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Commission spéciale des corporations
professionnelles
Projet de loi no 250
Code des professions
et autres projets de loi connexes
Séance du jeudi 12 octobre 1972
(Dix heures vingt minutes)
M. LAFRANCE (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles. A l'ordre, messieurs!
Pour la séance d'aujourd'hui, M. Vaillancourt remplace M.
Bienvenue, M. Brown remplace M. Coiteux, M. Hardy remplace M. Fournier, M.
Mailloux remplace M. Kennedy, M. Faucher remplace M. Vézina. Avant
d'entendre les divers organismes présents, le ministre des Affaires
sociales aurait quelques mots à dire.
Organismes désirant encore comparaître
devant la commission
M. CASTONGUAY: M. le Président, à la dernière
séance, les membres de la commission avaient convenu qu'à ce
moment-ci de notre travail nous contacterions les organismes qui ne
s'étaient pas encore fait entendre en ce qui concerne le projet de loi
touchant les services de santé et les services sociaux nommément.
Le secrétaire des commissions parlementaires m'a remis hier une liste
des organismes qui désirent toujours se faire entendre et une liste de
ceux qui, après avoir pris connaissance des discussions à la
commission, ne désirent plus se faire entendre, sont satisfaits des
discussions qui ont eu lieu ici et des représentations qui ont
été faites. Il reste donc douze organismes qui désirent
toujours se faire entendre, en plus de ceux que nous avons entendus et de ceux
que nous entendrons aujourd'hui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ce sont des organismes qui
relèvent du ministre des Affaires sociales? Parce qu'il y a d'autres
organismes à part cela qui ne sont pas venus et qui relèvent
d'autres ministres.
M. CASTONGUAY: II s'agit d'un groupe représentant les opticiens
d'ordonnance, de l'Institut cybernétique du Québec, des
ostéopathes, d'une compagnie d'optique, de l'Institut de visiologie,
d'un groupe d'optométristes, d'un M. Butler de la Corporation des
opticiens d'ordonnance, d'un Dr Katz, du Dr Paul-Emile Chevrefils qui
peut-être ne s'appellera plus docteur après l'adoption des lois,
du Dr Lépine, de la Fédération d'éducation
physique, des infirmières en hygiène publique. Ce sont les
groupes.
Quant aux autres projets de loi, un communiqué va être
émis du bureau du premier ministre fort probablement aujourd'hui.
M. CLOUTIER (Montmagny): II a été émis hier
soir.
M. CASTONGUAY: Ah! bon.
M. CLOUTIER (Montmagny): Deux autres ministres sont nommés, MM.
Saint-Pierre, et Choquette. Conjointement avec le ministre des Affaires
sociales, ils sont responsables de cette législation.
Selon la liste que le ministre vient de nous donner, ce sont douze
mémoires. Combien y en a-t-il d'autres qui relèvent des autres
ministres?
M. CASTONGUAY: Comme on le sait, M. Fournier avait tenu avec vous un
grand nombre de séances pour les autres groupes. La liste qui m'avait
été remise il y a quelque temps si ma mémoire est
bonne comptait également une douzaine d'organismes: le Conseil
des universités, le Barreau, la Corporation des ingénieurs
forestiers, quelques groupes comme ça.
Des séances vont être inscrites au programme de telle sorte
qu'on puisse finir aussitôt que possible l'audition de tous les
mémoires.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre prévoit que le
code des professions, le bill 250, et les lois spécifiques vont
être étudiés à l'Assemblée nationale à
la session de novembre et décembre?
M. CASTONGUAY: Oui, M. le Président. Je crois qu'avec tout le
travail qui a été fait par la commission parlementaire, les
délais qui ont été accordés aux organismes pour
préparer leurs mémoires il est opportun maintenant que ces
projets de loi soient soumis pour discussion. Ainsi, le climat d'incertitude
qui peut régner, cette espèce de phase de transition se terminera
bientôt. Dans bien des cas je ne pense, par exemple, qu'au cas des
infirmières le travail qui a été fait va permettre
d'améliorer grandement la situation. C'est l'intention de
présenter, par exemple, le code des professions dans sa forme nouvelle,
compte tenu de tous les changements que j'ai mentionnés l'autre jour, de
telle sorte que nous puissions passer à l'étude du code des
professions, son adoption et les autres lois par la suite.
M. PAUL: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il recommandera la
réimpression des projets de loi spécifiques en plus de la
réimpression, qui s'impose, du projet de loi 250?
M. CASTONGUAY: Dans tous les cas, M. le Président, où les
changements sont trop nombreux, je crois qu'il y aurait avantage à ce
qu'il y ait réimpression. C'est d'ailleurs ce que j'ai demandé
aux légistes. Ainsi l'étude de ces projets de loi pourra se faire
d'une façon aussi efficace que possible en Chambre.
M. CLOUTIER (Montmagny): Et la commission parlementaire, une fois qu'on
aura entendu
tous les mémoires, pourra se réunir également pour
faire le point.
M. CASTONGUAY: C'est ça.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais demander la collaboration de chacun des
organismes ici présents. C'est-à-dire qu'on demande à
chacun des organismes une présentation de son mémoire ou de son
résumé de mémoire, présentation qui devrait se
limiter à environ vingt minutes; et, par la suite, une période de
questions d'une quarantaine de minutes. On demanderait la collaboration de tous
et chacun à cet égard.
Le premier organisme que nous entendrons, ce matin, est la Corporation
des technologistes médicaux du Québec. Je demanderais au
porte-parole de bien vouloir s'identifier pour le bénéfice des
membres de la commission.
Corporation des technologistes médicaux du
Québec
M. BERGERON (Pierre): M. le Président, mon nom est Pierre
Bergeron, technologiste, président du conseil d'administration de la
Corporation des technologistes médicaux du Québec.
M. LE PRESIDENT: Vous avez avec vous des collègues, voulez-vous
les présenter?
M. BERGERON: Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais
vous présenter d'abord, la troisième personne à ma droite,
M. Claude Montgrain, technologiste, président du comité du
mémoire; puis, M. Raymond Simard, technologiste, secrétaire
administratif de la Corporation des technologistes médicaux du
Québec; Me Robert Lesage, conseiller juridique; M. Paul-André
Deslauriers, technologiste, membre directeur du conseil d'administration et
membre du comité du mémoire; Mlle Jeanne Grimard, membre
directeur du conseil d'administration et M. Neilson Bouffard, membre du
comité du mémoire.
En plus, M. le Président, j'aimerais souligner la présence
d'une très forte délégation de technologistes
médicaux. Sans abuser de votre patience, j'aimerais vous
présenter le résumé du mémoire. La Corporation des
technologistes médicaux du Québec appuie l'esprit et les
mécanismes prévus au projet de loi 250. Elle s'inquiète
toutefois de ne pas avoir été citée à titre de
profession d'exercice exclusif à l'annexe 1 du code des professions.
Dans son mémoire, elle retrace ses origines
québécoises vieilles de 50 ans et présente
l'évolution avantageuse de la qualité des cours
préparatoires à la pratique de la technologie médicale.
Présentement, la Corporation des technologistes médicaux du
Québec fonctionne selon un conseil d'administration de neuf membres.
Celui-ci est assisté d'un comité exécutif, d'un
comité de nomination, d'un comité des finances, d'un
comité de publication et de divers autres comités. Les
modalités de fonctionnement sont régies par les règlements
généraux. La corporation dispose, en outre, d'un siège
social permanent à Montréal et le secrétaire administratif
en a la gérance.
La corporation démontre également qu'elle satisfait aux
critères mentionnés à l'article 21 du projet de loi 250. A
la suite de trois années d'études collégiales, dont une en
milieu hospitalier, un examen, sous le contrôle de la Corporation des
technologistes médicaux du Québec et accepté par la
Commission d'agrément des programmes et des milieux de formation en
techniques de laboratoire médical au Québec, sanctionne la
compétence et les connaissances minimales du futur technologiste.
Dans sa fonction habituelle, le technologiste médical
exécute des analyses dont les résultats sont directement
portés au dossier du malade, sans reprise de celle-ci. Les
résultats d'analyses ne sont généralement pas
vérifiés par d'autres personnes que le technologiste. Même
si le médecin peut avoir la responsabilité légale, ceci
n'empêche pas que c'est le technologiste médical qui a la
responsabilité première des conséquences immédiates
des actes posés. Le fait de contresigner le rapport d'une analyse ne
veut pas nécessairement dire vérification de l'exactitude du
résultat exprimé. Ils sont, par surcroît, les seuls de
l'équipe des professionnels de la santé à posséder
un contrôle direct de la qualité de leurs actes
professionnels.
Plusieurs analyses exécutées sans contrôle ou
faussées peuvent, directement ou indirectement, porter atteinte à
la santé individuelle du malade, voire même aller jusqu'à
la mort.
La Corporation des technologistes médicaux du Québec
demande au législateur l'exercice exclusif de la profession, puisque la
sécurité et la protection du public sont directement en cause. On
a souvent tendance à croire que le technologiste médical ne fait
ni prélèvements, ni injections de substances, bien que celui-ci
soit fréquemment en contact avec le malade, au même titre que les
infirmières ou les technologistes en radiologie.
D'autre part, des résultats d'analyses inexactes sont
préjudiciables non seulement à l'état de santé du
malade, mais occasionnent des explorations biologiques plus poussées,
inutiles, épuisantes pour le malade, qui prolongent indûment le
séjour hospitalier et en accroissent le coût.
Dans la pratique de sa profession, le technologiste médical est
appelé à connaître, à la suite d'informations
professionnelles ou des résultats d'analyses, une foule de
renseignements ou faits ayant trait aux maladies et à la vie des
individus. Il est donc important que le secret professionnel lie les
technologistes médicaux comme, d'ailleurs, toute l'équipe des
professionnels de la santé.
L'activité passée et présente de ses membres
exprime bien leur souci de la qualité, d'une
part, et, d'autre part, leur désir irrécusable de donner
au public les services sûrs qu'il est en droit d'attendre. Ce
désir lui permit, dans le passé, de toujours faire les
recommandations qu'elle jugeait utiles à la protection du public,
même si des membres étaient en désaccord.
Conscients plus que jamais de leurs responsabilités à
l'égard du public, les technologistes médicaux du Québec
formulent une demande de législation sur la technologie médicale,
à l'occasion de l'étude du projet de loi sur les professions.
Qu'une loi vienne parapher ce que plus de 2,500 technologistes réclament
depuis des années ne peut qu'assurer le législateur du
sérieux que la Corporation des technologistes médicaux du
Québec mettra dans son rôle de protecteur du public.
Nous espérons, au cours de cet exposé, vous avoir fourni
tous les faits susceptibles de faciliter vôtre tâche.
Ce sont les grandes lignes du mémoire. La
délégation est prête à répondre aux questions
des membres de cette commission. Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. le Président. M. le ministre des
Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier la Corporation des technologistes
médicaux pour le mémoire qu'elle a présenté
à la commission parlementaire. On nous demande en définitive de
former en corporation avec champ exclusif de pratique ce groupement qui compte
au-delà de 2,000 personnes.
Je ne voudrais pas reprendre les points que j'ai déjà
mentionnés au sujet des raisons qui font en sorte qu'à notre avis
et je pense que ç'a ressorti très clairement au cours des
audiences le législateur ou le gouvernement doit être
très prudent dans l'établissement de nouvelles corporations avec
champ exclusif limité ou champ de pratique exclusif, étant
donné le fait que dans certaines professions il y a une évolution
rapide et qu'il y a un danger de freiner une telle évolution.
Egalement on a pu constater de façon assez claire que bien
souvent, même si l'intérêt ou la protection de la population
exige le maintien de corporations professionnelles, ce mécanisme a
donné lieu à bien des conflits et a empêché un
véritable travail d'équipe dans beaucoup de cas. Je pense que les
exemples qui ont été présentés ici devant la
commission ont été assez éloquents.
Ceci étant dit, sans vouloir minimiser l'importance en aucune
façon du technologiste médical, j'aimerais adresser une couple de
questions aux représentants. Est-ce que vous pourriez nous dire
jusqu'à quel point, avec les nouvelles techniques, le travail du
technologiste médical a pu évoluer au cours des dix ou quinze
dernières années? Je pense que c'est un aspect extrêmement
important; quant à moi il l'est du moins.
Par rapport à d'autres travailleurs dans le domaine de la
santé qui jouent un rôle important, qui ne sont pas
nécessairement formés en corporation professionnelle et qui ont,
dans tout ce domaine de l'analyse, à poser des gestes, pour quelles
raisons particulières devrait-on, dans le cas présent, envisager
un champ exclusif?
Je pense, par exemple, à la diététicienne et
à tous ceux qui travaillent soit directement ou indirectement avec vous
en tant que chimiste, en tant que personnel responsable du calibrage des
équipements, des appareils, etc., qui ont des rôles à
toutes fins pratiques qui s'apparentent aux vôtres. Voilà les deux
questions, M. le Président, que je voulais poser.
M. SIMARD (Raymond): Pour vous donner un bref aperçu de
l'évolution des demandes d'analyse en laboratoire, nous pouvons vous
affirmer que le volume unitaire de travail en laboratoire a augmenté de
300 p.c. à 400 p.c. Les analyses se sont perfectionnées au point
qu'elles deviennent quasi des analyses spécialisées. Nous avons
nettement un groupe d'analyses de routine pour établir un diagnostic
primaire et pour compléter ou confirmer le premier diagnostic, on
demande toute une gamme d'analyses fort spécialisées pour
lesquelles le technologiste médical doit posséder des
connaissances approfondies en raison de l'importance des résultats
apportés en vue de donner au médecin les outils
nécessaires pour tantôt confirmer son diagnostic, tantôt
l'aider à établir une thérapeuthique pour ramener le
patient à la santé.
M. LESAGE: Si vous me permettez, M. le Président, je
répondrai à la deuxième partie de la question à
savoir pour quelles raisons particulières les technologistes
médicaux devraient être constitués en corporation
d'exercice exclusif.
Evidemment, ce n'est pas à nous à parler au nom d'autres
groupements professionnels comme les diététistes. Nous ne croyons
pas, les technologistes médicaux, avoir quelque conflit que ce soit avec
ces professionnels et il n'y a pas à vrai dire de chevauchement dans le
champ des deux pratiques professionnelles.
L'évolution de la technique, il est bien sûr qu'elle existe
et qu'elle doit continuer d'exister. Elle existe aussi en médecine, elle
existe dans toutes les professions, et ce n'est pas une raison pour rendre la
médecine libre et que tout le monde puisse pratiquer la médecine.
L'évolution des techniques, des sciences doit être
favorisée, c'est certain. Et ceci signifie qu'il ne faut pas mettre de
plafond vers l'évolution, c'est-à-dire une limite vers le haut.
Mais on constate qu'il faut mettre un plancher. Il faut qu'il y ait des
exigences minimales pour exercer une profession. Or, la technologie
médicale s'est imposée dans le milieu hospitalier depuis 20 ans.
Il y a plus de 20 ans que la première école de technologie
médicale a été créée à
l'université Laval. La technologie médicale existait avant
cela et il y a des exigences minimales qui sont reconnues dans la
profession. A tel point que les corps les plus intéressés, les
médecins, l'association des hôpitaux se sont constitués,
ont formé une commission d'agrément pour reconnaître les
technologistes. Il est aussi un fait important à noter: c'est que le
milieu hospitalier qui reçoit la presque totalité des
technologistes médicaux, sauf quelques-uns, a avec les technologistes
médicaux dans la plupart des grands hôpitaux une convention
collective, celle qui est en train de se renégocier, mais sous cet
aspect, cela ne change pas, où on dit que pour être un
technologiste médical, il faut être un membre de la corporation,
et non pas un membre du syndicat, un membre de la Corporation des
technologistes médicaux. Donc, on reconnaît, dans le milieu
même qui emploie les technologistes médicaux, qu'il faut que ces
gens se qualifient d'une certaine manière pour la protection du public.
C'est un des éléments qui est important.
Un autre élément, c'est que, justement, on pourrait croire
peut-être que le technologiste médical est un professionnel qui
est surveillé dans l'exercice courant de son occupation, qui est suivi
par un supérieur, qui travaille dans un milieu qui est structuré
au point que les erreurs ne sont pas possibles. C'est tout le contraire. Le
technologiste médical exerce sa profession, évidemment, dans un
milieu institutionnalisé, mais ses supérieurs que ce soit
un médecin ou un chef technologiste ne vérifient pas la
très grande majorité des analyses qu'il fait. Il arrive
fréquemment d'autres pourront vous l'exposer et vous donner des
détails concrets que l'analyse du technologiste se traduit
immédiatement, sans intermédiaire dans un traitement au malade.
Il fait l'analyse sanguine et on fait immédiatement une transfusion de
sang à un malade, c'est lui qui fait l'analyse sanguine.
D'antres vous diront également que dans les hôpitaux
il y a peut-être des exceptions ce sont les technologistes
médicaux qui ont la responsabilité de leurs analyses, de leurs
actes, qui signent leurs rapports et les médecins n'agissent pas tant
qu'ils n'ont pas le rapport signé par le technologiste médical,
c'est-à-dire qu'ils n'en prennent pas la responsabilité. Le
technologiste médical a une responsabilité directe envers le
patient et il est important pour la santé de celui-ci que sa
compétence soit établie et contrôlée. Il arrive des
erreurs et il faut que ça puisse être contrôlé. La
corporation telle qu'elle existe dans le moment c'est une corporation
créée par lettres patentes a des moyens de persuasion,
c'est-à-dire qu'on peut mettre dehors des membres de la corporation. De
là à avoir un moyen efficace pour contrôler la discipline
et la compétence, on n'en a pas.
Pour que ce soit une corporation fermée, il faut qu'il y ait un
minimum de compétence. On l'a reconnu pour les infirmières. Il
est évident, dans mon esprit, que les technologistes médicaux ont
une relation avec le patient qui est aussi importante que celle qu'a
l'infirmière. Ils vont aux malades, ils font des
prélèvements. Ils ont aussi une relation tout aussi importante
que le technicien en radiologie qui prépare me dit-on, des substances
radio-actives qui sont injectées au patient; il analyse le sang du
patient, il prépare vos formules sanguines, si vous êtes admis
d'urgence à l'hôpital.
De là à exiger que le technologiste médical
remplisse un rôle qui mette la vie du patient en danger, il me semble,
pour moi, que ça crève les yeux. Et puis, il faut qu'il y ait des
exigences minimales pour exercer cette profession. Evidemment, comme dans
d'autres professions, on ne devrait pas limiter l'évolution vers le haut
et on devrait permettre le chevauchement éventuel avec d'autres
professions. Il me semble d'ailleurs que ç'avait été saisi
par les rédacteurs des projets de loi puisqu'on a un article dans
presque tous les projets de loi, disant que l'exercice d'une profession
n'empêche pas l'exercice d'une autre profession reconnue par les
lois.
Alors, s'il y a un chevauchement, c'est permis, ce n'est pas
défendu. Il peut peut-être y avoir des modifications à
apporter à la définition, c'est une question de mots, mais dans
les faits, la technologie médicale est réservée dans les
hôpitaux de la province de Québec aux technologistes
médicaux par le jeu d'une convention collective. Il me paraît
qu'il n'est pas normal de négocier la santé publique dans une
convention collective et que ce doit être par une loi qu'on
reconnaît ce que les milieux qui s'occupent de la santé publique
ont déjà reconnu.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Me Lesage, vous avez déjà
répondu à certains points d'interrogation au sujet de l'exercice
de la profession, c'est ce qui explique un peu que vous avez
élaboré un peu plus longuement et je vous en remercie. Je
n'insisterai pas davantage mais ce qui m'a frappé dans l'intervention du
président et de Me Lesage, c'est le contact direct entre le
technologiste médical et le patient.
On a fait la comparaison avec la profession d'infirmière,
tantôt. Est-ce que la formation du technologiste médical est
équivalente à celle de l'infirmière? Si je prends la
scolarité, si je regarde les années d'études au niveau
collégial, ça me paraît que oui. Est-ce que vous pouvez
confirmer ce fait? Est-ce qu'il y a équivalence entre les deux
formations sur le plan scolaire, entre l'infirmière et le technologiste
médical?
M. LESAGE: Bien sûr, le programme 140 au CEGEP est le même
que le programme du niveau collégial pour l'infirmière. D y a
quand même des différences au niveau des programmes de
santé, des cours de base, plus une orientation bien spécifique au
niveau du tech-
nologiste médical. En plus, pour pallier une certaine
difficulté, il y a trois ans un nouveau cours a été mis
sur pied, le cours de bachelier en technologie médicale, si vous voulez,
à un degré plus élevé. C'était
nécessaire d'avoir dans le milieu hospitalier des gens capables de
prendre la responsabilité de l'ensemble des laboratoires.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quand vous avez parlé d'accès
direct au patient, vous avez fait une représentation à l'effet
que la profession devrait jouir d'un caractère exclusif de pratique.
Vous avez apporté plusieurs arguments à l'appui, vous
référant à l'article spécifique de la loi. Le
contact direct avec le patient en était un; le diagnostic ou l'analyse
qui est portée directement au dossier médical du patient sans
vérification, c'est l'analyse qui fait foi de tout et sur laquelle vous
vous basez, c'est-à-dire sur laquelle la thérapeutique se base
ensuite pour les gestes à poser, et vous faisiez également la
préparation de certaines substances, si je ne m'abuse, pour le patient,
certaines injections, certaines médications spéciales.
Ce sont des gestes que vous avez portés à l'appui de
votre... Mais à quelle fréquence ces gestes-là peuvent-ils
êtres posés dans toute la pratique de la technologie
médicale? Quelle fréquence des actes peut représenter tout
ce que je viens de mentionner?
MLLE GRIMARD: Dans certains hôpitaux, ce sont les technologistes
qui font encore tous les prélèvements, les
prélèvements intraveineux comme les prélèvements au
bout du doigt. Dans certains autres endroits, ce sont les infirmières
qui vont faire les ponctions veineuses et tout prélèvement
spécial. Il y a certaines analyses qui sont toujours faites par les
technologistes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais quelle est la...
MLLE GRIMARD: Le département de coagulation, par exemple, tous
les cas de prélèvements doivent être traités par un
technologiste.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est la tendance de l'évolution de
la profession du point de vue des actes? Vous dites que dans certains
hôpitaux, ce sont les technologistes qui les posent encore et, dans
d'autres hôpitaux, ce sont les infirmières. Mais qui
détermine ça? Est-ce le manque d'effectifs de certaines
professions par rapport à d'autres ou si ça doit être comme
ça; c'est l'institution qui décide que c'est comme ça?
MLLE GRIMARD: Dans certaines institutions, le centre de
prélèvements est constitué uniquement de technologistes,
dans d'autres le centre de prélèvements est constitué
d'infirmières. Tous les prélèvements d'analyses
spéciales, de tests spéciaux sont faits par les technologis- tes.
Tout ce qui se fait de ponction au bout du doigt ou au bout de l'oreille,
toutes les microméthodes chez les nouveaux-nés sont toujours
faites par un technologiste.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les gens de votre profession sentent
le besoin d'une vérification ou s'ils sont satisfaits de l'état
de fait actuel, savoir que les résultats d'analyses soient portés
directement au dossier? Est-ce que dans l'ensemble, les autres professions sont
d'accord sur ça?
M. BOUFFARD (Nelson): M. le Président, concernant la question des
prélèvements, l'orientation de l'évolution tend, dans les
centres de prélèvements, à avoir différentes
personnes de différents services pour assumer la partie des
prélèvements. Cependant, la tendance actuelle est d'avoir
à la tête ou comme responsable de ce centre de
prélèvements un technologiste médical diplômé
pour vérifier la véracité du prélèvement,
puisqu'on peut avoir des difficultés d'échantillonnage.
Même si, au laboratoire, nous recevons des échantillons, si
l'étiquetage est mal fait au départ, immédiatement le
résultat ne colle pas au bon patient.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous ai posé ces questions pour voir
comment vous étiez imbriqués dans les autres professions de la
santé. Cela est important, c'est ça qui est ressorti devant la
commission. On dit que votre niveau de formation est équivalent à
celui des infirmières, vous travaillez ensemble dans les institutions.
La majorité de vos membres pratiquent en institution, dans des
établissements, si je me base sur les statistiques qui sont dans votre
mémoire.
Vous êtes forcément imbriqués, quant à la
pratique, à l'exercice des soins de santé, dans d'autres
professions. C'est pour cette raison que ça m'apparaît un argument
dont le législateur doit tenir compte dans la loi, à savoir que,
dans le secteur de la santé, on a un ensemble de professions et il faut
analyser, à partir du degré de formation académique, et
aussi du côté pratique quels sont les actes qui sont posés,
quelles sont les répercussions.
Vous semblez travailler en équipe, vous avez une pratique qui ne
peut pas se dissocier. Du moins si je prends l'exemple du centre de
prélèvements que vous m'avez donné il y a un instant,
ça ne doit pas se dissocier des autres professionnels de la
santé.
Alors, est-ce que, à votre avis, c'est un argument valable aussi
pour invoquer le caractère de l'exclusivité de l'exercice de
votre profession?
M. SIMARD (Raymond): Qui voulez-vous de mieux qu'un organisme
compétent composé de technologistes médicaux pour faire le
contrôle d'un travail exécuté par des technologistes
médicaux? Les relations entre les différentes
disciplines ou les différentes corporations sont excellentes
parce que nous avons un champ limité au laboratoire.
Pour vous donner un peu l'aperçu du domaine où le
technologiste doit pousser sa compétence et aussi où la
corporation doit contrôler les connaissances et la compétence de
ses membres, en 1959, nous avions en laboratoire environ une centaine de
demandes d'analyse. En 1969, nous dépassions quelque peu 500
différentes demandes d'analyse. Aujourd'hui, nous sommes entre 500 et
1,000 demandes, ce qui nous fait prévoir qu'en 1979, nous aurons
définitivement dépassé 1,000 différentes demandes
d'analyse.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce sont des analyses de différentes
sortes.
M. SIMARD (Raymond): De différentes sortes. Alors, cela demande
un organisme capable de contrôler, de vérifier la
compétence des gens qui pratiquent à l'intérieur du milieu
hospitalier.
M. CLOUTIER (Montmagny): Là, vous parlez du contrôle des
actes posés par vos professionnels. Est-ce que, du point de vue
éthique, en plus des exigences minimales d'admission dans la profession,
la corporation en possède un ou encore est-ce qu'elle possède un
code de déontologie?
M. SIMARD (Raymond): Certainement. M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. Bergeron, il ressort clairement de ce que vous avez dit que
le travail du technologiste médical participe de près ou de loin
au diagnostic, du moins aux méthodes de diagnostic. Ma question est
assez précise: Est-ce qu'un médecin peut poser un diagnostic
efficacement sans l'aide d'un technologiste médical?
M. DESLAURIERS: M. le Président, il est admis maintenant que la
véritable médecine se fait dans les laboratoires. Par
conséquent, un médecin pratiquant va toujours faire reposer son
diagnostic sur une série d'analyses.
M. GUAY: Comme le genre de travail effectué par les
technologistes s'apparente assez clairement à celui de
l'infirmière, est-ce que les actes que posent les technologistes
médicaux sont toujours sur ordonnance médicale?
M. DESLAURIERS: M. le Président, il est bien entendu que chacune
de nos analyses est faite sur demande ou sur prescription du
médecin.
M. GUAY: Etant donné que ces deux profes- sions s'apparentent,
est-ce que les technologistes font parfois également des actes qui font
partie du traitement?
MLLE GRIMARD: Oui. A l'occasion, certains traitements sont
pratiqués par le technologiste médical. Par exemple, quand un
patient doit avoir une plamasphérèse, il faut absolument que ce
soit une technologiste médicale de banque de sang qui soit là
pour faire ce traitement. Il s'agit d'enlever du sang à une patiente, le
centrifuger et enlever le plasma pour baisser le taux de protéines des
patients. C'est un traitement qui est fait par les technologistes
médicaux de banque de sang. C'est un travail hautement
spécialisé et qui n'est fait que par des technologistes.
M. GUAY: En principe, comme dernière question, étant
donné que ces deux professions se rassemblent et que tantôt le
rôle de technologiste médical fait partie du diagnostic,
tantôt du traitement, est-ce qu'on peut considérer que le
rôle du technologiste est un complément au rôle du
médecin et de l'infirmière?
MME GRIMARD: Là-dessus, je peux vous répondre que le
technologiste est un complément au médecin et à la
médecine. Mais je ne vois pas comment ça peut être un
complément au travail de l'infirmière.
Vous semblez voir beaucoup de similitude entre les deux choses. Je pense
que la plus grande similitude, c'est que nous sommes tous deux dans le domaine
hospitalier. Mais nous, nous avons des tâches bien précises, soit
la manipulation du sang ou des tissus humains qui nous parviennent au
laboratoire. A partir de ce sang, nous devons faire une analyse. C'est nous qui
donnons le rapport de cette analyse. S'il arrive un patient à la salle
d'urgence, par exemple, avec une hémorragie, on fait une demande
d'hémogramme au laboratoire d'hématologie. La technicienne qui
fera l'analyse téléphone le résultat au médecin. Je
pense que nous complétons plus le travail du médecin que le
travail de l'infirmière qui, elle, a peut-être à remplir la
feuille avant de la faire signer par le médecin.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: II ne fait pas de doute qu'au fur et à mesure que
progresse la science le nombre des analyses que peut vous demander un
médecin s'accroît d'année en année, et aussi ces
analyses peuvent devenir de plus en plus complexes. Quant au mode, quant
à la performance de ces analyses, il y a aussi des changements. Le
ministre y a fait un peu allusion, tout à l'heure, et on n'a pas tout
à fait répondu, je crois, à sa question.
N'y a-t-il pas un certain nombre d'analyses
qui, de plus en plus, ne requièrent plus l'action directe d'un
technologiste médical? Je parle d'analyses qui sont faites par des
machines programmées par ordinateur, que ce soit sur place ou que ce
soit à distance. Pourriez-vous me donner le rôle nouveau que vous
pouvez être appelés à exercer quant à ces nouvelles
méthodes?
M. MONTGRAIN: M. le Président, évidemment, il y a beaucoup
d'appareils nouveaux qui entrent sur le marché, dans les laboratoires.
Ce sont des appareils qui vont bien quand ils fonctionnent, mais il faut quand
même avoir un technologiste qui connaisse le fonctionnement de cet
appareil, qui puisse le mettre en marche. Même s'il y a un ordinateur au
bout, il ne faut pas s'imaginer que tout se fait seul. Il faut que les
résultats qui viennent de l'appareil qui fait l'analyse proprement dite
soient préparés pour être digérés par
l'ordinateur ensuite. Tout ce travail est fait par un technologiste.
M. LAURIN: Qui fait les programmes? Rien ne peut se faire si des
programmes n'ont pas été soigneusement élaborés au
préalable. Est-ce que les programmes sont faits par des
ingénieurs, des informaticiens, des biochimistes, des Ph.D.? Qui fait
les programmes et en collaboration avec qui? Le rôle que vous venez de me
décrire, c'est plutôt un rôle de contrôle et de
surveillance; ce n'est pas un rôle de programmation. Est-ce que vous
contribuez aussi à la préparation des programmes?
M. MONTGRAIN: Le technologiste pour expliquer ce que j'ai dit
précédemment voit, évidemment, à ce que
l'appareil fonctionne, mais les réactifs qui vont dedans, c'est lui qui
les choisit, c'est lui qui les prépare. Deuxièmement, les
programmes sont faits, forcément, par un analyste, un informaticien,
lequel travaille toujours en collaboration avec le laboratoire. Par
collaboration avec le laboratoire, je sous-en-tends avec le directeur du
laboratoire, bien sûr, mais aussi avec le responsable technique du
laboratoire, c'est-à-dire le technologiste-chef.
M. LAURIN: Vous avez parlé du directeur de laboratoire.
Habituellement, dans les hôpitaux où il existe un laboratoire, qui
dirige le laboratoire? Est-ce un technologiste, est-ce un médecin
spécialisé en biochimie médicale ou est-ce un Ph.D.
spécialisé en techniques de laboratoire?
M. MONTGRAIN: J'aimerais bien pouvoir répondre à votre
question, mais cela m'est un peu difficile parce que je pense que chaque
hôpital a sa structure personnelle, qui est différente de celle
d'un autre hôpital.
M. LAURIN: Je vous pose la question surtout pour pouvoir discerner le
niveau de formation exigé d'un directeur de laboratoire. Est-ce une
formation collégiale ou une formation universitaire?
M. MONTGRAIN : Sûrement une formation universitaire. Je pense que
généralement, ce sont des médecins spécialistes qui
sont à la tête des laboratoires.
M. LAURIN: Habituellement, ce sont des médecins
spécialistes.
M. SIMARD (Raymond): La tendance actuelle, dans certains milieux
hospitaliers, c'est qu'on demande de plus en plus des technologis-tes
médicaux spécialisés pour coordonner le travail des
laboratoires, parce que ceux-ci sont formés en vue des méthodes
d'analyse plutôt que pour faire le rapprochement avec la clinique.
M. LAURIN: Si je comprends bien, les représentants de votre
profession participent de plus en plus à la direction des
laboratoires.
M. SIMARD (Raymond): C'est exact.
M. LAURIN: Même si la direction même du laboratoire ne leur
est pas confiée.
M. SIMARD (Raymond): Dans certains milieux hospitaliers, vous avez des
technologistes médicaux qui agissent comme on n'emploie pas le
terme de directeur des laboratoires coordonnateur des laboratoires.
Parce qu'il y a certains titres réservés.
M. LAURIN: Dans votre mémoire, vous parlez d'un contrôle
direct que vous exercez sur l'analyse que vous effectuez, elle est transcrite
immédiatement au dossier. Est-ce que ce contrôle est le seul qui
s'exerce? Est-ce qu'un autre contrôle peut même potentiellement
être exercé par le directeur du laboratoire d'une part ou encore
être exercé par un comité ad hoc d'un hôpital
spécialement formé à cet effet?
M. MONTGRAIN: II y a bien sûr une responsabilité
légale de la part du chef ou du directeur du laboratoire. Mais dans tous
les cas d'urgence, quand le malade arrive, on demande un résultat, on
n'attend pas la responsabilité légale. Le résultat s'en va
directement en bas. S'il est faux, nous en supportons les
conséquences.
M. LAURIN: Mais est-ce qu'il y a un contrôle exercé, de
quelque nature qu'il soit et j'aimerais que vous me le décriviez
alors par le directeur du laboratoire ou par un comité hospitalier
quelconque?
M. MONTGRAIN: Je crois que vous faites allusion à la
vérification. Et quand on parle de vérification, il faut faire
une distinction entre vérification et signature. Je crois que dans la
pratique courante, si on entend, par vérification, reprise d'un examen
pour savoir si le résultat est juste, je vous dirai que dans la pratique
courante, les examens du technologiste ne sont pas repris.
M. LAURIN: Je le sais très bien.
M. MONTGRAIN: Ensuite, pour ce qui est de la signature, ça varie
beaucoup. Et je peux vous dire que dans la majorité des laboratoires, ce
sont des initiales qui sont placées tout simplement. Ce sont parfois les
initiales du directeur, parfois du chef technologiste. Et parfois aussi il y a
une estampille qui est placée tout simplement.
Je dois vous dire aussi que dans la pratique, les examens courants sont
vérifiés par le technologiste. Et dans certains cas un peu
spéciaux, si le technologiste remarque quelque chose d'anormal, il
attire l'attention du chef du laboratoire ou du directeur de laboratoire.
M. LAURIN: Dans la réponse que vous avez donnée à
une question antérieure qui vous a été posée, vous
avez dit que ce contrôle sur l'analyse était à ce point
direct du fait qu'il était transcrit immédiatement sur le
dossier, que le résultat de l'analyse indiquait d'une façon
absolue et nécessaire l'acte thérapeutique qu'il fallait poser,
comme par exemple à supposer que votre analyse révèle un
taux d'anémie très prononcée, il s'ensuit directement et
nécessairement l'emploi d'une transfusion. Est-ce que c'est vraiment le
cas ou est-ce qu'il n'y a pas quand même un autre jugement qui doit
être posé avant que, du résultat de l'analyse marquant une
baisse très marquée des globules rouges, il soit
procédé nécessairement à une transfusion? Est-ce
qu'il n'y a pas un autre acte, un autre jugement qui est posé avant
qu'on procède à l'acte thérapeutique approprié?
MLLE GRIMARD: Cela dépend naturellement de tout le contexte, si
c'est un patient qui arrive en hémorragie ou un accidenté, un
polytraumatisé, à la suite du résultat d'une
hémoglobine et des globules rouges, comme vous venez de le dire, c'est
sûr qu'à ce moment-là il y aura transfusion. Mais si c'est
un patient qui arrive à l'hôpital sur ses deux pattes, et que le
résultat de l'analyse montre une grande anémie, le médecin
devra d'abord s'assurer si le patient saigne, il continuera la batterie
d'analyses nécessaires pour voir si c'est un traitement où il
faut une transfusion ou autre chose. Mais c'est tout de même le
résultat de l'analyse à la fin qui est important.
M. SIMARD (Raymond): Pour répondre finalement à la
question d'un des membres de la commission au sujet des ordinateurs, je dois
vous dire que selon notre expérience actuelle, plusieurs hôpitaux
ont demandé les services d'un ingénieur médical ou autre
pour mettre en marche ou coordonner l'ordinateur.
A notre grande surprise, le milieu hospitalier demande maintenant que
certains de nos tech-nologistes aillent apprendre comment faire fonctionner
l'ordinateur. L'ingénieur ne connaît pas du tout ce pourquoi
l'appareil est fait et les résultats ou les variantes ou la courbe ou le
facteur d'erreurs impliqué dans le résultat. Nous avons
maintenant des technologists qui travaillent avec des ordinateurs, afin de
contrôler le facteur d'erreurs et aussi de donner des résultats
exacts.
M. LAURIN: A la page 14 de votre mémoire, je lis la phrase
suivante: La gamme des analyses actuelles et la complexité des appareils
de laboratoire sont telles que le technologiste médical doit
posséder des connaissances techniques et pratiques
particulièrement pour procéder à l'intégration des
données menant aux résultats. Je suis d'accord sur ça.
Vous ajoutez: Un individu ne possédant par la formation et les
qualifications nécessaires pour exercer cette profession ne peut ni
comprendre ni porter un jugement.
La question que je voudrais vous poser est celle-ci; à part le
technologiste médical, est-ce qu'il existe actuellement un autre
professionnel, que ce soit un Ph.D. spécialisé en techniques de
laboratoire, que ce soit un médecin spécialisé en biologie
médicale, qui puisse comprendre les actes posés et ensuite porter
un jugement?
M. MONTGRAIN: Je pense qu'on ne peut pas trancher la question, si c'est
exclusivement le technologiste ou exclusivement un individu de formation
supérieure. Une chose est sûre, le technologiste et l'individu qui
a des connaissances supérieures vont comprendre le fonctionnement de cet
appareil. Mais de là à en connaître les détails
techniques qui permettront une intégration cohérente pour mener
au résultat, je crois que, si on enlève du jour au lendemain un
technologiste, l'appareil ne fonctionnera pas, à moins que la personne
qui a des connaissances supérieures ait suivi le cours ou ait
étudié le fonctionnement en détail de cet appareil.
Ceci est tellement vrai que, pour les appareils un peu complexes qui
sont sur le marché, les compagnies insistent pour que le technologiste
aille à leur maison mère pour apprendre le fonctionnement de cet
appareil.
M. LAURIN: Une autre question. Avez-vous l'impression que la protection
du public, que vous devez viser comme tous les professionnels de la
santé engagés dans une équipe, puisse être
assurée exclusivement par la formation de professionnels en
corporations? Croyez-vous que ça ne peut pas être effectué
par une association professionnelle?
M. LESAGE: Ceci pose, M. le Président, la question de l'existence
des corporations professionnelles. Pourquoi a-t-on des corporations
professionnelles? C'est pour créer un cadre dans lequel on va pouvoir
analyser l'acte qui est posé par le professionnel. A la base, on dit que
les corporations professionnelles sont nécessaires, afin de faire juger
les actes par des gens qui sont compétents pour comprendre ces
actes-là.
Je ne pense pas exagérer en disant que,
même si par exemple un médecin peut porter un jugement sur
un acte posé par un technologiste médical dans un cas
donné, sa formation ne le porte pas à analyser globalement le
comportement du technologiste médical ou des technologistes
médicaux en général. Ces gens-là, qui
représentent quand même un nombre important de professionnels,
accomplissent un devoir dans une discipline bien connue, bien établie
suivant les normes. Pour comprendre les actes qu'ils posent, il faut
connaître cette discipline. C'est dans cet esprit que nous disons que
seule une corporation professionnelle de technologistes médicaux peut
analyser l'acte posé par le technologiste médical et rendre
justice à la fois au public et aux technologistes. Il est souhaitable
que ces gens soient sujets à un contrôle de leur corporation
professionnelle dans l'exercice de leur profession et qu'ils ne
dépendent pas seulement d'un patron qui, lui, habituellement, met son
estampille chaque jour sur les analyses qu'il fait et qui est peut-être
satisfait de son technologiste lui-même. Il faut qu'il y ait cette
rupture, je pense, de la relation patron-employé et qu'on puisse
référer à une corporation professionnelle pour faire
analyser l'acte.
M. LAURIN: Je vais reprendre ma question sous une autre forme.
Jusqu'ici, vous formez une association. Votre mémoire indique que vous
avez quand même visé, dans les actions que vous avez prises en
tant qu'association, à protéger le public. Pour ce faire, vous
avez posé un certain nombre d'actes. Vous avez créé des
comités. La question que je voudrais vous poser est celle-ci: Avez-vous
dans votre opinion réussi à protéger la santé du
public dans les cadres au sein desquels vous avez exercé jusqu'ici,
d'une part? Deuxièmement, avez-vous l'impression qu'il vous a
manqué des pouvoirs pour protéger plus adéquatement le
public, pouvoirs que peut-être seule une corporation à champ
exclusif pourrait vous donner?
M. LESAGE: II est bien difficile, à la première question,
de dire: Oui, nous avons réussi à protéger la santé
publique. Je pense que nous ne pourrions pas répondre cela. Nous ne
pouvons pas dire: Nous avons réussi à protéger la
santé publique. Nous faisons un effort pour protéger la
santé publique en imposant des normes, en considérant les
qualifications minimales qu'une personne doit avoir pour pratiquer comme
technologiste médical. De ce côté-là, nous avons
fait un effort vers la protection de la santé publique. L'autre partie
de votre question était?
M. LAURIN: Avez-vous constaté que certains pouvoirs vous
manquaient pour protéger le public d'une façon qui vous aurait
semblé plus adéquate?
M. LESAGE: La corporation n'a aucun pou- voir, sauf la persuasion
auprès des milieux hospitaliers. Je pense qu'elle a réussi quand
même à persuader les milieux hospitaliers et les milieux
médicaux au point que, dans les contrats collectifs, on exige
c'est une des normes qui est admise, qui vient d'être reconnue dans le
projet de la nouvelle convention qui répète ce qui était
dit dans l'ancienne qu'un technologiste médical soit membre de la
Corporation des technologistes médicaux. C'est le seul organisme qui
répond de la qualification des technologistes médicaux qui peut
dire ce qu'est un technologiste médical. Autrement, on ne sait pas ce
qu'est un technologiste médical. Un technologiste médical n'est
pas un aide-technicien parce qu'il faut distinguer l'aide-technicien comme on
distingue l'aide-infirmière. Mais, s'il n'existait pas une corporation
pour dire: C'est un technologiste médical; ce n'est pas un
aide-technologiste ou un aide-technicien, il y aurait des employeurs,
même des hôpitaux qui seraient tentés de confondre l'un et
l'autre.
M. LAURIN: Mais quels actes additionnels ou quelle protection
additionnelle vous permettrait l'octroi des pouvoirs additionnels que vous
demandez aujourd'hui par rapport à la situation présente? C'est
ce que j'aimerais que vous me précisiez.
M. LESAGE: D'abord, il y aurait à établir un statut. A ce
moment-là, au lieu de négocier les qualifications minimales pour
la protection de la santé publique, on reconnaîtrait, dans une
loi, que, pour exercer la technologie médicale, il y a un minimum de
connaissances et de qualifications. Cela serait reconnu. La corporation
devrait, en vertu du code des professions, avoir un comité de
discipline, un comité d'inspection professionnelle, qui serait
appelé à collaborer à l'élaboration des programmes,
qui serait appelé éventuellement nous le demandons dans un
projet de loi que nous avons annexé à notre mémoire
à faire des recommandations au milieu hospitalier, comme cela est
reconnu pour certaines corporations dans le domaine de la santé. Pour
ces actes, la corporation est consultée, parce que je pense qu'elle
s'est imposée comme un organisme valable. Nous sommes consultés
sans qu'il y ait obligation de consultation, parce qu'il y a des gens qui se
sont dévoués, qui ont consacré leur vie, depuis 20 ans,
à créer la Corporation des technologistes médicaux. Si ces
personnes n'avaient pas mis leur vie là-dedans, il n'y en aurait pas
aujourd'hui de Corporation des technologistes médicaux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montcalm. Oui, M.
Simard.
M. SIMARD (Raymond): Une dernière question.
M. LE PRESIDENT: A condition qu'elle n'en engendre pas une
deuxième.
M. SIMARD (Raymond): Non. Pour vous répondre finalement, la
Corporation des tech-nologistes médicaux participent à titre
volontaire à la commission d'agrément des milieux hospitaliers,
des milieux de formation; elle participe volontairement aux différents
comités pédagogiques des collèges (CEGEP) d'enseignement
en technique de laboratoire médical; elle participe encore
volontairement aux comités des programmes au niveau de
l'éducation. Toute cette base est volontaire afin qu'on apporte une
protection au public et une formation adéquate. Mais tout ça est
sur une base volontaire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny a une question
additionnelle.
M. CLOUTIER (Montmagny): A la fin de votre mémoire, pour
faciliter le travail du législateur, vous proposez un texte de loi pour
votre corporation. Aux articles 35 et 36, vous mentionnez ceux qui seraient
inscrits au tableau de la corporation par le secrétaire. Il n'y a pas de
problème pour les technologistes qui sont actuellement certifiés.
A l'article 36, vous dites: Le bureau peut également délivrer un
permis à toute personne qui a exercé la profession de
technologiste médical au Québec avant le 1er décembre
1971, quoique cette personne ne remplisse pas exactement les conditions
prescrites aux paragraphes b) et c) de l'article 24, c'est-à-dire qui
soit titulaire d'un diplôme reconnu valide et puis, le paragraphe c), a
satisfait aux exigences des stages d'entraînement...
Si ça se produisait, dans le cas où il y aurait adoption
de cette loi, combien de gens tomberaient sous le coup de l'article 36?
M. SIMARD (Raymond): D'après nos registres, sans préciser
un chiffre exact, nous croyons que cela varie entre 200 et 300 personnes dans
toute la province.
M. CLOUTIER (Montmagny): A quel rythme forme-t-on les technologistes
dans les maisons d'enseignement cette année?
M. SIMARD (Raymond): Nos registres de la corporation ont tous les CEGEP
et les étudiants des CEGEP inscrits en technique de laboratoire
médical et, présentement, nous en avons 531 en formation.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Bergeron ainsi que tous ses
collègues pour leur grande collaboration. Je remercie aussi tous les
membres de la Corporation des technologistes médicaux du Québec
d'avoir assisté aux séances de la commission du. bill 250. M.
Bergeron aurait quelque chose à ajouter?
M. BERGERON: Je remercie la commission d'avoir bien voulu nous
entendre.
Association des psycho-éducateurs du
Québec
M. LE PRESIDENT: Le deuxième organisme à se faire entendre
est l'Association des psychoéducateurs du Québec.
Si vous voulez bien vous identifier monsieur.
M. THERIAULT (Charles): Charles Thé-riault, président de
l'Association des psychoéducateurs.
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous répéter s'il vous plaît
votre nom?
M. THERIAULT: Charles Thériault. M. LE PRESIDENT: Merci.
M. THERIAULT: A ma gauche, notre conseiller juridique, Me Gilles de
Billy ; à ma droite, M. Gilles Gendreau, président du
comité de l'incorporation et directeur du Centre de
psycho-éducation du Québec; M. Bernard Tessier, du
département de psycho-éducation de l'Université de
Montréal; M. Michel Rheault, directeur du département de
psycho-éducation de l'Université de Sherbrooke. Egalement, un
grand nombre de psycho-éducateurs auraient aimé nous accompagner
mais leur tâche auprès des inadaptés les retient dans leurs
milieux respectifs de travail.
Si vous permettez, Me de Billy prendra d'abord la parole pour ensuite la
céder à M. Gilles Gendreau, président du comité de
l'incorporation.
M. De BILLY: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, MM. les
députés, de vous donner lecture du mémoire que nous avons
déposé, mémoire dont vous avez pris connaissance. Je
voudrais plutôt vous souligner certains des points les plus importants et
m'étendre sur ceux que je considère primordiaux.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler que l'Association des
psycho-éducateurs existe au Québec depuis 1953 et qu'elle a
obtenu ses lettres patentes. A cette époque, on a assisté
à la naissance du centre de psycho-éducation et à
l'organisation d'un cours universitaire à l'Université de
Montréal.
En 1958, une deuxième école de psychoéducation
s'est ouverte à l'Université de Sherbrooke. IL est à noter
que la section de psycho-éducation de l'Institut de psychologie a
été par la suite élevée par l'Université de
Montréal au statut d'école et constitue maintenant un
département autonome.
Il est important de distinguer ici entre certaines techniques que des
CEGEP peuvent enseigner, techniques d'ordre occupationnel, et la formation des
membres de l'Association des psycho-éducateurs qui est essentiellement
universitaire et qui repose sur la science de la discipline de la
psycho-éducation.
Le technicien issu du CEGEP ne peut pas dépasser sa technique,
tandis que le professionnel est qualifié pour choisir la technique qui
convienne en se basant sur une discipline à caractère
scientifique qui évolue sans cesse. Les cours dispensés par les
écoles de Montréal et de Sherbrooke conduisent d'abord au
baccalauréat ès sciences en psycho-éducation. N'est pas
admis qui veut aux écoles de psycho-éducation.
Le candidat doit répondre à plusieurs exigences. Il doit
détenir soit un baccalauréat ès arts ou encore un
diplôme d'études collégiales ou avoir
complété des études jugées équivalentes par
les bureaux des régistraires. De plus, le candidat, avant d'être
admis à l'étude, doit subir un examen de sélection qui
tient compte des objectifs particuliers de la profession de
psycho-éducateur.
Cet examen d'admission est d'une très grande importance puisqu'il
permet d'assurer une sélection sérieuse des candidats dont la
formation pratique et les activités professionnelles futures exigeront
des aptitudes et des attitudes personnelles bien spéciales. L'obtention
du baccalauréat en psycho-éducation nécessite, à
Montréal par exemple, trois années d'études
complètes comportant un total de 90 crédits de cours, ainsi que
treize crédits de stage effectués en deuxième et
troisième année, et neuf crédits de stage d'internat en
troisième année.
Quand on sait qu'un crédit équivaut à 45 heures de
travaux et de cours, en plus des examens et des évaluations qui se font
régulièrement, on comprend facilement la somme de travail que
représente l'obtention du baccalauréat en
psycho-éducation. Le curriculum, à quelques variations
près, est analogue à celui de Sherbrooke. Le candidat doit non
seulement obtenir des succès au niveau académique, mais il doit
aussi réussir les stages pratiques, le tout conformément à
l'ensemble des barèmes universitaires.
En plus du baccalauréat en psycho-éducation, les
écoles de Montréal et de Sherbrooke préparent
également la maîtrise en psycho-éducation à laquelle
ne peut s'inscrire que celui qui est déjà porteur du titre de
bachelier ès sciences en psycho-éducation et qui a
conservé un minimum de 70 p.c. des points, tant dans l'aspect
académique que pratique.
La durée des études pour la maîtrise est d'un an et
pour obtenir cette dernière, le candidat doit présenter un
mémoire. Enfin, l'Université de Montréal entend
présenter, dans un avenir rapproché, au Conseil des
universités, un programme de doctorat en psycho-éducation, lequel
donnera droit au titre de Ph.D.
Le corps enseignant à l'Université de Montréal se
chiffre à une trentaine de personnes et celui de l'école de
Sherbrooke à une quinzaine de personnes. L'Ecole de
psycho-éducation de l'Université de Montréal dispense
présentement l'enseignement à plus de 175 étudiants,
lesquels sont répartis comme suit: 60 en première année,
40 en deuxième, 30 en troisième et 45 qui suivent les cours de la
maîtrise. Quant à l'école de Sherbrooke, elle compte
environ 75 étudiants.
Vous me demanderez peut-être quel est le rôle que joue le
psycho-éducateur dans la société. Je vous répondrai
qu'à la suite de sa formation bien spécialisée, il
répond à des besoins auxquels aucune autre formation
professionnelle ne peut répondre spécifiquement. Son rôle
spécifique est la rééducation de la jeunesse
inadaptée par des activités psychoéducatives
appropriées à chaque catégorie d'inadaptés, soit
les jeunes délinquants, les enfants-problèmes, les
mésadaptés sociaux incluant les surdoués, les enfants
souffrant de troubles d'apprentissage et pouvant être traités en
milieux extérieurs, les malades mentaux en résidence dans les
hôpitaux, les handicapés physiques et les déficients
mentaux. Comme on peut le constater, l'activité professionnelle des
psycho-éducateurs couvre un champ immense dans un domaine relativement
nouveau, celui de la rééducation.
Il faut également souligner ici qu'on ne doit pas confondre les
psycho-éducateurs avec les psychiatres ou les psychologues. Le champ
d'activités de chacune de ces trois professions est bien
différent et répond également à des besoins qui ne
sont pas les mêmes.
Il nous semble bien que la Corporation des psycho-éducateurs
rencontre toutes les normes et conditions dont il est fait mention à
l'article 21 du projet de loi du code des professions.
En premier lieu, nous croyons que les personnes qui seraient
régies par la corporation possèdent toutes les connaissances
requises pour exercer les activités des membres de la corporation. Nous
avons déjà insisté longuement sur la formation
reçue et nous croyons que la formation universitaire et professionnelle
des psycho-éducateurs est supérieure à celle de bien des
professions reconnues par le projet actuel du code des professions. Leur
formation leur permet, à notre sens, de faire un travail professionnel
adéquat ainsi que de fournir des services qu'ils sont les seuls à
pouvoir rendre grâce à leur compétence et à leurs
connaissances.
Quant au deuxième critère, nous sommes d'avis que le
psycho-éducateur jouit d'un degré d'autonomie nécessaire
à l'organisation de son travail et qu'il apporte une participation
originale, différente, spécifique et nécessaire à
l'équipe interdisciplinaire de santé mentale. A notre sens, on ne
peut lui conserver cette autonomie que par la reconnaissance et la
consécration de sa profession. Nous soumettons aussi qu'il est bien
difficile pour des gens non qualifiés de porter un jugement sur les
activités des membres de l'association, parce qu'ils ne possèdent
pas une formation et une qualification de même nature.
Divers media d'information nous ont informés récemment
d'accidents et d'incidents malheureux survenus dans certaines institutions
où
on avait, malheureusement, fait assumer des responsabilités
à des gens non qualifiés. Nous croyons que ces
événements auraient peut-être pu être
évités si ces établissements avaient été
pris en charge par un personnel ayant une formation professionnelle
spécialisée. Nous ne blâmons pas, évidemment, les
responsables des institutions où ces incidents se sont produits, mais
nous constatons tout de même qu'ils auraient pu être
évités.
D n'est pas nécessaire d'insister sur le caractère
personnel des rapports qui doivent exister entre les membres de l'association
et des personnes qui recourent à leurs services et ce en raison de la
confiance bien spéciale qu'ils sont appelés à leur
témoigner. Le professionnel de la psycho-éducation, à
l'encontre des techniciens et des aides, peut utiliser, dans une perspective
thérapeutique, les confidences qu'il reçoit des personnes dont il
a la charge et les relations qu'il a avec elles. Une confiance illimitée
doit exister de la part de la personne inadaptée envers le
psycho-éducateur. C'est au moyen de cette relation bien
particulière et bien personnelle que la rééducation
thérapeutique est rendue possible et peut obtenir des
résultats.
Le psycho-éducateur dispense des soins à l'inadapté
et l'effet de ses soins ne peut se faire sentir que dans la mesure où
l'inadapté pourra se confier au psycho-éducateur.
Un autre des facteurs auxquels se réfère l'article 21 est
la gravité du préjudice ou des dommages qui pourraient être
subis par des gens recourant aux services des psycho-éducateurs par
suite du fait que leur compétence ou leur intégrité ne
serait pas contrôlée par la corporation. Nous avons
déjà souligné certains incidents malheureux qui sont
survenus dans des institutions du Québec et dont les dirigeants
n'étaient peut-être pas assez qualifiés.
Nous croyons qu'il est essentiel que la compétence des gens qui
oeuvrent comme psycho-éducateurs soit contrôlée par une
corporation.
A notre avis, la compétence des membres actuels de l'association
est bien connue. C'est évidemment pour cette raison qu'à de
nombreuses reprises certains de ces membres se sont vu confier des missions par
les autorités de certains ministères dont celui des Affaires
sociales. Qu'il me soit encore permis de souligner que la directrice de
l'école de psycho-éducation de l'Université de
Montréal est actuellement à l'Université Ann Arbor, au
Michigan, où elle a été invitée à participer
à un séminaire.
Depuis quelques années, les membres de l'association ont ainsi
visité plusieurs universités dans le monde, où leurs
services sont recherchés. Tout dernièrement, des
représentants d'une grande université américaine sont
venus nous demander la permission d'implanter notre système dans leurs
institutions.
La formulation professionnelle des psychoéducateurs leur
confère des capacités et des qualifications qu'on ne retrouvera
pas chez d'autres professions parallèles. A notre sens, les
psycho-éducateurs ont le droit d'être considérés
comme formant une profession à part entière et bien
différente des autres.
Les preuves des réalisations des membres de l'association sont
bien évidentes. Permettez-moi de vous souligner qu'ils dirigent plus de
treize institutions ou organismes, dont Boscoville, le Centre d'orientation
l'Etape, à Val d'Or, l'Institut Val du Lac, à Sherbrooke. Ces
différentes insitutions abritent un grand nombre d'inadaptés sous
traitement. En plus de ces organismes qu'ils dirigent directement, les
psycho-éducateurs travaillent également dans une trentaine
d'autres institutions.
Enfin, les psycho-éducateurs fournissent un enseignement
professionnel, universitaire ou collégial dans plus de huit institutions
de haut savoir.
Les efforts des psycho-éducateurs pour faire reconnaître
leur profession ont débuté il y a déjà longtemps,
soit en 1966. Un projet de loi avait même été
déposé, en 1968, après avoir reçu le feu vert des
autorités du temps. Permettez-nous de souligner qu'à
l'époque le ministère de l'Education s'était
déclaré très satisfait des exigences des
universités du point de vue de la formation des
psycho-éducateurs. Le rapport ajoutait également qu'il s'agissait
d'un groupe de gens très sérieux et que le ministère ne
s'opposait pas à la présentation d'un projet de loi. Nous croyons
que ces approbations et ces commentaires sont encore valables à l'heure
actuelle.
L'acceptation du projet a dû être différée par
suite de la décision gouvernementale de préparer un code des
professions, basé sur le rapport Castonguay-Nepveu. Les
psycho-éducateurs, dont le nombre se chiffre par plus de 300, croient
avoir fait preuve de patience et demandent instamment à cette commission
parlementaire d'amender le projet de loi no 250 afin de donner suite à
leur souhait bien légitime.
Nous soumettons que leur demande est dictée par
l'intérêt public et par celui des personnes auxquelles les
psycho-éducateurs sont appelés à dispenser leurs soins et
leurs services. Elle répond, en même temps, à un devoir
d'équité et de justice, parce qu'elle place les
psycho-éducateurs sur un pied d'égalité avec leurs
collègues des autres professions avec qui ils sont appelés
à travailler. Les psycho-éducateurs sont conscients de
l'attention que les autorités du ministère des Affaires sociales
ont donnée et continuent de donner au problème des
inadaptés. Ils croient que reconnaître leur profession, ce sera
surtout reconnaître l'importance des problèmes des
inadaptés et donner à la société un outil dont elle
a besoin pour les résoudre.
Nous croyons également que le bill 65, soit la Loi de
l'organisation des services de santé et des services sociaux, accorde un
certain rôle aux professionnels dans les conseils d'administration
des établissements publics et par les conseils consultatifs des
professionnels de certaines institutions. A ce jour, les
psycho-éducateurs se sont déjà acquis, dans plusieurs
établissements, un statut autonome et une participation de plein droit
aux délibérations. H nous semble qu'il serait dans
l'intérêt public que cette profession, dont les membres vivent en
contact continuel avec l'inadapté, ne soit pas écartée des
centres de décision où les politiques de traitement sont
étudiées.
Depuis plus de 20 ans, les membres de la profession, qui est la seule
fondée spécifiquement pour établir et animer un contact
direct avec les groupes d'inadaptés et pour l'encadrement de la vie
totale de ceux-ci, collaborent avec les autorités gouvernementales et
avec les représentants des autres professions. Par exemple, qu'il nous
soit permis de souligner que l'association compte un représentant au
comité de la santé mentale.
Refuser la demande des psycho-éducateurs aurait l'effet d'une
douche froide et pourrait risquer de jeter à terre bien des
énergies.
De plus, l'association considère qu'elle serait en mesure
d'attirer des candidats de choix plus nombreux vers la profession, si celle-ci
était reconnue officiellement. Pour ces raisons, l'Association des
psycho-éducateurs du Québec prie respectueusement les
autorités gouvernementales d'inclure leur profession dans le bill 250
comme profession à titre réservé.
Nous soumettons en conséquence les amendements suivants au bill
250. A l'article 34, il y aurait lieu d'ajouter un paragraphe sous la lettre L)
et non e) tel que mentionné par erreur au mémoire. Ce paragraphe
se lirait comme suit: 34L) Utiliser le mot de "psycho-éducateur" ni un
titre quelconque comportant cette expression ou l'équivalent, s'il n'est
détenteur d'un permis valide à cette fin et s'il n'est inscrit au
tableau de la corporation professionnelle des psycho-éducateurs du
Québec.
Il y aurait également lieu d'ajouter un paragraphe à
l'article 35 également sous la cote L), lequel se lirait comme suit: 35
L): La corporation professionnelle des psycho-éducateurs du
Québec : fournir au public des services professionnels comportant
l'application des principes et des techniques de la psycho-éducation en
vue de la prévention de l'inadaptation ou de la
rééducation des personnes inadaptées en leur faisant vivre
les actes ordinaires de la vie dans un milieu approprié, ou en les
faisant participer à des activités proprement
psychoéducatives.
Il faudrait également ajouter à l'annexe 1, un paragraphe
numéroté 35 se lisant comme suit : 35: La corporation
professionnelle des psychoéducateurs du Québec; et ajouter
à l'annexe II, sous la cote 25, les mêmes mots "la corporation
professionnelle des psycho-éducateurs du Québec". D'autres
amendements de concordance devront également être faits au
chapitre 9 du projet, chapitre traitant des dispositions transitoires et
finales.
M. LE PRESIDENT: M. Gendreau.
M. GENDREAU: Nous avons vu ici, M. le Président et messieurs les
membres de la commission, notre avocat exprimer les faits. Je voudrais exprimer
non seulement des faits mais un certain nombre d'aspects plus vécus
reliés à la psycho-éducation.
Je voudrais parler, à mon point de vue, au nom d'un certain
nombre de valeurs humaines de la plus haute importance, l'enfance et la
jeunesse inadaptées. Et je pense que je dois dire, sans jeu de mots, que
c'est en leur nom que je parle.
M. le ministre sait très bien et les autres
députés aussi que l'enfance et la jeunesse
inadaptées n'ont pas beaucoup de voix dans la société. Les
psycho-éducateurs eux-mêmes, comme groupe, peuvent se passer de
l'incorporation. Ils pourraient être comme les sociologues et
dépenser leurs énergies, leur temps et leur argent à
rendre et à développer leur profession.
Si nous insistons tellement pour que vous nous écoutiez, et que
vous soyez capables de représenter les intérêts de la
société et de l'enfance inadaptée, c'est en leur nom que
nous le faisons.
Il est évident que même la loi 65 pourrait permettre, en
changeant les règlements, aux psycho-éducateurs, même s'ils
ne sont pas incorporés, de participer au comité au niveau
décisionnel. Mais encore, ce ne serait pas la principale question. La
question principale est plus large. C'est que vous êtes en face d'un
groupe de professionnels qui, de fait, ont consacré leur
cqmpétence et leur action au service de l'organisation et de l'animation
de groupes d'inadaptés. Non seulement prodiguent-ils des conseils, mais
ils sont auprès des groupes et des milieux, et ils sont habilités
à le faire.
Leur raison d'être a été cela, le travail quotidien.
Ils en sont fiers, messieurs. Ce n'est pas tout le monde qui l'est. Et ils sont
reconnus comme compétents. On les consulte, mais on refuse
obstinément, pour des raisons qui nous paraissent extrêmement
obscures, de leur reconnaître une identité professionnelle. Ils en
sont fiers. Oui, parce qu'ils ont été les premiers et ils se sont
battus depuis vingt ans à développer une formation et une
compétence pour faire des milieux qui soient vraiment
spécialisés pour la rééducation.
Et ils ont trouvé là pas besoin de le dire
un milieu dévalué, dévalorisé et ce n'est
pas la faute aux gouvernants, c'est la faute à l'image que la
société a des milieux d'inadaptés ils y ont
développé des moyens qui sont reconnus internationalement, et on
leur envie, et pourtant on ne reconnaît pas ici, dans la province, cette
profession.
Ils sont reconnus, le ministère des Affaires sociales sait
d'emblée que lorsqu'il veut montrer à des visiteurs ce qui se
fait de bien au niveau des institutions, il les envoie là où ces
institu-
tions sont dirigées par les psycho-éducateurs. Pas besoin
de les nommer.
On sait très bien que, quand on veut parler de politique
spécialisée, c'est là qu'on en parle. Où vont ces
étrangers? Ils viennent dans ces milieux qui ont fait ce qu'il y a de
plus valable actuellement pour l'enfance et l'adolescence délinquantes.
Pensez à Boscoville, pensez aux autres centres, on en a
mentionnés...
M. LE PRESIDENT: M. Gendreau, je m'excuse, on vous avait demandé
tout à l'heure d'essayer autant que possible de vous limiter à 20
minutes dans les exposés. Votre conseiller juridique a pris une bonne
partie de ce temps; je vous demanderais de faire le plus rapidement possible,
s'il vous plaît.
M. GENDREAU: Je pense que je veux le faire le plus rapidement possible,
M. le Président, et je pense que ce que je voudrais dire en deux minutes
est important. Voyez-vous, le problème des inadaptés ce n'est pas
quelque chose de flamboyant dans la société. Le travail
auprès des inadaptés ce n'est pas quelque chose qui a une
très grande reconnaissance. Tout le monde dit qu'il travaille avec des
inadaptés. Tout le monde dit qu'il fait de la
rééducation.
Ce que nous voulons, nous, c'est que les personnes qui
représentent l'intérêt public, la population disent: Nous
avons vraiment besoin d'une profession qui se dévoue
spécifiquement à ça. Vous seriez peut-être
tentés de dire: L'article 24 pourrait vous permettre d'aller faire juger
ça par le comité interprofessionnel, après que le bill 250
sera adopté, et puis entreprendre une démarche encore.
Nous vous demandons,s'il vous plaît, de ne pas faire ça,
parce que c'est très difficile pour les autres professions,
actuellement, de reconnaître la valeur de ce qui se fait. C'est
très difficile parce que, si elles avaient vraiment reconnu notre
travail auprès des inadaptés, tel que nous le faisons, ça
fait longtemps qu'elles auraient pu le faire. Cela fait plus longtemps que nous
qu'elles existent. Elles ne l'ont pas fait. C'est difficile, et c'est tout
à fait normal. Ce que nous vous demandons c'est de bien
reconnaître, en incluant les psycho-éducateurs dans le bill 250,
à l'annexe 2, que les inadaptés ont le droit d'avoir des gens
qui, parmi les interprofessionnels, vont les représenter dans ce qu'ils
ont de plus simple et de plus important, que l'on travaille auprès des
inadaptés, des délinquants ou autres. C'est simple et c'est
extrêmement complexe. C'est tellement complexe que ça prend
beaucoup d'efforts pour l'expliquer. Je vous remercie, messieurs, et nous
sommes prêts à répondre à toutes les questions que
vous voudrez bien nous poser.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier l'association pour ce
mémoire et pour l'exposé clair et complet qu'on nous en a fait.
Il est exact que, comme l'ont dit les deux porte-parole de l'association, le
domaine de l'enfance inadaptée a été bien souvent
ignoré ou encore qu'on n'y a pas apporté toute l'attention qu'on
aurait pu y apporter. Il est exact également que les
psycho-éducateurs ont joué un rôle extrêmement
important dans la modification du caractère des types d'institutions qui
reçoivent ces enfants.
On n'a qu'à regarder la législation qui existait au
Québec, qui est même encore dans les statuts, touchant par exemple
la protection de la jeunesse, pour voir jusqu'à quel point cette
législation est vite tombée en désuétude, compte
tenu de l'évolution dans ce secteur, évolution qui je
partage ce qui a été dit par les porte-parole a
été stimulée fortement par les psycho-éducateurs.
Il me paraît également évident qu'il reste beaucoup de
chemin à faire, que c'est un secteur qui ne retient pas suffisamment
l'attention de la population. Je ne crois pas toutefois qu'il est tout à
fait juste de dire qu'on ne reconnaît pas la profession au Québec
parce qu'elle n'est pas formée en corporation professionnelle.
Il me semble que les exemples donnés démontrent au
contraire que, même si le statut de corporation professionnelle n'a pas
été accordé, ces gens sont considérés comme
des professionnels dans le plein sens du mot, qu'ils jouent un rôle
extrêmement important. J'aurais eu beaucoup plus de questions à
poser si l'association avait demandé d'être formée en
corporation d'exercice exclusif, mais j'ai bien noté que l'on demande
plutôt qu'elle soit formée en corporation à titre
réservé. Là, il nous aurait fallu entrer dans des
problèmes extrêmement difficiles de délimitation, de champ
d'exercice.
Je note justement que l'association n'est pas entrée dans cette
voie et demande d'entrer dans une autre voie qui me parait beaucoup plus
positive et susceptible de faciliter le travail multidisciplinaire.
Compte tenu de l'exposé, j'aurais deux questions que j'aimerais
poser. Elles ne portent pas directement sur les objets traités dans le
mémoire, mais elle me paraissent toutefois importantes et peuvent jeter
un éclairage sur les décisions que nous aurons à prendre
par rapport à ce mémoire.
Je voudrais demander aux représentants de l'association comment
ils évaluent leur travail et comment, outre le fait qu'ils oeuvrent dans
des institutions qui ont une excellente renommée, peut-on mesurer, non
seulement pendant que les enfants sont dans ces institutions, mais surtout par
la suite, lorsqu'ils retournent à la société, lorsqu'ils
font face à toutes les difficultés de la vie dans un milieu non
protégé comme l'est le milieu institutionnel, les
résultats de leur travail. En deuxième lieu, une des choses qui
m'ont frappé le plus, à mesure que le temps a
passé au ministère et que j'ai eu à vivre certains
des problèmes que nous avons vécus dans ce secteur, c'est que
l'accent sur l'enfance inadaptée, particulièrement dans le cas de
la protection de la jeunesse et de la délinquance, est mis lorsque
l'enfant est dans un milieu institutionnel. Une fois terminé son stage
dans ce milieu protégé, bien souvent, il me semble qu'on lui
donne son congé et que cet enfant se retrouve dans un milieu
complètement différent, c'est-à-dire le milieu ordinaire
de vie. Bien souvent, pour ces enfants un milieu ordinaire de vie comporte des
difficultés que les autres enfants n'ont pas:
désintégration familiale, etc.
Comment voyez-vous cet aspect des services à l'enfance
inadaptée hors institution et particulièrement à la suite
de stages en institution? Je comprends que ce n'est pas tout à fait
l'objet du mémoire, mais il me semble que ce sont deux questions
extrêmement importantes et je saisis l'occasion, de toute façon,
pour les poser. Il me semble qu'elles sont susceptibles d'apporter une
information intéressante par rapport à l'objet de votre
mémoire.
M. GENDREAU: M. Bernard Tessier répondra à cette
question.
M. TESSIER (Bernard): Je répondrai à la première
question qui traite des mesures. Pour parler strictement de statistiques, je ne
connais qu'une seule évaluation, M. le ministre, qui a été
faite sur la population de délinquants qui sont passés à
Boscoville entre 1954 et 1964. Je parle d'une évaluation
systématique, scientifique. Cette évaluation avait
été faite à l'intérieur d'une thèse en
criminologie, avec un laps de temps minimum de deux ans, c'est-à-dire
qu'elle a été faite en 1966 et que les derniers
évalués étaient donc ceux de 1964. C'était une
évaluation qui a été jugée scientifique avec une
sélection d'un cas sur deux, indépendamment de la raison pour
laquelle ces garçons avaient mis les pieds à Boscoville. A ce
moment-là, les résultats avaient été
comparés avec des résultats déjà obtenus avec le
système Borstal en Angleterre et avec un autre système aux
Etats-Unis dont je ne me souviens pas du nom.
Les résultats étaient incomparables. Pour toute la
population de délinquants qui avaient mis les pieds à Boscoville,
ne serait-ce qu'une heure, le taux de non-récidive dépassait 65
p.c. Je ne mettrais pas la main sur la Bible pour les chiffres que je donne. Je
ne les ai pas ici. Cela a été fait il y a plusieurs
années. C'était la statistique la meilleure et cette statistique
révélait quelque chose qui, à ce moment-là, avec
tous les organismes qui s'occupaient de délinquants ou de criminels,
était contraire.
Plus le stage était long, plus les garçons avaient
passé à travers le programme total de traitements, plus ce taux
montait, pour arriver, avec la population qui avait passé à 18
mois et plus dans l'institution et qui avait terminé le stage complet,
à 90 p.c. de non-récidives. Ce chiffre, à l'époque,
je pense, a même surpris les gens qui étaient à Boscoville;
d'autre part, c'était la première fois dans le traitement des
délinguants ou des criminels que l'on remarquait que la longueur du
séjour diminuait la récidive. Ordinairement, les recherches en
criminologie démontrent le contraire; plus le séjour est long,
plus il y a récidive rapide et plus la récidive est grave. C'est
au niveau strictement des évaluations statistiques comme telles.
Nous avons de très gros problèmes, M. le ministre, pour
évaluer exactement l'efficacité de notre travail. Voici ce que je
veux dire. On peut, par exemple, dans le cas d'un délinquant, dire: S'il
y a eu non récidive, formidable, la société est sauve!
Mais il n'y a rien qui garantit que le non-délinquant qui n'a pas
récidivé ne fera pas, par exemple, des enfants qui seront
délinquants. C'est la vraie prévention, à ce
niveau-là. Pour faire des évaluations de ce genre, la statistique
traditionnelle, la statistique corrélative n'est pas suffisante.
Actuellement, pour répondre à votre question, à l'Ecole de
psychoéducation de l'Université de Montréal, un cours qui
serait un éventuel prérequis au niveau du Ph.D existe
actuellement. C'est un cours au niveau de la formation en relation avec les
mathématiques dynamiques, les mathématiques des systèmes.
Ce problème déborde de beaucoup les simples études
corrélatives, les simples études statistiques.
Il y a des cas d'échecs, M. le ministre, qu'on ne peut pas
expliquer et il y a des cas de succès qu'on ne peut pas expliquer non
plus. Nous travaillons actuellement à un cas en particulier où,
selon nos prévisions, nous aurions dû avoir un échec.
Actuellement, la cas va très bien. Il y a évidemment un
problème scientifique auquel il est très difficile de
répondre. Mais je pense qu'il est abordé.
M. GENDREAU: En ce qui concerne la deuxième question, sur la
prévention, il est très important de faire une distinction. On
peut envisager deux sortes de prévention M. Tessier vient de
parler d'une quand on fait de la rééducation en
profondeur. Je pense qu'il est bien important de ne pas tomber, dans ce
domaine, dans l'espèce de mode qui veut qu'on ferme toutes les
institutions, tous les internats parce qu'on sort l'enfant du milieu naturel.
Il y a des gens qui auront toujours besoin d'hôpitaux, d'internats. Quand
on fait le travail en profondeur, on fait de la prévention.
Mais quand on parle de prévention c'est un mot qu'on
emploie facilement il y a aussi un autre problème qu'il faut
soulever. Les phycho-éducateurs se rendent compte que dans les milieux
scolaires et au niveau de l'école il y a un tas de choses qui vont
devoir se faire. Si vous me posez une question, j'oserais aussi faire une
suggestion. Il va falloir que le ministère de l'Education et le
ministère des Affaires sociales s'entendent pour être capables de
voir où se situe la prévention. Là, il y a des conflits
entre
les pédagogues et les gens qui travaillent avec ceux qui ont des
conflits de personnalité. Il semble qu'en ce qui concerne les
psycho-éducateurs il y a là aussi des choses à travailler
pour que nous soyons vraiment capables d'aller faire de la prévention
avec les moyens qui sont les nôtres. Nous allons faire des
activités dites scolaires, nous allons faire d'autres activités;
nécessairement, pour faire de la prévention, il faut observer, il
faut avoir des moyens. Nos moyens sont des moyens d'éducation. Bien
souvent, on dira qu'on ne peut pas le faire parce que ce n'est pas un
pédagogue. Il y a des problèmes. Je pense qu'au niveau de
l'école c'est là qu'il va falloir le faire. Les
psycho-éducateurs ont aussi un rôle en ce qui concerne la
prévention pour travailler énormément auprès des
pédagogues, c'est-à-dire auprès de ceux qui sont avec les
enfants. Ainsi ils seront habilités de plus en plus à voir
immédiatement quand un enfant a un problème et seront capables de
l'envoyer au bon endroit. Il ne faut pas attendre de l'avoir
étiqueté pendant toute une année ou pendant deux ans comme
le cancre de la classe, comme celui qui perturbe tout le monde, etc..
Puisque vous parlez des psycho-éducateurs, je pourrais dire que
tout l'ensemble, tant la famille, le travailleur social, le psychologue, le
psychiatre, doit jouer, là-dedans.
Mais en ce qui nous concerne, je pense que nous avons un matériel
extrêmement important à apporter dans le vécu scolaire afin
de faire comprendre au pédagogue ce qu'est une observation en cours de
classe et, en même temps, avoir des activités qui vont permettre
de déceler et même, bien souvent, d'apporter une aide
appropriée qui va faire qu'on n'aura pas besoin d'institution si on le
prend à temps.
M. CASTONGUAY: Vous avez parlé de la prévention, vous avez
aussi parlé de cette étude sur les rendements. Pourriez-vous
aussi nous dire quelques mots sur l'autre aspect que je soulevais, qui est
celui de ce qui se produit une fois que l'enfant sort de l'institution,
lorsqu'il est allé dans une institution de détention ou de
réadaptation, lorsqu'il retourne dans le monde moins
protégé?
M. GENDREAU: M. le ministre, je pense qu'il faudrait dire ici deux
choses. La première: cela dépend d'où il sort, parce que
s'il sort d'un milieu de détention et qu'on n'a rien fait pour lui, il
est évident que ce ne sont pas les murs qui vont le transformer.
La deuxième chose qu'il faut dire, et c'est justement un des
arguments que nous apportons, c'est qu'il faut que la société
soit aussi capable de reconnaître que cet individu n'est pas un
ex-délinquant, ce n'est pas un ex-quelque chose mais que c'est quelqu'un
qui a passé à travers. On pourrait dire la même chose du
malade mental; on voit toujours l'ex-malade mental.
Je pense que c'est le problème majeur. Il va falloir qu'on
envisage le fait qu'il y ait des conditions spéciales. Un
inadapté, quelqu'un qui a souffert dans sa personnalité, il peut
s'adapter mais il peut avoir besoin, de temps à autre, d'aide
particulière. La société doit comprendre ça, on ne
doit pas arrêter complètement les mesures. Parfois, on dit: C'est
fini, il sort de l'institution ou il sort de l'hôpital, c'est fini. Non.
Il y a de l'aide qu'il faut continuer d'apporter à l'inadapté en
particulier.
Mais pour ce faire, on pourrait dire que s'il s'en va dans un milieu
d'éducation, où il y a des gens qui pensent l'aider dans les
milieux normaux, il va réussir. Je pense que nos collègues, les
travailleurs sociaux, devraient aussi continuer à faire ce travail dans
les milieux qui vont recevoir les ex-inadaptés, pour que cette image
soit changée. Auprès de la famille, je n'ai pas besoin
d'insister, c'est tellement important de travailler avec la famille.
M. CASTONGUAY: Vous disiez que le ministère des Affaires
sociales, avec le ministère de l'Education, devrait apporter plus
d'attention au travail qui peut être fait à l'école,
etc.
Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger d'un excès de
professionnalisme ou de méthodes trop scientifiques? Est-ce que d'autres
moyens, qui touchent beaucoup plus les activités de l'enfance
inadaptée dans leurs activités autres que scolaires, je ne parle
pas en institution, auraient grand avantage à être
développés? J'ai vu, lorsque je suis allé en France en
février dernier, les approches vers lesquelles ils se dirigent, les
expériences qu'ils ont vécues et qui tendent plutôt
à intégrer dans les milieux susceptibles de développer la
délinquance ou encore dans des milieux ou auprès des familles qui
ont des problèmes d'enfance inadaptée, apporter une aide hors des
cadres institutionnels tels que l'école.
Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger que nous courons ici de vouloir
justement trop mettre l'accent sur l'aspect scientifique, l'aspect
professionnel et particulièrement dans des cadres institutionnels?
M. GENDREAU: M. le ministre, il y a plusieurs questions.
Premièrement, trop d'approches scientifiques; deuxièmement, les
cadres extérieurs au milieu scolaire et aux internats.
Premièrement, je voudrais faire remarquer qu'au niveau de la formation,
le psycho-éducateur n'est pas formé à travailler
exclusivement en internat. La formation est autant face à toutes les
possibilités d'intervention, que ce soit en milieu ouvert, que ce soit
en milieu de semi-liberté, que ce soit en milieu d'internat.
Il y a cependant une chose qu'il faut remarquer, c'est que des
institutions sociales qui donnent actuellement le service aux inadaptés
dans la province de Québec, à part des internats, il y en a
très peu.
Mais je peux actuellement donner des noms bien précis de gens qui
travaillent soit dans des
milieux montréalais directement dans les quartiers qui sont des
psycho-éducateurs ou bien dans des cliniques de jour dans les
hôpitaux ou ce genre de services. Pour nous, nous sommes très
intéressés à développer ce service, de façon
à sortir des internats ceux qui sont actuellement traitables dans les
milieux ouverts. Cela rejoint votre question au niveau de la science. A cause
justement des avances de la science, nous sommes certains aujourd'hui que nous
pourrions traiter une grande proportion des gens qui, allant en internat
admettons que ce n'est pas comme quand nous avons commencé à
travailler à ce niveau sont des cas de névrose, même
profonde chez des enfants, certains types de prépsychotiques, certains
types de prédélinquants dans des milieux ouverts
évidemment, alimentés et organisés pour faire un tel
travail.
Nous sommes, d'une part, très intéressés et nous
sommes, je crois, habilités à le faire et il y a des gens qui le
font, sauf que les endroits où on peut aller sont actuellement bien
rares.
Et maintenant pour l'approche scientifique, M. le Président,
chaque fois qu'on parle de science, on s'imagine que c'est un gars qui ne peut
faire que lire un livre.
M. CASTONGUAY: Disons peut-être que c'est à défaut
d'un meilleur terme que j'ai pris celui-là, disons une approche trop
thérapeutique.
M. TESSIER (Bernard): M. le ministre, c'est justement là que, au
point de départ, l'Association des éducateurs
spécialisés lorsqu'on a commencé c'est comme cela
qu'on s'appelait est là pour être capable d'envisager un
autre modèle de traitement que le modèle traditionnel de la
relation un à un dans un milieu, ou dans un bureau, ou dans un
hôpital. C'est justement pour faire face à cette approche qui est
valable pour l'individu qui est dans le bureau mais qui ne règle jamais
le problème de l'inadaptation dans une société que nous
avons développée. Justement, le moyen du traitement par le milieu
thérapeutique, et entendons-nous bien, un milieu thérapeutique,
n'est pas synonyme d'internat. Un milieu peut être organisé d'une
façon thérapeutique même avec un enfant qui va dans une
école publique, même avec un enfant qui fait partie d'une
organisation de loisirs quelconque, même à l'intérieur
d'une famille. C'est justement pour être capable de faire face aux
problèmes de masse posés par une adaptation que nous proposons
une approche différente du vieux modèle thérapeutique du
geste un à un qui demeure bien important. C'est évident qu'il ne
s'agit pas de remplir des bouteilles de coke. Mais il y a une grosse
différence entre soigner une certaine classe, pas une élite, une
classe privilégiée, c'est-à-dire celle qui peut se rendre
à mon bureau et encadrer, d'une façon scientifique, dans un
milieu qui a des qualités de traitement, une population
d'inadaptés. Il y a une grosse différence, et nous croyons que
notre formation est justement dans cette ligne, nos recherches sont dans cette
ligne.
M. CASTONGUAY: J'aurais une couple de questions qui seront posées
probablement dans une, M. le Président. Pourriez-vous nous dire quelques
mots sur l'état des relations entre des organismes comme les services de
probation, cliniques d'aide à l'enfance, cour de Bien-Etre social et si,
selon vous, il y a des déficiences dans ces relations, des
barrières? Premièrement, à quoi sont-elles attribuables?
Deuxièmement, est-ce que vous pourriez aussi nous faire état des
problèmes qui semblent exister bien souvent dans la
nécessité d'avoir une continuité face à divers
enfants, soit en besoins de protection, enfants délinquants, qui,
d'après les rapports que j'ai reçus, semblent, dans certains cas
à tout le moins, avoir été trimbalés d'un bord et
de l'autre jusqu'à ce qu'on arrive aux situations auxquelles vous avez
fait allusion plus tôt? Il me semble qu'il y a là deux ordres de
questions qu'il serait peut-être bon de toucher brièvement
à l'occasion de cette séance.
M. GENDREAU: M. le ministre, vous nous posez des questions qui sont
assez délicates.
M. CASTONGUAY: Vous avez dit vous-même que c'est un monde qui a
été trop souvent ignoré, auquel la population n'est pas
tellement sensibilisée. Depuis quelque temps, j'essaie de saisir toutes
les occasions pour faire ressortir ce qui existe dans ce secteur.
M. GENDREAU: Merci. Je comprends bien votre intention, M. le ministre.
Quand je dis "délicates", c'est qu'il est évident qu'il faut
faire attention, dans la façon dont nous nous exprimons, à ne pas
culpabiliser les gens qui n'ont peut-être pas été à
la hauteur des problèmes. Je pense que cela est très
important.
Il y a une chose qui me paraît extrêmement importante
à soulever, en ce qui concerne les jeunes délinquants. C'est
qu'à la cour du Bien-Etre social, auparavant, on a changé la
mentalité, de plus en plus. Les juges, de plus en plus, envisagent le
problème de la rééducation et beaucoup moins le
problème de la peine reliée à un acte délinquant.
Ceci, à mon sens, est attribuable au fait qu'il y a toujours eu les
interventions d'un ministère, qui s'appelait le ministère du
Bien-Etre social. La formation juridique je ne veux ici attaquer ni
notre procureur, ni les autres ne permet pas toujours de comprendre le
problème de la rééducation. J'ai bien dit que je ne disais
pas nécessairement vrai. Mais il est évident que les cours de
Bien-Etre social, relativement aux autres, ont fait un pas énorme dans
cette conception. Je pense que c'est justement parce qu'il y a eu des
interventions continuelles entre les différentes disciplines. Les
problèmes qui se sont posés n'ont pas été justement
entre les juges comme tels ou les autres professionnels. Ils ont
été des
problèmes de relations interpersonnelles.
Si vous me parlez lie barrières, je dirais qu'au niveau de
bien-être social, on en a vaincu plusieurs. Mais quand on parle,
justement, du problème de probation qui se pose, du problème de
juridiction, s'il y avait des juges ici, ils diraient: II est évident
qu'il y a un problème majeur, à savoir que nous devons, nous, les
juges, savoir où on envoie nos enfants ou qu'on ait la place, si vous
voulez, pour des décisions. Mais en même temps, il faut bien dire
une chose. C'est que si on avait fait comme pour les adultes, par exemple, les
prisonniers, et qu'on avait envoyé indistinctement n'importe qui dans
toutes les institutions, sans spécialisation, sans étude, on
n'aurait pas pu faire plus que ce qu'ont fait les prisons.
Il est évident que le juge est aux prises avec un problème
majeur. Cela, je pense que c'est un problème en face duquel on doit se
trouver. Ce n'est pas aux institutions comme telles ou aux professionnels comme
tels de dire aux juges quoi faire. Mais, en même temps, le juge ne peut
pas dire: Cet enfant, il faut qu'il aille à tel endroit, absolument,
parce qu'il y a des conditions de milieu qu'il ne connaît pas. Je pense
que nous sommes en face d'un problème majeur. Il n'y a de mauvaise
volonté de la part de personne. Il me semble que les juges des cours de
Bien-Etre social ont fait énormément. Je ne sais pas si cela va
redorer mon image auprès de Me Paul.
M. PAUL: Cela s'améliore.
M. GENDREAU: Ils ont fait énormément de progrès
là-dessus. Je pense qu'ils ont aussi compris beaucoup mieux le droit de
l'enfant. Quand je parle de même, je ne veux pas que le juge pense que ce
n'est lui le responsable. Je pense que, dans le contexte historique, les juges
qui nous connaissent savent qu'à Boscoville, par exemple, nous avons
toujours dit que, dans le processus de rééducation, le juge
était la personne significative.
M. CASTONGUAY: Question de transmission des dossiers, services d'aide ou
cliniques d'aide à l'enfance, maintenant?
M. TESSIER (Bernard): A ce niveau-là, nous avons trouvé
une situation aberrante que nous connaissions intuitivement, mais que nous
avons trouvée d'une façon bien tangible dernièrement. Dans
l'état actuel de la communication entre les divers organismes, les
diverses personnes, l'ensemble des gens qui peuvent avoir à un moment ou
à un autre, pour une raison ou pour une autre, avoir affaire à un
enfant, vous avez non pas à cause de mauvaises intentions,
j'élimine ça actuellement au niveau administratif une
situation qui est aberrante.
Vous pouvez apprendre, par exemple, des détails très
importants sur l'évolution d'un cas, strictement par hasard, comme par
exemple, apprendre qu'un inadapté a déjà tenté de
se suicider. Je me souviens d'un cas bien précis où ces choses
n'étaient présentes à aucun des dossiers qui ont
été transmis à l'institution qui avait alors le
garçon en main.
Il y a tout un problème au niveau administratif d'organisation
d'un système cohérent, qui permettrait une communication. Je
pense que ça serait déjà un très grand pas.
Il y a un deuxième problème, le problème de
l'autorité responsable de l'enfant inadapté. Et si on se met dans
la peau d'un inadapté, vous avez une histoire de chronicité par
exemple, il a été placé à l'âge de 3 ans par
tel organisme, à l'âge de 3 ans et demi recueilli par un autre
organisme, et finalement, vous posez la question à l'âge de 18
ans: Qui était responsable de faire telle chose? On ne le sait pas. Ce
n'est pas moi, regardez, c'est ça, je l'ai fait ça. C'est vrai,
vraiment c'est fait.
Il y a un problème de prise en main dans une administration
relationnelle et humanitaire, dans une perspective d'administration
humanitaire, de prise en main de l'inadapté et ça peut parfois
commencer le lendemain de sa naissance. Cela a l'air drôle de dire
ça, mais ce sont des histoires sociales que nous pouvons vous citer
comme ça.
M. CASTONGUAY: Je sais que nous débordons le sujet, M. le
Président, mais je pense bien que ce n'est pas à cette commission
ou en Chambre que nous avons exagéré dans le temps que nous avons
consacré à l'enfance délinquante ou l'enfance
inadaptée. Je pense que les réponses qu'on nous apporte ici
jettent un peu d'éclairage sur certaines des choses que nous avons
discutées ici.
Et je voudrais rappeler je pense que c'est assez important, c'est
susceptible d'être oublié que la loi 65 qui touche ces
institutions comporte maintenant des dispositions spécifiques sur la
transmission des dossiers. Nous avons discuté ce problème. Nous y
avons trouvé, je crois, des solutions adéquates et elles
s'appliquent à vos institutions. Et je crois qu'il serait bien important
que vous les utilisiez, justement à cause de ce que vous venez de
mentionner: l'absence de renseignements fort importants au sujet d'enfants qui
vous sont confiés et qui vous permettraient d'avoir une meilleure image
de ces enfants et de mieux savoir comment agir avec eux.
La deuxième des choses, vous avez touché au
problème du juge qui insiste pour que tel enfant soit placé
à telle place. Le juge a un jugement à rendre, et une fois ce
jugement rendu, je pense que la responsabilité de l'enfant doit
être déplacée à un autre endroit. Et c'est justement
une des raisons pour laquelle j'ai mentionné à quelques reprises
qu'il y aurait des modifications assez profondes à la Loi de la
protection de la jeunesse.
Il ne s'agit pas de mettre à jour une législation pour le
plaisir de le faire, mais,
comme ces problèmes sont peu connus, je voulais justement vous
entendre dire ces choses pour qu'on réalise pourquoi des changements
seront apportés.
Il y a aussi l'autre problème qui est celui de la
continuité. Ce problème se pose à cause de la
fragmentation, bien souvent, des agences de service social, qui couvrent des
territoires assez restreints, bien souvent, et qui ont peu de communications
les unes avec les autres, de telle sorte qu'au moment même où on
se préoccupe d'un enfant j'en ai des exemples
aussitôt qu'on change de territoire, après un placement, l'agence
dit: Ce n'est plus mon problème. Alors, on arrive avec l'histoire que M.
Tessier mentionnait: l'enfant au cours d'un certain nombre de mois ou
d'années, passe de main en main et, finalement, chacun à un
moment donné s'acquitte de ses responsabilités, mais l'enfant,
lui, est aux prises avec une succession de personnes qui s'occupent de lui, qui
n'ont aucune notion de ce qui lui était arrivé avant et de ce qui
va lui arriver après.
Il y a des résistances dont on entend parler par rapport au
regroupement des agences en des centres de services sociaux, qui visent
justement à régler ce type de problème. Cela aussi, c'est
un des aspects de la loi 65. Je vous remercie d'avoir apporté ces
explications, parce que, parfois, ces changements peuvent être
perçus uniquement comme des changements de structures, pour faire une
belle loi avec des telles structures, mais je pense qu'on voit là des
causes profondes des changements que nous sommes en voie d'apporter. Alors, je
vous remercie et je m'excuse, M. le Président, d'avoir quelque peu
débordé le sujet.
M. LE PRESIDENT: Pour employer l'expression de M. Gendreau, la parole
est maintenant à l'ex-ministre de la Santé et du Bien-Etre
social.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous employez le mot ex dans le
contexte de tantôt, comme pour ex-détenu? Je suis heureux du genre
de question qui vient d'être posé et des réponses qui ont
été apportées. Evidemment, ça m'a rappelé
certains problèmes que j'ai vécus. Cela m'a rappelé aussi
que j'ai été en étroite relation avec le groupe que vous
représentez et même avec plusieurs d'entre vous. J'ai
visité plusieurs des établissements qui sont
énumérés dans votre mémoire et j'ai autorisé
même la construction de plusieurs établissements qui
étaient nécessaires. Je pense que les questions, même si
elles débordaient le cadre des travaux du bill 250, vont directement au
coeur du problème. J'ai eu l'occasion souvent d'en causer avec les
ex-ministres de la Justice, M. Bertrand et mon collègue, Me Rémi
Paul et...
UNE VOIX: M. Wagner?
M. CLOUTIER (Montmagny): Ah, on posera la question à un autre
moment de la journée.
M. PAUL: Est-ce que vous voulez parler du musicien?
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais poser
quelques questions.
Vous aviez raison de dire tantôt que vous travailliez dans un
secteur qui n'a pas toujours eu une grosse cote de popularité. Il
était difficile de travailler dans ce secteur autant par la
mentalité des gens que par le travail de pionniers que vous y aviez
effectué. Etant donné qu'ici devant la commission, dans le cadre
du projet de loi, vous demandez que votre profession soit reconnue à
titre réservé, ma première question serait celle-ci:
Est-ce que la profession de psycho-éducateur a maintenant suffisamment
évolué? Est-ce qu'elle est suffisamment précise maintenant
pour en donner une bonne description?
M. GENDREAU: Je pense qu'elle est aussi précise que celle qu'on
voit dans l'annexe 2. Si vous regardez les définitions, je pense qu'il
est évident qu'il est extrêmement difficile de définir
d'une façon tout à fait satisfaisante pour l'esprit scientifique
ou pour l'esprit logique un acte comme le nôtre. Mais si vous comparez
notre définition avec celle qui est contenue dans le bill 250, vous
remarquerez que déjà cela se ressemble beaucoup en termes de
qualité de définition. Vous nous demandez si nos moyens sont
vraiment définis. Je pense que oui, lorsque nous parlons, par exemple,
de l'organisation d'activités. Cela est spécifique au
psycho-éducateur. Ce sont des activités qui vont conduire
à l'établissement de relations. C'est dans ce sens que nous
pouvons dire que notre profession a un champ qui lui permet de se
définir très clairement parce que les autres professions n'ont
jamais dit qu'elles faisaient la même chose que nous. Il est entendu
qu'elles peuvent dire, et avec raison, qu'elles font des relations
rééducatives. Personne n'a le monopole de la relation
rééducative. On ne peut pas penser que c'est un monopole
quelconque d'une profession. Il est sûr qu'il peut y avoir des
professions qui font de l'animation de groupes. Mais la façon dont nous
le faisons permet de définir assez clairement, sans que nous puissions
empiéter sur une autre profession.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le cadre plus vaste des professions, vous
en avez qui ont trait de façon plus spécifique à la
santé. Vous en avez qui ont trait à la comptabilité, au
génie, enfin tous les secteurs. Vous en avez qui ont trait aux sciences
humaines. Vous avez insisté tout à l'heure sur les valeurs
humaines et vous l'avez fait avec beaucoup de conviction. Je le savais, je n'ai
pas été surpris. Dans un domaine comme le vôtre, il faut
qu'il y ait de la conviction. C'est difficile. Vous avez parlé des
valeurs humaines. Cela m'a fait faire le rapprochement avec les sciences
humaines. A un certain moment, il faudra faire des rapprochements de
professions quelque part.
Il y a les sciences de la santé, elles sont assez bien
délimitées parce que, quand on en a parlé, on trouvait
toujours le médecin au centre et il y avait des discussions autour du
champ d'exercice; les autres secteurs aussi sont assez bien
délimités. Mais quand on arrive dans les sciences humaines, c'est
peut-être un peu plus intangible, c'est peut-être un peu plus
difficile à cerner. Il y a des professions aujourd'hui qui se
présentent devant nous et qui touchent aux sciences humaines. Il y a un
groupe tantôt, cet après-midi, de trois associations, les
Conseillers en orientation professionnelle, les psychologues et les
travailleurs sociaux professionnels, qui présentent un mémoire
conjoint. Ils disent que, évidemment, ça se rapporte directement
aux sciences humaines.
Je voudrais savoir, dans ce grand contexte là, comment vous vous
définiriez par rapport à ces autres professions qui disent
être imbriquées directement dans le secteur de sciences
humaines.
M. GENDREAU: M. le Président, en répondant à votre
question, je pourrais vous dire qu'en principe je pense que j'exprime
là une opinion qui est généralement admise en
psycho-éducation, en tout cas, c'est mon opinion personnelle il
n'y a pas d'opposition à ce que les psycho-éducateurs soient dans
un contexte en relation avec les psychologues, les travailleurs sociaux, les
conseillers en orientation, dans un grand champ des relations humaines.
Ce que nous n'avons pas voulu et ce que nous ne voulons pas, c'est que
nous arrivions dans ce champ en partant négativement, en n'ayant pas une
reconnaissance officielle. Si nous avons cette reconnaissance officielle, il ne
s'opposera pas, au contraire. Nous n'avons absolument pas objection à
collaborer à l'établissement d'un ensemble. Nous croyons que nous
pouvons apporter quelque chose de spécifique.
Vous avez parlé tout à l'heure de la santé et je
voudrais vous faire remarquer une chose. Quand on parle de la santé
physique, c'est assez clair, mais quand on parle de la santé mentale,
elle est là, vous avez des choses compliquées. On a
essayé, au comité auquel je participe, de définir ce
qu'était la santé mentale et qui pouvait travailler dans ce champ
d'activité. Je vous garantis qu'on a arrêté vite parce
qu'on ne peut pas y parvenir dans l'état des choses actuel. C'est
évident qu'il y a beaucoup de complémentarité dans les
professions, même au niveau de la santé mentale. Et probablement
que nos collègues psychologues pourraient discuter de ce que ça
veut dire avec les psychiatres, les travailleurs sociaux, face à la
santé mentale. Nous pouvons également le dire nous aussi.
Mais il y a un problème sérieux de
complémentarité professionnelle, même au niveau de la
santé mentale. Je ne parle pas de la santé physique, on pourrait
en parler. Je pense que vous avez là mon point de vue. Je ne sais pas si
je réponds à votre question mais il y a quelque chose qui
m'apparaît extrêmement...
M. TESSIER (Bernard): Au niveau de la formation dans le style
spécifique d'intervention, il ne se donne nulle part ailleurs qu'en
psycho-éducation une formation semblable à celle qui se donne
là. Et tout dernièrement, l'été dernier,
l'Université de Montréal, je crois, l'a reconnu d'une
façon officielle en institutionnalisant le département
école de psycho-éducation comme étant distinct de
l'Institut de psychologie et faisant partie, de plein droit et sur un pied
d'égalité, de la faculté de sciences et des arts.
Nous croyons alors que nous nous rattachons à une discipline
distincte, sans vouloir dire que ce sont nos inadaptés, mais en disant
que l'apport de la psycho-éducation, dans le groupe des professionnels
de la santé mentale, est un apport original et qui serait une lacune
s'il n'était pas là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le législateur donne suite à
votre demande d'être reconnu comme profession à titre
réservé, vous seriez la seule profession qui comporterait le mot
éducateur. Est-ce que vous vous définissez comme vous rapprochant
davantage, tenant compte de ce que vous avez dit tantôt, de
l'éducation. Je fais abstraction des difficultés de communication
que vous avez mentionnées au sujet de la prévention; il y en a eu
des difficultés, il y en aura encore. Il ne faut pas se scandaliser de
ça, même s'il y a eu un livre blanc sur l'enfance
inadaptée, ça n'a pas tout régler les
problèmes.
Mais est-ce que vous vous rapprochez davantage de l'éducation,
vous avez affaire à la Justice vous avez affaire au ministère des
Affaires sociales?
