis qu'elle comprend, elle peut toujours changer d'idée, à mon avis. C'est sûr
qu'il y a un moment où, là, la personne n'aura plus la compréhension pour le faire. Mais je pense que, oui, ça doit
être accompagné, parce qu'au moment
où vous avez le diagnostic... Mais c'est la même chose dans n'importe
quelle pathologie, puis c'est vrai avec des pathologies physiques qui sont
dégénératives. Vous ne connaissez pas nécessairement le pronostic, vous ne
savez pas comment vous allez ressentir, vous ne savez pas... Donc, c'est la
même chose avec un trouble dégénératif sur le plan cognitif. Et, au moment où
vous recevez le diagnostic, vous anticipez plein de choses qui ne se produiront
peut-être pas de toute façon, O.K.? Alors, oui, c'est un processus, parce qu'on
ne sait pas comment la personne va s'adapter. Il y a un paquet de facteurs qui
vont rentrer en ligne de compte.
Et vous avez raison
sur le fait que c'est... Tu sais, il va y avoir une décision à prendre, à
savoir à quel moment on évalue la souffrance, puis est-ce qu'on considère la
souffrance anticipée. Parce que, pour moi... Je pense même qu'il faudrait
peut-être se pencher sur l'évaluation de la souffrance une fois rendue à terme.
Et, cela dit, je pense que c'est une question où la réflexion n'est pas aussi
approfondie puis qui mérite d'être réfléchie davantage pour les directives
anticipées. Puis ça, c'est certain.
Mme Hivon :
Merci. Merci infiniment.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée.
Vous disiez tout à l'heure que, dans votre
pratique, vous avez vu des centaines, peut-être des milliers de patients, et seulement
un très petit nombre aurait eu accès à l'aide médicale à mourir selon les
critères. Mais combien auraient pu faire une demande ou espérer faire une
demande?
Mme Grou (Christine) :
Bien, encore là, c'est très difficile à dire. Puis je vous dirais que, quand la
loi est arrivée en 2015, si je me souviens bien, on n'anticipait pas qu'il y
aurait tant de gens qui en feraient la demande. Donc, il y a eu plus de gens
que ce qu'on pensait, ça fait que c'est très difficile de le savoir. Mais il
faut, de toute façon, que la demande soit évaluée. Puis, même si beaucoup en
font la demande, ce n'est pas un grand nombre qui répondrait à ces critères-là.
Mais moi, je vous dis deux choses, là, parce que
je n'ai pas le temps d'en dire plus, mais il faut vraiment, vraiment être
prudents dans la façon dont on va faire l'évaluation, dans le choix des experts
qui vont faire l'évaluation puis dans la façon de paramétrer cette évaluation-là.
Ça, c'est le premier élément. Puis l'autre élément, de la même manière que pour
les soins palliatifs, il faut surtout augmenter l'accès aux services de santé
mentale, parce qu'il ne faut pas que la demande soit faite par dépit. Alors
donc...
Et ce que je vous dirais, c'est, si, justement,
on ne veut pas qu'il y ait trop de personnes qui en fassent la demande, bien,
il faut augmenter l'accès aux services, puis il faut aussi travailler sur la
qualité des services, puis il faut que les personnes qui souffrent, là, même si
ça ne saigne pas parce qu'ils n'ont pas un bras arraché puis que c'est moins
perceptible... il faut qu'ils aient accès à des services par la bonne personne
puis au moment opportun, pas à n'importe quel service, aux services dont ils
ont besoin, pas à l'offre de services préprogrammée qu'on a faite pour un
ensemble de personnes, aux services dont cette personne-là a besoin.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. J'aurais peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues.
Vous dites de ne pas juger selon le diagnostic mais plus selon la personne,
l'individu, du cas par cas, en fait. Et qu'est-ce qui pourrait nous indiquer
qu'on a fait tout le soin, tout le processus ou on a donné tout ce qu'on
pouvait donner à cette personne-là, selon les besoins qu'il avait? Et qui
pourrait juger de ça? Parce que c'est quand même une lourde tâche, là, de juger
de cet aspect-là, là.
Mme Grou (Christine) :
Encore là, il y a, ici... Je dis toujours : Quand on veut rendre quelque
chose de simple compliqué, on parle à un psychologue. Mais votre question est
plus complexe qu'elle n'en a l'air, c'est-à-dire que la première question qu'il
faut se poser, c'est : Est-ce qu'il faut nécessairement que la personne
ait fait tout le processus de toutes les tentatives thérapeutiques possibles et
imaginables avant de demander l'aide médicale à mourir? Puis je m'explique.
C'est-à-dire, un patient qui refuse la chimiothérapie, par exemple, puis qui
demande l'aide médicale à mourir, est-ce qu'on va lui refuser parce qu'il a
refusé la chimiothérapie? Non. On va respecter son droit. Alors, un patient qui
n'accepte pas de nouvelle tentative de traitement parce qu'il considère qu'il
en a assez...
Puis je pense qu'il faut avoir une sage
pratique, c'est-à-dire qu'il faut se dire... C'est sûr que, tu sais, la majorité des gens, là, qui souffrent d'un trouble
mental, là, ils ne seront jamais hospitalisés dans la vie, puis il n'y aura
jamais une souffrance qui est irréversible.
Ça, c'est la grande, grande, grande majorité, là. Il faut comprendre ça. Il y a
une petite minorité, là, O.K., qui vont
aller d'hospitalisation en hospitalisation, puis malheureusement on a
l'impression qu'il y a une concentration de misère humaine qui s'acharne
sur ces gens-là. Puis je m'explique.
Vous savez, il y a une relation très étroite
entre les troubles graves de santé mentale puis la pauvreté, l'isolement,
l'exclusion sociale. Alors, tu as des gens, là, puis moi, j'en ai vu, dans ma
pratique, là, qui sont nés avec certaines limitations, qui ont eu des carences
affectives parce qu'ils ont eu des parents malades ou inaptes, qui sont allés de famille d'accueil en famille d'accueil,
qui ont développé des troubles de comportement, qui ont développé des
troubles graves de santé mentale, qui ont eu des tentatives de traitement, qui
ont développé des problèmes de consommation, qui se sont... je vous dirais, que
la vie a endommagés, et qui arrivent, à un moment donné, à un point dans leur vie où il y en a eu beaucoup, des
tentatives thérapeutiques, puis malheureusement ces gens-là souffrent encore.
Alors, c'est
plus dans ces contextes-là qu'on va passer... Tu sais, c'est les gens, là, qui
ont un nuage noir au-dessus de leur tête toute leur vie, et qui
souffrent, puis qui vont vous dire : Ma vie a toujours été un combat, puis
je ne suis plus capable. Puis, je le répète, c'est des cas rares.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais céder la parole à ma collègue la députée d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup pour votre belle présentation. Moi, ma question est : Lorsqu'il y
a un refus de médicament, refus de traitement, est-ce qu'on devrait
disqualifier la personne qui souhaite mourir, qui demande l'aide médicale à
mourir?
Mme Grou (Christine) :
Encore là, un peu comme je disais précédemment, ça dépend du contexte du refus
de traitement. Ce qu'on ne veut pas, c'est que le refus de traitement soit le
fruit d'un délire, par exemple, ou d'hallucinations, ou le fruit de
l'expression ponctuelle de la pathologie.
Un refus de traitement, ça peut être éclairé.
O.K.? Je vous donnais l'exemple, tantôt, d'une personne qui refuse la
chimiothérapie ou l'immunothérapie. L'important, c'est qu'elle comprenne le
traitement qu'on lui propose, qu'elle comprenne les risques, les bienfaits du
traitement, les risques du non-traitement puis les alternatives. C'est ça, une
décision éclairée. Or, quelqu'un qui refuse un traitement ou qui refuse de
prendre sa médication parce qu'il est convaincu que c'est
du poison qui va l'empoisonner à petit feu, bien là, c'est plus le fruit d'un
délire. Mais quelqu'un qui refuse le traitement parce que, de façon éclairée,
il n'y croit plus ou il ne veut plus qu'on s'acharne puis il comprend les
enjeux, il comprend les conséquences, il est capable de raisonner, bien, c'est
autre chose.
Mais je vous dirais qu'en matière de
consentement... Vous savez, le consentement, là, ce n'est pas une fin en soi,
c'est le moyen qu'on s'est donné pour s'assurer qu'on respectait l'autonomie du
patient. Puis, quand on parle d'autonomie, ici, on parle d'autonomie cognitive.
On ne parle pas d'autonomie sociale, physique ou économique, là, on parle de
l'autonomie cognitive, et, dans le fond, c'est de cette autonomie-là qu'il faut
s'assurer. Et ce n'est pas parce que c'est compliqué qu'il faut l'exclure. Il
faut juste s'en assurer adéquatement.
Puis je peux vous dire, puis la littérature le
démontre, que, pour les cliniciens, là, puis les professionnels de la santé,
c'est toujours plus facile de respecter la décision du patient, bien qu'elle
soit éclairée, quand elle ne choque pas nos valeurs. C'est très difficile
d'être devant une personne qui refuse un traitement dont on pense qu'elle
pourrait avoir les bienfaits. C'est difficile parce qu'on est formés pour soigner,
on n'est pas formés pour aider à mourir. Mais, à partir du moment où on accepte
que l'autonomie du patient s'exprime dans une décision éclairée, bien, le
jugement qu'on porte, c'est : Est-ce que la décision est éclairée ou pas?
Puis ça, il faut le juger comme il faut. Mais on ne porte pas de jugement sur
le jugement que lui porte.
Vous savez, la posture éthique, aujourd'hui, là,
avec la pluralité des valeurs, là, c'est moins le respect sacré de la vie puis
c'est aussi la qualité de la vie. C'est pour ça qu'on est là. Mais il ne faut
plus se demander... Il ne faut plus se dire : Je ne ferai pas aux autres
ce que je ne voudrais pas qu'on me fasse, il faut se dire : Je ne ferai
pas à l'autre ce qu'il ne voudrait pas que je lui fasse. C'est comme ça qu'il
faut envisager la posture en soins.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre
question. Puis peut-être que mes collègues ont des compléments de réponse
aussi. Je les invite à compléter s'il y a des exemples plus clairs qui peuvent
être apportés.
• (10 h 50) •
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Et ma
dernière question, c'est... Lorsque vous parlez d'équipe multidisciplinaire,
vous avez dit que, bon, ça prenait beaucoup de rigueur et beaucoup... (panne de
son) ...à l'évaluation, une évaluation compétente.
Je vous sens... J'aimerais que vous me dites c'est quoi, l'équipe idéale, pour
vous, pour évaluer des patients qui demandent l'aide à mourir. Et que
fait-on dans des régions éloignées lorsque nous n'avons pas ces services-là?
Mme
Grou (Christine) : Écoutez,
la première question... Dans le fond, je vais commencer par votre dernière...
votre dernier élément. Il ne faut pas que ça arrive qu'on n'ait pas ces
services-là, c'est-à-dire qu'il ne faut pas... À partir du moment où on met des
balises pour un soin ou pour l'aide médicale à mourir, il ne faut pas que ce
soit à géométrie variable. Donc, il faut que les services soient là, il faut
que les services soient offerts puis il faut qu'on soit capables de les dispenser. Ça, je pense que c'est essentiel. Comme il ne
faudrait pas, par exemple, que, dans certaines régions, on ait plus
d'aide médicale à mourir... de demandes d'aide médicale à mourir parce qu'on
n'a pas accès à des soins et services de
santé mentale. Donc, autrement dit, il ne faut pas que ça se fasse par dépit
puis il ne faut pas que ce soit à géométrie variable. Donc, pour moi,
ça, il ne faut juste pas que ça arrive, là. Il faut que les services soient là.
Et, quand on réfléchit, des balises, ce n'est
pas pour rien. C'est un peu... C'est comme si on disait, dans le fond :
Bien, écoutez, moyennant ces balises-là, c'est éthiquement acceptable puis
cliniquement acceptable, puis ce serait même éthiquement questionnable de
refuser l'aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent de troubles mentaux.
Ça, c'est le premier élément.
L'équipe idéale, écoutez, c'est une équipe qui...
d'abord, c'est des professionnels qui comprennent ce que c'est que la souffrance psychologique, puis qui
sont capables de bien l'évaluer, puis qui sont aussi capables d'évaluer, au besoin, la cognition, l'état de la cognition. La
personne est-tu capable de comprendre? Elle est-tu capable de raisonner?
Elle est-tu capable de faire un scénario comparatif? Elle est-tu capable
d'exprimer ses choix, capable de ne pas
subir d'influence induite? Elle est-tu capable d'être constante dans sa
décision? Est-ce qu'elle est capable de la justifier? Est-ce que c'est en lien avec les valeurs qu'elle a eues dans
sa vie? Est-ce qu'il y a une constance décisionnelle?
Donc, tout ça, ça doit être des personnes qui
sont capables d'évaluer l'autonomie cognitive et ça doit être des personnes qui
sont capables d'évaluer la souffrance psychologique, donc des personnes qui
sont formées, un, à comprendre la
phénoménologie de la maladie, indépendamment du diagnostic. Parce qu'on peut
avoir quatre personnes qui ont le même diagnostic, puis ils n'auront pas
le même vécu. C'est pour ça que ce n'est pas le diagnostic qui importe dans la
souffrance, ce n'est pas uniquement le diagnostic, c'est un ensemble de
variables, O.K.? Alors, c'est autant la constitution de la personne, que tout
le contexte psychosocial dans lequel elle a évolué, que sa cognition, ses relations, son affectivité, etc. Alors donc,
les professionnels compétents sont les professionnels qui vont être capables
d'avoir une vue d'ensemble, qui vont être capables d'évaluer ça.
Ce n'est certainement pas un seul professionnel.
Tu sais, si on demande deux professionnels pour aller chercher une ordonnance
de traitement, bien, je ne pense pas qu'on peut demander moins que ça pour
évaluer l'aide médicale à mourir. De toute
façon, c'est déjà le cas, alors... Mais il faut cibler. Et je ne crois pas
qu'il y ait uniquement une profession qui soit compétente. Je pense
qu'il y en a quelques-unes. Puis il faut aller voir, dans les champs d'exercice
des professions, lesquelles sont les plus près de ça pour être capables de
déterminer...
Mais, de toute façon, la détermination, en santé
mentale, ça se fait en... je veux dire, il y a quelqu'un qui prend la décision, là, qu'il soit psychologue,
psychiatre, ou neuropsychiatre, ou gériatre, là, ou neuropsychologue. Il y a
quelqu'un qui prend la décision. Mais, cela dit, c'est à la lumière de
l'ensemble des évaluations puis à la lumière des consultations non seulement
avec les autres professionnels, mais souvent avec la famille aussi, au besoin.
Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Je passerais la parole à la députée
de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour. Vous
recommandez de ne pas imposer aux patients un délai indu dans le processus de l'aide
médicale à mourir. Pourtant, il y a d'autres intervenants qui nous ont
mentionné l'importance d'établir de longs délais, parfois cinq ans,
10 ans, parce qu'ils peuvent avoir une difficulté à cerner précisément les
tenants et aboutissants. Ne pas vouloir
imposer de délais indus ne favoriserait-il pas de mauvaises évaluations ou
des... erronés?
Mme Grou (Christine) :
En fait, on peut avoir deux types de délais indus. On peut avoir des délais
trop courts puis on peut avoir des délais trop longs, O.K.? Donc, des délais
trop courts, par exemple, ce serait le fruit, justement, d'une évaluation qui
serait un petit peu trop expéditive, ou d'un temps de réflexion que le patient
n'aurait pas, ou d'un manque de recul par rapport à la constance décisionnelle,
et un délai trop long, bien, écoutez, c'est la même chose qu'en santé physique,
c'est-à-dire qu'il y a des personnes qui, malheureusement, sont décédées avant
d'être capables d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
Alors, ce qu'on dit, c'est qu'il ne faudrait
pas... Vous savez, les gens qui souffrent de troubles mentaux, ils ont peu de
ressources. Ils sont souvent très peu outillés, très peu scolarisés. C'est...
Puis ils sont peu entourés. Donc, il ne faudrait pas qu'ils soient punis à
cause de ça puis il ne faudrait pas qu'ils aient un fardeau de la preuve tel
que ça revient à dire qu'on ne leur consent pas, finalement. Peut-être,
Mme Marleau, je vous passerais la parole pour le complément de réponse.
Mme Marleau (Isabelle) :
Je pense que vous avez fait bien la distinction, là, entre des délais qui
peuvent être trop longs puis des délais qui pourraient être trop courts. C'est
sûr qu'on ne voudrait pas allonger les souffrances de la personne indûment.
Donc, c'était ça, l'importance, pour nous, là, de ne pas...
Mais, cela dit, on insiste aussi sur le fait que
l'évaluation a une durée, qu'il y a un temps à prendre avec la personne. Quand Dre Grou parlait de l'espace
narratif, de l'espace où le professionnel... et la décision qui est réfléchie
et qui a une constance dans le temps, donc, tous ces éléments-là sont
essentiels, là, pour nous, également.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci. C'est tout le temps que nous avions, Mme la députée. Je
céderais la parole à ma collègue de Mille-Îles.
Mme
Charbonneau :
Bonjour, mesdames. Merci d'avoir déposé... J'étais à relire le mémoire, parce
qu'il y a plusieurs choses qui ont été évoquées. Vous vous êtes arrêtées
longuement sur la recommandation 7. Je vous remercie, puisque c'est une
question qui revient constamment : Est-ce qu'on devrait permettre à des
patients d'avoir accès? Et qu'arrive-t-il s'ils décident d'arrêter un traitement
pour arriver à cette conclusion?
Je vais plutôt aller à l'extérieur de l'espace
du patient. Vous faites, à la recommandation 12, un suivi possible, un
accompagnement possible à la famille, aussi faible soit-elle. Puis vous l'avez
dit, hein, ça se peut que l'environnement du patient ou de la personne soit
faible ou soit mal outillé, quelquefois avec une éducation encore plus faible
que la personne elle-même, puisque le temps a fait en sorte que, quelquefois,
le malheur du jeune ou de la personne qui est
en santé mentale, bien, c'est souvent un environnement qui est tout aussi
faible, sinon plus. Qu'est-ce que vous entendez de façon plus
spécifique? Parce que j'ai lu, dans la recommandation, là, l'accompagnement,
c'est un peu général, mais vous parlez des étapes à suivre, autant au préalable
que par la suite. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur cette perspective-là.
Mme Grou (Christine) :
Mme Marleau, est-ce que vous souhaitez répondre?
Mme Marleau (Isabelle) : Bien, je
vais vous laisser la parole.
Mme Grou (Christine) : O.K. Alors,
écoutez, quand on parle d'accompagnement, en fait, on a parlé de deux ordres, hein? On a parlé de l'accompagnement
aux familles, mais c'est tout l'accompagnement dans le processus — ce
n'est pas un processus facile — puis
c'est tout, aussi, l'accompagnement, je vous dirais, des endeuillés. Mais c'est
aussi l'acceptation, l'acceptation de la mort comme étant le choix de la
personne puis comme n'étant pas nécessairement un échec, ni pour la
personne ni pour la famille ou pour l'équipe.
On a aussi parlé de l'accompagnement des équipes
de soins, justement, pour les soutenir, parce que ça reste une réalité
difficile. Et, vous savez, moi, j'ai vu, en santé mentale, des unités de soins,
ce qu'on appelle des soins de longue durée,
où il y avait des patients qui étaient longuement institutionnalisés, malgré
toutes les désinstitutionnalisations qu'on a connues, là. Donc,
c'étaient des patients qui étaient très atteints, et la famille, ça devenait
l'équipe de soins.
Alors, il y a toutes sortes de cas de figure.
Puis, des fois, c'est une famille d'accueil, des fois, c'est une famille d'adoption. Mais, tu sais, on le dit, en santé mentale, il ne faut pas les oublier, les familles. Bien, il ne faut pas
les oublier dans l'aide médicale à mourir non plus.
• (11 heures) •
Mme Charbonneau :
Dans cette même perspective-là, je me permettrais de vous demander, dans... Je
dis «dans la même perspective», mais, dans d'autres moments, on a dit :
Quand quelqu'un fait de l'aide médicale à mourir... fait la demande, devrait-il
y avoir, sur un comité, un membre de la famille qui... peut-être le plus proche
ou le plus facile à rejoindre, parce que, des fois, c'est dans cette
perspective-là, et devrait-on prendre en considération l'opinion de cette
personne-là, puisque ce n'est pas un professionnel de la santé ou il n'a pas un
diplôme, un diplôme qui
le nomme professionnel de la personne, mais il est peut-être
un professionnel des états d'âme puis de la perspective, de la jeunesse
et du suivi de la personne? Donc, vous le voyez comment dans l'accompagnement?
Mme Grou
(Christine) : Bien, écoutez, là, je vais changer de posture
puis je vais vous... Je vais vous révéler quelque chose. En fait, moi, j'ai
fait une formation, une maîtrise en éthique, puis je l'ai faite sur le consentement
éclairé aux soins en santé mentale, parce que c'est une question qu'on me
posait souvent en neuropsychologie. Et donc
ça m'a amenée à présider le comité d'éthique. Et, quand on avait des demandes,
au comité d'éthique, qui étaient de
cet ordre-là, quand la famille était présente et que la famille n'était pas
pathogène, là, c'est-à-dire que, quand le patient le souhaitait puis
que la famille était présente, on les incluait tout le temps. Parce que, dans
le fond, dans le meilleur des mondes, là, on
aurait une convergence, hein, c'est-à-dire que tout
le monde serait en paix avec la
demande. Donc, ce serait autant
l'équipe de soins que... Bien, ce serait d'abord le patient, évidemment,
mais autant l'équipe de soins que les membres de la famille s'il en est.
Cela dit, en santé mentale, on voit beaucoup,
beaucoup de cas de figure. On voit des familles aimantes, adaptées avec des
patients, surtout des patients qui sont plus jeunes ou qui sont... puis qui
sont proches de leur famille ou qui sont en lien avec leur famille, puis on en
voit d'autres pour qui la famille est vraiment un élément pathologisant, je
vous dirais. Alors, encore là, je pense que... Je pense qu'il faut faire vraiment
une évaluation au cas par cas puis se demander... quand c'est dans l'intérêt du
patient, certainement, inclure un membre de la famille.
Peut-être,
je passerais la parole à Dre Marie-Ève Rouleau, qui a aussi travaillé en santé mentale avec des troubles graves. Est-ce qu'il y a un complément d'information?
Mme Rouleau
(Marie-Ève) : Oui. Bien, peut-être,
ce que j'ajouterais, c'est que c'est... certainement, les inclure si
c'est pertinent et possible à cette étape-là, mais il ne faut pas oublier aussi
qu'en santé mentale c'est très,
très encouragé de les inclure
à différents moments de la démarche.
Mme Grou
(Christine) : Absolument.
Mme Rouleau
(Marie-Ève) : Donc, c'est déjà...
On a déjà un historique.
C'est... Effectivement, c'est une bonne chose de pouvoir les impliquer
lors de ce processus-là.
Mme Grou (Christine) :
En fait, je pense que... Pour tout vous dire, en santé mentale, là, il est
clair que la présence de la famille puis la proximité du patient avec sa
famille, c'est un élément de pronostic favorable.
Mme
Charbonneau :
Merci. Je vais laisser... Je ne sais pas lequel de mes deux collègues a levé la
main, mais je vais laisser la place à mes collègues. Merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
Mme la députée. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, les Dres Grou, Marleau et Rouleau, pour vos interventions
aujourd'hui. Et, tout au long du débat essentiel sur la santé mentale, nous aurions eu
quelques occasions à échanger à ce sujet primordial.
Malgré votre constat très éclairé,
Dre Grou, sur la rareté probable de cas, en tout ce qui a trait aux
troubles très graves de santé mentale, il y a des gens, des témoins devant nous qui ont peur
des dérives. Je me permets de vous donner un petit scénario, et, peut-être,
vous pouvez nous parler de comment on assure l'équilibre essentiel sur le respect de l'autonomie et des voeux éclairés de la
personne et la propre protection de cette personne contre une implantation
d'aide médicale à mourir qui n'est pas conseillée.
Quelqu'un, on dirait un homme de... bon, de
50 ans avec une histoire de plusieurs épisodes de dépression majeure et
clinique, quasi fonctionnel entre ces épisodes où il n'arrive pas à se procurer
et maintenir un travail stable, malgré ça,
des épisodes de bonheur. C'est un père de famille qui a un lien quand même
affectif et positif avec ses enfants. Et cette personne fait la demande
au milieu d'une période de dépression majeure — et vous le savez beaucoup
mieux que moi, que ça existe — qui
perdure depuis 14 mois. Il est lucide et il exprime le souhait de mourir.
Comment ça s'est déroulé de façon digne et correcte, de votre avis, un
tel cas?
Mme Grou (Christine) : O.K. La première chose que je voudrais vous dire, M. Birnbaum,
et aux membres de la commission, c'est que,
malgré le plaidoyer qu'on fait, on craint énormément les dérives. Je ne peux
pas vous dire à quel point je crains les dérives. Puis les plus grandes
dérives que je crains, c'est la... je vous dirais, la difficulté
d'accessibilité aux soins et services en santé mentale qu'on connaît, puis qui
se sont empirés depuis la pandémie, puis le
défaut d'être capable de prodiguer le bon soin à la bonne personne au bon
moment. C'est très difficile actuellement, et je crains énormément cette
dérive, que les gens puissent faire la demande par dépit.
L'autre
dérive que je crains, c'est le manque de rigueur ou la géométrie variable dans
tout le processus d'évaluation.
Alors, pour répondre à votre question,
maintenant, dans un cas comme ça, ce qu'on voudrait exclure, c'est que cette personne-là fasse une demande dans le
contexte d'une symptomatologie dépressive non soignée qui pourrait être soignée ou avec une personne qui a tellement
de biais cognitifs qu'elle ne comprend pas adéquatement les bienfaits
potentiels d'un autre soin qu'on pourrait lui offrir. Parce que, si elle ne
comprend pas, elle n'est pas en mesure de prendre une décision éclairée. Donc,
malgré qu'une personne est lucide, on peut avoir des biais cognitifs puis être fondamentalement
convaincu que toute tentative de traitement, ça ne donnera rien, alors que ce
n'est pas nécessairement vrai. Ça, ça fait partie de l'évaluation
clinique.
Encore là, je
reprends votre même monsieur, ce père de famille. Je regarde, moi, son histoire
longitudinale, je regarde son désir de mort. Est-ce que le désir de mort est
propre à l'épisode dépressif qu'il fait maintenant ou il est constant dans les cinq, 10 dernières années?
Est-ce que les épisodes de souffrance... Quelle est l'intensité des épisodes
de souffrance, puis quelles en sont les durées? Si vous avez une personne qui,
sur un continuum de cinq ans, a eu cinq mois de bonheur puis
d'autonomie, et, tout le reste, combat et souffrance, bien, peut-être que cette
personne-là va dire : Ces cinq mois-là, le jeu n'en vaut pas la
chandelle, puis je ne veux pas passer mes cinq prochaines années comme ça.
Donc... Puis là je
vous donne juste quelques exemples des éléments qu'il faudrait évaluer. Mais
moi, comme psychologue, là, je prendrais la personne puis je questionnerais sur
comment elle envisage la suite de sa vie, quels sont les éléments de plaisir quand il va bien, à quoi il tient,
qu'est-ce qu'il perdrait dans un contexte de mort, qu'est-ce qu'il craindrait, la peine à ses enfants, par
exemple, etc. Donc, il y a toute une exploration. Et, quand on parle d'espace
narratif puis quand on parle d'exploration avec la personne, c'est à ça qu'on
fait référence.
Puis
l'exploration de la souffrance, là, je le répète, elle est complexe, mais ce
n'est pas parce qu'elle est complexe qu'il faut exclure ces personnes-là,
encore une fois. Je n'arrive pas à arriver à une autre conclusion.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci, M. le député. Je cède la parole à
mon collègue le député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre mémoire puis surtout vos
réflexions. J'avoue que ça fait vraiment progresser la réflexion puis je pense
que c'est pour ça qu'on est là aussi.
Parlant
de réflexion, je me demande, Dre Grou, comment vous conciliez le fait... De un,
vous dites que les cas seront rarissimes, mais, de deux, que... vous nous
dites, et vous venez de le dire à mon collègue de D'Arcy-McGee, que vous craignez beaucoup — et là
je pense que je suis à la même place que vous, là — beaucoup les dérives.
