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Commission spéciale des corporations
professionnelles
Séance du mardi 29 août 1972
(Dix heures huit minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
La quinzième séance de la commission spéciale sur
les corporations professionnelles commence. Les règlements, pour ceux
qui ne sont pas au courant, sont les suivants: Les organismes disposent de
vingt minutes pour exposer leur mémoire; suit ensuite une période
de quarante minutes pour les questions de la part des membres de la commission
à l'adresse des porte-parole des groupements. J'espère qu'on
suivra les règlements parce que nous avons huit groupes à
entendre aujourd'hui et nous voulons les entendre tous avant la clôture
de la séance.
Tout d'abord nous entendrons le Collège des optométristes
de la province de Québec, par son président, M. Jean-Louis
Desrosiers.
Echec aux examens de 71 dentistes
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, avant de commencer,
j'aimerais entendre les commentaires du ministre des Affaires sociales
concernant les 71 dentistes qui ont subi leurs examens à
l'université et qui n'ont pas réussi leurs examens au
Collège des dentistes.
M. LE PRESIDENT: Je pense que l'ordre...
M. LAVOIE (Wolfe): Nous siégeons en commission ici sur les
professions, et j'aimerais savoir ce qui en est des dentistes et 60 p.c. des
avocats qui ont échoué leurs examens.
M. LE PRESIDENT: Si vous discutez cette question avec le ministre,
à moins qu'il soit prêt à répondre...
M. CASTONGUAY: Je peux donner une réponse très
brève.
M. LE PRESIDENT: Mais je ne veux pas que ça crée un
précédent, parce que nous allons ouvrir cette commission à
toutes sortes de questions sur toutes sortes de professions. Demain, M.
Vézina posera une question sur les avocats, comme M. Paul l'a dit...
M. PAUL: M. le Président, vous n'avez pas le droit de me
prêter d'intentions. D'abord, demain, la commission ne siège pas.
Et la question de mon collègue est fort pertinente, parce que nous
sommes devant le ministre des Affaires sociales.
M. LE PRESIDENT: Oui, mais nous avons une liste d'organismes qui doivent
présenter leur mémoire. Cette commission ne fait pas une
enquête de tous les problèmes du ministre des Affaires sociales ou
des corporations; cependant, comme je le disais, si le ministre veut
répondre. Je ne veux pas toutefois que ça crée un
précédent.
J'avise le ministre que c'est la première et la dernière
fois que je lui donne cette permission.
M. CASTONGUAY: Nous sommes très respectueux de votre
autorité. La raison pour laquelle il me fait plaisir de répondre
est la suivante: ma réponse peut donner un certain éclairage dans
l'analyse de certaines dispositions des projets de loi que nous
étudions.
J'ai rencontré, hier matin, le comité exécutif du
Collège des chirurgiens dentistes, de même que les
représentants des trois facultés. Nous avons fait la revue de ce
qui s'est produit l'an dernier, et le problème se situait principalement
chez les étudiants de la faculté de médecine dentaire de
l'Université de Montréal.
Grâce au bon travail du médiateur que nous avions
nommé, Me Bruno Meloche, le dialogue s'est établi, même si
c'était tard dans l'année, entre la faculté, les
étudiants et le collège. Au lieu de s'en tenir à la
procédure très stricte d'un examen final en présence
d'assesseurs du Collège des chirurgiens dentistes, étant
donné que la faculté n'administre plus d'examen final, mais
plutôt évalue le progrès des étudiants, il a
été convenu de donner à ceux qui ne s'étaient pas
soumis à l'examen prévu par le collège
c'était la très grande majorité des 65 étudiants
une autorisation spéciale de pratiquer. Cette autorisation
spéciale est pour une période limitée au cours de laquelle
le collège exerce un contrôle et aussi évalue le travail
des diplômés de l'Université de Montréal.
Je voudrais mentionner que, pour l'année terminée,
heureusement, il ne semble pas que des diplômés de
l'Université de Montréal aient à cause de cet imbroglio
quitté le Québec pour aller pratiquer à
l'extérieur. Il y en a quelques-uns qui sont allés à
l'extérieur se spécialiser, un nombre très limité ;
quelques-uns sont allés dans l'armée canadienne. A l'exception de
ces deux catégories, il semble que tous les autres demeurent au
Québec. Quant à l'année qui commence, les facultés
et le collège ont convenu qu'il était important qu'ils
s'associent dans la révision des programmes de formation de telle sorte
que ces programmes soient à la fois satisfaisants au plan scolaire pour
l'université et pour le collège au plan professionnel, et que le
collège puisse s'associer aux facultés dans les mécanismes
d'évaluation régulière des progrès effectués
par les étudiants; en définitive, c'est la proposition qui est
faite dans le projet de loi no 254 pour les chirurgiens dentistes.
Alors, c'est ça, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci. Nous procédons de façon
normale.
Collège des Optométristes
M. DESROSIERS: Mon nom est Jean-Louis Desrosiers, optométriste de
Mont-Joli. La délégation du collège se compose de Armand
Bastien, ex-président, de Bernard Poliquin, vice-président, de
Claude Gareau, registraire, de Me Robert Lesage, conseiller juridique, et de
Pierre Crevier, ex-président.
M. LE PRESIDENT: M. Desrosiers, normalement, on fait son exposé
assis.
M. DESROSIERS: Oui?
M. LE PRESIDENT: A votre choix. Si vous aimez mieux parler debout, comme
les bons politiciens, c'est votre affaire.
M. DESROSIERS: Je joue la carte debout. M. LE PRESIDENT: D'accord.
M. DESROSIERS: En premier lieu, le collège désire
remercier les membres de la commission de l'occasion qui lui est fournie
d'exposer ses vues sur l'ensemble de la réforme du droit professionnel
proposée par le gouvernement. La présente audition revêt,
pour les optométristes du Québec, un caractère tout
à fait spécial, pour ne pas dire historique. J'ai drôlement
l'impression, devant vous, M. le Président, de passer un
véritable examen, sachant que vous allez me questionner et que mes
confrères m'écoutent en arrière.
Leur présence dans cette salle témoigne de la valeur que
nous attachons aux travaux de cette commission. Il nous incombe donc, M. le
Président, tout en essayant de respecter les règles de cette
commission parlementaire, de vous exposer le point de vue du Collège des
optométristes sur différents projets de loi et de vous faire
comprendre que leur application, sous leur forme actuelle, irait à
l'encontre même des objectifs poursuivis, à savoir la protection
du public, l'accessibilité et la rentabilité des services de
santé.
Au sujet du projet de loi no 250, voici nos commentaires. La loi
proposée dans son ensemble invite à s'interroger sur la
justification même de l'existence des corporations professionnelles. Ces
corporations sont constituées de groupements d'individus qui ont une
activité commune. La corporation professionnelle donne un cadre
juridique à ce groupement d'individus qu'elle définit et la
corporation assume des obligations en échange de certains droits
exclusifs conférés à ses membres. Il faut se garder ici de
parler de privilèges bien qu'on ait eu souvent tendance à le
faire. Ce que l'on appelle "privilèges" n'est en sorte que des droits
exclusifs, fonction de la compétence, et ces droits exclusifs existent
aujourd'hui dans toutes les occupations requérant une certaine
habileté ou compétence, qu'on les appelle métiers ou
professions.
La corporation professionnelle offre donc la particularité
d'avoir une certaine autonomie administrative. S'il n'y a plus d'autonomie, il
n'y a plus de corporation professionnelle. La corporation devient alors un
instrument de contrôle de l'Etat, la corporation professionnelle est
dénaturée et il y a lieu de craindre que la
spontanéité et le dynamisme des membres soient canalisés
vers d'autres mécanismes, que les membres aient tendance à se
recroqueviller sur eux-mêmes pour ne défendre que leurs
intérêts économiques.
Dans une telle perspective, il est normal de penser que l'Etat pourrait
quand même faire appel aux groupements professionnels unifiés dans
des syndicats pour établir les mécanismes de contrôle de la
compétence. On se retrouverait alors dans une situation similaire
à celle que l'on constate aujourd'hui et qui permet de confier à
un même organisme le rôle de défendre à la fois les
intérêts économiques de ses membres et les
intérêts du public.
Evidemment, il y a toujours la possibilité du contrôle
direct par l'Etat des activités professionnelles. Faisant abstraction
des termes de la législation proposée, nous avons lieu de croire,
en nous appuyant sur des déclarations récentes et sur le rapport
de la commission Castonguay-Nepveu, que tel n'est pas le désir du
gouvernement qui favorise plutôt l'autogestion tempérée des
professions. Le Collège des optométristes, M. le
Président, trouve singulier que l'on ne retrouve pas dans le contenu
global de la législation suggérée les rudiments essentiels
à une forme de cogestion authentique et efficace.
C'est pourquoi il s'est vu obligé d'interpréter le projet
de loi no 250 comme un envahissement de l'Etat dans les activités des
corporations professionnelles et non comme un désir légitime du
législateur d'exercer une surveillance des corporations professionnelles
dans l'accomplissement de leurs fonctions.
Si nous estimons qu'il appartient à l'Etat de formuler et
d'organiser des objectifs politiques et sociaux de manière qu'ils
deviennent une source de performance pour les corporations, nous croyons
toutefois que l'Etat doit se concentrer sur les prises de décision et de
direction en confiant les tâches d'exécution aux directions
opérationnelles des corporations, chacune ayant son propre rayon
d'action et sa propre autonomie. Il se trouve que la corporation
professionnelle est actuellement l'organisme le mieux équipé pour
servir d'agent d'exécution dans le domaine de l'administration du droit
professionnel, et l'Etat doit lui permettre de continuer à se diriger
elle-même en lui attribuant un degré d'autorité
proportionnelle aux lourdes responsabilités qui lui sont
conférées.
A la lecture du bill 250, tel que libellé, force nous est de
reconnaître cependant que le législateur retirerait sa confiance
aux corporations professionnelles en ne leur consentant que de maigres pouvoirs
qui, à toutes fins prati-
ques, seraient presque nuls sans l'autorisation continuelle du
lieutenant-gouverneur en conseil. Le Collège des optométristes
deviendrait donc strictement un organisme consultatif sans pouvoir
décisionnel. Le collège ne serait appelé qu'à jouer
un rôle de conseiller du lieutenant-gouverneur en conseil.
Nous soumettons donc que l'Etat ne doit pas confier au gouvernement tous
les pouvoirs qu'il veut lui attribuer par cette loi, mais accorder sa confiance
aux corporations professionnelles, animées qu'elles sont de l'esprit de
favoriser l'exécution de leur profession dans l'intérêt du
public, et aiguillonnées qu'elles seront par une forme de cogestion que
le Collège des optométristes accepte d'emblée.
C'est dans cet esprit qu'un nombre important de recommandations vous
sont adressées aux fins de modifier le projet de loi no 250. D'autres
recommandations ont pour but de maintenir des mécanismes qui se sont
avérés efficaces dans l'administration des affaires de la
corporation, tels le maintien du comité de l'exercice professionnel et
d'un comité d'examen des plaintes.
Enfin, certaines recommandations ont pour but soit d'assurer un
traitement égal à tous les professionnels, soit d'assurer que les
professionnels soient jugés avec équité dans le respect du
secret professionnel et de l'honneur de la profession.
En adoptant le bill 250 tel que présenté en
première lecture, nous soumettons respectueusement, M. le
Président, que les corporations professionnelles seraient
suradministrées et, comme l'a si bien exprimé Peter Drucker, dans
son ouvrage intitulé La grande mutation, nous pensons "que le
gouvernement pourrait augmenter son tour de taille et son poids, mais qu'il ne
pourra augmenter sa puissance, son intelligence et son efficacité".
Voilà pour le bill 250. Je passe immédiatement au projet
no 256 qui nous intéresse en particulier. Pour le projet de loi 256,
nous voulons couvrir certains champs de façon assez explicite avec le
minimum possible de mots afin d'épargner votre temps. Le champ
d'exercice. A la lecture du bill 256, les optométristes ont vivement
réagi devant la menace de se voir amputés de certaines
activités professionnelles et de leurs moyens thérapeutiques. La
loi proposée constitue une limitation effective du champ d'action
optométrique et une entrave à l'évolution scientifique
normale. Elle révèle une méconnaissance totale du
rôle de Poptométriste et entraîne l'avènement d'une
ère d'inaccessibilité aux soins visuels. La définition de
l'optométrie contenue dans le projet de loi no 256 et la
définition encore plus restrictive proposée par l'Association des
ophtalmologistes du Québec rejettent près de trois quarts de
siècle d'évolution scientifique, un demi-siècle de
formation universitaire et placent quelques centaines d'op-tométristes
répartis aux quatres coins du Québec devant la seule
éventualité de fermer leur bureau et de chercher une nouvelle
orientation. Que dire alors des centaines d'étudiants qui
fréquentent présentement l'Université de
Montréal?
La définition de l'optométrie que l'on nous propose dans
le bill 256 non seulement risque de stériliser et de freiner le
progrès scientifique en optométrie, mais prive
Poptométriste de certaines activités qu'il a déjà
le droit d'exercer en vertu de la loi actuelle. Cette définition
dissocie carrément les services thérapeutiques des services
diagnostiques; elle dénie la responsabilité professionnelle de
l'optométriste.
Or, le Collège des optométristes déclare qu'en
vertu du deuxième paragraphe de l'article 17 de la Loi des
optométristes et opticiens, chapitre 237, Statuts refondus du
Québec, 1964, l'optométriste a le droit et, de fait, utilise tous
les moyens thérapeutiques orientés vers les problèmes de
la vision. L'exercice de l'optométrie a pour objet non seulement de
diagnostiquer mais également de traiter les problèmes de la
vision d'un être humain. L'optométrie est, d'autre part,
universellement reconnue comme étant la science de la vision.
Il est absolument faux de prétendre, comme le font certaines
personnes qui se plaisent à créer sciemment la confusion et
l'ambiguité, que la législation actuelle fait appel à la
notion d'acuité visuelle pour définir l'optométrie, tandis
que le bill 256 a recours à une notion différente qui est celle
de la vision. En effet, l'article 17 de la Loi des optométristes
actuelle fait appel à la notion d'acuité de la vision et non pas
d'acuité visuelle. L'interprétation restrictive à laquelle
nous vous référons plus haut s'oppose systématiquement
à l'esprit et à la lettre de la Loi des optométristes et
ainsi qu'à l'économie de plus de 70 textes de loi que nous avons
consultés.
Il est évident que cette stratégie vise à
rapetisser l'optométrie et à la ravaler au niveau des occupations
techniques. Le Collège des optométristes a proposé au
ministère des Affaires sociales, suite à l'approbation de l'Ecole
d'optométrie de l'Université de Montréal, une
définition qu'il adapte, dans sa recommandation 64, à la formule
législative employée dans tous les projets de loi actuellement
à l'étude. Le collège tient à rappeler que les
soins optométri-ques doivent comprendre, pour être complets, la
prévention, l'examen, le diagnostic, la rééducation, le
traitement et le contrôle de la thérapeutique.
Voilà pourquoi, M. le Président, la définition
contenue dans le projet de loi 256 ainsi que celle préconsiée par
l'Association des ophtalmologistes deviennent inacceptables. Ces positions sont
irréalistes et provoqueraient une dégradation dans la
qualité des services rendus par les optométristes en raison des
limitations qu'elle susciterait tant au niveau de l'examen que de la
thérapeutique.
Un autre chapitre que nous voulons traiter devant vous, M. le
Président, est la question de
la dispensation des lentilles ophtalmiques. La dispensation des
lentilles ophtalmiques est un droit reconnu aux optométristes par la
législature depuis plus de 65 ans, afin de leur permettre de mieux
servir la collectivité. Il ne s'agit pas seulement d'un droit acquis au
sens protectionniste attribué généralement à cette
expression mais bien d'une partie intégrante de la thérapeutique
optométrique et ce, dans tous les pays où s'exerce la
profession.
Si la logique permet à un dentiste de dispenser des
prothèses â ses patients, à un médecin et à
un dentiste de tenir et de fournir à leurs patients les
médicaments, les produits pharmaceutiques et les appareils dont ils
peuvent avoir besoin; à un médecin vétérinaire de
tenir les médicaments, les produits pharmaceutiques et les appareils
physiques de chimie ou de mécanique dont il peut avoir besoin et d'en
faire usage dans l'exercice de sa profession; à un denturologiste de
vendre, de fournir, de poser et de remplacer des prothèses dentaires
sans ordonnance d'un dentiste, il serait intéressant de connaître
les règles que cette même logique a empruntées pour
défendre à l'optométriste de dispenser des lentilles
ophtalmiques.
Le Collège des optométristes n'accepte pas ce
défaut de logique et insiste pour que les mêmes règles
s'appliquent équitablement à tous.
On a prétendu que la raison de pareilles interdictions serait
d'éviter un conflit d'intérêts. Cet argument, M. le
Président, ne résiste pas à l'analyse. Disons, d'abord,
qu'il n'y a pas plus de conflit d'intérêts pour un
optométriste qui dispense des lentilles ophtalmiques que pour un avocat
qui recommande à son client de plaider. Nous pourrions citer de nombreux
exemples, car un médecin qui recommande une intervention chirurgicale
est la même personne qui fera l'intervention.
Tout jugement professionnel cela me parait vital implique
un conflit d'intérêts virtuel.
Quant à faire dispenser les lentilles ophtalmiques par un groupe
plus restreint, rien n'assure le public contre l'exploitation, si telle
exploitation existe. Au contraire, en supprimant la concurrence, on augmente
les risques.
Le Collège des optométristes affirme qu'un des facteurs
primordiaux dans toute cette question de la dispensation des lentilles consiste
à préserver la liberté de choix du patient. Le patient
doit savoir et réaliser qu'il peut se procurer les aides optiques dont
il a besoin à l'endroit qualifié de son choix. Aucune
législation ne devrait le priver d'obtenir un service complet, un
service global chez l'optométriste. Traditionnellement et
historiquement, les optométristes ont toujours dispensé les
produits ophtalmiques reliés à leurs services professionnels,
permettant aussi au patient de faire reposer l'entière
responsabilité de ses soins visuels sur un seul praticien.
Cette pratique offre l'avantage d'éliminer un partage inutile de
la responsabilité dont la clientèle fait souvent les frais
lorsqu'un service est déficient. L'évaluation d'un
problème visuel, l'ordonnance, l'exécution de l'ordonnance par
une seule personne, en l'occurrence l'optométriste, présentent de
multiples avantages pour le patient au plan de la qualité, de la
continuité, de l'accessibilité et de l'économique. De
plus, étant donné que la fabrication, l'application et
l'ajustement de ces aides visuelles sont intimement reliés à leur
degré d'efficacité, il est évident que l'on ne saurait
dissocier les responsabilités légales et professionnelles de
l'optométriste sans provoquer des inconvénients graves pour le
patient.
Tandis que la responsabilité de l'ophtalmologiste est
limitée à une obligation de moyens, la pratique de
l'optométrie fait appel à l'unité de
responsabilités et de résultats.
Le bris d'unicité, et d'unicité de responsabilités,
pourrait ouvrir la porte à l'irresponsabilité et peut-être
même à la dichotomie. La nature des actes étant
changée, l'optométriste perdrait une partie de sa motivation.
L'optométriste est un biophysicien qui possède une formation
spéciale en optique, qui connaît les effets d'une lentille sur
l'organisme et qui peut en contrôler les effets cliniques. Le fait de le
priver de ce moyen thérapeutique diminuerait sensiblement la
qualité de ses services.
Le Collège des optométristes est porté à
croire que la loi proposée cherche une justification pour accorder des
champs professionnels distincts. Cette conception idéologique est
contredite dans les faits, car plusieurs professions chevauchent et il s'est
avéré impossible d'établir une frontière
légale dans tous les cas. Aussi le médecin continuera-t-il
à pratiquer l'optométrie, le dentiste la denturologie, et on
pourrait citer de nombreux exemples.
Il est indubitable qu'un tel chevauchement existe dans certaines
disciplines. Et le fait de tirer une frontière légale serait
nuisible à l'évolution de ces disciplines et à la
qualité des services que le public est en droit d'espérer. La
frontière légale ne doit exister que pour empêcher le
chevauchement des contrôles administratifs. Ce n'est aucunement
incompatible avec un chevauchement des activités professionnelles. C'est
là une question d'un tout autre ordre.
S'il existe un chevauchement entre le domaine médical et le
domaine de l'optométrie, ce chevauchement est à l'avantage du
public, puisqu'il permet à des professionnels de disciplines
différentes de faire valoir leur activité propre dans les champs
qui chevauchent et de se compléter dans les champs qui se
différencient.
Les frontières légales entre deux professions doivent
empêcher l'hégémonie d'une profession sur l'autre, afin que
chaque groupement professionnel puisse s'administrer lui-même. Ceci
n'empêche pas le travail d'équipe. Encore faut-il que les
équipes existent.
Au plan individuel, il existe de fait une
bonne collaboration entre la généralité des
médecins et les optométristes. Mais si une véritable
équipe multidisciplinaire existait, comme on souhaite que cela se
produise dans les centres locaux de services communautaires et dans les centres
hospitaliers, la loi corporative ne devrait pas, d'avance, en imposer
l'organigramme.
Est-il besoin de souligner que le monde professionnel de demain ne sera
pas un ensemble d'alvéoles rigides où chacun aura sa niche, mais
au contraire un système d'une extrême souplesse en état de
changements perpétuels?
Nous voudrions maintenant faire un rappel au sujet de la prise de
position de la profession médicale. Le Collège des
optométristes tient à rappeler que le Collège des
médecins et chirurgiens de la province de Québec ainsi que le
Collège des optométristes sont les deux seuls organismes
professionnels autorisés à se prononcer sur la dispensation des
services visuels au nom des intérêts de la
société.
Une mise en garde s'impose donc auprès des membres de la
commission, afin que les représentations de la Fédération
des spécialistes, ou encore de l'Association des ophtalmologistes soient
correctement interprétées et que leurs prétentions soient
situées dans leur véritable contexte. Ces deux organismes sont
des syndicats professionnels dont la préoccupation majeure et
primordiale consiste en la protection des intérêts
socio-économiques de leurs membres.
Le Collège des optométristes trouve singulier, M. le
Président, que le Collège des médecins ait invoqué
la "technicité" et la complexité de l'optométrie pour se
récuser alors qu'il n'a nullement ressenti le besoin de faire appel au
même genre d'arguments lorsqu'il fut question de se prononcer sur l'art
dentaire, la pharmacie, la radiologie, la chiropraxie, la podiatrie, la
physiothérapie et les soins infirmiers.
Le Collège des optométristes désire souligner
l'illogisme et la position contradictoire du Collège des médecins
qui, d'une part, confesse son ignorance des connaissances aussi
surspécialisées et qui, d'autre part, n'hésite pas
à appuyer une définition mise de l'avant par un syndicat de
médecins.
Nous trouvons donc inadmissible et inconséquent que le
Collège des médecins, qui se targue d'être un organisme
dont les activités sont avant tout centrées sur la protection du
public, endosse aveuglément une définition dont la mise en
application priverait la collectivité de services essentiels et
provoquerait des injustices graves au plan de la qualité et de
l'accessibilité des services.
Quant à nous, la position du Collège des médecins
n'a rien d'étonnant car, depuis l'avènement de
l'optométrie au Québec, c'est le Collège des
optométristes et non le Collège des médecins qui a
assumé presque exclusivement la responsabilité de protéger
les intérêts de la population en matière de soins visuels
et jamais, à notre connaissance, le Collège des médecins
n'a attaqué la compétence ou la juridiction légale de
l'optométriste lorsque ce dernier diagnostiquait ou traitait des
problèmes de la vision.
Un autre petit chapitre très court, M. le Président, les
relations en ophtalmologie...
M. LE PRESIDENT: Je l'espère, vous avez dépassé
votre temps.
M. DESROSIERS: J'ai compris que vous aviez compris qu'en faisant une
synthèse des bills 250 et 256, je vous épargnais vingt
minutes.
M. LE PRESIDENT: C'est vingt minutes pour tous les mémoires.
M. DESROSIERS: Je voulais être gentil.
M. LE PRESIDENT: C'est vingt minutes pour tous les mémoires
ensemble, mais on vous donne quelques minutes pour finir.
M. DESROSIERS: Vous êtes bien aimable.
Il est vrai que nous avons souligné lors de l'étude du
bill 65 qu'il existe des sources d'incompréhension entre l'ophtalmologie
et l'optométrie, mais il n'est pas moins évident que ces
difficultés ne pourront jamais être aplanies en limitant, par voie
législative, le champ d'activités de l'optométriste ou
encore en brimant sa liberté thérapeutique. Si les services
optométriques ne répondaient pas adéquatement aux besoins
de la population, il y a déjà longtemps que l'optométrie
aurait disparu, tant elle a été l'objet de malveillance,
d'injustice, de discrimination et d'intolérance.
Le Collège des optométristes a tenté à
maintes reprises au cours des dernières années d'amorcer un
dialogue objectif et constructif avec la médecine afin que la
santé publique ne subisse pas les malencontreux effets de ces
dissensions. C'est ainsi qu'en 1962 le Collège des médecins,
présidé par le docteur Ward, acceptait de nous rencontrer pour
discuter des principaux problèmes qui se posaient aux deux professions.
Le président de l'Association des optalmologistes, qui commençait
alors une croisade longue de dix ans, préconisa purement et simplement
la disparition de l'optométrie. En 1965, une nouvelle tentative est
engagée. Le docteur Jobin, président du Collège des
médecins, fit preuve d'ouverture d'esprit en accueillant favorablement
notre demande. Le président de l'Association des optalmologistes imposa
cette fois comme prérequis à toute discussion que
l'optométrie accepte tout bonnement la tutelle de l'ophtalmologie.
Durant les années 1968, 1969, 1970, le gouvernement formait pas
moins de six comités pour étudier certains problèmes
relatifs aux soins optométriques. Cette initiative a également
échoué pour les raisons suivantes. En
dépit du fait qu'il appartient à une corporation
professionnelle de réglementer la surveillance, le contrôle des
activités professionnelles, de même que la compétence des
practiciens, le Collège des médecins transmit ses
responsabilités au président du syndicat des ophtalmologistes. Le
Collège des optométristes n'eut d'autre choix que de contester au
président de l'Association des ophtalmologistes l'autorité et le
droit de parler au nom de la santé publique.
Le président de l'Association des ophtalmologistes profitait
alors de cette occasion pour tenter d'imposer ses vues à la table de
négociation syndicale sur l'optométrie dont les travaux devaient
heureusement conduire à une entente collective dans le cadre de
l'assurance-maladie.
En 1972, l'Association des ophtalmologistes adopte une attitude qui
dissimule à peine ses intentions réelles. D'une part, elle
découpe un champ d'activité restreint pour l'optométrie
et, d'autre part, elle s'apprête à sectionner tout le champ
d'exercice de cette profession pour le confier à des auxiliaires
médicaux. Or, le Collège des optométristes s'oppose
à ces substitutions qui consistent à remplacer les professionnels
compétents dans le domaine de la vision par des techniciens
orientés dans une autre discipline. Le Collège des
optométristes estime que les actes optométriques ne peuvent
être accomplis par des aides médicaux, encore moins sans la
surveillance immédiate et personnelle d'un spécialiste.
Au cours de la dernière décennie deux commissions
d'enquête ont formulé des recommandations sur l'optométrie:
la commission Hall et la commission Castonguay-Nepveu. L'absence
complète d'optométristes tant au nombre des commissaires que des
conseillers nous a valu plusieurs recommandations farfelues qui ne collent
aucunement à la réalité. Ce qui est plus grave encore
c'est que les statistiques qui sous-tendent certaines recommandations des
commissions Hall et Castonguay-Nepveu en ce qui a trait à l'incidence
générale de la pathologie oculaire et de la compétence des
optométristes dans le dépistage de la pathologie oculaire, ne
sont aucunement valables scientifiquement.
Pourtant, c'est en se basant sur ces données que les deux
commissions ont conclu que les optométristes étaient susceptibles
de mettre le public en danger. M. Lacasse, membre du département des
sciences économiques de l'Université de Montréal, dans une
étude effectuée pour la commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social, affirme qu'après un
réexamen des sources sur lesquelles les deux commissions appuient leurs
conclusions et à la suite d'un tour d'horizon et d'autres études
pertinentes "il est impossible de les accepter ou du moins d'en tirer les
mêmes règles d'action." M. Lacasse poursuit en disant que "ces
conclusions sont décevantes parce que négatives. Les
données existantes ne sont pas plus capables d'étayer solidement
les jugements du rapport Hall que de les infirmer. "Les optométristes,
croyons-nous, partagent alors le sort des autres praticiens du domaine de la
santé parce qu'il est aujourd'hui impossible d'évaluer
scientifiquement leur efficacité, la justesse de leur
référence à d'autres spécialistes." Il ne saurait
être question aujourd'hui de s'appuyer sur l'information fossile et
souvent fallacieuse pour imposer des normes d'orientation obligatoires des cas
pathologiques vers le médecin.
M. le Président, je vous remercie. Nous sommes à votre
disposition.
M. LE PRESIDENT: Merci. Avant de passer aux questions, le groupe qui se
trouve en arrière, dans la porte, pourrait venir se placer ici, il y a
de la place.
Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais faire un simple
commentaire en ce qui a trait au projet de loi 250 et poser une ou deux
questions concernant le projet de loi no 256. En ce qui a trait au projet de
loi no 250, il me semble qu'il y a une certaine ambiguïté ou une
interprétation qui n'est pas exacte relativement à la
présence de personnes non issues de la corporation ou d'une corporation
professionnelle au niveau du bureau ou, encore, quant à certaines autres
nominations qui peuvent être effectués au sein des organismes pour
le fonctionnement d'un collège ou d'une corporation.
On semble confondre le principe et la nécessité ou
l'utilité de la présence de membres en provenance de
l'extérieur avec les mécanismes de nomination. La présence
de membres de l'extérieur, pour retenir uniquement l'exemple du bureau
des gouverneurs, est proposée afin de faire en sorte que les membres
d'une corporation, malgré toute leur bonne volonté dans la
discussion des problèmes qui se posent à eux, demeurent toujours
conscients que leur rôle unique et premier est de protéger le
public et non pas leurs propres intérêts. A ce sujet, on peut
noter, par exemple, qu'en Angleterre ce qui est l'équivalent de notre
Collège des médecins, depuis 1956, a introduit ce principe. Je
pense qu'au cours des seize dernières années, si les
résultats n'avaient pas été bons ou si cela avait
été une mainmise de l'Etat, comme on le dit, sur les corporations
professionnelles, cela aurait pu être dénoncé.
Je cite le rapport McRuer parce qu'on se réfère bien
souvent à la commission d'enquête sur la santé et le
bien-être social en ce qui a trait à cette question, comme si
c'était une espèce d'innovation unique. La commission McRuer, en
Ontario, a analysé les divers modes de nomination et a bien
distingué entre le principe de la présence de membres de
l'extérieur et les modes de nomination. Divers modes se
présentent, et je ne crois pas qu'on puisse, à partir du choix
d'un mode, rejeter l'ensemble du principe.
Il y avait donc cette distinction à faire qui, à mon sens,
doit rappeler que ces gens qu'on
propose comme membres des bureaux sont là dans un but bien
spécifique et qu'ils n'ont pas le statut d'officiers rapporteurs face au
gouvernement ou à l'office. Ils ne sont pas des membres chargés
de contrôler au nom du gouvernement, mais plutôt au nom de
l'intérêt public.
Quant au bill 256, je voudrais apporter une précision que j'ai
fait à plusieurs reprises. Il s'agit ici de définir un champ
exclusif de pratique. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas
parlé de prévention étant donné que ce type
d'activité ne doit pas, à notre avis, être
réservé à un groupe professionnel bien identifié.
La documentation sur la prévention peut être aussi
distribuée par d'autres organismes de bon conseil, etc. C'est la raison
pour laquelle nous n'avons pas inclus, dans la définition, cette
question de la prévention.
Quant aux autres aspects des définitions qui nous sont
proposées, j'aimerais mentionner que, si nous tendons à ne pas
élargir, de façon très générale, cette
définition, c'est qu'à notre avis il existe encore une absence de
données scientifiques permettant d'établir la validité de
certains types de traitements. Quant à moi, si la preuve peut être
faite de la validité de ces types de traitements, il me semble qu'il y
aura lieu d'élargir la définition. Ceci en se rappelant que, dans
ce domaine comme dans bien d'autres, l'évolution des connaissances,
l'évolution des modes de pratique va se poursuivre même
après l'adoption de la loi no 254 et que ce projet de loi ne sera pas
immuable.
Enfin, M. le Président, j'aimerais poser une question au
collège en ce qui a trait à la dispensation des lentilles
ophtalmiques. Je ne parlerai pas des problèmes qui existent entre les
ophtalmologistes et les optométristes. J'ai entendu l'exposé de
ces problèmes à tellement de reprises et j'imagine que d'autres
membres de la commission les soulèveront ou voudront les discuter. Ce
qui me paraît malheureux, c'est que, malgré toutes les
discussions, tous les comités, tous les efforts qui ont
été faits, il ne semble pas qu'il y ait tellement de
progrès qui s'accomplisse sur ce plan. Si, aujourd'hui, de nouvelles
lois semblaient devoir s'ouvrir sur ce plan, ce serait un progrès
énorme.
De toute façon, sur ce plan, je laisse à d'autres membres
de la commission le soin de poser des questions. La seule question que je vais
adresser a trait à la dispensation des lentilles ophtalmiques. On a
soulevé, si j'ai bien entendu l'exposé qui a été
fait, l'aspect du conflit d'intérêts. A ce sujet, je n'ai rien
à ajouter. Je crois que, tout comme le médecin distribuait les
médicaments de façon beaucoup plus générale dans le
passé et que la tendance veut que cette activité soit de plus en
plus réservée aux pharmaciens, de la même manière,
en ce qui a trait à l'optométrie, c'est l'opticien d'ordonnance
qui est le vrai spécialiste de la fabrication des lentilles. J'aimerais
savoir pourquoi, dans l'esprit des optométristes, cette fonction
à laquelle les opticiens d'ordonnance sont préparés
très spécifiquement d'autant plus que la fabrication des
lentilles ophtalmiques peut se faire par des modes aujourd'hui
différents des modes traditionnels ou des modes d'il y a un certain
nombre d'années, c'est-à-dire des procédés presque
industriels soit la distribution des lentilles ophtalmiques ne devrait
pas être réservée aux opticiens d'ordonnance. En quoi la
population pourrait-elle souffrir d'une telle situation?
M. DESROSIERS: M. le Président, je crois que je vais rester
assis, si vous le permettez. Vu que vous avez tous les pouvoirs, pouvez-vous
demander de l'eau, s'il vous plaît?
Un autre petit commentaire. Si on fait souvent appel au rapport de la
commission Castonguay-Nepveu, c'est parce qu'on trouvait que c'est un maudit
bon rapport, excusez l'expression.
M. CASTONGUAY: Malgré les aspects farfelus de certaines
sections?
M. PAUL: Est-ce ces sections-là qui vous plaisent?
M. DESROSIERS: Cela met de la couleur dans le rapport. M. le
Président, la question posée par le ministre des Affaires
sociales au sujet de notre réticence ou de notre façon d'exposer
le problème quant à la dispensation des lentilles ophtalmiques,
c'est vraiment la question. Je pense que c'est la question que nous
attendions.
Il faudrait quand même se demander, au point de départ, ce
qu'est un optométriste, quelle est la formation d'un
optométriste, quelle est sa fonction. Quand on répond à
ces questions, on est mal pris avec la dispensation des lentilles ophtalmiques
et on peut même arriver à faire des comparaisons qui sont
différentes entre le médecin et le pharmacien et
l'optométriste par rapport à la dispensation des lentilles
ophtalmiques.
D'une part, historiquement, l'optométriste a toujours
été formé pour la dispensation des lentilles ophtalmiques.
Aussi pour autre chose, mais pour ce point précis. D'ailleurs, en 1967,
une sous-commission sénatoriale aux Etats-Unis a fait une enquête
pour analyser ce problème au niveau des ophtalmologistes. Les
conclusions de l'enquête étaient que je cite de
mémoire, pensant être assez fidèle et ne pas violer ni
trahir celui qui a écrit le mémoire la dispensation des
lentilles ophtalmiques d'après le sous-comité
sénatorial, on pourrait vous produire les documents fait partie
intégrante de la thérapeutique optométrique.
Je pense qu'il est impossible de dissocier le tout. Si le
médecin, lorsqu'il a examiné, évalué,
diagnostiqué, prescrit un traitement, celui-ci peut avoir plusieurs
aspects. Le traitement peut avoir plusieurs étapes. Le traitement est
presque
un processus de traitement. Dans biens des cas, chez
l'optométriste, le traitement, c'est la lentille ophtalmique. Et lorsque
nous déclarons dans le mémoire que vous dissociez par le projet
de loi proposé les services diagnostiques et thérapeutiques,
c'est ce que nous voulons affirmer, à savoir que si nous n'avons pas le
droit de continuer à faire ce qui se fait dans tout le continent
nord-américain, de dispenser une lentille ophtalmique à nos
patients, vous coupez définitivement la thérapeutique des
services optométriques. Vous créez des problèmes nouveaux,
plus grands. Je pense à ce moment-là je ne veux pas entrer
dans les détails des présentations de ceux qui nous suivront
que tant au niveau de l'accessibilité que de l'économique,
ce seront des questions qui devraient revenir à une autre table qui nous
succéderait. Parce que je pense qu'il faut quand même garder
à l'esprit qu'au niveau du collège, la protection du public a
quand même sa raison d'être.
D'une part, si vous faites la comparaison entre un pharmacien et un
opticien d'ordonnance, je pense qu'il y a un élément fondamental
qu'il faut toujours avoir à l'esprit. Mon premier argument est à
l'effet que, bien souvent, le traitement de l'optométriste était
la lentille ophtalmique. Si on n'a pas le droit de la dispenser, on lui
enlève le traitement. D'autre part mon deuxième argument
est qu'il faut établir une différence fondamentale entre le
pharmacien et l'opticien d'ordonnance . Le pharmacien, de par sa
formation, sa compétence, peut évaluer cliniquement le
médicament prescrit par le médecin. A moins qu'on me prouve le
contraire, l'opticien d'ordonnance n'a pas la formation ni la compétence
pour évaluer cliniquement l'ordonnance d'un ophtalmologiste ou d'un
optométriste. Et cela me paraît essentiel. Toute comparaison
à l'effet qu'on veut, comme au niveau du médecin, finir par lui
enlever la prescription du médicament lui-même, le fait
d'exécuter l'ordonnance lui-même, lorsqu'on fait une comparaison
avec l'optométriste et l'opticien d'ordonnance, n'est pas valable. C'est
trop différent. L'un a la formation clinique pour évaluer.
D'ailleurs, il a le droit de substituer et l'opticien d'ordonnance ne l'a pas.
Il n'a pas le droit de substituer.
Dr Bastien, voulez-vous ajouter un commentaire là-dessus?
M. BASTIEN: M. le Président, je crois que M. Desrosiers a fait un
juste exposé. Peut-être me serait-il permis d'ajouter quelque
chose. Lorsque l'on considère la thérapeutique au point de vue de
la pharmacie, au point de vue de la pharmacodynamique, eh bien! il se produit
que l'organisme aura des réactions. Son fonctionnement sera
changé, altéré par le produit qui sera consommé. En
ce qui concerne la thérapeutique optique, l'appareil lui-même qui
comporte les lentilles est une thérapeutique et une correction. C'est
une correction d'un défaut de structure dans la plupart des cas.
C'est aussi une correction du fonctionnement, un appareil qui aura pour
but d'altérer le fonctionnement d'une façon optimale. La personne
qui peut le mieux évaluer l'effet de cet appareil ou de cette
thérapeutique est bien la personne qui a fait l'évaluation, qui a
fait le diagnostic. Même dans l'exécution des lentilles, il y a
certaines marges d'exactitude qu'on peut appeler tolérances.
L'optométriste, par exemple, sait que lorsque l'on prescrit des
lentilles, non seulement on corrige l'acuité visuelle mais on agit
également sur la vision binoculaire.
Dans certains cas je m'excuse d'entrer dans un domaine technique
la position des centres optiques des lentilles aura un effet sur
l'alignement des yeux, sur la triangulation, ce qu'on appelle le convergence.
Il peut arriver, dans certains cas, que celui qui examine ait un jugement
à établir, un jugement d'acceptation ou un jugement de valeur sur
la thérapeutique. Il saura, par exemple, quel effet cela aura sur la
triangulation, sur la vision binoculaire. Certaines lentilles pourront avoir un
effet physique sur le patient.
Il est important que la personne qui a fait l'examen puisse avertir le
sujet qui se servira de cet appareil, sur livraison de l'appareil
thérapeutique, des réactions que cela peut procurer, qu'il
observe les réactions premières de cet appareil, qu'il lui fasse
les recommandations parce que l'action de cette thérapeutique, au point
de vue de la correction, autant au point de vue de l'amélioration de la
performance ou du rétablissement du rendement, se fera dans une certaine
continuité de temps.
Je crois que l'opticien d'ordonnance, avec tout le respect que j'ai pour
sa formation qui lui permet de bien exécuter une paire de verres et de
bien la faire, n'a pas la formation en optique physiologique, en physiologie de
la vision pour être capable d'évaluer les réactions et de
faire les recommandations qui s'imposent.
Pour revenir sur ce que disait mon président tout à
l'heure, le contrat optométrique est un contrat de services. C'est un
contrat de résultats et cela l'a toujours été. C'est un
contrat de résultats qui repose sur l'unité, sur
l'unicité, la liaison intégrée des services diagnostics et
des services thérapeutiques. Ces services intégrés sont
faits par un homme qui a reçu une formation en fonction desdits services
intégrés, qui non seulement a étudié l'optique en
elle-même au point de vue des lois de l'optique et au point de vue de
l'optique appliquée, mais qui a aussi étudié l'optique
physiologique, qui a étudié les effets des lentilles non
seulement sur l'oeil mais sur l'organisme, sur le système d'action.
Maintenant, pour en revenir à un sujet qu'on a abordé tout
à l'heure, il n'y a pas seulement acuité visuelle, dans les
services optométriques. Si nous n'avions qu'un oeil, cela pourrait se
résumer en un seul acte, la réfraction. Mais nous ne sommes pas
des Cyclopes. Nous sommes doués, comme tous les primates, de vision
binoculaire simple. Autrement dit, le cerveau
doit faire l'unité, la synthèse entre le champ de
perception de l'oeil droit et le champ de perception de l'oeil gauche, les unir
et nous donner une juste perception de l'espace. Ce renseignement sur l'espace
environnant doit être stable. Il ne doit pas souffrir de
défaillances ou d'interruptions.
La vision binoculaire simple est un moyen d'apprécier
l'environnement. Si on n'avait qu'un oeil, tout pourrait se résumer
à la réfraction. Cependant, il existe des cas où le
cerveau ne maintiendra pas d'une façon stable l'image d'un des yeux
c'est ce qu'on appelle la suppression et ne maintiendra pas d'une
façon stable la perception des deux yeux d'une façon
intégrée. Vous aurez même dans certains cas des
manifestations diplopiques.
Par conséquent, on ne peut pas amener tout le champ de
l'optométrie à la simple réfraction, à moins que
nous soyons des cyclopes. Il a toujours été dans le champ de la
pratique optométrique d'évaluer non seulement l'acuité
visuelle, mais également l'étendue de la perception, ce qu'on
appelle l'empan de la perception, la rapidité de la perception, la
stabilité de la perception binoculaire.
Cela a toujours été aussi dans notre formation, telle que
donnée par toutes les universités américaines qui
dispensent l'enseignement de l'optométrie, d'enseigner à
l'optométriste non seulement les moyens techniques de corriger un oeil
déficient dans sa structure et de rétablir l'acuité
visuelle, mais de donner le plus haut degré de rendement en ce qui
concerne la performance visuelle.
On a parlé tout à l'heure de certaines méthodes
thérapeutiques dites de traitement. Il ne faut pas oublier une chose,
c'est que l'entraînement visuel et la rééducation visuelle
ont la sanction de toutes les universités américaines où
l'optométrie est enseignée. Par conséquent, cet
enseignement est passé au crible, si vous voulez, de toutes les
disciplines basiques.
A moins que l'on considère toutes ces universités comme
étant incapables de juger de la valeur thérapeutique de ce qui
est enseigné dans leurs murs, on doit, je crois, reconnaître une
pratique qui est universelle et qui, au point de vue historique, a
commencé avec l'invention du stéréoscope avec Wheatstone
au milieu du XIXe siècle pour se poursuivre avec Javal et toute une
série d'individus qui se sont occupés de la
rééducation.
Par conséquent, au point de vue scientifique, les méthodes
de rééducation pour le rétablissement de la
binocularité chez les gens qui sont monuculaires ou qui sont strabiques,
ainsi que pour les difficultés dans la performance lexique et dans les
manifestations asthénopiques, cela a toujours été du
domaine de l'optométrie, et c'est parfaitement scientifique.
Je crois que j'ai dit à peu près tout ce que j'avais
à dire. Pour en revenir là-dessus, l'évaluation des effets
des lentilles sur le sujet est assez importante. Autrement, on lui donne des
lentilles sans lui donner de recommandations. Sou- vent le moyen
thérapeutique pourra être mis de côté sans raison, et
ce sera un recommencement perpétuel.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'à l'avenir on donne des
réponses un peu plus courtes, parce que les autres membres de la
commission...
M. GAREAU: Mes réponses vont être très courtes. Pour
en revenir à certains commentaires du ministre des Affaires sociales,
tout d'abord, au niveau du bill 250, je pense que le Collège des
optométristes a très bien établi dans son mémoire
qu'il favorisait la participation du public aux bureaux d'administration et
même au comité administratif.
Ce qui l'inquiète, c'est qu'à un moment donné,
quand vous relisez tous les articles, vous vous apercevez de
l'établissement d'un pouvoir parallèle. La corporation se
retrouve dans une situation telle que tant l'inspection professionnelle que la
discipline ne sont plus de son ressort, mais relèvent du
lieutenant-gouverneur en conseil.
Deuxième commentaire que j'aimerais faire,...
M. CASTONGUAY: Une question sur cet aspect, j'ai simplement fait un
commentaire.
M. GAREAU: Vous avez fait un commentaire, et je veux commenter
par-dessus.
M. CASTONGUAY: Il y a des règlements dans ces...
M. LE PRESIDENT: La question vient d'être posée par un
membre de la commission. Or nous voulons donner une chance à tous les
membres qui ont des points de vue peut-être un peu différents que
le ministre de poser des questions, parce que nous n'avons que quarante minutes
pour poser des questions et nous ne voulons pas priver d'autres membres de le
faire.
Vous avez droit à un exposé. Votre président a
dépassé même de dix minutes le temps établi par les
règlements.
M. GAREAU: Si vous me permettez, il y a certains commentaires qui
peuvent créer des ambiguïtés.
M. LE PRESIDENT: Oui, mais il y a les règlements; si des
députés ici pensent qu'il y a des ambiguilés, ils vont
poser des questions. Ils n'ont pas tous les mêmes idées. Le
député de Montmagny a une série de questions à
poser, et c'est certain que ces commentaires pourront être
expliqués dans les réponses. Si on commence à faire
d'autres commentaires, on ne finira jamais.
Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je me rends à
votre invitation, on va
essayer d'y voir clair. Vous nous soumettez un problème,
d'ailleurs comme tous les organismes qui vont venir aujourd'hui, relativement
à l'optométrie. J'ai retenu, dans l'exposé du
président, les multiples tentatives qu'il a faites d'éliminer les
divergences d'opinion, et de rapprocher les groupes de professionnels qui
travaillent dans ce secteur de la vision.
Ma première question est celle-ci: Vous avez parlé dans
votre exposé, du problème de la définition,
problème du champ d'exercice, problème de la prothèse, de
la lentille ophtalmique. Je voudrais vous demander ceci: Est-ce que, la
définition actuelle, avec laquelle vous vous arrangez depuis plusieurs
années, celle qui régit votre corporation professionnelle,
d'après vous, porte atteinte au public, lèse les
intérêts du public ou si cette définition aurait pu
être retenue dans la loi actuelle avec plus d'avantages pour tous les
professionnels et tout le public?
M. GAREAU: Si vous permettez, M. le Président, je pense que la
définition que nous avons à l'heure actuelle permet aux
optométristes d'exercer à plein leur activité et je crois
que c'est à l'avantage du public. Le ministre des Affaires sociales,
tantôt, soulignait qu'il pourrait élargir la définition
pourvu qu'on lui prouve qu'on a les connaissances scientifiques pour poser ces
gestes. Je me place de l'autre côté et je me dis qu'avant de
restreindre une définition comme celle que nous possédons
présentement et qui est beaucoup plus large que celle qui est dans le
bill 256, il faudrait que le gouvernement soit en mesure de prouver que les
optométristes sont un danger public.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne veux pas entrer dans l'aspect de la
formation tout de suite. Nous aurons l'école d'optométrie dont
les représentants viendront dans le courant de la journée, alors
nous pourrons parler plus précisément de la formation
académique de l'optométriste et peut-être des modifications
qui pourraient être apportées sur lesquelles, je pense bien, vous
seriez d'accord et les autres professions aussi peut-être. Nous
traiterons de cet aspect-là.
