To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission spéciale sur le problème de la liberté de la presse

Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Tuesday, March 5, 1974 - Vol. 15 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Vente du Soleil


Journal des débats

 

Commission spéciale sur le problème de la liberté de presse

Vente du Soleil

Séance du mardi 5 mars 1974

(Quinze heures douze minutes)

M. GRATTON (président de la commission spéciale sur le problème de la liberté de presse): A l'ordre, messieurs!

La commission spéciale sur le problème de la liberté de presse reprend ses travaux. On m'a fait remarquer qu'on n'a pas encore nommé de rapporteur pour cette commission. Donc, est-ce que c'est l'assentiment de la commission d'accepter le député...

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que cela veut dire que toutes les séances étaient irrégulières et que l'on doit recommencer?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Pas du tout. En fait, le même rapporteur, qu'on nommera aujourd'hui, pourra faire rapport sur toutes les séances.

M. BOURASSA: On pourrait résumer les interventions du député en cinq minutes!

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que la commission serait d'accord pour que le député de Laporte soit désigné comme rapporteur de la commission?

DES VOIX: Nous sommes d'accord.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Qu'il en soit ainsi !

Alors, la commission est réunie pour entendre M. Jacques Francoeur à qui je demanderai de s'identifier et de demander aux gens qui l'accompagnent de s'identifier également. Nous procéderons ensuite immédiatement aux questions.

M. Francoeur.

M. FRANCOEUR: Jacques Francoeur, président et actionnaire de UniMédia.

M. DUCHARME: Claude Ducharme, procureur de M. Francoeur.

M. BENOIT: Michel Benoît, procureur de M. Francoeur.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Merci, messieurs.

M. LALONDE: M. le Président, j'aurais quelques questions, à moins qu'il n'y ait des interventions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

Dépôt de deux résolutions

M. DUCHARME: Avant que vous posiez vos questions, M. Lalonde, si vous me permettez, il y a deux résolutions qu'on n'avait pas déposées avec le cahier la dernière fois, les résolutions autorisant l'achat, parce que les contrats n'y faisaient pas allusion. Mais pour être certain que vous avez un dossier absolument complet, on a apporté ces deux résolutions. Si vous me permettez, j'aimerais les produire.

M. LALONDE: Merci.

M. BOURASSA: Est-ce que l'on peut souhaiter la bienvenue au député de Maisonneuve? Il était absent la dernière fois.

M. BURNS: Ce n'est pas nécessaire, vous savez. Les choses que vous dites en mon absence, de toute façon, je les lis au journal des Débats.

M. BOURASSA : Merci. Cela vaut le coup. UNE VOIX: Pas toujours.

UniMédia

M. LALONDE: Alors, M. Francoeur, je comprends que la compagnie UniMédia est une compagnie qu'on appelle privée, c'est-à-dire que les actions de cette compagnie ne sont pas distribuées dans le public. En vous référant à l'organigramme, que vous nous avez remis lors de la première séance, pourriez-vous préciser quels sont les actionnaires ultimes d'UniMédia, c'est-à-dire ceux que l'on décrit sous le vocable ou les mots "intérêts, famille Francoeur" dans les organigrammes?

M. FRANCOEUR: Ce sont mes enfants, mon épouse et moi-même.

M. LALONDE: Maintenant, quant aux administrateurs d'UniMédia, pourriez-vous donner la liste? Je ne crois pas que nous ayons ces renseignements.

M. FRANCOEUR: II y a d'abord mon épouse. Il y a M. Jean-Guy Faucher, qui est le vice-président d'UniMédia.

Je dois préciser que ce sont tous des membres de ma famille ou des gens qui sont au service d'UniMédia ou de filiales. Il y a un de mes beaux-frères, M. Eric Ferrat, M. Faucher, moi-même. Dans UniMédia, je crois que c'est complet.

M. LALONDE: Les administrateurs principaux, c'est-à-dire le président, c'est vous-même?

M. FRANCOEUR: C'est ça.

M. LALONDE: Le vice-président, vous avez dit que c'était M. Jean-Guy Faucher?

M. FRANCOEUR: C'est ça.

M. LALONDE: Le secrétaire, c'est un autre employé de la compagnie?

M. FRANCOEUR: C'est ça. Je crois que c'est M. Claude Corbeil.

M. LALONDE: Est-ce que, parmi les administrateurs ou officiers de l'une quelconque des compagnies de ce qu'on peut appeler le groupe Francoeur — et j'inclus les Placements JGF Inc., Société générale de publications Inc., et toutes les autres compagnies qui sont incluses dans votre groupe, dans l'organigramme— des administrateurs ou officiers de l'une quelconque de ces compagnies seraient aussi officiers ou administrateurs de l'une ou l'autre des compagnies du groupe de M. Paul Desmarais?

M. FRANCOEUR: Pas actuellement.

M. LALONDE: II y avait, au moment où vous étiez associé avec M. Desmarais, des administrateurs actuels de votre groupe qui étaient aussi administrateurs de compagnies, comme les Journaux Trans-Canada, etc.

M. FRANCOEUR: Oui. Lorsque j'en étais le coactionnaire avec M. Desmarais, j'avais la responsabilité de l'administration totale des Journaux Trans-Canada, assisté par M. Faucher et M. Ferrat. Nous étions évidemment, tout le temps où nous avons été à Trans-Canada, les administrateurs à temps plein. Tout passait entre nos mains à Trans-Canada.

M. LALONDE: Maintenant, ces liens, par directorat, qui auraient pu exister, sont terminés?

M. FRANCOEUR: De part et d'autre. Il n'y a personne, à ma connaissance, qui serait un actionnaire ou une personne nommée par M. Desmarais — à ma connaissance, je dis bien, à première vue — qui serait dans les administrateurs d'UniMédia et il n'y a personne de mon groupe qui, dans le moment, serait administrateur, je crois, de Trans-Canada. La scission a été complète, à toutes fins pratiques.

M. LALONDE: En vous référant encore à l'organigramme no 1 de votre document, est-ce que vous pourriez me dire si ce qu'on indique comme 100 p.c. entre les intérêts de la famille Francoeur, les Placements JGF Inc., Société générale de publications Inc. et UniMédia Inc., indique seulement des actions ordinaires de chacune de ces compagnies ou si cela comprend aussi des actions privilégiées, s'il y en a?

M. FRANCOEUR: Toutes les actions, à ma connaissance, c'est 100 p.c. de toutes les catégories d'actions.

M. LALONDE: Cela comprend donc les actions privilégiées, s'il y en a?

M. FRANCOEUR: Je crois. Un instant, je peux revérifier, si vous me permettez. Oui, ce sont toutes les actions.

M. LALONDE: Donc, il n'y a aucune action, serait-elle privilégiée, avec ou sans droit de vote, qui serait détenue en dehors de cette chaîne.

M. FRANCOEUR: II y a les deux ou trois actions de qualification, évidemment, c'est tout, qui sont — comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure — détenues par des membres de ma famille ou des personnes dans les cadres supérieurs de la compagnie.

M. LALONDE: Les dettes de la compagnie — tout le monde sait que c'est normal qu'une compagnie opérante ait des moyens de financement — est-ce qu'elles comportent des droits de conversion en capital, soit en actions privilégiées ou en actions ordinaires?

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas, non.

M. LALONDE: Elles ne sont pas accompagnées de droit d'achat d'actions, d'options?

M. FRANCOEUR: Non, il n'y a pas de conversion dans le sens que vous l'entendez, M. le ministre. La seule option, c'est au niveau d'Eclair, où il y a une option sur la moitié des actions, c'est tout.

M. LALONDE: Vous parlez de l'option qui est encore en faveur des Journaux TransCanada, je crois?

M. FRANCOEUR: C'est ça, oui.

M. LALONDE: II n'y a pas d'autre option en faveur des Journaux Trans-Canada ou d'autres personnes?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. LALONDE: Pour revenir à la transaction du Soleil, de quelle manière avez-vous été mis au courant du désir de vente des actionnaires du Soleil?

M. FRANCOEUR: Cela a été du domaine public pendant tout l'automne. C'est comme ça. Tout le monde savait à ce moment qu'il y avait apparemment un désir de la famille Gilbert de vendre. Je l'ai su tout l'automne. Je ne m'en préoccupais pas à ce moment.

M. LALONDE: Ce n'est pas...

M. CHARRON: M. le Président, je ne veux pas interrompre le ministre là-dessus, mais il vient de changer de sujet. On en était, je pense, à l'identification de ce que représente M.

Francoeur, de ses liens avec M. Desmarais. On n'avait pas encore demandé comment il était entré en... Le Soleil n'était pas encore en jeu, on était simplement en train de nous donner nos cartes de visite respectives.

M. LALONDE: D'ailleurs, je n'ai pas terminé sur cette question.

M. CHARRON : Alors, peut-être qu'il serait bon... Parce que j'en ai à enchaîner à la suite des vôtres.

M. LALONDE: Est-ce que je peux terminer sur celle-là?

M. BURNS: M. le Président, pour la compréhension du dossier, n'est-il pas préférable de vider une partie de la question, de sorte que, si le député de Saint-Laurent a fini sur un type de questions, il semble que ce serait, le député de Marguerite-Bourgeoys — je m'excuse, je me trompe de ministre...

M. LALONDE: Oui, je peux continuer les questions sur l'aspect simplement avant la transaction du Soleil. J'ai quelques autres questions.

M. CHARRON: D'accord.

M. LALONDE: Par exemple, concernant les actes de fiducie qu'UniMédia a consentis — et aussi quelques-unes de ses filiales — pour émettre des débentures qui sont détenues soit par les Journaux Trans-Canada ou Immeubles-Journaux, je crois, est-ce que les droits des détenteurs des débentures, qui ont normalement droit de regard sur les affaires de la compagnie, auraient donné lieu à des démarches quelconques de la part des détenteurs des débentures, c'est-à-dire soit les Journaux TransCanada ou les Immeubles-Journaux, sur la façon dont UniMédia mène ses affaires?

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas; je ne saisis peut-être pas très bien le sens de votre question, M. le ministre, mais je crois que la réponse est définitivement non.

M. LALONDE: Je vais, par exemple, lire un article d'un acte de fiducie. Les actes de fiducie semblent assez identiques les uns aux autres, qu'ils soient d'une compagnie ou d'une autre, je ne sais pas si vous les avez ici.

M. FRANCOEUR: Si vous me permettez, ce sont, je crois, des clauses absolument normales qui ont été utilisées par les différents procureurs là-dedans, à ma connaissance.

M. LALONDE : Alors, ces actes de fiducie créent deux charges dans certains cas, une charge spécifique et une charge flottante. La charge flottante, entre autres, comprend toutes les affaires de la compagnie. On dit toutefois, à l'article 10 de l'acte de fiducie auquel je me réfère, celui entre UniMédia et Montréal Trust : "Tant que la garantie des présentes ne sera devenue exécutoire, la compagnie pourra, sous réserve des conditions du présent acte de fiducie, détenir, gérer, exploiter et détenir la possession des biens hypothéqués de la même manière et au même degré que si cet acte de fiducie n'avait pas été passé."

C'est, comme vous dites, je crois, une clause assez normale. Maintenant, on pourrait penser qu'à la suite des charges, les détenteurs de débentures qui se trouvent, en fait, être les créanciers ultimes, pourraient intervenir dans les affaires de la compagnie. Est-ce que c'est le cas entre les Journaux Trans-Canada et UniMédia?

M. FRANCOEUR : Je comprends que non, mais je vais vous dire tout de suite que, dans ces domaines, comme les questions fiscales, par exemple, je me fie à l'opinion de mes conseillers juridiques ou de mes comptables. On m'a dit que non, maintenant, j'aimerais mieux que la réponse soit donnée par le procureur, moi je...

M. LALONDE: Oui, je ne vous demande pas un avis juridique, je vous demande dans les faits.

M. FRANCOEUR: Non.

M. LALONDE: Depuis l'entente que vous avez eue, qui date du mois d'août, qui avait été annoncée au mois d'août et qui a pris corps dans les contrats signés le 20 novembre, je crois, est-ce que les Journaux Trans-Canada, par leurs administrateurs, et les Immeubles Journaux, par leurs administrateurs, a titre de détenteurs des débentures, auraient fait des interventions, des démarches pour vous dire comment effectuer vos affaires?

M. FRANCOEUR: Absolument pas.

UNE VOIX: Ce n'était quand même pas un privilège?

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas, de la façon que je comprends un terme juridique, je ne crois pas. Si je peux vous référer à la page 4 du premier document, je crois, le document no 2, vous avez les engagements qu'UniMédia a acceptés; les engagements que nous avons acceptés, ç'a été de fournir et/ou voir à ce que soient fournis aux vendeurs ces états financiers annuels vérifiés, ces états financiers annuels consolidés et vérifiés et les états financiers annuels vérifiés de chacune des filiales, dans les 90 jours de la fin de son exercice financier. C'est une procédure absolument normale dans toutes les émissions d'obligations. Ce sont les seuls droits que je connais.

M. LALONDE: Maintenant, dans les documents qui ont été passés entre vous-mêmes et les Journaux Trans-Canada, il y a une entente de service entre les Journaux Trans-Canada et votre groupe, pour la distribution de journaux. Je me réfère au paragraphe 8 du document no 2 de la brique que vous nous avez remise. Est-ce qu'il y a d'autres engagements de service? Cela, c'est un engagement de service qui semble assez restreint à la distribution.

M. FRANCOEUR: Nous ne distribuons absolument rien dans le moment qui appartienne à Trans-Canada.

M. LALONDE: Mais il reste quand même que vous vous êtes engagés à le faire si on vous le demande.

M. FRANCOEUR: Je serais très heureux de le faire parce que ce serait un bon client pour l'agence de distribution, mais il n'y en a pas.

M. LALONDE: Alors, il n'a pas été donné suite à cette entente?

M. FRANCOEUR: Dans le moment, nous n'en faisons pas.

M. LALONDE: Est-ce qu'il existe d'autres engagements de service ou d'approvisionnement entre les deux groupes?

M. FRANCOEUR : Nous imprimons le quotidien La Voix de l'Est à notre imprimerie, parce que le quotidien La Voix de l'Est n'a pas d'imprimerie.

Nous l'imprimons d'après un contrat à long terme, aux conditions normales du marché; il n'y a pas de prix de faveur, à ma connaissance. C'est un contrat d'impression, comme nous imprimons également beaucoup d'autres journaux pour d'autres éditeurs. C'est un contrat de services dans le cours normal des affaires.

M. LALONDE: Avant la séparation, est-ce que la Voix de l'Est était imprimée de cette façon-là?

M. FRANCOEUR: Exactement de la même façon.

M. LALONDE: Est-ce qu'il y a des ententes d'approvisionnement, par exemple d'achat de papier journal, qui pourraient être communes entre les deux groupes?

M. FRANCOEUR: Je crois qu'à peu près tous les journaux ont...

M. LALONDE: Non, je veux dire une entente entre les deux groupes pour acheter le papier journal à la même place ou...

M. FRANCOEUR: Oh non, non!

M. LALONDE: Non?

M. FRANCOEUR: UniMédia a ses contrats avec des fournisseurs pour le papier, au prix normal du marché.

M. CHARRON: Quels fournisseurs?

M. FRANCOEUR: Disons que, depuis qu'UniMédia existe, nous avons acheté de Abiti-bi et Consol, de MacMillan Bloedel, d'une autre compagnie, mais je ne suis pas sûr de laquelle. Je dois vous dire même, M. Charron, que, si vous pensez à une compagnie plus qu'à une autre, c'est peut-être celle-là, durant la crise du papier, avec laquelle nous avons peut-être eu le plus de problèmes à avoir le papier qu'il nous fallait.

M. CHARRON: Vous voulez dire la Consolidated Bathurst?

M. FRANCOEUR: Je n'ai pas nommé de compagnie.

M. CHARRON: Moi non plus, je n'en avais pas nommé, notez bien, mais on avait tous les deux la même en tête.

M. LALONDE: Est-ce que vous avez des questions, M. le Président?

M. CHARRON: Bien...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si le député de Saint-Jacques me le permet, j'aimerais aviser la commission de certains changements chez les membres. M. Verreault remplace M. Bacon, M. Harvey (Charlesbourg) remplace M. Hardy, M. Harvey (Dubuc) remplace M. L'Allier, M. Denis remplace M. Parent (Prévost), M. Carpentier remplace M. Veilleux et M. Burns remplace M. Morin.

L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Merci, M. le Président.

M. BURNS: M. Lessard, également, remplace... M. Lessard, le député de Saguenay.

LE PRESIDENT (M. Gratton): II n'y a plus de place.

M. BURNS: Ah oui, il y a de la place! Dans l'intersession, c'est double.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui, mais c'est aux fins d'un vote. Assurément, M. Lessard est reconnu comme membre et peut intervenir en tout temps.

M. BURNS: C'est ce que je voulais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): De même pour M. Samson.

M. BURNS: D'accord.

M. CHARRON: M. le Président, dans l'organigramme auquel se référait le ministre tout à l'heure pour poser ses premières questions à M. Francoeur, on aperçoit d'abord qu'UniMédia apparaît comme une filiale de la Société générale de publications. C'est exact? Cette Société générale de publications, M. Francoeur, elle date de quand? Quand a-t-elle été formée?

M. FRANCOEUR: C'est une compagnie qui date d'au moins dix ans, M. le député. C'était une compagnie qui était la société mère dans le temps que j'avais un autre associé, qui s'appelait M. Robert Allard. Cette société était propriétaire, dans le temps, avant 1965, environ, de Dimanche-Matin, de l'Imprimerie de Granby et de journaux de banlieue, de journaux de quartier. Quand M. Allard a décidé de prendre sa retraite, j'ai acheté les actions de M. Allard et je suis devenu le seul propriétaire de la société générale. J'ai toujours eu la société générale depuis.

M. CHARRON: Vous en êtes vous-même administrateur, mais qui sont les administrateurs avec vous de la Société générale de publications?

M. FRANCOEUR: Si vous me permettez un instant, M. Charron, je crois que ce sont M. Faucher, mon épouse et moi-même. Il y en a peut-être un autre, mais est-ce que vous voulez une certitude?

M. CHARRON: S'il vous plaît, oui.

M. FRANCOEUR: Un instant. Dans le moment, il y a mon épouse, la soeur de mon épouse, M. Faucher et moi-même.

M. CHARRON : M. Faucher est secrétaire, n'est-ce pas?

M. FRANCOEUR: Dans la société, oui.

M..CHARRON: Est-ce que les actions ou les biens de cette compagnie ont été, au cours des transactions passées, déjà placés en nantissement à quelque part?

M. FRANCOEUR: Nulle part, ils sont entièrement libres et à moi.

M. CHARRON: Et UniMédia qui est apparue maintenant comme une filiale de cette société, elle, la société UniMédia, a été formée quand?

M. FRANCOEUR: Les démarches pour la former ont commencé au cours de l'été, à la suite de la décision d'acheter des actifs de Trans-Canada.

M. CHARRON: Mais à quelle date précise, au cours de l'été, parce que toute notre rencontre, en fin de compte, gravite...

M. FRANCOEUR: Une seconde, M. Charron, je ne veux pas vous induire en erreur.

M. DUCHARME: Le 23 août 1973.

M. CHARRON : Vous avez répondu, tout à l'heure, que Jean-Guy Faucher est également membre du conseil d'administration d'UniMédia. C'est ce que vous avez dit tout à l'heure?

M. FRANCOEUR: D'UniMédia et de toutes les filiales d'UniMédia.

M. CHARRON: Et les actions d'UniMédia sont-elles actuellement placées en nantissement ou données en garantie quelconque?

M. FRANCOEUR : Oui, monsieur. M. CHARRON: A qui?

M. FRANCOEUR: Je vais vous donner la réponse. Mes conseillers juridiques sont bien plus au courant que moi, M. Charron. Je me fie à eux pour ça.

