Journal des débats (Hansard) of the Select Committee on the Impacts of Screens and Social Media on Young People’s Health and Development
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Thursday, January 30, 2025
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Vol. 47 N° 8
Special consultations and public hearings on the Impacts of Screens and Social Media on Young People’s Health and Development
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
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Dionne, Amélie
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Bérubé, Pascal
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Tremblay, Suzanne
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Cadet, Madwa-Nika
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Bogemans, Audrey
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Dionne, Amélie
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Massé, Manon
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Gagnon, Yannick
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Sainte-Croix, Stéphane
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Sainte-Croix, Stéphane
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Dionne, Amélie
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Cadet, Madwa-Nika
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Bogemans, Audrey
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Prass, Elisabeth
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Massé, Manon
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Tremblay, Suzanne
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Dionne, Amélie
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Ciccone, Enrico
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Tremblay, Suzanne
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Cadet, Madwa-Nika
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Massé, Manon
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Massé, Manon
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Dionne, Amélie
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Bogemans, Audrey
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Ciccone, Enrico
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Cadet, Madwa-Nika
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Ciccone, Enrico
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Dionne, Amélie
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Bogemans, Audrey
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Cadet, Madwa-Nika
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Sainte-Croix, Stéphane
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Massé, Manon
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Massé, Manon
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Dionne, Amélie
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Ciccone, Enrico
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Gagnon, Yannick
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Gagnon, Yannick
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Dionne, Amélie
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Tremblay, Suzanne
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Bogemans, Audrey
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Gendron, Marie-Belle
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Cadet, Madwa-Nika
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Ciccone, Enrico
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Dionne, Amélie
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Cadet, Madwa-Nika
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Tremblay, Suzanne
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Ciccone, Enrico
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Ciccone, Enrico
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Dionne, Amélie
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Cadet, Madwa-Nika
11 h (version révisée)
(Onze heures trente et une minutes)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission
spéciale... et des impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le
développement des jeunes ouverte.
Donc, tout d'abord, je souhaite la
bienvenue aux membres, alors, pour cette reprise d'auditions. Et je vous
demande, à toutes les personnes, aussi, dans la salle qui ont des cellulaires,
de vouloir éteindre la sonnerie, s'il vous plaît.
Donc, la commission spéciale est réunie
afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur
les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement
des jeunes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve) est remplacé par Mme Massé
(Sainte-Marie—Saint-Jacques).
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la présidente.
Auditions (suite)
Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération
des médecins spécialistes du Québec et l'Association des médecins
ophtalmologistes du Québec.
Considérant notre retard, avons-nous le
consentement pour poursuivre les travaux jusqu'à 13 heures? Consentement.
Alors, merci à tous.
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue
aux représentants de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, dont
nous avons avec nous aujourd'hui le Dr Vincent Oliva, radiologiste d'intervention
et président, Dre Karine Igartua, psychiatre et administratrice, et ainsi que
Yohann... Dr Yohann St-Pierre, pédiatre et administrateur. Donc, bienvenue
parmi nous.
Donc, je vous rappelle, vous avez 10 minutes
pour nous faire part de votre exposé, vous présenter, et nous procéderons par
la suite à une séance d'échange avec les membres de la <commission...
>
11 h 30 (version révisée)
<19273
La
Présidente (Mme Dionne) :
...d'échange avec les membres de la >commission.
Alors, la parole est à vous.
Fédération des médecins spécialistes du Québec
(FMSQ)
M. Oliva (Vincent) : Mmes et
MM. les parlementaires, Mme la Présidente, je suis, donc, Dr Vincent Oliva,
radiologiste d'intervention au CHUM et président de la fédération. Je suis
accompagné de deux administrateurs élus, Dre Karine Igartua, qui est au CUSM et
qui est psychiatre, et Dr Yohann St-Pierre, à Rimouski, qui est pédiatre.
Et on est ici aujourd'hui non seulement comme experts en santé, mais aussi
comme parents utilisateurs et citoyens engagés, profondément préoccupés par les
impacts croissants des écrans et des réseaux sociaux sur nos jeunes.
Notre rôle ici est de porter une voix
collective, celle de milliers de professionnels de la santé, ceux qui, jour
après jour, sont à même de constater les effets de ces outils numériques sur le
développement des enfants, sur la santé mentale des adolescents et même sur le
bien-être des adultes. Nous sommes ici non pas pour diaboliser cette
technologie, elle a son rôle et une grande utilité, mais pour mettre en lumière
des enjeux fondamentaux. Il est de notre devoir de proposer des pistes d'action
concrètes, car nous avons tous un rôle à jouer dans cette transformation
numérique.
Nos démarches préparatoires pour vous
livrer cette réflexion ont été de consulter nos associations affiliées et
puiser dans notre expertise collective, notamment en pédiatrie, psychiatrie,
ophtalmologie et santé publique. Ces consultations nous ont permis de cerner
des enjeux qui touchent à la fois les familles, les écoles, le système de santé
et, bien sûr, nos politiques publiques.
La question posée est vaste, complexe,
mais incontournable. Quels sont les impacts des écrans et des réseaux sociaux
sur les jeunes? La science nous donne des pistes. Elle montre une corrélation
claire entre une utilisation excessive et des impacts négatifs : troubles
cognitifs, retards de langage, perturbation du sommeil, troubles mentaux. Ce
que nous savons avec certitude, c'est qu'un usage non encadré, inadapté à l'âge
ou au développement, amplifie certains risques. La solution n'est pas de bannir
ces outils, mais de leur donner un cadre clair.
La question de responsabilité collective
doit être abordée. Nous devons regarder cette problématique dans sa globalité.
Il ne s'agit pas de pointer du doigt un seul acteur. Les parents, bien sûr,
sont la pierre angulaire et l'encadrement des jeunes, mais ils ne peuvent pas
porter seuls ce poids immense. Les plateformes numériques, l'État, le milieu
scolaire, les professionnels de la santé et de la société civile ont tous un
rôle à jouer. Ce n'est qu'en unissant nos efforts que nous pourrons proposer
des solutions adaptées aux nombreux enjeux complexes.
Une question importante : Qu'en dit
la science? Posons d'emblée, d'entrée de jeu, qu'il y a des limites
scientifiques. Bien que les données soient préoccupantes, la littérature reste
partielle et nécessite des recherches plus approfondies. Il y a cependant
quelques certitudes en lien avec les écrans, des impacts sur la santé et le
développement. Une utilisation excessive perturbe le développement cognitif,
socioaffectif et physique des jeunes. Pour les jeunes enfants, les moins de
cinq ans sont particulièrement vulnérables. Pour les moins de deux ans, les
écrans doivent être quasiment absents. Sur la santé physique, la sédentarité
favorisée par les écrans augmente les risques de maladies chroniques et d'obésité.
Un lien est bien établi autant avec la santé mentale qu'avec les troubles du
sommeil.
Parlons du rôle des parents. Ils ont un
rôle central, mais ils ont besoin d'outils et de soutien. Voici quelques bonnes
pratiques essentielles : être des modèles dans leur propre utilisation des
écrans, limiter les écrans avant le sommeil pour tous et pour eux-mêmes
également, proscrire l'écran chez les tout-petits, encourager l'activité
physique et les interactions sociales, éviter les écrans lors des repas et des
moments familiaux, éduquer les jeunes sur les risques des réseaux sociaux,
notamment pour leur santé mentale, privilégier des contenus adaptés et réduire
les rythmes visuels trop rapides, éduquer les jeunes sur les mécanismes de
monétisation, réduire les microtransactions et protéger les mineurs des
pratiques abusives.
Parlons maintenant du rôle de l'État. Il
doit jouer un rôle de leader pour encadrer et accompagner cette transition.
Encadrer l'usage en milieu scolaire :
nous proposons d'interdire l'utilisation des cellulaires à l'école et limiter
les écrans à des fins pédagogiques uniquement.
Favoriser les activités saines :
aménager des lieux scolaires pour favoriser la pratique d'activités sportives,
sociales, intellectuelles, par exemple, notamment, des <lieux...
M. Oliva (Vincent) :
...notamment,
des >lieux sans connexion wifi.
Fixer une majorité numérique : avant
14 ans, interdire l'inscription à un compte sur des réseaux sociaux, de 14
à 16 ans, autoriser l'inscription uniquement avec le consentement et la
supervision des parents, et déterminer la majorité numérique à 16 ans, où
les utilisateurs peuvent gérer leurs comptes de manière autonome.
Éduquer dès le plus jeune âge :
introduire des ateliers de citoyenneté numérique dans les écoles pour
sensibiliser les jeunes aux risques et aux bonnes pratiques en ligne.
Moderniser les services : former et
se doter de professionnels de la santé aptes à reconnaître et traiter les troubles
liés aux écrans, et investir dans des centres spécialisés en cyberdépendance.
Il faut aborder le rôle et la
responsabilité des grandes plateformes. Elles ne peuvent rester en marge de
cette réflexion. Elles doivent être interpelées et accepter de collaborer à ce
chantier collectif qui dépasse les frontières géographiques.
Bloquer les contenus inappropriés :
les contenus sexuels, violents ou haineux doivent être strictement encadrés
pour protéger les jeunes.
Limiter la désinformation : renforcer
la modération et les contrôles et mettre en place des contrôles fiables pour
vérifier l'âge de façon robuste qui sont difficiles à contourner.
En conclusion, mesdames et messieurs,
protéger nos jeunes face aux impacts des écrans et des réseaux sociaux n'est pas
une tâche facultative, c'est une responsabilité collective. Nous sommes à un
carrefour où la technologie, tout en étant un outil formidable de
développement, peut se révéler un piège dangereux, selon les choix que nous
faisons. Agissons ensemble, en tant que parents, décideurs, éducateurs et
citoyens, pour offrir à la génération montante les moyens de grandir dans un
environnement numérique sain, sécuritaire et adapté à leurs besoins. Merci de
votre attention.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment pour cette présentation. Donc, nous allons débuter la
période d'échange pour une durée d'environ 30 minutes. Alors, je vous
rappelle que le temps de parole sera à la discrétion de la présidence. Donc, je
ferai comme j'ai fait cet automne, et on y va selon les gens qui ont envie de
poser des questions. Donc, M. le député de Matane-Matapédia, vous avez...
M. Bérubé : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Souvent, on
évoque la question de la majorité numérique, mais vous amenez le concept qu'il
devrait y avoir un âge minimal également. Vous parlez de deux ans. C'est bien
ça?
M. Oliva (Vincent) : Bien,
c'est-à-dire que ce n'est pas... On met en garde contre l'utilisation des
tout-petits et on pense qu'ils devraient être, à toutes fins pratiques, exclus,
si possible.
• (11 h 40) •
M. Bérubé : C'est la
lumière vive, c'est la rapidité des images, il y a toutes sortes de
contre-indications?
M. Oliva (Vincent) : Oui,
effectivement. Puis, bon, je pense que les ophtalmologistes, nos collègues,
vont passer après et pourront peut-être vous donner des précisions, mais c'est
quand même intéressant de savoir quels effets les écrans ont. Peut-être qu'on
profiterait de la présence de Dre Igartua. Karine, pourrais-tu expliquer un peu
la rapidité des images, qu'est-ce que ça fait sur le cerveau? Je pense que
c'est intéressant.
M. Bérubé : Et la
capacité des enfants de les assimiler aussi.
Mme Igartua (Karine) : Oui,
bien, en fait, il y a plusieurs enjeux, là, chez les enfants, puis peut-être
que Yohann voudra rajouter après, étant donné que c'est le pédiatre chez nous,
là, mais, dans le développement du cerveau, il y a plusieurs choses qui
arrivent quand on met un jeune devant un écran. D'abord, on n'est pas en train
de lui parler. Donc, le jeune n'est pas en train d'apprendre les réactions
faciales. Il n'est pas en interaction. Donc, au niveau…
Une voix :
…
Mme Igartua (Karine) : Donc,
au niveau...
Une voix :
...neurodéveloppemental.
Mme Igartua (Karine) : Donc,
oui, au niveau neurodéveloppemental, au niveau des relations sociales, il y a
un enjeu. Au niveau du développement du langage, il y a aussi un enjeu parce
que le langage, oui, il y a le verbal, mais le non-verbal aide beaucoup aussi
les enfants dans le développement du langage. Donc, il y a des enjeux là.
Il y a aussi un enjeu de surstimulation.
Si vous regardez les émissions pour enfants que vous regardiez à votre âge
versus ce qui se joue maintenant, le rythme, le tempo est très rapide. Donc, on
habitue les jeunes à une espèce de rapidité puis de tempo, ce qui fait qu'on ne
les habitue pas à porter attention, à pouvoir ralentir. Et, en fait, il y a des
études superintéressantes qui montrent qu'après même juste neuf minutes de télé
stimulante comme ça les capacités cognitives de l'enfant sont réduites. Donc,
quand on surstimule le cerveau comme ça, surtout avant… Puis là on parle d'enfants,
là, mais il faut savoir que le cerveau se développe jusqu'à 25 ans.
Donc, quand le cerveau est en
développement, c'est sûr qu'il va se développer en réaction à l'environnement
dans lequel il se développe. Donc, si on le développe <dans...
Mme Igartua (Karine) :
...développe
>dans un environnement de surstimulation tout le temps, l'enfant ne
développe pas la capacité attentionnelle que ça prend, ne développe pas la
capacité langagière. Les fonctions exécutives sont altérées. Donc, ça, c'est
juste au niveau neurodéveloppemental. On pourra parler de santé mentale après,
là, mais, juste pour répondre directement à votre question, là, c'est ça,
l'enjeu.
M. Bérubé : ...au début, on
parlait de l'interdiction en classe, voire dans les écoles, parce que c'était
une distraction, parce que ce n'était pas nécessairement des contenus qui
étaient appropriés. Et, rapidement, on a réalisé que c'est un enjeu de santé
publique, en fait, qui va bien au-delà de l'école. Avec mes collègues, on s'est
posé beaucoup de questions — on a fait une invitation, les prochains
après vous, c'est des ophtalmologistes — beaucoup sur les yeux. Quel
est l'impact sur les yeux, sur la posture aussi, alors, évidemment, d'avoir un
téléphone, d'être prostré un peu d'une certaine façon? Est-ce qu'on va être
capables de mesurer des cohortes, les premières qui n'ont vécu qu'avec des
réseaux sociaux, et voir des différences importantes sur leur santé générale?
M. Oliva (Vincent) : Oui, c'est
ça, c'est une question intéressante, puis je pense que ça touche à la pratique
quotidienne de mon collègue Yohann, qui est pédiatre et qui voit justement l'évolution,
en fonction des générations, de l'effet des écrans, puis c'est devenu un enjeu
occupationnel. Donc, peut-être, Yohann, tu pourrais peut-être donner quelques
anecdotes, expliquer…
M. St-Pierre (Yohann) : Donc,
je suis pédiatre à Rimouski et, pour une fois, je suis content d'avoir beaucoup
de gens de l'Est du Québec qui sont avec moi autour de la table. Donc, merci
beaucoup, je me sens bien entouré.
Donc, oui, j'ai une pratique hospitalière
à Rimouski. Je suis à la clinique externe à Rimouski, mais aussi à Matane et à
Amqui, et mon quotidien, dans mes patients suivis à l'externe, c'est 50 %
de mon temps que c'est des patients qui sont soit en retard de développement… comme
pédiatre répondant à Agir tôt, soit que je fais des évaluations de troubles
scolaires... ou, encore, il y a une augmentation importante des troubles de
comportement aussi dans la petite enfance, mais également, aussi, durant
l'enfance scolaire, et les adolescents ont leur part du lot aussi.
Donc, depuis 2012, moi, que je suis à
Rimouski, grâce à plusieurs personnes autour de moi, et mon métier a changé. Mon
métier a même changé avant la pandémie, mais ça s'est accentué également après
la pandémie, dans le sens où mon quotidien est... représente, en fait, avec ces
patients-là, ces familles qui sont rencontrées... je dois sensibiliser, hein,
les patients et leurs familles, et je dois aussi les outiller.
Donc, comme médecin, là, je me sens
parfois seul dans mon bureau face aux problématiques, parce qu'eux les
problématiques qu'ils viennent pour me voir, c'est soit le trouble
d'apprentissage, le trouble scolaire, le trouble de comportement. Mais, dans
mes questions dans les habitudes de vie, donc, les écrans font partie… comme se
nourrir, bien dormir et bouger aussi, et les écrans, je pense que c'est le
sujet le plus difficile à aborder pour... avec les patients, les familles, et
c'est là où est-ce qu'on frappe souvent notre mur en intervention, parce que la
plupart ne sont pas encore sensibilisés à cette problématique-là qui, parfois,
cause, ou engendre, ou continue le cercle vicieux, finalement, des
problématiques pour lesquelles ils viennent nous voir. C'est impressionnant, c'est
un...
Donc, je suis très content de la
commission, des travaux qui sont faits, parce que le statu quo ne peut pas
durer. On parlait justement qu'on est en mesure de santé préventive
populationnelle, et il faut agir parce qu'il est probablement minuit et une.
M. Bérubé : Merci, docteur.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Bonjour. Donc,
merci de votre présence avec nous. Dans votre... Dans le mémoire que vous avez
déposé, vous parlez, bon, que ça ouvre la porte au développement des troubles d'apprentissage.
Notamment, là, vous nommez la dyslexie puis la dysorthographie. Dans les
écoles, les enseignants, là, du préscolaire avec qui moi, j'ai eu l'occasion de
partager, là, souvent, parce que je suis enseignante dans... j'ai été
enseignante pendant longtemps, tu sais, ils voient de plus en plus les enfants,
en très jeune âge, avec des difficultés de comportement importantes puis
difficultés de langage. C'est beaucoup plus marqué que ce ne l'était, là, voilà
20 ans. Puis là vous nommez deux troubles, là, auxquels on fait face.
Est-ce que... Ce que vous amenez aujourd'hui, est-ce que ça veut dire que, n'eût
été de l'utilisation… probablement, chez certains enfants, il n'y aurait pas eu
de dyslexie, il n'y aurait peut-être pas eu de dysorthographie, s'ils n'avaient
pas utilisé les écrans, ou ça a amplifié le problème?
M. St-Pierre (Yohann) : Bien,
je pense que les études sont préliminaires, mais il y a une forte tendance à
croire que les retards de développement, qui peuvent engendrer, par la suite,
des troubles scolaires, donc, des troubles d'apprentissage, auraient pu être
prévenus ou encore diminués en portée. Il reste toujours <qu'il y
a...
M. St-Pierre (Yohann) :
...toujours
>qu'il y a une prédisposition, aussi, génétique pour la dyslexie,
dysorthographie, ou la dyscalculie, ou encore le TDAH, qu'on sait que c'est
environ 15 % de la population qui a cette problématique-là, mais
probablement que leurs symptômes, hein, si on parle de symptômes, ils sont augmentés
par le fait de l'exposition aux écrans au préalable ou même pendant l'âge
scolaire aussi, dans l'apprentissage.
Je reprends le thème d'émissions à rythme
lent ou rapide. Il n'y a aucune éducatrice en CPE ou il n'y a aucun professeur
devant la classe qui est capable de rivaliser, d'être aussi vite que Pat'Patrouille.
C'est impossible d'être aussi réactif que Pat'Patrouille. Donc, l'attention
joue pour beaucoup, la patience aussi, développer la patience, les interactions
sociales. Donc, les retards de langage, les troubles de langage sont fortement
influencés par l'exposition des écrans puis par un manque de stimulation, de
socialisation avec les autres.
Mme Tremblay : Vous parlez, dans
une... J'aurais peut-être... Donc, vous parlez, dans une des recommandations,
des signes précoces d'utilisation excessive des écrans, puis là c'est là que
vous… il faut former les soignants, les intervenants, tu sais, une meilleure
formation, mais quels sont les signes, là, précoces d'utilisation excessive?
M. St-Pierre (Yohann) : Je
dirais, particulièrement ce que je vois, c'est vraiment les troubles de
comportement, donc, troubles du sommeil également. Je n'en ai pas parlé tout à
l'heure, mais, à tous les jours, on parle de troubles du sommeil. Le trouble de
sommeil peut se diviser par la phase d'endormissement, donc, une difficulté à
s'endormir, mais ça peut être aussi une difficulté d'insomnie durant la nuit si
l'utilisation est faite durant la nuit, et ça peut devenir aussi des enjeux de
somnolence diurne, aussi, qui nuit à l'apprentissage aussi dans le jour.
Donc, les signes précoces dans la petite
enfance, c'est souvent dans des retards qui vont se manifester, des retards
modérés ou même sévères, par manque de stimulation et par troubles de
comportement principalement, aussi. Et la plupart des familles arrivent dans
mon bureau, et, malgré les enjeux, puis ce n'est pas le sujet aujourd'hui,
d'accès en santé... il reste que, pour les familles, souvent, la seule personne
qu'ils ont accès dans le système de santé, finalement, c'est moi. Ils n'ont pas
accès aux services de psychoéducation au CLSC. Dans les milieux de vie, dans
les écoles, les ressources ne sont pas suffisantes, et ils n'ont pas
nécessairement les moyens pour aller aussi chercher des intervenants dans le
privé. Donc, ils viennent me voir. Ils sont dépourvus, ils le savent, mais ils
ne savent pas comment… par où commencer.
Et juste la routine du sommeil a
complètement changé aussi. En début d'année scolaire, au retour des fêtes, j'en
ai pour quelques semaines à refaire mon... le même discours avec plusieurs
familles, de toutes classes économiques. En passant, le problème touche toutes
les classes économiques.
• (11 h 50) •
M. Oliva (Vincent) : Je pense
que c'est important aussi de mentionner que ça ne touche pas juste les enfants,
les troubles du sommeil, et que ça touche tout le monde. Quand on regarde nos
écrans dans l'heure avant d'essayer de s'endormir, c'est beaucoup plus
difficile, donc, de là l'éveil collectif et aussi les bonnes habitudes qui
doivent commencer par les parents.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dr Oliva, Dr St-Pierre, Dre Igartua. Merci beaucoup d'être
avec nous aujourd'hui.
Manifestement, donc, comme parlementaires,
nous sommes tous préoccupés par les questions de développement en petite
enfance. Je ne répéterai pas, donc, les questions de mes collègues, mais j'ai
été, bon, c'est sûr, donc, très, très surprise, par exemple, de ce que vous
disiez, Dre Igartua, sur les neuf minutes d'écran, là, d'écran, donc, de
surstimulation, que, déjà, on voit des effets, mais aussi... peut-être aussi
vous entendre… parce que, dans votre mémoire, vous dites : «Même en
arrière-plan, un écran ouvert peut influer sur le développement du langage.»
Donc, ça, ça fait partie des études que vous avez complétées?
Mme Igartua (Karine) : Oui,
absolument, il y a beaucoup, beaucoup d'études sur différentes choses, là. C'est
surtout des études corrélationnelles, mais, en petite enfance, c'est là où les
études sont les plus robustes, honnêtement, là, parce qu'on est capables de
suivre... Ils vont regarder l'exposition aux écrans, par exemple, à l'âge de
deux ans et puis ils vont faire une étude prospective à quatre ans, qu'est-ce
que ça donne.
En arrière-plan, il y a plusieurs effets.
D'une part, il y a l'effet d'un bruit ambiant. D'autre part, il y a l'effet
visuel ambiant. Il y a une part qui est importante à dire, c'est la distraction
parentale, et ça, quand on parle que, vraiment, c'est un éveil collectif, quand
ton enfant te parle et que tu as un oeil sur la télé qui est derrière lui, tu
n'es pas en interaction de la même façon que si le bruit ambiant n'est pas là.
Donc, je pense que ça, c'est important.
Les effets sont très puissants. Tantôt, je
parlais de la surstimulation. Une autre étude sur les adolescents et les jeunes
adultes… Maintenant, huit à neuf minutes de vidéo, genre Instagram, TikTok, sur
une <alimentation...
Mme Igartua (Karine) :
...sur
une >alimentation désordonnée, là, restrictive, là, genre à l'anorexie,
et mêlée à des petits vidéos sur, tu sais, comment me muscler, comment être
plus beau, versus un huit minutes de vidéos de chatons, de chiens, de cuisine,
de comment changer l'alternateur dans mon char, on demande aux jeunes adultes
puis aux adolescents, au bout de huit minutes, comment ils se sentent par
rapport à leur corps, et, juste huit minutes de ça, on est capables de détecter
une différence, l'image de soi qui est perturbée. Donc, on commence à avoir
beaucoup de liens entre les troubles alimentaires et les réseaux sociaux.
Le sommeil, on en a parlé tantôt, il est
affecté beaucoup par les réseaux sociaux, la sédentarité et le manque de
face-à-face. Si je passe trois heures sur les réseaux sociaux ou à jouer des
vidéos, je ne suis pas en train d'être en interaction. Et ces trois
facteurs-là, le sommeil, l'exercice et les relations sociales, sont tous des
facteurs protecteurs pour les troubles mentaux. Donc, plus on passe de temps
sur les écrans, moins on passe de temps à faire ces trois choses-là qui sont
bonnes pour nous. Et ce n'est pas pour rien qu'on voit, particulièrement dans
la génération Z, parce c'est une génération qu'on a mal encadrée, là, c'est la
génération de mes enfants…
Et c'est malheureux, mais ceux qui sont
nés entre 1997 et 2010 à peu près, là, ils sont arrivés sur le marché où
l'iPhone est arrivé, en 2007, l'iPad, en 2010, TikTok, 2016, Instagram, 2010.
Donc, c'est tout arrivé au moment où ces jeunes-là entraient dans l'adolescence
et c'est toutes des plateformes qui ont été «designées» pour être intuitives
pour les jeunes. Donc, les jeunes ont appris à s'en servir avant leurs parents,
et on a toute une génération qui s'est servie de ces réseaux sociaux là sans
aucune supervision ou accompagnement parental, et ce n'est pas pour rien qu'on
a maintenant des taux de détresse, de dépression, d'idées suicidaires, de troubles
anxieux, de troubles d'alimentation et de TDAH qui sont tous en augmentation au
Québec.
Donc, tu sais, je ne peux pas faire le
lien de... On n'a pas l'étude qui dit : On a 100 enfants qui n'ont
pas eu les réseaux, puis 100 qui en ont eu, puis on les a regardés. Mais, en
termes corrélation puis en termes d'années où les choses se sont empirées, on a
quand même des indices que c'est quand même assez désastreux pour la santé
mentale.
Mme Cadet : Et plus tôt vous
disiez, donc, que le cerveau de l'enfant, le cerveau du jeune, en fait, donc,
se développe jusqu'à 25 ans.
Mme Igartua (Karine) : Oui, exact.
Mme Cadet : Donc, j'imagine
que les recommandations que vous nous faites, notamment en termes, donc,
d'intervention de l'État ou de recommandations de la Santé publique, pour être
émises, ne concernent pas tout simplement de la petite enfance.
Mme Igartua (Karine) : Non, effectivement,
quand on parlait de... On a eu le débat à l'interne de dire : À quel âge
est-ce qu'on suggère la majorité numérique? Parce que, d'un point de vue
strictement scientifique, on pourrait dire 25 ans parce qu'à ce moment-là
les lobes frontaux sont complètement développés, mais on sait que ce n'est pas
réaliste, là. Donc, il a fallu qu'on dise...
Puis, si on regarde… Tu sais, les jeunes
peuvent conduire à 16 ans. Donc, si on fait un petit peu le comparatif des
risques, on s'est dit : Une citoyenneté numérique à 16 ans, ça nous
apparaissait raisonnable avec un accompagnement des parents entre 14 et 16,
mais aussi avec un cursus de santé mentale dans les écoles qui inclut la
citoyenneté numérique. Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire savoir… apprendre
c'est quoi, les bienfaits et les méfaits des réseaux sociaux, apprendre aux
jeunes comment vérifier la véracité des informations qu'ils voient, comment
être capables d'interpréter les images, donc, quand tu vois des images vraiment
édulcorées, tu sais, retapées, d'être capable de se dire : O.K., ce n'est
pas la vraie vie que je suis en train de voir, et donc je n'ai pas besoin de me
comparer.
Les études… si je peux juste rajouter, les
études en santé mentale ont été... il y en a qui ont été très... ont montré des
liens très forts, puis d'autres, moins. En fait, ce qu'on se rend compte, c'est
que les jeunes qui sont plus enclins de se comparer, c'est eux qui ont le plus
d'effets néfastes dans les réseaux sociaux, parce qu'ils se comparent
constamment à quelque chose qui n'est pas atteignable, que ça soit un bonheur
inatteignable, des accomplissements, une réussite, un corps. Donc, ils sont
toujours en train de se comparer à quelque chose qui n'est pas atteignable. Je
pourrais continuer pendant des heures, là, mais je vais m'arrêter.
La Présidente (Mme Dionne) : Le
temps file. Je vais passer la parole… Il y a beaucoup de demandes
d'intervention, puis c'est correct. Il nous reste 15 minutes. Si j'ai du
temps, je vous reviendrai, Mme la députée. Donc, Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : ...parler
justement de l'apparence, les muscles, ces routines-là, mais est-ce que vous
feriez le même genre de lien à l'argent? Parce que, tu sais, des fois il y a
des influenceurs qui misent beaucoup… puis regardez les voyages, le style de
vie, puis tout ça. Est-ce que <vous mettriez...
Mme Bogemans :
...
est-ce
que >vous mettriez ça dans le même panier pour les jeunes?
Mme Igartua (Karine) : Parce
qu'encore là on demande... Les jeunes se comparent à des choses qui sont
impossibles, tu sais. Donc, moi, d'entendre des jeunes... Moi, je suis
psychiatre. Je vois beaucoup, beaucoup de… Ma clientèle est surtout du 16 à 36,
là, je dirais, mais je vois beaucoup de jeunes qui disent : Bien, tu sais,
pourquoi est-ce que je ferais telle job si ça ne me donnera jamais le salaire
de x? Tu sais, le concept que je commence en bas de l'échelle puis que je
grandis, là, ça ne fait pas partie de leur réalité parce qu'ils ont un
youtubeur qui, lui, fait 3 millions par année à jouer à des jeux vidéo. Ça
fait qu'ils ont comme une idée que tout le monde peut faire ça.
Donc, oui, il y a ça. Il y a aussi la
chirurgie esthétique aussi où, tu sais, des fois, il y a des influenceurs qui
poussent certaines choses. Puis, quand vous parlez de l'argent, ça me fait aussi
penser aux microtransactions qu'on voit dans différents jeux qui s'apparentent
au gambling. Honnêtement, quand on parle des «loot box», là, où les jeunes
paient 5 $, 10 $, 15 $, 30 $ pour avoir des éléments d'un
jeu vidéo, mais… tu sais, ils paient x, mais ils ne savent pas ce qu'ils vont
avoir parce que c'est une boîte à surprise, et, inévitablement, ils espèrent
que, dans la boîte à surprise, il va y avoir 14 épées, trois fusils puis
15 kits pour se changer, puis finalement ils ont un couteau puis un chapeau,
puis ils sont déçus de ce qu'ils ont eu, mais c'est le concept du renforcement
intermittent, imprévisible, qui est connu en psychologie pour étant la
meilleure façon de créer une dépendance, et les jeux vidéo s'en servent, et les
réseaux sociaux s'en servent aussi.
Mme Bogemans : Est-ce que
vous voyez une proportion égale de filles qui consultent, par exemple, pour un
usage des médias sociaux que de garçons qui vont consulter davantage pour les
jeux vidéo? Parce qu'en tout cas, moi, dans les gens que j'ai rencontrés, les
jeunes dans les écoles, c'était marqué de manière impressionnante. Est-ce que
c'est un...
M. Oliva (Vincent) : Je vais
demander à Dr St-Pierre parce que c'est vraiment son quotidien à lui.
M. St-Pierre (Yohann) : Je
peux répondre. Effectivement, je n'ai pas... C'est un senti, là, donc je n'ai
pas... je n'ai pas fait un calcul scientifique, mais effectivement j'ai plus
tendance, avec mes patients, à constater qu'il y a quand même une différence de
genre, mais il y a une dépendance ou il y a comme un attrait fort qu'on voit
chez les garçons principalement plus qu'on va... Je vais plus parler avec eux
d'enjeux de jeux vidéo que d'autres dérives, et, oui, chez les filles, des
enjeux plus de réseaux sociaux.
L'image corporelle, par exemple, on le
voit chez les deux sexes. Chez les garçons, il y a un nouveau trouble aussi qui
est apparu, qui s'appelle la bigorexie. Donc, la bigorexie, c'est vraiment...
c'est de l'orthorexie. Donc, on mange à la perfection. On ne mange pas de
patates puis on mange très, très équilibré, mais on calcule nos grammes, et
surtout on a un corps musclé parfait. Donc, ça, c'est le trouble...
l'équivalent d'un trouble alimentaire qui s'appelle la bigorexie, qui est en
émergence, aussi, importante.
• (12 heures) •
Mme Bogemans : Parce que… Je
posais cette question-là par rapport à l'âge numérique, parce qu'on parle d'un
âge numérique pour les médias sociaux, mais est-ce qu'on devrait mettre aussi
cette limite-là pour certains jeux en ligne, pour les... en ligne ou sur les
consoles, là, peu importe, là, pour les jeunes?
M. St-Pierre (Yohann) : Bien,
c'est clair que je pense que ça prend un cadre. Ça prend leur cadre... un
encadrement des parents par rapport aux écrans. Donc, comme on disait tout à
l'heure, en bas de deux ans, théoriquement, on devrait... on recommande de ne
pas avoir d'exposition aux écrans. Entre deux ans et cinq ans, c'est une heure
qui est recommandée, depuis 2019, par la Société canadienne de pédiatrie. Et,
chez les adolescents, ce serait deux heures, mais, probablement, dans ce
que vous avez... les jeunes que vous avez rencontrés, c'est cinq, six heures.
Je suis papa de trois garçons. C'est
paradoxal parce qu'on a... on est devenus une société aussi hyperprotectrice
des enfants, dans l'anxiété de laisser notre enfant jouer seul dans la cour,
mais on ne voit plus de jeunes jouer dans la ruelle, on ne peut plus jouer au
bord d'un feu, etc., donc, mais, pour moi, comme pédiatre, comme papa, j'ai
plus de facilité et, en fait, j'ai un grand plaisir à voir mes garçons grimper
dans les arbres chez moi que plutôt jouer avec ça. Pour moi, ça, c'est très
risqué, mais grimper dans un arbre, c'est un jeu risqué, calculé et c'est ce
qui est bénéfique. Donc, la société veut bien faire et être très, très
protectrice de ses enfants, mais ils ne savent pas, finalement, que combler ce
temps-là d'inactivité par les écrans, au final, va être pire.
