(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate quorum des membres de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Donc, je déclare la séance ouverte en rappelant le mandat de la commission.
La commission est réunie afin de procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gaudreault (Jonquière) remplace M. Charette (Deux-Montagnes).
Auditions (suite)
Le Président (M. Kelley): Bienvenue parmi nous, cher collègue. Et, merci beaucoup, c'est un plaisir pour nous autres d'être... C'est notre quatrième arrêt sur notre tournée sur cette question, à travers le Québec. Nous avons déjà visité Montréal, Trois-Rivières, Québec. Alors, la quatrième visite, c'est ici, à Saguenay, aujourd'hui. On voit qu'il y a beaucoup d'intérêt dans la population. On est très enchantés par ce fait.
On a deux témoins pour ce matin. Alors, il y aura le temps pour faire la présentation, suivie par une période d'échange avec les membres de la commission. Il y aura d'autres témoins cet après-midi. Et, à la fin, vers 15 heures, il y aura une période de micro ouvert. Alors, s'il y a des personnes dans la salle qui n'ont pas écrit un mémoire mais qui veulent faire une courte présentation sur les questions, les enjeux de... les conditions entourant la fin de vie, il y aura un moment de micro ouvert, si vous voulez, où vous aurez l'occasion de vous exprimer.
Alors, sans plus tarder, je vais demander à notre premier témoin, qui est le Collectif de femmes engagées d'Alma, représenté par Mme Gisèle Gobeil et Mme Lucie Harvey, de prendre place ici, à la table. Alors, est-ce que c'est Mme Gobeil ou Harvey qui va commencer?
Collectif de femmes engagées d'Alma
Mme Gobeil (Gisèle): Je commence. Mme Gobeil.
**(10 h 10)**Le Président (M. Kelley): O.K. Parfait. Mme Gobeil. Et, si vous pouvez identifier les autres madames à la table, s'il vous plaît.
Mme Gobeil (Gisèle): Oui. Ici, m'accompagne Mme Lucie Harvey.
Mme Harvey (Lucie): Bonjour.
Mme Gobeil (Gisèle): Ici, Mme Jeanne d'Arc Fortin et, tout derrière, les autres membres du collectif, Mme Antoinette Dion, et Mme Georgette Beaulieu, et Jeanne d'Arc Tremblay, et moi-même, Gisèle.
Le Président (M. Kelley): Bienvenue.
Mme Gobeil (Gisèle): Alors, je commence par vous remercier de votre accueil et de votre écoute. Alors, notre collectif est composé de six dames retraitées, infirmières retraitées qui ont donné leur vie pour le soin des personnes, et d'une éducatrice psychologue qui a aussi, toute sa vie, favorisé le développement des personnes. À nous sept... à nous six, nous totalisons tout près de 200 ans de soins à la personne et d'éducation à l'épanouissement. Nous sommes encore très engagées dans le domaine communautaire et surtout dans des associations pour la défense des droits humains.
Alors, c'est cette expérience et ce cheminement qui nous amènent à prononcer... à annoncer un non, un non sans équivoque à la législation de l'euthanasie. Nous nous basons tout d'abord sur le droit à la vie et sur le respect de la dignité. Cette grande consultation le remet en question, ce droit inaliénable à la vie. C'est un droit qui est premier, qui est inaltérable, parce que, soyons d'accord, lorsque nous sommes morts, nos droits ne nous valent pas grand-chose. Et, dans sa formulation même, il y a interdiction de l'homicide.
Rappelons que l'évolution de la race humaine est un parcours millénaire dans lequel l'être humain s'est libéré progressivement de bien des dangers, des esclavages, des dominations, des maladies pour accéder à une vie relativement digne et libre. Si, par cette même logique d'évolution, la société se redonne le droit de mort sur certains de ses membres, alors on pourrait presque dire que le processus d'évolution devient cancéreux parce que, dans le cancer, c'est la prolifération de cellules rebelles, des cellules nuisibles qui obstrue la présence des cellules libres.
Dans nos remarques, nous voulons cependant respecter en tous points la position des personnes qui diffèrent de notre position. Voici quelques remarques et questionnements. Dans le document de consultation et dans les débats publics, dans les articles, beaucoup de formulations restent ambiguës, ambivalentes, parfois même tendancieuses. En tout cas, soyons d'accord qu'il y a plein d'euphémismes, malgré la recherche de clarté et de précision, la définition n'est pas toujours aussi claire, et même les professionnels ne sont pas vraiment d'accord. Alors, comment le simple citoyen comme nous pourra faire une distinction suffisante et un choix éclairé s'il a à se prononcer? La question est très importante. Par exemple, l'expression l'«aide à mourir», dans un certain contexte, celui des soins palliatifs, elle peut exprimer l'assistance visant à bien traverser l'étape du mourir, alors que, dans une autre phrase, les mots signifient «administration d'une substance létale pour entraîner la mort».
Le législateur, à ce moment, s'appuie sur les sondages pour justifier le grand débat, les grands titres dans les journaux: Québécois en faveur à 75 % pour la légalisation de l'euthanasie. Et c'était la question: Voulez-vous bien mourir? Voulez-vous que ce soit dans la dignité, le soulagement de la souffrance? Voulez-vous l'euthanasie? Bien sûr, les gens répondent: Oui, oui, abolissez la souffrance, cessez de prolonger l'enfer, soulagez le mourant. Cependant, si on posait plus carrément la question: Voulez-vous que l'on tue votre parent, que l'on mette fin à sa vie? ou encore même à la personne mourante, peut-être que les réponses seraient différentes. Et on sait, au Québec, combien il est important d'avoir une question claire.
Le titre lui-même de la commission mourir dans la dignité nous laisse perplexes. Que signifie cette dignité humaine qui nécessite le recours à une solution de mort provoquée intentionnellement pour mettre fin aux souffrances, à la vie? Est-ce qu'il est indigne de souffrir quand on est vivant, surtout quand on peut avoir recours à des médications qui sont disponibles pour soulager de façon très efficace et surtout qui sont réversibles? Est-ce qu'il est indigne d'être conscient et inquiet quand le moment de partir est venu? Est-ce qu'il est indigne d'être comateux? Est-ce qu'il est plus digne de recourir à des moyens irréversibles et drastiques? Et ceux qui refuseront l'euthanasie seront-ils indignes? Dans la formulation même du titre, nous reconnaissons presque un sophisme, c'est-à-dire un raisonnement qui apparaît vrai mais dont un élément est faux et qui souvent va induire en erreur. Il faudrait, à ce moment, mettre en premier lieu cette réflexion sur la définition de la dignité humaine.
L'euthanasie s'argumente de compassion pour la personne en fin de vie: La délivrer de son martyr pour son bien. Rappelons que la compassion est un sentiment de partage: «com-», qui veut dire «avec», «souffrir avec». Et qui veut-on donc soulager dans le recours à l'euthanasie? Comment gérer notre compassion? Notre société a peur de la mort, une peur maladive. On fait tout pour l'occulter, pour la réduire même à un seul instant qui souvent est vide. Plutôt que de légaliser l'euthanasie sous prétexte que la mort est indigne, surtout si elle est souffrante, ne vaudrait-il pas mieux démystifier la mort, reposer la question centrale de la définition de la personne, de l'humanité, du sens de la vie, de la valeur de la personne humaine? Question philosophique, bien sûr, mais pourquoi discutons-nous s'il n'y a pas lieu de philosophie? Le matérialisme exclut toute autre définition que lui-même. Est-ce qu'il saura donner plus de dignité, de compassion à l'humain? Est-ce que.. Et la grande question de base se veut-elle une dérive de l'intelligence ou cette pente glissante où on... comment on peut définir l'altruisme?
Parlons des soins en fin de vie, que l'on appelle aussi les soins palliatifs. C'est le deuxième élément qui est évoqué tout de suite après la parole de la loi. Le texte reconnaît l'existence de même que l'expertise et l'efficacité de tels soins, d'une approche axée sur le soulagement et le confort. Cependant, on souligne que le constat de ces soins palliatifs: sont trop peu accessibles, trop complexes, même coûteux. Il est curieux et même inquiétant, à ce moment, de se voir réfléchir sur la légalisation de l'euthanasie, solution plus sûre, moins coûteuse, accessible, moins complexe.
Pourquoi encore remettre en question la possibilité de la sédation palliative ou même de la sédation terminale? Quelle répugnance notre compassion nous fait-elle remettre en doute la dignité de telles approches? N'est-il pas tendancieux de mettre la sédation, dont le but est de soulager, en parallèle avec l'euthanasie, dont le but est de causer la mort?
**(10 h 20)** Est-ce qu'on devrait oser questionner les réelles motivations cachées et inconscientes qui guident cette législation? Il est presque gênant de les penser. Ce serait pour réduire des coûts sociaux? Des cercueils au lieu des lits prolongés? Un genre... une race parfaite, épurée, belle, jeune, forte et surtout utile à un prix moindre, pas de fardeau encombrant. Et, lorsqu'on lit dans le texte préparé pour la consultation, certains estiment qu'il faudrait considérer la question de façon plus large, que l'euthanasie balisée ferait partie des soins appropriés en fin de vie, au même titre que les soins palliatifs. Le «certains» en question, ce serait le Collège des médecins.
La phrase est terrible, oui, la phrase terrible: On ne peut plus rien faire pour vous. Est-ce qu'on pourrait lui ajouter une proposition subordonnée: à moins que l'euthanasie ne règle votre cas? Un tel discours est-il plus digne ou plutôt morbide? Comment peut-on penser logiquement que mettre fin à la vie de quelqu'un peut être considéré comme un soin? «Soin» veut dire «sauvegarder». Il faudrait tout au moins utiliser l'expression «intervention», «solution».
Et le suicide assisté maintenant. En quoi l'euthanasie est-elle fondamentalement différente du suicide assisté? Dans les deux cas, la mort est souhaitée, demandée, recherchée par la personne elle-même, et c'est cette volonté de mourir qui ferait la distinction entre cette mort provoquée et reconnue légitime et le meurtre légalisé, autorisé, prémédité. Dans les deux cas, la personne aussi a besoin d'être aidée, mettons assistée par un moyen. Elle a besoin d'un moyen, soit la dose létale administrée par un professionnel de la santé ou bien l'arme ou la corde données par un tierce personne, par un neveu, par exemple. Dans les deux cas, l'aide à mourir, c'est-à-dire à mettre un terme à sa vie, elle est présente. Il y a là comme une distorsion mentale, ou légale, ou peureuse qui nous conduit à opposer les deux. Serait-ce le caractère de violence qui accompagne le suicide qui nous le rend répugnant ou inadmissible, indigne de l'humain? Peut-être a-t-on peur des choix capricieux.
Et là, dans l'impasse, le compromis allégué pour la société médicale, qui se sent un peu comme prise en otage, semble tenir dans les fameux mots «balises», «critères», «conditions», «réglementations». Cependant, la justification de l'acte de mettre fin à la vie s'édifie sur l'affirmation du droit de la personne concernant sa liberté incontestable, son droit à l'autonomie. C'est elle qui doit le demander de façon claire, lucide, éclairée, sans équivoque et à plusieurs reprises. Quand cette première et irréductible condition est présente, pourquoi aurait-on besoin alors d'établir d'autres conditions ou d'autres balises permettant d'accepter ou de refuser cette demande reconnue légitime et humainement digne? Pourquoi alors tant de critères pour restreindre cette liberté? D'un côté, on reconnaît le droit inaliénable sur sa propre vie et, de l'autre, on se donne le droit de le lui refuser. Un tel raisonnement semble balisé pour induire une tautologie: un chat est peut-être un chat mais n'est pas un chat. Le consentement de la personne, c'est un vrai consentement si ce consentement est consenti par la personne qui détient le moyen. Ces balises risquent beaucoup plus de banaliser le sujet.
Le questionnaire en ligne nous a laissés perplexes aussi. La première question à laquelle nous nous attendions de répondre: En quoi consisterait, pour vous, la mort dans la dignité? Et c'est à la troisième question seulement que l'on peut répondre que nous sommes contre et, à ce moment, nous ne pouvons plus répondre aux autres questions parce que toutes les autres questions concernent une légalisation qui serait là. Nous avons tenté de répondre aux questions, il y avait beaucoup de bonne volonté, les connaissances que nous avons, mais nous étions incapables, les questions biaisaient notre réflexion. Et on voit justement, à la première question, qu'on dit: Y a-t-il des circonstances où la légalisation est possible? C'est le mode indicatif, alors qu'on aurait pu utiliser le monde conditionnel «serait possible».
Comment peut-on donner un avis sans avoir vécu une expérience, sans connaître les lois, les chartes qui nous régissent? Ce n'est pas une simple discussion de salon; l'impact est trop important. Il faut s'assurer que les personnes comprennent bien les mots, les termes, les tenants et les aboutissants de leurs réponses. L'euthanasie n'est pas un souhait et n'en sera jamais un, c'est un acte volontaire d'enlever la vie à une personne consentante, peut-être pour la libérer -- sûrement, nous l'espérons -- mais, attention, le dérapage est facile et les abus aussi.
En résumé, nous considérons que le questionnement et la consultation nous semblent s'enliser faussement. La première question essentielle n'est pas sur le comment, mais sur le qui et sur le quoi. Le qui, c'est la personne humaine vivante. Le quoi, c'est la mort intentionnelle acceptée. Le pourquoi réel, au nom de quelle dignité, de quelle compassion? Ou jusqu'où va la liberté? On se gargarise peut-être de grands mots humanitaires, alors que, tout près, on va laisser la pauvreté ronger la vie des citoyens, des sommes indécentes allouées au jeu, à la culture. La répartition n'est pas toujours équitable, les valeurs humaines ne sont pas les mêmes pour tous, et surtout, dans la collectivité, de laisser planer cette idée dans la psyché collective que la mort sous certaines conditions pouvait être donnée aux autres, alors qu'on a refusé la peine de mort.
Alors, comme pistes de solution: investir notre énergie et les coûts dans des politiques de soins pour le bien-être et l'épanouissement humain, et même à travers cette expérience inhérente à la vie que constitue l'étape du mourir; favoriser le développement de maisons de soins palliatifs, des soins de longue durée; informer et former tous les intervenants et les citoyens eux-mêmes pour qu'ils vivent bien cette étape de la mort de leurs proches et la leur; revoir, définir, réexpliquer nos concepts de base dans un contexte éthique, et ça, c'est bon pour toute la politique; éviter de laisser glisser la médecine humaine vers la pratique vétérinaire. L'humain est un animal raisonnable, admettons-le, mais pourquoi discuter s'il n'y a pas de différence irréfutable entre les deux espèces?
Nous devons axer notre recherche sur une approche humanisante de la personne, surtout celle qui est souffrante, vulnérable, et surtout développer la communication, l'écoute, l'accueil inconditionnel de notre humanité. Ce n'est pas lié à des balises qui déterminent en bout de ligne le caractère humain que l'on accordera à une personne.
En conclusion, s'il a fallu des siècles pour que l'humain soit ce qu'il est aujourd'hui, ne revenons pas en arrière en le déshumanisant. Un besoin individuel ne doit pas supplanter un besoin collectif. Merci de votre écoute.
**(10 h 30)**Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Gobeil. Avant de passer la parole à mes collègues, juste une couple de précisions. Parce que, dans votre mémoire, vous avez parlé de la législation, et il n'y a pas de législation. Et, je pense, c'est très important qu'on fait une consultation sur toutes les conditions entourant la fin de vie, pas uniquement la question d'euthanasie et le suicide assisté. Alors, je pense, c'est une précision très importante. Vous avez abordé les questions touchant les soins palliatifs qui font partie de notre réflexion. Mais il n'y a pas de projet de loi, il n'y a pas de législation en préparation. Mais on était...
Parce que, mon deuxième point, vous avez évoqué les sondages, et ce n'est pas les sondages qui ont eu influence sur l'Assemblée nationale, c'est plutôt les interpellations du Collège des médecins, entre autres, qui a dit: On a des questions, on a des suggestions. Et c'est pourquoi les membres de la commission ont consulté des experts ce printemps. Il y avait une trentaine de personnes de toutes sortes qui sont venues pour nous guider dans la formulation de nos questions et dans le document de consultation. S'il reste des erreurs, c'est de notre faute et ce n'est pas la faute des experts. Mais nous avons trouvé que toutes ces questions, et pas uniquement les questions précises sur l'euthanasie, méritent une réflexion comme société.
La dernière fois que la société canadienne a abordé cette question, c'était devant les tribunaux. Et on peut toujours faire une approche devant les tribunaux, et c'est les juges et les avocats qui font le débat, mais, vu que ça touche les citoyens, ça touche l'ensemble des familles québécoises, l'Assemblée nationale et les quatre formations politiques ont voté unanimement pour faire cette réflexion parce qu'on trouve que ce sont des questions qui sont très importantes.
Alors, je veux juste faire ces précisions quant à nos intentions comme parlementaires. Ce n'est pas qu'on a un projet de loi qui est dans mes poches, caché, qu'on va publier demain matin, c'est loin de ça, ce n'est pas le cas du tout. Mais la fin de vie, c'est une période intense, riche d'émotions dans nos vies. La perte de nos parents, des proches sont des choses qui touchent toutes les familles québécoises à un moment où à un autre, et nous avons jugé bon, comme parlementaires, de faire une réflexion, d'aller sur le terrain rencontrer les personnes, alors huit villes en addition de tous nos autres devoirs comme parlementaires. Ça tombe bien pour le député de Jonquière aujourd'hui parce qu'on n'est pas loin de chez lui, mais, pour ma collègue qui est la députée de Hull, ou des Îles-de-la-Madeleine, ou d'Orford, ou Joliette, on est loin de chez nous. Mais on trouve que ça, c'est une question qui est très importante.
Alors, je veux juste mettre cette mise au point quant à nos intentions, parce que c'est des questions qui sont très importantes. Il y avait quelques commentaires dans votre document que je veux juste faire ces précisions.
Alors, la première demande d'intervention, c'est mon collègue d'Orford, qui est ici. Et on a eu le plaisir de rencontrer sa mère, qui est de la région. Alors, bienvenue, Mme Reid. Et, cher collègue, la parole est à vous.
M. Reid: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, vous avez dit que le député d'Orford se sentait loin de chez lui. Ce n'est pas le cas. Je me sens tout à fait chez moi ici. Je suis un petit gars de Jonquière, puis même ma mère est venue me surveiller pour voir si je faisais ça comme il faut aujourd'hui.
Je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue et vous dire qu'on est toujours très intéressés quand on sent que les gens ont pris la peine de réfléchir, d'écrire, de pondérer ce qu'ils disent. Malgré ça, il y a certaines questions, il y a certains commentaires... Il y a des choses évidemment où on écoute toutes les opinions puis on ne se prononce pas à savoir si c'est bon ou pas bon, ce n'est pas ça, la question, parce qu'on est là pour entendre ce que les Québécois et les Québécoises ont à dire. Et il y a des opinions évidemment qui, d'un intervenant à un autre, sont contradictoires; il y a des choses qui sont tout à fait dans le même sens.
Je pense, par exemple, que vos recommandations, à la fin, la majorité de vos recommandations vont probablement dans le sens de ce que la majorité des intervenants nous ont dit aussi. Par contre, j'aimerais souligner un point fondamental où il y a des divergences -- et il y en a qui sont d'accord avec vous, d'autres qui ne le sont pas -- c'est la question des libertés individuelles ou du besoin commun ou collectif versus le besoin individuel.
Et, avant de poser ma question, qui est basée surtout sur votre conclusion, je voudrais revenir sur votre paragraphe G -- et le président en a parlé un peu -- parce que vous parlez d'une législation. Mais, moi, j'aimerais relire ce paragraphe-là avec vous: «Devrait-on oser questionner ou remettre en question les réelles motivations, cachées ou inconscientes, qui guident cette législation...» Comme c'est une commission, est-ce que je suis obligé de lire «qui guident les membres de la commission»? Et là les réelles motivations pourraient être, selon vous, de «réduire les coûts sociaux»; de remplacer les lits prolongés par des cercueils après avoir tué les personnes, si je comprends bien; de créer «une race genre "parfaite" [...] à la Hitler». Là, on retrouve évidemment le choix de mots, qui est peut-être une erreur de votre part, mais de l'euthanasie qui est associée généralement plutôt aux excès et aux horreurs d'Hitler. Mais, en fait, l'objectif ici, ce n'est pas ça évidemment, mais vous soulignez que ça pourrait être des motivations ou encore que... est-ce que c'est parce qu'on veut se débarrasser «de fardeaux lourds et embarrassants»?
Moi, je peux vous dire sans me tromper, au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale qui ont voté pour qu'on fasse cette commission et de tous les membres de la commission, que ça n'a aucune espèce de rapport avec nos motivations. Nos motivations sont claires. Les Québécois se questionnent, on a fait le tour puis on s'est dit: Bon, bien, on va essayer de trouver une façon de permettre par différents moyens à tous les Québécois et les Québécoises qui le souhaitent de donner leur opinion. Et, ma foi, la présence qu'on a ici, aujourd'hui, souligne que c'est probablement un problème qui intéresse beaucoup de Québécois et de Québécoises.
Ma question, elle est liée au fait qu'on entend des opinions assez divergentes concernant ce que vous appelez, à la fin de votre conclusion, «le besoin individuel ne doit pas supplanter le besoin collectif». On comprend qu'avec votre passé extraordinaire de personnes qui ont passé leur vie à soigner puis à aider, etc. -- vous devez avoir gagné votre ciel plusieurs fois, là -- on comprend que ce que vous dites, c'est qu'on ne doit pas imposer la mort à quelqu'un. Mais ce qui me fatigue un petit peu sur le plan de la contradiction éventuellement, c'est qu'il y a des gens qui sont favorables... pas des gens qu'on a entendus, mais, dans l'histoire, il y a des gens qui ont été favorables à imposer la mort à du monde et ils utilisaient justement cet argument que le besoin individuel ne doit pas supplanter le besoin collectif. Autrement dit, la majorité... les gens qui ne contribuent plus à la majorité devraient disparaître. Il y en a qui ont dit ça dans l'histoire, Hitler en particulier. Et votre expression, ici, là, et je ne pense pas que ça soit ça que vous vouliez dire, mais il faut peut-être souligner qu'elle est utilisée aussi par des gens qui disent le contraire de ce que vous dites.
Autrement dit, le besoin collectif est plus important que le besoin individuel, les libertés individuelles sont soumises à la liberté de société, ça veut dire que, si la société décide que tu n'as plus d'affaire à vivre, il y en a qui disent: On devrait mettre fin à tes jours. Ce n'est évidemment pas ce que l'on dit personne, ce n'est pas ce que vous dites. Mais ça, ça nous remet dans le débat de la liberté individuelle versus la liberté... ou versus le besoin commun et collectif. Puis c'est un débat continuel dans une société, parce que, si on regarde, sur les routes, si on permet à tout le monde d'aller à la vitesse qu'on veut, bien, évidemment, là, on brime le besoin collectif, qui est aussi un besoin individuel, de pouvoir être en sécurité sur la route.
Mais, dans le contexte ici, on a, par exemple, le Barreau du Québec, la FADOQ aussi, qui s'est prononcée plutôt... et le Barreau directement, la FADOQ plutôt en faveur de dire: La personne âgée, souvent vulnérable, c'est sa volonté qui est la plus importante, ce n'est pas la volonté de tout le monde autour d'elle qui décide, oui ou non, telle affaire. Et, dans ce sens-là, eux utilisent l'argument que... cet argument-là pour dire que justement on ne doit pas imposer ni la mort ni l'impossibilité de mettre fin à une souffrance épouvantable à quelqu'un, ça devrait être sa décision première de faire ça.
Et j'ai du mal à voir où vous vous situez exactement là-dedans. Parce que vous dites aussi, vous expliquez un petit peu, dans un paragraphe, que la personne, c'est sa décision fondamentale, mais en même temps, vous dites: C'est le besoin collectif, donc c'est une décision collective et non pas la décision de la personne quand on parle de... quand on parle de vivre, il n'y a pas de problème, mais quand on parle de mettre fin à une souffrance, par exemple. Alors, j'aimerais ça que vous nous donniez un peu plus d'éclaircissements là-dessus et où vous vous situez dans ce débat à savoir: Est-ce que c'est la personne, âgée en particulier, souvent malade et qui veut mettre fin à une souffrance... est-ce que c'est sa décision à elle qui est importante ou c'est la décision de tout le monde autour, en particulier le corps médical et le corps de la santé?
Mme Gobeil (Gisèle): Je vous dirai tout d'abord que je suis la seule dans le groupe qui n'est pas infirmière, qui n'a pas les mots exacts de la médication, et tout ça. C'est moi la psychologue du groupe. Alors, la première réponse que je vous donnerais, d'après ce que les compagnes m'expliquent, c'est qu'il y a une autre solution que la mort provoquée intentionnellement. Parce que l'euthanasie, c'est de ça dont il est question présentement. Il ne faut pas se leurrer sur les mots. Quand la personne demande à mourir, est-ce qu'elle demande à ce qu'on mette fin à sa vie ou si elle demande qu'on soulage sa souffrance? Or, il existe présentement, à ce qu'on me dit et ce que... je l'espère, des médications très efficaces, presque toujours efficaces. À ce moment-là, la personne qui souffre est, dans sa vie à elle... et qui individuellement demande que ça cesse, on peut lui répondre à sa demande, mais sans introduire dans notre code légal, universel, en tout cas, pour tout le monde, cette notion qu'il est possible parfois de mettre fin à la vie d'une personne en toute légalité. Alors, on refuse, on questionne énormément la peine de mort en se disant qu'il peut y avoir des erreurs, que... Pour qui nous prenons-nous pour imposer au criminel ce qu'il a lui-même imposé à ses victimes? Alors là, ce n'est pas tout à fait les mêmes choses, il n'est pas question de victime ni de crime, mais c'est dans les mots eux-mêmes et dans l'acte, dans l'intention. Et puis je voudrais bien que les autres puissent ajouter, si vous permettez.
**(10 h 40)**Le Président (M. Kelley): ...Mme Harvey.
Mme Harvey (Lucie): Alors, c'est ça, c'est que le choix individuel d'une personne de désirer... c'est surtout... C'est parce qu'on fait souvent... on mélange souvent justement la souffrance et la mort. Effectivement, on peut soulager, dans la majorité des cas, on peut soulager la souffrance. Quand la souffrance est soulagée, c'est rare que la personne va demander la mort. Ce n'est pas coupé au couteau, mais en général c'est ça. La majorité des gens ne veulent pas souffrir. Alors, quand on règle le problème de la souffrance, on peut leur dire: On peut vous apporter du confort, vous soulager puis que ça se fait, on ne parle plus de mort. Ils veulent mourir parce qu'ils souffrent, ils veulent que ça arrête, ils veulent que ça finisse, ça, cette souffrance-là. Pourquoi j'ai tant à souffrir pour mourir? Alors, quand la souffrance est soulagée, bien la mort s'en vient naturellement.
Puis, moi, par expérience, je ne me souviens pas d'avoir rencontré des gens, là, qui, même une fois soulagés, voulaient... Ils veulent mourir, ils savent que ça va finir, mais de dire, là: Je veux... finissez-en, là, non. En tout cas, moi, mon expérience, là, c'est vraiment soulager la douleur pendant cette période qui est difficile. Parce que la plupart veulent être entourés de leur famille, avoir de l'amour autour d'eux, être confortables, puis, quand ils ont ça, là, la mort, je pense qu'elle est digne. Si on veut parler de dignité, c'est à ça qu'on veut en venir, c'est d'avoir la possibilité de parler avec notre famille, nos proches, les gens qui se sont occupés de nous, les gens... des fois, les bénévoles qui s'occupent de nous pour en arriver à partir tout doucement. Pour moi, c'est ça, là, mourir...
