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Commission spéciale des relations industrielles
sur le camionnage
Séance du 22 mai 1969
(dix heures vingt-cinq minutes)
M. ROY (président de la commission spéciale des relations
industrielles sur le camionnage): A l'ordre, messieurs! Alors la commission
spéciale des relations industrielles sur le camionnage, à la
suite d'une entente entre les ministériels et l'Opposition, avait
convenu de recevoir les gens représentant l'industrie des pâtes et
papiers de même que les gens vivant de la forêt,
particulièrement dans le domaine du bois de sciage.
La commission des relations industrielles formée en 1968, tentant
de découvrir le problème qui était créé aux
camionneurs-artisans, avait entendu la majorité de ceux qui emploient
lesdits camionneurs. A la suite d'études sérieuses, nous avons
constaté qu'un employeur important avait été absent de la
table de discussions.
Ce matin, nous recevons les forestiers, qui nous donneront leur point de
vue sur la possibilité d'une tarification et d'une réglementation
plus sévère dans l'utilisation des camions,
particulièrement les camionneurs-artisans. Messieurs, voulez-vous vous
présenter en commençant par M. Côté? Nous nous
réservons le droit, à la suite de la lecture du mémoire
qu'ils ont à nous présenter, de poser toutes les questions
pouvant éclairer les membres de la commission.
Alors, M. Côté, s'il vous plaît.
M. COTE: Je me présente, Anatole Côté,
président de l'Association des industries forestières du
Québec.
M. THEBERGE: Sévère Théberge, administrateur de
l'association et président de Lagueux à Frères Inc.
M. GREAVES: K. Greaves, gérant des exploitations
forestières à 1'Anglo Canadian.
M. MONTGOMERY: R.H. Montgomery, de la Compagnie Internationale de Papier
du Canada.
M. HUNT: B.H. Hunt, surintendant des exploitations forestières de
la compagnie Price.
M. LE PRESIDENT: Alors les membres de la commission, en
commençant par ma droite,
M. Roch Gardner, député d'Arthabaska, M. Alfred
Croisetière, député d'Iberville. A ma gauche, membres de
la commission, M. Georges Tremblay, député de Bourassa et un
observateur, M. Harry Blank, député de
Montréal-Saint-Louis. Je vous présente le secrétaire
permanent de la commission, M. Léopold Jasmin, du ministère du
Travail et votre serviteur, Pierre Roy, député de Joliette.
Alors M. Côté, voulez-vous procéder à la
lecture?
M. COTE: M. le Président, messieurs les membres de la commission,
l'Association des industries forestières du Québec
apprécie le privilège de pouvoir communiquer à la
commission spéciale des relations industrielles sur le camionnage les
vues de l'industrie forestière concernant le transport du bois par
camion.
Je m'excuse si je n'ai pas très bien rendu le nom de votre
comité, je crois que cela a varié un peu. Est-ce bien...
M. LE PRESIDENT: Oui, maintenant tous les anciens comités
procèdent sous le vocable de commissions et elles deviennent
permanentes. Les commissions sont rattachées, en général,
à un ministère créé à l'intérieur du
gouvernement. Vous avez la commission de la voirie, par exemple. La commission
ici présente a déjà existé en rapport avec les
relations industrielles. C'est pourquoi nous l'avons nommée «
commission spéciale des relations industrielles sur le camionnage.
»
M. COTE: Merci bien, M. le Président. Alors, je continue.
L'association représente les plus importants employeurs
forestiers de la province et les exploitations forestières qu'ils
dirigent à la grandeur du Québec pour alimenter leurs usines sont
une source majeure d'activité économique.
Le coût du bois livré aux usines représente
l'élément le plus important des frais qui entrent dans la
fabrication du produit fini. Pour une tonne de papier-journal, par exemple, le
coût du bois compte pour environ 40% des frais de production, et, dans le
coût de ce bois, près du quart consiste en frais de transport.
C'est là une des raisons pour lesquelles le coût du bols est
très élevé au Québec, probablement le plus
élevé en Amérique du Nord.
La province de Québec comprend un territoire très vaste
qui est en même temps un atout et un désavantage. De grandes
étendues impliquent nécessairement de grandes distances à
parcourir, soit pour rendre la matière première
à pied d'oeuvre ou pour expédier les produits finis vers
les marchés. II est donc essentiel pour le Québec d'avoir un
système de voirie et des normes de pesanteur qui favorisent la
rentabilité du transport routier.
Les principales sources de bois brut qui alimentent les usines du
Québec sont les forêts publiques et les forêts
privées. Nous traiterons en premier lieu des forêts publiques.
Les bois en provenance des forêts publiques sont en
général trop éloignés des usines pour que leur
transport intégral par camion soit rentable. Ces bois sont donc
transportés par camion jusqu'au cours d'eau économiquement
flottable le plus rapproché et sont acheminés aux usines par
flottage sur de grandes distances.
Les forêts du Québec sont très considérables,
mais leur rendement à l'acre est relativement peu élevé,
obligeant nos exploitants à répartir leurs travaux sur des
superficies assez étendues afin d'y récolter la matière
ligneuse nécessaire à l'approvisionnement de leurs usines.
Le coût des chemins d'accès et de vidange construits en
forêt doit être en fonction du volume de bois que ces chemins
serviront à extraire. S'il y a peu de bois à transporter dans un
secteur, les chemins seront nécessairement rudimentaires à cet
endroit. Par contre, des chemins qui desservent de grandes superficies et de
fortes quantités de bois se comparent très bien avec les chemins
publics de même catégorie. Ces conditions spéciales
affectant la construction des chemins et le transport du bois sont sans doute
à la source de certaines plaintes des camionneurs à l'effet que
les compagnies forestières n'offrent que les pires trous aux
camionneurs-artisans, car il n'existe pas de discrimination systématique
à l'égard des camionneurs-artisans en forêt.
Le camionnage des bois en forêt se fait à l'aide de camions
appartenant aux compagnies, à des entrepreneurs et à des
camionneurs-artisans. Dans le but de déterminer l'importance relative de
chaque catégorie de camionneurs engagés dans le transport du bois
en forêt, nous avons institué chez nos membres une étude
partielle, mais assez étendue pour donner des résultats concrets.
Cette étude couvre du camionnage effectué à
différents endroits pour un total de 31,000,000 de « cunits
» mille, à un coût global de $9,619,000. Ce transport fut
réalisé à l'aide de 956 camions, dont 99 appartenaient
à des compagnies, 268 à des entrepreneurs et 589 à des
camionneurs-artisans. Donc, 96% du transport effectué consistait en
chargements de bois à pâte et 4% en grume de sciage. Ce transport
se situait sur les routes publiques dans une proportion de 11%, et le reste,
soit 89%, sur les chemins forestiers construits par les compagnies.
Le revenu journalier moyen fut de $114.10 par jour pour les
entrepreneurs et de $120.90 pour les camionneurs-artisans.
Notre étude portait aussi sur certains travaux
rémunérés à l'heure dont l'importance est toutefois
beaucoup moindre. Nous y retrouvons 63 camions engagés dans le transport
des produits forestiers sur une base horaire. Ceux-ci ont travaillé
9,970 jours au taux moyen de $90.15 par jour. D'autres camions transportant du
gravier, sur la même base, travaillèrent une moyenne de 78 jours
chacun au taux de $75.50 par jour.
La plupart des camionneurs-artisans travaillant en forêt font
partie de l'unité de négociation à titre de chauffeurs, et
comme l'industrie que nous représentons est organisée à
plus de 95% sur le plan syndical, c'est donc dire que la plupart des
camionneurs-artisans à l'emploi de l'industrie forestière sont
syndiqués. Leur statut de salariés leur permet d'avoir
accès à l'assurance-chômage et autres
bénéfices qui ne sont pas accessibles à un
entrepreneur.
Notre étude portait aussi sur l'évolution dans le
camionnage en forêt depuis cinq ans et sur les développements
probables au cours des cinq prochaines années dans ce domaine.
L'augmentation du coût de la main-d'oeuvre et les distances accrues
à parcourir ont obligé l'industrie forestière à
utiliser de plus en plus ses propres camions. Les véhicules mis en
service sont mieux adaptés à ce genre de travail et permettent le
transport de charges plus considérables à des taux plus
économiques. Un exemple d'adaptation est le transport du bois en
longueur d'arbres qui se prête bien à un système
d'exploitation mécanisé. Le transport se fait aussi par
équipes, parfois sur une base de 24 heures, afin de permettre une
utilisation optimale de l'équipement et une réduction dans les
immobilisations requises.
Presque tout le bois est transporté par camion à un stade
quelconque de l'exploitation depuis quelques années. Des compagnies qui,
il y a cinq ans, transportaient de 5% à 10% seulement du bois produit
sur leurs concessions, avec leurs propres camions, en transportent maintenant
près de 50%, et certaines d'entre elles prévoient bientôt
atteindre 80% sous ce rapport. Dans un cas particulier, on nous signale que le
transport confié à des camionneurs-artisans coûte presque
le double du transport exécuté par la compagnie au même
endroit avec ses propres camions.
Forets privées. Le secteur des pâtes et papiers de
l'industrie forestière au Québec a toujours obtenu de 25%
à 30% de ses approvisionnements en bois de terrains privés. Ces
bols sont maintenant dans une grande mesure mis en marché par
l'entremise des offices ou syndicats de producteurs et sont assujettis au
contrôle de la Régie des marchés agricoles. Les offices
exigent que les prix négociés avec les industriels soient des
prix au niveau de la livraison aux usines. Comme des intermédiaires sont
généralement essentiels à ce commerce, des prix aux
chemins des producteurs doivent aussi être négociés par les
intermédiaires. La différence entre ces deux prix donne les taux
de transport y compris le chargement.
Les bois en provenance des terrains privés sont
transportés sur les routes publiques sur des distances moyennes variant
de 18 à 82 milles selon les régions. 15% sont transportés
en été, 14% en hiver, et 71% à l'année longue.
Il est bon de signaler ici que la Loi des marchés agricoles a
permis, par législation, d'augmenter le prix du bois des producteurs
à un niveau excédant parfois cinq dollars la corde celui
payé pour le même bois par nos concurrents
d'outre-frontière.
La Régie des marchés agricoles, en accordant que des
augmentations réduites dans ses arbitrages récents, a
implicitement reconnu que le prix du bois des producteurs avait atteint un
sommet.
Les camionneurs sont donc situés entre les producteurs de bois
d'une part, qui désirent un prix toujours plus élevé pour
ce bois livré aux chemins, et les compagnies d'autre part, qui paient
déjà trop pour ce même bois livré aux usines.
Conclusion. Les pesanteurs permises sont d'une importance capitale pour
assurer la rentabilité du transport des produits forestiers. Ceux-ci
sont destinés éventuellement âl'expor-tation dans une
grande proportion et il est dangereux pour des exportateurs de faire payer par
les clients les augmentations constantes dans les frais de production. Ces
clients sont facilement enclins à devenir eux-mêmes producteurs de
papier concurrents ou encore à accorder leur clientèle à
d'autres dans le même but.
D'autre part, l'industrie ne peut plus continuer à absorber les
frais accrus, et malgré les efforts qu'elle fait pour augmenter ses
ventes et rationaliser sa production, ses profits ne sont guère
attrayants pour les investisseurs.
Tout genre de camionnage est un service qui doit demeurer
économiquement accessible à celui qui en fait usage ou il sera
supplanté. La fixation de taux, les clauses de protection, l'extension
juridique de conventions collectives, la multiplication de régies sont
des mesures qui aideront seulement l'élément le moins dynamique
et qui maintiendront une concurrence artificielle pour les plus progressifs
parmi les camionneurs.
A tout événement, ce genre d'entraves serait fatal
à l'industrie forestière qui doit constamment s'adapter aux
conditions nouvelles si elle veut survivre et maintenir son apport à
l'économie de la province.
Nous remercions les membres de la commission de leur attention et nous
espérons que ces quelques remarques pourront leur être utiles dans
leurs délibérations.
Respectueusement soumis, l'Association des industries forestières
du Québec.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M.Côté. Est-ce qu'il y a
des questions de la part des membres de la commission?
M. GARDNER: Vous dites, M. Côté, que les compagnies paient,
actuellement, trop pour le bois livré à leurs usines. Est-ce que
vous avez des chiffres démontrant cela, autres que ceux que vous avez
apportés tout à l'heure dans votre exposé?
M. COTE: Oui, monsieur, nous en avons. Je ne les ai pas avec moi ce
matin mais, de mémoire, je peux vous citer que dans le Maine, par
exemple, on paie de $21 à $25 la corde pour le bois livré aux
usines. C'est de l'épinette et du sapin qui sont camionnés sur
des distances variant, je crois, de 10 à 40 milles.
C'est beaucoup moins que ce que nous payons ici. Je crois que le
meilleur marché que nous payons pour de l'épinette et du sapin
mais c'est surtout du sapin et cela donne un rendement inférieur
en pâte c'est $26.80 ou autour de ce prix-là.
M. GARDNER: Est-ce que les distances, dans le Maine, peuvent être
comparables aux distances que les camionneurs ont à faire, ici au
Québec?
M. COTE: Oui. Mais ces distances n'affectent pas le prix.
M. GARDNER: II doit y avoir un taux minimum?
M. COTE: Oui. Mais comme je vous dis, j'ai
essayé de le démontrer, les camionneurs se trouvent pris,
un peu, entre deux positions: D'un côté, vous avez les compagnies
qui paient trop cher, qui paient plus que leurs concurrentes, qui paient plus
que leurs clients, même, qui sont surtout des Américains ayant
leurs propres usines, mais qui ne produisent pas suffisamment pour pourvoir
à leur consommation domestique, alors ils achètent chez nous.
Eux, dans leur production domestique, paient moins que ce que nous payons pour
le bois des terrains privés.
Les camionneurs sont donc situés entre deux positions: D'un
côté, comme je le disais, vous avez la compagnie qui paie trop
cher pour son bois, vous avez le cultivateur ou le producteur de bois qui, lui,
veut avoir un prix qui va toujours en augmentant. C'est la différence
entre ces deux prix qui consiste en taux de transport ou en frais de
transport.
Naturellement, vous aurez de la difficulté, si les camionneurs ne
sont pas satisfaits, à un certain moment, du taux qu'ils
reçoivent pour le transport, à faire reculer les producteurs de
bois.
Les usines transformatrices sont prises avec des prix qui sont
fixés, non pas par elles bien souvent, mais sur les marchés
internationaux. Alors, le prix du bois ne peut dépasser une certaine
proportion de leurs frais de production.
M. COITEUX: M. Côté, à la page 6, en haut de la
page...
M. LE PRESIDENT: M. Coiteux, si vous n'avez pas d'objection, on aurait
des questions à poser avant cela.
M. COITEUX: Excusez-moi.
M. LE PRESIDENT: M. Côté, au troisième paragraphe de
votre mémoire, vous mentionnez que le coût du bois livré
à l'usine représente l'élément le plus important
des frais qui entrent dans la fabrication du produit fini. Et là vous
mentionnez que le coût du bois compte pour environ 40% des frais de
production. Et dans ces 40%, vous incluez le transport. Quel est le pourcentage
du coût du transport? Y aurait-il moyen de savoir cela?
M. COTE: Le quart de ces 40% est affecté au transport, pas
nécessairement du camionnage, il y a toutes sortes de moyens de
transport.
M. LE PRESIDENT: Justement, vous mentionnez les frais de manutention, de
manipulation, mais le coût du transport routier, quel est-il?
M. COTE: Ah! cela, je ne peux pas vous le dire. Je n'ai pas ce chiffre.
Mais, c'est surtout du transport routier, parce que tout le bois aujourd'hui,
avec les systèmes d'exploitation en vigueur, est transporté
à l'usine par camion, à un moment ou un autre.
M. LE PRESIDENT: Mais, dans l'étude de vos coûts, vous
n'avez pas spécifiquement la partie représentant le
camionnage?
M. COTE: Je ne pourrais pas vous donner un chiffre qui pourrait
être considéré comme une proportion du camionnage
exclusivement.
M. GARDNER: Est-ce que le coût des chemins d'accès est
compris dans ces 10%? C'est-à-dire le quart des 40%?
M. COTE: Si vous me le permettez, je demanderai à des gens qui
sont plus experts que moi dans cette question.
C'est un peu fonction des systèmes de comptabilité des
compagnies. Pour certaines, les chemins de construction pourraient entrer
ailleurs; pour d'autres, cela pourrait être inclus dans les frais de
transport. Je ne pourrais pas vous donner une réponse exacte
là-dessus.
M. GARDNER: C'est assez relatif alors de dire le quart des 40%.
M. COTE: Je pourrais vous donner quelque chose qui serait plus
précis peut-être en me basant sur une étude qui a
été exécutée par une maison de placements de
Toronto qui, dans l'Est du Québec, a déterminé que pour un
coût de $40 de bois à la tonne de papier produit, il y a $9 qui
sont affectés aux frais de transport.
M. COITEUX: Mais dans les frais de transport vous incluez,
j'espère, pour la moyenne, ce que ça coûte pour le
flottage, pour le camion. En définitive, lorsque vous parlez du quart de
40%, il faut que ce soit une moyenne. Ce n'est pas uniquement le transport par
camion.
