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Commission spéciale sur le problème de
la liberté de presse
Vente du Soleil
Séance du lundi 18 février 1974
(Quinze heures treize minutes)
M. GRATTON (président de la commission spéciale sur le
problème de la liberté de presse): A l'ordre, messieurs!
La commission spéciale sur le problème de la
liberté de presse reprend ses travaux, et avant de procéder,
j'aimerais aviser la commission des changements suivants: M. Cornellier
(Saint-Hyacinthe) remplace M. Hardy; M. Shanks (Saint-Henri) remplace M.
L'Allier; M. Boudreault (Bourget) remplace M. Leduc; M. Lachance (Mille-Iles)
remplace M. Parent (Prévost).
M. BOURASSA: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui remplace M. Burns?
M. CHARRON: Non.
Rapport sur Information-Québec
M. LALONDE: M. le Président, au tout début, j'aurai
l'honneur de déposer, à la commission, la deuxième partie
de l'enquête sur la diffusion de l'Information-Québec qui est la
dernière partie du travail de SORECOM dans le cadre de la
dernière commission parlementaire. Alors des exemplaires en nombre
suffisant seront déposés à la tribune de la presse
incessamment.
Examen des documents
M. BOURASSA: M. le Président, juste un mot. On avait
distribué les documents à la dernière réunion. Je
pense que les documents avaient trait à la transaction et il y avait
aussi le contrat qui avait été distribué ou la promesse de
vente. J'avais demandé au député de Maisonneuve d'en faire
l'examen sur le plan juridique mais je ne sais pas si le député
de Saint-Jacques peut confirmer. J'avais lu dans un journal, je crois que c'est
le Montreal Star, que le député de Maisonneuve avait dit qu'il
n'y avait pas de clause ad hoc, comme l'avait souligné le
député de Saint-Jacques. Le député de Maisonneuve
va probablement retirer son offre de service juridique puisqu'il a contredit
formellement le député de Saint-Jacques sur cette
question-là. Alors, je pense qu'il ne voudra plus accepter mon offre. Je
ne sais pas s'il doit être ici, cet après-midi?
M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je dois répondre
immédiatement?
LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.
M. CHARRON: Le député de Maisonneuve n'a pas contredit le
député de Saint-Jacques. En fait, j'ai essayé de savoir
à partir d'un renseignement toujours maintenu d'ailleurs
du directeur du Devoir, qui spécifie dans un article auquel j'ai fait
référence à la dernière séance
à laquelle je peux faire référence encore qu'outre
ce contrat de vente il existerait un billet dont serait encore possesseur M.
Desmarais et par lequel il se gardait le droit de définir le prochain
acquéreur du Soleil au cas où cela ne devrait pas être
Power Corporation. Ce renseignement, je le donnais à la commission
parlementaire avec tout le respect que j'ai pour le directeur du Devoir. Quand
nous entendrons le directeur du Devoir, comme la commission l'entendra, nous
aurons l'occasion de revenir sur le sujet. Mais puisque le premier
ministre...
M. BOURASSA: Je m'excuse, si le député me permet. Le
député disait que, dans le contrat lui-même, c'est pour
cela qu'il a insisté s'il peut me laisser terminer pour
que l'on rende le contrat public.
On l'a fait et j'avais demandé au député de
Maisonneuve d'examiner le contrat pour voir si telle clause existait. Et il a
dit au Montreal Star qu'elle n'existait pas. Le député dit que ce
serait dans un autre document.
M. CHARRON: C'est ce qu'a dit le directeur du Devoir. Je peux vous
référer à l'article auquel j'ai fait
référence encore. Si on veut reprendre le débat de la
dernière séance, M. le Président, je n'ai aucune
objection, mais je voulais m'assurer que d'abord ce n'était pas dans le
contrat de vente lui-même qu'une telle clause était en vigueur.
L'étude du contrat a prouvé qu'il n'y avait pas telle clause
mais, puisque le premier ministre m'a invité à discuter du
contrat de vente...
M. BOURASSA: On va revenir là-dessus quand monsieur...
M. CHARRON: On peut en parler. Le contrat de vente, de l'avis du
député de Maisonneuve, est parfaitement valide et valable encore
aujourd'hui. C'est certainement une des questions...
M. BOURASSA: Voici l'article 1475. C'est malheureux que le
député ne soit pas ici.
M. CHARRON: 1165.
M. BOURASSA: C'est l'article 1474, la promesse de vente, l'article 1474
du code civil. Avons-nous un code civil ici, M. le Président?
M. CHARRON: Je n'ai pas les connaissances du premier ministre en cette
matière.
M. BOURASSA: J'en ai pas tellement, mais je me souviens d'avoir lu cet
article et d'en avoir
discuté avec mon conseiller juridique ad hoc, c'est-à-dire
le député de Maisonneuve. Il avait dit que tout ce qui existait,
c'était une promesse de vente avec les poursuites en dommages et
intérêts normales dans une promesse de vente.
M. CHARRON: C'est exact.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je pense que nous sommes
réunis pour entendre un témoin, soit M. Guy Gilbert. Est-ce qu'il
y a d'autres commentaires que les membres de la commission voudraient faire
avant que nous invitions M. Gilbert à témoigner? Sinon, j'invite
M. Gilbert à s'identifier, s'il vous plaît, et à se
présenter.
Témoignage de M. Guy Gilbert
M. GILBERT: Guy Gilbert, président et directeur
général du Soleil.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous avez des commentaires ou des
représentations?
M. GILBERT: Je n'ai aucun commentaire à faire. Je vais simplement
répondre à des questions pour autant qu'elles seront pertinentes
et directes et que je pourrai y répondre.
M. LALONDE: Si vous me le permettez, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. LALONDE: M. Gilbert, est-ce que vous avez donné un "billet" ou
un document quelconque à M. Desmarais lui donnant le droit de choisir
l'acquéreur du Soleil si ce n'était pas lui?
M. GILBERT: II n'y a jamais eu un tel document donné à M.
Desmarais et à personne d'autre non plus.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais demander à votre avocat, M.
Gilbert, de s'identifier.
M. RIVARD: Jean Rivard.
M. BONNIER: Comparativement aux états financiers du Soleil,
est-ce qu'on pourrait avoir... On ne les a pas ici, les états
financiers. Je ne sais pas si c'est possible de les avoir pour les trois
dernières années. Je serais intéressé en
particulier à connaître quels sont les profits bruts, après
impôt, du Soleil durant les trois dernières années, et
quelles sont les projections pour les trois prochaines années.
M. GILBERT: Personnellement, je ne les remettrai pas. Je ne suis pas
autorisé à remettre les états financiers du Soleil. Je ne
crois pas que ce soit l'affaire de la commission parlementaire de voir les
états financiers du Soleil.
M. BONNIER: Je serais intéressé à connaître
les profits bruts, après impôt.
M. GILBERT: Le Soleil est une compagnie privée et, à ce
moment-là, je ne vois pas pourquoi je remettrais les états
financiers du Soleil ici. Il y a eu assez de choses dans la transaction du
Soleil qui ont été mises sur la place publique, je ne crois pas
que les états financiers seront mis sur la place publique.
M. CHARRON: M. le Président, je remercie immédiatement M.
Gilbert d'être venu à la demande du parti de l'Opposition
témoigner cet après-midi devant la commission parlementaire.
M. Gilbert, vous n'avez pas fait de déclaration à
l'ouverture de la séance. C'est parfaitement votre droit, et nous
entendons ici procéder par les questions les plus pertinentes et
directes possible pour avoir les réponses les plus claires possible.
Vous ne nous refuserez pas, probablement, de procéder par ordre
chronologique, ce qui facilitera l'entendement de tout le monde et fera le plus
de lumière possible sur la transaction de votre journal.
M. Gilbert, un des vice-présidents de Québécor, M.
Pierre Gauvreau, a affirmé que c'est en mai 1973, pour la
première fois, que M. Marcel Bélanger du Soleil, un de vos
employés...
M. GILBERT: Pardon, c'est un administrateur.
M. CHARRON: ... un administrateur du Soleil a communiqué avec le
groupe Péladeau comme on l'appelle entre nous, pour lui signifier votre
intention, à vous et à votre frère, de mettre en vente le
journal Le Soleil. Est-ce que votre décision de mettre le journal en
vente date de cette époque-là effectivement?
M. GILBERT: Notre décision date de cette époque-là
et le groupe Péladeau a été approché comme
plusieurs groupes. A ce moment-là, plusieurs autres groupes ont
été approchés aussi.
M. CHARRON: C'est donc au printemps 73 que votre décision s'est
prise.
M. GILBERT: Elle a été arrêtée au printemps
73.
M. CHARRON: Est-ce qu'on peut vous demander pourquoi, ayant une
entreprise dont vous refusez de révéler les états
financiers mais que plus d'un juge en bon état de santé, puisque
le prix de vente est quand même assez élevé,
votre famille a décidé de mettre en vente le quotidien de
la capitale nationale?
M. GILBERT: Je pense que là-dessus il y a des raisons
personnelles, il y a des raisons de famille. Je pense que quelqu'un, à
n'importe quel moment, peut décider qu'il met son entreprise en vente
parce qu'il veut, peut-être, s'orienter ailleurs... Comme je vous le
disais, il y a certainement des raisons de famille. Nous sommes une famille
assez nombreuse et les deux administrateurs étaient parmi les plus
jeunes. Ce qui veut dire que c'est une famille qui vieillissait. Il y avait des
problèmes. Les autres actionnaires étaient
intéressés à toucher le capital qui était dans
l'entreprise.
A ce moment, c'était simplement une question de planification
pour l'avenir. Pour une entreprise comme le Soleil, aujourd'hui, il est
beaucoup plus difficile de rester seul. Je pense que nous avions une entreprise
qui n'était pas diversifiée. Nous avions commencé un peu
à la diversifier, mais elle était peut-être un peu trop
pesante pour la structure de la famille et c'est une autre des raisons pour
lesquelles nous avons décidé de vendre.
M. CHARRON: Quand vous avez pris la décision de mettre le journal
en vente, M. Gilbert, vous avez dit que vous avez communiqué avec
plusieurs groupes que vous pensiez être intéressés à
l'achat du journal. Je vous ai mentionné le groupe de
Québécor. Quels sont les autres groupes avec qui, en mai 1973,
à la même époque où vous avez approché M.
Péladeau, vous avez eu des contacts?
M. GILBERT: Entre autres, il y a eu les caisses populaires; il y a eu la
Laurentienne, il y a eu l'Industrielle et aussi le groupe Desmarais de Power
Corporation.
M. CHARRON: Dès mai 1973, à la même
époque.
M. GILBERT: Oui. Ils savaient, ils ont été informés
que le Soleil était à vendre.
M. CHARRON: Est-ce qu'ils ont été informés par M.
Bélanger aussi...
M. GILBERT: Non. Pas par M. Bélanger. M. Bélanger a
informé le groupe Péladeau. Nous avons informé certains
groupes et il y a d'autres personnes qui ont informé d'autres
groupes.
M. CHARRON: Est-ce que c'est vous-même qui avez informé M.
Desmarais?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: Est-ce qu'il y a eu une rencontre entre vous ou votre
frère ou quelqu'un de l'administration du Soleil et M. Desmarais
à cette époque du début de l'été 1973?
M. GILBERT: Non. On n'a pas vu M. Desmarais avant le mois de septembre.
C'est au mois de septembre que nous avons signé les promesses de vente.
Nous n'avons pas rencontré M. Desmarais avant cette date.
M. CHARRON: Aviez-vous rencontré quelqu'un d'autre de la
chaîne de M. Desmarais pour les premiers contacts?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: II y a un hebdomadaire du dimanche qui a fait état
à un certain moment que vous aviez rencontré M. Desmarais
accompagné d'autres personnes au Manoir Richelieu. Est-ce que c'est vrai
ou est-ce que c'est faux? Cela se situerait aux alentours du 11 août
1973.
M. GILBERT: C'est absolument faux. Cela met en doute la
véracité de ce journal. Je n'ai été au Manoir
Richelieu qu'une fois dans l'été avec ma famille et je n'ai vu
personne à ce moment.
M. CHARRON: Quand vous avez rencontré M. Desmarais pour la
première fois, était-ce lors de la signature du contrat de
vente?
M. GILBERT: Nous avons eu une rencontre préliminaire avec M.
Desmarais au début de septembre.
M. CHARRON : Début de septembre.
M. ROY: Lorsque vous avez rencontré M. Desmarais au début
de septembre, si on regarde tous les documents et toutes les informations qui
nous ont été donnés, il y a eu une option qui daterait du
11 septembre entre les propriétaires, vous autres, et M. Desmarais.
Est-ce que c'est exact?
M. GILBERT : Premièrement, il y a eu la première rencontre
avec M. Desmarais où on a parlé de la transaction, au
début de septembre. Le 11 septembre, nous avons signé en fait une
promesse de vente qui a été déposée, que vous avez
eue et qui a été le papier qui a été signé,
la promesse de vente.
M. ROY: Est-ce qu'il y a eu renonciation mutuelle des deux parties pour
annuler cette option?
M. GILBERT: Oui.
M. ROY: A quelle date a-t-elle été annulée?
M.GILBERT: Elle a été annulée le 14 janvier
1974.
M. ROY: Est-ce que vous accepteriez de déposer ce document
annulant l'option du 11 septembre?
M. GILBERT: Une photocopie, il n'y a pas d'objection.
M. ROY: Une photocopie, pas nécessairement l'original. Une
photocopie, cela va faire. Est-ce que les droits acquis par l'entente du 11
septembre entre les propriétaires du Soleil et M. Desmarais sont encore
valides?
M. GILBERT: Non.
M. ROY: Les propriétaires du Soleil sont-ils entrés en
négociation avec M. Péladeau, ou s'il n'y a eu que des
discussions préliminaires?
M. GILBERT: Cela dépend. J'ai parlé des
négociations du mois de mai.
M. ROY: Est-ce qu'il y a eu des ententes de signées avec le
groupe Péladeau?
M. GILBERT: II n'y a pas eu d'entente signée.
M. ROY: II n'y a eu aucun document de signé avec le groupe.
M. GILBERT: II n'y a eu aucun document de signé avec le groupe
Péladeau, excepté que le groupe Péladeau a
déposé une offre écrite qu'on aurait, à ce
moment-là, simplement paraphée et qu'on n'a pas
paraphée.
M. ROY: Quand M. Péladeau a fait son offre, est-ce que l'entente
du 11 septembre avec M. Paul Desmarais était encore en vigueur? Lorsque
vous avez discuté...
M. GILBERT: Oui. Elle était encore en vigueur.
M. ROY: Est-ce que cette promesse de vente que vous aviez envers M. Paul
Desmarais aurait été une des causes de la non-poursuite, si vous
voulez, des négociations avec le groupe Péladeau?
M. GILBERT: Non.
M. ROY: Est-ce que c'est cette option qui les a
empêchées?
M. GILBERT: Non, d'aucune façon.
M. ROY: Remarquez bien que je ne prêche ni pour l'un, ni pour
l'autre.
M. GILBERT: Non, je vous réponds: d'aucune façon.
M. ROY: Pardon.
M. GILBERT: Je vous réponds: D'aucune façon.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON : Est-ce qu'il y aurait eu entre le Soleil et le groupe
Desmarais d'autres documents que celui que vous nous avez déposé,
d'autres documents qui ont été signés?
M. GILBERT: Aucun autre, excepté celui qu'on a
déposé et celui qu'on vient de déposer, ou le
désistement. Cela a été déposé avec le
document initial; c'est l'amendement qu'il y a eu lorsqu'on a accepté le
moratoire qui retardait le "closing" au 14 décembre.
M. SAMSON: Est-ce que vous avez d'autres documents, dossiers, soit des
documents préliminaires avec d'autres groupes que celui de
Desmarais?
M. GILBERT: Il n'y a aucun autre document.
M. SAMSON: Lorsqu'il a été question de la formation d'un
consortium, est-ce que vous seriez en mesure de nous dire quelles ont
été les démarches faites de la part du ministre
représentant le gouvernement à cet effet auprès du
Soleil?
M. CHARRON: M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: Je ne veux pas empêcher le député de
Rouyn-Noranda de poser les questions qu'il a à poser. Cela me fait
plaisir de le voir participer à la commission parlementaire. Mais
j'avais passé la parole au député de Beauce parce que je
croyais qu'il manifestait le désir de poser des questions sur le sujet
que j'avais abordé. Je n'étais pas rendu au consortium...
M. SAMSON: M. le Président, je ne voudrais pas être
désagréable envers le député de Saint-Jacques, mais
je n'ai pas l'impression qu'il a à nous imposer un ordre du jour. C'est
à nous de décider quel genre de questions on veut poser et
à quel moment on veut les poser. Cependant, si M. Gilbert veut bien
répondre à ma question, pour être agréable au
député de Saint-Jacques, je lui passerai facilement la parole
s'il veut. Mais j'ai posé une question, j'aimerais bien avoir une
réponse.
M. BOURASSA: Vous êtes en force aujourd'hui, vous, du Parti
créditiste?
M. SAMSON: On est toujours en force et en forme.
UNE VOIX: 100 p.c. du caucus.
M. SAMSON: 100 p.c. du caucus. Essayez d'en faire autant.
M. GILBERT: Alors, voulez-vous répéter la question, s'il
vous plaît? On a été un peu...
M. SAMSON: Oui. Les démarches faites par le ministre
représentant le gouvernement auprès de vous, concernant ce
consortium...
M. GILBERT: Les démarches pour le consortium, en fait, n'ont pas
été faites par... Vous voulez parler de M. Lalonde?
M. SAMSON: Oui.
M. GILBERT: C'est le premier ministre lui-même, M. Bourassa, qui
nous a parlé du consortium. Ce n'est pas M. Lalonde qui a abordé
l'idée du consortium.
M. SAMSON: J'imagine que M. Lalonde a dû entrer en contact avec
vous.
M. GILBERT: M. Lalonde est entré en contact avec nous
après les élections pour étudier le problème et
s'éclairer un peu lui-même sur la situation qui existait,
où on en était. Mais à ce moment-là je l'ai
rencontré une fois il nous a peut-être parlé de
l'idée d'autres acheteurs, mais l'idée du consortium comme telle
n'a pas été abordée par M. Lalonde.
M. SAMSON: Cela voudrait dire qu'il n'y a pas eu de suite de la part du
gouvernement aux discussions que vous avez eues avec le premier ministre
concernant ce sujet.
M. GILBERT: Qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Il y a des suites
et des suites. Cela dépend de ce que vous voulez.
M. SAMSON: Si j'ai bien compris, vous nous avez dit que c'est le premier
ministre qui a lancé l'idée du consortium et que son ministre
délégué, par la suite, n'a pas continué les
démarches en ce sens. Est-ce que c'est bien cela que j'ai compris?
M. GILBERT: Non, ce que je vous dis, c'est que j'ai rencontré M.
Lalonde après les élections et non pas le premier ministre. A ce
moment-là, l'idée du consortium, tel qu'on en a parlé,
n'est pas venue dans la conversation. Je dis que c'est le premier ministre qui
a parlé du consortium comme tel, qui nous a proposé un consortium
et c'est vers le 14 décembre, au moment où le moratoire
était pratiquement terminé. M. Lalonde a assisté à
certaines réunions; on s'est parlé au téléphone sur
des sujets secondaires, mais M. Lalonde n'a pas eu affaire au consortium
directement.
M. ROY: Est-ce qu'il y a eu des réunions parmi les personnes qui
faisaient partie de ce consortium ou si c'est seulement une idée qui a
été lancée qu'il pourrait y avoir éventuellement un
consortium?
M. GILBERT: C'est une question qui me plaît. En fait, si on parle
de réunions de groupe du consortium, il n'y en a pas eu. On a
suggéré un homme d'affaires à un moment donné, mais
il n'y a pas eu de réunion avec lui. Il n'y a eu aucune réunion
de groupe du consortium et le seul membre du consortium qui avait donné
son adhésion au consortium, mais qui n'a pas posé de geste
concret a été la Caisse de dépôt. Ni les caisses
populaires, ni les autres personnes, à aucun moment, n'ont posé
des gestes concrets pour nous montrer qu'elles étaient favorables au
consortium et qu'elles voulaient en faire partie.
M. ROY: Est-ce que vous avez rencontré... Excusez-moi.
M. GILBERT: En fait, mon procureur me fait remarquer qu'il y a eu une
visite très courte et pas très significative de
représentants des caisses populaires, à peu près deux
semaines après que l'on eut commencé à parler du
consortium. Je pense qu'à un moment donné ils se sont sentis
gênés; ils nous ont envoyé des émissaires ce
n'est pas moi qui les ai reçus, c'est mon frère pour voir
si on voulait bien établir un consortium et ce qu'il en était,
mais rien de sérieux, ni de concret.
M. ROY: Si j'ai bien compris, le consortium, en tant que tel, a
existé seulement au niveau d'une idée qui a été
lancée dans le public, mais il n'y aurait pas eu de rencontres parmi les
membres de ce prétendu consortium qui a fait des approches avec vous ou
vos représentants de façon à pouvoir entamer des
négociations sur une base d'affaires.
M. GILBERT: C'est exact.
M. ROY: II n'y a rien eu de cela. Est-ce que vous avez eu des contacts
avec les dirigeants du mouvement Desjardins, entre autres, M. Rouleau, par
exemple, à ce sujet?
Est-ce qu'il en a discuté, est-ce que vous avez eu des
conversations téléphoniques avec lui?
M. GILBERT: Non, jamais.
M. ROY: M. Rouleau n'a d'aucune façon manifesté son
intention?
M. GILBERT: M. Rouleau s'est toujours gardé à
l'extérieur de tout cela. Il ne s'est jamais mêlé de cela;
il n'a jamais voulu s'en mêler, je crois.
M. ROY: Et les représentants de la Caisse de dépôt,
estrce qu'il s'agissait du directeur général de la Caisse de
dépôt ou s'il s'agissait...
M. GILBERT: Oui, j'ai eu la visite de M. Cazavan, le directeur
général de la Caisse de dépôt, qui est venu me voir
dans le temps où on
a commencé à parler du consortium, mais il s'agissait
plutôt d'une enquête pour s'enquérir un peu de ce
qu'était le Soleil et tout cela. Cela a été la rencontre
que j'ai eue avec M. Cazavan.
M. ROY: Est-ce que l'on me permettrait de poser, sur le même
point, une question à l'honorable premier ministre?
Est-ce que vous avez pris l'initiative, à un moment donné,
ou pris la responsabilité de réunir les personnes avant de lancer
cette idée dans le public, d'un consortium, de
l'éventualité d'un consortium pour acheter le journal?
M. BOURASSA: Disons que j'ai répondu à tout cela la
dernière fois.
M. ROY: Non, je l'ai lu dans le journal des Débats
également; j'ai lu la page que vous m'aviez indiquée.
M. BOURASSA: J'ai dit que j'avais communiqué avec M. Cazavan qui,
publiquement, a dit qu'il était d'accord pour investir 20 p.c. J'ai dit
que j'avais communiqué avec les caisses populaires à la suite des
déclarations de M. Rouleau qui avait dit, je crois, publiquement qu'il
était d'accord ou qu'il ne voyait pas d'objection à ce que les
caisses populaires puissent investir minoritairement dans l'achat du Soleil.
Cela n'a pas marché et M. Lalonde a communiqué avec deux ou trois
entreprises qui auraient investi leurs 5 p.c. Disons qu'il y avait des ententes
de principe qui semblaient être remises en question, il n'y avait rien de
très certain. La seule réponse certaine que l'on avait obtenue
était de la Caisse de dépôt. Alors, il y avait eu une
rencontre à laquelle M. Lalonde a référé à
la dernière réunion, une rencontre de différents groupes
pour discuter de cette question.