Une voix: Merci.
Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Chevarie: Merci, M. le Président. D'abord, bravo pour vos heures de service, le temps passé auprès des malades et des personnes qui sont en difficulté dans le réseau de la santé et des services sociaux. J'ai été 32 ans dans le réseau de la santé et des services sociaux, je suis à même de constater comment les professionnels, en particulier les infirmières, les médecins, les éducatrices, sont si importants dans notre système de santé. J'aimerais aussi vous remercier pour votre présence ici, d'avoir pris du temps, d'avoir réfléchi et partagé votre expérience et votre point de vue aux membres de cette commission.
Je salue également votre courage pour votre opinion qui est sans équivoque malgré qu'on a un sujet extrêmement délicat, complexe, difficile, qui interpelle nos valeurs personnelles, des valeurs d'éthique, nos valeurs religieuses, nos valeurs professionnelles, et, pour certains, des valeurs médicales. Alors, je salue votre courage d'être sans équivoque par rapport à la légalisation de l'euthanasie.
Vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire, que la société moderne affiche une peur maladive de la mort. Je pense que c'est vrai, mais souvent, les personnes, ce qu'on a entendu beaucoup lors de cette commission jusqu'à présent, c'est surtout... ce n'est pas uniquement la mort qui fait peur, c'est toute l'étape qui précède la mort. Et, pour certaines personnes, c'est se voir confrontées à une grande perte d'autonomie, à une perte d'estime de soi, à de la déchéance humaine, et c'est beaucoup ça qui effraie, beaucoup plus que la mort comme telle, qui... La mort, c'est le dernier souffle de la personne. Et ça, ça inquiète beaucoup les gens, et je pense que ça questionne beaucoup Et les personnes qui sont plutôt favorables ou les groupes qui sont plutôt favorables, c'est plus pour diminuer ces étapes-là qui précèdent la mort et qui portent vraiment atteinte à la dignité de la personne.
Moi, j'aimerais vous entendre particulièrement pour le groupe de personnes -- et il y en a beaucoup -- qui sont aux prises avec des maladies dégénératives, sclérose en plaques, la dystrophie musculaire, la maladie de Lou Gehrig, ce qui est vraiment très difficile à vivre pour eux, surtout à un certain niveau de la maladie où chaque jour est vraiment un grand défi pour ces personnes-là et entraîne de plus en plus une déchéance humaine. Comment est-ce que vous réagissez à ces demandes de ces personnes-là qui implorent les membres de la commission de recommander la légalisation de l'euthanasie ou du suicide assisté?
Le Président (M. Kelley): Mme Gobeil.
Mme Gobeil (Gisèle): À mon avis bien, bien personnel, je pense que c'est là la grande, grande, grande question. En fin de vie, disons, pour les personnes, vous disiez, qui se voient en déchéance, qui... Moi, l'image qui me revient souvent pour avoir été auprès de mourants, c'est de les voir la bouche toute grande ouverte, là, qu'ils essayent de prendre leur respir. Je voulais demander à mes enfants qu'ils essayent justement de me faire fermer la bouche, là, pour que je sois un petit peu plus jolie à voir.
Mais cet état, il est transitoire. On sait qu'il sera question peut-être de jours, de semaines, mais, là où l'état dure, comme vous parlez justement des personnes qui ne sont pas en fin de vie, dont la maladie incurable n'est pas mortelle à court terme, c'est là que la grande question se pose, lorsqu'ils demandent, et tout ça.
En tant que psychologue, moi, je dis que, si on leur offre une autre manière de percevoir leur vie humaine, d'être utiles, d'être conscients de façon positive, étant donné que leur.. Disons d'abord que leur souffrance physique sera contrôlée. À ce moment-là, il y a peut-être moyen de faire une démarche au moins avec eux pour les amener... ou leur faciliter l'accès à une autre dimension de la vie, qui est différente peut-être de celle où on danse, où on agit, ou tout ça. Je me dis parfois: S'il y a suffisamment de réflexions, de forces cognitives pour demander la fin de la vie, on peut utiliser cette force cognitive pour peut-être, peut-être l'enligner dans une autre sorte de dignité.
Maintenant, à ce moment là, ce sera un autre débat. Parce que j'ai lu à plusieurs reprises dans les documents qui concernent cette présente commission qu'on ne voulait parler que de fin de vie dans une première étape. Mais justement, si, dans cette première étape la brèche est ouverte, qu'est-ce qu'on répondra dans la deuxième étape? Et puis, à ce moment-là, il me vient aussi l'image de ces décisions terribles qui ont été prises autour des nazis, et tout ça. Là, vous me direz, c'est la personne qui le demande. C'est la personne qui le demande, il faudrait y revoir. Est-ce que les amies ont quelque chose à ajouter?
Le Président (M. Kelley): Mme Harvey.
Mme Harvey (Lucie): C'est sûr que c'est vraiment la deuxième... c'est vraiment du particulier. C'est vraiment, comme on dit, une autre phase, là. Parce que, si on parle, comme Gisèle disait, si on parle de fin de vie, bien ces cas-là, ce n'est pas nécessairement leur cas, là. C'est autre chose, c'est vraiment une autre discussion, je pense, qui devrait effectivement être engagée, là, pour répondre à ces personnes-là.
M. Chevarie: Merci, mesdames.
Le Président (M. Kelley): Dernière courte question à ma droite, pour Mme la députée de Hull.
**(10 h 50)**Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors nous sommes très heureux d'être ici parmi vous ce matin et de voir la quantité de personnes qui se sont déplacées. C'est très encourageant parce que, oui, c'est un débat de société très important qui concerne tout le monde, et tout le monde... le débat est très polarisé. Il y a des gens qui sont très, très en faveur, qui sont très, très contre la légalisation.
Et c'est toujours un plaisir de rencontrer des gens qui ont oeuvré comme vous, deux siècles d'expérience devant nous au chevet des personnes malades. Puis aussi vous êtes des témoins de la souffrance humaine, vous côtoyez la mort de façon quotidienne, ce qui n'est pas le lot de tous les citoyens. Et c'est pour ça qu'on aime beaucoup questionner les membres du personnel médical, les médecins, par rapport à ce sujet qui reste encore à être découvert au fil de nos auditions publiques.
Je voudrais savoir -- c'est une question toute simple parce que je n'ai pas beaucoup de temps -- vous avez beaucoup fait référence à mourir dans la dignité, mais j'aimerais savoir... Vous posez aussi la question dans votre mémoire, à savoir qu'est-ce que c'est, une mort digne. Et, après toutes ces années d'expérience, j'aimerais que vous partagiez avec nous ce que ça représente pour vous, une mort digne.
Le Président (M. Kelley): Mme Harvey.
Mme Harvey (Lucie): Je vais prendre la place de Mme Gobeil, vu que mon expérience est vraiment... C'est sûr que je n'ai pas... J'ai travaillé pendant quand même 34 ans, mais pas toujours au chevet des personnes... Par contre, les cinq dernières années, un peu plus. J'ai fini ma carrière dans un centre d'hébergement où j'étais responsable. Alors, quand il y avait des grands malades, bien, bien sûr, je n'étais pas sur la première ligne, mais tout de suite en arrière.
Alors, mourir dans la dignité, pour moi, c'est d'abord être soulagé de ses souffrances, être bien entouré, se sentir encore aimé et encore vivant. Tant qu'il y a un souffle, on est en vie. Donc, être traité comme une personne vivante jusqu'à la dernière minute. Moi, c'est ça, mourir dans la dignité, c'est être entourée des miens, être entourée des travailleurs... des infirmières, de tout le personnel, quand on est dans un milieux hospitalier ou dans un centre de soins palliatifs, de bénévoles qui nous consacrent de l'écoute, du temps, etc. Bien, pour moi, là, si ça se réalise de cette façon-là, bien je pense que je vais mourir dans la dignité.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui, merci, M. le Président. D'abord, je veux souhaiter la bienvenue à tous mes collègues. Ça fait vraiment plaisir de vous rencontrer dans un autre contexte que l'Assemblée nationale, surtout au Montagnais, qui, pour moi, est plus un lieu de rassemblements, de congrès, de soupers protocolaires, puis de voir mes collègues de tous les jours ici... Puis je me permettrais même de dire que c'est bien aussi de pouvoir travailler ensemble au-delà de la partisanerie sur des questions aussi essentielles que celle que nous avons aujourd'hui. Alors, c'est vraiment un très, très grand plaisir de vous accueillir, puis je tenais mordicus, malgré les activités que nous avons en fin de semaine, à être ici, donc venir de Québec, mais je repars pour d'autres activités cet après-midi. Particulièrement mes collègues de Joliette, Marguerite-D'Youville, qui sont bien sûr des amies, alors, bienvenue à toute l'équipe pour être ici, aussi les gens de l'Assemblée nationale.
Je veux vous dire aussi que je suis ici avec une bonne dose d'humilité parce que je ne suis pas membre de la commission de façon permanente, alors je n'ai pas suivi l'ensemble des débats autant que mes collègues ici les ont suivis. Et vous excuserez ma naïveté et un peu ma candeur parce que je n'ai pas l'expérience que vous avez, et les questions que vous pouvez poser découlent d'une expérience et d'une écoute à travers tout le Québec et des consultations qui ont été tenues à Québec, à Montréal. Alors, j'arrive un peu avec cette candeur.
Je voudrais dire merci à tous les gens qui sont ici du public, particulièrement ceux qui ont osé déposer un mémoire. Mesdames qui êtes ici, merci beaucoup de prendre le temps de vous préoccuper de poser ces questions qui sont essentielles. Je remarque dans votre mémoire vraiment des nuances, des distinctions qui sont importantes. Vous faites vraiment... vous mettez l'accent sur le choix des mots, et je pense que c'est bien de faire ce travail-là, ça nous pousse à réfléchir de façon très, très importante.
Je veux d'emblée dire qu'il y a un élément, en tout cas, je pense, sur lequel on peut être tous d'accord ici, dans votre mémoire, dans vos pistes de solutions, à la page 5, le point 2: «Favoriser le développement des maisons de soins palliatifs et les unités palliatives dans les centres de longue durée.» Je pense effectivement que ça, c'est un point certainement sur lequel on peut tous être d'accord.
Nous avons ici, dans notre région, des maisons de soins palliatifs, et je les connais très bien. J'en connais une très bien en particulier, la Maison Notre-Dame. Je sais qu'il y a des représentants dans la salle, qui font un travail absolument extraordinaire. Et je pense qu'effectivement nous devons tout faire, tout faire pour développer ce type de maisons de soins palliatifs dans nos régions. On a également SOLI-CAN, à Alma. On a la Maison Colombe-Veilleux, qui a été pionnière, du côté de Dolbeau-Mistassini. Alors, c'est vraiment des maisons pour lesquelles j'ai énormément, énormément de respect, surtout pour les gens aussi qui y travaillent, qui y oeuvrent de façon absolument extraordinaire.
Maintenant, sur votre document et votre présentation comme tels, moi, j'aimerais vous entendre sur le concept de... je dirais, une certaine évolution dans les débats dans lesquels nous sommes. Par exemple, il y a 60 ans ou il y a 100 ans, il était absolument impossible de parler, par exemple, de contraception ou d'avortement. Ou même, il y a eu de l'évolution technologique également qui fait en sorte qu'aujourd'hui on peut soigner des maladies dont les gens mouraient il y a 50 ans ou 60 ans. Mais on est arrivés à une évolution de la société où aujourd'hui on parle de contraception, par exemple, d'avortement, et ça passe de façon générale. Alors, est-ce que vous ne trouvez pas... Parce que je sens chez vous une opposition quand même de principes assez forte contre même la possibilité d'aborder la question, par exemple, de l'euthanasie ou ces choses-là. Alors, est-ce que l'évolution de la société ne fait pas en sorte qu'on doit être rendu à se poser ces questions-là pour aborder correctement tout ce débat?
Ce qui m'amène à vous dire, puis j'étais content de la distinction importante apportée par le collègue d'Orford, sur l'opposition de principe, à votre fameux point en bas de page, là, à la page 3, sur l'importance, par exemple... sur les notions de réduire les coûts sociaux, des cercueils à la place des lits prolongés, la référence à Hitler. Écoutez, moi, là, je veux dire, juste mentionner ces mots-là, ça me dresse les poils sur les bras, là, puis les cheveux. Alors, ce n'est vraiment, ce n'est vraiment, mais vraiment pas... Je veux vous rassurer, puis je sais qu'il y en a plusieurs qui ont pu se poser ces questions-là, mais ce n'est vraiment pas dans cet esprit que la commission fait son travail. Mais je voudrais quand même vous entendre sur l'évolution nécessaire des mentalités dans une société.
Et, pour terminer... Je ne veux pas prendre trop de temps non plus, mais je trouve ça vraiment intéressant d'être ici. Mais, pour terminer, je voudrais vous entendre aussi sur la distinction très nette que vous faites dans... Je voudrais vous entendre plus sur la distinction que vous pouvez faire entre la sédation palliative ou les soins pour... à la limite, là, des soins pour soulager, pour contrer la douleur, versus le suicide assisté. Elle est où, la frontière réellement entre la sédation palliative et une aide à mourir, là? Alors, moi, je me pose vraiment cette question-là. Elle est où, la ligne de démarcation? C'est où que les soins... la sédation devient... passe, là, la frontière? Alors, voilà.
**(11 heures)**Mme Gobeil (Gisèle): En tout premier lieu, je dirais que le paragraphe G, où il est question de réduire les coûts sociaux, il est assez cru, je l'admets. Maintenant, je ne dirais pas que je pose la question, mais je dirais que la question se pose à moi. Voyez-vous la petite différence? On n'est peut-être pas toujours maître des pensées qui nous passent par la tête, et je veux, je veux, je veux l'éloigner le plus possible, cette pensée-là.
Par contre, quand on lit les journaux, quand on entend, la question est là, puis surtout dans le contexte, mettons, plus large, comme on dit, de cette difficulté de la société vieillissante. Comment est-ce qu'on nous... On en parle tellement souvent, tellement souvent, que ça vieillit, ça vieillit, et puis la pyramide d'âge se renverse. Donc, il y a beaucoup plus de vieux, et de vieux qui sont vieux puis qui ne finissent plus de mourir. À ce moment-là, bien, la question se pose aussi, lorsque, dans un paragraphe, on parle justement que les soins palliatifs sont très bons, très efficaces, on encense, et tout ça, et, dans le paragraphe suivant, on ajoute qu'ils sont trop peu nombreux, ce n'est pas la solution pour soulager la mort. Alors, quand on est peut-être un peu intelligent, eh bien, on glisse facilement sur la troisième phrase: Est-ce que ce ne serait pas un moyen justement que de libérer des lits?
En tout cas, je veux respecter... C'est le temps de se poser les questions nettes, claires et précises maintenant parce que c'est le principe qui nous guide. Quand vous dites: Nos questions sont beaucoup des questions de principe, bien sûr c'est le principe qui nous guide. Ce sont les principes qui guident la politique. Et puis le principe du respect de la vie, bien ça fait longtemps qu'on en parle dans l'évolution justement de la société moderne. Avant, bon, encore même les vieux films de cow-boys puis même les films pas tellement récents, il ne fallait pas qu'ils tirent dans le dos, hein? S'ils tiraient en face, c'était acceptable, mais tirer dans le dos, là, c'était plus ou moins acceptable. Et puis on a mis des shérifs, et tout ça. Donc, ça fait partie de la réflexion humaine que de protéger la vie.
Maintenant, la petite ligne, je ne l'ai pas, moi non plus, puis je ne sais pas si on devrait l'avoir. Personnellement, là, je ne veux pas engager les autres membres du collectif, mais je me suis entendue réfléchir comme ceci: que c'est peut-être dans la loi telle qu'elle est formulée, dans les mots qui présentement laissent entendre que, si une activité est potentiellement interprétable de mettre fin à la vie, eh bien la personne qui le fait, là elle est susceptible d'être poursuivie en loi, elle est susceptible d'être criminelle. Peut-être que là il y aurait moyen d'être plus précis. Et on en arriverait à définir qu'est-ce que c'est, la sédation palliative ou terminale. D'après ce que j'ai compris, la sédation palliative telle quelle, elle endort, elle soulage la souffrance, mais elle est réversible, elles sont toujours réversibles. Elle devient terminale quand elle laisse la personne être consciente et qu'on continue jusqu'à ce qu'elle meure. On laisse entendre aussi, parce que j'ai lu beaucoup, presque à m'euthanasier un petit peu...
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Gobeil (Gisèle): ...qu'à un moment donné une dose de médication -- mes compagnes me corrigeront, là, dans mon examen médical -- une exagération un petit peu, une supposée erreur ou une dose trop forte pouvait devenir létale. Et c'est là que devient la discussion, c'est là que, je dirais, on s'enfarge dans des mots mais dans une très grande réalité. Quand on est concerné, si c'est ma mère, mon fils, ma grande soeur, là on devient beaucoup plus susceptible, hein? Et de susceptible, on peut finir par devenir agressif. Et, de là, bien, on veut punir ceux qui supposément nous cause ce grand chagrin. Et ce serait peut-être là, je pense, qu'il faudrait préciser... Enfin, je ne sais pas si ça répond à votre question. On n'est pas venues apporter les réponses, on est venues apporter notre pensée toute honnête et puis légitime. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
Le Président (M. Kelley): Mme Harvey.
Mme Harvey (Lucie): La différence, comme M. Gaudreault disait, ce n'est pas coupé au couteau. On peut donner une dose depuis quelque temps à un patient, souvent on est obligé de l'augmenter parce qu'on ne réussit pas à soulager, puis, bon, à un moment donné, il y a comme un plancher, la personne est confortable, est bien consciente, est bien lucide. On va donner une dose, puis, une demi-heure après, la personne décède. Ce n'est pas la dope qui l'a fait décéder, c'est le moment de sa mort. Elle a été soulagée, elle a été confortable, elle était bien, bien, à un moment donné, ça finit, là. La maladie entraîne la mort, à quelque part.
Ou ça peut être la vieillesse qui entraîne la mort. J'ai vu mourir ma grand-mère à 102 ans. Le samedi suivant, elle prenait encore son bain avec sa fille, puis tout allait bien. Le dimanche, elle a pris le lit. Ses filles sont là, elle a dit: Qu'est-ce qui se passe, est-ce que je vais mourir? Bien, elles ont dit: Bien non, maman, on est là puis on est venues te voir. Et puis le dimanche suivant elle était morte. Mais, mon Dieu!, elle n'a pas souffert, ça a été bien lentement. Puis maman est arrivée... Elle, elle n'a pas eu besoin de soins palliatifs, elle n'a pas eu besoin de médication, mais j'en ai vu d'autres avec une médication... Écoute, un milligramme de morphine, là, s'il y en a qui meurent avec ça, là, bien moi, j'ai un problème, là. Mais, si ça soulage, un milligramme de morphine, pendant x temps, puis qu'à un moment donné, presque tout de suite après l'injection, la personne décède, moi, pour moi, il n'y a pas... il n'y a rien là, là. C'est normal, la mort s'en venait tranquillement. C'est la fin de la vie. C'est ça.
Le Président (M. Kelley): Oui, merci. M. le député.
M. Gaudreault: Oui. Alors, vous mettez beaucoup l'accent, dans votre document, sur la dignité humaine, la dignité de la personne; j'en suis. Qu'est-ce qui est plus digne entre aller chercher le... écouter le désir final d'une personne, l'ultime expression de ses droits et libertés jusqu'à la mort, qu'est-ce qui est plus digne entre ça et donner une sédation palliative parfois sans consentement du malade et qui est terminale?
Mme Gobeil (Gisèle): Je n'ai pas compris vraiment votre question.
M. Gaudreault: Ce que je veux dire, c'est que vous misez beaucoup sur la dignité de la personne.
Mme Gobeil (Gisèle): Oui.
M. Gaudreault: Je suis d'accord avec vous. Mais une personne, par exemple, qui a une maladie dégénérative très grave, n'est-il pas digne de respecter sa volonté qui est de vouloir achever sa vie? Il me semble que ça, ça peut être digne aussi. Et est-ce que c'est réellement digne, dans le cas d'une personne malade qui a perdu conscience, de lui injecter une sédation palliative qui est létale? Il me semble que, quand la personne ne consent pas, ce n'est pas digne, non plus. Je ne sais pas si vous comprenez la nuance que je veux apporter.
Le Président (M. Kelley): Mme Harvey.
Mme Harvey (Lucie): En fait, on a parlé tout à l'heure des maladies dégénératives, on a dit que c'était... D'après moi, c'est un autre débat. C'est vraiment une deuxième phase qu'on devra aborder.
Pour ce qui est de la personne... quand la personne, elle est inconsciente, elle ne se plaint pas, elle n'est pas souffrante parce qu'elle est inconsciente puis elle ne semble pas souffrante, la médication, on n'en donne pas, là. Ce n'est pas compliqué, on n'en donne pas, on n'a pas besoin d'en donner, il n'y a pas... Donc on n'a pas besoin de son consentement pour... La seule chose qu'on fait, bien on va la laver, on va la tourner, on va prendre soin de la personne tant qu'elle est vivante, et puis elle va mourir tranquillement. Bien, moi, je pense que c'est une mort digne.
Par contre, la personne qui est souffrante, ou encore qu'on va voir qu'elle est souffrante puis qu'on va lui donner une médication, bien je pense qu'on la respecte en diminuant sa douleur, parce que, pour tout l'entourage puis même pour la personne, souffrir... On n'a pas besoin de souffrir, là, on a les moyens de ne pas souffrir. Alors, on donne une médication qui est adaptée, puis, je veux dire, la vie va suivre son cours, tout simplement, là. C'est vraiment deux situations qu'on ne peut comme pas comparer, là.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.
**(11 h 10)**Mme Hivon: Oui. Alors, bonjour. Je suis très heureuse à mon tour de vous souhaiter la bienvenue dans ce débat. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt.
Puisqu'il ne reste pas beaucoup de temps, je vais tout de suite vous poser... J'aurais deux questions, une qui a plus trait à la douleur et la souffrance, et une qui a plus trait au débat entre les principes d'autonomie de la personne et, je dirais, du principe dont vous faites état abondamment, du caractère un peu sacré de la vie ou l'inviolabilité de la vie dans notre société.
La première, c'est vous dire, je pense que tout le monde s'entend, que tout le monde veut vivre le plus longtemps possible, souffrir le mois possible. Le problème, c'est quand, en fin de vie, il y a des gens dont on n'arrive pas à contrôler la douleur. Je pense comme vous qu'il y a eu des avancées extraordinaires et qu'il y a beaucoup de douleurs, et de plus en plus, qui peuvent être contrôlées, mais, toute science ayant ses limites, il y a évidemment des cas où c'est très difficile.
Et d'ailleurs un des experts qu'on a rencontrés nous disait que souvent, quand la douleur est contrôlée, c'est la souffrance qui jaillit, donc, en fin de vie, que la souffrance existentielle, psychologique, morale peut prendre une place très, très importante et que des fois, dans la société, peut-être qu'on minimise l'importance de cette souffrance-là en fin de vie, qui est distinguée, selon les experts, de la dépression, mais vraiment plus la souffrance existentielle de fin de vie.
Et on a eu des témoignages de gens qui ont accompagné des gens en fin de vie -- on va en avoir un, d'ailleurs, cet après-midi, je ne sais pas si vous allez être ici, mais ça va être intéressant pour confronter les points de vue -- de gens dont la... pour qui la sédation terminale n'était pas une option parce que ce n'était pas une question de jours ou d'heures. Des fois, on offre la sédation terminale parce qu'on sait qu'il en reste pour deux ou trois jours, donc la question éthique est peut-être moins là, quoiqu'elle est là pour plusieurs aussi. Mais c'est une question de semaines et de, je dirais, certaines douleurs difficiles mais beaucoup de souffrance et d'une personne qui répète abondamment qu'elle souhaite mourir. Et, moi, je veux savoir qu'est-ce qu'on fait dans un cas comme celui-là, avec les outils et les limites qu'on a actuellement, où la sédation terminale n'est pas une option et où la personne, de sa propre personne, demande, elle, de manière répétée à ce qu'on mette fin à ses souffrances avec, par exemple, une injection létale.
Mme Fortin (Jeanne d'Arc): Moi, en tout cas, ce que j'ai appris dans la démarche qui s'est faite au courant de cette commission-là... L'écoute, l'écoute dans la douleur et la souffrance, je pense qu'il y a une chose qu'on doit développer, c'est l'écoute. Souvent, on n'écoute pas assez le client lui-même. C'est dans toute la médecine, ça, puis les soins infirmiers aussi, là. Si on développait plus l'écoute, il y aurait beaucoup moins de souffrance. Je crois que c'est un point, ça... ce serait un point à développer. On parle de soins palliatifs, on parle de bons soins, de soulager la douleur et puis... mais, dans l'approche, là, je pense qu'on a quelque chose à développer dans les soins palliatifs, même dans tout, là.
Une voix: Oui.
Mme Gobeil (Gisèle): Je voudrais ajouter, dans mon expérience de psychologue clinicienne, que la souffrance existentielle, c'est une grande souffrance pour toute étape de la vie. Et alors, si on laisse planer dans le code... Dans le code, là, il est question ici de légalisation, il n'est pas... Si on laisse planer l'idée que peut-être c'est mieux d'envisager de mettre fin à cette vie-là, eh bien, il y aurait peut-être beaucoup, beaucoup de clients. À ce moment-là, il faut être plus prudent, je dirais. Parce que, dans ma clinique, je n'ai pas beaucoup, beaucoup de grands décès, peut-être quelques-uns, mais la personne, avec l'écoute, comme dit Soeur Jeanne d'Arc, avec une autre vision, elle finit par trouver un sens à sa vie, et c'est peut-être là l'idée. Aujourd'hui, on se questionne beaucoup: Quel est le sens à la vie, là? On laisse ça un peu en friche, mais c'est la grande, grande question, c'est la question de notre intelligence. Moi, je dis souvent: On est un petit peu trop intelligent puis pas tout à fait assez. Un petit peu trop intelligent pour se poser trop de questions, puis pas assez pour avoir les vraies réponses. Alors, on est entre les deux, là. Mais alors c'est la condition humaine, je pense.
Le Président (M. Kelley): Dernière courte question, Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui. Bien, merci, en fait, vous m'amenez exactement sur le dernier point que je voulais aborder, qui est la question de l'autonomie. Parce que vous dites: Il faut trouver le sens, et des fois on ne trouve pas le sens. Mais qui doit trouver le sens? Est-ce que c'est la personne elle-même face à sa fin de vie ou si c'est les personnes autour d'elle et le corps médical qui doit dire: Il y a toujours un sens à votre vie, madame, même si madame trouve qu'il n'y a plus de sens?