Mme Bogemans : C'est
fascinant. Je pense que ça devrait être entendu à grande échelle, ce que vous
venez de dire. Puis, en terminant, au niveau pédagogique, vous avez dit : Une
bonne sélection de ce qui est pédagogique comme usage, là, ou comme matériel
dans les écoles. Comment vous le détermineriez, ce qui est pédagogique, selon
la santé publique? Parce que, par exemple, Duolingo, là, il y a quand même, à
l'intérieur, certains systèmes qui sont problématiques. Je voulais vous
entendre là-dessus.
M. Oliva (Vincent) : Bien,
disons que je peux... C'est sûr que c'est... ce qui est mis en ligne comme <contenu…
>
12 h (version révisée)
< M. Oliva (Vincent) :
...que
ce qui est mis en ligne comme >contenu, ce qui est accessible, je pense,
c'est illusoire de penser que les producteurs de contenu vont s'autocensurer,
là. C'est pour ça que l'encadrement est tellement important. Puis la majorité
numérique, c'est sûr que, bon, oui, le cerveau se développe jusqu'à 25 ans,
mais il faut vivre avec son temps, puis les écrans ont quand même une utilité.
Donc, la raison pour laquelle on a dit...
on recommande 14 ans avec l'accompagnement et le consentement des parents,
c'est que c'est un âge où les parents ont encore un certain ascendant sur les
enfants, en général. Si on attend trop tard, bien, après ça, ils sont lâchés
lousses, si on veut, là, puis ce n'est plus encadrable. Puis, avant 14 ans,
on ne dit pas qu'ils n'auront pas accès aux écrans, on dit juste : S'inscrire
sur un compte. Autrement dit, j'ai mon compte, je fais ce que je veux avec, puis
là je suis exposé à toutes sortes de contenu qui est risqué.
Alors, il y a des effets bénéfiques aux
écrans, mais on ne pourra jamais s'assurer qu'il n'y aura pas du contenu
néfaste. Et il y a une notion d'apprentissage. Alors, à quel moment est-ce que
les parents vont encore avoir assez d'impact sur leurs enfants pour leur
apprendre à faire ce discernement-là? C'est pour ça qu'il y a une progression
dans ce qu'on propose.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Oui. Bonjour,
tout le monde. Merci d'être présents et présentes. Vous avez beaucoup parlé,
autant chez les hommes... les jeunes garçons et les jeunes filles, de l'image
de soi, donc les impacts de se comparer, etc. Est-ce que vous pouvez dire que
ça a aussi un effet sur l'image qu'on se fait de l'autre?
Mme Igartua (Karine) : Je
peux vous donner un exemple. On n'a pas parlé encore de la pornographie...
Mme Massé : C'est là que
je m'en vais.
Mme Igartua (Karine) : O.K.
Mais je vous donne un exemple clinique. La semaine dernière, j'ai vu un jeune
qui... un jeune moins jeune, un jeune adulte, là, pour être honnête, qui a une
dépendance à la pornographie transféminine préopératoire, pour être vraiment
très précis, là, personne hétérosexuelle, cisgenre, marié avec une femme, mais
a été exposé à la pornographie à partir de l'âge de 11 ans et, à partir de
l'âge de 14 ans, est devenu complètement dépendant à cette
pornographie-là. Donc là, on a quelqu'un qui a une addiction à la pornographie
qui impacte sa relation avec sa conjointe. Et je me l'explique clairement par
le fait que son cerveau a été modulé par cette exposition en très jeune âge à
de la pornographie.
Mme Massé : Et je
comprends, donc, que vos recommandations 14 et 15 sont dans le sens où il
faut aussi se donner, quand on parle d'encadrer... se donner une mainmise au
niveau des grandes plateformes, parce que c'est de là que ça part. Vous dites
«inciter». J'ai de la difficulté à saisir comment, si on ne les oblige pas, que
ça va être possible, ne serait-ce que d'avoir, par exemple, un âge légal. Je ne
comprends pas le terme «inciter», plutôt que...
Mme Igartua (Karine) : En
fait, on incite le gouvernement à mettre un âge légal, parce que nous, on ne
peut pas le faire, là.
Mme Massé : O.K. Et donc
on veut inciter les grandes plateformes à les bloquer, ça fait que ça
commence... Nous, on a une job à faire, mais après ça il faut qu'eux autres...
O.K. Parce que, s'ils ne le font pas, on aura beau faire n'importe quoi...
M. Oliva (Vincent) : Bien,
c'est-à-dire que, par exemple, pour avoir un compte... Puis, encore une fois,
ce n'est pas de regarder un écran de temps en temps. Les enfants, c'est certain
qu'ils vont... même, ils vont peut-être regarder ce qui se passe sur le
Facebook de son père ou de sa mère, mais on parle vraiment de s'inscrire et d'avoir
un compte. À ce moment-là, oui, il faut que les plateformes collaborent et puis
il faut qu'il y ait des garde-fous ou des mécanismes de contrôle pour s'assurer
qu'ils... Alors, oui, c'est un... Puis aujourd'hui c'est vraiment un éveil
collectif, là, il faut que tout le monde s'ouvre les yeux. On lève les
drapeaux. On ne dit pas : C'est le diable en personne, mais on dit :
Attention, il y a des pièges très importants, puis il faut que tout le monde
soit mobilisé. Et plus tôt on le fait, mieux c'est.
Mme Massé : Tout à fait
d'accord avec vous là-dessus. Et je pense, ceci étant dit, qu'il y a des gens
comme nous qui ont peut-être un intérêt certain à ce que ça change, mais il y a
des gens, comme les grandes plateformes, qui n'ont pas intérêt à ce que ça
change. Alors, il faut un peu les contraindre, on va se dire ça de même, pour
se parler dans notre langage.
J'irais plus sur la recommandation 15.
<Parce que...
Mme Massé :
... dans
notre langage.
J'irais plus sur la
recommandation 15. >Parce que, vous savez, quand je vois toute
l'augmentation de la haine et de l'intolérance, notamment par rapport aux
communautés LGBTQI2+, c'est sûr que je suis préoccupée, parce que je me
rends compte... et même aussi par rapport aux femmes, le rapport hommes-femmes,
bon, etc., vous en avez fait état, je suis préoccupée quand je vois la place et
le rôle des influenceurs.
Ce que je comprenais de votre
recommandation 15, c'est : il faut aussi, en se préoccupant de ça,
puisque l'écran, l'accès aux prises de parole, ça a un impact sur l'image de
moi, ça a un impact sur mon cerveau, ça a un... mais ça a aussi un impact sur
ma façon de concevoir le monde, donc, tout ce qui est fausse nouvelle, tout ce
qui est influenceur qui discrédite les droits, par exemple, des personnes LGBT,
il faut qu'on se donne les moyens d'agir aussi là-dessus. Est-ce que
j'interprète bien votre recommandation n° 15?
M. Oliva (Vincent) : Oui, tout
à fait. Puis c'est sûr que ce qu'on voit chez nos voisins du Sud est un peu
inquiétant, parce que la censure ne fait plus partie du paysage, hein, il y a
une espèce de besoin d'avoir accès à tout, et la liberté d'expression est
utilisée à toutes les sauces. Donc, dans ce sens-là, oui, c'est... vous avez
bien compris. Je ne sais pas si tu veux...
Mme Igartua (Karine) : Deux
éléments. Il y a l'élément de la contrainte puis il y a l'élément de
l'éducation aussi, on en a fait allusion tantôt, mais l'éducation à la
citoyenneté numérique, pour que le jeune apprenne, d'une part, comment se
comporter en ligne, pour qu'il y ait moins de cyberintimidation, mais aussi
qu'il soit aussi capable de voir qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui n'est
pas vrai, tu sais, qu'il apprenne un petit peu à faire la part des choses en
ligne. Et un cours sur la santé mentale dans les écoles aiderait aussi le jeune
à apprendre d'autres façons de se réguler. Plutôt que de faire ça quand il ne
se sent pas bien, pour se dissocier de son émotion, on l'apprend... on lui
apprend comment reconnaître et gérer son émotion, plutôt que d'essayer de la
tasser en utilisant un écran.
La Présidente (Mme Dionne) : ...peu
de temps, donc j'ai encore deux intervenants. M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Oui. Bonjour.
Merci aux gens de la fédération d'être ici. Des mots qui nous parlent
beaucoup : responsabilité collective, responsabilité parentale, les
parents doivent donner l'exemple. M. le pédiatre de Rimouski, je fais une
intrusion dans votre bureau, si vous me permettez, j'aimerais savoir, quand
vient le moment de dire à un parent qu'il faut modifier le comportement, qu'il
y a urgence, la plupart du temps, comment réagit la famille. Est-ce qu'on est
en mode collaboration? Est-ce qu'on est en mode ingérence? Est-ce que vous êtes
en confrontation? Je veux entendre un peu la manière que la famille se porte.
• (12 h 10) •
M. St-Pierre (Yohann) : Il
peut y avoir de tout, mais, ceci dit, on touche souvent un point sensible,
parce que parfois les familles peuvent être aussi honteuses de ça. Déjà, qu'ils
le disent, c'est parfait. Moi, j'aime la transparence, j'aime l'honnêteté. Et
on est surtout dans une relation d'aide, et ils sont en besoin d'aide aussi.
Comme je disais tout à l'heure, ils n'ont pas accès à d'autres ressources, donc
on prend le temps de discuter ensemble, puis je travaille beaucoup des
objectifs réalistes, aussi, qu'ils peuvent atteindre, aussi, parce que, sinon,
on n'est pas... si on vise trop haut, on les rend en échec, à ce moment-là. Mais
c'est très délicat.
Ceci dit, pour moi, ce n'est pas tabou,
parce que ça fait partie des habitudes de vie saines, bien manger, bouger, bien
dormir puis avoir une gestion des écrans. Puis, chez les adolescents, bien, on
rajoute aussi la consommation. Donc, ce n'est pas évident, ce n'est pas facile,
donc il faut y aller progressivement.
Et, je vous dis, souvent, puis quand... je
vois plus les adolescents individuellement, de façon individuelle, une famille
peut réussir, mais c'est extrêmement difficile parce que toute la collectivité
ou l'entourage ne fait pas la même chose. Donc, c'est des exceptions, moi, dans
mon bureau, que les familles ont mis des règles claires pour leurs enfants. Ce
sont les exceptions. Moi, chez nous, je me fais dire que je ne suis pas un bon
parent, de toute façon. On n'est pas parfaits, mais je suis, en plus... comme
pédiatre, mes enfants ne sont pas chanceux d'être chez moi.
M. Gagnon : Je sais que votre
pratique...
M. St-Pierre (Yohann) : Il y
a un manque d'éveil, parce que des fois il y a une surprise de, tu sais...
Une voix : ...
M. St-Pierre (Yohann) : Oui,
il y a un autre médecin aussi, ils sont doublement pas chanceux.
M. Gagnon : Je sais que votre
pratique est inconditionnelle, mais souvent on se fait dire que
l'environnement, le statut parental dans lequel on habite peut avoir un impact
sur le nombre d'heures. Est-ce que vous croyez à ce qu'on a entendu?
M. St-Pierre (Yohann) : Clairement,
il faut... Bien, c'est ça, c'est l'exemplarité, donc il faut montrer l'exemple,
donc, nous-mêmes, ne pas utiliser nos téléphones, fermer les écrans. <Ceci
dit, être...
M. St-Pierre (Yohann) :
...
donc, nous-mêmes, ne pas utiliser nos téléphones, fermer les écrans. >Ceci
dit, être exemplaire ne veut pas dire parfait non plus. Donc, c'est de
déculpabiliser les familles par rapport à ça, mais surtout les sensibiliser
aussi, les ouvrir. Puis c'est un travail progressif aussi, là, parce que c'est
extrêmement difficile de travailler ça. Mais souvent c'est la pierre angulaire
de tous les autres problèmes, où ça engendre la continuité du cercle vicieux.
Donc, qui vient avant quoi, le trouble du sommeil ou, finalement, le trouble de
consommation des écrans?
La Présidente (Mme Dionne) : Dr
St-Pierre, Dr Oliva, Dre Igartua, merci infiniment pour votre contribution à
ces travaux, donc, des échanges très enrichissants.
Alors, pour ma part, je suspends les
travaux quelques instants pour accueillir nos prochains témoins. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 13)
(Reprise à 12 h 17)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
la commission reprend maintenant ses travaux.
Donc, je souhaite la bienvenue aux
représentants de l'Association des médecins ophtalmologistes du Québec, donc,
Dre Isabelle Laliberté et Dr Salim Lahoud, donc, bienvenue à cette
commission.
Donc, je vous rappelle, vous avez 10 minutes
pour nous... vous présenter, nous faire part de votre exposé, et ensuite nous
procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous.
Association des médecins ophtalmologistes du Québec
(AMOQ)
M. Lahoud (Salim) : Bonjour,
Mme la Présidente, mesdames et messieurs de la commission. Je suis Salim
Lahoud, je suis ophtalmologiste au CHUM et président de l'Association des
ophtalmologistes du Québec, accompagné de Dre <Isabelle...
M. Lahoud (Salim) :
...
l'Association des ophtalmologistes du Québec, accompagné de Dre >Isabelle
Laliberté, Centre mère-enfant Soleil du CHUQ du Québec...
Mme Laliberté (Isabelle) : Du
CHU de Québec.
M. Lahoud (Salim) : ...du CHU
de Québec. Ça fait que c'est notre experte, au niveau de l'association, pour
vous parler un peu des effets des écrans au niveau des yeux. Après la présentation
de nos collègues de la FMSQ, nous, on va se concentrer un peu plus sur l'effet
au niveau visuel. Ça fait que je cède la parole à Isabelle.
Mme Laliberté (Isabelle) : Les
téléphones, les tablettes, les ordinateurs, les consoles de jeu sont devenus
des outils importants pour l'éducation, le divertissement, la socialisation.
Mais cependant cette exposition croissante aux écrans n'est pas sans risque
pour la santé visuelle.
Donc, aujourd'hui, je vais vous présenter
les principaux effets néfastes des écrans sur les yeux de nos jeunes et en nous
appuyant sur les études récentes menées dans le domaine de l'ophtalmologie. Je
vais vous parler de cinq points : rapidement, de deux points, de la
fatigue visuelle numérique et de la sécheresse oculaire, pour se concentrer
plus sur l'augmentation des cas de myopie chez les jeunes, l'impact sur la
rétine de la lumière bleue et les perturbations du sommeil.
Donc, on sait que, dans... une étude a prouvé
que 70 % des jeunes qui utilisent des écrans pendant plus de quatre heures,
ce qui est fréquent chez nos jeunes, par jour, rapportent des symptômes. Ils
vont rapporter une vision floue, des douleurs oculaires et des maux de tête. On
a des nouveaux mots maintenant, ça s'appelle maintenant la «fatigue visuelle
numérique». Donc, c'est les écrans qui font ça.
Quand on fixe les écrans, aussi, on cligne
moins des yeux, le taux de clignement diminue au moins de 50 %, parce
qu'on regarde un écran, et ça peut amener des symptômes de sécheresse oculaire
et des sensibilités accrues à la lumière. Les ophtalmologistes suggèrent
souvent de prendre des pauses plus fréquentes et l'utilisation des larmes
artificielles.
Je veux surtout vous parler... un des
effets les plus préoccupants est l'explosion des cas de myopie dans le monde.
L'OMS estime que, d'ici 2050, 40 % à 50 % de la population mondiale
va être myope. Présentement, on a à peu près 20 % à 30 % de la
population mondiale.
La myopie, c'est un trouble de vision qui
a une difficulté à voir clairement les objets éloignés, donc la vision de loin.
La myopie, c'est un oeil qui grandit trop et qui est rendu trop long, O.K., et
c'est pour ça qu'on ne voit pas bien. Il y a plusieurs études, je vais vous
éviter... il y en a 3 200 à peu près, plusieurs études qui ont démontré
une corrélation entre l'utilisation des écrans et l'augmentation de la
prévalence de la myopie. Mais ça ne prouve pas un lien de causalité directe. La
myopie n'est pas juste due aux écrans. Il y a la génétique aussi, il y a
plusieurs d'autres causes. Mais ça a quand même un lien direct. Les
comportements de l'humain ont changé avec les écrans.
• (12 h 20) •
Pourquoi on devient plus myope? Il y a
deux mécanismes. C'est la vision préexcessive : les jeunes regardent leurs
écrans à peu près à 30 centimètres, sont toujours collés sur leurs écrans,
et ça fait une hyperstimulation des muscles de l'oeil. Les muscles qui fait qu'on
fait le focus, les muscles de l'accommodation travaillent constamment, et c'est
cette surcharge prolongée qui peut faire allonger l'oeil. Donc, on l'a dit, un
oeil trop long, c'est un oeil myope. Donc, la vision préexcessive, et aussi le
manque de lumière naturelle.
Des études ont montré qu'un temps
insuffisamment passé à l'extérieur pendant l'enfance contribue de manière
significative au développement de la myopie. Puis comment ça se fait? C'est que
la lumière naturelle, ça stimule la libération de dopamine de la rétine, une
section de l'oeil, et la dopamine, elle a un rôle important, elle protège
l'allongement de l'oeil. Donc, si on ne va pas dehors, on n'a plus cette
dopamine-là dans la rétine, et l'oeil s'allonge et devient myope.
Il y a une étude qui a démontré que les
enfants qui utilisent des écrans plus de trois heures par jour ont un risque de
2,5 fois plus élevé de développer une myopie que ceux qui utilisent moins
d'une heure les écrans. Donc, le temps passé sur les écrans augmente la myopie.
Vous allez me dire : Ce n'est pas grave, la myopie, on met des lunettes,
c'est terminé. Mais ça a quand même... ça a quand même un impact à long terme
chez nos jeunes. Surtout, ceux qui commencent la myopie plus jeune sont
vraiment plus à risque d'avoir une myopie élevée à l'âge... rendus à l'âge
adulte. Ceux qui ont une myopie de plus que moins 6 — ça, c'est des
termes médicaux — bien, ont des risques accrus de décollement de
rétine à l'âge adulte, avec une perte visuelle permanente. Et, puisque l'oeil
s'allonge, la rétine devient plus mince, parce que la rétine ne va pas se
régénérer, il va y avoir une dégénérescence du sens de la vision, due à la <myopie,
avec...
Mme Laliberté (Isabelle) :
...
il va y avoir une dégénérescence du sens de la vision, due à la >myopie,
avec encore des atteintes visuelles permanentes. Ça a aussi un impact sur la
qualité de vie de nos jeunes, d'être myopes : toujours avoir besoin de
lunettes pour voir, faire du sport avec des lunettes et affecter leur confiance
en eux.
Donc, est-ce qu'il y a des solutions
préventives recommandées? Un temps limité devant les écrans, on en a parlé avec
la FMSQ, mais, spécifiquement pour limiter la myopie, deux heures par jour,
maximum, puis surtout pour les moins de 12 ans. Parce qu'on sait que, si
la myopie apparaît avant l'âge de 10 ans, ils vont finir avec une myopie
beaucoup plus importante à l'âge adulte. Également, avec les études sur le
temps passé à l'extérieur, un temps passé à l'extérieur de deux heures par jour
serait l'idéal chez nos jeunes, mais maintenant, avec les écrans, on ne va plus
jouer dehors, on fait de l'écran.
Je veux aussi vous parler de l'impact, sur
la rétine, de la lumière bleue. Les écrans, ça émet une lumière bleue à haute
énergie qui pénètre profondément dans l'œil, jusqu'à la rétine. Il y a beaucoup
d'études en cours, on ne peut pas encore conclure les effets à long terme de la
lumière bleue sur l'oeil. Les études se font présentement surtout chez les
rongeurs et avec des lumières bleues très intenses, beaucoup plus intenses que
les écrans qu'on utilise présentement. Donc, il y a des études qui montrent que
la lumière bleue pourrait contribuer à un stress oxydatif de la rétine et aux
dommages de la rétine. Les jeunes, en plus, filtrent beaucoup moins la lumière
bleue parce que le cristallin est clair. Chez l'adulte, le cristallin jaunit,
et ça devient un cristallin qui filtre la lumière bleue, tandis que les jeunes
n'ont pas ce mécanisme de protection là. Mais, pour l'instant, on ne peut pas
savoir s'il va y avoir plus de cas de dégénérescence maculaire liée à l'âge, due
aux écrans et à la lumière bleue, mais c'est vraiment en étude puis en... on
étudie beaucoup ça.
Ça dépasse le champ strict de
l'ophtalmologie, la FMSQ en a parlé un peu, mais il est important de souligner
que l'exposition aux écrans, notamment avant le coucher, perturbe la production
de mélatonine. La lumière bleue, ça stimule la rétine, et la rétine... quand la
lumière bleue stimule la rétine, ça supprime la production de mélatonine, et la
mélatonine, c'est une hormone qui joue un rôle important dans le cycle
éveil-sommeil. Normalement, lorsque la lumière du jour ambiante diminue, en fin
de journée, la rétine va le percevoir, et la production de mélatonine va
augmenter, et ça prépare votre corps à aller se coucher. Donc, l'exposition
prolongée aux écrans en soirée, ça perturbe ce mécanisme-là naturel puis ça
envoie au cerveau un signal similaire à celui de la lumière du jour. Une étude
qui a été faite où... un usage d'écran juste avant de dormir réduit en moyenne
16 % de la production de mélatonine naturelle. Les effets étaient
particulièrement marqués chez les enfants de moins de 12 ans. Ils sont
encore plus réactifs à ça.
Ça a des conséquences sur la qualité et la
durée du sommeil. Les enfants et les adolescents qui utilisent des écrans une
heure ou plus avant le coucher dorment en moyenne une à deux heures de moins
par nuit. Leur sommeil paradoxal, c'est une phase essentielle, il va être
diminué. Puis c'est une phase... c'est une phase essentielle pour la
consolidation de la mémoire et la gestion des émotions, ce qui est important
chez nos adolescents. Ça a aussi des effets à long terme, comme on en a discuté
plus tard... plus tôt. Un manque de sommeil chronique augmente l'obésité, les
troubles anxieux, les troubles dépressifs.
Nos enfants ont des habitudes numériques
de plus en plus jeunes. C'est de plus en plus difficile de les empêcher
d'utiliser leurs cellulaires au coucher. Et il y a des études qui ont été
faites que d'avoir le cellulaire dans la chambre augmente l'utilisation, au
sommeil. Ils ne sont pas capables de ne pas le prendre, le cellulaire. Donc, il
serait suggéré de faire de l'éducation aux parents, de montrer l'exemple, mais d'éviter
l'utilisation des écrans avant le coucher, sans avoir les écrans dans les
chambres à coucher.
Donc, avec tout ce que je vous ai dit, on
a parlé de limiter le temps d'écran pour un maximum d'une à deux heures par
jour pour les enfants, avec des pauses fréquentes pour diminuer la myopie, et
aussi encourager les activités en plein air pour la lumière naturelle. Nous
suggérons aussi : pas d'écrans dans les heures avant le sommeil, pour
favoriser le sommeil.
Je vous ai parlé beaucoup d'effets
néfastes, mais je vais prendre une minute pour vous parler des effets qui...
étant en ophtalmologie, assez bénéfiques des écrans, c'est nos enfants en basse
vision. J'ai beaucoup de patients avec déficit visuel, et les écrans... ils ont
un ordinateur à l'école, et ça leur <permet de...
Mme Laliberté (Isabelle) :
...
déficit visuel, et les écrans... ils ont un ordinateur à l'école, et ça leur
>permet de suivre l'enseignement dans des classes régulières, parce que
les écrans numériques, les tableaux électroniques des professeurs sont projetés
sur leur écran, et ça leur permet de voir ce qui se passe. Ça leur permet de
changer les contrastes, de grossir les caractères, et même, ils peuvent avoir
une lecture auditive de ce qui se passe avec leur recherche. Donc, les écrans,
il ne faut pas les démoniser, il faut apprendre à vivre avec eux.
Donc, l'impact sur la santé visuelle des
jeunes, c'est une problématique croissante qui nécessite une prise de
conscience collective, et je pense que c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui.
Les ophtalmologistes veulent vous rendre conscients des dangers potentiels,
tels que la fatigue oculaire... la fatigue visuelle, pardon, la progression de
la myopie, les dommages rétiniens potentiels, qui ne sont pas encore prouvés,
et la perturbation du sommeil. Il est essentiel d'adopter des comportements
responsables pour préserver la santé visuelle des générations futures. Et des
simples... en intégrant des solutions préventives simples, nous pouvons réduire
considérablement ces risques, tout en profitant des avantages des technologies
modernes.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour cet exposé. Nous allons débuter la période d'échange avec M. le
député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Madame, monsieur, bienvenue. Merci de vous prêter à cet exercice
important, hein, pour le devenir de nos jeunes. Écoutez, vous avez quand même
tracé un portrait inquiétant de la santé... de l'évolution de la santé en
fonction de l'usage de nos écrans. On s'entend pour dire que, dans la vie d'un
jeune comme dans celle d'un adulte d'aujourd'hui, la question de l'accès à
l'écran, de l'usage de l'écran au quotidien, autant dans le loisir que dans le
travail, c'est là pour rester, hein?
Mme Laliberté (Isabelle) : La
preuve...
M. Sainte-Croix : La preuve,
voilà.
Mme Laliberté (Isabelle) : ...je
l'ai devant moi, c'est ça.
M. Sainte-Croix : Vous avez
fait état, tu sais, de comportements responsables en fonction de préserver un
maximum de qualité au niveau de la santé. J'imagine que vous avez vu, dans les
dernières années, les jeunes qui passent vous voir, c'est de plus en plus
évident que l'impact se fait sentir. Comment vous voyez, là, dans les
prochaines années, en fonction de l'usage, en fonction des enjeux de santé...
Puis, tu sais, on a, dans les derniers mois, là, rencontré des gens qui nous
parlent autant du point de vue émotionnel, psychologique, santé, physique,
bref, il y a plusieurs angles à couvrir. Comment voyez-vous, là, dans votre
quotidien, dans votre spécialité médicale... que devons-nous faire pour
s'assurer de mettre les chances de notre côté en fonction des jeunes qui vont
développer de plus en plus des problèmes de santé jeunes, en fonction de... du
point de vue visuel? Comment vous voyez les choses arriver, là?
• (12 h 30) •
Mme Laliberté (Isabelle) : Écoutez,
les études ont sorti. Même avant, tout le monde, quand les écrans ont sorti, on
n'a jamais pensé que ça pouvait avoir... C'est à force de ces années-là. Je
pense que les gens ne le savent même pas. Tu sais, je veux dire, les patients,
quand je demande : Qu'est-ce que tu fais à l'écran pour te coucher... est-ce
que tu fais de l'écran avant te coucher?, ils en font, mais ils ne le savent
pas, ils ne le savent pas que ça perturbe. Donc, je pense qu'il y a un gros
travail de sensibilisation.
Je vous dirais aussi : Il y a un gros
travail pour essayer de diminuer la myopie, on essaie d'avoir... il y a des
outils pour essayer de limiter la progression, sans parler des écrans, là, c'est
un petit peu en dehors du sujet ici, on essaie de développer des traitements
pour freiner la progression de la myopie, qui ne sont pas parfaits. Mais c'est
sûr qu'il faut que les jeunes soient plus sensibilisés. Et, encore là, ils ne
peuvent pas arrêter, mais je pense qu'il faut atteindre l'équilibre.
M. Sainte-Croix : Merci.
M. Lahoud (Salim) : La
prévention est toujours la meilleure solution.
Mme Laliberté (Isabelle) : Exact.
M. Lahoud (Salim) : Ça fait
que, même s'il y a des traitements qu'on pourrait retarder, là, c'est des coûts
quand même élevés pour les patients, pour la société, alors que, là, la
prévention est quand même assez facile, là, tu sais? Il a juste à aller jouer
dehors. Ce n'est pas si facile que ça. C'est comme la publicité, on ne fait pas
l'exercice dans le centre, juste, on marche, là. C'est juste faire un peu
d'exercice dehors, puis ça va faire diminuer beaucoup la progression qu'on a
actuellement. Puis ça va en augmentant, actuellement, là, on voit que les
études montrent que la progression est énorme, là.
M. Sainte-Croix : Voilà,
c'est là où je m'en allais, tu sais, je pense que, dans les dernières années,
j'imagine que, quand vous regardez statistiquement le portrait de votre
clientèle, entre guillemets, il y a une évidence, là, ça va de soi.
M. Lahoud (Salim) : Les
études sont très claires, puis il y en a plein qui <montrent...
>
12 h 30 (version révisée)
<19319
M. Sainte-Croix :
...ça va de soi.
M. Lahoud (Salim) :
Les
études sont très claires, puis il y en a plein qui >montrent que c'est
en croissance, là, c'est évident, là. Puis c'est juste... souvent, c'est une
question d'éducation, c'est une question de méconnaissance, là, un peu, des
patients. Puis il faut travailler là-dessus, en fait, la population, il faut
travailler là-dessus, là, c'est bien important, là.
M. Sainte-Croix : Donc,
au niveau de la santé publique, il y a tout... il y a tout un virage à faire en
termes de pédagogie.
Mme Laliberté (Isabelle) : Oui,
puis avant on ne le savait pas, mais là il y a de plus en plus d'études pour s'appuyer.
M. Sainte-Croix : Exact,
voilà, avec le temps.
Mme Laliberté (Isabelle) : Exact.
M. Sainte-Croix : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Dr Lahoud et Dre Laliberté, pour
votre présence aujourd'hui. Je pense qu'on l'a mentionné la dernière... lors de
la dernière intervention de la FMSQ, là, que c'est manifestement aussi un enjeu
de santé publique. J'aimerais donc vous entendre, donc, sur peut-être, donc,
certaines distinctions, où est-ce que... Évidemment, donc, on pense à notre
génération, donc, nos parents nous disaient, donc, de ne pas rester trop près
de la télévision non plus. Donc, ce lien-là, donc, entre écran et, donc,
performance visuelle, donc, est relativement établi depuis plusieurs années.
Mais est-ce que vous faites un lien... Et là peut-être... vous parliez d'hyperstimulation
du muscle de l'œil au début... en début de présentation, avec la taille des
écrans qui rétrécit. Puis je pense au fait qu'on a fait une tournée dans les
écoles, et c'était plutôt rare que les jeunes nous disaient qu'ils passent
beaucoup de temps devant la télé, là, c'était le gros téléviseur. C'était
beaucoup, bon, les réseaux sociaux, les jeux vidéo, même sur le téléphone.
Donc, ils sont très, très exposés à des écrans de très petite taille. Donc, j'aimerais
peut-être vous entendre un peu plus longuement sur cet aspect-là qui a beaucoup
évolué.
Mme Laliberté (Isabelle) : En
fait, c'est la distance, parce que vous voyez bien de loin. Tous ceux qui ont
des foyers ici ne sont plus capables de voir près, et c'est parce que ce
muscle-là ne fonctionne plus. Chez les jeunes, il fonctionne très bien. Ils
sont capables, des fois... la preuve, votre enfant va vous dire : Hé! regarde,
maman, puis tu n'es pas... moi, je ne suis plus capable de lire. Je dis :
On recule. Donc, ça, c'est la presbytie. Mais les jeunes n'ont pas ça. Donc,
leur muscle pour faire le focus est très fort. Ils mettent leurs écrans très
près. Et ça n'a pas de lien nécessairement avec la grosseur. C'est la distance.
C'est sûr que, si c'est écrit plus petit, des fois, ils vont le mettre plus
proche, mais c'est vraiment la demande de focus que ça fait. En étant toujours
contracté, ce muscle-là, il fait tout le tour de l'oeil à l'intérieur, puis ça
fait comme une pression sur l'oeil, puis ça va faire qu'il va s'allonger. Donc,
ce n'est pas nécessairement... Mais c'est vrai que regarder la télévision de
loin demande moins de cet effort visuel là que l'écran qui est de près. C'est
vraiment la distance où on doit forcer les yeux pour voir.
M. Lahoud (Salim) : Et
la durée aussi.
Mme Laliberté (Isabelle) : Oui,
la durée.
Mme Cadet : Et la durée.
Mme Laliberté (Isabelle) : Exact.
Mme Cadet : Oui, c'est
ça, parce qu'avant il y avait une question d'accessibilité aux écrans, qui
n'est pas la même qu'aujourd'hui.
Mme Laliberté (Isabelle) : Exact.
C'est ça, à l'école, il n'y en avait pas, de télévision, on n'en faisait pas.
Mme Cadet : Il fallait
la rouler dans la classe.
Mme Laliberté (Isabelle) : Exact.
Mme Cadet : Puis aussi,
donc, c'est ça, donc, vous dites : C'est vraiment, donc... c'est vraiment
la question de distance. Ils disent : On ne peut pas vraiment reculer.
Avec la télé, on peut nous dire : O.K., on recule, on ne se met pas aussi
proche, mais avec le petit écran...
Mme Laliberté (Isabelle) : On
peut dire à nos jeunes de se mettre un peu plus loin, mais ça reste que la... c'est
une exposition prolongée, puis il faut quand même qu'il y ait un travail. C'est
sûr qu'une posture, tu sais, un équilibre de positionnement, de mettre les
écrans plus loin, oui, mais je pense que c'est un combat... ce n'est pas un
combat qu'on devrait mener : Mets-le 20 centimètres plus loin. C'est
vraiment sur le temps d'exposition.
Mme Cadet : O.K. Puis
aussi, au niveau de la lumière bleue, parce que vous avez abordé, donc, cet
effet-là, donc, sur l'attention, et, bon, donc, l'exposition à la lumière
bleue, l'impact que ça pouvait avoir, notamment avant le coucher, est-ce que
vous faites des recommandations notamment aux fabricants? Parce que vous l'avez
dit, donc, il va falloir qu'on s'habitue au fait qu'on vit avec les écrans de
façon continue. Ces effets-là, ils sont délétères en petite enfance, mais ils
le sont tout au long de la vie aussi. Donc, est-ce que, donc, dans vos études
ou dans votre association, vous dites : Il faudrait y avoir, donc, d'autres
mécanismes pour que... pour, en fait, évidemment, diminuer le temps d'écran,
mais essayer, donc, de diminuer l'exposition à la lumière bleue en tant que
telle?
Mme Laliberté (Isabelle) : Présentement,
on n'a pas de recommandation. Il faut dire que la lumière bleue, là... on parle
des lumières bleues des écrans, mais la lumière bleue est partout. Toutes les
lumières DEL, c'est de la lumière bleue, en fait. Et, même les jouets
brillants, tout ce qu'il y a dans les chambres, c'est tout de la lumière bleue.