M. COTE: C'est une moyenne et ça peut inclure le flottage...
M. COITEUX: II peut y avoir le flottage du bois, il peut y avoir ou non
- tout cela dépend des compagnies le transport, de la souche au
point de flottage, qui est inclus dans le prix du contrat? Alors l'entrepreneur
doit livrer son bois de la souche à la rivière, si c'est pour le
flottage, ou aux endroits où d'autres camions pourront le prendre. A ce
moment-là, ça n'entre pas directement dans le coût du
transport
parce que c'est compris dans le contrat. II doit livrer son bois
à telle place. C'est cette question-là que je voudrais vous
poser: Qu'est-ce qu'on considère comme transport? Est-ce que le flottage
du bois est considéré à partir des écarts de la
rivière ou de l'endroit d'empilement? En général,
d'ordinaire aujourd'hui, il transporte soit par camion ou soit par J5 ou par
différentes autres méthodes modernes...
M. COTE: Le chiffre que je vous ai cité, si vous me le permettez,
c'est un chiffre compréhensif, qui a été
étudié en tenant compte de tous les facteurs qui peuvent
être inclus dans le transport, et il comprend toute forme de
transport.
M. COITEUX: Prenez l'île d'Anticosti, par exemple, où
aujourd'hui on a des débusqueurs. C'est la machine qui prend l'arbre
entier et qui le transporte au point de sectionnement et où on le
débite en quatre pieds. Est-ce que cette partie-là qui est
déjà incluse dans le prix de revient de l'entrepreneur, est
incluse dans vos chiffres?
M. COTE: On me signale ici, M. Coiteux, que ce dont vous parlez est
considéré comme du débusquage et ce n'est pas inclus dans
le transport.
M. COITEUX: D'accord, c'est ce que je voulais savoir.
M. PINARD: Pour la majorité des camionneurs qui sont ici, ce
matin, je pense qu'il est assez difficile pour nous de faire un inventaire des
coûts pour ce qui regarde l'ensemble de la production d'une corde de bois
de papier, à partir de la coupe à la souche, comme le disait M.
Coiteux, jusqu'au point de livraison à l'usine. Comme, pour la plupart,
ils sont des camionneurs-artisans, je pense que ce qui les intéresse,
comme nous ce matin de façon spécifique, c'est de savoir le prix
qui peut être raisonnable, moins raisonnable ou pas raisonnable du tout,
par rapport au transport d'un point donné, à l'endroit par
exemple où le bois est empilé pour le conduire au moulin. Je
connais des camionneurs de Montmagny qui transportent pour des exploitants
forestiers qui, eux, probablement travaillent pour des compagnies ou se sont
engagés à fournir à des compagnies papetières tant
de mille tonnes de bois dans une année. Je pense que la corde de bois de
papier à l'heure actuelle, varie entre $21 et $26 je ne sais pas
si mes chiffres sont exacts il y a eu une fluctuation depuis un an.
Vous pourrez me corriger là-dessus. Il s'agirait de savoir
combien, dans cette somme de $21 à $26, est payé en frais de
transport exclusivement, à partir de l'endroit où le bois est
empilé, mis dans le camion pour fin de transport ou fin de livraison
à la fabrique de papier.
Alors cela peut donner quoi, $3 ou $4 la corde?
M. COTE: Cela peut varier considérablement, M. Pinard. Comme je
vous dis, c'est en fonction du prix qui est payé à l'usine et de
celui qui a été négocié pour être payé
aux producteurs sur le chemin le plus proche de son boisé. Alors ces
prix tiennent compte de la distance du chemin du producteur au point de
livraison final qui est l'usine. Alors, il peut y avoir un assez bon
écart et cela peut aller jusqu'à $8 la corde, pour des livraisons
de plus de 100 milles de distance.
M. PINARD: Oui. Est-ce que vous avez des exemplaires de contrats qui
seraient intervenus entre des compagnies papetières et des entrepreneurs
forestiers qui, eux, fournissent le transport? Ils font le transport pour la
compagnie papetière avec leur propre flotte de camions.
M. COTE: Je crois que cela existe. Je vais demander, si vous voulez
bien, à M. Théberge qui est au courant de ces choses.
M. THEBERGE: Est-ce que M. Pinard a demandé un contrat entre
l'usine et un commerçant de bois? C'est ça?
M. PINARD: Oui.
M. THEBERGE: Alors vous aimeriez avoir une copie de ces
contrats-là?
M. PINARD: En somme je voulais savoir le niveau des prix, disons le
niveau minimal et le niveau maximal. Il faudra quand même y aller de ce
côté-là, pour savoir si, réellement, les
camionneurs-artisans ont raison ou non de se plaindre, compte tenu de toutes
les explications contenues dans votre mémoire.
M. THEBERGE: Vous parlez d'un cas spécifique. Parce qu'il y a
autant de prix qu'il y a d'usines. Par exemple, parlons de 1'Anglo. Il s'agit
maintenant de savoir à quel prix 1'Anglo a négocié l'an
dernier avec l'Office des producteurs de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.
Parce que le comté de Montmagny, que vous men-
tionnez, fait partie de la région de l'Office des producteurs de
Sainte-Anne-de-la-Pocatiêre. Alors le prix négocié à
l'usine, au niveau du marchand local est de $26.85. Si le marchand local offre
$26.85, il faut maintenant savoir quel prix il va lui-même payer. Parce
que le prix qu'il doit payer est un prix négocié entre
lui-même et l'Office des producteurs, mais un prix pour la longueur du
chemin. Alors là, il faut venir à un point spécifique...
M. Pinard, je me corrige parce que le prix négocié à
1'Anglo n'est pas $26.85 mais $27.45.
M. PINARD: $27.45. Alors, c'est le meilleur prix pour la meilleure
qualité?
M. THEBERGE: Non, c'est-à-dire qu'ildoit y avoir seulement une
qualité de bois...
M. PINARD: Une qualité.
M. THEBERGE: ... qui est une bonne qualité. Ou il est bon ou il
n'est pas bon. Il y a des années où les offices ont essayé
d'établir des prix pour les qualités. Cela n'a pas tenu, parce
que cela n'est pas faisable. Alors, il n'y a qu'un prix. J'ai dit $27.45.
Prenez, par exemple, Berthier, qui est à 40 milles de Québec; le
prix que l'acheteur local est obligé de payer est $19.70. Alors, la
différence entre $19.70 et $27.45 est le montant dans lequel il
doittrouver et son bénéfice et le coût de son
transport.
M. PINARD: Cela est dans le cas où l'entrepreneur forestier qui
travaille à contrat pour 1'Anglo Pulp paierait lui-même son
transport ou le concède-t-il en sous-contrat, lui?
M. THEBERGE. Il ne faudrait pas mêler les choses. Dans notre
optique, il n'y a pas ce que vous appelez entrepreneur; on va utiliser «
entrepreneur » lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui va aller travailler
à Forestville, par exemple, qui va s'engager à couper tant de
cordes de bois sur les terrains de l'Anglo Pulp.
M. PINARD: C'est qu'ils appellent le « jobber ».
M. THEBERGE: Le « jobber ». Tandis que l'autre, c'est un
marchand de bois. Si vous vous intéressez aux problèmes du
camionneur-artisan, dans la région de Montmagny, celui-ci transige avec
un acheteur local dans ce cas-là ou il est lui-même acheteur
local. Alors, il transporte une marchandise qu'il achète et qu'il revend
à un prix. Il l'achète à $19.40 et il la revend à
$27.45. La différence entre les deux, c'est ce que son camionnage lui
rapporte, plus une certaine marge de bénéfice.
M. PINARD: Avez-vous un exemple pour la région de
Trois-Rivières, disons La Tuque?
M. THEBERGE: La Tuque, il n'y a pas de transport, c'est-à-dire
qu'il y a du transport, mais cela est dans les régions du nord. Je n'ai
rien sur cette région-là, parce que nous n'y allons pas
nous-mêmes.
M. COITEUX: En page 2, M. Côté...
M. LE PRESIDENT: Avant cela, je m'excuse.
M. COITEUX: Pourriez-vous me donner la liste de ceux qui ont des
questions à poser pour que nous n'intervenions pas?...
M. LE PRESIDENT: Disons que M. Tremblay veut poser des questions
et...
M. COITEUX: Cela fait deux fois que vous...
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Au bas de la page, M. Côté,
vous mentionnez. Il est donc essentiel pour le Québec d'avoir un
système de voirie et de normes de pesanteur qui favorisent la
rentabilité du transport routier. Ces normes, voudriez-vous que nous les
appliquions à l'image et à la ressemblance de la loi du Maine, du
Nouveau-Brunswick ou de l'Ontario?
M. COTE: A l'image de n'importe quelle loi qui permet le transport le
plus économique. Il y a des endroits comme le Maine et l'Ontario qui
donnent certains avantages. Par exemple, l'Ontario donne certains avantages
l'hiver en accordant 15% de plus, je crois. Le Maine donne des avantages
spéciaux aux produits forestiers. Si le Québec peut faire la
même chose, nous sommes d'avis qu'il doit faire la même chose. Cela
pourrait promouvoir l'Industrie forestière dans la province. C'est
important pour une province comme la nôtre qui a encore 150,000 milles
carrés de forêt qui ne sont pas développés.
M.. LE PRESIDENT: Alors, vous voulez la législation la plus
généreuse possible, un peu plus que les autres.
M. COTE: Oui.
M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous définir, pour la commission, ce
que vous entendez par « cunit »?
M. COTE: Un « cunit » c'est 100 pieds cubes solides de bois.
Par opposition à la corde, par exemple, qui comprend 128 pieds cubes, ce
sont des pieds cubes apparents.
Il y a un contenu solide, là-dedans, qui est ordinairement
reconnu comme étant 85, mais il l'est rarement. Le « cunit
», lui, c'est une unité solide. Ce sont 100 pieds cubes solides de
bois.
M. PINARD: Est-ce que cela est une moyenne?
M. COTE: Cela est mesuré de façon précise.
UNE VOIX: Aussi précise que le mesurage que vous donnez.
M. COITEUX: C'est un volume solide. De quelle table se sert-on au pied
cube solide, maintenant. Est-ce que l'on se sert encore de la table Roy?
M. COTE : Non, je ne crois pas. La table Roy...
M. COITEUX: La table pour le pied cube solide; vous mesurez une corde de
bois à 7 pouces, ça donne tant de bois.
M. COTE : Non, la table Roy qui est utilisée maintenant, à
ma connaissance, c'est celle qui sert au bois de sciage.
M. COITEUX: Au pied cube, quelle table avez-vous présentement?
Cela fait déjà quelques années que je suis
éloigné de ces activités.
M. COTE: Ah! franchement, je ne le sais pas. Le mesurage se fait en
fonction des spécifications du ministère des Terres et
Forêts qui a déterminé quel est le volume d'unités
solides en fonction d'un cylindre, etc. Je ne connais pas ces
détails.
M. PINARD: Autrefois, beaucoup de procès ont été
faits, parce qu'il y avait trois tables. Il y avait la table Roy, la table
Scribner et une autre; on ne savait jamais laquelle était officielle.
Une était officielle au niveau du ministère des Terres et
Forêts, mais au niveau de l'entrepreneur forestier ou des compagnies
forestières, celles-ci avaient le choix de déterminer dans leur
contrat la table en vertu de laquelle elles mesuraient. Bien souvent, l'autre
partie contractante ne prenait pas garde de vérifier quelle serait la
table qui serait en vigueur. Là, il s'élevait des contestations
qui ont quand même fait des procès retentissants. Cela pouvait
donner une marge de différence, en plus ou en moins, allant
jusqu'à 40% à la fin d'un contrat. Maintenant, M. le
Président,...
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. PINARD: ... pour que tous les membres de la commission soient mieux
informés, soient mieux en mesure de discuter ce matin avec les
représentants de l'industrie forestière, est-ce que nous ne
pourrions pas permettre à un représentant des
camionneurs-artisans de poser des questions aux représentants de
l'industrie forestière, de façon qu'eux, qui ont quand même
une expérience pratique dans le domaine, et qui ont formulé des
plaintes dans leur propre mémoire, soient en mesure de suivre la
discussion que nous avons en ce moment et de nous diriger dans nos travaux de
recherches? Je pense que ce serait normal que, M. Cournoyer, par exemple, qui
représente les camionneurs-artisans, qui est engagé davantage
dans le transport en forêt, soit celui qui pose des questions aux
représentants de l'industrie forestière et nous, nous suivrons
plus facilement la discussion. Nous serons plus en mesure de faire des
recommandations.
M. PLAMONDON: M. le Président, je suis bien d'accord avec le
député de Drummond. Maintenant, je pense qu'il faudrait
établir au départ qu'on n'entend pas faire un
contre-interrogatoire ou un débat. Il faudrait que ce soient des
questions bien objectives.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que les membres de la commission
repassent les principales questions qu'ils ont à poser sur l'ensemble du
mémoire, quitte à revenir par la suite, aux questions qui
pourraient être posées. Je ne sais pas si cela vous convient.
M. LE PRESIDENT: II était bien entendu, lorsqu'on a invité
les gens de l'industrie forestière, que ce n'était pas ici un
procès d'intention, ni un contre-interrogatoire, ni autre chose que
d'avoir le point de vue de l'industrie. Ensuite, la commission fera des
recommandations à l'Assemblée nationale. L'Assemblée
nationale décidera de la législation à apporter.
Disons que je n'ai aucune objection à ce que les
représentants des camionneurs-artisans posent des questions. Mais, je
pense que nous devrions d'abord procéder par la consultation, par
l'information des membres de la commission. Je pense qu'ils ont accès
à la salle. Ils peuvent suivre le débat. Ils poseront des
questions à la fin, si nous avons le temps.
Pour le moment, nous allons procéder avec les gens de la
commission. C'était l'entente, d'ailleurs, dont nous avions convenu,
l'honorable député de Drummond et moi, quand on avait
mentionné l'utilité de voir les gens de l'industrie
forestière.
M. PINARD: L'industrie forestière nous présente une
situation d'ensemble et l'Association des camionneurs-artisans, pour tout ce
qui concerne le camionnage en forêt, nous présente une situation
d'ordre pratique. Et je m'aperçois qu'il nous est difficile de faire le
rapport entre ce que contient le mémoire de l'industrie
forestière et les revendications et les plaintes qui nous sont faites
par l'Association des camionneurs-artisans. Alors, je suis bien prêt
à lire le mémoire présenté par l'industrie
forestière, mais il faudrait retourner quand même à
l'étude du mémoire de l'Association des camionneurs-artisans et
essayer de faire le rapport entre les deux situations qui nous sont
présentées. Et cela me paraît assez difficile. Si on
n'entend pas devant la commission au moins un représentant parmi les
camionneurs-artisans qui font du transport en forêt.
M. PLAMONDON: Je suis d'accord. Nous allons procéder à la
page 12.
M. LE PRESIDENT: Nous allons procéder parce que nous disons tous
que nous sommes d'accord. M. le député d'Arthabaska.
M. GARDNER: J'aurais une question à la page 3. Est-ce qu'il y en
a d'autres qui ont des questions à la page 2?
M. LE PRESIDENT: Le député de Duplessis voulait poser une
question.
M. PLAMONDON: Et moi aussi, M. le Président.
M. COITE UX: Prenons la page 2 et une partie de la page 3. « Ces
conditions spéciales au bas de la page 2 affectant la
construction des chemins de transport du bois sont sans doute à la
source de certaines plaintes des camionneurs, à l'effet que les
compagnies forestières n'offrent que les pires trous aux
camionneurs-artisans c'est une plainte que ces gens-là ont
formulée car il n'existe pas de discrimination
systématique à l'égard des camionneurs-artisans en
forêt. » Je suis d'accord que l'industrie forestière fasse
cette déclaration-là.
Tout de même, si vous tournez à l'autre page, vous voyez
dans les 31 millions de « cu- nits »/mille qui ont
été transportés, que 268 camions appartenaient à
des entrepreneurs, 99 appartenaient à des compagnies et 589
appartenaient à des camionneurs-artisans. N'est-ce pas la politique
ou du moins cela l'a été certainement ces dernières
années des industries forestières, qui a peut-être
amené la remarque que les camionneurs-artisans avaient les pires trous?
Parce que, au départ, lorsque les compagnies ont commencé
à faire leur propre camionnage et j'en sais quelque chose, parce
que j'ai été 20 ans pour une compagnie est-ce qu'on ne
garde pas pour la compagnie les meilleurs endroits? Ainsi on pouvait dire aux
camionneurs: Bien, nous, nous le faisons pour tant. De cette façon, on
pouvait défavoriser les camionneurs qui n'avaient peut-être pas
les pires trous, mais les endroits les moins avantageux.
Et aujourd'hui, avec la modernisation, c'est entendu qu'il y a moins de
place pour le camionneur-artisan. C'est du débusquage et c'est du gros
camionnage comme on a à Anticosti; comme on peut avoir à
Forestville. Alors, cela devient plus rentable. Mais je pense que quand on dit
que cela nous coûte tant comparativement aux autres, c'est relativement
facile, parce que nous pouvons faire dire aux chiffres n'importe quoi. On
discute d'un contrat forestier, par exemple je vois M. Côté
sourire, il est parfaitement au courant quand une compagnie donne un
contrat, c'est entendu que les chiffres sont vrais, mais ils sont toujours
présentés dans des conditons excellentes.
Alors peut-être que, si les 589 camionneurs-artisans avaient eu
les 268 camions des entrepreneurs et les 99 camions qui appartenaient aux
compagnies, leurs revendications ne seraient pas aussi grandes aujourd'hui.
Parce que les 99 camions des compagnies, je suis certain qu'ils n'ont pas
été placés dans les pires trous. Ils ont eu les meilleurs
emplois, et la compagnie s'est servie de ces chiffres-là.