Et, pour poursuivre dans la question de l'autonomie -- parce qu'on se fait un peut l'avocat du diable, hein, si vous restez, puis que vous allez voir, on va faire la même chose avec l'autre côté de la médaille -- c'est que les gens nous soumettent énormément d'éléments en lien avec l'autonomie et ils nous disent aussi: On est dans une société où l'autonomie a été reconnue légalement beaucoup dans nos chartes, dans le Code civil. Vous savez que maintenant une personne peut refuser un traitement même si elle est en parfaite santé, et même elle peut refuser une transfusion sanguine même si elle va en mourir quelques heures après. Et donc, pourquoi, si cette autonomie-là est si importante, si consacrée, en fin de vie, on viendrait décider que, là, l'autonomie doit céder le pas à d'autres principes plus importants, alors que, pendant toute la durée de la vie, cette autonomie-là prend, dans nos lois, une si grande place?
Mme Gobeil (Gisèle): Bien, je vous dirais, dans un premier temps, je vais peut-être, sans faire l'avocat du diable mais faire un jésuite, là, vous retourner une question. Il est peut-être question ici du moment, de la date, de l'heure, de la journée, où l'aide médicale sera donnée. Peut-être bien que, le lendemain, l'autonomie de la personne l'aura amenée à penser un peu autrement. On peut se poser la question, hein? Dans une certaine circonstance où est-ce qu'on est étouffé par la difficulté, par la peine, par l'angoisse, peut-être bien que je veux mourir, je ne veux plus vivre ça. Bah, je pense que même j'ai dû le dire en accouchant une fois ou deux, moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Gobeil (Gisèle): Maintenant, il faut peut-être penser que, peut-être, après, le lendemain, la réponse serait différente. Enfin, personnellement, nous, on mise sur le doute, sur ce doute.
Mme Hivon: Merci.
Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup pour votre présence, partager l'expérience basée sur vos 200 ans d'expérience d'aider nos voisins, soigner des personnes dans notre société. Alors, merci beaucoup.
Je vais suspendre quelques instants et je vais demander au Pr Jean-Pierre Béland de prendre place à la table. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 11 h 17)
(Reprise à 11 h 22)
Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs...
Des voix: ...
Le Président (M. Kelley): Oui, mesdames et messieurs, s'il vous plaît, parce qu'il faut poursuivre avec notre prochain témoin.
C'est curieux, parce que j'ai fait une entrevue sur la radio ce matin, et la journaliste m'a posé une question sur le peu d'intérêt dans ce sujet dans la région. Et, je regarde la foule ici, qui... À ma connaissance, c'est la plus grande foule qu'on a eu à date. On a fait huit jours à Montréal, trois ou quatre jours à Québec, on est allés à Trois-Rivières, où il y avait un intérêt, mais, je pense, la salle ici est la preuve qu'il y a un grand intérêt au sujet.
Comme j'ai mentionné, à 15 h, cet après-midi, il y aura un moment pour les courtes interventions des personnes dans la salle. Alors, si ça vous intéresse, si vous pouvez vous identifier auprès de Pierre Lessard-Blais, qui est à la porte, qui va lever sa main, qui est également natif de la région, j'ai appris hier soir. C'est Saint-Léon, c'est bien ça? Alors c'est un autre qui est chez lui dans cette... Pierre Lessard-Blais qui est à la porte, c'est lui qui est natif de Saint-Léon.
Alors notre prochain témoin, c'est le professeur Jean-Pierre Béland, de l'Université du Québec à Chicoutimi. Quand nous avons formé cette commission, le premier livre que j'ai lu, c'était sous sa direction, qui était Mourir dans la dignité?, qui est vraiment un sommaire des enjeux, poser les bonnes questions. Alors, bienvenue de nouveau parmi nous. Parce que le professeur Béland a participé à notre réflexion à Québec. On a fait une première consultation des experts au printemps, et il était parmi la trentaine de personnes qui sont venues essayer d'éclairer et guider les parlementaires dans les enjeux que nous avons identifiés. Alors, sans plus tarder, professeur Béland, la parole est à vous. Bienvenue de nouveau.
M. Jean-Pierre Béland
M. Béland (Jean-Pierre): Merci beaucoup. Alors, je vous remercie aussi de m'avoir réinvité. C'est-à-dire que je me suis invité sous votre invitation. Et puis mon mémoire s'est modifié un petit peu parce que ma pensée évolue au fil des jours quand j'entends ce qui se dit à la commission. Et puis j'espère que vous ne penserez pas que je suis partisan si je vous avoue que je suis agréablement impressionné de voir la qualité des questions que vous posez.
Je vais donner ma position. Mon but, ce n'est pas de lire le mémoire, vous l'avez lu. À partir de ce que je retiens aujourd'hui, je vais apporter des idées et ensuite je répondrai directement aux questions. On a souvent posé l'intention éthique du débat de la commission, et puis je réponds de la façon suivante pour donner ma propre position personnelle parce que je ne suis pas ici en tant qu'expert en éthique, je suis ici en tant que citoyen versé en éthique.
Il est éthiquement acceptable et souhaitable que le gouvernement du Québec apporte en consultation publique le sujet de l'euthanasie sous conditions. Il est éthiquement acceptable qu'un médecin libre de le faire aide activement à mourir une personne mourante et en fin irréversible de vie, à sa demande expresse, éclairée et libre, en autant que ce médecin respecte les conditions d'une possibilité d'insérer dans la loi une pratique de soins appropriés, comme disent les médecins.
Bon. En ce sens-là, je dirais, juste pour préciser un peu la différence entre les discussions de principe -- parce qu'on en a parlé tout à l'heure -- et puis l'éthique... Et ce que je dis souvent à mes étudiants... D'ailleurs, on avait écrit un livre là-dessus qui s'intitulait La souffrance des soignants: exprimer ou réprimer?. Et puis ce qui me semble contraire à l'éthique, c'est la morale du silence, l'omerta, comme certains diraient, l'imposition du silence par une tribune morale s'opposant à l'euthanasie et prônant une fin de vie naturelle, dénonçant actuellement l'intention du Québec ou du Parlement d'être l'hôte d'un tel débat éthique pour parler sur la nécessité ou l'urgence de la question. Ce qui serait éthiquement inacceptable, c'est qu'on ne fasse pas le débat. Ce débat est plus que souhaitable pour sortir des impasses actuelles entourant la fin de la vie.
Bon. Comprenons bien qu'il y a deux concepts clés dans ma prise de position -- pas d'opposition mais de position -- c'est d'abord, le concept clé d'euthanasie sous conditions. Il y a quelque chose qui ne marche pas avec le concept d'euthanasie actuellement dans le légal. Pourquoi? Parce que les gens disent: L'euthanasie, c'est quoi? Évidemment, selon l'étymologie du mot, l'euthanasie, c'est une mort douce, puis aujourd'hui on appelle ça de la cessation de traitement. Bon. On ne va pas mélanger... On n'a pas à essayer de brouiller les concepts, là. Mais ce qui est dit clairement dans la loi, c'est que l'euthanasie, on dit que c'est une mort provoquée intentionnellement. C'est un peu brut, c'est... alors qu'on ne dit pas que l'euthanasie sous conditions, c'est une mort provoquée sous condition d'un accompagnement adéquat du patient. Je ne sais pas si vous voyez la différence, là. C'est qu'il y aurait l'euthanasie tout court, comme si on voulait vider les hôpitaux... les gens des lits d'hôpitaux, mais une euthanasie sous conditions évite cette dérive-là parce qu'il y a des conditions. Et l'autre...
Donc, il y a une question clé qui va avec cette réponse clé là, qui est l'euthanasie sous conditions, c'est celle-ci -- je reprends le vocabulaire du Collège des médecins du Québec: L'euthanasie comme soin approprié de fin de vie. Comment cela serait-il éthiquement acceptable sur le terrain? Pas comment cela serait éthiquement acceptable selon des principes? Mais comment cela serait éthiquement acceptable sur le terrain?, c'est ça, la question.
Donc, première des choses que j'oserais dire, c'est de bien distinguer l'euthanasie elle-même comme intention de tuer et l'euthanasie sous conditions, qui n'est pas une intention de tuer mais une intention... Madame parlait tout à l'heure d'être à l'écoute, d'être à l'écoute du patient dans son autonomie. Et là il y a un danger avec le mot «autonomie», c'est qu'on étire le mot «autonomie» à volonté en disant: Ce que je pensais hier, je ne le pense plus demain. De telle façon qu'on fait du surplace, en se disant: Bien, aujourd'hui, il demande la mort, mais demain il ne la demandera peut-être pas. Alors là, il me semble qu'il y a un peu d'abus de pouvoir de la part du soignant parce que, là, c'est le soignant qui décide à la place du patient, il décide que le patient, il va changer son autonomie le lendemain. Il ne faut pas mélanger les choses.
**(11 h 30)** À qui? La question, tout à l'heure, on a posé le «qui». C'est, comme disait le ministre de la Santé du Québec, d'ailleurs qui avait écrit le dernier chapitre du livre Mourir dans la dignité avant d'être ministre, parce que le gouvernement n'aurait pas voulu qu'il fasse un chapitre s'il avait été déjà ministre... Mais, à ce moment-là, disons que c'est le médecin qui se prononce et non pas le ministre. En 2008, 2007, il dit très bien, et ça, je suis content de l'entendre de la bouche d'un médecin: La personne d'abord, le «qui», c'est la personne d'abord, au coeur de l'action du médecin.
Et ici je pense que, si j'ose prendre le courage de dire que la morale ferait pression puis que l'éthique est expression, c'est que je représente, il me semble, la personne d'abord dans son autonomie, la personne d'abord qui est dépossédée souvent de sa liberté sur un lit d'hôpital. Et, parce qu'elle est dépossédée de sa liberté sur un lit d'hôpital, le rôle du médecin, si c'est la personne d'abord, c'est d'aider cette personne-là à retrouver sa liberté. L'accompagnement éthique, c'est-à-dire l'euthanasie sous conditions par accompagnement éthique consiste non pas à tuer, mais à donner au patient sa liberté d'abord. Et, vu qu'on ne cesse de dire, en philosophie... ça fait 25 ans que je fais de la philosophie et qu'on me dit qu'on n'est pas libre, je peux comprendre que, si on n'est pas libre, il faut travailler en dialogue pour essayer de se libérer un peu pour atteindre une réelle liberté de choix. Alors, ça, là-dessus, on pourra en discuter plus longuement si vous voulez.
Il y a deux choses ici quand on parle de la personne d'abord. J'ai appris quelque chose en faisant de la psychanalyse avec des psychanalystes, c'est qu'on peut tuer la personne d'abord en l'enfermant dans un principe ou un concept. Je peux penser que je suis au service de la personne d'abord, mais je l'enferme dans un beau concept de dignité selon ma définition de la dignité, qui fait en quelque sorte que je ne respecte plus la personne d'abord. Donc, ici, il faut bien comprendre qu'est-ce que le Collège des médecins demande. Il ne demande pas qu'on traite un concept, il demande qu'on traite la personne d'abord, c'est-à-dire le vrai humain qui est sur son lit d'hôpital sur le terrain. Alors, cette personne-là, on ne la respecte pas si je lui impose ma façon de voir la dignité, je ne la respecte pas, je respecte ma façon de voir la dignité et je la lui impose, et c'est de l'abus de pouvoir.
L'abus de pouvoir, c'est-à-dire que je ne te donne pas la liberté que tu voudrais. C'est ce que les étudiants nous reprochent, à l'université, là, que les profs font de l'abus de pouvoir lorsqu'ils ne permettent pas aux étudiants de poser les questions puis de contester le prof. Pourquoi un patient sur son lit d'hôpital n'aurait pas le droit de contester le soignant? Mais je comprends le soignant aussi, le soignant veut bien faire, il ne veut pas tuer, il veut accompagner, il veut soigner, il veut soulager. Comprenez que, lorsqu'une personne ne veut plus être soulagée, c'est que j'oserais dire que ce qui devient un soulagement pour elle -- pour être bien clair dans les mots -- ce qui devient un soulagement pour elle, c'est qu'on lui donne l'euthanasie. Je ne sais pas si vous voyez la distinction.
Je peux bien faire de l'euthanasie comme Hitler, qui ne respectait pas les personnes juives en ne respectant pas leur liberté mais en leur imposant la mort. Et je trouve que c'est un épouvantail épouvantable d'utiliser des épouvantails pour faire peur au monde en utilisant le mot «nazi» parce que ça va avec le mot «euthanasie». C'est trop facile comme espèce de jeu de mots pour brouiller les choses. L'euthanasie, j'oserais dire que, lorsque nous sommes à l'écoute du patient et que nous répondons à sa liberté de choix éclairée parce que j'ai travaillé pour qu'elle soit éclairée, si je fais ça, ça veut dire que l'euthanasie, ce n'est pas tuer n'importe quelle personne, n'importe où, n'importe comment et n'importe quand. C'est ça qu'il faut faire comprendre au monde. L'euthanasie, ce n'est pas tuer n'importe qui, n'importe où, n'importe quand et n'importe comment. L'euthanasie sous conditions, c'est être en dialogue avec la personne mourante pour l'aider à gagner un peu de liberté.
Alors, la question que je pose, et c'est ce que je lisais... Je pense que je vais le relire juste une petite affaire, j'achève, parce que je veux qu'on pose des questions. Je pense que cette phrase-là, je l'ai écrite avec des médecins, avec des avocats, et puis on a réfléchi sur ce seul paragraphe une soirée de temps pour y arriver. Et la phrase est celle-ci... Le patient demande -- je dis bien «le patient demande» -- de mourir dans la dignité... S'il y a des gens que, pour eux, c'est des soins palliatifs, bien, écoutez, qu'on ne fasse pas... qu'on ne soit pas nazistes, qu'on lui offre les soins palliatifs seulement. On n'a pas à lui imposer non plus l'euthanasie. Mais, si une personne demande l'euthanasie, il ne faudrait pas lui offrir les soins palliatifs seulement parce que, là, on ne la respecte plus.
Alors, on a écrit ceci, en raison de la loi actuelle: Dans la pratique, sur le terrain, la personne d'abord n'est-elle pas acculée à l'impasse parce que la loi, synonyme de responsabilité légale, force les médecins et les soignants à se limiter à vivre dans l'ambivalence du langage des soins palliatifs qui prêche l'autonomie de choix du patient, alors qu'en réalité il n'a aucun choix parce que l'euthanasie lui est refusée? En vérité, le patient d'abord est contraint à devoir continuer à vivre contre sa volonté.
Beaucoup de médecins et de soignants, pour les discussions que j'ai eues sur le plancher et même en accompagnant mon père à la mort, beaucoup de médecins et de soignants ne voudraient pas appeler «dignité» une pratique de bienfaisance lorsque le patient voit le prolongement de son agonie comme indigne et insupportable parce que ça ne correspond pas à ses choix. La dignité dans le mourir, c'est vrai, n'est pas facile à atteindre et même c'est impensable sans le respect de l'autonomie, pas l'autonomie tout court, mais le respect de l'autonomie de choix éclairé du patient.
Ce qu'on demande, donc, pour respecter le patient d'abord, on se dit ceci... On se sent acculé à l'impasse puis on dit qu'on ne fera pas changer les lois du gouvernement canadien. D'accord? On va rester au Québec. Alors, dans les jeux de mots puis les réflexions, puis on cherche des façons de sortir de l'impasse, on se dit ceci, ce que je vois souvent aussi dans les journaux, certains journaux. Ce n'est pas de créer une nouvelle loi qu'on veut faire, parce que le Québec n'en a pas la... bien, ce n'est pas qu'on n'a pas la capacité, mais on n'a pas l'autorisation. Ce n'est pas de créer une nouvelle loi, mais ouvrir un espace pour l'euthanasie sous conditions -- pas pour l'euthanasie -- ouvrir un espace pour l'euthanasie sous conditions -- d'un accompagnement, etc. -- aux soins de la pratique actuelle.
**(11 h 40)** Alors, contrairement à la France, qui monte des projets de loi avec les philosophes, etc., puis là ça n'aboutit pas, peut-être que le Québec serait intelligent, serait assez intelligent pour respecter le patient d'abord, de dire: Bien, on ne pourrait-u pas proposer... C'est une recommandation que je ferais. On ne pourrait-u pas proposer... Mais il ne faudrait pas le dire comme je le dis là, je me laisse aller un peu. Mais on pourrait... Pourrions-nous proposer une ouverture au sein de la loi actuelle -- donc, on n'a pas à créer une nouvelle loi -- une ouverture au sein de la loi actuelle de pas n'importe quelle euthanasie, mais d'une euthanasie sous conditions pour offrir des soins appropriés en fin de vie? Je trouve que je le dis mieux au micro, parce que je n'ai pas réussi à l'écrire sur mon mémoire. Mais je vais vous faire parvenir ma nouvelle version.
Il y a une autre petite affaire que je voulais dire, que je trouve importante, c'est qu'on a beaucoup joué avec la question du double effet, mais on a oublié un petit peu la double intention. Je ne sais pas si vous voyez la différence entre la double intention puis le double effet. On dit: Ah! il n'y a pas de problème parce que la loi protège tout. Je m'excuse, mais je vais dire comme Comte-Sponville, quand on n'a pas de loi appropriée, on n'a pas de soins appropriés et puis il y a des abus qui peuvent se faire dans le sens qu'on ne respecte pas le patient d'abord, au sens suivant, c'est que le double effet, on ne se mêlera pas, mettons-le dans le soin palliatif, le double effet, pas de problème, ce n'est pas de l'euthanasie. Il y en a qui ont voulu utiliser le mot «double effet» pour essayer de justifier l'euthanasie. On va être clair, le gouvernement canadien dit: Regarde, le double effet, c'est des soins palliatifs parce qu'on veut soulager puis, même si ça entraîne la mort, c'est qu'on a voulu soulager, donc le double effet, c'est autorisé par la loi. Donc, pas besoin de se battre pour ça, c'est autorisé déjà.
Par contre, il y a des personnes assez intelligentes... Tout à l'heure, on a parlé d'intelligence puis: On n'est pas assez intelligent pour toute l'intelligence qu'on a. En tout cas, je sais pas trop. L'idée, c'est ceci, c'est qu'on pourrait avoir une double intention cachée en utilisant un double effet. Je peux utiliser le double effet dans l'intention de tuer parce que je sais qu'il y a du double effet. Et c'est ce que le Collège des médecins nous demande de corriger. Et, si on ne le fait pas, on joue à l'autruche puis on laisse encore les médecins se débrouiller tout seuls dans leur crainte d'être pénalisés parce que la loi interdit l'euthanasie.
Parce que ce que craignent les médecins, beaucoup de médecins me l'ont dit, ce n'est pas la loi, c'est les chicanes de famille. Et, lorsqu'il y a un conflit qui s'établit dans un hôpital et là qu'on veut avoir recours à la loi parce qu'il y a un conflit, alors là le médecin, il est dans le mauvais pétrin. Puis là, bien, il demande au gouvernement du Québec un petit peu d'aide, puis je pense que le Barreau du Québec est prêt à apporter un petit peu d'aide pour qu'on puisse trouver l'ouverture possible de telle façon qu'on va régler le problème de la double intention qui se cache derrière le double effet. Parce que l'euthanasie sous conditions corrige la double intention qui se cache par le moyen du double effet au sens qu'on s'assure, par une démarche de dialogue éthique, qu'il n'y aura pas de double intention mais qu'il y aura une seule vraie intention et ça sera dit clairement.
Et actuellement, bien, il y a comme un malaise parce qu'on est mal pris avec la loi, là. Moi-même, si j'étais dans un hôpital, puis je rencontre un médecin, puis je lui dis: Regarde, on va faire du dialogue pour corriger la double intention du double effet, etc., ça va être mal vu, surtout par un éthicien. Alors, je pense que, si j'avais un petit reproche à vous faire, si vous me permettez...
Le Président (M. Kelley): En conclusion...
M. Béland (Jean-Pierre): Je vous ai encensés tout à l'heure...
Le Président (M. Kelley): En conclusion, parce qu'on va passer à l'échange, mais...
M. Béland (Jean-Pierre): Bien, un petit reproche. Bien, vous me donnerez mes reproches après, il n'y a pas... Si j'avais un petit reproche à faire, c'est que, dans votre document de consultation, on ne voit pas bien apparaître cette idée-là de l'euthanasie sous conditions, on ne le voit pas, et c'est peut-être pour ça qu'il y a des gens qui ont des craintes parce qu'ils sont trop influencés par la définition légale de l'euthanasie. Donc, ça, il me semble qu'il faudrait que ce soit dit plus clairement, l'euthanasie sous conditions.
Et aussi ce qui va avec, ce qui n'apparaît pas dans le questionnement du document de consultation, c'est qu'on ne parle pas de démarche appropriée pour des soins appropriés, de démarche éthique appropriée pour des soins appropriés. Moi, c'est mon dada, là, l'éthique, donc c'est sûr que je vous en parle. Tout le travail qui a été fait est immense, mais il me semble que, tant et aussi longtemps qu'on ne rassurera pas le monde en leur disant que l'euthanasie sous conditions inclut une démarche de dialogue éthique avec la famille, le patient, le médecin, le soignant, etc., qui fait qu'on va éviter toute ambiguïté possible en ce qui concerne l'autonomie, là, bien il me semble que ça pourrait régler aussi certaines questions. Donc, ces deux aspects là que je voudrais voir apparaître plus clairement dans... S'il y avait des choses à écrire, il faudrait que ça, ça apparaisse un petit peu plus pour des soins appropriés.
Dernière chose que je voulais dire... Je viens de le perdre.
Le Président (M. Kelley): Peut-être, ça va revenir, parce que...
M. Béland (Jean-Pierre): Mais peut-être que ça va revenir. Mais je pense que j'en...
Le Président (M. Kelley): À votre demande, on va vous laisser le temps...
M. Béland (Jean-Pierre): Oui. Je pense que j'en ai dit assez pour ouvrir une discussion. Et puis j'espère que je serai assez clair parce qu'il paraît que le péché, en philosophie, ce n'est pas de contredire la divinité, mais de ne pas être assez clair lorsqu'on veut la contredire.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vais passer la parole à la députée de Hull.
Mme Gaudreault: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, sachez qu'on se chicane pour poser des questions, M. Béland, parce que vous avez suscité beaucoup, beaucoup d'intérêt avec votre présentation, autant que le Collectif des femmes engagées d'Alma. Parce que souvent, lorsqu'on lit un mémoire, c'est du texte, il n'y a pas d'âme. Quand on rencontre les gens qui nous parlent de leur position -- puis je parle pour vous Mmes Gobeil, Harvey et Fortin -- là, on sent vraiment qu'il y a eu une réflexion puis qu'il y a vraiment un sens à tous ces mots qui ont été présentés à la commission. Et c'est pour ça que c'est très agréable de se retrouver ici, parmi vous, pour discuter à nouveau avec vous, M. Béland.
Alors, je plonge tout de suite parce que j'ai beaucoup de questions. Sachez aussi que notre position évolue quotidiennement, nous aussi. Souvent, il y a des gens qui nous ont un peu reproché d'avoir déjà tout un... campé nos positions, ce qui est tout à fait faux. Avec vous, on chemine et on se questionne. Le débat est très polarisé, puis la position des membres de la communauté médicale est très... les positions sont diverses et elles ne semblent pas évoluer au même rythme que les positions des citoyens du Québec.
Vous avez parlé de l'omerta. On a questionné des médecins, on leur a demandé: Est-ce que vous parlez de ça, de l'euthanasie, du suicide assisté entre vous? Et malheureusement, cela ne semble pas le cas. Vous avez parlé de l'omerta, de la loi du silence, puis je pense que vous avez raison. Les citoyens en parlent, mais les médecins, eux, sont encore plutôt portés vers l'autonomie de la prise de position.
Il y a des médecins à Montréal... je pense au Dr Bernard Lapointe, qui lui, nous a dit: Si vous nous engagez dans une légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté, si vous l'imposez à la communauté médicale, vous allez mettre en péril l'offre des soins de santé au Québec. Imaginez. C'est très fort comme position. Pourtant, c'est un homme qui travaille en soins palliatifs, qui a une longue expérience, qui est un homme très humain, qui a des positions très nuancées, mais, par rapport à l'euthanasie et au suicide assisté, pour lui, il nous a fait une grande mise en garde.
On a parlé des comités d'éthique aussi. L'éthique, c'est aussi le dada de certaines personnes dans les établissements de santé. Malheureusement, il n'y en a pas dans tous les établissements, un comité d'éthique. Ça semble être un endroit où on pourrait, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, placer le patient d'abord, discuter du cas par cas, parce que c'est...
Une voix: ...
Mme Gaudreault: Allez... Non. Allez-y, vous pouvez...
**(11 h 50)**M. Béland (Jean-Pierre): Oui. O.K. Là, je vais essayer de répondre à tout ça. Il y a plusieurs choses. J'ai été président pendant cinq ans d'un comité d'éthique, et puis le problème, c'est que ça peut souvent virer... Parce qu'il y a des avocats aussi dans les comités d'éthique. Ce n'est pas que les avocats sont mauvais, ça dépend des avocats aussi. Mais souvent les comités d'éthique, ce n'est pas des comités d'éthique, c'est des comités de déontologie. Et, moi, je ne voudrais pas que, sur le terrain, lorsqu'on accompagne un patient, que c'est un comité de déontologie qui l'accompagne, ça va faire les pires dégâts qu'il n'y a pas. Excusez, là, il ne faut pas le dire dans les journaux, mais ce que je veux dire, c'est que, si on veut respecter... le pire dégât qu'il n'y a pas par rapport aux patients d'abord. Moi, je vous le dis, j'ai le souci du patient.
C'est drôle, parce que, quand mon père est décédé, il était sur son lit de mort, puis il donnait un... peut-être parce que c'était son fils, il était fier donc que j'avais travaillé sur ce livre-là, il offrait aux infirmières le livre comme ça, Mourir dans la dignité? Là, les infirmières étaient... Mourir dans la dignité?, grosse question. Et puis il a eu un service exemplaire à l'Hôpital de Jonquière. D'ailleurs, j'ai envoyé une lettre au directeur de l'Hôpital et à tout le cinquième étage pour les remercier du travail qu'ils ont fait.
Qu'est-ce qui arrive avec les médecins, les tribunes, le moral de médecins, là, qui défendent les soins palliatifs... Ils ont le droit de défendre les soins palliatifs, il n'y a pas de problème avec ça, on est dans un débat démocratique et une personne peut s'opposer. C'est juste qu'il faut qu'ils acceptent aussi que les autres puissent dire le contraire. Le problème...
Moi, je suis en éthique des nanotechnologies. C'est un sujet très, très controversé parce qu'on parle d'implants neurologiques, de puces électroniques dans le monde médical. Je travaille ça actuellement à l'Université de Sherbrooke et aussi à Grenoble, au MINATEC, au centre de développement des... Puis je peux vous dire que c'est assez compliqué, comme la question de l'euthanasie, quand on commence à parler d'entrer des implants électroniques dans l'être humain, l'incorporation, là, en nanomédecine, entre autres, on n'est pas encore trop sensibilisés à ces questions-là, mais je peux vous dire que les débats de prises de position sont assez clairs.
Le problème avec les débats de prises de position, là, c'est que tu prends une position puis tu ne réfléchis plus, bien c'est-à-dire que tu réfléchis sans être ouvert. Tu réfléchis seulement pour défendre ta position. Tu n'écoutes pas l'autre et puis tu veux seulement imposer à l'autre ta position. Puis, moi, je n'appelle pas ça un débat éthique, j'appelle ça un débat pour tasser l'autre. Et puis il y en a qui excellent là-dedans. Et puis ce n'est pas une question d'être intelligent ou pas. Plus tu es intelligent, plus ta prise de position va être intelligente et plus ça va être fermé.
