(Quatorze
heures deux minutes)
Le Président
(M. Lafrenière) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission spéciale sur l'exploitation
sexuelle des mineurs ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à
toutes personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder aux premières consultations particulières et auditions publiques de la Commission
spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs.
Mme la secrétaire,
est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire :
Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.
Le Président (M. Lafrenière) : Parfait. Cet après-midi, nous débuterons par les
remarques préliminaires et nous entendrons,
en audition conjointe, le Service de police de Laval et M. Martin
Pelletier, accompagné de ses collègues du Centre intégré universitaire en santé et en services sociaux du
Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, Mme Nadine Lanctôt, en audition conjointe avec le Service de police de la
ville de Sherbrooke et l'Association des directeurs de police du Québec.
On entendra aussi Mme Kathleen Quinn,
pour le programme CEASE, provenant de la ville d'Edmonton, et finalement, du Service
de police d'Edmonton, deux de nos collègues policiers qui sont là-bas.
Remarques préliminaires
Mme la
vice-présidente, je vous laisserais débuter avec vos remarques préliminaires.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre :
Merci. Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de prendre la parole
au tout début de cette importante commission parlementaire. Je salue
tous mes collègues de l'Assemblée nationale qui sont là pour que nous puissions
travailler ensemble relativement à cet important dossier qu'est l'exploitation
sexuelle des mineurs.
Nous
avons pour mandat de faire le point sur une question complexe et aux
ramifications insoupçonnées et de proposer des recommandations au gouvernement. Ce dossier est très complexe. Je le
disais, ce n'est pas d'hier que l'exploitation sexuelle des mineurs nous
préoccupe. Beaucoup a été fait, tant du côté des forces policières,
judiciaires, des services sociaux. Il y a eu
une stratégie, également, qui a été mise en place, une stratégie 2016‑2021
intitulée Les violences sexuelles, c'est non, et cette stratégie consacre un chapitre et des mesures pour contrer
l'exploitation sexuelle des mineurs. Cette commission va nous permettre de faire le point et nous donner
des pistes pour aller encore plus loin. Alors, je remercie, bien sûr, tous ceux
et celles qui ont accepté de venir témoigner, de participer à nos travaux, ces
travaux de cette commission.
Mais malheureusement cette criminalité a la vie
dure, alors il faut que l'on poursuive ce travail de réflexion et qu'on amène
de nouvelles pistes de solution. Pour ce qui est des familles, bien, aucune
famille n'est à l'abri. Ce problème peut toucher à peu près toutes les classes
de la société, et il faut bien sûr être capable de comprendre ce phénomène à la
lumière des nouvelles technologies qui rendent encore plus difficile le
travail, j'imagine, des policiers, des autorités, mais peut-être plus facile le
travail des proxénètes qui se servent des nouvelles technologies pour suivre à
la trace leurs proies, les faire chanter, les isoler.
La
violence, pour ces mineurs... Ces victimes côtoient quotidiennement l'horreur.
Des garçons et des filles se trouvent emprisonnés
entre les griffes de proxénètes qui sont sans scrupules, au sein de réseaux
bien organisés. On parle des victimes, on
va en parler beaucoup. On va parler, bien sûr, des proxénètes qui contrôlent
ces victimes, qui les amènent dans cet enfer, mais il ne faut pas oublier aussi
le client abuseur. Nous allons parler des clients abuseurs. Nous allons parler avec des gens, des spécialistes concernant ce phénomène,
mais il n'en demeure pas moins que les clients abuseurs sont des pédophiles, ce
sont des vicieux, ce sont des violeurs. On parle de mineurs. Alors, il faut que
ces personnes-là, évidemment, on les montre... non seulement qu'on les montre
du doigt, mais il faut faire en sorte qu'on puisse leur dire à quel point ce qu'ils
font, c'est absolument terrible pour les jeunes du Québec, et ils
doivent évidemment être traqués par les autorités.
Alors,
je fais le message à ces femmes qui ont témoigné dans le livre des Survivantes,
Mégane, Cindy, Marie-Michelle, Mia,
Chantal, c'est pour vous, c'est en pensant à vous que nous allons tenir cette commission,
pensant aussi à toutes les autres victimes, qui sont victimes de ces
proxénètes. Alors, nous entendons travailler en grande collaboration tout au long de cette commission. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci,
Mme la vice-présidente. Maintenant, j'inviterais mon collègue
d'Hochelaga-Maisonneuve à faire sa déclaration.
M. Alexandre Leduc
M. Leduc : Merci, M. le
Président. D'abord, merci à tous les collègues, merci aux participants et
participantes qu'on va entendre aujourd'hui,
toute la semaine et les prochains jours que nous aurons en audience, merci à ma
collègue recherchiste, Claudine, d'avoir préparé
du document de fond pour la préparation d'aujourd'hui, merci au personnel de l'Assemblée nationale qui va nous accompagner. Une
pensée aussi particulière aux gens du service audiovisuel qui permettent
de retransmettre nos débats, nos
discussions, et aux gens de la sténographie qui vont prendre des notes sur tout
ce qui aura été dit ici.
Sur le fond
des choses, Québec solidaire, on a répondu présent très rapidement lorsque le
gouvernement a annoncé son intention de faire une commission spéciale sur
l'exploitation sexuelle des mineurs. Et plus rapidement, pour me mettre un peu dans le bain du sujet, ma conjointe, qui
travaille un peu dans le domaine, m'a suggéré une balado qui s'appelle Trafic
et qui est disponible d'ailleurs
aujourd'hui sur le Net ou... et qu'on va les entendre, je pense, ce jeudi, les
gens qui ont travaillé sur cette
balado-là. Ils cherchent à comprendre le client. Et j'écoutais ça... D'ailleurs,
j'ai eu la chance de faire le voyage Québec-Montréal
en famille. J'écoutais ça sur la 20, tard le soir, avec la petite qui dormait
en arrière, puis ça glaçait le sang, M. le Président, parce que... Ils
réussissaient à faire une fausse annonce, bref, sur le Web, et on entendait
donc des clients abuseurs qui
appelaient pour essayer de négocier puis de se trouver un rendez-vous, la
journée même, évidemment. Et les
choses qu'on entendait, c'était horrible, c'était comme quand on se magasine
une annonce sur Kijiji ou qu'on se commande une pizza, là. C'était un geste qui
était banal, et ça glaçait le sang de voir à quel point il y avait une demande.
L'annonce a été mise en ligne, puis, deux
minutes après, le cellulaire ne dérougissait pas pendant toute la journée. Elle
disait qu'elle aurait pu faire, je pense, une dizaine de clients dans la
journée même.
Bien, ça, M.
le Président, ça me répugne, ça me révolte. Et puis moi, j'ai deux priorités
ici. D'abord, c'est comment on va
réussir à casser la demande, parce qu'on aura beau avoir arrêté tous les pimps,
bien, s'il y a toujours de la demande en
arrière, il y en aura d'autres, des pimps, qui vont prendre leur place. Et
surtout comment on va s'assurer d'une sortie réussie, parce que c'est une chose de casser la demande,
mais c'en est une autre de s'assurer que les personnes qui sortent réussissent
à sortir de manière pérenne et qu'ils ne
reviennent pas dans le réseau par la suite, pour toutes sortes de raisons,
notamment la raison de la précarité économique. C'est souvent la raison
qu'on oublie dans notre analyse, parce que, quand on sort de la prostitution juvénile, bien, tout d'un coup,
on a un trou dans le C.V., on a un réseau qui est endommagé, on a parfois
des séquelles psychologiques et puis on n'a
surtout pas un rond, pas beaucoup d'argent. Donc, comment on va faire pour
les soutenir, ces gens-là, ces femmes-là, ces filles-là, dans leur sortie
réussie de la prostitution juvénile? Ça va être mes deux priorités, M. le
Président. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Maintenant, je laisserais la parole, pour les remarques
préliminaires, à ma collègue de Gaspé.
Mme Méganne
Perry Mélançon
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Donc, salutations à tous les
collègues de l'Assemblée nationale. Salutations
particulières à tous ceux qui sont présents pour venir nous dresser le portrait
de la situation dans chacun de vos domaines.
C'est vraiment beau et rassurant de voir qu'on a réussi à se rassembler ici,
les 13 membres de la commission, autour de la même problématique, l'exploitation sexuelle des mineurs. C'est une
commission qui va au-delà de la partisanerie, j'en suis très, très heureuse. C'est nécessaire, on le
dit depuis plusieurs semaines déjà, et on doit toujours garder en tête, bien
entendu, durant cette commission, les
enfants, les filles que ça touche, les petites filles pour certains, les soeurs
et amies pour d'autres, qui sont
vulnérables à cette exploitation, qu'on parle... peu importe l'âge, la classe
sociale ou le milieu culturel, il n'y
a personne qui est à l'abri de cette problématique-là. Et les séquelles, on le
sait, sont longues, sont douloureuses, et collectivement on paie le prix pour ces traumatismes inhumains vécus par
des filles, des femmes et, on l'a dit aussi, par de plus en plus de
garçons aussi.
• (14 h 10) •
Alors, la
reconstruction est néanmoins possible, des solutions existent. Dans les
dernières semaines, on a eu la chance ici,
les membres, de participer à des journées de mise à niveau. On a déjà entendu
quelques-uns d'entre vous aussi qui sont venus nous témoigner de certaines...
de l'histoire de ces victimes-là, de la façon qu'on peut leur venir en aide.
Le problème
est complexe. Ça prend les ressources qui sont mobilisées dans chacun des
secteurs, et vous êtes vraiment la pierre angulaire des pistes de solution qu'on
va pouvoir amener ici, en Chambre. Alors, c'est très important
pour nous de vous avoir dans ce
processus-là, et votre collaboration, elle est fondamentale. On est très
heureux de vous avoir présents ici avec nous.
Alors, on le
disait tout à l'heure, là, les données sont très parlantes, là. Les
victimes, elles viennent de partout. Et c'est un peu comme le cycle de la
violence ou de la toxicomanie, c'est difficile parce qu'on n'a pas affaire à
des gens qui demandent de l'aide.
Alors,
comment nous, on peut se placer et s'inscrire dans le débat? J'espère qu'on
pourra en sortir vraiment des solutions concrètes, et puis vous avez
toute la participation et ma collaboration au nom du Parti québécois. Donc,
merci à tous. Merci, M. le Président.
Le
président, M. Ian Lafrenière
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup pour ces remarques préliminaires. Merci pour le
comité directeur.
Alors, à mon
tour de vous souhaiter la bienvenue. Merci d'être ici. Et je suis très, très
heureux d'avoir ces 13 hommes et femmes autour de la table, des
gens qui sont ici pour un seul but : le bien de nos enfants. Vous allez
voir que cette commission est un tantinet
différente. Alors, il n'y a aucune partisanerie. Tout le monde travaille très
fort depuis le mois de juin pour un seul but, encore là, c'est le bien
de nos enfants.
J'aimerais remercier la secrétaire qui
est avec nous, les gens de la recherche qui font un travail incroyable. Vous
pouvez vous imaginer qu'un sujet comme ça il y a beaucoup de documentation. On leur envoie à une
vitesse rapide. Je ne sais pas où ils trouvent le temps pour lire tout
ça et nous faire des résumés. Merci d'être là.
Et
d'ailleurs, malgré mon background, je veux vous rassurer, ce n'est pas une
commission policière. On a plusieurs points qu'on veut régler ici. On
veut faire un portrait de la situation, on veut identifier comment on peut
faire de la prévention, on veut faire la
liste des outils nécessaires pour aider les gens qui sont victimes de tout ça,
on veut proposer des façons de sortir les victimes. Mon collègue
d'Hochelaga l'a dit tout à l'heure : Comment on fait pour l'après?
On
débute nos travaux ici, à Québec, mais très prochainement, cet hiver, on va se
déplacer à Montréal et à Val-d'Or; Montréal,
pour être plus proche du milieu communautaire, et Val-d'Or aussi pour dresser
un portrait avec les représentants des
Premières Nations. On sait qu'ils sont hyperreprésentés dans cette
problématique-là, mais c'est très peu connu. Alors, on veut se rendre
sur place, c'est une décision du comité directeur.
Comme élus, nous
avons le devoir de trouver des solutions à ce fléau, mais ça va être avec les
experts, experts qu'on commence à recevoir
aujourd'hui. Vous qui nous écoutez à la maison, vous avez un devoir aussi,
c'est d'en parler à vos proches.
Et
vous allez voir que, dans cette commission, on a pris des décisions aussi au
niveau de la terminologie. Alors, on ne vous parlera pas de prostitution juvénile, on va vous parler
d'exploitation sexuelle de mineurs. On ne vous parlera pas de clients, on va
vous parler de clients abuseurs. Parce qu'il y a une chose qui est très claire
pour nous, lorsqu'on parle de jeunes
filles, de jeunes garçons aussi âgés de moins de 18 ans, c'est
complètement illégal, c'est criminel. Alors, c'est une décision que la
commission a prise. On a décidé d'utiliser ces termes-là pour envoyer un
message très fort aussi aux gens qui utilisent des jeunes enfants, des
gens qui décident de payer pour avoir des services sexuels avec des jeunes de
12, 13, 14 ans. C'est un message très clair qu'on leur envoie.
Ce
qu'on va faire dans cette commission va avoir un impact pour le futur, le futur
de nos enfants. Et tout récemment j'étais dans une rencontre avec les
Premières Nations et j'ai entendu un terme que j'ai beaucoup aimé, qui
s'appelle la philosophie des sept
générations. Et c'est très, très simple, je vais vous le résumer ainsi :
Les gestes, les décisions qu'on va prendre
aujourd'hui vont avoir un impact pour les sept prochaines générations. Et,
quand on parle du bien de nos enfants, je pense que c'est complètement à propos
de dire qu'aujourd'hui ce qu'on fait... et là je mets beaucoup de pression
sur notre premier groupe qui est ici avec nous
aujourd'hui, mais ce qu'on pose aujourd'hui va avoir un impact pour les sept
prochaines générations. Alors, je
pense, c'est un devoir qu'on se donne tous ici, autour de la table, de se
dire : Ce qu'on fait, on le fait pour les bonnes raisons, on le fait
pour nos enfants.
Je veux vous
remercier et je veux rappeler aux victimes, les victimes qu'on a rencontrées,
les victimes que j'ai rencontrées dans mon
ancienne carrière, je vous avais promis de ne jamais vous oublier. Aujourd'hui,
c'est un grand, grand moment. On commence cette commission. Alors, bon
début de commission à tous et à toutes. Merci d'être là.
Auditions
Et,
sans plus tarder, je vais laisser la parole à notre premier groupe que je vais
vous présenter. Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants des
organismes suivants, soit le service de police de la ville de Laval et Martin
Pelletier, accompagné par ses collègues du
Centre intégré universitaire en santé et services sociaux du
Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal.
Je vous rappelle que
vous disposez chacun de 15 minutes de présentation, et, par la suite, il y
aura une période d'échange, et ça a été
voulu ainsi, que ça soit une période d'échange combinée de 30 minutes où
les gens de la commission pourront
vous poser des questions, et, contrairement aux commissions que l'on connaît
habituellement, ce n'est pas un nombre de... ce n'est pas une période de
temps qui est attribuée à un groupe parlementaire, c'est nous ensemble, comme commission, on s'est donné 30 minutes pour
vous entendre. On va poser de très courtes questions parce qu'on veut vraiment
bien vous entendre aujourd'hui.
Alors, je laisserais
le service de police de la ville de Laval faire son exposé. M. Brochet.
Service de police de Laval (SPL), Centre intégré de santé
et de services sociaux
de Laval (CISSS-Laval) et Centre intégré universitaire de santé et de
services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal
(CIUSSS—Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal)
M. Brochet (Pierre) : Alors, bonjour à tous. Je suis très heureux
d'être ici, très heureux parce que
c'est un enjeu qui me tient vraiment à coeur depuis déjà plusieurs
années, depuis la fameuse crise au niveau des centres jeunesse. Donc,
à titre personnel et professionnel, très heureux d'être ici.
Donc,
mon nom est Pierre Brochet, directeur du Service de police de Laval. Je suis
accompagné de M. Dany Gagnon, qui
est assistant-directeur, responsable des enquêtes criminelles au Service de
police de Laval, qui est assis derrière moi, ici, et M. Jean Fallon, qui est chef de l'administration du programme d'intervention en délinquance à la DPJ du
Centre intégré de santé et des services sociaux de Laval.
J'aimerais
tout d'abord vous remercier d'avoir invité le Service de
police de Laval à prendre part à cette commission
spéciale dont les travaux sont d'un très
grand intérêt pour nous, d'abord parce que l'exploitation sexuelle des mineurs
porte atteinte à la sécurité et aux
droits fondamentaux que sont la dignité humaine et le droit à l'intégrité
physique et psychologique de nos
filles et de nos fils, mais aussi parce que, pour construire une personne
prostituée adulte, il faut d'abord détruire un jeune, détruire un jeune
qui a commencé très tôt à être victime d'exploitation sexuelle.
Nous ne pouvons
pas l'accepter comme société. Chez nous, à Laval, nous ne l'acceptons pas. Je
dois vous préciser que nous nous
présentons devant vous non pas au nom uniquement du Service de police de Laval,
mais comme représentants de toute une région. Nous représentons toute la région lavalloise par
notre programme régional de Prévention jeunesse, qui rassemble de
nombreux acteurs dans la lutte à l'exploitation sexuelle des mineurs sur notre
territoire.
Le mémoire
que nous avons déposé est d'ailleurs le fruit d'une réflexion rigoureuse des
organisations composant, entre
autres, le programme de Prévention jeunesse de Laval. Ce programme, comme vous
le savez, a été mis en place en 2016
grâce à une subvention du ministère de la Sécurité publique. Il s'agissait
d'une réponse à une crise vécue chez nous, mais qui reflétait une
problématique nationale, soit des fugues de jeunes hébergés au centre jeunesse,
des fugues qui s'apparentaient souvent à des
jeunes filles victimes d'exploitation sexuelle. On se souvient tous de cette
crise qui est survenue.
Depuis
les trois dernières années, nous avons été nombreux, très engagés et minutieux
dans nos réflexions, nos recherches, nos
analyses, nos expériences multiples et nos réussites et aussi nos constats,
malheureusement, nos constats d'impuissance.
Nous en sommes venus à la conclusion qu'une banalisation de l'exploitation
sexuelle dans la société est au coeur de la problématique de ce
phénomène.
Nous avons
déjà commencé à nous attaquer à cette banalisation. Nous ne pouvons pas le
faire seuls à Laval, parce que cette banalisation est beaucoup plus grande que
notre région, elle concerne toute une société. Pour nous, l'exploitation
sexuelle des mineurs doit être vue comme un
écosystème, et vous en avez parlé un peu tantôt, M. le Président, composé non
pas de personnes prostituées, proxénètes et
des clients, mais bien de victimes, d'exploiteurs et d'abuseurs. C'est la base
même de notre vision. Ce n'est pas qu'une
question de vocabulaire ou de sémantique, c'est réellement la première pierre de
la fondation pour amorcer un changement incontournable dans notre société si
nous voulons arriver à renverser un phénomène en croissance constante.
Plusieurs
experts viendront vous parler de statistiques en croissance sur ce phénomène,
vous confirmer que c'est vers 13, 14, 15 ans qu'un adolescent commence à
être victime d'exploitation sexuelle et que cette exploitation se poursuit
quand ces jeunes passent le cap des
18 ans et se retrouvent sans grand soutien mais toujours exploités
sexuellement. Plusieurs vous diront
que les indicateurs de prévalence, de récurrence et de dangerosité pour la
sécurité de nos jeunes filles et de garçons aussi montrent que nous
sommes face à une expansion de l'exploitation sexuelle des mineurs.
• (14 h 20) •
Vous savez,
il y a très peu de victimes qui dénoncent ces abus. Elles ne parlent pas, elles
ne parlent pas assez. En fait, souvent,
ces jeunes ne se voient même pas comme des victimes d'exploitation sexuelle et
n'en voient pas les conséquences désastreuses, tant pour leur intégrité
physique et émotive que mentale. En dépit des moyens de persuasion et de
sécurité déployés par les tous intervenants
pouvant venir en aide à ces victimes, la peur et le refus de collaborer
l'emportent souvent. Faute de preuves
indépendantes, il devient impossible d'aller plus loin dans un processus légal. Souvent, aider ces victimes est un long parcours
de réussites et de rechutes sur plusieurs mois et même plusieurs années.
Si ces jeunes
ne se voient pas comme des victimes, c'est qu'il y a une normalisation
dans nos communautés de ce que l'on appelle à tort l'industrie
du sexe. Mais, dans notre vision, les corps et les personnes ne peuvent pas ni
être ni devenir des objets de transaction
commerciale, pas plus qu'un produit d'une quelconque industrie.
Il est impératif pour nous que
s'opère une transformation sociale, transformation sociale des perceptions à l'égard
de l'exploitation sexuelle des mineurs. Les mentalités doivent changer. On doit agir sur la perception populaire
qui banalise le recours à l'achat du corps de nos jeunes, parce que
ça... C'est ça, c'est le recours à l'achat du corps de nos jeunes.
Cette vision
n'a rien d'utopique ou d'irréaliste. Plusieurs exemples nous le démontrent. Pensons seulement
à notre évolution comme société par
rapport à l'alcool au volant. Dans
les années 90, nous nous sommes attaqués avec un bon succès à ce problème
majeur. L'acceptabilité sociale sur ce sujet est aujourd'hui très claire et
très forte. On ne doit pas conduire si on a consommé trop d'alcool, les
risques et les conséquences sont trop graves.
Pour arriver
à une situation similaire avec l'exploitation sexuelle des
mineurs, nous devons entreprendre des travaux soutenus sur plusieurs
années, comme vous parliez, des générations à venir. La culture de banalisation
de l'exploitation sexuelle des mineurs
bénéficie largement de la technologie et d'Internet. C'est un puissant levier de communication pour faciliter l'achat du corps de nos jeunes. Le défi est assurément de
taille, mais ce n'est pas ce qui doit nous arrêter, certainement.
À la base, il
y a d'abord les abuseurs, ces personnes qui veulent acheter et abuser du corps
de nos jeunes. C'est notre dénominateur commun. Notre expérience nous
démontre que les abuseurs sont sensibles aux conséquences légales, et seulement
sensibles aux conséquences légales. Ce qu'on constate, dans plusieurs
opérations que nous avons faites au Service
de police de Laval, ce n'est pas le remords des gestes posés qui les habite,
mais plutôt la peur que ces gestes soient connus de leur entourage, avec toutes les conséquences possibles, comme
un divorce, la perte d'un emploi, la réprobation de la famille et des
amis.
Sur près
d'une quarantaine d'hommes arrêtés depuis 2016 par notre service de police dans
le cadre de notre lutte à
l'exploitation sexuelle des mineurs, aucun d'entre eux n'a montré de signes de
nervosité en entrant dans la chambre où devait se trouver une personne mineure.
Au contraire, le niveau d'excitation était élevé. L'enquêteur principal au
dossier croit que, vu la réaction, il s'agissait d'habitués.
Et ce qui est
particulier, c'est que ces hommes n'ont pas de profil précis. Ils sont de tous
âges, de tous milieux, de toutes professions. Ils n'ont pas
nécessairement d'antécédents judiciaires, mais ils ont en commun d'avoir
l'argent nécessaire pour se payer le droit
d'abuser sexuellement de nos enfants. C'est la raison pour laquelle nous
croyons qu'il faut responsabiliser l'abuseur envers ses actes.
Le soutien de
la population quant à l'interdiction de l'achat de services sexuels des mineurs
est crucial, tout comme la nécessaire d'adopter une conception distincte de
l'exploitation sexuelle, même si ce phénomène partage des frontières communes et des similitudes avec l'agression
sexuelle, la violence conjugale et le commerce illégal. Ceci exige une cohésion
sociale importante et une grande volonté politique. Des mesures
législatives doivent être adoptées et des ressources financières, matérielles et humaines octroyées. Les services sexuels
offerts au Québec génèrent 2,6 millions de transactions par année,
soit 7 000 transactions par jour, un chiffre par ailleurs
conservateur, on le pense.
Pour
y faire face, nous avons besoin de moyens et de travailler ensemble. D'abord,
ne détournons pas l'attention du public ailleurs que sur les choix et
les gestes posés par les abuseurs. Ensuite, regardons de plus près le
comportement éthique de certains services
d'hébergement, comme les milieux hôtelier et locatif qui pourraient, eux aussi,
participer à la lutte à l'exploitation sexuelle. Vous savez, on donnait
l'exemple, l'autre jour, où on... Vous connaissez le système des brocanteurs, donc des «pawnshops», brocanteurs. Il
y a vraiment une législation, et puis c'est vraiment très encadré. Donc,
un citoyen va porter un objet volé chez un
brocanteur, et on lui demande son identité. Il y a un registre. Le registre a
été envoyé au service de police
concerné, et il y a un suivi qui est fait par le service de police. Mais, quand
un exploiteur entre dans un motel
avec un enfant de 13 ans, on n'a aucun contrôle. Il n'y a aucun contrôle
sur l'exploiteur qui amène un enfant de 13 ans et pour être vendu,
pour vendre ses services et pour vendre son corps.
Le mémoire
que nous avons déposé présente des orientations claires sur une campagne
nationale de communication visant des
messages normatifs dont le but serait d'amorcer un changement dans
l'acceptabilité sociale envers l'exploitation sexuelle des mineurs. La responsabilité de l'acte est clairement celle
de l'abuseur. Également, voyons à déterminer une perspective plus large de prévention, d'éducation et de sensibilisation
avec des actions accompagnées d'une intensification sur le terrain, dans un souci de cohésion et de
convergence. Une formation spécifique sur l'exploitation sexuelle s'adressant
à tous les acteurs du système sociojudiciaire soutiendrait également la lutte à
l'exploitation sexuelle des mineurs. Un accompagnement
des abuseurs reconnus coupables devrait aussi être dans nos démarches, le but
n'étant pas d'isoler à jamais ces personnes et de les enfermer dans une
détresse face à l'opprobre de la société.
Somme toute,
nous invitons le gouvernement à participer à un mouvement de transformation des
valeurs sociales au Québec en lien
avec la prostitution en général et plus spécifiquement avec l'exploitation
sexuelle des mineurs. Une action concertée
et gouvernementale aura un impact réel, concret et de longue portée. Elle
pourra assurer des stratégies porteuses, avec des ressources humaines et financières appropriées, parce que nous
manquons tous de moyens afin d'arriver à réduire quelque chose de
fondamental, soit l'acceptabilité sociale que le corps d'une personne peut être
acheté.
En mettant en
place une stratégie nationale et permanente où la communication porterait sur
le caractère odieux et criminel de la
commercialisation des relations sexuelles des mineurs, nous ferons un pas
immense vers l'avant. Rendons intolérable
et inacceptable le fait d'acheter le corps de nos filles et de nos fils. Ce
n'est pas l'offre qui crée la demande, mais la demande qui crée l'offre.
Merci, mesdames et messieurs.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, M. Brochet. Je vous ai entendu dire de travailler
ensemble, alors je prends la balle au
bond et je vais inviter, justement, nos prochains invités, M. Martin
Pelletier, Centre intégré universitaire en santé et services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, à se
présenter puis à présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer
votre exposé.
M. Pelletier
(Martin) : Bonjour. Merci,
M. le Président, et merci de l'invitation. En tant que CIUSSS, nous allons
vous présenter trois projets d'actions
concertées cet après-midi, un en lien avec la protection de la jeunesse, un en
lien avec l'institut universitaire...
bien, les deux en lien avec l'Institut universitaire Jeunes en difficulté.
Donc, on va débuter avec la protection de la jeunesse, ma collègue
Isabelle qui va vous entretenir.
• (14 h 30) •
Mme Negri-Corbeil
(Isabelle) : Donc, bonjour.
Je m'appelle Isabelle Negri-Corbeil, je suis criminologue à la direction
de la protection de la jeunesse, à l'évaluation des signalements.
Donc,
lorsqu'un signalement est retenu pour évaluation, nous devons déterminer si la sécurité
et le développement de l'enfant est
compromis, et ce, en procédant à l'évaluation de sa situation et ses conditions
de vie. Suite aux amendements qui ont
été apportés à la Loi sur la protection de la jeunesse dans le cadre du projet
de loi n° 99, les victimes d'exploitation sexuelle font maintenant l'objet d'un signalement
en raison d'une situation d'abus sexuel. Ces amendements nous permettent également
d'intervenir lorsque les enfants se retrouvent dans des situations de risque
d'exploitation sexuelle.
Une des
premières démarches que l'on effectue est de déclencher l'entente
multisectorielle. Cette entente a pour but de garantir une meilleure protection
à l'enfant et lui apporter l'aide nécessaire, tout en se concertant avec nos
partenaires. À Montréal, ce sont principalement avec les procureurs de la
chambre de la jeunesse, de la chambre criminelle adulte et le Service de police de la ville de Montréal.
Toujours à Montréal, en 2007, une équipe spécialisée a été créée en lien avec
la problématique d'abus sexuels et d'abus physiques graves. Ainsi,
quotidiennement on est appelés à déclencher l'entente multisectorielle et donc de travailler en étroite collaboration avec nos
partenaires. On est aussi exposés au
quotidien à la problématique d'exploitation sexuelle.
Lorsqu'on
applique l'entente multisectorielle, ça nous permet de divulguer des renseignements qui sont confidentiels, mais
qui sont nécessaires afin de faciliter le travail de tous les partenaires. La
DPJ et les enquêteurs possèdent parfois des informations qui sont différentes mais qui sont souvent complémentaires,
l'un avec l'autre, en lien avec nos mandats respectifs. Ces informations sont cruciales et, après
concertation, nous permettent d'avoir une vision plus globale de la situation
de l'enfant.
Dans la
majorité des cas, les victimes d'abus sexuels sont rencontrées initialement par
des enquêteurs qui sont formés aux
entrevues d'enfants. Par contre, dans le cas d'exploitation sexuelle, les
victimes ne se perçoivent pas toujours comme telles
et peuvent hésiter à porter plainte. Par
exemple, elles peuvent croire avoir
consenti ou elles peuvent avoir peur des représailles. C'est donc souvent pour cette raison que ce sont nous, les
intervenants, qui les rencontrerons, dans un premier temps, afin de
regarder avec eux la situation. Nous avons tous été formés aux entrevues non
suggestives.
Suite à
l'évaluation, une décision est prise concernant la situation
de l'enfant à savoir si les faits sont fondés ou non. Lorsque les faits s'avèrent fondés, nous devons l'orienter vers les
ressources pouvant lui venir en aide. Généralement, la
majorité des victimes sont orientées vers la Fondation Marie-Vincent, qui est
un organisme qui vient en aide aux victimes d'agression sexuelle. Elles
peuvent également être orientées vers le projet Sphères, qui sera abordé
ultérieurement par M. Pelletier.