M. DUCHARME: Non, elles ne sont pas données en garantie.

M. CHARRON: Elles ne sont pas...

M. DUCHARME: Ce sont les actions des filiales qui sont données en garantie.

M. CHARRON: Ce sont les filiales d'UniMédia.

M. DUCHARME: On va le vérifier parce que c'est tout un document que vous avez devant vous, si c'est là.

M. FRANCOEUR: Si vous avez une autre question pendant...

M. CHARRON: Si votre réponse est oui, comme vous m'aviez dit tantôt, on ne l'a pas ce contrat-là.

M. FRANCOEUR: Ah! dans ce cas-là, ce serait non parce qu'on vous a tout donné.

M. DUCHARME: C'est non, il n'y a pas de raison.

M. FRANCOEUR: ... des procès, les avocats, parfois, ont des propres...

M. CHARRON: ... les filiales...

M. FRANCOEUR: Si vous voulez me poser une autre question, on va vous donner une réponse formelle à celle-ci quand Me Ducharme

aura revérifié pour ne pas vous induire en erreur.

M. CHARRON: A la condition qu'on revienne sur ce sujet.

M. FRANCOEUR: Oui, on va y revenir dès qu'il va me donner une réponse finale.

M. CHARRON: D'accord. Revenons plutôt aux documents que nous avons déjà en main. Dans les contrats de nantissement d'actions que vous nous avez donnés, le contrat no 5 et le contrat no 9, on énumère la liste des administrateurs de certaines filiales d'UniMédia. Je voulais vous demander si, dans cette liste d'administrateurs, il y a eu des changements depuis lors. La liste d'administrateurs que nous avons est-elle toujours la liste d'administrateurs d'aujourd'hui, le 5 mars 1974? Y a-t-il eu des changements chez les administrateurs?

M. FRANCOEUR: Un instant. On va vous donner la réponse à l'autre question. Me Ducharme.

M. DUCHARME: Vous avez, dans le contrat de nantissement, qui est le document no 5 dans la liste de documents, les actions qui sont données en nantissement aux Journaux TransCanada. Ce sont les actions détenues par Uni-Média dans ses diverses filiales. Mais les actions du capital-actions d'UniMédia elle-même...

M. CHARRON : Elles ne le sont pas.

M. DUCHARME: ... ne sont pas nanties parce qu'UniMédia, c'est-à-dire les actionnaires d'UniMédia, n'ont pas emprunté, n'ont pas fait de transaction. C'est UniMédia elle-même qui a fait les transactions. UniMédia ne peut pas donner en garantie les actions de ses actionnaires, les actions détenues par ses actionnaires. Alors la question, je pense, c'est qu'il n'y a pas de nantissement sur les actions d'UniMédia. Vous avez la réponse dans le document no 4, ici.

M. CHARRON: D'accord. Mais il y en a sur les filiales d'UniMédia.

M. DUCHARME: Oui, d'accord. M. CHARRON: Bon.

M. DUCHARME: Et il y en a aussi sur les filiales d'une filiale, à savoir les hebdos nationaux, il y a un autre contrat de nantissement qui apparaît aussi dans la liste des documents que vous avez.

M. CHARRON: Donc, pour clarifier une fois pour toutes, avant que le député de Beauce ne prenne la parole, les actions de la Société UniMédia ne sont aucunement données en nantissement, sur aucune transaction, actuellement?

M. DUCHARME: C'est cela.

M. CHARRON: Soit avec Power Corporation ou autres, avec personne.

M. DUCHARME: C'est cela. Et pour que ce soit bien clair, parce que vous savez, ces choses sont quand même assez techniques — je comprends que M. Francoeur puisse hésiter — la Société générale de publications qui est l'actionnaire, qui détient 100 p.c. des actions d'UniMédia, elle, n'a pas donné ces actions en garantie à qui que ce soit. C'est ça la question qui est posée.

M. CHARRON: C'est cela. M. DUCHARME: D'accord.

M. ROY: La question que je voulais poser est la suivante: Comme les actions n'ont pas été données en garantie, est-ce qu'il y a eu un endossement, une garantie de donnée par les actionnaires eux-mêmes, dans les actes? Autrement dit, vous n'avez pas garanti personnellement, vous n'avez endossé, personnellement, aucun contrat, aucun acte de nantissement ou de fiducie?

M. FRANCOEUR: Pas à ma connaissance, M. Roy.

M. ROY: Et les autres actionnaires?

M. FRANCOEUR: Non.

M. ROY: Les administrateurs non plus?

M. FRANCOEUR: Non.

M. ROY: II n'y a eu aucun endossement?

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: M. Francoeur, je voudrais que vous me disiez, d'abord, si ma question est exacte ou non. Sur la liste des administrateurs, que je vous ai demandée tantôt, est-ce que Me Antoine Geoffrion, qui est maintenant décédé, qui faisait partie du conseil d'administration d'une des filiales d'UniMédia, je crois, a été remplacé?

M. FRANCOEUR: Oui, par un de mes beaux-frères, M. Charron.

M. CHARRON: Son nom, s'il vous plaît. M. FRANCOEUR: Thompson.

M. CHARRON: A votre avis, M. Thompson est-il un administrateur de compagnies autres

que la vôtre? Siège-t-il à d'autres conseils d'administration que celui de la filiale d'UniMé-dia, où il a remplacé M. Geoffrion?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. CHARRON: La seule compagnie à laquelle il appartient, c'est la filiale d'UniMédia.

M. FRANCOEUR: Oui, monsieur.

M. CHARRON: Est-ce que vous êtes maintenant en mesure de fournir la liste des administrateurs?

M. FRANCOEUR: Un instant, s'il vous plaît.

M. DUCHARME: La liste des administrateurs d'UniMédia?

M. CHARRON: S'il vous plaît.

M. FRANCOEUR: II y a mon épouse, comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, il y a M. Faucher, M. Ferrat, M. Thompson et moi-même. Cinq.

M. CHARRON: Est-ce que M. Ferrat est membre d'un conseil d'administration d'autres entreprises qui appartiendraient à des compagnies contrôlées par M. Paul Desmarais?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur. Pas maintenant, pas actuellement.

M. CHARRON: Depuis quand?

M. FRANCOEUR: II a démissionné, tel qu'entendu, à la fin... Il était administrateur du quotidien La Voix de l'Est et il a démissionné, tel qu'entendu depuis le début, à la fin de l'année financière, pour faciliter la transition. Parce que tout en étant président de l'imprimerie de Granby depuis toujours, le quotidien La Voix de l'Est étant un quotidien relativement petit, le travail de président n'est pas un travail, disons, qui occupe une personne à temps plein.

M. CHARRON: Au fond, M. Francoeur, si je ne veux pas faire le tour, inutilement, de tout le monde, ce que j'aimerais avoir, ce que vous pouvez me fournir maintenant, si vous le voulez, c'est le nom de tous ces gens qui, à un moment ou à un autre, en plus d'être au conseil d'administration d'une des sociétés qui vous appartiennent, étaient aussi membres de conseil d'administration d'autres sociétés qui appartiennent à Power Corporation et qui, à un moment ou à un autre, en avez-vous assuré le ministre tout à l'heure, se sont désistées et appartiennent maintenant uniquement à votre entreprise?

Si vous pouviez déposer devant la commission parlementaire des dates précises — et j'imagine les documents écrits qui devaient accompagner ces désistements — cela nous apporterait beaucoup.

M. FRANCOEUR: M. Charron, si vous permettez, je vais vous situer le portrait, pour qu'on se comprenne bien. C'est que l'administration de Trans-Canada reposait sur M. Faucher et moi-même, et partiellement sur M. Ferrat depuis les débuts de Trans-Canada.

Lorsque je suis parti de Trans-Canada, en emmenant avec moi M. Faucher et M. Ferrat, il n'y avait pas de structures disponibles du jour au lendemain à Trans-Canada, et il était entendu que pendant le temps nécessaire — quelques mois — pour permettre à Trans-Canada de trouver des structures, nous finissions les choses qui étaient commencées.

Je peux vous dire, par exemple, que M. Faucher et moi-même nous avons démissionné... Un instant, je vais vous donner une date précise.

M. CHARRON: C'est ce que je veux avoir.

M. FRANCOEUR: Nous avons démissionné vers le 20 novembre officiellement, et nous avons toutefois continué pour être sûrs — vu que nous l'avions entreprise et qu'il fallait une continuité — que tout irait bien jusqu'à la fin de l'année. En pratique, nous ne nous occupons pas des choses de Trans-Canada depuis la fin de 1973, tel qu'entendu l'été dernier.

M. CHARRON: C'est donc dire que cette date du 20 novembre, dans votre cas à vous et dans celui de M. Faucher, comme dans le cas de M. Ferrat et de M. Thompson, j'imagine que c'est la date qui convient également...

M. FRANCOEUR: Pas M. Thompson, il ne travaille pas pour nous.

M. CHARRON: M. Ferrat, dans son cas à lui, c'est la date qui le concerne également, le 20 novembre. Est-ce exact?

M. FRANCOEUR: Non, M. Ferrat, je ne suis pas sûr, un instant... C'est à la fin de l'année fiscale, au début de janvier.

M. CHARRON: Mais jusqu'à cette démission officielle, vous aviez encore — jusqu'au 20 novembre — des liens avec les sociétés contrôlées par M. Paul Desmarais?

M. FRANCOEUR: C'est exact.

M. CHARRON: Maintenant, le ministre a fait référence à certains documents déposés. J'aimerais à mon tour le faire. D'abord, pour les contrats 21 et 22 que vos procureurs nous ont déposées, qui annulent les conventions antérieures, les contrats d'annulation de contrats antérieurs signés entre la Société générale de publications, Gelco et les Journaux Trans-Canada, est-ce qu'on pourrait connaître la teneur exacte de ces conventions qui se trouvaient ainsi annulées? Et est-ce que vous auriez objection à

les déposer également en plus de tout ce que vous nous avez déjà donné?

M. FRANCOEUR: Je ne les ai plus. Moi, quand quelque chose n'est plus utile... A ce moment, il n'était pas question du Soleil ou de quoi que ce soit ici. C'est que lorsque je me suis associé avec M. Desmarais en 1966, j'ai vendu ce que j'avais à Trans-Canada.

J'ai été payé et, également, Trans-Canada m'a signé un contrat comme président et directeur général de Trans-Canada. Evidemment, le jour où je m'en allais de Trans-Canada, nous avons mis fin à mon contrat d'engagement.

M. CHARRON: Mais ce contrat d'engagement, il n'en existe plus aucune autre copie?

M. FRANCOEUR: Je n'en ai pas de copie, monsieur. C'est un contrat très normal dans les circonstances...

M. CHARRON: Mais qui marque...

M. FRANCOEUR: ... qui prévoyait mon salaire et les circonstances de mon départ éventuel.

M. CHARRON: Mais qui, quand même, dans le cas qui nous intéresse, est une étape importante; c'est le contrat qui signifiait votre entrée en affaires, si vous voulez, avec M. Desmarais, en 1966.

M. FRANCOEUR: Ecoutez, M. Charron, on ne peut pas remonter à tout ce que j'ai fait depuis que je suis en affaires. A ce moment-là, il va manquer beaucoup de documents.

M. CHARRON: Non.

M. FRANCOEUR: Je pense bien que ça n'a aucune relation avec le Soleil.

M. CHARRON: Je ne veux pas remonter à tout ce que vous avez fait en affaires, mais, avec M. Desmarais, oui. Je dois vous dire oui parce que c'est important; c'est l'objet. Vous êtes ici effectivement parce qu'un jour ou l'autre vous avez été associé de très près avec M. Desmarais, jusqu'au 20 novembre dernier. La question qu'on se pose, maintenant, c'est: Depuis quand est-ce brisé? Vous nous avez dit le 20 novembre, officiellement. Mais il est dans l'intérêt de la commission de savoir qu'est-ce qu'on brisait. C'était quoi, le contrat d'avant, que, le 20 novembre, vous avez annulé?

M. FRANCOEUR: Le contrat m'engageait, comme président et directeur général, à un tel salaire et prévoyait, s'il y avait un désaccord, une façon de se séparer, c'est tout! Maintenant, c'est un contrat très normal quand quelqu'un reste avec une compagnie qu'il administrait auparavant comme propriétaire.

M. CHARRON: Maintenant, vous n'avez pas ce contrat, c'est malheureux. Vous étiez vous-même en train de nous faire un bref historique de votre association avec M. Desmarais. Elle date de 1966, si j'ai bien compris?

M. FRANCOEUR: Environ.

M. CHARRON: Auparavant, avant ce contrat qu'on ne pourra plus retrouver maintenant, existait-il quelque lien que ce soit avec les entreprises de M. Desmarais et ce que vous aviez, vous, à cette époque, avant 1966?

M. FRANCOEUR: Absolument pas.

M. CHARRON: Donc, 1966 était le début de la relation d'affaires?

M. FRANCOEUR: C'est-à-dire quand nous avons acheté la Tribune; ça remonte à la date d'achat de la Tribune.

M. CHARRON: Pouvez-nous nous dire si, en plus de ces contrats qui se trouvent annulés par les contrats 21 et 22 qui sont dans le document ici, il y en avait d'autres qui venaient un peu concrétiser cette association d'affaires entre vous et M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Absolument pas.

M. CHARRON: Aucune liste; et tous ces contrats sont en date de 1966?

M. FRANCOEUR: Non, parce qu'il y a eu une révision.

M. DUCHARME: Le contrat réfère à une date en 1968, n'est-ce pas?

M. FRANCOEUR: Et celui de 1968 remplaçait un autre similaire; il y avait un détail technique à changer. Le contrat original de notre association est de 1966 environ.

M. CHARRON: Justement, j'allais vous poser une question là-dessus; le contrat de 1968, qui modifiait le contrat d'entente de 1966, quelles modifications importantes apportait-il?

M. FRANCOEUR: C'est Entreprises Gelco, je crois, à ce moment-là qui remplaçait l'ancienne Corporation des valeurs Trans-Canada. C'était tout simplement un détail comme cela où une compagnie de M. Desmarais en remplaçait une autre. C'était strictement une subtilité légale; il n'y avait aucun changement de conditions, si vous voulez.

M. CHARRON: C'est la seule modification qui a été apportée, entre 1966 et le bris du 20 novembre dernier, au contrat signé à votre entrée en affaires avec M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Dans ce contrat-là, oui,

c'est la seule modification qui me vient à l'idée dans le moment. Je dis bien qui me vient à l'idée, je n'en vois pas d'autres.

M. CHARRON: J'imagine que, quand vous étiez en affaires avec M. Desmarais, vous siégiez au conseil d'administration des Journaux TransCanada?

M. FRANCOEUR: Oui, j'en étais le président.

M. CHARRON: Vous siégiez également au conseil d'administration de Gelco?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. CHARRON: De Gesca?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. CHARRON: Le seul conseil d'administration, au moment de votre lien avec Power Corporation, où vous retrouviez M. Desmarais, était le conseil des Journaux Trans-Canada?

M. FRANCOEUR: Oui, monsieur, et la Presse.

M. CHARRON: Et la Presse.

M. FRANCOEUR: Parce que je n'avais pas d'intérêts dans la Presse, mais je siégeais au conseil d'administration de la Presse.

M. CHARRON: Maintenant, quand on a fait l'annonce, le 10 août 1973, de cette transaction dont on va maintenant parler pendant quelques minutes si vous le permettez et qui ne devait, d'ailleurs, se concrétiser que le 20 novembre.

Mais on sait maintenant que les contrats qui donnaient effectivement effet à cette séparation n'ont été signés que le 20 novembre dernier. Ce sont d'ailleurs, je dois le dire, vos procureurs eux-mêmes qui nous en ont informés lorsque vous êtes venu déposer vos documents. Je pense d'ailleurs que, pour bien des gens, tout le monde avait l'impression que l'annonce qui avait été publiée à l'époque de la transaction du 10 août 1973 se faisait parce que les documents juridiques nécessaires étaient faits, et personne ne savait, jusqu'à ce que vous nous l'appreniez — je pense même au ministre — que ce n'est que le 20 novembre qu'officiellement tout cela s'est bâclé.

Mais le 10 août, au moment où le public était mis au courant de cette transaction, existait-il une manière d'entente écrite quand même, ou le premier document écrit concrétisant cette séparation devait-il venir simplement le 20 novembre? Le 10 août, au moment où vous annonciez la chose, vous vous basiez sur quoi, sur un "gentlemen agreement", pour reprendre les expressions de M. Gilbert envers le moratoire?

M. FRANCOEUR: M. Charron, pour moi, une poignée de main avec quelqu'un en qui j'ai confiance, que ce soit M. Desmarais ou un autre, ça me suffit.

M. CHARRON: Cela m'a l'air répandu à...

M. FRANCOEUR: Ce jour-là, il y a eu une entente de faite et je savais que M. Desmarais est quelqu'un sur la parole de qui on peut compter. C'est quelqu'un qui ne change pas d'idée, quand il donne sa parole; de mon côté, dans tout ce que j'ai fait depuis que je suis en affaires, c'est la même chose. Alors, à toutes fins pratiques, nous avions une transaction ce jour-là. Il y a eu la question ensuite de la mettre sur papier, ce qui est toujours assez long et compliqué. C'est tout.

M. CHARRON : M. Francoeur, je n'ai pas une grande expérience du monde des affaires, mais je commence à en avoir une du monde de la politique et je me surprends de voir qu'il existe dans le monde des affaires des règles qu'on n'a même jamais été capable d'enregistrer encore dans le domaine de la politique, celle de la confiance dans la poignée de main, surtout quand il y a des millions qui sont en arrière.

M. FRANCOEUR: M. Charron, je regrette, je ne suis pas politicien, je suis journaliste et homme d'affaires et je crois à la parole donnée.

M. CHARRON: Puisqu'il n'y avait pas d'entente écrite, le 10 août, est-ce que le prix de la transaction lui, était officiellement fixé?

M. FRANCOEUR: Oui, M. le Président.

M. CHARRON : II devait y avoir des documents.

M. FRANCOEUR : Les modalités aussi.

M. CHARRON : Les modalités également.

M. FRANCOEUR: Oui.

M. CHARRON: Mais rien d'écrit?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. CHARRON: Tout cela s'était bâclé comment, en fin de compte? Dans une discussion?

M. FRANCOEUR: Dans une discussion, monsieur. Ce n'était pas la première. J'ai été associé avec M. Desmarais, environ six ou sept ans; nous avons fait des transactions dans le monde des journaux. Nous avons discuté de bien des choses et je peux vous dire que M. Desmarais n'a pas besoin d'écrit pour se rappeler ce qu'il dit.

M. CHARRON : Non, ça, je me le suis

rappelé, au contraire du premier ministre d'ailleurs, mais pour ce qui est de M. Desmarais, j'en conviens, nous aurons l'occasion de l'entendre de toute façon. Alors, le 10 août, l'ensemble de la transaction était conclu, vous le dites, jusque dans ses modalités? Pourquoi avoir attendu? Qu'est-ce qui a occasionné un si long délai, si, jusque dans les modalités, on était parvenu à une entente? Comment se fait-il que ce n'est que deux mois et demi plus tard que les paragraphes juridiques se sont trouvés...

M. FRANCOEUR: Vous le demanderez à votre collègue, M. Burns. Parfois, quand vous avez des avocats, dans quelque chose comme ça...