M. TESSIER (Bernard): Nous sommes des psycho-éducateurs. Nous ne
sommes pas des éducateurs et nous ne voulons pas être des
éducateurs au sens administratif du terme. Les psycho-éducateurs
qui travaillent, même dans les écoles, sont là en tant que
cliniciens pour aider l'enfant, à travers sa vie scolaire, sa vie de
loisirs autour de l'école, à se transformer personnellement. Nous
ne sommes pas des éducateurs.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bon, cela m'amène à vous poser
l'autre question. Je suis content de votre précision. Etant donné
qu'on voit apparaître de plus en plus dans les commissions scolaires,
dans votre liste, d'ailleurs, il y a plusieurs commissions scolaires dans
lesquelles oeuvrent des psycho-éducateurs, si vous aviez
à faire la comparaison entre le travail qui se fait dans ces
milieux-là et le travail que vous faites dans des maisons
spécialisées telles qu'elles apparaissent aussi dans la liste,
comment pour-riez-vous comparer ce travail?
Il y en a un qui se fait en milieu fermé, en institution,
où l'enfant est là pendant un certain temps.
Dans l'autre, il est beaucoup plus près de la
société. IlILest intégré à la
société. Ù va en milieu scolaire, il s'en retourne chez
lui ou il peut s'en retourner en clinique externe à
l'établissement.
M. TESSIER (Bernard): Dans les deux cas, les deux
psycho-éducateurs utilisent le milieu pour transformer la
personnalité. Dans un cas, dans le secteur public par exemple, soit que
l'enfant n'a pas le degré d'inadaptation qui nécessite un
placement dans une institution spécialisée ou soit que la science
de la rééducation soit assez avancée pour travailler dans
les milieux dits normaux. Mais dans les deux cas, fondamentalement, les deux
professionnels posent le même geste. Les conditions sont
différentes parce que le sujet peut être différent. Les
commissions scolaires ont accepté de transformer certaines normes
extrêmement rigoureuses qui empêchaient avant de faire de telles
interventions. Actuellement, des choses comme ça sont possibles. Mais je
souligne, j'espère qu'on m'écoute, qu'il y a encore des normes
extrêmement rigides dans les milieux de l'éducation publique et
que ces normes empêchent un travail de clinicien auprès des
enfants. Ce sont strictement des normes administratives.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre des Affaires sociales a beaucoup de
messages à transmettre à son collègue, le ministre de
l'Education. Il lui transmettra également celui-là.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, à cause de la modestie du
ministre, on a appris des choses intéressantes ce matin. Depuis la
naissance des psycho-éducateurs, est-ce que le nombre d'enfants
inadaptés a tendance à augmenter ou à
régresser?
M. TESSIER (Bernard): La seule réponse publique que l'on puisse
donner à une question comme celle-ci, c'est de dire: Cela augmente. Tout
le monde crie que ça augmente. Alors, si on ne dit pas que ça
augmente, on va perdre nos "jobs"! Mais je suis incapable d'évaluer si
cela a augmenté ou si cela a diminué. Les moyens de
détection ont beaucoup été améliorés depuis
les 20 dernières années. Evidemment, cela peut nous porter
à dire que cela augmente. Cela veut juste dire qu'on détecte
mieux les cas.
Deuxièmement, socialement, nous sommes de plus en plus
préoccupés par ces questions.
Donc, nous nous penchons dessus. Si je regarde mon verre d'eau de
très près, je vais dire que c'est une mer ou un océan. Si
je le mets là, je vais dire que c'est un petit verre, même pas
plein. Alors, scientifiquement, je ne suis pas capable de répondre
à votre question.
M. GENDREAU: La seule chose qu'on puisse dire c'est que les cas
d'inadaptation sont de plus en plus compliqués quand ils arrivent dans
un endroit de rééducation. Là, il faut que les milieux
soient de plus en plus spécialisés. Vous avez des
problèmes qui paraissent nouveaux, actuellement, qui sont complexes.
Pensez simplement aux problèmes de la drogue.
Vous aurez des tas de phénomènes nouveaux qui
n'apparaissaient pas il y a quelques années dans le comportement et dans
les problèmes d'inadaptation.
M. GUAY: Maintenant, y a-t-il quand même un facteur très
indicatif, un facteur de base, par exemple, qui vous permette de travailler?
Est-ce qu'il y a un facteur, plus important que d'autres que vous
décelez chez les cas que vous traitez, qui fait en sorte qu'un enfant
devient soit délinquant ou inadapté à un tel point?
M. THERIAULT: C'est un ensemble de facteurs qui, à un moment
donné, peuvent causer l'inadaptation. Je ne pense pas qu'on puisse dire,
par exemple, que c'est tel facteur qui cause l'inadaptation. Je pense que c'est
un ensemble de facteurs sociologiques qui peuvent causer l'inadaptation chez le
jeune.
M. GUAY: Si on pense beaucoup plus à la délinquance, il y
a une différence.
M. TESSIER (Bernard): Ecoutez, il y a un phénomène, aussi,
qu'il ne faut pas oublier en relation avec la question que vous posez. C'est
que la société québécoise et la
société occidentale, même on peut
généraliser se structurent et s'organisent de plus en
plus. Dans un tel cas, apparaît toujours un facteur de rejet du
déviant. Cela, en relation avec la délinquance et même avec
l'inadaptation en général, peut être une cause directe de
sommation, si vous voulez, des conditions extérieures dans
l'organisation même de la société, qui font que ceux qui ne
"fittent" plus dans la société "fittent" de moins en moins.
Il y a 50 ans, 60 ans, des enfants de telles catégories
étaient gardés dans les familles. Si vous allez en Afrique, cela
n'existe pas, des orphelins abandonnés, dans certaines régions
où l'organisation tribale est encore sur place. Il y a une famille, qui
dépasse de beaucoup le père et la mère, qui peut les
ramasser. Le problème, cependant, auquel elles font face, c'est que,
plus ces sociétés s'organisent et se structurent, plus elles se
retrouvent avec de nouveaux problèmes. Ce n'est pas la faute de
l'enfant, mais il y a un phénomène de structuration qui
crée des déviants. Je pense que c'est un
phénomène probablement que bien des sociologues pourraient
en parler plus clairement que moi qu'on peut toucher du doigt.
M. GUAY: Etant donné qu'on parle de traitement, parce que les
psycho-éducateurs font du traitement, on pense toujours aux causes.
Dans les cas que vous traitez je ne vous oblige pas à
répondre, mais ça me tente de poser la question est-ce que
les conditions financières des familles pourraient être un facteur
assez important de délinquance?
M. GENDREAU: Je pourrais peut-être répondre ici par un fait
très simple. Il y a déjà eu un film "Huit témoins",
de Jacques Godbout, qui était justement dans ce contexte, qui cherchait
à prouver que le problème de la pauvreté est un facteur
primordial pour la délinquance juvénile. Quand il a
présenté ça aux garçons de Boscoville, les
garçons ont dit: Non monsieur, mon père était X, Y ou Z,
et ce n'est pas pour ça. Et en disant X, Y ou Z, il étaient bien
placés pour faire la mise au point. Ce n'est pas une question d'argent.
Ce n'est pas parce que j'étais pauvre que je suis délinquant.
Ce qui arrive, c'est que bien souvent les gens riches n'envoient pas
leurs enfants délinquants dans nos institutions. C'est un autre contexte
ça. Je ne parle pas pour toujours. C'est un autre contexte dont il
faudrait peut-être parler.
M. GUAY: Quel est l'âge moyen de votre clientèle? Est-ce
qu'il y a un milieu plus identifié, certaines classes, en
dénombrant vos patients?
M. THERIAULT: Tout à l'heure, vous faisiez allusion à la
pauvreté. Je pense qu'on peut parler de pauvreté
financière, mais on peut parler également de pauvreté
affective. Et je pense que la majorité de notre clientèle vient
de ces milieux où on va retrouver la pauvreté affective, ce qui
n'est pas du tout similaire ou synonyme de la pauvreté
financière.
M. GUAY: Vous avez mentionné qu'il existe actuellement dans la
province 300 psychoéducateurs. Croyez-vous qu'à 300 personnes
étant donné que la démonstration a
été faite qu'il y a un énorme travail à faire
vous puissiez répondre à tous les besoins?
M. GENDREAU: C'est pour cela que nous voulons être capables
d'être plus nombreux, plus reconnus pour aller chercher encore des gens
de façon plus quantitative. C'est extraordinaire la quantité de
postes auxquels on ne peut pas pourvoir.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: C'est donc à prévoir que les incidents dont
vous avez parlé et que vous déplorez vont se multiplier.
M. TESSIER: C'est là de la prévision. Pour répondre
à votre question, il faudrait que je sois plutôt un chiromancien.
Il y a une chose qui est certaine cependant, avec des délinquants
je parle des délinquants, c'est avec eux que j'ai fait mon
expérience si vous avez une approche carcérale, et plus
votre approche est carcérale, plus vous aurez des problèmes de
cette nature, j'en suis certain. C'est évident que cette approche ne
peut qu'empirer le problème de ces individus.
M. LAURIN: Vous avez dit que vous vous occupiez de 13 institutions, que
vous collaborez à 30 autres, que vous enseignez dans 8 autres. Combien
y-a-til d'institutions dans lesquelles vous jugeriez important de vous situer,
de travailler, de collaborer?
M. GENDREAU: Je pense qu'il faudrait, M. le Président, poser la
question au ministre des Affaires sociales, car, il me semble, une
dernière étude et je ne blâme personne a
prouvé que le niveau de scolarité des gens qui travaillaient dans
des institutions pour l'enfance inadaptée était une
dixième année. Il y en a quand même un certain nombre qui
sont drôlement organisées au point de vue de la scolarité,
je pense aux systèmes d'institutions qui relèvent de la moyenne.
Imaginez!
C'est important de soulever qu'il y a plusieurs institutions pour
inadaptés qui devraient être animées par des professionnels
et qui devraient avoir des psycho-éducateurs. Mais je pense surtout que
toutes les institutions vont devoir de plus en plus, regardez ce qu'on a dit,
recevoir des enfants plus profondément touchés, et plus on va
spécialiser les institutions, plus il va falloir de
psycho-éducateurs, parce que ça va être le traitement. On
me disait dernièrement que les institutions ne veulent plus recevoir
d'adolescents. Elles trouvent ça trop difficile. La population la plus
attaquée actuellement et qui en a le plus besoin c'est justement celle
des adolescents, et on n'a pas de personnel pour faire face à ça.
On est vraiment mal pris.
M. LAURIN: Pour prendre un seul exemple, avez-vous, selon vous, un
rôle à jouer dans les écoles de formation à la vie,
qui s'ouvrent régulièrement depuis quelques temps?
M. GENDREAU: Je pense que nous avons, à Amos, justement une
institution qui est dirigée par des psycho-éducateurs,
Clair-Foyer, et une expérience extrêmement intéressante est
en train de se faire là. Et là, voyez-vous, le
psycho-éducateur va avoir un rôle différent. IL va
davantage collaborer avec d'autres parce que ce n'est pas le même,
même auprès des enfants, mais il est nécessaire. Et je
pourrais vous dire que, même
actuellement, au centre de psycho-éducation, nous sommes à
faire une étude de consultation au travail sur la seule crèche
qui reste à Montréal, parce que c'est affreux ce qui se passe
là, et on essaie de voir justement ce qui peut être fait dans ce
milieu.
On essaie de sortir les enfants des crèches, mais il n'y a rien,
on n'a pas idée du problème. On soigne physiquement les enfants.
C'est tout. Ils sont bien soignés physiquement, mais c'est affreux tout
ce qui se passe là. Je pense que vous avez raison de dire qu'il faudrait
des gens qui soient un peu plus conscients de la relation humaine afin de
diminuer un peu le tort qu'on fait aux enfants, parce que les gens ne sont pas
préparés à ça.
A part ça, je pense que d'autres professionnels peuvent
travailler beaucoup aussi avec nous dans ce secteur.
M. LAURIN: Vous vous êtes définis tout à l'heure
comme des psycho quelque chose; qui ne faites pas d'éducation à
proprement parler, entendue au sens traditionnel du terme, puisque vous ne vous
préoccupez pas de l'instruction que donne le ministère de
l'Instruction publique. Je ne sais pas pourquoi on a changé le nom,
puisque c'est encore de l'instruction publique qu'on fait et non pas de
l'éducation.
A ce moment-là, est-ce que vous voyez une grosse
différence entre ce qu'on appelle parfois en Europe les psychologues
scolaires, qui dans les écoles ont souvent des rôles identiques
à ceux que vous avez définis aujourd'hui et les
rééducateurs en psychomotricité, qui est au fond une sorte
de sous-spécialisation de la psycho-éducation? Dya beaucoup de
rééducateurs en psychomotricité qui sont obligés de
s'occuper des blocages affectifs. Est-ce que cette difficulté
d'établir les différences se retrouve également au niveau
des facultés des sciences de l'éducation? D'ailleurs, vous
collaborez à l'enseignement qui est donné à ces
facultés des sciences de l'éducation. Est-ce que vous
établissez une différence entre la formation qui se donne dans
les facultés des sciences de l'éducation et celle de votre
Institut des psycho-éducateurs?
M. GENDREAU: M. Rheault pourrait peut-être répondre
à cette question puisqu'il est justement partie intégrante de la
faculté des sciences de l'éducation à Sherbrooke. A
Montréal, c'est davantage centré vers la faculté des arts
et des sciences. Il y a une collaboration mais ce n'est pas dans le même
département.
M. RHEAULT: Je pense que la problématique est certainement une
problématique de milieux universitaires selon les structures dans
lesquelles s'insère le département concerné. A
l'Université de Sherbrooke, vous connaissez la structure. La
faculté des sciences de l'éducation absorbe tout ce qui est du
domaine de la formation où il y a une intervention immédiate
auprès de l'enfant sur autre chose qu'une base exclusivement clinique et
thérapeutique, ce qui fait d'ailleurs que le département de
psychologie n'est pas partie des structures des sciences de l'éducation
mais bien d'une autre faculté. Pour nous, la façon de
s'insérer est vraiment de conserver et de bien affirmer cette dimension
de la prise en charge de la vie de l'enfant, la prise en charge totale par
l'organisation, de l'alimentation de son milieu de vie et des activités
dans lesquelles il vit. Ceci est très nettement différent du
programme d'orthopédagogie, par exemple, qui lui aussi s'occupe des
enfants en difficulté d'apprentissage mais qui s'occupe
particulièrement du problème de l'apprentissage et non pas de
l'inadaptation de l'enfant.
M. LAURIN: Comme il y a beaucoup d'institutions où vous devriez
oeuvrer actuellement et où vous n'oeuvrez pas, étant donné
votre nombre réduit, étant donné la multitude des champs
que vous vous octroyez à bon droit, je crois, à la page dix de
votre mémoire, est-ce qu'il y a une autre façon de dispenser vos
services que celle que vous utilisez actuellement?
Par exemple, est-ce que vous pourriez prévoir, que ce soit dans
vos objectifs ou dans les cours que vous donnez, exercer une surveillance ou un
contrôle ou une direction sur toutes ces institutions où, à
cause de votre nombre réduit, vous ne pouvez pas entrer afin de
protéger, quand même, le public et les enfants contre les
incidents dont vous parliez tout à l'heure?
M. GENDREAU: Je pense, M. le député, qu'il est important
de dire que le ministère des Affaires sociales vient d'entrer en contact
avec le Centre de psycho-éducation pour établir un travail dans
ce style afin de voir comment on pourrait faire évoluer les milieux de
rééducation, vraiment évaluer les milieux et leur donner
des défis à atteindre. Je pense que ça s'en vient dans ce
sens, mais on veut aussi être capable de donner autre chose que des
cours.
Des cours, ce n'est pas ça qui est le plus important, à ce
moment-ci, pour cette population. Des cours, il y en a déjà eu en
quantité; il faut trouver des moyens pour être capable de faire
voir à ces personnes ce qu'il faut faire dans le milieu où elles
sont, au niveau des cadres également. Je pense qu'il faut travailler au
niveau des cadres pour qu'on puisse comprendre ce qu'est l'organisation d'un
milieu comme ça; ce n'est pas simplement les cadres d'une école
ordinaire.
A ces deux niveaux, je pense que vous avez raison et je souhaite
ardemment, pour le bien de l'enfance et de l'adolescence inadaptées,
qu'on puisse travailler en collaboration, parce qu'il est évident que
nous ne pourrons pas influencer directement, par le nombre de
psycho-éducateurs, tout l'ensemble. Nous espérons avoir plus de
psycho-éducateurs si nous sommes reconnus.
M. LAURIN: Je poserais au ministre, à ce moment-là, la
question suivante: Avez-vous l'impression que le bill 65 ou 48 je ne
sais plus comment l'appeler permet cette insertion des
psycho-éducateurs dans des milieux assez petits à vocations
diverses, à titre de consultants, d'animateurs, de professeurs, de
formationnistes, si je peux me permettre ce néologisme?
M. CASTONGUAY: Je pourrais répondre par la négative: Je ne
crois pas qu'il l'empêche. Il y a diverses formules à trouver.
Justement, à ce sujet, pour montrer aussi notre intérêt,
nous avons une mission conjointe avec des officiers du ministère et des
personnes de l'extérieur, qui part ces jours-ci pour la France
étudier certaines des choses qui se font là-bas. Au cours de mon
voyage en février, comme je le mentionnais tantôt, on nous a fait
part d'expériences extrêmement intéressantes.
Maintenant, dans les institutions elles-mêmes, je pense qu'il y a
trois choses qu'il nous faut mentionner. D'abord, l'état de la situation
qu'on a décrite, le niveau de scolarisation et de formation du personnel
qu'on y retrouve, est un reflet, en fait, de l'importance que la
société a attachée à ce secteur dans une large
mesure.
Je vois qu'on fait un signe de tête affirmatif. Il y a aussi deux
autres types de problèmes qui se posent, dont la sécurité
d'emploi. Lorsqu'on envisage ce problème-là sur un plan, on
arrive à certaines conclusions mais lorsqu'on l'envisage aussi sur le
plan du renouvellement du personnel dans les institutions, ça ne va pas
sans créer certains problèmes.
Il y a aussi l'arrivée, dans certaines institutions, de personnel
professionnel qui voit les choses d'un oeil différent, qui crée
des conflits. Je n'ai qu'à faire allusion au conflit du manoir
Çharles-de-Foucauld. Je pense que c'était un conflit, non pas de
générations, mais d'approches. Ce sont des choses qui ne se
solutionnent pas facilement, le temps aide, face à des problèmes
comme ceux-là. Il y a certaines étapes qui ne semblent pas
pouvoir être franchies rapidement.
Enfin, il y a aussi le problème des budgets. Au ministère
des Affaires sociales, dans le domaine de l'enfance, les divers services
à l'enfance, les budgets ont plus que doublé au cours des cinq
dernières années. Malgré tout, on sent qu'il serait
nécessaire de mettre davantage. C'est pourquoi, à certaines
reprises, j'ai insisté tellement sur la révision du partage
fiscal. Je ne peux pas m'empêcher, face à ce qu'on nous a dit ce
matin, de faire certaines comparaisons entre l'utilisation qu'on pourrait faire
de certaines sommes et l'utilisation qu'on semble devoir faire à
l'occasion de la présente campagne électorale.
M. LAURIN: Une dernière question sur ces barrières dont
vous avez parlé. Maintenant que vous êtes implantés dans le
milieu scolaire pour faire de l'observation, pour faire de la
prévention, pour faire du "traitement", quelle façon, quelle
méthode avez-vous prise auprès du ministère de
l'Education, pour l'amener à assouplir ces normes dont vous parliez et
quel succès avez-vous obtenu?
M. THERIAULT: On a pu s'implanter dans certains milieux scolaires par la
conviction de certains directeurs locaux. Je pense qu'ils l'ont fait un peu par
conviction personnelle ou bonne volonté et ce, en dépassant
peut-être les structures admises du ministère de l'Education
actuellement.
M. GENDREAU: II faut dire aussi que, au niveau des sous-ministres du
ministère de l'Education, on comprend très bien ce
problème et qu'on cherche à trouver des solutions
appropriées.
Il y a des problèmes qui ne sont pas encore complètement
réglés malgré la bonne volonté de tout le
monde.
M. LE PRESIDENT: Avant que la commission suspende ses travaux, le
ministre des Affaires sociales aurait quelques mots à ajouter.
M. CASTONGUAY: En plus de remercier, M. le Président, les membres
de l'association, je voudrais simplement ajouter que, malheureusement, cet
après-midi, je ne pourrai assister à la séance. Je vais
demander au Dr Fortier, mon adjoint parlementaire, de me remplacer. Ce n'est
pas par manque d'intérêt. Je sais que des mémoires
intéressants nous sont soumis. Mais il arrive que c'est la fin des
négociations et que le secteur des Affaires sociales compte un grand
nombre d'employés et de personnes qui sont partie à ces
négociations. Donc, cet après-midi, je dois m'absenter pour ces
raisons.
M. LE PRESIDENT: Je remercie MM. Thé-riault, De Billy, Gendreau,
Tessier et Rheault ainsi que tous les membres de l'Association des
psycho-éducateurs du Québec pour leur mémoire. La
commission suspend ses travaux jusqu'à deux heures trente.
M. THERIAULT: M. le Président, nous vous remercions d'avoir bien
voulu nous entendre.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
Reprise de la séance à 14 h 44
M. LAFRANCE (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Nous allons entendre maintenant la Corporation des
diététistes du Québec. Je demanderais au porte-parole du
groupement de s'identifier, ainsi que ses collègues, s'il vous
plaît.
Corporation des diététistes du
Québec
MLLE SAINT-HILAIRE: Mon nom est Monique Saint-Hilaire. Je
représente la présidente de la Corporation des
diététistes du Québec, dont je vous apporte en même
temps les excuses parce qu'elle a dû s'absenter.
A ma droite, vous avez notre conseiller juridique, Me Maurice
Lagacé. Les autres sont toutes des membres de la corporation faisant
partie du comité de la loi et des règlements de la corporation: A
ma droite, Mme Jeannine Sévigny, Mrs. Agnes Higgins, Mme Marcelle
Trépanier, administrateur délégué de la
corporation; à ma gauche, Mme Estelle Mongeau, Mme Diane Marien, Mme
Hélène Alméras.
Notre démarche est le prolongement logique des
préoccupations qui nous animaient bien avant le début des travaux
de la commission d'enquête sur la santé et le bien-être
social. La corporation est heureuse de signifier ici son accord sur les
principes essentiels du projet de loi no 250. Toutefois, le sort
réservé à notre corporation quant à
l'exclusivité de l'acte professionnel ne nous satisfait pas. Cet
exposé a comme objectif précis de démontrer la nature de
l'acte diététique tel que nous l'entendons et, par voie de
conséquence, l'importance d'en accorder l'exclusivité aux
professionnels qui possèdent la formation pour le poser.
Le titre réservé que nous possédons ne
protège pas le public parce que cette restriction ne permet aucun
contrôle sur la compétence des personnes posant l'acte
diététique tel que nous le définissons et que cette seule
restriction donne ainsi libre accès au champ d'exercice à des
personnes ne possédant aucune formation dans ce domaine.
Nous signalons que la définition présentée
aujourd'hui diffère de celle qui apparaît dans le projet de loi
accompagnant notre mémoire. Cette nouvelle définition est plus
explicite et plus précise que celle dont vous aviez pris connaissance
antérieurement: "Constitue l'exercice de la diététique
tout acte qui a pour but d'intervenir dans les processus biologiques par
l'intermédiaire des nutriments en élaborant des régimes
alimentaires pour des besoins nutritionnels spéciaux, et en surveillant
leur application".
Intervenir dans le processus biologique par l'intermédiaire de
nutriments est un acte qui va bien au-delà de l'activité
quotidienne qui consiste à agencer des aliments dans le but de nourrir.
L'usage des nutriments de façon à influencer les fonctions
vitales exige et justifie la somme de connaissances que le
diététiste acquiert au cours de sa formation
spécialisée.
Les définitions de l'acte diététique
proposées antérieurement laissaient entendre que cet acte se
situait uniquement au niveau des aliments. Dans les aliments, ce qui
intéresse les diététistes ce sont les nutriments.
Les nutriments c'est la forme que doit prendre l'aliment pour entrer en
contact avec nos cellules. L'appétit peut être satisfait par des
agencements quelconques d'aliments, mais la satisfaction des besoins
cellulaires ne peut être garantie que par un apport en nutriments bien
déterminé.
Certains états physiologiques ou pathologiques créent des
besoins nutritionnels spéciaux. Dans les cas pathologiques, le
diététiste utilise les nutriments pour remédier aux
conséquences de mécanismes déficients. Il existe par
ailleurs des états physiologiques normaux, comme la croissance et la
grossesse, qui créent un appel de nutriments tel que la fonction
cellulaire pourrait être menacée sans un contrôle de
l'apport nutritionnel.
Ces besoins nutritionnels spéciaux, quoique ne présentant
pas un caractère d'urgence visible à l'oeil du clinicien, n'en
sont pas moins réels. Ils ne peuvent pas non plus être
classés comme occasionnels, puisqu'ils sont la manifestation d'une
exigence commune à tout être humain pendant l'une ou l'autre des
étapes physiologiques de sa vie.
Nous pouvons illustrer avec des exemples concrets les affirmations que
nous venons de faire. En thérapie, par exemple, dans la période
de questions qui suivra, nous pourrons illustrer les conséquences d'une
intervention diététique appropriée ou celle d'une
intervention incorrecte.
Nous pourrons aussi vous démontrer le rôle décisif
de l'intervention diététique pendant la grossesse.
Nous venons de vous exposer à quel niveau se situe l'acte
diététique. L'exclusivité de cet acte ne saurait en aucun
cas interdire à d'autres catégories de personnes de donner des
conseils d'ordre général, même judicieux, sur le bon usage
des aliments, parce que ceci constitue une activité
diététique plutôt qu'un acte diététique. On
méconnaît le diététiste en le jugeant par son
activité diététique plutôt que par l'acte
diététique qu'il pose. L'un découle de l'autre.
En effet, l'activité diététique est toujours
conditionnée par l'acte diététique lui-même en
tenant compte du cheminement des aliments au nutriment ou l'inverse. Les
problèmes qu'engendre l'alimentation du bétail sont d'une telle
importance économique que le législateur, sans doute bien
avisé, a jugé à propos de les confier en
exclusivité à des spécialistes qui font partie de
l'équipe de base des bureaux régionaux du ministère de
l'Agriculture.
Il ne nous paraît pas logique, en 1972, de ne pas accorder la
même importance aux problèmes de l'alimentation humaine. Le
rapport d'un groupe américain dont nous avons ici le
résumé
et qui émane d'un comité de travail conjoint du
ministère de l'Agriculture aux Etats-Unis et des universités
d'Etat, de même que des collèges subventionnés par le
gouvernement, comme les "land grant colleges" évalue le coût en
soins médicaux dentaires et en absentéisme au travail à
$30 milliards par année, soit la moitié du coût total des
soins de santé aux Etats-Unis.
La Corporation des diététistes réclame donc
l'exclusivité de l'acte diététique parce que l'acte
diététique posé par ses membres est de nature telle qu'en
vue de la protection du public il ne peut pas être posé par des
personnes qui ne possèdent pas la formation et la qualification requise
pour être membre de cette corporation.
Le diététiste est le seul professionnel ayant reçu
la formation pour poser l'acte diététique de façon
à assurer le plus économiquement et le plus efficacement possible
le rendement social ou économique des individus tout en
protégeant leur bien-être. M. le Président, au nom de la
Corporation des diététistes, je vous remercie de nous avoir
écoutés.
M. LE PRESIDENT: La parole est maintenant à l'adjoint
parlementaire au ministre des Affaires sociales, le député de
Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Je remercie les porte-parole qui ont présenté
le mémoire de la Corporation des diététistes du
Québec. Si je comprends bien, d'après le texte nouveau que vous
avez soumis, vous demandez d'avoir l'exclusivité en ce qui regarde la
diète des gens pour autant qu'ils sont concernés comme
malades.
MLLE SAINT-HILAIRE: Pas exclusivement. Nous n'avons pas
nécessairement précisé que les gens devaient être
malades, que l'acte diététique couvrait simplement les gens
malades.
M. FORTIER: Pas exclusivement?
MLLE SAINT-HILAIRE: Non. Peut-être que nous pourrons
préciser.
M. FORTIER: Est-ce que, dans les hôpitaux, les médecins
peuvent eux-mêmes donner des directives en ce qui concerne les
diètes? Je vais vous donner un exemple. Si on donne une diète de
tant de calories, est-ce que le médecin peut énumérer
lui-même les aliments qui vont entrer dans cette diète ou est-ce
vous qui êtes les seules à pouvoir le faire?
MLLE SAINT-HILAIRE: Habituellement, le médecin prescrit et laisse
à la discrétion de la diététiste les aliments que
doit contenir la diète du malade. Je pense bien que, dans les
hôpitaux actuellement, la jeune génération de
médecins relègue aux diététistes toutes les
tâches qui relèvent de l'alimentation.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): La Corporation des diététistes
demande l'exercice exclusif, au lieu d'un titre réservé. Il y a
des personnes vous le décrivez dans votre mémoire
qui prétendent être des diététistes, qui s'appellent
conseillers en nutrition ou conseillers en alimentation, et qui pratiquent
parallèlement à vous. A combien de personnes environ estimez-vous
ces gens qui, sous d'autres appellations, pratiquent l'acte
diététique?
MME SEVIGNY: Je ne pense pas que nous ayons en main de statistiques
précises. Nous n'avons pas cherché à en établir.
Seulement, je pense qu'il peut exister deux catégories de personnes qui
posent l'acte diététique en dehors des membres de notre
corporation. Il y a des professionnels de la santé, appartenant à
d'autres corporations qui sans doute sont venus vous rendre visite
déjà ou viendront, qui ont certainement des connaissances
sérieuses dans le domaine qui leur est propre, mais qui n'ont pas une
formation spécialisée qui leur permette justement de
connaître la manière précise d'utiliser les nutriments dans
les processus biologiques.
Ainsi, selon le concept d'équipe de la santé, je pense que
ces professionnels eux-mêmes seraient prêts à
reconnaître avec nous que le diététiste est le seul qui
puisse faire cette intervention d'une façon parfaitement
éclairée.
Il y a une deuxième catégorie de personnes qui, sans
doute, posent l'acte diététique autre que les membres de notre
corporation, ce sont des personnes qui jugent posséder une
compétence suffisante pour porter, à elles seules, la
responsabilité globale et d'un diagnostic et d'un traitement, et qui
incluent donc dans ce traitement l'aspect diététique.
M. CLOUTIER (Montmagny): Malgré la précision de votre
réponse, je ne peux malheureusement identifier ces groupes.
MME SEVIGNY: Alors, si vous me permettez, dans le premier groupe auquel
j'ai fait mention, on peut nommer les médecins qui sont des
professionnels de la santé et qui, j'imagine, songent habituellement
à la possibilité que les aliments et les nutriments qu'ils
contiennent soient un élément de thérapeutique; les
infirmières peuvent, à l'occasion, souhaiter utiliser
également l'alimentation comme un des éléments du
traitement qu'elles ont à faire auprès de leurs patients. Ce sont
les deux principaux groupes auxquels je pensais.
Dans les groupes parmi les personnes qui ne travaillent pas
conjointement avec ces deux premiers groupes dont j'ai parlé, je pense
ce n'est un secret pour personne, tout le monde le devine aux
naturopathes, par exemple, qui croient très sincèrement à
l'importance de l'alimentation comme facteur de traitement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne pouvais
les identifier, mais je les soupçonnais. Maintenant c'est clair.
Est-ce que dans ce secteur et le problème s'est posé
souvent devant la commission parlementaire il n'est pas
inévitable que survienne un certain chevauchement, à un moment
donné? N'est-il pas possible ou normal pour les professions que vous
venez de nommer d'intervenir peut-être indirectement? Est-ce que le
médecin ne doit pas avoir nécessairement un regard sur cette
partie importante qu'est l'alimentation ou le régime?
MME SEVIGNY: Les membres de notre corporation croient justement à
l'action conjointe des différents membres de l'équipe de
santé. Comme je le laissais entendre tout à l'heure, nous croyons
qu'une personne doit prendre la responsabilité du diagnostic global et
du traitement global. Il est bien possible que cette personne-là soit un
médecin.
Il aura sûrement à discuter, avec le
diététiste, de cet aspect du traitement. Mais, comme une de mes
collègues le mentionnait tout à l'heure, les médecins de
la jeune génération sont très conscients du fait
qu'eux-mêmes ne peuvent poursuivre jusque dans l'application cet aspect
du traitement et que la collaboration du diététiste leur est
indispensable.
Je parle de générations, mais ce n'est peut-être pas
très juste comme terme; disons catégories de médecins qui
prescrivent mais sans consulter le diététiste. Forcément,
le diététiste, à ce moment-là, est presque
obligé d'ignorer ou de corriger la prescription
diététique, justement parce qu'elle n'est pas applicable, n'est
pas suffisamment précise et adaptée au cas.
Si la prescription est faite en collaboration avec le spécialiste
qu'est le diététiste, l'application et le contrôle se
feront également en collaboration et le patient sera très
heureux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mlle Saint-Hilaire, vous avez dit tantôt
que vous pourriez donner des exemples, en thérapie, des
conséquences et des inconvénients de certains gestes ou certaines
lacunes. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus?
MLLE SAINT-HILAIRE: Je veux en même temps préciser, au
sujet de la thérapie, que l'acte diététique ne s'applique
pas. Nous ne divisons pas les catégories d'individus en deux, quand nous
pensons à l'acte diététique, les bien portants et les
malades. L'acte diététique reste le même, l'essence est la
même. C'est qu'il s'applique à des besoins nutritionnels
spéciaux et que ces besoins-là sont le lot des malades,
c'est-à-dire des cas pathologiques, et le lot de conditions
physiologiques parfaitement normales, comme la grossesse et la croissance.
Donc, en thérapie, nous pouvons illustrer, dans les deux
catégories de besoins nutritionnels spéciaux cas
pathologiques et conditions physiologiques normales comment
l'intervention diététique se fait, en cas de besoin nutri-
tionnel spécial. En thérapie, nous pouvons avoir des
exemples.
MME MARIEN: Pour ce qui est du plus grand pourcentage d'incidences
où la diétothérapie est un facteur principal de
traitement, on peut citer sans contredit l'obésité je
pense bien que personne ne l'ignore et le diabète adulte qui se
manifeste souvent, après un certain âge. On a aussi
l'hypercholestérolémie. Les diètes basses en
cholestérol, il n'y a pas personne qui ne connaît pas ça
aujourd'hui. On entend aussi parler de plus en plus
d'hyperli-poprotéinémie qui est beaucoup plus compliquée,
où les diètes peuvent se diviser jusqu'en cinq catégories.
Ensuite, évidemment, il y a les accidents cardiaques qui sont souvent
causés par l'obésité, et l'arthrite, où la
diète agit pour diminuer la masse corporelle de l'individu qui en est
atteint. C'est une façon, disons, indirecte. Le médecin
reconnaît d'emblée l'importance du traitement
diététique. Cependant, certaines prescriptions
diététiques sont incomplètes, insuffisantes ou pas
suffisamment spécifiques. Je considère que c'est là
qu'entrent en jeu la compétence et la formation scientifique de la
diététiste. Quand une diététiste, en milieu
thérapeutique, reçoit une prescription incomplète,
après avoir consulté de nouveau le dossier parce qu'il
faut ajouter que les diététistes ont accès aux dossiers
des malades dans les hôpitaux elle consulte de nouveau le
médecin pour en rediscuter. Ce qui arrive souvent, c'est que le
médecin dit: J'ai demandé telle quantité de potassium,
telle quantité de calcium, etc. Après discussion, on
établit une nouvelle prescription, et le médecin se fie
entièrement à nos recherches et à la diète qu'on va
établir.
On peut ajouter des exemples concrets où les
diététistes, travaillant dans des milieux thérapeutiques,
dans les milieux bien organisés, font partie intégrante de
l'équipe médicale. Dans un hôpital pour enfants, entre
autres, on a actuellement tous les troubles métaboliques d'absorption au
niveau de l'intestin. Avant, on ne parlait que de
phénylcétonurie, où le traitement diététique
est l'unique traitement. Je ne vois pas le médecin commencer à
chercher dans les tables de Bozencher, ou enfin dans tous les manuels qu'on a
à notre disposition, combien de milliers équivalents de
phénylcétonurie et enfin combien de phénylalanine il peut
y avoir dans tel ou tel aliment pour la diète basse en
phénylcétonurie.
Maintenant, il y a les intolérances au fructose, les
intolérances au galactose, enfin, il y en a une série qui donnent
des troubles au niveau, disons, de l'intestin. Le traitement
diététique est majeur dans tous ces cas. Alors, dans les
hôpitaux où on a abondance de cas semblables, la
diététiste fait partie intégrante du traitement. Je ne
pense pas que le médecin traitant, le gastro-entérologue ou enfin
le médecin qui s'occupe de ces enfants conçoive le traitement de
ces maladies sans la coopération directe de la
diététiste.
Je pense bien qu'au point de vue de la diétothérapie, de
plus en plus, le travail est assez spécialisé. Les prescriptions
sont de plus en plus précises, mais, malheureusement, il y en a encore
qui sont tout à fait inadéquates. Comme je l'ai mentionné
tout à l'heure, la conscience professionnelle et la formation de la
diététiste sont importantes pour savoir juger s'il est
nécessaire de recommuniquer avec le médecin dans ces cas.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que la majorité des
diététistes travaille dans les établissements
hospitaliers?
MLLE SAINT-HILALRE: Je crois qu'une grande proportion des
diététistes y travaillent, mais il y en a aussi dans les milieux
d'hygiène publique. D'ailleurs, pour ce qui est de la grossesse qui est
considérée comme un état physiologique normal, une
personne, ici, qui n'oeuvre pas en milieu hospitalier, mais qui travaille
énormément avec des personnes qui sont en grossesse, a des
chiffres très intéressants si cela vous intéresse
avec lesquels on peut faire des comparaisons, dans le cas de
l'intervention et de la non-intervention.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mme Higgins, je suppose?
MLLE SAINT-HILAIRE: Oui, Mme Higgins.
MME HIGGINS: I am pleased, Mr. Chairman and Members of the Parliamentary
Committee, for this opportunity to present the results of a study in which
dieticians have had the exclusive control of the dietetic procedure. This study
was conducted by the Montreal Diet Dispensary and included all the mothers
attending to public maternity clinics at the Royal Victoria Hospital.
Before the study began, arrangements had been made with the hospital
that the dieticians from the dispensary would be entirely responsible for the
dietetic procedure.
This study began in 1963 and, at the end of 1971, there were 1,726
mothers who were registered in this clinic. Some came late and some came early.
They were in the clinic whenever they came, at the start of the study. Of this
number, 1,636 completed the study, that is 95 p.c.
This study group was composed of a large proportion of disadvantaged
mothers. There were 71 p.c. of the mothers that could not afford to buy the
food they needed; 31 p.c. were illegitimately pregnant, as compared to 6 p.c,
which is the incidence this time in Quebec. There were 64 p.c. of the mothers
that had five years of formal education or less.
Now, during this service, the mother's average nutrient food intake was
increased by just about five hundred calories and 32 grams of protein. The
results, to date, have demonstrated that the dietetic procedure increased birth
weight and has a significant influence in decreasing mortality.
Numerous scientific studies indicate that birth weight is the major
factor in infant development. Low birth weight is related to increased
stillbirths, neonatal deaths, poor infant development, cerebral palsy, mental
retardation and lowered intelligence.
Now the mean birth weight in this study, 3,276 grams, was the same as
for the private patients in the same hospital. And this is the first study in
the world to demonstrate that the poverty chain can be broken in this dietitic
procedure.
Now the perinatal mortality was 17.9 per thousand, which is one half of
the Quebec rate for that period, and you have this material. You can see here
that in Quebec, during that period, the mortality rate was about 30 per
thousand, from 1963 to 1970. In this disadvantaged group of mothers we cut the
death rate in half, equal to approximately the same as for the rich, for the
infants of the private patients in the same hospital.
It has been estimated that, in the United States and Canada, the cost of
maintaining a defective child through life in an institution or in the
community is more that $100,000. Any nutritional deficiency during pregnancy
which could result in the failure of normal development of the foetus
represents a large social and financial loss to the nation. This waste is in a
large degree preventable through the establishment of adequate dietitic
procedures.
I wish to illustrate this by a case history in the birth record of one
of the mothers in our study, if you turn to page 3. In page 3, you will see the
birth weight record you have this of the mother. Now, figure 3-1
gives the birth weight record of 11 children of a 29 year old mother who
delivered all the children at the Royal Victoria Hospital. The third child died
at one month of age. The mother followed our dietitic procedure only for the
last three pregnancies.
A mental and a physical assessment of all the children was done at the
Montreal Children's Hospital and indicated that the last three children are
normal, whereas the others were found to be disadvantaged and there was
considerable doubt as to their ability to succeed. The cost of the diet
dispensary's service for each case including the food supplement
was $125, whereas the estimated cost to the state of maintaining the other
deficient children is more than a thousand times greater for each one.
If dietitians were given the exclusive control of diet counselling, it
would be a major breakthrough in public health in Quebec and it would be
reflected in the improvement of the health of all the citizens. In order to
deliver dietitic services in a systematic planned method
which will meet the needs of the public, the dietitians need the control
of the act.
Now, I have further evidence, if you wish. The times where the act of
the dietician and our knowledge in nutrition is way beyond that you find
naturally in medical practice and so on where they do not have our knowledge in
training. If you wish, I will be very glad to tell you another case.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je vous remercie de ces précisions
extrêmement intéressantes. Cela m'amène à poser une
nouvelle question. On voit l'importance de la prévention. Vous m'avez
répondu tout à l'heure que certains travaillaient au sein des
établissements hospitaliers mais que d'autres travaillent dans le
secteur de l'hygiène. Est-ce qu'il y a suffisamment d'effectifs dans ce
département? Est-ce que les moyens d'action sont adéquats ou si
vous avez des suggestions ou des plans spéciaux dans ce domaine?
MLLE SAINT-HILAIRE: Dans le domaine de l'hygiène publique, vous
voulez dire?
M. CLOUTIER: Oui. Dans le domaine de la prévention en
général, là où doit porter aussi une grande partie
de votre action.
MLLE SAINT-HILAIRE: II est sûr que dans le domaine de la
prévention, on pourrait vraiment augmenter le personnel de
diététistes en nombre, strictement parlant, dans le domaine de
l'hygiène publique. On en a énormément besoin parce que
c'est un moyen d'atteindre le public. Et cela m'amène à dire que
si nous avions l'exclusivité de l'acte, cela nous donnerait aussi des
contacts avec plus de gens parce que les autres professionnels de la
santé, faisant partie de l'équipe, nous adresseraient
automatiquement les individus qui ont des besoins spéciaux en nutrition
et qui ont besoin d'attention dans ce domaine. Il se ferait peut-être une
sélection à ce moment-là, aussi, ce qui rendrait les
services plus efficaces.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous parlez des individus qui ont besoin de
nutrition spéciale. Dans la section de l'aide sociale, il y a un montant
spécial un montant de $10, je crois alloué pour une
diète. Je ne sais pas si cela existe encore, je pense que cela a
été éliminé. Mais est-ce qu'au moment où
cela existait, vous aviez quelque chose à dire au niveau de la
ràglementation?
MLLE SAINT-HILAIRE: Que les gens défavorisés aient besoin
d'argent pour arriver à se nourrir convenablement, je pense que c'est un
fait. Vous comprenez que ce n'est pas strictement un problème
diététique. On tombe ici dans la catégorie des
problèmes sociaux.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord.
Mais il y avait une allocation additionnelle de $10 par mois pour une
diète, c'était le terme employé.
MLLE SAINT-HILAIRE: D'accord. Tout dépend comment l'état
nutritionnel de cette personne a été évalué.
Comment cela a été fait. Sur quelle base. Et quelle est la
garantie, en donnant de l'argent aux personnes, à supposer que le
diagnostic ait été approprié, que cet argent va être
appliqué de la façon dont c'est nécessaire pour couvrir
les besoins nutritionnels?
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, vous n'avez jamais été
appelée en consultation sur l'établissement...
MLLE SAINT-HILAIRE: Pas que je sache. Est-ce qu'il y a d'autres membres
de la commission, ici? Absolument pas.
MME MARIEN: Plusieurs cas justement ont été portés
à l'attention de la corporation au sujet de ces $10, et il y a
même une norme qui avait été spécifiée qu'une
diète élevée en protéines devait contenir 90
grammes de protéines, et c'est avec une telle prescription que
l'assisté en question pouvait bénéficier des $10
supplémentaires. Alors, comme très peu de diètes
hyper-protéinées sont prescrites, à ce moment-là,
les suppléments de $10 ont été pratiquement tous
coupés dans certains hôpitaux, ce qui a fait un remous assez
considérable.
Cela a été porté à l'attention de la
corporation puis on se demandait justement quels moyens on devait prendre, pour
arriver, peut-être, non pas à rétablir d'une manière
générale les $10 en question. Il y aurait eu paraît-il,
abus, dans certains cas. Maintenant, il s'agirait justement de
déterminer quelles sont les personnes qui vraiment ont besoin de ce
supplément.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je suis très heureux d'entendre
aujourd'hui un groupe de personnes parler de nutrition. Et je suis d'autant
plus heureux de prendre connaissance de l'étude assez
révélatrice que nous avons en main, car c'est la première
fois que j'ai l'occasion de consulter des études dans ce sens-là.
J'ai également posé une question ce matin à un autre
groupe de la commission parlementaire et je n'ai pas été
enchanté de la réponse. C'était peut-être la bonne,
mais en tout cas j'avais pensé autrement. Maintenant, on parle de la
nutrition qui est un des premiers besoins de l'homme avant même ceux du
vêtement, du logement ou même des soins médicaux. On pense
d'abord à la nutrition.
Si le problème de la nutrition, comme le démontre
l'étude et comme vous venez de le
confirmer, est souvent relié à un problème de
pauvreté ou de mauvaise condition financière, est-ce que vous
avez déjà fait des représentations auprès du
gouvernement afin d'aider à résoudre ce problème? Parce
qu'on dit qu'en 1972, le problème de sous-alimentation, de
sous-nutrition est loin d'être réglé.
MME SEVIGNY: Je n'ai malheureusement pas la date précise à
la mémoire, mais il y a quelques années notre corporation
justement a présenté un mémoire au ministère de la
Famille et du Bien-Etre, à ce moment-là, je m'excuse, je n'ai pas
la référence précise, pour indiquer
précisément que les allocations accordées aux
assistés sociaux ne leur permettaient absolument pas nous
faisions référence particulièrement aux personnes
âgées de satisfaire à leurs besoins
nutritionnels.
M. GUAY: Comme le démontre votre étude, d'ailleurs.
Maintenant, puisque vous travaillez plus précisément en milieu
hospitalier, seriez-vous en mesure de nous dire si, par exemple, des patients
hospitalisés ont démontré une fragilité accrue
à certaines maladies à cause de malnutrition ou de
sous-nutrition.
MLLE SAINT-HILAIRE: D'une façon générale, que les
patients soient hospitalisés ou non, ils ont certainement une
fragilité accrue. Ils sont plus exposés à certaines
maladies que d'autres, parce que quand on pose un diagnostic précis,
comme diabète ou arthrite ou hypertension, il y a des causes multiples
évidemment, mais la nutrition est un des facteurs importants. Ce qui
porte un réputé nutritionniste français à dire que
la surveillance de l'alimentation non seulement peut mais doit éviter
l'éclosion des cas pathélogiques comme le diabète,
l'hypertension, la goutte, le rachitisme, puis les déficiences
caractérisées.
M. GUAY: Maintenant, dans notre monde moderne, de 1972, où les
gens se sont habitués à consommer des aliments en conserve, des
aliments en boite, à cause d'un autre facteur probablement la
femme au travail est-ce que cela attire certains problèmes dans
le domaine de la nutrition?
MLLE SAINT-HILAIRE: Ce qui attire des problèmes, c'est surtout la
grande variété et le grand choix d'aliments qui existent parce
que nous ne sommes pas sûrs qu'avec cette multitude d'aliments je
pense qu'on en a dénombré près de 10,000 un
individu qui a le choix entre 10,000 aliments fasse toujours un choix
judicieux. Je pense que c'est à ce niveau qu'il faut peut-être
essayer d'influencer. Ce n'est pas nécessairement un acte
diététique, mais ce n'est pas exclu non plus de l'activité
diététique du diététiste de chercher à
influencer le comportement des gens à ce niveau pour leur permettre de
faire un choix plus judicieux d'aliments. On ne peut pas, dans un pays à
régime libéral tel que le nôtre sans allusion
politique forcer les consommateurs à consommer tel ou tel
aliment. Il faut respecter tout de même la démocratie dans
laquelle nous vivons. C'est l'avantage qu'ont les spécialistes en
agriculture sur nous. Ils peuvent rendre le bétail aussi
obéissant qu'ils le veulent. Pour nous, c'est impossible. Il faut tout
de même respecter la démocratie.
M. GUAY: Votre étude démontre églament qu'il est
beaucoup plus dispendieux pour l'Etat de supporter un enfant qui a souffert de
malnutrition que les services d'un diététiste. Votre étude
est quand même assez restreinte, mais jusqu'à quel pourcentage la
population peut-elle être affectée par ce problème de
nutrition?
MLLE SAINT-HILAIRE: Certains problèmes de malnutrition ont
été évalués assez spécifiquement parce
qu'ils avaient une incidence assez élevée. On a reconnu une
incidence tout de même assez élevée dans le cas du
rachitisme, par exemple. Pour la population nord-américaine, avec un
standard de vie très élevé, on a trouvé que les cas
de rachitisme étaient très nombreux. On a donc fait une
espèce de recensement, c'est-à-dire qu'on a dit que 300 à
400 cas par année, dans un pays comme le Canada, c'était beaucoup
trop, il n'y avait aucune raison que cela existe, surtout lorsqu'on a
accès aux nutriments qui préviennent cette maladie.
H arrive que les maladies nutritionnelles ne présentent pas
toujours des signes cliniques évidents, des signes visibles. Il peut y
avoir un état nutritionnel déficient sans qu'apparaissent des
signes cliniques. On ne peut pas mettre de chiffres sur un état de
santé et dire: C'est sept sur dix ou six sur dix. Mais on sait, par
exemple, qu'un certain mode d'alimentation expose les individus à des
déficiences. On compare d'habitude les déficiences
nutritionnelles à des icebergs. On dit: Le tiers est visible à
l'oeil nu et les deux tiers sont cachés. C'est la même chose pour
les maladies nutritionnelles. Est-ce qu'il y en a qui veulent ajouter quelque
chose là-dessus?
MLLE SEVIGNY: Vous avez raison de dire que nous avons très peu de
données, malheureusement, pour ce qui concerne notre Québec, mais
le document américain auquel nous faisions allusion tout à
l'heure fait justement ce type d'estimation. Comme, finalement, les conditions
de vie et l'alimentation ne sont pas tellement différentes, on peut,
sans les appliquer tels quels, s'inspirer de ces chiffres pour se faire une
idée de l'étendue des problèmes de malnutrition et des
possibilités d'épargne en termes économiques et en termes
de bien-être personnel aussi, qui pourraient résulter d'une
alimentation améliorée. Je peux vous donner
comme exemple je prends le premier cas cité dans cette
compilation les maladies cardio-vasculaires qui ont coûté
$31 milliards en 1962 aux Etats-Unis.
En 1967, elles ont causé un million de décès et
avec cinq millions additionnels de personnes affectées par des maladies
de ce type; or, l'application de régimes appropriés pourrait
réduire de 25 p.c. l'incidence de ces maladies et de 20 p.c. le
coût des soins à prodiguer à ces personnes. C'est un
exemple de chiffres qui ont été préparés, je pense,
d'une façon très sérieuse par le groupe dont nous avons
parlé tout à l'heure, soit des fonctionnaires du ministère
de l'Agriculture et des membres des diverses universités d'Etat ou
subventionnées aux Etats-Unis.
M. GUAY: Sur la première page de l'étude que j'ai sous les
yeux, Etude de la nutrition prénatale, ça me frappe
énormément parce que ce court exposé dit: On a
établi une relation évidente entre le poids natal faible et un
taux élevé de mortalité prénatale et
néo-natale, un développement ralenti, la paralysie
cérébrale, l'arriération mentale et la
médiocrité intellectuelle. Cela me frappe
énormément.
Je suis content de posséder ces chiffres. Comme dernière
question rattachée à ce que je viens de dire, si on met de
côté l'aspect publicitaire des commerciaux qui nous font bien
manger, du côté de l'éducation, y a-t-il quelque chose de
prévu par votre groupe qui est devant nous aujourd'hui, ou avez-vous
l'intention de demander à l'Etat des subventions ou de l'aide
financière quelconque afin d'enseigner à la population à
se mieux nourrir?
MME SEVIGNY: C'est sûrement un des désirs les plus chers
des diététistes de pouvoir justement disposer de moyens pour
diffuser le plus possible les principes d'une alimentation saine et qui peut
prévenir tous les maux dont vous parlez précisément.
Evidemment, ce n'est pas l'objectif précis de notre présence ici
aujourd'hui. Je veux bien faire la distinction nous l'avons faite tout
à l'heure entre l'acte diététique, pour lequel nous
réclamons l'exclusivité, et les activités
diététiques, qui sont plus larges évidemment et qui
incluraient bien sûr et probablement au premier rang ce travail
d'éducation dont vous parlez.
Nous n'avons pas cru devoir demander l'exclusivité de cette
action éducative auprès du public. On ne peut quand même
pas, en démocratie, empêcher qui que ce soit d'essayer de diffuser
ses idées, sa philosophie sur la façon de poser un acte aussi
simple que celui de s'alimenter quotidiennement. Ce que nous demandons comme
exclusivité, c'est l'acte qui constitue une intervention personnelle
auprès d'une personne qui est dans une situation de besoin
spécial. Mais je pense que si nous obtenions l'exclusivité de
l'acte, peut-être que notre crédibilité auprès du
public pourrait être considérablement accrue et, autour de
ça nous voudrions bien pouvoir, justement et nous sommes tout
à fait résolus à le faire contribuer à
l'éducation du public et à l'alimentation saine des enfants en
milieu scolaire, par exemple, et enfin on pourrait multiplier les types
d'activités diététiques que nous sommes prêts, je
pense, à exercer et que nous voulons exercer.
M. GUAY: Une dernière question. Comme à chaque
problème il y a évidemment une cause et qu'une mauvaise
diète serait la cause de l'hospitalisation n'y aurait-il pas lieu
d'envisager immédiatement d'augmenter le nombre des
diététistes avant même d'augmenter le nombre des
médecins, qui agissent sur les conséquences et non sur les
causes?
MME SEVIGNY: Vous voulez parler des inscriptions? Les statistiques sur
les effectifs, nous pourrions vous en fournir.
MME ALMERAS: Présentement, 66 p.c. des diététistes
travaillent en milieu hospitalier. Le reste de ce pourcentage est
réparti de façon très minime dans l'administration des
services alimentaires, dans l'enseignement, les universités, en
recherches, en consultations privées. C'est évident que le nombre
n'est pas suffisant. Est-ce que je pourrais revoir votre question exacte pour
répondre plus précisément?
M. GUAY: En résumé, est-ce qu'il y a suffisamment de
diététistes pour répondre aux besoins actuellement?
MME ALMERAS: Présentement, il y en a 692 inscrites à notre
corporation, ce qui est divisé comme je viens de vous le dire. Il y a
260 étudiantes dans les milieux universitaires dans la province de
Québec pour assurer la relève. Personnellement je pense
que mes compagnes seront d'accord avec moi je crois qu'il y aurait
d'immenses possibilités d'ouvrir des postes et de leur créer de
la place. Je pense que le gouvernement doit nous aider à le faire, parce
que, surtout dans les milieux hospitaliers, nous sommes toujours
budgétisées par les normes de personnel et tout ça et,
dans d'autres milieux, on ne voit pas encore assez clairement le besoin des
diététistes.
M. GUAY: Est-ce que des diététistes ont l'occasion de
faire une surveillance en ce qui concerne, par exemple, la transformation de
certains aliments?
MME ALMERAS: Qu'entendez-vous exactement par transformation?
M. GUAY: Par exemple, d'un produit brut à un produit fini, avant
la mise en marché. Est-ce qu'il y a des personnes qui observent les
différents procédés de mise en marché ou de
transformation de l'état brut à l'état final de
certains aliments?
MLLE SAINT-HILAIRE: II existe des lois-cadres à ce
sujet-là, qui ne peuvent pas être transgressées sans
sanction.
M. GUAY: D'accord.
MLLE SAINT-HILAIRE: Maintenant, au pays, à cause du régime
démocratique dans lequel nous vivons, c'est le manufacturier qui est
responsable de l'aliment. Il reste qu'apprécier la valeur en nutriments
d'un aliment donné, qu'il ait été traité de telle
ou telle façon, c'est justement un des rôles de la
diététiste.
Actuellement, il y a des aliments qui n'ont pas de valeur nutritive, ce
qu'on appelle les casse-crôute, les "snack foods". Là, c'est un
travail d'éducation, parce que les individus ou les groupes d'individus
ont le choix, sont libres. Il faut les éduquer à choisir et leur
donner l'information. Notre rôle, c'est de leur donner l'information
là-dessus et, évidemment, de leur faire comprendre que c'est
toujours l'aspect des nutriments qui est important dans les aliments, quel que
soit le type d'aliments. Ce n'est pas la méthode de culture, ce n'est
pas la méthode de transformation, ce n'est pas le jardin dans lequel il
a été cultivé qui est important, c'est sa valeur en
nutriments.
Tous les aliments, au niveau des cellules, sont des substances
chimiques; ils sont réduits à leur plus simple expression,
à leur composition chimique. La membrane cellulaire, elle, ne fait pas
la différence entre deux composés chimiques identiques, quels que
soient la source ou le traitement. Ce qui est important, c'est éduquer
le public à choisir.
M. GUAY: En fait, cela confirme le besoin d'éducation.
MLLE SAINT-HILAIRE: Oui, un instant.
MME SEVIGNY: Est-ce qu'on me permet de revenir sur la question
précédente, au sujet des effectifs? On nous demandait s'il y
avait suffisamment d'effectifs pour répondre aux besoins. Il arrive sur
le marché du travail c'est tout récent une nouvelle
catégorie de professionnels qui sont les techniciens en
diététique, formés au niveau des CEGEP.
Ces techniciens, dans notre esprit, ne seront pas membres de notre
corporation. Ils ne seront pas autorisés à poser l'acte
diététique, mais ils peuvent certainement contribuer, de
façon très utile, au bon déroulement des activités
diététiques dans leur ensemble et libérer le
diététiste qui a une formation universitaire plus poussée
justement pour les tâches les plus importantes qui sont décrites
par l'acte diététique tel que nous le définissons.
Il ne faut pas craindre outre mesure la trop grande faiblesse de nos
effectifs. Elle n'est pas si grande, nous sommes quand même
déjà assez nombreux, mais il y a cette possibilité de
complémentarité qui peut aider énormément.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Si le législateur vous accorde l'exclusivité de
l'acte diététique que vous demandez, est-ce que cela limitera
si oui, en quoi le pouvoir de prescription que possède
actuellement en ce domaine la profession médicale ou dentaire?
MME SEVIGNY: Dans notre esprit, ce pouvoir de prescription ne sera pas
du tout limité. Au contraire, je pense l'avoir indiqué tout
à l'heure, nous croyons que le traitement global reste la
responsabilité du médecin. Alors, l'ensemble des prescriptions,
que nécessite un cas particulier, relève de lui. S'il y a une
prescription diététique qui est un des aspects de cette
prescription, il en reste quand même le premier responsable. Mais nous
pensons qu'il peut difficilement, dans la plupart des cas, la faire d'une
façon pleinement satisfaisante sans consultation avec le
diététiste.
M. LAURIN: Jusqu'à quel point certains spécialistes, tel
l'obstétricien ou le pédiatre, font appel à la
collaboration du diététiste dans leur pratique, non pas
hospitalière, mais privée?
MLLE SAINT-HILAIRE: Pourriez-vous répéter la question,
s'il vous plaît?
M. LAURIN: Jusqu'à quel point certains spécialistes, tel
l'obstétricien ou le pédiatre, en particulier, font appel
à votre collaboration dans leur pratique, non pas hospitalière,
mais privée?
MME SEVIGNY: II faut reconnaître qu'actuellement cette forme de
collaboration n'est pas très répandue. Cela tient probablement au
fait que très peu de diététistes, actuellement,
travaillent et ont elles-mêmes leurs consultations privées. Nous
souhaitons que cette forme de pratique diététique se
développe, cette consultation privée, parce que,
précisément, la population est de plus en plus consciente de
l'importance de la nutrition. Beaucoup de gens sont probablement enclins
à s'adresser directement à un spécialiste en alimentation.
Ce serait heureux que des diététistes soient disponibles de cette
façon en consultation privée. De par leur éthique
professionnelle, elles ne prendront pas la responsabilité globale du
traitement, comme je le disais tout à l'heure, et surtout pas du
diagnostic. Elles référeront aux spécialistes qu'il
conviendra de consulter. Alors, cette collaboration, dont vous parlez, pourra
se développer.
M. LAURIN: Est-ce à cause du peu d'influence que vous avez
jusqu'ici dans l'élaboration du curriculum des facultés de
médecine que cette collaboration existe si peu?
MME SEVIGNY: Là encore, nous pouvons dire que les choses sont en
progrès. Si vous me permettez, je parlerai pour l'université
Laval que je connais davantage. Il existe, depuis quelques années, un
programme universitaire de premier cycle en sciences de la santé avec
des options dont l'une est la médecine ou la pharmacie, il y en a sept
ou huit, et la diététique. Alors, nous travaillons, actuellement,
conjointement dans l'élaboration des programmes d'enseignement commun
à tous les professionnels de la santé pour ce qui est du premier
cycle, ce qui va être un élément, en effet, de meilleure
connaissance mutuelle et de collaboration dans l'avenir.
M. LAURIN: Jusqu'à quel point la présence de
diététistes est-elle importante dans l'élaboration des
régimes alimentaires qui existent dans les écoles du
Québec où les enfants mangent le midi?
MME SEVIGNY: Je m'excuse. Je ne pourrai pas répondre à
toutes les questions. Je suis sûr que d'autres pourraient le faire. Mais
nous sommes, non pas la corporation comme telle mais un groupe de
diététistes, mandatées précisément par le
ministère des Affaires sociales pour proposer des normes nutritives de
services alimentaires en milieu scolaire que nous espérons voir
s'appliquer dans toute la province dans un avenir assez rapproché. Parce
que justement les enfants constituent un de ces groupes que nous appelons
souvent vulnérables où la marge de sécurité entre
une alimentation plus ou moins défectueuse et une alimentation vraiment
suffisante est étroite. Alors, c'est une des tâches auxquelles
nous nous sommes attaquées.
M. LAURIN: Est-ce que vous avez demandé au ministère des
Affaires sociales d'être incluses parmi les services essentiels qui
devront être établis dans les nouveaux centres locaux de services
communautaires?
MME MONGEAU: Je crois qu'il n'y a pas eu de demande officielle
jusqu'ici. Nous le ferons vraisemblablement.
Nous voyons là, d'ailleurs, une occasion, justement, de
réaliser nos objectifs.
Vous parliez tantôt du fait que les diététistes
n'ont pas tellement été utilisés par certaines
catégories de spécialistes, tels les obstétriciens et les
pédiatres. C'est d'abord, comme l'a répondu ma collègue,
à cause du fait qu'il n'y avait pas beaucoup de
diététistes disponibles pour ce genre de travail de consultation,
pas plus qu'il n'y en a, d'ailleurs, pour continuer de suivre un malade qui
suit un régime une fois qu'il est revenu à la maison. Il n'y en a
pas, présentement.
Les centres de services de santé communautaires nous apparaissent
justement comme la solution à ce problème de "follow-up".
D'ailleurs, on a toujours déploré que l'efficacité, le
rendement des diététistes était gravement compromis par le
fait qu'il n'y avait pas de "follow-up". On fera vraisemblablement des
représentations. Il s'est fait des contacts personnels. Des
diététistes, présentement, travaillent dans ces milieux.
Je pense qu'ils sont appelés à le faire de plus en plus.
M. LAURIN: Jusqu'à quel point a-t-on actuellement recours
à vos services dans ce qu'on appelle les centres de la Goutte de lait et
les cliniques d'hygiène maternelle, les cliniques prénatales
d'hygiène maternelle?
MME MONGEAU: Je pense que Mme Hig-gins a mentionné que le
Montreal Diet Dispensary collaborait depuis assez longtemps.
M. LAURIN: C'est un exemple, mais y en a-t-il d'autres?
MME MONGEAU: A ma connaissance, présentement, il y aurait les
nutritionnistes à l'emploi du ministère des Affaires sociales
qui, peut-être je n'en suis pas certaine travailleraient
dans ce milieu, de même que celles qui sont dans les hôpitaux
où il y a des cliniques externes.
M. LAURIN: Est-ce que madame peut répondre à cette
question?
MME HIGGINS: The Montreal Diet Dispensary receives anybody in any
condition, regardless of language or religion, but we also have a training
program. We feel that, for all the people that we see face to face, there are
thousands in need of our services, this type of professionnal services that
only dietitians can give.
So, we have a post-graduate university course, a one year course for an
internship in community services, so that these girls will be placed in these
community centres. We have some now that are working there. We have a number
now working in community work. We are training them to do this work. It is very
important because we have a scientific method. This is called the Dietitians
Act. You have seen, in the study that I gave, that the most disadvantaged
people, can benefit from the scientific application.
So we have these methods, which we can take to Indians, to Esquimos, to
any groups of any age groups, with the scientific procedure, which can be
translated for any group, because of the need, for any age group or
condition.
M. LAURIN: Is there an equivalent of your MDD in the French Canadian
milieu?
MME HIGGINS: No, we do not think of ours being so separate. Most all ray
staff is French. I am the only one who does not speak French. All my staff is
French, all my interns are. I mean, I do not know my clients. I do not
understand what you mean. What is the French milieu?
M. LAURIN: No. I wondered if your MDD was bilingual or if there was an
equivalent in French.
MME HIGGINS: There is not any equivalent of this in Canada, nor in the
States. We are ahead in Quebec on everything. This professionnal Act is
historical. But it will not be as historical as it could be unless our
particular Act is protected, because it will be a breakthrough in public health
if we do not have this protection.
May I say one other thing? I had some students I lectured, this year,
first year medical students at McGill, and I said that, in their two years,
they get two hours in their whole course, at McGill, on nutrition, two hours,
which one of my staff is giving. One of my staff was the one that was teaching
it. And I said to them they did not have enough nutrition to know how dangerous
they were, that I wanted them to take more, so they knew how damaging they
could be.
M. LAURIN: Est-ce que votre corporation a demandé au Conseil de
la protection du consommateur d'être représentée au sein de
l'Office de la protection du consommateur?
M. LAGACE: Une telle demande n'a pas été faite. Mais, me
permettriez-vous de revenir sur une question antérieure? Tantôt,
vous demandiez si les diététistes avaient demandé à
oeuvrer dans les centres communautaires. Cette demande a été
faite à l'occasion du bill 65. Un mémoire avait été
présenté ici même, et c'était un des chapitres qui
avaient été développés devant le comité qui
siégeait à cette époque-là.
M. LAURIN: Est-ce que vous avez demandé aussi d'être
représentés à l'Office de protection du consommateur? En
voyez-vous l'utilité?
M. LAGACE: J'y vois, moi, une utilité énorme. Il y a eu
des rencontres, un comité de la Corporation des
diététistes avait rencontré le ministre de
l'époque, qui est maintenant ministre des Institutions
financières, et je pense que ça avait été
renvoyé à un autre comité, à un autre
ministère et finalement il n'y a pas eu de suite.
M. LAURIN: Est-ce que votre enseignement a
bénéficié de recherches ou activités de conseillers
en alimentation ou de naturopathes sur la valeur des aliments? Est-ce que vous
vous en inspirez dans votre enseignement? Est-ce que vous intégrez ces
connaissances?
MME MONGEAU: A ce que je sache, il n'y a pas de rapport officiel de
recherche sur la nutrition émanant de ces groupes.
M. LAURIN: Est-ce que vous êtes satisfaits du travail de
protection effectué par le Food and Drug Administration, de votre point
de vue diététique? Ou voyez-vous des réformes possibles
à effectuer à quelque niveau de gouvernement que ce soit dans ce
domaine?
MLLE SAINT-HILAIRE: II reste que la Loi sur les aliments et drogues est
une loi générale, une loi-cadre qui, dans certains cas, est
négative, c'est-à-dire qu'elle défend des aliments; dans
d'autres cas, elle est affirmative, c'est-à-dire qu'elle permet certains
aliments, elle exclut certaines substances à l'exclusion de toute
autre.
Les règlements ne sont jamais définitifs. Ils sont
constamment révisés. Si vous êtes abonné aux
modifications à la loi et aux règlements, vous voyez que vous en
recevez continuellement. C'est selon les besoins des consommateurs
d'abord le développement de l'industrie et les demandes des
consommateurs aussi.
Ce n'est pas une loi qui oblige non plus nécessairement, dans le
sens, par exemple, où vous parlez strictement d'enrichissement des
aliments. La loi n'oblige pas, elle permet, sauf pour un nutriment qui est
l'iode.
Donc, on ne peut pas dire que la loi est complète, elle ne l'est
jamais. Elle ne peut jamais nous satisfaire entièrement. Et je pense que
justement nous avons un rôle à jouer en faisant des suggestions.
Nous avons peut-être été un peu trop passifs en tant que
consommateurs et en tant que diététistes dans ce domaine. Les
suggestions sont toujours reçues.
Il faut tout de même aussi, en faisant une loi aussi complexe que
celle-là, tenir compte d'un tas d'éléments technologiques
dont on n'est pas nécessairement en possession. Il ne faut pas oublier
que l'industrie produit pour des masses, elle ne produit pas seulement pour un
individu.
Il faut tenir compte de différents facteurs. Dans le domaine de
la nutrition, je pense qu'elle peut être modifiée et certainement
améliorée constamment. De toute façon, si en recherche
nutritionnelle on voit actuellement qu'il se produit certains
développements dans le cas de certains nutriments dont on ne parlait pas
beaucoup il y a cinq ans ou dix ans, comme la vitamine E, quand la recherche
sera suffisamment développée, on demandera qu'il soit fait des
règlements dans ce sens-là, et ils en feront eux-mêmes, ils
ont d'ailleurs des bureaux consultatifs qui sont là pour ça.
Deuxièmement, dans le cas de toxicité, c'est un autre
problème très grave qui est à l'étude constamment.
Il arrive qu'on fait des règle-
merits, qu'on les modifie, qu'on en raie d'autres dans ce domaine.
Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui on fait des études de toxicité
qui, en raffinement, dépassent tout ce qu'on faisait, par exemple, il y
a cinq ans ou dix ans.
Il y a dix ans on ne parlait pas tellement d'embryotoxicité ni
d'effets tératogènes de substances. Aujourd'hui on en parle et on
a des méthodes et de l'équipement pour étudier ces effets.
On ne les avait pas autrefois. Donc, il faut faire des règlements en
conséquence. C'est la même chose dans le domaine des aliments,
à mesure que les techniques se raffinent, les méthodes de
recherche aussi, on découvre de nouvelles choses et on fait des
règlements en conséquence. On ne peut pas faire des
règlements pour établir des limites de tolérance à
tant de parties par millions si les instruments pour faire la mesure
n'indiquent pas cette quantité infime. Cela ne sert à rien.
M. LAURIN: Dernière question, selon vous, est-ce qu'il appartient
à la corporation que vous représentez, avec les nouveaux pouvoirs
que vous demandez, de déterminer le rôle précis des futurs
techniciens en diététique d'une part? En deuxièmement,
d'établir les modes de collaboration entre les diététistes
et les futurs techniciens en diététique de façon à
éviter les conflits qu'on a vu dans d'autres professions et
peut-être d'éviter les demandes de corporations professionnelles
de futurs techniciens en diététique.
MLLE SAINT-HILAIRE: C'est entendu que c'est un problème que nous
étudions actuellement. Je pense que je vais laisser celles qui sont dans
l'enseignement et dans l'élaboration de programmes discuter de cet
aspect.
MME SE VIGNY : II y a déjà eu, il y a encore actuellement
une collaboration dans l'établissement des programmes de formation. Ce
n'est pas tout à fait l'objet de votre question, mais je tiens à
l'affirmer. Il existe des diététistes et des professeurs
d'universités qui ont collaboré et qui continuent de collaborer
à l'établissement des programmes d'enseignement. Pour ce qui est
du contrôle d'un groupe professionnel par un autre, je pense que ce n'est
pas à moi de vous dire que c'est un problème très
délicat. Est-ce que vraiment on peut imposer une tutelle complète
à un groupe professionnel de la part d'un autre? Je pose la question, je
ne donne pas de réponse.
M. LAURIN: Moi, je vous pose la question, Est-ce qu'il vaut mieux
prévenir que guérir? Un des rôles que vous demandez, c'est
de prévenir. Il y a toutes sortes de préventions.
MME SEVIGNY: Oui. Nous ne prétendons pas prévenir tous les
maux de la société, quand même.
M. LAURIN: Etant donné qu'ils n'existent pas encore, c'est
peut-être le bon moment de déterminer les cadres, les
règles, et de les soumettre pour approbation soit au ministère de
l'Education ou au ministère des Affaires sociales.
MME SEVIGNY: C'est une question qui mérite sûrement une
étude sérieuse. Ce à quoi nous tenons beaucoup, c'est
qu'il y ait une collaboration très positive et non pas une lutte entre
les deux groupes. Avec l'aide de nos conseillers juridiques, nous pourrons voir
quelles sont les implications très précises sur le plan juridique
et celui du respect des droits. Nous ferons sûrement un effort en ce
sens.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions? M. le député de
Dorchester voudrait faire une petite mise au point. La discussion est bien
intéressante mais cela fait déjà 1 h 15 qu'elle dure. On a
encore cinq mémoires à entendre avant le lunch. On demanderait
donc la collaboration de tous les députés pour ne pas prolonger
indûment le débat.
M. GUAY: Si la question de nutrition n'est pas importante, je me demande
s'il y a réellement des questions importantes.
M. LE PRESIDENT: C'est la pertinence de la question.
M. GUAY: C'est une question à laquelle on peut probablement
répondre par un oui ou par un non. Etant donné qu'en milieu rural
toutes les écoles ne sont pas munies d'une cafétéria, pour
un étudiant par exemple qui devrait prendre, pendant cinq ou dix ans,
des repas froids à l'école, est-ce que des complications peuvent
survenir à la suite de ce fait?
MLLE SAINT-HILAIRE: Je crois que l'étudiant n'aura pas à
manger pendant cinq ou dix ans des repas froids pour la simple raison qu'on est
en train d'équiper toutes les écoles d'une
cafétéria. Je pense que c'est un programme en cours. Je ne pense
donc pas qu'aucun étudiant soit obligé de manger froid pendant
cinq ou dix ans.
M. GUAY: II y en a déjà qui le font depuis quatre ou cinq
ans.
MLLE SAINT-HILAIRE: Ils l'ont fait, oui, d'accord. On ne peut plus rien
y faire, c'est fait.
M. GUAY: Ce que je tiens à savoir...
MLLE SAINT-HILAIRE: Ce n'est pas un mode d'alimentation idéal,
manger froid, c'est entendu. Mais c'est un mode d'alimentation qui n'exclut
quand même pas une bonne nutrition, selon le choix des aliments.
M. FORTIER: Alors, au nom de M. Caston-guay, je vous remercie de vos
explications.
MLLE SAINT-HILAIRE: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. SAINT-GERMAIN: Je ne veux pas prolonger la discussion mais est-ce que
vous avez des études ou observations qui vous permettraient de dire si
la cause profonde, principale des familles qui sont sous-alimentées ou
mal nourries dans le Québec est l'ignorance d'une diète bien
équilibrée ou une question de revenu familial?
MLLE SAINT-HILAIRE: Je pense que ce sont des facteurs conjugués.
Je veux dire que le fait d'être pauvre n'exclut pas qu'on puisse
être informé et le fait d'être informé n'exclut pas
l'idée qu'on puisse mal se nourrir, parce que le choix est toujours
là. C'est entendu que la pauvreté, le manque de moyens et le
manque de renseignements produisent ces résultats. Qu'ils soient
isolés l'un de l'autre ou qu'ils soient conjugués, c'est
sûr que cela va produire un effet. Maintenant, on n'a pas d'étude
épidémiologique sur le sujet, ni économique. Cela ne s'est
pas fait dans le Québec, ni au Canada d'ailleurs.
Les études nutritionnelles que nous avons sont plutôt
fragmentaires, c'est-à-dire qu'elles s'adressaient à de petits
groupes d'individus. Maintenant, vous savez qu'une grande enquête
nutritionnelle s'est déroulée; elle s'achève actuellement
au Canada. Elle s'appelle Nutrition-Canada et va sûrement nous apporter
des lumières dans ce domaine, très bientôt, je
l'espère.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous croyez que l'éducation qu'on
donne dans les écoles relativement à la nutrition est suffisante
pour permettre à un futur citoyen d'être capable de
décider, au moins d'une façon primaire, ce qui peut être
une nourriture de bonne qualité et une nourriture de qualité
inférieure?
MLLE SAINT-HILAIRE: Bien, je pense qu'actuellement l'éducation
qui se donne en matière de nutrition dans les écoles varie de
zéro à, disons, l'infini.
MME MARIEN: Là-dessus, je pourrais ajouter que
l'Université de Montréal vient d'inscrire ses candidates au
baccalauréat en jardinière d'enfants à un cours de 26
heures en nutrition qu'on serait obligé de donner à ces personnes
de manière qu'elles puissent inculquer, dès l'âge de la
maternelle, des rudiments de nutrition à ces enfants. Alors, je trouve
que c'est déjà un pas extraordinaire de fait en ce sens, parce
que c'est l'âge de l'acquisition, l'âge préscolaire.
MLLE SAINT-HILAIRE: Je ne pense pas que ça existe
systématiquement au niveau des programmes. Cela n'existe pas.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce une lacune de grande importance?
MLLE SAINT-HILAIRE: Je ne crois pas que ce soit une lacune parce que
l'enseignement de la nutrition peut s'adapter à tous les niveaux dans le
système scolaire. Cela n'a pas besoin d'être un cours intensif,
ça n'a pas besoin d'être des cours magistraux, non plus, ni
théoriques. Cela peut se faire de toutes sortes de façons avec
les méthodes audio-visuelles dont on dispose actuellement, en utilisant
ce qu'il y a sur place, simplement la caféréria quand il y en a
une.
M. SAINT-GERMAIN: Trouvez-vous que toutes les annonces que l'on
écoute à la radio ou qu'on voit à la
télévision qui vantent quelquefois des produits de qualité
inférieure au point de vue nutritif, peuvent nuire à la
population dans le bon choix de la nourriture qui doit être
absorbée?
MLLE SAINT-HILAIRE: Cela dépend justement de la formation de la
personne qui l'écoute. La publicité, c'est la publicité,
et c'est encore une des conséquences de notre régime
démocratique. C'est la formation des personnes qui décide de tout
justement, le jugement et la formation. Si on vivait en régime
totalitaire, on pourrait intervenir d'une façon directe dans la
publicité, mais ce n'est pas possible.
M. SAINT-GERMAIN: Mais croyez-vous que les annonces telles qu'elles
existent actuellement sont honnêtes relativement à la
qualité de la nourriture qui est annoncée?
MLLE SAINT-HILAIRE: C'est un jugement que vous me demandez de
porter.
M. SAINT-GERMAIN: Non, scientifiquement parlant.
MLLE SAINT-HILAIRE: Ah, scientifiquement parlant, il n'y a rien de
scientifique dans les annonces. Ce sont des moyens de convaincre, tout
simplement.
M. SAINT-GERMAIN: On peut vous annoncer, par exemple, une
céréale, on peut vous annoncer un certain produit et laisser
entendre que c'est une nourriture de qualité pour les enfants.
MLLE SAINT-HILAIRE: Si on parle d'une céréale enrichie
elle contient des protéines, elle contient du fer, elle contient des
vitamines du type B, d'accord; ces nutriments-là y sont. On ne peut pas
les empêcher de dire qu'ils y sont. Deuxièmement, je pense que ce
qu'ils peuvent dire au sujet des vitamines, c'est que ça contribue au
maintien de la santé. C'est à peu près tout ce qu'ils ont
le droit de dire. Ils peuvent peut-être dire que ça vous rend beau
là encore, ça dépend ou que ça va
vous rendre fort; ce sont des termes tellement généraux qu'on ne
peut pas les empêcher de le dire.
M. SAINT-GERMAIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, Mlle Saint-Hilaire, ainsi que toutes
vos compagnes et votre conseiller juridique d'avoir bien voulu répondre
à toutes les questions pendant un bon moment. Merci aussi à tous
les membres de votre corporation.
MLLE SAINT-HILAIRE: Je vous remercie, M. le Président, de nous
avoir accordé tout ce temps-là, et je remercie aussi nos
collègues de la Corporation des diététistes de nous avoir
accompagnés ici cet après-midi, celles qui sont présentes
ou ailleurs.
M. LE PRESIDENT: Merci. Nous entendrons maintenant la Corporation des
conseillers sociaux du Québec.
Avant de donner la parole à la Corporation des conseillers
sociaux du Québec, je voudrais rappeler ce que j'ai dit ce matin au
début des audiences de la commission. J'ai demandé la
collaboration des corporations. Je pense que nous l'avons eue à venir
jusqu'à présent. Je voudrais aussi que chaque membre de la
commission tienne compte du délai ou du temps que nous accordons,
c'est-à-dire les vingt minutes qui sont accordés pour
l'exposé et la période de 40 minutes que nous accordons aussi
pour les questions, afin d'éclaircir certains sujets.
Je demande encore une fois la collaboration de tous les membres de la
commission à ce sujet. Alors, la Corporation des conseillers sociaux du
Québec, si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.
Corporation des conseillers sociaux du
Québec
M. DODIER: M. le Président, MM. les membres de la commission,
j'aimerais vous présenter les personnes qui sont devant vous. En
commençant par mon extrême gauche, M. Réal Maltais, membre
de l'exécutif de la corporation; Mlle Christiane Dion, Mlle Simone
Côté. Les autres font partie aussi des membres de
l'exécutif ou du comité du mémoire. Toujours à ma
gauche, M. Jean-Guy Courcelles, responsable régional du ministère
des Affaires sociales au niveau de la Loi de l'aide sociale dans la
région de Laval et Me Jacques Villeneuve, notre conseiller juridique. A
mon extrême droite, M. André Hamel relationniste à
l'Université de Sherbrooke; M. Roger Painchaud, directeur de la filiale
du comté de Charlevoix du service social et familial du Québec;
Mlle Noëlla Goyet, ex-présidente et directrice intérimaire
du Conseil de développement social de la région La
Nau-dière et enfin moi-même, Reynald Dodier, président de
la corporation et directeur du centre local de services communautaires à
Asbestos.
Connaissant toute l'importance que revêt notre présente
démarche devant cette commis- sion parlementaire, je ne peux passer sous
silence la présence de tout le conseil d'administration de la
corporation, les cinq exécutifs de nos cinq chapitres au niveau de la
province, Montréal, Estrie, Mauricie, Nord-Ouest québécois
et l'Est du Québec et enfin, une très imposante
délégation de membres de la corporation. Je ne peux passer non
plus sous silence un groupe imposant de personnes en formation actuellement au
niveau d'une institution collégiale qui ont insisté pour venir
à la commission parlementaire cet après-midi et qu'on retrouve
dans la galerie de cette salle.
Notre corporation a été incorporée en vertu de la
troisième partie de la Loi des compagnies le 28 janvier 1964. Le 20 juin
1968, elle changeait de nom pour devenir la Corporation des conseillers sociaux
du Québec qui groupe aujourd'hui 742 membres sur une possibilité
d'environ 1,200. Selon une dernière publication de la
Fédération des services sociaux à la famille, en juin
1972, ces 1,200 personnes représentent 65 p.c. des praticiens oeuvrant
dans les agences de service social. La corporation n'ayant pas
été incluse dans le bill 250, les objectifs louables que poursuit
le code des professions motive notre présente démarche.
J'inviterais Mlle Noëlla Goyet à présenter à
la commission parlementaire un résumé du contenu de notre
mémoire.
MLLE GOYET: M. le Président, MM. les membres de la commission,
nous demandons notre intégration pour deux raisons bien précises.
D'abord, il est de première importance d'une corporation professionnelle
contrôle les actes des conseillers sociaux.
Actuellement, la CCSQ a assumé des responsabilités face
aux actes professionnels de ce groupe, et ce dans une perspective qui rejoint
les objectifs du bill 250, à savoir protéger et défendre
l'intérêt du public et surveiller par un code de
déontologie l'exercice de la profession.
Deuxième raison, la CCSQ possède tous les facteurs qui
déterminent, selon les exigences du bill 250, si une corporation peut
être constituée. D'autres corporations ayant une formation du
même niveau que la nôtre sont déjà incluses dans le
bill. J'ouvre ici une parenthèse pour souligner le fait qu'au niveau du
bill 250 on a déjà reconnu l'importance de protéger le
public au niveau des actes posés en service social, en intégrant
la Corporation des travailleurs sociaux professionnels du Québec,
praticiens qui oeuvrent dans le même champ de pratique que le
nôtre.
Pour démontrer le premier énoncé, à savoir
qu'il est important que notre corporation contrôle les actes des
conseillers sociaux et que déjà elle a assumé des
responsabilités, je vous fais une brève description de
l'évolution de notre corporation et de ses principales
réalisations.
Au début, il faut apporter une précision parce que notre
groupe est né d'abord pour répondre au besoin des membres de se
regrou-
per, de se retrouver comme groupe de professionnels. Mais, rapidement,
nous avons évolué vers des intérêts d'ordre
professionnel et l'avènement des syndicats, la syndicalisation dans les
agences, a marqué un point tournant pour notre corporation pour que
vraiment nous nous orientions vers les intérêts et les
préoccupations au niveau de la qualité professionnelle de ses
membres. A l'appui, vous avez dans le mémoire les thèmes de
congrès qui démontrent les préoccupations qui ont
animé notre groupe et aussi nos réalisations.
L'action actuelle de la CCSQ.
Je dégage seulement les grandes lignes au niveau de l'action
continue que nous poursuivons et non pas les actions sporadiques qu'on a pu
faire. D'abord, au niveau de l'admission des membres, notre comité
permanent exerce un contrôle adéquat pour l'admission des membres.
Au niveau de la formation professionnelle, nos actions dans ce domaine ont
toujours visé à assurer la qualité de la formation
professionnelle, ainsi que le perfectionnement professionnel par un
enseignement qui correspond le plus possible aux exigences de notre travail
afin d'assurer ainsi la qualité des actes posés par nos membres.
Au niveau de l'information à nos membres, nous avons maintenu un
bulletin et des communications diverses au cours de chacune des années.
Il y a eu aussi différentes études et recherches sur des
questions relatives à notre champ de pratique.
Réalisations pour assumer la responsabilité face aux actes
posés par nos membres. Il y a eu, d'abord, la recherche sur l'aide
social diplômé et une recherche qui a tenté de cerner les
différents champs d'activité de notre groupe. Il y a eu le code
d'éthique professionnelle pour contrôler l'exercice de la
profession. Il y a l'admission des candidats qui se fait de façon
adéquate. A ce jour, nous avons 82 refus. Il y a ce que je vous
mentionnais tantôt, au niveau de la formation professionnelle.
En juin 1972, la Fédération des services sociaux à
la famille publiait la liste de ses effectifs: 65 p.c. des praticiens en
service social se classent au niveau des conseillers sociaux. De ce nombre, 55
p.c. sont actuellement membre de la CCSQ. Nos adhésions étant
volontaires expliquent le 55 p.c. Les objectifs du bill 250 visant avant tout
la protection et l'intérêt du public, nous croyons qu'il est
primordial que ce groupe de praticiens soit assujetti au code des professions
afin d'assurer des mécanismes de vérification de la
qualité de leurs actions professionnelles. Notre corporation
répond aux exigences du bill 250.
Regardons brièvement les facteurs déterminant si une
corporation doit être constituée et comment notre corporation s'y
situe. Les connaissances requises. Nous avons une formation de niveau
collégial, tout comme les infirmières, les techniciens en
radiologie, les techniciens en diététique et autres. Le
degré d'autonomie. Les activités professionnelles des conseillers
sociaux s'exercent le plus souvent à l'intérieur des cadres d'un
organisme, mais il est responsable de ses actes auprès du client et doit
en répondre à tous les niveaux, comme l'infirmière, le
technicien en radiologie ou autres. Le caractère professionnel des
rapports entre le conseiller social et la clientèle. La nature
même du travail en service social exige ce caractère personnel en
raison de la relation de confiance qui est la base de toutes nos
interventions.
La gravité du préjudice.
Les clients en service social, enfants comme adultes, face à une
situation problématique sont souvent démunis et ne doivent pas
être à la merci de l'ignorance ou de l'irresponsabilité
d'un conseiller social.
Il est évident que la situation elle-même puisse se
prêter à des abus de la part d'un praticien sans compétence
et sans conscience professionnelle. Le caractère confidentiel des
renseignements est la base même de la relation de confiance pour que le
client accepte de confier ses problèmes.
Il est évident que notre corporation se situe au niveau de ces
exigences. La CCSQ, avec les moyens qu'elle s'est donnés à ce
jour, a déjà assumé une responsabilité face aux
actes professionnels posés par ses membres. Elle a aussi reconnu, par
ses actions, la nécessité de protéger le public.
L'intégration au bill 250 lui permettra d'assumer pleinement ses
responsabilités à ce niveau.
En raison des responsabilités sociales importantes
assumées par les conseillers sociaux au niveau de l'intervention
auprès d'individus ou de groupes, nous demandons l'intégration au
bill 250 afin d'assurer la qualité professionnelle des actes qu'ils
posent, de l'améliorer et de la contrôler. Ceci termine notre
représentation, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Monsieur le représentant du ministre.
M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je remercie la Corporation des
conseillers sociaux du Québec d'avoir présenté ce
mémoire. J'aurais deux questions à vous poser. Est-ce que vous
voulez être une corporation à titre d'exercice exlcusif ou
à titre réservé?
MLLE GOYET: Une corporation à titre réservé.
M. FORTIER: Deuxièmement, est-ce que vous pourriez me dire la
différence entre un conseiller social et un travailleur social?
M. COURCELLES: La situation, pour nous, à ce niveau-là est
surtout la suivante: nous sommes face à une situation de fait où,
finalement, nous partageons avec d'autres professionnels un même champ de
pratique, sans qu'il y ait véritablement une différenciation
claire et précise au niveau des actes professionnels. C'est
un problème. Il y a peut-être une façon d'expliquer
ça. c'est de s'en référer à des choses qu'on
observe souvent.
A titre d'exemple, il y a le recrutement de nouveaux praticiens en
service social. Après avoir décrit la fonction et exactement ce
que nous entendons faire à l'intérieur de ce poste, nous
indiquons les exigences de la manière suivante. Nous voulons recruter
quelqu'un qui a d'abord une formation universitaire, mais nous sommes aussi
prêts à accueillir la candidature d'un conseiller social
diplômé, moyennant, de temps en temps, certaines années
d'expérience pertinentes.
Pour nous, la situation est vraiment de partager un même champ
d'activité, un même champ de pratique. Pour les personnes
intéressées je sais que les travailleurs sociaux sont
présents actuellement c'est un problème qui est
actuellement entier. Les tentatives pour faire un peu de lumière sur ce
problème, ne serait-ce que de clarifier, ne serait-ce que d'arriver
à trouver certaines lignes de démarcation entre ce que pourraient
être les actes professionnels des uns et des autres, ont
été des approches très timides. Il n'y a vraiment rien de
précis de fait de ce côté-là.
Quant à nous, nous avons toujours tenu pour acquis que ce n'est
pas possible, pour nous, de trancher seuls cette question. Cela nous
paraît absolument essentiel que cette clarification, qui est, de fait,
nécessaire, se fasse avec tous les intéressés.
L'initiative la plus récente dans ce domaine-là vient par
le biais du ministère de l'Education.
C'est encore à partir de recommandations et de suggestions faites
par notre corporation où depuis quelque temps on a réussi
à réunir autour d'une même table à peu près
tous les corps ou tous les secteurs intéressés par cette
situation, par ce problème. On réunit, d'une part, les
conseillers sociaux, les travailleurs sociaux, des représentants de
certains employeurs et, particulièrement au niveau de la
Fédération des services sociaux à la famille. Les
responsables de la formation professionnelle tant au niveau des CEGEP que des
principales universités du Québec sont également
là. Autour de cette question, il y a à peine actuellement une
amorce vraiment globale. On n'est vraiment pas rendu plus loin. Je pense que
ça aussi est clair.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, j'ai entendu les
applaudissements tantôt quand le député de Gaspé-Sud
a posé sa question. Si les applaudissements sont donnés par les
TSP, cela a une signification; s'ils sont donnés par les. conseillers,
cela a une autre signification. Mais disons que je tiens pour acquis que les
deux groupes ont applaudi, que les deux groupes étaient
intéressés à avoir la réponse. Cela m'amène
à vous poser ma première question: Evidemment, j'admets que les
deux groupes pratiquent dans le vaste champ du secteur social. Dans ce champ,
il y a des établissements. Les services qui sont donnés sont
identifiés à des catégories de personnes. Ils sont
identifiés aussi à des établissements.
Alors, je prends un cas concret. Je vais prendre le cas de l'agence
sociale. L'agence sociale se spécialise. Il y a des agences
spécialisées. Il y a des agences qui ont une vocation plus large.
Dans les agences spécialisées, vous en avez qui s'occupent des
problèmes familiaux. Il y en a qui s'occupent du placement. Il y en a
qui s'occupent du retour à la vie normale. Même une agence peut
s'occuper de différents secteurs.
Alors, je prends un type d'agence qui va s'occuper, supposons, de
l'adoption de l'enfance. Alors, voulez-vous me décrire le rôle du
conseiller social qui travaille dans cette agence par rapport au travailleur
social? Si vous avez un meilleur exemple que celui-là, prenez-le dans un
autre secteur. Je l'ai pris au hasard.
MLLE GOYET: J'ai personnellement travaillé au service de
l'adoption. Je peux vous dire qu'en termes de travail face à des
demandes d'adoption qui sont reçues dans une agence, il n'y a aucune
différence entre le travailleur social et le conseiller social. De sorte
que lorsqu'une demande d'adoption est confiée au conseiller social, il
procède à l'évaluation de la demande. Il va confier
l'enfant lui-même. Il décide s'ils acceptent l'enfant ou pas. Il a
toutes les responsabilités, face à cette demande, de
répondre le plus adéquatement possible, au même titre que
le travailleur social.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les deux rôles vont se limiter
au même endroit ou si un professionnel, par rapport à l'autre,
jugera à propos d'aller plus loin dans son travail?
MLLE GOYET: En adoption, je vois difficilement qu'on puisse aller plus
loin...
M. CLOUTIER (Montmagny): En adoption, non. Bon.
MLLE GOYET: ... que de faire le placement de l'enfant et ensuite de
confirmer par l'adoption légale, de faire un rapport d'adoption à
la cour, jusqu'à ce que la cour prononce son jugement.
Alors, on prend le cas dès le début et on va
jusqu'à la fin. On va jusqu'à la cour.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, prenons un autre secteur avec lequel
tout le monde est assez familier. Prenons celui de l'aide sociale. Vous avez
des gens qui demandent à bénéficier de la loi 26. Mais
pour différentes raisons, pour certains, c'est le chômage, pour
d'autres, ce sont des problèmes familiaux, ou la
séparation. Enfin, il y a toute une série de raisons,
comme la maladie. Dans ces bureaux, il y a des travailleurs sociaux
professionnels et il y a aussi des conseillers sociaux. Alors, à partir
de cet exemple, pouvez-vous nous donner une autre précision?
M. COURCELLES: La situation, à l'aide sociale, est un peu
différente de celle que vous décrivez, c'est-à-dire qu'il
n'y a à peu près pas de travailleurs sociaux. H n'y en a pas du
tout au niveau de l'intervention des cas à cas. Il commence à y
avoir, et c'est quand même un phénomène encore
récent, de plus en plus de conseillers sociaux à ce niveau.
Ce n'est pas, actuellement, un secteur de travail
préférentiel pour les conseillers sociaux. C'est un très
petit nombre de conseillers sociaux qui se trouvent au niveau des services de
l'aide sociale.
Ce qu'il serait peut-être intéressant d'indiquer à
ce niveau, c'est ce qui se passe à l'intérieur du
ministère des Affaires sociales ou dans le plan de carrière
même des agents d'aide sociale au niveau des critères
d'admissibilité, au recrutement de ces agents, etc. On en vient,
actuellement, à indiquer comme question préférentielle le
recrutement de personnes qui ont une formation en assistance sociale.
Parallèlement à cela, à l'intérieur même du
ministère, à l'aide d'un comité d'orientation, où
on est en train de repenser les fonctions spécifiques des agents d'aide
sociale, qui sont, actuellement, assez floues et qui tournent autour de
l'admissibilité à l'aide sociale comme telle. Mais, de plus en
plus, on se dit: Est-ce que les tâches qui sont à être
assumées là se limitent à déterminer si oui ou non,
tu as droit à l'aide sociale pour un tel montant? Si on dépasse
la simple admissibilité à l'aide sociale, on en vient sur un
terrain d'interventions au niveau de certains autres types de problèmes
qui, évidemment, très souvent et la plupart du temps, se relient
à celui de l'aide sociale. Cette orientation qui est donnée,
actuellement, au niveau de l'aide sociale, c'est clair, dans l'esprit de ceux,
en tout cas, qui travaillent dans une orientation, que c'est un
développement, à l'intérieur de la fonction d'agent d'aide
sociale, qui devra être réservé à des gens qui ont
la formation pour assumer ces nouvelles tâches d'agent d'aide
sociale.
Concernant l'adoption, voici peut-être deux renseignements qui
s'ajouteraient à ce qui a été dit tantôt. Ce sont
des résultats d'une étude qui a été faite et dont
le rapport a été publié en 1968, où on trouvait 13
p.c. des membres de la corporation des conseillers sociaux à
l'intérieur des services d'adoption, et à l'aide d'un
questionnaire qui avait été orienté à la fois
auprès des conseillers sociaux, des travailleurs sociaux et des
employeurs. Quand on pense aux employeurs, chez nous, on pense surtout aux
employeurs travailleurs sociaux aussi. Au niveau des réponses à
ce questionnaire, on s'est aperçu que unanimement, les trois
étaient d'accord à reconnaître les habilités du
conseiller social pour oeuvrer au niveau de ces services d'adoption.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez mentionné un pourcentage, soit
13 p.c. qui travaillent dans le secteur de l'adoption. Avez-vous d'autres
statistiques pour la majorité de vos effectifs, à savoir dans
quel milieu ils oeuvrent?
M. COURCELLES: Je vous rappelle que ce sont des chiffres
déjà publiés en 1968.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'avez pas de statistique plus
récentes. Parce que les CEGEP en ont formé et en forment
beaucoup. Il serait intéressant de savoir le secteur dans lequel ils se
dirigent maintenant.
M. COURCELLES: Mais on n'a pas l'impression, au niveau des proportions,
que cela ait tellement changé ou que cela ait tellement
été modifié. Mais on peut assez facilement dire que 75
p.c. de nos membres se retrouvent dans des agences de service social.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelles sont vos relations avec la Corporation
des travailleurs sociaux professionnels? Qu'indique le baromètre? Est-ce
comme le temps? Y a-t-il des journées meilleures que d'autres? Parce que
vous êtes en contact, dans tous les secteurs où vous oeuvrez, avec
des travailleurs sociaux professionnels. Alors comment cela va-t-il? Sur le
plan individuel, vous n'avez pas besoin de répondre à ma
question, je sais qu'il n'y a pas de problème. Mais sur le plan
collectif?
M. PAINCHAUD: Sur le plan collectif, il y a eu dans le passé et
à venir jusqu'à cette année, certaines tentatives de
rencontres, certaines tentatives de discussions, pour essayer d'aborder les
questions, justement, de partage de responsabilités, dans le champ du
travail. Ces rencontres n'ont pas abouti à des discussions qui ont fait
progresser.
Quand on parle du baromètre, on pourrait peut-être dire
qu'il est au centre ou qu'il est en bas, on ne le sait pas. Il n'y a pas de
communications, en tout cas, qui nous permettent de dire si le baromètre
est bon.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, avez-vous autre chose à
ajouter?
M. DODIER: Nous pourrions peut-être apporter la précision
suivante. Au niveau des individus, on pourrait dire que la relation est
excellente, mais, quand on est au niveau des groupes, elle devient un peu plus
tendue en raison des problèmes qu'on exposait tout à l'heure
quand au partage et à la définition des tâches à
accomplir dans le même champ de pratique.
M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que votre profession est
relativement jeune par rapport à d'autres professions comme la
médecine ou le droit, étant donné également que les
CEGEP maintenant en forment en assez grande quantité... Je ne sais pas
le nombre...
M. DODIER: Je peux vous préciser tout de suite le nombre. Au
niveau de la formation dans les trois années du cours, il y a 1,200
élèves, pour amener une production de 400 qui entrent sur le
marché du travail annuellement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une fois que ces diplômés sont
entrés sur le marché du travail, est-ce que, dans plusieurs cas,
ils constatent qu'ils doivent continuer des études pour atteindre le
niveau universitaire, étant donné qu'ils ont pris conscience de
la dimension de certains problèmes dans le domaine social?
Est-ce qu'ils sentent le besoin d'aller à l'université, de
continuer pour avoir le degré universitaire de TSP ou si, de
façon générale, vous êtes satisfaits de la formation
que vous avez pour les tâches de plus en plus complexes que vous
êtes appelés à assumer dans le secteur social?
M. HAMEL: Même en étant très jeunes, je pense que
nous avons senti le besoin de pousser davantage notre formation. Ce qui fait
que nous avons accepté presque d'emblée de faire un certain
recyclage au niveau du CEGEP ou du collège.
Cette année, depuis septembre, l'Université de Sherbrooke,
toujours à l'avant-garde, a mis au point un programme de
perfectionnement qui éventuellement donnera une formation de niveau
universitaire à tous ceux qui travaillent actuellement en service social
et qui sont des conseillers sociaux. Cela se donne dans le cadre de
l'éducation permanente, ce qui fait que, depuis presque le début,
nous sommes constamment en évolution dans tout le sens du mot.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les méthodes de formation
chez vous sont les mêmes que celles employés au niveau
universitaire? Si je ne m'abuse, au niveau universitaire, les travailleurs
sociaux professionnels font un stage pratique du moins à
Sherbrooke à travers leurs études. Je pense que c'est
trois mois de théorie, trois mois dans le champ pratique, etc. Est-ce le
même cas pour votre formation?
M. PAINCHAUD: C'est la même chose.
M. CLOUTIER (Montmagny): On vous envoie dans un milieu de votre choix ou
si on vous désigne l'endroit de votre travail?