Comment vous... Peut-être rapidement, là, comment vous conciliez ou réconciliez
ces deux positions?
• (11 h 10) •
Mme
Grou (Christine) : Bien, écoutez, pour moi, ce n'est pas du
tout antinomique, c'est-à-dire qu'un des combats de l'Ordre des psychologues
puis un de mes combats dans la vie, là, c'est de s'assurer que les personnes
qui souffrent de troubles mentaux, quels qu'ils soient, ils aient un accès
rapide et facile à des services adéquats. Ça, on n'y est pas, là. On n'y est
pas puis on est loin du compte, O.K.?
M. Marissal :
Exact.
Mme
Grou (Christine) : Alors, si vous faites un premier épisode
dépressif, par exemple, les données probantes
ont démontré, là, hors de tout doute que le traitement de choix, c'est la
pharmacothérapie avec la psychothérapie. Maintenant, ce qu'on offre,
malheureusement, on n'offre pas suffisamment la psychothérapie. Alors, si vous
ne le traitez pas adéquatement, ce premier
épisode dépressif là, peut-être que, quatre ans plus tard, vous allez vous
retrouver dans un cinquième épisode
dépressif puis que vous allez avoir des comorbidités associées. Ce qu'on ne
soigne pas, là, en santé mentale,
comme en santé physique, ça risque de s'aggraver puis de se complexifier. Mais
ça, c'est un élément, O.K.?
Donc, on doit
travailler à donner des services de qualité. Autrement dit, moi, ce que je ne
voudrais pas, c'est voir des patients qui ont des troubles mentaux souffrir de
l'absence de services. Ça, pour moi, ce n'est pas acceptable en 2021 dans une
société civilisée comme la nôtre, où on n'arrête pas, dans le discours, de dire
qu'il faut s'occuper de la santé mentale. Bien, il faut s'en occuper au-delà
des mots. Ça, c'est une chose.
Puis,
une fois qu'on a fait ça, bien, encore là, on a fait progresser la société en
expliquant aux gens que la santé mentale, là, d'abord, ce n'est pas une maladie
honteuse. C'est une maladie qui concerne le cerveau. Le cerveau, c'est
un organe, et il faut s'occuper de sa santé mentale comme de sa santé physique.
Puis, quand on a des
problèmes de santé mentale, on ne perd pas nécessairement toute notre aptitude,
tous nos droits, toute notre autonomie. On a
droit au respect et on a droit à l'autodétermination. Écoutez, les deux
dernières décennies, là, on a travaillé à restaurer l'appropriation du
pouvoir d'autonomie chez les personnes puis on a arrêté de les traiter comme des personnes qui étaient
incapables de consentir pour eux-mêmes. Alors, est-ce qu'on peut, encore là,
avoir une logique du patient, en santé
mentale, qui peut consentir pour tous
ses soins puis qu'on responsabilise dans tous ses soins mais pas pour l'aide
médicale à mourir?
M. Marissal :
Bien, quand vous dites, docteure, qu'il ne faudrait pas que des gens souffrent
d'un manque de ressources en santé mentale, vous savez bien mieux que moi que
c'est déjà le cas tous les jours au Québec. Alors, si on prend la recommandation 8
au pied de la lettre, en notre âme et conscience, on ne devrait pas ouvrir l'aide
médicale à mourir à la santé
mentale. Et je n'en fais pas une
position politique, je réfléchis à voix haute. Moi, ça me trouble
quand vous dites qu'évidemment le profil socioéconomique puis psychosocial joue
énormément. Alors, il ne faudrait quand même pas se retrouver dans une situation
où, parce que tu es pauvre puis que tu es multipoqué, bien, nécessairement, on va te conduire tranquillement
vers l'aide médicale à mourir parce qu'on n'est pas capables de te soigner
avant puis on n'est pas capables de te prendre en charge avant.
Ça me rappelle un médecin de l'Hôpital
Maisonneuve-Rosemont qui m'avait dit, une fois : Tu sais, le taux de
mortalité à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont est plus élevé qu'ailleurs, dans
certains hôpitaux, parce que les gens qui arrivent ici
sont déjà pas mal, pas mal poqués, puis il y en a un paquet qui ne s'accroche
pas puis qui préfère partir. On est dans ce dilemme-là, là. Vous le comprenez
bien mieux que moi, je pense.
Mme Grou
(Christine) : Absolument. Et ça reste un
choix quand les gens préfèrent partir en milieu hospitalier. Puis je le
comprends très bien. Mais, moi, ce que je dis, c'est... Écoutez, je pense que
ce débat-là devrait, même, nous amener une pression à augmenter l'accessibilité
parce que... C'est comme si on dit : Dans le fond, on n'a pas la base, là.
Puis, dans l'évaluation, dans l'évaluation, tu
sais, ce qu'on dit, c'est : Il faut quand même regarder l'histoire
longitudinale puis regarder les tentatives thérapeutiques qui ont été faites
parce qu'il faut les proposer, c'est-à-dire que, tu sais, il faut les proposer,
les alternatives, à la personne, quand on l'évalue. Il y a l'aide médicale à
mourir, mais il y a autre chose. Puis il faut comprendre qu'il y a autre chose,
mais il faut que l'autre chose existe. Alors, on a cette responsabilité-là. Et
je pense que ce serait doublement injuste pour la santé mentale de dire que
vous n'avez pas suffisamment de services et vous n'avez, donc, pas droit à
l'aide médicale à mourir. C'est un peu une aberration.
Puis je vais juste vous donner un exemple
clinique d'un patient que moi, j'ai suivi, et je le fais à titre d'exemple,
O.K., parce que je pense qu'il illustre bien, un monsieur qui est sans enfants
et qui a un conjoint qui vient de le quitter. Ce monsieur-là, en fait, il a une
maladie. Bon, écoutez, il a une maladie de Crohn. Ce n'est pas une maladie qui
va l'emporter. Il a aussi souffert de dépression récurrente dans sa vie, O.K.,
puis il a fait plusieurs épisodes dépressifs. Et ce qu'il nous demande à
l'hôpital... Puis là c'est avant même le passage de la loi, donc il n'était pas
question de l'aider. Mais sa demande, c'était : J'aimerais ça mourir à
l'hôpital, parce que je ne suis plus capable de vivre, j'aimerais ça ne pas
être tout seul puis j'aimerais ça ne pas souffrir, mais, si vous me renvoyez
chez nous, c'est sûr que je vais mettre fin à mes jours puis c'est sûr que je
vais revenir. Et, de toute façon, il l'avait fait plusieurs fois.
Alors, évidemment, il y a eu des investigations
de ce monsieur-là. Il avait été traité pour dépression, et en milieu
hospitalier et en cabinet privé. Il a été investigué, même... (panne de son)
...indépendant qui n'était même pas de l'hôpital pour s'assurer que ce n'était
pas l'expression de sa dépression. Mais, au-delà de la dépression, il avait un
autre trouble concomitant qui était en lien avec sa personnalité, qui était
très, très, très dépendante, et ce monsieur-là avait fait le vide relationnel
autour de lui. Il était extrêmement déterminé, et assez pour arrêter de
s'alimenter. Et là tout ce qu'il demandait, c'est : J'aimerais ça que vous
ne me mettiez pas dehors de l'hôpital. J'aimerais ça... J'aimerais ça mourir
accompagné, mais je veux mourir puis je vais mourir, quoi qu'il en soit. Et là
on a une longue vie, puis là je vous fais grâce des détails, mais de
souffrances dont je vous fais grâce. Alors, on fait... Puis il y a eu plusieurs
tentatives thérapeutiques de ce monsieur-là.
Tu sais, je pense que, dans l'évaluation, il
faut regarder depuis quand date le désir de mort, quelle est l'intensité de la
souffrance ressentie par le patient. Puis ça fait partie, je vous dirais, de
l'approche thérapeutique de questionner cette souffrance-là, de voir si la
personne envisage des alternatives. C'est pour ça qu'il faut que ça se fasse
comme il faut, mais...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
Grou (Christine) : ...est-ce
que, parce que c'est compliqué de bien le faire, on ne doit pas le faire? Pas
sûre.
M. Marissal : Je vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup à vous trois, mesdames, d'avoir accepté d'être ici avec nous ce
matin. Ça va nous aider grandement dans la suite de nos discussions.
Donc, sur ce, je suspends les travaux quelques
instants, le temps d'accueillir notre nouvel intervenant.
Mme Grou (Christine) :
Merci beaucoup de votre écoute. Et bonne chance dans vos réflexions.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 22)
La Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Donc, nous avons avec nous Dr Louis
Morissette, psychiatre légiste. Donc, merci d'être avec nous ce matin,
Dr Morissette.
La procédure... Vous avez 10 minutes
d'exposé avec les membres de la commission, et par la suite il y aura un échange,
une période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole.
M. Louis Morissette
M. Morissette
(Louis) : D'abord,
merci de m'accueillir. Je suis Louis Morissette, médecin psychiatre, psychiatre
légiste à l'Institut Philippe-Pinel de Montréal.
Je parle en mon nom personnel, même si je suis maintenant à l'institut Pinel.
Je pratique la psychiatrie
depuis 1983 dans différents milieux, depuis 1983 à Pinel, en milieu interne,
externe, sur les unités d'admission et d'évaluation. Il y a des patients qui
demeurent quelques semaines, il y a des patients
qui demeurent plusieurs années. J'ai aussi travaillé, au cours des
années, pendant plusieurs années, à Sacré-Coeur, à l'urgence, comme responsable de l'urgence,
ensuite, aux unités internes à l'Hôpital Fleury et à l'Hôpital Jean-Talon. J'ai
aussi un bureau communautaire où je reçois des patients qui n'ont pas besoin
d'être hospitalisés mais qui souffrent de symptômes anxieux ou dépressifs au
long cours. Il y a plusieurs patients que je suis depuis 30 ans environ.
Donc, je
parle en mon nom personnel. Pourquoi je m'intéresse à l'aide médicale à mourir,
trouble mental — ce
sera le seul thème de ma présentation — lorsque l'aide médicale à mourir est
demandée et que le trouble mental est le seul problème médical invoqué?
En 2005, le Collège des médecins, à l'assemblée
générale, a amené sur la place publique — au Québec, là, c'est une des premières fois qu'on en parlait
clairement et ouvertement — la question de l'euthanasie et l'aide médicale à mourir.
Rapidement, c'est devenu l'aide médicale à mourir, la terminologie acceptée.
Et le hasard a fait que, dans les années qui ont
suivi, entre 2005‑2006 et 2009‑2010, j'ai eu à évaluer une dizaine de patients
qui partaient en Suisse pour demander le suicide assisté. À l'époque, ces
gens-là souffraient de parkinson, de paralysie pseudobulbaire, des maladies
neurologiques dégénératives, et l'organisation Dignitas, en Suisse, voulait s'assurer que ces gens-là avaient
la capacité décisionnelle. J'ai cessé... pour demander le suicide assisté.
J'ai cessé de faire ces évaluations-là après une
dizaine en me rendant compte que, de mon point de vue, c'était vraiment
difficile, sinon impossible de distinguer les gens qui demandaient l'aide
médicale à mourir et les gens que je voyais à mon bureau ou à l'hôpital qui
cherchaient à se suicider ou qui avaient fait une tentative de suicide très
sévère. Donc, ça m'a amené à une longue réflexion sur l'aide médicale à mourir.
C'est la loi actuellement. C-7 a été acceptée le
17 mars 2021. Le trouble mental sera accepté comme condition médicale
en mars 2023. Je crois qu'il y a des précautions à prendre et des
sauvegardes à établir.
Plusieurs commentateurs, M. Journet, dans La Presse
au printemps 2021, en citant Dre Gupta, qui est médecin psychiatre au
CHUM et qui est l'auteure principale du mémoire de l'Association des médecins
psychiatres du Québec concernant l'aide médicale à mourir et trouble mental...
Donc, les commentateurs, plusieurs personnes disent :
Inquiétez-vous pas, c'est un petit nombre, prenez l'exemple de la Belgique ou
des Pays-Bas, si on reporte les chiffres à la grandeur du Québec, c'est un
petit nombre. Dre Gupta, je crois qu'elle disait : Dans ma carrière
de 20 ans, il n'y a pas... je n'ai pas rencontré
cinq personnes, ou encore moins que cinq personnes, qui satisferaient
aux critères.
Avec respect puis humblement, je diffère
d'opinion là-dessus, parce que la loi canadienne et la loi québécoise ne sont
pas écrites de la même façon, et surtout le code de déontologie, le Collège des
médecins et le législateur... les organisations professionnelles au Québec,
essentiellement, le Collège des médecins, qui a une autorité sur les médecins,
et leur pratique, et les règles de pratique, n'ont pas établi les règles, comme
en Belgique et aux Pays-Bas.
Si on regarde ce qui se passe en Belgique et aux
Pays-Bas, il y a des règles très précises concernant la définition, quand
est-ce que le médecin va considérer que la condition est irrémédiable. Le
médecin peut exiger que le patient ait reçu des soins habituels, moyens,
standards pour la pathologie invoquée, alors qu'au Québec...
Et la loi C-7 est assez claire là-dessus.
Si on va à la loi C-7, l'article 3.1g, il s'agit de s'assurer que la
personne a été informée des options thérapeutiques et qu'on lui ait offertes.
Puis, si on va à l'article 3.1h, il faut s'assurer que le médecin a
discuté avec la personne, et que le médecin et la personne s'accordent sur le
fait que la personne a sérieusement envisagé les options, pas que la personne
les ait reçues, minimalement, le traitement standard. On ne parle pas de
traitement exceptionnel, hors de l'ordinaire, inhabituel, on parle... La loi
actuelle ne fait... C'est le vécu, le ressenti, la perception du patient qui
fait foi. Et, si le patient... Bien sûr, le patient, la personne a le droit de
refuser tout traitement, bien évidemment, mais, à ce moment-là, est-ce qu'on va
pouvoir considérer que la condition est irrémédiable, irréversible, amène un
déclin irréversible? D'après moi, on ne devrait pas permettre que ce soit le
cas.
Donc, c'est quoi, les... quelles sont les
sauvegardes ou les balises qu'on pourrait établir? D'abord, l'accès,
l'accessibilité aux soins. Il ne faut pas que, dépendant du code postal, tu
aies accès à des soins psychosociaux, psychothérapies, psychiatriques et
certaines cliniques spécialisées. Si tu es à Sept-Îles, tu devrais avoir les
mêmes traitements possibles que si tu es dans l'est de Montréal ou à Sillery, à
Québec. Ce n'est pas le cas actuellement. L'accessibilité aux soins est très
disparate, même sur l'île de Montréal. Quelqu'un qui vit à Pierrefonds ne peut
pas aller à la clinique des troubles anxieux, à Louis-H.-Lafontaine. Il va être
refusé à cause de son code postal. On va me dire que la loi, ce n'est pas ça,
mais la réalité, c'est ça. Donc, il faut s'assurer que l'accessibilité soit
disponible.
• (11 h 30) •
Et, en termes de soutien psychosocial,
psychothérapie précise, technique EMDR, c'est des techniques en psychothérapie qui devraient être disponibles à
travers le Québec. Elles ne le sont pas actuellement. La neuromodulation,
c'est une technologie qui est efficace pour
les troubles anxieux et dépressifs chroniques. Il y a des cliniques
spécialisées en kétamine. C'est un
traitement... Est-ce que ça devrait être dans toutes les régions du Québec?
Non, mais, rappelons-nous, il y a plusieurs années, Mme Marois,
alors qu'elle était ministre de la Santé, a permis que les gens qui souffraient
d'un cancer du sein ou de la prostate soient traités à l'extérieur de la
province. Actuellement, quelqu'un qui voudrait des traitements de kétamine et qui vit à Gaspé n'aura pas accès à ça.
Est-ce qu'il pourrait être facilement transféré au CHUM? Je ne sais pas, mais il
faudrait s'assurer que ce soit disponible.
D'abord, l'accessibilité, ensuite, la question
de la définition des termes, j'en parlais tout à l'heure, et irrémédiabilité.
Qu'est-ce qu'on va considérer irrémédiable? Après combien de temps, la maladie?
Après quels traitements?
Actuellement, comme je le
disais, la loi, telle que formulée au Canada, c'est la perception, le vécu du
patient. Le médecin ne peut pas avoir un... Contrairement à la Belgique et aux
Pays-Bas, le médecin ne peut pas dire : Écoutez, j'entends ce que vous me
dites, mais il y a des traitements que vous n'avez pas pu obtenir ou que vous
avez refusés, et, en conséquence, je ne peux pas dire... être d'accord avec
vous sur la question irrémédiable. Au Canada, actuellement, la loi ne permet
pas ça. On va me dire : Bien, pourquoi tu dis ça? Entre autres, en
discutant avec un avocat qui était dans la demande pour la cause Truchon, quand
j'ai parlé de cet aspect-là de la loi, pour lui, c'est très clair, c'est... la
loi actuelle, telle qu'elle est formulée, c'est un... c'est uniquement le
ressenti et le vécu du patient qui va être pris en compte lorsqu'on va en venir
à la discussion de l'irrémédiabilité de la pathologie.
Donc... Et, si on regarde en Belgique, ici, j'ai
une étude qui est très souvent citée, là, vous avez dû l'entendre plusieurs
fois, 100 demandes d'euthanasie concernant des personnes pour un trouble
mental, 52 sont refusées parce que le médecin, entre autres... Le plus souvent,
là, c'est refusé quand le médecin considère que la personne n'a pas eu les
traitements habituels, moyens, standards pour la pathologie en question.
Donc, question de définition, irrémédiabilité.
Il faut aussi s'assurer de la stabilité et de la
durabilité de la demande. La loi actuelle, c'est 90 jours si la mort
naturelle n'est pas prévisible. C'est court. En psychiatrie, on voudrait, je
crois, 180 jours, peut-être une année. Je ne parle pas de l'évolution de
la pathologie, je parle de la demande, le jour 1, combien de temps
attend-on avant que la personne ait accès à l'aide médicale à mourir. En psychiatrie,
on voudrait plus que 90 jours.
La question des évaluateurs. La loi actuelle
demande un évaluateur connaissant de la pathologie. Je suggère deux
évaluateurs. Je ne suis pas le seul, là, mais, en particulier, je suggère deux
évaluateurs qui connaissent la pathologie, deux évaluateurs qui vont avoir la
permission, par la loi, de discuter avec les traitants antérieurs et avec
l'entourage de la personne. Actuellement, il n'y a rien qui est écrit à ce
sujet-là dans la loi ou dans les règles.
En Belgique et aux Pays-Bas, on le recommande très,
très fortement. On comprend que, parfois, ce n'est pas une bonne idée, mais, très,
très, très généralement, c'est très, très, très encouragé par les règles de
pratique. Il faut s'assurer que l'entourage soit consulté, de même que les
traitants antérieurs. L'évaluation doit être documentée dans le dossier clinique.
La question de la suicidalité, je le disais, ce
n'est pas facile. Le conseil canadien des académies, en décembre 2018,
dans un rapport produit à la demande du gouvernement fédéral, concluait que plusieurs
études arrivaient à la conclusion que ce n'était pas possible de distinguer
entre une personne qui veut mourir, suicidaire, et une personne qui demande l'aide
médicale à mourir. Peut-on arriver à la distinction? Peut-être, mais il faut
vraiment prendre le temps, et l'évaluation prend du temps.
Des populations à risque, déficience
intellectuelle, trouble du spectre de l'autisme, il faut s'assurer que ces
gens-là reçoivent le soutien pour l'intégration à l'emploi, au logement, les
loisirs, pour ne pas que leur demande d'aide médicale à mourir soit en lien
avec leur isolement social, des échecs relationnels, un manque d'argent. Il
faut vraiment s'assurer que ces personnes-là ont les services requis à leur
intégration dans la communauté avant que l'on pense, que l'on puisse penser à
l'aide médicale à mourir.
Les gens qui sont arrêtés suite à une infraction
grave contre la personne, et qui font face à des conséquences, et qui font face
à leur propre culpabilité, est-ce qu'on va leur permettre d'avoir accès à
l'aide médicale à mourir dans les 90 jours? Ils vont avoir une détresse,
c'est bien certain. Ou les gens qui sont condamnés à une peine, par exemple, un
délinquant dangereux qui est condamné à une peine de détention indéfinie et qui
voudrait obtenir l'aide médicale à mourir, il faut se questionner sur cette
possibilité-là.
L'inspecteur correctionnel fédéral, donc celui
qui s'occupe des droits humains dans les prisons fédérales, suggère que l'aide
médicale à mourir ne soit pas disponible dans le système fédéral et que, si un
détenu, pour des raisons médicales, aurait accès à l'aide médicale à mourir...
que ce soit fait à l'extérieur du service pénitentiaire. Jusqu'à maintenant,
c'est très compliqué parce que le pénitencier ne les laisse pas sortir et
procède à l'aide médicale à mourir, aussi fou que ça puisse paraître, dans une cellule,
seuls. Et, les deux ou trois cas qui ont été permis à l'extérieur du
pénitencier, la personne était menottée au lit. Ça fait un peu cinglé, mais ça
s'est passé comme ça.
La question de la surveillance, mon dernier
point. À mon avis, actuellement, il n'y en a pas, de surveillance de ce soin. L'aide médicale à mourir, au Québec...
au Canada, est considérée comme un soin. La commission
des soins de vie vérifie comment les
formulaires sont remplis. Dr Bureau, qui est président de la commission, a été très offusqué lorsque je présentais antérieurement et que je disais que
la commission effectuait une revue comptable, une évaluation comptable des formulaires. Le
mandat de la commission, c'est d'évaluer comment les formulaires sont remplis.
Le mandant de la commission de soins de vie, ce n'est pas d'évaluer ce qui est
écrit dans le formulaire avec le dossier clinique. Ce n'est pas leur mandat.
Les commissaires de la commission de soins de vie effectuent leur travail avec
compétence et sont dédiés. Ils font très bien leur travail.
J'ai demandé,
au printemps, ce qui arrivait dans les derniers... dans les dernières années,
là, dans leurs évaluations. Donc, on a
un document : Suivi de la commission sur les soins de vie en lien avec
l'examen des formulaires de déclaration de l'administration d'une
AMM. C'est exactement ça, leur mandat. Ils n'ont pas d'autre mandat que de
vérifier comment les formulaires sont remplis.
Donc, en 2015‑2016, 17 % des formulaires,
il y avait un petit quelque chose qui accrochait. Donc, on a demandé des
compléments. On a parlé aux docteurs. On a vérifié que tout était bien fait. En
2019, en 2020, il y a 1 % seulement des formulaires pour lesquels on a
demandé une explication. Puis c'est leur mandat, ils vérifient comment les
formulaires sont remplis. S'il y a des imprécisions, ils vont chercher
l'information auprès du médecin. Ce n'est pas le mandat de la commission de fin
de vie de vérifier ce qui est écrit dans le formulaire, est-ce que ça
correspond vraiment à ce qui est écrit dans le dossier clinique.
Cette
évaluation de ce soin, ça revient au Collège des médecins. Dr Robert, qui
était secrétaire général du Collège des médecins jusqu'au printemps 2021,
et ceci depuis 2005‑2006 au moins, peut-être avant, a dit clairement, à l'époque, que le Collège des médecins ne
s'impliquerait pas dans l'évaluation de ce soin. Pourquoi? C'est une question
que je me pose. C'est un soin. Les
césariennes, on les évalue. Les chirurgies cardiaques, on les évalue. La
psychothérapie, on les évalue. Tous les soins médicaux, au Québec, sont
sujets à une évaluation clinique, c'est-à-dire : Docteur, vous dites que vous avez fait ça, est-ce que
vous l'avez fait vraiment? Docteur, vous dites que le patient avait telle
pathologie, telle pathologie, telle pathologie, on va aller voir les
dossiers puis on va vérifier si vous aviez raison. On le fait pour tous les
soins. Pourquoi ne le fait-on pas pour l'aide médicale à mourir?
Plus spécifiquement,
pour l'aide médicale à mourir et le trouble mental, comme l'AMPQ, je
suggérerais une évaluation préalable, comme on dit qu'il y aura très peu de cas
et que les cas vont être bien documentés, bien, à ce moment-là, une commission
préalable qui va regarder ce qui est pertinent comme dossier, ce qui est
pertinent comme rapport, ce qui est
pertinent comme note clinique, et, à
ce moment-là, cette commission-là
pourra faire une surveillance préalable.
Donc, vous aurez
compris de mon propos que la loi a été adoptée, c'est la loi, mais il faut
s'assurer que le législateur inscrive dans la loi ou par des règlements, avec
le Collège des médecins... Parce que l'Association des médecins psychiatres du
Québec n'a aucune autorité sur ses membres, c'est un syndicat. Donc, la seule organisation,
au Québec, qui a une autorité sur les médecins, bien sûr,
le gouvernement, la police, mais le Collège des médecins. Donc, le législateur,
le Collège des médecins devraient s'assurer qu'il y a
une bonne définition, que les règles soient précises quant à ce qui va
être considéré comme irrémédiable, les évaluateurs...
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci, Dr Morissette. Je suis obligée de
vous interrompre. Mais par contre on va continuer la discussion avec les
collègues, qui ont, j'en suis certaine, plein de questions à vous poser, donc,
en commençant par ma collègue la députée de Saint-François.
Mme
Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Morissette, pour cette belle
présentation. Vous êtes un des premiers qui osez mettre des balises... en tout
cas, quelques balises pour bien diriger la réflexion. Moi, ce que j'aime de ce
que je vous ai entendu, c'est que vous comparez beaucoup aussi avec qu'est-ce
qui se fait ailleurs, et qu'on n'est vraiment pas au même point, vous l'avez
démontré facilement.
J'ai une question par
rapport... Étant donné qu'ici on n'est vraiment pas au même stade que vous avez
dit, comme ce qui se fait en Europe, j'aimerais que vous m'expliquiez c'est
quoi, la différence entre un suicide assisté ou l'aide médicale à mourir, ou
qu'ailleurs on appelle l'euthanasie, dans un cas de trouble mental, parce qu'il
n'y a pas de diagnostic qui est léthal, là. La personne n'a pas
nécessairement... elle n'a pas un diagnostic qu'elle va en mourir, là. Donc,
c'est... Comment faire la différence? Parce qu'ils la font, la différence, dans
ces pays. Puis vous avez même étudié des dossiers... Dans votre rapport, on le
voit, que vous avez étudié des dossiers pour que les gens puissent avoir le
suicide assisté dans ces pays-là.
M. Morissette
(Louis) : Bien, l'expérience clinique que j'ai eue à l'époque, là,
entre 2005‑2006 et 2010, c'était avec des gens qui avaient d'abord un problème
médical, soit une maladie de Parkinson vraiment avancée ou une paralysie
pseudobulbaire qui amenait vraiment une grande, grande perte de fonctions,
sclérose en plaques qui amenait une grande perte de fonctions. Donc, ces
gens-là étaient acceptés médicalement en Suisse.
En Suisse, il suffit,
pour obtenir le suicide assisté, que tu aies une pathologie médicale bien
identifiée. Maintenant, ça peut être mental ou physique. Eux, ils ne s'occupent
pas vraiment du pronostic. Ils veulent s'assurer que tu aies la compétence pour demander le suicide assisté. Et ça se
passe... Tu vas dans un endroit. C'est à
l'extérieur de l'hôpital. La plupart, la grande majorité, c'est à
l'extérieur de l'hôpital. L'infirmier te donne les médicaments, tu les prends
et tu décèdes. Donc, c'est ça, le suicide assisté, en Suisse.
Belgique et Pays-Bas,
trouble mental, il y a un grand débat dans la profession concernant est-ce
qu'il est possible d'arriver à la conclusion qu'un trouble mental est vraiment
irrémédiable, ne peut pas s'améliorer, est incurable. Il y a des gens qui vont
dire : Écoutez, c'est toujours possible que quelqu'un s'améliore, même
après plusieurs années de maladie
schizophrénique, ou de maladie schizoaffective mal compensée, ou d'un trouble obsessif
compulsif. Il y a des gens qui vont nous dire : Écoutez, ce n'est jamais
possible, en psychiatrie, d'arriver à la conclusion que la personne ne
s'améliorera pas. Il est toujours possible d'imaginer qu'il va y avoir une
amélioration. Je pense que des gens qui souffrent longtemps, parfois... Ici, je
l'ai vu à l'institut, après des années, quelque chose arrive, et la personne va
mieux et peut même réintégrer la communauté après 10 ans, 12 ans ici.