Donc, nous autres, ce qu'on a fait pour essayer de se sortir de ce problème-là en éthique, et ça m'a pris longtemps à le comprendre, c'est qu'il faut faire une distinction entre une éthique de principes, de débat de principes, une éthique de débat de principes puis une éthique de l'action. C'est qu'à un moment donné il faut que tu quittes le débat de principes parce que c'est des principes puis tu peux discuter éternellement là-dessus. Par exemple: Dieu existe-t-il?, on peut discuter encore éternellement là-dessus puis on ne réglera pas la question. Mais, pendant qu'on ne règle pas la question, le patient d'abord est mis de côté, surtout quand le patient, c'est un athée.
Alors, une éthique de l'action, c'est une éthique de terrain. Ce qui passe en premier dans une éthique de l'action, ce n'est pas les principes, c'est le patient d'abord. À ce moment-là, il faut faire attention de ne pas blesser le patient avec les principes. Et, tant et aussi longtemps... C'est pour ça que je trouve que ça, c'est très important que la commission le comprenne si elle veut faire un bon rapport, là -- excusez, mais je ne veux pas être trop moraliste non plus. C'est que ce que je veux dire, c'est que, le rapport, il faut bien qu'il comprenne... Il ne faut pas que ce soit un rapport de discussion de principes, il faut que ce soit un rapport qui permet une éthique de l'action, c'est-à-dire pragmatique, une éthique pragmatique sur le terrain, où, comme dit le Collège des médecins, c'est le patient qui est au coeur du débat et non pas les principes.
Pour sortir de l'impasse, il faut répondre à la demande du patient en ne le blessant pas avec des principes. Sauf qu'on a un petit problème, c'est que la loi nous empêche de le faire ouvertement, librement, et à ce moment-là on joue à l'autruche. Et je trouve que le gouvernement du Québec a eu le courage de faire ce débat-là pour venir en aide aux médecins parce que les médecins, ils ont besoin d'aide de la part de la société. Ils ne peuvent pas régler la question eux-mêmes. D'autant plus qu'un médecin, il a une image à respecter, de sauvegarder la vie, et je vois mal comment un médecin pourrait se permettre d'entrer dans un conflit familial, puis de s'imposer, puis, tu sais, parler d'éthique de l'action, ce n'est pas sa job. Je pense que c'est de notre job de traiter comme il faut la question, mais en évitant le débat de prises de position pour faire un dialogue où personne n'a la vérité parce qu'il faut répondre aux questions du patient d'abord. Je ne sais pas si je suis, clair, là.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée.
Mme Gaudreault: Oui. M. Béland, vous parlez beaucoup du patient d'abord, mais il ne faut pas oublier les soignants. Puis je voudrais ici mettre en opposition deux de vos oeuvres, deux de vos livres. Parce que vous avez écrit aussi un autre livre qui s'intitule La souffrance des soignants. Vous en avez fait référence tout à l'heure. Alors, on sait que, dans un contexte de l'euthanasie et du suicide assisté, veux veux pas, les soignants sont dans le coup. Et on a eu aussi le plaisir de recevoir l'Ordre des psychologues du Québec, Mme Gobeil, vous allez être intéressée de savoir qu'ils ne se sont pas positionnés parce qu'eux ils sont très soucieux des conséquences psychologiques sur les soignants, les familles, et tout ça.
Ma question est concernant le réseau de la santé actuel, là. On est en pénurie de main-d'oeuvre, le personnel est essoufflé. Bon, les médecins, les infirmières, tout le monde vraiment fait des miracles à tous les jours parce que, bon, le vieillissement de la population a aussi cet impact-là sur notre réseau de la santé. Votre livre est concernant la souffrance, la culpabilité des soignants face à l'impossibilité d'atteindre l'idéal thérapeutique qui concerne l'ensemble des actions et des pratiques destinées à guérir, à traiter et à soulager. Si on légalise l'euthanasie et le suicide assisté, comment est-ce qu'on va pouvoir accompagner les soignants dans ce contexte-là?
M. Béland (Jean-Pierre): Bon, c'est une excellente question. Si vous avez... Le livre, le livre répond. Le livre répond de la façon suivante, c'est que concrètement... Je ne sais pas si je devrais le dire. En tout cas, le ministre de la Santé du Québec est venu me rencontrer à l'Université du Québec à Chicoutimi. Évidemment, il était président du comité régional de bioéthique, et, moi, bien j'étais dans le comité régional de bioéthique. Donc, il n'est pas venu en tant que ministre rencontrer un prof, c'est un ami qui est venu rencontrer un ami. Et puis on a parlé de ce problème-là, parce qu'à l'hôpital d'Alma on voulait que l'hôpital d'Alma devienne un projet pilote pour permettre aux soignants dans cet hôpital-là de faire des cercles de dialogue afin d'exprimer leurs souffrances puis de régler les problèmes au sein de l'institution.
Et puis, à ce moment-là, on m'avait demandé de monter une chaire du Canada pour faire de ce projet-là... Il s'agissait de demander 1 million au gouvernement du Québec, et puis le gouvernement du Québec n'avait pas le million. Et puis, à ce moment-là, c'était vraiment un projet pilote où on s'engageait... je m'engageais à construire quatre groupes de dialogue dans quatre institutions différentes pour permettre... quatre groupes de 15 personnes, que les autorités institutionnelles étaient d'accord avec ça, mais il manquait l'argent. Mais il reste que le projet... M. Riverin, de l'hôpital d'Alma, était un peu déçu, mais ça n'a pas fonctionné finalement.
Parce que ce qu'on voulait faire -- vous me demandez comment s'occuper des soignants -- c'était d'être sur le terrain, de faire de la formation en dialogue. Et on faisait de la formation sur le terrain, là, ce n'était pas: les soignants viennent à l'université suivre des cours plates, là. C'étaient les... Excusez, j'ai dit «cours plates», mais en tout cas c'est ce que des étudiants me disent des fois. Mais disons que c'était de se rendre sur le terrain et offrir une formation sur mesure pour que les soignants expriment leur souffrance à eux, qu'ils s'entendent sur la souffrance qu'ils ont, donc qu'ils posent leurs propres questions et puis qu'ils cherchent, en groupe de dialogue, à solutionner leurs questions eux-mêmes. Ce n'est pas un groupe de déontologie qui décide de solutionner ce qui ne fonctionne pas finalement, mais là c'est à partir du terrain puis d'essayer de régler le problème sur le terrain. Et je pense qu'il faut se le dire, médecins, soignants, intervenants sociaux, etc., ont besoin d'être formés au dialogue éthique. Parce que le dialogue éthique, c'est un mot que tout le monde... que plusieurs peuvent utiliser, mais ça veut dire quoi, un dialogue éthique? Parce que le dialogue éthique, il ne faut pas qu'il vire en débat de prises de position.
Le Président (M. Kelley): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Chevarie: Merci, M. le Président. Je ne sais pas combien de temps qu'il...
Le Président (M. Kelley): Environ... On est en région, on est plus relaxe. Et j'ai perdu le contrôle du temps de toute façon, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Kelley): Comme d'habitude. Alors, le temps qu'il faut...
**(12 heures)**M. Chevarie: Merci, M. le Président. Merci, M. Béland, de votre présence. C'est vraiment intéressant comme approche, je pense que, comme tous les autres, ça contribue beaucoup à notre réflexion.
Moi, je vais vous parler... je vais vous interpeller plus sur la question, dans votre mémoire, à la page 5, qui y fait référence mais pas beaucoup, c'est sur la question des sondages d'opinion. Nous, on sait que, les politiciens, on ne regarde pas ça, les sondages, on les commente encore moins. Mais j'aimerais ça vous entendre par rapport aux sondages d'opinion.
Et particulièrement la commission avait la possibilité d'offrir aux gens d'aller sur le Web et de répondre à des questions. Et, pour la région du Saguenay, à la question: «Êtes-vous d'accord ou en désaccord avec la légalisation de l'euthanasie sous certaines conditions?», «plutôt d'accord» et «totalement d'accord», on est à 65 %. Et, deuxième question: «Pour des motifs raisonnables, qui pourrait faire une demande d'euthanasie? «Une personne apte à décider pour elle-même», on est à 70 %.
Et ma question est la suivante. D'un point de vue éthique, d'un point de vue éthique, comment votre science se positionne par rapport à ces sondages publics ou encore à ce genre de possibilité, questionnaire en ligne sur le Web, pour une population ou un groupe de personnes d'émettre leur opinion sur des questions aussi importantes que celle-là?
M. Béland (Jean-Pierre): Bonne question. Vous avez des bonnes questions, je vous dis. Il faut faire attention avec les sondages. Les sciences humaines, là, nous ont bien appris que le problème des sondages, c'est souvent qu'on peut leur faire dire ce qu'on veut, parce qu'il y a des gens assez intelligents pour les faire parler comme ils veulent. Ça, c'est un premier problème. Donc, on peut faire dire à un sondage ce qu'il ne dit pas, par exemple. Et puis Raymond Boudon, à Paris, qui est un sociologue très aiguisé là-dessus, nous disait que les sondages n'étaient pas scientifiques, bien qu'ils semblent objectifs.
Donc, ça veut dire quoi, pour l'éthique, ça? Ça veut dire que l'éthique, il faut qu'elle fasse... L'éthique, c'est une éthique de vigilance. Il faut éviter l'illusion éthique, l'illusion des sondages. Je ne veux pas... Les sondages sont importants, mais un sondage n'est pas tout.
Exemple. Lorsqu'on a voulu faire le dépistage génétique «at large» au Saguenay--Lac-Saint-Jean et puis que CORAMH vantait le dépistage génétique, on disait que 93 % ou 94 % des personnes au Saguenay--Lac-Saint-Jean voulaient se faire dépister. Mais c'était ambigu parce que ce n'était pas la population. Il fallait bien comprendre que c'étaient les gens qui s'étaient fait dépister. Les gens qui s'étaient fait dépister, donc à peu près 1 000 et quelques personnes, se disaient à 93 %, 94 % satisfaits de la façon dont ils avaient été traités.
Sauf qu'il y avait des étudiants en psychologie à l'université qui se plaignaient parce qu'il y avait de la propagande qui se faisait pour le dépistage, au sens suivant, c'est qu'on passait un film, et puis là tout le monde avait bien braillé en voyant le film, puis là tout le monde votait: Oui, oui, oui. Et ça, c'était considéré comme étant un sondage d'opinion, et le sondage était faux. Puis ça, les étudiants de psychologie, ils sont venus me voir dans mon bureau pour dénoncer ça. Mais là, écoutez, moi, je ne commencerai pas à me battre contre CORAMH et... Surtout qu'il y a des gros projets de recherche à l'hôpital de Chicoutimi.
Mais je peux vous dire une chose, c'est que CORAMH et l'hôpital de Chicoutimi en ont voulu longtemps au Comité régional de bioéthique lorsqu'on a fait passer, en 2003, deux articles sur Le Devoir pour dire que, si on veut dépister le Saguenay, qu'on dépiste tout le Québec. Parce que des médecins, à Montréal, me disaient: Vous n'êtes pas chanceux, vous autres, au Saguenay, on va vous dépister. Vous êtes des tarés, vous êtes... Donc, il y avait comme une espèce... Donc, c'est pour ça que...
Ce que je veux dire, c'est que le sondage est important, comme par exemple le sondage de la commission est important, mais, comme je vous dis, dans le sondage que vous faites actuellement, il n'y a pas la question de l'euthanasie sous conditions. Je voudrais bien savoir qu'est-ce qu'on en pense, de ça, quand c'est bien... bien... Je ne sais pas si j'ai répondu, là, mais...
M. Chevarie: Merci.
Le Président (M. Kelley): Maintenant, je vais céder la parole à M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup d'être ici et de nous partager vos lumières. Vous dites que souvent il faut mettre le patient d'abord. Il y en a qui parlent du citoyen d'abord, mais on n'entrera pas dans ce débat-là ici, on va plutôt parler du patient d'abord. Alors, je suis bien d'accord avec vous de mettre en valeur le patient d'abord, mais, moi, j'aimerais vous entendre sur la conciliation entre deux types d'éthique. Pour moi, il y a deux types d'éthique qui existent. Il existe une éthique...
M. Béland (Jean-Pierre): ...
M. Gaudreault: Non, bien, déontologique, oui, peut-être, un genre objective, entre guillemets, ou normée.
M. Béland (Jean-Pierre): Une morale.
M. Gaudreault: En tout cas...
M. Béland (Jean-Pierre): C'est ce que j'appelle une morale.
M. Gaudreault: ...vous ferez vos distinctions tout à l'heure, mais il y a un genre d'éthique normée, je vais l'appeler comme ça -- vous avez les meilleurs termes que moi, mais en tout cas -- et il y une éthique personnelle.
Exemple. Peut-être que c'est un mauvais exemple, mais je pense que vous allez bien comprendre ce que je veux dire. Un juge qui a à trancher sur une question de moeurs ou une question de crime quelconque va se référer à de la jurisprudence, va se référer à des lois, c'est normé, mais il va aussi se référer à ses valeurs personnelles, il va aussi, veux veux pas, avoir à faire référence ou à se baser sur son éducation, son milieu d'appartenance, etc.
Alors, comment, dans la fixation, disons, ou dans la détermination d'une euthanasie sous conditions, on peut faire la jonction entre ces deux types d'éthique là? Est-ce que l'euthanasie sous conditions... n'est-il pas une domination, en quelque part, de cette première éthique objective sur le libre arbitre du patient d'abord qui doit se référer à son éthique à lui rendu à cette limite ultime de sa vie?
M. Béland (Jean-Pierre): Encore là, une excellente question, puis elle est tellement excellente que j'aimerais ça que vous veniez la poser à mes propres étudiants en classe pour rendre le cours intéressant. Ce que je veux dire, c'est qu'ici il y a deux problèmes. D'abord, une éthique normée, c'est une éthique qui respecte d'abord les normes, puis des normes qui se veulent respecter le patient. Et l'éthique médicale est une éthique extranormée, c'est normal parce que l'enjeu, c'est le patient, donc, et puis on ne veut pas d'abus, donc on va normer comme il faut. À cette éthique-là est opposée l'éthique personnelle, l'éthique du sujet, qui elle-même peut dériver dans une autonomie autosuffisante, que je n'appellerais pas ça de l'éthique mais de l'égoïsme, de l'autosuffisance. Et les institutions ont peur de l'éthique, du sujet autosuffisant.
Mais je ne parle pas d'aucune de ces deux éthiques là. Si vous avez bien lu le livre La souffrance des soignants puis le livre Mourir dans la dignité?, je dis ceci. Une éthique du dialogue, ce n'est pas une éthique d'un sujet tout seul qui prend une décision, c'est une autonomie subjective et partagée. C'est une responsabilité subjective et collective qui se fait dans un dialogue. Ce n'est pas la norme, ce n'est pas le patient, ce n'est pas le médecin tout seul, ce n'est pas la famille toute seule, c'est une prise de décision qui dépasse le «je» et la norme pour une responsabilité subjective et partagée, alors que l'éthique normée, c'est une responsabilité tout simplement objective et puis que l'éthique personnelle, c'est une responsabilité tout simplement subjective.
Moi, ce que je dis aux soignants, c'est: Si vous ne voulez pas tomber dans le pétrin, ne prenez pas des décisions tout seul, il faut toujours prendre des décisions en dialogue pour ce que soit une responsabilité partagée, une responsabilité de groupe. Et ça, encore là, ça mérite... sur une éthique de terrain, une éthique de dialogue, c'est ça. Je ne sais pas... je pense que mon concept de dialogue répond à votre question ici.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
**(12 h 10)**Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre contribution à ce débat. Je pense qu'on est à même de constater, à chaque fois qu'on a un témoignage, une intervention, comment le défi est grand pour nous dans le cadre de cette commission-là, mais en même temps vos contributions sont essentielles à la réflexion.
Vous dites deux choses, plusieurs mais deux: entre autres, la personne d'abord et vous référez à l'euthanasie sous conditions. Quand vous parlez de l'euthanasie sous conditions, vous dites: Être en dialogue avec la personne mourante pour l'aider à gagner un peu de liberté. On a parlé, dans différentes auditions qu'on a eues, des personnes aptes à prendre des décisions, aptes à jouer leur rôle de personnes d'abord et à donner leur point de vue, mais il y a aussi les personnes inaptes qui vivent souvent des situations de souffrance très importantes. Et qu'est-ce qu'on fait d'eux quand on l'aborde par la question de l'éthique qui doit être l'éthique de l'action?
M. Béland (Jean-Pierre): Bien, évidemment, si elle est inapte, elle ne peut pas participer au dialogue bien, bien. À ce moment-là, il reste tout de même que justement, si une personne est inapte, ça en prend une encore plus, une éthique de dialogue, pour ne pas faire trop d'erreurs. La question fondamentale qui se pose dans l'ouvrage Mourir dans la dignité?, je la pose. La première question qui se pose dans une éthique de dialogue, c'est: Qui participe au dialogue? Tu peux avoir la personne souffrante qui participe, mais ça se peut qu'elle soit inapte puis qu'elle ne participe pas. Mais, à ce moment-là, ça veut dire que tu peux avoir les proches ou la personne qui représente la personne inapte qui fait partie du dialogue, mais pas elle toute seule non plus, tu as les autres personnes, les soignants, le médecin, d'autres intervenants s'il faut pour... Parce qu'une personne inapte, ça peut être toutes sortes de personnes, et ça peut demander aussi certains intervenants sociaux, des psychologues, etc., pour prendre la meilleure... Tu sais, l'idée, c'est de construire non pas la décision à ce moment-là de la personne inapte, c'est impossible, mais c'est de construire la meilleure décision possible.
Je n'ai pas la prétention que l'éthique du dialogue, ça fournit la vérité. L'éthique du dialogue, ça fournit la meilleure décision possible dans les circonstances. Et il y aura des conséquences positives et des conséquences négatives, mais il s'agit, d'une façon intelligente, de bien pondérer, de bien balancer conséquences positives, conséquences négatives pour essayer d'augmenter les conséquences positives puis de diminuer les conséquences négatives.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Et est-ce que, dans cette recherche de la meilleure décision possible, vous donnez une place au testament de vie ou au testament biologique?
M. Béland (Jean-Pierre): Ça, c'est une question que je discutais avec l'avocat qui est président de notre comité d'éthique clinique régional, ici, il est dans la salle, mais disons que... Répétez-moi votre question pour que j'y réponde clairement.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Est-ce que, dans l'élaboration de la meilleure décision possible, vous faites une place au testament de vie...
M. Béland (Jean-Pierre): Bien, il...
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...qui aurait pu être émis par la personne qui est maintenant inapte mais qui, à un certain moment donné du cheminement de sa maladie, ne l'était pas?
M. Béland (Jean-Pierre): La même question se pose dans les salons funéraires, parce qu'il y a des gens qui veulent faire du patient ce qu'ils veulent, de la façon qu'ils vont disposer le patient dans le salon funéraire. Puis les thanatologues me disaient: Est-ce qu'il faut considérer le testament s'ils disent qu'il faut telle affaire dans le salon funéraire?
Ici, si on commence à remettre en question le testament de vie, là, on vient de se couper d'un moyen. Le problème, c'est que le testament de vie ne doit pas être le seul moyen. C'est un moyen qu'il faut sauvegarder, et il est très important parce que le testament de vie ou même les mandats d'inaptitude, c'est une façon, pour une personne d'abord, de prolonger dans l'avenir sa liberté. Donc, si on commence à remettre en question tout ça, là, ça veut dire que, là, on a un petit problème légal.
Et puis je pense que je peux comprendre pourquoi le Barreau du Québec, ils ont des problèmes avec ça, parce qu'il peut y avoir des abus qui sont faits. Supposons qu'un patient commence à dire... un père de famille, il écrit dans son testament qu'il ne veut pas voir la face de sa fille. Puis là, bien, on dit: On va respecter ce qui est écrit là. Là, ça ne marche pas. Alors là, on peut contester. Mais là sa fille a le droit de venir le voir même si le papa ne la voulait pas. Puis peut-être que si, là, il était là, peut-être que, là, il voudrait la voir. Donc, là, je peux comprendre qu'on remette en question ça, là, mais ça ne veut pas dire qu'il faut tout jeter.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, merci beaucoup, M. Béland, pour une présentation qui fait assurément réfléchir. Vous êtes un spécialiste en éthique. Nous avons rencontré d'autres spécialistes en éthique. Pas plus tard qu'il y a deux semaines, on a eu la Pre Margaret Somerville, qui est juriste, professeure, donc, de droit et d'éthique aussi à McGill et qui a une position, comme vous le savez sans doute, très, très différente de la vôtre. Et l'argument qui revient beaucoup de cette personne et de d'autres spécialistes en éthique, c'est que l'autonomie, la liberté de la personne ne peuvent pas être considérées comme toutes puissantes parce que, si on fait ça, on est en train d'envoyer un message en même temps à la société dans son ensemble sur la valeur de la vie.
Et l'autre chose qu'ils font ressortir aussi beaucoup, c'est qu'à partir du moment on rentre dans toutes ces notions-là de l'importance de l'autonomie et de la liberté du dialogue qui met au coeur du dialogue vraiment la pensée de la personne, sa vision sur sa propre vie et tout ça, tout devient, jusqu'à un certain point, relatif et que, nous, comme commissaires ou éventuels législateurs, il faut avoir un portrait global des impacts d'ouverture qui pourraient être faits sur l'ensemble de la société et sur les valeurs qui peuvent ressortir de ça.
Et, jusqu'à un certain point, ces personnes-là disent: Pourquoi, en fin de vie, on donnerait cette toute puissance là au dialogue avec la personne, le regard de la personne serait le même, alors que, pendant sa vie -- et tantôt on y faisait référence -- la souffrance est omniprésente et pourquoi on ne dirait pas alors: C'est vrai, vous souffrez, vous avez 26 ans, vous n'êtes pas en phase terminale, mais, dans cette optique de liberté et d'autonomie, on doit laisser cours à votre volonté de vouloir abréger vos jours? Donc, comment vous conciliez votre position avec ces positions-là qui nous parlent beaucoup des effets sur la société en général?
M. Béland (Jean-Pierre): Encore là, une bonne question. Mme Somerville, je viens de lire son dernier livre justement parce que, dans un des chapitres de son dernier livre, elle traite de la question de la nanoéthique, et puis, Mme Somerville, comprenons bien que c'est une éthique de principes. Donc, c'est une éthique de principes, attendez-vous qu'elle vous sorte toutes sortes de principes, comme la nature, par exemple, etc. Là, il faut faire attention. Si vous comprenez bien la notion de dialogue, c'est justement pour contrer le dialogue, c'est pour contrer l'autonomie toute puissante.
Puis, si on veut parler de principes, allons-y avec un principe chrétien du -- écoute, depuis Saint-Thomas-d'Aquin -- XIIe siècle, où on parle d'autonomie... Je vais perdre le mot, parce que je viens de lire... L'idée, ce n'est pas une autonomie toute puissante, mais c'est une autonomie responsable. Et là, il ne faut pas...
C'est que, dans notre société, on a beaucoup axé sur l'autonomie, mais on a oublié la responsabilité, c'est-à-dire le souci de l'autre, etc., les conséquences. Le dialogue est pour aider les personnes entre eux à croître, croître, grandir, en autonomie responsable, ce qui veut dire que ce n'est pas une autonomie autosuffisante qui impose les choses d'une façon aveugle, mais c'est une autonomie qui, en réflexion avec l'autre, partage les conséquences sur soi, sur l'autre, sur la société, de telle façon qu'on essaie de prendre, comme j'ai dit tout à l'heure, les meilleures décisions possible.
Mais, quand tu fais une autonomie de principes, c'est-à-dire une éthique de principes, tu es bloqué avec cette question-là parce que justement le dialogue peut remettre en question des principes, mais, vu que tu fais une éthique de principes, tu va rejeter le dialogue et, là, tu vas t'enfermer dans tes principes. C'est pour cette raison que j'ai dit tout à l'heure: Pour sortir de cette impasse-là, l'impasse d'un «je» puis d'une norme qui s'impose, un principe puis un «je» autosuffisants, il faut...
**(12 h 20)** Je dis bien, dans le livre Mourir dans la dignité?, là, je le dis clairement dans l'introduction que ce livre s'est écrit dans la perspective -- perspective, donc horizon de sens -- le livre s'est écrit dans la perspective d'une autonomie responsable. Puis, en bioéthique, on a quatre principes qu'il faut mettre en interaction pour l'atteindre: tu as le principe d'autonomie, tu as le principe de dignité, tu as le principe de justice puis tu as le principe de non-malfaisance. Donc là, on s'est posé la question: Est-ce que c'est le principe d'autonomie qui est plus fort que le principe de dignité? J'ai bien dit dans le livre que la dignité n'est pas possible sans l'autonomie, donc il faut une... Le dialogue est une façon de mettre en interaction différents principes pour éviter les abus.
Mais là c'est sûr que je ne veux pas donner un cours d'éthique, là, mais disons que ce que je veux dire, c'est que cette question-là, le dialogue, c'est justement le moyen utilisé pour répondre à cette question-là. Maintenant, comme j'ai dit, il faut former les soignants, médecins, infirmières, et j'oublie tout le monde, et à la limite incluant le concierge. Une formation adéquate au dialogue, c'est pour ça qu'on se bat en éthique professionnelle et c'est ce que je dis aussi aux étudiants en enseignement. L'éthique dialogique, c'est un moyen pour augmenter le professionnalisme dans l'enseignement. L'éthique dialogique, c'est un moyen pour augmenter le professionnalisme dans les hôpitaux. Mais, si on fait simplement offrir une euthanasie sans cette éthique professionnelle, là, je dis que ça devient immoral. Je vais être clair, là. J'ai dit tout à l'heure... Je ne suis pas aveugle, là, l'euthanasie «at large», puis on vide les hôpitaux, ce n'est pas ça. C'est qu'il faut que l'éthique sous condition, qui... puis, dans la condition, il y a le dialogue. Si la commission oublie ça, je pense qu'il y a un danger de dérive sur son bateau en évolution constante.
Le Président (M. Kelley): M. Béland, c'est bien noté. Il me reste à dire merci beaucoup encore une fois pour votre contribution à notre réflexion. Nous avons pris bonne note de vos suggestions de nous diriger dans la bonne direction. Alors, merci beaucoup.
Sur ça, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 13 h 30. Merci beaucoup, tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 h 23)
(Reprise à 13 h 34)
Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! On va commencer notre après-midi. Je vais essayer d'être un petit peu plus discipliné avec le temps parce que j'ai un certain collègue qui doit être à Saint-Hyacinthe ce soir, si j'ai bien compris. Mais je vais rappeler aux personnes ici que, si vous voulez faire une courte déclaration, à 15 heures, à la fin de nos discussions, de vous identifier auprès de la table à ma droite, à votre gauche, et il va être en mesure de prendre les noms pour faire une courte déclaration si ça vous intéresse.
Sans plus tarder, on va avoir trois citoyens qui ont fait une demande d'intervention. Alors, c'est une présentation d'environ 15 minutes suivie par un échange de 15 minutes avec les membres de la commission. Sans plus tarder, notre prochain témoin, c'est Mme Marie-Josée Gobeil. La parole est à vous.