M. BURNS: Ne me mêlez pas à ça.

M. FRANCOEUR: ... qui représentent différentes parties, on fait des blagues, mais vous pouvez le demander à M. Lalonde ou à M. Burns, vous partez, vous avez une transaction qui est assez complexe parce qu'il y a, je ne le sais pas, peut-être dix transactions en fait, achat d'actifs de différentes compagnies, vous avez des obligations à préparer et tout ça. Deux mois et demi pour concrétiser quelque chose à partir de zéro, si on veut, dans une transaction relativement complexe, même si elle est petite, je crois que ce n'est pas exagéré.

M. CHARRON: Pouvez-vous dire que le jour du 20 novembre où vous avez signé les papiers, les contrats d'annulation des précédentes ententes de 1966, à toutes fins pratiques, la séparation était déjà chose faite, et que...

M. FRANCOEUR : En pratique — au mois d'août, M. Charron — dans notre idée, à ce moment-là, il y avait un bris. Nous avons commencé déjà à séparer les opérations, nous avons commencé à séparer la comptabilité.

M. CHARRON: Et les hommes aussi aux conseils d'administration.

M. FRANCOEUR: Les hommes, ceux qui, ultimement, pourraient aller à un endroit et à l'autre. Oui, M. Charron.

M. CHARRON: A quelle date précise, dans le déroulement progressif de la séparation, du 10 août au 20 novembre, M. Jean-Guy Faucher, pour sa part, s'est-il trouvé complètement libéré des entreprises de Power Corporation?

M. FRANCOEUR: A la fin de l'année financière, tel qu'entendu à ce moment-là, parce qu'il faut comprendre que Trans-Canada, jusqu'au 10 août, était une société qui coordonnait des filiales. La coordination était entre les mains de deux personnes, M. Faucher et moi-même.

M. CHARRON: Donc, le 31 décembre.

M. FRANCOEUR: Le 31 décembre, nous n'avions plus un droit légal d'agir, si vous voulez, mais nous sommes assurés que nous laissions tout en bon ordre.

M. CHARRON: Mais jusqu'au 31 décembre, jusqu'à la fin de l'année financière, M. Faucher était encore partie, même s'il était en voie progressive de disparition.

M. FRANCOEUR: Voulez-vous une comparaison politique, M. Charron?

M. CHARRON: Si vous voulez.

M. FRANCOEUR: Pourquoi pas? Disons que c'est exactement ce que M. Ducharme vient de dire en blaguant. C'était à peu près comme quand il y a un changement de gouvernement, entre le soir des élections et l'assermentation du nouveau gouvernement. Vous ne prenez pas de décision, vous ne réglez rien, sauf vous assurer que tout fonctionne, que ce qui doit fonctionner fonctionne normalement. C'est ce que nous avons fait, nous. Il y a eu des décisions majeures, probablement, à prendre; ce n'est pas nous qui les avons prises.

M. CHARRON: Je vous pose une dernière question. Avez-vous eu connaissance, vous, jusqu'au 31 décembre, que M. Faucher, même s'il était en voie progressive de disparition de la scène de Power Corporation, a participé à l'action de certaines des entreprises contrôlées par M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Non, à ma connaissance, il n'a fait que s'assurer que les rapports entrent bien, des choses comme cela. Il n'a participé, je crois, à aucune décision. Il y a eu, par exemple, une question d'achat d'équipement dans un des quotidiens; ce n'est pas nous qui avons pris la décision de l'acheter, oui ou non, contrairement à ce que nous aurions fait avant le 10 août.

M. CHARRON: Vous n'avez pas pris part à la décision, mais vous étiez quand même informés, à l'époque, que les entreprises de M. Desmarais, dont vous étiez en train de vous séparer, s'en allaient vers un achat d'équipement dans un quotidien.

M. FRANCOEUR: Non, nous l'avons su après, effectivement. Nous avons avisé les présidents des trois quotidiens qui restaient à TransCanada de bien vouloir communiquer tout ce qui était hors de l'ordinaire à M. Desmarais. Il y a déjà plusieurs mois de cela.

Achat du Soleil

M. CHARRON: M. Francoeur, la semaine dernière, M. Gilbert nous a déclaré, lors de la dernière séance, que c'était à peine quelques jours après le 10 août que M. Desmarais était

entré en communication avec lui pour lui faire une offre pour le Soleil. A ce moment-là, vous n'étiez pas encore séparés ni même légalement ni même en fait, même si l'intention avait été officiellement annoncée. Avez-vous été mis au courant de ces démarches de quelque façon que ce soit?

M. FRANCOEUR: Officiellement? Non, monsieur. J'en ai entendu parler à peu près comme tout le monde. Non, monsieur.

M. CHARRON: A quelle époque en avez-vous entendu parler pour la première fois, que M. Desmarais...

M. FRANCOEUR: Je crois que c'est quand M. Gilbert a publié quelque chose en première page du Soleil pour dire que le journal était effectivement en train d'être vendu. C'est là, franchement, que j'ai vu...

M. CHARRON: Mais jusqu'alors, personne ne vous avait mis au courant de cette offre de M. Desmarais à M. Gilbert, jusqu'à ce que M. Gilbert la publie.

M. FRANCOEUR: Non, j'avais entendu, on avait parlé vaguement, à un moment donné, que peut-être le Soleil serait à vendre un jour. Il n'a pas été question d'offre ou de quoi que ce soit, pas plus que cela. Longtemps avant, bien avant le 10 août.

M. CHARRON : Quand vous avez lu, comme tous les lecteurs du Soleil, la nouvelle en première page au mois d'août 1973, en avez-vous par la suite, dans les jours qui ont suivi, parlé avec M. Desmarais pour vérifier si la première page du Soleil était fondée? Lui avez-vous demandé si vraiment il avait fait une offre et quelle offre il avait faite à M. Gilbert?

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas, M. Charron. Je ne crois pas.

M. CHARRON: M. Jean-Guy Faucher, qui était alors dans les deux, si vous voulez, vous en a-t-il parlé, également? Etait-il au courant de l'offre que venait de faire M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Non. Nous n'avons pas été consultés, ni l'un ni l'autre, là-dessus.

M. LALONDE: Excusez-moi, M. le Président...

M. FRANCOEUR: Cela ne concerne pas Trans-Canada, M. Charron. Il ne faut pas oublier que c'est... Je ne sais même pas qui exactement a fait l'offre, Gesca, je ne sais pas, mais ce n'était pas Trans-Canada qui discutait avec le Soleil apparemment.

M. CHARRON: Non, mais...

M. LALONDE: M. le Président, excusez-moi, est-ce que...

M. CHARRON: ... si le ministre me permet.

M. LALONDE: ... vous êtes dans la transaction du Soleil, ou si...

M. CHARRON: J'y entrais. Je vais vous remettre la parole immédiatement après...

M. SAMSON: Après, j'aurais des questions à poser.

M. CHARRON : Je voudrais juste conclure là-dessus pour expliquer à M. Francoeur mon cheminement dans mes dernières questions. Le milieu des affaires me semble un milieu très fraternel où les poignées de main suffisent pour bien des affaires. J'imagine que, si c'est dans un milieu où les poignées de main suffisent pour concrétiser des échanges, on doit aussi faire des échanges verbaux très souvent. Vous étiez lié avec M. Desmarais, depuis longtemps. Ce qu'il est important pour nous de savoir c'est que des hommes qui s'échangent des millions avec une poignée de main doivent certainement s'informer l'un ou l'autre des actions que l'un et l'autre sont en train de faire. C'est possible, en tout cas.

M. FRANCOEUR: C'est possible, mais ce n'est pas le cas ici.

M. CHARRON: Non, mais je...

M. FRANCOEUR: Je vous comprends, M. Charron.

M. CHARRON: J'admets vos réponses et je vous explique pourquoi je posais des questions.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: J'aimerais demander à M. Francoeur, à partir du moment où il a été tenté de se porter acquéreur du Soleil, si le premier ministre est entré en contact avec lui. Est-ce que le premier ministre est entré en contact avec vous?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur. Le premier contact avec le gouvernement, c'est avec l'honorable M. Lalonde, lorsque je l'ai informé qu'il était possible que je m'intéresse au Soleil. C'est moi qui l'ai appelé.

M. ROY: Avez-vous eu des contacts avec le premier ministre, à ce sujet?

M. FRANCOEUR: Oui, monsieur, à deux ou trois reprises, comme ça... Avec le premier ministre? Non, je ne crois pas, peut-être une ou deux fois seulement. Pas tellement, cela a été

par la suite, au moment où on peut dire que la transaction était réalisée.

M. ROY: Est-ce que c'est vous qui êtes entré en contact avec le premier ministre ou si c'est le premier ministre qui l'a fait?

M. FRANCOEUR: Au moment où je l'ai officiellement averti que j'avais conclu une transaction, c'est moi qui l'ai appelé.

M. ROY: C'est vous qui l'aviez appelé, mais est-ce que le premier ministre avait communiqué avec vous avant? Parce que vous avez parlé des deux fois que vous avez eu l'occasion...

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas, M. Roy. J'ai discuté avec M. Lalonde. M. Lalonde m'a demandé comment je procédais et je lui ai dit, pour voir si ma façon de procéder n'allait pas à l'encontre, du moins pas trop, des vues du gouvernement...

M. ROY: Est-ce que M. Lalonde vous a fait part des vues du gouvernement, justement, à ce sujet?

M. FRANCOEUR: J'ai l'impression, si ma mémoire est bonne, que M. Lalonde m'a dit qu'il ne pouvait absolument pas être question de M. Desmarais dans la transaction. Je lui ai dit: II n'en est pas question, c'est la Banque Canadienne Nationale.

M. ROY: Pourriez-vous me dire vers quelle date vous avez eu votre premier contact avec M. Lalonde?

M. FRANCOEUR: Quelques jours avant Noël, M. Roy.

M. ROY: Quelques jours avant Noël? M. FRANCOEUR: Oui.

M. ROY: Donc, ce n'est pas au mois de novembre, ce n'est pas vers le 20 novembre?

M. FRANCOEUR: Non, pas du tout.

M. ROY: Vous n'avez pas eu d'autres contacts avec le premier ministre jusqu'au moment où vous avez complété cette transaction?

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas.

M. ROY: Parmi vos engagements que vous avez avec M. Desmarais, les journaux Trans-Ca-nada, les Immeubles-Journaux, est-il exact que vous devez fournir à M. Desmarais, à tous les mois, les états financiers consolidés d'UniMédia et ceux de Distribution Eclair?

M. FRANCOEUR: Oui, je l'ai dit tout à l'heure, monsieur, ce qui est une procédure normale envers un détenteur d'obligations. C'est une procédure normale. Ce sont des formules régulières que nous avons employées en général.

M. ROY: Vous vous êtes engagé également à rembourser le solde de la dette résultant normalement de la transaction du 20 novembre, $3.5 millions, suivant les modalités prévoyant, entre autres, le droit d'inspection du créancier, sur la manière dont seront établis annuellement les bénéfices d'UniMédia et de ses filiales?

M. FRANCOEUR: Pardon? A quel article vous référez-vous, M. Roy.

M. ROY: Je me réfère à un court résumé que j'ai ici. Vous vous êtes engagé à rembourser le solde de la dette résultant de la transaction du 20 novembre, $3.5 millions, suivant les modalités prévoyant, entre autres, le droit d'inspection?

M. FRANCOEUR: Oui.

M. ROY: Je veux surtout parler du droit d'inspection du créancier sur la manière dont seront établis annuellement les bénéfices d'UniMédia et de ses filiales?

M. FRANCOEUR: Oui. Si vous me permettez, je vais vous expliquer.

C'est parce que j'ai une façon très avantageuse de rembourser. Je n'ai pas de montant fixe à rembourser sur les $3,500,000. Je rembourse selon les profits de l'entreprise, le Soleil exclu, je le dis tout de suite.

M. ROY: Mais vous devez rembourser quand même avant le 31 mars 1983.

M. FRANCOEUR: C'est ça.

M. ROY: Si, à ce moment-là, vous ne pouvez pas rembourser...

M. FRANCOEUR: J'aimerais bien devoir le plus possible à ce moment-là parce que l'argent vaudra peut-être beaucoup moins cher qu'aujourd'hui!

M. ROY: Disons que je suis d'accord avec vous...

M. FRANCOEUR: Mais, blague à part...

M. ROY: ... avec l'inflation qu'on a, grâce à la complicité de nos gouvernements, mais je ne voudrais pas engager le débat sur l'inflation, est-ce que cet engagement, advenant le cas où vous ne pourriez pas assumer vos obligations pour le 31 mars 1983, parce que je crois quand même que c'est le point le plus important...

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas... Ecoutez...

M. ROY: ... est-ce que vous avez une période de grâce? Est-ce que cela peut être renouvelable?

M. FRANCOEUR: M. Roy, je crois, d'abord, que ce sera remboursé. L'expérience du passé me démontre qu'il n'y a pas de problème pour rembourser cette somme avant la date prévue. S'il restait ce qu'on appelle un montant, à ce moment-là, à refaire un financement peut-être d'un million de dollars, mettez cela au pire, un million de dollars, cela ne présenterait aucun problème.

Si vous permettez que je précise ma pensée, M. Roy, il y a de plus en plus d'entreprises qui font des emprunts sur obligations. Elles prévoient un gros montant, le plus possible, qui reste, à la fin, pour le refinancer, justement à cause de la possibilité qu'à ce moment-là ce soit en fait une dette beaucoup moins élevée à cause de la dévaluation possible de l'argent.

M. ROY: Maintenant, est-ce que vous avez une clause, dans les actes qui ont été signés, qui vous garantit ce privilège de pouvoir négocier à nouveau pour amortir le montant, le solde dû sur une période d'années?

M. FRANCOEUR: Je n'en ai pas besoin. A ce moment-là, je peux aller à la banque, je peux aller voir une société d'assurance, je peux aller voir une compagnie de fiducie. Je peux refinancer avec n'importe qui à ce moment-là.

M. ROY: Je suis d'accord sur ce que vous dites, c'est la règle qui prévaut dans le monde des affaires en général. Mais il y a quand même deux parties concernées. Il y a vous-même et l'autre, comme créancier hypothécaire, en quelque sorte, parce que vous avez négocié des hypothèques et des nantissements avec lui. Il y a quand même, pour le créancier hypothécaire, la possibilité, s'il le désire, de par sa volonté, de ne pas renouveler l'entente et d'exiger le remboursement immédiat. J'aimerais savoir ce qui pourrait se produire.

Je ne veux pas que vous pensiez que j'ai un tempérament pessimiste, au contraire, mais je pense que, dans les affaires, il faut prévoir les deux côtés.

M. FRANCOEUR: A l'échéance, M. Roy, si vous me permettez, nous le payons. S'il reste $500,000 ou $1 million sur une valeur de $15 millions, à ce moment-là, je n'aurai aucun problème à faire un financement, prendre le chèque et à le donner à M. Desmarais. Il n'y a aucun problème à ce moment-là. Il ne peut pas m'empêcher de le rembourser.

M. ROY: En supposant que les affaires n'iraient pas aussi bien que prévu,...

M.TREMBLAY: Ah! Vous devenez pessimiste.

M. ROY: Non, non, je ne m'en viens pas pessimiste. Je veux dire que, dans ce domaine-là, il faut...

M. FRANCOEUR: II ne faut pas oublier, M. Roy, je vais vous interrompre tout de suite, que l'obligation envers M. Desmarais ne comprend pas le Soleil. Il ne faut pas oublier ça.

M. ROY: L'obligation de M. Desmarais ne comprend pas...

M. FRANCOEUR: Dans l'obligation envers M. Desmarais, le Soleil n'est pas impliqué. Nous sommes ici pour regarder le problème du Soleil. En pratique, je rembourse M. Desmarais en pourcentage des profits que je réalise à la fin de l'année.

M. BONNIER: M. le Président, est-ce que je pourrais juste...

M. ROY: Oui, mais c'est votre compagnie UniMédia... Je m'excuse.

M. BONNIER: Est-ce que je peux vous interrompre pour poser une question à l'intérieur de la vôtre...

M. ROY: Parfait.

M. BONNIER: ... à M. Francoeur pour obtenir un éclaircissement? M. Francoeur, dans un des documents, on dit que M. Desmarais, c'est-à-dire que les Immeubles-Journaux ont accepté de suspendre quand même le remboursement de $2,300,000 tant que vous n'auriez pas remboursé la Banque Canadienne Nationale. Quel effet est-ce que cela a sur vos engagements?

M. FRANCOEUR-. On continue à rembourser, il n'est pas question de ça, monsieur.

M. BONNIER: Un instant. Est-ce que l'on peut prendre le temps? C'est dans ce petit document-ci. C'est un document qui a été signé le 16 janvier 1974.

M. DUCHARME: Vous parlez de la résolution des Journaux Trans-Canada et des Immeubles-Journaux? Est-ce ça?

M. BONNIER: Les Immeubles-Journaux. C'est signé le 16 janvier 1974.

On dit: "Pour l'année en cours et pour chaque année future, la compagnie consent, par les présentes, à ne pas exiger ou recevoir paiement des versements qui peuvent être payables sur les sommes ci-haut mentionnées qui lui sont dues par Dimanche-Matin Ltée, Imprimerie Montréal Granby Presse, tant et aussi longtemps que, pour chaque année, la Banque Canadienne Nationale n'aura pas obtenu le paiement des versements annuels qui doivent lui être faits sur le prêt de $5 millions consenti à UniMédia."

Cela veut dire que cela a un effet, n'est-ce pas, sur les transactions du 20 novembre auxquelles se réfère M. Roy, je pense.

M. DUCHARME: Si vous me permettez, la portée de ce document est la suivante: la Banque Canadienne Nationale a prêté $5 millions. Elle se fait rembourser le capital par versements semi-annuels, à tous les six mois. Ceci veut dire que les Journaux Trans-Canada et les Immeubles-Journaux reconnaissent, que si la banque n'a pas reçu les versements semestriels à l'échéance, ils ne peuvent pas, eux, à ce moment-là, exiger d'UniMédia les versements qui lui sont dus par UniMédia.

M. CHARRON: La banque passe toujours en premier.

M. DUCHARME: C'est ça. En somme, c'est pour établir la priorité de la banque.

M. ROY: Est-ce que, dans la priorité de la banque, cela veut dire que M. Desmarais, des Journaux Trans-Canada, est intervenu, dans l'acte, entre UniMédia et la Banque Canadienne Nationale? Il a dû intervenir pour céder un droit, céder ses droits prioritaires, si vous voulez? Il s'est engagé à ne pas exiger. Il est intervenu.

M. DUCHARME D'accord. Et vous avez justement le document auquel on fait référence qui établit cette intervention. Elle est écrite là et elle est produite devant vous.

M. ROY: Je reviens à la question de tout à l'heure, avant que M. Bonnier ne pose cette question. Si ces ententes ne comprennent pas le journal Le Soleil comme tel, comment se fait-il... Le journal Le Soleil est la propriété d'UniMédia. C'est UniMédia qui s'est porté acquéreur du journal Le Soleil.

M. DUCHARME: Si vous me permettez, c'est un peu technique. Juste une explication. Ce que M. Francoeur veut dire, c'est ceci: Dans la transaction avec les Journaux Trans-Canada, la dette d'UniMédia est remboursable seulement jusqu'à concurrence de 75 p.c. de ce qu'on appelle le "cash-flow". D'accord? Mais le "cash-flow" dont il s'agit, c'est le "cash-flow" des journaux qui étaient la propriété d'UniMédia jusqu'au 20 novembre 1973. Donc, les journaux acquis par la suite ne tombent pas là-dedans.

Autrement dit, le "cash-flow" du journal Le Soleil, à titre d'exemple, ou de tout autre journal ou entreprise qu'UniMédia pourrait acheter par la suite, ne sert pas à rembourser M. Desmarais. C'est ce que cela veut dire. Je pense que c'était ce que M. Francoeur voulait dire.