M'en tenant plutôt à la définition actuelle, celle
avec laquelle vous vous êtes accomodés depuis fort longtemps,
est-ce que, à votre avis, la nouvelle définition, même si
le ministre a dit que, moyennant certaines démonstrations ou moyennant
que vous apportiez certaines preuves, il pourrait y avoir une révision,
la définition qui est proposée par la législation pourrait
éventuellement conduire à la disparition, à plus ou moins
brève échéance, de l'optométrie?
M. GAREAU: La nouvelle définition qui est proposée dans le
bill 256?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, ce qui est proposé.
M. GAREAU: Je pense que oui, M. le Président. Je pense qu'avec
cette définition on enlève complètement aux
optométristes la responsabilité de la thérapeutique. Tout
ce que l'optométriste peut faire, par cette définition, c'est de
rédiger une ordonnance pour des lentilles ophtalmiques. Il ne peut
même pas traiter, il ne peut même pas contrôler
concrètement des lentilles ophtalmiques, d'une part, et pour toutes les
autres formes de traitement, il n'en est pas question.
Justement, dans les deux dernières lois, la définition que
nous avons présentement correspond à toutes les
définitions qui existent tant au Canada qu'aux Etats Unis.
Dernièrement il y a eu, au Rhode Island, une nouvelle définition:
aucune limitation.
Il y a eu des précisions comme celles que nous suggérons
dans notre projet de loi. En Ontario, le livre blanc qu'on vient de
déposer sur les corporations parce qu'il y a un projet similaire
à celui-ci contient une définition exhaustive beaucoup
plus large, qui comprend vraiment tous les services que l'optométriste
peut rendre. On ne le limite pas en disant: Essaie de te débattre et
fais la preuve que tu es bon. Nous, dans la définition du bill 256, on
nous place au pied du mur. On nous dit: On vous enlève telles
attributions, telles prérogatives, maintenant, faites la preuve que vous
êtes capables de les remplir.
Je pense que ça ne peut pas se faire dans une commission
parlementaire.
M. CLOUTIER (Montmagny): A votre avis, y a-t-il eu des
déclarations, devant cette commission, qui me justifient de poser la
question voulant qu'avec une telle définition, l'optométrie
pourrait disparaître? Y a-t-il eu des déclarations de
professionnels devant la commission qui ont été
énoncées dans ce sens-là?
M. GAREAU: A cette commission-ci?
M. CLOUTIER (Montmagny): Depuis que cette commission-ci siège. Je
pose ma question directement: Est-ce que le Collège des
médecins...
M. GAREAU: Je pense que le Collège des médecins n'a pas
osé répondre.
M. CLOUTIER (Montmagny) : ... n'a pas reconnu qu'il y avait des dangers
que l'optométrie disparaisse?
M. GAREAU: Il a reconnu qu'il y avait des dangers mais il n'a pas
osé répondre d'une façon catégorique.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais plusieurs questions et je les pose un
peu rapidement pour donner la chance à tous les autres
députés, notamment au député de Jacques-Cartier qui
brûle du désir d'en poser. Le député
de Jacques-Cartier n'a pas de conflit d'intérêts. Ce matin,
on va le surveiller.
Est-ce que les ophtalmologistes posent des actes que vous, comme
optométristes, posez?
M. DESROSIERS: Bien oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Est-ce qu'ils pourraient poser des
actes qu'ils ne posent pas? Est-ce qu'ils délèguent certaines
responsabilités qu'ils pourraient assumer, et lesquelles?
M. DESROSIERS: C'est encore oui. Quant à moi, j'aime cette
question-là; je m'excuse, mais en tout cas je vais essayer d'être
vite et de répondre clairement. C'est là qu'est le noeud du
problème. Vous n'empêcherez pas un médecin de pratiquer sa
science et sa science embarque dans mon domaine et dans celui des autres et
cela ne me scandalise même pas. Ce n'est pas cela le problème. La
médecine est orientée vers l'état de morbidité; il
faut faire disparaître la maladie. Les optométristes ne sont pas
orientés dans ce domaine, nous ne sommes pas formés comme cela.
Ne nous faites pas de reproches. Faites-en à l'université qui m'a
formé autrement. On m'a dit: La santé, la maladie, ce n'est pas
tes oignons, c'est le domaine de la médecine, occupe-toi de tes
affaires. Tes affaires, ce sont la performance, l'efficacité visuelle,
le domaine de la vision, du bon équilibre binoculaire simple. C'est
ainsi qu'on m'a formé.
Quand vous me dites que messieurs les ophtalmologistes font, pour leurs
besoins, des travaux similaires aux nôtres, oui je suis d'accord;
pourquoi ne le feraient-ils pas si c'est à l'avantage du public? Je
trouve intelligent qu'ils le fassent, mais je ne me vois pas faire le travail
de l'ophtalmologiste. Ce n'est pas mes oignons et je n'ai pas la
compétence pour le faire.
D'autre part, vous demandez, dans votre question, si les
ophtalmologistes pourraient aller plus loin ou messieurs les
médecins, de toute façon, tout le monde se comprend dans
leur travail. Bien oui. J'ai cité la sous-commission sénatoriale
américaine de 1967. Les ophtalmologistes pourraient, dans leurs
services, dispenser, de la même façon que les optométristes
le font, un service complet quand c'est un service visuel. Cela me permet de
faire une affirmation forte. Dans l'intérêt du public, le service
global et unifié donné par l'optométriste est
supérieur à celui qui est donné par le tandem
ophtalmologiste-opticien d'ordonnances et je vous en donne la raison : Non pas
parce qu'on parle de maladie, mais parce qu'on parle d'efficacité et de
performance visuelle. Il faudrait faire attention pour ne pas m'entrafner dans
des domaines où je ne veux pas aller.
Je ne conteste pas, ce n'est pas dans mon esprit et je ne le veux pas.
Première proposition, j'attache de l'importance à la santé
et elle est entre bonnes mains tant qu'elle sera entre les mains des
médecins. Deuxième proposition, quand il y a un service visuel
à rendre qui, lui, est orienté et que l'ophtalmologiste a
déterminé qu'il n'y avait pas de pathologie, qu'il n'y avait pas
de maladie, on passe alors à l'autre niveau qui est un niveau
optométrique, que les ophtalmologistes ont aussi le droit de faire, ils
en ont le droit, je ne leur conteste pas ce droit-là. Lorsque
l'ophtalmologiste fait le même travail que moi dans mon bureau et qu'il
délègue, par une ordonnance, à l'opticien d'ordonnances,
l'exécution de l'ordonnance, j'ai de forts doutes que le contrôle
de l'ordonnance sur le patient soit aussi bon, aussi efficace, aussi valable
que celui que l'optométriste fait.
D'ailleurs, le docteur Bastien l'a dit tout à l'heure, nous avons
avec nos patients un contrat de résultats. Lorsqu'on donne une
ordonnance, qu'on l'exécute, qu'on la livre aux patients et que
ça fait mal, je vous garantis que les patients tout le monde va
comprendre ça reviennent au bureau et disent : Mon petit
Desrosiers, tel lunettes, elles ne me font pas; fais-en d'autres. C'est ce que
j'appelle une responsabilité de résultats. Cela ne repose que sur
la tête d'une personne, pas sur deux personnes. Le patient ne vient pas
à Mont-Joli pour dire: Les lunettes ne font pas. Parce qu'il n'y a pas
d'opticien d'ordonnances à Mont-Joli, il ne va pas à Rimouski
chez l'opticien d'ordonnances pour voir si ses lunettes ont été
bien faites. Il ne revient pas après parce que les lunettes ont
été bien faites à Mont-Joli pour dire: L'opticien m'a dit
que les lunettes ont été bien faites, alors, tu retournes. Qui va
payer les frais de tous les déplacements de ces gens-là? On parle
de contrat unifié, de contrat de résultats, de service global.
Moi, je pense que le service que l'optométriste rend est indispensable
et que c'est difficile de le remplacer par autre chose qui va être aussi
bon.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Desrosiers, vous avez parlé de la
pathologie, de la préparation de l'ophtalmologiste, du médecin
pour assumer sa responsabilité professionnelle. Est-ce qu'il y a eu une
évolution depuis quelques années dans les cas d'affections de
l'oeil? Quelle est la tendance maintenant? Est-ce qu'il y a davantage de cas de
pathologie ou s'il y en a moins? Est-ce qu'il y a davantage de cas, si je peux
employer l'expression, d'acuité visuelle ou de problèmes de
réfraction, de vision? Voulez-vous nous donner des statistiques
là-dessus?
M. DESROSIERS: Oui, Bien, ce sera des statistiques...
M. CLOUTIER (Montmagny): Je veux une tendance. Je ne vous demande pas le
nombre de cas.
M. DESROSIERS: D'accord. Alors, je vais répondre. Je pense qu'il
n'y a pas plus de cas aujourd'hui qu'il n'y en avait dans le passé,
vu
que ce sont toujours les mêmes personnes qu'avant, d'une part.
D'autre part, ce n'est pas tout à fait le sens de votre question; elle
va plus loin que ça. Quant à la détermination des cas,
est-ce qu'on en trouve plus maintenant qu'on n'en trouvait anciennement pour
les référer à l'ophtalmo? Je vais répondre que
c'est encore du pareil au même. Je pense que les cas qu'on trouvait dans
le passé, on les trouve encore aujourd'hui. Les cas qu'on
référait dans le passé, on les réfère encore
aujourd'hui.
Nous avons attaqué la commission Hall et Castonguay dans son
rapport sur l'incidence des pathologies oculaires, car notre prétention
est à l'effet nous avons des preuves aussi qu'elle n'est
pas aussi élevée qu'on veut bien le dire parfois. Quand on parle
de pathologie oculaire, il faut quand même s'entendre. C'est de la
pathologie oculaire, ce n'est pas autre chose. Lorsque l'optométriste
est pris avec un cas de pathologie oculaire et qu'il le renvoie au
médecin de famille, ce qui arrive aussi, je pense que c'est encore de la
bonne optométrie et que c'est encore un bon service au public.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous voulez ajouter quelque chose à
cette réponse?
M. GAREAU: Je voudrais ajouter un commentaire à ce que j'ai dit
tantôt. Si vous comparez le projet de loi 256, par exemple, au projet de
loi 252, le projet de loi médical, on a insinué tantôt
qu'il fallait répartir, autant que possible, les tâches entre le
pharmacien, le médecin, l'optométriste et l'opticien
d'ordonnances. Mais, si vous lisez le projet de loi médical, cela
n'enlève jamais au médecin le droit et le privilège de
fournir à ses patients quelque forme de traitement, y compris les
médicaments. Qu'il n'ait pas le droit de tenir de pharmacie, d'accord,
mais il peut toujours fournir des traitements. Avec le projet de loi 256, tel
libellé présentement, l'optométriste ne devient qu'un
dépisteur. Il ne fait plus de traitement. C'est une des raisons pour
lesquels nous disons que le projet de loi en question nous dégrade et
dévalorise la profession. Il risque même pour la population
d'entraîner des effets néfastes parce qu'il y a des services
essentiels qui sont rendus par les optométristes et qui ne sont pas
rendus par d'autres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous dites que l'optométriste devient un
dépisteur. Est-ce que vous êtes satisfaits de la formation que
l'on vous donne pour pouvoir faire du dépistage? Est-ce que vous
voudriez faire davantage d'études en pathologie, quitte à ne pas
exercer la pathologie, parce que votre profession vous le défendrait,
évidemment? Cela, vous permettrait de faire une meilleure
référence.
M. GAREAU: Excusez-moi de vous interrompre. Je pense que ce serait le
temps de rendre hommage à tous les optométristes qui sont ici. On
est peut-être la seule corporation, à l'heure actuelle, qui,
à même les fonds des membres, subventionne l'enseignement en
pathologie oculaire à l'Université de Montréal.
Nous sommes obligés, à même les sommes que nous
percevons, de former nos membres en pathologie oculaire, à cause de
l'incompréhension qui existe et que vous connaissez.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce problème-là, nous le
traiterons plus loin.
M. GAREAU: Je suis satisfait. Evidemment, j'en voudrais davantage et je
pense que nous poumons en avoir davantage si, comme on le mentionnait lors du
bill 65, on commençait à former tant les médecins que les
optométristes dans une faculté unifiée et qu'on les
faisait pratiquer en stage, soit dans les centres locaux ou dans les centres
hospitaliers.
Le projet de loi, tel que rédigé présentement,
pourrait probablement s'appliquer dans les centres locaux ou dans les centres
hospitaliers, mais je pense qu'on ne doit pas tracer d'organigramme comme
celui-là pour toutes les pratiques privées; c'est
inapplicable.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le président du collège, j'ai
été bien intéressé, tantôt, par vos remarques
sur la limite du champ d'exercice des professions et sur la difficulté
de délimiter parfaitement et rigoureusement les champs de pratique. Vous
avez parlé d'un chevauchement qui serait préférable dans
certains cas. Je pense bien que vous faisiez référence
particulièrement aux sciences de la santé.
M. GAREAU: C'est inévitable.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai fait une suggestion, la semaine
dernière, devant la commission parlementaire au ministre et aux
fonctionnaires. Tel que ça nous apparaît à ce moment-ci de
notre étude en commission parlementaire, peut-être que la
législation ne va pas assez loin dans l'orientation suivante,
c'est-à-dire de faciliter le dialogue et la collaboration entre les
différentes professions dans certains secteurs. Il y a le secteur de la
santé, d'une part; il y a le secteur des affaires, de la
comptabilité, les professions comptables; il y a, d'autre part, les
professions juridiques. Il y a d'autres professions aussi qui connaissent une
évolution assez rapide. Il y a même des professions qui viendront
au monde d'ici quelques années.
A mon avis, vous ne pouvez pas, non plus, partager les actes dans le
domaine de la santé par une cloison étanche. C'est inutile
d'essayer de faire pratiquer en équipe les professionnels de la
santé, si vous dites: Toi, tu as fini et, moi, je commence et si vous
commencez à vous parler à partir du moment où la ligne est
tracée. C'est absolument impossible. Je pense que nous allons vivre avec
le chevauchement. Je vous demanderais ce que vous pensez d'une suggestion comme
celle-là: Que le code des profes-
sions favorise un certain rapprochement, un certain regroupement des
professions qui travaillent ensemble, comme les professions de la santé.
On favoriserait ce rapprochement aussi lors de la formation, parce qu'on en a
eu des exemples devant la commission parlementaire, des professions au niveau
universitaire où il n'y a pas assez de dialogue. Des expériences
sont faites, mais ça pourrait peut-être aller un peu plus vite.
Alors, que pensez-vous d'une suggestion comme celle-là? Auriez vous des
suggestions à faire, à un moment donné, sur certaines
modalités?
M. GAREAU: Si vous me le permettez, dans le cadre de la loi que nous
discutons, je ne vous dirais pas que c'est hors d'ordre, mais je pense que ce
n'est pas la place pour le faire. La place pour le faire nous l'avions
suggéré lors de nos commentaires sur le bill 65 c'est dans
les centres locaux de services communautaires et dans les centres hospitaliers.
Mais vous n'avez pas besoin de modifier une loi organique ou une loi
constitutive d'une profession pour faciliter ce rapprochement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'excuse, mais ça ne modifie pas la
loi organique de la profession; c'est dans le code des professions que je
suggérerais qu'on introduise ça. Ce serait peut-être dans
le conseil interprofessionnel qui actuellement regroupe, dans une vaste
unité, toutes les professions sans exiger d'un type de profession en
particulier un autre rapprochement que celui qui est indiqué. C'est
purement, je pense, académique, le rapprochement qu'on demande au
conseil interprofessionnel. Je pense que ça pourrait déboucher
sur quelque chose de plus concret. C'est dans ce sens que j'ai fait la
suggestion. Nous devons accepter que les professions chevauchent, à un
moment donné; nous ne pourrons pas en sortir autrement. On a
déjà fait de l'incitation au dialogue entre certaines professions
et c'est difficile, il ne faut pas se le cacher. Alors, il faudrait aller plus
loin et non seulement les inciter, mais les obliger à certaines
discussions fondamentales à un moment donné. Parce que ce n'est
pas au législateur, ce n'est pas au ministre des Affaires sociales, je
pense bien, d'aller discuter, tous les jours, avec les médecins et les
pharmaciens pour voir où commence la responsabilité et où
elle finit entre le Barreau, les notaires, les avocats et les comptables et,
enfin, toutes les professions. Alors, je pense que ça devrait se faire
par les corporations professionnelles.
Dès lors, nous pourrions parler d'autonomie et de
responsabilité des corporations.
M. le Président, je laisse la parole à un autre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'aurais également quelques
questions à poser au président du Collège des
optométristes. Advenant la disparition des optométristes,
j'aimerais savoir quel groupe récolterait la part du lion dans leur
champ de pratique.
M. DESROSIERS: Cette question n'a l'air de rien, mais c'est une bonne
question. Il n'y a pas d'autre réponse que de dire que si... D'ailleurs,
la question ne se pose pas. Je ne comprends pas que vous pensiez que les
optométristes puissent disparaître. Je n'accepte pas, M. le
Président, de répondre à une question de ce genre. Nous
sommes là depuis trop longtemps. C'est impossible. Je m'excuse, M. Guay,
mais il faudra nous garder.
M. PAUL: Il faut tenir compte de qui elle vient.
M. GUAY: Vous avez mentionné quand même, M. Desrosiers
je crois que c'est vous que vous craigniez la disparition des
optométristes. Je vais plus loin et je dis: Si vous disparaissez, qui
vous remplacera?
M. DESROSIERS: Je vais répondre plus sérieusement
maintenant que nous nous sommes détendus un instant. Je pense que nous
assisterions à l'avènement de techniciens, tout bonnement, qui
deviendraient des auxiliaires, qui compléteraient le travail de gens
extrêmement compétents. Et là, on se pose la question:
Est-ce que ces techniciens qui remplaceraient des gens qui ont
déjà une formation, une compétence et une jurisprudence
derrrière eux, cela serait mieux pour le public? Là, j'ai de
fortes réticences. Il faudrait quand même penser que le territoire
du Québec est grand, que nous sommes partout. J'ai le fou rire quand je
dis cela, mais cela nous fait un damné bon argument. Cela nous fait une
bonne jambe. Nous sommes là quand même. Et si nous ne sommes pas
là demain, qui fera ce que nous faisons?
M. GAREAU: M. Guay, j'aimerais vous donner seulement un exemple.
Admettons qu'on appliquerait le bill 256 tel qu'il est rédigé
présentement d'ici deux ans en défendant aux optométristes
de dispenser des lentilles ophtalmiques. Si je me reporte aux dernières
statistiques de la Régie de l'assurance-maladie et aux statistiques
publiées par le syndicat professionnel, avec qui vous pourrez parler
plus tard, je pense que sur 520 optométristes, il y en aurait environ
200 qui seraient obligés de fermer leur bureau.
M. GUAY: Actuellement, selon ce qui est proposé par le code des
professions, je me pose la question suivante: dans le champ d'exercice,
on essaie toujours d'établir qui va pratiquer quoi Est-ce que
présentement ce sont les ophtalmologistes qui viennent empiéter
sur le terrain des optométristes ou vice-versa? Si on
veut établir des cloisons assez étanches, il faudra
commencer par délimiter un champ d'exercice et je serais bien heureux de
savoir qui jouera sur le terrain de qui.
M. DESROSIERS: J'aime cette question parce que je pense que cela permet
d'expliciter un point auquel je n'ai peut-être pas donné assez
d'importance tout à l'heure. Il y a un point qui relie ophtalmologie et
optométrie. Et ce point, c'est la réfraction.
D'une part je ne veux pas parler en personne compétente en
ophtalmologie, il faudra leur poser la question je ne pense pas les
caricaturer en disant que ces gens, en faisant leur travail, ont aussi besoin
de faire la réfraction. C'est un terme qui est bien compris, d'une part.
D'autre part, l'optométriste lorsqu'il fait l'évaluation de la
vision et qu'il passe un contrat de résultat avec son patient
s'engageant à lui fournir une efficacité et une performance
visuelle plus grandes, se sert d'un moyen qui s'appelle aussi la
réfraction. Vous ne sortirez jamais de cela. Parce que les deux s'en
servent pour des raisons différentes. C'est normal, c'est bon et c'est
à l'avantage du public. Ne touchons pas à cela. Si vous me
demandez à ce moment-là: Est-ce qu'il y aura chevauchement? Je
vous dis: Dans une facette de l'opération ophtalmologique et dans une
facette de l'opération optométrique, il y a chevauchement. Mais
si, dans votre esprit, vous pensez que l'optométrie, c'est faire des
réfractions, ce n'est pas vrai. Nous avons mal vendu notre marchandise
ce matin. Ce n'est pas cela. C'est plus que cela. C'est une partie, simplement,
mais une partie valable pour l'un et pour l'autre.
M. GUAY: Une autre question. J'ai tenté une petite
expérience depuis quelques jours, sachant que vous comparaîtriez
devant la commission. J'ai posé une question au monsieur qu'on appelle
Jos. Public. Pour lui, un optométriste, un ophtalmologiste, un opticien
d'ordonnances ou même ce qu'on appelle des comptoirs détaillants,
cela semble toujours la même chose. Il nous répond toujours: C'est
un spécialiste de la vue. On lui pose alors la question: Est-ce un
optométriste, un ophtalmologiste ou autre? Il répond: Un instant,
je vais regarder sur ma facture. C'est la seule chose qui lui permet de dire
quel professionnel lui a rendu tel service. Dans la majorité des cas,
c'est un spécialiste de la vue.
Est-ce qu'on a donné, dans le passé je pourrais
poser la question au collège l'information suffisante dans les
soins ou les services que vous étiez en droit de dispenser? Et, en
question supplémentaire, devant qui avez-vous à répondre,
pour les actes que vous posez?
M. DESROSIERS: Il y a donc trois questions. Il y a d'abord M. Jos.
Bleau. A votre question, vous avez donné la réponse.
M. GUAY: En partie.
M. DESROSIERS: Vous avez dit: Ce sont tous des spécialistes de la
vue. Qui dois-je consulter? Jos. Bleau si je cite vos paroles a
nommé l'optométriste, l'ophtalmologiste et l'opticien
d'ordonnances. Jos. Bleau, d'instinct, sait que, pour les examens de la vue,
pour la vision, c'est chez l'optométriste qu'on va. C'est effrayant
comme Jos Bleau le sait. Alors je ne me pose plus de questions pour Jos.
Bleau.
D'ailleurs, sans le vouloir, vous l'avez tout de suite mentionné.
Faites encore des observations et vous verrez que c'est automatique. Les gens
le savent. Ils ne viennent pas nous consulter pour leurs dents ou pour des
accouchements. Ils viennent nous consulter simplement parce qu'ils ont des
problèmes visuels, ils ne voient pas clair, ils ont des problèmes
de rendement visuel ou des choses du genre. C'est drôle, car lorsque les
gens ont des maladies aux yeux, ils ne viennent pas nous voir non plus.
Je vous donne quand même l'expérience vécue, dans
mon bureau, et tous mes confrères, dans la salle, pourraient faire la
même chose. Ils savent que nous ne sommes pas là pour cela.
Quand vous demandez si nous avons fait suffisamment d'information, je
vous réponds que nous n'en avons probablement pas assez fait. Mais je
vous garantis qu'en sortant d'ici, nous en ferons de l'information. Vous m'avez
motivé correctement.
Devant qui sommes-nous responsables? Nous sommes responsables parce que
nous sommes une corporation professionnelle. Si on compare l'application de
notre comité de discipline, notre code disciplinaire, notre code
déontologique, dans la profession avec les autres professions,
messieurs, je suis très fier.
M. GUAY: Vous n'avez pas à répondre devant d'autres
professionnels, en ce qui concerne les services que vous rendez.
M. DESROSIERS: Non. Chaque profession est autonome.
M. GUAY: D'accord. On parle beaucoup d'acuité visuelle.
J'aimerais bien qu'on me donne une définition simple de l'acuité
visuelle.
M. DESROSIERS: Ce que vous demandez est impossible, M. le
Président! Demander une définition simple, la question est bonne.
Parce que lorsqu'on pense à une réfraction comme seule et unique
opération que l'optométriste doit faire, on pense à
l'acuité visuelle. Lorsqu'on dit que la réfraction fait partie du
processus d'évaluation de l'état de binocularité, de
l'état de rendement d'une personne, la réfraction ne devient
qu'un moyen. Alors, l'acuité visuelle versus l'acuité de la
vision, c'est tout le champ d'action. C'est là qu'est la fameuse
différence.
Mais là, j'ai envie de demander un peu l'aide d'un de mes
confrères, Armand Bastien, qui est
aussi professeur, comme par hasard, à l'Université de
Montréal et aussi à l'étranger, qui a aussi
été professeur à l'Institut Gesell, de New-York; car
toutes ces choses ne sont pas mises en doute, c'est du scientifique, c'est du
valable, c'est incontesté. Le hasard veut que cela ait été
fondé par des médecins. Alors ce doit être pas pire. De
toute façon, il a été professeur là-bas. J'ai envie
de demander à Armand Bastien de répondre à cette question
en particulier.
M. BASTIEN: C'est difficile de répondre brièvement. Je
vais essayer. Disons que c'est le seuil de vision critique. Autrement dit,
c'est le seuil de vision précise. C'est le plus haut degré de
vision précise que l'on peut atteindre. C'est le propre de ce qu'on
appelle la rétine centrale, d'un petit point minuscule, qui est
placé au centre de la rétine et qui est aligné sur l'objet
d'intérêt. C'est le plus grand pouvoir de voir clair. Chez
certaines personnes, normalement, cela s'évalue de la façon
suivante: il y a un objet d'une certaine grandeur qui sous-tend un angle de
cinq minutes, avec la macula, qui est la localisation de la rétine
où on a la vision critique, on a 20/20 ou 100 p.c. si cet objet, qui
sous-tend un angle de cinq minutes, est perçu. Certaines personnes ne
l'ont pas. L'objet qui devrait être vu à vingt pieds doit
être rapproché ou agrandi.
Elles verront à vingt pieds un objet que l'oeil normal verrait
à trente, à quarante ou à soixante pieds. Autrement dit,
il y a des gens qui n'ont pas la vision critique, la vision aiguë au
même degré que d'autres. Il peut y avoir différentes causes
à ça, mais je ne pense pas que ce soit l'endroit pour en
parler.
Autrement dit, c'est le propre de la rétine centrale. C'est vous
que je vois le plus clairement dans l'assistance ici, mais je vois, quand
même, M. le Président beaucoup moins clairement que vous. J'ai un
champ de perception complet. Le cerveau intègre par la fusion ces deux
champs de perception en vision binoculaire simple et ce sont les muscles
oculo-moteurs, sous la commande du cerveau, qui dirigent les yeux dans
l'espace. C'est un processus du système nerveux central.
Un optométriste ne s'occupe pas strictement de la petite parcelle
centrale, ou de l'acuité visuelle, mais il s'occupe et de
l'acuité visuelle et du champ de perception, et de la motilité
oculaire.
M. DESROSIERS: M. Guay, je voudrais faire un commentaire.
L'acuité visuelle, ça fait partie de l'acuité de la
vision. L'acuité de la vision, ce n'est pas toute l'acuité
visuelle.
M. GUAY: D'accord. J'aurais une dernière question. Autrefois, il
existait des comptoirs où on pouvait obtenir des lunettes après
un examen rapide. Est-ce que ça existe encore?
M. DESROSIERS: Pas au Québec.
M. SAINT-GERMAIN: Avec les restrictions qu'on impose par cette
définition à l'article 14, est-ce que je peux demander si le fait
pour un optométriste d'avoir l'obligation de prescrire une paire de
lunettes serait suffisant pour conserver à l'optométriste sa
motivation à l'étude, à la recherche? Est-ce que ça
pourrait le motiver à essayer d'améliorer sa compétence
professionnelle?
M. DESROSIERS: J'ai envie de répondre brièvement. Surtout
si, en plus de votre question, on a à l'esprit que ce sont des
réfractions qu'on doit faire, ça ne donne rien d'aller à
l'université; ils formeront ça au CEGEP. C'est aussi bête
que ça. C'est là qu'on nous amène. Est-ce qu'à ce
moment-là le public sera mieux protégé? Cela, c'est une
damnée bonne question. La raison d'être de l'optométrie,
c'est de rendre des services qui sont nécessaires au public.
Si on accepte la définition telle quelle et qu'en plus que nous
avons à l'idée que ce que nous devons faire, ce sont des
réfractions, soit une partie de ce qu'est l'étude de l'analyse de
la vision, on simplifie les choses. La motivation saute par-dessus bord et,
là, courons après les piastres au plus sacrant !
Je m'excuse d'être aussi vulgaire, mais c'est réaliste.
M. SAINT-GERMAIN: La rééducation visuelle, on a dit que
c'était accepté par la majorité des universités
américaines. Est-ce que vous pourriez, pour clarifier la situation,
nommer au moins quelques-unes de ces universités qui acceptent, au point
de vue scientifique, la rééducation visuelle comme étant
valable?
M. BASTIEN: Il y en a une, très importante pour nous, qui est
Montréal. Au Canada, vous en avez une autre: Waterloo. Vous avez
Berkeley, Indiana, Los Angeles et d'autres qui ne me viennent pas à
l'esprit. Autrement dit, vous en avez parmi les principales universités
américaines. On connaît leur valeur au point de vue scientifique,
qui est respectée dans le monde entier. On sait que ces principales
universités américaines donnent leur sanction non seulement
à l'entraînement visuel et aux méthodes de perception, mais
à tout le champ de la perception psychomotrice. Pas seulement à
nous.
Ces mêmes universités enseignent les principes de la
psychomotricité à d'autres professions aussi. Nous ne sommes pas
les seuls à utiliser ça. Excepté que nous sommes les
seuls, dans une certaine mesure, à les utiliser dans le but que l'on
poursuit au point de vue visuel. Mais c'est utilisé au niveau de la
pédagogie. Vous avez Barsch qui parle de toute une série
d'exercices psychomoteurs pour le rétablissement des capacités.
Tous les centres de réadaptation et de rééducation s'en
servent. C'est par le mouvement que vous allez
rééduquer, que vous allez améliorer la
performance.
M. DESROSIERS: Moi, j'aimerais faire un commentaire
supplémentaire qui est le suivant. Le petit portrait qu'on nous dessine
va faire que les optométristes du Québec ne seront pas comme les
optométristes du contexte nord-américain. Ils vont être
dévalorisés. Nous ne serons plus au même niveau.
On ne fait vraiment pas les choses, nous autres, comme ça se fait
ailleurs. On a toujours le don de faire ça vraiment
différemment.
C'est tellement vrai ce que je dis là que déjà
cette année, les optométristes québécois veulent
faire leur cours à Waterloo au lieu de le faire à
Montréal. Ce n'est pas grave, ça n'a pas d'importance, on se
dévalorise, envoyons, mettons-en! Je ne comprends pas cette idée
qu'on a d'être différent dans le fait d'une profession qui est
reconnue dans un contexte nord-américain.
M. SAINT-GERMAIN: Déterminer les anomalies du globe oculaire ou
les anomalies de réfraction est chose relativement simple et vu que la
technique avance énormément vite actuellement, est-ce qu'il se
fait des recherches actuellement, surtout au point de vue électronique,
est-ce qu'il y a une possibilité qu'avant peu d'années une
machine électronique pourra facilement déceler les vices de
formation des globes oculaires?
M. BASTIEN: C'est sûr que, dans un certain avenir, vous aurez des
machines électroniques qui pourront faire la réfraction
objective. Cela ne veut pas dire que ça va régler les
problèmes visuels. Je vais vous donner un petit exemple sur l'effet que
ça peut avoir sur la vision binoculaire. Vous auriez, vous qui
êtes optométriste, quelqu'un et les ophtalmologistes qui
sont ici m'entendent également par exemple, dont la
réfraction objective des yeux vous donnerait une puissance dioptrique
quatre fois plus grande d'un côté que de l'autre, disons + 1 d'un
oeil et + 5 ou + 4 de l'autre. La réfraction objective et vous
pourriez avoir un cylindre là-dedans qui exprime la distortion
cornéenne pourrait être parfaite. Et si la
différence entre les deux yeux est encore plus grande, le
résultat sera encore plus désastreux parce qu'avec des lentilles
de puissance différente, justement sur la macula, sur la partie centrale
qui s'occupe de l'acuité visuelle, vous aurez là des images de
grandeurs différentes, vous aurez le grossissement d'un champ par
rapport à l'autre. Non seulement cette prescription objective ne pourra
pas aider le sujet, elle pourra lui occasionner plus d'ennuis. Plus parfaite
elle sera, plus d'ennuis il aura au point de vue de sa binocula-rité
parce qu'au cerveau, par exemple, sur le système nerveux central,
au-delà d'une certaine différence de grandeur ou de
diamètre apparent des objets, la fusion en est perturbée, et dans
certains cas vous avez l'apparition de la diplopie.
Par conséquent, ces appareils-là ne menacent pas du tout
une profession, ces appareils-là permettront, si vous voulez, de
résoudre des problèmes.
M. GAREAU: Juste un commentaire pour continuer dans le même sens
que M. Bastien. Je pense qu'il faut s'attendre à des progrès
technologiques, on en a connus depuis des années, mais jamais ces
progrès technologiques ne remplaceront le jugement professionnel de
l'optométriste.
M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, puisque vous considérez la
distribution des lentilles ophtalmiques comme partie intégrante du
service professionnel rendu par l'optométriste, est-ce que le
collège serait prêt à être payé à
l'acte, relativement à ce service? Est-ce que le collège serait
prêt à accepter d'être payé à l'acte pour le
service rendu en distribuant la lunette, au lieu de vendre la lunette,
autrement dit, selon le prix qu'elle coûte à
l'optométriste?
M. GAREAU: Le collège a déjà adopté des
attitudes. D'ailleurs, elles sont mentionnées dans le mémoire que
vous avez en main. Le collège a toujours dit que le consommateur des
produits ophtalmiques, ce n'était pas le patient c'était
l'optométriste lui-même. Et nous, avec les pouvoirs que nous
avions dans notre loi, nous avons toujours incité nos membres à
dispenser la lentille ophtalmique au prix de revient, sans faire de profit.
Et d'ailleurs on fait plusieurs suggestions et recommandations dans le
mémoire. Nous sommes d'avis que les services professionnels
attachés à la dispensation de la prothèse devraient
être payés tant pour l'opticien d'ordonnances, l'ophtalmologiste
ou l'optométriste, mais que la lentille ophtalmique et la lunette
elle-même devraient être distribuées au prix de revient,
sans profit.
M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous fait des études qui vous
permettraient de dire quel est le bassin de population nécessaire pour
faire vivre économiquement un optométriste actuellement?
M. GAREAU: A l'heure actuelle, c'est un par 12,000 de population au
Québec.
M. SAINT-GERMAIN: Si vous diminuez les services professionnels qu'ils
peuvent rendre, avez-vous essayé de déterminer combien
d'optométristes seront obligés de laisser leur bureau?
M. GAREAU: Plus de 200. Même à ce moment-là, si vous
disséminiez les opticiens d'ordonnances partout dans la province, il n'y
aurait personne pour faire les examens; vous ne réglez pas votre
problème.
M. SAINT-GERMAIN: Au sujet des verres de contact, êtes-vous
satisfaits des responsabili-
tés qu'on laisse aux optométristes et à d'autres
corps professionnels?
M. GAREAU: A une nuance près. Dans le mémoire, on parle
des personnes qui, en 1961, ont eu une permission de la Législature pour
ajuster des lentilles de contact parce qu'elles en faisaient auparavant. Nous
ne sommes pas pour leur enlever leurs droits acquis, sauf que nous demandons,
à la suite d'un jugement de la cour des Sessions de la paix, que,
lorsqu'ils ajustent des lentilles de contact, ce soit en la présence
physique soit d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste.
M. SAINT-GERMAIN: C'est tout, merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'ai omis de poser une petite question au collège
tantôt. Parmi l'équipe qui conseille habituellement le ministre
aux Affaires sociales, y a-t-il des optométristes?
M. GAREAU: Je n'ai pas compris votre question.
M. GUAY: Parmi l'équipe qui conseille le ministre aux Affaires
sociales, peut-on compter un ou des optométristes?
M. GAREAU: Je ne crois pas qu'il y ait de conseillers
optométristes au ministère des Affaires sociales.
UNE VOIX: Je ne suis pas fonctionnaire, ni le porte-parole des
optométristes.
M. GAREAU: Si vous me le permettez, il y a deux optométristes
à la Régie de l'assurance-maladie, mais il n'y en a pas encore
je pense bien que cela va venir au ministère des Affaires
sociales.
M. GUAY: J'aurais une question connexe, si le député me le
permet. Avant la rédaction de cette loi, le collège a-t-il
été consulté?
M. GAREAU: Oui, assurément. On peut mettre en doute tout le
processus de consultation, mais soyons honnêtes dans les faits. Il y a eu
une consultation, une rencontre avec le ministre des Affaires sociales et votre
humble serviteur, en février 1971. Si vous me demandez comme
sous-question vous ne me le demandez pas; alors, je vais me la poser
moi-même si le Collège des optométristes aurait
aimé le rencontrer de nouveau, la réponse est encore oui.
M. LE PRESIDENT: Le ministre aurait un bref commentaire.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais faire deux brefs
commentaires. Je voudrais simplement rappeler qu'au ministère des
Affaires sociales il n'y a pas 44 ou 45 spécialistes représentant
les divers groupements spécialisés dans le domaine de la
santé, à titre de conseillers. Il me paraît beaucoup plus
logique de procéder par expertise lorsque nous en avons besoin et
surtout de le faire auprès de gens qui sont dans la pratique active que
d'avoir à notre emploi, de façon permanente, un grand nombre de
professionnels qui, à plus ou moins brève échéance,
perdraient leur contact avec la pratique.
J'aimerais aussi faire un petit commentaire puisqu'on a parlé du
Québec qui voulait toujours être différent des autres et
qu'on l'a présenté d'une façon négative. J'ai ici
les définitions de l'optométrie dans bon nombre de provinces. Je
pourrais vous lire celle du Manitoba, par exemple, qui dit que
l'optométrie est "the employment of any means other than drugs, medicine
or surgery for the measurement of the powers of vision and the adaptation of
lens for the aid thereof". On me dit que celle de la Saskatchewan est
identique. Vous avez une gamme de définitions qui varient les unes avec
les autres. Ceci est tiré des statuts refondus du Manitoba de 1970.
C'est un argument qui me paraît assez faible, parce qu'il y a des
variations dans les définitions de l'optométrie d'une province
à l'autre. C'était mon seul autre commentaire, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: Je veux remercier le collège pour son
exposé et les réponses et poser des questions.
Association professionnelle des
optométristes
M. LE PRESIDENT: Nous allons maintenant passer à l'Association
professionnelle des optométristes.
M. DESROSIERS: Merci pour cette nouvelle consultation que le
législateur nous accorde. Merci à tout le monde.
M. LE PRESIDENT: L'Association professionnelle des optométristes
de Québec. M. Gauthier, qui en êtes le président,
voulez-vous procéder, s'il vous plaît?
M. GAUTHIER: M. le Président, un commentaire au début.
J'espère que nous allons disposer de tout le temps nécessaire
pour faire tous nos commentaires et répondre à toutes les
questions pertinentes que les membres de la commission voudront nous poser,
même si le collège a été assez long dans ses
représentations.
M. LE PRESIDENT: Vous aurez assez de temps. La seule chose qu'on vous
demande, c'est de ne pas dire dans votre exposé, les mêmes choses
que le collège.
M. GAUTHIER: Malheureusement, nous allons parler
d'optométrie.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. GAUTHIER: Si vous me le permettez, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Oui, d'accord, mais il n'est pas nécessaire de
répéter les mêmes arguments. On va sortir tous les faits
avec les questions. Si vous avez un aspect différent, exposez-le.
M. GAUTHIER: J'ai bien compris. Je suis André Gauthier,
président de l'Association professionnelle des optométristes du
Québec. Je suis accompagné de quelques-uns des conseillers de
l'association de même que de nos conseillers techniques.
J'entre immédiatement dans le vif du sujet. J'aimerais d'abord
dire un mot du rôle de l'optométriste. Dans le domaine
oculo-visuel, l'optométriste dispense des soins de première ligne
et son cabinet constitue une porte d'entrée dans le système de
distribution. Un certain nombre de raisons expliquent pourquoi il est rationnel
que les optométristes agissent en tant que praticiens de première
ligne. Premièrement, l'incidence des déficiences visuelles est
beaucoup plus élevée que l'incidence des pathologies oculaires.
Deuxièmement, le nombre des optométristes est beaucoup plus
élevé que celui des ophtalmologistes. Les optométristes
sont implantés dans toutes les régions du Québec.
Troisièmement, par ses connaissances, l'optométriste est en
mesure d'acheminer vers une catégorie de professionnels plus
spécialisés le plus souvent les opthalmologistes le
patient chez qui il soupçonne une condition pathologique oculaire ou la
manifestation oculaire d'une condition pathologique systémée.
L'optométriste est en mesure d'apporter une solution immédiate au
problème visuel d'une importante proportion de ses patients et ces
derniers ont rapidement obtenu un résultat.
Enfin, l'optométriste, dans les cas où il ne peut
lui-même résoudre le problème de son patient l'oriente dans
un réseau de soins ou encore peut exercer une surveillance à la
demande d'un autre professionnel de la santé.
Pratique en cabinet privé.
La très grande majorité sinon la totalité des
optométristes du Québec exercent leur activité
professionnelle en cabinet privé. Ils sont totalement absents des
établissements que ce soit à titre d'enseignant,
d'étudiant ou de praticien.
Notre participation au régime d'assurance-maladie du
Québec.
Dès le début du régime d'assurance-maladie, en
novembre 1970, une partie importante de l'activité des
optométristes dite "services" est assurée.
Enfin, la formation de l'optométriste.
Le niveau de formation est celui de l'université et
effectivement, c'est le département d'optométrie de
l'Université de Montréal qui assume cette formation.
Disons maintenant un mot des objectifs que poursuivent les
optométristes.
Ces objectifs sont : 1 ) Assumer la dispensation de tous les soins de
première ligne. 2 ) Elargir la couverture des services assurés
dans le régime d'assurance-maladie, ce qui nous semble être
l'objet de négociations. 3) Participer au réseau de distribution
des soins.
Explications: Dispensation de tous les soins de première ligne:
Les optométristes doivent continuer à dispenser et à
assumer la responsabilité des soins de première ligne dans le
secteur visuel. C'est-à-dire qu'ils doivent être ceux vers qui les
patients s'orientent en premier lieu. Ce mode de fonctionnement ou
d'accès doit non seulement continuer mais encore s'intensifier. Un tel
mode de fonctionnement implique que les optométristes dispenseront les
services opto-métriques requis alors que les ophtalmologistes se
confineront davantage à la pratique de leur spécialité. A
partir des données publiées par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec, on peut inférer que nous sommes
encore très loin d'avoir réalisé ce partage des
activités professionnelles respectives. Sur les 695,000 services
dispensés par les ophtalmologistes, seulement 52,000, soit 7.5 p.c.,
sont des actes chirurgicaux et plus de 350,000, soit plus de 50 p.c, sont des
services effectués en cabinet privé.
Etant donné le faible taux d'incidence de pathologie oculaire
dans la province, nous pouvons présumer qu'une importante proportion de
ces 350,000 services sont de nature optométrique. Cette
interprétation des données est par ailleurs confirmée par
le fait que les quelques 200 opticiens d'ordonnances remplissent quasi
exclusivement les ordonnances des ophtalmologistes.
J'aimerais maintenant dire un mot sur la participation au réseau
de soins. La récente adoption de la loi sur les services de santé
et les services sociaux, et la création d'un certain nombre de centres
locaux de services communautaires ne laissent pas les optométristes
indifférents car cette organisation des services de santé les
affectera directement ou indirectement. Les optométristes doivent
s'intégrer au réseau de dispensation des soins par le biais des
CLSC en ce qui concerne les soins de base ou les soins courants.
Par ailleurs, il est prévu que des liens fonctionnels devront
s'établir avec les centres hospitaliers afin de pouvoir y organiser des
équipes multidisciplinaires. De plus, il est nécessaire que
l'enseignement clinique se fasse dans les différents
établissements CLSC et centres hospitaliers à cause
principalement du grand réservoir de patients qui vont être
examinés nécessairement dans ces établissements.
Il nous apparaît clairement qu'une réforme de
l'enseignement clinique reçu par les étudiants en
optométrie s'impose. En effet, l'étude de l'annexe 3 nous permet
de constater une diminution du nombre de patients reçus, du nombre de
cliniques, du nombre moyen de
patients par clinique et du nombre moyen de patients par étudiant
pendant la période 1964-1969.
Cette tendance a continué à se manifester au cours des
trois dernières années. La formation dans les différents
établissements réglerait, par le fait même, la question de
l'enseignement de la pathologie oculaire, que les responsables des cours de
sciences fondamentales en ophtalmologie persistent à refuser.
Je pense qu'il est nécessaire ici de mentionner
l'intérêt que notre association porte à la formation des
optométristes. Nous aimons suivre de très près cette
formation. Nous désirons faire des recommandations le processus,
d'ailleurs, est déjà commencé à
l'université pour essayer de faire comprendre, de faire saisir aux gens
qui sont responsables d'organiser l'enseignement des sciences de la
santé, les liens qui doivent exister entre la formation, d'une part, et
les responsabilités professionnelles qu'assumeront les gens au sortir de
leur formation. Je pense que, dans certains cas, il y a des choses qui semblent
être disjointes ou déconnectées si on peut me
pardonner le mot et il y a des liens qui se font mal.
Il ne s'agit pas, à l'intérieur de sciences de la
santé, de bâtir une grande structure, de mettre tout cela sur
organigramme et de penser que tout marchera comme cela parce que la structure
est sur papier. Il y a quelqu'un qui a mentionné tantôt
qu'à un certain moment le législateur pouvait chercher à
établir des cloisons étanches entre les différents champs
d'activités des professionnels de la santé. Cela
m'ap-paraît impensable parce que dans les sciences de la santé,
les gens qui sont impliqués ont tous des fonctions
complémentaires. Il est bien sûr qu'il y a des chevauchements de
champs d'activités par le fait qu'à la médecine
d'abord, la médecine existe depuis des millénaires sont
venues se greffer, à cause de la complexité des sciences,
justement d'autres sciences de la santé qui ont leur valeur, qui
permettent au public d'avoir accès à des soins parce que, s'il
fallait comme on a posé la question tantôt, question
très théorique, remarquez bien qu'on se retrouve du jour
au lendemain uniquement avec des médecins, cela ne marcherait pas. Tout
de suite, le lendemain matin, il y aurait et des médecins et des
paramédicaux pour répondre à la demande.
Evidemment, je respecte les gens qui ont un statut de
paramédical. Seulement, les dentistes, les pharmaciens, les
optométristes et d'autres personnes dans le domaine de la santé
n'ont pas ce statut. Ils ont gagné le respect des citoyens. Ils sont
autonomes. Ils sont capables et suffisamment compétents pour
établir eux-mêmes leurs critères de qualité
professionnelle. Et cela, nous ne pouvons pas admettre que ce soit
établi par d'autres personnes, parce qu'à ce moment-là,
nous pourrions nous demander à la lumière de quoi on
établirait ces critères de qualité?
Comment les bills 256 et 268 risquent-ils de compromettre la
réalisation des objectifs que j'ai énoncés tantôt?
D'abord, la description des services optométriques pourrait se faire de
la façon suivante: Les services que rendent les optométristes ont
pour objet de protéger, de maintenir, d'améliorer et de
promouvoir une vision claire et confortable permettant à un individu
d'atteindre une performance visuelle maximale. Ces services comprennent des
actes diagnostiques et des services thérapeutiques.
Maintenant, décrivons l'exercice de l'optométrie. Compte
tenu des caractéristiques de l'optométrie, de l'entente
signée dans le cadre du régime d'assurance-maladie, de la
description des services optométriques que nous venons de faire, nous
croyons qu'une définition de ce que constitue l'exercice de
l'optométrie devrait se lire comme suit: "Constitue l'exercice de
l'optométrie tout acte qui a pour objet de diagnostiquer ou de traiter
toute déficience de la vision chez un être humain. L'exercice de
l'optométrie comprend notamment l'évaluation des problèmes
visuels, la détection d'un état de pathologie, le diagnostic
optométrique, la prescription de lentilles ophtalmiques, le traitement
optométrique et son contrôle." Contrairement à la
définition proposée dans le bill 256, nous proposons une
définition qui a l'avantage de contenir une notion d'amélioration
ou de solution des problèmes visuels.
Evidemment, si nous pratiquons en première ligne, nous voulons
être capables, dans un contexte législatif nouveau, de
régler 95 p.c. des cas en première ligne. Nous n'avons pas
l'intention de contribuer â un accroissement du coût en
étant tellement limités que presque plus rien ne pourrait se
régler à la première ligne.
De plus, la définition proposée permet, sujette à
certaines conditions, l'usage topique de drogues à des fins
diagnostiques.