Mme Marie-Josée Gobeil
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui. Bonjour, tout le monde. Comme vous venez de dire, mon nom est Marie-Josée Gobeil. Je suis psychoéducatrice de formation, je travaille comme intervenante auprès des jeunes familles pour le CLSC Lac-Saint-Jean-Est. Je suis ici aujourd'hui pour vous partager mon expérience vécue d'accompagnement et ma réflexion sur le droit de mourir dans la dignité. Je peux vous dire que mon point de vue est issu de plusieurs heures de réflexion suite à la lecture du document de consultation. En effet, ce document m'a démontré la complexité de la question qui touche nos valeurs les plus fondamentales, nos mégavaleurs.
En tout premier lieu, je tiens à remercier le gouvernement québécois de me permettre, à nous, simples citoyens, de nous exprimer sur ce sujet. Je crois que la société québécoise se devait d'approfondir cette question. En effet, l'augmentation de l'espérance de vie et l'avancement de la médecine font en sorte que de plus en plus de gens vivent sans avoir de qualité de vie. Un merci tout spécial à vous, M. Kelley, Mme Hivon et à tous les autres membres du comité pour votre intérêt sur cette question.
Mon histoire vécue. Il y a quelques années, vous m'auriez posé la question si le gouvernement devait légaliser l'euthanasie ou le suicide assisté, et j'aurais probablement répondu que je n'avais pas d'opinion sur ce sujet. Mon intérêt pour cette question s'est développé pendant l'année 2008, année où j'ai accompagné ma mère dans la maladie et la mort. Je peux vous dire que ma mère était une battante. Elle a combattu avec courage un cancer du pancréas. Dès le début de sa maladie, elle nous disait qu'elle allait se battre tant qu'il y avait un espoir de guérison, mais que, s'il n'y avait plus rien à faire, elle désirait qu'on l'aide à mourir. Je vous dirais même qu'avant même de développer son cancer, ma mère avait ce discours. Mes plus loin souvenirs remontent à peu près à l'âge que j'avais 13 ou 14 ans, que ma mère me disait: Le jour où je serai condamnée, je veux qu'on m'aide à mourir.
Elle a fait tous les traitements possibles et consulté les meilleurs spécialistes au Québec dans le but de s'en sortir. En mars 2008, après quatre mois de durs traitements, on lui apprenait que son cancer était incurable. Tout au long de sa maladie, ma mère nous indiquait régulièrement sa peur de mourir à petit feu, de traîner, comme elle disait. Selon moi, sa plus grande peur n'était pas la souffrance ni la mort. Ma mère était une personne extrêmement fière, elle avait peur de mourir maigre et laide. Elle souhaitait mourir belle.
Assister impuissant à la perte de son autonomie, à son dépérissement et finalement à la perte de sa dignité devient parfois plus intolérable que la douleur physique. Ma mère a fait deux périodes d'inconscience où elle a fait de longues périodes d'apnée. À deux reprises, les médecins nous ont alors avisés qu'il ne lui restait pas plus que 24, 48 heures à vivre. Contre toutes nos attentes, ma mère reprenait conscience. La première question qu'elle posait à ses médecins alors était: Pourquoi je ne suis pas morte? S'il vous plaît, aidez-moi à mourir. Devant l'insistance de ma mère à vouloir mourir et ne pouvant rien faire pour elle, un de ses médecins lui a alors suggéré de cesser volontairement de s'alimenter pour précipiter les choses. Déterminée à vouloir mourir, elle a donc délibérément cessé de manger.
En tout, nous avons dû passer plus de six mois à l'hôpital à son chevet. Impuissants, nous avons assisté à son long dépérissement. Pourtant, elle a reçu des doses astronomiques de calmant, mais la mort ne venait tout simplement pas. La peur de ma mère s'est concrétisée: petit à petit, nous l'avons vue perdre son autonomie, sa dignité. À la fin, ma mère était rendue à croire que le bon Dieu ne voulait plus d'elle. C'est finalement le 10 décembre 2008 que ma mère s'est éteinte. Mon premier sentiment lorsque j'ai constaté son décès -- parce que c'était moi qui était avec elle -- c'est la joie, parce qu'on ne peut pas voir un être aimé subir ce que ma mère a vécu.
Selon le personnel du centre Cléophas-Claveau, ma mère a battu tous les records des soins palliatifs de l'hôpital. À son décès, son corps était dans un tel état qu'il a été impossible pour l'entreprise funéraire de faire en sorte qu'elle se ressemble. La thanatologue nous a personnellement rencontrés pour nous expliquer que sa science avait des limites. Elle a rajouté qu'en 14 ans de pratique elle n'avait jamais vu ça. Elle ne pouvait pas croire qu'un humain pouvait vivre jusque-là. Quand je décris l'état du corps de ma mère à sa mort, je dis aux gens que le cadavre de ma mère était comme une momie à laquelle on avait enlevée les bandelettes. Où est la dignité dans cette histoire?
**(13 h 40)** Je tiens à préciser qu'elle a reçu des soins exceptionnels de la part du personnel du CLSC et du SCSS Cléophas-Claveau. Mon père et moi avons été très bien soutenus. Le problème n'est pas dans la qualité des soins reçus mais dans le fait que les volontés de ma mère n'ont pu être respectées. Elle est décédée exactement comme elle ne voulait pas, à petit feu. Pourquoi ma mère a dû arrêter de s'alimenter pour réussir à mourir? Jamais, au grand jamais quelqu'un ne laisserait mourir son animal de compagnie de la sorte. On l'accuserait de cruauté envers un animal. On a pitié d'un chien mais pas d'un humain. Je ne comprends pas que l'on ait pu lui administrer des doses astronomiques de calmant mais qu'on n'ait pu l'aider à mettre fin à ses souffrances. Ne contrôlons-nous pas déjà la mort?
Et c'est sans compter le coût social de toute cette aventure. Combien cela a-t-il coût à l'État de maintenir en vie ma mère contre son gré? Si l'on considère que ma mère a été hospitalisée durant pratiquement un an, qu'elle a reçu des soins palliatifs à la maison et du fait que j'ai dû m'absenter de mon travail pendant plusieurs mois, le coût total doit être impressionnant. Je ne parle pas de notre épuisement physique et moral de mon père et moi, de la souffrance de mes enfants que j'ai négligés pour être auprès de ma mère, du père de mes enfants qui a dû s'occuper d'eux seul. Si son souhait avait été de mourir de cette façon, c'en aurait valu la peine, mais ce n'était pas le cas.
Vous comprendrez qu'à la lumière de mon expérience vécue auprès de ma mère, je suis en faveur de l'euthanasie sur certaines conditions. Je suis également en faveur du suicide assisté sur certaines conditions, dans une mesure où il s'inscrit dans une démarche médicale, c'est-à-dire que la personne ait reçu une ordonnance médicale pour le faire et qu'elle est supervisée par un accompagnateur formé pour ce genre de situation. Par contre, je suis tout à fait en désaccord si cela se fait à l'aide d'un proche sans ordonnance médicale. À mon avis, le suicide assisté, dans un contexte médical, devrait même être privilégié à l'euthanasie dans la mesure où c'est possible, car cela remet la responsabilité du geste au malade lui-même et non au médecin.
Qui, selon moi, pour des motifs raisonnables, pourrait faire une demande d'euthanasie ou de suicide assisté? Je crois que l'euthanasie et le suicide assisté doivent demeurer une mesure d'exception. En ce sens, cette option ne devrait jamais faire partie de l'offre de services offerte à une personne malade. La demande devrait toujours être formulée par la personne elle-même, sauf exception pour les enfants de moins de 14 ans, si on se réfère au Code civil du Québec, article 14, alinéa deux. Dans ces cas particuliers, je crois que les parents pourraient en faire la demande. Pour les adultes, un proche ne peut formuler une telle demande, car nul ne peut porter atteinte à quelqu'un sans son consentement, et ça, je me réfère au Code civil, l'article 10.
Quant au scénario pouvant, selon moi, justifier une demande d'euthanasie ou de suicide assisté, je crois que toute personne qui, par sa condition médicale, doit dépendre d'autrui pour ses activités de vie quotidienne, AVQ, et ses activités de vie domestique, AVD, et qui, par sa maladie ou son handicap, fait preuve qu'il n'a plus de qualité de vie pourrait en faire la demande. Cela inclut les personnes atteintes d'une maladie incurable, en phase terminale, atteintes d'une maladie dégénérative et les personnes gravement accidentées.
Pour procéder à l'analyse d'une demande, la personne devrait: répondre aux critères d'éligibilité et avoir l'appui de son médecin traitant; en avoir fait la demande à plus d'une reprise et à différents moments -- mais, sur ce point, je dirais que c'est variable selon le cas parce qu'on ne peut pas parler de la même chose pour une personne qui a un handicap où le temps n'est pas compté et une personne qui est atteinte d'une maladie plus comme un cancer ou en phase terminale; puis avoir tenté -- ça, je trouve ça très important -- avoir tenté en premier lieu un traitement pharmacologique visant à éliminer la possibilité d'un état dépressif. Je crois que ça doit être la première solution avant que l'analyse soit faite.
La demande du malade devrait être, si possible, par écrit. Cependant, il arrive que le malade soit dans l'incapacité de le faire. Une demande verbale alors pourrait être recevable avec présence de témoins. Je ne crois pas que l'on puisse, par un testament biologique, demander l'euthanasie ou le suicide assisté, compte tenu que personne ne peut prévoir toutes les variables possibles de son état de santé futur et par le fait même ne peut donner son consentement éclairé.
Pour ce qui est de l'analyse, dans le cas où un malade maintient sa demande dans le temps et qu'aucune aide pharmacologique ne peut lui venir en aide, le médecin traitant pourrait déposer la requête à un comité régional ou provincial, selon le nombre de demandes, qui aurait le mandat d'analyser les demandes. Le fait de centraliser celles-ci permettrait à une équipe volante de développer une expertise. Et ça, je crois que c'est vraiment important parce que je pense que ce n'est pas quelqu'un qui fait un cas ou deux dans sa carrière qui peut mettre... qui peut bien juger de la situation. Donc, ça serait important qu'il y ait une équipe d'experts formés en la matière pour éviter toute dérive possible.
De plus, l'analyse doit être biopsychosociale. Le comité responsable de l'analyse doit donc être multidisciplinaire. Il est essentiel pour moi que cette équipe soit composée d'un médecin, d'une infirmière et d'un intervenant psychosocial. En effet, outre la personne malade, la famille doit aussi être rencontrée pour vérifier si la demande du malade est bel et bien la sienne et qu'aucun membre de la famille n'a d'intérêt personnel à abréger la souffrance de son proche. Il est essentiel de vérifier en profondeur que le consentement de la personne soit libre et éclairé.
Le médecin traitant pourrait pratiquer l'euthanasie ou prescrire l'ordonnance du suicide assisté après avoir obtenu l'accord du comité d'experts. Ces pratiques devraient être réalisées -- quand je parle des pratiques, c'est le suicide assisté et l'euthanasie -- devraient être réalisées par le médecin traitant, dans le cas de l'euthanasie, et sous la supervision d'un accompagnateur formé, dans le cas d'un suicide assisté, là où le malade se trouve, et ce, indépendamment si le malade est à la maison, dans une maison de soins palliatifs ou un centre hospitalier.
Ici, j'aimerais rajouter que, moi, je trouve ça important, dans certains pays, les personnes ont le droit de faire leur suicide assisté après avoir eu une... à leur moment qu'ils décident chez eux. Mais, moi, je crois que c'est important que les gens soient accompagnés pour éviter que quelqu'un fasse ça dans des mauvais endroits, au mauvais moment ou pour s'assurer que la personne, là, soit récupérée par la suite ou éviter des drames humains où la famille n'a pas été mise au courant ou des choses comme ça. Donc, pour moi, c'est important, même si, dans certains pays, le malade peut faire ça par lui-même un coup qu'il a eu son ordonnance. Moi, je crois qu'il devrait y avoir des gens qui sont spécialisés pour accompagner ces gens-là.
En conclusion, compte tenu que, selon notre Charte des droits et libertés de la personne du Québec, toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, je crois que l'on devrait légaliser la pratique de l'euthanasie et du suicide assisté selon certaines conditions. Il est vrai que la condition du droit à l'euthanasie et du suicide assisté est une question délicate. Plusieurs personnes craignent une dérive possible. C'est pour cette raison qu'il est impératif que toute demande soit analysée et approuvée par un comité d'experts multidisciplinaire qui aura comme objectif de faire une évaluation biopsychosociale de la demande. On ne peut incomber la responsabilité d'une telle décision au médecin traitant. Certains pays ont réussi à légiférer en la matière, et, jusqu'à ce jour, aucune dérive, à ce que je sache, pour moi, ne semble avoir été signalée. Nous pouvons suivre l'exemple de ces pays et s'appuyer sur les mêmes protocoles.
Finalement, la dernière chose que je voudrais porter à votre attention, c'est qu'on meurt comme on vit. Ce que je veux dire, c'est qu'une personne qui a été naïve toute sa vie va croire à la possible guérison jusqu'à la fin. Une personne anxieuse ne voudra pas mourir de peur de la mort. Une personne joviale va faire des farces et tenter d'avoir du plaisir jusqu'au bout. Les gens qui vont se tourner vers le droit à l'euthanasie et le suicide assisté sont des gens de tête qui ont affirmé leur choix haut et fort toute leur vie. Laissons-les mourir comme ils ont été. Laissez-les faire un dernier choix. Je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Gobeil. En parlant du cancer du pancréas, nous avons perdu un collègue à l'Assemblée nationale tout récemment. Alors, on peut imaginer la peine de votre famille, parce que c'est un cancer qui ne pardonne pas. Et alors, je pense vous avez touché une corde sensible, parce que nous avons vécu ça de proche avec notre ancien collègue Claude Béchard.
Sans plus tarder, je vais céder la parole à Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gobeil. Je pense qu'on pourrait aussi souligner que quelques-uns d'entre nous ont eu aussi l'expérience de perdre leur mère. Votre mère et la mienne avaient quelque chose en commun: c'étaient des battantes. La différence avec la mienne, c'est qu'elle était sûre qu'elle était pour gagner. Donc, un combat qui se ressemble et avec la même finalité. Par contre, une façon de faire à la fin qui était différente. Je ne sais pas si vous étiez avec nous ce matin.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Non. Malheureusement, j'étais au travail.
Mme Charbonneau: C'est correct. Je fais juste donner l'avertissement. Je le fais tout le temps parce que je suis aussi une fille qui est ici pour ça. Mais je vais vous annoncer des contradictions ou des choses que, nous, on s'est fait dire par rapport aux gens qui sont contre, et on le fait tout simplement pour avoir des meilleures façons puis une façon d'aller rechercher une plus grande réflexion par rapport...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Je m'y attendais. Il n'y a pas de problème.
Mme Charbonneau: Bien, et c'est tant mieux puis...
Mme Gobeil (Marie-Josée): On est ici pour avoir un débat, justement. Donc, ça sert à ça, un débat.
Mme Charbonneau: Exactement. Et j'ai aimé votre façon de dire qu'on était dans nos mégavaleurs, hein? Vous avez des enfants, il y a les LEGO puis les Mega Bloks. Il y a une différence de grosseur.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui, c'est ça, effectivement. Il y a des valeurs et des mégavaleurs. Et, quand on parle du droit à l'euthanasie, on parle des mégavaleurs. On est dans...
**(13 h 50)**Mme Charbonneau: On parle de la vie...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui.
Mme Charbonneau: ...dans sa version brute et simple, juste la vie. Et je pense qu'il n'y a personne qui va se contredire en disant qu'à tous les jours on se lève pour vivre intensément, quel que soit ce qui s'annonce à nous. Notre première volonté, c'est de vivre. Mais il y a beaucoup de gens qui sont venus nous voir pour nous dire que, dans leur réflexion, il y avait aussi la mort.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui.
Mme Charbonneau: Dans cette perspective-là et parce que vous avez une expérience que peu de gens ont... Parce que, chez nous, à Laval, une maison palliatifs, on y loge 17 jours maximum.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui.
Mme Charbonneau: On sait quand on rentre, puis on a à peu près une moyenne de deux semaines pour en sortir.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Je peux vous dire là-dessus, ma mère, sur... À la ville de La Baie, au centre Cléophas-Claveau, ils ont une chambre vraiment de soins palliatifs pour les derniers jours. La moyenne des gens passent peut-être six, sept jours, on a passé un mois et demi dans cette chambre-là.
Mme Charbonneau: Exactement. C'est là que je voulais vous amener. Je voulais vous amener là parce que souvent les gens nous ont dit que le principe même d'accepter de répondre à un choix de fin de vie viendrait mettre en péril ce service exceptionnel qu'on a, qui s'appelle les soins palliatifs. Vous n'êtes pas médecin, moi non plus, ce qui fait en sorte que notre vécu des fois nous amène dans le gros bon sens.
Croyez-vous sincèrement que, si on avait accédé à la demande ou si on accédait à cette particularité avec conditions, on mettrait en péril un service qu'on essaie d'améliorer dans le quotidien? Parce que je pense qu'à toutes les semaines on fait des percées en soins palliatifs pour améliorer le confort du patient. Parce qu'un soin palliatif, c'est aussi ça, le confort du patient pour le laisser partir dans la meilleure façon. Croyez-vous vraiment que?
Mme Gobeil (Marie-Josée): Moi, je ne crois pas, comme je vous disais, qu'il y a différentes personnes... Il y a des gens qui, comme votre mère, a cru jusqu'à la fin qu'elle allait s'en sortir, il y en a qui vont essayer d'avoir du plaisir jusqu'à la fin, mais il y a des gens qui sont vraiment décidés. Puis je pense que, par l'expérience des autres pays, ce n'est pas un nombre énorme de personnes qui en feraient la demande, donc je pense que ça ne menacera jamais les soins palliatifs. Puis effectivement il faut continuer de développer ces soins-là, ils sont...
Moi, en tout cas, pour nous, ce qu'on a vécu, c'est sûr que, ma mère, ce n'était pas une maladie dégénérative sur des années, ce n'est pas la même chose. Je sais que, pour ces gens-là, des fois les soins palliatifs sont insuffisants. Mais, moi, je peux vous dire qu'on a eu des soins exceptionnels autant au niveau du service à domicile qu'au niveau du centre hospitalier. Ça a été, je vous dirais, sur toute la ligne, incroyable comme services.
Je ne pense pas que ça va menacer qu'on développe... parce qu'il y aura toujours des gens qui vont vouloir mourir naturellement. Donc, pour moi, ce n'est pas une question. Il y a des gens qui vont chez l'esthéticienne, il y en a qui n'y vont pas. Il y en a qui vont chez le coiffeur, il y en a qui n'y vont pas. C'est pour deux types de clientèle, je crois. Il y a des gens qui vont vouloir mourir rapidement et il y a des gens qui ne voudront pas et qui vont attendre. Ça fait que, selon moi, un et l'autre vont... ce n'est pas à l'encontre.
Mme Charbonneau: ...pas en contradiction l'un et l'autre.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Ce n'est pas une contradiction, selon moi. Puis effectivement, il faut continuer de bien développer les soins à domicile et les services palliatifs.
Mme Charbonneau: Tout à fait. Vous savez, Mme Gobeil, quand on a un parent qui, la première fois, nous dit: Je pense que j'en ai assez, souvent, nous, on s'est fait dire que probablement que ce parent n'avait pas... n'avait peut-être pas eu le temps de faire le tour, avait encore des choses à vivre, puis, dans le prolongement de sa vie, avait l'opportunité de vivre des moments exceptionnels. Vous avez eu à vivre des moments intenses où je sais que la première phrase qu'on dit quand qu'on arrive, c'est: Comment ça va? Parce qu'on ne la dit plus cette phrase-là. On le sait, comment ça va. Ça ne va pas.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Ça va mal.
Mme Charbonneau: Ça fait qu'on trouve d'autre chose: Il fait beau, hein? La porte d'entrée de la conversation, elle est différente. Mais, après un certain temps, croyez-vous que, si on avait accédé à la demande, on aurait... -- je vais utiliser un mauvais terme, je ne suis pas toujours très habile -- on aurait puni les membres de votre famille de moments précieux, de moments valeureux, de moments où il y aurait eu des échanges où il n'y aurait pas eu cet échange-là si on avait accédé à la demande? Puis est-ce que vous croyez qu'au moment où elle commençait à en parler, on aurait dû aller en profondeur avec des tests psychométriques ou des examens pour être sûr que ce n'était pas plus la dépression qui l'amenait à sa réflexion, plutôt que sa maladie et sa volonté d'en finir?
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui. Moi, je vous dirais qu'effectivement, moi, si je parle pour moi, ça a été bénéfique, le processus de ma mère. Ça a été tellement long que, je peux vous dire, j'ai eu le temps de tout lui dire. Il n'y a rien qui a été caché. Ça ne finissait plus, son histoire, là, c'était... Moi, j'ai intitulé mon document Quand la mort ne vient pas. Ça fait que, oui, effectivement, quand elle est partie, je peux vous dire, je n'ai pas versé une larme. Pourquoi? Bien, je les avais toutes versées avant.
Par contre, je ne suis pas ici pour défendre mon intérêt. Moi, ce que je veux défendre aujourd'hui, c'est ce que ma mère souhaitait. Bien, moi, ce n'est pas drôle, mais, bien oui j'aurais peut-être eu plus de peine, j'aurais peut-être vécu ça moins bien, mais je pense que c'est important de respecter les volontés de quelqu'un qui est en fin de vie. Je pense que ce n'est pas aux proches, il faut voir ça pour la personne elle-même. Vivre sans futur, vivre... comme vous dites: Comment ça va?
Moi, ce que je trouvais difficile à vivre, c'était de ne pas pouvoir parler de projets avec ma mère. Il n'y en a plus, de projets, il n'y a plus de futur devant nous. C'est dur de vivre quand il n'y a rien en avant. Puis, pour moi, ça, c'était... Je comprenais la souffrance de ma mère de devoir vivre ça à chaque matin, de se réveiller sans avoir d'autre souci que qu'est-ce que je vais manger, qu'est-ce qu'ils vont m'apporter dans mon cabaret. Ça, je trouvais ça... Ça fait que, pour moi, ce qui était important, c'étaient les volontés de ma mère et non comment, moi, ça m'aurait aidée. Je pense que... Bon, la vie, est-ce qu'elle nous appartient? C'est une question qui est complexe, mais je pense que, rendu en fin de vie, quand il n'y a plus rien en avant de nous, je pense qu'on a un choix puis je pense que, les personnes, ça doit être respecté.
Mme Charbonneau: Ma dernière. Après ça, je vous laisse, je vous laisse aux mains de mes collègues. On pourrait passer l'après-midi.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Ah! vous pouvez m'en poser plein. Je me suis à peu près posé toutes les questions.
Mme Charbonneau: On pourrait passer l'après-midi. Dans une société, il y a toute sorte de monde, il y a toutes sortes de demandes. À partir du moment où je dis oui à un, il faut que j'apprenne à comprendre pourquoi je l'ai dit puis il va falloir peut-être que je dise non à d'autres. Si je dis non, ce n'est pas compliqué, je dis non à tout le monde. Croyez-vous que, si on acquiesce à des demandes sur conditions -- je me ramène tout le temps aux suggestions que vous nous avez faites -- sur conditions, pensez-vous qu'il y aura un impact sur une société de façon catastrophique...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Non, je ne crois pas...
Mme Charbonneau: ...ou malheureuse? Peut-être que «catastrophique», c'est un trop gros mot, là, mais...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Je ne crois pas, parce que, comme je vous disais, moi, je ne pense pas que c'est tous les gens qui vont s'adresser pour faire cette demande-là. Ça va toujours rester un certain nombre de personnes. On parle de je ne sais pas combien par année, mais ce n'est pas tout le monde qui va avoir... Ça fait que je ne pense pas qu'on chamboule la société québécoise parce qu'on donne ce droit-là. C'est sûr qu'il va encore y avoir des gens qui, comme ma mère, vont mourir d'une façon épouvantable, là. C'est sûr, on ne pourra pas...
Une voix: ...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Dans le cas, par exemple, de la maladie d'Alzheimer, bien il va y avoir encore des gens... parce que ces personnes-là ne pourront pas donner leur consentement libre et éclairé. Donc, dans ces cas-là, bien, si on ne peut pas avoir le consentement, je ne crois pas... Ça fait que malheureusement il va y avoir encore des gens qui vont devoir mourir, là, de façon, là... Mais, comme je me reportais au code, à notre Charte des droits, personne ne peut avoir atteinte sur la personne sans son consentement. Donc, je pense qu'il y a une ligne possible à tirer. Je peux vous dire que, comme je vous disais, à la lumière... C'est des heures et des heures de réflexion. Mon premier objectif a été de me tracer moi-même une ligne pour dire jusqu'où on peut aller. Puis il faut se reporter toujours au consentement éclairé, au consentement éclairé de la personne. Puis, en ayant le consentement éclairé de la personne, il est quand même assez facile de tracer une ligne, une ligne qui peut être...
Puis aussi, je tiens à le préciser, je ne l'ai pas vu dans aucun document, mais l'étude d'un comité... Je ne pense pas qu'on peut remettre la décision au médecin traitant, même à un autre médecin. Je pense qu'il doit y avoir vraiment une évaluation biopsychosociale qui fait en sorte que, si la personne, ça lui est refusé, la personne va accepter que ça va être refusé parce que ça va lui être expliqué. Puis, en ce sens-là, je ne crois pas que... Si c'est bien fait, bien je ne pense pas qu'on va bouleverser la société québécoise parce que la ligne va être bien faite, les balises vont être bien mises, ça va être bien évalué. En ce sens-là, je pense que personne ne peut dire qu'on laisse des gens... Je pense qu'il y a moyen de faire...
Mme Charbonneau: De trouver la bonne place.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui, trouver la bonne place.
Mme Charbonneau: Merci. Merci beaucoup, Mme Gobeil.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Kelley): Courte question, M. le député d'Orford.
M. Reid: En fait, le président m'a souligné que je n'ai pas le temps de poser une question, il n'y a pas assez de temps, mais je voudrais en profiter...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Ah bien, dommage.
**(14 heures)**M. Reid: ...des quelques secondes qui restent... Non, mais vous allez voir. Attendez, vous allez voir. Moi, je voudrais surtout vous remercier pour votre générosité, votre courage aussi de venir ici et de nous expliquer de façon très directe ce que vous avez vécu et après y avoir réfléchi, puis de nous faire aussi des recommandations. Et votre partie recommandations, honnêtement, peut-être qu'on pense de la même façon tous les deux, là -- il y en a d'autres qui pourront le dire aussi -- mais vos recommandations, ça répondait aux questions que j'avais. Donc, de toute façon, même si je n'ai pas le temps de poser de questions, j'aimerais au moins vous dire merci.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Bien, ça me fait plaisir.
Le Président (M. Kelley): M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui, alors, merci beaucoup, Mme Gobeil, c'est très, très touchant de vous entendre. Je voudrais ajouter dans le club des mères battantes la mienne. Sûrement qu'il y en aurait plusieurs. J'ai bien aimé votre conclusion quand vous dites: On meurt comme on vit. Je pense, c'est tout à fait vrai.
Je voudrais vous entendre sur deux choses. Je vois que vous avez vraiment étudié la question de façon sérieuse, approfondie, vous avez fait des comparaisons internationales. J'aimerais que vous nous disiez, selon vous, quel est l'exemple international sur lequel nous pourrions nous baser un peu plus, au Québec, qui ressemblerait un peu plus, selon vous, au modèle le plus adéquat pour le Québec?
Et, deuxième question, vous avez été une aidante très proche de votre mère, de votre père aussi, sûrement d'autres proches de votre famille.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Ils sont tous assis derrière, en passant, mon père, et mes matantes, et tout.