M. ROY: Autrement dit, il ne peut pas les prendre en garantie ou en amortissement de la dette, advenant le cas que les affaires ne seraient pas aussi prospères, aussi bonnes qu'on le prétend? Est-ce ce que cela veut dire?

M. DUCHARME: Non, ce n'est pas ce que cela veut dire. Non, non, je n'ai pas dit cela. Il y a une charge flottante sur l'ensemble des biens d'UniMédia qui est là.

M. ROY: Dans les documents qui nous ont été donnés, on dit que cela ne comprend pas le journal Le Soleil mais, quand même, les Journaux Trans-Canada, Immeubles-Journaux ont un droit de regard sur l'administration, exigent des rapports concernant l'administration de l'entreprise et les actions du Soleil sont la propriété d'UniMédia.

M. DUCHARME: Elles sont la propriété d'UniMédia.

M. ROY: Bon. Elles sont la propriété d'Uni-Média. Cela veut dire qu'en cas de difficultés, j'ai l'impression, ou je comprends mal, qu'on joue sur les mots un peu. On parle des journaux qui ont été acquis avant et des journaux qui ont été acquis après. Mais cela, ça ne paraît pas sur les actions comme telles. Alors si, à un moment donné, on décide de prendre la totalité ou la possession entière des actions d'une entreprise pour se rembourser, inévitablement, tout ce que les actions servent à contrôler ou ont servi à acheter, les biens qui sont détenus font partie de tout le patrimoine.

M. DUCHARME: Non, non. Vous avez raison. C'est pour cela que j'ai expliqué tantôt que M. Francoeur, quand il a dit que le Soleil n'était pas là-dedans, se référait effectivement au "cash-flow" qui servait à rembourser annuellement les Journaux Trans-Canada.

Là, vous parlez d'un deuxième problème, qui est la garantie donnée aux créanciers d'UniMédia sur ses actifs. C'est un deuxième problème.

Il est évident que le Soleil, comme tous les autres actifs, font partie de la garantie générale et qu'il y a des garanties spéciales qui ont été données à la Banque Canadienne Nationale et au journal Le Soleil, à titre d'exemple, aux Gilbert qui, sur les actions du Soleil, ont un droit prioritaire, avec la banque.

M. ROY: Cela veut dire qu'à toutes fins pratiques, ça pourrait aller jusqu'à ce que — si le prêt n'est pas remboursé avant le 31 mars 1983, en mettant ça au pire — Desmarais puisse dire: Voici, toutes ces entreprises, c'est à moi maintenant.

M. DUCHARME: Non.

M. ROY: Cela peut aller jusque-là.

M. DUCHARME: Ce n'est pas aussi simple que ça.

M. ROY: Non, mais ça peut aller jusque-là.

M. DUCHARME: Non.

M. ROY: Cela ne peut pas aller jusque-là?

M. DUCHARME: Non, pas tout à fait comme ça, parce que ce ne sont pas des hypothèques avec dation en paiement, c'est un peu technique, ce sont des émissions d'obligations. Le fiduciaire est obligé de vendre les actifs et de demander des enchères, des soumissions, et le premier qui peut demander ça, c'est en fait la Banque Canadienne Nationale. Alors, ce n'est pas le créancier qui dit: Je le mets dans ma poche. Ce n'est pas comme ça. Il y a des ventes et il y a des acheteurs. Si M. Desmarais veut acheter, évidemment il peut essayer d'acheter. C'est clair. Comme n'importe qui d'autre.

M. ROY: Le premier qui peut le demander — étant donné que c'est la Banque Canadienne Nationale qui a le premier privilège — je pense qu'on peut être d'accord là-dessus, c'est elle qui a le droit de le demander en premier lieu.

M. DUCHARME: Oui, mais la Banque...

M. ROY: Mais en deuxième lieu, en supposant que l'autre se prévaut de toutes les clauses...

M. DUCHARME: Ce sont les Gilbert.

M. ROY: ... il peut, lui, payer la banque demain matin et dire: Moi, je suis propriétaire.

M. LALONDE: Qui ça?

M. DUCHARME: Ce que je voudrais rendre clair ici, c'est que, d'une part, la Banque Canadienne Nationale a un premier rang. Je suppose que la banque n'est pas payée. Pour réaliser sa garantie, elle ne devient pas propriétaire des actions; ce qu'elle fait, elle fait vendre des actions pour être payée à même le produit de la vente. C'est différent, ce n'est pas tout à fait la même chose. Ce n'est pas comme quelqu'un qui s'empare d'un bien et dit: Maintenant il est à moi. Ce n'est pas comme ça que ça marche.

M. ROY: Non, d'accord.

M. DUCHARME: A ce moment, on fait cette vente et, d'après les actes de fiducie, ce sont des ventes aux enchères, par soumissions.

M. ROY: Les ventes aux enchères, par soumissions, cela veut dire...

M. DUCHARME: Maintenant...

M. ROY: ... que M. Desmarais pourrait, à partir de ce moment, se porter acquéreur de la totalité des actions.

M. DUCHARME: II pourrait se porter acquéreur, bien, il pourrait peut-être essayer de le faire, comme il a essayé depuis quatre mois de l'acheter des Gilbert, mais il semblerait qu'il n'a pas réussi.

M. ROY: Mais est-ce qu'il pourrait le faire?

M. DUCHARME: Théoriquement, comme moi je pourrais faire une offre aussi, et vous aussi.

M. ROY: II pourrait le faire. Et s'il était le seul intéressé...

M. DUCHARME: Bien ça...

M. ROY: ... est-ce que la banque peut l'empêcher de le faire?

M. DUCHARME: Voici, c'est censé se faire au plus haut enchérisseur. Il est évident que, tout d'abord, il y a les Gilbert qui pourraient aussi l'empêcher d'acheter s'ils ne sont pas certains d'être payés de leur solde de prix de vente. C'est comme quand vous avez une hypothèque sur une maison, il y a un premier et un deuxième. Le deuxième créancier hypothécaire, quand la maison est en vente, il s'assure, lui, que s'il y a un acheteur, ça va être au moins pour un montant suffisant pour couvrir sa propre hypothèque, et très souvent il va peut-être essayer de l'acheter lui-même, si c'était possible. Les Gilbert sont intéressés aussi là-dedans.

M. ROY: Cela veut dire que M. Desmarais pourrait le faire. Il n'y a rien qui l'empêcherait.

M. DUCHARME: Théoriquement M. Desmarais pourrait, même s'il n'avait rien à faire ici comme créancier, n'importe quand, aller faire une offre si un jour les biens sont mis en vente par le fiduciaire des obligations détenues par la Banque Canadienne Nationale, ou par les Gilbert comme créanciers détenteurs des actions du Soleil; il pourrait se présenter comme n'importe qui. Il s'agira pour lui de savoir s'il est en mesure de l'acheter à ce moment, compte tenu de la situation qui prévaut. Si c'est la même situation qu'aujourd'hui, il semblerait qu'il ne serait pas capable de le faire.

M. ROY: Parce que, dans tous les actes, un créancier hypothécaire a quand même certains privilèges et certains droits...

M. DUCHARME : Mais ce n'est pas un acte... C'est justement la distinction que j'ai voulu faire tantôt, c'est technique, je comprends ça. Dans un acte hypothécaire, il y a ce qu'on appelle une clause de dation en paiement où il

est dit que le créancier hypothécaire a deux choix. Ou bien il fait vendre en justice l'immeuble et il est payé à même le produit de la vente, cela c'est un choix. Ou il peut choisir d'en devenir propriétaire.

Il faut tout d'abord qu'il donne un avis de 60 jours qui est enregistré et les autres créanciers ont le droit de venir aussi pour se protéger de ce côté. Mais il peut théoriquement faire ça.

Mais dans le cas d'acte de fiducie, ce n'est pas du tout comme ça que ça fonctionne. Le fiduciaire prend possession des biens au nom des créanciers et il les administre, et il les vend, mais il doit les vendre à l'enchère et par voie de soumissions, et quand il demande des offres, n'importe qui peut venir faire une offre, M. Desmarais, M. Roy, moi-même, n'importe qui qui croit être capable d'acheter et de payer.

C'est ce que je veux dire quand je dis que M. Desmarais peut acheter. C'est clair, il peut acheter comme n'importe qui, à condition, j'imagine, qu'il présente la meilleure offre.

M. ROY: Maintenant, est-ce qu'on peut en déduire qu'il a quand même une certaine préférence d'achat...

M. DUCHARME: Non.

M. ROY: ... en vertu des actes qui ont été signés?

M. DUCHARME: Non. Il n'a aucune préférence d'achat en vertu des actes. Et, si vous regardez dans l'acte de fiducie, vous verrez que c'est clair.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Maisonneuve.

M. BURNS: M. le Président, ma question s'adresse à M. Francoeur. Depuis le début, j'écoute le déroulement des questions, tant celles posées par mon collègue de Saint-Jacques que celles soulevées par vos réponses. Je vous avoue que ça me paraît un peu invraisemblable qu'au cours du mois de décembre vous fassiez une offre pour l'achat du Soleil, à une époque où, il est vrai de façon formelle, vous êtes désintéressé par rapport à M. Desmarais, mais où vous êtes encore dans le portrait, jusqu'à la fin de l'année financière. Cela me paraît un peu invraisemblable que, dans une relation d'affaires qui se poursuit jusqu'à extinction prochaine, vous n'ayez pas discuté, à un moment ou à un autre, de votre offre ou de l'offre que vous vous apprêtiez à faire relativement au Soleil...

M. FRANCOEUR: Si vous...

M. BURNS: Laissez-moi terminer... avec M. Desmarais quand on sait, d'ailleurs, le type de relations d'affaires qui existent entre associés, d'une part, ou entre ex-associés et surtout entre personnes d'un même milieu, c'est-à-dire qui sont intéressées à l'achat, à la vente de ce qu'on peut appeler de façon générale les media d'information.

Je vous avoue que, jusqu'à maintenant — je ne mets pas votre parole en doute — ça me paraît invraisemblable que vous n'ayez pas, à un moment ou à un autre, même de façon informelle, remarquez, même autour d'un café à la cafétéria...

M. FRANCOEUR: Je n'ai pas dit que je ne lui avais pas parlé au cours de la période qui a mené au 14 janvier. Je n'ai pas dit cela, monsieur.

M. BURNS: Bon, j'avais compris que vous aviez dit cela. Alors, quand est-ce que vous avez parlé avec M. Desmarais de cette offre que vous vous apprêtiez à faire?

M. FRANCOEUR: Me permettez-vous, je vais vous donner...

M. BURNS: Donnez-moi...

M. FRANCOEUR: ... en deux mots, la transaction.

M. BURNS: En plus de mots que ça, si vous voulez, remarquez. Cela ve me faire plaisir.

M. FRANCOEUR: Non, je vais être bref.

Un matin, j'ai entendu à la radio ou j'ai lu un commentaire disant que le premier ministre, la veille — c'était un peu après la mi-décembre — avait fait une déclaration ou avait laissé entendre que le groupe populaire, pour bien se comprendre, on avait des problèmes à le former. Dans ce que j'ai entendu ce matin-là ou ce que j'ai lu — ou peut-être les deux — on disait encore que le premier ministre avait répété que M. Desmarais ne serait pas acceptable. Il était également question, plus tôt dans le commentaire à la radio ou dans le journal, qu'il y avait certaines réticences de la part du gouvernement parce que Québécor avait déjà un quotidien à Québec et que ça ferait deux quotidiens de la ville sur trois.

Je suis arrivé au bureau et, avec M. Faucher, qui, lui aussi, avait lu ou entendu cela, nous avons eu la réaction: Bien, il y a peut-être seulement nous qui pouvons déprendre toute cette affaire. J'ai téléphoné à M. Guy Gilbert, si ma mémoire est bonne, et lui ai demandé ce qui arrivait. Il m'a dit: C'est toujours l'impasse. Je lui ai dit: Si je te faisais une offre, l'accepterais-tu? Guy m'a dit: Apporte-la et je la signe; nous sommes fatigués de toute cette histoire. Je lui ai dit: II y a une condition: il faudrait que ce soit clair et net; nous ne voulons pas être pris entre le gouvernement, M. Desmarais et toi.

Bon, très bien, lui ai-je dit, je vais t'en reparler d'ici demain. J'ai téléphoné à M. Louis Hébert, le président de la Banque Canadienne Nationale, pour prendre rendez-vous le lende-

main matin. J'ai également téléphoné à M. Desmarais, pour lui demander ce qu'il ferait. Il m'a dit: Moi, je considère que je suis encore dans la course. Je lui ai dit: A la façon dont M. Bourassa a parlé, je doute que ça aboutisse.

Là il m'a dit: Pour le moment, moi... J'ai dit: En tout cas, je vais essayer de continuer mon affaire. Le lendemain matin, avec M. Faucher, nous avons discuté avec M. Hébert et ses adjoints, qui nous ont confirmé le financement. J'ai ensuite, je crois, appelé M. Lalonde pour le mettre au courant de la façon dont ça se présentait. Il faut dire que M. Hébert, à ce moment-là, nous a dit qu'il irait jusqu'à $5 millions.

J'ai appelé Guy Gilbert et je lui ai dit: Je te fais une offre de $8 millions plus les actions privilégiées à deux conditions principales. La première, tout doit être net. Règle tes problèmes avec le gouvernement, règle tes problèmes avec M. Desmarais, nous ne voulons pas de problème. Si tout est clair, nous faisons cette offre, et prendrais-tu, pour une partie du prix de vente une obligation de $3 millions? Il a dit oui. J'ai dit: Considère l'offre comme faite, mais toujours conditionnelle à ce que tu éclair-cisses la situation. Là, nous sommes quelques jours avant Noël. Inutile de préciser qu'à ce moment il est bien difficile, apparemment, pour tout le monde d'aller assez vite.

J'ai donc laissé entre les mains de M. Gilbert et entre les mains de M. Desmarais le soin de se déprendre, parce que — vous êtes au courant aussi bien que moi — ils étaient pris ensemble. Les Gilbert, évidemment, n'étaient pas prêts à laisser aller, apparemment, un acheteur qui était engagé et l'acheteur, à cause des circonstances, évidemment ne voulait pas acheter. Je pense bien qu'il leur fallait une entente, à façon dont je le comprends aujourd'hui...

M. BURNS: Là-dessus, juste une petite parenthèse, M. Francoeur. Lors de votre communication avec M. Desmarais, il n'a pas été question de ce lien contractuel qui existait entre M. Desmarais et les Gilbert?

M. FRANCOEUR: Oui, je vous l'ai dit tout à l'heure...

M. BURNS: Quand il vous a dit, par exemple, qu'il était encore dans la course, est-ce qu'il n'a pas été question de ce contrat?

M. FRANCOEUR: Moi j'ai dit: Ecoute, si jamais tu décides que tu veux libérer les Gilbert, j'ai fait une offre verbale aux Gilbert.

M. BURNS: Vous étiez alors au courant de cette transaction du 11 septembre entre les Gilbert et...

M. FRANCOEUR: Non, je l'avais lu dans les journaux, je n'ai jamais vu la transaction, je n'en connaissais pas les modalités, M. Burns. J'avais lu les journaux comme tout le monde.

M. CHARRON: Ce n'était pas dans les journaux.

M. BURNS: Ce n'était pas dans les journaux, ça, M. Francoeur.

M. FRANCOEUR: C'était dans les journaux, apparemment, qu'il y avait un moratoire sur une entente, voyons! Cela a été dans les journaux, que M. Bourassa avait demandé un moratoire pour ne pas donner suite apparemment à des discussions qui avaient eu lieu.

M. BURNS: L'entente du 11 septembre, M. Francoeur, à ma connaissance, la première fois qu'on a réussi à la faire sortir, c'est ici lors de votre première comparution.

M. FRANCOEUR: Non, je dis que je comprenais qu'il y avait un accord de principe. Quand je dis une entente, je n'ai pas vu de documents.

M. BURNS: Entre vous et moi, M. Francoeur, est-ce que M. Desmarais vous avait parlé de cette entente?

M. FRANCOEUR: Non. Je lui ai dit que je voulais, que j'avais dit aux Gilbert que tout devait être net dans les relations du Soleil avec M. Desmarais et avec le gouvernement. C'est ce que j'ai dit aux Gilbert. C'est des Gilbert que j'achetais. Je n'achetais pas de M. Desmarais, j'achetais de...

M. BURNS: Non, mais vous avez eu des communications avec M. Desmarais en cours de route. C'est ce que vous nous avez dit tantôt. Vous lui avez dit: Moi, je suis bien prêt à l'acheter, mais je ne veux pas avoir d'embêtement par rapport à toi puis les Gilbert, puis par rapport au gouvernement.

M. FRANCOEUR: C'est ça.

M. BURNS: Quand vous avez dit: Par rapport à toi puis les Gilbert, c'était à cause de quoi, ça?

M. FRANCOEUR: Parce que j'avais compris dans toutes les déclarations et les commentaires des journaux, parce que les journaux ont fait des commentaires disant qu'il semblait y avoir effectivement une transaction qui était assez avancée... Cela a été dans les journaux, je ne me rappelle pas lesquels, mais on le voyait, on le sentait.

M. CHARRON: Mais je voudrais revenir, M. Francoeur, sur les réactions que vous nous disiez que M. Desmarais avait eues au moment de ce téléphone. M. Desmarais vous a dit qu'il était encore dans la course.

M. FRANCOEUR: C'est l'impression que j'avais.

M. CHARRON: Vous a-t-il dit jusqu'à quel point il était dans la course?

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: Vous a-t-il dit qu'il avait un contrat dûment signé depuis le 11 septembre?

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: Sur quoi vous êtes-vous basé, vous, pour faire votre offre à M. Gilbert? Aviez-vous les états financiers du Soleil?

M. FRANCOEUR: M. Charron, donnez-moi le tirage d'un journal, donnez-moi le contexte social de sa ville, donnez-moi des données comme celles-là — d'autant plus que M. Faucher avait visité les lieux, accidentellement, peut-être un an avant — et je vais vous faire une évaluation d'un journal.

M. CHARRON: Mais comment se fait-il que le hasard a fait que vous tombiez...

M. FRANCOEUR: J'ai demandé les bilans aux Gilbert ce jour-là et ils me les ont envoyés.

M. CHARRON: Mais comment se fait-il que vous soyez tombé sur la même évaluation et, à partir de cette évaluation, sur la même offre d'achat, exactement, que la compagnie de M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Gilbert m'a mentionné que c'était le prix qu'il voulait.

M. CHARRON: Que M. Desmarais...

M. FRANCOEUR: Cela avait été dans les journaux aussi.

M. CHARRON: Vous a-t-il mentionné que c'était le prix que M. Desmarais... En plus de vous mentionner que c'était un prix abordable, a-t-il été précis au point de vous dire que c'était le prix sur lequel on en était venu à une entente avec Power Corporation...

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: ... le 11 septembre dernier?

M. FRANCOEUR: De cette façon-là, non, monsieur.

M. CHARRON: M. Gilbert, lui, vous a-t-il informé qu'il y avait un contrat en bonne et due forme de signé avec M. Desmarais et qu'il fallait donc obtenir la libération?

M. FRANCOEUR: Oui. M. Gilbert m'a dit plus ou moins, à ce moment-là, m'a laissé entendre qu'il avait donné sa parole. Enfin, je voyais qu'il avait des attaches, soit verbales ou autres, qu'il y avait ce qu'on pourrait appeler un "commitment", un engagement envers M. Desmarais, oui.

M. CHARRON: Vous a-t-il donné cette information-là le premier jour, dès que vous l'avez appelé pour faire une offre?

M. FRANCOEUR: Oui. C'est là que je lui ai dit tout de suite qu'il devait régler cela. C'était une des conditions.

M. CHARRON: Mais vous, le lendemain matin, lorsque vous avez téléphoné à M. Desmarais, vous ne lui en avez fait aucune mention.