Mais tant que je n'avais pas une réponse définitive des
caisses populaires, il fallait que j'y aille avec une certaine prudence,
d'autant plus que l'on m'avait accusé de bousculer les caisses
populaires. Alors, je n'étais pas trop intéressé à
être accusé publiquement continuellement sur cette question et
c'est pourquoi cela était assez... D'ailleurs, c'était la
liberté de commerce qui était en cause; je ne pouvais pas
intervenir plus qu'à un certain degré.
M. ROY: Maintenant, il n'y a pas eu de réunions auxquelles vous
avez convoqué toutes les parties pouvant être
intéressées en même temps pour voir s'il n'y aurait pas
possibilité d'en venir à un consensus?
M. BOURASSA: II y avait eu une réunion à laquelle a
référé M. Lalonde et les parties devaient il
pourrait me confirmer cela donner des réponses sur leur
intérêt véritable. Alors, la première étape,
c'était de les réunir. Elles se sont réunies. Il y avait,
je crois, les caisses populaires, la Caisse de dépôt et on peut
vous donner la page où on a dit cela. Il est peut-être bon de lire
ce qui a été dit la dernière fois. Alors, elles se sont
réunies et il devait y avoir une nouvelle rencontre quand elles se
seraient décidées. Alors, comme elles ne se sont pas
décidées, il n'y a pas eu de nouvelle rencontre.
M. CHARRON: M. le Président, le brin de lumière que l'on
vient d'apporter, comme vient de le signaler le premier ministre lui-même
d'ailleurs, ne fait que rajouter à la conclusion que l'on pouvait
déjà tirer de la première séance de la commission,
c'est que le projet de consortium n'a jamais été autre chose
qu'un écran de fumée et n'est jamais venu près de se
réaliser.
M. BOURASSA: M. le Président, c'est absolument faux. J'invoque le
règlement, le député de Saint-Jacques fait une affirmation
complètement fausse et ridicule qui explique son isolement aujourd'hui
alors qu'il est délaissé par ses collègues.
J'ai clairement dit que la Caisse de dépôt avait
accepté, mais je ne pouvais pas forcer les caisses populaires plus
qu'à un certain point à investir les 20 p.c. Je pense que le
gouvernement a démontré, par ses gestes, qu'il était
allé relativement loin dans une question qui implique la liberté
de commerce.
M. CHARRON: Très relativement, oui. Je veux demander à M.
Gilbert, dans toutes les raisons qui ont milité pour l'échec du
consortium qu'on soit venu près ou non de le faire, on verra cela
un peu plus loin ce qui planait au-dessus de tout le monde,
c'était ce que vous aviez déjà affirmé au moment de
la mise en vente de votre journal, soit le fait que vous
préfériez voir votre journal passer à une chaîne de
quotidiens francophones. Vous annonciez, à ce moment-là, votre
préférence pour la chafne que dirige M. Desmarais. Je ne vous
cacherai pas que c'est précisément une des raisons pour
lesquelles on vous a convié aujourd'hui ici, puisque ce n'est pas
l'opinion de tout le monde qu'il fallait que le Soleil passe à une
chafne de quotidiens francophones.
Or, si vous aviez pris cette décision vous l'avez
annoncée, je crois en août, en même temps que le Soleil
publiait dans ses premières pages qu'il était sur le point
d'être cédé à des intérêts autres que
ceux de la famille Gilbert il y a une coincidence de dates que vous
m'aideriez à éclairer peut-être. C'est qu'à la
même époque M. Desmarais s'est porté acquéreur de
Montréal-Matin, le 11 août 1973. Enfin, la transaction a
été bâclée le 20 novembre, mais l'annonce en a
été faite le 11 août, à peu près à la
même date où le Soleil annonçait publiquement qu'il
était en vente. Est-ce une coincidence de dates ou si l'arrivée
d'une véritable chafne... Là, vous aviez raison d'en parler
puisque Montréal-Matin passant dans le camp de Power Corporation faisait
qu'à peu près
l'ensemble des quotidiens francophones, à l'exception du Devoir,
de Montréal, passaient à Power Corporation. Est-ce à
partir de la connaissance de cette vente que vous affirmiez votre
intérêt à voir le Soleil passer à la chafne?
M. GILBERT: D'abord, je vais revenir au début sur une des
premières questions que vous m'avez posées. Quand est-ce qu'on a
décidé de vendre? Je vous ai dit au mois de mai. On n'a pas
décidé de vendre quand ils ont annoncé qu'une chafne
serait formée. Ce que j'ai dit dans le journal, c'est qu'au moment
où j'ai donné une entrevue dans le journal, je pense, M. Lemelin
a déclaré qu'il favorisait beaucoup une chaîne de journaux.
Personnellement, j'ai dit, à ce moment-là, que je favorisais la
création d'une chafne de journaux, telle que proposée par M.
Desmarais et M. Lemelin. Je n'avais jamais parlé ni à M. Lemelin,
ni à M. Desmarais, mais dans mon idée à moi et je
reste toujours de la même idée encore aujourd'hui je
favorisais une chafne telle que proposée par M. Desmarais et par M.
Lemelin. A mon idée, c'était la meilleure chose qui pouvait
arriver pour l'information et pour la presse.
M. CHARRON: Si je vous comprends bien, M. Gilbert, vous annonciez cette
préférence que vous aviez sans même avoir eu de contact
avec Power Corporation?
M. GILBERT : Non, je l'ai annoncée à la suite de la
déclaration de M. Lemelin qui a dit qu'il voulait créer une
chafne et même je ne l'ai pas dit à M. Péladeau
directement on a fait savoir à M. Péladeau qu'on
arrêtait les négociations, parce qu'on en avait parlé
pendant l'été. A ce moment-là, comme je l'ai dit dans le
journal, j'ai dit que je prenais du recul pour regarder de plus près la
création de cette chafne de journaux, étant donné le
développement qui se faisait dans les journaux lorsque M. Desmarais a
acheté Montréal-Matin et tout cela, et que, quant à moi,
je favorisais, j'aimais beaucoup l'idée de la chaîne telle que
préconisée par M. Lemelin. C'est exactement cela.
M. CHARRON: J'imagine que cette déclaration a fait plaisir
à MM. Lemelin et Desmarais et qu'ils sont entrés en contact avec
vous assez rapidement, par la suite. Pouvez-vous fixer...
M. GILBERT: Ecoutez, je vais répondre. La première chose,
je pense qu'à notre âge on ne se fait plus plaisir, c'est tout
simplement une question de faire des affaires.
M. CHARRON: Non, mais...
M. GILBERT: On ne cherche pas à faire plaisir. On dit simplement
que cela peut marcher et après cela on se parle...
M. CHARRON: Sans jouer sur les mots, M.
Gilbert, parce qu'on n'est pas ici pour perdre du temps, quand je disais
faire plaisir, vous savez très bien ce que cela veut dire. Il y avait
possibilité pour Power Corporation de mettre la main sur le quotidien
qui dessert la ville de Québec et l'est du Québec. Les actuels
détenteurs du quotidien se disaient intéressés, n'avaient
aucune réticence, ni idéologique, encore moins financière
j'imagine, à voir le quotidien passer à la chafne. C'est dans ce
sens-là que je voulais dire...
M. GILBERT: Absolument.
M. CHARRON: A la suite de cette affirmation d'intérêt,
où vous ouvriez vos caisses à l'offre éventuelle de Power
Corporation. C'est ce que je voulais dire par faire plaisir, M. Gilbert. Dans
combien de temps, par la suite, MM. Lemelin ou Desmarais sont-ils entrés
en contact pour vous faire une première offre?
M. GILBERT: Quelques jours après l'annonce de la vente de
Montréal-Matin.
M. CHARRON: Tantôt vous m'avez répondu que le premier
contact avec M. Desmarais était au début de septembre.
M. GILBERT: C'est dans ce temps-là. M. CHARRON: Au début
de septembre?
M. GILBERT: J'ai dit que l'annonce a été faite le 11.
Alors ce sont les jours qui ont suivi le 11. Quand l'annonce a
été faite que Montréal-Matin était vendu, que les
intérêts Fran-coeur se séparaient des intérêts
de TransCanada, se séparaient des quotidiens et que M. Francoeur prenait
les hebdomadaires et tout le reste, c'est à ce moment-là qu'on a
eu un contact avec M. Desmarais.
M. CHARRON: On ne se trompera pas. Le Montréal-Matin...
M.GILBERT: Le 11.
M. CHARRON: ... a été vendu le 11 août. Le contrat
de vente que vous avez signé...
M. GILBERT: II a été vendu le 11 août, mais j'ai dit
que l'annonce de la vente il y a eu une conférence de presse, je
ne me rappelle plus...
M. CHARRON: Le 11 août.
M. GILBERT: J'avais l'impression que c'était en septembre. Alors
c'est dans les jours qui ont suivi le 11 août. Cela doit être le 15
ou le 16 qu'on a rencontré M. Desmarais.
M. CHARRON: Tantôt vous m'avez dit au début de
septembre.
M.GILBERT: J'avais le mois de septembre dans la tête. C'est
à la suite de la déclaration de la vente quand il y a eu la
conférence de presse, et où, le même jour aussi, Montreal
Star se vendait à FP Publication. C'est dans les jours qui ont suivi
qu'on a eu les première tractations avec M. Desmarais.
M. CHARRON: Avec M. Desmarais lui-même?
M. GILBERT: Avec M. Desmarais lui-même.
M. CHARRON: Dans les jours qui ont suivi la vente du
Montréal-Matin à Power Corporation?
M. GILBERT: Exactement.
M. CHARRON: Maintenant, quand le premier ministre vous a
téléphoné, le mardi 28 août, pour vous demander de
surseoir à la vente, il nous a dit la semaine dernière qu'il a
obtenu de vous l'assurance que le Soleil ne serait pas vendu, n'était
pas vendu. Est-ce exact qu'il n'était pas vendu à cette
époque-là, qu'il n'y avait aucune entente?
M. GILBERT: II n'était pas vendu à cette
époque-là. Si vous regardez le contrat de vente...
M. BOURASSA: ... le 28 août, M. le Président.
M. CHARRON: ... dans le Journal des Débats.
M. GILBERT: C'est-à-dire que M. Bourassa m'a appelé. Il y
a eu deux choses: il y a eu un appel téléphonique de M. Bourassa,
je ne me rappelle pas quand, il m'avait demandé de surseoir pour trois
ou quatre jours, ou peut-être une semaine, et je lui avais dit que...
M. BOURASSA: C'est pas mal plus tard. Le 28 août je ne sais
pas si les dates ont de l'importance dans le débat mais le
moratoire était de trois mois et il se terminait le 14 décembre.
Et j'ai annoncé le moratoire le lendemain.
M. CHARRON: J'ai ici un article de la Presse de Montréal, du
mercredi 29 août 1973, dont le titre est: "Bourassa intervient
auprès du Soleil". Le correspondant n'est pas indiqué. On dit
comme on dit toujours chez Power Corporation: "De notre bureau de
Québec". Je lis: "Le premier ministre du Québec, M. Robert
Bourassa, a obtenu du propriétaire du quotidien Le Soleil, M. Gilbert
je ne sais pas si c'est vous ou votre frère l'assurance
que le journal ne sera pas vendu avant la mi-septembre". C'est le 28
août...
M. BOURASSA : Le premier moratoire.
M. GILBERT: C'est exact. J'ai eu un appel téléphonique de
M. Bourassa et le Soleil n'a pas été vendu avant la mi-septembre
si vous regardez...
M. CHARRON: Vous lui avez donné cette assurance le 28
août.
M. GILBERT: Oui. A ce moment-là.
M. CHARRON: II avait également été convenu, comme
il est dit dans cet article, d'une rencontre entre vous et le premier ministre
qui devait se tenir dans la semaine du 2 septembre.
M. GILBERT: Je vais parler là-dessus. J'ai une bonne
mémoire. Je me rappelais cette rencontre qui devait avoir lieu avec le
premier ministre. M. Bourassa m'avait dit: II faut se rencontrer. J'avais dit
à M. Bourassa: M. le premier ministre, c'est très important tout
de même que vous rencontriez les deux intéressés et qu'on
en discute. M. Bourassa m'a dit: Je suis très occupé actuellement
mais je reviens je pense dans la semaine du 2 et on va se
rencontrer. Et, après cela, je ne sais pas si M. Bourassa n'avait pas
pris de note ou s'il l'a oublié, mais il ne m'a pas rencontré.
Alors, je n'ai pas couru après et c'est après cela que, le 11
nous avons signé une entente.
M. CHARRON: Vous n'avez donc pas eu cette rencontre avec M.
Bourassa?
M. GILBERT: Non. Nous n'avons jamais eu cette rencontre avec M.
Bourassa.
M. CHARRON: Lors de la conversation téléphonique du 28
août, un communiqué émis par le bureau du premier ministre
nous informe que le premier ministre aurait reçu à cette
époque, à cette date du 28 août, par
téléphone de votre part ou de votre frère, l'assurance que
le Soleil ne serait pas vendu avant la mi-septembre. Vous me l'avez
confirmé tantôt.
M. GILBERT: C'est moi qui ai parlé au téléphone
à M. Bourassa. Mon frère était absent à ce moment.
M. Bourassa m'a demandé trois jours. J'ai dit à M. Bourassa que
le Soleil ne serait pas vendu mais il faudrait se rencontrer. Il a dit: On va
se rencontrer. J'ai dit: Tant et aussi longtemps qu'on ne se sera pas
rencontré... Et M. Bourassa a dit: On va se rencontrer dans la semaine
du 2. Je ne sais pas si c'est le 2 ou... Alors, quand la date a
été passée, M. Bourassa ne m'a pas fait signe. Comme M.
Bourassa ne m'avait pas fait signe, à ce moment, j'étais
relevé de la promesse que je lui avais faite. On a alors vendu le Soleil
le 11. C'est exactement comment cela s'est passé.
M. CHARRON: Comment expliquez-vous...
M. GILBERT: Et il y a même des gens qui m'ont demandé
à ce moment si j'avais des
engagements avec M. Bourassa. Je leur ai répondu que j'en avais
jusqu'à hier ou jusqu'avant-hier mais je ne n'en avais plus.
M. CHARRON: Avez-vous informé le premier ministre à ce
moment que vous ne vous sentiez plus lié par la promesse que vous lui
aviez faite au téléphone?
M. GILBERT : Je n'avais pas besoin de l'informer. On était
censé se rencontrer. J'étais censé être
convoqué et je n'avais pas été convoqué.
M. CHARRON: Quand le premier ministre vous a parlé au
téléphone le 28 août, en même temps qu'il vous
demandait de surseoir à la vente jusqu'à la mi-septembre
cela n'était pas dans ces termes précis mais il semble que
c'était l'entente jusqu'à ce que vous vous rencontriez...
C'est exact?
M. GILBERT : La conversation téléphonique n'a pas
duré une demi-heure et elle n'a pas été longue. Et je ne
me rappelle pas tout ce qui s'est dit, excepté qu'on s'est entendu pour
une rencontre, et à ma suggestion. J'ai dit: M. le premier ministre, il
est très important que les intéressés se rencontrent. On
voudrait au moins vider le sujet. A ce moment, M. Bourassa m'a dit: On va se
rencontrer. Je te téléphone à la date du je ne m'en
rappelle plus lundi dans la semaine pour arranger une rencontre dans la
semaine. La date est arrivée, et je n'ai jamais été
convoqué. J'étais donc relevé de ma promesse et on a vendu
le journal. Je ne peux pas vous en dire plus. Même si on parlait de cela
pendant une heure, cela ne donnera rien.
M. CHARRON: Je regrette, M. Gilbert; je n'ai aucune hostilité
dans les questions que je vous pose.
M. GILBERT: Non, je n'en ai pas, mais je veux dire que c'est ce qui
s'est passé. Même si vous vouliez me dire qu'il s'est passé
autre chose...
M. CHARRON: D'accord, dites-moi ce qui s'est passé, c'est tout ce
que je vous demande.
M. GILBERT: Je ne peux rien dire là-dessus.
M. CHARRON: Au téléphone, quand M. Bourassa vous a dit: Je
te téléphone la semaine prochaine et je te convoque, est-ce qu'en
même temps il vous a avisé que le gouvernement n'allait pas
accepter la cession du Soleil aux mains de Power Corporation?
M. GILBERT: Pas en termes formels. M. CHARRON: Pas en termes formels.
M.GILBERT: Non, il m'a dit qu'à ce mo- ment-là c'était
dangereux, qu'il y avait de la concentration; il m'a parlé vaguement. Je
lui ai dit que oui et que moi, j'avais le droit de vendre. Enfin, on s'est
parlé comme cela. Mais il n'y a pas eu de termes formels, rien de
cela.
M. CHARRON : Le premier ministre vous a-t-il parlé à ce
moment-là et vous êtes-vous engagé par le fait même
à un moratoire?
M. GILBERT: Non, pas de moratoire à ce moment-là.
M. CHARRON: A ce moment-là, aucun. Donc, quand le
communiqué du bureau du premier ministre nous disait qu'il avait
reçu l'assurance que le journal ne serait pas vendu avant la
mi-septembre, c'était extrapoler. En fait, la seule assurance que vous
lui aviez donnée, c'était de ne pas le vendre tant qu'il ne vous
convoquerait pas, puisqu'il vous avait dit: Je te téléphonerai la
semaine prochaine.
M. GILBERT: Vous savez que les journalistes ont cette qualité
d'extrapoler.
M. CHARRON: Notez bien que ce ne sont pas les journalistes; c'est le
bureau du premier ministre, mais enfin peut-être...
M. GILBERT: Vous savez que le bureau du premier ministre a ordinairement
des déclarations de cette sorte.
M. BOURASSA: Pas un communiqué. M. le Président, puisqu'on
me met en cause...
M. CHARRON: M. Charles Denis a déjà eu une formation
journalistique, il me semble.
M. BOURASSA: Non, mais je voudrais poser une question au
député. Ce n'était pas le communiqué du 12
septembre, c'est-à-dire qu'on s'était entendu, quoique je ne me
souvienne pas des termes exacts, sur le fait qu'il y aurait une rencontre
à la mi-septembre, et elle a eu lieu, avec M. Desmarais. C'est là
que le moratoire de trois mois a été décidé.
M. CHARRON: D'accord. Le premier ministre a raison de clarifier la
chose. Moi non plus je ne tiens pas à mélanger les deux
choses.
M. BOURASSA: II n'y a pas eu de communiqué le 28 août.
Est-ce que je peux en avoir une copie?
M. CHARRON: Je regrette, il y a un communiqué en date du 28
août.
M. BOURASSA: D'accord, on va...
M. CHARRON: II a été repris ici dans tous les quotidiens.
Si tous les quotidiens publient la même nouvelle...
M. BOURASSA: Non, on va voir, je ne suis pas sûr qu'il y en a un
pour le 28 août. Peut-être qu'il y en a un, mais je ne suis pas
sûr. Je sais qu'il y en a un pour le 12 septembre.
M. CHARRON : Je ne peux pas vous produire le communiqué de votre
bureau actuellement...
M. BOURASSA: Je comprends que vous ne pouvez pas le produire, parce que
je doute beaucoup qu'il existe.
M. CHARRON: ... mais ce que je peux vous reproduire, c'est la même
nouvelle reproduite identiquement, et dans la Presse et dans le Soleil...
M. BOURASSA: Est-ce la Presse canadienne?
M. CHARRON: Non, c'est de notre bureau de Québec pour la Presse.
On a ici M. Gérald Leblanc au nom du Devoir.
M. BOURASSA: Parfois la Presse canadienne prend le Devoir.
M. CHARRON: Le Soleil publie, à la même date, la même
nouvelle dans les mêmes termes.
M. BOURASSA: Est-ce que je peux en avoir des copies?
M. CHARRON : Vous reconnaîtrez le style de votre attaché de
presse.
M. BOURASSA: Je voudrais une copie. Je peux dire au député
que, lorsque nous publions un communiqué, nous l'envoyons à la
Tribune de la presse. Il a pu produire le communiqué du 12 septembre. Il
n'a pas été capable de produire le communiqué du 28
août. C'est pourquoi je me pose des questions: Est-ce qu'à ce
moment-là il y a eu un communiqué ou si ce n'est pas tout
simplement une déclaration que j'ai faite à un ou deux
journalistes qui l'ont transmise à d'autres?
M. CHARRON: M. le Président, je suis obligé de fonctionner
comme je fonctionne là. Nous ne recevons pas au bureau de l'Opposition
les communiqués de presse émis par le bureau du premier
ministre.
M. BOURASSA: Comment cela se fait-il que vous ayez celui du 12
septembre?
M. CHARRON: Je n'ai pas encore parlé de celui du 12 septembre. Je
suis à discuter de l'engagement, quand vous aviez dit à M.
Gilbert: Je te téléphone la semaine prochaine. On en est encore
à cette étape-là.
M. BOURASSA: Vous venez d'affirmer qu'il y a eu un communiqué de
presse le 28 août. Je vous dis: Je ne peux pas vous contredire parce que
je ne me souviens pas exactement s'il y en a eu un, mais j'en doute beaucoup.
Je me souviens d'avoir rédigé un communiqué pour le 12
septembre, mais pas pour le 28 août.
M. CHARRON: Ecoutez, je vous lis un quotidien respectable, le Devoir. M.
Gérald Leblanc écrit ce n'est pas long, ce sont deux
paragraphes; c'est mot à mot le même texte; c'est visiblement un
communiqué "Le premier ministre du Québec, M. Robert
Bourassa, a obtenu du propriétaire du quotidien Le Soleil, M. Gilbert,
l'assurance que le journal ne sera pas vendu avant la mi-septembre.
Entre-temps, M. Bourassa rencontrera M. Gilbert et il décidera, s'il y a
lieu, de convoquer la commission parlementaire sur la liberté de
presse".
C'est exactement le même texte. Et M. Gérald Leblanc
ajoute: "Ces informations fournies en soirée, hier soir, par le bureau
du permier ministre, faisaient suite à un télégramme
envoyé à M. Bourassa par le syndicat des journalistes du
Soleil".
M.BOURASSA: D'accord, mais ce n'est pas sous forme de
communiqué.
M. SAMSON: M. le Président...
M. CHARRON: Si le député de Rouyn-Noranda me le
permet.
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement.
M. CHARRON: Je termine là-dessus, je vous ai laissé poser
des questions. Quand on aura vidé cet aspect de la question, on
aura...
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Quand
on fait état à une commission parlementaire d'un document, un
député, je pense, en n'importe quel moment, peut en demander le
dépôt.
M. le Président, à ce moment-ci, je demande au premier
ministre, puisqu'il est question d'un communiqué émis en date du
28 août, de déposer ce document, de vérifier
immédiatement s'il y a un tel document, de le déposer ainsi que
tous les communiqués de presse relativement à ce sujet, avant
qu'on aille plus loin parce que je pense que c'est important pour nous qu'on en
prenne connaissance.
M. BOURASSA: Je vais faire des recherches. On a trouvé celui du
12. J'ai tous les communiqués de l'an dernier, on va voir s'il y en a
un.
M. CHARRON: Je remercie le député de Rouyn-Noranda de son
intervention. Communiqué ou non, nous le verrons, ce que l'on doit
conclure pour le moment sur cette question M. Gilbert je vous demande
votre avis là-des-
sus c'est qu'on n'interprétait pas au bureau du premier
ministre l'appel téléphonique de la même façon que
vous l'interprétiez, vous. Le premier ministre assurait les
Québécois qu'il avait reçu de votre part l'assurance que
vous ne vendriez pas le journal avant la mi-septembre et vous, vous ayez
compris cette entente dans le sens: Autant que je ne te rappellerai pas...
Puisqu'il ne vous a pas rappelé, à bon droit, vous vous
êtes senti délié de la promesse que vous aviez faite. Notez
bien que sur cet aspect de l'événement, il y a une
mésentente des deux côtés. Mais peu importe pour le moment
cet aspect de la question...