Ça se voit.
Pour moi, on est
dépassé ce débat-là. Puisque c'est dans la loi, je ne veux pas m'enfarger
là-dedans, mais je voudrais être certain que le législateur mette par règlement
et que le Collège des médecins mette par règle de pratique, code de pratique
contraignante que la maladie psychiatrique va être considérée irrémédiable,
incurable, intraitable seulement après cinq années, 10 années.
Voyez-vous,
Dr Derryck Smith, qui est très impliqué, psychiatre à Vancouver, lui, il
dit : Écoutez, le patient, il peut refuser tout, même depuis le début,
puis on devrait... il devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir. Il a
témoigné dans plusieurs causes au Canada de cette façon-là. Si je parle à
d'autres évaluateurs à Toronto, ils vont me dire : Écoutez, bien sûr, bien
évidemment, on va dire que quelqu'un... la maladie est irrémédiable seulement
quand elle évolue depuis cinq ou 10 ans et qu'elle a reçu plein... plusieurs
traitements qui se sont avérés inefficaces. Mais ce n'est pas ça que la loi dit
au Canada.
En Belgique et aux Pays-Bas, comme je le disais
tantôt, ce n'est pas tellement le texte de loi que les règles de pratique qui
ont amené le fait que le médecin peut dire : J'entends ce que vous me
dites, je comprends votre souffrance et votre détresse,
mais, puisque vous n'avez pas reçu ou pas voulu recevoir les traitements
habituels pour telle ou telle pathologie, je
ne peux pas considérer votre maladie irrémédiable, incurable, intraitable, et
donc vous n'avez pas accès à l'aide médicale à mourir.
Au Québec, au Canada,
actuellement, si la loi, là... si on était en mars 2023 actuellement, quelqu'un
qui aurait un premier épisode dépressif et qui dirait : Moi, je n'en veux
pas, de vos pilules, puis qui est suicidaire, j'étais mal pris pour l'empêcher,
ça deviendrait un droit.
Il
faut vraiment que le législateur, avec le Collège
des médecins, établisse des définitions claires, des règles de pratique très claires, contraignantes, en disant,
comme je le disais : Bien, au moins cinq ans d'évolution — personnellement, j'irais plus, j'irais à 10 ans
d'évolution — et la
demande stable dans le temps. Actuellement, c'est 90 jours. J'irais plus, là. J'irais... au moins six mois, sinon une année
de demande d'aide médicale à mourir avant d'y avoir accès. Je ne sais pas
si je réponds à votre question.
Mme
Hébert :
Non, c'est excellent. Merci. Merci beaucoup. Je vais laisser la place à mes
collègues, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci. Je cède la parole à la collègue de
Soulanges.
Mme Picard :
...j'aimerais vous entendre à propos de la déficience intellectuelle. Vous en
avez mentionné dans votre mémoire. En fait, vous recommandez, là, que ce soit
traité de façon plus particulière. On a l'association, là, des... l'Association
québécoise des neuropsychologues qui ont recommandé que ça passe par eux, les
évaluations, pour la demande d'aide médicale
à mourir. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que c'est... Est-ce que vous
suggérez des professionnels quelconques?
M. Morissette
(Louis) : Bien, je... L'expérience de presque... de 38 ans, là,
en psychiatrie puis l'expérience auprès de
personnes qui veulent mourir me
montrent que, si on prend le temps puis si on les accompagne, que si on les
écoute, très souvent, le désir de mourir s'estompe, l'espoir revient.
Donc, pour répondre directement
à votre question, c'est... Si on offre... Souvent, la personne déficiente intellectuelle n'a pas accès aux services du CRDI parce qu'on s'obstine sur : La personne, est-elle vraiment déficiente intellectuelle? Donc, si vous
me dites : Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une évaluation par des
psychologues spécialisés pour bien quantifier à la fois les besoins, les
besoins de la personne, les déficits, les handicaps et les forces?, je vais
vous dire bien sûr.
Donc, ce serait une
façon d'offrir à ces personnes-là une bonne évaluation, parce que, quand on
évalue, on n'évalue pas juste les déficits, on évalue aussi les forces, puis, à
ce moment-là, bien, tu peux travailler avec ça. Donc, ce serait un moyen de
dire, de montrer à ces personnes-là : On vous écoute, on vous accompagne,
on va vous offrir des services adaptés à vos besoins.
Mme Picard :
Merci.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Donc, avant de céder la parole au député de D'Arcy-McGee,
j'aurais besoin du consentement de tous pour prolonger un peu la séance, comme
on débordera un peu notre temps de quelques minutes. Il y a consentement. Donc,
je cède maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Et merci, Dr Morissette, pour votre intervention.
Vous constatez que... Vous avez une inquiétude que, selon la situation ici, au Québec,
et contrairement à plusieurs intervenants qui se
sont témoignés devant nous... que le nombre de demandes issues des gens avec
des troubles graves de santé mentale pour l'aide médicale à mourir
risque de ne pas être modeste. Et vous avez fait un petit peu un lien avec le
code déontologique, actuellement, du Collège des médecins.
Et aussi, avec
l'absence de certaines balises que vous jugez urgentes, et on en prend note,
pouvez-vous nous dire plus clairement quel genre de dérive vous imaginez, et de
quel ordre, qui risque d'être... de se manifester si vos mises en garde ne sont
pas écoutées?
M. Morissette (Louis) : Donc, c'est que, fondamentalement, il faut
saisir comment la loi est écrite au Canada, ce qui est très différent de la Belgique
et des Pays-Bas. C'est la loi qu'on connaît le mieux, là, pour comparer. Et je
ne suis pas le seul à le dire, là. Il y a... Brian — je le cite dans mon
mémoire, là — Mishara,
dans un journal... dans un article en 2018, le dit très clairement. La loi,
telle que formulée au Canada, fait en sorte que c'est le ressenti, le vécu du
patient, et que le médecin n'a... doit informer des traitements possibles, doit
s'assurer que la personne a considéré les options possibles, et c'est tout.
Donc, il faut vraiment, par règlement et code de pratique, que ce soit plus que
ça que le médecin puisse faire dans l'évaluation.
Pourquoi je dis qu'il
risque d'y avoir un grand nombre? Parce que c'est ce qu'on dit toujours. La
Dre Gupta va dire : Bien, c'est... petit nombre, en 20 ans, je
n'ai pas vu cinq personnes qui pourraient satisfaire aux critères. En Belgique,
c'est un petit nombre encore, puis, sur 100 demandes, il y en a 52 qui
sont refusées. Mais la loi actuelle, au Canada, ce n'est pas pareil. C'est le ressenti, le vécu.
L'article, je le mentionnais, 3.1g, 3.1h, c'est informer et
prendre en considération. Ce n'est rien d'autre.
Les gens qui sont... Il y a trois suicides par
jour au Québec, un peu plus, là, en moyenne, là, mais environ trois suicides
par jour au Québec. Il y a de la souffrance, et cette souffrance-là ne se
manifeste pas juste par des suicides. Il y a de la violence aussi contre les personnes. C'est
souvent le reflet d'une souffrance. Donc, si on ne met pas les balises,
vraiment, de définition claire, de code de pratique, comment on va l'évaluer, qu'est-ce
qui sera requis pour arriver à la définition d«irrémédiable» et bien préciser
que le médecin peut conclure que la maladie n'est pas irrémédiable, même si le
patient, lui, a l'impression que c'est irrémédiable, là, c'est son désespoir
qui lui fait dire ça... La loi actuelle,
c'est le vécu et le ressenti du patient. C'est vécu comme un droit. Et, si
les... Je le répète, là, ça fait 10 fois, mais, si les codes de
pratique et le règlement n'indiquent pas clairement les définitions et ce qui
sera requis pour que la condition soit considérée comme irrémédiable, bien, les
gens vont le demander, puis il n'y aura rien pour les arrêter, là.
M.
Birnbaum : Vous allez comprendre, d'ailleurs, que, bon, les codes de
pratique, ce n'est pas... ça ne fait pas partie de notre mandat. La
discussion peut être très pertinente. Où est-ce que vous vous situez?
M. Morissette (Louis) : Bien, j'ose
différer avec vous, là. Je crois qu'il y a... C'est vraiment important de
s'assurer que le Collège des médecins et le législateur travaillent ensemble.
Parce que le Collège des médecins ne peut pas simplement s'en laver les mains,
là. La seule contrainte par le Collège des médecins, actuellement, pour l'aide
médicale à mourir, c'est la façon de le donner et les médicaments qui doivent
être utilisés. Au Québec, le collège est
très strict là-dessus. Et c'est la seule chose qu'il surveille, là, c'est :
intraveineux, trois types de médicaments, tu n'as pas de choix. Ça, il
exige que ce soit comme ça. Mais, pour le reste, il n'y a pas de surveillance,
il n'y a pas... Il y a des suggestions, mais il n'y a personne qui vérifie,
puis ce n'est pas contraignant.
M. Birnbaum : En même temps, comment
vous répondrez aux gens qui diraient qu'il y a un risque, dans vos propos,
d'inviter le médecin à jouer le rôle trop prépondérant et décisif dans les cas
où il y aurait des demandes documentées et
balisées pour l'aide médicale à mourir? Est-ce qu'il n'y a pas un risque qu'on
laisse trop de discrétion au médecin dans vos propos?
M. Morissette (Louis) : Bien,
d'abord, deux évaluateurs connaissants de la pathologie, donc, ça répartit un
peu le risque.
Et l'autre aspect, c'est qu'on appelle l'aide
médicale à mourir un soin. Donc, si c'est un soin... Moi, si je vais chez le médecin puis je dis : Écoutez, je
pense que j'ai une prostate trop grosse, là, puis il faudrait l'enlever, le
médecin va vérifier, est-ce qu'elle est trop grosse, etc., puis, s'il
n'est pas de mon opinion, il va dire : Docteur... ou, tu sais, il va
dire : Monsieur, tu sais, je ne ferai pas ça, là. Donc, si c'est un soin,
bien sûr, l'opinion médicale est importante.
Puis il faut
bien... À mon avis, il faut que le législateur quantifie, qualifie, définisse
bien les termes et ce qui sera considéré, entre autres, comme
irrémédiable, ce qui sera une évaluation complète, entourage, traitements
antérieurs, plusieurs rencontres. Et, si, après ça, on constate qu'il y a une
pathologie, qu'il y a eu plusieurs traitements et que ça fait 10 ans que
ça dure malgré les interventions, on pourra arriver à la conclusion que c'est
irrémédiable, intraitable, incurable, insupportable, déclin irréversible. Mais
on appelle ça un soin, donc il faut qu'il y ait une opinion médicale dans
l'histoire.
Si on ne veut pas appeler ça un soin puis qu'on
dit : Écoutez, la société va offrir la mort sur demande, bien, qu'on
établisse des bureaux qui vont faire ça, comme on le voyait dans...
M. Birnbaum : ...il y a aussi... Mon
temps est limité. S'il vous plaît, si je peux vous poser l'autre question... Il
faut comprendre que c'est la loi, c'est un soin sur le continuum des soins,
c'est... et ce qui signifie que c'est un soin qui doit être disponible selon
les balises, qui sont évidemment très discutables. C'est un soin, comme est un
soin la chimiothérapie. Donc, l'autonomie de la personne protège son droit de
se désister de tels traitements, qui enlève ce pouvoir, si vous voulez, du
médecin. Alors, n'y a-t-il pas un parallèle avec l'aide médicale à mourir là-dessus?
M. Morissette (Louis) : Non, non,
non. Ce que vous venez de dire, là, c'est... La chimiothérapie, la personne
peut refuser. Il y a un diagnostic de cancer, on vous offre la chimiothérapie,
vous pouvez refuser. Ça va. Vous n'arrivez pas... L'aide médicale à mourir,
c'est l'inverse, c'est le patient qui le demande. Le médecin n'est pas supposé
l'offrir. C'est le patient qui le demande. Puis, à ce moment-là, le patient
demande un soin, mais est-ce que le soin s'applique à cette personne-là? Dans
l'exemple que vous donnez, est-ce que ce serait pensable qu'une personne aille
rencontrer un hématologue pour le cancer puis dise : Moi, je voudrais
trois petites shots de chimiothérapie? Oui, mais, monsieur, t'as-tu un cancer
du sang? Bien non, ça ne fait pas de sens. Donc, l'opinion médicale est là.
Je pense que votre question, c'est
surtout : Est-ce que je remets en doute que le patient peut... la personne
peut refuser les soins? Pas du tout, toujours le droit de la personne de
refuser les soins. Mais est-ce que ça devient, à ce moment-là, une obligation
de l'État ou de la société d'offrir à ce patient-là le soin terminal?
Moi, j'ai mal à la hanche, je vais voir le
médecin orthopédiste. J'arrive dans son bureau, je veux un remplacement de
hanche. Il va dire : Monsieur, écoute, on va prendre une radiographie, on
va faire une infiltration, je ne te ferai pas un remplacement de hanche tout de
suite, là, on va y aller par étapes. Je ne veux pas l'infiltration, je ne veux
pas la résonance magnétique, je ne veux pas vos anti-inflammatoires, je veux un
remplacement de hanche. Le chirurgien va dire : Écoute, là, je ne peux pas
faire ça comme ça, là, il faut y aller par étapes, on va prendre une
radiographie, etc.
Donc, le
patient a toujours le droit de refuser le traitement, mais est-ce
que ça devient une obligation de lui donner le traitement alors qu'il n'y a pas
d'indication médicale ou que l'indication médicale n'a pas été bien documentée,
prouvée?
Dans le cas de l'aide
médicale à mourir, il faut s'assurer que l'indication médicale pour trouble
mental, et tous les autres mais trouble mental en particulier... Il faut
vraiment s'assurer qu'il y a une indication médicale, que ça fait x années
que ça dure, il y a eu plusieurs traitements, ça n'a pas bien fonctionné, la
personne est souffrante, désespérée, isolée,
elle a encore la capacité décisionnelle, elle a mis au courant son entourage,
j'ai pu parler aux médecins traitants antérieurs, qui ont constaté
l'échec des traitements. Là, on avance dans une indication médicale. Mais on...
À moins qu'on soit rendus à l'étape où quelqu'un rentre dans le bureau du
médecin : Je veux l'aide médicale à mourir, O.K., d'accord, bye. Je ne
pense pas que l'esprit de la loi, c'est ça.
L'esprit de la loi, ce que j'ai compris depuis
le début, c'est un soin exceptionnel dans des circonstances exceptionnelles.
Pour le trouble mental, il faut s'assurer que l'aide médicale à mourir doit
devenir une option dans des circonstances exceptionnelles.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, nous terminons cet échange avec le
député de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. Dr Morissette, je vais poursuivre là-dessus. Là, il ne
faudrait quand même pas donner non plus l'impression que ça va être «open bar»,
là, que n'importe qui qui a une petite dépression va voir son médecin puis dit :
Regarde, là, moi, je n'en ai rien à foutre, de tes traitements, je veux mourir,
ça fait qu'arrange-toi pour que je meure. Ce n'est quand même pas si simple que
ça.
Vous dites vous-même qu'il faut un délai, là,
vous dites vous-même cinq ans, 10 ans. Je ne sais pas si c'est cinq ans,
10 ans, moi, je ne suis pas psychiatre. Des gens nous ont dit : Des
fois, c'est 15, 20 ans, puis qu'ils arrivent à la conclusion que, regarde,
c'est parce que j'ai déjà mis tellement de substances dans mon corps, on en a déjà
tellement essayé, je souffre tellement, je suis au bout du rouleau, ce n'est
pas un caprice non plus, là. Parce que j'entends un peu, dans... et ce n'est
pas un reproche, là, c'est une question, j'entends un peu, dans votre propos,
que... Vous avez l'air de dire que ça va être... les gens vont rentrer comme
dans un moulin, ils vont prendre un numéro puis ils vont mourir 15 minutes
après. Ce n'est quand même pas si simple que ça, là.
M.
Morissette (Louis) : Bien,
la loi actuelle n'est pas claire là-dessus, et c'est ça, mon point principal.
Il y en a d'autres, points, mais, tu sais, on lit la loi, 3.1g, 3.1h,
informer et prise en considération... Ce n'est pas écrit.
Et, en Belgique et aux Pays-Bas, ils ont eu
affaire à ce même genre de débat là il y a sept ans, huit ans,
neuf ans, et comment... Ils ont changé un peu le texte de loi, mais c'est
surtout que les organisations professionnelles ont très clairement dit à quoi
ils s'attendaient pour que l'aide médicale à mourir... ou l'euthanasie, eux,
ils appellent ça l'euthanasie pour le
trouble mental... quand est-ce que l'euthanasie pourrait être disponible pour
un trouble mental. Ils ont vraiment clarifié. Il faut que le médecin
soit, d'abord, d'accord, pas juste le patient.
Ici, c'est... Au Canada, de la manière que la loi
est écrite, si vous parlez aux avocats qui ont travaillé dans la construction,
là, dans la demande, ils vont vous dire : La loi, telle qu'elle est
écrite, quelqu'un va le demander, on ne pourra
pas lui refuser, là, il va gagner, s'il va à la cour, de la manière que c'est
écrit. Donc, c'est important qu'il y ait... pour moi, selon moi, le législateur,
qu'il vienne définir.
Donc, tout le monde... Je pense que la très
grande majorité des gens vont dire : Bien non, ce ne sera pas un «open
bar», tout ça, mais il faut s'assurer que le législateur intervienne dans la
définition, ce qui est requis pour être considéré
irrémédiable, mettre des sauvegardes de surveillance, en particulier de surveillance, s'assurer de la
capacité décisionnelle.
Donc, ce n'est pas que je veux faire peur au
loup, crier au loup, mais, tel que c'est écrit, c'est un droit, puis, si ce
n'est pas mieux défini, c'est un droit, bien, je le demande, tu me le donnes.
M.
Marissal : Je comprends
bien. Je comprends bien votre point, Dr Morissette. Vous, vous
souhaiteriez, j'imagine, qu'on calque ce que les Belges et les Néerlandais ont
fait. Pour vous, ce serait... avec le délai de cinq à 10 ans, là,
dont vous parliez, là, évidemment. Pour vous, ce serait une sécurité, ce serait
un garde-fou, sans vilain jeu de mots, là.
M. Morissette (Louis) : Entre
autres, puis l'évaluation préalable, parce que, si on calque ce qui a été fait
en Belgique et... Mais c'est à la fois le
législateur et l'organisation professionnelle, le Collège
des médecins, ici, là. Et c'est les deux qui doivent travailler
ensemble, là. Si on calque ça, ça va être quelques cas, au Québec, par année,
et, à ce moment-là, ça permet de faire une évaluation préalable.
M. Marissal : Vous, dans votre
pratique, avec votre expérience — puis je dois vous dire sans flagornerie
que je suis assez admiratif de votre travail, puis je vous entends souvent dans
vos interventions publiques — il y en a combien, de cas par année, en
ce moment? Parce qu'on a eu un témoin, hier matin, le
Dr Boisvert, qui disait qu'il y en a déjà.
Bon, il n'a pas dit qu'il y en a des mille et des cents, là, mais il y en a
déjà. Il y en a combien? Est-ce que ça se quantifie, en ce moment, les
cas de...
M. Morissette (Louis) : Je ne
pourrais pas vous le dire, mais je sais qu'il y en a, parce qu'il y a un avocat
avec qui j'ai ces discussions-là... il en présente quelques fois par année, là,
depuis Truchon, des gens qui ne sont pas en fin de vie, et il en présente
devant les tribunaux pour obtenir l'autorisation, et il les obtient. Mais je
n'ai pas vu de cas clinique... je n'ai pas
vu les dossiers cliniques, là. Donc, combien? Moi, il me dit qu'il en présente
quelques-uns par année, mais quelques-uns... Puis il n'est pas le seul,
là. Donc, je ne pourrais pas quantifier.
M. Marissal :
O.K. Je vais reprendre un peu ce que le collègue de D'Arcy-McGee venait de dire
tout à l'heure, parce qu'effectivement, juste avant vous, c'était l'Ordre des
psychologues qui est venu nous dire : Si quelqu'un refuse un traitement de
chimio... Bon, puis on peut présumer qu'il y a eu quand même quelques
tentatives avant, puis ça arrive tous les
jours au Québec et dans le monde que des gens, à un moment donné, disent :
O.K., basta, là, on a tout essayé, mon corps est devenu un laboratoire,
je n'en peux plus. C'est rare qu'on abandonne avant même un premier traitement.
L'Ordre des psychologues nous disait : Bien, si quelqu'un refuse un
traitement de chimio, on ne peut pas lui refuser l'aide médicale à mourir sous
le sens que, non, non, il faut que tu continues, on a un autre traitement qu'on
voudrait essayer. Alors, pourquoi, par extension, ce serait différent pour les
troubles mentaux?
Et, a contrario, si on le fait pour les troubles
mentaux, on dit : Non, non, il y a un autre traitement que tu n'as pas
essayé, tu vas l'essayer, pourquoi est-ce qu'on n'imposerait pas la même chose
aux gens qui ont un cancer?
M. Morissette (Louis) : Parce
qu'actuellement la loi... La loi, à mon avis, tant québécoise que canadienne,
ne demande pas ça. Tant qu'il y avait la mort prévisible, avant Truchon, bien,
les cas, la plupart... il y avait peut-être quelques exceptions, mais la
majorité, là, des 1 700, là, qu'il y a eu dans la dernière année, là,
c'étaient des gens qui étaient en fin de vie, qui allaient mourir dans les
semaines, mois. Mais, si tu enlèves le critère de fin de vie, la loi canadienne
et la loi québécoise ne disent rien à propos de... la personne aurait dû
recevoir les traitements standards, usuels, moyens. Elles ne disent rien à ce
sujet-là.
Certains évaluateurs vont dire : Bien, moi,
comme évaluateur, je vais dire au patient : Bien, puisque tu n'as pas reçu les soins moyens, habituels, standards
pour ta pathologie, je ne te considérerai pas irrémédiable. Mais, quand
tu vas au tribunal, la loi, au Québec et au Canada, ce n'est pas ça qu'elle
dit. En Belgique, le médecin a le droit de dire ça. Au Canada, le médecin n'a
pas le droit de dire ça.
Donc, quand l'Ordre des psychologues vous
dit : On a le droit de refuser la chimiothérapie, bien sûr, mais là c'est
l'inverse. Il faut s'assurer... Quand on n'a pas de fin de vie prévisible puis
que la personne demande à mourir, il faut
s'assurer que... à mon avis, il faut s'assurer qu'elle a eu les soins moyens,
habituels, standards pendant suffisamment longtemps et que là, à partir de là... Sinon, ça devient un soin sur
demande. Mais la loi actuelle, elle ne dit absolument rien sur les
traitements préalables.
M. Marissal : Je comprends. Est-ce
qu'il reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Malheureusement, non, M. le député.
M. Marissal : Très bien. Merci.
Merci, docteur.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Dr Morissette. C'est tout le temps que nous avions. Merci de votre
présence avec nous, c'est très éclairant pour la suite de nos travaux.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 13 h 15 cet après-midi.
M. Morissette (Louis) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci encore, Dr Morissette.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise à 13 h 15)
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Bon après-midi, tout
le monde. Donc, la Commission spéciale sur l'évolution de la
Loi concernant les soins de fin de vie reprend ses travaux.
Donc, nous sommes réunis virtuellement afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur
l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.
Cet après-midi, nous accueillerons le Réseau
communautaire en santé mentale, M. Christian Debray ainsi que la Société
québécoise de la déficience intellectuelle.
Donc, sans plus attendre, je vous présente nos
deux prochains témoins, donc, M. Charles Rice, président, et M. Claude Saint-Georges, représentant tous
les deux le Réseau communautaire en santé mentale. Donc, merci, messieurs,
d'être avec nous cet après-midi. Bienvenue.
Réseau communautaire en santé
mentale (COSME)
M. Rice (Charles) : Merci beaucoup.
Merci de nous accueillir, Mme la Présidente, MM. les députés. Ça fait plaisir
de participer.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, vous aurez un exposé de 10 minutes avec... pour nous présenter, et ensuite il y aura un échange avec les membres,
d'une période de 35 minutes. Donc, je vous cède maintenant la parole,
et on vous écoute.
M.
Rice (Charles) : Merci. Bien, en fait, je suis accompagné de
M. Claude Saint-Georges, qui est personne-ressource au Réseau
communautaire en santé mentale.
Peut-être un mot pour
présenter le Réseau communautaire en santé mentale, mieux connu sous l'acronyme
de COSME. On est une jeune organisation, on existe depuis 2012, mais on fédère
12 regroupements régionaux en santé
mentale. Donc, on est présents dans 12 régions. En gros, ça représente
100 circonscriptions des 125 circonscriptions au Québec.
Donc... Puis on a tissé ce réseau-là depuis cinq ans. Donc, voilà, on en est
particulièrement fiers. Donc, on a une adhésion assez importante, là, du milieu
communautaire autour du regroupement qu'on a créé en 2012.
Je dois dire,
d'entrée de jeu, qu'on n'a pas de position arrêtée sur l'aide médicale à mourir
pour les personnes qui ont des troubles mentaux. Je dois dire que c'est un
sujet pour lequel le milieu communautaire est divisé. On a des groupes qui se
prononcent, qui se sont prononcés clairement contre. Entre autres, vous allez
entendre, la semaine prochaine, des représentants du regroupement des
organismes de base Mauricie—Centre-du-Québec,
qui se sont prononcés contre. D'autres sont beaucoup plus mitigés.
Donc, ce qu'on vous
soumet, c'est peut-être plus un questionnement en rapport avec les enjeux qui
sont soulevés par rapport à l'aide médicale à mourir. Il y a un consensus,
quand même, qui se dégage dans notre milieu, à savoir que les gens souhaitent
qu'on explore davantage l'aide à vivre avant d'en arriver à l'aide médicale à
mourir.
Donc,
avant de poursuivre, bien, je céderais la parole à mon collègue
M. Saint-Georges, qui va vous circonscrire un peu, là, l'objet de
notre présentation aujourd'hui.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
M.
Saint-Georges (Claude) : Bien, c'est ça, comme venait de le dire
Charles, là, notre réflexion, elle est quand même prudente en raison de la multiplicité des opinions dans nos rangs,
certains, très favorables, certains, très défavorables.
Et par ailleurs toute
la question qui entoure, entre autres, les balises, dans l'éventualité où l'aide
médicale à mourir serait permise pour les personnes qui ont des problèmes de santé
mentale ou de souffrance psychique, en général, ça aussi, ça fait l'objet de réflexions, et,
pour nous, le débat n'est pas achevé. Et c'est un peu notre conclusion, c'est
qu'on doit poursuivre la réflexion autour de cet enjeu-là.
La commission
réfléchit autour de deux grands enjeux. C'est celui de la situation des
personnes qui ont... en perte d'aptitude relativement à des problèmes cognitifs
comme l'alzheimer. On ne l'a pas explorée, la question, donc on va... notre point de vue va être essentiellement centré sur les objets, là, de... qui entourent les problèmes
de santé mentale et la
souffrance psychique.
Alors, je laisse à
Charles la continuité, en partant de l'exemple que la commission elle-même nous
a soumis, l'exemple de Marc.
• (13 h 20) •
M. Rice (Charles) : Oui. En fait, avant de revenir avec l'exemple de Marc, je dois dire
aussi qu'on est solidaires... On ne se positionne pas, là, par rapport à toute la question des directives anticipées, mais on est solidaires
quand même des présentations qui vous ont été faites hier, là, par la
COPHAN et aussi l'OPHQ.
Revenons sur le cas
de Marc, parce que c'est un cas qui a été présenté dans votre document de consultation.
On trouvait ça intéressant parce que ce n'est pas un cas d'exception. En fait,
Marc est probablement représentatif, là, de la majorité des gens qui ont des
troubles graves en santé mentale, puis je pense que ça vaut la peine d'y
revenir. Je vais aussi un peu... en fait, ce
qui est dans votre document de consultation. Et on pourrait revenir sur le cas spécifique
de Marc, parce que je pense que c'est
un cas qui est très parlant puis, comme je vous disais tantôt,
qui est très représentatif du sort qui est laissé à beaucoup de monde
qui ont des troubles graves de santé mentale dans la société, au Québec, encore
aujourd'hui, malheureusement.
