(Neuf heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission spéciale sur la Loi électorale ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.
M. le secrétaire, avons-nous des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement annoncé.
Auditions (suite)
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, nous entendrons, ce matin, les personnes et groupes suivants: M. Christian Dufour; le Parti québécois; ainsi que M. Brian Tanguay, qui comparaîtra par vidéoconférence, en direct de l'Université Wilfrid Laurier, de Waterloo. En après-midi, après la période des affaires courantes, nous aurons l'occasion d'entendre: M. Jean-Herman Guay; l'Union des forces progressistes; ainsi que M. Jean-Pierre Derriennic.
Alors, je vois que M. Dufour a déjà pris place. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec, au nom de tous les parlementaires. Je vais vous céder un droit de parole de 20 minutes pour nous faire votre présentation, après quoi nous amorcerons une période d'échange avec vous de 40 minutes. Alors, à vous la parole.
M. Christian Dufour
M. Dufour (Christian): Merci, M. le Président. C'est un honneur pour moi que de comparaître devant votre commission. C'est toujours impressionnant, l'Assemblée nationale, quand on n'y vient pas souvent, surtout que le thème de la discussion dans le fond, ça concerne éminemment l'Assemblée nationale. C'est un dossier qui me semble crucial.
Ma présentation va se faire à partir d'un texte qui vous a été distribué, je pense, qui s'appelle L'appel des cinq ? Contre la réforme du mode de scrutin pour un gouvernement fort mais congédiable.
Voilà donc, on est... Je suis seul, là, parce que les autres n'ont pas pu venir ce jour-ci, parce qu'il y a eu plusieurs dates avec lesquelles on a joué, mais c'est vraiment un texte commun, conjoint, ce n'est pas un texte rédigé par une personne, une pétition qui a été signée par d'autres. On s'est vraiment réunis à plusieurs, on a discuté. Donc, ça se voulait non partisan. Et c'est un appel donc. Il y a une inquiétude assez nette de ces gens-là donc: Henri Brun, qui est constitutionnaliste à l'Université Laval, qui est bien connu; Claude Corbo, qui est à l'Université du Québec à Montréal, qui a été recteur de l'UQAM; et puis deux personnalités politiques bien connues, Joseph Facal, qui est associé au Parti québécois, et Jean-Claude Rivest, qui a été évidemment longtemps associé au Parti libéral du Québec, qui est maintenant sénateur à Ottawa.
Donc, ce texte-là est court, synthétique. Écoutez, je sais que vous devez être ensevelis sous la documentation, mais, si vous avez le temps d'y jeter un coup d'oeil, je pense que la vision qu'on veut véhiculer est très présente. Et, nous, quelque part là-dedans ? je lisais tout ça ? on est comme l'opposition, hein, parce que, nous, on est contre, hein, on est contre la réforme du mode de scrutin. Je suis sûr que vous entendez un tas de gens qui ont un tas de réticences, de suggestions, bon, mais ils admettent... La dynamique de base, nous, on est inquiets au sujet de cette dynamique de base là.
Notre appel se termine par un... et c'est un appel à une série d'intervenants, aux faiseurs d'opinion tout d'abord, afin qu'ils ne s'en tiennent pas à exprimer leur foi dans la proportionnelle, comme c'est souvent le cas, aujourd'hui. Pour beaucoup de gens, la proportionnelle, c'est une foi, c'est devenu l'équivalent de la démocratie. On trouve que c'est important de faire ressortir les conséquences concrètes de tout ça, ce que ça va donner dans la réalité.
C'est un appel aussi à l'opposition officielle parce qu'on trouve que ce qui est possiblement en cause là-dedans, c'est l'alternance, le fait que notre pratique démocratique n'est pas parfaite, est très imparfaite, mais elle est quand même basée sur le fait qu'à intervalles plus ou moins réguliers le gouvernement change. Et ça nous semble très précieux. On voit, à Ottawa, ce que ça donne quand le gouvernement ne change pas, pour d'autres raisons, mais il reste qu'un gouvernement qui est toujours le même ? j'en reparlerai ? il y a des inconvénients très concrets qui découlent de ça.
On fait un appel aussi à la lucidité des gens de gauche parce que c'est beaucoup des mouvements souverainistes de gauche dans le fond qui ont lancé la réforme, hein? Et là, bon... Je peux comprendre un certain idéalisme, mais on estime que le projet de loi qui est sur la table va profiter essentiellement à leurs adversaires. Donc, c'est beau, l'idéalisme en politique, mais il faut quand même avoir conscience de ses intérêts.
Puis enfin il y a un appel quand même au gouvernement à l'égard de la démarche. On trouve que c'est une réforme qui est tellement importante ? c'est de nature constitutionnelle, c'est structurant ? qu'il me semble qu'il faudrait envisager la possibilité très concrète d'en appeler au peuple puis de soumettre ça à un référendum.
Donc, je vais commencer à partir de quelques thèmes. D'abord, l'avant-projet de loi. On était content lorsque l'avant-projet de loi... Moi, écoutez, je ne prétends pas représenter les cinq personnes dans tout ce que je vais dire. On s'est entendus sur un discours commun, mais vous comprendrez que, là, évidemment, par moments, c'est mon opinion, sans vouloir trahir ce que les autres ont fait.
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(9 h 40)
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Donc, l'avant-projet de loi qui a été déposé en décembre, dans un premier temps, on était assez content, dans la mesure où il y avait quelque chose de concret enfin, hein, parce que le problème de ce débat-là, à un moment donné, c'est que ça devient... c'est très théorique, hein, on est dans les concepts, les idéaux. La proportionnelle, tout le monde est pour ça, c'est comme la paternité, la tarte aux pommes, mais en même temps la proportionnelle... on sait qu'il n'y a pas un système de représentation proportionnelle, il y en a cinq, il y en a 10, il y en a 20, hein, ça dépend beaucoup des modalités. Donc, là, on a un projet de loi qui est... un avant-projet de loi plutôt qui est sur la table, qui a permis de centrer le débat sur quelque chose de plus concret.
Nous, le jugement qu'on porte sur cet avant-projet de loi là, c'est que c'est plus un projet de réforme qui est de nature compensatoire que véritablement proportionnel à l'européenne, comme le voudraient beaucoup, en fait, de gens qui ont démarré la réforme, dans le fond. Le résultat de cet avant-projet de loi là à notre avis, bon, ce que ça ferait, c'est que ça réévaluerait la clientèle anglo-montréalaise du Parti québécois, donc... du Parti québécois... du Parti libéral, je m'excuse, la clientèle de l'ADQ dans la région de Québec. C'est pour compenser le fait que certains partis ont leur appui exagérément concentré dans certaines circonscriptions. Le projet de loi ne nous semble pas permettre aux nouveaux petits partis, souvent à gauche, là, qui semblent vouloir faire émergence, là, de pouvoir faire élire des représentants à l'Assemblée nationale parce que les seuils nous apparaissent trop... Henri Brun aurait pu vous expliquer ça beaucoup plus que moi, mais, d'après ce que je comprends, il faudra avoir entre 15 % et 20 % de députés par district, et ce qui fait que par définition les petits partis ne peuvent pas avoir ça.
Donc, tel que le projet de loi est là, l'avant-projet de loi est, nous, ce que ça nous semble, c'est que c'est clair que ça va favoriser beaucoup les libéraux, même de façon... Moi, quand j'ai vu l'avant-projet de loi, j'ai été un peu étonné, je vous avoue, à quel point ça favorisait les libéraux. Il me semble que le Parti québécois va perdre des joueurs, parce qu'il y a une dynamique de fragmentation qui affecte le Parti québécois, mais sans avoir vraiment l'espoir d'une reconstitution, d'une coalition, si vous voulez, plus souverainiste de gauche, parce que ça va être très difficile pour ces gens-là de faire élire des députés. Donc, ce projet de loi là... cet avant-projet de loi là nous semble trop favorable au Parti libéral, très, très nettement. Je ne vois pas comment... Pour être franc, je sais bien que l'Assemblée nationale est souveraine, tout ça, mais j'ai de la difficulté à croire que ça va être adopté comme ça, ça me semble être trop biaisé quelque part.
Ça remet aussi en cause, potentiellement en cause aussi l'alternance. Ça, c'est important, hein, parce que je trouve que... Moi, j'enseigne à des étudiants. Je réalise qu'au Québec, dans beaucoup de milieux, puis les jeunes souvent ont tendance à concevoir la démocratie comme un concept, une théorie, une technique, en oubliant ce que, nous, on défend beaucoup, c'est que la démocratie, c'est avant tout une pratique, hein, toujours imparfaite, enracinée dans l'histoire d'une société. Or, notre pratique démocratique qui est très imparfaite est quand même basée sur l'alternance, et l'avant-projet de loi, dans ce sens-là, compromettrait à mon avis l'alternance.
Un autre point qui est important, c'est que le projet de loi quand même réévalue la force des Anglo-Montréalais, des Anglo-Québécois, bon, et ça, ça cause problème dans la mesure où le Québec n'est pas souverain, puis le Québec, le statut du Québec n'est pas stabilisé au sein du Canada. Sur le plan de la dynamique fédérale-provinciale, je pense que le ministre travaille beaucoup là-dedans. Moi, d'ailleurs, je lui tire mon chapeau pour des déblocages dans le dossier du fédéralisme asymétrique, ce genre de choses là. Mais, dans une dynamique canadienne, il reste que le système canadien a tendance à considérer la majorité francophone probablement comme un groupe ethnique. La majorité francophone québécoise, ça a été la perdante de la réforme de Trudeau, de la réforme constitutionnelle de Trudeau.
Donc, dans ce sens-là, je trouve qu'un élément qui est important, c'est que, que cette majorité-là d'elle-même s'enlève du pouvoir alors que le Québec n'est pas souverain, alors que le Québec n'est pas vraiment reconnu comme société distincte au sein du Canada, ça nous cause problème. Le gouvernement du Québec, c'est le seul à être contrôlé par une majorité francophone en Amérique du Nord. On n'est peut-être pas souverain, hein, mais on a ce pouvoir-là. Donc, c'est un autre élément qui nous dérange.
Je dois dire que... Donc, nous, on est arrivés à cette conclusion-là qu'il y a vraiment... cet avant-projet de loi là cause des gros problèmes ? je veux voir si je n'oublie rien... en tenant compte aussi du contexte canadien, donc l'alternance. Et j'ai lu, quelques semaines après, le texte de quelqu'un que vous avez reçu, je pense, Pierre Serré, en fait qui est quelqu'un qui a été très important, qui a été l'inspirateur de beaucoup de gens qui ont poussé pour la réforme du mode de scrutin, qui sont... qui est pour la proportionnelle, et il écrivait, bon: «...notre analyse de la proposition Dupuis-Pelletier nous laisse croire qu'elle favoriserait outrageusement le PLQ, qu'elle écarterait le Parti québécois du pouvoir de manière permanente, qu'elle favoriserait les tiers partis fédéralistes de droite tout en limitant l'influence des partis issus des forces de démocratisation de la société québécoise», donc des partis de gauche. Et je dois dire que, quand j'ai lu ça... je ne suis pas d'accord avec d'autres points de M. Serré, mais, son jugement là-dessus, je le partage pas mal. Et c'est quand même révélateur que ça vienne de gens comme M. Charbonneau aussi, l'ancien ministre Jean-Pierre Charbonneau, qui a été très impliqué dans la réforme aussi, qui dans un texte au Devoir, a repris ce jugement-là. Donc, le jugement sur l'avant-projet de loi tel qu'il est là ? je sais qu'il n'est pas adopté, là ? je partage ça. Je trouve que c'est un avant-projet de loi qui est trop biaisé, qui menacerait notre pratique démocratique. Donc, c'est le premier point.
Je suis conscient du fait qu'il y a des gens qui vont être tentés d'amener le gouvernement à aller davantage vers un système plus proportionnel parce que... Ce qu'il y a sur la table dans le fond, ce n'est pas véritablement proportionnel, c'est compensatoire, hein, c'est de dire, dans le fond, il y a trop... une trop grosse concentration de voix dans certains comtés, il faut tenir compte de ça. Mais il y a la possibilité aussi d'avoir une dynamique plus proportionnelle à l'européenne, hein, qui permettrait réellement à des petits partis d'émerger, hein? C'est ça, le problème. Mais actuellement je trouve... C'est un peu ironique de penser que ? c'est pour ça que j'ai de la difficulté à croire que l'avant-projet de loi va passer comme ça ? c'est que ceux qui ont poussé la réforme... Ce n'est pas le Parti libéral qui a poussé la réforme, hein? Les libéraux, en fait, ils sont plus conservateurs en ce qui a trait à nos institutions, traditionnellement, hein? Ils sont plus attachés au système de type britannique, comme moi. Moi, j'avoue que je suis assez attaché à ce genre de système là. C'est très paradoxal que les libéraux sont entrés dans le train assez tard. Ceux qui ont vraiment poussé pour la réforme, c'est M. Charbonneau et compagnie, là, bon, c'est les forces de gauche. Or, ces gens-là se font avoir quelque part, tel que c'est là.
Donc, il me semble que vous allez recevoir, j'imagine, des représentations de gens qui vont dire: Oui, mais, écoutez, il faut aller plus loin, il faudrait avoir un véritable système proportionnel pour permettre vraiment aux petits partis d'émerger pour que ça ne favorise pas juste les libéraux et l'ADQ, hein, et pour que, du côté de la mouvance, ce que j'appelle, moi, la mouvance souverainiste de gauche, donc qu'il y ait possibilité peut-être d'une coalition, le Parti québécois avec l'Union des forces progressistes ou Option citoyenne, ce genre de choses là. Et, nous, notre groupe, on trouve qu'aller plus vers la proportionnelle, même si c'est très populaire, ça nous semble très dangereux pour le pouvoir québécois parce que ça enclencherait une dynamique qui est très documentée parce qu'on est... Au Québec, la proportionnelle, c'est encore un peu exotique parce qu'on n'a jamais eu d'élément proportionnel, mais ça a quand même été utilisé dans beaucoup de pays. Puis c'est clair qu'une dynamique proportionnelle à l'européenne, hein, qui permettrait aux petits partis d'émerger... Bon, il faudrait une réforme assez profonde de l'avant-projet de loi, mais ça a des effets très structurants sur notre pratique politique dans la mesure où on mettrait davantage l'accent sur la représentation au détriment de la gouvernance, au détriment du gouvernement, hein?
C'est clair qu'un système proportionnel, si on est axé sur la représentation de toutes les nuances de l'opinion, c'est un système qui est supérieur. C'est pour ça d'ailleurs que, pour beaucoup de gens, hein, la démocratie égale proportionnelle: un homme, un citoyen, un vote. Bon. Pour beaucoup de gens qui voient la démocratie comme un beau plan, là, comme une belle théorie, ça va de soi. Donc, la proportionnelle, c'est clair qu'on se retrouve avec une Chambre où les nuances de l'opinion sont davantage représentées, sauf que le problème, ce qui paie pour ça, là, c'est que ça donne des gouvernements qui sont moins forts, hein, ça donne des gouvernements qui sont davantage des gouvernements de coalition. Encore là, ce qui se passe à Ottawa ces temps-ci, dans le fond, c'est un contre-exemple, on voit que ça se donne, ce genre de dynamique là. Un gouvernement de coalition, bon, bien, ça veut dire qu'il y a des négociations qui se font souvent après l'élection, après que les gens aient voté, pour décider des politiques qui vont être appliquées. On le voit à Ottawa, ça donne du pouvoir à des petits partis par moments dont on a besoin de l'appui, puis qui sont très idéologiquement motivés et, de façon générale, ça donne un pouvoir qui est moins fort.
Et le problème d'aller plus dans une... proportionnelle, parce que je suis convaincu qu'il y a peut-être des gens qui vont être tentés, hein, de dire: Dans le fond, le projet de loi actuel, l'avant-projet de loi actuel, il est injuste, il faut faire un mouvement vers ça. Moi... Ce qu'on craint, nous, c'est qu'à ce moment-là on soit dans une dynamique un peu plus à l'européenne, donc les partis sont plus importants, il y a des députés, il y a différentes classes de députés, il y a des débutés qui sont moins reliés aux citoyens, des gouvernements de coalition. Encore là... je m'excuse, M. Pelletier, de toujours revenir avec ça, mais, même dans ce cas de figure là, je trouve que le Parti libéral est très gagnant, hein? Le Parti libéral à mon avis s'installera un peu comme le parti naturel de gouvernement au Québec, quitte à faire des alliances avec des petits partis, dépendamment de la conjoncture.
Un élément aussi qui est important: dans le contexte de la mondialisation où le pouvoir de l'État est diminué, hein, il y a une mondialisation économique, il y a des grands instruments internationaux économiques où on ne peut plus faire ce qu'on faisait comme avant. Il y a aussi des chartes des droits. On sait que le pouvoir de l'État est quand même rogné par la consolidation des droits individuels. Donc, déjà, nos États ont tendance à perdre du pouvoir. Et il y a aussi le contexte canadien. Le Québec n'est pas souverain, on est au Canada, et on a à négocier avec d'autres partenaires canadiens qui, eux, n'ont pas fait vraiment de réforme dans ce sens-là, hein, et ce n'est pas mineur, ça. Moi, je trouve que, si le Québec... je suis... on est contre ça, mais, à tout le moins, si le Québec y vient, j'espère qu'on ne sera pas la première province à faire ça, je trouve que ce serait suicidaire de faire ça, hein, parce qu'on a négocié avec des gens qui sont en face de nous qui...
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(9 h 50)
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Prenez à Ottawa. Ottawa, ils auraient besoin... Puis ça, les analystes vous ont peut-être dit: Ça urge... Ce serait beaucoup plus important une réforme proportionnelle à Ottawa qu'à Québec, hein, c'est évident, ça. Puis pourtant il n'est pas question qu'on en fasse une à Ottawa, on n'en parle pas beaucoup, de ça, hein? Bon. Puis les autres gouvernements, je sais qu'il y a eu des tentatives faites en Colombie-Britannique, entre autres choses, mais globalement on n'a pas beaucoup changé le système dans les autres provinces. Et, tant que le Québec est dans le Canada, je trouve qu'il faut être très prudent avant de se lancer dans des belles expériences qui affaibliraient le seul gouvernement que les francophones contrôlent. Je m'excuse de toujours revenir à cette dynamique majoritaire là, là, mais l'identité québécoise moderne est intrinsèquement majoritaire, et, avant de se lancer dans de belles réformes, je pense qu'il y a un fardeau de la preuve qui appartient à ceux qui veulent procéder à des changements que ça ne fera pas plus de mal que de bien, ces changements-là.
Nous, on est très critiques parce qu'on défend le système actuel. Je sais que vous ne devez pas entendre souvent des défenses du système actuel, là, mais, nous, on défend le système actuel parce que notre texte s'appelle Pour un gouvernement fort mais congédiable. Je trouve que le système actuel est bien imparfait, là, mais il existe depuis 200... L'Assemblée nationale, c'est une des plus vieilles... Moi, c'est ce que j'enseigne à mes étudiants, c'est une des plus vieilles assemblées de type Westminster au monde, hein? C'est la partie du legs britannique que, moi, j'ai tendance à voir de façon positive. Il y a d'autres parties que je vois négatives, mais ce système de gouvernement là est devenu intrinsèquement québécois, hein? Il est d'origine britannique, mais, même si le Québec devenait souverain demain, c'est dans nos habitudes, c'est dans nos us, c'est dans notre pratique. Et ce système-là permet de constituer des gouvernements qui sont forts. Quand les gouvernements sont élus, ils ont les moyens d'agir, puis ça, c'est important. On n'est peut-être pas souverains, mais au moins on a ça, on a des vrais gouvernements. Ce n'est pas une municipalité, le gouvernement du Québec, mais en même temps on peut les congédier à un moment donné. Quand ça ne marche plus, on peut dire: Bon, bien, là, là, il y a une équipe qui est en face, il y a une alternance, et ça, c'est fondamental. Dans les discussions de notre groupe, nous, c'est ce qu'on avait identifié, on disait: Nous, le jugement qu'on porte sur la pratique démocratique, c'est que c'est au-delà de toutes les représentations des nuances de l'opinion puis les petits partis. C'est que, si tu n'es pas capable, à un moment donné, de congédier un gouvernement, là, c'est une grosse régression démocratique. Regardez ce qui se passe à Ottawa actuellement.
Donc, notre gouvernement... Puis, en plus de ça, le système tel qu'il existe actuellement... C'est sûr qu'il y a une prime à la majorité francophone, hein? Et, tant que le Québec n'est pas souverain puis que notre situation n'est pas stabilisée dans le Canada, renoncer à cette prime-là, moi, je vous avoue, là, je ne suis peut-être pas assez idéaliste, je ne suis peut-être pas assez angélique, là, mais je trouve que ce n'est pas prudent de renoncer nous-mêmes à cette prime-là. Les régions aussi, puis elles sont quand même bien représentées avec le mode de scrutin tel qu'on le connaît. Et, en plus de ça... Un instant, je vais... Donc, c'est ça. Donc, nous, on défend le système actuel. On dit: Ce n'est pas parfait, il y a des améliorations ? je vais en parler tout à l'heure ? mais c'est un gouvernement... c'est un système qui est calomnié par moments, dont on n'est pas capables de voir la force. Ce n'est pas rien d'avoir un gouvernement qui est capable d'agir, d'adopter des politiques publiques souvent progressistes d'ailleurs, un gouvernement dont on peut se débarrasser quand on est insatisfaits de ce qu'il a fait.
Ça m'amène maintenant à la dernière partie de ma présentation, sur le processus, sur la démarche, puis ça, je vous avoue que c'est une partie de notre inquiétude, le processus et la démarche, parce qu'on a beaucoup accrédité l'idée... Je lisais dans un texte, je pense que c'est du ministre, je ne sais pas, disant qu'il semblait y avoir un consensus social assez ferme sur le fait qu'il fallait réformer le mode de scrutin à partir, entre autres choses, des états généraux, là, sur la réforme des institutions démocratiques. Moi, je dois dire que ça... Moi, je conteste ça très fondamentalement. J'ai participé aux états généraux. Bon, je trouve que c'était... il y avait du monde bien sympathique, et puis j'ai même gardé, là, leur serviette que je traîne encore depuis ce temps-là, mais j'ai trouvé que c'était une opération très biaisée en faveur d'abord du présidentialisme à l'américaine puis de la proportionnelle. Je trouve que ce n'est pas rigoureux que de dire qu'à partir des états généraux il y a un consensus au Québec.
Un exemple parmi d'autres qui me revient, on plaçait, puis je parle des documents d'information pour les participants, les explications... À un moment donné, on plaçait sur le même pied, aux deux extrémités: d'un côté, il y avait notre mode de scrutin actuel, là, qui fonctionne depuis 150 ans, puis, de l'autre côté, il y avait la proportionnelle intégrale, qui est une aberration en fait que personne ne défend, parce que c'est une aberration. Il y avait vraiment cette façon d'orienter les gens et qui m'a beaucoup énervé, je dois dire. Parce que je trouve qu'on parle toujours du citoyen, du citoyen, mais il y a un aspect élitiste, corporatiste angélique là-dedans, qui est dangereux. Et là on prend pour acquis souvent...
Même quand je suis ici, à un moment donné, je me sentais mal à l'aise. Je me suis dit: Mon Dieu! est-ce que j'ai le droit de parler de ça encore, tu sais, de parler de la majorité francophone, de parler de l'alternance, de parler de ces débats-là? Est-ce qu'on est... Est-ce qu'ils n'ont pas dépassé ça? Je veux dire, est-ce qu'ils ne sont pas en train de discuter des modalités techniques de la réforme du mode de scrutin? Il me semble que c'est important qu'on ne prenne pas pour acquis qu'on va faire une réforme du scrutin de type proportionnel.
Je voyais, dans le journal, Le Courrier parlementaire d'avant-hier, Des invités favorables à un modèle de représentation proportionnelle. Moi, je dis: Les gens n'ont même pas encore parlé, hein? Et je voyais la liste des invités, puis c'étaient tous des gens qui ont manifesté leur intérêt pour un mode proportionnel. Bon. Je ne doute pas qu'ils sont critiques par ailleurs sur d'autres aspects, mais c'est quand même troublant que...
Le Président (M. Ouimet): ...
M. Dufour (Christian): Oui?
Le Président (M. Ouimet): Je vous invite à conclure, il reste à peine une minute.
M. Dufour (Christian): O.K. Donc, O.K., conclure. À cause de tout ça, on trouve que, nous, c'est important, si la réforme doit se faire, qu'on fasse, on passe à un référendum pour impliquer les citoyens là-dedans, parce que, sinon, la réforme va manquer beaucoup de légitimité. Je pense que... Il y a des gens qui vont accuser le Parti libéral de décider de faire un coup d'État un peu légal, hein, de dire: Bon, c'est tellement dans l'avantage des libéraux. C'est clair. Moi, dans tous les cas de figure, c'est dans l'avantage des libéraux. Bon, c'est comme ça. Les libéraux actuellement, c'est clair qu'ils ont l'avantage d'avoir des comtés sûrs. Ce n'est pas rien, les comtés sûrs, hein? Il y a une concentration du vote dans certains comtés. Avec la réforme, on va le faire...
Donc, la démarche référendaire me semble importante. Je suis content de voir qu'on en parle dans la résolution de l'Assemblée nationale parce que je ne trouvais pas normal qu'on ne fasse pas référence à ça auparavant. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, M. Dufour. Vous avez certainement maximisé chaque seconde du 20 minutes qui vous était alloué. Alors, nous allons amorcer la période d'échange avec vous. Je vais céder la parole à M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.
M. Pelletier: Merci, M. Dufour, pour votre présentation, aujourd'hui. Merci pour le document que vous avez remis à la commission au nom de vos collègues.
D'abord, je dois dire, M. le Président, que j'ai beaucoup de respect et d'amitié pour M. Dufour. Et M. Dufour fait entendre, aujourd'hui, un point de vue qui est à mon avis fort important. D'ailleurs, nous, à la commission, on a toujours dit qu'étant donné le caractère fondamental du sujet qui était discuté, étant donné l'importance du sujet, ses conséquences sur la vie politique québécoise, il fallait être bien certains que tout était soigneusement analysé. Et, bien entendu, ça veut dire également, là, tenir compte des avantages du système actuel et bien voir jusqu'où il est opportun de faire une réforme des institutions démocratiques.
À un point tel d'ailleurs qu'on me l'a reproché. Certains m'ont reproché de remettre en question l'idée même d'une réforme. Certains groupes, certains groupes d'intérêts m'ont fait le reproche. Moi, à mon avis, il faut partir de la première question. Si on veut faire une démarche qui est logique, qui est cohérente, qui est rigoureuse, il faut partir de la première question: Y a-t-il lieu effectivement de faire une réforme du mode de scrutin? Dans ce contexte-là donc, vos propos sont tout à fait les bienvenus et éclairants.
Cependant, je vous dirai que votre thèse, la thèse de vos collègues et de vous-même, repose à mon avis sur trois fausses prémisses ? je le dis avec respect. Premièrement, elle tient pour acquis qu'il y a une solidité du vote libéral et que cette solidité du vote libéral là va être maintenue même après une réforme du mode de scrutin. Ça m'amuse toujours parce qu'en fait l'histoire démontre que, s'il y a un vote qui est fragile ? sauf dans quelques comtés sûrs, comme vous l'avez dit, mais il y a aussi des comtés sûrs péquistes, là, il y a des forteresses péquistes, on ne le sait que trop bien.... Mais c'est nous qui avons donné naissance à l'Union nationale, c'est nous qui avons donné naissance au Parti québécois, c'est nous qui avons donné naissance à l'ADQ, puis c'est nous qui avons donné naissance au Parti égalité, pour vous donner une idée comme quoi le Parti libéral du Québec, historiquement parlant, n'a pas toujours présenté un bloc solide, homogène, qui résiste à toute tempête.
Parlant justement du Parti égalité, ils sont venus faire des représentations ici, récemment. Vous ne pensez pas que le Parti égalité, qui pourrait donc émerger dans un contexte d'une réforme de mode de scrutin, ne constituerait pas une menace réelle pour le Parti libéral du Québec dans certains comtés, au même titre que l'UFP pourrait constituer une menace pour le Parti québécois dans d'autres comtés? Je veux dire, c'est ça, la vie. On vit avec ça. Il faut composer avec une nouvelle réalité. Vous partez de la thèse que les tiers partis, là, viendraient appuyer le Parti libéral dans des coalitions. Ces tiers partis là, la plupart seraient de gauche. Et c'est complètement faux de prétendre qu'ils viendraient appuyer le Parti libéral du Québec dans des coalitions, ou du moins c'est sans fondement.
Deuxième prémisse. Vous plaidez pour un gouvernement fort mais congédiable, et vous utilisez ça pour venir appuyer le modèle actuel, uninominal à un tour, en disant: Au moins, on sait que c'est un modèle qui favorise des gouvernements majoritaires et des gouvernements forts. Moi, je vais faire une prédiction: le jour où l'ADQ va avoir 30 % du vote, il y aura des gouvernements... bien, si ce jour-là arrive, il y aura...
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(10 heures)
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Une voix: ...
M. Pelletier: ...il y aura des gouvernements minoritaires avec le système uninominal à un tour, O.K., puis il y en aura à répétition, un peu comme ce qu'on vit à Ottawa en ce moment. Le système uninominal à un tour, ce n'est pas vrai que ça ne favorise rien que le bipartisme. Ottawa, c'en est un excellent exemple.
Troisième prémisse, la prémisse de l'alternance. Bon. J'aurais le goût de vous citer Michel Venne qui écrivait, dans Le Devoir, le 25 avril 2005, ceci: «Selon ces messieurs ? en parlant de vous ? l'adoption d'un mode de scrutin incluant une part de proportionnelle empêcherait l'alternance au gouvernement. Seraient-ils assez généreux pour produire au moins le début du commencement de l'ombre de la queue d'une démonstration de cette thèse? Pas seulement des craintes et des préjugés.» Je ne vois pas en quoi c'est appuyé. Honnêtement, là, je comprends que vous le dites, vous le dites avec conviction, vous le dites avec une sincérité certaine, mais je ne vois pas en quoi c'est appuyé, cette idée-là qu'il n'y aurait plus d'alternance politique.
Le but de la réforme, c'est de faire en sorte que les sièges reflètent davantage la volonté des électeurs. Si la volonté des électeurs, c'est de porter le PQ au pouvoir, ils vont prendre le pouvoir. Si la volonté des électeurs, c'est de porter l'ADQ au pouvoir, ils vont prendre le pouvoir. Si la volonté des électeurs, c'est de porter le PLQ au pouvoir, on va prendre le pouvoir. C'est ça, le principe démocratique.
Une voix: ...
M. Pelletier: Pardon?
Une voix: ...
Le Président (M. Ouimet): M. le ministre.
M. Pelletier: Pour changer pour plus d'équité, plus d'équité, permettre aux tiers partis aussi d'avoir voix au chapitre. Pas rien que nous qui se partageons le pouvoir entre les trois, permettre aussi aux tiers partis d'avoir voix au chapitre dans un contexte d'équité sociale.
Le Président (M. Ouimet): Alors, quelques réactions, M. Dufour, sûrement?
M. Dufour (Christian): Oui. C'est vrai qu'on ne peut pas prédire l'avenir à très long terme de façon rigoureuse, j'en conviens, et que, quand on change une dynamique, la dynamique est changée pour tout le monde.
Cela dit, quand vous parlez du Parti libéral du Québec, les exemples que vous avez donnés à l'effet que ça a donné naissance à l'Union nationale, au Parti québécois, à l'ADQ, je trouve que ça montre la force du Parti libéral, pour moi. Moi, je considère le Parti libéral comme étant le plus vieux parti au Québec. C'est le parti de base. Je vous réfère là-dessus aux interprétations de Vincent Lemieux, hein, qui a vraiment écrit là-dessus, disant que le système politique québécois, historiquement, avait tendance à se structurer autour du Parti libéral qui... Par moments, il y avait d'autres partis qui naissaient à partir du Parti libéral. Moi, je ne m'en fais pas pour l'avenir du Parti libéral comme tel.
À Ottawa, ce qu'on vit, c'est pour d'autres raisons qui sont liées en fait à la question nationale en partie. Il y a une fragmentation de l'opposition pas à cause de la dynamique proportionnelle, mais il y a quand même une fragmentation de l'opposition qui amène le Parti libéral du Canada à être le parti permanent au gouvernement. Moi, je crains vraiment qu'au Québec on entre dans la même dynamique.
Je vais essayer de vous le démontrer, j'ai trouvé ça intéressant que vous rappeliez ce qu'avait dit Michel Venne là-dessus. Ça me semble assez simple, en fait, la démonstration. C'est que, bon, la réforme, je pense, va réévaluer la clientèle anglo-montréalaise du Parti libéral. Quand même, c'est beaucoup ça, le but. M. Massicotte l'avait dit, là ? j'ai une citation ici, là ? en tout cas, à un congrès du Parti libéral, disant: C'est un gros handicap pour les libéraux, là, puis seul le scrutin proportionnel va pouvoir régler ça. Donc, c'est clair que les libéraux en profitent. Ça, je pense qu'on ne peut pas contester ça, c'est comme le gros bon sens comme tel.
Mais le problème, c'est que la dynamique, la réforme comme telle va affaiblir le PQ de façon très évidente. Déjà, on le voit, parce que le PQ est plus... les gens qui sont pour le Parti québécois souvent sont plus idéologiquement orientés, ils sont plus dans les idées. C'est très révélateur qu'il y a une espèce de fragmentation idéologique en fait de la mouvance souverainiste de gauche. Or, le projet de loi que vous avez sur la table, M. Pelletier, ne permettra pas à ces gens-là de faire vraiment élire des députés. Je trouve qu'il y a un manque de réalisme. En tout cas, peut-être qu'il y a des gens qui pensent autre chose, mais, nous, quand on en avait discuté, là, on trouvait que... Bonne chance pour les forces de gauche, parce qu'on ne voyait pas comment ça pouvait leur donner vraiment de comtés.
Donc, les libéraux grossissent, hein, puis le PQ perd des voix sans la possibilité d'avoir davantage de députés. Sans compter du fait que le PQ est quand même porteur d'un projet collectif qui est stressant. On voit ces temps-ci que ce n'est pas facile pour le Parti québécois. Si en plus on va vers une vraie dynamique proportionnelle à l'européenne, hein, parce que ça pourrait arriver, ça, qu'on aille vers ça, à ce moment-là, c'est encore pire, M. Pelletier, parce que les libéraux quelque part, à mon avis, correspondent plus à la tradition britannique dans notre système, hein, que, moi, je défends d'ailleurs, là, bon.
Ce n'est pas les libéraux qui ont voulu la réforme, hein? Je ne dis pas que les libéraux vont être totalement protégés contre des changements, mais, moi, je m'attends quand même à ce que leur clientèle anglo-montréalaise ait tendance à voter encore pour eux un bon moment, parce que c'est un vote défensif, hein, c'est un vote collectif, ça ne change pas comme ça du jour au lendemain. La clientèle libérale, en tout respect, elle est plus pragmatique, je trouve, souvent que la clientèle péquiste, hein, c'est plus un parti de pouvoir. Le Parti libéral du Canada, comme le Parti libéral au Québec, c'est une vieille institution, c'est un parti de pouvoir. Je trouve que le parti est le moins vulnérable par rapport à la fragmentation que la proportionnelle crée.
Si on ajoute ça... Bon, on n'a pas de certitude, hein? On veut rester rigoureux. Mais, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y a un vrai danger que l'alternance soit remise en cause et qu'il y ait une énorme régression politique. Et on le croit profondément. Les cinq, c'est un point sur lequel on s'entendait beaucoup et c'est un élément majeur, ça, ce n'est pas rien. On le voit à Ottawa, ce que ça donne, c'est concret.