M. BOURASSA: On vient de vérifier, M. le Président, il n'y
a pas eu de communiqué le 28 août. Il y en a eu un le 14
septembre.
M. CHARRON: Alors, il faudrait demander aux journalistes qui ont tous
publié le même texte...
M. BOURASSA: Le député devrait savoir ce qui se passe. Ils
peuvent enregistrer la déclaration qui est faite. J'ai pu parler
à un journaliste, mon attaché de presse a pu parler et le
journaliste a pu faire écouter cette déclaration-là
à d'autres. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
M. CHARRON: D'accord. Alors, supposons qu'un journaliste vous a
enregistré au moment où vous avez dit: J'ai reçu
l'assurance de M. Gilbert que le Soleil ne sera pas vendu avant la
mi-septembre...
M. BOURASSA: De fait, j'ai vu...
M. CHARRON: Tous étaient parfaitement en droit de reproduire le
même texte.
M. BOURASSA: De fait, j'ai vu M. Desmarais et j'ai communiqué
avec M. Gilbert le 11 ou le 12.
M. CHARRON: Nous n'en sommes pas là, M. le premier ministre, nous
en sommes au 28 août encore.
Peu importe. M. Gilbert, selon votre idée, puisque le premier
ministre, malgré sa promesse de vous rappeler, ne l'avait pas fait dans
la semaine du 2 septembre...
M. BOURASSA: Je l'ai rappelé le 11.
M. CHARRON: ... le 11 septembre vous avez signé un contrat de
vente avec M. Desmarais. Entre le 28 août, date de l'appel
téléphonique autour duquel on tourne depuis tantôt, et la
signature du contrat de vente, y avait-il eu nouvelle communication avec le
premier ministre?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: Vous avez donc signé sans avoir eu d'autres nouvelles
que le 28 août.
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: Avez-vous, à ce moment-là, informé le
premier ministre, le 11 septembre, que vous veniez de signer un contrat de
vente avec M. Desmarais?
M. GILBERT: Je ne l'ai pas informé mais il a été
informé.
M. CHARRON: II a été informé par qui? M. GILBERT:
Je ne sais pas.
M. CHARRON: Qui vous dit qu'il en a été
informé?
M. GILBERT: II a été informé. Je ne peux pas vous
dire s'il était au courant qu'il y avait eu une vente de faite ou non,
mais je sais qu'il était au courant qu'il y avait eu certainement...
D'ailleurs, j'ai déclaré que les choses étaient
très avancées.
M. CHARRON: M. Gilbert, croyez-vous que ce pourrait être
c'est une interprétation, si vous ne voulez pas répondre à
ma question, vous êtes parfaitement libre l'autre partie,
c'est-à-dire la partie qui s'est portée acquéreur du
Soleil qui aurait informé le bureau du premier ministre du contrat de
vente signé le 11 septembre?
M. GILBERT: Je ne le sais pas. Je ne le sais absolument pas.
M. CHARRON: Sur cette partie-là le premier ministre nous
éclairera du mieux qu'il pourra quand viendra le temps de le faire.
Entre les premiers contacts avec Power Corporation et la signature du 11
septembre 1973, il y a eu évidemment une période de
négociation. On ne vend pas un journal de cette valeur et de cette
importance sans qu'on ait étudié, d'un côté comme de
l'autre, toutes les retombées économiques chez chacun des
partenaires. Cette période de négociation s'est tenue donc
à partir de cinq ou six jours, m'avez-vous dit tantôt,
après le 11 août, date de la transaction de Montréal-Matin,
jusqu'au 11 septembre. Mettons deux à trois semaines. Quand avez-vous
donné la permission à M. Desmarais de faire étudier vos
états financiers et de visiter vos ateliers?
M. GILBERT: M. Desmarais a étudié nos états
financiers, on les lui a remis à la réunion, comme je vous l'ai
dit, après le 11 août. On lui a fait parvenir les états
financiers.
Ni M. Desmarais ni personne de son entourage n'ont jamais visité
les ateliers du Soleil. On peut appeler ça, acheter "blind".
M. CHARRON: Ils ont acheté "blind". M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: II n'y a eu aucun examen autre que les états
financiers que vous lui avez fait parvenir par la poste, j'imagine, ou
autrement?
M. GILBERT: Absolument.
M. CHARRON: Qui a conduit les négociations pour parvenir au
contrat de vente bel et bien signé le 11 septembre dernier? J'imagine
que, des deux côtés de la table, on avait des bureaux
d'avocats?
M. GILBERT: Je peux vous dire que les négociations ont
été une transaction très simple. On les a conduites, mon
frère Gabriel et moi. Ensuite notre procureur, Me Rivard, d'un
côté, et le procureur de M. Desmarais, de l'autre, ont
préparé le contrat de vente concernant ce sur quoi on
s'était entendu.
M. CHARRON: Qui sont les procureurs de Desmarais, savez-vous?
M. GILBERT: M. André Monast. M. CHARRON: De quel bureau?
M. GILBERT: Saint-Laurent, Monast et autres.
M. CHARRON: Le prix de vente qui figure dans le contrat du 11 septembre,
comment était-on parvenu à ce chiffre, si on n'avait fait aucune
évaluation des ateliers ou de quoi que ce soit autre que les
états financiers? Comment s'est fixé ce prix de vente?
M. GILBERT: II s'est fixé par discussion. On a simplement
discuté. On voulait avoir un tel prix et M. Desmarais était
prêt à payer tel prix ; on en est venu à l'entente qui est
là.
M. CHARRON: Mais M. Desmarais s'est offert à vous verser ce
montant sans vérifier la valeur réelle de la marchandise de cette
importance?
M. GILBERT : II avait une confiance extraordinaire en nous.
M. CHARRON : Cela aussi vous me faisiez une leçon sur les
milieux financiers vous admettez que c'est assez rare. Pas plus on se
fait plaisir, pas plus on se fait confiance.
M. GILBERT: Un instant; dans les milieux financiers, il y a des gens
à qui on donne la main et c'est un contrat.
M. CHARRON: Etait-ce le cas avant le 11 septembre avec Power
Corporation?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: La seule promesse formelle est venue par le contrat
dûment signé le 11 septembre?
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: Le 20 septembre, M. Gilbert, la date de fermeture du contrat
qui avait été signé le 11 a été
reportée du 28 septembre au 14 décembre. Pourquoi?
M. GILBERT: C'était à la suite de la demande du premier
ministre d'avoir un moratoire de trois mois sur la vente du Soleil. Ce
moratoire, je voudrais le dire tout de suite, c'est un grand mot, ce n'est pas
nous qui avons sorti l'expression. Pour moi, c'est un "gentlemen agreement"
avec le premier ministre. C'est un "gentlemen agreement" à trois
parties.
M. CHARRON: Cette date a-t-elle été négociée
ou si le premier ministre...
M.GILBERT: Elle n'a pas été négociée, le
premier ministre a demandé un moratoire, un "gentlemen agreement" ou
trois mois où rien ne se ferait, où on arrêtait je
me le rappelerai toujours les choses où elles en étaient.
A ce moment-là, on a arrêté les choses où elles en
étaient. Trois mois, ça faisait au 14 décembre. Vous avez
vu au contrat qu'il y a un document qui dit que la date de fermeture est remise
du 28 septembre au 14 décembre.
M. CHARRON: Avez-vous une copie de ça? M. GILBERT: Oui, cela a
déjà été déposé.
M. CHARRON: M. Gilbert, quand le premier ministre vous a
téléphoné...
M. GILBERT: Voulez-vous que je vous lise... M. CHARRON: S'il vous
plaît.
M. GILBERT: "Conformément aux dispositions de l'article 3 de
l'entente entre les parties en date du 11 septembre 1973, il est convenu que la
fermeture de la transaction a été reportée au 14
décembre 1973 à la même heure et au même endroit. En
foi de quoi, les parties ont signé ce 20 septembre 1973."
M. CHARRON: D'accord. Quand le premier ministre vous a
téléphoné, c'est ce qu'il nous a dit la semaine
dernière, pour vous proposer ce "gentlemen agreement" de trois mois,
est-ce
que c'est à ce moment-là que vous l'avez informé
que le contrat était déjà signé depuis le 11
septembre ou s'il le savait déjà?
M. GILBERT : Je ne sais pas s'il le savait. Je ne l'ai jamais
informé que le contrait était signé, j'ai dit que
j'arrêtais les choses où elles en étaient.
M. CHARRON: Les choses où elles en étaient, c'est qu'elles
étaient bâclées...
M. GILBERT : Le contrat était signé. M. CHARRON: ... et
signées. M. GILBERT : Oui.
M. CHARRON: Habituellement, c'est là où on arrête
les choses.
M. GILBERT: Un instant, le "closing" n'était pas fait. Quand on
fait une promesse de vente, on fait un "closing". Tant que le "closing" n'est
pas fait, la transaction n'est pas finie.
M. CHARRON: Vous avez accepté de reporter le "closing" du 28
septembre au 14 décembre.
M. GILBERT: La preuve de ça, c'est que la transaction ne s'est
pas faite.
M. BOURASSA: M. le Président, juste pour rafraîchir la
mémoire de tout le monde, à moins que ce soit la mienne, je crois
que j'avais parlé à votre frère, M. Gilbert, à ce
moment-là. J'avais rencontré M. Desmarais, qui était
d'accord pour le moratoire, et j'avais appelé votre frère pour
voir s'il était d'accord.
M. GILBERT: Oui, pour le moratoire, c'est avec mon frère. Pour le
moratoire de trois mois, c'est avec mon frère parce que je pense que
vous n'avez pas pu me rejoindre. C'est avec mon frère...
M. CHARRON: M. Gilbert, est-ce que le premier ministre vous a
indiqué, au moment où vous faisiez ce "gentlemen agreement",
qu'il souhaitait vous voir vous mettre à l'oeuvre pendant ce laps de
temps pour trouver un autre acheteur que M. Desmarais?
M. BOURASSA: J'ai parlé à son frère, je n'ai pas
parlé à M. Gilbert.
M. CHARRON: Ou à votre frère?
M. GILBERT: Enfin, à mon frère le premier ministre a dit,
je l'ai su après parce que l'on ne se cache rien, je pense... Il reste
qu'à ce moment-là on n'a pas parlé d'autre acheteur, on
s'est entendu sur un moratoire de trois mois, on arrêtait les choses
où elles en étaient. Il n'a pas été question de
trouver un autre acheteur, il n'a pas été question de cela; il
était question, à ce moment-là, d'étudier le
problème.
M. CHARRON: M. Gilbert, votre frère, que, entre
parenthèses, on aurait bien aimé voir ici cet après-midi,
puisque...
M. BOURASSA: Vous ne l'avez pas demandé.
M. CHARRON: Oui, on l'a demandé. Enfin, peu importe. Votre
frère vous a-t-il informé que, lors de ce "gentlemen agreement",
le premier ministre lui avait signalé que, du côté
gouvernemental, on allait tout mettre en oeuvre pour trouver un autre acheteur
que Power Corporation et que le gouvernement n'avait pas l'intention d'accepter
la vente du Soleil à Power Corporation?
M. BOURASSA: C'est du oui-dire, M. le Président, il faudrait
laisser répondre...
M. CHARRON: Ce n'est pas du oui-dire, parce que M. Gilbert est
propriétaire du Soleil au même titre que son frère et qu'il
devait très certainement être au courant des obligations qui lui
incombaient à la suite du "gentlemen agreement" II se trouvait
lié, par son frère, au "gentlemen agreement" qui venait d'avoir
lieu entre les deux parties.
M. GILBERT: Je vais répondre là-dessus. Le "gentlemen
agreement" était que l'on arrêtait les choses où elles en
étaient et que l'on ne faisait rien pour les trois prochains mois. La
preuve de cela c'est que l'on a retardé le "closing" au 14
décembre.
M. CHARRON: Mais pas un mot de la part du gouvernement sur le fait que
le gouvernement ne voulait pas voir Power Corporation mettre la main sur le
Soleil? Ce n'était pas cela?
M. BOURASSA: Si on arrêtait, la question est ridicule.
M. CHARRON: Non.
M. BOURASSA: Si on demandait un moratoire, c'est parce que l'on
était opposé à la vente.
M. CHARRON: Je regrette, mais la question n'est pas ridicule, et
peut-être que M. Gilbert peut répondre là-dessus.
M. BOURASSA: Elle est ridicule pour moi.
M. GILBERT: Ecoutez, ce n'est pas moi qui ai reçu l'appel et je
n'ai pas l'impression que c'étaient les termes de la conversation
téléphonique.
M. CHARRON: Parce qu'il y a une autre hypothèse qui n'est pas si
ridicule que cela. Je l'ai rappelée au premier ministre la semaine
dernière et elle revient sur la table cet après-midi, c'est
que...
M. BOURASSA: Quelle est l'hypothèse?
M. CHARRON: L'hypothèse était que l'on en était
à quelques jours du déclenchement, des élections
générales au Québec.
M. BOURASSA: Douze jours.
M. CHARRON: Tout ce qui importait, pour le moment, était
d'écarter le dossier de la place publique, et je crois tirer de vos
réponses, M. Gilbert, que c'était le "gentlemen agreement" auquel
on était venu.
M. BOURASSA: ... Power...
M. GILBERT: Pardon, je m'excuse, d'abord vous n'avez pas à tirer
de conclusion de mes réponses, je pense. Je n'accepte pas que vous
disiez, de ce que j'ai dit, que c'était cela. Le premier ministre nous a
demandé, à ce moment-là, un moratoire de trois mois. Nous
ne lui avons pas posé de questions comme telles, nous lui avons dit:
Nous sommes prêts à surseoir pour trois mois à la
transaction, c'est-à-dire arrêter où elle en était,
mais il n'a pas été question, à ce moment-là,
d'élections ou pas. Je ne voudrais pas que, vous me mettiez des mots
dans la bouche quand je ne les ai pas dits.
M. CHARRON: D'accord. Je les mettais moi-même mais peu importe
pour le moment. Les frères Gilbert, propriétaires du Soleil,
n'avaient pas été formellement avisés que ce moratoire
avait pour but de trouver un autre acheteur que Power Corporation et que le
gouvernement n'avait aucunement l'intention d'autoriser la vente du Soleil
à Power Corporation. On n'en a pas profité, au moment de cette
entente, ce "gentlement agreement", pour vous dire que le but était
d'écarter du dossier l'acheteur qui avait dûment signé le
11 septembre.
M. GILBERT: Un instant. J'ai dit, au début, que le premier
ministre nous avait fait voir qu'à ce moment-là il y avait des
problèmes à la transaction. Lors du premier appel
téléphonique qu'il m'avait fait, il avait déjà
soulevé ce problème. Il ne nous a pas demandé,
certainement, de ne pas faire la transaction, d'arrêter la transaction
parce qu'il ne voyait aucun problème. C'est parce qu'il y voyait des
problèmes probablement qu'il nous a demandé cela. On savait qu'il
voyait des problèmes et le premier ministre, à ce
moment-là, nous a dit: On va étudier le problème, il y a
un problème et on va l'étudier. Nous, nous avons dit: Nous sommes
prêts pour trois mois, comme cela a été demandé.
C'est tout.
M. BOURASSA: En attendant une solution du Parti québécois.
S'il avait eu une solution, peut-être qu'il aurait pu trouver un
acheteur.
M. CHARRON: Mais le premier ministre vous avisait donc, si je prends
votre dernière réponse, que l'on allait profiter de ces trois
mois, auxquels on vous demandait de consentir, pour étudier le
problème puisque le problème existait, mais cela ne s'est
aucunement précisé au point de vous dire que ce n'était
pas simplement pour étudier le problème mais aussi pour trouver
un autre acheteur que Power Corporation.
Cela n'a pas été jusque-là. Je ne le crois pas.
M. ROY: Pendant ce moratoire, M. le Président, est-ce que M.
Gilbert pourrait nous dire si d'autres acheteurs que ceux dont il a
été question ici, devant la commission, ou même dans les
journaux, se seraient présentés auprès des
propriétaires du journal comme étant susceptibles d'être
intéressés?
M. GILBERT: Cela a été le calme plat pendant le
moratoire.
M. ROY: Est-ce que vous avez fait des démarches...
M. GILBERT: Aucune.
M. ROY: ... autres que celle pour laquelle des questions vous ont
été posées? Est-ce que vous avez fait d'autres
démarches...
M. GILBERT: Aucune.
M. ROY: ... pour trouver un autre acheteur?
M. GILBERT: Aucune démarche.
M. ROY: Vous n'en avez fait aucune.
M. GILBERT: Quand on a un bon acheteur, on n'en cherche pas
d'autres.
M. ROY: Est-ce qu'on peut vous demander pourquoi justement vous n'auriez
fait aucune autre démarche?
M. GILBERT: Ce n'était pas à moi de faire des
démarches. J'avais déjà vendu mon entreprise. A ce
moment-là, ce n'était pas à moi de faire des
démarches pour la vendre à un autre. Voyons!
M. BOURASSA: II n'était pas intéressé à
vendre à d'autres acheteurs, il voulait vendre à Power
Corporation.
M. GILBERT: Je voulais vendre à Power Corporation.
M. ROY: Pour vous, c'était décidé que vous vouliez
vendre à Power Corporation.
M. GILBERT: C'était même fait. M. CHARRON: C'était
fait.
M. GILBERT: C'était même fait. Une promesse de vente, c'est
une vente. Il reste simplement à...
M. ROY: A la suite des demandes que vous avait faites le premier
ministre...
M. GILBERT: Pardon?
M. ROY: A la suite des demandes que vous avait faites le premier
ministre...
M. GILBERT: Le premier ministre nous a simplement demandé
d'arrêter les pourparlers où ils étaient rendus. C'est la
seule chose à laquelle on s'est entendu.
M. CHARRON: II s'agissait de retarder le "closing".
M. GILBERT: Probablement que le premier ministre ne le savait pas. Je ne
sais pas s'il le savait ou s'il ne le savait pas. Il savait qu'on était
rendu loin mais il ne savait pas...
M. CHARRON: Est-ce que le premier ministre était au courant du
contrat de vente au moment où il a téléphoné pour
demander un moratoire? Savait-il que tout ce qu'il restait à faire,
c'était de retarder le "closing"? Etait-il au courant que le contrat
était signé depuis le 11 septembre?
M. BOURASSA: On m'avait dit qu'il y avait une entente de principe qui
devait être ratifiée. Donc, tant qu'il n'y avait pas ratification,
l'entente n'était pas valide.
M. CHARRON: Qui était votre informateur?
M. BOURASSA: Quand j'avais rencontré M. Desmarais pour lui
demander le moratoire, avant d'appeler M. Gilbert, il m'avait dit: Les
pourparlers sont pas mal avancés. On s'était entendu en principe.
Je ne savais pas quelles implications légales cela pouvait impliquer,
mais ce n'était pas terminé. Donc, c'est pourquoi dans mon
communiqué je signale au député que c'est la
sixième fois que je le signale c'est écrit que le premier
ministre a indiqué qu'il n'hésiterait pas à
procéder à une intervention législative,
c'est-à-dire une loi rétroactive, qui est quand même un
procédé exceptionnel, si cette suspension n'était pas
respectée. Je pense que je menaçais, par cette déclaration
officielle du gouvernement, les parties en cause parce qu'on m'avait dit qu'il
y avait des pourparlers relativement avancés je menaçais
les parties en cause d'une intervention législative.
Je ne me souviens pas des termes exacts, cela fait quand même
quatre mois, mais on m'avait dit que les négociations ou ententes
étaient avancées mais qu'elles n'étaient pas
complétées. C'est pourquoi, quand on m'a remis le document,
j'avais demandé à mon conseiller juridique si c'était
complété. Il m'avait dit: Ce n'est pas complété,
c'est simplement une promesse de vente.
M. ROY: J'aimerais savoir du premier ministre quand il a demandé
de suspendre l'affaire, par son moratoire de trois mois, pourquoi il l'a fait
avec la menace d'une loi rétroactive. Dans quel but? Je ne prenais pas
ces propos pour les prêter à M. Gilbert, parce que M. Gilbert
n'est pas concerné directement par cela, mais est-ce que c'était
tout simplement pour traverser la campagne électorale ou si
c'était dans le but de trouver des acheteurs éventuels autres que
le groupe Desmarais pour acquérir le Soleil?
M. BOURASSA: Si j'ai parlé d'intervention législative,
cela ne touche pas les délais, c'est parce que j'avais été
informé qu'il y avait des démarches très avancées.
Je ne me souviens pas des termes exacts, mais il y avait des démarches
très avancées entre les frères Gilbert et Power
Corporation. C'est pourquoi j'ai dit: Si je ne mets pas cette menace d'une
intervention législative, cela peut se compléter très
rapidement.
M. ROY: Je veux savoir pourquoi. Si le premier ministre avait
demandé un moratoire de trois mois, le premier ministre avait
certainement des...
M. BOURASSA: C'est évident que, si on voulait retarder la vente,
il s'agissait de voir. Disons qu'à ce moment j'étais sceptique,
parce que j'avais eu des échos suivant lesquels les offres faites
étaient de $6 millions ou $5 millions. Je ne sais pas de combien on vous
avait fait une offre. Je sais que Power a fait une offre de $8 millions ou $8
1/2 millions.
M. GILBERT: On n'a jamais eu une offre écrite. Le groupe
Péladeau s'est rendu jusqu'à une offre de $5 1/2 millions, je
pense simplement qu'en discutant comme cela, je leur ai dit que je
n'étais absolument pas intéressé.
M. CHARRON: M. Gilbert, je vous ai posé...
M. ROY: Un instant, j'aimerais bien continuer, étant donné
que c'est mon tour de poser des questions, encore une fois je ne suis pas
satisfait de la réponse du premier ministre.
J'aimerais bien savoir une chose. On a demandé un moratoire de
trois mois parce que le premier ministre nous a révélé
tout à l'heure qu'il avait peur de la concentration de la presse en un
groupe qui contrôlerait toutes les chaînes, autrement dit tous les
journaux d'expression française. Maintenant, le moratoire de trois mois
a existé. Pendant ce moratoire de trois
mois, quels ont été les efforts et les tentatives que le
gouvernement du Québec a faits pour éviter que le journal ne
passe au groupe Desmarais?
M. BOURASSA: J'ai dit tout ce que j'avais fait. Durant la période
électorale, je n'ai pas fait grand-chose dans ce
domaine-là...
M. ROY: Cela vous a passablement tenu occupé.
M. SAMSON: On s'en doutait.
M. BOURASSA: C'est après que je...
M. ROY: D'ailleurs, vous ne nous apprenez rien.
M. CHARRON: Je peux répondre au député de
Beauce-Sud?
M. ROY: Je l'ai lu, le journal des Débats; c'est parce que les
réponses qui sont données dans le journal des Débats ne me
donnent pas satisfaction. Il me semble qu'on a tout simplement fait un
moratoire de trois mois pour essayer de trouver une formule pour retarder le
débat, retarder la discussion pour que le calme revienne partout et
surtout éviter le débat public durant la campagne
électorale. C'est mon impression, M. le Président. J'ai quand
même droit à mes opinions.
M. SAMSON : M. le Président, est-ce que je pourrais demander au
premier ministre...
M. BOURASSA: ... Power n'a pas acheté, finalement.
M. CHARRON: On verra.
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je peux poser une question
au premier ministre?
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: M. Gilbert a mentionné tantôt que le premier
ministre a communiqué avec son frère pour cette question du
moratoire. M. le premier ministre, est-ce que vous vous rappelez cette
discussion que vous avez eue avec le frère de M. Gilbert? Quels sont les
arguments invoqués à l'occasion de cette communication pour lui
demander d'accepter le moratoire de trois mois?