La confidentialité est un enjeu qui demeure au coeur
de nos préoccupations lorsque l'on procède à une évaluation. Les informations qui sont contenues au dossier de
l'enfant sont confidentielles. Ainsi, l'échange de renseignements ne doit
se limiter qu'aux informations qui sont
nécessaires afin de faciliter l'intervention de nos partenaires. Malgré un
cadre légal qui nous permet la divulgation des renseignements à nos
partenaires, lorsque l'enfant subit ou est à risque de subir de l'exploitation sexuelle, dans les faits, l'entente
multisectorielle est rarement appliquée dans les situations à risque d'exploitation sexuelle parce que les faits
recueillis quant à une victimisation sont souvent insuffisants. L'application
parfois complexe des règles qui
entourent la confidentialité ne nous permet pas de toujours bien analyser la
situation de la victime, les liens entre les différentes victimes ni
d'identifier plus facilement et rapidement les proxénètes et recruteuses.
Une autre préoccupation importante que nous
avons est celle de la concertation entre les acteurs qui sont tous responsables d'assurer la sécurité des victimes à
l'échelle provinciale mais aussi interprovinciale. À Montréal, la concertation
entre la DPJ, le Service de police de la
ville de Montréal et les procureurs fonctionne bien. Cependant, on sait que les
mineurs victimes d'exploitation
sexuelle peuvent être déplacés par leurs proxénètes et se retrouver un peu
partout à travers la province. Ainsi,
on a tout avantage à mieux communiquer pour pouvoir mieux se concerter. Cette
réalité est tout aussi vraie entre les différentes provinces
canadiennes, mais où on se heurte à une complexité supplémentaire. Nos lois
provinciales et leur application, qui visent
pourtant toutes à assurer la sécurité des enfants, varient notamment sur l'âge
de prise en charge des mineurs. Donc, le rapatriement des victimes québécoises
qui se retrouvent à l'extérieur du Québec est parfois plus complexe.
L'entente
multisectorielle nous permet un échange d'information concerté afin d'assurer
la sécurité et le développement des
mineurs exploités sexuellement. Grâce au déclenchement de celle-ci, la
mobilisation des acteurs permet d'offrir une meilleure protection et une meilleure intervention aux victimes
d'exploitation sexuelle. Je vais laisser la place à mon collègue.
M. Brisebois
(René-André) : Bonjour. Je
m'appelle René-André Brisebois, je suis praticien-chercheur à l'Institut universitaire
Jeunes en difficulté, plus précisément au CIUSSS du
Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal. Je suis venu vous présenter aujourd'hui une
initiative qu'on mène depuis quelque temps, un projet qui s'appelle ACTES, qui
signifie Activité clinique sur la traite
et l'exploitation sexuelle. C'est un projet qu'on coordonne, qui reçoit et qui
bénéficie d'un financement de trois
ans de la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants. C'est une
initiative qui vise à prévenir le proxénétisme et la traite de personnes chez les jeunes qu'on considère comme étant
les plus à risque de s'impliquer dans ce milieu criminel qui est le
proxénétisme. La volonté de ce projet-là, c'est vraiment de travailler en
sensibilisation, éducation et en intervention auprès de cette
clientèle-là à des besoins spécifiques.
Quand on
parle des proxénètes, la majorité d'entre eux, il faut savoir que la recherche
et nos constats cliniques aussi nous
permettent de voir qu'ils ont commencé généralement à l'adolescence. Donc,
leurs activités de proxénétisme, pas en tant que proxénètes nécessairement mais à travers tout ce milieu-là, que
ce soit à travers le recrutement ou tout autre rôle, c'est souvent à l'adolescence que ça se produit ou
au début de l'âge adulte. Donc, on sait que c'est une période cruciale sur laquelle il faut agir. On sait également
que nos jeunes qui sont hébergés dans nos services de jeunes contrevenants,
souvent, encore une fois, à travers des études, des constats cliniques...
on s'aperçoit qu'il y a une certaine désensibilisation par rapport à la sexualité, par rapport aux relations hommes-femmes, les rapports de
force, aussi, entre hommes et femmes. Donc, pour ces raisons-là, on
croit que c'est important de s'adresser à ces différents aspects là.
L'autre chose
aussi, c'est que la majorité de nos jeunes qui sont suivis dans nos services
sont suivis pour des délits à
caractère violent, je dirais, beaucoup plus, donc, des délits violents ou graves, et
moins spécifiquement pour des délits en lien avec le proxénétisme. C'est extrêmement
rare qu'on a des jeunes suivis pour ça, alors que, dans les faits, on le sait
que, justement, s'ils ont leur premier contact à l'adolescence, c'est que c'est
quand même assez présent dans leur univers, mais ils ne sont pas nécessairement
suivis pour ça. Donc, on s'est dit : Ce serait, justement, le temps de
développer une initiative qui vise à cibler ces jeunes-là en particulier
et leurs besoins très spécifiques.
Aussi, on
sait que c'est des jeunes qui sont habituellement... les jeunes qui sont
impliqués dans le proxénétisme, c'est des jeunes qui commettent toutes autres
formes de délit. Donc, le proxénétisme n'est pas systématiquement une
spécialisation criminelle, c'est
parfois une de leurs activités criminelles, donc ils peuvent en avoir
plusieurs. Et c'est pour ça qu'on se dit que nos jeunes contrevenants doivent être absolument abordés sur cette
question-là qu'est le proxénétisme et surtout avec l'angle de la prévention.
Dans le fond,
pour démarrer ce projet-là, on a cru bon de s'adjoindre des partenaires qui
avaient une expertise, une expertise... Là où la nôtre s'arrête, la leur
commence, dans le fond. Donc, on avait besoin vraiment de travailler en complémentarité avec ces partenaires-là,
communautaires et institutionnels. Donc, dans le cadre de ce projet-là, on a un
organisme de travail de rue, PACT de rue, qui travaille avec nous, on a
également L'Anonyme qui est présent avec nous, donc, pour développer tout le volet d'éducation à la sexualité auprès
des jeunes et aussi pour l'accompagnement individuel de ces jeunes-là. C'est des gens, c'est des
organismes qui sont reconnus pour leur expertise dans le domaine, et c'est pour
ça, justement, qu'on voulait qu'ils puissent travailler avec nous sur cette
thématique-là précisément.
Donc, c'est
une action concertée qu'on considère très importante non seulement parce qu'on
se concerte entre partenaires, mais aussi parce qu'on se concerte avec
d'anciens proxénètes. Eh oui! Donc, on travaille avec des gens qui ont déjà été impliqués de près ou de loin dans cette
problématique-là. Ce que ça nous permet d'avoir comme regard, c'est un regard de l'intérieur, donc un regard de jeunes et
de, maintenant, moins jeunes qui ont vécu cette réalité-là, qui connaissent
les rouages et le fonctionnement de ça et qui voient aussi comment les jeunes
pensent, comment eux-mêmes pensaient lorsqu'ils
étaient plus jeunes. Ça nous permet d'avoir une meilleure lecture, plus
adéquate, et aussi de cibler davantage notre projet en lien avec les réalités de nos jeunes qui sont hébergés dans
nos centres de réadaptation pour jeunes contrevenants.
Donc,
c'est vraiment une initiative qui nous tient à coeur, qui a commencé depuis
quelques mois seulement, mais dont
vous entendrez probablement parler dans les prochains mois. Donc, on est fiers
de cette initiative-là qui est vraiment un maillage entre partenaires
institutionnels et communautaires, qui vise vraiment la complémentarité des
actions et aussi à développer des
initiatives qui vont cibler précisément la prévention du proxénétisme. Parce
qu'on parle beaucoup, beaucoup des
clients abuseurs, effectivement, c'est hyperimportant, on parle aussi, bien
entendu, des victimes, mais aussi, si on veut parler des proxénètes ou
des exploiteurs, on doit non seulement penser à l'aspect répressif, mais
également à l'aspect d'intervention, de réadaptation et, bien évidemment, de
sensibilisation et de prévention. Merci.
• (14 h 40) •
M. Pelletier
(Martin) : Donc, bonjour.
Martin Pelletier. Je suis chef de module fugue, sexo, toxico. Je vais vous
présenter le projet Sphères. Donc, le projet
Sphères, c'est un projet en lien avec l'exploitation sexuelle de
12-24 ans, donc des jeunes filles
et garçons victimes d'exploitation sexuelle, dont la durée du projet vise le
temps. Donc, ce qu'on veut, en lien
avec le projet, c'est, dans le temps, la longévité, c'est de créer des liens
pour pouvoir intervenir le plus longtemps possible. Quand on parle de 24 ans, c'est qu'il y a un
âge charnière qui arrive, à 18 ans, où ces jeunes-là se retrouvent souvent
à la rue. Donc, dans le projet Sphères, ce qu'on veut, c'est de
maintenir ce lien-là et de développer aussi toutes les capacités individuelles
pour pouvoir sortir les jeunes le plus possible, là, du rouage de
l'exploitation sexuelle.
Dans un projet comme ça, je ne vous cacherai
pas, vous l'avez dit, M. le Président, c'est un peu complexe, le phénomène. C'est aussi difficile de pouvoir aller
chercher plusieurs partenaires, d'avoir tous la même mission, ensemble,
et le même message.
Je vais vous
nommer les partenaires avec qui nous travaillons sur le projet Sphères, qui est
L'Anonyme, l'organisme En marge 12-17, le Service de police de la
ville de Montréal avec le projet des Survivantes, nous avons le CIUSSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal, qui est communément
appelé le Centre jeunesse et de la famille Batshaw, tout le côté anglophone,
et, bien sûr, la Fondation Marie-Vincent.
Parmi ces partenaires, nous avons des rencontres
d'accompagnement qui vont être plus individualisées, en lien avec le projet des Survivantes, où on va faire des
rencontres avec d'anciennes victimes d'exploitation sexuelle. On a des programmes d'éducation à la sexualité, donc, leur
parler de sexualité; le travail de proximité dans la population,
en lien avec toutes les
vulnérabilités, en lien avec la consommation, les drogues, la prostitution, et
aider les jeunes fugueurs, eux aussi,
en lien avec de l'hébergement. Donc, on est à même d'offrir un hébergement
auprès de ces jeunes-là. Et, bien sûr, tout
le niveau thérapeutique avec lequel on peut aider les jeunes, filles, garçons,
mais aussi les parents qui ont besoin d'aide.
En lien avec
tout ce projet-là, il y a toute la partie, aussi, avec nos directeurs.
Donc, on a un lien direct aussi, sur le terrain, de pouvoir changer des choses. Vous avez eu une présentation de
la protection de la jeunesse, comment les modifications à la loi peuvent
venir influencer nos interventions, donc, avec les partenaires, nos directeurs,
les dirigeants, comment on peut
changer nos façons de faire puis d'améliorer nos interventions, toujours
en ayant en tête les besoins des jeunes.
La première vision, c'est vraiment d'avoir une vision commune, d'avoir une cohérence
entre nous, décloisonner la problématique,
aussi. Souvent, ce qu'on voit, c'est de travailler en silo. Donc, on veut
décloisonner les interventions et de parler, tous, de la problématique
de l'exploitation sexuelle, vous l'avez dit en entrée de jeu, d'utiliser vraiment
le côté exploitation sexuelle.
Bien sûr, ce
projet Sphères, il est financé par la Sécurité publique Canada, et c'est une
durée de cinq ans. Présentement, ça fait deux ans que le projet est en
opération, là, pour l'île de Montréal plus spécifiquement.
Y avait-u de quoi? C'est-u bon? Je vais... J'ai
perdu mon fil.
Le Président (M. Lafrenière) :
Vous êtes parfaitement dans les temps.
M. Pelletier (Martin) : C'est
bon. Parfait.
Le
Président (M. Lafrenière) : Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période
d'échange, je n'ai pas dit «période de questions»,
mais «période d'échange» avec les gens de la commission. Il vous restait
30 secondes, vous voulez apporter un point?
M. Pelletier (Martin) : On
avait quelques recommandations, vite fait. Est-ce qu'on...
Une voix : ...
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, c'est ça, on va y revenir
M. Pelletier (Martin) : On va y
revenir? Parfait.
Le Président (M. Lafrenière) :
On va y revenir dans notre période d'échange.
M. Pelletier (Martin) : C'est
bon.
Le Président (M. Lafrenière) :
C'est bon? Alors, je vous ai dit, c'est vraiment une période d'échange, on a maintenant 30 minutes. Ce que je vais
demander aux membres de la commission, c'est de m'indiquer, pour... à qui
s'adresse la question, parce qu'on a
les deux groupes qui sont devant nous, donc, la police la Laval, qui est là, et
les gens du CIUSSS... dire à qui s'adresse la question. On va y aller à
tour de rôle. Alors, Mme la vice-présidente.
Mme St-Pierre :
Merci. Merci, M. le Président. Alors, merci pour ces commentaires. J'ai des
questions très courtes, alors des réponses courtes, parce que je pense
qu'il y aura beaucoup de questions.
M. le
directeur de police, M. Brochet, vous m'avez fait un peu sursauter quand
vous avez parlé de 2 600 000 transactions. Si vous pouviez nous dire, exactement, d'où
viennent ces statistiques-là. Puis vous avez dit : C'est probablement plus
que ça. Vous avez dit que le phénomène était en... l'exploitation sexuelle des
mineurs est en expansion. Donc, malgré tous les projets, tous les
efforts qui sont faits, on assiste à un phénomène d'expansion.
Et, pour
Montréal, ma question est sur — ça, je ne sais pas qui pourra répondre — les grands événements. Est-ce que vous notez
un problème particulier avec les grands événements, qu'il y a une attraction
sur Montréal au plan du tourisme sexuel? Et si vous avez quelques
statistiques là-dessus.
Alors, c'est ça, là, puis je pense que vous
allez être obligés de répondre assez rapidement.
M. Brochet (Pierre) : Au niveau
du 2 600 000, ces données-là sont recueillies dans un rapport du
Service du renseignement criminel du Québec.
Et ce qu'on comprend, évidemment, avec Internet, maintenant, c'est le nombre de
«hits», le nombre de recherches, et ça inclut l'exploitation sexuelle,
la pornographie juvénile, donc, toute transaction qui inclut l'exploitation des
mineurs. Donc, avec Internet, si on justifie, si on comprend la croissance
importante... Vous savez, il y a
20 ans, si on voulait avoir une prostituée mineure, ça pouvait être plus
complexe. Maintenant, c'est accessible, très, très, très facilement sur plusieurs sites Internet, malheureusement.
Donc, les données viennent d'un
rapport du Renseignement
criminel du Québec, et la croissance est aussi expliquée à travers ça.
Mme St-Pierre :
La croissance s'explique par les nouvelles technologies qui font que ça grossit
tout le temps.
M. Brochet
(Pierre) : Oui. On parle des
nouvelles technologies puis, bien, on revient à la banalisation aussi.
Vous savez, la société a évolué, et je pense qu'on doit faire
prendre conscience aux citoyens de l'importance d'un positionnement
ferme contre l'exploitation sexuelle.
Mme St-Pierre :
Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. Le député d'Ungava.
Mme St-Pierre :
J'avais une autre question.
Le Président (M. Lafrenière) :
Oh! excusez-moi, madame.
Mme St-Pierre :
L'autre question, c'était sur Montréal comme plaque tournante du tourisme
sexuel et les grands événements.
M. Pelletier
(Martin) : En lien avec nos
jeunes qui sont placés en centre jeunesse, durant les trois dernières années, on comptabilise, voir les situations de fugue et,
dans la fin de semaine du Grand Prix, juste pour ne pas la nommer, nous n'avons
pas de réelle augmentation de fugues durant cette fin de semaine là. Par
contre, j'ai le goût de dire que le phénomène,
c'est 365 jours par année. On n'a pas nécessairement une hausse, mais le
phénomène, il est à longueur d'année. Vous
savez qu'à Montréal, oui, c'est la plaque tournante, plusieurs festivals.
L'été, ça commence, oui, par le Grand Prix et ça se termine... Mais j'ai le
goût de dire : Ça ne se termine jamais. Nos jeunes, ils sont toujours
exploités sexuellement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Député d'Ungava.
M.
Lamothe : M. Brochet, vous avez parlé tantôt... peut-être que la
meilleure prévention serait d'enrayer la demande. Avec l'expérience que
vous avez, comment vous voyez ça, vous?
M. Brochet
(Pierre) : Bien, vous savez,
on a fait des gestes au cours des dernières années. On a parlé de 40 abuseurs
arrêtés. Donc, il y a une opération qui a
été menée par l'assistant-directeur, Dany Gagnon, qui était de faire un
scénario, par exemple. Ce qu'on a
fait, c'est... on a mis une annonce sur Internet où on expliquait qu'il y avait
des transactions possibles avec des
mineurs. Donc, la première intervention, la première opération, on a eu une
très forte demande, là. En dedans de quelques heures, on avait
10 arrestations, là. Et là, tranquillement, les gens s'habituent à ça.
Vous savez,
dans le milieu policier, quand tu travailles au niveau d'une stratégie pour
arrêter des suspects, de quelque origine
que ce soit, les gens vont s'adapter rapidement à différentes stratégies de
répression. Bien, ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas seulement la répression,
là. Ce que ça nous a fait réaliser, un peu comme on disait tantôt, c'est que la
demande est très, très, très forte. Et, si ce n'est pas de la peur de se
faire prendre, la demande va demeurer là.
Mais ce qu'on
dit, comment faire ça, nous, on pense, quand on compare toutes les stratégies
qu'on a faites en lien avec l'alcool,
la cigarette, par exemple, il faut que ça devienne odieux et inacceptable aux
yeux, en général, de la communauté, d'acheter des services sexuels. Pour
nous, c'est la seule façon, puis là on va réduire la demande.
Et
j'espère... Parce que, vous savez, les gens qu'on arrête, les 40 qu'on a
arrêtés, là, c'est le citoyen moyen qui a un emploi, souvent qui a des enfants,
là, tu sais. Ce que je souhaiterais, c'est, dans sept, huit, 10 ans,
peut-être avant, on l'espère, mais qu'on arrêterait des pédophiles, des gens
très criminalisés, tu sais, des gens vraiment en marge de la société. Mais ce
qu'on constate, ce n'est pas ça. C'est le citoyen moyen, actuellement, là.
M. Lamothe :
Peut-être une autre question?
Le Président (M. Lafrenière) :
Oui, allez-y avec une brève question.
M.
Lamothe : Je ne connais pas beaucoup votre corps de police. Au niveau
scolaire, êtes-vous impliqués dans les polyvalentes, puis dans les
écoles secondaires, puis les écoles primaires?
M. Brochet
(Pierre) : Bien oui,
certainement. Au niveau du Service de police de Laval, nous avons des policières
affectées au programme Les Survivantes. Vous
savez, le programme Les Survivantes, on embauche d'ex-prostituées qui ont connu cette misère-là, si on veut, et on les
invite à faire des conférences avec nous dans le milieu scolaire. Donc, j'ai deux
policières très, très, très spécialisées dans ce domaine-là, puis on est
constamment à faire de la prévention.
M. Lamothe : C'est-u bon?
M. Brochet
(Pierre) : Bien, c'est bon,
mais, encore là, ce qu'on a réalisé, dans certains endroits, c'est qu'il y a
même des jeunes filles qui... et là
les policières m'en parlaient, même avec une prostituée qui a connu toutes les
difficultés — puis
elle, elle est capable de témoigner de
l'impact sur sa vie que ça a eu à long terme — on parle des fois des jeunes filles, puis
elles banalisent ça eux-mêmes. Elles-mêmes,
elles banalisent ça en disant : Ce n'est pas grave, tu sais, puis on fait
de l'argent puis on s'amuse, tu sais? Et là, ça, c'est inquiétant, qu'eux-mêmes
ne sont pas en mesure de voir à quel point ça a de l'impact sur leur
vie.
Mais c'est ce qu'on dit, c'est qu'on pense que
la banalisation globale dans la société encourage ça aussi, ça ne nous aide pas. Quand qu'on parlait tantôt de les
faire témoigner, ça devient difficile aussi, soit par la peur, la crainte de représailles
ou soit parce qu'eux autres, ils ne voient pas vraiment ça comme un problème,
là.
M.
Lamothe : Mais, comme prévention, là, avant d'arriver, là, à la
prostitution, comme prévention comme telle, votre programme, est-ce
qu'il est efficace?
• (14 h 50) •
M. Brochet
(Pierre) : Bien, il est
efficace... Je pense qu'on vous recommande aussi d'investir aussi dans la
prévention davantage dans les écoles. C'est une des recommandations. Je
pense qu'il faut encore aller plus loin. Vous savez, c'est difficile de mesurer l'efficacité du programme
actuel, mais ça prendrait plus de ressources, plus d'interventions en plus
bas âge encore dans les écoles.
M. Lamothe : O.K. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup.
M. Fallon (Jean) : Si vous
permettez...
Le Président (M. Lafrenière) :
Allez-y.
M. Fallon
(Jean) : Oui. Je vous dirais
que, pour agir sur la demande, il
faut vraiment en faire un mandat
social, parce que... tout comme aujourd'hui, l'alcool au volant, où on a des milliers
d'intervenants sur l'alcool au volant et non juste des policiers avec des barrages dans le temps des fêtes ou dans le
temps des fêtes de la Saint-Jean, on a des milliers de citoyens au Québec
qui disent à leurs voisins, qui disent à leurs amis : Oh! Oh! Oh! tu as
bu, tu ne prends pas ton automobile. Je
pense qu'on a à travailler, au Québec, pour faire
en sorte que l'achat du corps d'une
personne, l'achat d'un service sexuel, l'achat d'une mineure deviennent totalement
inacceptables et qu'entre nous, citoyens, on puisse se dire : Ça n'a juste pas de bon sens qu'on puisse penser, au Québec,
acheter une femme, acheter une fille, acheter un garçon. On ne peut pas
faire ça.
Et je pense
qu'il faut faire
en sorte... avec une campagne qui est
sociétale, il faut faire en sorte qu'il y
ait des milliers d'intervenants
qui interviennent auprès des abuseurs, auprès de ceux qu'on appelle, malheureusement,
des clients parce qu'on marchandise le corps
des femmes. Je pense que, si on veut vraiment penser à diminuer le phénomène de
l'exploitation sexuelle
des mineurs, il faut travailler sur l'ensemble des abuseurs qui achètent des services de ces
jeunes filles, ces jeunes garçons là, mais il faut aussi agir sur la
prostitution en général, parce que l'exploitation sexuelle des mineurs, c'est
le club-école de la prostitution adulte.
Je suis
conscient que la présente commission s'adresse à l'exploitation sexuelle des
mineurs, mais, si on ne touche pas à la prostitution comme phénomène
en général et si on ne parle pas aux
hommes, parce qu'on parle de 99 % de la clientèle qui sont des
hommes, si on ne parle pas aux hommes et si entre hommes et entre nous, comme
citoyens, citoyennes, on ne se dit pas que
c'est inacceptable, bien, dans 10 ans, on va refaire une nouvelle
commission qui aura un autre nom. On
ne peut pas juste penser à vider un bain qui déborde. Il faut penser à fermer
le robinet à un moment donné.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci pour vos deux
présentations. J'ai deux courtes questions qui s'adressent aux deux groupes. D'abord, je serais curieux de savoir, vous parlez
de campagnes publiques, etc., est-ce qu'une oeuvre de fiction qui est quand
même basée sur la
réalité, comme Fugueuse, a eu un impact déjà sur votre travail
respectif? Puis comment on réussit une sortie de la prostitution
juvénile? J'aimerais ça avoir vos deux regards par rapport à ça.
M. Pelletier (Martin) : Bien,
en lien avec Fugueuse, si je peux me permettre, j'ai collaboré personnellement
avec Michelle Allen, l'auteure de la série.
Suite aux diffusions, mon téléphone était rouge. Donc, suite aux première et deuxième émissions, ma collègue Nathalie Gélinas
et moi, on a écrit un guide de soutien pour les intervenants, en lien avec
chacun des épisodes, pour pouvoir soutenir les intervenants en centre jeunesse.
Donc, c'est un guide qui est disponible pour l'ensemble, là, des CISSS et des CIUSSS, là, à l'ensemble du Québec, de
comment on peut accompagner ces jeunes-là en lien avec tout le phénomène, mais aussi qu'est-ce qu'on fait avec nos
acteurs qui sont venus dans nos salons aussi, mais de requestionner,
puis qu'est-ce qu'on fait aussi pour rassurer les parents aussi de ces
jeunes-là.
Donc, le
guide, là, est un outil, là, très, très prisé avec lequel on a travaillé. Et,
bien sûr, il y a Fugueuse 2 qui s'en vient, avec lequel
aussi on a collaboré, on est en attente de voir les premières diffusions, voir
comment on peut aussi accompagner, là, nos intervenants le mieux possible en
lien avec le phénomène.
Le Président (M. Lafrenière) :
Avant de passer à la deuxième question, je vais juste me permettre de vous demander, j'imagine que, ce guide, vous pourriez
le faire suivre à la commission. On aurait un grand intérêt de voir ce guide.
M. Pelletier
(Martin) : Oui, certainement. J'ai des droits d'auteur à respecter... Oui, je vais juste demander, parce
que tous les artistes ont donné
volontairement leur accord pour qu'il soit diffusé à l'ensemble
des centres jeunesse. Je vais juste m'assurer pour être... Mais
je crois que oui, là, on pourra vous en faire parvenir une copie.
Le
Président (M. Lafrenière) : Parfait. Merci. Député d'Hochelaga,
vous avez une deuxième question, je crois.
M. Leduc : Continuez, oui.
M. Brisebois
(René-André) : Je pense que
vous avez une question aussi sur le processus de sortie ou comment on peut
accompagner ces jeunes-là. En fait, la première des choses qu'il faut savoir,
c'est qu'ils ont beaucoup de besoins, beaucoup de besoins d'intervention et d'accompagnement.
Donc, une jeune qui a été... une jeune ou un jeune qui a été exploité sexuellement, c'est clair, ont vécu des traumas,
ont vécu toutes sortes de séquelles psychologiques, physiques. Donc,
l'accompagnement doit être vraiment complexe et soutenu, je dirais, sur du long
terme.
La
problématique qu'on vit souvent, c'est que les interventions sont faites de
manière très ponctuelle. On répond à
un besoin, on offre un service, ça nécessite des interventions vraiment
sur du long terme. Il faut réfléchir différemment que d'intervenir sur six mois, mais c'est des
années et des années, en sachant que, dans leur parcours, il risque d'y avoir des
rechutes, ce qui fait partie du processus de changement également.
Donc, c'est vraiment
d'avoir des personnes, d'avoir des intervenants qui puissent offrir un soutien
sur du long terme, qui puissent aussi
accompagner ces jeunes-là vers les ressources appropriées, vers les soins nécessaires,
que ce soit, encore là, en santé,
santé mentale, toxicomanie, hébergement, une multitude de besoins, mais ça
prend un accompagnement soutenu. Et
je ne vous cacherai pas qu'un accompagnement soutenu comme celui-là nécessite
des financements quand même aussi soutenus et importants.
M. Fallon
(Jean) : Au niveau de la
loi, par rapport à Fugueuse, oui, effectivement, c'est une émission qui a eu beaucoup d'impact, et ça a sensibilisé beaucoup
la population au cauchemar, à l'enfer du milieu de
l'exploitation sexuelle. Il va y
avoir effectivement Fugueuse 2. Il ne faut pas que ça se
perde dans le temps. Vous savez, il ne faut pas que Fugueuse
et que l'exploitation sexuelle soient la problématique
à la mode pour les deux, trois prochaines années, comme depuis les deux, trois dernières années, depuis la crise des
fugues qu'on a vécue à Laval. Je pense qu'il faut être en mesure d'avoir une
campagne qui n'est pas juste par «hits» parce qu'on parle de Fugueuse
l'hiver dernier, on parle de Fugueuse l'hiver prochain. Je pense que le sujet va être épuisé, il
n'y aura pas une Fugueuse 3, 4 et 5. Et il ne
faudrait surtout pas qu'en 2021, 2022,
2023 il n'y ait rien pour supporter cette prise de conscience collective là en
lien avec l'exploitation sexuelle et la prostitution juvénile.
Il y a
une campagne qu'on a développée, à Laval, qui s'appelle zéroexploitation.net.,
vous pouvez le voir... où, je vous dirais, notre leitmotiv est de
diminuer la demande et de sensibiliser la population au fait que l'exploitation
sexuelle existe parce que
la demande existe. On n'est pas en marketing où est-ce qu'une compagnie
développe un besoin de par leur publicité. Donc, c'est vraiment,
comme disait M. Brochet tout à
l'heure, la demande qui crée l'offre
et non l'inverse.
Donc,
j'arrêterais là par rapport à, effectivement, les émissions qui sont hypernécessaires pour
briser la glace au sein de la population.
Vous savez qu'il y a des gens qui ferment leur télévision, hein, quand
Fugueuse arrive, parce qu'ils ne
sont pas capables de voir, parce que c'est trop intolérable comme image. On a à
travailler avec des émissions comme ça pour
briser la glace, pour effectivement mettre dans le réel des choses qui sont
inconcevables, inimaginables, mais, en même temps, il faut aussi s'adresser à la population en général parce que
les clients qui font vivre ça... Vous savez qu'un client qui achète une jeune la violence est incluse dans
le prix, la démolition est incluse dans le prix, le drame est inclus dans le
prix, mais ce n'est pas lui qui la fait vivre. Donc, il y a
des gens qui vont fermer leurs télévisions, et il faut qu'on continue à travailler quand même au niveau
social, comme on fait avec l'alcool, comme on fait avec le cancer, où est-ce
qu'on travaille sur la cigarette et non sur la guérison du cancer du
poumon.
Le Président (M. Lafrenière) :
Je pense que vous aviez un point très court à présenter.
M. Pelletier (Martin) : Si je peux me permettre, juste un commentaire en
lien avec Fugueuse. L'émission Fugueuse et le phénomène
de la fugue, ce n'est pas tous les fugueurs qui se retrouvent victimes
d'exploitation sexuelle. Je veux
juste le préciser parce que souvent on associe les deux, fugueuse et
exploitation sexuelle. Ce n'est pas tous les jeunes qui se retrouvent
victimes d'exploitation.
Le Président
(M. Lafrenière) : Bien compris, merci. Député de Chomedey.
• (15 heures) •
M. Ouellette :
C'est beaucoup de mesures... Bien, bienvenue, pour commencer. C'est beaucoup de
mesures, et je pense qu'on va en entendre
dans les quatre prochains jours. Dans un monde idéal, on aurait besoin d'un peu
plus de cohérence. On nous demande
un... Et puis je pense qu'on est tous animés du même désir de cohésion. Si,
nous autres, on peut s'entendre, ça
va vous aider à vous entendre puis à faire en sorte qu'un programme
extraordinaire à Laval, un programme extraordinaire à Montréal... Mais c'est
des machines qui ne se parlent pas. Et, à la fin de la journée, il suffit que
mon jeune, il soit rendu à Mont-Laurier, puis, woups! la machine est
déréglée.