Donc, dans votre
document, je cite, là, dans votre document de consultation : «Marc a
49 ans. Il est atteint, depuis plus de 20 ans, d'un trouble mental
sévère qui affecte son fonctionnement quotidien. Il vit seul — hein,
il vit seul — et
n'est pas encore en mesure d'occuper un emploi.» On va revenir là-dessus, c'est
des éléments de contexte importants pour nous, là.
«Il est très isolé.»
Ça aussi, c'est un autre élément de contexte qui m'apparaît très important à
soulever.
«Pendant plus d'une
décennie, les traitements proposés par sa psychiatre et son équipe de soins ont
réussi à apaiser ses souffrances. Cependant,
depuis quelques années, l'efficacité a décliné. Marc juge que ses souffrances
sont maintenant intolérables. Des nouveaux traitements et thérapies ont
été essayés sans succès. Marc a été hospitalisé à quelques reprises au cours
des dernières années.»
«Marc devrait-il être
admissible à l'aide médicale à mourir s'il en fait la demande?» C'est la
question qui est posée dans le document.
«Afin de recevoir l'aide
médicale à mourir, devrait-il avoir l'obligation de suivre tous les traitements
qui lui sont proposés, même si certains causent des effets secondaires qu'il
juge déraisonnables?
«De quelle manière devrait
être évaluée une demande d'aide médicale à mourir comme celle de Marc? Les
conditions à respecter et le processus d'évaluation prévus actuellement dans la
loi sont-ils suffisants?»
Donc,
c'est la question que vous nous posez. On va essayer d'explorer la situation de
Marc puis essayer de répondre un peu aux interrogations qui sont ciblées
dans ce cas d'espèce là.
Parlons,
entre autres... Quand on disait tantôt que Marc est sans emploi... Claude, tu
pourrais peut-être, tu sais, donner un topo sur la situation de l'emploi puis les gens qui ont des
problèmes de santé mentale. En tout cas, la parole est à Claude.
M.
Saint-Georges (Claude) : En fait, très rapidement, ça va être peut-être
un peu télégraphique, là, mais c'est le
constat que le système de santé mentale, au Québec, est déficient et vraiment
inadapté par rapport aux besoins de la population. Et ça a de graves
conséquences, entre autres pour les personnes qui ont des problèmes sévères de
santé mentale.
Le Commissaire à la
santé et au bien-être avait fait un bilan très important, là, de l'état des
services. Il avait déploré... Et je pense que maintenant le consensus... le gouvernement
le reconnaît lui-même. Donc, on dit, là, par rapport à l'emploi... Il y a... On
me dit qu'à peu près 80 % des gens qui ont des problèmes sévères de santé
mentale n'ont pas d'emploi, et pourtant on sait que la majorité d'entre eux
voudraient. Mais il y a très peu de programmes.
L'espérance de vie
des personnes qui ont des problèmes sévères de santé mentale est de 20 ans
inférieure au reste de la population en raison de problèmes physiques et non
pas des problèmes de santé mentale, qui peuvent... qui auraient pu être
soulagés.
Ensuite,
bon, le suicide, on sait que c'est toujours très important. Il y a plus de
1 000 personnes, au Québec, qui se suicident à chaque année.
La
pénurie de logements, le problème de logement, de... la crise actuelle, qui est
en montée, on voit apparaître des poches d'itinérance un peu partout dans les
municipalités au Québec, et là le déficit de logements adaptés pour les personnes... (panne de son) ...de santé mentale
est criant. Et il y a peu de mesures, actuellement, qui sont... Donc, il y a...
À l'aide sociale, qui est de plus en plus difficile, y accéder, il y a
50 000 personnes qui ont des problèmes de santé mentale reconnus
sévères et, bon, qui doivent vivre avec 1 100 $ par mois, là. Alors
donc, la condition sociale de ces personnes-là, elle est vraiment très désavantagée...
(Panne de son)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui. On n'entend plus. Ça doit être la connexion de
M. Saint-Georges qui est...
M. Rice
(Charles) : Qui fait défaut.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui. Peut-être, M. Rice, si vous voulez
continuer...
M. Rice (Charles) : Oui. Bien, écoutez, en fait, Claude vous exposait un peu les conditions
socioéconomiques dans lesquelles les gens sont plongés, et je dois dire
que c'est la réalité d'un bon nombre de... Oh! voilà, Claude est revenu.
Claude.
M. Saint-Georges
(Claude) : Bon, alors, j'achève. Donc, l'autre chose, on parlait de
l'OMS, et que le système de soins de santé, pas rien qu'au Québec, et ailleurs
dans le monde, est très centré sur le biomédical, alors que les alternatives,
les avenues nouvelles qui seraient beaucoup plus avantageuses, basées sur
l'action, sur le communautaire et le soutien psychosocial, c'est mis de
l'avant. Et c'est l'avenir qui est proposé et pour lequel on est vraiment en
retard.
Et je vais compléter
très rapidement sur le fait... Quand on regarde le niveau de financement des
soins de santé au Québec, des soins de santé mentale, c'est 6 % du budget
du ministère. Et, déjà, sur le 1,4 milliard, 80 % va au milieu
hospitalier, très, très peu pour la première ligne, très, très peu pour le
communautaire. Donc, tout l'état de difficultés en santé mentale est vraiment
illustré par ça. Il manque de psychiatres, et les listes d'attente dépassent
les 20 000, maintenant, en santé mentale.
Alors donc, dans un
contexte où le système, il est tellement déficient, pour nous, l'urgence de
réflexion, c'est autour de comment reconstruire le système de santé mentale au
Québec, et il y a des occasions qui se présentent avec le prochain plan
d'action interministériel en santé mentale. On a beaucoup investi dans la
réflexion autour de ça, là. Alors, j'arrête à ce moment-ci.
M. Rice
(Charles) : Oui. Bien, en fait, peut-être revenir un peu sur ce que
Claude disait tantôt, en fait, sur la question du modèle biomédical, là. Tu
sais, on aimerait ça sortir le débat, là, du carcan médical dans lequel on
pense que le débat est en train de s'engouffrer. Tu sais, on a eu... J'ai
entendu beaucoup de commentaires, à savoir, tu sais, on n'a pas encore trouvé
la bonne molécule. Tu sais, c'est encore la recherche du saint Graal.
Je vais vous faire
remarquer qu'il y a plusieurs conditions pour lesquelles la médecine est
impuissante, puis on n'arrête pas de vivre pour autant, là. Donc, on aimerait
que le débat soit élargi, puis, pour nous, c'est un débat davantage
philosophique, existentiel, là, qu'un débat strictement médical, tu sais?
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. C'est tout le temps que vous aviez pour
l'exposé, mais par contre les échanges vont se poursuivre avec les gens de la commission.
Et je suis certaine qu'ils ont des questions pour vous. Donc, nous allons
commencer avec le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci
beaucoup, M. Georges et
M. Rice. Nous avons l'opportunité
de se parler de la santé mentale, surtout en contexte de pandémie. Mais, comme
vous avez dit avec grande poignance, nous avons, comme société... de
veiller à l'aide médicale à vivre. C'est très poignant, votre observation, et
c'est la tâche devant nous tous. Et c'est dans ce contexte que nous avons quand
même l'obligation légitime de trancher sur la possibilité d'élargir l'aide
médicale à mourir.
Je crois qu'il n'y a rien,
dans vos propos, qui nie l'importance d'un tel débat, mais vous insistez, à
juste titre, comme beaucoup d'autres, sur l'importance d'insérer ce débat dans
ce contexte urgent où les besoins sont criants, pas juste pour des services
mais pour un accès, à ces services, équitable pour les gens en difficulté de
santé mentale. Alors, ce message-là est bien compris, et ça doit alimenter nos
réflexions, mais, comme je dis, je crois que vous allez convenir avec nous que
ça n'exclut pas la responsabilité légale et autre que nous avons de réaborder
la question et la question d'élargir l'accès.
Je comprends et je dois respecter votre constat
que vos membres sont divisés sur la question. Est-ce qu'on peut vous inviter,
parce que vous représentez quand même... Les gens appellent, les proches
aidants, les gens les plus touchés par les questions devant nous. Est-ce qu'on
peut vous inviter de qualifier un petit peu les réticences, d'un côté, et
l'adhérence, de l'autre, pour qu'on élargisse l'accès aux gens atteints de
troubles mentaux? Est-ce que vous pouvez nous donner quelques grandes pistes de
préoccupations de vos membres dans un sens ou l'autre?
• (13 h 30) •
M. Rice (Charles) : Bien, moi, je
dois dire que la réflexion, de notre côté, n'est pas terminée. Puis on vous
invite... Une des recommandations qu'on vous fait, c'est... on vous invite à la
plus grande prudence. On a eu des débats beaucoup plus importants, au Québec,
sur la couleur de la margarine, tu sais? Moi, je pense qu'il faut se donner le
temps de réfléchir à ça. On parle de vie et de mort, là, ce n'est quand même
pas rien, là.
Le Québec, c'était une des rares juridictions à
aller de l'avant, avec la Belgique et les Pays-Bas. On aurait aimé que le
Québec se démarque sur les services à vivre plutôt que les services... l'aide à
mourir. Donc, tu sais, moi, je pense que... Tu sais, il y a un plan d'action,
là, qui est imminent, qui est attendu d'ici l'automne, là. Tu sais, je pense
que... Tu sais, je pense qu'on devrait... On aimerait que la commission, au
moins, formule des attentes par rapport à ça
parce que... Tu sais, le Québec, je pense qu'on n'est pas un modèle envieux
nulle part. Bien, il y a beaucoup
de choses à faire.
Donc, pour nous... Puis, encore là, comme je
vous... j'ai commencé à dire tantôt, il faut sortir le débat du carcan médical,
à savoir si on va avoir un bon médicament ou... Il y a un paquet de monde qui
prennent des... Ça peut être aidant, les médicaments, mais ce n'est pas ça qui
fait... qui est déterminant dans l'évolution puis dans le cheminement des
personnes.
Quand on regarde des études longitudinales au
long cours, on s'aperçoit qu'une majorité de personnes soit se rétablissent ou s'améliorent grandement sur une
période de 30 ans, 40 ans. Donc, il faut tenir compte de ces
données-là.
Le côté, je te dirais, aléatoire et évolutif des
conditions de santé mentale, je pense qu'il faut tenir compte de cette
donnée-là, qui est très différente de quelqu'un qui est atteint de cancer puis
sait que la fin est proche, là. On est dans
un autre univers. J'aimerais qu'on fasse cette distinction-là, là. Puis
actuellement, dans l'état actuel des connaissances, c'est très difficile
de prédire l'évolution d'une personne qui... un problème de santé mentale, y
compris les troubles graves. Moi, j'ai été témoin de personnes qui étaient
vraiment... qui étaient dans une situation extrêmement difficile, puis que ça a
évolué dans le temps très positivement. D'autres, non, mais, tu sais, il n'y a
personne qui peut prévoir comment ça va évoluer. Donc, je pense que ça, ça nous
apparaît des balises importantes à tenir compte quand on réfléchit à l'aide
médicale à mourir pour les gens qui ont des troubles mentaux.
M. Birnbaum : Bon, deux questions peut-être.
Dans un premier temps, si on suivait votre recommandation, vous en avez élaboré un petit peu, mais pour
prendre notre temps, je vous invite de nous identifier une ou deux balises,
façons d'alimenter un débat qui se poursuivrait. Sur quelle base, quand il
s'agit d'évaluer la souffrance, l'inaptitude, la temporalité de la demande,
comment vous alimenterez un débat qui continuerait?
M. Saint-Georges (Claude) : Si vous
me permettez, c'est... Le spectre des opinions est tellement vaste, c'est pour ça que l'idée d'être prudent et de poursuivre
la réflexion... Par exemple, bon, l'aide
médicale à mourir pour quelqu'un qui
a un trouble de santé mentale, on parle de... pour des personnes qui ont une
souffrance psychique. Mais l'élargissement... le concept de souffrance
psychique chez une personne qui a fait un AVC, qui a fait un traumatisme
crânien, qui a un trouble post-traumatique, il fait de l'autisme, alors, ça va
s'élargir à qui? Alors, ça, c'est une des questions.
Et la question des balises... Je sais qu'il y a
des gens qui sont hyperouverts, une vision très libérale de la question.
Ce serait, à la limite, sur demande, mais même des organismes
comme l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité
posent des... estiment qu'il doit y avoir des balises strictes. Elle ne les
définit pas. Même le Collège des médecins a une vision assez vague. Un organisme
qui est favorable, comme Avant de craquer, l'organisme représentatif des
parents, bien là, ils posent un certain nombre de balises qui restent
extrêmement difficiles à établir avec le temps, sinon, que les écoles de pensée
vont aller dans toutes les directions. Il y a l'opinion de l'OPHQ, qui
dit : Tant qu'on n'aura pas une certitude scientifique... L'OPHQ, pour
lesquels on est des collaborateurs très fréquents, qui nous ont consultés...
Mais, la position, elle est contre, en fait, elle n'est pas favorable, sinon le
jour où on aura une certitude scientifique. Mais ça, c'est dans le très
improbable, comme position, mais enfin on voit leur réticence, là.
Alors donc, le spectre des opinions, même quand
on va arriver au niveau des balises, va être tellement... aller dans tellement
de directions que, bon... Puis aussi... Puis là il faut sortir aussi de la
seule opinion du Collège des médecins. Quand on sait que... Tu sais,
l'organisme médical le plus important en Amérique du Nord, l'American Medical
Association, est contre le suicide assisté médicalement. Enfin, bref, j'arrête
là.
M. Birnbaum : Oui. Je comprends
votre description de la grande difficulté de la tâche, mais vous allez comprendre que ça ne nous évacue pas de notre
responsabilité d'aborder la question. Comment est-ce qu'on répondrait à vos membres favorables, en quelque part, que ce serait de
la discrimination d'écarter l'option d'accès à l'aide médicale à mourir pour
les gens avec des troubles très graves, mentaux?
M. Rice (Charles) : Oui. Bien, c'est
un des arguments, je pense, qui est mis de l'avant par les gens qui sont plus
favorables. On entend parler aussi beaucoup d'autodétermination, mais, tu sais,
je dois dire... Tu sais, nous, on est en faveur de l'autodétermination, ça fait
partie de notre ADN, l'autodétermination puis le développement du pouvoir
d'agir, là, mais il faut dire aussi parfois que l'autodétermination a le dos
large, hein? On se rappelle qu'aux États-Unis Reagan, dans le temps qu'il était
gouverneur de la Californie, a sabré dans les programmes de santé mentale au
nom de l'«empowerment» des personnes, là, tu sais? Donc, moi, je pense qu'il
faut faire attention, là, quand on arrive avec des mots un peu passe-partout,
là, puis on essaie de légitimer des affaires qui...
Moi, je pense qu'avant d'arriver puis offrir
comme option l'aide médicale à mourir à des personnes il faut regarder d'autres
options. Puis, dans l'état actuel des choses au Québec, je pense que ce serait
complètement indécent de l'avoir comme panoplie si on ne réfléchit pas, là, si
on n'essaie pas d'entrevoir comment qu'on ne peut pas aider les personnes
autrement qu'attendre qu'il y ait un médicament qui va venir guérir, là. Tu
sais, c'est... Moi, je pense qu'il faut poser le problème autrement, là, que
strictement en termes de c'est quel traitement qui va aider, là.
Moi, je pense que, tu sais, il y a une façon de
travailler sur ce qu'on appelle les déterminants sociaux en santé mentale, qui
va faire en sorte que la vie va être drôlement plus intéressante et agréable pour
les personnes que Marc, là, qu'on a vu tantôt, là. Marc, là, c'est la majorité
du monde, là, hein? On s'entend, là, c'est le sort d'un paquet de monde qui ont
des problèmes de santé mentale, qui sont isolés, qui n'ont pas accès à
l'emploi, qui ont... Parce que, tu sais, les programmes d'emploi sont soit pas
adaptés ou le milieu du travail n'est pas adapté. Est-ce qu'on pourrait...
Tout ça pourrait faire l'objet d'une commission
parlementaire, là. Mais je vous dis que, tu sais, on ne peut pas faire l'économie
de ce débat-là si on veut aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir pour
les gens qui ont des troubles mentaux, soit spécifiquement pour cette... les
gens qui... uniquement par rapport à cette problématique-là, là.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, je passerais la parole, maintenant, au député
de Rosemont.
M. Marissal : Merci, Mme la
Présidente. J'avais perdu un peu le fil sur l'ordre des interventions, vous
venez de répondre à ma question. M. Rice, M. Saint-Georges, merci de
votre présentation. Moi, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche,
mais je vous écoute depuis tout à l'heure... Je pense que le cas fictif, qui ne
l'est pas tant que ça, là, de Marc, qu'on vous a soumis, là, dans le fond du
fin fond, la réponse serait non. En ce qui vous concerne, cette personne ne
devrait pas avoir accès.
• (13 h 40) •
M. Rice (Charles) : Bien, moi, je
pense que c'est dans la façon que la situation nous est présentée. Il y a un
paquet d'affaires qu'on pourrait faire avec Marc, tu sais, il y a un paquet de
choses qu'on pourrait envisager avec Marc en...
tu sais, plutôt que juste dire : Bien, écoute, les médicaments ne marchent
pas, là. Tu sais, il est isolé. Comment ça se fait qu'il est isolé?
Qu'est-ce qu'il y a autour de lui? Qu'est-ce qui se passe autour de lui?
Tu sais, c'est particulier par rapport à la
santé mentale. Tu sais, comme je disais, quand on peut intervenir, quand on intervient au niveau des conditions de
vie des personnes, en soi, ça favorise le rétablissement des personnes,
tu sais, puis ça... (panne de son). La molécule, pour nous, là, c'est l'accès à
l'emploi, c'est avoir des activités qui ont un sens à la vie, tu sais, ils ont
du sens pour la personne, c'est d'avoir un environnement qui est stimulant,
avoir... C'est ça, pour nous, la molécule.
Puis on a des histoires de réussite là-dedans. Puis je me dis : Si on n'a
pas exploré ça, on n'a pas été à fond là-dedans... Puis, dans le cas qui
nous est présenté, là, on ne parle pas de ça. On fait juste le constat qu'il
est seul, isolé, il n'a pas d'emploi puis il est malheureux dans la vie, là, tu
sais? Puis je pense qu'on le serait tous. On
n'a pas besoin d'avoir un problème de santé mentale. On se retrouverait dans
cette situation-là, on serait aussi
malheureux et on aurait probablement des idées suicidaires aussi. Ça n'a rien à
voir avec une condition médicale. Ça a à voir avec des questions
existentielles, tu sais? Puis, comme société...
M. Marissal : Effectivement, je vous
entends bien, M. Rice, il n'y a personne qui est à l'abri de ça. Puis on
connaît tous et toutes quelqu'un, dans un entourage plus ou moins lointain, qui
est dans cette situation-là à différents degrés.
Je comprends tout ça. Je comprends que vos membres ne sont pas prêts à se
prononcer, puis ça, il faut respecter ça,
ce qui est le cas de pas mal de monde, de toute façon, au Québec. Puis c'est
probablement pour ça qu'on est réunis ici,
là. Mais, même avec beaucoup, beaucoup d'imagination puis de créativité, là, je
ne pense pas qu'il n'y a aucun article dans aucune loi qui pourrait garantir un
emploi aux gens isolés qui ont des troubles de santé mentale. Alors, ce
n'est pas tellement de ça dont on parle ici. Puis je ne la nie pas, la réalité,
là. Vos statistiques sont frappantes, là, oui, c'est frappant comme une gifle
en plein visage, c'est vrai.
Mais, au-delà de ça, là, quand on arrive au
terminus de la vie, là, puis quelqu'un n'est plus capable, et on a fait la
démonstration, là, tout de même, là, qu'on a vraiment essayé, là, ça fait
15 ans, 20 ans qu'on tente d'aider cette personne-là, et qu'elle
arrive à la conclusion elle-même, en son âme et conscience, et qu'elle est
apte, que, pour elle, c'est le terminus, et puis au revoir et merci, est-ce
qu'on ne devrait pas considérer, malgré... Puis je suis tellement avec vous, je suis tellement d'accord, là, qu'il
manque tellement de ressources. Puis, de toute façon, tout le monde le dit,
là. C'est... Ça devient, même, comme une évidence, là, qu'il manque tellement
de ressources, puis la santé mentale, c'est l'enfant
pauvre du réseau. Soit. Mais prenons, là, cette personne qui arrive au
terminus, là, puis qui dit : Moi, je débarque. Qu'est-ce qu'on fait?
M. Rice (Charles) : Bien, la question...
Est-ce que, tu sais, l'État devrait ériger en système le suicide assisté pour
les gens qui ont des troubles mentaux? Moi, je pense que c'est dit crûment, là,
mais, la question, moi, je pense, il faut la poser en ces termes-là. Et
d'ailleurs le suicide assisté... Vous n'aimez peut-être pas l'appellation, mais
c'est quand même l'appellation qui est utilisée en Belgique puis dans les Pays-Bas,
là, tu sais, donc... Puis je pense que la question morale qui est posée, c'est
celle-là. Ça n'a rien à voir avec une question médicale. Est-ce que l'État doit
ériger en système... Est-ce qu'on devrait mettre à la disposition des personnes
tout l'appareillage de l'État pour aider les gens à mettre fin à leur vie?
C'est ça, les questions, ici. Et ça vient en contradiction avec les campagnes
d'information qui ont été faites sur la prévention du suicide au Québec. Ça
vient en contradiction aussi avec l'orientation en faveur du rétablissement des
personnes qui est mise de l'avant depuis 10 ans.
Donc, moi, je pense qu'on... Comme je vous dis,
on n'est pas ici pour vous présenter une position arrêtée. On est ici pour
soulever des questions, et je pense qu'on ne peut pas faire... On peut
enjoliver tout ça, là, avec des mots, là, mais, tu sais, la question de fond
est ça : Est-ce qu'on met en place, est-ce qu'on met à la disposition des
personnes tout l'appareillage de l'État pour mettre fin à leur vie? C'est ça
dont il est question, là.
M. Marissal : Je comprends bien vos
questions, vos interrogations. Je crois déceler une réponse aussi, mais ce
n'est pas mon rôle de donner votre réponse. Je n'ai probablement plus temps,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, encore deux minutes, M. le député.
M. Marissal : C'est vrai?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
M. Marissal : Bien, le temps s'est
allongé cet après-midi. Vous parliez tout à l'heure, je crois que c'est vous,
M. Rice, de balises, mais vous ne les avez pas établies. Vous avez répondu
à mon collègue de D'Arcy-McGee : C'est le genre de balises dont on aurait
besoin. Encore là, vous êtes resté assez vague. Pouvez-vous être un peu plus
précis sur le genre de balises?
M. Rice (Charles) : Bien, je ne me
souviens pas d'avoir parlé de balises. En fait, je dois dire que nous, on n'est pas dans les modalités, là. On pense que la question
de fond doit être débattue avant d'arriver dans les modalités, sauf que
j'ai suivi un peu, là, les présentations qui ont été faites à date, je trouve
que le débat est beaucoup sur les modalités, là, tu sais? Mais, tu sais,
l'idée, c'est : Est-ce que le Québec devrait aller de l'avant? Puis on
serait une des rares juridictions à le faire, il faut le rappeler, là. On ne
serait pas... Tu sais, on n'embarque pas dans un train qui est là, là. On parle
de la Belgique, des Pays-Bas, point. Tu sais, donc, moi, je pense que c'est...
Ayons le débat de fond.
Nous, en tout cas... Puis, comme je te dis,
nous, on va continuer à réfléchir à ça. On ne pourra pas arriver avec une
position arrêtée parce que... Mais, tu sais, je te dirais que les positions, de
notre côté, sont très divisées, mais on n'est pas dans les modalités, on est
vraiment sur la question de fond.
M. Saint-Georges (Claude) : Une des questions
qui est soulevée, c'est dans le spectre du suicide tragique versus le suicide
raisonné. On se dit souvent, par exemple, que... bien, par les balises
évoquées, qu'il n'y a pas d'idée suicidaire, mais en fait, presque toujours, il
y a une idée suicidaire. Quand les... À peu près... La grande, très grande
majorité, plus que 80 % des gens qui se suicident au Québec, il y a une
composante de dépression qui est présente. Alors donc... Et tout ça... Tu sais,
il n'y a pas de psychiatres qui font école autour de ça, là, qui est capable de
faire la démarcation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Rice (Charles) : La grande
question, c'est : Est-ce qu'on ouvre une porte, là, on est-tu en train
d'ouvrir une porte? Tu sais, au-delà de... Tu sais, bon, on se dit : O.K.,
on va le baliser puis on va le... Mais, tu sais, ça va ressembler à quoi dans
30 ans, 40 ans? On va faire quoi mais qu'on ait un Morgentaler de
l'aide médicale à mourir qui s'ouvre une clinique? Tu sais, on s'en va où avec
ça? Puis je pense que ce débat de fond là doit avoir lieu avant qu'on discute
des modalités, puis on a l'impression qu'elle n'a pas eu lieu. Je pense qu'on a
approfondi davantage la couleur de la margarine, là, que celle-là, à mon avis.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je passe la parole à Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Bonjour à vous deux, M. Saint-Germain, M. Rice. Je dois vous dire un
énorme merci. Je trouve vos propos profondément percutants, et vous
mettez le doigt, juste dans vos derniers propos, M. Rice, sur quelque chose. Quand je compare à la première étape, où on
a réfléchi sur mourir dans la dignité puis l'aide médicale à mourir, on avait
énormément de gens qui voulaient venir nous parler des impacts éthiques,
sociaux d'une telle ouverture. Et là j'avoue
que, dans les gens qui se sont manifestés... on en a invité, mais il y en a qui
se sont manifestés aussi, il y a beaucoup moins
cette présence-là que vous amenez en disant : O.K., mais ce que ça veut
dire pour rôle de l'État, ce que ça veut dire pour la suite des choses...
Donc, je pense que, nous, il ne faut pas faire
l'économie de ça, vous avez totalement raison. Et vous avez aussi tellement
raison de dire : Il faut se questionner aussi sur jusqu'où est le rôle de
la médecine pure dans tout ça puis jusqu'où est le rôle de l'État puis
l'encadrement de l'État. C'était complètement autre chose, quand on était en
fin de vie, et c'était vraiment de l'aide médicale à mourir. Je prends le temps
de faire une introduction un petit peu plus longue pour que notre échange soit
vraiment dans les thèmes, là, qui m'intéressent. Parce que c'étaient des gens
qui étaient condamnés à mourir, donc c'était une question de temps, et souvent
c'était pour éviter une agonie dans des circonstances où la souffrance
n'arrêtait pas, n'arrivait pas à être contrôlée.
Là, on est complètement ailleurs, évidemment,
parce que le critère, à cause des décisions des tribunaux, de la fin de vie a
sauté. Et, des fois, les tribunaux jugent de par les règles de droit, mais
toutes les implications pratiques, ensuite, elles sont dans les mains du
législateur et des parlementaires, et c'est ce pourquoi on est avec vous
aujourd'hui. Cette question-là, on n'a comme pas le choix de la débattre, à
cause du jugement Gladu-Truchon. Ça ne veut pas dire que la réponse, elle est
écrite d'avance, pas du tout. On n'a pas le choix de la débattre. Alors, merci
beaucoup, parce que votre éclairage est vraiment ancré dans la réalité et dans
la difficulté de l'application de ça.
Et moi, je veux vous amener... vous l'avez
évoqué rapidement tantôt, là, mais sur la question... On nous amène beaucoup
l'argument, et les tribunaux sont basés là-dessus, de la discrimination,
c'est-à-dire qu'une fois que le critère de fin de vie saute pourquoi une personne
qui a une maladie physique, qui n'est pas en fin de vie, pourrait l'obtenir,
mais pas une personne qui a une maladie mentale? Et moi, je veux savoir... Et
ça, c'est comme au nom de l'autonomie. Puis je comprends qu'on peut faire dire
bien des choses au principe de l'autodétermination, mais, dans vos rangs, là,
est-ce que c'est une... est-ce que c'est quelque chose qu'on entend? Est-ce que
c'est une... Chez les gens qui ont des troubles mentaux dans leur famille,
est-ce que c'est quelque chose qui résonne, de dire : Pourquoi, moi, je serais brimée, comme personne qui a un
problème de santé mentale, par rapport à une personne qui a un problème de santé physique? Parce que toute la base de la
réflexion, elle est à peu près sur cette idée-là qu'on ne peut pas discriminer.