Je le sais, écoutez, il y a des endroits où il n'y a pas
de comparaison. J'ai été gérant du bois pour une compagnie
comme Gulf Pulp, et nous avons abandonné les camions de la compagnie
pour les donner à des artisans. Pourquoi? Ce n'était certainement
pas pour le plaisir de donner cela aux artisans. C'est parce que nos chiffres
à la fin de l'année, prouvaient que c'était
peut-être un peu meilleur marché dans ces conditions. Mais, au fur
et à mesure que les conditions de chemin se sont
améliorées, alors on reprenait graduellement. Il faut tout de
même être honnête dans cette affaire.
On ne peut pas prendre les chiffres et dire aux camions-artisans: Vous
demandez trop parce que nous avons 99 camions de la compagnie
qui ont été utilisés dans des conditions
idéales et cela a coûté tant. Je pense qu'une étude
pourrait être faite. On parle des pires trous. Je ne dis pas les pires
trous, je dis les places les plus difficiles.
A ce moment-là, la compagnie a jugé que c'était
peut-être trop dispendieux. Alors, on a essayé de convaincre le
camionneur-artisan qui veut gagner sa vie en lui disant: Nous avons
passé par là, pourquoi n'êtes-vous pas capables? Ils ne
sont pas capables, c'est bien évident. Parce que la compagnie utilise le
meilleur chemin, aux meilleurs endroits. Aujourd'hui, cela a tendance à
se corriger avec l'exploitation qui change. Parce que, de moins en moins, il y
aura de la place pour le camionneur-artisan, à mon sens, dans
l'exploitation de la forêt. C'est prouvé, d'ailleurs, à
Anticosti actuellement, où le débusquage se fait et où on
a d'énormes camions à trois ou quatre... qui transportent
jusqu'à 60 cordes de bois.
Tout de même, c'est un angle que je voudrais faire ressortir parce
qu'il ne faudrait quand même pas mettre tout le blâme sur les
camionneurs-artisans qui ont des des revendications et baser ses chiffres
uniquement sur le fait que le camion de la compagnie fonctionne à
meilleure marché. C'est clair qu'il fonctionne à meilleur
marché, mais il ne le fait pas dans les mêmes conditions.
M. COTE: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais
répondre à M. Coiteux. Si vous remarquez, dans le mémoire,
nous disons bien que les artisans gagnaient plus que les entrepreneurs. Alors,
il ne fallait pas que les conditions soient si défavorables que cela
pour eux.
M. COITEUX: Ecoutez, quand vous dites que les artisans ont gagné
plus que les camionneurs, c'est clair. Si vous prenez un individu qui travaille
pour lui-même et un individu qui travaille pour une compagnie, cela se
reflète dans tous les domaines de l'industrie ou au gouvernement par
exemple; pourquoi demandons-nous des contrats, nous, pour la construction des
chemins? Dis l'instant où vous procédez en régie, eh bien,
le gars dit: On travaille pour le gouvernement, n'est-ce pas? Cela ne presse
pas. Quand un gars travaille pour une compagnie, eh bien: On travaille pour la
compagnie. Pourquoi les compagnies, aujourd'hui, ont-elles été
très réticentes pour un temps à prendre les camps de
compagnies? Parce que c'était le contraire qui se produisait. Lorsqu'on
arrivait à un « cost » d'exploitation, le « jobber
», eh bien, cela coûtait toujours à peu près $2 la
corde.
Je ne suis pas prêt à admettre c'est
là-dessus que je veux terminer mon argument que cela coûte
le double. Si vous êtes honnêtes, je ne suis pas prêt
à admettre cela.
M. GRENIER. Il faudrait ajouter aux paroles de M. Coiteux,
également, que le camionneur-artisan travaille beaucoup plus fort et
plus longtemps, en nombre d'heures par jour, que le camionneur d'en
entrepreneur.
Alors, si nous prenons les chiffres de $120 pour les
camionneurs-artisans et $114 pour les entrepreneurs, je crois que nous pouvons
contester ces chiffres parce que le camionneur-artisan, lui, peut avoir
travaillé 15 heures par jours alors que celui de la compagnie en aura
travaillé 8 ou 10.
Alors le montant gagné est difficilement comparable dans les
circonstances.
M. COTE: J'aimerais tout de même revenir à ce que M.
Coiteux a dit parce qu'aujourd'hui, de la façon dont le transport se
fait, il n'y a pas grande chance qu'il y ait de la discrimination sur cela et
les pires trous ne vont certainement pas à une catégorie de
camionneurs quelconque. Parce que le chargement se fait par des machines. Et
ces machines, il n'y en a pas à la douzaine.
Alors, nécessairement, le chargement est concentré
à certains endroits. S'il y a trois chargeuses en marche, il y a trois
places à aller pour les camions. Alors, qu'ils soient entrepreneurs,
qu'ils soient artisans ou camionneurs de la compagnie, ils vont à ces
trois endroits. Si c'est un trou, ils sont tous dans le trou. Il n'y a pas de
discrimination pour personne.
M. COITEUX: Je suis parfaitement d'accord avec vous, M.
Côté, à une condition, c'est que tous les camionneurs y
aillent. Mais ce qui se produit, c'est qu'il y a une association de camionneurs
qui travaillent dans une compagnie ou des corps je pourrais citer des
cas d'espèce, je ne veux pas faire de discrimination envers qui que ce
soit où on a offert à l'association des camionneurs, un
tel endroit. A ce moment-là, le camion de la compagnie n'y allait pas.
Le camion de l'entrepreneur n'y allait pas. C'était le camion de
l'artisan qui y allait. L'association des camionneurs avait passé un
contrat et le seul endroit qui était disponible, n'était pas le
plus facile pour charger. Alors, c'étaient seulement eux, les
camionneurs-artisans, qui allaient là, à un prix « E
» qui était basé sur le même prix que les camions qui
allaient dans un autre endroit qui ne présentait
pas tout à fait les mêmes conditions.
Si l'industrie forestière peut nous prouver ce matin que quand on
donne un contrat aux camionneurs-artisans pour prendre du bois
précisément à telle place, que les camions de la compagnie
et que les camions de l'entrepreneur vont coûter deux fois moins cher que
les camions des artisans, comme le prétend le rapport, à ce
moment-là je vais être d'accord avec vous.
M. COTE: Le rapport ne prétend que tout le camionnage...
M. COITEUX: C'est ce que vous dites clairement: Le camionneur-artisan
coûte deux fois plus cher.
M. COTE : Un cas particulier, pour signaler pourquoi il y a une tendance
à l'acquisition d'équipement par les compagnies
elles-mêmes. Mais c'est un cas particulier que Je vous soumets. Je l'ai
bien mentionné, ce n'est pas général. Car il y a longtemps
qu'ils auraient éliminé les camionneurs-artisans.
M. TREMBLAY (Bourassa): Vous avez des camionneurs à $120,
d'autres à $90. Combien d'heures et quelle sorte de camions ont les
camionneurs pour faire $120 par jour?
M. COTE: Je demanderai à M. Greaves ou à M. Hunt de
répondre à cette question.
M. HUNT: Parlant pour le district du Saguenay et Lac-Saint-Jean, dans
l'enquête que nous avons faite dans le Saguenay et le Lac-Saint-Jean, la
moyenne était de 9.2 heures par jour pour les deux. Cela variait entre
13 et 8.0.
M. TREMBLAY (Bourassa): Quelle sorte de camion possèdent vos
camionneurs? Est-ce que ce sont des 35,000 livres, des 40,000 livres.
M. HUNT: Des camions de dix roues.
M. TREMBLAY (Bourassa): Remarquez qu'il y a des camions de dix roues qui
peuvent transporter 35 tonnes, d'autres 25 tonnes.
M. HUNT; C'est-à-dire 5.2 cordes par voyage.
M. TREMBLAY (Bourassa): Ah, bon! Quand ils transportent du gravier pour
les compagnies, est-ce que c'est payé à l'heure, à la
verge ou à la tonne?
M. HUNT: Je parle encore pour le Saguenay et le Lac-Saint-Jean, 9.3
heures par jour.
M. GARDNER: Quand nous entendons parler que des camionneurs-artisans
vont dans des exploitations forestières et travaillent 12, 13, 14 ou 15
heures par jour, de l'aube jusqu'à la fin de la journée, alors
que les camionneurs des compagnies travaillent de 8 à 10 heures, c'est
faux.
M. HUNT: Dans le cas que M. Côté vient de mentionner, ils
sont fournis par les chargeuses, tous les camions suivent la même route,
transportent au même endroit, sont chargés par la même
chargeuse.
M. PLAMONDON: Mais, n'arrive-t-il pas que ces camions, pour pouvoir
garder leur tour, leur préférence, doivent arriver très
tôt le matin, peut-être une demi-heure avant le début du
chargement pour pouvoir maintenir leur rang préférentiel?
M. HUNT: Ils maintiennent leur rang, sensiblement le même tous les
jours...
M. PLAMONDON: A ce moment, le transport commencera plus tard, mais ils
doivent arriver beaucoup plus tôt.
M. HUNT: Les heures ne sont pas toujours de 7 à 5. Elles
varient.
M. PLAMONDON: Quand vous considérez cette moyenne de 9.2 heures
ou de 9.3 heures, est-ce que vous considérez cette période de
temps ou le moment où l'individu sort du camp pour monter dans son
camion et attendre dans son camion le chargement, etc.?
M. HUNT: Ordinairement, dans notre district le temps pour aller est
compté mais pas pour venir. Juste la moitié...
M. PLAMONDON: Est-ce que vous avez fini, M. Tremblay?
M. TREMBLAY (Bourassa): Oui, c'est tout ce que Je voulais savoir.
M. PLAMONDON: J'aurais une question à poser à M.
Côté. Evidemment, vous représentez l'Association des
industries forestières du Québec. Est-ce que vous pourriez nous
fournir des chiffres quant au transport fait par vos membres, à savoir
quelle est la proportion du transport qui est faite par les
camionneurs-artisans,
par des entrepreneurs et par les camions appartenant à vos
membres?
M. COTE: Malheureusement, je n'ai pas de chiffres là-dessus.
J'aimerais signaler en même temps que l'étude que nous avons faite
pour les fins de nous présenter ici ce matin n'est certainement pas
complète, en ce sens qu'elle ne couvre qu'une partie du camionnage. Il
s'agissait d'avoir des renseignements rapides; nous les avons obtenus. Je
dirais que c'est une approximation, parce que c'est impossible, d'après
les chiffres que j'ai, de le dire avec précision. Cela représente
à peu près 25% du transport des compagnies, cette étude
dont on fait mention dans le mémoire.
M. PLAMONDON: Si vous n'avez pas de chiffres a nous donner, est-ce qu'il
vous est possible de me donner un chiffre approximatif, par exemple en ce qui
concerne le transport qui est confié à des camionneurs-artisans
sur l'ensemble des activités de vos membres? Je ne voudrais vous faire
engager sur une chose dont vous n'êtes pas sûr; mais un chiffre
approximatif. Est-ce 50%, 80% ou 20%? Pour nous situer un peu.
M. COTE: Il y a une évolution sous ce rapport, comme je vous l'ai
mentionné dans le rapport. Certaines compagnies qui ne faisaient, il y a
cinq ans, que 5% à 10%, sont rendues à 50%. D'autres
prévoient aller jusqu'à 80%. Qu'est-ce que cela peut
représenter globalement pour toutes les compagnies? Je ne serais pas en
mesure de vous le dire. Peut-être que M. Greaves pourrait nous en donner
une idée.
M. GREAVES: Je peux dire que, dans notre cas, dans nos
concessions...
M. PLAMONDON: Vos concessions sont où, monsieur, et quelle est
votre compagnie?
M. GREAVES: C'est Anglo-Canadian.
M. PLAMONDON: Anglo, très bien, merci.
M. GREAVES. Il y a 85% de nos camionneurs qui sont de petits
entrepreneurs ou des gars 3. temps plein. Je vois que dans l'avenir ça
va changer. D'ici cinq ans, avec les changements des opérations, de
mécanisation des exploitations forestières, nous allons voir
à organiser 80% du transport par des camions de la compagnie, d'Ici cinq
ans.
M. PLAMONDON: La tendance est à l'effet que la compagnie va faire
davantage pour son transport.
M. GREAVES: Ce n'est pas notre avantage de changer la construction des
chemins et l'équipement spécialisé pour les nouvelles
méthodes d'utilisation de la forêt.
M. PLAMONDON: Disons que je comprends que la tendance
générale est vers le transport par la compagnie elle-même
plutôt que par des entrepreneurs ou de petits artisans, est-ce que je
comprends bien?
M. GREAVES: C'est ça.
M. PLAMONDON: Est-ce que les camions de la compagnie sont en
général des camions avec une plus forte puissance de transport?
Je veux dire: Est-ce qu'ils peuvent transporter de plus grosses
quantités de bois, en général, que le
camionneur-artisan?
M. HUNT: Je parle encore pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean, pour notre
district. Lorsque vous parlez de tendances, les tendances d'il y a cinq ans,
35% du bois était transporté par les camionneurs-artisans pour
les compagnies forestières. A l'heure actuelle, c'est 5%.
M. PLAMONDON: Qui est transporté?
M. HUNT: Pour l'année 1968-1969. En ce qui concerne la
capacité du camion, dans notre district, c'est la même chose quand
on offre un voyage à un camionneur-artisan, il faut qu'il ait la
même capacité de camion que ceux des entrepreneurs et de la
compagnie. Il transporte avec les mêmes chemins, aux mêmes
conditions. Alors ils sont sur un pied d'égalité.
M. PLAMONDON: Les mêmes conditions et c'est le même type de
camion?
M. HUNT: C'est ça. Si ce sont des arbres en longueur, ce sont des
remorques. Si ce sont des billots de quatre pieds, ordinairement, c'est avec
palette et plate-forme amovible. Si ce sont des 16 pieds, ce sont des camions
tandem à dix roues. C'est la même chose pour les trois cas.
M. COITEUX: Dans la majeure partie des cas, indépendamment du
territoire, c'est peut-être vrai au Lac-Saint-Jean pour certaines choses,
par contre, d'autres compagnies, comme la Quebec North Shore, Consolidated,
Anti-costi et plusieurs autres compagnies qui investissent
énormément plus d'argent dans la
construction des chemins, se dotent d'équipement beaucoup plus
dispendieux que l'artisan en général ne peut le faire, avec le
résultat, que pour Anticosti si vous allez visiter les chantiers
là-bas il est très difficile pour un artisan de se risquer
à acheter un équipement qui lui coûterait environ $40,000
à$50,000. C'est pour cette raison que la compagnie, profitant de sa
dépréciation, peut se permettre à cause de la
quantité de bois qu'on charroie certainement de réduire
les coûts à un prix tel qu'aucun camionneur-artisan ne peut faire
concurrence. Je suis bien d'accord avec ceci, que décidément nous
nous acheminons vers le camion de la compagnie à cause de
l'investissement nécessité pour le transport et qu'exige
aujourd'hui le modernisme.
La fabrication de la pulpe, en forêt n'est plus aujourd'hui ce
qu'elle était. Elle a tendance à s'améliorer davantage et
qui sait si, dans cinq ans, nous n'aurons pas les déchique-teuses dans
la forêt et que le bois ne sera pas transporté dans des dalots ou
des «pipelines ». D'ailleurs cela a été
étudié pour la compagnie qui veut s'installer
éventuellement âNatashquan, pour transporter, sur une longueur
d'un mille, le bois en copeaux dans des tuyaux.
L'avancement est si rapide dans les techniques forestières que le
camionneur-artisan pourra difficilement aujourd'hui survivre
financièrement. Sauf les quelques exceptions mentionnées, lorsque
les territoires ne permettent pas l'amélioration des chemins. Mais
dès que les quantités sont suffisantes pour justifier un chemin
de plus haute qualité, à ce moment-là, je ne pense pas que
le camionneur-artisan puisse financièrement, sauf quelques exceptions,
se procurer l'équipement pour arriver à un prix compétitif
avec la compagnie.
M. PLAMOHDON: Très bien, mais dans le cas présent, vous
mentionnez que l'équipement est à peu près le même,
est identique. Les chemins sur lesquels on charroie sont les mêmes.
J'aimerais que vous disiez à la commission quelles sont les raisons qui
font que le transport par camion d'artisan est plus élevé quels
transport effectué autrement?
M. HUNT: Vous parlez des gains?
M. PLAMONDON: Oui. Pourquoi cela vous coûte-t-il plus cher, le
transport par camion d'artisan? Est-ce que c'est exclusivement et uniquement le
taux qui est chargé ou si le rendement est différent?
M. HUNT: Je vous répondrai encore poor no- tre région. Je
dirais que la différence de prix est attribuable au fait que les camions
sont en meilleur état. Les camionneurs-artisans sont très
minutieux pour leur camion et, quand ils charroient pendant une saison, les
camions son-; en bon état et il y a moins de réparations, ils
perdent moins de temps que les camions des entrepreneurs et de la
compagnie.
M. PLAMONDON: Oui, mais j'ai cru comprendre que c'était le
contraire. J'ai cru comprendre que cela coûtait plus cher de faire
transporter par les artisans...
M. HUNT: Je croyais que vous faisiez allusion aux gains des
camionneurs.
M. COITEUX: Je crois que nous pouvons difficilement essayer de faire une
comparaison. Parce que le prix qu'on donne à l'artisan est basé
sur un prix théorique qui est bien difficile à prouver. Il se
base sur les prix de la compagnie. Avec les taux de la compagnie, il y a tout
le jeu des dépréciations, il y a tout le jeu d'entretien. Il faut
qu'elle tienne ses hommes à l'ouvrage pour la réparation. Quand
elle fixe un prix, elle nous dit: Cela nous coûte tant l'heure et nous
donnons tant aux camionneurs-artisans. Ce sont des chiffres que je ne pourrais
pas accepter, à moins d'avoir accès aux livres de la
compagnie.