M. DODIER: De préférence, dans un milieu où
l'élève a choisi d'aller oeuvrer. Etant donné le grand
nombre d'étudiants, au niveau de la formation, et le peu de
disponibilité des lieux de stage, parfois des étudiants sont
obligés d'aller dans des milieux autres que ceux qu'ils auraient
choisis. Quand même, ils vont faire sur le terrain l'expérience
pratique de ce qu'ils ont appris en théorie.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez pris connaissance de l'article 21 de
la loi qui donne les critères pour la formation d'une corporation
professionnelle. Vous demandez d'être reconnus à titre
réservé. Est-ce que tous ces critères, vous êtes
assurés qu'ils s'appliqueraient à votre groupe professionnel.
Quant au secret professionnel, quant aux dommages au public, à la
protection du public, etc?
MLLE GOYET: Nous sommes vraiment assurés que tous ces points
s'appliquent à notre groupe professionnel. D'ailleurs, notre code
d'éthique professionnelle, que nous avons depuis 1970, avait
déjà prévu la question de la confidentialité, par
exemple, la question du préjudice, les différents points qui sont
touchés au niveau des exigences du bill 250 pour déterminer si
une corporation, oui ou non, peut être constituée au niveau du
code des professions.
Le degré d'autonomie? Vous retrouvez au niveau du code
d'éthique: "Le conseiller social doit être capable de s'adapter
aux situations, de se regarder agir, de reconnaître ses erreurs et ses
limites, tout comme il doit être conscient de ses possibilités,
dans le sens qu'il doit être conscient du rôle qu'il a à
jouer vis-à-vis de l'individu.
Il doit en être conscient pour accepter les responsabilités
qui...
M. DODIER: Pour s'en tenir aux exigences de la commission parlementaire,
nous avons présenté tout à l'heure un résumé
assez bref du mémoire. Mais dans notre mémoire, des pages 12
à 22, vous trouverez en détail des réponses à la
question précise que vous venez de poser.
M. CLOUTIER (Montmagny): En lisant le mémoire en diagonale, j'ai
eu l'impression que vous n'aviez pas apporté autant d'attention à
tous les critères. Certains critères ne sont peut-être pas
aussi évidents que d'autres, et c'est sur ceux-là que le
législateur devra se poser des questions. Alors, disons que sur ce point
je suis satisfait de votre réponse. J'ai une autre question à
vous poser mais j'y reviendrai après que les autres parlementaires
auront posé les leurs.
MLLE GOYET: Si vous permettez, je voudrais préciser que le
problème central, la distinction entre les travailleurs sociaux et les
conseillers sociaux, se situe vraiment dans une perspective d'évolution
de la profession. Si vous me le permettez, je vais vous faire une
brève
description de cette évolution. Comment nous sommes nés
d'abord. Parce qu'il n'y avait pas suffisamment en service social de
travailleurs sociaux on a engagé pour collaborer avec eux des gens qui
n'étaient pas formés pour les aider. Ces gens non formés
qui travaillaient en service social ont senti à un moment donné
le besoin d'aller se former. C'est ainsi que sont nées les écoles
d'aide sociale, comme on les appelait dans le temps. A partir de ces gens qui
ont eu une formation aux écoles d'aide sociale, le regroupement sur le
plan professionnel s'est fait dans l'Association des aides sociaux
diplômés du Québec, à ce moment-là.
A partir de cette association, nous avons voulu développer
davantage notre formation, nous donner une formation de plus en plus
adéquate au niveau des responsabilités qui nous étaient
distribuées dans les agences de service social. A partir de ce
moment-là, nous aussi avons évolué au même rythme
que la profession de service social. Si on regarde la profession de service
social depuis cinq ou six ans, depuis dix ans, on se rend compte que ça
évolue continuellement. Alors ça souligne le problème de
distinguer les champs de pratique, parce qu'il s'en ajoute; ça
s'accumule toujours. Jamais ensemble on s'est assis autour d'une même
table, tous les intéressés, pour se poser des questions, puis
dire ce que sera le rôle des conseillers sociaux, le rôle des
travailleurs sociaux. A chaque fois qu'on a tenté de le faire,
ç'a avorté ou ç'a été très difficile.
C'est toujours resté flou et on a continué à
évoluer avec la profession elle-même.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je reviendrai, M. le Président.
M. PAUL: Sur le point de règlement, M. le Président,
est-ce que vous pourriez nous dire combien de travailleurs sociaux auraient
été engagés comme ça, sans avoir la
scolarité ou la préparation nécessaire pour travailler
dans le milieu social?
MLLE GOYET: Peut-être que quelqu'un qui y était au tout
début pourrait répondre.
M. DODIER: Vous référez-vous au moment où les
travailleurs sociaux professionnels ont décidé qu'ils avaient
trop d'ouvrage, qu'ils ne suffisaient pas à la tâche et qu'ils ont
décidé d'aller chercher d'autres personnes?
M. PAUL: Quand on a décidé de faire un recrutement massif,
sans s'occuper de la préparation de ces gens-là.
M. DODIER: Vous voulez savoir le nombre ce que ça
représente?
M. PAUL: Oui.
M. DODIER: Je ne peux certainement pas vous répondre à ce
moment-ci. Si vous vous reportez à dix, douze ans en arrière,
même plus, le chiffre exact, le nombre exact, même approximatif, ce
serait difficile de vous le dire à ce moment-ci.
M. PAUL: Est-ce qu'il n'y aurait pas eu un recrutement assez massif il y
a environ deux ans?
M. COURCELLES: II y en a un autre qui est peut-être à
signaler à ce niveau-ci, c'est que ces gens n'ayant pas de formation ont
été invités à travailler dans le domaine du service
social. La Corporation des travailleurs sociaux pourra nous corriger parce
qu'elle nous suit à cette commission.
Cela s'est même fait avant l'engagement des travailleurs sociaux.
Lorsqu'on fait l'historique de notre arrivée et de notre naissance,
c'est un historique qui ressemble beaucoup à celui des travailleurs
sociaux professionnels. A la naissance du service social, il faut se rappeler
que c'était du bénévolat et que c'était des bonnes
oeuvres, des bonnes âmes, etc., et que tout cela s'est
professionnalisé. Le phénomène que nous signalons pour ce
qui nous touche dans le phénomène historique est sensiblement le
même que pour celui des travailleurs sociaux. Il y a dix ans, par
exemple, sur l'ensemble du personnel d'un service social, il y avait un
pourcentage très minime de gens ayant une formation en service social.
Il y en a de moins en moins parce qu'on produit un plus grand nombre de
travailleurs sociaux dans les universités, un plus grand nombre de
conseillers sociaux au niveau des CEGEP. Actuellement, il se fait relativement
peu d'engagement de gens non formés dans les services sociaux. Mais il y
a dix ou quinze ans, l'ensemble des gens qui étaient engagés dans
les services sociaux étaient des gens sans formation.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Le député de
Dorchester.
M. GUAY: II semble y avoir quand même en pratique assez peu de
différence marquée entre le conseiller social et le travailleur
social. Vous partagez actuellement en grande partie la même
clientèle, vous semblez dans bien des cas offrir les mêmes
services. Est-il par conséquent possible d'établir deux champs de
pratique bien distincts, bien définis sous les deux noms qui existent:
travailleur social et conseiller social, sans chevauchement, j'entends?
M. DODIER : Pour répondre à cette question, disons qu'il
serait possible de le faire mais nous nous disons que nous ne pouvons le faire
seuls. Nous devons le faire avec ceux qui oeuvrent dans le même champ de
pratique. Tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas capable de s'asseoir autour
d'une même table et de cerner le problème, d'en discuter et d'en
arriver à des conclusions, je pense qu'il sera difficile de le faire.
Mais la chose est possible.
M. GUAY: Est-ce que vous avez déjà pensé... M.
DODIER: Un instant.
M. PAINCHAUD: La chose peut être possible à plus longue
haleine aussi parce que, comme il a été dit tout à
l'heure, si on se rapporte aux chiffres qui ont été
donnés, 65 p.c. des effectifs dans les agences de service social sont
comblés par les conseillers sociaux qui occupent des champs de pratique
dans le secteur qu'on appelle généralement famille-enfance,
secteur de travail qui est en relation avec les problèmes familiaux: le
placement d'enfants, l'évaluation et le recrutement des foyers
nourriciers, l'adoption, les personnes âgées. Disons que s'asseoir
demain matin et essayer de définir quel sera le champ de pratique de
l'un par rapport à l'autre, cela me parait assez difficile. Mais je
pense qu'à plus long terme il y a des possibilités parce que le
champ de pratique du service social s'élargit constamment et il y a des
domaines où une formation plus poussée, une formation
académique sera davantage réservée aux travailleurs
sociaux. Cela serait normal, au fond.
M. GUAY: Est-ce que vous avez déjà envisagé la
possibilité de fusionner les deux groupes?
M. PAINCHAUD: C'est une possibilité qui a déjà
été envisagée, du moins à notre niveau.
M. PAUL : II est fort sur la fusion.
M. GUAY: A entendre ces propos, cela semblerait beaucoup plus facile. En
ce qui concerne la formation, il y a très peu de différence entre
les deux groupes, sauf qu'il y a une orientation un peu différente. Ce
qu'on voyait auparavant, avant l'explication du conseiller social et du
travailleur social, c'est que le conseiller semblait être quelqu'un qui
donnait des conseils et le travailleur beaucoup plus un exécutant. Dans
l'esprit de tout le monde, c'est un peu ce qui se passait. On fait la
lumière aujourd'hui, et j'en suis ravi.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Je dois tout de même vous faire
part du fait que ce n'est pas la tradition dans les commissions parlementaires
de manifester de quelque façon que ce soit. Je l'ai toléré
la première fois, mais je me crois obligé maintenant de
vous...
M. PAUL: Lorsque nous avons entendu le mémoire des
optométristes, il y a eu des réactions dans la salle, et cela
vous a fait plaisir.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Oui, mais je n'avais pas les
mêmes responsabilités.
M. le député de Dorchester.
M. DODIER: Le député du comté de Dor- chester a
signifié dès l'énoncé de sa question que, à
son avis, il n'existait pas de différence au niveau de la formation des
conseillers sociaux et des travailleurs sociaux. Je suis obligé de
corriger, il en existe une; les travailleurs sociaux ont une formation de
niveau universitaire et les conseillers sociaux ont une formation de niveau
collégial.
M. GUAY: D'accord, c'est une mise au point. Remarquez bien que je n'ai
pas dit ça malicieusement.
M. DODIER: Non, je n'ai aucun doute à cet égard.
M. GUAY: Quel est le contrôle de la corporation que vous
représentez envers ses membres? Ici, je parle de conseillers sociaux en
tant qu'individus, conseils autonomes, puisque vous définissez les trois
genres de conseillers sociaux qui existent.
MLLE GOYET: Le contrôle qu'on peut exercer présentement
comme corporation, c'est beaucoup plus un contrôle moral; parce que nos
adhésions étant volontaires et n'ayant pas un champ d'exercice
réservé avec des mécanismes légaux pour faire
appliquer quoi que ce soit, c'est vraiment des pressions morales qui peuvent
s'exercer à ce moment-là au niveau d'un manquement.
M. GUAY: En fait, la corporation n'a pas la possibilité d'aller
jusqu'à retirer le droit de pratique pour un conseiller social
actuellement.
M. DODIER: Non, parce que l'employeur n'exige pas nécessairement
non plus que l'employé soit membre d'une corporation.
M. GUAY: Advenant le cas où vous seriez exaucés dans vos
demandes ce que nous souhaitons à la commission parlementaire
est-ce que ce contrôle sur les membres serait désormais
possible?
M. DODIER: Parlez-vous au niveau de la pratique?
M. GUAY: Oui, au niveau de la pratique.
M. DODIER: Au niveau de la pratique. Etant donné qu'on demande
notre intégration au niveau du titre réservé, il est
évident que nous ne pouvons contrôler la pratique. Au niveau des
actes qui seront posés à ce moment-là, il restera que
notre corporation pourra jouer le même rôle qu'elle joue
actuellement face aux actes qui seront posés en vue de la protection du
public.
M. PAINCHAUD: Je pense aussi que ça deviendrait davantage
possible en incitant des employeurs afin qu'ils exigent autant que possi-
ble que les personnes employées dans le champ du service social,
soient membres d'une corporation et que cette corporation puisse
contrôler les actes des employés ou des membres de la
corporation.
M.GUAY: Remarquez que je ne veux pas par là minimiser le travail
du conseiller social, loin de là. Si j'ai posé ces questions,
c'est dans le but de meubler mon esprit. Merci.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Bourget.
M. LAURIN: II ressort jusqu'ici de vos réponses que les
travailleurs sociaux et les conseillers sociaux travaillent dans un champ
où la moisson des problèmes est très abondante et
où les ouvriers sont encore trop peu nombreux. Je pense qu'il s'agit de
rationaliser ou d'optimaliser la dispensation des services. A cet égard,
il faut quand même s'intéresser à votre formation
réciproque.
Avant que vous ne soyez constitués en corporation, quelle
était le genre de formation que vous receviez dans ces écoles
d'aide sociale? Quel était le degré de scolarité
exigé, quelle était la longueur du cours? J'ai connu de ces
écoles d'aide sociale. Quels étaient les prérequis? Est-ce
qu'on exigeait une neuvième, une dixième ou une onzième
année? Quelle était la longueur du cours?
M. PAINCHAUD: Quant aux prérequis, à l'école
où je suis allé, dans le temps, ils étaient une
douzième année et ensuite, le cours était de deux ans.
M. LAURIN: Donc...
M. DODIER: Le cours pouvait être différent suivant les
écoles. A un moment donné, après une expérience,
elles en sont venues à faire un consensus assez complet au niveau des
admissions ou des conditions d'admission face au cours qui était
donné à ce moment-là. Dans les trois écoles
reconnues, il y avait Sherbrooke, Montréal et Trois-Rivières, on
exigeait une formation complète au niveau secondaire, ensuite, le cours,
qui pouvait être échelonné... A Trois-Rivières, il
était de deux ans, et à Sherbrooke, par exemple, il était
de trois ans en raison de modalités différentes pour la poursuite
ou le fait que les gens qui suivaient les cours également étaient
déjà dans la pratique.
Une différence également existait au niveau d'une
école; celle de Sherbrooke, en plus, était reconnue par
l'Université de Sherbrooke au niveau de la faculté des arts.
M. LAURIN: Peut-on dire que tous les conseillers sociaux qui font
actuellement partie de votre corporation ont reçu au moins quatorze
années de scolarité?
M. DODIER: Je ne peux pas dire tous, mais je pourrais dire que la
très forte majorité et j'irais jusqu'à dire que 95 p.c. et
même plus ont reçu au moins quatorze ans de formation
scolaire.
MLLE GOYET: A ce niveau, il faut peut-être préciser qu'avec
la venue des CEGEP la Corporation des conseillers sociaux a incité
fortement ses membres à se recycler, ce qui a été fait, en
majorité, au niveau du recyclage au CEGEP. On peut dire, sans se tromper
que 85 p.c. des membres l'ont fait.
M. LAURIN: 85 p.c?
MLLE GOYET: 85 p.c. des membres l'on fait.
M. LAURIN: Et les autres 15 p.c?
MLLE GOYET: II y a une chose qu'on ne peut pas préciser
aujourd'hui concernant les membres qui sont présentement dans la
pratique, parce que le recyclage se fait sur un échelonnage
donné; ce n'est pas fait seulement à partir d'une année.
Donc, 85 p.c. de ceux qui étaient dans des écoles d'aide sociale,
à ce moment-là, l'ont fait.
M. LAURIN: Donc, on peut dire que la grande majorité, pour ne pas
dire la totalité des conseillers sociaux, a eu quatorze années de
scolarité et que ceux qui ne l'ont pas eu l'auront par les cours de
rattrapage ou de recyclage organisés par l'Université de
Sherbrooke.
M. DODIER: C'est-à-dire que l'Université de Sherbrooke va
plus loin. Les exigences de l'Université de Sherbrooke pour la poursuite
d'une formation, c'est la formation déjà complète au
niveau du collégial. Pour préciser davantage la première
question, notre corporation a également souligné l'importance que
les membres qui oeuvrent dans la pratique en n'ayant pas toute la formation
requise la reçoivent. Lors d'un congrès, l'assemblée
générale avait adopté, une nouvelle norme d'admission,
à savoir qu'une catégorie de membres actifs devenait un
catégorie de membres actifs étudiants, à condition qu'ils
soient inscrits à un cours de formation pour compléter celui qui
n'était pas complet. Ils étaient membres de la corporation tant
et aussi longtemps qu'ils restaient inscrits à des cours pour finir leur
formation.
Au moment où elle était terminée, ils devenaient,
au même titre qu'un autre, membres actifs. C'est pour préciser
jusqu'à quel point nous avions le souci de voir à ce que les
membres soient bien formés et capables de poser les actes dans la
pratique.
M. LAURIN: Faut-il en conclure que ce
travail de recyclage ou de formation additionnelle est exigé de
vos membres par votre corporation?
M. DODIER: II a été fortement exigé lors de la
venue du cours collégial. La corporation, à ce moment-là,
y a abondé à 100 p.c. et a même préconisé des
méthodes ou des moyens, puisque ces gens-là, tout en suivant des
cours, oeuvraient également au niveau de la pratique. Il y avait une
composante à trouver pour respecter, à la fois, le fait que
c'était une personne qui travaillait et également une personne
qui étudiait.
La corporation, poussée par un désir ardent de ses
membres, a abondé dans le même sens.
M. LAURIN: On peut donc dire que tous les conseillers sociaux ont une
scolarité de quatorze années, plus une sorte de formation
professionnelle variable selon chacun et qui est surtout faite
d'expérience de travail dans des centres.
M. DODIER: Oui.
M. LAURIN: Est-ce la réalité?
M. DODIER: Oui, puisque, dans nos normes d'admission, les
critères, au niveau de la corporation, sont d'abord l'acquisition d'un
diplôme officiel du collège au niveau de la formation en
assistance sociale ou l'équivalent de cette formation-là. Cette
équivalance est établie par une institution d'enseignement, et
non par nous, pour vérifier jusqu'à quel point les cours
reçus par cette personne-là correspondent à celui qui
existe actuellement.
Une fois que ces critères sont admis au niveau de la formation,
le membre est admis.
M. PAINCHAUD: II y aurait peut-être à préciser aussi
qu'une fois le cours terminé, le conseiller social, qui entre sur le
marché du travail, travaille sous la supervision d'une personne
d'expérience pendant près de trois, quatre ou cinq ans, selon le
cas. On dit, normalement, qu'une personne devient autonome après trois
ans ou cinq ans.
M. LAURIN: Jusqu'à quel point, actuellement, les actes sociaux
que vous posez, étant donné que la majeure partie d'entre vous
oeuvrez dans des agences, sont-ils contrôlés ou surveillés
par des travailleurs sociaux professionnels ou sous la direction de
travailleurs sociaux professionnels?
M. PAINCHAUD: Dans certaines agences, je ne pourrais pas dire le nombre,
vous avez des travailleurs sociaux professionnels qui sont superviseurs
consultants, et il y a également des conseillers sociaux qui ont atteint
l'expérience requise, qui sont également des superviseurs
consultants.
M. LAURIN: Est-ce que se posent des problèmes
d'émancipation de crise d'adolescence où les conseillers sociaux
demandent d'oeuvrer de leur propre chef sans surveillance sinon par celle de
leurs propres membres, de leur propre corporation?
M. PAINCHAUD: A ma connaissance, cela n'a pas causé encore de
problème. C'est comme je vous disais tout à l'heure, après
un certain nombre d'années, il y a l'émancipation. La personne
devient autonome. Il y a déjà des conseillers sociaux qui sont
superviseurs eux-mêmes. Cela n'a pas créé de conflit
à venir jusqu'à maintenant à l'intérieur des
agences, pas à ma connaissance.
M. COURCELLES: II faudrait peut-être préciser que la
supervision en service social est un processus normal, habituel et
généralisé. C'est un processus qui vaut autant,
actuellement, pour les travailleurs sociaux que pour les conseillers sociaux.
La supervision est vue comme étant un processus dans la pratique de la
profession.
M. LAURIN: Bon. Essayons de pousser un peu plus loin. Dans la
répartition des champs qui, pour la plupart, chevauchent, selon votre
mémoire, est-ce qu'il y a des actes que vous-même estimez ne pas
pouvoir être posés par vous et ne pouvoir être posés
que par les travailleurs sociaux professionnels? Est-ce qu'il y en a? Si oui,
est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples?
MLLE GOYET: II y a un aspect en service social où vraiment les
conseillers sociaux ne sont vraiment pas aptes. C'est l'aspect recherche. Je
crois que nous n'avons aucune préparation, aucune formation qui nous
permette d'entreprendre des recherches. On peut collaborer à des
recherches. Mais piloter des projets de recherche, comme professionnels, je
pense qu'on n'a pas la formation voulue. Par contre, au niveau d'autres actes
sociaux, comme vous les appelez, je pense que c'est assez difficile de
préciser parce qu'on se rend compte que la tendance est qu'au fur et
à mesure que le conseiller social prend de l'expérience dans une
agence, au fur et à mesure des responsabilités lui sont
confiées. Alors, c'est ça qui fait vous parliez
tantôt de crise d'émancipation qu'il n'y a pas de crise
d'émancipation qui se fait sentir parce qu'au fur et à mesure que
l'expérience vient, on lui confie de plus en plus de
responsabilités.
M. LAURIN: Je vais alors vous poser une question: A quoi servent les
trois années universitaires que font les travailleurs sociaux? Cela les
prépare à faire quoi? Est-ce que cela les prépare à
faire la même gamme d'activités que vous faites mais d'une autre
façon, ou d'autres activités que vous ne pouvez pas faire?
M. PAINCHAUD: Bien, il y a peut-être une question de fait à
signaler actuellement. Dans les agences, on retrouve la majorité du
personnel de cadre qui sont des travailleurs sociaux. Au niveau du personnel
superviseur, c'est supérieur en nombre à celui des conseillers
sociaux. Vous avez, disons, certaines tendances, dans la pratique, qui semblent
se dessiner actuellement. Ce n'est pas à 100 p.c., peut-être
même pas à 60 p.c. Je ne peux pas avancer de chiffre. C'est qu'au
niveau de la thérapie conjugale, comme telle, par exemple, il semble se
dessiner davantage un champ de pratique des travailleurs sociaux, à mon
expérience personnelle.
M. LAURIN: Maintenant, vous avez parlé de problèmes et
quand on vous a posé des questions, cela ne semblait pas être
très précis comme problème. Sur quoi ont achoppé
les négociations que vous avez tenté d'entreprendre avec les
travailleurs sociaux? Sur quels problèmes, sur quels obstacles?
MLLE GOYET: Je pense que Jean-Guy pourrait répondre au sujet
d'une expérience, une tentative qui avait été faite.
M. COURCELLES: Vous parlez de rapprochement des deux corporations?
M. LAURIN: Oui. Les discussions que vous avez tenté d'amorcer,
sur quoi ont-elles buté, achoppé?
M. COURCELLES: Pour préciser, disons qu'à ce
moment-là, la personne qui pourrait le faire, ce serait celle du temps
où cela s'est vécu plus pertinemment. Je demanderais
peut-être à M. Hamel de répondre à cette
question.
M. HAMEL: II y avait eu des amorces officieuses et très
limitées. Je suis dans l'obligation, malheureusement, de vous signaler
que, quelque temps après, au moment où nous avons demandé
notre changement de nom, en vertu de la troisième partie de la Loi des
compagnies, nous avons reçu une injonction interlocutoire et permanente
nous demandant de ne point utiliser ce titre. La Corporation des travailleurs
sociaux a été dans l'obligation de se désister. Comme vous
voyez, les relations deviennent difficiles, après de tels gestes.
M. LAURIN: Mais pour préciser davantage, les difficultés,
est-ce que c'est sur la répartition des champs d'activités ou sur
la demande de supervision faite par la Corporation des travailleurs sociaux
professionnels, ou sur la capacité de tenir des postes de cadre? Est-ce
que c'est sur des points comme ceux-là que la discussion a
achoppé, à part les procédures judiciaires dont vous
parlez, qui sont souvent la conséquence ou le reflet d'un
baromètre qui est à la baisse?
M. DODIER: Je pense que ce qui est assez difficile, c'est de faire des
lignes de démarcation quant aux champs de pratique. Je pense que c'est
ce qui est difficile à faire, autant pour l'un que pour l'autre. Ce
n'est pas une question que le climat est tellement tendu qu'il n'est pas
possible de se regarder. Ce n'est pas dans ce sens. C'est surtout dans le sens
qu'il est extrêmement difficile de faire cette ligne de
démarcation. C'est cela.
M. COURCELLES: Mais le problème lui-même n'a jamais pu,
finalement, être vraiment poussé un peu loin. Le dernier
avortement vous parlez d'avortement était au fond banal
parce que, grâce à l'initiative de la Fédération des
services sociaux à la famille, il y a eu des rencontres où tout
le monde a été impliqué et tout le monde était
désireux de s'attaquer à ce phénomène et de pousser
des recherches, de faire les études nécessaires et d'arriver
à quelque chose. Le blocage s'est situé sur le plan financier.
Aussitôt qu'on aborde le problème, on s'aperçoit qu'on est
en face de quelque chose de monumental, qui nécessite des recherches
très sérieuses, qu'on doit faire appel à l'utilisation de
spécialistes, etc.
Le plus bel avortement, qui date d'à peu près deux ans, en
a été un d'incapacité financière, parce que les
organismes impliqués n'étaient pas en mesure d'assumer le
financement du travail qu'il fallait entreprendre. Je peux vous situer des
rencontres, dans des sous-sols, de l'agent de service social aux familles,
à Montréal, ou dans les locaux de l'Université de
Sherbrooke, à Sherbrooke, où les gens ont été
bloqués par cela et où des projets qui avaient été
bien envisagés ont dû simplement être abandonnés en
plan.
C'est à ce genre d'initiatives que je me référais
tantôt, quand je disais qu'actuellement ce problème est repris par
l'initiative du ministère de l'Education. Les avortements qui sont
arrivés dans le passé l'ont été parce qu'on voulait
probablement trop envisager le problème globalement. On semble
s'entendre actuellement pour peut-être prendre cette situation
pièce par pièce. On a rapetissé la dimension de
déclarification qu'on veut faire actuellement. Il y a des grosses
chances que l'initiative actuelle se poursuive et donne, pour une
première fois, des résultats à ce niveau.
M. LAURIN: Une dernière question. Est-ce que l'échelle des
salaires des conseillers sociaux et des travailleurs sociaux professionnels est
très différente? Y a-t-il une grande différence entre les
échelles des salaires?
M. DODIER: Cela dépend de ce que vous entendez par grande. Pour
moi, cela veut dire certaines choses et pour vous, c'est peut-être autre
chose. A ce jour, une grande différence, je ne sais pas, d'autres, plus
précisément, peuvent peut-être l'apporter.
M. LAURIN: En termes de pourcentage: 20 p.c, 10 p.c., 30 p.c?
M. DODIER: Peut-être $1,500 environ au niveau de la base.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: C'est un peu dans le même sens. Tantôt vous avez
mentionné, au sujet du partage des activités entre les
travailleurs sociaux et votre organisme, que ça serait peut-être
possible. Je voudrais vous demander ceci. Est-ce que c'est vraiment le fond de
votre pensée ou si votre opinion serait plutôt que ce serait plus
avantageux s'il y avait seulement un organisme qui permettrait d'éviter
l'éparpillement des énergies, obtenir un meilleur contrôle
de la qualité et de la formation des membres? En vertu du bill 250, si
on voit arriver deux organismes comme les vôtres et que vous nous dites
que ce serait peut-être possible, qu'il va falloir faire des discussions,
comment voulez-vous que le gouvernement lui-même, en vertu de ce bill,
puisse légiférer, essayer d'avoir une reconnaissance quelconque
tant qu'il n'y aura pas eu une entente entre les deux?
Est-ce que vous croyez que vos énergies devraient se
dépenser à essayer de délimiter des champs
d'activité des deux ou si, d'après vous, ça serait
préférable de dépenser ces mêmes énergies
à essayer de vous regrouper, quitte à changer le nombre
d'années de formation pour arriver à un moyen terme entre les
deux, de façon à travailler ensemble ou faire un seul
organisme?
M. COURCELLES: Votre question a deux sens, elle nécessite deux
réponses. La première c'est que nous, si nous nous en
référons à des recommandations approuvées lors de
congrès, il n'y a aucun doute. Des recommandations ont
déjà été retenues et des mandats ont
déjà été donnés à nos
exécutifs de faire des rapprochements avec la Corporation des
travailleurs sociaux professionnels visant une fusion éventuelle.
Donc, à ce niveau, et si on s'en reporte à ces
recommandations, je pense qu'on peut dire que nous n'avons au départ
aucune espèce d'objection à une action qui aboutirait là.
Mais même à l'intérieur d'une action qui s'appellerait
fusion, regroupement, etc., il reste que le problème de
différencier les actes professionnels ou les champs d'activité
demeure. Que ça se fasse à l'intérieur ou à
l'extérieur d'un regroupement, c'est un problème qui en
lui-même appelle un travail et des solutions éventuelles.
M. PEARSON: Vous dites que même si vous vous regroupez,
automatiquement, malgré ça, vous seriez obligés de
travailler à une délimitation des champs d'activité des
deux groupes?
M. COURCELLES: Oui, à moins que l'approche du problème
aboutisse à une conclusion rapide à l'effet qu'il n'y a pas de
différence.
Mais, si ce n'est pas l'orientation qui est prise, il va falloir trouver
des éléments de solutions.
M. PEARSON: Mais d'après ce que vous nous avez dit tout le long
de l'après-midi, il ne semble pas d'après vous qu'il y ait une
grande différence dans les champs d'activités.
M. COURCELLES: Par ailleurs il y a des admissions qui se font de notre
part qu'il peut y avoir des différences et je pense que tantôt on
en a signalé une.
M. PEARSON: Disons, si j'ai bien compris, que vous désirez
vos congrès le disent qu'il y ait une fusion ou un seul et
même organisme, ou à peu près. D'après vous est-ce
que les travailleurs sociaux et ces organismes le désirent, ou si ce
sont eux qui refusent?
M. COURCELLES: Vous allez les entendre tantôt.
M. PEARSON: Votre impression; pas une certitude, mais votre
impression.
M. COURCELLES: Nous l'ignorons vraiment.
M. PEARSON: Mais l'injonction, c'est une invitation ou...
M. HAMEL: C'est une invitation à retarder un peu.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais une question que j'avais
réservée pour la fin. Nous avons eu une représentation,
devant la commission parlementaire d'un groupe au sujet des techniciens
professionnels finissants de CEGEP. Dans un mémoire on nous a dit qu'il
y aurait environ 99,000 étudiants au niveau du CEGEP qui allaient
déboucher sur les professions. On a proposé un grand regroupement
avec des sections de techniques médicales, techniques administratives,
techniques humaines. Qu'est-ce que vous pensez d'un genre de corporation comme
celle-là?
Nous aurions pu poser la question à d'autres qui sont venus plus
tôt, mais nous la posons à vous. Que pensez-vous de la
possibilité d'un tel regroupement à l'intérieur d'une
corporation?
M. DODIER: C'est assez difficile de répondre à cette
question à cause d'un ensemble d'impondérables ou de
modalités dans lesquelles ça va se faire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sans tenir compte des modalités, mais
comme principe, disons qu'il y aurait des techniciens en technique
médicale, des techniciens en techniques
administratives, des techniciens en techniques humaines et
peut-être qu'il y en a d'autres, ce n'est pas exhaustif ce que je dis
là, mais il y aura peut-être d'autres sections.
C'est une possibilité qui a été mentionnée
devant la commission et je pense que ça se défendait, ça
pouvait se proposer.
MLLE GOYET: C'est vraiment une impression personnelle, mais disons que
les tendances au regroupement, la plupart du temps, s'expriment au niveau
d'affinités et d'intérêts. Alors la question que je me pose
face à une question comme celle-là, c'est à savoir, si
vraiment on a un même niveau de formation, si vraiment on a des
affinités, puis des intérêts à oeuvrer ensemble.
Alors ma conclusion est non. Ce n'est pas parce que j'ai un même niveau
de formation que j'ai des intérêts à aller travailler avec
quelqu'un qui a une technique, quelque chose... Je n'ai aucune collaboration
avec cette personne-là. Alors, je vois beaucoup plus un regroupement au
niveau de personnes qui oeuvrent dans un même champ d'activités et
puis qui ont des affinités et des intérêts.
M. GUAY: A la suite de consultations on a porté à mon
attention qu'il pouvait exister des personnes probablement pas membres de votre
corporation qui font un travail dans le même genre que le vôtre,
qui se nomment conseillers sociaux. Si ça existe d'abord,
premièrement, puis si oui, de quelle façon le citoyen peut-il
déterminer si un conseiller social a la compétence ou la
qualification requise pour être en mesure de faire un bon travail?
M. PAINCHAUD: A première vue, comme ça, la seule
façon qu'il a de déceler, c'est de faire confiance j'imagine
à l'employeur qui a engagé du personnel compétent.
M. GUAY: S'il a un employeur, si c'est un travailleur. Mais s'il se
nomme conseiller social autonome?
M. PAINCHAUD: Je n'en connais pas.
MLLE GOYET: II n'y a pas de pratique privée au niveau des
conseillers sociaux. Tous nos membres oeuvrent à l'intérieur
d'organismes. Alors les gens se présentent à un
établissement et non pas à une personne s'ils veulert consulter
au niveau des demandes que nous recevons.
M. GUAY: Là, ça va, parce que vous le dites. Avant que
vous le disiez, bien sûr, la population ne le sait pas. On a porté
à mon attention que des gens qui s'identifiaient comme étant des
conseillers sociaux mais qui n'en étaient pas en réalité
et les conseils qui étaient donnés étaient parfois des
conseils d'ordre plus que médiocre. Il ne faudrait pas non plus
dévaloriser la profession de conseiller social.
M. PAINCHAUD: C'est une chose qui pourrait exister, il n'y a rien qui
l'empêche.
M. GUAY: D'accord.
M. DODIER: M. le Président, j'aimerais reprendre la question du
député de Montmagny qui demandait si en principe on s'opposerait
à un regroupement au niveau de professions qui ont à peu
près les mêmes niveaux de formation. Disons qu'en principe, nous
ne nous opposerions pas à un tel genre de regroupement. Je pense que
ça viendrait faciliter aussi peut-être les choses.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER : Je n'ai pas de question.
M.LEDUC: Si le député me le permet, quand vous parliez des
conseillers sociaux qui oeuvrent en pratique privé, est-ce que vous
faisiez allusion à des gens comme Mme X?
M. GUAY: Vous connaissez peut-être mieux Mme X que moi.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Je remercie les gens pour leur mémoire et je voudrais
informer tous les membres de la commission que nous pouvons entendre le
mémoire de la Corporation des psychologues de la province de
Québec et terminer notre...
M. CLOUTIER (Montmagny): Les psychologues ici présentent un
mémoire conjoint, ils sont trois groupes.
M. FORTIER: Alors si tout le monde est d'accord, et ensuite on m'a
informé que la commission reprendrait ses travaux... si M. le
Président est d'accord, mardi matin à dix heures ici, toute la
journée et mercredi matin à dix heures, soit le 17 et le 18
octobre.
Il nous reste ici trois mémoires et nous avons une autre liste de
douze mémoires. Nous allons diviser le travail de façon à
entendre six mémoires par jour. M. le Président, je vous laisse
la parole.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): II y aurait peut-être lieu de
mentionner que l'Association des naturopathes, l'Association des acousticiens
et le Collège des naturopathes seront entendus les premiers, je suppose,
à 10 heures, mardi matin, ici au Salon rouge.
M. FORTIER: D'accord.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Le mardi 17 octobre, à 10
heures.
M. DODIER: Avant que nous nous quittions, nous voulons vous remercier de
nous avoir accueillis. Nous vous remercions également d'avoir
utilisé tout le temps que vous aviez pour nous entendre.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Au nom des membres de la commission
parlementaire, je vous remercie d'avoir accepté de venir nous aider
à préparer ce projet de loi 250. Nous regrettons d'avoir à
terminer les travaux à 6 heures. Le ministre est absent. Après 7
heures, d'autres devront s'absenter et je crois bien qu'en
général la fatigue fait que, même si nous vous entendions
à 7 heures, cela ne serait peut-être pas la meilleure façon
de travailler efficacement.
Nous entendrons maintenant la Corporation des psychologues de la
province de Québec, la Corporation des conseillers d'orientation et la
Corporation des travailleurs sociaux professionnels.
A l'ordre. Je demanderais aux représentants de bien vouloir
s'identifier.
M. COURVAL: M. le Président, si j'ai bien compris, vous avez dit
que la commission se proposait d'ajourner à 6 heures. H nous resterait
à peu près 40 minutes et, cependant, nous avons réunis les
trois corporations pour gagner du temps et pour faire un front commun. Il me
semble qu'à trois corporations nous aurions la moitié du temps
que chacune des autres a eu avant nous.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Je ne dis pas que nous ne pourrions
pas, avec l'unanimité de la commission, finir à 6 h 10 ou
à 6 h 15. Mais si vous préférez être entendus mardi
prochain, libre à vous.
M. COURVAL: Nous ne nous sommes pas consultés, mais qu'en
pensez-vous?
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): A moins que nous vous donnions le temps
voulu pour expliquer votre mémoire et que les questions... Nous ne
séparerons pas cela. A votre choix.
Est-ce que vous prévoyez qu'une heure serait suffisante? Une
heure et quart, une heure et demie? Il est 5 h 15, si on terminait, est-ce que
ça irait pour 6 h 15?
M. PAUL: M. le Président, je pense bien que le groupe qui se
présente devant nous doit avoir la même liberté
d'expression que tous les autres groupes. Il s'agit d'un mémoire
extrêmement important. Nous ne pouvons forcer ces gens à
réduire ou à résumer leur mémoire. D'un autre
côté, les membres de la commission, après une
journée assez bien remplie, sont peut-être moins disposés
à prolonger indéfiniment l'heure de la séance. Je me
demande si la solution d'un moyen terme que vous venez de proposer ne ferait
pas l'uninimité, c'est-à-dire ajourner à mardi prochain
avec priorité à l'endroit des membres de cette corporation ou de
ce groupement.
M. LE PRESIDENT: Si vous préférez, nous allons ajourner
nos travaux à 10 heures mardi, dans cette salle.
M. COUR VAL: M. le Président, nous donne-riez-vous cinq minutes
pour nous entendre?
M. LE PRESIDENT: Allez!
M. COURVAL: Merci... M. le Président, si vous n'avez pas
d'objection, nous préférons revenir mardi. Nous vous prions de
nous accorder près de deux heures à ce moment-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je vous ferai remarquer
que trois groupes ont décidé de présenter un
mémoire conjoint. Pour ma part, je n'ai pas d'objection à ce
qu'ils prennent deux heures. Je pense que, toute proportion gardée avec
les autres professions qui sont venues ici, c'est raisonnable.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a des objections à cette
procédure?
M. CLOUTIER (Montmagny): II y a d'autres groupes ici, je ne sais pas
s'ils sont partis. S'il y avait un autre groupe qui désirait se faire
entendre, comme les acousticiens en prothèses auditives ou les
naturopathes, nous aurions pu les entendre d'ici six heures.
M.FORTIER: Alors, pour votre groupe, c'était convenu mardi matin
à dix heures.
M. LE PRESIDENT: Alors, mardi matin à dix heures, dans cette
salle, et nous vous accordons deux heures, tel que demandé. Les travaux
sont ajournés.
(Fin de la séance à 17 h 21)
Commission spéciale des corporations
professionnelles
Projet de loi no 250
Code des professions et
autres proiets de loi connexes
Séance du mardi 17 octobre 1972 (Dix heures huit minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
C'est la 21e séance de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles. Je comprends que le premier groupement veut
présenter un mémoire conjoint, réunissant la Corporation
des psychologues, la Corporation des conseillers d'orientation et la
Corporation des travailleurs sociaux.
Corporation des psychologues,
Corporation des Conseillers d'orientation et
Corporation des travailleurs sociaux.
(mémoire conjoint)
M. LE PRESIDENT (Blank): Voulez-vous vous identifier, en
commençant à parler, pour les fins du journal des
Débats.
M. COURVAL: M. le Président, à ma droite, M. Robert
Langlois, conseiller d'orientation; M. Jean-Hugues Poirier; M. Antonin
Boisvert; moi-même, Jean Courval; M. Pierre Beaulu; M. Raymond Doyle,
travailleur social; Mme Suzanne Blais-Grenier, travailleuse sociale; Me Armand
Sheppard, conseiller juridique du comité tripartite. Me Roger David sera
peut-être des nôtres tout à l'heure.
Nous avons déjà soumis un mémoire en mars dernier
et, la semaine dernière, nous avons soumis trois petits
aide-mémoire, rose, bleu, blanc et gris. Ce n'était pas pour vous
en faire voir de toutes les couleurs, mais nous pensions avoir une
journée d'automne et nous y avons mis les couleurs de l'arc-en-ciel.
Je ne voudrais pas imputer au conseil interprofessionnel tous les petits
péchés que nous pouvons faire aujourd'hui, mais je voudrais vous
rappeler, quand même, que le conseil interprofessionnel a donné
son appui à la démarche que nous faisons, après en avoir
fait l'examen, et qu'il approuvait, en gros, les positions que nous soumettions
dans notre mémoire. Le Dr Roy aurait voulu être des nôtres,
mais il est retenu en Europe par ses fonctions. M. Labelle, le
vice-président, n'a pas pu être des nôtres aujourd'hui.
L'objet de notre démarche, c'est simplement d'apporter une
certaine contribution, si c'est possible, dans le même sens que l'apport
du bill 250. Nous approuvons les principes du bill 250, nous l'avons
déjà dit. Nous allons faire des propositions qui, selon nous,
vont dans le même sens.
Notre exposé comportera trois points: l'inclusion dans le bill
250 de la possibilité ou de la faculté de créer des
fédérations de corporations; la nécessité de mettre
de l'ordre dans le secteur des sciences humaines; l'exclusivité du champ
de pratique de nos trois corporations. Ici, auriez-vous la bonté de
corriger, dans votre feuillet rose fuchsia, le mot supercoporation?
A ce moment-là, nous pensions un peu aux deux
superfacultés qu'a créées, récemment,
l'Université de Montréal, mais ce n'est pas du tout l'idée
de quelque chose de gros et de super que nous voulions mettre en
évidence. Le terme corporation polyvalente est beaucoup plus juste.
Donc, dans les trois cas où notre machine à écrire a
gardé une mauvaise habitude et s'est entêtée à
écrire super alors que nous lui avions dit d'enlever le mot super, il
faudrait lire le terme corporation polyvalente.
Les fédérations de corporations.
Le bill 250 et les lois particulières qui l'ont suivi confirment
l'existence, dans certains cas; de deux ou trois corporations soeurs, jumelles,
belles-soeurs, belles-mères ou, de toute façon, qui occupent un
secteur assez voisin, sans prévoir, par ailleurs, des mécanismes
de collaboration, de coordination, de participation, de
fédérations de corporations, d'intégration qui pourrait
même aller jusqu'à la fusion. Il nous semble qu'il faudrait
apporter un amendement au code des professions et prévoir de tels
mécanismes, pour ne pas maintenir le cloisonnement qui sévit
actuellement, et depuis toujours, dans le domaine des professions.
Nous suggérons donc que le bill 250 prévoie des
mécanismes de collaboration, de coordination, de
fédérations de corporations. Nous suggérons aussi que
l'office des professions ait, entre autres mandats, celui de promouvoir de
telles fédérations, fusions ou unions lorsqu'il y va de
l'intérêt public et que, dans le cas de nos trois corporations,
l'office des professions ou le conseil interprofessionnel ou un autre organisme
du genre procède, aussitôt que possible, à la
création d'un comité qui étudierait les implications et
les modalités d'une éventuelle fédération ou, de
toute façon, les modalités d'une collaboration entre nos
corporations.
L'idée à retenir dans tout cela est tout simplement celle
d'une collaboration et d'une coordination lorsque le bien public le demande.
Les modalités de cette coopération sont multiples. Notre
collègue de droite, M. Boisvert, nous disait qu'il y a 33 modèles
de fédérations de pays ou de confédérations de pays
dans le monde, ce qui indique que les modalités sont très
multiples. La même chose peut s'appliquer dans notre cas.
Je ne vous relirai pas, à la page 4, les avantages d'une
fédération de corporations ou de mécanismes de
collaboration. Cela va de soi. C'est dans les temps actuels d'établir de
plus en plus de contacts et de coordination entre tout ce qui existe.
Un deuxième point sur lequel nous attirons votre attention, c'est
la nécessité de mettre de
l'ordre et de la coordination entre tout ce qui existe.
Le deuxième point sur lequel nous attirons votre attention est la
nécessité de mettre de l'ordre dans le secteur des sciences
humaines. En déposant le projet de loi no 250, le gouvernement a
justement manifesté sa volonté de mettre de l'ordre dans le
domaine des professions qui s'était organisé cahin-caha, au
hasard des circonstances ou des intérêts pendant une
période d'une cinquantaine d'années, sinon davantage. Nous
croyons qu'une situation déplorable comme celle-là menace de se
produire s'il n'y a pas une certaine planification dans le secteur des sciences
humaines.
Ce secteur est relativement jeune, ayant de vingt à trente ans.
Il a fait énormément de progrès depuis une dizaine
d'années. Il en fait encore dans le moment et il est à
prévoir que d'ici une dizaine d'années beaucoup de choses
éclateront et se produiront encore dans ce domaine.
La jeunesse des sciences humaines, l'éclatement qui se produit,
leur importance, leur rôle dans la vie des citoyens d'aujourd'hui
demanderaient une planification de leur développement, une coordination
immédiate des écoles de formation, une organisation
professionnelle d'un nouveau genre, peut-être.
Pourtant, on voit un peu tous les ans, dans l'une ou l'autre
faculté, se créer de nouvelles sections, des modules, des
départements, des instituts et on assiste avec surprise parfois à
la création d'un nouveau département sans que les autres
départements touchés par celui-là soient consultés,
et ce à l'intérieur d'une même université. Ce qui
démontre bien qu'il n'y a pas de planification dans le domaine des
sciences humaines et qu'on est en train de créer probablement une
profilération de disciplines et de sous-disciplines dans ce secteur.
Peut-être que bientôt le gouvernement se verra demander de
créer une dizaine de mini-corporations.
Nous croyons qu'il y aurait donc lieu que le bill 250 habilite l'Office
des professions, le conseil professionnel ou un autre organisme à faire
des structures d'accueil conjointement avec tous ces nouveaux travailleurs et
ces nouvelles organisations de travail.
Ce pourrait être c'est ici que vient notre ancienne
super-corporation dont il faut oublier le nom qui est remplacé par
"corporation polyvalente" une corporation dotée, par exemple, de
tous les pouvoirs d'une corporation, qui regrouperait sous une seule et unique
corporation les différents travailleurs dont on vient de parler dans
tous les secteurs des sciences humaines. Cette corporation pourrait donc
être formée de sections, chacune de ses sections
représentant un secteur qui est en train de se développer dans le
domaine des sciences humaines.
Il y aurait évidemment énormément d'avantages
à cette corporation polyvalente. Elle donnerait d'abord un milieu de
travail, un milieu de rencontre entre tous les gens de disciplines plus ou
moins semblables.
A se rencontrer, les gens de ces différentes disciplines se
rendraient peut-être compte nous l'espérons qu'il y
a peut-être entre eux ou entre elles plus de ressemblance que de
différence. Cela favoriserait l'établissement de liens entre
elles, on pourrait immédiatement obtenir et créer des
collaborations et des coordinations. Cette corporation polyvalente pourrait
aussi avoir des rapports avec la fédération de nos trois
corporations. Il y aurait d'autres avantages de ce genre.
Nous parlons de l'exclusivité des actes de nos trois
corporations. Nous avons l'audace de demander l'exclusivité de nos actes
après une vingtaine d'autres corporations. Mais, si nous le faisons,
c'est parce que nous pensons que notre situation est un peu différente,
et même pas mal, et que nous avons des chances que le législateur
considère qu'effectivement notre cas n'est pas semblable tout à
fait à celui des autres.
Il s'élève des difficultés, c'est bien sûr.
Il y a le danger d'établir des chasses gardées; le danger de
soulever des difficultés entre nos trois corporations, des
difficultés qui pourraient rebondir ensuite à l'office des
professions. On peut donc créer des difficultés inutiles. Il y a
toujours le danger de priver le public de services auxquels il a droit;
ça pourrait empêcher la multidisciplinarité; ça
pourrait accorder des services d'une qualité plus grande que celle
requise.
Ce ne sont pas du tout là nos intentions. Nous croyons faire au
contraire des suggestions qui permettent d'éviter toutes ces
embûches. Par exemple, nous ne demandons pas une exclusivité pour
chacune d'entre nous, stricte et illimitée; au contraire, chacune des
trois corporations propose au législateur de placer dans sa loi la
clause habituelle qui reconnaît aux deux autres corporations le droit de
travailler dans le même domaine, selon les prescriptions de leur code
d'éthique évidemment, de sorte qu'il n'y aurait pas de bataille
entre nous. C'est déjà décidé à
l'avance.
Nous demandons au législateur de le prévoir et de
l'inclure dans nos clauses. Il pourrait y avoir une autre difficulté
à ce compte-là, que nos trois corporations forment une
espèce de trust et que le danger n'en soit que plus grand, que nous
empêchions la naissance d'autres corporations ou que nous
préparions un bloc très fort, capable de lutter contre ces
corporations éventuelles.
Ce n'est pas du tout notre intention. Nous ne voulons pas limiter la
naissance des autres corporations et nous ne demandons pas encore de
réserver pour nous seuls les champs de nos trois corporations. Nous
sommes prêts à les partager avec les autres secteurs et les autres
corporations possibles. Nous en avons donné la preuve, tantôt,
lorsque nous avons demandé la création d'une corporation
polyvalente avec qui nous pourrions être appelés à
négocier et à
travailler. A notre avis, cette corporation polyvalente ou un
comité mixte sous l'égide de l'office des professions pourrait
bien protéger les droits des autres travailleurs du secteur.
En tout cas, nous vous répétons que nous n'avons nullement
l'intention d'empêcher la naissance d'autres corporations, ni de
réserver pour nous la totalité de nos actes.
La raison fondamentale est toujours celle de la protection du public.
Nous avons déjà dit, dans notre mémoire du mois de mars,
que la seule protection du titre était efficace, qu'il est très
facile de passer à côté de la loi. Il existe des dizaines
et des dizaines de modalités; il suffit de ne pas porter le nom de
psychologue mais de conseiller en psychologie, de consultant en psychologie, de
spécialiste en psychologie, de diplômé en psychologie. La
même chose vaut pour les travailleurs sociaux et pour les conseillers
d'orientation. Ainsi, il est très facile de passer à
côté et ça ne protège pas véritablement le
public. On voit donc des imposteurs, des amateurs, des charlatans pratiquer nos
disciplines sans aucun contrôle. On voit qu'il y a des quantités
de personnes admissibles à nos corporations et qui n'y sont pas
nous calculons qu'il y en a environ 600 dans nos trois corporations. Il y a
aussi des quantités d'étudiants qui n'ont pas terminé les
études et qui sont sur le marché du travail, sans supervision,
dans bien des cas. Ces trois cas, ils découlent normalement de la
logique du système. Pourquoi s'empêcheraient-ils de pratiquer,
puisqu'ils le peuvent si facilement à un autre titre? Pourquoi les
personnes admissibles paieraient-elles une cotisation, si elles peuvent ne pas
la payer et continuer d'exercer la profession? Personne n'aime à payer
des taxes. Pourquoi financeraient-elles un système de contrôle, de
surveillance et de discipline, si elles peuvent ne pas le financer? Pourquoi
des membres pris en faute accepteraient-ils de passer à notre
comité de discipline et accepteraient-ils les punitions que nous leur
infligeons, quand il leur est si facile de simplement donner leur
démission et de continuer à pratiquer? Il n'y a rien qui les
oblige d'être membres de nos corporations dans le moment, sauf cette
protection du titre.
Alors, il nous semble que le public n'est pas véritablement
protégé, et nos corporations tantôt donneront des exemples
du genre. Nous trouvons qu'il n'est pas juste de laisser des quantités
de personnes, presque 20 p.c. de la possibilité de nos effectifs,
profiter des largesses actuelles de la loi sans prendre aussi les
responsabilités qui incombent et de laisser partager sur un plus petit
nombre de professionnels la responsabilité d'assurer le bien public.
En terminant, je voudrais vous rappeler que nos corporations ne sont pas
nées d'hier, qu'elles ont existé pendant une dizaine
d'années à titre d'associations professionnelles, 10 à 15
ans à titre d'association professionnelle, avant de devenir des
corporations, qu'elles ont toutes actuellement entre 8 et 10 ans d'existence
comme corporations professionnelles, que nous comptons 800, 1,000 et 1,200
membres, au total 3,000 membres à nous trois, que nos membres ont
accepté depuis assez longtemps des sacrifices assez considérables
pour maintenir leur corporation et leur permettre d'honorer leurs
responsabilités. Nos membres paient des cotisations qui varient de $80
à $125. Nos budgets varient aussi de $80,000 à $150,000.
Ceci pour vous dire que nous possédons une organisation
raisonnable, que nous avons des comités d'adhésion, des
comités d'éthique et de vigilance et des comités de
discipline, des comités de formation professionnelle. Nous pourrons
donner d'autres détails du genre tantôt. Pour le moment, si vous
permettiez, M. le Président, je donnerais la parole à un
représentants de chacune de nos corporations qui ne parlera que pendant
quelques minutes. D'abord, le président des conseillers d'orientation,
M. Hugues Poirier.
M. POIRIER: Merci, M. le Président. Après ces
considérations générales, je me permets certains rappels
des principes que nous avons élaborés dans notre mémoire
conjoint. Dans le cas du bill 250, nous entendons faire valoir auprès
des membres de la commission parlementaire les motifs qui militent en faveur de
la reconnaissance de l'orientation professionnelle, comme profession d'exercice
exclusif.
Un conseiller d'orientation est un professionnel de formation
universitaire dont la moyenne actuelle d'années de scolarité est
de 18 ans et qui a pour fonction d'aider l'individu dans son
développement vocationnel et notamment dans le choix d'une
carrière par une évaluation scientifique des
caractéristiques de sa personnalité. L'exercice de l'orientation
professionnelle doit satisfaire, à notre avis, à deux conditions:
que le professionnel ait une compétence particulière, et
deuxièmement que son intervention auprès d'une personne
s'effectue sous le sceau de la confidentialité.
Compétences particulières.
L'exercice de l'orientation professionnelle requiert notamment que le
conseiller d'orientation puisse, dans son intervention auprès d'une
personne, évaluer scientifiquement chez l'individu ses aptitudes, ses
goûts, ses intérêts dans le choix d'une carrière;
recourir aux méthodes et techniques d'évaluation
appropriées; évaluer le réalisme de ce choix en fonction
de facteurs incidents; inventorier les traits de personnalité favorables
ou défavorables à l'engagement dans une carrière et, le
cas échéant, dépister des déficiences physiques et
psychologiques nécessitant une référence à un autre
professionnel.
A notre avis, tels sont les principaux éléments
constitutifs de l'acte professionnel du conseiller d'orientation. Cette
description permet de réaliser que l'orientation professionnelle
présente des affinités avec d'autres professions nous
venons d'en parler telles la psychologie. Par ailleurs, l'orientation
professionnelle est
une activité spécifique, distincte de toute autre par son
objet, le développement vocationnel de la personne.
Concernant la confidentialité, l'acte professionnel du conseiller
d'orientation, si l'on se rappelle ses éléments constitutifs,
nécessite la communication de renseignements confidentiels en raison de
leur caractère intime. La loi doit protéger, à notre avis,
la confidentialité de cette relation personnelle qui s'établit
entre le conseiller d'orientation et la personne. Nous ne voyons pas comment il
serait autrement possible de concevoir dans ce contexte un acte d'orientation
efficace.
En raison de ces exigences de compétence et de
confidentialité, nous soutenons que l'orientation professionnelle doit
être une profession d'exercice exclusif. Cette approche nous semble
justifiée par l'intérêt public. En effet, cette
reconnaissance permettrait le contrôle universel de la qualité des
services et la répression des pratiques abusives.
Nous notons, par ailleurs, que cette approche satisfait aux
critères énoncés sous l'article 22 du projet de loi no
250, pour déterminer si une profession doit être d'exercice
exclusif.
La situation présente.
Actuellement, l'orientation professionnelle est une profession
uniquement à titre réservé. Cette seule exclusivité
ne protège pas le public contre les pratiques abusives dont on a fait
également mention tantôt. Les cas d'abus sont parfois criants et
aboutissent rarement à une action légale efficace. Il n'en
demeure pas moins que les personnes lésées dans leur
développement personnel et professionnel peuvent avoir subi un
préjudice grave, aussi néfaste pour elles que pour la
société. Il nous parait qu'un préjudice psychologique ou
professionnel, même s'il est moins tangible qu'un dommage matériel
et physique, mérite autant d'attention du législateur.
Par ailleurs, un bris de confidentialité comme un manque de
compétence peuvent avoir des répercussions sérieuses pour
la personne. A cet égard, nous pourrions citer des exemples de
nombreuses personnes mal orientées dans la poursuite de leurs
études ou le choix de leur carrière et qui deviennent des
mésadaptées sur le plan personnel, professionnel et social.
Notons, entre autres, les cas de pratiques abusives dans l'orientation
professionnelle faite sur la base d'un seul critère de mesure, sans
interprétation, qui aboutissent à des déclassifications
scolaires ou professionnelles. Ces cas posent véritablement un
problème de compétence.
Par ailleurs, nous avons souligné que la reconnaissance de
l'orientation professionnelle comme profession d'exercice exclusif,
n'entraf-nerait pas de bouleversement significatif parmi les professionnels qui
exercent actuellement cette profession. En effet, ces professionnels, en grande
majorité, soit 850, près de 90 p.c, sont déjà
membres de notre corporation. Les mem- bres de la commission sont
informés que notre demande de reconnaissance de l'orientation
professionnelle comme profession d'exercice exclusif a reçu, comme on
l'a signalé tantôt, l'appui du Conseil interprofessionnel du
Québec et des associations professionnelles, soit l'Association des
professionnels de l'orientation du Québec et la Quebec Professional
Guidance Association. Ces associations représentent plus de 500
conseillers d'orientation, soit près de 60 p.c. du nombre total dans la
négociation avec l'Etat et les commissions scolaires.
En terminant, nous devons souligner que la reconnaissance de
l'orientation professionnelle comme profession d'exercice exclusif ne vise que
l'acte d'orientation, et ce sous réserve des droits et privilèges
reconnus par la loi à d'autres professionnels. Cet acte d'orientation,
nous le définissons de la façon suivante: "Constitue l'acte
d'orientation professionnelle tout acte qui a pour objet d'assister une
personne dans son développement vocationnel par une évaluation
scientifique des caractéristiques de sa personne en fonction de
l'analyse systématique des autres facteurs incidents".
Nous demeurons à votre disposition pour la période des
questions. Merci.
M. COURVAL: M. Antonin Boisvert, psychologue.
M. BOISVERT: M. le Président, comme mon collègue, M.
Poirier, des conseillers d'orientation, je ne prendrai, au nom des
psychologues, que quatre ou cinq minutes pour préciser peut-être
le contexte du mémoire dont vous avez tous, je pense, un exemplaire sous
les yeux. Le fait est que je ne lirai pas les quelques pages qui sont
présentées en aide-mémoire cartonné en gris pour
vous. Je ne ferai qu'indiquer le plan de ces commentaires de façon que
les membres de la commission disposent du maximum de temps pour interroger les
représentants des trois corporations.
M. le Président, la Corporation des psychologues croit avoir
démontré que les actes psychologiques posés par des
incompétents, entrafnent de lourdes conséquences au
détriment du public et indiquent bien qu'il faut les réserver
à des professionnels régis par une corporation.
A cet égard, je ne reprendrai pas les principes qu'a
exposés M. Courval lui-même tout à l'heure. Je voudrais
simplement souligner qu'en pages 1, 2, 3 et 4 de l'aide-mémoire que vous
avez sous les yeux, nous avons donné plusieurs cas concrets en
psychologie sociale et en dynamique de groupe, par exemple, dans des
commissions scolaires ou encore en "counselling" matrimonial ou familial ou en
psychothérapie. Nous avons, dis-je, donné là beaucoup
d'exemples qui indiquent bien les conséquences, le plus souvent graves,
de l'exercice des actes psychologiques posés dans un contexte qui n'est
pas approprié.
Si vous me le permettiez, je ne donnerais,
d'une façon concrète, qu'un seul de ces exemples.
Dans une seule commission scolaire les renseignements
précis seraient mis, bien sûr, confidentiellement à la
disposition de la commission parlementaire si elle le désirait le
psychologue a constaté que plus de 50 enfants avaient été
placés dans des classes pour déficients mentaux pendant une
période de deux ou trois ans, ce qui n'est pas peu, par les soins de
personnes incompétentes, alors que ces enfants possédaient une
intelligence normale et même supérieure à la moyenne. Les
enfants en ont subi des préjudices très graves. Dans la plupart
des cas, il fut impossible de faire de la récupération scolaire.
Ces enfants restent handicapés pour leur vie, du point de vue scolaire
et professionnel.
De plus, un grand nombre d'entre eux développèrent des
troubles de personnalité de plus en plus graves. Il fallut en diriger
plusieurs vers des cliniques spécialisées pour névrotiques
et même pour psychotiques.
Les personnes incompétentes dont nous parlons avaient
orienté ces enfants vers des classes pour débiles mentaux, sans
faire passer d'examens et sans procéder à des entrevues avec les
parents ou encore ils avaient utilisé des tests à mauvais escient
sans connaître ces instruments de mesure ou sans pouvoir
interpréter leurs résultats. Ces personnes ne possédaient
pas le sens clinique pour distinguer la vraie débilité mentale de
la fausse et attribuaient à l'intelligence des troubles qui relevaient
de l'émotivité.
Aussi, ne serez-vous pas surpris, j'imagine, que nous proposions au
législateur de modifier les articles portant sur, d'une part, la
définition de l'exercice de la psychologie et, d'autre part, sur la
réserve du titre, soit les articles 35e) et 34e) du projet de loi no
250. Les modifications que nous proposons à la rédaction de ces
articles, vous les trouverez dans l'aide-mémoire, à la page 5 et
à la page 6. Il est évidemment inutile que j'en donne lecture
ici. Cela ne ferait que réduire notre temps de discussion. J'ajouterai
seulement, M. le Président, que cette définition que nous
proposons de l'exercice de la psychologie, il va de soi, n'entame en rien les
droits et privilèges déjà accordés par la loi
à la Corporation des conseillers d'orientation et à ceux des
travailleurs sociaux, comme le mentionnait M. Courval lui-même tout
à l'heure.
Je voudrais ajouter une phrase ou deux, M. le Président, sur
l'article 47 du projet de loi no 250, qui porte sur l'examen de l'état
de santé physique et psychique. Cet article, en effet, porte que
l'examen physique et psychique d'un malade ou d'un patient ce sont les
mots même de l'article soit fait par un médecin. Nous
souhaiterions, pour notre part, que le législateur corrige cette
imprécision de termes. Ce n'est pas en tant que médecin qu'un
membre du Collège des médecins peut porter un diagnostic sur la
santé psychique d'un individu mais bien en tant que spécialiste
de la santé mentale. Mais alors, il n'est plus le seul
spécialiste compétent. Les psychologues spécialisés
en clinique ou en psychothérapie possèdent une compétence
indiscutable à cet égard.
Cette correction, dans l'article 47, aurait entre autres avantages celui
d'assurer, de façon explicite, la continuité entre les principes
généraux reconnus par le projet de loi no 250 et, notamment,
l'article 35e) et encore l'article 47. Aux pages 7 et 8, vous trouvez des
commentaires sur les relations très importantes entre les syndicats et
les corporations professionnelles. Le projet de loi no 250 délimite avec
précision le champ de compétence de la Corporation des
psychologues, mais ne prévoit rien quant à celui du syndicat
professionnel de la même discipline, qui semble avoir c'est la
seule conclusion que nous puissions en tirer des pouvoirs
illimités. Cette situation peut amener le syndicat à revendiquer
pour lui tout ce qui n'est pas énoncé spécifiquement dans
le bill 250.
Aussi, la Corporation des psychologues croit que le législateur
devrait prévoir, dans le projet de loi 250 et dans la Loi des syndicats
professionnels, des mécanismes de consultation et de décision
conjointes de ces deux instances, syndicat et chambre professionnelle, lorsque
leur compétence réciproque est en cause.
Il y a aux pages 9 et 10 des commentaires sur les relations entre les
chambres professionnelles et les universités. Je me contenterai, en une
phrase, de dire que, d'une part, les universités mettent sur le
marché du travail des centaines d'étudiants. D'autre part, la loi
impose comme condition d'admission à la Corporation des psychologues la
possession d'une maîtrise conférée par une
université du Québec. Or, les universités, ces
dernières années, ont modifié unilatéralement les
modalités d'acquisition de la maîtrise, de sorte que les
étudiants peuvent maintenant retarder dans certains cas jusqu'à
trois ans la remise de leur thèse de maîtrise. Ainsi pendant toute
cette période plus ou moins longue et encore une fois pouvant
aller jusqu'à trois ans ils ne sont pas admissibles, en vertu de
la loi, à la corporation des psychologues. Mais devant la
nécessité de gagner leur vie, qui est toute légitime, ils
prennent des emplois dans le domaine de la psychologie par un moyen ou un
autre, par subterfuge ou autrement. Ils offrent ainsi leurs services au public
sans formation suffisante, aux termes de la loi, sans supervision ou
encadrement et sans être soumis à un code de
déontologie.
C'est pourquoi la Corporation des psychologues recommande que le
ministère de l'Education, d'une part, et le ministère des
Affaires sociales, d'autre part, devraient sûrement pouvoir assurer que
les départements, facultés, écoles ou instituts des
universités qui préparent des étudiants à
l'entrée dans une profession régie par une corporation les
préparent effectivement et réellement, et ce sans violation de
l'esprit du projet de loi no 250.
Nous recommandons également que la loi donne aux corporations ou
à l'office des professions ou au conseil interprofessionnel nous
croyons que c'est au législateur à étudier dans le
détail laquelle de ces instances serait la plus appropriée
le moyen d'amener la révision des règlements universitaires qui
contreviendraient à l'esprit d'une ou de l'autre des dispositions du
bill 250.
Enfin, en terminant je voudrais ajouter un mot et ce à
l'invitation de M. le ministre Castonguay dans une communication au
président, M. Courval sur la loi récente au sujet des
orthophonistes-audiologistes. La Corporation des psychologues s'estime
lésée par la rédaction du bill 267, qui semble et
j'essaie de peser tous mes mots réserver aux
orthophonistes-audiologistes des tâches traditionnellement
assumées par les psychologues.
En effet, l'article 8 de ce projet de loi semble exclure les
psychologues de ce champ de pratique, comme il semble exclure également
d'autres travailleurs comme le psycho-éducateur, dont nous avons entendu
les représentants jeudi dernier, ou l'orthopédagogue, ou
l'éducateur spécialisé, le logopédiste, et sans
doute d'autres encore.
Je m'excuse d'avoir utilisé une terminologie aussi peu
connue.
La Corporation des psychologues, pour sa part, ne veut, bien sûr,
empêcher aucune personne compétente de pratiquer l'un ou l'autre
des actes psychologiques puisque ce champ est très vaste. Mais elle ne
veut pas non plus qu'on exclue ces membres de la pratique de ses propres actes.
Aussi, nous recommandons que l'article 8 de ce bill soit amendé de
façon à montrer clairement que rien dans cette loi ou dans ce
projet de loi ne doit être interprété comme portant
atteinte aux droits des membres de la corporation des psychologues.
Je vous remercie, M. le Président.
M. Raymond Doyle.
M. DOYLE: M. le Président, le numéro 6 de la page 6 de
l'annexe du mémoire conjoint, qui a été soumis il y a
plusieurs mois déjà, décrit le champ d'application du
service social. Nous ne prétendons pas que cette définition soit
actuellement opérationnelle mais elle fournit les cadres, les limites
essentielles de l'exercice de la profession.
Par ailleurs, tous les actes que nous posons dans ce champ très
large ne doivent pas nécessairement être contrôlés,
c'est impossible. Nous désirons plutôt définir de
façon précise quelques actes qui ne peuvent être
exercés que par des personnes compétentes, à cause
même de leur importance dans la vie de la personne ou dans celle de son
groupe immédiat, la famille.
Ici, j'y reviens et j'insiste: Notre outil de travail, celui de notre
corporation comme des deux autres, ceux qui travaillent dans le champ essentiel
des relations humaines, c'est la relation humaine. On sait comment l'on atteint
vrai- ment une personne de façon très particulière; les
effets des interventions venant d'autres personnes supposément pour
aider quelqu'un ne sont pas toujours perceptibles dans l'immédiat; par
contre, ils peuvent être très graves ou très
bénéfiques mais surtout à long terme.
Ce n'est pas comme quand on fait réparer son auto. Habituellement
on peut dire assez rapidement si l'intervention du mécanicien a
été bonne ou mauvaise, les symptômes apparaissent
très rapidement. Ce n'est pas toujours le cas ce n'est pas
souvent le cas, je crois dans le domaine des relations humaines. Je
voudrais ici présenter plusieurs cas à huis clos on
pourrait donner beaucoup plus de détails confidentiels disons
deux cas qui illustrent concrètement cette prise de position qu'il faut
vraiment assurer au public qui n'est pas toujours en mesure de juger de la
compétence de la personne de qui elle demande de l'aide pour vraiment
assurer une protection de façon très particulière dans le
domaine des relations humaines.
Exemple: Une mère de famille accuse son époux d'être
un père irresponsable. Les époux sont séparés de
corps et la mère demande la garde de ses deux enfants de huit et dix
ans. Le juge demande que l'on évalue le comportement du père de
famille; un homme est nommé d'office pour procéder à cette
évaluation; il n'a qu'une douzième année scientifique.
Cependant, le rapport qu'il remet au juge, après avoir vu le père
de famille une seule fois, est truffé de termes scientifiques tels que:
personnalité déficiente, comportement à tendance
schizophréni-que, instabilité caractérielle, etc..
Le père de famille se pourvoit en appel et avec les services de
son avocat obtient gain de cause. La garde des deux garçons lui est
confiée. Cependant les deux enfants, et le plus âgé
surtout, ont été l'objet de nombreux interrogatoires par le juge,
son représentant, les avocats, etc.. Pendant quelques semaines, ils ont
même été retirés de leur foyer pour être
placés en institution de protection.
La question que nous posons: Peut-on évaluer dans ce cas les
dommages, peut-être irréparables, faits à la
personnalité des deux enfants et comprend-on la situation du père
de famille qui a à subir un diagnostic dit psychologique aux mains d'un
incompétent?
Pourtant, c'est ce rapport diagnostique qui a influencé le juge
lorsqu'il a rendu jugement.
Deuxième exemple: un prisonnier obtient la permission de
contracter mariage et en profite pour s'enfuir avec sa nouvelle épouse.
Le ministre responsable accuse la "travailleuse sociale" c'est le terme
que les journaux ont employé, c'est le terme qu'il a utilisé
qui a produit le rapport recommandant que la permission de contracter
mariage soit accordée au prisonnier. Le scandale englobe tous les
travailleurs sociaux. Or, la travailleuse sociale n'en est pas une et n'a
aucune étude spécialisée dans ce domaine. Peut-on dire, en
ce sens, que la protection d'un titre professionnel peut éclairer
suffisamment le public pour qu'il puisse choisir un professionnel
valable lorsqu'il désire obtenir une consultation ou un traitement en
service social? Même le ministre responsable ne sait pas faire la
différence entre un travailleur social professionnel et une personne qui
n'a qu'une formation générale au niveau du CEGEP.
C'est dans le but d'assurer la protection du public que nous proposons
au législateur de réserver à la Corporation des
travailleurs sociaux professionnels de la province de Québec le
contrôle de la qualité des actes suivants, tels que
proposés dans la définition qui suit; elle pourrait être
modifiée, mais c'est la ligne générale que nous voyons,
à l'heure actuelle. Que soient réservés comme domaine
exclusif du service social la consultation et le traitement psychosocial qui
ont pour but d'amener des changements essentiels dans la personnalité
d'un individu ou dans la constitution de son groupe immédiat, soit la
famille. Qu'il soit bien entendu qu'il ne s'agit ici que d'actes qui sont
posés de façon régulière ou habituelle et contre
une rémunération, sous une forme ou sous une autre. Par ailleurs,
ceci ne doit toucher en rien les droits de pratique déjà acquis
en ce domaine pour les deux autres corporations ici présentes, les
psychologues et les conseillers d'orientation.
En somme, M. le Président, d'autres cas semblables à
ceux-ci pourraient être exposés ils le sont d'ailleurs dans
l'annexe de l'aide-mémoire que nous avons fourni mais cet
échantillonnage révèle déjà suffisamment la
nécessité de contrôler certains actes professionnels en
service social et de soumettre ceux qui les posent aux critères et aux
exigences de la déontologie professionnelle, de sorte qu'on ne soit pas
pris seulement avec les charges du bill 250, les comités etc., mais que,
si on paye pour la protection du public, ce soit opérant par au moins
une certaine réserve de pratique.
C'est pourquoi nous demandons, comme première conclusion
très concrète ceci est dans notre mémoire initial
que la loi qui nous concerne, nous, les travailleurs sociaux ceci
vaut pour les deux autres corporations aussi ne soit pas abrogée
tout simplement, mais qu'elle soit retenue et qu'elle soit amendée dans
le sens que nous le demandons ici.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci. La période de question commencera avec le
député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. M. Castonguay me prie de
l'excuser; il doit nous rejoindre dans la journée, mais il lui
était impossible de venir à l'ouverture de la séance. J'ai
lu de façon attentive le mémoire présenté par vos
trois corporations et je suis heureux, d'abord, de voir que c'est très
intéressant en ce qui regarde le travailleur social, le psychologue et
aussi l'orientation. Je dois dire qu'actuellement l'orientation est une chose
extrêmement importante quand il s'agit de diriger nos jeunes vers une
formation universitaire. Il est important pour le psychologue de pouvoir
définir l'état mental des jeunes qui doivent aussi suivre
certains cours qui leur permettront d'être des citoyens à part
entière.
Je voudrais poser une question. En lisant votre mémoire, j'ai
remarqué qu'il semblait y avoir un certain chevauchement entre
l'exercice de vos différentes corporations. Pensez-vous qu'il soit
légalement possible d'attribuer à chacune de vos professions un
champ d'exercice exclusif et d'éviter ainsi le chevauchement de ce champ
d'exercice qui ne peut être qu'une source de conflits entre vos
corporations?
M. COURVAL: II est difficile de définir chacun de nos centres de
pratique d'une façon très précise. C'est pourquoi nous ne
l'avons pas fait et nous nous sommes réunis à trois. Nous
prévoyons cette difficulté en reconnaissant à l'avance le
droit et le pouvoir pour les deux autres corporations de pratiquer certains des
actes que l'une ou l'autre pratique également, de sorte qu'il ne peut
pas s'élever de difficultés. Nous avons recommandé aux
législateurs de le placer dans notre loi.
M. FORTIER: Est-ce que vous croyez que vous pouvez le faire de
façon bien définie: bien limiter le champ d'exercice de chaque
profession? Je vois que dans votre mémoire, il y a des chevauchements.
Par exemple, vous avez des questions d'orientation pour le conseiller
d'orientation et également pour la psychologie.
Il y a là un chevauchement dans les professions.
M. COURVAL: Oui.
M. FORTIER: II n'y a pas vraiment de limite bien définie entre
les deux.
M. COURVAL: Non, il y a un chevauchement. Il y a des travailleurs
sociaux psychiatriques qui font de la psychothérapie. Les conseillers
d'orientation, les travailleurs sociaux et les psychologues pratiquent tous les
trois le "counselling". Nous pratiquons, avec les conseillers d'orientation,
l'orientation scolaire et professionnelle. Non, il n'est pas possible de
délimiter de façon précise, au couteau, le champ de
chacune de nos corporations.
Il reste que c'est une question prévue dans nos codes
d'éthique et une personne ne doit pas exercer des activités pour
lesquelles elle n'a pas la compétence.
M. FORTIER: Les définition des champs d'exercice que vous donnez
dans ces annexes, par exemple dans votre mémoire conjoint de
février 1972, sont descriptives. Par exemple, pour le conseiller
d'orientation, vous avez une définition à l'annexe 1, page 4;
pour le psycho-
logue, la même chose ainsi que pour le travailleur
socio-professionnel. Si vous demandez un champ d'exclusivité, on
voudrait bien définir les objectifs de chaque corporation afin qu'il n'y
ait pas de chevauchement entre elles.
M. BEAULU: Peut-être qu'il en faut. Peut-être qu'il y en
aura. Ce que nous demandons, c'est peut-être plus d'imagination pour
essayer de prévoir un peu ce que pourrait être l'avenir et que le
bill 250 prévoie des mécanismes d'études constantes, de
sorte que les corporations puissent suivre l'évolution tant de la
formation que de la pratique. Nous ne demandons peut-être pas l'exercice
exclusif dans un sens plus traditionnel, dans le sens qu'on ferme vraiment
quelque chose pour exclure tous les autres. Ce que nous voulons, c'est que le
bill 250 ait des mécanismes, prévoie des possibilités
d'évolution parce qu'il y a un certain chevauchement. On peut le
définir comme chevauchement d'un côté et le définir
comme mode de collaboration d'un autre côté. Je pense qu'il faut
essayer de prévoir que ce soit suffisamment souple pour qu'on puisse
reconnaître la réalité à mesure qu'elle
évolue.
M. COURVAL: Nous avons des traits communs mais de moins en moins. Il y a
des traits spécifiques pour chacune des corporations, pas simplement les
nôtres, mais l'ensemble des corporations. Le travail multidisciplinaire
se fait aujourd'hui pour un très grand nombre de
spécialistes.
M. FORTIER: Je comprends que vous demandez une exclusivité mais,
vous avez vous-même constaté, à l'article 8 du projet de
loi 267 au sujet des orthoponistes et des audiologistes, les difficultés
de définir un champ d'exercice exclusif. C'est ce que je soumets
à votre attention: la difficulté d'avoir un champ exclusif pour
chaque corporation.
M. COURVAL: Mme Grenier.
MME BLAIS-GRENIER: Notre hypothèse de travail, en l'occurence,
est un peu la position que le ministre Castonguay a prise et qui est
citée au journal des Débats des 22 et 24 août 1972,
où il disait: "II faut se rappeler que les lois qui sont
présentement à l'étude sont des lois qui visent à
limiter de façon précise ce qu'est le champ de pratique d'une
profession. Ceci ne signifie pas pour autant que ça limite les membres
de cette profession à l'objet spécifique décrit dans la
définition de la loi. Ce qui importe, c'est qu'il faut limiter un champ
de pratique là où de toute nécessité seules des
personnes compétentes doivent poser les actes pour la protection du
public".
Nous ne voulons pas essayer de réserver l'ensemble de nos actes
professionnels. Cela tient compte non seulement des champs mitoyens avec les
conseillers d'orientation, et les psychologues, mais tient compte aussi des
champs mitoyens avec des corporations qui ne sont pas encore
créées et qui le seront dans l'avenir, vraisemblablement. Je
pense aux psycho-éducateurs, aux criminologistes, etc.
Ce que nous voulons limiter, ce sont certains actes où la
protection du public exige que nous puissions appliquer une déontologie.
Or, dans nos professions respectives, plusieurs des principes de nos cas de
déontologie se recoupent. Nous croyons que nous pourrions, selon des
modalités à établir, exercer en commun cette
déontologie professionnelle.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je pense que vous avez posé le
véritable problème qui nous confronte depuis le début des
travaux de la commission, problème sur lequel je pense qu'on commence
à apporter un éclaircissement suffisant pour trouver une
solution. La proposition que vous faites rejoint celle qu'on a faite
antérieurement. C'est que dans certains secteurs, comme celui des
sciences de la santé, il y ait un regroupement quelconque qui permette
aux corporations professionnelles sans freiner leur évolution,
parce que c'est important aussi d'y voir un peu plus clair et pour que
le public soit protégé. C'est ce qui est important.
Si vous réclamez l'exclusivité de certains actes au
détriment d'autres corporations professionnelles, il est possible que le
public en souffre. Vous avez mentionné tantôt que les psychologues
et les psychiatres pouvaient, dans certains cas, poser des actes et sont
habilités à le faire. Vous avez mentionné également
d'autres corporations professionnelles, les orthophonistes, je pense, et les
psychologues. C'est le même cas. Vous avez souligné ce cas. C'est
le véritable problème, et la solution est là, si vous me
permettez ce commentaire. Je pense que le législateur va se diriger de
ce côté. Votre suggestion est heureuse à ce point de vue,
de permettre à certaines corporations qui travaillent dans le même
champ, soit les sciences de la santé ou les sciences humaines, de se
regrouper. Vous vous réclamez de ce secteur des sciences humaines. Il y
a les sciences comptables. Il y a les sciences administratives. Il y a les
sciences du génie. Je pense qu'on devra faire ces sortes de regroupement
à l'intérieur soit de l'office des professions soit du conseil
interprofessionnel. Je pense qu'on devra explorer cette solution à
l'intérieur de l'office des professions pour faciliter ce regroupement,
pour faciliter la définition du chevauchement, si vous voulez, parce
qu'il va falloir permettre le chevauchement. Même si certains actes sont
réservés, pour protéger le public, à une de vos
corporations, on devra le permettre.
Cela m'amène à vous poser la question suivante. On semble
accepter de plus en plus cela semble ressortir des travaux de la
com-
mission parlementaire qu'il va falloir tailler de grands secteurs
à l'intérieur desquels on devra faciliter l'évolution des
corporations professionnelles. Vous êtes dans le secteur des sciences
humaines; est-ce qu'à votre avis, dans ce secteur des sciences humaines,
il y a d'autres corporations professionnelles qui, dès maintenant, ou
à assez court terme, devront se regrouper à l'intérieur de
votre fédération des trois corporations professionnelles? Vous
avez nommé tantôt les criminologistes, les
psychoéducateurs. Je pourrais penser à la psychiatrie.
Peut-être que le député de Bourget voudra plus
particulièrement...
M. LAURIN: Les logopédistes...
M. CLOUTEER (Montmagny): Les logopédistes... parler de la
psychologie et de la psychiatrie, les endroits où ces deux professions
se recoupent. Je vous demanderais, à votre avis, si l'évolution
de vos corporations et des autres corporations dont on a parlé est assez
rapide pour prévoir, à court terme ou même pour tout de
suite, un regroupement additionnel de certaines autres professions avec les
vôtres.
M. COURVAL: Je pense que Me Sheppard avait quelques mots à
dire.
M. SHEPPARD: Premièrement, je pense que c'est une question que
nous nous posons tous et qui était un peu celle qui avait donné
naissance à la commission d'enquête sur la santé et le
bien-être. On assistait à une prolifération de toutes
sortes de nouvelles spécialités ou de nouvelles disciplines. Il
fallait trouver un moyen de les contrôler, d'assurer la compétence
à leurs praticiens et de protéger le public.
Mais je pense que votre question rejoint certaines des questions qui ont
été posées au départ, c'est-à-dire que nous
nous trouvons en présence d'un triple problème si on parle
d'exclusivité d'exercice et de protection du public. Il y a les
relations entre les trois corporations qui sont présentes ici. Il y a
les relations entre ces corporations et d'autres corporations qui existent
déjà. Il y a les relations, en troisième lieu, avec les
groupements qui commencent à se présenter.
Dans le cas de ces trois corporations, ce n'est pas un hasard qu'elles
sont ici conjointement. C'est qu'elles se rendent compte qu'à part
certaines considérations économiques, comme les programmes
conjoints qui coûteraient moins cher à appliquer que si on les
faisait séparément, il y a une collaboration constante et un
chevauchement. Ces trois corporations veulent éviter des conflits entre
elles. Je pense qu'elles proposent au législateur une
possibilité, si on décidait de leur accorder
l'exclusivité, d'éviter au moins des conflits entre elles.
Je pense que le problème entre elles est réglé ou
pourrait être réglé. Par rapport à d'autres
corporations qui existent déjà, il n'y a pas, non plus, de
difficulté parce que chacune de ces corporations est
protégée, de toute façon, dans son champ. Je dis souvent,
en riant, que nous, au Barreau, nous faisons beaucoup de travail social. Il est
évident qu'on ne va pas se faire poursuivre pour exercice illégal
de la profession de travailleur social ou de psychologue. Le problème le
plus grave, c'est celui des nouveaux groupements qui s'en viennent. On a
mentionné certains d'entre eux; j'avoue que je trouve les titres aussi
barbares que d'autres ici. Je parlais des criminologues, par exemple, qui
exercent une profession qui a connu un essor très considérable au
Québec depuis quelques années. Il n'est pas du tout exclu qu'un
jour ils soient reconnus, si le législateur le décide, comme
profession à titre réservé; je ne sais pas si on ira
jusqu'à l'exercice exclusif. Mais, même si cela était,
à supposer que le groupe qui se présente ici inclurait les
criminologues ou les criminologistes, il n'y aurait pas de conflit entre les
différentes corporations dans la mesure où chacune accepte qu'on
oeuvre dans un champ particulier et qu'elles sont liées par un code de
déontologie qui leur est imposé.
Le problème véritable, c'est à l'égard du
public et surtout du public consommateur, du public privé, parce qu'on
peut supposer que les instances officielles, les gouvernements et les
institutions ont la compétence et les connaissances requises pour
choisir entre un travailleur social véritable et quelqu'un qui s'affuble
du titre, même si certains cas semblent démontrer le
contraire.
Mais il y a une véritable confusion qui s'installe quand des gens
peuvent, je ne dirais pas usurper, mais utiliser des titres. Les personnes qui
ne sont pas très informées ont l'impression d'avoir affaire
à des gens qui ont la même compétence. Vous vous rappelez
qu'à la dernière séance on a beaucoup parlé des
conseillers sociaux. Nous sommes, je dirais, presque tous des
spécialistes du monde professionnel. Je suis certain que nous avons eu
une certaine difficulté et nous l'avons encore à
saisir exactement quelle est la démarcation entre les conseillers
sociaux et les autres appellations, les aides-sociaux, les travailleurs
sociaux, etc. Si nous, les spécialistes, après toutes ces
audiences, ne pouvons pas distinguer, pensez au public qui n'est pas seulement
en présence des conseillers sociaux et les travailleurs sociaux, mais de
Dieu sait quels autres titres qu'on peut utiliser.
On a parlé, tout à l'heure, de psychologues. Bon. Seuls
les psychologues peuvent utiliser le titre de psychologue, mais consultant en
psychologie, spécialiste en psychologie, diplômé en
psychologie, cela est à la portée de tout le monde. Vous vous
rappelez certainement le cas à mon avis, le plus scandaleux que
nous ayons eu au Québec celui des psychanalistes. N'importe qui
peut s'intituler psychanaliste sans être médecin. On a eu
je ne nommerai personne des psychanalystes qui se sont retrouvés
devant les tribunaux dans des circons-
tances qui font pâlir toutes les causes d'exercice illégal
ou scandaleux, justement parce qu'il n'y avait pas de protection. N'importe
qui, ici, peut, demain, accrocher à son mur une pancarte disant qu'il
est psychanaliste et on ne peut pas l'empêcher. Il n'a pas besoin
d'être médecin; il n'a pas besoin d'avoir fait la moindre
étude.
Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut interpréter la demande
des trois corporations qui sont devant vous. Elles ne veulent pas limiter
l'exercice des autres corporations ni de chacune d'entre elles. Elles ne
veulent pas se réserver un monopole ou créer un trust et elles ne
veulent pas empêcher l'essor d'autres spécialités qui
peuvent naître mais, premièrement, il est évident qu'il
faudra trouver un système de collaboration, que ce soit dans une
corporation polyvalente, dans une fédération ou un autre
système, également pour avoir une sorte de parapluie pour les
nouvelles spécialités. Autrement, au lieu de limiter le nombre
des corporations, on en aura peut-être 100 ou 150, un jour, au
Québec. Deuxièmement, il faudra protéger le public, dans
le sens de réserver certains actes, selon la corporation et selon sa
spécialité. C'est pour cela, vous remarquerez, que chacune des
ces corporations qui vous proposent une définition de
l'exclusivité insistent sur certains éléments. Il faut que
ce soit l'exercice de la profession selon certains critères, que ce soit
un exercice habituel ou que ce soit contre rémunération.
Tout cela, ce sont des protections pour empêcher, en somme, que
des gens, à l'occasion, exercent d'autres professions. Un médecin
peut être appelé à conseiller un malade en lui disant: Vos
ulcères sont dus à la tension nerveuse que vous occasionne votre
travail. Changez de travail. C'est de l'orientation professionnelle, en quelque
sorte. Justement, pour éviter ces conflits absurdes et inutiles, on a
donné une définition très limitée. Ce n'est pas une
définition juridique satisfaisante et nous comptons beaucoup sur les
excellents conseillers juridiques du ministre pour en trouver une qui soit
applicable, parce que cela ne sert à rien de donner une
définition qui ne soit pas défendable devant les tribunaux.
Autrement, on fait de la littérature, on ne fait pas une loi. Mais vous
verrez, dans les exemples qui vous sont donnés, qu'il y a des abus
criants et constants, qui sont des menaces au public. C'est dans ce sens qu'il
faut comprendre la démarche, avec, naturellement, les différentes
soupapes de sûreté que sera le conseil interprofessionnel qui
j'insiste beaucoup là-dessus appuie la demande
d'exclusivité. Ces trois corporations viennent, avec l'appui de tous les
membres du conseil interprofessionnel, pour leur demande d'exclusivité.
Je pense que c'est unique dans nos annales.
A part le conseil interprofessionnel, il y aura l'office des professions
et le gouvernement qui pourront, à l'occasion, trouver les
aménagements qu'il faut, mais c'est une demande très
sérieuse, je vous le soumets, qui vous est proposée et qui est
fondée sur des abus qu'on vous signale. Ce n'est pas, donc, sans dire du
mal de certains autres requérants, une question de statut qu'on vous
demande, ce n'est pas une question d'obtenir des privilèges qui vont
rehausser le prestige d'une profession. Il y a une nécessité
sociale évidente. C'est dans cette perspective, je pense, qu'il faut
étudier la demande, même si elle est difficile, en pratique. Ce
n'est pas une demande facile. Ce n'est pas facile à définir. Nous
sommes d'accord. Disons que c'est la philosophie de la demande qui vous est
présentée aujourd'hui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis d'accord avec vous à l'effet que
ce n'est pas facile à définir, mais il y a certainement une
avenue intéressante à explorer dans la proposition que vous
faites d'une corporation polyvalente, de ce regroupement de trois professions
qui ont un champ d'exercice... Une bonne proportion des actes que posent ces
trois groupes de professionnels ont peut-être un champ d'exercice
commun.
On a reproché souvent, devant cette commission parlementaire, ce
qui parait un monopole exercé par la médecine vis-à-vis
des autres professions de la santé. Etant donné que, dans votre
secteur du champ social, il y a une évolution très rapide
vous le dites dans le mémoire que des groupes de professionnels
oeuvrent déjà depuis dix ans comme corporation professionnelle et
dix ans, avant cela, comme association professionnelle; que d'autres groupes
apparaissent vous venez d'en parler également quels sont
les mécanismes que l'on pourrait prévoir pour l'arrivée
d'autres professionnels qui viendraient s'ajouter, qui pourraient avoir un
titre, réservé d'abord, et ensuite un droit de pratique exclusif,
comme vous le réclamez, et que peut-être un jour la loi actuelle
vous reconnaîtra?
Ou, à ce n'est pas la loi actuelle, avec les années cela
pourra venir.
M. SHEPPARD: II est évident que la solution idéale c'est
un organisme qu'on appelle à l'heure actuelle, faute d'un meilleur
terme, une sorte de corporation polyvalente qui soit suffisamment ouverte pour
accueillir d'autres groupements éventuellement. C'est la formule que
nous proposons. Il y en a peut-être d'autres, ce n'est pas une formule
sacramentelle.
Mais notre démarche n'a pas pour but d'empêcher l'essor ou
l'exercice d'autres professions. Loin de là. Nous ne disons pas: En
somme, nous voulons englober, au sein de la corporation des travailleurs
sociaux ou des psychologues, tout le travail des autres et éliminer tous
les autres groupes. Ce n'est pas du tout dans ce sens-là que les
corporations se présentent ici.
Mais rien n'empêcherait un jour les crimino-logues, s'ils
étaient reconnus, de faire partie
d'une telle corporation, ou quelques autres spécialités.
Nous n'en voulons même pas aux conseillers sociaux, qui après
tout, comme ils l'ont dit eux-mêmes, ont été
suscités à la demande des travailleurs sociaux à cause
d'une pénurie de personnel.
Mais où nous croyons qu'il faut déterminer certaines
limites c'est dans les titres au départ, pour qu'il n'y ait pas de
confusion dans l'exercice qui est autorisé et qui va selon la
compétence. Nous avons, dans le domaine médical,
l'infirmière et le médecin qui font à peu près le
même travail, et pourtant tout le monde comprend très bien quelles
sont les limites du travail de l'infirmière et celles du travail du
médecin.
Et il devra en être de même ici. Que des conseillers sociaux
vous parlent pendant une heure du fait qu'ils oeuvrent dans le même champ
que les travailleurs sociaux, c'est évident. Tout comme on peut dire que
le médecin et l'avocat oeuvrent dans le même champ, puisqu'ils
travaillent tous les deux sur la personne humaine. Mais ce que les conseillers
sociaux ont oublié de vous dire par exemple, c'est la différence
de préparation scolaire et ça se reflète également
dans la qualité, la compétence et la responsabilité qu'on
peut leur confier.
Mais, aujourd'hui, ce n'est plus comme eux-mêmes vous l'ont
dit du bénévolat auquel on fait face. Un avocat qui
reçoit une cliente qui veut divorcer, se séparer est
obligé, par la loi du divorce maintenant, de diriger cette personne vers
un conseiller matrimonial. Les juges de plus en plus, avant de décider
de la liberté des citoyens ce n'est pas une question d'argent, de
chirurgie esthétique, c'est une question souvent de liberté
consultent des spécialistes, c'est-à-dire des travailleurs
sociaux ou d'autres personnes qui travaillent dans ce domaine.
Il est indispensable que le public soit protégé, parce que
l'individu qui passe en jugement peut très bien se voir retrancher
quatre, cinq ou dix ans de sa vie à la suite du rapport fait par une
personne qui n'est pas compétente. On est dans le domaine de
l'irréel, mais c'est une réalité que tous nous vivons tous
les jours. On a des exemples qui nous le rappellent presque quotidiennement
devant les tribunaux.
C'est pour ça que nous signalons cette lacune, dans le code des
professions, qui ne prévoit pas la corporation polyvalente, qui
éventuellement pourra accueillir ces différentes
spécialités. Il ne faut pas oublier qu'en attendant ce
jour-là il y a dès maintenant des gens qui doivent être
protégés et qui sont menacés.
Quand vous voyez, dans l'exemple qui vous a été
cité, une gamine de 19 ans qui peut décider en somme de la vie
d'une famille, je trouve ça extrêmement grave.
M. CLOUTIER (Montmagny): Me Sheppard, il y a un groupe qui a
parlé je pense que ce sont les psychologues des syndicats
professionnels dans leur mémoire. Est-ce que les trois corporations qui
sont devant nous ont un syndicat professionnel?
MME BLAIS-GRENIER: Nos membres sont syndiqués.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce un syndicat indépendant de la
corporation professionnelle dans les trois cas?
MME BLAIS-GRENIER: Ils sont syndiqués, pour la plupart, dans le
groupe des ingénieurs et cadres de la CSN.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quant aux travailleurs sociaux?
MME BLAIS-GRENIER: Quant aux travailleurs sociaux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Et aussi aux deux autres groupes.
MME BLAIS-GRENIER: Plusieurs psychologues...
M. TANGUAY: Pour les conseillers d'orientations, il y a des syndicats
indépendants de la chambre professionnelle et l'harmonie est des plus
heureuse.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bon! Vous avez mentionné ce point. Cela
pourrait rejoindre l'argumentation que vient de nous faire Me Sheppard que,
pour éviter qu'inconsciemment ne se crée aussi un monopole, le
syndicat professionnel peut être un élément
d'équilibre, peut introduire un certain équilibre
vis-à-vis de la corporation professionnelle. Vous avez mentionné
à bon droit que chacun des groupes devait s'occuper de sa
responsabilité propre. Ce n'est pas au syndicat professionnel de
s'occuper des choses qui relèvent particulièrement de la
corporation et ce n'est pas à la corporation de traiter des questions
financières et monétaires de ses membres.
Cela peut aussi introduire un élément d'équilibre
qui peut contrebalancer ce dont on parlait tantôt, à savoir le
monopole qui pourrait s'installer.
Quant aux questions spécifiques à l'endroit des trois
groupes, je vais laisser à mes collègues le soin de poser des
questions et je reviendrai peut-être, M. le Président.
M. COURVAL: Mme Blais-Grenier aimerait compléter une
réponse à une question.
MME BLAIS-GRENIER: J'aimerais ajouter quelque chose sur tout ce qui a
été exprimé avant. On a parlé des
définitions du champ de pratique; il faut bien comprendre que dans les
agences de service social, qui vont prendre des
appellations diverses avec le bill 65, plusieurs professions cohabitent
et les membres professionnels sont souvent syndiqués dans les
mêmes syndicats. Forcément, le syndicat comme vous le
disiez, M. Cloutier sert de facteur d'équilibre puisqu'il va
pousser, lui, davantage à une espèce de nivellement. Je crois que
c'est dans l'ordre d'un groupement qui protège les intérêts
des individus et qui essaie de maximiser leur avancement professionnel, leur
échelle de salaire et tout.
Nous n'avons pas d'objection à ça. Nous essayons
constamment de nous préoccuper de l'intérêt individuel de
nos membres. Il y a des problèmes qui se sont posés dans le
passé et qui ne sont pas, actuellement, réglés à
cause de nos lois respectives. Pour vraiment avoir pu les régler, il
aurait fallu demander des amendements à nos lois. Si je prends la Loi
des travailleurs sociaux, par exemple, il est défini que pour être
membres de la corporation il faut être détenteur d'un
baccalauréat ou d'une maîtrise en service social d'une
université du Québec ou l'équivalent. Strictement, cette
phrase, pour retourner au problème des conseillers sociaux, servait
déjà de limite. Les conseillers sociaux peuvent très bien
entrer dans notre corporation en se recyclant au plan universitaire mais, nous
nous ne pouvons les accepter d'office lorsqu'ils finissent du CEGEP, avec la
loi actuelle.
Ce qui ne veut pas dire qu'éventuellement, avec la collaboration
de l'office et d'autres professions, on ne pourrait pas parvenir à
s'entendre en établissant des certificats de spécialité.
Les mêmes certificats de spécialité, d'ailleurs, pourraient
être établis par les trois corporations et permettre aux membres
de chacune des corporations d'évoluer de l'une à l'autre, d'un
champ à l'autre. Si un travailleur social se spécialise en
"counselling", il peut très bien recevoir un certificat de
spécialité qui est un champ propre mais pas unique de la
Corporation des psychologues.
Ce qui nous préoccupe énormément aussi, c'est le
foisonnement au niveau universitaire de toutes sortes de
spécialités dont on ne sait vraiment pas où ça va
aboutir sur le marché du travail. Je pense, par exemple, au
ministère des Affaires sociales qui, de plus en plus, va couper dans ses
budgets les postes confiés aux animateurs sociaux, pour toutes sortes de
raisons dont certaines d'agitation politique, à ce qu'on me dit.
Par ailleurs, dans certaines universités du Québec que je
ne nommerai pas, on forme actuellement des animateurs sociaux. A quoi sert de
former des gens dont on sait d'avance qu'on ne veut pas les employer dans le
champ du bien-être par la suite? Cela nous préoccupe
énormément. Il faut comprendre qu'acutelle-ment, nous n'avons
aucun contrôle sur les universités et sur les
spécialités qui se créent dans les universités. Il
y a un hiatus énorme à ce niveau.
Si vous me permettez encore quelques secondes, je voudrais mentionner,
pour le bénéfice de M. Cloutier, la recommandation numéro
2 de notre mémoire conjoint.
On demande dans cette recommandation que le gouvernement nous permette,
en consultation avec l'office, d'être saisis et d'étudier le
problème de toute création de nouvelles disciplines dans le champ
des sciences humaines, pour éviter le double emploi qui se fait dans
d'autres professions. Je pense par exemple, encore une fois â certaines
autres universités du Québec qui créent une faculté
de génie actuellement, alors que c'est de notoriété que,
parmi les 14,000 ingénieurs au Québec, 1,200 sont en
chômage. Nous demandons d'être saisis de nouvelles disciplines qui
se créent au niveau de l'enseignement, qui n'ont rien à faire
avec les corporations. De cette manière, les corporations sont tout
simplement mises devant le fait accompli.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis content que vous souligniez ce point
parce que, dans d'autres séances de la commission parlementaire, on l'a
souligné aussi, mais tout particulièrement au niveau du CEGEP.
Toutes ces nouvelles options s'ouvrent sans qu'il y ait assez de collaboration
entre le ministère de l'Education et les différents
ministères gouvernementaux et les corporations professionnelles. Le
problème est clairement posé devant la commission et vous venez
de le mentionner au niveau universitaire. Je pense que, dans cette
collaboration que vous mentionnez, il y a certainement quelque chose à
retenir de la part du législateur.
M. LE PRESIDENT: M. Beaulu, et M. Bois-vert ensuite.
M. COURVAL: M. Beaulu aimerait reprendre la parole.
M. LE PRESIDENT: Pour répondre à une question?
M. COURVAL: Oui.
M. BEAULU: C'est pour compléter la question de M. Cloutier
concernant l'intégration d'autres associations et groupements, si vous
me le permettez, M. le Président.