Donc, jusqu'où elle est fondée dans le réel?
M. Rice (Charles) : Bien, c'est un
des arguments qu'on entend dans nos propres rangs, là, je dois le dire, tu sais? Il y a, entre autres, l'AGIDD, qui s'est
positionnée en faveur, puis je pense que c'est un peu les arguments qu'elle
avance, là, en quoi... c'est discriminatoire
de dire : Écoute, c'est à cause que tu as un problème de santé mentale que toi, tu n'aurais pas accès. C'est un argument, mais...
Mme
Hivon : Puis,
vous, qu'est-ce que vous amèneriez?
M. Rice (Charles) : ...que c'est un
argument qui doit être définitif, là, tu sais? On ne comprend pas comment ça se fait que le gouvernement du Québec n'a pas
appelé le jugement Truchon. Tu sais, c'est quand même un jugement de la Cour
supérieure, il y a quand même la Cour d'appel. La Cour supérieure... la Cour
suprême du Canada aurait sûrement été intéressée d'entendre les arguments
là-dessus, là. On parle, tu sais, quand même de quoi d'extrêmement important,
là. On a de la misère à comprendre comment ça que le gouvernement n'est pas au
moins allé jusqu'au bout, là, du processus judiciaire autour. Puis là on est
devant un jugement de la Cour supérieure puis... comme si tout a été dit, là,
sur la question, là, tu sais? Donc, voilà.
• (13 h 50) •
Mme
Hivon : Je
comprends parfaitement. Puis moi, j'aimerais beaucoup que, souvent, les
parlementaires aient plus de place que les
tribunaux dans ces débats-là, mais notre système est ainsi fait. Mais, une fois
qu'on dit ça, là, ce que vous, vous dites : O.K., moi, là, ce que
je vous dis aujourd'hui, c'est que ça ne peut pas être l'argument de la
discrimination puis du deux poids, deux mesures qui fait foi de tout.
Je vous ai bien entendu. Et donc qu'est-ce qu'on amène comme contre-argument par rapport à ça en disant : Il y a
trop de risques, il y a trop de vulnérabilité, il y a trop de dérapages
possibles? Tu sais, je comprends que c'est un peu ça, votre message. Mais, par
rapport spécifiquement à l'argument du deux poids,
deux mesures, qu'est-ce qu'on répond?
M. Rice (Charles) : Bien, moi, je
pense qu'il faut souligner la particularité de la santé mentale, qui est quand
même un phénomène qui est évolutif dans le temps, O.K., et pas définitif. On a
l'air à présenter ça comme étant : Voilà, le médecin a fait un pronostic,
il n'y a plus rien à faire. La recherche ne démontre pas ça, O.K.? C'est sûr
qu'il y a des gens... ce n'est pas tout le monde qui se rétablit. Quand je dis
«rétablissement», je ne parle pas de guérison, là, mais je te parle, là, tu sais, passer à d'autre chose. Puis j'ai été
témoin de ça, moi, des gens, là, que...
Vous l'auriez rencontrée voilà 20 ans, puis ce n'est plus la même,
il s'est passé de quoi.
Puis, quand on demande aux gens, quand on
regarde les témoignages de personnes, ce n'est pas la molécule qui a fait la
différence. La médication a peut-être aidé un peu, mais ce n'est pas ça. Les
gens vont dire : Bien, j'ai eu quelqu'un qui a cru en moi. Il s'est passé
de quoi que, tu sais, a été un élément déclencheur. C'est beaucoup l'environnement
social et psychosocial de la personne qui a été déterminant pour la personne,
tu sais, souvent, quand on entend les témoignages, là.
Donc, juste
pour vous dire, c'est qu'on est devant un phénomène qui est extrêmement complexe. Puis, s'il y a un consensus qui se dégage de la recherche
scientifique actuellement, c'est beaucoup plus compliqué qu'on pensait, tu sais? Voilà 20 ans, là, on était sûrs qu'on
aurait pu expliquer tout ça, là, par la génétique ou par les neurotransmetteurs.
Aujourd'hui, là, le consensus qui se dégage, c'est beaucoup plus complexe qu'on
pense. Puis qu'est-ce qui fait qu'une personne se
rétablit ou pas, bien, il y a un paquet d'éléments qui jouent là-dedans, la
biologie, bien sûr, mais pas uniquement la biologie.
Donc, on est vraiment devant une situation qui
est extrêmement différente de quelqu'un qui est pogné avec un cancer du pancréas, là. On est dans d'autre
chose, là, O.K.? Puis moi, je peux comprendre quelqu'un qui a un cancer du pancréas ou quelqu'un qui a une maladie
dégénérative, où est-ce que, tu sais,
il n'y a plus de... fin de non-retour. Mais, tu
sais, on n'est pas dans cette réalité-là. Je pense que ça, il faut tenir compte
de ça.
M. Saint-Georges (Claude) : Je
peux-tu... Sur la question qui est posée sur le droit... sur l'autonomie, bon,
pour les partisans du droit à l'autonomie de la personne, poussé à sa limite,
c'est que, mettons qu'on ouvre, avec des balises,
l'aide médicale à mourir pour les personnes qui ont des problèmes
de santé mentale, mais de jugement Truchon à jugement
Truchon, ultimement, on va se retrouver avec l'aide médicale à mourir à la
demande, parce que... si cette idée de droit là triomphe ultimement. Mais il y
a une autre école de pensée sur le droit, c'est aussi... c'est le droit des
personnes ayant des incapacités à jouir pleinement de la vie à être supportées,
à être soutenues, et là, bon, on rentre dans un autre domaine de droit où les
valeurs sont en conflit, plus ou moins.
Et on se retrouve aussi... Pourquoi on fait...
On parle maintenant de capacitisme, de la même façon qu'on parle d'âgisme, pour les personnes qui ont des
incapacités, y compris les personnes qui ont des problèmes de santé mentale graves, là. On parle de
handicap psychique, là, à ce moment-là.
Alors donc, tu sais, le droit de la société à
soutenir les personnes les plus vulnérables... Alors, il y a... Ce débat-là, il
est... il faut qu'il soit mené à bout, parce que, si c'est le droit individuel
qui triomphe ultimement, bien là, c'est bar ouvert, là.
Mme
Hivon : Merci.
Merci beaucoup de l'échange.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
On a entendu, au niveau des experts... On a
entendu, déjà dans la phase II, quelques intervenants aussi. La santé mentale, c'est... je vous dirais que c'est
là où on a le plus de difficultés à... les avis ne sont pas tranchés, disons-le
comme ça. De ce que j'entends de votre propos, c'est qu'il ne faut pas tuer
l'espoir. Mais vous n'avez jamais vu... Puis là je sais que vous êtes un
regroupement d'organismes, donc vous n'avez probablement pas de gens, là, dans
vos milieux, dans votre milieu de travail... mais vous n'avez jamais vu de gens
qui, malgré qu'ils sont bien entourés, qu'ils ont une famille, qu'ils... rien
ne va plus pour eux, là. Il n'y aurait pas ne serait-ce que deux ou trois
personnes qui en seraient rendues là et...
Parce qu'on a eu des témoignages dans ce sens-là, de certaines personnes bien
entourées, bien... mais que, pour eux, là, tous les traitements, tous
les soins ont été administrés, et qu'ils en seraient rendus à cette optique-là
et ils se laissent mourir de faim, littéralement. J'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Rice (Charles) : Bien, écoutez,
oui, c'est des réalités qu'on voit, là, tu sais, qu'il y a des gens qui broient
du noir. Ça fait partie de la réalité qu'on a. Mais, tu sais, l'aide médicale à
mourir, là, tu sais, je veux dire, ça ne fait pas partie des options qui sont
là. Mais je pense qu'on peut explorer d'autres affaires avec les gens aussi,
là, tu sais? Parce que juste la façon que vous posez la question : On a
tout essayé les traitements, les traitements ne marchent pas pour un paquet de
monde... O.K. Enlevez-vous ça de la tête, là. Tu sais, en oncologie peut-être,
là, mais, en santé mentale, il y a une partie du monde que ça marche plus ou
moins. Puis, quand ça marche, bien, ça marche... ça vient atténuer les
symptômes, là. Tu sais, c'est beaucoup... Mais, tu sais, il n'y a pas juste ça.
Il y a tout le reste, qui est souvent négligé puis sur lequel on devrait
investir davantage.
Je ne réponds peut-être pas directement à votre question,
là, mais, tu sais, les gens qui... En fait, je pense, c'est du désespoir. Je
pense que... «Désespoir», tu sais, moi, je pense, c'est le nom que... Mais ça,
c'est sûr qu'on voit ça, on est témoins
souvent de ça, mais notre idée, notre rôle à nous, c'est d'insuffler de
l'espoir, c'est contrer le désespoir. Puis ça, bien, tu sais, on le fait
comment? Bien, on le fait en accompagnant les personnes. Puis ça se fait dans
le quotidien, ça se fait dans... puis ça...
Puis je pense que ça, là-dessus, on n'a pas été... On pourrait aller encore beaucoup plus loin là-dedans, quant à moi,
au Québec, là, par rapport à insuffler de l'espoir aux personnes.
Vous allez me dire : O.K., il y a des gens,
ça fait longtemps que... Bien oui, mais, tu sais, il y a aussi, tu sais, la
psychologue de Trois-Rivières, comment elle... Georgia Vrakas, qui parlait, tu
sais, il y a un tunnel, tu sais? Quand tu es
en dépression, tu vois un tunnel, tu vois juste du noir. Tu vois juste du noir,
O.K.? Puis, c'est sûr, si tu demandes à la personne : Écoute, l'aide
médicale à mourir, ça te dit quoi?, elle va dire : Oui, oui, mets-en,
c'est juste ça que je vois.
Tu sais, je me dis : Il faut ouvrir les
oeillères, aider nos gens à ouvrir les oeillères, tu sais, puis ça... Mais c'est particulier, la santé mentale, je dois le
reconnaître, là, qui est... L'état des personnes... Souvent, elles broient du
noir. Mais comment qu'on fait pour sortir de cette logique-là? Je suis
conscient que je ne réponds pas à votre question, là.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, vous répondez en partie à ma question. Et c'est sûr que la souffrance...
Comme vous le disiez tout à l'heure, c'est dur à évaluer, la souffrance psychique, j'en conviens avec vous.
Puis, oui, ça répond en partie à ma
question. Je crois que j'ai ma collègue de Saint-François qui aurait également
une question pour vous.
Mme
Hébert : Oui. Merci,
Mme la Présidente. M. Rice, M. Saint-Georges, écoutez, moi, j'entends
ce que vous dites. Puis il y a des intervenants, précédemment, qui avaient le
souci de dire qu'on avait moins de respect maintenant pour la vie, qu'on a plus
de respect pour les droits de la personne. Tu sais, c'est comme si les
personnes passent en premier, puis on oublie la vie derrière ça.
Moi, dans tout ce continuum-là... Puis
on voit que... Tantôt, on a eu aussi un psychiatre, qui est le
Dr Morissette, qui disait qu'ailleurs, en Belgique, avant d'en arriver...
quand on a un trouble de santé mentale, la loi, elle est faite différemment,
la personne doit avoir passé un certain nombre de stades, et que c'est le
médecin qui dit : Non, il reste encore
des traitements, tu n'as pas tout essayé. Comme on dit, essayer d'ouvrir peut-être les oeillères. Est-ce que
vous seriez d'accord ou est-ce que
vous avez réfléchi à cette possibilité-là de quand même exiger un certain
nombre de traitements, ou de soins, ou de temps pour avoir... avant de... pas
offrir cette possibilité-là... ou que la personne puisse avoir le droit
de le demander ou d'avoir accès à l'aide médicale à mourir?
• (14 heures) •
M. Rice
(Charles) : Oui, c'est ça. Je vais me répéter encore, comme j'ai dit,
on ne peut pas s'avancer, on n'est pas dans les modalités, tu sais, parce que,
tu sais, le débat, pour nous, n'a pas eu lieu encore. On a quand même deux ans en avant de nous, là, tu sais, avant de
satisfaire aux exigences du fédéral, là. Prenons ce deux ans-là pour réfléchir,
pour aller au bout de la question, tu sais? Puis, avant d'arriver dans les
modalités, là, peut-on avoir une discussion sur le fond? Tu sais, est-ce que
c'est une bonne chose ou pas de permettre à des gens qui ont des troubles
mentaux, uniquement par rapport à cette raison-là... d'offrir l'aide médicale à
mourir?
Je pense que, tu
sais, il faut aller au bout de cette discussion-là pour laquelle... Nous, on
n'a pas de position arrêtée là-dessus, parce que, comme je dis, nos membres
sont assez divisés, puis on a des gens qui sont très contre, hein, du monde...
D'ailleurs, le regroupement des organismes de base de la Mauricie, qui va vous
présenter leur mémoire dans lequel... je
pense qu'ils s'affichent carrément contre, là. Toutes sortes de bonnes raisons pour
lesquelles je suis tout à fait d'accord, tu sais?
On a aussi des
groupes plus proches de la défense des droits qui en font une question de
droit. C'est un autre angle, c'est un autre point de vue, là. Mais, tu sais,
nous, pour nous, tu sais, tant et aussi longtemps qu'on a... Moi, je pense
qu'il faut poursuivre la réflexion par rapport à ça. Puis c'est sûr qu'on ne
pourra pas s'avancer sur les modalités, c'est... Je ne sais pas si Claude
aurait de quoi à rajouter.
M. Saint-Georges
(Claude) : Bien... Mais, ultimement, on serait vraiment en désaccord
que la décision ultime relève du psychiatre, parce que... sur la base
uniquement de son diagnostic médical, parce que, si la personne n'a pas
d'emploi, mal logée, elle est appauvrie, n'a pas de réseau social, elle n'est
pas soutenue par un entourage communautaire,
et tout le reste, là, qui seraient des facteurs d'amélioration de sa condition,
et que le seul diagnostic... bon, on a tout fait en psychiatrie et on
est rendus au bout du chemin, je pense que, là, on ferait une grave erreur, là.
M. Rice
(Charles) : C'est ça. Qu'est-ce qu'on peut faire pour Marc? Pensez à
Marc, tu sais? Je pense que c'est une bonne réflexion puis je pense qu'il y a
d'autres choses à faire. O.K. Peut-être que le médicament n'a pas marché. Il y
a peut-être d'autre chose qui peut marcher avec Marc, par exemple. Essayons
d'autres affaires, essayons de l'accompagner, tu sais? Ça, pour moi, c'est des
options, d'après nos membres, plus porteuses.
Mme
Hébert :
Parfait. J'ai juste une petite question. Est-ce qu'on a le temps encore, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, vous avez encore du temps. Allez-y.
Mme
Hébert :
Alors, dans ces deux prochaines années, là, qu'on a d'ici 2023, comme vous
dites, comment vous verriez ces consultations-là? Est-ce que... Qui que... Il y
a beaucoup d'intervenants, là, qu'on écoute, là. Mais comment vous verriez ça,
qu'on pourrait encore réfléchir là-dessus?
M. Rice
(Charles) : Oh! bonne question. C'est sûr, je pense qu'il faudrait au
moins avancer, nous, la discussion dans nos propres rangs, ce qu'on n'a pas
fait. On n'a pas eu le temps de le faire. Là, on est en plein été, là, tu sais?
Mais on trouve que, tu sais, une question si importante que ça, être faite
entre deux sessions parlementaires en plein
été, là, tu sais, c'est un peu vite, là, tu sais? Pour nous, les enjeux sont
énormes, énormes, puis c'est... Il y a des enjeux d'éthique, moraux,
existentiels qui sont soulevés là-dedans, tu sais?
Mme
Hébert : Alors, je rajoute : Trouvez-vous que deux ans,
ce n'est pas assez, étant donné que c'est majeur? On discute de vie et
de mort, là.
M. Rice
(Charles) : Oui. Non, c'est ça. Mais, tu sais... Pour moi, deux ans,
ce n'est pas assez, mais, tu sais, je me réfère un peu aux contraintes qui sont
déposées par le fédéral, là. Je pense que, tu sais... Mais, encore là, les... Il y a des éléments qui m'échappent un peu, là, au
niveau juridique là-dedans. Je ne suis pas avocat, là. Donc, je ne sais
pas c'est quoi, les contraintes auxquelles on est pris, là, mais c'est comme
compris qu'on avait comme... on disposait de deux ans, là, avant d'arriver à la
suite des modalités.
Je ne comprends pas
comment ça se fait que le débat n'ait pas lieu dans d'autres provinces du
Canada aussi. En tout cas, on n'en entend
pas parler. Pourtant, il me semble que ce n'est pas banal, là. Tu sais, ce
n'est pas une question... En tout cas, il me semble qu'on a eu des
débats plus importants sur des affaires moins... En tout cas, je ne m'étendrai
pas, là. Mais, ceci dit... Oui. Voilà.
Mme
Hébert :
Bien, merci, Mme la Présidente. Merci, M. Rice, M. Saint-Georges.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je céderais la parole à la
députée d'Abitibi-Ouest pour quatre minutes. Mme la députée.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Merci. Merci, M. Saint-Georges, merci,
M. Rice, pour la présentation. M. Rice,
tantôt, vous avez dit : Il ne faut pas que l'autonomie devienne un
fourre-tout. Alors, j'aimerais que... vous entendre élaborer sur cette
citation.
M. Rice
(Charles) : L'économie? Comment vous dites?
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Vous avez dit : Il ne faut pas que... Ce n'est
pas l'économie. Il ne faut pas que l'autonomie devienne un fourre-tout.
M. Rice
(Charles) : Non. En fait, ce que je disais, c'est que le principe
d'autodétermination... En fait, ceux qui sont pour, qui sont favorables à
l'aide médicale à mourir pour des gens, ils s'appuient beaucoup sur le principe
d'autodétermination. Puis, moi, ce que je disais... Puis je suis très pour
l'autodétermination des personnes. Donc, nous,
on s'inscrit tout à fait là-dedans. Mais parfois le principe de
l'autodétermination a le dos large, puis on fait reposer sur
l'autodétermination un paquet d'affaires.
Je prenais, par
exemple... Je prenais pour exemple la situation, justement, des services de
santé mentale en Californie dans les
années 70, quand Ronald Reagan était gouverneur. On a sabré dans... On a
vidé les hôpitaux psychiatriques puis on a sabré dans les programmes au
nom de l'autodétermination des personnes. Donc, c'est un exemple que je
donnais, là. Mais, tu sais, c'est qu'on peut faire porter à l'autodétermination
un paquet d'affaires, dont des aberrations comme celle-là.
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : Je vous sens très inquiet par rapport à cette commission
parlementaire, par rapport aux clients souffrant de santé mentale. Quelle est votre plus grande inquiétude, si vous pouvez me la verbaliser?
M. Rice (Charles) : Oh boy! Bien,
inquiétude... Mais je trouve que, tu sais, il y a un paquet d'enjeux ou de questions
qui sont évacués de la discussion actuellement. Puis je comprends que ce n'est
pas des questions qui sont faciles, tu sais?
Comment qu'on fait pour avoir un système de santé mentale idéal? Bien, je ne sais pas, là, mais, tu sais, je te dirais qu'on...
Mme Blais
(Abitibi-Ouest) : ...ça existe...
M. Rice
(Charles) : ...tu sais, vous allez dire : Bien oui, mais, tu
sais, si on attend qu'on ait un système de santé
mentale idéal avant, là, tout le monde, là, on n'y arrivera jamais. Peut-être, mais je te dirais que, tu sais, je trouve
ça un peu indécent qu'on permette l'aide médicale à mourir dans l'état actuel
des choses. Dans l'état actuel des choses au
Québec, là, je pense qu'on a encore beaucoup de chemin à faire avant de dire
que, tu sais, on a de quoi d'à peu près...
Puis on n'était pas
pires avant. Voilà 30 ans... On soulignait, l'an dernier, le
30e anniversaire de la politique en santé mentale. Le Québec était
pionnier là-dedans. Le Québec avait été applaudi, pas juste par rapport à
d'autres provinces canadiennes. D'ailleurs,
dans le monde, on était un des premiers à se doter d'une politique
de santé mentale qui se
voulait très progressiste. Ça s'est perdu en cours de route. Il y a des forces
occultes qui ont fait que ça n'a pas pu se
réaliser comme ça aurait dû se réaliser, puis on se retrouve aujourd'hui avec un système, là, pour lequel on n'a pas à se vanter. Moi, je
pense que, tu sais, il y a d'autres pays, d'autres États qui sont beaucoup en
avance sur nous autres, puis on a beaucoup de chemin à faire de ce côté-là.
Mais, excusez-moi, je
n'ai pas... On n'a pas de question facile, on s'entend, je n'ai pas de réponse
facile non plus. Mais je veux au moins vous sensibiliser à la gravité puis à l'importance
des questions qui sont soumises, là, sur la table, là, tu sais? Pour moi, ce
n'est pas juste une question de modalités, puis on fait... on ajoute une
travailleuse sociale dans l'équation, puis tout est dit, là. Pour nous, c'est
beaucoup plus complexe que ça.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
Une voix :
...
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. C'est tout le temps que nous avions. Merci
beaucoup, M. Saint-Georges et M. Rice, de ces questionnements
que vous allez nous forcer à creuser encore plus.
Donc, sur ce, nous
suspendons les travaux quelques instants. Mais je tiens à vous remercier encore
une fois d'avoir été avec nous aujourd'hui.
Une voix :
Merci. Merci à vous. Au revoir.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, nous suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à
14 h 08)
(Reprise
à 14 h 12)
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, nous reprenons les travaux. Merci. Donc,
nous recevons maintenant
M. Christian Debray. Merci d'être avec nous cet après-midi.
M. Debray,
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les
membres de la commission pour une
période de 35 minutes. Donc, je vous cède la parole maintenant,
M. Debray. Vous pouvez y aller.
M. Christian
Debray
M.
Debray (Christian) : Merci beaucoup. Alors,
je suis un citoyen concerné. Je suis handicapé depuis 25 ans maintenant,
peut-être un peu plus. Je fais de l'arthrose dégénérative et j'ai plusieurs
sténoses spinales, ce qui fait que je n'ai pas tout à fait l'air handicapé,
mais je le suis assez lourdement.
Le gouvernement du
Québec nous a vendu l'euthanasie sur la base d'un ensemble de promesses qu'il
n'a pas tenues. La communauté des personnes
handicapées avait averti que l'euthanasie allait déraper, et c'est le cas. Le
gouvernement du Québec essaie maintenant de nous vendre l'expansion de
l'euthanasie en se basant sur le même genre de promesses. Nous serions fous
d'attendre un résultat différent.
Toujours
vivant / Not Dead Yet est un projet du Conseil des Canadiens avec déficiences,
le plus gros regroupement de
personnes handicapées au Canada, visant à mettre l'accent sur les politiques ou
les pratiques de fin de vie. Depuis 2010, Toujours vivant / Not Dead Yet
a participé à toutes les étapes importantes des affaires légales et
législatives partout au Canada et a produit plus de 200 émissions Web de
la perspective des personnes en situation de handicap sur l'aide médicale à
mourir.
Les personnes en
situation de handicap se sont impliquées dans les politiques de fin de vie
depuis les années 80, lorsque les militants avec déficiences ont contesté
les décisions des tribunaux permettant aux personnes handicapées de mourir.
Dans les années 90, le CCD a pris position en s'opposant à l'aide médicale
à mourir. Le CCD a répondu à l'affaire Latimer et Généreux en disant que
l'incapacité des victimes de meurtre devait être un facteur aggravant plutôt
qu'atténuant dans la détermination des peines, les sentences.
Voici la perspective
des droits des personnes handicapées, d'après ce que je pense, hein, et aussi
du groupe que je fais partie. Mais, en tous les cas, ça ne change rien. Toute
personne qui demande ou reçoit l'aide médicale à mourir est un handicapé. Le
mouvement à l'appui à l'aide médicale à mourir est motivé par la croyance qu'il
vaut mieux être mort qu'être handicapé, et c'est faux.
Les personnes...
Lorsque les agents du gouvernement décident que certaines personnes suicidaires
non handicapées seront empêchées de se suicider tandis que d'autres personnes
suicidaires handicapées seront aidées, c'est discriminatoire. Le gouvernement
ne devrait pas aider qui que ce soit à se suicider. Un suicide est un suicide.
Le choix de mourir
n'est pas libre tant que les personnes âgées, malades ou handicapées n'ont pas
le choix de l'endroit... (panne de son) ...toutes les sortes de dérapages,
entre autres, les décès injustifiés, l'élargissement de l'admissibilité et
l'érosion des protections. Ce sont tous des dérapages actuels.
La surveillance est
inadéquate pour détecter les problèmes et les impacts disparates sur le groupe
défavorisé, entre autres les femmes, les autochtones, les handicapés, les
racisés. Il y a un manque de données.
L'option de refuser
un traitement et d'avoir une sédation palliative permet à quiconque qui est
vraiment incapable de se suicider de mettre fin à ses jours.
Nos slogans sont, et
ça, je parle des personnes handicapées, là : Rien sur nous sans nous;
On doit mettre fin à la souffrance et pas
à ceux qui souffrent; Aidez-nous
à vivre, pas à mourir. C'est ce qu'on... les slogans que normalement
on utilise.
Le gouvernement du
Québec a promis que les mesures de protection seraient robustes. L'euthanasie
«ne serait qu'une mesure exceptionnelle pour
un cas exceptionnel — c'est
une citation du gouvernement — le dernier recours, seulement utilisé
lorsque les soins palliatifs ne sont plus efficaces, respectueux, rigoureux»...
des limites de protection, l'arrêt Carter... Ce n'est pas ce qui se
passe.
Voici
ce qui se passe réellement : les protections ont échoué, la loi n'empêche
pas les pressions socioéconomiques ou les influences indues, l'euthanasie est devenue
la première option au lieu d'être le dernier recours, l'euthanasie n'est
pas indiquée sur le certificat de
décès — c'est un
manque de transparence — la surveillance est inadéquate, le manque de données... On
ne les recueille pas.
La surveillance. La
vérification des rapports des médecins est inadéquate. Toujours pour la
surveillance, on ne recueille pas
suffisamment d'information concernant les indicateurs démographiques et de
vulnérabilité, entre autres la race, le handicap, le revenu, la situation
de vie, les besoins non satisfaits.
La durée de la
relation avec le médecin qui fait l'évaluation de l'aide médicale à mourir. Ça
fait combien de temps qu'il parle...
La
nature de la ressource de la souffrance. Est-ce que c'est des facteurs
socioéconomiques ou encore le capacitisme? Si c'est... les mesures de
protection sont respectées et préviennent la mort injustifiée, on ne le sait
pas.
Les taux de
conformité ont oscillé autour de 95 %. C'est inacceptable. Un nombre
important de déclarations n'ont pu être
traitées faute d'information. Ça vient des rapports du gouvernement. Ce niveau
d'incertitude est inacceptable.
Il
y a eu des homicides — entre parenthèses, c'est technique — 16 par inadmissibilité — toujours du gouvernement — des
homicides douteux, eux, 25 pour faute administrative. Le retard de
dossiers a mené à un examen moins rigoureux des documents, toujours un
manque de surveillance.
Les mesures de protection se dégradent,
l'euthanasie est de plus en plus rapide. C'est trop facile. Le taux d'erreur élevé dans les déclarations des médecins,
45 %, c'est une dégradation. Le nombre d'euthanasies monte en flèche,
loin d'être une mesure exceptionnelle pour des cas
exceptionnels. C'est une dégradation encore. Des personnes demandent et
reçoivent l'euthanasie faute de soutien pour vivre dans la communauté, une
autre dégradation.
Le Québec est en
violation de l'article 19 de la Convention relative aux droits des
personnes handicapées de l'ONU, qui assure
le droit à l'autonomie et à l'inclusion. On est des signataires. Le document du
CMQ, publié en 2016, rappelait aux médecins l'urgence et l'obligation de
réanimer les personnes qui tentaient de se suicider. Une autre dégradation.