J'aimerais ici dire un mot sur l'entraînement visuel, suite
à tout ce qu'on a entendu tantôt. Le problème concernant
l'entrafnement visuel, c'est de l'organiser, de le réglementer parce
qu'en soi, c'est valable. Tout le monde le dit. Il ne faudrait pas oublier que
l'entraînement visuel, dont il a été question tantôt,
se fait actuellement en milieu hospitalier. Alors je ne vois pas pourquoi, avec
une réglementation logique et des moyens de contrôle logiques, la
corporation ait les pouvoirs de surveiller la qualité de
l'activité de ses membres; je ne vois réellement pas de
problèmes là-dedans. Autrement, que cela cesse de se faire dans
les hôpitaux! Si c'était mauvais au point qu'on veuille
défendre à l'optométrie d'exercer dans ce champ
d'activité, comment se fait-il qu'on fasse cela à
l'hôpital? Et il s'en fait, à l'hôpital, pas mal, à
part cela.
Ici, même si le ministre des Affaires sociales a mentionné
tantôt que les législations des autres provinces n'étaient
pas des critères, il est tout de même intéressant, parfois,
de se pencher au moins sur celles qui sont bonnes. J'ai ici un texte qui nous
arrive de l'Ontario. Je comprends qu'après cela, ce n'est
peut-être pas la fin du monde: "Practice of optometry means
any professionnal service performed by an optometrist, the objects of
which are to determine the visual environment as it relates to vision
performance, to detect and refer, when necessary, any abnormality of the eye or
adnexa which may be pathological in origin, to diagnose and to take care of, by
such acts, as counselling, prescribing, dispensing and vision training
anomalies of vision and vision performance. "Prescribing means to write or to
determine a formula or prescription for ophtalmic appliances and vision
training. "Vision training means to carry out or provide for orthoptics and
repetitive exercices to develop aculoneuromuscular mechanisms to preserve,
restore or improve vision performance."
M. CASTONGUAY: Je m'excuse de vous interrompre, M. Gauthier.
M.GAUTHIER: C'est le projet de loi je m'excuse
proposé par la législation en juin 1972, en Ontario. C'est un
projet de loi, remarquez bien. On peut être en haut de la côte, on
peut être en bas de la côte. Question de savoir pelleter !
M. CASTONGUAY: On peut aussi le modifier en cours de route.
M. GAUTHIER: La conséquence de l'interdiction de la vente de
lentilles ophtalmiques par les optométristes intéresse beaucoup
de gens. L'article 18 du bill 256 et l'article 30 du bill 268 font qu'au terme
d'une période de 24 mois, les optométristes ne vendraient ni
n'ajusteraient de lentilles ophtalmiques et consacreraient la totalité
de leur activité professionnelle à l'examen, au diagnostic
optométrique, à l'ordonnance et à l'exécution de
certaines thérapies.
Pour que de telles dispositions puissent trouver application, il
faudrait être au stade terminal de la réalisation des deux
objectifs suivants, lesquels sont de facto indissociables: La
complémentarité entre optométristes et ophtalmologistes et
l'intégration complète de services optométriques dans le
système de dispensation des soins. Après tant d'années de
distance entre ces deux groupes de professionnels, comment une mesure
législative peut-elle arriver à enfermer, dans une limite de
temps, un processus de cette nature qui suppose compréhension et
communication?
J'ajouterais ici que, depuis déjà deux ans, les
optométristes participent au régime d'assurance-maladie. Or, dans
le cours de l'exercice de leur pratique et de leur participation, nous nous
retrouvons devant un problème qui est celui de la
référence de nos cas porteurs de pathologie qui se voient refuser
systématiquement l'accès direct à des soins
spécialisés sous le prétexte que l'ophtalmologiste ne peut
pas obtenir, si le cas lui est référé par un
optométriste, son tarif de consultation. On n'a même pas
réglé ça encore.
Moi, j'ai soulevé le problème devant le Collège des
médecins. On m'a répondu en haussant les épaules. J'ai
porté le problème ailleurs. Je pense qu'il y a peut-être
plus de chances ailleurs. C'est peut-être un problème qui
relève strictement de la négociation, mais je pense qu'il
relève aussi en partie du devoir qu'a le législateur de s'assurer
qu'un patient, pour des motifs aussi stupides, ne se voie pas refuser
l'accès à des soins.
Un optométriste a certaines connaissances en matière de
pathologie; s'il juge qu'un cas doit être vu en ophtalmologie ou
ailleurs, je pense que c'est de toute humanité, c'est primordial qu'on
ne puisse pas refuser, sous prétexte qu'il vient d'un
optométriste, un cas de cette nature. Je soulève le fait encore
une fois, je l'ai soulevé un peu partout depuis un bon bout de temps. Un
jour ça finira sans doute par se régler.
J'aimerais ici ouvrir une autre petite parenthèse. Il ne faudrait
pas croire que les optométristes, d'une part, et les ophtalmologistes,
d'un autre côté, sont continuellement en guerre. C'est absolument
faux. Nous avons du travail, nous avons des gens â voir des deux
côtés, et c'est rendu que nous commençons à en avoir
même plus que nous sommes capables d'en faire, jusqu'à un certain
point. Nous n'avons pas le temps de passer nos journées à
préparer des batailles. Ce n'est pas vrai et nous ne faisons pas
ça non plus.
Nous avons avec les ophtalmologistes, à titre d'individu à
individu, de praticien à praticien, des relations très
étroites et ça va bien. Sauf lorsqu'on se bute à une
directive venant de l'association, alors nous commençons à avoir
des problèmes. Il me semble que ça a assez duré. Il y a
trop de travail à faire dans le domaine de la santé pour se buter
continuellement à des choses comme ça.
Nous, de toute façon, nous avons orienté nos objectifs,
nous travaillons à la réalisation de ces objectifs, et dans une
certaine mesure nous en avons réalisé une bonne partie. Il nous
en reste encore, il nous reste l'intégration à réaliser
à l'équipe de la santé au niveau des CLS et des centres
hospitaliers, et je suis optimiste, je pense que ça va se faire et dans
des conditions professionnellement acceptables.
Il ne s'agit pas j'ouvre encore une autre petite
parenthèse, c'est peut-être difficile à suivre, mais tout
de même pour nous, quand nous parlons d'intégration au
réseau de santé, de juxtaposer des bureaux les uns à
côté des autres, que le gouvernement soit une espèce de
concierge de cette grosse patente.
Nous pensons que ce qui est encore beaucoup plus important que des
affaires physiques, c'est qu'on réussisse, à un moment
donné, à s'entendre sur un certain nombre de conditions
professionnelles. C'est au moins aussi important que tout le reste.
Je continue mon exposé sur la question des
difficultés qu'on peut rencontrer avec les prothèses
ophtalmiques. D'ici deux années, est-ce que les optométristes
seront intégrés au réseau de distribution de soins? On
travaille dans ce sens-là, mais on n'en est pas certain. Est-ce que les
liens fonctionnels nécessaires seront finalisés entre les CLSC et
les centres hospitaliers? Il nous apparaît impossible de
déterminer une période de temps à l'intérieur de
laquelle se réalisera la complémentalité entre
ophtalmologistes et optométristes et l'intégration des
optométristes au réseau de distribution de soins.
Conséquence de l'exclusivité de la vente des lentilles
ophtalmiques par les opticiens d'ordonnances. Nous nous limitons ici à
dresser une série de questions. Face à un accroissement du
marché, c'est-à-dire à une demande additionnelle, dans
quel délai les opticiens d'ordonnances seront-ils en mesure d'y
répondre? Deuxièmement, seront-ils en mesure de se
répartir sur tout le territoire de sorte que la population ne soit
obligée de parcourir de plus longues distances? Troisièmement,
s'il y a certaines raisons de croire que l'on peut faire face à une
sérieuse pénurie d'opticiens d'ordonnances, pénurie
réelle ou artificielle, est-ce qu'il ne faudrait pas s'attendre à
une augmentation du prix des lentilles ophtalmiques? Enfin, la réduction
sur une courte période de temps du nombre de points de vente
pourrait-elle être un autre facteur susceptible de faire jouer les prix
vers une hausse, puisqu'il est généralement reconnu que plus le
nombre de vendeurs est élevé, plus ce marché est
concurrentiel?
En plus de ces questions, nous avons certaines indications à
l'effet que le prix des prothèses est plus élevé chez les
opticiens d'ordonnances que chez les optométristes, à l'heure
actuelle. Qu'adviendra-t-il demain?
L'optique de contact. L'utilissation accrue de ce moyen
thérapeutique nous amène à quelques considérations
sur ce sujet. A l'heure actuelle, la confusion est totale et le projet de loi
ne clarifie rien. En effet, la Loi médicale accorde aux médecins
le droit de vendre des verres de contact; la Loi sur l'optométrie
accorde aux optométristes le droit de vendre des verres de contact et la
Loi des opticiens d'ordonnances ne le défend pas expressément aux
opticiens d'ordonnances. De plus, l'optique de contact ne fait partie de
l'exercice illégal ni de la médecine ni de l'optométrie,
ce qui permet à toute personne d'oeuvrer dans ce secteur. Ainsi,
l'optique de contact n'est soumise à aucune restriction, contrairement
aux lentilles ophtalmiques et aux autres prothèses.
Nous recommandons donc que soient utilisés dans chaque projet de
loi des termes identiques pour désigner ce qui a trait à
l'optique de contact; que le projet de loi 268 défende
expressément aux opticiens d'ordonnances d'oeuvrer dans ce secteur; que
l'optique de contact fasse partie des actes réservés aux
optométristes et que nul ne puisse poser ces actes s'il n'est
optométriste.
Je vous remercie, M. le Président. Je termine ici mon
exposé.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je veux remercier l'association
pour son mémoire. Tout comme en 1970, au moment où nous avons
négocié l'entente au sujet de la couverture des services
optométriques, de façon, je pense, conjointe nous pouvions dire
qu'il y avait là un progrès considérable.
Pour mieux comprendre certains aspects des problèmes qui
demeurent, particulièrement le problème de la
référence aux ophtalmologistes, j'aimerais poser une seule
question à M. Gauthier, et c'est la suivante: Compte tenu que cette
question de référence et de tarif doit nécessairement
passer, à un moment ou à un autre, par la table de
négociation il s'agit aussi de bien voir quelles en sont toutes
les dimensions sur les autres plans quels sont, selon vous, M. Gauthier,
les principaux motifs qui font en sorte, comme vous le dites dans votre
mémoire ou encore comme vous l'avez dit dans votre exposé, que
vous êtes absents des centres hospitaliers ou encore que vous
n'êtes pas intégrés dans le réseau des services de
santé?
M. GAUTHIER: L'optométriste, comme je l'ai mentionné, a
exercé, jusqu'à ces derniers temps, exclusivement en cabinet
privé pour un certain nombre de raisons. D'abord, c'est un praticien de
première ligne, un peu à l'instar d'un omnipraticien, si vous
voulez, dans le domaine de la santé, si je peux faire cette comparaison.
Tout le monde sait que le champ ou le lieu d'exercice des praticiens de
première ligne a été et est encore, pour un certain laps
de temps, le cabinet privé; c'est la porte d'entrée de ces
praticiens de première ligne. Or, il arrive une réorganisation
des soins de santé, une loi qui réorganise la distribution des
soins; cette loi va nous permettre de nous intégrer davantage à
l'équipe de la santé en rapprochant les groupes sur le plan de
leur formation clinique, d'une part. Il y a des avantages nets de ce
côté-là, ce qu'on ne retrouvait pas autrefois.
Il y a un historique quant à la formation de
l'optométriste qui est en dehors actuellement du milieu hospitalier et,
selon nos recommandations à nous, il devrait s'intégrer au milieu
hospitalier, au niveau des CLS et des centres hospitaliers pour des soins
multidisciplinaires. Certains soins auraient avantage à être
multidisciplinaires, d'autres peuvent être réglés à
la première ligne. Je pense qu'une nouvelle loi, telle que le bill 65 de
même que ces règlements sur lesquels nous avons
préparé des travaux que nous vous avons fait parvenir, va
maintenant favoriser ou avoir tendance à inciter l'optométriste
à s'intégrer à l'équipe de la santé. Cela ne
l'empêchera pas de conserver en quelque sorte
son cabinet privé pour répondre à d'autres types de
population ou à d'autres besoins, mais il y a un net avantage, je pense,
que l'optométriste s'imbrique à l'équipe de la
santé par la voie des CLS et du centre hospitalier. Est-ce que cela
répond un peu à votre question?
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny) : M. le Président, j'aimerais poser
quelques questions à M. Gauthier. Vous avez donné tantôt
des statistiques intéressantes au sujet des actes professionnels
posés dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie.
Le rapport de la régie en contenait également. Est-ce que,
selon les statistiques publiées, la classification des actes vous
surprend? Est-ce que les résultats vous surprennent ou si cela
correspondrait aux prévisions que vous aviez effectuées, dont
vous aviez tenu compte au moment des négociations? Est-ce que la
pratique change... est-ce qu'il y a une évolution assez rapide dans ce
domaine?
M. GAUTHIER: Je pense qu'on est tombé pas mal dans le mille avec
les prévisions que nous avions faites à la table des
négociations. Quant aux statistiques qui nous concernent, nous avions
évalué le coût des soins optométriques à
environ $7 millions et plus. Je pense que c'est tombé pas mal juste.
Quant aux statistiques d'utilisation des services, elles prouvent ce que nous
avions toujours dit. Ce qui nous est apparu un peu plus surprenant, c'est ce
que j'ai mentionné tantôt, sur les 695,000 services
dispensés par les ophtalmos, seulement 52,000, soit 7.5 p.c, sont des
actes chirurgicaux alors que tout le monde définit la
spécialité comme une spécialité
médico-chirurgicale.
C'est embêtant un peu. Cela devient alors de l'optométrie
qui coûte joliment cher. Si le gouvernement, disons, le réseau
fait en quelque sorte qu'on fait faire de l'optométrie par des gens qui
devraient rendre des soins secondaires et spécialisés, un
instant! Cette optométrie-là commence à coûter
très cher, alors que l'optométrie est répartie et
organisée, dans la province, pour assumer la responsabilité et
rendre tous les soins de première ligne. C'est cet aspect qui nous est
ressorti dans les statistiques. Cela veut dire qu'il y a beaucoup
d'ophtalmologistes qui font de l'optométrie et d'une façon assez
importante.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce le seul endroit ici, au Québec,
où les statistiques donnent une telle évidence, ou si c'est la
même chose ailleurs? Vous avez affirmé dans votre exposé
que l'incidence des cas pathologiques était beaucoup moins
élevée que celle des problèmes visuels.
Cela se traduit, en statistiques, dans le cadre de l'assurance-maladie
je pense que s'il y a des statistiques que nous pouvons accepter, ce
sont celles-là, elles sont payées par la régie
est-ce qu'ailleurs cela traduit de la même façon, l'exercice de la
profession dans le champ qui nous occupe ce matin?
M. GAUTHIER: Là-dessus, nous ne disposons pas tellement de
chiffres sur les autres provinces. Nous avons ici une Régie de
l'assurance-maladie qui est bien organisée et qui nous a produit un
très très beau rapport statistique. C'est quelque chose d'assez
intéressant. Je ne pense pas que des chiffres aussi
détaillés, avec des "break-down" aussi détaillés,
aussi sophistiqués puissent se retrouver ailleurs. Il est un peu
embêtant d'essayer de faire des comparaisons avec l'activité dans
les autres provinces.
M. CLOUTIER (Montmagny): Tenant compte de la définition que vous
proposez et de la définition que contient la législation, est-ce
qu'avec la législation que vous proposez, vous pourriez continuer
d'offrir des soins de première ligne et est-ce qu'avec la
définition contenue dans le projet de loi no 256, vous pourriez
effectuer des soins de première ligne?
M. GAUTHIER: Je pense qu'avec la définition proposée, il
serait assez difficile d'assumer la totalité des soins de
première ligne. C'est pourquoi nous en proposons une, nous, qui nous
paraît avoir pour objet que l'optométriste pourra continuer
à assumer cette responsabilité de première ligne, compte
tenu aussi du fait que nous croyons que les corporations professionnelles ont
un rôle à jouer en ce qui concerne la qualité des soins
dispensés par les gens qui sont sous leur juridiction. La
définition que nous possédons actuellement, comme le souligne Me
Lapointe, est supérieure à celle qui est proposée par le
législateur.
M. CLOUTIER (Montmagny): A votre avis, celle que vous proposez est
supérieure à celle que vous avez actuellement?
M. GAUTHIER: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): Autrement, vous ne l'auriez pas
proposée. C'est bien important, si vous parlez de soins de
première ligne, vous devez parler de la répartition de vos
effectifs. Est-ce qu'actuellement vous êtes d'avis que la
répartition de vos effectifs vous permet d'assumer entièrement
cette responsabilité de première ligne et que d'autres
vous avez semblé dire tantôt les opticiens d'ordonnances et je ne
sais pas si vous avez dit les ophtalmologistes professionnels ne
pourraient peut-être pas assumer aussi adéquatement ces soins de
première ligne à cause de la répartition de leurs
effectifs sur le territoire.
M. GAUTHIER: Cela nous apparaît assez évident, M. Cloutier.
Il y a 530 optométristes qui couvrent tout le territoire du
Québec. Il y a
170 ophtalmologistes concentrés, à cause de leur
spécialité c'est très facile de le comprendre
près des centres hospitaliers, ordinairement des centres
hospitaliers universitaires parce que ces gens assument une certaine proportion
de leur temps à l'enseignement. C'est normal. Je ne les blâme
absolument pas. Ce qu'il est important d'organiser, c'est la première
ligne et d'en faire une espèce de satellisation, c'est-à-dire,
après que les patients ont été vus à la
première ligne, qu'est-ce qu'on fait avec eux? Dans certains cas, si on
réorganise le réseau comme il faut, que toute la province puisse
avoir accès, et rapidement, à des soins secondaires et
spécialisés.
Je pense que si celui qui joue le rôle de donner des soins
secondaires et spécialisés s'en vient jouer le rôle de la
première ligne, il perturbe toute cette affaire. A notre sens, il est
absolument peu efficace, et quand nous en aurons besoin pour donner ces soins
de seconde ligne, ces soins secondaires, il ne sera pas là. Il sera
occupé à faire notre travail. C'est ce qui n'est pas logique. Et
il me semble qu'un gars qui a fait six ans de médecine et quatre
d'ophtalmologie et peut-être en plus, deux ou trois ans de
spécialisation, un gars qui est rendu à ce niveau
sophistiqué des connaissances, je ne sais pas s'il a tellement de
raisons de faire de l'optométrie, qui, elle, s'exerce sur la
première ligne et qui l'assume et qui est capable de donner toutes les
garanties suffisantes à la population. Autrement, il n'y aurait personne
dans les bureaux des optométristes. Si nous ne donnions pas satisfaction
à la population, comment ferait-on pour remplir les bureaux? Les bureaux
sont pleins. A ce moment-là, je comprends bien l'optique du
législateur qui dit: Cela serait bon que l'on divise les tâches,
qu'on partage tout cela. Cela fera peut-être la paix. Mais on ne peut pas
partager cela sur le dos de l'optométrie. Cela ne fera pas la paix.
Comprenez-vous?
Si l'ophtalmologiste était prêt à s'asseoir à
une table et dire: Je fais connaître mes objectifs, qui ne sont pas de
détruire l'optométrie.
Cela serait déjà quelque chose de nouveau en partant. Je
fais connaître mes objectifs, les objectifs que j'ai pour mon monde.
Est-ce que c'est la première ligne ou la deuxième ligne? Est-ce
que c'est la surspécialisation? C'est quoi, au juste?
Est-ce une déclaration de guerre permanente? Qu'est-ce que c'est?
Où s'en va-t-on? Ce n'est pas cela. On pourrait commencer à
penser à répartir des tâches et nous mettrions notre monde
devant un choix. Jamais, nous ne nous opposerons à cela, comme
association. Si nos professionnels décident eux-mêmes qu'ils ont
suffisamment de travail et qu'ils ne veulent s'occuper que de telle, telle ou
telle partie de leur champ d'activité c'est un privilège
qui est réservé à tout professionnel de choisir son champ
d'activité à l'intérieur d'un cadre nous n'avons
pas d'objection à cela. Mais on ne peut pas arriver de but en blanc et
dire: Ecoute, on prend 50 p.c. de ton activité et de ton revenu et on va
"shooter" cela ailleurs. C'est un autre qui va faire ce travail. Cela me
paraît curieux. Cela ne me paraît pas réaliste. Ce n'est pas
facilement applicable au Québec, non plus. Je ne le pense pas.
Que l'on place les professionnels devant un choix, je suis bien
d'accord. Les optométristes vont faire un choix. Il y a des
optométristes qui vont entrer dans le réseau; il y a des
optométristes qui vont pousser, pousser, pousser, à tous les
niveaux de spécialisation. Au fur et à mesure qu'ils monteront,
ils laisseront des affaires en arrière. Ils ne pourront pas tout faire.
Ce n'est pas logique. Mais plaçons-les devant un choix. Ne
forçons pas le jeu de cette façon, parce qu'on obtiendra de
mauvais résultats, à mon sens.
M. LE PRESIDENT: M. Gauthier, nous allons suspendre la séance
jusqu'à deux heures et quart.
(Suspension de la séance à 12 h 34)
Reprise de la séance à 14 h 18
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
M. GAUTHIER: La loi proposée étant à
caractère assez limitatif par rapport à la définition que
nous avions, qui comprenait tous les moyens parmi l'usage des drogues, je pense
que cela nous créerait certaines difficultés, parce que, tout au
cours des négociations, il a fallu s'appuyer, premièrement, sur
une définition d'ordre juridique de l'optométrie, et
deuxièmement, sur la formation universitaire de
l'optométriste.
C'est ce qui nous a permis d'établir une entente que nous
connaissons aux fins du régime d'assurance-maladie. Je pense que si on
se retrouvait avec une définition à caractère limitatif,
nous pourrions avoir certaines difficultés à nous entendre.
Evidemment, l'entente que nous possédons actuellement se situe
comme je l'ai mentionné ce matin au niveau de la
dispensation de soins de première ligne. Et elle est collée sur
la définition juridique que nous avions de l'optométrie, de
même que sur notre formation universitaire.
Nous allons nous retrouver éventuellement avec une nouvelle
définition. Nous, nous demandons, d'une part, qu'elle soit aussi large
que possible pour nous permettre de continuer d'assumer des
responsabilités à la première ligne. Et
deuxièmement, nous demandons qu'en complémentarité de ce
point de vue, la corporation professionnelle ait tous les pouvoirs lui
permettant de surveiller l'exercice professionnel, de telle sorte que les gens
qui sont sous sa juridiction ne puissent pas déborder le champ
d'activité ou les normes de sécurité qui leur sont
dévolues par la loi. Je pense que c'est assez clair.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit également que les
relations entre les optométristes et les ophtalmologistes, sur le plan
personnel, étaient excellentes, mais qu'au niveau des associations,
c'était peut-être un peu plus difficile.
Vous avez dit également soit vous autres ou le
collège que les opticiens d'ordonnance surtout étaient en
relation avec les ophtalmologistes pour remplir des ordonnances.
M. GAUTHIER: Exactement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Disons que je ne comprends pas très
bien. Vos relations seraient bonnes avec les ophtalmologistes, mais vous
n'auriez pratiquement pas de relations professionnelles avec les
ophtalmologistes, si j'accepte que ce sont les opticiens d'ordonnance qui
remplissent en majorité les prescriptions.
M. GAUTHIER: Oui, mais les relations, M. Cloutier, que nous avons avec
les ophtalmologistes ne sont pas au niveau de la prescription de lentilles
ophtalmiques. Les relations que nous avons non seulement avec les
ophtalmologistes, mais avec la médecine spécialisée et
même avec les omnipraticiens se situent à un niveau professionnel
diagnostique.
Je vais vous donner un exemple concret. Admettons que, dans le cours de
sa pratique, soit en écoutant l'histoire du patient, soit à
l'examen de fond de l'oeil, un optométriste décèle des
symptômes, si vous voulez, de diabète. Je pense bien que son
premier geste c'est un geste de diagnostic et c'est un geste
professionnel va être de s'informer auprès du patient s'il
a un médecin de famille et il va le référer à son
médecin de famille pour son diabète, selon la présomption
qu'il peut avoir qu'il a une maladie du système.
Autre exemple, si l'optométriste découvre ou
décèle chez un patient la présence d'une opacité,
d'une cataracte, mettons, il ne perdra pas de temps à le
référer à un omnipraticien; il va le référer
à un ophtalmologiste. Ce sont des choses qui paraissent assez
évidentes. C'est le genre de relations, si vous voulez, que nous
entretenons avec l'ensemble des professionnels de la santé. Ce n'est pas
tout à fait le même genre de relations qui peuvent exister, par
exemple, entre l'ophtalmologiste et l'opticien d'ordonnances. L'opticien
d'ordonnances vient poser les actes complémentaires aux actes
d'op-tométrie posés par l'ophtalmologiste en ce qui concerne
l'examen, la réfraction, une ordonna-ce au bout de cet examen, à
la suite d'un diagnostic. L'opticien d'ordonnances exécute pour
l'ophtalmologiste cette ordonnance.
Ce sont des relations un peu différentes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez mentionné également
qu'il y avait un problème non réglé dans le cas de
l'assurance-maladie, soit celui de la référence. Vous aviez eu
des contacts avec le Collège des médecins et ça n'a pas
donné de résultats concrets. Vous aviez fait d'autres
démarches. Ces démarches, les avez-vous faites auprès de
la Fédération des médecins spécialistes?
M. GAUTHIER: Nous en avons fait auprès de la
Fédération des médecins spécialistes, qui nous a
semblé, à ce moment-là, comprendre ce que nous voulions.
Ils nous ont expliqué pourquoi ça ne s'était pas
réalisé. Nous avons fait d'autres commentaires auprès des
représentants du ministère des Affaires sociales, qui nous ont
semblé capables de régler ce problème. Je pense que c'est
un problème de négociation qui devrait se régler dans la
prochaine ronde qui est déjà amorcée, en principe,
concernant l'assurance-maladie.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'après vous, est-ce qu'il serait plus
facile de régler les
problèmes délicats entre les deux professions par le
truchement du syndicat, votre syndicat et la Fédération des
médecins spécialistes ou si ce serait plus facile par les deux
collèges?
M. GAUTHIER: Vous me posez là une question bien
théorique.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au niveau des associations, ce sont des
problèmes bien concrets. Il s'agit de références de cas.
Quand il s'agit de l'assurance-maladie...
M. GAUTHIER: Oui, je suis d'accord sur cela.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... il faut tout de même que la
régie accepte ce que vous faites et ce que l'autre spécialiste
fait. Vous avez des problèmes concrets; à partir des
problèmes qui se répètent, qui se posent souvent, je pense
bien qu'on peut dégager, à un moment donné, une...
M. GAUTHIER: Dans la mesure, M. Cloutier, où il s'agit de
problèmes reliés à l'assurance-maladie, aux ententes,
à la loi et à la négociation, nous jouons notre
rôle. Lorsqu'il s'agit de problèmes qui touchent la protection du
public, je pense qu'il y a des organismes. Je suis le premier à
reconnaître que les corporations professionnelles ont un rôle
très important à jouer là. Je n'ai pas accepté la
réponse que m'a faite le Collège de médecins sur ce
problème.
Je pense que c'est un problème qui relève en partie des
corporations professionnelles et même en partie du législateur; en
partie, ça touche aussi un peu les questions reliées à
l'assurance-maladie. Il y a pas mal de monde d'impliqué dans ces choses.
Il ne s'agit pas que le syndicat fasse le travail, se superpose soit au
collège, soit au législateur. Je pense qu'on a assez de notre
ouvrage à faire sur le plan de la négociation; cela ne nous
empêche pas de soulever certaines questions qui nous paraissent
d'intérêt public, d'intérêt social. On a des
intérêts indirects là-dedans. Quand on parle de questions
d'enseignement, ce n'est pas nous les enseignants et ce n'est pas nous
l'université. Rien n'empêche qu'on est intéressé au
premier chef parce que l'enseignement, c'est ce qui sous-tend toute la
qualité des soins, alors, on y est intéressé.
Tantôt, nous allons nous présenter devant les
représentants du ministre et nous allons dire: On a tel et tel produit
à vendre. On voudrait bien être toujours certain que ce qu'on
vend, c'est ce qu'on décrit, qu'il y ait un enseignement en
arrière qui sous-tend cela et qu'il y a également une loi qui
encadre tout cela. Chacun là-dedans à son rôle à
jouer. De toute façon, les différents rôles entre syndicats
et corporations professionnelles, il commence à y avoir du monde qui
comprend cela de plus en plus, les choses commencent à entrer dans
l'ordre.
Evidemment, il arrive de nouvelles lois. Cela produit un état de
choc, des réactions. Cela ne peut pas faire autrement. Je pense que ce
qui reste dans le fond, dans tout ça et ça, ça ne
change pas beaucoup ce sont les besoins réels de la population
auxquels il faut répondre. Je comprends que le législateur
cherche le meilleur moyen de répondre à ça en s'assurant
d'une meilleure efficacité possible, du coût le plus rentable
possible par les moyens les plus efficaces possibles. Il me semble que c'est
l'objectif du législateur. C'est ce qu'on comprend. On essaie
d'insérer notre action à l'intérieur de ces choses, pas de
jouer le rôle de l'un ou de l'autre. Je ne vous dis pas qu'on ne pousse
pas quelquefois; on est obligé de pousser. Il faut pousser sur
l'université, il faut pousser sur les collèges, il faut pousser
sur tout le monde. Cela prend des bulldozers comme ça, on fait ce qu'on
peut.
M. CASTONGUAY: J'aurais un commentaire, M. le Président. Le
député de Montmagny a soulevé, à quelques reprises,
la question de savoir si une meilleure relation pourrait s'établir par
des discussions entre les collèges ou par des discussions entre les
syndicats. J'ai déjà lu une phrase qui m'avait parue pleine de
sens. On disait que la relation entre le médecin et son patient, c'est
une relation sacrée, mais que ce qui la cimentait vraiment,
c'était le paiement de l'honoraire. A l'observation, j'ai trouvé
que cela avait passablement de sens. Je me demande si, dans ce cas-ci, on parle
d'une relation qui procède de motifs très élevés.
Mais si on veut bien la cimenter et faire en sorte qu'elle s'établisse,
on ne doit pas passer par le truchement des honoraires aussi.
L'Association des ophtalmologistes du
Québec
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques Cartier. D'accord.
Il vous remercie au nom de la commission. L'Association des ophtalmologistes du
Québec, Me Claude Tellier.
Je vois que vous avez deux résumés de mémoires. Je
voudrais que vous réunissiez les deux, à l'intérieur d'une
période de vingt minutes.
M. TELLIER: M. le Président, je veux simplement, d'abord, vous
souligner que je suis accompagné des principaux représentants de
l'Association des ophtalmologistes. A ma droite, le Dr Michel Mathieu, le gros
méchant dont on a parlé ce matin; à sa droite, il y a le
Dr Labelle et, à ma gauche, le Dr Jean de Margerie. Il y a
également dans l'auditoire un certain nombre de médecins qui
assument le leadership.
Maintenant, avec votre permission, je vais demander au Dr Mathieu de
présenter l'introduction et nous continuerons de façon
très expéditive pour réserver le plus de temps possible
aux questions qui, j'imagine, ne manqueront pas.
M. MATHIEU: M. le ministre, M. Cloutier, MM. les membres de la
commission, nous sommes heureux de pouvoir venir nous présenter à
vous aujourd'hui et de vous donner certaines informations. Je dois vous dire ce
que je vous avais dit lorsque j'étais venu avec le Dr Robillard: Notre
but, en venant ici aujourd'hui, n'est pas du tout de venir défendre les
droits de l'ophtalmologie. Je pense que l'ophtalmologie comme telle
actuellement n'est pas en cause dans les bills que nous allons discuter. Parce
que, de par notre expérience, nous sommes dans une situation qui nous
permet de voir un peu ce qui doit être fait dans l'intérêt
de la population, nous sommes venus ici vous faire des suggestions sur des
points qui, nous le pensons, sont d'intérêt public.
Nos mémoires, comme vous les avez vus, sont courts. Ils
embrassent des points bien précis. Ces points, nous les
présentons parce que nous pensons que les projets de loi que le
gouvernement met en discussion ont certaines petites
défectuosités et que les suggestions que nous allons faire
devraient permettre d'améliorer les soins à la population. C'est
notre unique but. Maintenant, Me Tellier va vous faire un court
résumé des points que nous soulevons dans nos deux
mémoires: après quoi, nous répondrons avec plaisir
à vos questions et aux commentaires que vous voudrez bien faire.
M. TELLIER: Avec votre permission, M. le Président, je voudrais
commencer par le rapport qui traite du bill 268, Loi des opticiens
d'ordonnances. Sur ce projet de loi, nous avons deux commentaires et deux
recommandations.
D'abord sur l'article 30 qui, pour une période de 24 mois
après l'entrée en vigueur de ce bill, accorderait aux
médecins et aux optométristes le droit de continuer la vente de
lentilles ophtalmiques. La position de l'association est que le médecin
ne devrait pas avoir à vendre des lunettes pour quelque raison que ce
soit parce que nous sommes d'avis que ce n'est pas son boulot. Par ailleurs, et
c'est pour cela que nous vous suggérons notre première
recommandation, que l'on enlève le mot médecin dans cet article
30 et qu'on s'en tienne uniquement aux optométristes dans cet
article.
Cependant, il faut être réaliste et considérer la
possibilité que dans certaines régions il n'y ait pas d'opticien
d'ordonnances de disponible. Simplement à titre de suppléance,
nous croyons que le médecin, malgré que le principe n'y colle
pas, puisse vendre, dans les cas d'exception et dans l'intérêt du
service à rendre au public, des lunettes dans une municipalité
où il n'y a pas d'opticien d'ordonnances dans un rayon de 25 milles.
C'est la raison pour laquelle nous suggérons des modifications
à l'article 19 du projet de loi de façon qu'on ajoute cette
possibilité. J'attire votre attention sur l'article 19. On semble, au
paragraphe a), sur le droit qu'aurait le médecin de vendre des lentilles
ophtalmiques, simple- ment considérer les droits acquis,
c'est-à-dire les médecins qui, au 1er novembre 1971, en
vendaient. Je ne pense pas que c'est servir l'intérêt de la
population parce qu'il se peut bien qu'un médecin aille s'établir
dans une localité tout à fait nouvelle. Nous vous
suggérons également de faire disparaître cette question de
date du 1er décembre 1971.
Voilà pour le premier point quant au droit des médecins de
vendre des lentilles ophtalmiques.
Le deuxième point, en ce qui concerne le bill 268, est la
question des verres de contact.
A l'article 19, paragraphe b), on maintient les droits acquis pour un
petit groupe de personnes qui, depuis le 1er avril 1961, avaient comme
occupation l'ajustement des verres de contact. Nous sommes d'accord pour que ce
droit, ce privilège acquis se maintienne. Sauf qu'il arrive, sur le
marché, depuis quelque temps, que de nouveaux produits, aux Etats-Unis,
ne sont encore qu'au stade expérimental et leur vente est
réservée à quelques institutions seulement. Je ne suis pas
un spécialiste de la technique, vous pourrez vous en enquérir
plus tard, mais il s'agit apparemment de verres de contact mous qui doivent
s'ajuster en même temps que le professionnel qui fait l'opération,
fait une réfraction. Alors nous, l'association, vous demandons quand
même d'exclure de ces privilèges acquis, l'installation de verres
de contact qui demanderait qu'une réfraction soit faite. Dans ce cas,
nous vous suggérons d'ajouter au paragraphe b) de l'article 19, cette
phrase que nous vous citons à la page 2 de notre mémoire:
Toutefois l'ajustement de tout verre de contact qui nécessite qu'une
réfraction soit faite avec ledit verre en place sur l'oeil du patient,
est réservé à ceux qui sont légalement
habilités à faire la réfraction.
Je pense que c'est clair et que nous n'avons pas besoin de
développer davantage. Cela terminerait, M. le Président, les
quelques commentaires que nous avions sur le bill 268. Je voudrais passer sans
autre introduction à nos commentaires au sujet du bill 256 concernant la
Loi sur l'optométrie.
Relativement à ce bill, nous avons trois commentaires à
énoncer: Tout d'abord, sur la définition de l'optométrie,
en deuxième lieu, sur la nature de certains gestes posés par des
personnes qui assistent les ophtalmologistes et, troisièmement, une
recommandation particulière de la commission Castonguay-Nepveu qui
semble ne pas avoir été retenue dans le projet de loi
présenté devant la Chambre.
Je reprends dans les détails, chacune de ces questions.
Premièrement, la définition de l'optométrie. Je dois vous
dire, à cet égard, que nous sommes assez étonnés de
ce que nous avons entendu, ce matin, quant à l'interprétation qui
y est apportée au bill 256.
Dans ce projet de loi, nous croyons que la définition
proposée de l'optométrie ouvre ou élargit
considérablement le champ d'application
professionnel par rapport à la loi existante, parce que, dans la
loi existante, on fait appel à la notion d'acuité visuelle,
tandis que, dans le projet de loi qui est devant vous, on parle de vision. Dans
ce domaine spécialisé, ce domaine professionnel, il semble acquis
chez les auteurs en la matière que la vision embrasse un champ d'action
ou des notions beaucoup plus larges que la notion d'acuité visuelle.
C'est pour ça que nous vous disons que nous avons été fort
étonnés, ce matin, d'entendre des représentants des
optométristes venir dire que la définition proposée
restreignait leur champ d'activités professionnelles, alors que, selon
nous, ça l'élargit considérablement.
C'est pour ça que nous proposons de reprendre la
définition de l'optométrie, basée sur le principe de
l'acuité visuelle, mais nous ajoutons, par ailleurs, des notions
partielles que nous empruntons à la notion plus large de vision. A la
page 4 de notre mémoire, nous vous proposons une définition de
l'optométrie basée sur cette question d'acuité visuelle
à laquelle nous ajoutons quatre notions particulières
empruntées au domaine de la vision.
Ces quatre notions sont les suivantes: la recherche des anomalies
congénitales de la vision des couleurs; la mesure de l'acuité
visuelle nocturne; la correction de l'aniséiconie par des lentilles
ophtalmiques; l'utilisation de systèmes optiques spéciaux dans
les cas de basse vision, une fois que les diagnostics et pronostics
médicaux ont été faits.
Avant de terminer sur cette question, nous vous ajoutons, en annexe
à la dernière page de notre mémoire, un extrait d'un
traité d'ophtalmologie qui s'appelle The foundations of ophthalmology,
un ouvrage de 1962. Nous vous donnons un extrait de la table des
matières où on parle de vision. Vous avez là les
différentes notions auxquelles on peut faire allusion lorsque l'on
traite de vision.
Par conséquent, sur ce premier point, nous vous proposons cette
définition de l'optométrie.
En second lieu, il y a le problème suivant. L'article 15 dit
ceci: "Sous réserve des droits et privilèges expressément
accordés par la loi à d'autres professionnels, les actes
décrits par l'article 14 sont réservés aux
optométristes". Cet article, interprété correctement, peut
faire en sorte que les techniciens, qui travaillent depuis plusieurs
années en collaboration et sous la surveillance d'ophtalmologistes,
soient dorénavant privés de leurs droits acquis et ne puissent
plus poser des actes techniques, ophtalmologiques, à raison de cet
article tel que libellé.
Ces techniciens sont formés dans les centres hospitaliers,
répondent à des techniques qui se sont développées
au cours des dernières années; ils existent non seulement au
Québec mais également, généralement, sur le
continent nord-américain; ils sont, dans les hôpitaux du
Québec, une centaine à peu près, si bien qu'adopter sans
faire la nuance appropriée cet article 15 du projet 256
équivaudrait à exclure de leur activité professionnelle
ces techniciens.
C'est pour ça que nous vous proposons un article 15
modifié. Il s'agirait d'ajouter, à l'article 15, le paragraphe
suivant: La disposition précédente n'a pas pour effet de
restreindre l'exécution de techniques se rapportant à l'examen,
au diagnostic ou au traitement, sous la surveillance de professionnels agissant
dans le cadre de droits et privilèges qui leur sont expressément
accordés par la loi.
Enfin, M. le Président, je passe au troisième point qui
est le suivant: La commission Caston-guay-Nepveu faisait, dans son rapport, une
recommandation à l'effet que le ministère de la Santé
devrait "en collaboration avec le Collège des médecins et
chirurgiens de la province de Québec et le Collège des
optométristes, élaborer des normes relatives à
l'orientation obligatoire des cas pathologiques vers la médecine. Ces
normes devraient être par la suite inscrites dans la Loi des
optométristes et opticiens de la province de Québec".
Faisant nôtre cette recommandation, nous croyons que ça
devrait être retenu mais peut-être que les standard ou les normes
à être établies devraient non pas être
énumérées dans une loi, ce qui rend la
réglementation un peu figée, mais devraient être l'objet
d'une réglementation à être adoptée par le
lieutenant-gouverneur en conseil. C'est pourquoi nous vous recommandons
d'insérer au bill 256 une disposition qui autoriserait le
lieutenant-gouverneur en conseil, après consultation avec le bureau de
l'ordre des médecins et le bureau de l'ordre des optométristes,
à établir par règlements des normes relatives à
l'orientation obligatoire des cas pathologiques vers le médecin.
Il a été question, tout au cours de l'avant-midi, de ce
problème de pathologie, de référence, etc., et je pense
que ce serait peut-être une amorce pour la création d'un dialogue
et peut-être également de solutions au moins partielles à
ces différents problèmes dont nous avons traité ce matin.
Ceci étant dit, M. le Président, je pense que j'arrêterai
ici les remarques que nous avions à faire, sachant très bien, par
toutes les questions qui ont été soulevées ce matin, que
les membres de la commission auront sûrement des questions à poser
aux médecins qui m'entourent et qui m'accompagnent cet après-midi
et qui se feront un plaisir de vous répondre.
M. MATHIEU: M. le Président, si vous me permettez simplement,
pour ce qui regarde ce que nous demandons, à savoir le paragraphe qui
assurerait une protection aux personnes qui travaillent sous la direction et la
responsabilité de l'ophtalmologiste, je tiens à vous souligner
que ceci est important.
Si nous considérons ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis,
j'ai ici une liasse de documents qui font foi de tentatives de
procès,
de discussions, de lois, de prises de position qui tournent autour des
assistants médicaux et c'est devenu un sujet de conflit. Si, au
départ, l'article que nous suggérons réglait ce
problème des assistants médicaux, qui n'existe pas uniquement en
ophtalmologie mais dans toutes les spécialités, il permettait aux
médecins d'étendre un peu leur pouvoir de répondre aux
demandes de la population en déléguant certaines
responsabilités techniques à des gens dont ils assurent quand
même la responsabilité sur le plan médical. L'existence
d'assistants médicaux est essentielle au fonctionnement d'une
médecine moderne telle que nous la connaissons et lui permet de
répondre davantage au public.
D'une part, cet article, croyons-nous est essentiel à la
bonne pratique de l'ophtalmologie; il permettrait à l'ophtalmologie
d'être plus accessible et, d'autre part, on éviterait, pour
l'avenir, des conflits comme on en voit de nombreux aux Etats-Unis. On en est
même rendu à des citations du président dans son discours
qui a insisté sur le rôle important de l'assistant médical.
Nous croyons donc que ce problème devrait être réglé
au départ afin d'éviter des conflits inutiles. Il y en a
déjà eu assez dans le passé que si on peut, par le
truchement de certains articles de loi, éviter des conflits, on aidera
encore davantage au rapprochement que nous désirons entre les
différents groupes professionnels qui oeuvrent dans un domaine qui est
à peu près le même, celui de la vision.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions
à poser au Dr Mathieu ou à Me Tellier. Avant de poser ces
questions, je voudrais simplement souligner le fait ou indiquer comment le
problème présente de difficultés. Il faut se souvenir que
ce matin, on nous disait que la définition proposée était
beaucoup trop restrictive; l'après-midi commence sur un autre ton, car
on nous dit qu'elle est beaucoup trop large. Il y a là des
problèmes qui sont loin d'être faciles à
résoudre.
Dans la définition que vous proposez je note, par exemple, que
l'entraînement visuel ou la rééducation ne paraissent pas.
Pourriez-vous, compte tenu de ce qui a été dit ce matin et
surtout de l'aspect scientifique qui doit primer, à mon sens, dans la
détermination des divers types de traitement qui peuvent être
effectués, nous dire pourquoi vous n'avez pas inclus ce type
d'activités dans votre définition?
M. MATHIEU: M. le ministre, je crois que nous n'avons pas mis, dans ce
que nous croyons être les privilèges ou la responsabilité
de l'opto-métrie, la rééducation visuelle pour les
mêmes raisons que le gouvernement, actuellement, ne l'a pas mise. Ces
raisons, les nôtres en tout cas, sont que dans ce domaine là il
existe actuellement, pour ce qui concerne l'optométrie, une confusion
assez importante.
Je pense que le gouvernement a été sage, pour le moment,
de ne pas permettre ce qu'on appelle vaguement la rééducation
visuelle qui se définit différemment selon que c'est l'Ecole
d'optométrie qui la définit, selon que c'est le collège
qui la définit ou selon que c'est l'Association des optométristes
qui en parle. Pour vous prouver un peu ce que j'avance, je ne me gêne pas
actuellement pour dire que je considère que le Collège des
optométristes est responsable de ne pas avoir, jusqu'ici, mis de l'ordre
dans tout ce domaine que l'on appelle, en général, la
rééducation visuelle.
M. Gauthier a dit ce matin qu'il se faisait de la
rééducation visuelle dans les hôpitaux. D'accord. Il se
fait une rééducation visuelle qui s'appelle de l'orthoptique.
C'est une forme de rééducation visuelle qui est universellement
acceptée. Le Collège des optométristes, dans son
mémoire, en regard de la commission Hall, disait à la page 56:
"La rééducation visuelle de l'optométriste. Il ne s'agit
pas d'orthoptique". Le Collège des optométristes disait
clairement que la rééducation visuelle qu'il préconisait
n'était pas de l'orthoptique. L'Ecole d'optométrie, dans son
curriculum d'enseignement, donne deux cours de rééducation
visuelle et les deux volumes qu'elle suggère sont "Manuel of
orthoptics". Si on conseille aux étudiants de s'acheter un livre qui
traite de l'orthoptique, c'est qu'on enseigne quelque chose qui est de
l'orthoptique. L'Association des optométristes, dans son mémoire
à cette commission, semble un peu à cheval sur les deux et dit
que la rééducation visuelle en laquelle elle croit a pour but
d'améliorer la vision binoculaire; cela c'est de l'orthoptique.
En d'autres mots, actuellement, il y a une confusion. Il y a une
pseudo-science qui est répudiée par un bon nombre
d'optométristes et, en particulier je suis au courant par
plusieurs membres de l'Association des optométristes. Cela s'appelle la
visiologie qui est une espèce de doctrine basée sur quelque chose
d'assez étrange où on prétend que l'enfant qui a des
troubles visuels n'a pas marché à quatre pattes assez longtemps,
qu'il n'a pas développé la vision. Alors, on le remet à
marcher à quatre pattes, on le fait sauter comme un petit chien, ou un
gros chien. En d'autres mots, des choses qui sont très jolies et qui
pourraient faire le sujet d'une poésie, mais qui ne reposent absolument
sur aucune base scientifique. Je crois que c'est ce qui a empêché
le gouvernement de reconnaître que l'optométrie faisait de la
rééducation, parce que l'optométrie elle-même et, en
particulier, son collège n'ont pas voulu mettre de l'ordre
là-dedans, alors qu'ils auraient dû le faire depuis des
années. Il y a des gens qui pratiquent cette visiologie, qui exploitent
la population. Ils font porter des lentilles à trois foyers à des
enfants, ils les font sauter, courir, etc.
Des enfants nous arrivent, qui ont fait ces folies pendant des mois de
temps, avec des lunettes à trois foyers et qui n'ont absolument aucun
trouble visuel, qui ont une vision normale et à qui on a réussi
malheureusement à faire payer des exercices de ce genre.
Tant que le collège d'optométrie ou le gouvernement n'aura
pas pris les moyens pour clarifier ce domaine, nous croyons qu'on ne doit pas,
pour le moment, donner à l'optométrie le privilège de
faire une rééducation visuelle qui sera faite justement selon des
modalités différentes et qui risquent d'être une
exploitation du public plutôt qu'un service.
M. CASTONGUAY: Comment, dans les faits, et aussi comme association
je pense qu'on nous a fait état des différences
considérez-vous les cas qui vous sont référés par
les optométristes? Je devrais peut-être préciser ma
pensée, je ne parle pas simplement au plan de bonnes relations entre
individus, mais est-ce que vous demandez le dossier de l'optométriste,
partez-vous de ce dossier ou si vous prenez une autre attitude, aussi bien dans
les faits que comme association?
M. MATHIEU: Il est certain qu'un bon nombre de patients sont
dirigés par les optométristes à l'ophtalmologiste.