M. PLAMONDON: Cela veut dire que vous ne pouvez pas accepter le
résultat de l'enquête non plus?
M. COITEUX: Non, parce que c'est impossible de faire une comparaison si
la compagnie effectue le transport. Elle dit: Bien nous, cela nous coûte
tant; alors les camionneurs-artisans, nous vous donnerons tant. Après
ça, ils comparons et disent: Nous gagnons plus que vous. Mais il y a
tellement de facteurs, je le sais. La compagnie peut épargner de
l'argent en employant son homme quinze jours de plus ou de façon
permanente et lui faire faire autre chose. Alors cela s'applique alors, mais on
n'en tient pas compte dans les prix qu'on donne aux camionneurs-artisans, On ne
peut pas faire une comparaison et dire que cela coûte tant à la
compagnie. Mais quels facteurs a-t-on oubliés? On dit au
camionneur-artisan: Nous, cela nous coûte $4.25 la corde, alors tu vas
faire le transport pour $4.25 la corde. Mais, dans la somme de $4.25 la corde
pour la compagnie, ce ne sont pas les mêmes responsabilités at ce
ne sont pas les mêmes chiffres; le camionneur-artisan est obligé
de calculer son prix horaire poor faire de l'argent.
M. PLAMONDON: Je veux bien accepter votre argumentation. C'est
très valable, ce que vous dites là, mais je me pose quand
même une question. En admettant que la compagnie utiliserait des chiffres
qui ne seraient peut-être pas tout à fait conformes au coût
réel d'exploitation et que l'on se baserait là-dessus pour
établir le taux du camionneur-artisan, on en viendrait à
conclure, à ce moment-là, que la compagnie ferait une
économie en confiant le transport aux camionneurs-artisans...
M. COITEUX: Je ne suis pas prêt à dire cela...
M. PLAMONDON: Alors que, d'autre part, c'est la tendance inverse. C'est
qu'on tend plutôt à confier le transport au camion de la
compagnie, c'est donc que la compagnie trouve son profit dans une certaine
mesure.
M. COITEUX: C'est absolument vrai. Par contre, ce que je voulais dire,
c'est que, dans le calcul d'un prix à donner au camionneur-arcisan, la
compagnie n'a pas les mêmes facteurs. Alors que le camionneur qui va
perdre una journée, parce qu'il n'y a pas de charroyage, la compagnie,
elle, fait travailler ses hommes ailleurs. Alors je ne dis pas que les chiffres
de la compagnie sont faux. Mais seulement il y a tellement de facteurs qui
entrent dans le prix pour une compagnie, comparativement à l'artisan.
S'il pleut trop et qu'on ne peut pas aller charger le bois, l'artisan sera
obligé de payer son chauffeur quand même. La compagnie va lui
faira faire du portage, ou autre chose. Alors cela reflète sur le prix
que cela coûte pour le bois. Vous comprenez ce que je veux dire.
Je ne dis pas que les chiffres sont faux, mais on ne peut pas faire une
comparaison. La compagnie, quand elle dit que cela coûte tant, il y a
tous ces facteurs. C'est vrai que cela lui coûte tant, mais elle n'est
pas obligée de payer un homme à ne rien faire pendant trois jours
parce qu'il pleut, comprenez-vous l'idée?
M. PLAMONDON: Oui.
M. COITEUX: Alors, c'est cela qui est le point.
M. PLAMONDON: Alors, cela voudrait dire...
M. COITEUX: Je pense que M. Côté est d'accord
là-dessus, il connaît cela suffisamment.
M. PLAMONDON: Si nous poursuivons le raisonnement, M. Coiteux, cela
voudrait dire qu'il n'y a pratiquement aucun avenir pour le camionneur-artisan
en forêt.
M. COITEUX: Cela veut dire à peu près cela.
M. PINARD: Oui, mais j'aimerais bien que ce soient les
représentants des compagnies ou les représentants de
l'Association des industries forestières du Québec limitée
qui nous disent ce matin que, dans les prochaines années, la tendance
s'accentuera de telle sorte que les compagnies auront la responsabilité
d'effectuer leur propre transport en forêt plutôt que de confier
à des entrepreneurs en transport, des camionneurs-artisans, le bois qui
est coupé sur les concessions privées ou sur les concessions
publiques. Alors, est-ce la tendance et, si c'est cette tendance-là qui
appa-rail à l'horizon pour l'avenir immédiat, j'aimerais savoir
pourquoi? Qu'est-ce qui a motivé les compagnies à faire ce
choix?
M. COTE: Un instant. M. Pinard, c'est une question de technologie, de
productivité. En somme, les compagnies font face à des
coûts accrus pour toutes sortes de raisons; les salaires augmentent, le
coût des matériaux augmente. Alors, elles sont obligées de
s'adapter constamment à ces situations nouvelles. S'il est possible,
à un moment donné, de réduire le coût du transport
... il ne faut pas penser seulement en fonction du transport, parce que le
transport est relié intimement à tout le système
d'exploitation en vigueur, Cela peut vous coûter plus cher de transporter
du bois par un certain moyen de transport, aujourd'hui, en utilisant un
équipement spécialisé; mais, par contre, vous
épargnerez l'argent au départ, à la souche, dans la coupe
ou dans le tronçonnage ou dans d'autres domaines.
Ce sont des choses qui sont reliées de façon assez intime
et ce sont tous ces faits qui entrent en considération. L'industrie fait
tout simplement ce que tout bon administrateur doit faire. C'est son devoir de
demeurer solvable et de donner autant d'emplois que possible, mais seulement,
assez pour demeurer rentable.
Si les camionneurs-artisans continuent à faire un travail qui est
considéré rentable, j'imagine qu'il y en a qui vont continuer
à les employer. Mais, par contre, cela est toujours en fonction de ce
qui se développe dans les systèmes d'exploitation; cela peut
influencer le camionnage... Et il est possible qu'ils doivent changer de
camion. A ce moment-là, c'est
peut-être, comme le disait M. Coiteux, seulement la compagnie qui
peut investir dans un équipement semblable, parce que c'est
spécialisé bien souvent et cela ne peut pas servir à autre
chose dans les saisons mortes.
M. PINARD: M. Côté, pourriez-vous préciser? Lorsque
vous parlez de la compagnie, est-ce que vous parlez exclusivement de la
compagnie papetière, comme 1'Anglo ou le CIP, Canadian International
Paper, ou incluez-vous également, dans le mot « compagnie »,
l'entrepreneur forestier qui va travailler à contrat pour la compagnie
et qui, lui, pourrait se charger du transport pour le compte de la compagnie
papetière, de façon à exclure le camionneur-artisan?
Je vais préciser ma question. Est-ce que quand vous dites: La
tendance qui apparaît aujourd'hui, c'est que les compagnies, de plus en
plus, pour accroître leur productivité, pour réduire le
coût de production, vont avoir recours à leur propre flotte de
camions pour faire des opérations plus rentables.
M. COTE: On me signale ici, M. Pinard, que l'entrepreneur, n'a pas de
contrôle sur ce qui est payé au camionneur. Dans son contrat, il
est spécifié qu'il doit utiliser certains taux vis-à-vis
des camionneurs-artisans.
M. PINARD: S'il en engage. M. COTE: S'il en engage.
M. PINARD: II n'est pas obligé d'en engager. Mais s'il en engage,
il est soumis à des taux qui sont fixés par l'office.
M. COTE: Non, non, il ne faudrait pas mêler l'exploitation
forestière en grande forêt et le bois des cultivateurs. Ce sont
deux choses complètement différentes.
M. PINARD: Oui, je comprends, mais je voudrais vous faire
préciser.
M. COTE: La régie des marchés agricoles n'a rien à
voir avec les exploitations forestières en grande forêt.
M. PINARD: Alors, revenons au point de départ. Il y a des
opérations forestières qui sont faites par des compagnies comme
Anglo et International Paper, qui sont faites par les compagnies
elles-mêmes avec leur propre outillage, leurs propres employés et
leur propre flotte de camions. Bon.
Dans d'autres cas, la compagnie préfère céder
à sous-contrat à un entrepreneur forestier ou à un «
jobber », si vous voulez, une partie ou la totalité de ses
opérations. Est-ce que cet entrepreneur-là, en vertu de ce que
vous nous avez dit tantôt comme étant la tendance pour le futur,
va disparaître de votre marché? De façon, qu'il n'y aura
pas de transport, il n'y aura pas d'opération non plus à faire,
pas plus les camionneurs-artisans, parce que vous aurez décidé
que les compagnies verront à toutes les opérations. C'est
ça que je veux savoir.
M. COTE: Souvent la coupe, l'abattage et l'empilement initial, quand
cela se fait encore, c'est complètement séparé par exemple
du transport. Cela sera une opération séparée.
Alors, l'entrepreneur qui avait affaire à la coupe, n'aura pas
affaire à ça du tout. Par contre, il peut être
mêlé à ça car les systèmes d'exploitation
varient à l'infini.
M. PINARD: En tenant pour acquis que le camionneur-artisan ne pourra
plus espérer recevoir du travail de transport des compagnies, est-ce que
le camionneur-artisan peut encore espérer recevoir du travail de
transport qui pourrait lui être confié par le « jobber
» qui va travailler pour le compte des compagnies?
M, COTE: Bien, je le crois, oui, parce qu'il y a des compagnies qui, au
cours de l'étude que nous avons entreprise, ont dit que même dans
cinq ans, même si elles envisagent d'assumer une plus grande part du
transport, il y aura encore un pourcentage qui restera au camionneur-artisan.
Cela va varier avec les compagnies et avec la nécessité, pour
eux, d'adopter certains systèmes d'exploitation ou de se servir de
certains équipements spécialisés. Il est impossible, pour
qui que ce soit, aujourd'hui, de dire: Dans cinq ans, il y aura de la place
encore pour 500 ou 1,000 camions appartenant à des artisans. C'est
absolument impossible.
M. PINARD: La même tendance vers la spécialisation
technologique, dont vous avez parlé, comme étant un facteur
d'accroissement de la productivité et de l'accroissement des profits
envers les compagnies, est-ce que ce même facteur-là prendrait la
même importance au niveau du « jobber », qui, lui, pourrait
être capable d'être productif et d'assurer une marge de profits
raisonnables et devrait avoir recours aux mêmes moyens technologiques que
les compagnies?
M. COTE: Oui, cela se fait même à l'heure actuelle. Il y a
des entrepreneurs qui ont de l'équipement spécialisé,
comme les débusqueuses, par exemple, qui ne sont pas si vieilles que
ça dans les opérations forestières. Il y en a plusieurs
qui sont la propriété d'entrepreneurs. Je ne vois pas pourquoi
cela ne pourrait pas continuer sauf si l'équipement
spécialisé qu'on entrevoit pour l'avenir consiste en des machines
extrêmement dispendieuses. A ce moment-là, il n'y aura pas de
place pour un entrepreneur; même c'est la compagnie qui va être
obligée de s'occuper de ça. On voit aujourd'hui des prototypes de
machines qui vont coûter plus de $100,000 et qui vont faire le
tronçonnage, l'écorçage, le débranchage. Sans
être trop au courant, mais comme forestier en tout cas, je ne vois pas
beaucoup la place d'un entrepreneur.
M. LE PRESIDENT: M. Côté, l'application de normes
sévères concernant la loi des pesanteurs n'arrêterait pas
peut-être l'appétit, l'ambition ou la décision des
compagnies à investir dans d'énormes camions?
M. COTE: C'est une question de vie ou de mort, monsieur. Si l'industrie
ne peut pas transporter ce bois-là à meilleur compte, c'est la
fin du développement de notre industrie dans la province, et nous en
avons vu l'exemple depuis quelques années. Il y a une expansion de faite
ailleurs. Il y en a une très forte chez nos principaux concurrents aux
Etats-Unis. Pour nous il est essentiel de pouvoir produire à meilleur
compte, et c'est un des facteurs à considérer.
M. LE PRESIDENT: C'est exactement ce que nous voulions entendre dire de
la part de l'association.
M. PINARD: M. le Président, à la suite de cette question
que vous venez de poser, je pense qu'il faudrait aller plus loin et approfondir
davantage la situation. C'est que je serais porté à croire que ce
serait peut-être bénéfique pour la compagnie, pour autant
que le transport en forêt est concerné. Mais quand la compagnie
voudra envoyer sur les routes de la province des camions qui auront des charges
de 100,000 livres et plus, comment allez-vous réussir à obtenir
des permis de transport sur les routes, alors qu'il y aurait des limites quant
au volume des charges? Et avec le risque que vous allez briser les routes, vous
allez les défoncer, cela va coûter beaucoup plus cher d'entretien
au ministère de la Voirie, il faudra faire de la reconstruction. Alors,
à ce moment-là, où allez-vous trouver votre profit? Pour
autant que les exploitations en forêt seront concernées, cela vous
regarde; mais quand vous arriverez dans le domaine des routes, vous allez avoir
des limites quand même.
M. COTE: C'est évident. Mais ce que nous demandons, nous voulons
nous assurer que ces dommages qui sont supposément causés aux
routes par des charges très élevées, sont réels.
Ensuite qu'on fasse des études pour déterminer si
l'équipement nouveau, les pneus le nombre d'essieux je ne suis
pas un technicien dans cette matière-là ne peuvent pas
contribuer à permettre des charges additionnelles sans causer des
dommages trop sérieux aux routes.
Il faudrait concevoir des routes qui permettent d'utiliser cet
équipement-là. Les routes sont faites pour servir
l'économie, en somme. Alors, le standard de chemin devrait être
tel qu'on puisse se servir de l'équipement qui est mis sur le
marché, qui peut donner un camionnage rentable.
M. COITEUX: Mais même à ce moment-ci, ce
problème-là n'entre en ligne de compte que pour 11%, les autres
89% sont transportés en forêt où vous pouvez faire à
peu près tout ce que vous voulez.
M. COTE: Le transport sur les routes publiques n'est pas
considérable mais à certains moments il est nécessaire. Si
sur un chemin construit par une compagnie, vous avez droit à une charge
quelconque, vous n'avez pas le droit quand vous arrivez pour quelques milles
sur les routes publiques, cela crée des embêtements
considérables.
M. PINARD: M. Côté, pourriez-vous nous donner des chiffres
pour nous dire ce que représente le transport maritime du bois
coupé en forêt pour le livrer aux usines par rapport à ce
que cela peut représenter si le transport est fait par camion? Alors,
quel est le pourcentage du transport par eau par rapport au pourcentage du
transport fait par camion?
M. COTE: Est-ce que vous parlez seulement du transport par bateau ou par
voie d'eau comme par la barge, par exemple?
M. COITEUX: M. Pinard demande où serait le « breaking point
» au point de vue économique. A quel moment cela devient le plus
payant, par exemple, pour transporter du bois le long du Saint-Laurent? Quelles
serait la distance économiquement préférable pour le
ça-
mion et quelle serait cette distance préférable par
bateau?
Je comprends qu'on ne peut pas aller chercher le bois, par exemple, de
Forestville et l'amener ici à l'usine de 1'Anglo par camion. Mais, il y
a certainement un « breaking point » quelque part. The Anglo must
have those figures. What is the distance by truck or by boat?
M. GREAVES: Par camion la distance est de 3 1/2 milles pour être
à égalité avec notre système de bateaux entre
Forestville et Québec. Je paie à peu près la même
chose pour le transport par bateau que je paie à un camionneur pour 3
1/2 milles de transport. C'est 185 milles.
M. PINARD: C'est 185 milles.
M. GREAVES: Pour le même prix, on fait de 3 milles ou 3 1/2 milles
de transport par camion. C'est un « breaking point ». Cela varie
avec les situations.
M. PINARD: Alors, quel est le pourcentage du transport fait par bateau
par rapport 8. celui qui est fait par camion?
M. GREAVES: Sur nos concessions, 100% de notre bois est
transporté par bateau; 100% de notre bois est dravé pendant 80
milles et 100% de notre bols est transporté par camion sur une distance
moyenne de 20.3 milles. Les trois systèmes sont employés.
M. PINARD: Dans le volume total annuel de votre production, les
proportions jouent de quelle façon? Transport par bateau et transport
par camion.
M. GREAVES: J'ai parlé du bois de concession.
M. PINARD: Oui.
M. GREAVES; II est tout transporté par le bois. C'est plus de 75%
de notre bois total pour l'usine. Le reste, 25%, est acheté sur le
marché...
M. PINARD: Ah, bon! alors c'est transporté par camion. Les
25%?
M. GREAVES: C'est 20%. M. PINARD: C'est 20%.
M. GREAVES: Et 80% de ce bois sont transportés à notre
usine par camion. Le reste, 20%, l'est par goélette.
M. PINARD: Par goëlette.
M. GREAVES: Ou un autre système.
M. COITEUX: Disons, à Forestville, que vous achetez de
Sainte-Thérèse-Colombier et de toutes ces localités et que
vous transportez par...
M. GREAVES: J'inclus cela dans les 25% qui sont achetés sur le
marché ouvrable.
M. COITEUX: Ah, bon!
M. CROISETIERE: M. Côté, en page 3 de votre mémoire,
vous soulignez qu'il y a une étude qui portait sur des comparaisons dans
le transport, 63 camions engagés dans le transport de produits
forestiers sur une base horaire. Et vous soulignez qu'il y a d'autres camions
transportant du gravier. Dois-je comprendre que ce gravier était pour
des routes dans le domaine de la voirie?
M. COTE: Non, monsieur. C'était pour la construction des
routes.