M. BOURASSA : M. Gilbert a répondu tantôt. J'ai
parlé de la concentration de la presse.
M. SAMSON: M. le premier ministre, il ne nous a pas répondu parce
que ce n'est pas lui qui a eu la communication. C'est vous qui avez
parlé avec le frère de M. Gilbert...
M. BOURASSA: J'ai parlé de la concentration de la presse...
M. SAMSON: ... vous avez parlé de cela.
M. BOURASSA: J'ai dit que cette vente se trouvait à
accélérer le phénomène parce que M. Gilbert m'a
demandé pourquoi: Qu'y a-t-il de mal là-dedans, c'est un crime de
vendre mon journal? Cela a été sa réaction. J'ai dit que
si cela accélérait le phénomène de la concentration
de la presse... Je ne sais pas si on a parlé de la liberté qui
existe pour les journalistes actuellement, je ne m'en souviens pas, mais cela a
été sa réaction. Pourquoi m'empêchez-vous...?
M. SAMSON: Je comprends sa réaction. Quelqu'un qui a un bien
qu'il possède a le droit de s'en départir, de le vendre...
M. BOURASSA: C'est cela.
M. SAMSON: ... jusqu'à ce jour, il n'y a aucune loi qui
empêche quelqu'un de se départir de ses biens au meilleur prix
possible.
M. BOURASSA: C'est cela. Si ce n'est pas un crime, pourquoi
m'empêchez-vous de vendre?
M. SAMSON: Est-ce que vous pouvez nous dire...
M. BOURASSA: Alors, j'ai parlé de la concentration de la
presse.
M. SAMSON : Pour le bénéfice de la commission
parlementaire, est-ce que vous pouvez nous dire si, en plus d'avoir
parlé du phénomène de la concentration des entreprises de
presse, vous avez mentionné clairement au frère de M. Gilbert que
pendant ce moratoire c'était l'intention du gouvernement de
suggérer publiquement que le Soleil soit vendu à une entreprise
autre que Power Corporation?
M. BOURASSA: On n'a pas enregistré les conversations, mais en
parlant des dangers de la concentration de la presse...
M. SAMSON: M. le premier ministre, je ne vous ai pas demandé si
vous aviez enregistré la conversation je pense que vous l'avez
fait, comme vous le faites généralement mais je vous
demande ceci: Est-ce que vous vous en souvenez?
M. BOURASSA: ... des accusations fausses... M. SAMSON: Non, M. le
Président...
M. BOURASSA : Est-ce que le député pourrait me donner un
cas?
M. SAMSON: Justement, j'ai demandé au
ministre de la Justice de vérifier mes lignes et on ne m'a pas
encore assuré que mes conversations n'étaient pas
enregistrées, ici, au Parlement. Cela fait déjà trois
mois. Je regrette si je fausse le débat, mais c'est le premier ministre
qui nous amène sur ce terrain-là pour nous faire oublier ce qu'il
a dit ou ce qu'il n'a pas dit au frère de M. Gilbert, et cela nous
intéresse, M. le Président. Est-ce que vous leur avez
expliqué clairement quelles étaient les intentions du
gouvernement?
Il y a deux choses que nous retenons. Premièrement: Vous avez,
par voie de communiqué, menacé d'avoir recours à une loi
spéciale, rétroactive...
M. BOURASSA: C'est grave pour...
M. SAMSON: Oui, c'est grave, mais on a le droit de savoir quelles
étaient vos intentions. On a le droit de savoir quelles étaient
les intentions du gouvernement. Quand on parle d'une loi spéciale,
rétroactive, qu'est-ce que cela voulait dire?
M. BOURASSA : Comment se fait-il que le député n'ait pas
protesté quand j'ai émis ce communiqué, lui qui, il y a
deux semaines, a parlé de la liberté de commerce?
M. SAMSON: M. le Président, j'avais déjà, à
ce moment-là, compris que c'était une manoeuvre électorale
du premier ministre. J'avais déjà compris que le moratoire
exigé donnait un répit au premier ministre.
M. BOURASSA : Comment se fait-il que le député
n'était pas libre de parler de ça dans son comté pour
l'élection?
M. SAMSON: Nous étions en campagne électorale. M. le
Président, on n'a pas utilisé ce genre de choses. Le premier
ministre a utilisé ce qu'il avait à portée de la main. On
le comprend, c'est sa méthode à lui. Mais est-ce que vous pouvez
nous dire à quoi vous faisiez référence quand vous parliez
de loi spéciale et rétroactive? Qu'est-ce que cela voulait
dire?
M.BOURASSA: Je me suis assuré d'une chose: que la vente
n'était pas complétée, que la vente n'était pas
finale.
M. SAMSON: Oui.
M. BOURASSA: II y a toutes sortes d'étapes, légalement,
mais si cela avait été fait, je voulais que cela soit clairement
exprimé, publiquement exprimé que le gouvernement passerait une
loi rétroactive. C'était la seule façon...
M. SAMSON: Au moment où vous avez communiqué avec M.
Gilbert, qu'est-ce que vous avez donné comme arguments? Il est bien beau
de dire: On passera une loi spéciale si vous vendez cela tout de suite.
On fait un moratoire de trois mois, on comprend cela. Mais qu'est-ce qu'on fait
pendant ce moratoire? Est-ce que cela voulait tout simplement dire qu'on
reportait la vente à trois mois? Laissez-nous faire nos
élections, et au bout de trois mois, vous vendrez et nous ne vous
dérangerons pas, ou est-ce que cela voulait dire que, en principe, la
vente, on ne l'accepte pas? Il faudrait trouver autre chose que cela. C'est ce
que j'aimerais savoir. Je m'imagine les propriétaires du journal Le
Soleil recevant un appel téléphonique du premier ministre disant:
Mes amis, voulez-vous retarder cela de trois mois? Et tout de suite, on se
dépêche de dire: Oui, M. le premier ministre. Je pense que cela ne
doit pas s'être passé comme cela. On doit avoir
demandé...
M. BOURASSA: Ce n'était pas un oui très enthousiaste.
M. SAMSON: ... des raisons. Ce sont ces raisons que nous aimerions
savoir à moins que et le gouvernement peut faire cela le
gouvernement n'utilise en quelque sorte cette commission parlementaire que pour
nous amuser un peu, et au fond, son idée est faite à l'avance.
Cela ne dérangera rien. Nous concevons que le gouvernement aurait aussi
ce droit, M. le Président. Nous concevons que vous avez ce droit comme
les frères Gilbert avaient le droit de vendre à n'importe
qui.
M. BOURASSA: M. le Président, question de privilège. On ne
convoque pas la commission...
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Il n'y
a pas de question de privilège en commission parlementaire. Je
demanderais au premier ministre de regarder son petit livre vert.
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. BOURASSA: D'accord. On ne peut pas dire qu'on convoque la commission
pour s'amuser et nous amuser, je pense que c'est tout simplement parce qu'on
fait preuve de sens démocratique, qu'on gouverne comme si on
était minoritaire, à passer des heures ici à se faire
contre-interroger.
M. SAMSON: M. le Président, dire que la commission est
convoquée pour nous amuser, c'est être réaliste parce que
c'est la drôle d'impression que nous avons depuis la semaine
passée. On s'amuse.
M. BOURASSA: Cela fait sept heures que je me soumets à vos
questions.
M. SAMSON: Pourquoi avez-vous convoqué cette commission?
M. BOURASSA: Vous me posez des questions comme: Dans telle conversation
téléphonique, à quatre heures, que disiez-vous? Dans telle
rencontre, qu'est-ce que vous disiez? J'accepte cela patiemment...
M. SAMSON: Oui mais vous ne nous répondez pas.
M. BOURASSA: ... comme si je devais me souvenir de toutes et chacune des
paroles que j'ai pu dire il y a cinq ou six mois.
M. SAMSON: Pourquoi ne répondez-vous pas?
LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!
M. SAMSON: C'est quand même sérieux. Je pose à
nouveau ma question au premier ministre. J'ai le droit d'avoir une
réponse. Je demande quelle est l'argumentation qu'il a employée.
Qu'est-ce qu'il leur a dit? Pendant ce moratoire, qu'allez-vous faire? Et
qu'est-ce que vous avez exigé? C'est ce que nous voulons savoir. C'est
une question simple.
M. BOURASSA: Je réfère le député à un
document public qui est le communiqué de presse qui a été
rendu public...
M. SAMSON: M. le Président, vous ne m'avez pas convoqué
pour lire les journaux. Vous m'avez convoqué à une commission
parlementaire. Le premier ministre est là pour nous répondre.
C'est lui qui a téléphoné. Ce n'est pas dans le document
public.
M. BOURASSA: J'ai répondu il y a deux semaines et je viens de
répondre. J'ai parlé de la concentration de la presse qui
atteignait un niveau inadmissible ou intolérable je ne me
souviens pas du terme exact et que le gouvernement se devait
d'intervenir dans une telle situation, parce que les frères Gilbert se
demandaient, et le député de Rouyn-Noranda probablement, à
juste titre, ce que le gouvernement venait faire dans une telle transaction.
J'ai répondu que c'était le devoir du gouvernement de
protéger l'intérêt public et d'arrêter la
concentration de la presse à un niveau qui soit acceptable, tenant
compte des autres facteurs.
M. SAMSON: Est-ce que vous pouvez nous dire, M. le premier ministre,
quelles ont été les exigences du gouvernement pendant le
moratoire?
M. BOURASSA: Une semaine après, j'ai déclenché des
élections.
M. SAMSON: C'est une exigence politique. Vous ne répondez
pas.
M. BOURASSA: Cela m'est parti de l'esprit.
M. SAMSON: M. le premier ministre, vous n'allez quand même pas
penser qu'on va se satisfaire de ce genre de réponses. Donnez-nous donc
une réponse.
M.BOURASSA: Après les élections, j'ai chargé M.
Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, d'essayer de trouver
un autre acheteur. Et on a tout dit cela la semaine dernière.
M. SAMSON: Est-ce que vous aviez informé...
M. BOURASSA: Je suis prêt à le répéter
encore...
M. SAMSON: Oui, d'accord.
M.BOURASSA: ... à faire preuve d'une patience orientale
vis-à-vis des questions du député de Saint-Jacques...
M. SAMSON: Orientez-vous mieux que cela. Est-ce que vous avez
informé les frères Gilbert, du journal Le Soleil, de l'intention
du gouvernement de chercher un autre acheteur? Est-ce que vous les aviez
informés à ce moment?
M. BOURASSA: J'ai dit...
M. SAMSON: Je veux savoir si eux savaient que le gouvernement exigeait
un autre acheteur?
M. BOURASSA: Je ne sais pas si c'est le terme exact que j'ai
employé mais, en parlant de la concentration de la presse qui atteignait
un niveau inadmissible, forcément cela voulait dire qu'il fallait
trouver un autre acheteur. Le député de Saint-Jacques veut me
poser une question depuis quinze minutes là.
M. SAMSON: M. le Président, le député de
Saint-Jacques a posé plusieurs questions, nous avons aussi le droit d'en
poser.
M. BOURASSA: D'accord.
M. SAMSON: Pourquoi...
M. BOURASSA: II a l'air impatient.
M. SAMSON: Vous avez parlé de votre souci d'empêcher ce
phénomène de la concentration des entreprises de presse.
Evidemment, vous avez fait référence à Power Corporation.
Aujourd'hui, si nous comprenons bien, M. le Président, comme il y a deux
semaines, nous avons été convoqués pour essayer de
déterminer si la transaction qui est devant nous accentue ce
phénomène de concentration des entreprises de presse. Il a
été démontré, à la lettre du moins, que
l'acheteur, M. Francoeur, n'était pas Power Corporation sauf qu'à
l'étude des documents qu'on a déposés il nous
apparaît que l'acheteur
précédent, Power Corporation, exerce un contrôle sur
l'acheteur actuel, M. Francoeur.
Si, à l'étude de ces documents, on en arrivait à la
conclusion que celui qui finance ou celui qui a favorisé le financement
doit être considéré comme l'acheteur, à ce
moment-là, par hypothèse, M. le Président, je demande au
premier ministre: Que serait-il arrivé si, au lieu de vendre leur
entreprise à M. Francoeur, les frères Gilbert avaient tout
simplement décidé de ne pas vendre et d'hypothéquer leur
entreprise avec Power Corporation? Qu'auriez-vous fait à ce
moment-là?
M. BOURASSA: Cela aurait été un problème
extrêmement difficile à trancher parce que, d'un
côté, je privais les frères Gilbert d'une occasion de
réaliser leurs actifs dans la mesure où le seul acheteur
était Power Corporation et, d'un autre côté, je me trouvais
à permettre l'accélération du phénomène de
la concentration de la presse. Il aurait fallu évaluer les...
M. SAMSON : Je ne pose pas la question dans ce sens-là. Si, au
lieu de vendre, les frères Gilbert avaient décidé
d'hypothéquer leurs biens oui, faire un emprunt, cela se fait, M.
le premier ministre d'emprunter auprès de Power Corporation,
directement à elle-même, vous auriez fait quoi, à ce
moment-là? Est-ce que vous n'auriez pas été un peu
gêné de dire aux frères Gilbert: Vous n'avez pas le droit
d'emprunter de Power Corporation parce qu'elle possède
déjà d'autres journaux?
M. BOURASSA: On aurait vu cela, à ce moment-là.
M. SAMSON: Cela aurait pu arriver, parce...
M. BOURASSA: II y a toutes sortes de choses qui arrivent.
M. SAMSON: Vous avez déclaré...
M. BOURASSA: Les frères Gilbert auraient pu décider de
garder leur journal et on aurait épargné pas mal de temps.
M. SAMSON: Vous avez déclaré publiquement...
M. BOURASSA: Mais ils voulaient vendre.
M. SAMSON: Oui, mais on aurait été devant le même
problème. On aurait été devant le même
problème. Là, on étudie un problème qui est le
suivant: Ils ont vendu à M. Francoeur, mais dans le fond on cherche
à déterminer si en arrière de cela Power Corporation ou M.
Desmarais n'aurait pas favorisé le financement. En partant de cela, on
voudrait tenter d'en arriver à déterminer si cela va accentuer le
phénomène de concentration de la presse. Si tout simplement, au
lieu de vendre, ils avaient décidé d'emprunter de l'argent du
même organisme, Power Corporation, vous auriez fait quoi?
M. BOURASSA: Si le candidat créditiste dans Saint-Jean avait
été élu, vous ne seriez pas ici aujourd'hui.
M. SAMSON: Pardon? S'il avait été élu dans
Saint-Jean, le candidat créditiste? Il aurait fallu qu'il y en ait
un.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, les questions que je posais tout
à l'heure à M. Gilbert tendaient à vérifier une
affirmation que nous a faite le premier ministre la semaine dernière,
selon laquelle, dans son idée, le "gentlemen agreement" vous donnait
comme obligation de trouver un autre acheteur. Vous m'avez dit tout à
l'heure, avec raison, je crois, que vous ne l'entendiez pas de la même
façon. Vous aviez déjà votre acheteur, le contrat
était bel et bien signé, et ce n'était qu'à cause
du "gentlemen agreement", à l'égard du premier ministre, que vous
acceptiez le retard du "closing" jusqu'au 14 décembre 1973. Parce qu'en
commission, à la dernière séance, le premier ministre nous
a dit ceci, je le cite, en parlant de la période moratoire: Les
frères Gilbert, voyant que c'était très lent et voyant
qu'ils subissaient des pertes financières à chaque semaine,
importantes à leur point de vue, et je comprends leur inquiétude,
ont décidé d'accélérer les négociations avec
d'autres acheteurs que Power Corporation, parce qu'ils savaient que dans le cas
de Power Corporation le gouvernement ne l'accepterait pas.
M. GILBERT: Un instant là. Je pense que ce que vous dites revient
au mois de janvier. C'est après le corsortium cela. Quand on parle de
perte d'argent, c'est qu'on a dit au premier ministre et à d'autres
qu'en intérêts la famille pas l'entreprise comme telle
perdait tant d'argent par mois en intérêts sur de l'argent
qu'on aurait pu placer alors qu'on n'était pas payé. Si on avait
vendu à Power le 14 et même si on avait vendu à Power le
28, on avait déjà consenti à perdre trois mois
d'intérêts. A ce moment-là il y avait aussi la question de
l'entreprise, au mois de janvier, où on ne pouvait pas prendre de
décisions importantes, où il y avait beaucoup
d'inquiétudes parmi les cadres et les employés, tout cela. Mais
l'allusion que vous faites là, nous avons dit cela au premier ministre
après l'histoire du consortium, je pense que c'est le matin du 7 janvier
qu'on a fait savoir au premier ministre que maintenant nous étions
fatigués d'attendre et qu'on réglait notre problème
nous-mêmes dans la semaine. C'est ce qu'on a fait d'ailleurs.
M. BOURASSA: Vous n'étiez pas de bonne humeur, ce
matin-là.
M. GILBERT: Non, pas très.
M. CHARRON: M. Gilbert, pendant l'histoire du consortium, comme vous
appelez cela, vous avez été en contact, à plusieurs
reprises, avec le ministre d'Etat que le premier ministre avait chargé
de régler le dossier?
M. GILBERT: Nous avons été en contact avec le ministre
d'Etat, M. Lalonde, et avec le premier ministre aussi.
M. CHARRON: Le ministre vous a-t-il informé, au moment où
il a été nommé, de son mandat, du mandat qu'il avait
lorsqu'il vous a rencontré pour la première fois?
M. GILBERT: Il m'a informé de quoi?
M. CHARRON: De son mandat qu'il avait reçu du premier
ministre.
M. GILBERT: Non. Il m'a dit qu'il avait le mandat d'étudier le
problème qu'il avait devant lui. Il ne m'a pas informé exactement
s'il s'en allait à droite, à gauche ou dans le milieu.
M. CHARRON: Vous a-t-il dit que le premier objectif qu'il avait dans son
mandat était d'écarter Power Corporation du Soleil?
M. GILBERT: Non. Il ne m'a jamais dit cela.
M. CHARRON : Vous a-t-il dit que son deuxième objectif
était de former un groupe de Québécois qui devait prendre
la place de Power Corporation, parce que le gouvernement n'accepterait jamais?
Vous a-t-il demandé de vérifier le contrat du 11 septembre?
M. GILBERT: Est-ce que je peux vous arrêter? La première
fois que j'ai rencontré M. Lalonde après les élections, M.
Lalonde m'a rencontré simplement pour faire le point. Il ne m'a pas dit
quel était son mandat, quel n'était pas son mandat. Je l'ai
rencontré, on a fait le point. Je lui ai donné mon point de vue,
il l'a pris, de son côté, A ce moment-là il m'a fait
certaines réflexions mais il n'y a eu rien de conventionnel. M. Lalonde
ne m'a pas fait un discours pour me dire: Le gouvernement va vers ceci, vers
cela. Cela a été simplement un échange de vues, une
échange d'idées.
M. CHARRON: Vous a-t-il demandé le contrat de vente le 11
septembre?
M. GILBERT: Non. D'ailleurs, il ne me l'a pas demandé, je pense
qu'il ne savait même pas qu'il y en avait un.
M. LALONDE: Si vous permettez, M. le Président.
M. CHARRON: Je vais terminer et vous pourrez après.
J'achève cette question. Est-ce que le ministre vous a informé
qu'il n'avait pas besoin de voir le contrat puisque de toute
façon...
M. GILBERT: Quand j'ai rencontré... Un instant...
M. CHARRON: Je pose une dernière question, M. Gilbert, avant de
céder la parole au ministre.
M. le ministre nous a dit la semaine dernière qu'il ne vous avait
pas demandé le contrat de vente parce que de toute façon cela ne
lui importait pas; dans son esprit à lui, ce contrat-là
n'atteindrait jamais ses fins, il n'était pas valide. Le gouvernement
n'acceptait pas le passage du Soleil à Power Corporation. Il nous l'a
dit à nous en nous expliquant pourquoi il n'avait pas reçu le
contrat de vente du 11 septembre. Est-ce qu'il vous l'avait dit à vous
aussi?
M. GILBERT: Il ne m'a pas dit cela parce qu'à ce moment-là
d'abord ce n'est pas venu dans la conversation, parce que je ne savais pas si
M. Lalonde avait le contrat ou non. On avait toujours l'entente à ce
moment-là. On avait dit: On a arrêté les
négociations où elles sont rendues. Alors, dans la
première rencontre que j'ai eue avec M. Lalonde, on a simplement fait le
point et j'ai donné mon point de vue. Il m'a fait simplement quelques
réflexions et on s'est laissé comme cela. Il n'y a rien eu de
tranché de cela. Il l'avait peut-être dans sa tête. Je ne
sais pas, il ne me l'a pas dit.
M. LALONDE: M. le Président, si vous le permettez, je peux
confirmer ce que M. Gilbert vient de dire. Lors de la première
réunion, il m'a exprimé d'une façon non équivoque
son désir de donner suite à la transaction lors de la fin du
moratoire. Un des buts de l'entretien, c'était sûrement de faire
le point. C'était un nouveau dossier que j'avais. Devant la
décision sans appel, il me semblait, de M. Gilbert de donner suite au
contrat, j'ai cru bon faire rapport au premier ministre parce qu'il nous
semblait que le temps qui nous restait avant la fin du moratoire était
un peu court pour faire un travail utile de recherche de formules de
rechange.
C'est un peu plus tard, lors de conversations
téléphoniques, qu'on a affirmé davantage notre
fermeté de ne pas laisser compléter la transaction le 14.
D'ailleurs, elle n'a pas été complétée.
M. CHARRON: M. Gilbert, si ce n'est pas à la première
rencontre, à quel moment avez-vous été formellement
avisé, que ce soit par le premier ministre ou par le ministre qui
était responsable du dossier, que le gouvernement n'accepterait pas que
votre journal passe à Power Corporation?
M. GILBERT: Ecoutez, la date...
M. BOURASSA: Je veux répondre là-dessus; j'ai
répondu également tantôt. S'il n'y avait pas eu d'autres
acheteurs disons que pour M. Péladeau, ça s'est
concrétisé les derniers jours avec une offre écrite
le gouvernement aurait eu à prendre une décision lourde de
conséquences. C'est ce que je veux faire comprendre au
député et je pense que le député lui-même
aurait eu à réfléchir s'il avait été
à ma place. S'il n'y avait pas eu d'autres acheteurs, est-ce qu'on
bloquait les frères Gilbert qui, disons, comme je le disais, avaient
tous leurs actifs ou à peu près dans le Soleil, et avaient des
problèmes familiaux? Est-ce qu'on les bloquait ou est-ce qu'on laissait
faire la transaction? C'est pour ça qu'on a tout fait pour essayer de
trouver un autre acheteur, mais c'était une décision qu'il
fallait prendre.
M. CHARRON : Le saviez-vous, ça, M. Gilbert, si je reprends la
réponse que vient de donner le premier ministre et que je l'ajoute
à la mienne?
M. GILBERT: Vers le 14 décembre, dans le temps où on
était censé faire le "closing" c'est sûr qu'on a eu des
conversations; ça nous a été dit de façon non
équivoque. D'ailleurs, le "closing" ne s'est pas fait, parce qu'à
ce moment-là les deux parties se sont entendues pour dire on ne fait pas
le closing, parce qu'on savait qu'on s'exposait à avoir, de la part du
gouvernement cela nous avait été dit très
clairement une loi rétroactive et que le gouvernement bloquerait
la transaction. On a continué à parler avec le gouvernement et on
a dit: Apportez des solutions, faites quelque chose.
M. CHARRON : A cette époque-là, M. Gilbert, 14
décembre, soit à la fin du moratoire, si vous aviez ça
très clair dans votre esprit, où en était rendue
l'histoire du consortium? Est-ce que ça vous apparaissait comme une
possibilité sérieuse?