Les
gens qui s'opposent à l'euthanasie sont ouvertement critiqués et exclus depuis
le tout début. Il y a des pressions constantes pour l'expansion de
l'admissibilité à de nouvelles populations. Il n'y a pas de volonté de s'y
opposer, politique, aux adolescents, aux
bébés, aux enfants en général. L'arrêt Truchon est une mauvaise décision. Le
gouvernement n'a pas fait appel.
L'élargissement de
l'admissibilité. Le Québec poursuit la même stratégie en attendant un résultat
différent envers les personnes qui perdent la capacité. Le rapport publié en
2019 a recommandé des mesures qui permettent l'aide médicale à mourir différée.
Tout est animé par l'idée que personne, dans leur bon esprit, ne voudrait vivre
avec la démence. C'est faux. Cette conception est dérivée des opinions
négatives des professionnels et des proches. En réalité, la plupart des gens
s'adaptent à une incapacité s'ils ont le soutien approprié.
• (14 h 20) •
Les personnes avec
déficience n'ont pas été consultées. On a consulté des organismes, pas les
personnes. La description du consentement
libre et éclairé a des problèmes. Cela ne se rapporte qu'à la coercition, et à
la manipulation, et à l'influence indue. Cela ne tient pas compte des pressions
socioéconomiques telles que l'institutionnalisation forcée et l'absence
d'option de vie commune... communautaire, la pauvreté ou encore le manque de
soins palliatifs efficaces.
Le rapport fait des
mêmes promesses que la loi n° 52, ça va échouer de la même façon.
Le rapport propose
une modification à la définition de la souffrance, et je cite : «...des
souffrances physiques et/ou psychologiques constantes et insupportables qui ne
peuvent être soulagées d'une manière que le patient juge tolérable.» Et ça
devient : «...des souffrances physiques, psychologiques ou existentielles
importantes et difficiles à soulager.» La marche est haute. Quelle va être la
prochaine?
Le
rapport ne fait pas de distinction entre la capacité de consentir aux soins de
santé et la capacité de consentir à l'euthanasie. Le premier est
réversible, le second est un «one-way».
Le processus de la
demande préalable. Le rapport n'offre pas de critère pour déterminer quel est
l'événement ou la condition déclencheur de l'euthanasie ou quel est le moment
approprié. Comment choisir une personne pour amorcer le traitement de la demande
d'euthanasie? C'est une question.
Une étude publiée
en 2020, malgré la division, recommande l'expansion de l'admissibilité aux
personnes atteintes de troubles mentaux. C'est un problème. Il n'y avait aucune
personne atteinte de troubles mentaux au sein de ce comité. Le Réseau Avant de
craquer est composé — et
ça, c'est un des membres — de
proches et de personnes atteintes de troubles... des proches des personnes
atteintes de troubles mentaux seulement, personne dans les troubles mentaux. Les auteurs entreprennent un processus de
pinaillage pour déterminer, décider quels comportements suicidaires
devraient être empêchés et quels suicides devraient être facilités par l'aide
médicale à mourir.
Si une personne
exprime le souhait de refuser un traitement qui le maintient en vie, nous ne
demandons pas si la personne appartient à un groupe démographique à risque
élevé de suicide. Pourquoi pas? Nous, les militants handicapés... Ceci est la
racine, est le noeud du problème.
Toutes les listes de
mesures de protection... est recommandée par les psychiatres, toute une liste.
Elles seront toutes aussi efficaces que la protection de la loi n° 52,
vous allez voir.
La solution proposée
est typiquement québécoise, une nouvelle autorité administrative. Cela détourne
les ressources du traitement de première ligne. Le rapport fait les mêmes
promesses que la loi n° 52, ça va échouer de la même façon.
Alors, merci. Ce
n'est pas souvent qu'on est invités, et nous verrons si nous sommes écoutés.
C'était tout.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Debray. Je céderais la
parole à mon collègue le député de Rosemont.
M. Marissal :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Debray. Oui, je peux vous
garantir qu'on vous écoute, et nous vous avons invité, d'ailleurs. Vous vous
êtes présenté au départ comme un citoyen préoccupé...
M. Debray
(Christian) : Oui, c'est ce que je suis.
M. Marissal :
...et concerné aussi, parce que je pense que vous vous sentez concerné par la
situation. Ça prend quand même un bon niveau, effectivement, de détermination
puis d'engagement pour faire ce que vous venez de faire, puis je vous en
félicite. C'est vrai que, souvent, les organismes sont mieux préparés, ont plus
de moyens que les citoyens. Puis peut-être
qu'ils sont surreprésentés dans certaines commissions, mais ce n'est
certainement pas le cas de celle-ci.
On a élargi, je crois qu'à la fin il y aura quelque 70 témoins, puis je
vous assure qu'on vous écoute et on vous entend.
Cela dit, on a des
décisions à prendre. On est devant une obligation légale de revoir une loi. On
va le faire avec beaucoup de rigueur, de professionnalisme, mais après avoir
écouté les gens. Alors, je voudrais juste vous dire, au départ, que je ne suis absolument pas d'accord, et je ne vous en fais
pas le reproche, je ne suis pas d'accord quand vous dites que les
opposants à l'élargissement de la loi sont exclus d'office. Votre présence,
d'ailleurs, en fait exactement la preuve du contraire. Tout le monde devrait
pouvoir se faire entendre, et je suis bien heureux que vous ayez eu l'occasion
de le faire.
Maintenant,
vous y allez quand même de certaines affirmations fortes et lourdes. En tout
respect, M. Debray, je n'ai pas entendu beaucoup
de justificatifs à des accusations ou des conclusions très lourdes. Par
exemple, vous dites : Toutes les
promesses qui avaient été faites avant 52 ont été brisées. Pourriez-vous être
un peu plus explicite là-dessus?
M. Debray
(Christian) : Oh! ce n'est pas très compliqué. Dans le texte, ça le
dit déjà. Les promesses ont été brisées, parce que ça nous a été vendu comme
une mesure complètement exceptionnelle pour les gens qui allaient mourir
incessamment, et ce n'est pas ça qui se passe. Aujourd'hui, il y a des gens qui
auraient, des fois, deux, trois, quatre ou cinq ans à vivre qui ont accès
directement à l'aide médicale à mourir.
Deuxièmement, les
gens demandent l'accès à l'aide médicale à mourir parce qu'ils... et pas parce
qu'ils souffrent et pas parce qu'ils ont mal, ils ont peur de... même, d'avoir
mal. Souvent, c'est simplement parce qu'ils perdent une activité qui les
définit, genre jouer au golf. J'ai vu quelqu'un qui avait... qui ne pouvait
plus jouer au golf, que, pour lui, sa vie était finie, là. O.K. C'est
effrayant. Et c'est des choses comme ça.
Et, quand vous dites
que vous nous avez écoutés, ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai participé à la
commission Mourir dans la dignité, la toute première qui a eu lieu au Québec, O.K.,
et je n'ai eu le droit de parler, je pense, que deux minutes. Quoi qu'il en
soit, pratiquement la majorité, près de la majorité des groupes qui ont parlé
là, O.K., ont dit «oui, mais». Ils auraient dû dire «non, mais»,
parce que la commission a entendu «oui», et les «mais» ont tous été laissés
tomber. Il n'y a aucune des.... des «mais» qui ont été gardées, aucune. Vous
irez écouter toutes les apparitions de ces groupes-là et vous allez voir que ce
que je viens de dire est tout à fait vrai.
Ensuite, bien, des
références, j'en ai des tonnes. Notre organisme, duquel je participe, mais moi,
je le suis moins que ma femme, on a des tonnes de références. Dans les
200 webémissions qu'on a produites, vous avez des références légales
autant comme autant. Regardez-en juste une ou deux, surtout dans les dernières,
vous allez voir que c'est effrayant, les
choses qui se passent. Ce n'est pas qu'il y en a des quantités énormes. Ce
n'est pas ça qu'on dit. On ne dit pas
non plus que les médecins ne font pas leur travail, au contraire. Les médecins,
en général, font leur travail. La
seule chose, c'est qu'actuellement la façon dont le système marche... Il était
en train de s'emballer. Il faut arrêter ça.
M. Marissal :
Bien, c'est une autre chose que vous avez dite, que l'euthanasie devait être...
L'euthanasie, c'est votre mot, là. Ici, on
parle plutôt d'aide médicale à
mourir, mais je ne m'enfargerai pas
dans la sémantique, là. Vous avez dit que ça devait être le dernier
recours, c'est devenu le premier recours. Sur quoi vous vous basez pour dire
ça?
M. Debray (Christian) : Sur les chiffres, c'est vous qui les donnez dans
les rapports que vous émettez, en 2019, en 2020, en 2016. Vous avez émis
tous ces rapports-là. Regardez-les, lisez-les correctement, O.K., puis vous
allez voir que c'est effrayant.
Les
chiffres que j'ai sortis, comme quoi il y a eu 16 homicides et
25 homicides, c'est dans le rapport. Vous dites vous-même qu'il y a
16 endroits qu'ils n'étaient pas admissibles. Donc, on les a tués sans
être admissibles. Ça s'appelle un homicide. Il n'y a pas eu de plainte à
la police, il n'y a pas eu d'enquête. Pourtant, c'est un homicide au sens réel
de la loi. Il y en a eu 25 que c'est douteux. O.K. On ne sait pas. Peut-être
qu'il n'y en a aucun là-dedans qui est un homicide,
peut-être qu'il y en a 25, peut-être qu'il y en a
n'importe quel entre les deux. C'est dans vos dossiers à vous, dans
vos rapports.
M. Marissal :
Une dernière question, Mme la Présidente. Je pense qu'il nous reste un peu
de temps.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui. Allez-y.
M. Marissal :
Vous, vous dites que l'aide médicale à mourir, c'est devenu la norme, c'est
devenu le premier recours, c'est beaucoup
trop facile. Puis je n'ai pas à être d'accord ou non avec ce que
vous dites, là. Moi, je pose des questions
puis j'essaie de me faire une tête par rapport à ce que vous nous dites. Quand
vous dites que c'est trop facile...
M. Debray
(Christian) : Monsieur, si vous...
M. Marissal :
Je vais juste terminer ma question, M. Debray, si vous permettez.
• (14 h 30) •
M. Debray
(Christian) : Je pensais que vous aviez fini.
M. Marissal :
Non, non, je suis lent, parfois, surtout l'après-midi quand il fait chaud comme
ça, vous me le pardonnerez. Vous dites que
c'est trop facile. Pourtant, Gladu, Truchon, là, eux autres, ils voulaient ça
pour eux, là, puis je n'ai pas à
juger de ça non plus, là, puis personne n'a à juger de ça, ils ont été obligés
d'aller jusqu'en cour puis de se battre parce qu'ils n'arrivaient pas...
M. Debray
(Christian) : ...désolé.
M.
Marissal : ...à avoir l'aide médicale à mourir. Et, encore là, je ne porte pas de jugement sur ce
qu'ils voulaient faire, puis ça leur appartenait, mais, si c'était si facile
que ça, Gladu, Truchon, bien, ne se seraient pas battus pendant des années
devant les tribunaux. Il y a quand même des balises qui restent et quelques
garde-fous. Là, j'ai fini.
M.
Debray (Christian) : Il reste des balises administratives. Il ne reste
plus aucune balise pour empêcher.
Deuxièmement, Gladu,
Truchon, les deux avaient peur de devenir incapables de demander l'aide
médicale à mourir si jamais leur maladie avançait, pour ne pas avoir droit.
C'est leur façon. D'ailleurs, il y en a un qui a obtenu l'aide... qui a demandé
l'aide médicale à mourir et qui... il l'a reçue plusieurs semaines après. O.K.
C'est leur choix.
Nous, on ne dit pas
que les gens ne peuvent pas mourir ou qu'ils ne doivent pas choisir de mourir.
On dit que la mort naturelle est quelque chose qui doit arriver en premier,
quel que soit ce qui se passe, sauf souffrance, O.K., et la souffrance, c'est
très large. J'en sais quelque chose. Moi-même, je souffre tous les jours. Je ne
sais pas si vous savez ce que c'est, l'arthrose dégénérative à la colonne
vertébrale, mais c'est excessivement souffrant. Je prends des médicaments
excessivement lourds, O.K., pour être capable simplement, justement, de marcher
tous les jours un tout petit peu. Mon nombre de pas dans une journée est
limité. Sinon, je souffre, O.K.? Et c'est toute ma journée. La vie est belle
malgré tout. Je me suis adapté à mon handicap.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci, M. le député.
M. Marissal :
...merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Debray, de nous partager, même, votre
expérience personnelle par rapport à la souffrance. Je vois que c'est un
dossier qui vous tient beaucoup à coeur. Je n'étais pas par les commissions
passées, mais je sais que, dans cette commission-ci, vraiment, on essaie
d'avoir les gens de tous horizons autour de cette discussion parce que c'est un
sujet qui est important, c'est un sujet... de cet élargissement-là. Puis je sais qu'il y a beaucoup,
même, d'autres provinces qui nous regardent, parce qu'on est les premiers, au
Québec, à se pencher là-dessus.
Alors, bien, je vous remercie de votre intervention, parce que c'est important,
ça vient bonifier un peu tout ce qu'on a et ce qui va nous amener à
porter nos réflexions pour nos recommandations.
Moi, j'aimerais
savoir, M. Debray, advenant... O.K. Il y a le côté inaptitude par rapport
à des personnes qui ont des troubles neurocognitifs puis il y a le côté, aussi,
avec la santé mentale. Ça nous prend des balises. Est-ce que vous avez
réfléchi? Parce que, là, vous avez beaucoup dénoncé, mais est-ce que vous avez
réfléchi à certaines balises advenant qu'il y aurait un certain élargissement?
Comment essayer d'aiguiller là-dedans?
M. Debray
(Christian) : O.K. Il y a deux choses, il y a deux volets à votre
chose. D'abord, les balises, normalement, ça ne fonctionne pas, O.K.? On fixe
une balise, puis on la dépasse. C'est automatique, c'est humain. Ça n'a rien à
voir avec la politique, c'est simplement humain.
Deuxièmement, si vous
me demandez une balise, je vous dirais, la meilleure balise, ce serait ce qui a
été éliminé, c'est-à-dire que la mort est
imminente, O.K.? Puis même là, c'est dangereux. Parce que moi, je peux vous
présenter, sans exagérer, au moins une vingtaine de personnes qui ont
eu, toutes, une expérience de mort imminente, puis que certaines en ont eu
deux, puis même trois, et quatre, et qui sont toujours en vie, et les médecins
leur ont dit : Monsieur, fais venir le prêtre, etc., extrême-onction, puis
c'est fini, là, vous êtes mort, puis ils sont encore en vie des années et des années plus tard, O.K.? Il n'y en a
pas des masses, c'est peut-être 1 %, peut-être 2 %, mais elles
existent, ces personnes-là, et il faut les protéger et... Les balises,
très difficile.
La chose qui a été
éliminée... Comme je vous le dis, ça prendrait une volonté politique énorme
pour dire : Voici la loi, on vote une loi, et elle doit être respectée. Ce
n'est pas ça qui s'est passé. C'est une personne, dans un tribunal, qui a dit : Voici, je mets la balise
de la loi. Puis, justement, c'est une balise qui ne fonctionne pas bien, O.K.?
Alors, moi, je vous
dirais, au niveau mental, des balises... J'ai assisté à plusieurs réunions avec
quelques psychiatres différents, O.K., entre autres, une au niveau fédéral, où
tous, tous les psychiatres présents, et c'est très difficile d'en rassembler plusieurs, vous le savez, avaient dit :
Non, on ne veut pas. Là, pourquoi vous, vous en trouvez qui
disent : Oui, oui, oui, on étend ça aux personnes qui ont des problèmes
psychiatriques?
Ce
n'est pas bon parce que, s'il y a une chose qui est difficile à diagnostiquer
avec certitude, c'est la dépression, O.K.? Il y a toutes sortes de
formes de dépression et il y a des personnes qui réussissent à masquer ça
excessivement bien, comme il y a des personnes qui font l'inverse, qui simulent
la dépression pour avoir des congés, je ne sais pas pourquoi, mais, en tous les
cas, qui simulent ça.
Or,
la question que vous me posez est excessivement difficile, parce que les
balises, ça ne fonctionne pas. Alors, laquelle mettre? Moi, je dirais
qu'il faudrait vraiment retourner à la mort imminente. Autrement, c'est un
problème.
Mme
Hébert :
Parfait. J'entends ce que vous me dites. Ce n'est pas ce qui est...
M. Debray (Christian) : C'est
personnel.
Mme
Hébert :
Oui. Non, je vous comprends. Tantôt, ça m'a... Je veux juste que vous me
rassuriez sur ce que j'ai entendu. Vous avez
dit qu'on n'a pas écouté, on n'écoute pas les personnes, on n'écoute pas les
gens. Mais pourtant, dans ce qui
existe, on prône beaucoup... ou dans les intervenants, on prône beaucoup
l'autodétermination, donc d'écouter la personne. Donc, je ne
comprends pas. Est-ce que vous pourriez m'expliquer un petit peu plus clairement
votre pensée là-dessus?
M.
Debray (Christian) : Oui, je peux vous expliquer ça un tout petit peu.
Dans les autres commissions auxquelles j'ai participé, c'est très difficile de
savoir qui écouter. Si vous avez un expert, puis que vous avez une personne expérimentée mais qui n'est pas un
expert, et que vous avez, à côté, quelqu'un qui est un néophyte, des fois, c'est
difficile à choisir lequel, surtout quand vous avez des millions de néophytes, quelques
personnes expérimentées puis un ou deux experts. Comprenez-vous? Alors,
lesquels vous allez écouter? Je ne sais pas.
Dans les réunions, ce
qui se passe, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui disent parler au nom des personnes
handicapées mais qui sont... en réalité, qui parlent pour les personnes qui
sont des représentants, des personnes qui s'occupent de ces personnes-là.
Alors, si vous êtes un aidant proche, vous avez hâte que ça finisse. Ça va
contre, complètement, ce que la personne handicapée veut.
Elle, elle veut vivre, O.K.? Tout
le monde veut vivre, normalement, même quand on est handicapé
lourdement. Il y a même beaucoup de personnes
handicapées lourdement, dont
certaines que je connais puis une que j'ai perdue récemment, là, qui
avait peur d'aller à l'hôpital si c'était un hôpital différent de celui où elle allait régulièrement, parce que sinon elle allait mourir... On allait la tuer,
pas parce qu'ils sont méchants,
pas parce que... non, simplement parce que ce n'étaient pas les soins dont elle
avait besoin, et elle savait qu'elle allait mourir.
J'ai
connu une personne qui est morte, et elle nous a annoncé sa mort, simplement
parce que — aux
États-Unis, il faut le dire, là — on lui avait refusé... les
assurances lui avaient refusé un lit spécialisé pour elle. Alors, elle s'est dit : Je vais mourir de plaies de lit, et
c'est ce qui s'est passé. Et il existe des solutions... des choses similaires
ici, au Québec, pas pour les mêmes raisons, je suis d'accord, mais il
existe la même chose.
Alors, fixer des
balises et, ce que vous dites, justement, qui écouter, très difficile. Parce
qu'entre autres, mettons, COPHAN, qui est un
organisme, très bien, qui dit parler au nom des handicapés — j'ai bien dit «qui dit» — bien, regardez qui est membre de COPHAN, et vous allez retrouver, dedans, des
handicapés, c'est vrai, mais aussi des gens qui parlent de l'autre opinion, qui sont des aidants, et des gens qui en
profitent au niveau affaires. Alors, COPHAN ne parle pas pour les handicapés. Il parle pour un regroupement dans lequel
les intérêts sont divergents. C'est ce que je veux dire.
Mme
Hébert :
O.K. J'aurais une autre question, Mme la Présidente. Est-ce qu'il nous reste du
temps?
• (14 h 40) •
La Présidente (Mme
Guillemette) : Oui, oui, vous pouvez... Allez-y.
Mme
Hébert : M. Debray, il y a des gens qui nous ont...
antérieurement, qui nous ont mentionné qu'il y avait moins... que notre
société, aujourd'hui... eux autres constataient qu'il y avait moins de respect
pour la vie mais plus de respect pour les personnes. Êtes-vous d'accord avec
cette affirmation-là ou... Vous êtes plus d'accord qu'on doit sauver la
vie ou on doit donner l'autodétermination à la personne, donc la personne doit
choisir, elle a le droit sur sa vie?
M. Debray
(Christian) : Les deux. La personne a le droit sur sa vie, mais
elle-même, c'est-à-dire, dès que... Dans mon avis à moi, et c'est purement
personnel, là, le suicide assisté serait plus intéressant que l'euthanasie,
O.K.? Parce que le suicide assisté, c'est la personne qui choisit de prendre la
pilule, on va dire, qu'on lui donne une pilule à côté d'elle, et elle va la
prendre — bon,
elle meurt, mais c'est elle qui a décidé de mourir à ce moment-là — tandis
que l'euthanasie, c'est «je veux mourir, je veux mourir», quand, en
réalité, la plupart du temps, c'est un appel à l'aide, comme la plupart des
suicides manqués. On le sait, c'est l'histoire, O.K.? On le sait, les suicides
manqués, c'est un appel à l'aide qui dit : Je ne veux pas souffrir, je
veux que ça arrête. Et, si on réussit à limiter la souffrance de cette
personne-là, elle ne veut plus mourir. Mais seulement, s'il y a euthanasie, on
ne peut pas la ramener quand elle ne veut
plus mourir. Ça ne marche pas, là. Tu sais, c'est dans un sens unique, comme je
l'ai dit, c'est un «one-way».
Mme
Hébert :
Merci, M. Debray. Merci beaucoup pour vos interventions. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole à la
députée de Soulanges.
Mme
Picard : Bonjour, M. Debray. Merci beaucoup pour votre
témoignage aujourd'hui. Je pense que c'est important d'avoir tous les côtés de
la médaille, puis vous en offrez un aujourd'hui.
Votre intervention
m'amène à vous poser une question, parce qu'on a vu, dans plusieurs
intervenants qui sont venus... et qu'ils ont mentionné qu'il y avait... la
seule avenue pour une personne qui était en souffrance, en ce moment, quand ils
ne peuvent pas avoir accès à l'aide médicale à mourir, est d'arrêter de
s'alimenter. Donc, plusieurs l'ont fait,
malheureusement. J'aimerais savoir... Selon vous, ce n'est pas plus digne de
choisir l'aide médicale à mourir, de choisir le moment, de choisir avec
qui, que de...
M. Debray
(Christian) : J'ai une réponse à ça, madame. J'ai connu un nommé
Gabriel Bouchard qui a fait ça. Il l'a fait. Je l'ai interviewé. Et, si vous
voulez, j'ai l'interview. Et sa réponse a été : Si j'avais eu, en le temps
donné, les soins nécessaires et l'opportunité, je ne l'aurais pas fait. Mais il
l'a fait. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas d'autre solution, parce que la
société ne permet pas aux gens de retourner chez eux. J'ai bien dit «ne permet
pas», pas «pas possible». Elle ne le permet pas. Alors, les personnes, ils
veulent retourner chez eux pour y mourir. Mon père est comme ça. Il devrait
être dans un hôpital ou quelque chose comme ça, puis pourtant il est chez lui,
et puis, bon, il essaie de s'arranger tout seul. Et je suis là toutes les nuits
pour lui aider, ça ne change rien.
Les gens choisissent ça parce qu'ils pensent
n'avoir que ces choix-là, mais il y en a un troisième qu'on ne leur donne pas.
Pourtant, ça ne coûte pas très cher. Une personne qui est soignée à la maison,
ça coûte moins cher qu'une personne soignée en
institution, mais on les amène dans une institution, qui, au bout de la ligne,
est une prison. Vous avez vu les CHSLD pendant la COVID. On a interdit aux gens
de sortir. C'est quoi, la définition d'une prison? Réfléchissez deux secondes,
vous allez voir que c'est la même chose. Ils sont mis dans une chambre, ils ne
bougent pas, ils sont interdits de sortir, ils n'ont pas le droit de
communiquer avec leurs proches, les repas sont à heures fixes, le temps pour
prendre le repas est limité. C'est une prison. On les met en prison. Ils ne veulent
pas vivre ça. Et ils ont le choix entre ça puis la mort. La réalité, c'est
qu'il y aurait le troisième choix, et on ne leur donne pas. C'est pour ça.
Mme Picard :
Merci beaucoup, M. Debray.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais maintenant la
parole à ma collègue la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme
Maccarone : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour,
M. Debray. Je voudrais retourner à... amener la balle au bond de ma
collègue en ce qui concerne les droits, l'autonomie, le choix de la personne,
parce que je sais qu'on cherche vraiment un équilibre entre le droit individuel
et, je vous entends, votre demande, la nécessité de protéger aussi les personnes vulnérables, qui pourraient sentir, peut-être,
une pression de poursuivre avec une demande ou de poursuivre, peut-être,
avec une décision qui est moins réfléchie.
Je n'ai pas tout à
fait saisi votre argument en ce qui concerne la reconnaissance des droits et
libertés des personnes de faire un choix éclairé à l'intérieur d'une capacité,
parce qu'ils ont une aptitude de faire un choix. Alors, que devrons-nous dire à
ces personnes? Si, mettons, on disait oui à vos propos, puis on vous dit que
nous sommes en accord, puis ça faisait partie des recommandations de cette
commission, que devrons-nous dire face à ces personnes qui auront peut-être un refus, qui vont peut-être nous... venir nous
dire que... vous n'êtes pas en train de respecter mes droits, la liberté
de choix?
Et je vous soumets
tout ça parce que... J'ai hâte d'entendre vos arguments, parce qu'aussi on a
entendu... Puis je ne sais pas si vous avez
eu l'occasion d'entendre les auditions de la Commission des droits de la
personne et droits de la jeunesse, parce qu'eux aussi, ils sont d'avis
qu'on devrait donner et respecter la liberté et le droit des personnes, c'est
écrit dans la charte. Alors, mettons, si on garde ça aussi en tête dans votre
réponse pour nous éclairer en ce qui concerne votre position, s'il vous plaît...
M. Debray (Christian) :
Je suis tout à fait en accord aux droits et libertés et je suis tout à fait en
accord que les gens ont le droit
d'autodéterminer, aucun problème. On a... On ne peut pas empêcher quelqu'un qui
veut se suicider de se suicider. Il n'y a rien à faire. Si quelqu'un
veut vraiment mourir, il meurt, O.K.? Ça, ce n'est pas un problème. La ligne
est claire, là.
Là où c'est un petit
peu plus fin, c'est quand les personnes n'ont pas un choix clair. Est-ce que,
oui ou non, ils ont accès à un troisième ou un quatrième choix? Ça, ce n'est
pas clair. Et c'est la société qui, elle, définit ces choix-là. Est-ce que nous
avons réglé tous nos problèmes de société avant de donner la mort à la
personne? Ça, c'est un problème. Et la
ligne, elle n'est pas claire du tout. Et moi, je ne voudrais pas être le
médecin qui décide que... dire : Tiens, je vais donner l'injection pour
faire mourir cette personne-là, quand je ne suis pas sûr qu'elle a eu tous les
soins qu'elle méritait ou qu'elle n'a pas eu toutes les chances qu'elle
avait. Ça ne va pas.
Par contre, les
médecins, avant, avant même que la loi existait, O.K., avant que ces lois
existaient, la chose était assez simple et assez claire — pas
pour tout le monde, il fallait l'expliquer. Bien, justement, je vous l'explique
assez clairement, vous allez voir. C'est que les médecins, à ce moment-là,
avaient l'interdiction de donner la mort, mais ils avaient l'obligation de
soigner.
Dans
mon cas, si ma dose de médicament devient tellement forte — c'est
mon cas, là — que
mes douleurs sont intolérables, tôt
ou tard, c'est mon coeur qui va lâcher. Mais les médicaments ont... Les gens
croient que les médicaments forts, comme la morphine et beaucoup plus...
Les gens pensent juste à la morphine. Il y a des choses énormément plus fortes.
Ce n'est pas ça qui donne la mort, du tout. La mort, elle vient parce que le
coeur a lâché, parce que c'était rendu au bout. Et pourquoi... C'est le
contraire, ça prolonge la vie. Parce qu'autrement, si je n'avais pas eu les
médicaments antidouleur, là, ça fait très longtemps que je serais mort. Je me
serais donné la mort bien avant. C'est insupportable. Vous ne pouvez pas
comprendre, O.K.? Alors, ça, c'est l'autodétermination.