Je vais juste... Si jamais je pense au Québec en général, il y a un certain Québec français qui me semble être tenté par l'opposition. Je vois, au Bloc québécois... Le Bloc québécois est tellement populaire à Ottawa, hein, tout le monde les aime; ils sont dans l'opposition. Il y a une certaine mouvance de gauche au Québec. On dirait qu'ils aiment mieux l'opposition parce que c'est moins... on a moins à faire de compromis, c'est moins compliqué, l'opposition. Mme Françoise David, là, et compagnie, là, ce n'est pas le pouvoir qu'ils veulent, dans le fond. Ce qu'ils veulent, c'est un siège à l'Assemblée nationale.
Et, quand on parlait des coalitions possibles, M. le ministre, ce que je veux juste dire, c'est que, si notre hypothèse, dans ses aspects pessimistes, se réalise...
Le Président (M. Ouimet): Je vous invite à terminer là-dessus parce que je vais y aller...
M. Dufour (Christian): O.K. Je vais laisser...
Le Président (M. Ouimet): Parlant d'alternance, je vais aller du côté de l'opposition officielle.
M. Dufour (Christian): Parfait. Parfait.
Le Président (M. Ouimet): Je reviendrai. M. le député de Masson.
M. Thériault: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Dufour. Alors, la question du ministre m'a interpellé particulièrement. Je vais aller revoir les galées, là, pour être bien sûr que j'ai bien entendu, là, mais il a dit au fond: Il y a un principe, là, pour contrer l'idée de l'alternance, qui consiste à dire... et l'idée que le Parti libéral est nécessairement avantagé. Bien, quand les gens veulent voter libéral, ils votent libéral; quand ils veulent voter PQ, ils votent PQ; bien, alors, s'ils veulent voter UFP, ils peuvent voter UFP; s'ils veulent voter Parti vert, ils peuvent voter Parti vert aussi. Et là mon collègue, dont on connaît effectivement la position, disait: Bien, alors, pourquoi changer? Mais alors c'est un peu particulier, de présenter un modèle, d'initier une réforme, d'arriver avec un modèle.
Au fond, ce que vous nous dites, c'est que le modèle qui est sur la table essaie de garder les avantages du modèle britannique mais travestit finalement l'esprit d'une proportionnelle, tout en garantissant au gouvernement en place le fait de garder le pouvoir ad vitam aeternam parce qu'il y a une perversion dans le système qui est sur la table présentement, et cette perversion-là, c'est: compte tenu du fait qu'il y a un seuil de 15 %, on exclut le pluralisme politique à l'Assemblée nationale et d'autre part on crée nécessairement des gouvernements minoritaires, donc structurellement, et non pas, là, lié à l'intention, là, d'un troisième parti. Alors, structurellement, gouvernement minoritaire, mais là la coalition ne peut se faire qu'à travers trois partis parce que le système consacre le tripartisme, et là, bien, la coalition, c'est des tractations entre appareils de partis, vous le dites dans votre mémoire, après une élection.
Et donc entre l'alternance, la volonté directe de la population de déterminer la gouvernance, de mettre un gouvernement dehors, qu'on voit dans le système actuel, versus les tractations de coulisses entre apparatchiks de partis, après une élection, mais qui ne pourraient se faire idéologiquement qu'entre l'ADQ et le PLQ, alors, de là, vous dites que le principe de l'alternance vient de sauter. Est-ce que je vous comprends bien?
M. Dufour (Christian): Bien, ce qu'on trouve, en fait, c'est qu'il y a un danger réel. On est inquiets par rapport à ça. Je ne dirais peut-être pas les choses aussi crûment que vous l'avez dit, là, mais il y a beaucoup de vrai dans ce que vous dites.
Je trouve que ce qu'il y a sur la table, en tout cas... Si je comprends les libéraux, je comprends la politique, ce n'est pas les libéraux qui la voulaient, la réforme, quelque part. Je trouve qu'il y a eu une naïveté des gens qui ont poussé à la réforme. Je trouve que ce qu'il y a sur la table, là, c'est un projet de loi compensatoire. M. Massicotte a accouché d'un projet de loi compensatoire pour tenir compte du fait qu'il y a une partie importante du vote libéral qui est perdue, et puis, bon, ça peut se justifier dans une dynamique que tout le monde doit être totalement égaux.
Mais, moi, ce que je défends, là-dedans, c'est que je me dis: Les libéraux quand même, actuellement, ils ont des comtés sûrs, plus que les péquistes en ont, parce que les comtés du West Island, c'est vraiment totalement sûr, là, parce que c'est un vote défensif massif. Bon. L'inconvénient, évidemment, c'est que ce n'est pas rentable à un autre niveau. Là, je trouve que les libéraux vont trop gagner sur les deux points. Ils vont gagner... ils vont garder leurs comtés sûrs puis en même temps ils vont voir revalorisé ce vote-là.
Et, deuxièmement, bien il y a quand même un... C'est un choix de voter massivement pour un parti. En 1998, lorsque les libéraux ont eu un peu plus de voix que le Parti québécois puis ils n'ont pas pris le pouvoir, vous vous souvenez, là? Bon. Ce qui a choqué beaucoup de monde, hein? Si ça arrivait deux fois de file, je serais le premier à vouloir une réforme, hein? Moi, je suis prêt à supporter une aberration temporaire, ponctuelle, mais il ne faut pas que ça... Mais il reste que ça rendait compte quand même, à l'époque, du fait que la clientèle... l'électorat libéral était très concentré, entre autres, dans des comtés anglo-montréalais. Et le fait que les libéraux n'ont pas pu prendre le pouvoir, ça les a obligés à faire des efforts, auprès de la majorité francophone, pour devenir plus populaires. Je me demande même, M. Pelletier, à un moment donné, si vous n'aviez pas attiré l'attention sur cet élément-là. Donc, ce que je veux dire, c'est que le système actuel, vous savez, est imparfait, là, et puis ce n'est pas normal que le parti qui n'a pas le plus de voix prenne le pouvoir. Si ça devient le moindrement une règle, il faut le changer.
n(10 h 10)n Mais, moi, je vous donne un exemple. Aux États-Unis, hein, en 2000, quand M. Bush l'a emporté contre M. Gore, c'était bien plus choquant, hein, parce que le président... Il y a le principe de l'élection au suffrage universel. Les Américains n'ont pas changé leur système pour ça, ça fait 200 ans. On est prêt à supporter des aberrations ponctuelles parce qu'on porte un jugement global sur le système. Moi, ce que je dis, c'est que notre système, globalement, ça fait 200 ans qu'on l'a. On est une des plus vieilles démocraties de l'Occident. Chacun de notre groupe, on disait: Il y a une espèce de calomnie de notre système, on essaie de nous faire accroire qu'on n'est pas une vraie démocratie. Non, le système qu'on a, là, il a des forces, il est ancien, il a une noblesse, et, avant de tout bouleverser, là...
Le Président (M. Ouimet): M. Dufour, je sais que c'est difficile des fois d'avoir des réponses un peu courtes, là...
M. Dufour (Christian): Arrêtez-moi, arrêtez-moi.
Le Président (M. Ouimet): ...mais je sais que mon collègue brûle pour vous poser d'autres questions. Alors, M. le député de Masson.
M. Thériault: Oui. Je vais faire en sorte que la question n'implique pas une réponse aussi longue parce que mon collègue veut intervenir aussi. Vous n'êtes pas réputé pour avoir nécessairement une position souverainiste dans l'espace public québécois, je pense qu'on peut l'affirmer. Maintenant, vous dites: Cette question de changement du mode de scrutin dans l'espace politique canadien et québécois, elle est surdéterminée par la question nationale. Et évacuer cette question-là, c'est passer à côté d'une réalité politique, là, qu'on ne peut pas contourner. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Dufour (Christian): Ça va être très court. Moi, je ne suis pas vraiment souverainiste, mais je crois beaucoup au pouvoir québécois. C'est ça, mon paramètre de base, le pouvoir québécois, et je trouve que tout ça, ça affaiblit le pouvoir québécois.
Le Président (M. Ouimet): M. le député de Richelieu.
M. Simard: Oui. Je vais reprendre le dialogue, puis c'est intéressant d'avoir un dialogue à plusieurs voix, là, mais un peu répliquer au ministre en reprenant certains de vos points. Vous dites: C'est une réforme qui profite au Parti libéral au nom du droit des tiers partis à être présents. C'est ce que le ministre nous a dit tout à l'heure. L'injustice, ce serait que les tiers partis ne peuvent pas entrer. La réalité du projet de loi qui est devant nous, avec un seuil à 15 %, c'est qu'il n'y a pas un tiers parti, autres que les trois qui sont là actuellement, qui va entrer, c'est presque mathématiquement impossible. Alors, on ne donne pas, on ne surreprésente pas un parti au nom du droit des tiers partis à être en Chambre, alors qu'en fait ils ne le seront pas.
Deuxièmement, je reviens sur un argument que vous avez utilisé tout à l'heure ? hier, sur la question linguistique, il en a été question ? il faut quand même ne pas oublier une surdétermination qui est fondamentale au Québec, c'est la question nationale. La seule corrélation statistique, là ? il n'est pas question de jugement, d'évaluer les votes, les peser, les interpréter ? pour les statisticiens, là, ce n'est pas l'âge, ce n'est pas le sexe qui détermine le vote, c'est l'aspect, la corrélation... pas de cause à effet, là, c'est une relation directe entre le fait de parler une langue et de voter pour un parti plutôt qu'un autre. Pourquoi? Parce que c'est surdéterminé par la question nationale. Faire semblant que ce n'est pas vrai, là... Le bloc massif libéral, dans l'Ouest de Montréal et dans l'Outaouais ? M. le ministre, vous le savez bien ? vient de cette réalité, et on ne peut pas faire semblant de ne pas l'entendre.
Mais juste, au-delà de ces aspects-là, deux aspects rapidement auxquels je voudrais vous amener à commenter: la stabilité des institutions québécoises face au fédéralisme canadien dans la situation historique dans laquelle est le Québec; deuxièmement ? les politicologues qui viennent devant nous sont dans leurs salles de cours, ils ne sont pas des députés ? l'expérience des députés ici présents, du lien direct entre les élus et leur population, qui serait érodé considérablement par le projet qui est devant nous.
M. Dufour (Christian): C'est vrai qu'un des avantages de notre système, c'est qu'il est groundé, si vous me permettez l'expression, il est simple à comprendre. Ce qu'il y a d'inquiétant dans certains projets de réforme, c'est que ça devient complexe et ça peut défranchiser les citoyens ordinaires qui ne comprennent plus, en fait. Ça devient le territoire d'une élite, des gens qui s'intéressent à ça. Nous, on insiste beaucoup sur le fait que la démocratie, c'est une pratique démocratique enracinée dans l'histoire, donc il faut être très concret, qu'est-ce que ça va donner concrètement.
Et, moi, la question que je pose, c'est que, si, mettons, le Québec procède à cette réforme-là et mettons qu'on a raison, je trouve que les gens vont se sentir floués parce que ce n'est pas ce à quoi ils s'attendent. Si on réalise que c'est vrai que l'alternance est moins présente ? je ne dis pas c'est à jamais, que c'est toujours, là, je veux rester nuancé ? mais, si ça commence à ressembler à ce qu'on vit à Ottawa, là, les gens vont se sentir floués parce que ce n'est pas ce à quoi ils s'attendent. Les gens s'attendent à ce qu'on ait une démocratie beaucoup plus représentative.
Et actuellement le choix est assez simple, ou on va vers davantage de proportionnelle, avec les inconvénients que ça soulève en termes d'affaiblissement du pouvoir québécois, ou il y a le projet de loi sur la table puis qu'à mon avis... En tout cas, je vais être fixé à penser qu'il va passer comme ça parce qu'il me semble qu'il est trop en faveur des libéraux, là, ou sinon c'est le statu quo. Donc, surtout, on est pour le statu quo.
Cela dit ? je n'ai pas eu le temps d'en parler ? on trouve qu'il y a des choses qu'on peut faire quand même, qui ne sont pas du même ordre, mais: la réforme de notre système pour la discipline de parti, faire en sorte qu'il y ait moins de votes qui mettent en cause la survie du gouvernement. C'est clair qu'on ne dit pas que tout est parfait. C'est vrai que la discipline de parti est beaucoup plus forte d'ailleurs au Canada et au Québec qu'en Grande-Bretagne même. On sait qu'à Ottawa M. Martin avait soumis des projets de réforme qui allaient dans ce sens-là, auxquels il n'a pas donné suite. Il me semble qu'on devrait davantage travailler là-dessus, faire en sorte que les députés aient plus la possibilité de voter dans plus de dossiers, selon leur conscience, selon leur opinion, sans que ça mette en cause la survie du gouvernement. Il y a le traitement de l'ADQ. Je trouve que, lors de la dernière élection, il y a un troisième parti auquel, je trouve... on a été mesquin à l'égard de l'ADQ qui représente une force comme telle. Il y a des réformes à faire.
Mais, nous, c'est la gouvernance. Autrement dit, on insiste sur le fait: C'est bien beau, la représentation, dans un premier temps, les gens vont être bien contents, mais, si on réalise qu'il y a de l'impuissance qui découle de ça, les gens vont être plus frustrés que jamais. Si notre gouvernement est plus impuissant, ça va placoter longtemps.
Le Président (M. Ouimet): M. Dufour, le temps dévolu à l'opposition officielle est expiré. Alors, je m'en vais du côté maintenant de M. le député des Chutes-de-la-Chaudière. À vous la parole.
M. Picard: Merci, M. le Président. M. Dufour, vous indiquez, dans le texte, que le projet de réforme va favoriser le tripartisme, peu de tiers partis. Vous dites: Des tiers partis peut-être de droite et non de gauche. En tout cas, je ne comprends pas la dynamique ou la logique là-dessus, sauf que, le régime actuel, aussi vous indiquez qu'il favorise le bipartisme. Et je comprends de vos propos, oui, c'est vrai, qu'avec le projet de réforme l'Action démocratique, le Parti libéral va être mieux représenté. Oui, parce que le système actuel favorise le Parti québécois.
Je comprends de vos propos... Vous dites: On doit conserver le régime actuel parce que ça favorise le Parti québécois, donc, c'est bien, il va y avoir de l'alternance. Mais les citoyens doivent adhérer aux politiques des différents partis et non... On ne doit pas biaiser, je vais dire, l'outil démocratique pour avoir des résultats d'alternance, dire: O.K., on conserve en vie le Parti québécois, parce qu'on met un système qui va le permettre, là, on va conserver le système actuel. C'est certain que la réforme va changer la donne. Si on regarde les résultats, là, des élections, on voit qu'il y a une distorsion très forte vers le Parti québécois. Est-ce que la société québécoise veut avoir un système démocratique qui favorise un parti? C'est ça, la question.
M. Dufour (Christian): Le système actuel nous semble favoriser le bipartisme mais aussi le tripartisme. Je dirais qu'historiquement les systèmes de type britannique ? puis le ministre pourra me corriger, là, parce que je sais qu'il connaît ça aussi... C'est qu'il y a deux partis principaux, mais il y a un troisième parti qui souvent fait émergence, hein, qui va même réussir à remplacer l'un des deux partis. En Grande-Bretagne, on l'a vu avec les travaillistes qui ont remplacé le Parti libéral. On le voit au Québec, hein?
Donc, l'ADQ, quelque part c'est dans la dynamique du système actuel. C'est un troisième parti qui essaie de faire émergence. Peut-être qu'à un moment donné il va dépasser un certain seuil, puis là maintenant ça va être payant.
Nous, la question qu'on pose, c'est qu'on se dit: Bien, on a un système qui fonctionne, bon, avec ses pour et ses contre. C'est des avantages et des inconvénients, là, bon. Je suis conscient du fait qu'il y a des distorsions qui peuvent causer des problèmes. S'il fallait que, deux élections de file, on ait... ou pas juste deux élections de file, à la prochaine élection, si vous voulez, s'il fallait que les libéraux aient plus de voix puis ne prennent pas le pouvoir, là ça deviendra un problème énorme, vous comprenez? Je suis conscient de ça. Mais sauf que la question qu'on se pose, ce n'est pas de dire: On veut favoriser le PQ, c'est de dire: Oui, mais là on veut changer le système. Puis ça a décollé beaucoup, un peu dans les discussions sur les changements de système. Je ne sais pas si vous avez suivi ça, là, les états généraux, là. On était rendu loin, là, hein?
Donc, nous, on dit: Hé! Prudence, là. Le fardeau de la preuve, c'est à ceux qui veulent changer le système, qu'ils ne causeront pas plus de problèmes qu'ils vont régler de solutions. C'est ça qu'on dit, nous, essentiellement. Nous, le système, il est là, il a quand même bien servi le Québec. On a un gouvernement fort. Dans le contexte de la mondialisation, c'est important. La majorité francophone peut se comporter comme une majorité. On est vulnérables sur le plan politique, la majorité. Il y a un tas d'éléments qu'on identifie.
Pour le reste, on est conscients que ce n'est pas parfait, et ce n'est pas parce qu'on veut favoriser le PQ en soi, c'est parce qu'on est inquiets de ce qui est sur la table, en fait. On trouve que c'est important que les vrais enjeux y soient: alternance, majorité francophone, référendum aussi, que, si on procède à une réforme aussi fondamentale, il ne faudrait pas...
Le problème, c'est que ce dossier-là, ce n'est jamais le premier dossier, ça n'intéresse pas vraiment l'opinion publique. Regardez, on en parle aujourd'hui, là. Les gens sont dans la course au PQ, moi, j'essaie d'en faire parler. À un moment donné, c'est quasiment impossible, là. Donc, c'est toujours des élites qui s'intéressent à ça et qui en discutent. Et le danger, c'est qu'à un moment donné ça aboutisse alors qu'il n'y aura jamais eu de vrai débat sur le fond, hein, et c'est pour ça que je trouve que ces éléments-là doivent y être, parce que c'est ça qui est fondamental. Il ne faudrait pas qu'on se retrouve avec une réforme constitutionnelle structurante, et puis les gens vont dire: Ah, mon Dieu! Qu'est-ce qu'on a fait là? On n'a pas réalisé ce qu'il en était.
Le Président (M. Ouimet): Ça va?
n(10 h 20)nM. Picard: Ça va.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. le député. Donc, je vais maintenant du côté des citoyennes et des citoyens. J'ai M. Boivin qui s'est inscrit. M. Boivin, à vous la parole.
M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Dufour. Vous affirmez, dans votre document de l'Appel des cinq: «Le grand progrès historique apporté par la démocratie est d'avoir donné au peuple le moyen de se débarrasser d'un régime sans effusion de sang, en recourant de façon civilisée à l'arme du scrutin.» Ne craignez-vous pas que le maintien du statu quo, qui implique la non-représentation de minorités pouvant être relativement importantes, les privant ainsi de l'arme du scrutin ? selon vos propres mots ? vienne changer cette paix sociale que nous apprécions tous? Je suis historien, mais en fait étudiant en histoire en voie de devenir historien, et il m'apparaît évident qu'une telle dynamique s'est vue fréquemment et pourrait toucher le Québec qui n'est pas à l'abri d'un tel phénomène, comme notre histoire le démontre.
M. Dufour (Christian): Le Québec n'est pas à l'abri de rien, là. Nous, ce qu'on dit, c'est que... L'important, c'est que les citoyens aient accès au pouvoir, pas juste à la représentation. La dynamique qui est proposée ? bon, on va voir jusqu'à quel point le gouvernement va vouloir aller dans la direction proportionnelle ? c'est sûr que ça améliore la représentation ? je suis d'accord avec vous ? au niveau des différents groupes, mais on trouve que ça enlève du pouvoir d'agir.
Donc, à ce moment-là, je pense que les problèmes que vous craignez, ils résultent beaucoup du fait qu'il y a de l'impuissance face à la mondialisation, face à la tourmente dans laquelle on est entraîné. Le problème, c'est l'impuissance des États. C'est ça qu'on craint, nous. Alors que là on dit: On est dans une dynamique québécoise où on valorise... Vous savez, il y a l'aspect représentation, les gens qui sont élus, qui sont à l'Assemblée nationale, puis l'aspect... Quelle sorte de gouvernement ça donne concrètement? Nous, ce qu'on dit, c'est que ça va donner des gouvernements faibles qui ne pourront pas agir. Donc, dans un premier temps, peut-être que les gens vont être contents parce qu'ils vont être représentés à l'Assemblée nationale, mais, si collectivement on est plus impuissants, il me semble qu'il va y avoir plus de frustrations qu'aujourd'hui encore.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Boivin. Mme Loucheur, maintenant.
Mme Loucheur (Yohanna): Merci, M. le Président. C'est une excellente introduction à ma question, la réponse précédente. Il y a beaucoup de gens, depuis les deux dernières semaines, qui nous ont dit qu'il ne fallait pas exagérer les dangers, disons ? je vais le mettre comme ça ? des gouvernements de coalition, que ce n'est pas en soi plus ou moins efficace ou moins stable que d'autres formes de gouvernement. Et, pour vous, ça semble un aspect vraiment très, très, très important, le fait que d'avoir des gouvernements de coalition qui seraient susceptibles d'émerger après la réforme, que ça, en soi, ça affaiblirait le Québec par rapport à Ottawa, par rapport apparemment à la globalisation en soi. J'aimerais que vous nous expliquiez plus concrètement les dangers des gouvernements de coalition dans votre...
M. Dufour (Christian): O.K. Donc, je vais essayer de simplement... C'est que les gouvernements de coalition, dans la mesure où ça résulte de négociations entre partis qui ont des programmes différents, qui ont des idéaux différents et qui ont des buts politiques différents, c'est plus fragile par définition. Je ne dis pas que c'est ingérable, là, je ne dis pas que c'est... Mais il reste que c'est moins des gouvernements stables que ceux qu'on a aujourd'hui. Prenez, par exemple, à Ottawa. Bon. On n'a pas un gouvernement de coalition comme tel, mais on a une dynamique qui présente des ressemblances actuellement, à Ottawa, avec le NPD, vous savez. Donc, vous voyez à quel point le jeu politique, à Ottawa, est mobile, à quel point le gouvernement...
Au printemps dernier, quand il s'est aligné sur ce que voulait le NPD en termes de budget, là, parce qu'il fallait qu'il survive, là, bien ça, c'est une dynamique de gouvernement de coalition. Je dirais que, par définition, un gouvernement de coalition, c'est une dynamique qui est très différente parce qu'il faut avoir des alliés. Donc, ces alliés-là, il faut leur consentir des choses, et ces coalitions-là, elles sont par définition temporaires. Je veux dire, elles sont... Notre système, tel qu'il est actuellement, c'est que les coalitions se font... Nos partis, ce sont des coalitions. Le Parti libéral du Québec, c'est une coalition. Le PQ, c'est une coalition. Il y avait des éléments de gauche, de droite. Les compromis se font à l'intérieur des partis.
La dynamique proportionnelle à l'européenne est très différente. C'est que tu as différents partis qui sont plus idéologiquement motivés, puis ensuite, après l'élection, ils s'entendent. Donc, c'est ça. Nous, on conteste. On dit: Dans le fond, les dossiers ne se décident pas à l'élection. Ils vont se décider beaucoup après, puis souvent ça va aboutir à des résultats que les citoyens n'avaient pas prévus parce qu'il y a des négociations entre les partis.
Je veux rester nuancé. Je ne dis pas que l'un est l'enfer et l'autre est le paradis, mais ça me semble quand même... Un gouvernement de coalition, il me semble que c'est plus faible que le gouvernement auquel on est habitué. Ça me semble assez évident. Jusqu'à quel point? On pourra en discuter longuement. Mais je dirais que par définition, dans la façon dont ça se constitue, alors que... Les discussions actuellement, ça se fait dans les partis avant l'élection. Dans un gouvernement de coalition, les discussions se font après l'élection entre les partis qui vont s'entendre sur un gouvernement. Prenez en Allemagne, on l'a vu récemment, d'ailleurs.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci. Alors, maintenant, M. Morisset.
M. Morisset (Michel): Bonjour, M. Dufour. Écoutez, moi, c'est des questions pour éclaircir ma pensée et puis celle des amis de la commission. Je reviens encore sur une question: Vous, vous semblez avoir, disons, cristallisé votre opinion dans le fait qu'on devrait laisser le statu quo. Mais ne croyez-vous pas que... Moi, ce que je voudrais, c'est savoir votre pensée. C'est que... Réduire le mandat d'un an pour prévenir la déconnexion, par exemple, du gouvernement face aux citoyens. Deuxièmement, qu'un mandat de premier ministre ne devrait pas être de plus que deux mandats. Et aussi que, pour toute question d'intérêt national, on fasse appel à des référendums pour que justement, disons, tous les citoyens... Par contre, disons que, si on maintenait le statut comme c'est là, en mettant des référendums sur des questions importantes nationales, là tous les citoyens pourraient s'exprimer, justement. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Dufour (Christian): Nous, pour la réforme, on trouve que maintenant, tenant compte du contexte canadien, ce n'est pas le temps, il ne faut pas que le Québec soit le premier à le faire puis on voudrait un référendum. On trouve que c'est tellement important qu'il faudrait un référendum là-dessus.
Pour répondre à votre question. Quand vous dites: Réduire la durée d'un gouvernement, c'est ça que vous...
M. Morisset (Michel): Oui, le mandat, le réduire d'un an.
M. Dufour (Christian): Moi, je craindrais qu'au contraire ça rende le gouvernement plus dépendant des humeurs de l'électorat dans un sens démagogique, pour être franc. C'est qu'un homme politique ou une femme politique, il faut que ça se fasse réélire, et plus l'intervalle entre les élections est court, plus il y a un danger qu'on soit dans le court terme. Votre question est intéressante.
Moi, j'ai une étudiante qui travaille avec moi, qui fait de la politique aussi, par ailleurs, et qui a fait un stage récemment, ces dernières semaines, aux États-Unis, piloté par l'administration publique américaine, puis elle s'intéressait, entre autres, au lobbying puis aux initiatives. Vous savez, aux États-Unis, c'est possible d'avoir des référendums comme vous en parlez. Elle est allée en Californie beaucoup, elle a rencontré beaucoup de monde, et une de ses constatations... Puis elle a été étonnée, puis, moi aussi, j'ai été étonné parce que je pensais qu'aux États-Unis ça faisait partie de la culture américaine qu'on puisse provoquer un référendum. Vous savez, il y a suffisamment de gens qui signent, là. Puis elle disait: Tous les gens à qui j'en ai parlé, aux États-Unis, étaient contre ça. Ils disaient que c'était démagogique, qu'on était pris avec ça mais que ça ne produisait pas de bons résultats. C'est une des conclusions de son rapport. En tout cas, j'ai été étonné, moi, je pensais que ça faisait plus consensus.
Ce que je veux vous dire, c'est que ces choses-là, c'est peut-être beau en théorie, mais en pratique, hein, il faut vérifier en pratique ce que ça a donné. Aux États-Unis, ça a été fait, là. Bon, je ne suis pas un expert à l'égard des référendums à l'américaine, mais elle, elle l'était quand même, puis elle fait un travail là-dessus, puis ça a été son étonnement de voir à quel point c'était critiqué, puis que les gens disaient: Bon, on est pris avec ça, là. Mais, à un moment donné, ça nous empêche de gouverner puis de faire les choses.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Alors, merci, M. Morisset. M. Acharid, maintenant.
M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Je vais revenir à la coalition. Vous dites que la coalition, ça fait que des gouvernements sont plus faibles. Est-ce que vous ne pensez pas que la coalition, parfois, ça favorise les citoyens et citoyennes? Parce que c'est les gens qui représentent les deux partis qui sont en train de négocier entre eux deux pour trouver un moyen pour satisfaire la demande des citoyens.
M. Dufour (Christian): Dans certains cas, ça peut avoir des bons effets, là. Je ne dis pas que c'est négatif. Mais, dans la dynamique québécoise, ce que je verrais, moi, si la réforme était faite, si on introduisait des éléments de proportionnelle beaucoup, là, c'est un Parti libéral qui serait comme le parti plus dominant, qui entrerait en coalition dépendamment de la conjoncture. Parce que, les libéraux, ils sont à gauche par moments aussi. Ce n'est pas un parti qui est idéologiquement très orienté. Donc, il pourrait faire des coalitions avec un ou deux petits partis, dépendamment de la conjoncture, dépendamment de... Donc, à ce moment-là, le danger, c'est que c'est toujours le même groupe qui gouverne, c'est ça, le problème.
À ce moment-là, ça ne veut pas dire que des préoccupations ponctuelles des citoyens ne sont pas représentées. Au contraire, si le gouvernement continue à gouverner, c'est parce que dans le fond il réussit à intégrer les préoccupations des citoyens. Mais, nous, le problème... Nous, on est attachés au fait que par moments le gouvernement change, on trouve que c'est fondamental. Parce que, bon, on le voit à Ottawa, le gouvernement libéral fédéral, ils sont habiles, quelque part, et puis idéologiquement ils sont diversifiés, puis ils vont intégrer des choses. Mais, nous, on a une objection de principe, c'est qu'on se dit que des gouvernements de coalition, ce ne serait pas entre des partis d'un poids égal, il y aurait un joueur plus gros que les autres, qui aurait tendance à s'installer.
M. Acharid (Mustapha): On ne pense pas aux citoyens, c'est les citoyens normalement qui ont décidé ça.
M. Dufour (Christian): On parle beaucoup du citoyen, vous savez, on parle beaucoup, c'est toujours au nom du citoyen, au nom du citoyen. Mais réalistement je trouve que... Si le gouvernement est impuissant, est-ce que le citoyen va être plus content? Moi, je trouve que cette dynamique-là, c'est beaucoup une dynamique de représentation. On veut que le citoyen parle, s'exprime, je comprends ça, mais, si c'est juste de la représentation puis ça ne se traduit pas en pouvoir concret, il me semble que la frustration va être plus forte que jamais. Parce que ce qu'il faut, c'est avoir des gouvernements qui sont capables d'agir.
Nous, notre groupe, c'est un élément qui est important de dire: La mondialisation, ça diminue le pouvoir des gouvernements. Tout diminue le pouvoir des États. Donc, à ce moment-là, si en plus on fait une réforme pour répondre ? comment je pourrais dire ça? ? à une espèce de volonté de représenter les citoyens... L'exemple que je vous donnerais, les chambres en Europe, regardez les chambres en Europe, où il y a plus de proportionnelle, c'est un hémicycle, là. Ce n'est pas comme ici, où on a le gouvernement et l'opposition...
Le Président (M. Ouimet): Il reste moins de 10 secondes, M. Dufour.
M. Dufour (Christian): Parfait. J'ai terminé.
n(10 h 30)nLe Président (M. Ouimet): Donc, je vais retourner du côté ministériel. Merci, M. Acharid. Donc, Mme la députée de La Pinière, il reste à peu près cinq minutes.
Mme Houda-Pepin: Oh! Merci beaucoup, M. le Président. M. Dufour, je voudrais vous saluer et saluer les quatre signataires qui ont écrit le papier, avec vous, Contre la réforme du mode de scrutin pour un gouvernement fort mais congédiable.
J'essaie de résumer un peu la pensée de ces signataires-là. Vous nous dites que le système uninominal majoritaire à un tour n'est pas parfait, mais que le système proportionnel n'est pas exempt d'imperfections. Et vous apportez en tout cas un certain nombre d'éléments qui tiennent compte de la réalité québécoise: le territoire qui est vaste, la disparité des populations. Vous semblez dire que la règle de l'exception, par exemple, comme dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, corrige les disparités de notre système, déjà. Et vous dites: La démocratie est mieux servie par une élection de 125 députés dans 125 comtés qu'avec des députés de liste et des députés de circonscription.
Hier, Mme Manon Tremblay, qui est une spécialiste de ces questions-là, nous a dit... Parce qu'on parle beaucoup de l'exemple de la Nouvelle-Zélande, duquel on doit s'inspirer. Et, pour avoir parlé elle-même avec des députés de liste, on lui a dit: On a hâte aux prochaines élections pour nous faire élire comme des députés de circonscription parce qu'il y a comme une sorte de, disons, deux niveaux, deux statuts pour les députés comme tels.
Ce que j'aimerais vous demander de faire, c'est d'élaborer sur la question d'un gouvernement congédiable parce qu'en fait, au Québec, on vote contre les gouvernements, et les électeurs sont plus sophistiqués qu'on pense, et les gouvernements ne s'incrustent pas plus qu'on pense parce que généralement, c'est deux mandats, exceptionnellement, dans l'histoire du Québec, trois mandats, mais donc il y a quand même un certain nombre d'équilibres. Et toute la notion que vous avez soulevée, qui me semble très importante, du lien entre les citoyens du Québec et l'État du Québec... Les citoyens s'identifient à leur État comme un rempart, comme un outil sur lequel ils s'appuient dans le monde, de l'environnement qui nous entoure, l'Amérique du Nord, mais aussi par rapport aux impératifs de la mondialisation. J'aimerais vous entendre sur cette notion de gouvernement congédiable qui vient faire un certain équilibre dans le débat que nous avons.
M. Dufour (Christian): Bien, je ne sais pas si je vais être capable de répondre à votre question, mais, à Ottawa, je trouve que le gouvernement n'est pas congédiable actuellement, ce qui fait qu'il y a des gens qui sont frustrés. Il y a une frustration, entre autres, très grande au Québec, mais, dans le reste du Canada... Bon, sans vouloir faire de la politique partisane, mais de façon réaliste les libéraux sont tellement installés que, même s'il y a beaucoup de gens qui trouvent que ce serait peut-être bon qu'ils soient remplacés pendant un certain temps par une autre équipe, ça n'arrivera pas. Et je trouve qu'il y a un aspect très malsain parce qu'à ce moment-là ça pourrit sur place, hein? Juste, moi, à mes étudiants, je leur enseigne, là, dans la relation, par exemple, entre les hommes politiques et les fonctionnaires, il faut que par moments bien les fonctionnaires sachent que ce n'est pas toujours les mêmes politiciens qui sont là, qu'à un moment donné un autre parti va y être.
Par rapport au Québec, je crois qu'on parle beaucoup de la souveraineté puis du fédéralisme, tout ça, moi, je m'intéresse quand même à ce qui existe. On a quand même un pouvoir québécois qui est important, hein, un gouvernement, là, qui a des pouvoirs majeurs, on est à l'Assemblée nationale, c'est ancré dans l'histoire. Et c'est précieux, ces pouvoirs-là, parce que, dans la tourmente de la mondialisation, l'État, en dépit de ses imperfections, c'est un facteur d'ordre, de stabilité et de justice sociale, et il faut que l'État puisse avoir le pouvoir d'agir. Moi, ce que je crains, c'est un peu une complaisance où, pour satisfaire en fait le droit de la parole, pour que les gens aient leur petit siège à l'Assemblée nationale puis puissent s'expliquer, qu'on sacrifie le pouvoir concret d'agir sur le réel. Et, dans ce sens-là, moi, j'ai un certain conservatisme, je dis: Regardons ce qu'on a puis, avant de faire des changements structuraux majeurs, soyons sûrs qu'on n'empirera pas plus le problème.
L'autre élément, l'aspect de la majorité francophone, bien, je m'excuse de revenir là-dessus, moi, je ne veux pas enlever du tout de pouvoir aux Anglo-Québécois puis je suis un de ceux qui ont écrit sur le fait qu'il y avait un aspect anglo-québécois, au Québec, fondamental ancré dans l'histoire. Ce n'est pas ça, mon point. C'est que je trouve que c'est quand même le seul gouvernement contrôlé par une majorité francophone puis qu'il y a quelque chose qui n'a pas été réglé par rapport à la question nationale.
Donc, tout ça est précieux. C'est ce qui explique que notre crainte... Nous, il y a une crainte dans cet appel-là, hein? Ce qu'on veut, puis j'espère... c'est qu'on débatte de ces choses-là ? alternance, majorité francophone, pouvoir fort ? pas juste des technicalités de la proportionnelle. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont tellement... La proportionnelle, c'est tellement évident pour eux qu'il faut la faire, que, là, ils sont dans les discussions puis ça devient des chinoiseries parce que les citoyens ne comprennent pas.