En Europe, il y a des recommandations sur... pour les jouets, le type de
luminosité des lumières bleues, mais souvent ce n'est pas nécessairement le
problème. Vraiment, les lumières bleues plus importantes, c'est les grosses
lampes frontales, les phares d'auto, les choses comme ça. Ce n'est quand même
pas une lumière bleue qui en émet tant que ça, les écrans. Surtout, ils mettent
des filtres, ce n'est pas si... on pense que ça aide, les filtres à lumière
bleue dans les écrans, mais il n'y a pas de recommandation officielle. Mais,
oui, les grades... les lumières DEL, ils ont comme des grades de luminosité de
bleu. Et là on sort un peu du sujet des écrans, mais, dans la lumière bleue des
DEL, quand les <couleurs...
Mme Laliberté (Isabelle) :
...Et
là on sort
un peu du sujet des écrans, mais dans la lumière bleue des
DEL, quand les >couleurs sont chaudes, comme quand on choisit un blanc
chaud, ça a moins... ça émet moins de lumière bleue que les blancs froids. Mais
là c'est vraiment en dehors du sujet des écrans.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Le
temps file, alors je vais passer maintenant la parole à Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. J'avais deux petites questions, par oui ou par
non, pour être certaine que j'avais bien compris. La lumière bleue, ça inclut
la télévision?
Mme Laliberté (Isabelle) :
Oui.
Mme Bogemans : O.K., parfait.
Puis retirer les écrans avant d'aller se coucher, ce serait une heure avant, la
recommandation optimale?
Mme Laliberté (Isabelle) : Ils
font des études pour voir quand est-ce la mélatonine... Déjà, d'arrêter une
heure avant le sommeil aide vraiment à la mélatonine de reprendre. Même des
fois... par contre, il y a certaines études qui montrent que ça ne revient pas
à un si haut taux, là, que si on ne l'avait pas utilisé, mais, oui, ça aide,
d'arrêter une heure avant.
Mme Bogemans : Parfait. Puis
moi, je voulais vraiment savoir c'est quoi, votre opinion sur les casques de
réalité virtuelle, parce que, quand on parle de distance, on ne peut pas avoir
plus près, les tableaux blancs interactifs, qui sont beaucoup plus loin, mais
que c'est quand même un écran présent dans les classes, puis tous les
programmes scolaires de «e-gaming», pour ceux qui en consomment énormément.
Qu'est-ce que... qu'est-ce que vous pensez?
Mme Laliberté (Isabelle) : On
tombe plus dans l'opinion personnelle, parce qu'il n'y a pas toujours des
recommandations sur tout. Les tableaux... les tableaux à l'école, bien, c'est
fait, ça... ils ne sont pas toujours... ils ne sont pas focussés, les jeunes,
ça regarde partout, ça va à leurs livres, ça lève les yeux, donc je ne pense
pas que c'est un problème. Je vous dirais que les jeunes vont surtout se
plaindre un peu de la luminosité. Puis je pense qu'il y a beaucoup
d'informations qui sont mises, c'est... il y a une surcharge visuelle, parfois,
pour les jeunes dans les tableaux. Donc, je ne pense pas... Ça fait partie du monde
moderne.
Après ça, il y avait les casques virtuels,
bien, c'est un écran comme les autres, je veux dire, pas parce que c'est un
écran sur un cellulaire ou un écran de casque virtuel... c'est l'équivalent,
c'est la même chose, pas plus ou moins dangereux, c'est la même chose.
Mme Bogemans : O.K. Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Mme la députée de D'Arcy-McGee.
Mme Prass : Merci, Mme la
Présidente. En parlant de la lumière bleue, on sait que, dans plusieurs écoles,
les écrans sont devenus un outil de travail tout au long de la journée. Et, si
j'ai bien compris, il y a des lunettes qui sont disponibles, je pense, que les
personnes peuvent porter justement pour diminuer l'effet de la lumière bleue.
Parce que je me dis juste : Si les jeunes sont à l'école, est-ce qu'il y a
des lunettes, est-ce qu'il y a une couverture d'écran, quoi que ce soit qui
ferait en sorte que leur exposition serait moindre?
• (12 h 40) •
Mme Laliberté (Isabelle) : La
plupart des lunettes, maintenant, ont un filtre bleu, mais ce n'est pas
vraiment prouvé que c'est efficace, parce que la lumière ne rentre pas juste
là, hein, tu sais, elle rentre partout. Donc, est-ce que la lunette est
efficace? La plupart des experts le recommandent. Est-ce que ça va diminuer les
effets des écrans? On ne le sait pas vraiment. Pour ce qui est des écrans avec
le filtre bleu, possiblement que ça donne un peu moins de fatigue, mais ce
n'est pas ça qui va freiner, mettons, la progression de la myopie.
M. Lahoud (Salim) : Il y a
beaucoup d'études sur la lumière bleue puis l'effet néfaste, mais il n'y a pas
d'études scientifiques qui sont concluantes, actuellement. Mais on sait que...
on sait que ça a un effet, mais il faut le prouver scientifiquement. Puis, à
partir de là, on peut savoir comment on peut prévenir un tout petit peu.
Mme Prass : C'est ça. Et,
pour la question, justement, de la distance, moi, je vous donne l'exemple, moi,
j'ai un petit garçon qui est sur le spectre de l'autisme, qui a toujours son
téléphone qui est juste là, mais on a trouvé des applications qui... quand, je
ne sais pas comment ils font, mais quand ils ressentent que le téléphone est
trop près, bien, ils arrêtent de jouer le vidéo, puis il y a un son pour,
disons, que le parent vienne. C'est sûr qu'au fur et à mesure de la journée ça
va sonner 15, 20, 30 fois, parce qu'il va toujours le ramener, mais
pensez-vous que des applications comme ça peuvent être utiles pour mieux
sensibiliser les parents quand, justement, le téléphone est trop proche?
Mme Laliberté (Isabelle) : Bien,
c'est tout nouveau, là, tu sais, ça fait quelques années que les études
sortent, puis on voit ça. Je ne savais même pas que ça existait, mais, c'est
sûr, il ne faut pas que ça sonne dans une école, tu sais, si les écrans sont
permis, mais, oui, pourquoi pas, si les parents veulent le prendre.
Mme Prass : Et, comme j'ai
dit, plusieurs écoles qui utilisent les écrans, bien, les iPad comme un outil
de... pédagogique. Est-ce que vous avez des conseils à cet égard?
Mme Laliberté (Isabelle) : Même
conseil, je veux dire, l'outil pédagogique peut aider, mais il ne faut pas
remplacer notre journée pédagogique par seulement les écrans. C'est ça, c'est
toujours l'équilibre. Il faut apprendre à vivre avec, ça va être des jeunes qui
vont travailler dans le monde numérique, mais toujours est la balance de ce que
les écoles vont offrir.
M. Lahoud (Salim) : Deux
heures d'activités à l'extérieur.
Mme Laliberté (Isabelle) : C'est
ça. Au lieu d'écouter un film, le vendredi après-midi, avec le professeur,
bien, on pourrait aller jouer dehors.
Mme Prass : Oui. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Oui. Comme le
disait le médecin pédiatre avant vous, on est plus susceptibles d'intervenir
pour empêcher que l'enfant se casse une jambe, qu'il développe de la
dégénérescence oculaire. Ce que j'aimerais vous <parler...
Mme Massé :
...une
jambe qu'il développe de la dégénérescence oculaire. Ce que j'aimerais vous >parler
deux instants, parce que je ne suis pas familière avec ça, mais vous avez fait
état que ça pouvait avoir... les écrans pouvaient avoir, finalement, un effet
sur... potentiel de dégénérescence oculaire. J'ai bien compris, oui?
Mme Laliberté (Isabelle) : Mais
ce n'est pas prouvé encore, c'est chez le rongeur où c'est étudié présentement,
puis on voit une dégénérescence des cellules rétiniennes, mais c'est des
niveaux de lumière bleue beaucoup plus forte que la lumière bleue de nos écrans
présentement.
Mme Massé : O.K., je
comprends. Mais, en fait, ma question était bien simple, c'est : Est-ce
que la dégénérescence peut aussi créer de la cécité, si elle n'est pas prise à
temps, là?
M. Lahoud (Salim) : Si la
myopie augmente de façon importante, là, à partir de moins six, moins sept, là,
le chiffre à peu près, on parle de myopie maligne, l'oeil s'allonge beaucoup
plus, puis la rétine peut être malade. Il peut y avoir une perte de vision
centrale, comme la dégénérescence maculaire qui arrive chez les personnes
âgées. On le voit parfois chez les myopes qui ne sont pas superâgés, là, à l'âge
adulte, qui peuvent perdre la vision centrale, là, puis...
Mme Laliberté (Isabelle) : Mais
pas dans l'enfance.
M. Lahoud (Salim) : Mais pas
dans l'enfance.
Mme Massé : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Alors, des
intervenants avant vous ont dit : De plus en plus, on doit outiller,
sensibiliser. Est-ce que vous avez cette impression-là qu'il y a méconnaissance,
justement, des parents que vous rencontrez, vis-à-vis l'utilisation des écrans
puis l'impact que ça peut avoir sur notamment les yeux, dans votre situation?
Mme Laliberté (Isabelle) : ...ils
ne le savent pas, ils n'ont pas... ils n'ont pas appris. Je veux dire, moi, ils
viennent me voir, puis, pour calmer leur enfant, ils leur donnent le cellulaire
ou j'examine leur enfant, puis eux-mêmes sont dans ma salle en train de faire
du cellulaire. Des fois, ils ne m'écoutent pas parce qu'ils font... le parent
fait du cellulaire. Donc, ils ne le savent pas, puis c'est là qu'on a un gros
rôle à... comme à sensibiliser les familles. Parce que c'est un outil qu'il n'y
avait pas. Moi, mes parents n'en avaient pas, moi, je n'en avais pas. Donc, il
faut apprendre à ces parents-là à... les outiller pour leur dire : Il y a
un effet chez votre enfant, pas seulement chez les yeux, avec tout ce que...
les autres spécialités aussi rapportées, mais ils n'ont pas conscience. Ça me
fait toujours rire quand ils rentrent dans... puis qu'ils font du cellulaire
devant moi.
Mme Tremblay : Oui. Et puis
est-ce que vous voyez plus d'enfants qui doivent porter des lunettes en bas
âge, là, en bas de cinq ans, qu'auparavant? Puis est-ce que vous pensez que
c'est lié à l'utilisation des écrans?
Mme Laliberté (Isabelle) : Ce
n'est pas... la myopie n'est pas seulement due... il y a des facteurs
génétiques.
Mme Tremblay : Oui, il y a
des... vous l'avez parlé tantôt.
Mme Laliberté (Isabelle) : Puis
les facteurs aussi... les Asiatiques ont beaucoup plus de myopie génétiquement.
Donc, les optométristes qui voient beaucoup plus les enfants pour prescrire des
lunettes vont... vous répondraient que, oui, il y a plus de myopie qu'avant.
Mme Tremblay : Qu'avant ou
elle arrive de façon plus précoce.
Mme Laliberté (Isabelle) : Plus
précoce, effectivement.
Mme Tremblay : Puis au
niveau, là... vous avez parlé des troubles plus à long terme, là, tu sais, la
dégénérescence maculaire, des problèmes au niveau de la rétine. Est-ce que ça
aussi, dans le temps, vous voyez plus de jeunes adultes qui peuvent commencer,
justement, à avoir cette dégénérescence-là? Mais là vous dites que, là, vous
êtes... on est au début dans les études.
Mme Laliberté (Isabelle) : On
est au début, pour l'instant, non. Puis ça existe déjà, la dégénérescence
maculaire. Donc, est-ce qu'on va pouvoir dissocier? En fait, on va voir...
quand c'est... tous nos jeunes qui ont utilisé les écrans vont être rendus une
personne âgée, c'est là qu'on va pouvoir avoir la réponse, en fait.
Mme Tremblay : Puis on ne
l'aura pas tout de suite parce que c'est plus...
Mme Laliberté (Isabelle) : On
ne l'aura pas tout de suite, c'est nouveau, c'est trop nouveau.
Mme Tremblay : Oui, c'est ça,
exactement.
Mme Laliberté (Isabelle) : On
n'a pas encore de personnes âgées qui ont vécu avec... dans l'enfance avec les
écrans.
Mme Tremblay : Ça fait que ça
va prendre plusieurs années. Merci beaucoup.
M. Lahoud (Salim) : C'est un
début d'épidémie.
Mme Laliberté (Isabelle) : C'est
ça, c'est un début.
Mme Tremblay : C'est un
début.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions de la part des membres de la commission? Moi,
j'avais une question. Vous parliez justement de l'augmentation de la myopie à
l'échelle mondiale. Donc, on comprend que le phénomène est vraiment mondial.
Donc, est-ce que vous avez des discussions avec certains... certaines facultés
à l'international ou certains de vos collègues?
Mme Laliberté (Isabelle) : Bien,
pas nécessairement personnellement, mais les études se passent beaucoup en
Asie, en Chine, parce qu'eux, ils ont beaucoup de myopie. Donc, est-ce qu'on
peut toujours... ce n'est pas toujours notre population, est-ce qu'on peut
toujours... Mais eux font des études, c'est rendu qu'ils font des études qui
examinent les enfants qui sont allés jouer dehors à la récréation versus non,
puis ils voient une différence. Donc, ils font vraiment, vraiment beaucoup
d'études en Chine, c'est eux qui nous rapportent.
Puis, je veux dire, c'est partout, ce
n'est pas juste au Québec, ce n'est pas juste en Amérique du Nord, c'est en
Europe aussi. C'est pour ça qu'ils essaient... beaucoup de compagnies essaient
de développer des produits pour essayer de stopper, mais, nous, ce qu'on
voudrait, c'est la prévention, arrêter avant.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
D'autres interventions? Alors, merci beaucoup pour votre contribution à ces
travaux.
Donc, pour ma part, <j'ajourne...
La Présidente (Mme Dionne) :
...
merci
beaucoup pour votre contribution à ces travaux.
Donc, pour ma part, >j'ajourne
les travaux... je suspends les travaux, pardon, jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
13 h 30 (version révisée)
(Reprise à 14 h 01)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
bonjour, très chers membres. Donc, nous avons le quorum.
Donc, la commission spéciale sur les
impacts et les écrans... et les réseaux sociaux, pardon, sur la santé des
jeunes reprend ces travaux. Donc, nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur les impacts des écrans et réseaux
sociaux sur la santé des jeunes.
Donc, cet après-midi, nous aurons le
privilège d'entendre les témoins suivants : donc, Pre Audrey-Ann Deneault,
Dr Jean-François Chicoine, ensuite M. Benoit Gauthier, candidat au
doctorat en sciences humaines appliquées et chargé de cours, et Mme Céline
Castets-Renard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit
international.
Donc, nous accueillons maintenant Mme Audrey-Ann
Deneault, donc, qui est professeure adjointe au Département de psychologie de l'Université
Laval. Donc, bienvenue parmi nous, Mme Deneault. Donc, je vous rappelle,
vous avez... vous disposez de 10 minutes pour vous présenter et nous faire
part de votre exposé. Ensuite de cela, on procédera à une période d'échange
avec l'ensemble des membres de la commission. Alors, la parole est à vous.
Mme Audrey-Ann Deneault
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je tiens d'abord à vous remercier ainsi que les
membres de la commission spéciale de l'opportunité d'être avec vous aujourd'hui.
J'aimerais me présenter. Je suis professeure en psychologie à l'Université de
Montréal, et, depuis plus de 10 ans, mes travaux de recherche portent sur
le contexte familial pouvant supporter ou nuire au bien-être des enfants et des
jeunes. Dans le cadre de mes <travaux...
>
14 h (version révisée)
< Mme Deneault (Audrey-Ann) :
...au
bien-être des enfants et des jeunes. Dans le cadre de mes >travaux, je m'intéresse
notamment au numérique dans le cadre des relations parents-enfants.
Avant de commencer, je veux déclarer que
je n'ai aucun conflit d'intérêts et que mes travaux de recherche sont financés
par voie de concours par des organismes indépendants.
Dans le cadre de cette commission, vous
avez pu entendre l'opinion de divers experts et intervenants qui ont souligné
que le numérique peut avoir un effet néfaste sur la santé et sur le
développement des jeunes. Plusieurs d'entre eux ont certainement recommandé de
limiter le temps d'écran des enfants, par exemple. Aujourd'hui, j'aimerais
aborder un autre morceau du casse-tête, soit l'influence des parents. J'aimerais
défendre l'idée qu'il serait difficile de limiter les effets néfastes du
numérique sur les enfants si on se concentre uniquement sur leur utilisation d'écrans
à eux. Spécifiquement, je vais expliquer pourquoi il est important de considérer
l'utilisation numérique des parents aussi.
Je vais commencer par vous présenter des
données concernant la fréquence d'utilisation des écrans chez les parents puis
vous présenter trois points centraux : d'abord, que les parents sont un
modèle pour leurs enfants quant à l'utilisation d'écrans, que les écrans
interfèrent dans les relations parents-enfants et ainsi nuisent à la santé
mentale des enfants, et que les parents partagent des informations sur les
réseaux sociaux qui peuvent nuire à la santé mentale des enfants. Je vais
conclure en abordant des recommandations potentielles.
Donc, il est d'abord important de
reconnaître que l'utilisation fréquente du numérique, ce n'est pas quelque
chose qui est unique chez les enfants, et que les parents sont aussi
régulièrement sur leur téléphone, sur un ordi, etc. Il est aussi bien de se
souvenir que, de nos jours, les parents de jeunes enfants, bien, c'est... ce
sont des gens qui ont grandi avec le numérique. L'enquête québécoise
NETendances a d'ailleurs trouvé que, chez les personnes en âge d'être parents,
ce sont 98 % d'entre eux qui possèdent un appareil électronique portatif.
Une étude récente a d'ailleurs démontré que les parents de jeunes enfants
passent en moyenne plus de cinq heures par jour sur leurs téléphones cellulaires.
Selon cette même étude, les parents passeraient 27 % du temps qu'ils sont
avec leurs enfants sur leurs cellulaires. Donc, que ce soit à la maison, au
restaurant, au parc ou à l'épicerie, les enfants... les enfants voient
fréquemment leurs parents utiliser des écrans.
Ceci nous mène à la question clé de cet
exposé, donc : Pourquoi cette utilisation d'écrans des parents
pourrait-elle nuire aux enfants? Mon premier point central, c'est que les
parents agissent comme un modèle pour leurs enfants. Plusieurs études ont
démontré une association élevée entre le temps d'écran des enfants et de leurs
parents, et ce, peu importe l'appareil électronique. Par exemple, le temps d'écran
des enfants est de deux à cinq fois plus élevé si leurs parents ont une
utilisation fréquente d'écrans.
On peut se demander ce qui explique cette
association-là. Un concept fondamental en psychologie, c'est que les enfants
apprennent par observation. Dès leur plus jeune âge, les enfants regardent
leurs parents pour comprendre comment interagir avec le monde qui les entoure,
et ainsi les enfants sont influencés non seulement par ce qu'ils... leurs
parents leur disent, mais aussi par ce que les parents font et ce qu'ils voient
d'eux.
En matière d'utilisation d'écrans, ça veut
dire que, si un parent passe une grande partie de son temps devant l'écran,
bien, l'enfant va intégrer ce comportement-là et le considérer comme étant
normal. Si un parent, par exemple, utilise fréquemment son téléphone pendant le
souper, l'enfant pourrait en déduire que c'est un comportement qui est
parfaitement acceptable et le reproduire, lui aussi, dans le futur. Ainsi,
selon moi, si la commission met en place des recommandations pour le temps d'écran
des enfants uniquement, les comportements parentaux ne changeront pas, et ça va
limiter l'effet que ça peut avoir sur les enfants. De plus, on peut imaginer un
parent qui passe plusieurs heures par jour sur son écran dire à son enfant de
ne pas être sur son écran. On s'entend qu'il y a une incohérence là puis que le
message risque de ne pas passer si bien.
Ensuite, mon deuxième point, c'est que l'utilisation
des écrans chez les parents peut nuire à la santé mentale des enfants. En
effet, les écrans peuvent être une source de distraction qui nuit à la
relation. C'est ce qu'on appelle la technoférence parentale, soit l'interférence
de la technologie dans les relations parents-enfants. La recherche démontre que
la technoférence parentale est associée à moins d'engagement du parent, une
capacité moindre à remarquer et répondre aux besoins des enfants, plus de
réponses parentales négatives et un plus grand risque de blessures chez les
enfants. À l'adolescence, la technoférence est associée à plus de conflits
entre le parent et l'enfant et moins de soutien émotionnel du parent.
Le problème ici, c'est que, quand les
enfants n'ont pas une relation positive avec leurs parents ou que le parent ne
répond pas bien aux besoins de l'enfant, l'enfant devient plus à risque de
développer des problèmes de santé mentale, comme la dépression, l'anxiété, l'hyperactivité
et l'inattention. J'ai récemment examiné ce phénomène en étudiant si la
technoférence parentale était associée de manière longitudinale à la santé
mentale de 1 300 préadolescents. Dans l'échantillon, on a environ
60 % des préadolescents qui nous ont exprimé le désir que leurs parents
passent moins de temps sur leurs écrans quand ils sont avec eux. On a <aussi
50 %...
Mme Deneault (Audrey-Ann) :
...
que leurs parents passent moins de temps sur leurs écrans quand ils sont avec
eux. On a >aussi 50 % des préadolescents qui nous ont dit qu'ils
sont agacés par la technoférence de leurs parents au quotidien. En plus, on a
trouvé que la technoférence parentale menait au développement de problèmes
d'hyperactivité et d'inattention chez les jeunes. On a aussi trouvé que,
lorsque les jeunes souffraient d'anxiété, par la suite leurs parents
commençaient à faire plus de technoférences.
Donc, ces résultats-là démontrent le fait
que la technoférence peut mener à des difficultés de santé mentale, mais aussi
que le numérique pourrait servir un petit peu d'échappatoire aux parents
lorsqu'il y a des difficultés de santé mentale. Ce faisant, les parents
pourraient être moins présents pour soutenir les difficultés de santé mentale
qu'on voit chez les enfants.
Et, troisièmement, j'aimerais aborder la
question du partage parental sur les réseaux sociaux. Par «partage parental»,
ici, je parle des parents qui publient des photos, des vidéos ou des anecdotes
de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Ce phénomène-là est assez important,
parce que la recherche estime que les parents partagent, en moyenne, 300 photos
de leur enfant, par année, sur les réseaux sociaux. Pour mettre ça en
perspective, ça veut dire qu'un enfant qui entre à la maternelle aurait
1 500 photos de lui sur Internet.
Bien qu'il existe des enjeux très
importants de protection à la vie privée par rapport à ce partage-là,
j'aimerais aujourd'hui attirer votre attention au risque psychologique de ce
partage parental. D'abord, la recherche montre qu'il y a une association entre
le partage parental et le fait que les jeunes vivent de la cyberintimidation à
cause du contenu qui a été partagé par les parents. De plus, les jeunes
rapportent que, quand le parent partage, ça forge une identité d'eux en ligne,
et une identité qu'eux aimeraient mieux former eux-mêmes. De nos jours, cette
identité-là en ligne peut être aussi importante, sinon plus que l'identité en
présentiel, si on veut. Donc, les jeunes rapportent que ça peut nuire à leur
bien-être psychologique. Et, dans une étude qu'on mène actuellement, on voit
que les jeunes se disent préoccupés du contenu partagé par leurs parents et que
ça pourrait être utilisé contre eux dans le futur. Donc, l'utilisation des
réseaux sociaux des parents pourrait, en soi, nuire au développement de la
santé mentale des enfants.
Donc, pour résumer, on comprend que les
parents jouent un rôle, qui est important, de modèle quant à leur...
l'utilisation d'écrans et que leur utilisation du numérique peut avoir un
impact sur la santé mentale et le développement des enfants. Pour ces raisons,
il est important de prendre une approche de santé publique plus large afin de
limiter les influences des impacts des écrans et des réseaux sociaux sur les
jeunes.
• (14 h 10) •
À cet effet, j'aimerais terminer avec
quelques recommandations. Il me ferait plaisir d'en parler davantage pendant la
période de questions. D'abord, je pense qu'il serait important de lancer une
campagne de sensibilisation à une large échelle aux parents pour les
sensibiliser face à leur utilisation d'écrans et de réseaux sociaux par rapport
à leurs enfants. Je pense qu'il serait également utile d'intégrer un volet sur
l'utilisation des écrans et des réseaux sociaux dans les programmes parentaux,
comme ceux qui sont offerts aux nouveaux parents dans les CIUSSS, par exemple.
Et finalement on pourrait aussi soutenir des espaces sans écrans ou des zones
sans écrans dans des endroits publics, comme des bibliothèques, des parcs, pour
que les parents déconnectent et interagissent avec leurs enfants, et même
promouvoir le droit à la déconnexion des parents, parce qu'on sait que, bien
que parfois les parents pourraient être sur les réseaux sociaux ou communiquer
avec des personnes quand ils sont sur leurs téléphones, bien, ça se peut qu'ils
répondent aussi à des courriels du travail, par exemple.
En somme, si on veut vraiment réduire les
impacts négatifs des écrans, des réseaux sociaux chez les jeunes, c'est
impératif d'adresser l'usage numérique plus large au sein de la société, et particulièrement
auprès des parents. Je vous remercie de votre écoute et j'ai hâte d'échanger
avec vous. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour cet exposé. Je pense que les membres de la commission ont
beaucoup aimé vos statistiques. Alors, je comprends que ce sont des études en
cours, mais, si c'était possible pour vous de nous partager certaines de vos
statistiques, ce serait très apprécié, puis ça nous aiderait dans la réflexion
et la rédaction de notre rapport. Alors, merci beaucoup.
Donc, on va prendre les questions des
membres. Donc, M. le député de Marquette, la parole est à vous.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Bonjour, Mme la professeure. Très, très
heureux de vous avoir avec nous. Merci pour votre témoignage. J'espère qu'il y
a beaucoup, beaucoup de parents qui vous ont écoutée aujourd'hui.
Vous savez que nous, comme... comme
législateurs, ici, on doit remettre un rapport au gouvernement. Il y a
plusieurs éléments qui... sur... dont on doit... on doit regarder, soit la
majorité numérique, au niveau... au niveau également juridique, jusqu'où on
peut aller, légal, on va rencontrer des groupes en ce sens-là aussi. Mais, avec
les parents, vous savez que, pour le législateur, de dire à un papa puis une
maman : Bien là, voici ce que tu dois faire avec ton enfant, ça risque
d'être... d'être moins bien reçu.
Mais avez-vous <quelques...
M. Ciccone :
...voici ce que tu dois faire avec ton enfant, ça
risque d'être... d'être moins bien reçu.
Mais avez-vous >quelques trucs
pour nous, pour qu'on puisse être capables de... d'entrer indirectement, là, ou
de façon hypocrite dans les chaumières pour faire comprendre aux parents que ce
qu'ils font là, parfois, ça ne fonctionne pas? Avez-vous des trucs pour nous
autres?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Oui,
je comprends que c'est... C'est tellement difficile. Je comprends absolument. Puis,
des fois, on fait face à un problème similaire, en tant que chercheurs, où on a
le même but de parler aux parents de ces dangers-là.
Ça peut être difficile d'entrer dans les
chaumières, comme vous le disiez, mais je pense qu'il y a des campagnes de
sensibilisation qui ont été très efficaces dans d'autres pays. Je parlais
notamment à une journaliste en France, qui me disait : Ah! mais les parents
le savent maintenant, on a fait tellement de campagnes de sensibilisation, on
veut... on n'en fait plus, du partage sur les réseaux sociaux. J'avais trouvé
ça intéressant, que, là-bas, on avait déjà cette perspective-là, on en entend
parler régulièrement, tandis qu'ici je ne pense pas qu'on a autant ce
message-à.
Et, si je peux faire une une comparaison,
il y avait une campagne publicitaire, récemment, de Naître et grandir, qui
parlait de la compétition entre les parents. Peut-être que vous l'avez vu à la
télé? Mais c'était une mise en scène de parents qui surenchérissaient en disant :
Ah! mon enfant peut lire tout ça. Je trouvais que c'était une belle façon de
capturer l'attention des parents puis de les faire réfléchir. Parce que je
pense que vous avez raison qu'en tant que législateurs il y a des limites à ce
que vous pouvez faire. On ne peut pas forcer les parents à faire des choses.
Mais, déjà, implémenter cette idée-là chez les parents, cette réflexion, ça
pourrait être quelque chose d'utile. Puis je pourrais facilement voir des, tu
sais... évidemment des annonces à la télé, mais aussi des affiches, peut-être,
dans des lieux publics, des slogans, là, c'est... des idées comme : Votre
présence compte plus qu'un écran, des choses comme ça, des petits messages qui
pourraient accrocher les parents. Et, d'intégrer ça dans les cours parentaux,
je pense que ça ferait une différence. Parce qu'être parent maintenant, c'est
très différent d'être parent voilà 20 ans, mettons.
M. Ciccone :Oui. Bien, vous parlez... vous misez beaucoup sur la
sensibilisation, mais il y a plusieurs façons de sensibiliser. Vous en avez
donné quelques exemples. Parfois, on va utiliser des méthodes un peu plus
chocs, plus en douceur. Avez-vous des données à l'effet... quel genre de
sensibilisation qu'on pourrait faire avec les parents qui fonctionnent le plus?
Parfois, quand on leur fait peur, oh! ils réagissent. Puis ça dépend dans
différentes... dans différentes sphères aussi, là, des fois, ça marche, des
fois, ça ne fonctionne pas. Avez-vous une expertise là-dedans ou des études?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Je
vous dirais qu'au niveau de la... de tout ce qui est numérique, c'est encore
tellement nouveau qu'il n'y a pas nécessairement de données par rapport à ça.
Mais ce qui est clair, c'est que je pense qu'il y a beaucoup de parents qui ne
savent pas à quel point ça a un impact. Et l'expérience que j'ai eue, moi, en
parlant des données qu'on a recueillies, au fil du temps, à des parents, des
groupes, même dans les médias, ils ne savent pas que ça peut avoir cet
effet-là, par exemple, sur la santé mentale de leurs enfants. Puis je pense que
ça, c'est peut-être un message plus accrocheur que juste dire : Ah! bien,
si vous êtes sur votre téléphone, votre enfant va être sur le téléphone. Je
pense que les parents le savent peut-être intuitivement. Mais savoir le niveau
après, de dire : Ce n'est pas juste ça, mais aussi ça peut nuire à ton
enfant, là je pense que ça, c'était peut-être quelque chose qui allait... qui
irait les accrocher.
M. Ciccone :Ça me va, madame. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci
beaucoup.
Mme Deneault (Audrey-Ann) :
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. Donc, Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui. Bonjour.
C'est vraiment pertinent d'entendre votre message, parce que, ce que vous nous
dites, on l'a entendu dans les écoles : souvent, là, la souffrance des
jeunes qui voudraient avoir l'attention de leur parent, mais malheureusement le
parent est sur l'écran; les jeunes qui voudraient que le parent sorte jouer
dehors, mais le parent est sur son écran. Il dit : Bien, il sort, puis là
le parent est sur son écran, tu sais. Donc, c'est vraiment un phénomène qu'on
constate, là, puis vous, vous l'avez constaté de par les travaux que vous
menez, donc qui a un impact chez les jeunes.
Dans les... parce que vous travaillez dans
le monde de la psychologie, est-ce qu'on... est-ce qu'on commence à voir puis mettre
en place des genres de thérapies familiales? Parce qu'il y a... ça devient un
problème, un enjeu qui n'appartient pas juste au jeune qui est trop sur sa
tablette, mais qui appartient aussi... puis qui a brisé un certain équilibre, à
quelque part.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Je
dirais qu'on n'est pas encore là. Puis c'est un petit peu pour ça que je suis
contente d'avoir l'opportunité de parler à la commission, parce que je trouve
que, dans la société tant que dans les travaux de recherche, on blâme beaucoup
les enfants. Puis on fait, par exemple, des thérapies pour les enfants, mais,
si on n'adresse pas l'enjeu un peu plus systémique, ça ne peut pas fonctionner
à long terme. Donc, je vous dirais que c'est encore limité à ce niveau-là.
Mme Tremblay : Puis là vous
avez parlé du partage parental. Moi, c'est la première fois, là, que...
qu'on... que j'en entends... Bon, j'avais déjà vu des petites choses, mais là
vous avez bien ciblé l'enjeu. Mais on en parle peu au Québec, par rapport à ce
que vous avez dit, là, en France, qu'est-ce qui se fait, puis ça,
nécessairement, là ça a des conséquences qui sont... qui peuvent être <majeures...
Mme Tremblay :
...qu'est-ce
qui se fait, puis ça, nécessairement, là ça a des conséquences qui sont... qui
peuvent être >majeures. Vous l'avez nommé, là. Vous parlez de... tu
sais, ça forge une personnalité à un... déjà à un enfant puis ça peut avoir des
impacts sur son développement.
Est-ce que vous iriez à dire qu'on devrait
faire des recommandations en lien avec ça puis dire que c'est fortement
déconseillé? Tu sais, là on est encore dans la prévention, puis tout ça, mais
est-ce qu'on devrait aller jusqu'à dire que c'est... ça serait fortement
déconseillé aux parents, justement, de partager l'image en trop bas âge de leurs
enfants? Puis, jusqu'à 300 fois, là, c'est quand même des chiffres qui
sont... qui parlent, là, ce que vous avez nommé.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Moi
personnellement, je pense qu'il y a lieu d'avoir des recommandations, sans
nécessairement déconseiller, d'au moins sensibiliser à l'idée qu'il faut penser
aux retombées pour l'enfant puis ce que ça pourrait amener, et, quand les
enfants sont plus vieux, aller chercher le consentement. Parce qu'il y a
beaucoup de parents... — je pense que les statistiques, c'est
30 % — n'ont jamais demandé à leurs enfants le consentement pour
mettre leurs photos en ligne. Quand leurs enfants sont... par exemple, ils ont
15 ans, on s'entend qu'un enfant de 15 ans pourrait te donner un
consentement. Même à huit ans, il pourrait le faire. Ça fait que je pense qu'il
y aurait lieu de le faire. Surtout que... Parfois, on s'entend que les parents
partagent des photos qui peuvent être un anniversaire, des choses comme ça,
mais il y a aussi du matériel qui est sensible puis qui est régulièrement
publié, puis ça a vraiment des risques pour les jeunes au niveau de leur santé
et de leurs données.