M. CROISETIERE: Des routes en forêt. M. COTE: En forêt.
M. PLAMONDON: M. Côté, on entend souvent des critiques de
la part des camionneurs-artisans concernant le mesurage du bois
transporté par les camionneurs-artisans. Voulez-vous expliquer à
la commission de quelle façon on procède,
généralement, pour établir la quantité de bois
transportée par un camionneur-artisan? Soit vous ou quelqu'un d'autre
que vous désignerez.
M. GREAVES: Tout mesurage se fait globalement quand les camions
transportent le bois durant l'hiver. Pour vous donner un exemple, un camp a
coupé 10,500 cordes. Avec le changement, avec l'hiver, on peut avoir de
la neige. Alors on paie le transport globalement... avec un facteur
appliqué. Si, à la fin du chantier, il reste du bois, on fait la
distribution au prorata, avec la quantité de bois charroyé.
Nous avons eu beaucoup de succès avec certaines... Je pense que
c'est le résultat de vos études ici. Le ministère des
Terres et Forêts a fait une étude et nous avons eu la chance,
durant les trois derniers mois, d'ouvrir tous nos livres pour montrer notre
système. Je pense que ceux qui sont en charge de cette enquête au
ministère des Terres et Forêts sont au courant de notre
système en détail. Et si, par exemple,
cette commission veut avoir plus de détails sur notre
système ou veut faire une enquête plus approfondie, je suis
prêt à montrer notre système...
M. PLAMONDON: Mais, il arrive, à un moment donné, que le
camionneur ait transporté tant de cordes?
M. GREAVES: Oui.
M. PLAMONDON: II reçoit un papier et on lui dit: Monsieur, ce
n'est pas tant de cordes que vous avez charroyées, c'est tant de cordes
en moins.
M. GREAVES: Non.
M. PLAMONDON: C'est dû à quoi cela?
M. COTE: II y a certains problèmes qui sont responsables de cela,
M. Greaves le disait. L'hiver, il y a de la glace. L'acheteur de bois, quand il
achète du bois, n'achète pas de la glace. Il n'achète pas
de clous non plus, ni de l'air.
M. PLAMONDON: Mais cela n'est quand même pas la faute du
camionneur s'il y a de la glace...
M. COTE: Le camionneur, lui, voudrait avoir transporté tant de
cordes. Quand cela arrive à l'usine celui achète cela...
M. PLAMONDON: Cela fond, de la glace!
M. COTE: ... Ce qui fait que le mesurage... cela doit entrer en ligne de
compte. Le fait est que le type qui achète du bois, il fait faire du
papier avec de la glace et il fait faire du papier avec de l'air. Alors, il
faut qu'il achète du bois. Le mesurage comprend certaines corrections
pour éviter cette chose. Il est entendu que c'est probablement
contrariant pour le camionneur qui croit avoir transporté cinq cordes de
se faire dire: II n'y a que quatre cordes et demie... Mais c'est
inévitable.
M. PINARD: Ce que je veux savoir, c'est que le mesureur ne « colle
» pas la bille qui est glacée. Alors, il la prend quand
même, mais parce qu'il y a une accumulation de glace sur les billes, cela
réduit le volume des cent pieds cubes dont vous avez parlé tout
à l'heure.
M. COTE: C'est une théorie... M. PINARD: Le solide.
M. COITEUX: M. Côté, je me demande si ce n'est pas
déjà arrivé. J'ai des cas des associations de camionneurs
dans ma région qui avaient pris un contrat pour charroyer une
quantité X de bois, disons mille cordes pour les fins de la discussion.
Alors, à chaque voyage, on lui enlevait 5%; à
l'été, on lui enlevait 5%, et on lui disait: Si tu veux avoir des
avances, nous te donnerons juste 5% pour le « slack scaling »,
parce qu'un corde de bois empilée à la machine, ce n'est pas
aussi solide. Ce que je trouve curieux, c'est le cas qu'ils m'ont
rapporté par la suite; il y avait bien mille cordes de bois «
according to the scaling of the Government sealers », mais, avec ces 5%,
quand ils sont venus pour régler, ils n'avaient plus que 946 cordes de
charrroyées, et il n'en restait plus. Alors, quand les
camionneurs-artisans se plaignent, ce sont de cas comme ça qu'ils se
plaignent. Seulement, ce sont des cas d'espèce, où certainement
il y a eu abus. J'ai eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur le
système de 1'Anglo et je le trouve fantastique. C'est une
éducation à faire chez les camionneurs, parce qu'en
définitive, comme vous le disiez tout à l'heure, l'individu
n'achète pas de vent.
Par contre, il y a eu des cas d'espèces qui ont probablement
amené le camionneur à critiquer le système de 1'Anglo Pulp
parce qu'il a eu des cas où il n'y avait pas de glace et à chaque
voyage, on leur enlevait 5%. Ils ont tout char-royé le bois et ils ont
été payés à partir de 946. Ces cas-là, M.
Côté, vous ne pouvez pas les nier. Je ne nommerai pas la
compagnie, je ne nommerai pas de cas d'espèce mais dans mes
années j'ai été dix ans avec Price Brothers et j'ai
acheté du bois pendant six ans à la compagnie Gulf Pulp. Je sais
que les compagnies n'ont peut-être pas été assez prudentes,
ce qui a amené une certaine critique et certaines idées un peu
préconçues de la part des camionneurs. Je suis bien prêt
à dire que les compagnies n'ont pas intérêt à voler,
mais c'est leur intérêt de payer. Pour certaines compagnies du
moins, des cas d'espèces, on a été obligé de
régler après inspection. Ce n'est pas le cas de 1'Anglo.
Pour ce qui est de la glace, c'est complètement différent.
Il faut en venir à un dénominateur commun qui donne justice
à tout le monde. D'ailleurs c'est facile à vérifier, par
après, avec les inspections du printemps et toutes ces choses-là.
C'est facile à voir, au bout d'un an d'exploitation, si le
système est bon ou non. Je peux dire que le système de 1'Anglo,
à propos de la glace, cette année est bon. Mais, par contre, il y
a d'autres compagnies, sur la Cote-
Nord que je mentionnais tantôt et il n'était pas question
de glace. On enlevait 5%, on char-royait 946 cordes et on en recevait 1,000.
Que les camionneurs aujourd'hui soient un peu réticents, qu'ils
craignent un peu la façon dont ils sont traités, je ne les
blâme pas!
M. COTE: M. le député, il y a un problème dans le
camionnage et c'est un des gros problèmes, c'est qu'il y a un facteur
humain. Deux personnes différentes qui sont mesureurs qualifiés
vont mesurer la même corde de bois et ils n'arriveront peut-être
pas au même résultat. Et si vous manipulez du bois, vous prenez du
bois et vous l'empilez sur un camion, vous déchargez le camion et vous
le mettez sur un bateau, quand il va arriver à l'usine, le mesu-rage ne
peut jamais être le même qu'il était au début. C'est
parce qu'il y a le facteur humain qui peut réduire ou augmenter le
volume à 40. Ce n'est pas facile. Il y aurait peut-être une
solution idéale, si elle était applicable, ce serait de peser,
mais ça comporte des difficultés techniques presque
insurmontables. Vous avez l'humidité du bois, par exemple. Vous avez
aussi la nécessité d'avoir des balances un peu partout, à
un coût prohibitif. Alors nous utilisons le système qui est le
plus économique.
M. PLAMONDON: Quand vous dites qu'il peut y avoir une différence
entre les mesureurs, très bien, je pense qu'il faut admettre ça.
Mais, M. Coiteux a une bonne expérience dans le domaine. Moi, je ne m'y
connais pas. Mais est-ce qu'une différence de 30% dans le mesurage est
acceptable?
M. COTE: Ce n'est pas acceptable. Cela s'est produit dans certains cas.
J'ai même eu connaissance, récemment, d'un cas. Il s'agissait
d'une fraude de la part d'un mesureur qui a même été
condamné, je crois. Les compagnies essaient de prévenir ça
dans toute la mesure du possible. Elles dépensent des sommes assez
importantes pour la vérification du rae-surage et le gouvernement le
mesure aussi.
M. PLAMONDON: Je pose la question parce qu'on me signalait un cas, par
exemple, où le même camionneur transportait pour deux compagnies
différentes et il y a une différence de 30% pour une charge
identique. C'est pour ça que je pose la question.
M. PINARD: Quel est l'écart qui est accepté?
M. COTE: C'est 2.5% je crois.
M. PLAMONDON: On me soulignait également une autre... Ecoutez, je
pense, messieurs, qu'il faudrait peut-être établir une chose, je
ne vous fais pas un procès d'intention, mais je pense que vous pouviez
vous attendre à ce qu'on vous pose des questions. Nous voulons
être éclairés et nous voulons que vous nous disiez si c'est
vrai ou si ce n'est pas vrai ou où est-ce que ça accroche cette
affaire-là.
On me signale par exemple, qu'il arrive que certaines compagnies, quand
elles ont un empilage de bois en forêt, une rangée, que c'est
mesuré, que c'est étiqueté, disent: Dans tel paquet de
bois il y a tant de cordes. Disons huit cordes. Après le transport, les
camions sont mesurés et on déclare qu'il y a six cordes et demie
de bois dans ce tas de bois. Comment expliquer ça?
M. COITEUX: C'est le facteur de la conversion à ce
moment-là. Etre trop généreux vis-à-vis de la
compagnie, c'est scientifiquement à l'avantage de la compagnie.
M. COTE: La plupart de ces gens-là sont membres du comité
de négociations et ne peuvent pas s'occuper de griefs. Ils peuvent
facilement demander à l'union de corriger ces erreurs, s'il y en a eues
dans le mesurage. Ils peuvent demander cela.
M. COITEUX: Je vous avoue que, théoriquement, on peut le faire.
Mais si un camion va prendre du bois à
Sainte-Thérèse-de-Colombier et le transporte au quai de
Forestville et l'y bascule, comment fera-t-il, lorsque ce sera le temps de
régler? Il dit; Moi, je prétends avoir charroyé dix cordes
de bois et je n'en suis payé que pour neuf. Le bois est peut-être
rendu à Forestville. Il faudrait tout de même trouver un autre
système de vérification qui permettrait à la personne
d'avoir un écrit officiel de réception de façon qu'elle
puisse faire un grief sans aller sur place et revérifier le bois, ce qui
est impossible.
J'ai eu connaissance, à Price Brothers, du cas d'un
bûcheron ou d'un entrepreneur qui a fait des griefs, mais le bois est
encore là. On ne l'a pas charroyé. Pour 25 cordes, cela a
coûté $20,000 et finalement, personne n'a gagné.
C 'est donc pour cette raison que je crois que la commission devrait, en
même temps, faire une certaine revision sur la façon dont les bois
sont mesurés en forêt. Je ne connais pas exactement le
système mais il y aurait certainement une formule à trouver.
L'Anglo en a presque trouvé une parfaite, pour le bois glacé en
forêt. Je pense qu'il y aurait lieu, pour éviter
tous ces problèmes, de trouver soit un système de revision
ou un amendement à la loi des mesurages au ministère des Terres
et Forêts, de façon qu'on crée un système par lequel
tout le monde sera satisfait et qu'il y ait justice.
Il ne faut pas laisser la personne qui travaille, le camionneur-artisan,
avec l'impression que la société le vole toujours, que la
compagnie le vole. Le « good will » d'une compagnie, cela
s'acquiert. Je pense que, pour le passé, on a peut-être un petit
examen de conscience à faire. Pas parce que le camionneur-artisan a
toujours été frustré dans ses droits, mais les cas
d'espèce que rapportait M. Plamondon, ce sont des cas qui ont
créé un certain état d'esprit chez le camionneur. La
compagnie Pioneers a cette mentalité là...
Je crois que nous devrions, à cette commission, faire des
réclamations au ministère des Terres et Forêts.
Après consultation avec les camionneurs, vous trouvez une formule par
laquelle on éviterait que le citoyen du Québec, le
camionneur-artisan et une infinité d'autres pensent toujours que les
gens du gouvernement sont des croches, que ceux des compagnies sont des
voleurs. Je pense que les camionneurs, en se basant sur les cas
d'espèce, ont jusqu'à une certaine mesure, raison de penser cela.
Cela pourrait facilement être corrigé. Et puis, avec la
théorie que l'on va vérifier, cela prouve à.
l'évidence que c'est impossible avec le système actuel. A moins
que l'on ait trouvé d'autres formules. Il y a certaines choses dont je
ne suis pas au courant. J'ai déjà laissé les
opérations forestières depuis neuf ans. Je crois que l'on
pourrait corriger cela. La société se doit de corriger ces
erreurs qui laissent l'impression aux citoyens que nous sommes là pour
« maganer » toujours le petit.
M. GARDNER: M. Côté a dit tout à l'heure que les
balances coûtaient énormément cher. Est-ce que vous pouvez
nous dire si les balances coûtent plus cher que l'engagement de
mesureurs?
M. COTE: Je ne suis pas capable de vous dire cela exactement, mais je
sais que cela prendrait quand même un mesureur pour contrôler les
résultats de la balance.
Les mesureurs sont syndiqués et je ne pense pas qu'ils voient
d'un bon oeil que leur rôle soit complètement effacé du
jour au lendemain.
M. GARDNER: Oui, mais s'il y a économie à faire
là.
M. COTE: Oui, mais tout de même...
M. GARDNER: Les produire à meilleur coût.
M. COTE: Les produire à meilleur coût, ce n'est pas le
principal problème. C'est déterminer quel est son contenu en
fibre plutôt qu'en eau. Vous savez que l'humidité, le contenu en
eau du bois varie considérablement avec la partie de l'arbre, avec les
saisons. Il y a une foule de variations. C'est cela qui est difficile à
contrôler.
M. COITEUX: Dans votre rapport, vous mentionnez le sapin et
l'épinette. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il n'y a pas le
même rendement dans l'épinette que dans le sapin. Maintenant
prenons, théoriquement, le bois que 1'Anglo achète autour de
Québec, est-ce que vous pourrez me dire quelle quantité de tonnes
de papier vous pouvez faire avec un « cunit » de sapin et un
« cunit » d'épinette dans la région? Vous avez
mentionné que ce n'était pas le même rendement.
M. GREAVES: Nous pouvons parler de la densité du sapin. Autour de
Québec, c'est à peu près 34, et l'épinette varie
entre 40 et 43. Nous pouvons dire que c'est une différence dans le
rendement qui varie entre 20% et 40%.
M. COITEUX: Autant que cela.
M. GREAVES: Mais cela dépend du procédé et cela
dépend aussi de l'efficacité des gens... Ils ne donnent jamais
assez de crédit pour le beau bois...
M. COITEUX: Vous prenez, par exemple, indépendamment des
latitudes, la petite corde. Anciennement on vous disait: Avec une petite corde
cela a été l'indice de conversion pendant nombre
d'années on fait une tonne de papier avec cela. Quand vous tombez
avec l'épinette noire sur la Côte-Nord, par exemple, avec une
petite corde d'épinette noire, qui est bien dure à bûcher,
choquante à charroyer, la compagnie fait tout de même 1.35 tonne
de papier avec cela. Ce sont les chiffres qui m'ont été fournis
par la papeterie de Trois-Rivières. Etant donné tous ces
facteurs-là, je comprends que c'est difficile, mais je crois qu'il y
aurait lieu je sais qu'on doit en tenir compte dans l'achat si le
producteur doit retirer proportionnellement un surplus avec l'épinette
par rapport au sapin et si la compagnie a plus de profit, peut-être
pourrait-elle envisager une petite augmentation sur le transport? Vous
comprenez ce que je veux dire. Ce sont tous des
facteurs extrêmement techniques et délicats, qui ont leur
importance. Si un gars charroie toute la journée avec son camion de
l'épinette noire, il est « mauditement » plus payant pour la
compagnie que son voisin qui a charroyé du sapin à l'usine toute
la journée. Vous comprenez ce que je veux dire.
Alors, on oublie tout cela et on « colle » le bois, mais le
tout va dans l'usine. Ou alors je ne sais pas ce qu'ils en font, car j'en ai
jamais vu jeter en dehors de l'usine, de la colle, je ne sais pas ce qu'ils en
font.
M. GREAVES: C'est une question pour certaines régions, mais je ne
vois pas de possibilité de faire le triage des espèces autour de
Québec. C'est le bon Dieu qui a décidé cela et, s'il le
veut, dans l'avenir nous pourrions changer cela...
M. COITEUX: Ne demandez pas qu'il fasse pousser de l'épinette
noire autour de Québec, de grâce, nous avons assez sur la
Côte-Nord.
M. GREAVES: Les difficultés primaires de notre compagnie sont
qu'on paie plus cher pour notre matière brute que n'importe quelle autre
région d'Amérique du Nord...
M. COITEUX: Je sais cela.
M. GREAVES: Deux fois plus que la Colombie-Britannique, 40% de plus
qu'aux Etats-Unis.
M. COITEUX: Maintenant, est-ce que les industries forestières
sont rendues à un point critique, comme le mentionnait M.
Côté tantôt, à un point que si des mesures urgentes
ne sont pas prises pour abaisser nos coûts de revient, nous avons des
chances de perdre une certaine partie de notre marché international.
M. GREAVES: Est-ce que je peux replacer cela dans un contexte un peu
plus positif. Nous sommes rendus au point qu'il faut la coopération de
tout le monde, de tous les citoyens de la province pour demeurer en concurrence
avec le marché mondial.
C'est une grande coopération. Cela veut dire que c'est un point
critique, mais qu'il nous faut toute la coopération pour demeurer en
concurrence avec les autres producteurs.