J'ai
tiqué un peu quand vous m'avez parlé de Sécurité publique Canada, pas parce que
je ne les aime pas, mais : Il n'y
a pas d'argent à Québec? Ah! il y en a à Ottawa. La reddition de comptes est
bien différente. On peut-u s'occuper de nos affaires chez nous? Y a-tu des recommandations à faire? Peut-être,
M. Brochet, peut-être vous autres aussi, il doit y avoir des recommandations à faire au Code criminel. Je
comprends qu'on peut régler des affaires au Québec, mais, si je n'ai pas de
support d'Ottawa... Je ne sais pas ce que vous en pensez.
M. Brisebois (René-André) : En fait, le point... l'importance de la
concertation, je pense qu'on l'a nommée, et même nos collègues aussi à Laval, c'est très important. La concertation,
c'est à tous les niveaux, y compris au niveau, j'ai le goût de dire, politique. Quand vous nommez
Sécurité publique Canada, effectivement, le projet Sphères est financé au
fédéral. C'est un financement quand même
soutenu pour un projet sur cinq ans puisqu'on sait que ça prend des fonds quand
même assez importants pour accompagner ces
jeunes-là, ces victimes-là. Donc, c'est sûr et certain que, dans un monde idéal,
si je peux me permettre, si les
différents ministères... et même au niveau provincial, entre les différents
ministères, donc, au Québec, il y avait une concertation par rapport aux fonds
disponibles pour prévenir et intervenir sur le phénomène de l'exploitation
sexuelle, nos interventions ne pourraient qu'en bénéficier, être bonifiées, ça,
c'est sûr et certain.
Actuellement,
on voit qu'il y a beaucoup de financements qui s'offrent et c'est des
financements qui permettent des initiatives
très intéressantes, vraiment. Malheureusement, des fois, on dédouble des
initiatives. Donc, si on se parle à tous les niveaux et on se concerte à
tous les niveaux, c'est sûr et certain que nos interventions vont être
améliorées.
M. Brochet (Pierre) : Peut-être, au niveau criminel, c'est un projet de
loi, qui, à ma connaissance, n'a pas été adopté encore, où on renverserait le fardeau de la preuve. Puis ça, évidemment,
ça viendrait, de façon assez considérable, aider les services policiers au Québec et au Canada, parce qu'on connaît... Je
vous ai parlé tout à l'heure des difficultés à établir une preuve avec les témoignages, la collaboration,
des fois, qui est minimale ou absente, des victimes pour toutes sortes de
raisons. Alors, le renversement du fardeau de la preuve, ça viendrait nous
aider de façon importante.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Ça se passe très bien, il nous
reste 10 minutes. Alors, je vais prendre l'expression consacrée
d'un animateur de radio, on va essayer d'y aller en rafale. Alors, la collègue
de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Donc, merci, M. le Président. Donc, vous êtes dans des
secteurs assez touchés, là, par ce phénomène-là.
Donc, je vais en profiter, parce que vous parlez de prévention, sensibilisation,
je suis tout à fait d'accord avec ça, mais comment est-ce qu'on peut
vraiment casser la demande si on a autant d'établissements qui offrent des
services sexuels? Ça, c'est quand même une
problématique à laquelle vous êtes confrontés. Qu'est-ce que vous en pensez, de
ce phénomène-là, qu'on soit dans les provinces qui offrent le plus de
services sexuels directement dans des commerces?
M. Brochet (Pierre) : Comme on disait, nous, on pense qu'il faut aller
travailler sur la culture de la société, sur les valeurs de la société du Québec. C'est plate, des fois, on n'aime pas
voir ça, là. Mais, je le disais tantôt, les arrestations qu'on fait des abuseurs, là, donc c'est des citoyens
moyens. Et tant qu'on ne travaillera pas sur les mentalités, les façons de
penser... Puis ça peut aussi toucher
même la prostitution adulte parce qu'il y a un enjeu dont on discute souvent,
c'est qu'est-ce qui se passe à 17 ans. Elle est mineure, mais à
18 ans elle est majeure. Mais elle a été brisée à l'âge de 14,
15 ans.
Ça
fait que c'est beaucoup par la prévention, par la réparation, par différents
moyens, mais on continue de penser que,
devant nos trois dernières années d'expérience suite à la crise qu'on a vécue,
il faut vraiment travailler sur la demande, parce que, tous nos autres efforts, il faut continuer, c'est clair, dans
cette direction-là, mais ils vont demeurer vains, un peu comme le trafic de drogue. Vous savez, le trafic de
drogue, moi, ça fait 34 ans que je suis policier, puis on combat la drogue
à tous les jours, mais la demande est là.
Tant que la demande est là, tu as des motards criminalisés, tu as des gangs de
rue qui prennent la relève puis qui
vendent de la drogue. Donc, au moins, si on pouvait diminuer la demande, je
pense que la solution est là.
Mme Perry
Mélançon : Ma question, en fait, peut s'adresser au CIUSSS. Bien, vous
avez mentionné que vos programmes portent fruit quand même, mais qu'il y a
toujours un peu la difficulté de la confidentialité des données. Est-ce que c'est juste une question que vous
réussissiez à gagner la confiance de ces victimes-là en leur disant que ça ne
sera pas dévoilé? Pourquoi on a un problème de partage de ces données-là?
Comment on peut améliorer ça?
M. Brisebois
(René-André) : Bien, en
fait, si on parle de l'initiative Sphères, c'est un programme qui permet, dans
le fond, l'échange d'informations
confidentielles parce qu'on demande l'accord et l'autorisation de la jeune,
donc, veux veux pas, de la jeune ou du jeune. Donc, la personne qui est
en suivi donne son approbation pour pouvoir échanger de l'information parce
qu'on explique que c'est la seule information nécessaire et suffisante pour
l'intervention qui est partagée. À ce
moment-là, si c'est pour son bien, et elle voit l'ensemble des partenaires qui oeuvrent pour elle, dans le fond,
ou pour lui, c'est sûr et certain que l'accord vient plus facilement.
Et, je dirais
aussi, c'est quand même intéressant, concrètement, d'avoir des policières
avec des travailleurs de rue, avec des intervenants communautaires, avec des
éducateurs, qui sont ensemble et qui ont une vision partagée, similaire, qui
ont reçu des formations, les mêmes formations, qui ont la même approche, qui
travaillent de la même façon. Donc, ça démystifie
aussi des fois un peu l'image que les jeunes peuvent avoir que ce soit des
policiers ou des intervenants en centre jeunesse, des intervenants
communautaires. Donc, ça gagne en force.
Mme Perry
Mélançon : ...de ces programmes-là
à plus grande échelle partout au Québec, ce serait une façon pour vous
d'améliorer...
M. Brisebois
(René-André) : C'est sûr et
certain, pour accompagner nos jeunes, parce que, quand il y a exploitation
et que nos jeunes en arrivent à vouloir
quitter ce milieu-là, ça devient une porte de sortie, je dirais, très
intéressante pour les accompagner à travers la réponse de leurs nombreux
besoins, tout à fait.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci. La députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Je vais
essayer de faire ça rapidement. Vous avez mentionné, à peu près dans la même phrase, en plus que, dans les arrestations,
les abuseurs étaient très peu... ils n'avaient pas de remords. Ça, ça
me gèle le sang. Mais en même temps
vous dites que ça prendrait un programme d'accompagnement. Expliquez-moi un petit peu plus qu'est-ce
que vous signifiez là-dedans. Je le vois quand même, là, mais j'aimerais avoir
plus d'explications.
M. Brochet (Pierre) : Bien,
nous, ce qu'on pense, c'est qu'on doit travailler sur la demande, on doit
travailler à rendre ce crime-là odieux et
inacceptable dans la société. Ceci étant dit, on pense qu'il faut quand même
continuer à travailler avec les abuseurs
en termes de prévention, en termes d'accompagnement. Vous savez, il ne faut pas le démoniser puis le
mettre de côté, là, parce que... Puis on
vous parle d'un phénomène social, à notre avis, qui est en émergence. Donc, on
fait la part des choses aussi. Donc,
on travaille pour que ça n'arrive plus, mais en même temps... puis il y a déjà
des mécanismes auprès des... on en a
parlé, en tout cas, soit exploiteurs ou abuseurs, mais il ne faut
pas les laisser à eux-mêmes non plus. On pense qu'il faut quand même les
accompagner, faire des sensibilisations puis tenter de corriger la situation.
Mme Lecours (Les Plaines) : Et rapidement,
pour le CIUSSS, est-ce qu'on... Il y en a, des programmes qui existent, et tout ça, mais quels sont les lieux,
vraiment, de prédilection pour aller faire de la prévention? On a parlé de
l'école, mais là on parle de jeunes,
on parle d'enfants. De quelle façon... Puis est-ce qu'il y a quelque chose
qu'on pourrait rajouter à ce qui se fait déjà? J'imagine que oui.
M. Brisebois
(René-André) : C'est sûr
qu'il peut y avoir de la prévention en milieu scolaire. On en parlait tantôt
justement, ça, c'est sûr, c'est un lieu de
prédilection. Beaucoup de recrutement ou beaucoup de... au niveau de
l'exploitation sexuelle, se passe par
les médias sociaux, donc l'utilisation... L'éducation numérique, là, la
littératie numérique, je pense que
c'est aussi une avenue très intéressante, d'amener nos jeunes à faire attention
à comment ils utilisent les médias sociaux, les informations qu'ils partagent. Parce qu'il faut aussi comprendre que
souvent les proxénètes utilisent les informations que les jeunes partagent sur leurs réseaux sociaux
contre elles ou contre eux, dans le fond. Donc, si on est capables juste
de sensibiliser nos jeunes par rapport à ça,
c'est déjà des bonnes plateformes d'éducation pour éviter d'être impliqué, là,
dans des réseaux de proxénétisme et exploitation.
Le
Président (M. Lafrenière) : Le député de Viau. On va essayer d'y aller rapidement
avec deux questions rapides.
M. Benjamin : Merci, M.
le Président. Donc, je m'intéresse au projet ACTES. Est-ce que je comprends que
c'est un projet pilote? Je pense que
vous l'avez mentionné dans le mémoire, c'est un financement de deux ans. C'est
un projet pilote?
M. Brisebois (René-André) :
Oui, c'est un projet pilote, sur, en fait, trois ans, qui est financé par la
fondation québécoise des jeunes
contrevenants, donc qui vient en aide à des jeunes contrevenants dans leur
processus de réinsertion sociale.
Donc, le projet, c'est vraiment de développer cette initiative-là, de
développer cette intervention-là auprès de clientèles contrevenantes à
risque, dans le fond, d'être impliquées dans des activités de proxénétisme.
M. Benjamin : Et, au niveau du financement, il y a la fondation
des contrevenants qui le finance. C'est combien de jeunes que vous
ciblez, qui sont retenus, dans le cadre de ce programme?
M. Brisebois (René-André) : En
fait, c'est vraiment... ça finance le développement du programme et ensuite l'intervention auprès de groupes pilotes. Donc,
c'est sûr que ça va être auprès d'unités. Donc, on parle de très peu de jeunes pour commencer, là, donc
à peu près deux ou trois unités, donc 24 à 36 jeunes. Ce n'est pas
énormément... Donc, il faut encore plus de temps et de moyens pour
arriver à développer et évaluer davantage sur plusieurs années.
M. Benjamin :
Et, sur le programme Sphères, donc, c'est beaucoup de groupes locaux qui
collaborent. J'aimerais savoir, la
collaboration... Lorsqu'on sait que la mobilité des victimes, la mobilité aussi
des criminels aussi, des proxénètes... comment est la collaboration au
niveau national, au niveau panquébécois?
• (15 h 10) •
M. Pelletier (Martin) : Le
projet Sphères, il est vraiment pour
l'île de Montréal, donc on ne va pas du côté national, plus du côté... Parfois,
on a des jeunes qui sont retrouvés dans d'autres villes. On travaille plus avec
le SPVM, avec l'équipe intégrée, où on a un lien direct, là, à l'équipe
intégrée à la lutte au proxénétisme, quand les jeunes reviennent. Sinon, il n'y
a pas nécessairement... on est vraiment dédiés, là, pour l'île de Montréal.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. On va tenter une autre
question. Notre collègue de Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation.
Juste
rapidement, le profil des familles, souvent, ce qu'on voit, ce qu'on entend,
c'est des familles complètement
dans le noir, choquées, impuissantes, etc.
Est-ce que vous avez différents profils de familles, d'un contexte familial qui
peut expliquer... Parce que, si on ne peut
pas commencer avec la famille pour faire de la prévention... Il y a l'école,
mais la famille vient bien avant l'école. Est-ce que vous avez des
commentaires à faire et des recherches sur cet enjeu?
M. Fallon (Jean) : Écoutez, je
pense qu'il faut regarder plus un profil au niveau des victimes, parce qu'au
niveau des familles, effectivement, on a les facteurs de risque reconnus
dans tous les problèmes sociaux, c'est-à-dire famille dysfonctionnelle, milieu socioéconomique défavorisé, volonté de sortir
de la pauvreté. Par contre, nos filles et nos garçons traversent tous et toutes des périodes de
vulnérabilité au niveau de l'estime de soi, au niveau du sentiment d'être aimé
par la famille, de ne pas être aimé,
d'être voulu, de ne pas être voulu. Et, les proxénètes, je vous dirais qu'ils
ont un sixième sens pour détecter ces périodes de vulnérabilité là.
Donc,
est-ce qu'on peut dire qu'on a des familles qui sont à l'abri? Non, pas du
tout. Est-ce qu'on peut dire qu'on a
des types de famille qui sont surreprésentés? Oui, je pense qu'il ne faut pas
se le cacher. On a des familles qui vivent des conflits de valeurs intergénérationnelles, où le jeune ne se sent plus
compris, où le jeune se sent seul. Et, à partir de là, il se fait dire qu'il est donc merveilleux, qu'elle est
donc magnifique, qu'elle est donc belle, et surtout c'est la plus belle, la
plus fine, et moi, je vais t'aimer. C'est ça, les méthodes de recrutement, si
on enlève la violence. La violence, souvent, va venir en second, en troisième lieu. Est-ce qu'on doit
orienter nos actions envers des types de familles? Je vous dirais qu'on se
piégerait nous-mêmes. Il faut orienter nos actions, si on parle des victimes,
envers les périodes de vulnérabilité que tous les jeunes traversent, certaines plus longues, certaines moins longues
périodes de vulnérabilité. Mais il s'agit de tomber au bon moment, au
bon endroit et on est capables de faire une victime.
Donc, à partir de là,
on risque de passer à côté de plusieurs possibilités d'action. Vous savez, si
on regarde en délinquance, 25 % des
jeunes issus d'un milieu socioéconomique défavorisé tombent dans de la
délinquance plus ou moins grande. Il y a toujours bien 75 % de ces
jeunes-là qui n'y tombent pas. Donc, pourquoi? Donc, je vous dirais que c'est
peut-être un risque, à mon humble avis.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. On a réussi à faire ça en juste 15 secondes
de trop, ce qui est déjà miraculeux.
Alors, au nom de la commission, je veux remercier les deux groupes qui étaient
avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup de votre présentation.
Je
vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe
de prendre place. Merci à vous.
(Suspension de la séance à
15 h 14)
(Reprise à 15 h 18)
Le Président (M. Lafrenière) : Bonjour. Je souhaite la bienvenue maintenant à Mmes Nadine Lanctôt et Catherine Laurier. Je vous rappelle que vous
disposez de 20 minutes pour faire votre exposé. Puis nous allons procéder
à une période d'échange — pas une période de confrontation, c'est vraiment une période
d'échange — avec
vous. Alors, je vous laisse vous présenter et faire votre allocution de
20 minutes. Merci.
Mmes Nadine Lanctôt et Catherine Laurier
Mme Lanctôt
(Nadine) : Merci. Bonjour. Mon nom est Nadine Lanctôt. Je suis
professeure à l'Université de Sherbrooke, titulaire de la chaire de recherche du Canada
sur les adolescentes et les jeunes femmes qui sont en contexte de placement.
Donc, on mise sur la réadaptation de ces jeunes femmes.
• (15 h 20) •
Mme Laurier
(Catherine) : Et moi, je
suis Catherine Laurier, professeure à l'Université de Sherbrooke. Je travaille
avec Mme Lanctôt, et puis, moi, ma
spécialité, c'est sur la santé mentale et les conséquences traumatiques de la
délinquance et des situations difficiles.
Mme Lanctôt (Nadine) : On va d'abord vous présenter les fondements
scientifiques de notre exposé et du mémoire qu'on vous a soumis.
Donc,
les recommandations qu'on fait s'appuient sur une recherche
d'envergure qu'on a menée, mon équipe et moi, sur les conséquences de la
prostitution chez les filles et les femmes. Cette étude avait quatre grands
volets.
On
a d'abord fait une recension systématique des écrits pour bien documenter les difficultés
associées à l'implication dans la
prostitution et les conséquences. On a aussi analysé des données quantitatives
qui avaient été recueillies auprès d'un large échantillon d'adolescentes placées en centre de réadaptation, donc
en centre jeunesse. On a rencontré cette cohorte-là de l'adolescence jusqu'au début de l'âge adulte,
ce qui nous permettait de bien évaluer les conséquences d'une implication
dans la prostitution sur l'adaptation, sur
le bien-être à l'âge adulte, rendu à 19, 20 ans. Donc, on
va vous faire un sommaire de ces résultats. Cette étude comportait aussi un
volet qualitatif qu'on a fait à la fois avec des femmes adultes qui avaient
été impliquées ou qui l'étaient encore, dans
la prostitution, et aussi auprès d'une vingtaine d'intervenantes qui oeuvraient auprès de ces femmes.
Vous
m'entendez parler d'implication dans la prostitution. C'est la terminologie que
nous allons utiliser lors de notre
exposé. Bien sûr, on adopte la posture que la prostitution des
mineures est une forme d'exploitation sexuelle. Pour bien situer le
contexte de notre recherche et de ses résultats, on va parler d'implication
dans la prostitution.
Aussi,
nous allons parler des femmes, ce qui couvre à la fois les filles, les
adolescentes et les femmes, parce
qu'on a d'abord un devis de recherche
longitudinal qui couvre la période de l'adolescence jusqu'à l'âge adulte, et
nos recherches s'inscrivent dans une visée développementale, donc en
considérant le parcours de vie des femmes. Je vais vous exposer rapidement les
conséquences d'une implication dans la prostitution.
D'abord,
sur les conditions de vie, on sait que les femmes qui s'impliquent dans la
prostitution ont des conditions de vie précaires et qu'elles considèrent
que la prostitution peut être une solution monétaire à leurs conditions de vie particulièrement précaires. Or, l'implication dans
la prostitution ne fait que les appauvrir financièrement et aggraver la précarité dans laquelle elles évoluent. Donc, au
fil du temps, la solution pressentie semble donc devenir la cause encore plus de
nouvelles conditions de vie précaires.
Dans
notre étude, on a pu évaluer que, parmi les adolescentes placées en centre de réadaptation,
celles qui avaient été impliquées
dans des comportements de prostitution étaient 9 % à obtenir un diplôme
d'études secondaires au début de l'âge
adulte, alors que cette proportion est de 86 % chez les jeunes femmes de
la population québécoise. Donc, on parle de 9 % comparativement à
86 %.
La délinquance, elle
est rare mais présente chez les femmes impliquées dans la prostitution. Il faut
comprendre le contexte dans lequel les
activités délinquantes, voire violentes, s'inscrivent. Ces femmes ont comme
trame de fond de leur trajectoire de
vie beaucoup d'événements de violence. Et il faut comprendre que leur
comportement violent se déploie souvent en réponse à des agressions pour
se défendre, pour se venger ou à travers une surcharge de colère.
Mme Laurier (Catherine) : Donc, ces femmes-là, aussi, quand elles sont
impliquées dans la prostitution, on peut très bien avoir à l'idée
qu'elles vivent un éventail de situations traumatiques. Ça va du viol collectif au
fait d'être laissée pour morte lors
d'une agression, par exemple, donc, toutes sortes aussi de harcèlements et de
victimisations sexuels. Donc, face à
ça, ces femmes-là, elles vont développer des stratégies pour survivre, en fait,
qui sont souvent de l'ordre de minimiser qu'est-ce qui se passe, puis ça donne l'impression qu'elles sont
habituées puis que ça ne leur fait plus rien, quand, dans les faits, ce sont des stratégies d'adaptation. C'est
des mécanismes de défense pour passer à travers et ça devient donc problématique
quand ça se poursuit au-delà des épisodes aussi de prostitution.
Donc, ça altère
considérablement leur sentiment de valeur personnelle même à long terme, même longtemps
après avoir cessé des comportements de
prostitution. Et, même, ça peut arriver qu'au début de l'âge adulte, donc même
quand tout ça est terminé, elles
deviennent à avoir beaucoup de mal à pouvoir s'investir dans des relations,
des relations interpersonnelles, des
relations amoureuses. Donc, ça les amène à être isolées socialement ou à
s'attacher trop rapidement à des personnes de qui elles pourraient
être violentées encore une fois.
Et
on remarque chez elles des symptômes de détresse psychologique très graves, qui
vont de la dépression, l'anxiété, l'hypervigilance et même la
dissociation, ça, ça veut dire se couper complètement de ce qu'on
ressent, ne plus ressentir les choses
aussi au niveau physique, et encore plus chez celles qui nous révèlent avoir
été sous l'emprise d'un proxénète. Donc, les symptômes de stress post-traumatique sont très graves et peuvent même
prendre toutes sortes de formes, comme des expériences intrusives, des
reviviscences, des cauchemars, et ça affecte plusieurs sphères de leur vie.
Mme Lanctôt (Nadine) : L'implication dans la prostitution affecte le développement identitaire, donc des sentiments de dégradation, perte d'identité, la honte et la stigmatisation. Ces
sentiments persistent même longtemps après avoir quitté le milieu de la prostitution. Ça fait en sorte que les jeunes
adolescentes qu'on a rencontrées, rendues à l'âge adulte, devenaient des jeunes femmes qui ne se connaissaient pas.
Donc, c'est difficile pour elles de prendre des décisions, de faire des choix
et de s'épanouir comme jeunes femmes.
Si on regarde maintenant
l'arrêt des activités de prostitution, c'est un processus qui est long et
difficile, rempli d'hésitations et
d'allers-retours. Donc, ce n'est pas un bouton «on/off», c'est un long
processus. Ce n'est pas un événement
dichotomique, ce qui veut dire que les
allers-retours font partie de leur processus. Et un retour dans le milieu de la
prostitution ne doit pas être vu nécessairement
comme un échec, mais c'est un événement qui fait partie du processus. Donc, il faut être conscient
que ça peut prendre plusieurs allers-retours avant qu'une femme puisse sortir
définitivement du milieu de la prostitution.
Les femmes impliquées dans la prostitution ont tendance à s'attribuer l'entière
responsabilité du déclic qui est nécessaire au processus de désistement. Elles vont nous dire : C'est
mon problème, d'être dans la prostitution, alors c'est à moi que revient la responsabilité de s'en sortir. Elles sont même convaincues que personne,
ni même leurs amis, leur famille, leurs intervenants, ne pourront les
aider à se sortir de cet engrenage.
Quand
elles prennent du recul à l'égard de leur parcours de prostitution, les femmes
expriment leur réel besoin de se
reconstruire tant sur le plan psychologique, social, relationnel, identitaire.
Cette reconstruction passe souvent par le besoin de redonner au suivant, de s'impliquer auprès des filles et des femmes
qui peuvent vivre des situations semblables pour éviter qu'elles se retrouvent avec une souffrance pareille. Quand les
femmes nous parlent de la réinsertion sociale, elles vont beaucoup discuter de la notion de normalité sociale. Plusieurs
nous disaient avoir l'impression de vivre dans un univers parallèle, comme si elles n'étaient pas normales.
Donc, elles nommaient le décalage entre elles et les autres femmes qui n'ont
pas vécu de prostitution.
Maintenant,
on a aussi interrogé des intervenantes.
On a entendu la voix d'intervenantes qui travaillent auprès de ces femmes qui
sont dans la prostitution. C'est avec beaucoup de bienveillance et d'empathie
qu'elles nous ont parlé de ces femmes,
de leur souhait pour qu'elles puissent accéder à une dignité. Par contre, leur
discours était empreint de beaucoup de
pessimisme, et elles voyaient l'avenir, le devenir de ces femmes comme étant
très sombre. Ces intervenantes qui travaillent au quotidien auprès de femmes impliquées dans la prostitution ressentent
un très grand sentiment d'impuissance, impuissance en raison du manque de ressources disponibles pour
les aider, impuissance en raison de confrontation entre différentes postures
idéologiques d'un organisme à l'autre, à
cause des barrières systémiques, à cause aussi du manque d'adéquation entre les
services qui sont dispensés et les
besoins des femmes, les délais d'attente trop longs, le manque de flexibilité
qui ne correspond pas au mode de vie des femmes, le manque de formation
des intervenants et surtout le morcellement des ressources.
Les femmes en
situation de prostitution présentent plusieurs difficultés dans différentes
sphères de vie et elles doivent aller
chercher des ressources spécialisées de soutien, d'aide dans autant
d'organismes qu'elles ont de besoins, ce qui veut dire que ces femmes devront répéter maintes et
maintes fois leur histoire à différents intervenants. Et souvent elles vont
se retrouver ballottées d'un service à
l'autre et parfois même se faire dire que leurs problèmes sont jugés trop
lourds pour les services qu'on peut
leur offrir. Donc, ces intervenantes se sentent bien impuissantes pour
intervenir auprès de ces femmes.
Mme Laurier
(Catherine) : Donc,
maintenant, on va vous présenter nos recommandations, qui sont sous trois grands
chapeaux. En fait, ce sont des changements de paradigme à intégrer dans notre
société et dans nos interventions.
Donc, le
premier serait de prioriser la reconstruction des femmes plutôt que l'arrêt de
leurs comportements à risque. Bien
souvent, dans nos interventions et les interventions qui se font dans les
milieux, on cible les comportements précis et on cible la diminution des
risques, par exemple la diminution des risques de fugue, la diminution de la
délinquance, la diminution de la
consommation de substances psychoactives. C'est très bien, mais il faut voir
au-delà de ça, donc de cibler le
bien-être de ces femmes plutôt que simplement l'arrêt de ces conduites à
risque, en raison... notamment en prenant en compte qu'elles ont vécu de
nombreuses séquelles dans toutes les sphères de leur vie. Donc, il faut prendre
en compte l'ensemble de la femme.
• (15 h 30) •
Mme Lanctôt
(Nadine) : La deuxième
recommandation, sous le grand titre Les changements de paradigme à intégrer,
c'est de soutenir véritablement les femmes impliquées dans la prostitution
plutôt que de les responsabiliser. Avec l'impuissance que ressentent beaucoup les intervenants et intervenantes
qui travaillent auprès de ces femmes, on a tendance souvent à croire, à tort, qu'on ne peut intervenir
auprès de ces femmes qu'à partir du moment où elles veulent véritablement
changer et à partir du moment où elles reconnaissent vraiment les conséquences
néfastes pour leur développement de s'impliquer
dans la prostitution. Les femmes aussi ont tendance à entretenir cette
prémisse-là en disant : Je suis responsable de ce qui m'arrive, il n'appartient qu'à moi de m'en sortir. Alors, peu
importe le scénario, dans les deux cas, cela revient à assumer que les femmes sont responsables de leur
maintien dans la prostitution et que les seuls responsables de leur sortie
seront elles. Donc, elles ont besoin, avec
toutes les séquelles traumatiques qu'elles ont vécues, elles ont besoin d'être
soutenues dans leur reconstruction de soi et non d'en porter la
responsabilité. Ça veut dire que la motivation, la volonté et la capacité à
changer doivent être vues comme la finalité des interventions et non comme un
prérequis à l'intervention.
Mme Laurier
(Catherine) : Un autre grand
chapeau pour nos recommandations, ce sont les approches d'intervention qu'on devrait promouvoir. La première, en fait,
c'est une approche sensible aux traumas. Donc, ce sont des approches qui ont
lieu dans divers milieux d'intervention, donc qui visent à promouvoir une
culture d'intervention où on prend en compte qu'il y a plusieurs traumatismes qui ont été vécus avec la clientèle
avec laquelle on travaille. Donc, les traumatismes vécus à la fois dans le parcours de prostitution, mais
aussi en lien avec la maltraitance que ces femmes peuvent avoir vécue dès
leur enfance, sont pris en compte. C'est
comme... on prend en compte que ce sont des femmes à risque d'avoir vécu toutes
sortes de traumas dans leur vie.
Donc, ces
contextes d'intervention visent à assurer une sécurité physique, émotionnelle,
psychologique. Ce sont des pratiques
basées sur le respect, la confiance et la considération des femmes afin de
favoriser le développement de relations susceptibles de les aider, de diminuer leur méfiance, de favoriser un
changement. Donc, ces interventions doivent permettre aux femmes, à leur
rythme, au moment où elles seront prêtes à le faire et de façon très
respectueuse aussi, à comprendre comment les
expériences traumatiques qu'elles ont vécues dans toute leur vie peuvent
affecter les sphères de leur vie dans toutes les sphères et comment ça
peut façonner aussi leurs besoins.
Et, dans cette approche sensible aux traumas,
c'est très important aussi de mettre en place une structure où les intervenants qui interviennent auprès de ces
femmes puissent être accompagnés, parce que c'est très lourd aussi d'agir
auprès de femmes qui ont été victimes
et qui nous parlent de tels traumas. Donc, il faut que ça soit aussi une
culture d'intervention où les intervenants, on assure leur sécurité et
leur bien-être.
Mme Lanctôt
(Nadine) : On doit aussi
promouvoir une approche positive de la réadaptation. Donc, plutôt que de cibler
d'une façon trop étroite la correction des comportements à risque, une approche
positive de la réadaptation va miser sur le développement du potentiel humain,
sur le développement des capacités de ces femmes, non pas dans une visée d'enrayer le comportement, mais d'abord dans une
visée qu'elles puissent s'épanouir et se sentir bien. L'objectif est de contribuer à une motivation intrinsèque réelle au
changement en accompagnant ces femmes pour qu'elles arrivent à se mettre
en action pour atteindre les buts qui sont
importants pour elles et non pas de structurer les interventions en fonction de
ce que les intervenants, ou nous,
citoyens, ou nous, la société, on estime qui est important pour elles. Donc, ce
sont leurs besoins véritables,
prioritaires pour elles, et tout ça donne écho à la quête de sens. Elles ont
besoin de retrouver un sens, et pour ça on doit leur donner une voix
dans l'intervention.
Ça veut dire
qu'on n'arrive pas avec notre gros sabot en disant : Voici ton plan
d'intervention, voici ce qui est bien pour
toi, mais d'être à l'écoute de ces femmes, à leur rythme, à leur propre rythme — et chaque femme peut avoir des besoins qui
sont différents — et
d'y aller avec ce qui vient d'elles d'abord pour contribuer à ce qu'elles
vivent des expériences positives,
valorisantes et, ultimement, qu'elles puissent s'épanouir. Donc, c'est
important de se soucier de qui elles sont à part entière et non pas de
les réduire à ce qu'elles font, hein? C'est ce qu'elles sont et non pas ce
qu'elles font.