Certains optométristes ont adopté un ophtalmologiste à qui
ils envoient des patients. Ils leur donne une petite note expliquant le motif
pour lequel le patient lui est envoyé. Bon nombre disent au patient
d'aller voir un ophtalmologiste et préfèrent l'orienter vers une
clinique d'ophtalmologie. Habituellement, certains optométristes nous
remettent une note qui est un peu un résumé de ce qu'ils ont
trouvé et qui est le motif pour lequel ils nous réfèrent
le patient.
Dans ces cas, lorsque l'examen est terminé c'est mon
habitude je suis certain, bon nombre de mes confrères envoient un
petit mot à l'optométriste ou remettent une note au patient
disant exactement ce qu'ils ont trouvé, ce qu'ils ont fait. Dans bien
des cas, si l'examen est négatif... C'est-à-dire que
l'optométriste a cru qu'il pouvait y avoir une pathologie et il n'y a
pas effectivement de pathologie. Alors, si des lunettes sont indiquées,
et nous sommes certains qu'il n'y a pas de pathologie il y a des
exceptions à toute règle mais en général,
l'ophtalmologiste va dire: Vous pouvez retourner voir votre
optométriste. Et il lui donnera une ordonnance, parce que parfois il y a
une différence de conception sur la réfraction, et nous dirons:
Il n'y a pas de pathologie, vous pouvez faire faire vos lunettes.
D'autre part, le patient arrive et il a déjà des lunettes.
Nous nous contentons de dire qu'il n'y a pas de pathologie et ça se
termine là.
Qu'il y ait des échanges de dossiers complets et qu'on puisse
dire à l'optométriste: Envoyez-nous donc votre dossier. Non, la
chose ne s'est pas faite. Est-ce qu'il y aurait avantage à le faire?
C'est certainement une chose qui mériterait d'être discutée
mais qui n'est pas de pratique habituelle.
M. DE MARGERIE: M. le Président, pourrais-je ajouter un mot en
réponse, peut-être à la dimension de l'association. Le
ministre Castonguay a posé la question non seulement à titre
individuel, ce à quoi le Dr Mathieu a répondu, mais
également en ce qui a trait à l'association comme telle. Depuis
bientôt six ans, je suis associé à l'association de
très près comme membre de l'exécutif. Je dois dire qu'en
aucun temps, n'a-t-il jamais été suggéré par
l'association que l'ophtalmologiste ne devrait pas, par exemple, ce qui a
été suggéré ce matin, refuser de voir un patient
référé par un optométriste. Au contraire,
l'Association des ophtalmologistes en tout temps a fortement recommandé
à ses membres de recevoir les patients référés par
les optométristes et, bien sûr, depuis que la régie existe,
comme la loi de la province ne permet pas de considérer le patient
référé par l'optométriste comme étant un
patient référé par un médecin.
La dimension consultation à laquelle on a fait allusion ce matin
n'entre pas en ligne de compte, parce que peuvent être
considérés comme consultations à honoraires un peu plus
élevés seulement les cas qui sont envoyés bona fide par un
médecin.
M. CASTONGUAY: En ce qui a trait aux techniciens auxquels vous faites
allusion dans votre mémoire sur la Loi de l'optométrie,
pourriez-vous nous dire si la formation de ces techniciens,
préalablement à leur emploi, est assez homogène, à
quel niveau elle se situe, ou si ce sont des gens qui, sur ce plan,
présentent des caractéristiques assez diverses? Quels sont les
actes ou quel type de travail effectuent-ils, de façon concrète?
Est-ce qu'ils s'engagent de façon régulière? Comment les
décrit-on dans les conventions collectives? Si vous pouviez me donner un
peu plus de détails.
M. MATHIEU: D'abord, il y a les orthoptistes. Ce sont des techniciennes
qui sont formées, qui suivent des cours pendant deux ans, à qui
on enseigne toute la mécanique de la vision binoculaire et toutes les
méthodes d'investigation, de traitement, d'exercices. Ce sont celles
qui, justement, font ce qu'on appelle l'orthoptique. Nous demandons que ces
jeunes filles parce que, habituellement, ce sont des jeunes filles,
comme elles ont affaire à des enfants, il y a de rares orthoptistes
masculins, il semble que cela soit plus facile aient une 12ème
année scientifique. Elles suivent un entraînement de deux ans
pendant lesquels elles ont des cours. Et pendant qu'elles suivent des cours,
elles sont attachées à une orthoptiste graduée qui les
initie au travail.
Un autre groupe de personnes qui travaillent comme assistantes
opthalmologistes sont des infirmières qui, après leur cours
d'infirmière, viennent dans des services d'ophtalmologie et apprennent
les différentes techniques. Par exemple, elles apprennent à
mesurer l'acuité visuelle, mesurer la force des lunettes un
patient va arriver avec des lunettes, alors avant
de commencer à faire un examen, il est bon de savoir quelle est
la force de ses lunettes prendre l'acuité visuelle, faire des
champs visuels, faire des tonographies, technique qui consiste à prendre
la pression de l'oeil pendant quatre minutes dans les cas où l'on croit
qu'il y a un glaucome. Alors, il y a des techniciennes en tonographie. Et c'est
à peu près actuellement l'ensemble des domaines que nous
laisserons faire à des techniciens, photographie, etc. Et ces gens
travaillent continuellement sous la direction et en présence de
l'ophtalmologiste. Alors, leur formation est assurée par les
ophtalmologistes, sous leur surveillance et leur responsabilité. Celles
qui font des champs visuels apprennent à faire la technique du champ
visuel, mais c'est l'ophtalmologiste qui décide à qui on va faire
un champ visuel, et c'est l'ophtalmologiste qui, une fois le champ visuel fait,
s'il constate une anomalie que la technicienne n'a pas mis en évidence,
ira refaire le champ visuel. S'il trouve une anomalie qui semble un peu
douteuse, il la vérifiera.
Ces gens sont continuellement sous la surveillance et la
responsabilité de l'ophtalmologiste.
M. CASTONGUAY: Vous avez dit, si je comprends bien, qu'il y avait des
techniciennes en orthoptique qui sont graduées. Est-ce qu'elles sont
formées dans les CEGEP ou si c'est purement une formation en cours
d'emploi? Et si c'est une formation en cours d'emploi, qui leur octroie un
diplôme?
M. MATHIEU: Il existe au Canada, comme aux Etats-Unis, ce qu'on appelle
le Conseil canadien d'orthoptique, qui est un conseil formé
d'ophtalmologistes, de médecins et d'orthoptistes, qui est responsable
de l'octroi de ce diplôme.
Ces élèves doivent suivre un entraînement qui dure
deux ans, entraînement durant lequel ils ont des cours et au bout de deux
ans ils doivent se présenter à un examen. S'ils passent cet
examen, ils reçoivent un certificat de compétence en orthoptique.
Aucune personne, actuellement, ne pratique l'orthoptique dans la province de
Québec si elle n'a pas ce diplôme.
M. CASTONGUAY: Quant à la dernière recommandation
formulée au sujet de la loi de l'optométrie, vous avez
rappelé une recommandation de la commission et vous avez souligné
qu'on ne retrouve pas cette disposition dans le projet de loi. Je vais vous
demander une dernière question à ce sujet. Croyez-vous qu'il
serait possible de transposer, pas simplement l'écrire dans un texte
législatif mais faire en sorte qu'elle soit appliquée, une telle
disposition?
M. MATHIEU: Si cette liste de critères est acceptée par
règlement, à la suite d'un arrêté en conseil, je
pense que les gens y seront légale- ment obligés et je pense
qu'il appartiendra de façon primordiale à la Corporation des
optométristes de voir à ce que ces règlements soient
observés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: Vous avez demandé dans votre mémoire des
privilèges pour les techniciens, les orthoptistes et certaines
infirmières qui sont formés dans une école
spéciale, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité que
les ophtalmologistes, dans la formation même des techniciens, se servent
de l'école d'optométrie qui existe actuellement et qui est une
école affiliée à l'Université de
Montréal?
Deuxièmement, est-ce qu'il y a des ophtalmologistes qui ont
été demandés et qui enseignent actuellement à cette
école d'optométrie?
M. MATHIEU: Je vous remercie de me poser cette question, Dr Boivin,
parce qu'il en a été question. On a glissé
élégamment sur le sujet ce matin et on laisse entendre,
évidemment, que l'ophtalmologiste veut garder pour lui la science et
qu'il ne veut pas enseigner. Le problème est un peu plus complexe et si
vous me le permettez, je vais vous donner l'essentiel des raisons pour
lesquelles nous n'acceptons pas, dans le climat actuel et dans les
circonstances actuelles, d'aller faire de l'enseignement à
l'école d'optométrie. Nous l'avons déjà fait. Nous
avons déjà fait de l'enseignement mais, un moment donné,
nous avons dû cesser cet enseignement. Les optométristes nous
disent: Si vous nous enseigniez nous serions beaucoup plus capables de
déceler la pathologie oculaire. Parmi tous ceux que vous avez entendus
ce matin, vous n'en avez pas entendu un, je pense, qui vous ait dit: Moi, je ne
suis pas capable de déceler la pathologie oculaire. Ils ont tous dit
rapidement: Nous sommes capables de déceler la pathologie oculaire.
C'est qu'ils sont compétents dans ce domaine. Qu'est-ce que notre
enseignement va leur apporter de plus? Je ne le sais pas, s'ils sont
compétents. Nous nous sommes rendus compte et la même chose
vaut aux Etats-Unis que dans la philosophie de l'optométrie, on
se servait beaucoup plus de l'enseignement qui se donnait pour obtenir des
privilèges légaux que de la compétence réelle de
ceux qui pratiquent l'optométrie. Je vais vous donner un exemple assez
caractéristique.
Dans l'entente qui a été signée entre le Syndicat
des optométristes et le ministère des Affaires sociales, on a
obtenu le droit de faire des champs visuels. Est-ce parce qu'on a pu prouver au
gouvernement que le champ visuel était une pratique habituelle de
l'optométrie et que l'on était compétent pour faire
ça? Non, parce que nous savons de façon certaine qu'au moment
où l'entente a été signée il n'y avait à peu
près pas de champ visuel qui se faisait chez les optométristes et
que la grande majorité d'entre eux n'avaient même pas
l'appareillage
nécessaire pour faire les champs visuels, tellement que, quand
l'entente a été signée, les maisons qui vendent des
appareils ont été prises d'assaut pour avoir des appareils pour
faire des champs visuels.
Mais on s'est servi de l'enseignement qu'on recevait à
l'école, vu qu'il y avait à l'école un cours qui se
donnait pour faire les champs visuels. On se sert de l'enseignement pour
obtenir des privilèges. Si nous enseignons aux optométristes
et la preuve a été faite aux Etats-Unis on va se
servir de cet enseignement pour, dans un an ou deux, aller trouver le
ministère des Affaires sociales et dire: Nous sommes beaucoup plus
compétents maintenant dans le domaine de la pathologie oculaire; nous
avons des cours qui sont donnés par le docteur Untel et le docteur
Untel. Je pense qu'il serait juste qu'on nous donne le privilège de
faire tel ou tel acte.
Aux Etats-Unis, en 1934, l'Association médicale américaine
a défendu aux ophtalmologistes et aux médecins d'enseigner aux
écoles d'optométrie pour cette raison. En 1950, il y a eu une
révision. On s'est dit: Peut-être qu'on a fait fausse route, nous
allons de nouveau enseigner. Pendant cinq ans, on a enseigné aux
optométristes aux Etats-Unis, de 1950 à 1955. Au bout de cinq
ans, on s'est demandé: Est-ce que cet enseignement qu'on leur donne
depuis cinq ans les rend plus compétents? Est-ce qu'ils ont
dirigé plus de patients? Non. Mais on a constaté que, pendant ces
cinq années, il y avait une pluie de bills présentés aux
différentes Législatures des Etats-Unis pour demander des
privilèges et où on brandissait cet enseignement qu'on
recevait.
C'est une des raisons pour lesquelles nous n'enseignons pas. Il y a une
autre raison, c'est que, si nous enseignons la pathologie à
l'optométriste, nous lui donnons le privilège et, d'une certaine
façon, notre autorité pour être capable de déceler
les maladies, et, ce qui est encore plus grave, de dire à quelqu'un:
Monsieur, vous n'avez pas de pathologie oculaire.
Or, nous donnons ce privilège à ceux que nous formons en
ophtalmologie de dire à un individu: Vous avez une pathologie oculaire
et, ce qui est encore à mon avis plus sérieux: Monsieur, vous
n'avez pas de pathologie oculaire. Pour arriver à cela, nous exigeons de
nos étudiants qu'ils fassent un cours de médecine et qu'ils
fassent, en plus, quatre années de formation spécialisée.
Alors, nous croyons qu'ils ont la formation nécessaire pour être
capables de prendre cette responsabilité.
Qu'est-ce qu'on va donner à l'optométriste par rapport
à ça? Je crois que ça serait généreux de
dire qu'on va donner à l'optométriste à peu près 25
p.c. de ce qu'on est capable de donner à celui qui est formé en
ophtalmologie. Ce qui veut dire que quand l'individu va être devant un
patient et qu'il va dire: Oui, vous avez une pathologie et, surtout: Non, vous
n'avez pas de pathologie; il va avoir 25 chances sur 100 d'avoir raison et 75
chances sur 100 de ne pas avoir raison. Nous croyons que ça n'est pas
dans l'intérêt du public.
La Commission d'enquête sur le bien-être social et la
santé avait compris ça. Dans son rapport, elle avait dit,
à la page 294: "Bien qu'elle ait été favorablement
impressionnée par le désir des optométristes de parfaire
leur formation, la commission croit que cet effort doit tendre à
améliorer la qualité de leurs services dans le domaine de
l'optométrie proprement dite. La commission reprendra cette question
dans un rapport ultérieur en formulant ses recommandations sur
l'enseignement. A son avis, l'acquisition par l'optométriste de
connaissances médicales additionnelles destinées à
faciliter l'orientation des cas pathologiques ne peut constituer une solution
acceptable, car ces connaissances ne peuvent être
qu'incomplètes."
Voilà une déclaration de la commission que nous,
personnellement, ne considérons pas comme farfelue,
A la fin de cette année, alors qu'il y avait une
cérémonie de remise de diplômes à l'Ecole
d'optométrie ou enfin quelque chose, on me dit qu'un jeune
étudiant en optométrie s'est levé et a dit: Messieurs,
durant mon cours d'optométrie, j'ai réussi à faire un
maximum de 25 réfractions. Me croyez-vous apte à pratiquer
l'optométrie? Je ne sais pas ce que vous diriez, messieurs, si le
Collège des médecins donnait le droit de pratique à un
médecin qui n'aurait eu la chance d'examiner que 25 patients dans son
cours de médecine. Eh bien, ces gens-là ont le droit de pratique.
Avant de nous demander, à nous, de donner de l'enseignement en
pathologie enseignement que nous ne croyons pas, pour le moment, dans
l'intérêt du public et qui, comme d'autres enseignements, sera
utilisé pour obtenir des droits nous croyons que
l'optométrie pourrait commencer par donner son enseignement en
réfraction aux gens qui auront à en faire à peu
près toute leur vie. Qu'on commence par former des
réfractionnistes en optométrie et, ensuite, on leur donnera autre
chose. Si on laisse pratiquer les optométristes qui ont eu la chance de
faire 25 examens dans leur cours, qu'on ne vienne pas nous reprocher
d'être déficients dans l'enseignement que nous leur donnons.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions?
M. MATHIEU: Un résident en ophtalmologie fait en moyenne 500
à 600 réfractions par année pendant son cours.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: On a parlé beaucoup de pratique de première
ligne, ce matin, en optométrie ou de dépistage sommaire, ce qui
revient à dire qu'il y aurait probablement un champ d'action à
déterminer en optométrie. Pourriez-vous nous éclairer sur
cette question?
M. MATHIEU: On a entendu ça à plusieurs reprises:
L'optométriste veut être le praticien de première ligne.
Est-ce que, dans le passé, l'optométriste s'est montré
capable d'être le praticien de première ligne? Nous avons ici les
statistiques de la régie qui nous indiquent à peu près de
façon adéquate le pourcentage de patients que les
optométristes dirigent ailleurs. Nous avons calculé le nombre de
ce qu'on appelle les examens complets de la vision et les examens partiels de
la vision. L'examen partiel de la vision est défini ainsi dans
l'entente: Un examen que fait un optométriste et au cours duquel il
s'aperçoit que le patient a une pathologie oculaire et dit qu'il doit
cesser son examen et diriger le patient pour soins.
Nous avons fait les proportions d'examens complets et d'examens partiels
et nous constatons que l'optométriste dirige à peu près 2
p.c. des patients qu'il voit à l'ophtalmologiste. Peut-être, mais
nous savons qu'il dirige un bonne partie de ses patients au médecin
praticien. Nous n'avons pas d'objection, si l'optométriste croit que le
patient peut avoir un désordre général, une pathologie
systémique, à ce qu'il le fasse examiner. Ce qui arrive dans bien
des cas, c'est qu'on dit au patient qui a une vision défectueuse qu'on
n'arrive pas à corriger par des lunettes: Allez voir votre
médecin de famille. Le patient part, va voir son médecin de
famille. Le médecin de famille l'examine des pieds à la
tête, ne trouve rien et dit: Monsieur, vous êtes en bonne
santé. Là, le patient a une vision défectueuse. Il s'est
fait dire qu'il était en bonne santé, mais probablement que
c'était à cause de sa mauvaise santé. Il se trouve
vis-à-vis de rien, alors qu'il a une pathologie oculaire et non une
pathologie qui dépend de son état général. Nous
avons vu plusieurs patients comme ça.
Il arrive heureusement souvent que le médecin, qui a vu le
patient, qui sait qu'il a eu un examen de type optométrique, va le
diriger à l'optalmologiste, mais, bien des fois, le patient va se faire
dire qu'il est en bonne santé et va s'en retourner avec sa pathologie
oculaire qui va continuer à évoluer. Alors, 2 p.c. sont
dirigés ailleurs, mais pas nécessairement à
l'ophtalmologiste.
Il est reconnu que parmi la population qui va consulter pour ses yeux,
pas ceux qui ont des symptômes mais ceux qui pensent avoir besoin de
lunettes la commission Hall l'a dit il y a une pathologie dans au
moins 7 p.c. à 10 p.c. des cas. Nous avons cet été
je pense que cela va intéresser M. le ministre réussi
à mettre en branle une roulotte parfaitement bien équipée
pour faire des examens complets. Je suis heureux de voir que messieurs les
optométristes ont applaudi ce projet.
Voici quelque chose qui va peut-être vous intéresser. Nous
avons les statistiques des examens faits du 19 juin au 24 août, soit dix
semaines au cours desquelles ont été examinées 841
personnes, ce qui fait en moyenne 80 personnes par semaine, à peu
près 16 par jour, ce qui est assez loin des 450 par semaine dont on a
parlé dans certaines sphères. A tout événement, ces
patients ont été vus sur demande. Nous aurions aimé avoir
un autre système, mais certaines circonstances sur lesquelles je ne veux
pas insister ont fait que se sont présentés à la roulotte
pour se faire examiner ceux qui le voulaient et on a examiné ceux qui le
voulaient sans pouvoir examiner tout le monde parce que dans certaines
régions où on en a examiné 150, il y en a 700 qui
voulaient se faire examiner.
Sur 841 personnes, nous avons trouvé une pathologie oculaire dans
569 cas; je ne vous dis pas que c'est une pathologie sérieuse mais il y
avait une pathologie, ce qui constitue 66 p.c. de pathologie dans cette
région. Vous savez qu'à cause de la consanguinité qui
existe en Gaspésie, le nombre de pathologies oculaires est beaucoup plus
grand que dans le reste de la province et du Canada. On a dit ce matin que
l'incidence de la pathologie oculaire dans la province de Québec
était basse, mais je regrette, elle est la province qui a la plus haute
incidence de pathologie oculaire.
Le nombre de patients avec une erreur de réfraction seulement
était de 246; le nombre de patients qui n'avaient ni erreur de
réfraction ni pathologie oculaire de 26. Donc, nous avons trouvé
66 p.c. de pathologie oculaire. Les optométristes de la région en
réfèrent 2 p.c. Est-ce que ce sont des gens que l'on peut
considérer comme des sujets idéals pour des praticiens de
première ligne? Je vous laisse, messieurs, tirer les conclusions.
M. TELLIER: M. le Président, si vous permettez. Cette question de
praticien de première ligne pose aussi le problème suivant. En
parlant de praticien de première ligne, cela sous-entend que
l'optométriste, s'il en était ainsi, serait en quelque sorte le
premier professionnel qui viendrait en contact avec la population, celui qu'on
serait, à toutes fins pratiques, obligé de consulter lorsqu'on
veut avoir des services oculaires. Je pense qu'au niveau des principes, c'est
difficilement acceptable pour la bonne raison que le bill 65 a posé un
principe bien différent en définissant, aux articles 4, 5 et 6 de
la loi, ce qu'il est convenu maintenant d'appeler la charte des droits des
citoyens à la santé où, on reconnaît notamment, pour
le citoyen du Québec, le droit de choisir le professionnel de son choix,
le droit de choisir l'institution de son choix. Cette déclaration, que
l'on retrouve dans le bill 65, revêt une importance singulière
parce que je vous rappelle que lors de la première lecture du bill 65,
ces dispositions n'existaient pas. A la suite des très nombreuses
représentations qui ont été soumises à
l'Assemblée nationale on a, dans la réimpression de la
première lecture, jugé opportun d'ajouter cette disposition qui
garantissait à chaque citoyen le droit du choix du professionnel et de
l'institution.
En second lieu, dans les faits le Dr Mathieu peut vous donner ici
les statistiques
qu'il a tirées des rapports de l'assurance-santé si
on regarde, en moyenne, le nombre de patients reçus au cours d'une
année par un ophtalmologiste et le nombre, en moyenne de patients
reçus par un optométriste, on voit un décalage assez
impressionnant. Les avez-vous?
M. MATHIEU: Je n'ai pas les chiffres. J'ai été surpris de
voir quand même le nombre de patients que voyaient les
optométristes par année et j'avais l'impression qu'ils en
voyaient beaucoup plus. Si on calcule un peu, pas ici... qu'est-ce que vous
voulez? Qu'on le veuille ou non, les gens, avec le temps, ont appris un peu, et
quand ils ont le libre choix que les optométristes revendiquent depuis
des années, il semble qu'ils préfèrent subir un examen qui
puisse les rassurer non seulement sur les lunettes qu'ils doivent porter mais
aussi sur la présence ou l'absence de pathologie. On a beaucoup de
patients qui ont été examinés par un optométriste,
qui ont eu des lunettes et qui viennent se faire examiner deux mois plus tard
par un ophtalmologiste. Ils veulent connaître exactement leur
état; et ils n'ont été envoyés par personne.
Le libre choix semble actuellement jouer, on semble voir par les
statistiques que le libre choix s'oriente dans une direction où le
patient espère avoir une sécurité plus grande.
M. BOIVIN: En plus de demander à la commission Castonguay de
faire enquête sur les champs de pratique des optométristes et des
ophtalmologistes, nous avons tenté à différentes reprises
de permettre des rencontres entre ophtalmologistes et optométristes.
Parce que dans le champ de la santé, si on demande au gouvernement de
régler des situations entre les professionnels de la santé, il me
semble qu'il y aurait une possibilité de rencontres. Pourriez-vous nous
dire si nous pouvons espérer que des optométristes et des
ophtalmologistes, un jour, se rencontreront pour parler du champ d'action
où ils évoluent et pratiquent.
M. MATHIEU: Vous savez, on aime bien faire jouer un peu le jeu du
martyre, de gens qui sont persécutés. Quant à moi, on me
fait passer par un bonhomme qui mangerait à peu près trois
optométristes par jour pour se nourrir. On exploite ça
passablement. On aimerait bien s'entendre avec les ophtalmologistes, on
aimerait bien les rencontrer, laissant entendre que nous avons toujours dit:
Nous ne voulons pas vous voir, ne nous dérangez pas.
J'ai une liste de réunions qui ont groupé des
ophtalmologistes et des optométristes. Je dois dire que celles qui nous
ont offert le plus de satisfactions et d'espoirs ont été celles
que nous avons eues avec M. Gauthier et quelques-uns de ses collègues de
l'Association des optométristes. M. Gauthier pourra vous le dire, il y a
eu des échanges véritables, francs, honnêtes et une
ébauche celui qui rit n'était probablement pas d'accord
qui aurait pu certainement amener... Malheureusement, je dois dire que
le Collège d'optométrie n'a pas trop voulu collaborer dans ces
résolutions que nous avions, de part et d'autre, prises même pour
intégrer les optométristes. Il y a eu des tentatives franches, il
y a eu au moins cinq ou six réunions non officielles où on s'est
parlé franchement. Ensuite, le gouvernement vous le savez M.
Boivin et M. Cloutier a voulu essayer de comprendre un peu quelque
chose. A un moment donné, nous avions suggéré au Dr
Claveau des critères pour qu'il donne aux infirmières qui
faisaient du dépistage dans les écoles des directives.
Or, les optométristes ont trouvé que ces directives les
lésaient. Ils ont fait des menaces au niveau du ministère de la
Santé et le ministère de la Santé a convoqué les
représentants du collège et les représentants des
ophtalmologistes pour discuter un peu de ce qui pourrait être fait. Nous
y sommes allés et nous avons convenu qu'il serait peut être bon de
former un comité qui pourrait réétudier ces
critères et en formuler d'autres qui ne léseraient personne,
parce que les optométristes avaient certains arguments que nous avons
reconnus comme valides. Les deux parties étaient d'accord pour avoir des
réunions. Les optométristes n'ont jamais voulu participer
à ce comité. Pourquoi? On trouve toujours des raisons quand on ne
veut pas. Le gouvernement a créé trois commissions, l'une
après l'autre, pour étudier le problème des
optométristes et essayer de voir un peu ce que pouvait offrir
l'optométrie. Il a nommé trois juges, l'un après l'autre,
mais les optométristes ont refusé d'aller siéger à
ces commissions, sauf à la dernière qui était
présidée par le juge Dionne.
A cette commission, on avait convoqué le Collège des
optométristes, le Collège des médecins et un autre
physiologiste qui s'occupe de vision à l'université. Le Dr
Gingras m'a délégué; c'était son privilège
de déléguer quelqu'un qui était au courant. Nous avons eu
une réunion et nous avons cru que la meilleure chose serait, à la
prochaine réunion, d'entendre, premièrement, un
optométriste de l'école qui fait de l'enseignement pour qu'il
vienne nous dire un peu la formation que recevaient les optométristes et
d'entendre aussi un optométriste qui est en pratique qui viendrait
donner à la commission son expérience dans ce que
l'optométrie pouvait faire, selon lui. Je pense que ce n'est ni
dérogatoire, ni insultant de demander à des gens de venir
s'expliquer. Les optométristes ne sont jamais revenus à cette
commission. Ils ont posé des conditions, disant qu'ils exigeaient que le
gouvernement reprenne les négociations. On vous a dit, ce matin, que
c'était parce que le Dr Mathieu était là-dessus et qu'il
allait les dévorer tout rond.
En d'autres mots, quand on vient vous dire qu'on aimerait bien et qu'on
semble faire porter sur l'ophtalmologiste le fardeau de la
responsabilité du fait qu'il n'y a pas d'entente, voilà une
série de tentatives que nous avons faites loyalement,
honnêtement. Nous n'avons aucun scrupule et regret et nous ne
méritons pas de nous faire dire que notre collaboration est
refusée. Nous l'avons toujours dit: Nous sommes prêts à
nous entendre et à trouver un modus vivendi qui serait dans
l'intérêt de la population. Pas dans l'intérêt de
l'optométrie, ni dans l'intérêt de l'ophtalmologie, mais
dans l'intérêt de la population. C'est notre but. Nous n'avons
rien à perdre dans toute cette législation. Vous pourrez faire ce
que vous voudrez avec l'optométrie, ça n'enlèvera rien
à l'ophtalmologie. Nous faisons ces remarques parce que nous pensons
qu'il y va de l'intérêt de la population. C'est ce que nous
voulons défendre; sans ça, nous n'avons aucune raison
d'être ici, parce que nous ne sommes pas personnellement en cause.
M. BOIVIN: Pouvez-vous nous dire brièvement ce que vous exigez
des étudiants en ophtalmologie? Quelles sont les années
d'études que vous exigez actuellement pour former un
ophtalmologiste?
M. MATHIEU: Le futur ophtalmologiste doit faire son cours de
médecine et il doit faire quatre années de formation
additionnelle pour avoir le droit de se présenter aux examens en
ophtalmologie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de poser quelques
questions au Dr Mathieu. D'abord, en vous écoutant, docteur, j'ai
été frappé de toute l'estime et de la considération
que vous avez à l'endroit des optométristes. Vous avez soutenu
que les optométristes avaient, en quelque sorte, refusé d'assumer
leurs responsabilités dans la rééducation visuelle.
Vous nous avez donné des exemples de traitements plus ou moins
ridicules, du moins, cela m'a semblé tel, que certains
optométristes auraient conseillé à leurs clients ou leurs
patients. Vous, de l'Association des ophtalmologistes du Québec, quel a
été le rôle que vous avez joué? Quelles mesures
avez-vous prises? Et quelle éducation avez vous donnée à
la population pour faciliter une rééducation visuelle?
M. MATHIEU: J'aimerais que vous me disiez ce que vous entendez par
rééducation visuelle.
M. PAUL: C'est vous-même qui avez dit tout à l'heure que
les optométristes avaient négligé d'assumer leurs
responsabilités dans la rééducation visuelle.
M. MATHIEU: Oh non, ils n'ont rien négligé. Ils en ont
fait beaucoup. Ce que j'ai dit, c'est que le...
M. PAUL: Mais ils ont refusé de mettre de l'ordre.
M. MATHIEU: Le Collège des optométristes n'a pas su mettre
de l'ordre dans les exercices qui étaient acceptables et ceux qui ne
l'étaient pas. Comme je vous l'ai dit, il y a une forme de
rééducation visuelle que nous utilisons et qui sert à
aider les gens qui ont des troubles de la vision binoculaire surtout. Mais il y
a une autre forme qui a pris de l'essor depuis quelques années et qui
s'appelle, en terme générique, la visiologie, et c'est cette
forme de rééducation visuelle qui ne repose absolument sur aucun
fondement scientifique acceptable.
M. PAUL: Est-ce que vous avez discuté de l'efficacité de
ces traitements basés sur la visiologie avec le Collège des
optométristes?
M. MATHIEU: Nous en avons discuté une fois avec le Collège
des optométristes quand nous les avons rencontrés au
Collège des médecins. Nous leur avons demandé, par
exemple, s'ils traitaient les cas de dyslexie en faisant des exercices, etc.
Nous n'avons pas été outre mesure impressionnés par les
réponses. Et je dois vous dire que cette forme de
rééducation n'est pas approuvée par une bonne partie des
optométristes qui sont actuellement en pratique.
M. PAUL: Mais est-ce que vous avez demandé au Collège des
optométristes de prendre certaines mesures pour inciter leurs membres
à se dissocier d'une telle philosophie médicale?
M. MATHIEU: Ce n'est pas tout à fait notre responsabilité.
Nous leur disons toujours de ne pas se mêler des corporations.
M. PAUL: Avez-vous l'impression que vos deux associations sont
mélangeables?
M. MATHIEU: Si c'est?
M. PAUL: Si c'est mélangeable. Si cela peut faire de bonnes
relations.
M. MATHIEU: Je pense que cela pourrait...
M. PAUL: N'avez-vous pas l'impression, après le certificat de
haute compétence que vous avez décerné aujourd'hui, que
ceux qui se présenteraient au nom du Collège des
optométristes de la province de Québec pour discuter avec votre
association pourraient avoir l'impression, du moins, juris de jure, que leur
rencontre deviendrait tout à fait inutile?
M. MATHIEU: Est-ce que vous voulez mon opinion ou si vous voulez donner
la vôtre?
M. LE PRESIDENT: Dr Mathieu, une minute s'il vous plaît.
M. PAUL: Je vous pose la question.
M. LE PRESIDENT: Je veux informer l'assistance qu'il est défendu
de manifester devant les commissions. Je l'ai laissé passer la
première fois, je pensais que c'était un accident mais je ne veux
pas que cela devienne une habitude. Il est défendu de le faire. Si vous
avez des commentaires, veuillez les faire après.
M. TELLIER: M. le Président, nous sommes venus ici pour discuter
sérieusement et nous espérons que cela ne
dégénérera pas en autre chose. Nous pouvons changer de
style aussi.
M. LE PRESIDENT: Le Dr Mathieu.
M. MATHIEU: Je disais à M. Paul que je me demande s'il veut me
donner son opinion ou si c'est la mienne qu'il veut avoir.
M. PAUL: Je n'ai pas d'opinion à donner. Je suis ignare en la
matière.
M. LE PRESIDENT: Il n'a pas le droit de donner son opinion ici.
M. PAUL: Je veux tout simplement essayer de voir clair.
M. MATHIEU: Si c'est une question de lunettes, je pourrais vous
recommander un bon optométriste.
M. PAUL: Oui, vous avez raison parce que je suis allé voir un
ophtalmologiste et j'ai changé mes lunettes. Je suis allé voir un
optométriste, et depuis ce temps-là, je vois bien.
M. MATHIEU: C'est très bien.
M. PAUL: Docteur, les orthoptiques dont vous avez parlé tout
à l'heure comme étant des aides de votre profession, où
suivents-ils ces cours? Vous avez dit qu'ils étaient obligés de
suivre des cours.
M. MATHIEU: Oui.
M. PAUL: A quelle université ou à quelle école?
M. MATHIEU: Ces cours sont donnés par des ophtalmologistes et des
orthoptistes dans la pratique, dans les hôpitaux où ils suivent
leur entraînement. Cette année, il y a eu une session de cours
intensifs qui a duré trois semaines, où ils ont eu des cours
pendant trois semaines du matin jusqu'au soir. Comme c'est un enseignement
surtout technique, ils ont des cours d'anatomie, de physiologie, parce qu'il
faut tout de même qu'ils connaissent un peu ce qu'est l'oeil, de fonction
de la vision binoculaire. Ils ont des cours qui sont donnés par les
ophtalmologistes qui s'occupent plus particulièrement de strabisme et
par les orthoptistes eux-mêmes qui sont en pratique et leur enseignent ce
qu'il faut faire pour pratiquer cette technique qui s'appelle
l'orthoptique.
M. PAUL: C'est un cours de combien d'heures théoriques?
M. MATHIEU: Ce cours dure deux ans, en moyenne huit heures par jour,
cinq jours par semaine, quarante et quelques semaines par année.
M. PAUL: C'est un cours qu'on devrait enseigner ou du moins qu'on
devrait inviter plus de gens à suivre, parce que cela semble être
très intéressant par la culture que vous leur donnez.
M. MATHIEU: Les élèves trouvent cela très
intéressant.
M. PAUL: Maintenant, pourriez-vous nous dire, docteur, s'il y a d'autres
raisons que celles que vous nous avez données quant à votre
indifférence ou à votre refus de dispenser des cours à
l'école d'optométrie de l'Université de Montréal?
Vous nous avez déclaré qu'il serait à craindre que les
optométristes, après avoir suivi un certain nombre de cours
d'ophtalmologistes compétents, puissent revendiquer l'exercice de
certains droits de la part du législateur? Est-ce que c'est la seule
raison qui vous empêche d'entrer en communication avec le Collège
des optométristes pour en venir à une entente quant à
l'enseignement qui pourrait être dispensé à l'école
d'optométrie de l'Université de Montréal?
M. MATHIEU: Je pense, M. Paul, que tantôt j'ai parlé assez
longtemps et que j'ai donné d'autres raisons. Si vous voulez que je les
répète, je peux les répéter.
M. PAUL: Non.
M. MATHIEU: Mais il y en avait au moins trois ou quatre autres.
M. PAUL: C'est surtout celle-là qui m'a frappé.
M. MATHIEU: C'est celle-là qui vous a frappé, oui. Il y a
d'autres raisons. Comme je l'ai dit, c'est de donner à
l'optométriste ce droit beaucoup plus officiel de se prononcer sur la
présence ou l'absence de maladie avec un enseignement qui serait quand
même incomplet. Je pense que c'est un argument assez important. La
commission a reconnu que c'était un argument valide puisqu'elle nous le
dit dans son rapport.
M. PAUL: Ce matin ou cet après-midi, il a été fait
mention qu'il y avait à peu près 170 ophtalmologistes au
Québec. Pourriez-vous
nous dire si votre association tente de faire du recrutement pour que
les soins puissent être dispensés d'une façon plus
accessible pour le patient? Avec 170 spécialistes, vous conviendrez que
le patient est obligé d'attendre des semaines, sinon des mois, pour
avoir l'entrevue désirée ou recommandée soit par
l'omniprati-cien ou par l'optométriste en certaines circonstances.
Est-ce qu'il y a un recrutement qui se fait?
M. MATHIEU: Je m'occupe personnellement depuis déjà une
quinzaine d'années de la formation des ophtalmologistes. J'ai
été personnellement responsable de la formation du cours à
l'Université de Montréal alors qu'autrefois les futurs
ophtalmologistes étaient obligés d'aller à
l'étranger.
Actuellement, on peut, depuis maintenant une dizaine d'années,
faire sa formation en ophtalmologie à Montréal, la même
chose à Québec, à l'Université de Sherbrooke et
à l'université McGill, de telle sorte que le nombre
d'ophtalmologistes a augmenté beaucoup.
Actuellement, il y a un peu d'hésitation, les jeunes
médecins sont portés plutôt à s'en aller en
médecine générale, à cause de circonstances dont M.
Castonguay a parlé ce matin, et disons que les vocations sont un petit
peu moins nombreuses. Quand même, depuis un certain nombre
d'années, le nombre d'ophtalmologistes dans la province a
augmenté. Et il va augmenter encore, parce que nous réussissons
à décerner des diplômes de 10 à 12 ophtalmologistes
par année, dans les quatre universités. Sherbrooke bientôt
aura...
Je me suis personnellement appliqué, depuis des années,
à essayer de former le plus d'ophtalmologistes possibles, mais de les
bien former. Parce que pour moi la quantité ne doit jamais remplacer la
qualité. C'est un principe. Je pense que je peux vous dire : Oui, nous
avons fait des efforts et l'association a fait des efforts, et les
facultés de médecine et tout le monde a fait des efforts pour
former plus d'ophtalmologistes.
Que le nombre d'ophtalmologistes soit insuffisant, je suis tout à
fait d'accord avec vous. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas
un patient qui, ayant besoin de soins urgents ou médicaux, n'ait pas
été vu dans l'heure ou la journée qui suit. Et ensuite il
y a des cliniques externes actuellement où, si quelqu'un a un accident
oculaire ou une perte subite de vision, il va être vu
immédiatement. Les gens qui attendent deux ou trois mois, ce sont les
gens qui ont des troubles qui semblent être purement des troubles de
réfraction.
Dès que quelqu'un nous appelle et nous dit: J'ai un oeil qui est
rouge, un oeil qui fait mal, un oeil qui ne voit pas, nous le voyons,
même en l'ajoutant à ceux que nous avons déjà sur
notre liste de rendez-vous.
M. PAUL: Je vous remercie, docteur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Pour revenir à cette question de la
définition de l'optométrie, messieurs les ophtalmologistes
soutiennent que la nouvelle définition est plus vaste que l'ancienne et
donne plus de liberté d'action à l'optométriste. C'est la
raison pour laquelle on voudrait changer le terme "vision" pour le terme
"acuité visuelle".
Qu'il me soit permis, M. le Président, de lire, ici, dans la loi,
la définition de l'optométrie actuellement. Je lis, à
l'article 17: "L'optométrie se définit : emploi de tous les
moyens autres que l'usage des drogues pour la recherche et le mesurage des
vices de réfraction, tels que l'hypermétropie, la myopie, la
presbytie, l'astigmatisme et l'asténopie en se servant de lentilles
ophtalmiques pour y remédier. "Elle comprend aussi tout examen de la
vue..." Et lorsqu'on parle d'examen de la vue, je pense bien que cela laisse
entendre la vision. Ce n'est certainement pas simplement la question
d'acuité visuelle, parce que l'acuité visuelle est prise, comme
vous le dites chez vous, bien souvent par des techniciennes.
Je continue: "Elle comprend aussi tout examen de la vue fait par tous
les moyens quelconques, hormis l'usage des drogues dans le but d'en
déterminer, d'en corriger ou d'en améliorer l'acuité."
Alors, pour confirmer cette interprétation du législateur, si je
lis la traduction anglaise, c'est bien écrit: "It also includes any
examination of the sight by any means whatsoever other than the use of drugs
for determining, correcting or improving acuteness of vision."
Alors, ici, on peut affirmer sans erreur que lorsqu'on dit: "dans le but
d'en déterminer, d'en corriger ou d'en améliorer
l'acuité," on parle d'améliorer l'acuité de la vision et
cette interprétation est confirmée par la traduction
anglaise.
Alors, comment pouvez-vous affirmer que la nouvelle définition
dans le bill 256 a plus d'ampleur ou est moins restrictive que celle-ci?
M.TELLIER: Je vous ferai remarquer, d'abord, que, dans le premier
paragraphe de l'article 17 je ne suis pas un tribunal pour
interpréter de façon péremptoire les textes de lois
les mots importants sont "vice de réfraction". Je pense qu'on a assez
débattu, ce matin, cette notion de réfraction dans l'ensemble de
tout le concept de l'optométrie qu'on a voulu proposer devant
l'assemblée pour bien concevoir que la réfraction, c'est une part
importante de l'optométrie.
Dans le deuxième paragraphe, on parle d'examen de la vue dans le
but d'en corriger ou d'en améliorer l'acuité. C'est pour
ça que nous nous sommes crus autorisés de dire que la
législation actuelle donne à l'optométriste une
juridiction ou une autorité en matière d'acuité
visuelle. Ce matin et tout au cours des débats, on a entendu les
expressions "soins thérapeutiques, pathologie", d'accord; on ne voit
dans la législation actuelle aucune référence, de quelque
façon que ce soit, à ce qui peut être pathologique,
à ce qui peut être des soins ou à ce qui peut être de
la thérapeutique. C'est une question de langage, de contenu des mots. On
peut même se demander jusqu'à quel point un optométriste
rend des soins, puisque les soins sont, selon évidemment le point de vue
où l'on se place, reliés à un état pathologique.
Prescrire des verres, ce n'est pas nécessairement rendre des soins
médicaux, en tout cas; c'est rendre un service.
De la même façon, ce matin, on a affirmé des
énormités lorsque les représentants du collège sont
venus dire que l'optométriste avait une obligation de résultats.
Lisez n'importe quoi en matière de contrat professionnel, à
partir du traité, par exemple, du professeur Crépeault qui est
maintenant président de l'Office de révision de code civil;
regardez n'importe quel jugement de la cour Suprême du Canada ou de la
cour d'Appel en matière de soins professionnels ou de services
professionnels ou de contrats professionnels et on va vous dire que le plus
qu'un professionnel fait, c'est d'assumer une obligation de moyens et que
jamais il n'assume une obligation de résultats.
Cette parenthèse étant fermée, je vous dis
maintenant ceci: Dans la définition que l'on propose de
l'optométrie dans le bill 256, le mot important qu'il faut souligner,
c'est mot "vision". Ce mot "vision", il faut le mettre en opposition avec les
mots "vice de réfraction", "examen de la vue" et "acuité", dans
la définition actuelle de l'optométrie. Si vous regardez le
document que nous annexons à notre mémoire, lorsque nous faisons
référence au mot "vision", nous englobons un champ
d'activités beaucoup plus grand. On peut rentrer dans les questions de
troubles de vision. Il y a des troubles de vision qui se corrigent par
réfraction, mais il y a aussi tout le domaine de la pathologie de la
vision. A l'occasion de la pathologie de la vision, vous tombez dans la
pathologie de tout le corps humain. Si un organisme est atteint de
diabète, cela va avoir des répercussions au niveau de la
vision.
A ce moment-là, c'est son état général.
C'est pour ça que l'on vous dit qu'en utilisant l'expression "vision"
vous faites référence à un champ d'action beaucoup plus
large qui sous-entend et qui englobe la pathologie.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je ne voudrais pas faire une
discussion sur les termes, mais la vision, ce n'est jamais malade,
ça.
Ce qui est malade, c'est le globe oculaire ou l'organisme
lui-même. La vision en elle-même n'est jamais malade, je n'ai
jamais eu de pathologie de vision. J'ai vu des globes oculaires malades, j'ai
vu des êtres malades mais pas la vision.
Je voulais souligner devant la commission que, d'après la
définition actuelle de l'optométrie, son champ d'action est la
vision. Vous êtes tout à fait en droit de dire et de soutenir que
l'acuité visuelle est simplement un facteur de la vision, une partie de
la vision, une des habilités ou des constituantes de la vision.
M. TELLIER: C'est exactement ce que nous disons. L'acuité
visuelle n'est qu'un aspect de la question.
M. SAINT-GERMAIN: Justement.
M. TELLIER: En utilisant le mot "vision" dans la définition, vous
soulevez des difficultés d'application et d'interprétation qui,
au départ, nous assurent que, d'ici bientôt, on devra faire
préciser cette question par les tribunaux. On vous dit respectueusement
que si vous pouvez éviter ces difficultés d'interprétation
en précisant votre pensée, vous rendrez service à tout le
monde.
M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous des antécédents à
porter à la connaissance de la commission démontrant que les
optométristes ou le Collège des optométristes a
essayé d'inclure, dans la vision, la pathologie?
M. TELLIER: Je ne dirais pas cela de cette façon, je vous
réfère tout simplement vous pourrez le faire comme moi
à la transcription des Débats d'aujourd'hui; si vous le faites
dans ce contexte, vous serez frappé par la fréquence, dans les
débats de ce matin, de l'utilisation des mots "pathologie, soin,
thérapeutique".
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez souligné dans vos parenthèses,
que les optométristes avaient mentionné ce matin qu'ils avaient
avec leurs patients un contrat de résultat. Je comprends que vous
êtes avocat et que vous interprétez les mots toujours d'une
façon légale...
M. TELLIER: Non.
M. SAINT-GERMAIN: ... mais est-ce que "contrat de résultat" ne
vous a pas semblé vouloir dire que le patient va voir un
optométriste en vue, du moins à son idée, de la correction
d'un trouble de la vision et qu'il croit l'optométriste assez
responsable pour lui donner satisfaction?
M. TELLIER: Je ne partage pas votre opinion, monsieur, parce que
n'importe quel citoyen qui va voir n'importe quel professionnel ne peut
s'attendre qu'à une chose, que le professionnel s'engage
vis-à-vis de lui à prendre tous les moyens en sa possession pour
lui donner satisfaction, mais jamais un professionnel sérieux et
compétent ne pourra lui garantir un résultat, en aucun cas.
M. SAINT-GERMAIN: Dans la question de relations entre les deux
professions, vous avez mentionné les relations que l'Association des
ophtalmologistes avait eues avec M. Gauthier et l'Association des
optométristes. Ici, j'ai un document, une lettre en date du 1er mai 1969
adressée à vos confrères ophtalmologistes et qui dit, si
vous me permettez, M. le Président: "Nos discussions avec l'Association
des optométristes se sont poursuivies depuis notre dernière
assemblée générale. M. André Gauthier,
président de l'Association des optométristes et moi-même
sommes allés rencontrer M. Gaudry, recteur de l'Université de
Montréal, pour discuter de l'orientation que devrait prendre l'Ecole
d'opto-métrie. "M. le recteur a bien semblé comprendre le
problème et il nous a dit qu'advenant la présentation d'un
mémoire conjoint des ophtalmologistes et des optométristes, les
recommandations qui seraient contenues dans ce mémoire auraient
d'excellentes chances d'être mises en force par l'université.
Veuillez trouver ci-inclus un document de base pour discussion qui a
été échangé avec l'Association des
optométristes. Ce document a été accepté en
principe par ces derniers".
Enfin, je n'ai pas demandé à M. Gauthier, ce matin, s'il
avait en principe accepté ce document ou non. Voici en partie la teneur
du document. On dit: "Au cours de réunions et de discussions officieuses
de représentants des deux associations, il a semblé possible
d'arriver à des points communs d'entente sur la façon dont
l'optométrie, pour une bonne part...
M. TELLIER: Excusez-moi, monsieur. Pourriez-vous parler un peu plus
fort? Le système de haut-parleurs arrive en arrière de nous et
nous vous entendons à peine.