Quand on parle des différentes classes de députés, quand on parle de... le problème, c'est que ça devient un système conceptuel. Notre démocratie est plus concrète. C'est important, ça, hein? Les gens vont même s'identifier ou non à leur député, ils vont même avoir des émotions très fortes. Un système proportionnel à l'européenne, c'est plus conceptuel.
Le Président (M. Ouimet): M. Dufour, je dois vous interrompre, malheureusement, parce que le temps est écoulé, mais, au nom des membres de la commission parlementaire, je tiens à vous remercier infiniment pour votre présentation, votre témoignage. Chose certaine, vous le faites avec beaucoup de conviction, et nous vous en remercions.
M. Dufour (Christian): Merci pour m'avoir invité.
Le Président (M. Ouimet): Merci. Je vais suspendre les travaux de la commission quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 36)
(Reprise à 10 h 38)
Le Président (M. Ouimet): Alors, la commission reprend ses travaux. Je vois que les représentants et représentantes du Parti québécois ont déjà pris place à la table des témoins. Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Richard, à M. Rebello, à Mme Vézina et Mme Charbonneau. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Et je vous cède la parole pour une période de 20 minutes, après quoi nous ouvrirons la période d'échange avec vous.
Parti québécois (PQ)
Mme Richard (Monique): Merci, M. le Président. Merci de nous donner l'opportunité de pouvoir intervenir sur cet avant-projet de loi. Je vous présente donc, de façon peut-être un petit peu plus complète, les gens qui m'accompagnent. Donc, à ma droite, Mme Sylvie Charbonneau, qui est directrice de la recherche au Parti québécois; à ma gauche ? il ne pouvait pas s'asseoir ailleurs, vous savez bien ? M. Rebello, vice-président du parti et président de la Commission politique du Parti québécois; et M. Étienne Vézina, qui est président de circonscription de la région d'Orford. Alors, ce sont les gens qui m'accompagnent et qui bien sûr iront dans le débat au fur et à mesure de la discussion.
Alors, je pense important de préciser d'entrée de jeu que le Parti québécois est un parti qui a comme objectif de réaliser la souveraineté du Québec afin que le peuple québécois atteigne la pleine souveraineté, pour lui permettre bien sûr de faire des choix, ses choix sociopolitiques et économiques. Et donc, conséquemment à cette orientation, cette politique, cette décision, je dirais, la première valeur fondamentale sur laquelle le parti fonde son projet de pays, c'est la démocratie. Et bien sûr que c'est une valeur qui va transcender tout le point de vue qu'on va présenter aujourd'hui.
n(10 h 40)n Alors, dans ce contexte, le Parti québécois fait une large place à la participation civique dans les prises de décision. Il est important de s'ouvrir davantage à une démocratie de délibération ouverte et de participation continue qui permette bien sûr d'offrir des pouvoirs de proximité aux citoyens et aux citoyennes. Les membres du parti ont réitéré cet engagement à ces valeurs lors du congrès national de juin, et bien sûr que, dans le cadre de la consultation de la commission, qui ira un peu partout sur le terrain, nous invitons les citoyennes et les citoyens du Québec à ne pas limiter leur réflexion et leurs commentaires au modèle proposé dans l'avant-projet de loi mais de regarder ça aussi, compte tenu de l'atterrissage vers 2011, de regarder ça aussi dans le cadre d'un projet de pays qui est le projet que nous soutenons.
En 2002, le Parti québécois a initié une réflexion sur la réforme des institutions démocratiques. Il a voulu bien sûr un processus dans le cadre d'un débat ouvert, transparent, non partisan, impliquant la population du Québec sur cette question fondamentale de notre vie démocratique. Et bien sûr une première tournée régionale nous a amenés à recevoir un certain nombre... écouter la population et en tirer un certain nombre de propositions. A été mis en place par la suite le Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, et on a aussi vécu les états généraux, qui ont déposé leur rapport au mois de mars 2003. Ce qu'il faut retenir de ces états généraux, c'est: pour assurer la réussite d'une réforme, la population doit étroitement être associée; le mode retenu doit être taillé sur mesure en fonction des objectifs recherchés par la population québécoise.
Et bien sûr on voit, tout au long de l'avant-projet, une argumentation qui s'appuie sur ce qu'on vit dans certains pays, ailleurs. Je pense qu'on peut bien sûr alimenter notre réflexion à partir de ce qui est connu et de ce qui est vécu ailleurs, mais avoir la préoccupation de se dire: C'est de notre système démocratique dont on parle, qui doit être basé sur nos valeurs, sur nos façons d'être, sur nos façons de faire. Et c'est ça, ce sont ces éléments-là qui doivent être les ingrédients majeurs d'une loi électorale et d'un processus démocratique. Et bien sûr, à date, je pense qu'on est à même de constater qu'il n'y a pas de consensus, au Québec, quant au nouveau mode de scrutin à adopter, donc une large place à la discussion, et le débat doit prendre finalement le terrain, donner la parole à la population, donner la parole à différents groupes qui ont le goût de la prendre et de nous dire comment ils voient la suite des choses à l'égard de ce dossier.
La démarche du Parti libéral. Vous avez choisi, comme parti... Le Parti libéral a choisi un modèle dont le caractère est partisan bien sûr, et ça a été souligné par un certain nombre d'intervenants. De plus, vous encadrez le débat dans une forme législative qui prévoit un mode de scrutin mixte, donc qui propose un mode de scrutin, qui ne propose pas à notre avis un débat suffisamment ouvert sur différentes pistes. Et je pense qu'à cette étape-ci ? et je dois souligner l'intérêt d'un échange comme celui-là ? de cette préconsultation, je pense que c'est très important, quand on a un projet de loi de plus de 700 articles, d'avoir la possibilité de cibler un certain nombre d'orientations, de priorités, de sensibilités, de questionnements aussi, ensuite vivre la consultation avec les gens bien sûr et revenir, dans une étape subséquente, avec des positions beaucoup plus campées à partir de ce qu'on aura entendu et de ce qui aura déjà été livré comme message. Il faut donc avoir le courage de faire trancher cette question par la population du Québec, et le processus entamé doit permettre aux citoyennes et aux citoyens d'arbitrer les avantages et les inconvénients des différents modes de scrutin et les enjeux qu'ils soulèvent.
On fait part très souvent du cynisme d'une partie de la population à l'égard de la classe et des institutions démocratiques. Si on veut contrer ce cynisme-là, il faut amener ça dans un débat ouvert, leur faire la preuve que tout n'est pas canné ? passez-moi l'expression ? et qu'ils ont droit d'être entendus, d'être lus, qu'on considère leur point de vue et qu'on en arrive à des propositions par la suite qui aient reçu le point de vue de la population. La Commission spéciale appelle le dépôt du rapport du Comité directeur des états généraux.
Le gouvernement libéral annonce une deuxième phase qui ne privilégie pas une approche consensuelle, tel qu'on le voit assez traditionnellement, et qui propose un seul mode de scrutin comme base de discussion. La démarche en elle-même est aussi sous le contrôle de la majorité parlementaire qui a un peu la main-mise sur le processus de consultation et les conclusions de celle-ci. Alors, bien sûr, moi, je pense qu'il faut être en mesure de réviser cette approche-là et vous dire cependant que, pour le Parti québécois, on salue la création du comité de citoyens qui va assister à la commission, à ses travaux et qui va avoir une contribution certainement très intéressante pour colliger un peu aussi ce qu'on aura entendu sur le terrain.
L'avant-projet de loi est à notre avis inapproprié à la réalité électorale québécoise. Il a été critiqué à partir d'un certain nombre d'éléments: le cynisme bien sûr face aux institutions politiques, l'abstentionnisme croissant, le pluralisme politique, la représentativité régionale, l'imputabilité du gouvernement, la participation des femmes ainsi que celle des Québécoises et des Québécois issus de l'immigration. Le modèle donc, à notre avis, est déficient à l'égard de la place réservée au pluralisme politique et à la place aussi des groupes d'intérêts ? je pense particulièrement aux femmes ? dans nos institutions démocratiques.
L'adoption de ce mode de scrutin aurait à notre avis aussi la conséquence d'affaiblir le lien de proximité entre les élus et les citoyens et les citoyennes des circonscriptions bien sûr parce que la réduction du nombre de circonscriptions à 75 entraîne un agrandissement des territoires et donc nous interpelle en tout cas, nous, sur la proximité des rapports du citoyen et de la citoyenne avec son représentant politique, les distances étant toujours de plus en plus grandes. Le modèle consacre à notre avis aussi le tripartisme.
La position du Parti québécois sur le mode de scrutin. Les membres se sont entendus bien sûr sur un dénominateur commun, soit celui de l'instauration d'un mode de scrutin fondé sur la formule proportionnelle compensatoire. Au cours des prochains mois, nous entendons mener, à l'intérieur de nos rangs... permettre à nos instances d'arbitrer les différentes formules de proportionnelle, puisque tout n'est pas déterminé.
On sait qu'au parti comme dans la société en général il y a un certain nombre de questionnements. Il y a des positions différentes d'une personne à l'autre, d'une collectivité à l'autre, et il faut prendre le temps de faire, chez nous comme ailleurs, les débats sur le fond. Ces débats seront faits pour le prochain rendez-vous où on sera appelé à intervenir à nouveau sur cette question et bien sûr prendront en compte un certain nombre de principes: la proximité entre la population et les institutions démocratiques, la réalité politique québécoise et la stabilité de l'État, la défense des intérêts du Québec, le lien élu-électeur, l'adéquation entre les votes et les sièges à l'Assemblée nationale, le pluralisme, la représentation régionale, et bien sûr avec l'objectif de contrer l'abstentionnisme.
Alors, je vais arrêter là pour maintenant. Je vais passer la parole à M. Vézina, compte tenu du temps. Il y a énormément de choses à dire, mais on va avoir l'occasion d'en débattre.
Le Président (M. Ouimet): Vous êtes à mi-chemin, là. Il reste 10 minutes. M. Vézina.
M. Vézina (Étienne): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci de nous entendre aujourd'hui.
L'avant-projet de loi qui est proposé, avec ses 711 amendements, couvre un très large spectre d'éléments. Il y a la question fondamentale du mode de scrutin, mais il y a aussi toutes les questions qui sont reliées aux amendements de la Loi électorale.
Moi, je voudrais simplement attirer l'attention des gens de la commission sur ce qui nous semble être certaines incongruités. Ensuite, M. Rebello va prendre la relève pour parler de ce qu'il nous semble manquer à l'intérieur de cette réforme-là.
Donc, très, très rapidement, nous, on voudrait faire valoir une règle au départ. C'est que, quand on amène des éléments particuliers à l'intérieur d'une loi électorale, ça doit être reçu comme une règle d'exception. Donc, on n'est pas dans un phénomène de règle... quand on a un vote itinérant ou des phénomènes semblables, ça doit être à l'intérieur d'une règle d'exception. Et, pour nous, le taux de participation, c'est une question fondamentale, mais la défense de l'intégrité du vote, c'est au moins aussi important. On a eu des cas ? M. Rebello va en parler plus longuement ? d'usurpation d'identité, de gens qui n'avaient pas qualité d'électeur, qui ont voté, des phénomènes semblables. Ça nous apparaît fondamental d'adresser ces questions-là.
Très rapidement, six éléments pour votre réflexion. Nous, on a des préoccupations par rapport à cette suggestion qui est faite dans la loi que le vote au bureau du directeur de scrutin puisse s'effectuer dans les 27 jours précédant le scrutin. Sauf erreur de ma part, à ce moment-là, 27 jours avant, les mises en candidature ne seraient pas terminées. On se retrouverait donc dans des situations où il y a des gens qui voteraient avant que la liste des candidats soit complète.
n(10 h 50)n Autre élément, les bureaux de vote par anticipation itinérants. Une autre préoccupation, pour nous, sur le terrain, il y a eu des problèmes, dans le passé, concernant le secret du vote. Dans ces contextes-là, quand le vote devient itinérant puis va, par exemple, dans un centre d'hébergement où, sur les étages, on fait voter les gens un par un, il y a eu des incidents qui nous ont été rapportés lors de différentes élections. On est très préoccupés de la question du secret du vote dans ce contexte-là.
La révision de la carte électorale, ce que j'entends, et je peux me tromper, c'est que le gouvernement serait intéressé à reprendre un peu la carte électorale fédérale, avec les 75 circonscriptions. Par expérience, pour avoir déjà travaillé dans un bureau de comté fédéral, il y a d'immenses problèmes. Les étendues sont considérables. L'unité sociologique des populations, c'est un grave problème. Je prends chez moi. Moi, je suis originaire de l'Estrie. L'Estrie, c'est une petite région, ce n'est pas une des régions les plus vastes au Québec, pourtant, le comté où je travaillais, ça prenait deux heures et demie d'en faire le tour. Ça recoupait cinq MRC, 44 municipalités. Vous êtes des députés ici, au Québec. Qui a 44 municipalités puis cinq MRC sur son territoire? Très complexe à gérer. Moi, ça me semble en tout cas, personnellement, un problème très grave sur le plan concret.
Bon, il y a toutes les questions un peu techniques, là, sur l'abolition du pouvoir discrétionnaire de la Commission de révision électorale, la question aussi que, dans la nouvelle carte, le DGE... c'est-à-dire la commission n'aurait plus l'autorité, là, de jouer à l'intérieur d'une marge de 25 % de la population, ça devrait se restreindre à 15 %. On nous dit qu'il y a des villes, dans une carte comme celle-là, qui seraient coupées en deux, des communautés qui seraient divisées. Ça ne me semble pas souhaitable, ça ne me semble pas servir la démocratie. Donc, à mon sens... à notre sens, je m'excuse, il y a des problèmes, là, des problèmes sérieux.
Là-dessus, écoutez, parce que je ne veux pas prendre trop de temps, je voudrais laisser la parole à M. Rebello parce qu'il y a des choses, à l'intérieur de l'avant-projet de loi, qui nous semblent manquer, des questions fondamentales qui ne nous semblent pas adressées. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Ouimet): Merci. M. Rebello.
M. Rebello (François): Oui. Bonjour. Bonjour à vous tous. Je vous dirais d'abord, quand on se lance dans une réforme électorale ou mode de scrutin, tout ça, il faut quand même partir en écoutant les préoccupations des gens, les priorités de la population. Je peux vous dire, avec ce qui s'est passé dans les dernières années, au Québec, dans les consultations, dans les élections, il y a des gens qui posent des questions sur l'intégrité même de notre système. Donc, je pense qu'il devrait y avoir une attention de portée, une attention majeure, à ça.
Et il y un homme déjà que vous avez rencontré, qui s'appelle Pierre-F. Côté, qui en a soulevé, des points très importants, des problèmes d'intégrité, notamment au référendum de 1995. Là-dessus, je vous inviterais d'ailleurs à ressortir son rapport publié en 1995, au lendemain du référendum, et, si vous allez ? juste faire des petites citations rapides pour vous remémorer, là ? page 3 de son rapport: «À la suite de l'enquête menée, deux constations s'imposent. La première est que certains intervenants de l'extérieur du Québec ont enfreint la Loi sur la consultation populaire en effectuant des dépenses réglementées en contravention des règles applicables au Québec lors d'une consultation populaire.» C'est clair, il y a eu un gros problème.
Page 6, le DGE nous dit: «Devant les faits révélés par l'enquête, le Directeur général des élections ne peut que conclure que la "Marche pour l'unité" a porté atteinte dans un certains sens à la démocratie en général au Québec, au cours de ce référendum, en rompant l'équilibre des dépenses qui doit exister entre les deux comités, selon la loi.» Je vous pose la question: Qu'est-ce que vous allez faire avec ça? Ça devrait être votre priorité non seulement pour les élections, mais aussi pour le référendum. Il faut vraiment que ce soit clair. Des intervenants, comme des corporations par exemple, même s'ils font des dépenses à l'extérieur du Québec, ça doit être clair que c'est illégal et non seulement ça doit être clair que c'est illégal, mais il doit y avoir des pénalités, il doit y avoir des contraventions évidentes.
Moi, maintenant je suis dans le domaine de la finance. Je peux vous dire, de la façon que ça fonctionne en affaires, c'est qu'il faut mettre un prix. Il faut mettre un prix. À chaque fois qu'il va y avoir... à chaque fois qu'une corporation va faire une dépense qui va être considérée illégale, il doit y avoir des amendes très importantes. Il faudrait vraiment que vous étudiiez cette piste-là. Ça devrait être la priorité, pour rassurer les Québécois sur l'intégrité de notre processus politique.
Un autre élément, on nous parle de participation électorale. Écoutez, quel est le groupe, au Québec, qui participe le moins aux élections? Les jeunes. On parle de 25 % de taux de participation, alors que la moyenne, vous savez, c'est 70 % encore aux élections. C'est grave, ça. Qu'est-ce qu'on fait, dans le projet de loi, pour augmenter le vote des jeunes? Rien. Là, il y a un gros problème. Ça devrait être aussi une priorité, le vote des jeunes, il y a des choses à faire. Des bureaux de vote, là, il faudrait qu'il y en ait sur chaque campus postsecondaire, université ou cégep. Quand il y en a dans une circonscription, ça devrait être écrit dans la loi, il doit y avoir un bureau de vote pour faciliter cette...
Et l'autre chose, il y a une certaine éthique aussi des politiciens. Quand je vois Jean Charest décider que l'élection partielle dans Outremont, alors qu'il y a une université, va se tenir le 12 décembre, en pleine période d'examens, on se pose des graves questions. Moi, je ne pensais pas qu'un premier ministre pourrait aller jusque-là pour espérer augmenter ses chances de gagner. C'est très grave. C'est non seulement grave parce que ça va diminuer le taux de participation des jeunes parce qu'ils vont être en examen, mais c'est grave parce que les 250 ou 300 militants jeunes, que ce soit au Parti libéral ou au Parti québécois, de cette campagne-là vont avoir un choix à faire à chaque soir: Est-ce que je fais des téléphones pour la campagne ou j'étudie pour mon examen de demain ou d'après-demain? Ça fait que Jean Charest, avec sa décision, là, il va affecter les notes, je vous le dis, c'est aussi clair que ça, les notes aux examens des militants politiques de l'Université de Montréal. C'est ça, la conséquence d'avoir pris... Il avait six mois pour faire ces élections-là, il aurait dû y penser avant. Il faudrait peut-être le regarder, cet élément-là, comment encadrer... pour être sûr que quand même le moment des élections est propice à une participation optimale des jeunes, parce qu'à 25 % il y a un énorme problème.
Je vous dirais en conclusion donc, sur nos préoccupations, que l'important, dans votre processus, c'est de partir des préoccupations des citoyens. Pour ça, il faut prendre le temps de les connaître, et je pense que ça n'a pas été fait. Malheureusement, on va tout de suite proposer un projet de loi avec une réforme du mode de scrutin sans même qu'il y ait eu une vaste participation populaire. Il va falloir que ça se fasse. Ça doit être une condition, une prémisse de base de toute réforme. Ensuite, ça doit aller au-dessus des partis, surtout quand on parle de mode de scrutin. C'est évident qu'il doit y avoir une entente entre les partis, sinon c'est trop grave pour l'avenir du Québec. Puis finalement ça va prendre un référendum. Il faut soumettre à la population ce genre de réforme là. Puis je pense que vous l'avez vu dans les consultations, à peu près tout le monde, au Québec, dit que ça prend un référendum. Mais il va falloir que ce soit clair éventuellement dans les conclusions de vos travaux. Finalement, n'oubliez pas: Oui, il faut favoriser la participation, oui, il faut essayer d'améliorer la représentation pour que le système soit juste et représentatif de ce que la population pense, mais il faut aussi et surtout protéger l'intégrité de notre processus électoral au Québec. Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci. Il reste à peu près deux minutes.
Mme Richard (Monique): Bien, moi, je voudrais revenir sur un élément fort important parce que bien sûr on mise sur le processus démocratique, on mise sur la participation des citoyennes et des citoyens, de leur donner le moyen par la consultation, mais je pense qu'il faut ajouter à cela un volet fort important d'information sur les enjeux posés par cette consultation. On sait que les citoyens et les citoyennes du Québec veulent être en mesure d'avoir un système électoral qui soit crédible, donc qui leur permette d'élire leur gouvernement et qui leur permette de changer leur gouvernement. Ils veulent être en mesure d'avoir des élus qui ont un lien de proximité avec eux, des élus sur lesquels leur vote, leur choix, le choix qu'ils font par un vote est déterminant.
Alors, est-ce qu'on va procéder à l'élection d'un certain nombre d'élus de circonscription? Quelle est la portée d'élire des gens au niveau d'une région quand le choix appartient aux différents partis et que les citoyens et les citoyennes ont l'impression et auront possiblement... puisqu'ils sont déjà très sceptiques sur leur capacité d'intervenir dans le processus démocratique, la capacité vraiment d'influencer les choix qui sont posés pour les personnes qui doivent les représenter?
Le Président (M. Ouimet): Alors, Mme Richard, M. Rebello et M. Vézina, merci pour cette présentation. Je vais maintenant ouvrir la période d'échange avec vous. Je vais donc céder la parole à M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. M. le ministre.
M. Pelletier: Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui, Mme Richard, M. Rebello, M. Vézina, Mme Charbonneau. Merci de l'intérêt que vous manifestez pour le sujet et pour la Commission spéciale sur la réforme des institutions démocratiques. Je peux vous dire que nous allons certainement examiner les commentaires que vous avez formulés et qui sont de divers ordres, effectivement. Puis j'aime toujours que des gens abordent aussi toute la question de l'exercice du droit de vote parce que c'est une question extrêmement importante, et cette question-là ne doit pas être occultée, évidemment.
En même temps, je dois, en fin de compte, rendre hommage au gouvernement précédent pour avoir créé la commission Béland, les états généraux sur la réforme du mode de scrutin. Je pense que nous profitons, aujourd'hui, justement de ce ? comment dirais-je? ? de cet élan qui a été lancé déjà il y a quelques années. Il y avait eu également les travaux de la Commission des institutions avec un mandat d'initiative. Et donc, aujourd'hui, nous profitons justement de ce débat qui, je dirais, a pris de l'ampleur dans la société québécoise, au cours des dernières années.
n(11 heures)n Je note que, et vous l'avez répété, je note qu'effectivement, dans le programme du Parti québécois, nous retrouvons la volonté, et je cite: «Au lendemain du prochain scrutin général portant au pouvoir un gouvernement du Parti québécois, [d'instaurer] un mode de scrutin fondé sur la formule proportionnelle compensatoire». Et effectivement depuis, je dirais, 1970, le Parti québécois défend ce mode-là, qui est un mode de scrutin proportionnel compensatoire et, vous allez même jusqu'à dire, qui comprendrait à peu près entre 30 % et 35 % de députés qui sont choisis à partir de listes, et ce, depuis 1970 jusqu'à aujourd'hui.
Je suis heureux de voir votre volonté de changement du mode de scrutin. Je suis heureux de voir que cette volonté-là se reconfirme à nouveau, est reconfirmée à nouveau. Cependant, je note que, nous, ce qu'on propose dans l'avant-projet de loi, c'est un modèle qui est fondé sur la formule proportionnelle compensatoire avec 40 % de députés de liste. Alors, c'est exactement ce que, vous-mêmes, vous demandez depuis 1970. Alors, je voulais savoir pourquoi en fait vous n'êtes pas favorables à ce que nous proposons et, le cas échéant, si quelques aménagements sont possibles, lesquels, pour obtenir votre adhésion, lesquels vous aimeriez voir dans l'avant-projet de loi.
Mme Richard (Monique): Pour répondre à votre question, dans un premier temps, quand vous parlez du 30 %, 35 %, ça faisait partie de l'ancien programme. Lors des débats du dernier congrès, on s'en est arrêtés à dire une formule proportionnelle compensatoire, et l'évolution de la discussion ayant place à l'intérieur du Parti québécois comme à l'intérieur de la société ? puis on le voit par les témoignages qu'on entend ici ? tout est sur la table maintenant pour la définir, cette formule de proportionnelle compensatoire. Et on ne veut pas, aujourd'hui, très clairement indiquer une voix parce que, chez nous, le débat est ouvert sur cette question. Et je pense qu'ailleurs aussi, dans d'autres partis, la même nature de débat aura pignon sur rue parce que les citoyens et les citoyennes que sont nos militantes et nos militants veulent participer à ce débat.
Et je pense que ce débat prend de plus en plus une place politique, et, moi, je pense qu'on a un devoir d'information, d'alimentation de ce débat pour bien définir. On parle d'un modèle scandinave, on parle d'un modèle allemand, on parle de différents modèles, on parle... Nous, on en a déjà discuté au Parti québécois, vous l'avez relevé, mais c'est un débat qui est toujours très ouvert, et c'est pour ça que, dans le nouveau programme du parti, on ne parle que de formule proportionnelle compensatoire dont toutes les modalités ou les orientations définitives sont à venir. Et bien sûr ce qu'on a, c'est un certain nombre de principes très importants sur lesquels on voudra revenir dans le cadre de ces discussions-là et bien sûr alimenter notre réflexion ? et je pense que ça, c'est important ? à l'écoute de la consultation qui aura lieu sur le terrain. Parce que, si on rencontre les citoyens et les citoyennes, il faut aussi, comme parti politique qui aura un jour à représenter ces mêmes citoyens et citoyennes, être à l'écoute de ce qu'ils ont à dire, être alimentés aussi par ces discussions, et c'est dans ce sens-là que je vous dis: Nos positions ne sont absolument pas attachées, sauf sur le principe de la proportionnelle compensatoire.
Le Président (M. Ouimet): M. le ministre.
M. Pelletier: Nous entendons parfois des gens qui viennent défendre le modèle actuel, le système uninominal à un tour, et ces gens-là viennent plaider pour que nous gardions finalement le statu quo. Je comprends que vous êtes favorables à un changement. Je voudrais savoir pourquoi, selon vous, nous ne devrions pas garder le statu quo.
Mme Richard (Monique): Parce qu'à l'intérieur des débats que nous avons eus chez nous il y a une certaine insatisfaction à cause de la représentativité. Les membres que nous avons chez nous sont des citoyens et citoyennes dans leur circonscription, et ce qu'on entend dans le débat, ce qui nous a amenés à aller vers la proportionnelle compensatoire, c'est que nos gens évaluent que les différents points de vue ne sont pas présents à l'Assemblée nationale et qu'il faut être en mesure de donner une capacité de représentation aux citoyennes et aux citoyens. Et, quand on dit que les citoyennes et les citoyens sont sceptiques face au processus démocratique, c'est qu'ils ont l'impression que la démocratie est monopolisée. Et ce qu'ils voudraient, et ce que les gens ont dit chez nous: Développons sur la question de la proportionnelle compensatoire, allons consulter les gens, allons voir ce qu'ils ont à nous dire sur la question et faisons-nous une idée beaucoup plus assise à partir de ce qu'on aura entendu, ce qui va nous permettre aussi de continuer de faire un certain nombre d'évaluations. Je ne sais pas si... Ça va? Bon.
Le Président (M. Ouimet): Ça répond à la question? M. le ministre, oui.
M. Pelletier: Certaines personnes prétendent qu'un modèle qui serait fondé sur la formule proportionnelle compensatoire, peu importent les modalités, là, en viendrait à amener un trop grand nombre de gouvernements minoritaires, peut-être même des gouvernements de coalition et que dans le fond ça minerait ce qu'on l'on appelle parfois la stabilité gouvernementale. Alors, ces gens-là nous disent: Actuellement, il y a une stabilité gouvernementale évidemment parce que, bon, le système uninominal à un tour, selon eux, favorise cela, mais ils nous disent: Si nous options pour une réforme du mode de scrutin et que nous adoptions la formule proportionnelle compensatoire, nous n'aurions plus une telle stabilité gouvernementale. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Richard (Monique): Bien, moi, je pense qu'on doit se donner, quand on va choisir le mode de scrutin, un certain nombre de critères qu'on devra arbitrer bien sûr les uns par rapport aux autres. Le maintien de la stabilité de l'État, oui, c'est important, la proximité entre la population et les institutions démocratiques, le lien entre l'élu et l'électeur... Comment je vous dirais? J'ai perdu la question. Je m'excuse, j'ai perdu la question.
Le Président (M. Ouimet): Il n'y a aucun problème.
Mme Richard (Monique): Excusez-moi.
M. Pelletier: Voulez-vous que je répète la question?
Mme Richard (Monique): Oui, brièvement, là.
M. Pelletier: La question finalement, c'est que certains disent que le mode formule proportionnelle compensatoire, ça nuirait à la stabilité gouvernementale. Alors, vous, vous avez commencé en disant: Écoutez, il y a un certain nombre de choses en tout cas dont il faut tenir compte. Le lien électeur-élu était un des points que vous avez identifiés, et là vous alliez en identifier d'autres. Alors, voilà.
Mme Richard (Monique): Bien, François, vas-y, puis ensuite je compléterai.
Le Président (M. Ouimet): M. Rebello, oui.
M. Rebello (François): Je trouvais ça intéressant, la présentation de Pierre-F. Côté qui citait le rapport ? je pense que c'est Jenkins; le rapport ? britannique sur les réformes là-bas, qui disait: Représenter, c'est une chose; gouverner, c'en est une autre. Puis c'est important d'être capable de gouverner, puis, dans ce sens-là, les préoccupations des gens sont justes, il faut faire en sorte qu'au bout de la ligne on ait un processus électoral, oui, qui assure une représentation optimale des électeurs mais qui permette aussi une gouvernance du Québec.
Vous savez, moi, quand je regarde le système électoral, je me dis toujours: Comment on a fait quand même, depuis la Révolution tranquille, pour avoir des gouvernements qui ont régulièrement fait des réformes progressistes, que ce soit en santé ou dans d'autres domaines, qui ont été capables de le faire, alors que, dans d'autres États nord-américains, les lobbys ont réussi à bloquer ça? C'est le cas beaucoup aux États-Unis, entre autres. Bon. C'est parce qu'il y a des systèmes, il y a des réalités qui peuvent faire en sorte que parfois on puisse bloquer ou non certaines décisions. Donc, je pense que c'est important que vous preniez en compte, oui, une représentation... viser une représentation optimale de la population, mais en même temps s'assurer que les gouvernements sont capables de gouverner puis que, quand les électeurs votent aux élections, après ça ils ont un gouvernement qui exerce le programme qu'il a soumis aux électeurs. Donc, dans ce sens-là, il faut être très méticuleux dans les changements qui devront être apportés, parce qu'il ne faut pas voir ça comme un truc mathématique, point.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Rebello. Je vais aller maintenant du côté de l'opposition officielle et je vais céder la parole à M. le député de Masson.
n(11 h 10)nM. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Richard, M. Rebello, M. Vézina, Mme Charbonneau. Dans votre mémoire, vous faites état de certaines critiques à l'égard du projet de loi qui est déposé. Vous soulevez le fait que ce projet de loi là ne favoriserait pas le pluralisme politique. Vous dites tout de même que, dans les débats qui ont cours à l'intérieur du parti, la question de la stabilité du gouvernement devra aussi être prise en compte. Ce dont j'ai l'impression ce matin, c'est que vous nous dites: Il y a un certain nombre de choses que les citoyens devront arbitrer. On veut changer un mode de scrutin. M. Dufour est venu nous dire: Voici les avantages du statu quo: alternance, stabilité du gouvernement ? stabilité dit imputabilité ? versus modèle mixte compensatoire. Et là ce n'est pas peu importe le modèle, on ne peut pas parler de... Le ministre, tantôt, disait: Peu importe le modèle. On ne peut pas dire: Peu importe le modèle parce que les modalités font en sorte que les citoyens auront à arbitrer différemment les avantages et les inconvénients, et c'est ce qui ressort de votre mémoire. Et là donc stabilité, imputabilité, alternance versus ? mettons que je vais dans les forces ? pluralisme, coalition, dit consensus parce qu'il y a coalition. Dans les désavantages, bien on dit: Dans notre système actuel, c'est la population du Québec qui décide de la gouvernance, directement. Dans un système tel qu'il est sur la table, avec un seuil de 15 %, ce sont des appareils de partis qui décideront de qui va déterminer le gouvernement, et un tiers parti donc qui a reçu le moins de votes va probablement se retrouver investi de plein de pouvoirs pour déterminer la gouvernance.
Est-ce que ce que vous nous dites, ce matin, c'est: Il faut se donner les moyens de faire en sorte que l'ensemble de la population soit capable de comprendre les enjeux, puisqu'on veut modifier ce qui est en place, donc comprendre les enjeux et qu'elle puisse arbitrer elle-même les avantages et les inconvénients de chacun des modes de scrutin ? dont je veux vous rassurer d'ailleurs, la plupart des experts qui sont venus ici, là, nous ont dit effectivement qu'il y avait avantages et inconvénients dans chacun des modes de scrutin? Croyez-vous que la démarche dans laquelle on est présentement est suffisante? Vous semblez dire que non par rapport à un référendum. Je voudrais vous entendre sur cet aspect-là. Est-ce qu'on doit s'attendre à ce que le Parti québécois finalement, en bout de ligne, nous arrive avec une impossibilité de mettre en place un modèle ou de nous proposer un modèle ou vous avez confiance au processus qui est en cours présentement?
Le Président (M. Ouimet): Mme Richard.
Mme Richard (Monique): Oui. Le processus qui est en cours actuellement a énormément de défis. Moi, je pense que ce qu'il faut, c'est se donner toutes les prises possibles pour être sur le terrain dans la consultation et ne pas que supporter une thèse mais avoir vraiment, réellement un débat ouvert, un débat qui cerne les différentes composantes de la discussion qu'on doit avoir avec la population et se dire que c'est peut-être aride, mais, quand on se donne l'obligation d'information et de vulgarisation, les choses sont compréhensibles quand on va expliquer aux citoyens et aux citoyennes comment pourrait s'exercer leur droit de vote, comment pourrait s'assumer la représentation en suivi de leur droit de vote et comment ils ont toujours cette capacité d'être à proximité. Alors, moi, je pense qu'il faut absolument que la séquence de consultation, elle soit sérieuse, qu'elle nous donne le temps d'aller dans les milieux, qu'elle nous donne le temps d'interroger avec des outils de vulgarisation qui ciblent les enjeux, et, quant au pluralisme politique, être très clair sur l'impact d'une proposition comme celle que l'on a actuellement parce que la lecture qu'on en fait, c'est qu'elle ne permet pas le pluralisme qu'on recherche.
Et, quand on dit qu'on aura finalement un vote avec 75 élus de circonscriptions, 50 possiblement au niveau des régions, à partir d'une mécanique qui remet aux partis en place la possibilité de nommer les représentants, bien ça enlève aux citoyens et aux citoyennes ce caractère de représentation auquel ils tiennent, ça leur enlève cette espèce de proximité ou de facilité d'intervention auprès de leurs représentants politiques. Et je pense que ça, c'est majeur. On a un peu l'impression que finalement ce sont les partis qui vont indiquer à la population les meilleures personnes pour les représenter dans le cadre de la gestion du Québec, et, dans ce sens-là, ça soulève chez nous un certain nombre de problèmes.
Et la règle du 15 %, bien, là, elle est d'autant plus importante, plus difficile à prendre que, quand on arrive dans les régions, si on amène en plus cette règle-là, bien, là, finalement on va se retrouver avec, de façon continue, toujours les mêmes partis, et des partis qui vont être en situation de fragilité, puisqu'ils devront compter sur des coalitions. Et des coalitions, ça veut dire que ça remet en cause... C'est un gros mot de dire la légitimité, mais, quand un parti se fait élire sur la base d'un programme, sur la base d'une plateforme électorale et qu'après être élu il est obligé de la négocier pour être en mesure de protéger son pouvoir, il remet en question incidemment le choix qui a été fait par les citoyens et les citoyennes, puisqu'il modifie ses orientations politiques ou son point de vue à l'égard de tel ou tel dossier.