C'est juste un point d'information. J'apprenais hier que devant le
Parlement de la province d'Alberta, il y a actuellement un bill qui s'appelle
le bill 83, Mental Health Act, qui propose une accréditation ou un
certificat de spécialité, comme le mentionnait Mme Grenier,
concernant la fonction de psychothérapeute ou thérapeute. C'est
une fonction qui est exercée par beaucoup de professions. Ce qu'on
propose c'est que, justement, il y ait une accréditation pour des gens
qui seraient capables de remplir la même fonction, par le biais de la
structure que
nous proposons, c'est-à-dire celle d'une corporation qui serait
polyvalente. Au fond, c'est quelque chose d'analogue que nous essayons
d'atteindre tout en nous servant évidemment du cadre
général qui est proposé par le bill 250,
c'est-à-dire permettre à des gens qui ont une formation, un
entrafnement ou des capacités pour remplir telle ou telle fonction, peu
importe le type d'enseignement qu'ils ont eu, le genre de département
universitaire par lequel ils sont passés, d'exercer la fonction pour
laquelle ils ont été préparés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, on a répondu à plusieurs
questions, surtout Me Sheppard, qui, avec sa grande connaissance des humains va
me priver de poser un paquet de questions. Cependant, il reste quelques points
à éclaircir. Ici, je regarde dans le document de la Corporation
des travailleurs sociaux professionnels. Au sujet du domaine exclusif, on dit
ceci: "Que soient réservés comme domaine exclusif du service
social, la consultation et le traitement psychosocial qui ont pour but...",
etc. Je me demande si ce qui est demandé par ce texte n'est pas beaucoup
trop large, et je m'explique. Disons qu'un législateur peut devenir en
quelque sorte, par l'étude ou l'application de certaines lois, un
travailleur social. Est-ce qu'un médicin peut établir un
diagnostic valable sans consultation psycho-sociale? C'est la question que je
me pose. Devra-t-il recourir, à ce moment, à la qualification
d'un psychologue ou d'un travailleur social?
M. SHEPPARD: C'est une question qui est très appropriée et
si on la limitait aux éléments que vous avez retenus de la
définition, je serais le premier à m'y opposer. Mais il faut lire
la suite: "... la consultation et le traitement psycho-social qui ont pour but
d'amener des changements essentiels dans la personnalité d'un individu
ou dans la constitution de son groupe immédiat".
Plus loin dans le texte, on lit: "...exercer de façon
régulière et contre rémunération." Cela vous donne,
tout de même, une série très considérable de
restrictions. Cela veut donc dire que le législateur ou l'avocat qui
ferait du travail social occasionnel ne tomberaient pas normalement dans le
cadre de la définition.
M. GUAY: Disons que ça répond assez clairement, sauf qu'un
député est rémunéré pour ce qu'il fait
aussi, comme l'avocat.
MME BLAIS GRENIER: Pour ce qu'il fait, mais pas pour le travail
social.
M. COURVAL: Si vous me le permettez, je prendrais l'exemple de la
définition du psychologue qui prévoit aussi les mêmes
choses et qui dit: "Constitue l'exercice de la psychologie le fait de poser
habituellement et contre rémunération l'un ou l'autre ou
plusieurs des actes suivants on en nomme et on ajoute à
partir des connaissances de la psychologie scientifique." Alors, c'est
là que notre champ est déterminé. Qu'un avocat ou qu'un
médecin ou qu'une autre personne posent contre
rémunération et même souvent des actes de cette nature,
s'ils ne le font pas à partir des connaissances de la psychologie
scientifique, nous n'avons pas d'objection. S'ils le font sur le plan humain,
par exemple, ou sur le plan de leur expérience de la vie, ça
va.
M. POIRIER : II est bien sûr que les professions, les disciplines
de base sont très vastes; elles comprennent un ensemble de connaissances
et d'applications très diverses. Je pense que notre demande
réciproque n'est pas de couvrir le champ entier, si vous voulez, de la
discipline de base. On prend un ensemble de connaissances de ces disciplines
qui sont multiples, que ce soit la sociologie, que ce soit la psychologie, que
ce soit le domaine social ou même l'éducation, mais avec des
finalités particulières. C'est à cet égard que l'on
définit les actes particuliers restreints dans le domaine de nos champs
professionnels qui méritent une attention particulière du
législateur, en fonction de la protection du public et également
des préjudices qui peuvent être causés aux personnes par
l'application soit des techniques ou d'un service professionnel dont le
professionnel n'a pas la compétence requise ou n'est pas soumis à
des contrôles d'exercice professionnel.
MME BLAIS GRENIER: Je voudrais ajouter à ça un exemple
concret qui pourrait concerner nos collègues de la médecine et du
Barreau. Je pense à un cas bien défini où un
médecin dirait à une mère de famille: Vous êtes
très nerveuse; il serait bon que votre enfant, qui lui-même est
très nerveux, puisque cela peut vous influencer mutuellement, soit loin
de vous pendant un certain temps.
Cela, c'est un conseil qui touche en partie certaines de nos
professions, mais, là, ça va très bien, il n'y a pas de
problème. J'espère que la mère de famille, à ce
moment-là, ira consulter un psychologue ou un travailleur social et
qu'avant de prendre sa décision elle se soumettra à un processus
d'évaluation assez long, parce que c'est une décision grave et
pour elle et pour l'enfant.
Je m'opposerais certainement à l'acte du médecin ou de
l'avocat s'il prenait la mère de famille en consultation et la gardait
en consultation, à une séance par semaine pendant six ou huit
mois, pour l'amener à accepter le départ de son enfant de sa
famille. J'aurais peur, à ce moment-là, que sa formation
médicale ou sa formation juridique n'introduise dans son diagnostic du
problème psychologique de la mère des éléments qui
ne devraient pas entrer dans ce diagnostic.
Comme dit Me Sheppard, ça coûterait beaucoup plus cher.
M. GUAY: Je remarque également que, dans la définition de
l'exercice de la psychologie, vous énumérez l'évaluation,
les diagnostics ou l'intervention dans le domaine de la santé mentale.
Moi, je me pose la question suivante: Quel champ restera au psychiatre
désormais si c'est couvert de cette façon? Il faut bien le dire:
Que ce soit un travailleur social, un conseiller social ou un psychologue, il
faut, à un moment donné, qu'il pose un diagnostic. Ces champs
sont tellement connexes que je me demande quelle place ou quel champ sera
réservé au psychiatre désormais.
MME BLAIS-GRENIER: Ils ont déjà la réserve en
étant membres du Collège des médecins, pour une part. Il y
a certains éléments que le psychiatre ne touche pas à
cause de sa formation et à cause du coût de ses services. Je n'ai
jamais vu, jusqu'à preuve du contraire, un psychiatre se rendre dans un
famille pour prendre et noter les dimensions sociales de cette famille, pour
juger de son implantation dans la communauté, pour voir comment elle
réagit au plan du groupe familial et comment elle réagit au plan
communautaire.
Il y a certainement des actes qui sont beaucoup plus du domaine de la
psychiatrie que l'extension jusqu'à l'aspect social et psychosocial.
M. COURVAL: La loi no 108 qui régit la Corporation des
psychologues comporte cette clause de réserve qui dit que ceci n'entame
en rien les droits et privilèges déjà consentis au
Collège des médecins nommément.
M. BOISVERT: D'autre part, M. le Président, si vous me permettez,
cela pose la question tout à fait pertinente du travail d'équipe
dans le domaine de la santé. On connaît des hôpitaux, des
cliniques, des centres de santé ou, en effet, de façon
systématique et. planifiée, de l'accord de tous les
professionnels de la santé, il existe une approche multidisciplinaire
des psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, gardes-malades, etc. Je
pense que cela rejoint la question du député de Montmagny, comme
celle d'ailleurs du député de Gaspé-Sud;
l'exclusivité comme étant une exclusivité
spécifique et absolue, c'est par rapport à l'exercice de ces
actes par des non-compétents ou par des non-professionnels. Qu'il y ait
chevauchement, c'est acquis non seulement dans les disciplines des relations
humaines mais dans beaucoup d'autres disciplines scientifiques.
M. GUAY: Vous avez mentionné quelque chose d'intéressant
et je le souligne, soit de prévoir des mécanismes de fusion. Je
suis porté à vous poser la question suivante: Est-ce que vous
seriez disposé à fusionner les trois groupes que vous
représentez?
M. BEAULU: Le mémoire ne dit aucunement quel genre de
coordination, de collaboration ou de fusion nous voudrions faire. Tout ce que
nous demandons je crois que c'est dans la deuxième recommandation
du mémoire tripartite c'est que la permission nous soit
donnée de travailler à élucider les différentes
formes de regroupement. Vous comprenez qu'il s'agit d'une étude qui
risquerait d'être assez complexe. Au fond, si nous venons ici ce matin,
c'est pour qu'on se mette d'accord sur le principe de la chose. Si le principe
est accordé, ce que l'on pourra faire ensuite, c'est se réunir et
étudier, par exemple, la suggestion que ce soit fait sous l'égide
de l'office des professions. Celui-ci aurait pour tâche de donner un
délai, de fixer, par exemple, un cadre à ces choses.
Mais je ne voudrais pas, ce matin, improviser rapidement un type de
formule qui ne serait pas susceptible de rallier la majorité de nos
membres. Pour une formule que nous pourrions proposer, il est bien entendu
qu'il faudrait consulter tous les membres des trois corporations. C'est un
processus assez long.
M. LE PRESIDENT: M. Poirier.
M. POIRIER: Je pense qu'à cet égard également,
comme première étape possible, il y a sans doute des services du
type administratif et professionnel qui peuvent être mis en commun et au
sujet desquels la loi peut prévoir certaines dispositions. Par exemple,
un code de déontologie commun, certains comités de discipline
professionnelle, certains aspects. On parle de syndic dans la loi; on peut fort
bien avoir recours à une équipe multidisciplinaire, tout en
gardant la spécification des actes professionnels restreints et non pas
tout le champ. Egalement, on peut prévoir un mécanisme avec
l'office, un comité d'étude pour présider au
développement de toutes les nouvelles disciplines de façon
à créer l'harmonie à l'intérieur du champ des
sciences humaines et un développement harmonieux.
M. GUAY: Est-ce que vous avez songé, par exemple, à
établir un système modulaire, comme cela existe dans certains
métiers? On regroupe des services et des groupes de travailleurs. Dans
votre cas, ce seront des groupes de professionnels qui dispenseront les
services. Je pense à cela afin d'éviter des promenades inutiles
de certaines personnes qui vont d'un professionnel à l'autre et ne
réussissent pas à trouver les soins qu'elles cherchent.
M. POIRIER: Je pense que l'exemple est donné, ce matin, par notre
présentation d'un mémoire conjoint. Une partie
générale de la présentation, pour restreindre les actes en
termes d'exclusivité, est aussi valable pour l'une ou l'autre des
chambres professionnelles, dans le sens des disciplines des sciences humaines.
Par ailleurs, il y a des particularités et comme on l'a dit, à
partir des disciplines de base, chacun a un
objectif particulier. C'est sur cela que nous formulons notre demande et
non pas sur un champ d'applications multiples ou hypothétiques. Je pense
qu'il faut que ce soit assez clair sur ce plan.
M. GUAY: Disons que cela me permet de vérifier. Je pense bien que
c'est l'esprit qui a animé la rédaction des mémoires. Cela
nous permet de mieux comprendre. Merci.
M. COURVAL: Nous pratiquons déjà cette
multidisciplinarité non seulement dans des institutions mais même
dans des bureaux privés. Nous avons des bureaux privés de
psychologues qui comptent une vingtaine de psychologues et une vingtaine
d'autres personnes non psychologues: travailleurs sociaux, conseillers
d'orientation, médecins et psychiatres. Cela se fait déjà
même aux deux niveaux des institutions et des organismes
privés.
M. GUAY: La législation pourrait, sous le système
modulaire, prévoir des définitions beaucoup plus larges afin,
premièrement, de couvrir tout le champ sans qu'il y ait des conflits
à l'intérieur des groupes.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M.LAURIN: Je voudrais d'abord, M. le Président, rassurer ceux qui
s'inquiètent de la disparition éventuelle de ma profession parce
qu'ils la voient grugée par toutes les autres professions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le député pourrait
disparaître avant le professionnel?
M.LAURIN: Justement, je pense que ces craintes sont vaines parce qu'au
fur et à mesure que la psychiatrie est grugée par les autres
professions, elle en envahit d'autres de plus en plus, dont celles du
législateur, de l'urbaniste et ainsi de suite. Il n'y a pas de danger
pour ça!
M. le Président, il me semble que plus on procède dans
l'étude du problème des corporations professionnelles, plus on se
rend compte qu'on a ouvert une boîte de Pandore et que les
problèmes sont beaucoup plus nombreux et complexes que même les
rédacteurs de la commission l'avaient imaginé. C'est à se
demander même si on a commencé à étudier le
problème par le bon bout. C'est-à-dire qu'on l'a
étudié d'abord sous l'angle de la délimitation des champs
de pratique. Je me demande si on l'a étudié par le bon bout. Je
me demande s'il ne faudrait pas le reprendre maintenant par l'autre bout,
c'est-à-dire le bout supérieur, en regardant ça de plus
haut. On l'a regardé par le bas pour commencer.
Ce qui me fait dire ça, c'est qu'il y a déjà une
quinzaine d'années, les médecins poursuivaient tout le monde pour
exercice illégal de la profession: les psychologues, les infirmiers, les
travailleurs sociaux et tout le monde. Maintenant, c'est au tour des
psychologues, des travailleurs sociaux à poursuivre les conseillers
sociaux pour exercice illégal de la profession et ainsi de suite. Cela
m'amène à dire ceci: Avant qu'on puisse et je voudrais
vous poser la question accorder à une profession la
prérogative de l'acte exclusif, ne faudrait-il pas se poser la question:
Est-ce que le public est sûr, puisque c'est lui qu'il faut
protéger éventuellement, est-ce qu'on est sûr, est-ce que
le législateur, qui parle au nom du public, est sûr que ce
professionnel possède toutes les connaissances pour qu'à ce
privilège d'exclusivité corresponde la "compétence
absolue"? Je m'aperçois, par exemple, que les oto-rhino-laryngologistes
s'opposent aux audiophonistes en disant que ceux-ci ne voient qu'un
côté de l'acte à poser, soit seulement le côté
technique de l'oreille ou le côté ingénierie de l'oreille.
De la même façon, les oto-rhino-laryngologistes, quand ils
s'occupent d'audiophonie, en veulent aux psychologues de favoriser l'aspect
uniquement psychologique qui entre dans le phénomène de
l'audition également, les blocages affectifs. De la même
façon, les orthophonistes reprochent aux médecins de trop
favoriser l'aspect pathologique, l'aspect physiologique, l'aspect science de la
nature en négligeant l'aspect ingénierie. Les psychologues,
également, qui s'occupent d'audiophonie, reprochent aux
oto-rhino-laryngologistes de trop favoriser l'aspect organique au
détriment de l'aspect affectif.
Je pense qu'ils ont tous raison, ces gens-là. C'est un fait que
les médecins, de par leur formation, sont portés à
favoriser l'aspect science de la nature, l'anatomie, la physiologie, la
micro-anatomie, tout ce que l'on veut. Il est vrai aussi qu'un psychologue est
porté, de par la formation qu'il reçoit, à trop favoriser
l'aspect psycho-affectif en sous-estimant l'importance des facteurs organiques.
Mais le citoyen qui vient voir un psychologue, un audiologiste ou un
oto-rhino-laryngologiste pour l'examen de son problème d'oreille a
besoin d'avoir affaire au meilleur spécialiste possible. Ce n'est pas
lui qui va savoir que le médecin a peut-être reçu une
formation insuffisante en psychologie, en psychologie sociale ou en dynamique
des groupes. Ce n'est pas lui qui doit savoir que l'audiologiste ou
l'audiophoniste est plutôt préoccupé d'ingénierie et
ainsi de suite.
Il me semble que le législateur, quand il en vient à
légiférer là-dessus, doit s'assurer que celui qui
revendique le titre exclusif doit avoir, dans les conditions actuelles de la
science, la gamme de connaissances la plus étendue, de façon
qu'il ne privilégie pas une dimension aux dépens d'une autre.
A ce titre, je me demande je vous pose la question s'il y
a une seule profession, actuellement, qui puisse véritablement
revendiquer l'exclusivité, même le médecin, même le
dentiste. Parce qu'on sait très bien que ceux qui
s'occupent des dents ont aussi à se préoccuper de la
condition générale de l'organisme, au point de vue physique
autant qu'au point de vue mental. Y a-t-il une seule profession capable de
revendiquer l'exercice exclusif de sa profession, actuellement, même le
Barreau? Me Sheppard disait tout à l'heure que, de plus en plus, il
s'intitule travailleur social, parce que c'est nécessaire s'il veut
véritablement comprendre les problèmes. Y a-t-il une seule
profession qui puisse revendiquer le titre exclusif?
M. BOISVERT: M. le Président, je pense que la question que pose
le député de Bourget est fondamentale, mais, en même temps,
qu'elle est d'ordre dialectique. Je répondrais clairement à sa
question: Non, on ne peut accorder, de façon absolue,
l'exclusivité de l'acte réclamé par l'un ou l'autre des
champs professionnels. Non, on ne pourrait pas faire cela sur un plan
dialectique.
D'autre part, il reste que les professionnels de la santé ou de
la science de l'ingénierie ou de n'inporte quelle autre discipline sont
aux prises, quotidiennement, avec des gens qui souffrent, moralement ou
physiquement, avec des gens qui ont des problèmes techniques ou
scientifiques à résoudre. Il faut arriver dans certains
cas, cela ne peut être, hélas, qu'empiriquement, on le voit bien,
et le ministre lui-même a déjà parlé de la
prolifération incontrôlable et, jusqu'ici,
incontrôlée de tous les champs de spécialisation de
façon pratique, de façon commode, de façon rationnelle,
à réglementer le mieux qu'on peut l'exercice de tous les champs
d'activité professionnelle.
Je ferais deux considérations, après avoir dit ce non sur
le plan dialectique ou sur le plan métaphysique. Sur le plan pratique,
je pense qu'il faut arriver c'est la fonction du législateur, en
effet, quant à moi à prendre des décisions
rationnelles et administratives, avec le maximum de prudence. A cet
égard, je pense que la position intellectuelle de nos trois corporations
est nouvelle. Nous n'essayons plus de définir les professions par
divergence. Vous avez rappelé, tout à l'heure, en souriant,
qu'à travers les âges, c'était une chasse les uns aux
autres ou les uns des autres. La position originale M. le
député de Montmagny l'a souligné de nos trois
corporations, c'est d'essayer de se définir par convergence. A cet
égard, je pense qu'on a beaucoup plus de chances de mettre en oeuvre des
législations qui se caractérisent par la prudence, aussi bien sur
le plan administratif que sur le plan scientifique.
La deuxième considération que je ferai en réponse
à votre question, M. le Président, c'est qu'il faut, il me
semble, évaluer les chambres professionnelles non pas à court
terme, mais dans une perspective historique. Il faut voir ce qu'est le
Collège des médecins, ce qu'est le Barreau, ce qu'est l'Institut
si c'est comme cela que cela s'appelle des ingénieurs ou
la
Corporation des conseillers d'orientation ou des travailleurs sociaux ou
de quelque autre chambre professionnelle que ce soit, à travers
l'histoire. Est-ce qu'en octobre 1972, ces chambres professionnelles, sur le
plan de la protection réelle du public, sont mieux
équipées scientifiquement, administrativement et autrement, si
cela se conçoit, qu'elles ne l'étaient en 1962 ou en 1952? Je
pense que l'évolution effarante du savoir scientifique est telle, en
effet, qu'il devient illusoire de s'opposer à la multiplication des
spécialités.
D'autre part, il faut arriver à les contenir dans des
lois-cadres, dans des ensembles législatifs globaux et importants. Je
pense qu'il faut, à cet égard, que le législateur prenne
tout le soin voulu pour s'arrêter très sérieusement
à cette perspective historique.
Personnellement c'est une opinion très individuelle, donc,
très discutable, mais, puisque vous nous posez des questions, j'imagine
que vous vous attendiez qu'on essaie d'y répondre je pense que
c'est le fait, quant à moi incontestable, de certaines chambres
professionnelles.
Elles ont depuis 5, 10 ou 15 ans mis en place des dispositifs de
contrôle qui, pour être imparfaits, sont quand même en
état de progrès et sont en état d'évolution vers
une plus grande perfection humaine.
M. LAURIN: Elles me semblent toutes partielles et partiales.
M. BOISVERT: Je suis parfaitement d'accord, c'est ce pourquoi l'approche
multidiscipli-naire, l'approche d'un vaste éventail dans le secteur des
relations humaines risque, précisément dans la perspective de
prudence que j'ai essayé d'évoquer tout à l'heure, de
limiter ces points de vue partiels et partiaux comme vous dites. Et l'effort de
regroupement au sein ou de l'Office des professions ou du CIQ, ou de ce que
nous avons appelé, faute de meilleure terminologie, une corporation
polyvalente, nous paraît répondre, encore partiellement bien
sûr, à la difficulté que vous soulevez.
D'autre part, je pense qu'il faut peut-être essayer au niveau de
la loi d'éviter ce qui s'est fait traditionnellement,
c'est-à-dire de figer en quelque sorte des juridictions qui, dans
beaucoup de cas ont été, à toutes fins pratiques,
absolues.
Ce que nous proposons c'est uniquement l'inclusion d'un principe de
regroupement dans une loi, de sorte qu'ensuite, progressivement, de
façon dynamique et non pas de façon statique comme dans le
passé, on en arrive à permettre à des
professionnels de disciplines différentes de travailler
systématiquement ensemble à définir ce qui est commun, ce
que j'ai appelé la convergence, et à définir
également ce qui est spécifique, la divergence, mais dans une
perspective de complémentarité, ce qui n'a pas été
fait jusqu'à maintenant, et ce que je crois soupçonner dans votre
question.
UNE VOIX: Me Sheppard voudrait compléter la réponse.
M. SHEPPARD: Ma profession également menacée encore plus
que la psychiatrie. Je pense que la question que vous avez posée est
significative, mais si on y répondait honnêtement, on serait
peut-être amené à une conclusion qui n'est pas celle que
vous désirez. Il est évident que personne aujourd'hui ne peut
prétendre à un monopole du savoir et à la capacité
de traiter un problème complexe à lui tout seul. D'où la
pluridisciplinarité...
M. LAURIN: Quand le client la demande, lui, pour sa
sécurité.
M. SHEPPARD: Exactement. Mais une demande d'exclusivité et
c'est un peu la nouveauté de notre optique aujourd'hui n'est pas
par rapport aux autres professions. Si le législateur se rendait
à notre demande, il n'y a pas une seule profession à l'heure
actuelle, profession reconnue ou à titre réservé, qui
serait menacée, privée ou empêchée de poser un seul
acte qu'elle pose à l'heure actuelle.
C'est par rapport aux amateurs, par rapport aux charlatans, aux
âmes charitables qui se mêlent de ce qui n'est pas de leur
compétence. Je suis le premier à concéder qu'il y a des
problèmes que moi je ne peux pas régler et où je dois
diriger mon client vers un psychiatre, pour vous renvoyer la balle, je tiens au
moins à ce que mon client aille voir un psychiatre qui soit un
médecin, qui soit compétent, et pas un monsieur qui s'intitule
psychanalyste et qui mène certaines expériences que nous avons eu
l'occasion d'apprendre par les journaux.
En protégeant le public, il y a cet élément
très important, c'est de ne pas l'exposer disons aux astrologues des
professions. C'est ça qu'il faut comprendre. Nous ne prétendons
pas du tout avoir un monopole par rapport aux autres professions, mais
plutôt, je pense, par rapport aux gens qui ne font pas partie de ceux qui
ont la compétence requise pour traiter ne fût-ce qu'un aspect du
problème. Il faut protéger le public.
Et nous avons donné des cas concrets que nous ne pouvons pas
résoudre, à moins d'empêcher des charlatans
d'opérer. Et j'irais jusqu'à vous donner un exemple vraiment
absurde. On n'a pas le droit d'être chauffeur de camion sans
posséder un permis spécial. N'importe qui, avec un permis de
conduire, peut conduire une voiture, mais si vous voulez conduire un camion,
vous avez besoin d'un permis spécial. Cela se résume à
ça.
Nous voulons ce permis spécial pour protéger le public,
pas pour protéger des fabricants de camions.
M. POIRIER: Face à un problème à étudier,
les superprofessionnels, ce serait aller contre le sens des équipes
multidisciplinaires. Mais à l'intérieur de ces équipes
multidisciplinaires, il faut avoir des gens compétents pour exercer les
actes particuliers de l'ensemble du travail multidisciplinaire.
C'est important ces actes que nous tentons de définir assez
clairement et dont nous circonscrivons le champ, de façon à
préciser vis-à-vis du public les exigences de pratique et de
compétence pour exercer ces actes particuliers.
M. LAURIN: Tout au long des séances de la commission, comme lors
de l'audition de votre mémoire, j'ai constaté aussi la tension
qui existe entre les corporations et les corps scolaires avec lesquels vous
devez entrer en relation et qui dispensent la formation qui fait l'objet de
votre exercice.
Je me demande si ce problème n'est pas plus fondamental qu'on l'a
vu jusqu'ici puisqu'une façon d'empêcher la prolifération
future des professions est de surveiller ce qui se passe au niveau du
ministère de l'Education, qui a sous sa gouverne l'enseignement des
CEGEP, et au niveau du Conseil supérieur des universités, qui
aurait pour mission aussi d'empêcher peut-être la
prolifération indue de professions. En même temps, celui-ci
pourrait avoir pour rôle de surveiller l'évolution du savoir, de
voir quand ça s'impose, par exemple, à cause du
degré plus élevé de démocratie, de conscience plus
aigüe des droits, de la sophistication d'une société
que le travail fait actuellement par un professionnel soit fait par une
équipe qui est sous sa responsabilité.
A ce moment-là, je me demande si votre suggestion de créer
une corporation polyvalente ou de créer une fédération de
corporations répond complètement au problème. Je me
demande s'il ne faudrait pas associer davantage les organismes proprement
éducatifs, que ce soit le ministère de l'Education, que ce soit
le Conseil des universités, à la définition des
tâches, à la définition des champs de pratique, de
façon à ce qu'on ait quelque chose qui ne soit pas bancal. Aussi
longtemps que c'est uniquement les corporations qui s'occupent, qui viennent
défendre ici le champ de leur profession ou aussi longtemps que le
législateur n'écoute qu'elles, il me semble qu'on va arriver
forcément à une solution bancale. On oublie une dimension
absolument essentielle dont l'importance est tout le moins égale
à celle que les corporations représentent.
Je ne sais pas si vous avez des commentaires.
M. BOISVERT: M. le Président, encore une fois, je pense que nous
sommes en face d'une question fondamentale. En effet, là aussi il
faudrait peut-être appliquer ce que nous appelons le principe de
convergence, plutôt que le principe de divergence. En effet, vous
employez le mot tension pour décrire les relations entre les chambres
professionnelles ou, en tout cas, beaucoup de chambres professionnelles et
l'université dans son principe.
Pour ma part, je souscris entièrement à votre opinion. Je
pense que nous risquons en effet d'être devant des situations bancales si
on n'associe pas, de la façon la plus fonctionnelle et la plus
rationnelle possible, l'université à la conjonction du savoir ou
à la continuité entre l'acquisition du savoir et la pratique des
professions.
A cet égard, la Corporation des psychologues maintient de
façon très vivante et très continue, à un rythme de
réunions fréquentes, ce qu'elle appelle un comité mixte
qui regroupe périodiquement, comme je viens de le dire, des
représentants de la Corporation des psychologues et des
représentants des universités du Québec où se donne
un enseignement de la psychologie. Peut-être, comme vous le
suggérez, faut-il aller plus loin. Mais, jusqu'à maintenant, je
pense que nous pouvons témoigner que ce comité mixte
corporations-universités universités au pluriel, je le
répète nous a permis des rapprochements
sérieux.
Je crois qu'en effet il faudrait aller plus loin de façon
à avoir les états généraux du savoir et de la
profession, au fond pour éviter ces positions partielles et partiales
dont vous parliez plus tôt.
M. POIRIER: M. le Président, nous avons des exemples concrets
dans nos chambres professionnelles qui témoignent de cette relation
entre les universités, les écoles de formation et les chambres
professionnelles.
On vient de citer l'exemple des comités d'étude. Nous
avons nous-mêmes, à la Chambre des conseillers d'orientation
professionnelle, les représentants des universités qui
siègent au niveau du conseil d'administration, en plus de ces joints
avec les universités par des comités d'étude.
Egalement, un autre aspect de mise en commun par le mécanisme
professionnel entre les chambres professionnelles et le développement
d'autres disciplines a justement pour but de tenter de faire une convergence
des écoles de formation avec les chambres professionnelles et
l'avènement d'autres disciplines selon les besoins pressentis.
L'office des professions, je pense, constitue un mécanisme
certain de planification en ce sens.
M. LAURIN: Ma dernière question s'adresserait à Me
Sheppard. Est-ce que le conseil interprofessionnel a le goût et les
moyens de dépasser le niveau des études où nous nous
situons actuellement, pour envisager ce problème dans une perspective
qui pourrait nous permettre de dépasser les faux problèmes que
nous avons rencontrés ici, d'une part? Deuxièmement, est-ce que
vous avez constaté au niveau du conseil interprofessionnel qu'une sorte
de clivage est en train de s'effectuer entre les corporations qui
s'intéressent plutôt aux sciences humaines qu'aux sciences de la
natu- re? Enfin, est-ce que le conseil interprofessionnel voit d'un oeil
favorable ce regroupement en son sein des professions ou des corporations?
M. SHEPPARD: Je dois dire que ceci a été ma
première expérience comme avocat du conseil interprofessionnel.
J'ai été, en dépit de ce qu'on m'avait dit, frappé
par je ne dirais pas l'harmonie parce qu'on a discuté ferme
mais par le fait qu'une vingtaine de corporations très
divergentes, aux traditions et aux intérêts aussi contradictoires,
aient réussi à s'entendre aussi rapidement sur tant de points.
J'ai aussi l'impression, mais je ne suis pas autorisé à dire
autre chose, que cette expérience, qui a donné lieu au
mémoire que vous connaissez et puis à l'intervention devant votre
commission, est une première étape et qu'éventuellement,
fort de cette expérience, ça va déborder sur une
contribution beaucoup plus riche. Jusqu'à présent, cela a
été un groupe qui a essayé, souvent avec succès,
mais pas toujours, de présenter un point de vue commun et de servir, en
somme, d'endroit où on pouvait discuter de problèmes communs.
Mais toutes les corporations n'ont pas les mêmes problèmes
et il est évident qu'il y a des sympathies entre corporations,
d'après les disciplines. Les avocats et les notaires s'entendent
très bien ensemble. Je suppose que nous ne parlons pas aussi souvent aux
psychologues ou aux travailleurs sociaux. C'est un regret que j'ai à
exprimer. Je pense que, dans la nouvelle structure du code des professions, le
CIQ va être appelé à jouer un rôle beaucoup plus
dynamique et qu'il est disposé à le jouer. Il est
également et c'est un sujet de discussion disposé
à accueillir avec toute la franchise requise des nouvelles corporations
qui pourraient être constituées. Donc, je pense que le
gouvernement et le législateur trouveront dans le conseil
interprofessionnel, non pas un groupe de pression, mais presque un lieu de
collaboration et une source d'idées.
Par contre, le problème des universités n'est pas
seulement un problème professionnel et un problème humain
très sérieux pour les victimes souvent de ce que j'appellerais
l'incurie universitaire. Je ne suis pas tendre, je dois le dire,
personnellement pour les universités. Il y a beaucoup de gens dans les
universités qui, psychologiquement, ont l'air d'en vouloir aux
corporations professionnelles. Il suffit presque qu'une corporation
professionnelle adopte un point de vue pour que l'université prenne le
contre-pied. Je pourrais mentionner différentes professions sauf
peut-être les médecins où je l'ai remarqué moins
où il y a une certaine irresponsabilité dans certaines
facultés. Je parle notamment des facultés de droit; on
connaît les problèmes qu'elles ont à l'heure actuelle. Je
ne défends ni le Barreau, ni les facultés de droit, mais j'ai
été frappé dans mes conversations avec des professeurs de
droit qu'on forme des juristes, avec un J majuscule, mais qu'on se
soucie fort peu de ce qu'il leur arrive quand ils sortent de
l'université. Les corporations pourraient dire la même chose:
Messieurs, vous avez fait sept années d'études universitaires,
débrouillez-vous après, mais le problème humain est
là. Je pense que c'est un problème qui va exiger non seulement
l'intervention du gouvernement, mais un sens des responsabilités
beaucoup plus grand de la part des universités qui s'imaginent, avec
raison dans un certain sens, qu'au nom de la liberté académique,
on peut déverser des milliers de personnes qui ne pourront pas gagner
leur vie.
Si au moins elles avaient la franchise de dire aux gens, aux
étudiants: Vous allez étudier une discipline qui ne vous ouvrira
pas nécessairement un débouché mais qui va cultiver votre
esprit et va vous amuser, d'accord. Mais il n'y a pas un étudiant dans
une faculté de droit qui ne s'imagine pas qu'au bout de ses quatre
années d'université, ou trois années d'université,
il n'aura pas le droit de pratiquer la profession d'avocat, même s'il
affecte de mépriser le Barreau. Et malheureusement, quand les
corporations professionnelles rappellent les universités à
l'ordre, on leur reproche de limiter le nombre de candidats, etc. Je peux vous
dire, pour parler des avocats, qu'il y a deux ans le Barreau a lui-même
publié une recherche qui avait été faite par un cabinet de
recherche indiquant qu'on manquait au Québec d'un tiers d'avocats. C'est
le Barreau lui-même qui a dit il y a deux ans qu'il fallait augmenter le
nombre d'avocats au Québec d'un tiers.
Aujourd'hui, quand le Barreau se plaint de la qualité des
étudiants qui se présentent aux examens je pourrais vous
faire de longs discours là-dessus si on avait le temps on dit que
c'est le Barreau qui veut empêcher les étudiants de pratiquer.
Dans mon cabinet, comme dans des dizaines d'autres cabinets à
Montréal, le plus gros problème, c'est de trouver de jeunes
avocats. Je peux vous le dire, ce n'est pas le nombre de candidats qui est trop
élevé, c'est le nombre de places. Mais les universités ne
s'en préoccupent pas.
J'ai eu ces discussions très souvent dans deux ou trois domaines.
Je ne sais pas à qui incombe la responsabilité de les rappeler
à l'ordre, mais il y aurait peut-être des comptes à
demander à certaines facultés, et surtout les facultés de
droit.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.
M. VEZINA: Une question. Le sujet a pas mal été couvert
tant par les exposés que par les questions de mes collègues. D'un
point de vue très pratique, à plusieurs reprises, vous avez fait
allusion à ce que vous avez appelé des charlatans qui, à
l'occasion, pouvaient exploiter le public. Diriez-vous, si on examine votre
mémoire ou votre position uniquement en fonction de la protection du
public, que le plus grand danger qui existe actuellement et le plus grand
risque, par voie de conséquence, que court le public, c'est
précisément d'être victime de toute une série
je reprends encore votre expression de charlatans qui seraient
répartis aux quatre coins de la province?
MME BLAIS-GRENIER: Me Vézina, je pense que c'est exactement ce
qu'on dit tout au long du mémoire, que le public ne peut absolument pas
déterminer lui-même qui il devrait choisir pour obtenir la
qualité de service qu'il veut obtenir. Je pense qu'on est tous du
même avis là-dessus et, comme le disait Me Sheppard, ce n'est pas
les professionnels compétents d'autres domaines qui nous portent
ombrage, mais les gens non spécialisés qui prétendent
faire de la magie en utilisant des techniques pour lesquelles ils ne sont pas
du tout préparés.
M. VEZINA: Est-ce qu'un moyen d'obvier à ce danger, à
cette difficulté, serait que l'exclusivité soit définie en
termes génériques plutôt que spécifiques à
chacune de vos trois corporations? J'ai l'impression que, tout simplement sur
le plan de la technique législative, décrire l'exclusivité
accordée à chacune des corporations, je ne dirai pas que c'est
impossible, mais c'est pour le moins très difficile et pratiquement
inapplicable.
Par contre, si on décrivait l'ensemble des actes professionnels
que vous posez en appliquant cette exclusivité aux trois corporations,
cela me paraîtrait plus abordable et surtout plus applicable, parce que,
comme le disait Me Sheppard tantôt, si on a un texte de loi qui en
pratique devant les tribunaux est insaisissable ou impénétrable
dans les faits qu'on peut reprocher à ces tiers qu'on traite aujourd'hui
de charlatans, il ne sert absolument à rien, à mon humble avis,
de travailler à pondre un tel texte et à en faire un texte de
loi.
Il me semble j'aimerais, Me Sheppard, que vous commentiez si vous
le jugez à propos qu'une définition des
exclusivités pour le genre d'activités plutôt que pour
l'espèce de chacune des activités, des actes professionnels
posés par les trois corporations, cela me parait plus pratique et
surtout plus applicable une fois la loi adoptée.
M. SHEPPARD: Je pense que nous sommes d'accord qu'il est essentiel
d'être modeste et pondéré dans la définition
d'exclusivité parce que les sciences humaines ne se prêtent pas
à des définitions, à l'heure actuelle, qui sont
rigoureusement faciles à établir. Je suis d'accord qu'il y a un
problème de technique législative. Cela a été ma
première réaction quand on m'a présenté le
problème. Tout dépend, n'est-ce pas, de ce que le
législateur considère utile à accorder. Nous avions le
choix, en venant ici, de demander le maximum et de vous donner une liste
interminable qui aurait certainement eu un
effet très négatif ou de vous donner une idée de la
catégorie des définitions relativement modestes et assorties de
toutes sortes de restrictions et qui nous semblent adéquates. Mais je ne
dirai pas qu'à l'heure actuelle, dans sa rédaction telle qu'elle
vous est soumise, j'aimerais plaider une poursuite devant un tribunal.
J'aimerais plutôt plaider pour l'intimé. Mais le danger de donner
des définitions trop spécifiques, c'est qu'automatiquement, selon
le vieil adage, tout ce qui n'est pas inclus dedans est exclu, donc est
permis.
Il y a la question donc de concilier les deux. Je
préférerais me fier, si le principe était établi,
à la compétence des légistes de cette assemblée
tout en vous disant que nos trois corporations, comme toutes les autres,
accorderaient la collaboration requise pour aider dans l'éclairage
pratique de l'exercice. Mais il faut, au départ, faire un choix. Est-ce
qu'on va donner une définition très détaillée,
comme certaines professions l'ont essayé? Cela entraîne, en somme,
une étude de ce que ces actes représentent pour d'autres
professions ou une définition plus vaste. Je suis d'accord que la
nôtre n'est pas encore suffisamment raffinée. Mais il faut d'abord
partir du point de vue suivant: Est-ce qu'on va reconnaître le principe
ou non et raffiner par la suite? Au sein d'une corporation, on ne s'entendrait
peut-être pas toujours sur ce en quoi consiste, en somme, l'exercice
qu'on veut limiter. Nous ne prétendons pas limiter tout l'exercice de la
profession. C'est-à-dire que les avocats et les médecins sont
bien plus impérialistes. Ces trois professions-ci ne veulent
protéger qu'un certain élément et surtout contre des
personnes qui, sans avoir la compétence, prétendent le faire
régulièrement comme métier. En somme, ces personnes qui
s'affichent dans ces domaines. On peut penser à certaines personnes en
particulier.
Mais il y a un problème de technique qui n'est peut-être
pas encore résolu dans le mémoire.
M. GUAY: J'aurais une question supplémentaire à
celle-là. Est-ce que, actuellement, les trois groupes que vous
représentez se sentent limités dans leur droit de travailler ou
leur champ de pratique?
MME BLAIS-GRENIER: Je désirerais répondre à cela
encore par un exemple concret. Là où nous nous sentons
particulièrement limités, c'est quand il s'agit d'exercer le
mandat qui nous a été confié par le législateur de
protéger le public. On l'a dit, ce n'est pas tellement dans notre
pratique, parce que je crois qu'il y a beaucoup d'ouvertures pour les gens qui
sont formés en sciences humaines et que ce champ de travail n'est pas
prêt de se tarir. Mais il nous arrive très fréquemment
d'observer que lorsque, même vis-à-vis de nos membres, nous
essayons d'appliquer un principe de déontologie et d'imposer une
sanction consécutive pour que ce mauvais acte professionnel ne se repose
plus, il nous arrive très souvent d'entendre notre membre nous dire:
Ecoutez, il n'y a rien qui m'oblige à demeurer dans la corporation pour
exercer, donc, je peux très bien en sortir et assumer un autre nom.
L'autre nom qu'il assume en général, c'est maître dans la
discipline ou bachelier dans la discipline.
On retourne immédiatement, avec un exemple comme celui-là,
à la prise de position de M. Laurin, sur l'hiatus qui existe constamment
entre les universités et les corporations professionnelles.
On n'a pas encore réussi à combler le vide qui existait
entre les deux. Je pense que c'est illusoire de vouloir dire ici, aux membres
de la commission, que c'est comblé. Les universités je me
souviens de mon expérience de professeur d'université se
targuent constamment d'enseigner le haut savoir et ce haut savoir ne doit, en
aucun cas, s'assortir de préoccupations pratiques ou de
préoccupations d'entrée sur le marché du travail.
Conséquemment, nos universités forment souvent des professionnels
un peu dans les nuages et les corporations professionnelles, lorsqu'elles
accueillent les gens qui ont été formés dans les
universités, sont mises devant le fait accompli.
J'ai discuté avec certains collègues du CUQ où je
suis dans l'exécutif. Il nous est arrivé très souvent de
discuter de la façon dont les corporations professionnelles pourraient
permettre aux gens d'accéder à une plus grande qualification
professionnelle. Nous nous heurtons constamment aux universités. Je
donne l'exemple des gradués de CEGEP qui finissent avec un profil
professionnel. Pour entrer à l'université, ils doivent revenir en
arrière au CEGEP et suivre les cours qui leur permettraient de finir
dans le profil général. Or, on ne s'est jamais demandé
mais cela pourrait être, je crois, quelque chose sur quoi on
devrait s'attarder si les corporations professionnelles ne pourraient
pas, après un certain nombre d'années de pratique,
reconnaître des équivalences de pratique et permettre à ces
gradués du profil professionnel de passer au niveau universitaire.
Actuellement, avec la constitution de nos universités, c'est
impossible.
Alors, on est mis devant le fait accompli. On nous accuse constamment de
limiter l'accès à la profession. Souvent, l'accès à
la profession est limité par l'université elle-même qui
forme le produit.
M. GUAY: Avec la science, avec autant de professionnels
compétents, distributeurs de services dans tous les secteurs,
spécialement ce matin les services sociaux, car les champs semblent
assez bien couverts même il y a deux ou trois groupes de
professionnels qui partagent le même champ d'exercice comment
expliquer que les problèmes sociaux ne semblent pas en régression
mais, pour employer un mot que vous avez employé, de plus en plus
polyvalents et tendent à se multiplier? Est-ce que cela peut
être imputable, en partie, aux universités?
M. VEZINA: Vous ne les tenez pas responsables!
MME BLAIS-GRENIER: Je peux peut-être répondre ce qui a
été dit dans une autre séance de la commission
parlementaire. Nous sommes de plus en plus conscients des problèmes
sociaux. Le problème de la pauvreté, si on retourne aux lois des
pauvres du temps d'Elizabeth au XVIIe siècle, ce n'était pas un
problème. Je veux dire qu'on avait appris à vivre avec ça.
Les pauvres étaient là. Ils devaient y demeurer. Cela faisait
partie de la société. Maintenant, on a développé un
esprit de culpabilité qui est très sain vis-à-vis de la
pauvreté. Forcément, au fur et à mesure que notre
conscience sociale s'étend, on devient de plus en plus conscient des
problèmes sociaux et probablement qu'on en perçoit certains qu'on
ne percevait pas avant. Je ne serais pas prête à dire que c'est
dû aux travailleurs sociaux, comme certains l'ont déjà dit,
s'il y a plus de problèmes sociaux.
M. LAURIN: II ne faut pas oublier le péché originel!
M. LE PRESIDENT: Nous remercions les trois groupes qui étaient
ici ce matin. Nous continuons maintenant avec un autre groupe. Est-ce que Me
Dorion est ici?
M. COURVAL: M. le Président, nous sommes très heureux du
climat extrêmement serein qui a régné ici et de la haute
qualité des questions que vous nous avez posées. Nous vous en
remercions beaucoup et nous vous remercions de nous avoir reçus. Nous
demeurons à votre disposition si jamais vous désirez des
renseignements additionnels. Merci.
M. LE PRESIDENT: L'Association des natu-ropathes de Montréal. Pas
le collège, mais l'association.
A l'ordre, messieurs! Les gens, en arrière, pourriez-vous
continuer votre discussion dehors, s'il vous plaît?
Province of Quebec Osteopathic Association
M. PATRIQUIN: Mr Speaker and Members of the Parliamentary Commission, I
am David Patriquin, an osteopath from Montreal. I am the secretary of the
Province of Quebec Osteopathic Association. I have with me today, on my right,
Robert Marshall, an osteopath from Montreal, the President of our Association,
and to his right, Gordon Jaquith, an osteopath from Quebec City, who is our
Vice-President.
M. LE PRESIDENT: I think you misunderstood. II called the
naturopath.
M. PATRIQUIN: I am sorry.
M. LE PRESIDENT: Is your representation going to be long?
M. PATRIQUIN: About 10 minutes. M. LE PRESIDENT: Go ahead. M. PATRIQUIN:
All right, Sir.
M. LE PRESIDENT: C'est "The Province of Quebec Osteopathic
Association".
M. PATRIQUIN: This Association represents the seven fully qualified
osteopathic physicians in the Province of Quebec and we wish to comment only on
bill 252.
In brief file with the Government of Quebec in August 1967, February
1968 and February 1972, this Association has requested full and egal practice
rights for osteopathic physicians in Quebec, so that they may serve their
patients to the full extent of their training.
Our contention has been that the osteopathic physicians must meet all
qualifications for medical practice in Quebec. Bill 252 provides for this. We
further suggest that the special qualifications of an osteopathic physician,
that is in relation to diagnostic and treatment of structural problems, can be
attested to only by another osteopathic psysician. We suggested the solution to
this problem on page 4 of our February 1968 supplementary brief. There should
be a designated osteopathic examiner, Board, Committee or Assistant-Registrar
to perform this function.
This representation, in the order, should also assist other committees
in boards in judging osteopathiv situations as they rise in the future. This
provision would offer more security to a minority group under their legal
control of a powerful majority.
In addition, may we respectfully request that section 1 c) of the Act be
changed to define the "physician" as "any medical or osteopathic physician who
is a member of the order"? This would simply and effectively remove any
confusion arising of the present bill.
In the brief for Bill 252 before you, we have, on page 2, listed several
questions which would materially indicate the government's interest to
recognize the osteopathic physician in Quebec.
Finally, regarding the citizenship requirement, we wish once more to
point out the negative value of section 28, division 6, subsection d). It would
be more difficult to attract more osteopathic physicians to Quebec if the
citizenship requirement is implemented. We recommend that there be no
requirement.
Thank you for this opportunity to speak to you about our concern
regarding Bill 252. We would be happy to answer any questions you may wish to
bring to us.
M. LE PRESIDENT: I wish to thank you for the hearing of this memoir. The
members of this commission will have the occasion next week to study more fully
all the items which we have here in this memoir. I will present to the Minister
of Social affairs your representations and I will be glad to study them more
fully. We thank you for your memoir.
UNE VOIX: Est-ce qu'il y a des questions?
M. LAURIN: Yes, I would have a question. Could you define for us the
kind of curriculum that an osteopathic physician follows before having the
title?
M. PATRIQUIN: Yes, Sir. This is in one of the memoirs, in the Lacroix
report on osteopathy as well. The curriculum is the same sort of curriculum
that the medical physician pursues. There is a minimum of three years
premedical or undergraduate university training, followed by four years in an
osteopathic college and one year's internship thereafter. These are the minimum
requirements.
The curriculum itself of any osteopathic college is in the order of
5,000 to 5,500 hours over four years, much the same as the medical curriculum
you know, with the addition of the teaching of structural diagnosis and
therapy, which is the peculiar trade mark of the osteopathic physician.
M. LAURIN: And what kind of internship is an osteopathic physician
obliged to follow?
M. PATRIQUIN: It is a twelwe month internship in an approved hospital.
In the United States these days there are medical and osteopathic hospital
which accept osteopathic graduates for internship, in the Armed Forces and
hospitals in the Armed Forces for both things, internship and residency
training thereafter.
M. LAURIN: Is the internship only in ostropathic hospitals?
M. PATRIQUIN: No, it is a general internship, twelve month
internship.
M. LAURIN: And where can the osteopathic physician have this curriculum
now? Only in the United States?
M. PATRIQUIN: Yes, sir.
M. LAURIN: Only in the United States. In what states?
M. PATRIQUIN : There are new ostheopathic colleges; there is one in
Philadelphia, Pennsylvania; one in Lansing, Michigan, which is part of Michigan
State University now; one in Chicago, Illinois; one in Les Moines, Iowa; one in
Kansas City, Missouri; one in Kirkfield, Missouri; one in Fort Worth,
Texas.
M. LAURIN : Did you have any fend whatsoever in the past with the
American Medical Association?
M. PATRIQUIN: Yes, this is a matter, I recollect, of a long standing
fend, and that is not resolved at this time.
M. LAURIN: Do you have any kind of relationship with the chiropractic
colleges?
M. PATRIQUIN: No, sir.
M. LAURIN: And you have your own opinions about chiropractic
colleges?
M. PATRIQUIN: Yes, sir, I do. M. LAURIN: I do not ask you to... M.
PATRIQUIN: Thank you.
M. FORTIER: Just before, one question: Of course you have eight years of
studying. Do you study basic sciences?
M. PATRIQUIN: Yes, sir. M.FORTIER: You do? M. PATRIQUIN: Yes, sir.
M.FORTIER: Of course, there is no relationship at all between chiropraxy
and your group?
M. PATRIQUIN: Thank you very much, it is nice to have that made
clear.
M. LE PRESIDENT: Thank you very much, Mr. Patriquin.
M. PRATRIQUIN: Thank you, sir. We appreciate your attention.
M. FORTIER: M. le Président, est-ce que je pourrais demander aux
membres de la commission une minute de colloque? Je pense qu'il nous reste
douze mémoires à entendre et nous allons siéger
aujourd'hui et demain, si M. le Président est d'accord,
évidemment. Nous pourrions, si possible, sans limiter personne dans
l'expression de ses idées, terminer demain soir, et dans huit à
dix jours, avoir une réunion des membres du comité pour faire une
synthèse des travaux de cette commission.
M. VEZINA: Est-ce que la date à laquelle le Barreau doit venir
est déterminée?
M. LE PRESIDENT: Je ne sais pas, ce n'est pas encore
déterminé. Le secrétaire...
M. VEZINA: J'ai lu, affiché dans les palais de justice, une date
qui est le 17 novembre. Je me demandais d'où ça venait et qui
avait fixé ça.
M. LE PRESIDENT: Pas à la connaissance du président ni du
secrétaire.
M. VEZINA: Quand le député de Gaspé parle de
terminer demain soir, est-ce que ça inclut les représentations du
Barreau?
M. FORTIER: Non, non, un instant, je parle de séances qui
regardent les Affaires sociales.
M. CLOUTIER (Montmagny): II reste une douzaine d'organismes qui ne
relèvent pas du ministère des Affaires sociales et qui ne sont
pas passés devant la commission.
M. FORTIER: Je parle des organismes qui relèvent des affaires
sociales.
M. VEZINA: Des organismes importants.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne vois pas, M. le Président, qu'on
fasse une synthèse des travaux de la commission avant que tous les
organismes aient passé devant la commission.
M. FORTIER: Non, mais seulement...
M. CLOUTIER (Montmagny): On ne peut pas résumer les travaux de la
commission avant, par exemple, d'avoir entendu le Barreau.
M. FORTIER: Non, je parlais exclusivement des projets qui
relèvent des affaires sociales.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, mais il y a tellement d'implications, les
lois spécifiques sont imbriquées dans le code des professions et
vice versa. Je ne vois pas qu'on fasse des travaux de synthèse dans le
domaine des affaires sociales, avant qu'on ait terminé toutes les
séances de la commission.
M. FORTIER: Nous allons terminer seulement les travaux
inhérents...
M. CLOUTIER (Montmagny): II y aura toutes les interventions des
organismes devant la commission parlementaire; ensuite, nous pourrons
procéder aux travaux de synthèse.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je pense que, s'il y a d'abord une
synthèse qui est faite après avoir entendu les organismes dans
les soins de santé, il faudra, à ce moment-là, sanctionner
le projet de loi 250 du code des professions, parce qu'on ne pourra plus
marcher dans le même esprit.
M. LE PRESIDENT: La commission est suspendue jusqu'à 2 h 30 et on
recommencera avec l'Association des naturopathes de Montréal Inc.
(Suspension de la séance: 12 h 26)
Reprise de la séance à 14 h 42
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Le collège des naturopathes et l'Association des naturopathes
présentent un mémoire conjoint.
M. BARBEAU: M. le Président, messieurs les membres de la
commission parlementaire sur le code des professions, je suis le Dr Raymond
Barbeau, président du Collège des naturopathes du Québec.
J'aimerais vous présenter, à mon extrême droite, le Dr
François de Salles Robert, qui est président de l'Association des
naturopathes de Montréal, et également Me Bernard Blanchard qui
est notre conseiller juridique.
A ma gauche, le Dr Larry Schnell, qui est président de la
Canadian Naturopathic Association, et également Me Alain
Létourneau, qui est aussi un de nos conseillers juridiques. Nous sommes,
bien entendu, très heureux de pouvoir vous présenter les
mémoires du Collège des naturopathes du Québec et aussi de
l'Association des naturopathes de Montréal.
Un des problèmes les plus importants en ce qui concerne la
naturopathie, c'est d'essayer de définir ce qu'est un naturopathe, ce
qu'est la naturopathie et, en même temps, de montrer que c'est une
thérapie, une médecine différente.
Alors, je vais essayer, dans un premier temps, de vous exposer
très brièvement ce que c'est. Ensuite, je laisserai la parole
à nos conseillers juridiques qui résumeront nos arguments et nos
demandes sur le plan juridique. Egalement, je demanderai au président de
la Canadian Naturopathic Association de vous expliquer ce qui s'est fait dans
les autres provinces canadiennes au sujet de la reconnaissance des
naturopathes.
La naturopathie est une médecine différente. Tout d'abord,
c'est l'art et la science de promouvoir la santé, de prévenir et
de guérir les maladies par les méthodes naturelles, excluant les
médicaments chimiques, la chirurgie et la radiothérapie. Au lieu
de permettre divers comportements, usages et abus pour tenter d'en combattre
les conséquences, la naturopathie enseigne l'obéissance aux lois
de la nature et l'hygiène naturelle. La conception naturopathi-que de la
santé est positive. Elle ne considère pas seulement l'absence de
troubles physiologiques constatables, mais le dynamisme des parties et
l'harmonie de l'ensemble humain.
Les méthodes de prévention naturopathiques ne s'adressent
pas d'abord aux microbes, mais au terrain, au milieu, aux conditions de la
santé idéale ou normale. La naturopathie développe non pas
les immunités artificielles spécifiques par des vaccinations,
mais des immunités naturelles, générales par exaltation
des forces de l'organisme. La naturopathie met un accent primordial sur les
agents naturels de la santé, comme une bonne alimentation naturelle,
l'utilisation de l'eau, de l'air, des exercices physi-
ques, du soleil, de la chaleur et des puissances psychiques saines.
Le naturopathe est un professeur de santé qui accomplit une
mission d'éducation individuelle et collective par des
conférences et des publications qui mettent en relief les facteurs
préventifs de la maladie et les moyens pratiques d'obtenir la
santé naturelle.
L'homme normal n'est pas confondu avec l'homme moyen. Les
défectuosités du corps ne sont pas masquées mais le
naturiste a l'obligation de développer sa force, son énergie et
sa vitalité. Le corps et l'esprit ne sont pas traités
séparément comme s'il y avait dualité et nos traitements
s'adressent à l'homme total. L'homme n'est pas une abstraction
indépendante de son milieu. C'est une personnalité
concrète dont on doit connaître le milieu social, familial et
professionnel.
Pour la naturopathie, l'homme n'a pas seulement de rapport avec la
physique et la chimie, mais avec l'histoire naturelle, l'anthropologie, la
psychologie, la cosmobiologie. Par ailleurs, en naturopathie, les facteurs
moraux sont considérés très importants et les naturopathes
exposent une philosophie de la joie de vivre. Ils ne sont pas seulement des
conseillers théoriques; ils enseignent et se conforment aux
préceptes naturopathiques. Les facteurs préventifs et curatifs ne
sont pas employés isolément, mais ils forment un tout
inséparable.
La naturopathie ne contrecarre pas les tendances naturelles saines mais
dirige les instincts vers le développement intégré de la
personnalité humaine. La naturopathie n'est pas seulement une
profession. Elle est profondément une éthique, une conception de
la vie qui devient de plus en plus populaire, d'ailleurs, dans nos temps
modernes. La prévention sociale de la naturopathie ne dérive pas
du pasteurisme mais de la vie naturelle du campisme, du retour à la
nature, du scoutisme, de la lutte contre toutes les formes de pollution, du
respect de l'écologie sociale, industrielle, alimentaire et
corporelle.
Au lieu de considérer la maladie comme un accident dû
à la fatalité, la naturopathie soutient, elle, que la maladie est
la conséquence d'erreurs et de fautes contre les lois naturelles. Le
malade doit donc accepter la responsabilité de sa santé et il
prend les moyens de la retrouver ou de l'augmenter en se réformant.
Selon la naturopathie, la maladie n'est pas nécessairement liée
à la lésion d'un organe, mais se rattache, dans un premier stade,
à son fonctionnement anormal. C'est à cette période
précoce que le naturopathe intervient souvent, car il n'attend pas le
dérèglement organique ni les symptômes lésionnels
avant de procéder au rétablissement de la santé. Ainsi,
beaucoup de maladies graves, avancées ou terminales sont
évitées. La maladie étant l'expression d'un état
général qui met en cause tout l'organisme, il ne traite pas un
seul organe ou une seule fonction à la fois.
Au lieu d'études compliquées par l'analyse des
détails et la multiplication des spécialités, la
naturopathie vise à la simplification et aux vues synthétiques,
particulièrement par sa doctrine de la toxémie, raison
première des conditions pathologiques et par ses techniques de
désintoxication, méthodologie de base fondée sur
l'enseignement d'Hippocrate et des maîtres de la médecine humorale
et biologique.
Au lieu d'être une science d'expérimentation animale, avec
prédominance du laboratoire, la naturopathie est surtout fondée
sur l'observation humaine avec prédominance de la clinique. Ses
diagnostics sont primaires, non différentiels, non pathologiques mais
étioligiques et ils sont confirmés par des tests de laboratoire,
l'histoire du cas, l'héridité, les interventions chirurgicales,
la consommation des médicaments pharmaceutiques, les symptômes
subjectifs et objectifs, le comportement, la typologie, les signes de la
vitalité et les réserves énergétiques.
Au lieu de combattre les symptômes de la maladie, la naturopathie
les considère comme des réactions de défense dont il est
absolument nécessaire de trouver les causes réelles. Par
opposition au traitement chimique de la pharmacopée, la naturopathie
utilise les méthodes d'hygiène naturelle, redresse les erreurs
involontaires et les mauvaises habitudes des gens, principalement par la
correction alimentaire selon les méthodes spécifiques de la
trophologie c'est-à-dire de la science de la nutrition naturiste.
L'acte thérapeutique du naturopathe ne porte pas sur les microbes
et les symptômes mais sur le renforcement de la vitalité. Les
divers traitements naturopathiques, qui font appel aux agents et forces de la
nature, sont diversifiés et individualisés en fonction des
besoins particuliers du patient. La naturopathie ne cherche pas, par des moyens
énergiques et parfois brutaux, des guérisons rapides avec des
médicaments paliatifs mais elle tente, par des méthodes non
toxiques, de guider la nature dans son cheminement vers des guérisons
parfois lentes mais permanentes.
Dans l'utilisation des cures végétales, la naturopathie
n'utilise pas seulement le principe actif, isolé et concentré
mais la plante ou le produit complet en synergie avec ses composants
naturels.
Par ailleurs, la chirurgie, l'acte opératoire est le plus souvent
considéré comme suffisant. Mais la naturopathie estime qu'il doit
être préparé en développant les forces de
résistance de l'organisme par des agents naturels et qu'il doit
être aussi suivi d'une rééducation.
Ces divergences profondes entre les deux écoles en font des
médecines différentes, parallèles et
complémentaires qui ne doivent pas s'exclure, ni être
subordonnées. La naturopathie ne suffit pas à tout, ni non plus
les autres médecines. Chacun a son champ d'activités propre,
distinct et légitime. Toutes les médecines doivent collaborer
à la prévention des maladies et à l'application la plus
efficace du
traitement pour le rétablissement des malades.
La naturopathie a pour elle une longue histoire au service de
l'humanité. L'évidence de l'importance à obéir aux
lois de la nature est parmi d'innombrables preuves de son efficacité
actuelle dans un bon nombre de maladies sur lesquelles d'autres
thérapeutiques échouent souvent.
Nous sommes persuadés que la naturopathie peut aider le
Québec à jouir d'une meilleure santé. C'est pourquoi elle
doit être reconnue et réglementée par le gouvernement.
Comme l'écrivait le célèbre Dr Alexis Carrel, dans l'Homme
cet inconnu, la possession de la santé naturelle augmenterait
énormément le bonheur de l'humanité.
Je viens, par conséquent, de vous résumer
brièvement ce qu'est la naturopathie comparativement. Je vais maintenant
demander à nos conseillers juridiques de vous présenter nos
réclamations et nos souhaits.
M. LETOURNEAU: Au niveau juridique, nous prétendons être
inclus dans le bill 250, et non seulement parce que nous existons. En
réalité, c'est une existence qui remonte à fort longtemps;
nous sommes un peu comme la Chine territoriale populaire, nous avons
existé bien avant la reconnaissance. Si on l'a reconnue pour des raisons
commerciales, je soumets qu'au niveau de la naturopathie, aujourd'hui, il y a
une demande publique. Les clients, de plus en plus, affluent. Puisque le bill
250 veut la protection du public, je crois qu'il importe que la
Législature se penche sur le problème.
Il y a, évidemment, l'approche des clients. Ceci est une
première demande. Mais il y a aussi et vous trouverez cela dans
le fascicule que l'on vous a distribué une demande de la part des
CEGEP, qui cherchent des débouchés. Nous avons été
pressentis par plusieurs CEGEP. Nous avons mis les lettres dans ces fascicules.
Evidemment, le jour où nous aurons une reconnaissance pratique, qui nous
donnera un statut professionnel, nous pourrons certainement intéresser
des sujets valables et constituer, pour des diplômés, un
débouché sérieux.
Ce fait, d'ailleurs, a été reconnu à bien des
endroits hors de la province de Québec. Plusieurs pays d'Europe
reconnaissent la naturopathie : la Suisse, la Suède, l'Allemagne. Vous
avez plusieurs Etats des Etats-Unis d'Amérique. Vous avez toutes les
provinces qui se situent à l'ouest du Québec. Le gouvernement
fédéral a non seulement, après la guerre, incité
les vétérans à suivre des cours comme
débouché mais il a fait en sorte que les frais de naturopathie
soient déductibles de l'impôt. Il a admis les naturopathes comme
témoins-experts devant les tribunaux fédéraux et a inclus,
du moins avant Medicare, dans son plan d'assurance-maladie pour ses
employés, des frais de naturopathie.
Vous avez aussi des organismes paragouver-nementaux, vous avez quelques
commissions des accidents du travail qui nous reconnaissent et aussi quelques
Medicares, en particulier ceux de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, qui
nous incluent.
Enfin, sur le plan de l'entreprise privée, vous avez plusieurs
compagnies d'assurance. Encore une fois, nous en avons glissé la liste
dans le fascicule que nous vous avons remis.
Si toutes ces corporations, si tous ces gouvernements ont cru bon de
reconnaître la naturopathie, je crois, sans pour autant prétendre
qu'il faut nécessairement suivre ce que les autres font, qu'il y a
certainement des motifs sérieux à considérer pourquoi les
autres l'ont fait et à se pencher ici sur la question de savoir si on
doit nous inclure en vertu des articles 20, 21, 22, 23 et autres du bill.
Certains prétendront peut-être que, puisque nous n'avons,
à l'heure actuelle, jamais eu de statut de corporation professionnelle,
il y a certains problèmes juridiques à nous inclure. Le
problème a été soulevé ce matin par quelqu'un,
mentionnant que le législateur pouvait éprouver certaines
difficultés, à un moment donné, à entrer de but en
blanc une corporation dans le bill 250.
L'examen du bill 250 montre que, si à peu près toutes les
corporations qu'on y trouve ont, à un moment ou à un autre, eu un
certain statut de corporations professionnelles, l'une d'entre elles fait son
apparition pour la première fois, soit les chiropraticiens qui, en
même temps qu'on présentait le bill 250, se sont vus mis sur le
marché avec le bill 269.
Nous sommes du domaine paramédical comme eux, nous n'avons, comme
eux, jamais eu de statut officiel dans la province, mais nous ne posons pas
plus de problèmes. Si on a pu, dans le bill 269 et dans le bill 250,
donner aux chiropraticiens le statut d'exercice exclusif, ce qui comporte bien
plus de difficultés, je ne vois pas pourquoi les naturopathes ne
pourraient pas obtenir un statut de titre réservé, car c'est ce
que nous cherchons; nous ne voulons pas plus pour l'instant. Nous ne voulons
pas plus parce que l'article 22 du bill 250 stipule quand et pourquoi on doit
donner le droit exclusif.
Cet article dit qu'on ne doit l'accorder que lorsque les actes qui
seront posés par les membres d'une corporation sont de telle nature que
seulement quelqu'un ayant une formation très particulière pourra
les poser, donc il y a un danger pour le public, seulement alors le droit
exclusif devrait être accordé.
Dans le cas de la naturopathie, il n'y a évidemment pas de danger
en soi pour le public, c'est-à-dire que le traitement naturel ne sera
jamais que naturel et, au pire, deviendra inutile. Il ne sera jamais dangereux;
il n'aura jamais d'effets secondaires.
C'est plutôt sous l'article 24 que nous nous trouverons, l'article
24 qui prévoit que le lieutenant-gouverneur peut accorder le titre
réservé lorsque l'intérêt public le demande. Je
souligne ici qu'il y a intérêt à ce que nous ayons ce titre
réservé pour le public parce que si le
traitement que nous accordons ne comporte pas tellement de dangers en
soi, il n'en reste pas moins qu'un code de déontologie évitera
qu'à un moment donné on donne au public un traitement inutile
simplement pour le traiter et obtenir des honoraires ou qu'on donnera un
traitement inutilement long. On aura, par un code de déontologie, le
droit de régir tous les membres et d'éviter qu'à un moment
donné un individu nuise au public.
De la même manière, et peut-être surtout là,
si le traitement ne peut pas être dangereux, le diagnostic, parce
qu'enfin il faut en poser un pour traiter, s'il était erroné
pourrait faire qu'on traitera pour une maladie quelconque un individu qui
aurait dû être traité pour une autre. Et si on retarde ainsi
un traitement approprié, ça pourra avoir des conséquences
pour cet individu, même si le traitement qu'on donne, en soi, n'en a pas.
Mais le retard d'un traitement qui s'imposait pourrait en avoir.
C'est ici qu'il faudrait qu'il y ait certaines normes, certains
diplômes, certaines qualifications pour la protection du public au niveau
de l'examen et du diagnostic.
J'ai à peu près donné ici les grandes lignes du
pourquoi. Evidemment, si on nous accorde ce titre réservé, cela
comporte des obligations.
Cela comportera parallèlement des droits, dont le droit au titre
exclusif et réservé de naturopathe à toute personne qui
aura un permis et qui sera reconnue au tableau de la profession. Vous
demanderez peut-être ce que sera la personne ayant ces droits et vous
soutiendrez peut-être qu'il y a des problèmes au niveau des
diplômés, etc. Je souligne que le bill 269 des chiros
prévoit ce problème, parce qu'ils avaient un peu les mêmes
problèmes. On a prévu les examens. Si on fait coïncider
l'article 169 du bill 250, qui prévoit que le lieutenant-gouverneur et
les membres du bureau de la corporation établiront certains examens, et
que l'on transpose dans ce qui deviendrait le bill des naturopathes l'article
du bill 269 des chiroprati-ciens, on pourra facilement régler ce
problème. A ce moment, il faudra nous donner en plus parce que
nous sommes paramédicaux et que si on nous donne un titre, il faut nous
donner au moins le droit d'exercer à l'article 35, qui
prévoit les pouvoirs qui vont avec le titre réservé, le
droit de donner un traitement. Aujourd'hui, si on utilise le mot "traitement",
on est tout de suite mal vu. Si on veut donner un traitement il faut faire un
diagnostic primaire, peut-être pas différentiel, mais primaire et,
évidemment, il y a une question d'examen. Ce sont des droits que nous
demanderions d'avoir à l'article 35. Pour vérifier maintenant si
nous sommes compris dans l'article 21, parce que c'est l'article 21 qui
détermine quelles sont les portes que nous devons franchir, je vais
passer la parole à mon confrère, Me Blanchard.
M. BLANCHARD: M. le Président, si nous sommes devant vous
aujourd'hui, c'est d'abord pour vous remercier d'avoir eu l'idée, qui
est une innovation sans doute, de légiférer sur une question
aussi importante que le code des professions. Nous apprenons que plusieurs
provinces canadiennes regardent de très près ce qui se passe
à Québec pour voir justement quel sera le résultat d'un
tel code.
Si nous examinons la question des naturopathes au Québec
nous sommes une exception, comme le disait Me Létourneau tout à
l'heure dans le sens que la naturopathie comme science, comme
profession. Elle est reconnue au sud du Canada, en Europe, évidemment au
Canada. Si elle ne l'a pas été au Québec, il y a eu un
résultat concret de tout ça.
Le résultat c'est qu'on n'a pas pu, jusqu'ici, établir des
cadres qui permettraient aux naturopathes qui exercent actuellement de pouvoir
se qualifier pleinement. Ils sont qualifiés, mais on a besoin des
écoles, on a besoin d'explorer cette science nouvelle.
C'est un champ où la santé prime. Je pense que ce n'est
pas un secret de dire que la santé du citoyen québécois
n'est pas un exemple dans les pays nord-américains. On a besoin
d'améliorer cette santé-là. Il y a une science ici qui
s'ouvre à nous, la naturopathie, qui est reconnue et, à mon sens,
il est temps que la province de Québec se joigne aux autres pays, prenne
les mesures nécessaires pour reconnaître cette science, la
contrôler, l'avoir dans un code professionnel, lui donner le statut
qu'elle mérite.
Maintenant, on dit dans le mémoire justement à la page 1:
"Les naturopathes ont souvent été victimes d'une
interprétation étroite, unilatérale, franchement abusive."
J'étais heureux d'entendre, jeudi, le député de Dorchester
qui soulignait que les problèmes d'alimentation et de nutrition au
Québec sont de grande importance actuellement. Il y a un mouvement
populaire naturiste très intéressant au Québec. C'est
évident que cette science a sa place, a ses structures, et c'est
précisément pourquoi le législateur doit l'encadrer pour
pouvoir la contrôler, pour que ses membres puissent contrôler, pour
que le conseil, à l'avenir, puisse dire: Nous allons vous produire des
naturopathes qualifiés, certifiés.
Il s'agit de regarder le projet de l'Institut de naturopathie du
Québec, le code de déontologie, la constitution, le cours
d'étude, pour voir que c'est sérieux, pour voir que nous avons
besoin d'encourager cette science. Certains vont dire: D'accord, on a une
spécialisation très grande aujourd'hui. On se demande même,
comme on posait la question ce matin, s'il n'y a pas un danger, et qu'il y a
spécialisation, sur-spécialisation, etc.
Je crois qu'on peut répondre assez facilement à la
question. La science a besoin des découvertes, a besoin de franchir
encore, a besoin de s'élaborer davantage. C'est surtout sur cette
question du besoin de la population que je voulais attirer votre attention.
Quant au code
lui-même, comme je vous le disais tout à l'heure, et comme
nous le croyons sincèrement, il y a beaucoup de bien à faire. Par
contre, il serait, à mon sens, injuste qu'un corps professionnel comme
celui des naturopathes ne soit pas inclus pour qu'il puisse justement trouver
son plein épanouissement.
Si nous avons eu des reproches à adresser à ces
gens-là dans le passé, il faut les éviter à
l'avenir.
Donc, préparons-nous en conséquence. Doit-on
prétendre que le citoyen québécois n'a pas la
maturité nécessaire pour choisir son conseiller de santé?
Je ne le crois pas, puisqu'on le fait partout. Si nous examinons de près
les articles 1 à 5 de l'article 21, il appert que ce qui serait le corps
professionnel des naturopathes existe légalement dans l'Etat du
Québec depuis 1963 et que son correspondant au fédéral
existe depuis 1955, soit l'Association des naturopathes du Canada. Si nous
examinons de très près l'article 21, nous voyons que, dans les
exigences pour déterminer si une corporation professionnelle doit ou non
être constituée, il est tenu compte notamment des connaissances
requises. Evidemment, les connaissances requises, les connaissances
scientifiques s'imposent. C'est ce qu'on veut faire aujourd'hui. Je pense que
l'esprit qui domine le code, c'est simplement un droit de regard, un droit, non
pas de contrôle dans le sens étroit, mais de donner en même
temps l'essor professionnel et les cadres dans lesquels une profession peut
exercer sainement.
On a vu, dans le passé, certains abus. On veut les éviter
dans l'avenir. Le degré d'autonomie dont jouissent les personnes qui
seraient membres de la corporation. Si on regarde tous ces aspects, le
troisième, le caractère personnel des rapports entre ces
personnes et les gens recourant à leurs services, la gravité des
préjudices ou des dommages, tous ces éléments concourent
à donner aux naturopathes justement cette pratique où il y a
absolument nécessité que le citoyen soit
protégé.
Je soumets qu'on cadre très bien avec les articles 21, 22 et 24,
comme le disait Me Létourneau tout à l'heure, pour demander que
le législateur considère les naturopathes comme corps
professionnel avec un statut réservé.
La naturopathie est une thérapeutique légitime. Ce n'est
pas une thérapeutique criminelle. Nous voulons profiter de cette science
et que le citoyen en profite vraiment dans des cadres donnés. La science
a encore à se développer, je crois. Si elle a à se
développer, donnons-lui l'essor dont elle a besoin. On entendait, par
exemple, les psycho-éducateurs, les diététistes, tous ces
gens qui veulent déterminer un acte professionnel donné dans la
recherche de la santé. On entend dire parfois qu'il n'y a rien de mal
dans la naturopathie. Au sens positif, il n'y a rien de mal, c'est bien pour la
population, mais, comme dans toute profession, on peut faire de l'abus partout.
Comme avocat, comme médecin, comme architecte, etc., il peut y avoir des
abus, mais justement notre société exige, je crois, qu'on pose
des cadres, qu'on ait un conseil qui dirige ces professions.
Je vous demande de considérer le collège, de
considérer l'association et les naturopathes de la province de
Québec, qui, à mon sens, auraient dû être reconnus il
y a quelques temps.
Ils ne l'ont pas été. Il en est temps. La population
recourt régulièrement aux services de cette profession. Je crois
qu'il serait régressif, aujourd'hui, de remettre à plus tard une
décision de cette sorte surtout quand on a le véhicule qui a
été préparé, dans le sens du code, de l'office des
professions.
Je demanderais particulièrement, si vous me permettez, au Dr
Schnell de l'Alberta, président de l'association canadienne,
d'élaborer particulièrement la question de l'intégration
de la profession dans les provinces anglaises.
M. SCHNELL: Honourable Chairman and gentlemen.
The members of the Canadian Naturopathie Association welcome and
appreciate this opportunity of meeting with the members of the commission to
discuss the future of the profession of naturopathy in Quebec.
For many years, The Canadien Naturopathic Association has been most
concerned with the state of naturapathic affairs in the Province of Quebec.
Whereas legislative states providing for and regulating the practice of
naturopathy as a profession exist in every province west of Quebec, the lack of
such legislation in Quebec has served neither the interest of the public nor
the naturapathic profession.
I have been asked here today to acquaint the members of the commission
with legislation in other provinces wherein practice of naturopathy has been
authorized and wherein such authorization has been extended to naturopathie
practitioners involved in diverse and variety of qualification and
training.
In almost every instance, the initial legislative enactment included a
special section which we may call a "grandfather clause" which incorporated all
practitioners of good standing and reputation at the time of the bill. This
incorporation invariably involved the establishment of a professional
association with registration status conferred on a practitioner and with the
right to practise naturopathy.
The Canadian Naturopathie Association, operating under federal letters
patent, regulates and coordinates, wherever possible, the standards in practice
of the naturapathic physicians and practitioners in all provinces, except
Quebec, the Maritime Provinces and Newfoundland. In all provinces wherein
legislations regulating the practice of naturopathy exist, standards are
maintained by provincial associations coordinated with the Canadian
Naturopathie Association.
The value of the profession of naturopathy
and the status of the naturopathic physicians or practitioners have been
recognized in many ways by the various provincial governments. The Province of
British Columbia, by virtue of a legislative statute entitled the Naturopathic
Physicians Act, chapter 264, 1945, provides for the practice of naturopathy
high academic qualifications and licensing requirements for applicants and the
establishment of a provincial association with disciplinary powers.
Additionally, the Government of British Columbia has seen fit to include
naturopathic health services in its Health Care Insurance Program. The Province
of Alberta, in a Legislative Act entitled "The Naturopathy Act", provides in a
similar way for the licensing of naturopathic practitioners, the establisment
of the profession and practice of naturopathy, the incorporation of a
Provincial Association with disciplinary powers. In Alberta, naturopathic
health services are provided for in the Blue Cross Insurance Plan under the
auspices of the Alberta Medical Health Care Plan.
Prior to the inception of the Naturopathy Act, a Grandfather Clause
incorporated all existing practitioners under the Drugless Practitioners Act,
which was subsequently amended and altered to be named The Naturopathy Act.
The Province of Saskatchewan similarly provides for the regulation of
naturopathy by the original enactment of the Drugless Practitioners Act, in
1930, and more recently, in 1945, the Naturopathy Act, which is an Act
respecting the practice of naturopathy, Chapter 75.
In Saskatchewan, the definition of naturopathy reads: "Naturopathy means
the art of healing by natural methods as taught in recognized schools of
naturopathy". The Grandfather Clause specifically states: "The following
persons and the names are so given together with such other
persons as may hereafter become members of the association, under the
provisions of this Act, are hereby constituted a body politic incorporated
under the name of the Saskatchewan Association of Naturopathic
Practitioners.
The University of Saskatchewan, in consultation with the Council, this
is Section VI, makes regulations concerning the examinations and the conduct
thereof including the age, moral character and academic standing of applicants
for examination and also as to examination fees.
It is interesting to note that in Section VIII, sub-section b): "Only
those persons who pass examination satisfactory to the University of
Saskatchewan on the following subjects, anatomy, physiology, chemistry,
pathology, histology, sanitation and hygiene, general diagnosis and the
principles in practice of naturopathy and such other subjects as the
University, in consultation with the Council, may require"... And in
sub-section c): "Comply with the provisions of the regulations made under Sec-
tion V and are considered by the Council to be suitable applicants for
registration in accordance with the provisions of such regulations shall be
entitled to be registered as naturopathic practitioners under this Act and
become members of the Association".
As in Alberta and Manitoba, Saskatchewan confers and allows the
practitioners to use the title "Doctor," providing such title is qualified by
the term naturopath or naturopathic practitioner.
In Manitoba, Chapter N-80, a Legislative Act respecting the practice of
naturopathy in Manitoba provides for the regulation and licensing of
naturopathic practitioners in that Province. They also have utilisation of the
title Doctor. Initially, they had a Grandfather Clause and they have
examinations similar to basic science examinations regulating the academic
qualifications to be met.
The Drugless Practitioners Act, 1935, Chapter 110, amended by Chapter
25, 1952, governs the regulation of naturopathic practitioners and their
licensing in the Province of Ontario.
Many Health Insurance Companies in North America either include
naturopathic services in their policies or approve this service and pay
naturopathic claims. In the Province of Alberta, the Blue Cross Insurance
Compagny, which is an optional plan under the Alberta Health Care Commission,
pays for naturopathic health services on a per visit basis.
Expert testimony of naturopathic practitioners and physicians as to the
diagnosis treatment and prognosis of a patient's illness is accepted in courts
of law and professionnal fees for naturopathic services are deductible for
income-tax pruposes as are medical and dental bills.
The recognition of the professional naturopathy is best shown by its
continued growth and by the position it occupies in the eyes of the public and
legislators.
In conclusion, the Canadian Naturopathic Association firmly believes the
right of the individual to choose his own health method or services is
fundamental to human liberty as is freedom of the press, freedom of speech and
freedom of workship. We believe also that the naturopathic profession provides
a separate and distinct health service not provided by any other healthing
art.
This service is required by a larger and growing number of Quebecers. To
best serve the public interest and in view of the foregoing we respectfully
urge the government of Quebec to provide legislation regularing the practice of
naturopathy in order to insure the protection of the public. Thank you.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: M. le Président, au nom de M. Castonguay, je remercie
l'association et le collè-
ge de la présentation de leurs mémoires relativement aux
naturopathes qui demandent que la naturopathie soit reconnue comme corporation
professionnelle à titre réservé.
J'aurais trois brèves questions à poser. Combien de
membres avez-vous dans l'Association des naturopathes?
M. BARBEAU: Dans les deux associations, il y a une soixantaine de
membres actuellement.
M. FORTIER: Au collège, je vais poser la question suivante:
Combien d'années d'études sont exigées pour devenir membre
de l'association?
M. BARBEAU: Nous avons, comme vous le savez, un certain nombre de
problèmes à régler à ce niveau-là, puisqu'il
n'y a pas de cours actuellement qui se donnent dans les universités du
Québec, ni même, d'ailleurs, dans les universités au
Canada. Nous avons il y a déjà un bon nombre
d'années, depuis 1962 à partir de praticiens
qualifiés qui venaient d'Europe, des Etats-Unis, d'Allemagne ou
d'ailleurs, organisé un cours au Québec. Nous avons publié
ce cours et ce programme dans l'annuaire de l'Institut de naturopathie du
Québec, que nous déposons aujourd'hui et où on voit
établi le curriculum complet, avec les différentes
matières qui sont au programme. Cela rejoint à peu près ce
qui se fait dans d'autres institutions européennes ou américaines
donnant des cours en naturopathie.
Il y a au moins quatre années d'études à faire
après avoir obtenu un certificat de treizième ou de
quatorzième année.
M. FORTIER: Une dernière brève question: De quelle
façon se pratique la naturopathie? Est-ce en cabinet privé ou
à domicile?
M. BARBEAU: Nous n'avons pas accès, bien entendu, aux
hôpitaux. Ce sont des gens qui ont un cabinet privé,
séparé de leurs autres activités, qui reçoivent des
consultants qui viennent les voir habituellement pour apprendre à manger
correctement ou pour se plaindre, évidemment, de certains
symptômes, de difficultés qu'ils ressentent pour essayer d'en
avoir un soulagement et pour essayer d'utiliser les méthodes
naturopathiques, soit qu'ils ne sont pas satisfaits des traitements qu'ils ont
reçus par d'autres thérapies ou parce qu'ils veulent voir ce que
la naturopathie peut faire dans leur cas.
Il s'agit essentiellement d'un bureau de type professionnel où
les gens sont reçus avec les mêmes méthodes et les
mêmes règles de déontologie ou d'éthique que dans
les autres professions, en réalité. Il ne s'agit pas ici
d'institutions hospitalières, ni d'institutions commerciales, car nous
avons professionnalisé justement les naturopathes depuis
déjà un bon nombre d'années. Il s'agit seulement de donner
des renseignements sur les méthodes naturelles de traitement et de
rétablissement de la santé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit, il y a un instant, que vous
aviez soixante membres dans les deux associations, mais est-ce que ce sont les
mêmes membres qui sont dans les deux groupements?
M. BARBEAU: II y a deux associations; il y a le collège, qui date
quand même de neuf ans, et qui a vous le savez peut-être
bien non seulement axé ses activités sur la
professionnali-sation des naturopathes, mais qui a eu en même temps une
activité publique assez intense, qui a comporté des
débats, des réunions, des assemblées, des
conférences, des publications avec une tendance sociale
marquée.
Depuis un certain nombre d'années, des praticiens ont cru
évidemment que c'est une activité assez difficile à mener
et qu'il fallait d'abord un certain tempérament pour mener ces
activités et ont pensé simplement se réunir dans une autre
association qui, d'ailleurs, reconnaît nos membres et dont nous
reconnaissons également les membres. Il s'agit seulement d'un accent que
nous mettons sur les activités publiques, il n'y a pas de complication
parce que nous nous reconnaissons mutuellement.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est l'association qui s'occupe des
discussions dans le cas des compagnies d'assurances?
M. BARBEAU: Oui, le collège aussi. Dans le collège,
étant donné, je suppose, la personnalité des gens qui sont
les responsables, il y a une activité publique intense et d'autres
naturopathes préfèrent consacrer surtout leurs activités
à leur pratique. A partir de ça, pour éviter des
débats publics qui sont parfois assez acrimonieux, ils ont fait une
association que nous reconnaissons d'ailleurs pleinement. Il n'y a pas de
problème et eux nous reconnaissent aussi pleinement.
Il s'agit d'une tendance sociale d'une part, en plus de la
professionnalisation, et d'autre part, d'une activité plus du type
professionnel axée sur la recherche et la thérapie mais moins
active, moins activiste si on peut dire et par conséquent
les deux se complètent parfaitement.
Il n'y a pas de contradiction dans les deux associations. Il y a une
parfaite collaboration.
M. CLOUTIER (Montmagny): On l'interprète ainsi par le fait que
vous ayez accepté de présenter conjointement devant la commission
parlementaire les deux mémoires qui ont été
préparés distinctement.
Ma question est la suivante: Vous avez parlé du diagnostic et,
dans votre mémoire, vous disiez textuellement "La naturopathie est l'art
et la science de promouvoir la santé, de prévenir et de
guérir les maladies par des méthodes naturelles, excluant les
médicaments chimiques,
la chirurgie et la radiothérapie". C'est votre position
fondamentale, c'est l'essence même de votre profession.
En pratique, comment ça se passe? J'ai lu rapidement votre code
de déontologie et vous dites notamment qu'en cas d'erreur ou
d'échec, vous devez référer le patient à un autre
professionnel de la santé. Est-ce que cette définition veut dire
que vous refusez d'accepter la médication par médicaments ou la
chirurgie ou si, à votre sens, tout devrait être filtré
d'abord et décanté par votre profession?
M. BARBEAU: Nous reconnaissons l'utilité de la médecine
chimique ou allopathique, la médecine usuelle. De toute évidence,
il y a une nécessité absolue que cette médecine continue
ses activités tel qu'elle l'entend, nous ne voulons certainement pas
intervenir dans ses activités, elle est capable de s'organiser seule. H
faut qu'il y ait de la chirurgie dans un nombre important de cas et il faut
qu'il y ait une médication de type pharmaceutique aussi dans un nombre
important de cas. Il faut que les gens aient le choix, en
réalité, d'aller chez le médecin traditionnel et chez le
spécialiste.
Ce que nous avons réellement fait depuis un certain nombre
d'années, c'est d'abord de filtrer les gens qui ne pouvaient pas
vraiment bénéficier des traitements naturistes ou
naturopathi-ques, ôter tous les cas terminaux, par exemple. Il n'y a
aucun naturopathe qui s'occupe de cas terminaux. Les cas de maladie organique
grave, avancée, nous ne les prenons pas parce qu'ils relèvent
précisément de la thérapie allopathique et
chimio-thérapeutique ou carrément chirurgicale. Nous ne touchons
pas ces cas, nous les filtrons. En somme, nous faisons une sélection des
patients avant même qu'ils arrivent à recevoir nos conseils et nos
différentes thérapies.
Nous ne touchons pas aux cas qui relèvent spécifiquement
du médecin, par exemple, nous n'intervenons jamais dans un traitement
médical. Quelqu'un qui nous arrive et qui prend des comprimés,
des pilules, soit par auto-médication, soit sur recommandation
professionnelle, jamais nous n'allons dire d'abandonner ces traitements, de
laisser tomber les médicaments, pas du tout. Il faut que ce soit fait
seulement sous la direction du praticien traditionnel, du praticien de famille
ou du spécialiste.
Nous n'intervenons pas dans le traitement d'une autre profession, aussi
bien les chiroprati-ciens et les gens qui vont chez les chiroprati-ciens, qui
viennent aussi nous voir. Jamais nous ne leur disons d'abandonner le traitement
des chiropraticiens, pas du tout. Cela relève des fonctions
professionnelles propres, différentes des nôtres et qui ne
traitent pas le même type de patients. Il est évident qu'il y a
une pratique hospitalière, il y a des gens qui doivent recevoir des
traitements hospitaliers; ce n'est pas le type de clientèle que nous
avons. C'est une clientèle qui a des problèmes disons de
fonctionnement, des problèmes fonctionnels et non pas des
problèmes organiques ou lésionnels.
Ceux qui ont vraiment des lésions organiques, nous ne les prenons
pas. Nous faisons une sélection et nous leur disons: Ecoutez, il faut
que vous suiviez les traitements de votre praticien, de votre médecin.
Nous ne touchons pas ces gens. Nous leur disons que nous ne sommes pas
compétents pour nous occuper de ce genre de patients. Nous faisons une
sélection au départ et nous faisons même une division
à l'intérieur de nos propres consultants. Des maladies de toutes
sortes, les maladies contagieuses ne relèvent pas de nous. Les maladies
terminales, la tuberculose, enfin combien d'autres maladies dont il est
d'ailleurs bien spécifié qu'elles ne peuvent pas d'une
façon ou d'une autre bénéficier des traitements
naturopathi-ques. Nous sommes dans la zone grise, si vous voulez. Nous traitons
ceux qui ne sont pas totalement en bonne santé et ceux qui ne sont pas
véritablement malades, ceux qui ont des troubles dits fonctionnels. Ce
sont ceux-là vraiment que nous traitons avec, je dois dire, des
succès assez importants.
M. CLOUTIER (Montmagny): De quelle façon faites-vous un
diagnostic? Quelqu'un se présente chez vous pour requérir vos
services et il est, comme vous dites, dans la zone grise. S'il est dans une
phase aiguë, j'imagine qu'il va demander d'être admis dans une
institution, un hôpital. Il s'en va chez vous, il est dans la zone grise
que vous venez de décrire, de quelle façon procédez-vous
pour faire un diagnostic à savoir s'il n'y a pas quelque chose, une
maladie latente?
M. BARBEAU: D'abord, nous ne prenons pas d'une façon habituelle
les cas aigus. Les cas aigus ne relèvent pas de notre thérapie.
Quand ils seront rétablis par les méthodes habituelles, s'ils
veulent venir en consultation pour corriger leurs habitudes, apprendre à
manger correctement, là nous les recevons. Mais aussitôt que nous
voyons qu'ils ont besoin de retourner à leur médecin nous les y
retournons. Le type de diagnostic que nous faisons est très
différent du diagnostic s'appliquant à des gens qui doivent
être hospitalisés. Nous faisons un type de diagnostic qui
ressemble à celui du généraliste; en somme, les techniques
de routine de bureau chez les praticiens, des analyses d'urine, des tests. Il y
a l'histoire du cas, les différents symptômes qui nous sont
donnés, les différentes questions que nous posons pour trouver
des symptômes plus objectifs que les seules plaintes nous
révèlent. Il y a l'histoire de l'héridité, les
problèmes de famille, les différents médicaments que les
gens ont pu prendre pendant des années et qui peuvent entraîner
une intoxication, comme vous le savez, les différentes interventions
chirurgicales qu'ils ont pu subir. Enfin, nous faisons un diagnostic
d'observation, un diagnostic étiologique et non pas médical
ou
qui va essayer de trouver une pathologie particulière organique
ou lésionnelle qui relève de la médecine
hospitalière beaucoup plus que de la médecine
générale, beaucoup plus que des thérapies naturistes ou
naturopathiques.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous vous servez de la
radiothérapie?
M. BARBEAU: Non, aucune radiothérapie, ça ne relève
pas de nos activités.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je le vois dans la définition.
Est-ce que vous n'utilisez pas le rayon X?
M. BARBEAU: Nous n'utilisons pas le rayon X non plus parce que ça
relève des gens qui ont la compétence pour utiliser ces
méthodes-là. En fait, la sphère des activités d'un
naturopathe c'est davantage l'ensemble des problèmes de santé
habituels qu'on rencontre chez un grand nombre de gens mais auxquels on ne peut
appliquer un traitement médical proprement dit. Les gens qui se font
dire par exemple qu'ils n'ont rien; la médecine a trouvé que,
d'après les analyses d'urine, les analyses de sang, ils n'avaient rien.
Ou bien des gens qui se font dire: Vous, votre affaire c'est nerveux. Ou bien:
On n'a rien trouvé, vous reviendrez dans six mois et peut-être
qu'à ce moment-là il y aura quelque chose. Ou: Vous êtes
nerveux, prenez des somnifères, cela va régler votre
problème.
Au tout début des manifestations des problèmes d'arthrite,
on a quand même des succès très importants. Les
problèmes d'obésité, les problèmes de nutrition,
les problèmes digestifs, nous nous occupons de ces cas-là. Il y a
les problèmes de faiblesse, de fatigue et les problèmes
généraux qu'on rencontre dans l'ensemble de la population et qui
ne peuvent pas particulièrement être traités par les
techniques thérapeutiques des autres médecines. Les gens trament
chez un certain nombre de médecins ou de spécialistes et ils se
font toujours dire qu'ils n'ont à peu près rien, qu'ils n'ont pas
tellement de difficultés qu'on peut déceler à l'aide de
tests, etc. Ce sont des gens qui viennent aboutir chez nous. Il y en a aussi un
bon nombre d'autres qui viennent, qui n'ont rien et qui veulent apprendre
à éviter les maladies. Plusieurs viennent voir, il n'y a pas de
diagnostic particulier, ils n'ont rien, mais ils veulent apprendre à
corriger leurs habitudes et à manger correctement. C'est plutôt
pour renforcer leur santé. Nous voulons montrer aux gens à suivre
les lois de la nature, mais nous ne traitons pas des cas avancés, des
cas qui relèvent de l'hospitalisation, de l'intervention chirurgicale ou
d'autres maladies du type compliqué qui relèvent
particulièrement de tous les spécialistes de la médecine
d'aujourd'hui.
Il n'y a donc pas, par conséquent, de contradiction entre la
thérapie que nous faisons et celle que les médecins font.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, si les naturopa-thes sont des
professeurs de la santé naturelle, comment est née la
naturopathie?
M. BARBEAU: Comment elle est née? Elle remonte à
très loin. Nous pourrions en faire l'historique ici; je pense que c'est
un peu difficile et que nous n'avons pas assez de temps. Nous avons
déjà publié quelques travaux là-dessus. Il y a
plusieurs ouvrages. Un docteur Schlemer en particulier a publié un gros
volume de 1,200 pages là-dessus. C'est un médecin
également, mais il a fait des pratiques naturelles, naturopathiques. Il
y en a toute une série d'autres. Je n'insisterai pas
là-dessus.
Disons que la méthode naturelle est employée depuis
très longtemps, depuis des générations, depuis des
millénaires, qu'elle a été assez efficace dans un bon
nombre de cas. Au fond, elle a été largement codifiée par
Hippo-crate et par ses descendants, par les grands maîtres de la
médecine humorale, de la médecine biologique. Au début du
siècle, elle a subi des avatars, en particulier depuis 1915 ou 1920
à l'occasion de l'utilisation des antibiotiques. Là, on peut dire
qu'il y a eu vraiment un effort considérable de la part de la
médecine allopathi-que pour essayer de limiter les activités
naturopathiques, étant donné que les résultats obtenus par
l'utilisation des antibiotiques et des médicaments, qui devenaient de
plus en plus intéressants et plus efficaces, semblaient plus
intéressants et justement aptes à guérir les maladies plus
rapidement que les méthodes traditionnelles, avec la
phytothérapie, avec de l'hygiène, avec des bains, avec le soleil,
l'héliothérapie, etc., qui est une méthode lente, il faut
le reconnaître, et qui demande une collaboration très importante
du patient et une réforme de ses activités et de ses
habitudes.
Par conséquent, à cause du siècle de vitesse dans
lequel nous sommes, il est évident qu'il y a nécessité
d'une médecine palliative qui supprime rapidement les symptômes et
les douleurs, ce qu'un naturopathe ne fait pas généralement. Pour
toutes sortes de raisons, nous, c'est une réforme sociale, une
réforme morale, très souvent, une réforme d'habitudes, une
réforme alimentaire que nous proposons à la population. Alors, ce
n'est pas du tout dans la même optique que nous travaillons. C'est pour
ça que nous disons que l'histoire de la naturopathie remonte au plus
lointain des âges. Des grands noms, en particulier Alexis Carrel et
combien d'autres, ont été favorables aux méthodes
naturelles et même aujourd'hui, dans le monde entier et en Allemagne en
particulier, il y a au moins 12,000 praticiens des méthodes naturelles,
dont un grand nombre sont aussi des médecins.
D'ailleurs, dans tous les pays du monde, il y a des médecins qui
abandonnent plus ou moins
les méthodes connues, les méthodes classiques de
traitement, parce que malheureusement ces méthodes ne sont pas toujours
très efficaces, surtout dans les cas qu'on a signalés où
il faut intervenir rapidement avec des antibiotiques et des choses comme
ça, par une intervention chirurgicale. Il n'y a personne,
évidemment, qui revendique ces activités-là. Seulement,
nous pensons qu'il y a un nombre important de gens qui voudraient
peut-être apprendre à éviter les maladies. Il faut le dire,
la médecine traditionnelle ne s'occupe peut-être pas suffisamment
d'avoir une action préventive et nous, nous pensons être des gens
qui font véritablement une médecine préventive.
M. GUAY: Maintenant, dans l'esprit de plusieurs, évidemment,
c'est encore confus quand on parle de naturopathes. On a eu l'occasion de
parler à cette commission plus spécifiquement des
médicaments et plusieurs se posent la question suivante : Est-ce que la
naturopathie ne serait pas, en quelque sorte, l'ancien apothicaire du temps qui
préparait lui-même ses médicaments à base
d'herbages, à base de beaucoup de choses qu'on ignore, qui est devenu
pharmacien en 1972 et distributeur d'un médicament? Est-ce que ce ne
serait pas un peu cette profession qui serait reprise à la moderne sous
l'insigne de la naturopathie?
M. BARBEAU: Je crois que vous avez parfaitement raison. En
réalité, comme je vous l'ai signalé, il y a eu une
bifurcation de la médecine chimique à partir du début du
siècle particulièrement. La materia medica antérieure, on
peut dire, contenait peut-être 75 p.c. à 80 p.c. de remèdes
qui sont des extraits de plantes et qui relèvent de la
phytothérapie. Maintenant, de plus en plus, ces remèdes, qui ne
sont pas des médicaments, mais des remèdes, il faut le
reconnaître, sont moins rapidement efficaces pour soulager que des
médicaments chimiques qui ont été mis sur le marché
par les différentes organisations pharmaceutiques.
Alors, il y a ici, il faut le dire, un rythme de la médecine
actuelle, de la médecine classique, de la médecine chimique qui
coincide fort bien avec la vitesse du monde moderne.
Seulement nous pensons que la médecine traditionnelle
hippocratique a aussi un droit légitime de continuer ses
activités en attendant de voir ce que va donner véritablement la
médecine chimique qui va, presque nécessairement, tous les ans,
ou tous les deux ou trois ans, faire des variations importantes dans ses
thérapies, en particulier dans l'utilisation de certains
médicaments. Il y a des changements continuels, des thérapies qui
étaient considérées comme assez miraculeuses, cinq ou dix
ans auparavant, et sont considérées, désormais, comme
dangereuses. Il y a un effort considérable de recherche pour
l'efficacité thérapeutique dans le soulagement de la douleur et
dans l'élimination, bien entendu, de la pathologie,
particulièrement celle qui est reliée au virus et qui est
reliée également aux différentes bactéries.
Nous considérons qu'il y a là une médecine
palliative qui a fait de grands bonds surtout dans la recherche des
éléments de diagnostic, également en chirurgie, mais qu'il
y a peut-être à reconsidérer certains aspects, en
particulier dans la médecine préventive, autrement que le seul
aspect lié au pasteurisme, lié à l'infection et à
l'effet des bactéries dans l'organisme.
Nous considérons qu'il y a aussi un facteur très important
et sans doute majeur qui est celui de la consommation des aliments. Je pense
qu'ici, nous somme là pour répondre à l'angoisse des gens
modernes et à l'inquiétude qui est née justement de la
pollution, pollution du milieu et surtout pollution alimentaire. Nous jouons un
rôle très important dans cette réforme sociale.
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, j'aimerais savoir ce que vous
pensez du traitement à l'oignon?
M. BARBEAU: Le traitement à l'oignon? Je pense qu'il faudrait
regarder l'histoire des peuples. Vous savez sans doute que les
différentes pyramides ont été largement construites par
des esclaves qui consommaient beaucoup d'oignons. Cela leur donnait leur force
très importante. Ce n'est pas moi qui l'ai inventé. L'oignon a
été utilisé au cours des siècles et
différents peuples, évidemment, en consomment encore beaucoup.
C'est un désinfectant très important. Je pense que ceux qui en
consomment une certaine quantité, pourvu qu'ils soient aptes à
l'assimiler, peuvent éviter des infections et sans doute d'autres
maladies.
M. LAVOIE (Wolfe): C'est parce qu'on a un de nos collègues,
justement il n'est pas ici, cela tombe mal qui a une grande
confiance en l'oignon pour toutes les maladies. Je voulais savoir si...
M. BARBEAU: Pour toutes les maladies, non, mais pour un certain nombre.
Enfin, cela aide, bien entendu, l'organisme à se défendre contre
un certain nombre d'infections. Cela renforce les immunités naturelles
et pour nous, c'est très utile. Nous utilisons nous aussi en
thérapie, non seulement l'oignon, mais l'huile d'ail concentrée
qui est mise en comprimé. Cela fait partie d'un autre supplément
thérapeutique dans les cas où il y a des infections. C'est assez
surprenant. Nous avons des résultats, parfois, qui, en rapidité,
sont aussi efficaces que les traitements aux antibiotiques, mais sans effet
secondaire, dangereux parfois.
M. FORTIER: Est-ce que je peux poser une question au
député?
M. BROCHU: Si vous me permettez, si le
député de Wolfe fait allusion au député de
Chicoutimi, sa préférence va sûrement à
l'échalotte.
M. LAVOIE (Wolfe): Non, je pensais au député de
Maskinongé.
M. GUAY: Vous avez mentionné à plusieurs reprises la
phytothérapie, pourriez-vous expliciter davantage la
phytothérapie? La question m'a été posée à
une commission parlementaire et je n'avais pas le droit de répondre.
M. BARBEAU: La phytothérapie, cela remonte évidemment au
plus lointain des âges. Chez les Chinois, on l'emploie depuis 5,000 ans.
C'est très efficace. C'est dans la nature qu'on trouve les
différentes substances qui ont été utilisées au
cours des siècles. Mais, on le répète, c'est moins rapide
dans son efficacité immédiate, visible, constatable que des
antibiotiques ou médicaments qui font de brusques effets dans
l'organisme.