M. SAINT-GERMAIN: ... pourrait se joindre à l'équipe
ophtalmologique. Il fut convenu que, de part et d'autre, chaque groupe
préparerait une ébauche de planification dans ce sens, en
considérant les trois points suivants: premièrement, rôle
et statut de l'optométriste qui accepterait de faire partie de
l'équipe ophtalmologique; deuxièmement, réorganisation et
orientation future de l'enseignement de l'optométrie;
troisièmement, façon dont le rôle de l'optométriste,
en pratique privée, pourrait être mieux défini et ses
relations améliorées avec l'ophtalmologiste. Les ophtalmologistes
du Québec, conscients du climat ingrat et souvent frustrant dans lequel
bon nombre d'optométristes doivent travailler, sont heureux que
l'Association professionnelle des optométristes, par l'entremise de
quelques membres de son exécutif, ait manifesté le désir
de prendre les moyens nécessaires pour modifier de façon
significative cette situation. Il est, toutefois, certains principes qu'il
faudra accepter si on veut que les efforts déployés ne le soient
pas en vain. C'est ainsi que l'optométriste devra au départ
accepter l'autori- té de l'ophtalmologiste sous lequel il aura choisi de
travailler et que l'ophtalmologiste devra avoir pour l'optométriste la
considération à laquelle celui-ci a droit de par sa formation et
son statut professionnel. "Premièrement, l'optométriste au sein
de l'équipe médicale ophtalmologique. De par sa formation,
l'optométriste aurait la réfraction pour fonction principale dans
une équipe ophtalmologique. Toutefois, d'autres champs d'action pourront
lui être accessibles. Il est tout probable qu'advenant l'entrée
d'optométristes dans le groupe médical des cours de
perfectionnement leur seront offerts afin qu'ils puissent développer
leurs connaissances et s'adapter de façon plus valable au travail
clinique. "On peut facilement envisager que certains optométristes
entreprendront, par exemple, de se perfectionner dans le domaine du champ
visuel, de la tonographie, de l'exploration poussée des discomatopsies,
etc. Dans les hôpitaux, les activités des services
ophtalmologiques, réunions scientifiques, conférences, etc., leur
seront accessibles. "Du point de vue honoraires, le salariat sera sans doute la
seule méthode logique de rétribution."
Au tout début, on voit que l'ophtalmologie ne veut pas respecter
l'autonomie professionnelle des optométristes. Cela me semble
évident, puisqu'au tout départ on passe comme condition de base
qu'on devrait reconnaître la supériorité de
l'ophtalmologiste. En plus de ce facteur, on dit que la seule méthode de
rétribution logique sera le salariat. Si, dans l'intérêt du
public, le salariat est la seule façon de rétribuer
l'optométriste, pour quelle raison n'en serait-il pas de même pour
l'ophtalmologiste?
M. MATHIEU: Je pense que nous entrons dans des considérations qui
ne sont pas à propos, actuellement. Je vous remercie d'avoir lu ce
document et d'en avoir fait prendre connaissance à ceux qui sont
à la commission, ce qui prouve que nous étions effectivement
rendus à des ententes qui auraient pu certainement donner des
résultats, mais qui, par un concours de circonstances, ont
été interrompues, à un moment donné. Comme vous
l'avez fait bien gentiment, M. Saint-Germain, quand on lit ce texte-là,
on voit qu'il y a quand même des possibilités d'entente. Ce que je
veux dire, c'est que nous sommes toujours dans les mêmes dispositions et
que ces échanges pourraient être repris. Evidemment, avec le
climat qui a changé, nous pourrions modifier certaines phrases, etc.
J'espère que les gens de cette commission verront que l'ophtalmologie
n'a pas fermé la porte et accepte de trouver avec l'optométrie
des moyens de s'entendre et de travailler en équipe. Je pense que c'est
le but que nous avons et que nous devrions avoir mutuellement.
Il y a de petites difficultés. Il s'est créé
certaines antipathies, pour ne pas dire certaines allergies, mais à tout
bobo on peut trouver un
remède et, personnellement, je reste disponible pour
échanger des opinions, avec des gens qui veulent discuter de choses
sérieuses, de modalités d'entente. On nous fait le reproche
d'être fermés, d'être hermétiquement clos à
tout procédé. M. Saint-Germain, vous venez de lire un document
qui prouve exactement le contraire.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je lis ce document. Depuis le
commencement de nos travaux on a attaché énormément
d'importance au sujet des relations entre les ophtalmologistes et les
optométristes. Je crois que si nous l'avons fait, c'est que la victime
de ce manque de relations amicales ou compréhensives, c'est le public.
Les membres de la commission se sont montrés curieux et ont
semblé vouloir analyser le pourquoi de ce mécontentement. Je
crois qu'en prenant connaissance de ce document on peut au moins sentir, voir
dans quelle situation les optométristes se trouvent dans leurs relations
avec les ophtalmologistes. C'est la raison pour laquelle je le lis, et j'ai
posé aux ophtalmologistes une question bien précise: Pourquoi,
dans l'intérêt public, en arrivent-ils à dire que les
optométristes devraient être des salariés ou être
rémunérés à salaire et pourquoi ne fait-on pas la
même déduction pour les ophtalmologistes?
M. TELLIER: M. le Président, si vous le permettez, je vais
répondre à ceci. Ce document date de 1969 et ce n'est pas un
document qui a été signé. C'est un projet qui a
été mis de l'avant et ce sont peut-être même des
optométristes qui l'ont fait. Je ne le sais pas, mais une chose est
certaine...
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je ne crois pas que l'on doive
parler pour ne rien dire. Je crois que M. Tellier devrait se renseigner
auprès de l'Association des optalmologistes pour savoir ce qui se passe
à l'intérieur de l'association qu'il représente
aujourd'hui. C'est un document extrêmement important et vous devriez
savoir si ce document...
M. TELLIER: Il n'est même pas signé.
M. SAINT-GERMAIN: ... a été envoyé par les
ophtalmologistes ou non.
M. TELLIER: J'en ai une copie, mais elle n'est pas signée. Le
document n'a jamais été signé.
M. SAINT-GERMAIN: C'esn entendu qu'il n'est pas signé, je l'ai
même fait remarquer, mais il a été envoyé aux
ophtalmologistes. Il faut un minimum d'honnêteté.
M. TELLIER: C'est un projet. Cette question a été
débattue à l'époque antérieure à
l'assurance-maladie. L'assurance-maladie est venue régler un
problème par la négociation d'une convention collective où
les optométristes se sont vu reconnaître des honoraires à
l'acte. Mais à ce moment-là aucun guide juridique ne pouvait
prévoir une autre formule. Vous vous formalisez, mais il y a des
médecins qui, à certaines périodes, parce qu'ils avaient
des fonctions telles dans l'équipe thérapeutique qu'il
était difficile d'évaluer leurs honoraires en fonction de l'acte
professionnel, étaient payés à salaire. Vous avez le cas
des psychiatres, des pneumologues, des radiologistes, un temps, etc. Il n'y a
rien, je pense, de vexant ou de vexatoire dans une telle disposition. Vous
soulevez ça; je vais vous en soulever d'autres et je vais vous dire que,
par exemple, on parle de l'intégration des optométristes dans les
milieux hospitaliers. Cela ne relève pas uniquement des chambres
professionnelles parce que le bill 65 prévoit que cette question de
l'organisation scientifique de l'hôpital et des soins relève du
conseil consultatif des professionnels. Ce sont eux qui, en définitive,
vont établir à l'intérieur de leur établissement
leur propre déontologie. De la même façon que le
médecin qui, en théorie, de par la loi, a le droit de poser
n'importe quel acte médical dans son milieu hospitalier se voit
restreindre ses privilèges et limiter certaines fonctions. Il est normal
qu'à un moment donné, si on parle en termes d'intégration,
par exemple, de l'optométriste à un milieu hospitalier,
nonobstant les pouvoirs, les privilèges et les droits qu'il a en vertu
de la loi, il y ait par le fait même et par le phénomène de
l'intégration une certaine restriction, comme c'est le cas pour tous les
autres professionnels oeuvrant en milieu de santé. Vous avez le cas de
l'équipe multiprofessionnelle dont il existe de nombreux exemples. Vous
avez, dans les milieux psychiatriques, les psychologues, les criminologues, les
sociologues qui participent à une équipe thérapeutique
sous la direction d'un médecin, chacun travaillant en équipe.
Il n'y a pas dans le document que vous lisez, de quoi s'offusquer si ce
n'est que cela fait la preuve qu'il y a eu des pourparlers et qu'il faut
espérer que ceux-ci se perpétuent et en arrivent à des
conclusions.
M. SAINT-GERMAIN: J'ai posé une question bien précise. Si
on ne peut pas me donner de réponse précise, je passerai au
deuxième point de cette missive: "Réorganisation et orientation
futures de l'enseignement de l'optométrie. Compte tenu de la situation
actuelle et des avantages que pourra constituer tant pour l'optométriste
que pour la population en général son intégration dans
l'équipe médicale, l'enseignement de l'optométrie devra
désormais être orienté vers la formation
d'optométristes uniquement destinés à l'intégration
dans l'équipe ophtalmologiste. Il nous semblerait absolument
inconcevable que l'Ecole d'optométrie puisse former en même temps
des individus qui
s'intégreraient dans l'équipe ophtalmologique et d'autres
qui pourraient aller en pratique libre, car l'enseignement ne pourrait
être le même pour chacun de ces deux groupes. Afin de
réaliser complètement l'objectif pour lequel elle serait
réorganisée, à savoir la formation d'optométristes
intégrés à l'équipe ophtalmologique, il serait
nécessaire que l'Ecole d'optométrie soit sous l'autorité
de la faculté de médecine..." J'ai bien dit que l'Ecole
d'optométrie soit sous l'autorité de la faculté de
médecine ..." et elle pourrait s'intégrer au
département d'ophtalmologie. Le nombre d'inscriptions permises au niveau
de cette école devrait être basé sur la demande afin de ne
pas entraîner une surproduction inutile et dangereuse de
gradués."
Cela est inutile parce que si cela relève de la faculté de
médecine, il n'y a jamais eu trop de diplômés en
médecine. Il n'y en aura pas plus en optométrie.
Mais de toute façon, ce qui me surprend, c'est ceci: Vous avez
dit tout à l'heure qu'il n'était pas dans vos habitudes de vous
mêler des choses des autres professions. Je me demande à quel
titre, l'Association des ophtalmologistes qui est un syndicat, qui a comme but
principal de voir à l'intérêt de ses membres, puisse avoir
la compétence et le front d'aller dire aux optométristes quelle
sorte d'école ils doivent avoir. Je ne comprends rien.
M. MATHIEU: Si vous aviez assisté aux réunions, M.
Saint-Germain, vous seriez peut-être en mesure de mieux comprendre. Cela
a été l'aboutissement de longues discussions, d'essayer de voir
comment on pourrait orienter l'optométrie dans un sens qui lui
permettrait justement de s'intégrer plus facilement dans
l'équipe. Ce sont des modalités que nous avons pensé
possibles, modalités qui, jusqu'à un certain point,
n'étaient pas complètement refusées par nos.
interlocuteurs à ce moment-là, à tel point que, comme vous
l'avez dit, je suis allé avec M. Gauthier rencontrer le recteur de
l'université pour voir si, en soumettant un plan conjoint, pour une
modification de l'enseignement au niveau de l'école d'optométrie,
l'université serait prête à l'accepter, et le recteur nous
avait dit: Si, effectivement, vos deux groupes fournissent un mémoire
suggérant des changements dans l'enseignement, nous serons, je crois,
très contents et nous pourrons mettre effectivement ces recommandations
en pratique.
Je pense que, de ce document, vous voulez essayer de tirer des
conclusions à savoir que nous essayons d'opprimer l'optométrie.
Je crois que ce document n'a aucunement cette intention, et vous l'utilisez
à mauvais escient. C'est un document qui a résulté de
longues discussions et qui était une ébauche de
planification.
M. SAINT-GERMAIN: Un document de base.
M. MATHIEU: Pardon?
M. SAINT-GERMAIN: On dit ici dans la lettre que c'est un document de
base en vue de discussions futures.
M. MATHIEU: Certainement.
M. SAINT-GERMAIN: Troisièmement: "Rôle de
l'optométriste en pratique privée. Il est probable que les
services d'ophtalmologie hospitalière et privée de même que
les exigences de l'hygiène scolaire et celle du département des
véhicules moteurs ne soient pas actuellement en mesure d'absorber tous
les optométristes de la province de Québec. Il est certain, par
ailleurs, que bon nombre d'optométristes ne sont pas pour le moment
intéressés à s'intégrer à l'équipe
ophtalmologique". Moi, le premier. "Il faut donc admettre qu'une bonne
proportion des optométristes continueront de pratiquer en
clientèle privée comme ils le font actuellement. Il semblerait,
toutefois, qu'il soit possible d'organiser une certaine intégration
d'autorité entre le ou les ophtalmologistes et des optométristes
pratiquant dans une même région?
C'est ainsi que, dans des centres où il y a des ophtalmologistes
et même des organisations hospitalières d'ophtalmologie, il serait
possible de concevoir et de réaliser une intégration sur le plan
des responsabilités entre des optométristes et ce centre
médical ophtalmologique. Cette façon de procéder
permettrait à ces optométristes de réaliser, de
façon plus valable, leur rôle. Alors, comment voulez-vous que les
optométristes, qui ont une profession libre actuellement, qui donnent
à la population un service total, indépendamment de toute
profession, qui sont responsables vis-à-vis du public et le
législateur de leurs actes, commencent à dialoguer avec un tel
document? Est-ce que vous croyez que ce soit propice à la bonne entente
entre les optométristes et les ophtalmologistes? Pour que
l'optométriste puisse travailler avec l'ophtalmologiste, quelles sont
les raisons qui font qu'il doive pratiquement se prostituer ou
disparaître, comme il vit, comme il est ou comme il existe actuellement?
Il faut qu'il sacrifie son école, il faut qu'il sacrifie son
indépendance personnelle, il faut qu'il admette l'autorité de
l'ophtalmologiste qui n'y connaît pas plus que lui en optométrie,
et ça me semble être absolument évident. Alors, comment
voulez-vous arriver et dialoguer dans des conditions semblables? Un homme qui
se respecte...
M. MATHIEU: Je pense qu'avec vous, cela aurait été
difficile, mais avec ceux que nous avons rencontrés dans le temps, cela
a été assez facile d'au moins discuter et d'arriver à
certaines lignes, certains documents, comme vous dites, documents de base qui
n'étaient pas nécessairement des documents définitifs. Je
vous remercie de l'avoir apporté, M. Saint-Germain, parce que, encore
une fois, malgré
que vous ne l'aimiez pas, il y avait des optométristes qui le
trouvaient pas trop mal, dans le temps. Peut-être qu'aujourd'hui avec les
nouvelles lois, ils en sentent moins le besoin. Peut-être que la
formulation aurait besoin d'être changée. Mais cela prouve
et vous le prouvez d'une façon évidente j'espère,
à ceux qui en doutaient, que nous avons fait réellement des
échanges basés sur autre chose que des sourires, des regards ou
des grimaces.
M. SAINT-GERMAIN: Oui, cela me semble évident. Vous avez bien
raison de dire que je n'aurais pas accepté une discussion,
personnellement, si j'avais été responsable vis-à-vis des
optométristes.
M. MATHIEU: Nous considérons que vous, vous n'êtes pas
intégrable.
M. SAINT-GERMAIN: Non, monsieur, pas à cette époque. Je
suis intégrable, croyez-moi, mais pas à ces conditions-là,
pour aucune considération.
M. LE PRESIDENT: La parole...
M. SAINT-GERMAIN: Excusez-moi. Vous avez parlé de
rééducation visuelle et d'orthopti-que. Comment se fait-il que,
par la loi, vous voudriez que vos techniciennes puissent avoir le droit de
pratiquer l'orthoptique, sous votre juridiction, et que vous voulez
empêcher les optométristes, qui sont, si je ne m'abuse, beaucoup
plus compétents que vos techniciennes, de faire le même
travail?
M. MATHIEU: C'est que les techniciennes qui travaillent pour le compte
d'un opthalmologiste n'assument aucune responsabilité dans le traitement
proprement dit. Ce ne sont pas elles qui décident de le prescrire, elles
le font sous surveillance, et c'est l'ophtalmologiste qui en interprète
et évalue les résultats.
M. SAINT-GERMAIN: Quelles sont les études et les connaissances
actuelles de l'ophtalmologiste en ce qui regarde l'orthoptique que les
optométristes n'ont pas?
M. MATHIEU: Je pense qu'on vous a expliqué tout à l'heure
que, dans ce domaine, il y avait dans le milieu de l'optométrie
différentes écoles qui n'avaient pas retenu l'attention de tout
le monde, et que même le gouvernement n'avait pas cru bon de confier aux
optométristes le soin de cette rééducation visuelle.
M. SAINT-GERMAIN: Parce que la rééducation visuelle, ce
sont les optométristes qui, les premiers, l'ont amenée à
Montréal, et ce sont eux qui l'ont toujours développée en
Amérique du Nord.
M. MATHIEU: La seule chose, c'est qu'il leur reste à prouver que
c'est valable, et c'est ce qui n'a pas été fait encore.
M. SAINT-GERMAIN: Vous appelez ça de l'orthoptique.
M. MATHIEU: Non, ce que font les optométristes et que vous
appelez la nouveauté qu'ils ont inventée, je n'appelle pas
ça de l'orthoptique; ça s'appelle de la visiologie, et vous le
savez comme moi. Est-ce que vous en faites, vous, monsieur, de la
visiologie?
M. SAINT-GERMAIN: Non, je n'en fais pas.
M. MATHIEU: Parce que vous n'avez pas confiance à ça ou
quoi?
M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas parce que je ne fais pas de visiologie
que je dois perdre tous mes droits acquis. Ce n'est pas parce que je ne fais
pas de visiologie que je ne rends pas service à la population.
M. MATHIEU: Est-ce que vous approuvez la visiologie comme telle?
M. SAINT-GERMAIN: Disons que, chez vous comme chez moi, il y a des
choses qui se passent qu'on ne peut pas toujours approuver. Mais on ne peut pas
tirer de conclusions générales à partir d'exceptions.
M. MATHIEU: Je suis tout à fait du même avis que vous,
monsieur. C'est pour ça qu'actuellement j'estime qu'on ne peut pas
approuver "at large" ce qu'on appelle, sans la définir et sans
d'ailleurs la réglementer, la rééducation visuelle. Comme
l'a dit M. Gauthier je suis tout à fait d'accord avec lui
cette rééducation visuelle a besoin d'être
réglementée avant d'être acceptable.
M. SAINT-GERMAIN: Vous voyez qu'il y a des points sur lesquels nous
pouvons nous entendre.
M. MATHIEU: Certainement.
M. SAINT-GERMAIN: D'après la définition que vous apportez
ici, les optométristes devront s'occuper exclusivement d'acuité
visuelle. Vous leur permettez ça?
M. MATHIEU: Je pense que vous nous lisez mal, M. le
député, parce que nous allons quand même plus loin que
ça. Nous ajoutons à cette question d'acuité visuelle, qui
est un fait existant à l'heure actuelle, quatre éléments
qui sont empruntés à la notion plus générale de
vision.
M. SAINT-GERMAIN: Les optométristes aimeraient bien
améliorer leurs connaissances au point de vue de la pathologie de
façon à être capables de déceler si un oeil est
malade ou ne
l'est pas, et ceci dans le meilleur intérêt de la
population. Vous avez donné les raisons pour lesquelles les
ophtalmologistes ne doivent pas coopérer à enseigner la
pathologie aux optométristes. Vous me direz si c'est exact ou non. Vous
acceptez les optométristes selon la définition que vous en donnez
ici, mais vous voudriez que ces gens soient tout à fait ignares des
questions pathologiques et qu'ils ne puissent avoir aucune façon,
lorsqu'ils prescrivent ou donnent des verres à leurs patients, de
déceler si un oeil est malade ou pas.
M. MATHIEU: La Société canadienne d'ophtalmologie et
l'Association médicale canadienne ont suggéré une liste de
critères qui permettraient à l'optométriste de
déceler au moins la majorité, sinon la très grande
majorité, des cas de pathologie. C'est clair, net et précis. Si
les optométristes suivaient ces critères, il y aurait très
peu de pathologie qui leur échapperait. La pathologie qui leur
échapperait au début, ce serait des cas qui pourraient même
nous échapper à nous.
Les critères que nous suggérons nous ne voyons pas
pourquoi l'optométrie ne veut pas les accepter comme mode de travail
permettraient à l'optométriste, sans
nécessité d'avoir une connaissance accrue de la pathologie
oculaire, de dépister tous les cas ou la majorité des cas qui
présentent une pathologie oculaire. Les optométristes n'ont
jamais voulu accepter ces critères. Ils prétendent que c'est leur
imposer une contrainte qui les déshonore.
M. SAINT-GERMAIN: Vous admettez en principe que les optométristes
doivent avoir les qualifications voulues pour déceler la pathologie,
mais vous ne voulez pas les aider à ce faire.
M. MATHIEU: De par sa formation qui lui permet de juger de
l'acuité visuelle, d'éliminer la réfraction comme trouble
de baisse visuelle et avec les critères que nous
énumérons, l'optométriste a tout ce qu'il faut pour
dépister la très grande majorité de la pathologie
oculaire. Lui enseigner plus de pathologie ne changerait absolument rien, parce
qu'on ne pourrait jamais lui en enseigner assez pour qu'il soit
véritablement compétent.
M. SAINT-GERMAIN: Vous croyez qu'actuellement les optométristes
sont compétents à déceler la pathologie?
M. MATHIEU: C'est ce qu'ils nous disent. Ce matin, nous vons entendu les
optométristes dire: Nous, nous sommes compétents pour
déceler la pathologie. Nous le faisons tous les jours.
M. SAINT-GERMAIN: Et c'est la aison pour laquelle...
M. MATHIEU: Vous, M. Saint-Germain, est-ce que vous êtes
compétent pour déceler la pathologie?
M. SAINT-GERMAIN: J'aimerais bien que...
M. MATHIEU: Non, mais, actuellement, est-ce que...
M. SAINT-GERMAIN: ... avoir la coopération des ophtalmologistes
avec les optométristes.
M. MATHIEU: ... vous trouvez que vous êtes capables en
général de déceler la plupart des pathologies, que vous
êtes capable de les référer ou si vous en êtes
incapable?
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, premièrement...
M. LE PRESIDENT: Une minute! Vous n'avez pas le droit de nous poser des
questions. C'est nous qui posons les questions. Je ne veux pas que ça
dégénère en débat. Avez-vous une question?
M. SAINT-GERMAIN: Oui, on n'a pas répondu à ma question.
Les ophtalmologistes n'ayant pas la possession exclusive des sciences humaines
les sciences sont au service de la population ils admettent que
les optométristes devraient être compétents à
déceler la pathologie, alors je me demande, dans l'intérêt
public, pour quelle raison ils refusent de coopérer à ce niveau
avec les optométristes.
M. MATHIEU: Qu'est-ce que vous entendez par "refusent de
coopérer"?
M. SAINT-GERMAIN: De leur enseigner au niveau de l'école au
moins, et même dans la pratique privée.
M. MATHIEU: Je crois que j'ai donné suffisamment de raisons. La
seule chose que je peux faire, si vous voulez me faire répéter
encore une fois, ça fait à peu près deux fois que je les
répète, si quelqu'un voulait prendre des notes, on serait certain
que quelqu'un a les raisons. Je ne voudrais pas qu'on aboutisse encore à
cette chicane qui dure depuis des années. Nous sommes venus ici
présenter des points précis et je ne suis pas
intéressé à faire un autre débat.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny a des
question.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, on a parlé de la
définition, on a dit d'un côté que la définition
était restrictive et de l'autre côté vous prétendez
qu'elle élargit déjà le champ d'exercice de la profession.
Avant qu'une définition ne soit retenue par le législateur, je ne
sais pas si vous me permettriez, M. le Président, de demander au
ministre, qui est le
législateur, quelle est son intention. Si c'est l'intention de
restreindre ou d'élargir, ça pourrait peut-être faire
jurisprudence et on n'aura pas besoin d'interpréter plus tard la
définition.
M. TELLIER: La jurisprudence est à l'effet qu'on ne peut pas se
servir des déclarations pour interpréter l'intention du
législateur.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais elle n'est pas adoptée, la
législation. Je veux connaître l'intention du législateur
avant...
M. TELLIER: ... on a voulu assigner les ministres qui avaient
proposé au gouvernement fédéral une législation
pour savoir ce qu'ils avaient à l'idée quand ils ont
déposé le bill et ils n'ont jamais pu être entendus.
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre va nous le dire.
M. CASTONGUAY: Je peux vous faire la réponse suivante, M. le
député, c'est que je vais référer les arguments qui
ont été apportés aux légistes sur ce point
précis de la signification du terme "vision" et je vais me fier à
leur analyse avant que nous allions plus loin. Je ne voudrais pas me prononcer
moi-même sur cette question.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous pourriez peut-être associer à
vos discussions l'Office de la langue française.
M. TELLIER: Je pourrais peut-être ajouter ceci pour le
bénéfice de M. Cloutier. Dans un cas comme celui-là,
où on emploie un mot qui peut avoir une consonance technique, il est
alors permis devant les tribunaux de faire la preuve par expert de ce que le
mot peut vouloir dire; et là, on pourrait faire venir
desophtalmologistes de différentes parties du pays, comme il m'est
arrivé il n'y a pas longtemps, et d'avoir une cause où il fallait
définir l'expression "gaz" au sens d'une loi provinciale. On avait des
experts chimistes pour le développer. C'est pour ça que nous vous
faisons la proposition de clarifier cette difficulté.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'ailleurs, ça va se poser pour d'autres
lois spécifiques. Je voudrais poser une deuxième question. Est-ce
que, dans votre idée, Dr Mathieu, l'une des professions est
dépendante de l'autre dans le champ d'exercice conjoint? Pour ce qui est
permis actuellement par la Loi de l'optométrie, est-ce que, dans votre
opinion, il y aune profession qui est reliée et subordonnée
à l'autre indépendamment de ce qu'on a entendu tantôt, des
documents de travail qui proposaient l'intégration? Faisant abstraction
de ça, est-ce que vous pourriez répondre à cette
question?
M. MATHIEU: Si, actuellement, une profession est subordonnée
à l'autre?
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans votre opinion à vous.
M. MATHIEU: Non, je ne le pense pas. Actuellement, il est certain que
l'optométrie n'est pas subordonnée à l'ophtalmologie. Si
l'optométrie, comme il semble et comme nous le désirons aussi,
veut s'intégrer dans une espèce d'équipe
multidisciplinaire, il n'existe pas d'équipe avec simplement des chefs
et pas de gens en dessous, une tribu avec des chefs seulement et pas
d'Indiens...
Comme le disait Me Tellier, dans toutes les équipes qui existent
actuellement, comme dans une équipe psychiatrique, il y a des
psychologues qui sont des professionnels et qui ont une formation. Ces
gens-là acceptent, d'une certaine façon, qu'il y ait une
autorité. Cela ne veut pas dire que si l'optométriste, à
un moment donné, fait partie de l'équipe et qu'il accepte, d'une
certaine façon, l'autorité de l'ophtalmologiste, que
l'ophtalmologiste va passer son temps à le faire mettre à genoux,
tous les matins, et à lui dire: Salue ton maître! Il faut qu'il y
ait une autorité quelque part si on veut qu'une équipe
fonctionne. Et je pense que la formation de l'ophtalmologiste étant
beaucoup plus vaste que celle de l'optométriste quelqu'un ici
peut-il me prouver le contraire? si quelqu'un doit prendre la
responsabilité de l'autorité dans une équipe, ce doit
être l'ophtalmologiste.
Si vous pensez, dans certains milieux, dans certains
établissements, organiser parallèlement un service
d'optométrie et un service d'ophtalmologie, je vous assure au
départ que vous ne règlerez pas beaucoup de problèmes;
vous allez en créer bien plus que vous allez en régler. Si vous
n'êtes pas capables, au départ, de faire accepter de part et
d'autre une modalité. Mettez des services d'optométrie dans les
hôpitaux et dans les centres locaux de santé, etc.,
établissez-les et dites-leur: Vous êtes indépendants de
l'ophtalmologie, vous n'avez rien à entendre. Là, vous allez en
créer des problèmes je vous le dis tout de suite un
paquet de problèmes!
M. TELLIER: Si vous me permettez. Dans cette question d'équipe,
cela existe même à l'intérieur des différentes
disciplines de la médecine. Pensez-vous, par exemple, qu'un chirurgien
qui exerce dans un hôpital est bbre de tous ses mouvements? Il est
soumis, en quelque sorte, au rapport du pathologiste. Il est soumis, dans
l'exercice de sa profession, à tout un protocole opératoire,
à des règles internes, même si c'est le grand patron,
même si c'est le chef du département, etc.
Il y a dans la pratique d'une profession, peu importe ce qu'elle est,
des contraintes et des disciplines auxquelles il faut s'assujettir. Il ne faut
pas voir là une espèce d'élément
persécuteur. C'est normal aujourd'hui, dans les domaines scientifiques,
que de telles règles existent.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le secteur qui nous occupe
présentement, où vous évoluez, où les
optométristes évoluent, quelle est la proportion des actes
professionnels qui peuvent être posés également par
l'optométriste et par l'ophtalmologiste? Est-ce qu'il y a 50 p.c. des
actes dans ce secteur qui peuvent être posés par les deux?
M. MATHIEU: Selon mon opinion, actuellement, l'optométriste est
compétent pour pratiquer tous les actes qui se rapportent à
l'acuité visuelle et à la réfraction. Qu'un
optométriste étudie plus spécialement autre chose, cela ne
veut pas dire que toute la confrérie des optométristes devient
compétente dans ce domaine. Je pense que l'optométriste de base
est un homme qui a été formé dans le but de faire de la
réfraction. Si vous regardez un peu ce que font les optométristes
dans la province de Québec, la majorité font de la
réfraction presque exclusivement. C'est dans ce domaine qu'actuellement
ils pratiquent.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas tout à fait le sens de ma
question, Dr Mathieu. On a des statistiques de l'assurance-maladie, on en a
fait état aujourd'hui. Disons qu'on les accepte pour fins de discussion;
dans le secteur qu'on étudie actuellement il y a des actes qui
relèvent de la pathologie, ce sont les ophtalmologistes qui y sont
habilités par leur formation. Vous avez un secteur de la
réfraction où, actuellement, les optométristes et les
ophtalmologistes évoluent également.
M. MATHIEU: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans la masse d'actes, dans la pathologie qui a
trait à la vision mais que vous pouvez poser ensemble globalement,
quelle est la proportion d'actes qui peuvent être posés et par les
optométristes, s'ils sont habilités à le faire, et par les
ophtalmologistes?
M. MATHIEU: Vous voulez dire légalement, actuellement?
M. CLOUTIER (Montmagny): Légalement, oui.
M. MATHIEU: L'entente qui a été signée entre les
optométristes et le gouvernement leur donne le droit de faire certains
actes comme le champ visuel, l'étude de la motilité oculaire,
l'étude de la vision des couleurs.
Nous croyons que certains de ces actes, l'optométriste n'a pas la
formation nécessaire pour les faire, pour en poser les indications et
les interpréter. Nous le discutons dans notre mémoire. Les actes
que nous croyons que l'optométriste, actuellement, est qualifié
et compétent à faire se limitent à la capacité de
faire tous les actes qui ont trait à la réfraction.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vais poser ma question autrement, Dr
Mathieu. Vous avez un ophtalmologiste qui pratique n'importe où en
province; dans une année, quelle est la proportion des actes qu'il pose?
Est-ce que 50 p.c. des actes qui ont trait à la réfraction
peuvent également être posés par l'optométriste?
C'est le sens de ma question. Je prends une moyenne.
M. MATHIEU: Ce matin, on a dit que l'évaluation montrait que,
parmi les actes que faisaient les ophtalmologistes, il n'y en avait que 7 p.c.
qui étaient de la chirurgie.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, j'avais retenu les statistiques.
M. MATHIEU: Il n'y a pas seulement la chirurgie. Il y a tous les
traitements médicaux. On n'opère pas tous les malades qui ont
quelque chose de pathologique; un glaucome se traite longtemps; une
conjonctivite et toutes les pathologies régulières se traitent.
Quel est le pourcentage? Moi, je ne sais pas, je ne peux pas vous le dire
actuellement. Je suis certain que, parmi les actes que posent les
ophtalmologistes, au-delà de 50 p.c. ont trait à la pathologie
oculaire. Quelle est la proportion qui se résume à une simple
réfraction? Je n'ai pas les chiffres actuellement. Je ne peux pas vous
le dire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous ne pouvez pas avancer de pourcentage?
M. MATHIEU: Je pourrais vous en avancer, mais j'aimerais mieux
être certain plutôt que de vous dire un chiffre à peu
près.
M. CLOUTIER (Montmagny): Voici pourquoi je pose la question, Dr Mathieu.
D'une part, vous avez les professionnels qui sont devant nous, vous êtes
les ophtalmologistes qui avez une formation de neuf ans, cinq ans de
médecine, quatre ans de spécialisation. Vous avez d'autre part,
les optométristes qui ont trois ans de formation universitaire. Vous
avez neuf ans d'un côté et trois ans de l'autre. Vous avez des
professionnels qui sont habilités, tous les deux groupes, à
donner des services dans un domaine particulier et peuvent tous les deux
légalement, donner ces services. Je me demande s'il n'y a pas une
disproportion entre, d'un côté, la formation qui est donnée
à un groupe de spécialistes par rapport à toutes les
tâches qu'ils peuvent faire. Je ne mets pas en cause la formation que
vous recevez pour la pathologie, mais peut-être avez-vous une formation
qui est trop poussée pour la réfraction. D'autre part, je me
demande si les optométristes, qui ont une formation de trois ans, ne
pourraient pas recevoir davantage de formation. C'est là que cela nous
amène au problème de la pathologie. Je ne serais pas consentant
à ce que les optométristes qui réclament des cours de
patho-
logie les aient. Le champ d'exercice de la loi pourrait les
empêcher de faire de la pathologie. C'est le sens de ma question. Je me
demande s'il n'y a pas un déséquilibre, si ce n'est pas le fond
de la question.
M. MATHIEU: C'est certain que quand un patient a été
examiné par un ophtalmologiste et que le résultat de l'examen
montre que c'est purement un taux de réfraction, il dit, ce bonhomme qui
a neuf ans de pratique: Il aurait été mieux que ce patient soit
examiné par un optométriste. Avant de partir, il ne savait pas
qu'il ne s'agissait que d'un trouble de réfraction. Bien des gens
viennent chez nous simplement pour changer leurs lunettes, on les examine et on
trouve qu'ils commencent à faire un glaucome. Ce n'est pas facile. Je
suis conscient du fait que nous faisons des examens qui, une fois faits, nous
prouvent qu'ils auraient pu être faits par un optométriste. Il y a
quand même la liberté de choix de l'individu. Comment
décider d'avance ce qui est simplement un cas de réfraction avant
de l'avoir examiné? C'est difficile. Je serais bien d'accord que si si
on pouvait trouver une formule qui permettrait de prendre tous les cas qui sont
simplement des cas de réfraction, les donner aux optométristes et
nous, voir plus de pathologie, je n'aurais pas d'objection.
Mais qui va faire la séparation au départ? C'est là
que ce n'est pas facile.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est là, à mon sens, que la
discussion qu'on a eue pour les soins de première ligne est importante.
C'est là que les optométristes devront peut-être avoir plus
de connaissances en pathologie pour faire la référence. S'ils
sont mieux répartis sur le territoire, si ce sont eux qui sont en
Gaspésie, en Abitibi, ou au Lac-Saint-Jean et qui peuvent faire plus
facilement le dépistage ou l'information de première ligne, les
soins de première ligne, s'ils sont habilités à faire
cette référence, je pense que, comme pour l'omnipraticien et le
spécialiste, nous aurons un meilleur cheminement des patients vers les
spécialistes.
Vous, les ophtalmologistes, avec votre formation, vous pourrez vous
réserver des actes peut-être plus complexes. C'est le sens de la
question que j'ai posée.
M. MATHIEU: M. Cloutier, dans le document que M. Saint-Germain a
montré tout à l'heure, nous avions l'intention d'organiser une
corrélation non seulement avec les milieux hospitaliers, mais il y avait
un paragraphe qui traitait des médecins qui pratiquaient dans les
centres éloignés. Il y aura moyen, je pense, à un moment
donné, d'arriver à réaliser ce que vous dites, à
condition qu'il y ait une entente et que nous soyons capables de faire admettre
à l'optométriste qu'il y a, quand même, certaines
directives qu'il doit accepter. Jusqu'ici, nous avons eu affaire à des
gens qui disent: Moi, je ne veux pas entendre parler de personnes qui me diront
quoi faire; nous sommes une profession libre et indépendante, nous
n'avons d'ordre à recevoir de personne. C'est difficile de commencer
à dialoguer, quand le bonhomme dit: Je n'ai rien à recevoir de
toi. Tu n'as rien à me dire. Je suis indépendant; ton
côté, mon côté. Qu'allons-nous faire pour nous
entendre? C'est difficile.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit tantôt que l'incidence des
cas de pathologie, ici au Québec, était peut-être plus
considérable qu'on ne le pense et plus considérable qu'ailleurs.
Cela dépendrait de quoi?
M. MATHIEU: Cela dépend du fait que le Canadien français a
été laissé à lui-même pendant un grand nombre
d'années. Avec la consanguinité, il y a une foule de maladies
héréditaires qu'on retrouve de façon abondante,
particulièrement en Gaspésie. Il y a même des
épidémiologues qui ont pris comme sujet d'étude les
pathologies non seulement oculaires, mais systémiques des Canadiens
français parce que nous avons vécu en vase clos. Il y en a qui
voudraient tenir le vase encore plus fermé pendant un bout de temps,
puis le refermer davantage et mettre le couvercle dessus. Disons que c'est
à cause de la consanguinité que la pathologie et les maladies
congénitales sont beaucoup plus abondantes dans la province de
Québec que dans les autres provinces où l'on s'est marié
entre X, Y, Z.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas parce que nous regardons, des
choses que nous ne devrions pas regarder?
M. MATHIEU: Il y en a de moins en moins de ces choses, parce
qu'apparemment nous pouvons tout regarder maintenant.
M. LE PRESIDENT: Merci, docteur Mathieu. Au nom de la commission, je
vous remercie ainsi que votre groupe pour votre intervention.
Nous allons maintenant suspendre la commission pour cinq minutes avant
d'entendre l'Ecole d'optométrie de l'Université de
Montréal.
M. MATHIEU: Je vous remercie, messieurs, de votre bonne attention.
M. BLANK: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! Avant que vous ne
preniez la parole, M. Castonguay veut dire un mot.
M. CASTONGUAY: La semaine dernière, les membres de la commission
ont demandé s'ils pouvaient recevoir une copie du rapport Mireault sur
les aides-pharmaciens. On a communiqué avec le ministère du
Travail et nous avons reçu une copie de ce rapport. M. Mireault nous
dit que ce n'est pas un travail définitif et qu'il n'a pas
été poursuivi. Pour quelle raison? Je l'ignore. De toute
façon, le rapport, dans sa forme actuelle, existe. J'en ai fait faire
des copies et je les ai fait distribuer aux membres de la commission.
Ecole d'optométrie de l'Université de
Montréal
M. BEAULNE: MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord vous
présenter les personnes qui composent la délégation de
l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal. En
partant de l'extrême gauche, M. Jacques Létourneau, Ph. D.,
responsable de l'enseignement dans le domaine de la perception visuelle et des
méthodes quantitatives dans le secteur de la recherche; M. Armand
Bastien, optométriste et professeur dans les sciences cliniques;
à ma droite, M. Michel Mélodot, optométriste et Ph. D.,
responsable de l'enseignement de l'optique physiologique et du programme de
recherche; à l'extrême droite, M. Louis-Philippe Raymond,
également optométriste et professeur dans les sciences cliniques.
Je suis Claude Beaulne, directeur de l'Ecole d'optométrie de
l'Université de Montréal.
Qu'il nous soit d'abord permis de remercier les membres de cette
commission pour l'invitation qui nous est faite de développer certains
aspects de notre mémoire présenté en février
dernier. En premier lieu, au sujet du bill 250, j'aimerais souligner que
l'école d'optométrie est solidaire du mémoire
présenté par la Conférence des recteurs et principaux des
universités du Québec, qui a soulevé les trois points
suivants que je veux résumer très rapidement :
Premièrement, il existe déjà un cadre juridique
régissant le monde de l'enseignement supérieur et tout nouveau
projet de loi touchant les universités et leur rôle doit se
concevoir à l'intérieur de ce cadre pour éviter tout
dédoublement et pour préserver l'équilibre de
l'ensemble.
Deuxièmement, si ce premier principe n'est pas accepté, il
apparaît nécessaire, alors, que soit modifiée la
composition de l'office des professions pour inclure un représentant du
monde de l'enseignement.
Et, troisièmement, deux points spécifiques ont
été apportés par ce document: D'abord, que les stages de
formation continue relèvent des universités avec les corporations
professionnelles et, ensuite, à l'article 169 d) du bill 250, il faut
rétablir la mention de la nécessité de consulter les
établissements d'enseignement avant de reconnaître un
diplôme pour les fins d'obtention d'un permis.
En ce qui a trait au bill 250, nous avons abordé deux points: la
définition de l'optométrie et le titre professionnel. La
définition que nous voulons donner de l'optométrie provient de la
nature des soins visuels dont la population a besoin. L'incidence des troubles
visuels est beaucoup plus élevée que celle des maladies de l'oeil
à cause des conditions d'hygiène qui prévalent dans notre
société.
Les troubles visuels comprennent les erreurs de réfraction
je n'ai pas besoin de les énumérer ici les troubles de
vision binoculaire, tels le strabisme et l'amblyopie, les troubles perceptifs,
troubles lexiques, troubles de la vision des couleurs, troubles d'apprentissage
scolaire et le reste. Ces troubles s'étendent à une grande partie
de la population. Une étude américaine sur l'incidence des
erreurs de réfraction a démontré que plus de 90 p.c. des
habitants, après l'âge de 55 ans, étaient affectés.
Nous sommes convaincus que les soins visuels doivent aussi inclure la
prévention qui consiste, d'une part, en une bonne hygiène
visuelle dans le travail de près et, d'autre part, en la
détection précoce de toute anomalie de la vision, car des
études récentes ont démontré qu'une erreur de
réfraction comme l'astigmatisme, non détectée dans le bas
âge, produit des effets qui sont ensuite irréversibles.
En fonction des besoins déjà mentionnés
brièvement et des thérapeutiques nécessaires pour
remédier à ces besoins, nous proposons la définition
suivante qui est inscrite dans notre mémoire et que je me permets de
vous relire: "Constitue l'exercice de l'optométrie tout acte qui a pour
objet la vision et qui se rapporte à l'examen des yeux, l'analyse de
leurs fonctions et l'évaluation des problèmes visuels ainsi que
la prescription, l'usage et le contrôle de tous les moyens, autres que
l'usage de drogues, permettant l'amélioration et la correction de la
vision".
On note trois différences fondamentales entre cette
définition et celle qui a été incluse dans le projet de
loi 256.
D'abord, nous considérons que le public serait mieux servi, si
l'optométriste pouvait employer des drogues, afin de lui permettre de
reconnaître certaines affections de l'oeil.
La deuxième différence a trait à l'usage et au
contrôle de la lentille ophtalmique. Nous considérons que
l'optométriste devrait contrôler la prescription qu'il a
donnée et qu'il s'en rende responsable vis-à-vis du patient, afin
de fournir au patient les soins complets et valables.
La troisième différence a trait aux moyens
thérapeutiques autres que les lentilles ophtalmiques. Les lentilles
optalmiques ne constituent pas le seul moyen thérapeutique, il faut
aussi inclure l'orthoptique, la pléoptique et les autres méthodes
de rééducation visuelle. Dans le but de rendre ces services
à la population, l'Ecole d'optométrie de l'Université de
Montréal forme des optométristes depuis plus de 60 ans. Le
programme de cours de l'école d'optométrie est analogue à
celui d'autres universités américaines qui forment des
optométristes. Nous n'énumérerons pas tous ces cours qui
sont détaillés dans notre mémoire. Ces cours sont
divisés en trois grandes catégories: les sciences fondamentales,
l'optique physiologique et l'optométrie clinique.
Le programme d'enseignement de l'étudiant en optométrie
lui permet de connaître parfaitement bien la structure et la dioptrique
normale de l'oeil, les mécanismes de la vision binoculaire simple et
normale ainsi que l'effet de la thérapeutique sur ces
mécanismes.
Bref, il est renseigné sur la prévention, la correction et
la rééducation des problèmes d'intégrité et
de santé de tous les mécanismes visuels, car il a
étudié l'ensemble des connaissances organisées,
orientées qui ont trait à la vision.
L'enseignement de l'anatomie, de la physiologie, de la
bactériologie, de la pharmacologie et de la pathologie
générale et oculaire complètent les connaissances lui
permettant de déceler les conditions oculaires pathologiques.
L'instrumentation qu'utilise l'étudiant favorise la connaissance
des signes objectifs résultant de la pathologie et sa connaissance
profonde de la vision lui facilite l'observation de signes subjectifs.
L'école d'optométrie soutient donc, sans
hésitation, que grâce à cette formation, le
diplômé possède les connaissances requises pour effectuer
un diagnostic éliminatoire des pathologies oculaires.
En plus des connaissances acquises dans le domaine de la pathologie, la
formation théorique et clinique de l'étudiant dans toutes les
phases concernant les lentilles cornéennes, ordonnances, ajustement,
contrôle, en font un professionel compétent apte à
prescrire des verres de contact.
Le curriculum d'études dans ce secteur de l'activité
professionnelle optométrique est élaboré de façon
à donner à l'étudiant l'entraînement
nécessaire: anatomie et physiologie oculaire, optique des verres de
contact, topographie cornéenne, réaction des tissus
cornéens, pharmacologie, microbiologie et le reste.
L'Ecole d'optométrie il importe de ne pas l'oublier
est la seule institution universitaire à dispenser un enseignement
formel dans la pratique du verre de contact, et ce depuis plus de trente ans.
La prescription et l'ajustement des lentilles cornéennes exigent la
connaissance, le contrôle et la synchronisation de multiples
éléments ou facteurs, de telle sorte qu'on ne peut concevoir
qu'un tel service puisse être rendu autrement que sous la
responsabilité et la surveillance de la même personne. Dans
l'esprit des professeurs de l'Ecole d'optométrie, la vision est un
processus dynamique permettant la mobilisation optimum des capacités
d'action. Un concept positif, celui de l'amélioration des
capacités productives, préside à l'enseignement des
techniques d'entraînement visuel. L'entraînement visuel
répond aux exigences d'efficacité d'une société
hautement urbanisée, fortement scolarisée, axée sur une
productivité toujours plus grande. En augmentant le rendement, on
contribue automatiquement à l'amélioration du
bien-être.
Dans le but de donner une meilleure forma- tion clinique à ses
étudiants, l'Ecole d'optométrie souhaiterait qu'ils puissent
faire des stages dans les centres locaux de services communautaires et dans les
centres hospitaliers universitaires. L'étudiant pourrait ainsi
rencontrer un nombre de cas plus grand et plus varié. Il pourrait
s'intégrer à l'équipe des professionnels de la
santé et être plus en mesure de servir la communauté.
En ce qui a trait au deuxième point, soit l'usage du titre
professionnel, nous considérons qu'il serait injuste et discriminatoire
qu'un optométriste qui a obtenu un doctorat d'une université
reconnue ne puisse utiliser ce titre. En conséquence, nous recommandons
que l'article 22 du bill 256 se lise comme suit: Un optométriste peut,
relativement à l'exercice de sa profession, se désigner autrement
que comme optométriste s'il a complété des programmes
d'études approuvés, conduisant à un certificat de
spécialiste. Il est aussi autorisé à prendre le titre de
docteur ou une abréviation de ce titre s'il détient un doctorat
en optométrie d'une université reconnue.
Nous vous remercions de votre bienveillante attention et nous sommes
à votre disposition pour répondre à certaines
questions.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les représentants de l'Ecole
d'optométrie pour ce mémoire, M. le Président. Le
directeur de l'école nous a fait un exposé qui, je crois, est
clair. Je voudrais poser une seule question, à ce moment du moins. En ce
qui a trait à la question de la rééducation ou de
l'entraînement visuel, il y a eu des représentations divergentes
ou contradictoires. J'aimerais que vous me disiez, d'une façon plus
précise que vous l'avez fait dans votre intervention, si ce que vous
enseignez dans le domaine de la rééducation déborde ce qui
pourrait être compris dans le champ de l'orthoptique. Si cela
déborde ceci, dans quel type d'autres méthodes de
rééducation faites-vous cet enseignement, s'il vous
plaît?
M. BEAULNE: Je pense que je peux répondre de la façon
suivante. On a présenté devant vous ici aujourd'hui une
thèse qui tend à faire croire que la seule méthode de
rééducation qui puisse exister, c'est l'orthoptique.
L'orthoptique est une des formes de rééducation.
Il serait possible de développer, de vous faire connaître
différents moyens qui sont à la disposition de
l'optométriste pour utliser ce que, moi, j'appelle la
rééducation visuelle et qui comprend l'orthoptique, la
pléoptique et divers autres moyens de rééducation.
M. CASTONGUAY: Lorsque vous dites divers autres moyens, pourriez-vous
être plus explicite? Est-ce que ça touche ce qu'on a
appelé la visiologie et, si oui, pourriez-vous nous dire ce
qu'est la visiologie?
M. BASTIEN: Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais
aborder la question de l'enseignement de l'entraînement visuel et aussi
en même temps toucher ce que vous appelez la visiologie.