M. Thériault: Mme Tremblay, qui est une experte de la question de la parité hommes-femmes dans les différents modes de scrutin et qui a examiné plusieurs modes de scrutin, notamment la Nouvelle-Zélande, tout ça... Et à cet égard je suis un peu ? je vais être un petit peu partisan ? fier d'appartenir au Parti québécois actuellement parce que, d'abord, je me retrouve devant une présidente du parti qui est une femme. Présentement, lorsque je regarde devant moi, à l'Assemblée nationale, j'ai une leader de l'opposition officielle qui est une femme. J'ai aussi la première dame chef de l'opposition officielle dans l'histoire de notre parlementarisme en la personne ? bien qu'elle soit intérimaire; en la personne ? de Mme Harel.
Mme Tremblay disait: Pour cette question de la parité hommes-femmes, cela relève principalement de la responsabilité des partis. Qu'en est-il de votre réflexion là-dessus?
Mme Richard (Monique): Bien, moi, je pense que ça, c'est essentiel que les partis politiques fassent le choix qu'il y ait des femmes à l'intérieur de ces partis et que conséquemment ils prennent les mesures pour faciliter la présence des femmes. C'est le même débat partout dans la société, c'est le débat aussi en politique. Et, moi, je n'ai jamais été pour la prime au mérite, là, puis: On a tant de femmes, ça nous donne tant. Alors, je ne suis pas d'accord avec ça non plus. Je pense que c'est par l'information, c'est par l'accessibilité au débat politique qu'on va amener auprès des femmes... qu'on va leur rendre accessible... qu'on va éveiller l'intérêt des femmes. Parce que, souvent, l'argument, c'est: Ah, les femmes ne sont pas intéressées à la politique, à tout ce qui entoure la politique. Bien, moi, je vous dis que, quand la politique est intéressante et quand la politique réunit des conditions pour alimenter l'accessibilité des femmes... Puis des conditions, ce n'est pas théorique, c'est... On a fait le virage de l'an 2000, on doit considérer qu'il y a des responsabilités accrochées aux personnes et qu'il y a une capacité de faire le travail qui est autant chez les hommes que chez les femmes, il suffit de réunir les conditions et d'avoir la volonté politique de les implanter, d'avoir des horaires de travail.
Et on ne viendra pas me dire que ce n'est pas possible. C'est possible, et on est capable. Est-ce qu'au Québec, quand on est une femme, on est confiné à une vie familiale puis on n'est pas capable d'avoir une vie politique? Est-ce que les deux ne sont pas associables, comme pour les hommes d'ailleurs, de plus en plus impliqués dans les familles, dans la gestion de la vie familiale comme impliqués dans la politique? Alors, moi, je pense que c'est une volonté qui doit passer du discours aux actes dans les partis politiques et mettre les énergies nécessaires à faire en sorte que la politique soit accessible aux femmes. Et ça, ça passe par des moyens, ça ne passe pas juste par des discours.
Le Président (M. Ouimet): M. le député de...
M. Thériault: Il me reste 30 secondes?
Le Président (M. Ouimet): Non, il vous reste 1 min 30 s.
M. Thériault: Excellent. M. Rebello, vous avez été très clair quant au pouvoir de sanction qui devrait être accru dans la Loi électorale. Maintenant, M. Vézina, vous avez soulevé, par votre expérience fédérale dans un bureau de circonscription, la question de l'étendue des territoires en lien avec la représentation régionale et le lien étroit entre l'électeur... On sait aussi ? sans vouloir, là, dénigrer le travail des élus, tout le monde travaille fort; on sait ? qu'un député, au Québec, a beaucoup de services de proximité qui passent à travers... C'est un carrefour des services de proximité de l'État. Au niveau fédéral, si je ne m'abuse, c'est un peu moins exigent à ce niveau-là, dans les services de proximité, à part immigration et, bon, je veux dire, assurance chômage, en quelque part. Alors, bref, j'aimerais vous entendre là-dessus. Croyez-vous, là, qu'il y a un os là?
n(11 h 20)nM. Vézina (Étienne): ...définitivement une problématique. Je vous remercie, M. le député de Masson, d'amener cette question-là. Oui, c'est une préoccupation, parce que, je vous donne un exemple, qui gère l'aide sociale? C'est le gouvernement du Québec. Un assisté social qui a deux heures et demie de route, trois heures de route à faire pour aller rejoindre son député provincial, dont le territoire recoupe celui du député fédéral, ne sera pas en mesure de le faire. Il y avait une démonstration qui avait été faite même, à une certaine époque, qui disait que, pour certains, c'était plus simple d'aller rejoindre leur député à Ottawa qu'à leur bureau de comté parce que les distances étaient telles dans les régions éloignées... Je vous ai parlé de mon cas de l'Estrie, qui est une petite région. Je n'ose pas penser, dans le cas de Mme Richard, là, l'ampleur que la problématique pourrait avoir.
M. Thériault: Bien, écoutez, c'était tout, moi, ça résume, là...
Une voix: Juste un petit...
Le Président (M. Ouimet): Il ne reste malheureusement plus de temps. Puis, regardez, là, je veux être très équitable envers tout le monde, j'ai six citoyens qui veulent vous poser des questions. Alors, je vais laisser la place aux citoyens. Merci, M. le député de Masson. Je vais y aller avec M. Gaboury dans un premier temps.
M. Gaboury (Charles): ...M. le Président. Je pense que ça va continuer sur la même nature. Vous faites référence justement, dans votre document, là, de ce lien-là de proximité entre l'élu et le citoyen. Je me questionne de plus en plus ? vous n'êtes pas les premiers; je me questionne de plus en plus ? sur la nature même de ce lien entre le citoyen et l'élu, et ma question serait à savoir: Est-ce que ce lien, selon vous, est interpersonnel, entre l'élu et le député lui-même, ou s'il n'est pas créé par l'intermédiaire du lieu d'appartenance? Donc, quelle est l'importance de la superficie du territoire par rapport au sentiment d'appartenance du citoyen à ce territoire-là? Puis là j'oublie, disons, l'aspect pratique, là, où il y a des services à rendre, où, à ce moment-là, il peut y avoir des points de services. Mais est-ce qu'on doit tenir compte aussi, dans le découpage, de ce lien d'appartenance là au territoire?
M. Vézina (Étienne): Bien, moi, écoutez, je vais me permettre de répondre, là. Moi, je suis très fier qu'au Québec on ait un comté pour les Îles-de-la-Madeleine tout seul, puis pas Îles-de-la-Madeleine?Bas-du-Fleuve?Gaspésie tout ensemble. Moi, je pense que la réponse, c'est les deux. Un député qui est en poste depuis de nombreuses années ? il y en a un certain nombre qui sont ici, autour de la table ? va fatalement avoir rencontré des milliers, dans certains cas, des fois, une dizaine de milliers de ses concitoyens et concitoyennes, et il va y avoir un lien affectif envers lui.
Mais par contre, l'appartenance géographique... Moi, je pense que c'est très important, dans le découpage, que les communautés humaines, les communautés sociologiques soient réunies et qu'on évite ? et c'est un des pièges de l'avant-projet de loi, je l'ai mentionné ? de couper des villes en deux, de couper des communautés naturelles en deux. C'est très important de garder ensemble les gens qui sont ensemble. On a toute une dynamique de fermeture d'écoles en milieu rural à laquelle on fait face en ce moment. On sent cette volonté des communautés de se réunir et de travailler ensemble. Et d'avoir un député, là, qui représente près de 100 000 personnes, ça va les éloigner terriblement de leurs concitoyens et concitoyennes. C'est un souci majeur, à mon avis.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Gaboury. M. Morisset.
M. Morisset (Michel): Oui. Bonjour, mesdames messieurs. Alors, j'aimerais encore poser une question concernant... Ne croyez-vous pas ? on a eu la preuve avec Schwarzenegger, aux États-Unis, qui voulait s'en aller très, très à droite et qui a fait un plébiscite, un référendum, et puis, bon, le peuple s'est prononcé; alors, ne croyez-vous pas ? justement que, dans toutes les questions nationales importantes qui concernent les citoyens et citoyennes, il ne devrait pas y avoir un référendum national?
Ne croyez-vous pas aussi que le mandat, en étant réduit d'un an, le mandat des gouvernements, il y aurait moins d'encrassement possible puis de déconnexion vis-à-vis du peuple?
Et finalement je vous dirais tout simplement ceci, c'est que je pense que ? sans vouloir faire de partisanerie ? le gouvernement en place a le mérite d'avoir changé la réflexion justement en forum d'action et que... Finalement, ne croyez-vous pas ? justement, là, je pense à votre formation et déjà au gouvernement ? qu'à force de nourrir votre réflexion vous allez finir par avoir mal à la tête et puis vous allez faire une indigestion? Alors, il faudrait peut-être penser aussi, comme le gouvernement actuellement, à faire des forums d'action, et je pense que le gouvernement actuellement a le mérite d'avancer des positions et de faire avancer des choses en cette question-là.
Le Président (M. Ouimet): M. Rebello, vous vouliez répondre?
M. Rebello (François): Je vous dirais, la question des référendums, c'est une possibilité à étudier. Je pense que ça mérite... ça doit être regardé comme mécanisme. On n'a pas une position au parti contre ça ni fermement pour ça. C'est une avenue qui avait même été considérée sur certains sujets au moment où on était au gouvernement. Donc, c'est quelque chose, je pense, que ça vaut la peine d'étudier: comment on consulte la population, est-ce qu'on peut les consulter sur des sujets avec des référendums.
Bon, la question de la réduction de la période du mandat, je ne suis pas sûr que ça ait un impact majeur, là, pour atteindre l'objectif que vous mentionnez, mais ça ne nuit peut-être pas. En tout cas, encore une fois, on n'a pas une position, disons, ferme là-dessus, sur cette question-là, ça fera partie des débats justement dans les consultations dont Monique a parlé.
Quant à ce que vous dites sur le fait qu'il faut passer à l'action, attention, là, un système politique, c'est très important. Les gens le connaissent, vivent avec, puis il y a une culture politique associée à ça. C'est normal qu'on prenne le temps d'y réfléchir, c'est très normal, c'est très important. Puis, je vous dirais, il y a des éléments aussi, des signaux que le gouvernement devrait donner face à ce processus-là pour que les gens puissent y prendre confiance. Quand on ne nous dit pas d'avance qu'il n'y aura pas de réforme de mode de scrutin sans l'accord des différents partis politiques, bien le signal qu'on donne à la population, c'est que ça pourrait être une histoire qui vire mal, là. Si on veut vraiment être démocrate, il y a des positions à prendre dès le départ sur notre souci de représentativité. Transpartisan. Tous les partis doivent être d'accord.
Deuxièmement, le référendum. Dans les autres provinces, à ce que je sache, il y a des signaux qui ont été donnés par les gouvernements avant de se lancer là-dedans: quel va être l'aboutissement, comment les gens vont être consultés. Est-ce que c'est quelque chose que vous pourriez mentionner? Où vous allez au niveau de la consultation?
Puis je me permettrais de poser une question à M. Pelletier sur le projet. Je voudrais juste savoir, là, au niveau des incitatifs pour les différents groupes, les femmes ou les minorités, je me demandais si «Rebello», ça allait me donner de l'argent de plus si j'allais me qualifier.
Le Président (M. Ouimet): ...«Rebello» donnait de l'argent plus.
M. Rebello (François): Je me demandais comment vous définissiez notre origine, là.
Le Président (M. Ouimet): Merci, M. Rebello. Il me reste...
Une voix: ...
Le Président (M. Ouimet): C'est parce qu'il me reste quatre citoyennes, citoyens, donc j'aimerais beaucoup leur donner l'opportunité. Mme Proulx.
Mme Proulx (Mélanie): Oui. Merci. Je parcourais le résumé de votre mémoire qui dit que l'avant-projet de loi fait fausse route en liant l'abstentionnisme à l'accessibilité du vote. À part quelques suggestions pour augmenter la participation des jeunes, là, comme les bureaux de vote sur les campus, j'ai même remarqué que vous étiez inquiets aussi, je crois, face à quelques mesures comme le vote itinérant, ces choses-là. J'aimerais ça savoir d'après vous quelles seraient les suggestions... Je n'ai pas remarqué de suggestion pour augmenter, au contraire, là, la participation de la population. J'aimerais ça savoir quelle est votre opinion là-dessus.
M. Rebello (François): Je vais vous dire, d'entrée de jeu, là, c'est clair... Écoutez, si c'est 25 %, le taux de participation des jeunes, puis que la moyenne, c'est 70 %, là, vous remarquerez que probablement que le reste, ceux qui sont 25 ans et plus, là, ont voté dans les très, très hauts pourcentage, O.K.? C'est ça, la réalité. Donc, l'essentiel ? c'est vraiment clair, là; l'essentiel ? des votes qui ne sont pas exercés, une grosse partie sont chez les jeunes. Donc, ce n'est pas juste un vote sur 10, là, ça devrait être l'axe principal, l'axe majeur. Puis les jeunes entre 18 et 25 ans qui ont le droit de vote sont en grosse partie sur des campus de cégeps ou d'universités. Donc, c'est très, très important d'en faire une priorité.
Bien sûr, il y a d'autres éléments qui doivent être... qui peuvent être... notamment au niveau de la sensibilisation, comment on doit... On le voit, nous, au Parti québécois. En ce moment, on essaie de solliciter un peu une participation des membres pour le vote. Il a fallu faire des exercices de publicité, de consultation pour arriver à ce que les gens participent le plus possible. Donc, il y a plusieurs initiatives, mais n'oubliez pas les jeunes. Parce que, là, il y a un enjeu partisan là-dedans, il faut se le dire, les libéraux, là, ça ne leur tente pas que les jeunes votent. C'est ça, la réalité. Ça fait que, là, ce qui est important, c'est que, vous autres, vous mettiez ça au clair dans ce processus-là que, s'il y a un problème de participation, en haut de la liste, là, ça s'appelle comment augmenter la participation électorale des jeunes. Ça devrait être la priorité numéro un en termes de participation.
Le Président (M. Ouimet): Merci.
Une voix: ...
Le Président (M. Ouimet): Écoutez, il me reste trois citoyens, là.
Mme Richard (Monique): Juste une petite parenthèse sur la question de l'abstentionnisme, là. Moi, je pense que la solution... une partie de la solution à ça aussi, c'est que les citoyens et les citoyennes se sentent concernés, sentent qu'ils ont prise sur le processus puis sentent que leur vote ne sera pas dévié par un mode de scrutin qui fait en sorte que la représentation, ils n'ont pas la mainmise dessus de même que sur le contenu parce qu'on va travailler par coalitions ou autrement. Alors, je pense qu'il y a une question d'intérêt. Tout ça, ça se tient ensemble, la participation du citoyen ou son scepticisme, il est dû souvent à nos modalités d'exécution du mandat de citoyen puis de la responsabilité de citoyen.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme Richard. M. Acharid.
M. Acharid (Mustapha): On parle toujours du taux de participation des jeunes qui se fait vraiment très bas, et vous n'avez rien suggéré, donc je crois que c'est encore ouvert. Mais considérez-vous, par exemple, un vote obligatoire, jusqu'à aller à un vote obligatoire?
M. Rebello (François): Je vous dirais, moi, je pense qu'on n'a pas à aller dans ce niveau-là. La question, là, c'est: Comment ça se fait qu'alors qu'il y a des milliers de personnes qui passent tous les jours quelque part, on ne met pas un bureau de vote là? Tu sais, c'est ça, la question pour les jeunes. Les jeunes, là, contrairement au reste de la population, ils sont concentrés dans les institutions scolaires. Donc, quand vous dites qu'on n'a pas proposé de solution, elle est là, la solution. J'espère que vous l'avez notée parce que c'est celle-là qui doit être prioritaire: ça prend un bureau accessible pour les étudiants sur les campus, et c'est là qu'on doit aller. Juste faire ça, là, je vais vous dire, ça va changer beaucoup le taux de participation des jeunes parce que les organisations politiques, que ce soit du Parti libéral, des autres partis, vont pouvoir amener leurs jeunes voter parce qu'ils vont être sur le terrain, ils vont avoir... le bureau va être proche. Ça fait que ça, c'est l'élément dominant, je vous dis, principal. Le vote obligatoire, je ne suis pas sûr que d'arriver puis de pénaliser les gens, ça va changer grand-chose.
M. Acharid (Mustapha): ...
Le Président (M. Ouimet): M. Acharid, je veux donner l'occasion à Mme Hadd.
Mme Hadd (Carole): ...même question: Comment amener nos jeunes à voter?
n(11 h 30)nM. Rebello (François): Bien, je vous dis, là... C'est bien que vous posiez trois fois la même question, ça veut dire que c'est important pour vous, pour les citoyens, puis j'espère que ça va l'être pour les députés, puis pour les députés libéraux aussi.
Il faut absolument qu'il y ait un effort majeur au niveau des bureaux de scrutin. Pour avoir fait de l'organisation électorale dans des comtés où il y a beaucoup d'étudiants, contre le Parti libéral, je peux-tu vous dire qu'il faut se battre en maudit pour qu'il y ait des... qu'on puisse aller chercher ce vote-là, parce que l'organisation, de l'autre bord, ce n'est pas ça qu'elle veut, elle. C'est la réalité, là. Ça fait qu'il faut que les règles empêchent cette espèce de situation là où on défavorise le vote des jeunes de peur de perdre une élection.
Écoutez, ce que Jean Charest vient de faire, là, de déclarer les élections le 12 décembre, là, alors qu'il avait six mois pour le faire, c'est très grave, ça devrait être décrié publiquement, là. C'est grave. Les étudiants, je ne sais pas si vous le savez... Moi, quand j'étais aux études. À partir du 1er décembre, là, j'étais dans mes livres jusqu'au... Ce n'est pas vrai que je vais aller faire de l'organisation électorale deux jours avant mon examen, quand je joue mon avenir. Bien, c'est ça que Jean Charest vient de faire. Il faut dire quelque chose, là. Je ne sais pas, M. Pelletier, allez-vous dire quelque chose là-dessus? C'est très grave, là. Vous parlez de démocratie, tout ça, On nous met des étudiants... on oblige des étudiants à faire le choix entre travailler aux élections ou réussir leurs...
Le Président (M. Ouimet): M. Rebello, moi, je vais vous arrêter, là. On a eu des débats jusqu'à date, là, qui s'élevaient... En tout cas, je ne veux pas vous prêter des intentions, là, puis je ne veux pas nécessairement défendre le premier ministre, ici, mais on a essayé de tenir un climat, là, où c'était sans partisanerie, là. Puis je ne veux pas vous accuser de partisanerie, mais je vous invite à la prudence parce qu'il n'est pas ici pour se défendre non plus, là.
Il me reste M. Boivin, et il resterait peu de temps malheureusement pour vous, M. Boivin.
M. Boivin (Guillaume): D'accord. Tout simplement, à l'instar de d'autres intervenants, vous avez souligné le fait que le seuil effectif d'entrée au Parlement autour de 15 %, tel que comporte, là, l'avant-projet de loi, serait trop élevé pour assurer le pluralisme. Selon vous, quel serait un seuil effectif raisonnable et équitable?
Mme Richard (Monique): C'est une question qui fait partie du débat, mais... Et je pense que, si on décide d'avoir un mode de scrutin qui va répondre à un objectif de pluralisme, il faut prendre le temps d'évaluer ce qui s'est fait au fil du temps et d'avoir un pourcentage à définir, bien sûr. Puis je pense que les consultations, ce que les citoyens et les citoyennes auront à nous dire, ce que différents groupes auront à nous dire aussi...
Le Président (M. Ouimet): Il ne reste...
Mme Richard (Monique): ...qui ont été marginalisés jusqu'à présent, on pourra prendre ça en considération...
Le Président (M. Ouimet): Mme Richard, je dois vous interrompre, il ne reste plus de temps. Je vais aller du côté ministériel, maintenant. M. le député de Trois-Rivières. Il reste 6 min 45 s au bloc ministériel.
M. Gabias: Mmes Richard et Charbonneau et MM. Rebello et Vézina, merci de votre présentation. Je partage un élément avec vous quatre, sur la préoccupation de vote chez les jeunes et aussi sur ce que vous avez mentionné à plusieurs reprises, la proximité des représentants avec leurs députés, sur la possibilité de 75 circonscriptions. Par contre, je trouve qu'il y a, et je vais vous questionner là-dessus, je trouve qu'il y a une incohérence quant à la façon de favoriser le vote chez les jeunes, en ce sens que vous parlez de proximité des représentants et vous demandez à ce que les étudiants votent sur les campus, et vous trouvez que c'est la solution pour favoriser le vote, alors qu'ils seront tenus de voter pour des représentants qui ne sont pas nécessairement les leurs, parce qu'ils ne demeurent pas, en majorité, sur les campus de façon permanente.
Et, moi, je peux vous dire, pour avoir fait campagne le 14 avril 2003, en période d'examens: le grand problème que je rencontrais chez les étudiants, ce n'était pas la période d'examens, c'était le fait que, quand je les rencontrais, je n'étais pas leur représentant, pour plusieurs d'entre eux. Ils connaissaient les candidats dans leurs comtés. La difficulté qu'ils avaient, c'était de voter dans leurs comtés. Et, en cela, j'ai compris de l'intervention de M. Vézina que l'exercice ou le mode d'exercice de droit de vote qui est proposé, entre autres, le vote par correspondance, mais vous n'êtes pas... vous ne formulez pas d'objection à ça, au contraire, mais les modalités ont à être regardées pour s'assurer... et ça, je comprends ça.
Finalement, l'autre élément que je rencontrais dans la période électorale qui conduisait à une élection le 14 avril, c'était, pour les personnes âgées, la crainte de la température ? et j'imagine que, dans le comté de ma collègue, c'est encore plus présent ? d'où l'importance, d'où l'importance d'avoir un vote par courrier.
Et finalement le vote se tenait, pour les étudiants, très près de l'université, même dans les secteurs où les étudiants habitaient, et ça n'a rien changé au taux de participation. Alors que de penser que la solution magique, c'est de placer des bureaux de scrutin dans les universités... Et, lorsque vous dites que nous ne sommes pas intéressés à ce que... le Parti libéral, à ce que les jeunes votent, je peux vous dire que ce n'est pas ça, mais pas du tout ce qu'on souhaite. C'est que les citoyens et les jeunes citoyens puissent voter pour leurs représentants, dans leurs circonscriptions électorales.
Le Président (M. Ouimet): M. Rebello, oui.
M. Rebello (François): Juste dire une chose. D'abord, là, il faut que vous sachiez une chose: un étudiant, là, souvent ça déménage dans le comté où est son institution scolaire pour l'année. Donc, si ça déménage, ça a le droit de vote là, O.K.? Ça, c'est bien important.
Puis, quand ce n'est pas clair, comme dans votre discours, là, les jeunes, ils pensent qu'ils n'ont pas le droit de vote là, ils pensent que c'est juste chez eux qu'ils l'auraient, puis, comme ils ne sont pas chez eux, chez leurs parents... C'est ça, la réalité. Il y a beaucoup de gens...
Une voix: ...
M. Rebello (François): Non, mais je peux vous dire qu'il y a un gros problème d'information. C'est d'ailleurs ça, la priorité, il faut... Nous, ce qu'on fait souvent, c'est qu'on fait de l'information pour expliquer aux jeunes qu'ils doivent s'inscrire sur la liste électorale où ils résident pendant leurs études, pas juste dans leur comté d'origine.
Vous avez raison, il n'y a pas juste mettre le bureau de vote, il y a tout le travail de révision des listes électorales qui est très, très important pour que les jeunes s'inscrivent là où ils sont. C'est très important. Je peux vous dire, le gros minimum à faire... il y a au moins quelque chose à faire qui, on le sait, peut avoir un impact très positif, c'est de mettre le bureau de vote. L'Université de Montréal, savez-vous c'est quoi, la proportion d'étudiants qui restent autour de l'université, de l'Université de Montréal? C'est quand même pas mal de monde, là, on parle de 10 %, 15 % des étudiants sur un campus de 40 000 personnes. C'est du monde pas mal, O.K.? Mais, ce monde-là, là, s'assurer au moins qu'ils vont voter, qu'on facilite ce vote-là, ça va avoir un gros impact. Au lieu du 25 %, on va peut-être monter à 35 %, 40 %. Déjà, on va avoir fait un gros effort.
Puis, oui, il y a d'autres solutions. On sait qu'il faut faire d'autres types d'activités pour aller rejoindre les jeunes qui ne sont pas nécessairement aux études. Mais faisons au moins ça. Puis ça, j'espère que les libéraux vont avoir comme préoccupation de favoriser ce vote-là sur les campus.
Le Président (M. Ouimet): M. le député.
M. Gabias: ...la solution, ce n'est pas les libéraux, c'est tout nous autres, ici, à la commission parlementaire spéciale, qui regardons cette situation-là. Et le vote des jeunes nous préoccupe. Et je pense que chaque élu, qu'il soit de quelque parti que ce soit, cette question-là les préoccupe. Et, quant aux solutions, je pense qu'il y a une proposition dans l'avant-projet de loi, mais je pense que la solution n'appartient pas à un parti mais appartient à tous les élus qui souhaitent maintenir ce lien de proximité, comme le disait Mme Richard, tout à l'heure. Et, quant à la mécanique du scrutin, c'est autre chose. Mais il y a également... et j'ai entendu, moi, mardi, des représentants du Parti libéral parler de l'importance aussi d'éduquer les jeunes beaucoup plus tôt à l'exercice démocratique, et ça, c'est plus que «je ne vais pas voter parce que le bureau de scrutin est trop loin de chez moi, là».
Mme Richard (Monique): Mais, moi, je pense qu'il y a une formule gagnante qui est celle de la formation citoyenne, et ça, il faut être préoccupés de ça dans nos maisons d'éducation à partir du secondaire, et je pense qu'il faut prendre en considération cet élément-là.
Deuxièmement, il y a la question d'information, de vulgarisation de l'information et d'accessibilité. Et il faut se poser, ici, aussi la question: Quelles seront les meilleures modalités de vote pour permettre l'accessibilité à tous les types de clientèle? Que ce soient les gens dans des régions éloignées, où c'est difficile de se déplacer, que ce soient les personnes aînées, que ce soient les jeunes, tout le monde a le droit d'exercer son droit démocratique ? excusez la répétition ? mais il faut être très préoccupés des modalités du vote en même temps que ça n'ait pas d'effet pervers et protéger l'esprit et la lettre de la loi aussi. Je pense que c'est important aussi de regarder ça comme ça.
Le Président (M. Ouimet): M. Vézina, courte intervention.
M. Vézina (Étienne): Très brièvement. Moi, je pense qu'il ne faut pas exagérer non plus le lien qui existe entre les modalités, d'une part, et le taux de participation, d'autre part. Parce que, moi, j'ai travaillé dans un poll le jour du référendum de 1995, mon taux de participation dans la boîte de scrutin, c'était 98 %, puis le poll était au même endroit à ce moment-là qu'il l'était. Moi, je pense que le cynisme de la population, il est alimenté... L'accès aux boîtes de scrutin, c'est une chose, mais il est alimenté par autre chose. Et il faut se questionner là-dessus également, parce que la question de l'accès au vote, sauf chez les jeunes où il y a clairement des problèmes particuliers, la question de l'accès au vote n'est probablement pas la question centrale, parce que, quand les gens se sentent interpellés par un enjeu, ils votent massivement. Écoutez, on calcule qu'il y a 10 % d'analphabètes au Québec, puis le taux de participation était plus élevé que le taux d'alphabétisation. Donc, vraiment, là, je pense que c'était assez clair que la participation peut, dans certaines circonstances, être très bonne.
En Afghanistan, les gens ont marché 30 km pour aller voter, dans des conditions épouvantables. Le taux de participation était tout à fait décent. En Irak, c'était encore pire, le taux participation ressemblait à ce qu'il était au Québec. Ce n'est pas juste une question d'accès au vote, c'est une question d'enjeux, je pense, puis d'être interpellés par les enjeux. Puis ça, ça va bien au-delà des conversations que nous avons ici, aujourd'hui, là.
n(11 h 40)nLe Président (M. Ouimet): Bien. Alors, le temps imparti est écoulé, alors j'aimerais vous remercier pour votre présentation, pour ces échanges un peu vifs et vigoureux avec vous mais combien enrichissants. Merci.
(Changement d'organisme)
Le Président (M. Ouimet): Alors, la commission reprend ses travaux. Maintenant, j'inviterais les membres de la commission à regarder les écrans où comparaîtra M. Brian Tanguay en direct de la ville de Waterloo, en Ontario.
Je vous rappelle les règles. Un décalage d'à peu près deux secondes, et je vous demande de ne pas interrompre la personne qui a la parole au moment où elle s'exprime.
Alors, M. Tanguay, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous. Je vous rappelle que vous disposez d'un temps de parole d'à peu près 20 minutes pour nous exposer votre point de vue, après quoi nous amorcerons la période d'échange avec vous.
M. Brian Tanguay
M. Tanguay (Brian): O.K. Merci bien. Merci pour m'avoir invité devant cette commission qui fait un travail très important non seulement pour le Québec, mais pour le pays entier.
Je m'excuse d'avance, d'emblée pour les fautes de grammaire ou de prononciation que je ferai sans doute dans mes commentaires. Je ne les fais pas par exprès.
J'ai travaillé comme recherchiste pour la Commission de droit du Canada, il y a deux ans, et j'ai écrit le rapport Un vote qui compte: la réforme électorale [pour] le Canada. Donc, je suis partisan d'une réforme électorale.
Lors de mes travaux pour la Commission de droit, je me suis inspiré des travaux du rapport Jenkins, en Angleterre, du rapport de la Commission royale sur le système électoral, en Nouvelle-Zélande, et aussi sur le rapport Béland des états généraux au Québec. Donc, tous les trois étaient en faveur d'une réforme majeure de notre système électoral. Pourquoi? Puisque nous savons tous que le niveau de cynisme politique parmi l'électorat est apparent, surtout le fait que les jeunes ne votent pas ? un seul parmi cinq vote lors des élections fédérales ? et le cynisme envers la classe politique est élevé, on le sait tous. Il y a aussi le fait que nos législatures, nos Parlements, sont perçus comme n'étant pas représentatifs de la population entière. Il y a aussi le fait que les nouvelles voies, dans la société, qui pourraient représenter les jeunes, qui pourraient représenter les environnementalistes, par exemple, que ces voies sont marginalisées dans nos Parlements. Donc, il y a toutes sortes de raisons pour essayer de réformer notre système, comme on dit en anglais, qui est «first-past-the-post».
Il y a aussi enfin l'exemple international. Depuis 15 ans, les pays tels que le Japon, la Nouvelle-Zélande et l'Angleterre avec ses Parlements régionaux en Écosse et au pays de Galles ont tous adopté de nouveaux systèmes électoraux. Et je citerai une conclusion de l'intellectuel Trevor Knight, ici, au Canada, sa vue de notre système existant au Québec et au Canada entier, c'est que ce système a été adopté ? et je vais le citer en anglais ? «at a time when the population was much more homogeneous and less mobile so that where one lived very much defined one's political identity. The society that we live in today is much more mobile and has a multitude of identities and opinions that were not present or were disenfranchised when the first-past-the-post electoral system was adopted in Canada.» Et je pense que cette conclusion est valable pour le Québec ainsi que pour le niveau fédéral.
n(11 h 50)n Donc, les raisons pour réformer notre système, à mon avis et à l'avis de la Commission de droit du Canada, sont évidentes. Mais quelle sorte de système doit-on adopter si on va le changer? Et nous avons opté, dans notre rapport, pour un système mixte proportionnel tel que les systèmes utilisés maintenant en Nouvelle-Zélande, en Allemagne et en Écosse. Pourquoi cette sorte de système? Parce que ça donnerait le meilleur des deux mondes pour ainsi dire, c'est-à-dire le lien territorial entre l'électeur, le citoyen, et son représentant, qui est le facteur clé, l'élément clé, essentiel de notre système existant. Mais en même temps ça ajouterait une partie de sièges qui seraient partagés, distribués selon les règles plus proportionnelles pour compenser en quelque sorte pour les distorsions au niveau du vote existant.
Donc, si on adopte un système mixte proportionnel, il y a quelques questions qu'il faut absolument confronter. D'abord, est-ce que la taille de la législature doit être élargie? Et je pense qu'au Québec et au niveau fédéral l'intérêt parmi les représentants et parmi les citoyens pour élargir nos Parlements est très restreint. Il n'y a pas beaucoup d'intérêt parmi les citoyens d'ajouter des sièges à la législature existante.
Deuxième question qu'il faut confronter: Est-ce que le citoyen, est-ce que l'électeur doit avoir un vote ou deux? Parmi la plupart, presque la totalité des systèmes en place, en Nouvelle-Zélande, en Allemagne, en Écosse, au pays de Galles, au Mexique, qui ont adopté un système mixte proportionnel, on donne au citoyen deux votes: un pour le candidat dans sa circonscription et un pour un parti pour la proportion du vote compensatoire. Et cette forme de deux votes donne le maximum de choix aux électeurs, ça leur donne l'opportunité de voter pour un candidat d'un tel parti et de voter pour un autre parti au niveau proportionnel ou sur la liste des partis. Et on voit, on a vu dans l'expérience de la Nouvelle-Zélande, par exemple, que presque un tiers des citoyens opte pour un vote différent aux deux niveaux, et cette proportion de, comme on dit en anglais, «split-ticket voting», «split-ticket voting», cette proportion peut varier entre 15 % et 33 %, selon le système. Mais, dans l'opinion de la Commission du droit, dans mon opinion, c'est une bonne idée de donner aux électeurs deux voix pour faire fonctionner au maximum, de façon plus efficace un système mixte proportionnel.
Troisième question qu'on doit confronter lorsqu'on adopte ou opte pour un changement de système électoral, c'est que: Est-ce que le vote pour les partis, est-ce que ce sera fermé ou ouvert? Est-ce qu'on donnerait un maximum de choix aux électeurs pour varier l'ordre des candidats sur cette liste ou est-ce qu'on donne le pouvoir aux partis politiques eux-mêmes de décider qui va paraître où sur cette portion du vote? Et, dans notre rapport, cette question était très, très controversée. Les raisons pour adopter un vote fermé sont que, dans l'expérience des autres pays, tels que la Nouvelle-Zélande, ça donne aux élites politiques la chance d'utiliser cette portion du vote comme une sorte de système de discrimination positive pour faire avancer les candidats femmes, féminins, des candidats parmi des autochtones ou des minorités, et ainsi de suite. Mais on sait, d'après certaines études, en Nouvelle-Zélande et ailleurs, que le vote fermé n'est pas très populaire du tout parmi les électeurs, parmi les citoyens qui soupçonnent le pouvoir donné aux élites politiques par ce système. Donc, il y a une question de priorités, de valeurs. Est-ce qu'on opte pour un système qui pourrait privilégier les chances des candidats de certains groupes dans la société ou est-ce qu'on donne le pouvoir à la société, aux citoyens eux-mêmes de faire cette décision?
Quatrième question qu'on doit confronter, c'est: Est-ce qu'il doit y avoir un seuil pour que les partis mineurs, les tiers partis obtiennent les sièges dans le Parlement? C'est-à-dire qu'en Allemagne, par exemple, un parti doit gagner un siège... trois sièges, pardon, dans le Bundestag ou 5 % des voix au niveau fédéral. C'est un seuil assez important, qui réduit les chances de succès des partis qu'on pourrait dire, qu'on pourrait appeler extrémistes, des partis extrêmes, d'extrême droite ou d'extrême gauche.
Donc, dans le système prôné par la Commission de droit du Canada, nous n'avons pas adopté un seuil, pensant que la taille de la région compensatoire agit en quelque sorte comme un seuil de facto, c'est-à-dire plus petite est la région compensatoire, le plus difficile c'est pour un tiers parti d'obtenir la représentation dans l'Assemblée. Donc, si on a une région de trois, ou quatre, ou cinq députés, une liste de trois, ou quatre, ou cinq, ça crée un seuil de presque 15 % tous les tiers partis, ça agit comme une sorte de seuil de facto. On pourrait quand même adopter un seuil pour indiquer aux citoyens que les partis extrémistes doivent gagner un certain pourcentage des voix avant d'être représentés au Parlement.