M. ROY: Si on me le permet, M. le Président, j'aimerais revenir
sur la question précédente du député de
Saint-Jacques. Est-ce que, pendant le temps où le moratoire a
été accepté de part et d'autre, vous ou votre frère
avez fait part au gouvernement des risques ou des possibilités de perte
que cela pouvait vous occasionner, le fait de retarder la vente? Vous avez
parlé tout à l'heure d'un montant d'argent. D'ailleurs, il a
été mentionné dans les journaux des pertes
d'intérêts. Est-ce que cette question a été
discutée avec le premier ministre?
M. GILBERT: La question a été discutée. On a dit au
premier ministre, à la fin des trois mois...
M. BOURASSA : Assez, c'est assez.
M. GILBERT: ...Assez, c'est assez, parce que c'est simple, $8 millions
comptant, mettez ça à 9 p.c, c'est $720,000
d'intérêts par année; divisez ça par 4 et vous allez
savoir ce que ça donne.
M. ROY: C'est $2,000 d'intérêt par jour.
M. GILBERT: A ce moment-là, c'est sûr qu'on a dit au
gouvernement que ça ne pouvait pas durer beaucoup plus longtemps.
M. ROY: Est-ce que le gouvernement vous a fait voir...
M. GILBERT: II nous a fait voir bien des choses.
M. ROY: ... a tenté d'amorcer une solution, une compensation
éventuelle? Est-ce que le gouvernement a dit qu'il y aurait
possibilité de dédommagement ou autre? Le premier ministre trouve
ça drôle, je pense que ça l'inquiète un peu.
M. BOURASSA: Voir si je vais vous faire des promesses de subvention.
M. GILBERT: Le gouvernement n'a jamais été aussi
généreux que ça et n'a jamais fait montre d'autant de
générosité que ça. On a suggéré
à M. Bourassa que le gouvernement devrait payer les
intérêts et qu'alors on était prêt à attendre.
Mais ça n'a pas pris beaucoup; on ne l'a pas convaincu.
M. CHARRON: M. Gilbert, dans l'histoire du consortium, le ministre nous
avait informé en Chambre, le premier ministre également que
de façon réticente, je l'admets; ils l'ont signalé
eux-mêmes vous aviez accepté de conserver 40 p.c, de
façon réticente en regardant de loin les partenaires
éventuels. Quand ce chiffre de 40 p.c. a-t-il reçu votre
agrément?
Vous avez signalé tantôt en réponse aux questions du
député de Beauce-Sud, qu'à votre connaissance il n'y avait
jamais eu de rencontre formelle, autour de la table, de tous les partenaires
éventuels de ce consortium que nous vantait de tous les
côtés le gouvernement.
M. BOURASSA: J'invoque le règlement. C'est faux, M. le
Président.
M. CHARRON: Quand sont venus les 40 p.c...
M. BOURASSA: J'ai dit, il y a deux semaines, que l'on ne s'est jamais
vanté du succès du consortium.
M. CHARRON: Vous ne pouviez pas vous vanter du succès, il n'y en
avait pas. Mais ce dont vous étiez en train de vous vanter est de
monter, encore une fois, un écran de fumée.
M. BOURASSA: C'est faux.
M. CHARRON: J'ai posé une question à M. Gilbert. A quel
moment de la transaction, avant ou à la fin, ou après la fin du
moratoire, avez-vous accepté de conserver ces 40 p.c?
M. GILBERT: Voici, à la fin du moratoire... Je pense que le
consortium est arrivé à la fin du moratoire, à un moment
donné sur papier, parce qu'il n'a jamais dépassé le stade
du papier. Nous, nous demeurions à 40 p.c.; on avait un homme d'affaires
qui mettait 20 p.c; on avait, en plus de cela, la Caisse de dépôt,
qui mettait 20 p.c; les caisses populaires, 20 p.c. J'avais d'ailleurs dit au
premier ministre, à ce moment-là, que je ne croyais pas à
cela mais que, si cela se passait ainsi, on était prêt à
l'accepter. Mais, après cela, ce qui est arrivé, c'est que les 20
p.c. des caisses populaires ne se sont jamais matérialisés ni de
loin, ni de proche et les 20 p.c. de l'homme d'affaires, un moment
donné, étaient rendus à 5 p.c. Et là,on cherchait
des petits 5 p.c. partout. Alors, nous on a dit: On va faire les innocents et
on va rester à 40 p.c. avec des petits 5 p.c. qui vont venir nous
emmerder. Alors, on a dit: Là, ça ne marche plus. C'est comme
cela que ça s'est passé.
M. CHARRON: Mais votre réticence première, M. Gilbert,
est-ce qu'elle tenait au fait que, dans cette histoire de consortium, vous
deviez garder 40 p.c. alors que vous vouliez vous départir
complètement de vos intérêts dans le Soleil?
M. GILBERT: Certainement, parce qu'il n'est jamais bon de rester
minoritaire dans une entreprise. A ce moment-là, il faut être
très sûr de ses autres partenaires.
M. CHARRON: Ce consortium, en plus des conditions financières
où l'on vous demandait de participer encore à 40 p.c, se voyait
greffer d'autres conditions peut-être, par exemple, la nomination
d'un nouveau rédacteur en chef ou d'un nouveau directeur du Soleil
qui n'auraient pas reçu votre assentiment même comme
participant minoritaire?
M. GILBERT: On n'a jamais parlé de cela. Je pense que c'est un
autre acheteur qui avait fait des promesses.
M. CHARRON: Oui, on est au courant de cela.
M. GILBERT: Un autre acheteur éventuel.
M. CHARRON: Mais dans le projet de consortium, l'histoire du consortium
qui n'a jamais dépassé le stade du papier et qui ne s'est
même pas réalisé autour d'une table où les
partenaires éventuels auraient pu discuter de la tenue du journal, il
n'a jamais été question de qui dirigerait le journal?
M. GILBERT: II était entendu que, dans le consortium, nous
restions à la tête du journal et à la direction
générale du journal.
M. CHARRON: C'était une condition que vous aviez posée
pour vos 40 p.c?
M. GILBERT: C'est cela.
M. CHARRON: Combien de temps cette histoire de consortium vous a-t-elle
paru comme une possibilité sérieuse?
M.GILBERT: Jamais, mais cela a duré beaucoup trop longtemps.
M. CHARRON: Mais cela n'a jamais paru sérieux.
M. ROY: Est-ce que vous avez eu des entretiens ou des contacts avec le
groupe SODEP, qui est intéressé à un journal
éventuel qui doit voir le jour...
M. GILBERT: Qu'est-ce que SODEP?
M. ROY: SODEP, c'est Yves Michaud et compagnie.
M. BOURASSA: Le financier Yves Michaud.
M. GILBERT: Et M. Parizeau aussi, le grand économiste.
M. ROY: Est-ce que vous avez eu des contacts avec eux?
M. GILBERT: Non, jamais.
M. ROY: Vous n'avez jamais eu de contacts. Vous n'avez jamais
entendu...
M. GILBERT: Je n'aurais même pas voulu en avoir.
M. ROY: Bon, pour vous c'était une question
décidée?
M. GILBERT: J'ai dit aussi dans mes déclarations que l'on ne
vendrait pas le journal à n'importe qui, que l'on ne regardait pas
seulement l'argent mais aussi l'avenir du journal. Alors, cela éliminait
SODEP.
M. SAMSON: Vous n'étiez pas pour l'indépendance
planétaire.
M. CHARRON: M. Gilbert, j'ai d'autres petites questions. On est rendu au
mois de décembre, on arrive, vous allez vous libérer
bientôt. Le 11 décembre, vous avez été
convoqué à Montréal par les enquêteurs
fédéraux par le gouvernement fédéral, je
veux dire nommés en vertu de la Loi sur les coalitions, en
même temps que M. Desmarais. Est-ce que ces enquêteurs
étaient au courant du contrat signé le 11 septembre avec Power
Corporation?
M. GILBERT: Ils n'étaient peut-être pas au courant mais on
a déposé ces documents à ce moment-là. Ils nous ont
demandé de déposer nos documents, on les a déposés,
à ce moment-là.
M. CHARRON: A quelle date aviez-vous reçu l'avis de
convocation?
M. GILBERT: II faut que je cherche. J'ai failli déchirer cela,
d'ailleurs, hier.
M. BOURASSA: Prenez votre temps, on n'est pas pressé. Le
député a encore beaucoup de questions à poser. Il est tout
seul à part cela. Ses collègues n'ont pas voulu l'appuyer.
M. GILBERT: J'ai été convoqué deux fois. Avec moi,
j'ai seulement la deuxième convocation. Je peux vous dire que j'ai
été convoqué probablement... On a comparu le 11, c'est
cela que vous m'avez dit?
M. CHARRON: C'est cela.
M. GILBERT: J'ai dû avoir la convocation deux ou trois jours
avant, quatre jours avant... L'autre est au bureau, je ne l'ai pas ici.
M. CHARRON: L'autre avant, porte-t-elle sur le même sujet? M.
Desmarais...
M. GILBERT: Oui, on a eu deux convocations avec le
fédéral; on a eu la première sur la vente à Power
Corporation, à GESCA, et, lorsqu'on a vendu à M. Francoeur, on a
eu la deuxième convocation qui était le 21 janvier.
M. CHARRON: Le 21 janvier dernier.
M. GILBERT: Celle-là, je l'ai ici. On a été
convoqué le 21 janvier pour...
M. CHARRON: Avez-vous comparu en même temps que M. Desmarais le 11
décembre?
M. GILBERT: J'ai comparu les deux fois.
M. CHARRON: Vous avez comparu les deux fois. Quand vous êtes sorti
de cette comparution à huis clos, le 11 décembre dernier...
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: ... aviez-vous dans votre esprit comme avertissement, de la
part du gouvernement fédéral, qu'une transaction impliquant Power
Corporation pourrait être contestée en vertu de la Loi sur les
coalitions? Est-ce que vous aviez un avis quelconque de cette manière,
après l'examen?
M. GILBERT: Je ne sais pas si je dois répondre à cette
question parce qu'on était du côté fédéral.
Ici, c'est la commission parlementaire provinciale. Je ne le sais pas. Enfin,
on avait eu des avis. C'était partagé.
M. CHARRON: Est-ce qu'il serait vrai de dire que cette intervention
fédérale, comme vous nous le rappelez...
M. GILBERT: Je vais vous dire tout de suite que la première
intervention fédérale nous emmerdait royalement. A la
deuxième, on avait pris nos précautions.
M. CHARRON: Parlons de la première. Est-il exact de dire que cela
a été un point tournant dans la vente et que c'est à ce
moment précis que vous vous êtes mis à la recherche
d'autres acheteurs, en plus de la menace voilée du provincial qui vous
parlait d'une loi à caractère rétroactif...
M. BOURASSA: La menace était très claire.
M. CHARRON: ... la menace qu'il pourrait peut-être y avoir une
loi?
M. GILBERT: Laquelle? Vous parlez de la première?
M. CHARRON: La première, avec M. Desmarais.
M. GILBERT: C'est-à-dire qu'il aurait pu y avoir des
problèmes sérieux pour l'acheteur devant le fédéral
mais, à ce moment-là, je pense que le consortium
commençait à fonctionner. Ce n'est pas seulement l'affaire du
fédéral qui a fait pencher la balance.
M. CHARRON: C'est quoi, alors?
M. GILBERT: C'est-à-dire que c'est tout le contexte. Vous aviez
un contexte. Vous aviez, d'un côté, le provincial qui faisait des
objections et, de l'autre côté, vous aviez le
fédéral. A ce moment-là, nous avons pris la
décision qu'on devait surseoir. A un moment donné, on a dit: On
ne peut pas vendre. D'ailleurs, cela ne s'est pas vendu à Power.
M. CHARRON: Mais la résiliation...
M. GILBERT: Quelle résiliation? La résiliation s'est faite
lorsque... C'est simple, vous voulez dire la résiliation de GESCA?
M. CHARRON: Oui.
M. GILBERT: Elle s'est faite lorsqu'on a trouvé un autre
acheteur. Je n'aurais pas laissé partir mon premier acheteur qui me
payait en lui disant: Je te donne la résiliation, va-t'en et
après cela je vais trouver un autre acheteur.
M. CHARRON: Est-il exact de dire, M. Gilbert, que même si la
résiliation n'est sur-
venue que le 14 janvier vous l'avez déposée
dès le 11 décembre Power Corporation était moins
intéressée au "closing" de l'acte de vente du 11 septembre
à cause des ennuis qu'elle aurait pu avoir en vertu de la loi sur les
coalitions.
M.BOURASSA: Je pose la question à M. Desmarais.
M. GILBERT: Vous poserez la question à Power Corporation, ce que
je sais c'est que nous...
M. CHARRON : Vous avez un excellent souffleur, de haute
qualité.
M. GILBERT: ... je vais continuer la réponse. Nous, de notre
côté, avions un papier pour embarrasser Power Corporation d'une
façon pas mal bonne, alors à ce moment-là...
M. CHARRON: M. Gilbert, je vais vous poser la question d'une
façon plus claire, si vous voulez. Admettons, entre nous, cette
hypothèse que M. Desmarais confirmera on infirmera, je l'admets la
prochaine fois, comme l'a soufflé le premier ministre... mais admettons
que l'avertissement était suffisamment sérieux de la part des
enquêteurs fédéraux pour que Power Corporation craigne
l'application de la loi sur les coalitions, il se peut qu'à ce
moment-là, Power Corporation vous ait laissé davantage carte
blanche, en quête d'autres acheteurs pour vous engager à signer un
contrat de résiliation le jour où vous en aurez trouvé un
autre.
M.BOURASSA: C'est un élément de la situation.
M. GILBERT: J'ai compris le sens de votre question. Vous voulez savoir
exactement si Power nous tenait et que nous n'avions pas le droit d'en chercher
un autre? Il n'a jamais été question de cela avec Power. C'est
qu'à un moment donné, lorsqu'on a cherché d'autres
acheteurs, on a dit à M. Desmarais: Si... nous allons chercher d'autres
acheteurs. Nous en avons cherché. M. Desmarais ne nous a jamais dit:
Vous ne chercherez pas d'autres acheteurs. Excepté que quand je
cherchais un autre acheteur, je savais pertinemment que j'avais
déjà vendu. Je savais que, lorsque j'avais un acheteur, il
fallait après cela que j'aie le désistement de M. Desmarais. M.
Desmarais ne m'a jamais dit qu'il ne se désisterait pas.
M. CHARRON: Non, mais M. Desmarais, par définition
même...
M. GILBERT: S'il ne se désistait pas, il était
obligé d'acheter à ce moment-là, quand j'avais un autre
acheteur, il aurait acheté. H se serait démerdé avec ses
problèmes.
M. CHARRON: Peut-être que M. Desmarais, lui-même sachant...
il était acheteur. Il avait signé et vous pouviez à
n'importe quel temps demander l'application du contrat de vente. Vous vouliez
vendre et il voulait acheter. Cela ne peut pas mieux marcher. Mais sachant
qu'il pourrait éventuellement avoir des ennuis du côté
provincial avec une loi rétroactive et, éventuellement, des
ennuis du côté fédéral avec l'application de la loi
sur les coalitions, peut-être que c'est lui qui s'est mis à la
recherche d'un autre acheteur.
M. GILBERT: Vous le lui demanderez.
M. CHARRON: Très bien.
M. GILBERT: Ce n'est pas mon problème.
M. CHARRON: M. Gilbert, à cette date du 11 décembre
où nous sommes, est-ce qu'il y avait déjà eu des contacts
avec M. Francoeur?
M. GILBERT: Au 11 décembre? Non, jamais de contacts sur la vente
du Soleil. J'ai rencontré M. Francoeur par affaires.
M. CHARRON: Le 14 décembre, en vertu du contrat signé le
11 septembre, modifié le 20 septembre, vous deviez remettre aux journaux
Trans-Canada de M. Desmarais les actions du journal Le Soleil, n'est-ce
pas?
M. GILBERT: Le 14 décembre?
M. CHARRON: Le "closing" était au 14 décembre.
M. GILBERT: Oui, c'est exact... pas aux journaux Trans-Canada, je ne
comprends pas...
M. CHARRON: A M. Desmarais. M. GILBERT: A M. Desmarais. M. CHARRON: A
GESCA. M. GILBERT: A GESCA.
M. CHARRON: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?
M. GILBERT: On ne l'a pas fait, parce qu'à ce moment-là
je ne devrais pas dire cela on avait le consortium, on avait le
premier ministre qui ne nous encourageait pas et on avait le
fédéral qui ne nous encourageait pas. Alors, on a
été prudent. C'est simplement la vertu de prudence.
M. CHARRON: Y a-t-il eu report de la date, à ce moment-là,
ou abandon?
M. GILBERT: Pardon?
M. CHARRON: Report de la date de "closing" ou abandon du contrat?
M. GILBERT: Non. C'est-à-dire qu'on a écrit une lettre
à M. Desmarais dans laquelle on lui disait qu'on se gardait le droit de
faire le "closing", de demander d'aller livrer les actions et de demander le
paiement en n'importe quel temps, en l'avertissant, je pense, deux jours
à l'avance.
M. CHARRON: Pouvez-vous déposer cette lettre, M.Gilbert?
M. GILBERT: Elle n'a pas été déposée?
M. CHARRON: Avant le 14 janvier, M. Gilbert, le document que vous nous
avez remis tout à l'heure: résiliation du contrat, avant cette
date, il n'y avait rien d'autre écrit entre M. Desmarais et vous
même concernant la renonciation de poursuite en dommages et
intérêts pour bris de contrat?
M. BOURASSA: Il vient de déposer... M. GILBERT: Je viens de
déposer... M. CHARRON: A part cela?
M. GILBERT: Vous avez là tous les papiers. Il n'en reste plus.
C'est le dernier. N'en demandez plus, il n'y en a plus.
M. CHARRON: Avez-vous accusé réception de cette
lettre...
M. GILBERT: Pardon?
M. CHARRON: Avez-vous accusé réception de cette
lettre?
M. GILBERT: C'est nous qui l'avons envoyée.
M. CHARRON: Vous a-t-on envoyé un accusé de
réception par la suite?
M. GILBERT: Nous n'en avions pas besoin et nous n'en avons pas
reçu non plus.
M. CHARRON: M. Gilbert, outre ce contrat de vente avec M. Desmarais,
signé le 11 septembre, existe-t-il un ou des contrats de quelque nature
que ce soit entre vous et les propriétés de M. Desmarais?
M. GILBERT: Aucun.
M. CHARRON: Aucun. Est-ce qu'en date du 14 décembre vous aviez
indication de la part de M. Francoeur qu'il se préparait à vous
faire une offre?
M. GILBERT: Aucune indication.
M. CHARRON: Est-ce avant ou après le 14 décembre que vous
avez demandé à M. Marcel
Bélanger d'approcher à nouveau le groupe Péladeau
à Montréal?
M. GILBERT: Je ne peux pas vous dire la date exacte où nous avons
demandé à M. Bélanger d'approcher... Cela devait
être après le 14 décembre, probablement à ce
moment... Et on a dit à M. Bélanger de faire part à M.
Péladeau que s'il déposait une offre écrite nous
avions mis un minimum il avait de bonnes chances d'obtenir le
Soleil.
M. CHARRON: Etait-ce avant ou après que M. Francoeur vous signale
son existence dans le dossier que vous avez communiqué avec M.
Péladeau?
M. GILBERT: Je ne peux pas vous dire parce que, dans ce temps, il s'est
passé bien des choses. Mais, je pense que c'est avant... ou
après. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire.
M. CHARRON: Et qui a pris contact avec M. Francoeur?
M. GILBERT: C'est M. Francoeur qui a communiqué avec moi.
M. CHARRON: Pensez-vous qu'en même temps que vous vouliez vous
libérer du contrat de vente, devant les menaces de part et d'autre de
nos deux gouvernements, l'acheteur éventuel aussi voulait se
libérer du contrat de vente, et qu'il ait pu être à la
recherche d'acheteurs éventuels comme vous?
M. GILBERT: Je ne sais pas.
M. CHARRON: M. Gilbert, quand avez-vous entendu parler pour la
première fois que M. Francoeur voulait vous faire une offre d'achat du
Soleil?
M. GILBERT: M. Francoeur m'a téléphoné, je pense,
le 20 décembre c'était un jeudi ou un vendredi, cela peut
être le 19 ou le 20 vers 4 heures de l'après-midi, pour me
demander si je considérerais une offre pour lui vendre le journal. Je
lui ai demandé quelle était son offre et, en gros, c'est l'offre
qui a été signée. Je lui ai dit: Envoie ton offre par
écrit et je l'accepte.
M. CHARRON: Est-ce que M. Francoeur était au courant du montant
sur lequel vous étiez déjà parvenu à un accord, le
11 septembre dernier, avec Power Corporation?
M. GILBERT: Non. Je n'en ai jamais parlé avec M. Francoeur. Il
savait qu'on avait parlé à M. Desmarais avant, mais il ne savait
même pas, je crois, qu'il existait un papier entre M. Desmarais et nous.
Il ne savait pas qu'il y avait une promesse de vente. Du moins, je ne le pense
pas. Je ne le lui ai jamais dit.
M. CHARRON: Est-ce que M. Francoeur vous a demandé d'examiner ou
de faire examiner les livres de votre compagnie?
M. GILBERT : Non.
M. CHARRON: A quelle date...
M. GILBERT: Si vous lisez la promesse de vente, il se garde le droit de
faire examiner les livres et les bilans de la compagnie. Et si, à ce
moment, il y a quelque chose, l'acheteur peut se récuser.
M. CHARRON: Mais est-ce que vous lui avez envoyé, à un
moment ou à un autre, les états financiers de votre
entreprise?
M. GILBERT : Oui. C'est sûr. M. CHARRON: Vous les a-t-il
demandés? M. GILBERT : Oui, il les a demandés. M. CHARRON: A
quelle date?
M. GILBERT: Quand il m'a appelé, il m'a dit: Envoie-moi des
états financiers. Fais-moi parvenir des états financiers.
Fais-moi parvenir certains documents qu'il voulait avoir. Je les lui ai fait
parvenir.
M. CHARRON : Est-ce que quelqu'un du groupe Unimédia s'est rendu
visiter l'atelier du Soleil?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: Personne. Le même genre d'achat que Power
Corporation?
M. GILBERT: Oui et, dans ce cas, c'est peut-être beaucoup plus
plausible parce qu'on avait déjà eu, il y a peut-être un an
ou deux, des gens d'Unimédia, de Trans-Canada qui étaient venus
au Soleil pour visiter, simplement pour voir notre installation. Eux qui sont
dans les journaux étaient beaucoup plus au courant de nos
installations.
M. CHARRON : A quelle date M. Francoeur a-t-il fait une offre formelle
pour l'achat du Soleil?
M. GILBERT: M. Francoeur m'a fait une offre formelle ce
soir-là.
Le lendemain, on s'est parlé au téléphone et il m'a
dit que cela fonctionnait, que cela marchait, qu'il arrangeait son financement
et que cela marchait.
A ce moment-là c'était le temps de Noël, le
temps du jour de l'An on a communiqué avec M. Francoeur pour lui
dire: "Ecoute, il faut que cela se fasse rapidement". C'est justement le 7
janvier, le lundi, que les choses n'allaient pas assez rapidement, qu'on a eu
l'offre de M. Péladeau. Nous avons communiqué avec lui et il a
déposé l'offre le jeudi. A ce moment-là...
M. CHARRON: Y en avait-il d'autres que M. Francoeur et M.
Péladeau, à ce moment-là?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: L'offre que vous...
M. GILBERT: II y avait le consortium.
M. CHARRON: Oui, toujours, l'histoire du corsortium, bien sûr, il
ne faut pas l'oublier. M. Gilbert, cette offre était-elle
différente de beaucoup des clauses ratifiées le 14 janvier?
M.GILBERT: Les clauses ratifiées le 14 janvier?