La phytothérapie est un traitement en longueur. C'est un
traitement qui arrive surtout à avoir un effet de
désintoxication, en particulier sur les fonctions rénales. Les
fonctions rénales sont stimulées par l'utilisation des
différents herbages et tisanes. Ensuite, cela peut avoir un effet de
désintoxication hépatique sur le foie, en drainant les principaux
émonctoires, foie et reins. Il y a une série, évidemment,
de symptômes, de difficultés et de douleurs qui s'atténuent
d'abord dans un premier temps et qui ensuite tendent à
disparaître, si, d'une façon concomitante, on arrive aussi
à faire la correction alimentaire et la rééducation dans
le sens naturiste.
Ce sont des substances qui ne sont pas toxiques. Actuellement, je pense
qu'en Russie il y a au moins dans la materia medica 80 p.c. des
médicaments qui relèvent du règne végétal
qui est proprement de la phytothérapie. Parfois, il faut le dire, un bon
nombre de substances vendues dans les pharmacies sont aussi des produits qui
viennent des plantes, mais cette fois, ce sont des produits qui sont
purifiés, concentrés et qui sont séparés en quelque
sorte de leurs éléments synergétiques. En médecine
actuelle, on peut voir pas mal de substances, parfois assez toxiques, qui sont
dosées d'une certaine manière pour ne pas être dangereux
pour les gens, mais, en somme, ce sont des produits qui sont
singularisés. Alors que dans les méthodes naturopathiques, c'est
toujours la plante entière qui est utilisée en
phytothérapie. Il n'y a pas d'effet secondaire dangereux ou de
complication iatrogénique dans ces circonstances.
M. GUAY: Maintenant, ce que vous demandez dans les deux mémoires
est très simple: il s'agit de légaliser un état de
fait.
M. BARBEAU: Oui.
M. GUAY: A la vitesse où vont les choses dans le
développement de cette science naturelle, je pense bien que même
si le législateur refusait de reconnaître votre profession comme
étant légale, cela continuerait quand même. Vous seriez
donc dans l'illégalité.
Maintenant, quand on parle de la protection du public, vous êtes
pratiquement les seuls qui n'avez pas revendiqué ce point ou cette
couverture. Il y a quand même des précisions que j'aimerais avoir.
Bien sûr que les médicaments si on peut se permettre de les
appeler comme ça pour le moment dont vous vous servez sont
pratiquement sans effet et sans danger, mais ils donnent quand même des
résultats. Je ne vous apprends rien en vous disant que tout le
monde sait ça certaines personnes se croient dans l'obligation
d'absorber quotidiennement certains médicaments. Si, par exemple, ces
médicaments qui sont presque sans danger, qui sont sans effets
secondaires, remplaçaient les médicaments actifs, croyez-vous que
même là on pourrait diminuer d'une façon appréciable
la consommation de médicaments dans la population?
M. BARBEAU: Ecoutez. Je crois que c'est le phénomène,
justement moderne, que la naturo-pathie a amené au Québec.
Différents pharmaciens vendent dans les pharmacies des herbages et des
tisanes. Cela nous a un peu surpris. C'était un marché que nous
avions passablement développé de toutes les manières
possibles. Maintenant, on peut trouver dans les pharmacies différentes
tisanes qui sont surtout en vente, vous le savez bien, dans les magasins
d'aliments naturels. Nous sommes très heureux que les pharmaciens aient
pu aussi aborder ce secteur car, avant qu'on s'en occupe, personne ne s'en
occupait. Des tisanes pour améliorer le sommeil, pour mieux
digérer, des tisanes pour faire une meilleure élimination, des
tisanes laxatives, des tisanes pour drainer les reins sont très
efficaces. Nous en avons utilisé beaucoup. Les pharmaciens le
reconnaissent. Nous n'avons pas d'objection à ce que les pharmaciens
distribuent leurs médicaments. Seulement, nous estimons qu'il y a des
abus considérables dans l'automédication de substances toxiques
qui peuvent être cumulatives et qui peuvent entraf-ner des complications
très importantes. Nous préférerions qu'il y ait un corps
de médecins qui fasse une médecine préventive et qui
montre véritablement aux gens les méthodes qu'il faut prendre
pour dormir correctement plutôt que de dire: Vous prendrez un
sédatif, sédatif qui est très connu et qui est
annoncé souvent à la télévision et à la
radio. Il me semble qu'il serait normal que les gens aient les moyens
d'apprendre comment dormir correctement sans prendre de sédatif ou de
substance toxique, comment manger correctement sans avoir évidemment
à prendre toutes sortes de substances annoncées, encore une fois,
dans les journaux et à la télévision pour corriger des
erreurs
alimentaires et qui ne les corrigent véritablement pas, mais ne
font que masquer les symptômes. En réalité, il y a un grand
besoin de professeurs de santé dans le Québec qui collaboreraient
avec toutes les autres professions de santé.
M. GUAY: On se pose souvent la question: Est-ce que la nature n'a pas
tout prévu? Quand on voit les sciences de la santé se
développer à une vitesse extraordinaire, je me demande si la
nature n'a pas tout prévu ou s'il s'agirait plutôt de rationaliser
ce que la nature peut nous offrir.
M. BARBEAU: La nature n'a pas prévu que l'homme deviendrait
méchant. La nature n'a pas prévu, d'une certaine façon,
que l'homme deviendrait vicieux, que l'homme prendrait de mauvaises habitudes,
etc. Il faut donc corriger et enseigner. C'est l'art, je pense, des
naturopa-thes de montrer aux gens à suivre ces lois de la nature. Il est
évident, par ailleurs, qu'une thérapeutique qui serait
strictement fixée et axée sur la recherche des microbes, qui
serait strictement axée sur l'utilisation de produits toxiques pour
éliminer les microbes ne correspond pas suffisamment aux données
de la physiologie telle qu'elle est développée dans nos temps
modernes. Il y a beaucoup de recherches qui sont faites actuellement sur
l'alimentation. Il y a beaucoup de recherches qui montrent la toxicité
de certains aliments, les carences alimentaires très importantes qui se
trouvent dans un grand nombre d'aliments consommés habituellement. Il y
a donc pour nous un besoin de synthèse des différentes sciences
rattachées à la médecine. Il y a besoin aussi d'un corps
professionnel qui fasse précisément ce que d'autres corps ne
peuvent faire car ils sont vraiment débordés. Mais au rythme
où vont les choses, il est évident que l'Etat va voir tous ses
budgets défoncés si on n'arrive pas à avoir une
médecine de type préventif. Je pense que le gouvernement du
Québec doit peut-être reconsidérer le principe d'une
médecine qui soit plus biologique et qui aille faire un enseignement en
vue de l'hygiène, plus, peut-être, que de continuer à
fabriquer de plus en plus de spécialistes, qui sont fort utiles et
nécessaires, mais qui ne règlent pas le problème à
la base.
M. GUAY: On dit souvent qu'une bonne alimentation éloigne du
médecin. Croyez-vous que cette médecine naturelle pourrait
également éloigner la population de la pharmacie?
M. BARBEAU: Je crois que oui, puisque des gens qui ne sont pas malades
n'ont pas tellement besoin de fréquenter la pharmacie, sauf pour
s'acheter des journaux et autres choses. Les pharmaciens, d'ailleurs, disent
à peu près la même chose que nous. Un bon nombre de
pharmaciens dénoncent l'abus de la publicité, dans les
différents organismes de pharmacie. Il est évident qu'il y a un
abus de publicité, à cet égard, et un abus de
consommation. Mais l'automédication est la conséquence,
certainement, de notions de publicité qu'il faudrait peut-être
contrôler aussi.
M. GUAY: Quels sont les rapports entre vous et les
diététistes? Y a-t-il souvent des échanges de conseils
concernant l'alimentation, par exemple?
M. BARBEAU: Les diététistes lisent nos ouvrages. Nous
avons l'impression que quelques-uns sont intéressés. Des travaux
de recherche et de thèse, je pense, se font actuellement sur nos
publications, à l'Institut de nutrition justement.
On sait que les professeurs sont parfois nous le savons
questionnés sur la position des naturistes. Nous recevons
également, comme consultants, des diététistes et des
infirmières, des gens qui sont à l'intérieur du cadre des
professions de la santé, actuellement. Il y en a qui aiment bien nous
voir, il y en a qui veulent apprendre des choses. Il y en a qui sont
très satisfaits de nos activités. Alors nos rapports avec ces
gens sont bons. Nous n'avons pas de complications. Nous ne sommes pas
opposés à ce que ces gens font. Nous disons seulement qu'ils
pourraient perfectionner leurs connaissances en regardant ce que les
méthodes naturistes donnent et sans doute en corrigeant,
peut-être, des déficiences dans les différents aliments qui
sont utilisés, en particulier dans les hôpitaux.
Nous considérons que dans les hôpitaux il y a là,
vraiment, quelque chose à corriger, d'une façon rapide, parce que
nous pensons que l'alimentation, dans les hôpitaux, est vraiment
insuffisante pour redonner la force, la santé à ces gens qui sont
malades. Nous pensons que la diététique actuelle, de type
médical, pourrait peut-être reconsidérer non seulement les
calories mais également la qualité de l'alimentation.
Aux Etats-Unis, en particulier, il y a beaucoup de travaux de recherche
qui ont été faits là-dessus. Ils sont publiés dans
des gros volumes dont on pourra vous donner les titres, si vous le
désirez. Je pense que, dans les différentes facultés de
nutrition, on pourrait peut-être considérer cet aspect de la
qualité de l'alimentation. Dans les facultés de médecine,
il y aurait peut-être lieu aussi de considérer un cours qui
pourrait être donné à l'ensemble des médecins, cours
qu'actuellement ils ne reçoivent pas, malheureusement.
M. GUAY: J'aurais une dernière question à vous poser. On a
souvent entendu des naturopa-thes prendre position en ce qui concerne une loi
éventuelle. Je vous pose une question directe et je ne vous oblige pas
à y répondre: Que pensez-vous de la fluoration de l'eau de
consommation?
M. BARBEAU: Nous pensons que ce n'est pas une solution suffisante. Il
est évident,
comme les hommes de science le croient, qu'il y a des bactéries,
sans doute, qui agissent sur les dents et, en même temps, qui arrivent
à décalcifier les dents et à contribuer, peut-être
d'une façon importante, à la carie dentaire. Seulement, il est
évident que ce n'est pas la seule solution possible. C'est une solution
immédiate et ce n'est pas une solution à long terme.
Il est évident que la carie dentaire relève aussi d'une
alimentation carencée, une alimentation trop acide, une alimentation qui
fait que des gens consomment trop de cola, beaucoup trop de sucreries. Les gens
n'apprennent pas à digérer et à mastiquer convenablement.
Il y en a un bon nombre qui sont décalcifiés, ce qui
entraîne des caries dentaires.
Je pense que c'est une solution à court terme. Elle n'est pas,
quant à nous, véritablement la solution. C'en est une mais ce
n'est pas pour nous la meilleure, car elle n'est pas véritablement
préventive mais seulement, encore une fois, de type palliatif. Nous
estimons qu'il y a peut-être des dangers secondaires à
considérer, que d'autres peuples ont considéré.
Après avoir organisé la fluoration, ils ont tout simplement
supprimé les lois et les institutions qui faisaient de la fluoration.
Plusieurs pays, plusieurs villes, après avoir constaté quelques
dangers, surtout sur un certain nombre de personnes, peut-être pas sur
l'ensemble de la population, ont décidé d'abandonner la
fluoration comme méthode pour empêcher la carie dentaire.
Nous estimons que ce n'est pas la seule solution. C'en est
peut-être une liée à l'immédiat, liée
également à ce que les dentistes demandent, car eux aussi sont
débordés, ont un énorme problème. C'est presque une
tragédie internationale que la carie dentaire. Mais comme les dentistes
ne font pas, eux, de correction ou de prévention, en faisant des
campagnes contre l'abus de certains aliments et notamment les sucres, ils sont
devant un problème. Ils sont complètement débordés.
Mais, encore une fois, ils adoptent plutôt un palliatif qu'une correction
véritablement à long terme.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: II y a d'autres professionnels qui oeuvrent dans le champ qui
vous est propre, par exemple les diététistes et les
spécialistes médicaux en science de la nutrition.
Lorsque nous entendons ces professionnels venir nous exposer leurs
études, nous nous rendons compte qu'ils étudient, par exemple, la
valeur nutritive des nutriments, les régimes alimentaires, pas seulement
au point de vue calorique, mais également au point de vue de leur
composition chimique. Ils étudient également l'influence des
éléments nutritifs sur l'état de santé et sur
l'état de maladie. Ils font également des études
épidémiologiques. Ils s'occupent également de
prévention dans les écoles.
Ils font de l'éducation. Ils tentent de corriger ce qu'ont de
déficient les régimes alimentaires partout où ils sont,
que ce soit dans les hôpitaux ou dans les écoles.
Jusqu'à quel point ce que font ces spécialistes fait-il
double emploi avec ce que vous faites? Jusqu'à quel point ça peut
aller plus loin ou moins loin que ce que vous faites?
M. BARBEAU: Disons que nous ne voyons pas de contradiction. Nous voyons
plutôt un élément de complémentarité,
puisque, d'une part, pour toutes sortes de raisons, la conception
diététiste en tout cas actuelle, elle peut d'ailleurs
changer est davantage liée à un équilibre
alimentaire dans le sens d'une certaine quantité, de l'effet de chaleur
que cela peut produire dans un organisme, et à une notion de calorie que
nous pensons un peu dépassée.
A l'inverse de cela bien que nous considérons que
l'élément calorie peut jouer aussi nous pensons mettre
l'accent davantage sur la qualité de l'alimentation, sur le fait, par
exemple, que, dans un pain qu'on peut considérer un pain ordinaire, nous
pensons qu'il y a vraiment des carences. Il y a une quantité de tranches
de pain à consommer dans une journée, mais il y a des carences
fort importantes dans cet aliment-là.
Nous savons que, pour fabriquer un pain ordinaire, on peut utiliser
jusqu'à une cinquantaine de substances chimiques, synthétiques.
On élimine une vingtaine de vitamines et de minéraux et on en
rajoute trois ou quatre qui sont des substances synthétiques. Nous
n'avons rien contre cela; chacun a parfaitement le droit de présenter
les aliments comme il le veut.
Seulement, nous, nous estimons qu'à côté de ce genre
de pain, qui n'est pas un pain suffisamment nourrissant, il doit y avoir aussi
un pain qui contienne le plus grand nombre de vitamines possible, selon ce que
la nature a fait, auquel on n'ait pas besoin de rajouter des vitamines.
Nous avons une notion de qualité qui n'est pas encore
suffisamment acceptée dans les facultés de nutrition
traditionnelles. Nous avons également aussi et beaucoup plus que
les diététistes le respect de ce qu'on appellerait la
toxicité, la connaissance ou la hantise de la toxicité. Par
exemple, là où nous supprimons les aliments que nous
considérons comme toxiques, la diététique habituelle ne
considérera pas ces aliments comme toxiques. Nous, nous
considérons, par exemple, qu'il faut remplacer dans son alimentation
trois ou quatre substances. En particulier, nous considérons la
toxicité du café, du thé, du chocolat et des boissons
gazeuses, etc.
Dans la diététique traditionnelle, on inclut ces
substances en recommandant de les consommer avec modération. Nous, nous
disons qu'il faut les remplacer par des substituts de café aux
céréales, des herbages qui font office de thé, mais qui ne
sont pas toxiques, sans caféine. Le
chocolat doit être remplacé par de la poudre de caroube qui
a même texture, même couleur et même goût presque, mais
qui ne contient pas de substances toxiques comme la théobromine ou la
théophylline. Egalement, les boissons gazeuses, pour nous, doivent
être remplacées par des jus de fruits frais ou des jus de
légumes frais.
Par conséquent, l'élément de toxicité, pour
nous, est très important. Nous considérons également que
les aliments qui sont sur le marché habituellement ont une carence de
vitamines, de minéraux et surtout d'enzymes et d'oligo-minéraux.
C'est à partir de ça que nous faisons une supplémentation
de substances qui vont combler les carences qui se trouvent dans l'organisme,
parce que les gens ont consommé pendant un bon nombre d'années
des aliments recommandés par les diététistes ou par les
organismes officiels.
Nous supprimons très largement les boîtes de conserves,
sauf dans les cas où les gens ne peuvent pas faire autrement, car nous
pensons que ces aliments sont un peu dénaturés et, souvent, n'ont
pas de valeur autre que publicitaire. Plutôt que de manger des
légumes en boîte, nous considérons qu'il vaut mieux manger
des légumes bouillis d'une certaine façon, à la vapeur,
plutôt que bouillis dans l'eau qui leur fait perdre une bonne partie de
leurs vitamines. Nous considérons aussi qu'il vaut mieux consommer des
légumes le plus crus possible, selon sa capacité digestive, parce
qu'il y en a qui ont tellement l'estomac délabré qu'ils
n'arrivent même pas à consommer les légumes crus sans avoir
des réactions.
Il y a une adaptation directe. Donc, absence de toxicité des
aliments dits naturels. Aussi, nous corrigeons très
sévèrement d'autres choses. Par exemple, la consommation des
sucres.
Pour nous, c'est un élément clé dans la
prévention et dans le rétablissement de la santé. Un
nombre considérable de gens font des erreurs, par exemple, dans leurs
combinaisons alimentaires; ils vont consommer de la confiture sur les
rôties le matin, il y aura de la fermentation digestive; les gens vont
consommer du gruau avec de la cassonade, il y aura des rapports à
l'estomac, des gaz d'intestins et d'autres complications qui vont
entraîner une pathologie, éventuellement, qui vont entraîner
des infections. On peut les prévenir seulement en supprimant ces
mauvaises combinaisons alimentaires et l'abus des sucres. Au début du
siècle, on consommait une dizaine de livres de sucre par année
par individu, et aujourd'hui on consomme son poids en sucre par année,
150 livres au moins. Il y a des abus fabuleux, évidemment, dans la
consommation de sucres et ici, au Québec, il y a des abus très
très importants et qui entraînent des décalcifications, des
complications digestives, des maladies de peau, etc.
En fin de compte, pour nous, les aliments sont nos remèdes,
tandis que, dans la diététique traditionnelle, les aliments sont
considérés com- me un ensemble qu'on doit équilibrer et en
fonction, bien sûr, des besoins digestifs, mais pas comme des
éléments thérapeutiques proprement dits. Avec les
protéines animales, par exemple, si nous faisons la même chose,
les gens ne doivent pas consommer n'importe quelle sorte de viande; viande
toxique, les abats, etc., viande en boîte; chez la
diététique traditionnelle, il y a des permissions qui sont
accordées à ce niveau. Nous ne permettons pas ça.
Les corrections alimentaires sont faites chez nous avec beaucoup plus,
également, de précision. Chaque consultant doit apporter une
fiche d'alimentation d'une semaine et à toutes les fois qu'il vient en
consultation, nous corrigeons directement, en fonction de ses besoins, en
fonction de ses carences, en fonction de ses capacités digestives, sa
méthode d'alimentation; nous la corrigeons progressivement en
supprimant, justement, progressivement les substances que nous
considérons toxiques.
C'est tout un art, je ne veux pas insister longuement là-dessus,
je ne veux pas faire un cours là-dessus. Disons que...
M. LAVOIE (Wolfe): Est-ce que les naturo-pathes eux-mêmes
s'alimentent avec les aliments naturels?
M. BARBEAU: Oui, généralement, avec des
échappées qu'ils peuvent faire comme tout le monde, ils ne sont
pas les seuls. Mais, globalement, ils en ont vu les avantages et ils ont des
vitalités assez importantes et qui tranchent parfois sur celles de leurs
contemporains.
M. LAURIN: Parmi les sciences de base que vous préconisez, vous
avez mentionné la tro-phologie, la connaissance des mécanismes
d'immunité ou l'immunologie et la toxicologie. Voilà
précisément trois disciplines sur lesquelles la médecine a
énormément travaillé depuis plusieurs siècles et
où, depuis une vingtaine d'années, les connaissances s'accumulent
à un rythme effarant dans nos laboratoires universitaires.
Jusqu'à quel point votre discipline est-elle au courant de ces
recherches, jusqu'à quel point en utilisez-vous les résultats
dans votre action?
M. BARBEAU: II est évident que nous aimerions avoir un institut
de naturopathie du Québec qui soit affilié justement à une
université pour recevoir, bien entendu, des subventions qui
permettraient à des professeurs à plein temps, qui ne
feraient que ça d'arriver à avoir des interrelations avec
les différentes sciences qui sont reliées à la
santé.
Malheureusement, les praticiens qui sont obligés de donner des
cours à l'institut, actuellement, n'ont pas un temps considérable
à consacrer à l'étude des différentes techniques
médicales ou des recherches médicales proprement
médicales. Il faut le dire, il y a beaucoup de bio-chimistes,
biologistes et autres qui ont fait
des travaux de très grande importance en nutrition et
ceux-là nous les utilisons, nous les lisons, nous sommes abonnés
à leurs différents magazines, aussi bien en français qu'en
anglais, c'est un avantage ici au Québec. Personnellement, je peux vous
dire que j'ai au moins 6,000 volumes sur la nutrition, c'est assez
considérable; toute la production actuelle, je la reçois ipso
facto, je vais aux Etats-Unis un peu partout, dans différents pays pour
me procurer ces volumes, aussi bien en Angleterre, en France, un peu partout.
Nous sommes au courant de ce qui se publie sur l'alimentation, sur la
nutrition, les carences alimentaires, etc. Seulement, il est bien sûr que
nous aimerions avoir une plus grosse bibliothèque, quoique nous ayons
accès à la bibliothèque de McGill, de Montréal,
etc. Mais nous aimerions avoir plus de temps.
M. LAURIN: Jusqu'à quel point ces connaissances, que je sais
très considérables, sont-elles utilisées dans votre
curriculum d'études à l'intention des gens que vous formez?
M. BARBEAU: Nous préférons utiliser des volumes qui sont
plus directement axés sur l'alimentation naturelle parce que nous
pourrions, bien entendu, nous écarter de certaines de nos
activités et nous perdre littéralement dans le marasme de la
terminologie proprement médicale, etc. Seulement, nous consultons
également ces volumes; nous savons ce qui se publie et il n'y a pas de
complication. Nous n'imposons pas à nos élèves de faire un
cours dans ces activités parce qu'il faut tout de même
séparer les secteurs et nous pensons qu'il vaut mieux étudier des
volumes qui portent sur des expériences thérapeutiques cliniques
plus que sur des expériences dans les laboratoires, in vitro, parce que,
évidemment, c'est toujours sujet à interprétation et
à contradiction.
Il faut dire qu'il y a beaucoup de ces recherches qui ne sont tout de
même pas concluantes. Nous préférons, nous, travailler plus
proprement en clinique et voir ce qui peut se faire dans le
rétablissement de la santé. Enfin, nous sommes plus au niveau de
la thérapie, au niveau de l'art qu'au niveau de la science et de la
recherche. Nous ne disposons pas de fonds et de chercheurs attitrés et
nous ne recevons pas non plus de subventions de l'industrie. Il est
évident qu'il n'y a pas beaucoup d'industries actuellement dans le monde
qui voudraient nous fournir des fonds pour vérifier la qualité de
leurs aliments, parce qu'il est possible qu'elles reçoivent des rapports
qui ne soient pas favorables.
M. LAURIN: A part cette utilisation personnelle de ce savoir dont vous
parlez, où en est actuellement la collaboration entre votre association
et les facultés universitaires appropriées, soit l'Institut de
diététique, soit les facultés de médecine, en ce
qui concerne l'enseignement, la formation des professionnels et aussi la
recherche?
M. BARBEAU: C'est au niveau personnel. Un professeur de la
faculté de pharmacie est venu dans nos institutions, dans nos magasins
pour voir si les herbages qui étaient en vente, qui étaient
distribués au public pouvaient contenir des substances toxiques.
C'est-à-dire qu'il est venu avec un certain scepticisme, disant: Ce sont
des naturistes, tout ça. Seulement, il a eu la surprise de sa vie parce
qu'il a fait beaucoup de recherches spectrographiques et autres et il s'est
aperçu qu'en effet les tisanes et herbages distribués dans les
magasins ne contenaient aucune substance toxique. Nous sommes devenus de bons
amis et, depuis trois ans, je suis personnellement invité, comme
président du Collège des naturopathes, à exposer aux
étudiants de pharmacie, aux étudiants qui terminent leur cours,
aux finissants, pendant deux ou trois heures, les principes naturopathiques et
à répondre également à leurs questions dans la
faculté de pharmacie de l'Université de Montréal. Donc, de
ce côté, c'est quand même quelque chose.
Encore récemment, il n'y a pas un mois, j'ai été
invité par l'Association des étudiants en médecine de
l'Université de Montréal à leur présenter, dans un
exposé, les différentes techniques que nous utilisons et nos
principes de base. J'y suis allé. Il y avait 400 étudiants. Nous
avons fait le nécessaire et répondu à leurs questions
objectivement et je crois que plusieurs se sont montrés
intéressés. Ce sont donc des activités de type
personnel.
Nous n'avons pas de relations proprement officielles mais nous savons
qu'un bon nombre de médecins nous suivent, nous aiment bien. Parfois,
ils nous envoient quelques patients, surtout de leur famille, directement pour
voir un peu ce qu'on fabrique. Certains pharmaciens également. Nous
avons des amitiés très importantes dans ce milieu. Seulement, il
y a aussi quelques personnes qui aiment bien nous taquiner et nous traiter de
farfelus. Selon nos bonnes habitudes, nous répondons à ces gens
qu'il y a des farfelus dans tous les milieux. Nous ne nous en laissons imposer
par personne. Nous pensons qu'il faut quand même, dans un petit groupe
comme celui que nous sommes, ne pas se laisser effrayer par des méthodes
un peu brutales dans les polémiques. Nous préférons des
polémiques plus objectives, mais globalement nous n'avons pas eu
beaucoup d'accrochages. Nous avons eu parfois quelques accrochages, mais enfin
cela a été minime et puis par des gens qui nous aiment bien au
fond parce qu'ils savent fort bien qu'il y a quand même dans notre groupe
du déterminisme, une idée de rénovation de la population
au Québec. Enfin, nous sommes tous dans la même direction, nous
voulons tous aider de toutes les manières possibles à diminuer la
morbidité québécoise. Je pense qu'il y a une
collaboration, mais nous aimerions qu'un jour,
peut-être, un naturopathe puisse donner un cours dans une
faculté. Les gens iront s'ils le veulent. C'est peut-être moins
farfelu qu'on ne le croirait.
Aux Etats-Unis, nous avons l'exemple des étudiants d'une
faculté très importante qui se sont organisés cette
année, au mois de septembre, pour se faire donner un cours par des
nutritionnistes, cours qui n'était pas au programme de la faculté
de médecine. Il n'y a pas de cours en nutrition à la
faculté de médecine, on va s'organiser un cours nous-mêmes
et ils ont engagé des professeurs pour leur donner des cours. Cela nous
a paru un peu symptomatique de la nouvelle génération qui veut
étudier d'une façon plus nette des différentes fonctions
nutritives et peut-être arriver à une médecine
préventive.
Nous, nous pensons être un peu des novateurs dans ce secteur. Nous
pouvons dire qu'il y a quelques médecins actuellement qui apprennent de
nous les techniques naturopathiques. Nous avons également, au
Collège des naturopa-thes, un médecin qui travaille, qui est avec
nous, qui est membre plénier et nous avons aussi d'autres
médecins qui veulent savoir ce que nous fabriquons dans
différents cas, qui suivent ça de très près, qui
lisent nos ouvrages. La collaboration est vraiment complète
là-dedans, sauf parfois des accrochages publics ou qui n'ont pas
tellement d'importance. Toutes les nouvelles idées développent un
peu d'hostilité au départ, mais, avec le temps, cela
s'atténue et des collaborations peuvent sans doute s'organiser. Nous
estimons surtout que si nous arrivons à avoir une reconnaissance, la
collaboration pourra se faire d'une façon beaucoup plus nette, objective
et scientifique et dans l'amitié d'un Québec nouveau.
M. LAURIN: Mais vous déplorez en somme que les passerelles soient
encore trop rares et ténues?
M. BARBEAU: Oui. Nous sommes disponibles, nous avons offert nos services
à ceux qui veulent nous entendre, objectivement.
Nous avons essayé à quelques reprises d'avoir un groupe de
chercheurs qui seraient venus nous rencontrer ou que nous aurions
rencontrés sur un pied, disons, d'objectivité scientifique et
tout ça. Malheureusement, nos demandes n'ont pas eu d'échos.
Seulement, ça ne nous affecte pas, parce que nous savons fort
bien que les idées nouvelles ne peuvent pas s'implanter très
rapidement. Il y a peut-être aussi une certaine paresse qui fait qu'on
préfère à des idées intangibles des idées
reçues qui ne peuvent pas être changées rapidement.
Seulement, nous pensons qu'il y a d'autres idées également au
Québec qui, il y a 10 ou 15 ans, étaient vues comme des
idées farfelues et qui aujourd'hui deviennent des idées
populaires. Nous sommes certains que l'idée naturiste va aussi faire son
chemin.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: A part vos diètes, puis vos façons
particulières de vous nourrir et ces remèdes à base
d'herbages, est-ce que vous avez d'autres moyens dont vous vous servez?
M. BARBEAU: Nous avons vu ce qui se passait en Finlande. La Finlande,
c'est un pays qui ressemble assez au nôtre au point de vue
géographique et au point de vue, disons biologique, tout ça; ils
ont des conditions atmosphériques qui ressemblent aux nôtres.
Alors, chez eux, dans chaque famille, il y a un sauna. Depuis que nous
travaillons dans le Québec, nous proposons que tous les
Québécois puissent avoir un sauna ou, en tout cas, puissent avoir
accès au sauna. Nous faisons une espèce de saunathérapie
et nous recommandons le sauna à tous les gens qui sont fatigués,
stressés, qui font de l'insomnie, qui souffrent de toutes sortes de
maladies stressantes, nerveuses, etc. Ils vont au sauna. Je n'ose proposer
à personne, évidemment, d'essayer le sauna, mais je pense qu'il y
a unanimité dans les témoignages.
Ceux qui utilisent le sauna retrouvent une vitalité, un calme,
une pacification qu'on ne peut pas trouver avec d'autres choses. Alors, dans un
bon nombre de cliniques naturopathiques, il y a un sauna qui doit être
fait selon certaines conditions, mais qui sont très simples. Egalement,
il y a beaucoup de naturistes qui se procurent des saunas et se les installent.
Une fois qu'ils l'ont essayé, ils ne peuvent pas s'en passer, avec les
avantages considérables que cela apporte.
Donc, la saunathérapie, nous la faisons. La
balnéothérapie aussi, puisque nous recommandons aux gens des
méthodes de prendre des bains pour se nettoyer plus fréquemment
qu'ils ne le font habituellement. Nous utilisons également certaines
méthodes de physiothérapie. Il y a des gens qui arrivent avec des
douleurs considérables, douleurs arthritiques et tout. Il y a des
méthodes par physiothérapie, par massage, des méthodes
évidemment qui utilisent la chaleur et tout pour arriver à
diminuer la douleur, à la calmer d'une façon assez rapide, mais
qui n'est pas toxique, qui n'utilise pas évidemment de substances
toxiques qui donnent des résultats très très rapides.
Alors, un bon nombre de naturopathes ont également dans leur
clinique des moyens comme ça à leur disposition, pour
atténuer les douleurs et pour ramener les gens à un meilleur
état. Il y a la phytothérapie, il y a l'alimentation naturelle,
il y a également les suppléments thérapeuthiques, les
suppléments biologiques qui n'ont rien de toxique, encore une fois, mais
qui apportent des vitamines naturelles en particulier, par opposition aux
vitamines synthétiques parfois que les gens utilisent depuis un bon
nombre d'années. Le complexe B, pour nous, doit être donné
en synergie et on ne peut pas
attirer quatre ou cinq vitamines B, les mettre à
l'intérieur d'autres substances qui sont de moins bonne qualité,
puis donner ça aux gens. Nous, nous pensons que le complexe B doit
surtout être pris dans la levure qui est très efficace et qui
donne véritablement l'aliment complet, la supplémentation
nécessaire en vitamine B particulièrement.
Il faudrait voir aussi d'autres techniques que nous avons assez
largement décrites dans nos volumes, mais qui n'ont jamais rien de
toxique d'aucune façon, toujours seulement pour un certain nombre de
cas. Les cas qui relèvent des autres praticiens leurs sont
envoyés.
M. SAINT-GERMAIN : Est-ce que vous recommandez l'exercice physique ou la
culture physique?
M. BARBEAU: Oui, nous sommes aussi pour le "jogging" bien entendu.
Même avant que ça devienne quelque chose de très populaire,
comme c'est maintenant, nous, il y a longtemps que nous recommandions le
"jogging". Nous le faisons faire non seulement dans la course sur la place
publique ou dans les gymnases ou dans les montagnes, sur les routes, mais nous
le faisons faire en plus, quand le temps est mauvais, sur place. Les gens qui
sont trop âgés et qui ne peuvent pas faire du "jogging" comme des
gens jeunes, bien, ils le font chez eux, en sautant tranquillement, selon leurs
capacités, etc.
Cela améliore leur circulation, ça les fait transpirer
quand ça fait assez longtemps qu'ils sautent, etc. Alors, les
méthodes de "jogging" il y a déjà très longtemps
que nous les utilisons. Il y a la gymnastique, le 5BX etc., que nous utilisons
également depuis très longtemps. C'est recommandé par
l'Aviation royale et tout. Toutes ces techniques sont intégrées
à l'intérieur d'un concept de naturopathie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: Je vais être très court parce que le Dr Laurin
a posé ma question principale qui visait à savoir la
différence entre les diététiciens et les naturopathes,
mais vous lui avez répondu longuement tantôt. Il y a une question
que je voudrais vous poser. En plus de vos bureaux, où vous rencontrez,
comme vous l'avez mentionné tantôt, presque des patients en
santé, vous prescrivez une diète quelconque. Est-ce que vous
vendez en même temps des produits?
M. BARBEAU: Les diètes que nous recommandons consistent
principalement à faire des corrections. Aux gens qui ne mangent pas
suffisamment de légumes ou qui ne mangent que des légumes crus,
nous arrivons progressivement à leur faire manger des légumes.
Alors, ces légumes peuvent être organiques. Un certain nombre de
fermes au Québec, actuellement, fabriquent des légumes organiques
et des magasins vendent évidemment ces légumes. Mais,
globalement, les gens vont dans les épiceries traditionnelles pour
trouver leurs légumes, parce que l'agriculture organique n'est pas
suffisante ici au Québec. Elle est très importante, disons, en
Angleterre et aux Etats-Unis. Tout le groupe Rodale est extrêmement
important. Mais cela devient significatif dans la société
contemporaine.
Ce que je veux dire, c'est qu'au tout début, quand les
naturopathes ont commencé à fonctionner, il n'y avait que deux ou
trois magasins qui étaient tenus par des Européens, des Suisses
ou autres personnes. En Suisse, cela fonctionne depuis très longtemps.
Maintenant, de trois magasins qu'il y avait il y a une dizaine d'années,
les magasins d'aliments naturels se chiffrent par au moins 125. Il y a eu un
progrès considérable. Seulement, il a bien fallu, au tout
début, que les naturopathes qui recommandaient les aliments naturels
puissent en donner à leurs patients. Presque fatalement, il y a quelques
naturopathes à l'heure actuelle qui ont encore des magasins d'aliments
naturels, suite à ce qu'ils ont dû faire au début pour
servir leur clientèle. Mais les nouveaux naturopathes, on peut dire, en
règle générale, qu'ils n'ont pas les moyens d'avoir des
magasins et ne veulent pas non plus s'occuper de cet aspect commercial. Je suis
sûr que les naturopathes qui en ont ne s'en occupent pas personnellement,
ni du financement, ni de la publicité, ni de la gérance; ils ont
des gens qui s'en occupent. Les bureaux sont généralement
séparés.
M. PEARSON: Assez pour que vous puissiez dire que c'est à peu
près l'exception, les naturopathes qui ont des magasins.
M. BARREAU: Sur l'ensemble, ce n'est peut-être pas l'exception,
mais c'est une minorité.
M. PEARSON: Alors, dans ce cas-là, ma deuxième question
serait inutile. Il y a une partie de la population qui pense que, dans ces
magasins, il y a un lot de produits inutiles ou de placebos, si vous
voulez.
M. BARBEAU: Non, les placebos, c'est dans les pharmacies qu'on les
trouve. Dans les magasins, il n'y a pas de placebo, il n'y a jamais de
croûte de pain sucrée vendue $5 chacune. Cela n'existe pas. Nous
sommes sérieux, au fond, et les histoires de placebo, on ne croit pas
à cela du tout. Nous, ce que nous utilisons, ce sont les aliments
naturels, que vous pouvez d'ailleurs vérifier dans les magasins. H n'y a
pas de problème. Ce sont des aliments naturels. Seulement, il y a aussi
dans ces magasins des contrôles qu'il faudra sans doute, un de ces jours,
organiser. Nous sommes très conscients de cela. Il y a, comme dans toute
idée nouvelle, des gens qui sont pionniers, qui s'y donnent ardemment et
qui font des travaux sérieux, mais il y a aussi un contrôle
à exercer. Je crois d'ailleurs que le service de la protection de la
santé à Ottawa, l'ancien "Food and Drugs", va, un jour, avoir un
code qui va permettre à ces marchands d'avoir un certain contrôle.
Il y a déjà des contrôles très importants, des
enquêtes, des tests qui se font. Nous estimons que les aliments naturels,
tous leurs composants et toute leur publicité pourraient être
codifiés.
Attention! Je ne dis pas que ces aliments devraient être
critiqués ou devraient être mis dans des cadres tels qu'on ne
puisse plus en distribuer, même s'ils ne sont pas parfaits. Je ne vois
pas pourquoi on aurait pour les aliments naturels des exigences telles qu'il
faudrait avoir des appareillages que même le gouvernement
fédéral n'a pas pour faire l'enquête sur ces
choses-là. Je pense qu'il faudrait en même temps, non seulement
faire un code de l'alimentation naturelle, mais aussi un code de l'alimentation
traditionnelle. Peut-être que l'enquête du Canada sur
l'alimentation amènerait le gouvernement fédéral et
peut-être québécois à déterminer les
modalités publicitaires et les contenus nécessaires dans les
aliments. Si les aliments naturels sont l'objet de chasses continuelles de la
part des organismes gouvernementaux, on va simplement tuer le mouvement. Il
faudrait qu'il y ait enquête sur les aliments naturels mais aussi sur les
aliments ordinaires. Ce serait équitable dans les circonstances, parce
qu'il y a sans doute beaucoup plus d'aliments ordinaires qui sont des aliments
sans valeur nutritive suffisante. Il peut y avoir des aliments naturels qui ne
sont pas parfaitement naturels, mais au moins on sait que ces aliments ont
suffisamment de nutriments, d'enzymes, vitamines et minéraux pour donner
de la vitalité à la population. D'ailleurs, toute la
publicité est contrôlée et il n'y a pas de magasin
d'aliments naturels qui peut faire des réclamations au niveau des
maladies et ces choses-là.
Je vous assure qu'on veille au grain. On y veille, parce qu'on a
toujours des inspecteurs sur le dos qui viennent inspecter tous ces aliments.
Il n'y a pas de problème. Le gouvernement fédéral, en
particulier, s'occupe beaucoup plus de nous que des substances toxiques vendues
dans les pharmacies.
M. LAVOIE (Wolfe): Quelle est la viande la moins toxique?
M. BARBEAU: La viande la moins toxique? Le boeuf.
M. PEARSON: Une dernière courte question. En supposant
qu'éventuellement votre organisme soit reconnu comme corporation par le
gouvernement, est-ce que, comme question de principe, disons, dans une
espèce de code d'éthique, vous admettriez par exemple de pouvoir
distinguer entre le naturopathe, c'est-à-dire son bureau, et
peut-être défendre éventuellement qu'il devienne
marchand?
Est-ce que vous laissez cela libre? Est-ce que dans les autres
provinces, cet aspect est laissé...
M. BARBEAU: Pas du tout. Dans le code actuel des naturopathes, on ne
peut pas exercer une autre profession que celle de naturopathe. On ne peut pas
exercer d'autre profession sauf, évidemment, dans le cas d'une
profession parlementaire éventuelle. Mais autrement, il n'y a pas
d'autre profession qui peut être acceptable dans le code des
naturopathes. Seulement, il faut bien dire qu'il y a une situation de
tolérance parce qu'on ne peut pas demander à un naturopathe de se
débarrasser de toute son affaire alors qu'il était
impliqué là-dedans et que c'est lui et quelques autres qui ont pu
lancer cette affaire.
M. PEARSON: D'accord.
M. BARBEAU: On peut éventuellement penser qu'il s'en
débarrasserait, qu'il vendrait ces choses. Mais peut-être que
l'acheteur ne sera pas disponible tout de suite. Il est évident que dans
la professionnalisation de la naturopathie, c'est certainement dans les choses
d'ailleurs normales et habituelles pour une profession de considérer,
comme dans d'autres professions, qu'il y a eu abandon continuel,
évidemment, de certains bénéfices qui étaient
encadrés à l'intérieur d'une autre profession.
M. PEARSON: Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci aux groupements.
M. BARBEAU: Nous vous remercions, messieurs, de nous avoir entendus.
Nous espérons qu'un jour la naturopathie, grâce à vous,
aura droit de cité dans notre Québec. Merci beaucoup.
Association des acousticiens en prothèses
auditives
M. LE PRESIDENT: L'Association des acousticiens en prothèses
auditives. Me Dorion.
M. DORION: M. le Président, messieurs. A titre d'avocat de
l'Association des acousticiens en prothèses auditives, accompagné
de mon confrère, Me Gérald Coote, vous me permettrez bien de vous
exposer l'objet de notre visite aujourd'hui
Tout d'abord, je tiens à signaler ceci. Acous-ticien en
prothèses auditives est un terme un peu lourd. Alors, nous demanderions
à la commission de bien vouloir le remplacer par celui qui a
été adopté en France, soit: audioprothésiste. Cela
nous éviterait parce que nous avons déjà des lettres
patentes qui nous consacrent sous ce nom évidemment de modifier
nos lettres patentes. Alors, si la commission peut le faire ou si le ministre
peut le faire, nous en serions fort aise. Cela nous éviterait cette
procédure.
Nous avons produit un mémoire qui comporte 18 pages. Je voudrais
bien, autant que possible, éviter de me répéter,
malgré qu'il me semble qu'il y a certains points sur lesquels il faudra
nécessairement revenir afin de bien établir quelle est notre
situation juridique et, en même temps, quelle est notre position à
l'intérieur des professions paramédicales.
Tout d'abord, nous avons divisé en chapitres ce mémoire.
Le premier chapitre s'intitule: Le bill 270 et son origine. Parce qu'enfin,
nous apparaissons d'abord dans les annexes du rapport Castonguay. Nous
apparaissons à l'intérieur même du rapport Castonguay.
Antérieurement au bill lui-même, dont l'initiative revient au
ministre des Affaires sociales, nous avions déjà, il y a trois ou
quatre ans, demandé à la Législature dans le temps,
à l'Assemblée nationale maintenant, de bien vouloir nous donner
le statut de profession. C'est ce que nous expliquons dans le premier chapitre.
Le bill 270, somme toute, provient d'un bill privé que nous avions
déposé devant l'Assemblée nationale en janvier 1968 et
dont l'étude a été subséquem-ment ajournée
jusqu'à la publication du rapport Castonguay et à la suggestion
du secrétaire de l'Assemblée nationale.
Evidemment, vu l'intention du gouvernement d'établir un code des
professions, le bill 250 auquel se réfère le bill 270 qui est le
nôtre, il y a entre celui-ci et le projet original déposé
à l'Assemblée nationale, dès janvier 1968, des
différences substantielles.
Ce n'est pas l'intention de notre association de demander que
disparaissent ces différences. Bien au contraire, notre association ne
voit aucune objection de principe à ce que soient établies des
règles d'ordre général qui s'appliquent à tous les
corps professionnels. Elle y voit même des avantages d'ordre public qui
dénotent le souci du législateur de mettre de l'ordre dans une
situation singulièrement chaotique qui favorisait certains groupes de
personnes au détriment de certains autres et donnait lieu à des
affrontements dont le public, en dernier ressort, devait supporter les
frais.
Ce mémoire n'a donc pas pour but de s'élever contre les
principes dont s'inspire la nouvelle législation du gouvernement en ce
qui a trait aux corps professionnels en général et aux
audioprothésistes en particulier. Bien au contraire, ce que recherchent
ici plutôt les auteurs, c'est soumettre certaines suggestions d'ordre
pratique dont la mise en oeuvre serait de nature, croient-ils, à
préciser davantage la nature et le rôle de leur profession,
à mieux définir les pouvoirs qui relèvent de leur
compétence, à éviter que leur exercice en soit
entravé au point qu'une partie importante de la population risquerait de
n'en point tirer avantage.
Voici, en quelques mots, l'historique de notre association. Je
résume ce qu'il y a dans le mémoire. Notre association s'est
formée sous l'autorité de la partie 3 de la Loi des compagnies,
le 2 août 1966. Par conséquent, cela fait au-delà de six
ans que nous existons.
Dès le début, elle s'est donné un code
d'éthique professionnelle dont le respect permet de bien distinguer,
entre autres choses, les cas qui relèvent de la médecine et les
autres qui relèvent de l'audioprothésiste. En procédant
ainsi, les audioprothésistes s'inspiraient des exemples que leur
fournissaient plusieurs Etats américains, de même que divers pays
d'Europe, comme la France, l'Allemagne, la Suisse, la Belgique, la Hollande,
pour ne citer que les plus connus où les audioprothésistes ont un
statut bien déterminé.
Il est à noter qu'en ces pays d'Europe les
audioprothésistes ont des conventions avec les services médicaux
des Etats qui ont mis sur pied "un régime d'assurance obligatoire contre
la maladie et l'invalidité". Ainsi, j'ai des textes, ici, de conventions
qui existent entre l'Etat français et les audioprothésistes,
l'Etat belge et les audioprothésistes, de même qu'entre
l'Allemagne de l'Ouest et les audioprothésistes. Ils y sont donc
reconnus comme exerçant une profession nettement d'intérêt
public et des pouvoirs qui leurs sont propres et exclusifs.
Quant aux Etats-Unis, il existe une association désignée
sous le nom de "National Hearing Aid Society", dont le siège social est
établi à Détroit. Cette organisation s'est faite le
promoteur des diverses législations qui ont été
adoptées en plusieurs des Etats pour protéger le public et lui
fournir toute l'assistance dont il peut avoir besoin pour aider et
protéger les audioprothésistes eux-mêmes et assurer le
libre exercice de leur profession. Parmi les Etats où de telles
législations sont en vigueur, je mentionne les plus progressistes: le
Michigan, I'Illinois, le Tennessee, l'Indiana, le Dakota Sud, la Floride et le
district de Washington. Elles sont reconnues fort efficaces pour l'assistance
qu'elles apportent aux handicapés de l'ouïe sans pour cela brimer
les droits des professionnels qui les constituent.
Ne sont-ce pas là, d'ailleurs, messieurs, les objectifs que toute
législation de ce genre doit poursuivre? Une législation qui
imposerait des restrictions plus ou moins futiles, dont l'opportunité ou
la nécessité ne sont pas clairement établies, qui seraient
de nature à limiter sans raison le champ d'activité des
audioprothésistes risquerait de ne point atteindre tous les
handicapés qui ont besoin de leur aide et de leurs services et d'en
priver nombre de personnes atteintes de surdité.
Voilà un danger contre lequel il faut se prémunir, afin
d'éviter que les sourds dont la médecine est encore impuissante
à conjurer totalement l'infirmité deviennent des personnes
définitivement exclues du giron de la société et soient
réduits à vivre repliés sur eux-mêmes,
privés, sans espoir, d'une très grande partie des joies et des
bienfaits qui exigent communication constante avec ses semblables par le
truchement de la voix et de l'oreille.
L'article 7 du bill 270 et ses dangers. Nous avons quelques objections
à faire quant à la rédaction actuelle de cet article. La
loi actuelle-
ment proposée comporte une disposition qui, à ce point de
vue, peut s'avérer extrêmement dangereuse. L'article 7 se lit
comme suit: "Constitue l'exercice de la profession d'acousti-cien en
prothèses auditives tout acte qui a pour objet d'exécuter une
ordonnance d'un médecin, d'un orthophoniste ou d'un audiologiste en
vendant, fournissant, posant, ajustant ou remplaçant des
prothèses auditives".
En d'autres termes, aucun des actes relevant de la compétence et
des moyens mis en action par l'audioprothésiste ne peut être
posé sans l'intervention active, constante de l'un quelconque des
membres de l'une ou l'autre de ces trois catégories
professionnelles.
Exiger une ordonnance, c'est d'abord faire obstacle au libre choix
handicapé d'avoir recours, s'il le désire, à une
prothèse auditive pour corriger sa surdité. Robert définit
l'ordonnance: "une prescription écrite et signée du
médecin". S'il ne plaît ni à un médecin, ni à
un orthophoniste, ni à un audiologiste de suggérer la
prothèse auditive à quelqu'un qui en aurait besoin, celui-ci
devra à jamais, avec le texte tel que rédigé, subir sa
surdité et rester ainsi partiellement à l'écart de la
société.
Comme la surdité, non plus que l'hypoacou-sie,
c'est-à-dire la diminution de l'acuité auditive, ne
résultent pas nécessairement, en la majorité des cas,
d'une maladie au sens courant du mot et n'entrafnent en soi aucune douleur
physique, il est possible que ces messieurs soient parfois portés
à suggérer au handicapé de l'ouie d'accepter son
infirmité avec résignation.
Toute ordonnance, d'ailleurs, implique des précisions que bien
peu de médecins seraient actuellement en mesure de déterminer,
n'ayant généralement pas à leur disposition les
instruments requis. Or, ces instruments font partie intégrante de
l'équipement de l'audioprothésiste. Seuls l'audiomètre et
l'appareil acoustique dénommé maître (qui donne le gain, la
puissance et la courbe de fréquences) permettent de déterminer et
de prescrire la prothèse susceptible d'améliorer l'entendement
à la mesure des besoins de tel ou tel handicapé de l'ouie.
Par ces instruments, on peut mesurer la qualité du son, ainsi que
son degré d'intensité ou de puissance. Par la conjugaison de ces
deux mesures, on recherche le seuil de perception des sons ou le degré
d'amplification nécessaire pour améliorer l'entendement.
C'est de cet examen que naît le choix de telle prothèse
plutôt que de telle autre. Voilà donc une opération qui
relève nettement de l'audioprothésiste et que la loi doit lui
reconnaf-tre. Agir autrement, ce serait le reléguer au rang d'un simple
vendeur ou commerçant, au détriment du handicapé de
l'ouie.
Voilà une des raisons pour lesquelles nous suggérons une
modification à cet article 7.
Les obstacles à l'ordonnance médicale, les voici. Qu'on
nous comprenne bien, nous ne voulons pas par là repousser toute
intervention médicale. Les deux plus importantes causes qui entravent le
fonctionnement normal de l'oreille, nous enseignent les auteurs, sont la
surdité de conduction et la surdité neurosensorielle. Alors que
la première peut être provoquée par n'importe quel obstacle
s'opposant au passage des ondes sonores dans le conduit auditif externe
(c'est-à-dire le pavillon servant à recueillir les ondes sonores)
ou dans l'oreille moyenne (qui comprend le tympan, le marteau, l'enclume et
l'étrier) et est nettement susceptible de traitements médicaux ou
d'interventions chirurgicales, la surdité neurosensorielle qui, elle,
affecte l'oreille interne et empêche les circuits du cerveau de
fonctionner normalement, a jusqu'ici laissé à peu près
impuissantes la chirurgie et la médecine, bien que la science n'ait pas
dit son dernier mot.
Ici, je cite un auteur médical: "Comme il est encore impossible
de réparer les lésions nerveuses, soutient un auteur, la
surdité neurologique (ou neuro-sensorielle) est d'un traitement
médical et chirurgical bien difficile". La seule solution actuellement
possible et pratique en ce dernier cas, c'est le recours à un appareil
auditif à la mesure des besoins révélés par
l'appareil acoustique maître (qui sélectionne le gain, la
puissance et la courbe de fréquence) ce qui relève nettement de
la compétence et des soins de l'audioprothésiste qui en
connaît parfaitement le maniement et les données qu'elle
fournit.
La gamme de ces appareils auditifs (ou audiphones) comprend actuellement
au-delà de 500 types différents de prothèses. En outre,
chacune de ces prothèses est susceptible de modification individuelle,
selon les besoins que révèle l'examen audiométrique et
l'appareil acoustique martre. Une ordonnance impliquerait la prescription de
telle prothèse individuelle plutôt que telle autre, donc, les
examens d'ordre technique que nous venons de décrire. A moins
d'être du métier et d'en faire profession, qui pourrait vraiment
le faire? Peut-on vraiment exiger du médecin en ce domaine particulier
des connaissances tout aussi poussées que celles que doit avoir
l'audioprothésiste lui-même, tant dans le maniement des
instruments de sa profession qu'en ce qui a trait au mécanisme des
appareils auditifs, à leur ajustement et au très vaste choix qui
s'impose?
Et dès qu'un handicapé dispose déjà d'un tel
appareil ce qui implique la nécessité comment le
médecin serait-il plus en mesure que l'audioprothésiste, si la
surdité évolue dans un sens ou dans l'autre, d'apporter des
modifications à la prothèse ou d'en suggérer une nouvelle?
Ne serait-ce pas là une entrave sérieuse et inutile dont
l'handicapé seul aurait à souffrir? Car, ne l'oublions pas, c'est
jusque là qu'est poussée l'intenvention médicale telle que
définie par l'article 7 actuellement libellé.
Au chapitre 5, nous envisageons la garantie d'ordre civil et
disciplinaire. Il ne faut pas oublier que cette profession se rattacherait ou
se rattache au code des professions. Ici, en
passant, je signale les articles 10 a) et b), 84, 86, ayant trait au
fonds d'indemnisation, et les articles 109 et suivants concernant le
comité de discipline, autant d'articles auxquels seraient soumis les
audioprothésistes.
Le code des professions traite donc non seulement des peines
disciplinaires que peut encourir tout professionnel qui contrevient à
l'éthique mais aussi de la responsabilité civile que peut
entrafner son incompétence ou même sa négligence
grossière. Il va même jusqu'à exiger la création
d'un fonds d'indemnité à cette fin. Serait-il logique d'imputer
à l'audio-prothésiste une telle responsabilité si son
rôle et ses attributions se ramènent à n'être plus
qu'un simple exécutant de l'ordonnance du médecin? Par ailleurs,
cette responsabilité civile et d'ordre disciplinaire que lui impute la
loi n'est-elle pas largement suffisante pour conjurer l'incompétence et
les abus? N'y a-t-il pas là pour le client une garantie sérieuse
et qui le met à l'abri des fraudeurs ou des praticiens sans vergogne? Le
public n'est-il pas là entièrement protégé?
La clientèle des audioprothésistes se recrute dans toutes
les couches sociales, parmi les personnes de tous âges et dans les
endroits les plus reculés de la province. On évalue de 1 p.c.
à 5 p.c. le pourcentage de la population qui a besoin d'avoir recours
à des prothèses auditives. Or, la médecine est
déjà débordée. Surtout depuis qu'existe
l'assurance-maladie, il arrive qu'il faille attendre plusieurs semaines,
parfois même des mois avant de pouvoir rejoindre et consulter un
spécialiste. Ici, je souligne en passant, que pour les
oto-rhinolaryngologistes qui sont les spécialistes en question, il n'est
pas possible dans le district de Québec d'avoir de rendez-vous avec l'un
quelconque d'entre eux avant la fin de janvier ou le commencement de
février 1973.
Il est à prévoir que rares seront les
généralistes ou les omnipraticiens, comme on les appelle, qui,
consultés par des personnes qui souffrent de surdité, ne les
dirigeront pas chez les oto-rhino-laryngologistes, dont le nombre est fort
restreint, je pense qu'il n'y en a pas 200 dans la province ils sont 137
on voit tout de suite les retards indus qui s'ensuivront et
jusqu'à quel point en définitive le patient lui-même en
souffrira. Une législation susceptible de provoquer de telles entraves
ne vient-elle pas en conflit avec l'esprit social progressiste qui l'a
inspirée? Voilà un point sur lequel nous invitons
respectueusement le législateur à réfléchir pendant
qu'il en est encore temps. Bien plus, il est sûr qu'en certains cas
pareilles entraves seraient absolument insurmontables si elles devaient
être maintenues. Nous songeons ici en particulier aux personnes
âgées. Si aucune maladie ne les incite à se rendre chez le
médecin, si elles sont invalides et doivent rester au logis, qui se
donnera la peine de les y conduire surtout si elles demeurent à la
campagne, éloignées du médecin déjà
débordé? L'au-dioprothésiste peut actuellement se
déplacer, les y rejoindre, leur faire subir les tests nécessaires
pour leur procurer la ou les prothèses susceptibles de corriger leur
surdité. Exiger en pareil cas l'ordonnance du médecin, ne
serait-ce pas, à toutes fins pratiques, les contraindre à subir
à vie la privation de ce sens éminemment précieux qu'est
l'ouië, les rejeter dans une sorte de ghetto et où ils seront
réduits à ne vivre que de leur vie intérieure? Il faut
avoir souffert de cette déficience de l'ouië pour en mesurer les
pitoyables conséquences, tant au point de vue moral qu'au point de vue
physique. Il nous faut ajouter qu'il y a dix ans, lorsque se répandit
l'usage des prothèses auditives, un certain nombre de médecins,
évidemment non spécialistes dans les problèmes de
l'ouïe, ne croyaient guère en leur utilité. Il faut faire
confiance à l'honnêteté et à
l'intégrité des audioprothésistes et tenir compte du fait
qu'ils auront à respecter un code d'éthique professionelle dont
les impératifs relèveront des autorités
constituées, selon le code des professions, autorités
extérieures aux membres de la profession.
Nous le répétons, les mêmes garanties sont
assurées dans le bill des audioprothésistes. Leur
nécessité sociale ne fait plus de doute, leur connaissance et
leur expérience de même que le code d'éthique
professionnelle qu'ils se sont donné longtemps avant qu'ils y soient
tenus constituent autant de garanties contre la fraude et l'exploitation. Ils
sont en mesure de préciser eux-mêmes si les cas qui leur sont
présentés relèvent d'eux ou de la médecine. A ce
propos, je tiens à souligner qu'un tableau a été
préparé auquel doivent répondre les patients, tableau qui
permet dans les conclusions, lorsqu'elles sont établies, de diriger chez
le médecin, s'il y a lieu, le patient qui se présente à
eux. Ce tableau-là d'ailleurs a été soumis aux
oto-rhino-laryngologistes, au président et à quelques membres. A
peu de choses près, ils l'ont trouvé satisfaisant.
Le sixième chapitre s'intitule "Connaissances et formation". On
nous opposera peut-être les connaissances médicales peu
poussées dont disposeraient actuellement les audioprothésistes.
Nous n'allons évidemment pas les comparer aux oto-rhino-laryngologistes
qui, dans le Québec en particulier, jouissent d'une très haute
notoriété. Mais il faut avoir lu avec soin le Précis
d'audiométrie et de prothèse auditive publié par les soins
de l'association, qui comporte le minimum de savoir exigé des membres
actuels et des candidats qui veulent rejoindre leurs rangs, pour se rendre
compte du degré de leur savoir. Ainsi peut-on se rendre compte
jusqu'à quel point sont poussées leurs connaissances relatives
à l'ouiè, à sa constitution, à son fonctionnement,
aux cas qui relèvent tantôt de leur compétence,
tantôt du seul médecin spécialiste. Nous avons d'ailleurs
déposé avec notre mémoire le précis en question et
nous avons indiqué, à la page 14, les têtes de chapitre qui
vous permettront de voir jusqu'à quel point il leur faut tout de
même un certain nombre de connaissances de base, avant de
procéder à l'adaptation d'une prothèse auditive.
En certains de ces chapitres, il est clairement établi que
l'appareil auditif est à prohiber lorsqu'il s'agit de cas relevant de la
médecine, notamment lorsque la surdité est plutôt
attri-buable au fonctionnement de l'oreille externe ou de l'oreille
moyenne.
Les audioprothésistes, comme on le verra clairement par ce
précis, n'ont pas attendu que leur soit imposée une
législation particulière pour déterminer leur champ
d'action et éviter toute activité qui ne relève que de la
médecine. Une association qui s'est ainsi comportée sans y
être contrainte par le législateur témoigne
éloquemment de son sens social. Elle fait voir avec quel sérieux
ses membres vaquent à leurs activités, prenant soin d'en
délimiter eux-mêmes le champ et, le cas échéant, de
suggérer le recours au médecin.
Cela atteste leur intégrité, une intégrité
telle qu'ils méritent certainement qu'il leur soit fait confiance. Pour
les membres éventuels de la corporation, aucune difficulté n'est
à prévoir. La section IV, chapitre 4, du code des professions
offre toutes les garanties désirables. L'article 40, en particulier,
pose des conditions d'admission qui ne relèveront plus de la seule
autorité de la corporation. Des normes seront vraisemblablement
fixées quant au degré d'instruction et de connaissances
paramédicales qui seront exigées.
Ainsi seront définitivement bannies les craintes que pourrait
entretenir le législateur. Quant aux membres actuels, dont le minimum
d'études scolaires correspond à la 12e année et qui tous
ont au moins les connaissances que révèle leur précis et
possèdent les appareils nécessaires pour déceler le genre
de prothèses auditives qui convient en chaque cas, ils sont
évidemment en mesure de poursuivre leurs activités avec soin et
il serait injuste et contraire aux droits acquis que de leur imposer des
entraves superflues.
D'ailleurs, en exigeant une ordonnance médicale aussi
fréquemment que l'exige l'article 7 du bill 270, le législateur
va beaucoup au-delà des suggestions qui lui ont été
faites. En effet, au chapitre IV de l'annexe 4 du rapport de la commission
d'enquête sur la santé et le bien-être social, tout au plus
est-il suggéré "l'obligation d'un premier diagnostic
médical avant qu'une prothèse puisse être vendue". Nulle
part il n'est question d'une ordonnance qui, au sens propre du mot, exigerait
nécessairement de celui qui la délivrerait non seulement des
connaissances médicales, mais également des connaissances d'ordre
technique relatives au fonctionnement mécanique des instruments auxquels
recourt l'audioprothésiste, de même qu'aux 500
variétés et plus de prothèses actuellement sur le
marché et au rendement de chacune d'elles. Une ordonnance implique que
tout cela doit être connu pour qu'on puisse préciser ce que le
patient doit recevoir.
Comment pourrait-on sans cela prescrire vraiment une ordonnance au sens
médical du mot? Quant à l'audioprothésiste, ce serait
réduire son rôle à celui de simple fournisseur ou
commerçant. Vaudrait-il vraiment la peine d'en faire un professionnel
paramédical? Rappelons en terminant qu'en aucun des 28 Etats
américains où existe une législation relative à
cette profession une telle ordonnance médicale est préalablement
exigée.
Au cours de notre argumentation, nous avons omis de signaler les
orthophonistes et les audiologistes qui, par l'article 7 du bill 270, sont mis
sur le même pied que le médecin quant au privilège
d'émettre une ordonnance avant que n'intervienne
l'audioprothésiste. Nous voyons mal d'ailleurs l'intervention de
personnes qui sont subordonnées aux médecins dans l'exercice de
leur propre profession et qui, pour les fins de l'audioprothésiste,
seraient sur le même plan qu'eux.
D'ailleurs, dans la Mauricie, où il y a 350,000 habitants, il n'y
a pas un seul audiolo-giste qui pratique. Je vous réfère à
la page 5862 du journal des Débats où, précisément,
vous verrez jusqu'à quel point leur nombre est minime.
Alors, imposer que l'on dépende de ces messieurs pour pouvoir
procurer des prothèses auditives, c'est, à toutes fins pratiques,
dire: Dans telle ou telle région, il sera impossible aux
handicapés de l'ouïe d'en bénéficier s'ils le
désirent. Ils sont, d'ailleurs, 133 dans la province, en deux groupes,
et, comme je vous l'ai dit, à certains endroits, il n'en existe pas. Sur
ces 133, la moitié sont des orthophonistes et l'autre moitié, des
audiologistes.
En outre, nous tenons à souligner tout particulièrement
que nous voyons mal l'intervention de l'orthophoniste en pareille
matière, l'orthophonie étant définie, à l'article 1
du chapitre 256 des Statuts refondus 1964, comme "la science qui a pour objet
l'étude, l'examen, l'évaluation et le traitement des troubles de
la voix, de la parole et du langage parlé ou écrit, ainsi que
l'utilisation des moyens de suppléance correspondants et la
rééducation."
A moins que ne soit établi un lien direct entre ces moyens
auxquels peut avoir recours l'orthophoniste et les prothèses auditives,
nous voyons mal ce que viendrait faire en ce domaine son intervention.
En guise de conclusions, nous suggérons humblement qu'au bill 270
soient apportées les modifications suivantes: lo Qu'à
l'expression "acousticiens en prothèses auditives" soit substitué
le mot français "audioprothésistes" qui est le véritable
nom sous lequel, dans les pays européens, notamment en France, sont
désignés ceux-là qui se livrent aux activités de
cette profession. 2o Que l'audioprothésiste y soit défini. Voici
la définition que nous avons risquée: "Toute personne
dûment qualifiée par la présente loi comme membre de la
profession et habilitée à
faire subir à quiconque des tests audiométriques et
acoustiques aux fins de déterminer et procurer la prothèse
auditive qui convient et, au besoin, y apporter les ajustements
nécessaires; relèvent également de ses fonctions le
contrôle d'efficacité et la vente de la prothèse auditive.
3o Que soit rayée de l'article 7 l'obligation pour
l'audioprothésiste de n'intervenir qu'à l'occasion d'une
ordonnance d'un médecin, d'un audiologiste ou d'un orthophoniste. 4o
Qu'advenant que le législateur veuille à tout prix laisser au
médecin un certain contrôle, qu'au terme "ordonnance", à
l'article 7, soit substituée l'expression "avis médical verbal ou
écrit". Ici, je dois signaler que nous avons eu des entrevues avec les
oto-rhino-laryngologistes, notamment avec leur président, le Dr Poulin,
et il s'est déclaré à peu près satisfait de la
correction que nous voulons apporter ici. D'ailleurs, je ferai remarquer que
les oto-rhino-laryngologistes eux-mêmes nous ont écrit une lettre,
il y a déjà trois ou quatre ans. Ils admettent qu'ils ne peuvent
pas prendre le contrôle absolu de tout ce qui a trait aux maladies de
l'ouiè, précisément à cause du nombre
extrêmement restreint de ces spécialistes. J'ai une lettre ici,
qui a été adressée en 1967 et qui dit en substance ce que
je viens de vous relater. C'est le point principal, névralgique pour
nous. Nous croyons qu'un avis verbal ou écrit donné par un
médecin on ne peut pas demander cela à un
spécialiste, parce qu'il y en a trop peu devrait suffire pour
ouvrir la porte tout de suite à l'audioprothésiste.
D'ailleurs, sur ce point, nous avons préparé un projet.
Nous avons pris le bill no 270 et nous l'avons refondu, pour ainsi dire, ou
modifié selon les conclusions que nous apportons. Vous avez cela, je
pense, avec la documentation qui vous a été offerte. 5o Qu'en
aucun cas, lorsqu'il s'agit de remplacer une prothèse auditive,
l'audioprothésiste ne soit tenu d'obtenir au préalable une
ordonnance ou un avis médical à cet effet.
Cela un problème purement technique, un problème
d'ajustement de prothèses puisque déjà, s'il s'agit d'un
patient qui a consulté un médecin, le médecin se sera
prononcé. Pour ceux-là qui, depuis des années et des
années, ont une prothèse, cela me paraît futile d'exiger un
avis médical alors que déjà ils ont
bénéficié d'une prothèse auditive.
Ces conclusions, MM. les législateurs, vous sont soumises avec
tout le respect dû aux hautes fonctions que vous avez à remplir,
convaincus sommes-nous que leur mise en oeuvre sera de nature à aider
puissamment les handicapés de l'ouie et assurer à la profession
de mes clients le plus haut degré d'efficacité sociale.
Nous vous remercions.
M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je remercie Me Dorion de la
présentation du mémoire des acousticiens en prothèses
auditives. Je retiens de vos conclusions que vous demandez d'abord que
l'expression "acousti-cien en prothèses auditives" soit remplacé
par le mot "audioprothésiste" et que vous n'avez aucune objection de
principe au projet de loi 250. D'ailleurs, vous faites partie des corporations
à titre exclusif.
M. DORION: Pas du tout. M. FORTIER: Bon.
M. DORION: Nous n'avons aucune objection de principe.
M. FORTIER: J'ai juste une question à vous poser. Quand les
audioprothésistes posent un appareil auditif, il y a d'abord, au
préalable, un examen médical. Vous avez mentionné
ça.
M. DORION: C'est-à-dire qu'actuellement rien ne l'exige.
Généralement, le patient qui se présente chez eux a
passé un examen médical. Mais l'examen médical a
révélé que l'ennui subi par le patient est un ennui auquel
la médecine ne peut pas remédier.
M. FORTIER: D'accord.
M. DORION: Alors, si on substitue à "ordonnance médicale'
les mots "avis médical", le médecin pourra dire: En ce qui me
regarde, en ce qui regarde ma spécialité ou en ce qui regarde la
médecine, il n'y a aucune opération possible dans votre cas. Il
reste simplement, peut-être pour améliorer votre situation, le
recours à une prothèse auditive. Dès lors où il y
aura un avis médical de cette nature, cela ouvrira la porte à
l'audioprothésiste et il pourra s'occuper du patient si le patient le
désire.
M. FORTIER: Alors, les audioprothésistes, si on les appelle
ainsi, sont prêts à accepter un avis médical verbal ou
écrit.
M. DORION: Oui. Pour l'avenir. M. FORTIER: Pour l'avenir.
M. DORION: Parce que pour ce qui regarde la passé, par exemple
dans mon cas, je suis allé voir un oto-rhino-laryngologiste. Il m'a dit
qu'il n'y avait rien à faire. Alors, je suis allé voir un
audioprothésiste qui m'a installé le "truc" nécessaire
pour pouvoir améliorer mon entendement. Alors, pour ce qui regarde les
gens qui déjà possèdent un tel appareil, il me semble que
c'est inutile de les obliger, de les contraindre à aller voir le
médecin. Mais pour l'avenir, afin d'éviter qu'il y ait
empiètement de la part des audioprothésistes sur le domaine qui
ne leur convient pas, qui n'est pas de leur ressort, c'est-à-dire le
domaine médical, eh bien nous serions satisfaits d'un avis
médical au préalable.
Je tiens à répéter que le président de la
Corporation des oto-rhino-laryngologistes s'est dit satisfait. Ils devaient
même être ici cet après-midi, je ne les vois pas, mais vous
pouvez prendre ma parole, c'est ce qu'on ma dit.
M. TRUDEL: Est-ce que je peux ajouter quelque chose à ceci.
C'est...
M. DORION: C'est M. Trudel, président de l'association...
M. TRUDEL: Je me permets de me présenter. Jean Trudel,
président de l'associaiton. Avec moi, il y a les membres du Bureau
d'administration. A l'extrême droite, M. Raymond Lantaigne,
vice-président; M. Roger Roy, trésorier; M. Paul Taffin,
secrétaire.
Alors, pour la question de la prescription, j'aimerais que M. Lantaigne
vous donne des chiffres pour vous dire pourquoi nous sommes contre l'article 7
tel que rédigé. M. Lantaigne.
M. LANTAIGNE: M. le Président, je voudrais commenter un peu ce
que M. Dorion a dit. Si vous vous rappelez, quand il a lu des parties de notre
mémoire, il a dit:
Si le législateur tient absolument à avoir un
contrôle médical... Pour ma part, même avis médical
serait inutile et tracassier. Je vais vous dire pourquoi. Depuis l'instauration
de l'assurance-maladie, il y a un minimum de 85 p.c. à 90 p.c. des gens
à qui on vend une prothèse qui ont été une fois,
deux fois, trois fois, quatre fois et jusqu'à dix fois chez
l'oto-rhino-laryngologiste. Alors forcer ces gens à retourner obtenir
soit un avis médical ou soit une ordonnance médicale serait une
entrave inutile.
Nous avons aussi des statistiques que nous avons fait faire,
dernièrement, en prévision de cette séance. En 1971, il y
eut 54 p.c. des prothèses auditives de vendues dans la province
étaient à des gens qui en possédaient déjà
une et qui voulaient la renouveler. Obliger ces gens à retourner pour
obtenir un avis médical, c'est encore, je crois, inutile et
tracassier.
Je dois aussi ajouter que nous avons une résolution je ne
peux pas vous en dire le mot à mot parce que je la dis par coeur; en
écoutant ce qui s'est dit, cela m'est venu à l'idée
qui sera dans notre prochain code d'éthique et dans nos
règlements: Toute personne qui se présentera pour acheter une
prothèse auditive, l'audio-prothésiste sera obligé de la
renvoyer au médecin, si cette personne n'a jamais eu le diagnostic
médical concernant sa surdité. Cela sera dans nos
règlements et ce sera dans notre code d'éthique.
Je veux aussi profiter dé l'occasion pour vous donner d'autres
chiffres. Nous sommes accusés d'à peu près tous les
péchés d'Israël. Entre autres, un médecin a dit qu'il
y avait une prothèse auditive inutilisée à toutes les deux
portes, dans la province. Alors six millions, en moyenne quatre personnes par
famille, cela fait 1,500,000 portes. Cela ferait 750,000 prothèses
inutilisées. Nous en vendons environ 8,000 par année. Cela nous
aurait pris 93 ans pour faire cela. Alors les objections qu'on peut amener
à cause des prothèses inutilisées, il faudrait quand
même les vérifier.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est un médecin qui manque
d'entendement ou de compréhension.
M. LANTAIGNE: II y a 10 p.c. de gens qui n'ont jamais vu le
médecin. Ce sont des vieillards, des personnes âgées qui ne
peuvent absolument pas se déplacer et qui, s'il faut qu'ils aillent voir
un médecin, vont tout simplement se passer de prothèses. C'est
aussi simple que cela. Ce sont des chiffres. Ce n'est pas dire que nous
devrions avoir certains droits et que d'autres ne devraient pas en avoir. Ce
sont des chiffres. Exiger une ordonnance médicale, le but je le
comprends, mais il est presque inutile. C'est la réponse des
audioprothésistes.
Il y a aussi le fait que les audiologistes pourraient donner une
ordonnance médicale. Ici, je vais vous donner la réponse d'un
audiolo-giste. Son nom est Don Michael je m'excuse si je le dis en
anglais mais c'est un texte anglais Director of Audiology, Mont Carmel
Hearing and Speech Center, Newark, New Jersey.
Voici ce que M. Michael dit pour les audiologistes, étant
lui-même audiologiste: "I do not agree that the dispensing of hearing aid
should be restricted to the American Board of Examiners in Speech Pathology and
Audiology approved Centers. As a matter of fact, it is my belief that such
centers, particulary those affiliated with training programs, are generally
speaking not qualified to select or dispense hearing aids for the hearing
public. Although and individual audiologist may have developed the art of
successfully fitting instruments, it is my contention that this represents a
relatively rare individual. "The average audiologist knows very little about
hearing aids. Many of them are uncertain about the difference between gain and
output, used gain and maximum gain, output and saturation output, peak clipping
and compression amplification. "The average audiologist is unfamiliar with the
effects of earmold modifications, the effects of open mold or no mold, the
effect of tubeglance and tubediameter, indeed the average audiologist still
equates hearing loss with gain requirements. "If the fitting of hearing aids
were based on a known science, the audiologist would appear to be the logical
person to conduct this activity. If sales and business management were a part
of the audiologist training, he should be involved in dispensing. "If the
audiologist were willing to provide
service at all hours of the day or night, not to mention Saturdays and
Sundays, he should be encouraged to enter the hearing aid field. Since he is
not, he should be discouraged from entering such a venture". Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce qui m'a frappé, Me Dorion, dans votre
mémoire qui contient d'excellentes suggestions, c'est le nombre de
prothèses auditives, au-delà de 500. Du point de vue technique,
est-ce qu'on ne pourrait pas expliciter un peu? Est-ce que cela dépend
de la qualité, du matériel de fabrication de la prothèse
du degré?
M. DORION: II y a d'abord la surdité elle-même qui
évolue. Je crois que c'est le premier problème.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'autre jour, devant la commission, on a
parlé de ce problème, des cas pathologiques; je retiens les
affirmations qui ont été faites. Proportionnellement, c'est la
même chose pour l'oeil. Des cas pathologiques, il y en a beaucoup moins
que des cas qui relèveraient particulièrement soit de
l'optométriste, quand il s'agit de la vue, ou de l'audiologiste et de
l'orthophoniste quand il s'agit du domaine de l'oreille.
M. DORION: Je crois que M. Lantaigne serait en mesure de
répondre.
M. LANTAIGNE: J'ai ici l'annonce commerciale d'un fabricant. Je dois
vous dire, d'abord, que chaque audioprothésiste il ne faudrait
pas que je dise "chaque" parce qu'il y a des exceptions disons 98 p.c.
d'entre eux achètent les prothèses d'au moins 3 à 4
manufacturiers. Ce n'est pas pour le plaisir d'avoir un gros inventaire. Ceux
qui n'ont pas ce nombre-là, c'est une question de finances,
d'inventaire.
Un seul manufacturier ici a 35 modèles différents. Quand
on parle de modèles, on dit pas qu'il y a plus de chrome sur les ailes,
etc. Ce sont tous des appareils qui ont des caractéristiques sonores
différentes, et des rendements différents.
Un manufacturier qui en a 35, c'est le maximum. En moyenne, ils ont 15
à 20 modèles chacun et chaque audioprothésiste fait
affaires avec 3 ou 4 compagnies. Pourquoi? Parce qu'une compagnie ne fait pas
des prothèses pour tous ses besoins.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le cas où il y a eu visite d'un
patient chez un audioprothésiste, qu'il y a eu installation de la
prothèse à l'essai, si la prothèse ne remplit pas la
fonction avec la qualité qu'on aurait souhaitée, qu'est-ce qui se
passe? Est-ce que vous reprenez la prothèse? Est-ce qu'il y a des
modifications qui y sont apportées? Est-ce que c'est à la charge
du patient? A qui appartient la responsabilité?
M. LANTAIGNE: La responsabilité, assurément, en ce qui me
concerne et en ce qui concerne l'association, appartient à
l'audiopro-thésiste. Si une prothèse ne rend pas les services
qu'elle devrait rendre, c'est à l'audioprothésiste de la
remplacer. Je ne crois pas qu'il y ait de limite de temps à ça.
Je parle pour moi, bien entendu. J'ai déjà changé des
prothèses au bout d'un an parce qu'un hôpital m'a appelé,
me demandant de changer telle prothèse pour telle dame; c'était
même pour des raisons esthétiques. J'ai changé la
prothèse sans frais.
Chacun a sa politique là-dessus. Strictement, au point de vue du
rendement de la prothèse, chaque audioprothésiste devrait avoir
la responsabilité de fournir à son patient la mailleure
prothèse qui peut lui être ajustée.
Si c'est prouvé qu'une autre prothèse aurait pu faire
mieux, l'audioprothésiste va être obligé de la poser.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'en pratique beaucoup de patients se
présentent chez vous sans avoir passé par d'autres professionnels
de la santé, tels que l'o.r.l. ou l'audiologiste?
M. LANTAIGNE: Cela se passait il y a dix ans, il y a vingt ans. Depuis
trois ou quatre ans, il y en a qui ont même eu deux ou trois
opérations quand ils viennent chez nous. Je dirais que 85 p.c. à
90 p.c. ont déjà visité le médecin pour leur
surdité. D'ailleurs, sans vous connaître, je suis certain que la
dernière place où vous iriez, c'est vous acheter une
prothèse auditive. C'est une partie de notre travail de convaincre les
gens qui sont allés partout ailleurs se faire dire qu'il n'y a rien
à faire que maintenant ils devraient porter une prothèse parce
qu'il n'y a pas autre chose à faire.
Quand les gens viennent chez nous, en majorité, c'est la
dernière place où ils vont. Personne n'aime porter une
prothèse auditive. Avec l'instauration de l'assurance-maladie
cela va aller en augmentant et non en diminuant les gens savent qu'ils
peuvent obtenir des soins gratuitement, qu'ils peuvent se faire opérer.
Je vends des prothèses, mais si je pouvais me faire opérer pour
ma surdité, j'irais me faire opérer avant de porter une
prothèse. C'est général. D reste le patient qui dit: J'ai
été chez le médecin et je veux plus y retourner, etc. Ou:
Je n'y ai jamais été et je ne veux pas y aller. C'est un cas
particulier, je ne sais pas comment on pourrait le régler mais, en
général, ils ont passé par le médecin. Quand je dis
en général, je parle de 85 p.c. Il ne faut pas oublier, quand on
parle de prothèse auditive, qu'on parle d'instrument pour des gens qui
sont généralement très âgés. J'ai
déjà vendu une prothèse auditive à un homme qui
avait cent ans. Ce ne sont pas des
gens à qui on peut dire: Va te chercher une ordonnance
médicale. On en a quand même un certain pourcentage.
M. CLOUTIER (Montmagny): Qu'est-ce qu'il voulait entendre à cent
ans?
M. LANTAIGNE: Vous seriez surpris. Je lui en avais vendu une quand il
avait 95 ans et à cent ans, il voulait changer parce que celle que je
lui avais vendue avait provoqué un bouton dans l'oreille et il ne
voulait plus l'avoir.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est une boutade, parce qu'on a autant besoin
d'entendre à cent ans, peut-être plus. De toute façon, je
retiens aussi que vous n'avez pas voulu personnaliser les
députés, mais je pense bien que si vous aviez à faire une
recommandation, vous diriez peut-être aux députés de se
faire examiner l'oreille afin de bien entendre les représentations qui
sont faites. C'est ce que le ministre des Affaires sociales conseille au
ministre fédéral, son homologue.
M. LE PRESIDENT: Le député de Wolfe.
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, je voudrais demander un
renseignement à ces messieurs. Croyez-vous que l'existence que la
population mène actuellement, les gens fréquentant les
discothèques, ces endroit où il y a une musique excessivement
forte, d'autres faisant de la motocyclette et de la moto-neige, a une influence
grave sur l'ouie?
M. TRUDEL: II y a eu récemment une enquête aux Etats-Unis
sur ceux qui font de la musique "under-ground" et 90 p.c. étaient
atteints de surdité dans les hautes fréquences,
c'est-à-dire que l'oreille interne était affectée.
M. LAVOIE (Wolfe): Cela veut dire, parlant de la jeune
génération, que plus tard ces gens seront certainement
appelés à avoir des troubles de l'ouië.
M. TRUDEL: C'est possible.
M. LAVOIE (Wolfe): L'ouie sera certainement endommagée.
M. LE PRESIDENT: Le député de...
M. ROY (Roger): Assurément. Les manufacturiers ont le
matériel pour fabriquer sur mesure des protecteurs d'oreilles,
incidemment pour les amateurs de moto-neige, pour éviter le surplus de
bruit qui endommage l'oreille, si vous voulez. Il y a une question de
prévention également là-dedans. Entre autres, il y a des
manufacturiers qui ont même des films à la disposition du public
sur la pollution par le bruit, mais c'est plus...
M. DORION: Si vous me permettez une observation sur ce que vient de dire
celui qui m'a précédé, l'avantage des
audioprothésistes sur les audiologistes et les orthophonistes, c'est
qu'ils sont en contact permanent, constant avec les manufacturiers de
prothèses qui, eux, font constamment de la recherche. L'autre jour, une
question a été posée à ces messieurs les
audiologistes, à savoir si on faisait de la recherche, et la
réponse a été à peu près négative.
Dans le cas des audioprothésistes, ceux-ci sont mis constamment au
courant des recherches qui se font; ils sont au courant des
développements et des améliorations qui sont apportées aux
divers genres de prothèses. Evidemment, les manufacturiers y trouvent
leur intérêt mais, par ailleurs, les audioprothésistes se
trouvent en communication constante avec l'évolution de la science de ce
côté.
C'est une observation que nous aurions dû faire dans le
mémoire et que je tiens à souligner en passant...
M. LAVOIE (Wolfe): Ils font de la recherche pour...
M. DORION: ... l'amélioration...
M. LAVOIE (Wolfe): ... l'amélioration de leur "patente", si vous
voulez, mais ils ne font pas de recherche pour la prévention. Est-ce
qu'ils font de la recherche pour la prévention?
M. DORION: Ils font également de la recherche pour la
prévention. Cela implique tout ce qui a trait à l'ouie. C'est un
facteur qui n'a pas été souligné dans notre mémoire
et que je tenais à souligner, d'autant plus que j'ai lu la discussion
qui s'est déroulée ici avec les audiologistes qui, eux, ont
avoué candidement que de la recherche, ils ne sont pas en mesure d'en
faire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Vous venez de mentionner clairement que les habitudes de la
jeunesse moderne entraîneront probablement certaines conséquences.
Ces réponses sont loin d'être contradictoires avec ce que nous ont
dit d'autres groupes devant la commission. Vous avez également dit que
des cas qui vous sont référés ou des clients qui vont chez
vous ont déjà vu d'autres professionnels. Est-ce que ce sont des
cas où la chirurgie a échoué ou des clients qui ont
refusé l'intervention chirurgicale?
M. TRUDEL: II y a les deux cas. Nous avons un pourcentage de gens qui
ont été opérés et que la chirurgie n'a pu aider,
même après deux ou trois interventions. Mais nous avons aussi des
cas pour lesquels le médecin ne peut rien faire, comme le cas que Me
Dorion a expliqué tout à l'heure. Il est allé voir un
oto-rhino qui lui a simplement dit qu'il n'y avait rien à faire et que
ça prenait une prothèse auditive.
M. GUAY: Dans quel pourcentage des cas, à peu près,
l'intervention chirurgicale va-t-elle apporter des résultats assez
satisfaisants?
M. LANTIGNE: Ce n'est pas à nous...
M. TRUDEL: Ce n'est pas à nous de répondre à
ça.
M. GUAY: Dans les cas que vous recevez, par exemple?
M. TRUDEL: Nous n'avons pas le nombre des opérations que les
oto-rhinos font par année ni le nombre de gens satisfaits.
M. GUAY: D'accord. Maintenant, est-ce que d'autres groupes de
professionnels ont déjà engagé des poursuites contre les
actes que vous posez?
M. TRUDEL: Pas à ma connaissance.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: C'était une farce que je voulais faire, je n'avais
pas de questions.
Le député de Montmagny a demandé tantôt s'il
s'en faisait pour les députés, de ces prothèses-là.
Je voulais simplement demander s'il y avait des commutateurs,
c'est-à-dire si on pouvait les fermer à l'occasion?
M. TRUDEL: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je pensais que le député allait
dire: Surtout pour les ministres.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier
l'Association et Me Dorion pour leur présentation.
M. DORION: C'est nous qui vous remercions.
M. LE PRESIDENT: L'Institut de cybernétique du Québec.
Institut de cybernétique du
Québec
M. LEDUC (Jean-Paul): M. le Président, MM. les commissaires, mon
nom est Jean-Paul Leduc. Je suis président de l'Institut de
cybernétique du Québec. M. Jean-Jacques Lefebvre en est
vice-président. J'aurais aimé profiter de l'occasion pour
féliciter M. le ministre des Affaires sociales et de la Santé
pour son initiative relativement au projet de loi sur la santé publique
dont les journaux faisaient mention il y a quelque temps.
L'Institut de cybernétique s'en réjouit pour plusieurs
raisons, plus particulièrement parce que ce projet satisfait à
une recommandation, la plus importante peut-être, du mémoire que
nous avons présenté. A ce sujet et en raison de la
définition très englobante du terme "santé", nous
considérons que l'emploi de ce terme dans une définition ne peut
se faire qu'au niveau d'une loi très générale. Nous sommes
aussi d'avis que ce terme ne devrait être employé dans la
définition de l'exercice de toute profession de la santé, que si
l'exercice de cette profession correspond véritablement à toute
la portée du terme.
Notre avis est que, dans le contexte actuel, aucune profession ne peut y
prétendre. Nous désirons donc souligner toute l'importance que
nous attachons aux recommandations à cet effet dans notre mémoire
: 1)Que l'expression déficience de la santé soit remplacée
par le terme maladie dans tous les projets de loi relatifs aux professionnels
dits de la santé. 2)Que dans la définition de l'exercice de la
médecine, bill 252, article 26, l'expression toute déficience de
la santé soit remplacée par toute maladie. 3)Comme nous l'avons
déjà souligné dans notre mémoire, il est
observé que les titres des lois des professionnels de la santé ne
se présentent pas d'une façon uniforme. Nous aimerions ici faire
remarquer à messieurs les commissaires que cette absence
d'uniformité semble cependant présenter un certain ordre qu'il
serait bon de faire ressortir.
Cet ordre s'établit selon trois formulations bien
caractéristiques, pour l'appellation des lois des professionnels de la
santé. La formulation no 1, dont la désignation est, par exemple,
simplement Loi médicale. La formation no 2, dont la désignation
serait, par exemple Loi des physiothérapeutes. La formation no 3, dont
la désignation serait, par exemple Loi sur la chiropraxie.
Nous observons que cette gradation donne naissance, dans la dynamique
législative impliquée, à une distribution
irrégulière et non proportionnelle des divers droits et
privilèges qui sont octroyés. Cette tendance se manifeste, selon
nos observations, d'une façon systématique qui donne parfois
l'impression d'un certain favoritisme créant des classes. Pour cette
raison particulière, messieurs les commissaires, nous avons cru
important de comparaître devant cette commission.
Nous aimerions aussi porter à votre attention le caractère
ambigu qui existe dans le choix de certains termes clés et dans quelques
cas l'emploi d'un jeu de synonymes. Cette situation rend difficile
l'interprétation des textes lorsque l'ensemble est regardé dans
son fonctionnement. Le maintien et la poursuite d'un tel état, nous
croyons, contribueraient à perpétuer des imbroglios qui
alourdissent trop souvent l'appareil judiciaire et juridique.
Nous désirons pour terminer signaler à messieurs les
commissaires que nous sommes totalement en accord sur l'esprit du code des
profes-
sions, sauf peut-être sur un point bien particulier. Je
désire remercier le gouvernement de la province de Québec de nous
avoir permis de participer à ce chapitre important de l'évolution
sociale. Au nom du groupe de recherche de l'Institut de cybernétique,
nous assurons le gouvernement de notre collaboration la plus
désintéressée.
Nous sommes à la disposition des commissaires pour
répondre à toute question.
M. FORTIER: M. le Président, je désire remercier ceux qui
ont préparé ce mémoire. Je l'ai lu et vraiment c'est
très bien fait. La première chose qui m'intéresse c'est
que le titre de docteur est réservé aussi à d'autres. Dans
le langage populaire, on le réserve aux médecins. On peut
continuer à appeler le médecin un docteur, mais, à la page
6, vous parlez de grades, des titres. Vous dites que le doctorat est le plus
haut grade décerné par une université. Vous êtes
d'avis que le titre de docteur soit réservé au détenteur
de ce grade. Ce n'est pas seulement pour le médecin, mais tous pour tous
ceux qui ont un grade universitaire.
M. LEDUC (Jean-Paul): Si vous permettez, notre recommandation
présente une alternative. Si certains professionnels de la santé
sont pour employer le grade de docteur, qu'il soit distribué
également à tous les professionnels de la santé.
Ou, si on veut s'en tenir à l'esprit des doyens des
universités en ce qui concerne ce problème, alors, que le titre
de docteur soit accordé à ceux qui ont poursuivi les
études traditionnelles, c'est-à-dire la démarche
impliquée dans une maîtrise et l'accès à un doctorat
qui est strictement sur un plan universitaire et académique.
Peut-être que M. Lefebvre pourra apporter des précisions.
M. FORTIER: Une courte question. A la page 8, juste un point. Vous dites
à l'article 10: "qu'il soit interdit à tous les professionnels
autonomes de la santé qui prescrivent des médicaments de
posséder des intérêts directs ou indirects dans toute
entreprise de fabrication ou de vente des produits pharmaceutiques." Alors,
est-ce que les médecins qui pratiquent, par exemple, dans un milieu
rural, sont autorisés à vendre certains produits
pharmaceutiques?
M. LEFEBVRE: Ce qui est dit dans cet article de nos recommandations
signifie le médecin ou le dentiste ou qui que ce soit comme
professionnel de la santé qui distribue directement des
médicaments. Et c'était dans l'esprit de ceux qui ont
préparé le code des professions de tenter de diviser le
mercantilisme de la pratique professionnelle. Ce que nous recommandons ici,
c'est qu'il soit interdit à qui que ce soit, si ont veut respecter
l'esprit du code, de dispenser lui-même des produits pharmaceutiques ou
encore des services médicaux, par exemple le médecin qui serait
copropriétaire d'un hôpital privé et qui y
référerait un client pour une chirurgie, ou que lui-même
effectuerait. C'est dans ce sens que nous avons cru soutenir l'action du
gouvernement mais en signalant qu'il y avait peut-être eu certains
oublis.
M. LEDUC (Jean-Paul): J'aimerais aussi ajouter, si vous me permettez, au
sujet de ce point particulier, que lorsque nous avons analysé les textes
de lois, le roupe de l'institut partageait son accord, en ce qui concerne
l'interdiction elle-même, soit au niveau du code ou des
différentes professions. Pour une raison bien particulière,
l'application d'une telle restriction pourrait peut-être empêcher,
et ceci d'une façon légitime et bien ordonnée, le
professionnel québécois de prendre en main une certaine partie de
l'économie de la province. Une de nos opinions avait été
que cette interdiction semblait être appliquée d'une façon
trop absolue. Par exemple, on n'avait pas non plus spécifié la
question des fonds mutuels.
Pour un professionnel disons un dentiste, qui possédait des fonds
mutuels dont le portefeuille impliquait une compagnie de produits dentaires,
cela pouvait créer de grandes difficultés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais souligner
d'une façon particulière la qualité du mémoire de
l'Institut de cybernétique. Disons que cela nous a j'emploierai
le mot surpris. On ne s'attendait pas à cela d'un organisme comme
le vôtre. D'ailleurs, ce sont les objectifs que vous poursuivez. Vous ne
venez pas ici comme des professionnels qui ont quelque chose à
revendiquer vous venez ici apporter un point de vue complètement
désintéressé, mais sous un aspect scientifique. Vous avez
des suggestions qui valent réellement la peine d'être retenues.
Entre autres, ceux qui ont participé aux travaux de la commission savent
combien il est difficile de définir l'exercice de la profession.
Je pense que vous avez apporté, par les suggestions que vous
faites, un nouvel éclaircissement. Je pense que le législateur
devrait retenir les remarques que vous avez faites. Sur les professions, vous
dites: On devrait définir les professions comme des professions
autonomes ou des professions indépendantes. Cela aussi est un
critère qui peut servir de repère malgré qu'il est
délicat à manoeuvrer. Il est très délicat.
Je ne sais pas ce que le législateur retiendra de cela, parce que
toutes les corporations professionnelles qui sont venues devant la commission,
évidemment, veulent être des professions autonomes. Il n'y en a
pas une qui désire être dépendante d'une autre
profession.
Mais je voudrais poser une question plus générale à
partir de l'idée de votre mémoire.
Vous parlez de l'Institut de cybernétique. J'en avais
déjà entendu parler et j'ai déjà été
en contact avec celui-ci à l'Université de Sherbrooke, lors de la
construction du centre médical. Il est composé de qui et quels
sont vos effectifs et vos moyens de recherche?
M. LEDUC (Jean-Paul): Bien, je pourrais peut-être commencer par la
date de sa fondation. Si je m'en souviens bien, c'est en 1967. Maintenant,
l'idée de l'Institut de cybernétique, au départ,
était de chapeauter, de structurer, d'une façon plus ou moins
concrète, un esprit qui, à notre avis, semblait nouveau sur le
plan scientifique. Cela a pris naissance graduellement. Plusieurs individus se
sont rencontrés par hasard, avec le même esprit sur des points
communs d'intérêt scientifique, face à cette nouvelle arme
sur le plan de la connaissance qui était l'idée de la
cybernétique qui a surgi il y a à peu près 20 ans.
Relativement à votre question, je pense bien que nous devrions nous
identifier totalement. Je ne sais pas si M. Lefebvre est d'accord.
M. LEFEBVRE: Tout à fait d'accord. Personnellement, je suis
membre et vice-président de l'Institut de cybernétique, un peu en
philanthrope. Ce mémoire que nous vous avons présenté,
même s'il nous a coûté beaucoup d'efforts et beaucoup de
temps, est un mémoire de philanthrope à l'esprit social. Nous
n'avons, à l'heure actuelle, à l'Institut de cybernétique,
que des individus qui sont là pour tenter de travailler à des
outils intellectuels permettant de faire des analyses générales
et globales de différents systèmes.
Au point de départ, comme optométristes, nous avons eu
besoin, dans des recherches que j'ai effectuées, comme M. Leduc
d'ailleurs, de trouver des outils nous permettant de mieux connaître la
science que nous manipulions. Ces outils nous ont servi à progresser.
Nous avons fait des tentatives d'analyse de différents autres
systèmes, comme celui de l'éducation. A l'intérieur de
l'Institut de cybernétique, nous avons des spécialistes dans le
monde de l'éducation, des profanes et des éducateurs tout
bonnement. Nous avons des gens, cependant, qui veulent chercher des moyens
d'améliorer leur champ de connaissances. Nous tentons de formuler des
outils permettant d'organiser la connaissance.
Comme exemple, nous avons analysé l'évolution de
l'optométrie. Nous avons fourni les outils à l'optométrie
pour améliorer son champ de recherche. Nous avons analysé, pour
le plaisir, l'éducation. Nous pourrions analyser la politique, le
gouvernement. C'est un outil assez universel que nous utilisons et qui est
très utile pour organiser différents champs de connaissances.
M. CLOUTIER (Montmagny): On se verra pour établir des
priorités! Merci.
M. GUAY: M. le Président, je me permets un très court
commentaire. Je n'ai pas de question. Je pense que votre mémoire permet
au législateur de trouver une voie de juste milieu dans bien des cas.
J'ai lu attentivement votre mémoire. Contrairement aux autres groupes
professionnels, qui ont démontré, sans peut-être le
vouloir, un intérêt assez particulier, on doit souligner la
neutralité qui caractérise votre mémoire.
C'est peut-être également un mémoire pour le
législateur qui agira comme modérateur, dans cette
législation importante. Pour ma part, j'ai trouvé des passages
très intéressants qui ont retenu mon attention et qui seront
probablement formulés par des suggestions, comme législateur.
M. FORTIER: Je vous remercie, au nom de M. Castonguay. Je lui
soulignerai les points importants de votre mémoire. D'ailleurs, il en a
pris connaissance. En son nom, je vous remercie. Vous aviez un bon
mémoire, bien fait.
M. LE PRESIDENT (Saint-Germain): Au nom de la commission, je remercie
les représentants de l'Institut de cybernétique pour leur bon
travail. Merci beaucoup.
Il est déjà six heures moins vingt-cinq. Je sais
pertinemment que ceux qui sont à l'ordre du jour aimeraient bien
terminer leurs représentations aujourd'hui. Je demanderais donc la
coopération de tous, de façon que nous puissions
accélérer nos travaux et permettre aux trois groupes qui restent
de se faire entendre ce soir au lieu de revenir demain.
J'appelle le représentant de King Optical Quebec Inc., Me
René Allard.
Campbell, Pepper et Laffoley
M. L0NGTIN: M. le Président, j'aimerais souligner au
départ que le mémoire n'est pas le mémoire de King Optical
mais le mémoire de Campbell, Pepper et Laffoley. Mon nom est Daniel
Longtin. Je suis membre du bureau de Campbell, Pepper et Laffoley.
M. LE PRESIDENT: Votre correction est inscrite au journal des
Débats.
M. LONGTIN: Merci. M. le Président, nous avons eu l'occasion de
prendre connaissance des deux bills précités, soit le bill 256 et
le bill 268, et nous notons entre autres qu'ils abrogent la Loi des
optométristes et opticiens, le chapitre 257 des Statuts refondus du
Québec de 1964, et la Loi des opticiens d'ordonnance, le chapitre 258
des Statuts refondus du Québec de 1964. L'ancienne loi des
optométristes et opticiens, à l'article 24, stipule, en partie,
que "rien n'empêche un détaillant d'exploiter un rayon d'optique
et d'optométrie confié à un ou plusieurs
optométristes." D'autre part, l'article
19c) du bill 268 stipule que "les dispositions du présent article
ne s'appliquent pas non plus à la vente de lentilles ophtalmiques par un
détaillant qui, avant le 1er décembre 1971, exploitait un rayon
d'optique, dont l'administration était confiée à un
opticien d'ordonnances agissant sur l'ordonnance d'un médecin ou d'un
opto-métriste, tant que ce détaillant continuera cette
exploitation."
Nous voulons respectueusement porter à votre attention que, selon
l'article 24 de la Loi des optométristes et opticiens, le chapitre 257
des Statuts refondus de 1964, rien n'empêchait un détaillant
d'exploiter un rayon d'optique et d'optométrie confié à un
ou plusieurs optométristes. Il n'y avait aucune provision à
l'effet que le détaillant, en exploitant un rayon d'optique, devait en
confier l'administration à un opticien d'ordonnances agissant sur
l'ordonnance d'un optométriste.
D'autre part, à l'étude du projet de loi no 256, nous
notons que sous la section V, "Exercice illégal de l'optométrie",
il n'y a aucune exception afin de permettre au détaillant d'exploiter un
rayon d'optique, même s'il exploitait légalement un rayon
d'optique avant le 1er décembre 1971.
Dans les circonstances, le fait que seul le bill 268 prévoie une
exception permettant la vente de lentilles ophtalmiques par un
détaillant qui, avant le 1er décembre 1971, exploitait un rayon
d'optique, dont l'administration était confiée à un
opticien d'ordonnances agissant sur l'ordonnance d'un optométriste, tant
que ce détaillant continuera cette exploitation, signifierait qu'aucun
détaillant n'aurait eu le droit, avant le 1er décembre 1971,
d'exploiter un rayon d'optique à moins que l'administration ait
été confiée à un opticien d'ordonnance agissant sur
l'ordonnance d'un optométriste.
Par conséquent, à moins que le gouvernement ajoute une
exception dans le bill 256, semblable à l'exception incluse à
l'article 19 c) du bill 268, un détaillant qui, avant le 1er
décembre 1971, exploitait un rayon d'optique légalement,
c'est-à-dire confié à un ou plusieurs optométristes
en vertu de l'article 24 de la Loi des optométristes et opticiens
la loi actuellement en vigueur perdrait ses droits acquis d'exploiter un
rayon d'optique et d'optométrie.
Nous suggérons donc qu'une exception soit incluse sous la section
V, après l'article 23 du bill 256 stipulant que les dispositions du
présent article ne s'appliquent pas non plus à la vente de
lentilles ophtalmiques par un détaillant qui, avant le 1er
décembre 1971, exploitait un rayon d'optique dont l'administration
était confiée à un ou plusieurs optométristes ou
à un ou plusieurs opticiens d'ordonnance tant que ce détaillant
continuera cette exploitation.