Donc ça, c'était le système prôné par la Commission de droit du Canada, système mixte où la taille du Parlement resterait la même, 308 sièges, deux tiers de ces sièges seraient distribués aux élus par les même règles qui existent présentement, et un tiers serait des sièges de liste qui pourraient compenser pour les distorsions au niveau de «first-past-the-post». Et nous avons fait des études, des simulations des élections auparavant, au niveau fédéral, et ça a indiqué que les résultats de notre système, s'il a été adopté pour les autres élections, seraient très proches de la proportionnalité. Donc, si un parti reçoit 38 % des voix, c'est presque garanti que le parti va obtenir à peu près entre 32 %, ou 39 %, ou 40 % des sièges. Donc, les résultats seraient presque proportionnels. Les seules exceptions à cette règle seraient dans les situations où il y a des distorsions dans le vote, dans les circonscriptions, c'est-à-dire que, si un seul parti gagne deux tiers des sièges au niveau des voix dans les circonscriptions, ça pourrait créer des distorsions qui éloignent les résultats de la proportionnalité.
n(12 heures)n Première chose à constater de ce modèle prôné par la Commission de droit, c'est que ça créerait un système où les gouvernements de coalition, où les gouvernements minoritaires seraient normaux. Ce serait le résultat normal d'une élection où ? c'est très rare ? un seul parti gagne plus de 50 % des voix dans les circonscriptions. Et donc il faudrait confronter les implications de cette sorte de résultat. Est-ce qu'on a peur de l'instabilité gouvernementale dans un tel système? Dans notre rapport et dans beaucoup d'autres études internationales ou comparatives, c'est devenu évident que les peurs de l'instabilité gouvernementale, même administrative, ont été exagérées et que les pays qui ont une histoire assez longue de gouvernements de coalition, tels que la Suède, par exemple, ce ne sont pas des pays où l'instabilité gouvernementale était un problème. Le système mixte proportionnel qui élira des gouvernements de coalition ne va pas seulement à lui seul créer l'instabilité gouvernementale. Et il y a, comme je l'ai dit, toutes sortes d'études qui indiquent que, sur le plan économique, par exemple, les gouvernements de coalition peuvent prendre des décisions difficiles pour essayer de confronter, par exemple, la globalisation. Les gouvernements de coalition ne sont pas moins puissants, dit-on, que les gouvernements majoritaires des pays comme le nôtre.
Il y a aussi la critique très répandue d'un tel système que ça créerait deux sortes, deux espèces de représentants: un qui a gagné dans les circonscriptions, après une lutte sur le plan partisan, et un autre qui a reçu la bénédiction des élites partisanes, des élites des partis politiques. Et ça, c'est une critique qu'il faut traiter sérieusement. On a vu, en Nouvelle-Zélande, par exemple, que ce n'est pas un problème aussi grand qu'on aurait pensé avant les réformes. La Nouvelle-Zélande a adopté son système nouveau de mixte proportionnel au milieu des années quatre-vingt-dix, et, depuis ce temps-là, les deux classes de représentants pouvaient s'entendre, pouvaient travailler ensemble de façon plus ou moins efficace. C'était la même histoire, la même chose en Allemagne, par exemple, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Mais il faut reconnaître qu'en Écosse, par exemple, il y avait pas mal de problèmes entre ces deux sortes de représentants, et ça découle en partie du fait qu'un seul parti domine au niveau des circonscriptions, et c'est le Parti travailliste, et ça crée des rivalités partisanes entre les représentants des circonscriptions d'un seul parti, ou qui sont d'un seul parti pour la plupart, et l'autre classe de représentants qui viennent des conservateurs, des autres partis. Dans cette situation, en Écosse, c'est vrai que les deux classes de représentants avaient des problèmes parfois à s'entendre ou à travailler ensemble. Il y a une peur, parmi les représentants des circonscriptions, que l'autre représentant, celui de la liste des partis politiques, va essayer de s'introduire dans la circonscription avec l'autre...
Le Président (M. Ouimet): M. Tanguay, je vais devoir vous interrompre, le temps est un peu écoulé, et j'aimerais réserver le temps pour des échanges avec vous, avec les parlementaires, si vous le permettez.
Je vais aller du côté de M. le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques pour amorcer l'échange avec vous. Merci. M. le ministre.
M. Pelletier: Bonjour, M. Tanguay. Merci beaucoup pour votre présentation. Et je pense que ce sont des propos que vous avez tenus qui vont certainement nous fournir matière à réflexion. Je comprends que vous avez...
M. Tanguay (Brian): ...
M. Pelletier: Pardon?
M. Tanguay (Brian): Est-ce que je pourrais dire une chose comme conclusion?
M. Pelletier: Oui, oui.
M. Tanguay (Brian): C'est que le système promis par le Québec, dans l'avant-projet de loi, je suis d'accord avec les critiques que c'est une réforme plutôt cosmétique que profonde, puisque ça donne aux électeurs deux voix, deux votes, et les régions compensatoires sont trop petites pour avoir des résultats vraiment proportionnels.
M. Pelletier: Oui. J'y reviendrai dans un instant, sur la question des deux votes, si vous voulez bien.
Je constate que donc vous avez rédigé le rapport de la Commission du droit du Canada concernant une réforme du mode de scrutin au niveau fédéral de gouvernement, et vous avez proposé un système mixte compensatoire. Jusque-là, donc il y a une coïncidence avec la proposition du gouvernement du Québec. Vous avez proposé cependant le ratio un tiers-deux tiers. Évidemment, c'était dans un contexte au fédéral, il y a 308 parlementaires. À l'Assemblée nationale du Québec, il y a 125 parlementaires. Alors, est-ce que vous considérez que le ratio un tiers-deux tiers pourrait aussi donner de bons résultats au Québec ou est-ce que c'est trop faible comme ratio?
M. Tanguay (Brian): Non, je pense que ça pourrait donner des résultats plutôt proportionnels si on donne deux voix, deux votes aux électeurs. Il semble qu'un ratio à 75 sièges distribués pour les circonscriptions et 50 sièges pour les listes, ça fait un ratio efficace. Et je dirais aussi que ce qui compte, c'est que les régions compensatoires seraient plus grandes que trois ou quatre. Donc, si on a 50 sièges pour les listes, pour la section liste du vote, on pourrait penser à peut-être cinq régions de 10 sièges chaque. Ça donnerait les résultats plus proportionnels que le modèle prôné par l'avant-projet.
M. Pelletier: Concernant les deux votes, qui est dans le fond votre critique principale par rapport à l'avant-projet de loi, je vais faire deux remarques qui en même temps sont des questions, sont des interrogations. Je vais vouloir avoir vos commentaires là-dessus.
Certaines personnes nous disent: Écoutez, le fruit n'est pas mûr pour qu'il y ait deux votes au Québec, c'est déjà assez compliqué comme cela, la réforme que vous proposez. Peut-être qu'éventuellement il y aura lieu d'avoir deux votes, mais commençons avec un vote, puis éventuellement on pourra progresser vers un deuxième vote, dans quelques années, si on constate que les gens s'adaptent bien au nouveau mode de scrutin. Ça, c'est un commentaire qu'on a entendu, même d'experts ici, en commission, d'une part.
D'autre part, concernant le processus du «split voting», le «split voting»...
M. Tanguay (Brian): Oui.
M. Pelletier: Bon. Concernant le processus de «split voting», nous, on a choisi évidemment des districts quand même qui sont relativement petits, là, bon, avec une faible population, si on compare avec ce qui se fait dans d'autres pays. N'y a-t-il pas un risque que le «split voting», dans ce contexte-là où donc on a des districts relativement petits, que le «split voting» amène encore plus de distorsion?
Donc, la question du deux votes se pose pour nous en deux termes. D'abord, est-ce que le deux votes, c'est vraiment approprié à ce moment-ci? Est-ce qu'on ne devrait pas attendre un peu que les gens s'habituent au nouveau mode de scrutin? Deuxièmement, si ça nous conduit à un «split voting», est-ce que ce ne sera pas finalement accroître les distorsions plutôt que de les éliminer?
n(12 h 10)nM. Tanguay (Brian): O.K. D'abord, je pense, si on regarde les résultats d'une réforme électorale en Nouvelle-Zélande, par exemple, ou en Écosse, les citoyens semblaient capables de comprendre le nouveau système assez facilement. Donc, à mon avis, oui, le système évoqué, prôné par la Commission de droit est plus compliqué que le système présent, mais ce n'est pas tellement compliqué que le citoyen dit ordinaire ne pourrait pas le comprendre. Et je pense que la complexité d'un tel système est exagérée par les critiques d'un tel système. Et on le voit ailleurs dans le monde pour confirmer cette observation.
Deuxièmement, «split voting», encore une fois, si on regarde la situation ailleurs dans le monde, tel qu'en Nouvelle-Zélande, ça ne crée pas de distorsion majeure. Mais les résultats sont très proches de la proportionnalité. Les distorsions découlent du fait parfois... du fait qu'un seul parti domine dans les circonscriptions. Ce n'est pas le «split voting» qui est la source du problème, c'est le fait qu'un seul parti domine à un niveau dans un système mixte.
M. Pelletier: Merci.
Le Président (M. Ouimet): Merci. Je vais aller maintenant du côté de l'opposition officielle. Donc, M. le député de Masson.
M. Thériault: Merci, M. le Président. Alors, Pr Tanguay, bienvenue parmi nous. Vous avez soulevé, dans votre présentation, le cynisme de la population à l'égard des institutions démocratiques, à l'égard de la politique en général. Ne croyez-vous pas qu'un débat aussi important, bon, qui a été amorcé dans certaines sphères restreintes, depuis 30 ans, au Québec mais qui n'a pas occupé l'espace et les préoccupations politiques de la société québécoise dans son entièreté, là, depuis 30 ans, ne croyez-vous pas que... mais, depuis 2002, en tout cas au Québec, en instituant un Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, en créant une première phase de consultation qui était les états généraux, on venait tranquillement... et avec cet avant-projet de loi à cette commission-ci, on vient comme instituer, là, un processus comme irréversible d'amélioration de nos institutions démocratiques, mais que, dans l'ensemble de la population, il n'y a pas grand monde qui discute des avantages et des inconvénients des différents modèles?
Par contre, le débat perdure depuis 30, 40 ans, et, le droit de vote, l'opposition officielle croit que ce n'est pas un droit d'expert, de politicien ou d'initié, c'est un droit d'électeur. En conséquence, Mme Tremblay, hier, de l'Université d'Ottawa, nous disait qu'en Nouvelle-Zélande justement ? parce que, nous, l'opposition officielle, nous avons abondamment cité la Nouvelle-Zélande; qu'en Nouvelle-Zélande ? le processus sérieux amorcé avait débuté en 1986, avait donné lieu à deux référendums, après quoi il y avait eu, suite à l'instauration du nouveau mode de scrutin, un certain nombre de problèmes. J'aimerais vous entendre sur ces problèmes-là.
Mais en même temps l'opposition officielle croit qu'on ne peut pas, dans le contexte actuel où on accepte qu'il y a cynisme face à la chose politique, passer à côté de l'occasion historique de mêler les citoyens à l'intérieur de la détermination des nouvelles règles, parce qu'il en va de la pérennité du système que l'on va mettre en place.
Alors, je voudrais vous entendre là-dessus, sur l'obligation au fond de le faire correctement, de manière exemplaire et que la manière de faire pour y arriver est aussi importante que le modèle qui sera arrêté, dans un premier temps: donc plébiscite lors de la prochaine élection, dans deux ans, ou encore un référendum, pour les vertus pédagogiques que cela peut comporter. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Tanguay (Brian): Oui. Merci pour la question et pour vos commentaires. Parlant comme citoyen ordinaire et non pas expert, je suis complètement d'accord que le processus compte aussi que le résultat ou la réforme prônée et que c'est dans notre... À ce moment, dans notre système démocratique, où il y a un tel niveau de cynisme envers la classe politique à travers les pays industrialisés, il est absolument essentiel qu'on donne la chance, la voix aux citoyens eux-mêmes de décider de cette question, et donc, moi, je serais complètement en faveur d'un plébiscite ou d'un référendum sur cette question. Je pense que c'est absolument nécessaire. Et pour cette raison je croyais que le processus adopté en Colombie-Britannique a été génial, même si les résultats n'ont pas franchi le seuil assez haut créé par le gouvernement de Campbell. C'était une chance de donner la voix démocratique aux citoyens, et je pense que c'était une expérience très importante dans l'histoire politique au pays.
M. Thériault: Pourriez-vous nous élaborer un peu plus sur les problèmes... Vous avez, dans votre article publié dans le Winnipeg Free Press, 17 avril 2004, fait état de problèmes survenus, là, dans la mise en place de la réforme en Écosse, en Nouvelle-Zélande. Pourriez-vous nous expliquer un peu ce qui s'est passé?
M. Tanguay (Brian): O.K. Je pense que le problème le plus grand, dans les castes par exemple, c'est la question des deux classes, des deux espèces de représentants et que, dans ce cas, c'était devenu un problème. Les députés élus dans les circonscriptions étaient soupçonneux des députés élus sur les listes des partis politiques. Ce n'était pas vraiment le cas en Nouvelle-Zélande, et surtout pas en Allemagne, mais je ne sais pas si c'est une question de culture politique, par exemple, en Écosse, de la culture au sein du Parti travailliste, par exemple, où c'était très difficile de s'entendre avec la nouvelle classe de représentants. Donc ça, c'était le problème le plus important.
M. Thériault: Certaines personnes sont venues nous dire que, dans le contexte politique canadien et compte tenu de la dynamique de l'État québécois versus l'État fédéral, il serait préférable qu'il y ait, d'abord et avant tout, une réforme au niveau fédéral avant qu'il y en ait une au Québec. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Tanguay (Brian): À mon avis, je pense que le Québec doit prendre la décision lui-même, et ça ne va pas être Ottawa qui va prendre le devant sur cette question. Je pense que le Québec pourrait décider lui-même quelle sorte d'institution démocratique ou politique il veut adopter comme province. Et donc, à mon avis, le temps est maintenant d'agir sur cette question de la réforme électorale. J'aurais dû dire que la réforme électorale n'est pas une panacée, ça ne va pas résoudre tous les problèmes politiques, et probablement ça ne va pas faire disparaître le cynisme croissant d'une bonne partie des citoyens dans le pays et dans nos provinces, mais...
Le Président (M. Ouimet): M. Tanguay, je dois vous interrompre parce qu'on a dépassé le temps alloué à l'opposition officielle. Je vais aller maintenant du côté des citoyennes et des citoyens. Donc, M. Acharid s'est inscrit. M. Acharid.
M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Tanguay. Dans l'avant-projet de loi, il est suggéré d'avoir 25 régions. Vous, vous avez parlé de cinq régions. Est-ce que vous pouvez élaborer davantage sur ce sujet?
n(12 h 20)nM. Tanguay (Brian): O.K. Je n'ai pas fait un modèle pour le Québec; je travaille sur un modèle pour l'Ontario à cette heure-ci, puisque nous sommes engagés dans un projet ici, en Ontario, qui considère la réforme électorale, donc je ne pourrai pas indiquer quelles doivent être les régions au Québec. Je sais que, lorsque je dis «cinq régions, 10 sièges chacune», ça pourrait créer des problèmes au niveau régional. Est-ce que ça pourrait représenter toutes les régions de la province? Je ne sais pas. Je ne suis pas certain.
Donc, il faut essayer de balancer le désir d'une législature plus proportionnelle, plus représentative avec le désir de représenter toutes les régions dans la province, et ça, il n'y a pas d'équation, d'algorithme scientifique pour déterminer cette question. Il faut un débat parmi les différents groupes dans la société civile au Québec et parmi les différents partis politiques pour essayer de déterminer le nombre, le bon nombre de régions sur ce deuxième volet du vote. Mais je dirais... je pourrais dire que le nombre de régions envisagé par l'avant-projet de loi, au Québec, est trop grand, et ça créerait des seuils très difficiles, pour les tiers partis, à franchir.
Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, M. Acharid. Mme Loucheur.
Mme Loucheur (Yohanna): Bonjour, M. Tanguay. Vous avez situé, tout à l'heure, la discussion sur la réforme dans la perspective historique des changements profonds qui ont lieu depuis l'instauration du système qu'on a maintenant, en parlant notamment de la mobilité accrue des gens, de la diversité de la population aussi qui augmente. Et par ailleurs une des inquiétudes qu'on entend beaucoup, c'est le fait qu'en augmentant, avec la réforme qui est proposée... Toute réforme en fait allant vers un mode proportionnel augmente la taille des circonscriptions, établit peut-être plus de distance entre les députés et le territoire, la population, et je me demandais donc: Dans la mesure où la société a changé, est-ce que vous voyez aussi un changement dans la conception qu'on peut avoir du rôle du député? Et je comprends qu'au niveau fédéral ça peut être différent, mais, par exemple, dans votre travail, en Ontario, en ce moment, est-ce qu'il y a aussi des réflexions qui se font de ce côté-là et qui pourraient peut-être, jusqu'à un certain point, amoindrir les craintes qu'il peut y avoir dans la réforme?
M. Tanguay (Brian): Merci. Très, très bonne question. C'est complètement vrai qu'une réforme telle que celle prônée par la Commission du droit va nécessairement élargir la taille des circonscriptions et, au niveau fédéral, ça pourrait créer des problèmes, puisque certaines circonscriptions urbaines pourraient comprendre presque 200 000 personnes comme population. C'est très grand, mais ce n'est pas hors de l'ordinaire, hors de la norme en Europe, donc ça pourrait fonctionner. Il faut probablement créer un rôle de représentation territoriale pour les députés élus sur la liste des partis et, pour faire cela, il faut absolument avoir une sorte d'entente, de modus vivendi entre les deux classes de députés. C'était ça qui n'a pas fonctionné de façon très efficace, certainement pas parfaitement en Écosse. Ils avaient essayé de créer une sorte de division de travail et de créer des règles pour déterminer la conduite des deux classes de représentants, puisque les représentants élus sur la liste des partis politiques voulaient avoir un rôle dans les circonscriptions pour représenter les intérêts des groupes ou des citoyens qui se sentent aux marges du système. Donc, à mon avis, on pourrait... Ce ne sera pas facile du tout, et je ne voulais pas indiquer que ça va être très facile, qu'on pourrait avoir un coup de baguette pour créer cette sorte de division de travail entre les deux classes de représentants qui pourrait donner à chacune des classes, à chacune des entités un rôle dans les territoires, dans les circonscriptions, mais ça pourrait fonctionner.
Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme Loucheur. Je retourne du côté ministériel. Mme la députée de Chauveau.
Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous, M. Tanguay, d'être avec nous ce matin. J'ai deux questions, la première sur... Je vous ai entendu parler, tout à l'heure, de la stabilité gouvernementale qui, à votre point de vue, ne serait pas menacée par l'instauration d'un système mixte compensatoire, alors que d'autres collègues universitaires sont venus nous dire le contraire. Ils nous ont dit qu'il était préférable de maintenir le statu quo parce que l'électeur finalement, même s'il gagnait en représentation peut-être de son point de vue ou du parti politique qu'il veut choisir, il perdrait en stabilité gouvernementale. C'est ma première réflexion.
La deuxième, dans l'avant-projet de loi, il y a des modalités d'exercice du droit de vote qui sont proposées. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance. Je veux savoir si, à votre point de vue, ces modalités à elles seules pourraient augmenter l'exercice du droit de vote chez les électeurs.
M. Tanguay (Brian): O.K. Très bonne question. Encore une fois, sur la question de la stabilité gouvernementale, si on a un seuil pour la représentation des tiers partis, des partis mineurs, ça réduirait les chances d'avoir un système où l'instabilité règne, tel qu'en Israël, par exemple. L'exemple d'Israël et de l'Allemagne de Weimar est souvent cité par les critiques d'un système proportionnel plus proportionnel. Mais, avec un seuil de facto ou législatif, ça réduirait les chances d'avoir l'instabilité gouvernementale.
Il y aura quand même, il faut le reconnaître, il y aura un certain problème du point de vue de la politique, c'est-à-dire qu'il y aura un délai entre le vote et la formation d'un gouvernement, et ça pourrait faire fâcher les électeurs. On l'a vu en Nouvelle-Zélande, la première fois que le nouveau système a été adopté, en 1996, il y avait presque deux mois entre le jour de l'élection et la formation d'un gouvernement, et la coalition qui a été créée était décevante pour beaucoup de partisans qui croyaient qu'un parti qui s'appelle New Zealand First... ses partisans croyaient que ce parti allait soutenir le Parti travailliste, mais il a choisi de soutenir le Parti national. Donc, cette sorte de résultat pourrait décevoir les électeurs et pourrait créer des remous au niveau du cynisme politique. Ça, c'est le problème, probablement. Plutôt que l'instabilité gouvernementale en elle-même, c'est le délai de former un gouvernement qui pourrait créer des problèmes politiques.
Deuxième chose, est-ce qu'un nouveau système électoral va adresser, sinon résoudre le problème d'un taux de vote qui chute de façon apparente? Et ça, sur cette question, les recherches sont mixtes, sont divisées, et, les rechercheurs... il n'y a pas vraiment de consensus. Il y a cinq ans ou 10 ans, on croyait qu'un système plus proportionnel donnerait...
Le Président (M. Ouimet): Je vais vous inviter à conclure parce qu'il nous reste quelques secondes à peine.
M. Tanguay (Brian): O.K. O.K. ...que ça pourrait... «That could raise the level of voting... turn out.» Mais, en Nouvelle-Zélande, par exemple, ce n'était pas le cas. Même avec un nouveau système électoral, le taux de participation continue de chuter, et donc cette question de taux de participation, surtout parmi les jeunes électeurs, c'est une question qui est beaucoup plus grande que la réforme électorale. Il faut l'adresser d'une autre façon...
Le Président (M. Ouimet): Alors, M. Tanguay, au nom de tous les membres de la commission parlementaire, je vous remercie infiniment d'avoir accepté notre invitation. Votre témoignage nous est très précieux, et je tiens à vous remercier à nouveau.
M. Tanguay (Brian): Merci à vous.
Le Président (M. Ouimet): Merci. Au revoir.
M. Tanguay (Brian): Au revoir.
Le Président (M. Ouimet): Alors, je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, après la période des affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 15 h 42)
Le Président (M. Ouimet): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur la Loi électorale reprend ses travaux. Je demanderais encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi électorale.
Je m'excuse à l'avance, au nom de tous les collègues, auprès de nos invités, nous étions pris en Chambre sur une motion soulignant le 60e anniversaire de la fin de la guerre, voilà. Alors, ça a pris un peu plus de temps. Je vais essayer de répartir le temps équitablement entre les trois groupes qui seront devant nous, cet après-midi, et on verra par la suite, vers les 18 heures, si on a besoin de plus de temps.
Alors, M. Jean-Herman Guay, bien connu, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je constate que vous avez déjà pris place. Je vais vous céder un droit de parole pendant une période de 20 minutes, puis par la suite nous amorcerons les échanges avec les parlementaires. À vous la parole.
M. Jean-Herman Guay
M. Guay (Jean-Herman): Merci beaucoup. Ça valait la peine de prendre du temps pour commémorer et se rappeler le 60e anniversaire de la fin de la guerre, puisque les gens se sont battus pour la démocratie. Je vais vous livrer de larges extraits du document que j'ai préparé, et après ça me fera plaisir bien sûr d'échanger avec vous pour l'essentiel. Je me suis moins intéressé à certains détails, à certaines technicalités, je me suis plus centré sur les grands principes.
Donc, dans une société démocratique dotée d'un régime parlementaire, on attend du mode de scrutin qu'il respecte deux critères, celui de la représentativité et celui de l'efficacité: représentativité des opinions, des idées; efficacité des gouvernements. Avec l'émergence d'opinions publiques moins homogènes, plus fragmentées, les deux principes semblent cependant entrer en contradiction. De 1867 à 1966, lors des 28 premières élections générales québécoises, on a pu voir un parti franchir la barre du 50 % des suffrages dans 22 cas. Lors des neuf dernières élections, soit depuis 1970, cette barre n'a été atteinte qu'à deux occasions. Ce qui était fréquent est devenu rare. Le dilemme des réformateurs, dont moi, est donc celui-ci: Comment réduire l'écart entre le pourcentage de suffrages accordés aux différentes formations politiques et le pourcentage de sièges obtenus par chacune sans trop mettre en péril l'existence de majorités parlementaires et, du même coup, l'efficacité de la gouvernance? Forcément, tout le monde en convient, il nous faut donc trouver un point d'équilibre entre les deux principes. Lequel? Et par quel mécanisme? Voilà ce qui m'amène devant vous.
D'emblée, je dois vous dire que je crois en la nécessité d'une réforme, mais je crois tout autant que la proposition présentée par le gouvernement du Québec découle d'un mauvais diagnostic. Mon analyse, vous le constaterez, ne me conduit pas à cent lieues de la proposition ministérielle, elle m'amène néanmoins dans une voie qui n'a pas été suffisamment quant à moi explorée.
D'abord, le diagnostic, premier point, le plus important peut-être. Dans les documents appuyant la proposition ministérielle, on retrouve l'affirmation suivante: «La première leçon qui se dégage, sans surprise, est l'asymétrie fort prononcée produite par le mode de scrutin majoritaire.» Le Parti québécois ? je suis un peu plus loin ? jouirait, selon cette analyse, d'un avantage structurel de cinq à sept points. En somme, le système électoral favoriserait le Parti québécois au détriment du Parti libéral.
Sur la base de cet argumentaire, les querelles partisanes se sont enflammées dès que la proposition gouvernementale a été connue. Les opposants à la réforme ont vu en celle-ci une stratégie qui augmenterait la probabilité de victoire des libéraux. Victimes de l'hyperbole propre au débat ? j'y ai moi-même participé et je connais l'hyperbole, et vous êtes bien placés pour la connaître ? plusieurs intellectuels proche du camp nationaliste ont été jusqu'à écrire: «On se retrouverait avec un Parti libéral indélogeable[...]. Le mode proposé, disent-ils, diminuerait le pouvoir de la majorité francophone dans un contexte où le Québec n'est ni souverain ni reconnu comme société distincte.» Un commentateur bien connu de la scène politique a écrit: «Soit, le système actuel surévalue le poids de la majorité francophone puisque le vote anglophone est concentré dans un petit nombre de circonscriptions. Dans le contexte d'une société distincte par sa langue et sa culture au Canada et en Amérique du Nord, dit-il, est-ce un si grand tort?» Je ne questionnerai pas ici l'éthique de ce dernier argumentaire. J'ai par ailleurs dit que j'étais contre ce type d'argumentaire. Je veux seulement souligner que les deux points de vue, bien qu'opposés sur la suite à donner, se rejoignent quant au diagnostic: notre système défavoriserait le Parti libéral. Mon analyse m'amène plutôt à croire qu'on a surévalué ce problème. Les travaux qui ont servi à élaborer la proposition ministérielle sont fondés sur des modèles découlant des deux dernières élections, celle de 1998 et celle de 2003. Quant aux intellectuels de l'autre camp, que je ne nommerai pas, je crois qu'ils ont les yeux rivés sur à peu près la même période.
Or, quant à moi, quand on envisage la réforme du mode de scrutin, l'horizon doit être plus large, plus vaste. Un examen des neuf dernières élection, soit depuis 1970, met en lumière des situations bien différentes d'un avantage systémique ou structurel pour le Parti québécois. Rappelons-nous, en 1970, il n'y a pas si longtemps, là, en 1970, le PQ, avec 23 % du vote, n'obtenait que 6,5 % des sièges. En 1973, avec 30 % du vote, 30 % du vote, ils récoltaient un chétif 5,5 % des sièges. Les gens du Parti québécois devraient se rappeler qu'en 1985, avec 38,7 % des votes, ils n'ont obtenu que 19 % des sièges. Ont-ils oublié qu'en 1989 ? il n'y a pas si longtemps; qu'en 1989 ? avec 40 % d'appui populaire, ils n'ont été chercher qu'un maigre 23 % des sièges?
Les péquistes ? ce n'est pas que je ne vise qu'eux, mais je vise aussi ces gens-là; les péquistes ? n'ont d'yeux que pour les derniers scrutins, où ils ont indéniablement tiré profit du système électoral. Quand on examine la répartition des suffrages sur une plus longue période, il est manifeste que le Parti québécois n'a pas un avantage structurel mais un avantage conditionnel. Et je fais cette distinction fort importante entre «structurel» et «conditionnel».
Dans la zone d'égalité, quand les deux ont à peu près le même pourcentage, le PQ gagne, c'est vrai. Dans la défaite, sa chute est cependant brusque. Les Libéraux, eux, ont plus de mal dans un cas d'égalité, mais jamais ils ne se retrouvent qu'avec une poignée de sièges. Plus encore, dans les victoires fortes, ils procèdent à un balayage.
Deux conditions favorisent les péquistes. Le Parti québécois doit obtenir au moins 30 % des votes. En bas du 30 % des votes, danger. Rappelez-vous de À hauteur d'homme. Les tiers partis doivent obtenir un appui faible chez les francophones. Si l'une de ces deux conditions n'est pas respectée, le malheur guette cette formation. Il ne garantit pas le malheur, mais il guette cette formation. Le biais est donc réel, je ne le nie aucunement, mais il est conjoncturel et lié à une distribution particulière des suffrages.
n(15 h 50)n Je vous prive des calculs que vous avez pu lire dans les deux pages suivantes et je vous amène au bas de la page 5.
Plusieurs types de calculs sont donc possibles pour établir le diagnostic. Les indices sont multiples, et les conclusions parfois contradictoires. Par contre, dis-je, quand on tente de faire un bilan, les données m'amènent à croire que l'avantage péquiste est circonscrit, pour ne pas dire faux dans bien des circonstances.
Certains me diront que le Parti libéral est systématiquement désavantagé par sa concentration du vote dans l'ouest de Montréal. Ont-ils raison? Formuler cette proposition en y incluant le mot «systématiquement» dans le sens de toujours, c'est oublier que cette concentration du vote donne aux libéraux un minimum de sièges, une planche de salut dans les périodes difficiles de son existence. Voilà l'une des raisons qui expliquent pourquoi le Parti libéral est le seul à avoir traversé le temps et surmonté les défaites. Ce désavantage devient, dans la durée, un avantage non négligeable, celui de survivre pour rebondir, ce qui n'est pas peu. Quel autre parti a plus de 100 ans?
Quittons l'univers des chiffres. Si les libéraux étaient structurellement désavantagés par notre mode de scrutin, pourquoi donc celui qui les a dirigés en 1970, 1973, 1976, 1985, 1989 s'est-il toujours employé à défendre le mode majoritaire? Et pourquoi donc, me direz-vous, le chef et le fondateur du Parti québécois s'est-il, lui, employé à vouloir le réformer alors qu'il en aurait tiré prétendument profit? Si le diagnostic sur lequel repose la réforme ministérielle était à ce point vrai, il faudrait que MM. Bourassa et Lévesque étaient irrationnels, ce qui n'a pas de bon sens. Permettez-moi plutôt de mettre en doute la généralité du problème diagnostiqué. Donc, je ne fais pas le même diagnostic que bien d'autres, je fais un diagnostic différent. Je ne nie pas que, dans certaines circonstances, le PQ soit avantagé, mais, dans d'autres circonstances, le PLQ est avantagé.
J'en arrive donc à cette première conclusion: notre système produit des distorsions, mais celles-ci ont des impacts équilibrés, du moins lorsqu'on prend en compte quelques mandats. Si l'on considère uniquement les situations d'égalité, un désavantage résiduel persiste qui affecte les libéraux. Mais, si l'on élargit l'analyse, le Parti libéral n'est plus une victime. Deux questions s'imposent: Au nom de quoi réformerait-on le mode de scrutin sur la base d'une telle restriction, quelques élections où il y a égalité? Il faut prendre en compte un ensemble de situations, et, moi, je prends en compte les neuf dernières élections générales.
Bien plus, en voulant corriger ce désavantage conjoncturel, la réforme, telle que proposée par le gouvernement, provoquerait-elle un mal supérieur? La mécanique de l'actuel système, bien qu'imparfaite, présente un indéniable avantage: elle procure une gouvernance stable. Le Québec n'a jamais connu de gouvernement minoritaire. En diminuant l'écart de représentation entre le premier parti et le second, cette réforme mettra au monde plus souvent qu'autrement des gouvernements minoritaires. C'était mon premier point.
Mon deuxième point, un autre diagnostic, une réforme différente. Évidemment, si on fait un diagnostic différent, il s'ensuit que le remède est différent. Pourquoi donc une réforme? Qui sont les perdants de notre mode de scrutin? Ce sont, quant à moi, les tiers partis, qui sont systématiquement et structurellement désavantagés. Avec moins de 15 % du vote, un parti risque tout simplement d'être absent de l'Assemblée nationale. 15 % du vote, c'est pourtant une personne sur sept. Pour échapper à la règle, un tel parti doit compter sur un appui local, possible mais rare. Quand le débat se situe au plan des idées, cet appui est souvent impossible. Par la création d'une vingtaine de régions électorales, même 23, 26, pour la distribution des sièges à la proportionnelle, la réforme ministérielle ne donne pratiquement aucune chance sérieuse aux petites formations de participer aux travaux de l'Assemblée. On rate alors, quant à moi, le coeur de la cible, corrigeant ce qui va plutôt bien et ne réformant pas ce qui va vraiment mal.
Pour mieux s'y retrouver, il faut identifier soigneusement deux distorsions: celle propre aux deux premiers partis et celle qui affecte tous les autres. Que doit-on chercher à corriger? S'acharner à corriger la première distorsion, entre le premier puis le deuxième, pourrait mettre quant à moi sérieusement en péril l'existence de la majorité législative. Or, c'est la seconde distorsion qui pose problème, celle qui affecte les tiers partis. Les vrais perdants du système actuel, ce sont avant tout des milliers d'électeurs: un, ceux qui appuient les tiers partis; deux, ceux qui, convaincus que leur vote doit être utile, s'imposent des choix difficiles, souvent des compromis qui, peu de temps après le scrutin, provoquent des déceptions. Les lunes de miel durent rarement très longtemps. Sont aussi perdants, en troisième lieu, tous ceux qui ne vont pas voter, déçus de l'offre partisane ou des choix alambiqués auxquels ils seraient contraints. Ce sont ces trois groupes qui sont structurellement ? et je reprends le mot ? ce sont ces trois groupes qui sont structurellement désavantagés.
La solution que je soumets à votre attention recoupe en partie la proposition ministérielle, mais elle s'en distingue aussi sur plusieurs points. Je dis oui à un mode mixte. J'y crois, c'est un bel avantage, on peut avoir, jusqu'à un certain point, le meilleur de deux mondes, mais il ne doit pas être compensatoire. C'est la principale divergence que j'ai avec la proposition qui est sur la table. La distribution des deux séries de sièges doit être indépendante.
Imaginons 75 sièges répartis selon le mode qu'on connaît. Ça pourrait être 77, mais imaginons 75 sièges répartis selon le mode qu'on connaît. Ces sièges maintiendraient la relation de base entre les élus et les électeurs. Cela assurerait un ancrage régional, qui nous tient à coeur, et local indispensable, compte tenu de la géographie du Québec. Ces 75 sièges continueraient d'induire la stabilité gouvernementale. Quant à la distribution des 50 autres, elle découlerait du pourcentage de votes obtenus par les partis dans les 75 circonscriptions du mode majoritaire. La liste, quant à elle, relèverait essentiellement des partis. Un même nom pourrait donc se retrouver sur la liste par circonscription et aussi sur la liste de scrutin.