M. FRANCOEUR: Oui, je lui ai demandé et il m'a dit: Là-dessus, je veux reparler aux Gilbert, je veux reparler au gouvernement, bon. Il n'était pas prêt du tout, à ce moment-là.

M. CHARRON: Et vous lui avez rappelé, selon l'information que M. Gilbert vous avait donnée la veille, qu'il était toujours... Vous aviez besoin de...

M. FRANCOEUR: Non, je n'ai pas mentionné ça comme cela.

M. CHARRON: Au moment où vous l'avez appelé, vous saviez déjà, depuis la veille — M. Gilbert vous en avait informé — qu'il vous fallait nécessairement le désistement de M. Desmarais. Vous l'appeliez pourquoi?

M. FRANCOEUR: Moi, j'ai dit aux Gilbert... Notre offre disait que les actions devaient être libres de tout lien, de tout problème. Nous n'achetions que si tout était en ordre.

M. CHARRON: Et c'est alors que M. Gilbert vous a dit...

M. FRANCOEUR: C'était aux Gilbert de discuter avec M. Desmarais.

M. CHARRON: Mais M. Gilbert vous a dit, à ce moment-là: II va falloir que je me libère. Si vous posiez cette condition-là, il a dû vous informer qu'il fallait se libérer du contrat du 11 septembre.

M. FRANCOEUR: II ne m'a pas parlé de date de contrat.

M. CHARRON: Non.

M. FRANCOEUR: II m'a dit: Je vais discuter de la situation avec M. Desmarais.

M. CHARRON: Avec Desmarais, bon. Vous, le lendemain, quand vous appeliez M. Desmarais, c'était en quelque sorte pour le préparer mentalement à recevoir un coup de téléphone de M. Gilbert pour obtenir d'avance son désistement. Cela devait être une condition essentielle.

M. FRANCOEUR: Est-ce qu'il l'avait su avant ou non? Je ne le sais pas.

M. CHARRON: Alors, expliquez-moi pourquoi, si ce n'était pas pour obtenir son désistement, le lendemain matin vous preniez la peine de téléphoner à Paul Desmarais?

M. FRANCOEUR: C'est normal, après avoir lu et entendu M. Gilbert. Moi, je voulais savoir quelle était son attitude, à ce moment-là.

M. CHARRON: Je vous demande cela parce que, la semaine dernière, M. Gilbert nous a répondu ceci, page B-106 du journal des Débats. Je lui ai posé la question suivante : "C'est seulement alors que vous avez communiqué ensuite avec M. Desmarais pour lui signaler l'existence de M. Francoeur? " M. Gilbert m'a répondu: "Non, à ce moment, M. Francoeur avait averti M. Desmarais qu'il se proposait à lui faire une offre."

M. FRANCOEUR: C'est cela. C'est ce que je vous ai dit.

M. CHARRON : Vous aviez averti M. Desmarais que vous vous proposiez à lui faire une offre. Quelle offre faisiez-vous à M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Pas à M. Desmarais, à M. Gilbert.

M. CHARRON: C'est ce que M. Gilbert nous a dit, lui.

M. FRANCOEUR: II y a peut-être une mauvaise construction de phrase. Moi, je ne faisais pas d'offre à M. Desmarais; je n'ai pas d'offre à lui faire.

M. CHARRON: Mais vous deviez, par contre, obtenir son désistement, d'une part? ...

M. FRANCOEUR: Pas moi, M. Charron. Je mettais, comme condition de mon offre à M. Gilbert, qu'il obtienne le désistement.

M. CHARRON: Autrement dit, vous faisiez cette offre sans vous engager, de votre part, à faire le moindre effort pour obtenir deux choses: le désistement...

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas mon problème.

M. CHARRON: II n'en a donc pas été question, au moment où vous avez téléphoné à M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Si vous m'offrez d'acheter ma maison et demandez que les titres soient clairs et nets à la satisfaction de votre notaire, c'est à moi de fournir à votre notaire les titres clairs et nets. Là, c'était la même chose.

M. CHARRON : Au moment où vous avez téléphoné à M. Desmarais, le matin, c'était simplement pour vérifier s'il était encore dans la course?

M. FRANCOEUR: C'était exactement pour ça, oui, monsieur.

M. CHARRON: Alors, dans votre esprit, à ce moment, étant donné qu'il répondait positivement à votre question, qu'il était encore dans la course, vous saviez donc que M. Gilbert allait avoir beaucoup de travail, puis qu'il devait obtenir, d'une part, son désistement...

M. FRANCOEUR: C'est clair.

M. CHARRON: ... et deuxièmement, accepter de M. Desmarais qu'il passe au second rang sinon au troisième rang avec les débentures qu'il avait droit...

M. FRANCOEUR: II n'a pas été question de détails techniques comme ça.

M. CHARRON: Non, pas ce matin-là.

M. FRANCOEUR: C'était simplement pour avoir une idée de sa réaction aux approches de M. Gilbert pour le faire désister.

M. CHARRON: Quand avez-vous entendu parler, pour la première fois, de la présence de M. Péladeau?

M. FRANCOEUR: A 10 heures, le 10 janvier, dans la soirée, monsieur.

M. CHARRON: Auparavant... M. FRANCOEUR: Aucunement.

M. CHARRON: ... au moment dont on nous parle là, le 20 ou 21 décembre, aucunement?

M. FRANCOEUR: Aucunement.

M. CHARRON: M. Desmarais en était-il saisi? Vous en a-t-il informé?

M. FRANCOEUR: Non. Je n'ai pas parlé à M. Desmarais; peut-être deux ou trois fois dans toute la période.

M. CHARRON : Lorsque vous avez téléphoné à M. Gilbert pour lui faire votre offre, c'était, comme vous nous avez dit, tout à l'heure, parce que, visiblement, dans les journaux c'était très bien rapporté que ça piétinait. Vous saviez que les "sparages" du gouvernement autour du consortium, comme M. Gilbert l'a dit...

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas moi qui ai dit: "sparages du gouvernement", c'est vous.

M. CHARRON: Non, M. Gilbert, la semaine dernière.

M. Gilbert vous a-t-il informé? J'imagine, quand vous appelez et que vous dites au gars: Je sens que le gars à qui t'as l'intention de vendre, tu vas avoir des problèmes avec lui, que vous lui demandez: Est-ce qu'il y en a d'autres dans la course? Vous êtes-vous informé s'il y avait d'autres...

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: Non. Et M. Gilbert ne vous a pas informé non plus?

M. FRANCOEUR: Je vous l'ai mentionné tout à l'heure, je ne voyais pas Québécor à cause des commentaires qui avaient été faits. Même si ce n'était peut-être pas aussi aigu que M. Desmarais, il semblait qu'à cause du Journal de Québec, le gouvernement préférait que ce ne soit ni M. Desmarais, ni Québécor, s'il y avait d'autres possibilités. J'ai compris cela à ce moment.

M. CHARRON: Même le gouvernement ne souhaitait pas que ce soit Québécor?

M. FRANCOEUR: Ecoutez, je dis que dans certaines nouvelles qu'il y a eues à cette période, les journalistes commentaient qu'il semblait que le gouvernement hésitait également, pas autant peut-être que pour M. Desmarais, mais le fait que Québécor avait déjà un quotidien à Québec... Oui, il n'y en a que trois.

M. CHARRON: Est-ce que je peux vous demander si M. Gilbert vous a informé de ça?

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: Non. M. Gilbert vous a-t-il, à un moment ou l'autre de votre premier appel téléphonique ou du second, informé ou donné son opinion sur le projet de consortium que le gouvernement était en train de faire?

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON: Vous êtes-vous enquis auprès de M. Gilbert du sérieux de ce projet, ou auprès d'une personne quelconque, du groupe populaire, comme vous l'appeliez tout à l'heure?

M. FRANCOEUR: Pas tellement. A un moment donné, j'ai parlé à M. Lalonde de ça, vaguement, comme ça. Il en a été question, mais pas plus que cela, pas tellement. A un moment donné, j'ai même dit qu'il y avait une possibilité que je m'intéresse à un consortium comme ça, au tout début, mais...

M. LALONDE: C'est lors du premier coup de téléphone.

M. FRANCOEUR: Lors du premier coup de téléphone, c'est ça.

M. CHARRON: Maintenant, la période des Fêtes a donc brisé un peu, on en reste là. Après la rencontre avec le président de la Banque Canadienne Nationale, après l'assurance que vous aviez les $5 millions que vous vouliez emprunter, il y a eu donc, si je reprends ce que vous nous avez dit tantôt, un autre coup de téléphone à Québec pour confirmer à M. Gilbert, lui demander son consentement sur les $3.5 millions d'abord et l'informer que vous aviez les $5 millions prêtés par la Banque Canadienne Nationale. Que vous a dit M. Gilbert, à ce moment-là?

M. FRANCOEUR: II m'a dit: Cela marche, je m'occupe d'obtenir le désistement de M. Desmarais.

M. CHARRON: Et vous êtes resté sans nouvelles jusqu'à quand?

M. FRANCOEUR: Ecoutez, vous tombez dans la période des vacances, M. Gilbert m'a peut-être parlé une couple de fois. Il m'a appelé ou son frère m'a appelé; il n'y a pas eu vraiment de nouveau jusqu'à l'appel téléphonique du jeudi soir, le 10 janvier. Le jeudi soir, 10 janvier, j'ai eu un appel chez moi de M. Gilbert m'annonçant qu'il avait une offre formelle de Québécor, que l'offre finissait à trois heures le lendemain, et qu'il accepterait cette offre, tant pis pour tout le monde, et qu'il était prêt à prendre les risques.

Bon. Il m'a dit: Tu m'as fait une offre verbale que j'ai acceptée, mais là, avant, je veux régler cela. C'est fini. Je veux régler cela pour trois heures, demain. Il m'a dit: Si tu me confirmes, par écrit, avec un dépôt substantiel, ton offre, tu as la priorité pour l'offre que tu m'as faite. J'ai dit: Très bien, je vais te donner de mes nouvelles, demain.

M. CHARRON: Saviez-vous, à l'époque, de combien votre offre se trouvait supérieure à celle de Québécor?

M. FRANCOEUR: MM. Faucher et Gilbert avaient déjà fixé le prix qui était de $8 millions pour les actions communes, plus les actions privilégiées qui représentaient $425,000, ce qui faisait une offre de $8,425,000.

M. CHARRON: M. Gilbert, la semaine dernière ou à la dernière séance plutôt, nous a dit qu'à ce début de janvier 1974 il avait communiqué avec vous deux fois.

M. FRANCOEUR: C'est ça.

M. CHARRON: Le 10, comme vous venez de nous le rappeler, pour vous dire que Québécor était sur la table, et le 7, trois jours

auparavant. Etait-ce pour vous informer de l'état des négociations avec M. Desmarais, parce qu'il fallait négocier avec M. Desmarais son désistement? Vous en a-t-il informé ou vous, au moment où il vous a rappelé, le 7 janvier...

M. FRANCOEUR: Moi, écoutez, je dois faire...

M. CHARRON: Non, je vais terminer ma question, si vous le permettez. Au moment où, le 7 janvier, il vous a téléphoné pour revérifier si votre offre était encore substantiellement la même, etc., au lendemain des Fêtes, vous êtes vous enquis pour savoir comment cela allait, son problème? C'était son problème, que vous nous avez dit. Mais comment est-ce que son problème avec M. Desmarais allait?

M. FRANCOEUR: Vers le 7 janvier?

M. DUCHARME : C'est à quel endroit dans le témoignage de M. Gilbert?

M. LALONDE: C'est parce que M. Gilbert a dit, à un moment donné, qu'il n'avait pas eu de nouvelles de M. Francoeur pendant un bon bout de temps, disons une semaine ou dix jours, et que c'est à ce moment-là qu'il avait pris contact avec Québécor pour obtenir une offre de Québécor, pensant que M. Francoeur n'était plus intéressé. On va peut-être trouver cela dans...

M. FRANCOEUR: Moi, comme je vous le dis, j'insistais pour qu'au sujet du désistement, enfin appelez cela comme vous le voudrez, il n'y ait pas de problème juridique. Je savais que c'était une chose qui était longue. Je n'insistais pas dans le sens d'activer les choses, d'autant plus également — je dois le dire au crédit de M. Lalonde — que M. Lalonde avait mentionné, lors de nos premières conversations, qu'il essayait toujours de former un groupe populaire. A ce moment-là, tout cela mis ensemble, je n'étais pas pressé. J'avais la parole de Guy Gilbert qu'il me vendait une fois qu'il remplirait mes conditions. J'avais la promesse de la banque pour l'argent. Donc, c'était une question d'attendre à ce moment-là.

M. CHARRON: Alors, M. Ducharme, pour votre information, prenez la page B-106, deuxième colonne, première intervention de M. Gilbert; au milieu du paragraphe, le "il", c'est M. Desmarais: "Oui, c'est-à-dire qu'il connaissait déjà l'existence de l'offre de M. Francoeur, que M. Francoeur était dans la course à ce moment. Alors, on lui a dit: On a eu l'offre de M. Péladeau. Après cela, j'ai communiqué avec M. Francoeur et, à ce moment, M. Desmarais savait que M. Francoeur était dans la course depuis un petit bout de temps, mais que cela ne se matérialisait pas. C'est après cela que j'ai téléphoné à M. Francoeur pour lui dire qu'il avait jusqu'à demain pour se décider".

M. DUCHARME: D'accord. Mais je crois que c'est le 10 janvier, la date à laquelle il se réfère.

M. CHARRON: Pour le deuxième. "C'est après cela que j'ai téléphoné à M. Francoeur".

M. DUCHARME: Oui, mais ce que j'essayais de savoir de vous, c'est à quel endroit il était question que M. Gilbert aurait appelé M. Francoeur le 7 janvier.

M. CHARRON: Ou vers le 7. Je pense que j'ai posé ma question...

M. DUCHARME: Non...

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas impossible, M. Charron, mais...

M. CHARRON: Je pense que c'est tantôt que je vous ai demandé...

M. FRANCOEUR: ... il n'y a rien d'important qui soit...

M. CHARRON: Ce qui est important...

M. LALONDE: Page 103, la première colonne.

M. CHARRON: Page 103?

M. LALONDE: La première colonne, la troisième intervention, vers le début : "M. Charron: Avez-vous informé M. Francoeur des négociations que vous aviez avec le groupe Péladeau au moment du 7 janvier, comme vous me le disiez tantôt"?

M. CHARRON: Bon.

M. LALONDE: "M. Gilbert: Le 7 janvier, non".

M. DUCHARME: Non, voyez-vous, c'est ça, justement. En fait, c'est seulement...

M. LALONDE: II ne semble pas qu'il l'ait informé à ce moment-là.

M. DUCHARME: ... le 10 janvier qu'il a communiqué avec M. Francoeur.

M. FRANCOEUR: Je ne crois pas qu'il m'ait appelé trois ou quatre jours avant ça.

M. CHARRON: Bien, écoutez, on extrapole, parce que j'ai une autre citation, page B-102, dans le bas, c'est M. Gilbert qui dit: "On a communiqué avec M. Francoeur pour lui dire: "Ecoute, il faut que cela se fasse rapidement". C'est justement le 7 janvier...

M. FRANCOEUR: Bien oui.

M. CHARRON: "... le lundi, que les..."

M. DUCHARME: Non, je m'excuse, je pense que, si l'on lit bien le texte, M. Charron... Je ne veux pas attacher trop d'importance à ça, mais je ne veux pas, non plus, que M. Francoeur soit pris par surprise...

M. CHARRON: Oui.

M. DUCHARME: ... mais que ce soit bien clair.

Moi, ce que je comprends ici, c'est qu'il parle de la conversation qu'il a eue en décembre. "A quelle date M. Francoeur a-t-il fait une offre formelle pour l'achat du Soleil? M. Francoeur m'a fait une offre formelle ce soir-là."

Et là, antérieurement, on parlait de l'appel téléphonique. Il a dit: "A ce moment-là c'était le temps de Noël, le temps du jour de l'An — on a communiqué avec M. Francoeur pour lui dire: "Ecoute, il faut que cela se fasse rapidement".

Mais, cela, c'est dans le temps des Fêtes. Ce n'est pas du tout le 7 janvier.

M. CHARRON: Dans le temps du 21 décembre.

M. DUCHARME: Mais ensuite, par exemple, quand il parle du 7 janvier, c'est pour dire que là, il trouvait qu'il ne se passait rien et qu'il a reçu une offre de M. Péladeau. Mais il n'est pas question de M. Francoeur, le 7 janvier. Je voudrais que cela soit clair. Moi, je n'ai rien trouvé nulle part qui dise cela, mais si vous me le montrez, cela va me faire plaisir de...

M. CHARRON: Bien. Je vais vous poser la question. Jusqu'au 10 janvier, où il vous informait de l'offre de Péladeau pour le lendemain, trois heures — on est d'accord sur cela — entre l'appel du 21 décembre, où vous l'informiez que vous aviez le prêt de la Banque Canadienne Nationale et que cela prenait son consentement à lui pour les $3.5 millions, et cet appel, que nous ne mettons pas en question, du 10 janvier, y a-t-il eu d'autres communications avec M. Gilbert?

M. FRANCOEUR: Ah oui! On s'est parlé peut-être deux ou trois fois, où il me demandait s'il y avait du nouveau.

M. CHARRON: Bon, que ce soit le 7 ou le 8 janvier, là...

M. FRANCOEUR: Moi, je lui disais toujours: Dès que tu me dis que tu es libre de me livrer les actions...

M. CHARRON: D'accord. Pour le moment, je ne sais pas à quel endroit j'avais sorti le chiffre du 7 janvier, mais peu importe. Ce que je cherche, c'est de savoir si, entre le 21 décembre et le 10 janvier, il y a eu d'autres communications.

Alors je repose ma question: Au moment de ces autres communications, entre la finale et la première, vous êtes-vous enquis de l'état des négociations avec M. Desmarais, puisque c'était son problème et que M. Gilbert devait le régler?

M. FRANCOEUR: Oui, j'ai eu l'occasion de lui parler une fois ou deux. Il n'y avait aucune décision de prise. Non, il n'y avait pas de nouveau. Il n'y avait pas de développement.

M. CHARRON: II n'y avait pas de développement à cette époque de...

M. FRANCOEUR: Moi, je ne sais pas, mais que voulez-vous? Je ne peux pas vous répondre plus que cela. Moi, j'attendais toujours que Guy Gilbert me dise: J'ai le désistement ou, enfin, ce que cela prenait. Moi, je ne le savais pas exactement.

M. CHARRON: Vous a-t-il informé qu'il avait des difficulté à obtenir le désistement de M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Bien, c'était évident qu'il y avait des problèmes. Je présume qu'il y avait des problèmes.

M. CHARRON: A cette époque, selon vous...

M. FRANCOEUR: Je ne le sais pas.

M. CHARRON: ... selon l'époque que vous avez traversée — et vous êtes un témoin vivant de cette période — M. Desmarais n'avait pas renoncé encore, même, si vous voulez, sans l'avoir fait juridiquement — il le fera le 14 janvier — mais même, disons, politiquement, comme décision, à devenir propriétaire, même aux 7, 10 janvier, aux alentours de cela.

M. FRANCOEUR: Je ne pourrais pas vous dire ce qu'il pensait, M. Charron.

M. CHARRON: Savez-vous si M. Desmarais était au courant de l'offre de M. Péladeau?

M. FRANCOEUR: Je n'ai pas entendu parler de cette offre, moi, avant le 10 janvier, à 10 heures du soir ou quelque chose comme ça.