Là où il n'y a pas
d'autodétermination, c'est, par exemple, quand les gens arrivent à l'hôpital
puis ils disent : Docteur, ça ne va pas, j'ai mal, c'est insupportable,
donnez-moi la sédation palliative, et là il n'y a même pas de question, aucune
question, sédation palliative, là, continue, on vous tue, c'est sûr, on vous
donne une piqûre, on vous endort, vous rentrez dans le coma, et on ne vous
réveille jamais, c'est fini.
Et actuellement plus
de la moitié des morts, comparé au suicide assisté et à l'euthanasie, là,
proviennent, justement, de ce type de mort là. Ce n'est pas comptabilisé parce
que, justement, ce n'est pas comptabilisé comme un suicide assisté ou une
euthanasie. Pourtant, ça s'appelle une sédation palliative continue. C'est
excessivement grave. On tue beaucoup de gens, et là je pèse mes mots, beaucoup.
Déjà, deux, c'est trop, là. Mais on en tue beaucoup.
Mme
Maccarone : Pour reprendre la mise en scène que vous avez faite, la
personne qui est allée voir le médecin puis qui a dit que ses souffrances sont
trop pour lui, puis il n'est vraiment plus capable. Si je vous dis qu'il a pris
sa décision, c'était libre, c'était clair, il est apte, il est apte à...
M. Debray (Christian) : Je suis
d'accord, mais que le médecin, à ce moment-là, lui donne...
Mme
Maccarone : ...le médecin de
votre choix, le médecin de votre choix, mais que ce n'était pas seulement
le médecin qui prendrait une décision, mais il y aurait quand même un comité
d'experts qui entourerait ce médecin, des
professionnels, des proches aidants, des experts, des éthiciens qui pourraient
analyser la question en ce qui concerne ce patient qui fait la demande,
est-ce que ça changerait peut-être votre opinion en ce qui concerne la demande
d'aide médicale à mourir?
M. Debray (Christian) : Moi, je
dis : Ce que vous dites, c'est très bien si c'était possible. Le problème,
c'est que ce n'est pas possible actuellement.
Simplement, ma femme, qui a un petit problème de santé mentale, qui est léger
et pas léger, elle est dépressive chronique, O.K., pour voir un psychiatre,
c'est impossible pour l'instant. Ça fait des années, et je ne ris pas, ça fait
des années qu'on essaie de voir un psychiatre...
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
suis désolée, M. Debray, on va suspendre quelques instants. On a un
problème avec la captation. On va revenir.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 57)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Désolée pour le contretemps. Donc, je
céderais la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour terminer les
échanges avec M. Debray.
Mme Maccarone : Oui. Bien,
M. Debray, vous avez demandé que je répète la question. Alors, on retourne
un peu dans la mise en scène que vous avez faite. On a un patient devant son
médecin puis qui dit : Je ne veux pas. Il prend une décision, c'est clair,
il est apte. Alors, nous, on pense que, peut-être, on devrait respecter son
choix. C'est la liberté de choix, c'est éclairé. Puis, si je vous dis qu'à quelque
part il faut respecter son choix, puis ce n'était pas seulement le médecin qui
va prendre la décision, mais il était entouré par un comité d'experts, un
comité d'experts qui n'était pas... non seulement
un médecin, mais un psychologue, un éthicien, toutes sortes de
spécialistes, les proches aidants, des gens qui vont
pouvoir...
M. Debray
(Christian) : O.K.
Bien...
Mme Maccarone : ...mais attends une
minute, je n'ai pas terminé. Mais...
M. Debray (Christian) : Ça me remet
dans la chose, oui.
Mme Maccarone : ...ça fait que les
gens qui vont pouvoir l'entourer... Et je vous dis que ça ferait partie des
contraintes, des balises. Alors, quand vous dites que ça n'arrivera pas...
Mais, je vous dis, c'est une garantie. Sinon, nous
ne pourrons pas poursuivre avec cette demande. Alors, que dites-vous face à ça,
comme une balise, une contrainte pour protéger les personnes vulnérables
et s'assurer que c'est vraiment une demande que nous pouvons juger d'une personne
apte?
M. Debray (Christian) : C'est une
belle vue de l'esprit. Mais, même si ça se passait, que la réunion existe, ça va être une réunion ponctuelle qui va durer 10 minutes,
30 minutes, une heure, ça n'a pas d'importance, il va y avoir
une réunion. On ne peut pas juger d'une personne sur une seule réunion,
surtout...
Mme Maccarone : Mais vous êtes en
train de dire qu'il y aura juste une réunion. Si je vous dis que ça prend cinq,
si je vous dis qu'il y aura quand même un temps entre la première réunion,
deuxième réunion et après une décision finale, puis la consultation se ferait
sur une base régulière...
M. Debray (Christian) : ...en train
de me dire que vous allez augmenter mes taxes de beaucoup. Quoiqu'il en soit...
mes impôts de beaucoup... Quoi qu'il en soit, oui, moi, je ne serais pas
contre. Le problème, c'est que ça ne peut pas arriver, O.K.? Commencez par
mettre en place ces choses-là, puis, au bout d'un certain temps, si ça marche,
là, on pourra donner la mort aux gens. Mais ça n'arrivera pas, c'est une
impossibilité. Ça a déjà été analysé, ce que vous me demandez. Vous avez juste
à aller voir Not Dead Yet aux États-Unis. Ils ont une étude énorme là-dessus,
qui a duré beaucoup d'années et qui est très bien structurée. Ce n'est... C'est
une impossibilité technique, O.K.? Oui, c'est une belle vue de l'esprit. Je
suis d'accord avec le principe. Le problème, c'est que ça ne fonctionne pas.
Mme Maccarone : Alors, c'est qui qui
devrait établir le critère pour ce qui était déjà écrit, déjà...
• (15 heures) •
M. Debray (Christian) : On ne
devrait pas... On ne devrait pas établir de critère. On devrait laisser les
gens décider de leur propre sort, ça, je suis d'accord, par eux-mêmes, c'est-à-dire
le suicide assisté. C'est quelque chose qui peut être envisagé éventuellement.
Ça, c'est une opinion tout à fait personnelle, hein, c'est mon opinion. Suicide
assisté, O.K., les gens, ils peuvent prendre la pilule puis décider de se tuer.
Comme je vous dis, on ne
peut pas empêcher quelqu'un de se suicider. Comme, moi, là, si je voulais me suicider, vous n'avez aucune façon de m'en
empêcher. Je suis diabétique. Moi, je me donne ma cartouche au complet
d'insuline, il n'y a personne qui va me ramener. Ça ne se peut pas, O.K.? Ça,
c'est de l'autodétermination. On ne peut pas, on ne peut pas.
Mais par contre, quand on parle d'euthanasie...
Ce qui se passe au Québec actuellement, ce n'est que de l'euthanasie, et ça,
c'est effrayant. Parce que les gens disent, pour se sortir de leur
misère : Je veux mourir, je veux mourir — c'est
un appel à l'aide, hein, «je veux mourir» — et on règle leur problème de base, ils ne
veulent plus mourir. Mais le problème avec l'euthanasie, c'est qu'on les
pique, ça règle leur problème mais de façon permanente, et c'est
catastrophique. On tue des personnes qui, souvent, auraient plusieurs années à
vivre, puis quelquefois productives.
Mme Maccarone : Et, s'il y avait un
centre d'excellence, par hasard, comme une balise, où on pourrait étudier la
question, alors, ce serait aussi, encore une autre fois...
M. Debray (Christian) : Faites un
projet pilote. Bravo! On pourrait essayer ça. Un projet pilote, je n'ai rien
contre. C'est des études. Justement, on manque d'études dans ce domaine-là. On
ne consulte pas les gens qui sont eux-mêmes dans la chose. Alors là, oui, vous
me consultez, moi, mais, comment dire, la prochaine... la première fois que
j'ai parlé, il n'y a personne qui m'a écouté, hein? On m'a entendu, mais on ne
m'a pas écouté.
Mme Maccarone : Mais là vous avez
plusieurs élus autour de la table qui sont en train de vous écouter. On a des
échanges avec vous pour mieux comprendre votre position, pour que nous pouvons
faire ce...
M. Debray (Christian) : Et je vous
dis aujourd'hui... C'est que, si vous ne faites pas attention, ça va nous revenir — j'ai bien dit «nous», parce que c'est tous
les Québécois — dans la
figure à une vitesse grand V dans cinq ans, 10 ans, 20 ans, je
ne sais pas, je ne suis pas prophète, mais, oui, ça va nous revenir dans la
figure.
Mme Maccarone : Mais vous savez
qu'il y a beaucoup de consultation en ligne qui est disponible, hein, pour tous
les Québécois, qui pourront vraiment s'exprimer aussi au sujet de cette
question.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions, Mme la députée, pour les échanges
avec M. Debray. Merci infiniment de votre présence cet après-midi. Ça va
nous forcer à pousser encore plus loin notre réflexion que...
M. Debray (Christian) : Comme je
vous dis, s'il y a des besoins de questions, surtout techniques, n'hésitez pas.
On a des dossiers énormes sur tout ce qui est légal, législatif, et compagnie,
O.K.?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Debray.
Donc, nous suspendons les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 15 h 03)
(Reprise à 15 h 05)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Nous reprenons les travaux. Donc, nous accueillons maintenant la Société
québécoise de la déficience intellectuelle et leurs deux représentantes,
Me Anik Larose, directrice générale, et Me Stéphanie Cloutier,
conseillère juridique.
Il y aura...
Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Il y aura
par la suite un échange de 35 minutes avec les
membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Société québécoise de la déficience intellectuelle (SQDI)
Mme Larose
(Anik) : Merci. Je voulais
juste préciser que je ne suis pas avocate, donc je ne suis qu'une madame.
La Présidente (Mme Guillemette) : Très
bien. Désolée, c'est moi qui avais mal lu le document, oui.
Mme Larose
(Anik) : Il n'y a
pas de problème, il n'y a pas de problème. Donc, nous tenons à vous
remercier, donc, vous, membres de la commission, pour cette opportunité
de vous adresser la parole et de vous faire part un peu de nos réflexions.
La Société québécoise de la déficience intellectuelle a été créée il y a
70 ans et représente plus de 90 associations et des
milliers de familles à travers la province.
Donc, je suis
Anik Larose, directrice générale, et je suis accompagnée, donc, de Me Stéphanie
Cloutier, qui est conseillère
juridique. Nous sommes également toutes les deux mères d'enfants qui vivent avec
une déficience intellectuelle.
Tout d'abord, permettez-moi de vous définir très
brièvement ce que c'est, la déficience intellectuelle. Elle se manifeste par
une capacité sensiblement réduite de comprendre une information nouvelle et
complexe et d'apprendre et d'appliquer de nouvelles
compétences. Il s'ensuit une aptitude diminuée à faire face à certaines
situations de manière indépendante. Elle se manifeste avant l'âge de
18 ans et dure toute la vie. Elle ne doit pas être confondue, toutefois, avec le déficit cognitif que l'on
associe plutôt à des maladies dégénératives telles que la maladie d'Alzheimer.
Bien que les causes
de la déficience intellectuelle soient variées, un très grand nombre de
conditions génétiques que l'on peut juger graves et incurables conformément au
critère énoncé à l'article 26 engendrent une déficience intellectuelle. La trisomie 21, le syndrome du X
fragile, le syndrome Prader-Willi en sont quelques exemples.
Avec le retrait du
critère de fin de vie comme condition préalable à l'admissibilité à l'aide
médicale à mourir, cela signifie que les
personnes ayant une déficience intellectuelle découlant d'une condition
génétique mais n'entraînant généralement pas de souffrance physique
pourraient se voir reconnaître le droit à l'aide médicale à mourir si elles
affirment éprouver des souffrances psychologiques intolérables. D'ailleurs,
depuis la légalisation du suicide assisté aux
Pays-Bas, un nombre important de personnes vivant avec une déficience
intellectuelle y ont eu accès en invoquant des souffrances
psychologiques.
Contrairement à ce
que certains pourraient croire, le risque de suicide est plus élevé chez les
personnes ayant une déficience intellectuelle que dans la population en
général.
Mme Cloutier
(Stéphanie) : Les personnes ayant une déficience intellectuelle sont
soumises à des formes d'inégalité au sein de la société, telles que la
pauvreté, l'isolement social, la précarité de logement, la discrimination, la
stigmatisation ainsi que la violence et les mauvais traitements. Leur vulnérabilité
est juridiquement reconnue, tant dans la Charte des droits et libertés de la
personne que dans la Charte canadienne des droits et libertés. Ceci dit, aucun
autre groupe ne serait soutenu dans son désir de mettre fin à ses jours s'il
prétendait endurer des souffrances psychologiques insoutenables en raison, par
exemple, de sa race, de son orientation sexuelle, de sa religion ou de son
identité de genre.
Nous savons que des intervenants
ont fait valoir devant cette commission que la restriction du recours à l'aide
médicale à mourir pour certaines catégories de personnes alors qu'elle est
permise pour d'autres brimerait leur droit à
l'autodétermination et pourrait être considérée comme étant discriminatoire.
Nous soutenons, pour notre part, sans renier
ce principe, que le législateur a malgré tout le devoir de protéger l'ensemble
des personnes ayant une déficience intellectuelle, y compris celles qui
pourraient être jugées aptes à consentir à l'aide médicale à mourir.
Nous allons nous
efforcer, au cours des prochaines minutes, de vous exposer les enjeux uniques
qui touchent cette population et qui
justifient, selon nous, qu'elles aient à satisfaire davantage de critères
d'admissibilité et d'exigences procédurales que les autres.
• (15 h 10) •
Le premier enjeu que
nous souhaitons porter à votre attention est la difficulté à déterminer si la
personne ayant une déficience intellectuelle est réellement apte à présenter
une demande d'aide médicale à mourir.
La Société québécoise
de la déficience intellectuelle a toujours défendu et continue de défendre
fermement le droit à l'autodétermination pour l'ensemble des personnes ayant
une déficience intellectuelle afin qu'elles puissent gouverner leur vie sans
influence indue et à la juste mesure de leurs capacités. Toutefois, dans le
contexte particulier de l'aide médicale à mourir, il est nécessaire de trouver
un juste équilibre entre le droit à l'autodétermination et la protection des
personnes vulnérables contre les abus et les erreurs.
L'aide médicale à
mourir n'est pas un soin de pratique courante et ne peut être considérée comme
tel. Statuer sur l'inaptitude à consentir est une décision médicale qui
enclenche un processus complexe dont la marge d'erreur demeure grande,
puisqu'il n'existe pas d'instrument de mesure standardisé et que les médecins
sont en général peu formés à de telles
évaluations. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'une personne ayant une
déficience intellectuelle pourrait être
jugée apte à formuler une demande d'aide
médicale à mourir, alors qu'elle n'en
comprend pas totalement l'impact. Informer adéquatement les personnes ayant une
déficience intellectuelle au sujet d'une décision médicale demande
davantage de temps et nécessite une bonne compréhension de la déficience
intellectuelle. Les adaptations du langage seront sans aucun doute nécessaires.
Évidemment, ce ne
sont pas toutes les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle qui
ne peuvent consentir seules à des soins.
Toutefois, la déficience intellectuelle a souvent une incidence sur la capacité
de se projeter dans l'avenir, un élément essentiel pour bien comprendre
la portée d'une demande d'aide médicale à mourir.
Pour cette raison,
nous recommandons d'exiger que l'évaluation de la capacité à consentir d'une
personne vivant avec une déficience intellectuelle dans le cadre d'une demande
d'aide médicale à mourir soit validée par un tribunal compétent. Nous
recommandons également de proscrire dans tous les cas le recours à la prise de
décision substitutive pour les personnes
ayant une déficience intellectuelle qui sont jugées inaptes à consentir par
elles-mêmes.
Mme Larose
(Anik) : Également, l'application du critère de la souffrance
psychologique pour les personnes ayant une déficience intellectuelle pose des
défis importants. Dans plusieurs rapports de cas de personnes vivant avec une
déficience intellectuelle qui ont eu recours à l'aide médicale à mourir aux
Pays-Bas, la souffrance psychologique intolérable qui était invoquée englobait,
donc, de l'incapacité à suivre le rythme de la société, du sentiment d'en être exclu, de l'incapacité d'entretenir des relations
personnelles, de la tristesse, de la détresse de ne pas être la personne que
l'on voudrait être, de la difficulté à faire face aux changements.
Puisque la déficience
intellectuelle ne peut être guérie ou atténuée, puisque le patient ne peut
s'accepter et qu'aucune solution n'est
envisageable, des médecins, aux Pays-Bas, en sont venus à la conclusion que l'aide médicale à mourir était une option
appropriée.
Pour cette raison, nous recommandons d'exiger
que les personnes qui ont une déficience intellectuelle ne puissent formuler
une demande d'aide médicale à mourir que si elles sont en fin de vie. Par
ailleurs, l'intensité des souffrances psychologiques
invoquée par la personne ayant une déficience intellectuelle pourrait être
injustement qualifiée d'insupportable par certains professionnels de la santé
qui ont une vision péjorative du handicap.
Hélas! Encore aujourd'hui, la vie des personnes
handicapées continue d'être considérée comme ayant moins de valeur que celle
des autres. Les médecins ne sont pas immunisés contre les jugements de valeur
et les préjugés, ce qui peut avoir un réel impact pour leur jugement clinique
lors de l'évaluation de l'intensité des souffrances.
Pour limiter les risques de biais, nous
recommandons d'exiger qu'un médecin ayant une expertise pertinente en
déficience intellectuelle participe à l'évaluation de la demande.
Un autre enjeu, et celui-là, il est également de
taille, est que les personnes ayant une déficience intellectuelle se heurtent
régulièrement à des obstacles pour avoir accès à des mesures d'aide et de
soutien adéquates et suffisantes telles que des services d'aide à domicile, des
services en réadaptation, des mesures de soutien de revenus, d'aide à l'emploi,
de développement de milieu souhaité et souhaitable, des milieux de vie. Nous
avons un réel malaise que, dans ce contexte
si difficile, et la pandémie a été une vraie illustration... qu'on
leur ouvre grand le robinet à la légalisation de l'aide médicale à
mourir. Il s'agit, selon nous, d'un message très troublant. Je sais qu'il y a
d'autres groupes, là, qui vous en ont parlé également, mais on est exactement
sur la même ligne qu'eux.
Ces difficultés d'accès à des services
pourraient inciter une personne ayant une déficience intellectuelle à demander l'aide
médicale à mourir pour mettre fin à ses souffrances psychologiques, alors que
ce qu'elle souhaite et mérite réellement, ce
sont des services qui répondraient davantage à ses besoins et qui pourraient
réduire ses souffrances.
Pour cette
raison, l'accès à des soins et des services adéquats doit être une condition
préalable à l'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Les
professionnels de la santé devraient avoir à déclarer, de manière détaillée,
tous les services qui ont été offerts au
patient pour soulager ses souffrances ainsi que les mesures prises pour les
rendre disponibles.
Nous recommandons également que toute demande
fasse l'objet d'une déclaration obligatoire et détaillée énonçant l'ensemble des facteurs et des conditions
de vie du patient qui peuvent avoir causé ou aggravé ses souffrances. Le système de surveillance et de déclaration doit
nous permettre de mieux comprendre et même de monitorer les raisons pour
lesquelles les patients choisissent une aide médicale à mourir.
Mme Cloutier (Stéphanie) : Le
dernier élément que nous souhaitons porter à votre attention est le fait que
les personnes présentant une déficience intellectuelle sont davantage
susceptibles que la population générale de céder à des pressions externes.
Elles sont plus facilement influençables et cherchent généralement à plaire.
Elles pourraient aisément prendre la décision de formuler une demande d'aide
médicale à mourir uniquement dans le but de soulager leurs proches, par exemple, si elles se perçoivent comme étant un fardeau, ou
pour se plier à la volonté d'un professionnel de la santé qui exerce des
pressions en ce sens.
Pour cette raison, nous recommandons d'exiger
que les discussions sur l'aide médicale à mourir soient uniquement amorcées par
le patient et jamais par le professionnel de la santé. Nous recommandons également
de prendre le temps de s'entretenir avec la
famille immédiate pour parler de l'évaluation d'une demande d'aide médicale à mourir.
Pour conclure, nous voulions vous rappeler que
la Cour suprême du Canada a soutenu, dans l'arrêt Carter, qu'un régime de
réglementation comportant des garanties adéquatement conçues et appliquées
était nécessaire afin de protéger les personnes vulnérables contre les abus et
les erreurs dans le cadre de l'aide médicale à mourir. Afin de remplir ces
obligations morales et constitutionnelles, nous demandons aux membres de la
commission d'imposer des critères d'admissibilité et des exigences procédurales
additionnelles à l'ensemble des personnes ayant une déficience intellectuelle.
Nous vous remercions de votre écoute.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, nous débuterons nos échanges avec la députée de Joliette.
Mme
Hivon : Oui.
Bonjour à vous deux. Merci beaucoup. Heureuse de vous entendre. Donc, il y a
trois éléments pour moi : d'abord, la question du consentement substitué;
deux, la détermination aptitude, inaptitude; et, trois, les mesures critiques que vous demandez pour les personnes
inaptes dont... bien, qui peuvent être en... qui ont une déficience, là,
et non pas inaptes, bien sûr, dont la question d'être en fin de vie.
Donc, un, pour le consentement substitué, je
comprends, donc, que vous l'excluez en toutes circonstances. C'est bien ça?
Mme Larose (Anik) : C'est bien ça.
Mme
Hivon : Parfait.
C'est très clair. Deux, sur la question de l'évaluation de l'aptitude et de
l'inaptitude, et ensuite de... la question de si une personne est jugée apte, évidemment,
en dépit de sa déficience, ce qui est le cas pour beaucoup de personnes, et on
espère que l'évaluation se fait au cas par cas et dans chacune des situations,
et celle du consentement éclairé, les difficultés que vous soulignez sont bien
réelles. D'autres groupes nous en ont parlé aussi, l'espèce de propension à
vouloir plaire ou à être conforme aux attentes du milieu.
Mais je voulais juste voir avec vous... Dans
l'état actuel des choses, donc dans la loi actuelle telle qu'elle est, la possibilité,
pour une personne qui a une déficience intellectuelle, d'avoir l'aide médicale
à mourir, évidemment, elle est déjà là. Ce n'est comme pas ça qui est au coeur
de notre mandat. C'est déjà possible, mais évidemment, lors de cette étape-là,
on avait dit à quel point on devait être encore plus soucieux de
l'accompagnement pour déterminer adéquatement l'aptitude et le consentement
éclairé.
Si vous nous amenez ça à
nouveau aujourd'hui, est-ce parce que, dans la pratique sur le terrain, vous
avez eu vent de personnes qui ont une
déficience, qui auraient été mal accompagnées ou qui auraient demandé l'aide
médicale à mourir mais sans nécessairement bien répondre aux critères ou
bien comprendre ce qu'il en était?
Et ma sous-question, c'est : Est-ce qu'on
ne doit pas avoir le même regard pour toute forme de consentement aux soins,
dans le sens où une personne qui a une déficience intellectuelle puis qui va
décider... vouloir, peut-être, arrêter ses
traitements de dialyse, par exemple, ou refuser, si elle a un cancer, d'autres
traitements de chimiothérapie... Est-ce qu'on n'est pas toujours dans le
même cadre où il y a une complexité d'évaluer tout ça ou est-ce que, pour vous,
c'est différent pour l'aide médicale à mourir?
Mme Larose (Anik) : Stéphanie...
Mme Cloutier (Stéphanie) : Si tu me
permets, Anik, de réagir, là...
Mme Larose (Anik) : Oui, vas-y.
Mme Cloutier (Stéphanie) : La
distinction importante par rapport aux paramètres actuels de la loi et ce qui
est envisagé, là, dans le cadre de cet examen-ci, bon, vous le savez, c'est que
le... en fait, le retrait du critère de fin de vie fait en sorte... donc, ouvre
tout grand la porte à l'évaluation plus d'une souffrance psychologique. Donc,
c'est ce qu'on a voulu démontrer, c'est de dire, donc... Oui, actuellement, il
peut y avoir une personne ayant une déficience intellectuelle jugée apte à
présenter une demande d'aide médicale à mourir qui y aurait accès, mais parce
qu'elle est en fin de vie. Et donc c'est une condition médicale autre que sa
déficience intellectuelle qui est responsable de cette demande-là d'aide
médicale à mourir. Sous les nouveaux paramètres, où il n'y aurait pas la fin de
vie qui est envisagée, à ce moment-là, le coeur du problème, c'est que la
déficience intellectuelle qui est le handicap peut être la cause de la
souffrance psychologique.
Donc, le parallèle qu'on peut faire, il est le
même, en fait, que pour ceux... ce qui est présentement envisagé pour les
troubles de santé mentale, parce qu'en fait... bien, même, je dirais, il est
encore plus complexe au niveau de la déficience intellectuelle parce que ce
n'est pas quelque chose qui... pour lequel on peut offrir un médicament, une
cure. C'est incurable, donc, c'est un état d'être. Et, si on est face à un
individu qui a une déficience intellectuelle qui dit : Moi, j'éprouve des souffrances psychologiques parce que je ne
m'accepte pas comme je suis, la société me rejette, je veux dire, les
traitements sont limités. C'est son état d'être qui est en cause et non pas
comme... voilà, comme s'il était en fin de vie. Donc, c'est pour ça qu'on a
voulu restreindre par la distinction. Je vais laisser...
• (15 h 20) •
Mme
Hivon :
Je comprends. Je... Oui. Excusez-moi, j'ai relativement peu de temps. C'est
pour ça que je manque un peu d'égards. Mais...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y, Mme la députée, prenez le temps qu'il faut.
Mme
Hivon : Oui. Bon,
merci. Je veux vraiment qu'on aille au coeur de ça. En fait, moi, je ne pense
pas que la déficience intellectuelle se qualifierait en soi, parce que ce n'est
pas une maladie mentale. Donc, je comprends tout à fait votre préoccupation. Mais moi, je veux vous rassurer. La déficience intellectuelle en elle-même
n'est pas une maladie grave et
incurable, comme vous le dites très
bien, puis vous connaissez ça pas mal
mieux que moi, c'est un état. Donc, ça...
Mme Cloutier (Stéphanie) : Bien, pas
si elle découle d'une... C'est ce qu'on disait au début de notre présentation.
Si elle découle d'une condition génétique, ce qui est souvent le cas dans une
déficience intellectuelle, nous, on craint, à ce moment-là, qu'elle soit interprétée... Si on fait le parallèle, par exemple, avec la trisomie 21, qui est interprétée actuellement,
dans le cadre du programme de dépistage prénatal... c'est considéré comme étant
une condition grave et incurable. Donc, si
la déficience intellectuelle découle, par
exemple, d'une trisomie 21, on
pourrait venir dire que cette personne-là est atteinte d'une condition
génétique grave et incurable, et ensuite la déficience intellectuelle
étant le symptôme. Il est là, pour nous, là, la pente glissante. On se demande,
effectivement : Est-ce qu'on va l'interpréter de cette façon-là?
Mme
Hivon : Je le
comprends tout à fait puis je peux dire que — en tout cas, jusqu'à ce jour
dans nos échanges — jamais
ce type de situation là ne devrait être compris, parce que
ce sont davantage des états que des maladies graves et
incurables. Mais je note très, très bien votre préoccupation par rapport à ça,
qui est tout à fait légitime.
Mais ceci m'amène à mon autre question. Donc,
une personne qui a une déficience intellectuelle mais qui est jugée apte à
prendre une décision x pour ses soins de santé, parce qu'elle a une autre
maladie... Je veux dire, vous pouvez avoir, évidemment, une déficience
intellectuelle et un cancer. Bon, là, vous seriez en fin de vie, donc, selon
nos critères, ce ne serait pas problématique.