M. Gaudreault: Alors, vous n'êtes pas des spécialistes, vous étiez des spécialistes en affection et en amour pour votre mère, mais vous n'étiez pas des professionnels du domaine de la santé. Alors, j'aimerais vous entendre: Dans votre modèle d'euthanasie sous conditions, quel serait le soutien qui pourrait être accordé aux aidants, autant au niveau... bien, le soutien matériel ou technique, on le comprend, mais le soutien plus pour faire un accompagnement éclairé dans la démarche que pourrait faire une personne éventuellement dans un système comme celui que vous proposez?
Mme Gobeil (Marie-Josée): O.K. Bien, pour répondre à votre première question au niveau des pays, c'est sûr qu'il n'y a pas un pays que j'ai trouvé qui avait exactement ce que je cherchais, comme je pourrais dire, parce que souvent on fait état de... Je trouvais que c'était très technique au niveau du nombre de jours et du nombre de fois que la personne devait le demander, et ça, je trouve que c'est vraiment selon la condition de la personne. Des fois, quand la douleur physique est là, je ne crois pas qu'on peut attendre. Si la personne réitère, réitère et qu'il n'y a pas de façon de soulager sa douleur, je pense que le fait d'attendre trois, deux semaines avant la première demande, trois semaines pour l'écrit et tout ça...
Donc, je pense, il n'y a pas eu un... C'est sûr que peut-être le plus rapproché c'était le Luxembourg, je crois, où est-ce que je trouvais qu'il y avait un petit peu plus d'affinités, mais il n'y en avait aucun, comme je voulais vous mentionner, au niveau de la formation d'un comité vraiment d'analyse, une équipe volante qui pourrait faire l'analyse de toutes les demandes. Puis ça, c'est ce qui ne rattachait à aucun pays où est-ce que c'est proposé. On dit toujours: Un médecin et une contre-expertise d'un autre médecin.
Mais je n'ai jamais lu où est-ce qu'il y avait l'évaluation de la famille, vous savez, des gens, qui disent: Ça ferait bien mon affaire, je pars en croisière dans trois semaines, ça ferait peut-être mon affaire que maman s'en aille cette semaine. C'est bien plate, mais il y en a, des gens comme ça. Ou bien: Ça ferait bien que j'aie un petit héritage, il me manque un petit peu pour... C'est pour ça que c'est important, au niveau de l'évaluation biopsychosociale, que ce soit vraiment évalué, puis évalué par des personnes compétentes, c'est-à-dire des personnes qui sont ultraformées pour analyser ces demandes-là.
Donc, je ne peux pas vous dire qu'il y a un pays, parce que, moi, il n'y en a pas un dans les trois ou quatre, là, je crois, qu'il y en a... Pays-Bas, le Luxembourg et les États-Unis, en... la Suisse, oui, mais il n'y en a pas où est-ce que je voyais cette possibilité-là d'analyse complète de la situation dans une optique, là, vraiment plus familiale. Donc, je ne peux pas vous dire, là, que j'en ai trouvé un.
M. Gaudreault: Le soutien pour les aidants comme vous...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Qu'est-ce que vous... J'ai de la misère à... Pouvez-vous préciser?
M. Gaudreault: Bien, c'est parce qu'en termes d'accompagnement, quand une personne qui vous est chère manifeste ce désir d'euthanasie ou d'en finir, d'une certaine manière, quel soutien vous auriez aimé avoir pour passer à travers ça? Comme personne qui est proche, là? Je veux dire, il y a un besoin matériel, ça, je le comprends. Mais, pour vous aider à accompagner encore plus votre mère ou... Vous comprenez ce que je veux dire?
Mme Gobeil (Marie-Josée): Oui, je comprends qu'est-ce que vous voulez dire. Moi, c'est sûr que, là, je ne peux pas parler qu'est-ce qu'il m'aurait fallu, parce qu'on n'a pas pu le faire, ce suicide, puis je le savais que c'était impossible qu'il se fasse. Donc, c'est dur de dire quel soutien. Je sais qu'on a eu beaucoup de soutien, là, au niveau de... Le personnel soignant sont extraordinaires pour soutenir les familles en ce moment. Tu as tout l'accompagnement spirituel qui est offert aussi, qui est vraiment très aidant. Quel sorte...
Je peux vous dire peut-être, moi, j'avais dans l'idée aussi, pour le suicide assisté, des gens, des accompagnateurs, des accompagnateurs de fin de vie, que j'appellerais peut-être, mais ce serait important, encore là, que des gens spécialisés soient formés pour accompagner les familles dont la personne malade a fait telle demande. Je dirais que c'est quelque chose qui n'existe pas, mais, dans un monde idéal, pour moi, ce serait de... comme je parlais, là, surtout dans le cas des suicides assistés, parce que, si ça se fait à domicile, je pense qu'il faut que ce soit bien fait, puis je pense que les gens auraient besoin de ce type de personnes spécialisées où est-ce qu'il y a un accompagnement, là, personnalisé pour le malade et aussi pour sa famille.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon: Oui, merci beaucoup, Mme Gobeil, pour votre générosité. Moi aussi, j'avais certains flashes de ma mère battante. Donc, on est plusieurs, je pense, autour de la table.
Mme Gobeil (Marie-Josée): C'est probablement de là votre intérêt également.
Mme Hivon: Ah bien, je pense qu'on a tous un intérêt parce qu'on a tous des histoires puis des gens aussi beaucoup qui nous rapportent des histoires, des gens évidemment dans nos comtés puis dans nos entourages. Alors, merci. Moi, j'aurais des questions, je dirais, sur comment vous avez vécu les choses et comment vous pensez qu'on peut accompagner les gens comme ça en fin de vie.
Il y a deux arguments qui reviennent souvent chez les gens qui sont contre toute aide médicale balisée à mourir. Un de ces arguments-là, c'est de dire -- puis on l'a entendu un petit peu ce matin -- c'est de dire qu'il y a toujours quelque chose à faire, il y a toujours un sens à donner à la vie de quelqu'un en fin de vie, que, même si la personne n'y croit plus ou veut mourir, il peut y avoir une heure dans sa journée qui soit heureuse parce qu'elle va avoir un échange avec son petit-fils ou parce qu'elle va avoir un moment de rire avec un de ses enfants, ou tout ça, et que ça devrait primer en quelque sorte sur le fait que la personne veuille mourir, parce que la personne pourrait changer d'avis, parce qu'aussi ça pourrait envoyer des signaux, je dirais, bizarres ou des messages difficiles à la société sur le sens qu'on veut donner à la vie. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Gobeil (Marie-Josée): C'est vrai que votre question est embêtante parce que c'est vrai que... Moi, je l'ai toujours dit, la plus belle année, je pense, que j'ai passée auprès de ma mère, c'est sa dernière année. On développe des liens assez particuliers. Pour la première fois, je trouvais que ma mère me considérait comme une adulte. Donc, c'était le fun, enfin je n'étais plus un bébé. J'étais celle qui était la soutenante là-dedans, puis j'ai bien aimé ce rôle-là. Enfin, j'avais eu ma majorité. Donc, j'ai bien aimé ça.
Mais, quand la personne réitère, réitère, réitère puis qu'on voit la personne aller jusqu'à arrêter de s'alimenter pour réussir à mourir, je pense qu'il y a des limites, à un moment donné, à ça. C'est vrai qu'il y a eu des beaux moments, mais il y en avait des extrêmement difficiles. De voir sa mère... Moi, je dis qu'elle a décomposé, parce que, je vous le rappelle, elle est morte dans un état de momie... momifiée, je pourrais dire. C'est inacceptable.
Oui, il y a eu des beaux moments, mais, dans l'histoire de ma mère, il y a eu six mois de trop. Je pense que les premiers six mois de sa maladie, on avait fait... on avait eu du bon temps, on avait appris des choses, on s'était dit ce qu'on avait à se dire. Mais sa première période d'inconscience où est-ce qu'on lui avait donné 24-48 heures, elle s'est déroulée au mois de juin, elle s'est déroulée au mois de juin puis, à ce moment-là, bon, les derniers sacrements, on va auprès d'elle, la famille descend de l'extérieur, on se mobilise, puis là, woups!, elle revient à la vie. Woups! elle commence à se rasseoir. Woups! elle recommence à s'alimenter. Woups! elle commence à se relever, réadaptation, retour à la maison. Mais, quand je voyais ma mère faire de la physiothérapie en sachant qu'elle faisait ça pour quelques mois, je trouvais que c'était bien trop lui demander. Comment on peut demander à quelqu'un de faire autant d'efforts quand... Elle savait que, de toute façon, il n'y avait pas d'espoir de guérison. Oui, c'est le fun, les beaux moments, mais, en même temps, des fois, les moments trop difficiles sont trop nombreux à un moment donné puis ça devient trop insupportable. Donc, je crois que...
Mme Hivon: Est-ce qu'il me reste...
Le Président (M. Kelley): Dernière courte... oui.
Mme Hivon: J'ai dit qu'il y avait deux éléments. L'autre élément, c'est le deuil. Certaines personnes... vous y avez un petit peu fait référence tout à l'heure, mais certains nous disent que le deuil d'une personne qui accompagnerait quelqu'un, un proche qui serait mort par euthanasie, par aide médicale à mourir pourrait être plus difficile que de mort naturelle. Puis je voulais savoir si, vous, dans votre cas, vous estimez les plus, les contre, c'est-à-dire, dans votre deuil, avoir eu à faire face à une demande à laquelle on ne pouvait pas répondre, versus le fait que vous auriez peut-être été face à une demande à laquelle on aurait répondu?
**(14 h 10)**Mme Gobeil (Marie-Josée): Bien, c'est sûr que, moi, je pense que le deuil se serait quand même bien déroulé parce que je me serais ramenée au choix de ma mère, au choix de ma mère. C'était son choix à elle et non pas le mien. Donc, je pense que mon deuil se serait quand même bien déroulé. Je peux vous dire que s'enlever de la tête les images que j'ai eues de ma mère, ce n'est pas évident à faire. Ça fait deux ans aujourd'hui, puis il y a encore des soirs que je me couche que je revoie cette momie-là devant moi, je ressens l'odeur de ma mère, les derniers jours, où est-ce que c'était insupportable.
Je ne sais pas qu'est-ce qui est le mieux. Moi, je pense que, oui, c'est vrai que le deuil pourrait peut-être être plus subi. Mais, dans la vie, il y a des gens qui meurent d'une crise cardiaque puis qui n'ont pas le temps de dire bye, bye à personne, ou un accidenté de la route qui n'a pas le temps de dire bye, bye à ses enfants le matin. Bien, c'est plate, mais, quand on a un deuil à faire, on ne choisit pas nécessairement les... on ne choisit pas... ceux qui restent ne choisissent pas les conditions. Puis je pense que, si la personne a fait ce choix-là, bien il faut le respecter.
Mme Hivon: Merci.
Le Président (M. Kelley): Il me reste à dire merci beaucoup à Mme Gobeil pour le partage de ses expériences. Comme tous les membres de la commission, on est interpellés personnellement. J'ai aussi perdu mon père d'un cancer en 2008. Et notre dernier voyage ensemble, en 2006, on était dans la région, au Lac-Saint-Jean, pour faire le tour du lac en vélo. Alors, je garde des souvenirs précieux de mon père sur la véloroute des bleuets en 2006, à 80 ans, en pleine forme. Et c'était un soulagement pour moi pendant sa maladie de garder toujours la visite ici et l'accueil très chaleureux, comme d'habitude, dans la région de Saguenay-- Lac-Saint-Jean. Alors, c'est une mémoire qui est évoquée en vous écoutant cet après-midi. Alors, merci beaucoup...
Mme Gobeil (Marie-Josée): Je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): ...pour le partage de votre expérience.
Mme Gobeil (Marie-Josée): Je vous remercie infiniment.
Le Président (M. Kelley): Je vais suspendre quelques instants. Et je vais demander à Mme Marthe Asselin Vaillancourt de prendre place à la table.
(Suspension de la séance à 14 h 12)
(Reprise à 14 h 15)
Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président (M. Kelley): Oui, à l'ordre, s'il vous plaît! Non, non, mais, comme je dis, je suis heureux de voir que le monde veut discuter le sujet, mais il faut entendre notre prochain témoin. C'est Mme Marthe Asselin Vaillancourt, qui est membre de l'Ordre national du Québec. Alors, bienvenue, Mme Vaillancourt. Et vous avez le droit d'une présentation d'une quinzaine de minutes, suivie par une période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Mme Marthe Asselin Vaillancourt
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Merci beaucoup. Alors, je voudrais saluer tous les membres de la commission, et particulièrement M. Kelley, Mme Hivon et le député de Jonquière, qui est mon propre député.
Je vous remercie de m'entendre. Je vais témoigner à titre personnel, même si je suis engagée dans divers mouvements communautaires depuis au moins 45 ans. Mon discours sera difficile parce que j'arrive de deux mois et demi d'hospitalisation et je ne peux pas me servir de mon bras droit, donc les liens parfois seront plus difficiles dans le texte.
Mais je voudrais vous dire que je vous remercie de m'entendre. Je suis intéressée par la question depuis très longtemps. J'ai essayé d'en discuter beaucoup, mais je dois vous dire que, vous l'avez entendu certainement, les préjugés sont très tenaces, hein? Même si vous nous avez fait parvenir des documents qui vont aider beaucoup à la clarification, il reste qu'au niveau de la population les idées parfois sont difficiles.
Par exemple, certaines personnes croient encore que les changements qui pourraient être proposés amèneront nécessairement à une règle uniforme où tout le monde devrait accepter une intervention en fin de la vie, alors qu'il n'est absolument pas question de ça. Il y a aussi les obstructions et les pressions occultes de certains groupes religieux et de certaines corporations qui veulent imposer à tous leurs propres règles de morale. Mais ça, ça relève plus du contrôle que des préjugés.
Il y a définitivement aussi, dans certaines prises de position, des jugements de valeur, du non-respect des idées différentes, comme si on s'arrogeait le droit de décider pour l'ensemble des citoyens, alors qu'il y a bien longtemps que les opinions, au Québec, sont fort diversifiées et qu'il appartient au gouvernement d'entendre toutes les options, surtout de permettre une ouverture envers ceux pour qui mourir dans la dignité implique une assistance extérieure.
J'ai beaucoup écrit sur les fins de vie pour différents mouvements. On peut analyser la question de façon scientifique et rationnelle, mais, quand on vient de le vivre de près, on y ajoute d'autres dimensions, celle de ses émotions et celle de ses valeurs. Les valeurs de dignité, d'autonomie de la personne, de compassion, du respect de la vie s'entrechoquent et nous obligent à une réflexion plus profonde.
Le concept de mourir dans la dignité, et la tolérance à la souffrance, et le désir de mettre fin à cette souffrance peuvent être bien différents d'une personne à l'autre. Je pense qu'à partir du moment où la maladie est incurable et les douleurs intolérables pour la personne on doit lui donner le moyen de terminer sa vie dans la plus grande dignité possible.
**(14 h 20)** Maintenant, je vais m'inspirer d'un comité d'éthique pour les sciences et la vie qui a publié beaucoup de choses en France. Alors, leur réflexion est très près de la mienne, vous comprendrez pourquoi je les cite. Mourir dans la dignité implique un droit qui doit être reconnu à qui en fait la demande. Pour les tenants de cette position, la plupart des humains veulent, dans nos sociétés occidentales, être rassurés sur les conditions de leur fin de vie. Ils refusent, dans une très grande majorité, la déchéance physique et morale. L'existence humaine ne doit pas être comprise de façon purement biologique ou en termes uniquement quantitatifs. La vie est essentiellement un vécu et relève d'un ordre symbolique. De ce fait, la demande d'assistance à une délivrance douce est pleinement un acte culturel.
L'individu est seul juge de la qualité de sa vie et de sa dignité. Personne ne peut juger à sa place. C'est le regard qu'il porte sur lui-même qui compte et non celui que pourraient porter les autres. La dignité est une convenance envers soi que nul ne peut interpréter. Elle relève de la liberté de chacun. Une demande d'assistance à une mort consentie ou une demande d'euthanasie active reste l'ultime espace de liberté auquel l'homme a droit. Aucune confiscation de ce droit, toujours révocable bien sûr, ne serait justifiable sous peine de persister dans une obstination thérapeutique déraisonnable dont on a vu qu'elle est condamnée. Et je fais référence un peu à l'acharnement thérapeutique.
Ce droit n'impose aucune obligation quelconque. Personne n'est contraint d'exécuter une demande, et la clause de conscience est ici impérative. S'il est vrai que nul n'a le droit d'interrompre la vie de quelqu'un qui n'en a pas fait la demande, personne ne peut obliger quelqu'un à vivre, d'où la revendication d'un droit à l'euthanasie qui ne serait nullement en opposition avec le développement de soins palliatifs. Le droit de mourir dans la dignité n'est pas un droit ordinaire. Il ne s'agit pas d'un droit accordé à quelqu'un de faire mourir, mais il se présente comme la faculté, pour une personne consciente et libre, d'être comprise puis aidée dans une demande exceptionnelle qui est celle de mettre fin à sa vie. En termes juridiques, une dépénalisation de l'assistance à mourir devrait protéger suffisamment la liberté de chacun, éviter l'actuelle clandestinité et son cortège de déviances.
En conclusion, lorsque les souffrances existentielles, psychologiques et sentimentales d'une personne sont insupportables et non maîtrisables et que cette personne demande qu'il y soit mis fin, le geste d'interruption de sa vie par un tiers ne devrait pas être incriminable. Le caractère intolérable des souffrances subies, comme l'absence raisonnable d'autres solutions pour les apaiser, devrait être corroboré par le médecin traitant et par un autre soignant ou un autre médecin traitant.
Les chartes canadienne et québécoise affirment plusieurs valeurs. Le respect du droit à la dignité de la personne et celui du droit à son intégrité en font partie. Le premier point se rapporte à la valeur propre de la personne et commande son respect pour ce qu'elle est. Le second s'applique à la protection physique et psychologique de celle-ci, tel que décrit dans votre document. Aucune personne ne devrait sentir de pression et chacune devrait recevoir toute l'information nécessaire, y compris les conséquences d'un arrêt ou d'un refus de traitement. La volonté d'une personne majeure apte à consentir doit être respectée en vertu principalement de son droit à l'autonomie. Et le Code civil reconnaît à chaque personne le droit de prendre des décisions qui ont des conséquences pour elle. Cette règle s'applique même si le refus ou l'arrêt de traitement entraîne la mort.
Dès 1973 -- ce n'est pas jeune, ça -- la Société médicale de New York publiait une déclaration sur leur point de vue sur la question de la fin de vie. Le droit à une mort digne ou la cessation de l'emploi de moyens extraordinaires pour prolonger la vie du corps quand il existe une évidence irréfutable que la mort biologique est inévitable est une décision qui appartient au patient ou à sa famille immédiate avec le consentement du médecin traitant.
Bien sûr, il faut un encadrement à cette pratique. Les pays qui ont de l'expérience dans le domaine pourront nous servir de guides. J'ai lu à peu près tout ce qui se fait dans les autres pays. Je voudrais m'inscrire en faux contre certaines suggestions à l'effet qu'il faudrait signifier sa volonté cinq ans à l'avance ou à différentes périodes, différents jours d'intervalle. Si, le 5 février dernier, alors que j'animais une réunion de l'AQDR, on m'avait demandé de signer une déclaration sur mes fins de vie, j'aurais remis ça à plus tard. Et pourtant, une semaine plus tard, j'étais déjà en traitement. L'être humain est ainsi fait qu'il espère contre toute espérance qu'il prendra sa décision devant une situation irréversible.
On a beaucoup parlé de testament biologique. Vous ne pouvez pas savoir comme je déteste cette appellation. Il faut vraiment la changer parce que, dans l'esprit de tout le monde, un testament, c'est ouvert après la mort. Alors, un testament biologique, ça n'a pas de signification parce que ça entre dans le mot «testament». On pourrait simplement appeler ça mes décisions de fin de vie, ou je me fie sur quelques juristes pour trouver une appellation différente mais qui éloignerait le mot «testament». Les choses simples, un mot simple, c'est souvent les plus claires. La difficulté tient au fait de le faire reconnaître légalement, ce document-là.
On a aussi beaucoup parlé de soins palliatifs. On sait bien qu'ils sont donnés de façon inégale et peu présents dans certaines régions. Et c'est une erreur, une profonde erreur, d'opposer soins palliatifs et euthanasie. Les choses sont différentes. Ce qui convient dans certains cas peut être inapproprié dans d'autres.
Comme le soulignait le Collectif Mourir digne et libre, le respect de la dignité humaine ne se limite plus à soulager la douleur en prolongeant la vie indûment. Écouter, entendre, comprendre la voix et la demande de la personne en fin de vie et respecter ses ultimes volontés, c'est mettre la personne au centre du processus de décision à l'égard de sa fin de vie, avant tout une approche responsable, sage et respectueuse.
Je voudrais dire quelques mots sur les proches aidants. Je ne pense pas qu'on vous ait beaucoup, beaucoup parlé d'absence de proche aidant. Quand je suis entrée à l'hôpital, une des premières questions qu'on m'a demandées, c'est: Avez-vous des proches aidants qui sont vos amis? J'ai dit: Écoutez, j'ai 79 ans, les amis que j'avais sont pour la plupart décédés et ceux qui restent ont le même âge. Donc, on va laisser... les proches aidants, ils ne sont pas là. Quant à nos enfants, ils vivent à Montréal et notre fille, à Sherbrooke, c'est difficile pour eux. Ils sont venus, bien sûr, mais ils ont leur travail et ils ont leurs enfants. Et il y en a deux qui sont des travailleurs autonomes, alors ils doivent être attentifs à leur façon de vivre, eux aussi.
Quand les enfants sont éloignés, ça nous amène à la peur de mourir seul, une peur dont on ne vous a peut-être pas beaucoup parlé mais qui est réelle pour plusieurs personnes. Deux mois et demi d'hospitalisation m'ont rendue encore plus consciente de la solitude et de l'abandon des personnes âgées en fin de vie. Je vous assure, quand vous voyez vos voisins d'hôpitaux qui ne reçoivent... d'hôpital, devrais-je dire, qui ne reçoivent jamais, mais jamais, de visite et dont l'état de santé est assez avancé... Je pense que les boomers, qui ont toujours organisé leur vie à leur façon, comprendront la détresse de la fin de vie de leurs parents et voudront certainement redéfinir les paramètres de leur fin de vie, ne supporteront pas de terminer leur vie dans un CHSLD, alités et à la merci d'aides soignants.
La fin de vie ne sera jamais un sujet facile qu'on peut discuter froidement. La question demande une réflexion sérieuse et amènera pour longtemps encore des réponses divergentes parce que nous touchons les valeurs profondes liées à nos croyances, à notre éducation. Et, comme le disait le philosophe Benoît Otis, nous entrons dans le champ de notre conscience, de notre humanité, de notre évaluation de la vie, de la nôtre et de celle des autres, de la foi en nous-mêmes, de notre morale, de notre spiritualité, de ce qu'est le fondement de notre être et qui nous a guidés toute notre vie.
Le désir de terminer sa vie est lié à la souffrance et à notre tolérance à la souffrance. Cette souffrance, qu'elle soit physique ou morale, est propre à chacun. Étant des êtres humains, nous savons que nous nous dirigeons vers la fin et nous possédons tous un droit fondamental: mourir dans la dignité. Pour chacun d'entre nous, la réponse nous appartient. Comment voulons-nous être aidés à mourir si la douleur devient intolérable? Et j'insiste sur ma dernière phrase, «si la douleur devient intolérable». Merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Asselin Vaillancourt. On va passer maintenant à une période d'échange avec les membres de la commission. Et c'est Mme la députée de Mille-Îles qui va commencer.
**(14 h 30)**Mme Charbonneau: Je n'ai même pas vérifié si mes collègues avaient des questions. C'est bien égoïstement que je prends la première question.
Mais en premier vous avez ouvert votre intervention en disant: Merci de nous recevoir. J'ai le goût de commencer la mienne en disant: Merci d'être venue nous voir. La fatigue, des fois, et le déplacement, ça peut être quelque chose qui vient étriver notre vie. Mais, à lire le bref parcours de cette belle vie que vous avez menée, il nous aurait manqué quelque chose si vous n'étiez pas venue nous voir.
(Applaudissements)
Mme Charbonneau: Le président va nous chicaner, parce qu'on a plaisir à répéter qu'on ne se mène pas aux applaudissements. Mais c'est gentil.
Vous avez utilisé à plusieurs reprises un mot qui, je crois, pour vous, depuis très longtemps, est très important, «dignité».
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Oui.
Mme Charbonneau: Je le reprends avec vous. Parce que, moi, je vous découvre, je vous découvre aujourd'hui. Je n'ai pas le privilège d'être une longue vie de parlementaire, je n'ai pas ce privilège-là. Je suis ce que nous appellerons ici une jeune parlementaire, malgré... je suis quand même dans un premier mandat. Donc, je n'ai pas eu le privilège de vous voir à l'Assemblée nationale quand vous avez eu cette ultime reconnaissance-là qui vous est tout à fait méritée. Mais les travaux que vous avez menés pendant des années traitaient de la dignité, sous une forme différente, mais c'était quand même la dignité de la femme, de comment se tenir debout puis comment aller jusqu'au bout pour faire reconnaître la place qu'on a en société. Alors, votre définition à vous, Mme Vaillancourt, de la dignité, s'il vous plaît?
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Eh, la, là! Là, vous... Ça entre dans les valeurs d'estime de soi, de respect de la personne et de ce que sont mes croyances, de ce que je veux être comme personne. Et la dignité, ça peut... Mais c'est difficile à dire. Dans le fond, on dit que ça peut être différent pour différentes personnes, mais je ne le crois pas. Il y a toujours quelque chose qui nous ramène à notre estime de nous-même et de ce qu'on croit qu'on est, de notre utilité dans la vie, de notre façon d'être, d'aider, et ça a trait aussi à notre morale, à notre vie spirituelle.
Mme Charbonneau: On dit souvent, dans le monde de l'éducation, que des enfants, quels que soient leurs forces ou leurs défis, s'ils ont une bonne estime d'eux-mêmes, font des citoyens extraordinaires. Donc, l'estime de soi est à la base même de ce qu'on est, vous avez tout à fait raison.
On nous a dit aussi que la dignité pouvait être un regard qu'on a sur soi ou un regard qu'on porte sur les autres puis, en bout de ligne, le regard que les gens portent sur nous-mêmes, puisque la dignité, ça peut être... Quand on parle de ce choix-là qui vient nous porter à réflexion... Puis je me suis permise d'aller chercher ce texte qui vient me chercher dans mes émotions, que vous avez écrit dans La Presse, Mourir seule, où vous citez très bien la différence entre être seule et être accompagnée, entre avoir une famille, lui reconnaître son autonomie -- et, vous l'avez bien dit, quand les enfants sont loin, ils sont loin -- et avoir un environnement qui peut nous aider.
On a eu avec beaucoup de frissons des témoignages, entre autres, des médecins qui sont venus nous dire que la formation des médecins fait en sorte qu'ils ont moins de formation au principe même de la mort et de l'euthanasie que les vétérinaires. Ça nous a fait peur.
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Je pense.