Et je file parce que le temps nous presse. En somme, pour accroître la représentativité, je propose un simple système plus complexe que le nôtre mais beaucoup plus que celui proposé par le gouvernement. Je propose un système donc qui nous permet d'entrevoir, sur les neuf dernières élections, que les mêmes partis auraient été au pouvoir de 1970 à 2003, aucun gouvernement minoritaire, mais réduction de 40 % de la distorsion. Plus que cela, on doublerait, voire, on triplerait la présence de l'ADQ ou encore du Parti québécois en 1970 ou 1973.
Et je me permets, M. le Président, de terminer avec ça, avec ce mode de scrutin, ce type de liste. L'Assemblée aurait pu bénéficier des propos de René Lévesque en 1970 et 1973. Elle aurait même pu profiter de la fougue d'un Pierre Bourgault en 1966. En 1985, Robert Bourassa n'aurait pas eu à provoquer une élection complémentaire pour défendre son gouvernement en Chambre. Et, en 2003, Marie Grégoire, de l'ADQ, aurait été réélue. Et qui sait, si ce système était adopté, Françoise David pourrait peut-être siéger et défendre des idées qu'on entend fréquemment dans la société. Je vous remercie.
Le Président (M. Simard): Merci. Je sais qu'on vous demande d'aller très, très vite, mais, à cause de notre retard, on a un peu comprimé, ce qui fait qu'il y aura 10 minutes d'accordées au ministériel. J'invite tout de suite le ministre à prendre la parole.
M. Pelletier: Merci. Merci, M. le Président. Merci beaucoup, M. Guay, c'est toujours un plaisir de vous entendre. Et je dois dire que vos propos sont enrichissants, et on va certainement en tenir compte ici, dans cette commission. J'ai pris bonne note que vous plaidez en faveur d'un système mixte, mode mixte, mais non compensatoire, et effectivement donc ça mérite un examen.
J'ai noté cependant que vous étiez favorable à ce qu'il y ait un vote et non pas deux votes. La question s'est posée en cette commission. Elle est posée par différents experts. Certains sont favorables à deux votes, d'autres un vote. Dans votre cas, est-ce que vous verriez vraiment un inconvénient à ce que nous options pour les deux votes?
M. Guay (Jean-Herman): Dans une note de bas de page ? et c'est écrit en tout petit, vous n'avez peut-être pas porté attention à cet élément ? moi, j'y vois un aspect qui est relativement secondaire. Ça pourrait être deux votes, ça pourrait être un vote. Vincent Lemieux, je pense, il y a quelques jours, devant vous, disait: On pourrait commencer par deux élections avec un vote, le temps de familiariser, puis on pourrait prévoir qu'un peu plus tard il y aurait deux votes. Ça représenterait un avantage pour les tiers partis ou les petits partis, il n'y a pas de doute là-dessus. Mais je me place du point de vue de la pédagogie de l'électeur, il faut peut-être y aller par étapes. Mais je ne suis pas hostile à cette idée, et je ne suis pas à tout prix favorable. Pour moi, l'essentiel n'est pas là, et il ne faudrait pas s'enfarger dans les fleurs du tapis, quant à moi, en mettant tout l'accent sur un vote ou deux votes. Ce qui est beaucoup plus important, c'est comment on concilie la représentativité et la stabilité gouvernementale.
n(16 heures)nM. Pelletier: Nous savons qu'évidemment, avec un système comme celui que vous proposez, comme d'ailleurs celui que nous proposons, nous pourrions aboutir avec deux types de députés: des députés de liste et des députés de circonscription. Pour plusieurs personnes, ça pose un problème, ça. On ne sait pas trop, trop, au Québec, comment nous pouvons composer avec une telle situation. Je ne sais pas si vous avez examiné la situation de pays étrangers ou d'États étrangers, si vous pouvez nous dire comment, en fin de compte, eux, ces pays-là, ont composé avec une telle réalité ou comment, nous, au Québec, nous pourrions faire.
M. Guay (Jean-Herman): Ce que je crois, c'est que la plupart des gens qui seraient inscrits sur les listes du parti seraient des gens qui aussi feraient campagne pour être élus bien sûr dans les circonscriptions, et donc dans les 75 premières circonscriptions. Et donc, dès qu'une personne bien sûr serait élue dans une circonscription, son nom serait rayé de la liste, et on passerait au suivant pour l'allocation. Je vous le dis dès maintenant ? et je rejoins Pierre-F. Côté, je rejoins aussi M. Massicotte, je rejoins la plupart des observateurs sur cette question-là ? rien ne nous indique que ça crée des problèmes majeurs ou que ça crée une hiérarchie. Je pense que c'est plus une question de gestion interne, à l'intérieur des partis, à l'intérieur des caucus, sur la distribution des postes et des pouvoirs, et je ne pense pas qu'il y ait là un problème fondamental.
M. Pelletier: Je reviendrai, M. le Président...
Le Président (M. Simard): Donc, j'invite le député de Masson à poser la prochaine question.
M. Thériault: Alors, Jean-Herman Guay, bienvenue. Ma première question sera celle que je pose à tous les experts qui sont venus ici. Se basant sur l'expérience de la Nouvelle-Zélande, partant du fait que nous pensons, nous, que la manière de faire est aussi importante que le modèle en question, ne croyez-vous pas qu'il serait préférable, puisqu'en Nouvelle-Zélande, entre autres, le processus a commencé sérieusement en 1986 et s'est terminé en 1996, sur 10 ans, deux référendums, ne croyez-vous pas qu'il serait important, compte tenu du fait que cette question de la réforme de mode de scrutin a été sérieusement mise en place à partir de 2002, hein, avec un secrétariat, etc., ne croyez-vous pas qu'il serait intéressant et il ne faudrait pas passer à côté d'un référendum ou d'un plébiscite afin que la pérennité de cette réforme-là soit assurée, qu'elle ait une certaine légitimité et que le cynisme dont on parle à propos des institutions démocratiques ne puisse être en quelque part évacué par le fait qu'on met les citoyens au coeur de la décision et de l'arbitrage nécessaire entre les inconvénients et les avantages de chacun des modes de scrutin?
M. Guay (Jean-Herman): Votre question est fort intéressante. Ma réponse est celle-ci: Je ne crois pas que la question en soi soit trop complexe pour les électeurs. C'est une question complexe, il n'y a aucun doute là-dessus, mais je ne dirais pas «trop». Pourquoi? Parce que je vous répondrais que l'option que plusieurs défendent au Québec et que vous défendez, la souveraineté, est une question encore plus complexe, et on la soumet néanmoins à l'attention. Les fusions, défusions au plan municipal, c'est une question également complexe, et on l'a soumise à l'attention des électeurs également. Et donc, moi, je ne suis pas hostile à cette idée.
Je crois cependant que l'intérêt des électeurs pour ces problématiques est faible. Ça apparaît comme une technicalité, comme une procédure, et pour eux ils ne voient pas d'enjeux directs, enjeux qui vont affecter leur propre existence, leur propre vie, ce qui a été différent pour le cas des municipalités ou le cas du Québec parce que c'est une question d'appartenance: à quelle municipalité j'appartiens ou à quel pays j'appartiens. Et donc ce n'est pas la complexité qui est en jeu.
Mais j'irais plus loin parce que cette question me pose problème. Et vous allez comprendre le lien que je fais entre ma proposition et le diagnostic que je fais. Si vous pensez comme plusieurs que notre système électoral avantage un groupe linguistique de manière systémique ou structurelle, je vois d'un très mauvais oeil qu'on lésine, qu'on retarde et même qu'on demande à la majorité si elle est d'accord pour maintenir une discrimination systémique. Je trouve ça en partie renversant du point de vue démocratique. Mais, moi, ce n'est pas mon diagnostic. Moi, ce n'est pas mon diagnostic, mais ça semble être le diagnostic d'un certain nombre de personnes, et ceux-là ne devraient pas demander la tenue d'un référendum ou d'un plébiscite sur cette question parce que, là, ça devient demander le droit à la minorité pour décider des droits fondamentaux d'une minorité. Vous comprenez l'enjeu. Mais, moi, je n'ai pas de problème...
Cependant, ce que je souhaite ? et je rejoins bien d'autres; ce que je souhaite ? c'est que les trois partis qui sont présents à l'Assemblée nationale mettent un peu d'eau dans leur vin, pensent à la démocratie d'abord et avant tout, mettent de côté leur calculatrice de votes et s'intéressent essentiellement à l'avenir de la démocratie au Québec. Et je pense que, de ce point de vue là, ils sont capables de trouver un point médian où aucun ne serait totalement satisfait mais où un certain nombre ou les trois pourraient y tirer profit d'une manière ou d'une autre. Et je pense que les systèmes électoraux, les expériences dans les différents pays offrent des possibilités permettant une entente entre les trois partis.
M. Thériault: Excusez-moi, M. Guay, je n'avais que sept minutes pour vous poser un certain nombre de questions. Vous dites: Je ne suis pas d'accord avec Vincent Lemieux qui prétendait qu'on ne pouvait pas aller en référendum, compte tenu de la complexité. Et vous dites: Les citoyens sont capables de comprendre les enjeux. Nous pensons que, dans un système démocratique comme le nôtre, le consentement libre et éclairé, dans la détermination d'un nouveau mode et de la dynamique démocratique et politique, est nécessaire. Libre au sens où il doit y avoir une analyse comparative et éclairé, au sens où il doit y avoir une information assez grande. Et le défi de cette commission, ce sera de voir quel rayonnement on a. Parce que le droit de vote n'est pas un droit ni d'expert ni d'initié, est un droit d'électeur et qu'à ce titre-là il serait peut-être davantage... on serait davantage capables de dépasser ce que vous identifiez comme étant la partisanerie si on fait trancher le débat par les citoyens. En autant qu'on est capables de mettre sur table l'arbitrage qui doit être fait.
M. Guay (Jean-Herman): Oui, mais, si les trois partis s'entendent, on est capables de faire l'économie d'un référendum, d'un débat de société. Et je le répète, moi, je crois que les électeurs seraient capables de se saisir, et dans certains pays certains électeurs...
M. Thériault: Je m'excuse de vous interrompre, mais croyez-vous que les trois partis pourront s'entendre à partir de ce qui est mis sur la table actuellement, alors que tous les experts qui sont venus nous voir ont reconnu que ça pervertissait l'idée même d'un système mixte proportionnel compensatoire?
M. Guay (Jean-Herman): Voilà pourquoi, moi, j'arrive avec une proposition quelque peu différente qui recoupe sur certains points la proposition ministérielle mais qui, en même temps, est différente. Pourquoi? Parce que, quant à moi, la formule que j'avance, qui est imparfaite aussi, a l'avantage de répondre au vrai problème structurel de notre mode de scrutin qui est l'absence quasi totale des petits partis ou des partis qui obtiennent moins de 10 % ou moins de 15 % des suffrages en Chambre. Pour moi, c'est ça qui est le problème.
Mais, si le problème est... si la correction qui doit être faite est entre les deux grandes communautés linguistiques au Québec, francophone et anglophone, et si on pose le problème en termes de: Les francophones vont perdre un avantage, moi, je ne souscris pas à un référendum de cette manière et sur la base de ce diagnostic. Donc, vous comprenez que le diagnostic a son influence dans est-ce qu'on est d'accord ou pas d'accord...
M. Thériault: Mais j'ai de la difficulté à vous suivre, là, parce que je situe la nécessité du référendum ? et ce sera la troisième fois que j'essaie de le faire ? non pas au niveau de la prise de position à savoir qui, dans l'occupation du territoire, ça favorise ou pas, je vous dis: Sur la simple base des principes démocratiques régissant une nouvelle dynamique politique et démocratique, est-ce qu'il n'est pas justement préférable de prendre le temps qu'il faut? Puisque, de toute façon, l'avant-projet de loi, on a dit que c'est 2011, l'application. Il y a des élections qui s'en viennent, générales, d'ici deux ans, deux ans et demi, nous aurions une occasion en or et historique de pouvoir, pendant cette élection, faire un plébiscite, une question simple et donc commencer à faire en sorte que les changements à nos institutions démocratiques puissent traverser une première étape qui deviendrait à ce moment-là irréversible.
M. Guay (Jean-Herman): Ma réponse, je vais la faire très, très brève: cela serait intéressant, certains pourraient juger ça souhaitable, mais je ne juge pas que cela est nécessaire.
Le Président (M. Simard): Alors, Mme la députée de La Pinière, vous avez manifesté...
Mme Houda-Pepin: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'étais en train de réfléchir sur le modèle que vous nous proposez à la page 8, et vous allez m'aider à comprendre en fait, puisque vous êtes d'accord avec le mode de scrutin proportionnel mais pas compensatoire. Et je comprends que vous suggérez qu'il y ait 75 députés de circonscription pour maintenir le lien entre les élus et la population qu'ils représentent, et, au lieu d'avoir une formule compensatoire avec des districts au niveau des régions, vous proposez 50 autres élus qui découleraient du pourcentage de votes obtenus par les partis, par les partis à l'échelle du Québec. Est-ce que je dois comprendre qu'on pourrait se retrouver avec des partis qui ont des élus de circonscription et des élus de pourcentage de vote et d'autres partis qui seraient seulement des partis de l'une ou l'autre des catégories? C'est ça que vous suggérez?
n(16 h 10)nM. Guay (Jean-Herman): Bien, dans tous les cas de ceux qui auraient obtenu un certain pourcentage quant aux circonscriptions, aux 75 circonscriptions, il y aurait forcément un pourcentage à la liste, mais l'inverse n'est pas vrai. Il pourrait y avoir, et en Allemagne c'est le cas, il y a un certain nombre de partis qui obtiendraient, comme on peut penser au Québec... Un parti qui a 10 % des suffrages mais répartis dans toutes les circonscriptions, il peut n'avoir aucun siège, mais il pourrait avoir, à ce moment-là, quelques sièges sur la base des listes.
Le problème, c'est qu'en voulant refaire des régions pour ces sièges à la proportionnelle, bien, là, vous vous trouvez à diviser des trop petits nombres, et là il n'y a plus de marge de manoeuvre pour obtenir un siège, et c'est là que l'arithmétique de la division des sièges proportionnels pose un problème pour les petits partis, qui n'entreront pas. Quand vous prenez 125 sièges puis que vous créez 26 régions, bien il y a un problème insurmontable qui est de l'ordre de la simple division. C'est que vous maintenez le blocage, le frein, et vous empêchez que 15 %, ça donne un siège dans la plupart des cas. Et vous comprenez donc le dilemme.
Le dilemme, c'est parce que la compensatoire, elle a l'énorme désavantage... Elle a plein d'avantages aussi, mais elle a un énorme désavantage, c'est qu'elle annule le gain du premier parce qu'on compense, on se sert des sièges à la compensatoire pour faire justement la correction qui s'impose découlant. Et, en faisant ça, on aboutit à un résultat qui est quasi proportionnel, mais les petits partis restent absents, de sorte que ce que la réforme propose ? et je rejoins un peu la préoccupation; ce que la réforme propose ? elle propose en fait d'enlever les distorsions pour les deux plus gros, mais elle n'enlève pas la distorsion pour les petits partis, et c'est là qu'est la lacune majeure. Dans une société moderne comme la nôtre, avec une pluralité d'opinions ? vous n'avez, vous le savez, qu'à ouvrir les journaux puis à écouter les lignes ouvertes ? on se retrouverait quand même avec une assemblée nationale disposant de fort peu de partis. Et c'est pour ça que, moi, je prends ces 50 sièges là, et je dis: Ouvrons le jeu pour ceux-là.
Mme Houda-Pepin: D'accord. Maintenant que j'ai compris votre logique, je voudrais vous ramener sur le statut des élus, des députés, et faire le parallèle avec le modèle de gouvernance. On a entendu d'autres experts qui nous ont dit que la question du...
Une voix: ...
Mme Houda-Pepin: Ah, excusez-moi, mon collègue va prendre le temps, mais je voulais très rapidement vous dire qu'il y a une question aussi qui se pose au niveau des statuts des députés de circonscription et ceux qui sont élus sur... pas sur des listes mais sur le pourcentage.
M. Guay (Jean-Herman): J'ai déjà eu l'occasion... Et je rejoins la plupart des spécialistes et des analyses qui ont été faites en Allemagne, en Écosse. Et Pierre-F. Côté, hier ou avant-hier, ou je ne sais trop quand, vous a dit que le rapport Jenkins, en Angleterre, montrait qu'il n'y avait pas vraiment de difficultés. Il peut y avoir des difficultés, mais c'est un ajustement en Chambre et dans les caucus qu'il faut faire dans la distribution des postes. Et donc je pense que ça relève plus de la culture des partis et des fonctionnements internes des partis que du mode de scrutin lui-même.
Le Président (M. Simard): M. le ministre.
M. Pelletier: Les trois partis politiques actuellement présents à l'Assemblée nationale sont favorables à un mode mixte compensatoire. Bon. Alors, prenons l'hypothèse où c'est ça qu'on gardait comme système, quels changements, à ce moment-là, vous proposeriez pour rendre ça, disons, plus vivable, plus acceptable?
M. Guay (Jean-Herman): Bien, le problème, c'est que, moi, quand je reprends la liste des caractéristiques du mode de scrutin, je suis d'accord avec plusieurs: mixte, oui; 75-50, ou 77-50, ou quelque chose de semblable, je suis d'accord avec cette proportion-là; l'idée de un vote, ça me semble être préférable, mais je ne suis pas hostile à deux votes; des listes de partis, je suis d'accord avec ça; double candidature, je suis d'accord avec ça. Le seul élément où, là, vraiment j'ai un problème, c'est l'élément compensatoire parce qu'à ce moment-là on se serait retrouvés ? et corrigez-moi si je me trompe ? avec un gouvernement minoritaire en 1998, un gouvernement minoritaire en 1994, un gouvernement minoritaire en 1976, puis en 2003, si je regarde attentivement les projections qui ont été faites, on risquait un gouvernement minoritaire. Et donc on se serait retrouvés avec une collection de gouvernements minoritaires.
Si on était géographiquement collés sur les Pays-Bas, ou la Suisse, ou l'Autriche, si on était en plein milieu de l'Europe, je n'y verrais absolument aucun problème. Mais nous sommes en Amérique du Nord, nous sommes dans un contexte où tous les Exécutifs d'Amérique du Nord sont stables, les gouvernements sont stables. Aux États-Unis, dans les États de la Nouvelle-Angleterre, ils sont stables. Au Canada, ils sont stables. Et, même si le Québec était souverain, ça changerait peu de choses. Et je souhaite, moi, qu'il y ait maintien de l'efficacité gouvernementale, d'une forte efficacité gouvernementale, et ça me semble être une donnée fort importante dans l'équation qu'on doit résoudre. Il n'y a pas de solution miracle, je ne prétends pas que ma solution est miracle. Mais je pense que la difficulté, c'est le mot «compensatoire» qui nous ramène à des gouvernements souvent minoritaires, tandis que la proposition que je mets de l'avant pourrait induire des gouvernements minoritaires mais beaucoup moins souvent. Donc, c'est la distinction.
Donc, moi, la correction que je ferais, pour répondre à votre question, c'est que je ferais deux corrections. J'enlèverais le mot «compensatoire», je garderais les 65 sièges qu'on les connaît et j'aurais 50 sièges qui seraient répartis à travers tout le Québec. Et je dis 50, je pourrais dire 40, je pourrais dire, à la limite, 35. Mais cela permettrait, ces 35, ou ces 40, ou ces 45, ou ces 50... ou même, à la limite, envisageons 25 sièges. Avec 25 sièges en proportionnelle, il suffirait de 4 % du vote pour qu'un parti puisse enfin se faire entendre et qu'il y ait plus de diversité à l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Simard): On a bien compris, mais on doit passer rapidement à l'Action démocratique, au député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard: J'ai combien de temps, M. le Président?
Le Président (M. Simard): Vous avez exactement 3 min 45 s...
M. Picard: Merci, M. le Président, et non deux heures.
Le Président (M. Simard): ...il suffit de poser une demi-question à M. Guay, puis ça va aller.
M. Picard: Oui. Je comprends, M. Guay, que vous avez de grandes interrogations sur la compensation. Nous avons entendu aussi d'autres spécialistes, d'autres experts. Il y a M. Milner qui nous avançait l'idée de 14 districts, M. Lemieux, hier, qui parlait des régions administratives parce que les gens se reconnaissent dans les régions administratives. Lui, il proposait des régions administratives remodelées, là, pour la réforme. Je comprends que votre modèle, selon vous, est le meilleur.
Dans votre conclusion, vous dites que c'est une pierre qu'on doit le mieux tailler possible. Est-ce qu'il n'y aurait pas, je pourrais dire, un mi-chemin entre votre proposition puis entre celle de la réforme, quitte à la faire évoluer dans le temps? Parce que la crainte qu'on entend souvent, les gens ne se reconnaîtront pas dans les députés de district.
Une question précise sur vos listes, là: Est-ce que les partis politiques choisissent qui ils veulent dans leurs listes après l'élection ou si c'est un ordre numérique, et après ça on choisit le premier, le deuxième, le troisième? Parce que, selon moi, si c'était un choix, oui, là, les partis politiques pourraient aller chercher des gens pour bien représenter toutes les régions du Québec où ils n'ont pas performé.
M. Guay (Jean-Herman): D'abord, c'est une liste préétablie, rendue publique avant le scrutin. C'est une des bases qui va être utile pour les électeurs pour faire leur choix. Une liste où il y aurait, par exemple, très peu de femmes, bien les électeurs pourraient se faire une idée de l'importance que tel parti accorde à la représentation des femmes. Un parti qui n'aurait que des avocats de 40 ans, blancs, bien les gens pourraient se faire une idée aussi de ce parti-là. Et donc c'est avant, et ça me semble que ça pourrait être une donnée cruciale pour faire un choix éclairé de la part des électeurs.
La préoccupation qui est la vôtre est fort intéressante, c'est la préoccupation régionale, comment faire en sorte... Le Québec est un immense comté, il n'y a aucun doute là-dessus. J'ai fait l'autobus de Sherbrooke, ce matin, à Québec, c'était un local, et donc on voit le Québec profond, on le mesure complètement dans ces contextes-là.
Mais, moi, je vous dis ceci: 75 sièges, au mode qu'on connaît, ça assure, jusqu'à un certain point, la base de l'ancrage régional. Et, si, dans les 50 dont les noms et l'âge peut-être, et peut-être la profession et la région seraient indiqués, on ne voit que des gens de Montréal, les électeurs aussi pourraient pénaliser les partis qui ne présenteraient que des Montréalais ou que des gens de Québec.
Mais je vous dirais plus que ça. Vous êtes probablement familier avec un certain nombre d'enquêtes. Quelle est la préoccupation des électeurs lorsqu'ils vont voter? La plupart des enquêtes aboutissent à peu près à ça: le choix électoral, dans la plupart des pays du monde occidental mais au Québec et au Canada aussi, un tiers, c'est le chef; un tiers, c'est le programme ou l'orientation du parti, gauche, droite, fédéraliste, souverainiste; puis un dernier tiers que c'est le candidat local ou encore les enjeux locaux. Bien, moi, j'accorde 3/5 de l'importance, par les 75 sur 50, aux enracinements locaux. Je pense que c'est largement conforme à l'importance que nos électeurs donnent à cela.
n(16 h 20)n Je bouclerais sur un dernier élément. N'essayons pas de faire faire par le mode de scrutin ce qu'on n'est pas sûr qu'il fait bien. Je m'explique. Avant 1940, avant la victoire de Maurice Duplessis en 1944, il n'y avait pas de discipline de parti, ou très peu, ou une faible discipline de parti à l'Assemblée nationale du Québec. Ce qui nuit en fait à la voix que des gens peuvent porter, à leur capacité de faire écho à leurs commettants, ce n'est pas 75, 50, ou des listes, ou pas de liste, c'est la discipline de parti.
Le Président (M. Simard): Sur cette conclusion, puisqu'ici on est très disciplinés, je vais passer la parole à des membres du comité citoyen. M. Boivin, d'abord.
M. Boivin (Guillaume): Bonjour, M. Guay. Bonjour. On en a parlé un petit peu tantôt, mais j'aimerais revenir là-dessus, vous affirmez qu'il y a, parmi les groupes structurellement désavantagés, «ceux qui, convaincus que leur vote doit être utile, s'imposent des choix difficiles, souvent des compromis qui, peu de temps après le scrutin, provoquent des déceptions. Sont aussi perdants tous ceux qui ne vont pas voter, déçus de l'offre partisane ou des choix alambiqués auxquels ils seraient contraints.» Or, plusieurs intervenants ont souligné que c'est justement le vote unique que vous privilégiez, obligeant certains électeurs à voter non pas pour le parti qu'ils préfèrent, mais pour l'un des deux qui est plus susceptible de l'emporter, qui induit ce phénomène du vote utile. N'admettez-vous pas qu'il y a là un paradoxe? Ça nous a été rapporté, entre autres, par les gens du Parti égalité hier.
M. Guay (Jean-Herman): Je ne suis pas sûr de vous suivre, mon cher ami, parce que, moi, avec l'idée qui est la mienne, du fait qu'il y a 50 sièges, quelqu'un, par exemple, qui est à Westmount ou qui est à ville Mont-Royal puis qui veut voter pour Option citoyenne, pour une option assez à gauche, son vote n'est pas perdu, son vote n'est pas perdu. Parce que c'est ça, l'idée, le vote ne doit pas être perdu, puis on ne doit pas faire en sorte que les gens disent: Ah, bien, là, mon idée, je ne peux pas l'exprimer parce qu'elle n'aurait aucune valeur. Là, le vote, qu'il soit à ville Mont-Royal ou dans les quartiers défavorisés, peu importe où il est fait, il serait comptabilisé pour la distribution des 50.
M. Boivin (Guillaume): Mais, à ce moment-là, il ne pourrait avoir aucune incidence sur le résultat de sa circonscription.
M. Guay (Jean-Herman): Ça serait le même résultat dans ce cas-là, ce serait la majorité, celui qui aurait obtenu la pluralité des votes qui obtiendrait... Mais ça aurait une incidence sur la représentation en Chambre parce que le cumul de ces votes-là faits un peu partout s'additionnerait pour donner peut-être enfin un siège à un parti qui n'en aurait pas autrement. Et donc ça motiverait l'électeur, ça lui donnerait une liberté, et c'est ça qui manque dans notre mode de scrutin, une liberté aux électeurs. Parce qu'actuellement, si vous êtes de ville Mont-Royal et que vous voulez voter pour Option citoyenne ou si vous êtes dans l'ouest de Montréal et vous voulez voter pour le Parti québécois, c'est un vote perdu, inutile, ça ne donne rien. Vous pourriez aller chez Canadian Tire, ce serait plus utile.
Le Président (M. Simard): Mme Loucheur.
Mme Loucheur (Yohanna): Merci. On nous a beaucoup parlé des exemples de systèmes mixtes compensatoires qui existent à travers le monde et très, très peu de système parallèle ? un peu au Japon, mais ce n'est vraiment pas quelque chose qu'on a beaucoup discuté ? et on a l'impression qu'il y a très peu de pays qui l'ont adopté. Et je me demandais si vous pouviez nous parler de certaines expériences ailleurs, de peut-être ce qu'on lui reproche et qu'est-ce qui vous fait croire qu'au Québec... Est-ce qu'il y a quelque chose au Québec qui fait que ça pourrait être différent ou que ça le rend particulièrement pertinent ici?
M. Guay (Jean-Herman): Bien, je pense que, dans le cas du Québec, compte tenu de notre situation géographique et compte tenu qu'on fait l'essentiel de notre commerce avec le reste du Canada et avec les États-Unis, et que, dans le reste du Canada et aux États-Unis, il y a, dans tous les cas, des gouvernements qui sont ou bien indépendants du corps législatif ? c'est le cas américain où il y a séparation des pouvoirs ? ou bien qui sont dans une situation où ils ont une assurance ou une quasi-assurance de former un gouvernement majoritaire, ce qui est le cas du gouvernement canadien ? mais pas actuellement, mais dans la plupart des cas, au Canada, c'est le cas ? moi, je pense que, dans le cadre actuel, il faut faire en sorte qu'il y ait le plus possible un maintien d'un gouvernement fort, un gouvernement stable. Et, même dans un Québec souverain, il me semble que cette composante resterait indispensable parce que le gouvernement doit négocier, doit faire des échanges, doit conclure des ententes, il doit être continuellement en rapport avec les autres gouvernements, et donc il faut qu'il soit dans un environnement qui permette une synchronicité de ses actions. S'il est continuellement ou souvent, comme c'est le cas de la réforme proposée, s'il est souvent minoritaire, il va avoir de la difficulté.
À travers le monde, et c'est dommage qu'on ait exclu... Et le professeur qui a travaillé le mode de scrutin l'indique au tout début: ils se sont orientés sur la seule hypothèse d'un mode mixte compensatoire, ils ont mis de côté le mode non compensatoire. Vous avez eu Réjean Pelletier, je crois, hein, qui est venu, un peu comme moi, mettre de l'avant un mode mixte non compensatoire ou qu'on appelle parallèle ou de superposition. Peu importent les noms. Mais il est venu mettre de l'avant, et c'est dommage que cet aspect-là ait été exclu, parce que des membres du G8, il y en a trois qui ont un mode mixte non compensatoire, l'Italie, le Japon et la Russie, ce qui n'est pas négligeable, quand même. Ça ne veut pas dire qu'il est parfait, mais, vous comprenez, compte tenu de notre situation en Amérique du Nord et de nos voisins, je verrais mal, d'un mauvais oeil, qu'il y ait eu, en 1994, en 1998, puis peut-être même en 2003, puis en 1976, des gouvernements minoritaires.
Le Président (M. Simard): D'autres citoyens qui désirent prendre la parole? Alors, si ce n'est pas le cas, puisqu'il reste une minute... Non, il ne reste pas de minute. On l'a vérifié, malheureusement il ne vous reste pas de minute. Mais, par consentement, on va bien vous la donner. Une petite question.
M. Thériault: Bien, c'est parce que, écoutez, j'ai du mal avec votre thèse à l'effet de nous dire ici: Entendez-vous. Le modèle qui est sur la table n'a pas d'allure, mais entendez-vous. Mais faites consensus, on peut passer outre la population. Est-ce que vous êtes en train de nous dire: Adoptez mon système, on n'a pas besoin de faire un référendum?
Le Président (M. Simard): Réponse rapide.
M. Guay (Jean-Herman): Je vous l'ai dit, ça pourrait être intéressant de consulter la population, mais je ne crois pas que c'est à tout prix nécessaire. Vous prenez, en Chambre, des centaines de décisions qui ont des conséquences immenses sur la population, vous adoptez des budgets, vous modifiez des choses, vous fusionnez des municipalités et vous n'avez pas consulté les citoyens. Et je pense qu'il faut...
Le Président (M. Simard): Je ne suis pas sûr que l'argument, de ce côté-là, serait accepté.
M. Guay (Jean-Herman): Non, non, mais je m'adresse à M. le député de ce côté-là.
Le Président (M. Simard): Non, je suis obligé maintenant d'interrompre parce que vraiment le temps est terminé.
M. Guay (Jean-Herman): ...l'enjeu?
M. Thériault: On ne réglera pas le cynisme donc par un mode de scrutin, c'est ça que vous dites?
M. Guay (Jean-Herman): C'est une composante, mais ce n'est pas la seule, croyez-moi.
Le Président (M. Simard): Très bien. Bien, je vous remercie beaucoup, M. Guay, et je suspends nos travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 27)
(Reprise à 16 h 29)
Le Président (M. Simard): Alors, j'invite maintenant les représentants de l'Union des forces progressistes à venir prendre place. Alors, M. Cliche est au centre. Je l'invite peut-être à présenter ceux qui l'entourent.
Union des forces progressistes (UFP)
M. Cliche (Paul): Oui. Oui, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, Mmes et MM. les membres du comité citoyen, alors je vous présente, à ma gauche, le président du parti, François Cyr, et, à ma droite, Denise Veilleux, qui est vice-présidente et une des deux porte-parole. Alors, moi, je suis responsable du dossier de la réforme des institutions démocratiques à l'UFP.
n(16 h 30)n Alors, les représentants de l'UFP sont heureux de vous rencontrer aujourd'hui. Nos membres attendaient ce moment depuis fort longtemps. Nous sommes aussi heureux de la mise sur pied d'un comité citoyen, qui marque un précédent en matière de consultation parlementaire. L'UFP avait réclamé que les consultations en cours soient confiées à une commission paritaire composée également de parlementaires, d'une part, et de citoyens et citoyennes, d'autre part. Nous espérons toutefois que la création de ce comité consultatif constituera un premier pas vers une forme de démocratie participative à la québécoise qui permettrait aux citoyennes et citoyens de travailler de plus en plus de concert avec les élus sur une base décisionnelle et non seulement consultative, notamment en matière de réforme des institutions démocratiques, un sujet qui les concerne au premier chef.
Nous aborderons d'abord la question de la réforme du mode de scrutin avant de faire quelques propositions concernant d'autres parties de la Loi électorale.
On sait que le mode de scrutin est un mécanisme qui permet de transformer les suffrages populaires en sièges parlementaires. Toutefois, le rôle joué par ce dernier n'est pas qu'instrumental. En fait, il est loin d'être neutre. Il est au coeur de notre régime politique, car il détermine le sens que l'on donne à la démocratie représentative dans une société donnée en favorisant ou défavorisant tel ou tel groupe social ou catégorie de la population, tel ou tel courant de pensée, tel ou tel système de gouvernement.
Les deux principales familles de scrutin, la majoritaire et la représentation proportionnelle, correspondent à deux conceptions fort différentes de la fonction électorale et de la démocratie représentative.
Les tenants de la proportionnelle font primer les exigences de la représentation sur celles de la gouvernance. Ils considèrent que le but premier de toute consultation électorale est de reproduire fidèlement la volonté populaire, sous peine d'enlever au Parlement et au gouvernement qui en émane une part plus ou moins grande de sa légitimité démocratique. Aujourd'hui, plus de 75 % des démocraties dans le monde auront opté pour cette conception en se dotant de modes de scrutin complètement ou en partie proportionnels, ceux qui sont en partie proportionnels étant des systèmes mixtes.
Au contraire, les tenants du scrutin majoritaire, que l'Angleterre a légué à sa colonie canadienne en 1791, estiment que les élections existent avant tout pour élire un gouvernement majoritaire, synonyme de stabilité politique, dans leur optique. Faisant primer le découpage territorial sur la volonté populaire telle qu'exprimée dans les urnes, ce dernier crée des majorités artificielles en faveur du parti vainqueur, au détriment des partis d'opposition qui sont loin d'être traités de façon équitable, surtout les tiers partis qui doivent souvent rester à la porte du Parlement malgré des proportions des plus significatives.
Ce mécanisme électoral accorde normalement une prime de 20 % au parti vainqueur. Au Québec, il a dérapé 65 % des fois lors des 37 élections générales provinciales tenues depuis 1867; prime au vainqueur de près de 40 % en 1948 et 1973; renversement de la volonté populaire en 1944, 1966 et 1998. Le ministre Benoît Pelletier a même affirmé que nous nous classions bons derniers d'une liste de 37 pays occidentaux quant au niveau de distorsion produit par ce système électoral. Le premier ministre Lévesque, lui, avec son franc-parler, ne s'était pas gêné pour qualifier le mode de scrutin actuel de démocratiquement infect.
C'est donc pour rendre la composition de l'Assemblée nationale davantage représentative de la société québécoise que l'UFP réclame l'instauration d'un scrutin proportionnel. Mais les objectifs que poursuit notre formation ne consistent pas seulement à établir l'équité entre les partis déjà représentés à l'Assemblée nationale, comme se bornerait à le faire l'avant-projet de loi actuellement soumis à la consultation. En voulant faire respecter fidèlement la volonté populaire et faire en sorte que chaque vote compte, l'UFP désire aussi que se reflète le pluralisme politique au Parlement, qu'on atteigne l'égalité entre les femmes et les hommes dans la représentation politique, que la diversité ethnoculturelle s'incarne dans nos institutions démocratiques, que les régions se voient reconnaître l'importance qu'elles ont dans la réalité québécoise et enfin que le lien entre les électeurs et leur député soit maintenu afin que ces derniers, en plus d'agir comme législateurs, puissent continuer à jouer leur rôle d'ombudsmans.