M. CHARRON: C'est-à-dire du contrat.
M. GILBERT: Quel contrat du 14 janvier?
M. CHARRON: Quand M. Francoeur vous a téléphoné,
vers le 20 décembre...
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: ... pour vous dire: "Je m'occupe de mon financement et
j'embarque".
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: L'entente sur le prix et l'entente sur les
modalités...
M. GILBERT: Etaient faites. M. CHARRON: ... étaient faites? M.
GILBERT: Etaient faites.
M. CHARRON: Ce sont les mêmes que l'on retrouve dûment
signées le 14 janvier?
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: Donc, entre le 20 décembre et le 14 janvier, il n'y a
pas eu de négociations qui auraient pu altérer l'entente formelle
du départ?
M. GILBERT: Non, la seule différence, c'est qu'au premier appel
téléphonique, M. Francoeur achetait comptant. A ce
moment-là, il n'a pas été capable, il nous a
demandé si on prendrait un solde. C'est à ce moment-là
qu'on est arrivé aux $5 millions comptant et aux $3 millions en
débentures, plus les actions privilégiées.
M. CHARRON: Qui a conduit les négocia-
tions chez vous avec M. Francoeur, du côté du Soleil?
M. GILBERT: C'est moi.
M. CHARRON: C'est vous. Et du côté de M. Francoeur?
M. GILBERT: M. Jean-Guy Faucher, vice-président de
Unimédia.
M. CHARRON: M. Faucher est-il à l'emploi exclusif
d'Unimédia?
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: Avez-vous informé M. Francoeur des
négociations que vous aviez avec le groupe Péladeau au moment du
7 janvier, comme vous me le disiez tantôt?
M. GILBERT: Le 7 janvier, non. Je ne suis pas informé.
M. CHARRON: Au moment où M. Francoeur était à
rédiger l'offre, en termes écrits, l'offre formelle qu'il vous
avait faite le 20 décembre, il n'était absolument pas au courant
que M. Péladeau était également dans la course?
M. GILBERT: Non, il n'était pas au courant.
M. CHARRON: Personne de chez vous ne l'avait avisé?
M.GILBERT: Non. Je l'ai avisé que M. Péladeau nous avait
fait une offre écrite, je lui ai téléphoné le 14 au
soir, c'est le vendredi... Je l'ai avisé le 10 janvier.
M. CHARRON: M. Gilbert, quand avez-vous informé le ministre
d'Etat que vous aviez reçu une offre formelle de M. Francoeur le 20
décembre?
M. GILBERT : Je ne sais pas.
M. CHARRON: L'avez-vous avisé?
M. GILBERT: Je ne crois pas, non.
M. CHARRON: Avez-vous avisé M. le ministre que vous aviez fait
des démarches auprès du...
M. GILBERT : Je pense, par exemple, que M. Francoeur lui-même a
communiqué avec M. Lalonde.
M. CHARRON: M. Francoeur lui-même a communiqué avec M.
Lalonde?
M. GILBERT: Oui, avant de poursuivre les négociations, il a
demandé à M. Lalonde et, je pense, au premier ministre aussi,
s'il se présentait comme acheteur, s'il serait agréé, si,
à ce moment-là, il pourrait faire la transaction.
M. CHARRON: Etait-ce sur votre conseil que...
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: Avez-vous signalé à M. Francoeur, vous, au
moment où vous discutiez avec lui, que M. Desmarais devrait
s'écarter du dossier pour des raisons et provinciales et
fédérales? Lui avez-vous signalé que, si lui avait une
chance de mettre la main sur le Soleil, c'était parce que le contrat
dûment signé du 11 septembre 1973...
M. GILBERT: Je pense qu'à ce moment-là, il le savait.
M. CHARRON: II le savait.
M. GILBERT: Oui, je n'ai pas eu besoin de le lui dire. Tout le monde le
savait à ce moment-là.
M. CHARRON: Aviez-vous informé, d'autre part, les gens du groupe
Péladeau que M. Francoeur était maintenant en liste?
M. GILBERT: Non. Je n'ai jamais informé les gens du groupe
Péladeau que M. Francoeur... Quand j'ai parlé avec M.
Péladeau... N'ayant plus de nouvelle de M. Francoeur depuis
peut-être sept ou huit jours ou cela ne se concrétisait pas, je ne
le considérais même plus comme un acheteur, à ce
moment-là.
M. CHARRON: M. Péladeau?
M. GILBERT: Non. M. Francoeur.
M. CHARRON: M. Francoeur?
M. GILBERT: Oui, parce qu'il ne me donnait pas de nouvelles. On avait
dit qu'il fallait que cela se fasse vite et, à ce moment-là, il
n'y avait rien qui se passait. A ce moment-là, je ne le
considérais même plus comme un acheteur.
UNE VOIX: Vers quelle date? M. CHARRON: Oui. C'est cela.
M. GILBERT: Cela devait être dans la semaine du 7. A ce
moment-là, je n'avais pas eu de nouvelles de M. Francoeur. Il m'avait
dit que cela marchait en principe, mais c'est un peu comme le consortium,
où tout le monde marchait en principe, mais personne ne marchait en
réalité. Moi, j'aime les faits. Alors, à ce
moment-là, je ne le considérais plus.
M. CHARRON: Mais, c'est seulement après,
devant les lenteurs de M. Francoeur, que vous avez communiqué
avec le groupe Péladeau?
M. GILBERT: Je ne me rappelle pas exactement quand il a
été contacté. Je pense qu'il a été
approché dans ce temps-là, aussi, probablement vers le 7. Oui,
c'est cela.
M. CHARRON: Tantôt, vous m'avez dit avant.
M. GILBERT: J'ai dit avant. Je vous ai dit tantôt que je ne me le
rappelle pas exactement. La personne qui pourrait vous donner les dates
exactes, c'est M. Marcel Bélanger qui a communiqué avec le groupe
Péladeau. Le groupe Péladeau n'a pas été
approché, je crois, avant Noël. Il a peut-être
été approché après Noël ou à cette
date-là, le 7 janvier, au début. C'est dans ce temps-là
qu'on a demandé à M. Bélanger d'entrer en contact avec le
groupe Québécor et de dire qu'à ce moment-là ils
avaient de bonnes chances.
M. CHARRON: Nous n'avons pas encore entendu les représentants du
groupe Québécor, mais nous avons en main une déclaration
écrite du groupe qui dit et qui affirme que le premier contact ou, si
vous voulez, le second, qui suivait celui du mois de mai 1973, est venu le 15
décembre 1973, quelques jours après la comparution...
M. GILBERT: Cela se peut. Je ne dis pas non. Je ne dis pas oui. Je vous
dis...
M. CHARRON: Donc, avant l'offre de M. Francoeur.
M. GILBERT: ... qu'il s'est passé tellement de choses pendant ce
temps-là que je ne peux pas vous le dire. Cela peut être le 15,
cela peut être plus tard.
M. CHARRON: M. Francoeur nous a raconté pas encore parce
qu'on ne l'a pas interviewé; c'est sa version des faits, qui est
publiée dans votre quotidien aujourd'hui qu'il aurait eu vent,
à un moment donné, de l'affaire et qu'il se sentait seul dans la
course. Il avait entendu dire tout le monde le savait, comme vous me
l'avez dit tantôt que M. Desmarais ne mettrait pas la main sur le
Soleil. C'est alors qu'il a décidé de faire une offre et qu'il
vous a téléphoné. Etait-il au courant que vous aviez
été en contact avec le groupe Péladeau également
là-dessus? Savait-il qu'il avait des concurrents?
M. GILBERT: Je ne le sais pas. M. CHARRON: L'en avez-vous
informé? M. GILBERT: Non. Je ne l'ai pas informé. M. CHARRON:
L'offre que M. Péladeau faisait expirait vendredi, le 11 janvier,
à 15 heures. Pourquoi avez-vous demandé à M.
Péladeau de prolonger cette offre jusqu'au mardi suivant?
M. GILBERT: L'offre de M. Péladeau était beaucoup plus
engageante et beaucoup plus compliquée que l'offre que j'avais de M.
Desmarais et que les ententes verbales qu'on avait eues avec M. Francoeur. Cela
demandait beaucoup plus d'études de ce côté-là et on
voulait avoir plus de temps pour regarder exactement toutes les facettes de
cette transaction-là. C'est une transaction qui était beaucoup
plus restrictive. Simplement au point de vue du règlement final, il y
avait certaines choses dans l'offre d'achat qui pouvaient faire varier le
chiffre final de la vente, le faire diminuer de plusieurs centaines de mille
dollars.
M. CHARRON: Auriez-vous objection à déposer l'offre de M.
Péladeau?
M.GILBERT: Cela n'a pas été déposé? Alors,
c'est parfait, je vais la déposer.
M. CHARRON: M. Péladeau, que nous n'avons pas encore entendu et
qui s'est exprimé ailleurs et cela a été
rapporté dans les journaux a dit qu'il vous avait clairement
indiqué, au moment où il avait refusé de prolonger son
offre...
M. GILBERT: Pardon?
M. CHARRON: II a dit qu'il vous avait clairement indiqué, au
moment où il a refusé de prolonger son offre jusqu'au mardi
suivant, que, si vous lui en faisiez la demande, il était prêt
à rajouter sur le montant global qu'il vous avait offert. Est-ce
exact?
M. GILBERT: Non. Ce n'est pas exact. L'offre que j'ai
déposée de M. Péladeau de Québécor, à
ce moment-là n'était pas satisfaisante. C'est pour cela,
d'ailleurs, que nous avions demandé de la prolonger.
J'ai discuté avec M. Poissant, au téléphone, son
vérificateur, pour faire des changements; il y avait des choses dans le
prix qui ne nous allaient pas. On s'est entendu au téléphone et
il m'a dit qu'il était prêt à faire ces changements.
Lorsqu'on s'est laissé au téléphone, c'était final
des deux côtés, et jamais M. Péladeau ne nous a fait
miroiter qu'il nous donnerait $8,500,000 ou $9 millions ou qu'il nous paierait
comptant comme il l'a dit; au contraire, il ne s'est jamais ouvert de ce
côté.
M. LALONDE: M. Gilbert, si vous permettez, est-ce que vous
considérez que l'offre de M. Francoeur est plus favorable que l'offre de
M. Péladeau? On a dit dans les journaux que l'une était
plus...
M. GILBERT: Nettement. L'offre initiale de M. Péladeau
était de $4 millions comptant et $4 millions en débentures, et
après ça, en billets promissoires; ensuite on s'est entendu pour
la changer, c'était $5 millions comptant et $3 millions en
débentures, comme M. Francoeur. Sauf que le reste de la dette
était à 8 p.c. alors que celui de M. Francoeur était
à 9 p.c. Comme je l'ai dit, l'offre de M. Francoeur était de
$8,425,000, et l'offre de M. Péladeau était à peu
près de $8,200,000. Selon l'interprétation des contrats, des
surplus et tout ça, elle pouvait diminuer de quelques centaines de
milliers de dollars.
M. LALONDE: Une autre question si vous le permettez, est-ce que, d'une
façon, M. Francoeur vous a indiqué, à compter du
début des négociations jusqu'à la fin, qu'il
représentait M. Desmarais, qu'il agissait pour M. Desmarais?
M. GILBERT: Jamais. Il a même insisté plusieurs fois pour
me dire que c'était lui qui achetait et qu'il ne représentait pas
M. Desmarais.
M. CHARRON: M. Gilbert, il y a une coincidence de dates qu'il serait bon
d'éclairer. Ce n'est pas moi qui ai fait cette interprétation,
c'est le directeur du Devoir. Je le cite pour permettre de commenter. M. Ryan a
dit que le délai que vous aviez demandé le 11 janvier jusqu'au
mardi suivant était dans le but de vous libérer du contrat
signé avec Power Corporation. Dans le document que vous nous avez
donné aujourd'hui, on voit que la résiliation du contrat s'est
effectivement réalisée le 14 janvier comme si c'est une
interprétation que soutient le directeur du Devoir M. Desmarais
devait accorder son consentement quant à l'acheteur éventuel et
que c'est ainsi que vous avez refusé à M. Péladeau la
possibilité de rajouter à son offre pour rejoindre, dans la
concurrence, l'offre que M. Francoeur vous avait faite et qui allait être
signée également le 14 janvier.
M. GILBERT: A M. Péladeau, le 10 janvier, lorsque j'ai
parlé avec M. Poissant, j'ai dit que j'avais besoin de temps, qu'il y
avait une autre chose dans l'affaire. Je l'ai mentionné à M.
Wilbrod Gauthier, qui est l'avocat de M. Péladeau, lors d'un appel
téléphonique qu'il avait fait chez moi pour avoir certains
renseignements quand il préparait l'offre, qu'on avait un papier
signé qui était la promesse d'achat de M. Desmarais et qu'il
fallait que j'aie un désistement, que je ne pouvais pas vendre le
journal deux fois.
M. CHARRON: Quand l'avez-vous informé de l'existence du contrat
du 11 septembre?
M. GILBERT: Je ne l'ai pas informé, je lui ai dit qu'il y avait
un papier. J'ai parlé à M.
Gauthier vers le 7 ou le 8 janvier alors que le groupe Péladeau
préparait son offre.
M. CHARRON: Je suis obligé de vous demander ça comme
ça, avez-vous l'impression que vous lui appreniez l'existence...
M. GILBERT: Je lui ai dit que je voulais sincèrement être
honnête avec eux, je voulais lui dire que j'avais déjà un
papier, que j'avais quelque chose... d'ailleurs, tout le monde le savait,
c'était un secret de Polichinelle mais je voulais le lui dire. J'ai dit
à M. Poissant, le 10 janvier: Vous savez, je ne peux pas vendre le
journal deux fois. Il faut que j'aie un désistement de M. Desmarais et
il faut que je lui parle pour qu'il se désiste.
M. CHARRON: Avez-vous invoqué cette raison importante du
désistement nécessaire de M. Desmarais à l'appui de votre
demande de prolongation jusqu'au mardi suivant?
M. GILBERT: Cela a été dans une des demandes, en plus de
vouloir regarder le contrat.
M. CHARRON: Quelle a été la réponse de M.
Péladeau?
M. GILBERT: La réponse de M. Poissant au téléphone,
a été la suivante: On a l'impression que l'on peut, dans le
moment, si on vous donne du temps, se faire doubler ou quelque chose dans ce
genre. Nous, il n'en est pas question, ils nous ont donné vingt-quatre
heures de plus. En fait, on avait jusqu'au jeudi, à trois heures; ils
nous ont donné jusqu'au vendredi.
M. CHARRON: Jusqu'au vendredi, oui, je sais.
M. GILBERT: C'est la raison qu'ils nous ont donné. Alors on a
dit: C'est cela, on va vous donner une réponse. A ce moment, on a fait
part à M. Desmarais que l'on avait un acheteur.
M. CHARRON: Quand?
M. GILBERT: Le 10, on a dit à M. Desmarais: On a un acheteur,
Québécor est acheteur, on a une offre écrite qui est
acceptable et on se propose de l'accepter.
M. CHARRON: Aviez-vous communiqué à M. Desmarais que vous
aviez une offre de Québécor?
M. GILBERT: Oui, le 11, il fallait communiquer avec M. Desmarais.
M. CHARRON: Pas avant? M. GILBERT: Pas avant.
M. CHARRON: Et c'est à ce moment que M. Desmarais...
M. GILBERT: Et le 11, on a communiqué aussi au premier ministre
que l'on avait une offre de Québécor, si le premier ministre se
le rappelle.
M. CHARRON: M. Gilbert, quand avez-vous communiqué à M.
Desmarais l'existence de l'offre de M. Francoeur?
M. GILBERT: On a dit à M. Desmarais: Ecoutez, monsieur, c'est
l'offre de M. Francoeur.
M. Francoeur a communiqué avec M. Desmarais pour lui dire qu'il
faisait une offre.
M. CHARRON: Quand?
M. GILBERT: Moi, j'ai communiqué avec M. Francoeur, le 10 au
soir; vers 8 heures, chez moi, j'ai appelé M. Francoeur parce que, pour
être honnête, il n'avait jamais retiré son offre, elle
était toujours là, excepté qu'elle ne se
matérialisait pas, disons, dans les faits et j'ai dit: M. Francoeur,
moi, j'ai une offre et il faut que je donne une réponse, au plus tard,
demain à trois heures; alors, vous avez jusqu'à trois heures pour
me donner une réponse et vous engager formellement.
Alors, à ce moment, il a dit qu'il regarderait les choses et le
lendemain il m'a téléphoné.
M. CHARRON: Pour vous dire quoi?
M. GILBERT: Pour me dire qu'il achetait, que son offre tenait et
qu'à ce moment il achetait et que l'on signerait les papiers, que l'on
serait prêt le plus rapidement possible.
M. CHARRON: C'est seulement alors que vous avez communiqué
ensuite avec M. Desmarais pour lui signaler l'existence de M. Francoeur?
M. GILBERT: Non, à ce moment, M. Francoeur avait averti M.
Desmarais qu'il se proposait à lui faire une offre. Il avait averti M.
Desmarais.
M. CHARRON: Donc, M. Desmarais s'est trouvé le 11 janvier dernier
au courant de l'existence des deux acheteurs?
M. GILBERT: Absolument.
M. CHARRON: Et il a signé en faveur d'un acheteur, le 14?
M. GILBERT: Oui, mais il n'a pas signé en faveur d'un acheteur,
il s'est désisté.
Le papier que vous avez est ce même papier qui aurait pu servir
pour M. Péladeau. M. Desmarais n'étant pas en mesure, parce que
le gouvernement et M. Bourassa, à ce moment... d'acquérir le
Soleil, de pouvoir donner suite à son offre, a été
obligé de se désister. S'il ne s'était pas
désisté, j'aurais dit à M. Desmarais: Payez-moi et vous
vous arrangerez avec vos ennuis. Cela aurait été aussi simple que
cela. Il fallait d'abord que j'aie un acheteur pour lui dire de me payer.
J'étais entre deux chaises.
M. CHARRON: M. Gilbert, quand vous avez communiqué avec M.
Desmarais, le 11 janvier, pour lui demander son désistement, qui devait
venir le lundi suivant, vous lui avez communiqué l'existence de deux
offres, n'est-ce pas?
M. GILBERT: Oui, c'est-à-dire qu'il connaissait
déjà l'existence de l'offre de M. Francoeur, que M. Francoeur
était dans la course à ce moment. Alors on lui a dit: On a eu
l'offre de M. Péladeau. Après cela j'ai communiqué avec M.
Francoeur et à ce moment M. Desmarais savait que M. Francoeur
était dans la course depuis un petit bout de temps mais que cela ne se
matérialisait pas. C'est après cela que j'ai
téléphoné à M. Francoeur pour lui dire qu'il avait
jusqu'à demain pour se décider.
M. CHARRON: M. Desmarais s'est-il enquis de celui des deux que vous
alliez préférer, à qui vous aviez décidé de
laisser le journal?
M. GILBERT: C'est-à-dire que... D'abord, il ne s'en est pas
enquis à ce moment parce que... On a dit que l'on avait l'offre
écrite de M. Péladeau et qu'on l'acceptait. On avait
décidé de l'accepter à la condition... C'est là que
j'ai téléphoné à M. Francoeur parce que, tout de
même, j'avais un engagement moral vis-à-vis de M. Francoeur.
M. CHARRON: Le 10?
M. GILBERT: Le 10 au soir. A ce moment, on a dit à M. Francoeur
qu'il avait jusqu'à demain pour qu'il concrétise l'offre qu'il
avait faite sinon nous vendrions à Péladeau, à
Québécor.
M. CHARRON: Et il l'a concrétisée le lendemain?
M. GILBERT: II l'a concrétisée le lendemain.
M. CHARRON: Avait-il été en contact avec M. Desmarais
depuis?
M. GILBERT: Je ne le sais pas.
M. CHARRON: S'était-il assuré du désistement
éventuel de M. Desmarais?
M. GILBERT : II devait savoir que M. Desmarais se
désisterait.
M. CHARRON: En sa faveur.
M. GILBERT: Pas en sa faveur. La question du désistement, c'est
la question que M. Desmarais ne pouvait pas donner suite à son offre. A
ce moment-là, il ne pouvait pas nous refuser un acheteur. Il se
désistait et je vendais à qui je voulais. J'aurais pu vendre le
journal $5 millions, le lendemain, à un autre acheteur si j'avais
décidé cela.
M. CHARRON: M. Desmarais vous a-t-il demandé le montant de
l'offre de Québécor?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: A-t-il paru intéressé?
M. GILBERT: On lui a dit que l'offre de Québécor
était une offre intéressante.
M. CHARRON: Lui avez-vous fait part à ce moment-là
du...?
M. GILBERT: Je ne l'ai pas dit à Francoeur, non plus.
M. CHARRON: D'accord, mais avez-vous signalé à M.
Desmarais, à ce moment-là, auquel des deux vous entendiez
céder le journal.
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON : Quand en avez-vous informé M. Desmarais?
M. GILBERT: Le lendemain, le vendredi, lorsque j'ai eu la réponse
de M. Francoeur.
M. CHARRON: Là, vous lui avez dit: J'ai choisi M. Francoeur.
M. GILBERT: Nous avons vendu à M. Francoeur. Nous vendons
à M. Francoeur et il va falloir se rencontrer pour signer un papier
confirmant que le contrat qu'on a signé est nul.
M. CHARRON: D'accord. On s'est plié à votre demande et, le
14 janvier, on signait le contrat.
M.GILBERT: Le 14 janvier, dans l'après-midi, nous étions
convoqués pour signer la promesse d'achat de M. Francoeur et, le matin,
en arrivant à Montréal, nous nous sommes rendus au bureau de
Power Corporation et M. Desmarais a signé le papier qui avait
été préparé par Me Rivard.
M. CHARRON: Etiez-vous accompagné de M. Francoeur?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: Pas à ce moment-là.
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: M. Desmarais vous a-t-il signalé, à un moment
ou à un autre, dans votre conversation téléphonique du 11
janvier avec lui, qu'il préférerait revendiquer son droit
d'acheteur tel que le reconnaissait le contrat du 11 septembre, plutôt
que de le céder à Québécor?
M. GILBERT: Jamais.
M. CHARRON: II ne vous l'a signalé...
M. GILBERT: II n'a pas été question de cela du tout.
M. CHARRON: ...d'aucune façon?
M. GILBERT: Non.
M. CHARRON: Allez-y, je vous en prie.
M. BONNIER: M. Gilbert, durant toutes ces transactions...
J'écoute cela avec beaucoup d'intérêt.
M. GILBERT: C'est intéressant.
M. BONNIER : Si on se réfère au point de départ,
l'intervention du premier ministre était en relation avec le
problème de la concentration de la presse. Jusqu'à quel point ce
problème de concentration vous préoccupait-il, pas simplement
dans le cas de M. Desmarais ou de GESCA, mais dans le cas de M. Francoeur ou
même de M. Péladeau? Est-ce que cette question était en
effervescence dans votre esprit?
M. GILBERT: Pour moi, la question de la concentration de la presse est
une toute autre chose, mais, enfin, je vais vous dire, en quelques mots, ce que
j'en pense. D'abord, vous avez la concentration qui existe dans tout le Canada,
dans toutes les provinces. Un journal comme la Tribune de Sherbrooke, c'est de
la concentration à Sherbrooke. Ce sont toutes des entités
différentes. A mon avis, la concentration de la presse, les
chaînes de journaux... D'ailleurs, au Etats-Unis, c'est encore, si on
veut, le "trend" de la concentration des entreprises de presse. A mon avis,
cela ne met absolument pas en danger la liberté de la presse. La
liberté de la presse est défendue par d'autres choses que par le
danger de la concentration des entreprises. On pourrait en parler
peut-être plus longtemps, mais...