Mme Laurier
(Catherine) : Finalement, le
dernier grand thème de nos recommandations, ce sont les réflexions à approfondir sur l'offre de services. En fait, on
s'est rendu compte, hein, dans les entretiens qu'on a faits à la fois avec les
femmes impliquées dans la prostitution et à
la fois avec les intervenantes, qu'il y a une certaine inadéquation des
services destinés aux femmes
impliquées dans la prostitution. Donc, c'est une lacune qui a été rapportée
plusieurs fois dans notre recherche.
En fait, on a pu voir un portrait assez bouleversant comme quoi l'implication
dans la prostitution à l'adolescence laisse
des séquelles importantes à la fois dans le développement émotif, affectif,
social et identitaire des adolescentes qui deviennent des jeunes femmes ensuite. Donc, elles deviennent des jeunes
adultes très vulnérables, aux prises
avec une panoplie de symptômes qui
affectent plusieurs sphères de leur vie. L'état des connaissances, par contre,
est encore très parcellaire sur les
meilleures pratiques à promouvoir dans l'organisation des services
destinés aux femmes impliquées dans la prostitution, et c'est pour ça
qu'on dit que ce sont des réflexions à approfondir.
Et cette
première réflexion, à notre avis, est de comment assurer un continuum de services.
Donc, le continuum de services devrait être envisagé afin que les femmes soient
constamment soutenues à travers leurs difficultés. Et la première étape de ça, ce serait
simplement de leur offrir des services de protection, une protection pour
répondre aux besoins de base de ces
femmes-là, aux besoins vitaux, la nourriture, un logement, hein, pour qu'elles
puissent avoir un lieu où se déposer, un
lieu où elles sont en sécurité. C'est juste une fois que les besoins de
protection sont répondus qu'on peut ensuite en venir avec des services qui ciblent le rétablissement de
la santé psychologique puis aussi les capacités de développement et de résilience de ces
femmes-là. Donc, une fois qu'elles sont en sécurité, on s'occupe de leur bien-être
psychologique. Et finalement, quand
tout ça est rempli, au bout du continuum, là, on pourrait trouver des services
qui soutiennent la réinsertion sociale de
ces femmes, donc l'employabilité, par
exemple, les habiletés de ces
femmes-là. Donc, ces services doivent se faire à la fois en continu,
pendant le parcours de prostitution, et se poursuivre après le parcours.
Mme Lanctôt
(Nadine) : La deuxième piste
de réflexion est la suivante : Comment offrir un espace-temps sensible
aux femmes impliquées dans la prostitution? Une intervenante nous disait :
Ça prend un espace-temps pour que ces femmes
puissent se retourner de bord et prendre conscience de ce qui leur est arrivé.
Donc, un espace-temps, c'est comme une
oasis paisible, réconfortante, sécuritaire, qui vient rappeler toutes les
conséquences qu'on a nommées, notamment le parcours rempli d'événements
traumatiques, un lieu d'intervention sécurisant et apaisant où on ne met pas le
compteur que ça prend huit semaines pour se
rétablir, mais ça prend le temps qu'il faut dans un endroit sécurisant et
paisible pour elles. Encore, cet
endroit, cette oasis doit adhérer au savoir-être qu'on nomme le respect, la
considération, la valorisation de ces
femmes et, encore une fois, de les voir au-delà des comportements qu'elles
ont faits et de les considérer et de les respecter dans leur globalité,
pour ce qu'elles sont. Voilà. Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, mesdames, pour votre exposé. Maintenant,
nous allons passer à la période d'échange avec les membres de la
commission, nous avons
25 minutes. Alors, je demanderais aux députés de s'identifier.
Députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre : Merci beaucoup, M. le
Président. Alors, écoutez, c'était absolument
passionnant de vous entendre, et ce que vous nous proposez comme projet,
c'est costaud, mais je pense qu'il y a des pistes de... il y a des idées très intéressantes là-dedans. J'imagine, cette oasis,
ça devrait peut-être être des résidences spécialisées uniquement
pour les cas de jeunes mineures victimes d'exploitation sexuelle.
Ma question est très courte. J'ai été frappée,
la semaine dernière, j'ai lu un article disant que le Programme d'indemnisation
des victimes d'actes criminels n'aide pas les mineures victimes d'exploitation
sexuelle. Est-ce qu'il devrait y avoir un
volet pour les accompagner financièrement à même le Programme d'indemnisation
des victimes d'actes criminels?
Mme Lanctôt
(Nadine) : Elles ont des
besoins comme les femmes adultes, nécessairement. Un passage dans le milieu de la prostitution... Je vous ai donné une
statistique qui était marquante tout à l'heure : 9 % de ces
adolescentes qui ont été exploitées
sexuellement auront un diplôme d'études secondaires à 20 ans. Alors, oui,
elles ont besoin d'être soutenues, et ne serait-ce que pour tous les
suivis psychologiques, qui vont bien au-delà d'une séance de huit semaines, ou
de 10 semaines, ou de 12 semaines,
peu importe. Mais je peux vous dire que, dans le cadre de notre recherche, on a
rencontré des femmes de 40, de 50, de... dans la cinquantaine qui
étaient encore aux prises avec les conséquences de l'exploitation sexuelle,
donc de leur passage dans le milieu de la prostitution. Donc, avoir du soutien,
ce n'est pas une affaire d'âge.
Mme St-Pierre :
Oui, oui. Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais ma réflexion
était : Est-ce qu'il devrait y avoir un volet particulier
d'indemnisation de ces... — ce
sont des victimes d'actes criminels — et d'indemnisation?
• (15 h 40) •
Mme Lanctôt
(Nadine) : Oui, je le disais dans cette optique-là. À mon avis, il n'y a
pas un critère d'âge pour être reconnu, tout à fait.
Mme St-Pierre :
Non, non. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. Députée de Les Plaines.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci, M. le Président. Effectivement, je trouve l'idée intéressante, là, d'un lieu,
d'un centre et tout ça. Et vous mentionnez également que les victimes
sont souvent ballottées et doivent continuellement raconter leur histoire. Donc, après, on s'imagine,
peu de temps, elles arrêtent, parce
que c'est trop émotivement difficile
ou, à tout le moins, elles ont fait la coupure. Est-ce que
ce lieu-là serait l'endroit où rassembler tous les programmes? Comment vous voyez ça? Parce que, oui, il existe plusieurs
programmes, plusieurs types d'interventions en cours de parcours, mais
comment vous le voyez pour éviter le ballottement?
Mme Lanctôt
(Nadine) : On aimerait bien
vous donner une réponse bien élaborée avec des modèles d'intervention précis. Il
n'y a pas beaucoup
de modèles du genre qui existent, du moins à ma connaissance. Je sais qu'il y en a en Floride, notamment, où il
y a vraiment des maisons d'hébergement
pour les adolescentes exploitées sexuellement et qui sont à même la communauté,
donc ça ne relève pas d'une institution. Maintenant, quels sont les
effets de ces oasis? Je ne peux pas vous dire est-ce que c'est plus efficace que d'autres choses, quels
sont les points forts, les points faibles, parce que ça n'a pas
encore été évalué.
Maintenant,
est-ce qu'on pourrait imaginer un lieu? Certes, on pourrait
améliorer la façon dont ça se passe avec les changements de paradigmes
dont on vous a parlé en créant des lieux apaisants, hein? On ne se le cachera
pas, une adolescente qui est signalée par la
DPJ et qui arrive dans une unité de réadaptation, à ses yeux, ça ressemble pas
mal plus à une prison qu'à une oasis, alors qu'elle a besoin d'être réconfortée.
Donc, ce qu'elle voit ne serait-ce que visuellement, la chambre où elle sera, l'ambiance, le bruit des
portes, donc, les adolescentes vont dire : Pour moi, le premier jour où je
suis arrivée, ça ressemblait bien
plus à une prison qu'à un lieu où je me sentais en sécurité. Donc, ne serait-ce
que par l'aménagement
physique, par l'accueil, déjà, il y aurait lieu d'essayer de rendre les
interventions plus sensibles pour ces adolescentes.
Mme Laurier
(Catherine) : J'aimerais
ajouter juste... Et en les rendant plus sensibles aussi. Pensons aux conséquences traumatiques, hein? Je vous ai parlé
du trouble de stress post-traumatique. Se ramasser dans une chambre, puis entendre des clés, puis que la porte est
barrée, on peut très bien s'imaginer que, pour ces victimes d'exploitation
sexuelle, c'est de rajouter des traumatismes.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Vraiment très intéressant de vous entendre puis... C'est parce que
vous avez parlé de barrières
systémiques, de délais trop longs, de manque de formation des intervenants.
J'aimerais savoir qu'est-ce qui se
fait en ce moment comme accompagnement, parce qu'on est vraiment plus sur ce
volet-là, je pense, avec les
résultats de votre recherche, et comment on peut améliorer, justement,
l'accompagnement par des mesures qui sont prises. Ici, là, dans la commission, est-ce que vous avez
des recommandations plus spécifiques pour le travail de cette commission-là? Au
niveau politique, finalement, comment vous voyez ça?
Mme Laurier
(Catherine) : Je peux
commencer. Je pense que ça prend beaucoup de... Premièrement, il faut former.
Quand on parle de changement de paradigme, c'est un changement de paradigme
dans la culture d'intervention, mais j'entendais
les précédents, là... puis, tu sais, c'est aussi un changement de paradigme
dans la société, hein? Donc, je pense qu'on est aussi au niveau de la
formation, de former les intervenants à qu'est-ce que ça veut dire que d'être
victime d'exploitation sexuelle avant de...
Vraiment, c'est la première pierre, je crois, là, qu'il faut donc les former.
Et les pratiques sensibles au trauma,
donc les pratiques centrées sur le trauma, sont des pratiques qui ont lieu dans
certains milieux d'intervention déjà,
et donc c'est d'essayer de les appliquer aux milieux où ils prendraient en
charge des victimes d'exploitation sexuelle. Donc, c'est un premier pan
de réponse, là. Je te laisse poursuivre.
Mme Lanctôt
(Nadine) : Le défi est comment
protéger ces adolescentes dans un système qui s'appelle la protection de la jeunesse. Donc, on veut les protéger tout en
les soutenant, et protéger sonne souvent gérer des risques. Alors, bien sûr,
pour les intervenants, les intervenantes qui travaillent au quotidien avec ces
adolescentes-là, ils se retrouvent avec une imputabilité
qui est difficile à gérer, parce que, si j'ouvre la porte et que la fille
fugue... Il n'y a pas un intervenant qui souhaite ça, et c'est très difficile à gérer, même émotivement. Donc, ils ne font pas
juste cocher des instruments de mesure. C'est très difficile à gérer, de dire
jusqu'où on peut aller pour soutenir ces filles mais dans une optique où on
doit les protéger. Et c'est là où le
changement de paradigme, il est vraiment important. Et ça ne se fera pas du jour au
lendemain, d'arriver avec une philosophie d'intervention qui est centrée
sur la gestion des risques, mais le risque assez immédiat, à une approche d'intervention centrée sur les besoins de ces
filles dans une visée à plus long terme, pour qu'elles deviennent des adultes
qui vont pouvoir bien fonctionner et qui
vont se sentir bien. Donc, le passage d'une approche de gestion du risque à une
réponse au besoin,
tout ça dans un environnement qui va être sécurisant, c'est quand même
un changement de paradigme majeur.
Pour ma part, avec
certains milieux d'intervention, on est en train d'implanter un outil
d'accompagnement, pas seulement dans les cas
d'exploitation sexuelle, mais pour des adolescentes et des jeunes femmes qui
sont très vulnérables, très en
difficulté, où on travaille sur les forces de ces filles et de ces femmes,
plutôt que d'identifier, de pointer toujours leurs risques,
leurs déficits et leurs problèmes. Et ça amène aussi l'équipe d'intervenants à reconnaître
les forces de ces jeunes femmes et de
changer leurs façons de concevoir l'intervention. Donc, ça peut être une piste.
Mais la gestion du risque, dans nos
milieux, elle est bien, bien ancrée et avec des raisons qui sont solides, mais
on doit aller changer la lunette pour dire comment on peut répondre aux besoins de ces filles et surtout comprendre
comment l'engagement dans la prostitution peut répondre à certains de leurs besoins et essayer
que ces filles puissent combler leurs besoins autrement qu'en étant exploitées sexuellement.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Députée de Roberval.
Mme Guillemette :
Merci, M. le Président. On parlait du continuum de services. J'ai trouvé ça
très intéressant, mais, en même
temps, ça peut être stigmatisant si elles sont toutes dans le même endroit.
Donc, je pense qu'il faut faire attention à ça, et, en région éloignée, on a peut-être moins de disponibilité, là.
Est-ce que ça pourrait être une avenue, de mettre à profit les maisons d'hébergement? Ce n'est pas dans leur
mission, ce n'est pas dans leur créneau, mais, si on les accompagnait et on les
soutenait, est-ce que ça pourrait être une clientèle compatible avec celle
qu'elles ont déjà?
Mme Laurier (Catherine) : Je pense que... Vous me posez la question, puis
c'est ma première chose que j'aimerais vous répondre, mais le besoin de
protection est là, puis je pense que c'est par rapport au besoin de protection
que vous devez faire référence à ces
maisons, mais, là encore, on est très sensibles aussi. On ne veut pas que ces
femmes soient encore plus stigmatisées,
hein, puis que... Donc, peut-être que c'est une avenue qu'on pourrait explorer,
mais tout en prenant en compte qu'on
veut aider les femmes à se développer dans leur globalité avec leurs propres
objectifs aussi à elles, parce qu'au niveau
de leur identité, on vous l'a démontré, elles ont une identité fragilisée,
hein, en lien avec toutes ses expériences de victimisation qu'elles peuvent avoir vécues dans le contexte de la prostitution.
Donc, je pense que les services de protection, on a ça. Ça dépend
comment on travaille avec ces maisons, mais peut-être que ça pourrait être une
avenue.
• (15 h 50) •
Mme Lanctôt (Nadine) : ...si je peux ajouter, je me souviens de
certaines femmes qui ont participé à notre recherche qui nous disaient : Parfois, on me réfère,
justement, à des maisons d'hébergement pour femmes violentées, violence
conjugale. C'est ce à quoi vous
faisiez référence. Et puis certaines nous ont dit : Mais ce n'est pas ça,
ce n'est pas là où j'appartiens, moi.
J'entre là, puis ce n'est pas fait pour moi, je ne suis pas une victime de
violence conjugale. Donc, c'était dans leurs mots.
Maintenant,
je pense que la voix des femmes, elle est importante, de leur demander qu'est-ce
qu'elles penseraient de ces
services-là, parce qu'elles sont capables de nous répondre d'une façon
articulée, de voir aussi là où il y a des écueils dans les services qu'on leur offre. Mais, à
première vue, j'aurais tendance à vous dire que c'est les premiers échos qu'on
avait, certaines femmes, du moins, qui nous ont dit : Je ne me sens pas à
ma place quand je vais là, ce n'est pas ça, ma problématique à moi. Et souvent ce qui arrive, c'est que les femmes qui
sont dans le milieu de la prostitution vont avoir beaucoup d'autres difficultés en cooccurrence,
dont des problèmes de consommation,
toxicomanie, et puis là, parfois, les critères
d'admission ne convenaient plus parce
que, si elles avaient un problème de
toxicomanie, elles ne pouvaient pas aller dans telle maison d'hébergement, par exemple. Alors là, ça devient une roue qui tourne, que,
pour avoir accès à un service, elles
devaient régler un autre problème, mais, pour régler ce problème, elle devait
en régler un autre. Puis elles disaient : Mais finalement les
critères ne sont pas faits pour moi.
Mais
aussi on a eu cette discussion de, oui, L'Oasis, c'est un beau concept, mais il
faut réfléchir à l'effet peut-être délétère de la stigmatisation, c'est à
garder en tête.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci. On vous entend, puis c'est très intéressant. Je me questionne
beaucoup quand vous parlez des services de protection, parce
que c'est la base de tout. Présentement, est-ce qu'on est à la bonne
place, de penser qu'on n'a pas les bons services, ou c'est le réseau qui est
surchargé, ou que le besoin de protection, qui est la base de tout, là...
En partant du moment où elles sont
protégées, on peut aller en rétablissement puis on peut aller en réinsertion.
Puis, dans le besoin de protection, il y a toute l'influence extérieure
aussi, là, qui est... il y a un degré de dangerosité sous l'influence
extérieure.
Vous
avez fait une réflexion. Je me sens un petit peu impuissant, dans la réflexion
que vous me faites, en me disant : Bon, qu'est-ce c'est que c'est que je peux faire comme parlementaire,
qu'est-ce qu'on peut faire comme parlementaires, législativement, pour vous
aider, pour ne pas surcharger le réseau, pour ne pas faire en sorte que c'est
toujours les mêmes, pas juste notre
clientèle, mais les gens qui ont à intervenir? On va leur demander de faire de
la protection, du rétablissement, de
la réinsertion, on va les chercher émotivement, vous avez fait cette
réflexion-là, mais je me dis : Vous nous suggéreriez quoi pour qu'on aille plus loin, là? C'est là
qu'il faut que vous nous le disiez, là, aujourd'hui, là, parce que je veux me
sentir plus confortable. Puis, quand
je dis «je veux», là, ce n'est pas juste moi, mais je veux qu'on se sente plus
confortables de faire en sorte de vous donner les bons outils dans le
système.
Mme Lanctôt
(Nadine) : On peut penser, selon nos statistiques et d'autres
statistiques semblables, notamment aux États-Unis et même en Europe, parmi les
adolescentes qui sont placées, donc l'équivalent de nos centres jeunesse, il y en a au moins une
sur deux qui auront été exploitées sexuellement dans un contexte de
prostitution. Donc, déjà, si pour les
services de réadaptation courants on arrivait à intégrer les deux paradigmes
qu'on vous a exposés, c'est-à-dire viser la reconstruction de ces filles et ne pas les responsabiliser, ce serait
déjà un grand pas de fait. Et là on parle de la moitié des filles qui sont placées, qui sont les filles les
plus à risque d'être exploitées sexuellement, hein? Les taux de prévalence sont
au-delà de 50 %. Si on va dans l'école du quartier ici, ça sera 2 %,
3 %.
Alors,
déjà, si on peut marteler sur les deux paradigmes de «cessons de les
responsabiliser» : Tu as pris des risques, tu es impulsive, à quoi tu as pensé?, c'est un changement de pratique
important, et de miser sur les forces de ces filles, de comprendre leurs
besoins plutôt que d'utiliser des instruments cliniques qui sont basés sur la
prédiction de la récidive puis sur la gestion du risque, bien, je pense
qu'on irait dans la bonne direction.
Mme Laurier (Catherine) : Ne pas juste les voir comme des délinquantes.
Leurs comportements délinquants, ils sont
là et ils sont amenés par la situation dans laquelle elles sont beaucoup plus
que... ce n'est pas ça qui cause la situation dans laquelle elles sont. Donc, s'occuper de leur reconstruction comme
être humain aussi. La protection veut dire aussi une protection, une bienveillance, leur laisser du
temps puis aussi susciter l'espoir chez ces femmes aussi. Nous, on a beaucoup entendu
de discours qui nous parlaient de femmes qui ont perdu l'espoir, qui ne voient
pas plus loin, qui ne voient pas comment s'en sortir. Donc, cultiver l'espoir
aussi chez ces adolescentes.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
Merci. Merci d'être là aujourd'hui. Deux questions rapides. La première, il me
semble que, quand on parle de la
sortie réussie, il y a toujours un angle mort par rapport à l'insécurité
économique. Ça fait que je ne sais pas si c'est quelque chose que vous avez étudié d'un point de vue économique ou
d'un point de vue psychologique aussi, là, l'effet que ça peut avoir,
l'insécurité économique sur la personne. Ce serait ma première question, en
fait, oui.
Mme Lanctôt (Nadine) : Bien, encore là, je vous ramènerais à notre
paradigme de reconstruction de soi. Il
y a peut-être les opportunités et
les occasions de réinsertion qu'on peut offrir à ces femmes, mais encore
faut-il qu'elles soient assez bien pour les voir et les prendre, ces
occasions. Donc, si une femme est encore empreinte d'hypervigilance et de
méfiance au point où elle a peur de prendre le transport en commun, au point où
elle a peur d'être en interaction seule à
seul avec un patron homme, par
exemple, et que, pour elle, ça
éveille des traumas... On a beau leur offrir un potentiel de réinsertion sociale, mais encore faut-il qu'elles
soient assez bien et que les symptômes de trauma soient en cours de
rétablissement. Donc, oui, il y a
la dimension économique, mais il ne faut pas oublier que, pour qu'une femme
puisse travailler, elle doit d'abord être assez bien pour pouvoir se
lever le matin et faire sa journée sans être envahie par des peurs au
quotidien.
Mme Laurier (Catherine) : Quand je parlais d'espoir, c'est aussi ça. Il
faut que ces femmes soient capables de se
projeter ailleurs que dans la prostitution. Puis quand on vient d'un milieu où,
des fois, ça s'est imposé, c'est très difficile de voir au-delà. Donc,
cultiver l'espoir chez ces femmes-là, je pense que c'est une autre piste.
Mme Lanctôt
(Nadine) : Et il y a toute la stigmatisation sociale aussi, hein?
Qu'est-ce qu'elles font avec un trou de
trois ans, de cinq ans, de 10 ans dans leurs C.V.? Qu'est-ce que tu as
fait pendant ce temps-là? Ce n'est pas très glorieux de dire : Ah! pendant 10 ans, j'ai été dans un réseau
de prostitution. Donc, est-ce que la société est prête à laisser de la place à ces femmes? Donc, il y a l'aspect
trauma dont on parle beaucoup, mais il y a aussi tout l'aspect social de la
stigmatisation.
M. Leduc :
Autre petite question, rapidement. Quand vous avez parlé de ne pas attendre
d'intervenir par rapport à la sortie,
à qu'est-ce que... la personne veuille sortir, je trouvais ça superintéressant.
Je suis plutôt d'accord, en fait. Mais je
me demandais... Il me semble que... Je ne suis pas familier avec tous les
groupes communautaires. J'en connais un peu plus parce que ma conjointe y a
travaillé quelque temps, la CLES, mais il me semble que, justement, les groupes
communautaires font ce travail-là,
interviennent déjà avant que la personne ait décidé de sortir, et qu'ils ne
sont pas nécessairement coupés au
couteau sur : Si tu y retournes, dans le processus d'aller-retour, on ne
fait plus d'intervention. Ça fait que je me demandais si vous disiez ça parce
que vous trouviez que ce n'était pas encore assez appliqué comme intervention
ou vous souhaitiez que ça demeure ce qui est déjà le cas dans certains
groupes.
Mme Lanctôt (Nadine) : ...les organismes communautaires ont chacun leur
approche d'intervention, et là on a tout un continuum, et, dans les milieux plus institutionnalisés, donc les
centres jeunesse, là aussi, il y a tout un continuum de services, hein? Il y a les unités de réadaptation,
il y a les foyers de groupe. Mais, si on le dit, c'est parce qu'on l'entend
encore, que la fille doit au moins reconnaître qu'il se passe quelque
chose de pas bon pour qu'on puisse intervenir.
Mme Laurier
(Catherine) : Et j'ajouterais que, bien souvent, ce qu'on a entendu
aussi de ces filles, c'est qu'elles nous
disaient même : Pendant que j'étais dedans, je pensais que j'étais bonne
puis que j'avais tout le pouvoir sur tout, puis c'est juste maintenant
que je suis capable de m'en rendre compte. Donc, si on assure une présence
continue, puis c'est un peu ça dans le
continuum de services aussi, on peut les aider à voir d'autre chose et donc à
voir qu'elles ne sont pas bien dans
ces activités de prostitution. Parce que, pendant qu'elles sont dedans, hein,
c'est une homéostasie. Tout s'équilibre, hein, les mécanismes de défense
sont là, et tout ça. Donc, il ne faut pas avoir peur de pouvoir intervenir et protéger ces femmes qui elles-mêmes ne
reconnaissent pas qu'elles ont peut-être besoin, des fois, de protection. Mais
c'est une ligne très difficile à tracer, j'en conviens.
M. Leduc :
On parle de bâtir une relation de confiance, en quelque sorte. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Nous avons le temps pour une dernière question. Députée
de Notre-Dame-de-Grâce, en trois minutes.
Mme Weil : Merci. Un peu
dans la foulée de mon collègue de...
Une voix : Hochelaga.
Mme Weil : ...non, non,
non...
Une voix : Chomedey.
• (16 heures) •
Mme Weil :
...Chomedey, excusez-moi, on veut trouver des solutions, faire des
recommandations. Je pense qu'on n'est
pas nécessairement dans des législations, etc., c'est plus dans les pratiques
et les meilleures pratiques. Et on comprend très bien votre message, donc, que la femme doit être maître d'oeuvre de
sa reconstruction, qu'il faut être patient et à l'écoute.
Est-ce que
vous connaissez — vous
êtes des chercheurs — des
programmes qui pourraient être des modèles dont on pourrait s'inspirer, ailleurs dans le monde, que ça soit aux
États-Unis, au Canada, etc., qui pourraient être un modèle? Je suis dans un autre projet de loi sur le code
pénal, justement, pour des mesures alternatives, puis souvent il y a des
meilleures pratiques ici et là, et on peut puiser là-dedans, ce qui a
fait en sorte de construire ce projet de loi.
Mme Laurier
(Catherine) : Bien, les
pratiques centrées sur le trauma, dont je vous ai parlé plus tôt, il y a vraiment des
modèles d'intervention aux États-Unis, notamment, puis aussi ici, au Canada, en protection de la
jeunesse. Il y a notre collègue Delphine Collin-Vézina qui
travaille à implanter, puis déjà c'est dans plusieurs centres jeunesse mais c'est surtout en
protection de la jeunesse, c'est le modèle ARC, qui est le modèle attachement, régulation,
compétence, donc, qui est implanté
dans plusieurs centres
jeunesse, surtout avec les
tout-petits, mais qui peut facilement se mettre beaucoup plus grand, là,
auprès des adolescents. Donc, si vous faites des recherches ou si vous voulez nous réentendre sur ce modèle, là, on pourra vous en parler plus
longuement.
Mme Lanctôt
(Nadine) : Il y a
un autre modèle d'intervention qui est un
petit peu plus large, celui-là, qui est le Good Lives Model. Donc, ça se traduit bien mal, là. Le modèle des vies
saines, qui serait la traduction la plus proche, mais ce n'est pas la meilleure. Donc, c'est ce que je
vous présentais sur une approche positive de la réadaptation, de partir des besoins
qui sont identifiés par la personne et non pas par l'intervenant, de considérer
la personne dans sa globalité, avec des
approches d'intervention qui sont de nature participative, collaborative, donc
on entend la voix, on bâtit avec la femme, et non pas avec un plan
d'intervention d'une recette : Voici, semaine 1, semaine 2,
semaine 3.
Donc, ça, c'est deux grands modèles
d'intervention qui ne sont pas nécessairement... qui n'ont pas été rattachés spécifiquement à la problématique de
l'exploitation sexuelle. On peut très bien tirer des ficelles et les attacher
très solides.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Mme Lanctôt, Mme Laurier, merci infiniment.
Au nom de la commission, je voulais vous remercier pour votre
présentation aujourd'hui.
Alors, on va suspendre quelques instants pour
laisser le temps au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 2)
(Reprise à 16 h 5)
Le Président (M. Lafrenière) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission va poursuivre ses travaux.
Je souhaite maintenant la bienvenue au service
de police de la ville de Sherbrooke et à l'Association des directeurs de police du Québec, l'ADPQ. Je vous
rappelle que vous disposez chacun de 15 minutes pour votre exposé, puis
nous allons procéder à une période d'échange
commune de 30 minutes. Pour commencer, je demanderais donc à l'Association
des directeurs de police à se présenter, à nous faire leur exposé.
Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)
et Service de police de Sherbrooke (SPS)
M. Pigeon
(Robert) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Mmes,
MM. les députés, merci de nous
recevoir ici aujourd'hui. Mon nom est Robert Pigeon, je suis le directeur
du Service de police de la ville de Québec, mais aujourd'hui
j'agirai comme président du conseil
d'administration de l'Association des directeurs de police du Québec. Je
suis accompagné du directeur général de l'association, M. Didier
Deramond, et du chef de police de la ville de Sherbrooke, M. Danny
McConnell, qui est également membre de l'association.
Donc, oui,
l'association, c'est un organisme à
but non lucratif qui a 80 ans
d'histoire et dont la mission première est de valoriser l'expertise policière, la mise en commun de l'expertise
policière des dirigeants, des services de police au Québec.
On représente, à l'association, l'ensemble
des organisations policières et on accueille aujourd'hui positivement l'initiative du gouvernement
de se pencher sur la problématique de l'exploitation sexuelle des mineurs et
dans tout son ensemble. Nous partageons
également cette volonté d'éliminer toute exploitation de personnes vulnérables
dans toutes circonstances.
L'ADPQ
souhaite que les services de police du Québec disposent d'outils législatifs
adaptés et nécessaires pour mener à bien leur mission afin qu'ils
puissent intervenir efficacement à la lutte contre les activités criminelles.
L'ADPQ considère également que l'objectif de la
commission est louable et que les résultats qui en découleront permettront très certainement de tracer un
portrait juste de l'exploitation sexuelle des mineurs. Cet exercice aidera
l'ensemble des acteurs à déterminer les actions nécessaires pour enrayer
l'exploitation sexuelle des mineurs.
Finalement,
l'ADPQ est d'avis qu'il faut entendre l'ensemble des intervenants, toutes les
parties prenantes qui ont, de près ou de loin, un impact sur les
personnes susceptibles et vulnérables se retrouvant dans les milieux interlopes
de l'exploitation sexuelle. Nous sommes
également convaincus que les travaux de la commission Laurent contribueront au
travail de la présente commission puisqu'ils touchent les activités des jeunes,
également la protection de notre jeunesse.
Je vais passer la parole à M. Deramond.
M. Deramond
(Didier) : Alors, bonjour à
tous, à tous les parlementaires. Nous sommes très heureux d'être ici et de participer à cette consultation. Quelques constats, éléments que nous souhaitions partager avec vous aujourd'hui, cet après-midi.
Les services de police québécois luttent contre
les activités de prostitution depuis fort longtemps maintenant, et les interventions policières ont suivi l'évolution
des jurisprudences et des différents tribunaux. Des actions policières ont toujours
lieu partout au Québec, entre autres avec la contribution de la Sûreté
du Québec et de l'Équipe intégrée de lutte au proxénétisme. Des programmes de prévention sont également
développés par les organisations policières, tel le programme des Survivantes.
Les personnes se livrant, sous diverses
contraintes, à des actes de prostitution sont considérées par les policiers comme des victimes d'un crime et d'exploitation
sexuelle. Le travail des policiers est actuellement dirigé vers les proxénètes et les réseaux organisés qui exploitent ces victimes. La priorité
est mise sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Ces dossiers sont
prioritaires pour les organisations policières du Québec.