En résumé, étant donné que le bill 268
prévoit une exception à l'article 19 c) qui permet à un
détaillant de continuer en affaires si, avant le 1er décembre
1971, il exploitait un rayon d'optique dont l'administration était
confiée à un opticien d'ordonnance agissant sur l'ordonnance d'un
médecin ou d'un optométriste, nous soumettons respectueusement
que le bill 256 devrait permettre de la même façon à un
détaillant de continuer en affaires si, avant le 1er décembre
1971, il exploitait un rayon d'optique dont l'administration était
confié à un ou plusieurs optométristes ou à un ou
plusieurs opticiens d'ordonnance.
Nous sommes en tout temps à la disposition de la commission
parlementaire pour discuter de cette affaire.
M. FORTIER: Nous remercions, pour l'exposé de ce mémoire,
Campbell, Pepper et Laffoley, et je retiens les demandes qui sont faites. Nous
aviserons le ministère de cette demande. D'autres membres ont-ils
certaines questions à poser?
M. SAINT-GERMAIN (président): Est-ce qu'il y a d'autres
questions, messieurs? Je remercie M. Longtin de son exposé, et
j'inviterais l'Institut de visiologie du Québec, Me Guy Duchemin,
président, à prendre la parole.
Institut de visiologie du Québec
M. DUCHEMIN: M. le Président, MM. les membres de la commission,
mon nom est Guy Duchemin, optométriste, président de l'Institut
de visiologie du Québec. Je suis accompagné de M. Jean-Pierre
Lalande, vice-président de l'institut et pédagogue
spécialisé.
L'institut se présente ici dans le but de vous faire part de
certains faits qu'il a observés et qu'il juge importants en ce qui
concerne l'utilisation des sciences de la vision dans l'exercice de certaines
professions. Avant d'en arriver cependant aux raisons qui ont suscité
nos recommandations, nous aimerions tenter de préciser brièvement
ce qu'est l'Institut de visiologie et ce qu'est la visiologie.
Nous représentons, M. Lalande et moi, un organisme
multidisciplinaire, orienté vers la recherche, l'enseignement et la
promotion des sciences de la vision. Il est né d'un mouvement
scientifique qui amena divers professionnels de diverses professions à
pousser plus à fond leurs connaissances dans un domaine
d'intérêt commun, celui de la vision.
C'est dans ce contexte d'étude et de recherche que naquit la
visiologie, science de la vision, et avec elle l'Institut de visiologie.
Nous avons cru que la fondation de l'Institut de visiologie était
nécessaire. Nos recherches, nos études nous ont fait prendre
rapidement conscience du fait que la richesse des connaissances en ce domaine
et la multitude des sources de renseignement sur la vision n'étaient pas
facilement accessibles à ceux qui pouvaient vouloir s'en servir. Dans le
même temps, cependant, de plus en plus de personnes constataient le
rôle essentiel de la vision dans différents domaines de
l'activité humaine. Par exemple, celui de l'apprentissage scolaire.
Vous comprendrez bien que pour nous, dans
ce contexte, la vision ne représente pas une simple question de
voir clair ou pas, ou d'avoir les deux yeux droits ou non. L'Institut joue
ainsi, croyons-nous, un rôle essentiel: faire connaître la vision,
sa nature, son rôle, ses problèmes et favoriser l'utilisation des
sciences de la vision par le plus grand nombre de professions susceptibles d'y
trouver intérêt.
L'attention particulière que nous portons au projet de loi 256
provient essentiellement du fait que tel qu'il est formulé ce projet
conduit à une restriction certaine dans la compréhension de ce
qu'est la vision et dans l'utilisation la plus extensive possible des sciences
de la vision. Cette restriction est contraire à nos objectifs.
La première recommandation que nous avons faite dans notre
mémoire concerne la définition de l'exercice de
l'optométrie, définition que nous ne pouvons pas approuver en
raison des implications et des limitations qu'elle impose dans la dispensation
de services visuels extensifs. Cette définition restreint en effet
l'utilisation et l'application des sciences de la vision par des professionnels
qui ont jusqu'à maintenant fait la preuve de cette utilisation.
De plus, nous croyons que la population a des besoins que seuls comblent
actuellement des praticiens qui se trouvent groupés sous l'égide
du Collège des optométristes de la province de Québec.
Fermer la porte à l'extension future des services rendus par ces
professionnels se fera au détriment d'une population qui en a de plus en
plus besoin pour son rendement et pour son efficacité.
Nous nous opposons aussi, évidemment, à la limitation
consécutive de la compréhension du phénomène vision
par l'élimination, dans l'exercice d'une profession, de services qui
sont actuellement rendus et dispensés.
Les praticiens n'oseront plus parler à leur sujet d'autres
problèmes visuels que ceux, par exemple, relatifs à
l'acuité visuelle ou à la louche-rie. Il n'est pas vraiment sain
de parler à nos patients de problèmes auxquels il n'exsite pas de
moyen de remédier. Peu à peu, il arrive qu'il n'est même
plus question de ces problèmes. Pourtant, ces problèmes
existent.
La deuxième recommandation est relative aux
spécialités. Dans le cas d'une définition limitative d'une
profession, il est assuré, au départ, que les membres n'y
trouveront pas les éléments essentiels à la poursuite de
moyens d'application de plus en plus vastes et de plus en plus
appropriés aux besoins. Par le fait même, l'individu se cantonne
le plus souvent dans l'aspect technologique. A ce moment-là, ce n'est
plus seulement la société qui s'en trouve privée; c'est
surtout l'homme, le praticien qui abandonne son droit naturel à sa
propre évolution. Au contraire, une loi permettant la création de
spécialités permet aussi la venue de courants de recherche dans
lesquels les individus vivent pleinement leur vie et contribuent à
l'essor de la science et, en ce qui nous concerne, à l'essor des
sciences de la vision.
Si actuellement l'optométrie, pour la nommer, ne présente
pas de spécialités, nous ne croyons pas qu'il soit sage de la
maintenir au stade actuel de son évolution. Il nous paraît
rentable, au contraire, de favoriser l'apparition de cet état de
maturité professionnelle.
Pour toutes ces raisons, MM. les commissaires, il nous paraîtrait
regrettable que les professionnels optométristes soient privés de
la possibilité de continuer leur participation à
l'évolution des services visuels à la population.
Nous ne voyons pas, non plus, pourquoi une profession de formation
universitaire se verrait refuser ce droit permis à d'autres professions
oeuvrant dans le même domaine de la santé.
Voilà, MM. les commissaires, l'essentiel de notre position. Nous
souhaitons ardemment que les différentes lois relatives aux sciences de
la vision et à l'exercice de certaines pratiques ayant trait aux
sciences de la vision ne brimeront pas l'évolution des connaissances et
des modes de pratique dans ce domaine. L'Institut de visiologie est heureux
d'avoir eu la possibilité de faire le point sur un domaine aussi
précieux que celui de la vision. Nous espérons que l'information
obtenue pourra être utile à la pensée du législateur
et nous demeurons, à toute éventualité, à sa
disposition, s'il voulait recourir à nos services. Pour l'instant, nous
demeurons à la disposition de MM. les commissaires, s'ils veulent nous
poser des questions.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Je voudrais remercier M. Du-chemin et M. Lalande qui ont
présenté le mémoire de l'institut de visiologie du
Québec. Nous avons écouté leurs recommandations qui ont
toutes pour but de tenter d'améliorer la vision, de protéger les
examens. Surtout, en face de notre président qui est lui-même un
optométriste, je pense que toutes vos recommandations ont eu une oreille
attentive.
Alors, au nom du ministre, je vous remercie de vos recommandations.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je suis bien à
l'aise pour poser des questions étant donné que je vous ai
à ma portée, vous qui êtes un optométriste. Je n'ai
pas l'intention de rouvrir le débat qui s'est fait devant nous à
la commission parlementaire durant une ou deux séances, par les
opthalmo-logistes, les optométristes et les opticiens d'ordonnances. Je
pense qu'on peut se référer au journal des Débats; on a
posé suffisamment de questions.
Si vous aviez eu l'occasion de passer à ce moment-là je
pense bien que vous auriez été partie à la discussion.
Cela n'infirme pas la qualité de vos représentations et ça
ne fausse
pas du tout le sens des remarques que vous avez faites dans ce
mémoire. J'aurais une ou deux petites questions à vous poser.
Vous dites, à la page 2, que l'Institut de visiologie du Québec
est un organisme multidisciplinaire indépendant de toute corporation
professionnelle.
Comme je l'ai dit tantôt, je ne veux pas porter de jugement sur
les remarques que vous faites quant aux différentes corporations
professionnelles. Mais, à partir de cette affirmation et ce qui suit
dans le mémoire, j'ai un peu de difficulté à faire la
conciliation entre l'organisme multidisciplinaire indépendant de toute
corporation professionnelle et la position de principe très ferme que
vous avez en faveur de l'optométrie. Remarquez bien qu'ici je ne pose
pas de jugement de valeur. On le fera en une autre circonstance.
Alors, pouvez-vous concilier les deux éléments?
M. DUCHEMIN: Je vais tenter de le faire à votre satisfaction.
L'Institut de visiologie groupe des optométristes, des
pédagogues, des psycho-pédagogues et même des opticiens
lunetiers. Différentes disciplines se sont intéressées aux
cours que peut donner l'Institut de visiologie. Nous avons eu des psychologues
qui sont venus suivre des cours et nous considérons, à partir de
là, que les multiples facettes des sciences de la vision peuvent
être applicables dans différentes professions. Je vous donne un
exemple.
Il y a actuellement des commissions scolaires qui ont demandé
notre collaboration dans le but de favoriser une meilleure condition visuelle
chez leurs sujets, chez les écoliers. Les pédagogues peuvent se
servir d'une partie des sciences de la vision pour favoriser un meilleur
apprentissage chez les enfants. D'autre part, des optométristes peuvent
aussi utiliser une partie des sciences de la vision dans le but de faire une
évaluation du développement et du comportement de la vision et de
recommander à leurs sujets une thérapeutique en
conséquence.
C'est dans cette optique que nous disons que l'Institut de visiologie
est un organisme multidisciplinaire. Il se voue à la promotion et
à la connaissance de la vision, applicable dans différentes
professions, ce qui le rend non régi par des règlements d'une
seule profession. La visiologie en tant que science ne peut pas appartenir
à une seule profession.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous faites appel à l'expertise, dans le
domaine de la recherche, de certains individus ou de certains groupes. Est-ce
que, déjà, vous avez fait appel aussi, en plus de ceux qui font
partie de cette équipe dont vous avez parlé, aux
spécialistes, aux ophtalmologistes?
M. DUCHEMIN: La recherche qui constitue un des objectifs de l'Institut
de visiologie, et il faut le dire, au départ, est surtout bibliographi-
que. Vous comprenez, nous avons très tôt constaté, comme je
l'ai dit dans ma présentation, la richesse des connaissances
publiées par des individus de toutes disciplines, j'entends par
là des médecins, comme des neurophysiologistes, comme des
psychologues et même des paléontologues, par exemple comme
Teilhard de Chardin, qui nous renseignent énormément sur le
phénomène de la vision. Nous avons d'abord voulu
considérer le champ de connaissances qui pouvait exister, d'une part.
D'autre part, pour nous, nous voulons d'abord étudier le
phénomène naturel de la vision, le développement naturel
de la vision qui, pour nous, représente non pas un état
pathologique mais un développement qui conduit à une
efficacité de la vision.
D'autre part, les gens sont tous bienvenus chez nous, de quelque
profession qu'ils soient.
Nous n'avons invité personne vraiment en particulier, sinon ceux
qui ont donné naissance à cette science de la vision. Cela vous
explique aussi pourquoi nous portons peut-être une attention
particulière au bill 256, parce que vous m'avez posé la question
tantôt. Nous ne voyons, par exemple, dans le bill relatif à la
médecine, aucune restriction dans l'application des sciences de la
vision tandis que nous en voyons du côté de l'optométrie.
Dans nos objectifs, à l'Institut, nous devons faire en sorte qu'il n'y
ait pas de restriction. Notre rôle est la promotion des connaissances de
la vision, la promotion des services de la vision. Nous ne pouvons pas accepter
de limitation dans ce sens. Que ce soit en optométrie, que ce soit dans
une autre profession qui aurait droit à la dispensation de certains
services relatifs aux sciences de la vision, nous dirions exactement la
même chose.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait d'autres questions?
Je remercie les représentants de l'Institut de visiologie du
Québec pour leur mémoire. Il nous aidera certainement dans nos
travaux.
M. DUCHEMIN: Nous vous remercions et nous demeurons à votre
disposition.
Groupe d'optométristes
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Ici, il y a un groupe
d'optométristes dont M. André Hétu est le
représentant.
M. BOIVIN: M. le Président, est-ce que ce groupe a des
divergences de vues avec les représentations que nous avons eues des
optométristes? Là, on commence à répéter,
par d'autres mémoires, ce que d'autres ont dit et ce que d'autres ont
discuté. Après la lecture du mémoire, je ne vois aucune
différence par
rapport à ce que nous avons entendu. C'est une
répétition. Je veux bien les entendre, mais que ce soit
très succinct, très précis et rapide.
M. LE PRESIDENT: II m'est difficile, vous me comprendrez bien, de porter
un jugement sur le contenu du mémoire avant...
M. BOIVIN: On a le droit de se former une opinion quand...
M. LE PRESIDENT: ... de les entendre. M. BOIVIN: ... on a lu le
mémoire.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, les règlements veulent que chaque
groupe inscrit sur nos listes ait 20 minutes pour faire valoir ses opinions. Je
donne la parole à M. Hétu.
M. HETU: Je tiens à rassurer les députés. Les
représentations que nous désirons faire n'insistent que sur des
points très particuliers. Ce n'est pas une relecture du
résumé du mémoire que vous avez eu.
M. LE PRESIDENT: Pour le journal des Débats, pourriez-vous
identifier votre collègue?
M. HETU: Mon collègue est M. Jean-Jacques Lefebvre,
optométriste rééducateur et directeur du Centre de
développement visuo-moteur.
Nous représentons un groupe d'optométristes
intéressés à la rééducation visuelle. Si
nous désirions comparaître devant cette commission, c'est que nous
sommes très conscients de la confusion, de l'ambiguïté et
même de l'inquiétude dans lesquelles les personnes manquant
d'information peuvent baigner concernant ce service visuel.
Chez les praticiens de la rééducation visuelle, ce malaise
n'existe pas. La connaissance des principes qui sous-tendent la
rééducation leur permet, en conscience et avec quiétude,
de poser des actes justifiés et essentiels pour le public.
La pratique de la rééducation visuelle n'est pas
née d'hier. Elle existe depuis longtemps et elle s'est continuellement
perfectionnée. De plus, ce processus de perfectionnement s'est
amplifié considérablement depuis les dix dernières
années. A cet effet, la connaissance des relations existant entre la
vision et la posture a permis de mettre au point toute une série de
moyens facilitant le reconditionnement le plus complet possible du
développement de la vision et, en conséquence, son
efficacité. Ils sont nombreux les problèmes visuels qui
nécessitent ce service de rééducation visuelle.
Aujourd'hui, les praticiens de la rééducation qui tiennent
compte de toutes les connaissances actuelles utilisent, dans toute la gamme des
moyens nécessaires, ceux qui sont utiles selon les circonstances et les
résultats sont positifs. Les exigences de la société
actuelle mettent les fonctions visuelles à rude épreuve.
N'oublions pas que c'est par le truchement de la vision que sont
acheminées la plupart des informations du monde ambiant. Il est d'une
importance primordiale, dans ces conditions, de permettre aux individus
présentant un problème visuel l'accès à tous les
moyens disponibles à la solution de leur problème.
Que nous soyons convaincus de la valeur de la rééducation
visuelle, c'est normal, en vertu, particulièrement, des résultats
qu'elle donne. C'est un fait aussi que la rééducation visuelle
offre des moyens d'améliorer le fonctionnement visuel chez ceux dont le
développement visuel a pu être entravé.
Voici des confirmations de ce que nous avançons.
Premièrement, nous avons quantité d'observations cliniques
consignant dans nos dossiers des vérifications subjectives ce que
j'entends par là, c'est ce que les clients rapportent et des
vérifications objectives, c'est-à-dire les résultats des
tests périodiques de contrôle.
Deuxièmement, à l'aide de ces dossiers, nous avons
procédé à la compilation statistique des résultats
cliniques, ce qui nous a permis de préparer un rapport
préliminaire sur les bienfaits de la rééducation.
Troisièmement, les praticiens de la rééducation
visuelle reçoivent quotidiennement des confirmations du mieux-être
résultant de cette rééducation. Une enquête
préliminaire auprès de sujets bénéficiant de ces
services confirme une fois de plus la valeur de cette
rééducation.
Quatrièmement, des enseignants, psychologues, conseillers
d'orientation, médecins, infirmières notent et rapportent
l'apport positif de la rééducation chez des sujets auprès
desquels ils ont certaines responsabilités.
Cinquièmement, un nombre considérable de praticiens de la
vision, de la santé et de l'éducation trouvent nécessaire
de recommander à certains sujets le recours à ce service.
Pour toutes ces raisons, nous croyons nécessaire que le
gouvernement encourage et favorise par les moyens dont il dispose la pratique
de ce service de rééducation visuelle et son utilisation par
l'ensemble des citoyens en état de besoin. Dix ans, 20 ans et même
pour certains 30 ans d'expérience dans la pratique de la
rééducation visuelle, avec des résultats valables, ne
sauraient être niés par l'adoption d'une loi qui priverait la
population d'un service visuel de plus en plus important.
Il ne saurait y avoir non plus de dispensation de services visuels
complets sans l'inclusion dans le projet de loi no 256 de la
rééducation visuelle telle que pratiquée ou appuyée
par les signataires de notre mémoire. Je vous remercie, et nous sommes
à votre disposition pour des questions.
M. FORTIER : Je tiens à remercier ceux qui ont
présenté ce mémoire, un groupe d'optomé-tristes. Je
constate que le principal objectif de ce mémoire c'est la
rééducation visuelle. Je
veux souligner tout simplement que c'est une chose qui est très
importante, surtout en milieu scolaire, et nous prenons bonne note de vos
suggestions.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait des questions?
Je tiens à remercier M. Hêtu, au nom de la commission, des
renseignements qui nous seront certainement utiles lors de l'étude de
ces lois. Je vous remercie. La commission suspend ses travaux jusqu'à
demain, à 10 heures, dans cette même salle.
(Fin de la séance à 18 h 7)
Séance du mercredi 18 octobre 1972
(Dix heures dix-sept minutes)
M. CROISETIERE (président de la commission spéciale sur
les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux organismes qui ont
été convoqués et qui vont se faire entendre ce matin
à la commission sur les corporations professionnelles, sur le projet de
loi 250 du code des professions.
Corporation des opticiens d'ordonnances
M. LE PRESIDENT (Croisetière): Nous allons entendre ce matin, en
premier lieu, M. Reynolds Butler, qui représente la Corporation des
opticiens d'ordonnances. M. Butler.
M. BUTLER: M. le Président, mon nom est Reynolds Butler. Je ne
représente pas la corporation mais je viens pour Butler's Limited,
opticiens d'ordonnances.
M. LE PRESIDENT: Très bien!
M. BUTLER: Honorable ministre et membres de la commission, notre
compagnie, Butler's Limited, a été établie en 1930 par
lettres patentes du gouvernement du Québec. Quand la Corporation des
opticiens d'ordonnances a été formée, vers 1940, par La
législature du Québec, la loi a reconnu les droits
déjà acquis de certaines corporations d'opticiens formées
auparavant. Il n'était pas question, dans le temps, de profession, mais
d'une mesure pour assurer la compétence technique de ceux qui vendaient
et ajustaient les lunettes.
L'opticien détaillant était dans un commerce dont certains
aspects étaient, si vous voulez, semi-professionnels et ils le sont
encore. Pendant ces années, nous avions, je crois, le droit de nous
attendre, à la suite de notre charte, que nos efforts dans ce commerce
seraient respectés quant au nom de l'entreprise et aux fruits que le
fondateur, sa famille et ses employés pourraient en retirer.
Je crois respectueusement qu'on ne peut pas dire que la vente de
lunettes est une profession comme le droit, la médecine et les autres
dont les membres sont concernés par le côté humain et
psychologique. Ils jouissent d'une instruction incomparablement plus
étendue et doivent posséder un jugement spécial.
Mon père est entré dans l'optique à Montréal
avant le commencement du présent siècle. J'y suis depuis 30
ans.
Notre nom et la réputation qui s'y attache sont des choses
auxquelles, je crois, nous avons droit et cette loi devrait assurer aux
héritiers possibles le droit de posséder les actions d'une
corporation, qu'ils soient opticiens d'ordonnances ou non.
Je ne vois pas comment l'intérêt public est
servi par la disposition de la loi projetée touchant la
propriété des actions d'une entreprise, pourvu que seuls les
membres de la Corporation des opticiens vendent et ajustent des lunettes selon
la loi. A ma connaissance, dans l'Amérique du Nord, il n'y a pas de
restriction sur la propriété des entreprises détaillant
dans l'optique.
Je pourrais accepter que deux ou trois des administrateurs d'une telle
compagnie soient des opticiens d'ordonnances; deux des trois, parmi le
président, le vice-président et le secrétaire, mais sans
toucher au bureau de direction qui, en somme, représente ceux qui
détiennent les actions. Il est évident, à mon sens, que
restreindre la vente des actions à un petit groupe comme les opticiens
d'ordonnances de la province de Québec limite la possibilité
d'avoir un prix juste et équitable et permettrait à des grosses
compagnies manufacturières d'en dehors d'acheter les détaillants
à des prix grandement réduits, ces compagnies agissant par
l'entremise d'opticiens d'ordonnances dans le Québec.
Un résultat serait que ces grosses compagnies accapareraient
facilement un plus grand nombre de détaillants qu'ils ne le font
aujourd'hui. Notre compagnie est le résultat de très longues
années de travail et de sacrifices et je crois que les droits acquis
devraient être respectés. Les jeunes qui sont ou qui iront dans
l'optique devront avoir le droit de protéger leur famille à
l'avenir, en pouvant transmettre leurs actions à leur famille pour lui
assurer un minimum de sécurité.
Je crois que beaucoup d'opticiens d'ordonnances sont dans une situation
moins favorable, ou le seraient, que les membres de certains grands
syndicats.
Pourrais-je suggérer, M. le Président, qu'il y aurait une
façon d'aider les petits et d'empêcher la
malhonnêteté, dans cette industrie ou profession, en stipulant
dans la loi concernée que ceux qui font les ordonnances, qui
prescrivent, n'auront pas le droit de recommander un opticien d'ordonnances en
particulier, mais qu'ils seront requis d'afficher dans leur bureau une liste
des membres opticiens de la province de Québec? Selon la loi actuelle,
ils sont présumés posséder la compétence
nécessaire, et cette loi, à mon sens, leur donne le droit moral
de posséder l'égalité des chances sur le
marché.
Ce serait une façon de mettre fin à des influences plus ou
moins cachées. Avec beaucoup de respect, j'ajoute qu'il serait
très injuste de mettre fin à une corporation ou d'empêcher
le propriétaire de vendre sur un marché ouvert.
Je demanderais que les articles 12 à 16 soient annulés et,
si la commission ne voit pas les choses ainsi, que les corporations
établies avant 1940 soient exemptes de ces articles, pourvu que la vente
et l'ajustement des lunettes soient faites par les membres de la corporation.
Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, M. Butler. J'inviterais le docteur
Fortier, adjoint parlementaire du ministre des Affaires sociales, à
prendre la parole.
M. FORTIER: M. Butler, si je comprends bien, vous représentez ici
une entreprise familiale?
M. BUTLER: Oui.
M. FORTIER: Je n'ai qu'une question à vous poser. Est-ce que vous
vendez des montures et aussi des lentilles ophtalmiques?
M. BUTLER: Oui, monsieur, selon prescription.
M. FORTIER: Ce sera tout. C'est tout ce que je voulais savoir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Butler, vous soulevez un point important
dans le domaine de l'optique. Ce n'est pas le premier mémoire qui
soulève ce point devant la commission parlementaire. Il y a eu aussi
Optique Richelieu.
Je voudrais savoir une chose. Dans votre mémoire, vous avez dit
que la possibilité de transmettre les actions ou de les vendre à
prix normal et raisonnable était presque inexistante parce que le
marché de la vente serait réduit. Il n'y avait pas beaucoup
d'acheteurs possibles sauf un opticien d'ordonnances. Vous avez
mentionné également le danger que des entreprises de
l'extérieur du Québec puissent exercer un certain monopole et
puissent finir par dominer les entreprises familiales surtout. Est-ce
qu'à votre connaissance il peut exister à l'extérieur du
Québec ces genres de monopoles, ces entreprises très puissantes
dans le domaine de l'optique qui ont déjà commencé ou qui
s'apprêtent à se rendre propriétaires des maisons comme la
vôtre?
M. BUTLER: Non seulement, M. le député, cela existe en
dehors du Québec, en Ontario et ailleurs, mais cela existe au
Québec, déjà.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au Québec.
M. BUTLER: J'ai consulté le président de la corporation
des opticiens et je ne suis pas du même avis que lui sur certains points
que je soulève. Mais nous sommes d'avis qu'il faut faire en sorte que
certaines compagnies manufacturières n'en viennent pas à
posséder tous les détaillants du Québec. Cela peut se
faire par l'entremise des opticiens du Québec. Il y en a qui travaillent
déjà pour ces compagnies. Vous savez qu'il peut y avoir des
contrats personnels,
individuels et secrets. Il peut y avoir des options pour acheter. Le
prix des actions d'une petite entreprise du Québec peut baisser du fait
que le marché est restreint et, deuxièmement, dans le cas des
héritiers, ils ont trois ans pour les enregistrer à leur nom,
selon l'article 15. Ils n'ont qu'à attendre la fin de la
troisième année pour dire que c'est le maximum que vous allez
avoir.
Même à ce moment, une compagnie d'en dehors peut se servir
de cette situation pour les avoir à un prix bien plus
réduit..
M. CLOUTIER (Montmagny): En somme, par une disposition comme
celle-là, si elle n'est pas nuancée, on pourrait favoriser une
situation de monopole dans le domaine de l'optique, comme on a pu, à un
moment donné, mentionner devant cette commission et ailleurs des
situations de monopole qui pouvaient exister dans le domaine de la
santé.
M. BUTLER: II n'y a pas le moindre doute. D'ailleurs, vous savez qu'au
Canada, depuis six mois ou un an, il y a une enquête dans le domaine de
l'optique au Canada, comme il y en a eu il y a 20 ou 25 ans. Le gouvernement du
Canada ne semble pas avoir à Ottawa les lois appropriées comme
celles des Etats-Unis. Il peut arriver, au Canada, qu'une personne, une famille
ou un groupe contrôle la manufacture, c'est-à-dire la distribution
entière, gros et détail. Je crois que l'entreprise privée
en souffre.
M. CLOUTIER (Montmagny): En somme, dans le domaine des opticiens
d'ordonnances, d'après vous, ce n'est pas le côté
professionnel qui prime, c'est le côté technique et
commercial.
M. BUTLER: Précisément.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas le côté
professionnel.
M. BUTLER: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, Me
Butler, que vous ne voyez peut-être pas la nécessité ou
l'urgence d'avoir une corporation professionnelle pour les opticiens
d'ordonnances?
M.BUTLER: Je suis complètement d'accord, parce que nous, les
opticiens d'ordonnances, nous passons, avec le client, à peu près
75 p.c. du temps à lui montrer des montures de lunettes de fantaisie et
de couleurs différentes. Cela ne prend que quelques minutes pour prendre
les mesures exactes.
Alors, le travail est, en majeure partie, commercial. C'est pour cela
que je me demandais pourquoi la loi établie par Québec vers 1940
n'était pas suffisante. Parce que la loi a permis l'établissement
d'une école pour un minimum de compétence chez les membres.
C'était un commerce. La loi a bien fonctionné. Je ne vois pas
pourquoi il serait nécessaire de faire d'un commerce une profession pas
plus que le gouvernement le fait pour les mécaniciens qui s'occupent de
nos freins d'automobiles.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le professionnel, dans ce domaine, seraient
l'ophtalmologiste et l'optométriste?
M. BUTLER: Exact.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'opticien d'ordonnances est celui qui, du
point de vue technique, remplit une ordonnance et fait du commerce.
M.BUTLER: Exactement. D'ailleurs, la loi était bonne jusqu'ici,
c'est-à-dire depuis 30 ans.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie.
M. BUTLER: Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. GUAY: Quelle est l'importance de votre entreprise?
M. BUTLER: C'est une petite entreprise de famille d'opticiens
d'ordonnances. Elle existe depuis longtemps.
M. GUAY: Combien de personnes font partie de l'entreprise?
M. BUTLER: Nous avons trois personnes à part moi.
M. GUAY: Croyez-vous qu'au Québec il existe plusieurs entreprises
de ce genre qui subiraient, en fait, ce que vous subissez actuellement par
cette loi?
M. BUTLER: Oui, il y en a un bon nombre. M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M, SAINT-GERMAIN: Vous ne manufacturez pas de lentilles ni de montures.
Puis-je vous demander vous n'êtes pas obligé de
répondre si vous vous approvisionnez de lentilles surtout? Dans
la manufacture de la monture, je crois qu'on peut affirmer qu'il y a une
concurrence assez sérieuse. Plusieurs pays exportent leurs produits au
Québec comme au Canada. Au point de vue des lentilles, pourriez-vous
nous dire d'où provient la majeure partie des lentilles
ophtalmiques, j'entends la manufacture de la lentille ou du double
foyer, surtout. Quelles sont vos sources d'approvisionnement?
M. BUTLER: En majeure partie, nous achetons nos verres finis, dans le
moment, d'une compagnie du Québec, de Drummondville. Quelquefois, nous
achetons les blancs de deux manufactures canadiennes. Ce sont des blancs de
lentilles semi-finis. Cela nous épargne de l'argent. Après cela,
nous les envoyons chez cette compagnie, à Drummondville, pour être
finis, selon une ordonnance. Souvent, nous faisons le montage des verres,
c'est-à-dire le coupage et nous les mettons dans la monture.
M. SAINT-GERMAIN: Combien y a-t-il, au Canada, d'industries qui
manufacturent le double foyer, qui produisent du double foyer, semi-fini?
M. BUTLER: Je ne suis pas certain, mais je pense qu'il y a trois grandes
compagnies, dont les sièges sociaux sont en dehors du Québec. Il
y en a peut-être deux ou trois autres qui font cela mais je n'en suis pas
certain.
M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous senti dernièrement, depuis quelques
mois, par exemple, que les grandes compagnies internationales ont fait des
pressions ou ont agi de façon à s'emparer de plusieurs bureaux
d'opticiens d'ordonnances ou même d'optométristes?
M. BUTLER: Nous avons entendu dire dernièrement, depuis un an, et
même depuis deux ans, que c'est arrivé. Des détaillants de
Montréal ont été achetés par ces grandes
manufactures. Il y en a un en particulier, un très grand
détaillant, qui l'admet, d'ailleurs. Sans changer de nom, cela a
été acheté par une très grande compagnie, toutes
ces compagnies américaines avec subsidiaires au Canada.
M. SAINT-GERMAIN: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres ont des questions à
poser? Merci à M. Butler pour son exposé.
M. BUTLER : Merci, M. le Président.
Service de conseils d'ordonnances de
Montréal
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le Service de conseils
d'ordonnances de Montréal, mémoire no 124.
Voulez-vous vous identifier? Etes-vous M. Villemaire Paquin?
M. PAQUIN: Nous produisons, cette fois-ci, un texte
légèrement modifié et même certains le trouveront
passablement modifié. Ceci provient principalement des données
que nous avons recueillies depuis trois mois et qui nous ont amenés
à modifier certaines de nos positions sur le sujet. Nous allons vous
distribuer les textes.
D'autre part, comme nous ne sommes des professionnels ni de la
santé, ni de la loi et que nos finances sont passablement restreintes,
je vous prierais d'être bien gentils et de sauter quelques détails
du texte qui sont mal faits. Merci.
Messieurs, le Service d'ordonnances de Montréal est un service
d'éducation pour le consommateur. Il est subventionné par un
projet d'Initiatives locales. Le but de ce service est de réduire le
coût des prescriptions médicales pour le consommateur.
La recherche de données et les prises de contact avec des
spécialistes de la santé occupèrent les cinq premiers mois
de notre existence. Depuis le mois de juin de cette année, c'est surtout
l'information qui nous préoccupe.
Le grand public nous amena naturellement à certaines conclusions;
pour lui, le grand public, la pharmacie est un problème.
Nous ne pouvons discuter de valeur thérapeutique ni de questions
relevant du domaine médical comme tel. Nous baserons donc nos
recommandations principalement sur celles des autres corps: consultatifs,
législatifs ou professionnels. Les desiderata du public, tels que nous
les recevons, constituent aussi une référence pour nos
recommandations, de même que la simple logique juge, en
définitive, de la cohérence d'un système.
Nous entendons d'abord donner quelques principes et constatations qui,
à notre avis, justifieront nos prises de position et
recommandations.
Quelques principes.
Le corporatisme, assurant le bien du public en réservant certains
actes dits professionnels à des personnes reconnues compétentes,
a le droit et le devoir de réglementer ces actes. Toutefois, cet acte ne
peut justifier, à notre avis, de privilèges autres que ceux
impliquant l'acte lui-même, c'est-à-dire les questions
d'éthique, les questions de connaissances requises et, disons, connexes
à l'acte lui-même.
Une condition sine qua non pour le bon fonctionnement d'une
économie de marché est l'information complète disponible,
autant pour le producteur que pour le fournisseur de services et le
consommateur. L'information n'est pas simplement utile au consommateur, mais
essentielle pour le fonctionnement de cette économie de marché.
C'est un principe d'économie de base.
L'information doit être impartiale afin de bien protéger le
public et, de plus, éviter l'abus des médicaments.
Constatations.
La compagnie productrice évalue un besoin et prend la
décision d'y répondre ou non. Une fois sorti de
l'université, le médecin reçoit son information
principalement des journaux médi-
caux, de la publicité faite par les compagnies et de leurs
représentants. Les données de la commission Harley, session
1966-1967, au fédéral, sur le coût et le prix des
médicaments, révèlent que j'ai cité ici en
anglais, si vous voulez, je peux traduire parce que nous n'avions que le texte
anglais "the committee believes that the profits of pharmaceutical
companies in Canada appear about twice as high as the level of profits of the
manufacturing industries as a whole". Les enquêtes partielles de
même que les appels téléphoniques que nous recevons tous
les jours révèlent, au niveau de la distribution, le même
phénomène du surprofit. Le consommateur ne sert que de
véhicule pour l'ordonnance entre le médecin et le pharmacien.
N'ayant pas les connaissances requises pour en évaluer le
bien-fondé, il s'en remet aux spécialistes. D'autre part,
l'évaluation du juste prix lui est rendue difficile par l'absence de
sources d'information impartiales et accessibles aisément. De plus, le
pharmacien, se retranchant derrière l'interprétation de la Loi
sur la publicité, ne divulgue habituellement ses prix qu'une fois
l'ordonnance remplie. La confusion règne sur le sens des termes
utilisés, dénomination commune, nom de marque, et le seul qui ne
peut en bénéficier, c'est le consommateur.
Tel que le bill 250 est fait, les articles 21 et 40 nous semblent
exclure pratiquement tout droit de regard pour le consommateur, si ce n'est que
de se plaindre après dommages ou indirectement via les fonctionnaires
représentant le gouvernement au sein des corporations. Alors, tels que
sont faits les paragraphes 1 et 2 de l'article 21 du bill 250, leur jugement
est sans valeur puisque seuls les gens possédant une formation et une
qualification de même nature peuvent faire partie d'une corporation, que
seule celle-ci peut définir la formation nécessaire pour y
appartenir et qu'elle seule est habilitée à juger les
plaintes.
C'est donc en tenant compte des principes que nous jugeons valables et
des constations ci-énoncées que nous proposons les modifications
au bill 255. Nous espérons aussi qu'en rédigeant le bill 250 le
législateur verra à soutenir le principe de la séparation
des intérêts financiers des incorporés de
l'intérêt du bien public défendu par la corporation.
M. LE PRESIDENT: Si vous permettez, est-ce que vous pourriez nous donner
assez brièvement l'essentiel de vos recommandations? Les membres de la
commission ont en main votre document et vous poseront des questions qui vont
vous permettre d'éclairer la commission. Cela irait plus rapidement.
M. PAQUIN: Disons que d'une part nous partons d'une situation de fait.
Nous répondons tous les jours à des appels
téléphoniques de gens qui nous déclarent: J'ai une
ordonnance, on me dit ceci, ceci et cela. J'ai payé tant. Nous prenons
la liste fournie par le gouvernement du
Québec. Nous la regardons. Nous trouvons la dénomination
commune et citons le prix qui est indiqué là, tout en les
avertissant que ceci est une approximation ou une évaluation faite par
le gouvernement et que nous ne savons pas exactement quel est le prix exact sur
le marché.
La principale constatation a souvent trait à la variance, si on
veut parler en termes statistiques.
Est-ce que ceci veut dire qu'on va sauter par-dessus des points?
M. LE PRESIDENT: Vous allez avoir des questions des membres de la
commission tantôt. Tous les mémoires, d'ailleurs, sont soumis
à la commission, qui en prend connaissance. Elle va vous poser des
questions pertinentes afin d'être éclairée. Continuez, mais
essayez de faire un résumé de vos recommandations et après
les membres vont vous interroger.
M. PAQUIN: Oui. Pour terminer, simplement ce point, c'est la variance
qui existe dans les prix au consommateur qui nous a amenés à
modifier passablement nos positions. C'est pour ça que nous avons
essayé de justifier nos recommandations à partir de principes sur
le plan économique. Si on admet un marché, il faut admettre
l'information totale pour les deux.
N'importe quel livre de théorie économique va vous dire
que s'il n'y a pas information totale, vous vous en allez vers un monopole, un
oligopole ou quelque chose comme ça, ça va finir en "pole", mais
sûrement pas en un équilibre sur le marché. Donc la
question de l'information est un des points. D'autre part, si le principe de
base de la corporation est le bien-être du public, alors il nous semble
injustifié qu'on y mêle des questions financières qui, la
plupart du temps, amèneront à négliger le bien-être
du public.
Un autre point que nous touchons aussi, pour ce qui est des
règlements, est que nous pensons qu'il serait peut-être
souhaitable, à ce point, d'inclure un petit quelque chose pour les
étudiants qui subiront cette immatriculation.
C'est l'ensemble en gros des modifications que nous aimerions voir
apporter à la loi. Nous avons inséré des commentaires qui
tentent de justifier les points qu'on apporte ou les modifications qu'on
apporte.
M. LE PRESIDENT: Très bien. L'honorable député de
Gaspé-Sud.
M.FORTIER: J'aurais une question très intéressante
à poser. Est-ce que vous avez remarqué une différence
marquée des prix des médicaments d'une pharmacie à
l'autre?
M. PAQUIN: Nous avons fait une enquête auprès de 18
pharmacies. D'abord, disons que, de façon générale, quand
on téléphone au pharmacien, il n'est pas obligé de vous
dire son
prix. La plupart du temps, il refusera de le faire. Il est arrivé
souvent qu'il refuse de le faire. D'autre part, dans l'enquête que nous
avons menée sur 18 pharmacies, nous avons trouvé des
écarts aussi notables que $2.39 dans une pharmacie et $18.00 dans une
autre pour le même médicament, des écarts de $4, $6, $8
d'une pharmacie à l'autre pour le même médicament. On peut
vous fournir ces données.
M. FORTIER: C'est la raison pour laquelle, à l'article 7, vous
demandez que le prix soit indiqué, déterminé. Je lis:
"Cette liste doit indiquer en regard de la dénomination commune, de la
marque de commerce et du nom du fabricant de chaque médicament qui s'y
trouve la dénomination commune, la marque de commerce, etc., et vous
demandez que le prix soit déterminé.
MLLE NEWMAN: C'est à propos de l'article 7, Monsieur? Quel
article?
M. FORTIER: Ici vous recommandez que la liste inclue... à
l'article 7 de la Loi de la pharmacie.
MLLE NEWMAN: Ce que nous demandons ici est simplement d'avoir une liste
comme les manuels de professionnels de la santé publiés par le
gouvernement pour les médecins quand on prescrit un médicament
à un citoyen du Bien-Etre. Nous voulons avoir une copie de cette liste,
que le consommateur peut acheter et utiliser. A l'heure actuelle, il y a une
copie qui coûte $2 que tout le monde peut acheter chez l'éditeur
officiel du Québec. Cette édition est très difficile
à lire, il n'y a aucun index et le consommateur en général
ne peut pas trouver les médicaments ou le prix, même si les
pharmaciens sont sur cette liste. Nous voulons avoir simplement
l'accessibilité à cette liste pour tout le monde.
M. FORTIER: Très bien.
MLLE NEWMAN: Mais de plus, nous voulons avoir, dans chaque pharmacie du
Québec, une liste des cent médicaments prescrits le plus souvent
pour l'utilisation du consommateur. Nous avons trouvé que,
présentement, on ne peut pas trouver le prix avant d'acheter le
médicament. Enfin, la plupart du temps. Quelquefois, cela indique que le
consommateur ne va pas acheter le médicament s'il ne peut pas savoir
combien il va coûter. Quelquefois, on doit décider si on va
acheter de la nourriture ou des médicaments. C'est très grave
pour les citoyens à revenu modique.
Nous voulons aussi avoir un article dans le projet de loi no 255
concernant le fait que le pharmacien doit donner le prix avant de distribuer le
médicament, parce que s'il y a une liste de peut-être cent
médicaments dans chaque pharmacie, le consommateur peut encore ne pas
trouver le prix d'un médicament spécifique s'il n'est pas sur la
liste.
M. FORTIER: Maintenant, vous dites, au sujet de l'article 20 de la Loi
de la pharmacie, qu'un pharmacien doit exécuter une ordonnance suivant
sa teneur intégrale et choisir le médicament le moins cher.
MLLE NEWMAN: II y a un article dans la Loi de la pharmacie en Ontario
qui permet le choix volontaire de produits dans la même catégorie
par le pharmacien. Cette loi existe déjà depuis des
années. On a trouvé que la plupart du temps le pharmacien ne
choisit pas le médicament le moins cher s'il ne doit pas le faire. Il y
a une loi au Manitoba, présentement, qui ne donne pas le choix au
pharmacien. Le pharmacien doit donner le médicament le moins cher, sauf
quand le médecin dit de ne pas substituer, donnant le nom du
médicament et le nom de la compagnie pharmaceutique qui le produit.
Je pense que si nous avons simplement une loi qui laisse au pharmacien
le choix de substituer, nous ne changerons pas le système que nous avons
présentement. Il faut avoir plus de force dans cette loi. Il faut aussi
avoir plus d'information pour le consommateur concernant l'implication d'une
telle loi. Nous avons trouvé que la plupart des consommateurs ne
comprennent jamais ce qu'est un nom générique. Ils ne comprennent
pas ce qu'est le fait de substituer. On ne peut pas demander d'avoir une telle
loi si on ne la comprend pas. Quelquefois, nous avons trouvé des
pharmaciens qui ont un système de profit sur chaque médicament,
selon le prix de ce médicament. Si on vend un médicament $18, on
peut prendre un profit de 30 p.c. Ainsi, cela est mieux pour le profit du
pharmacien, pour quelque temps, de ne pas substituer. Au lieu de cela, il faut
expliquer la loi et lui donner plus de force que de laisser simplement le choix
au pharmacien.
Nous trouvons aussi qu'il est très important d'avoir une
étiquette de sécurité sur tous les flacons donnés
par les pharmaciens. Présentement, la plupart du temps, nous trouvons,
sur les flacons achetés par les patients, simplement le numéro
d'identification du pharmacien et peut-être la direction donnée
par le médecin pour l'usage d'un tel médicament.
Pour la sécurité du consommateur, du patient, il faut
faire la même chose qu'en Ontario, au Manitoba et dans plusieurs Etats
des Etats-Unis concernant une information complète sur le flacon
donné par le pharmacien et aussi sur l'ordonnance qui est donnée
par le pharmacien aux pharmacies pour ces informations. C'est absolument une
question de sécurité. Je pense que nous sommes maintenant au
stade où le consommateur peut comprendre ou accepter le nom
générique d'un médicament, avec toute notre information,
sans risque pour lui.
M. LE PRESIDENT: Pour l'information des membres, pouvez-vous vous
identifier s'il vous plaît? Quel est votre nom?
MLLE NEWMAN: Mon nom? Je m'excuse. Je suis Mlle Maureen Newman.
M. LE PRESIDENT: Très bien, Mlle Newman. Autres questions?
M. FORTIER: Oui. A l'article 17, dans votre mémoire, il semble
qu'il y ait concordance avec l'article 17 du projet de loi 255. Avez-vous des
explications?
M. PAQUIN: II y a une légère modification au
deuxième paragraphe où l'on prévoit que les CLSC seront
considérés comme des hôpitaux. Donc, ils auront le droit de
vendre les médicaments.
MLLE NEWMAN: Nous voudrions que les pharmaciens d'hôpitaux et les
pharmaciens des centres médicaux aient le droit de vendre les
médicaments au grand public. En ce moment, ils ont le droit de vendre
des médicaments aux patients de l'hôpital, ainsi qu'aux patients
traités dans les hôpitaux. Nous avons expliqué, dans cette
page, concernant l'article 17, que nous sommes d'avis que les pharmacies
hospitalières soient utilisées en vue du bien-être public,
en distribuant et en vendant les médicaments sur ordonnance. Les
pharmacies hospitalières ont généralement en main la
dénomination commune du médicament à bas prix, ce qui
pourrait être à l'avantage du consommateur. De plus, les profits
de ces services à l'hôpital pourraient être versés
directement dans le budget de dépenses de cet hôpital.
Notre expérience nous prouve que le pharmacien privé ne
travaille pas en vue de l'éducation et du bien-être financier du
consommateur. La pharmacie hospitalière est généralement
une meilleure source de services pharmaceutiques; elle est, en plus,
dirigée vers un objectif de qualité plutôt que vers celui
de profit. Par conséquent, nous appuyons sur le fait que ce service,
d'un ordre supérieur, doit devenir accessible à tout
consommateur, non seulement à celui qui est hospitalisé ou
traité à cet hôpital.
M. FORTIER : Merci. J'ai terminé.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Le député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais dire aux
représentants du Service d'ordonnances de Montréal qu'ils ont
d'excellentes suggestions dans leur mémoire. Je pense que ça vaut
la peine pour le législateur de les étudier attentivement. Vous
êtes, je pense, situés à un endroit où vous pouvez
faire certaines constatations qui ont de la valeur.
Vous avez surtout pris des contacts dans la première partie de
l'existence de votre organisme, vous avez compilé des informations, vous
avez recueilli des données et vous vous êtes appliqués
à faire connaître votre mouvement pour que des gens aient recours
à vos services. Après cela, vous avez été en mesure
de donner certains services à la population, à ceux qui se sont
adressé à vous. Avez-vous constaté, depuis ce temps, que
cela a pu avoir une certaine influence dans le secteur où votre action
s'exerce?
M. PAQUIN : Certainement. Cela a exercé une influence. La
principale influence se fait sentir dans les régions
défavorisées où, justement, le coût est un
problème. Nous avons travaillé en collaboration avec la clinique
médicale de Pointe Saint-Charles qui a un projet pour créer et
faire fonctionner une telle pharmacie gérée par la clinique,
ayant à son service un pharmacien et vendant pour le grand public.
D'autre part, dans la population, d'une façon
générale, nous essayons de rentrer en contact avec les gens
âgés principalement ou avec tous les groupes. La réponse,
habituellement, est assez bonne. Dès qu'il y a quelque chose, dans les
journaux, qui parle de médicaments, nous recevons automatiquement, le
lendemain, plusieurs appels téléphoniques des gens qui sont
intéressés à ce problème.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela fait deux mois et demi, maintenant, que la
nouvelle liste des médicaments est entrée en vigueur,
c'est-à-dire depuis le 1er août. Depuis ce temps, avez-vous
constaté que les ordonnances, qui sont prescrites par les professionnels
de la santé, tiennent compte davantage de cette liste de
médicaments?
M. PAQUIN: A notre avis, le seul endroit où on ait
constaté une différence, c'est dans des cliniques, disons la
Clinique de Pointe Saint-Charles, où les médecins, d'accord
ensemble, ont fait un effort et ont prescrit de façon
générique. Toutefois, dès que la clinique n'avait pas le
médicament puisqu'elle est habilitée à donner ces
médicaments et qu'elle devait faire affaires avec un pharmacien
cela s'est présenté la semaine passée pour un
compte de $800 on a constaté que chaque fois qu'il y avait un nom
générique tous les médecins avaient prescrit un nom
générique le pharmacien donnait le médicament le
plus cher.
Ce n'est absolument pas la majorité des médecins qui se
préoccupent de cela. D'autre part, on doit noter que les internes, dans
les hôpitaux, qui font beaucoup d'ordonnances, n'ont pas accès
à ce volume.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pensez-vous qu'une des raisons des lacunes de
cette mesure, qui a été mise en application le 1er août et
qui crée certains remous, est due à un manque de temps, chez les
professionnels de la santé, pour
consulter véritablement cette liste, en voir les implications et
obtenir des renseignements? Est-ce surtout cela?
MLLE NEWMAN: Oui, il y a bien sûr un manque de temps. Il y a aussi
un manque d'information de la part du gouvernement. Le citoyen ne comprend pas
cette liste. Il veut savoir pourquoi il ne peut pas acheter des
médicaments composés, par exemple. Il veut savoir pourquoi les
médecins n'aiment pas cette liste, quelquefois. Nous avons trouvé
que les médecins commencent à changer. Maintenant, ils vont
examiner encore leurs habitudes de prescrire. C'est bon. C'est vraiment
très bon. Mais il faut qu'on ait quelques brochures du gouvernement,
expliquant ce qu'est un médicament composé, donnant l'objectif de
cette liste. Est-ce que c'est vraiment une liste valable? Est-ce qu'elle
contient la plupart des médicaments nécessaires pour les effets
thérapeutiques, les remèdes pour toutes les maladies que nous
avons? Les consommateurs ne savent rien de cela et les médecins, parce
qu'ils sont encore à considérer la liste, ne peuvent pas donner
l'information que le patient doit avoir.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous remercie.
M.FORTIER: M. le Président, si je comprends bien, il serait
très important que le gouvernement donne plus d'information au public
relativement à cette liste de médicaments
générique.
M. PAQUIN: Oui, exactement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si j'ai bien compris, non seulement au public
mais...
M. PAQUIN: Aux médecins également.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... aux médecins aussi, aux
professionnels de la santé, qui n'ont pas eu le temps ou qui, dans
l'avalanche de gens qui s'adressent à leurs bureaux, n'ont pas toujours
le temps d'aller au fond d'un document comme celui-là.
M. PAQUIN : Je pense aussi que parmi les médecins, disons
l'omnipraticien, même chez les spécialistes pharmacologues,
pharmacolo-gues et médecins en même temps, il y a certaines
divergences. Les implications d'avoir publié une telle liste ne sont pas
acceptées par tout le monde. Devant l'exclusion de médicaments
composés, par exemple, certains médecins disent: Nous acceptons,
n'étant pas spécialistes. Nous supposons que cela indique que ce
médicament n'apporte rien de plus et que les médicaments non
composés sont suffisants pour bien soigner. Je suppose que le
gouvernement n'a pas décidé de soigner à rabais les gens
sur le bien-être social. C'est ce que nous essayons aussi d'expliquer aux
gens sur le bien-être social qui nous téléphonent.
Qu'est-ce que c'est? Le gouvernement ne veut pas nous soigner avec des bons
médicaments? Non, ce n'est pas cela. Donc, on l'a vu tous les jours, il
y a une information à donner pour éclaircir ce point.
MLLE NEWMAN: Je me demande aussi pourquoi le pharmacien reçoit
$2.15 pour chaque ordonnance qui est remplie pour le gouvernement. Nous avons
trouvé que les prix ont augmenté dans plusieurs pharmacies,
après que cette loi a été établie. Les pharmaciens
trouvent plus facile de charger le même coût pour tout le monde.
Ils ont commencé, dans quelque cas, à charger $2.15 pour tout le
monde.
Nous avons fait une enquête avec 40 citoyens âgés et
nous leur avons épargné en une année $3,200 pour 90
ordonnances. Nous l'avons fait simplement parce que nous avons des ordonnances
indiquant le nom générique; nous avons trouvé des
pharmacies qui font payer simplement $0.25 à $0.75 par ordonnance. Mais,
aujourd'hui, c'est plus difficile de trouver une telle pharmacie, parce que
tout le monde veut demander $2.15. Nous trouvons que c'est beaucoup trop; ce
n'est pas nécessaire.
Est-ce un prix demandé par les pharmaciens du gouvernement ou
est-ce un prix modique? Je ne comprends pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne le sais pas. Le député de
Gaspé-Sud pourrait répondre, mais il y a eu une
négociation entre les pharmaciens d'officine et le gouvernement. C'est
probablement le résultat de la négociation qui a fixé ce
prix-là. Si le ministre était ici, il pourrait répondre
à cette question.
M. FORTIER: D'ailleurs, la négociation a été
exécutée comme telle. J'ai une question relative à la
même discussion. Si une tablette de 292 est prescrite par ordonnance, le
pharmacien exige $2.15.
M. PAQUIN: Oui.
M. FORTIER: Mais, si, sur la même feuille, j'écris
Aspirine, tant, et Codéine, tant, est-ce qu'il va exiger le montant,
d'après vos connaissances?
M. PAQUIN: C'est le fait de l'ordonnance. Dès qu'il y a une
ordonnance du médecin, il l'exige.
M. FORTIER: Par article?
MLLE NEWMAN: Quelques fois non, mais généralement,
oui.
M. FORTIER: C'est ça que je voulais savoir. Très bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Je vais revenir sur la substitution des médicaments.
D'autres groupes ont passé et ont donné un son de cloche; vous
arrivez avec un autre son de cloche ce matin. Je prends la peine de lire et je
voudrais que ce soit bien clair, parce que le législateur aura tôt
ou tard à se prononcer là-dessus.
Vous dites ici: "Un pharmacien doit exécuter une ordonnance
suivant sa teneur intégrale." Jusque là, ça va. "...
à moins qu'il substitue au médicament prescrit un
médicament équivalent". C'est bien sûr que c'est
normalement une équivalence. Mais des gens nous ont dit: Même
là, pas de substitution.
Vous semblez vous servir d'un critère de prix, pour autant que le
prix n'est pas plus élevé que celui de l'autre
médicament.
Ma question est la suivante: Est-ce que le pharmacien est
équipé pour analyser chimiquement un médicament et
être en mesure d'établir l'équivalence cela a
été discuté ou si le pharmacien devra toujours s'en tenir
aux indications qui accompagnent le produit à l'achat?
M. PAQUIN: D'une part, disons que l'analyse chimique du produit comme
telle, le pharmacien d'officine, dans son officine, n'est probablement pas
équipé pour la faire. Mais chaque médicament à qui
on donne la permission d'entrer sur le marché doit être
vérifié et sa qualité doit être
contrôlée par le gouvernement. Les pharmacologues du conseil
consultatif du gouvernement écrivent, par exemple, un nom
générique et, ensuite, vous avez 5 ou 6 médicaments.
Qu'est-ce que ça signifie? Cela signifie que c'est le même produit
à l'intérieur, sous un autre nom de marque.
Je ne vois pas le pharmacien se mettre à décomposer
ça. Il n'y a pas l'équipement pour le faire à sa
pharmacie.
M. GUAY: Ceci veut dire que vous permettez, en fait, la
substitution.
M. PAQUIN: Substitution dans le sens de remplacer par un même
médicament. Ce qu'on substitue, c'est un nom de marque à un
autre.
M. GUAY: En fait, c'est le même produit, puisque certains produits
peuvent être vendus sous 10, 12 ou 15 noms différents.
M. PAQUIN: Comme l'aspirine et l'asa, l'acide
acétylsalicylique.
M. GUAY: Si on enlève les prescriptions magistrales on a
posé des questions à cette commission et les prescriptions
magistrales sont en faible partie, même en voie de disparition selon
l'interprétation même des pharmaciens le rôle du
pharmacien se limite, en quelque sorte, à interpréter
l'ordonnance. Il faut établir s'il a le droit de faire la substitution
du médicament, mais, à part ça, il joue un rôle de
commis, en fait.
M. PAQUIN: D'accord.
M. GUAY: Et ça, nous le tenons des témoignages entendus
à la commission. Est-ce qu'il y a autre chose qu'on peut ajouter au
rôle de pharmacien comme tel?
Est-ce que la compétence du pharmacien ne dépasse pas,
dans bien des cas, l'obligation de jouer, en fait, le rôle qu'il joue
comme pharmacien?
M. PAQUIN: Vous voulez dire, est-ce qu'il n'est pas trop instruit pour
ce qu'il fait?
M. GUAY: C'est ça.
M. PAQUIN: Nous sommes d'accord sur ce point qu'il a, à notre
avis, beaucoup trop d'études. D'autre part, si on regarde l'article 21
du bill 250, on dit que la complexité de l'acte ou la complexité
des connaissances requises est un des facteurs qui justifient
l'élaboration ou l'établissement d'une corporation. Cela devient
une espèce de cercle vicieux, je vais me donner un nom, je vais me
compliquer les études, quoique je n'ai rien à faire, et je
deviens une corporation.
Je pense qu'effectivement, puisque la plupart des médicaments
sont tout prêts, vendus par la compagnie productrice, tout ce qu'il fait
est de gratter l'étiquette et de mettre la sienne.
M. GUAY: D'autre part, votre étude a porté
également sur les régions dont vous avez parlé, vous avez
touché les régions défavorisées, les régions
rurales, là où il n'y a pas suffisamment de pharmaciens et
là où les médecins également n'ont plus le droit de
fournir les médicaments aux assistés sociaux.
La question que je voudrais vous poser, tenant compte des distances
à parcourir par certaines personnes j'en reçois à
mon bureau, surtout les fins de semaines parce qu'on est plus longtemps
là c'est: quelle solution, qu'elle soit temporaire en autant
qu'elle sera efficace, prévoyez-vous pour les défavorisés
si on veut les traiter sur un pied d'égalité avec les autres
personnes dans le domaine des médicaments?
MLLE NEWMAN: En effet, on doit avoir le droit d'obtenir des
médicaments dans les hôpitaux et aussi dans les centres
médicaux. Parce que si on peut acheter un médicament au nom
générique à l'hôpital ou dans les centres, dans les
régions défavorisées, c'est beaucoup plus facile d'avoir
une ordonnance.
M. GUAY: C'est encore plus défavorisé que ça chez
nous. Il n'y a pas d'hôpital ni de centre médical. Il existe des
pharmacies, le problème c'est qu'il y a 60 milles entre les deux
pharma-
cies. Si, par exemple, un client doit se procurer des
médicaments, il a des distances énormes à parcourir.
Là où des médecins ont un permis
d'opération, disons une "licence", la question a
déjà été discutée est-ce que ce
serait normal que ces médecins aient le droit de distribuer des
médicaments même aux assistés?
MLLE NEWMAN: Oui.
M. PAQUIN: Oui, mais en fait, c'est une solution temporaire.
M. GUAY: C'est ce que j'ai dit tantôt, en autant qu'elle serait
efficace.
M. PAQUIN: D'autre part, si on accepte la distinction entre commerce et
acte, et que la corporation s'occupe de l'acte et que le commerce soit
légiféré par les lois commerciales, il est à ce
moment-là possible comme l'information n'est pas légale de
part et d'autre, consommateur et producteur, disons vendeur pour le moment,
vendeur de pilules, le pharmacien de faire en sorte que les prix soient
fixés directement par le gouvernement puisque quand vous êtes
malade, vous n'avez pas le choix normal du consommateur d'acheter ou de ne pas
acheter. Vous êtes malade, vous devez acheter. Il nous semble donc juste
qu'une tierce personne, un impartial, je suppose le gouvernement, en
l'occurrence fixe ce prix puisqu'on ne peut pas y insérer les
lois du marché; ça n'a pas de sens, le marché ne
fonctionne pas.
M. GUAY: La question de prix ne règle pas le problème des
distances. Les pharmaciens nous ont dit qu'en autant qu'il y aurait un bassin
de tant de population ils seraient prêts à établir une
pharmacie ou encore, une réserve là où la population est
insuffisante. C'est ce qu'ils ont demandé.
Le problème n'est pas résolu par la question de prix parce
que le problème qui est soulevé, c'est que les gens doivent
parcourir des distances énormes et ce coût du transport n'est pas
remboursé par le gouvernement. On invoquera à ce moment-là
que les ordonnances peuvent se faire par téléphone, je suis
d'accord sur cela, sauf que là, si le rôle du pharmacien est
réellement un rôle de pharmacien dans la distribution des
médicaments, comment peut-il être efficace sans même voir le
patient et le dossier du patient? Si le dossier fonctionne par la poste, le
patient va recevoir ses médicaments deux ou trois semaines après
l'ordonnance.
M. PAQUIN: II y a, à Montréal, le Centre de prescriptions
du Québec qui a même une publicité où il inscrit son
numéro de téléphone donnant le code régional et qui
est disposé à poster à travers toute la province. Bien
sûr, il y a un délai, mais me suggère-t-on, qu'est-ce qui
empêcherait le gouvernement, dans ces régions, de rendre le
même service?
M. GUAY: Si cela devient un service complètement
étatisé, d'accord.
M. PAQUIN: Voyez-vous, vous soulevez un problème, vous montrez
l'injustice de la situation et, en fait, vous déduisez que la
corporation telle qu'elle existe actuellement ne répond pas au
bien-être du public puisque le problème est là dans son
entier. Nous ne nous sommes pas penchés effectivement,
spécialement sur ce problème. Nous avons reçu une lettre
d'une dame de la région de Noranda qui nous disait effectivement qu'elle
devait franchir de grandes distances et, d'autre part, que le prix qu'on lui
demandait était exorbitant.
Elle voulait savoir si elle pouvait avoir ses médicaments
à Montréal. Bien sûr que le pharmacien de Montréal,
lui aussi, doit voir à ce que les frais de transport soient
payés. A ce moment-là il me semble que si on veut parler de
justice... Probablement que les pharmaciens n'accepteront pas. Vu qu'il y a
tant de milles, ils devront payer de leur poche les frais de poste. Je serais
bien surpris qu'ils acceptent. S'ils acceptent, tant mieux, mais sinon,
bien...
M. GUAY: A partir de là, je suis d'accord, l'Etat doit donner le
service, mais actuellement l'Etat ne le donne pas. Quand on en a parlé
au ministre, il nous a dit c'est une question de budget. On n'a pas les moyens
budgétaires pour faire ça. A partir de là, j'ai toujours
posé la question suivante: Pourquoi enlever le droit aux personnes
compétentes de distribuer les médicaments si l'Etat ne peut pas
remplacer ces services? Eh bien, c'est toujours l'éternelle question qui
se pose, mais plus on en discute, moins on est avancé. C'est un
problème d'ordonnances, un problème de médicaments.
M. PAQUIN: Je dirais que oui et non. Disons que c'est un problème
de justice. Ces gens-là n'ont pas le service. Il n'y a pas de pharmacien
à tant de milles à la ronde et les pharmaciens exigent un bassin
pour leurs finances. A ce moment-là, laissons les médecins
fournir les médicaments.
M. GUAY: Qu'on crie à l'injustice, je suis parfaitement d'accord,
mais ce que je voudrais, c'est de régler le problème.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester pose des
questions directes qui seraient, en somme, peut-être un discours de
deuxième lecture et il place l'invité dans une situation un peu
particulière.
M. GUAY: M. le Président, oui, mais à partir de
l'étude qui a été faite. C'est une étude qui a
été subventionnée, je pense que vous l'avez
mentionnée, par les taxes des citoyens. On fait une étude qui
semble complète, on fait des recommandations, mais j'aimerais bien qu'on
aille jusqu'au bout dans les recommandations et
qu'on essaie au moins de régler les problèmes urgents.
M. LE PRESIDENT: Je reconnais le tempérament bouillant du
député de Dorchester, mais il reste le fait que nos
invités sont peu disposés à répondre, surtout s'il
pose des questions de cette nature. D'accord?
M. LEDUC: Le discours que vous préparez...
M. GUAY: Ce n'est pas une question de discours. J'ai pris connaissance
du mémoire et je le trouve très intéressant.
UNE VOIX: Très vrai.
M. GUAY: Je pense que les gens de votre association ont compris, sauf
que j'aimerais aller un peu plus loin. C'était l'objet de mes
questions.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais le député de Dorchester
à aller plus loin avec le ministre. J'ai l'impression qu'il aurait
peut-être des réponses à ce moment-là.
M. GUAY: Si le ministre ne veut pas avancer, il a peut-être ses
raisons, mais si ces gens, eux...
M. LE PRESIDENT: Je trouverais nos invités assez mal
placés pour avancer plus profondément que le ministre dans
l'étude du projet de loi.
M. GUAY: Bien sûr qu'ils ne peuvent pas préparer de
politique, sauf que les conseils qu'ils nous donnent ce matin à la
commission, on est ici pour les entendre. Ils sont précieux, ces
conseils. C'est pourquoi je pose des questions.
M. LE PRESIDENT: Très bien, nous les remercions,
d'ailleurs...
M. GUAY: Je ne voudrais pas être dans le désordre, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. LAURIN: J'ai une question à poser avant. Depuis quand existe
le Service de conseils d'ordonnances de Montréal?
MLLE NEWMAN: Depuis janvier 1972.
M. LAURIN: Est-ce que vous pourriez continuer votre travail si vous
n'étiez pas subventionné par les Initiatives locales?
MLLE NEWMAN: Je n'en suis pas certaine. Je pense que non, mais il a
d'autres possibilités, comme l'argent des fondations. Nous croyons qu'il
faudrait obtenir plus de subventions.
M. LAURIN: Vous recevez combien des Initiatives locales? Combien par
année?
MLLE NEWMAN: Présentement, nous sommes cinq personnes
salariées à $100 chacune par semaine avec 17 p.c. de cet argent
pour nos frais.
M. LAURIN: Et ça se termine quand, la subvention?
MLLE NEWMAN: Elle se termine au mois de novembre.
M. LAURIN: Est-ce que vous avez fait des demandes ailleurs, soit au
gouvernement du Québec, soit à d'autres fondations pour pouvoir
continuer votre travail une fois que les subventions seront
terminées?
MLLE NEWMAN: Oui, nous avons suggéré d'avoir une
réunion avec le ministre ou avec quelqu'un de la commission. Nous
voudrions encore avoir une telle réunion, mais nous n'avons pas
reçu d'information spécifique pour le moment.
M. LAURIN: Est-ce le seul organisme du genre qui protège le
consommateur pour autant que les services pharmaceutiques sont
concernés?
MLLE NEWMAN: A mon avis, c'est le seul service de ce genre au
Canada.
M. LAURIN: A ce moment-là, je souhaite que vous trouviez les
fonds pour continuer l'oeuvre très utile que vous faites.
MLLE NEWMAN: Merci bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON : Je voudrais soulever un point. Je ne sais pas de quelle
façon ça pourrait s'appliquer ou si ce serait susceptible
d'application, mais j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Ainsi,
lorsqu'un consommateur va acheter une chaise, ce n'est pas compliqué
pour lui parce qu'il est capable de comparer avec d'autres chaises; ça
s'appelle une chaise. De l'acide acétylsalicylique, la plupart des
consommateurs ne savent même pas ce que c'est; ça s'appelle
Aspirine, Anacine, Bufferin. Il y a un mélange d'acide
acétylsalicylique, de phénacé-tine, de codéine, de
toutes sortes de choses. Si, dans une législation on forçait ces
produits à placer le nom générique ou le nom principal du
produit, par exemple, qu'on appelle ça de l'acide
acétylsalicylique, accompagné du nom commercial, alors le
consommateur saurait que l'acide acétylsalicylique, il y en a 75 sortes.
Cela s'appelle acide acétylsalicylique Aspirine, cinq grains, cinq
grains et demi, acide acétylsalicylique Bufferin ou Anacine. Cependant,
ça repré-
senterait, en même temps, un autre problème, ce serait les
composés. Cela éliminerait presque les composés. Mais
est-ce que vous pensez que ce serait possible d'avoir une législation
comme celle-là? Est-ce que cela aiderait à régler une
partie du problème?
M. PAQUIN: II me semble que la liste implique déjà une
réponse à ça, puisque, de la liste, les composés
sont exclus.
M. PEARSON: D'accord. Maintenant, si, en plus de ça,
c'était dans l'étiquetage, c'est-à-dire lorsqu'on va
à la pharmacie?
MLLE NEWMAN: Quand on ne peut pas mettre le nom générique,
il faut mettre la marque de commerce.
M. PEARSON: D'accord.
MLLE NEWMAN: Mais nous avons trouvé que c'est plus efficace pour
le consommateur si on explique que le nom de commerce est mis simplement parce
qu'il n'y a aucun nom générique, parce que c'est un
médicament composé. Il faut expliquer ce que c'est un
médicament composé, après ça.
M. PEARSON: Pour le consommateur, ça présente un
problème. Pour lui, qui n'est pas pharmacien, s'il y a plusieurs sortes
de produits commerciaux qui sont tous de l'acide acétylsalicylique, il
ne peut pas choisir, dans le fond. Il ne sait pas si en achetant un produit qui
va lui coûter deux fois plus cher, il va avoir exactement le même
effet qu'avec l'autre produit qu'il pourrait payer deux fois meilleur
marché, sauf que le premier ferait plus de publicité pour le
sien.
MLLE NEWMAN: La question de qualité ne concerne pas le
consommateur. C'est une question pour le gouvernement, pour les pharmaco-logues
lorsqu'ils établissent les listes de médicaments, avec les cardex
des produits thérapeutiques. Le consommateur peut choisir une couleur ou
un prix. Il peut avoir le conseil de son médecin ou d'un pharmacologue,
mais il doit avoir une liste qu'il peut employer, qui établit
déjà les médicaments qui ont été
analysés, en disant qu'ils ont subi tous les examens requis. Tous les
médicaments sur cette liste sont valables. Après ça, il
faut seulement choisir le prix.
M. PAQUIN: Autrement dit, il me semble qu'il faudrait qu'une loi
définisse quand on peut utiliser une dénomination commune, ce
qu'on appelle communément nom générique, parce que
ça ressemble à l'anglais, la dénomination commune,
actuellement; ce n'est pas défini exactement. La dénomination
commune devient un nom de marque à certains moments. Alors, avant de
pouvoir imposer à tout le monde l'étiquetage avec la
dénomination commune, il faudra d'abord dire que dénomination
commune ne peut pas être un nom de marque. Par exemple, Aspirine aux
Etats-Unis, c'est une dénomination commune; ça ne l'est pas ici.
Ici, ça devient un nom de marque seulement, parce que le nom
générique existe. C'est un cas où vous avez le nom
générique et la domination commune qui est, en même temps,
un nom de marque ailleurs. Cela pose un problème, parce que c'est une
question un peu internationale, dans le sens que la dénomination commune
devrait être la même partout dans le monde.
Un exemple de l'importance de ceci, c'est la thalidomide. Quand on s'est
aperçu que ce produit était dangereux, on a voulu le retirer du
marché. Problème. Le nom de la dénomination commune, il
n'y avait pas de publicité faite là-dessus, les gens ne savaient
pas ce qu'ils avaient dans les mains. Or, des noms de marques, il y en avait
des centaines et c'était toujours la thalidomide. Ce qui est
arrivé, et Helen Tossi a fait un rapport là-dessus, deux ans
après, on a demandé le retrait et on a découvert cela. On
trouvait encore sur le marché de la thalidomide.
M. PEARSON: Oui, mais, d'après moi, cela ne crée
peut-être pas un problème extrêmement complexe. Mais ce que
je veux dire, en somme, je pense que vous l'avez saisi, c'est que la nature du
produit, sur l'étiquetage, devrait avoir au moins autant d'importance
que le nom de commerce. Dans les produits que les gens comprennent facilement,
du jambon s'appelle du jambon et il y a un nom de commerce à
côté et cela peut être Maple Leaf ou autres, les gens le
savent. C'est curieux que, dans des produits plus mystérieux où
les gens n'ont pas de préparation, on complique encore davantage en
donnant surtout des noms de commerce. Il y en a une quantité effarante.
M. Tout-le-Monde, les gens ordinaires ont énormément de
difficultés à comprendre. Je comprends que c'est peut-être
le rôle du gouvernement, mais ce que je demandais, c'était ceci.
Si jamais, éventuellement, le gouvernement amenait une loi dans ce
sens-là, est-ce que, d'après vous, vous croyez que cela pourrait
aider, indépendamment des complications qu'il pourrait y avoir? On
pourrait forcer les compagnies à donner autant d'importance à la
nature du produit qu'à la marque de commerce.
M. PAQUIN: Ma réponse sera dans le même sens. Ce sera
valable seulement si la dénomination commune devient bien définie
et utilisée dans son sens pour strictement déterminer le
médicament. Oui, ce sera utile parce que ce sera un véritable
point de référence. Mais, actuellement, c'en est un et ce n'en
est pas un. La tendance pour les compagnies va être d'enlever les valium
et de mettre le nom générique, d'enlever Sinutab et de sortir un
nom générique là-dessus, tant que ceci ne sera pas
défini. Je
suis bien d'accord sur votre proposition si on définit au
départ les termes utilisés. Je pense aussi que la
définition de ces termes est extrêmement importante.
M. PEARSON: Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. PERREAULT: D'abord, le député de Saint-Laurent a
posé la question que je voulais poser. Mais j'irai plus loin. Dans les
produits composés, est-ce qu'on ne pourrait pas, sur l'étiquette,
indiquer le principal agent actif du composé sous le nom
générique?
M.PAQUIN: Nous demandons au Conseil de pharmacologie de la province de
Québec, qui a produit la liste, d'ajouter à cette liste une
équivalence aux principaux composés ou à l'ensemble des
composés. Disons qu'on le laisse juge de cette question. Mais nous
demandons, et c'est un point que nous mentionnons dans notre texte, qu'une
équivalence soit donnée à ces composés. Maintenant
je reviens à la charge la liste, comme cette
équivalence de composés, n'aura de valeur que si ces messieurs
qui ont fait la liste en déclarent ouvertement la valeur. On pourrait
avoir une argumentation du style de celle qu'on a eue en Ontario quand on a
sorti le volume per cost; le producteur vient et dit : Voyons, messieurs. Ce
médicament se vend $12 et celui-là $6, et il n'y aurait pas de
différence?
Si on veut absolument éliminer ces jeux de publicité, il
faudra à un moment donné que les spécialistes qui ont
établi cette liste se prononcent fermement et disent: Oui, les
composés n'ont pas cela ou, oui, ils ont cela.
M. PERREAULT: Le service des aliments et drogues pourrait établir
les équivalences.
M. PAQUIN: Je suppose. Si lui ne le peut pas, je ne sais pas qui
M. CLOUTIER (Montmagny): Je veux revenir, très brièvement,
sur le genre de questions posées par le député de
Dorchester. Dans le milieu où vous travaillez, il n'y a pas cette
difficulté, j'imagine, qu'on retrouve dans les milieux ruraux, à
savoir la distance entre la pharmacie qui livre les médicaments et le
consommateur. Est-ce exact? Il n'y a pas de problème, il y a
suffisamment de pharmacies et elles sont réparties sur tout le
territoire où vous travaillez.
M. PAQUIN: Dans l'ensemble, c'est exact. Sauf que le même
problème va se poser un peu quand il va chercher à savoir quel
est le prix. Là, il devra se promener lui aussi.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Mais quant au nombre de
pharmaciens...
M. PAQUIN: Quant à l'acquisition...
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, le problème ne se pose pas de la
même façon avec la liste des médicaments ou avec
l'accessibilité aux pharmacies en milieu rural et en milieu urbain.
C'est clair.
A présent, vous disiez tantôt que les hôpitaux
également, ou surtout le hôpitaux et peut-être exclusivement
les centres hospitaliers devraient distribuer les médicaments, du moins
aux assistés sociaux. A ce moment-là, vous seriez certains du
prix. Est-ce que l'accessibilité va être la même s'il est
obligé d'aller chercher son médicament à l'hôpital?
J'imagine qu'à Montréal, en certains endroits, les hôpitaux
sont encore assez loin. Sauf que lorsqu'il y aura des centres locaux de
services communautaires, ils pourront être plus proches de la population.
Est-ce exact que cela créera des problèmes, tel que le
réseau hospitalier est organisé à Montréal?
M. PAQUIN: C'est difficile...
M. CLOUTIER (Montmagny): Disons qu'à Pointe Saint-Charles, il n'y
a pas de problème. Vous avez une clinique communautaire. Peut-être
qu'il y a une pharmacie.
M. PAQUIN: Oui. Il y en a même trois, je crois sur le territoire
immédiat.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bon. Il n'y a pas de problème. Mais,
pour les assistés sociaux, au lieu d'aller chercher les
médicaments dans les pharmacies d'officine, si c'était à
l'hôpital qu'ils allaient remplir leurs ordonnances, est-ce qu'il n'y
aurait pas certaines difficultés qu'on n'a pas actuellement à
Montréal?
M.PAQUIN: Nous sommes d'accord que cela poserait des problèmes,
des problèmes de distance. D'autant plus qu'à ce
moment-là, il ne pourrait pas, comme il le fait actuellement, aller
à n'importe quelle pharmacie, présenter sa carte et avoir son
médicament et s'en aller chez lui. Mais notre proposition n'était
pas seulement pour les assistés sociaux. Elle était aussi pour le
public.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour le public.
M. PAQUIN: Elle était aussi pour le public pour ce qui est des
centres médicaux, les CLSC et hôpitaux. Pour ce qui est de
résoudre le problème d'une distribution adéquate à
travers tout le territoire, je pense que là on se heurte à un
problème insoluble. Quant aux dépôts de médicaments,
qu'on les appelle des pharmacies ou peu importe le nom qu'on leur donnera,
c'est sûr que dans les régions rurales, il y aura toujours le
problème de la distance. Une des solutions qu'on avait trouvées
par le passé, c'était le médecin qui, à ce
moment-là, pouvait
remplacer le pharmacien. La question de bassin territorial, avec un
certain nombre de population, apportée par les pharmaciens, c'est
strictement financier. Alors je pense qu'on doit baser notre jugement, je ne
peux pas apporter de solution, sur strictement la justice et un peu
l'égalité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, vous croyez que dans ce nouveau
programme de distribution de médicaments aux assistés sociaux, il
aurait peut-être été préférable d'avoir une
période de transition pendant laquelle, surtout en milieu rural
dans les villes le problème ne se pose pas le médecin
aurait été habilité à continuer à distribuer
des médicaments en attendant que les pharmaciens s'organisent d'une
meilleure façon qu'ils le sont actuellement.
M. PAQUIN: Cela me semble juste. C'est une question de justice.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais dire, pour l'information du
député de Dorchester, que les pharmaciens nous avaient dit,
lorsqu'ils sont venus devant la commission, qu'ils s'occuperaient d'implanter
des pharmacies. Je dois dire qu'à ma connaissance, dans ma
région, il y a effectivement une pharmacie qui s'est ouverte en milieu
rural, dans le milieu du comté de Bellechasse. Je ne sais pas s'il y en
a d'autres mais disons que je voulais porter ça à l'attention du
député de Dorchester. A Armagh, dans le comté de
Bellechasse, il vient de s'ouvrir une pharmacie.
M. GUAY: Au même moment où chez nous le sanatorium
Bégin s'apprête à discontinuer la distribution des
médicaments.
Moi, il y a une autre question que j'aimerais toucher. On a porté
à mon attention les malades cardiaques. Là où la liste des
médicaments ne comprend pas certains médicaments d'autres
maladies, on pourrait prendre les malades chroniques que les malades
avaient l'habitude de prendre et que le médecin avait l'habitude de
prescrire par ordonnance, de quelle façon ces personnes, qui
reçoivent l'aide sociale, peuvent-elles se procurer les
médicaments dont elles ont besoin? En fait, les assistés sociaux
sont limités à la liste seulement. Des pharmaciens, comme des
médecins, m'ont dit: C'est un grave problème.
M. PAQUIN: Je suppose que ceux qui ont fait la liste étaient
consciencieux et qu'ils ont fait consciencieusement leur travail, ceci implique
que cette liste est suffisante pour soigner toutes les maladies.
A ce moment-là, le problème devient un problème
d'éducation de la part du médecin vis-à-vis de son
patient. Il devra éduquer son patient et lui dire: Ecoutez, ce
médicament, c'est la même chose. Si la liste émise est
conséquente...
M. GUAY: Dommage que je n'aie pas le nom et le numéro du
médicament. Est-ce que la liste des médicaments peut être
remise en cause, refaite, repensée?
M. PAQUIN: Pas par nous.
M. GUAY: Pas par vous, mais iriez-vous jusqu'à dire que ce serait
possible, préférable?
M. PAQUIN: Non. Nous considérons que c'est une question de
spécialistes et là-dessus, nous préférons ne pas
porter de jugement.
M. GUAY: Une autre question, qui touche spécialement le
pharmacien. Vous savez que même en milieu rural, il y a encore des
médecins qui se rendent à domicile. On a porté à
l'attention de la commission le fait qu'il était très difficile,
même pour le pharmacien qui n'avait pas de contact direct avec le
patient, de lui fournir les médicaments dont il avait besoin. Iriez-vous
jusqu'à admettre que, probablement, le pharmacien devra se rendre
visiter des patients qui ont besoin de médicaments? Par exemple, je
pense aux infirmes, aux malades chroniques pour qui il est quasi impossible de
se déplacer. Est-ce que le pharmacien pourra éventuellement, dans
son rôle de pharmacien, de distributeur de médicaments, se rendre
à domicile pour remplir l'ordonnance?
M. PAQUIN: D'abord, quand il s'agit de fournir le médicament, il
y a deux types de difficultés. Soit qu'il n'ait aucun médicament
de cette catégorie, soit qu'il n'ait pas le nom de marque prescrit. Or,
selon la loi actuelle, s'il n'a pas le nom de marque prescrit, il peut
substituer, mais c'est à lui de décider et il peut se faire taper
dessus. Je pense je ne voudrais pas qu'on m'assomme avec un point de loi
que c'est le sens de la loi actuellement. C'est seulement si le
consommateur demande, avec son ordonnance au nom générique, s'il
peut avoir le moindre prix, qu'il a un choix possible. Mais si l'ordonnance
porte un nom exact, je ne sais pas, X, et qu'on donne cela au pharmacien...
S'il n'a pas X, peut-il substituer, actuellement, selon la loi telle qu'elle
existe actuellement? Je ne crois pas qu'il en ait le droit. Ce sera une
innovation, je pense, dans la nouvelle loi. Du moins, c'est souhaitable.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Monsieur et madame, je vous remercie de la
présentation de votre mémoire. En même temps, je retiens
les suggestions qui ont été faites à cette commission
à l'effet qu'on devrait, dans certaines régions, faciliter
l'accès à l'obtention des médicaments pour les populations
où il n'y a pas de pharmacie. Par exemple, les médecins
distribueraient les médicaments. Je retiens les remarques et les
suggestions faites par la commission.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup de votre mémoire
et de votre exposé.
M. PAQUIN: Merci. Si vous avez besoin de nos services un jour,
téléphonez !
Fédération d'éducation phvsique
du Québec
M. LE PRESIDENT: Je transmettrai le message au ministre et à son
adjoint.
J'inviterais maintenant M. Jean-Louis Foisy, qui représente la
Féfération d'éducation physique du Québec, à
prendre la parole.
M. FOISY: Je vais passer la parole à M. Claude Bouchard, qui est
le porte-parole du groupe concernant ce problème particulier.
M. LE PRESIDENT: Veuillez identifier les membres qui vous accompagnent,
M. Bouchard.
M. BOUCHARD: Je suis Claude Bouchard. A ma gauche, MM. Jean Brunelle,
Arthur Sheedy, Laurent Bélanger.
Nous allons, messieurs, parler du projet de loi no 272, qui concerne la
Loi de la physiothérapie. Nous parlons au nom de la
Fédération d'éducation physique du Québec, qui est
maintenant devenue l'Association des professionnels de l'activité
physique du Québec.
Ce projet de loi no 272 a pour objet la création de la
corporation professionnelle des physiothérapeutes du Québec et
l'établissement des règles concernant l'exercice de la
physiothérapie en tenant compte des dispositions du projet de code des
professions.
La Fédération d'éducation physique tient à
exprimer son accord avec les intentions générales du projet et se
réjouit des progrès qui seront ainsi enregistrés.
Cependant, la Fédération d'éducation physique tient
à exprimer son désaccord devant l'article 7 du bill 272, tel que
rédigé au moment de la première lecture. Cet article se
lit comme suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie tout acte qui
a pour objet de redonner à une personne la maîtrise de ses
mouvements corporels en utilisant des exercices physiques,
l'hydrothérapie, l'électrothérapie ou
l'ergothérapie".
La fédération estime, en effet, que cet article est ambigu
et préjudiciable à un nombre important de professionnels de
l'éducation physique qui et je cite une définition du
travail de ces professionnels "utilisent l'activité physique (le
mouvement humain, donc) afin de donner, de maintenir ou de redonner à
l'enfant ou à l'adulte la maîtrise de leur motricité en
général, de certains mouvements corporels en particulier ou de
leur condition physique, selon les besoins".
Or, comme l'article 8, qui est l'article suivant, réserve tous
les actes décrits à l'article 7 aux physiothérapeutes,
notre Fédération d'éducation physique suggère que
l'article 7 soit reformulé en tenant compte des paragraphes qui
suivent.
Le Québec compte présentement plus de 3,000 professeurs
d'éducation physique, qui ont reçu une formation universitaire de
premier cycle, principalement au sein des six départements
d'éducation physique des universités du Québec. Nous
avons, bien sûr, un pourcentage de professionnels de l'activité
physique qui nous viennent de l'Ontario, des université d'Ottawa en
particulier, et du Nouveau-Brunswick, de Moncton, et aussi des pays
francophones d'Europe.
La formation universitaire de ces professionnels de l'activité
physique porte, dans une très large mesure, sur les effets du mouvement
et sur les différents usages que l'on peut faire de l'activité
physique à partir des connaissances de la pédagogie, de la
physiologie, de la mécanique, de la psychologie et de la sociologie.
Au-delà d'une centaine premices professionnels de
l'activité physique ont, de plus, complété des
études de deuxième cycle, conduisant à la maîtrise,
ou de troisième cycle, conduisant au doctorat dans ce domaine, et
près d'une quarantaine poursuivent des travaux de recherche au sein des
laboratoires d'éducation physique de nos universités
québécoises. Donc, cette profession possède, en son sein
même, avec ses deuxième et troisième cycles en particulier,
les capacités de se renouveler, d'évoluer ou d'innover.
Les travaux scientifiques contemporains nous enseignent que, lorsqu'on
parle de "redonner à une personne la maîtrise de ses mouvements
corporels en utilisant des exercices physiques", nous sommes alors aux prises
avec un problème de développement, d'entraînement. Ce
problème de développement ou d'entraînement se retrouve
à bien des niveaux, non seulement lorsqu'on veut redonner la
maîtrise des mouvements corporels ou la condition physique.
H est obligatoire, alors, de faire appel au modèle de ce que nous
appelons les modifications chroniques causées par l'exposition
répétée au stimulus de l'exercice physique,
indépendamment de sa formation professionnelle ou de la destination de
l'acte professionnel que l'on pose. Si on ne respecte pas ce modèle, il
est, à toutes fins pratiques, impossible d'atteindre le but; on se
leurre. Il faut respecter le modèle qui consiste à exploiter les
capacités d'adaptation de l'organisme devant un stimulus.
A l'intérieur de ce modèle opérationnel qui permet
d'encadrer l'action, tous les professionnels de l'activité physique
et ceci inclut les physiothérapeutes qui ont l'occasion
d'utiliser le mouvement doivent procéder à travers les
cinq dimensions suivantes: 1) Tout le monde doit faire un choix d'exercices;
donc, posséder les connaissances requises pour choisir les mouvements ou
les exercices qui seront en cause.
2) Tous les professionnels qui utiliseront l'exercice doivent pouvoir se
prononcer d'une façon rigoureuse sur la forme des activités
physiques, que ce soit des activités physiques intermittentes ou
régulières, continues. 3) On doit pouvoir effectuer un choix
cohérent sur l'intensité de l'effort physique. 4) On doit pouvoir
effectuer un choix cohérent sur la durée de l'effort physique qui
sera proposé. 5)On doit se prononcer aussi, en manipulant les variables
scientifiques concernées, sur la périodicité de cette
exposition au stimulus de l'activité physique.
Tout ceci doit se faire chez tous les spécialistes de
l'activité physique en tenant compte de l'intégrité
physiologique de l'organisme auquel on s'adresse ou bien du niveau de
tolérance du sujet devant le stress de l'effort physique. On ne peut
ignorer que les professionnels de l'activité physique sont les mieux
préparés pour faire usage de ce modèle au sein d'une
très grande variété d'actes professionnels.
Une étude récente de notre fédération montre
que les professeurs d'éducation physique oeuvrent présentement
dans plus de cinquante types d'emplois professionnels différents. On
retrouve des professionnels de l'activité physique dans des fonctions
très variées, à tous les niveaux scolaires et dans bien
des milieux en dehors du cadre scolaire, dans les milieux d'animation sportive,
dans les milieux de l'administration, de la gestion, de la planification, de la
recherche, etc. On trouve en effet ce spécialiste partout où la
société en a besoin, et ça nous semble être un bon
indice de la vigueur de cette profession et surtout de la valeur de la
préparation scientifique et de la préparation professionnelle
dont ce professionnel jouit.
Or, face au problème qui nous touche devant le bill 272,
plusieurs professeurs d'éducation physique dûment
qualifiés, donc ayant au moins une formation de premier cycle
universitaire après un D.E.C., un diplôme d'études
collégiales, occupant présentement des fonctions au sein
d'établissements scolaires spécialisés surtout dans
l'enfance inadaptée et les déficients moteurs ou bien au sein de
certains milieux hospitaliers dans la rééducation, ou dans le
secteur de la réhabilitation et de l'animation sportive, au sein
d'organisations sportives particulièrement en vue de la remise en
condition des athlètes, seraient injustement pénalisés par
cet article 7 du bill 272. Car, à partir du moment où on dit
qu'on réserve à une catégorie de professionnels l'usage de
l'exercice pour redonner la maîtrise des mouvements corporels, nous
venons de pénaliser tous ceux qui, de notre groupe, s'occupent de
rééducation psycho-motrice, qui s'occupent de traiter les
problèmes de latéralité dans le développement de
l'enfant, qui s'occupent de traiter, à l'aide du mouvement, les
problèmes de dyslexie, de dysgraphie, tous ceux qui s'occupent
d'éduquer les troubles du schéma corporel, tous ceux qui
s'occupent des problèmes de posture avec les différents
problèmes de mauvaise attitude qui peuvent se poser et, surtout, tous
ceux de nos membres et ils sont très nombreux qui
s'occupent de conditionnement physique de l'adulte parce que, pour un adulte
qui est sédentaire depuis un fort bout de temps, effectuer un programme
de conditionnement physique c'est redonner la condition physique, c'est
redonner la vigueur physique, la capacité physique qu'on a perdue, et
tous ceux qui s'occupent aussi, au sein d'établissements
spécialisés, du reconditionnement de celui qui a malheureusement,
par exemple, subi un accident coronarien, un infarctus du myocarde.
Tous ces membres seraient injustement pénalisés,
croyons-nous, par les prérogatives de cet article 7. En
conséquence, notre fédération recommande soit une
modification de l'article 7 de façon à éliminer cette
restriction, ou bien une libération au sein de l'article 8 de la
variable, l'utilisation des exercices physiques. Voilà, M. le
Président, quel est le sens de notre rapport.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais l'honorable député de
Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Je remercie M. Foisy d'exposer le mémoire de la
Fédération d'éducation physique du Québec. Je
prends bonne note de vos demandes quant à l'article 7 et aussi la
considération à l'article 8. Je suis très heureux de voir
que dans votre mémoire vous avez mentionné que vous occupez
présentement des fonctions au sein d'établissements scolaires
spécialisés dans l'enfance inadaptée et les
déficiences mentales. J'en suis très heureux et j'en prends bonne
note. D'ailleurs, je le mentionnerai à M. Castonguay.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Fabre.
M. HOUDE (Fabre): Je veux juste ajouter qu'il y a à peine
quelques semaines, lorsque les physiothérapeutes ont
présenté leur mémoire, j'avais, avec les membres de cette
commission, soulevé ce point particulier. A ce moment-là, je sais
que le ministre, M. Castonguay, enfin tous ceux qui étaient autour de la
table, semblaient d'accord pour noter ou remarquer que le texte
réservant l'exclusivité de l'enseignement ou, si vous voulez, des
exercices physiques chez les physiothérapeutes pouvait être ambigu
en fonction de cette profession, à laquelle j'appartiens, soit dit en
passant, et que j'aime beaucoup, de l'éducation physique.
Je ne sais pas où est rendu le comité de rédaction,
mais je pense que le ministre, le Dr Fortier vient de le dire, en a pris bonne
note. Quant à moi, je suis à peu près convaincu qu'il y
aura sûrement un amendement soit à l'article 7 ou à
l'article 8.
Maintenant en vue d'aider les membres de
cette commission, je ne sais pas si M. Bouchard ou un de ses
collègues pourrait nous donner une définition souhaitable de
l'acte professionnel du spécialiste de l'activité physique.
M. BOUCHARD: A mon sens, le spécialiste de l'activité
physique se définit par l'usage de l'activité physique. Toute sa
formation professionnelle est centrée sur les connaissances
scientifiques d'ordre physiologique, mécanique, psychologique qui sont
associées au mouvement humain. Dans son acte professionnel il utilise
l'exercice soit pour donner, soit pour maintenir, soit pour redonner l'usage de
la motricité, la vigueur physique ou la bonne condition physique.
A ce moment-là, dans toutes les circonstances où il est
nécessaire d'avoir recours au mouvement humain, à l'exploitation
du stimulus que constitue le mouvement humain, je crois qu'il est
autorisé à le faire, parce que sa formation est toute
centrée là-dessus.
M. HOUDE (Fabre): Si vous me permettez une autre question, la plupart
des professionnels qui se sont présentés devant cette commission
ont à bon droit parlé de formation professionnelle. Alors,
étant intéressé à ce secteur, très
brièvement j'aimerais que vous disiez aux membres de la commission, de
façon générale, quelle est la formation professionnelle
d'un éducateur physique. Trop souvent on pense que nous sommes des
moniteurs de terrain de jeu ou des frappeurs de ballon; alors, j'aimerais que
vous nous disiez en quelques mots quelle est la formation professionnelle d'un
éducateur physique.
M. BOUCHARD: Peut-être que M. Sheedy pourrait parler
là-dessus.
M. SHEEDY: On peut brosser assez rapidement un tableau de la formation
professionnelle d'un spécialiste en éducation physique. Le
tableau que je vais brosser tiendra compte des différences qui existent
entre les six départements d'éducation physique qui dispensent
actuellement cette formation au niveau universitaire, ce qui veut dire qu'on
fera ressortir plutôt les grandes lignes. Disons que le prérequis
pour être admis actuellement dans un département
d'éducation physique au niveau universitaire est le diplôme
d'études collégiales dans le secteur des sciences de la
santé.
Nous considérons cette concentration comme prérequis au
niveau collégial assez importante, puisque le centre
d'intérêt qui nous préoccupe le plus au niveau
universitaire est justement l'activité physique et sportive. On doit
étudier l'activité physique et sportive dans ses dimensions
importantes d'ordre biologique, physiologique, psychologique aussi bien que
sociologique. Alors il est important, dès le niveau du CEGEP, que le
candidat ait une bonne connaissance des fondements scientifiques du centre
d'intérêt qui nous préoccupe en particulier,
l'activité physique et sportive.
Au niveau universitaire, durant les trois ans du cours, la formation du
candidat est axée sur une préparation plus poussée dans
les fondements qui n'ont été que perçus au niveau du
CEGEP. C'est-à-dire que les cours sont de plus en plus concentrés
sur une meilleure compréhension des connaissances de base du mouvement
humain, en vue des possibilités d'application et d'adaptation
dépendant des différents milieux où le professionnel
agira. Que ce soit en milieu scolaire, institutionnel, hospitalier ou
autres.
Alors il y a une double formation que nous appelons aussi bien scolaire
que professionnelle : formation scolaire sur les fondements mêmes qui
sous-tendent l'activité physique et sportive, formation professionnelle
en ce qui concerne le milieu d'application qui préoccupera plus tard le
professionnel lui-même.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): S'il n'y avait pas d'amendement
d'apporté à l'article 7 ou à l'article 8, quelles seraient
les conséquences en assumant que ce n'est pas ambigu et que vous
êtes exclu de ce champ? Cela voudrait dire quoi pour votre profession, la
disparition? Presque.
M. HOUDE (Fabre): Si on prend la loi à la lettre, du moins la
façon dont moi je l'ai comprise, on réserve exclusivement la
pratique des exercices physiques aux physiothérapeutes. Cela voudrait
dire que tous les professeurs d'éducation physique seront bannis, les
"coach", les entraîneurs, les instructeurs.
C'est pour ça que, comme on en a parlé la dernière
fois, j'ai vraiment l'impression que c'est assez facile d'apporter un
amendement. Sans ça, à quoi rime d'avoir toutes ces écoles
au niveau universitaire et cette préparation?
M. BRUNELLE: Sur ce plan-là également, je pense qu'il est
assez difficile de dire quand ça finit, "donner, maintenir et redonner",
sur le plan particulièrement de l'éducation physique scolaire. Je
pense que de plus en plus nous avons des enfants normaux dans les
écoles, mais que certains ont des besoins particuliers. Il ne s'agit pas
simplement de donner un traitement quelconque, de favoriser un retour à
la santé; il s'agit également d'éduquer ces enfants. Je
pense qu'à ce moment-là il faut une formation pédagogique
en même temps qu'une formation sur le plan biologique, tel qu'on l'a
décrit précédemment. Si vous me permettez une
parenthèse, je ne pense pas que les physiothérapeutes aient voulu
diminuer notre action. J'ai l'impression que je ne sais pas si je peux
dire ça, mais, en tout cas, j'en profite, l'occasion est belle ce
n'est pas simplement le fait de vouloir
s'éloigner du médecin qui compte pour cette profession. En
s'éloignant du médecin, ils se sont peut-être
rapprochés davantage du spécialiste de l'activité
physique. C'est pour cela qu'on réagit de ce côté. Je pense
également que le terme "redonner la maîtrise corporelle", pour
nous, n'a pas tout à fait la même signification que pour les
physiothérapeutes. On donne au terme maîtrise corporelle beaucoup
plus de signification que le sens de simplement redonner à quelqu'un une
certaine mobilité. C'est peut-être dans ce sens aussi que
ça nous permet de préciser notre action.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, il s'agit que les
physiothérapeutes retrouvent le juste milieu entre le médecin et
l'éducateur physique.
J'ai retenu, moi aussi, les observations que le ministre des Affaires
sociales et le député de Fabre avaient faite quand les
physiothérapeutes sont venus ici. Je pense bien que le ministre des
Affaires sociales en rédigeant cela, n'a visé le
député de Fabre d'aucune façon; il va s'empêcher de
rétablir, lui aussi, l'équilibre.
M. HOUDE (Fabre): C'est de valeur.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis content que le député de
Fabre le dise; ça m'évite de le dire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, est-ce que vos membres font un travail
quelconque dans ce qu'on appelle un studio de conditionnement physique? Il y a
différents noms; on en voit, dans les pages jaunes, un paquet, enfin, je
n'ai pas les noms à l'esprit. Est-ce que vos membres donnent des cours
dans des studios comme ça?
M. BRUNELLE: A ce que je sache et c'est un domaine qui
m'intéresse depuis plusieurs années la plupart de ces
studios je pense particulièrement aux chafnes de studios
ont leur propre organisation, leurs propres moniteurs, leurs propres cours.
Souvent, le personnel est recruté parmi les gens qui se sont inscrits
dans des studios; ce sont eux qui deviennent moniteurs. Cela fait partie,
d'ailleurs, de la structure de ces organismes-là et je dirais même
aussi de la rentabilité de ce genre d'organisation. D'autre part, il ne
répugne pas ce serait souhaitable que certains membres de
l'Association des professionnels de l'activité physique, à
l'occasion, puissent être consultants, entre autres choses, avec d'autres
spécialistes, sur la façon d'élaborer les programmes.
J'oserais dire qu'il faudrait aller jusqu'à individualiser les
programmes. Je pense qu'à ce moment-là ça relève
beaucoup plus du spécialiste que simplement de quelqu'un qui a appris
une vingtaine d'exercices et qui a pour fonction de les montrer à des
gens qui ne les savent pas. C'est souvent la seule différence qui existe
entre celui qui applique l'exercice et celui qui le fait.
M. GUAY: J'aurais une autre question. Dans ce conditionnement physique,
est-ce possible d'établir un champ de pratique différent, sans
chevauchement, avec les physiothérapeutes? Dans cette médecine
que j'appelle naturelle, parce que ce n'est pas à base de
médicaments, est-ce possible d'établir je pense aux
physiothérapeutes, je pense à vous autres un champ de
pratique bien différent sans chevauchements, puis d'inclure cela dans
une loi sans que tout le monde, à un moment donné ou quasi tout
le monde se retrouve hors la loi?
M. BRUNELLE: Nous sommes devant un problème dont les limites
inférieures et supérieures sont très vastes. La surface de
chevauchement avec les gens de la physiothérapie est très
étroite, à comparer avec tous les champs d'action que couvre le
professionnel de l'activité physique.
Vous savez, nos gens sont impliqués dans l'enseignement de
l'éducation physique à l'élémentaire. Ils sont
impliqués dans l'enseignement de l'éducation physique au
secondaire, au collégial, à la formation des maîtres
à l'université, dans les établissements pour l'enfance
inadaptée, dans le conditionnement physique de l'adulte, dans
l'animation régionale du loisir, du sport, dans la direction des
athlètes au niveau provincial, dans l'administration des gros complexes
sportifs, etc., à la recherche. On a des membres dans tous les secteurs
de la société au Québec.
Notre surface de chevauchement avec la physiothérapie est
très limitée. Je crois que les mots clés sont "redonner la
maîtrise des mouvements corporels à l'aide de l'exercice
physique." Remarquez que dans l'article 7, on dit "à l'aide de
l'exercice physique mais aussi à l'aide de l'hydrothérapie, de
l'électrothérapie et de l'ergothérapie." Dans
l'ergothérapie, il y a un peu d'exercice physique. C'est un usage de
l'activité physique centrée vers un objectif qui est sans doute
permis par les physiothérapeutes, parce qu'ils ont besoin de cela dans
leur acte professionnel: employer l'exercice pour redonner cette
maîtrise. Mais à partir du moment où on leur en
réserve l'exclusivité, on vient de couper peut-être 15 p.c,
20 p.c. du champ d'action du spécialiste de l'activité physique.