En ce qui concerne l'entraînement visuel, nous enseignons toutes
les méthodes qui ont pour but de rétablir la binocularité
et qui ont pour but également de redresser les yeux, ce qu'on appelle
les méthodes d'orthoptique. Cependant, nous, nous considérons que
ce n'est qu'un aspect de l'entrafnement visuel et nous ne croyons pas qu'il
soit possible de fixer à jamais l'entrafnement visuel dans ces seules
structures qui sont des structures limitées.
Evidemment, j'ai entendu cet après-midi ce qui m'a semblé,
à moi, une caricature de la chose. C'est entendu qu'on court toujours un
danger quand on juge ce qui se passe dans le champ du voisin; on court toujours
le risque de le voir d'une façon déformée. Cependant,
l'entraînement visuel déborde l'orthoptique. Il y a eu 20
années de recherches à l'Institut Gesell, sur le
développement de l'enfant. Et, au cours de ces 20 années de
recherches, il y a eu des recherches intensives sur le développement de
la vision.
Pour vous situer dans le contexte, je vous donnerai une des
définitions de la vision, qui provient du Dr Arnold Gesell
lui-même, qui soit-dit en passant n'est pas un
optométriste mais qui a été assisté dans son
travail par des optométristes en recherches: "La vision n'est pas une
fonction indépendante, elle est profondément
intégrée au système d'action totale de l'enfant, sa
posture, sa manipulation, ses habitudes motrices, son intelligence et
même les traits de sa personnalité". Evidemment, libre à
chacun de discuter ces choses et même de les mettre en doute. Ce n'est
pas une définition qui provient d'un optométriste mais d'un
médecin, le Dr Arnold Gesell, qui a fait ces recherches.
Si on revient à cette définition, on voit que la vision
est reliée à l'ensemble du système d'action. Et il est
bien évident, avec l'avènement de ce qu'on appelle la
psychomotricité dans le domaine de l'éducation, que c'est
possible dans certains cas, sans recours à des simagrées, sans
recours à une caricature parce qu'il ne faut pas oublier que tous
les mouvements d'un enfant pour un adulte sont des caricatures on peut
reprendre les étapes du développement, à tort ou à
raison parce que pour moi, ce qui m'importe, je crois, ce sont les
résultats obtenus; on parlait de la qualité des méthodes,
pour moi les bonnes méthodes sont celles qui donnent de bons
résultats. Si, par exemple, dans le domaine de la psychomotricité
et de la visiomotricité, vous avez des méthodes qui donnent de
bons résultats, je crois que ce sont celles-là qui sont bonnes.
Ce sont les résultats, sans se chicaner sur les théories.
Le phénomène de visiologie, vous en avez parlé tout
à l'heure, M. le Président, est un phénomène local.
C'est un terme qui est utilisé d'une façon strictement locale.
Et, évidemment, il ne s'agit pas à mon point de vue de faire le
procès de la visiologie. Il peut y avoir, si vous voulez, dans l'esprit
de certains, des aberrations. Il peut y avoir l'apparence de certaines
exagérations. Je ne suis pas visiologiste, mais je considère que
ce n'est pas à moi de la juger. La visiologie donne sûrement des
résultats.
Mais, je ne crois pas que ce soit ici qu'on doive faire dévier
toute la question de l'entraînement visuel sur une variante locale. Des
exagérations dans le domaine de la thérapeutique, vous en avez
partout. Souvent, les exagérations actuelles deviennent, après
quelques années, moins exagérées lorsqu'elles sont
acceptées. Lorsqu'on les voit sans initiation, cela peut fort bien
paraître des caricatures.
Pour finir, on utilise dans le domaine de l'entraînement visuel
des exercices qui ont pour but de coordonner les mouvements des yeux aux
mouvements de la tête, les mouvements des yeux aux mouvements de la main,
les mouvements des yeux aux mouvements du reste du corps et ceci en suivant les
étapes du développement de la motricité. Ce n'est pas
l'optométriste qui a inventé ces étapes; par
conséquent, je crois qu'on ne doit pas fermer la porte à des
procédés cliniques qui donnent des résultats. Tout ce qui
compte, ce sont les résultats. Je ne crois pas qu'on doive se chicaner
sur les théories, d'autant plus que ces théories sont assez
facilement défendables aussi. Toutes les théories sont en quelque
sorte des hypothèses pour expliquer, si vous voulez, les actes que l'on
pose et cela peut facilement dégénérer en chicane de
clocher. Je considère que la description que l'on a donnée cet
après-midi, même si elle est juste à certains points de
vue, pour certains individus particuliers qui ont fait des exagérations,
est quand même une caricature quand on l'applique à tout un
secteur de thérapeutique.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: Y a-t-il des professeurs d'optométrie qui enseignent
à la faculté de médecine?
M. BASTIEN: S'il y a des professeurs...
M. BOIVIN: Est-ce qu'il y a des professeurs d'optométrie qui
enseignent à la faculté de médecine, c'est-à-dire
aux ophtalmologistes?
M. BASTIEN: Pas que je sache.
M. BOIVIN: Votre école est fondée depuis 60 ans, avez-vous
dit. Comment se fait-il que cette école ne soit pas affiliée
à une faculté quand on sait que le recteur de l'Université
de Montréal, M. Gaudry, a manifesté le désir je ne
me rappelle pas qui a lu la lettre d'avoir un
mémoire conjoint de la faculté de médecine, pour
l'ophtalmologie, et de l'Ecole d'optométrie? Comment se fait-il qu'il
n'a pas pu y avoir de rapprochement entre la faculté de médecine
et l'Ecole d'optométrie faisant partie d'une même
université?
M. BEAULNE: Il faudrait peut-être refaire très rapidement
l'historique et dire que l'Ecole d'optométrie était
affiliée à l'Université de Montréal depuis 1925.
Elle était affiliée au même titre que le sont actuellement
l'Ecole polytechnique et l'Ecole des hautes études commerciales,
c'est-à-dire que, du point de vue académique, il y avait
dépendance vis-à-vis de l'université mais, du point de vue
administratif, c'était séparé. Depuis juin 1969, l'Ecole
d'optométrie a été intégrée à
l'Université de Montréal avec le rang de département et on
a rattaché l'Ecole d'optométrie directement à un
vice-recteur tout simplement parce qu'on prévoyait que les structures du
secteur de la santé se feraient dans quelques années. C'est
l'étape où nous sommes rendus maintenant.
M. BOIVIN: Devant les études de neuf années exigées
des ophtalmologistes et les trois années de votre école, avec
tout ce que vous réclamez de privilèges pour les gens qui sortent
de votre école, ne trouvez-vous pas que du côté de
l'ophtalmologie il y aurait surscolarisation et peut-être
sous-scolarisation de votre part? N'y aurait-il pas un moyen terme, former un
homme qui donnerait du rendement par suite d'une entente entre les deux
écoles?
M. BEAULNE: Je ne crois pas, parce que l'ophtalmologie agit dans le
secteur de la pathologie oculaire principalement et l'optométrie agit
dans le secteur de la physiologie de la vision principalement. Je ne pense pas
qu'on puisse réaliser ce que vous demandez.
M. BOIVIN: Vous parlez de drogue, vous réclamez le droit à
la drogue pour les traitements. Vous avez parlé tout à l'heure
d'une certaine pathologie et même les optométristes parlent de
médecine, de pratique de première ligne.
Est-ce que c'est suffisant trois ans d'études pour vous amener
à faire un diagnostic?
M. BEAULNE: Je voudrais d'abord rectifier. Il ne s'agit pas d'utiliser
la drogue pour des fins thérapeutiques. Il s'agit de l'utiliser pour des
fins diagnostiques, certaines drogues pour déceler certaines anomalies.
Il n'est pas question j'espère ne pas avoir laissé cette
impression d'utiliser la drogue pour des fins thérapeutiques.
M. BOIVIN: Est-ce qu'on peut espérer qu'il y ait des rencontres
entre la faculté de médecine et l'Ecole d'optométrie pour
étudier les problèmes?
M. BEAULNE: Il existe une collaboration assez étroite
actuellement entre la faculté de médecine et l'Ecole
d'optométrie. Nous recevons quand même passablement de cours de la
faculté de médecine. Ce n'est qu'au niveau de la pathologie
oculaire qu'il y a ce blocage qu'on connaît depuis tant
d'années.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Beaulne. Je veux aussi remercier votre groupe
d'être venu présenter votre mémoire.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous trouvez qu'entre une formation
médicale et une formation d'optométriste il y a, à la
base, une différence profonde?
M. BEAULNE: A la base, si je comprends le sens de votre question, les
étudiants qui sont admis à l'Ecole d'optométrie et ceux
qui le sont à la faculté de médecine ont exactement la
même formation à l'arrivée à l'université.
Ils doivent posséder le diplôme d'études collégiales
dans le secteur de la santé. Je ne sais pas si cela répond
à la question.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez dit que la formation de base des
étudiants était la même mais, en partant de là,
est-ce qu'entre la philosophie de base de la profession d'optométriste
et celle de la profession médicale il y a un décalage que vous
pouvez nous expliquer et nous définir?
M. BEAULNE: A mon point de vue, je pense avoir répondu à
cette question en disant que la formation médicale, du point de vue
oculaire, va traiter de la pathologie de l'oeil alors que la philosophie de
base dans la formation de l'optométriste est de voir au bon
fonctionnement de la vision.
M. SAINT-GERMAIN: Pour simplifier ma question, est-ce que vous croyez
qu'une longue formation médicale pourrait aider quelqu'un à
être meilleur optométriste et qu'une longue formation
optométrique pourrait aider quelqu'un à être meilleur
ophtalmologiste, si on conserve cette question d'optométrie
exclusivement? Je ne sais pas si vous comprenez bien ma question.
Est-ce que le fait, pour les ophtalmologistes, d'avoir des études
très prolongées peuvent faire d'eux de meilleurs
optométristes lorsqu'ils parlent de troubles visuels chez leurs
patients?
M. BASTIEN: Je crois que, même si les deux professions ont un
champ de chevauchement, elles ont également chacune une certaine
exclusivité, pour ne pas dire une exclusivité certaine. J'ai
entendu tout à l'heure pratiquement nous reprocher de ne pas être
d'assez bons ophtalmologistes. S'il fallait que nous ayons une telle formation
poussée pour avoir cette compétence, à ce moment-là
nous cesserions peut-être
d'être des optométristes. Je crois que ce qui est important
pour un optométriste, c'est d'avoir une formation qui lui permette de
faire un diagnostic primaire, éliminatoire, de sorte que, lorsqu'il
soupçonne une pathologie ou lorsqu'il en décelle une, il dirige
ses patients dans un champ d'activité qui est celui d'une autre personne
qui est plus compétente que lui dans ce domaine.
L'optométriste joue un rôle précieux au point de vue
scientifique et social avec le phénomène d'urbanisation, de haute
scolarisation qui est celui que l'on connaît actuellement. Vous avez une
masse considérable de gens qui ont des problèmes strictement de
fonctionnement ou des problèmes dits fonctionnels chez qui on ne trouve
aucune pathologie.
Tout à l'heure on a parlé de pathologie de façon
pratiquement aberrante, en ce qui me concerne, au point que j'ai cru que nous
étions une race de dégénérés. Quand on est
rendu à considérer qu'on est malade à 66 p.c. parce qu'on
fait partie d'une race particulière qui a vécu sous un couvercle,
je ne l'avale pas. Je ne crois pas que ça atteigne ces proportions. Mais
ceci étant dit, lorsque vous avez, par exemple, dans une usine 2,000
ouvriers qui ont des problèmes visuels et qui sont presque tous
obligés de porter des lunettes, ou du moins un très grand nombre
d'entre eux, il est bien évident que dans ce phénomène
d'adaptation aux exigences d'un milieu, qui est un phénomène
écologique ou mésologique, si vous voulez, il n'y a aucune
pathologie mais tout simplement un vice de fonctionnement. Là où
l'optométriste se distingue de l'ophtalmologiste, c'est qu'il
reçoit sa formation dans ce sens en particulier. C'est son champ
d'activité de redonner à l'individu qui a une difficulté
d'adaptation aux exigences du milieu, au point de vue visuel, les
capacités qui vont lui permettre d'agir avec le plus haut degré
d'efficacité et de rendement, avec l'absence de malaise.
Vous avez là deux champs d'activité et je n'en veux pas
aux ophtalmologistes de ne pas considérer la chose sous cet angle. Ce ne
serait pas normal qu'ils la considèrent de la sorte parce que leur
formation est en tout premier lieu faite pour diagnostiquer les maladies et les
traiter. Ce serait malheureux que l'on prenne des gens qui ont une formation
aussi poussée dans ce domaine et qu'on les utilise à
régler des problèmes d'adaptation visuelle avec des lentilles ou
des exercices.
Vous avez là deux champs d'activité complètement
différents, un qui est du côté morbide et l'autre qui est
du côté du fonctionnement et du rendement, et je crois que les
deux ont lieu d'exister et répondent à des besoins de notre
société. D'ailleurs, l'optométrie n'a pas existé
avant que nos sociétés s'industrialisent et se scolarisent. C'est
justement parce qu'il y a une masse de soins visuels qu'il faut donner à
des gens qui ont des difficultés d'adaptation que l'optométrie
existe. Autrement, elle n'aurait pas existé.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Vous avez parlé dans votre mémoire de la
nécessité d'un contrôle pour l'optométriste de la
prescription optique qu'il fait; pourriez-vous fournir quelques explications
là-dessus?
M. BEAULNE: Je pense que le point que nous avons voulu illustrer c'est
que nous considérons, en principe, que l'unicité des services
doit exister, dans le but d'éviter que le patient ait à se
référer à deux ou trois personnes pour obtenir un service
qu'il pourrait obtenir de façon intégrale chez une même
personne.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je vous remercie pour votre
intervention et maintenant nous allons entendre la Corporation des opticiens
d'ordonnances.
Corporation des opticiens d'ordonnances
M. SAULNIER: M. le ministre, messieurs, mon nom est Jules Saulnier et je
suis le président de la Corporation des opticiens d'ordonnances de la
province de Québec. A mes côtés, commençant par la
gauche, Me Pierre Delorme, notre conseiller juridique; M. Jacques Nantais,
notre secrétaire, et M. Avron Cohen, deuxième
vice-président. A ma droite, M. Jacques Clément, premier
vice-président; M. Gilles Racette, trésorier, et M. Raymond
Bertrand, directeur.
Notre corporation groupe 300 opticiens d'ordonnances pratiquant dans la
province de Québec et est actuellement régie par le chapitre 258
des statuts refondus du Québec. En temps que profession d'exercice
exclusif, nous sommes une des corporations incluses dans l'annexe 1 du bill
250. Je crois que nous devons nous réjouir de la forme de ce code des
professions qui permettra l'uniformisation des structures de tous les
organismes professionnels.
Les améliorations apportées par ce code des professions
dans l'administration des corporations professionnelles rejoignent les vues de
la Corporation des opticiens d'ordonnances comme vous avez sans doute pu le
constater par les nombreux mémoires qui ont déjà
été présentés par la corporation ainsi que par un
projet de loi que la corporation a déposé en 1969.
Ce projet de loi aurait accordé à la corporation des
pouvoirs additionnels pour réglementer la régie interne, la
publication d'un tableau général des membres, la discipline, les
fonctions incompatibles, les études permettant l'obtention du
diplôme d'opticien d'ordonnances, le tout dans le but de mieux
protéger le public.
A la lecture du mémoire sur le projet de loi 250 soumis par la
Corporation des opticiens d'ordonnances, vous avez sans doute constaté
que la corporation ne fera pas exception à la règle et entend
s'élever contre l'ingérence gou-
vernementale à tous les paliers. Pourquoi donner des pouvoirs
d'une main pour les enlever de l'autre? Les nominations par le
lieutenant-gouverneur en conseil, soit au niveau du bureau ou au niveau des
divers comités, n'auront-elles pas pour effet de gêner le droit de
parole des officiers déjà en place et d'empêcher une saine
administration des corporations?
Notre corporation est d'accord sur les grands principes qui ont
déjà été développés publiquement sur
ce même thème par la plupart des autres corporations. Nous ne
croyons pas que la nomination d'administrateurs ainsi que la législation
par arrêté en conseil puissent vraiment protéger le public.
Toutefois, nous vous demandons de bien prendre connaissance du mémoire
que nous avons déposé sur le code des professions. Nous
désirons également attirer votre attention sur certains points
précis qui ont été soulevés, soit le nombre
d'administrateurs, les pouvoirs du président et l'absence de
dispositions financières.
En effet, nous croyons que le nombre d'administrateurs serait trop
restreint pour les corporations de moins de 500 membres si l'article 63
demandant une représentation régionale adéquate
était mis en application.
Egalement, nous recommandons que les pouvoirs accordés au
président à l'article 31 du code soient plutôt
exercés par le bureau pour maintenir l'esprit démocratique au
sein du bureau. De plus, nous comprenons mal comment il se fait que le code des
professions soit muet au sujet des dispositions financières de chaque
corporation.
Le poste de trésorier semble disparaître mais nous croyons,
étant donné les nombreux domaines dans lesquels chaque
corporation doit travailler, qu'un trésorier devrait toujours être
présent pour préparer le budget de la corporation en tenant
compte des divers comités formés et pour les cotisations
perçues des membres.
Finalement, pour permettre un contact personnel entre les
administrateurs et les membres d'une corporation, nous croyons qu'il serait
préférable. De plus, de maintenir le système actuel
d'élections tenues lors de l'assemblée annuelle des membres de la
corporation.
Nous posons la question: Existe-t-il une raison valable pour modifier le
système d'élection? Nous croyons que nos remarques sont
importantes et qu'à brève échéance nous pourrons
nous réjouir de l'adoption de ce code des professions.
Vous comprendrez toutefois que, puisque le bill 268 nous accorde
l'exclusivité de la vente au détail des lentilles ophtalmiques et
leur monture et que nous y retrouvons la protection tant recherchée pour
l'avenir, en plus de la sécurité pour le public, mettant fin
ainsi aux fameux conflits d'intérêts, nous voulions consacrer plus
de temps à ce projet de loi. Me Pierre Delorme, notre conseiller
juridique, fera les représentations.
M. DELORME: Merci, M. Saulnier. M. le Président, M. le ministre,
messieurs, nous avons constaté, à l'étude du projet de loi
268, certaines omissions entre autres à l'article 8. Nous croyons que ce
sont vraiment des omissions, surtout par suite de nos diverses conversations
avec des représentants du ministère et aussi après ce que
nous avons entendu, ce matin, de M. le ministre Castonguay.
A l'article 8, nous voudrions que soient ajoutés certains mots
pour que cet article se lise maintenant comme suit: "Constitue l'exercice de la
profession d'opticien d'ordonnances tout acte qui a pour objet de fabriquer, de
vendre, de fournir, de poser ou de remplacer ainsi qu'ajuster toutes lentilles
ophtalmiques ainsi que leur monture". A la lecture du texte du projet de loi,
vous remarquerez que les mots "fabriquer" et "ainsi que leur monture" ont
été omis. Je pense que la compétence de l'opticien
d'ordonnances à fabriquer des lentilles ophtalmiques a toujours
été reconnue. Je pourrais même me servir des propos du
ministre des Affaires sociales, ce matin. Quant à la question des
montures, je pense que c'est bien évident que l'opticien d'ordonnances
n'a pas l'intention de vendre seulement une lentille ophtalmique; il faudrait
qu'il ait la possibilité de vendre la monture qui se rattache à
cette lentille. D'autant plus que ces mots existaient dans toutes les autres
lois qui ont déjà gouverné la Corporation des opticiens
d'ordonnances.
L'article 9 de la loi accorde à l'opticien d'ordonnances
l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques. En fonction de
l'article 9, nous aimerions également que soit corrigé l'article
21, pour que ce soit bien entendu dans tous les cas que, dès qu'une
lentille ophtalmique est vendue au détail, elle doit l'être par un
opticien d'ordonnances. Nos propos portent spécialement sur ce qui
concerne les lunettes de protection pour fins industrielles.
Ces mots pourraient, d'après nous, être ajoutés
à l'article 21 de façon que l'article puisse se lire dans le sens
que rien n'empêche la vente au gros des lentilles ophtalmiques mais que
rien par contre ne permet la vente au détail des lentilles ophtalmiques
s'il s'agit de lentilles ophtalmiques pour fins de protection industrielle
spécialement.
L'article 8 auquel nous nous sommes déjà
référés plus haut enlève à l'opticien
d'ordonnances le droit de vendre des verres de contact. Toutefois, l'article 19
indique que ce droit ne sera pas enlevé aux personnes qui s'occupaient
de l'ajustement des verres de contact avant le 1er avril 1961. De la
façon que je lis le texte de l'article 19, je comprends: Toute personne
qui faisait l'ajustement des verres de contact, avant le 1er avril 1961. Donc,
j'en conclus que cela inclut les opticiens d'ordonnances qui faisaient
l'ajustement de verres de contact, avant 1961. Egalement cela inclut les
corporations qui existent actuellement, qui ne sont pas des corporations
professionnelles, et qui vendent
des verres de contact en vertu de la Loi des optométristes,
où l'on exige évidemment la surveillance d'un optométriste
ou d'un médecin.
Je ne vois pas pourquoi on permettrait à des personnes qui n'ont
pas la compétence, qui n'ont pas les études nécessaires
pour vendre le verre de contact de le faire, alors que les opticiens
d'ordonnances, qui, actuellement, suivent des cours à l'Ecole d'optique
de la province de Québec, pour l'ajustement et la vente des verres de
contacts, n'auraient pas la capacité de le faire.
On a parlé de toujours être logique dans ce qu'on fait. Je
pense qu'ici il faudrait être logique. Il y a des gens qui ont
été formés pour vendre des verres de contact et on leur
enlève ce droit, pour les personnes entre autres qui le font depuis
1961. Je pense que la prescription du verre de contact est très
importante, mais, en soi, la vente d'un verre de contact et les premiers
ajustements du verre de contact peuvent très bien être faits par
un opticien d'ordonnances. Il n'est pas nécessaire, lorsqu'on ajuste un
verre de contact, qu'il y ait immédiatement un nouvel examen de la
vue.
Les personnes qui ont déjà fait l'expérience de
porter le verre de contact savent très bien que les premiers jours on ne
peut que le porter environ une demi-heure ou une heure à la fois. Je
pense qu'il est impossible de déterminer à ce moment s'il existe
vraiment des raisons valables d'empêcher le port du verre de contact.
Il faut une certaine expérience par la personne qui désire
porter ce verre, avant de déterminer si elle peut ou ne peut pas le
porter. Donc, cette expérience, que cette personne la prenne
après un rendez-vous chez un optométriste ou un ophtalmologiste,
ou encore après un rendez-vous chez un opticien d'ordonnances, à
mon point de vue cela ne change absolument rien. Je pense qu'il n'y a aucune
raison valable d'enlever aux opticiens d'ordonnances le droit de vendre des
verres de contact.
Je me réfère à la Commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social, à la page 71 du volume I,
où on y déclare que "l'ajustement des verres de contact ne
devrait être effectué que par des personnes compétentes,
dûment reconnues comme telles. Un comité formé par le
Collège des médecins et chirurgiens, en collaboration avec le
Collège des optométristes et la Corporation des opticiens
d'ordonnances, devrait déterminer les titres requis, dresser et tenir
à jour la liste des personnes jugées compétentes".
La commission, après enquête, avait reconnu que l'opticien
d'ordonnances était compétent pour prescrire un verre de contact;
je ne vois pas pourquoi aujourd'hui on déciderait de changer d'opinion.
Cette commission d'enquête a également publié l'annexe 4 de
M. François Lacasse. Dans cette annexe, M. Lacasse propose que
l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques soit
accordée aux opticiens d'ordonnan- ces, sans faire de distinction aucune
entre les lentilles ophtalmiques avec monture et les verres de contact.
Toujours dans l'étude du bill 268, nous arrivons à
l'article 13, qui permet aux opticiens d'ordonnances d'exercer leur profession
par l'intermédiaire d'une corporation. Je pense qu'en accordant
l'exclusivité de lentilles ophtalmiques aux opticiens d'ordonnances on
leur reconnaît sûrement un titre de professionnels. Tous les
professionnels, de par leurs lois, n'ont pas le droit de partager leurs
honoraires avec des personnes qui ne sont pas de la même profession. Les
opticiens d'ordonnances se demandent pourquoi il en serait différent
pour eux.
Il existe évidemment des raisons aussi plus importantes
derrière cette demande; c'est qu'actuellement des grossistes tentent
d'accaparer le marché de la vente des lentilles ophtalmiques. Le
système, tel que proposé par le projet de loi actuel, permettrait
aux grossistes d'obtenir au moins 49 p.c. des actions des compagnies qui
seraient engagées dans la vente des lentilles ophtalmiques.
Le système des grossistes par la suite devient plus facile. A ces
compagnies on vend les lentilles à un prix plus dispendieux, et les
compagnies de gros augmentent leurs profits, alors que les opticiens
d'ordonnances réduisent les leurs.
Certaines de ces compagnies ont déjà été
poursuivies ailleurs au Canada en vertu des poursuites sur les monopoles et les
trusts. Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt public et de la
population en général que ces compagnies de gros puissent
accaparer le marché. C'est pourquoi nous avons proposé certains
amendements aux articles 13 et suivants de la loi, et nous vous demandons d'en
prendre note dans le mémoire qui a été
déposé.
Nous recommandons en fait que seuls les opticiens d'ordonnances puissent
être actionnaires et administrateurs des corporations qu'ils auraient le
droit de former. C'est bien évident que l'opticien d'ordonnances n'a pas
l'intention de devenir un salarié des compagnies de gros.
Un autre paragraphe du projet de loi concerne les rayons d'optique
exploités par les détaillants. Ces rayons d'optique emploient
actuellement des optométristes et des opticiens d'ordonnances.
Evidemment, les revenus de cette pratique sont versés à ces
détaillants.
En pratique courante, ces détaillants versent un salaire, en
parlant de la corporation, aux opticiens d'ordonnances qui sont à leur
emploi. Je ne sais pas ce qui se passe pour les optométristes, mais je
me vois presque obligé de penser que c'est la même chose.
Qu'adviendrait-il lors de la couverture des lunettes par le régime
d'assurance-maladie? N'y aurait-il pas lieu de croire que la régie
paiera aux détaillants les honoraires gagnés par les
professionnels à leur emploi? Je me pose la question. Peut-être
cette situation existe-t-elle actuellement pour les optométristes.
De plus, ces rayons d'optique ne sont pas soumis aux mêmes
règles que les professionnels, ne relèvent pas des comités
de discipline des professions ni des comités d'inspection
professionnelle. Ils auront donc pleine liberté d'agir dans le sens qui
leur plaît.
Je voudrais maintenant apporter certains commentaires à ce qui a
été discuté ici aujourd'hui. Pourquoi n'accorderait-on pas
l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques aux opticiens
d'ordonnances? En fait, c'est une question qui a été posée
ce matin par le ministre des Affaires sociales au Collège des
optométristes. Le Collège des optométristes, dans sa
réponse, soulève un point principal: Nous voulons garder la ligne
complète, c'est-à-dire l'examen jusqu'à la
thérapeutique. Par contre, si on se réfère aux notes et
aux discussions de l'Association professionnelle des optométristes,
celle-ci a demandé au gouvernement de ne pas lui enlever la vente des
lentilles ophtalmiques mais ajoute que les membres, s'ils le désirent,
pourront s'en retirer. Qu'est-ce qui arrivera de leur acte global? Je crois que
l'argument soulevé par le Collège des optométristes est
tout simplement un argument auquel on a pensé pour une réponse,
étant donné qu'on s'attendait à la question.
Le conflit d'intérêts existe, le bill 268 le règle.
On a soulevé ce matin le fait que le conflit d'intérêts
pouvait exister au sein d'autres corporations professionnelles, au niveau des
avocats, au niveau des médecins, au niveau des notaires; seulement il
n'existe pas dans ces corporations de possibilité de régler le
conflit d'intérêts actuellement. Tandis qu'au niveau des
optométristes il existe des moyens de régler le conflit
d'intérêt. Les opticiens d'ordonnances sont là et ils sont
en nombre suffisant pour répondre à la demande.
La liberté de choix du patient demeurera toujours, étant
donné qu'il y a actuellement dans la province de Québec 300
opticiens d'ordonnances. De plus on a mis en doute évidemment la
compétence de l'opticien d'ordonnances. Je pense toutefois que, si vous
vous référez au prospectus de l'Ecole des opticiens
d'ordonnances, vous constaterez, messieurs, que cette compétence ne peut
absolument pas être mise en doute.
D'autres questions ont été posées concernant
principalement l'accroissement du marché. Est-ce que les opticiens
d'ordonnances pourront répondre à l'accroissement du
marché et dans quel délai? Les opticiens d'ordonnances ont fait
faire depuis quelques années des études économiques sur le
sujet. Je vous rapporte les conclusions d'une étude de la firme Mhun et
Associés, économistes-conseils de Montréal, qui nous
déclare: Dans les conditions actuelles de travail et
d'équipement, sans augmenter le personnel, les opticiens d'ordonnances
sont capables de répondre à un très fort accroissement de
la demande. Quelle que soit la taille de leur bureau et sa situation dans
l'ensemble de la province.
Evidemment, pour répondre à la demande, nous ne pourrons
pas le faire en quelques jours. Je pense que le gouvernement a
été sage dans sa prévision de deux ans pour permettre aux
opticiens d'ordonnances d'établir de nouveaux bureaux et de roder cette
nouvelle machine, si on peut l'appeler ainsi.
Seront-ils en mesure de se répartir sur tout le territoire?
Actuellement, c'est évident que le territoire est mieux couvert par les
optométristes qu'il ne l'est par les opticiens d'ordonnances. Les
opticiens d'ordonnances, recevant la majorité de leurs ordonnances des
ophtalmologistes, se trouvent évidemment là où il y a des
ophtalmologistes. Par contre, à brève échéance, si
les optométristes se retirent du marché de la vente des lentilles
ophtalmiques, des opticiens d'ordonnances se présenteront sur les lieux
pour obtenir ce marché. Je pense que la question ne se pose absolument
pas.
Donc, partout où vous aurez un optométriste, vous aurez un
opticien d'ordonnances. Nous croyons être en mesure de déclarer
qu'il faut deux optométristes pour permettre à un opticien
d'ordonnances de survivre dans les conditions actuelles. Les
optométristes se déclarent assez nombreux actuellement pour faire
le travail de la réfraction et les 300 opticiens d'ordonnances suffiront
grandement à répondre à la demande des
optométristes. De plus, advenant l'exclusivité de la lunette,
nous ne voyons pas comment l'optométriste serait obligé de fermer
son bureau. Il n'en est sûrement pas question puisque les derniers
chiffres qui ont paru dans le rapport de la régie indiquent que les
optométristes n'ont absolument pas besoin de la lunette pour vivre.
Par contre, on s'oppose sûrement à ce que les opticiens
d'ordonnances aient l'exclusivité de la lunette par peur de perdre du
revenu, même si on a offert devant cette commission de vendre les
lentilles ophtalmiques sans aucun profit. Je me demande pourquoi on fermerait
200 bureaux d'optométristes si on déclare qu'on vend les
lentilles ophtalmiques sans aucun profit.
Il y a un autre point que nous aimerions ajouter, il concerne les
ophtalmologistes. A l'article 30 de la Loi des opticiens d'ordonnances il est
déclaré que tout médecin ou optométriste peut, au
cours des 24 mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi,
vendre des lentilles ophtalmiques. Les ophtalmologistes ont demandé que
le mot médecin soit enlevé. Nous n'avons pas d'objection à
ce que les médecins ne vendent pas de lentilles ophtalmiques pendant les
deux ans qui viendront; seulement il faudrait que ce soit bien clair
qu'après les deux ans ils ne pourront pas non plus vendre de lentilles
ophtalmiques. Pour résoudre le problème, il serait
peut-être préférable de maintenir le mot médecin
dans l'article 30.
Un autre point a été soulevé et
étudié plus spécialement par M. Jacques Nantais, de la
corporation, à qui je passe la parole.
M. NANTAIS: Merci, M. Delorme. M. le Président, M. le ministre,
messieurs, nous désirons ajouter à notre mémoire un
article nouveau sur la liberté de l'interprétation des
données d'une prescription d'un optométriste ou d'un
ophtalmologiste, lors de son exécution.
A la suite de poursuites récentes contre un de nos membres par le
Collège des optométristes et en plus de ce qui fut
mentionné ce matin, en comparant l'opticien d'ordonnances au pharmacien,
nous disons que, dans le domaine de l'optique, l'opticien d'ordonnances est
plus que pharmacien. Il doit lire l'ordonnance, en vérifier le
bien-fondé, en interpréter les exigences, discuter avec le
patient de ses contraintes, de ses occupations, de ses allergies, de son
faciès, de ses caractéristiques physiques. Il doit choisir le
type de lentilles appropriées, choisir la monture appropriée,
prendre les mesures nécessaires, exécuter l'ordonnance,
vérifier la lunette lorsqu'elle est terminée, la livrer et
l'ajuster. Nous voulons que l'opticien d'ordonnances puisse interpréter
la prescription sans en changer les données, c'est-à-dire la
dioptrie, les chiffres en fonction des besoins et de la volonté du
client.
Exemple, si un optométriste prescrit des bilentilles, des doubles
foyers, le patient devant nous peut refuser les bilentilles. L'opticien
d'ordonnances peut alors fabriquer deux paires de lentilles, deux paires de
lunettes, une pour la distance et une pour la lecture, toujours en respectant
les dioptries prescrites. Un autre cas, un optométriste prescrit des
bilentilles dites exécutives ou rectilignes, le patient
préfère des doubles foyers de forme circulaire. Toujours les
mêmes données, la même acuité visuelle, la même
vision. Le client n'est d'aucune façon désavantagé dans un
cas semblable. Cet état de choses se pratique actuellement et n'a jamais
nui à la bonne vision des clients. En accordant aux opticiens
d'ordonnances l'exclusivité de la vente de la lunette au détail,
le gouvernement doit leur donner la latitude nécessaire dans l'exercice
de leurs fonctions. Le gouvernement a de plus résolu le problème
du conflit d'intérêts qui existait chez l'optométriste et,
pour le résoudre pleinement, il devrait continuer à laisser aussi
aux opticiens d'ordonnances la vente des lentilles cornéennes sous la
surveillance d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste comme cela se
fait actuellement.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais qu'on s'en
tienne au mémoire. Je pense que l'on déborde un peu du
mémoire présenté devant la commission. Je vous demanderais
d'être le plus bref possible parce que je crois que tous les membres
remarquent que l'on s'écarte un peu du mémoire qui nous a
été soumis.
M. NANTAIS: Parfait, M. le Président. Pour une meilleure
protection du public, nous demandons au gouvernement de retrancher du bill 268
tout article qui irait à l'encontre de l'intérêt des
Québécois et qui permettrait à des individus ou des
corporations de profiter de la pratique de la profession d'opticien
d'ordonnances sans en avoir la compétence.
Nous attendons avec hâte l'adoption du projet de loi no 268, qui
deviendra, nous l'espérons, dans un avenir des plus rapproché, la
loi 268. Merci, M. le Président, de nous avoir donné l'occasion
d'exprimer nos vues sur ces deux projets de loi. Tous les représentants
de la Corporation des opticiens d'ordonnances ici présents sont
prêts à répondre à vos questions avec plaisir.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, d'abord je voudrais remercier la
corporation et je voudrais faire une ou deux remarques en ce qui a trait
à l'ajustement des verres de contact. Les commentaires que
François Lacasse a pu faire dans son étude ne me paraissent pas,
sur le plan autre que purement économique, des commentaires valables
permettant d'affirmer catégoriquement qu'une position ou une autre
puisse être prise en ce qui a trait à l'ajustement des verres de
contact. Entre le projet de loi et cette étude qui n'était qu'un
commentaire, qui n'était pas partie du rapport de la commission, il y a
des divergences. Depuis, nous avons demandé des opinions, et c'est une
des raisons pour laquelle vous trouvez des divergences.
Egalement, dans la partie du rapport de la commission que vous avez
citée, on a dit que c'était une proposition que trois organismes
corporatifs pouvaient dresser une liste des exigences au plan de la formation,
etc. pour déterminer qui précisément pourrait faire
l'ajustement des verres de contact. Je ne crois pas qu'on puisse
interpréter cette proposition qui était formulée comme
signifiant qu'automatiquement tout opticien d'ordonnances, à notre avis,
avait la connaissance nécessaire pour faire ces ajustements. Je ne veux
pas entrer dans la discussion de problèmes de nature médicale
mais les expertises que nous avons eues nous indiquent que c'était la
voie à prendre, celle que nous avons prise dans le projet de loi.
En ce qui a trait à la fabrication des lentilles ophtalmiques,
vous proposez que soit ajouté à la définition du champ
d'exercice le terme fabriquer. Ce matin, je croyais m'être exprimé
de façon assez claire pour indiquer que ce n'était pas la voie
qui nous paraissait souhaitable. Bien des personnes participent à la
fabrication des médicaments, que ce soit des chimistes, des
ingénieurs au besoin, des pharmacologues, d'autres techniciens, en plus
de ces professionnels. De la même manière, aujourd'hui, il me
semble que la fabrication de lentilles ophtalmiques peut se faire par des
procédés à caractère industriel qui donnent une
garantie très grande; je pense à tous les instruments d'optique
qui
existent, à partir des microscopes, des télescopes,
etc.
Ce sont des instruments de très haute précision dans le
domaine de l'optique qui sont fabriqués non pas par des opticiens
d'ordonnances mais par des ingénieurs, des chimistes, par une gamme de
spécialistes, en d'autres mots. C'est la raison pour laquelle nous
croyons qu'il n'est pas sage de restreindre la fabrication à un groupe
professionnel. D'ailleurs, j'aimerais vous demander si, présentement,
tous les verres qui sont vendus au Québec sont fabriqués par des
opticiens d'ordonnances. Deuxièmement, combien d'opticiens d'ordonnances
fabriquent des verres et, dans la fabrication, n'utilisent que des opticiens
d'ordonnances?
Je voulais préciser ma pensée sur ce point. J'aimerais que
vous me donniez une réponse à ces deux questions et, au besoin,
que vous commentiez les avantages qui résulteraient d'une telle
modification au projet de loi.
M. DELORME: Dans l'opinion des opticiens d'ordonnances, le mot fabriquer
s'entend beaucoup plus comme signifiant la transformation du verre. Il ne
s'agit pas de fabriquer le verre à partir des minéraux mais de
transformer une lentille qui est envoyée dans un bureau d'un opticien
d'ordonnances.
Je vais laisser la parole à un opticien d'ordonnances, qui sera
plus en mesure de vous expliquer exactement le processus suivi.
M. NANTAIS: De fait, c'est peut-être le mot fabriquer qu'on
désirerait employer puisqu'il était dans l'ancienne loi. Mais,
probablement, le mot transformer c'est prendre un bloc de lentille et lui
donner certaines courbures afin qu'il devienne une lentille ophtalmique que
nous pouvons ensuite insérer dans une monture selon l'ordonnance.
Combien d'opticiens en fabriquent? Dans le sens de fabriquer, nous n'en
fabriquons pas telles quelles. Mais nous transformons la lentille dans nos
propres laboratoires.
M. CASTONGUAY: J'aurais une couple d'autres questions. Est-ce qu'il
serait possible d'avoir une idée de la marge qui est ajoutée au
prix du fabricant dans la vente des lentilles ophtalmiques par les opticiens
d'ordonnances? Est-ce que cette marge est sensiblement la même que celle
qui est ajoutée par les optométristes? Et je vous souligne que
j'ai certaines données en main.
M. SAULNIER: Est-ce que vous voulez le prix de fabrication?
M. CASTONGUAY: Non, je souligne simplement.
M. SAULNIER: C'est la différence entre le prix de vente et le
prix de revient que vous voulez exprimer?
M. CASTONGUAY: C'est le prix au niveau du fabricant. S'il passe par un
autre intermédiaire, quelle marge est ajoutée?
Mais, entre le niveau du fabricant et à partir de cette
étape, en passant par l'opticien d'ordonnance jusqu'à la personne
qui reçoit la paire de lunettes ou les verres épais, quelles sont
les marges, et si ça passe par le truchement d'un optométriste,
est-ce que les marges sont les mêmes?
M. SAULNIER: Voici ce qui se présente. Pour la question de
service au public, une bonne majorité des opticiens d'ordonnance ont un
laboratoire. Pour quelle raison, c'est bien simple à exprimer. Vous
êtes certainement au courant que la majorité des gens ont
seulement une paire de verres. Ne leur demandez pas de s'en procurer une
deuxième paire, c'est une affaire monstrueuse, mais ils peuvent mettre
énormément sur une voiture ou un téléviseur en
couleur. Par contre, s'ils se présentent, qu'ils ont brisé un
verre et qu'il peut arriver qu'ils manqueront une journée de travail ou
deux, si ce n'est pas fait dans un temps limite, à ce point-là,
si on peut les accommoder, automatiquement, c'est une économie pour eux,
c'est une question de service au public que l'on rend. Seulement, cela ne se
fait pas sur une base générale, parce que vous avez des
prescriptions. Si vous avez une prescription comme un verre pour un
opéré de la cataracte, c'est entendu qu'on ne peut pas le
fabriquer dans nos laboratoires, parce que l'instrumentation et
l'équipement deviennent trop coûteux et le temps durant lequel
cela pourrait accaparer un individu, l'opticien d'ordonnances, ça ne lui
permettra pas de servir son public.
Assurément, lorsqu'on fait la taille et le montage de notre
verre, on sauve du temps pour accommoder le client et, de ce fait même,
le prix de revient est moins élevé. Alors, l'accommodation...
M. CASTONGUAY: Je vous laisse poursuivre, mais j'aimerais être
renseigné de façon générale. Je prends une paire de
verres, je ne prends pas un cas d'exception. Une personne se présente
chez un opticien d'ordonnance avec une prescription et on lui remet un produit
fini. Dans ce produit il y a deux verres, il y a une monture, le client paie
tant, l'opticien d'ordonnances a obtenu ce matériel d'un laboratoire ou
d'une compagnie et il paie un certain prix pour ce matériel. Dans
certains cas, il y a ajustement, comme vous dites, du verre. Dans d'autres cas,
c'est un verre standard. Alors, quelle est la marge qui est ajoutée dans
les étapes que je viens de décrire?
M. SAULNIER: La marge du coût peut varier de 20 p.c. à 30
p.c. ou à 35 p.c. ou à 40 p.c. C'est bien difficile à
exprimer pour la simple raison que dans ce qui fait foi du prix, il y a la
question de la puissance du verre, la
composition du verre, en ce sens que si vous faites faire un verre avec
un effet prismatique dessus, c'est entendu que le coût de revient de la
marchandise s'ajoute, si vous avez de la couleur, ainsi de suite. Il y a toutes
sortes de facteurs qui s'amènent avec ça.
Alors, vous ne pouvez pas donner un prix très global
là-dessus, mais cela peut varier de 20 p.c. à 40 p.c. de
différence.
M. CASTONGUAY: Est-ce que dans votre opinion les marges prises par les
optométristes sont du même ordre?
M. SAULNIER: Oui. C'est équivalent dans le prix des verres.
Est-ce que vous voulez parler des prix de vente?
M. CASTONGUAY: Les marges de profits entre ce qui est payé aux
fabricants et ce qui est demandé aux clients?
M. SAULNIER: Si l'optométriste fait faire le tout, naturellement,
au laboratoire, cela lui coûtera plus cher qu'à l'opticien
d'ordonnances qui, lui, commandera son matériel non taillé et
terminera la fabrication.
M. CASTONGUAY: J'aurais une dernière question, M. le
Président. L'Ecole des opticiens d'ordonnances, si je comprends bien,
fonctionne sous l'autorité de la Corporation des opticiens
d'ordonnances?
M. SAULNIER: C'est un fait.
M. CASTONGUAY: Elle compte combien d'étudiants? Quelle est la
durée de leur stage? Qui enseigne dans cette école? Les
programmes d'enseignement sont-ils soumis à un organisme d'enseignement
autre que la corporation? Pourriez-vous me donner, en tout cas, une description
aussi précise que possible du statut, des activités, de la
composition du corps professoral, du nombre d'étudiants, de la
durée des études?
M. CLEMENT: M. le Président, cette année, en
première année, nous avons eu 25 élèves et 23
finissants. La durée du cours est de deux ans, de jour et de nuit, les
deux. L'étudiant doit travailler dans un laboratoire d'opticiens
d'ordonnances pendant une période de deux ans, au moins, avant d'avoir
sa licence de pratique.
Quant à nos professeurs, on compte: une personne, un technicien
supérieur en optique et lunetterie de Morez, deux opticiens
d'ordonnances qui donnent les cours théoriques et pratiques, un
professeur ayant un brevet d'enseignement spécialisé, option
secondaire, qui enseigne la théorie, physique, chimie, etc. Nous avons
un opticien d'ordonnances qui enseigne la lentille cornéenne et aussi un
ophtalmologiste qui vient nous donner des cours à l'école.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!
Le président qui me précédait tantôt a bien fait
remarquer à l'assemblée qu'il n'y avait pas lieu d'y avoir de
manifestations à l'intérieur des cadres de la commission. Alors,
je compte sur la collaboration de tous et de chacun.
M. PAUL: Vous conviendrez, M. le Président, que c'était
bon pareil.
M. CLEMENT: Je dois préciser que l'Ecole d'optique du
Québec est la seule école au Canada qui donne des cours de jour
avec des professeurs. Si je ne me trompe pas, il y en a une en Ontario et une
autre qui donne des cours par correspondance.
M. PERREAULT: Depuis combien de temps les cours ont-ils lieu le
jour?
M. CLEMENT: Depuis toujours.
M. PERREAULT: Depuis combien d'années? Cette école
d'optique existe depuis combien d'années?
M. CLEMENT: L'école d'optique elle-même?
M. PERREAULT: Oui.
M. CLEMENT: C'est avant mon temps. Depuis 1940.
M. SAULNIER: M. Castonguay avait posé une question au sujet de la
structuration des cours. Vous avez demandé où nous prenions notre
composant et toutes ces choses. Nous prenons tout ce qui est nécessaire
pour nous structurer et être au diapason dans tous les
développements techniques qui se produisent dans le domaine de
l'optique. Alors, nous nous tenons à la hauteur nécessaire pour
accommoder la clientèle et le public. Autrement, nous ne pourrions pas
exister.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander
à la Corporation des opticiens d'ordonnances si par la nouvelle loi ils
se voient confier des responsabilités qu'ils n'avaient pas.
M. SAULNIER: Certainement pas. La seule chose, ça va augmenter le
volume, la responsabilité demeure la même. Entre autres choses, je
dois faire une parenthèse; jusqu'à ce jour, si nous avons
vécu c'est parce que nous nous devions de bien servir notre
clientèle, parce que nous ne prescrivons pas, nous ne vendons pas, nous
ne forçons pas la vente. La personne qui vient à chacun de nous,
à nos bureaux, il faut
qu'elle ait une ordonnance, un verre brisé ou une monture
brisée. De façon à conserver notre clientèle, nous
nous devons de donner le meilleur de nous-mêmes sur toute la ligne. Quant
à notre compétence, nous pouvons vous remplir n'importe quelle
ordonnance. Vous pouvez nous les apporter, nous allons vous les remplir.
M. CLOUTIER (Montmagny): Jusqu'à présent, vous n'aviez pas
ou presque pas de contacts ou de relations avec les optométristes,
est-ce exact?
M. SAULNIER: Pardon? Je n'ai pas saisi.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les optométristes,
jusqu'à présent, vous envoyaient des ordonnances à
remplir.
M. SAULNIER: Oui.
M. DELORME: Oui, mais ça devenait aussi très difficile
entre autres, à cause d'un règlement du Collège des
optométristes qui défend à un optométriste d'avoir
son bureau sur le même étage qu'un opticien d'ordonnances. Je ne
comprends pas le bien-fondé d'un règlement comme ça, mais
cela existe.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit tantôt, si j'ai bien
compris, que les optométristes étaient en conflit
d'intérêts. Vous n'acceptez pas la démonstration qu'ils ont
faite devant la commission qu'il serait préférable qu'ils
puissent accomplir l'acte au complet, à partir du début
jusqu'à la prescription et remplir aussi l'ordonnance quant à la
lentille ophtalmique. Etant donné que vous avez l'exclusivité,
c'est pour ça que je vous posais la question. Vous aurez
l'exclusivité dans quelque temps, est-ce que vous ne croyez pas que vous
assumez plus de responsabilités que vous n'en assumiez auparavant?
L'optométriste et l'ophtalmologiste n'auront pas, sauf erreur, le
contrôle de l'ordonnance.
M. SAULNIER: Je ne crois pas que le contrôle se termine là.
A ce point-là, vous avez deux personnes à satisfaire, vous avez
le client et l'ordonnance que vous devez respecter, soit qu'elle ait
été remplie par l'ophtalmologiste ou l'optométriste. Il
faut que vous donniez toute votre compétence et que vous
l'appliquiez.
M. CLOUTIER (Montmagny): En pratique, ça va se passer
comment?
M. SAULNIER: Je pourrai vous le dire lorsqu'on sera...
M. CLOUTIER (Montmagny): Soyons pratiques, vous allez remplir toutes les
ordonnances.