Il faut réaliser que l'atteinte de tous ces objectifs est une tâche nécessitant une réforme en profondeur que seule l'instauration d'une vraie proportionnelle permettrait de mener à bien. Pour ce faire, le premier choix de l'UFP est un système proportionnel régional avec correction nationale. On l'appelle le modèle scandinave ou nordique, car c'est celui qui permettrait d'après nous l'atteinte optimale des objectifs que je viens de mentionner. C'est le mieux adapté aux caractéristiques du Québec qui est avant tout un pays de régions. Il pourrait également servir d'assise à la politique de décentralisation régionale que préconise l'UFP. C'est aussi la formule qui est issue de la consultation faite par la Commission de la représentation électorale, en 1983, ainsi que celle retenue, en 2003, par le Comité directeur des états généraux.
Par ailleurs, l'UFP considère que le modèle allemand, dont ont découlé la formule écossaise et la formule néo-zélandaise, et dont feu Claude Ryan a été le promoteur, soit le scrutin mixte avec compensation, pourrait aussi être acceptable. Il faudrait toutefois que la formule choisie ne soit pas dénaturée et permette surtout d'éliminer complètement les distorsions entre les votes et les sièges causées par le scrutin majoritaire.
Abordons maintenant la proposition contenue dans l'avant-projet de loi et voyons comment la proposition gouvernementale pourrait devenir acceptable aux yeux de l'UFP. Même si le ministre Dupuis, qui a parrainé cette dernière, a prétendu qu'elle constitue une proportionnelle mixte, il faut noter qu'elle se différencie substantiellement du modèle allemand qu'on a amputé de l'une de ses principales caractéristiques: le deuxième vote au scrutin proportionnel de liste pour l'attribution des sièges de compensation.
En ne gardant qu'un seul vote au scrutin majoritaire pour attribuer les deux types de sièges, les 77 de circonscriptions et les 50 de districts, la formule proposée enlève la possibilité aux électeurs et électrices d'exprimer les nuances de leurs opinions politiques, de maximiser leur choix, en quelque sorte. Elle maintient aussi les distorsions d'ordre psychologique, causées par le syndrome du vote utile ou stratégique, qui viennent s'ajouter aux distorsions d'ordre mécanique découlant de la nature du scrutin majoritaire.
Un sondage commandité par le journal Les Affaires, à l'automne 2004, a révélé, a démontré qu'environ 30 % de la population votent ou ont déjà voté en fonction de ces critères de vote utile, de syndrome de vote utile ou de vote stratégique. C'est très important. Le projet gouvernemental empêcherait ainsi les tiers partis en émergence, comme la formation qui naîtra en janvier de la fusion de l'UFP et d'Option citoyenne, de faire le plein de leurs voix en les privant d'une proportion appréciable d'appuis. C'est pourquoi nous considérons que cette élimination du deuxième vote au scrutin proportionnel constitue le point de démarcation entre une vraie proportionnelle et une réforme cosmétique, car c'est ce deuxième vote qui injecte à ce système une bonne partie de sa vertu.
La proposition gouvernementale ne permettrait pas non plus aux principes compensatoires de corriger toutes les distorsions causées par le scrutin majoritaire, et ça, de l'aveu même de son concepteur, le Pr Louis Massicotte. Cela tient à la faible magnitude provenant du grand nombre de districts, entre 24 et 27, et des deux seuls sièges de compensation dont la grande majorité d'entre eux, ces districts-là, seraient pourvus. M. Massicotte a même admis, et je cite, «que les partis les plus forts [seraient] ainsi surreprésentés et [que] les chances des petits partis de percer [seraient] minces». Ainsi, dans la plupart des cas, le seuil de facto pour qu'un parti puisse faire élire un candidat dépasserait souvent 15 % et ne serait jamais en bas de 13 %, lorsqu'avec un scrutin proportionnel, normalement, dans les autres pays, le seuil dépasse rarement 5 %. Cela aussi aurait pour effet de maintenir le statu quo en consolidant le tripartisme actuel à l'Assemblée nationale. Ça ferait en sorte que l'ADQ deviendrait en quelque sorte, dans la conjoncture actuelle, l'arbitre qui déterminerait le vainqueur entre les libéraux et les péquistes.
L'UFP estime donc que les 50 députés de compensation devraient être élus à partir de listes nationales présentées par chaque parti afin que les niveaux de proportionnalité en résultant permettent l'expression du pluralisme politique, l'égalité entre les femmes et les hommes dans la représentation politique, ainsi que l'expression de la diversité ethnoculturelle. L'UFP veut aussi que la loi oblige les partis à choisir leurs candidats et candidates par scrutin secret lors de réunions de leurs instances.
Bref, l'UFP considère que le projet gouvernemental n'est pas un scrutin mixte dans sa forme actuelle. En l'absence d'un deuxième vote au scrutin proportionnel, il n'est en effet qu'un scrutin majoritaire accompagné d'une timide compensation. Avec cette version tronquée d'un système mixte compensatoire, le Québec se distinguerait certes des autres pays ayant adopté cette formule, mais pas de la bonne manière, car il serait le seul à avoir le pas. Toutefois, l'ajout d'un deuxième vote au scrutin proportionnel et l'attribution des sièges de compensation au niveau national rendraient la proposition gouvernementale acceptable et même intéressante, car, tout en faisant alors primer la représentation sur la gouvernance, elle tiendrait compte des impératifs de cette dernière.
Un vote, l'Allemagne l'avait en 1949 et elle est passée à deux votes dès 1953. Toutes les provinces allemandes ont fait la même chose, ne l'ont utilisé qu'une fois et elles sont passées à deux votes. Partout ailleurs où le système a été adopté, par la suite ils sont allés à deux votes. Pourquoi on commencerait avec un vote lorsque l'expérience a été faite? Moi, je trouve que c'est de la prudence, c'est un conservatisme, là, et on ne fait pas confiance à notre population, on prétend qu'elle ne comprendrait pas.
n(16 h 40)n Par ailleurs, l'UFP est d'accord avec les incitations financières que l'avant-projet de loi propose pour atteindre une représentation égale des femmes et des hommes ainsi qu'une meilleure représentation de la diversité québécoise. Il propose toutefois d'abaisser de 15 % à 5 % le seuil de remboursement de la moitié des dépenses électorales. L'UFP estime néanmoins que ces mesures sont insuffisantes. L'élection des 50 députés de compensation à partir de listes nationales constituerait encore le meilleur moyen d'atteindre les objectifs visés. L'UFP préconise aussi la création d'un observatoire de l'égalité qui, sous l'égide du Directeur général des élections, proposerait des mesures de redressement à l'Assemblée nationale.
Dès 1849, le chef patriote Louis-Joseph Papineau, dont la salle où nous sommes remémore le souvenir, la mémoire, s'était fait le promoteur. Il avait un esprit précurseur, il s'était fait le promoteur du scrutin proportionnel au Parlement du Canada-Uni. En 1921, ce mode de scrutin recueillait 38 % des appuis lors d'un référendum tenu à Montréal. Le débat est revenu dans l'actualité à la fin des années soixante et donne lieu depuis 40 ans à une véritable saga. Ce dossier est le mieux documenté de l'administration provinciale: nombreuses études, livres, colloques, plusieurs commissions parlementaires, consultations populaires par la Commission de la représentation en 1983, états généraux en 2003. L'UFP croit que cette saga, qui paralyse le développement démocratique du Québec, a assez duré. Il est plus que temps que les dirigeants politiques passent à l'action, d'autant plus que les programmes de presque tous les partis appuient l'introduction de la proportionnelle dans notre système électoral, certains, comme le Parti québécois, depuis 1969. C'est pourquoi l'UFP déplore vivement le report de l'entrée en vigueur de la réforme aux élections de 2011-2012. Cela risque de reporter, avec les aléas de la politique partisane, de reporter de nouveau cette réforme pressante aux calendes grecques.
Devant la tournure des événements, l'UFP juge nécessaire la tenue d'un référendum sur le principe du remplacement du mode de scrutin actuel par un scrutin proportionnel reflétant le plus fidèlement possible la volonté de l'électorat et le pluralisme politique. Ce dernier devrait avoir lieu en même temps que les prochaines élections provinciales. La formulation de la question soumise à la consultation populaire devrait prévoir que le prochain gouvernement sera tenu d'en respecter le résultat et d'instaurer, le cas échéant, un scrutin proportionnel qui entrerait en vigueur dès les élections suivantes, soit celles de 2011-2012. Il faudrait aussi qu'il y ait une importante campagne d'information qui précède cette consultation afin que les citoyens et citoyennes soient en état de trancher en toute connaissance de cause.
Par ailleurs, l'UFP profite de la consultation sur l'avant-projet de loi pour formuler cinq autres propositions:
1° que les élections soient tenues à date fixe pour que le parti au pouvoir ne jouisse plus de l'avantage stratégique d'en choisir la date, et ce, dans un souci d'équité envers tous les partis;
2° qu'un scrutin proportionnel soit implanté dans les municipalités pour les élections de novembre 2009, du moins dans les grandes villes. Cette réforme contribuerait notamment à augmenter la participation dont le taux a atteint de bas niveaux inquiétants lors des élections du 6 novembre;
3° que les lois électorales provinciale et municipale prévoient des mesures afin que tous les partis reconnus aient un accès équitable aux médias pendant les périodes électorales. La récente campagne électorale municipale a démontré encore une fois que les nouveaux partis, même s'ils ont un programme sérieux, sont ignorés des médias à moins que leurs leaders ne soient des vedettes;
4° qu'une représentation distincte à l'Assemblée nationale soit accordée aux Inuits et aux Amérindiens du Québec, une ou deux circonscriptions, sous réserve de l'assentiment des dirigeants des premières nations.
5° que des amendements soient apportés, d'ici les prochaines élections, aux dispositions des lois électorales provinciale et municipale en matière de financement des partis politiques afin de contrecarrer les manoeuvres inventées pour les violer; qu'une consultation publique ait lieu préalablement à leur adoption; que les entreprises continuent à être exclues de la participation à ce financement et que le rapport du groupe de réflexion mis sur pied par le DGEQ, il y a quelques mois, soit publié dès qu'il sera prêt afin de permettre un débat public.
Mesdames et messieurs, merci de votre attention. Mme Veilleux et M. Cyr et moi répondrons avec plaisir à vos questions.
Le Président (M. Simard): Vous avez respecté scrupuleusement le temps qui vous était imparti. Il fallait courir.
M. Cliche (Paul): On était limités.
Le Président (M. Simard): Voilà! M. le ministre, vous avez à votre disposition 15 minutes, je crois. 10 minutes, pardon! Cet après-midi, c'est un peu resserré.
M. Pelletier: Merci. Merci, M. Cyr, Mme Veilleux et également M. Cliche. Merci pour votre présentation aujourd'hui.
C'est un travail quand même, je dois dire, remarquable que fait votre parti politique sur la question de la réforme du mode de scrutin, et je tiens à vous en féliciter, puis je tiens à vous remercier également.
Vous savez que les trois partis politiques optent en ce moment, les trois partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, j'entends, optent en ce moment pour le système mixte compensatoire, bon, ce qui n'interdit pas de considérer d'autres avenues, bien entendu. C'est ça, le but de la commission, d'ailleurs, c'est d'examiner différents scénarios, différentes avenues.
Mais prenons l'hypothèse, je dis bien l'hypothèse, où nous devions garder le système mixte compensatoire, qui est dans l'avant-projet de loi actuel, mais qu'on devait revoir les districts de façon à avoir des districts plus grands en zones urbaines, parce qu'il y a des spécialistes qui sont venus nous faire cette proposition-là. Ils nous ont dit dans le fond que nous devions changer la magnitude des districts. Ils nous ont dit: En ce qui concerne les zones urbaines, comme Montréal, Québec, là, vous pourriez avoir des districts qui seraient plus grands, par exemple. Et eux nous ont dit: Ça favoriserait les plus petits partis dans un contexte comme celui-là.
Alors, prenons l'hypothèse, je dis bien l'hypothèse, où nous gardions l'avant-projet de loi mais que nous avions comme cela des districts plus grands en régions urbaines, est-ce qu'à ce moment-là ce serait quelque chose pour vous qui serait assez convaincant?
M. Cliche (Paul): Bien, c'est-à-dire, ce serait une amélioration, sans contredit. Mais, nous, notre demande, c'est d'avoir des listes nationales parce que c'est les seules qui vont permettre vraiment de rencontrer nos objectifs.
M. Pelletier: D'accord. Mais en fait ce que je veux savoir, c'est... Disons que vous avez le choix entre... C'est un choix cruel, là, c'est la brièveté de votre réponse qui me prend un peu par surprise. Mais disons que vous avez le choix entre le statu quo et l'avant-projet de loi avec des districts plus grands en zones urbaines, qu'est-ce que vous privilégieriez?
M. Cliche (Paul): On est pour le mieux. Mais ça ne nous satisferait pas complètement.
M. Pelletier: Ça ne vous satisferait pas complètement. D'accord.
M. Cyr (François): Dans le fond, M. le ministre, ce que vous dites, c'est de nous faire choisir entre Charybde et Scylla, vous savez. Est-ce que ça défavoriserait un peu moins les tiers partis ou les partis en émergence? Sûrement. Mais l'objectif, c'est d'en finir avec la distorsion et de faire en sorte ultimement que chaque vote compte.
En passant, je vous remercie pour vos remerciements et félicitations. À l'UFP, on les accueille avec d'autant plus de plaisir que mon collègue, M. Cliche, est un des premiers à avoir poussé cette idée de réforme de proportionnelle. Ça fait depuis 1960 que M. Cliche est en lutte sur cette question-là. Dans son mémoire de maîtrise, à l'Université Laval, il concluait l'importance d'une proportionnelle. C'est pour ça que, tout à l'heure, j'entendais les intervenants précédents parler du temps nécessaire, etc. Notre mémoire fait référence à la longueur qui est ennemie autour de cette bataille-là. Ça fait longtemps qu'on parle de proportionnelle. La gauche parle de ça depuis le XIXe siècle dans d'autres pays. Alors, c'est pour ça que, sur ces questions-là, on veut bien mettre le temps nécessaire pour que les choses changent effectivement, pour convaincre, pour rallier, mais il ne faut pas non plus multiplier les mesures dilatoires, d'autant plus que c'est dans le programme d'à peu près tous les partis actuellement représentés à l'Assemblée nationale, là, et on se demande un peu si ce n'est pas une façon supplémentaire de tourner en rond, là.
M. Pelletier: Bien, écoutez, dans mon cas, je peux vous dire que non, j'ai été nommé ministre responsable donc de la Réforme des institutions démocratiques au mois de février, et, vous voyez, là, nous sommes en présence d'une commission parlementaire spéciale itinérante sans précédent, la deuxième plus grosse commission parlementaire vraisemblablement après... bien, la plus grosse, c'est la deuxième plus grosse après Bélanger-Campeau. Bélanger-Campeau, ce n'était pas une commission parlementaire en soi, c'était une commission créée par le gouvernement du Québec. Donc, on est peut-être en présence de la plus grosse commission parlementaire dans l'histoire du Québec, en quelque sorte. Voilà. Merci.
Le Président (M. Simard): Oui, monsieur.
M. Cyr (François): Là-dessus, si vous me permettez, M. le ministre, j'avais posé la question suivante à M. Ryan qui, comme vous le savez, était favorable au mode de scrutin allemand. J'ai dit: Pourquoi ultimement, alors que, vous, vous étiez chef d'un parti, ça ne s'est pas passé et pourquoi M. Lévesque, qui était en faveur également d'une réforme du mode de scrutin, ce n'est pas passé? Et sa réponse était très brève: C'est que c'est très difficile pour des élus de modifier un mode de scrutin qui les a élus. C'est pour ça qu'on se réjouit de la participation citoyenne à cette commission-là. On espère beaucoup de ces résultats-là.
M. Pelletier: Merci.
n(16 h 50)nLe Président (M. Simard): Merci, M. Cyr. Vous préférez attendre... Alors, j'invite maintenant le député de Masson à poser la prochaine question.
M. Thériault: Alors, madame messieurs, bienvenue parmi nous. Vous avez souligné tout à l'heure que le Parti québécois avait, dans son programme, depuis 1969, cette idée d'un système de proportionnelle compensatoire, et vous l'avez avancé de façon négative. Moi, je vous dirais: Il y aurait peut-être un petit côté positif à voir dans le fait que ça a perduré dans le programme pendant toutes ces années-là, c'est-à-dire qu'à quelque part l'idée n'a pas été totalement mise à la poubelle; on aurait pu le faire disparaître du programme bien avant. Alors, il y avait comme quelque chose qui était de l'ordre finalement d'un rendez-vous historique avec ça.
Je pense que la conjoncture politique actuelle fait en sorte que, depuis 2002, cette question de la réforme des institutions démocratiques et de leur amélioration est un processus qui découle d'une volonté qui pourrait devenir irréversible dans la mesure où il y aurait plébiscite ou référendum. Vous vous positionnez en faveur de cela. Ça veut donc dire que vous seriez en faveur d'une question en même temps que la prochaine élection générale. Maintenant, j'espère que ce ne sera pas trop long encore pour vous.
Maintenant, vous êtes en faveur d'un 2 % de seuil. Tantôt, à la question du ministre, vous avez dit: Bien, on va choisir le moindre mal. Mais vous êtes conscients que ce qui est sur la table ? vous l'avez dénoncé dans votre mémoire ? c'est un modèle qui pervertit au fond le modèle mixte compensatoire et proportionnel, au sens où d'abord il n'y a qu'un seul vote, d'autre part le seuil est à 15 %. Et, sans vouloir présumer de comment les électeurs vont voter, là, sans vouloir présumer de ça, compte tenu de la répartition régionale, du découpage des circonscriptions de provincial à fédéral et des districts, il y a toute une mécanique qui fait en sorte que les tiers partis ou le pluralisme politique est évacué.
Alors, dans ce contexte-là, est-ce que vous pensez que ce serait réellement un moindre mal d'adopter ce mode de scrutin?
M. Cliche (Paul): Bien, le mode de scrutin... le projet, tel qu'il est présenté, nous sommes contre, mais nous faisons des suggestions pour l'améliorer, et en gros il y en a deux. Il y a déjà un plus, hein? La question de la correction, ça, c'est un plus. Il ne faudrait pas s'en aller avec un mode de scrutin à la russe, à la japonaise ou... parce que, là, les distorsions dont tout le monde parle, elles ne seraient pas corrigées peut-être avant 100 ans. Alors ça, là, c'est un plus.
Les deux autres choses, c'est d'abord un deuxième vote pour qu'on arrête de perdre des votes aux gens qui veulent voter de façon... qui votent de façon stratégique ou utile. On en perd beaucoup. Et pour justement faire comme il se fait dans les autres pays, hein, en Écosse, partout, les gens vont voter à 90 % pour les partis traditionnels lorsqu'il s'agit des élections de circonscription. Et là il y a un bloc automatiquement qui dit: Bien, ce serait une bonne chose qu'il y ait des nouveaux partis au Parlement, il y aurait des idées nouvelles, ça correspondrait aux idées qui circulent dans la société. Et là il y en a une partie qui se détache, qui vote, et ça donne... Alors, ça prend absolument ça pour... Le deuxième vote, c'est notre première demande.
Notre deuxième demande, c'est vraiment qu'il y ait des listes nationales. Parce qu'à partir du moment où on commence à découper la province... C'est un drôle de pays, le Québec. Sur le plan démographique, il y a deux concentrations, Montréal et Québec, et après ça, sur le plan démographique seulement ? pas sur le plan des ressources naturelles et des ressources humaines ? sur le plan démographique, c'est un peu un désert. Et là, quand on essaie de découper tout ça en régions, Sorel s'en va avec Rigaud, ça n'a aucun sens, tu sais. Un peu comme ce qu'a fait M. Milner, qui est un très bon travail... Mais c'est pour ça qu'on se dit: La seule façon... Nos gens, ils vont avoir 77 députés de région parce que les députés de circonscription, c'est des députés régionaux pratiquement. Ils en ont déjà 77. Faisons en sorte qu'ils aient 50 députés nationaux. Bien entendu, s'il y a un parti le moindrement intelligent, il va s'organiser pour que sa liste nationale soit représentative de toutes les régions, sinon il va se faire disqualifier.
M. Thériault: Aucun mode de scrutin n'est parfait. Ce qu'il s'agit de faire, c'est de pouvoir arbitrer et trancher sur les avantages ou les inconvénients que l'on veut assumer.
Vous dites oui à la double candidature. Je suis un peu surpris. Je suis un peu surpris, parce qu'en quelque part on veut installer un nouveau mode de scrutin, donc de nouvelles façons de faire, et un candidat qui serait battu dans sa circonscription pourrait se retrouver à l'Assemblée nationale quand même. Est-ce que vous ne croyez pas que... Même si le cynisme ne sera pas réglé par les technicalités ou la structure d'un mode de scrutin, est-ce que vous ne croyez pas que ça ne favoriserait pas nécessairement un abaissement de ce cynisme-là que de dire: Nous l'avons battu? Vous savez c'est quoi, une lutte électorale, hein, les luttes électorales qui font en sorte qu'elles font ressortir souvent les caractéristiques de la femme ou de l'homme en question. Et woups! On le bat, et il se retrouve à l'Assemblée nationale, peut-être même sur une liste nationale dans la même région, s'il le veut. Vous ne trouvez pas ça un peu particulier?
M. Cliche (Paul): La double candidature, c'est le moyen qui fait que, parce que les gens se présentent aux deux endroits, finalement, tout le monde fait campagne. Il n'y a personne qui reste devant la télévision pendant la campagne électorale. Tout le monde met le... C'est ça qui fait, une fois le Parlement constitué, qu'il n'y a pas de différence tellement. Bon. Et, d'autre part, quand tu es défait dans un comté donné, rien ne t'empêche ? et ça, nos gens sont assez intelligents pour comprendre ça ? de représenter un parti et un programme sur le plan national.
M. Thériault: Et ça ne banalise pas?
M. Cliche (Paul): Il n'y a aucune contradiction là-dedans.
M. Thériault: Excusez-moi.
M. Cliche (Paul): Tu ne représentes pas le secteur donné, mais tu représentes un parti.
M. Thériault: Est-ce que ça ne banalise pas, à ce moment-là, les élections de circonscription?
Le Président (M. Simard): Oui, M. Vien... c'est M. Cyr, pardon.
M. Cyr (François): Oui, M. le Président. C'est un vieil argument qu'on a servi au mode de scrutin allemand. On disait: Voilà, il y a deux types de députés, les députés plus idéologiques qui sont un peu «token», si vous me permettez l'expression, et les autres députés, les vrais, ceux qui sont vraiment liés, là, à une circonscription. Il y a eu des études de faites, le Pr Guay les a citées tout à l'heure. Je pense que c'est beaucoup une vue de l'esprit, ce type d'argument là. Et les études, notamment en Angleterre, qui ont été réalisées là-dessus par je ne me souviens plus quel professeur britannique, démontrent que, sur le plan de la perception populaire, ce n'est pas le cas.
Ceci dit, votre préoccupation de fond, je la partage. Vous posez la question: Comment lutter contre le cynisme? Sans établir une corrélation entre, d'une part, le mode de scrutin proportionnel puis, d'autre part, le taux de participation, on serait en droit de poser l'hypothèse qu'une modification du mode de scrutin fait en sorte d'accroître le taux de participation. Parce que, là, c'est un sacré problème dans la... On l'a vu tout récemment aux élections municipales, on l'a vu aux dernières élections provinciales, fédérales, et ça diminue de façon considérable. Alors, il faudrait, à ce niveau-là, agir de façon, il me semble, plus substantielle.
Le Président (M. Simard): Je me tourne à nouveau vers l'opposition officielle et vers le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Bien, vers le...
Le Président (M. Simard): Pardon. Excusez-moi, M. le député.
M. Gabias: Il n'y a pas eu de changement pendant la commission, M. le Président.
Le Président (M. Simard): Non, c'est...
M. Gabias: Non, non, ça va.
Le Président (M. Simard): On appelle ça, en anglais, du «wishful thinking».
M. Gabias: Alors, madame et messieurs, merci de votre présentation. Tout comme le ministre, je pense qu'on peut, sans l'ombre d'un doute, dire que votre présentation est très fouillée et très précise. Vous proposez une proportionnelle régionale avec correction nationale et vous semblez dire, si j'ai bien compris, que la difficulté, bien, en tout cas que, moi, je perçois quant à la représentativité des candidats de liste sur le plan national pour les rattacher à une région... demeure difficile, et vous donnez comme réponse à ça que c'est la responsabilité des partis que de mettre sur leurs listes des candidats qui correspondent aux régions, si j'ai bien compris.
M. Cliche (Paul): M. le Président, notre premier choix, c'est la proportionnelle régionale où tous les députés seraient élus à la proportionnelle. Et là, avec le fait qu'il y aurait un grand réservoir, 125 députés, ça permettrait de combler les... c'est-à-dire qu'il y aurait de la proportionnalité. Mais le deuxième choix qu'on fait, c'est celui de la formule présentée par le gouvernement, et là on propose à cette formule-là ? c'est un système qui est très, très bien, le système allemand, le système écossais; on propose à cette formule-là ? deux améliorations, c'est-à-dire un deuxième vote et des listes nationales.
M. Gabias: Ça va. O.K. Merci.
M. Cliche (Paul): Pour le moment, on ne discute pas la proportionnelle régionale, il n'en est pas question, peut-être dans un Québec souverain éventuellement, mais on verra.
Le Président (M. Simard): Mme la députée de Chauveau.
n(17 heures)nMme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux juste vous entendre sur deux choses. Vous n'avez pas abordé les modalités, là, qui sont proposées ou les incitatifs pour les femmes et les ? je vois madame qui a l'air d'être contente que je pose la question finalement; les femmes et les ? minorités culturelles. C'est la première de mes questions, j'aimerais vous entendre là-dessus.
La deuxième chose, vous abordez le cas de la représentation des premières nations. Ce que je comprends de vos propos, c'est qu'on aurait des circonscriptions qui seraient réservées, entre guillemets, aux premières nations. Je vous pose la question. Moi, je suis députée de Chauveau, donc le village de Wendake est dans mon comté. Ils sont à peu près 3 000, si ma mémoire est bonne, 3 000 ou 4 000 Hurons. Qu'est-ce qu'on ferait pour les... On ne pourrait pas faire une circonscription. On ne pourrait pas non plus les coller avec une autre circonscription. J'aimerais ça vous entendre pour clarifier un petit peu votre pensée là-dessus.
M. Cliche (Paul): Sur la question des autochtones, on propose, si possible, deux circonscriptions, une pour peut-être les Inuits, les autres, pour l'ensemble des Amérindiens, peu importe. Mais avant tout on veut se référer aux dirigeants des premières nations, hein, pour qu'ils soient d'accord, et ce sont eux qui seraient un peu les maîtres d'oeuvre de la division de ce territoire-là, et ce serait deux circonscriptions.
Quant à la question des femmes, nous en avons parlé brièvement, nous sommes d'accord, et Mme Veilleux va expliquer.
Mme Veilleux (Denise): Bien, c'est sûr que pour nous ce qui a motivé notre démarche concernant le mode de scrutin qu'on met de l'avant, ce n'est pas un intérêt partisan, ce n'est pas uniquement un calcul pour savoir quel serait le mode le plus utile pour l'UFP pour entrer des candidats et des candidates, ce sont des principes démocratiques. Et, parmi ces principes démocratiques, outre le pluralisme politique, il y a le fait de la représentation, une meilleure représentation, une représentation plus juste des femmes et aussi également des minorités qu'on dit ethnoculturelles, bon.
Donc, les mesures financières qui sont proposées dans l'avant-projet de loi nous satisfont, sont intéressantes. Elles ne sont pas parfaites, par contre. On sait très bien qu'il y aura encore des obstacles. D'ailleurs, vous avez entendu la Pre Manon Tremblay qui a parlé, Diane Lamoureux est venue faire des présentations, etc. Donc, on sait qu'il n'y a pas de système parfait, mais on pense que ça pourrait aller vers... en tout cas, les mesures financières pourraient aider, mais les listes nationales également.
Et notre formation s'est engagée, sans aucune pression de la part du gouvernement, à faire alterner sur ses propres listes les candidatures féminines et masculines, parce que justement on pense que ça aura... Et les études l'ont montré d'ailleurs, les études universitaires. Dans les pays où on a des listes nationales comme ça, où il y a alternance, les électeurs et les électrices sont en mesure de juger, et ça a un effet, on appelle ça l'effet de contagion, à ce moment-là, l'effet d'entraînement. Les autres partis voyant que... oups! ça paraît trop, là, quand les femmes sont juste au 40e rang, là, sur la liste. Puis d'autres personnes disaient aussi: Il y a seulement des Blancs ou des quarante ans, etc. Je pense que, ça, ça envoie un message clair concernant l'importance et le partage de la responsabilité du leadership et des prises de décision. Donc, ça, c'est une...
Et le deuxième vote... Manon Tremblay aussi, dans son livre Québécoises et représentation parlementaire, mentionne que le deuxième vote peut avoir aussi cet effet-là. On part de l'idée de court-circuiter le vote stratégique et utile, donc de moduler nos préférences d'opinions politiques, mais ça peut également aussi être modulé en termes d'un candidat masculin, un candidat féminin. Voilà, on peut aussi faire ce genre de chose là. On pense que ce serait nettement une très grande amélioration.
Le Président (M. Simard): Merci, madame. J'invite maintenant M. le député des Chutes-de-la-Chaudière à faire la prochaine intervention.
M. Picard: Merci, M. le Président. Ma première question, et je vais l'englober avec une autre parce que ça va être très simple: Qu'est-ce que vous pensez de tenir les élections le dimanche? Vous répondrez tout à l'heure, en même temps.
Je vois aussi que vous proposez, pour favoriser l'émergence des tiers partis, de diminuer le taux de réussite aux élections pour avoir droit à un remboursement. J'aimerais vous entendre sur une autre idée, qui est avancée de plus en plus, sur le fait de baisser le plafond admissible des dépenses en campagne électorale, ce qui favoriserait les tiers partis, parce que les gros partis ne pourraient pas dépenser de façon grandiose parce qu'ils ont des moyens énormes. Puis ça mettrait moins de pression aussi sur les citoyens, puis peut-être moins de commission Gomery aussi, là, en bout de ligne, là. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus.
La question: Est-ce que c'est vraiment nécessaire de faire des campagnes d'images au lieu des campagnes d'idées?
M. Cliche (Paul): Bon, il y a plusieurs questions. La première, c'est la question du vote le dimanche. Bien, si on se rapporte à dimanche dernier, là... Mais sauf que, quand, le 1er novembre, le DGEQ, M. Blanchet, est venu vous rencontrer, il a fait un plaidoyer en faveur du vote le dimanche. Nous, dans nos instances, on n'a pas pris position parce qu'on n'a pas pu faire le débat, donc... Mais personnellement, moi, j'ai trouvé ses arguments convaincants. C'est personnel, là, parce que ce n'est pas une décision de l'instance.
Sur l'autre question, baisser le plafond des dépenses, c'est déjà pratiqué dans certains pays. Bien, je ne sais pas, peut-être que l'État trouverait que c'est trop cher, là, mais ça aiderait beaucoup les candidatures de petits partis, les candidatures... On veut élargir le spectre, hein, que ce ne soient pas seulement des partis dotés de beaucoup... de grosses caisses électorales. On veut permettre aux citoyens et citoyennes ordinaires de se présenter aux élections. Bien, ce serait une belle façon de les aider. Parce que, quand tu t'en vas te présenter aux élections puis que tu es certain d'avoir, suite à cette élection-là, une dette de plusieurs milliers de dollars, bien ça décourage bien des gens de se présenter.
M. Picard: Merci.
Mme Veilleux (Denise): Là-dessus, j'ajouterais que la mesure que, nous, on préconise, ce n'est pas nécessairement ? mais ce n'est pas contradictoire à ce que vous mentionnez; ce n'est pas nécessairement ? d'abaisser le plafond des dépenses, mais d'abaisser le pourcentage de voix qu'on récolte pour avoir droit au remboursement des dépenses, donc de l'abaisser de 15 % à 5 %.
La logique derrière ça, c'est qu'on pense que ça aurait une influence sur inciter les femmes à poser leurs candidatures et inciter les partis à présenter des candidatures féminines. Parce que, quand on doit recueillir 15 %, dans certains cas, c'est difficile, et donc on va jouer gagnant, entre guillemets, donc au détriment de la valeur bien souvent, des compétences des... Et ça joue aussi contre les minorités ethnoculturelles parce qu'on se dit... Encore là, on fait une espèce de calcul qui n'est pas: Est-ce que la personne est compétente? Est-ce qu'elle veut se présenter, etc.? Est-ce qu'elle est prête à faire campagne?, ce qui devrait être la base, hein, de la participation démocratique, mais on dit: Non, non, non. Est-ce qu'on a une chance de ? merci, je vais clore là-dessus; est-ce qu'on a une chance de; remporter ou pas? Et donc, à ce moment-là, de tasser bien souvent des candidatures de femmes, de tasser bien souvent des candidatures de minorités culturelles dans certains cas. Donc, nous, on pense que ça aiderait à faire en sorte d'éliminer ce problème-là.
Le Président (M. Simard): Nous allons passer maintenant aux représentants du comité citoyen. J'ai trois personnes qui m'ont fait signe. M. Boivin, M. Acharid et Mme Loucheur, vous avez 7 min 30 s à essayer de vous partager. Essayez de les aider aussi en étant brefs. M. Boivin.
M. Boivin (Guillaume): Bonjour. Vous proposez qu'il y ait une correction nationale avec 50 sièges. Mais plus il y aurait de sièges pour la compensation nationale, pour la correction nationale, ça ferait en sorte que, si on n'augmente pas le nombre de sièges total à l'Assemblée nationale, ça implique d'avoir un nombre toujours moindre de sièges de circonscriptions. On a entendu à plusieurs reprises qu'un des éléments pour lesquels les gens étaient réfractaires à un tel nombre de circonscriptions, ce serait la taille des circonscriptions. Ce serait quoi? Pour avoir une correction satisfaisante... complète ou satisfaisante, est-ce que ces 50 sièges là... est-ce que 125, 95-30... Qu'est-ce que ça prend pour pouvoir assurer une compensation, une correction complète? Je comprends bien que 10-115, ça ne marcherait pas, mais ça prend-tu vraiment 50?
M. Cliche (Paul): Les études que j'ai lues là-dessus disent que le taux minimum, c'est-à-dire le ratio minimum, c'est 60-40 ? ce qu'on a, là, à l'heure actuelle ? pour qu'on ait une correction complète. Bon.
Les 75 sièges, bien ça équivaut aux circonscriptions fédérales. Mais là on dit: Oui, un député provincial a beaucoup plus de responsabilités qu'un député fédéral qui a peu de... ou je ne sais trop quoi. Mais, voici, le député n'est pas là pour régler tous les problèmes. Il y a quand même une machine administrative, là. Il ne faudrait pas que le député ne devienne qu'un ombudsman, là, il est avant tout un législateur.
Et, en Ontario, partout ailleurs, règle générale, sur le continent nord-américain, on est l'endroit où il y a le plus de représentants. À l'hôtel de ville de Montréal, c'est ça, il y en a 64, lorsqu'à Toronto... lorsque, dans d'autres villes équivalentes, il n'y en a que 10. Et je pense que... En tout cas, c'est ce que disent les études et les auteurs. Ils disent qu'une proportion comme celle-là, 75 sièges, serait suffisante. Mais je n'ai jamais été député. Et peut-être que des députés qui travaillent actuellement... J'ai été conseiller municipal sur le Plateau, hein? Là, à ce moment-là, c'était assez dense. Mais peut-être que des députés qui sont sur le terrain ne seront pas d'accord avec moi. Mais, chose certaine, pour avoir une correction complète, c'est un ratio de 60-40.
n(17 h 10)nLe Président (M. Simard): Très rapidement, j'invite M. Acharid à poser sa question.