Alors, le
travail des policiers est fort complexe, car les crimes sexuels se produisent,
la plupart du temps, à l'abri des regards. La sollicitation et la mise en
marché se réalisent, bien malheureusement, par le biais du Web. Il s'agit
d'une contrainte majeure au niveau des enquêtes. Il y a lieu de rechercher les
outils qui peuvent aider les policiers dans la réalisation de leurs travaux. Le temps d'enquête s'allonge de
plus en plus, et cela réduit le nombre d'enquêtes effectuées.
Il y a aussi un réel besoin de mettre en place
une unité provinciale de dépistage sur les réseaux sociaux officiels et le «dark Web», ou le Web profond. Il est
primordial de favoriser le dépistage des cas d'exploitation sexuelle de mineurs
et, par le fait même, de pornographie
juvénile. Cette équipe doit être constituée d'experts en informatique encadrée
par les policiers, mais pas nécessairement par des policiers.
Bien entendu,
l'augmentation des cas dépistés engendre plus de travail d'enquête pour les
services de police. Il est impératif
de mettre les ressources policières nécessaires pour effectuer ces volumes
d'enquête et s'assurer que la capacité opérationnelle des organisations
policières sera au rendez-vous.
• (16 h 10) •
Le travail
des policiers est une chose, mais il n'est qu'un des éléments du système
judiciaire. Les policiers font leur travail
et soumettent les dossiers pour
autorisation aux procureurs. Il est crucial de se pencher sur l'administration
de la justice pour alléger certaines règles. Il est de plus en plus
difficile de conclure des enquêtes et de porter des accusations. Toutes les initiatives telles que la loi visant à
favoriser l'efficacité de la justice pénale — tel le
projet de loi n° 32 — et
à établir les modalités d'intervention de la Cour du Québec dans un
pourvoi en appel sont bienvenues.
Une réflexion
s'impose pour assouplir le partage d'information entre les intervenants de la
santé et les organisations policières, afin d'élargir le partage
d'information pertinente qui permettrait d'intervenir en amont auprès des
victimes potentielles. L'assouplissement du secret médical serait une avenue à
considérer afin de protéger notre jeunesse. Ces informations ne se partagent pas actuellement ou que très partiellement.
Il est essentiel, dans un souci de protection des personnes vulnérables et des victimes
d'exploitation sexuelle, de mettre leurs droits bien en avant de celui de la
protection des informations
personnelles. C'est la logique, le bon sens et la bienveillance qui devraient
primer dans ces cas. La Loi d'accès devrait donc prévoir le transfert
d'information au service de police dans les cas d'exploitation sexuelle.
Les enquêtes
policières démontrent qu'il y a encore aujourd'hui des personnes qui sont prêtes à avoir recours à
des services sexuels de mineurs. Il
est, selon nous, indispensable de mettre en place une campagne de prévention et
des initiatives de dissuasion
importantes afin de réduire considérablement, voire totalement la demande de
services sexuels de mineurs. Les
clients doivent être ciblés par la société et l'ensemble de ces organismes. Il
faut faire comprendre aux clients que leurs agissements ne rendent pas service aux victimes, que les victimes
perçoivent peu ou pas d'argent et que ces comportements et habitudes criminelles contribuent à briser des
vies. Il y a lieu de mettre en place le dépistage des comportements à risque en
plus de travailler sur les lieux...
Une voix : ...
M. Deramond
(Didier) : Oui,
parfait. Alors, les policiers, pour leur part, procèdent déjà à des opérations
clients. Il y a lieu d'en augmenter le nombre et de revoir
à la hausse les sentences pour ces infractions.
Nous
constatons aussi plusieurs disparités et un manque d'uniformité quant à la
réponse que nous donnons à cette problématique sur le territoire québécois.
Alors, fort des équipes mises en place par l'implantation de l'Équipe intégrée de lutte au proxénétisme dans
les régions de Montréal, Laval, Québec et Gatineau, il appert que le reste du
Québec demeure un
terrain prolifique pour les proxénètes. Ainsi, le déplacement de la criminalité
est une conséquence de la prise en charge des enquêtes en milieu un peu
plus urbain.
Des
moyens équivalents aux grands centres pour les différents niveaux de service
devraient être envisagés. Les délais sont
cruciaux à une réponse rapide et adéquate, et l'augmentation de ceux-ci dans le
traitement peut diminuer les chances de réussite des enquêtes et soutien
aux victimes, avec, entre autres, le programme des Survivantes.
La
ligne est excessivement mince entre le traitement de l'exploitation sexuelle
des mineurs, majeurs et d'agressions sexuelles.
Vous aurez d'ailleurs l'occasion d'entendre les préoccupations du service de
police de la ville de Sherbrooke, après
nous, qui vous tracera un portrait des complexités ainsi que des difficultés
opérationnelles et beaucoup plus régionales.
En ce qui a trait à
la législation criminelle actuelle, il y aurait lieu de se pencher à nouveau
sur le fardeau de la preuve, bien que ce soit une responsabilité fédérale, là, mais il y aurait lieu
de s'y pencher, fardeau de la
preuve requise afin de sanctionner ce
type d'infraction. À titre d'exemple, le projet de loi C-452 de
Mme Maria Mourani, présenté en 2012 à la Chambre des communes, visait un renversement du fardeau de la
preuve pour les proxénètes et l'imposition des peines consécutives lors d'infractions multiples commises
par des exploiteurs. Ce dernier avait été repris dans le projet de
loi C-38, en 2017, mais tous deux sont demeurés sans suivi depuis.
Malgré
que ces projets de loi aient été quelque peu critiqués en regard des libertés
fondamentales, plus particulièrement
quant au principe de la présomption d'innocence, ce travail pourrait servir de base
à une réflexion, bien sûr, plus approfondie afin d'outiller nos policiers et
policières à mieux constituer leurs dossiers en regard de ces infractions et
aider le processus judiciaire à mieux sanctionner ce type de comportement. Une
autre avenue serait peut-être aussi d'envisager
de meilleures mesures de contrôle lors d'émissions de permis pour des activités
souvent associées à ce type d'exploitation.
La série Fugueuse
est venue éveiller les parents sur un modus operandi des groupes criminels et
de certaines personnes. Cela permet de
discuter avec les jeunes. Mais le phénomène de gang et ce genre de relations
entre adolescents restent cools,
entre parenthèses, là, pour certains jeunes. Il y a, selon nous, une strate de
jeunes filles et garçons qui banalisent ces genres de comportements, comme ils banalisent les relations
sexuelles, alors il faut poursuivre le travail d'éducation, de
prévention des comportements qui peuvent mener à la victimisation et à la
vulnérabilité.
Le Québec devrait
mettre en place une campagne de publicité afin de conscientiser et de
responsabiliser les citoyens corporatifs
publics et privés afin de contribuer à la prévention, une campagne qui implique
des modèles d'influence positive qui
proviennent de la communauté, exemple, des artistes et vedettes sportives, afin
de mieux sensibiliser l'ensemble des personnes prises avec ces problématiques.
Nous
devrons aussi imager... imaginer, pardon, une nouvelle conscientisation sociale
et demander à la population et aux entreprises de dénoncer les offres ou messages en lien avec l'exploitation sexuelle des mineurs sur la toile du net et des médias
sociaux. Cela devra être réalisé avec
le concours des acteurs du milieu et des citoyens corporatifs, tous ensemble, pour faire un changement.
Finalement,
aucun jeune, que ce soit fille ou garçon, ne devrait être placé dans une situation
d'exploitation sexuelle. Notre société doit mettre en place des mécanismes de protection de notre jeunesse, elle doit responsabiliser l'ensemble
des parents et des intervenants en amont de toute intervention policière.
Il nous est permis d'affirmer que les mécanismes mis en place dans le passé
pour assurer la protection des personnes mineures ont connu certains ratés.
M. Pigeon
(Robert) : Alors, M. le Président, rapidement, en conclusion,
l'Association des directeurs de police appuie
entièrement et nous allons continuer à soutenir les travaux de la présente
commission. Nous sommes prêts également à partager nos connaissances et
les informations que nous détenons à partir des enquêtes sur le terrain pour
nourrir les travaux de la commission.
Nous
sommes également convaincus que les services de police disposent déjà de
certains outils, de moyens et de techniques
permettant de mener à bien les projets d'enquête, mais la complexité et leur
nombre nous amènent à demander plus de ressources dédiées à ce phénomène
et l'ajout de personnel en cybercriminalité et en patrouilles du Web.
Plus
on est présents, plus on détecte des comportements dérogatoires. Plus on génère
des dossiers d'enquête, plus ça prend
d'enquêteurs pour faire le travail également. Donc, nous sommes également
d'avis qu'un travail de contrôle social et parental bien en amont des interventions policières est requis. Ce
n'est pas juste une affaire de police, cette affaire-là, c'est une
affaire de toutes les parties prenantes dans notre société, incluant, bien sûr,
les parents.
Je crois sincèrement
qu'il y aurait lieu également de se pencher sur les règles qui entourent la
protection des informations et du secret
médical afin de mieux pouvoir échanger entre nous. Les intérêts supérieurs de
la sécurité des jeunes et de la
sécurité publique doivent primer dans un genre de dossier comme ça et dans ce
genre d'initiative. Tous ensemble, si
nous nous affairons à la détection, l'ensemble des parties prenantes pourront
faire un meilleur travail par la suite. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, M. Pigeon, M. Deramond.
Maintenant, du service de police de la ville de Sherbrooke, je vous
invite à vous présenter et à nous faire votre...
M. McConnell (Danny) : Oui, parfait. Bien, je vous remercie de nous accueillir.
Alors, je suis ici aujourd'hui pour vous expliquer davantage la
situation plus régionale. Au niveau de Sherbrooke, on agit d'une certaine
façon.
Alors,
le Service de police de Sherbrooke est un service de police de niveau 2,
alors, qui comprend... qui protège pour
167 000 personnes, environ, à Sherbrooke, excluant les
40 000 étudiants qui vont et viennent année après année et toute
la population touristique. Le Service de police de Sherbrooke compte parmi ses
rangs des enquêteurs motivés et spécialisés
en exploitation sexuelle. Deux d'entre eux m'accompagnent aujourd'hui en
M. Vincent Fontaine et Mme Caroline Hamel, derrière moi.
Compte
tenu de son niveau de service, le Service de police de Sherbrooke collabore
avec les différents partenaires, dont
la Sûreté du Québec et l'Équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme, pour
mener à terme des enquêtes en matière de
proxénétisme. Notre organisation reconnaît pleinement les raisons d'être de
l'EILP et considère que sa présence dans le portrait policier québécois
est nécessaire et vitale.
Toutefois, le
Service de police de Sherbrooke a soutenu et encouragé ses enquêteurs à
développer une méthode de travail qui
leur est propre en lien avec les victimes d'exploitation sexuelle sur son
territoire. Cette méthode leur a permis d'attaquer localement des phénomènes tout en faisant condamner des
exploiteurs ainsi que des clients abuseurs. Au fil des ans, nos
enquêteurs sont devenus des références locales en matière d'exploitation
sexuelle.
Le SPS
considère que la stratégie policière actuelle pour lutter contre l'exploitation
sexuelle et de niveau provincial, parfois
même national ou international... qu'elle porte fruit, mais, lorsqu'on regarde
les résultats obtenus du côté de la Sûreté du Québec et de l'EILP face à l'exploitation sexuelle organisée, et
étendu sur plusieurs provinces, et impliquant plusieurs victimes, des situations locales ou régionales,
qui nécessitent plutôt une stratégie policière dite de proximité, ne peuvent
être résolues par les enquêteurs de ces organisations, déjà occupés à enquêter
des dossiers d'envergure provinciale ou nationale. Ils ne peuvent non plus travailler en amont et
tenter de détecter les potentielles victimes d'exploitation sexuelle de même
que travailler en prévention dans les différentes municipalités.
L'exploitation
sexuelle des jeunes dans les villes telles que celle que nous représentons est
bien réelle, et le SPS est en mesure
de mettre en lumière les obstacles à la lutte contre l'exploitation sexuelle
rencontrés ainsi que les avantages que représente cette situation.
• (16 h 20) •
Notre
expérience organisationnelle nous permet d'affirmer qu'actuellement les
stratégies déployées pour lutter contre l'exploitation sexuelle des jeunes ne permettent pas aux corps de police
de petites municipalités d'intervenir efficacement malgré le fait qu'elles soient souvent les mieux
placées pour le faire. Nous réussissons quand même non seulement à aider les victimes d'exploitation sexuelle et à faire
condamner des criminels, mais également à travailler en amont et en accompagnant
les jeunes femmes pour éviter le pire, c'est-à-dire d'être exploitées
sexuellement.
Certains
constats locaux que je me permets de vous faire partager aujourd'hui. C'est
que, depuis 2014, les enquêteurs du service
de police de la ville de Sherbrooke s'efforcent de comprendre et de lutter
contre le phénomène, et le territoire de Sherbrooke ne fait pas exception. Plusieurs victimes d'ici et d'ailleurs
y sont exploitées. Rapidement, les enquêteurs, on a choisi... ont été accueillis et se sont
impliqués au sein des organismes communautaires de Sherbrooke qui oeuvrent
auprès des victimes d'exploitation
sexuelle adultes et mineures, le
CAVAC, par exemple, CALACS, IRIS Estrie, etc. C'est évident que la police ne peut pas travailler seule. Ça,
c'est... vous avez entendu depuis le début de la commission, il faut absolument
travailler en partenariat dans ça. La police n'est pas experte dans toutes les
matières, bien évidemment.
Alors, le
service de police de la ville de Sherbrooke affirme avec certitude que les
victimes majeures méritent autant d'attention
et de services que les victimes mineures — malgré
qu'on parle aujourd'hui des mineurs — en se basant sur certaines études qui confirment que les femmes
victimes d'exploitation sexuelle débutent dans le milieu prostitutionnel vers
l'âge de 14 ans, rien de moins, en
moyenne. Les enquêteurs constatent que les victimes adultes se retrouvent
dépourvues de services alors qu'elles
atteignent l'âge de la majorité, malgré le fait qu'elles soient toujours très
vulnérables, ce qui a été très bien
mentionné par Mme Lanctôt et son équipe de l'Université de Sherbrooke
juste avant nous tantôt. Alors, je vais éviter de parler de l'effritement du soutien social, qui est stigmatisé,
dont elles sont victimes, et parfois rendues à l'âge adulte.
Le problème
un peu aussi, c'est qu'étant donné qu'on est un service de police niveau 2
on doit travailler dans le cadre de la Loi sur la police, et le
proxénétisme ne fait pas partie des enquêtes pour lesquelles le service de
police doit enquêter — vous
savez, la ligne est très mince entre les agressions sexuelles, la pornographie
juvénile, le leurre par informatique, etc. — et pencher du côté du proxénétisme. Alors,
dès qu'une enquête pour un crime qui ne correspond pas à son niveau de service est amorcée, elle est
immédiatement reprise par un autre service de police. Le lien qui est créé avec
la victime est détruit, car ce dernier ne
peut être transférable comme l'est un dossier de papier par exemple. Il arrive
même que certains petits services de police n'enquêtent pas
nécessairement ce genre de situation là ou de crime là, faute de moyens, sûrement. Alors, ce que je dis, c'est que
les proxénètes et les clients abuseurs se retrouvent aussi en région, et
nécessairement en région, parce que dans les grands centres il y a un excellent
travail qui est fait à ce niveau-là, et, nécessairement,
il y a un exode de ces clients abuseurs là et de ces proxénètes-là vers les
régions. Et nécessairement il n'y a pas tout à fait les moyens pour
rencontrer ce genre de situation là non plus dans nos régions.
Alors, à
Sherbrooke, depuis 2016, on était quand même assez impliqués, où
15 dossiers ont été autorisés, dont la quasi-totalité ayant abouti
à des condamnations — le
DPCP — pour
infractions relativement à l'exploitation sexuelle. Six dossiers sont toujours sous enquête, et, depuis 2017, une
cinquantaine de femmes mineures et majeures liées à l'exploitation sexuelle, à Sherbrooke et de l'extérieur
de la région, sont prises en charge seulement par les deux enquêteurs
qui m'accompagnent aujourd'hui.
Vivre et
travailler dans un milieu aussi petit que Sherbrooke par rapport aux grands
centres fait en sorte que les intervenants
connaissent à fond les jeunes eux-mêmes, les suspects, l'environnement, les
tendances locales. Les jeunes de Sherbrooke
se connaissent tous, interagissent entre eux. De nombreuses informations
parviennent aux intervenants dans un
contexte d'accompagnement au quotidien. La connaissance précise du milieu est
un atout considérable qui ne peut être écarté lors d'une intervention
policière.
Nous sommes d'avis que l'éradication de
l'existence de l'exploitation sexuelle passe par la criminalisation des
proxénètes, bien évidemment, mais également par la criminalisation des clients abuseurs
de toutes sortes. Lorsque nos enquêteurs
discutent avec les enquêteurs d'autres districts, ils constatent qu'ils sont
plus nombreux à demander au DPCP d'intenter
des poursuites. Alors, à Sherbrooke, le quasi-total des dossiers présentés au
DPCP ont été entendus, et l'achat de services sexuels d'une personne
majeure ou mineure s'est résolu par des déclarations de culpabilité.
Alors, certaines interventions sont préconisées de notre côté. C'est
qu'habituellement une enquête policière débute par un événement
criminel, une dénonciation, une plainte ou pendant une situation de crise.
C'est à ce moment que l'enquêteur rencontre sa ou ses victimes. À
Sherbrooke, les enquêteurs spécialisés en exploitation sexuelle vont plus loin que
leur mandat habituel et se distinguent par leur façon de faire en intervenant,
c'est-à-dire qu'ils débutent parfois même avant l'entrée dans le monde prostitutionnel.
Voici comment
ils interviennent. D'abord, ils effectuent des visites de courtoisie aux
centres d'hébergement pour adolescents et adolescentes afin de
rencontrer les différents jeunes de groupes hébergés en utilisant différents
prétextes. Notre chien de soutien émotionnel
est souvent mis en contribution pour faciliter cette entrée en matière là, et
nécessairement, une fois qu'il y a un
visage sur le nom, sur le policier ou la policière, c'est plus facile, à un
moment donné, quand vous vivez ce genre de situation là.
Alors,
l'objectif est fort simple, c'est de créer un contact. Les jeunes les
connaissent, donc, avant même d'avoir été victimisés. Après ce premier contact, il n'est pas rare qu'un adolescent
ou adolescente rappelle directement les enquêteurs. Puis c'est une façon pour nous de gagner leur
confiance. Ils ont créé un partenariat avec les intervenants spécialisés sur
l'exploitation sexuelle qui participent aux interventions et nous aident à
progresser dans ce genre de plainte là.
Ce partenariat,
bien que non officiel, est très
performant. Chacun connaît son rôle, ses limites et ce qu'il peut apporter
aux victimes. Le Service de police de Sherbrooke
a deux enquêteurs spécialisés : le centre jeunesse, qui est spécialiste en
fugues, le CALACS, et deux intervenants formés en exploitation sexuelle. C'est
un genre d'équipe qui a été créé pour mieux
travailler et affronter cette problématique-là. Ce partenariat permet des échanges d'information, un meilleur suivi auprès des
victimes ainsi qu'une réaction rapide face aux besoins des victimes. Lorsque
le rôle de l'enquêteur se termine, c'est
celui de l'intervenant qui débute. Ensemble, cette équipe a créé
un réseau de contacts, d'information et une méthode de travail adaptée en
milieu sherbrookois.
Ce qui est intéressant, ce qu'on fait à Sherbrooke,
aussi, c'est la distribution de cartes d'affaires de nos deux enquêteurs non identifiés «police». Alors, ce
n'est pas très, très in d'avoir une carte police dans tes poches, là,
d'affaires, alors il y a
des cartes d'affaires qui ont été créées, puis ce n'est pas identifié «police»,
c'est seulement un numéro de téléphone unique pour lequel
les victimes ou potentielles victimes peuvent communiquer en tout temps avec
nos policiers, là, enquêteurs. Ces cartes
d'identité là sont distribuées par les patrouilleurs dans les hôtels, motels,
appartements, etc., et elles sont
aussi distribuées aux CALACS, CAVAC, DPJ, IRIS Estrie, etc., et tous les
partenaires qui peuvent nous aider dans ce genre de situation là.
Nous avons
aussi autorisé l'utilisation d'un cellulaire, d'un compte Facebook et d'un
courriel pour communiquer avec les victimes de façon plus
confidentielle. On s'entend que les clients abuseurs, proxénètes, nos jeunes,
nos jeunes vulnérables, l'adolescence, les
médias sociaux, c'est très, très facilitant. Alors, pour nous, c'était correct
d'être sur Facebook puis tout ce que
je viens de mentionner. Ces moyens de communication sont utilisés uniquement par les victimes
d'exploitation sexuelle puis les enquêteurs spécialisés.
Les enquêteurs
organisent également plusieurs rencontres avant la prise de plainte pour
permettre de connaître les victimes
et ses besoins. On regarde au niveau des transports, nourriture, hébergement, santé, médicaments parce
qu'on sait qu'elles ont souvent des problèmes de
dépendance. Les victimes sont souvent référées par les organismes participants, les
patrouilleurs ou d'autres enquêteurs
d'autres services, même. Une attitude d'ouverture, de non-jugement, de
compréhension est de mise à chaque fois.
Alors, les
jeunes sont rencontrés chaque fois qu'ils sont de retour de fugue, lorsqu'ils
ont été ciblés par les intervenants
pour avoir été victimes d'exploitation
sexuelle ou d'agression sexuelle par un tiers. Les enquêteurs
servent également de bouée
de sécurité alors que les jeunes sont en fugue, ils sont rejoignables
24 heures sur 24 sur les cellulaires dédiés à cette clientèle à risque là. Lorsqu'il y a finalement plainte, celle-ci est prise directement par l'enquêteur pour éviter les étapes de rencontre avec le patrouilleur et de répéter plusieurs
fois la même problématique. Cette façon de faire est privilégiée par les victimes, déjà craintives face au système
judiciaire, peu importe la raison de la plainte : violence
conjugale, agression sexuelle,
exploitation sexuelle. Nos enquêteurs font preuve d'adaptation totale à la réalité
de la victime également. Alors, par
exemple, le contact avec la personne
et la victime sera fait souvent par des endroits choisis par celles-ci, et les
entrevues filmées assermentées peuvent se faire à l'extérieur du poste
de police.
Nos
partenaires du DPCP acceptent également de s'adapter. Alors, les rencontres avec les victimes
d'exploitation sexuelle et le
procureur peuvent se faire aussi à
l'extérieur du palais de justice,
genre au poste de police, dans un domicile de la victime ou des organismes
communautaires partenaires.
On vous a
parlé de l'utilisation d'un chien de soutien émotionnel, Kanak, qui pour nous
est un grand soutien, une grande aide
pour faciliter l'expression de la situation qui s'est passée. Alors, on a parlé
aussi de... L'équipe multidisciplinaire, lors du passage à la cour de la
victime, permet d'assurer sa sécurité et de répondre à tous ses besoins, alors,
l'accompagnement, même, au niveau du processus judiciaire au complet.
Ce qu'il est important de mentionner ici, c'est
que le lien avec l'enquêteur est la clé du succès pour ce genre d'intervention là, sans égard à la situation. Peu
importe... Je vais aller un peu plus loin, là, mais nous pensons que l'enquêteur
qui a débuté le dossier doit rester avec la victime jusqu'à la totalité et la
conclusion, la finalité de ce dossier-là.
Je n'ai pas checké l'heure, là, mais est-ce que
je suis encore dans le temps, M. Lafrenière?
Le Président (M. Lafrenière) :
Absolument, vous avez encore 3 min 30 s
• (16 h 30) •
M. McConnell
(Danny) : Ah! O.K.,
parfait. Alors, on va aller un peu plus loin. Je vous dirais que... Je vais
aller tout de suite, à ce
moment-là... Vous avez le document, de toute façon, où on élabore un peu plus,
mais allons directement sur certaines façons de travailler.
Nous
pensons que les dossiers d'envergure comme ceux du proxénétisme sont transférés
à d'autres corps de police, car ils détiennent le niveau de service nécessaire.
On pense qu'on doit travailler avec eux de façon plus efficace. Comment expliquer à une jeune fille de 16 ans
hypothéquée émotionnellement, qui a accepté dans sa vie un adulte policier qui
a fait... pour qui elle fait confiance depuis plusieurs mois, qu'un autre
enquêteur prenne la relève pour la seule raison qu'elle a accepté de rendre des services sexuels pendant une fin de
semaine alors qu'elle est en fugue? Alors, le transfert de dossier, pour nous, est primordial. Nos enquêteurs
connaissent sa mère, son chien, ses goûts, sa famille. C'est plus facile
de garder le lien.
Je
vais aller directement vers les pistes de solution proposées, si vous me
permettez. Alors, nous croyons qu'une formation
adéquate de nos policiers... Parce que je serais curieux de savoir, aux
policiers sur le terrain, s'ils me parlent de l'arrêt Bedford de la Cour suprême, qui est directement relié à ça, si
tout le monde est au courant comment ça fonctionne. Alors, une meilleure formation aussi des
répartiteurs en techniques policières
et aller un peu plus en amont avec ça, une formation pour les procureurs aux poursuites criminelles et la
désignation d'un procureur, spécifiquement à ce genre de dossier là, qui pourrait travailler constamment
avec les mêmes enquêteurs, un canal de communication clair et légal entre
les services de police et la DPJ.
La
Loi sur la protection de la jeunesse
inclut maintenant l'exploitation sexuelle comme motif de compromission, mais les contraintes légales des organisations
nuisent à l'aide qui pourrait être apportée aux jeunes. Nous
suggérons que la communication entre les centres jeunesse et les
services de police soit autorisée dans les deux sens pour faciliter les
interventions d'accompagnement auprès des jeunes. La confidentialité est le mot
magique dans tout ça.
Il y a déjà quelque
chose qui a été mis en place à Sherbrooke, où on partage un protocole pour les
gangs de rue notamment, où la DPJ puis la
police parlaient mais par des codes, puis on ne réussit jamais à se comprendre
parce qu'on parle des mêmes clients puis on n'est pas capables de se le
dire un et l'autre. C'est épouvantable.
Un changement dans la
liste des infractions pourrait être traité par les corps de police. On pense
que certains niveaux 2 pourraient en
faire un peu plus par rapport aux enquêtes... ce genre d'enquête là, et
peut-être voir, au niveau de la complexité
des dossiers, là, à s'assurer peut-être un partenariat différent avec la Sûreté
du Québec et l'EILP. C'est soit aider les organisations de niveau 1
et 2 ou soit bonifier les ressources de la Sûreté du Québec pour diminuer les
attentes opérationnelles et, bien évidemment,
garder le policier qui est en charge dès le début du dossier jusqu'à la fin du
dossier, donc travailler ensemble,
s'inspirer du projet de loi C-38, qui a déjà été mentionné par
M. Pigeon de l'ADPQ, et peut-être continuer dans ce sens-là.
En
terminant, ce que je dirais, c'est qu'un investissement en ressources humaines
et financières dans les villes qui ne font pas partie de l'équipe
intégrée de lutte au proxénétisme serait nécessaire pour permettre à ces
petites villes de lutter contre les
exploitations sexuelles. Sur le terrain, ce sont les policiers municipaux qui
connaissent les jeunes victimes et les suspects.
Le
Service de police de Sherbrooke continue d'encourager ses enquêteurs à lutter
contre l'exploitation sexuelle. Nous
demandons donc de l'aide afin de pouvoir poursuivre la mission. C'est soit ça
ou allons vers une création d'équipes intégrées de lutte au proxénétisme
régionales regroupant les corps de police de niveau 1 et 2 qui désirent en
faire partie, et la Sûreté du Québec, bien évidemment,
désirant s'impliquer contre la lutte de l'exploitation sexuelle des mineurs
ainsi que des victimes majeures. Ça,
ça faciliterait l'échange d'information pertinente entre les corps de police
participants et le transfert des
connaissances tout en préconisant l'entraide entre les corps de police voisins
et la proximité, bien évidemment, avec les victimes. Le Service de police de
Sherbrooke a la ferme conviction qu'il détient les connaissances pour continuer
à travailler dans ce sens-là.
Puis,
en terminant, j'aimerais dire que Sherbrooke serait heureux d'organiser une
rencontre chez nous, à Sherbrooke, à laquelle nos partenaires seraient
conviés. Les membres de la commission seraient ainsi à même de constater le
travail excellent qui se fait chez nous, la coopération et les succès qui en
découlent lors de nos interventions concertées.
J'aimerais,
le Service de police de Sherbrooke et pour ma part, féliciter l'initiative et
encourager les travaux de la commission. Et merci beaucoup pour votre
écoute.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup, M. le directeur. Alors, nous
allons maintenant passer à la période d'échange
avec les membres de la commission. Et je vais inviter les députés... La
première question était pour la députée de Lotbinière-Frontenac.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Bonjour. Tout à l'heure, on a aussi écouté un
service de police, le Service de
police de Laval. J'ai posé la question en arrière, là-bas, puis je me
demandais... On a entendu divers groupes. Je me suis aperçue qu'il y avait des
programmes pour les victimes, des programmes pour les proxénètes, mais il y a
un vide pour les clients abuseurs.
Puis on sait que, bien, s'il y a de la demande, bien, il va y avoir de
l'exploitation sexuelle. Puis, tout à l'heure, la police de Laval nous disait que, bien, ce qui est la plus grande
peur du client abuseur, c'est d'être reconnu comme client abuseur. Donc, je me
demandais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire un registre puis je me
demandais qu'est-ce que vous en pensez, là-dessus.
M. Pigeon (Robert) : Bon, la question des registres, c'est vrai aussi
pour les délinquants sexuels de toute autre nature, ça comporte quand
même un certain nombre de risques, parce que, lorsqu'on rend publique
l'identité d'une personne volontairement,
bien, il est possible qu'il y ait des représailles. Il est possible qu'il y ait
une gestion à faire des risques par rapport
à l'identification de ces personnes-là. Mais là où vous avez totalement raison,
c'est qu'il faut, à un moment donné, créer
la peur parce que c'est inadmissible que des personnes se donnent le droit
d'abuser de nos enfants ou de distribuer des images ou des vidéos de jeunes
enfants. Donc, on crée... Lorsque la demande est là, bien, ça oblige des
proxénètes à recruter encore plus de victimes. Et donc, là, c'est une
roue qui tourne.
Donc, il faut vraiment couper la
demande de ce genre de service là. Il est vrai que, par des moyens, comme vous
venez de mentionner, qui seraient certainement très efficaces, j'en conviens...
Il y a aussi des moyens de créer la peur du
Web. Lorsque c'est la police qui
est sur le Web et s'identifie de
façon subreptice comme une jeune
fille potentielle, bien... À un moment donné, quand on crée la peur du Web, le client, il ne sait plus s'il est en
train de parler avec une police ou parler
avec un vrai proxénète. Donc, il y a des initiatives de ce genre-là aussi, de sorte qu'il serait très important d'attaquer le phénomène, comme vous venez
de le dire, c'est-à-dire de diminuer la demande pour ensuite couper l'offre.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Alors, prochaine question, on
avait le député de Viau.