M. SAULNIER: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous allez recevoir une ordonnance de
l'optométriste et de l'ophtalmologiste. A partir d'un document, vous
allez compléter une ordonnance. Vous allez ajuster, vous allez remettre
au patient une paire de lentilles ophtalmiques avec une monture; le client s'en
retourne, ça fait ou ça ne fait pas, il peut y avoir des
ajustements de nécessaires. Est-ce que le patient va retourner vous voir
si vous avez la responsabilité? Il va falloir que quelqu'un la prenne la
responsabilité au complet. Le pharmacien a la responsabilité
partielle de l'ordonnance pour autant qu'il la remplit tel que le
médecin l'a indiqué sur son papier; c'est le médecin qui
prend la responsabilité de la médication. Il l'exécute par
après. Je voudrais bien situer le problème, étant
donné qu'on a une telle loi. Où commence votre
responsabilité et où va se terminer celle de
l'optométriste? Par la loi nouvelle je ne porte pas de jugement
à ce moment-ci, on le fera plus tard l'optométriste se
voit amputer d'une partie de son champ d'exercice. Même si nous n'avons
pas eu l'interprétation de la définition, il y a une restriction
à un bout de la chaîne et une autre à l'autre bout parce
qu'il ne peut plus remplir l'ordonnance quant à la lentille ophtalmique.
Donc, c'est rétréci aux deux extrémités. Il faut un
nouveau partage des responsabilités, à mon sens. C'est pour
ça que je vous pose la question.
M. DELORME: L'optométriste, aujourd'hui, a la
responsabilité de l'ordonnance et également il prend la
responsabilité de la lentille ophtalmique.
Le travail de l'opticien d'ordonnances consiste à remplir
l'ordonnance qui lui est présentée. A ce point de vue, on peut
facilement le comparer à un pharmacien. Si vous vous présentez
chez un pharmacien et qu'on vous prescrit des 292, si le pharmacien vous donne
un autre pilule, c'est sa responsabilité. Par contre si ce ne sont pas
des 292 qu'il vous faut, c'est la responsabilité du médecin.
Alors, le cas sera exactement le même pour les opticiens d'ordonnances.
Si on vous prescrit un tel verre, la responsabilité des opticiens
d'ordonnances c'est de remplir l'ordonnance. Evidemment, en plus, ils sont
assez compétents pour savoir s'il s'est glissé certaines erreurs
sur des ordonnances. Il y a souvent des conversations
téléphoniques actuellement surtout entre des
opticiens d'ordonnances et des ophtalmologistes. Il y a des fois des erreurs de
copies, il y a certaines petites erreurs qui surviennent; on réussit
à les corriger, ensuite on remplit l'ordonnance. Si le patient qui porte
les lunettes trouve qu'elles ne lui vont pas, il peut y avoir deux choses: ou
bien l'ordonnance n'était pas exacte, ou elle a été mal
remplie. Si elle a été mal remplie, c'est la
responsabilité de l'opticien; si elle n'est pas exacte, c'est la
responsabilité de celui qui l'a prescrit.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel moyen allez-vous prendre pour
décentraliser votre effectif et le répartir sur le territoire
pour faire en sorte que vous ayez un opticien d'ordonnances pour un
optométriste, tel que vous nous l'avez exprimé tantôt?
M. DELORME: Ceci a été prévu. Depuis deux ans, les
étudiants admis à l'école, pour autant qu'on peut
le faire sont des étudiants de l'extérieur des grands
centres justement pour permettre, advenant l'exclusivité de la lunette,
que les centres de moindre importance soient immédiatement desservis.
Evidemment, il y a des opticiens d'ordonnances dans les grands centres qui
pourront aussi s'en aller vers les centres plus petits.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Au sujet de votre école, vous avez dit que vos
cours sont de deux ans?
M. SAULNIER: Je n'ai pas compris votre question.
M. SAINT-GERMAIN: La durée des cours donnés à
l'Ecole des opticiens d'ordonnances est de deux ans?
M. SAULNIER: C'est bien cela. M. SAINT-GERMAIN: Le jour. M. SAULNIER:
Jour et soir.
M. SAINT-GERMAIN: Ce sont des cours du soir.
M. SAULNIER: Jour et soir.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que ce sont les mêmes étudiants le
jour et le soir?
M. SAULNIER: Certainement. Les journées ne sont pas
complètes, vous avez des cours le matin, vous avez des cours le soir
parce qu'il y a du travail pratique ajouté à cela.
M. NANTAIS: La raison de cela, c'est que l'élève peut
venir le matin suivre un cours et retourner à son travail chez un
opticien d'ordonnances, dans un laboratoire. Il est sous la surveillance d'un
opticien et le soir il revient suivre un autre cours, soit de théorie ou
de pratique. Alors il a l'expérience des cours donnés à
l'école et l'expérience pratique comme stagiaire avec un opticien
d'ordonnances.
M. SAINT-GERMAIN: Et cela, cinq jours par semaine?
M. NANTAIS: Trois soirs et trois jours.
M. SAINT-GERMAIN: Et cela dure combien de temps?
M. NANTAIS: Son expérience pratique se fait tous les jours. Il
doit travailler à plein temps chez un opticien d'ordonnances.
M. SAINT-GERMAIN: Et cela dure combien de temps? Vous commencez les
cours en septembre jusqu'à juin?
M. NANTAIS: De septembre à juin. Les examens ont lieu au
début de juin avec des examens aux Fêtes aussi.
M. SAINT-GERMAIN: Et c'est deux ans. M. NANTAIS: Deux ans.
M. SAINT-GERMAIN: Depuis combien d'années le cours est-il de deux
ans?
M. NANTAIS: Je dirais depuis plus de dix ans, sans avoir de date
précise. L'école existe depuis 1940.
M. SAINT-GERMAIN: Mais avant c'était un an je suppose?
M. NANTAIS: Oui.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous aviez des cours du jour et du soir
avant ces dix ans-là?
M. NANTAIS: A ce moment-là aussi. Nous avons aussi les cours de
jour...
M. SAINT-GERMAIN: Qu'est-ce que vous avez, maintenant, comme cours pour
vous justifier d'ajuster des verres de contact?
M. CLEMENT: Le cours de verres de contact comprend l'anatomie de l'oeil,
le limbe, les glandes lacrimales et meiboennes, les fonctions de la couche
précornéenne, la construction de base d'une lentille, les
données pour la construction d'une lentille.
Il y a aussi les puissances d'une lentille cornéenne, la
transposition d'une ordonnance à une lentille cornéenne,
l'ajustement, courbures de base par rapport à la lecture
caractométrique, la théorie de la grandeur des lentilles, la
relation entre l'angle de la lentille et la cornée, calcul du
diamètre, l'étude des solutions, le contrôle de la
qualité des lentilles, l'usage du radioscope, les vérifications
du diamètre et l'étude de la lentille cornéenne molle.
M. SAINT-GERMAIN: Et qui donne ce cours-là?
M. CLEMENT: Un opticien d'ordonnances.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que cet opticien d'ordonnances a le droit
de..?
M. CLEMENT: Il n'y a absolument rien qui dise qu'il n'ait pas le droit,
dans aucune loi, je crois.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce qu'il n'y a pas actuellement des causes devant
les tribunaux à ce propos?
M. CLEMENT: Je ne le crois pas.
M. SAINT-GERMAIN: Il n'y a pas de causes pendantes? Le Collège
des optométristes n'a pas fait de causes concernant certains opticiens
d'ordonnances qui faisaient des vers de contact?
M. DELORME: Non, pas à ma connaissance.
M. SAINT-GERMAIN: Il y a peut-être quelqu'un qui est mal
renseigné. Mais cet opticien d'ordonnances qui vous donne ces cours,
est-ce qu'il en fait, d'une façon pratique, des verres de contact?
M. CLEMENT: Bien sûr.
M. SAINT-GERMAIN: Il les fait hors la loi.
M. CLEMENT: Quelle loi?
M. DELORME: Actuellement, en vertu de la loi, les opticiens
d'ordonnances ont le droit de faire des verres de contact.
M. SAINT-GERMAIN: Mais ils les font avec quelles ordonnances?
M. DELORME: Ils les font selon les ordonnances d'un ophtamologiste.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce d'après une ordonnance qui a
été faite à la suite d'un examen pour verres de contact ou
d'après une ordonnance ordinaire?
M. NANTAIS: Le client est d'abord toujours envoyé chez un
ophtalmologiste. L'ophtalmologiste autorise, par son ordonnance, la fabrication
des lentilles cornéennes pour cette personne-là; et une nouvelle
vérification est ensuite faite par l'ophtamologiste qui l'a
autorisée.
M. SAINT-GERMAIN: Alors, lorsque l'ophtalmologiste remet son ordonnance,
elle comprend tout: les courbures, tous les détails du verre de
contact.
M. NANTAIS: Les courbures caractométriques peuvent être
prises par l'opticien d'ordonnances. Certains ophtalmologistes les prennent
mais l'opticien d'ordonnances est compétent pour prendre les courbures
caractométriques.
M. SAINT-GERMAIN: Vous vous servez du rapport Castonguay pour dire que
la commission Lacasse vous a trouvés compétents pour ajuster les
verres de contact. Vous semblez faire cette déduction à la suite
de ce paragraphe de la page 71 qui recommande que l'ajustement des verres de
contact ne devrait être effectué que par des personnes
compétentes dûment reconnues comme telles: Un comité
formé par le Collège des médecins chirurgiens, en
collaboration avec le Collège des optométristes et la Corporation
des opticiens d'ordonnances, devrait déterminer les titres requis
dressés et tenir à jour la liste des personnes jugées
compétentes.
Est-ce que ce comité a déjà
siégé?
M. DELORME: Si ce comité a déjà
siégé? M. SAINT-GERMAIN: Oui.
M. DELORME: Ce comité n'a jamais été
formé.
M. SAINT-GERMAIN: Alors, comment pou-vez-vous déduire que, de par
la formation de ce comité...
M. DELORME: Il s'agit...
M. SAINT-GERMAIN: ... la commission Lacasse en a déduit que vous
étiez compétents.
M. DELORME: ... d'une recommandation, non pas de la commission Lacasse,
mais de la commission Castonguay-Nepveu. Une de ces recommandations concernait
justement l'ajustement des verres de contact. Et l'on dit, probablement pour
assurer une plus grande sécurité, que les verres de contact
devaient être ajustés par des personnes dûment reconnues
compétentes en la matière.
Ces personnes devaient être déterminées par un
comité formé. C'était une des recommandations de la
commission Castonguay-Nepveu.
M. SAINT-GERMAIN: Oui, mais cette recommandation n'a jamais
été mise en pratique. Ce comité n'a pas fait
d'étude, il n'a donc pas soumis de rapport.
M. DELORME: Ce comité serait seulement formé pour nommer
les personnes compétentes. C'est une des recommandations de la
commission d'enquête. Les recommandations, à ma connaissance,
n'ont pas toutes été mises en pratique et les comités qui
ont été suggérés n'ont pas tous été
formés non plus.
M. SAINT-GERMAIN: Je lis bien, pour la bonne compréhension:
L'ajustement des verres de contact ne devrait être effectué que
par des personnes compétentes dûment reconnues comme telles. Un
comité formé par le Collège des médecins
chirurgiens, en collaboration avec le Collège des optométristes
et la Corporation des
opticiens d'ordonnances, devrait déterminer les titres requis
dressés et tenir à jour la liste des personnes jugées
compétentes.
Alors, comment la commission Castonguay a-t-elle pu déterminer
que les opticiens d'ordonnances sont compétents si le comité qui
avait pour responsabilité de faire une liste des personnes jugées
compétentes n'a jamais siégé?
M. DELORME: Je vais vous retourner la question.
Pourquoi les opticiens d'ordonnances siègent-ils à ce
comité? Pourquoi demander aux opticiens d'ordonnance...
M. SAINT-GERMAIN: Je ne retourne pas les questions. Je ne suis pas ici
pour me faire questionner. J'ai le rapport devant moi. Vous vous servez de ce
paragraphe pour dire que les opticiens d'ordonnances sont compétents.
Vous avouez que le comité n'a jamais changé. Je vous demande
où est cette liste de personnes jugées compétentes pour ce
comité si elles n'ont jamais siégé?
M. DELORME: M. Saint-Germain, il s'agit de la commission d'enquête
Castonguay-Nepveu. Cette commission a fait un très grand nombre de
recommandations. Entre autres, elle a recommandé que les
optométristes se retirent de la vente des lentilles ophtalmiques. Ce
n'est pas fait ça non plus, aujourd'hui. Cela va se faire bientôt,
mais ce n'est pas fait ça non plus. Elle a aussi recommandé qu'un
comité soit formé pour déterminer quelles seront les
personnes compétentes pour faire l'ajustement des lentilles de contact.
Ce n'est pas fait ça non plus, aujourd'hui. Je souhaite que cela se
fasse. Je ne parle plus des oculistes, je parle d'autre chose.
M. CASTONGUAY: Je peux peut-être dire un mot. J'ai noté
également, M. le Président, parce que je pense avoir entendu la
même chose, qu'il y avait un illogisme ou qu'on tiendrait une conclusion
qui n'était pas tout à fait correcte en bonne logique, qu'on ne
pouvait, à partir des citations de l'étude Lacasse et du rapport
de la commission, en arriver à conclure que tous les opticiens
d'ordonnances sont aptes et compétents à faire l'ajustement des
lentilles cornéennes ou les verres de contact.
M. SAINT-GERMAIN: Je peux continuer. Je ne reviendrai pas
là-dessus puisque la chose semble être claire. Mais pour revenir
aux études de la commission Lacasse, vous semblez vous en servir,
justement au point de vue de l'accessibilité des services
optométriques et de la lunette en particulier. Ici, j'ai devant moi le
mémoire de l'Association professionnelle des optométristes. A
l'annexe VI, page 4, on cite des extraits de l'étude de la commission
Lacasse et on dit, dans le chapitre Economie et accessibilité, en
pensant à la distribution des lunettes, "Quels seraient les prix que la
société devrait payer en astreignant les optométristes au
mécanisme le plus rigoureux de l'ordonnance? Autrement dit, si les
opticiens seuls pouvaient, dorénavant, exécuter les prescriptions
de prothèses optiques. "A court et moyen termes (la formation de
l'opticien dure quatre ans), la pénurie de points de vente pour les
lentilles serait sérieuse. En effet, il y a aujourd'hui, dans la
province, 495 optométristes (largement éparpillés sur
l'ensemble du territoire) alors que les opticiens comptent 241 membres actifs.
Plus concrètement, un mémoire du Collège des
optométristes nous apprend qu'en 1964, sur 400,000 examens
effectués par les optométristes du Québec, 340,000 ont
entraîné la prescription de prothèses. Comme on peut
supposer que la majeure partie de ces ordonnances ont été
remplies par les optométristes eux-mêmes, c'est dire que la
capacité des services de distribution de prothèses optiques
devrait vraisemblablement plus que doubler pour se passer des services des
optométristes. "Le prix à payer (en termes d'accessibilité
et d'économie) pour obtenir la sécurité du plein
mécanisme d'ordonnance serait, en courte et moyenne périodes,
passablement élevé. C'est donc dire que l'arrangement actuel
présente des avantages considérables, des points de vue
économie et accessibilité. "
J'aimerais vous demander comment vous pouvez vous servir des
résultats d'une telle étude pour appuyer vos revendications?
M. DELORME: La réponse est bien simple. Si vous continuez la
lecture du rapport Lacasse, le rapport Lacasse pose la question si les
opticiens étaient sous-employés. Je peux vous dire
qu'actuellement il y a des opticiens qui sont sous-employés. C'est ce
que nos études économiques également ont
déterminé. Continuons aussi la lecture du rapport Lacasse et vous
allez arriver à la suggestion du rapport Lacasse que les
optométristes se retirent de la vente des lentilles ophtalmiques.
M. SAINT-GERMAIN: Nous ne lisons certainement pas le même rapport.
Vous parlez de conflit d'intérêts; on dit ici: Les
optométristes partagent avec les dentistes et les acousticiens de
remplir leurs propres ordonnances. Bon, on en finit.
La conclusion donc, sous ce rapport, l'opto-métriste ne
diffère pas du médecin que par une question de degrés. Il
contrôle, non seulement la demande des services qu'il donne, mais aussi
celle des biens. Alors, les conflits d'intérêts peuvent parfois
être plus apparents que réels.
En effet, des cas peuvent survenir où on peut traiter par
prothèses ou par des soins au cabinet de l'optométriste. Dans un
tel cas, le fait pour l'optométriste d'être ainsi un vendeur de
prothèses évite le conflit d'intérêts. De toute
façon, à notre connaissance, il ne se produit pas sous
ce rapport les grossiers abus que l'on rencontre parfois dans la vente
des prothèses auditives. Est-ce que vous voyez là-dedans quelque
chose qui...?
M. DELORME: Je vois au moins, là-dedans, qu'il est fait mention
du conflit d'intérêts. On mentionne que le conflit
d'intérêt soit le même pour un autre professionnel,
ça m'importe peu. Ce n'est pas parce que vous allez vous jeter à
l'eau demain que je vais y aller aussi. Si on peut régler le conflit
d'intérêts entre les optométris-tes et les opticiens, tant
mieux.
Evidemment, avec les moyens actuels, on ne pourrait pas le régler
au niveau des avocats parce que, actuellement, il est vrai que si j'ai un
client qui vient à mon bureau, c'est moi qui décide de la
procédure à suivre. Tandis que s'il y avait un autre personnage
qu'on pourrait appeler l'aide légale ou l'aide-avocat, on pourrait
peut-être créer une deuxième corporation.
M. SAINT-GERMAIN: Ne croyez-vous pas que la conclusion est tout à
fait opposée? De toute façon, on dit dans un tel cas, le fait
pour l'optométriste d'être aussi un vendeur de prothèse
évite le conflit d'intérêts; il ne peut pas y avoir de
dichotomie. Parce que, enfin, il faut bien l'avouer, ça existe. Il y a
des rapports qui existent entre opticiens d'ordonnances et ophtamologistes; il
y en aura tout à l'heure, si la loi reste telle qu'elle, entre les
optométristes et les opticiens. Cela me semble être
évident.
M. DELORME: Pourquoi y en aurait-il? Je ne vois pas pourquoi il y en
aurait.
M. SAINT-GERMAIN: C'est parce que si, moi, je n'ai pas le droit de
distribuer des lunettes tout à l'heure, je vais devenir très
intéressant pour un opticien d'ordonnances. Croyez-moi, je vais en avoir
alentour, soyez sans inquiétude.
M. DELORME: Non, parce que l'opticien d'ordonnances va être
certain d'avoir toutes...
M. SAINT-GERMAIN: Il suffit d'en amener un avec moi et d'en
établir un en avant de moi; je vais avoir tous les avantages, je vais
même avoir un choix.
M. DELORME: Vous aurez peut-être le choix mais n'oubliez pas que
vous avez insisté énormément sur le fait que vous
êtes 500 dans la province de Québec et qu'il y a plus de 170
ophtamologistes. Donc, il y a tout près de 700 personnes qui pourront
prescrire des lentilles ophtalmiques et 300 personnes qui pourront remplir les
prescriptions. Est-ce que vous croyez que ça ne causera pas de
problèmes à ce moment-là?
M. SAINT-GERMAIN: Le fait que les verres peuvent être
distribués par deux corps profes- sionnels, n'est-ce pas une garantie
pour le public, que c'est une saine concurrence et que ça donne au
public l'opportunité d'être servi par les ophtamologistes ou par
les optométristes ou par les opticiens d'ordonnances, selon son
choix.
Est-ce que vous pensez que le public n'a pas droit à ce
choix?
M. DELORME: Personnellement, je crois que le public a droit à la
personne la plus compétente pour remplir l'ordonnance et actuellement,
selon mes vues, la personne la plus compétente est l'opticien
d'ordonnances.
M. SAINT-GERMAIN: Si je reviens au rapport Lacasse, j'en arrive encore
à la même chose. On dit ici: Ces considérations nous
ramènent à un problème déjà mentionné
dans le cas des pharmaciens, celui du progrès technique qui rend plus ou
moins utile la formation spécialisée de certains professionnels.
Il semble bien que mutatis mutandis, nos remarques d'alors soient
justifiées dans le cas présent aussi. En effet, que le travail de
mise au point, de réparation, etc. des lentilles soit effectué
à l'usine du fabricant ou dans l'atelier de l'opticien, le patient jouit
des mêmes garanties pourvu, évidemment, que la qualité et
la pertinence du travail soient contrôlées par un
spécialiste.
C'est précisément ce qui se produit au cas où un
optométriste est le responsable final de l'exécution d'une
ordonnance de prothèse optique.
M. DELORME: La réponse là-dessus, d'après moi,
c'est que justement, l'opticien d'ordonnances est compétent pour
déterminer la qualité de la lentille. Vous avez une
vérification additionnelle; c'est pas ça la
sécurité du public? Vous l'avez, vous la donnez au public. Il va
voir son optométriste et ensuite, il va voir l'opticien d'ordonnances.
Lui va lire la prescription, ça fait une deuxième personne qui va
lire la prescription. L'opticien d'ordonnances va ensuite remplir la
prescription, il va la revérifier. Je pense que c'est une bonne
façon de protéger l'intérêt du public.
M. SAINT-GERMAIN: En fait, est-ce que vous ne croyez pas...
M. SAULNIER: Si vous permettez, M. Saint-Germain, j'aimerais faire une
parenthèse. D'après vous, si un optométriste a une
secrétaire qui fait les ajustements et la bande de la monture, est-ce
qu'elle a la compétence d'un opticien d'ordonnance?
M. SAINT-GERMAIN: Elle n'a pas la compétence d'un
optométriste non plus, croyez-moi. Et c'est illégal.
M. SAULNIER: Je n'en doute pas.
M. SAINT-GERMAIN: Et je ne protège...
M. SAULNIER: Et c'est attribuable au fait qu'ils sont trop
occupés.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez raison.
M. SAULNIER: Mais là, vous envisagez le problème...
M. SAINT-GERMAIN: Ce qui me surprend dans tout votre mémoire,
c'est que vous semblez vous appuyer fortement, du moins pour avoir certaines
responsabilités vis-à-vis du public, sur un rapport, qui,
à la lecture, est en faveur, à mon avis, du statu quo sur bien
des points.
M. SAULNIER: La conclusion finale de ce rapport, c'est quand même
que l'optométriste se retire de la vente des lentilles ophtalmiques.
M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas ce que l'on dit. Je vous dis que nous ne
lisons pas le même rapport.
M. DELORME: Il ne faut pas oublier non plus qu'il s'agit d'une analyse
économique. C'est tout.
M. SAINT-GERMAIN: Je pourrais bien vous lire ceci. Je ne sais pas si je
prends trop de temps. Peut-être.
M. LE PRESIDENT (Carpentier): Je pense que nous avons pas mal couvert le
sujet. Je demanderais au député de l'Assomption de poser sa
question.
M. PERREAULT: Par rapport à l'école d'optique, quel est le
prérequis de scolarité pour l'admission à l'école
d'optique?
M. CLEMENT: Présentement, c'est le CEGEP 1 avec des cours
très spécifiques.
M. PERREAULT: Le CEGEP 1. M. CLEMENT: Oui, monsieur.
M. PERREAULT: Il y a une autre question qui a attiré mon
intérêt dans l'intervention du député de Montmagny,
à propos de la répartition géographique. On a
mentionné tout à l'heure que la majorité des ordonnances
venait des ophtalmologistes ou des opticiens d'ordonnance. D'après les
chiffres, il y a 170 ophtalmologistes et 300 opticiens d'ordonnance. Donc, un
rapport deux-un, deux opticiens pour un ophtalmologiste. Et les
optométristes sont 525. Donc, une différence de 225. Même
si on prend le rapport un à un que vous avez proposé, et avec une
graduation de 23 élèves dans une année, dans combien
d'années pensez-vous que cette différence sera couverte au point
de vue mathématique?
M. NANTAIS: Dans le temps alloué aux optométristes pour se
retirer de la vente des lunettes.
M. PERREAULT: Dans deux ans.
M. NANTAIS: Dans deux ans, puisqu'on peut doubler et faire des
tâches doubles. Actuellement, plusieurs opticiens d'ordonnance qui ne
peuvent exercer leur profession à temps plein travaillent pour d'autres,
c'est-à-dire qu'ils sont salariés, pourront ouvrir leur propre
bureau parce qu'à ce moment-là, cela deviendra intéressant
de le faire et économiquement aussi.
M. PERREAULT: J'ai de la difficulté à comprendre cette
différence du rapport deux-un pour les ophtalmologistes en ce moment
parce que votre majorité de commandes vient d'eux et vous dites à
un opto-opticien.
M. NANTAIS: Parce qu'il faut calculer qu'actuellement sur les 300
opticiens d'ordonnance, tous ne sont pas à leur propre compte.
M. PERREAULT: Combien y en a-t-il à leur propre compte?
M. NANTAIS: Il y en a 100.
M. PERREAULT: Il y en a 100 à leur propre compte. Une autre
question. Vous avez réclamé le droit à la fabrication
comme une industrie un laboratoire, c'est une industrie alors, ne
croyez-vous pas que vous cherchez à détenir deux mandats de
professionnel et de commerçant?
M. NANTAIS: Nous n'avons pas d'objection à être
professionnel et commerçant parce que les deux fonctions sont bien le
but pour lequel nous sommes formés. Comme professionnel, comme opticien
d'ordonnance, il y a le contact que nous ivons avec le patient du
spécialiste qui examine et aussi nous pouvons travailler à notre
laboratoire. Nous ne sommes pas manufacturiers. On disait tantôt le mot
transformer la lentille et non pas la fabriquer. La partie commerçante
est aussi une partie intéressante de notre fonction, autant que
l'optométriste cherche à sauver cette sauvegarde même s'il
dit qu'il donne des lunettes sans profit, il y tient pas mal pour quelqu'un qui
veut les donner.
M. PERREAULT: Justement, si on enlève les lunettes aux
optométristes pour vous les donner, c'est peut-être sage aussi que
les laboratoires soient indépendants des opticiens d'ordonnance.
M. NANTAIS: Ce n'est pas un laboratoire manufacturier à ce
moment-là, c'est notre propre marchandise que nous travaillons pour
avoir un meilleur contrôle de l'acte que nous posons.
M. PERREAULT: Il y a des laboratoires autres que les laboratoires
d'opticiens d'ordonnance qui rendent ces services.
M. NANTAIS: Je vous demande pardon?
M. PERREAULT: Il y a d'autres laboratoires que les laboratoires
d'opticiens qui rendent ces services.
M. NANTAIS: Il y a des laboratoires de gros où les
optométristes envoient leurs ordonnances tandis que nous, nous pouvons
surveiller notre propre marchandise. Nous parlions tantôt de coût
de revient, mais du fait que nous achetons notre marchandise nous-mêmes
et que nous la travaillons, notre coût de revient est moindre que lorsque
nous achetons du grossiste qui, lui aussi, doit vivre.
Et on peut vous signaler que, depuis quelques années, le taux, le
coût pour acheter la marchandise a augmenté. Tandis que le prix
auquel nous travaillons, quand nous achetons une marchandise semi-finie, et que
nous la travaillons en laboratoire fait qu'elle nous coûte moins
cher.
M. PERREAULT: Concernant les grossistes, je prends un laboratoire que je
connais, Bausch & Lomb, qui fait ça. D'après vous, en donnant
tout à l'opticien d'ordonnance, la majorité ont leur laboratoire,
on se trouverait à éliminer ces autres laboratoires et, à
ce moment-là, vous pouvez affirmer que le coût diminuerait.
M. NANTAIS: Le coût de production n'augmentera pas certainement.
Si la Bausch & Lomb ou une autre compagnie disparaissaient, je pense que
nous, ça ne nous préoccupe pas, pourvu qu'on puisse donner le
service. On parle de service global, mais c'est un service complet, on a une
ordonnance, il suffit qu'on puisse travailler sur place même et
surveiller l'opération de A à Z jusqu'à la livraison.
M. SAULNIER: On parle toujours d'intérêt public, mais,
jusqu'à maintenant, je crois qu'il n'y a pas tellement de personnes qui
semblent se préoccuper de la lunette industrielle. Ce sont des verres
faits pour donner de la protection au public mais, par contre, dans plusieurs
cas, il y a eu des accidents qui se sont produits, par négligence et
faute de contrôle sur la lunette industrielle.
Vous parlez de main-d'oeuvre, je crois que vous dirigez vos intentions
vers ce point en disant qu'on priverait les compagnies grossistes. Pour votre
information, concernant les compagnies de gros qui fabriquent des lentilles
industrielles, après avoir eu l'ordonnance cette ordonnance est faite en
bonne et due forme par un optométriste, par un ophtalmologiste; par
contre, les mesures et ainsi de suite, c'est pris par le type qui travaille aux
premiers soins dans les usines. A ce point, ils ont le contrôle
là-dessus et il envoie ça, pour votre information, en Ontario.
Vous parlez de main-d'oeuvre, on va vous renseigner.
Il n'y a personne qui a semblé s'inquiéter de cet
état de choses. Si ce qui s'en va en Ontario était fait au
Québec, les compagnies de gros ne resteraient pas en souffrance et tout
le monde serait heureux.
M. PERREAULT: Vous parlez de lentilles industrielles, il faut quand
même faire une différence entre une lentille ophtalmique et une
lentille industrielle.
M. SAULNIER: Pardon, monsieur. Si vous avez une lentille industrielle
avec ordonnance, ça existe.
M. PERREAULT: Avec ordonnance, oui, mais la plupart...
M. SAULNIER: Vous seriez surpris du montant d'argent qui coule en dehors
de la province.
M. PERREAULT: Une autre question: L'opticien étant fabricant,
donc fabricant de son produit, travaillant le verre, et recevant une ordonnance
d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste, ne trouvez-vous pas un peu
étrange que ce soit lui-même qui contrôle la qualité
du produit fournie pour l'ordonnance?
M. SAULNIER: C'est sa formation d'opticien.
M. PERREAULT: Ecoutez, ç'a beau être sa formation, vous
fabriquez le produit, vous remplissez l'ordonnance, qui vérifie que le
produit est bien fait?
M. DELORME: L'opticien lui-même.
M. PERREAULT: C'est son propre produit.
M. DELORME: Bien sûr!
M. PERREAULT: C'est un peu anormal.
M. DELORME: Ecoutez, actuellement, il y a 170 ophtalmologistes dans la
province de Québec qui envoient leurs ordonnances chez l'opticien
d'ordonnance, c'est fait comme ça. Vous êtes probablement
déjà allé chez un opticien d'ordonnance, vous avez eu de
bonnes lunettes. C'est vérifié sur place, faites les
vérifier après, ça ne gêne personne ici de faire
vérifier le travail d'un opticien d'ordonnance, en aucun temps.
M. PERREAULT: En principe, celui qui fabrique son produit ne devrait pas
être celui qui le vérifie.
M. NANTAIS: C'est la même préoccupation pour les
optométristes d'ailleurs.
M. PERREAULT: Je ne dis pas que ce n'est pas la même situation, je
parle, comme principe, de la fabrication.
M. SAULNIER: Par contre, on n'est pas sans tenir compte que si on a une
ordonnance d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste, on en prend bien
soin, parce que c'est notre client qui nous fait vivre. Par contre,
imaginez-vous qu'il faut toujours finir par faire confiance à quelqu'un.
Si tout le monde est un cas douteux, à ce moment-là où est
le point de vie?
M. PERREAULT: Ecoutez, il y a une différence, ce n'est pas une
question de ne pas être compétent, de ne pas faire confiance, mais
il y a un contrôle de l'ordonnance qui devrait exister, d'après
moi. Il faut que quelqu'un exerce ce contrôle.
M. DELORME: Justement, c'est l'opticien d'ordonnance qui exerce ce
contrôle. C'est bien moins grave que quand c'est la personne qui a
prescrit les verres en plus.
M. PERREAULT: Il est fabricant en même temps, l'opticien
d'ordonnance.
M. DELORME: La différence...
M. PERREAULT: Il fabrique et il contrôle sa fabrication.
M. DELORME: Il contrôle sa fabrication, c'est moins grave,
monsieur, que de prescrire et aussi de vendre les lunettes.
M. NANTAIS: Le ministre Castonguay a demandé ce matin au
représentant du collège si le fait que les opticiens d'ordonnance
pourraient avoir l'exclusivité de la vente des lunettes deviendrait un
danger pour la population, si la population en souffrirait. Il a répondu
que non. Je pense que si, depuis que les opticiens d'ordonnance...
M. PERREAULT: Qui a répondu non?
M. NANTAIS: Le représentant du Collège des
optométristes. Si, depuis le nombre d'années que nous
exécutons, vérifions et transformons les lentilles et
exécutons les ordonnances pour les ophtalmologistes, nous étions
vraiment incompétents, il y a longtemps qu'on l'aurait su.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Maskinongé.
M. PAUL: Je voudrais poser quelques questions au président du
collège. Pourriez-vous me dire depuis quand vous exigez une
scolarité équivalente au CEGEP I de la part de: vos
étudiants?
M. CLEMENT: Depuis l'année passée.
M. PAUL: Avant l'an dernier, quel était le minimum de
scolarité que vous exigiez de vos étudiants?
M. CLEMENT: Une onzième année
sciences-mathématiques.
M. PAUL: Pourriez-vous nous dire où se trouve située cette
école dite d'optique de la province de Québec?
M. CLEMENT: Sur la rue Saint-Denis, à Montréal.
M. PAUL: Est-ce que cette école est affiliée à une
université?
M. CLEMENT: Aucunement.
M. PAUL: Pourriez-vous nous dire quelle est la scolarité de vos
professeurs? Est-ce que ce sont des professeurs de carrière ou si c'est
à temps partiel qu'ils dispensent l'enseignement?
M. CLEMENT: Il y en a qui sont des professeurs de carrière, il y
en a d'autres qui sont des opticiens.
M. PAUL: Que représente, chez ces professeurs de carrière,
leur scolarité et leurs études spécialisées?
M. CLEMENT: Je n'ai pas compris la question.
M. PAUL: Quel cours spécialisé ont suivi ces professeurs
de carrière?
M. CLEMENT: En théorie, on a un monsieur qui a un brevet
d'enseignement spécialisé, option secondaire, physique.
M. PAUL: Vous en avez un. Et les autres? Combien avez-vous de
professeurs en tout?
M. CLEMENT: Il y a cinq professeurs.
M. PAUL: Vous avez mentionné, vous ou Me Méloche,
l'obligation d'une cléricature de deux années. Est-ce pendant
l'enseignement ou si c'est postérieur à l'enseignement, cette
cléricature?
M. CLEMENT: C'est pendant l'enseignement.
M. PAUL: Pourriez-vous nous dire si vos étudiants
reçoivent des subventions du ministère de l'Education?
M. CLEMENT: Pas jusqu'à maintenant.
M. PAUL: Quel est le nombre d'heures d'enseignement dispensé par
l'ophtalmologiste qui enseigne à votre école?
M.CLEMENT: Entre 25 et 30 heures, je crois.
M. PAUL: Par année ou durant tout le cours?
M. CLEMENT: Pendant l'année.
M. PAUL: Est-ce que l'enseignement est répété la
deuxième année?
M. CLEMENT: Non, le cours de l'ophtalmologiste n'est donné qu'aux
élèves de deuxième année.
M. PAUL: Est-ce qu'il y a des ophtalmologistes qui sont membres de votre
corporation?
M. CLEMENT: Non, monsieur.
M. PAUL: Est-ce qu'il y a des optométristes qui sont membres de
votre corporation?
M. CLEMENT: Non, je ne crois pas. M. PAUL: Merci.
M. NANTAIS: Est-ce qu'on peut signaler, pour éclairer M. Paul,
que des démarches ont été entreprises pour une affiliation
avec un des CEGEP?
M. PAUL: Est-ce que vous avez consulté le ministère de
l'Education?
M. NANTAIS: Le ministère de l'Education et le sous-ministre
Brunet avec lequel nous avons discuté le sujet.
M. LE PRESIDENT: Je remercie les membres de la Corporation des opticiens
d'ordonnances de la province de Québec pour la présentation de
leur rapport. J'inviterais maintenant les membres de l'Optique Richelieu
Ltée à présenter leur rapport.
M. DELORME: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Juste une question avant de commencer à entendre
votre mémoire. Est-ce que les représentants de la Corporation des
ajusteurs de lentilles cornéennes sont encore ici présents dans
la salle? D'accord, alors j'invite les membres à commencer
immédiatement.
L'Optique Richelieu Ltée
M. TETRAULT: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de
la commission. Vous avez devant vous, à ma gauche, M. Raymond Custeau,
directeur général de l'Optique Richelieu; à ma droite, Me
Maurice Martel, conseiller juridique de l'Optique Richelieu. Mon nom est Luc
Tétrault, optométriste, président de l'Optique
Richelieu.
Immédiatement, je vais demander à M. Custeau de
présenter le mémoire.
M. CUSTEAU: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
voudrais d'abord vous dire ce qu'est l'Optique Richelieu. C'est une entreprise
de fabrication de lentilles ophtalmiques et de distribution de produits
d'optique. Cette entreprise a été fondée par des
optométristes pour servir les intérêts de tous les
optométristes.
La presque totalité des actionnaires sont des
optométristes et l'accès au capital-actions a été
offert à plusieurs reprises à tous les optométristes du
Québec. Parmi les 528 optométristes du Québec,
au-delà de 140 sont nos actionnaires. Les autres sont des cadres de la
compagnie.
La compagnie est actuellement présente dans différentes
régions de la province par le biais de laboratoires régionaux,
notamment dans le Bas-du-Fleuve, dans la Mauricie, Montréal et la rive
sud. C'est vous dire que la compagnie, en tant que grossiste, s'est bien
intégrée à chaque milieu régional.
Rappelons d'abord que nous sommes ici en tant qu'entreprise oeuvrant
dans le secteur de l'optique et que nous sommes touchés par le bill 256,
Loi sur l'optométrie, et par le bill 268, Loi des opticiens
d'ordonnances, parce qu'ils ont des implications économiques.
Au chapitre des changements proposés, le bill 256 pour le
rappeler brièvement propose d'interdire aux optométristes
de vendre des lentilles ophtalmiques et "d'avoir un intérêt dans
une entreprise de fabrication ou de vente de lentilles ophtalmiques." C'est
là que nous sommes particulièrement touchés.
Le bill 268, par ailleurs, veut donner aux opticiens d'ordonnances
l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques et, par ricochet,
d'autres produits d'optique, tels que les montures.
En théorie, l'idée de délimiter les champs
d'activités entre ces deux professions peut paraître souhaitable,
mais, en pratique, il s'impose de vérifier si le partage, tel que
conçu, est juste pour tous les groupes concernés et si le public
sera mieux servi.
Avant de répondre à ces questions, l'on nous permettra de
souligner certains aspects qui ne manquent pas de surprendre celui qui est
familier avec le secteur de l'optique et qui planaient dans l'ombre cet
après-midi, au cours des discussions qui parfois voulaient s'en tenir
aux questions de principe.
En général, il est reconnu qu'une saine et réelle
concurrence dans la distribution des produits sert les intérêts du
public. Pourquoi voudrait-on nier ce principe au niveau de la distribution des
produits d'optique?
Plusieurs des bills sur les professions ont été
préparés avec un souci évident de protéger les
droits acquis. Je voudrais vous donner un exemple qui nous a
particulièrement frappés, nous. Dans le bill des opticiens
d'ordonnances,
division 5, section 19, paragraphe c), le législateur
protège les intérêts que les grandes compagnies
détiennent dans les salons d'optique gérés par les
opticiens d'ordonnances. Pourtant, il est connu que les grandes compagnies
contrôlent, d'une façon avouée ou inavouée, un grand
nombre de salons d'optique, pied-à-terre des opticiens d'ordonnances. Le
fait que ces intérêts, ajoutés à leurs
intérêts au niveau de la fabrication du verre et de la
distribution d'un grand nombre de produits d'optique, leur donnent une
influence envahissante sur le marché de l'optique au Québec et au
Canada constitue un danger pour le public en général.
Ces compagnies font présentement l'objet d'une enquête
fédérale sur les pratiques restrictives du commerce. Le seul fait
qu'on ait jugé bon, en certains milieux, de lancer cette enquête
n'est pas sans fondement.
Dans son souci de mettre de l'ordre au niveau de ces deux professions,
pourquoi le législateur ne s'inquiète-t-il pas de l'influence
asservissante qu'exercent les grandes compagnies sur un grand nombre
d'opticiens d'ordonnances, par le biais des salons d'optique? Nous croyons
rendre un service aux opticiens d'ordonnances en faisant cette affirmation en
public, parce que nous admettons leur sincérité, etc. D'ailleurs,
plusieurs d'entre eux s'alarment de cette situation, mais il est clair qu'ils
n'ont pas la latitude pour poser ce problème aussi ouvertement que nous
nous le posons. C'est vrai que notre intérêt, dans une certaine
mesure, nous le dicte, mais on ne saura pas nous en faire un reproche, je
crois.
Il est troublant je le répète de constater
que, depuis l'annonce de cette loi, les grandes compagnies ont acheté
plusieurs salons d'optique et multiplient leurs démarches pour en
acheter d'autres. Plusieurs opticiens d'ordonnances dynamiques, et qui
apprécient leur autonomie, s'en sont alarmés à juste
titre. Ce phénomène a pris une telle ampleur que, maintenant, on
compte plutôt les salons d'optique qui ne subissent pas une suggestion
déguisée, parce que l'affaire est toujours faite finement.
Le salon d'optique est toujours au nom de celui qui le gère.
Celui qui le gère, qui est un opticien d'ordonnance, n'est pas toujours
libre, n'a pas toujours la liberté qui serait souhaitable. Le
problème que nous soulevons est d'autant plus important que le bill 268,
en donnant aux opticiens d'ordonnances le monopole de la vente des lentilles
ophtalmiques et, à toutes fins pratiques, des montures, fait de ceux-ci
la pierre angulaire de tout le commerce des produits d'optique. C'est bien
important qu'on s'y arrête un peu.
Or, la tutelle que subissent nombre d'opticiens d'ordonnances par
rapport aux grandes compagnies fait que les changements envisagés auront
pour résultat d'asservir tout le marché de l'optique à ces
dernières. On peut se demander si ce n'est pas rendre un très
mauvais service à l'opticien d'ordonnance en lui donnant toutes sortes
de chasses gardées sous prétexte de lui assurer une
sécurité que, de toute façon, il n'aura jamais s'il n'est
pas affranchi de la tutelle des grandes compagnies. Aux Etats-Unis, il y a
quelques années, on a interdit à une grande compagnie en
particulier de posséder des salons d'optique, si bien que cette
compagnie, qui en contrôle un grand nombre au Canada, plus
précisément 45 ou environ, n'en contrôle aucun aux
Etats-Unis. Voilà pourquoi, au Canada, les grandes compagnies ont choisi
de contrôler d'une façon déguisée des centaines de
salons d'optique, ce qui leur permet de dominer une bonne part de la
distribution des produits optiques en toute quiétude.
Il ne faudrait pas oublier que dans le partage qu'on veut faire au
niveau des professions, comme toujours lorsqu'il y a des hommes, il y a de gros
intérêts qui s'agitent. On parle souvent de principes, mais
même quand on parle de principe, étant donné que personne
n'est désincarné, il y a toujours des questions d'influence, de
pouvoir et souvent un pouvoir qui est lié à l'argent. Il faut
bien prononcer ce vil mot.
L'intérêt du public. Nous voudrions en parler de notre
point de vue, si vous nous permettez. Nous tenons à rappeler que
l'intérêt du public exige que l'on assure une saine concurrence au
niveau de la fabrication et de la redistribution des produits d'optique. Cet
après-midi, on nous a presque fait peur, on voulait avoir aussi la
fabrication. L'appétit grandit chaque jour, semble-t-il.
Déjà présentement, malgré l'existence de deux
circuits de fabrication et de distribution, le circuit influencé par les
optométristes, celui influencé par les salons d'optique,
l'équilibre reste précaire.
Si les optométristes se résignaient à ne plus
exercer d'influence au point de vue de la fabrication et de la distribution,
nous considérons que tout un réseau de petites entreprises, qui
joue présentement le rôle de deuxième force devant les
salons d'optique et les grandes compagnies, s'écroulerait. Si cette
deuxième force est éliminée, le public devient
automatiquement à la merci des grandes compagnies complètement
intégrées.
Si on considère que déjà les prix des grandes
compagnies sont supérieurs de 25 p.c. à 45 p.c, suivant les
catégories d'ordonnances, à ceux de l'Optique Richelieu
seulement, à qualité égale avec, la plupart du temps, un
service moindre, on n'a pas à deviner ce qu'il adviendra. Nous sommes
prêts à vous soumettre une étude, à comparer les
prix, étude qui, à notre avis, est très éloquente.
Cette étude a été soumise au gouvernement
fédéral qui enquête sur les pratiques restrictives du
commerce.
Permettez-moi de donner quelques renseignements sur notre compagnie.
Plus de la moitié des optométristes du Québec, soit 275,
s'approvisionnent chez nous complètement ou partiellement. Notre chiffre
d'affaires qui, en 1972, va atteindre les $2 millions, fait de nous
la plus importante au Québec. Si nous avons atteint un tel
niveau, ce n'est pas sans raison. Avant 1960 un peu d'histoire, si vous
le permettez le secteur de l'optique au Québec était
complètement dominé par les grandes compagnies, filiales de
compagnies américaines ou ontariennes, qui pouvaient monter les prix
à volonté et qui ne manquaient pas de le faire. Elles
contrôlaient directement ou indirectement l'approvisionnement en
lentilles brutes ophtalmiques, la distribution des lentilles finies, la vente
de machinerie d'optique, la vente d'instrumentation d'optique, la vente de
lunettes industrielles, de nombreux salons d'optique, établissements
spécialisés dans la vente au détail de lunettes
correctrices, administrés d'ailleurs par des opticiens d'ordonnance,
donc compagnies parfaitement intégrées, omniprésente
à tous les niveaux du secteur de l'optique.
Pourquoi les optométristes ont-ils des intérêts
directs ou indirects dans les laboratoires? La fondation de l'Optique
Richelieu, malgré l'influence toujours considérable des grandes
compagnies, notamment dans la distribution du verre brut, a rétabli les
lois de la concurrence avec les effets suivants qui peuvent être
prouvés: - Baisse immédiate des prix de gros; ensuite, au cours
des années, nivellement des prix malgré le coût plus
élevé de la matière première et de la
main-d'oeuvre. Le verre brut est toujours plus ou moins sous contrôle de
grandes compagnies. C'est un marché qui n'est pas sans présenter
bien des anomalies. - Concurrence plus grande quant à la qualité
du service et des prix en général. - Par l'effet
d'entraînement, formation d'autres laboratoires indépendants.
Nous soumettons que le projet de loi aura pour effet de forcer les
optométristes à vendre leurs compagnies, avec les
conséquences suivantes: - Laisser le marché complètement
à la merci des grandes compagnies étrangères vouées
à l'accumulation de profits. - Décapiter la seule force valable
vraiment québécoise que nous ayons dans le secteur de l'optique.
- Mettre fin à l'une des plus belles expériences
d'émancipation économique jamais vue au Québec dans ce
secteur.
Je vous remercie, messieurs.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je dois avouer, au départ,
que j'étais complètement ignorant du fait que la compagnie
Optique Richelieu avait été fondée et était
détenue, soit en partie ou en très grande majorité, par
des optométristes. Alors, il ne faudrait pas voir, dans le projet de
loi, des visées qui n'existent pas ou qui n'existaient pas au moment
où il a été rédigé.
Deuxièmement, en ce qui a trait aux comptoirs d'optique, je crois
que la disposition ne visait pas à favoriser justement la multiplication
de ces comptoirs, mais bien à mettre un frein à ce
phénomène. Vous avez mentionné j'aurais deux
questions d'une part, que de nouveaux comptoirs d'optique se sont
ouverts en grand nombre. Est-ce que vous pourriez me donner des
précisions quant aux endroits, si possible, ou, à tout le moins,
quant au nombre? Ma seconde question a trait au laboratoire Optique Richelieu.
Est-ce que vous ne croyez pas qu'il existe un certain danger de conflit
d'intérêts si un optométriste, à la fois, vend des
verres et en retire un profit? Si ces verres sont commandés dans un
laboratoire où il a un intérêt, n'aura-t-il pas une
certaine tendance à vouloir augmenter le volume de ventes? Je ne peux
m'empêcher de faire remarquer que nous sommes dans un secteur où
les règles ordinaires du marché peuvent présenter certains
dangers. Sans discuter de principes, il n'en demeure pas moins que la
santé publique, si on laisse toujours s'appliquer les règles
ordinaires du marché, peut être mise en cause. C'étaient
mes deux questions.
M. CUSTEAU: En réponse à votre première question,
je voudrais préciser que ce n'est pas tellement le fait que de nouveaux
comptoirs d'optique aient été ouverts, mais c'est que les
comptoirs existants assez importants sont passés sous le contrôle
des grandes compagnies, depuis un an. Déjà, ce
phénomène était assez remarquable, à tel point
qu'on compte plus facilement ceux qui ne sont pas contrôlés que
ceux qui sont contrôlés. La chose est toujours faite d'une
façon déguisée. Même du point de vue légal,
c'est assez difficile. Nous autres, nous avons des signes pour le savoir.