M. CHARRON: Au cours de cette semaine, la première semaine complète de janvier, aux alentours du 7 ou 10, quelques appels téléphoniques à M. Gilbert, dont le final du 10, d'accord. Y a-t-il eu entre vous et M. Desmarais des communications à cette époque?

M. FRANCOEUR: Je ne peux pas vous dire oui ou non. Je n'ai pas gardé de dossier là-dessus. Il n'y avait pas de développement. On a pu se parler...

M. CHARRON: Mais vous rappelez-vous avoir été informé, par M. Desmarais lui-même,

des raisons qui militaient contre son désistement, à son avis? M. Desmarais vous a-t-il lui-même, à un moment ou l'autre, expliqué qu'il n'avait pas l'intention de se désister...

M. FRANCOEUR: Non.

M. CHARRON:... et c'étaient justement les difficultés de M. Gilbert?

M. FRANCOEUR: Mon impression, je vous l'ai mentionnée avant. Je crois que M. Desmarais n'aurait pas pu se désister. La famille Gilbert, je crois, à la façon dont je comprends les choses, n'aurait pas laissé M. Desmarais se libérer tant qu'elle n'était pas sûre de vendre à quelqu'un d'autre et vice versa. Ils étaient pris ensemble.

M. CHARRON: Je comprends, M. Fran-coeur, cette version.

M. FRANCOEUR: Maintenant, ce qu'eux pensaient, je ne peux pas vous le dire.

M. CHARRON: Mais dans la version de M. Gilbert, la semaine dernière, il y avait un cheminement inverse qu'on peut faire à l'hypothèse. Vous dites: Les Gilbert ne pouvaient pas demander le désistement tant qu'ils n'étaient pas certains d'avoir un autre acheteur. Mais il y a une autre hypothèse possible aussi. C'est que les Gilbert ne pouvaient pas avoir d'autres acheteurs tant qu'ils n'avaient pas le désistement. C'est un cheminement aussi.

Du témoignage de M. Gilbert — et là, M. Ducharme, on peut replonger, vous et moi, dans le journal des Débats de la dernière séance, que j'ai lu et relu la deuxième hypothèse est bien possible.

La difficulté de voir un autre acheteur, que ce soit de votre côté ou de Québécor, tenait au fait qu'il ne parvenait pas à obtenir le désistement de M. Desmarais.

Toute la question, M. Francoeur, qui explique pourquoi vous êtes à cette table et pourquoi on vous talonne de questions depuis plusieurs heures déjà, c'est de savoir qui a bien pu faire que M. Desmarais, tout à coup, se désiste, alors qu'à cette période... Et peut-être que vous êtes quelqu'un qui peut nous informer?

M. FRANCOEUR: Non, je ne peux pas vous dire. Je crois que M. Desmarais a réalisé à un moment donné qu'il ne pouvait pas être question pour lui de prendre le Soleil, pour des raisons évidentes. Par contre, il y avait le danger, s'il ne se désistait pas au moment où les Gilbert le lui demandaient, que les Gilbert disent: Donne suite, paie-nous, fais-toi poursuivre par Ottawa, par M. Bourassa, et c'est beau.

Quand les Gilbert sont arrivés et lui ont donné l'ouverture de se désister, je pense qu'à ce moment, je le crois — je ne peux pas vous le dire — pour lui, c'était une façon élégante de s'en sortir.

M. CHARRON: Quand avez-vous entendu dire que vous l'aviez — ou plutôt M. Gilbert, parce que, comme vous dites, c'était son problème — que M. Gilbert avait le désistement?

M. FRANCOEUR: Le vendredi matin. Le jeudi, quand M. Guy Gilbert m'a téléphoné, M. Gilbert m'a dit: A trois heures demain, je vends à Péladeau, à Québécor, si tu n'as pas confirmé avec un dépôt ton offre verbale. Il m'a dit: Péladeau est prêt à prendre le risque de poursuites, etc.

M. CHARRON: Mais vous a-t-il dit à ce moment que le lendemain...

M. FRANCOEUR: II vendait à trois heures.

M. CHARRON : Donc, il avait déjà le désistement.

M. FRANCOEUR : Je ne le sais pas, moi, M. Charron.

M. CHARRON : Bien, s'il pouvait vous dire qu'il vendait le lendemain. Vous n'avez pas demandé...

M. FRANCOEUR: Je n'ai jamais vu l'offre de M. Péladeau, je ne peux pas vous dire s'il avait mis comme condition que les actions soient claires et nettes; je ne peux pas vous le dire, je n'ai jamais vu l'offre de M. Péladeau. Je ne le sais pas.

M. CHARRON : Nous, on peut le dire, parce qu'on le sait.

M. FRANCOEUR: Ah! ...

M. CHARRON: C'est justement pourquoi on pose la question.

M. FRANCOEUR: Vous me demandez mon attitude. Mon attitude a été de dire à M. Gilbert: Je vais te rappeler demain matin.

J'ai appelé M. Desmarais, il n'était pas là. Il m'a rappelé vers minuit, il m'a donné rendez-vous pour le lendemain à huit heures et demie. Je suis allé le voir. Je lui ai dit ceci: Les Gilbert sont... Apparemment — je crois que M. Gilbert Vu dit — M. Gilbert l'avait appelé plus tôt, il savait déjà que les Gilbert vendaient coûte que coûte cet après-midi.

Moi, je lui ai dit: Cela va se vendre aujourd'hui. Veux, veux pas, ça se vend, tu es aussi bien de ne pas mettre de bâtons dans les roues, point. Tu t'évites quand même possiblement des procès, des complications avec tout le monde, etc.

Il a dit : Je vais parler à la famille Gilbert. Il a appelé un des Gilbert, je ne me rappelle même

pas lequel des deux, et il leur a dit: Si vous me libérez, moi, de mes engagements, moi je vous libère. Evidemment, les Gilbert, ayant une offre devant eux, ayant la mienne verbale, qui allait être confirmée par un dépôt le midi, ont dit: ... Je n'entendais pas la conversation, mais je présume, en entendant M. Desmarais, qu'ils se sont entendus l'un et l'autre pour se dégager.

M. CHARRON: A-t-il été question au moment de cette rencontre du vendredi matin 11 janvier, à huit heures et demie, de l'offre de M. Péladeau? M. Desmarais était-il au courant ou est-ce vous qui l'avez informé qu'il était possible qu'à trois heures, l'après-midi même, ce soit Péladeau qui mette la main sur le Soleil, ou était-il au courant?

M. FRANCOEUR: Je crois qu'il le savait parce qu'il avait déjà parlé à un des Gilbert la veille, dans la soirée. Si ma mémoire est bonne, il était au courant. Ce n'est pas moi qui l'ai spécifié.

M. CHARRON: Vous a-t-il, à un moment ou l'autre, signifié que, dans l'hypothèse où les Gilbert préféreraient l'offre de Québécor, il refuserait son désistement et ferait valoir son droit signé depuis le 11 septembre?

M. FRANCOEUR: Non, et je crois que, dans le contexte, il y a quand même des problèmes qui étaient à l'horizon avec les deux gouvernements s'il y avait donné suite. Je ne crois pas qu'il y ait même songé.

M. CHARRON: Vous a-t-il prévenu des possibilités que vous-même ayez à faire face à ces problèmes?

M. FRANCOEUR: Moi, monsieur, dans mon cas, faisant ce que je faisais, je l'achetais avec mon argent, ou l'argent que la banque me confiait; je ne voyais aucun problème.

M. CHARRON: M. Desmarais, selon vous, était-il préoccupé par la possibilité de poursuites en vertu de la Loi sur les coalitions par le gouvernement fédéral? Le jour de cette rencontre, vous a-t-il informé que...

M. FRANCOEUR: Nous n'en avons pas parlé à ce moment-là.

M. CHARRON: Aucunement? M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. CHARRON: D'abord, quand avez-vous été informé, vous, que c'était votre offre et non pas celle de M. Péladeau qui avait été retenue par les frères Gilbert?

M. FRANCOEUR: J'ai parlé...

M. CHARRON: Autrement dit, que vous deveniez propriétaire?

M. FRANCOEUR: ... à Guy Gilbert, je crois que c'était plutôt à Gaby ce matin-là, pour lui confirmer — ou peut-être M. Faucher a-t-il parlé à Guy — vu que M. Desmarais venait de s'entendre au téléphone pour se désister, notre offre par un dépôt de $1 million qui serait fait avant trois heures à leur compte de banque, à la Banque Canadienne Nationale. J'ai téléphoné à M. Faucher qui est allé à la Banque Canadienne Nationale, au siège social, et effectivement, au tout début de l'après-midi, la banque a avisé la famille Gilbert que $1 million était déposé à son nom, confirmant notre offre verbale qui devait être suivie par une offre écrite dans les heures suivantes.

M. CHARRON: Savez-vous si, à ce moment-là — l'entente est intervenue là-dessus — déjà M. Gilbert avait reçu le refus de M. Péladeau de prolonger son offre jusqu'au lundi suivant?

M. FRANCOEUR: Non, le vendredi soir, j'ai dit à Guy: Tu ne me donnes pas grand temps pour confirmer par écrit mon offre verbale, demain à trois heures; peux-tu me donner jusqu'à lundi? Il dit: II n'en est pas question; c'est à trois heures demain que je vends. Si ton offre, qui est meilleure, apparemment, n'est pas entrée, j'accepte celle que j'ai.

M. CHARRON: Et c'est le lundi 14 janvier que vous avez signé les...

M. FRANCOEUR: Les premiers documents. M. CHARRON: ... premiers documents. M. FRANCOEUR: Oui, monsieur.

M. CHARRON: D'abord le désistement de M. Desmarais?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur, je n'ai rien à voir là-dedans.

M. CHARRON: Avez-vous assisté à...

M. FRANCOEUR: Non, monsieur. Les Gilbert nous l'ont produit.

M. CHARRON: Dans l'après-midi, au moment où vous avez signé le contrat de vente?

M. FRANCOEUR: Nous nous sommes rencontrés au bureau des procureurs, des avocats; il y avait les gens de la banque. Un des frères Gilbert est arrivé avec le document en bonne et due forme, à la satisfaction de mes avocats.

M. CHARRON: Est-ce que vos procureurs à vous étaient en possession du fameux document

du 11 septembre, le contrat de vente entre Power Corporation et...

M. FRANCOEUR: Ce qui est arrivé, c'est que le vendredi, quand j'ai mentionné — ou que M. Faucher a mentionné — à la famille Gilbert qu'il nous fallait quand même quelques jours pour rédiger le document officiel, une offre assez complète, M. Gilbert nous a dit: Notre avocat va vous fournir un document qui va vous servir de base.

M. CHARRON: Et c'était le contrat du 11 septembre?

M. FRANCOEUR: Cela semble être ça, oui, monsieur. C'est venu des procureurs de la famille Gilbert. Nous l'avons modifié, il y a eu de grosses modifications.

M. BONNIER: Est-ce que je peux poser des questions dans un autre ordre d'idées?

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Taschereau.

M. BONNIER: Si l'honorable député de Saint-Jacques a terminé.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Même s'il n'a pas terminé.

M. BONNIER: M. Francoeur, le député de Marguerite-Bourgeoys vous a posé des questions par rapport à l'approvisionnement. On sait, je crois, qu'il est avantageux de faire toujours des bénéfices un peu plus intéressants dans une entreprise et, à ce moment-là, on a recours à ce qu'on appelle des économies d'échelle. Vous dites qu'au niveau des approvisionnements, comme au niveau de la distribution, il n'y a pas d'entente actuelle entre vous, UniMédia et Gesca. Est-ce que vous entrevoyez cela comme une des possibilités?

M. FRANCOEUR: Non, je ne vois pas quelque chose dans l'immédiat. Maintenant, personne ne connaît l'avenir, mais si vous pensez qu'il y a des... Il n'y a absolument rien, dans le moment, d'entrevu, non.

M. BONNIER: Ce n'est pas votre intention? M. FRANCOEUR: Non.

M. BONNIER: Est-ce que, au niveau de la publicité aussi, vous avez l'intention de réaliser des économies d'échelle au niveau des maquettes et ces choses-là?

M. FRANCOEUR: Au niveau d'UniMédia, il est certain que l'un rend service à l'autre mais, en dehors d'UniMédia, non.

En fait il ne faut pas oublier que, si vous prenez le plan très pratique, Dimanche-Matin, par exemple, un de ses gros concurrents est Montréal-Matin. Nous sommes des concurrents très durs, aussi durs entre... Il y a une concurrence à tout point de vue entre Montréal-Matin et Dimanche-Matin qui vaut celle qui peut exister entre, disons, le Journal de Montréal, le dimanche, et Dimanche-Matin au journal de Montréal, Montréal-Matin.

Nous sommes tous intéressés à rejoindre les lecteurs en plus grand nombre.

M. BONNIER: Est-ce que je peux vous demander également au niveau de l'information, si vous avez l'intention d'avoir certaines ententes avec...?

M. FRANCOEUR: Non, monsieur. M. BONNIER: Quant à l'utilisation.

M. FRANCOEUR: D'abord le Soleil est un quotidien, puis c'est le seul quotidien que nous ayons avec le quotidien du lac Saint-Jean. Il n'y en a aucun. D'abord nous ne voulons pas, puis à part ça, sur le plan pratique, il ne pourrait pas y en avoir, ce ne sont pas du tout les mêmes sources.

M. BONNIER: Non, mais vous pouvez diviser, mettons, les mêmes courriéristes parlementaires, les mêmes courriéristes à l'étranger.

M. FRANCOEUR: Du tout.

M. BONNIER: Vous n'avez pas l'intention de faire ça.

M. FRANCOEUR : Non, monsieur.

M. CHARRON : Avez-vous procédé à des remaniements au conseil d'administration du Soleil depuis que vous en êtes propriétaire?

M. FRANCOEUR: Oui, monsieur, d'abord il y avait plusieurs membres de la famille Gilbert, ce qui était bien normal. Il y avait M. Mercier qui est mort, qui est décédé, malheureusement. Il reste M. Gabriel Gilbert, M. Guy Gilbert, M. Faucher, moi-même, Me Rivard, M. Audet qui est vice-président du Soleil. Il y a, également M. Plante qui est le secrétaire de la compagnie, et nous avons dans le moment commencé des discussions avec une couple de personnalités de la ville de Québec.

Nous prenons notre temps. Je crois qu'il y a une vacance ou deux, il y a une possibilité au conseil.

M. CHARRON : Je voudrais revenir sur une question parmi toutes celles qui nous ont occupés à la toute dernière minute. L'emprunt à la Banque Canadienne Nationale, vous dites, s'est obtenu assez facilement.

M. FRANCOEUR : Je n'ai pas dit facilement, M. Charron.

M. CHARRON: Non, mais en fin de compte vous vous êtes rendu au bureau du président et puis, l'après-midi même, vous pouviez téléphoner à M. Gilbert pour lui dire que vous aviez un prêt de $5 millions?

M. FRANCOEUR: Oui.

M. CHARRON: Ce n'est quand même pas très long comme démarche. Moi, j'aurais plus de difficulté que ça à obtenir $5 millions.

UNE VOIX: Avec raison.

M. FRANCOEUR: M. Charron, je vais vous dire au point de départ, la Banque Canadienne Nationale est la banque du Soleil depuis, me dit-on, un demi-siècle. La Banque Canadienne Nationale connaît le Soleil probablement mieux que les administrateurs du Soleil pourraient le connaître et...

M. CHARRON: Non, très bien.

M. FRANCOEUR: Non, mais ce que je veux dire, il faut se situer. C'est qu'à ce moment la banque avait d'abord tous les bilans des années passées, connaissait tous les problèmes du Soleil, pas plus qu'ailleurs, pas moins, pas plus, mais elle avait ce qu'on pourrait dire le portrait du Soleil, d'une part, puis, d'autre part, vous aviez un groupe, UniMédia, qui, quand même, est dans l'édition de journaux depuis vingt et quelques années et qui a fait relativement ses preuves, je crois. Je pense que la banque a pesé le tout et a trouvé que c'était un bon placement pour elle.

M. CHARRON: J'admets que la connaissance du dossier du Soleil par la Banque Canadienne Nationale procurait beaucoup d'avantages à la rapidité de la décision. Il reste qu'il y a une épreuve que ne pouvait traverser très facilement la Banque Canadienne Nationale, même dans son idée de vous prêter les $5 millions. Il fallait qu'elle obtienne de M. Desmarais le consentement de passer en deuxième sur les biens d'UniMédia dont il était le premier créancier hypothécaire, si vous voulez, depuis le 20 novembre 1973. Alors comment s'est obtenue cette entente? Est-ce le président de la Banque Canadienne Nationale qui a communiqué...?

M. FRANCOEUR: Non, je ne crois pas que la banque ait parlé à M. Desmarais, du tout, durant toute cette affaire. Je ne crois pas. C'est M. Faucher et moi-même qui avons discuté avec M. Desmarais.

Nous lui avons expliqué la situation et comme je vous l'ai mentionné tout à l'heure, à ce moment il réalisait le danger qu'il y avait, je crois, si l'affaire ne se résolvait pas et, ensuite, la couverture totale d'UniMédia, les actifs qui entraient dans UniMédia et également le fait que M. Desmarais connaissait, lui aussi, disons non pas nos talents mais notre expérience, si vous voulez, dans le domaine de l'administration des journaux, tout cela mis ensemble, je ne crois pas que M. Desmarais ait le moindrement eu l'impression que ses garanties soient diminuées par le fait de passer, si vous voulez, en deuxième, pour bien se comprendre.

M. CHARRON: Mais ce consentement-là, il vous l'a donné quand? Le matin même?

M. FRANCOEUR: II me l'a donné au moment où la banque me l'a posé comme condition.

M. CHARRON: C'est-à-dire le 21 décembre.

M. FRANCOEUR: Ah non! Attendez une seconde. Nous en avons parlé, mais cela s'est concrétisé le... Malheureusement, le photostat n'est pas très clair, mais c'est au mois de janvier, monsieur.

M. LALONDE: C'est la résolution du 16 janvier à laquelle vous vous référez?

UNE VOIX: Oui.

M. FRANCOEUR: Le 16 janvier? C'est parce que notre copie n'est pas claire.

M. LALONDE: Verbalement, je pense que la question du député de Saint-Jacques est: Quand avez-vous discuté avec M. Desmarais et quand vous a-t-il indiqué qu'il laissait passer la banque en premier?

M. FRANCOEUR: Dès le début, j'ai commencé à discuter de cela avec M. Desmarais, moi-même, dès la première journée. Quand je lui ai parlé, c'est pour cela, plus que n'importe quoi. C'est la raison principale pour laquelle je l'ai appelé au tout début. C'est à la suite de notre rencontre du matin avec les dirigeants de la banque, on nous a dit que la banque, autant que possible, devait passer en premier. J'ai appelé M. Desmarais, je l'ai rencontré socialement et j'en ai discuté avec lui. Il a accepté en principe de passer, ce qui m'a permis de concrétiser la transaction.

M. LALONDE: Est-ce que vous avez dû lui donner ou lui offrir une considération spéciale pour...

M. FRANCOEUR: Non, monsieur.

M. CHARRON: Là, il en manque un bout. Vous avez obtenu, semble-t-il, assez facilement son consentement à passer deuxième créancier hypothécaire. Or, tout à l'heure, vous nous disiez qu'il a fallu arracher presque le désistement de M. Desmarais, qu'il vous avait signalé qu'il était toujours dans la course.

M. FRANCOEUR: Non, il n'a pas fallu l'arracher, mais cela a été long avant qu'il réalise, probablement, la position dans laquelle il se trouvait s'il ne se désistait pas. C'est cela que j'ai voulu dire,

M. CHARRON : Oui, mais, le même jour, il consentait, devant vous, à devenir deuxième sur la liste des créanciers et, le même jour, il vous disait qu'il était toujours dans la course. Comment quelqu'un qui est dans une course peut-il faciliter en même temps l'apparition d'un concurrent?