M. BONNIER: Vous ne croyez pas qu'au Québec...
M. GILBERT: ...à mon avis, c'est un faux problème. En
fait, on a discuté pendant tout ce temps autour d'un faux
problème.
M. BONNIER: C'est l'impression que j'ai M. le Président qu'on
était beaucoup plus préoccupé de faire une transaction,
évidemment, mais...
M. GILBERT: C'est sûr.
M. BONNIER: ...que le phénomène de la concentration
n'était pas tellement présent.
M. GILBERT: J'ai toujours dit que j'aurais aimé mieux vendre le
Soleil, pas à M. Desmarais comme tel, mais à la chaîne
parce que j'aimais le principe qu'il y avait en arrière. C'est qu'on
formait une chaîne des quotidiens du Québec et, à ce
moment-là, on faisait une compagnie publique et on mettait 75 p.c. des
actions du journal dans le public. Alors, c'était simplement une
question de finances pour M. Desmarais.
Il récupérait l'argent qu'il avait mis dans les journaux,
ces investissements, et à ce moment-là, vous arriviez avec une
chaîne des principaux journaux, des quotidiens, qui était à
70, 75 p.c. dans le public, et la liberté de la presse n'était
absolument pas en danger. A mon avis, c'était la solution la plus
logique et la plus intéressante.
Cela n'a pas été partagé par tout le monde. C'est
mon idée sur la concentration de la presse et sur la liberté de
l'information.
M. CHARRON: M. Gilbert, nous en sommes rendus à peu près
au contrat de vente, mais avant, je vais vous demander: Quand avez-vous
informé ou le ministre de l'Etat ou le premier ministre de la vente
à M. Francoeur?
M. GILBERT: Je pense que ce n'est pas moi, je pense que c'est M.
Francoeur lui-même qui a informé le premier ministre ou M. Lalonde
de la vente à M. Francoeur.
M. BOURASSA: M. Francoeur m'a appelé le matin, vendredi ou...
M. GILBERT: Peut-être... Je pense que c'est cela. Mais ce n'est
pas moi et ce n'est pas de notre côté.
M. BOURASSA: ... pour me demander si le gouvernement s'opposait.
M. CHARRON: Quand je pose la question au premier ministre, c'est pour
savoir si le vendredi matin, 11 janvier, vous ou le ministre d'Etat...
M. BOURASSA: Je lui ai parlé. Je ne sais pas si le ministre l'a
fait aussi. Je crois que c'est le seul moment où je lui ai
parlé.
M. CHARRON: Il vous a informé qu'il allait se porter
acquéreur du...
M. BOURASSA: Je lui ai dit qu'il faudrait que cela soit clair.
M. CHARRON: Pourtant, il ne pouvait pas vous affirmer cela
catégoriquement puisqu'en même temps, M. Gilbert lui avait
demandé une prolongation du délai de M. Péladeau...
M. BOURASSA: Je ne sais pas si c'est le 11.
M. GILBERT: Excusez, mais ce n'est pas cela. Le 11 janvier, il n'y avait
pas de prolongation. Je donnais une réponse à M. Péladeau
dans l'après-midi. Alors, le 11 janvier au matin, M. Francoeur m'a dit
qu'il achetait et son offre était meilleure. J'ai accepté l'offre
de M. Francoeur.
M. CHARRON: Immédiatement, d'accord.
M. BOURASSA: C'est à ce moment-là que j'ai prévenu
M. Francoeur qu'il devrait venir devant la commission parlementaire avec des
documents.
M. CHARRON: D'accord, mais vous-même, M. Gilbert, vous
êtes-vous préoccupé cela fait un peu suite à
la question du député de Taschereau des liens qui
pouvaient exister entre M. Francoeur et M. Desmarais...
M. GILBERT: Absolument pas.
M. CHARRON: Absolument pas.
M. GILBERT: Cela ne m'intéressait pas.
M. CHARRON: C'est une question que je vous pose comme cela, mais qui
n'est peut-être pas anodine non plus. J'ai en main, depuis la
dernière séance de la commission, les deux contrats de vente,
soit celui du 11 septembre et celui du 14 janvier. Comment se fait-il qu'ils
soient à ce point identiques, y compris jusque dans le montant?
M. GILBERT: Ils sont identiques, mais pas dans le montant. Parce que
vous n'êtes pas sans savoir, si vous comparez les deux, qu'il y a
toujours un million en jeu...
M. CHARRON: D'accord.
M.GILBERT: ...qui était une possibilité réelle.
Maintenant ils sont identiques parce que...
M. BOURASSA: L'intervention du gouvernement a pu vous faire perdre un
million?
M. GILBERT: Oui, plus que cela...
M. CHARRON: Message du commanditaire.
M. GILBERT: Pour continuer...
M. BOURASSA: C'est vrai ou ce n'est pas vrai?
M. GILBERT: C'est vrai parce qu'il y avait tout de même un million
en jeu et on aurait probablement eu un autre million. Mais voici...
M. BOURASSA: Le député de Rouyn-Noranda est...
M. GILBERT: Là où les deux contrats se ressemblent, c'est
qu'on a dit à M. Francoeur: II faut que cela se passe vite. Alors il a
dit: Oui, mais les contrats ne sont pas faits, et on a dit: Ecoute, les
conditions du premier acheteur, est-ce que tu les acceptes, à
l'exception du prix, de certaines choses, dans certaines modalités de
paiement? Alors on va autoriser nos conseillers juridiques et votre conseiller
juridique à communiquer avec Power Corporation pour avoir le contrat de
vente, et, à ce moment-là, suivez-le en faisant les changements
qu'on voulait faire et c'est ce qui nous a permis de signer le lundi.
M. CHARRON: D'accord. Alors, tout ceci s'est fait dans la fin de
semaine, la rédaction même...
M. GILBERT: Les avocats ont travaillé. Les parlementaires
travaillent en fin de semaine, les avocats le font aussi quelquefois.
M. CHARRON: Et les propriétaires de journaux
également?
M. GILBERT: Non, pas beaucoup. Je ne crois pas à cela. Je trouve
que les parlementaires travaillent trop. Vous devriez vous reposer plus.
M. CHARRON: Vous êtes bien gentil. Je pense qu'on doit se reporter
au texte du contrat lui-même, à la transaction du 14 janvier
dernier. Cela va vous paraître curieux, mais je vais commencer par les
amendements.
M. SAMSON: Le premier ministre a mentionné une communication de
M. Francoeur lui demandant si le gouvernement s'opposerait à son achat.
Quelle a été votre réponse exactement?
M. BOURASSA: Que s'il était prêt à venir devant la
commission parlementaire et à déposer tous les documents
démontrant qu'il est le vrai acheteur, le véritable acheteur, le
gouvernement n'avait pas d'objection.
Et c'est pourquoi, dans sa déclaration d'achat, il a fait part
qu'il viendrait à la commission parlementaire.
M. SAMSON: A condition qu'il établisse devant la commission qu'il
est le véritable acheteur...
M. BOURASSA: C'est cela.
M. SAMSON: ... vous lui avez fait part du fait que le gouvernement ne
s'opposerait pas.
M. BOURASSA: Ne s'opposerait pas? En fait, je ne voyais pas les raisons
pourquoi...
M. SAMSON: Non. Je ne tente pas d'interpréter votre opinion.
M. BOURASSA: Si ce n'était pas Power
Corporation et c'est ce qu'on discute actuellement depuis le
début des séances de la commission parlementaire le
gouvernement n'était plus justifié d'orienter cela dans un sens.
L'idéal aurait été le consortium en question mais cela n'a
pas marché. C'était soit M. Péladeau, soit M. Francoeur.
Le gouvernement n'avait aucune préférence.
M. SAMSON: D'ailleurs, cela n'est pas le rôle du gouvernement
d'avoir des préférences non plus...
M. BOURASSA: Non. D'accord.
M. SAMSON: ... parce qu'il y a quand même une liberté de
commerce qui existe.
M. BOURASSA: Non. D'accord.
M. CHARRON: M. Gilbert, est-ce que, lors de la signature du contrat le
14 janvier dernier, vous connaissiez comment M. Francoeur comptait financer les
$5 millions qu'il devait payer comptant au terme de la transaction?
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: Est-ce que vous connaissiez, à ce moment, le taux
d'intérêt exigé par la Banque Canadienne Nationale?
M. GILBERT: Non et je ne le connais pas encore.
M. CHARRON: Le taux d'intérêt est fixé actuellement
à 1 p.c. au-dessus du taux préférentiel de la Banque
Canadienne Nationale, avec un minimum de 9 1/2 p.c.
M. GILBERT: J'ai l'impression qu'il doit payer 10 1/2 p.c.
probablement.
M. CHARRON: Pardon?
M. GILBERT : II doit probablement payer 10 p.c. ou 10 1/2 p.c. Je ne le
sais pas.
M. CHARRON: Est-ce que vous ne trouvez pas curieux que le taux de la
Banque Canadienne Nationale, qui a la première garantie, au terme de
cette transaction...
M. GILBERT: Oui.
M. BOURASSA: II n'a pas d'affaire à répondre à
cela.
M. CHARRON: C'est parce que M. Gilbert... M. GILBERT: Posez la
question.
M. CHARRON : Le taux de la Banque Canadienne Nationale,...
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: ... qui a la première garantie,...
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: ... est à 9 1/2 p.c
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: Vous qui aviez, lors de la transaction du 14 janvier,
accepté la deuxième garantie, donc plus de risques, vous deviez
vous contenter d'un taux de 9 p.c. C'est, financièrement parlant, assez
curieux...
M. GILBERT: Je vais vous expliquer.
M. CHARRON: ... parce que, habituellement, celui qui a la
deuxième garantie exige un taux d'intérêt plus
élevé.
M. GILBERT: Parfait mais...
M. CHARRON: Je ne vous l'apprends pas mais c'est utile de le savoir.
M. GILBERT: Cela s'explique très facilement. Dans une vente comme
cela, il y a un "willing buyer" et un "willing seller". A ce moment, je n'ai
pas demandé à M. Péladeau non plus, quand il m'a offert 8
p.c, combien il payait d'argent à la banque parce que lui aussi
empruntait s'il payait à 10 p.c. Cela me satisfaisait. Les 9 p.c.
offerts, sur mon argent, sur la dette, satisfaisaient les actionnaires. A ce
moment, c'est une décision personnelle. Ce n'est pas comme une
deuxième hypothèque. Ce n'est pas la même chose. On n'est
pas dans les mêmes transactions. C'est très normal, dans les
transactions de ce genre, que l'acheteur qui reste en deuxième accepte
un intérêt qui est en dessous de l'intérêt de la
banque, comme l'intérêt de la banque peut varier. Dans un an,
peut-être que j'aurai 9 p.c. et que la banque aura 8 1/2 p.c. Je ne sais
pas. Cela n'est rien d'anormal. Je pense que c'est...
M. CHARRON : D'accord. C'était une question d'information...
M. GILBERT: C'est une transaction.
M. CHARRON: ... parce qu'à d'autres moments c'est le
contraire.
M. GILBERT: Oui. Dans la deuxième hypothèque, par exemple,
mais pas sur des débentures comme cela...
M. LALONDE: Si vous me permettez, M. le Président, M. le
député. Connaissant les affaires du Soleil comme vous les
connaissez, les possibilités d'Unimédia de vous rembourser les $3
millions sont-elles excellentes d'après vous? Est-ce que vous êtes
confiant?
M. GILBERT: Ecoutez, je pense...
M. LALONDE: C'est une question un peu étrange.
M. GILBERT: Je peux répondre. Je vais vous donner... C'est une
opinion personnelle.
M. LALONDE: Oui parce que, dans les journaux, on a déjà
dit que parfois...
M. GILBERT: J'ai calculé moi aussi parce que cela me
préoccupait. J'étais le deuxième et je voulais bien
être payé. Deuxièmement, simplement par curiosité.
Et avec le budget du Soleil de cette année, plus le Progrès du
Saguenay, ces deux entreprises peuvent prendre soin des $8 millions de la vente
du Soleil.
M. BOURASSA: Cela va dépendre de la convention collective.
M. GILBERT: C'est une autre chose. Mais c'est le risque des affaires. Et
Unimédia doit avoir un chiffre d'affaires de $15 millions par
année. Elle doit faire de l'argent. Lorsqu'on regarde la transaction de
près, ce n'est pas une transaction de dupes et je pense qu'elle peut
faire face à ses obligations. C'est quelque chose de personnel.
M. BONNIER: Vous n'êtes plus deuxième, vous êtes
troisième d'après ce qu'on peut comprendre.
M. GILBERT: Oui. On est en troisième sur les biens
d'Unimédia. Lorsqu'on a signé, on était en
deuxième. Ce qui est arrivé, c'est qu'au point de vue juridique
cela créait des problèmes assez sérieux. Il fallait
changer pas mal d'affaires.
Nous avons consenti d'être en troisième, de passer
après Power pour les biens d'Unimédia mais on reste en
deuxième avec la banque pour les actions du Soleil. C'est-à-dire
que, si jamais il y a quelque chose, les actions du Soleil sont données
en garantie à la banque et nous restons en deuxième,
derrière la banque, pour les actions du Soleil.
M. CHARRON: Les actions valent-elles plus que les biens
d'Unimédia?
M. GILBERT: Je ne sais pas combien vaut Unimédia. Il y en a qui
tirent des chiffres, moi je n'aime pas tirer des chiffres en l'air. Je sais que
j'ai vendu le Soleil $8 millions. J'ai des actions, sur $8 millions, pour $3
millions. Cela me suffit.
M. CHARRON: Mais la valeur des actions repose sur la valeur des biens,
non?
M. GILBERT: Non, pas nécessairement. C'est bien plus sur la
possibilité de gagner selon
la conjoncture, selon demain. N'achetez jamais une action sur la valeur
des biens mêmes, parce que vous pouvez prendre une "carpiche". C'est
mieux de regarder ce que cela vaudra demain. C'est comme les actions de
Bombardier; si vous achetez cela sur les biens, dans le moment, je pense que ce
n'est pas une raison...
M. BOURASSA: L'action de la SGF.
M. CHARRON: Je vais revenir là-dessus. Tantôt, j'avais
entrepris une question qui mérite d'être
éclairée...
M. GILBERT: C'est la capacité de gagner qui est importante.
M. CHARRON: Vous n'étiez pas au courant du taux
d'intérêt de la Banque Canadienne Nationale dans...
M. GILBERT: Je suis au courant des taux d'intérêt comme
ceci. On emprunte de l'argent, à un moment donné, on le sait,
mais dans ce cas-là cela ne m'intéressait pas d'être au
courant des taux de la banque.
M. CHARRON: Mais le Soleil, votre entreprise, le 27 août 1973, a
emprunté auprès de la BCN?
M. GILBERT: Oui, j'ai des emprunts. Le Soleil a des emprunts à
long terme.
M. CHARRON: Quel était le montant de l'emprunt à long
terme à l'égard de la BCN?
M. GILBERT: Je pense que cela ne vient pas dans la conversation ici, je
n'ai pas à donner cela ici. Ce ne sont pas les problèmes de la
commission parlementaire.
M. CHARRON: Je vais vous poser une question qui est de
l'intérêt de la commission parlementaire. Est-ce qu'il y a des
liens entre vos emprunts au nom de la compagnie Le Soleil, auprès de la
BCN, et la transaction où M. Francoeur a pu bénéficier de
$5 millions de prêt de la BCN?
M. GILBERT: Les emprunts que le Soleil avait étaient
antérieurs au 27 août, étaient antérieurs au mois de
mai. Ce sont des emprunts qui ont été faits, à un moment
donné, lorsqu'on a fait des changements technologiques, lorsqu'on a
acquis le Progrès du Saguenay. Cela ne regarde absolument pas la
transaction.
M. CHARRON: Etes-vous intervenu personnellement...
M. GILBERT: Pardon?
M. CHARRON: Etes-vous intervenu auprès de la BCN pour...
M. GILBERT: Je ne me pense pas assez gros pour cela.
M. CHARRON: Non, il y a des gens qui pensent que M. Francoeur ne l'est
pas non plus. Pourtant, il a obtenu $5 millions de prêt.
M. GILBERT: C'est curieux, il a obtenu $5 millions, mais pas sur rien.
Il a tout de même Unimédia. Comme je dis, il y a la
capacité de gagner de l'entreprise. Je suis sûr que la banque a
évalué beaucoup plus les capacités de gagner de toutes ses
entreprises ensemble que les biens qu'il avait.
M. CHARRON: Vous n'êtes jamais intervenu auprès de la
BCN?
M. GILBERT: D'aucune façon.
M. CHARRON: M. Francoeur, à votre connaissance, a fait ses
démarches seul auprès de la BCN pour ce prêt?
M. GILBERT: Je ne me suis pas occupé de cela. J'ai su qu'il avait
$5 millions de la BCN, c'est tout.
M. CHARRON: D'accord. Le contrat, tel qu'il est là, a
été amendé deux fois. Le 16 janvier, d'abord, vous vous
êtes entendu avec Unimédia pour donner un délai de six mois
à M. Francoeur. Un délai de six mois pour la livraison des
débentures, sa dette de $3 millions.
M. GILBERT: Oui, c'est encore simple. On a donné un délai
de six mois parce que, à ce moment-là, on voulait faire le
"closing" rapidement. C'est sûr et certain que, pour écrire des
débentures, il y a toutes sortes de choses juridiques qui arrivent. Cela
lui prenait un délai pour nous livrer les débentures. Pour autant
qu'il me paie les intérêts, quand même j'aurais les
débentures dans huit mois, je m'en fous. Ce qui était important
pour nous autres, c'est que l'intérêt courait à partir du
14 janvier. Qu'on me donne le papier pour me dire que je vais avoir de
l'intérêt, cela est secondaire.
M. CHARRON: Le délai, vous venez d'expliquer pourquoi, mais
avez-vous exigé une compensation, une garantie sur le délai de la
signature des débentures?
M. GILBERT: Non, parce que j'ai mes intérêts. Il me paie
mes intérêts à partir du 14, alors des débentures,
quand il va me les livrer, vont porter intérêt à partir du
14 janvier.
Quand bien même il me les livrerait au mois de juillet, je m'en
fous. Ce n'est pas quelque chose d'important. C'est normal dans des
transactions que les "débentures" ne soient pas livrées tout de
suite. C'est très normal.
M. CHARRON: C'est normal aussi que, dans une entreprise
d'intérêt public comme celle dont vous étiez
propriétaire jusqu'à la signature de ce contrat, nous ayons
l'intention d'examiner chacune des choses, même si elles apparaissent
très normales.
M. GILBERT: Je voudrais dire une chose: D'intérêt public
jusqu'à un certain point, mais je ne partage pas votre avis
jusqu'où est l'intérêt public.
M. CHARRON: C'est le public qui vous a permis de faire ces
transactions-là.
M. GILBERT: Le public est intéressé pour autant que le
journal qui est un journal d'information lui donne l'information, tel qu'il
doit la donner. Tous les côtés financiers de l'entreprise, cela ne
regarde pas le public, je m'excuse, une fois qu'on livre la marchandise au
point de vue de l'information.
M. CHARRON: Dans le contrat de vente, en page 4, on dit que les vendeurs
déclarent et se portent garants envers l'acheteur de ce qui suit: Ils
reconnaissent que l'acheteur se fie sur lesdites déclarations et
garanties sans lesquelles ils n'auraient pas acheté. En des termes qu'on
comprendra, cela veut dire que l'acheteur, M. Francoeur, pour signer ce contrat
de vente là, s'est fié à certaines déclarations que
vous faisiez au moment de la signature du contrat. Une de celles-là est
au paragraphe f) de la page 7 où l'acheteur s'est fié au fait que
vous lui affirmiez qu'aucune personne, société ou corporation,
sauf l'acheteur en vertu de la présente convention, ne détient
présentement, ne détiendra à la date de fermeture, un
droit d'achat ou d'option en rapport. Cette clause f ), qui pourrait invalider
le contrat dans l'existence d'un autre contrat de vente comme celui du 11
septembre dernier, a-t-elle été signée avant ou
après le désistement?
M. GILBERT: Après. Cela fait partie du contrat intégral,
cela a été signé avec le contrat. M. Desmarais s'est
désisté le matin et on a signé l'après-midi.
M. CHARRON: Mais si M. Desmarais vous le reconnaissez
également ne s'était pas désisté le 14, il
aurait toujours pu et M. Francoeur également se
prévaloir de la clause f )?
M. GILBERT: Pas M. Francoeur. Ce contrat ne se serait pas
signé.
M. CHARRON: S'il n'avait pas été signé.
M. GILBERT: Je n'aurais pas vendu. J'aurais dit à M. Desmarais de
me payer, par exemple.
M. CHARRON: D'accord. Dans l'amendement du 28 janvier auquel se
référait le député de Taschereau tout à
l'heure, j'aimerais que vous repreniez l'explication de ce
procédé par lequel vous avez cédé le
deuxième rang à M. Desmarais. Etait-ce une exigence de M.
Desmarais pour signer le papier de désistement, le matin du 14
janvier?
M. GILBERT: Non. Il n'a absolument pas été question de
cela, le matin du 14 janvier. On a découvert qu'à un moment
donné M. Desmarais était déjà en deuxième;
il était même en première, je crois, avec Unimédia.
Quand la Banque Canadienne Nationale a prêté $5 millions, ils ont
pris tous les actifs d'Unimédia; alors, ils sont tombés en
première, lui est tombé en deuxième et, à ce
moment-là, nos procureurs nous ont suggéré qu'au point de
vue juridique c'est pour cela que cela aurait été
peut-être difficile qu'on reste en deuxième dans le cas de
consentir plutôt à venir troisième sur les actifs
d'Unimédia, mais de rester deuxième après la Banque
Canadienne Nationale sur les actions du Soleil. Ils nous disaient que notre
protection était aussi bonne.
M. CHARRON: C'est sur l'avis de vos conseillers juridiques que vous avez
accepté ça?
M. GILBERT: Absolument.
M. CHARRON: La garantie est suffisante, même en troisième
lieu, sur...
M. GILBERT: Elle est suffisante en troisième lieu; ayant les
actions du Soleil en deuxième lieu avec la Banque Canadienne Nationale,
notre garantie est suffisante.
M. CHARRON: Avant que vous acceptiez l'amendement du 28 janvier qui vous
faisait descendre au troisième rang, est-ce que vous avez
étudié ou fait étudier les contrats entre MM. Francoeur et
Desmarais pour savoir quelle force se trouvaient à avoir les
créances qui prenaient rang avant les vôtres?
M. GILBERT: Jamais. On disait à ce moment-là qu'il y avait
des choses entre M. Desmarais et M. Francoeur. Nous avons signé le
contrat et ça ne nous intéressait pas de ce
côté.
M. CHARRON: Vous étiez au courant du fait que M. Desmarais avait
promis, en créance, les biens d'Unimédia depuis la transaction du
11 août?
M. GILBERT: C'est-à-dire qu'on n'était pas au courant
lorsqu'on parlait avec M. Francoeur mais, par la suite, tout le monde a
parlé et cela a été admis officiellement. Ils ne s'en sont
pas cachés, alors nous avons été au courant.
M. CHARRON : Vous connaissiez le montant de la débenture de
$3,500,000?
M. GILBERT: Je l'ai connu quand tout le monde l'a dit. Cela a
été assez public, cette affaire.
M. CHARRON: C'était assez public, mais est-ce suffisant, encore
aujourd'hui, pour céder le deuxième rang quand vous savez...
M. GILBERT: Ecoutez, ce sont encore les décisions du vendeur.
Moi, je suis vendeur là-dedans. On me donnait $5 millions comptant, $3
millions en débentures, les actions du Soleil tombaient en
deuxième après la Banque Canadienne Nationale. Après avoir
consulté nos avocats, on a dit: Oui, on est prêt à accepter
ça, ça fait notre affaire. C'est une décision du vendeur.