Mais, par exemple, une maladie dégénérative,
sclérose latérale amyotrophique, autre maladie qui fait que vous n'êtes pas en fin
de vie, mais vous avez des souffrances qui peuvent être autant physiques ou
psychiques, mais prenons-les physiques, là, pour être plus simple, dans ce
cas-ci, ce que vous nous dites, c'est que vous voudriez qu'on fasse deux catégories,
puis là je veux bien comprendre, pour que les personnes qui ont une déficience
intellectuelle ne puissent pas avoir accès à l'aide médicale à mourir pour une
autre maladie si elles remplissent, par ailleurs, tous les critères et qu'elles
sont aptes à consentir. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Larose (Anik) :
Bien, moi, je trouve que ce n'est pas aussi tranché que ça. Ce n'est pas aussi
tranché que ça parce que... Nous, on a
vraiment voulu lever le drapeau par rapport à toute la question, justement, de
souffrance psychologique, et ainsi de suite, et puis tout l'aspect...
C'est sûr qu'une personne qui a une déficience
intellectuelle, et qui a une autre maladie, comme vous dites, là, xyz, et qui
est apte à consentir, on va rester... On a toujours été en faveur de
l'autodétermination, puis Stéphanie l'a mentionné, au niveau de la société, ça,
c'est clair, sauf que nous, on veut, comme, un peu débusquer ce qui se cache un
peu en dessous de ça. Puis ce n'est pas... Personne autour de l'écran, là, ne
veut nécessairement que ce soit ça, mais la crainte qu'on a, c'est que,
justement, on puisse soit associer ça au niveau de la déficience intellectuelle
ou au niveau, plus, de la souffrance psychologique qui vient... associée à ça,
le manque de services qui est assez criant, qui va découler, finalement, une
demande d'aide médicale à mourir. Et c'est là-dessus que... En tout cas, s'il y
a un message qu'on souhaite vous faire passer, c'est vraiment par rapport à ça.
Donc, c'est sûr que la ligne est très difficile
à tracer, puis on en est extrêmement conscients, entre l'autodétermination,
dont on fait la promotion — comme
parents, on en fait beaucoup la promotion, on a entendu le Mouvement Personne
d'abord, ainsi de suite — et,
en même temps, ce facteur-là de protection, pour dire : Attention, une minute, il faudrait s'assurer... Il y a des
balises, peut-être, supplémentaires à mettre, des garde-fous
supplémentaires que la loi avait déjà mis, mais qu'on a peur, au niveau
des interprétations, comme ce que Stéphanie vous disait, Mme Hivon... qui pourraient être... Puis on a
eu des craintes, hein? On a eu le protocole de triage — Mme Maccarone,
vous vous rappelez — on
a eu plein de choses qui font en sorte que des drapeaux sont levés, et on est
inquiets par rapport à ça.
La Présidente (Mme Guillemette) : O.K.
Merci.
Mme
Hivon : Mme la
Présidente, il ne me reste plus de temps, j'imagine, hein?
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Bien, non, mais on va aller aux autres collègues puis, s'il reste du temps
à la fin, on reviendra, Mme la députée.
Mme
Hivon : Parfait.
Au repêchage, peut-être, vous avez une chance. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais la parole à la députée de Soulanges.
Mme Picard : Bonjour, mesdames. Je
vais rebondir un peu sur ce que ma collègue vient de parler. En fait, je me posais la question : Si on réussissait à
créer une équipe multi autour de la décision de la personne, d'avoir des
experts, un neuropsy, un conseiller en éthique, une travailleuse sociale, un
proche aidant, si on réussissait à créer des rencontres avant pour
vraiment bien encadrer la personne qui ferait une demande, qui aurait une
déficience intellectuelle, est-ce que vous changeriez de position ou bien,
selon vous, c'est un non catégorique?
Mme Larose (Anik) : Moi, je vous
dirais que j'aimerais qu'on mette beaucoup d'énergie pour, en amont, mettre des services autour des personnes qui
vivent avec une déficience intellectuelle. Donc, c'est sûr que je comprends
que c'est une... C'est qu'on est rendus à
une situation x et on essaie de trouver une solution par rapport à la situation
x, mais moi, je veux vous amener à
réfléchir, à y aller de manière plus large. On a beaucoup perdu, au niveau des
services, du soutien aux personnes. Je le sais, que ça ne vous plaît
pas, là, que je vous dise ça, là, mais on a beaucoup perdu dans le soutien des
personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle, et il faut regagner
ça.
Et également on est en baisse de services, mais
également il faut être conscients qu'il y a des préjugés qui continuent à
entourer les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle. Et puis
il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, hein? Il y a un travail de
sensibilisation, soit du milieu médical, ainsi de suite. C'est sûr que plus la
personne va être entourée, plus il va y avoir une équipe multi autour, plus
vous allez aller chercher les éléments pas juste médicaux mais des éléments
socioéconomiques, ainsi de suite.
Oui, je trouve ça intéressant. Je pense qu'il
faut essayer de trouver des... Vous êtes là aussi pour essayer de trouver des
choses concrètes, sauf qu'il ne faut pas oublier que pour... On ne règle pas
juste une situation de cas, là, on y va de manière plus large. Comme société,
il faut se soucier, de manière plus large, du soutien que la personne... des
personnes handicapées pour ne pas qu'on les amène à une détresse qui fait en
sorte qu'ils demandent l'aide médicale à mourir. Ultimement, là, c'est ça, la
crainte.
Mme Picard : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.
Je céderais la parole à la députée de Saint-François.
Mme
Hébert : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Mme Cloutier et Mme Larose. On voit
que vous êtes deux mamans qui... ça teinte un peu, sûrement, vos
réflexions et vos interventions. Et, quand on imagine aussi votre situation,
bien, je pense que ça peut nous toucher par rapport aussi à vos
recommandations.
Donc, moi, ce que j'ai trouvé intéressant dans
vos recommandations... C'est sûr que d'exiger que les personnes qui sont en
situation de handicap... Bon, vous parlez qu'il faut que tous les facteurs
sociaux qui peuvent être à l'origine de la souffrance... chercher les moyens de
les atténuer, travailler en amont. Advenant qu'on a tout fait ça, vous avez
fait une autre recommandation qui dit que... Vous recommandez que toute demande
d'aide médicale à mourir devrait faire l'objet d'une
déclaration obligatoire et détaillée du professionnel de la santé énonçant
l'ensemble des facteurs dans... les conditions de vie du patient qui peuvent
avoir causé ou aggravé ses souffrances.
Bon, selon vous, est-ce que vous pensez que
cette procédure-là additionnelle, elle va avoir un effet dissuasif, pour certaines personnes qui vont demander l'aide médicale à mourir, de faire tout le chemin? Puis quels
professionnels qui... pourraient amener à récolter toutes ces
informations-là?
Mme Cloutier (Stéphanie) : Je vais
me permettre de répondre, Anik.
Mme Larose (Anik) : Oui. Vas-y,
Stéphanie.
• (15 h 30) •
Mme Cloutier (Stéphanie) : Alors,
bien, en fait, ce qui était à notre esprit à ce moment-là, c'était, donc, que
ce soit, donc, l'équipe, si c'est une équipe multidisciplinaire, ou les
médecins, là, qui étudient la demande. Donc, ce sont eux, là, qui seraient
chargés de faire cette déclaration.
Cette recommandation-là découlait, en fait, du
fait qu'il y a peu, présentement, de données, de contrôle qui est fait sur les
demandes d'aide médicale à mourir, donc, qu'on ait un portrait plus juste sur
ce qui a amené les individus à demander, et évidemment
pour éventuellement, là, corriger le tir s'il y a
eu lieu. Mais ce qui était envisagé, c'était vraiment que ce soit
l'équipe soignante qui soit... bien, pas l'équipe... l'équipe, en fait, chargée
d'évaluer la demande qui soit chargée de faire ce travail. Est-ce que ça répond
à votre question?
Mme
Hébert : Oui, ça
répond, mais j'aimerais savoir : Est-ce que vous pensez que ça prend un
certain nombre d'offres de services qui doivent être donnés ou, tu sais, qu'il
faut envisager toutes les opportunités avant que la personne puisse faire... Il
y a-tu un nombre de... je ne dirais pas d'étapes, mais de services ou de soins
que la personne doit avoir au moins essayés, ou tentés, ou... pour être en
mesure, après, de dire : Bien oui, éventuellement, elle aurait droit à
l'aide médicale à mourir, qu'elle est apte, d'ailleurs, là?
Mme Larose (Anik) : Bien, moi, je pense que c'est difficile d'arriver avec quelque
chose de très... comment je pourrais dire, dans des cases, là, hein? On est des
humains. Je pense que, si la personne... On a eu des illustrations de cas où
les gens ne veulent pas allez vivre, notamment, dans des CHSLD, quand ils sont
jeunes, ou ça ne répond pas à leur demande, ou à leur souhait de vie. Est-ce
que ça prend xy nombre de fois? Moi, je trouve que ça ne se qualifie pas
nécessairement de cette manière-là. C'est vraiment de soutenir la personne, sa
famille pour s'assurer, justement, qu'il ne se développe pas...
Mais on est en prévention d'incendie, là, hein?
C'est du long terme, hein, c'est... On a tendance, dans le réseau, à y aller en
éteignant des feux. On attend que ça saigne et puis on éteint les feux. Et puis
là, nous, ce qu'on amène, c'est plus dans la...
on est dans la prévention. Et puis ça, ça prend du temps puis ça demande un
investissement. Puis, le résultat, on n'en a pas nécessairement la
certitude, mais, au moins, la personne, elle va être accompagnée et puis elle
ne sera pas laissée à elle-même, puis les familles ne seront pas laissées à
elles-mêmes.
Mme Cloutier (Stéphanie) : Oui. Puis
j'aurais envie d'ajouter... Vous avez sûrement entendu différents témoignages,
mais il y en a eu dans d'autres commissions aussi, de personnes qui... bien,
M. Truchon lui-même, en fait, qui avait mentionné que le fait de... Donc,
il avait demandé. Il aurait eu besoin de davantage de services. Il n'aurait pas
pu avoir accès à ces services-là, ce qui a pu, dans son cas, l'inciter, là, à
présenter sa demande d'aide médicale à mourir. Donc, c'est des choses qui
doivent être documentées.
Donc, autrement dit, la personne aurait
besoin... pour bien vivre, aurait eu besoin, par exemple, de tant d'heures
d'aide à domicile, mais on n'a pas pu rendre ce nombre d'heures disponible. Ça
doit... Ça, assurément, ça doit être
documenté. Puis, pour nous, c'est une problématique, justement, que, parce
qu'on ne puisse pas rendre disponible le nombre d'heures que la personne
aurait besoin... bien, qu'on lui propose comme alternative l'aide médicale à
mourir, là.
Mme
Hébert : Merci
beaucoup, mesdames.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Un plaisir de vous revoir.
Une voix : Bonjour.
Mme Maccarone : Question, d'emblée,
pour moi. Je suis curieuse de savoir, pour la rédaction de votre mémoire ainsi que
votre position, avez-vous consulté des membres, peut-être, de votre association
qui souffrent de la déficience intellectuelle? Est-ce qu'ils ont contribué à
cette réflexion?
Mme Larose (Anik) : On a eu moins de
temps cette fois-ci. On est... Je suis honnête avec vous. On a travaillé, ça
fait plusieurs années qu'on travaille sur cet enjeu-là. On a travaillé
également avec notre association canadienne, Inclusion Canada. Donc, c'est un
travail qui est fait de longue haleine, hein? On a été, justement... On avait présenté un mémoire à la commission Mourir dans la
dignité. On a toujours suivi ce dossier-là, effectivement. Et on a des
rencontres régulières avec le Mouvement Personne d'abord, avec l'Office des
personnes handicapées et la COPHAN, notamment. C'est des partenaires avec qui
on travaille, puis on a échangé ensemble plusieurs éléments, plusieurs points,
là, qui nous apparaissaient importants. Donc, on ne sort pas d'une boîte à
chapeau, là.
Mme
Maccarone : Ah! non, non, non. C'est juste une question de savoir.
Parce qu'on a eu... autres organismes qui
sont venus témoigner ici, en commission, que, évidemment, eux, ils ont consulté
vraiment les personnes concernées, hein, et non seulement les personnes
qu'ils représentent. Alors, c'est intéressant aussi d'avoir ce point de vue.
Je vous ramène à vos
recommandations 7 et 8. Alors, le 7, c'est d'exiger les discussions sur
l'aide médicale à mourir, qu'elles soient uniquement amorcées par le patient et
jamais par le professionnel de la santé, ainsi que la recommandation 8, s'entretenir avec la famille immédiate lors de
l'évaluation d'une demande d'aide médicale à mourir.
Et là je suis une
alliée, hein, je vous dis ça. Juste parce que ça sort de mon esprit, il y a
quelque chose, pour moi, que je ne comprends pas entre les deux. Parce que, il
me semble, il y a une incompatibilité, parce qu'on dit que, dans la
recommandation n° 7, on fait ceci pour protéger les
personnes vulnérables, parce qu'on cherche l'équilibre entre le droit
individuel... mais on veut éviter que ces personnes qui peuvent être en
situation de vulnérabilité soient susceptibles... Elles sont facilement influençables,
alors on veut les protéger dans la recommandation n° 7, mais, dans celui
du n° 8, n'est-ce pas, comme membre de famille, comme proche aidant, on ne
va pas faire la même chose, à l'inverse? Il n'y a pas quelque chose comme une
contradiction entre les deux?
Mme
Larose (Anik) : Stéphanie?
Mme Cloutier
(Stéphanie) : Oui. En fait, cette recommandation, elle a été mise
avec... dans l'esprit, plutôt, justement, qu'en ayant... Bien, il y a
deux volets. Donc, d'une part, en s'entretenant... en prenant le temps de
s'entretenir avec la famille
immédiate, bien, parfois... Justement, quand on a soulevé le point qu'une personne
ayant une déficience intellectuelle pourrait se percevoir, par exemple,
comme étant un fardeau pour un proche puis que, parce qu'elle se perçoit comme
étant un fardeau, elle prend cette décision, donc, en ayant des discussions qui
incluent la famille, ça pourrait faire en sorte, donc, qu'on démystifie, là,
cet aspect-là, qu'on s'assure que cet aspect-là n'est pas là.
Et l'autre aspect,
puis qui est toujours dans un esprit de protection, c'est si, par exemple, un
membre de la famille immédiate... Bon, on part toujours, bien sûr, du principe
que la famille est bienveillante, mais ça peut arriver, malgré tout, là, que,
dans certaines situations, elle le soit moins. Donc, en incluant la famille ou
en prenant, à tout le moins, le temps d'avoir des entretiens avec eux, on
peut voir est-ce qu'il pourrait y avoir eu des éléments, là, quelconques
qui auraient fait en sorte que ça aurait teinté la décision de la personne
ayant une déficience intellectuelle.
Donc, ça a
vraiment... ça a été... Même s'ils peuvent paraître contradictoires, ils ont
été mis tous les deux là dans un esprit de protection de la personne ayant une déficience
intellectuelle.
Mme
Maccarone : Ma lecture de ça, c'était... Je comprends tout à fait,
puis c'est légitime, mais ma lecture de ça, c'était un peu à l'inverse. Si on
parle de respecter l'autonomie de la personne en question puis on juge la
souffrance et non le diagnostic, la famille peut avoir quand même une influence
indue sur la personne en question en disant : Non, non, non. Puis, écoute,
je tombe dans cette catégorie. Vous me connaissez très bien, vous deux.
C'est... À être dans la position où mes
enfants viennent me voir puis ils disent : Regarde, je ne veux pas... je
ne veux plus souffrir, bien, c'est clair, je vais faire mon point : Non,
je t'aime, je veux te... Mais évidemment je vais exiger une influence.
Alors, c'était juste
ça, je veux dire, un peu une avocate du diable, qu'à quelque part, pour moi,
c'est comme : Elle est où, la ligne que nous devons respecter en ce qui
concerne l'autodétermination de la personne concernée, leurs souffrances, ainsi
que les personnes, autour, qui devraient l'aider à prendre une décision qui est
claire, pour une personne qui est apte à comprendre?
Ce qui m'amène à une
autre question pour vous.
Une voix :
...
Mme
Maccarone : Bien, allez-y, mais j'ai une autre question en lien avec
ça.
• (15 h 40) •
Mme Cloutier
(Stéphanie) : Bien, je veux juste clarifier très brièvement, dire que
ça n'a pas... Quand on fait la recommandation de s'entretenir avec la famille
immédiate, ce n'est pas dans l'esprit que la famille immédiate a un pouvoir
décisionnel quelconque, pas du tout. C'est tout simplement pour aller, donc, en
quelque sorte, enquêter, entre guillemets, ou on regarde un peu quels sont les
facteurs contributifs de la demande. Et puis la famille peut en faire partie,
ou quoi que ce soit, mais pas du tout dans l'esprit qu'ils viennent donner leur
point de vue puis, nécessairement, qu'on en tienne compte.
Mme
Larose (Anik) : C'était
vraiment d'avoir une image complète, hein, de ne pas juste... puis de vraiment...
de voir, puis dans l'évaluation, dans le fond, complète, là. C'était plus dans
cette perspective-là, et non pas de dire, bien, que c'est la famille qui va
prendre la décision.
Mme Cloutier
(Stéphanie) : Pas du tout.
Mme Larose (Anik) : Au contraire, on
est totalement à l'autre spectre, là. Oui.
Mme
Maccarone : C'est une belle porte d'entrée pour ma dernière question
pour vous, puis c'est le rôle de mandataire. Puis je vous ai entendues, qu'on
ne devrait avoir aucune substitution en ce qui concerne le choix puis la
décision pour la personne concernée. Mais, le rôle du curateur, on a beaucoup
jasé de ça, on a... Vous avez participé dans le projet de loi... la réforme du
curateur, le projet de loi n° 18. Parce qu'avec la
réforme puis avec le rôle que nous occupons,
si nous sommes mandataires de la personne responsable... Mais la responsabilité
a quand même évolué lors de l'adoption du projet de loi.
Comment voyez-vous le
rôle, d'abord, de ces personnes qui doivent accompagner les personnes qui
souffrent peut-être d'une déficience intellectuelle, mais aussi de respecter
leur... la charte, leur droit individuel de faire un choix? Est-ce qu'il y a
aussi une ligne que nous devons respecter à l'intérieur de ceci? Parce qu'il y
a quand même un accompagnement qui est nécessaire, souvent, pour les personnes
qui souffrent d'une déficience intellectuelle, qui ne sont pas nécessairement
totalement indépendantes. On a besoin d'avoir un accompagnement, mais peut-être
pas pour tout. Alors, c'est modulé maintenant. Alors, comment voyez-vous le
rôle de proche aidant ou de mandataire en ce qui concerne, peut-être, la loi
puis un accompagnement en ce qui concerne l'aide médicale à mourir?
Mme Larose
(Anik) : Bien, moi, à mon sens, c'est un peu ce qu'on avait dit, on a
dit dans notre mémoire, c'est qu'en aucun temps... La personne qui est
mandataire, elle soutient la personne, sauf que, pour cet acte-là, qui est quand même l'acte final, il n'y a pas de
revenez-y, hein? Et, pour moi, en tout cas, il ne doit pas être substitué,
parce que ça ouvre une porte vraiment grande et une pente extrêmement
glissante qui... À notre avis, on ne devrait pas se rendre là.
Mme Cloutier
(Stéphanie) : J'apporterais la précision, parce que je ne sais pas si
votre question allait aussi dans ce sens,
mais, bon, évidemment, on peut avoir une personne qui est, effectivement, jugée
inapte à prendre certaines décisions, qui a un mandataire, mais qui
pourrait par ailleurs être jugée apte à formuler une demande d'aide médicale à mourir
selon l'évaluation qu'en aura faite le médecin. Donc, c'est toujours
au cas par cas, peu importe si la personne a un régime de protection qui
lui est imputable.
Donc, bien sûr que,
si la personne... Donc, on maintient notre ligne que, si elle n'est pas jugée
apte, à ce moment-là, on... que ce... qu'il ne doit pas y avoir de demande d'aide
médicale à mourir qui soit faite de manière substitutive. Mais, si elle est
jugée apte, bien, le rôle du mandataire, à mon sens, devrait être le plus
effacé possible, parce qu'à ce moment-là c'est de dire : On a reconnu que
cette personne-là comprend complètement l'étendue de ce qu'elle fait. Il y aura un médecin, et, dans ce cas-ci, nous, notre
recommandation, c'est qu'il y ait quelqu'un, à tout le moins, dans l'équipe, qui ait des connaissances sur la
déficience intellectuelle qui se prononce. Puis là... Puis, si, effectivement,
oui, on juge qu'elle est apte, bien, le rôle
du mandataire devrait être, à ce moment-là, au même titre qu'une autre personne,
donc, le plus effacé possible parce qu'il ne doit pas exercer de pression, de...
ou d'influence.
Mme
Maccarone : Vous avez aussi mentionné, lors de votre témoignage, que
l'évaluation de l'aptitude, en ce qui
concerne l'aide médicale à mourir, devrait se faire valider par le tribunal. Si, mettons,
ce n'était pas l'angle qui serait abordé ou ça ne fait pas partie des
recommandations de la commission ici, avez-vous autres recommandations ou
autres balises que vous... égales ou proches à ceci pour rejoindre ce que vous
aimerez faire, puis c'est de protéger les personnes vulnérables?
Mme Cloutier
(Stéphanie) : Bien, je dirais, ce qui avait été, je crois, aussi
mentionné dans votre document de consultation, à ce moment-là, si ce n'est pas
un tribunal, ça pourrait être toujours un comité indépendant... ou une
structure indépendante qui est chargée de revoir le dossier dans son ensemble
puis d'y porter un regard.
Bien sûr, je pense
quand même que c'est intéressant d'avoir une équipe multidisciplinaire, comme
qu'il a été mentionné, mais en gardant toujours
à l'esprit que la déficience... (panne de son) ...particulière. Donc, j'ai vu,
entre autres, aux Pays-Bas, où tout ça... il y a certains médecins qui
ont des formations, qui peuvent être, en tout cas, sollicités pour une expertise. Donc, ça pourrait toujours
être intéressant de regarder : Est-ce qu'il y a des personnes qui puissent
assumer ce rôle quand on est face à un cas d'un patient qui a une déficience
intellectuelle, puis que ces personnes-là puissent
siéger sur ces comités? Parce que, bien que ce soit intéressant, par exemple, d'avoir quelqu'un avec un... Bon, vous avez mentionné conseiller en
éthique, et tout ça. Bien sûr, on... c'est très intéressant, mais ça ne veut
pas nécessairement dire que cette personne-là a des connaissances sur les
particularités de la déficience intellectuelle puis sur ce qu'elle... Donc,
s'assurer, à ce moment-là, qu'il y ait
vraiment quelqu'un qui siège puis qui soit là pour démystifier tout
ça, là, si c'est nécessaire.
Mme
Maccarone : Cette recommandation est très intéressante. Je pense que
vous êtes la première personne à évoquer que nous devons consulter aussi les
personnes concernées, en ce qui concerne la déficience intellectuelle, pour
faire partie du comité. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vois que mon
temps est écoulé.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
Mme la députée. Je céderais maintenant
la parole au député de Rosemont.
M. Marissal :
Moi, Mme la Présidente... La députée de Joliette avait déjà fait les trois
quarts de la piste. Si elle veut continuer, plutôt que je prenne le relais puis
que je reparte à zéro, je lui donne mon temps avec plaisir. Et n'y voyez pas un
désintérêt de ma part, mesdames, c'est que la députée de Joliette était bien
partie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme
Hivon :
Que d'égards et de générosité! Merci beaucoup, M. le député de Rosemont.
Donc, bien, écoutez, il y a beaucoup de choses
qui ont été couvertes. Je veux juste revenir, là, avec ma question finale pour
poursuivre où on en était, sur la question de la distinction entre la personne
qui a une déficience mais qui aurait une
maladie autre versus la personne qui demanderait l'aide médicale à mourir à
cause de sa déficience.
Donc, je comprends que vous, vous vivez bien
avec la situation actuelle, toutes choses pouvant toujours s'améliorer, à savoir qu'en ce moment c'était une demande liée à une maladie grave et incurable autre, et évidemment la personne devait être en fin
de vie. Mais ça, pour vous, c'est correct, c'est acceptable que, si elle est
jugée apte et capable de donner un consentement libre et éclairé, elle puisse
obtenir l'aide médicale à mourir pour une maladie physique autre.
Votre inquiétude, c'est qu'en fait on associe un
peu la question de la déficience intellectuelle à une maladie ou à un trouble
mental et qui pourrait, en soi, donner ouverture. Et là vous nous dites que,
pour vous, et là c'est ça que je veux clarifier, c'est une fin de non-recevoir
en toutes circonstances.
Mme Larose (Anik) : Oui, surtout...
Mme
Hivon : Vous avez
dit tantôt : S'il y avait la fin de vie. Mais, pour être en fin de vie, ce
n'est pas la déficience en soi qui va nous amener à être en fin de vie. Ça va
être une maladie autre. C'est bien ça?
Mme Larose (Anik) : Oui, tout à
fait. Et puis il y avait toute la notion de souffrance psychologique qui était préoccupante, parce que le handicap peut très bien
emmener cet état-là, surtout dans les conditions qu'on a expliquées un
peu plus tôt, hein? C'est cet élément-là qui nous apparaît important.
Mme
Cloutier (Stéphanie) : Oui.
Mais je me permets juste d'apporter une nuance en disant qu'effectivement... Est-ce qu'on vit bien avec
ça, avec les paramètres actuels de la loi? Oui et non, dans le sens que, de
notre point de vue, il faudrait qu'il y ait davantage, malgré tout, de balises,
entre autres, par rapport à cette difficulté-là qu'on a dite, de déterminer est-ce
que la personne a... est-ce qu'on a bien déterminé son aptitude à formuler une
demande d'aide médicale à mourir. C'est... Je veux dire, c'est un enjeu, même
actuellement, là, de savoir : Est-ce qu'on a bien fait l'évaluation?
Est-ce que le... Donc, je pense que les autres recommandations qu'on fait
entourant... pour sécuriser un peu cette démarche-là sont toujours d'actualité.
Puis, si je peux me permettre aussi de vous
citer en exemple, aux Pays-Bas, on l'a mentionné... Non, je ne crois pas.
Désolée, je ne l'ai pas inséré dans notre mémoire. Mais c'était l'exemple,
donc, d'une femme qui avait une déficience intellectuelle, et la raison pour
laquelle elle a formulé une demande d'aide médicale à mourir, c'est parce
qu'elle avait développé un acouphène et que, pour elle... Puis le médecin a
conclu, en fait, dans son rapport, que c'était la déficience intellectuelle qui
avait biaisé un peu sa perception. Donc, pour elle, quand elle a su que son
acouphène allait... allait... bien, qu'il était incurable puis que ça allait...
toute sa vie, elle allait vivre avec ça, mais, pour elle, c'étaient des
souffrances intolérables et... Mais évidemment ça a été biaisé par... comme
quand on disait, des fois, que la déficience intellectuelle peut biaiser de la
projection dans l'avenir, et tout ça. Et, dans ce cas-ci, bien, on lui a consenti, là, de recevoir l'aide médicale
à mourir. Mais pourtant, bien, c'est ça, c'était... la condition médicale
qui a été invoquée, c'était quelque chose
qui était... bien, qui pourrait, en tout cas, être, somme toute, qualifié de
bénin, là, pour la majorité d'entre nous, mais la déficience
intellectuelle était venue biaiser son jugement.
• (15 h 50) •
Donc, c'est pour ça que je vous dis... C'est une...
On navigue en eaux troubles, malgré tout, puis la ligne n'est pas aussi
tranchée, de dire que, ah! oui, si on est... même si on n'est pas en fin de
vie, mais qu'on a une condition autre, on
est tout à fait en accord. Je pense qu'il faut faire attention puis il faut
quand même considérer que, justement, la déficience intellectuelle peut...
Puis tout est dans la façon dont on va évaluer,
justement. Est-ce que la personne est bel et bien apte à comprendre que ce qu'elle s'apprête à faire est
définitif, mais qu'elle le prend pour une... dans ce cas-ci, pour une condition
médicale qui est plus bénigne, puis tout ça?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions. Merci,
Mme Larose et Me Cloutier, de votre présence avec nous aujourd'hui.
Ça a été très formateur et très enrichissant.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
suspend ses travaux jusqu'à demain, jeudi le 12 août, à 9 h 30,
où nous poursuivrons notre mandat. Merci, tout le monde, et bonne fin
d'après-midi.
(Fin de la séance à 15 h 51)