Et, les chiffres en France, j'ai essayé de
vous les trouver pour vous, mais, dans les lois qui ont passé en France par
rapport à ça, ils disaient que 50 % du matériel qui est pornographique est
originaire d'un parent qui a mis en ligne. Ça fait que, des fois, ça va être
des parents qui vont mettre des enfants qui sont dans des positions un petit
peu, disons, inconfortables ou, tu sais, comme privées sur un forum, en disant :
Ah! est-ce que... Tu sais, il a quelque chose sur la jambe. Est-ce que...
C'est-tu un problème? Mais on voit l'enfant qui peut être nu, par exemple. Ça
fait que ça, c'est un côté extrême, là, que je vous dis.
Mais, pour revenir au centre... à la
centrale de l'identité, moi, je pense que, oui, il devrait y avoir des
recommandations qui sont faites de penser aux conséquences pour l'enfant puis
de ne pas en mettre trop. Tu sais, comme, une photo d'un anniversaire, ça va,
mais 300, des fois, où... tu sais, on voit des albums avec beaucoup de photos,
ce n'est peut-être pas nécessaire.
Mme Tremblay : Oui. Bien,
quand ils sont plus vieux, ils nous le disent : Maman, tu ne peux pas
mettre ça sur les réseaux sociaux. Ils nous gèrent là-dessus. En tout cas, les
miennes le font très bien, j'ai des avertissements de ce côté-là. Mais, c'est
vrai, quand ils sont jeunes, ils n'ont pas... ils n'ont pas cette possibilité-là,
de s'exprimer en lien avec ça.
Ce que vous avez dit, là, sur les images,
là, j'imagine que les parents, ils le font mais sans vraiment être
nécessairement conscients que ça va amener à ça, évidemment, là, mais c'est
quand même une réalité.
En terminant, la majorité numérique, je ne
sais pas si vous avez une expertise là-dedans, mais est-ce qu'on devrait
arriver avec une majorité puis faire en sorte que les jeunes arrivent plus tard
sur les réseaux sociaux?
• (14 h 20) •
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Je
pense que c'est une bonne idée, mais je me questionne toujours : En
pratique, est-ce que ça va fonctionner? Je vous dirais que c'est un peu mon
inquiétude par rapport à ça, parce qu'il y a des façons, quand il y a des
règles comme ça, de les contourner. Et parfois je sais que certains sites, ils demandent,
par exemple, une preuve d'identité, qu'on a l'âge, mais, dans ces cas-là, je me
questionne toujours par rapport aux données des enfants qu'on mettrait
peut-être sur les plateformes de... tu sais, comme Meta, etc. Donc, je pense
qu'il peut y avoir du bon à ce que les enfants se joignent plus tard sur les
réseaux sociaux. Je ne pense pas que ça va nécessairement tout régler parce
qu'il y a d'autres formes de numériques et parce qu'en pratique je ne sais pas
si ça va fonctionner pour beaucoup de jeunes.
Mme Tremblay : Parfait.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Je
trouve ça vraiment intéressant, ce que vous dites, parce qu'après une tournée
d'écoles, à la rencontre de plus de 500 jeunes, lorsqu'on parlait de la...
des habitudes des parents, je vous le dis, les classes s'enflammaient, et
d'autant plus que même les jeunes, eux autres mêmes, ne publient pas de photos
d'eux. Donc, je trouve ça très intéressant, là, ce que vous rapportez.
Je passe maintenant la parole à Mme la
députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Effectivement, donc, dans la tournée des écoles, on a beaucoup
entendu la question des parents, des jeunes qui... des préadolescents et
adolescents qui voulaient passer plus de temps avec eux.
Merci pour votre exposé, Pre Deneault,
donc, sur les questions, donc, de mimétisme, de technoférence parentale et de
partage parental sur les réseaux sociaux.
Sur la technoférence parentale, c'est un
sujet dont j'avais brièvement entendu parler auparavant, mais je pense que vous
avez amené, donc, des données supplémentaires extrêmement intéressantes pour
nous. Peut-être deux questions sur ce... sur cet aspect-là. Est-ce que... Justement,
dans vos études, vous avez une certaine, donc, recommandation d'heures, hein,
parfois. Vous avez... Enfin, je pense que vous avez suivi les travaux de notre
commission. Donc, on nous fait, donc, des recommandations du nombre d'heures
passées devant les écrans, selon la tranche d'âge, selon le développement de
l'enfant, du jeune, mais, pour les parents, justement, considérant les impacts
liés à la technoférence parentale et au mimétisme, donc, que les enfants
voudraient reproduire ces comportements-là, est-ce qu'il y a des
recommandations que vous pensez qui devraient être faites, en termes de nombre
d'heures passées devant les écrans, pour les parents?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : C'est
sûr que c'est difficile de limiter le nombre d'heures des parents parce qu'ils
vont dire : <Ah...
Mme Deneault (Audrey-Ann) :
...c'est
difficile de limiter le nombre d'heures des parents parce qu'ils vont
dire : >Ah! parfois, c'est le travail, d'autres raisons, ça fait
que c'est pour ça que, des fois, ça pourrait être pertinent. Mais je pense que
les parents, ils devraient s'assurer qu'au moins une partie de leur temps
qu'ils passent avec leur enfant, chaque jour, est sans écran. Et le nombre
d'heures devient difficile, parce que certains parents vont passer une heure,
peut-être, avec leurs enfants, d'autres, quatre. Donc, je pense que ce serait
plus de s'assurer qu'une certaine proportion de temps soit vraiment avec,
disons, le téléphone dans une autre pièce complètement, qu'on l'oublie puis
qu'on soit vraiment concentrés. Ça fait que je pense que ce serait plus au
niveau de s'assurer que chaque jour, il y ait du temps de qualité sans écran,
je le mettrais peut-être un petit peu plus comme ça.
Et je vous dirais, par rapport à la notion
d'âge, que c'est quelque chose qui est important à tous les âges aussi, parce
que, je le dis en tant qu'adulte, souvent, là, si votre conjoint ou conjointe
fait de la technoférence, parce que ça se peut aussi dans les relations de
couple, on sait que c'est frustrant aussi. Mettons que... que l'enfant ait
quatre ans, que l'enfant ait 14 ans, je pense que c'est un phénomène qui
est quand même très frustrant, comme vous l'avez entendu dans beaucoup
d'écoles.
Mme Cadet : Oui. Aussi, lors
de la première phase de consultations, donc, certains intervenants, il n'y
avait pas nécessairement unanimité là-dessus, là, mais certains intervenants
faisaient la distinction entre le nombre d'heures passées devant les écrans de
façon ludique et les autres, donc pour le travail ou... ou, en fait, surtout
dans le contexte scolaire, là, pour l'école, donc à des fins éducatives. Donc,
vous, si j'ai bien compris ce que vous nous avez exposé, l'impact sur la santé
mentale de l'enfant, au niveau de la technoférence parentale, ça, ça ne fait
aucune différence, là, que le parent soit lui-même devant Fortnite ou qu'il
soit en train de travailler, là.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Non,
c'est ça. Pour l'enfant, ça reste le fait qu'il n'est pas une priorité dans ce
moment-là puis que le téléphone ou le... peu importe ce que c'est, est plus
important qu'eux. Mais une petite nuance que je vais faire aussi par rapport
aux écrans... Vous disiez «façon ludique», «travail». Une chose qui peut être
utile, c'est quand même les parents et les enfants qui, par exemple, écoutent
un film ensemble ou une émission. Ça, dans la littérature, on distingue ça
parce que, souvent, ça devient des opportunités de connexion, donc, si on voit
quelque chose d'intéressant : Ah! tu as-tu vu? Ça, ça ressemble à x personne
qu'on a vue. Donc, ça, c'est quelque chose qui serait différent. Mais, si c'est
un parent qui est vraiment sur son téléphone, peu importe ce qu'il fait, il n'est
quand même pas avec son enfant. Son enfant ne se sent pas regardé, si on peut
dire, dans ce moment-là.
Mme Cadet : Merci. Dernière
question ici. On a entendu aussi parler, au niveau du développement des
enfants, de l'impact du nombre passé devant les écrans au niveau de la gestion
des émotions, et là je me demandais si... c'est parce que... En fait, on
parlait, donc, de cinq à six heures par jour que des jeunes adultes peuvent
passer devant les écrans. On sait que, les adultes aussi, là, ça peut
ressembler à ça, le nombre d'heures. Est-ce qu'il y a un certain impact au
niveau de la gestion des émotions? Ce que je pense qu'on nous parlait, donc,
les parents, au niveau de la technoférence parentale, bien, ça peut avoir une
incidence sur la patience avec les enfants. Ça fait que je me demandais si ce
lien-là, il avait été fait dans la littérature.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Oui,
absolument. Ce lien, il est quand même bien établi, malgré le fait que c'est
une littérature qui est quand même jeune. Ça démontre que les parents, souvent,
deviennent plus fâchés quand les parents... les enfants s'adressent à eux. Ça
fait que, si, par exemple, un enfant demande plusieurs fois l'attention, le
parent est absorbé, bien, quand, une fois... le parent va déposer son
téléphone, bien, il va être moins, comme vous le disiez, patient. Ça va être
plus comme : Qu'est-ce que tu veux, là? Ça va aller plus dans...
directement dans une émotion négative. Ça fait que c'est... ça peut avoir des
effets sur la régulation émotionnelle, tant des enfants que des parents.
Mme Cadet : Vraiment
intéressant. Est-ce que j'ai le temps pour une dernière, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Dionne) : Une
dernière.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Au niveau du partage parental sur les réseaux sociaux, vous nous avez
beaucoup... en fait, vos recommandations portaient sur le... sur les campagnes
de sensibilisation. Au-delà de ce type de campagne là, est-ce qu'il y a des
juridictions qui l'encadrent ou, disons, qui encadrent plutôt, donc, les
plateformes elles-mêmes pour s'assurer que, bon... Par exemple, la plateforme
pourrait demander aux parents le consentement. Je donne un exemple comme ça,
là. Mais est-ce que ce... cet encadrement-là existe ailleurs?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Je
pense que l'encadrement, présentement, se fait davantage au niveau du droit de
l'enfant à être oublié, donc de demander aux plateformes de retirer les... ce
qui est «posté» ou mis en ligne par les parents, qui est déjà bien, parce
qu'actuellement les lois canadiennes ne sont pas superbonnes à cet effet-là.
Donc, les enfants peuvent demander, si je ne me trompe pas, jusqu'à 18 ans,
d'être retirés, mais, après 18 ans, ils ne peuvent plus le demander. Donc,
c'est un peu spécial, où, tu te dis, quand l'enfant a peut-être un peu plus la
capacité de penser à ça et de réfléchir à son identité numérique encore plus,
bien, à ce moment-là, ils ne peuvent plus demander le retrait de leurs
informations. Donc, je pense qu'à date c'est davantage à ce niveau-là, au
niveau des lois. Mais il pourrait certainement y avoir un encadrement, surtout
par rapport à certaines photos qui sont peut-être un peu soit sensibles ou dans
des contextes honteux pour l'enfant.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Pre Deneault. Merci, Mme la Présidente.
Mme Deneault (Audrey-Ann) :
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Maintenant, la... Mme la députée de <Sainte-Marie—Saint-Jacques...
La Présidente (Mme Dionne) :
...la...
Mme la députée de >Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Oui. Merci.
Bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation. C'est intéressant de voir
l'interpellation que vous faites, en fait, d'une forme de cohésion. Vous nous
interpelez à la cohésion, à la cohérence. C'est-à-dire que, oui, on peut bien
se préoccuper des enfants parce que c'est préoccupant, mais, puisque l'enfant
apprend principalement par imitation, il y a, veux veux pas, une autre
dimension qu'il faut qu'on questionne, qu'il faut qu'on regarde. De là à
légiférer, c'est une autre paire de manches, je suis d'accord avec le député de
Marquette. Mais, ceci étant dit... Et d'ailleurs le docteur, le pédiatre
Saint-Pierre, de mémoire, oui, qui est venu un peu en amont ce matin, disait
clairement qu'il y a la nécessité que la communauté soit impliquée dans cette
volonté de prendre soin de nos enfants face à la question des écrans.
Ce que je trouve intéressant, c'est que
vous amenez une dimension très spécifique, qui est le temps d'écran des
parents. Alors, je vais commencer par la campagne de sensibilisation. Vous
n'êtes pas la première qui en faites état, mais vous allez loin, hein? Vous
allez quasiment... il faut... il faut peut-être les shaker, je prends mes mots,
vous n'avez pas dit ça de même, mais, tu sais, comme créer un éveil, un éveil
que tu ne peux pas demander à tes enfants ce que toi-même, tu ne peux pas
faire. Alors, je trouvais ça intéressant. C'est une dimension...
Mais j'avais envie... je ne sais pas si
vous avez... ça me surprendrait, là, mais vous avez fait état de la question de
la... la raison pour laquelle les parents sont sur leurs cellulaires. Et une de
ces raisons-là, c'est bien sûr le travail, l'exigence des employeurs que tu
nous répondes à toute heure du jour, et tout ça. Là-dessus, est-ce que vous
êtes au courant s'il existe, à travers le monde, des droits à la déconnexion,
si on peut dire, par rapport aux employeurs? Est-ce que c'est des choses qui
existent?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Je
sais qu'il y a des initiatives qui sont lancées. Je sais que le député d'Hochelaga-Maisonneuve
avait d'ailleurs fait un projet de loi à cet effet. Je pense qu'il y a des
initiatives, mais souvent les compagnies ne sont pas nécessairement forcées,
après, d'établir, par exemple, un plan et de... que leurs employés n'aient pas
à répondre à leurs courriels après 5 heures.
Je pense qu'il y a aussi une culture plus
large, là, on va un petit peu au-delà de la commission, mais de productivité
dans notre société, qui fait en sorte que, même si on a un droit à la
déconnexion, parfois, pour avancer, les gens sentent qu'il faut peut-être
qu'ils en fassent le soir quand même pour réussir à aller de l'avant. Donc, je
pense qu'il y a quand même lieu, peut-être, de renforcir ce droit-là, qui est
autant pour les enfants, les écrans, mais juste... de façon générale, les
parents qui passent plus de temps avec leurs enfants, bien, c'est une bonne
chose. S'ils peuvent avoir le temps d'aller dehors, d'aller au cinéma, de faire
des activités, ça peut être quelque chose qu'on veut promouvoir, grâce à un
droit à la déconnexion, par exemple.
• (14 h 30) •
Mme Massé : C'est
intéressant. C'est comme un... Ce n'est pas la baguette magique, on s'entend,
mais c'est comme un élément qu'on ne peut pas fermer les yeux, parce que,
justement, ça prive du temps de présence qui... là-dessus, vous semblez être
assez d'accord, tout le monde.
Je reviendrais aussi sur la question de...
parce que ça a été évoqué ce matin très clairement, comment, chez les enfants,
le temps d'écran contribue à développer toutes sortes d'enjeux, de défis, dont
notamment au niveau de la santé mentale et des troubles de comportement. Est-ce
que vous partagez aussi cette analyse-là?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Oui.
C'est ce que la littérature dit. Il y a eu des méta-analyses qui ont été faites.
Donc, ils ont fait des synthèses de plusieurs études à travers le monde, et il
y a des associations qui sont claires à ce niveau, selon moi.
Mme Massé : O.K. Il y a eu
d'ailleurs, ce matin, une recommandation. C'étaient les médecins spécialistes
qui venaient nous dire qu'il faut même songer à développer des mécanismes pour
contrer les propagations de fausses informations ou, je dirais même, là,
contrôler un peu plus les... «bloquer», qu'ils disent, c'est leur mot, les
contenus à caractère sexuel violent justement parce que ça imprime. Vous, comme
psychologue, est-ce que vous pensez aussi que c'est quelque chose d'important?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Oui.
Je pense qu'il y a beaucoup de contenu en ligne qui peut avoir des retombées
néfastes pour les enfants. Ça, c'en fait partie. Il y a aussi beaucoup de
discussions par rapport aux jeunes filles qui voient des images qui peuvent
être difficiles à atteindre puis l'impact sur l'estime de soi. Ça fait que ça,
c'est aussi quelque chose qu'on voit beaucoup. Donc, je pense qu'il y aurait
lieu, certainement, de voir ce qui peut être fait par rapport au contenu en
tant que tel, parce qu'il reste que, même si on <met...
>
14 h 30 (version révisée)
< Mme Deneault (Audrey-Ann) :
...ce
qui peut être fait par rapport au contenu en tant que tel parce qu'il reste
que, même si on >met des recommandations en place de pas de temps
d'écran, par exemple, bien, on sait qu'elles ne seront pas toujours suivies. Présentement,
il y en a, et les enfants sont quand même beaucoup sur les écrans. Ça fait que
c'est bien d'avoir une approche, selon moi, qui est à plusieurs niveaux. Comme
ceci, au moins, ils sont sur les écrans, mais on peut aller limiter ce à quoi
ils sont exposés.
Mme Massé : Bien, j'aurais comme
juste une dernière question, parce que vous en avez un peu fait état,
c'est-à-dire que c'est sûr qu'on se bat contre des... «on se bat»... en tout
cas, c'est mon sentiment, contre des grosses machines, hein? Tu sais, ici, on
parle des GAFAM, notamment, et c'est clair que, si on veut agir, on n'a pas le
choix, à un moment donné, de devoir faire en sorte de contraindre… Vous avez
parlé de l'identité, par exemple, dire : O.K., on a une identité juridique,
comment je le démontre, bien, je le démontre en démontrant mes informations
personnelles. On va donner ça à Meta? Bien, voyons donc! Alors, vous soulevez
vraiment de belles questions.
Mais je reviens encore aux médecins
spécialistes qui, eux, disaient «incitez». D'ailleurs, s'ils avaient pu, ils
auraient dit «obligez», ça, c'est ma compréhension, mais ils ont dit «incitez».
On a peur de s'asseoir devant ces grands conglomérats là, les grandes
plateformes… à agir de telle x affaire. Est-ce que vous croyez que, si on
allait, si on allait vers une identité, il va falloir… on n'aura pas le choix,
cette fois-là, de forcer les grandes plateformes à protéger les renseignements
personnels?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Oui,
bien, je pense que, si ça va dans cette direction-là, il faudrait absolument qu'il
y ait cette composante-là de s'assurer que les données soient vraiment
protégées, parce que c'est des compagnies qu'on sait qui font beaucoup de
choses en secret, disons-le, et je ne voudrais pas que les données personnelles
de nos enfants, de nos jeunes, surtout si on parle de, justement, juridique,
soient encore plus détenues par ces compagnies-là qui… Il faut le dire, tout le
partage parental, c'est quand même ces compagnies-là, à la fin de la journée,
qui ont les droits vers les photos des parents aussi. Donc, il y a quand même
déjà un certain caractère qu'il faudrait peut-être voir par rapport aux droits
des enfants à ce niveau-là, mais, si on va dans le juridique, il faudrait que
ça fasse partie…
Mme Massé : Bien, je vous
remercie beaucoup. C'est vraiment gentil.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Merci.
Mme Massé : Bonne fin de
journée.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci, Mme la
Présidente. Moi, comme vous êtes psychologue… Puis je sors un petit peu de ce
que vous avez présenté, mais je fais aussi un lien avec ce que les médecins
spécialistes nous ont dit sur la perception de sécurité de nos enfants. C'est-à-dire
que, quand ils jouent à l'extérieur, grimpent dans un arbre, font de la
trampoline, font du vélo, bon, il arrive un accident… ou même peut
accompagner... moi, je viens d'une ferme, là, les accompagner… les enfants qui
nous suivent, sur la ferme, jusqu'à un certain niveau, s'il arrive un accident,
bien, ça peut être grave. Puis, si on va à l'hôpital puis que, par exemple, sur
la ferme, il y a une blessure avec un enfant, ça peut facilement monter à la
DPJ, dire : Qu'est-ce que l'enfant faisait sur les lieux du travail? La
gravité d'un accident physique à l'extérieur…
Il y a quelque chose qui est profondément
ancré dans notre société, on a l'impression que, quand les enfants sont sur
leurs écrans, ils sont plus en sécurité parce qu'on les voit. Ils peuvent ne
pas se faire enlever. Ils ne peuvent pas se blesser. Mais on voit à quel point
ça peut être dévastateur sur la santé mentale. Je pense que, si on travaille
sur cet axe-là, on va être capables de faire cheminer la société, mais, pour
ça, ça prend un… sans dire aux parents, comme le député de Marquette disait, ce
qu'il faut faire, mais, quand même, une certaine gravité à l'ampleur…
Est-ce que c'est justement le manque de connectivité
parent-enfant? Est-ce que c'est le nombre d'heures que tu ne passes pas ou que
tu es en présence de ton enfant et que tu es non disponible parce que tu es sur
un écran qui pourrait être quantifié comme n'étant pas correct? Tu sais, ça
prend une certaine notion… C'est ce que je veux dire. C'est pour ça que je
parlais, par exemple, d'un accident, un enfant qui joue à la ferme, qui se
blesse puis que ça monte jusqu'à la DPJ. Est-ce qu'il n'y aurait pas une façon
de mettre une sanction grave ou une façon de le normaliser, de le quantifier
dans notre société pour être capable de sensibiliser sur le potentiel risque? Merci.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Merci.
Une première chose que je voudrais dire, c'est que j'ai parlé beaucoup des
risques de santé mentale, mais il y a aussi des risques au niveau de la santé
physique, de la technoférence. Des fois, on n'y pense pas, mais il y a beaucoup
d'études qui font état du fait qu'il y a plus de blessures auprès des enfants. Quand
les parents, bien, évidemment, ils sont sur leurs téléphones, ils ne voient pas
que les enfants se mettent dans des situations risquées. Je pense que ces
situations-là, par exemple, à l'urgence, par exemple, sont juste vues comme
étant : Ah! bien, il y a eu un accident. Et là ça ne fait peut-être pas le
même cheminement, si on veut, qu'un problème, mais, au niveau de quantifier,
selon moi, c'est au <niveau...
Mme Deneault (Audrey-Ann) :
...selon
moi, c'est au >niveau de la connexion, oui. Ça fait que, s'il y a une
façon de quantifier... On parlait du nombre d'heures. Il y a aussi, peut-être,
le... si on voit carrément le nombre de fois que tu es distrait. Ça fait que
peut-être que ça, ça serait une métrique qui serait plus utile pour les parents,
de penser… Si tu as été distrait comme quatre fois dans une heure pendant que
tu interagis avec ton enfant, c'est beaucoup. Tu sais, si on y va de ce
niveau-là, ça pourrait peut-être être une approche qui est intéressante,
quoique je ne sais pas si ça a été utilisé jusqu'à présent, mais, si on veut
aller chiffrer vraiment…
Mme Bogemans : O.K., parfait.
Puis, au niveau de la sensibilisation des parents, j'ai cru comprendre que vous
voulez vraiment miser sur, dans le fond, grossesse, cours prénataux, arrivée du
bébé, là, pour vraiment instaurer dès le départ des bonnes habitudes puis d'être
certain que c'est le meilleur moment. Puis, comme on est quand même dans une
génération... Comme vous l'avez dit, là, les parents eux-mêmes ont utilisé les
écrans, sont exposés. Est-ce qu'on pourrait se servir de la force des jeunes,
le 60 % des préados qui veulent que les parents baissent l'usage, comme
étant des ambassadeurs auprès de leurs parents pour sensibiliser? Est-ce qu'il
y aurait une façon de tourner une campagne de sensibilisation dans ce sens-là?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : C'est
une très bonne idée. En effet, je pense que travailler en jeune âge, ça permet
juste d'établir des bonnes habitudes. Ça fait que c'est pour ça que j'en parle.
Puis, aussi, on sait que des jeunes... par exemple, lors de l'allaitement,
c'est 50 % du temps, je pense, que les parents sont... bien, les mères
sont sur leurs téléphones. Ça fait que ça commence très tôt, mais, comme vous
disiez, peu importe l'âge, c'est quelque chose qui est très important, que ce
soit à l'adolescence ou plus jeune, disons, à l'âge scolaire. Je pense que ce
serait très intéressant d'avoir une campagne avec les enfants. Il faudrait
juste faire attention de trouver une façon que ça ne devienne pas un conflit à
la maison. Donc, si un jeune, par exemple, commence à dire : Bien là, on
m'a dit à l'école que ce que tu fais, ce n'est pas correct, là, ça pourrait
virer un petit peu en conflit. Ça fait qu'il faudrait trouver un angle
d'approche, mais, vous avez raison, les jeunes, ça les dérange, cette
situation-là, comme vous en avez fait état dans les écoles.
Mme Bogemans : O.K. Merci beaucoup.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : M.
le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Je suis persuadé que vous avez vu, en
novembre dernier, là, l'article qui parlait des écrans et des difficultés
d'apprentissage. On voyait des jeunes arriver en maternelle pas capables
d'attacher leurs lacets, n'étaient pas propres, pas capables de peler une
banane. Puis vous nous avez fait état aujourd'hui, là, de la problématique et
du pourquoi qu'on pouvait arriver là avec nos enfants.
Maintenant, en étant une spécialiste dans
le domaine, qu'est-ce qu'on fait pour arrêter l'hémorragie? Vous l'avez bien
expliqué, mais comment est-ce qu'on fait pour ramener nos enfants à un niveau
normal? Puis je ne parle pas de tous les enfants, là, mais les enfants dont on
fait référence ici, là, parce que, là, il nous faut quelque chose pour
ramener... et, s'il y a des parents qui nous écoutent aujourd'hui, là,
qu'est-ce que vous leur dites?
• (14 h 40) •
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Bien,
c'est un très bon point, puis c'est aussi particulièrement important en sortant
de la pandémie, je pense, parce qu'il y a beaucoup de jeunes qui ont fait
l'école à la maison. Donc, on parle des écrans qui causent problème, par
exemple, mais eux, ils ont eu à l'utiliser dans leur vie de tous les jours.
Donc, je pense qu'il faut mettre l'emphase sur…
Premièrement, bien, vous avez vu beaucoup
d'enseignants. Donc, à l'école, il faut qu'il y ait peut-être un rattrapage qui
est fait à ce niveau-là, et parfois aussi penser, dans les écoles, aux messages
qu'on envoie, parce que, là aussi… je n'ai pas été là-dedans, mais il peut y
avoir de l'incohérence par rapport aux écrans, où on fait travailler les
enfants toute la journée sur un écran quand on leur dit de ne pas prendre des
écrans, et miser aussi sur les connexions sociales, je pense, les relations
sociales entre les jeunes, leur donner des opportunités de socialiser avec leurs
parents, avec leurs amis, collègues, parce que c'est vraiment à travers des
relations sociales aussi qu'ils vont pouvoir se développer puis parfois réussir
à rattraper. On sait que la compétence sociale, par exemple, ça prédit beaucoup
de bienfaits à long terme. Ça fait que je pense que ce serait peut-être un
angle qui est peut-être plus facile d'approche que de dire : On va
rajouter un mois d'école cette année pour que les jeunes puissent rattraper.
M. Ciccone :Merci beaucoup, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Est-ce
qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Oui, merci. Merci,
Mme la Présidente. Pre Deneault, je me demandais : Est-ce que vos travaux
ont aussi porté sur l'utilisation des écrans de la part des enseignants? Parce
qu'on a beaucoup parlé d'interdiction du cellulaire à l'école en disant... et
on a visité, donc, plusieurs écoles où, donc, dans certains cas, donc, il y
avait cette interdiction-là de la part des élèves, et souvent, donc, les élèves
nous envoyaient le message qu'ils trouvaient... en fait, qu'ils avaient
l'occasion, donc, de tisser beaucoup plus de liens les uns avec les autres, de
préparer leur bal des finissants.
Donc, ils appréciaient cette expérience-là,
mais aussi, parfois, ils nous disaient : Bien, il y a une certaine
incohérence parce que, bon, nos enseignants, eux, dans les pauses, eux, ils ont
l'occasion de pouvoir utiliser leurs téléphones cellulaires. Donc, est-ce que
vous, vous avez vu… vous avez étudié... ou dans la littérature que vous avez
observée, il y a des questionnements sur <l'impact...
Mme Cadet :
...des
questionnements sur >l'impact que ça pourrait avoir, donc, sur les
élèves d'avoir cette dichotomie-là entre leur propre utilisation des écrans
puis les adultes autour d'eux, au-delà de leurs parents?
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Ce
n'est pas quelque chose que j'ai étudié moi-même, mais, de façon générale, on
sait que, les jeunes, les incohérences ou les injustices, ça leur parle
beaucoup. Donc, c'est certain que, si eux, ils n'ont pas le droit, mais leurs
enseignantes ont le droit, ils vont se demander : Pourquoi est-ce que
c'est si grave pour moi mais pas pour eux? Je pense qu'ils savent que ce n'est
pas juste eux, justement, qui passent des heures et des heures sur les
téléphones. Donc, ce n'est pas facile, encore une fois, d'intervenir peut-être
au niveau des enseignantes, puis il y aurait peut-être des gens qui seraient un
peu moins contents s'il y avait, par exemple, des règles qu'eux, ils n'ont pas
le droit pendant les pauses, mais je pense qu'il y a peut-être lieu, devant les
jeunes, de ne pas mettre dans leur visage qu'eux, ils ont la permission quand
les jeunes ne l'ont pas.
Mme Cadet : Oui, je vous
entends. Il n'y a pas encore de littérature à ce sujet-là. C'est inexistant
pour le moment.
Mme Deneault (Audrey-Ann) : Pas
à ce que je sache, parce que c'est quand même nouveau qu'il y a eu, à la fin, si
on veut, des téléphones dans les écoles, là. Au Canada, par exemple, c'est dans
les derniers mois que ça s'est vraiment mis en branle. Donc, oui…
Mme Cadet : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour votre intervention à ces travaux.
Donc, pour ma part, je suspends les
travaux quelques instants pour accueillir notre prochain témoin. Merci beaucoup
et au plaisir.
(Suspension de la séance à 14 h 44)
(Reprise à 14 h 48)
La Présidente (Mme Dionne) :
La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, je souhaite maintenant la
bienvenue au Dr Jean-François Chicoine. Donc, bonjour, M. Chicoine.
Merci d'être avec nous cet après-midi. Alors, je vous rappelle, vous disposez
de 10 minutes pour vous présenter et nous faire part de votre exposé, et
par la suite on va procéder à une période d'échange avec l'ensemble des membres
de la commission. Alors, la parole est à vous.
M. Jean-François Chicoine
M. Chicoine (Jean-François) : Bonjour.
Mon nom est Jean-François Chicoine. Je suis pédiatre à Sainte-Justine depuis 40 ans,
oui. Je me suis toujours intéressé à plein d'aspects de la pédiatrie, notamment
à tous les aspects de l'éducation, de la parentalité. J'enseigne à l'université
les liens parent-enfant, l'attachement enfant-parent.
Donc, évidemment, l'écran, qui devient une
habitude partagée dans les familles, est quelque chose qui a une incidence
énorme, bien, sur mon travail et sur les familles. Je me suis particulièrement
intéressé au sujet avec mes étudiants à l'Université de Montréal ou avec les
groupes de parents. J'ai aussi préfacé le prochain livre de Jonathan Haidt en
français, Anxious Generation, que vous avez probablement lu dans sa
version anglaise, certains d'entre vous. J'ai aussi travaillé un peu sur la
pornographie en ligne avec la sénatrice Julie Miville-Dechêne pour essayer de
participer au bill qu'elle avait présenté au gouvernement l'année dernière. Et
évidemment, aussi je m'intéresse beaucoup à la télévision, aux images, aux
écrans depuis toujours. C'est aussi une partie de mon travail.
Alors, rapidement, je vais essayer de
faire, en quelques minutes, le tour d'horizon de l'influence des écrans dans le
développement des enfants et dans l'harmonie de leurs familles. Alors, pour
avoir revisé beaucoup les écrits sur le sujet, les écrans ont déjà de l'influence
pendant la grossesse. Il y a des mamans qui en consomment trop et qui peuvent
devenir un peu plus anxieuses avec ça et d'autres qui peuvent, au contraire,
être soulagées, mais on n'a pas de recommandation officielle à faire là-dessus,
sauf que l'abus d'écran pendant la grossesse, il y a des liens maintenant avec
l'augmentation des symptômes de dépression postpartum, et tout, mais rien qu'on
puisse valider dans le pratico-pratique, pour nous, les intervenants.
• (14 h 50) •
Par contre, l'utilisation des écrans, je
me suis beaucoup exprimé là-dessus ces dernières années, lors du boire, que ce
soit l'allaitement ou le boire par quelconque… a un effet extrêmement
détériorant sur la santé des enfants. Alors, je vous rappelle que, dans les
premiers mois de vie, les bébés regardent l'adulte qui leur donne à boire à peu
près le deux tiers du temps. C'est comme ça qu'ils fixent leur attention, qu'ils
fixent leur sécurité affective. Ils commencent à s'apercevoir qu'il y a un plein,
un manque. Cette alternance entre le plein et le manque est hyperimportante et
donne des éléments d'anticipation et de désir au bébé. On s'est aperçu qu'une
personne sur cinq à une sur deux maintenant détourne complètement le regard, ce
qui est très difficile pour le bébé, de ne pas réussir à séduire l'adulte, et
ce qui lui permet, en fait, de détourner le regard.
Beaucoup de liens d'insécurité affective
sont de plus en plus mis de l'avant suite à cette situation-là, et on s'aperçoit,
à quatre, cinq ans, les bébés qui regardent un peu dans le vide et qui n'apprennent
pas à regarder dans les yeux de leurs parents. Je vous rappelle que c'est le
«downloading» de l'information des parents dans le lobe orbitofrontal et
dorsolatéral de l'enfant qui lui permet, en fait, de croire au monde et de
tranquillement se sécuriser jusqu'à l'âge de trois, quatre mois, à partir du
moment où il découvre un peu mieux le milieu. Donc, je pense qu'il sera
important de dire dans les guides de parents, dans les maternités, pour les
infirmières visiteuses : Il ne faut pas utiliser de cellulaires et fermer
les sonneries et les messageries lorsqu'on est en train de faire boire un petit
bébé.
Entre l'âge de zéro et trois ans, les
écrans, aux États-Unis puis en Europe, c'est différent. L'Académie des sciences,
en France, l'association des pédiatres ambulatoires, Boris Cyrulnik même,
aussi, ne préconisent aucun écran avant l'âge de trois ans, plusieurs auteurs
intelligents, intéressants, pas d'écran avant cinq, six ans. Aux États-Unis, ce
n'était pas avant deux ans, et la Société canadienne de pédiatrie a suivi le
deux ans. Avant l'âge de trois ans, un enfant ne doit absolument pas profiter d'aucun
écran. L'enfant, il se développe dans le réel, en trois dimensions, et il se
développe aussi en synchronie. Donc, nous sommes actuellement en synchronie. Il
ne se développe pas d'une manière décalée.