M. COITEUX: Est-ce que vous incluez les Etats-Unis là-dedans?
M. GREAVES: Oui.
M. COITEUX: Maintenant, pour les Etats-
Unis, comment l'expliquer, parce que les salaires, en moyenne, sont plus
hauts. Est-ce que c'est dû au fait qu'ils ont amélioré leur
exploitation, leur charroyage? Ceci nous amène à la conclusion
que M. Côté mentionnait tantôt, qu'éventuellement,
à cause du développement de la technique, les compagnies vont
être obligées de faire quelque chose, parce qu'aux Etats-Unis ce
n'est certainement pas le transport, ce sont les façons dont ils
transportent le bois. Parce que le prix payé à l'artisan est plus
élevé qu'ici. Alors, vous dites que, si on ne donne pas un coup
de barre solide, dans les prochaines années, on ne sera plus
concurrentiel sur le marché internationnal du papier. En ce qui concerne
la Norvège et la Suède, je ne connais pas leurs marchés.
Mais si vous dites que vous ne pourrez pas concurrencer les Etats-Unis, quelle
est la raison qui permet aux Etats-Unis de produire à meilleur
marché que vous âl'Anglo?
M. GREAVES. Il y a une raison naturelle, il y a des raisons
d'espèce: plus de densité, plus de fibres pour chaque pied cube
de bois, de temps où on peut construire des chemins à
l'année longue, l'administration des chemins coûte moins cher aux
Etats-Unis. Mais lorsqu'on parle de concurrence avec des régions
particulières, je parle du sud des Etats-Unis, dans les régions
de coupe de bols, la main-d'oeuvre coûte moins cher. Notre main-d'oeuvre
coûte entre 20% et 30% plus cher dans la province de Québec que
dans les états d'Arkansas, du Texas... Comme pour les gens qui
travaillent en forêt en Georgie et en Floride, ça coûte
moins cher par là à cause du climat...
M. COITEUX: Le climat aussi.
M. GREAVES: Ils n'ont pas besoin de chauffer les maisons, c'est une des
raisons. Mais nos problèmes sont bien difficiles. Comme j'ai dit
ça prend la coopération de tout le monde. Je suis très
fier de dire que je suis de la partie de la belle coopération.
M. COITEUX: Vous avez fait disparaître Gulf Pulp, ne faites pas
disparaître l'Anglo!
M. GREAVES: Je ne le ferai pas.
M. TREMBLAY (Bourassa): M. Côté, je voudrais relever la
question du député de Portneuf, il y a quelques minutes: disons
100 cordes de bols bien mesurées, si le camionneur charroie ces 100
cordes de bois à Forestville, il bascule son voyage de bois, de huit
cordes, disons, mais par contre, il n'y a pas de glace avec ses huit cordes,
c'est qu'il n'est pas sûr de ses
huit cordes. Je trouve que le camionneur, l'entrepreneur, il transporte
quelque chose, et il n'a pas de facture, il est sûr de ce qu'il
transporte. Immédiatement, on tombe dans un problème.
Comment voulez-vous que le camionneur puisse dire: Bien moi, je peux
charroyer ce bois-là pour $5.00 la corde, si à un moment
donné, il a une déduction de 8%, 9% ou 10%. Il faudrait que cette
déduction-là, s'il y en a une, qu'il le sache
immédiatement, si c'est une déduction de 5% ou de 6%. Mais qu'il
le sache immédiatement au moment où il fait le
déchargement.
M. PLAMONDON: Juste avant, permettez-moi quand même
d'établir une chose.
Je ne voudrais pas que ce soit interprété comme si je
prétendais que cela se produisait de façon générale
et continuelle...
M. TREMBLAY (Bourassa): Non.
M. PLAMONDON: ... c'est quand même un cas d'espèce, un cas
d'exception que j'ai souligné. Mais il y a peut-être là un
aspect du problème que M. Tremblay soulève. C'est que, trop
souvent, le camionneur-artisan va recevoir sa facture deux mois ou un mois
après avoir fait son transport. C'est peut-être un des aspects qui
devrait être corrigé.
M. TREMBLAY (Bourassa): Je pense que le camionneur qui ne transporte
pas, vous savez ce que je veux dire, il ne peut pas être heureux à
son travail.
M. COTE: Ce n'est certainement pas partout comme cela. La semaine
dernière, j'ai eu l'occasion de parler avec des représentants des
producteurs de bois. Ils disaient que, dans certains cas qu'ils me
mentionnaient, que le camionneur était payé immédiatement,
aussitôt que son voyage était livré, on le payait, le
chèque était émis.
M. PLAMONDON: Cela est pour le bois des offices des producteurs?
M. COTE: Oui, et en même temps, cela payait le camionnage, parce
que c'était le camionneur qui livrait le bois, qui l'avait acheté
et qui le revendait...
M. PLAMONDON: Mais cela ne se produit pas tant que le transport se fait
en forêt?
M. TREMBLAY (Bourassa): Mais dans quel pourcentage cela se produit-il?
Peut-être 10%.
M. COTE: II n'y a pas de retard très considérable dans
l'ensemble.
M. TREMBLAY (Bourassa): Vous ne croyez pas qu'à un moment
donné, si les compagnies de pâtes et papiers... C'est cela le
« jobber ». Combien y a-t-il de « jobbers » qui vont
aller « jobber » pendant dix ans et qui, au bout de dix ans, sont
plus pauvres que la première année? Ce n'est pas parce que le
gars a pu tout dépenser, c'est qu'il y a quelque chose qui ne marche pas
dans cette industrie-là. Alors, le camionneur, je crois, devrait,
à chaque voyage qu'il fait, au moins savoir, sur ce qu'il a
transporté, s'il y a une coupe de 10% ou s'il a une coupe de 8%. Au
moins, le soir, il sait s'il a fait une journée satisfaisante. Remarquez
bien que dans le bois je ne m'y connais pas parce qu'à Montréal,
des industries de pâtes et papiers, il n'y en a pas beaucoup. Mais
seulement, je trouve que pour le camionneur qui ne sait pas ce qu'il gagne,
cela est fatal en partant, il est mécontent en partant. C'est mon
opinion.
M. COTE: Oui, mais c'est difficile de juger ici, comme le disait M.
Plamondon, ce n'est certainement pas général, mais j'admets que
certaines erreurs de cette nature-là peuvent créer un climat
défavorable, mais quand on considère qu'aujourd'hui 95% des
ouvriers forestiers sont syndiqués, les compagnies sont très
sensibles aux relations qu'elles peuvent avoir avec eux et je ne vois pas
pourquoi il n'en serait pas ainsi avec les camionneurs. M. Hunt a quelque chose
à vous dire.
M. HUNT: II faut souligner aussi que sur les concessions, pour la plus
grande quantité de bois coupé depuis quelques années, il y
a un changement draconien effectué dans le mesu-rage pour les
camionneurs aussi. Le bois, dans notre région, est mesuré sur des
plates-formes amovibles et les mêmes mesures servent pour le forestier,
le camionneur, l'entrepreneur et la compagnie pour payer la coupe au
gouvernement. C'est le même mesurage qui sert pour tout le monde. Il y a
aussi d'autres méthodes qui ont évolué
dernièrement. Les méthodes des arbres en longueur, aussi. Tous
les arbres sont mesurés, tout le monde a les mêmes mesurages et
tout le monde a une facture à tous les jours, tout le monde est
payé toutes les deux semaines. Il y a un changement draconien qui est
fait sur...
M. LE PRESIDENT: Pour l'information de tout le monde, depuis le mois de
décembre ou de novembre peut-être, le ministère des Terres
et Forêts, sur plainte précise de la part des
artisans, envoie un mesureur rémunéré par le
gouvernement et je pense que des cas ont été
réglés. Il est officiel qu'il y a eu des abus, mais depuis
quelques mois, des mesureurs du gouvernement donnent justice lorsqu'il y a des
plaintes.
Il faudrait quand même être juste. On parlait tantôt
de la rémunération des artisans. J'ai vu des factures entre les
mains des artisans, présentées pour du transport effectué
le 7 janvier 1969 en forêt, et le chêque était rendu chez
l'artisan le 17 janvier. Je pense qu'il ne faut quand même pas dramatiser
l'aspect du paiement, car 10 jours après, c'est...
M. TREMBLAY (Bourassa): Nous ne voulons pas dramatiser, disons que si je
pose cette question...
M. LE PRESIDENT: C'est tout simplement pour éclairer la
commission.
M. TREMBLAY (Bourassa): Elles ont été posées, et je
les repose, et on me répond comme il faut. Je suis satisfait des
réponses.
Maintenant, le bois en longueur c'est tout à fait une
information personnelle de quelle façon est-il mesuré?
Est-ce mesuré au petit bout ou au gros bout? Juste une question que je
pose parce que j'ai déjà charroyé des billots une heure de
temps, et ils mesuraient toujours au petit bout. Je vous dis franchement, ce
n'était pas payant!
M. HUNT: Nous sommes fiers de vous répondre, M. Tremblay, c'est
mesuré au gros bout.
M. TREMBLAY (Bourassa): Bon. Au moins, le camionneur a le
bénéfice du doute sur la longueur!
M. PINARD: M. le Président, si les membres de la commission
n'avaient plus de questions à poser, est-ce qu'on pourrait consacrer
quelques minutes au représentant des camionneurs-artisans qui pourrait
lui, avoir des questions à poser à M. Côté ou aux
autres personnes qui l'accompagnent ce matin relativement au contenu du
mémoire?
M. LE PRESIDENT: Juste une question. Je faisais tantôt la
mathématique. Vous mentionnez à la page 3 que le coût
global a été de $9,619,000 versés à 956
camionneurs. Alors, cela fait une moyenne de $10,062. Est-ce que les artisans
pourraient nous donner la moyenne de revenu de leurs membres?
M. COTE: M. le Président, avant de faire cela, n'oubliez pas que
cela comprend le chargement.
M. PINARD: Ah, bon! C'est sur une base annuelle.
M. COTE : C'est le coût de ses opérations de charroyage qui
ont servi aux fins...
M. PINARD: Mais les $9,619,000, est-ce que c'est un chiffre qui a
été fait pour une période de 12 mois ou quoi?
M. COTE : Non. Certaines opérations qui ont pu durer 1 mois, 2
mois, 3 mois...
M. PINARD: Ah, bon!
M. LE PRESIDENT: Vous incluez, à ce moment-là, le
chargement?
M. COTE: Oui.
M. LE PRESIDENT: Mais ce n'est pas marqué.
M. COTE: Oui, c'est marqué.
M. PLAMONDON: C'est 4%de ligne de sciage.
M. PINARD: Oui.
M. PLAMONDON: En passant, votre association représente
également les manufacturiers de bois de sciage, les scieries et les
compagnies de pâte et papiers? Est-ce bien cela?
M. COTE: Nos membres sont dans les scieries, mais la plupart des
opérateurs de sciage sont représentés par l'Association
des manufacturiers de bois de sciage.
M. PLAMONDON: A, bon! Qui est une association distincte de la
vôtre? Très bien.
M. LE PRESIDENT: La parole est au...
M. PINARD: Au représentant que vous avez choisi.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que les artisans voudraient poser des
questions?
M. PINARD: M. Dufour ou toute autre personne.
M. LE PRESIDENT: Oui, oui, alors si vous voulez vous approcher
près de la table.
M. DUFOUR: Je vous remercie, M. le Président, de nous avoir
accordé l'avantage de poser quelques questions. J'ai une première
question que je poserais à M. Côté: Pourquoi, quand nous
terminons le transport, recevons-nous une facture de la compagnie nous allouant
un travail de 9 heures alors que les camionneurs en ont fait 15 à 18?
Cette question se rapporterait aux chiffres de la page 3, quand on disait tout
à l'heure que le camionneur-artisan gagnait entre $90 et $75 par jour,
travaillant pour la voirie de forêt. Il est entendu que si ces chiffres
sont calculés sur une base de neuf heures, les salaires sont
intéressants. Mais si nous regardons d'après les chiffres que
nous avons sortis dans les faits, c'est 15 à 18 heures, les calculs ne
sont plus les mêmes.
M. COTE: Les neuf heures dont vous faites mention, c'est la pratique
courante, quand les heures sont invérifiables pour quelqu'un qui
travaille à la pièce; ce n'est pas nécessairement ce que
vous avez travaillé. Vos heures de travail ne peuvent être
vérifiées. Vous ne pouvez pas avoir un commis qui vous
suivra.
M. PINARD: S'agit-il d'un contrat à l'heure ou...
M. DUFOUR: C'est à la pièce. Je ne sais pas si cela serait
possible sur une base d'entreprise, par exemple, qu'un taux de neuf heures
serait normal, et la différence serait supposée par la suite
être appelée à être payée à un taux
supérieur, par exemple du temps double.
Il faut le faire d'ailleurs pour être capable de faire un salaire.
Si nous ne prenons pas 12 à 15 heures, jusqu'à 18heures, et
même nous pourrions ajouter que nous avons déjà
couché en forêt mais cela c'est exceptionnel pour
récupérer une journée raisonnable...
Avec les impondérables du chantier, il est entendu on s'en prend
pas à la compagnie, mais ce sont des choses qui se sont produites. Je
les ai vécues moi-même. Il reste un différend, la question
principale serait de savoir pour quelle raison tous les camionneurs ont une
facture de neuf heures de travail pour être
rémunérés suivant les jours de travail qu'ils ont faits et
le reste des heures, de 9 heures à 15 heures, n'apparaît nulle
part.
M. PINARD: M. Côté, quel critère ou quel
barème a fixé les neuf heures de travail qui apparaissent sur la
facture? Quel a été le calcul fait par la compagnie pour en
arriver là?
M. COTE: C'est une journée normale de travail. M. Dufour admet
que le camionnage se fait à forfait. La raison pour laquelle les
camionneurs sont employés, sont placés sur le « payroll
» c'est pour qu'ils deviennent éligibles à
l'assurance-chômage ou autres bénéfices auxquels a droit un
salarié, à toutes fins pratiques...
M. DUFOUR: M. le Président, est-ce que je pourrais...
M. LE PRESIDENT: Si vous mandatez vos représentants officiels de
l'association, à ce moment-là...
M. DUFOUR: II aurait une question, il représente le bureau
provincial.
M. LE PRESIDENT: Quel est votre nom? M. MARTEL: Henri Martel.
M. LE PRESIDENT: Quel est votre rôle dans l'association?
M. MARTEL: Directeur. Je suis allé char-royer du bols
moi-même et, pour les heures de travail, ils nous donnaient trois heures
pour faire le voyage même si ça en prenait 10 ou 12 heures, ils
payaient pour trois heures. C'est comme ça qu'ils établissent le
nombre d'heures d'un camionneur.
M. COURNOYER: Vous mentionnez ici que vous avez...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
M. COURNOYER: Gaston Cournoyer, Saint-Roch-de-Mékinac, de la
Fédération des camionneurs de la Mauricie. Il est établi,
ici à la page 3, que sur un total de 31,000,000 de cordes, le nombre de
cordes là, les « cunits » sont comptés par mille.
Est-ce que, par exemple, il y a un maximum de milles pour établir le
coût du transport par mille?
M. COTE: Séparément, ce sont des cordes de mille, en
d'autres termes, c'est le nombre de cordes multiplié par le nombre de
milles parcourus.
UNE VOIX: C'est ça.
M. COURNOYER: Alors vos coûts d'opération de transport par
corde, par « cunit » corde, sont limités à un nombre
maximum de milles.
Dans le cas du transport de billes de bols franc, où vous
parcourez 150 milles, par exemple et on verrait des transports de 50
milles à $9 la corde et de 150 milles à $9 la corde quand
même... ou $9 et quelques cents, alors, est-ce qu'il y aurait des
minimums d'Imposés déjà?
M. COTE: Est-ce que vous parlez de bois à pâte?
M. COURNOYER: De bois à pâte toujours.
M. COTE: On vous a dit, tout à l'heure, comment cela
fonctionnait. C'est la différence entre deux prix. C'est certainement
difficile de faire... l'un ou l'autre. Les producteurs de bols, eux, calculent
qu'ils n'en ont pas assez et les compagnies paient plus que tous leurs
concurrents pour ce bois-là. Elles sont obligées de l'acheter
à cause des législations qui existent. C'est admis que les
camionneurs se trouvent dans une situation un peu difficile. La solution pour
eux, c'est probablement de faire preuve d'ingénuité, de se servir
de l'équipement qui leur permettra de transporter plus de cordes, de
trouver le moyen de prendre un voyage d'autre chose que du bois à
pâte en revenant chez eux. Ce n'est pas facile pour le camionneur, nous
l'admettons parfaitement.
M. COURNOYER: D'accord. Transporter plus de cordes, ce n'est pas
possible. Actuellement, c'est le maximum de la pesanteur permise par les
règlements routiers. Pour le voyage de retour, d'accord. Cela n'est pas
tellement facile, mais quand même. Mais est-ce que ce ne serait pas aussi
le problème de l'intermédiaire, le « broker » des
acheteurs, ce qui apporterait une certaine nuance au problème?
M. COTE: Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?
M. COURNOYER: Parce que les bois francs, les bois à pâte
qui sont achetés sur les terrains privés passent exclusivement
par des « brokers ». Ensuite, ils sont donnés à
contrat ou transportés par camionnage. Est-ce que le problème ne
serait pas là?
M. COTE: Vous voulez dire qu'il y aurait trop
d'intermédiaires?
M. COURNOYER: II pourrait y avoir peut-être trop
d'intermédiaires.
M. COTE: Je crois que la situation a évolué
considérablement. Je vais demander à M. Théberge de
répondre à cette question.
M. THEBERGE: II est difficile de répondre à la question,
parce que ce n'est pas très précis. Est-ce que vous pourriez,
s'il vous plaît, nous préciser votre question? Vous parlez de bols
franc. Vous devez parler d'une région.