M. Acharid (Mustapha): Merci, M. le Président. Vous avez dit que vous voulez qu'une loi oblige les partis à choisir leurs candidats par scrutin secret. Est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus sur ça?
M. Cliche (Paul): C'est la seule question... le seul genre de coercition que nous demandons dans notre mémoire. Tout le reste, nous laissons ça. On ne veut pas que l'État rentre dans la gestion interne des partis. Celle-là, nous la trouvons importante. Cette mesure-là existe en Allemagne. Et surtout dans un scrutin de liste, hein, dans un scrutin où il y a des circonscriptions, il y a normalement des investitures. Des fois, le chef désigne le candidat ou la candidate, mais il y a des investitures. Mais, dans un scrutin de liste, là, c'est appétissant pour un chef de parti d'avoir 50 candidats, bon. Alors là, on veut absolument qu'il y ait une garantie contre l'ingérence des establishments politiques, quel que soit le parti, c'est la nature humaine qui veut ça, et on veut que la loi garantisse vraiment que la démocratie va exister.
Le Président (M. Simard): Mme Loucheur, très rapidement.
Mme Loucheur (Yohanna): En prenant conscience qu'un mode de scrutin, c'est une façon de régler la cadrature du cercle et de réconcilier des facteurs qui souvent sont à peu près irréconciliables, j'essayais de voir... Vous êtes contre un système mixte parallèle, mais je me disais: S'il y a deux votes, le deuxième vote permet aux gens d'exprimer justement la pluralité de leurs opinions, et je me demandais si c'est quelque chose que vous seriez prêts à accepter en considérant que, d'un autre côté, ça protège une certaine stabilité gouvernementale qui semble très, très importante pour beaucoup de gens. Et ça me paraissait peut-être un compromis qui pourrait être intéressant.
M. Cliche (Paul): Un scrutin mixte parallèle, nous sommes contre simplement parce que ça ne corrige pas ce pourquoi on veut faire la réforme: les distorsions. En faisant un deuxième vote, disons, un deuxième vote pour ces députés, ça améliorerait peut-être un peu les choses, sauf que... Non, nous croyons vraiment... Là, ce serait improvisé, parce que partout où ça se fait, il n'y a qu'un vote, il n'y a qu'un vote.
Et la question de la stabilité, il ne faut pas en faire une montagne non plus, hein? Partout où il y a des systèmes proportionnels, il y a des gouvernements de coalition, il y en a quelques-uns. Des fois, il y a des accrochages, mais règle générale ça favorise le consensus, contrairement à notre système actuel qui favorise l'affrontement. On le voit, les députés sont d'un bord et de l'autre de la Chambre, tandis que, dans un système de proportionnelle, c'est un hémicycle, ça favorise les rapprochements, ça favorise les discussions, ça favorise les échanges intelligents, ça favorise... Donc, c'est pour ça que nous... Et, moi, je n'ai pas confiance au système parallèle. En tout cas, en voyant ce qui se passe, les résultats qu'ils ont au Japon, en Russie et en Italie, il n'y a pas beaucoup de proportionnalité là.
Le Président (M. Simard): Alors, je vous remercie beaucoup, madame messieurs. Je suspends quelques minutes. Merci de votre collaboration.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 19)
Le Président (M. Simard): Notre prochain invité, M. Jean-Pierre Derriennic, est avec nous. Je le remercie de venir collaborer aux travaux de cette commission.
Nous sommes un peu coincés par le temps, donc je l'invite à faire sa présentation le plus rapidement possible, huit, 10 minutes, de façon à permettre aux membres de la commission de l'interroger ensuite.
M. Jean-Pierre Derriennic
M. Derriennic (Jean-Pierre): Bon. Je vous remercie de votre invitation. J'avais préparé 20 minutes, donc je vais être obligé de couper.
Le Président (M. Simard): Ça nous arrive dans la vie, aussi.
M. Derriennic (Jean-Pierre): Si ça devient un tout petit peu incohérent, vous me poserez des questions pour me rendre plus cohérent.
Je vais parler principalement du mode de scrutin. Avant de parler du mode de scrutin, je voulais parler de quatre autres points que je voudrais juste mentionner très rapidement, d'autres choses qui concernent le système électoral, des choses qu'il ne faut pas faire et des choses qu'il faut faire.
Ce qu'il ne faut pas faire, je crois, c'est encourager le vote par correspondance ou le vote par courrier électronique. Je pense que ça ne devrait pas être permis du tout ou que, si ça doit être permis, dans le cas du vote par correspondance, ça doit être très, très strictement limité pour des raisons bien, bien particulières.
n(17 h 20)n La deuxième chose, je crois, qu'il ne faut pas faire ? et là je suis en désaccord avec Paul Cliche dont j'apprécie les arguments très souvent, mais pas toujours ? l'autre chose qu'il ne faut pas faire, qui n'est pas dans l'avant-projet de loi, mais qui est dans l'air du temps, c'est les élections à date fixe. Je pense que, dans notre système politique, les élections à date fixe, ça n'a presque que des inconvénients parce que pouvoir tenir des élections en fonction des nécessités de la politique, soit pour sortir d'une crise parlementaire soit pour sortir d'une crise politique, c'est évidemment important de pouvoir le faire.
Et j'attire votre attention sur un deuxième inconvénient des élections à date fixe qu'on peut observer aux États-Unis ou en France, c'est que, si la date des élections est connue longtemps à l'avance, ça fait des campagnes électorales interminables, comme on les observe aux États-Unis, comme on les observe en France.
Et nos campagnes électorales exceptionnellement courtes sont, je pense, une des qualités de notre système politique. On n'a pas besoin de campagne électorale de trois mois ou de six mois, un mois suffit largement. Donc, là, il y a une réforme dont beaucoup de gens parlent comme de quelque chose qui serait très utile, et je pense que ça n'aurait que des inconvénients.
Il y a deux points sur lesquels je suis d'accord avec Paul Cliche, je crois que ce serait une bonne chose de voter le dimanche, ça n'aurait probablement que des avantages pour un grand nombre de gens pour qui ce serait plus pratique. Et je pense aussi que votre réforme, ce serait une bonne idée de la faire adopter par référendum. On a une Loi sur la consultation populaire, au Québec, depuis longtemps, qui permet d'adopter, de faire confirmer des lois par référendum. Et c'est le type de sujet typique où, pour donner une visibilité, une légitimité à la réforme, ce serait important de la faire adopter par référendum.
J'en viens à la réforme du mode de scrutin qui est le point le plus important de votre avant-projet. Alors, je vous rappelle ? peut-être que j'enfonce des portes ouvertes; vous en avez parlé déjà très souvent ? je vous rappelle les raisons très importantes de faire une réforme au Québec. Le système électoral que nous avons est très contestable du point de vue de l'égalité entre les citoyens. Le poids des citoyens, dans une élection, n'est pas du tout le même selon qu'ils vivent dans une circonscription très peuplée ou moins peuplée. Mais ce n'est pas le point le plus grave. Le point le plus grave, c'est la différence entre ceux qui vivent dans des circonscriptions où le résultat est très disputé et ceux qui vivent dans des circonscriptions où le résultat est connu à l'avance. Et ça, ça fait une différence énorme, du point de vue de l'influence des gens, sur la façon dont nous sommes gouvernés et c'est très, très contestable, dans une démocratie, du point de vue de l'égalité des citoyens.
Une des conséquences de cela au Québec, c'est l'inversion des résultats, la possibilité pour un parti de gagner une élection en ayant moins de votes qu'un adversaire principal, ce qui est arrivé trois fois au Québec, en 1944, 1966 et en 1998 et, je crois, en 1944, avec des conséquences politiques très, très importantes, hein? Ce n'est pas le peuple du Québec qui a mis Duplessis au pouvoir, c'est le mécanisme électoral, hein? Il avait moins de voix que ses adversaires. Ça a probablement eu des conséquences politiques importantes pendant 15 ans au Québec. Donc, j'insiste sur ce point, hein, la justice d'un système électoral, ce n'est pas d'abord la justice entre les partis politiques. Il peut être politiquement justifié de faire une loi électorale qui empêche les partis politiques d'avoir une représentation s'ils sont trop petits et il peut y avoir une loi électorale qui augmente la représentation du vainqueur. mais il n'y a aucune justification à faire une loi électorale qui permet au second de devenir le vainqueur. Je crois que ça, ça n'a aucune justification dans une démocratie.
La deuxième raison très importante de faire une réforme de notre mode de scrutin ? de nouveau, là, je répète des choses qui vous ont été dites par Paul Cliche ? c'est l'importance du vote tactique, la nécessité pour les électeurs de voter pas seulement en fonction du jugement qu'ils ont sur les candidats et ceux de la politique qu'ils souhaitent, mais en fonction des suppositions qu'ils font sur qui a des chances dans leur circonscription, ce qui est très désagréable pour eux, ce qui diminue beaucoup le vote en faveur des petits partis politiques, ce qui rend très difficile de créer des nouveaux partis politiques et de les développer, ce qui a pour conséquence que les grands partis politiques peuvent considérer une partie de leur électorat comme un électorat captif, dont on n'est pas vraiment obligés de tenir compte, parce que de toute façon on sait bien qu'ils sont obligés de voter pour nous. Ça aussi, c'est un très gros inconvénient de notre système électoral.
Alors, pour corriger cela, et si on veut absolument garder les circonscriptions uninominales, ce qui semble une évidence à tout le monde, évidence que je ne partage pas, mais, si on veut garder les circonscriptions uninominales, la seule solution, c'est d'avoir un système compensatoire, c'est-à-dire le système du type de celui qui vous est proposé, avec des candidats qui sont élus dans des circonscriptions uninominales et une correction du résultat en rajoutant des élus, des élus supplémentaires.
Alors, dans le cas de l'avant-projet de loi qui vous est présenté, les districts dans lesquels serait faite la compensation sont exceptionnellement petits, n'est-ce pas, entre trois et cinq sièges. C'est soit deux circonscriptions uninominales et un siège compensatoire, ou trois et deux, ce qui est exceptionnellement petit pour faire une compensation. Le but, je crois, et qui est un but relativement légitime, c'est de limiter le nombre des partis au Parlement pour garder des chances d'avoir un parti majoritaire, pour garder les chances d'avoir un système stable, ce qui n'est pas du tout une préoccupation futile, n'est-ce pas? C'est évidemment une préoccupation sérieuse.
Le système qui nous est proposé représente quand même un changement important par rapport au statu quo, puisque, dans la situation actuelle, le seuil d'éligibilité pratique est un peu au-dessus de 30 % et qu'avec l'avant-projet de loi, s'il est adopté tel quel, ça va tomber aux alentours de 15 %, si vous voulez. Les chances des petits partis seront le double de ce qu'elles sont aujourd'hui. Ça continuera à ne pas être magnifique pour eux, mais ça continuera à être assez important.
Pour des raisons que je n'explique pas, je pense qu'il est légitime de ne pas faire deux votes. C'est un autre point sur lequel je suis en désaccord avec Paul Cliche. Je répondrai à vos questions là-dessus, si vous voulez, sur mes raisons, parce que je dois aller exceptionnellement vite. Je voudrais juste attirer votre attention, en terminant, si on me laisse encore trois minutes ou quatre minutes...
Le Président (M. Simard): Il en reste deux.
M. Derriennic (Jean-Pierre): Deux. Ça va être très difficile. Attirer votre attention sur le fait qu'il y a un mécanisme électoral qui a des avantages énormes et que, semble-t-il, vous n'avez pas considéré. C'est la possibilité de faire un vote soit préférentiel, soit transférable, soit alternatif, les trois termes peuvent être utilisés, ce qui consiste à donner aux électeurs la possibilité d'indiquer un ordre de préférence entre les candidats.
C'est un système qui existe en Irlande. Contrairement à ce que l'on prétend, ce n'est pas un système compliqué pour les électeurs. Ce n'est pas plus compliqué que le système que nous avons. C'est un peu plus compliqué au niveau du calcul des résultats, et on peut adopter une variante moins compliquée que celle des Irlandais. Ça peut être simplifié. Si j'ai le temps, je vous expliquerai ça, mais je pense que je n'ai aucune chance de pouvoir le faire aujourd'hui. Mais évidemment il y a des réponses techniques à ça pour surmonter la difficulté irlandaise.
Et j'attire votre attention sur le fait que ça supprime complètement la nécessité du vote tactique pour les électeurs. Les électeurs peuvent, avec ce système, voter pour les gens qu'ils préfèrent vraiment. Et c'est le meilleur compromis, dans un système parlementaire, pour le problème suivant: comment ? une minute, M. le Président; comment ? avoir des grands partis politiques au Parlement pour que le Parlement puisse décider des choses, et comment permettre aux petits partis politiques de connaître vraiment leur poids dans la société et de jouer vraiment leur rôle dans le débat public, n'est-ce pas, les grands partis politiques sachant que le tiers de leurs élus ont été élus grâce aux deuxièmes ou aux troisièmes préférences des petits partis politiques qui continuent à avoir peu de sièges au Parlement mais qui ont maintenant un nombre de voix, dans la population, correspondant à leur soutien réel dans la population. J'ai terminé.
Le Président (M. Simard): Je vous remercie et je m'excuse de vous imposer un exploit comme celui-là, de concentrer votre discours, mais j'invite tout de suite... Je vous indique tout de suite les temps de parole: 10 minutes aux ministériels, huit minutes à l'opposition officielle, 3 min 45 s au député des Chutes-de-la-Chaudière et sept minutes au comité de citoyens. Je lance immédiatement, je ne vais pas dire «les hostilités», mais enfin les interactions avec le ministre de la Réforme.
n(17 h 30)nM. Pelletier: Merci, M. le Président. Merci, M. Derriennic, pour votre présentation à la commission, aujourd'hui. Merci pour l'intérêt que vous manifestez pour les travaux de la commission et pour le sujet.
Aujourd'hui, nous avons entendu le Pr Christian Dufour, qui est venu nous dire que dans le fond l'avant-projet de loi menacerait le principe de l'alternance au gouvernement du Québec. Alors, lui, ce qu'il dit, c'est que, si on adoptait l'avant-projet de loi tel quel, il n'y aurait plus d'alternance en quelque sorte au Québec, que le Parti libéral du Québec formerait le pouvoir ad vitam aeternam. Premier point.
Deuxième point, plusieurs personnes sont venues nous dire que... peu d'experts cependant, mais plusieurs personnes sont venues nous dire, ou du moins on entend ça dans le débat public: L'avant-projet de loi pourrait en quelque sorte compromettre ce que l'on appelle la stabilité politique au Québec ou la stabilité gouvernementale.
Alors, sur ces deux questions, l'alternance et la stabilité gouvernementale, j'aimerais vous entendre.
M. Derriennic (Jean-Pierre): L'alternance, j'avoue que je ne comprends pas l'argument, hein? Le Parti libéral n'a pas toujours la majorité des voix dans la population, et le changement de système électoral aurait pour conséquence que, quand il est second, il ne serait pas battu... enfin, quand il est premier en votes, il n'arriverait pas second en sièges, mais, quand il est second en votes, il arriverait quand même comme second en sièges.
La question du parti majoritaire. Bien, est-ce qu'on aura un gouvernement stable avec le nouveau système? Le nouveau système diminuera la probabilité qu'un parti soit majoritaire en Chambre, ça le diminuera nettement. Jusqu'à quel point? On ne peut pas le savoir. Est-ce que ça donnera des gouvernements de coalition stables, qui fonctionnent bien, comme dans beaucoup des pays où il y a des représentations proportionnelles? C'est possible. Mais ce serait un apprentissage à faire dans notre société, puisque nous sommes dans une société où on a tendance à considérer que, quand aucun parti n'a la majorité en Chambre, on ne fait pas une coalition, on fait un gouvernement minoritaire, ce qui, je pense, est un mauvais système si on est gouverné tout le temps comme ça. On peut être gouverné tout le temps par des coalitions, comme en Allemagne, depuis 1949, qui a toujours été gouverné de façon très stable par des coalitions, comme aux Pays-Bas, comme dans certains pays scandinaves, même comme en France, depuis 1962, où il y a des gouvernements de coalition qui sont des gouvernements de législature qui sont très stables ? les défauts du système politique français sont ailleurs, hein, que là-dedans.
Donc, on peut apprendre à faire des coalitions, mais, si nos partis politiques n'apprennent pas à faire des coalitions, il est vrai qu'un système plus proportionnel créant plus de multipartisme au Parlement sera un problème pour notre vie politique.
Le Président (M. Simard): M. le député de Trois-Rivières.
M. Gabias: Merci, M. le Président. M. Derriennic, merci de votre présentation. Est-ce que je dois comprendre que globalement l'avant-projet de loi vous semble... et là je ne veux pas vous tendre de piège, mais est-ce que globalement le projet de loi vous semble acceptable, évidemment bien qu'imparfait? Et, si c'était le cas, quels seraient les correctifs que vous proposeriez immédiatement?
M. Derriennic (Jean-Pierre): Bon, le projet de loi est très, très bon. S'il est adopté, je pense que ce serait un progrès important de notre vie politique.
Si j'étais despote éclairé, ayant le pouvoir de décider du mode de scrutin, n'est-ce pas, je ferais soit l'une soit l'autre des choses suivantes: je supprimerais complètement les circonscriptions uninominales et je ferais des petites circonscriptions régionales, peut-être des circonscriptions à trois sièges partout, pour avoir le moins de dispersion du vote possible, mais en supprimant... Ce sont les districts qui sont le bon aspect de cette réforme, et c'est la préservation des circonscriptions uninominales qui, je crois, est une erreur, une erreur que je peux comprendre, étant donné la culture politique de ce pays, qu'une réforme qui supprimerait complètement les circonscriptions uninominales est difficile à faire accepter. Mais je pense que, si on le faisait, on se rendrait compte que ça marche mieux, d'être débarrassé des circonscriptions uninominales, sauf peut-être aux Îles-de-la-Madeleine, sauf peut-être au Nunavik. On prévoit déjà des exceptions pour ces circonscriptions tout à fait particulières et éloignées. Celles-là, on pourrait les conserver.
L'autre chose que je ferais: faisant un système électoral qui donne peu de chances aux petits partis d'avoir des élus, je ferais un système à vote transférable pour que les électeurs puissent voter pour les petits partis qui ont leur première préférence, en sachant que leur vote n'est pas perdu parce qu'il y a une deuxième préférence, une troisième préférence, qui sera comptée s'ils votent pour un parti qui tombe en dessous du seuil électoral. Je pense que ça, ce serait aussi une amélioration considérable. Mais l'avant-projet, tel qu'il est, représenterait un progrès considérable par rapport au statu quo.
Le Président (M. Simard): Merci. Mme la députée de Chauveau.
Mme Perreault: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux revenir sur la stabilité politique. Ce matin, je pense que c'est le Pr Dufour qui nous a dit que le fait qu'on vive dans un secteur, en Amérique, où les gouvernements sont tous majoritaires, le Québec serait affaibli avec les gouvernements de coalition. Je veux vous entendre là-dessus.
Je veux vous entendre également sur le fait que: Est-ce que ce système-là va favoriser l'émergence de nombreux nouveaux partis politiques qui pourraient émerger suite à une réforme parlementaire? Et cette émergence-là, est-ce que ça va faire en sorte que, ça aussi, ça pourrait faire en sorte que de nombreux partis pourraient naître?
Et je veux aussi vous entendre sur le fait que: Est-ce que cette réforme-là favorise la présence de femmes en politique, comparativement au système qu'on a actuellement?
M. Derriennic (Jean-Pierre): Deux réponses très brèves sur la première et la troisième question et puis une réponse plus longue sur la deuxième.
Les États-Unis n'ont pas un système majoritaire. Les États-Unis ont des systèmes très, très différents avec, très souvent, un gouverneur et une assemblée législative, dans un État, qui ne sont pas de la même orientation politique, très souvent, un président qui n'est pas de la même orientation politique que la majorité au congrès. Donc, la notion de majoritaire ou pas, ça s'applique au Canada au niveau fédéral ou au niveau provincial, ça ne s'applique pas aux États-Unis. Donc, ce n'est pas vrai de toute l'Amérique du Nord.
Pour ce qui est des femmes, ce qui favorise la représentation des femmes en politique, ce sont les listes, hein? C'est le fait de voter sur des listes de candidats. Si un parti politique doit présenter une liste de cinq candidats, il ne va pas présenter cinq avocats mâles de 45 ans, il va présenter des gens différents. Et le phénomène des listes en lui-même, indépendamment de toutes règles supplémentaires qui peuvent être justifiées aussi, le phénomène des listes favorise la représentation des femmes. Ce n'est pas la représentation proportionnelle, ce sont les listes. Presque toujours, les listes, c'est dans des pays où il y a des représentations proportionnelles, n'est-ce pas? Les deux choses vont ensemble. C'est ça qu'il faut bien comprendre.
Pour la prolifération des partis, des petits partis politiques, les partis politiques qui, aujourd'hui, savent que, s'ils atteignent 20 % ou 25 % du vote, ça... les gens ne vont pas voter pour eux parce qu'ils n'ont aucune chance. Ce seuil, il est tombé à 15 %. Je crois que les électeurs apprendront très vite à voter non pas en fonction du résultat dans la circonscription uninominale, mais en fonction du résultat dans le district, et qu'un parti politique qui est capable d'avoir 15 % du vote dans l'ensemble du district saura qu'il faut dire aux gens: Vous votez pour X dans cette circonscription pour que Y soit élu au niveau du district, et où on met les deux photos sur les panneaux électoraux pour bien le faire comprendre aux gens. Je crois que, très vite, les partis et les gens le comprendront. Donc, effectivement, les partis politiques plus petits auront plus de chances avec le nouveau système. Les tout petits partis politiques n'en auront pas plus qu'aujourd'hui ou seront incités à se regrouper, ce qui peut être une bonne chose pour la vie politique.
Mme Perreault: Merci.
Le Président (M. Simard): Très bien. Merci. Il restait 30 secondes si vous voulez l'utiliser. Non? Ça va. Alors, j'invite maintenant le député de Masson à poser la prochaine question.
M. Thériault: Oui. Bienvenue, M. Derriennic. Le Pr Siaroff nous disait, il y a deux jours, je crois, que, concernant l'inversion des résultats, il fallait considérer le vecteur carte électorale et découpage de la carte électorale. Et, quand vous dites que notre système, depuis 220 ans, a donné lieu, en 1944, 1966 et 1998, à une inversion, il faut quand même convenir que deux de ces inversions sur trois étaient liées à la carte électorale.
n(17 h 40)n Maintenant, vous dites: Le système qui est sur la table est un très bon système. Alors, je suis très surpris parce qu'il n'y a pas beaucoup d'experts qui nous ont dit ça. Mais ce qui me fascine dans le fait que vous puissiez avancer une telle affirmation, c'est que, d'une part, on dit: On veut corriger le statu quo en permettant la pluralité des voix à l'Assemblée nationale. Or, la répartition par district du système actuel, présentement sur la table, c'est un seuil de 15 %, ce qui exclut au moins une grande partie des partis politiques, tiers partis, au Québec. D'autre part, l'effet pervers de ça, c'est que ça consacre le tripartisme. C'est peut-être une amélioration plutôt que le bipartisme, mais ça consacre le tripartisme. Et, pire, dans certaines circonstances, si on transpose donc aux trois grands partis, puisqu'on peut exclure, avec 15 %, les tiers partis, quand on voit la transposition des élections précédentes, à part 2003 où ça aurait pu donner un gouvernement majoritaire, on a des gouvernements minoritaires. Et donc, pour assurer un minimum de stabilité, il n'y pas un gouvernement qui ne va pas vouloir faire une coalition.
Première distorsion, parce qu'il faut quand même soulever les distorsions de chacun des modes de scrutin, il y en a, il n'y a pas juste des distorsions mathématiques, c'est que ce sont des tractations de coulisses entre partis politiques qui vont faire dériver le résultat de la gouvernance. Et, dans le cas du système qui est en place, le tiers parti, le troisième parti, qui a eu une minorité de voix, va, lui, avoir la balance du pouvoir. Et en quelque sorte vous dites: Ça, c'est un très bon système.
Le problème, c'est qu'au Québec, mon cher monsieur, il y a une surdétermination de la question nationale, tout de même. Or, on se retrouve avec trois grands partis, dont l'un est porteur d'un projet de société, et, s'il y avait coalition entre les deux partis fédéralistes, le troisième serait exclu du pouvoir.
Vous avez écrit, à un moment donné, dans un texte ? et je vais retrouver ça assez vite: «Si on adopte un mode de scrutin proportionnel, on devrait toujours lui greffer une forme de vote alternatif comme antidote aux coalitions gouvernementales incohérentes.» Vous commenterez ça tout à l'heure. Mais, dans le cas d'une surdétermination de la question nationale, dans ce cas-là, il me semble que le vote préférentiel est difficile à faire, puisqu'au fond, avant que le Québec ne devienne souverain, les électeurs devraient, à ce moment-là, préférer des partis qui ne partagent pas leur option constitutionnelle. Donc, avant de devenir un pays, ça devient difficile de mettre en place, dans une surdétermination de la question nationale qui est présente au Québec et qui a été soulevée par des experts par rapport, entre autres choses, à la subordination de l'État québécois par rapport à l'État fédéral... Le système canadien devrait se réformer peut-être en même temps ? s'en assurer ? que le Québec. Alors, c'est long, je vous entends là-dessus.
M. Derriennic (Jean-Pierre): Oui. Votre dernier point, ce n'est pas le sujet, mais je pense qu'une réforme du mode de scrutin est encore plus urgente pour le Canada que pour le Québec. Ce n'est pas le lieu pour en discuter.
J'ai dit que ce système, il est très bon, il est très bon par rapport à celui que nous avons. Disons, il est bien meilleur que celui que nous avons. Il n'est pas du tout ce qu'on peut faire de mieux dans l'absolu, notamment parce que nous avons cet attachement aux circonscriptions uninominales qui sont le problème de notre système électoral. On me dit: Ça, on ne peut pas toucher à ça, il faut absolument qu'on le garde. Donc, je l'accepte comme une contrainte du système.
Ça va favoriser plus de partis politiques que les trois qui ont, aujourd'hui, des élus à l'Assemblée nationale. Les partis d'extrême gauche, comme l'Union des forces populaires et son nouvel associé, aujourd'hui, ils peuvent avoir 3 %, 4 % du vote, parce que les électeurs savent que, tant qu'ils n'approchent pas de 30 %, on perd son vote en votant pour eux. À partir du moment où les électeurs comprennent qu'il suffit qu'ils approchent de 15 %, je pense qu'ils auront 10 % ou 12 % du vote assez facilement. Donc, le nouveau mode de scrutin changera le comportement des gens et leur façon de voter. On n'aura pas les résultats avec le vote actuel dans le nouveau système.
Est-ce que les coalitions, c'est des tractations entre partis politiques? Ça dépend des pays. Il y a les pays où, les gouvernements de coalition, ça se passe très mal, parce qu'effectivement ce sont des tractations entre partis politiques et que les citoyens n'acceptent pas du tout. On peut citer l'exemple d'Israël, on peut citer l'exemple de la Turquie, il y a une dizaine d'années, où c'était absolument caricatural, on peut citer l'exemple de la France à la Quatrième République. Mais, dans le cas de l'Allemagne, aujourd'hui, ou depuis 1949, dans le cas de la France depuis 1962, les gens savent à l'avance en votant quelles sont les coalitions possibles et celles qui ne le sont pas et acceptent très, très bien. Les gens qui votent communiste, en France, ils savent que les communistes soutiendront les socialistes. Dans un gouvernement, les gens qui votaient pour l'UDF, quand ça existait, savaient que ce serait un allié des gaullistes. Et là le gouvernement de coalition n'était pas du tout quelque chose qui affaiblissait le crédibilité de la politique, c'était quelque chose qui rendait les politiciens un peu plus responsables, qui les obligeait à tenir compte davantage de la diversité des opinions des gens qui les avaient soutenus.
Et le vote alternatif ? je vois que vous êtes allé chercher des choses que j'ai écrites, effectivement ? le vote alternatif permet aux électeurs de faire savoir aux élus quelles sont les alliances acceptables et celles qui ne le sont pas. Parce qu'on connaît les deuxièmes préférences. Et, dans notre cas, votre supposition sur la question nationale, n'est-ce pas, je n'ai aucune idée pour ma part quelle serait la deuxième préférence des électeurs de l'ADQ entre le PQ et les libéraux. Je ne sais pas comment on peut savoir ça à l'avance. Je ne sais pas... Ça ne me semble pas du tout évident, ça ne me semble pas du tout réglé qu'ils vont tous aller d'un côté ou qu'ils vont tous aller de l'autre, mais je trouve que ce serait très, très bien qu'ils aient la possibilité de dire de quel côté ils iraient et, s'il y a une alliance en Chambre, que l'alliance... Les politiciens savent que telle alliance, leurs électeurs ne vont pas la leur pardonner et qu'au contraire une autre alliance serait acceptable pour leurs électeurs. C'est l'avantage du vote alternatif.
Le Président (M. Simard): Alors, je vais changer maintenant pour le comité de citoyens. Juste souligner en passant, si je peux me permettre... Pardon, excusez, pour l'ADQ. Si je peux me permettre en passant, que, mercredi prochain, on aura peut-être un premier bilan d'une première expérience québécoise de vote préférentiel. M. le député des Chutes-de-la-Chaudière.
M. Picard: Merci, M. le Président. Je comprends de votre intervention que le projet proposé, c'est une amélioration. Il y aurait un meilleur système. Là, je pense qu'on n'en est pas rendu là. Le projet propose 26 districts, M. Milner nous en a proposé 14, M. Lemieux, les régions administratives ? parce que, comme vous disiez tout à l'heure, les gens sont attachés à leurs milieux ? lui, il en proposait 17. Parce que, si on diminue le nombre de districts, la représentation va être selon moi meilleure pour les partis et pour les citoyens aussi. Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que je comprends, votre modèle, il est idéal... idéaliste plutôt, disons, pour l'instant, peut-être qu'un jour on pourra aller là. Donc, j'aimerais vous entendre sur les améliorations qu'on peut apporter au projet de réforme du ministre. Et aussi j'aimerais vous entendre... Tantôt, vous avez dit que vous étiez pour le système à un vote: soit vous me donnez des inconvénients du deux votes ou les avantages du un vote, c'est à votre choix.
M. Derriennic (Jean-Pierre): La réponse sur le deux votes est assez simple. Les deux votes permettent une fraude qui consiste pour un parti politique à favoriser des candidats indépendants dans des circonscriptions uninominales et avoir ses électeurs qui votent quand même pour lui avec le deuxième vote, et ce qui lui permet d'avoir tous les votes du district parce qu'on ne déduit pas les élus indépendants de son score de parti, alors qu'on déduit les élus du parti dans la circonscription uninominale. C'est une manoeuvre qui a été faite en Italie avec ce genre de système et c'est une manoeuvre qui peut être faite. C'est une des raisons de se méfier.
Moi, j'ai une autre raison de me méfier, qui est liée à la culture politique du Québec, des choses qui me frappent considérablement au niveau des élections municipales. Aux élections municipales, on donne deux votes aux gens, et il y a un nombre considérable de gens qui se disent, puisque j'ai voté pour un tel comme maire, je ne vais pas voter pour son parti pour les conseillers municipaux. Donc, l'idée: Puisque j'ai deux votes, pourquoi les utiliser tous les deux de la même façon? Pourquoi ne pas mettre mes oeufs dans deux paniers différents? Et un système compensatoire où un très grand nombre d'électeurs font cela, ça ne marche plus du tout, ça ne donne plus du tout un résultat proportionnel. Donc, je pense qu'il est prudent, au Québec, au début au moins, de ne pas appliquer le système compensatoire avec deux votes. Si on s'y habitue beaucoup, peut-être que, dans 10 ans ou 15 ans, on se dira: Les gens ont compris comment ça marche et on peut faire les deux votes. Mais, au début, je trouve que c'est prudent d'avoir un seul vote dans le système compensatoire.
Je crois que j'ai perdu une partie de votre question.
n(17 h 50)nM. Picard: Le nombre de districts, là. Le projet, c'est...
M. Derriennic (Jean-Pierre): Oui, le nombre de districts. Si on augmente le nombre de districts, on diminue le seuil d'éligibilité et on diminue les chances d'un parti majoritaire en Chambre, et, je dirais, les objections de Christian Dufour deviennent encore plus graves. Et je crois, même si ce n'est pas dit très officiellement, que la raison principale de faire des petits districts pour faire la compensation, c'est de limiter le nombre des partis politiques en Chambre.
Quand j'ai rencontré le prédécesseur du ministre actuel, qui m'a demandé mon avis sur la réforme, je lui ai dit: Faites une compensation provinciale avec un seuil légal de 20 %. Alors, il a été épouvanté, il m'a dit: On ne peut pas faire ça. Aujourd'hui, nous avons un système électoral qui a un seuil réel de plus de 30 %. Oui. Quel est le député qui a été élu avec moins de 30 % des votes? C'est déjà arrivé? C'est bien difficile, parce que ça dépend du nombre de candidats, etc. Ce n'est pas un seuil officiel, mais c'est un seuil officieux. Or, ce qui est fait dans la réforme, c'est un seuil officieux de 15 %, et, moi, je trouverais que ce serait plus correct de dire officiellement quel est le seuil et de faire la compensation au plan...
Le Président (M. Simard): Malheureusement, je dois vous interrompre, c'est tout le temps qu'on a pour cette partie-là, et je dois passer au comité citoyen et inviter M. Boivin à poser la première question.
M. Boivin (Guillaume): Ça va aller, M. le Président, je vais passer la parole à mes collègues.
Le Président (M. Simard): D'autres collègues qui veulent poser des questions, du comité citoyen? Vous voyez, à force de vouloir rentrer dans les temps, on va finir par en avoir trop. Alors, là, je vous ai interrompu dans votre explication... Oui. Oui, bonjour, madame...
Une voix: Lafontaine.
Le Président (M. Simard): Lafontaine, excusez-moi.
Mme Lafontaine (Martine): Bonjour. Bonjour, monsieur. Vous me semblez être contre vraiment le vote électronique. Vous avez parlé au début...
M. Derriennic (Jean-Pierre): Le vote par courrier électronique, oui.
Mme Lafontaine (Martine): Par courrier électronique.
M. Derriennic (Jean-Pierre): Ou par correspondance, tout simplement. Le vote secret a deux fonctions: protéger les gens contre les pressions et les empêcher de vendre leur vote. Et le vote par correspondance ne permet pas d'empêcher de vendre le vote. Je ne pense pas qu'il y aura un très grand nombre de gens qui vont le faire, mais, du point de vue de la crédibilité de l'élection aux yeux des électeurs, le fait que ce soit possible contribue à dévaloriser l'exercice. Donc, qu'il y ait des gens qui ont des raisons très, très importantes, parce qu'ils sont en déplacement à l'autre bout du monde, etc., de voter par correspondance, en donnant des justifications, on peut accepter ça, mais se dire: On va faire voter le plus de gens possible par correspondance ou par courrier électronique, ça me semble une erreur du point de vue de l'intégrité morale du système électoral, comme ce qui est arrivé avec les maudites machines à voter, dimanche dernier, pour persuader encore plus de gens que tout ça n'est pas sérieux. C'est désastreux, n'est-ce pas? Évidemment, il faut continuer à voter avec des petits papiers dans des boîtes transparentes pour que la procédure continue à être respectable aux yeux du plus grand nombre de gens. Ça a une grande importance, cela.
Le Président (M. Simard): Je partage entièrement votre dernier point de vue et je vous remercie infiniment de votre collaboration et de votre discipline. Au revoir.
Alors, nous suspendons jusqu'à demain matin.
(Fin de la séance à 17 h 54)