Donc, très clairement, les études au
niveau du développement sensoriel, perceptif et moteur sont très claires. Les
enfants qui regarderaient une heure ou deux d'écran, que ce soit télé,
tablette, télévision, ou téléphone, vont se développer beaucoup plus lentement
que les autres, et vont <avoir...
M. Chicoine (Jean-François) :
...et
vont >avoir plus de maladresse motrice, et éventuellement des problèmes
d'apprentissage, parce qu'on sait que le développement moteur est aussi relié
au développement des mathématiques, par exemple, et de la mémoire. Donc, au
niveau sensorimoteur, c'est assez délétère, mais les études sont très claires
aussi au niveau cognitif. Les bébés qui regardent trop de télévision, qui
regardent une heure ou deux d'images avant l'âge de trois ans, et de téléphone
aussi, ça vaut aussi pour les téléphones et les tablettes, vont se développer
cognitivement beaucoup plus lentement que les autres, vont avoir plus de
problèmes de mémoire et éventuellement plus de problèmes à l'école rendus au
primaire. Le langage est aussi quelque chose qui est très bien décrit. Il y a
une nouvelle étude australienne, qui date de 2024, qui montre qu'un enfant, à
l'âge de deux ans, qui est exposé à des écrans va apprendre à peu près six mots
de moins à la minute. Donc, ça a des effets sur la syntaxe, sur le français,
sur le phrasé.
Et évidemment les effets sont énormes au
niveau social. L'enfant a de la difficulté à croire que c'est dans la relation
humaine qu'il peut être apaisé. Et d'ailleurs il ne réussit pas à être
parfaitement apaisé par des parents qui sont de plus en plus pris sur des
téléphones ou sur d'autres appareils. C'est la notion de «distracted
parenting», de parentalité distraite, qui commence à être mise de l'avant et
elle-même dénoncée par beaucoup de groupes de parents qui considèrent qu'ils
utilisent trop leurs téléphones avec des petits enfants en bas de l'âge de
trois ans. Au Québec, on pense que c'est à peu près... Les enfants vont faire à
peu près une heure à 1 h 30 min d'écran malgré les
recommandations, et surtout les enfants nouvellement arrivés, de familles
défavorisées ou les familles monoparentales.
Entre l'âge de trois à six ans,
l'écran, le problème, c'est beaucoup qu'il va remplacer le jeu libre. On sait
que l'imagination des enfants se développe beaucoup, beaucoup avec rien,
presque avec du rien de leur part. Trois heures par jour, les enfants doivent
jouer librement. Donc, on essaie beaucoup de les surstimuler maintenant et, en
même temps, on les met sur des appareils pour les stimuler de plus en plus. On
sait que ces appareils-là ne vont pas les stimuler. Comme les vieux vidéos,
Einstein ne les rendait pas plus intelligents. Donc, il est hyperimportant de
montrer que les écrans à cet âge-là ont un effet délétère.
Alors, il n'y a pas de raison, selon moi,
de les utiliser dans les CPE. Et on a aussi introduit les écrans dans à peu
près le deux tiers des maternelles au Québec. Alors, comme les enfants, déjà,
regardent, surtout dans les familles défavorisées de Montréal, deux à trois
heures d'écran par jour à cet âge-là, selon moi, il n'y a pas de raison de les
mettre en maternelle, et puis il faudrait pouvoir intervenir là-dessus.
Le problème des écrans et des tablettes en
classe de trois à six ans… Je suis à Sainte-Justine en ce moment. Je viens
de sortir de l'ascenseur, et tout le monde utilisait des écrans pour calmer les
bébés. C'est que, déjà, on leur donne une habitude d'écran et l'habitude d'être
calmés par un objet qui est extérieur à eux. C'est ce qu'on appelle l'effet
«bottom-up», donc du ventre au cerveau, qui fait que, de plus en plus, les
rages, les colères des bébés vont devoir être répondues par un élément externe.
Or, une nouvelle étude, qui a été faite ici, à Sainte-Justine, par Mme Pagani,
vous avez peut-être entendu, qui... montre que l'utilisation des tablettes pour
calmer les bébés à l'âge de trois ans va les rendre encore plus agressifs et
encore plus colériques à l'âge de cinq, six ans.
Vers l'âge de six ans, la situation se
complique beaucoup à cause des habitudes de vie. Alors, on entend souvent dire,
au Québec, qu'il y a de plus en plus de problèmes de santé mentale. Peut-être,
mais je trouve qu'on a de plus en plus de problèmes de santé développementale
et d'habitudes de vie. Alors, entre l'âge de six à 12 ans vont s'étioler
énormément d'habitudes de vie à cause du temps pris par les écrans, entre deux
et trois heures par jour d'écran pour les moins de 10 à 12 ans, et on va
aller vers trois, quatre heures à huit heures par jour, dans les cas les plus
pathologiques, pour les plus de 12 ans.
Donc, ces deux, trois, quatre heures là,
elles viennent prendre la place de plein de choses, premièrement, du jeu, du
jeu extérieur, donc de l'activité physique, qui est en forte diminution surtout
chez les filles. Elles viennent... Elles amènent les enfants vers la
sédentarité, donc vers une prise de poids, qui est assez énorme depuis les 10,
20 dernières années. Elles augmentent la myopie, puisque les enfants
sortent de moins en moins à l'extérieur, sont de plus en plus sur des jeux à
l'intérieur. Elles diminuent le sommeil. Dès l'âge d'à peu près sept, huit ans,
les enfants comme… perdent une heure de sommeil par jour, pour se retrouver
avec 1 h 30 min par jour en moins vers l'âge d'à peu près
12 ans, à cause notamment, bien, de l'utilisation des écrans dans les
chambres à coucher et de différentes choses, alertes ou obsession pour
l'appareil qui est dans la <chambre...
M. Chicoine (Jean-François) :
...dans
la >chambre.
Donc, c'est hyperimportant de comprendre
qu'il y a aussi des séparations de la nature qui se font de plus en plus avec
les enfants, et l'impossibilité de jouer à des jeux à risque, des jeux très
corporels, qui commence à prendre de plus en plus de place.
Les écrans, à cet âge-là, entre six et
10 ans, c'est aussi beaucoup une introduction à une certaine violence. Comme
vous le savez, non, la télévision violente ne rend pas plus violent, mais donne
une ambiance éventuellement amorale ou immorale, qui est énormément surlignée
dans la plupart des jeux vidéo. Les jeux vidéo ont l'effet un peu de la fumée
passive sur les enfants. Donc, il y a une culture immorale, une culture de la
violence qui s'installe et qui met surtout à risque les enfants de milieux
défavorisés, qui auraient déjà des troubles affectifs, des troubles de
comportement, et qui sera... et qui seraient surtout isolés d'une quelconque
façon, et qui auraient aussi plus de troubles développementaux déjà. Donc, on a
besoin d'une signalétique urgente, là, pour les jeux vidéo, pour dire qu'à tel
âge ce n'est pas très bon de regarder Call of Duty, surtout à sept, huit
ans, que ceci peut amener éventuellement à cela.
Importance… Les jeux, comme vous le savez,
c'est deux, trois heures de jeu, mais, rapidement, les jeux ont été conçus pour
en faire des outils de marketing. Donc, de joueur, l'enfant passe graduellement
à consommateur avec de l'argent qu'il doit mettre éventuellement pour pouvoir
avoir des habits et progresser dans certains jeux vidéo. Or, comme vous le
savez, la «gamification» des jeux est faite en fonction de garder les jeunes
joueurs sur place. Alors, il y en a qui restent une heure ou deux, et la
consommation devient parfaitement raisonnable. Ça leur donne aussi du plaisir
et des occasions de faire quelque chose. Mais, rapidement, quand on tombe dans
le trois, quatre heures par jour et que ceci prend la place des activités de
repas, de boire, etc., évidemment, la consommation des jeux vidéo devient un
problème.
Comme vous le savez, la maladie
psychiatrique est catégorisée. Moi, le trouble du jeu vidéo, ce n'est pas
quelque chose que j'ai écrit souvent dans mes diagnostics. Par contre, j'y
parle facilement de pratique excessive ou de pratique pathologique. On peut
dire que 10 %, à peu près, des enfants du Québec ont une pratique
excessive qui met en cause leur poids, leur sommeil, leurs relations familiales
et éventuellement leur scolarité, et on a à peu près un 2,5 % qui tombe
vraiment dans le pathologique. Je vous le dis, moi, j'ai une approche
développementale de ces sujets-là puisque, de toute façon, l'enfant qui est
plus à risque est celui qui a peut-être déjà aussi une famille complexe, ou
déjà un trouble anxieux, ou une condition particulière. Alors, à mesure que...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. Chicoine. C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Je pense que nos
membres ont beaucoup de questions à vous poser.
• (15 heures) •
M. Chicoine (Jean-François) : Oui,
parfait. Si vous voulez que je parle des réseaux sociaux… Je voulais… Je tenais
à parler des plus jeunes enfants parce que je sais que vous avez probablement
parlé des plus grands jusqu'à maintenant. Merci, madame.
La Présidente (Mme Dionne) : Bien,
on va parler des tout-petits avec plaisir. Alors, on va débuter cette
conversation avec M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Premièrement, Dr Chicoine,
je tiens à vous dire que c'est un honneur et un privilège de vous avoir à cette
commission. Vous avez le respect de tous mes collègues, je suis convaincu.
En débutant, vous avez parlé beaucoup du temps
d'écran. Est-ce que... Faites-vous la différence entre les outils pédagogiques…
On a fait le tour des écoles, et, la plupart des écoles, là, le fameux tableau
blanc, là, intelligent, on va travailler toujours face à un écran. Ce n'est
plus la vieille craie avec le tableau vert, là, vraiment, on est toujours les
yeux rivés sur un écran où le professeur va travailler là-dessus. Est-ce que
vous séparez, justement, ces temps d'écran là ou, à la fin de la journée, vous
êtes obligés de les comptabiliser ensemble?
M. Chicoine (Jean-François) : Moi,
je parle toujours de temps d'écran loisir et de temps d'écran pédagogique.
Maintenant, le temps d'écran pédagogique, au primaire, les études montrent
qu'il n'y a pas d'avantage à utiliser des feuilles ou des craies plutôt que des
écrans. On sait très bien que, que ce soit pour la mémoire, la lecture, la
prise de notes, la capacité de faire deux choses en même temps, les écrans
n'ont rien apporté, rien qui a été vérifié, et on s'est trop lancés, tous et
chacun, pas juste le Québec, même la Suède vient de revenir en arrière, là,
vers des éléments électroniques. Mais un bon «flip chart», et puis des craies,
et puis des explications, ça fait aussi bien que des écrans électroniques.
Maintenant, si, pour des raisons visuelles, on peut utiliser les écrans
électroniques dans un cadre pédagogique, oui, je n'ai pas de problème avec ça,
mais il ne s'agit pas de l'écran loisir.
M. Ciccone :Au mois de novembre dernier, vous avez commenté, justement,
sur les écrans et difficultés d'apprentissage, là, et je vais vous citer, là :
«Ils sont en retard. En ce qui concerne leur développement, je pense que nous
devons accepter collectivement que nous créons ces retards développementaux
chez des enfants normaux à cause de nos habitudes de vie <d'adultes qui
leur...
>
15 h (version révisée)
<17943
M. Ciccone :
...nos
habitudes de vie >d'adulte, qui leur imposent des écrans et parce que
nous les négligeons un peu.» Et ça, ça faisait référence aux enfants qui
arrivent en maternelle pas capables de peler une banane, pas capables de...
même pas propres, pas capables d'attacher leurs lacets. Un coup qu'on sait ça,
puis vous avez bien établi, là, la problématique, on fait quoi pour renverser
le tout et ramener ces enfants-là qui sont problématiques à la normale?
M. Chicoine (Jean-François) : Bien,
à la maternelle et puis dans les CPE, bien, il faut les ramener à l'extérieur,
il y a même des maternelles nature, il faut les ramener dans les jeux
physiques, il faut leur autoriser d'être dans le réel de plus en plus, et il
faut que les parents comprennent ça aussi. Il faut faire attention beaucoup au
retour de l'école, le 15 h 30 à 17 h 30, nos classes ont
été difficiles ces dernières années, mais alors les après-classes ont été
souvent arrosées d'écrans aussi. Et, quand l'enfant arrive à la maison, c'est
encore des écrans. L'enfant a besoin de jeu «one-to-one» avec quelqu'un, il a
besoin de jouer dehors puis il a besoin de faire du sport et de s'activer. Vous
savez, c'est au moins une heure de jeu très actif, vers cinq, six ans, plus une
heure de petits jeux. Alors, actuellement, on est à 10, 15 minutes.
Alors, évidemment, ce qui m'inquiète là-dedans,
c'est qu'ils dorment moins, ils bougent moins, donc ils deviennent de plus en
plus enragés. Moi, je prescris des psychostimulants. Je ne veux plus prescrire
des psychostimulants à 15 % des enfants québécois qui ont toujours envie
juste de bouger. Et puis il va se passer la même chose avec l'anxiété, et tout.
C'est qu'actuellement on décode sous forme de maladie mentale des corps qui sont
laissés à l'abandon visuellement et au niveau contextuel. Donc, il faut
remettre en place toutes les occasions de jouer, de jouer librement, favoriser
nos cours d'école, favoriser aussi l'installation des parcs. Il y a même des
études chez les adolescents sur le nombre de parcs et la violence chez les
jeunes garçons.
Donc, il ne s'agit pas d'être naturaliste
ou granola, il s'agit juste de comprendre que les aspects du réel vont
développer l'enfant. Puis on n'a pas besoin d'études là-dessus, depuis toujours
on sait que les enfants se développent en trois dimensions, dans le réel.
M. Ciccone :Dernière question, Mme la Présidente, je vais laisser la
place à mes collègues. Plusieurs écoles au Québec ont des programmes de
e-sports... d'avoir des stratégies sur Fortnite, parce que, là, on se dit que,
peut-être, plus tard, il va y avoir des Jeux olympiques avec, justement, ces
fameux jeux vidéo là. Vous pensez quoi de ça, vous, les programmes de e-sports
dans les écoles?
M. Chicoine (Jean-François) : Bien,
c'est-à-dire que les jeux vidéo où les jeunes se réunissent comme dans des
clubs, comme avant, là, avant que la bande passante soit importante,
scientifiquement, on dit que, lorsqu'ils... Par exemple, même dans les maisons
de la famille, s'il y avait des jeux vidéo avec tout le monde ensemble, au
moins ils se voient entre les éléments, ils prennent... pas une bière, mais un
café, ou un jus, ou quelque chose, donc il y a un échange physique qui s'installe
là-dedans.
Maintenant, je pense que du e-sport ou pas
de e-sport, ça ne changera absolument rien dans leurs talents, leur avenir
olympique. C'est qu'il y a une grande prétention des adultes face à ce qui est
électronique. Oui, ça nous amuse. Oui, c'est formidable. C'est formidable, ce
qu'on est en train de faire en ce moment grâce à l'électronique, mais ce n'est
pas adapté à des enfants au niveau de leur âge. Il ne s'agit pas de restreindre
leur liberté, comme j'ai entendu, il s'agit de comprendre que ce sont de
petites personnes pour lesquelles la liberté doit être adaptée, et puis le
contexte de vie doit être protégé.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Dr Chicoine.
M. Chicoine (Jean-François) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Merci. Par
rapport à ce que vous disiez sur les psychostimulants qui sont prescrits en
bonne partie à 15 % des enfants, est-ce que vous pensez qu'on pourrait
mettre de l'avant, premièrement, une prescription d'hygiène de vie, comme vous
dites que c'est un des éléments qui est le plus manquant? Par exemple, de dire :
Avant de vous donner... Pareil comme quand on a un streptocoque, par exemple,
on dit : On va attendre deux, trois jours pour avoir les résultats, on
vous prescrit l'antibiotique, vous irez le chercher si c'est nécessaire. Mais
essayer pendant un mois une routine de sommeil raisonnable, manger en famille,
tu sais, la base, pas d'écran avant d'aller à l'école le matin. Dans la tournée
des écoles, moi, j'étais vraiment surprise de voir des élèves du primaire qui
faisaient une heure ou deux d'écran avant d'arriver à l'école le matin. Tu
sais, juste de commencer avec une bonne hygiène pour un mois puis, après ça,
voir si le psychostimulant est nécessaire.
M. Chicoine (Jean-François) : Bien
oui, vous avez raison, les écrans, ils sont rentrés... les familles québécoises
ne sont pas coupables, mais c'est comme si les écrans étaient rentrés de
travers, comme un crabe dans leur vie, là. Et là, finalement, ils se sont tous
fait avoir. Ce n'est pas normal de regarder un écran le matin au lieu de
déjeuner avec qui que ce soit d'autre.
Maintenant, c'est le travail aussi des
équipes de soins. Moi, j'ai la chance de travailler avec une infirmière, une
psychoéducatrice dans mon bureau. Alors, évidemment, on peut rappeler les
parents puis suivre ce programme-là, et évidemment, aussi, on peut appeler l'école.
Alors, c'est sûr que j'envie des fois les médecins européens qui ont des infirmières
scolaires. Moi, il y a plein de choses que je pourrais faire avec une
infirmière à <l'école...
M. Chicoine (Jean-François) :
...Moi,
il y a plein de choses que je pourrais faire avec une infirmière à >l'école,
et ça, c'est superimportant, parce que... non seulement pour les prescriptions,
pour les habitudes de vie, pour le suivi des familles. C'est la prolongation.
L'école, c'est un milieu de vie incroyable avec lequel on peut faire grandir
les enfants. Et vous avez totalement raison.
Puis avec les familles, quand on leur
explique pour les écrans, bien, on change complètement l'avenir d'une famille,
mais en quelques semaines, hein? Et les parents nous le disent. Parce que les
écrans sont utilisés à table, sont utilisés le matin, ils rentrent dans la
chambre à coucher. Alors, c'est très important de dire à tous les parents de ne
jamais faire rentrer un écran dans une chambre à coucher avant l'âge de
14 ans, là. C'est hyperimportant, parce que cet écran-là, il va rester là,
et il va aussi déranger la mémoire de l'enfant, et il va éventuellement
l'empêcher de dormir parce qu'il va finir par rester. Le sommeil, c'est
superimportant, et cette présence des écrans là... Mais il y a comme une
hygiène de vie, une morale de vie qui s'est comme perdue tranquillement, et cet
instrument-là, il est rentré d'une manière vraiment transversale et il prend de
plus en plus de vie.
En conférence avec les parents... Je vais
juste prendre un petit 30 secondes, ça va vous apparaître un peu plus
poétique, il y a une pièce de Boris Vian qui s'appelle Le Schmürz.
Donc, c'est une espèce de boule de pâte qu'on voit au premier acte, il y a le
père, la mère, la bonne et les deux enfants. Le deuxième acte, la boule de pâte
est devenue un peu plus grande, la bonne est partie. Puis, après ça, il y a un
fils qui part, une fille qui part, la femme, et le monsieur se retrouve dans sa
maison avec une immense boule de pâte, tout de suite, sur le toit, mais il a
perdu toute sa famille. Alors, ce «schmürz-là», il rentre tranquillement dans
les familles et il finit par vraiment intoxiquer tout et chacun.
Seulement, au moins le deux tiers des
enfants qui prennent des psychostimulants ne devraient pas en prendre et
auraient juste besoin d'avoir des habitudes de vie puis un support, que ce soit
à l'école ou dans leur famille, puis un accompagnement des familles pour les
familles en défavorisation. C'est superimportant. Et il se passe la même chose
maintenant avec les antidépresseurs qu'on prescrit de plus en plus. Vous savez,
au début de ma pratique, je prescrivais de l'amoxicilline pour des otites.
Maintenant, je prescris des psychostimulants, des antipsychotiques puis des
antidépresseurs aux enfants pour essayer de contenter un peu la situation. Mais
c'est... c'est tragique. Puis... (panne de son) ...de rentrer dans de nouvelles
habitudes de vie.
Mme Bogemans : Donc,
clairement... puis j'avais deux petites questions qui vont paraître vraiment
légères à comparer d'où on est allés dans le sujet précédent, mais ce que je
voulais voir, c'est, si on fait une espèce de guide ou des recommandations aux
parents, de manière générale, style Guide alimentaire canadien ou ces grandes
tendances, comment on peut bien diriger les parents dans la correction. Parce
que je sais que, tu sais, souvent, une correction positive ou un renforcement
positif, ça fonctionne très, très bien. Alors, quand on marche plus avec des
conséquences ou même des punitions, bien, c'est plus facile à faire. Puis là la
dame qui a passé avant vous dit : Plus qu'on utilise l'écran, plus on va
réagir de manière négative avec l'enfant, là, le parent lui-même, avec des
interventions négatives plutôt que positives. Est-ce qu'on peut diriger une...
puis comment vous le formuleriez, une recommandation en ce sens-là? Puis comment
utiliser l'écran ou faire des conséquences aux écrans qui seraient raisonnables
et qui seraient attribuées? Parce que je pense que, souvent, la punition à la
mode, à toutes les sauces dans les familles, c'est de dire : Écoute, si tu
n'écoutes pas, tu ne fais pas ci, tu ne fais pas ça, on coupe l'écran, ou il
n'y a pas de chat, il n'y a pas de jeux vidéo, là.
• (15 h 10) •
M. Chicoine (Jean-François) : Bien,
c'est sur que l'écran doit... c'est comme priver de dessert, ça ne sert à rien,
donc vous avez tout à fait raison à ce niveau-là. Il s'agit juste d'expliquer
aux parents que, vers l'âge... entre l'âge de six à 12 ans, les enfants
ont besoin d'être accompagnés lorsqu'ils regardent quelque chose
d'électronique, que ce soit une tablette, on la regarde à deux, on ne laisse
pas l'enfant seul sur une tablette à six, sept, huit ans, on la regarde à deux,
si on veut regarder quelque chose d'intelligent. Même chose pour l'Internet.
Donc, l'ordinateur, il doit siéger en quelque part dans le milieu de la pièce familiale,
qu'on puisse pouvoir aller chercher, et tout. L'Internet va donner beaucoup de
possibilités à l'enfant et va retarder les jeux vidéo puis les réseaux sociaux.
Et puis on peut introduire quelques jeux vidéo qui sont moins addictogènes que
d'autres, une heure ou deux, en organisant tout à fait ça d'une manière
préventive. Mais évidemment on ne lui donne pas notre cellulaire, on ne lui
donne pas accès à des réseaux sociaux et on ne lui donne pas accès seul à
l'Internet.
Alors, vers l'âge d'à peu près 11 à
12 ans, les gens achètent des portables à des enfants. C'est beaucoup plus
jeune dans... des téléphones intelligents. Évidemment, si on achète un
téléphone à un enfant, c'est pour téléphoner ou recevoir des messages, ce n'est
pas pour avoir des applications et ce n'est pas pour être en contact avec
l'Internet. Je pense qu'on n'a pas besoin de l'Internet sur un téléphone <avant...
M. Chicoine (Jean-François) :
...l'Internet.
Je pense qu'on n'a pas besoin de l'Internet sur un téléphone >avant l'âge
de 14 ans. Et on n'a peut-être pas besoin de téléphone du tout non plus.
Il faut aussi réaliser que les téléphones servent beaucoup, aux parents, à
surveiller les enfants, ce qui n'est éthiquement pas nécessairement correct non
plus. En Suisse, par exemple, ils donnent des montres à des enfants de trois
ans, qui sont bien contents de recevoir la montre, mais qui sont surveillés du
matin au soir par leurs parents, qui sont toujours en train de supersurveiller
les situations. Je pense qu'il faut aussi faire confiance aux professeurs,
faire confiance à l'enfant, lorsque c'est un enfant de confiance. Et, à moins
qu'il s'agisse de situations particulières, une séparation parentale, et tout...
là, il y a effectivement plus besoin de surveillance ou d'encadrement, mais, en
général, c'est ce qu'il faut.
Et puis c'est simplement à l'âge de
14 ans où on peut donner de l'Internet à un enfant sur un téléphone ou sur
quelque chose d'autre. Et évidemment, je me suis souvent exprimé là-dessus,
moi, je trouve qu'on n'a pas besoin de réseaux sociaux avant l'âge de
16 ans, ça, très, très clairement, pour d'autres raisons, là, que je
pourrais expliquer.
Mme Bogemans : Merci. Moi,
j'aurais plein d'autres questions, mais je vais laisser le tour aux autres.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : S'il
reste du temps, Mme la députée, je reviendrai vers vous. Je cède maintenant la
parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Ça tombe très bien — merci, Dr Chicoine — que,
justement, vous vouliez avoir l'occasion de parler des réseaux sociaux, puis je
me demandais, donc, quelle était, donc, votre recommandation en termes de
majorité numérique. Vous venez de le dire. Donc, pour vous, ce serait... ce
serait 16 ans, en fait?
M. Chicoine (Jean-François) : Oui.
Je me suis posé beaucoup la question, parce que j'ai commencé à 14, 15, puis là
je suis rendu à 16. Je suis devenu un peu Australien. Je me suis posé beaucoup
la question. En fait, pourquoi il faut... la notion de majorité numérique, elle
est très, très saine, hein, au même titre que d'autres formes de majorité, tu
sais. Il ne faut pas voir ça comme un empêchage de tourner en rond. C'est
quelque chose pour protéger les enfants.
Le problème des réseaux sociaux sont de deux
ordres. Premièrement, lorsqu'on s'installe dans un cerveau de 14, 15,
16 ans, ce cerveau-là a de la difficulté encore... surtout un cerveau de
garçon par rapport à un cerveau de fille, mais, quand même, a de la difficulté
à choisir l'analyse, la voie la plus longue et la plus réfléchie, et va plutôt
aller vers quelque chose d'impulsif, tout simplement pour une question de
myélinisation. Donc, c'est le même cerveau à l'âge de 16 ans qui va mieux
fonctionner pour prendre une décision. Donc, tout ce qui est imposé très
rapidement, comme sur des réseaux sociaux, avec une très, très grande vitesse,
amène souvent les jeunes à faire des mauvais choix, des choix qui ne sont même
pas en rapport avec leurs idées, leur morale, leurs valeurs. Ils font
rapidement des mauvais choix.
Deuxièmement, ils ont tendance beaucoup à
croire, à cet âge-là. Ils peuvent croire aux Martiens, ils peuvent croire à
plein de choses, donc ils peuvent facilement suivre une fausse information. Et,
comme vous le savez, ce sujet-là, il est... il est éprouvant pour nous tous
maintenant, mais il l'est encore plus pour des 14, 15, 16 ans qui ont,
dans à peu près 40 % des cas — les études ont été faites
beaucoup par l'Institut Jean-Jaurès, en France — tendance à suivre ce
que dit un influenceur, quel qu'il soit, quel que soit son nom, sa variété, et
tout. Donc, il y a cette influence-là qui est plus grande.
Troisièmement, il y a toutes les notions
de «gamification» et d'ouverture, surtout TikTok, qui est le triomphe du genre,
qui fait qu'à un moment donné vous rentrez en vigilance et vous êtes habitué à
ce petit mouvement là, qui est toujours ouvert, et vous avez peur d'éteindre,
vous venez fou quand vous n'avez plus de batterie, vous ne regardez pas vos
amis et vous regardez plus votre cellulaire. Et tout ça amène des problèmes de
plusieurs ordres, surtout chez les adolescents. Premièrement, au niveau de leur
corps, bien, ils prennent du poids ou ils en perdent. Les troubles alimentaires
sont vraiment très reliés à l'abus de réseaux sociaux chez les adolescentes, on
a eu une petite épidémie à Sainte-Justine suite à la COVID, ça donne des
distorsions corporelles, un peu comme le faisaient les magazines sur le... par
rapport à l'image du corps, et tout, autrefois, mais d'une manière extrêmement
accélérée, ça donne beaucoup de situations de mal-être. De plus en plus...
Alors, les études sur les enfants, elles sont plus claires, les études sur les
réseaux sociaux, elles commencent à tomber depuis trois ou quatre ans, mais ça
donne une sensation de mal-être, d'inadaptation, d'anomie, parfois de
dépression, qui peuvent parfois mener au suicide, à l'anxiété.
Donc, c'est quelque chose qui est
extrêmement challengeant, pour un cerveau, de s'observer soi-même. Les neurones
moteurs sont faits pour s'ajuster. Voyez-vous, on est capables, nous, de nous
ajuster l'un et l'autre à travers l'écran, je vous vois et je vois votre
sourire, mais, quand l'enfant se regarde lui-même ou essaie de s'ajuster en
faisant un «duck face», en choisissant sa... il finit par rentrer dans une
boule d'autosatisfaction qui le rend fou. D'où il y a des éléments de
distorsion corporelle, des troubles identitaires, et tout. C'est un outil qui
est plus dangereux. Évidemment, c'est décrit pour ceux qui l'utiliseraient
trois heures de plus par jour, et <certainement...
M. Chicoine (Jean-François) :
...
Évidemment,
c'est décrit pour ceux qui l'utiliseraient trois heures de plus par jour, et >certainement
qu'une heure ou deux chez un enfant qui va bien, et tout, n'aurait pas le même
problème. Mais pourquoi leur confier ces réseaux sociaux là? Parce que, quand
même, dans le tiers des cas, chez les enfants défavorisés, chez ceux qui sont
isolés, chez ceux... les éléments mis de l'avant du côté de la communauté, de
la brisure du silence, et tout, sont vraiment inférieurs aux effets délétères
négatifs qui vont s'installer à court, moyen ou long terme.
Mme Cadet : Vous avez parlé,
Dr Chicoine, de distinction garçons-filles et même de «gamification».
Donc, est-ce que... ce seuil minimal là que vous établissez pour les réseaux
sociaux, est-ce que vous feriez la même chose pour les jeux vidéo? Nous, dans
notre tournée, on en a beaucoup vu, c'est ce que nous a confirmé le pédiatre,
ce matin, de la Fédération des médecins spécialistes, c'est que, souvent, les
garçons, ça va être beaucoup plus les jeux vidéo, les filles, les réseaux
sociaux.
M. Chicoine (Jean-François) : Oui.
En général, traditionnellement, c'est plus les garçons, les jeux vidéo, puis
les filles, les réseaux sociaux. C'est ce qu'on voit dans toute la littérature.
Effectivement, les filles sont plus sur les réseaux sociaux, au niveau de
l'image, mais l'abus... que ce soit... Parce qu'au fond, là, au début, la
pathologisation de cela a été décrite pour les jeux vidéo, mais c'est la même
chose pour les jeux vidéo que pour l'abus d'Internet. Au fond, c'est la même
chose pour l'abus d'Internet que pour l'abus de réseaux sociaux. En fait, c'est
que, arrive à un moment donné, c'est trop de temps dans un univers virtuel pour
lesquels, bien, il y a du faux, pour lesquels il y a de la violence puis pour
lesquels il y a des éléments de «gamification» qui sont extrêmement reliés. Les
réseaux sociaux qui sont les plus «gamifiants» sont ceux qui ont le plus de
succès parce que c'est ceux dont on peut moins s'extirper. Alors, évidemment,
c'est des endroits qui sont faits pour garder l'attention des jeunes et puis
pour qu'ils aillent le moins souvent ailleurs.
Ceci amène tous les autres problèmes en
conséquence, comme la cyberintimidation, la cybervictimisation, à peu près un
sur 10, puis les éléments de pornographie, là, qu'on n'a vraiment pas réussi à
régler. C'est à peu près 80 % des jeunes de 11, 12 ans qui sont
exposés à des actes pornographiques généralement reliés à de l'agressivité,
parce qu'ils tombent par hasard là-dessus sur les réseaux. Et évidemment, bien,
il y a les sextorsions qui s'installent là-dedans. Et puis vous avez à peu près
15 % des jeunes, dit-on, qui sont inscrits à des éléments de pornographie
à travers les réseaux sociaux et les sites Web. Donc...
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Dr Chicoine.
M. Chicoine (Jean-François) : Parfait.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
D'ailleurs, on aura des témoins, justement, pour approfondir sur la
pornographie tout au long des consultations. Alors, maintenant, je passe la
parole à M. le député de Gaspé. Voilà.
• (15 h 20) •
M. Sainte-Croix : Merci, Mme
la Présidente. Dr Chicoine, merci d'être ici avec nous aujourd'hui et de
vous prêter à l'exercice. On apprécie beaucoup votre connaissance.
Vous avez parlé de ramener les jeunes dans
le monde réel. Vous avez parlé de l'importance et la nécessité de bouger tantôt
de façon intensive, tantôt de façon plus calme. Vous avez parlé de mode de vie,
Dr Chicoine. Moi, je vous écoute, tu sais, l'essentiel de notre
commission, c'est se pencher sur le cas de nos jeunes au regard des écrans. On
serait-tu rendu à l'étape de réinventer l'école pour favoriser ce que vous dites
là, là? Tu sais, quand j'entends, moi, que les jeunes ne s'amusent plus, que
les jeunes ne bougent plus, que les jeunes ne se coltaillent plus, quand
j'entends dire qu'il faut trouver des façons... pour nos adolescentes
nommément, trouver une façon de bouger, trouver une façon que le corps... vous
avez parlé de corps, je ne sais pas comment vous avez dit ça, abandonnés ou... C'est
quand même fort ce que vous amenez comme image, là, quand je vous écoute parler
de nos jeunes. Puis je vous pose la question de façon très naïve, mais on
est-tu rendu à cette réalité où... si on veut que nos jeunes, quelque part,
grandissent de façon, je dirais, normale, là, comme moi, j'ai grandi, là, on
est-tu à l'étape où il faut penser de façon beaucoup plus large non seulement à
l'utilisation, l'accès, l'usage des écrans, mais le mode de vie des gens?
M. Chicoine (Jean-François) : Je
suis tout à fait là-dessus. Lorsqu'on parle de petits enfants, évidemment, on
peut passer par les infirmières à la maison, les équipes de maternelles, les
CPE, l'importance de nos CPE, là, la dégradation de la position des éducatrices
dans les CPE, c'est important. Donc, pour les petits, il y a ce milieu-là. Mais,
pour les plus grands, l'école, c'est central pour guider les enfants, mais
guider les familles aussi, à travers les rencontres et la participation des <professeurs...
M. Chicoine (Jean-François) :
...les
familles aussi à travers les rencontres et la
participation des >professeurs.