M. COURNOYER: C'est-à-dire qu'il y a plusieurs régions qui
utilisent le bois franc actuellement au Québec.
M. THEBERGE: Oui, mais si on veut donner une réponse, il faut le
donner sur quelque chose de précis. A La Tuque, à Windsor Mills
ou à Cornwall? Où allez-vous?
M. COURNOYER: Les réponses qu'on a eues depuis le début,
c'était toujours assez imprécis. Admettons, par exemple, que nous
spécifions une région en particulier, la Mauri-cie, en somme, qui
utilise un bon pourcentage de pâtes de bois franc actuellement et que les
taux de transport par mille payé son extrêmement variables selon
les distances.
Je voudrais savoir, s'il y a un maximum payé à cent milles
de distance, si c'est par exemple la limite ou si, après cent milles, on
paie plus pour les distances.
M. THEBERGE: C'est-à-dire que ce n'est pas tout à fait
comme cela.
M. COURNOYER: Peut-être pas.
M. THEBERGE: C'est que l'usine achète du bois à tel prix,
disons à $20, alors d'où vient-il, ce bois-là? Il vient de
fournisseurs qui peuvent être situés entre deux milles de l'usine
et peut-être cent milles de l'usine. L'usine elle-même n'a pas de
contrôle sur le producteur. Il peut se faire qu'il y ait suffisamment de
bois dans un périmètre de dix milles pour alimenter l'usine et,
dans ce cas-là, le producteur aura des prix satisfaisants de même
que le camionneur, mais par contre le gars qui est à cent milles juge
à propos qu'il voudrait faire du bois franc et aller le livrer à
l'usine de X. Alors, à qui la faute? Est-ce à. l'acheteur ou au
producteur?
M. COURNOYER: Alors, ce sont des prix-sacrifices, voulez-vous dire.
M. THEBERGE: Non, ce n'est pas une question de sacrifice. Supposons que
vous voulez
vous acheter une paire de caoutchoucs. Vous pouvez aller l'acheter chez
Pollack ou vous pouvez aller l'acheter à Montréal. Cela vous
coûtera plus cher à Montréal, mais c'est votre choix. Vous
êtes libre de faire ce que vous voulez.
Alors, le producteur qui vend ce bois, s'il veut le livrer à cent
milles, qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse? C'est son privilège,
parce que le transport est la différence entre le coût de
production et le prix de vente.
UNE VOIX: Alors, cela revient à la question. Il y a un maximum
donné de transport.
M. COURNOYER: Oui, mais cela est la décision du producteur. Ce
n'est pas la décision de l'acheteur.
M. PINARD: II s'agit du bois qui est vendu S. la compagnie en provenance
des boisés privés, et non pas des terrains publics,
là.
M. THEBERGE: Seulement il vient d'un boisé privé.
C'est du bols produit et vendu par le producteur lui-même ou par
intermédiaire de l'acheteur local.
M. PINARD: Alors, à ce moment-là...
M. THEBERGE: Ce n'est pas la grande opération
forestière.
M. PINARD: Oui. Alors, là, l'initiative vient du
producteur...
M. THEBERGE: Absolument.
M. PINARD: ... qui exploitait un terrain privé et qui veut vendre
son bois à la compagnie. Alors, c'est en quelque sorte lui qui
détermine le prix de son bois, compte tenu de la distance qu'il aura
à parcourir pour aller le livrer lui-même.
M. THEBERGE: II va vendre lui-même. C est son choix.
M. PINARD: C'est son choix.
M. THEBERGE: Et la compagnie ne peut pas le forcer à le faire.
S'il veut le faire, que voulez-vous y faire?
M. PINARD: A ce moment-là, est-ce que le camionneur-artisan doit
faire valoir ses griefs ou ses demandes d'augmentation de salaire aux
producteurs plutôt qu'à la compagnie? Parce que la compagnie, elle
a un prix fixe?
M. THEBERGE: Absolument. C'est aussi la décision du
camionneur-artisan d'accepter ou de refuser d'aller porter du bois à
telle cour ou à telle usine, parce que personne ne le force, c'est son
choix.
M. DUFOUR: Nous, nous ne pouvons pas refuser.
M. THEBERGE: Je comprends, M. Dufour. Dans tout domaine, on n'est pas
toujours libre de refuser. On a tous besoin de quelque chose. C'est pour
ça qu'il y a du chômage. Le gars qui est chômeur, ce n'est
pas parce qu'il le veut. Il faut qu'il mange aussi, excepté qu'il n'a
pas accès à un travail.
M. DUFOUR: Mais, aujourd'hui, ce qui se produit dans l'ensemble que nous
envisageons, c'est qu'on profite de l'occasion qu'il y a du chômage pour
essayer, autant que possible, d'outrepasser nos droits en profitant de la
faiblesse de l'autre et c'est ce qui se produit en ce qui regarde le
camionneur-artisan, dans les chantiers.
Une autre question que je voudrais poser en même temps. Tout
à l'heure, on avait dit: Comment se fait-il que les camionneurs en
forêt se sont-ils opposés à ce qu'ils soient appelés
à faire du transport à un prix inférieur à ce que
les compagnies... Enfin, elles avaient offert un prix de base. Nous allons dans
les opérations forestières quand nous avons l'avantage de nous
infiltrer dans un chantier. Je ne nommerai pas les compagnies, mais elles
exploitent elles-mêmes un camp par secteurs. Nous sommes des camionneurs
heureux parce que nous faisons de l'argent. La compagnie s'implante toujours
dans un endroit où le terrain est favorable et c'est probablement
là que nous, nous tenons à ce que ces chantiers soient
préparés pour des prix de base. La minute que le plus beau d'un
secteur de bois est parti, la compagnie sort de cet endroit et elle se
transporte dans un autre endroit où elle a la même qualité
de bois.
Le petit « jobber », lui, arrive par après et on lui
donne le reste du chantier où il y a des marais et des montagnes. Il
faut aller le charroyer quand même, nous.
Nous n'avons plus le droit de toucher aux prix, ils ont
été établis quand la compagnie a passé. C'est
là que nous avons des problèmes. Nous demandons du sable pour
aider les gars à maîtriser leur voiture. Il s'agit de savoir s'ils
vont se rendre sur leurs roues au pied de la montagne ou s'ils vont se rendre
sur le toit.
C'est avantageux et cela, aide à faire le transport à ces
taux-là. Nous ne pouvons pas l'obtenir, c'est trop dispendieux.
Ensuite, dans les marais, c'est encore la même chose. Quand nous
avons un hiver comme nous avons eu cet hiver, c'est bien vrai que c'est la
Providence, mais je vous dis que ce n'est pas avantageux! Se faire tirer par le
cou à tous les voyages, les voyages ne sont pas nombreux! Ce n'est plus
à forfait, ça devient du taux à l'heure. C'est ce que je
voulais dire, tout à l'heure, quand on a dit que la compagnie avait fait
un prix de base dans l'ensemble du chantier. Moi, je ne l'envisage pas de ce
côté-là, du tout.
M. PINARD: Alors, d'après l'exemple que vous donnez, M. Dufour,
c'est que la compagnie fait la partie la plus facile d'un chantier avec son
propre équipement, fait des tests et cède, après
ça, le reste du chantier à un entrepreneur forestier, alors que
l'opération va se faire dans des conditions plus difficiles. Alors,
l'entrepreneur forestier va consentir du transport en faveur des
camionneurs-artisans, à des taux inférieurs.
M. DUFOUR: Aux mêmes taux.
M. PINARD: Mais comme les conditions sont plus difficiles, le travail
devient moins rentable pour le camionneur-artisan.
M. DUFOUR: Les taux sont censés changer. Mais, d'après
moi, un calcul pour un camion ou une auto... Les taxis sont rendus aujourd'hui
à un taux suivant le « millage ». Alors, un camion devrait
marcher suivant le « millage ». En plus de ça il y a un
équilibre à apporter dans le mille de la forêt comme dans
le mille de la grande route.
M. PINARD: Vous est-il possible d'obtenir du transport directement de la
compagnie dans la partie la plus facile qu'elle exploite elle-même?
M. DUFOUR: Je le disais tout à l'heure, quand on a l'avantage de
pouvoir s'infiltrer dans un camp, ou que la compagnie veut multiplier par
exemple ses camions, alors elle va prendre des artisans comme je l'ai
été.
M. PINARD: Le conducteur-artisan, mais non pas le conducteur-artisan
avec son camion?
M. DUFOUR: Avec son propre camion.
M. PINARD: Et là vous êtes bien traités.
M. DUFOUR: Nous sommes bien traités, de première classe.
Mais seulement il n'y en a pas tellement de ces camps d'ouverts.
M. PINARD: Le problème défavorable dont vous venez de
parler se situe non pas au niveau de la compagnie, mais au niveau du «
jobber » ou de l'entrepreneur forestier?
M. DUFOUR: Je ne suis pas prêt à dire que c'est du «
jobber ». Le « jobber » aujourd'hui dans les chantiers,
d'après ce qu'on a pu voir, je ne sais pas si c'est aussi direct que
ça, mais c'est la compagnie en général qui contrôle
tout. Le « jobber » est seulement là pour paraître,
lui, sur le chantier.
M. PINARD: Oui.
M. DUFOUR: Les prix de base ont été faits à ces
endroits-là et il faut que ces chantiers continuent avec des parties
difficiles.
M. PINARD: Est-ce que le « jobber » est tout simplement la
créature de la compagnie pour continuer le reste du chantier?
M. DUFOUR: Oui.
M. PINARD: Pour avoir pris un risque, lui en acceptant de « jobber
» pour la compagnie?
M. DUFOUR. Il n'est pas capable de nous faire de prix, il n'est pas
capable de nous donner d'avantages, un « jobber ». C'est toujours
signe qu'il n'a pas de capacité, pas de valeur. On nous dit toujours: Ce
sont les prix que je peux vous proposer. Nous ne pouvons pas donner plus.
M. CROISETIERE: Est-ce que c'est possible, M. Côté, dans
certaines compagnies, dans difé-férentes divisions, que le
mesurage soit fait pour le premier voyage et que, par la suite, celui qui est
responsable du chargement puis se ajouter du bois aux autres voyages qui
viendront par la suite, 1/2 corde ou 3/4 de corde, leur dire quand partir et
ajouter du bois de surplus? Est-ce que cela serait possible, à
différentes occasions, pour des compagnies?
M. COTE: Cela ne me semble pas très dangereux.
M. CROISETIERE: Dire que vous mesurez la première charge...
M. GREAVES: Non monsieur, je regrette, chaque charge est mesurée
sur nos concessions. Mais je veux demander, peut-être à M. Dufour,
si vos remarques, M. Dufour, s'appliquent à toutes les compagnies?
M. DUFOUR: Non, pas à toutes les compagnies.
M. GREAVES: C'est bien difficile, situés comme nous sommes, dans
l'industrie, de répondre pour un cas où, je trouve, ce n'est pas
juste. Je suis d'accord. Si cela arrive, chez nous, nous allons faire une
enquête. Nous avons une union. Tous les chauffeurs qui travaillent dans
nos concessions sont membres de cette union parce que c'est dans toutes les
« union shops ». Pour ces cas, on peut faire des griefs qu'on
suivra, mais ce n'est pas une solution. Nous voulons placer les choses sur
table et régler cela aussi vite que possible.
Mais pour répondre à vos questions, c'est bien
difficile.
M. DUFOUR: La compagnie dont je parle est une compagnie
indépendante. Je ne la nomme pas. Ce n'est pas qu'ils ont l'intention de
mal travailler, mais si nous ne sommes pas autour d'une table nous ne
l'avons jamais fait d'ailleurs et nous n'avons jamais été
capables de faire connaître nos griefs pour rencontrer un patron
en forêt, c'est pratiquement impossible. Le patron a probablement
l'intention de faire du beau travail, mais si nous n'avons pas l'occasion d'en
discuter, c'est assez difficile pour lui d'améliorer la situation.
Nous envisageons ces cas parce qu'ils sont d'importance et ce sont des
problèmes que les camionneurs nous apportent tous les jours.
M. COURNOYER: M. Côté, est-ce que ce serait possible, par
exemple, que dans certaines régions du Québec, les bois soient
coupés à la corde, 4 par 8 pour bien s'expliquer et
transportés aux 100 pieds cubes, ensuite, par camionnage? Est-ce que
cela se ferait, dans différentes opérations?
M. COTE: C'est une possibilité, je ne sais pas si cela se fait,
mais ce n'est pas impossible que du bois soit coupé et que le
préposé à la coupe soit payé à la corde et
que plus tard ce bols soit vendu à d'autres qui le mesureront aux cent
pieds cubes, mais c'est un cas hypothétique.
M. COURNOYER: Je ne veux pas dire vendu, Je veux dire du bois
coupé, qui était à la cou- ronne avant, bois payé
au bûcheron à la corde de 4 par 8, et ensuite transporté
par les compagnies aux cent pieds cube. Alors pourquoi confondre entre la coupe
et le transport? Quel est l'avantage?
M. COTE: Cela me surprendrait beaucoup qu'on veuille utiliser le pied
cube solide pour du camionnage, parce que c'est beaucoup plus difficile de
mesurer le bois sur le camion aux cent pieds cube que de le mesurer à la
corde. Cela coûte trop cher.
M. COURNOYER: Je sais que c'est beaucoup plus difficile, mais je veux
savoir pourquoi cela se fait. Est-ce qu'il y a une raison
particulière?
M. COTE: Si cela se faisait, si le mesurage était bien fait, je
ne crois pas qu'il y aurait de perte pour le camionneur.
M. COURNOYER: Est-ce que vous admettez que cela porte à
confusion?
M. COTE: Le ministère des Terres et Forêts veut en venir
à une seule unité de mesure, et cela cause des problèmes
naturellement. Ce n'est pas facile, mais c'est à l'étude et,
à ce moment-là, nous n'aurons pas de problème.
M. HNARD: Quelle est l'unité de mesure à laquelle le
ministère des Terres et Forêts veut arriver?
M. COTE: Le pied cube solide.
M. PINARD: Le pied cube solide, alors c'est le « cunit » et
pour la coupe et pour le transport.
M. COTE: Cela s'appliquerait naturellement au bois, que le
ministère des Terres et forêts administre. Cela ne veut pas dire
que, sur les terrains privés et pour des fins particulières, la
table Roy et la corde apparente ne continueraient pas à être
utilisées. Mais cela en viendra peut-être au mètre
cube...
M. PINARD: Mais, est-ce qu'il ne serait pas préférable
qu'il y ait une seule unité de mesure, que ce soit du bois coupé
sur les terres de la couronne, que ce soit du bois coupé sur des
terrains privés de façon que tout le monde soit toujours
traité sur un même pied.
M. COTE: Cela ne voudrait pas dire encore que tout le monde serait
traité sur un même
pied, parce que, comme je vous l'ai dit, il y a des facteurs autres que
l'unité de mesure purement et simplement qui entrent en ligne de compte
dans le mesurage: les facteurs humains et les conditions dans lesquelles
s'effectuent le mesurage, et, à part cela, pour certaines
activités, une unité de mesure est plus utile qu'une autre. Je
pense que les manufactures de bois de sciage ne sont pas à la veille
d'accepter de bon coeur que nous enlevions la table Roy, la mesure au pied de
planche.
M. PLAMONDON: Avant de terminer, puis-je poser une question qui est
peut-être un peu en dehors du sujet? Tantôt vous avez dit une
phrase qui m'a frappé et lorsque vous parliez du bois acheté des
propriétés privées, chez les cultivateurs, vous avez
mentionné un mot comme « obligatoire » à cause d'une
législation. Dois-je conclure que de façon générale
les compagnies n'achètent ce bois-là que parce qu'elles y sont
obligées?
M. COTE: Non.
UNE VOIX: Dans certains cas!
M. COTE: Si on leur fait des conditions qu'elles ne veulent pas
accepter, à ce moment-là, on peut les obliger à les
acheter. C'est une chose qui leur fait mal au coeur. Ce n'est d'ailleurs pas
bon pour l'économie de la province. Je dois dire en toute franchise que
les relations, entre les producteurs de bois et les compagnies, semblent
s'améliorer parce que l'an dernier il y a eu moins de cas qui sont
allés devant la régie des marchés agricoles, mais il reste
quand même que le prix des cultivateurs est trop élevé par
rapport à celui que nos concurrents paient pour le même bois. Il
n'y a pas un état du nord-est des Etats-Unis qui paie les prix qui sont
payés dans la province de Québec pour le bois des cultivateurs.
Le contenu de ce bois-là, de cette épinette, qui a un rendement
supérieur au sapin, est beaucoup plus fort chez les Américains.
Cela compense peut-être les différences de valeur dans les devises
américaines ou canadiennes.
M. PLAMONDON: Est-ce que malgré tout, les profits des compagnies
canadiennes sont aussi bons que les profits des compagnies
américaines?
M. COTE : Les profits de l'industrie forestière, en
général, sont très bas si vous les comparez aux profits,
disons par exemple, des industries d'huile, de produits chimiques, de l'a-
luminium ou autres produits du genre. Ce sont les plus bas de tous.
Heureusement il y a une légère amélioration.
M. DUFOUR: M. Côté, j'ai une question, s'il vous
plaît! Je prends le cas d'un propriétaire de camion, ou celui
d'une compagnie différente. Bien entendu, ils transportent du bois de
quatre pieds avec la même plateforme. Mais, chose différente pour
la compagnie qui transporte du bois, on lui donne, sur mesurage, dix cordes et
24. net, 10 cordes et 66. Son chargement est réduit par rapport au
chargement de la forêt parce que c'est un transport sur l'asphalte. On a
les agents de circulation à $26 le billet, il faut y prendre garde. Ce
même camionneur-là, en forêt transporte 7 cordes et 43, 7
cordes et 52. Avec la même plate-forme, le même camion, le
même chauffeur. A quoi attribuez-vous cette différence?