M. FRANCOEUR: Ecoutez, M. Charron, il ne faut pas oublier qu'on parlait, qu'on discutait de principes. La concrétisation est venue le vendredi 11. Dans cette période-là, lorsque nous nous sommes parlé, d'une part, je lui disais que mon impression était qu'il n'aurait pas de chance dans l'affaire du Soleil. Je lui disais cela.

M. CHARRON: Et lui, qu'est-ce qu'il vous disait quand vous lui disiez cela? Il disait: Je reste dans la course.

M. FRANCOEUR: II l'admettait, oui et non. Il avait peut-être encore des espoirs, je ne sais pas. Je ne peux pas répondre comment il raisonnait cela. En même temps, je lui ai expliqué que, pour confirmer mon offre par écrit, il fallait que les Gilbert obtiennent une complète libération de lui et que pour moi également, il fallait qu'il accepte que la banque ait préséance.

M. CHARRON : Alors, il a accepté là-dessus, mais il n'acceptait pas de se désister.

M. FRANCOEUR: Non, non, disons que cela s'est discuté. Cela a été en gestation, pour se servir d'un beau mot; l'un se tenait avec l'autre. C'est évident que ça ne servait à rien qu'il passe en deuxième, s'il ne se désistait pas.

M. CHARRON: C'est justement pourquoi je vous pose la question.

M. FRANCOEUR: Moi, je lui ai expliqué la situation, peut-être à deux ou trois reprises, à cette période-là, brièvement. En fait, ce n'est que le 11 janvier, le matin, que tout est tombé en place.

M. CHARRON : Je partage entièrement votre avis pour dire que l'un n'allait pas sans l'autre.

M. FRANCOEUR: Dans mon cas à moi.

M. CHARRON : Oui. Il ne pouvait pas accepter de tomber deuxième créancier, sur des biens dont il était le premier créancier hypothécaire depuis le 20 novembre dernier, comme ça, et en même temps, comme le disait M. Gilbert la semaine dernière, et comme votre témoignage aujourd'hui nous le rappelle, rester dans la course jusqu'à la dernière minute et ne consentir à son désistement que le 11 janvier. Etait-ce parce que vous étiez un concurrent qu'il jugeait plus apte, justement parce que, comme vous dites, il connaissait votre expérience, il savait quelle sorte d'entreprise vous alliez conduire, quelles sortes de journaux vous alliez faire, il avait travaillé avec vous, donc il pouvait tout de suite vous assurer qu'il ne vous ferait pas d'histoire, qu'il ne refuserait pas de tomber deuxième, mais qu'il se gardait toujours la possibilité de refuser son désistement si les Gilbert n'allaient pas préférer votre offre à d'autres offres?

M. FRANCOEUR: Je ne peux pas vous répondre, vous dire le mécanisme de son processus, à ce moment-là; je ne peux pas vous répondre, M. Charron, je voudrais bien, mais...

M. CHARRON: II va falloir que quelqu'un nous explique ça. Parce que, voyez-vous, il y a des gens qui s'interrogent. En fait, vous êtes ici, parce qu'il y a, dans le Québec, beaucoup de gens maintenant qui s'interrogent sur le problème de la concentration de presse. Et la concentration de presse ne veut pas exclusivement dire que tous les journaux appartiennent au même homme. Cela peut aussi vouloir dire, et c'est aussi néfaste, que non seulement un homme possède un certain nombre de journaux, mais qu'il peut ensuite décider à qui appartiennent les autres, non seulement de contrôler un marché largement — comme le fait Paul Desmarais sur le territoire québécois et dans certaines régions, de façon inacceptable, à mon avis, c'est exactement pourquoi je vous pose les questions de ce côté-ci de la table, à la commission, depuis le début — mais aussi, d'éliminer des concurrents et de favoriser la levée d'autres. Moi, je crois, il y a des gens qui pensent que Paul Desmarais pouvant se sentir coincé, d'une part, par le fédéral, dont l'action semblait beaucoup plus soutenue que les "sparages" de consortium de l'autre côté, mais peu importe, coincé entre l'action d'un gouvernement et l'ombrage de menace de l'autre côté, a pris la meilleure porte de sortie. Et la meilleure porte de sortie, c'était quoi? C'était effectivement laisser les entreprises UniMédia prendre un bien dont il ne pourrait pas... Enfin, c'est la version du directeur du Devoir, en passant, que nous aurons l'occasion d'entendre. Mais peu importe, cela existe. Je crois que la possibilité...

M. FRANCOEUR: Je crois que c'est M. Gilbert, en fin de compte, qui a décidé, quand il en a eu assez, qui achetait. Je crois que c'est cela, M. Charron. Il a accepté la meilleure offre. La mienne était pas mal supérieure à l'autre. C'est primordial, M. Charron.

M. CHARRON: Oui, mais M. Péladeau aura l'occasion de nous dire ce qu'il a déjà dit en

public. C'est que s'il avait été mis, comme il dit, "loyalement au courant des offres," la sienne, au montant qu'elle était, $8,225,000, la vôtre est de $8,425,000, quand on est rendu à jouer dans ces chiffres, le montant de $200,000, j'en prends à témoin votre expérience, est une étape rapidement... Je crois que, quand vous offriez, vous, $8,425,000, si les frères Gilbert vous avaient dit: Je regrette, c'est $8,625,000, vous les auriez probablement franchis, vous, les $200,000.

M. LALONDE: M. le Président...

M. CHARRON: En tout cas, M. Péladeau, lui, a dit qu'il les aurait franchis ces $200,000.

M. LALONDE: M. le Président, les questions du député de Saint-Jacques auraient dû s'adresser à M. Gilbert.

M. CHARRON: Je les ai posées à M. Gilbert.

M. FRANCOEUR: Je ne peux pas répondre à ça, M. Charron.

M. LALONDE: Qu'est-ce que le témoin a à dire là-dessus?

M. CHARRON: Le témoin peut certainement nous renseigner là-dessus.

M. FRANCOEUR: Je ne connais pas les discussions qui ont eu lieu entre M. Péladeau et M. Gilbert.

M. CHARRON: Non, mais il y a eu des discussions entre M. Desmarais et vous. Et M. Desmarais avait, jusqu'à l'extrême limite du 11 janvier, la possibilité de se porter acquéreur du Soleil.

M. FRANCOEUR: Oui, mais se porter acquéreur et se réveiller avec des procédures du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, M. Charron, ce n'est pas une perspective qui est attirante.

M. CHARRON: Alors avait-il déjà renoncé, le 21 décembre, lorsqu'il vous a permis...

M. FRANCOEUR: Je ne le sais pas, M. Charron.

M. DUCHARME: Vous le demanderez à M. Desmarais.

M. CHARRON: Nous le demanderons à M. Desmarais, certainement.

M. DUCHARME: Je pense qu'il y aurait lieu d'attirer un peu l'attention. M. Gilbert, à la page B-104, a quand même parlé de ces offres de M. Péladeau. C'est M. Gilbert qui a eu à prendre une décision et il le dit: "On s'est entendu au téléphone". Il dit: "Jamais M. Péladeau ne nous a fait miroiter qu'il nous donnerait $8,500,000 ou $9 millions ou qu'il nous paierait comptant comme il l'a dit; au contraire, il ne s'est jamais ouvert de ce côté." Cela peut peut-être faire comprendre pourquoi M. Gilbert, lui qui en avait assez, a décidé, le 11 janvier, d'accepter l'offre la meilleure qu'il avait devant lui.

M. FRANCOEUR: Maintenant, M. Charron, je crois que cela revient un peu à la poignée de main de tout à l'heure. Les frères Gilbert, je les connais et nous militons ensemble dans des associations depuis dix ans et plus. Nous nous connaissons bien. Nous avons certainement une ligne de communication qui a existé depuis très longtemps. Je pense que cela compte aussi, le fait que, lorsque je leur ai fait des propositions, que j'ai discuté avec eux, ils me connaissaient. Nous sommes allés à des congrès ensemble. Nous avons eu énormément de contacts au cours des années. Je peux me tromper, mais je ne crois pas que M. Péladeau ait jamais rencontré les frères Gilbert. Cela a été des intermédiaires.

Quand je vous parle, comme tout à l'heure, de la poignée de main, cela revient un peu encore à ça...

M. CHARRON: Oui.

M. FRANCOEUR: ...à ce moment-là, au moment d'une décision finale.

M. CHARRON: Avez-vous déjà vu M. Péladeau et M. Desmarais se donner une poignée de main?

M. FRANCOEUR : La dernière fois où je les ai vus ensemble, c'était en 1967, à un dîner de l'Expo, M. Charron. Nous étions à la même table, à la réception du gouvernement du Québec, le soir de l'ouverture de l'Expo.

M. CHARRON: M. le Président...

M. LALONDE : Je voudrais inviter le député de Saint-Jacques à la pertinence du débat.

M. CHARRON: Très bien. Pour l'information du ministre et des députés libéraux, je vais dire pourquoi j'ai posé cette question. On est dans un domaine où plusieurs transactions se sont faites par des poignées de main. Mais on est aussi dans un domaine où il y a une concurrence énormément vive.

M. LALONDE: Je pensais qu'il y avait plutôt une concentration tellement vive, c'est-à-dire un manque de concurrence.

M. CHARRON : Là, le ministre joue — je regrette de le dire — à l'imbécile. Je vais l'expliquer clairement.

M. LEDUC: M. le Président, je regrette, mais il faudrait peut-être choisir ses mots.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs !

M. BURNS: C'est un mot qui existe dans la langue française et c'est très parlementaire de traiter un ministre d'imbécile.

M. LEDUC: Ce ne sont pas tous les mots qui existent dans la langue française que l'on peut utiliser.

M. BURNS: Bien, voyons donc!

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON : Je n'ai pas dit que le ministre était imbécile, comme le député de Taillon. J'ai dit qu'il jouait à l'imbécile. C'est la différence.

M. LALONDE: Naturellement.

M. CHARRON: Le ministre joue à l'imbécile quand il dit ceci: Cela ne se fait pas comme ça et on n'entre pas dans des affaires comme cela. Je vais vous l'expliquer, la concurrence. Pour créer un système de concentration, c'est évidemment l'élimination de la concurrence. Ce que M. Desmarais veut faire en concentrant la presse entre ses mains sur le territoire québécois, avec la bénédiction des deux gouvernements qui le regardent faire, c'est en même temps non seulement se rendre propriétaire, mais éliminer...

M. LALONDE : Encore là, M. le Président, je rappellerais...

M. BURNS: A l'ordre! A l'ordre!

M. LALONDE: ...le député de Saint-Jacques...

M. CHARRON: ...les concurrents également. Quand je demande: Avez-vous vu M. Desmarais donner une poignée de main à M. Péladeau, c'est simplement parce que tout le monde sait — j'espère que le ministre a eu l'occasion de le découvrir dans les feuillets qui lui sont passés entre les mains au moment où il avait le dossier — qu'autant une simple poignée de main peut suffire entre MM. Francoeur et Desmarais, autant il est impossible de l'attendre entre MM. Péladeau et Desmarais, parce que c'est un concurrent de taille et que, le phénomène de la concentration, s'il est quelqu'un que M. Desmarais doit éloigner, c'est le no 2, pas le no 4 ou pas le no 5,1e no 2, et c'est M. Péladeau. Ce qui était important pour M. Desmarais, c'était d'éviter que M. Péladeau, qui possède déjà un quotidien dans le ville de Québec, le matin, ne se rende propriétaire du quotidien, le soir. Il était donc éminemment plus souhaitable, au moment où il se trouvait écarté du dossier par les menaces du gouvernement fédéral, qu'à tout le moins ce ne soit pas son principal concurrent qui mette la main sur le Soleil. D'où, il était possible de parvenir à une entente beaucoup plus facile avec vous qu'avec d'autres. C'est une version qui existe et qui, je dois le dire, même ce soir, même à la fin du témoignage de M. Francoeur, n'a pas été démentie. L'irréalisme d'une telle hypothèse n'a pas été démontré.

M. FRANCOEUR: Vous oubliez une chose M. Charron. C'est que j'ai fait une meilleure offre. Que vous le vouliez ou non, c'est quand même un fait.

M. CHARRON: Je sais que vous avez fait une meilleure offre.

M. FRANCOEUR: Bon, écoutez, M. Charron,...

M. CHARRON: Je sais aussi, M. Francoeur, que M. Péladeau était en mesure de faire la même offre que vous avez faite.

M. DUCHARME: Oui, mais M. Gilbert a répondu à votre question. M. le député, si vous me le permettez, vous avez posé la question très nettement à M. Gilbert. C'est quand même M. Gilbert qui sait les intentions et les motifs des Gilbert, les vendeurs. Vous avez posé la question très clairement. "M. Charron: II a dit qu'il vous avait — c'est votre question — clairement indiqué, au moment où il a refusé de prolonger son offre jusqu'au mardi suivant, que, si vous lui en faisiez la demande, il était prêt à rajouter sur le montant global qu'il vous avait offert. Est-ce exact? "M. Gilbert — je vous ai lu la réponse tantôt— a dit: Non. Ce n'est pas exact". Alors que voulez-vous avoir de plus?

M. CHARRON: D'accord. On peut...

M. DUCHARME: C'est M. Gilbert qui connaît la réponse à ça.

M. CHARRON: Oui. Mais M. Gilbert, lui, avait un problème, comme nous a dit M. Francoeur tout au long du témoignage. Il fallait que, le 14 janvier, il obtienne le désistement de M. Desmarais, quelle que soit l'offre que lui favorisait.

M. DUCHARME: Non. M. Gilbert, tout ce qu'il avait à faire, c'était de poursuivre M. Desmarais. Il avait un contrat. Il n'avait qu'à dire à M. Desmarais: Payez.

M. CHARRON: Oui, oui, mais s'il ne voulait pas, lui, se trouver dans cette situation, il

pouvait, lui, choisir l'acheteur éventuel à la place de M. Desmarais.

M. DUCHARME: C'est ça. Et il a choisi. Il a essayé d'avoir une offre de M. Péladeau — il l'a dit tantôt et c'est dans son témoignage — parce que l'affaire de M. Francoeur ne semblait pas aboutir et ne se réveillait pas. Le 7 janvier, il a envoyé M. Bélanger voir M. Péladeau. Ayant obtenu une offre de M. Péladeau, il a négocié. Il a quand même dit à M. Francoeur: Moi, demain matin, à trois heures, je signe. Lui, il savait l'offre, et il vous dit que M. Péladeau a refusé de prolonger son offre. Il vous dit que ce n'est pas exact que M. Péladeau ait indiqué qu'il était prêt à donner un meilleur prix. Alors M. Gilbert, à ce moment-là, a décidé de tirer l'affaire au clair, de vendre et de régler son problème. C'est tout. Au lieu d'intenter des poursuites, il a vendu.

C'est dit ici. Que vous dire de plus? On n'est pas M. Gilbert, nous autres.

M. CHARRON: Non.

M. DUCHARME: C'est M. Gilbert qui sait pourquoi, lui, il a vendu.

M. CHARRON: Oui.

M. DUCHARME: Et un motif qui est assez raisonnable...

M. CHARRON: M. Desmarais, lui...

M. DUCHARME: ... c'est qu'il recevait une meilleure offre et un meilleur prix.

M. CHARRON: M. Desmarais, lui, M. Ducharme, le sait pourquoi...

M. DUCHARME: II y a une chose qu'il faudrait quand même déterminer. Qui est-ce qui pouvait décider à qui vendre? C'est quand même M. Gilbert. M. Gilbert, lui, avait un choix: II poursuivait M. Desmarais ou il vendait à celui qui lui faisait la meilleure offre. Il ne voulait pas être dans les poursuites judiciaires, donc, il a accepté de vendre et il a eu une bonne offre. Il l'a prise.

M. Gilbert nie que M. Péladeau ait indiqué qu'il ferait une meilleure offre.

M. CHARRON: Nous, ce qui nous intéresse, ici...

M. DUCHARME : Bien oui, cela vous intéresse de savoir ce qui s'est passé à trois heures, le 11 janvier, quand M. Gilbert a pris sa décision. Le 11 janvier, à trois heures, il a pris la décision d'accepter l'offre qui était la plus payante.

M. CHARRON: Mais ce qui nous intéresse, nous, ce ne sont pas les relations entre M. Gilbert et M. Francoeur.

M. DUCHARME: Oui, mais c'est ça... Non, non.

M. CHARRON: C'est entre M. Francoeur et M. Desmarais.

M. DUCHARME: Oui, mais ce qui nous intéresse, nous, ici, parce que quand même...

M. CHARRON: Moi, je dis que le consentement facile que vous avez obtenu, de la part de M. Desmarais, pour qu'il accepte de passer deuxième créancier, le 21 décembre, comme ça, facilement, M. Péladeau, lui, ne l'aurait jamais obtenu.

M. DUCHARME: C'est parce que M....

M. CHARRON: Et cela a pesé lourd dans la décision de M. Gilbert, à trois heures, le vendredi 11 janvier dernier.

M. DUCHARME: Moi, je ne suis pas convaincu de ça parce que M. Gilbert pouvait n'importe quand exiger. Lui, M. Gilbert, avait déjà une offre, devant lui, de $8,425,000. Il avait un contrat, il avait un acheteur. Je ne vois pas pourquoi lui, M. Gilbert, aurait vendu ses biens à un prix inférieur à $8,425,000. M. Péladeau ne lui a jamais offert ça.

M. CHARRON: L'inverse est arrivé.

M. DUCHARME: Pour moi, la raison est aussi simple que ça.

M. CHARRON: M. Desmarais pouvait choisir, n'importe quand, de faire respecter ce contrat et de refuser le désistement, de faire face même aux menaces de poursuite dont il avait été prévenu. Il aurait pu le choisir. Il aurait pu le choisir.

M. BONNIER: M. le Président, oui, c'est ça. J'aimerais qu'on revienne à M. Desmarais plutôt qu'à M. Péladeau. Je pense que ça, ça peut nous divertir un peu, mais il reste que M. Desmarais — et ça, je pense que M. Francoeur l'a dit tout à l'heure — avait intérêt, dans le fond, à ce que si, lui, ne pouvait pas acheter, que ce soit peut-être vous qui achetiez, à cause, justement, des créances qu'il avait dans l'ensemble de l'actif d'UniMédia et que le fait... Il me semble que vous avez dit cela.

M. FRANCOEUR: Non. Je n'ai pas dit...

M. BONNIER: II me semble que vous avez dit cela. Que le fait d'acheter...

M. FRANCOEUR: Je n'ai pas dit qu'il avait intérêt.

M. BONNIER: Vous n'avez pas dit cela?

M. FRANCOEUR: Je lui ai dit que sa protection, si vous voulez, ne diminuait pas, en pratique. La garantie ne diminuait pas.

M. BONNIER: La garantie ne diminuait pas, mais il acceptait d'être un créancier en deuxième instance, dans le fond, par rapport à la créance à la Banque Canadienne Nationale.

M. FRANCOEUR: C'est exact.

M. BONNIER: Mais moi, ce que je comprends de votre témoignage, c'est qu'il était déjà impliqué, jusqu'à un certain point, comme créancier des actifs d'UniMédia.

M. FRANCOEUR: Non. Je ne vois pas, là... Vous tirez des conclusions que, moi, je n'ai jamais tirées.

M. BONNIER: Eh bien moi, j'ai le droit, en fait, de...

M. FRANCOEUR: Ah oui!

M. BONNIER: Je ne dis pas que ça change quelque chose. Je dis que M. Desmarais était plus intéressé, peut-être, à vous qu'à quelqu'un d'autre, parce qu'il était créancier.