Puis on peut prendre un exemple très
précis par rapport à ce qu'on peut faire avec le téléphone, le téléphone à
l'école. Je n'ai jamais été un grand fervent des clubs des petits-déjeuners,
parce que, pour faire suite avec ce qu'on disait tantôt, je trouve que
petit-déjeuner, c'est une fonction parentale, c'est une bonne façon de «starter»
la journée et de se parler, ce qui n'empêche pas qu'on peut avoir des yogourts,
des toasts à l'école le matin. Par contre, je vais me battre beaucoup pour que
les repas puissent être gratuits à l'école le midi, pour justement donner aux
enfants l'impression d'être dans un milieu de vie qui s'occupe de tout, de tout
leur corps, de leur nutrition et aussi de leur savoir.
Donc, le fait d'être à l'école toute la
journée et de ne plus avoir de téléphone, comme ça s'est fait dans la
commission scolaire des Mille-Îles, comme ça vient de se faire à Oka, très
clairement les enfants vont commencer à se parler. C'est vraiment deux heures
de connexion physique entre eux qui leur manque par jour. Ils vont se mettre à
niaiser, ils vont se mettre à parler de différentes choses, se regarder, se
parler, se regarder, se parler, et le faire en alternance, ce qui augmente
énormément leur altérité, leur empathie, leur considération pour l'autre, ce
qui diminue beaucoup la violence dans les écoles, ce qui augmente beaucoup les
considérations pour l'autre. Il y a beaucoup de programmes qui vont même tomber
à partir du moment où les enfants vont pouvoir se parler. Donc, s'ils peuvent se
parler simplement, si on enlève l'outil téléphone, pas juste en classe, mais
partout, en récréation, dans les casiers, et tout, ça peut devenir un endroit
absolument formidable.
Et là, évidemment, bien, ça donne l'idée
de faire des projets plus créatifs. On peut inventer des nappes à pique-nique
pour aller manger dehors, on peut augmenter des sports plus ou moins sociaux le
midi, là, de la marelle, de la pétanque, pas des trucs supersportifs, mais des
trucs qu'on fait en groupe. Et puis, ensuite, bien, on augmente les activités
sportives, etc., pour en faire un milieu de vie. Puis on peut aussi faire des
colloques, des conférences. Les parents, ils adorent participer à des
événements qui vont leur en dire plus sur le jeune, sur la manière dont il peut
fonctionner.
Les sorties scolaires sont importantes
aussi dans ce point de vue là. On sait que les enfants de Montréal, ils ne
voient pas beaucoup la nature, alors... Et clairement, actuellement, au-delà du
jeu libre, du sport, les éléments naturels apportent beaucoup de diminution de
stress, aident au TDAH, aident à différentes... Donc, il est important
d'être... d'être en immersion constante avec la nature. On se rappelle ce que
certaines écoles ont malheureusement fait avec l'éclipse, bien, c'était une grave
erreur. Le fait de voir l'éclipse, de voir cette beauté tragique là est quelque
chose qui est important dans la vie d'un individu. Tous les éléments sacrés,
ils sont, donc, la nature, la compréhension de l'environnement, tout ça doit
être inscrit dans l'école.
Et évidemment je pense qu'il faut faire le
tournant, et on peut le faire rapidement en dépolluant rapidement, que ce
soient les écoles et les familles, et puis ça va passer par l'électronique.
Parce qu'il y a beaucoup de parents qui sont aussi... qui sont aussi pris avec
ces instruments-là. Pour un pédiatre, excusez l'expression, il y a actuellement
beaucoup de perversion adulte. On laisse aller des choses sur lesquelles on
devrait intervenir, et je pense que c'est la responsabilité d'un gouvernement
d'intervenir, comme c'est la responsabilité des éducateurs, des soignants. Moi,
je pourrais dire que je suis un petit peu déçu du fait que les pédiatres ne
sont pas sortis avant pour expliquer à quel point la santé globale des enfants
est en train de péricliter au profit de machines qui sont externes à eux.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, monsieur. Merci. Disons que, les pédiatres, on en a entendu ce matin.
On vous entend maintenant. Puis je trouve ça bien qu'on ait fait la tournée des
écoles, M. Chicoine... Dr Chicoine, pour justement entendre les
enfants nous parler des problématiques, et, que maintenant vous veniez valider
tout ça, on trouve ça vraiment intéressant. Donc, je passe maintenant la parole
à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Chicoine (Jean-François) : Merci.
Mme Massé : Oui. Bonjour.
Merci d'être avec nous. Repartons sur le dernier point que vous avez amené,
cette question de perversion. En fait, en d'autres mots, je vais prendre les miens,
c'est comme s'il y a un système, derrière tous ces écrans-là, qui fait en sorte
qu'on se fait pogner d'un bord ou de l'autre, peu importe notre âge, on est
pogné là-dedans. Donc, je vois votre grand signe de tête, je l'avais bien
saisi. Donc, est née d'une intervenante avant vous l'idée de dire : Bien,
pour recréer du temps parental... la dame est psychologue, pour recréer du
temps de lien avec les enfants et les parents, bien, une des choses qu'un État
pourrait faire, c'est de <légiférer...
Mme Massé :
...et
les parents, bien, une des choses qu'un État pourrait faire, c'est de >légiférer,
notamment, sur le droit à la déconnexion, que les parents peuvent être
légitimes, légalement, donc, de pouvoir dire : Non, patron, je ne
répondrai pas à ton courriel à 22 h 30 ou bien l'heure où les enfants
mangent, plutôt, l'heure du souper. Vous pensez quoi de ça, vous?
M. Chicoine (Jean-François) :
Je pense que c'est... c'est attendu, au même titre que, pour prendre un exemple
courant, je pense que beaucoup de gens se sont fait avoir avec le télétravail, il
y a beaucoup de familles qui ont télétravaillé, puis leurs enfants étaient à
côté d'eux. Il y a une chercheuse de l'Université de Montréal qui a montré que
c'était deux solitudes, que l'enfant ne profitait pas du tout de ça. Il s'agit
là d'une disponibilité physique, pas d'une disponibilité psychique. Et moins
les parents sont psychiquement en lien avec leurs enfants, c'est-à-dire moins
ils font une activité corporelle qui est basée dans le temps puis dans la
qualité mixée, là, plus les parents deviennent... se sentent incompétents. On a
de plus en plus de bons parents qui ne se sentent plus compétents et qui
perdent rapidement le lien et l'apaisement qu'ils auraient normalement dans une
relation parent-enfant. Et évidemment on n'a pas besoin des... Moi, je dis
toujours aux parents, par exemple : Vous coupez les alertes sur votre
téléphone le soir. Évidemment, on a au Québec moins de gens qui mangent devant
la télévision qu'on en avait il y a une vingtaine d'années. Par contre, il y a
de plus en plus de petits écrans, et on les change de pièce. Puis il faut
manger avec les enfants aussi, parce qu'il y a de plus en plus d'enfants qui
mangent devant leurs écrans à la télévision, puis les parents, on a tous des
habitudes, on mange un peu plus tard avec un petit verre de vin, vont manger à
part. Ça, c'est extrêmement problématique, même dans des familles bien nanties.
Mme Massé : D'ailleurs,
l'idée d'un guide que proposait ma collègue est intéressante dans ce sens-là,
tu sais, oui, refaire les écoles, mais réapprendre à être parent dans ce
contexte actuel.
Vous avez parlé de deux éléments qui, pour
moi, sont bien importants. Je veux vous relancer encore sur les réseaux
sociaux. Mais vous avez, si j'ai bien compris, parlé comment l'altérité et
l'empathie... qui sont deux façons d'être qui m'apparaissent essentielles dans
le vivre-ensemble respectueux, hein, être capable de considérer l'autre et être
capable de se mettre un peu dans les bottines de l'autre dans un vivre-ensemble
qui est de plus en plus tendu, où l'intolérance occupe, pas seulement sur les
réseaux sociaux, mais dans la vraie vie, de plus en plus de place, où les gens
différents sont de plus en plus marginalisés, pointés du doigt, etc. On pense
que les réseaux sociaux y comptent... y jouent pour beaucoup.
M. Chicoine (Jean-François) :
Tellement.
Mme Massé : Vous qui voyez une
multitude d'enfants, comment vous leur parlez de ça?
M. Chicoine (Jean-François) : Bien,
moi, le sujet de l'empathie, de la considération pour l'autre, c'est quelque
chose qui est central dans mes consultations. C'est hyperimportant. Et très,
très jeune, vers l'âge... je pense qu'il faut surtout adresser ça entre trois
ans et demi et quatre ans et demi au début. C'est là, souvent, où on les perd.
Vous savez, l'agressivité chez un enfant à l'âge de quatre ans, pour moi, c'est
une urgence médicale. C'est qu'il faut absolument intervenir avec l'éducatrice
en garderie pour essayer de voir ce qui se passe à la maison, pourquoi l'enfant
devient agressif, et rapidement on va voir l'idée d'un écran ou l'idée d'une
pratique parentale au niveau de la discipline puis de l'organisation qui est...
qui n'est pas adéquate. Alors donc, c'est souvent des parents qui ont besoin
d'un support. Et, pour moi, c'est hyperimportant de faire intervenir la
proximité, donc le communautaire, le CLSC rapidement pour essayer d'endiguer
cette situation-là.
• (15 h 30) •
Quand on arrive à l'école, bien, souvent
il y a des programmes contre l'intimidation, l'empathie, etc. Mais, si on n'a
pas déjà commencé ça au CPE ou à la maternelle, d'où l'importance des CPE avec
d'excellentes psychoéducatrices, c'est sûr que le problème, il devient déjà un
petit peu plus installé. Vers l'âge de sept ans, les enfants ont une cognition
qui leur permet de considérer l'autre plus différemment ou plus pareil comme
eux. Donc, il y a un jugement qui commence à s'installer, et c'est là qu'il
faut continuer de travailler beaucoup, beaucoup avec les éducateurs puis les
psychoéducateurs.
Moi, je crois beaucoup, beaucoup à la
psychoéducation puis aux éducateurs. Je les utilise beaucoup parce que je
considère, justement, que c'est les contextes, c'est les environnements qui
font que certains enfants vont aller moins bien que d'autres. Ce n'est pas eux
nécessairement qui ont au départ un problème génétique, un problème de naturel,
et tout. Et je pense qu'on les... si on les porte bien, on est capables de les
amener vers quelque chose d'autre. Et les enfants sont ouverts à énormément de
choses différentes. Et, s'ils ont joué librement, ils ont de l'imagination.
Plus ils sont sur des écrans, moins ils ont d'imagination, plus ils ont de
l'efficience. Ils ont l'air... ils ont l'air rapides pour trouver le bouton, et
puis tout le <monde...
>
15 h 30 (version révisée)
< M. Chicoine (Jean-François) :
...de l'efficience. Ils ont l'air rapides pour trouver le bouton et
puis tout le >monde fait : Wow!, c'est bien extraordinaire, mais
ils ne sont pas capables de partir «from scrap» d'une idée nouvelle. Donc, ils
ont une pensée extrêmement répétitive et un petit peu ennuyeuse par rapport à d'autres
enfants qui ont beaucoup lu et à qui on a raconté des histoires.
Je n'ai pas parlé de lecture tout à l'heure,
mais, clairement, les écrans chez nos jeunes enfants, c'est cinq fois plus que
la lecture, et rendus à 14 ans, il y a 14 fois plus d'écrans que de
lecture. La lecture, c'est 4 % simplement du temps d'aujourd'hui. Et on
sait que la lecture augmente l'imagination, augmente l'empathie, augmente la
capacité de comprendre dans les histoires des autres. Alors si, juste, on
introduisait la lecture obligatoire, des mesures faciles, une demi-heure par
jour à l'école, une demi-heure de lecture par jour, on augmenterait de
15 % le français, et on augmenterait de facilement 30 % l'empathie
puis la considération pour des modèles différents, puis on augmenterait l'imagination
des enfants. L'imagination des enfants est quelque chose qu'il faut protéger
dans une situation... dans une société comme la nôtre, au même titre que la
culture.
Mme Massé : Avec un dîner
gratuit, je pense, ça irait mieux.
M. Chicoine (Jean-François) : Oui,
bien, c'est sûr. Puis on peut faire des dessins de clown.
La Présidente (Mme Dionne) : Sur
ces belles paroles, c'est malheureusement tout le temps qu'on avait. Alors, on
doit malheureusement se laisser là-dessus. Dr Chicoine, merci infiniment pour
votre contribution à ces travaux. Votre présence a été très appréciée cet
après-midi.
M. Chicoine (Jean-François) : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Pour
ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos
prochains témoins. Merci.
M. Chicoine (Jean-François) : Merci
pour votre travail.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Au revoir.
(Suspension de la séance à 15 h 34)
(Reprise à 15 h 45)
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
la commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le plaisir
d'accueillir M. Benoit Gauthier. Est-ce qu'on doit vous appeler... Je
pense que vous venez de terminer?
M. Benoit Gauthier
M. Gauthier (Benoit) : Bien,
j'ai terminé, mais je n'ai pas encore fait ma soutenance. Donc, je ne suis pas
officiellement docteur, non.
La Présidente (Mme Dionne) : O.K.
Parfait. C'était juste pour s'assurer qu'on ne créait pas d'impair. Alors,
merci d'être avec nous, M. Gauthier.
Donc, je vous rappelle, vous disposez de
10 minutes pour nous faire part de vos commentaires, et, suite à cela, on
procédera à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous, et bienvenue à cette commission.
M. Gauthier (Benoit) : Super.
Merci, Mme la Présidente. Et merci aux membres de la commission pour
l'invitation et la possibilité de vous faire part aujourd'hui de ma perspective
sur le sujet. Je suis Benoit Gauthier et, comme on vient de le mentionner, j'ai
terminé en septembre dernier un doctorat interdisciplinaire sur la question des
impacts et enjeux de la surexposition aux écrans chez les jeunes, sous la
direction de la Pre Linda Pagani, mais je n'ai pas encore fait ma soutenance,
donc. Sinon, j'ai aussi des maîtrises en sociologie et en travail social. J'ai
aussi travaillé une dizaine d'années en intervention auprès des jeunes,
notamment en CLSC, dans les programmes CAFE. Puis je mentionne aussi que,
depuis quelques mois, je suis maintenant conseiller santé publique, porteur du
dossier écran chez les jeunes à la Direction de santé publique de la Montérégie,
mais aujourd'hui je m'adresse à vous à titre personnel. Alors, sans plus
tarder, j'y vais avec mes constats et recommandations pour vous.
Première chose que je veux mentionner, que
d'autres ont évoqué précédemment mais que je veux mettre bien au clair, c'est
que les logiques marchandes et industrielles de course au captage de
l'attention qui caractérisent l'industrie du numérique sont tout simplement
incompatibles avec le développement du potentiel humain, qui est en grande
partie tributaire du temps qui y est investi. Donc, si on veut protéger d'un
côté le développement des jeunes, de l'autre, des limites doivent être imposées
à l'économie de l'attention, ce qu'on n'a pas trop fait dans les
15 dernières années.
Puis ce que ce constat-là nous indique et
qu'il faut garder en tête, c'est que, toutes les mesures auxquelles on pourra
penser, qui impliqueront d'une façon ou d'une autre la collaboration des géants
du numérique, bien, les géants du numérique vont s'y opposer farouchement ou
vont chercher à les contourner autant que possible, tout ça pour chercher à
tout prix à préserver le temps d'attention des jeunes qu'ils s'accaparent, c'est
ça, leur modèle d'affaires, pour conserver leur marge de profit et aussi pour
continuer à minimiser leur contribution au trésor public, ce qu'ils font très
bien jusqu'à présent. Donc, je ne suis pas contre de telles mesures, au
contraire, mais je pense seulement qu'on ne devrait pas compter sur ce genre de
mesure en priorité parce que, pour les raisons que j'ai dites, leur application
risque d'être <fort laborieuse....
M. Gauthier (Benoit):
...ne
pas compter sur ce genre de mesure en priorité parce que, pour les raisons que
j'ai dites, leur application risque d'être >fort laborieuse.
Second constat que je veux porter à votre
attention, qu'on peut ressortir de la littérature, c'est que les bienfaits
allégués du numérique pour les jeunes, qui ont été proclamés par certains
intervenants ici, ces bienfaits-là relèvent majoritairement de la croyance et
non de la science. En ce sens, je pense qu'il devrait s'opérer un certain
recadrage sémantique ou une certaine reconsidération de la norme sociale à
propos des jeunes et du numérique. Les termes «bienfait» ou «bénéfice», ceux
qui me connaissent savent que ça m'agace pas mal. Ces termes-là sous-entendent
que... Bien, ces termes-là, ça veut dire «avantage». Donc, ça sous-entend que
les écrans auraient... les activités sur écran auraient des avantages pour le
développement ou pour les apprentissages des jeunes par rapport à des activités
équivalentes sans écran. Ce qui, dans la presque totalité des cas, n'est tout
simplement pas démontré. Donc, je pense qu'on devrait privilégier davantage les
termes «utilité» ou «fonction» des écrans, et puis ce qu'on ne peut pas nier,
les écrans ont de multiples utilités et fonctions. Bien, d'ailleurs, ça me
permet d'être avec vous à distance aujourd'hui.
Également, pour rester dans la sémantique,
toute expression qui réfère à un futur numérique inévitable et bienfaisant
devrait aussi être évitée dans toute campagne d'information et de
sensibilisation qu'on pourrait faire, selon moi, parce que ce genre de propos
là, ça nous positionne un peu comme si on voyait le numérique comme un
phénomène qui nous envahit inévitablement et auquel il faudrait adapter nos
enfants coûte que coûte, au risque qu'ils manquent le train numérique ou
quelque chose comme ça.
Donc, je crois que, plutôt,
collectivement, on devrait davantage se positionner dans le sens de choisissons
la place que l'on souhaite que les écrans occupent dans nos vies et surtout
dans celle de nos jeunes. Parce que ce qu'on veut, c'est qu'ils gardent une place
d'outils pour nous et non quelque chose qui prend tout... qui en vient à
prendre toute la place.
Troisième élément que je veux porter à
votre attention, c'est que... c'est l'impact environnemental du numérique, qui
a été, je pense, peu abordé à date dans cette commission. Alors, la production
du numérique est une grande consommatrice d'énergie, je pense que vous le
savez, mais aussi il faut savoir que ça repose en partie sur l'exploitation des
métaux rares, dont l'extraction est très polluante. Qui plus est, les milliards
d'appareils numériques produits et vendus chaque année demeurent très peu
recyclés et recyclables. Les émissions de GES du numérique sont d'ailleurs
passées de 4 % à 8 % du bilan mondial dans les cinq dernières années
seulement. Alors, je pense qu'on devrait davantage viser une sobriété
numérique, en tout cas chez nos jeunes, puisque les bénéfices pour eux sont
limités, comme je viens de le dire.
Puis j'y vais d'une première petite
proposition, ici, par rapport à l'aspect environnemental. Ça serait simplement
l'élargissement ou... et l'augmentation des écofrais pour les appareils
numériques neufs, qui sont, pour les appareils mobiles en particulier, assez
dérisoires pour l'instant, je pense, tout ça pour encourager l'achat
d'appareils reconditionnés et aussi encourager les gens à conserver plus
longtemps leurs appareils.
• (15 h 50) •
Alors, j'y vais maintenant de mes
recommandations plus concrètes par rapport aux usages. Puis c'est bien de
succéder au Dr Chicoine pour ça, parce qu'il vous a donné certaines
explications qui appuient mes recommandations. Alors, première recommandation,
qui est un peu mon dada, c'est de restreindre l'accès solitaire et non
supervisé aux écrans pour les moins de 14 ans. Ça implique d'abord que les
recommandations selon lesquelles les écrans ne devraient pas se retrouver dans
les chambres à coucher des jeunes soient davantage vues du public. Puis j'en
profite aussi pour mentionner que les écrans ne devraient pas se retrouver dans
les chambres des adultes non plus. Donc, il y a une certaine reconsidération de
la norme sociétale qui devrait s'opérer là-dessus aussi. Mais, plus
généralement, ce que je proposerais, c'est de restreindre complètement l'accès
non supervisé aux appareils numériques chez les moins de 14 ans, et donc
aussi restreindre la possession personnelle d'appareils mobiles connectés comme
un téléphone intelligent ou une tablette. Donc, avant 14 ans, l'exposition
aux écrans devrait se faire dans des espaces partagés en présence d'adultes
seulement.
Recommandation n° 2 :
restreindre et débanaliser les jeux vidéo en ligne. Je veux rappeler ici, à
propos des jeux vidéo en ligne, que ceux-ci comprennent plusieurs mécanismes
qui sont hautement problématiques pour les jeunes : gamblification,
monétisation, publicité, banalisation de la violence, collecte massive de
données, création de contenus par les utilisateurs qui s'apparentent à une
forme d'exploitation du travail des enfants, et aussi les avatars et
l'entretien qu'ils requièrent qui deviennent comme des dispositifs de
remplacement de la réalité pour les jeunes. Bref, les jeux vidéo en ligne
apparaissent comme étant un type d'exposition des plus délétères. Ma
recommandation concrète à ce sujet-là, c'est tout simplement : avant
14 ans, pas de jeux vidéo en ligne, pas de jeux vidéo de tir à la première
personne et pas d'autres jeux violents de toutes... de jeux vidéo violents de
toutes sortes non plus.
Puis j'en profite aussi pour dire que les
programmes e-sport dans les écoles, pour moi, ça n'a pas du tout sa place. En
outre, on veut encourager les enfants à jouer avec leurs amis, avec leurs
familles <en personne...
M. Gauthier (Benoit):
...dans
les écoles, pour moi, ça n'a pas du tout sa place. En outre, on veut encourager
les enfants à jouer avec leurs amis, avec leur famille >en personne, puis
je fais ici un clin d'oeil au récent plaidoyer de la Société canadienne de
pédiatrie pour le jeu libre et pour le jeu risqué que... dont le Dr Chicoine
vient de vous parler aussi.
Recommandation n° 3,
je veux juste... En fait, je commence en disant que je suis favorable, comme
d'autres l'ont été avant moi, à l'interdiction complète du cellulaire dans
toutes les écoles primaires et secondaires du Québec. Puis, de plus en plus,
cette mesure-là, on sent qu'il y a une certaine acceptabilité sociale pour
cette mesure-là. Puis il y a plusieurs écoles déjà, au Québec, qui mettent
cette mesure-là en place avec succès. Donc, pour ce qui est de l'applicabilité,
de la faisabilité de cette mesure-là, on peut simplement s'inspirer des écoles
qui le font déjà, puis il existe même des guides pratiques pour guider
l'implantation de ce type de mesure.
En addition, par contre, j'irais beaucoup
plus loin, je restreindrais la présence d'appareils numériques dans les milieux
des enfants puis je viserais trois choses en particulier. Premièrement, dans
les services de garde à la petite enfance, les écrans ne devraient pas du tout
se retrouver là, puis ça inclut l'usage que les éducatrices font en présence
des enfants. Les services de garde dans les écoles également, les écrans ne
devraient pas du tout avoir leur place là. Puis finalement, au primaire, je
pense qu'avant le troisième cycle du primaire, donc avant la cinquième année,
il ne devrait pas du tout y avoir d'écrans non plus parce qu'il y a peu de
bénéfices de démontrés et beaucoup de risques. Donc, j'irais plutôt... à partir
de la cinquième année du primaire, on pourrait les intégrer graduellement et
parcimonieusement, seulement via des appareils fournis par l'école, configurés
pour des usages précis et alignés sur des objectifs pédagogiques clairs et
démontrés, j'insiste, démontrés, et non prétendus, et en continuant de laisser
une grande place aux relations d'apprentissage sans écran, au papier et à la
prise de notes manuscrites, qui ont fait leurs preuves.
Puis dernière et quatrième recommandation,
comme d'autres l'ont suggéré, je propose ici la création d'un comité national
d'experts indépendants. Puis, pour moi, ce comité-là aurait la responsabilité
de créer et de mettre à jour en continu un registre national de contenu adéquat
par tranches d'âge, pour les usages de loisirs, mais aussi pour les usages
pédagogiques. Et ce comité-là pourrait être aussi intéressant dans une
perspective de promotion des contenus locaux parce qu'il pourrait assurer une
certaine proportion de contenu québécois dans ses recommandations. Il pourrait
aussi s'occuper d'une certaine classification des jeux vidéo, en lien avec ma
recommandation n° 2, puis pas nécessairement besoin
de créer de toutes pièces une nouvelle instance, il pourrait être tout
simplement créé au sein de l'INSPQ.
Alors, voilà. Je m'arrête ici. Je vous ai
présenté ça de façon très sommaire, mais il me fera plaisir de fournir des
explications et des justifications supplémentaires selon les questionnements
que vous aurez.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, M. Gauthier, pour cette intervention. Donc, nous allons débuter
la période d'échange avec M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Gauthier.
D'entrée de jeu, j'aimerais vous dire que j'ai tellement été content de vous
entendre dire que le e-sport dans les écoles, ça n'a pas sa place. Merci
beaucoup de le mentionner. Je n'ai même pas besoin d'élaborer là-dessus, tout
le monde a compris.
Tantôt, vous avez dit : Le choix des
mots est important. Quand vous avez dit : Il faut... On peut... L'utilité,
vous avez dit, ou on ne peut pas l'utiliser, ou... Le choix des mots est très
important. Tu sais, il faut... C'est quoi pour vous, là? Parce qu'il faut-tu
tout mettre dans le même panier? C'est quoi, la définition, pour vous, d'un
écran? Parce que, quand vous dites : Dans la chambre à coucher, il ne
devrait pas y avoir d'écran, est-ce que ça inclut un téléviseur également? À
l'école, est-ce que c'est... Les outils pédagogiques, les nouveaux tableaux
intelligents sur lesquels les professeurs travaillent, est-ce que ça, ça entre
aussi dans la définition d'écran pour vous? J'aimerais que vous démystifiiez,
là, c'est quoi ou donner la définition d'écran pour vous, là.
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
certainement. Bien, c'est sûr que les différents types d'écrans et d'usages
sont à différencier dans différents contextes, mais, dans... par rapport à mes
recommandations, je dirais que, bon, il y a une part de mes recommandations qui
concerne seulement les... plus spécifiquement les jeux vidéo, les jeux vidéo en
ligne, mais, pour mes autres recommandations, comme les écrans dans les espaces
privés puis dans la chambre à coucher et les écrans dans les écoles, je ne fais
pas de distinction, j'inclus tout type d'écran, carrément tout type d'écran.
Donc, ça inclut les tableaux blancs interactifs, qui, je le rappelle, n'ont pas
fait leurs preuves tant que ça. Ce qu'on voit dans les études, ce que ça
ressort, c'est que ça augmente possiblement la motivation, mais ce qu'il faut
savoir, c'est qu'il y a deux types de motivation. Il y a la motivation
intrinsèque et il y a la motivation <extrinsèque...
M. Gauthier (Benoit):
...deux
types de motivation. Il y a la motivation intrinsèque et il y a la motivation >extrinsèque,
et les écrans augmentent davantage la motivation extrinsèque puis, à la limite,
rendent les jeunes dépendants à la motivation extrinsèque. Mais, pour favoriser
les apprentissages, ce qu'on veut, c'est une motivation intrinsèque, puis cette
motivation-là intrinsèque se crée beaucoup plus dans la relation
enseignant-apprenant, et autres. Puis aussi, de toute façon, de plus en plus,
c'est démontré par les revues de littérature, la lecture papier, la prise de
notes manuscrites est supérieure, pour la compréhension puis la rétention du
contenu, par rapport aux écrans.
M. Ciccone :Si je fais référence à votre mémoire, là, le postulat n° 2, vous dites : «Plusieurs des métaux rares
nécessaires à la fabrication des milliards d'appareils produits et vendus
chaque année — vous en avez parlé — qui demeurent très peu
recyclés et recyclables seront épuisés dans environ trois décennies, tout au
plus.» Ça, ça veut-tu dire que, dans 30 ans, le problème va se régler tout
seul, là?
M. Gauthier (Benoit) : Oui. Bien,
en fait, dans mon mémoire, je citais... c'est le Shift Project, en France, qui
s'intéresse beaucoup à la transition écologique, à la transition énergétique,
puis, bon, à ce moment-là, c'est ce qu'ils avaient dit. Puis, tu sais, en fait,
ce n'est pas tout à fait juste de dire qu'ils vont être complètement épuisés, c'est
plus les stocks actuels. Mais, au fur et à mesure qu'on va aller plus loin dans
l'exploitation des métaux rares, bien, il va falloir aller les chercher plus
loin, créer des nouvelles mines, plus de gisements, puis, je ne sais pas vous,
mais je pense qu'il n'y a personne qui a le goût d'avoir une mine proche de
chez lui. Puis on sait les désastres que les mines abandonnées ont laissés.
Puis il faut savoir aussi que, les métaux rares, bien, pour l'instant, c'est
beaucoup la Chine qui les produit, donc on est très dépendants de la Chine pour
ça.
Puis les métaux rares, il y a un parallèle
à faire avec les sables bitumineux en Alberta. Puis, tu sais, les sables
bitumineux, c'est des sables qu'il y a une infime quantité de pétrole dedans,
puis on en extrait beaucoup, puis là, après ça, il y a des procédés complexes
et énergivores pour retirer le pétrole de ça. Bien, les métaux rares, c'est la
même chose, c'est des métaux qui sont contenus en très petites quantités dans
la roche, puis on doit creuser, enlever beaucoup de matière de la terre puis,
après ça, la traiter pour sortir ces fameux métaux rares de là. Donc,
environnementalement parlant, je ne suis pas sûr que c'est un miracle, là.
M. Ciccone :Dernière petite question, M. Gauthier. Tantôt, vous
avez dit une chose très intéressante... parce qu'on se penche sur le dossier
là, des écrans, les impacts des écrans depuis plusieurs mois, on va terminer au
mois de mai. Puis là on en parle beaucoup, on en parle beaucoup, on en parle
beaucoup, mais le risque, toujours, d'une commission comme celle-là, c'est
qu'un coup qu'on va avoir terminé on donne notre rapport au gouvernement, puis,
après ça, bien, advienne que pourra. Vous avez parlé d'un comité indépendant
pour continuer, justement, de faire vivre... d'avoir une certaine surveillance,
et aussi d'être capables d'émettre des recommandations avec la nouvelle
technologie, et s'adapter avec le futur aussi. Bien, je trouve ça très
intéressant puis j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.
• (16 heures) •
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
bien, ma recommandation par rapport au comité d'experts, bien, comment je le
vois, c'est vraiment... une principale responsabilité que j'y verrais, c'est
d'assurer une veille pour les... de recommandation des contenus. Parce que, tu
sais, depuis 30 ans, là, il y a une multiplication des contenus, là. Je
n'ai pas de chiffres, mais ça doit être fois 1 000, les contenus
qu'on a accès, par rapport à il y a 20, 30 ans. Puis peut-être que, bon,
c'est peut-être fois 10 000 ou fois 100 000, là, je ne sais
pas. Mais comment les écoles, les parents peuvent s'y retrouver là-dedans? Bien,
c'est là l'idée de ce comité-là, qui pourrait dire : Tel, tel, tel contenu
pour tel âge, c'est adéquat, puis tel, tel, tel contenu pour tel âge, ce n'est
pas adéquat. Puis tous les parents, tout le personnel scolaire pourraient être
au courant de ces recommandations-là puis s'y allier.
M. Ciccone :Merci beaucoup, M. Gauthier. Merci.
M. Gauthier (Benoit) : Ça
fait plaisir. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
M. le député. M. le député de Jonquière.
M. Gagnon : Bonjour,
M. Gauthier, docteur à venir. Fort intéressant.
M. Gauthier (Benoit) : Oui.
Merci.
M. Gagnon : Écoutez, dans
votre rapport, vous avez mis une phrase, là, qui... j'aimerais vous donner un
peu de temps, là, là dessus. Vous avez écrit : «Le processus scientifique
et démocratique devrait, à l'inverse, être placé en amont de la production
industrielle numérique.» J'adore la phrase. Maintenant, comment est ce qu'on y
arrive? Est-ce que vous pouvez élaborer?
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
Bien, je pense que la réponse que je viens de donner au député de Marquette y
répond en partie, parce qu'avec, justement, la multiplication des contenus et
l'accélération de la production de ces nouveaux contenus là, ça devient
impossible ou illusoire pour la recherche, pour la démocratie de suivre ça puis
d'être en amont de ça, parce que ça va trop vite, tout simplement. Puis la
démocratie, la recherche, c'est des processus qui sont complexes, donc on se
retrouve à être toujours à la remorque de ça. Donc, c'est là l'idée d'un <comité...
>
16 h (version révisée)
< M. Gauthier (Benoit) :
...sont
complexes, donc on se retrouve à être toujours à la remorque de ça. Donc, c'est
là l'idée d'un >comité qui dirait : Bien, nous, on recommande tel
contenu puis on ne recommande pas tel contenu. Puis il ne serait pas obligé de
faire le tour de tous les contenus qui existent, justement, parce que ça serait
impossible. Donc, il faudrait que les milieux, les parents, les milieux
scolaires, ils attendent un certain temps, quand il y a des nouveaux contenus
disponibles, que ce comité-là se soit penché dessus et l'approuve ou non pour
telle tranche d'âge. Ça fait que je pense que ça serait une partie de solution
à ce que... à l'énoncé que j'ai mis dans mon mémoire.
M. Gagnon : Parfait. Ça
pourrait passer par l'observatoire, qui par la suite, après ça, amènerait des
recommandations pour les parlementaires, le gouvernement, le milieu scolaire?
M. Gauthier (Benoit) : Les parents,
oui.
M. Gagnon : Je comprends
bien. Merci beaucoup.
M. Gauthier (Benoit) : Plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Hull.
Mme Tremblay : Bonjour. Donc,
merci de passer un moment avec nous aujourd'hui. Bon, vous, quand je regarde, vous
en avez parlé, là, vous faites partie de la direction de la santé publique.
Donc, au niveau de la prévention, il y a des pédiatres qui sont venus ici, là,
ce matin, puis ils ont dit : Bien, tu sais, on a de plus en plus l'impression
qu'on doit outiller, sensibiliser les parents. Comment vous vous prenez, là, en
Montérégie, pour... puis est-ce que vous sentez qu'ils sont assez outillés, les
parents, ou ils sont... il y a encore beaucoup de méconnaissance en lien, là,
avec, justement, les effets que ça peut avoir chez les enfants puis qu'ils
devraient mettre des mesures en place, notamment la non-utilisation, évidemment,
en jeune âge, là?
M. Gauthier (Benoit) : Bien,
d'abord, juste rappeler que je suis ici à titre personnel, donc je ne peux pas
répondre au nom de la Santé publique de la Montérégie, mais je peux quand même
prendre votre question.
Mme Tremblay : ...un petit
bout.