Mme Charbonneau: Puis on s'est dit: Il faudrait peut-être se questionner là-dessus. Mais, quand on est dans un centre puis qu'on reçoit des soins, puis que... On va les appeler les proches aidants, les aidants naturels, on peut aussi les appeler la famille, on peut les appeler les amis, mais, quand ce sont d'autres gens... Parce qu'il y a aussi des bénévoles, il y a aussi nos professionnels de la santé, puis, ce matin, il y a quelqu'un qui disait: Ça va jusqu'au concierge, celui qui vient passer puis désinfecter le plancher, là. J'y crois. On se demande toujours si la formation puis l'approche de ces gens-là est toujours aussi bonne, elle est toujours aussi adéquate.
Après deux mois et demi, vous avez eu le temps de voir beaucoup de choses. Et vous avez sûrement entendu la jeune femme auparavant. Souvent, le privilège qu'on a, dans ces témoignages, aussi nourrissants qu'ils soient, ce sont des gens qui ont accompagné. On n'a pas toujours le privilège d'avoir quelqu'un qui vient, deux mois et demi séjour, nous témoigner de choses. Parlez-nous de cet environnement-là dans lequel vous étiez pendant deux mois et demi. Si vous avez le goût. Je ne veux pas vous emmener dans un endroit où est-ce que vous n'auriez pas le goût, là, mais...
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Bien, en principe, je dirais que l'environnement était tout à fait adéquat, tout à fait adéquat, sauf que... Mon Dieu! Il y a comme une façon d'être soignant, là. Comme des protocoles qui sont toujours là et qui sont administrés à peu près à tout le monde, et ça, j'ai trouvé ça assez difficile, parce qu'on ne personnalise pas, très souvent, la façon d'intervenir.
Par exemple, je vais vous citer un exemple qui a failli me faire traverser la ligne. Moi, je ne prends pas de médicament, je ne prends aucun médicament. Ma voisine en prenait 19 le matin. Alors, le protocole de l'hôpital, c'était: Vous avez telle chose, ah, vous avez mal au bras droit, on vous prescrit telle chose, en supposant que, moi aussi, je suis une habituée de la médication. Mais, moi, ça a eu un effet incroyable parce que je n'ai pas fait ce cheminement-là de consommer des médicaments. Alors, il y a toutes sortes de choses comme ça qui peuvent survenir dans la qualité des soins, qui ne sont pas reliées à la personne soignante, mais qui font que des... il peut arriver des choses difficiles pour le patient.
Alors, c'est une... ou je devrais dire un exemple. Mais c'est comme ça, on n'est pas habitués de personnaliser, je pense, les soins, assez. Et puis il faut dire aussi que des infirmières qui sont libres de regarder le dossier puis de personnaliser les soins, il n'y en a pas tant que ça, hein? Elles ont beaucoup de travail. Et, même si elles veulent être attentives, parfois elles sont obligées de tourner les coins plus ronds.
Mme Charbonneau: Merci.
Le Président (M. Kelley): Une dernière courte question. Mme la députée de Hull.
Mme Gaudreault: Ah, c'est toujours dommage d'avoir très peu de temps lorsqu'on se retrouve devant une personne de votre envergure, Mme Vaillancourt. Parce que, moi, je suis une femme avant d'être une députée, avant d'être... et je veux vous remercier pour tout ce que vous avez accompli pour la cause des femmes. Aujourd'hui, vous êtes ici pour discuter de l'euthanasie, le suicide assisté, mais on vous connaît vraiment une implication et un engagement indéfectible pour l'avancement des femmes au Québec, et je dois vous remercier pour ça.
Maintenant, vous avancez en âge, et on parle beaucoup des aînés, vous militez aussi et vous... pas militer, mais vous êtes préoccupée par la question de la violence faite aux personnes âgées, beaucoup. Et c'est un dossier, je pense, qui est très important. C'était récemment la Journée internationale des aînés, et, en tout cas, dans ma région, en Outaouais, on a choisi ce thème-là pour mettre en lumière malheureusement la trop grande place qui est laissée... c'est-à-dire le peu de place qui est laissée aux aînés dans notre société. Puis souvent la violence est faite par les membres de la famille, les gens près, et tout ça, puis la violence prend toutes sortes de formes.
Dans le contexte du débat d'aujourd'hui, les tenants du contre nous disent justement que les personnes âgées pourraient se sentir obligées d'aller vers l'euthanasie, se sentant un fardeau pour la famille, ne se sentant plus utiles pour la société, que ce seraient ces gens-là qui se sentiraient contraints d'aller vers la fin de leur vie. Alors, dans un contexte de violence faite aux personnes âgées, dans un contexte où, vous, vous avez vraiment vécu les deux mois et demi dans un centre hospitalier, comment vous sentez-vous par rapport au concept de «duty to die» qu'on appelle, à l'obligation... le sentiment d'être obligé de mettre un terme à sa vie parce qu'on ne sert plus à rien dans cette société?
**(14 h 40)**Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Il peut arriver que des sentiments comme ceux-là traversent l'esprit de certaines personnes. Mais j'ai bien dit tantôt qu'il faut un consentement libre et éclairé avec toutes les informations disponibles. Alors, je pense qu'à partir du moment où on a le souci d'avoir un consentement libre et éclairé, on va éviter certaines déviances qui seraient, par exemple, les pressions de la famille, ou des pressions extérieures, ou des sentiments comme ceux que vous venez de nommer.
C'est très important de continuer à faire de l'information après la commission, ce sera très important, et très important de rappeler toujours que ce consentement-là, il est personnel, il ne doit pas venir de quelqu'un d'autre, à moins que la personne soit vraiment en état de souffrance et que la famille immédiate décide que ça n'a plus de sens. Ça, c'est un cas plus... qui n'arrive pas tous les jours. Mais il y a ça, cette attention qu'on doit apporter à ce que le consentement vienne de la personne, sans pression extérieure.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. M. le député de Jonquière.
M. Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, c'est toujours un très grand plaisir de vous rencontrer puis surtout une très grande fierté aussi pour la circonscription que j'ai l'honneur de représenter et de savoir que vous êtes toujours aussi active, toujours aussi présente et que vous êtes un modèle pour l'ensemble du Québec par rapport au travail que vous avez fait -- je le crois sincèrement -- et que vous continuez le travail que vous avez fait, mais le travail que vous continuez de faire sur d'autres chantiers, mais qui sont dans une continuité. Vous parliez, depuis 45 ans. Je pense qu'on serait capables de dégager de votre parcours un certain nombre de valeurs fortes qui ont toujours inspiré votre travail.
J'aimerais vous entendre un petit plus sur un élément que vous avez soulevé dans votre présentation. Vous avez parlé de souffrances existentielles, de souffrances morales. Donc, au-delà où à côté des... ou parallèlement aux souffrances physiques, vous avez fait référence aux souffrances existentielles ou aux souffrances morales. J'aimerais savoir à quoi vous faites référence un peu plus précisément. Et est-ce que ces souffrances existentielles et ces souffrances morales, à tout âge, pourraient conduire, selon vous, à quelque forme d'euthanasie encadrée ou sous conditions, etc.?
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Si elles sont exprimées par la personne, si la personne exprime qu'elle n'en peut plus d'endurer la souffrance physique, par exemple, on doit respecter sa demande de mettre fin à sa vie. Les souffrances morales sont tout aussi pénibles que la souffrance physique, hein, se voir... La personne qui m'a précédée l'a très bien exprimé ce que c'était qu'une souffrance morale et ce que c'était pour les enfants aussi de voir leur mère dégénérer comme ça. Il faut être attentif à tout ce qui est exprimé par les personnes en fin de vie. Et tous les types de souffrance sont à considérer.
Le Président (M. Kelley): Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, Mme Vaillancourt. Votre vie a été la vie d'une citoyenne engagée, très préoccupée du sort des personnes. Et, encore une fois, aujourd'hui, à votre âge, vous êtes là pour témoigner, merci beaucoup de cette contribution.
Dans votre présentation, vous avez fait part que l'individu est seul juge de sa dignité et vous avez dit que le jugement est différent d'une personne à l'autre. Pour les gens qui viennent ici intervenir et qui sont contre, ils disent qu'on ne doit... le droit individuel a des limites, dans le sens où: Jusqu'où la personne a le droit de décider de sa fin de vie et dans le cadre de quelles conditions? Ce matin, on a un intervenant qui nous a parlé d'euthanasie sous conditions et qui nous donnait un certain nombre de règles d'encadrement. Comment vous voyez ça, vous, l'euthanasie sous conditions?
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Moi, je pense que, je l'ai dit à deux ou trois reprises, je pense que la personne est seule... devrait seule décider de sa façon de choisir sa fin de vie. Je suis toujours un peu embêtée avec les règlements, les conditions, les entourloupettes qui entourent les choses.
Si la personne décide qu'elle est rendue à la fin de son endurance, je ne pense pas qu'il y ait de gouvernement, ou de société religieuse, ou autres qui ont le droit d'intervenir et de décider que, non, il ne faut pas le faire en vertu de leurs propres croyances à eux. Moi, je pense que notre vie nous appartient, contrairement à tout ce qui nous a été enseigné antérieurement, et elle nous appartient, et c'est à nous de décider quand la souffrance est intolérable.
Je ne pense pas, même si j'ai entendu des gens l'affirmer, je ne pense pas que personne qui sait qu'il pourrait revenir à la santé avec des médications, des soins va s'inscrire dans une demande d'euthanasie. Ça, je ne crois pas à ça. Je crois que le gens sont raisonnables et qu'ils demanderont l'euthanasie... ou en tout cas qu'ils demanderont de mourir dans la dignité quand ils percevront que c'est irréversible. Je ne pense pas qu'on puisse voir d'autres situations. Quoique tout peut arriver dans notre vie, là. Mais je suis plutôt contre les règlements, les conditions, mettons.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Rapidement, vous avez parlé d'oublier le terme «testament biologique» ou «testament de vie» pour parler de décision de fin de vie. Il y a des médecins qui sont venus ici, on parlait, à ce moment-là, de testament -- mais peu importe le vocable qu'on utilise, je respecte votre point de vue là-dessus puis je trouve ça d'ailleurs très judicieux -- en disant: On reçoit ce document, ces décisions de fin de vie et on doit interpréter ce que... on doit l'interpréter en tentant compte de la situation du malade ou de la personne qu'on a devant nous. Comment vous réagissez à cela?
Mme Asselin Vaillancourt (Marthe): Y a-t-il une interprétation à faire? Y a-t-il lieu d'en faire? Si quelqu'un a manifesté clairement sa décision... C'est sûr que le médecin, il a un rôle à jouer, le médecin traitant, on ne peut pas l'écarter de la décision totale, mais il reste que, quand les choses sont exprimées clairement, il me semble que son interprétation doit aller dans le sens de ce que la personne a exprimé. Commencer à chercher les virgules, les trémas, ce n'est peut-être pas le moment, là. C'est peut-être le moment de regarder ce que la personne voulait, désirait.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Asselin Vaillancourt, pour votre contribution, c'était très intéressant.
Je vais suspendre quelques instants et je vais inviter M. Georges Villeneuve de prendre place à la table. Mais merci beaucoup. Je vais suspendre.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 55)
Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mesdames et messieurs, je suis heureux de voir qu'on veut continuer le débat et la discussion. On est là pour promouvoir le dialogue. Mais, comme j'ai dit, j'ai un certain collègue qui doit absolument être à Saint-Hyacinthe ce soir, qui n'est pas à la porte, si j'ai bien compris. Alors, il faut continuer.
Notre prochain témoin, c'est M. Georges Villeneuve, qui est l'ancien député fédéral du compté de Roberval et ancien maire de Mistassini. Alors bienvenue, M. Villeneuve. Vous avez fait une demande de dépasser votre temps, alors on va la respecter, mais, si on peut être le plus concis possible quand même, parce qu'on veut quand même peut-être avoir un court échange avec les membres de la commission.
Après ça, je ne sais pas combien, mais, s'il y a des personnes qui veulent faire un court commentaire ou déclaration, il y aura une période de micro ouvert tout de suite après la présentation de M. Villeneuve. Si vous voulez le faire, vous vous identifiez auprès de Pierre Lessard-Blais, qui est juste là, qui va prendre votre nom. Alors, sans plus tarder, M. Villeneuve, bienvenue devant la commission, la parole est à vous.
M. Georges Villeneuve
M. Villeneuve (Georges): M. le Président Kelley, Mmes et MM. les membres de cette commission, Mme la secrétaire, bonjour. Je veux d'abord m'excuser de lire mon texte, car, à mon âge, il faut se méfier de sa mémoire, ce qui peut également se répercuter lors d'un période de questions, raison pour laquelle je requiers de votre part et celle des autres membres l'exception ou le privilège d'employer l'entière demi-heure prévue pour mon apparition, espérant que mes 88 ans suppléeront par l'expérience à l'attrait de l'improvisation, compte tenu de ma surdité.
Je veux d'abord ensuite remercier M. le premier ministre Charest d'avoir choisi un Anglo-Canadien comme président de cette commission, peut être utile quand, sous certains aspects secondaires mais non opportuns à mon sens en ce sujet et objet, alors que les finances de la province souffrent des dépenses infructueuses. La mentalité anglo-saxonne -- étant donné que M. le président est un Anglo-Saxon -- tire ses racines de la grande charte de 1215 arrachée du roi Jean sans Terre et coïncidant, en Angleterre, avec la naissance de la démocratie, dont ce pays imbiba de cet idéal le monde civilisé.
Pour sa durée, l'autorité du chef d'État tombait sous la férule du précepte «The King can do no wrong!», le roi ne peut se tromper, tout en l'entourant de conseillers et de protecteurs du peuple par l'intermédiaire d'une chambre des communes et d'une chambre des lords pour assurer l'équilibre. Sous cet autre précepte, le roi règne mais ne gouverne pas, droit constitutionnel dont nous avons hérité au Canada, avec ces Anglais marqués de la continuité des institutions par leur flegme et leur attachement à leurs us et coutumes, tous atouts dont nous avons grand besoin au Québec actuel, nous, que Louis Hémon, dans son roman Maria Chapdelaine, qualifiait de peuple qui ne sait pas mourir voilà à peine un siècle, mais que cette euthanasie semblerait le leur avoir bien appris.
**(15 heures)** Ce changement pour le changement et le goût pervers de la nouveauté pour la nouveauté au risque d'erreurs incalculables, comme cette tendance à la décriminalisation de l'euthanasie, cette euthanasie même condamnée par la législation française, selon le Dictionnaire Hachette, quand on connaît le nombre de têtes chaudes qu'a connu la France depuis la Révolution de 1789, qu'en mon jeune temps on qualifiait de têtes croches, même à l'Université Laval, notre peuple qui cherche sa voie en dehors de la foi de ses ancêtres, en reniement de son passé, a besoin de ce flegme anglo-saxon pour la sauvegarde de nos institutions à la recherche de la sagesse.
En quête de cet oiseau rare, vous aurait-on trouvé, M. le Président? Comme le veut la sentence, des chercheurs qui cherchent, ça se trouve, mais les chercheurs qui trouvent, cherchez-les. La réponse viendra des conclusions de cette commission dont j'attends sagesse et respect de la morale chrétienne, donc renversement de cette tendance à la discrimination des institutions stables pourtant marquées du sceau du progrès au Québec et au Canada.
Voilà quelques mois, j'ai assisté, aux nouvelles de 21 heures de Radio-Canada RDI, au lancement officiel du mouvement mourir dans la dignité assorti du suicide assisté, alors droit d'assassiner légalement avec politesse, droit réclamé à trois tentatives par la socialisante bloquiste Francine Lalonde et son acharnement dans la manipulation de la vie humaine qui rejoint l'intronisation de l'avortement par le bill omnibus 1968 de notre socialisant libéral Pierre Elliott Trudeau et dont les conséquences pour notre peuple s'avèrent déjà fatales. Je n'ai jamais assisté à un lancement aussi malhonnête, où tout était synchronisé pour provoquer l'assentiment d'une population sans même se questionner, de manière à mettre sur la défensive et ridiculiser les adversaires en vue de gagner le prochain sondage, et forcer, par l'asservissement de l'opinion publique, la tenue prochaine du prochain sondage, et forcer, par l'assentiment de l'opinion publique, la tenue d'une commission comme la présente tandis que le fer est chaud, et confondre comme emmerdeur et retardataire tout opposant, comme je me ressens présentement en cette enceinte, convaincu cependant de défendre une bonne cause face à un projet que je crois inutile et inopportun aujourd'hui.
Pour faire chorus avec ses frères médias, La Presse canadienne inspirait le journal régional Le Quotidien du 30 octobre 2009 à publier l'article intitulé Oui à l'euthanasie, mais balisée, déclarant les médecins omnipraticiens du Québec favorables à l'euthanasie à 74 %, pour ensuite révéler que, sur le nombre de 7800 membres de leur association au Québec, seulement 1086 médecins ont répondu au sondage, soit quelque 14 %, dont une majorité de 74 %, mais, de ce 186... 186 votants au dit sondage seulement, mais aussi à une euthanasie balisée de conditions, l'exonération de recours judiciaires figurant comme leur principale préoccupation, donc l'absence toute légale de responsabilité face aux recours judiciaires possibles. Où sont donc les médecins omnipraticiens si favorables à l'euthanasie et ces grandes majorités que laisse entendre l'article en question chez les 6714 médecins qui n'ont pas répondu au sondage? Comme qui dirait, en ne répondant pas au sondage, ils ont voté oui en faveur de l'euthanasie. Ils n'avaient qu'à y répondre. Quelle logique digne de la démocratie! Quelle honnêteté intellectuelle!
La solution, à mon avis, réside dans le bon vieux commandement «tu ne tueras point». J'ai fait, voilà un moment, un rapprochement entre l'avortement et l'euthanasie transfigurée en mort dans la dignité et en suicide assisté. Le médecin assassin Morgentaler, qui ne s'est pas formalisé des délais de grossesse en se lançant dans l'opération débarras de l'enfant à naître, s'est vanté d'avoir liquidé 100 000... d'avoir libéré 100 000 femmes durant sa néfaste carrière, aux frais de vous et moi, s'il vous plaît, sans oublier de devenir multimillionnaire et de s'assurer une retraite dorée après avoir liquidé un peuple en puissance, dont peut-être le nôtre, devenu bien fragile suite à toutes ces législations meurtrières si on tient compte du fait qu'au nombre de quelque 65 000 Canadiens de langue française, en 1763, lors de la cession du Canada à l'Angleterre par le Traité de Paris favorisé par le traître Voltaire, un empire, trois arpents de neige, un empire...
Il m'apparaît qu'avec notre système d'instruction sans éducation morale, nimbé de laïcisme sans Dieu, les petits Voltaire pourfendeurs des institutions, de la religion, des us et coutumes de notre peuple constituant la sauvegarde de notre entité et même de notre langue vont pulluler chez nous. Et cette frénésie en faveur de l'euthanasie m'apparaît comme un indice des conséquences du passage de la politique de nos deux ministres socialisants... de nos deux premiers ministres socialisants, dont René Lévesque, le premier chef politique au Québec à oser divorcer et à se moquer des mères de familles nombreuses, fragilisant ainsi la famille au Québec, de manière à nous faire passer, les Canadiens de langue française, au Canada, en 50 ans, de près de 40 % de la population à 22 % seulement de la population entière du pays. On est loin des encouragements de l'historien Lionel-Groulx à maintenir la famille nombreuse chez nous avec comme objectif de dominer au Canada en vue d'y détenir la majorité au recensement de 1971. C'est le renversement du nationalisme spirituel de ma jeunesse dont était alors teinté le séminaire de Chicoutimi, où j'ai écoulé mes huit années de secondaire et dont je demeure fier.
Notre second socialisant et premier ministre, au niveau fédéral celui-là, Pierre Elliott Trudeau, profita de sa popularité comme ministre de la Justice puis premier ministre du Canada pour nous faufiler son bill omnibus en 1968, prenant même par surprise le clergé catholique, bill fourbe qui porte... porte aux autres lois... les lois contre la morale chrétienne et indigestes pour un pays. Et ce que ses successeurs Jean Chrétien et Paul Martin ne purent empêcher, savoir: le divorce facilité, devenu cancer de notre peuple; l'avortement, à l'encontre du commandement «tu ne tueras point»; le mariage entre personnes du même sexe, improductif, d'acoquinage, ridiculisant le vrai mariage inventé par le Créateur pour la procréation, cette parodie originant de l'homosexualité s'avérant même contre nature, de la pure décadence; législations désastreuses auxquelles viendrait s'ajouter la décriminalisation de l'euthanasie sous le prétexte de la mort dans la dignité, accompagnée du suicide assisté, tous contraires au commandement «tu ne tueras point».
J'ai entendu plusieurs personnes parler d'expériences familiales. Si vous désirez que je vous fasse part de la mienne, vous me demanderez à la fin de mon allocution, puis je vous le dirai. Il s'agirait de mon grand-père Villeneuve.
D'ajouter à la discrimination l'euthanasie sous le prétexte de la mort dans la dignité accompagnée du suicide assisté, tous contraires au commandement «tu ne tueras point». La députée fédérale Francine Lalonde, par trois tentatives à la Chambre des communes, vient de recevoir la réponse du Parlement par un non catégorique à son projet de loi C-407, refusé même par deux députés de son propre parti, plusieurs députés libéraux, alors, du Québec et tous les députés conservateurs sauf deux du Québec, démontrant la gangrène morale de nos représentants du Québec et la cote morale supérieure du reste du pays, donnant peut-être raison à un important journal de Toronto d'avoir récemment déclaré le Québec comme la province la plus corrompue du Canada.
**(15 h 10)** Dans son dernier projet de loi raté, Mme la députée Lalonde ne faisait aucune mention des personnes âgées, mais, dans sa tentative de 2005, les mentionnait sans vergogne, ce qui fait ressortir l'esprit de son projet de mort dans la dignité alias assassinat dans la politesse, facilité par le suicide assisté, grâce à la décriminalisation de l'euthanasie, comme si quelqu'un disait: Je suis trop couillon pour me suicider, passez-moi une loi pour me trouver un meurtrier couvert par la loi.
Au courant de ce que les vieilles personnes dans les affres de la mort ne peuvent presque jamais donner consentement libre et valable au suicide assisté, on peut facilement conclure à l'élimination systématique désirée par l'État des vieux formant 14 % de la population du Québec, rendus encombrants et dispendieux aux yeux d'une population égoïste, de moins en moins charitable et peu reconnaissante envers ses propres vieux parents, trop lents à leur ouvrir la porte à leur succession parfois bien attirante.
Ici se présente l'attrait du suicide assisté où des médecins cupides à la Morgentaler, multimillionnaire avec l'avortement légalisé, mais avec des moyens encore bien plus faciles quant à l'euthanasie, face à la mort par pilule et piqûre, d'où l'abus facilement imaginable du suicide assisté tant auprès des vieilles personnes que des autres faibles de la société et sans défense.
Me trouvant âgé de 88 ans, quoi qu'encore assez bien, mon épouse Raymonde âgée de 85 ans mais fort affectée, nous vivions depuis 14 ans en appartement, dans l'ancien monastère des pères trappistes de Mistassini, avec une soixantaine de personnes âgées, à devenir des proies directes d'une législation d'euthanasie décriminalisée, avec toutes les autres classes de faibles, de gens objets de cette prétendue mort dans la dignité en version Ottawa, dont c'est la juridiction parce qu'objet du Code criminel, mais ranimée à Québec par cette commission dont j'espère le revirement pour cause de non-juridiction, d'inutilité et d'inopportunité.
Pareille législation créerait la méfiance chez les personnes dignes, les personnes faibles visées, à l'endroit des médecins, des hôpitaux, des travailleurs et travailleuses sociaux et tout l'attirail oeuvrant régulièrement auprès des vieux et des autres faibles en droit d'attendre, de cette société censée civilisée, compassion, reconnaissance, compréhension, charité à la manière du bon Samaritain de l'évangile, humanité, quoi, conscients que, lorsque la barbarie se légalise, la civilisation s'éclipse et que la mémoire est l'avenir du passé, suivant Valéry. L'évangile constituant la règle droite des comportements, juste fondement de notre civilisation chrétienne dominant notre monde occidental depuis 2 000 ans passés, qui mérite d'être respecté malgré les sacrifices requis par la lutte aux tendances matérialisantes enguirlandées d'argent, actuellement dominantes...
Un exemple frappant de la nécessité de la spiritualité dans la vie quotidienne nous vient de ces 33 mineurs chiliens récemment rescapés de 69 jours d'enfouissement sous terre, sous un kilomètre de profondeur, non seulement un tour de force de la science, mais un miracle effarant attribué au troisième mineur, Dieu, de force... par les mineurs eux-mêmes et le président du Chili faisant chorus avec les 33 rescapés, dans un signe de croix de reconnaissance. Cette foi que nous ont transmis nos pères marchait de pair avec le respect de la vie, que j'ai moi-même recouvré après une période de doute en ma jeunesse, me vaut une toute autre conception du sujet présentement traité devant cette commission sérieuse, nageant dans la présente atmosphère de matérialisme et de laisser-aller moral, d'où mon espérance escortant ma foi dans un revirement stratégique chez les membres de cette commission que chez le gouvernement Charest en faveur du maintien de la législation actuelle concernant le Code criminel face à l'euthanasie avec une foi en béton en la vie si nécessaire.
En terminant, j'envoie à la patience à bout de souffle, n'étant pas un ayant foi en la neutralité, je m'adresse particulièrement à M. le président de cette commission. En son triple titre sensément détenteur des qualités fondamentales de tout bon Anglo-Saxon, dont le respect des traditions morales chrétiennes, de la foi des gens, de la liberté bien comprise et de la démocratie marquée du signe de la liberté religieuse, de député à l'Assemblée législative du Québec et de libéral, parti mien et celui de mon épouse Raymonde...
Quand, un peu dans le désarroi, ce parti sensément plutôt de droite, pour se maintenir au centre, avait dû recourir à des mesures socialisantes, nous -- et j'étais du nombre -- crûmes bon d'aller chercher le chef du parti conservateur fédéral, en la personne de l'actuel premier ministre Jean Charest, en vue de recentrer notre parti vers la droite. Et le passé semble nous donner raison, si ce n'est de l'infiltration des féministes athées, dont l'une a enfreint la liberté religieuse chez nous avec sa loi héritée d'un autre parti et intitulé trompeusement Éthique et culture religieuse, et cette autre ministre, dont origine cette commission tirée du mouvement de l'acharnée Francine Lalonde contre la vie, dont cette lutte en faveur de la décriminalisation de l'euthanasie par le truchement de ces entourloupettes, mourir dans la dignité et de suicide assisté, issues de son projet de loi C-407 avorté au Parlement fédéral, dont c'est la juridiction, pas celle de Québec, n'en déplaise à nos déments mélangeurs de cartes au niveau constitutionnel.
J'ai confiance en le bon jugement de notre premier ministre Charest face à votre choix comme président de cette commission, que je crois inopportune mais dont je respecte bien démocratiquement la présence, et particulièrement vous comme fruit de la recherche d'un président. Il me vient de nouveau à l'esprit cette maxime: Des chercheurs qui cherchent, ça se trouve, mais les chercheurs qui trouvent, cherchez-les. J'ose espérer, M. le Président, que vous serez, avec la majorité des membres de cette commission, le chercheur qui trouvera à démêler l'écheveau créé par le présent sujet de discussion grâce à une conclusion qui tiendra compte de la morale chrétienne chez un peuple encore majoritairement croyant et au maintien duquel, en sa foi, le maintien de la spiritualité doit être respecté démocratiquement à l'encontre des oublieux du long fleuve de la foi depuis deux millénaires... creuse son lit dans le roc des coeurs humains, mais autrement interprété par le poète en ces termes: Borné dans sa nature, infini dans ses voeux, l'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. Mes excuses pour la longueur de mon texte. Bonne chance, et merci.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, M. Villeneuve. Je sais que mon collègue des Îles-de-la-Madeleine a une courte intervention, parce qu'on a dépassé de beaucoup. Il nous reste cinq personnes qui veulent faire les courts commentaires. Alors, très brièvement, cher collègue.