Il y a certainement actuellement au Québec de 150 à 200 personnes
qui oeuvrent dans les établissements pour l'enfance inadaptée en
se servant de l'exercice pour redonner la motricité, éduquer les
enfants, résoudre les problèmes de latéralité, de
dyslexie, de dysgra-phie et autres. De plus, peut-être un millier de nos
membres assurent des programmes de conditionnement physique où il y a
aussi du "redonné".
M. GUAY: Maintenant, en milieu éducatif
je pense aux écoles, par exemple des personnes, des
professeurs enseignent l'éducation physique c'est comme cela
qu'ils se nomment: professeurs d'éducation physique qui n'ont pas
reçu une formation universitaire. Est-ce que cela voudrait dire, par
exemple, qu'après cette loi, il faudrait que le ministère de
l'Education modifie ses cours, ou s'il pourra continuer d'offrir cette
éducation physique de base?
M. BELANGER: Cela touche un problème particulier qui est celui de
l'accréditation, de la reconnaissance du personnel qualifié en
milieu scolaire par le bureau de certification et de probation des enseignants.
Si, actuellement, il y a des gens, dans le milieu scolaire, qui travaillent
sans avoir la formation académique et professionnelle requise aux termes
du règlement no 4, etc, c'est un problème qui nous dépasse
en tant que groupe. Il est bien sûr qu'on recherche ou qu'on
désire que le gouvernement puisse appliquer intégralement
certaines mesures. Mais il y a des considérations
socio-professionnelles, socio-culturelles aussi qui entrent en ligne de compte
et on doit les respecter actuellement pour ne pas léser des droits
personnels.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Bourget.
M. LAURIN: Hier, lors de la présentation d'un mémoire
conjoint de l'Association des psychologues, des travailleurs sociaux et des
orienteurs scolaires, la commission a appris qu'un même acte peut
être posé par des professionnels de discipline différente
bien que dans une optique qui leur soit propre. Par exemple, le "councelling
conjugal" peut être fait par un psychologue ou un travailleur social mais
dans une optique différente. On a donné plusieurs autres exemples
également. J'imagine que c'est à peu près la même
chose en ce qui vous concerne, les physiothérapeutes et les
éducateurs physiques. Vous posez le même acte, bien que ce soit
dans une optique un peu différente, même si, dans la pratique, on
peut avoir l'air de chevaucher le même territoire.
Est-ce que vous avez consulté les physiothérapeutes pour
présenter une recommandation conjointe à la commission, d'une
part? Deuxièmement, avez-vous l'impression que ce serait en somme
toucher à des droits acquis que d'accepter une définition trop
restrictive? Troisièmement, pourriez-vous, dans votre recommandation,
tenir compte justement de ce fait qu'un champ général
d'exclusivité puisse être découpé ou réparti
dans plusieurs professions plutôt que dans une?
M. FOISY: Je crois que vous touchez au coeur du problème.
Effectivement, pour les deux professions, il est indispensable de faire usage
du mouvement, mais avec des destinations professionnelles différentes.
Je crois qu'il serait sage que l'article 7 contienne toujours une place pour
l'usage de l'exercice physique lorsqu'il est question de redonner une certaine
maîtrise, une certaine mobilité de mouvement à un
patient.
Mais, il faudrait éviter que le professionnel de
l'activité clinique ne puisse pas utiliser l'exercice physique pour
redonner les qualités physiques à l'individu qui en a
été privé, que ce soit en milieu scolaire ou dans le
milieu de l'enfance exceptionnelle, par exemple. Alors, la recommandation
conjointe des deux professions pourrait, effectivement, tenir compte de cette
nuance.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: Le député de Dorchester a posé ma
première question concernant le chevauchement. Mais, en même
temps, il m'en a suscité une autre lorsqu'il a parlé de
professeurs non qualifiés dans les écoles. Mon impression, c'est
qu'il n'y en a pas tellement puisque ces gens ne seraient pas reconnus, pour
autant que je sache, par le ministère de l'Education pour fins de
subventions. Anciennement, il y en avait plusieurs, mais je n'ai pas
l'impression que la proportion soit très élevée. Est-ce
que vous auriez des chiffres à cet effet?
M. FOISY: II y a une enquête qui vient d'être
terminée à notre université, à la demande de la
Direction générale de l'enseignement supérieur, concernant
les caractéristiques du personnel enseignant au Québec. Le
rapport n'est pas encore déposé mais j'ai eu l'occasion de le
voir. Par exemple, on sait qu'au niveau secondaire, il y a 1,600 professeurs
d'éducation physique dont 19 p.c. ont été formés
à l'extérieur du Québec. La moyenne de scolarité
est de quinze ans alors que, normalement, il faut seize ans de scolarité
pour un premier cycle universitaire, une accréditation et un permis
d'enseigner, dans la formule moderne. Evidemment, parmi ces gens qui ont moins
de scolarité que le minimum actuel le demande, il y a beaucoup de
personnes qui ont été formées selon les régimes
particuliers du brevet B et du brevet A avec des équivalences et,
éventuellement, un permis d'enseigner. Mais la situation progresse
très rapidement. Bien que parmi les quelque 20 disciplines qui figurent
dans les programmes au secondaire nous soyons une des disciplines qui a le
niveau de qualification le plus bas alors qu'il y a, je crois, seulement
55 p.c. de nos gens qui ont terminé le premier cycle universitaire
nous sommes la profession dont le taux de progrès, le taux de
rapprochement vers l'idéal est le plus grand présentement.
M. PEARSON: Est-ce que, d'après vous, il y
a beaucoup de jeunes là-dedans? Je sais qu'avant qu'il y ait une
faculté d'éducation physique à l'Université de
Montréal les gens étaient obligés d'aller à
l'Université d'Ottawa pour se faire former. Mais est-ce qu'il y a
beaucoup de jeunes parmi ce pourcentage de gens qui viennent de
l'extérieur?
M. FOISY: Ah oui! M. PEARSON: Oui.
M. FOISY: On dit que, sur les 1,600, il y en a 19 p.c. qui ont
été formés à l'extérieur du Québec;
cela inclut ceux qui viennent d'Ottawa, de Moncton, des autres
universités du Canada et des Etats-Unis et surtout ceux qui viennent de.
la France, de la Belgique, de la Suisse. Maintenant, présentement au
Québec, environ 300 professionnels de l'activité physique sont
diplômés chaque année, ce qui fait qu'on se rapproche
très vite de la norme souhaitée par le règlement no 4, par
exemple.
M. PEARSON: Ah bon! Est-ce que ça veut dire, pour mon
information, que votre organisme ne peut rien faire là-dedans? Si
quelqu'un arrive de l'extérieur avec une qualification quelconque, la
commission scolaire qui l'engage peut dire qu'il est qualifié, et vous
n'avez rien à dire.
M. FOISY: Non, le Bureau de certification...
M. PEARSON: Vous ne pouvez pas dire: Ce bonhomme est qualifié
selon nos normes.
M. FOISY: ... des maîtres fait une enquête sur les
équivalences et peut consulter soit les milieux universitaires
concernés, soit notre fédération pour voir si on
reconnaît telle formation prise, par exemple, en Suisse comme
étant équivalente à la nôtre. Mais c'est surtout
à cause de la jurisprudence du passé qu'il nous est impossible de
corriger rapidement cette situation. Il y en a plusieurs qui ont acquis une
ancienneté et des permis temporaires d'enseignement.
M. PEARSON: Mais vous souhaiteriez, éventuellement, avoir un
contrôle sur l'ensemble des professeurs d'éducation physique pour
la qualification.
M. FOISY: Oui. Maintenant, il y a un problème particulier qui
s'est dégagé suite à la création de l'option de
technicien en sport et loisir au niveau collégial. On a formé,
après treize ans de scolarité, des techniciens en sport et loisir
qui, à cause de bien des difficultés de parcours, ont finalement
eu la permission d'entrer dans le milieu scolaire. Cela, évidemment,
réduit considérablement les exigences que l'on peut avoir. Si on
permet à des techniciens qui ont treize ans de scolarité d'entrer
dans l'école et, éventuellement, d'enseigner on fout en l'air
toutes les bases de la réforme au plan de la qualification des
maîtres, particulièrement dans ce domaine.
Maintenant, je pense qu'il y a des correctifs qui sont en voie de
s'appliquer. Si des mesures concrètes pouvaient être prises dans
ce sens, je crois que cela contribuerait à élever le niveau de
qualification des enseignants à 100 p.c. comme nous le souhaitons
tous.
M. GUAY: L'activité physique, cela comprend
énormément de choses. Quand on parle d'activité physique,
je pense, par exemple, aux gens qui ont pris l'habitude de faire de la marche
chaque matin, aux gens qui vont faire de la raquette, en fait tous les sports.
L'activité physique, c'est un champ qui est très très
vaste. Quand vous dites "afin de donner", je suis d'accord. "Maintenir",
évidemment, tout le monde essaie de se maintenir en bonne condition
physique. "Redonner", d'accord, à l'enfant ou à l'adulte. Quand
on parle de l'adulte, on dit "la maîtrise de leur motricité en
général." J'aimerais faire préciser: Est-ce que les
exercices prénataux devraient être donnés par des
éducateurs physiques? C'est peut-être le cas, actuellement. Ce
genre d'activité est-il également compris dans l'activité
physique? L'activité physique, encore une fois, c'est grand.
M. BOUCHARD: J'ai l'impression, justement, que le mouvement, en soi, est
neutre. Tout dépend de la posologie et de la compétence de la
personne qui l'applique. Pour les personnes qui s'occupent, justement, du
secteur que vous venez de mentionner, j'ai l'impression qu'avec une formation
spécialisée, c'est un champ d'application bien précis, et
l'activité physique, l'exercice peut être utilisé à
différentes fins. Comme nous le disions tout à l'heure, nous ne
voulons pas fermer des champ d'actions à d'autres professions. Si ces
personnes ont la compétence pour le faire, si elles manipulent bien les
coordonnées du mouvement et de l'activité physique, le concept
d'activité physique est fort large, dans ce sens.
M. GUAY: Si on s'en tient à ce que vous mentionnez...
M. BOUCHARD: On ne veut pas empêcher les gens de marcher le matin
sans avoir un spécialiste de l'activité physique à
côté d'eux.
M. GUAY: Vous avez parfaitement raison. Dans l'interprétation
juridique de ce qu'il y aura dans la loi, cela pourra aller jusque
là.
M. FOISY: Vous avez parfaitement raison. Si vous regardez le
modèle, il est le même pour celui qui veut faire faire des
exercices prénataux pour préparer quelqu'un à
l'accouchement. Son but est d'élever le niveau d'adaptation de la femme
afin qu'elle soit capable de faire face au
stress imposé par l'accouchement, par l'enfantement. On agit
à partir des mêmes coordonnées scientifiques que lorsqu'on
veut prendre des muscles, chez un lanceur de poids, et l'entraîner en vue
d'une performance supérieure. On doit tenir compte du même
modèle scientifique: nature, forme, intensité, fréquence,
durée, périodicité de l'exposition au stress. C'est
exactement le même modèle. Alors si notre personne est
compétente de l'activité physique, elle est en mesure de faire
les distinctions qui s'imposent et de choisir des mouvements qui tiennent
compte du niveau de tolérance du sujet et de sa condition
particulière.
M. GUAY: Si j'ai posé cette question, c'est que je voulais
éviter, un exemple, d'aller aussi loin que dire que la mère de
famille conseillant, par exemple, à sa petite fille ou à son
petit garçon de faire tel exercice, serait hors la loi. Elle n'aurait
pas le droit de le faire. Disons que c'est pour apporter des nuances, pour que
le législateur soit sûr de ne pas brimer...
M. FOISY: D'accord. A partir du moment où vous voulez donner,
maintenir ou redonner, vous vous inspirez aux mêmes sources
scientifiques.
M. GUAY: D'accord.
M. LAURIN: Ce serait désastreux si on empêchait les
"barmen" d'exercer une activité thérapeutique !
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Je vous remercie. Il y a une question qui
m'intéresse. Je peux vous la poser. Est-ce que vous prévoyez
qu'avec vos activités dans les CEGEP et ainsi de suite, vous pourrez
préparer des athlètes en vue de la participation aux jeux
olympiques de 1976?
M. FOISY: C'est une question d'autant plus excellente, si vous me
permettez l'expression, que j'ai présidé le comité qui a
étudié le problème de la participation du Québec
aux jeux de 1976, le comité Québec-76, qui avait d'ailleurs
été formé par le député de Fabre, qui est
ici.
Je crois que nous trouvons effectivement dans le niveau supérieur
de nos établissements scolaires un terrain extrêmement fertile
à la découverte des espoirs et à l'exploitation des
ressources humaines et matérielles qui sont là. Nous avons des
bons investissements au Québec, actuellement, pour préparer une
élite pour 1976.
Les points de vue sont partagés quant à la capacité
du Québec d'arriver à une représentation adéquate
à temps, pour 1976, parce qu'il faut du temps, il faut huiler la
machine, trouver ces espoirs et il faut que les moyens soient disponibles
très rapidement pour que nous progressions. Mais la machine semble en
marche actuellement et la mission Québec-1976, qui a comme objectif
d'assurer cette représentation, a déjà pris action pour
déclencher des mesures d'urgence.
M. GUAY: Je veux vous poser une question quand même: Etes-vous
satisfait du résultat obtenu par les nôtres aux Jeux
olympiques?
M. FOISY: Parlez-vous des jeux de Munich? M. GUAY: Oui.
M. FOISY: A Munich, les organisateurs ne sont sans doute pas très
satisfaits à cause des événements qui se sont produits,
mais le Québec, à Munich, n'a pas progressé par rapport
aux jeux antérieurs de Tokyo ou de Mexico. On se maintient toujours
à une participation d'environ 10 p.c. de la délégation du
Canada, et le Québec francophone perd du terrain.
M. HOUDE (Fabre): Ce qui veut dire, en termes plus simples, qu'à
Munich il y avait 25 Québécois sur à peu près 200
athlètes du Canada et que, sur les 25, il y en avait à peine 11
de langue française, ce qui représente à peu près 4
p.c. à 5 p.c. du contingent de l'équipe canadienne. Si on tient
compte que le Québec représente à peu près le tiers
de la population totale, l'objectif que nous nous proposons avec le
comité 1976, c'est d'essayer d'avoir au moins le tiers des participants
qui soient du Québec.
M. GUAY: A vous, messieurs, de relever le défi.
M. FOISY: Mais ça va dans les deux sens. Pendant qu'on se pose un
défi de cette envergure, d'avoir une participation d'à peu
près un tiers de l'équipe du Canada, les autres provinces
s'imposent aussi des défis de même nature et prennent des mesures
spéciales. Nous, il faut prendre des mesures spéciales pour
rattraper le retard que nous avions déjà accumulé
auparavant et des mesures d'urgence pour progresser à un rythme plus
rapide qu'eux à l'intérieur des quatre ans qui nous restent.
M. GUAY: Est-ce que l'Etat fait suffisamment sa part pour donner leur
chance aux éducateurs physiques de ...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. GUAY: Excusez, je suis hors d'ordre; je n'avais pas le droit de poser
la question.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions pour la présentation de
votre mémoire et nous retenons le voeu exprimé par le
député de Gaspé-Sud, avec lequel vous semblez être
d'accord pour les préparatifs de 1976. Nous vous
remercions pour vos réponses aux membres de la commission.
M. FOISY: Merci.
M. LE PRESIDENT : J'aimerais souligner aux membres de la commission que
les mémoires 125 et 113 ne seront pas lus ce matin; les porte-parole
sont absents.
Dr Paul-Emile Chèvrefils
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le Dr Paul-Emile
Chèvrefils à nous exposer le mémoire no 74. J'aimerais lui
souligner que la commission normalement, suspend ses travaux à midi
trente. S'il veut commencer, nous continuerons après le lunch.
M. CHEVREFILS: MM. les membres de la commission, il me fait plaisir
d'être ici aujourd'hui pour donner un peu d'à-côtés
sur le mémoire que je vous ai déjà envoyé.
Je voudrais essayer de mettre à votre disposition
l'expérience d'un médecin qui utilise depuis 25 ans la
chiropratique parmi sa clientèle. J'ai lu le journal des Débats
et il semble y avoir plusieurs questions auxquelles vous cherchez des
réponses. Si je peux vous aider, je viens ici pour ça.
Je voudrais ajouter tout de même, en remarque au schéma que
je vous ai fait parvenir, que j'aimerais que, dans la loi que vous projetez
d'adopter sur la chiropratique soient bien définies les
différences de pensées entre la médecine et la
chiropratique. La médecine est un système dont vous trouverez le
plan dans le livre que je vous ai déjà envoyé lors de sa
parution, aux pages 66 et 67, et qui est axé sur un nom. En
médecine, il faut nommer les effets qu'on voit.
Or, nommer dépend beaucoup de l'expérience et des
connaissances de celui qui nomme une condition. Cela ne veut pas dire que c'est
toujours exact. Voilà pourquoi on parle de noms différents, de
diagnostic différentiel, parce qu'un nom, en fait, c'est un
diagnostic.
Je voudrais bien que la commission sache qu'en chiropratique il n'y a
pas de nom, il n'y a pas de diagnostic. Le chiropraticien, lorsqu'un patient le
visite, cherche à demander au malade: Où avez-vous mal? Qu'est-ce
qui ne fonctionne pas bien chez vous? A ce point de vue, la chiropratique est
axée sur la correction d'un trouble physique qui a des
répercussions organiques et psychiques. La distribution de la vie
à l'intérieur du corps se manifeste par l'extérieur, la
vie coule de l'intérieur vers l'extérieur et lorsqu'il y a un
trouble fonctionnel, c'est toujours qu'il y a une compression, un arrêt
sur la distribution de l'influx nerveux ou le courant de vie à
l'intérieur du corps qui se manifeste à différents
endroits, à différents organes.
Il est inutile, au point de vue chiropratique, d'analyser chaque partie.
C'est pour ça que les résultats des laboratoires ne cadrent pas
avec la chiropratique, bien que vous ayez eu plusieurs exposés de
chiropraticiens qui veulent utiliser les laboratoires.
Alors dans la distribution de l'influx nerveux, la subluxation, qui est
justement la compression des fils par la structure, amène des troubles
organiques et fonctionnels. C'est pour ça que ce que les médecins
appellent des symptômes, les chiropraticiens appellent ça des
malaises.
Alors, pour rechercher la condition de structure, le chiropraticien
emploie différents appareils et l'importance des rayons X est
plutôt relative. La propagande médicale indique les radiations
comme quelque chose de très dangereux. Cette propagande est fausse,
parce que le médecin, quand il est vis-à-vis d'un malade, ne sait
pas à quoi il a affaire et comment il va le traiter. Alors il a peur du
malade puis il fait peur au malade.
Tandis qu'en chiropratique c'est tout à fait l'inverse. Lorsqu'un
malade vient on sait qu'on peut faire quelque chose. La chiropratique c'est
limité par le praticien. La chiropratique en elle-même est une
science et elle a une philosophie. C'est une philosophie de choses naturelles.
La médecine n'a pas encore atteint le stade de science. Elle est encore
à l'étude des cas particuliers. Je l'ai écrit en 1963
quand j'ai mis la vérité sur la chiropratique sur le
marché. Je le redis encore aujourd'hui. C'est encore exact.
La base qui serait requise pour l'étude, c'est sûr que plus
quelqu'un a des études supérieures mieux il peut rendre service
à la société. Mais pour replacer des articulations les
études ne sont pas aussi nécessaires. On cherche à
l'établir. Il y a eu des écoles, aux Etats-Unis, qui formaient un
chiropraticien dans six mois.
Même en un an et demi on peut former un chiropraticien qui va
être utile à tous les malades. Lorsque vous arrivez devant
plusieurs commutateurs et qu'on vous indique que tel commutateur allume telle
lumière, un enfant de trois ans qui n'a aucune connaissance en
électricité, du moment qu'il lève le commutateur il va
voir la lumière s'allumer s'il y a du courant.
Dans notre éthique, je montre aux femmes spécialement
parce qu'elles sont toujours avec les enfants en bas âge à
la maison et afin qu'elles puissent rendre service à des adultes
comment faire, comment agir dans tous les troubles ordinaires qui surviennent.
A ce moment-là ça fera autant de hors-la-loi si vous mettez une
loi trop rigide. Il faut que vous laissiez les portes ouvertes à ce
genre d'activité. J'ai l'intention de continuer à enseigner aux
gens comment faire pour se tirer d'affaire, pour éviter de prendre des
médicaments qui intoxiquent. Quand un médecin donne un
médicament, il ne sait pas comment il va se briser dans l'organisme. Il
y a des effets inconnus de chaque médicament, et quand un patient prend
plusieurs médicaments, il a des effets du médicament qu'il a pris
avant, parce qu'il y a un effet entre les substances qui composent chaque
médicament.
Maintenant, j'aimerais que vous laissiez une
porte ouverte pour les gens qui cherchent à rendre ce service,
mais qui ont aussi un esprit de recherche et qui veulent se servir dans leur
pratique de plusieurs disciplines. Moi, je ne suis pas satisfait du
Collège des médecins et chirurgiens, mais je suis obligé
d'en faire partie par la loi. Ce sera peut-être la même chose pour
la pratique de la chiropratique, je serai peut-être forcé d'en
faire partie et je ne voudrais pas en faire partie. C'est pour ça que je
me suis désisté du Medicare, parce que j'ai compris que Medicare
actuellement fait vivre une quantité de médecins
incompétents. C'est pour cela que ça coûte si cher
actuellement.
Si la chiropratique entre dans un "médicare", il y a beaucoup de
chiropraticiens incompétents qui vont profiter des cartes.
Maintenant, quant à l'utilisation du mot docteur, ma foi, je
crois qu'actuellement tous les médecins, pour être docteurs,
doivent présenter une thèse. Aucun des médecins n'a
passé de thèse pour avoir un doctorat. Il serait peut-être
préférable de désigner ceux qui suivent des cours
particuliers et qui deviennent professeurs sous un autre vocable, mais de
réserver le mot docteur à ceux qui produisent des thèses
pour le doctorat. Je crois que c'est l'usage des disciplines. L'étude de
la chiropratique. En établissant une loi, je crois qu'il serait bon
d'avoir une école pour permettre un gros débouché aux
étudiants qui finissent le CEGEP et qui ne savent où se diriger.
Je crois qu'ils rendraient un service énorme à la
société. Si la chiropratique était connue comme la
médecine l'est et avait l'avantage de se servir des fonds que le
gouvernement met à la disposition de la médecine officielle, je
crois que les gens seraient beaucoup plus en santé. Quand une personne
est en santé, elle est heureuse. Quand elle est heureuse, elle ne
cherche pas à contester ou, enfin, à devenir irritable
vis-à-vis de toutes les lois que le gouvernement peut adopter.
Je voudrais laisser les députés m'interroger au sujet de
la chiropratique. Je vais essayer de leur répondre du mieux que je peux
et mettre à leur disposition mes connaissances et mon expérience.
Merci.
M. LE PRESIDENT: II est 12 h 30. Nous allons suspendre pour le lunch.
J'inviterais les membres de la commission à préparer leurs
questions et à les poser à la reprise de la séance. Nous
suspendons la séance jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
Reprise de la séance à 14 h 39
M. CROISETIERE (président de la commission spéciale sur
les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
J'inviterais M. Chèvrefils à venir au micro.
Le député de Gaspé-Sud a des commentaires à
faire ou des questions à poser.
M. FORTIER: M. le Président, j'ai étudié le
mémoire présenté par le Dr Chèvrefils. Je ne
partage peut-être pas le même optimisme que lui à l'article
4 de votre mémoire, vous dites que vous pouvez aider le malade à
retrouver la santé d'une façon certaine. Il me semble que c'est
pas mal absolu. Surtout sur l'article 19, je voudrais que vous me donniez
quelques renseignements. Vous dites: La chiropratique aide à
récupérer l'enfance arriérée,
l'arriéré mental, etc. Je ne vois pas comment la chiropratique
peut récupérer l'arriéré mental. Est-ce que vous
pourriez me donner quelques renseignements à ce sujet?
M. CHEVREFILS: Oui. Auparavant, si vous vouliez, je voudrais juste
prendre une minute pour vous indiquer ce que j'ai oublié de dire, ce
matin, vue le peu de temps que vous m'aviez alloué.
J'aimerais que dans le projet de loi le gouvernement inclue la clause
"grand-père" qui consacre les droits acquis. Cette clause
"grand-père" a été appliquée. J'utilise ici un
texte du Dr Herbert Shelton qui est médecin aux Etats-Unis: "La clause
"grand-père" est un stratagème légal et fort ancien et
honorable. Les médecins l'utilisèrent lorsque furent
adoptées les lois réglementant leur profession et il en fut ainsi
même pour les avocats.
Tous les commerçants et professionnels, plombiers, coiffeurs,
esthéticiens, infirmiers et le reste l'utilisèrent chaque fois
qu'ils cherchèrent à faire adopter une loi leur donnant un
monopole. Il semble donc qu'on la considère comme très
honnête lorsque ces divers commerçants et professionnels
l'utilisent, mais qu'on la tienne pour criminelle lorsqu'il s'agit des
chiropraticiens.
Le fondement d'une telle clause est qu'il est reconnu légalement
que chaque individu possède un droit de propriété sur son
commerce ou sa profession et qu'il serait injuste qu'une loi le lui retire.
J'aimerais que, si un médecin siège au conseil de
corporation des chiropraticiens, il soit diplômé en chiropratique.
Autrement, il y a un trop gros parti pris. J'aimerais aussi qu'on ajoute une
clause exigeant que, si un médecin se sert de la chiropratique dans sa
pratique, il ait étudié la chiropratique dans une école
reconnue.
Lorsque j'ai parlé de l'incompétence des
chi-ropracticiens, je voulais parler d'un chiroprac-ticien qui utilise les
moyens médicaux. C'est ce que j'appelle de l'incompétence
chiropratique, parce que la chiropratique n'utilise aucun des moyens
médicaux. La vitaminothérapie appar-
tient à la médecine. Quant aux vaccins, je crois que vous
avez déjà eu ma position là-dessus. Je suis content, tout
de même, que le gouvernement ait enlevé la vaccination
obligatoire, qui était une atteinte directe à la liberté
privée. Seulement, il y a encore des gardes-malades, dans certaines
écoles actuellement, à Rosemont, qui forcent les mères de
famille à faire vacciner leurs enfants malgré elles. Je crois
qu'il y a un chantage qui s'installe, actuellement, qui est mauvais.
Quant à la bactériologie, elle n'a pas fait de
progrès depuis au moins 75 ans. Elle est restée telle quelle. Je
pourrais élaborer là-dessus si cela vous intéresse.
Pour éviter que les corporations ne deviennent trop puissantes,
j'aimerais qu'on reporte la cotisation annuelle de tous les membres à
pas plus de $10 par année. De cette façon, personne ne
chercherait à prendre la tête d'une corporation ou d'un mouvement
pour faire du lobbying ou pour faire, enfin, passer des idées.
Voilà ce que je voulais ajouter.
Pour revenir à l'article 4 je crois que c'est dans les
préliminaires il est urgent de renseigner le législateur
sur la valeur de chaque discipline médicale et chiropratique, qui aide
le malade à retrouver sa santé d'une façon certaine.
C'est justement ce dont je parlais ce matin à propos des
différences essentielles qui existent entre la chiropratique et la
médecine. Les médecins qui viennent vous parler de chiropratique
ne la connaissent pas. Beaucoup de chiro-praticiens viennent ici vous parler de
chiropratique et ils emploient des moyens médicaux qui leur font
abandonner les principes de la chiropratique. Voilà pourquoi ils sont
moins efficaces dans leur travail.
Quand le malade vient nous voir, il a des douleurs à des endroits
bien précis. Ce qu'il cherche, c'est tâcher d'être bien, peu
importe les méthodes que nous employons. La santé est la
distribution de la vie complète entre le cerveau et toutes les parties.
Et le cerveau est le centre de tout le système nerveux. Il reçoit
des informations de tous les organes du corps dans des centres qui
correspondent à tous ces endroits et du cerveau partent des impulsions
en rapport avec les informations qu'il reçoit.
La santé est une distribution de l'énergie nerveuse,
vitale, du cerveau à l'intérieur par les fils jusqu'aux organes
et des organes vers le cerveau. On peut intercepter la distribution de la vie
à l'intérieur de l'organisme par ce qu'on appelle une
subluxation, qu'elle soit osseuse ou organique organique,
c'est-à-dire des organes ou des parties molles cela peut amener
des compressions sur les fils.il y a un arrêt de distribution, une
modification de distribution à partir de la compression, et ce qui est
au bout du fil fonctionne avec la quantité d'énergie qui
passe.
M. LAVOIE (Wolfe): Pouvez-vous nous prouver ça, docteur?
J'entends des réflexions d'autres médecins, et ils n'ont pas
l'air de croire ce que vous dites là.
M. CHEVREFILS: Les médecins ne connaissent pas la chiropratique.
Je vous parle de quelque chose que j'ai mis à profit et
expérimenté depuis au moins 25 ans. Ce que je dis a
été dit de la même façon je n'invente rien
par B.J. Palmer. Il a inventé un appareil qui s'appelle
l'electroencephalomentempograph. Celui-ci est thermo-électrique et est
relié à un appareil complètement en dehors.
Il est "groundé" si vous voulez, et il est complètement
indépendant de toutes les erreurs possibles extérieures. Avec cet
appareil, il a pu mettre en évidence et mesurer ce qu'il appelle les
forces par unité qui sont distribuées à travers
l'organisme.
Quand vous touchez à un fil, s'il est mort, s'il n'y a pas de
courant, vous ne le savez pas juste à le regarder, mais quand vous le
touchez, vous savez s'il a du jus ou s'il n'en a pas. C'est un peu la
même chose pour le système nerveux; lorsqu'il coule, vous ne
pouvez pas le voir mais vous pouvez voir les manifestations de cette
distribution nerveuse à travers les fils. Et ça, il l'a mis en
évidence par cet appareil. Et les données sont à
l'école Palmer.
Toute modification amène un arrêt de distribution; cet
arrêt peut être total, c'est une paralysie au bout; il n'y a rien
qui fonctionne. Cela peut être un arrêt qui peut être
mitigé, qui correspond aux différents fonctionnements de
l'organe. Si seulement 10 p.c. sont interceptés, il va fonctionner
à au moins 90 p.c. Il établit une échelle de cette
façon.
C'est absolument indépendant de tout facteur d'erreur et ces
données peuvent être obtenues à l'école Palmer.
Entre parenthèses, le juge Lacroix n'a jamais été à
Palmer; il est allé à Davenport mais il a refusé d'aller
à l'école et ça, je le lui ai fait dire devant un avocat,
par le fils de Palmer, Dave.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption aurait une
question à vous poser.
M. PERREAULT: Après le mémoire.
M. LE PRESIDENT: Après le mémoire.
M. CHEVREFILS: Quand une personne est malade, c'est un manque de
distribution de vie. Lorsqu'on enlève la compression, automatiquement,
la distribution de vie redevient normale et la partie malade reprend vie. C'est
pour ça que je dis que c'est une façon certaine de ramener les
personnes malades à la santé.
Je ne sais pas si ça correspond à l'explication que vous
cherchez.
M. FORTIER: J'aurais seulement une autre question à vous poser.
Je suis un peu sceptique quand vous dites que la chiropraxie aide à
récupérer l'enfance arriérée et le retardé
mental.
Comment la chiropraxie peut-elle avoir une certaine influence sur le
retardé mental ou encore sur un enfant arriéré?
Brièvement, juste un mot.
M. CHEVREFILS: Lorsqu'il y a des subluxations à différents
endroits le long de la colonne vertébrale, tout ce qui est
attaché à la colonne change de direction, les organes aussi et
une partie osseuse qui est affectée le plus, c'est le thorax, tout ce
qui forme la poitrine.
A l'intérieur du thorax, vous avez les poumons. J'ai
apporté ce petit montage ici pour vous donner un peu l'idée.
Lorsqu'il y a des sauts, les os du bassin peuvent s'écarter, amener des
rotations et, lorsqu'il y a rotation, il y a changement du bassin dans un sens
ou dans l'autre. Vu que toute la colonne s'articule avec le bassin, puisqu'il
distribue le poids également sur les deux jambes, cette rotation du
sacrum amène une rotation des lombaires dans un sens ou dans l'autre,
soit à gauche ou à droite ou, enfin, sur un cercle. Cela se
déplace, malgré que les médecins disent que ça ne
se défait pas; c'est faux. En amenant une rotation du bas, disons, vers
la gauche, automatiquement, vous avez dans le dos, en sens contraire, une
rotation des vertèbres dorsales et le cou se déplace dans le
même sens que les lombaires.
Lorsque les vertèbres se déplacent ici, la côte
une côte, c'est un même os s'articule en
arrière avec la transvertébrale, puis avec le plastron costal.
Alors, quand il y a une rotation des vertèbres, ça entraîne
la côte. Ce qui entraîne la côte en arrière ici,
ça l'entraîne en avant; ce qui est en avant s'en va sur les
côtés. Cela veut dire que le thorax, à ce moment-là,
ouvre. Il y a une rotation et on sait que les muscles qui y sont
attachés tiennent le thorax d'aplomb. Normalement, lorsqu'on respire, il
y a une élévation des côtes. Quand il y a une rotation dans
un sens ou dans l'autre, vous limitez le volume d'oxygène.
En limitant le volume d'oxygène, le sang qui transporte
l'oxygène, quand il arrive au cerveau ou qu'il s'en va dans tous les
organes, un organe qui a moins d'oxygène fonctionne moins. Cela peut
entrafner des dérangements du côté du fonctionnement du
cerveau. Quand c'est fait au début, et même pendant la grossesse,
si on injecte à la femme des vaccins vous intoxiquez l'individu,
parce que tout vaccin est une infection si vous intoxiquez la
mère, vous apportez un manque de développement du foetus qui se
traduit au bout de neuf mois par un manque de développement. Si quand il
vient au monde, on est obligé d'appliquer les forceps, qu'on tire sur le
cou, vous avez des subluxations. Plus elles sont près du cerveau, plus
l'étendue du manque de vie est grand et vous provoquez un manque de
fonctionnement organique. Quelqu'un qui manque d'oxygène devient
irritable, nerveux, agressif, justement parce qu'il court après son
souffle. Lorsque vous corrigez des subluxations, spécialement à
l'atlas c'est celle qui est la plus importante et qu'en
même temps, pour aller plus vite, vous allez a us différents
endroits de la colonne, des hanches, du sacrum et même des articulations
des membres, vous obtenez un retour des côtes vers la normale, une plus
grande oxygénation qui, nécessairement, se traduit par un
meilleur fonctionnement de l'esprit, du cerveau.
M. FORTIER: Je remercie M. Chèvrefils de ses explications.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN : M. Chèvrefils, nous avons eu ici à la
commission les chiropraticiens. Nous avons eu les naturopathes. Nous avons eu
les médecins-chirurgiens. Qui représentez-vous des trois? Est-ce
que vous ne vous entendez pas ni avec les uns ni avec les autres? Pourquoi
venez-vous ici? Qu'est-ce que vous représentez, en fait, ici?
M. CHEVREFILS: Ce que je représente, c'est 25 années de
pratique en me servant de la chiropratique. Je pratique une médecine
naturelle.
M. BOIVIN: Mais est-ce que les naturopathes ne vous ont pas satisfait?
Ils se sont présentés.
M. CHEVREFILS: Je suis docteur en natu-ropathie.
M. BOIVIN: Mais est-ce que les naturopathes vous ont
représenté, quand ils sont venus ici à la commission?
M. CHEVREFILS: Non.
M. BOIVIN: Je dois faire une mise au point, M. le Président. Nous
ne sommes pas ici, à la commission, pour entendre les idéologies
de tous les gens. Quelle relation a votre présentation vis-à-vis
des bills nos 250, 252 et 269, les bills des médecins, des
chiropraticiens et le bill général des professions?
M. CHEVREFILS: Je mets à votre disposition mes connaissances et
mon expérience. Voilà pourquoi je suis ici. Je suis ici comme
contribuable et je me crois autorisé à parler autant de la
médecine que de la chiropratique et que de la naturopathie. Je suis ici
pour vous offrir mes services, pour vous aider à voir clair dans tout ce
pétrin qu'on étale devant vous.
Chaque organisme tire la couverture de son côté et veut
obtenir le plus possible. La médecine actuelle est un monopole dans la
province de Québec et elle veut empêcher tout autre organisme de
pratiquer. Elle veut garder pour elle tout ce qu'elle a monté depuis 75
ans. Si vous reculez 100 ans en arrière, vous allez voir que la
médecine n'était pas ce qu'elle est, aujourd'hui. Elle
était beaucoup plus efficace
qu'elle ne l'est actuellement. Actuellement, les patients meurent
à cause de la médecine actuelle.
M. HOUDE (Fabre): S'ils meurent à 75 ans...
M. CHEVREFILS: Combien y a-t-il de personnes ou de médecins qui
meurent à 40 ans? Combien y a-t-il d'enfants qui meurent...?
M. HOUDE (Fabre): Quand vous nous donnez le quatrième paragraphe
de la page 1, je pense qu'on peut prendre votre portrait. "Il est urgent de
renseigner le législateur sur la valeur de chaque discipline
médicale et chiropratique après les avoir utilisées durant
un quart de siècle à aider le malade à retrouver la
santé d'une façon certaine."
Vous êtes le seul à avoir le pas, bravo !
M. CHEVREFILS: Non, non! Un instant! Je crois que vous vous
méprenez et que vous voulez me faire jouer un rôle que je ne veux
pas jouer du tout.
M. HOUDE (Fabre): Ce n'est pas sérieux.
M. BOIVIN: M. Chèvrefils, vous n'avez pas répondu à
ma question. Les trois qui se sont présentés, vous ne
considérez pas que ces gens ont parlé en votre nom?
M. CHEVREFILS: Ils sont venus parler pour leur groupe, si vous voulez.
Ils ont voulu essayer d'obtenir le plus possible pour garder le plus possible.
C'est ce qu'ils sont venus faire.
M. BOIVIN: Dans votre mémoire, vous parlez contre l'imposture ou
un mot semblable. Vous pensez que Pasteur n'a pas amené tous les gens de
la chirurgie à sauver... Vous êtes contre la pasteurisation,
évidemment vous êtes contre la vaccination...
M. CHEVREFILS: Oui.
M. BOIVIN: Alors, vous êtes seul à avoir le pas. Il n'y a
personne d'autre?
M. CHEVREFILS: Non, je ne suis pas le seul, je regrette. Mais, dans le
monde, je crois qu'il existe une médecine naturelle. Il n'y a pas
seulement des allopathes. Le cours que j'ai fait à l'université
c'est un cours d'allopathe. On donne des maladies pour en soigner une autre, ce
qui est tout à fait ridicule. Quand quelqu'un est malade, c'est une
distribution de vie à l'intérieur. Le médecin ne va pas
à l'intérieur actuellement et il faudrait qu'il change de
façon de penser. Ce n'est pas parce qu'il ne connaît rien; au
contraire, il connaît beaucoup. Mais il est mal dirigé. Il n'est
pas sur la bonne voie. J'ai écrit cela en 1963. Je le maintiens. C'est
encore vrai. Il va falloir que la médecine change sa façon de
voir. La vie coule de l'intérieur à l'extérieur. On ne
peut pas ajouter de la vie à quelqu'un. C'est ce que le médecin
cherche à faire; ajouter de la vie en ajoutant des substances. A ce
moment-là, il met des substances artificielles dans le corps d'un
individu et il produit une infection, une intoxication. L'intoxication
empêche les muscles de tenir la structure d'aplomb. Quand la structure se
déplace, cela empêche la vie de passer.
M. BOIVIN: Quelle relation cela peut-il avoir? Quelle
représentation voulez-vous faire vis-à-vis de la
législation actuelle, les bills 250, 252, 269? Nous ne sommes pas ici
pour écouter toutes les théories.
M. CHEVREFILS: Que vous voyez à mettre des clauses, comme la
clause "grand-père". Tous ceux qui sont en pratique, vous ne devez pas
priver leur clientèle d'en recevoir des bienfaits et l'obliger d'aller
ailleurs. Chaque individu doit avoir le droit, la liberté de choisir
celui par qui il veut être traité, celui qu'il pense être
capable de l'aider. Quand quelqu'un n'est pas compétent,
automatiquement, il s'efface. Mais, avec des lois où vous allez
l'inclure dans un système où je paie des taxes, je crois qu'il va
vouloir profiter uniquement des visites. Il va s'éloigner de la
chiropratique. Je viens ici pour que vous fassiez une différence entre
la pensée chiropratique, qui regarde la vie, et la pensée
médicale qui regarde la mort. C'est aussi simple que ça. La
définition est bien marquée.
Le système médical est logique, mais il part du principe
de donner un nom. Mais chaque individu est différent. Vous ne pouvez pas
former des cadres et entrer tous les individus dans le même cadre. Ce
n'est pas vrai, ça. Comme dans toutes les lois, il faut que vous
laissiez suffisamment une porte ouverte pour permettre une certaine
liberté à chaque individu. Si j'utilise dans mon bureau des
moyens chiropratiques et que je les enseigne à mes clientes et que
celles-ci, lorsqu'elles vont chez le voisin, disent: Je vais traiter ton
enfant, il a mal à la gorge, j'appelle cela traiter, mais elles, elles
veulent rendre service. Elles sont capables de le faire et de rendre service.
Au lieu d'être pris pour courir après un praticien c'est
une peur, en fait; les gens sont angoissés, ils ne savent pas quoi faire
il faut leur dire quoi faire. C'est là le rôle du vrai
médecin: enseigner à ses enfants à se passer de lui. Mais
où est-elle, cette projection, dans la médecine actuelle? Tous
ceux qui viennent ici pour parler contre la chiropratique, ce sont des gens qui
ne connaissent pas ce qu'est la chiropratique.
Ils la connaissent pour en avoir entendu parler ou avoir lu. Ils ne
l'ont pas étudiée. C'est ce que je veux dire. Je ne suis pas seul
à penser comme cela. Il y a un médecin qui est venu
dernièrement, le Dr Passebecq de France. Si vous l'avez
écouté, il vous a démontré que la médecine
actuelle fait fausse route et qu'elle doit se ressaisir et partir sur un bon
pied.
C'est pour cela que je viens ici, pour mettre à votre disposition
mes connaissances, pour vous aider à faire une loi qui ait du bon
sens.
M. BOIVIN : Mais avez-vous des suggestions à faire sur le bill
250? Avez-vous des articles à corriger? Au lieu d'étaler vos
théories, dites-nous donc exactement les corrections que vous voulez
dans le bill 250, les corrections que vous voulez dans la Loi médicale,
le bill 252, les corrections que vous voulez dans le bill des chiropraticiens,
bill 269.
M. CHEVREFILS: Que la Loi médicale laisse tranquille des
individus comme moi je ne suis pas tout seul s'ils veulent
utiliser d'autres disciplines. Qu'ils puissent le faire sans que le
Collège des médecins essaye de les faire chanter, comme il a
essayé avec moi.
La question vaccinale, je peux la développer devant vous, si vous
le voulez. A part cela, je suis un des médecins vice-présidents
de la ligue d'Angleterre. J'appartiens aussi à la médecine
naturelle internationale de France.
M. BOIVIN : Oui mais les naturopathes, les chiropraticiens du Canada et
de la province ne vous vont pas, ni le Collège des médecins?
M. CHEVREFILS: Ils ne viennent pas mêle demander, parce que...
M. BOIVIN: Vous êtes tout seul à avoir le pas, comme c'est
là!
M. CHEVREFILS: Ah non, un instant! Je ne suis pas tout seul.
M. BOIVIN: Nous avons écouté. Il y a eu des positions de
prises.
M. CHEVREFILS: C'est ce qu'on veut faire croire aux gens.
M. BOIVIN : II y a eu des positions de prises, ici, à la
commission, par chacune de ces dénominations dont vous faites partie.
Vous dites que vous êtes docteur en chiropratique,
médecin-chirurgien et docteur en naturopathie. Tous ces gens sont venus
ici. Ils nous ont exposé leurs problèmes. Nous les avons compris,
mais votre affaire est tellement nébuleuse que je ne comprends rien dans
tout votre charabia. Exposez donc votre affaire en vue des bills 250, 252 et
269 et arrêtez d'étaler toutes ces choses-là. Vous ne nous
impressionnerez pas avec toutes ces choses-là.
M. CHEVREFILS: Monsieur, les articles de loi, c'est vous qui les faites.
Mais vous avez besoin de notions pour faire des articles de loi qui aient du
bon sens. Je vous laisse entièrement libres là-dessus. Mais je
viens vous dire ce à quoi vous devriez penser, en plus de ceux qui sont
venus à ce jour. Il y a eu de bons exposés mais chacun est venu
pour tâcher de tirer la couverture de son côté le plus
possible. Moi, je veux m'en tenir uniquement à la chiropratique, au bill
que vous voulez faire sur la chiropratique. En médecine, on ne vient pas
me demander ma façon de penser, du point de vue médical, parce
qu'il y aurait moyen de rendre un service beaucoup plus grand à la
population et cela coûterait beaucoup moins cher au gouvernement.
Si la chiropratique était utilisée, si elle était
enseignée à l'université et que les médecins
avaient à l'apprendre, vous videriez les hôpitaux. Je comprends
que cela ne ferait pas l'affaire de bien du monde. Une grosse partie des
opérations n'auraient pas lieu. C'est grave, quand on rencontre des
personnes qui se font opérer continuellement. Qui vient à mon
bureau? J'appelle cela un entonnoir pour les déchets de tous mes
confrères médecins. Tous ceux qui viennent chez moi ont
visité tous les spécialistes. C'est ce qui m'a amené
à dire que le pire chiropraticien est meilleur que le meilleur
médecin spécialiste. Cela commence à être grave,
quand je fais des affirmations comme cela. Je sais de quoi je parle, moi.
M. HOUDE (Fabre): Vous allez vider les hôpitaux par la
chiropratique, et les hôpitaux de chiropraticiens aux Etats-Unis sont
apparemment remplis à craquer. Je ne comprends pas.
M. CHEVREFILS: Je vous demande pardon. Pourquoi sont-ils remplis
à craquer? Parce que la plupart des malades qui n'ont pu avoir
satisfaction s'en vont là pour tâcher d'obtenir un
résultat.
M. BOIVIN: Pour ma part, toutes ces théories qu'on étale
ici, M. le Président, c'est hors d'ordre. Qu'on nous dise ce qu'on veut
sur les bills 250, 252 ou 269. Je ne tolérerai pas, faisant partie de
cette commission, qu'on vienne nous étaler toutes sortes
d'idéologies. Qu'on nous dise ce pourquoi...
M. CHEVREFILS: Je ne vous étale pas d'idéologies, puisque
je vous parle de quelque chose de précis, que vous pouvez palper. Ce
n'est pas de la théorie, ça.
M. BOIVIN: Nous ne sommes pas ici pour perdre notre temps, pour
écouter toutes sortes de balivernes.
M. CHEVREFILS: Moi non plus.
M. BOIVIN: Nous sommes ici pour écouter des choses
sérieuses. Si vous voulez avoir des corrections, donnez-les nous. C'est
tout ce que j'ai à dire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Etant membre également de cette même commission,
je dois dire au début que le point de vue de M. Chèvrefils
m'intéresse particulièrement, et à partir du même
exemple qu'on vient de citer, Pasteur. Bien sûr que Pasteur a
devancé un paquet de professionnels en faisant sa découverte. Je
me demande si M. Chèvrefils n'amène pas aujourd'hui à
cette commission un point de vue tout à fait nouveau.
Regardons ceux qui se sont présentés à la
commission: les naturopathes, on n'entendait pratiquement pas parler d'eux
avant, les chiro-praticiens non plus. Je veux également poser une
question aux médecins qui sont membres de cette commission. Qu'ils
m'expliquent encore une fois comment il se fait que des médecins, que ce
soit des omnipraticiens ou des médecins spécialistes, ont recours
de temps en temps aux services des chiropraticiens.
Je me demande aujourd'hui pourquoi la panique s'empare des
médecins à la vue de légaliser un groupe qu'on appelle les
chiropraticiens. Une question a été posée tantôt et
je pense qu'il y a quand même des explications physiquement logiques qui
peuvent être données à une commission parlementaire. Les
gens semblent se poser la question dans son ensemble concernant la
chiropratique. On nous a fait la preuve à cette même commission
parlementaire que des résultats étaient obtenus à la suite
d'un échec médical. Les mêmes membres de cette commission
étaient présents. On n'a pas semblé contester les
exemples.
Je me demande aujourd'hui pourquoi on dirait que nous ne sommes pas dans
l'ordre en écoutant M. Chèvrefils qui nous apporte un point de
vue nouveau. J'aimerais, encore une fois, dire que le point de vue de M.
Chèvrefils vient en fait non pas contredire, mais confirmer ce qui a
déjà été dit à cette commission. Et dans
l'esprit même des propos tenus par le ministre des Affaires sociales
disant que notre population est empoisonnée actuellement par les
médicaments. Une liste de restrictions pour des médicaments a
même été établie. Mais si on veut pallier ça,
il faut quand même permettre certains autres services.
M. Chèvrefils tente de nous donner d'une façon logique,
d'une part, et scientifique, de l'autre, les bienfaits de la chiropratique. Or,
la commission siège justement pour entendre des sons de cloche
nouveaux.
J'aimerais poser une question à M. Chèvrefils qui a
été posée aux diététistes qui nous
fait une démonstration qu'on peut voir en plus d'entendre. On a dit
à cette commission que des enfants pouvaient naître avec des
déficiences mentales dues à une mauvaise nutrition. Est-ce que
nous pouvons vous poser la question, à savoir si c'est vrai ou si cela
peut être corrigé par des manipulations chiropratiques?
M. CHEVREFILS: Qu'on s'intoxique avec une mauvaise alimentation, c'est
exact. On peut s'intoxiquer même avec des bons aliments, si on ne les
mange pas d'une façon ordonnée. Pour vous donner une idée,
lorsque vous avez faim, vous avez la présence d'acide chlorhydrique dans
l'estomac. Cet acide est là pour commencer la digestion des substances
difficiles comme les viandes, les poissons, les fromages, les
céréales crues et les oeufs. Si vous prenez un verre, avant, ou
une soupe ou un jus de tomate, si vous voulez, vous balayez cet acide et
lorsque vous mettez les autres aliments à l'intérieur de
l'estomac, ils fermentent parce qu'ils ont besoin d'être mordus par
l'acide chlodhydrique et il n'y est plus. A ce moment-là, cette
intoxication produit une intoxication alimentaire et cette intoxication
alimentaire, comme de mauvais aliments, touche immédiatement le
système musculaire. Et quand les muscles sont touchés, les cordes
ne tiennent plus les os en place et les endroits qui se défont le plus
facilement, suivant les habitudes d'un individu, sont différents d'une
personne à l'autre et ces endroits correspondent à des organes.
Et là, vous commencez à avoir des manifestations organiques
mauvaises, des malaises.
M. GUAY: A ce que je sache, l'homme est encore le même qu'il
était au début de la création ou presque. La
médecine a évolué, et plusieurs médecins commencent
à admettre que la médecine chiropratique a du bon. Vous, qui avez
quand même depuis un certain nombre d'années connu des
expériences dans ce sens, et étant donné que les
médecins sont réfractaires à l'acte chiropratique, comment
se fait-il que vous nous apportiez un aspect tout à fait nouveau? Je me
pose même la question: Est-ce que c'est vous qui avez trop
évolué ou si ce sont les autres qui n'ont pas
évolué? Parce que, en fait, vous êtes d'abord un
médecin.
M. BOIVIN: II est avant Pasteur tout de même, parce qu'il
n'accepte rien de ce que Pasteur a découvert.
M. CHEVREFILS: Monsieur, vous tenez à Pasteur. En même
temps que Pasteur vivait un grand médecin, Antoine Béchand;
quand, dans nos études médicales, l'a-t-on mentionné?
C'est lui qui a commencé justement à montrer que Pasteur
était de travers; Pasteur est une formation industrielle et toutes les
expériences qu'il a faites ont été fausses, il les a
toutes truquées. On s'est servi de Pasteur parce que ça
rapportait.
Et l'autre médecine, la vraie médecine, celle qu'on
devrait pratiquer réellement, elle est laissée de
côté parce qu'elle aidait les gens à ne pas être
malades.
M. GUAY: Je suis en train de me poser la question suivante: Est-ce que
c'est vous qui avez trop évolué ou si ce sont les autres qui
n'ont pas évolué?
M. CHEVREFILS: Quand j'ai fini mon cours de médecine, je suis
allé étudier la chiropratique à l'Institut Palmer, de
Davenport. Là, je suis arrivé dans un esprit totalement ouvert.
J'ai dit: Je ne suis pas médecin, je veux seulement voir et tâcher
de me rendre compte, m'enlever les oeillères pour voir clair.
On m'a montré cette science chiropratique. C'est là que
j'ai commencé à ouvrir les yeux. J'étais allé
là parce que mon père se faisait traiter par le chiro Lesage,
dans le temps. D m'avait dit: Après ta médecine, tu vas aller
là-bas et, si c'est bon, tu l'utiliseras; si ce n'est pas bon, bien, tu
le sauras.
Je pense qu'à ce moment-là j'avais un esprit pas mal
ouvert. Actuellement, la médecine telle qu'elle est organisée est
fermée, elle vit dans une tour d'ivoire, mais il va falloir que cette
tour éclate, parce qu'elle ne peut pas rester continuellement ainsi.
En Inde, en médecine allopathique, ils sont environ 25,000, mais
il y a des médecins homéopathes; qui traitent par des herbages;
ils sont peut-être 250,000. Alors, qui a raison dans ce bout-là,
seulement le petit groupe d'allopa-thes ou bien les homéopathes?
Maintenant, la chiropratique est tout à fait différente. Un
homéopathe et un allopathe traitent les effets. Ils s'occupent
uniquement des effets. C'est pour ça que le médecin est
obligé de faire des diagnostics différentiels, parce qu'il ne
sait jamais à quoi il a affaire.
La chiropratique, elle, ne s'occupe pas des effets; elle va tout de
suite à la cause, puis elle corrige la cause avant que les
manifestations s'installent. Il y a des gens qui sont traités chez moi
depuis 25 ans et il y en a qui sont mariés. Aujourd'hui, ils ont des
enfants et ces enfants sont bien différents; ils jurent à
côté des autres qui ont gardé l'esprit médical.
Moi, j'insiste seulement là-dessus, qu'on sépare ces deux
disciplines parce qu'elles ne vont pas ensemble. Elle n'iront jamais ensemble
tant qu'elles vont rester telles qu'elles sont actuellement. Les chiros qui
deviennent inefficaces, c'est parce qu'ils emploient des moyens
médicaux. C'est pour ça qu'ils sont moins efficaces. C'est pour
ça qu'ils ont des accidents, parce que la chiropratique n'a jamais
tué personne. C'est le contraire; elle ramène l'individu en
vie.
M. GUAY: Maintenant, on a porté à l'attention de la
commission que, de plus en plus, les médecins prenaient des cours de fin
de semaine, qu'on a appelés des cours de recyclage, pour dire, par
exemple, à la clientèle : Nous pouvons également faire ce
que l'on appelle des articulations, ayant appris la profession de
chiroprati-cien. Qu'est-ce que vous pensez de ça? Parallèlement
à ça, je peux ajouter tout de suite: Croyez-vous qu'un
chiropraticien a la compétence de juger de l'acte médical et
qu'un médecin a la compétence de juger de l'acte
chiropratique?
M. CHEVREFILS: Un médecin n'a pas la compétence de juger
d'un acte chiropratique, parce qu'il ne connaît pas la chiropratique. Un
chiropraticien ne peut pas juger un acte médical, parce qu'il ne
connaît pas la médecine.
M. GUAY: Maintenant, sur les cours de fin de semaine?
M. CHEVREFILS: Je n'ai pas d'objection, moi, en fait, à ce que
les médecins cherchent à se documenter et à imiter. Un
enfant qui va tourner un commutateur n'a pas besoin d'être
électricien ou ingénieur en électricité pour savoir
qu'il va allumer telle lumière.
M. PERREAULT: Quand il prend un choc, il l'apprend!
M. CHEVREFILS: Bien, c'est pour ça qu'un médecin qui ne
connaît pas ou n'a pas étudié la chiropratique peut
être très dangereux pour traiter les individus.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions? Le député de
L'Assomption.
M. PERREAULT: Dans votre mémoire, à la page 4, je vois que
vous reliez les trois disciplines: la naturopathie, la médecine
chirurgicale et la chiropraxie.
Comme vous l'écrivez dans votre mémoire, pour
guérir de façon certaine, étant donné que vous
possédez les trois, vous devez avoir un très haut pourcentage de
guérisons. J'en vois une qui vous manque ici, dans le moment, c'est la
médecine chinoise, l'acuponcture. C'est peut-être ça qui
fait que vous manquez telle guéri-son.
M. CHEVREFILS: Disons les retours à la vie, parce que personne ne
peut faire de guérison pour un autre. Chacun fait sa propre
guérison.
M. PERREAULT: Interne.
M. CHEVREFILS: Alors, les gens qui viennent chez moi reviennent à
la normale. Maintenant, le temps que ça prend? Cela prend autant de mois
que ça fait d'années que la maladie dure. Pour sentir des
bienfaits immédiats, c'est assez rapide.
M. PERREAULT: Vous dites que ça prend autant de mois pour
guérir que ça fait d'années que la maladie dure?
M. CHEVREFILS: Je veux dire que, pour avoir un retour complet à
la normale, ça prend autant de mois que ça fait d'années
que la maladie dure. Quand une articulation est de travers pendant longtemps,
elle s'use anormalement. En s'usant anormalement, elle glisse hors
de sa position. Un os, ça se répare par en dedans; on ne
peut pas le réparer. Cette réparation-là, ce retour
à la surface normale prend au moins neuf mois par année.
Maintenant, pour sentir des effets et se sentir très bien, ça
prend beaucoup moins de temps. Dans l'espace de quatre à cinq semaines,
habituellement, vous voyez le changement, sauf s'ils sont intoxiqués par
des médicaments ou par des vaccins. A ce moment-là, le
système musculaire est très hypothéqué et il
redevient difficilement d'aplomb. Cela prend beaucoup plus de temps, d'abord,
pour éliminer les toxines et, ensuite, pour faire la correction.
M. PERREAULT: Une autre question. D'après ce que j'ai pu
comprendre, vous êtes contre toute forme de vaccin?
M. CHEVREFILS: Exact.
M. PERREAULT: Alors, disons qu'il y a une épidémie de
poliomyélite, à ce moment-là, vous
préféreriez que les gens aient la polio plutôt que de se
faire vacciner?
M. CHEVREFILS: Si les gens ne sont pas vaccinés, ils n'auront pas
la polio. La polio est une des formes dégénératives, comme
la tuberculose, la syphilis et la lèpre. Quand la vie arrête ou
diminue par des subluxations qui demeurent, vous avez une
dégénérescence de l'organisme. Vous avez un mauvais
fonctionnement partout. Vous allez avoir, suivant les conditions de vie ou
l'emplacement où les gens vivent, différentes conditions de
dégénération. La polio en est une. Du moment que vous
commencez à corriger la structure, la polio cesse. Quand vous parlez de
virus, vis-à-vis de ça Béchand et le docteur Tissot ont
écrit tout un volume qui est sorti en 1946, mais qui n'est pas connu en
médecine. On y voit des dessins faits sous microscope qui peuvent
être réalisables en tout temps. On y montre la vie qu'on nomme
virus ou force, la vie de la matière, mais c'est quelque chose qu'on ne
peut pas voir.
Quand il y a des manifestations de dégénérescence,
quand des toxines ou des corps étrangers surviennent, quand les tissus
se morcellent, à même les tissus, à même le liquide,
là, les virus mettent une coque autour d'eux, une membrane et deviennent
visibles. Les gens appellent ça des microbes, mais ce sont des
bactéries. Plus il y a de dégâts, plus il y a de
bactéries, puis cela vient à faire des pénicillines. La
pénicilline est un amas de bactéries. Quand elles ne suffisent
pas à digérer toutes les parties détruites, elles se
groupent ensemble et font une mousse. C'est ça qu'on appelle une
pénicilline. Chaque tissu de l'organisme a sa pénicilline.
M. PERREAULT: Parlons du cancer un peu. S'il s'avérait
c'est ce vers quoi on tend à se diriger que c'est une infection
virale au niveau de la cellule et qu'on trouvait un vaccin, vous seriez
opposé à ce qu'on fasse un vaccin contre le cancer?
M. CHEVREFILS: Le vaccin contre le cancer est une impossibilité
physique.
M. PERREAULT: A ce moment-ci.
M. CHEVREFILS: Le cancer est la maladie terminale de l'individu. Le
cancer, ce n'est pas ça qui vous mène à la mort; c'est
faux, ça.
Cet enseignement est de la propagande pour faire peur aux gens. Le
cancer est rare, suivant l'organisme mondial de la santé.
M. PERREAULT: Vous témoignez aujourd'hui que jamais on ne
trouvera la possibilité de guérir le cancer par vaccin?
M. CHEVREFILS: Le vaccin ne corrige jamais rien et un vaccin est
toujours une infection.
M. PERREAULT: Ni par chimiothérapie?
M. CHEVREFILS: La chimiothérapie fait partie du système
médical. Vous avez tous reçu le livre que je vous ai
envoyé, "La chiropratique à la portée de tous". Aux pages
66 et 67, vous avez le système médical et vous avez, dans
l'arsenal thérapeutique...
M. PERREAULT: Je veux bien vous croire, moi. Je ne suis pas un
professionnel de la santé. Je parle en toute liberté.
M. CHEVREFILS: C'est pour ça que j'essaie de vous
l'expliquer.
M. PERREAULT: Je suis ingénieur et je trouve drôle que la
chiropraxie, la naturopathie et l'acuponcture n'aient toujours pas
trouvé de remède contre le cancer encore.
M. CHEVREFILS: Quand c'est rendu à l'état de cancer, cela
veut dire que l'organisme ne peut plus refaire ses tissus. Alors, c'est la
séparation du corps et de l'esprit.
M. PERREAULT: Mais vous ne pouvez pas affirmer, non plus, que vous
êtes en mesure de le prévenir?
M. CHEVREFILS: Si vous corrigez la structure, les tumeurs qui se forment
régressent et les tissus redeviennent normaux. Quand vous parlez de
tumeurs, vous parlez d'une partie de l'organisme qui sèche et, quand
cela sèche, cela rapetisse, cela se tasse. Alors, vous avez une
augmentation d'activités locales qui évapore l'eau qui maintient
les tissus organiques à leur distance normale. C'est pour ça que
se forment des masses.
M. PERREAULT: Je serais très intéressé que, par
méthodes statistiques, on établisse le degré de cancers
parmi les gens traités par les chiropraticiens et les naturopathes. Ce
serait bien intéressant de savoir cela.
M. CHEVREFILS: Vous pouvez le faire. Maintenant, quand il s'agit de
statistiques humaines, il faut faire bien attention, parce que les individus
sont tous différents. Vous ne pouvez pas faire de statistiques d'une
condition maladive d'une personne par rapport à l'autre. On n'est jamais
malade de la même façon.
M. PERREAULT: Ce qui revient à dire qu'on ne peut pas prouver
d'une manière ou d'une autre qui a raison.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: A mon tour, comme d'ailleurs mon collègue, l'honorable
député de Dorchester, je tiens à vous féliciter,
docteur, pour avoir bien voulu venir donner votre opinion bien
spécifique, dans vos termes à vous, concernant la chiropratique
en général et la nécessité que ce soit reconnu
comme profession dans la province de Québec.
J'ai trouvé assez difficile d'accepter même je suis
venu bien près d'intervenir auprès du président
tout à l'heure, que quelqu'un essaye de vous mater ou de vous enlever la
parole de quelque façon. Vous avez gardé votre sang-froid et je
vous en félicite. D'ailleurs, vous avez le plein droit de venir, comme
citoyen, exposer votre point de vue à ce sujet.
Dans la grande majorité des autres provinces canadiennes, de
même que dans tous les Etats américains, la chiropratique est
reconnue. Jusqu'à l'âge de 22 ans, je n'avais aucune confiance
dans la chiropratique, la naturopathie et toutes ces choses-là. Mais,
après avoir subi un accident dans la forêt et avoir eu
l'avant-bras gauche dans le plâtre pendant 70 jours, alors qu'il y a
seulement un os qui a repris, j'ai commencé à m'interroger.
Justement, étant donné que je n'avais pas les moyens, dans le
temps, de retourner à l'hôpital parce que c'est ce qu'on me
demandait pour 70 à 75 jours encore, j'ai regardé
ailleurs. Grâce au deuxième homme qui se disait chiropraticien,
parce que je crois que le premier n'en était pas un, après un
traitement de deux mois, l'os est redevenu parfaitement bien sans être
dans le plâtre. C'est pour ça, aujourd'hui, que je comprends
davantage les chiropraticiens, les naturopathes et toutes ces personnes qui
peuvent pratiquer une profession qui doit devenir légale dans la
province de Québec, si nous évoluons.
Si nous n'évoluons pas, là c'est un autre
phénomène. Mais, si nous évoluons, c'est nécessaire
que votre profession soit reconnue. Cela presse.
Je n'avais qu'une question à vous poser pour m'éclairer
davantage. Très souvent, après que certains bébés
soient venus au monde, de façon très difficile, à l'aide
de forceps, on a constaté et on dit couramment que ce sont quelques
petits filaments, de petits nerfs qui ont laissé le cerveau. De toute
façon, c'est comme cela que l'on voit, aujourd'hui, ce qu'on appelle
communément la danse de Saint-Guy ou quelque chose comme ça. Ce
sont des gens qui ont beaucoup de difficultés à marcher. Alors,
est-ce que, véritablement, cela dépend d'une trop grande pression
qui a pu s'exercer sur la tête, étant donné que les
épaules étaient coincées? Est-ce que réellement
cela dépend de cela? Est-ce que dans vos études vous avez pu
constater qu'il y a quelque chose d'autre? Egalement, comme sous-question,
est-ce que cela peut se corriger en bas âge?
M. CHEVREFILS: Oui, vous avez raison. L'étirement par forceps
peut amener un déplacement, spécialement à l'atlas. Vous
pouvez avoir une compression double par le deltoi'de qui presse le devant de la
moelle et l'atlas qui pousse vers l'arrière. A ce moment-là, il y
a compression non seulement de certains fils qui amène des paralysies
semblables mais aussi une compression du bulbe. Le bulbe est le centre
respiratoire. A ce moment-là, les bébés sont bleus. Alors,
vous corrigez ça. Tous les gens qui ont des troubles cardiaques, ce sont
des gens qui ont le thorax déplacé toujours sur le
côté gauche en avant. Quand la rotation se fait sentir sur le
côté droit, ce sont toujours des troubles pulmonaires. C'est le
résultat de mon expérience que je vous donne. Vous ne trouverez
ça nulle part dans les livres de médecine parce qu'ils ne
connaissent pas ça.
Une femme peut avoir une rotation du bassin. Normalement, l'espace qui
est compris dans les parties molles est suffisant pour faire passer le
bébé comme il faut. Mais si elle a une subluxation durant sa
grossesse, soit dans un sens ou dans l'autre, vous modifiez l'ouverture. Quand
le bébé vient pour passer, il bute sur l'os du pubis. C'est pour
cela que ça peut obliger une césarienne. Quantité de
femmes viennent chez moi et je corrige le défaut durant leur grossesse,
avant qu'elles n'accouchent. Elles ont des bébés qui sortent
facilement. Tous les accoucheurs je ne peux pas tous les suivre
qui accouchent mes malades ont toujours de la facilité. Ils n'ont jamais
de problème parce que le bassin est ouvert comme il faut. C'est quelque
chose que je porte à votre attention pour vous faire saisir l'importance
de la structure.
M. BELAND: Comme autre question, pendant que nous sommes dans ce
domaine, si, par exemple, le travail s'avère trop difficile à
cause d'une mauvaise préparation et qu'il y a fractura -tion du coccyx
de la mère, à ce moment-là est-ce une chose qui peut se
corriger ou s'il doit y avoir ablation de cette partie? Est-ce une
chose qui peut se corriger par des moyens médicaux ou par la
chiropraxie?
M. CHEVREFILS: Lorsque le coccyx casse, c'est seulement une partie du
coccyx. Cela se replace. Dans toute fracture, il y a un effort. Le coccyx n'est
pas à sa place. Il y a des techniques chiropratiques qui permettent, par
le rectum, d'aller remettre le coccyx dans sa position.
L'os, par lui-même, guérit très rapidement.
D'ailleurs, le Dr Carton, un médecin français, a, lui
aussi, laissé de côté cette médecine allopathique
traditionnelle artificielle. Il s'est cassé une jambe. Il a
laissé la nature agir, au lieu d'essayer de diriger la nature. Son os
s'est corrigé totalement, et plus vite que par les moyens habituels,
plâtre et autres choses.
M. BELAND: Dans un autre domaine, supposons qu'on s'aperçoive
qu'un enfant, dans le bas âge, a tendance à devenir ce que l'on
appelle communément bossu. En somme, les nerfs viennent à un
endroit bien précis et il y a une concentration. Par des moyens
chiropratiques, y a-t-il possibilité de corriger cela
entièrement? Je ne sais pas, je vous pose la question. Y a-t-il moyen,
par des soins, d'entrevoir la possibilité qu'ils redeviennent des gens
normaux?
M. CHEVREFILS: Oui. D'ailleurs, je le vois continuellement à mon
bureau. Les scolioses se corrigent. Plus l'enfant est jeune,
nécessairement, plus vite il redevient d'aplomb. Mais il y a une
correction totale, il y a un retour à la normale. La plupart de ces
enfants, c'est parce qu'ils ont eu des vaccins pour aller à
l'école. C'est ce qui a endommagé le système musculaire.
C'est pour cela que les os ont changé de place.
Pendant au moins une quinzaine d'années, on a vu que la
chiropratique était complètement en dehors de la médecine
de 1895, quand on s'est aperçu pourquoi cela agissait. Avant, on faisait
des manipulations mais on ne savait pas pourquoi cela se faisait.
L'acuponcture, on ne sait pas encore pourquoi cela agit. C'est pour cela
que c'est indécis. Cela prend différentes sortes de
métaux, parce que l'acuponcture est un blocage de nerfs.
A Palmer, nous avons étudié tous les cas. Vu que nous
avions enlevé les barrières médicales elles
existaient très peu, à ce moment-là, puisqu'on
n'était pas encore organisé en monopole et avec un esprit
libre, chaque fois qu'ils faisaient un mouvement, ils obtenaient un tel
résultat. Ce n'était pas toujours le résultat, qu'ils
attendaient mais ils voyaient qu'en agissant sur telle vertèbre, ils
obtenaient, à différents endroits, des résultats. Alors
ils ont commencé à faire un tableau de tout cela. En faisant le
tableau, ils en sont venus à établir des lois. C'est pour cela
qu'on peut parler de science, quand on a des lois. Il n'y en a pas, en
médecine. La seule loi qui existe, en médecine, c'est ne pas
nuire.
Après cette recherche méthodique d'endroits bien
précis qui aboutissent à tel organe, eh bien quand l'organe
était malade, on allait tout de suite à cet endroit.
C'était la même chose qu'un commutateur. En remettant
l'articulation d'aplomb, en place, l'organe redevenait normal. On a donc
établi des fiches. On a un fichier énorme, à Palmer. C'est
pour cela que les médecins ne veulent pas y aller, parce qu'ils seraient
placés devant un fait.
Cette compilation de dossiers a amené un tableau, qui dit que
telle vertèbre agit sur tel, tel, tel organe. Alors en
réfléchissant sur les lois, on en a tiré le principe.
C'est là qu'on a fait de la philosophie chiropratique, qui est une
philosophie naturelle. On a extrait le principe et on s'est aperçu que
la vie coulait du dedans au dehors. La vie s'épanouit. Il n'y a personne
qui peut ajouter de la vie à quelqu'un. Vous l'avez ou vous ne l'avez
pas. Si vous l'avez et que vous avez des troubles, c'est parce qu'elle ne se
rend pas. Il me semble que c'est assez évident. A ce moment-là,
on ne peut pas parler de théorie, on parle de science.
Cette science se développe au fur et à mesure que les gens
réfléchissent encore. Il y a énormément à
obtenir, encore, de la chiropratique. C'est la médecine de demain.
Dans le Québec, vous êtes en train de faire une loi.
Pourquoi ne feriez-vous pas une loi qui soit différente des autres mais
qui consacre réellement ce qu'est la chiropratique? Vous en feriez une
définition bien claire.
Pourquoi chercher à imiter les autres quand on peut innover,
quand on peut donner quelque chose pour que les gens puissent au moins
être en santé? On ne criera pas à tout le monde, partout,
que les Québécois, ce sont des malades.
M. BELAND: De toute façon, en ce qui me concerne, je vous
remercie sincèrement. C'était très intéressant. En
conclusion, cela me fait dire que si je me blesse à une main et que la
peau se détache, je vais aller voir un médecin. Mais si j'ai des
malaises dont je ne peux déceler la provenance, ce sera vous qu'il
faudra aller voir.
Pour terminer, j'apporte simplement le fait suivant: je me suis toujours
demandé pourquoi dans certains hôpitaux du Québec, de
façon ultra-secrète, dans certains cas bien particuliers, on va
chercher des rabouteurs, des chiroprati-ciens pour tâcher de
compléter le travail déjà commencé par certains
médecins.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent pour
une courte question. J'aimerais avertir la commission que notre invité a
au-delà d'une heure et demie de passée et qu'il faudrait limiter
vos questions parce qu'il y a encore quatre mémoires à
entendre.
Le député de Saint-Laurent et ensuite le
député de Dorchester pour une courte question.
M. PEARSON: Cela va être très court. Ce n'est qu'une
remarque. Nous sommes toujours
encore dans le fameux débat entre la médecine et la
chiropratique. Pourtant, d'après moi, c'est un domaine purement
scientifique et quand j'étudiais la physique, la chimie, etc., il me
semblait que c'était un domaine plutôt froid et objectif. Mais
à chaque fois qu'on aborde une discussion au sujet de la médecine
et la chiropraxie, c'est toujours un sujet émotif, soit qu'on
considère l'un comme complètement charlatan ou qu'on refuse de
reconnaître aux deux organismes quelque valeur que ce soit. Je serais
bien intéressé, en tant que profane, un jour ou l'autre, à
connaître les limites de chacun de ces organismes, c'est-à-dire
l'acceptation d'une certaine limite, entendre dire que la chiropratique ne
guérit pas tout, que la médecine ne guérit pas tout, mais
qu'elles peuvent ensemble faire un bien quelconque à l'individu.
M. PERREAULT: La naturopathie en plus.
M. PEARSON: Oui. Le docteur a mentionné tantôt le fameux
tableau du système nerveux. Je l'ai ici, je l'ai pris tantôt dans
un des mémoires du docteur Katz. La théorie de la chiropratique
c'est qu'il y a une distribution d'influx nerveux: tous les nerfs partent du
cerveau, passent à l'intérieur de la colonne vertébrale et
finissent par sortir quelque part. Est-ce que les médecins sont capables
de dire, quand on mentionne entre la deuxième et la troisième
vertèbre que c'est là que le nerf qui alimente le coeur est
censé sortir? Est-ce que ce tableau correspond à ce que les
médecins... Les sorties sont les mêmes ou si c'est une pure
invention?
M. FORTIER: M. le Président, je suis ici comme
législateur, je ne peux pas donner de réponses comme
médecin.
M. CHEVREFILS: Comme médecin, je peux vous dire que la colonne
vertébrale, au point de vue médical, est uniquement une
étude de stature. En médecine, on ne connaît pas la colonne
vertébrale. On connaît les muscles, mais on ne connaît pas
l'importance de la colonne vertébrale.
J'ai eu l'avantage il y a plusieurs années à Davenport
d'assister à une autopsie, à une dissection directement sur un
malade qui était mort gelé dans un parc. C'était un
clochard. Comme personne ne le réclamait, nous sommes allés le
chercher et nous avons commencé à faire la dissection
immédiatement. C'était un délai très court. H
n'était pas embaumé et nous avons ouvert la colonne
vertébrale immédiatement pour nous apercevoir que le trou de la
colonne vertébrale était complètement rempli par la
moelle. Lorsqu'on étudie le cadavre en médecine j'en ai
disséqué trois on regarde l'intérieur de la colonne
vertébrale et le système neveux à la fin.
On s'aperçoit que, dans le trou de la colonne vertébrale,
la moelle est d'à peu près la grosseur du crayon. On dit: Cela
n'a pas d'allure, il ne peut pas y avoir de compression. Je pense qu'il y a une
interprétation qui se fait qui pourrait changer si on allait directement
à la source, si on s'en tenait à des faits.
Ce tableau, qui est probablement tiré d'un livre de
chiropratique, a été fait en concordance avec les études
qui ont été faites chez Palmer, là-bas, les dossiers qu'on
a remplis.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester, dans une courte
question.
M. GUAY: Etant donné que vous êtes
médecin-chirurgien, j'ai déjà posé la question aux
chiropraticiens, je la pose de nouveau: Dans le cas, par exemple, de personnes
qui ont ce qu'on appelle un "whip-lash" ou un coup de fouet, est-ce que par
intervention chirurgicale ça peut se corriger ou encore peut-on le faire
par médicaments? Quand je dis médicaments, il faut bien
s'entendre, peu importent les médicaments. Par intervention
chirurgicale, premièrement, est-ce que ça peut se corriger
facilement? Est-ce qu'on peut le corriger par médicaments ou si on peut
le corriger plus facilement par articulations chiropratiques?
M. CHEVREFILS: Le "whip-lash" est justement la séparation du
crâne de l'articulation de l'atlas. Tout "whip-lash" amène
nécessairement une rotation de tout le cou. Les muscles qui attachent le
crâne après les os du cou et après les os du thorax, ce
sont ces muscles-là qui crampent. Il n'y a pas de médicament qui
replace des os.
M. GUAY: D'accord.
M. CHEVREFILS: Cela ne se peut pas. Dans la chirurgie, quand vous
coupez, vous détruisez. Une femme sait que, quand elle donne un coup de
couteau dans sa robe, sa robe, même si elle fait une reprise invisible,
ne sera jamais la même. Je n'ai jamais vu un chirurgien qui ajoute
quelque chose, j'ai toujours vu un chirurgien qui coupe, qui enlève.
Quand vous enlevez, vous diminuez la vie.
Par chiropratique, c'est une bagatelle de corriger un "whip-lash". Il y
a des méthodes qui se corrigent une fois ou deux et c'est fini. Il y a
d'autres techniques, vous avez une série de techniques qui peuvent
varier. On peut en trouver de meilleures que celles qui existent actuellement.
C'est un champ d'activités qui peut avoir une possibilité de
développement énorme. Il y en a d'autres qui vont corriger
spécialement l'atlas d'abord avec les vertèbres cervicales et,
ensuite, corriger les os du crâne. Parce que les os du crâne chez
un vivant ne sont pas soudés. Chez le mort, c'est soudé mais il y
a des articulations, tous les os du crêne ont des facettes articulaires.
Je comprends qu'ils n'ont pas les mêmes mouvements qu'un bras mais les os
du crâne s'articulent ensemble. Prenez le cas
de quelqu'un qui a les épaules de travers. Les muscles qui sont
attachés sur le côté des côtes sont attachés
sur les pariétaux et les tempes. Comme vous avez un déplacement
du thorax qui entraîne une rotation des épaules, les muscles qui
sont attachés amènent une rotation des os du crâne dans un
sens ou dans l'autre et cela affecte l'articulation de la mâchoire, parce
que la mâchoire s'articule avec les os du crâne. Si l'attache
change, la mâchoire varie dans un sens ou dans l'autre, et cela affecte
les conduits de l'oreille, les conduits externes. Par compression, sur un
côté, et par étirement, sur l'autre, vous causez des
inflammations des conduits internes. Vous avez des gens qui deviennent sourds
sur un côté plus que l'autre; c'est parce qu'ils ont une rotation
cervicale et une rotation des os du crâne.
Tout ça pour vous indiquer sur quoi on travaille en
chiropratique. C'est un travail qui a un effet qu'on voit. Quand quelqu'un
arrive et dit: J'ai de la misère, j'ai une oreille qui est toujours
remplie de h'quide, on sait que c'est la mâchoire qui est
déplacée. En replaçant la mâchoire, tout en
replaçant les os du crâne, il est libéré, ça
arrête de sécréter.
M. GUAY: Maintenant, j'aimerais reprendre une question qui a
été posée par mon collègue concernant le coccyx. Je
tiens l'information d'un médecin dont je dois taire le nom. Sur cinq
mères donnant naissance à des enfants, deux ont le coccyx
déplacé. J'ai vécu deux expériences dans ma
famille. Premièrement, ma femme, et l'autre personne dont je tairai le
nom. Ma femme s'est fait donner un traitement chiropratique de quelques
secondes. L'autre personne a subi une intervention chirurgicale, car on disait
qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Les chirurgiens ont d'abord fait
une incision dans la cuisse pour prendre un os afin de soi-disant refaire un
coccyx. C'est comme ça qu'on doit l'expliquer, on ne se cachera pas, on
va prendre les vrais mots.
Dans les deux cas il y a amélioration...
M. BOIVIN: M. le Président, il faudrait mettre un terme à
toutes ces théories. Ils sont en train de nous parler de leurs maladies,
ce n'est pas la place ici pour ça. A une commission parlementaire, posez
des questions puis finissez-en avec toutes ces théories et ces
balivernes.
M. GUAY: Je veux demander à celui qui est à la barre si
ça se peut ou pas.
M. LE PRESIDENT: Bien oui, je comprends...
M. GUAY: On a posé des questions semblables...
M. BOIVIN: Vous êtes en train de demander une consultation.
M. GUAY: M. le Président, je me crois dans l'ordre, sauf que si
un membre de la commission intervient en me disant qu'on ne peut pas poser ces
questions, je pourrai les poser à une autre occasion.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester sait fort bien,
comme tous les autres membres de la commission, que normalement on pose des
questions relativement au mémoire qui nous a été soumis
par l'invité. Vous savez aussi bien que moi que si vous entrez dans des
détails qui ne sont pas pertinents au mémoire qui nous a
été soumis naturellement, cela entraine d'autres questions.
Je ne veux absolument brimer aucun député.
M. BELAND: Un collègue a tenté auparavant de prouver que
c'était une médecine de fou ce qu'il expliquait là. Si
nous posons des questions, c'est pour tâcher justement d'éclairer
la population et peut-être les membres de la commission sur le fait que
justement ce sont des choses qui se peuvent et qui sont très
logiques.
M. LE PRESIDENT: D'accord. Ce que je veux dire, c'est que je voudrais
que chaque membre sache comme président, je l'entends de cette
façon qu'on devrait poser des questions qui sont pertinentes au
mémoire. Si on part de votre raisonnement concernant une affirmation qui
aurait pu être faite, ce que j'ai pu comprendre, moi, comme
président à ce moment-là, c'est que l'opinant, le membre
de la commission voulait savoir de quelle façon l'invité se
présentait.
Est-ce qu'il se présentait comme docteur en chiropratique,
médecin-chirurgien ou docteur de naturopathie? C'est un peu le sens de
la question que j'ai cru comprendre. D veut savoir de quelle façon il se
présentait, puisque des organismes avaient déjà
présenté des mémoires et que nous allons entendre encore
tantôt, d'autres organismes qui sont dans la même ligne de
pensée. A tout événement, nous avons devant nous quelqu'un
qui est assez polyvalent, qui est spécialisé dans
différents domaines.
Maintenant, si vous présentez encore des cas qui sont un peu
particuliers, il n'est pas facile pour notre invité de tirer une
conclusion ou un jugement.
M. GUAY: D'accord, et je comprends que ce n'est pas facile pour le
président de la commission non plus.
M. LE PRESIDENT: Non, je ne suis pas médecin non plus. Je suis un
profane là-dedans et j'aimerais interpréter le règlement
tel qu'on l'avait conçu au début, soit entendre des
mémoires et poser des questions
M. GUAY: Cependant, des groupes se sont présentés
et ça se présentera peut-être encore qui ont fait
des affirmations gratuites. C'est la deuxième fois que ça se
produit.
M. LE PRESIDENT: Oui, mais on a présenté des cas de
médecine et on demandait une opinion à l'invité.
M. GUAY: Mais comment peut-on, sans exemple concret, et je pense que le
monsieur qui est témoin...
M. LE PRESIDENT: Cela prend un dossier.
M. GUAY: Alors, les gens qui viendront démolir un autre groupe,
on leur demandera des dossiers également, puis on dira: On s'excuse,
mais vous êtes dans le désordre.
M. LE PRESIDENT: Ce que je voudrais dire au député de
Dorchester, c'est que vous amenez un cas qui est soulevé par un
membre de la commission; cela aurait pu être n'importe quel quand
on présente un cas particulier, on place assez souvent l'invité
dans la situation d'avoir à donner une opinion quand il n'a pas le
dossier devant lui. Il est obligé de donner une opinion sur les dires du
membre de la commission.
M. GUAY: Je trouve quand même curieux qu'à cette
commission, seulement les médecins semblent dire que ce n'est pas le
temps d'en discuter.
M. LE PRESIDENT: Du tout. Vous avez posé d'autres questions, mais
si vous amenez un cas patent de médecine, je ne suis pas médecin
pour l'apprécier.
M. GUAY: J'ai terminé mes questions, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Je retourne la parole au
député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER : Je remercie le docteur de ses explications et je n'ai pas
d'autre question.
M. LE PRESIDENT: Je remercie le docteur Chèvrefils de la
présentation de son mémoire et des réponses qu'il a bien
voulu apporter aux questions posées par les membres de la
commission.
M. CHEVREFILS: Je vous remercie, M. le Président et c'est un peu
un avant-goût de ce que je vais dire à Tours, à
Pâques, l'an prochain, où je vais aller expliquer la chiropratique
en France. Je vous prie de me croire que les Français vont sortir
probablement une loi qui va être très différente de toutes
les autres. Probablement que si celle du Québec est différente,
ils prendront l'exemple là-dessus.
M. LE PRESIDENT: Ils l'imiteront probablement.
Je vous remercie.
Infirmières en hygiène publique
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant les infirmières en
hygiène publique. Pour les membres de la commission c'est le
mémoire numéro 50. Le Dr Murray Simon Katz a consenti à ce
que les infirmières en hygiène publique... Mlle Lise Clarke est
le porte-parole.
MLLE CLARKE: Docteur Fortier, représentant du ministre
Castonguay, M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire. Quatre infirmières ont rédigé un
mémoire, en janvier et février, et on vous en a envoyé des
exemplaires, tel que requis. Je pense que vous vous demandez quel a
été le but de la rédaction d'un mémoire par des
infirmières contre la chiropratique.
Etant un peu dans une situation neutre, nous voyons le système
médical et le système chiropratique comme deux systèmes de
santé différents. Pour notre part, nous voyons qu'il y a eu une
grande évolution dans le système de la santé
médidale que nous connaissons, et le système chiropratique qui
existe depuis 1895 est resté à peu près le même.
Pour nous, c'était un système de médecine de sorcier.
Dès le début du texte, nous donnons une définition
de la chiropraxie, telle qu'elle est acceptée par l'American
Chiropractic Association et International Chiropratic Association. Cette
définition est que la chiropraxie M. Chèvrefils l'a dit
lui-même est un art de traitements complets et indépendants
qui peut prévenir et traiter toutes les maladies humaines. Cette
définition est très importante et elle nous montre, contrairement
à ce que parfois nous pouvons penser, que la chiropraxie n'est pas du
tout un système de physiothérapie, mais plutôt un
système de santé qui veut être un système complet de
santé.
Si nous croyons que les chiropraticiens sont seulement des
physiothérapistes, nous nous demandons pourquoi ils se prononcent, de
façon précise, sur les questions d'immunisation. Quand nous avons
regardé les textes de M. Homewood, qui est un leader de l'Association
américaine des chiropraticiens et un doyen honorable du Canadian
Memorial Chiropractic College, dans son volume Neuro-dynamic & Vertebral
subluxations, nous avons découvert une opinion. Nous avons aussi
regardé les textes de M. Joseph Jane, président du National
College of Chiropractie et qui a intitulé son volume "Chiropractie
Principles & Technics".
Un autre, M. Wyann, doyen honoraire du New York Institute of
Chiropractie, qui est aussi l'un des auteurs des Standards chiropratiques,
appelés "Rational Bacteriology", avec M. Werner. Nous avons enfin
regardé le texte de M. James Furt, professeur au Lincoln Chiropractie
College, auteur du livre "Chiropractie Diagnosis". Ces autorités et
leaders de la chiropraxie enseignent dans les Etats où la chiropraxie
est déjà légalisée. Nous avons eu un
exemple, il y a quelques minutes. Ils ne cachent pas leur opposition au
programme des immunisations.
En tant qu'infirmières en santé publique, nous connaissons
vraiment l'importance des programmes de prévention et
particulièrement celui des immunisations. Ce n'est pas pour rien que le
ministère des Affaires sociales, en fait, a amélioré de
jour en jour les possibilités dans ces programmes dernièrement.
En fait, on donne gratuitement toutes les solutions pour immuniser la
population, comme le vaccin contre la polio, le tétanos et tous les
autres que vous connaissez.
Le ministère publie aussi des brochures afin de renseigner les
parents et les encourager à faire immuniser leurs enfants. Au service de
santé, par exemple, en avril 1971, on avait des requêtes
d'immuniser tous les enfants des écoles primaires avec le vaccin
antirubéole, au tout début du programme, ce que nous avons
fait.
Je suis sûre, M. le Président et MM. les membres de la
commission, que le ministère n'a pas écrit un volume, Manuel de
procédures du service de l'épidémiologie, seulement pour
tenter sa chance au prix Nobel de littérature. Mais c'est plutôt
pour nous venir en aide. Si nous comparons un peu ce que les chiropraticiens
disent sur les immunisations et ce que disent le Dr Martineau et tous les
autres membres qui ont participé à la préparation de ce
volume qui est reconnu et publié par le ministère des Affaires
sociales, nous voyons que les idées sont bien différentes sur les
questions d'immunisation.
Par exemple, je prends la page 12, sur la diphtérie. Nous disons:
"La diphtérie, si fréquente et si désastreuse autrefois,
est maintenant pratiquement disparue dans la province." Il y a des tableaux
statistiques qui démontrent que, de 1935 à 1971, les cas ont
diminué de 1,773 par année à 1 en 1971. Alors, la
vaccination antidiphtérique qui a été introduite dans la
province en 1931 a sans doute eu un effet positif sur les 1,773 cas
environ.
On dit cependant qu'il ne faudrait pas que cette situation enviable
serve de prétexte à une relâche à l'égard de
l'immunisation active antidiphtérique, qui demeure la seule garantie du
maintien de notre succès. C'est évident que s'il y a une
relâche dans les programmes d'immunisation, avec les nouveaux membres de
la population qui naissent, il y aura aussi augmentation de la maladie.
Nous voyons aussi ce qui est dit en regard du tétanos, aux pages
42 et 43. On dit: "Le tétanos est une maladie qui n'immunise pas. Il
n'existe pas d'immunisation spontanée, occulte ou d'immunisation
naturelle." C'est-à-dire que la bactérie n'immunise pas
naturellement. L'immunité active seulement s'obtient par la vaccination
avec l'anatoxine. Ainsi, toute personne qui n'a jamais été
vaccinée avec l'anatoxine restera susceptible d'avoir le tétanos
pendant toute sa vie. Ceci est important pour tous les sujets exposés.
Je pense que l'aspect épidémiologique est un aspect qui peut
être vraiment étudié scientifiquement.
Vernweight et Watkins, auteurs chiroprati-ques que nous avons lus, dans
leur volume "Rational Bacteriology", à la page 178, disent: "Diphtherial
anatoxine and toxuate are both not only workless in pratically every case but
also virulent and injurious in all cases." Ils ajoutent ensuite: "Typhoid,
diphtheria, tetanus, rabies and tuberculosis inoculation should be prohibited
because this is all done for the sole purpose of furthering the financial
prosperity of the Pasteur Institute." It seems that Mr Chèvrefils was
thinking in the same way.
Ceci veut dire que nous devons cesser tout programme d'immunisation
parce que tout ceci se fait dans le seul but de supporter financièrement
l'Institut Pasteur. Ces auteurs chiropraticiens n'ont pas écrit ces
volumes il y a 50 ans. Ces volumes peuvent être vérifiés.
Les auteurs vivent encore dans la plupart des cas, autant que je sache.
Ici, je vois, par exemple, ce que le volume. "La mère canadienne
et son enfant" conseille aux mères concernant la question de la polio.
Vous pouvez remarquer que j'utilise toujours des volumes qui ont
été publiés par le gouvernement. Dans ce volume, il est
dit que la polio est causée par un virus. A la fin, on dit: "Les enfants
et les adultes doivent être protégés par l'immunisation
contre la polio." Il n'est pas question de faire d'autres programmes
préventifs que l'immunisation, en fait. Eh bien, un document
chiropratique, qui a été publié en Ontario, a une opinion
toute différente. En Ontario, la chiropraxie est déjà
légalisée. Il semble que les chiropraticiens ne travaillent pas
en concordance avec le programme de santé. Je ne veux pas dire
"programme de médecine", parce que je pense qu'il faut penser d'une
façon positive et dire "programme de santé". Enfin, les
chiropraticiens, là-bas, pour revenir à ce point, ne travaillent
pas en accord avec le programme de santé. D'après eux, pour
prévenir la polio, on doit observer les recommandations suivantes: "To
prevent polio, heed this advice: Practice spinal hygiene. Periodic chiropratic
spinal examination is important for all ages, but especially for children.
Proper relationship of the vertebral elements promotes normal nerve function.
Do not extend yourself at work or play during the spring or summer months.
Build up to increase physical activities to preclude exhaustion and dangerous
nerve fatigue. Do not expose yourself to undue cold or heat for nerve shock may
result. Avoid the extreme of cold showers or hot baths after straineous
activities. Maintain a diet rich in protein and vitamines. Break the routine of
hard work or play with nowadays a rest. Recline if possible."
Nulle part dans ce texte qui est publié, en fait, pour toute la
population, y a-t-il une note
sur la question d'immunisation pour protéger la population.
Je pensais qu'il serait peut-être bon qu'une enquête soit
entreprise parmi les enfants des chiropraticiens du Canada ou de la province
afin que l'on voie quel pourcentage d'entre eux sont immunisés. Le
gouvernement pourrait aussi se poser la question: Est-ce que nous aimerions
qu'il y ait ce même pourcentage de la population québécoise
seulement qui soit immunisé?
Vous êtes les premiers à reconnaître que la
santé de la population québécoise diminuerait de beaucoup
et les beaux tableaux de statistiques que vous publiez dans ce volume de
procédures pour démontrer les effets positifs des immunisations,
j'en suis certaine, seraient cachés dans les classeurs.
Sur un autre aspect, je voudrais discuter d'un programme de
prévention en regard du diagnostic précoce.
Il y a quelques mois, je discutais avec le docteur Lynch du Centre de
dépistage de la tuberculose. Ce centre est un programme
assurément aidé par le gouvernement de la province. Des
radiographies pulmonaires sont faites et une équipe de quinze
pneumologues, environ, travaille à l'analyse des résultats de ces
radiographies. Je me suis dit: Si on incluait les chiropraticiens dans une
équipe de quinze pneumologues, ils n'auraient plus besoin de faire les
radiographies pulmonaires pour évaluer la tuberculose pulmonaire mais
plutôt une radiographie complète de la colonne vertébrale.
La cause est toujours la subluxation d'une vertèbre. Alors la cause,
dans une maladie de la tuberculose, serait conséquemment la subluxation
d'une vertèbre. Conséquemment, au lieu de suivre le programme
médical reconnu, on suivrait un programme de manipulations
vertébrales.
Si vous trouvez un peu fantastique que les chiropraticiens soignent la
tuberculose, voyez le rapport de la santé et du bien-être des cas
rapportés. Ceci se passe où la chiropraxie est déjà
légalisée. Ici, on rapportait "The Law and Medecine", un article
"Cultus Therapy as Criminal Negligence", "Unscientific Treatment of
Tuberculosis", on rapportait un cas où, en 1951, le patient a
été vu par un docteur en médecine et la tuberculose
pulmonaire a été identifiée. Les conditions, en fait,
demeurèrent dormantes, c'est-à-dire que la maladie
n'évolua pas pendant les dix ans que le patient a été sous
le soin médical. Ceci a été démontré, en
1962, par des radiographies pulmonaires.
Cependant, en fait, le patient, à un moment donné, a eu
une évolution de la maladie et a dû être hospitalisé
et recevoir une thérapie médicamenteuse. A la suite de cela, il
est allé visiter deux chiropraticiens, un à New York et un en
Floride, qui s'aidaient l'un et l'autre. Celui de Floride a suivi les conseils
du chiropraticien de New York. En 1963, il est devenu tellement malade, parce
que la médication avait été cessée sous les
traitements chiropratiques, qu'il a dû être
réhospitalisé quelque temps plus tard dans un hôpital
où la médecine que nous connaissons en a pris soin. Le patient
est décédé quelque temps après.
Nous avons des cas, comme cela, où vraiment des gens qui suivent
une méthode non médicamenteuse, dans certains cas, ne voient pas
un aspect positif. Si on prend leur témoignage pendant la période
où ils sont sous le traitement chiropratique, ils se trouvent
peut-être très bien, ils sont peut-être très contents
de ne pas avoir de médicaments à prendre, d'hospitalisation
à subir, mais quelque temps plus tard, ils sont très souvent
morts. Dans ce temps-là, ils ne viennent pas vous dire qu'ils regrettent
ce qu'ils ont fait.
Vous savez comme moi que les tests cutanés sont de plus en plus
utilisés, et même ceux décrits dans ce volume et
recommandés par votre nouveau manuel de procédure. Cette
situation me fait penser à deux points: le diagnostic précoce,
dont je vais rediscuter un peu plus longuement, et celui de la limitation des
radiographies.
Dans ce volume de procédure, à la page 294, en fait, on
donne la nécessité ou les buts des enquêtes, dans certains
cas. On fait ressortir la nécessité de vérifier et
préciser le diagnostic, d'où la nécessité d'une
déclaration précoce des cas. Si j'ai bien entendu, lors de la
session avec le monsieur qui était chiropraticien, il n'y a pas
nécessité de faire de diagnostic, il n'y a pas
nécessité de ramasser les cas dans le traitement chiropratique;
il n'y a pas nécessité de remonter à la source pour
l'éliminer et pour empêcher les cas secondaires par la mise en
oeuvre de mesures de lutte, immunisation des contacts ou autres mesures, selon
la maladie.
Je me demande quelles seraient les méthodes chiropratiques de
prévention.
Donc, quand je vois qu'un chiropraticien récemment gradué
du Canadian Memorial Chiropractic College en Ontario, où la chiropraxie
est déjà légalisée, répand une
littérature comme celle que j'ai en main, je me demande où est le
diagnostic précoce. Il dit: "Pendant que vous recevez les traitements
chiropratiques, vous ressentirez peut-être des symptômes
inconfortables de différentes intensités. Ceci est appelé
"reaction". Et il énumère quelques symptômes que ses
patients peuvent ressentir, comme maux de tête, étourdissements,
douleurs à l'estomac, autres douleurs musculaires, diarrhées,
"tenderness in the spinal joints, stiffness in the joints, excessive
urination", ou autres problèmes, comme température
élevée.
Il énumère tous ces symptômes et il dit à ses
clients: "Reaction in reality is a healthful change taking place in your body.
Do not be alarmed". Et il continue en disant: "About 80 p.c. of the
chiropractic patients experience reaction and you may be one of them". Lucky.
"About 20 p.c. experience little or no reaction". Seulement. Mais si vous
faites partie du groupe de 80 p.c, "do not be alarmed".
Je me demande ce qu'on pense des études et du collège
chiropratique dans un cas où le chiropraticien donne de telles
réponses à ses clients s'ils se plaignent des problèmes
mentionnés dans la brochure que je viens de lire et qui est
distribué â la population.
J'aimerais aussi dire quelques mots sur la radiographie. En santé
publique et même dans tous les systèmes de santé, les
problèmes insidieux doivent être combattus et les radiographies
superflues en sont un. Lors du Canadian Association of Radiologists Meeting
à Montréal, en semptembre 1972, on a mentionné qu'il y a
au Canada 1 million de radiographies chiroprati-ques qui sont faites
annuellement et je dirais inutilement.
Nous voyons des annonces de radiographies gratuites offertes dans les
journaux par les chiropraticiens. Même là où ils sont
légalisés, le problème existe. Il y a la
nécessité d'éduquer la population sur les dangers de la
chiropraxie, mais je dirais aussi qu'il faut éduquer les chiropraticiens
les premiers. Il semble que les vraies raisons pour lesquelles les
chiropraticiens utilisent les rayons-X se retrouvent dans leur volume de
référence appelé "Modem X-Ray Practice and Chiropractic
Sponography", par M. Riemer, qui est aussi le président du
département de radiographie du Palmer College of Chiropractie. Ce
monsieur nous dit: "Le chiropraticien devrait radiographier chaque cas parce
que et ici il n'apporte pas beaucoup de solutions au point de vue
santé "It promotes confidence, it creates interest among
patients, it procures business, it attracts a better class of patients"
they can pay for X-Rays "it adds prestige in your community, it builds a
reliable reputation, it is an investment, not an expense. It helps eliminate
the starvation fees that even chiropractors may go through".
Est-ce que ce sont des raisons acceptables? Donc, je disais que les
chiropraticiens devraient être informés dans le domaine de la
radiographie. Ils devraient aussi recevoir l'éducation des
radiologistes, c'est-à-dire faire leur médecine, plus les quatre
ans de spécialisation, et je crois qu'ils pourraient ensuite être
de vrais radiologistes.
Pourquoi les chiropraticiens offrent-ils des radiographies gratuites
dans les journaux? Est-ce que c'est pour augmenter leur "business"? Pensez-vous
qu'un amendement au bill 269 empêcherait les chiros d'annoncer comme
ça? Même là où la chiropraxie est
légalisée, les mêmes annonces sont répandues dans
les journaux. Le problème est, d'après nous, beaucoup plus
profond.
Il relève du fait que les chiropraticiens doivent recevoir une
éducation adéquate et non celle erronnée qu'ils ont
reçue jusqu'à maintenant. J'ai apporté des photocopies
d'annonces gratuites. On dit ici dans le Journal de Montréal du 11
septembre 1972: "Pour septembre seulement, première consultation et
radiographie de la colonne vertébrale gratuites." J'ai des coupures de
journaux beaucoup plus récentes: "De- vant le grand succès
obtenu, nous devons continuer notre participation au programme de radiographie
gratuite pour le mois d'octobre."
Pour terminer, je voudrais dire que, comme bien d'autres, même des
chiropraticiens, je crois, j'ai reçu une lettre du Dr Bates et du
professeur Trébelco et leur bill 269 révisé. Je ne suis
pas entièrement d'accord sur ce bill parce que si vous lisez "La
chiropraxie, un danger de santé publique", que nous vous avons
envoyé, dans nos recommandations, nous avons demandé que la
chiropraxie ne soit pas légalisée du tout. Et Bates et
Trébelco font un compromis et demandent que la chiropraxie soit
légalisée; même, ils tentent, en fait, de situer la
chiropraxie dans une position beaucoup plus rationnelle ou acceptable.