M. Gauthier (Benoit) : Oui, c'est
ça. Donc, en fait, effectivement, ce qu'on voit, c'est que, particulièrement
chez les parents, il y a une partie des parents soit qui ne sont pas au courant
des recommandations ou qui sont au courant et qui ne les appliquent peu ou pas.
Donc, effectivement, c'est un défi de rejoindre ces parents-là. Mais, de plus en
plus, ce à quoi on pense, c'est qu'il faudrait trouver des contextes où les
parents sont... j'aime dire captifs, là, mais, tu sais, comme les rencontres de
parents, ou des endroits, ou des moments, ou des contextes que tous les parents
passent par là, tu sais, par exemple le guide pratique de l'INSPQ pour les
nouveaux parents, qui est donné à tous les nouveaux parents. Ça fait qu'il
faudrait penser à des contextes comme ça, qu'on atteint presque
systématiquement tous les parents pour leur transmettre des informations de
base par rapport au bon usage des écrans, qui sont, pour les plus jeunes,
surtout... le moins est le mieux.
Mme Tremblay : On l'intégrerait
dans le guide ou on ferait vraiment... comme c'est un problème quand même
important, on ferait... sur lequel on veut tellement attirer l'attention des
parents, parce que, les conséquences, dans la vie des enfants puis l'impact que
ça a sur leur développement... Est-ce que ça serait... on pourrait produire, à
ce moment-là, un guide qui est vraiment à part? Parce qu'à travers la grosse
brique qui est donnée aux parents, là... Vous comprenez?
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
je suis d'accord que la grosse brique, là, qui est rendue à 820 pages...
je crois, effectivement, ça serait bien de penser à quelque chose de parallèle
qui serait comme... qui ressortirait plus et qui serait plus tape à l'oeil, tu
sais? Ça pourrait être, par exemple, affiché dans toutes les garderies où les
parents se rendent chaque jour. Donc, il faudrait penser à des moyens pour être
sûr, justement, qu'au moins chaque parent soit minimalement exposé à ces
recommandations de base là qu'on veut.
Mme Tremblay : Je vous ramène
à l'école. Donc, vous dites : Bon, avant la cinquième année — je
pense que c'est ce que vous avez dit, là — donc pas d'utilisation des
écrans. On pourrait même retirer les tableaux blancs, là, de la classe, puis il
n'y aurait aucune différence. Donc, on revient plus à l'effet enseignant,
vraiment, la relation avec l'enfant. Il y a des classes qu'il n'y a plus de
tableau, hein, il y a juste le tableau blanc, je ne sais pas si vous avez vu,
là.
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
je suis au courant.
Mme Tremblay : Ça demanderait
de réinstaller... Moi, je me suis battue, j'étais enseignante, là, pendant de
nombreuses années, pour qu'ils me gardent une partie de tableau, là, donc...
Mais, oui, ça fait que... mais, à travers tout ça, on donne aussi des outils
aux jeunes enfants, tu sais, les enfants qui ont des difficultés d'apprentissage,
on leur donne des outils, aussi, là, donc un ordinateur. Donc, qu'est-ce que
vous en pensez, de ça?
M. Gauthier (Benoit) : Oui, c'est
une bonne question, puis je pense que c'est un élément qui est revenu beaucoup
dans la commission. Puis je dirais que, comme pour le reste, les effets
positifs des écrans, de l'utilisation de la technologie, pour les enfants qui
ont des besoins particuliers... elle est beaucoup moins démontrée qu'on le
pense. Des études qui comparent un groupe de jeunes à besoins particuliers à un
autre jeune... groupe de jeunes à besoins particuliers, puis, un groupe, on
leur <donne...
M. Gauthier (Benoit) :
...
jeune... groupe de jeunes à besoins particuliers, puis, un groupe, on leur >donne
des écrans puis, un autre groupe, on leur donne d'autres sortes de moyens, je
n'ai pas trouvé d'études comme ça. Des revues de littérature que j'ai
consultées, les études qu'on se sert pour dire, pour confirmer les prétendus bénéfices,
souvent c'est des... J'en ai vu une, c'était une étude qui avait trois jeunes
qui avaient été interrogés de manière qualitative. Je ne comprends pas comment
un article comme ça peut être publié, là, en premier lieu. Mais il faut garder en
tête, là...
Puis c'est un peu ça, dans la recherche,
dans les rapports, souvent on a une impression d'équivalence, un peu, entre les
bienfaits, d'un côté, puis les effets négatifs, mais, dans la recherche, ça ne
repose pas du tout sur la même donnée, là. Les effets négatifs sont démontrés
sur des grandes... des grandes... des grands échantillons, sur des... avec des
études longitudinales, tandis que les effets prétendument positifs, souvent ils
reposent sur beaucoup moins de données probantes, sur des très petites études
avec peu de cas, des contextes expérimentaux très contrôlés, dans lesquels il y
a beaucoup de si qui viennent avec les bienfaits, puis ces si-là, souvent, sur
le terrain, ils ne sont pas vraiment rencontrés.
Donc, moi, au primaire, je n'aurais aucun
problème, je pense qu'il n'y aurait aucune perte, à ce que tous les enfants
n'aient pas accès aux écrans. Je ne pense pas... je pense qu'il n'y a pas de
recherche qui peut nous dire qu'il y a des risques à enlever les écrans au
primaire avant la cinquième année.
Mme Tremblay : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée d'Iberville.
Mme Bogemans : Oui. Bien, sur
le même sujet, tu sais, au niveau des études, mais... Tu sais, vous
dites : L'article était basé sur trois... tu sais, trois entrevues qualitatives,
là, mais, vous ou la Santé publique, est-ce que vous êtes allés dans les écoles
pour voir comment ça se passait pour les élèves à besoins particuliers?
M. Gauthier (Benoit) : Oui.
Puis, encore une fois, je ne peux pas parler au nom de la Santé publique
aujourd'hui, mais c'est sûr qu'il y a quand même... Ça se parle, sur le
terrain, de comment ça... qu'est-ce qui fonctionne, qu'est-ce qui fonctionne
moins. Mais les échos sur le terrain, c'est... ça rejoint un peu qu'est-ce que
je viens de dire, c'est-à-dire que, oui, dans... quand le contexte de
l'introduction de la technologie, pour un jeune qui a des besoins particuliers,
est optimal, c'est-à-dire que c'est un appareil qu'il a juste à l'école puis
qu'il a accès juste à ces deux, trois logiciels qui l'aident, puis il sait
comment l'utiliser, il est motivé à l'utiliser, il y a son enseignant qui lui
donne le bon... la bonne rétroaction, quand tout ça est réuni, là, on voit des
effets positifs. Mais, dès que tout ça n'est pas réuni, puis souvent, en fait,
sur le terrain, c'est ça qui se passe, c'est que toutes ces conditions-là ne
sont pas réunies, bien, ça devient plus négatif qu'autre chose.
• (16 h 10) •
Puis il faut aussi garder en tête, par
rapport à ça... c'est que, souvent, les jeunes qui ont des besoins
particuliers, c'est les jeunes qui présentent plus de vulnérabilité. Puis les
jeunes qui présentent plus de vulnérabilité, bien, ils sont aussi plus
vulnérables aux effets négatifs des écrans. Donc, il faut garder ça en tête
aussi.
Mme Bogemans : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Mme
la députée de Châteauguay.
Mme Gendron : Merci. Bonjour,
M. Gauthier. Merci d'être avec nous. Vous avez dit quelque chose, d'entrée
de jeu, vous avez dit que ça nuit au potentiel humain. C'est quand même une
phrase lourde de sens. Je pense que, dans une ère où est-ce qu'au contraire on
pense que la technologie nous amène plus loin... Je comprends votre point de
vue, c'est un peu différent de ce que je pouvais m'attendre.
Moi, ce que j'aurais aimé parler avec
vous... Vous êtes chargé de cours, vous enseignez, vous êtes en lien, vous
voyez des enfants, vous les accompagnez... bien, chargé de cours à
l'université, mais vous accompagnez également des jeunes. Donc, je ne doute pas
une seconde que tout l'écosystème universitaire est basé beaucoup, beaucoup sur
la technologie, sur les écrans. Je ne doute pas une seconde que vous avez...
bon, vous êtes sur votre ordinateur, j'imagine, quand vous êtes chargé de
cours, que vous avez des tableaux, tout ça. Comment faire aujourd'hui pour
mettre des règles ou contrôler, justement, ça, pour limiter ça? Tu sais, tantôt
on parlait de guide. Est-ce qu'on irait vers un guide aussi pour les
employeurs, pour les professeurs, pour les travailleurs des réseaux? Parce que,
concrètement, en ce moment, tout est basé là-dessus, sur la technologie, sur
les écrans. Vous avez parlé, un peu plus tôt, de motivation intrinsèque. Tu
sais, comment faire, à cette étape-ci, pour apporter les changements
nécessaires, selon votre vision?
M. Gauthier (Benoit) : Bien,
dans mes propos, c'est sûr qu'il y a quand même une distinction, pas complète
mais graduelle, entre les enfants et, éventuellement, les adolescents et les
adultes. Donc, dans le monde adulte, tu sais, j'ai moins de problèmes à ce que
les écrans occupent une certaine place. Mais, quand même, pour répondre à ce à
quoi vous avez fait allusion, mes <cours...
M. Gauthier (Benoit) :
...
quand même, pour répondre à ce à quoi vous avez fait allusion, mes >cours
que je donne, moi, j'utilise un PowerPoint, mais j'encourage mes étudiantes,
étudiants à être papier, crayon, puis la plupart y vont avec ça, puis je rends
ça très interactif, puis finalement ils aiment beaucoup ça. Donc, on se passe
pratiquement d'écran, puis ça se passe très bien.
Mais après ça, c'est ça, mes
recommandations concernent beaucoup plus le début de la vie parce que,
justement, c'est là que les habitudes... vous avez parlé de motivation
intrinsèque versus extrinsèque, c'est là que ces plis-là s'ancrent pour la
suite. Donc, que les écrans soient trop présents au début de la vie, bien, non
seulement ça a des effets sur la posture, sur la vision, etc., mais aussi,
justement, sur le type de motivation, sur l'habituation à recevoir des petites
doses... des microdoses de dopamine. Donc, ça éloigne un peu de la... de tout
qu'est-ce qui est riche dans la relation puis l'apprentissage qui est exempt
d'écran.
Donc, vraiment, mes recommandations
concernent plus ce que j'ai nommé plus tôt, donc le service de garde, les
services de garde en milieu scolaire et le primaire jusqu'à la quatrième année.
Après ça, tu sais, je pense qu'ils peuvent être intégrés graduellement,
parcimonieusement. Puis le comité d'experts dont j'ai parlé pourrait fournir
une partie des recommandations sur qu'est-ce qui peut être intégré
graduellement à la fin du primaire, au secondaire. Après ça, au cégep, à
l'université, je ne pourrais pas vous répondre plus spécifiquement par rapport
à ça, sur comment je verrais ça, là.
Mme Gendron : Parfait. Puis,
pour maximiser, justement, la motivation intrinsèque chez les jeunes, avez-vous
des pistes d'idée à nous soumettre?
M. Gauthier (Benoit) : Bien,
pas nécessairement, spécifiquement, autre que que les écrans ne soient pas trop
présents. Parce que, justement, les écrans, vu que beaucoup de leur application
repose sur les récompenses, les mécanismes de jeux de hasard et d'argent, bien,
ça induit une motivation plus extrinsèque chez les enfants, puis ce n'est pas
ça qu'on veut. Parce qu'en termes d'apprentissage, la motivation intrinsèque,
c'est-à-dire qui est liée à l'estime de soi puis, bon, à plein d'autres choses
qui sont plus positives, c'est ça qu'on veut, qui est plus positif pour les
apprentissages.
Mme Gendron : Merci beaucoup,
M. Gauthier.
M. Gauthier (Benoit) : Ça fait
plaisir. Merci à vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Gauthier, merci pour votre exposé ainsi que pour
le mémoire que vous nous avez transmis. Bien, en fait, là, vous venez de le mentionner,
donc, vous, vous vous préoccupez beaucoup plus, donc, des... de la pratique,
surtout, donc, au début de la... au début du développement de l'enfant puis vous
faites cette distinction-là entre l'enfant, donc, l'adolescent et, par la suite,
le jeune adulte. Je comprends bien qu'on... puis je pense que ça, vous
l'écrivez, là, qu'il n'y a pas d'étude longitudinale, ce ne serait pas
possible, donc, éthiquement, donc, de pouvoir le faire et de voir cet effet-là
sur le long terme.
Mais, juste pour bien saisir, tu sais, de
ramasser ça en un seul propos, donc, au-delà de ce qu'on a beaucoup entendu, en
petite enfance, comme impact, donc le développement sur le langage, sur la
régulation des émotions chez des jeunes enfants, la captation de l'autonomie,
qu'est-ce que vous, vous prédisez comme impact, donc, chez les enfants qui
auraient cette surexposition aux écrans au début de la vie et... parce que vous
parlez, donc, de ces habitudes-là qui sont prises dès le départ, là, et quels
types d'habitudes, à quoi pourraient ressembler, donc, les problématiques avec
lesquelles ils pourraient composer plus tard?
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
bien, je vais vous répondre tout en faisant du pouce avec la question... sur la
question précédente, là. Je vais ramener l'idée que... de l'incompatibilité
entre la... les mécanismes de captage de l'attention et la surexposition qu'ils
induisent, et le développement du potentiel.
Donc, en fait, c'est pas mal démontré dans
la recherche que toutes les sphères du développement y passent quand il y a une
surexposition aux écrans. Donc, les habiletés sociales, la sphère cognitive,
les habiletés physiques, le développement affectif, social, donc, tout y passe.
Alors, on peut penser à des jeunes qui développent moins leurs compétences
physiques, on peut penser à des jeunes qui ont moins d'habiletés sociales, on
peut penser à de jeunes qui ont un attachement plus insécure, des compétences
affectives moindres, on peut penser à des jeunes qui sont plus dépendants de
motivations extrinsèques, donc qui dépendent plus de stimuli externes pour se
motiver plutôt que d'être capables de s'activer par eux-mêmes puis de croire en
leurs propres capacités. Puis, bon, on peut penser à des jeunes qui développent
un moins bon langage, on peut penser à des jeunes qui ont plus de myopie, ça,
c'est documenté aussi, on peut penser à des problèmes de posture, on peut
penser à des jeunes qui sont plus sédentaires, qui ont plus de risque de
diabète de type 2, qui ont plus de risque de surpoids. Je ne sais pas
si...
Mme Cadet : Donc, ce que vous
dites, c'est <qu'au-delà de...
M. Gauthier (Benoit) :
...surpoids. Je ne sais pas si...
Mme Cadet :
Donc,
ce que vous dites, c'est >qu'au-delà de... au-delà de l'article, mon
collègue, un peu plus tôt, parlait, bon, d'un article qui était sorti dans La
Presse en novembre dernier, là, qui... où des enseignants, donc, sonnaient
l'alarme, donc, des enfants de cinq, six ans. Ce qu'on peut constater, là, c'est
qu'en fait, donc, des profs de cégep pourraient, un peu plus tard, constater
exactement, donc... bien, évidemment, pas tout à fait la même chose, là, mais
des dissimilarités par rapport aux cohortes précédentes et aux cohortes
suivantes qui ont été surexposées aux écrans dès la petite enfance?
M. Gauthier (Benoit) : Puis,
en fait, on le constate quand même déjà, là. Dans les études de cohortes, en
Amérique du Nord, clairement il y a une diminution de la santé et des capacités,
de la santé mentale, d'une cohorte à l'autre. On le voit, d'ailleurs, les
chiffres de l'Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire, qui
viennent de sortir, on le voit assez clairement que ça diminue d'une cohorte à
l'autre.
Mme Cadet : Au-delà de leur...
souvent, ces études-là, donc, on mettait beaucoup l'accent sur la pandémie,
donc, sur une surexposition très, très, très récente aux écrans. Donc, ce que vous
dites, c'est qu'il y aurait potentiellement aussi une corrélation avec une
surexposition dès la petite enfance et non pas juste pendant cette période-là
de surcharge des écrans?
M. Gauthier (Benoit) : Bien
oui, tout à fait. Puis la pandémie, là, il ne faut pas... Ce qu'on remarque de
plus en plus dans la recherche, puis c'est pour ça qu'on n'en parle pas tant
que ça, c'est que c'est assez... ça fait assez consensus que la pandémie, au
niveau des écrans, ça a juste exacerbé quelque chose qui était déjà en marche, là,
donc...
Mme Cadet : Il y avait déjà
une tendance.
M. Gauthier (Benoit) : Oui.
Mme Cadet : Le titre de votre
mémoire est assez parlant, parce qu'en fait vous dites : La
nécessité de cantonner les objets du numérique à leur place d'outil. Donc,
vraiment, essentiellement, donc, ce que vous dites, donc, les usages ludiques,
on le réduit, donc, le plus possible. On a parlé, donc, de regarder un film
avec interactions parents-enfants, ça, on l'a beaucoup entendu, mais que, tout
ce qui est numérique, on le réduirait à l'usage d'outil. Donc, les différentes
recommandations... les questions qu'on a posées à d'autres intervenants avant
vous, sur le cellulaire à l'école et sur la majorité numérique, j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Gauthier (Benoit) : Oui.
Bien, d'abord, pour ce qui est de la place d'outil, ça peut être, comme vous
l'avez dit, un outil de divertissement à l'occasion, puis ça peut être un outil
dans différents contextes, divers... différents lieux, différents moments, mais
l'idée, c'est qu'on l'utilise quand on en a vraiment besoin, puis ça ne revient
pas à quelque chose qui prend toute la place puis qui est au centre de notre
vie. Donc, c'est ça, la distinction à faire.
Pour ce qui est de... Vous m'avez demandé
la majorité numérique et...
Mme Cadet : Et le cellulaire
à l'école, l'interdiction du cellulaire à l'école.
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
le cellulaire à l'école. Bien, ça, ça, ma recommandation est claire là-dessus,
ça, ça ne devrait pas.... je pense qu'on devrait aller de l'avant à mettre ça
mur à mur, au Québec, au primaire et au secondaire, qu'il n'y ait aucun
appareil personnel mobile qui soit utilisé par les enfants du matin jusqu'à la
fin de l'école. Puis... bien, en fait, il y a déjà des écoles qui le font, puis
ça se passe...
Mme Cadet : Oui, puis on les a
visitées, aussi.
M. Gauthier (Benoit) : Les
résultats... les données restent encore à venir, mais, à date, les résultats
sont probants. Pour ce qui est de la majorité numérique, tu sais, comme j'en ai
parlé dans mon exposé, au début, tu sais, moi, je ne ciblerais pas
nécessairement juste les réseaux sociaux. Pour moi, les autres types d'usages
peuvent être problématiques aussi. On sait que les jeunes, au-delà des réseaux
sociaux, sont... jouent beaucoup aux jeux vidéo en ligne puis visionnent
beaucoup de vidéos.
• (16 h 20) •
Puis ce que je propose : avant 14 ans,
que l'usage privé soit restreint, c'est-à-dire qu'avant cet âge-là
l'utilisation des écrans par les jeunes se fasse seulement dans les espaces
communs, en présence d'adultes. Bien, ça vient un peu, disons, apporter une
solution à ça. Parce que, tu sais, je pense que, beaucoup d'intervenants, on
s'entend qu'avant un certain âge on n'a pas la maturité pour être confronté à
différents types de contenus, mais... Puis je pense que ça serait difficile et
laborieux d'essayer d'empêcher les jeunes d'être confrontés à ces contenus-là parce
que, comme je l'ai dit tantôt, ça demanderait la collaboration des géants du
numérique, ce qui est loin d'être assuré. Mais, en favorisant le visionnement
dans les espaces communs, bien, quand les jeunes sont confrontés à du contenu
qui est moins adéquat, ce qui est inévitable, selon moi, bien, ils ont les
adultes autour pour intervenir, puis pour en discuter, puis pour jauger, puis
pour, peut-être, changer de contenu, finalement.
Donc, je pense que c'est une solution qui
est plus... pour moi, ça a plus de faisabilité que de vouloir instaurer une
majorité numérique, de vouloir, tu sais, bloquer différents contenus. Je pense
que c'est... je ne vois pas comment on peut réalistiquement faire ça.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Puis, oui, le cellulaire, on a visité plusieurs écoles, quelques écoles où
c'était le cas, là, et effectivement les étudiants eux-mêmes, les élèves
eux-mêmes nous disaient à quel point ça avait transformé leur parcours
académique. Merci beaucoup, M. Gauthier.
M. Gauthier (Benoit) : Merci
à vous.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Gauthier, je veux <juste...
M. Ciccone :
... Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Gauthier,
je veux >juste revenir sur un petit point. Je vous écoute depuis tantôt,
puis on met beaucoup la responsabilité sur les adultes qui entourent nos
jeunes, et à raison, selon moi. Cependant, on dit que la meilleure chose quand
on a une problématique personnelle, un, c'est de le reconnaître, de l'avouer et
par la suite on va être capable de régler cette problématique-là.
Moi personnellement, puis je ne veux pas
parler pour mes collègues, là, mais, dans le milieu où on vit, puis ce n'est
pas juste nous autres ici, à l'Assemblée nationale, comme législateurs, mais on
est beaucoup sur nos... nos écrans numériques, sur notre téléphone, on
travaille beaucoup sur nos écrans. Alors, moi, je considère que je suis dépendant.
Je quitte la maison, j'oublie mon téléphone, j'ai une crise d'angoisse, là, je
dois revenir le chercher, ça n'a pas de bon sens. Mais on donne beaucoup la
responsabilité aux adultes, à des gens comme nous, mais, nous étant dépendants,
sommes-nous les meilleures personnes pour, justement, régulariser le tout, là,
avec nos jeunes, alors que nous-mêmes, on a cette problématique-là? On n'est
pas pris dans un étau, là, à quelque part?
M. Gauthier (Benoit) : Oui,
effectivement, c'est un très bon point que vous amenez. Parce qu'effectivement,
pour que les adultes, on encourage des bonnes pratiques chez nos jeunes, bien,
effectivement, il faut... On est des modèles pour nos jeunes, tu sais, ça,
c'est un principe de base du développement. Donc, oui, il y a une
reconsidération de la place que les écrans occupent dans la vie adulte qui peut
être faite.
Je ne pense pas qu'il faudrait que... Tu
sais, moi, pour le travail, je pense que je n'ai pas de problème, tu sais,
parce que c'est un outil de travail. Tu sais, quand je parle de cantonner à sa
place d'outil, je pense que ça s'inscrit là-dedans. Mais c'est tous les autres
usages en dehors de ça puis aussi l'extension du travail en dehors des heures,
à cause de tous les appareils mobiles, donc...
Puis, tu sais, il faut savoir aussi que
les écrans, avec toutes les possibilités qu'ils offrent, ces possibilités-là se
transforment rapidement en attentes et même en impératif de plus de
productivité puis d'être plus présent. Puis, bon, sûrement que, les autres
personnes qui sont présentes avec vous, sûrement qu'il y en a qui sont en train
de consulter d'autres contenus, de répondre à un courriel, de regarder un
article qu'on leur a envoyé. Donc, tu sais, ça a créé un peu cet impératif-là
de devoir tout le temps être à l'affût de tout ce qui se dit, de tout ce qui
sort.
Donc, je pense qu'au-delà de... que ça
demeure un outil de travail, ça va, mais il faut considérer, en dehors de ça, à
quel point ça contribue à... Tu sais, il y a beaucoup de parents qui se sentent
débordés. Bien, il faut se poser la question, les écrans ont un rôle à jouer
là-dedans. Donc, je pense qu'il faudrait réapprendre, en dehors du travail, à y
aller plus lentement, à être plus... à passer davantage de moments de qualité
sans écran, plutôt qu'à chaque fois qu'on a un temps libre d'aller combler avec
un écran, ce qui, finalement, nous relaxe à court terme mais contribue à notre
stress constant sur le moyen, long terme. Donc, effectivement, il y a une
remise en question à faire à ce niveau-là.
M. Ciccone :Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci.
Merci beaucoup, M. Gauthier. C'est tout le temps qu'on a, malheureusement.
Alors, je vous remercie beaucoup pour votre contribution à ces travaux.
Pour ma part, je suspends quelques instants
pour accueillir notre prochain témoin. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 26
)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux.
Donc, nous accueillons le dernier témoin
de cette journée, Mme Céline Castets-Renard. Donc, bonjour, Mme Castets-Renard,
bienvenue à cette commission et merci d'avoir accepté d'y participer. Donc,
vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, et suite à
cela on procédera à une période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, la parole est à vous.
Mme Céline Castets-Renard
Mme Castets-Renard (Céline) : Merci,
Mme la Présidente. Merci, MM. et Mmes les députés, de m'accueillir. Je suis extrêmement
heureuse et honorée de vous parler aujourd'hui. Je suis Céline Castets-Renard, je
suis professeure de droit à la Faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa
et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit international et
comparé de l'intelligence artificielle.
Et donc, aujourd'hui, en effet, je vais
évoquer avec vous certains enjeux et risques juridiques, mais aussi sociaux
pour les enfants qui seraient trop attachés à leurs écrans. Je vais commencer
par un certain nombre de constats, et puis ensuite nous verrons quelles sont
les réponses juridiques, éventuellement, déjà en place et, encore plus
éventuellement, ce que l'on pourrait envisager. Donc, ma perspective sera,
évidemment, principalement juridique.
Donc, sur les enjeux et les risques
sociaux, je pense que vous les avez très certainement déjà beaucoup identifiés,
pour la plupart d'entre eux en tout cas, j'imagine bien, les risques liés à la
santé, que ce soit la santé physique ou mentale des enfants, hein, on voit des
augmentations de risque de sédentarité, d'obésité, d'un certain nombre de
jeunes qui seraient trop exposés aux écrans, on voit aussi des enjeux liés au
sommeil et on s'interroge aussi sur l'impact que pourrait avoir une exposition
trop importante aux écrans, impacts pour les yeux, pour la vue, pour la myopie,
même si c'est un sujet qui n'est pas encore forcément tout à fait prouvé par
les scientifiques. On sait aussi qu'il y a un phénomène d'addiction, un
phénomène aussi de récompense sociale, pour les jeunes qui sont exposés aux
réseaux... à l'utilisation des réseaux sociaux, et en particulier les filles,
qui sont souvent surexposées et qui sont parfois, même... très, très souvent
même, sont exposées à être sexualisées ou à s'exposer en ce sens de manière
plus ou moins volontaire ou contrainte par la pression sociale. On voit aussi
que l'addiction est liée à des algorithmes de captation d'attention. Et évidemment
tous ces phénomènes d'addiction sont liés au mode de <fonctionnement...
>
16 h 30 (version révisée)
< Mme Castets-Renard (Céline) :
...d'attention, et évidemment tous ces phénomènes d'addiction sont
liés au mode de >fonctionnement des réseaux sociaux et sont liés aussi
au mode de fonctionnement des jeux vidéo, que je voudrais aussi intégrer dans
le débat, si vous permettez. On sait, bien sûr, aussi qu'il y a des risques de
manipulation d'opinion. Ces risques-là existent pour tout utilisateur des
réseaux sociaux et de certaines sources. Ce n'est pas quelque chose qui est
propre aux enfants, mais les enfants n'ont certainement pas encore le recul
pour comprendre qu'ils se font manipuler.
On voit aussi qu'il y a des problèmes liés
aux bulles algorithmiques informationnelles, que l'on connaît bien, au-delà des
enfants. Et on peut aussi s'inquiéter d'une exposition importante, qui a été
prouvée, à la violence, au contenu pornographique et pédopornographique, à des
contenus à caractère haineux, et ce, en dépit du fait qu'en principe ces
contenus ne devraient pas être accessibles à des mineurs.
On voit que la question de la récompense
sociale, de l'image de soi, du harcèlement, de la mise en scène est
particulièrement importante aussi, comme je l'ai déjà mentionné, pour les
jeunes femmes et les jeunes filles. On voit qu'il y a une représentation
souvent stéréotypée, des images souvent, donc, sexualisées et des violences
sexistes et sexuelles qui se perpétuent... surtout sexistes, qui se perpétuent
sur les réseaux et, de plus en plus aussi, malheureusement, l'émergence de
discours masculinistes.
Je voudrais ajouter à ces constats un
dernier élément, qui concerne le mythe du «digital native». On a toujours... on
a souvent tendance à penser que les jeunes maîtrisent les réseaux sociaux parce
qu'ils sont nés avec, maîtrisent le numérique parce qu'ils sont très à l'aise
avec l'utilisation de ces outils. Et pourtant des études ont montré que la
littératie numérique, donc, la véritable maîtrise des instruments, et en
particulier des paramètres de confidentialité, est souvent limitée et n'atteint
pas le niveau que l'on pourrait attendre par rapport à l'usage qu'ils peuvent
faire de ces outils.
Alors, c'est un ensemble de constats. Ces
constats ne sont pas exhaustifs, mais je pense que ce sont les principaux, en
tout cas, qui me viennent à l'esprit. Et donc, pour essayer de faire face à ces
enjeux, que peut-on envisager d'un point de vue juridique? Alors, du point de
vue du droit, on sait qu'on a déjà, quand même, des réponses législatives, hein?
Je pense en particulier à la législation sur la protection des renseignements
personnels, la loi n° 25 que vous avez adoptée récemment et qui
protège tout un chacun de l'exploitation des renseignements personnels, et en
particulier des renseignements personnels des mineurs. Donc, c'est un outil
évidemment intéressant. Pour...
(Panne de son)
La Présidente (Mme Dionne) : Nous
avons quelques petits problèmes techniques.
Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 36)
(Reprise à 16 h 38)
La Présidente (Mme Dionne) : Donc,
la commission reprend maintenant ses travaux. Donc, vous pouvez poursuivre.
Mme Castets-Renard (Céline) : Merci,
Mme la Présidente. Donc, j'étais en train d'exposer les éventuelles limites du
cadre juridique actuel. Donc, j'évoquais le Code civil du Québec à l'instant,
qui protège le droit à l'image mais qui n'est pas bien adapté aux risques que
peuvent poser les «deepfakes», qui sont des images trafiquées, des images de
synthèse, des fausses images fabriquées par l'intelligence artificielle et qui
ne correspondent... dont les caractéristiques techniques ne correspondent pas
bien à la définition de la protection du droit à l'image. Et d'ailleurs je
signale au passage que le gouvernement de l'Alberta réfléchit à légiférer sur
la question des «deepfakes» en particulier pour protéger les mineurs et pour
protéger les femmes, aussi, des contenus souvent fabriqués, des contenus de
caractère sexuel souvent artificiellement fabriqués.
Et je voudrais, donc, aussi évoquer... J'étais
en train d'exposer les limites que peut présenter la loi sur le cadre juridique
des technologies de l'information, s'agissant de la modération des contenus. Cette
loi, donc, adoptée en 2000, avait alors pour objectif, d'une certaine manière,
d'éviter la mise en œuvre de la responsabilité des intermédiaires techniques, mais
aujourd'hui...
(Panne de son)
La Présidente (Mme Dionne) : Nous
allons suspendre les travaux quelques... Ah! on vient de...
Mme Castets-Renard (Céline) : C'est
bon. Je suis là.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
O.K., parfait. Vous pouvez poursuivre. On a des petits problèmes de connexion.
Mme Castets-Renard (Céline) : Donc,
la modération des contenus qui ne correspond plus… en tout cas, la façon dont
on caractérisait ces intermédiaires techniques ne correspond plus à ce que sont
les plateformes aujourd'hui, et au rôle actif qu'elles jouent sur le contenu
qu'elles nous laissent voir, et sur le fait, évidemment, que ces plateformes
ont un rôle actif sur le maintien et l'addiction des jeunes sur les réseaux
sociaux, par exemple. Donc, certainement qu'il faut aussi réfléchir à un peu
plus d'engagement de la responsabilité des acteurs ou, en tout cas, leur
demander un petit peu plus de mettre en œuvre des mesures pour protéger les
mineurs.
• (16 h 40) •
On peut penser aussi au droit de la
consommation, et aux caractéristiques, et aux contenus informationnels que
peuvent avoir les conditions générales d'utilisation des sites Internet.
Parfois, il arrive que des sites Internet prévoient des mesures protectrices
des mineurs, mais elles ne sont pas très accessibles, très connues. Et donc
c'est aussi un enjeu qui peut être soulevé du point de vue du droit de la
consommation.
On peut aller aussi plus loin si on veut
réfléchir à avoir un peu plus d'accès à l'opacité des algorithmiques
addictogènes. On peut penser aussi réfléchir à engager une éventuelle
responsabilité ou, en tout cas, des mesures à l'égard des constructeurs,
s'agissant du paramétrage… des paramétrages de certains outils pour éviter une
exposition trop longue, trop importante aux écrans et peut-être aller, ce sont
des propositions qui circulent parfois, aller jusqu'à un droit au paramétrage,
le droit de choisir ce que l'on peut voir, ne pas voir, et aussi de décider des
temps d'utilisation.
S'agissant des jeux vidéo, je pense que,
là, il y a vraiment un travail à effectuer un peu différent parce qu'il y a des
risques un peu différents liés à des jeux d'argent, à des jeux continus, à des
jeux en ligne, en réseau. Et on peut aussi s'interroger sur l'impact de plus
important... de plus en plus important que va avoir l'intelligence artificielle
pour personnaliser de plus en plus les jeux, et notamment les caractères qui ne
sont pas des joueurs dans les jeux mais qui peuvent influencer peut-être le
comportement des jeunes.
En tout cas, il faut, à mon avis,
réfléchir aussi à des solutions technologiques de manière générale et ne pas
tout faire reposer sur les parents et sur le contrôle parental, parce qu'on
sait très bien que les parents se font avoir souvent par leurs enfants et que
les enfants savent très bien contourner les limites de contrôle parental. Donc,
peut-être faut-il penser un peu plus activement à des moyens techniques.
De façon plus générale, d'autres
politiques publiques, bien sûr, devraient être envisagées, au-delà des armes
purement juridiques, des instruments juridiques, bien sûr, tout ce qui est
éducation de la jeunesse, tout ce qui est formation des parents, formation des
enseignants aussi, parce qu'il y a un lien à établir entre l'école et la
maison, et il faut certainement mieux outiller aussi bien les parents que les <enseignants...
Mme Castets-Renard (Céline) :
...que les >enseignants.
Pour conclure, je voudrais simplement dire
que cette question de protection des enfants, à mon avis, a deux grands...
recèle deux grands enjeux de société particulièrement importants. Il s'agit de
lutter contre la captation, la manipulation, voire l'asservissement de la jeune
génération. Donc, évidemment, ce n'est pas un petit sujet. Et aussi peut-être
que c'est un... Il y a une deuxième dimension peut-être moins visible, il
s'agit aussi de lutter contre les inégalités socioéconomiques et aussi les
inégalités de genre, parce que, je l'ai soulevé à plusieurs reprises, les
filles sont particulièrement... les jeunes filles sont particulièrement
vulnérables, vulnérabilisées sur ces réseaux sociaux.