Je pourrais bien me mettre au dixième rang, si je voulais.
M. CHARRON: D'accord, mais vous admettrez avec moi, tout en
prônant la liberté de décision de l'acheteur, qu'il faut
que ce soit vraisemblable. Avant de signer, il faut avoir une certaine garantie
que ce rang n'équivaut pas à être payé dans la
semaine des trois jeudis. Vous ne l'auriez pas accepté...
M. GILBERT: Si vous êtes au deuxième rang pour les actions
du Soleil, la compagnie qui a été payée $8 millions, je la
connais telle qu'elle est et, pour une garantie de $3 millions, je trouve que
c'est suffisant, je l'accepte, je ne vous ai pas dit que je me mettrais en
dixième. Dans ce cas, être en deuxième là et en
troisième ailleurs, c'était suffisant et on l'a fait sur le
conseil de nos avocats.
M. CHARRON: Si tous les biens du Soleil passaient à Desmarais,
que vous vaudraient vos actions?
M. GILBERT: Qu'ils passent n'importe où, il est toujours
là-, le Soleil. Les biens ne peuvent pas passer, ce sont les actions, et
les actions sont toujours là.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Laporte a
demandé la parole.
M. DEOM: M. Gilbert, afin d'éclairer la réaction de la
Banque Canadienne Nationale envers M. Francoeur si c'est indiscret, vous
me le direz est-ce que vous pourriez nous dire à quel multiple
des gains par action vous avez vendu?
M. GILBERT: Je pense que le Soleil ne s'est pas vendu sur des gains par
action.
H s'est plutôt vendu sur les possibilités du Soleil pour
demain. C'est plus là-dessus. Peut-être que cela a
été le plus grand tort de M. Péladeau de vouloir
s'attacher trop aux gains par action et aux états financiers de la
dernière année, et nous on ne s'attachait pas à cela parce
que, connaissant l'entreprise, on savait... Il y en a d'autres qui ont compris,
ou cela a fait leur affaire de prendre notre façon de voir. Le Soleil ne
s'est pas vendu, en fait, sur les gains par action strictement. Cela est
entré en ligne de compte mais pas strictement là-dessus.
M. CHARRON: M. Gilbert, je reviens là-dessus parce que la
transaction est un aspect important. Vous affirmez et je suis
obligé de prendre votre parole, ici, cet après-midi, il n'est
aucunement question de la mettre en doute, mais elle paraît rapide comme
conclusion, à mon avis qu'un homme d'affaires, comme vous qui
transigez dans les millions accepte de reporter sa créance, à
toutes fins pratiques, au troisième rang, après le pouvoir de M.
Desmarais, dans le domaine. Il me semble qu'elle aurait exigé
normalement, dans le domaine des affaires c'est vous qui m'avez appris
les règles du monde des affaires tantôt, qui m'avez ramené
aux règles du monde des affaires tantôt elle aurait
exigé normalement une contrepartie autre que celle des actions du
Soleil.
M. GILBERT: Ecoutez, vous pouvez peut-être le demander à
des conseillers, vous devez avoir des conseillers autour de vous, des gens que
vous connaissez, qui connaissent les affaires. Passez-leur le problème,
faites-leur analyser le problème pour voir s'ils n'ont pas des garanties
qui sont intéressantes, qui seront suffisantes pour leurs trois
millions.
M. CHARRON: A votre avis, la place en troisième rang
équivaut... Très bien, dans le domaine des actions du Soleil,
vous êtes en deuxième.
M. GILBERT: Oui.
M. CHARRON: D'accord. Cette place est équivalente... Vous n'avez
rien perdu avec l'amendement du 28 janvier?
M. GILBERT: Ecoutez, on perd...
M. CHARRON: Dans les garanties que vous aviez dans le contrat originel
et dans l'amendement qui vous fait maintenant figurer en troisième lieu
et en deuxième lieu dans les actions du Soleil, vous n'avez rien perdu.
C'est du pareil au même.
M. GILBERT: Vous dire que l'on n'a rien perdu... H est certain que si
l'on est en troisième alors que l'on était en deuxième, on
a glissé d'un rang. Mais il reste tout de même que l'on
était à une transaction qui était complétée
et pour laquelle on avait déjà été payé $5
millions. Et dans les circonstances où la vente du Soleil est faite
actuellement, annuler une vente pour cela, où l'on était tout de
même suffisamment protégé, je le dis encore, je pense que
cela aurait été une décision un peu ridicule, de notre
part, d'annuler une vente parce que l'on passait en troisième à
un endroit, qu'on restait en deuxième à un autre. On a des
garanties, on ne demeure pas sans rien, on demeure avec des garanties
suffisantes, alors à ce moment-là...
M. CHARRON: M. Gilbert, vous venez de me dire que vous
considériez les garanties
comme suffisantes. C'est pourquoi vous avez accepté le
troisième rang, parce que vous ne teniez pas à annuler cette
vente?
M. GILBERT: C'est-à-dire que, à un moment donné,
j'aurais pu discuter. Après avoir consulté nos avocats, je n'ai
pas cru que c'était sérieux et que cela aurait donné
beaucoup de choses de faire une longue discussion qui aurait pu durer je ne
sais pas combien de temps, alors que nos avocats nous disaient: Etant en
deuxième pour les actions du Soleil avec la Banque Canadienne Nationale,
on vous donne une garantie qui est suffisante. C'était simplement une
décision, on a dit oui et on accepte cela.
M. CHARRON: M. Gilbert, il n'y avait pas de danger d'annuler la vente.
La vente était signée depuis le 14 janvier. Vous pouviez exiger
l'application intégrale qui vous mettait au deuxième rang.
M. GILBERT: Absolument. On ne l'a pas fait.
M. CHARRON: Vous avez accepté le troisième rang en
échange de quoi?
M. GILBERT: En échange de rien.
M. CHARRON: En échange de rien. Mais quel pouvoir avait donc
Power Corporation d'exiger cette deuxième place?
M.GILBERT: C'est parce qu'elle était en deuxième et selon
la discussion, au point de vue juridique, elle était déjà
là avant nous.
M. CHARRON: Mais comment pouvait-elle interférer dans ce contrat
fait entre deux parties qui supposément sont tout à fait
distinctes?
M. GILBERT: Elle n'a pas produit d'interférence comme ceci, mais,
si Power était déjà en deuxième pour les biens
d'Unimédia, il aurait pu y avoir une discussion. Pourquoi Power
aurait-elle dit alors: Je m'en vais en troisième?
M. CHARRON: Vous aviez le droit.
M. GILBERT: Power aussi avait le droit si elle était en
deuxième.
M. CHARRON: Vous aviez signé un contrat avec une partie
autonome.
M. GILBERT: Unimédia, c'est une autre chose.
M. CHARRON: Unimédia n'est pas autonome?
M. GILBERT: Elle est autonome, mais il y avait déjà des
débentures avec Power de $3.5 millions et...
M. CHARRON: Mais d'où vient qu'Unimédia devait
céder le deuxième rang et vous demander par un amendement de
prendre le troisième? D'où vient la force de Power Corporation
pour s'infiltrer...
M. GILBERT: Non, elle ne s'est pas infiltrée.
M. CHARRON: ... dans un contrat entre deux parties
indépendantes?
M. GILBERT: On va revenir à la discussion; vous allez comprendre,
je pense. Vous avez l'air d'un homme très intelligent. C'est bien
simple. Unimédia déjà devait $3,500,000 à Power et,
à ce moment-là, elle était première, parce que je
pense que la banque n'était pas dans le jeu. Unimédia fait un
contrat avec nous pour acheter le Soleil. Alors, elle emprunte $5 millions
à la banque.
M. CHARRON: D'accord.
M. GILBERT: La banque insiste toujours pour être en
première place. Les banques sont toujours en première, c'est rare
qu'on les voie en deuxième. On fait le contrat de vente et nos avocats
précisent qu'on est en deuxième et tout le monde est
d'accord.
M. CHARRON: C'est normal, ce sont deux parties indépendantes.
M. GILBERT: Un instant! Mais déjà, antérieurement
à nous, ce qui n'a pas été vu, c'est que Power
était premier avec Unimédia avant que nous et la banque entrent
dans le jeu. Power tombait alors deuxième automatiquement alors que nous
étions deuxième. Alors, il y avait quelque chose de fautif dans
notre contrat. A ce moment-là, ils nous ont dit: Ecoutez, tombez
troisième.
M.,CHARRON: Vous n'étiez pas obligé d'obéir.
M. GILBERT: A ce moment-là, il y en a un qui est en avant de
nous. On peut accepter. On est quasiment obligé de le faire, en
principe; par contre, on a insité auprès de Power Corporation. On
a dit: Ecoutez, pour les biens d'Unimédia, on va se mettre en
troisième, mais pour les actions du Soleil, on se met en
deuxième.
M. CHARRON: Pourquoi n'avez-vous pas accepté plutôt de
renoncer à être deuxième sur les biens d'Unimédia
pour prendre le troisième rang, et prendre le deuxième rang et
sur les biens et sur les actions du Soleil, pour écarter Power
Corporation du Soleil?
M. GILBERT: Comment? On n'écarte pas Power Corporation,
Unimédia, c'est comme tel, excepté qu'Unimédia nous avait
donné quelque chose qu'il ne pouvait pas nous donner.
M. CHARRON: Mais vous aviez signé le 14 janvier.
M. GILBERT: Si j'avais vendu le Soleil à M. Francoeur sans avoir
eu de désistement de M. Desmarais, j'aurais été dans l'eau
chaude. Ma vente à M. Francoeur aurait été nulle.
M. LALONDE: Si vous me permettez, M. le Président, si je
comprends bien M. Gilbert, il y avait une défectuosité dans le
contrat au fond. Par le jeu des charges, vous vous êtes trouvés
tous les deux au même rang, en principe, c'est-à-dire tel que
c'était écrit, mais c'est impossible...
M. GILBERT: C'est impossible.
M. LALONDE: ... parce que la date précédente donnait le
rang préférentiel à GESCA ou à Trans-Canada...
M. GILBERT: A Power Corporation.
M. LALONDE: ... à Power Corporation, et, d'après ce que je
peux comprendre, c'est simplement pour régulariser le contrat que vous
avez fait l'amendement.
M. GILBERT: Absolument.
M. LALONDE: Vous n'avez rien perdu parce que vous n'avez jamais rien
eu.
M. GILBERT: Non. On n'a rien perdu excepté qu'on a réussi
à obtenir que pour les actions du Soleil on soit en deuxième.
M. LALONDE: Oui.
M. CHARRON: J'y reviens, M. Gilbert, parce que c'est important
aussi.
M. GILBERT: Pour vous, pas pour moi.
M. CHARRON: De la façon que vous me racontez comment on est
arrivé à rédiger cet amendement qui vous fait passer en
troisième lieu, c'est comme si vous vous disiez au lendemain de la
signature du 14 janvier: Je me suis aperçu que j'avais signé avec
un partenaire qui avait des exigences plus fortes que je ne l'aurais
pensé. Ce partenaire était déjà fortement
lié avec Power Corporation qui occupait déjà le
deuxième rang sur tous ses biens et mon partenaire du contrat de vente a
exigé d'incorporer Power Corporation également, puisque Power
Corporation est deuxième sur tous les biens d'Unimédia. Le Soleil
devenant un bien d'Unimédia, Power Corporation devenait
deuxième.
M. GILBERT: Enlevons le nom de Power Corporation...
M. CHARRON: Desmarais devenait...
M. GILBERT: Enlevons tout cela et disons que c'était la Canada
Life qui aurait eu une débenture de trois millions et demi en
première et qui aurait accepté de tomber deuxième avec la
banque, parce que les banques passent toujours en premier.
Pensez-vous que la Canada Life se serait désistée pour
tomber en troisième, en arrière de nous? Ils sont là en
premier.
M. CHARRON: Si la Canada Life avait déjà eu un contrat de
vente, signé avec vous pour acheter votre journal et qu'elle avait
posé comme condition de son désistement son entrée en
deuxième place, cela aurait été différent.
M. GILBERT: C'est-à-dire que, si nous n'avions pas
été protégé, nous aurions pu dire: Donnez-nous des
garanties supplémentaires. Excepté que, lorsqu'ils nous ont
présenté la chose, nos avocats nous ont dit: C'est vrai, vous
tombez en troisième avec Unimédia, mais, par contre, vous restez
en deuxième pour les actions du Soleil après la banque et,
à ce moment, vous êtes amplement protégé pour vos $3
millions.
M. LALONDE: D'ailleurs...
M. CHARRON: Excusez, je veux juste terminer...
M. LALONDE: Oui.
M. CHARRON: ... pour voir si j'ai bien compris M. Gilbert. Ce qui veut
dire que la dépendance qu'avait antérieurement Unimédia
par rapport à Power Corporation a permis à Power Corporation de
s'inscrire maintenant en deuxième sur les biens du Soleil. Sur les
actions, c'est vous qui êtes encore en deuxième, mais sur les
biens du Soleil, Power Corporation est en deuxième.
M. GILBERT: Quand vous avez un droit sur des actions, les actions sont
les biens, c'est la valeur des actions, parce que ce ne sont pas les biens du
Soleil qui sont possédés par Unimédia; ce sont des actions
du Soleil. C'est un concept très différent.
M. CHARRON: D'accord.
M. GILBERT: Unimédia n'a pas acheté les biens, elle a
acheté les actions du Soleil. Elle n'a pas acheté les actifs et
le passif; elle a acheté les actions du Soleil. Etant donné que
ce sont des actions du Soleil, en ayant des actions du Soleil, j'ai les biens
du Soleil. J'ai le Soleil. Si, demain matin, elle ne fait pas honneur à
ses obligations, la banque dit: Je me fais payer, à ce moment, je vais
m'organiser avec la banque et je vais reprendre le Soleil et je vais m'en aller
avec. Tout le monde va être heureux à ce moment. Je ne pense pas
que cela arrive.
M. LALONDE: Si vous me le permettez, est-ce que Power Corporation a une
charge sur les biens directement du Soleil?
M. GILBERT: Aucune.
M. LALONDE : Je ne crois pas.
M. GILBERT: Aucune. Je viens d'expliquer que, pour la vente du Soleil,
on a vendu les actions à Unimédia.
M. LALONDE: Oui.
M. GILBERT : Unimédia possède les actions.
M. LALONDE: C'est cela. Quant aux actions, Power Corporation ne pouvait
pas exiger une charge parce que c'est un nouvel actif d'Unimédia.
M. GILBERT: C'est cela. Exactement.
M. LALONDE: D'après les contrats existants, les seules charges
spécifiques qu'elle avait, c'est sur les actifs qui existaient avant la
transaction du Soleil...
M. GILBERT: Absolument.
M. LALONDE: ... en plus de la charge générale.
M. GILBERT: Cela se passe à l'intérieur des compagnies. Si
j'achète une bâtisse où, à un certain moment, il y a
un créancier hypothécaire, qui est en première
hypothèque, ce dernier reste en première hypothèque. Je ne
peux pas le débarquer pour un autre. Alors, c'est la même
chose.
M. LALONDE: La créance de $3 millions est rattachée
directement aux actions du Soleil...
M. GILBERT: Oui.
M. LALONDE: ... qui étaient l'objet de la vente.
M. GILBERT : Et les actions comprennent les actifs.
M. CHARRON: M. Desmarais est-il intervenu auprès de vous,
directement ou indirectement, pour obtenir cet amendement du 28 janvier?
M. GILBERT: Aucunement. Je n'ai rien eu de M. Desmarais. Cela s'est fait
par l'entremise des avocats qui, à un moment donné, nous ont fait
part de cette anomalie dans notre contrat.
M. CHARRON: Les avocats de M. Francoeur.
M. GILBERT: A ce moment-là, M. Fran- coeur a dû
réaliser qu'il avait déjà donné sa première
hypothèque ou ses premières garanties.
M. BOURASSA: Est-ce que le jeune financier, le député de
Saint-Jacques, aurait d'autres questions à poser? Si M. Bernard veut
s'asseoir à côté, nous n'avons pas d'objection.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous espérions pouvoir ajourner
à six heures.
M. BOURASSA: Nous allons prolonger de quelques minutes, si vous n'avez
pas d'objection...
M. GILBERT: Je n'ai pas d'objection à finir mon
témoignage.
M. BOURASSA: ... de manière à pouvoir ajourner.
M. BONNIER: Si vous le permettez, je voudrais faire juste une remarque
par rapport au consortium, quitte à revenir sur cette question qui est
assez importante aussi. On a donné l'impression au cours des
délibérations que l'idée du consortium, ce n'était
pas très sérieux. Moi, je pense que c'est important qu'on examine
cela de plus près parce que cela aurait pu être sérieux.
Peut-être que, dans ce cas-ci, ça ne s'est pas
matérialisé, mais ce n'est quand même pas une idée
qu'il faudrait peut-être dans d'autres circonstances mettre de
côté. M. Gilbert, si cela avait été possible pour
vous je comprends que vous aviez des intérêts financiers,
des intérêts qui n'entraient pas et du manque à gagner,
dans le fond d'attendre, je ne sais pas, une semaine ou deux, j'ai
l'impression que le consortium, pour ce que j'en sais, aurait probablement pu
se matérialiser et, à ce moment-là, vous auriez
peut-être touché un certain montant comptant plus
intéressant que ce que vous avez eu.
Je ne voudrais pas qu'on laisse l'impression chez le public et dans le
journal des Débats que l'idée du consortium n'était pas
une idée sérieuse. A mon avis, cela aurait pu fonctionner.
M. GILBERT: L'idée du consortium était sérieuse au
début. Je pense qu'elle l'était. Nous l'avons acceptée
avec réticence parce que, tout de même, on restait à 40
p.c. Je ne dis pas qu'elle n'était pas sérieuse. Cette
idée, nous l'avons même eue avant le gouvernement parce que nous
sommes allés voir les caisses populaires, la Laurentienne et
l'Industrielle pour former un groupe, à Québec; on était
intéressé à rester pour 25 p.c. dans le groupe avant qu'on
vende à Power Corporation et toutes ces choses.
Mais c'est malheureux que les gens de ces compagnies n'aient pas un
esprit de décision plus rapide.
LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de
Trois-Rivières.
M. BACON: On parle du consortium depuis une bonne partie de la
séance. Dans vos discussions avec le consortium, quel que soit le moment
dans toutes vos transactions, est-ce qu'il y a quelqu'un dans le consortium qui
a tenté ou qui a posé un geste pour prendre au moins une option
d'achat sur vos actions?
M. GILBERT: Personne. M. BACON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, si les membres de la
commission n'ont plus de... L'honorable premier ministre.
M. BOURASSA: Moi, j'ai juste une remarque. Je dois m'excuser, M. le
Président, j'ai mal informé la commission parlementaire sur le
communiqué du 28 août. J'ai dit qu'il n'y avait eu aucun
communiqué le 28 août. Il y a eu un communiqué le 28
août, mais cela ne portait pas sur le sujet en question. Cela portait sur
le refus de publier le budget d'un Québec indépendant et le geste
le plus malhonnête jamais posé par le Parti
québécois depuis sa fondation. Alors, c'est cela...
M. CHARRON: II préparait bien plus ses élections qu'il
s'occupait du Soleil.
M. BOURASSA: C'est à la suite de cela qu'ils ont publié
leur budget et les seuls qui ont été élus ce sont ceux qui
n'en ont pas parlé.
Prochains travaux
M. CHARRON: M. le Président, d'abord je voudrais remercier M.
Gilbert d'avoir répondu à nos questions. Avant l'ajournement je
voudrais qu'on clarifie les travaux ultérieurs de la commission parce
qu'il y a d'autres témoins que nous devons entendre. Normalement nous
aurions été prêts ce soir à travailler avec M.
Péladeau que nous devons entendre, ou M. Desmarais ou les autres que
nous avions demandés...
M. BOURASSA: Est-ce que tout le monde a terminé avec M.
Gilbert?
M. CHARRON: Pour ma part, oui, M. le Président.
M.BOURASSA: D'accord! Merci, M. Gilbert.
M. GILBERT: Merci.
M. BOURASSA: J'aviserai le leader parlementaire, le député
de Maisonneuve, probablement la semaine prochaine.
M. CHARRON: Est-ce qu'on peut s'entendre sur le témoignage du
président de Québécor?
M. BOURASSA: Je n'ai pas d'objection. M. Péladeau m'a dit qu'il
était prêt.
M. CHARRON: Je le sais. M. Desmarais aussi éventuellement.
Peut-être les deux dans la même journée?
M. BOURASSA: Nous allons reprendre avec M. Francoeur, il va être
ici la semaine prochaine.
M. CHARRON: II serait préférable de continuer avec M.
Péladeau immédiatement et...
M. BOURASSA: M. Péladeau n'est pas partie à la
transaction. Il me semble logique d'entendre M. Francoeur qui a fait la
transaction en plus de cela.
M. SAMSON: Je suis absolument d'accord sur ce principe, celui d'entendre
les parties intéressées d'abord. Après cela, on n'a pas
d'objection à en entendre d'autres.
M. CHARRON: D'accord, mais je suis...
M. BOURASSA: On sera rendu au mois de juillet à ce moment.
M. CHARRON: C'est vous qui déterminez le calendrier; nous, on a
été disponible tout au cours du mois de février.
Normalement, on aurait pu avoir...
M. BOURASSA: Vous êtes tellement disponibles que vous êtes
seul aujourd'hui.
M. CHARRON: Moi, je suis disponible pour venir ici deux ou trois jours
par semaine pour faire la lumière sur cette transaction.
M. BOURASSA: Et nos électeurs?
M. CHARRON: C'est aussi pour les électeurs de mon comté
que je travaille ici.
M. BOURASSA: J'imagine, ils ne doivent pas en dormir la nuit.
M. CHARRON : J'ai demandé au premier ministre, de la façon
que vient de suggérer le député de Rouyn-Noranda, si on
doit procéder par étapes. La première étape
était le 11 septembre, avec Power Corporation. A ce moment-là, on
est mieux de fonctionner avec M. Desmarais avant d'avoir M. Francoeur, qui
n'est intervenu que très tard dans le dossier. Le premier contrat de
vente qu'on a, qui était valide jusqu'au 14 janvier dernier, c'est celui
de M. Desmarais.
M. SAMSON: M. le Président, quant à nous, nous ne
partageons pas cette opinion. Ce que nous avons à étudier, c'est
la vente qui a effectivement eu lieu, pas celle qui aurait pu avoir lieu; c'est
celle qui a eu lieu. Ce pour quoi
on a été convoqué, c'est pour déterminer,
à l'étude de ce dossier, si cette vente qui a eu lieu n'a pas
été faite à un prête-nom. C'est ce qu'on a à
déterminer. C'est pourquoi nous sommes d'accord pour entendre les
parties intéressées directement à la vente d'abord. Cela
ne veut pas dire qu'on s'opposerait à en entendre d'autres, mais je ne
vois pas pourquoi on amènerait devant la commission des gens qui n'ont
pas été parties à la vente alors qu'on n'entend pas ceux
qui sont directement intéressés. Je veux entendre ceux qui sont
intéressés à la vente d'abord et après ça,
si vous calculez qu'il serait bon d'en entendre d'autres, on a pas d'objection
mais, pour le moment, on veut entendre les intéressés.
M. BOURASSA: Je vais communiquer...
M. CHARRON : Je préfère toujours entendre M.
Desmarais.
M. BOURASSA: D'accord. Tous les autres partis préfèrent
entendre d'abord la partie à la vente, M. Francoeur.
M. SAMSON: Ceux qui ont signé le contrat.
M. BOURASSA: Si le député veut se rallier à
cette...
M. CHARRON: Je ne me rallie pas.
M. BOURASSA: Est-ce que le député exige un vote?
M. CHARRON: Oui!
LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 18 h 10)