M. Benjamin :
Merci, M. le Président. Alors, merci, messieurs, pour votre présentation.
Ma première question
concerne... Il y a une des recommandations... J'ai entendu l'Association des
directeurs parler des besoins de ressources
additionnelles, et vous aussi, le chef de police de Sherbrooke.
Une des recommandations faites
tantôt dans le mémoire déposé par le service de Laval, et j'aimerais vous
entendre là-dessus, c'est à
l'effet qu'il devrait s'établir une formation spécialisée sur l'enquête
en exploitation sexuelle et sur les conséquences du phénomène pour les victimes
par l'École nationale de police. J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Deramond
(Didier) : Oui, effectivement, c'est dans le cadre des
formations, c'est dans le cadre des mises à
niveau, bien entendu, là, qu'il faut se pencher là-dessus. Il y a
des réflexions qui sont faites pas juste eu égard à la formation, mais dans bien d'autres volets aussi, qu'on est en
train de réfléchir à essayer d'optimiser les ressources qui sont déjà en
place au lieu de faire de la duplication, là, parce qu'il y a des grands
services de police, soit dit en passant, qui ont une expertise. On a créé des groupes justement pour partager cette expertise.
Mais il y a encore du travail à faire à l'ensemble de la province pour qu'on soit capables d'uniformiser
le service qu'on doit rendre aux victimes et à la population en général.
M. Benjamin :
Ma deuxième question, c'est pour le bénéfice des gens qui nous regardent, qui
nous écoutent. Vous avez mentionné dans
votre mémoire un enjeu par rapport à la loi sur l'accès à l'information.
Pouvez-vous nous parler un peu de cet enjeu-là et comment y remédier?
M. Pigeon (Robert) : Oui, certainement. L'enjeu est réel pas juste
dans le domaine de l'exploitation sexuelle, mais dans les cas de santé mentale également. Donc, il existe des
informations qui sont détenues par des professionnels de la santé, des éducateurs, des enseignants, toutes les
autres parties prenantes, où, lorsqu'on n'est pas face à une menace imminente,
donc il y a moins d'obligation de divulguer.
Donc, il y a tous les aspects du lien de confiance entre un thérapeute et son
patient et la protection du public ou la protection de la personne.
Donc,
je pense qu'on pourrait être meilleurs que ça. Tout en respectant l'intimité
médicale ou l'intimité de chacune des personnes, je pense qu'on pourrait
être meilleurs dans l'échange d'information. Il faudrait définitivement que la
commission se penche sur ces aspects-là, en incluant même la réflexion sur les
problèmes de santé mentale. Beaucoup d'événements criminels de très grande
importance, comme les homicides, se produisent, alors que c'était presque prévisible à l'avance que cette personne-là était
pour passer à l'acte. Donc, il y a des gens dans la société qui détiennent un
certain nombre d'informations puis, pour
toutes sortes de raisons, s'empêchent de les divulguer aux bonnes personnes qui
pourraient en prendre charge au bon moment.
Donc,
c'est vrai aussi pour des jeunes filles qui se confient à un ami, à un
enseignant, à un thérapeute ou n'importe qui d'autre dans la société. Puis, si les policiers le savaient, ils
adapteraient leurs interventions ou leurs comportements en fonction du client qui est devant lui. Là, plus on
en sait sur une personne, mieux on s'adapte dans notre intervention, meilleurs
on va être également, plutôt que d'essayer
de détecter, d'apprendre, un petit peu le jeu d'essais et d'erreurs jusqu'à ce
qu'on trouve la bonne avenue. Je
pense qu'on pourrait définitivement être meilleurs dans l'échange des
informations, bien qu'il existe des
tables de concertation presque dans chacune des régions, là, où tous les
organismes sont autour, mais il reste quand même qu'il s'échange de l'information mais seulement sur des bases de
confiance. Alors, je pense qu'on pourrait organiser ça d'une façon
beaucoup plus structurée.
M. Benjamin :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : Merci beaucoup. La députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Foster :
Bonjour, messieurs. Merci d'être là. Merci de votre présentation.
Ma
question s'adressera à l'Association des directeurs de police. Vous avez parlé
tout à l'heure d'une large campagne sociale
pour faire la prévention. Quels milieux spécifiquement? Vous pensez qu'on
devrait tenir ça où, ces campagnes-là, dans
quels milieux? Là, vous avez parlé un peu du corporatif, bon, public, privé.
Ça, ça va. Mais là c'est le temps de nous dire, en tant que parlementaires, là, ce genre de campagne là, on la
fait auprès de quels milieux — au pluriel, là — pour être efficaces?
• (16 h 40) •
M. Pigeon (Robert) : Donc, moi, je pense que ça devra toucher beaucoup
de personnes. Il faut d'abord se définir entre nous. Présentement, c'est que, bien qu'il arrive que des jeunes
personnes décident d'elles-mêmes d'offrir des services sexuels, il reste quand même que c'est très rare.
Généralement, ça commence par une espèce de jeu de séduction où les personnes, parfois, se contactent via les réseaux sociaux. Donc, il y a
une espèce d'hameçonnage qui va se faire. On va amener la personne à avoir confiance. On va vivre différents moments de
bonheur pendant un bout de temps, puis après la catastrophe va
commencer, puis le film d'horreur va commencer à ce moment-là.
Donc,
si on est dans la prévention, dans la sensibilisation et dans l'éducation, que
tout ça existe et que c'est un phénomène qui
est réel, tout comme la protection de ses images personnelles, alors... C'est
presque banalisé, aujourd'hui,
entre les jeunes, de filmer certains ébats
sexuels ou certaines parties intimes de leur corps. Mais, une fois qu'on a pesé
sur «send», là, puis les images sont
parties, elles ne nous appartiennent plus, et il peut y avoir des conséquences
très importantes.
Donc,
voyez-vous, il y a plusieurs aspects. Ça peut être à l'école, ça peut être
dans les familles, ça peut être sur les réseaux sociaux, mais, une chose est
certaine, c'est qu'on ne devrait pas tolérer que se distribuent des images
d'enfants en pleine action sexuelle,
en pleine exploitation sexuelle. C'est presque banalisé à un certain niveau. Je
pense que c'est le temps d'envoyer un
signal extrêmement fort, extrêmement clair que les personnes qui consomment ce genre
de pornographie là ou qui consomment ce genre de service sexuel là
devraient être sanctionnées, de façon très évidente.
Mme Foster :
Au niveau des clients, parce qu'il y a beaucoup de prévention également à faire
de ce côté-là comme vous le dites si bien,
est-ce qu'il y a... D'autres avant vous nous ont dit : Les clients, on a
de la difficulté à établir un profil type, c'est-à-dire qu'ils viennent de toutes sortes de milieux
socioéconomiques, et tout ça. Donc, à partir de ce moment-là, si on fait une
campagne sociétale pour la prévention de la demande des clients, on cible...
là, vous avez parlé de l'école, tout
ça, mais ça, ça cible davantage, peut-être, les jeunes. Mais on va où, dans quels milieux,
pour ce qui est de la prévention, pour la demande, pour les clients?
M. Pigeon (Robert) : J'irais avec un exemple. Vous vous souvenez,
la région de Québec a subi un électrochoc avec l'opération Scorpion. Donc, vous avez raison de
dire qu'il y avait des gens de toutes sortes de milieux qui consommaient
ce genre de services sexuels là. Aujourd'hui, il y a quand même eu une prise de conscience, on voit qu'il y en a maintenant
qui ont peur. Puis nous, on a des agents d'infiltration qui travaillent sur le
terrain et on voit que plusieurs clients maintenant
essaient de distinguer si je fais face à une
mineure ou si je fais face à un majeur. Donc, on voit qu'il y a une prise de conscience
d'une crainte d'être pris avec une mineure. Donc, le comportement commence à
changer un petit peu avec la peur
aussi de se faire prendre avec une mineure. Mais, définitivement, il faut créer
et ne pas manquer chacune des occasions
pour faire en sorte qu'une personne qui est tentée vers ça... Parce que,
généralement, il va y avoir les gens qui vont consommer de la
pornographie juvénile, qui vont rester à ce niveau-là, mais d'autres vont
franchir la deuxième étape, c'est-à-dire celle de tenter d'obtenir des services sexuels
d'une mineure. Mais c'est rare que quelqu'un passe directement
à la deuxième étape. Il y a toujours
la première... Il y aura une première étape qui est présente d'une
façon générale. Donc, il y a
un travail à faire là de détection pour s'assurer de décourager les personnes à
passer au deuxième niveau.
M. Deramond (Didier) : Juste pour finaliser, vous savez, dans le mémoire,
on a été vraiment très global et général, là, mais, pour essayer de répondre à votre question plus
précisément, c'est tous les milieux, hein?
On
sait très bien que le Québec est, je dirais, une mine d'information sur des
activités criminelles en infonuagique, là.
On sait très bien que la région de Montréal détient beaucoup de clouds, là,
présentement, là, qui résident à Montréal. Donc, on a toutes ces opportunités-là d'affaires, au niveau
vraiment des gens corporatifs ou des entreprises,
là, qui peuvent nous venir en aide. On
a parlé du tourisme, tout ce qui est du bureau du tourisme. On a parlé des aéroports
aussi. Dans mon ancienne vie à Montréal,
on allait former aussi les gens qui travaillent
dans les aéroports parce qu'il y a une très grande mobilité, hein, de ces jeunes-là qui se font exploiter, là. Donc,
quand ils commencent à être un peu recherchés dans une certaine région ou province, on les envoie ailleurs, donc la mobilité
est aussi à prendre en compte. Il y a plein, plein, plein de citoyens
corporatifs qui peuvent nous venir en aide justement pour essayer de
faire une bonne prévention.
Mme Foster :
Merci.
Le Président
(M. Lafrenière) : La députée de l'Acadie.
Mme St-Pierre :
Merci, M. le Président. Merci d'être avec nous aujourd'hui. J'ai une question
pour l'Association des directeurs de police et aussi pour la ville de
Sherbrooke. Donc, je vais les poser en rafale, puis vous répondrez.
Sur
l'Association des directeurs de
police, vous avez mentionné tout à
l'heure qu'il y a des mécanismes
de protection qui ont été mis en
place qui ont connu des ratés. Je
pense, ce serait important
de nous les décliner parce qu'on est
là aussi pour entendre qu'est-ce qui
marche, mais qu'est-ce qui ne marche pas. Alors, si vous avez des exemples à
nous donner, je pense, ça nous aiderait beaucoup.
Sur
le service de police de la ville de Sherbrooke, j'ai été un peu surprise
d'entendre qu'il n'y avait pas d'échange d'information entre vous puis
que vous recommandiez même qu'il y ait quelque chose de régional. Je trouve que
c'est une très bonne idée, mais vous me
prenez par surprise parce que je pensais que c'étaient des choses qui pouvaient
s'échanger. Sur votre façon de
travailler, vous travaillez, à ce que j'ai décodé de ce que vous avez dit, de
façon régionale, mais vous avez adapté vos méthodes à un petit milieu et vous
avez des méthodes très originales. Je pense à l'escouade... bien, j'appelle
ça l'escouade canine, là, se servir d'un
chien pour entrer en contact... Je trouve que c'est très original et je pense
que ça peut faire le travail, parce
qu'il y a quelque chose qui s'établit, il y a un lien d'affection qui peut
s'établir, puis, après ça, la personne se livre davantage.
Vos
méthodes, vous les avez inventées, ou vous les avez pigées quelque part
ailleurs dans le monde, ou c'est avec le travail sur le terrain que vos
méthodes se sont placées?
M. McConnell (Danny) : Dans un premier temps, j'aimerais juste m'assurer de la
bonne compréhension de ça, l'échange
d'information avec la Sûreté du Québec est excellent. Le travail qu'on fait avec
l'Équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme était bon.
Mme St-Pierre :
Non, ce n'est pas ça que j'ai compris. Vous avez parlé d'une instance régionale
qui devrait être créée.
M. McConnell (Danny) : Oui, d'accord, O.K., parfait, parce que ce travail-là, il
se fait très bien. C'est juste que c'est
des fois plus difficile, par le flot de travail, de pouvoir mieux travailler
ensemble, plus rapidement, plus souvent. Mais, oui, effectivement, ce lien-là à l'interne, il est à développer. On le
développe présentement. On travaille avec les partenaires, comme j'ai mentionné : CALACS, CAVAC, etc.,
IRIS Estrie, tout ça. Mais, oui, effectivement, la communication est bonne,
est très bonne même. Je ne suis pas sûr que je saisis tout à fait votre
question, par exemple.
Mme St-Pierre :
Bien, j'ai pris en note... Je ne veux pas m'étendre là-dessus parce que j'ai...
Vous avez parlé de la création comme d'un groupe de travail, une
escouade régionale.
M. McConnell (Danny) : Oui, c'est ça, pour soutenir les victimes tout au long du
processus judiciaire. Oui, exactement.
Mme St-Pierre :
D'accord. Ça, ça n'existe pas?
M. McConnell
(Danny) : Oui, oui, ça existe, ça. Ça existe très bien.
Mme St-Pierre :
Ça existe? Ah bon! D'accord. J'avais compris que ça n'existait pas. O.K.
M. McConnell (Danny) : On ne s'est pas bien entendus, oui. Et, oui,
effectivement, le chien de soutien émotionnel est, pour nous, une porte d'entrée évidente qui nous aide beaucoup non
seulement à obtenir des versions, suite à des entrevues cognitives, pour développer puis pouvoir procéder
à des arrestations, mais tout aussi pour accompagner tout au long du
processus judiciaire. Alors, pour nous, c'est un avantage marqué, oui.
Mme St-Pierre :
Et vous avez décidé d'utiliser cette méthode-là parce que vous l'avez
intuitivement imaginé ou vous êtes allés chercher cette technique-là
quelque part?
M. McConnell (Danny) : Non, non, ce qui est arrivé ici, c'est que, par les deux
enquêteurs qui m'accompagnent aujourd'hui...
C'est par pure volonté, l'intérêt marqué de vouloir aider ces victimes-là de
par des programmes qui existent déjà,
comme Les Survivantes. Ça, c'est quelque chose qu'on a importé chez nous, qu'on
essaie de travailler le mieux possible. Mais, aussi, dans la façon de faire... Comme je vous disais, la
distribution de cartes d'affaires, de laisser un numéro de téléphone 24 heures, de pouvoir créer cette proximité-là
puis de garder cette proximité-là non seulement pendant l'événement, ou en
amont, ou en prévention de ça, c'est quelque chose qu'on a mis en place à
Sherbrooke. C'est possible que ça existe ailleurs,
je n'ai pas cette information-là. Mais on est bien ouverts à le partager. C'est
quelque chose qui fonctionne très bien. Dans le milieu où on vit, je ne sais pas, à grande échelle, si, à
Montréal, ou à Laval, ou ailleurs, c'est possible, ou à Québec, mais, chez nous, ça fonctionne
très bien. Alors, ça sera de voir si on peut travailler de ce côté-là.
Mme St-Pierre :
Pour ce qui est de l'Association des directeurs et votre commentaire sur les
mécanismes...
M. Deramond (Didier) : Oui, tout à fait, au niveau des ratés, ça aussi,
de façon très générale, globalement, c'est tout ce qu'on a pu en voir et entendre dans les médias, là, tous les cas
d'espèce des fugueuses à répétition, les centres jeunesse, le phénomène de la
porte ouverte. D'ailleurs, il y en a... Je comprends, au niveau de la
protection, là, j'étais dans la salle tout à l'heure, lorsque... les gens qui faisaient état de la recherche à
Sherbrooke, là, effectivement, il y a toujours des paradigmes au niveau de la protection. Mais en même temps le
travail devient très, très, très, complexe parce que ces jeunes-là sont placés.
Du moins, on tente de leur venir en aide. Il y a des portes ouvertes, là. On a
des exemples concrets, que ce soit à la ville de Montréal ou ailleurs, là.
Alors, ils sortent pendant certaines parties de la journée, là, ils peuvent
sortir puis aller faire des clients,
quand bien même qu'ils sont placés dans les centres jeunesse. On sait très bien
que les gens recrutent alentour, nos proxénètes recrutent alentour des
centres jeunesse aussi.
Donc,
il y a des mécanismes de protection qui sont en place, mais il y a quand même
des ratés. Alors, c'est pour ça qu'on l'a mentionné à travers le
mémoire.
Mme St-Pierre :
Et ces mécanismes de protection là devraient être plus sévères, selon vous?
• (16 h 50) •
M. McConnell (Danny) : Bien, pas nécessairement sévères. Ce n'est pas la
sévérité, là, c'est... Bien sûr, il faut travailler sur plusieurs axes, là. On
en a parlé, l'axe client, l'axe social, c'est tout à fait ça qu'il faut
travailler. Mais il y a des modèles
qui sont existants, on ne vous en a pas parlé aujourd'hui, là, mais des
modèles, des hubs, là, le «hub model», des modèles de collaboration
multisectorielle qui sont existants dans le cadre de la santé, de la santé
mentale, les problématiques de santé
mentale, dans d'autres problématiques aussi, au niveau de la criminalité chez
nos jeunes. Et on devrait prendre
exemple là-dessus et s'assurer aussi
que la législation est adaptée
à ces modèles, parce qu'un des enjeux que l'on a à mettre en place, ces modèles
comme ça, et notre président en a parlé, de l'association, effectivement, c'est
la loi à l'accès à l'information,
c'est la confidentialité qu'on associe... Du moins, je ne sais pas si on
l'associe correctement ou c'est une interprétation qui est faite à
travers le temps, mais on aurait avantage à mettre des modèles en place de
collaboration multisectorielle avec vraiment des outils qui soient adaptés aux
besoins de nos victimes.
Mme St-Pierre :
D'accord. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Le député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci, M. le
Président. Vite, vite, c'est le «hub model»?
Une voix : Oui.
M. Skeete :
Merci. J'ai aussi une question par rapport à la Loi sur la police. Vous avez
parlé tantôt que le niveau 2 vous
semblait inadéquat parce qu'il y a certaines interventions que vous ne pouvez
pas faire même si vous avez un lien de proximité où est-ce que vous
pensez que vous devriez agir. En quoi votre niveau 2 vous empêche de faire
ce que vous voudriez faire? Et est-ce que
vous nous suggérez de peut-être apporter une modification à la loi pour vous
permettre de le faire?
M. McConnell
(Danny) : Bien, merci
de poser la question. Effectivement, pour nous, l'encadrement du niveau 2
fait en sorte qu'on a certaines obligations,
et le proxénétisme n'en est pas une. Alors, c'est de niveau 3,
Laval, Longueuil, Gatineau, et plus haut, pour lequel ils sont habilités,
selon la Loi sur la police, à gérer ou à enquêter ce genre de crime là. Je
parle de proxénétisme. Tout ce qui vient auparavant, on parle de pornographie
juvénile, d'exploitation sexuelle sur des mineurs et majeurs, etc., le
leurre informatique, ça relève des niveaux 1 et 2 encore aujourd'hui.
Ce que je
vous dis, c'est qu'effectivement il faut travailler avec la Sûreté du Québec, à
ce moment-ci, quand ça devient un niveau 3. On pense qu'il y a une
différence dans la complexité de l'enquête, dans la façon de faire de ce genre
d'enquête là, de proxénétisme. Je pense
qu'il y a des enquêtes de proxénétisme qui pourraient être effectuées par des
niveaux 2 de par — c'est un peu plus facile — son accessibilité. Puis, quand ça devient un
peu plus complexe, on est capables... on est à même de comprendre puis
d'accepter... puis de travailler en collaboration avec la Sûreté du Québec, ce
qui se fait déjà très bien.
Mais, de leur
côté, ils sont aussi très occupés, très engagés mais aussi très pris ailleurs aussi,
à l'extérieur des différentes régions,
ce qui fait en sorte que souvent il y a des délais d'attente pour mettre en
place des opérations à des endroits ciblés, notamment dans des hôtels. À Sherbrooke, plusieurs hôtels sont un peu
pris avec cette situation-là où des personnes sont exploitées sexuellement. On le sait. On veut le
faire. Mais, à partir du moment où on va là, on travaille sur le proxénétisme et on doit attendre l'aide de la Sûreté du Québec
pour travailler avec nous. Et, quand on réussit à mettre tout ce beau monde là
ensemble, mais, des fois, il peut se passer quelques mois, et, pendant ce
temps-là, il y a des jeunes qui se font exploiter sexuellement. Pour nous,
c'est inacceptable.
M. Skeete : Donc, juste pour
être clair, il y a combien de niveau 2 au Québec?
M. McConnell
(Danny) : Il y a
18 niveaux 2 au Québec, et Sherbrooke est le plus gros niveau 2.
18 niveaux 2 au Québec. On
comprend toute la couronne nord, la couronne sud de Montréal, qui, par la RMR,
sont des niveaux 2 de par la
proximité de la ville de Montréal. Alors, c'est bien certain, quand je parle de
niveau 2 comme Sherbrooke, Trois-Rivières, Lévis, Saguenay, c'est des niveaux 2 de ce sens-là qui, je pense,
pourraient travailler un peu plus du côté proxénétisme, mais la loi nous
l'interdit présentement.
M.
Skeete : Ça fait que je retiens que ça serait un axe important
d'agir... de regarder l'étendue du niveau 2, sinon pour l'ensemble
des niveaux 2, où les cas particuliers, comme vous et les villes que vous venez
juste de mentionner... il y aurait un axe à regarder, là, par rapport aux
pouvoirs qu'on pourrait vous donner pour vous aider à mieux faire.
M. McConnell
(Danny) : Ce serait
une option intéressante. Mais vous comprenez bien que ce n'est pas tous les
niveaux 2 qui seraient intéressés de faire ça. Ça, on s'entend là-dessus.
M. Skeete : Je comprends.
M. McConnell
(Danny) : Alors, pour
nous, ce serait bien de le faire. Ce serait possible d'avancer, d'être plus
présents.
M. Skeete : Merci.
M. Deramond
(Didier) : Les crimes qui
sont rapportés, on y répond quand même, là. On y répond et puis on prend en
charge cette criminalité-là. Oui, bien sûr, il y a des transferts, là, à gauche
et à droite, là, mais on s'assure que ça ne tombe pas entre deux chaises. Et, de toute façon, tout
ça fera partie d'une réflexion que l'on s'apprête à faire, là, dans le cadre du
livre vert.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Essayons un tour de force, trois questions en neuf minutes. Le
député de Chomedey.
M. Ouellette : Merci. Merci, messieurs. On n'a pas besoin
d'attendre un livre vert pour faire une réflexion, par exemple.
Les
bonnes choses qui se passent à Sherbrooke, puisqu'il y a 18 municipalités
ou 18 corps de police de niveau 2 au Québec, je présume que c'est partagé ailleurs, parce que, probablement,
ce qui se passe à Granby ou à Trois-Rivières peut être peut-être
semblable, parce qu'on a beaucoup entendu parler que la criminalité,
particulièrement les proxénètes ou particulièrement
les réseaux, se déplacent. Quand il y a un peu trop de chaleur, que ça soit à
Montréal, ou à Laval, ou ailleurs, bien,
vous l'avez mentionné, et je comprends un peu votre besoin régional, mais ils
vont se déplacer où il y a
un peu moins de surveillance. Donc, si vous avez une recette gagnante chez vous, à Sherbrooke, je pense que vous l'avez déjà partagée
ou vous êtes en train de la partager avec d'autres niveaux 2 qui
pourraient avoir des choses similaires.
Et j'entendais M. Pigeon tantôt nous mentionner
l'ouverture de l'ADPQ à partager avec la commission les bonnes pratiques, les bonnes choses qui se font. Ça, ça doit faire
partie d'un plan d'opération à Sherbrooke. C'est des choses qui doivent aider les membres de la commission,
parce qu'on peut bien avoir toute la bonne volonté du monde, la première
bonne volonté, il faut qu'il y ait une
volonté politique de faire avancer le dossier. Il faut qu'il y ait une volonté
politique de changer des choses, et
de sécuriser des gens, et de donner des outils à des gens. Et je pense que, de
votre côté, vous avez des limites à respecter. Vous avez des limites à voir à
tous les jours. Je sais qu'on a, dernièrement, donné beaucoup de sous à la cybercriminalité. Vous parlez d'une
unité provinciale qui ferait uniquement ça. Je présume que ça va nous amener
à avoir une meilleure cohérence et cohésion dans les premiers intervenants, là,
que vous êtes.
M. McConnell
(Danny) : Oui. Bien,
vous savez, oui, c'est tout à fait exportable. Vous avez raison là-dessus. Et, en toute humilité, c'est une recette qui
fonctionne bien chez nous. Je ne vous dis pas que ça fonctionnerait
nécessairement bien dans des grands
centres, de par le volume notamment, mais il reste que la commission actuelle
est un excellent véhicule justement pour partager ce genre d'information
là. Nous, il y a une situation qui prévaut dans notre ville qui est similaire ailleurs au Québec, on n'est pas mieux ou pire. Il
reste qu'on a décidé d'en prendre charge, de s'en occuper et de mettre des
moyens, avec les cadres financiers serrés pour lesquels, les différentes villes,
on est à travailler avec.
Alors, on n'a
pas grand moyens. C'est sûr qu'à ce moment-ci, de distribuer, par exemple, des
cartes d'affaires non identifiées au Service de police juste pour s'assurer de
cette proximité-là, ça ne coûte rien, ça. C'est juste la bonne volonté et l'aspect de dévouement de nos enquêteurs à
vouloir aider, puis encadrer, et supporter ces victimes-là dans ces épreuves
de vie là. Alors, bien humblement, oui,
effectivement, ça pourrait être exporté. Peut-être que ça existe ailleurs
aussi, là, il faudrait voir, mais, pour nous, ça fonctionne très bien.
M. Pigeon
(Robert) : Vous entendrez
certainement... Dès demain matin, vous entendrez le SPVQ. Vous allez voir
qu'il a un modèle un peu différent. Mais il
y a une prise en charge très ferme qui se fait ici, à la ville de Québec, à
Gatineau également. À Laval, vous avez entendu Laval, je ne sais pas
s'ils ont exploité un peu cette partie-là. Mais effectivement l'ensemble des corps de police sont très
conscients du phénomène et luttent de façon locale et régionale et en partenariat,
bien sûr, avec l'EILP. C'est quand même une
unité d'enquête qui est provinciale et qui partage des renseignements avec
tout le monde. Donc, effectivement, la
diffusion des informations circule très, très bien. Et la Sûreté du Québec joue
son rôle de coordonnateur, à l'intérieur de ça, de façon très adéquate.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci
beaucoup. En rafale, deux questions rapides. La députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Merci de votre venue. C'est très intéressant
d'entendre aussi la réalité des régions. Moi, je viens d'un petit milieu aussi.
Donc, je sais ce que c'est, les tendances locales puis essayer de faire
contribuer le maximum des gens qui sont impliqués.
Justement,
vos interventions locales, je pense que vous avez eu des
belles réussites récemment, là, au
niveau de Sherbrooke. Est-ce qu'il y aurait moyen
de faire bénéficier d'autres corps policiers de ces initiatives-là? Est-ce que,
selon vous, on devrait les
multiplier, les interventions? Je sais que ça demande du temps et des
ressources, là, mais comment est-ce qu'on pourrait encore plus mettre
l'accent là-dessus?
• (17 heures) •
M. McConnell
(Danny) : Ça a été très
bien mentionné tantôt. À partir du
moment où on travaille sur la demande, l'offre
va nécessairement s'estomper. Ça sera plus facilitant. Et la façon de faire,
c'est... Bien évidemment, le plus possible qu'on peut éradiquer ces clients abuseurs là ou ces proxénètes-là, on
aura certainement un résultat qui
sera appréciable. Mais je ne pense pas, malheureusement, qu'on pourra
mettre fin à ça totalement, mais à tout le moins le limiter mais surtout supporter les jeunes filles qui sont... bien, je
dis surtout «jeunes filles», il y a des jeunes garçons, c'est plus rare, mais
surtout les jeunes filles présentement qui sont prises à travers cette
situation-là.
Bien,
évidemment que, dans les centres plus petits comme nous, on vit, la proximité
est là, les gens se connaissent, les
gens se parlent, et c'est un avantage marqué à travailler, et ce qui est un peu
plus difficile dans les grands centres, dû à l'anonymat par rapport à ça. Et
cette certaine banalisation-là qui... notamment pour les jeunes femmes de
18 ans et plus qui... et ça a été expliqué tantôt par Mme Lanctôt,
qui dit : Bon, bien, c'est un peu banalisé. Bien, elle est majeure, c'est
moins pire. Même au niveau de porter des
accusations, il faut faire attention, c'est aussi important, parce que ça débute avec nos jeunes filles de 13, 14 ans, là, il ne
faut pas l'oublier. Alors, oui, effectivement, pour nous, c'est un peu comme ça
qu'on le prend, et c'est comme ça qu'on le gère également.
Mme Perry
Mélançon : Puis vous sembliez dire qu'il y a des lacunes au niveau des
interventions, par exemple, des hôteliers. Vous avez l'air de travailler
avec eux...
M. McConnell (Danny) :
Oui, oui.
Mme Perry
Mélançon : Est-ce qu'il y a d'autres gens qu'on pourrait inclure dans
tout ce processus d'intervention là?
M. McConnell (Danny) :
Ah! tout à fait. Bien, tout le monde essaie de le faire, présentement. On est
tous à la recherche de solutions gagnantes dans tout ça. Il n'y a pas
nécessairement de lacunes, c'est juste qu'on cherche à rester près des différents hôteliers. Beaucoup
d'hôteliers ne sont même pas au courant qu'il y a de l'exploitation sexuelle dans
leur propre bâtiment, là, c'est comme ça. Ils peuvent rester surpris à partir
du moment où on fait une opération, en collaboration
avec la Sûreté du Québec parce que c'est du proxénétisme, pour Sherbrooke,
bien, à ce moment-là, ils restent un peu surpris quand on arrive à faire
ce genre d'intervention là.
Mais, oui, il faut continuer à développer ça. Il
faut continuer à travailler en partenariat. La police est un outil seulement parmi tant d'autres. Mais, quand même,
là, c'est les yeux, c'est le temps de travail qui se fait sur le terrain, c'est
la porte d'entrée, bien souvent.
Il y a les
partenaires aussi qui sont là, les CALACS, tout ça, les gens qui accueillent
ces jeunes filles là, qui, bien souvent,
sont gênées de venir vers le service de police, qui nous aident aussi à aller
de l'avant avec ça. Et j'encourage par le
fait même... puis c'était très bien mentionné, aucun dossier ne sera mis de
côté. C'est un crime contre la personne, c'est un crime contre des jeunes
personnes, il faut s'en occuper. Et jamais un dossier n'aurait été mis de côté,
là, je pense, dans aucune ville de la province, là, à ce niveau-là.