M. COTE: Quand il arrive, vous dites, sur les chemins publics...
M. DUFOUR: Sur les chemins publics, pour le transport sur l'asphalte
avec une limite de charge, nous sommes obligés de réunir nos
piquets, de les couper de 4 pouces pour ne pas nous faire arrêter par les
agents de circulation.
Cela donne à la compagnie, 10 cordes 66 net, qui font 10.90 brut
une fois la charge basculée. Un autre chargement 10.24 net. Avant de
charroyer là, il était dans la foreê à l'emploi
d'une compagnie forestière où il ajoutait du bois sur sa
plate-forme. On lui donnait net, 7 cordes 26, 7 cordes 43, 7 cordes 52, 7
cordes 26, 7 cordes 17...
M. COTE: C'était peut-être des prix « cunit »
dans le premier cas et des cordes dans le deuxième cas. Je ne vois pas
comment on pourrait arriver avec une différence de trois cordes. Parce
qu'il y a seulement 15% de différence entre les deux.
M. TREMBLAY (Bourassa). Il ne peut jamais y avoir une différence
de trois cordes sur le même camion.
M. PINARD: Est-ce que l'unité de mesure est mentionnée sur
la facture?
M. THEBERGE: M. Dufour, qu'est-ce qu'il faisait le camionneur
là-dedans? Je veux dire, il ne parlait pas? Il voyait cela et il ne
disait rien?
M. DUFOUR: Ne pensez-vous pas que, quand
on a affaire à une compagnie, on est aussi bien de fermer sa
bouche et de ne pas discuter.
M. THEBERGE: Vous parlez d'une différence de 30%.
M. DUFOUR: Non, non.
M. THEBERGE: II doit certainement y avoir des mécanismes quelque
part pour corriger ces choses-là.
M. DUFOUR: C'est justement la raison pour laquelle nous discutons, les
camionneurs; nous voulons trouver un moyen sans vouloir contredire la
compagnie... nous voudrions atteindre un certain équilibre dans cette
question de transport. Ce sont justement ces chiffres-là qui nous
montent à la tête, comme on dit.
M. THEBERGE: Mais est-ce que vous avez vécu vous-même
l'expérience ou si c'est une expérience qui vous a
été relatée?
M. DUFOUR: Je l'ai vécue. Je suis propriétaire d'un camion
et je dis la même chose. Excepté que je montrerai mes chiffres le
moins possible, parce que cela a trop l'air organisé.
M. THEBERGE : C'était à vous d'avoir 7 cordes et demie et
10 cordes. Alors, ce serait à vous d'expliquer comment c'est
arrivé, ça.
M. DUFOUR: C'est ce qui arrive, j'ai seulement les factures que je peux
ramasser, je ne peux pas faire autre chose.
M. COTE: Et ce sont deux compagnies différentes?
M. DUFOUR: Oui, deux compagnies différentes.
M. COTE: Dans un cas, avec la même plateforme...
M. DUFOUR: La même plate-forme, le même camion et il arrive
encore mieux que ça, en passant. Supposons qu'on prenne le même
camion qui ferait un voyage de temps en temps et sa plate-forme a six pouces
plus courte que l'autre côté. En avez-vous déjà vus
sur la route?
M. COTE: Vous voulez dire qu'elle a six pouces de plus court à la
base qu'au haut des piquets?
M. DUFOUR: Elle est coupée six pouces plus court. Un
côté d'une plate-forme 6 pouces plus court. Mettons 16 pieds et
demi, c'est normal, 16 pieds d'un côté et 16 1/2 de l'autre
côté.
M. PLAMONDON: Je pense bien, M.Dufour, que ce sont des cas qui
méritent d'être discutés avec la compagnie en
question...
M. DUFOUR: Non, c'est pour voir si c'est le cas pour l'ensemble. Ce
n'est pas pour blâmer des compagnies.
M. PLAMONDON: Je pense que, quand vous arrivez avec un cas aussi
flagrant que celui-là où le gars a une plate-forme qui a six
pouces de moins d'un côté, du côté droit ou du
côté gauche, j'ai l'impression qu'il ne doit pas avoir tellement
longtemps à discuter avec la compagnie pour lui faire reconnaître
le bien-fondé de vos représentations.
M. DUFOUR. Il s'agit de montrer les factures tout simplement.
M. COURNOYER: M. Plamondon, je préciserai ici
l'interprétation dont M. Dufour vient de faire mention, c'est que sur
les factures il n'est pas mentionné de quelle façon la mesure est
prise. C'est tellement complexe de savoir de quelle façon. Alors, dans
cette commande-là, si la commande était mesurée aux cent
pieds cubes ou en cordes, il pouvait peut-être y avoir 10 cordes,
voyez-vous? On peut difficilement deviner cela.
M. DUFOUR: Mais il reste toujours un fait que le même taux du
transport est là. Celui qui a transporté ce voyage-là de
dix cordes avait le même taux qui pouvait être
équilibré sur toutes ses cordes.
M. COURNOYER: On remarque aussi que, sur les factures, il n'y a pas de
réduction marquée. Il doit y en avoir probablement puisqu'il y a
1066-1024, mais de quelle façon, quelle sorte de bûches ou quoi?
Rien de marqué là-dedans.
M. PINARD: M. Cournoyer, est-ce qu'il s'agit de transport fait pour le
compte de compagnies papetières?
M. COURNOYER: Absolument. On avait mentionné un certain nombre de
bûches et un certain diamètre, et pourquoi? Est-ce qu'elles sont
pourries, est-ce de la glace ou de la vase, de la terre gelée ou
n'importe quoi? Il faudrait
quand même mentionner la raison. Ce serait assez normal.
M. PINARD: Pourquoi ils ont fait la « colle»?
M. COURNOYER: Bien oui, ce serait assez normal.
M. DUFOUR: Trois quarts de « colle », peut-être qu'on
nous oblige de ne pas le laisser en forêt et l'on nous charge la bille
par exemple. Je ne pense pas qu'un camionneur chargerait trois quarts de
« colle » pour la transporter.
M. PINARD: Est-ce que M. Côté peut donner une
réponse à cela? C'est peut-être un peu hypothétique
pour vous.
M. COTE: C'est pas mal difficile. Si M. Dufour veut nous communiquer les
détails de ce cas-là, cela me fera plaisir de faire une
enquête auprès des compagnies.
M. DUFOUR: Cela me fera plaisir aussi.
M. PINARD: Avez-vous un conseil de discipline à
l'intérieur de votre association de façon, par exemple, qu'une
compagnie qui respecte toutes les lois et tous les règlements ne paie
pas sur le plan de la mauvaise réputation pour d'autres qui ne seront
pas aussi scrupuleuses du respect des lois et des règlements. N'y a-t-il
pas un conseil de discipline? Parce que là, nous pouvons vous faire un
procès tout à fait injuste ce matin, parce que ce ne serait pas
votre compagnie qui serait en cause, alors que ce serait une autre.
J'ai l'impression que vous auriez intérêt à ce qu'il
y ait de la discipline à l'intérieur de votre association.
M. COTE. Il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup de gens qui sont
engagés dans l'industrie forestière, il y en a des tout petits,
des moyens et des gros. Il y en a qui ont leurs méthodes à eux. A
part cela, pour revenir au cas de M. Dufour, pour mesurer une corde de bois il
y a une technique qui est utilisée et qui permet de donner un volume
juste. Cela peut fort bien être la cause que la plate-forme de son camion
ait six pouces de moins parce que si c'étaient des grosses bûches,
par exemple.
On ne mesure pas, à ce qu'on me dit je ne suis pas
mesureur expert à partir de l'extrémité de la
bûche.
M. PINARD: Non,...
M. COTE: Là, je parle du diamètre, la bûche qui est
appuyée disons sur les piquets. C'était la plus grande
extrémité qui va donner un mesurage juste, situé quelque
part, je ne suis pas mesureur... Alors, il se peut que la dimension de
l'empilement c'est à ça que je veux en venir ne
soit pas exactement la même que la plate-forme de votre camion.
Vous aurez encore justice. J'ai noté...
M. PLAMONDON: M. Côté, vous avez une association, si je
comprends bien, qui groupe toutes ces industries ou ces compagnies-là,
ou à peu près, qui font le bois de pâte qu'ils transportent
ou qu'ils font transporter. Ou les compagnies pour qui travaillent les
artisans.
En somme, les problèmes que ces messieurs semblent avoir sont des
problèmes qui concernent vos membres. Je me hasarde à faire une
suggestion, je ne sais pas. Il m'apparaît que beaucoup de
problèmes, en tout cas pas tous, que ces messieurs soulèvent,
sont des problèmes qui s'apparentent, en somme, à certains cas
d'espèce, mais qui se répétant assez fréquemment,
causent la situation de malaise à laquelle on fait face
présentement. Est-ce que ce serait possible que ces messieurs vous
rencontrent à un moment donné à une table ronde et
qu'ensemble vous fassiez le point de la situation? Est-ce que votre association
a, à un certain moment, une certaine influence auprès de ses
membres pour leur dire: Bien, écoutez, il y a telle situation qui se
présente dans vos opérations. Est-ce qu'il y aurait une
possibilité d'uniformiser votre façon de procéder avec
telle ou telle autre compagnie?
Ce n'est peut-être pas possible, je ne sais. Je fais la suggestion
pour ce qu'elle vaut.
M. COTE: Ce serait très difficile, M. Plamondon, parce que les
méthodes varient avec chaque compagnie, et d'autant plus que notre
association n'a pas de pouvoir coercitif vis-à-vis de ses membres. C'est
tout à fait libre. Nous ne pouvons que suggérer. S'il y avait des
suggestions de M. Dufour, cela nous ferait plaisir de les communiquer à
nos membres. Ils en feront, par exemple, sur ce qu'ils entendront et s'il y en
a qui ne sont pas prêts à accepter que M. Dufour a raison, nous
agirons en conséquence.
Mais il n'y aurait pas avantage à parler des
généralités autour d'une table alors que nous faisons face
à des cas particuliers, des méthodes particulières. Mais,
j'en reviens encore au texte, si les messieurs camionneurs-artisans font partie
d'une équipe de négociations, ils sont en mesure de se plaindre
s'ils sont malmenés. Je ne vois pas pourquoi ils n'en prennent pas
avantage.
M. DUFOUR: Est-ce que nous pourrions savoir de quelle manière
vous procédez à la vérification des taux sur certains
chantiers? Est-ce que le millage est pris en entier à partir de la
glissoire à aller où l'on prend le bois même?
M. HUNT: Mais ordinairement sur les concessions établies par
secteurs. Tel que je vous l'ai dit auparavant, tous les camions font le
transport dans les mêmes secteurs en même temps, parce qu'avec les
systèmes modernes, aujourd'hui, avec les méthodes que nous avons,
c'est trop dispendieux de disperser les camions dans un trop grand secteur. Ils
sont tous au moins concentrés pour que les opérations aujourd'hui
soient conçues pour être rentables. Ordinairement, le prix est
établi par une distance moyenne dans un secteur.
M. DUFOUR: J'envisage cela de cette façon. Supposons que vous
coupez 35,000 cordes de bois, par exemple, pour un « jobber ». La
première corde au début d'un chantier de cinq ou six milles de
superficie, est certainement moins dispendieuse que la dernière qu'on va
chercher. Encore cette semaine, j'avais la version d'un camionneur qui a
transporté personnellement l'hiver dernier 2,400 cordes de bois et le
taux de son transport a été réparti à cinq milles
de moins que la distance parcourue. Ce qui fait dix milles aller - retour
à chaque voyage.
M. HUNT: M. Dufour, ordinairement dans une grande organisation, les
mêmes camions transportent dans un secteur, ils sont tous payés le
même prix. Si le bois est mesuré sur les boîtes tous les
jours comme je vous l'avais dit avant, les forestiers, les entrepreneurs, la
compagnie et les artisans sont tous payés au même salaire,
ordinairement, cela est pour le secteur. Si c'est pour une place où le
bois est mesuré d'avance, ordinairement, c'est par période de
paye. Dans notre secteur, c'est par période de paye. La moyenne de prix
est établie par période de paye, comme vous avez dit.
M. DUFOUR: La moyenne du chantier?
M. HUNT: C'est cela. Le nombre en moyenne de ce qu'ils charroient.
M. CROISETIERE: M. le Président...
M. HUNT: II y a aussi les taux d'échelle qui sont payés
à tant la corde ou de FPM par mille. Tant pour le prix de base plus tant
par mille.
M. DUFOUR: Ensuite, le taux établi pour le transport ne serait-il
pas réparti d'après le pouvoir d'achat de la compagnie? Elle a
l'avantage d'acheter une machine, par exemple un camion, avantage qu'un artisan
n'a pas?
M. HUNT: Non. Quand une estimation est faite pour un chantier, M.
Dufour, elle est faite pour l'ensemble du chantier, et le prix est
établi selon ce que le bois devrait coûter. C'est la même
chose qu'acheter du bois. Il y a une limite.
M. DUFOUR: Je comprends qu'il y a une limite. Justement, l'artisan ne
peut pas être capable de transporter au même coût que la
compagnie lorsqu'elle achète un camion à 10 roues, qui
coûterait $23,000 à un artisan; mais la compagnie a un pouvoir
d'achat qui lui permet d'avoir le même camion à un prix pas mal
inférieur. Si elle s'en tient au coût à la corde sur
l'achat du camion et le transport, c'est entendu que l'artisan ne sera pas
capable de faire le transport. Je pense que c'est là qu'est le joint du
transport à la corde.
M. HUNT: Je crois qu'on devrait référer aussi un
mémoire où on montre que les gains des artisans sont
supérieurs à ceux des camionneurs des compagnies et des
entrepreneurs.
M. DUFOUR: Oui, mais le nombre d'heures...
M. HUNT: Je suis d'accord, dans notre district...
M. DUFOUR: Mais le nombre d'heures est supérieur, aussi, c'est
là qu'il faut s'entendre. Il ne faut pas oublier les heures, ils ne sont
pas mesquins, les heures de nuit sont importantes.
M. HUNT: Ce n'est pas vrai, M. Dufour, dans notre district, comme je
vous avais dit, la moyenne est de 9.2 sur un charroyage et l'autre, c'est
9.3.
M. LE PRESIDENT: Alors, messieurs de l'association, à moins qu'il
y ait d'autres questions de la part des membres de la commission, nous vous
remercions de l'information que vous nous avez donnée et nous prendrons
en délibéré ces remarques...
M. PINARD: A la page 5 du mémoire, il est dit que le secteur des
pâtes et papiers de l'industrie forestière au Québec a
toujours obtenu de 25% à 30% de ses approvisionnements en
bois sur des terrains privés. Est-ce que la tendance va se
maintenir par rapport à ce pourcentage ou si la tendance va aller vers
la diminution parce que la compagnie ou les compagnies auront cru que
l'exploitation est trop coûteuse et qu'elles auront recours à des
coupes sur les terrains de la couronne?
M. COTE: II n'y a pas d'indication que ce pourcentage va changer, M.
Pinard, cela dure depuis quarante ans, et semble vouloir demeurer au même
taux, en tenant compte toutefois des travaux faits par le ministère des
Terres et Forêts et par les producteurs eux-mêmes pour exploiter
seulement le volume permissible sur leur boisé. Alors, si ce volume
diminuait, les compagnies devront nécessairement diminuer leurs achats.
Je ne sais, si cela augmentait, si automatiquement elles augmenteraient leur
achat.
M. DUFOUR: J'aurais une dernière question à poser avec la
permission de M. le Président. Quand, pensez-vous, aurons-nous
l'occasion de nous rencontrer autour d'une table pour discuter des
problèmes et essayer de les résoudre plutôt que de se
« gratter » comme nous le faisons habituellement?
M. COTE: C'est assez difficile, M. Dufour, parce que vous parlez de
problèmes spécifiques qui peuvent représenter un exemple
sur cent ou sur mille...
M. DUFOUR: Ah, non!
M. COTE: ... et il n'y a pas grand-chose à y faire, rendu
à ce stade, parce que nous n'avons pas les détails, comme celui
que vous avez sou- ligné ce matin. On ne sait pas exactement de quelle
unité il s'agit...
M. DUFOUR: Bien oui, mais c'est signé par quelqu'un et c'est
titré du nom de la compagnie...
M. COTE: Si vous voulez me soumettre les détails, cela me ferait
plaisir de faire une enquête, j'en ai déjà faites
d'ailleurs à ce sujet
M. DUFOUR: Certainement.
M. COTE: En n'importe quel temps, téléphonez-moi et
apportez-moi vos renseignements et cela me ferait plaisir de communiquer avec
les intéressés.
M. DUFOUR: Si je pouvais avoir votre numéro de
téléphone d'abord, parce qu'on communique plus vite quand on peut
avoir une ouverture.
M. COTE: 522-4027, 500 est, Grande-Allée.
M. PINARD: Les plaintes qui sont faites au ministère des Terres
et Forêts par les camionneurs-artisans, est-ce qu'elles sont retransmises
pour fins d'études et d'enquête chez vous?
M. COTE: II y a eu des communications à ce sujet, une dont je me
souviens en particulier. J'ai collaboré avec le ministère pour
obtenir des renseignements additionnels. Je ne sais pas ce qui est
arrivé éventuellement.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. La séance est
levée.
(Fin de la séance: 13 h 7)