M. Chevarie: Merci, M. le Président. Je n'ai pas de questions comme telles. Je veux toutefois vous remercier de votre présence et d'avoir pris de votre précieux temps pour nous présenter votre position. Je salue également le courage de votre opinion. Certains de vos mots étaient parfois forts et lourds, mais ça a l'avantage d'être clair en termes de position. Alors, au nom de mes collègues, merci de votre présence.
Le Président (M. Kelley): Et merci beaucoup aussi, M. Villeneuve, pour votre présence aujourd'hui.
Je vais suspendre quelques instants. Et, si j'ai bien compris, on a cinq personnes qui ont demandé... Alors, on va obtenir la liste, mais on va suspendre quelques instants pour organiser la période de micro ouvert.
(Suspension de la séance à 15 h 20)
(Reprise à 15 h 22)
Le Président (M. Kelley): À l'ordre, s'il vous plaît! On est dans le dernier droit. Premièrement, on a reçu un courriel de Mme Marie-Ève Desgagné. Est-ce qu'il y a une Marie-Ève Desgagné qui est ici? Sinon, il y a cinq personnes qui ont demandé la parole. On va vous donner environ... un droit de parole de quatre minutes, quatre à cinq minutes chacun. Et, en ordre, ça va être: Michelle Houle, Gisèle Gauthier-Simard, Françoise Simard, Marlène Côté et Marie-Hélène Vachon.
Alors, est-ce que Michelle Houle est ici? Alors, prends place à la table, et la parole est à vous pour quatre à cinq minutes. Et je vais vous faire signe quand il vous reste environ une minute.
Une voix: ...
Le Président (M. Kelley): Non, non, il n'y a pas de question. Ça, c'est vraiment à vous de juste vous exprimer. Alors, bienvenue, Mme Houle. La parole est à vous.
Mme Michelle Houle
Mme Houle (Michelle): Je vous remercie. J'espère que je vais parler suffisamment fort pour être entendue de tout le monde. Alors, je suis très heureuse et je remercie la commission de nous permettre, nous, le public, de s'exprimer sur notre vision d'une loi possible sur l'euthanasie.
Moi, je suis réflexologue depuis 30 ans, une médecine alternative qui m'a permis de rencontrer beaucoup de gens qui avaient des problèmes de santé plus ou moins importants. Alors, mon travail consistait à essayer de leur redonner une qualité de vie, au même titre qu'un médecin s'engage à redonner une qualité de vie à ses patients. Et une qualité de vie, ça veut dire une capacité d'être autonome par rapport aux besoins essentiels que nous avons tous de se nourrir, de se vêtir, de se laver, d'aller à la chambre de bains au besoin. Alors, moi, je trouve que, lorsqu'une personne perd cette possibilité, c'est la plus grande souffrance morale qui lui incombe à ce moment-là, non seulement morale, mais psychologique et physique.
Sans compter qu'on a tous, je pense, à un moment donné, eu l'occasion de constater à quel point la famille s'épuise à rendre visite à son malade dans le but de l'encourager, alors qu'un diagnostic de fin prochaine a été donné par le médecin. Si un diagnostic de cet ordre-là a été émis par le médecin traitant, on ne peut pas faire autrement que de le respecter et de l'accepter, de faire en sorte que le patient accepte la situation. La situation devient, à ce moment-là, très pénible pour la personne qui est malade, et c'est certain qu'elle passe par toutes les phases inimaginables, tant par le déni, la colère, l'acceptation, puis il faut qu'elle fasse la paix avec son départ.
Et on a reçu, surtout les gens du troisième âge, on a reçu un enseignement moral qui n'est pas facile à gérer. Moi, je le sais parce que je l'ai vécu, mais je tente de l'apprivoiser. Alors, moi, je considère qu'après un diagnostic d'incapacité pour le médecin de redonner à une personne sa qualité de vie je ne peux pas faire autrement que souhaiter ardemment qu'une loi soit votée pour permettre l'euthanasie bien encadrée. Bien sûr, on ne fera pas mourir tout le monde sous prétexte que ça nous dérange ou qu'on veut hériter, c'est évident. Alors, une euthanasie bien encadrée se justifie de nos jours et devrait, à mon avis, déjà être enclenchée.
Moi, comme thérapeute, je me suis souvent fait demander: Est-ce que vous pourriez m'aider à partir rapidement si je devenais impotent ou impotente? Je leur ai dit: J'aimerais pouvoir vous dire oui, mais la loi ne me le permet pas. Alors, je souhaite que cette loi devienne effective le plus rapidement possible, c'est là mon opinion. Et je vous remercie.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Houle, pour cette contribution à notre réflexion. Je vais inviter Mme Gisèle Gauthier-Simard de prendre place, s'il vous plaît.
Mme Gisèle Gauthier-Simard
Mme Gauthier-Simard (Gisèle): Bonjour, M. le Président. Bonjour, mesdames messieurs, merci d'être chez nous et bienvenue chez nous. Je m'adresserai à vous simplement à titre de personne qui est très impliquée dans la société, qui, à titre de mère, grand-mère et arrière-grand-mère, a milité dans bien des secteurs, et je suis encore bénévole depuis 50 ans dans un CHSLD et d'autres domaines. Ma réflexion se veut simplement une réminiscence, je pense, de ce que nous devons concevoir devant les décisions que vous aurez à prendre et qu'on aura à prendre.
J'entendais tantôt... je vous félicite de votre patience -- salut, M. Reid -- je vous félicite de votre patience parce que les propos qui ont été tenus par le dernier intervenant m'ont vraiment bouleversée. Qu'on puisse, en un si court laps de temps, insulter tant de gens puis dire des choses comme ça... En tout cas, je vous félicite de votre patience.
Tout ça pour vous dire qu'à ma première réflexion je voulais simplement venir vous dire que, suite à ce que Marthe a dit, moi, je ne peux pas faire autrement que vous dire ma réflexion vis-à-vis la vie. Je pense que la vie m'a été donnée, j'ai participé à donner la vie 10 fois, j'ai 27 petits-enfants et 11 arrière, mais cette vie-là elle ne m'a jamais appartenu, la vie de que j'ai donnée à mes enfants, de même que celle qui m'a été donnée n'appartenait pas à mes parents. Disposer de la vie et en décider, je ne sais pas s'il y a un humain qui est responsable de faire ça.
Et, si jamais on décide de le faire, je voudrais qu'on retienne deux volets, la responsabilité que nous avons comme collectivité de se donner les moyens pour ensuite suivre les décisions qu'on a prises. Le premier volet, c'est que, si on laisse vivre des personnes dans ce qu'on appellera la dignité... Parce que, pour moi, la dignité, là, quand on est malade, c'est de recevoir les meilleurs soins possible, c'est ça. J'ai des enfants qui ont fait carrière en santé, ce sont des êtres normaux, ce sont des bonnes personnes, elles ont fait ce qu'elles pouvaient avec les moyens qu'elles avaient, et ça va toujours être ça. Mes petits-enfants vont vivre ça, mes arrière-petits-enfants.
Mais, comme société, on a une responsabilité. Si on décide de continuer la vie de ces gens-là, il faut, comme collectivité, donner les moyens qui sont auprès d'elle de le faire de la dignité. Et, si on décide d'aider les gens à mourir aussi dans la dignité, soyons responsables avec les moyens qu'on donnera aux personnes qui prendront la décision d'arrêter cette vie. Moi, je pense que c'est ça que vous aurez comme réflexion.
Je félicite le gouvernement de l'avoir fait, je félicite ceux qui ont décidé, je vous félicite d'écouter tout le monde, mais je vous souhaite bonne chance dans vos décisions. Salut, M. Reid, je suis la belle-mère de Jacqueline. Elle vous salue.
**(15 h 30)**Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour surtout ces derniers conseils. Le prochain intervenant, c'est Mme Françoise Simard.
Mme Françoise Simard
Mme Simard (Françoise): D'accord. Merci de m'accueillir cet après-midi. Je vous salue, MM. et Mmes les commissaires. Vous avez un travail bien difficile, et délicat, et complexe.
Je préside une association de retraités de près de 1 000 membres entre 55 et 95 ans. Et j'ai envie de vous dire, en regardant en avant de moi, mourir dans la dignité, moi, j'ai le goût de vous dire: Vivre dans la dignité jusqu'à son terme. Vivre dans la dignité, ça veut dire une qualité de vie qui doit être privilégiée. Je ne me prononcerai pas ni pour ni contre l'euthanasie. Mon regroupement va se rencontrer le début novembre et nous aurons une conférence là-dessus et les gens auront à faire leur propre opinion.
Moi, ce qui m'inquiète, c'est, en cette période où on parle de privatisation des soins de la santé, on insiste sur le vieillissement de la population, on parle... et on fait l'amalgame avec l'augmentation des coûts de la santé. Je vous dis que je préside une association où je vois une dame, par exemple, qui était à une activité il y a deux semaines à peine, elle a 90 ans, elle a reçu son bouton du pavillon sportif de l'UQAC, ça fait 25 ans qu'elle fait de l'exercice physique et elle est en superforme, c'est une femme formidable. Et j'en vois tout plein, d'hommes et de femmes bénévoles qui ont donné un sens à leur vie.
Cependant, je ne voudrais pas que l'euthanasie devienne un passeport pour l'éternité, facile. Ce qui me préoccupe: les abus et la facilité. Je pense que notre société cependant est assez mature pour y réfléchir. La vie, oui, privilégier sa qualité, et je pense que c'est la personne qui est au coeur de cette réflexion. Et c'est la personne qui doit choisir pour elle-même comment elle veut mettre fin à sa vie quand elle est en situation de souffrance et dans une étape irréversible de sa vie. Je pense qu'il faut respecter la personne, sa décision et qu'il ne doit pas y avoir de pression de l'extérieur. Je vous remercie de m'avoir entendue.
Le Président (M. Kelley): Merci, Mme Simard. Et, si, au mois de novembre, votre groupe fait sa réflexion et il y a des informations que vous voulez partager avec les membres de la commission, Mme Laplante, qui est la secrétaire de la commission, va vous laisser une carte avec un courriel, alors, s'il y a des résolutions, ou des réflexions, ou des commentaires de votre regroupement, nous aimerions le savoir, et on va partager ça avec l'ensemble des membres de la commission. Notre quatrième témoin, c'est Mme Marlène Côté. Mme Côté.
Mme Marlène Côté
Mme Côté (Marlène): D'accord. Bonjour. Alors, mon nom est Marlène Côté. Alors, j'étais enseignante en religion, je suis maintenant enseignante en histoire. Alors, moi, j'ai deux commentaires à faire. Le premier, c'est que le nom de la commission, «mourir dans la dignité», eh bien, je suis un peu choquée de ce nom-là parce que ça donne automatiquement une orientation à l'euthanasie qu'on identifie à mourir dans la dignité, et ça, je trouve ça tout à fait indigne comme stratégie. Alors, premier commentaire.
Alors, pour moi, mourir dans la dignité, c'est mourir de sa belle mort. Et je ne pense pas que la mort devient indigne parce qu'on souffre. Je pense que la mort, elle appartient... Je ne suis pas d'accord avec la majorité des gens qui pensent qu'on peut choisir le moment de notre mort. Je pense qu'on doit accepter aussi, sans l'acharnement thérapeutique, bien entendu -- il faut faire une différence -- mais il faut accepter la longévité et qui inclut aussi la souffrance.
Et il est certain que, quand on s'en tient à l'aspect émotionnel de la chose, on est touché puis on pourrait être tenté de pencher vers l'euthanasie et le suicide assisté. Aussi, quand on prend, au niveau rationnel, quel est le sens de la souffrance, on pourrait aussi pencher de ce côté-là. Et je comprends très bien les gens d'être rejoints et d'être tentés d'opter pour cette alternative. Cependant je suis tout à fait d'accord et heureuse de ce qui a été dit, de vivre dans la dignité. Alors, je pense qu'on peut être malade, et vivre, et mourir dans la dignité tout en attendant l'heure de sa mort aussi.
Et il y a un aspect qui est tout à fait absent de la commission, et c'est un aspect fondamental de l'être humain qu'on oublie trop souvent dans notre société matérialiste, c'est l'aspect spirituel. Alors, l'être humain a un aspect spirituel. Et il faut savoir que la vie physique ici ne se termine pas avec la mort, mais se continue et que la mort se prépare. Et, moi, je serais très mal à l'aise de précipiter quelqu'un dans la vie éternelle avant le moment que mon créateur, Dieu -- si on a la foi, hein -- a choisi pour la reprendre, pour me rappeler à lui. Alors, l'aspect spirituel, pour une société, la société québécoise, qui est fondamentalement de souche chrétienne, eh bien, je pense qu'on devrait en tenir compte et que la souffrance, si on se penche... si on regarde du côté religieux, eh bien, elle n'est pas inutile, elle est utile parce qu'elle est offerte, elle nous prépare à la mort et ce n'est pas quelque chose de tangible qu'on peut mesurer. Et c'est certain que c'est avec les yeux de la foi qu'on peut apprécier ce côté-là ou... hein, on a besoin de ça, mais la foi, je pense qu'elle est quand même légitime.
Et on peut supposer que les gens peuvent mourir dignement de leur belle mort et que le fait qu'ils sont malades, et qu'ils souffrent, et qu'il y a des gens qui sont obligés de se donner beaucoup de mal pour eux, eh bien, contribue aussi à faire de l'être humain pas seulement un travailleur et un consommateur, mais également un aidant, un être généreux qui est appelé à se dépasser, à dépasser l'égocentrisme et à donner de façon gratuite, dans le fond, pour aider quelqu'un à terminer sa vie dignement, c'est-à-dire sans intervention directe humaine pour la précipiter.
Alors, ceci dit, je ne suis pas pour l'acharnement thérapeutique, il y a une différence, puis je pense que présentement le Québec ne s'acharne pas thérapeutiquement sur les malades en fin de vie. Et ce qui se fait présentement est déjà assez avancé au niveau du soulagement des souffrances. Je pense que le Québec ne doit pas aller plus loin dans cela. Et j'aimerais que la commission se pose la question sur son objectivité lorsqu'elle appelle une commission qui est reliée directement à l'euthanasie, «mourir dans la dignité», titre que je conteste. Merci.
**(15 h 40)**Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup pour ces commentaires. On a longuement discuté le titre de la commission. On était un petit peu aux mercis de la motion qui a été adoptée à l'Assemblée nationale. L'idée, avec un titre, était vraiment de provoquer un débat, et, je pense, on a eu beaucoup de débats au sujet du titre de la commission, alors c'est bien réussi.
Mme Vachon, c'est le prochain témoin. Marie-Hélène Vachon. Bienvenue.
Mme Marie-Hélène Vachon
Mme Vachon (Marie-Hélène): Bonjour, M. le Président, MM., Mmes les commissaires. Bon, moi, c'est sûr que je déplore un petit peu de... Parce que, moi, c'est sûr que je ne suis pas pour... bien, je suis pour quand même l'euthanasie assistée. Je trouve ça juste dommage qu'on n'ait pas entendu plus parler... qu'il y ait plus de jeunes aussi qui donnent leur mot à dire sur justement le sujet. Parce qu'il y a quand même aussi l'avenir qui fait que justement la société est vieillissante, et puis il y a beaucoup de maladies qu'on entend plus parler puis qu'on est plus conscients, puis que ça va être nos parents aussi plus tard qui vont être dans cette situation-là, puis que c'est nous qu'il va falloir faire face à ça. Puis en même temps sensibiliser aussi les jeunes à peut-être le côté aidant naturel, que ça peut être assez important. Mais, en tout cas, moi puis mon mari, on pense que plus tard ça va être nous qui va être obligés de s'occuper de nos parents puis on n'est pas malheureux de ça, on trouve que c'est peut-être normal aussi avec les manques de personnel qu'on connaît dans les centres hospitaliers.
J'ai pratiqué environ pendant six ans, j'étais infirmière auxiliaire dans la région de Montréal. Bien, j'ai changé d'emploi pour la famille. Mais j'ai connu... j'ai travaillé dans les centres hospitaliers, dans les soins de longue durée. J'ai vu des personnes qui étaient en phase terminale par rapport à des maladies comme le cancer, mais j'ai vu aussi d'autres personnes qui étaient alitées, qui n'avaient plus aucun... que c'est tout nous qui faisaient des choses pour eux. Ça fait que c'est sûr que ce n'est pas facile pour eux puis ce n'est pas facile pour les familles non plus.
Je pense qu'il va falloir essayer de les aider. Je ne veux pas qu'on... Je ne veux pas non plus qu'on... je ne voulais pas dire qu'on mette fin à la vie de nos personnes âgées parce que je suis consciente qu'ils nous amènent beaucoup de choses par rapport à l'histoire, par rapport à leur culture, à leur vécu. C'est important pour nous, les jeunes, avec toute la technologie qu'on a aujourd'hui, de quand même rester terre à terre, conscients de tout ça.
Puis, bien, je pense c'est pas mal ça, là, que ça peut aider au futur, puis il faut penser au futur, que le passé c'est le passé, puis d'essayer de voir qu'est-ce qu'on peut faire pour aider les gens. Merci puis félicitations.
Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup. Et je veux constater que, quand nous avons fait un questionnaire en ligne, on a dit: Est-ce que les jeunes vont participer? Et c'est très intéressant, le nombre de personnes de bas âge, des jeunes qui participent parce que, vous avez effectivement raison, les enjeux pour ces questions vont toucher votre génération de beaucoup. Alors, merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui.
Et, si j'ai bien compris, Marie-Ève Desgagné est arrivée? Alors, c'est elle qui va...
Une voix: ...
Le Président (M. Kelley): ...conclure. Merci beaucoup, Mme la députée. Clore.
Mme Marie-Ève Desgagné
Mme Desgagné (Marie-Ève): Bonjour.
Le Président (M. Kelley): Bienvenue, Mme Desgagné.
Mme Desgagné (Marie-Ève): Merci. Donc, moi, contrairement aux autres, j'ai écrit un texte, donc, que je vais lire. Donc, depuis quelques années, au Québec, le gouvernement parle de créer une loi pour accepter qu'il y ait des euthanasies ou des suicides assistés légaux dans les hôpitaux. Il y a des gens qui veulent cesser de souffrir, et bon nombre sont en faveur de cette loi. Mais sait-on un peu ce qui se cache derrière tout ça?
Donc là, évidemment, je ne dirai pas toutes les sources, parce que ça va être un petit peu long, mais c'est des sources... par exemple, Le Devoir ou, je ne sais pas si...
Le Président (M. Kelley): Si vous voulez laisser copie de votre texte...
Mme Desgagné (Marie-Ève): Oui, je vais la laisser.
Le Président (M. Kelley): On peut distribuer ça. Alors, parfait?
Mme Desgagné (Marie-Ève): Parfait. Donc, l'ONU a demandé un rapport parlementaire sur la fin de vie aux Pays-Bas au député Leonetti. Selon l'enquête de Jean Leonetti, les médecins qui pratiquent légalement l'euthanasie ne respectent plus les différents barèmes, ils se fient seulement sur deux critères maintenant, c'est-à-dire le consentement du malade et la présence de souffrance irrémissible. On peut se demander où est le professionnalisme. On dit que certains médecins ont peur de se faire rappeler à l'ordre, de subir une poursuite judiciaire ou ils trouvent que le processus bureaucratique est trop lourd. C'est pourquoi certains cachent des euthanasies.
Je suis d'accord avec le journaliste Pierre-Olivier Arduin lorsqu'il dit que -- et je cite -- «certains patients sont euthanasiés sans recueil de leur consentement, toutes les parties jugeant qu'il en est mieux pour eux étant donné leur qualité de vie médiocre. D'autres demandent la mort pour une simple fatigue de vivre.» Fin de la citation. Je crois, à mon humble avis, qu'il y a trop de permissivité, et les procédures ne sont pas respectées. Le pouvoir des médecins ne serait-il pas trop grand?
Il y a peu de statistiques sur l'euthanasie. Aux Pays-Bas, en 2005, il y a eu 1 933 euthanasies; en 2007, il y aurait eu 2 120. Selon une étude néerlandaise, 20 % des euthanasies ne sont pas déclarées. Les sédations palliatives ont augmenté de 11 % entre 2001 et 2005. Ces soins ne nécessitent pas d'autorisation spéciale. Ils consistent à plonger le patient dans un profond sommeil et à ne plus l'alimenter pour laisser la maladie l'emporter. 9 600 cas de sédation palliative ont été déclarés en 2005. C'est beaucoup trop.
Marianne Desmedt, qui travaille à l'hôpital Saint-Luc de Bruxelles, se souvient d'une patiente qui voulait se faire euthanasier à cause de l'évolution rapide de sa maladie. L'unité des soins continus la lui avait refusée, heureusement, parce que, deux semaines plus tard, cette patiente avait contracté une pneumonie et acceptait volontiers le traitement antibiotique que lui proposaient les médecins. Elle voulait tout à coup s'en sortir. Selon Mme Desmedt, les compétences des médecins sont souvent insuffisantes pour juger de ce que représente une souffrance insupportable et constante. Les médecins ne savent pas toujours reconnaître des troubles psychologiques qui poussent certains patients à demander l'euthanasie. N'y aurait-il pas eu grave erreur si nous avions cédé à son premier mouvement?
Je ne trouve pas cela rassurant de savoir que la loi hollandaise pourrait inclure des patients souffrant, par exemple, de sclérose en plaques même si le décès n'est pas dans un horizon proche. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que l'ordre des médecins allemands fait état de l'installation croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne. D'après la mission parlementaire, et je cite: «S'y sont ouverts des établissements pour personnes âgées accueillant des Néerlandais. C'est le cas notamment à -- bon, je ne sais pas si je vais bien le prononcer -- Bocholt. Ces personnes craignent que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie. N'ayant plus totalement confiance dans les praticiens hollandais, soit elles s'adressent à des médecins allemands, soit elles s'installent en Allemagne.» Donc, je crois fortement que c'est par découragement que plusieurs patients veulent en finir. Pourquoi ne pas mettre l'accent sur des soins palliatifs au lieu de chercher des solutions, je dirais, faciles? La maladie n'enlève pas la dignité de quelqu'un. C'est notre regard qui enlève la dignité au malade. À mon avis, le problème n'est pas à se demander si l'euthanasie est un bon choix, il va plus loin que ça. Je pense qu'il faut se demander si on est capable, en 2010, d'accepter que la maladie et la souffrance font partie de la vie humaine.
Notre société a peur de la mort, elle se cache derrière des mesures qui peuvent enlever la vie, alors que la mort naturelle doit être un processus normal. Aujourd'hui, on entasse nos grands-parents dans des gratte-ciel avec tout le nécessaire à l'intérieur pour ne pas qu'ils sortent et pour ne pas qu'ils nous dérangent. C'est triste, car ils pourraient tellement nous apprendre. Aujourd'hui, on a peur de vieillir, on a peur de la maladie, de souffrir, de la mort. Pourtant, la souffrance est indissociable de la condition humaine. Si on souhaite que la souffrance soit éliminée de la vie humaine, je crois que c'est une grave erreur. L'humain vit des joies et des peines comme le soleil se couche et se lève. C'est une loi naturelle et c'est bien comme ça. Vous avez sans doute eu la joie et l'honneur...
Le Président (M. Kelley): En conclusion, parce qu'on est... En conclusion...
Mme Desgagné (Marie-Ève): Oui, il me reste juste une page.
Le Président (M. Kelley): O.K., parfait.
Mme Desgagné (Marie-Ève): Vous avez sûrement eu la joie de connaître vos grands-parents, M. Kelley. Avez-vous eu la joie de connaître vos grands-parents?
Le Président (M. Kelley): Certains de mes grands-parents.
Mme Desgagné (Marie-Ève): Certains? Donc, ils ont sûrement dû vous donner beaucoup de conseils en toutes sortes. Ces personnes âgées ou malades sont une richesse pour nous. Une société responsable est une société qui protège autant ses petits et ses grands, ses faibles et ses forts.
La devise du Québec est Je me souviens. Rappelons-nous que le rôle d'un médecin est de faire vivre. Rappelons-nous que le Québec s'est bâti avec des gens braves, tenaces, persévérants, patients, travailleurs, fonceurs, qui ont fait reculer la mort pour faire vivre leur descendance. Ils n'ont pas tenu compte de leur désir centré sur eux qui pouvait les débarrasser de leur maladie très vite. Avec courage et beaucoup d'amour, ils accompagnaient leurs personnes souffrantes jusqu'au bout avec bien peu de moyens. Rappelons-nous que la dignité d'une personne humaine est le principe selon lequel une personne ne doit jamais être traitée comme un objet, un moyen mais comme une identité à part entière.
Qu'est-ce qu'on veut laisser comme héritage à nos enfants? Voulons-nous que nos enfants se souviennent de ces nombreux suicides assistés, de ces nombreuses euthanasies pratiquées à tout âge et pour tout tourment? Voulons-nous laisser cette image aux futures générations, c'est-à-dire qu'à la moindre souffrance il faut mettre un terme à la vie? Si Mozart avait voulu mettre un terme à ses souffrances physiques ou mentales dès son jeune âge en se faisant euthanasier, aurait-il pu nous léguer ce pareil chef-d'oeuvre musical?
Ne marchons pas sur les traces des autres pays qui ont accepté cette loi. Ne conjuguons pas le verbe euthanasier pour être dans une culture où rôdera la mort. Souvenons-nous de la vie, soutenons-la. Laissons la vie en héritage à nos enfants. Au lieu de multiplier des moyens pour enlever la vie, gardons la vie jalousement comme un joyau précieux jusqu'à sa fin naturelle. Merci.
**(15 h 50)**Le Président (M. Kelley): Merci beaucoup, Mme Desgagné, pour votre contribution à notre réflexion. Il me reste juste à dire merci beaucoup à la région pour l'accueil, la qualité des mémoires, les commentaires. On a eu une journée fort intéressante ici.
Et, sans ajourner, je veux, comme d'habitude, dire merci beaucoup aux personnes qui travaillent pour la commission, qui sont ici à la porte, nos collègues de la sécurité, nos personnes qui ont assuré la qualité de l'équipement sonore, les recherchistes, Mme la secrétaire. C'est beaucoup de travail pour amener une commission parlementaire en région, mais je pense que c'est très important de vous donner le droit de parole et de participer dans ces débats qui sont très importants.
J'ai appris aussi qu'il y a plusieurs de nos collègues, ma collègue de Marguerite-D'Youville, ma collègue de Hull, qui ont des origines ici, dans cette région, le député d'Orford. Alors, c'est une occasion aussi pour les retrouvailles pour les membres de la commission. Alors, merci beaucoup.
Sur ça, je vais ajourner nos travaux au mardi 26 octobre, à 10 heures, à la salle du Conseil législatif de l'hôtel du Parlement, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur la question de mourir dans la dignité.
Et, n'oubliez pas, si vous voulez remplir le questionnaire en ligne: www.assnat.qc.ca. Merci beaucoup et bonne fin de semaine.
(Fin de la séance à 15 h 52)