Comme moi, si j'étais votre créancier, je serais bien intéressé à ce que vous ne fassiez pas faillite. Plus vous avez des entreprises qui font que votre actif grossit, plus je suis en sécurité, il me semble que c'est tout à fait normal.

M. FRANCOEUR: A la façon dont ça s'en vient, quelle que soit la raison, ça va mal. Vous, vous trouvez que M. Desmarais...

M. BONNIER: Je ne dis pas que ça va mal.

M. FRANCOEUR: ... a des avantages parce qu'il passe en deuxième parce que ça lui donne une meilleure garantie, et M. Charron, lui, dit le contraire. Attendez une minute, moi, je ne sais plus.

M. CHARRON: Non, on ne dit pas le contraire.

M. BONNIER: Je ne dis pas que ça va mal, mais je dis que M. Desmarais était intéressé.

M. CHARRON: Le député de Taschereau, lui, dit que c'est peut-être parce qu'il était créancier qu'il était intéressé. Moi, j'ai soutenu — c'est peut-être vrai sa version — que c'était surtout parce qu'il ne voulait pas voir Péladeau dans le décor.

M. FRANCOEUR: Je ne peux pas vous le dire, monsieur.

M. CHARRON: Et que vous, il vous connaissait. Comme vous dites, une poignée de main suffit avec vous, pas de problème, mais avec M. Péladeau, ce n'est pas le cas. Cela fait longtemps qu'on ne les a pas vus se donner la main l'un à l'autre, parce que ce sont des rivaux dans le domaine de l'information.

On va sortir d'autres informations sur cette transaction, c'est bien sûr, mais déjà on peut tirer une conclusion d'une ligne. Ce dont on parle, qui s'échange millions par millions et par poignées de main, des gars qui se donnent la main et des gars qui ne peuvent pas se sentir l'un à côté de l'autre parce qu'ils sont des rivaux, etc., savez-vous ce qui est en jeu au fond de ça? C'est l'information des Québécois. Cela, on l'a déjà en jeu. Et c'est pour ça qu'on est ici, qu'on examine cette transaction.

Parce que ce n'est pas n'importe quoi, le produit qu'on s'échange par une poignée de main ou qu'on ne s'échange pas, pour lequel des gars s'éliminent, s'arrachent des journaux, se passent des quotidiens, des hebdomadaires. Ce ne sont pas des gâteaux, ce ne sont pas des biscuits, comme le disait le député de Rouyn-Noranda la dernière fois. C'est l'information des Québécois.

Déjà, le simple fait que l'information donne lieu à un tel marchandage et galvaudage, papier signé, et je le retire mon papier, je ne le retire pas; je le signe, je ne le signe plus; je consens de passer deuxième, mais je ne me désiste pas; tout d'un coup je me désiste et je ne passe pas deuxième... C'est quoi le produit au bout? C'est l'information des gens qui habitent la capitale nationale des Québécois et du quotidien qui dessert l'Est du Québec en particulier.

Je pense que quand on est dans la technique et que je vous pose des questions sur des articles de l'acte de fiducie et de n'importe quoi, ça peut paraître cul de mouche, ça peut paraître aller chercher au fur et à mesure, jouer à l'enquête Jobidon. Je n'aime pas ça plus qu'autrement faire ce genre de rôle, mais le sujet dont nous traitons au fond, en arrière de tous les millions et de toutes les BCN du monde que vous voulez, c'est le droit aux citoyens du Québec d'être informés, de ne pas voir leur information changer de mains quotidiennement au cours de transactions financières.

Je sais qu'il est impossible de revenir en arrière, de retourner comme auparavant aux entreprises artisanales de presse. Je sais que c'est devenu des domaines extraordinairement rentables au point que les financiers les plus sérieux, je dirais, et les plus importants du marché québécois s'y sont lancés à corps perdu et s'y mènent une guerre à outrance. En particulier M. Péladeau et M. Desmarais qui ne se donnent pas la main et qui, pour aucune raison, ne feront une transaction ensemble.

M. Desmarais, j'en suis convaincu, pour aucune raison, n'accepterait de passer deuxième créancier après une banque s'il s'agissait de favoriser l'achat d'un quotidien par le groupe Québécor. Il l'a fait, à peu près sans difficulté, lorsqu'il s'est agi d'un ancien partenaire, main-

tenant, je l'admets, qui vit avec toutes ses étiquettes propres à lui, mais c'est ce phénomène important qui est en arrière.

On pourrait, M. Francoeur, vous poser énormément de questions, simplement sur votre intérêt dans l'information. Cela aurait pu paraître à bien du monde comme étant de la philosophie. Certains députés auraient manifesté de l'impatience. A quoi cela se rapporte-t-il? On a un contrat dans les mains, et on va le regarder.

Mais il serait important de savoir pourquoi Paul Desmarais, Jacques Francoeur, Péladeau, je ne sais pas son prénom, tous ces gens...

M. FRANCOEUR: ...vous n'étiez pas né encore.

M. CHARRON: ... vont dans ce domaine bien précis d'entreprises qui ne sont pas les plus rentables du Québec, qui sont rentables pour la plupart, surtout lorsqu'elles sont bien coalisées. Mais je connais $8,425,000 qui, dans d'autres secteurs de l'économie ou de la vie des Québécois, vous auraient eu certainement rapporté beaucoup plus de profits et beaucoup plus de liberté de manoeuvre qu'un investissement dans le domaine de l'information.

D'où vient cet intérêt auparavant?

M. FRANCOEUR: M. Charron... M. LALONDE: ... de Saint-Jacques.

M. FRANCOEUR: ... je suis journaliste depuis 1941, j'aime ça, je ne connais que ça.

M. CHARRON: D'accord.

M. FRANCOEUR: Ce n'est pas plus compliqué que ça. Vous semblez compliquer ça beaucoup.

M. CHARRON: Cet intérêt, M. Francoeur,...

M. FRANCOEUR: Oui.

M. CHARRON: ... vous pouvez bien l'avoir.

M. FRANCOEUR: Depuis 1941, M. Charron.

M. CHARRON: Je sais, puis c'est peut-être l'intérêt également de M. Desmarais. C'est pour ça que je vous dis qu'on aurait pu, cet après-midi, vous poser énormément de questions là-dessus puisque vous êtes engagé dans ce milieu depuis 1941. J'aurais pu vous demander ce que vous voulez faire avec Le Soleil, où vous vous en allez.

M. FRANCOEUR: Le meilleur journal possible.

M. CHARRON: C'est quoi, pour vous, le meilleur journal possible? Là, on va entrer en discussion, par exemple. Je suis d'accord que, sur le principe, tout le monde est là, mais comment se fait un bon journal dans la région, quels sont les défauts du Soleil que vous entendez corriger? Je n'entre pas là-dedans, mais je dis qu'on aurait pu le faire.

M. ROY: Quand même, j'aurais des questions à poser; ça fait un bout de temps que j'attends.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Si le député de Beauce-Sud me permet, j'avais déjà reconnu le député de Laporte.

M. DEOM: Je voulais juste souligner au député de Saint-Jacques que, si on veut avancer là-dedans, il faudrait peut-être s'en tenir aux faits et ne pas commencer à spéculer sur les intentions des gens. Il y a une série de questions qui s'adressent à M. Francoeur qui ont trait aux intentions de M. Desmarais ou aux intentions de M. Gilbert. Qu'on s'en tienne donc aux faits et après, la commission appréciera les intentions, s'il y a lieu.

On dérange ces gens pour les questionner; qu'on les questionne sur les faits sur lesquels ils sont capables de répondre et non sur les intentions de la personne qui est assise devant eux quand ils font une transaction.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je suis sûr que le député de Beauce-Sud a des questions dans cette optique.

M. ROY: Oui, j'ai des questions dans cette optique. Maintenant, je voudrais bien être objectif et ne pas prêcher en faveur d'un consortium plutôt qu'un autre. On a parlé du groupe Péladeau tout à l'heure. Que la concentration de presse se fasse par le groupe Desmarais ou le groupe Péladeau, il demeure quand même que c'est de la concentration de presse et les effets sont exactement les mêmes. Ce n'est peut-être pas la même philosophie, mais si on veut faire un débat philosophique sur la question, je pense bien qu'on pourrait y revenir à l'occasion d'une séance ultérieure d'une commission parlementaire.

On a parlé des endossements et du désistement de M. Desmarais dans le prêt qui a été consenti par la Banque Canadienne Nationale — d'ailleurs, j'en ai parlé tout à l'heure — de $5 millions. Si j'ai bien compris ce que M. Francoeur et ses conseillers juridiques ont dit, c'est qu'il n'y aurait pas eu — et j'aimerais bien en avoir la certitude — à ce moment-là...

M. FRANCOEUR: II n'y a pas d'endossement de M. Desmarais ou...

M. ROY: Il n'y a pas eu...

M. FRANCOEUR: ... d'une de ses compagnies nulle part.

M. ROY: II n'y a pas eu non plus d'entente indirecte?

M. FRANCOEUR: Non.

M. ROY: Ou de concession indirecte? Parce que c'est quand même surprenant qu'une personne se désiste d'un droit prioritaire sur une créance, sur un prêt, sur des garanties, sans exiger des garanties additionnelles ou des compensations. Sur ce point, je suis un peu sceptique et je pense que l'on pourra questionner M. Desmarais à ce moment-là, compte tenu qu'il sera convoqué incessamment devant la commission parlementaire de la liberté de presse.

Maintenant, il y a eu d'autres emprunts et d'autres garanties qui ont été fournis par le groupe UniMédia. Dans la liste des documents qui nous a été donnée, document no 3, il y a un acte de fiducie intervenu entre UniMédia Inc. et Montréal Trust pourvoyant à l'émission d'une débenture de $1 million. Au cours de cette négociation, est-ce qu'il y a eu intervention de la part du groupe Trans-Canada, de la part du groupe de M. Desmarais? Est-ce qu'il y a eu endossement, est-ce qu'il y a eu caution, dans l'acte de fiducie intervenu entre UniMédia Inc. et Montréal Trust?

M. LALONDE: C'est le groupe Desmarais qui est créancier, je ne vois pas comment il pourrait être un...

M. ROY: Le Montréal Trust appartient au...

M. LALONDE: Oui, mais si vous allez plus loin dans le document numéro 4, la débenture émise en vertu de cet acte de fiducie a été remise à Journaux Trans-Canada. Comment les Journaux Trans-Canada pourraient-ils être à la fois créanciers et cautions?

M. ROY: II y en a eu un autre également; il y a eu l'acte — dans le document 7 — de fiducie entre les Hebdos Nationaux Inc. et Montréal Trust, pourvoyant à l'émission d'une débenture de $200,000.

M. LALONDE: La même réponse...

M. ROY: La même réponse a été accordée.

M. LALONDE: ... en tenant compte du document numéro 8.

M. ROY: Et dans le document numéro 11, il y a également une transaction de $300,000. Est-ce la même chose?

M. LALONDE: Et la même chose pour le document numéro 12.

M. ROY: Et dans le document numéro 14, $2 millions.

M. LALONDE: Le document numéro 15 parle d'un contrat de nantissement aux termes duquel la débenture émise au nom d'Immeubles-Journaux est nantie en faveur de celle-ci.

M. ROY: Bon, cela veut dire $3.5 millions. Est-il exact que M. Paul Desmarais serait membre du conseil d'administration de Montréal Trust?

M. FRANCOEUR: Je pense que c'est de notoriété publique que M. Desmarais a des intérêts directs ou indirects, je ne sais pas, je n'ai pas de détails.

M. ROY: Non, je vous...

M. FRANCOEUR: J'ai compris qu'il était un des actionnaires du Montréal Trust.

M. ROY: Je voulais vous le faire dire.

M. FRANCOEUR: Montréal Trust agit comme société de fiducie là-dedans.

M. ROY: D'accord, mais il est quand même actionnaire et on sait qu'il a des intérêts. Je voulais vous le faire dire.

Je veux dire ceci, parce que le but de la commission parlementaire aujourd'hui...

M. LALONDE: Une question, M. le Président, s'il vous plaît.

M. ROY: Je m'excuse.

M. LALONDE : A la suite de votre question exactement, est-ce qu'il est anormal que le détenteur de la débenture choisisse la compagnie de fiducie qui va agir dans un acte de fiducie?

M. DUCHARME : C'est même très normal.

M. ROY: C'est même très normal, je suis d'accord, mais c'est qu'on retrouve toujours le même personnage. Le but de la commission parlementaire...

M. LALONDE: $3,500,000.

M.ROY:... c'est d'examiner les relations qu'il peut y avoir entre le groupe UniMédia et M. Paul Desmarais et, dans l'arrière-scène, dans le dernier tableau, on retrouve toujours la même personne. Moi, disons que je n'ai plus de question à poser et, en ce qui me concerne, j'aimerais bien interroger M. Desmarais.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions que les membres de la commission voudraient adresser à l'intention de M. Francoeur?

M. BURNS: Oui, une question, M. le Président. Dans le document qui a été déposé lors de votre première comparution, qui s'intitule: In-

térêts Francoeur, transaction du 14 janvier 1974, le plus petit des deux, il y a, à la fin, une lettre du 24 janvier 1974 à UniMédia à l'attention de M. Faucher, signée par M. Jean Joly, directeur adjoint du service de crédit de la Banque Canadienne Nationale.

Cette lettre est datée du 24 janvier 1974 et se réfère, de façon surprenante, pour moi en tout cas, à une transaction qui a eu lieu le 16 courant. Moi, je me demande pourquoi vous ne déposez pas la meilleure preuve, c'est-à-dire le contrat lui-même, la transaction du 16 janvier, plutôt que de déposer une lettre qui, dans le fond, se veut une espèce de condensé de la teneur de la transaction du 16. Est-ce qu'il y aurait des objections à ce que vous nous déposiez cette transaction?

M. DUCHARME: Non, non, il n'y a aucune objection. Quand on a préparé le cahier, on s'est dit que l'essentiel des conditions de la banque était là, le reste, ça devenait de la technique.

M. BURNS: Alors, auriez-vous l'obligeance, M. Ducharme, de déposer...

M. DUCHARME: On n'a aucune objection. La débenture elle-même n'est pas prête. D'ailleurs, je pense qu'ils se sont donné un délai pour la préparer.

M. BURNS: Bien non, regardez, ce que vous avez...

M. LALONDE: Est-ce que ça, c'est la fermeture?

M. DUCHARME: Pardon?

M. LALONDE: La transaction du 16?

M. DUCHARME: Non, le 16 janvier, c'est le "closing" entre les Gilbert et UniMédia.

M. LALONDE: Est-ce qu'il y a eu un contrat signé, à ce moment-là?

M. DUCHARME: Le 16, c'est le "closing". Le 14, c'est le contrat d'achat et, le 16, c'est le "closing".

M. LALONDE: Oui, mais le député de Maisonneuve parle d'une transaction, c'est-à-dire il se réfère...

M. BURNS: Avec la Banque Canadienne Nationale.

M. LALONDE: ... à la transaction survenue le 16.

M. DUCHARME: Le député parle, lui, je pense bien, de la documentation qui doit intervenir entre UniMédia et la banque.

M. BURNS: Ecoutez, Me Ducharme, je vous lis le premier paragraphe adressé à UniMédia: "Pour faire suite à la transaction survenue le 16 courant — une lettre du 24 janvier — et tel que convenu, nous vous donnons ci-après les conditions et exigences relativement au prêt de $5 millions que nous avons consenti." Alors, ça doit apparaître quelque part dans un contrat. Vous n'avez pas juste signé, vous n'avez pas fait ça juste par échange de lettres, un prêt de $5 millions.

M. DUCHARME: C'est-à-dire qu'ils ont, quand même, remis $5 millions le 16 janvier, la banque a émis $5 millions le 16 janvier et il y a une documentation. Il y a des résolutions qui ont été remises, etc. On est prêt à vous remettre ça, mais ce n'est pas complété, ça. Toute la documentation pour compléter les garanties à la banque, il y a un engagement de remettre ça à la banque aussitôt que ce sera prêt.

M. BURNS: Est-ce qu'il y a moyen de nous donner copie de ce qui est prêt, au moins?

M. DUCHARME: Cela nous fera plaisir. Est-ce qu'on a déjà des choses ici? On a déjà des choses, on les a. On est prêt à vous les remettre et puis il y a un acte de fiducie qui n'est pas encore fait, mais qui sera fait, j'imagine, dans le cours normal des choses, par les avocats de la banque...

M. FRANCOEUR: Par les avocats de la banque.

M. DUCHARME: ... et qui sera soumis à UniMédia pour signature.

M. BURNS: Alors, vous n'avez pas d'objection à déposer, au moins, ce qu'il y a de fait jusqu'à maintenant.

M. DUCHARME: On n'a pas d'objection.

M. BURNS: Tant qu'à compléter notre dossier.

M. DUCHARME : Cela nous fait plaisir. M. BURNS: Merci, Me Ducharme.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce qu'il y a d'autres questions, messieurs? Sinon, je suppose que la commission devra ajourner ses travaux sine die.

M. CHARRON: Mais, avant, en remerçiant M. Francoeur et ses collaborateurs, je voudrais demander au ministre qui est le prochain témoin maintenant que nous avons entendu M. Francoeur. Est-ce que nous procédons avec M. Péladeau immédiatement ou avec M. Desmarais?

M. LALONDE: Je n'ai pas de préférence, sauf qu'il semble que le témoignage de M. Desmarais suivrait assez logiquement celui de M. Francoeur.

M. CHARRON: D'accord.

M. LALONDE: Nous ajournerons à une date que je n'ai pas en tête actuellement, parce qu'avec l'ouverture de la session je ne sais pas à quelle date on pourra réunir la commission. Est-ce qu'il y aurait lieu, à ce moment-là, d'ajourner sine die, quitte à faire une entente avec le leader parlementaire?

M. CHARRON: Entente avec le leader, d'accord.

M. ROY: Avant d'aller plus loin, est-ce qu'on pourrait dire à la commission si on a songé éventuellement à faire comparaître ceux qui ont organisé un genre de coopérative pour acheter le Soleil? Il y a eu passablement de publicité, il y a eu du travail qui s'est fait de ce côté-là.

M. LALONDE: Oui, il y a eu...

M. ROY: Est-ce que la commission a l'intention de permettre à ces gens ou est-ce qu'ils en ont manifesté le désir, d'abord de comparaître devant la commission parlementaire?

M. LALONDE: En réponse à la question du député de Beauce-Sud, tout d'abord, le représentant de cette coopérative au tout début, au moment où on a convoqué la commission, a fait une demande formelle d'être entendu. Lors de la dernière séance de la commission, il m'a informé qu'il retirait sa demande parce que la coopérative venait de fermer ses portes. A titre de président de la coopérative, à ce moment-là, il retirait se demande. Maintenant, si la commission croit pertinent, à un moment donné, après avoir entendu M. Desmarais...

M. ROY: Je pense qu'il aurait été quand même intéressant de savoir un peu le travail qui a été fait dans ce domaine-là pour pouvoir l'examiner dans toute sa dimension.

M. LALONDE: Encore là, sans vouloir rétrécir le débat indûment, il reste quand même que je ne veux pas, non plus, à moins que ce ne soit utile, l'élargir au point d'entendre l'expérience de...

M. ROY: En tout cas, est-ce qu'on peut suspendre cette question jusqu'à la prochaine séance?

M. LALONDE : Sûrement.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, M. Francoeur, ses procureurs et ses associés, nous vous remercions de vous être rendus à l'invitation de la commission, d'avoir répondu aux questions et de l'avoir fait avec une collaboration on ne peut plus complète. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 42)

Document(s) related to the sitting