Une autre partie de la solution serait peut-être d'établir
de bons programmes d'éducation pour la population. Si ça
coûte, je pense, $75,000 à $100,000 pour répandre à
travers la province un bon programme d'éducation pour la population et
la renseigner sur la chiropraxie, ça éviterait de dépenser
des millions peut-être pour payer les chiropraticiens dans le
système Medicare.
Je me demande aussi, en tant que membre d'un programme de santé
publique, qu'est-ce qui donne aux chiropraticiens une priorité sur des
programmes aussi nécessaires que les prix contrôlés pour
les médicaments, dont vous avez entendu une représentation ce
matin, et les meilleurs programmes éducatifs de la population, les
"nursing home" pour les vieillards? Ici, nous avons fait un dépliant qui
pourrait être publié et montrerait à la population ce
qu'elle doit attendre des radiographies et des chiropraticiens.
C'était ma représentation.
M. LE PRESIDENT: J'invite l'honorable député de
Gaspé-Sud.
M.FORTIER: M. le Président, je remercie Mlle Clarke de
l'exposé au nom des infirmières en santé publique. Je la
félicite de la manière scientifique avec laquelle elle a
présenté ce document. Combien d'infirmières vous ont
aidé à rédiger ce document?
MLLE CLARKE: Nous sommes quatre infirmières. Quand vous dites,
j'allais corriger: Infirmières en santé publique. Je ne voudrais
pas embarquer toutes les infirmières...
M. FORTIER: Bon, en santé publique, très bien.
MLLE CLARKE: ... parce qu'il y en a qui ne partageraient peut-être
pas cette opinion.
M.FORTIER: De façon très brève, je vais vous poser
une question...
MLLE CLARKE: Si vous avez remarqué, ce sont des
infirmières graduées d'universités.
M. LE PRESIDENT: Mlles Anne Smith, Patricia Johnson, Mary Wright et Mlle
Clarke.
M. FORTIER: Toutes ces infirmières en hygiène publique
sont, si je comprends bien, favorables à la vaccination et à
l'immunisation?
MLLE CLARKE: Oui, et nous nous référons beaucoup à
des programmes comme ceux-ci parce que ce sont des documents vraiment valables
qui vont peut-être permettre d'apporter une uniformité dans les
programmes à travers la province.
M. FORTIER: Deux autres questions très courtes: Si je comprends
bien votre document, les infirmières qui vous ont aidée doutent
de la nécessité d'une loi sur la chiropraxie?
MLLE CLARKE : D'après nos recommandations, nous voulions que les
chiropraticiens soient éliminés complètement. Je pense que
nous le mentionnons dans le texte. Monsieur, du comté de Dorchester,
demandait: Quel est le problème en face de la légalisation des
chiropraticiens? Vous savez que la légalisation ne rend pas un
système de sorciers, juste, légal.
Un point que je n'ai pas mentionné, nous l'avons mentionné
dans ce mémoire, c'est que l'application du bill 65 requiert que tous
les membres du système de la santé, médecins,
infirmières, physiothérapeutes et autres, travaillent ensemble
dans un même but c'est-à-dire maintenir la santé des gens
ou bien leur permettre de la recouvrer.
Alors, nous nous demandons ce qui surviendrait si un chiropraticien
était dans le groupe. Nous avons des connaissances de base plus ou moins
poussées mais toutes semblables, c'est-à-dire, en nursing comme
en médecine ou en physiothérapie, nous commençons tous par
apprendre l'anatomie et la physiologie uniformément de façon plus
ou moins poussée. Alors qu'est-ce qui arrivera lorsqu'un chiropraticien
entrera dans l'équipe et aura une conception différente de
l'anatomie, de la physiologie? Il voit de façon différente les
sources nerveuses qui apportent la vie aux organes.
M. FORTIER: Troisièmement, vous croyez qu'il y a vraiment un
danger pour le public qu'il y ait trop de radiographies prises par les
chiropraticiens dans l'exercice de leur art?
MLLE CLARKE: Je suis une infirmière, je ne suis pas une
radiologiste. Je m'en remets à l'opinion des spécialistes qui ont
vraiment fait beaucoup de recherche là-dessus et je vois qu'il y a
vraiment, d'arès leur opinion scientifique, des dangers dans ce
domaine.
M. FORTIER: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mlle Clarke, votre position est assez
catégorique. Le gouver- nement, d'une part, met en place toutes sortes
de programmes pour favoriser le dépistage, la prévention,
l'immunisation, les programmes de santé. D'autre part, pendant le
même temps, il reconnaît un groupe. Vous y voyez des dangers,
même vous y voyez une certaine contradiction. Sans entrer dans le fond du
débat, parce que cette commission l'a fait à plusieurs reprises,
il reste que depuis plusieurs années la chiropraxie existe. Elle est
reconnue dans des provinces. Elle est reconnue dans des Etats
américains. Elle est reconnue ailleurs et ici on a des centaines de
chiropraticiens qui pratiquent illégalement, alors que le but de la loi
est de protéger le public.
Est-ce que vous ne croyez pas qu'on pourrait légaliser la
profession, en lui donnant certains pouvoirs, en déterminant le champ
d'exercice? Ceci, nécessairement, n'aura pas l'assentiment des
professionnels concernés à 100 p.c, d'un côté comme
de l'autre, mais où tirer la ligne? Est-ce que vous ne croyez pas que
cela serait mieux pour la protection du public, la solution de la
reconnaissance officielle, du contrôle, de l'autodiscipline, du code
d'éthique de ces professionnels de la santé? Vous avez
mentionné tantôt qu'ils vont travailler ensemble dans des
équipes; ils ne seront pas parfaitement d'accord parce qu'il y en a qui
vont arriver avec une conception différente. Ils n'auront pas
étudié les mêmes théories de base, ils n'auront pas
la même conception. Alors, je vous pose la question: Est-ce que ce n'est
pas préférable qu'il y ait reconnaissance à ce moment-ci,
en y mettant toutes les formes et toutes les précautions
nécessaires?
MLLE CLARKE: Premièrement, vous avez mentionné quelque
chose au sujet des différents Etats qui ont reconnu les chiropraticiens,
les différentes provinces du Canada. Je pense que le retard que vous
avez mis à légaliser la chiropraxie est un retard bien positif.
Vous prenez le temps d'étudier la question et vous ne voulez pas faire
un faux pas. Cela ne veut pas dire que, si les Etats-Unis ont
légalisé la chiropraxie, vous êtes dans l'erreur si vous ne
le faites pas. Vous savez qu'aux Etats-Unis on recommence les études
pour les "délégaliser", c'est-à-dire qu'on veut les
éliminer du programme Medicare.
Alors je me demande si attendre quelque temps pour voir le
résultat de ces études ne vous ferait pas encore changer
d'idée sur la question de la légalisation. Ensuite, un autre
point que vous mentionniez c'était que travailler ensemble serait
difficile.
M. CLOUTIER (Montmagny): II y a une équipe
multidisciplinaire.
MLLE CLARKE: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'imagine que, d'après ce que vous avez
expliqué, il est
possible qu'il n'y ait que le chiropraticien qui ne soit pas d'accord
avec les autres disciplines.
MLLE CLARKE: Même dans tous les Etats où ils ont
été légalisés, cela n'a pas amené les
chiropraticiens à vouloir travailler avec l'équipe
multidisciplinaire. Ici, au Québec, est-ce que les chiropraticiens
seraient d'une mentalité différente et accepteraient d'être
inclus dans l'équipe multidisciplinaire, dans le but de garder la
population en santé ou bien d'apporter des solutions aux
problèmes de la santé? Je me le demande et je pense que non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Parmi tous les chiropraticiens que vous
connaissez, que vous avez vus travailler, dont vous avez lu les travaux, que
vous avez entendus parler ou témoigner, est-ce que vous pensez qu'il y a
un assez large éventail d'opinions à l'intérieur
même de la profession des chiropraticiens? Le témoignage qu'on a
eu cet après-midi, je pense que c'est un témoignage à
l'extrême. On a eu d'autres témoignages devant la commission
parlementaire qui se situaient bien en deçà de ce que M.
Chèvrefils prétendait cet après-midi.
MLLE CLARKE: C'est un peu pour ça que le bill Bates &
Trebelco serait vraiment un autre angle à envisager, parce qu'ils sont
un peu moins radicaux. Vous avez dit que j'étais un peu
catégorique. Ils semblent un peu moins catégoriques et ils sont
prêts à faire des concessions et à écrire quelque
chose. Ils m'ont envoyé leur bill. Si vous voulez prendre connaissance
de leur bill 269 qui est révisé, je serais heureuse de vous le
passer et ils seraient très intéressés à venir
discuter avec vous, ces gens.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, si on pouvait et avoir une photocopie,
après la séance, on pourrait en mettre à la disposition
des membres do la commission.
MLLE CLARKE: Certainement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dorchester.
M. GUAY: J'ai seulement quelques questions à poser. Je m'excuse,
mademoiselle. Je ne voudrais pas être méchant comme membre de la
commission, sauf que, si nous sommes à cette commission parlementaire,
c'est pour vider les questions et je suis convaincu que vous allez nous
aider.
MLLE CLARKE: Autant que je peux.
M. GUAY: Vos premiers mots ont été "une médecine
parallèle". Donc, vous admettez au départ que c'est une
médecine.
MLLE CLARKE: Non. Je m'excuse, mais je ne voudrais pas qu'il y ait de
mauvaise interprétation. Je vois que ce sont deux systèmes en
fait, mais je ne voudrais pas que vous le preniez pour la vraie signification
de ce que nous comprenons par la médecine. Je veux dire que c'est un
système de santé qui se veut complet, comparativement au
système de santé médicale que nous connaissons qui se veut
complet. On pense non seulement au traitement final, mais à toute la
santé des clients, à partir de la naissance jusqu'à la
mort et de la méthode préventive jusqu'à la méthode
curative.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse. Un instant, Mlle Clarke. Est-ce qu'il y
aurait possibilité de nous confier votre document pour qu'on puisse en
faire quelques photocopies? Très bien. Continuez.
M. GUAY: Merci, M. le Président. Etant donné que quatre
infirmières en santé publique ont participé à la
rédaction du mémoire, j'aimerais savoir si elles sont membres de
l'Association des infirmières et infirmiers du Québec.
MLLE CLARKE: Oui.
M. GUAY: Combien d'infirmières appuient votre mémoire?
Quatre personnes ont participé à la rédaction, mais
combien d'infirmières appuient le mémoire? Est-ce que vous avez
fait une espèce de recensement ou une consultation, après la
rédaction du mémoire, pour savoir quel pourcentage des 40,000
infirmières pouvait appuyer votre mémoire?
MLLE CLARKE: Nous n'avons rien fait de cela. Nous avons écrit une
lettre à l'Association des infirmières de la province de
Québec, leur demandant si elles allaient publier un mémoire
spécifiquement en rapport avec la question chiropratique. Elles nous ont
répondu qu'il y avait beaucoup d'activités se rapportant à
la rédaction du mémoire concernant le bill 250 et le bill 27-3.
Alors, elles ne pensaient pas qu'elles allaient avoir le temps suffisant.
Cependant, je ne voudrais pas dire: Non, il n'y a pas d'autres personnes que
les quatre infirmières concernées qui ont voulu signer ce
mémoire, parce que nous ne le leur avons pas présenté et
que nous n'en avons pas discuté avec elles.
Peut-être que nous en aurions un bon nombre et nous pourrions
faire quelque chose comme ça.
M. GUAY: Si je vous pose cette question, c'est qu'on a entendu les
infirmières et infirmiers du Québec et ils y ont très peu
touché. Votre mémoire s'intitule: "La chiropraxie, un danger de
santé publique". Malgré tout, suite aux questions
déjà posées, vous avez mentionné que vous seriez
prête à accepter la légalisation de l'acte chiropratique,
moyennant certaines restrictions. Je vais tenter de vous faire
présicer,
de deux choses l'une: Ou vous admettez la légalisation d'un
danger public ou vous êtes favorable et vous dites que ce n'est pas si
pire que cela en fait. J'aimerais avoir la précision. La chiropraxie, un
danger de santé publique, et je vais prendre la précaution de
relire le texte pour le journal des Débats.
Vous admettez que le législateur devrait, parce qu'en fait, le
législateur devra prendre position, de façon rationnelle,
permettre l'acte chiropratique.
M. PEARSON: M. le Président, c'est une question insidieuse. Il me
semble que le député n'a pas le droit de poser sa question comme
ça. Parce que la boisson peut être un danger public et le
gouvernement le reconnaît, mais cela ne veut pas dire qu'il reconnaft les
bienfaits nécessairement de toute la patente. Il me semble que le fait
de légaliser, c'est-à-dire de reconnaître, cela veut dire
être capable de le contrôler.
M. LE PRESIDENT: J'ai l'impression que si mademoiselle...
MLLE CLARKE: Je voudrais répondre à cette question,
même si elle est peut-être un peu...
M. LE PRESIDENT: Si mademoiselle était en cour, elle pourrait
demander la protection de la cour. Mais tout de même, si vous voulez
répondre, répondez.
MLLE CLARKE: C'est justement. Mais je vais y répondre au meilleur
de ma connaissance. Je trouve que la question de la chiropraxie est un aspect
très politique. Vous savez que c'est très politisé. A un
moment donné, les membres du gouvernement devront peut-être se
décider personnellement et d'après plusieurs études; on a
démontré que le fait de légaliser quelque chose qui,
d'après mon sens, est une médecine sorcière, n'en fera pas
une médecine acceptable. Mais le gouvernement pense peut-être
encore qu'en la légalisant, on viendra à bout de contrôler
les activités, mais je n'y crois pas tellement.
Cependant, dans le bill révisé "The Bates and Trebelco",
on suppose qu'on va les légaliser, c'est-à-dire qu'on ne leur
enlèvera pas le pain de la bouche et on va cesser qu'il y ait des
chiropraticiens qui soient reconnus d'année en année,
c'est-à-dire qu'ils sont diplômés de leurs écoles,
des écoles qui n'ont jamais été reconnues par les
systèmes d'éducation. Qu'est-ce que c'est que d'obtenir le
diplôme d'une école, même si c'est après quatre ans,
dix ans ou vingt ans d'études, si l'école n'est jamais reconnue
par le système d'éducation? C'est ce qui existe aux Etats-Unis et
dans les autres provinces du Canada. Les écoles ne sont pas
acceptées.
M. GUAY: Alors, en conclusion pour cette question, vous demandez au
législateur de légaliser un danger de santé publique.
MLLE CLARKE: C'est, entre deux maux, le moindre peut-être, ou bien
peut-être que le législateur sera forcé de le
légaliser parce qu'il semble que les chiropraticiens, étant
très politisés, demandent beaucoup l'appui des clients, en fait,
ils font dire à bien des clients qu'ils sont très heureux d'avoir
été traités par des chiropraticiens. Il y a eu des
programmes à la radio où vous avez entendu sans doute des choses
aussi stupides qu'une femme qui appelle et qui dit qu'elle avait un
problème osseux, qu'elle est allée voir un chiropraticien et que
cela s'est amélioré. On lui a demandé si, au cas où
elle aurait un problème cardiaque, elle irait voir un chiropraticien.
Elle a dit, gros comme le bras: "Oui, j'irai". Elle ne sait rien, elle ne
connaît rien à la médecine. De quel ressort peut-elle
évaluer qu'elle chosirait un chiropraticien plutôt qu'un
médecin de médecine? Elle est bien dans le noir.
M. GUAY: Est-ce que vous pouvez affirmer que les médecins ne sont
pas politisés?
MLLE CLARKE: Je n'ai pas à répondre à cette
question.
M. GUAY: Remarquez bien que vous n'êtes pas tenue obligatoirement
de répondre à mes questions. Une autre question d'ordre pratique.
Avez-vous personnellement déjà reçu des services ou des
soins d'un chiropraticien?
MLLE CLARKE: Pas personnellement, mais je connais bien des gens qui en
ont reçu.
M. GUAY: Qu'est-ce qui les a incités à aller voir un
chiropraticien? Est-ce l'échec de la médecine?
MLLE CLARKE : Pas nécessairement. Mais vous savez que les
médecins sont très poussés et je pense qu'encore là
il y a beaucoup de problèmes psychologiques. Dans certaines
études, on a vu qu'il y a beaucoup de problèmes de santé
qui sont ce qu'on appelle hypocondriaques. Les gens ont des problèmes
psychologiques qui les rendent tendus. Ils ont des problèmes d'estomac.
Ils ont, conséquemment, d'autres problèmes. Ils vont voir un
médecin. Il y a peut-être une situation malheureuse qui existe.
C'est que le nombre de patients qui vont voir le médecin est tellement
grand qu'il y a un manque de communication. La population a besoin d'une
explication de ses problèmes, mais d'une explication où on
arrivera avec une réponse. Le problème est toujours physique.
N'essayez pas de faire comprendre à bien des gens que leur
problème est psychologique. Alors, il y a une situation difficile. C'est
qu'il y a un manque d'explication de la part des médecins avec leurs
patients. Conséquemment, le patient ne sait pas trop à quoi s'en
tenir. Il reçoit sa médication. Ce n'est pas efficace. Alors, il
va chez un chiropraticien. Celui-ci prend une radiographie complète de
la colonne
vertébrale. Déjà, on a fait quelque chose pour lui.
On a pris une radiographie. Ensuite, il lui explique, montrant une colonne
vertébrale qu'on peut à peine voir parce que si vous avez
déjà vu une radiographie de la colonne vertébrale
complète, cela ne dit absolument rien; je suis une infirmière et
je peux voir un peu de différence avec d'autres radiographies, bien que
je ne pourrais pas analyser les résultats que la subluxation est
ici. Alors, on touche le problème. C'est un problème physique. Il
n'y a pas de danger de se faire dire que c'est parce qu'on est poussé,
psychologiquement, par la tension et tous ses problèmes à avoir
des maux d'estomac, des ulcères ou toutes sortes de choses comme
ça.
M. GUAY: Quand même, dans certains cas, est-ce que certains
patients qui ont reçu des soins ou des traitements par des
chiropraticiens disent mieux se porter physiquement ou si, chaque fois, ce fut
un échec? Ce que je veux tenter de clarifier, ce sont toujours les
résultats. Parce qu'en fait, c'est ce qui compte.
MLLE CLARKE: Oui.
M. GUAY: Que ce soit par la médecine, que ce soit par la
chiropratique, que ce soit par la physiothérapie, que ce soit par la
phytothérapie, ce qui compte, ce sont les résultats. En fait,
ceux qui contestent, en quelque sorte, la chiropratique, s'attaquent
très peu à l'ossature de l'être humain. Mais là, ils
nous font glisser sur des maladies contagieuses en nous disant que le
chiropraticien ne peut pas traiter des maladies contagieuses. Cet
après-midi, on s'est permis de parler de cancer. A partir de là,
j'aimerais qu'on revienne au possible puisque votre mémoire s'intitule:
La chiropraxie, un danger de santé publique. Bien, qu'on traite cela
à peu près de la même façon qu'eux ont
défendu leur point de vue.
MLLE CLARKE: Vous voulez que je prenne un exemple précis, donc je
reviens à la situation que vous avez exposée tantôt : votre
question à savoir que vous avez deux os à l'avant-bras et qu'il y
a eu une fracture. Vous avez passé 75 jours dans le plâtre. Un os
sur les deux a repris. Pour éviter d'avoir un autre plâtre
qui vous dit, d'ailleurs, que l'hôpital aurait réinstallé
un plâtre, peut-être qu'on aurait fait seulement un bandage, je ne
sais trop vous êtes allé voir un chiropraticien et 70 jours
plus tard le problème était disparu.Soixante-dix jours plus tard,
votre problème serait disparu naturellement aussi, probablement.
M. BELAND: Si mon collègue me le permet, c'était moi qui
étais en cause.
MLLE CLARKE: Ah! c'était vous, excusez-moi.
M. BELAND: Oui, c'est ça.
MLLE CLARKE: C'était le mauvais bras!
M. BELAND: Lorsque j'appliquais une torsion du poignet, il me poussait
comme un genre de bosse.
MLLE CLARKE: Oui, c'est ça.
M. BELAND: La moelle sortait. C'est ce qui me faisait horriblement
mal.
MLLE CLARKE: Oui.
M. BELAND: Après des traitements chez le chiropraticien, il m'a
dit de faire attention.
D'accord. Maintenant, même si j'ai l'os complètement de
biais en somme, il n'est pas redevenu droit mais il est plutôt en
rond je peux cogner dessus et cela ne fait pas mal. A ce
moment-là, il n'y avait même pas moyen d'y toucher, tant cela
faisait mal.
Est-ce que c'est dû au fait d'activer tous les nerfs par des
massages? J'ai eu beaucoup de massages, en fait, dans le dos, la colonne
vertébrale, etc. A ce moment-là, j'ai senti le résultat.
Cela a été quand même flagrant. L'os, enfin, je le bougeais
avant d'aller chez le chiropraticien.
MLLE CLARKE: Je le crois.
M. BELAND: Au bout de 70 jours, tout était bien et même je
pouvais frapper un peu dessus, pas trop fort, mais quelque peu. Et
c'était bien. Quand même, ce n'est pas un miracle.
MLLE CLARKE: Non, non! Et je vois l'évolution. C'est
l'évolution bien naturelle d'une fracture.
M. BOIVIN: De 140 jours.
MLLE CLARKE: C'est cela, 140 jours. Une fracture qui se répare
seule, en fait. Psychologiquement, vous savez, on donnait à la personne,
qui était vous, une attention particulière. On faisait des
massages de la colonne vertébrale. C'est très bon de se faire
faire des bons massages de dos.
M. GUAY: Mademoiselle, j'aimerais savoir ce que vous pensez des
médecins qui, après des cours de fins de semaine on l'a
mentionné à plusieurs reprises se disent chiropraticiens.
Etes-vous en milieu hospitalier?
MLLE CLARKE: Non, je suis en santé publique. Mais j'en ai entendu
parler, en fait.
M. GUAY: Pourquoi ces médecins croient-ils bon de se dire
chiropraticiens si ce n'est pas le cas?
MLLE CLARKE: Je crois que c'est absolu-
ment non pertinent, pour moi, de répondre à une question
sur une opinion...
M. LE PRESIDENT : Je m'excuse, cela ne fait pas partie de son
mémoire.
MLLE CLARKE: Non, et je ne peux pas répondre pour les
médecins.
M. LE PRESIDENT: C'est très bien.
M. GUAY: C'est parce que j'ai peur qu'à un moment
donné...
MLLE CLARKE: Non, je ne peux absolument pas répondre pour les
médecins.
M. GUAY: ... on arrive avec des médecins qui, comme
chiropraticiens, seront un danger pour la santé publique.
MLLE CLARKE: Vous revenez au danger de la santé publique. Nous
avons ainsi intitulé notre mémoire parce que, après
plusieurs preuves, vous avez vu que ce serait un danger de légaliser la
chiropraxie. Un autre danger dont je n'ai pas discuté mais qui est
déjà mentionné dans le mémoire, c'est le "team
work", qui est recommandé par le bill 65. H faudra travailler ensemble,
toutes les professions.
En regard de cela, il y avait un autre problème,
l'éducation de la population. Dans les centres de services de
santé nous pratiquons beaucoup la médecine préventive et,
jusqu'à maintenant, nous ne faisions pas de médecine curative ou
de nursing curatif. Nous ne faisons pas de traitements où je travaille
actuellement. Mais nous devons diriger les gens, après avoir fait des
tests et un examen médical complet. S'il y a des problèmes, nous
envoyons les gens à des spécialistes.
Alors pour la population, si les deux professions sont légales,
c'est-à-dire les chiropraticiens et les médecins et
spécialistes de la santé, cela veut dire qu'autant l'un que
l'autre peut recevoir les clients. Je sentirais vraiment que je suis
malhonnête avec mon client si, lorsque la chiropraxie serait
légalisée, j'osais recommander qu'un de mes clients utilise les
systèmes chiro-pratiques.
M. GUAY: Avez-vous, d'autre part, à traiter des patients qui ont
eu, de façon accidentelle, ce que j'ai mentionné, le coup de
fouet ou "whip-lash"? Avez-vous à traiter de ces cas?
MLLE CLARKE: Je suis une infirmière, je ne suis pas
médecin. We give care but we do not treat.
M. GUAY: D'accord. Si les Etats-Unis ont fait l'erreur de
légaliser la chiropratique, j'aimerais savoir si vous avez des copies
des études, à ce jour, sur la façon de
"délégaliser", comme vous le disiez, la chiropratique. Est-ce que
c'est quand même quelque chose de concret? Les arguments sont-ils
valables? On pourrait peut-être établir que c'est vraiment un
danger pour la santé publique, à ce moment-là.
MLLE CLARKE: Oui. Vous pourriez peut-être contacter l'American
Public Health Association. Je pourrais vous lire un petit paragraphe, ici: "The
American Public Health Association composed of the administrators of the
Nation's Public Health Program not only strongly endorsed excluding
chiropractic from the Medicare program, but went even further. At its annual
meeting in November 1968, the APHA governor in council adopted a statement
urging Congress also to amend title 19, Medicaid to specify that federal funds
not be used to match state medicaid expenditures for chiropractic or
naturopractic services.
And that is not all what the APHA recommended. It also urged that States
reevaluate their existing licensure program for chiropractors and naturopaths
to determine whether such licences should be further restricted or abolished
and that existing restrictions be more rigorously policed."
A l'heure actuelle, dans le bill 269, il n'y a rien qui empêche
les chiropraticiens d'annoncer des radiographies complètes de la colonne
vertébrale. Et on joue même sur les sentiments des gens, on dit
aux mères de famille: Ne vous reprochez jamais d'avoir envoyé vos
enfants à l'école sans un examen complet fait par un
chiropraticien, ayez une radiographie de la colonne vertébrale.
Ce sont des annonces je ne dirais pas que c'est mot à mot
comme ça publiées. J'en ai en main; je pourrais vous les
montrer.
Pour continuer: "And it urged that professional and consumer groups
undertake appropriate consumer education on the hazard of unscientific health
care including chiropractic and naturopathy."
M. GUAY: Ce document est écrit par qui?
MLLE CLARKE: A special communiqué excerpt from the Journal of
American Medical Association, "What the health-care consumer should know about
chiropractic." Richard S. Wilbur, M.D.
M. BELAND: Si mon collègue me permet, après la lecture du
document, disons que, d'une façon, c'est quand même normal qu'un
Etat réévalue sa position à un moment donné, s'il y
a, à l'intérieur d'une profession, quelques membres qui
professent et qui ont tendance à nuire à la population
plutôt qu'ai aider. J'apporte un exemple précis. Dieu sait s'il y
en a de bons médecins dans la province de Québec, mais il y a
d'autres personnes qui pratiquent d'autres professions qui font du bien
aussi.
Parmi ces médecins, il y en a qui se tiennent à la fine
pointe du progrès, qui lisent continuellement et qui se tiennent au
courant des expériences nouvelles, etc. Nous en avons également
d'autres qui, depuis 15 ans, n'ont pas lu le moindre développement qui
s'est fait vis-à-vis certaines façons de procéder pour
soigner telle ou telle autre maladie. Comme si en 1972 on disait comme
ça s'est déjà dit d'ailleurs par quelques médecins
et quelques infirmières que la pénicilline ça
pouvait tout soigner, je pense que c'est dépassé. La
pénicilline peut soigner dans certains cas, mais il y a également
d'autres médicaments qui peuvent soigner dans d'autres cas et qui vont
être beaucoup plus efficaces.
A partir de ce critère, ça veut dire que vis-à-vis
n'importe quelle loi, même si la profession est reconnue aux Etats-Unis
dans plusieurs Etats, c'est normal que l'on réévalue les
positions qu'on a déjà prises et ça se fait dans le cas de
toutes les autres lois. Pourquoi une session dure-t-elle si longtemps ici
à Québec? Parce qu'on revient de temps à autre pour
apporter des amendements, se mettre à jour, on remet en question une
chose déjà décidée parce qu'on est
déjà dépassé par les évéments, par
d'autres facteurs qui sont entrés en ligne de compte.
Je trouve ça parfaitement normal qu'un Etat remette ses lois en
discussion, afin d'apporter des correctifs au point de vue de la
légalisation d'une profession.
MLLE CLARKE : Je pense qu'en contactant cette association on aurait des
résultats beaucoup plus à jour.
Il semble ici et je pense que peut-être en prenant contact
avec cette association on aurait des résultats beaucoup plus à
jour que l'American Public Health Association a utilisé des mots
beaucoup plus forts que de réévaluer de façon interne,
mais on veut changer quelque chose. Déjà, on a
décidé qu'on ne veut plus des "chiropractors" dans le "medicare".
Il y a des lois toutes récentes qui ont été
réécrites en vue d'expulser les chiropraticiens du programme
"medicare", je crois, dans l'état de New York. Et cela s'est fait tout
dernièrement.
Le Dr Murray Katz aura beaucoup d'informations, et fort précises,
à ce sujet.
M. LE PRESIDENT: Mlle Clarke, nous vous remercions. J'inviterais le Dr
Fortier à commenter votre mémoire.
M. FORTIER: Au nom de M. Castonguay, je vous remercie et vous
félicite de la clarté avec laquelle vous avez donné des
explications. Nous prenons très bonne note de vos remarques. D'ailleurs,
M. Castonguay sera mis au courant de vos explications. Merci.
MLLE CLARKE: Je vous remercie.
M. GUAY: Votre mémoire est un contre- poids à des choses
qui ont déjà été dites. Je m'excuse d'avoir
été dur envers vous, mais je l'ai été
également envers les chiropraticiens quand ils ont comparu.
MLLE CLARKE: II ne faut pas que vous fassiez de différence entre
une femme et un homme qui se présentent ici.
M. GUAY: Merci.
Dr Murrav Simon Katz
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup de vos remarques, Mlle
Clarke, et do votre mémoire, ainsi que vos consoeurs qui ont
préparé ce mémoire. Nous invitons maintenant le Dr Murray
Simon Katz à nous exposer le mémoire no 66.
MME OZENNE: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
suis Nadine Ozenne et je ne suis ici que pour présenter le Dr Katz, qui
vous parlera de son rapport sur les chiropraticiens. Vous devez vous demander
comment il peut être au courant de tout ce qui touche la chiropraxie; le
Dr Murray Katz a passé plus de deux ans à effectuer des
recherches. Il s'est rendu dans de nombreux bureaux de chiropraticiens tant aux
Etats-Unis qu'en Ontario et, bien entendu, au Québec. Il a donc
visité au moins une centaine de ces bureaux.
Ce n'est pas pour servir l'establishment médical qu'il est ici
aujourd'hui mais plutôt pour rendre service aux consommateurs. Il fait
partie du Comité contre la fraude à la santé. D n'est pas
le seul dans cette campagne contre les chiropraticiens. On peut citer le
Conseil national des citoyens âgés, la Fédération
des consommateurs d'Amérique, la Fédération nationale du
travail; le Collège américain de médecine sportive
également est contre l'emploi de chiropraticiens pour ses
athlètes.
Il serait bon de faire savoir que le Dr Katz est très
apprécié aussi à la clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles. Il participe également au service du conseil
d'ordonnance que vous avez bien voulu entendre ce matin. Il vous demande de
bien vouloir l'excuser de ne pas s'exprimer parfaitement en français et
il espère que cela ne nuira pas à vos travaux, enfin que vous
comprendrez que ce sujet a quand même une grande importance. Maintenant,
le Dr Katz.
M. LE PRESIDENT: Très bien, Mlle Ozenne. Maintenant, à
vous, docteur!
M. KATZ: Merci. Avant de commencer, c'est un chiropraticien qui a dit
que les médecins prennent un cours en chiropraxie, ce ne sont pas des
médecins qui ont dit ça. Le médecin prend un cours en
manipulation vertébrale et ce n'est pas de la chiropraxie, qui est un
système; la manipulation est une forme de thérapie.
J'aimerais, M. le ministre, M. le Président,
MM. les membres de la commission, expliquer ce qu'est la chiropraxie.
Bien entendu, ce n'est pas possible en si peu de temps et je serais heureux si
l'un de vous désirait en parler plus longuement et entrer en contact
avec moi.
Pensez-vous que la chiropraxie soit un équivalent de la
physiothérapie? Est-ce que les chiropraticiens ne soignent que des maux
de dos? Même si le bill 269 stipule qu'ils ne doivent soigner que les
maux de dos, pensez-vous que la manière dont le bill est
rédigé les limitera à ne travailler que les maux de
dos?
D'après mes recherches, partout où la chiropraxie a
été légalisée, il est vrai que beaucoup de gens
vont chez les chiropraticiens pour des maux de dos, mais nulle part les
chiropraticiens n'exercent une physiothérapie scientifique.
En fait, ils soignent les gens pour de nombreuses maladies. Les
associations officielles de chiropraxie elles-mêmes prétendent
être en mesure de soigner toutes les maladies. Cela pourrait être
prouvé si l'on regarde les renseignements distribués au public
par les associations officielles de chiropraxie, l'Association
américaine de chiropraxie, l'Association nationale de chiropraxie et
l'Association canadienne de chiropraxie. Vous devez vous demander pourquoi je
dis dans mon rapport que la chiropraxie ne traite pas des maux de dos, mais que
c'est en réalité un système qui tire avantage de la
crédulité psychologique des patients.
Prenons deux exemples. Un homme est atteint d'hypertension
artérielle. Il va chez un docteur qui ne pourra pas toujours lui donner
la raison de cette maladie et lui prescrira des comprimés.
Psychologiquement, l'homme sera frustré. Il ne saura pas pourquoi il est
malade. Chez le chiropraticien, on lui dit: "Monsieur, vous faites de
l'hypertension artérielle: cela est dû à telle raison, tel
nerf est pincé. Suivez un traitement de manipulation et vous serez
remis. Vous n'avez pas besoin de médicaments."
Cette personne est donc heureuse et elle sait pourquoi elle est malade.
Elle n'a pas de comprimés à prendre. Aussi, les chiropraticiens
savent satisfaire les besoins psychologiques de leurs clients.
Prenons une mère dont l'enfant se salit au lit. Elle va chez un
pédiatre qui, après un examen général pour voir
s'il n'y a aucune raison physique à ce problème, s'il n'y en a
vraiment aucune, lui dira c'est psychologique. Or, les mères moi,
je travaille comme pédiatre n'aiment pas des raisons
psychologiques. Elles veulent une raison physique. Donc, la mère ira
chez un chiropraticien et elle aura des radios très impressionnantes.
Elle aura les raisons physiques: un nerf pincé, et elle sera heureuse.
On peut trouver cet exemple dans une brochure officielle de l'Association
canadienne des chiropraticiens en Ontario où c'est
légalisé et dans toutes les provinces où cela a
été légalisé.
La chiropraxie se joue des craintes de l'homme envers la
médecine. Imaginez qu'un homme vient d'apprendre de son docteur qu'il
doit être opéré dans le dos. Cela lui fait perdre du temps;
donc, de l'argent, et il en souffrira. Imaginez que son chiropraticien lui dit:
Quelques traitements de manipualtion et tout ira mieux. Il se fait toucher et
guérit. Quel miracle !
La personne choisira la seconde solution beaucoup plus agréable,
évidemment. Retrouvons ces gens dix ans plus tard et voyons pourquoi la
chiropraxie est dangereuse. Dix ans plus tard, celui qui n'a pas subi
d'opération et qui n'a pas pris de médicaments était plus
heureux, mais son état a empiré. Cette personne était donc
plus heureuse, mais pas en meilleure santé. On pourrait dire exactement
la même chose de l'homme atteint d'hypertension. Il était heureux
de connaître pourquoi il était malade, mais il n'avait pas la
bonne explication.
Il était heureux de ne pas prendre de médicaments, mais
c'était ce dont il avait besoin. Dix ans plus tard, son coeur est en
plus mauvais état, il est plus attaqué par de petites
maladies.
Les chiropraticiens, en règle générale, sont contre
l'emploi des médicaments. De quel droit peuvent-ils l'être?
Quelles sont leurs connaissances en ce domaine? Ils n'ont, en fait, jamais
étudié la pharmacologie et ils le reconnaissent. Est-ce qu'ils
sont contre les médicaments c'est très important
parce qu'ils connaissent parfaitement ce domaine ou est-ce qu'ils ne profitent
pas seulement de la crédulité psychologique des patients?
A propos des écoles de chiropraxie, où est-ce que c'est
légalisé? En quelques mots, disons qu'elles ne sont pas reconnues
par les universités, même si les chiropraticiens prétendent
le contraire. Le bureau américain de l'Education ça fait 60
ans que la chiropraxie est légalisée a refusé de
reconnaître le diplôme de chiropraticien et considéré
officiellement que le mot est faux. C'est un diplôme faux. C'est une
classification officielle. En Ontario, le gouvernement a légalisé
les chiropraticiens en 1925. Vous devez comprendre que la législation de
la chiropraxie a commencé en 1913 et, avant 1930, plus de 33 Etats des
Etats-Unis l'ont aussi légalisée. Ce n'est pas une chose
nouvelle, la légalisation, c'est une chose qui date de plus de 50 ans.
En Ontario, le gouvernement refuse de reconnaître les écoles de
chiropraxie et en même temps il légalise la chiropraxie. Cela
n'est-il pas stupéfiant de légaliser une chose qu'on n'approuve
pas?
Nous arrivons au problème de la légalisation. Deux
études ont été faites: l'une en 1965 par le juge Lacroix
de Québec, l'autre par le ministère de la Santé, de
l'Education et du Bien-Etre social des Etats-Unis. Ceci est le
département officiel fédéral pour tous les Etats-Unis.
Cette étude a été faite en 1970. Vingt-deux personnes ont
participé à la seconde recherche: des médecins, des
chiropraticiens, des citoyens âgés et des travailleurs. Ce n'est
pas un comité de médecins. Ces deux rapports ont trouvé
la
même chose, par exemple que la justification de l'emploi des
rayons-X par des chiropraticiens est douteuse. Deuxièmement, que les
chiropraticiens veulent traiter tous les malades. Mais les recommandations ont
été différentes. Le juge Lacroix a recommandé la
légalisation. Le département de la Santé aux Etats-Unis,
qui avait plus de 60 ans d'expérience avec la légalisation, a
reconnu que la légalisation était un échec. J'ai le
document complet en français. Il est dit qu'il est surtout question de
protéger les personnes contre les chiropraticiens, que c'est un
échec de légaliser la chiropraxie parce que malheureusement,
c'est une chose qui est fausse.
En effet, nulle part où la légalisation est en vigueur,
les chiropraticiens se contentent de traiter des maux de dos. Nulle part
où la légalisation est en vigueur, les radiographies sont
valables ou nécessaires. L'Association canadienne de radiologie a dit
officiellement qu'il y a plus de 1 million de radiographies au Canada, chaque
année. Avec les rayons-X il y a des choses dont il est scientifiquement
impossible de dire ce que c'est. Vous le voyez vous-mêmes. D y en a deux
d'un enfant montrant tout le corps c'est de la Canadian Chiropratic
Association, là où c'est légal pour traiter un
enfant qui se salit au lit. Les nerfs sont invisibles au rayon-X et on ne peut
pas voir une chose invisible. Nulle part où la chiropraxie a
été légalisée, les écoles de chiropraxie
n'ont été reconnues. L'astrologie ne peut pas devenir
l'astronomie. Nulle part où la chiropraxie a été
légalisée, les chiropraticiens ont la même éducation
que les physiothérapeutes. Nulle part où la légalisation
est en vigueur, la chiropraxie soigne les maladies dans les hôpitaux.
Jamais un chiro ne travaille dans un hôpital. Qu'est-il possible de
savoir? Jamais ils ne travaillent dans un hôpital.
Nous arrivons au problème des rayons-X. C'est très
important. Il serait très important pour la commission de décider
si oui ou non les chiropraticiens ont le droit d'utiliser les rayons-X.
La commission devrait savoir qu'une mauvaise utilisation des rayons X
résulte en une dégénération physique. Il y a des
risques de fausse couche pour une femme enceinte, des possibilités de
cancer. Ce danger est caché. On n'attend pas pour voir le dommage. C'est
pour cette raison, depuis les dix dernières années, qu'il y a aux
Etats-Unis une réduction de 33 p.c. chez les médecins qui
emploient les rayons X dans les hôpitaux. Il y a un nouveau
système maintenant. C'est impossible, pour les omnipraticiens, de
prendre des rayons X au Québec. C'est nouveau. Il y a seulement les
radiologistes.
La commission devrait savoir que les réclamations des
chiropraticiens à propos des rayons X n'ont pas été
reconnues par des radiologues. Les collèges américains des
radiologues, dans tous les Etats-Unis, sont contre l'utilisation des
radiographies par les chiropraticiens. L'Associa- tion canadienne des
radiologues est aussi contre les chiropraticiens. Qui, à cette
commission, a la base médicale pour décider si les
chiropraticiens ont le droit de faire des radiographies? Qui? On peut aller
partout dans le Canada et trouver des politiciens qui, pour des raisons
politiques, accepteront de légaliser l'utilisation des radiographies par
des chiropraticiens. Mais on ne trouverait pas de radiologues qui
approuveraient cette mesure. Aucun. Les chiropraticiens prétendent, par
exemple, qu'ils prennent des radiographies pour savoir s'il n'y a pas de danger
de cancer. Ils disent qu'ils doivent prendre des rayons X parce que c'est
possible qu'il y ait un cancer dans le dos. Avant de faire la manipulation, ils
veulent vérifier.
Cela peut paraître vrai, mais quel député est
capable de savoir si les chiropraticiens sont capables de dépister le
cancer? Les chiropraticiens n'ont pas, eux, l'entraînement intensif
nécessaire pour être de bons radiologistes. Il est dangereux de
radiographier une femme enceinte et les chiropraticiens sont incapables de tout
connaître à ce sujet. Il faut un entraînement réel et
non de la politique pour devenir un radiologue. Le gouvernement a dit non, on
n'a pas de loi pour ça. C'est une question d'éducation et non de
politique.
La commission, avant de décider, devrait se référer
à des radiologues compétents pour savoir ce que c'est. Par
exemple, un chiroprati-cien dit: Moi, je prends seulement un rayon X et,
à l'hôpital, on prend cinq rayons X du dos. C'est dire qu'à
l'hôpital c'est cinq fois ce que je fais dans mon bureau. Mais quand le
médecin, à l'hôpital, prend le rayon X, par exemple, dans
une porte il y a une place pour mettre une clé. Vous avez seulement une
lumière très petite. Le chiropraticien prend le même rayon
X, avec la même lumière, mais avec la porte ouverte. C'est
possible d'aller à l'hôpital, comme je le dis, et d'avoir 50
rayons X. Je ne sais pas pour vous, mais un rayon X des chiropraticiens, "total
body", représente à peu près 250 rayons X faits par un
médecin.
Un autre sujet. Je pense que c'est mieux de former un comité de
radiologues pour décider exactement ce que sont les rayons X des
chiropraticiens.
Mes recommandations sont qu'un comité de radiologues devrait
être formé pour décider de ces questions. C'est important.
C'est ma première recommandation au bill no 269. C'est la question de la
décision des radiologues, qui sont les spécialistes.
En mai 1972, il y a quelques mois, à New York, le gouverneur
Rockefeller demandait l'opinion du service de la santé. Une commission a
refusé les réclamations des chiropraticiens et a confirmé
qu'on ne pouvait pas radiographier les organes génitaux ni les enfants.
C'est un bon précédent. Cela commence. Les recommandations des
services de santé aux Etats-Unis commencent à avoir leurs
effets.
Ce n'est pas légalisé partout aux Etats-Unis.
Ce n'est pas légalisé en Louisiane, ce n'est pas
légalisé au Mississipi. La nouvelle loi de la chiropraxie a
été étudiée par l'Assemblée nationale en
France et, il y a trois mois, elle a décidé de ne pas
légaliser la chiropraxie et de commencer un programme d'éducation
contre les chiropraticiens. Ce sont les notes de l'Assemblée
générale de France d'il y a quelques mois.
Qu'est-ce que le problème, ici? Il y a des chiropraticiens. Je
pense qu'il y en a 300 au Québec. Qu'est-ce qu'on fait avec ça?
C'est un problème. Je voudrais expliquer que je n'ai jamais dit que les
chiropraticiens étaient de mauvais gars. La chiropraxie croit en quelque
chose. M. Chèvrefils croit à quelque chose. Il croit qu'il est
correct. Ce n'est pas un voleur. En quoi croit-il? Au danger. Je suis
médecin. Je crois en quelque chose. Je crois en plusieurs choses. Je ne
sais pas si tout ce à quoi je crois dans ma pratique est correct ou non,
mais j'espère qu'à 80 p.c, c'est bon. La chiropraxie croit aussi
à quelque chose, mais c'est seulement 5 p.c. qui est bon. Cela est la
différence entre les deux. Je n'ai rien contre le chiropraticien,
individuellement. J'ai parlé avec plusieurs chiropraticiens. Il y a des
chiropraticiens qui m'ont parlé ainsi qu'à des radiologues de
l'hôpital Sainte-Justine et qui ont décidé d'arrêter
de prendre les rayons X des enfants. C'est la responsabilité du
médecin de faire quelque chose avec les chiropraticiens. Ce sont des
hommes qui ont des familles.
Enfin, nous n'avons pas besoin des chiropraticiens. Il y a beaucoup de
personnes qui sont capables de faire un travail scientifique pour le dos. Nous
n'avons pas seulement besoin d'éducation pour éliminer les
chiropraticiens. J'ai reçu une lettre de B.C. Trebelco. Je crois que
toutes les personnes qui ont fait des représentations à la
commission ont reçu un bill de B.C. Trebelco, ainsi que les
chiropraticiens. M. Trebelco est un avocat de l'Ontario, un professeur sur le
problème de la consommation. Il est très intéressant sur
ce sujet. J'aimerais vous donner mon avis à ce sujet. Le projet de loi
269 n'offre aucune protection, il ne tient pas compte d'expériences que
nous avons avec les chiropraticiens. Le bill Trebelco est plus moderne. Cela
date de 1972. Même si je ne suis pas d'accord sur tout le bill B.C.
Trebelco, il prend au moins en considération toutes les recommandations
de l'Etat de la Louisiane, de la France, ainsi que de la cour Suprême aux
Etats-Unis, laquelle a rendu une décision là-dessus. Il prend en
considération les décisions de l'Afrique du Sud qui est le
premier endroit où la chiropraxie est illégale. On ne doit pas la
légaliser. On est contre la légalisation.
Pourquoi y a-t-il de controverses à propos de la chiropraxie?
Vous savez qu'à Montréal, il y a eu quatre éditoriaux
à ce sujet. Je pense que dans tous les bills des autres professions, il
n'y a pas eu quatre éditoriaux. Par exemple, il y a quelques mois, le
Montreal Star a fait un éditorial qui disait: "Un des arguments souvent
avancés en faveur de l'Association des chiropraticiens au Québec,
c'est que c'est légalisé dans plusieurs autres provinces et dans
plusieurs états américains. C'est un argument d'une valeur
douteuse. Enfin, même dans ces endroits où la chiropraxie a
été autorisée, son rejet par le public augmente d'une
façon constante. Elle a été officiellement rejetée,
entre autres, par les ministres de la Santé, de l'Education et du
Bien-Etre social aux Etats-Unis, par le AFL-CIO, l'organisation syndicale, par
lesfédérations de consommateurs (une organisation
dont je suis membre) et par l'association nationale des citoyens
âgés.
Les gouvernants, sans aucun doute, prennent conscience de
l'intérêt à protéger le consommateur. C'est une
question de consommation, la santé. La santé est un produit. La
chiropraxie n'est qu'une partie du vaste problème de la consommation de
la santé. Si on adopte la loi contre les mauvaises voitures, on doit
aussi voter la loi contre les charlatans de la médecine, ceux qui
vendent des médicaments miracles pour guérir le cancer et
l'arthrite, les naturopa-thes et les chiropraticiens.
Si vous légalisez les chiropraticiens, pourquoi ne pas
légaliser les autres qui donnent des remèdes pour le cancer,
l'arthrite et toutes ces choses? Il y a juste quelques jours, j'ai vu une femme
avec un grand cancer. Elle était traitée par un naturopathe
depuis deux ans parce que les médecins lui avaient dit: Vous avez le
cancer. Vous avez besoin d'une opération. Les médecins ne
pensaient pas lui avoir fait peur. Elle va donc chez le naturopathe qui lui
dit: Cela va bien. Maitenant, deux ans après, elle a un cancer.
Je termine en vous disant que je parle pour le consommateur. Je dis
qu'il s'ait de le protéger. Je sais bien que c'est très
difficile. Mais, si les médecins, les pharmaciens, les avocats voulaient
protéger leurs propres intérêts pour la simple raison
d'argent, le gouvernement devait les critiquer. J'ai moi-même
critiqué ma profession de médecin, en ce qui concerne, par
exemple, le prix des médicaments et d'autres choses. Cependant, le
gouvernement devrait appuyer les médecins lorsqu'ils veulent seulement
protéger la science et le consommateur.
S'il y a des questions, je suis prêt.
M. FORTIER: M. le Président, je n'ai pas de questions
particulières à poser au Dr Katz. Je vous remercie de vos
explications que je remettrai moi-même au ministre. Je constate que vous
et Mlle Clarke semblez d'accord pour attirer l'attention du gouvernement, afin
de protéger le public, sur tout ce qui, selon vous, pourrait être
nuisible. Je vous remercie donc de vos explications.
M. KATZ: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, moi non plus, je n'ai
pas de questions à poser au Dr Katz, parce qu'on a traité
abondamment du sujet. Je sais que le Dr Katz a suivi attentivement les
séances de la commission, les journées où sont venus
devant la commission les chiropraticiens et les médecins. Vous avez
fouillé passablement la question. Vous êtes certainement une
autorité en la matière. La commission et le législateur
doivent certainement prendre en sérieuse considération le
témoignage que vous apportez et essayer de tirer la ligne au meilleur
endroit possible.
Je retiens également que vous avez parlé du projet de loi
dont on a eu une photocopie, tantôt. Je pense que nous devrons lire,
comme membres de la commission, cette proposition de loi et peut-être en
retenir des éléments. Je vous remercie, docteur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'aimerais également remercier
le Dr Katz. Vous avez apporté également un son de cloche
différent de celui que nous avons entendu. Vous avez nuancé. J'ai
aimé la nuance que vous avez faite. Peut-être que vous avez
été un peu moins catégorique. Vous avez peut-être
été un peu plus diplomate dans la présentation. Au lieu de
dire un non catégorique, vous avez tenté de dire: On va dire oui,
mais on va leur enlever toute possibilité. C'est un peu de cette
façon que je vois cela.
Nous retenons vos propos dans un certain sens. Cependant, j'aimerais
vous poser quelques questions. Est-ce que vous avez également,
vous-même, personnellement, reçu des traitements des
chiropraticiens?
M. KATZ: J'ai visité plus de 100 bureaux de chiropraticiens. Je
n'ai jamais subi de rayons X des chiropraticiens. J'ai vu beaucoup de
traitements des chiropraticiens dans les bureaux. Je dis tout le temps que je
suis un professeur qui s'intéresse à cela. J'ai visité le
Collège des chiropraticiens. Par exemple, en Ontario, ceci est le
premier livre sur ce que font les chiropraticiens. Il y a beaucoup d'autres
choses que j'ai faites, dans mes recherches. Il n'y a pas seulement moi, mais
il y a à peu près 40 personnes dans le comité contre la
fraude dans la santé. C'est une corporation du Québec. C'est une
corporation officielle des consommateurs contre la fraude dans la
santé.
Si vous voulez voir les résultats, quelquefois, des
chiropraticiens et des naturopathies, avec des personnes qui souffrent de cela,
cancers ou de l'arthrite je vous invite à une réunion.
M. GUAY: Je pourrais vous inviter à examiner les résultats
d'interventions médicales ou chirurgicales.
M. KATZ: Je suis bien d'accord qu'il y a beaucoup de choses, dans la
médecine, qui surviennent. C'est pour cela que je travaille dans la
clinique communautaire, c'est pour cela que je dois apprendre le
français, c'est pour cela que je travaille pour un salaire de moins de
$10,000 par année et c'est pour cela que je donne à mon patient
tous les médicaments gratuitement aussi. Je suis bien d'accord avec
vous.
M. GUAY: C'est pour cette raison que j'aimerais bien faire la part des
choses.
On dit que les autorités médicales sont unanimes à
affirmer que la chiropratique n'a aucune base valable, que les théories
de la mystique chiropratique n'ont jamais été soutenues par une
quelconque évidence objective et ont été
entièrement refusées par la science médicale.
D'après vos connaissances, vous allez tenter de m'expliquer une
chose. J'espère que vous allez réussir. Encore une fois, comment
se fait-il que des professionnels de la santé, médecins, sentent
le besoin de prendre des traitements chiropratiques?
M. KATZ: Ce sont les chiropraticiens qui ont dit ça; ce sont eux
qui ont dit qu'il y avait une fin de semaine d'études de la chiropraxie.
Ce ne sont pas les organismes de médecins. Mais je vais vous dire une
autre chose, parce que vous avez raison pour une chose: II y a chez les
médecins les mêmes besoins psychologiques que chez une personne
comme vous; la même chose. Le médecin ne veut pas une
opération; il ne veut pas prendre des médicaments; il ne veut pas
être affligé du cancer.
Il y a des médecins, pas beaucoup de médecins M.
Chèvrefils est un médecin qui ont un diplôme mais
qui sont un peu stupides. Avoir de l'instruction ne veut pas dire être
intelligent.
Quand vous entrez dans le monde avec les forceps ou sans les forceps,
comme il disait, la première chose qu'on va vous faire, c'est qu'on va
vous toucher. C'est un grand besoin. Et toute personne voudrait aller chez le
chiropraticien, prendre les vêtements, les mettre, relaxer et toucher.
C'est dire qu'il y a des besoins chez toutes les personnes.
Qu'est-ce que le traitement? Vous avez un mal de bras ou de dos. Vous
allez chez le chiro et tout le temps, il vous dit que ça va très
bien. Parce que le chiro vous donne le traitement jusqu'à ce que la
maladie soit finie, c'est dire que vous allez mal ici et il vous dit que
ça va prendre deux traitements. Si ce n'est pas bon, trois; si ce n'est
pas bon, quatre. Vous y allez jusqu'à ce que ce soit fini.
Une autre chose: Ce n'est pas le résultat qui est important. Par
exemple, si vous avez un torticolis, vous allez chez le médecin et il
vous dit: Vous devez porter un collet, prendre des aspirines et ça va
prendre trois mois. Vous allez au chiro: Et il fait une manipulation et vous
guérissez en une minute. Le résultat est impor-
tant. Mais pourquoi le médecin ne fait-il pas les mêmes
manipulations? Parce qu'il sait que dans 3 p.c. ou 4 p.c. des cas, environ, qui
ont eu une manipulation vulgaire, le problème des muscles était
réglé, mais avec 3 p.c. ou 4 p.c, vous provoquez une crise
cardiaque aussi. Et si vous prévoyez les cas, c'est dire qu'à 90
p.c, vous êtes correct. C'est bon, c'est guéri. Mais il y a 2 p.c.
ou 3 p.c. des cas qui ne sont pas guéris. Le médecin sait que
c'est possible de faire des manipulations pour guérir, mais il ne veut
pas essayer, parce qu'il pense aux 2 p.c. ou 3 p.c de cas dangereux.
Si vous pensez que ce n'est pas vrai, je vous donnerai des exemples de
manipulations de cous par des chiros, qui ont provoqué des morts; il y a
quelques cas d'autopsies que j'ai vus moi-même.
C'est dire que ce n'est pas le résultat qui est important, c'est
la question d'un service scientifique. Il y a beaucoup de choses comme
ça.
M. GUAY: Si on m'obligeait à donner des exemples, je commencerais
par citer un membre de l'Assemblée nationale et médecin.
Si ce n'est pas le résultat qui est important, on peut parler de
résultat à court terme et de résultat à long terme.
Il peut y avoir des conséquences, de certains actes, comme vous dites.
Comme il peut découler des conséquences graves de certaines
interventions chirurgicales. Mais, devant l'aspect psychologique on va
oublier les conséquences d'un traitement pourquoi le
médecin ne fait-il pas, lui aussi, ce traitement psychologique?
M. KATZ: C'est très simple. Il y a des personnes qui viennent me
voir à mon bureau mais qui ne sont pas heureuses avec moi tandis qu'avec
le chiro, elles sont heureuses. Mais c'est une question... En commençant
mon rapport, j'ai parlé d'une "sugar pill", une pilule de sucre. Il y a
des fois où je donne, dans mon bureau, des pilules de sucre pour des
raisons psychologiques. Mais le sucre ne tue pas; ce n'est pas un danger. La
chiropraxie, c'est une pilule de sucre.
Et tout le temps, vous donnez une explication à savoir pourquoi
vous êtes malade, vous n'aurez jamais raison, vous avez mal au dos, le
médecin dit: Bon, vous avez besoin d'une opération. Je pense que
c'est un disque. Pendant ce temps, le chiropraticien prend un rayon-X et dit:
Non, votre nerf est pincé, c'est exactement ce que vous avez. Si ce
n'est pas dangereux de donner "les mauvaises informations, c'est dangereux
quand le chiropraticien prend une radiographie. S'il fait une grande
impression, c'est dangereux.
J'ai besoin d'un "medecine man", j'ai besoin d'une personne pour prendre
une radiographie comme ça mais pas des rayons-X seulement pour
l'impression. Je suis bien d'accord. Par exemple, j'ai des personnes dans mon
bureau qui sont fatiguées; ça ne va pas bien, quelque chose comme
ça; je sais bien; je les envoie un à un au chiro qui leur donne
un bon traitement psychologique, mais les rayons-X, c'est dangereux. Il dit aux
personnes qu'elles n'ont pas besoin de médicaments, c'est dangereux; il
fait peut-être une manipulation, qui est quelquefois dangereuse. Si je
fais ça pendant cinq ou six ans, je me retrouve avec une personne ayant
un cancer de dos et à qui le chiropraticien avait donné un
traitement.
Voici une autre information pour vous montrer que vous nesavez pas
beaucoup sur ce sujet. J'ai entendu des conversations entre chiropra-ticiens
à Toronto, il y a trois semaines. A ma surprise, j'ai vu que plus de 50
p.c. des personnes qui étaient là représentaient des
compagnies pharmaceutiques. J'ai visité quelques bureaux de
chiropraticiens en Ontario, où c'est légalisé, et j'y ai
vu des médicaments, de pharmacies: par exemple, j'ai ici une bouteille
que j'ai trouvée dans un congrès de chiropraticiens. J'ai
trouvé une autre chose, une nouvelle chose au sujet des chiropraticiens
en Ontario. Il y a ici des muscles, il y a ici des médicaments dont vous
avez besoin. Par exemple, le chiropraticien, là où c'est
légalisé, c'est pour ça qu'on ne reconnaît
pas leurs écoles, dit: c'est votre gluthis maximus. Vous savez ce
que c'est, quand vous saignez "sore", "right"? Il vous manque le
matériel des ovaires d'un boeuf. Il fait les pilules, et qui manufacture
toutes les pilules comme ça? Les naturopathes.
Je tiens à vous dire qu'il y a un médicament que les
chiropraticiens donnent maintenant en Ontario qui se somme l'andrenamine, pas
l'andrenaline, mais l'andrenamine. Et pourquoi les chiropraticiens donnent-ils
ça? Parce que si vous avez un examen, s'il veut qu'il y ait une
subluxation, si la personne souffre d'une hypertension artérielle, il
doit donner ça. Il y a des médicaments maintenant et j'ai
visité trois bureaux de chiropraticiens, je sais que ça existe
comme ça: j'ai vu trois pharmacies chez des chiropraticiens, avec toutes
ces mêmes pilules. Quelles sortes de pilules? Une pilule avec du foie de
boeuf, une pilule contre le spleen; une pilule pour le pancréas; une
pilule pour soigner les testicules; une pilule contre la perte de sang, pour
les maladies de l'utérus, on donne une pilule. Toujours des pilules!
C'est une chose fantastique.
Je sais bien que c'est fantastique, mais c'est officiel, c'est
légal. C'est le problème. Vous légalisez une chose sur
laquelle vous n'êtes pas d'accord. C'est une solution politique. Si vous
parlez avec les politiciens, tout ça va bien. Et je n'ai rien dit contre
vous parce que je sais bien que c'est un problème. Mais vous
légalisez les chiropraticiens au Québec, vous devrez payer
environ $10 millions pour le "medicare" et toutes ces choses.
Et pourquoi légaliser les chiropraticiens avant de subvenir
à d'autres besoins? Si vous commencez un programme d'éducation
avec des dépliants, des brochures par exemple, il y
a un état aux Etats-Unis qui a fait un programme, avec des
commerciaux, toutes sortes de choses comme ça vous pouvez
être heureux, mais vous n'êtes pas en bonne santé et cela
peut coûter $100,000 par année.
M. LE PRESIDENT: Je m'excuse, docteur, il y a des membres de la
commission qui ont exprimé le désir de voir si vous pourriez
confier le document que vous venez de nous exhiber; nous pourrions en faire des
photocopies et prendre connaissance de votre dossier.
M. KATZ: Celui des médicaments comme ça?
M. LE PRESIDENT: Oui, si vous le voulez bien.
M. KATZ: D'accord, si vous me donnez les noms des membres de la
commission, j'enverrai un gros paquet de tout ça.
M. LE PRESIDENT: On peut faire faire une photocopie immédiatement
de ces deux documents.
M. GUAY: Vous avez touché la distribution des drogues par les
chiropraticiens. J'aimerais savoir de vous si ces mêmes drogues sont
moins néfastes, si je peux dire, vendues par un pharmacien ou un
médecin?
M. KATZ: Non. Quant aux médicaments, je ne sais pas grand-chose
à ce sujet, parce que c'est seulement il y a trois semaines que j'ai
appris cela. Mais le comité contre la fraude dans le domaine de la
santé a commencé un travail sérieux très
intéressant. Il y a dans notre comité des professeurs de
pharmacologie et des gens comme ça. Et on a appris que ce sont les
riaturopathes qui font des médicaments pour les chiropraticiens. On a
fait une analyse de six de ces médicaments. Un naturophathe a
donné des médicaments, par exemple, pour traiter un
diabète. On en a fait une analyse et cinq ne contenaient que des fleurs,
du "beef ovary" et des choses semblables. Un autre contenait beaucoup de
calcium, et ça c'est dangereux.
M. GUAY: Maintenant, pour revenir au domaine plus spécifique de
la chiropratique, celui de l'ossature, dans le cas de personnes qui ont des
membres déplacés ce ne sont pas des cas particuliers
que fait la chirurgie?
M. KATZ: Je n'ai pas compris. Vous me demandez ce que fait la chirurgie
pour un mal de dos?
M. GUAY: Si, par exemple, comme on voit assez souvent, un membre, que ce
soit un bras, une épaule, un genou, une cheville, est
déplacé, que fait alors la chirurgie?
M. KATZ: Par exemple, une épaule, c'est possible en la manipulant
de la replacer.
M. GUAY: Et si c'est le médecin, est-ce qu'un médecin fait
ainsi de la manipulation?
M. KATZ: Oui, un orthopédiste. M. GUAY: Est-ce bon?
M. KATZ: Cela prend quelque temps, tout dépend de la cause. Par
exemple, il y a des problèmes qui prennent quelques mois. Je pense que
je comprends votre question. Le chiropraticien dit tout le temps qu'il
guérit le problème. Vous savez, quant à moi, si le
médecin, dans toute l'histoire de la médecine, on voudrait une
explication pour toutes les maladies, et un traitement pour toutes les
maladies, c'est très bien comme ça. C'est dire que vous avez une
raison pour toutes les maladies et un traitement pour toutes les maladies. Si
ce système existe, je voudrais le savoir. Vous savez, avec un
problème comme ça, le médecin scientifique a pensé,
il y a 50 ans, que le cancer avait seulement une cause, soit l'irritation.
Vous savez que le cancer de la peau du côté gauche chez
l'homme est plus fréquent que chez la femme. Cette dernière l'a
à droite. Car la raison le soleil est la cause du cancer de la
peau, c'est un fait lorsque vous conduisez votre voiture vous êtes
à gauche et votre femme est à droite. On a fait une étude
qui montre que le cancer du bras gauche est plus fréquent chez les
hommes que chez les femmes. C'est un fait.
Si vous fumez, vous avez le cancer du poumon. C'est-à-dire que le
médecin a longtemps pensé que tous les cancers avaient une cause
d'irritation. Et tant que les médecins ont pensé cela, on n'a
avancé à peu de choses. Quand on a regardé de plus
près... c'est bien qu'il y ait un jour des vaccins contre le cancer.
C'est vrai, mais c'est seulement quand les médecins ont pensé
qu'il y avait beaucoup de causes de cancer. Il y a des irritations, il y a des
causes congénitales, soit l'enfant qui naît avec un cancer, bref,
il y a beaucoup de causes. Quand le médecin a accepté ça,
c'était un pas en avant. Quand on pense qu'il n'y a qu'une cause pour
toutes les maladies et un seul traitement, c'est un "hang up". Et c'est un
"hang up" qui existe en médecine scientifique aussi. Mais il y a eu de
grands progrès en médecine. Il y a beaucoup de choses qui causent
des maladies. Quand M. Chèvrefils était ici et qu'il a dit qu'il
y avait seulement une cause pour toutes les maladies, les nerfs coincés,
et seulement un traitement... Si vous voulez, vous lirez le livre
vous-même, vous verrez, par exemple, dans ce livre, que si une personne
souffre d'une crise cardiaque ce serait le livre du chiro employé
maintenant en Ontario. On donne une tape dans le dos pour détendre les
nerfs.
C'est intéressant parce qu'il y a des hommes qui sont très
sincères. Je pense que le chiro que vous connaissez n'est pas un voleur,
il croit à ce qu'il fait, il voudrait aider les hommes. C'est ça
la chose tragique, que ce soit un problème personnel comme ça.
C'est une responsabilité. Moi, je ne suis pas pour éliminer tous
les chiropraticiens et les jeter dans la rue, etc... Je pense que c'est pour
ça que le Bates & Trébelco a commencé. Le Bates &
Trébelco sait à quel endroit on ne donne pas de rayons-X. Il
indique des dangers. Après ça, commence un programme
d'éducation. Je sais qu'il y a beaucoup de chiros qui sont de bons
hommes. Ce n'est pas une question d'être bon ou non, c'est une question
de résultats.
M. GUAY: Maintenant, probablement comme dernière question, parce
que vous avez répondu... Vous avez dit des choses très
intéressantes. Dans le cas de membres déplacés, le
médecin par manipulation apporte un résultat qui semble, selon
vos dires, satisfaisant. Pourquoi ce serait mauvais quand c'est un chiro qui
pose l'acte qu'on appelle manipulation, étant donné que lui, il a
une formation beaucoup plus poussée que le médecin dans la
manipulation?
M. KATZ: On doit faire une différence. Il y a deux choses. Il y a
la manipulation, cela est une technique. C'est un acte spécifique
thérapeutique que le spécialiste en orthopédie emploie
quand c'est indiqué. De l'autre côté, il y a un
système des chiropraticiens qui pensent que la manipulation est le
traitement pour toutes les maladies. Il y a d'un côté un
système et de l'autre, un traitement. Deuxièmement, si vous
coupez votre doigt, vous allez chez votre voisin pour mettre un bandage;
ça ne veut pas dire que c'est un médecin. C'est possible pour
vous d'aller chez le chiro parce qu'il y a beaucoup de personnes qui vont chez
le chiro pour les maux de dos; il vous donne une physiothérapie vraie,
une bonne physiothérapie, mais cela ne veut pas dire qu'il avait les
qualifications d'un physiothérapiste. Vous savez qu'il y a beaucoup de
personnes qui peuvent travailler votre dos. Il y a les physiatres, les
spécialistes en médecine de réhabilitation comme le
docteur Gustave Gin-gras, il y a les orthopédistes spécialistes,
il y a les physiothérapistes. Mais pourquoi a-t-on les chiros? Parce
que, si le médecin vous dit que vous avez besoin d'une opération
et que vous ne voulez pas l'opération, vous allez voir le chiro qui dit
que ce n'est pas nécessaire. Je vous donne une conversation typique.
J'ai parlé avec un homme qui m'a dit: Moi, je suis contre les
médecins, je suis pour les chiros. Pourquoi? Parce que je suis
allé chez le médecin et le médecin dit que j'ai besoin
d'une opération; je suis allé chez le chiro et il me dit que je
n'ai pas besoin d'opération. J'ai demandé: Depuis quand
allez-vous chez le chiro? J'y vais depuis dix ans. Est-ce que vous vous
absentez de votre travail? Je dois changer de travail, parce que le dos me fait
encore mal. C'est dire qu'il a manqué trois mois par année,
pendant dix ans, pour aller chez le chiro parce qu'il avait peur de
l'opération. C'est la faute du médecin, parce que le
médecin lui a demandé: Est-ce que vous avez peur de
l'opération? C'est d'abord la faute du médecin. D'accord?
M. LE PRESIDENT: Maintenant, je m'adresse aux membres de la commission.
Nous avons encore deux mémoires à entendre ce soir. Est-ce qu'il
y aurait possibilité d'avoir votre collaboration pour agir le plus
brièvement possible et résumer? D'accord?
M. BELAND: Je vais être bref, M. le Président, et je vous
reporte à votre document, aux conclusions et recommandations, en
deuxième page: "Attendu que la chiropraxie constitue à la base un
problème purement psychologique et sa solution réside dans un
programme d'information éducative." Vous continuez aux paragraphes b) et
c) également. Je suis complètement d'accord avec vous sur
certains points. Mais, par contre, à un autre palier, j'aimerais savoir
de vous si vous considérez, dans des cas analogues, que c'est
psychologique aussi le fait qu'on va donner des pilules de sucre ou de farine
le soir avant de se coucher à une dame ou à un homme, parce que
c'est simplement la confiance. Si elle a cette pilule de telle grosseur ou de
telle couleur, elle s'endort. Mais si elle ne l'a pas, elle ne s'endort pas et
il n'y a rien dedans. Et vous laissez faire cela par des médecins.
M. KATZ: II y a beaucoup de choses qui ne sont pas bonnes dans la
médecine. Je suis bien d'accord et je pense que tous les médecins
ont besoin d'un salaire et de choses comme cela. Je suis bien d'accord avec
vous. Il y a beaucoup de choses psychologiques dont les gens ont besoin. Je
suis d'accord sur cela. Mais qu'est-ce qu'on doit faire? Est-ce qu'on doit
éduquer les médecins à donner un meilleur service ou
est-ce qu'on dit: Maudits médecins, on a besoin des chiropraticiens
!
Par exemple, vous savez que la chiropraxie est légale dans tout
le Canada, jusqu'à Terre-Neuve et au Québec maintenant. Comme je
l'ai dit, c'est un phénomène qui a commencé il y a plus de
50 ans, ce n'est pas une chose nouvelle. Ce sont les gouvernements qui ont
décidé de légaliser la chiropraxie. Par exemple, 33 Etats
aux Etats-Unis ont décidé cela avant 1935. Ils s'arrêtent
maintenant de le faire. Il y a une autre façon. Je suis bien d'accord
qu'il y a beaucoup de choses. Mais la réponse à cela, c'est la
bonne éducation des médecins et non la coopération avec un
charlatan.
M. BELAND: Pour ma part, je vous remercie et je constate que vous feriez
peut-être un meilleur politicien que nous-mêmes.
M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant le député de
Gaspé-Sud, s'il veut faire des remarques.
M.FORTIER: Je remercie le Dr Katz et nous prenons bonne note de ses
explications. J'endosse également la requête du président
et je demande à chacun sa collaboration pour qu'on puisse entendre les
deux autres mémoires. Nous pourrions terminer ce soir l'audition des
mémoires concernant le ministère des Affaires sociales.
M. LE PRESIDENT: Pour terminer, docteur, nous vous remercions et nous
vous félicitons également, car vous n'aviez pas besoin
d'être excusé au tout début pour votre français.
Nous avons apprécié vos commentaires et votre exposé. Nous
vous remercions.
M. KATZ: Merci.
Compagnie R.F. Baril
M. LE PRESIDENT: Maintenant, j'invite à la barre la compagnie
R.F. Baril et Me Keating. Me Keating, nous allons vous demander peut-être
un sacrifice, mais nous vous demandons, s'il y a possibilité, de faire
un résumé de votre mémoire et nous demanderons aussi aux
membres de la commission de vous poser les questions. Ils ont votre
mémoire en main. A vous la parole.
M. BARIL: M. le Président, malheureusement, je ne peux pas
m'exprimer aussi précisément en français qu'en anglais;
avec votre permission, j'aimerais faire ma présentation en anglais.
M. LE PRESIDENT: Oui, allez.
M. BARIL: Merci beaucoup. I will try to be as brief as possible. I
realize that you are running late.
M. LE PRESIDENT: We would appreciate that.
M. BARIL: My compagny was incorporated by Letters Patent issued in the
Province of Quebec in 1932. The company has four branches in Montreal and
suburbs. But the main branch, central laboratory and executive offices are at
1408 Drummond Street, in Montreal. The company was established in 1928.
The company employs fourteen licensed dispensing opticians. The total
staff, including receptionists, accounting staff and laboratory technicians, is
of 25 persons. In view of the contractual obligations, which we have assumed
and concluded, and negociations, which are presently under way, our plan of
expansion in the next fiscal year will bring us an anticipated annual volume in
excess of one million dollars. I state these facts merely to indicate to you
that we are an established firm providing substantial employment in Quebec. We
are the largest firm of retail dispensing opticians in the province and one of
the largest in Canada.
We heavely invested in Quebec, and it is my earnest wish and desire to
continue to invest and expand and to continue serving the people of Quebec in
the same manner as we have served them for the past 44 years. A manner, which I
might had, has made us one of the most highly respected retail optical firms in
Canada. However, certain provisions of bill 268 and our unfortunate inclusion
in bill 250 will make continue investment impossible and certainly unadvisable.
You know, it is not in the nature of an intelligent businessman to invest money
which will not generate a significant return on invested capital and carry a
worthwhile groth potential. It would make better business sense to use reserve
funds and profits to invest in bunds or in non-speculed investments the value
of which will endure to the benefit of a person's heirs and descendants.
Bill 268, however, imposes a stipulation that the lawful heirs of the
decease or retired optician must invest themselves of the shares in their
company within three years. This would have the effect of depriving the
shareholders of their right of ownership. And the result of this position would
be contrary to the most elementary principles of civil rights in justice.
My compagny has operated as a corporation, legally constituted, and has
engaged in the retail sale of ophthalmic products for 44 years and has enjoy
the protection of the Dispensing Opticians Act. We have enjoyed that protection
since June 13 th, 1940. Bill 268 would repeal the present law, the Dispensing
Opticians Act, and disallow the principles of commun right to apply and also it
would attempt to render inapplicable certain dispositions of the Companies
Act.
I think that it is important, at this time, Mr. Chairman, to examine
briefly the basis for the opticians unfortunate inclusion in the professional
code and the basic premise on which this professional posture is found, namely
professionalism versus commercialism. And I treat upon this in my brief as much
as one has its basis the profit motive and the other has the welfare of the
client in accordance with the hypocratic principles. The other involves a
financial commitment as ours does in terms of stock-in-trade, inventory, long
terme leases, personnel, etc., whist the professional involvement, of course,
does not involve him in a minimum commitment in this regard.
Now, at the time that our company was founded, it is hardly necessary to
say tha my father founded the company. I was not here at the time. The last
thing in his mind was to consider himself as a professional. Now retail
dispensers, such as myself, do not differ in any way at all from other
contractors who buy at whole sale and sell it at retail.
We assume long and costly liabilities, we invest substantial sums of
money in leasehold improvements, instruments, equipment, machinery, furniture,
etc. We carry heavy inventories of frames and lenses and this, of course, now
since eye glasses have become a tremendous fashion item, we have to stock
untold quantities of these.
To try and operate a business that is really retail-oriented and
depending on sound marketing principles under the burden of a professional
guideline is just about impossible. In the United States, for example, even in
the Province of Ontario, they are permitted television, radio, newspaper
advertising, preferably in good taste, but they are able to bring their product
before the public there, able to merchandise. In the Province of Quebec, even
under the existing law, we are allowed to put a professional card, our name and
address and phone number, and office hours. And I can assure you that even
under the present restrictions that we try to operate under, it is practically
impossible.
I have tried to analyse how we came to be considered as professionals.
And the only logical connection that I can draw is because we make glasses
according to the instructions given by either an optometrist or an
ophtalmologist. This little paper these instructions is referred
to as a prescription.
As I mentioned in my brief, the word "prescription", however, is a
misnomer when it is applied to the instructions as for ophtalmic lense glasses.
If you look in Larousse, you will see that a prescription is defined as "a
written statement, giving directions for making and using a medicine".
Obviously, a dispensing optician filling a so-called prescription does
not involve any physical consumption of any product and I think it is safe to
say that he does not endager the life and well-being of the patient even if he
does everything wrong.
However this professional stripe has been painted on us and we have to
labour under these burdens.
I do not understand how the dispensing optician merits the title of
"professional" and certainly because of that interpretation, we are being drawn
into the Professional Code under Bill 250 and Bill 268 imposes all sorts of
restrictions relating to the transfer of shares, so this is just going to be
impossible for us to operate.
One of the most critical aspects of this whole thing of bill 268,
relates directly to the quality of service to the public, because bill 268
would have a tremendous impact on the expansion of the retail industry.
Consider this, there are 278 members of the Corporation of Dispensing
Opticians in Quebec, if as bill 268 anticipates the optometrist stops selling
glasses within the next two years, you are going to have roughly 500
optometrists who will stop selling glasses and out of these 278 members of the
corporation, considering those working in wholesale houses and laboratories as
employees, you have roughly 85 or 90 stores. You have 90 stores that are going
to take up the slap created by 500 optometrists who will stop selling glasses.
I think there is a good possibility that the public might suffer as a result of
that.
And the answer, I think, is instead of preventing or imposing these
restrictions on share ownership, on dispensing opticians, and thereby
discouraging investment, that you should make a broader or more flexible law,
allow and encourage opticians such as myself to invest further and expand. And
only in that way, the industry, not only myself, but all my competitors too,
will be able to expand at a point were we can adequately serve the public
requirements.
I am sorry if I sound a little distraught here; I am just trying to
summarize what I intented to say before.
A compagny such as ours, R.F. Baril Inc., which has obviously achieved
the fair measure of success in the commercial world, has built a certain value
to its name, and the application of the restrictive terms of section 12 of bill
268 would have a severe adverse monetary impact on the proprietors of the
Company at the time of the death of the principal shareholders or in the event
that a sale of its capital stock were contemplated.
Any law which legislates long-established, capable and successful
companies out of business by forcing the removal of their principal asset
i.e. their name and corporate image upon the death or retirement
of their owners, cannot be considered beneficial or constructive.
Bill 268 will result in the planned elimination of Quebec's oldest and
most respected optical companies, whose contributions to the public service are
a matter of history. By denying the right of succession and continuity of the
name and corporate structure of an established company, bill 268 would force
the lawful heirs to divest themselves of control of the operation, allowing it
to pass into the hands possibly of individuals who might be less capable of
administering it.
And it is also important, I think, to note that it is only natural, and
a fundamental human right, to labour and take risks in building an enterprise
which will hopefully endure to the benefit of your children, your wife and
descendants.
I ask you where is the incentive for an individual such as myself to
devote a lifetime as my father did; my father worked for 50 years in the
optical business, my mother for 18 years and I have been in for 24 years. When
I found a way back to Montreal, I go off the road and get killed, my wife has
three years to dispose of the business. I do not see how that is a just law
and,
of course, in that event if the name had to come down and the widow had
to dispose of the property, the goodwill and reputation must be removed
because, obviously, the new owner would not be able to use any of these
advantages.
In relation to the repeal of the present Dispensing Opticians Act, I
would like to ask you about the acquired rights. Paragraph 32 of bill 268 would
repeal this law and in this present law there is a paragraph, article 22, which
reads: "Nothing in this act shall prevent the members of the corporation from
engaging in their art or business as a corporation, with the same privileges as
if acting individually or in partnership, provided that such corporation shall
have a dispensing optician in its permanent employ and that it existed as
carrying on the business of dispensing opticians prior to the passing of this
act."
Based on the protection guaranteed by this section 22, the company
invested substantial sums of money and embarked on a programme of expansion,
resulting in a substantial value in our enterprise. There was no restriction
placed on it at the time of its foundation and through the subject in 44 years
of business, nor did the act specifically define who could own the shares. The
only qualifying stipulation in the act is that according to this section 23,
the company shall have a dispensing optician in its permanent employ.
It becomes evident by virtue of the Dispensing Opticians Act presently
in force that a company which was incorporated prior to 1940 and has a licensed
optician in its employ and that this optician engages in his business as a
corporation, then all of the conditions of the law have been fulfilled, which
in my humble opinion represents an acquired right not lightly to be interfered
with. I believe article 22 of the present law was incorporated into it
precisely to protect the companies which existed prior to its adoption and to
assure that the corporation, after the death or retirement of the founder,
would continue to engage in the business of dispensing opticians. Otherwise,
the phrase "provided that such corporation shall have a dispensing optician in
its permanent employ" ... loses its meaning and significance.
In relation to Bill 250, the professional Code, my company welcomes the
appointment of representatives of the government on the board of directors of
the Corporation of Dispensing Opticians, because we feel that possibly with
these two government representatives there, any representations made by the
board of directors on behalf of our members will have a better chance of
representing the views of the majority of the members at large. For example, I
am, as I said, a director of the Corporation of Dispensing Opticians, my board
of directors sat at this table on August 29th and presented a brief to you
which not even any of the directors of the corporation had seen until they
landed on the table over here. I do not really think that they can pretend to
speak for the majority of our members or any of our members. They certainly do
not speak for me if I do not know what they are going to say. However, the
whole brief was shrouded in secrecy and I have checked with friends of mine,
the Chartered Accountants and other members of other groups who received
mimiographed copies of the briefs in the mail but not our group. This was done
in a very great secret.
It is our view that the concepts as outlined in Sections 102 and 109 do
not apply to a commercial, over-the counter, retail business, such as our own,
and we would like to make strenuous objections against the provisions contained
in those two sections, 102 and 109.
We feel that lay people, members of the Corporation, and consequently
our competitors, should not have access to the privileged information relating
to our business, our lease arrangements, future plans, or any other
confidential information that could be misused or directed against our
business. The imposition of an inspection committee comprised of our
competitors is a flagrant invasion of privacy, in my opinion, considering that
ours is a highly competitive, profit-making business.
I have no objection to Government members coming in and inspecting my
books or knowing my plans but a committee of my peers composed of my
competitors, I do not think is equitable.
This same feeling of opposition I would like to register against the
proposed "Committee of Discipline" (Division VII), which will carry the same
authority to summon and punish as the Superior Court. These are my competitors
and I think these are absurd powers and frightening powers to give to lay
people who after all are retail merchants like myself and who by no stretch of
the imagination carry the same responsibilities respecting the public welfare
as do lawyers or doctors. The entire premise on which this matter of inspection
and discipline is based has no logical application to the field of retail
profit-making business. In my estimation, it is the same as sending a committee
of inspectors in to examin Eaton's books, they are retailers as we are.
So, to bestow these unusual powers on lay people could provide the
weapons to a group of individuals to destroy a competitor, and these weapons
become all the more lethal inasmuch as the law states that an individual who is
struck from the roll would have to divest himself of his shares, once again
within a fixed period of time. The thought of such a possibility occurring in
the field of modern business is too ludicrous to consider the thought of a man
losing his business because of some refusal to comply with a committee of his
competitors.
We strongly urge the Committee in his wisdom to amend the clauses in
Bill 250 which relates to "inspection and discipline", so that they will not be
brought to bear upon the members of the Corporation of Dispensing Opticians of
the Province of Quebec, creating as it would, an impossible climate under which
to attempt to conduct a retail optical business.
In conclusion, Mr. President, I would like to make the following
request. I respectfully request that the Committee consider in its deliberation
the following: 1-The amendment of Bill 268 to protect the acquired rights of a
few companies, such as our own, and that the provisions of Bill 268 be made not
to apply to companies incorporated under the Dispensing Opticians Act and which
were incorporated prior to 1941, as provided for in Section 22 of the present
Act: 2-That Dispensing Opticians be excluded from the application of the
Professionnal Code and or alternatively, that Sections 102 and 109 be amended
to fully protect the members from arbitrary use of power by the Committee of
Discipline and that the Professionnal Inspection Committee be limited in its
functions to the examination of the professionnal competency of its members;
3-That the capital stock of companies carrying on the business of dispensing
opticians prior to June 13th, 1940, be freely disposable, provided that at all
times the company has a dispensing optician in its permanent employ; 4- That
Section 12 of Bill 268 be deleted to permit a person to carry on a retail
optical business under a name other that his own; 5- That the Committee reject
any representations made to it which would restrict the expansion of the number
of outlets which a dispensing optician may operate to the number of three;
And finally, we further respectfully request that Sections 13, 14, 15,
16 and 17 be amended to permit a non-licensed person to hold beneficial
ownership of the shares of a corporation without restriction, so that the
lawful heirs and descendants of an optician may continue to enjoy the fruits of
a man's labour, provided that all the other requirements of an ethical
operation are observed and that at all relevant times a dispensing optician's
outlet has in its permanent employ a licensed dispensing optician.
M. LE PRESIDENT: Vous êtes M. Walter Baril, vous êtes le
fils?
M. BARIL: Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Alors, j'inviterais le
député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Je remercie M. Walter Baril qui a présenté le
mémoire pour R.F. Baril Inc. Nous retenons pour étude les
conclusions et les recommandations qui sont suggérées. Je vous
remercie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mr. Baril, is it true to say that the problem
you have submitted is about the same as explained this morning by Mr.
Butler?
M. BARIL: I dit not hear Mr. Butler's presentation.
M. CLOUTIER (Montmagny): You did not hear it. I think it is the same
thing.
M. BARIL: What is that problem?
M. LE PRESIDENT: Reynolds, Butler Inc.
M. BARIL : What was his problem, sir?
M. CLOUTIER (Montmagny): I think it is the same conclusions.
M. BARIL: Mr. Butler's company is in a similar position to ours. It was
founded many years ago and incorporated prior to the passing of the Act. It is
also a very good example, if I may just take one more minute.
Here is one of the oldest optical firms in the country, R. N. Taylor
Compagny. The owner died recently. That company was established in 1899. Now if
Bill 268 would come into force that company could not continue. That would have
to be sold to a dispensing optician which means that his widow could not own
beneficially one share in that company.
I personnally would like to buy that company. My father first started in
the optical business in that company, so it has emotional value to me also. But
if I were to buy the company and the name had to come off to front, what is the
point? It is a bad investment for me because many people will go to that
company and will not come to mine because its name is honoured but not
mine.
So it is just like any other entreprise, I am a retail merchant, I am
interested to expand and invest, but I cannot do it if I have so many
restrictions imposed on me that it makes these investments unfeasible to
me.
M. LE PRESIDENT: Le député de Lotbinière.
M. BELAND: In the name of our group, I thank Mr. Baril for his
observations. I do not have any question but... Ici, je souligne la
nécessité... c'était le droit de M. Baril de
présenter son mémoire et de répondre aux questions en
anglais. Il faut lui reconnaître ce droit. Mais par contre, il y a la
nécessité ici, au Québec, de s'organiser, de façon
permanente,
au point de vue de la traduction simultanée ou d'organiser un
système quelconque. Je pense que c'est rétrograde que d'endurer
le système que nous avons présentement.
J'espère que prochainement nous aurons un système de
traduction simultanée.
M. BARIL: Si vous êtes intéressé, M. le
député, je peux vous faire parvenir la traduction
française de ma présentation. J'en serais très
heureux.
M. BELAND: Ce n'est pas nécessaire.
M. LE PRESIDENT: Nous l'aurions apprécié au tout
début.
M. BARIL: J'espère que la prochaine fois que je viendrai ici je
parlerai en français.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Est-ce que le député de
Gaspé-Sud a des questions?
Membres de la Corporation des opticiens
d'ordonnances
M. LE PRESIDENT: J'invite maintenant à la barre Me Alexandre
Lesage, qui est le porte-parole des 27 membres de te Corporation des opticiens
d'ordonnances. Nous vous demanderions peut-être un sacrifice, celui de
faire un résumé de votre mémoire, étant
donné l'heure, pour que nous puissions donner la chance aux membres de
la commission de vous poser des questions après.
M. FORTIER : M. le Président, M. Caston-guay m'a demandé
de dire aux membres de la commission que lorsque tous les mémoires
concernant les professions auront été entendus, le ministre des
Affaires sociales, M. Castonguay, aimerait avoir les commentaires des membres
de la commission, pour les corporations qui concernent le ministère des
Affaires sociales. Lorsque nous aurons ajourné, quand tous les
mémoires auront été entendus, le ministre désire
faire une réunion des membres de la commission pour entendre je
dis bien entendre les commentaires des membres de la commission en ce
qui concerne...
M. LE PRESIDENT: Les différents projets de loi.
M.FORTIER: Oui.
M. LE PRESIDENT: Me Lesage, nous sommes prêts à vous
entendre.
M. LESAGE: M. le Président, je veux bien être bref, mais il
faut que je trouve mes papiers.
Vous venez d'entendre M. Baril, que je me garderai bien de traduire. Il
a exprimé l'opinion que le mémoire présenté par la
corporation elle-même n'était pas représentatif, parce
qu'il n'avait été ni présenté au bureau de
direction, ni approuvé par les membres. D'ailleurs l'origine du
mémoire que je présente aujourd'hui vient de ce que les 27 ou 28
membres, sans être complètement dissidents du mémoire
présenté par leur corporation, veulent tout simplement y ajouter
quelque chose.
Pour procéder rapidement, la corporation a insisté sur
l'aspect professionnel de l'opticien d'ordonnances, tandis que les 27 insistent
principalement, comme l'a fait probablement M. Butler, ce matin, M. Baril et
ses 27 membres, sur l'aspect commercial. Nous pouvons nous demander avec raison
en quoi l'opticien d'ordonnances peut être un professionnel de la
santé, qui veut absolument protéger le public, alors que le seul
danger réel est qu'en ajustant des lunettes, on entre la monture dans un
oeil. C'est ce qui est dangereux, quand il l'ajuste, il ne faut pas qu'il les
mette à côté. Quant au reste, une fois que
l'optométriste a bien examiné la vue, que les directives sont
données à un fabricant de verres sur la façon de les faire
et qu'un opticien d'ordonnances a choisi une monture qui va et qu'il mesure la
hauteur des foyers ou des courbures pour bien les mettre dans une monture
suivant la façon dont le nez est fait ou le verre est plus ou moins
éloigné de l'oeil pour le double foyer, c'est à peu
près tout. D'ailleurs, ce professionnel, l'opticien d'ordonnances, qui
n'est pas régi par cet appareil lourd du projet de loi du code des
professions fait des études considérables pour ne pas blesser le
public de cette façon-là. Il suivait jusqu'à
récemment, sinon des cours par correspondance, tout au moins trois
heures de cours du soir par semaine pendant deux ans. C'était cela. Si
vous regardez le cours qu'on dispense à ces gens-là, cela se
résume à cela. Ce sont des commerçants qui vendent des
lunettes et des montures de lunettes et qui reçoivent des directives
d'une personne qui, elle, doit être compétente parce qu'elle, elle
ajuste la vue. Si on veut protéger le public, qu'il y ait pour
l'opticien celui qui prescrit le verre ou qui donne les directives, et que le
patient ou le médecin soit obligé de vérifier si le verre
est bien ce qu'il a prescrit. La compétence de l'opticien d'ordonnances
n'est pas celle du pharmacien. On a fait cette analogie, ce n'est pas vrai. Ce
n'est pas un pharmacien qui a fait quatre ans d'études, qui
connaît le médicament. Il connaît son verre, il peut voir
à force d'expérience si un verre est tellement hors de
l'ordinaire qu'il puisse briser la vue de quelqu'un, mais ce serait encore
là un cas d'exception énorme, ce serait plutôt à
l'ophtalmologiste ou à l'optométriste de voir à ce que la
prothèse parce que c'est une simple prothèse
fabriquée suivant des directives soit bien la prothèse
nécessaire. C'est un fabriquant de prothèses, c'est un ajusteur
de prothèses, un vendeur de prothèses, plus ou moins luxueuses,
mais il n'a jamais été un professionnel.
Evidemment, si on a voulu, par là, en faire
un professionnel de la santé, dans le but avoué ou
inavoué de diluer le rôle du médecin dans des sciences et
l'application de la santé au Québec, on réussit bien. On
prend un jeune homme qui a fini son cours en je ne sais trop quelle
année, qui a suivi trois heures de cours par semaine et il est,
juridiquement parlant, professionnel de la santé comme un
médecin. Ce sont les lois qui se préparent. Cela doit être
dans le but de diluer l'influence des médecins qu'on a dû croire
peut-être trop grande ou trop mauvaise; en tout cas, si c'est le but du
gouvernement, il réussit bien. Cela n'a pas de bon sens. C'est une
affaire qui ne tient pas debout; je ne comprends pas ça.
M. FORTIER: Me taquinez-vous là?
M. LESAGE: Je taquine, mais si le chapeau vous fait, mettez-le!
D'ailleurs, que fait-on en Ontario? Allons voir chez les voisins. Ils ont une
loi en Ontario; elle n'est pas si compliquée que ça. On dit: Vous
êtes des commerçants. Les cours sont suivis par correspondance et
on dit tout simplement que, pour vendre cette prothèse, il faudra que ce
soit quelqu'un reconnu par la corporation des suivant le terme anglais
"opthalmic dispensers", des opticiens d'ordonnances. C'est tout. Ce
n'est pas parce qu'il est qualifié pour vendre une prothèse
donnée qu'il faut en faire un professionnel qui n'a plus le droit de
faire autre chose.
En quoi cela protège-t-il le public de défendre à
celui qui vend une prothèse, qu'on veut reconnaître comme
qualifié pour vendre une prothèse, de faire autre chose?
Où est l'intérêt public là-dedans? L'Ontario ne l'a
pas.
D'ailleurs, vous savez que dans sept provinces du Canada seulement il
faut avoir une licence pour dispenser ces prothèses. Au
Nou-vea-Brunswick, je crois, à l'Ile du Prince-Edouard, en
Colombie-Britannique, il n'y a pas ça; n'importe qui peut vendre cette
prothèse.
Je passe rapidement, j'espère que vous allez lire cette prose et
j'évite de la relire. Le nombre d'opticiens d'ordonnances au
Québec est de 287. Maintenant, à l'école des opticiens
d'ordonnances, il y a 18 étudiants en première année. En
Ontario, il y en a 527; à leur école il y en a 100. Nous allons
en manquer bientôt surtout que les optométristes, d'après
ce que j'ai cru comprendre, ne pourront plus vendre la prothèse qu'ils
recommanderont.
Il y a 527 optométristes au Québec et en Ontario, 552. D
va en manquer et si on continue, comme l'expliquait M. Baril, à vouloir
faire de ces dispensateurs d'une prothèse des professionnels à
qui on va restreindre et empêcher toute autre activité que
celle-là... C'est ce que dit la loi, c'est une entreprise commerciale,
c'en a toujours été une. On veut mettre un terme à cette
entreprise commerciale. On dit: On va vous laisser le droit de vous incorporer.
J'entendais M. Baril; j'espère au moins que le projet de loi sera
amendé, même si ceci ne me touche pas M. Baril n'est pas
mon client pour protéger les droits acquis de M. Baril ou de M.
Butler. C'est le moins qu'on puisse faire, répéter ce qu'il y
avait dans la loi de 1940.
Maintenant, à l'article 12 plus spécifiquement, on dit que
l'opticien d'ordonnances, lorsqu'il voudra s'incorporer, cette corporation...
par l'intermédiaire d'une corporation, pourvu que la majorité des
administrateurs de cette corporation soient des opticiens d'ordonnances et que
la majorité des actions de chaque classe soient détenues par des
opticiens d'ordonnances."
Si l'Assemblée nationale en vient à la conclusion que ces
opticiens d'ordonnances, ces dispensateurs de prothèses sont des
professionnels de la santé tellement importants qu'on doive les
régir comme des médecins, au moins que les classes d'actions
maintenues ne soient que des classes d'actions votantes, toutes classes
d'actions, si c'est un contrôle sur la corporation, qu'on les mette
votantes, les autres, cela ne donne pas de contrôle. Sans cela, en quoi
le but peut-il être réalisé? D'ailleurs cette proposition
se retrouve dans le mémoire que nous avons présenté, au
bas de la page 3.
Je voulais insister également sur le fait, au point de vue
corporatif, qu'on dit que les administrateurs doivent être des opticiens
d'ordonnances. Or on sait, et en droit corporatif on le voit souvent chez nous,
qu'une corporation est détenue par un seul individu, les deux autres
actionnaires ont des parts qualificatives pour satisfaire la Loi des
compagnies, soit l'épouse ou un parent, mais ce ne sont pas des
opticiens d'ordonnances. En laisant cet article 13 de la loi tel quel, l'Etat
provincial accorde d'une main à ces individus le droit de s'incorporer
et de l'autre main le leur enlève. On dit: II faut absolument que tu
sois associé avec un autre opticien d'ordonnance. Là aussi on
voit que l'on recherche un moyen de contrôle au moyen des lois des
compagnies, soit du gouvernement du Canada, soit de la province de
Québec, et on essaie de contrôler par un endroit où cela ne
se contrôle pas, parce que la Loi des compagnies n'a pas
été faite pour être soumise à des contrôles de
droit statutaire extérieurs à elle. Il faudrait faire une
correspondance qui permette d'aller amender la Loi des compagnies pour
restreindre ceux qui peuvent requérir du lieutenant-gouverneur le droit
d'opérer en compagnie et non pas dire dans une loi statutaire
spécifique: Messieurs, il faut que vous soyez trois administrateurs.
Les opticiens, ceux qui sont déjà incorporés, que
vont-ils faire? Ils vont être obligés de gré ou de force
d'aller voir un des quelques opticiens leur nombre est relativement
restreint un de leurs 200 confrères et dire: J'ai besoin d'un
associé, je vais te nommer directeur de ma compagnie. Le gars va dire:
Non, je ne peux pas être nommé directeur de ta compagnie, parce
que s'il arrive quelque chose, je demeure responsable pendant une semaine
des
paiements de salaire, je demeure responsable de
l'assurance-chômage, de la Régie des rentes, je ne veux pas. Vous
ôtez d'une main ce que vous donnez de l'autre. C'est la Loi des
compagnies qui prévoit ce que je viens de dire, ce n'est pas la loi de
la Régie des rentes. C'est parce que c'est dans la Loi des
compagnies.
Il y a quelque chose qui cloche; je ne sais pas qui a
rédigé cette loi-là et pourquoi on essaie de
contrôler une profession par le truchement de la corporation. On a assez
de ce code des professions. Ou encore, qu'on leur défende de faire une
corporation. C'est un des points que je voulais soulever. Il y a
également un autre point que je voulais soulever.
C'est celui des magasins à rayons qui exploitent, entre autres,
un comptoir où l'on vend de ces prothèses, des lunettes, et qui
est ordinairement sous la gérance d'un opticien d'ordonnance et qui doit
l'être, comme d'ailleurs ça l'est dans les autres provinces du
Canada où la dispensation de telles prothèses est régie.
Tout ce qu'on demande ailleurs et tout ce qu'on demandait, c'est que lesdites
compagnies ou lesdits magasins de détail, parce que ce sont des
commerçants, donc pour ce commerçant que ce soit sous la
juridiction d'un opticien, justement, dans le but de protéger le public,
lequel opticien serait soumis au code des professions, serait soumis à
cette discipline, à cette compétence si on peut dire que
cela demande une si grande compétence! Pourquoi le limiter? Si une
nouvelle entreprise désire ouvrir un magasin à rayons voisin de
l'autre, elle veut donner tous les services à sa clientèle. C'est
un commerçant qui veut vendre les lunettes, des verres, des
prothèses. Il n'aura plus jamais le droit de faire cela. Mais on le
permet à son compétiteur déjà installé.
Pourquoi limiter le nombre d'emplois possibles à ces gens? Pourquoi les
diminuer? Si le législateur en vient à la conclusion qu'il faut
protéger le public c'est le seul but, je crois, qu'on doit avoir
alors que toutes les prothèses ne soient livrées au public
que par quelqu'un de qualifié, un opticien d'ordonnance. Mais, qu'un
opticien d'ordonnance ait $500,000 de dettes ou qu'il ait des obligations, ou
qu'il soit incorporé, ou qu'il soit à salaire pour un autre, cela
ne change rien.
L'avocat, au contentieux du ministère des Transports du
gouvernement de la province, qui va plaider devant les tribunaux, est soumis au
Barreau comme avocat et non pas parce que son client, qui le paie à
temps plein, est le gouvernement. C'est l'individu lui-même. Mais,
là, ce n'est pas cela; on veut aller plus loin. On veut aller chercher
les compagnies. Je ne sais pas pourquoi. Réellement, je ne vois pas.
Les conclusions du mémoire se rapportent de façon plus
précise à ce que je viens de dire. C'était ce que nous
avions à vous soumettre.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup, Me Lesage. J'invite le
député de Gaspé-Sud à prendre la parole.
M. FORTIER: Pour M. Castonguay, je remercie M. Lesage qui a
exposé ce mémoire. Nous avons déjà entendu une voix
qui ressemblait énormément à la vôtre et qui
présentait beaucoup de projets de loi dans la province de Québec.
Je vois que vous avez une similitude pour bien présenter vos
arguments.
J'ai seulement une question à vous poser. Est-ce que vous
considérez que l'opticien d'ordonnance est plutôt un
commerçant qu'un professionnel de la santé, comme on dit?
M. LESAGE: Mon opinion personnelle importe peu. C'est celle de mes
clients. Je crois que, de même que la corporation avait insisté
sur l'aspect professionnel, mes clients insistent sur l'aspect commercial. On
ne fera jamais des professionnels avec ces gens, pas plus que vous ne serez
capables, en en faisant des professionnels, d'en faire autre chose que ce
qu'ils sont, des commerçants.
Quand j'ai étudié le droit, on a dit que le Parlement peut
tout faire, même changer un homme en femme! C'est vrai. Mais, il va
falloir recourir à la médecine, encore une fois, pour
compléter le tout. Merci.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je n'ai pas de question, Me Lesage. Sauf, le
commentaire suivant. Tous les mémoires que nous avons entendus depuis ce
matin, soit ceux de M. Butler, M. Baril et vous-même sont dans la
même veine; alors je pense que cela vaut la peine que le
législateur tienne compte de vos remarques qui sont fort
pertinentes.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Lotbinière.
M. BELAND: Pour ma part, je dis que M. Lesage fut tellement sage que je
n'ai pas de question à lui poser.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions beaucoup, Me Lesage. Sur ce, nous
ajournons la commission sine die.
(Fin de la séance à 18 h 30)