Je vous remercie de votre attention, et
bien sûr il me fera plaisir de vous répondre si vous avez des questions.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci infiniment, Mme Castets-Renard. Donc, effectivement, nous allons
procéder à la période de questions avec Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Castets-Renard. Merci beaucoup
pour votre exposé. C'est bien intéressant, au départ, que vous nous parliez,
donc, de cette perception que nous avons de la jeune génération et de leur
littératie numérique, parce qu'ils sont très, très habiles sur les outils mais
n'ont pas nécessairement, donc, toutes les compétences afférentes pour être
capables, donc, de bien naviguer de façon sécuritaire sur toutes ces
plateformes. Donc, c'est devenu un peu notre responsabilité comme législateurs.
Ma première question. Vous avez mentionné
l'importance de la protection des renseignements personnels. Si vous avez
écouté, bien, vous savez que la question de la majorité numérique est revenue à
de nombreuses reprises. Ils ont... De multiples experts du côté de la santé
publique, donc, émettent cette recommandation-là, donc, pour toutes sortes de
motifs, en nous disant : Bien, il faudrait, donc, que les enfants, donc, y
aient moins… peu ou pas accès. Bien, c'est certain que la question de la
protection des renseignements personnels de ces mineurs se pose. Si on veut
qu'une telle mesure soit efficace, bien, il faudrait être en mesure, donc, de
l'appliquer. Et donc la question des renseignements personnels se pose. Je veux
savoir quel est votre avis là-dessus.
Mme Castets-Renard (Céline) :
Alors, à mon avis, il y a deux aspects. Il y a un aspect qui concerne l'âge
de l'accès ou à quel moment peut-on penser qu'il faut... bien, qu'on pourrait
penser à un environnement sécuritaire pour les enfants. Je voudrais... Je ne
sais pas si vous avez eu connaissance, probablement que oui, mais, au cas où,
je vous le mentionne quand même… Vous avez peut-être vu un rapport qui a été
fait en France sur les enfants et les écrans, À la recherche du temps perdu,
en avril dernier, et ils prévoient justement… Ils encouragent, ils recommandent
tout un parcours en fonction de l'âge des enfants. Je trouve que c'est
effectivement une réponse intéressante, parce qu'on peut être assez effrayé de
voir à quel point les jeunes vont sur les réseaux sociaux très, très tôt, et
ils ne maîtrisent absolument rien.
Donc, ça me paraît être un... ça paraît
être un peu sévère et un peu dur de prévoir ce genre de limite d'âge, mais
c'est probablement la chose qui serait la plus efficace, parce que, finalement,
les enfants ne sont pas en mesure de se protéger eux-mêmes et n'ont pas trop
conscience des dangers, et les parents, pas toujours non plus. Même si j'ai
quand même... Je me pose quand même des questions sur ce qu'on peut dire et
faire en tant que législateurs. Si je me mets à votre place, il y a forcément
une forme de paternalisme à prévoir ce genre de mesure. Donc, ce n'est pas
toujours évident.
Ça relève aussi de l'intimité des
familles. Donc, se mêler de l'éducation, c'est toujours un petit peu compliqué,
mais, si c'est un discours global, expliqué… Évidemment, ça ne doit pas être le
genre de... la seule mesure, que de poser des interdictions ou, en tout cas, de
fortes recommandations. Si c'est expliqué et qu'il y a aussi un travail
pédagogique avec les écoles, ça peut avoir non seulement une certaine
efficacité, mais aussi ça peut être bien reçu par les parents éducateurs qu'ils
prennent aussi le sujet en main.
Quant à la protection des renseignements
personnels elle-même, donc, c'est le deuxième aspect, très honnêtement, quelle
que soit la législation, je trouve que, bien, les législations ne seront jamais
suffisantes parce que, très souvent, elles reposent sur le consentement, et là
il faut que ce soit le consentement des parents, le consentement des enfants,
et quel que soit l'âge que l'on fixe, c'est très difficile pour les parents…
même s'ils sont, comment dire, intégrés dans la décision, c'est souvent très
difficile pour eux d'empêcher leurs enfants d'accéder à telle ou telle
plateforme, parce qu'il y a une grande pression sociale, etc.
Donc, le consentement s'obtient assez
facilement en bout de ligne, que ce soit l'adulte ou l'enfant, et, à partir du
moment où on a le consentement, bien, c'est un petit peu... c'est très facile
pour les plateformes de tout récupérer. On a le consentement. On a... On est
légitime à récupérer les données, les informations personnelles. Et donc, même
si on peut avoir quelques limites dans la loi, on a beaucoup de mal à s'assurer
du respect de ces limites, et, de toute façon, même à considérer que les
limites fonctionneraient, on peut récupérer tellement d'informations sur la
base du consentement, à partir du moment où on l'a, ce <consentement…
Mme Castets-Renard (Céline) :
...où
on l'a, ce >consentement, on peut faire tellement de choses que, de
toute façon, il n'y a plus de protection du tout. Donc, c'est une fausse
protection, le consentement. On le sait pour les adultes et, a fortiori, pour
les enfants.
Mme Cadet : Oui, et, juste de
façon subsidiaire, pour bien saisir votre propos ici, c'est que, par exemple,
donc, si on veut qu'une telle mesure soit efficace, bien, il faudrait avoir,
donc, une pièce d'identité de l'enfant ou peut-être, donc, du parent pour
prouver que la personne qui se retrouve bel et bien, donc, devant le compte à
créer est une personne qui est en âge, selon ce que le législateur, donc,
souhaiterait mettre en place. Je comprends qu'en France c'est 15 ans, dans
d'autres, 14 ou 16. Ce que vous dites, c'est qu'il faudrait, puis je ne veux
pas... je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, mais qu'en fait
ça ne changerait pas grand-chose à, donc, demander, donc, ces cartes d'identité
là parce que, de toute façon, en vertu du consentement qui est acquis, il y a
énormément de données qui sont possédées par les différentes plateformes, de
fournir notre carte... notre pièce d'identité, c'est un risque de plus, mais
pas plus que ce qu'on voit déjà sur les plateformes.
Mme Castets-Renard (Céline) : Bien,
l'identité, c'est simplement pour attester d'un niveau d'âge, mais ça n'empêche
pas une utilisation massive, une collecte massive des données et une
réutilisation par la suite. Donc, c'est sûr qu'on discute beaucoup, par
exemple, de l'identité numérique pour prouver son âge, justement, pour avoir
une garantie plus forte qu'une simple carte d'identité, par exemple, pour avoir
accès à des sites pornographiques qui sont légaux, mais qui sont légaux à
partir de 18 ans. Donc, oui, c'est sûr qu'on discute de ce genre de
système, mais, bon, je ne sais pas si on va interdire les réseaux sociaux avant
18 ans. Ça me surprendrait beaucoup qu'on en arrive là. Donc, même si on
interdisait jusqu'à 15 ans... enfin, si on l'autorisait à partir de
15 ans, bon, je pense qu'il y a toujours tout un tas de facilités de
contournement. J'ai peu de confiance en ce genre de solution.
Mme Cadet : Dans la même
veine, sur le droit à l'oubli, donc, plus tôt, donc, on entendait des
intervenants nous parler, bien, justement, donc, de la présence, donc, de
plusieurs, donc, photos d'enfants d'âge mineur qui, parfois, ont été partagées
par les parents, mais parfois par eux-mêmes aussi, au cours de ces années-là.
Donc, qu'est-ce que la littérature dit à ce sujet-là? Et quelle est votre
recommandation sur les mesures que le législateur pourrait prendre sur le droit
à l'oubli?
• (16 h 50) •
Mme Castets-Renard (Céline) : Alors,
il y a déjà des dispositions sur le droit à l'oubli dans la loi sur les
renseignements personnels. La difficulté, c'est toujours la mise en œuvre.
Donc, je pense qu'il faut s'adresser... Pour tout ce qu'on est en train de
discuter, finalement, il faut s'adresser aux principaux responsables, que sont
ces plateformes, et donc les obliger, par exemple, à avoir une réponse rapide
quand on décide... quand on pointe une image qu'on voudrait voir supprimée,
utiliser des moyens de réponse rapides, et qu'on ne soit pas obligés, par
exemple, d'envoyer un courriel et d'attendre des semaines qu'on nous réponde
éventuellement, mais d'avoir plutôt des formulaires en ligne.
Donc, c'est de plus en plus ce que font
ces plateformes parce que c'est ce que leur a imposé le droit européen, et,
comme, évidemment, elles opèrent à l'échelle internationale, du coup c'est ce
qu'on voit arriver, mais je pense qu'il faut s'arrimer à ce genre de dispositif
pour obtenir rapidement une suppression des données. Et, d'après ce que
j'entends, quand même, quand on voit que ce sont... c'est une photo avec une
personne et que, bon, visiblement, c'est la personne qui demande la
suppression, la suppression est obtenue. Donc, ça fait partie des thèmes sur
lesquels il n'y a pas beaucoup de discussions, sur l'intérêt du public à avoir
accès à cette information-là. Ça ne discute pas vraiment, mais, voilà, il faut
peut-être aussi encourager le public à le faire régulièrement, qu'il y ait un
peu aussi cette habitude-là de gérer son image en ligne. Ça va avec les mesures
d'éducation.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Je reviendrai si on a plus de temps. Merci, professeure.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme la députée. Je passe maintenant la parole à Mme la députée de Hull.
Mme Tremblay : Oui, alors,
bonjour. Tu sais, les plateformes, Meta, puis tout ça, là, elles sont très peu
enclines à gérer, à contrôler, parce que, tantôt, vous avez dit… tu sais, le
droit de choisir ce que l'on voit. Est-ce que vous pensez qu'on va être capables
d'arriver… Puis il y a-tu des pays qui l'ont fait à leur... à contrôler,
justement, là, dire : Bien, vous ne pourrez plus aller dans cette
direction-là? Est-ce que vous pensez que c'est possible? Parce qu'on voit
qu'ils sont plus dans l'autre direction, là, même qu'ils avaient pris des
engagements puis qu'ils les abandonnent. Donc…
Mme Castets-Renard (Céline) : C'est
très difficile, effectivement, d'obtenir quoi que ce soit de ces plateformes,
pour plusieurs raisons. Elles sont basées aux États-Unis, et donc, quand des
législateurs d'ailleurs leur disent quelque chose, bon, bien, évidemment, elles
se disent : Bon, ce n'est pas trop mon problème. Il y avait… Des gages de
bonne volonté ont été donnés à l'Europe, mais effectivement on voit qu'il y a
des retours en arrière. C'est vraiment un sujet politique... C'est devenu un
sujet politique et géopolitique, mais je pense quand même qu'il faut continuer
à demander des comptes et espérer avoir un meilleur paramétrage de ces outils,
même si on comprend que l'intérêt économique de ces plateformes est qu'on passe
24 heures sur 24 sur ces <plateformes...
Mme Castets-Renard (Céline) :
...24
heures sur 24 sur ces >plateformes et qu'on utilise 24 heures sur 24 les
outils, c'est sûr que c'est leur intérêt. Donc, il n'y a pas d'intérêt, pour
eux, de mettre en œuvre des mesures de modération, de prendre une pause.
Puis on voit aussi que, quand on a mis en
œuvre une captation de l'auditoire, même si, de temps en temps, un message
arrive sur l'écran pour dire : Ah! il est temps de prendre une pause, ou
des choses comme ça, comme on peut le voir parfois, bon, le joueur ou
l'utilisateur du réseau n'a pas du tout envie de quitter parce qu'il est captif,
et donc il ferme la fenêtre, et c'est tout. Donc, c'est très, très difficile,
je suis d'accord avec vous, à la fois parce qu'on n'a pas trop de prise sur ces
acteurs et aussi parce qu'on est de l'ordre de la psychologie quand on est dans
l'addiction, et donc c'est...
Souvent, ça va avec la volonté des
personnes qui veulent être là, qui sont... qui ont l'air d'être contentes
d'être là. Et donc peut-être que, sur ce deuxième aspect, on a plus de marge de
manœuvre parce que ce sont les mineurs et donc on est un peu plus enclins à
décider pour eux, parce que certainement qu'ils ne se rendent pas compte de
tout l'impact que ces réseaux sociaux ou que ces écrans ont sur leur vie. Donc,
peut-être qu'il faut prendre un certain nombre de mesures, une pluralité de
mesures, et considérer qu'une seule, de toute façon, ne suffira pas, a fortiori
si c'est aller voir les plateformes pour leur demander d'agir.
Mme Tremblay : Merci.
Alors... Puis, tantôt, vous avez parlé… Bon, l'Alberta songe à légiférer,
notamment, puis il y a toute la notion, là, des images de «deepfakes»,
justement, là. Comment on va faire, justement, là, pour ne pas que ces
images-là se propagent, qui sont générées par l'intelligence artificielle,
évidemment? Est-ce que c'est en obligeant peut-être d'écrire automatiquement
que c'est ce type d'image là? Comment on peut s'y prendre? Parce
qu'effectivement, là, c'est très inquiétant, là, puis ça peut causer des
dommages chez les jeunes, vous avez nommé les femmes aussi. Donc…
Mme Castets-Renard (Céline) : Oui,
oui, je suis bien d'accord avec vous sur l'impact pour les personnes.
Effectivement, la transparence et le fait de... l'information, le fait de
mentionner que ces images sont générées par l'IA, c'est un petit pas, mais un
pas nécessaire. Et c'est vrai qu'on peut espérer que, quand les images
apparaissent, bon, elles sont fausses. Que ce soient des personnes publiques ou
des personnes non publiques, c'est quand même important de se rendre compte que
l'image est fausse, pour modérer l'impact sur la réputation de la personne,
même s'il y a quand même un impact. Il ne faut pas rêver, il ne faut pas imaginer
que la seule mention fera qu'il n'y aura pas d'impact.
Et je souligne aussi, d'ailleurs, que,
finalement, l'impact est plus fort pour les personnes anonymes, de manière un
peu contradictoire, parce que les publiques... les personnes publiques, les stars
ont des moyens d'automatiser des réponses et de faire en sorte que ces
images-là sont vite oubliées, étouffées par d'autres images. C'est ce qui s'est
fait avec Taylor Swift, alors que Mme Tout-le-monde qui se retrouve sur les
réseaux n'a pas ces moyens techniques de le faire. Donc, j'insiste bien sur le
fait que ce n'est pas seulement un problème de personnes publiques, ou de
femmes publiques, ou d'hommes et femmes politiques, c'est vraiment un problème
global.
Donc, oui, je suis d'accord avec l'idée
d'informer que l'image a été générée par l'IA, mais on pourrait peut-être aller
plus loin en obligeant, par exemple, les fournisseurs de ces outils d'IA
d'interdire, dans leurs conditions d'utilisation, que ce soient des modèles
d'IA ou des systèmes d'IA… d'interdire un usage qui porterait atteinte aux
droits des personnes, et, peut-être, évidemment, ça n'empêcherait pas que ce
soit fait, mais ce serait peut-être quand même un moyen d'alerter au moins pour
tous ceux qui veulent le faire juste pour rigoler ou, voilà, juste pour le
faire comme ça.
Mme Tremblay : On a encore
beaucoup de chemin à parcourir. Puis vous avez parlé, là, de l'accès au jeu. Puis,
tantôt, il y a un intervenant qui est venu nous dire, là : Bien, les jeux
en ligne, là, ça devrait être complètement interdit, là, avant 14 ans, là, pour
les raisons que vous avez nommées. Donc, est-ce que vous êtes dans cette
direction-là, qu'on devrait, là vraiment, là, s'assurer, là, que, le plus tard
possible, on donne accès au jeu en ligne à nos enfants?
Mme Castets-Renard (Céline) : Oui,
c'est la même chose que les réseaux sociaux, hein? Je pense qu'il y a des
risques tout aussi importants, mais je crois qu'il y en a même plus avec les
jeux vidéo parce qu'il y a des jeux en réseau. Donc, c'est quand même parfois
aussi compliqué de contrôler avec... et de savoir avec qui les jeunes jouent.
Il y a aussi des jeux d'argent, de plus en plus, où on fait, en fait, acheter
des choses. Alors, les mineurs peuvent peut-être aussi se faire embarquer avec
ça.
Et puis, comme je le disais, on
personnalise de plus en plus les histoires. On met de l'IA, évidemment, pour
créer les jeux, mais peut-être aussi, donc, les caractères qui ne <sont
pas...
Mme
Castets-Renard (Céline) :
...les caractères qui ne >sont
pas des joueurs, les PNC, les personnages non... enfin, oui, je ne sais plus
comment on dit, les «players non-characters», voilà, qui ne sont pas là pour
jouer. Je m'y connais très peu en jeux vidéo, comme vous le voyez. De plus en
plus, ces personnages-là peuvent être en interaction avec les joueurs. Et donc,
si on se met à mettre de l'IA dans ce genre d'interaction, c'est vraiment
particulièrement dangereux en termes de manipulation et puis de continuer à
jouer au jeu, etc.
Donc, oui, je pense qu'il y a encore plus
de risques par les jeux parce que peut-être, en plus, que les parents pensent
que c'est très inoffensif, plus inoffensif que les réseaux sociaux parce que
c'est un espace fermé, c'est ludique. Voilà, je pense que les dangers sont
peut-être moins connus des parents.
Mme Tremblay : Merci.
Mme Castets-Renard (Céline) :
Merci à vous.
La Présidente (Mme Dionne) : D'autres
interventions? M. le député de Marquette.
M. Ciccone :Merci beaucoup. Merci d'être là, professeure. J'ai quelques
questions, à savoir… D'entrée de jeu, vous avez dit de penser à des moyens
techniques, vous avez parlé… au niveau du contrôle de l'âge, par exemple. Vous
savez aussi dit : Interdire l'intelligence artificielle sur certaines
plateformes, puis vous avez parlé aussi de notre Code civil, là. En tant que
législateurs, ici, et je comprends que vous êtes avocate également en France,
là, est-ce que... c'est quoi, nos limites? Quels sont nos pouvoirs ici en tant
que législateurs? Qu'est-ce qu'on peut faire, justement, pour mettre en œuvre
tout ce que vous nous avez conseillé, là? Est-ce qu'on a le pouvoir de le faire?
Mme Castets-Renard (Céline) : Oui,
absolument. Je pense que je parle aux bonnes personnes. Moi, très franchement,
je ne toucherais peut-être pas à la Loi sur la protection des renseignements
personnels, parce qu'elle vient d'être adoptée, est en train de se mettre en
œuvre. Donc, moi, je ne toucherais pas à ça.
Je considérerais le Code civil du Québec,
en effet, la question des images, le droit à l'image, l'image réelle, l'image
trafiquée, et peut-être que j'irais chercher à compléter le Code civil sur ces
questions-là. Je considérerais aussi, bien, une réforme de la loi sur le cadre
juridique des technologies de l'information, qui prévoit vraiment une immunité
de responsabilité pour les intermédiaires techniques. Ce qui était valable pour
les fournisseurs d'accès à Internet en 2000, on n'est plus du tout là
aujourd'hui. Donc, je ne sais pas si c'est le bon véhicule de revoir cette
loi-là ou d'en faire une autre sur la question de la responsabilité des
plateformes, mais je pense qu'il est temps de leur demander de faire un petit
peu plus.
• (17 heures) •
Bon, on sait qu'en Europe il y a le DSA,
le Digital Services Act, qui fait ça, qui a été adopté en 2022. Par contre, il
faudra voir la mise en œuvre, hein, parce qu'effectivement vous avez soulevé...
Plusieurs d'entre vous ont déjà soulevé la question de l'efficacité de la mise
en œuvre. Bien, c'est sûr que, si on n'a pas d'outil juridique pour le faire,
c'est encore plus difficile. Donc, je pense quand même qu'il faut aller aller
de l'avant… et aussi le droit de la consommation, qui peut aider à clarifier comment
les données sont utilisées, comment est-ce qu'on peut limiter certains usages,
comment on peut ne pas avoir accès à certains contenus, et puis aussi s'assurer
que, comment dire, les plateformes s'assurent de l'âge des enfants aussi.
Donc, on peut... Je jouerais plutôt,
voilà, sur ce type de législation là, et peut-être voir… La question du
paramétrage, ça peut être aussi simplement des cryptogrammes et de faciliter
l'information pour réduire l'accès aux données. Et donc ça va avec la
littératie numérique, que je mentionnais, la formation aussi des utilisateurs.
M. Ciccone :Alors, ce que je comprends, c'est qu'on a déjà la
législation en place qui pourrait nous donner ce pouvoir-là, parce que, vous
savez, quand on amène, par exemple, un nouveau projet de loi, on ne veut pas
que ce soit non plus affaissé par les tribunaux non plus, hein? Ça doit passer
le test des tribunaux, puis on ne veut pas non plus que ça se retrouve là aussi.
On veut... parce qu'on a vu certains pays qui ont avancé. Ils doivent reculer
également parce que ça ne fonctionne pas. On est très, très prudents, mais ce
que je constate, c'est qu'on a tous les éléments en place ici, au Québec,
justement, pour appliquer ce que vous nous avez... ce que vous venez de nous
dire. C'est ça, c'est ce que je comprends?
Mme Castets-Renard (Céline) : Oui.
Et, en plus, du point de vue du partage des compétences, bon, bien, évidemment,
le droit de la consommation, le droit civil, la loi sur le cadre juridique des
technologies de l'information, vous avez déjà ces outils-là en main, et, plutôt
que de... Il y a deux autres… Soit on fait une loi entière avec tout un tas de
volets, soit on va toucher plusieurs instruments juridiques déjà en place pour
que ça pointe davantage du doigt les risques que l'on veut viser ici, et
peut-être que cette deuxième méthode est plus facile et plus digeste à mettre
en <oeuvre...
>
17 h (version révisée)
< Mme Castets-Renard (Céline) :
...et plus facile et plus digeste à mettre en >œuvre.
Peut-être que c'est cette deuxième méthode qu'il faudrait considérer.
M. Ciccone :Merci beaucoup.
Mme Castets-Renard (Céline) :
Merci à vous.
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci, M. le député. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.
Mme Cadet : Merci, Mme
la Présidente. Donc, j'avais dit, professeure, que, si nous avions le temps... Donc,
merci, Mme la Présidente, je constate que c'est bien le cas. Donc, les
questions supplémentaires que j'avais un peu plus tôt sont un peu dans la
lignée que celles que viennent... que vient de poser mon collègue de Marquette
sur l'encadrement juridique. C'est surtout, en fait, donc, des plateformes.
Donc, on a beaucoup entendu, aujourd'hui, des
intervenants, donc, nous parler, donc, de sensibilisation des parents et
ensuite de politiques publiques pouvant être menées par l'État québécois, mais
manifestement, donc, il y a aussi une question, donc, de responsabilité de ces
plateformes-là, soit du fabricant. Je vous écoutais, j'avais aussi un petit peu
cette réflexion-là au niveau de la protection du consommateur, par exemple, à
la façon dont les jeux en ligne, donc, sont conceptualisés, qui est peut-être une
question du... de la responsabilité du fabricant qui peuvent être... qui peut
être mise en œuvre de ce côté-là.
Puis, peut-être, je ne sais pas si c'est une
question... je sais que vous faites du droit comparé, de nous faire part de ce
qui se voit ailleurs à cet égard-là, de mesures qui fonctionnent au niveau de l'encadrement
des plateformes. Et là, bon, vous avez parlé, donc, des tactiques de «gamification»,
donc, sur les jeux vidéo et les jeux en ligne qui peuvent parfois être même
plus délétères que les réseaux sociaux. On pense, sur ces réseaux mêmes, au
défilement sans fin, aux algorithmes, la confidentialité des comptes des
mineurs. C'est difficile pour nous de nous fier à la seule volonté des
plateformes. On a vu Meta, avant les fêtes, donc, mettre en œuvre, donc,
certaines dispositions, mais, du jour au lendemain, ces dispositions-là, donc,
peuvent prendre fin, comme la... comme ça a été le cas avec la vérification des
faits pas plus tard qu'il y a deux semaines.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus,
sur comment cet encadrement-là peut être fait, ce qui se fait ailleurs, qui
fonctionne, que vous nous recommandez.
Mme Castets-Renard (Céline) :
Ce qui fonctionne, en tout cas, ce qui a été adopté, c'est ce que j'évoquais
tout à l'heure, en Europe, le règlement européen sur les services numériques,
hein, le Digital Services Act, qui a vraiment... qui a repris, en fait, la
directive commerce électronique de 2000, qui a inspiré la loi pour le cadre
juridique des technologies d'information. Donc, c'est... Il y a, comment dire,
une parenté entre la loi québécoise et la directive commerce électronique de
2000. Là, les deux ont été adoptées à peu près en même temps. Et donc le
règlement de 2022 sur les services numériques réforme les aspects du... de la
directive commerce électronique, qui portait sur la responsabilité des
intermédiaires techniques.
Alors, on ne remet pas en cause le
principe de non-responsabilité dès lors que les... ces intermédiaires
techniques ne connaissent pas le contenu illicite qui est en ligne, mais par
contre, à partir du moment où il y a une logique de notification, d'avertissement,
les contenus doivent être... doivent être enlevés. Donc, ça, c'est pour l'aspect
de ce que l'on peut voir en ligne.
Mais là le problème est un peu différent,
parce que ce n'est pas tant que le contenu serait illicite, c'est la... c'est l'addiction
que l'on veut plutôt viser. Donc là, malheureusement, pour l'instant, dans la
directive services numériques, il n'y a pas de dispositions spécifiques. Bien,
il y a quelques dispositions, s'agissant des mineurs, enfin s'agissant de l'utilisation
des services, mais on n'a pas un arsenal suffisant et complet. Donc, je n'ai
pas d'exemple très précis à vous donner de ce point de vue là.
Et en plus, évidemment, il y a la question
de l'effectivité que vous soulevez. Et je pense que ça va être assez
intéressant de voir ce que devient Meta, enfin, ce que fait Meta par rapport au
«fact checking», enfin, à la vérification des faits en Europe, parce que c'est
ce qui a été annoncé pour les États-Unis, et on va voir l'impact sur l'Europe.
Mais, en tout cas, c'est pris très au sérieux, évidemment, par le législateur
européen, parce qu'on se rend forcément compte que ça aura un impact sur la...
les obligations de modération des contenus qui existent dans ce texte et qui
probablement ne seront pas respectées. Donc, on va voir... Des sanctions
importantes sont prévues. Donc, on va voir si la Commission européenne est
capable, finalement, de faire respecter son texte et si on est capables d'aller
vérifier ce que font ces plateformes et de leur imposer des sanctions
financières élevées, comme on est censés le faire, en fait, en application de
ce texte. Tout le monde attend, en fait, de voir ce que ça va donner.
Pour l'instant, voilà, le texte date de
2022. La mise en... L'entrée en vigueur a été progressive, donc est vraiment
récente, mais c'est vrai que c'est... Les capacités d'action vont être très
importantes pour le reste du monde, très honnêtement, parce que c'est quand
même des textes très volontaires, avec des fortes sanctions, avec des
obligations quand même plus importantes que ce qu'on peut voir ailleurs la
plupart du temps. Et <donc...
Mme Castets-Renard (Céline) :
...des
obligations quand même plus importantes que ce qu'on peut voir ailleurs la
plupart du temps. Et >donc, si on n'est pas capables de les faire
respecter, c'est sûr que ça n'envoie pas un signal très positif pour les autres
législateurs.
Mais c'est... C'est important, évidemment,
l'efficacité, la capacité de faire respecter ces textes, mais je pense que ça
ne doit pas empêcher de prendre des textes. Évidemment, il faut le faire
intelligemment et voir comment le mettre en œuvre, déterminer aussi des règles
de gouvernance des autorités qui soient... qu'il y ait des moyens d'aller
vérifier des choses, ça, c'est sûr, donc il faut des capacités, mais, pour
autant, il faut quand même... enfin, je pense quand même qu'il faut essayer de
légiférer malgré tout, malgré les difficultés.
Mme Cadet : Merci. Puis je
peux compléter?
La Présidente (Mme Dionne) : Allez-y.
Mme Cadet : Merci, Mme la
Présidente. Parce qu'en fait vous me faites penser... parce qu'on a énormément
parlé de la responsabilité, donc, des plateformes et de la capacité de les
encadrer, et effectivement, donc, on va continuer d'observer ce qui se passe de
l'autre côté. Et merci de nous dire que ça ne devrait pas nous empêcher de légiférer
d'une autre... malgré, donc, les défis au niveau de l'efficacité de ce qui...
de ce qui se développe au compte-gouttes.
Vous avez parlé du principe de
non-responsabilité des tiers techniques. J'aimerais peut-être que vous
élaboriez sur ce sujet-là, parce que c'est vrai qu'on a beaucoup concentré nos
possibilités d'action vers les plateformes elles-mêmes, en dissociant
complètement, donc, le rôle que pourraient jouer les tiers techniques. Donc,
j'aimerais vous entendre sur ce qui pourrait potentiellement être fait à cet
égard aussi.
Mme Castets-Renard (Céline) : Donc,
effectivement, les textes des années 2000, hein, visaient les fournisseurs
d'accès à Internet, et les hébergeurs, donc, qui, à l'époque, étaient
simplement des intermédiaires techniques, donnaient des espaces pour mettre du
contenu en ligne. Et tout a changé, évidemment, à partir du moment où les
utilisateurs ont commencé à mettre du contenu en ligne. Et finalement c'est question
de responsabilité. Donc, il y a... c'est un principe d'irresponsabilité tant
que... bien, tant qu'on ne sait pas qu'il y a un contenu illicite.
Donc, effectivement, donner la capacité
aux utilisateurs de mettre du contenu a généré la création de beaucoup de
contenus illicites, mais on ne voulait pas, évidemment, empêcher le
développement d'Internet et tout le potentiel qui allait avec ça. Et donc,
voilà, ces règles d'irresponsabilité vont avec un principe de notification et
un principe d'ignorance. Donc, ils ne sont pas responsables tant qu'ils ne
savent pas, mais, à partir du moment où on notifie et qu'ils savent, ils
doivent agir. Donc là, il y a quand même une certaine action, une certaine
responsabilité qui est mise en œuvre.
Et, en s'appuyant sur cette logique-là, on
pourrait aller plus loin et intégrer non pas simplement un contenu illicite,
mais considérer que des pratiques... rendre illicite certaines pratiques, comme
vous l'avez mentionné, les flux continus, la captation permanente, enfin,
repérer les... c'est déjà très analysé, hein, il y a déjà beaucoup d'études
pour repérer les comportements addictogènes, les pratiques addictogènes, et
donc de les interdire et d'obliger ces plateformes, finalement, à respecter ces
mesures, tout comme on dit : Bien, vous êtes responsables du contenu
illicite à partir du moment où vous la signalez. Donc, à partir du moment où on
vous dit de ne pas avoir telle ou telle pratique, vous êtes responsables, c'est
encore plus facile à faire, je dirais, parce que ces comportements, ces
pratiques sont directement le fait des plateformes elles-mêmes, alors que
c'était plus difficile de les rendre responsables de contenus des tiers,
produits par des tiers. Là, ces plateformes sont désormais largement
responsables de ce qui... de ce qui nous... de ce qui s'y passe, en fait.
• (17 h 10) •
Et, la question de l'opacité
algorithmique, je ne sais pas si c'est un bon... une bonne porte d'entrée, très
franchement, parce qu'ils vont toujours défendre... se défendre en parlant du
secret des affaires, de la complexité, de l'évolution permanente des algorithmes.
Donc, ça, je pense que ce n'est pas forcément le bon... la bonne porte d'entrée
pour s'attaquer à ces sujets. Mais, en revanche, de voir par quelles pratiques,
finalement, le public reste captif et contrôler ces pratiques, voire les
interdire, c'est certainement plus facile, plus tangible. C'est plus facile à
voir aussi et donc à sanctionner en cas de violation de ce type de mesures.
Donc, moi, je serais plutôt partisane de
regarder ces aspects-là plutôt que de rendre compte sur les algorithmes, etc. Bon,
ce n'est pas tellement le sujet. Il faut voir plutôt, voilà, ce qui fait que
les jeunes restent captifs sur les plateformes.
Mme Cadet : Et plus... Vous
êtes plus partisane, donc, de les garder au niveau de la responsabilité des
plateformes directement et non pas subsidiairement du côté des tiers
techniques.
Mme Castets-Renard (Céline) : Bien,
en fait, la question des tiers techniques, c'étaient les fournisseurs d'accès
et les hébergeurs, c'étaient ces... Bon, ce n'est pas le sujet, là. Aujourd'hui,
c'est vraiment... ce ne sont plus des... ce ne sont pas des fournisseurs
d'accès.
Mme Cadet : Non, mais c'est
ça, là.
Mme Castets-Renard (Céline) :
Ils ne sont plus de simples hébergeurs. Mais, en fait... non, mais c'est notre
vocabulaire de départ, donc je pense que vous avez raison d'y <revenir...
Mme Castets-Renard (Céline) :
...mais
c'est notre vocabulaire de départ. Donc, je pense que vous avez raison d'y >revenir.
C'était le vocabulaire de départ. Et, entre 2000 et 2022, en Europe, on a
utilisé la notion d'hébergeur pour essayer de capter les plateformes, parce
qu'on n'avait rien d'autre, et pour essayer de les rendre responsables malgré
tout. Voilà. Mais bon, évidemment, on voit que c'est le point où on en est...
où en est le Québec aujourd'hui. Ce vocabulaire-là et les pratiques qui sont
visées dans la loi n'ont plus rien à voir avec...
Mme Cadet : Sont désuètes, en
fait.
Mme Castets-Renard (Céline) : ...avec
les plateformes d'aujourd'hui. Voilà. C'est ça. Donc, on ne capte pas du tout
ces activités des plateformes, et c'est encore moins les problèmes avec les
mineurs, en considérant les règles sur les responsables techniques. Voilà.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
professeure.
Mme Castets-Renard (Céline) : Je
vous en prie. Avec plaisir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
infiniment, Mme Castets-Renard, pour vos interventions à cette commission.
Donc, s'il n'y a pas d'autre question,
d'autre intervention, je suspends... j'ajourne, pardon, les travaux jusqu'à
demain, 9 h 30. Donc, bonne fin de journée à tous, et merci encore,
Mme Castets-Renard.
Mme Castets-Renard (Céline) : Merci
beaucoup à toutes et tous. Merci, messieurs, mesdames.
(Fin de la séance à 17 h 14)