Le Président (M. Lafrenière) :
Merci beaucoup. Turboquestion de la part de mon collègue d'Ungava?
M.
Lamothe : Une turboquestion, M. le Président, avec quatre questions.
M. McConnell, c'est sérieux, ce que vous avez dit tantôt. Pendant que vous
attendiez après la Sûreté du Québec, il y avait des jeunes victimes qui se
faisaient exploiter sexuellement.
M. McConnell (Danny) :
Oui, absolument. Mais ce n'est pas juste à Sherbrooke. Je ne pense pas que...
M.
Lamothe : Qu'est-ce que les dirigeants de la Sûreté disent de ça, face
à une réflexion semblable? Vous lui avez seulement fait part?
M. McConnell (Danny) :
Oui. Non... Si on en a fait part?
M.
Lamothe : Bien, dans le sens que, je veux dire, c'est un service que
vous avez besoin. J'imagine que vous avez fait les démarches pour vous faire servir de la sorte. Mais, quand on me
dit, moi, qu'on attend après la Sûreté, il y a déjà une victime qui se
fait exploiter sexuellement, je trouve ça sérieux, là.
M. McConnell
(Danny) : Bien, je
vous dirais que, présentement, pendant qu'on se parle, il y a des jeunes victimes
qui se font exploiter sexuellement, et on travaille très fort pour améliorer
cette situation-là.
M. Lamothe : Je comprends ça. Mais,
je parle, avec le rapport avec la Sûreté du Québec.
M. McConnell
(Danny) : Le rapport
avec la Sûreté du Québec est excellent. Je n'ai aucun mot à dire pour améliorer
ça, cette situation-là. C'est juste qu'eux,
comme nous, sont pris... Il y a l'exploitation sexuelle pour... laquelle est
une priorité pour nous parmi tant d'autres, mais c'est une priorité, alors on
doit travailler avec la disponibilité des gens. Et c'est un peu pour ça que la commission est ici, je crois, sauf
erreur. Vous allez me dire, à travers la commission parlementaire, comment
on peut améliorer cette situation-là et être
encore plus présents sur le terrain. Mais peut-être que présentement, oui, je
dois attendre parce que, bon, il y a
peut-être quelque chose de plus urgent ou plus gros où la Sûreté du Québec est
prise en compte et doit être
utilisée. À partir du moment où ils sont disponibles, ils sont là, mais ils ne
peuvent pas être partout en même temps présentement, là, puis je ne
répondrais pas pour le reste pour la Sûreté du Québec.
M. Lamothe : Non, je comprends votre
point de vue.
M. McConnell
(Danny) : Mais
présentement ils ne sont peut-être pas capables de répondre à l'ensemble, à
chaque jour, des situations qui prévalent.
M. Lamothe : Mais, si vous avez un
niveau 3, ça va changer la donne?
M. McConnell (Danny) :
Bien, je vais être plus autonome, certainement, pour... Je ne cherche pas à
être un niveau 3, là, ceci dit. Mais
certainement qu'il y a certains crimes de proxénétisme qui sont moins
complexes, pour lesquels certains niveaux 2 pourraient travailler
davantage.
M. Lamothe : Ça fait que, si vous
tombez numéro 3, avec un niveau 3, il va y avoir moins de jeunes
victimes qui vont se faire exploiter sexuellement. C'est ça que vous me dites?
M. McConnell
(Danny) : On le
souhaite. On souhaite ça. On souhaite qu'il n'y en ait pas, de victimes qui
soient... victimes d'agressions sexuelles.
M.
Lamothe : O.K. Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Vraiment dernière question. Mme la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Oui. Bonjour et merci beaucoup pour votre participation. C'est plus d'ordre
juridique. Vous avez fait plusieurs
recommandations. Je suis aussi... Je siège dans la commission sur la justice
pénale. Vous dites qu'il y a des initiatives. Savez-vous... Il y a eu beaucoup de débats sur plusieurs mesures. Est-ce
que vous êtes capables de préciser ce qui est le plus important pour vous qui faciliterait la tâche? Ce serait important
parce qu'on est en train d'adopter ce projet de loi.
Aussi, le
secret médical, est-ce que ce n'est pas vrai que, s'il y a un crime contre un
mineur, le secret est levé? Donc, ça,
c'est la question sur cette question-là. Hausse des sentences pour les
infractions, ça, c'est une recommandation, j'imagine, forte. Et, renversement de la preuve, pensez-vous
qu'il y a une chance qu'on puisse réussir à convaincre le gouvernement fédéral?
Pour
Sherbrooke, premièrement, bravo pour le travail que vous faites, c'est
tellement impressionnant, c'est un modèle. Pouvez-vous, peut-être... La question d'entrave au processus judiciaire,
c'est-à-dire d'être obligé de divulguer les communications entre les
victimes, là, ça aussi, est-ce qu'il y a une chance qu'on pourrait convaincre?
Donc, c'est
toutes des questions d'ordre juridique, mais c'est important qu'on ait aussi
des recommandations. C'est peut-être
parmi les plus importantes, liées à la sécurité publique, mais, juridique,
souvent c'est très difficile de faire ces changements à la justice.
M. Pigeon
(Robert) : Au niveau des
recommandations d'ordre juridique, je pense que. l'assouplissement de transfert
de connaissances, vous avez raison lorsque... C'est pour ça que j'ai insisté
sur l'imminence de la commission d'un crime; là, il y a des barrières qui
tombent. Mais on n'est pas souvent dans l'imminence. C'est lorsqu'on est dans le gris, c'est là que
ça se passe. Puis l'idéal, ça serait d'agir justement avant qu'on soit rendu
face au mur. Donc, être capable d'avoir des
assouplissements pour être capable de se parler de façon beaucoup
plus transparente, et en temps réel, pour pouvoir agir avant que les
crimes ne se commettent.
Mme Weil : ...serait le plus important pour vous dans ce projet de loi qui pourrait aider dans votre tâche contre ce proxénétisme?
M. Pigeon
(Robert) : Bien, celle-là en
est une, parce que c'est une prise en charge de toutes les parties prenantes.
Donc, ce n'est pas juste une affaire de police, c'est une affaire de beaucoup
de joueurs dans la société. Et, si chacun est capable d'agir au bon moment
avec les règles juridiques qui encadrent le travail de chacun, avec le moins de
barrières possible, bien là on se ramasse avec certaines facilités qui
définitivement pourraient aider.
Mme Weil : Et, le secret
professionnel, je sais que, dans certaines juridictions, c'est levé pour des
mineurs. Est-ce que c'est le cas ici, médical?
M. Pigeon
(Robert) : Ça dépend s'il y a commission
d'un crime imminent, sur le point d'être commis. Généralement, les gens vont
essayer de convaincre la victime de porter plainte, parce que, là, on est
souvent dans un mode ou un modèle de
consentement. La personne est en balance entre les deux. Est-ce que je suis
vraiment exploitée contre mon gré ou pas?
Mme Weil : Une mineure.
Je parle d'un mineur, pas de consentement.
M. Pigeon
(Robert) : Non, je sais,
mais je parle par rapport à un thérapeute. Un policier, c'est très clair
dans son esprit.
Mme Weil : Oui, mais je
parle de médical, le médecin.
M. Pigeon
(Robert) : Médical ou professionnel,
là, que ce soit un enseignant, que ce soit d'importe qui d'autre qui rentre en
contact avec un mineur qui a des informations, c'est souvent gris, hein? Lorsque, le médecin
ou l'enseignant, c'est clair, il y a un aveu, il va enclencher le processus
avec la DPJ, il va déclencher ce qu'on appelle une entente multisectorielle. Tous les acteurs vont se mettre
autour de la table, ils vont prendre le cas. Mais souvent, dans l'exploitation sexuelle, bien, il y a un jeu
de rôles, hein, derrière ça qui fait en sorte qu'il y a beaucoup de
demi-vérités qui se disent.
Je vais vous
donner un exemple. Une jeune fille qui arriverait dans un hôpital
avec des bleus, un petit peu maganée, bien,
elle ne va pas nécessairement dire au médecin tout ce qu'elle est en train
de vivre. Ça se peut que le médecin arrive à un certain nombre de conclusions,
qu'il pourrait dire à la police : Regarde, moi, je m'attarderais peut-être
un petit peu à ce cas-là. Peut-être qu'il n'y a rien,
mais peut-être qu'il y a quelque chose.
Donc, avoir
des possibilités d'avoir accès à différentes affaires, autre que
dans le cadre du déclenchement d'une entente multisectorielle où, là,
toutes les parties prenantes sont obligées de dénoncer puis de prendre charge
du cas.
Mme Weil : Merci.
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Merci, messieurs, pour votre présentation. MM.
Pigeon, Deramond, M. McConnell, merci beaucoup de votre
présentation.
J'ai
besoin d'un consentement des membres
de la commission pour prolonger de
15 minutes au-delà du temps qui nous était alloué aujourd'hui.
Alors, consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Lafrenière) :
Consentement. Merci beaucoup, messieurs.
On suspend quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 8)
(Reprise à 17 h 15)
Le
Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Nous allons reprendre nos travaux avec, maintenant, Mme Kathleen Quinn, qui est du CEASE
programme. Nous l'avons avec nous en conférence téléphonique à partir d'Edmonton. Je vous rappelle, Mme Quinn, que vous allez
disposer de 20 minutes pour
faire votre exposé et, par la suite, les membres
de la commission vont avoir 25 minutes pour vous poser des questions, pour
échanger avec vous. Je vais rappeler aux membres
de la commission qu'il va y avoir un
petit délai. Nous avons les services d'un traducteur, qu'on apprécie beaucoup,
aujourd'hui, qui va nous permettre d'être en lien avec
Mme Quinn. Alors, Mme Quinn, dès que vous êtes prête, on veut
entendre ce que vous avez à nous dire aujourd'hui.
Centre to End All Sexual Exploitation (CEASE)
(Audioconférence)
Mme Quinn
(Kathleen) : Merci. Bonjour,
et merci pour cet honneur. Je
regrette que je ne peux parler français bien. And I am thankful to the translator for assisting me.
I
commend the Assembly for creating this Commission. This is very important and
life-changing work that you are doing.
I sent
a PowerPoint that outlines the Sex Trade Offender Program and our PSECA,
Protection of Sexually Exploited Children Act, that we have in Alberta. So, I will
speak to the big picture of why your study is so important and then answer
your questions.
I
believe we, as adults and leaders, should always start with concern for our
children and youth and for those among us who are vulnerable or in vulnerable
circumstances. I am glad that you are examining the transition in the adulthood
of minors who have been sexually
exploited because this is a long journey and requires intensive commitments
such as trauma recovery counseling, higher education, job training, and
other supports.
Research indicates that up to
75% of people in the sex trade were lured into commercial
sexual exploitation as children. A 2018
Statistics Canada report states that 72% of trafficked persons are youth under
25 years of age. Commercial sexual exploitation has a young face.
Many
are now using a newer lens, human trafficking, yet it is telling the same story
as from the ‘80s and ‘90s, just in different ways, because we live in a highly sexualized consumer
society, and there are new technological ways to exploit children and youth. While some youth begin to
trade sex for survival needs such as food, shelter or even consumer goods,
they are easy prey for pimps and traffickers.
I
was invited to speak about our experiences creating the Sex Trade Offender
Program, also known as «john school», and why this is important for your study. This program
was created because people were concerned about the visible sexual exploitation of children and women in city center
communities. Many were indigenous youth and women, and for others it was very clear they were in poverty. I was a
mother of young sons when we began to see these children, youth and women
standing on our street corners. Men picked them up and often parked outside our
home, because we have a hedge, and there we witnessed acts of sexual assault and exploitation. As a mother, I and
many others in the community could not remain silent. The fathers in the community also could not, and we began to
organize. Our own children couldn't get to school safely, especially the girls. Women couldn't walk to the
store or stand at the bus stop without being harassed and then asked for sex. As a community, we began a journey of five
years of learning, advocating, and taking action. We joined with our police
officers, parents whose daughters were on the street, frontline workers with
safe houses, and anyone who would gather. We
were most excited when women who had been children exploited on the street
joined our group and informed our action. Together, we identified that
the activity that caused the most harm to the most people was the activity of
men driving through our communities,
exploiting and harassing. We identified one action that could make a
difference, that was what's called
the «john school», the Sex Trade Offender Program. We advocated with the mayor,
the police chief, and the Alberta Minister of Justice.
• (17 h 20) •
The
constant component of the sex trade and sex trafficking dynamic is that there
must be a demand for
access to the bodies of children, youth, and adults who
are primarily, although not exclusively, females. If there were no demand, there would be no supply and no motivation for
pimps, traffickers and profiteers in other aspects of the sex industry. When
we created the Sex Trade Offender Program,
we had three goals : one was to provide accurate information to the men
about the laws and about the health
risks, another was to educate them about the dynamics of the sex trade. The
third is the most important. It was to build empathy for those who have been harmed,
because, without empathy, people rarely change. And many men in the sex trade are not thinking about
the personhood of the child or adult, they are only thinking about what
sex act they want.
So,
what can we do to stop the exploitation and begin to heal the harmed? I know
you are looking at what you can do for those who are vulnerable or exploited. I know you are listening
to others and identifying policies and programs where children and youth who are at risk can be helped
out of exploited circumstances. I know you must be looking at support to the
parents and the vulnerable communities, especially those who are LGBTQ persons,
indigenous persons and newcomer communities.
It's important to create mental health and trauma
support because trauma and the violence in the sex trade
takes a big toll on a person depending how
long the abuse, how young the person was when the abuse began, it will depend
on the length of time it takes to heal. If
drugs are a factor, then people will need access to drug treatment programs.
Sometimes young people are forced
into taking drugs by pimps and traffickers. It's very important to commit to the long journey because every exploited child turns 18 and they need a variety of support
to heal and reclaim their lives as they move into adulthood. It's equally important to engage in prevention education with
our children and youth because some could become the victims, some could become the consumers, and some could become the
traffickers. They need to know about healthy sexuality, healthy
relationships and consent.
I'd
like to give you three stories from our experience in Edmonton. One story is
that a 16-year-old boy recruited a 16-year-old girl, and, with the help of a
man over 18 years old, they rented a hotel room. Police were alerted and
they did a check.
When they arrived, they first thought that the girl was 19, because she was all
dressed up, but, when they checked her
ID, they found that she was 16. She had been kept in that hotel room for a week
and forced to provide sex for seven to 10 men a day, that's around
50 men in that week. These men did not know they were exploiting a
16-year-old girl.
Four
young men were arrested by our police for attempting to pick up a street sex
trade worker, then they were going to go rob a liquor store. What might have happened
if the police were not doing an undercover sting that night? This arrest
prevented exploitation, it prevented a
robbery and perhaps even a death. Two of the youth chose a youth justice
sentencing circle and the other two
went to the court process. They couldn't attend the Sex Trade Offender Program
because they were minors, but I participated in their sentencing circle,
and together we created a fair consequence for them.
Last
year, four men in their late twenties were arrested for trying to contact a
15-year-old through an app which was, in actuality, an undercover police sting. They all pleaded guilty.
However, their lawyer challenged the mandatory minimum of six months that's in our law, and that appeal is still before the
Alberta courts.
You
may be aware that there are many young women in the sex trade in Edmonton who
come from Québec, and Ontario, and China, Japan, Korea. That's because the
money is good in Alberta and there is a high number of men in our industries. Girls and women are
often moved on circuits from Calgary to Red Deer, to Edmonton, to
Fort McMurray, to Grande Prairie.
How many are trafficked? How many come of their own accord? We don't know. How
many come on their own accord at
first, yet are then recruited by a pimp online while they are here? We don't
know. How many are directed to provide
any kind of sex service from the call centers that takes the texts from the men
who are looking to buy sex — and many of these call centers are located in Québec and Ontario? We don't
know. This is a big challenge for our law enforcement. Most importantly, the men don't know the
circumstances of those they are seeking to buy sex services from. They don't
know their ages, they don't know if they're trafficked, they don't know if they
are in circumstances of desperation.
Once,
a few years ago, we were called by our police service to assist a young woman
from Québec. She had come on her own to earn some money because of family
debt, but a pimp found her online, threatened her, isolated her, and she
called the police. They called CEASE. I'll never forget driving in the dark to
find her on the edge of our city with her two
suitcases. This was late at night. We were able to take her directly to the
airport and pay for her safe return to Québec with funds from the Sex Trade Offender Program.
This
is where the public impact comes in with the Sex Trade Offender Program.
Creating that program 23 years ago built capacity for the community, for law
enforcement and government to work together in creative ways. We
have kept this issue
at the forefront of our city for three decades now and we know that we must
always be working together in order to
bring about change, because those who would profit from an exploit seem always
to be one step ahead of all of us who want to help and to end this
exploitation.
Continuous
education and advocacy is key. We do have a
sexual exploitation working group with community, city, and provincial
representatives, and law enforcement who, for the last 15 years, have
asked our mayor to proclaim a week of awareness of
sexual exploitation so that we can keep this before the population of Edmonton. We also hold
learning events throughout the years and,
for example, in Alberta, we are now marking 20 years of having our
protection of sexual exploited children law and services in place and we
will be doing a report back to the community.
• (17 h 30) •
It's
vital to reduce the flow of sex trade consumers into the commercial market
through enforcement, education, and then through public awareness. We know that what
we do is very small, but we think we are making a significant difference. It's true, in the last
23 years we have been able to educate over 3,000 men, and the
majority of them no longer participate in exploitation.
Also
significantly is what we would call a form of restorative justice. Through the
fees that the men pay, we have generated almost
$1,5 million, over these 23 years, that we use to heal the harm, to
build for the future, and to inspire positive
social change. We've been able to take action on some poverty relief measures
directly to help those who have been
victims. We've been able to fund counseling for trauma recovery, bursaries to
help young people go back to school and create a new pathway for
themselves, and we continue public education and community initiatives.
I'd
like to quote this part with what is actually the last slide in my PowerPoint.
It's a new movement started by Paul Brandt, a country
music singer from Calgary, and he is using the slogan #notinmycity to mobilize
awareness and to take action. So, this quote is... they
are now producing materials to be used in educating both health care providers,
ambulances, you know, anyone who interacts
with children and youth : «Freedom has to include everyone. We have a collective
responsibility to keep our children safe. Become part of the solution and
become an ally. Help prevent human trafficking and child sexual exploitation.»
Thank you. Merci.
Le Président (M. Lafrenière) : Well, thank you so much for your
presentation. That was quite a shock for us. Now, we'll have a bit more than 25 minutes to
share with you with an open discussion, and we'll start with Mr. Christopher Skeete, from Sainte-Rose.
M.
Skeete : Hello, Mrs. Quinn. Can you hear
me?
Mme
Quinn (Kathleen) : I can. Thank you.
M. Skeete : Alright. Great. I have a few questions. The first question that I have is... quickly you touched on it,
but what is the link between prostitution in general and drug use?
Mme Quinn (Kathleen) : Well, the link is twofold. One is it
can be used as a tool to lure and groom young persons and, you know, to give them drugs and the feeling
that comes with drugs, to, you know, buy them nice things and jewelry. And then the trafficker will say, «Did you think
this was free, now, you need to pay me back, I know a way that you can do that», and especially if that person is, you
know, the same age, or, you know, an older boyfriend who'll say, «If you love
me, you'll do this to me.» By then, the young person is addicted, dependent
upon the drugs and dependent upon this false love. And so, that's one
link.
The other is that, because of the
violence and the degradation, they start taking drugs to numb out. And, again,
I'll never forget this, I stopped near a little store on my way home, I talked
to a young woman and I said, «You know, if you're using drugs, you know, you're more at risk to...» And she looked at me
and she said, «Do you think I could do this straight?»
And so, it's either a numbing, coping mechanism or it's a forced dependency as
a technique.
M. Skeete : Thank you for that. My second question is with regard to the Sex Trade Offender Program
precisely. Now, you
say that there's been 3,000 men that no longer participate in the sex trade
because of this program. I wonder, can this
program be adapted preventatively? Can it be given not just after an arrest,
but also maybe in schools or maybe... Is there a way to offer this preventatively? Because it strikes me that the
content of the program would address what we're seeing a lot here just today,
that there's a culture, a sexual culture that seems to normalize the behavior.
Can you see your program being adapted preventatively?
Mme Quinn (Kathleen) : We would love to adapt it
preventatively, and truly it's only time and resources that have kept us from doing that. I would
like to say that some men phone us up and say, «I haven't been arrested, but
can I come? I want to change my
behaviors.» But truly we need to take this out publicly, both in our schools
and in our community halls, and that would begin to shift the awareness. We
also need to do public awareness campaigns. And again, our police service
in Edmonton has taken the lead in putting ads on transit, billboards. They are
also reaching out online to men who are trying
to buy sex services to educate them. And we need to do so much more that is
preventative, and I totally agree with you.
M.
Skeete : Thank you.
Le Président (M. Lafrenière) : Thank you so much. The following question will be from Mme Kathleen Weil, from Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil : Yes. Hello, Mrs. Quinn. Thank you for joining us. And we share a
first name. So, you must have Irish roots, I presume, with a name like Quinn,
as well.
Mme
Quinn (Kathleen) : Yes.
Mme Weil : So, my questions to... one will go on this program, but... So, there's three questions I would have. One :
some of the main or most important measures
that are contained in the legislation... this notion of empathy and developing
empathy amongst men who've already been perpetrators,
but maybe preventively as well, and how you see that a type of program
like that operating early, early in a young boy's life. Because we've heard
stories. We've participated in some workshops
where one social worker told us that, amongst these, you know, men that were abusing young women from the town
that she was from, many had been her classmates, some of them had been her
classmates in primary school. So, you can imagine. Maybe work early on, if you've
experimented with that, and then through their lives... And how do you reach those men? How does it happen that you reach them?
And third is just your restorative justice, what you mean by that exactly
and how does it happen. At what moment, at what point in the process does that
come into play?
So, the first would be the main
features of your legislation. We're all going to look at it, obviously. It's going to be very interesting for us because you're the first
to come forward with proposals, really. There's been some, but I think you're
the only model that we're going to be looking at for legislative framework.
Mme Quinn (Kathleen) : Thank you. I will do my best, and, if I miss
something, I trust you will ask me again. So, when you
speak about the measures, do you mean how we created the...
Mme Weil : Essentially what they entail.
Mme Quinn (Kathleen) : The Sex Trade Offender Program and the commitment it takes from our
Crown Prosecution Office? Is that what...
Mme Weil : Yes. So, the legislative measures,
that could be legal or could touch public security, the security measures and the legal measures.
Mme
Quinn (Kathleen) :
Well, under the federal law, the Protection of Communities and Exploited
Persons Act that
came in 2014, it is illegal to seek to purchase sex services in any venue,
whether that's the street, online, hotels, in cars, anywhere.
Mme Weil : I'm talking more specifically about the Alberta legislation.
Mme
Quinn (Kathleen) :
So, that is the overarching legislation. And then, before that, in 1996, when
we started the Sex
Trade Offender Program, the law, at that time, was... it was against the law to
communicate in a public place for the
purchase of sex services. So, now, with the Internet, that's why the law has been changed to
say «any venue». Is that what you were hoping for?
Mme Weil :
Well, I was talking about the legislation that you adopted, I guess, 23 years
ago, that made you, I guess, a leader in this area.
What were the... And it's still operational, right?
Mme
Quinn (Kathleen) : So, we did not... we were operating under the laws
of Canada, but it was the leadership of our Minister of
Justice of Alberta, and the Chief Crown Prosecutor, and the police chief, and
the mayor. So, it wasn't legislation,
because that was in place federally, but it was a commitment, locally and
provincially, that we would create an adult
alternative measures program to divert men, you know, post arrest into this
educational program, rather than simply going to court, being found guilty and, you know, having to pay a fine
or, in some cases, go to jail. So, that was... I really credit the
leadership in Edmonton at that time.
Mme Weil :
And the question of empathy, and how you reach these men and have reached so
many, and their willingness to be open to
being reeducated, if you will, and developing this empathy, obviously it was
some success, right, this program?
• (17 h 40) •
Mme Quinn (Kathleen) :
Yes. So, the way we have structured the curriculum, we start,
as I said, with the information and the education. That's all in the morning.
It's in the afternoon where we invite men to, I think, reflect and speak openly for the first time. Why were you
out there? What were you looking for? What's going on in your life right
now? And we are very fortunate that, from
the beginning of the program, we have always had men involved who used to
buy sex. Some identified as needing to
recover from a sexual addiction or compulsion, others just became really
involved in buying sex. Once they
were arrested and came through the program, then these two men volunteered...
one man volunteered to come back and be part of the solution.
So,
we begin the empathy building in the afternoon. Then, we ask the men to... I
break them up into small circles, and we say, «Pretend you are the people in this story.» And we have
created stories based on true experiences of the impact
both... on members of the neighborhoods, on
children and on women. So, they have to put themselves in the shoes of those
who have been harmed and talk about it. And then we debrief that.
The most powerful part is the
last part, where we have three women come and speak, one being an indigenous woman who was exploited from childhood on the
streets of Edmonton, one is a young woman who describes herself as coming from a two-parent middle-class family, who
was, you know, exploited through abusive
relationships and then came in such high debts that she turned to a massage parlor for money, and
then the last person to speak is a mother whose daughter was among the murdered and missing women. In the
past, we had fathers come and speak about what it's like to go searching
for your daughter and to know what other men
are doing to your daughter. So, it is really through the stories of impact that
the empathy begins to build. And we
see men who at the beginning of the day are angry, embarrassed, don't feel this
is fair, by the end of the day, they are taking responsibility. At the last
program, a week ago, one young man stood up and burst into tears. He
said, «I have a five-year-old daughter, why was I out there? I would not want
this to happen to my daughter.» You know, we
have them saying they will not participate again and that they will tell other
men. So, that's how we work to build empathy, through stories and
through putting them into these small group stories, the situations.
The
thing that... I think I'm picking up on your last two points. How could this
program be, you know, started earlier? I think that we
do, as adults, have to face a serious fact that many children, especially boys
but also girls, are being increasingly exposed to online viewing of sexually
violent and degrading images. I was just up in a Northern Alberta indigenous community, and one of the parents said,
«You know, my son's in Grade 8, and I catch him watching pornography.»
Or some of the video games certainly perpetrate violence against women. And so,
what our young people are learning is how to hurt people, not how to be in a
healthy relationship. I think that we need to have honest conversations with our children about
healthy sexuality, about what is consent, you know, what does love really means
and, you know, what are you participating in when you're hurting another
one of your classmates or your peers.
The last thing was the restorative
justice. And I think that, while our program doesn't meet the exact definition
of restorative justice, because that's when one person who was harmed speaks to
the person who hurt them, but... We do this through our speakers, the women who come and
speak, and the stories. And then, because the men pay a fee, that's why I use the term «restorative justice», because the
money they might have spent paying for sex trade, which might have gone into a trafficker's pocket or to continue to
entrap the girl or woman in other ways, is now being used for good. And, when
we explain that at the beginning of the day,
the men are less resentful about having to pay. And we explain, «Well, you
could have been in court, paying a fine, or,
you know, you could be here, and we will take your money and we will make
it work for good.»
Mme Weil : Well, listen, I'd like to thank you so
much for your testimony. Very, very compelling, very inspiring as well. It gives
us hope that there are some interesting measures that you've adopted that would
be useful anywhere. Thank you very much, Mrs. Quinn.
Le
Président (M. Lafrenière) : Thank you. Our
next question will be from M.
Alexandre Leduc, Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc :
On peut poser la question en français, puis ça va être traduit?
Le Président (M. Lafrenière) :
Absolument, en français.
M. Leduc :
Merveilleux. Bonjour, madame. Merci de votre participation aujourd'hui aux
travaux.
J'ai
été vraiment surpris de voir le taux de non-récidive, là, le
«rearrest rate», qui est vraiment très bas. 1 % à 3 %, là, c'est
stupéfiant. Et je me demande... Dans une lecture large de la chose, pour que le
programme fonctionne, on imagine qu'il
faudrait qu'il y ait de plus en plus d'hommes qui y participent, si on veut
arrêter, si on veut enrayer la demande au sens large. Or, pour que des gens participent à votre programme, si je
comprends bien, il faut qu'ils aient été arrêtés. Est-ce que l'apparition de votre programme a eu une
influence positive ou négative sur le nombre de personnes arrêtées par les
forces policières dans votre région?
Mme Quinn (Kathleen) : Well, that's a really helpful
question. And sometimes it's easy to say : «Oh! we've been working for 23 years? Why do we still need to be arresting men? Why
is there still enough to fill a classroom every month or so?» And at the same time what we know is that, especially in a
big city, we have a lot of men moving to Edmonton from across Canada or coming to Edmonton from
other countries, as well as we have boys becoming men. So, at this point, there
still is a steady supply of men.
Our police service has been very
diligent at their undercover operations and arresting men. I want to be truthful,
we... you know, we do have
the official rearrest rate, which is very low. At the same time we have four
detectives and one staff sergeant in our Human Trafficking and Exploitation
Unit, and they have to do everything. They cannot be out there every day and night of the week all
year. So, we know that some men may reoffend. We can only give the rearrest
rate as the official number that the police track. We do know that some men who
have a sexual addiction or compulsion, they may go offend again. It's like recovering from gambling or an addiction, it
takes time. The man has to take responsibility, he maybe has to go for
counseling, you know. So, he may be going and using, but we believe that, over
time, he will stop.
One man came to our program in
November, and then he was arrested in the first sting of the New Year. You
could say that's a failure of the program or you could
say it's an indicator of a long journey of healing. He said to the officer, «I have all the material that you gave me at the
program, it's in my glove compartment. I thought I could change by myself.
Now, I know, I have a bigger consequence, and I have to
ask for help.» So, then you could look at that as a success.
• (17 h 50) •
M. Leduc : Très rapidement, deux petites questions. Donc, est-ce que
vous avec une statistique sur combien de personnes par année utilisent ou passent à travers le programme? Et
deuxième, rapide, vous parlez d'un fonds, les gens paient une amende qui va dans un fonds. Pouvez-vous me
donner un exemple de ce quoi le fonds paie, en fait, comme programme?
Mme Quinn (Kathleen) : Yes. And I will say that, the first question, how many per year, that goes up and down, for example, because our police
have to do their work very well so that they do not have a lot of court
challenges. So, when our laws changed
in 2014 to allow them to enforce for attempting to purchase, say, online or in
hotels, you know, they had to study, they had to get things cleared through
their lawyer. So, that year, there were only 30 men arrested through street
stings while the police learned how to do
the undercover, and post ads online, and learn how to arrest the men. So, this
year, in 2019, we have had 89 men so
far go through the program and we have one more left in November. One year, the
police had extra resources, and we had 139 men go through the program.
So, it depends on police resources and abilities.
Now, the fine, when it was first
established, that's when the Minister of Justice said that the men would pay a
fee that's the equivalent
of the fine. So, in 1996, the fine was $400, so that's what the men paid. Then it was
increased to $500, and
now it's increased to $750, because that is within the range of the fine as
laid out by the federal law, the Protection of Communities and Exploited Persons. Winnipeg assesses a fee of $900, and,
you know, we could increase ours, in Edmonton, as well, we just haven't
done it yet.
So, then
we take that money for the poverty relief, we buy bus tickets to provide women,
we buy food cards, we have paid for
children's school fees, anything you can imagine, sometimes we've paid for
partial payment of rent to help a
woman keep her housing, because, when you're in the sex trade, you're often
struggling in poverty because the money is either going to a pimp or for drugs. Certainly, when you leave the sex
trade, you are walking in poverty, and we want to use this money to reduce the need for women to go back to the sex trade
to earn money to pay the rent or feed their children. So, we have really concentrated on that poverty
relief, income instability and trying to help ease the path as women heal
from the harm they experienced when they were children and first exploited and
they're trying to rebuild their lives.
We learned that, in Alberta, and
sadly it's still true, the average age
for being pulled into visible commercial sexual
exploitation is still 14 to 15. That often means that a girl has dropped out of
school. And, if you're going to rebuild your life, you will need to go take some courses, so we, you know, can
provide money for bursaries. One of the first bursaries that we wrote was for a young woman who actually
was trafficked from the streets of Edmonton to Macao, on the edge of China, and then back again. And her mother
fought to help her get out of the sex trade. And we paid for a bursary for
her to take an eyeglasses course, so that
she works at an optometry place. She did that. She became a manager of that
store. And, all these years later,
she has started what she calls the Butterfly Project, whereby she gets
professionals in our community, such
as dentists, optometrists, hairdressers, to give back and to help women with... you know, if they need new
eyeglasses or they
need them to work. So, we wrote a cheque for $1,500, in 1997, I think that was,
to pay for her course, and, all these years
later, she is now helping others and getting other professionals in the
community to help as well. So, that's another way we have used this
money, to help women gain other employments skills.
We've
also paid for counseling to heal from the violence. And then we have also paid
for what we call community initiatives. So, we hold a memorial every year for all those whose lives
have been stolen through murder, or suicide, or addiction, or disease, and we
will spend some of the Sex Trade Offender Program money on that memorial. We
also use it to... you know, we diverted money to our safe houses and our
outreach partners in the early days, and now we use that money for
one-to-one coaching for women as they, you know, try to rebuild their lives.
Le
Président (M. Lafrenière) : Thank you so much, Mrs. Quinn. This is all the time that we get,
unfortunately. On behalf
of the commission, I want to thank you so much for
sharing all the highlights with us. You're
extremely inspiring. Thank you so much.
Maintenant, je vais suspendre les travaux de la commission.
Nous allons revenir à 19 h 30. Merci beaucoup. Thank you so much,
miss.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 19 h 30)
Le Président
(M. Lafrenière) :
Alors, à l'ordre, s'il
vous plaît! La Commission spéciale
sur l'exploitation sexuelle des mineures va reprendre ses travaux.
Nous allons
entendre les représentants du service de police de la ville d'Edmonton. Alors, nous avons avec nous M. Colin Hughan,
qui est sergent-chef, M. Dan Duiker, qui est enquêteur, et
Brian McGuigan, qui est enquêteur, lui aussi. Nos collègues de la police d'Edmonton vont avoir
20 minutes pour nous faire leur présentation, et par la suite nous aurons 25 minutes d'échange.
Je
rappellerais aux membres de la
commission qu'il y a
un service en direct pour transmettre l'information en français
et en anglais, alors vous allez comprendre qu'il y a
un petit délai. Et, deuxièmement, lorsqu'on
parle, il y a quelques secondes de délai aussi avec non pas la
traduction, mais la transmission du message, alors prudence dans nos échanges.
Colin, Dan and Brian, thank you so much for being with us this evening, we do
appreciate your presence. There will be 20 minutes of presentation, then there will be
25 minutes of questions. But, don't be afraid, we do have a
very nice translator that will be with us to translate
everything. So, Dan.
Service de police d'Edmonton
(Visioconférence)
M.
Duiker (Dan) :
Thank you for having us. We're happy to be part of this. We just had the
fortunate opportunity to
spend the last couple of weeks with Ian traveling around the United States, and visiting some great cities, and learning on the great work that they are
doing, and it only firms up the notion that we need to do more to recognize
what's happening.
From our stance, in Edmonton,
we have some unique techniques
that... how we deal with the demand of the sex
trade workers. As mentioned, we find Edmonton to be very much a destination
city for those involved in the sex trade. We often see, when we visit or interact with young women involved in the
sex trade, at whatever range, whether they're actively being controlled or moving alone under different coercion... we
find that many of them are visitors from Québec. We have many conversations with them about why
they're in Edmonton, why they come to Edmonton, or Calgary, or Fort McMurray, and, from what we understand
and the travels that, whether alone or with an exploiter, they spend, they
acknowledge that they make a lot of more money traveling to...
(Panne de son)
Le Président
(M. Lafrenière) : On va suspendre quelques instants, des petits problèmes
techniques.
(Suspension de la séance à 19 h 33)
(Reprise à 19 h 35)
Le Président
(M. Lafrenière) : Do you hear us?
M. Duiker (Dan) : We got you back. We had lost it.
Le
Président (M. Lafrenière) : Oh! Great. Thank you so much for bearing with us. Sorry for that,
technical difficulties. But we're back with you.
M.
Duiker (Dan) : Thank you. As I was saying, many of the
conversations we have with the young ladies that are here from Québec or Ontario, they speak about the
supply and demand, and they'll talk about... if they were to offer an hour of services within Québec, they may make $40 to $80 an
hour; by traveling to Alberta or even some parts of British Columbia, they can charge upwards of $240
to $300 an hour. So, we try and gauge, these women, as much as we can, as to what brought them here and whether or
not they're being controlled. And, to us, it seems like there's a different
mentality, in some cases, as to what brought
them in. Some girls will explain that their siblings are involved, or older
siblings and friends, and lack of
work, that is leading them into this type of work. So, it's difficult to say
whether that's being the case or the
case is that they're being exploited and trafficked. So, that's one of the
connections that I think we have quite regularly.
With
the way the laws in Canada... with the sale of sexual services not
being illegal per se, the focus we often have to take, without a complainant or a victim that's
willing to come forward and talk to us, it's extremely difficult to move
forward with any sort of prosecution
related to human trafficking. There are other ways that we try and work around
those situations, but, without that, there's a lot and lot of challenges
in the relationship building with these victims.
So,
one of the approaches that we take is trying to look more at the demand, as
opposed to looking directly at the exploiter. I've been in this unit for almost
three years, and we regularly run stings, whether online stings or street
stings, targeting those who are trying to purchase or
obtain sexual services for consideration. And, through that, if we would operate... Just for an example, we might run 10
combined operations a year. And, to show the numbers, if we were to run a hotel
operation where we're targeting those looking to purchase sex, we will set up
in a hotel room and we'll place, for example,
four ads, four fictitious ads that are very similar in line, and price, and
wording as you'd find on any sexual services website. In a seven or eight-hour operation, those ads will consistently
be viewed, within our area, upwards of 4,000 times, which is alarming to us and shows how much
activity there is on these websites, of people looking to purchase sex. In
saying that, people will often
contact more than one ad. And, of our four ads, in that same operation, we
might have upwards of 400
conversations, and those conversations will range from people who are just
fishing, looking for entertainment, ones that actually want to meet up, those who are comparing prices, and so
on. We'll have these conversations and we allow them to take us to where they're going, those who are
actually looking to purchase sex but they're not just looking to mess around on
the phone. From that, those 400 conversations, we'll regularly arrest, like...
receive between 10 and 15, on average, of
men who will come to our site where they're arrested and charged. Those are
just on the hotel or the online version of what we do to target that
demand.
• (19 h 40) •
On
the other side is the street level. We've obviously noticed a decline in the
street-level work. However, it does increase at certain times of the month, at certain
times of the year, warmer days. We regularly engage with these girls on the street, along with several NGO groups, and try
and determine why they're out there. And quite often the girls we find that are
on the street are long time, long term, systemically involved in the sex trade,
whether it's family, whether it's where
they grew up, economic situations, mental
health, you name it. And at some point they run out of money, where they need to work a couple of days
out of the year or out of the month, I should say, or it's getting colder, and
the rent just went up by somebody who is encouraging them to work the street to
make more money to allow them to stay in their basement.
With
that, we regularly target those people looking to obtain sexual services from
that area of the sex trade as well, really run street-level stings to target those
men. Over time, I think men have become much more... they become educated
through forums as to how to engage, what to
engage, what to say, to try and, as we call,
police check the person working the street to ensure that they're not law enforcement. We see an
increase in that.
From all of that, I think you
may have heard and... the former program of «john school», which is now the Sex
Trade Offender Program. So, from those
arrests, those, you know, 10 to 15 arrests, every time, if that person hasn't been involved in any previous sexual offenses,
they don't have a long or a serious criminal record or history, they're not
involved with gangs,
we don't feel they're involved in the exploitation, that's where those reports
of those arrests are referred to our
Crown prosecutor and a liaison within, who will then go through those reports
and determine whether somebody fits the
criteria of an alternative measure's route to deal with the charge. It's a much
bigger picture than arresting people and sending them to the court. There's learning and there's an experience
that somebody has to go through to have the understanding of why they're
doing and what they're doing is wrong.
So,
by going through and referencing through the court system, if they're approved,
they then pay a fee and attend a one-day course, as you probably know, the Sex
Trade Offender Program, where we help, facilitate and we speak. From those
programs that run, I think, about eight times a year, in the three years that
I've been in this unit, of all the people and hundreds and hundreds of men that have been arrested in these
operations, there's only been two situations where we've rearrested the same person. Now, that's not saying
that people are not repeating the offenses, they're maybe getting better
educated or they may be doing things a
little bit differently, and we're not catching them again, but, so far as the
numbers that we resee and we
rearrest, we like to think that program a way, an alternative to educating some
of these people who just don't
understand or may not understand the trauma or how they're contributing to the
problem. We'll learn from that and correct their behavior.
M.
Hughan (Colin) :
That's great. I have a couple points to add. First off, thank you very much for
this opportunity. And
we just want to give some perspective from Edmonton and from Alberta. I know
that the focus here is on child sex exploitation.
Just to add to what Dan talked about from the girls we're seeing from Québec, I just want to stress the collaboration between cities and provinces.
And, this forum, I know it's not specifically to collaborate on law enforcement
issues, but it still is a step in
that direction. And I just want to reach out and just say thanks for that,
because we are seeing a lot of your girls coming out West here because
of that money piece. So, thank you for that.
I
also want to talk about a fairly unique legislation that we have out here, in Alberta, we
call it the PSECA, which is an acronym for protection of sexual exploitation of children's act. And
that PSECA, basically, if any youth under 18 is involved in the sex trade, they can be apprehended and enter into a
program where they get educated around the risks of the sex trade
lifestyle. That's a unique legislation that we have in Alberta.
I'd
also like to talk about just... We have a fairly new provincial government,
that just took power a few months ago, they have a provincial action plan to combat human
trafficking, they are calling it a nine-point plan. There are some different
factors coming out of that as far as that
might change the landscape for human trafficking and child sex trafficking out
here, in the province. Exactly the
details of that, we don't know beyond what's on the website, but I just wanted
to mention that based on this forum.
I also want to talk about an
initiative that the Edmonton Police Service is working on, Dan is spearheading
the initiatives. We're actually going to be
developing some ads and some awareness campaigns around the demand side of it.
So, we've done awareness campaigns where we
talked about human trafficking, the dangers of it. Something that is a little
unique on that same theme is we are actually
going to be targeting the demand, and we are coming out with some different
graphics around that and what can have some good impact around that, but we are
also looking at a different way of implementing
that where... it's basically a Google search engine type of thing, where
someone enters «escorts Edmonton» on
Google, and they are going to get these hits coming back, responding about the
danger and awareness of being a part of that demand problem.
So,
I just wanted to talk about those types of things happening in our service and
in our province. And then, Brian, anything to ad?
M. McGuigan (Brian) : I think you've covered everything, Colin. The average age that we
see children being victimized into human
traffic on the sex trade, you know, is between 14 and 15 years of age. I'm not
sure if that correlates with your
province. And the PSECA legislation gives us a period of arrest or
apprehension, I should say, for five days. Within that five days, the social workers who work under
the PSECA legislation make a second application to a court, where the child can
be apprehended for 21 days in total, and during that time they receive any
counseling for trauma, drug addiction, and
they are in a secure unit that's in a secret address, so no one can... any
traffickers cannot get any contact with them. And that's all.
Le
Président (M. Lafrenière) : Great. Thank you for your presentation. Before going to the questions
period, can you talk to us a bit about those permits
that you issued to escort services, massages?
• (19 h 50) •
M.
Duiker (Dan) :
Yes, we can. That's something that falls within the city of Edmonton bylaw and licencing
more so than us, but effectively what it says it's that, if you want to work as
an escort or if you want to work in a body rub center situation, you need to be licenced by the city.
The licence doesn't cost any money, but what it does is it affords the city
bylaw in that licensing area and enforcement
to provide a form where, if you want to be licenced to work in this industry,
then you need to attend a four-hour class
type setting where you'll experience lectures on the law, on your rights, on
safety planning, information from previous people involved in the sex
trade and some of their stories. And what it does is it provides that opening where somebody who may not know exactly what
they're getting into... to have their eyes opened about what to expect if
they're involved in this industry. If they do complete that class, and there's
no reason to decline it, you know, gang involvement or violent
history, they'll grant
those licence, which they carry under a pseudonym, and we'll allow them to work
in those industries.
I
have personally sat in one of those four-hour classes, and two young girls sat
at the front, giggling as they went through the laws, and so on, and then, when
a woman who was a sex trade worker for years and was able to get out spoke about her experiences, and after hearing her experiences and
what the true expectations were, those two girls left. So, I think it sets a little bit of a wall where,
somebody who may be pushing or recruiting somebody to be part of their massage
parlor or working for them in any sort of
escort agency... it gives us a little bit of a stage to check your balances as
to whether this is something you really want to be involved in.
Le Président (M. Lafrenière) :
Great. Thank you very much for your presentation. From now on,
there will be 25 minutes of questions from the group that we got here, starting
with Christopher Skeete, from Sainte-Rose.
M. Skeete : Good evening, gentlemen. Thank you for
your time and for your presentation. I'm going to be rather brief. I want to focus on two
aspects of your presentation. The first one is this PSECA act as well as the
permits. We're looking at this from a
Québec point of view, not simply a municipal point of view. I was wondering if
you can give us more details about
what PSECA does specifically, and how it helps you do your work, and how it
helps prevent trafficking, and whether or not that you feel that Edmonton bylaw
could be incorporated in a future iteration of a PSECA, let's say, for Québec
and that would be something that is not limited to just the municipal level. Is that something that you could see applied
provincially? And how that would go about?
M. McGuigan (Brian) : Yes. Thank you. The PSECA legislation is actually a
provincial legislation in Alberta. So, there are PSECA workers, mostly social workers,
who... basically, they get referral casework from other social workers who work in other parts of child
welfare, and they run cases with these girls, and they try and provide them
assistance where they need to remove
from abusive parents or the sex industry. The PSECA side of it obviously comes
in with the sex industry.
We hold biweekly meetings with them
where we go through case conferences of girls that they are working in their workload. They actively, as do we, search online for any females
that they know of that are underaged. They will often tell us... they will provide us with information on LeoList or any of the escort websites, and
quite often we will make dates with those underaged females as the PSECA apprehension paperwork is
being written out. We will then make the arrest, and confirm that the paperwork is set up, and take them to the safe
house. By that point, the judge has already provided the apprehension
order, and that holds the underaged sex children workers for five days.
As soon as that five days starts, the
clock is now ticking. So, the social work team will then work closely with us
to gather more information on the apprehension or the past history of that
individual and gather enough information for
them to lay further information to the court looking to get an
apprehension, ultimately, for 21 days, where they can still work with the
child.
M. Duiker (Dan) : Just to add to Brian, the PSECA legislation
in our work doesn't work without the direct collaboration with a social working agency. When you're dealing with youth, we
don't have the longevity working with these
children from when they're young or with their whole family for years prior. Often,
these young girls will make disclosures
to a social worker that they won't make to the police, and they may not want
that acted on. They build the trust. But,
when things go rogue with that collaboration, as
Brian said, they regularly monitor sex sites that will include youth, they'll look on their Facebook
accounts, they do a lot of legwork to try to identify when they think somebody
is at risk. And, through that working
together, that's when we come in and we'll make those dates in an attempt to engage
them and apprehend them.
M. Skeete : If I may — thank you for the details on that — do you think it would be appropriate, or doable, or ideal to merge what Edmonton is
doing with the massage parlor legislation as part of an enhanced PSECA legislation?
Do you think the two can go together,
they can live together in one legislation? Should we decide to do something
like that?
M. Duiker (Dan) : I think you have a... When you're
dealing with the massage parlor things, I think you're primarily dealing with adults; when you
have the PSECA, you're dealing with youth. The licensing part of it, however,
when it comes to licensing those who
are involved in escorting or those involved in working in the body rubs, that
licensing, in Alberta, gives us a leg up when it comes to interacting
and identifying these women.
In many provinces across the country,
they don't have legislation or licensing where they're required to have a
license. When they're required to have that license, and we show up at the door,
and we
make a date where we think that they may be being
exploited, it gives us a fraction of a moment to talk to them and demand to see
their identification, if they don't have a license. Because, if they don't have
that license, they're in violation, and it's subjectable to a ticket. Without that, they could easily just close the
door on us and say, « I'm selling sex, it's legal, I can do it, I don't want to
talk to you.» So, there's benefits on both sides to having that licensing.
M. Skeete :
Thank you.
Le Président (M. Lafrenière) : Merci beaucoup. Maintenant, une question du député de Chomedey,
M. Guy Ouellette.
M. Ouellette : Thank you guys to be with us tonight.
Two, three, I would say... three, four quick questions. First, having these young girls or young boys from Québec, is there a fact that you can
establish with... a link with the French community
that you have in Edmonton? I will ask my three or four questions at the same
time. Do you see in the sex trade any
influence of organized crime in your province or especially in Edmonton? My
third question will be : Do you have a dedicated prosecutor just
for that field of activity or just for your cases, provincially or city wise?
M. Hughan (Colin) : So, the first question, you're
wondering how... if there's a fact around how many women or girls from Québec
we're seeing?
M. Ouellette : No. Because you have a large French
community, in Edmonton especially, is there a fact that you can establish or a link because
of their presence in Edmonton, because of the French community that you have in
St. Albert or around Edmonton?
M. Hughan (Colin) : From conversations that the detectives are having with the girls,
it's money, it's money driven, and they're being sent where the money is. It's
not a cultural link, that access is purely cash driven.
M. McGuigan (Brian) : We more often see the girls flying in
for one, two weeks and then flying back out again once
they've made however much money they wanted to make.
M.
Ouellette : The second question was about
organized crime.
• (20 heures)
•
M. Hughan (Colin) : ...organized crime. Yes, we're
definitely seeing an organized crime element to it. From Québec, they'll come out and move around the Western ring,
and then they come back, and they'll move around the Eastern ring. There are certain paths that they're taking. The
money being filtered and being laundered is an element of organized crime.
We're seeing crossover between our
Organized Crime and Drug and Gang Unit, and, some of the names of people that own body rub centers,
that own these illicit massage businesses, we're seeing a lot of crossover in
that. We're also seeing a lot of
those people entering casinos and spending... We just had a guy from Calgary,
in Edmonton, he was on one of the top
100 list, he had moved over $40 million through the casino in one year. He was
apparently a massage... he had a massage business. 40 million dollars. There's an issue there, there's definitely
that element, to organized crime. You'll probably read that in the paper
soon. That was a Calgary file, not us. I can't take someone else's credit.
We do have dedicated crowns here. It's
limited, in the sense that we have a couple that are interested, and they're specialized in the area because
of their interest, but they're not dedicated strictly to this as domestic
violence would be or as impaired might be, but... There certainly are ones that
we go to, but it's not organized or really set out that this person is going
to be your human trafficking person, if that makes sense.
M. Ouellette : If I may ask a last question, Mr. President, about licensing, it is applying just to escort
agencies or the nude business also, like strippers, or
any business around that?
M. Duiker (Dan) : It's inclusive to all of that. You
have to run an operation that includes these workers. You have to be licensed
separately. Like, anybody who's involved in escorting, or exotic dancing, or
body rub centers, they all have separate licensing routes and, like, in all of them there is no fee to
be licensed, but there can be a fine, $1,000, which is not something we
like to issue, it's more of a discussion point, for the most part.
M. Hughan (Colin) : Something else I'd like to just add. There's
a couple elements here. We talked about body rub centers, and the body rub center itself needs
a license, and people that work in there have to have a body rub license,
to work there. The stripper and escort piece
has its own license. If you are a massage therapist, a legitimate massage
therapist, you have to have a
holistic massage therapist license. There is no regulatory system in place,
right now, that controls who has
licenses in what. So, if somebody has a legitimate massage therapist license,
they can also work at a body center, a body rub center, if they have a
license. You can see how the crossover there could be problematic in that where
is the legitimate... — and, for insurance claims, you have to have that legitimate massage
license — where does that crossover into I'm going to have
a conversation about obtaining sex for money and I have a license for, but the
business isn't licensed for that?
So, you can see that there's some
issues around the crossover, which is why here, in Edmonton and in Calgary, we are seeing a real explosion in the
illicit massage businesses. And there's elements of human trafficking occurring
there. I know that
your form is more directed towards child sex trafficking, but this would be
more of a... we are seeing a lot of Asians and international human trafficking elements in that illicit massage
businesses. Not sure what words you would use for those illicit massage businesses, if you just
categorize them as the rub and tugs or however that translation goes, but that's
what we... those are the different elements that we are seeing there for
the business of the sex trade.
Le Président (M.
Lafrenière) : Thank you. Next question,
Mme Christine St-Pierre, from Acadie.
Mme St-Pierre : Thank you very much, thank you for
your presentation. I have two questions. My first question is concerning girls from Québec. Is it true that they are more attractive because
they speak French? And is there a demand for French girls in Alberta? Because it is very
difficult to believe that, in your province, they need sex from a woman who speaks French and women who have French
accent. To me, it's very hard to believe. So, it is a fact that they want to
have girls with a French accent? Do you catch my
question?
Le Président
(M. Lafrenière) : Nous allons suspendre un instant, on a un petit
problème technique. On revient immédiatement.
(Suspension de la séance à
20 h 5)
(Reprise à 20 h 7)
Le Président (M. Lafrenière) : Great. We put some diesel back in the generator, so we are back with you guys. Thank you so much for being with us. So, let us finish that
question.
Mme St-Pierre : Did you catch my question or not? No? Yes?
M.
Duiker (Dan) :
Yes, and I can speak to that. I think I've had conversations with, I'd say,
close to 100 girls from Québec, over the years, and, even speaking with the men who are arrested in
these operations, the topic of the French accent or the fact that they are from Québec or from anywhere different than here has never, ever come up as
being a concern. I think when the ads are
posted, you do occasionally... you'll see somebody post «French girl», and
so on, but it's not common.
I think that the demand is a demand
for who they see. If they like the look, or they like the comments, or if they like the rate, that is when
they're making a date. I don't think that the French accent or that they are
from Québec has an
influence.
Mme St-Pierre :
Thank you. My other
question is concerning First Nations. Do you have a different approach with women from First Nations? And are they involved in this kind of
business?
M. Duiker (Dan) : We certainly see the involvement of
all demographics. When it comes to the online work, we see fewer indigenous
involved in the online work, not to say we don't run into a few. I think, when
we deal with the indigenous population, we are much more seeing them at the
street level. And the approach of the street level... the area in particular
where we see the focus in Edmonton, in the inner city, there are several other
resources, NGOs, or Salvation Army, or...
(Panne de son)
Le Président (M. Lafrenière) : Alors, on va suspendre quelques instants, s'il vous plaît. Petit problème technique.
(Suspension de la séance à
20 h 10)
(Reprise à
20 h 11)
Le Président (M.
Lafrenière) : ...it's just a coincidence.
M.
Duiker (Dan) : In
finishing your question, I would just say that, when it comes
to... we're dealing with much more indigenous population who are working... I think the services
available, in the particular areas that they're working, are much greater than
they would be if they were working online or out of their own home, or
apartments, or hotels. And also, with reference to the PSECA legislation, we do see a lot of First
Nations children going through that legislation, being apprehended under the PSECA, but we do also see
that those children will be advertising or exchanging sexual services for a commodity or for money through social media, a
lot of the times, rather than being part of an organised criminal group.
But a lot the children that we do apprehend through PSECA are of First Nations.
Le Président (M.
Lafrenière) : Thank you. Next question, Mme Méganne Perry
Mélançon, Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, M. le Président. Good evening to
you three, thank you for this
very interesting presentation.
Ma question, en fait, vous avez parlé, rapidement, des outils technologiques que vous utilisez, qui semblent... en tout cas, nous, de ce que je comprends, on n'est pas
encore rendus là nécessairement, d'aller jusqu'à
utiliser des algorithmes sur des
bases de données, de recherche pour tenter de rentrer en contact avec ces
gens-là. Je ne sais pas si j'ai mal compris, mais, quand que ça tape «escorte», par exemple, vous
êtes en mesure d'envoyer un message pour tenter de les sensibiliser à ce
qu'ils sont en train de faire. Je trouve ça très, très intéressant et je me
demandais qui est-ce qui est en charge de cette approche-là. Est-ce que c'est vous directement, le service de police, ou
est-ce que c'est vraiment le gouvernement de l'Alberta qui a pris cette
initiative-là?
M. Duiker (Dan) : Are you
referring to awareness campaigns or you're referring to us making contact with
those posting ads?
Mme Perry
Mélançon : Oui, je parle, en
fait, de quand vous... Vous semblez, en
tout cas, être en mesure de rentrer
en contact directement avec l'utilisateur qui utilise, par exemple, Google, pour
tenter de chercher un service d'escorte, par exemple, si j'ai bien
compris.
M. Duiker
(Dan) : Yes. So,
you will find that, in Québec or in different provinces, you'll have different
websites that are
more commonly used for advertising sexual services. A big one used to be
Backpage, and Backpage was shut down by
the United States Government a year or two ago, so other ones have come up. And
the way we engage with those who are
looking to purchase sex is that we will post ads ourselves. So, we will post
that we are a young girl advertising, and then, when they reach out to us, that's when we engage in those
conversations with them. So, we have to put ourselves out there and make ourselves available to interact
with them. There are different online interaction and communication sites
between sex buyers that we also monitor to
see who is communicating with who, and what sort of comments are being made
about those offering sexual services. People
who consider themselves hobbyists will communicate, and share stories, and
talk about these women as a commodity, as to
why you would see this one and what their story is really and their experience
with that person. We monitor all that.
Mme Perry
Mélançon : Donc, par exemple, quand vous avez mentionné 4 000 personnes
qui ont été touchées par une annonce que
vous avez mise en ligne pour... bien, pour capter, là, les clients bizarres que
nous, on appelle ici dans cette
commission-là, ça devient quand même... En tout cas, d'une certaine manière,
vous êtes capables d'utiliser, là, ces données-là
dans vos interventions. Vraiment, c'est... Alors, je ne sais pas si je suis
claire dans ma question, mais, au niveau technologique, est-ce que vous avez développé quelque chose pour tenter
d'être au même rythme que les proxénètes qui utilisent beaucoup Internet, par exemple? Est-ce que vous avez des
recommandations à nous faire pour tenter de casser la demande sur
Internet?
M. McGuigan (Brian) : Not specifically to monitor the
purchases of sex or the prospective purchases of sex, but the 400 conversations that
detective Duiker was talking about was during a covert operation where we were
trying to arrest these men, and
there's always a telephone number attached to the ad, and that telephone number
is the means of contact through text messages. We are running an ad
campaign where we have bought advertising space on the Web sites that the sex purchasers use to give them a message to try and
educate them about legalities around purchasing sex and the dangers of it. The
city of Edmonton, just two weeks ago, also placed ads on the website with a
telephone number, and, if a purchaser text
to that telephone number, they would automatically get a prescripted message
from the city of Edmonton detailing the dangers of human trafficking, the laws surrounding human trafficking,
and that was purely as an educational piece, and it was relatively
successful. I think they ran the ad for two days. Colin, do you know how many
hits they got?
M. Hughan (Colin) : They got a bold thousand.
M.
McGuigan (Brian) :
About 1,000 conversations
or replies from potential sex purchasers. So, we're still investigating good avenues to try and keep up the speed with them as you
say.
Le
Président (M. Lafrenière) : We might have time for just a very quick question from my colleague
Frantz Benjamin, Viau. We just got a minute.
M. Benjamin :
Merci, oui. Well, first of all, I would like to thank you for sharing your
experience with us.
Ma question, et ce qui est important pour moi,
c'est regarder quel est le travail que vous faites, notamment avec les services communautaires quand vient le temps
de parler de la prise en charge des victimes par les services sociaux, et particulièrement
des victimes québécoises. Comment ça se fait? La pratique, comment vous opérationnalisez
tout ça?
M. Duiker (Dan) : I can tell you this, that we had an
interesting presentation from a young lady who was escaping exploitation, and she had come
forward and made some disclosure. And, when she talked about her experience,
the way she related, in complete layman's
terms, as what was relative to her, she says that you need to be a bigger pimp
than my pimp to help me. And what it
comes down to is, if somebody is involved in the sex trade and they're making,
you know, money for someone, they're
feeling loved from someone, they're eating, they're getting their drugs, their
shelter, they seem like they're taken care of. All those avenues need to
be addressed.
And,
I think, when we look, that's something... it's a great question because that's something that we ask ourselves all the time as well. How do we do this better? How do we
complete that circle for them? And it's not as easy as, say, «I'm going to rescue you, I'm going to remove you
from the situation, I'm going to...» You have to have
those answers of where
am I going to sleep tonight, how am I going to be protected, how is my family
going to be looked after, what are those
safety concerns. Can I get back into school? Can I get a regular job? I think
it's a big picture, and there's a lot of questions. It's just not a
matter of removing them and saying, «The job is done.»
And
that's where everybody, I think, needs to understand their role. As the police
have a role, social agencies have a role, Government has a role, and that's putting those together so
you can complete that circle. And some agencies across this country and in the States are doing a really,
really bang-up job of making that happen, but none are without fault. So, it's
certainly something that should be at the top, I think. Before you start to
engage with people or want to remove them from that situation, you need to have those answers on
how you are going to look after that victim.
Le Président (M.
Lafrenière) : Thank
you very much, Chief Sergeant Colin Hughan, Detective
Dan Duiker, Detective Brian McGuigan, all
from Edmonton Police, thank you so much
on behalf of this commission. Thank you for your time,
your patience. And a wonderful evening to you. Thank you so much.
Une voix : Thank you. Thank you very much.
Le Président (M. Lafrenière) : Mesdames
et messieurs de la commission, nous allons suspendre nos travaux quelques
instants afin de se réunir en séance de travail. Merci.
(Fin de la séance à 20 h 21)