Même parmi les opticiens d'ordonnances, ils se reconnaissent. Ils savent
qui est resté libre et qui n'est pas libre. On a des listes qu'on a
préparées.
Maintenant, au chapitre des statistiques, c'est difficile, savez-vous,
d'arriver d'une façon très certaine, mais c'est un
phénomène très répandu au Canada. Une seule
très grande compagnie, qui est représentée au
Québec, contrôle plus de 300 salons d'optique directement.
Maintenant, quant à votre deuxième question, M.
Tétrault peut y répondre, je crois.
M. TETRAULT: Au niveau du conflit d'intérêts, nous pensons
que c'est toujours un conflit d'intérêts immédiats. Dans le
contexte de l'Optique Richelieu, ce conflit d'intérêts
immédiats n'existe pas, parce que ce n'est pas l'argent que
l'optométriste va toucher immédiatement qui va
l'intéresser. Lorsque les profits, par exemple, demeurent dans une
compagnie, il les touchera en dividendes dans X années.
A ce moment-là, ce n'est pas immédiat. Il faut bien penser
aussi que l'optométriste qui reçoit son ordonnance, si elle n'est
pas exacte, peut la retourner au laboratoire. Dieu sait si nos
gens sont difficiles. Il obtiendrait un crédit, en partie, pour
l'ordonnance qu'il nous retournerait. Si nous donnons l'exclusivité
à l'opticien d'ordonnances, lorsque celui-ci recevra son ordonnance
â son salon d'optique ou la fabriquera lui-même, si elle n'est pas
tout à fait exacte, il sera en réel conflit
d'intérêts. Il la passe comme cela au patient, et le patient n'a
pas ce qu'il doit avoir; ou il la lui remplace et il vient de perdre X dollars.
C'est la même personne qui fera cela. Au niveau du laboratoire,
actuellement, l'opto-métriste vérifie l'ordonnance; il la
retourne s'il ne la trouve pas exacte et, à ce moment-là, il y a
un crédit partiel pour cette erreur.
M. CASTONGUAY: Y a-t-il d'autres laboratoires de cette même
nature, à votre connaissance, au Québec, dans lesquels les
optométristes ont du capital-actions?
M. TETRAULT: La tentative a déjà été faite
mais cela n'a jamais réussi. L'existence de l'Optique Richelieu,
actuellement, est unique, je pense, en Amérique du Nord.
M. CASTONGUAY: Merci
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Y a-t-il des optométristes qui ont vendu
leurs parts, depuis le début, après avoir été
actionnaires?
M. TETRAULT: Oui, sûrement. Nous avons même des
optométristes qui ont participé à la fondation pour les
buts que nous savons, qui ne font pas affaires avec nous et qui ont aussi
revendu leurs parts.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les ont-ils revendues à d'autres
actionnaires qui sont déjà dans l'entreprise?
M. TETRAULT: Au début, il y avait une entente à l'effet
que cela devait se transiger au niveau des optométristes, uniquement. La
raison, c'était pour garder le contrôle, pour éviter que
les grandes compagnies puissent avoir la mainmise. Mais actuellement,
l'optométriste est libre de vendre à qui il veut, sauf les
actionnaires-fondateurs, qui ont fait une convention d'entiercement et se sont
engagés individuellement, les uns envers les autres, pour ne pas que le
contrôle tombe entre les mains des étrangers.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les ont-ils revendues avec profit?
M. TETRAULT: A la valeur au livre, et toujours avec profit.
UNE VOIX: Transigées à la valeur au livre, mais toujours
avec profit?
M. TETRAULT: Exactement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les optométristes qui sont
actionnaires commandent leurs prothèses à l'entreprise Optique
Richelieu?
M. TETRAULT: En partie. La majorité, je peux dire, de nos clients
commandent partiellement à l'Optique Richelieu. Ils commanderont aussi
dans d'autres laboratoires.
M. CUSTEAU: Ce qui a fait notre force, c'est que nous avons un service
spécial dans certaines régions, que les grandes compagnies ne
s'étaient jamais résignées à rendre. Il y a un
service d'autobus, avec messagers, qui est très coûteux. Il y a
toutes sortes de politiques qui émanent des clients alors que les
grandes compagnies, étant donné qu'elles ont des
considérations sur tout le profit, ne s'arrêtent pas à des
choses assez coûteuses comme le service spécial.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez au-delà de 140 actionnaires,
n'est-ce pas?
M. CUSTEAU: Nous avons 150 actionnaires en tout, dont 140
optométristes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ils commandent chez vous. Pourriez-vous
établir assez facilement un profil de pratique de
l'optométriste?
M. TETRAULT: Dans quel sens?
M. CLOUTIER (Montmagny): La fréquence des commandes qu'ils
placent chez vous. Vous pourriez comparer différents profils de pratique
et vous pourriez trouver si un optométriste s'écarte sensiblement
de la moyenne des ordonnances des autres.
M. TETRAULT: Absolument.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ne pourriez-vous pas avoir un certain
contrôle? Les optométristes-actionnaires eux-mêmes ne
pourraient-ils pas, par là, exercer un certain contrôle sur la
qualité de l'acte professionnel? Quand je dis la qualité de
l'acte, il faut comprendre la fréquence d'ordonnances qu'ils font. Je
fais allusion au conflit d'intérêts, à
l'optométriste, étant donné qu'il est actionnaire, qui
prescrirait beaucoup plus souvent que les 139 autres qui sont aussi
actionnaires d'Optique Richelieu.
M. TETRAULT: Il y aurait possibilité d'établir des profils
et, à ce moment-là, de très bien surveiller ces gens, et
même d'envoyer des enquêteurs si des organismes le jugeaient
à propos.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais attirer
l'attention du ministre
sur le fait que je pense que l'Optique Richelieu pose
véritablement un problème important. Je n'ai pas poussé
plus loin mon enquête, mais je pense que dans le domaine de l'optique on
a là une entreprise qui a pris une place qui n'existait pas. Apparemment
c'était contrôlé par d'autres et, avec les années,
les optométristes eux-mêmes ont réussi à prendre une
part importante du marché et cela a certainement contribué
à abaisser le coût de la lentille.
M. TETRAULT: Elle a été fondée uniquement dans ce
but-là: permettre aux optométristes de servir mieux avec un
produit de qualité qui peut être contrôlé constamment
et avec un meilleur service.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est évident que c'est la formule
coopérative. Ce sont eux qui dirigent, ce sont eux qui prennent les
décisions...
M. TETRAULT: C'est exactement...
M. CLOUTIER (Montmagny): ... ce sont eux qui contrôlent la
qualité, l'administration. Alors, ils sont intéressés
à ce que l'entreprise ait un bon rendement de façon à
diminuer les coûts et de pouvoir faire la concurrence et pouvoir
rivaliser avec d'autres qui vendent, les laboratoires et d'autres groupes
professionnels qui vendent de la lentille. Alors, je pense qu'il y a là
un problème important. Le ministre a dit, il y a un instant, qu'il
l'ignorait, au moment de la rédaction de la loi, je pense qu'on doit en
tenir compte.
M. TETRAULT: Il y a un élément que j'ai oublié
tantôt à la question du ministre. Je vous ai répondu que
c'était un fait unique en Amérique du Nord. Il existe
peut-être aussi des petits groupes, des petites unités. J'entends
que c'est un fait unique avec cette importance, c'est dans ce sens-là
que je l'entendais tantôt. Parce qu'il existe quelques petites
unités où il y a trois ou quatre optométristes ensemble ou
un peu plus, peut-être une dizaine. Mais de cette envergure-là et
qui peut jouer un rôle... Parce qu'à un moment donné il a
fallu se poser la question: Nous demeurons petit et nous ne jouons aucun
rôle sur le plan économique et sur le plan de la concurrence ou
nous grossissons et à ce moment-là nous jouons réellement
un rôle au niveau de la concurrence, compte tenu aussi de la
qualité, du service et des prix, toujours les mêmes facteurs.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. CASTONGUAY: Quelle est la valeur aux livres du capital-action et du
surplus et quelle est la proportion détenue par des optométristes
qui pratiquent leur profession?
M. TETRAULT: La valeur aux livres est de $17.34 au 31 décembre
1971 sur un total d'à peu près $450,000 incluant le capital
investi et surplus, $459,000 ou $60,000 à peu près.
M. CASTONGUAY: Le pourcentage d'actions détenues par des
optométristes en pratique?
M. TETRAULT: Cela représente surement 95 p.c. à peu
près. Actuellement, je pense qu'il y a un fait nouveau, je pense que
nous ne sommes pas... Il n'y a rien de caché, nous sommes ouverts
à tout. Il y a quelques opticiens d'ordonnance qui sont actionnaires.
Quelques cadres...
M. CUSTEAU: Il faut vous dire ici que l'Optique Richelieu a toujours
été conçue comme une occasion d'unir des gens et de
s'affranchir des influences traditionnelles qui ont tant contribué
à donner un mauvais nom au capitalisme et à la libre entreprise.
Nous voulions que ce soit concrétisé ce mot de libre entreprise
et c'est une participation de la part du personnel, une motivation et de plus
en plus nous agissons dans ce sens-là. Nous avons pensé que
même dans le contexte actuel de guerre tribale entre professions, cela
aurait été de bonne guerre que les opticiens d'ordonnance
trouvent par ce biais-là une occasion de se rapprocher de leurs
confrères les optométristes.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dubuc.
M. BOIVIN: Combien avez-vous d'opticiens d'ordonnances à votre
service.
M. TETRAULT: Ce ne sont pas des opticiens d'ordonnance que nous avons
à notre service, ce sont des techniciens que nous entraînons
nous-mêmes par des cours que nous leur donnons.
M. BOIVIN: ... une école aussi d'opticiens d'ordonnances.
M. TETRAULT: Oui, il s'est donné, avec la collaboration...
M. CUSTEAU: D'opticiens d'ordonnance et d'autres personnes.
M. TETRAULT: Non, mais ce que je veux dire c'est par l'aide
fédérale...
M. CUSTEAU: L'entraînement des employés. Je ne me souviens
pas du nom exact du bill, mais nous profitons de la collaboration du
fédéral dans ce sens-là.
M. TETRAULT: Les centres d'apprentissage et d'entraînement de la
main-d'oeuvre.
M. BOIVIN: Vous n'avez aucun opticien d'ordonnances à votre
service?
M. TETRAULT: C'est cela exactement.
M. BOIVIN: Vous n'avez pas d'optométristes non plus à
votre service?
M. CUSTEAU: Pas au niveau de la fabrication, parce que ce n'est pas leur
domaine.
M. BOIVIN: Est-ce que vous recevez des ordonnances des
ophtalmologistes?
M. CUSTEAU: Oui, de quelques-uns.
M. BOIVIN: Est-ce qu'il y a des actionnaires comme ophtalmologistes?
M. TETRAULT: Non, pas encore, ce n'est pas impossible.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Saint-Hyacinthe.
M.CORNELLIER:M. le Président, le Dr Tétrault a
mentionné que l'Optique Richelieu était un fait peut-être
unique en Amérique du Nord et une initiative très heureuse dans
la province de Québec.
Elle a permis à des Québécois de prendre une part
très active dans un domaine où ils n'existaient pas auparavant.
Sur le plan économique, il est certain qu'Optique Richelieu a un
rôle important à jouer. Il joue un rôle important dans la
province. J'aimerais savoir du docteur Tétrault ou de M. Custeau le
nombre d'employés, d'Optique Richelieu?
M. CUSTEAU: Nous avons 80 personnes à notre emploi dans
différentes parties de la province. Cela augmente chaque mois, parce
qu'en trois ans, le chiffre d'affaires a plus que doublé et le personnel
a plus que doublé. C'est dire qu'on est en pleine croissance.
Auparavant, la compagnie était plutôt un peu artisanale et la
décision a été prise de prendre de l'ampleur. Cela nous
donnait un biais qui nous permettait de neutraliser l'influence grandissante
des grandes compagnies. On avait une très belle formule.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Est-ce que tous les administrateurs et les postes de la
haute direction sont occupés par des optométristes?
M. CUSTEAU: Oui. M. PERREAULT: Oui.
M. CUSTEAU: Mais il y a quelques conseillers, notre conseiller juridique
qui vient assez souvent aux réunions du conseil d'administration et un
conseiller financier qui vient régulièrement chaque mois.
M. PERREAULT: Quel poste occupez-vous, M. Custeau?
M. CUSTEAU: Directeur général.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que les prix que vous demandez pour vos
services et le matériel sont les mêmes, aussi bien pour
l'opto-métriste qui est actionnaire que pour celui qui ne l'est pas?
M. TETRAULT: Tout le monde est égal chez nous à
quelqu'échelle qu'il appartienne.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez mentionné que...
M. TETRAULT: Excusez, c'est unique, cela, parce que dans les autres
laboratoires, on fait des prix selon la personne qui est en face d'eux. La
liste de prix officielle n'a pas la même signification pour les autres
grossistes, alors que chez nous, tout le monde doit être traité
sur le même pied, parce que c'est une entreprise de participation. Ce
serait la pagaille. Tous les prix sont affichés. Le même
traitement est donné au président, aux clients et à celui
qui est actionnaire. Tout le monde est traité sur le même
pied.
M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, vous avez mentionné que,
habituellement, les optométristes ne faisaient appel que partiellement
à vos services. Est-ce que vous avez pu constater pour quelle raison un
optométriste pouvait faire affaires avec vous dans 70 p.c. des cas?
M. TETRAULT: Parce que souvent il trouvera un produit qui lui semblera
à meilleur prix, mais il n'aura pas la même qualité ni le
même service.
M. CUSTEAU: Il y a certaines exigences que nous devons remplir nous
aussi: d'abord, la qualité, le prix, le service. Or, parfois, il y a des
petits laboratoires, qui vivent de trois ou quatre opticiens ou techniciens, et
qui, étant donné qu'ils font de la vente au détail,
où les marges sont beaucoup plus grandes qu'au niveau du grossiste,
peuvent se permettre de couper certains prix. Et étant donné
aussi que leur chiffre d'affaires est très petit, ils ont une
flexibilité qu'une organisation qui commence à prendre un peu de
poids ne peut pas se permettre, comme de varier ses prix suivant les clients.
Nous sommes quand même prisonniers de notre politique de prix et nous
faisons affaires à l'échelle de la province. Alors il faut faire
une moyenne.
M. LE PRESIDENT: Alors nous terminons.
M. SAINT-GERMAIN: Une dernière question, s'il vous plaît,
M. le Président. Est-ce que vous avez pu constater que, pour un
optométriste, le fait d'être actionnaire de votre compagnie puisse
l'inciter à vendre plus de lunettes ou à prescrire plus de
lunettes pour le simple fait que c'est vous qui les distribuez et qu'il est,
par ricochet, propriétaire de l'entreprise?
M. TETREAULT: Nous n'avons jamais pu constater ça. Par contre,
nous avons pu constater une chose, c'est que dans bien des cas les
optométristes sont plus difficiles envers nous, parce que c'est leur
affaire, que si c'était une autre compagnie, j'entends au point de vue
service ou point de vue qualité et tout ça. On est plus exigeant
parce qu'on dit: On veut avoir ce qu'il y a de mieux comme produit.
Pour répondre à la question du ministre, au 31
décembre 1971 nous avions $412,000 capital investi et surplus
accumulé.
M. LE PRESIDENT: Je remercie les membres de l'Optique Richelieu
Limitée de la présentation de leur mémoire. J'invite les
membres de la Corporation des ajusteurs de lentilles cornéennes à
se présenter à la barre.
Corporation des ajusteurs de lentilles
cornéennes
M. KINGSTONE: m. le president, je vais prendre deux minutes seulement.
Je représente le groupe qui est reconnu par la loi comme regroupant les
personnes qui, avant le 1er avril 1961, s'occupaient de l'ajustement des verres
de contact. C'est leur seul métier. Depuis plus de vingt ans, elles ont
ajusté des verres de contact.
M. LE PRESIDENT: Une minute, s'il vous plaît, monsieur, Est-ce que
vous pourriez vous identifier?
M. KINGSTONE: Excusez-moi. Daniel Kingstone, avocat. A mes
côtés, c'est M. John McKeating, qui est une des personnes
mentionnées dans la loi, c'est-à-dire une des personnes qui
ajustaient les verres de contact avant 1961.
Maintenant, nous sommes décrits comme la corporation.
Actuellement, nous avons demandé la formation d'une corporation, mais
l'approbation a été retardée, vu l'enquête et les
représentations faites.
La seule chose que je veux souligner, M. le Président, c'est que
nous avions le droit d'ajuster les verres de contact par exception. Si vous
regardez la Loi des optométristes et opticiens, le chapitre 257, et en
particulier la clause 19, nous avons le droit, même si nous ne sommes ni
optométristes, ni opticiens, d'ajuster les verres de contact. Nous
sommes techniciens.
Maintenant, si nous regardons le bill 268, nous pouvons voir que le
droit nous sera donné d'ajuster toute lentille ophtalmique autre qu'un
verre de contact, mais nous n'avons aucune autre profession. La seule chose que
nous pouvons faire, c'est d'ajuster les verres de contact.
J'espère, M. le Président, que c'est seulement une erreur
dans la rédaction. En effet, si les optométristes sont les seuls
qui ont le droit d'ajuster les verres de contact, selon le projet de loi 256 et
si, par exception, nous sommes nommés dans le projet de loi, il faut
nous enlever du projet de loi 268 et nous placer dans le projet de loi 256,
parce que nous ne demandons pas le droit d'ajuster des lentilles ophtalmiques
autres que les verres de contact. Nous vous demandons seulement de nous
permettre d'ajuster les verres de contact, comme nous le faisons depuis plus de
vingt ans. S'il s'agit d'une erreur, je n'ai aucune chose à dire. Si on
nous donne le droit d'ajuster les lunettes, par exemple, nous n'avons ni la
compétence, ni la tradition, ni l'expérience pour le faire. Notre
expérience porte surtout sur le verre de contact.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Encore une fois, M. le Président, j'avoue qu'au
moment où les dispositions ont été modifiées pour
celles que nous retrouvons maintenant dans le projet de loi nous
n'étions pas conscients de l'effet que cela pouvait avoir
vis-à-vis d'un groupe particulier. Tout ce que je peux vous dire, pour
le moment, c'est que nous allons examiner ce que vous nous dites et qu'au
besoin nous communiquerons avec vous.
M. KINGSTONE: C'est la seule chose que nous demandons, à moins
qu'il n'y ait des questions.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Combien de membres sont régis par cette
exception?
M. KINGSTONE: A peu près huit.
M. PERREAULT: Huit membres seulement?
M. KINGSTONE: Huit personnes, oui.
M. LE PRESIDENT: Alors, c'est tout? Le député de
Dubuc.
M. BOIVIN: Est-ce qu'il y en a d'autres qui sont aptes à
pratiquer cette technique, des ophtalmologistes ou optométristes?
M. KINGSTONE: C'est une technique universelle. La seule chose que nous
faisons, nous, techniciens, nous recevons les ordonnances des ophtalmologistes
ou des optométristes et nous les remplissons.
M. BOIVIN: Vous êtes les seuls à les remplir?
M. KINGSTONE: Exactement. M. BOIVIN: Merci.
M. CORNELLIER: Vous n'êtes pas les seuls?
M. KINGSTONE: Non, nous ne sommes pas les seuls. La seule chose que nous
faisons, notre seul devoir, notre seul métier et notre seul travail,
c'est de remplir les ordonnances.
M. BOIVIN: Mais vous n'êtes pas les seuls à pratiquer ce
métier.
M. KINGSTONE: Non, non. Les optométristes peuvent le faire ainsi
que les opticiens d'ordonnance.
M. LE PRESIDENT: Ceci termine les auditions. Je remercie tous les
membres de la commission, ainsi que tous ceux qui ont présenté
des mémoires. La commission ajourne ses travaux au jeudi matin 31
août, à dix heures.
(Fin de la séance à 19 h 23)
Séance du ieudi 31 août 1972
(Dix heures six minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
La sixième séance de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles commencera après le court commentaire du
ministre sur un sujet particulier.
Déclaration de M. Castonguay
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais mentionner, à
la suite des questions qui ont été posées par certains
organismes, que, pour tous les projets de loi parus sous mon nom, ceux des
services de santé, des services sociaux, nous avons convoqué,
pour chaque groupement professionnel assez clairement identifié ou pour
chaque type d'activité, les organismes dont les mémoires nous
semblaient faire le tour de la question. Nous les avons regroupés, comme
vous l'avez constaté, pour des séances d'une journée ou,
à quelques occasions, deux journées ont été
consacrées à un groupement.
Dans ce choix que nous avons fait, certains organismes n'ont pas
été convoqués. Il nous paraissait utile de pouvoir
étudier la série des projets de loi de la façon dont nous
avons procédé. J'ai la liste des organismes qui n'ont pas
été convoqués. Pour la loi 65, si les membres de la
commission étaient d'accord ils pourraient y songer et, la
prochaine fois, nous pourrions en dire un mot nous pourrions demander au
secrétariat des commissions de communiquer avec les organismes en cause
pour leur demander si, à la suite des discussions, ils désirent
toujours faire une présentation, une discussion de leurs mémoires
ou si simplement le fait d'avoir remis leur mémoire les satisfait. Nous
pourrons voir, à la suite de ces réponses, s'il y a lieu de tenir
d'autres séances que celles qui ont été convoquées,
et combien.
Je vous ai fait la suggestion; nous pourrons en dire un mot, au besoin,
à la prochaine séance.
Deuxièmement, il y a le fait qu'un certain nombre de projets de
loi étaient au nom de M. Roy Fournier. Parmi ces projets de loi, nous en
retrouvons certains qui n'ont pas encore fait l'objet de discussions ici
à la commission parlementaire. Il est évident que le premier
ministre doit désigner très bientôt un ou des membres du
cabinet à titre de parrains de ces projets de loi.
Les organismes qui n'ont pas encore été entendus seront
convoqués à ce moment pour la discussion de leur mémoire
et l'étude des projets de loi qui n'ont pas encore été
étudiés ou qui n'avaient pas été
étudiés à l'occasion des séances de là
commission auxquelles Me Roy Fournier a participé.
Enfin, quant aux séances présentement convoquées,
la prochaine aura lieu le 14 septembre. A ce moment, j'indiquerai de
façon assez détaillée quelles sont les modifications qu'il
nous paraîtrait nécessaire d'apporter au code des professions,
suite aux nombreux mémoires que nous avons reçus à la
commission et une certaine identité dans les points de vue quant
à certains aspects de code des professions dans sa forme actuelle.
Je voulais le mentionner à l'avance, ça aura lieu le 14
septembre, à notre prochaine séance. Ainsi, vous pourrez
peut-être réviser à l'avance quelque peu les
mémoires ou y songer. L'idée d'annoncer certaines modifications,
à ce moment-là, permettra à la commission, il me semble,
de poursuivre son travail dans un éclairage quelque peu
différent. Nous avions fait de même avec la loi 65. En cours de
route, j'avais indiqué l'intention du gouvernement d'apporter certaines
modifications et j'avais donné des détails sur ces modifications.
Ceci nous avait permis, par la suite, d'éviter de revenir constamment
sur les mêmes points à l'occasion de la discussion des
mémoires.
C'est la raison pour laquelle le 14 septembre prochain je donnerai
certaines indications sur les modifications qui nous paraîtront
appropriées.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, si vous le permettez,
un très court commentaire sur ce que vient de dire le ministre. Les
organismes qui n'ont pas été invités à
comparaître devant la commission voudront peut-être quand
même faire cette représentation. Alors, il est important, comme on
l'a fait pour le projet de loi no 65, qu'ils reçoivent l'invitation de
venir devant la commission s'ils jugent à propos que tout a
été dit ou à peu près ou que la présentation
de leur mémoire à la Commission a été
suffisant.
D'ailleurs, nous en prendrons connaissance. Ils décideront s'ils
doivent venir devant la commission, et personne ne sera brimé dans ses
droits de faire des représentations à la commission
parlementaire.
Deuxièmement, je suis content que le ministre annonce, pour le 14
septembre, à la prochaine réunion, des modifications au code des
professions. J'ai entendu moi-même à la télévision
je pense avant-hier le ministre de la Justice, dans une
conférence de presse, dire qu'il y aurait des amendements importants au
code des professions et probablement aussi à la loi spécifique
qui concerne le Barreau.
Evidemment, plus tôt nous connaîtrons, même si ce
n'est pas le texte exact des modifications, du moins l'orientation que le
législateur veut prendre, plus nous pourrons faciliter les
délibérations de la commission. Aussi, dans certains cas, cela
peut aider aux discussions qui vont se dérouler devant la commission.
Cela peut hâter le travail de la commission parlementaire.
Ce sont les commentaires que je voulais faire.
M. GUAY: M. le Président, j'ai été très
heureux d'apprendre, comme probablement plusieurs professionnels, que certaines
modifications seraient apportées, notamment dans le sens que les
professionnels l'ont demandé. Cela permettra probablement à la
commission...
M. CASTONGUAY: Il ne faudrait pas tirer de conclusions. Je n'ai pas
donné d'indication quant au contenu des modifications.
M. GUAY: Je n'ai pas parlé du contenu, M. le ministre, mais j'ai
dit que j'ai été heureux d'apprendre qu'il y aurait des
modifications.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je serais bien surpris que les modifications
satisfassent toutes les corporations professionnelles à la fois, parce
qu'on a cru qu'il y avait certaines oppositions.
M. GUAY: De toute façon, un projet de loi peut s'amender. Le
ministre l'a dit lui-même à la commission parlementaire. Nous
espérons, évidemment, que ce soit dans le bon sens, dans le sens
désiré.
M. CASTONGUAY: Très bien.
M. GUAY: Bien sûr que nous avons l'occasion d'entendre plusieurs
groupes, ici à la commission. D'autres ont présenté des
mémoires. Quand même, cela nous permet de prendre connaissance du
contenu des mémoires et d'être en mesure de nous forger une
opinion valable. J'ajoute que je serais parfaitement d'accord pour que ceux qui
le désirent aient la chance de se faire entendre. Il y a des groupes
peut-être importants qui auraient désiré se faire entendre
à la suite de ce qui a déjà été dit.
Bien sûr, quand on prend connaissance d'une loi, c'est assez
difficile, sans étude approfondie, de dire si on est pour ou contre ou
si on désire des amendements.
Mais, à la suite de la lumière apportée à la
commission, j'ai l'impression que plusieurs groupes seraient maintenant
intéressés à être entendus. Alors, le désir
que je formule, c'est celui-là. Cela nous permettra peut-être, en
même temps, de découvrir de nouveaux horizons. Merci.
M. PAUL: M. le Président, si vous me permettez, je veux,
dès maintenant, m'opposer à toute remarque qui pourrait
être faite plus tard, dans le cours de cette séance, par un
représentant du Parti québécois au cas où il
viendrait participer aux travaux de notre commission, parce que ses membres
brillent par leur absence depuis un certain nombre de séances. Je ne
voudrais pas que, dans le cours de la journée, nous puissions donner
à un représentant de passage devant la commission le droit de
faire
des commentaires comme l'ont été appelés à
le faire, ce matin, les représentants des différents partis
politiques reconnus.
M. VEILLEUX: Très bien.
Corporation des physiothérapeutes
M. LE PRESIDENT: Merci. Nous débutons avec la Corporation des
physiothérapeutes.
M. VIAU: M. le Président, mon nom est Pierre Viau. Je suis
procureur des physiothérapeutes de la province de Québec Inc. Je
suis accompagné, à partir de mon extrême gauche, par Mlle
Suzanne Hardy, trésorière; Mme Louise-Marie Breton, responsable
du comité de législation; Mme Corinne Parver, présidente;
à ma droite, Mme Françoise Goulet, responsable du comité
d'éducation, ainsi que la vice-présidente, Mme Jocelyne
Caron.
Si vous permettez, nous avons déposé devant cette
honorable commission un mémoire et un résumé du
mémoire. Nous pouvons peut-être le mémoire
étant quand même bref procéder. S'il y a lieu,
à votre avis, de hâter les choses, nous résumerons notre
mémoire en cours de route puisque, dans le résumé du
mémoire, on nous avait demandé de déposer les textes
d'amendements proposés au projet de loi no 272.
Le premier point que nous avons soulevé consistait à
modifier l'article 7 de la section IV de la loi no 272, qui a trait à
l'acte professionnel. Voici la suggestion que nous faisons. Nous
suggérons que le texte se lise maintenant comme suit: "Constitue
l'exercice de la physiothérapie, tout acte thérapeutique qui a
pour objet d'obtenir le rendement fonctionnel maximum de la personne par les
exercices physiques, la thérapie manuelle et/ou par l'utilisation de
moyens physiques tels que l'électrothérapie ou
l'hydrothérapie."
Voici pourquoi, à notre point de vue, le mot "obtenir" est
préférable au mot "redonner" et parait plus juste. Il arrive, en
effet, qu'un patient n'ait pas encore acquis la possibilité
d'exécuter un mouvement. Il s'agit alors de le lui enseigner et de
l'éduquer. Il ne saurait donc être question de redonner ce que ce
patient n'a jamais acquis. Suivant les renseignements obtenus, on m'informe que
ce sont des cas qui se présentent, par exemple, pour les patients
souffrant de paralysie cérébrale. Certains patients n'auraient
donc jamais acquis la faculté de se mouvoir facilement et, de ce fait,
il nous semble que la définition présentée est
restrictive.
De plus, le verbe redonner laisse sous-enten-dre que le patient demeure
passif tandis que le verbe obtenir implique une participation active de sa
part.
Deuxièmement, l'adjectif "thérapeutique" qui qualifie le
mot "acte" a été ajouté afin d'indiquer clairement qu'il
s'agit de soins prodi- gués à une personne dont une
déficience actuelle ou prévisible a été
diagnostiquée par un médecin.
Troisièmement, l'utilisation de l'expression "rendement
fonctionnel maximum" nous paraît de beaucoup supérieure à
celle que l'on retrouve à l'article 7 actuel, c'est-à-dire "la
maîtrise de ses mouvements corporels".
Cette dernière expression, en effet, semble limiter
l'activité du malade à un certain nombre de mouvements tandis que
le terme suggéré donne au patient une vue beaucoup plus globale
en lui donnant accès, par exemple, aux exercices cardio-respiratoires et
aux exercices prénataux et postnataux.
Il semble, par exemple, dans certains cas, comme dans le cas de
paralytiques, où on ne pourrait évidemment pas redonner la
maîtrise des mouvements corporels, que la définition actuelle
restreindrait un peu trop l'acte professionnel, de sorte qu'il serait possible,
pour ces patients, de leur donner un rendement fonctionnel maximum, eu
égard à leur état mais non une maîtrise
complète de leurs mouvements corporels.
Ainsi, notre suggestion étend la définition et nous semble
préférable pour couvrir ces cas.
Quatrièmement : Aux moyens les plus importants
préconisés pour l'exercice de la physiothérapie, il
convient d'ajouter celui de la thérapie manuelle. Cette modalité
regroupe plusieurs techniques de rééducation neuromusculaire, le
massage, la mobilisation passive et autres.
Cinquièmement: Le mot ergothérapie devrait être
retranché pour une bonne raison: Il nous semble, et je pense que
là-dessus le Collège des médecins et chirurgiens est aussi
d'accord, qu'il s'agit là d'une discipline différente de la
physiothérapie et qu'une loi particulière devrait traiter de
l'ergothérapie.
Voici pour les remarques que nous avons concernant la définition
même de l'acte professionnel contenue à l'article 7.
Notre seconde recommandation concerne le paragraphe a) de l'article 9 du
mémoire. Nous suggérons de remplacer ce paragraphe par le
suivant: "Est reconnu titulaire d'un diplôme universitaire reconnu valide
à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil et le bureau ou
jugé équivalent par le bureau. "
A notre point de vue les physiothérapeutes, devant recevoir un
enseignement complet qui ne se donne que dans les universités, il est
logique de préciser que pour exercer cette profession il faille
être titulaire d'un diplôme universitaire.
Il nous semble aussi logique que le bureau de la corporation
contrôle l'exercice de la profession comme c'est le cas dans les autres
professions.
Troisième section: L'exercice de la physiothérapie. Il
s'agit ici d'apporter un amendement en ajoutant à l'article 13 un
paragraphe, de sorte que cet article se lise maintenant comme suit: "Sous
réserve de l'article 8, nul ne peut poser l'un des actes décrits
à l'article 7, s'il n'est
pas physiothérapeute. Les dispositions du présent article
ne s'appliquent pas aux actes posés par les personnes suivantes,
travaillant dans un établissement, tel que défini par la Loi de
l'organisation des services de santé et des services sociaux : "a) Les
candidats à l'admission à l'exercice de la profession qui
effectuent un stage d'entraînement professionnel conformément
à la présente loi et aux règlements du bureau; "b) Les
personnes qui auraient reçu une formation collégiale en
techniques de réadaptation. "Elles ne s'appliqueront pas non plus aux
personnes désignées par un physiothérapeute pour
continuer, à domicile et après instructions, certains soins
physiothérapeutiques à une personne donnée."
Voici pourquoi cet amendement est demandé. Tout comme à
l'article 31 du projet de loi 273 intitulé la Loi des infirmières
et infirmiers, nous avons cru opportun d'exclure certaines catégories de
personnes qui, autrement, auraient pu être considérées
comme exerçant illégalement la profession de
physiothérapeute. Toutefois, comme vous le voyez dans notre amendement,
nous avons prévu le cas des stages et la formation collégiale en
technique de réadaptation.
Notre quatrième remarque concerne l'émission de permis par
le bureau. Nous recommandons de modifier ce deuxième paragraphe en le
remplaçant par le suivant: Le bureau peut également
délivrer un permis à toute personne qui en fait la demande dans
les douze mois de l'entrée en vigueur de la présente loi si cette
personne a exercé, comme source principale de revenu, la profession de
physiothérapeute au Québec, sur les ordonnances de
médecins, pendant les trois années précédant
l'entrée en vigueur de la présente loi et a subi avec
succès les examens requis par le bureau.
La note explicative jointe à cet amendement mentionne que les
modifications que nous suggérons dans ce deuxième paragraphe ont
pour but de protéger les personnes qui tirent présentement de la
physiothérapie leur principale source de revenu, à condition
qu'elles rencontrent certaines exigences et qu'elles se soumettent à un
examen d'admission que le bureau verra à leur faire subir en vue de
protéger évidemment le public.
Nous aimerions ici réitérer une position que l'Association
des physiothérapeutes a déjà prise face au contrôle
médical. Cette position paraît en annexe au mémoire. Nous
voyons la nécessité de préciser notre position face au
contrôle médical afin de dissiper toute inquiétude qui
pourrait exister. Nous tenons à souligner que des règlements
pertinents à cette question sont déjà inscrits dans les
textes de loi internes de l'Association canadienne de physiothérapie et
des physiothérapeutes de la province de Québec
Incorporée.
Notons également que même en l'absence de toute loi
régissant l'exercice de leur discipline, les physiothérapeutes
diplômés des écoles reconnues ont toujours respecté
ces règlements, qu'ils aient été ou non membres de
l'association connue sous le nom de Les physiothérapeutes de la province
de Québec, Incorporés.
Qu'il soit donc ici clairement entendu que les physiothérapeutes
ne dispensent des traitements que sur demande d'un médecin et que leurs
patients sont soumis au contrôle du praticien médical si
nécessaire.
Voici, M. le Président, l'ensemble du mémoire que nous
avions présenté relativement au projet de loi no 272.
M. LE PRESIDENT: Merci, j'ai oublié d'expliquer les
procédures: Nous donnons une chance aux groupements d'exposer leur
mémoire pendant un maximum de vingt minutes, et après, il y a une
période de questions jusqu'à quarante minutes pour les questions
de la Commission aux représentants des groupements.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les physiothérapeutes de la
province de Québec pour le mémoire qu'ils nous ont
présenté. Il y a trois aspects sur lesquels je voudrais poser des
questions.
Le premier aspect est le suivant: présentement, il n'existe pas
de corporation professionnelle des physiothérapeutes qui leur
réserve un champ d'exercice exclusif. C'est toujours le même
principe dans ces types de professions par rapport aux médecins qui ont
toute la gamme des actes médicaux qui peuvent être posés.
Par exception, les physiothérapeutes peuvent, selon le contexte de ce
projet de loi, poser des actes qui leur seraient réservés
exclusivement dans le secteur de la physiothérapie. Etant donné
le fait que, jusqu'à maintenant, il n'existait pas de corporation
professionnelle réservant un champ exclusif de pratique et que, d'autre
part, les physiothérapeutes, dans leur mémoire, nous disent "il
doit être clairement entendu que les physiothérapeutes ne
dispensent des traitements que sur demande d'un médecin et que leurs
patients sont soumis au contrôle du praticien médical, si
nécessaire", je pense qu'il y aurait lieu de demander aux
représentants de l'association de nous dire pourquoi, dans leur opinion,
il est nécessaire que ce groupement soit formé en corporation
professionnelle avec un champ exclusif de pratique, comme première
question.
M. GIROUX: La présidente de l'association, Mme Parver, peut
répondre et préciser la pensée de l'association sur cette
question.
MME PARVER: Merci, M. le Président. Je vais continuer ma
réponse en anglais. By virtue of our educational and scholastic
formation and years of experience, we believe that physiotherapists have the
exclusive right to exercise their
profession. Our universities are associated with medical schools;
teachers in the schools of physiotherapy are physiotherapists. They are
responsible for our professional formation along with specialists in the
medical field.
We are taught, during our years of education, subjets on physiology, on
neuro-anatomy and anatomy by a chemistry in chemistry, all the biological
sciences as such as humanities and aspects of professional formation. We also
partake of clinical experience in hospitals and are required to attend a period
of internship before we may practice our profession. We believe that we have
the exclusive right to exercise our profession by virtue of this education
which forms our background.
M. CASTONGUAY: M. le Président, il y a des critères, dans
le code des professions, qui ont été précisés et
qui doivent servir, à notre avis, à déterminer si un
groupe professionnel doit se voir attribuer un champ exclusif de pratique, et
parmi ces critères, le niveau d'éducation où les droits
acquis n'apparaissent pas.
Le premier, l'objectif fondamental, c'est la protection du public. Je
pourrais nommer un certain nombre de groupements professionnels dont le niveau
de formation est extrêmement élevé et qui ne sont pas
formés en corporation professionnelle. Je pense, par exemple, aux
économistes pour en nommer un, je pense aux sociologues, je peux en
nommer un certain nombre, les philosophes, et ils ne sont pas formés en
corporation professionnelle fermée pour la bonne raison que la
protection du public ne l'exige pas.
Alors, on ne peut s'appuyer sur une question de niveau de formation et
non plus qu'on ne peut s'appuyer sur une question de droits acquis. Il n'y a
pas de droits acquis; ce n'est pas formé en corporation professionnelle
fermée présentement.
C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle, dans les projets de loi,
nous avons distingué entre les projets de loi où le titre est
réservé à ceux qui ont la compétence
nécessaire, et là un code de déontologie doit être
approuvé par la corporation mais le champ de pratique n'est pas
réservé. Le fait d'avoir un titre réservé assure
déjà une certaine protection à la population, une
protection qui apparaît suffisante.
Ici je crois qu'il est important de s'interroger sur la situation parce
que le fait de former en corporation professionnelle fermée ou à
champ d'exercice réservé est une décision
extrêmement importante et qui ne peut être prise à la
légère, d'autant plus qu'il ne faut pas multiplier, à
moins d'avoir des raisons extrêmement sérieuses, les corporations
professionnelles à champ exclusif d'exercice.
M. VIAU: Peut-être, pour compléter, M. le ministre, nous
avons évidemment devant nous un texte de loi qui est en première
lecture et suivant notre opinion, le texte de loi évidem- ment peut
être modifié et va probablement l'être. Mais il s'agit
là d'un texte de loi public présenté par le Parlement et
il me semble que lorsque le Parlement présente un projet de loi, il a
déjà de bonnes raisons de vouloir régulariser ou de
vouloir adopter une loi.
Deuxièmement, il nous semble que le cas des
physiothérapeutes se pose de la façon suivante. Nous savons que
près de 80 p.c. des physiothérapeutes, membres de l'association,
exercent leur profession dans de grands hôpitaux de Montréal, et
ils ont à prendre une partie de la décision concernant le
traitement et à donner le traitement.
Or, il y a une différence entre une personne qui doit
j'allais dire faire fonctionner les appareils mais je veux dire qu'il y
a une différence entre le technicien ou la personne appelée
exclusivement à faire fonctionner, par exemple, des appareils de
micro-ondes et le physiothérapeute qui est appelé à donner
le traitement de physiothérapie et à participer en quelque sorte
à une partie de la décision, sur ordonnance médicale
évidemment.
Je pense, en plus, que la protection du public vient, non seulement
comme vous le mentionnez de la formation, mais, ce critère étant
acquis, elle vient aussi du fait que les physiothérapeutes ont un acte
professionnel à poser et non pas un acte simplement technique ou
mécanique. Es participent en partie, par suite d'ordonnances du
médecin, à un traitement. De ce fait, il nous semble que le
public serait beaucoup mieux protégé si une corporation
était formée de sorte qu'elle puisse discipliner ses propres
membres.
Vous connaissez bien les problèmes que causent de simples
associations professionnelles lorsqu'on entre dans le domaine de la
santé et dans celui de la protection du public face aux actes à
poser. Je comprends, et vous avez cité des exemples, que certaines
professions ne sont pas des corporations fermées. D'ailleurs, il me
semble que la tendance, depuis peut-être une dizaine d'années
à Québec, a été de créer dans plusieurs cas
des corporations qu'on appelait ouvertes. On avait le droit de se servir du
nom, mais d'autres personnes pouvaient aussi faire le travail.
Il nous semble que dans les circonstances actuelles le travail que font
les physiothérapeutes, la grande proportion d'entre eux, est du travail
qui participe de ce que l'on reconnaît comme un acte professionnel et qui
concerne directement des personnes dont la santé est affectée.
Or, il nous semble que, même s'il ne restait que cette raison, elle
serait suffisante pour que les membres de cette corporation se disciplinent
entre eux, suivent le règlement et que celui-ci soit exécutoire.
Il ne s'agit pas simplement de recherche ou d'analyse qui peuvent être
contrôlées et décidées subséquem-ment, mais
dans plusieurs cas il s'agit d'actes qui ont un effet direct sur le patient. Il
nous semble que c'est important pour la santé des
personnes que les physiothérapeutes sont appelés à
traiter de leur permettre d'être formés en corporation
professionnelle. Il me semble que c'est la meilleure méthode pour
assurer la protection du public dans ce cas-là.
J'ignorais les modifications, et je les ignore encore, qui peuvent
être apportées à la loi no 250, mais il me semble que le
Parlement a voulu faire une loi de façon à adapter certaines
normes de base à toutes les professions. Je ne vois pas pourquoi on ne
pourrait pas reconnaître à des gens qui ont une formation, qui
participent à un traitement, qui donnent un traitement,
évidemment sur ordonnance médicale, le privilège d'avoir
une corporation. Il nous semble que c'est la meilleure façon d'assurer
la protection du public, puisque c'est assurer la protection du patient
lui-même.
Evidemment, là-dessus, la personne qui pose un acte professionnel
encourt aussi la responsabilité de celui qui est appelé à
poser cet acte professionnel. Tout cela va de pair. Ce n'est pas seulement un
avantage que d'avoir une corporation professionnelle et de poser des actes
professionnels. Cela entraîne aussi la responsabilité que
connaissent les médecins et les autres professionnels.
M. CASTONGUAY: Quel serait le statut, dans vos propositions, des
personnes qui auraient reçu une formation collégiale en
techniques de réadaptation? Vous dites que les dispositions relatives
à la fermeture du champ d'exercice ne s'appliqueraient pas à eux
s'ils travaillent dans un établissement. Mais est-ce que, dans votre
proposition, ils seraient membres de la corporation? S'ils sont membres de la
corporation, est-ce qu'ils auraient un statut de membre à demi-part?
Dans l'autre hypothèse, s'ils ne sont pas membres de la corporation,
quelle serait la protection que la population aurait? Il me semble que, par
rapport à tout l'exposé que vous venez de nous faire, il y a
là un danger d'inconsistance.
M. VIAU: Si on me permet de faire un parallèle, nous avons, dans
la corporation du Barreau, une catégorie de membres qui sont des
stagiaires de quatrième année d'université et qui peuvent
si on étudie les derniers règlements votés depuis
quelques années et, récemment, par le Barreau poser
plusieurs actes. Ils peuvent représenter des personnes, par exemple,
devant une cour municipale. Le stagiaire peut faire une partie de l'acte
professionnel de l'avocat, évidemment sous la responsabilité de
celui qui...
M. CASTONGUAY: Non, je ne parle pas de stagiaires qui sont dans un
statut temporaire. Je parle des techniciens, par exemple, ou des
élèves qui vont sortir des CEGEP, à Chicoutimi, à
Sherbrooke. Je pense, avec raison, je crois, à ceux qui se sont inscrits
à une école qui était reliée d'une certaine
façon à l'université Laval au moment de leur admission, en
autant que mes renseignements sont exacts, qui avaient une formation de
onzième année et qui ont poursuivi, pour deux ou trois ans,
à peu près l'équivalent de ce qui est un cours, en nombre
d'années d'étude, au niveau du CEGEP. Même si cette
école avait une certaine liaison avec l'université Laval il y a
un certain nombre de ces gens qui pratiquent ou qui agissent comme
physiothérapeutes depuis un certain temps. Je ne crois pas que l'on
puisse les considérer comme stagiaires.
M. VIAU: Si vous me permettez, la présidente peut préciser
et apporter des détails là-dessus.
MME PARVER: Our Corporation has been studying this exact question for
almost a year, now, Mr. Castonguay. We have had, in a general assembly, the
authority of our members to proceed in negociations with these graduates of the
CEGEP, colleges and "techniques de réadaptation" to open up a new
category of membership. For the present time, they would become, temporary,
affiliated members of the Corporation for a period of three years. Let me tell
you why we put them for a period of three years. They have just recently
graduated, this June 1972. They are virtually an unknown quantity in the health
professional team. We do not know how they will be functioning in the hospital
setting, yet. We felt it was necessary to have three years study period, where
we could evaluate their functions, their capacities. And, at the end of this
three year period, the members of the Corporation would then vote on whether to
accept them as fully affiliated members of the Corporation at a specific
category. We have three different categories of membership as it stands right
now. We have active members, those who are practicing physiotherapy, either
full or part time; we have inactive members, those who belong to the
Corporation but are not working at present, and honorary members. They would
then become a fourth category of members of the Corporation.
M. CASTONGUAY: Dans les corporations professionnelles à champ
réservé, à l'exception des stagiaires qui, encore une
fois, sont dans un statut temporaire, sont en stage d'étude, travaillent
dans des conditions très contrôlées.
Il peut y avoir des exceptions, il doit y avoir des exceptions pour leur
permettre d'acquérir la formation pratique ou clinique
nécessaire. Mais une fois admis dans une corporation, avec un champ
d'exercice réservé ou exclusif, il n'y a plus de membres à
deux ou trois niveaux, parce que le principe est d'assurer, justement, une
protection à la population. La population doit savoir que si elle
s'adresse à M. X, qui fait partie de telle corporation, il est
compétent.
C'est pour cela que je pose ma question. Elle va plus loin, à mon
sens, que simplement en ce
qui a trait aux diplômés de 1972 parce que les
diplômés de l'école de Laval ne sont pas tous des
diplômés de 1972. Il y en a d'autres qui ont été
reçus avant. Ces gens, à mon sens, ont une formation
équivalente à une formation collégiale, comme niveau. Si
vous nous dites qu'il est nécessaire d'avoir un champ exclusif
fermé pour les physiothérapeutes, si on fait une exception pour
ceux qui sont de formation collégiale, il me semble qu'il y a là
une inconsistance.
M. VIAU: Suivant des renseignements qu'on m'a transmis, la formation du
niveau collégial ne remonterait pas à plus loin que 1969.
Peut-être que les premiers techniciens viendraient d'entrer sur le
marché du travail ou seraient sur le point d'y entrer. Il est donc
évident que lorsque nous venons pour former une corporation
professionnelle ou donner un champ réservé à une
corporation professionnelle, il y a tous ces cas à régler. Celui
des techniciens nous semble peut-être plus délicat à
régler. Une des façons, c'est évidemment de ne pas les
exclure, comme tels, de leur possibilité de travailler et de ne pas les
exclure non plus, comme tels, de leur possibilité d'acquérir le
statut professionnel de physiothérapeute.
Evidemment, il faut chercher une façon de résoudre le
problème. La façon de le résoudre, c'est que rien
n'empêche les personnes qui sortent du CEGEP de perfectionner leur
formation ou de suivre d'autres cours, comme le recyclage se fait
présentement dans plusieurs autres domaines et dans celui de la
physiothérapie.
M. CASTONGUAY: Si je comprends bien la base de votre argument, la
formation d'un physiothérapeute doit forcément être au
niveau du premier cycle universitaire et non au niveau collégial.
M. VIAU: Mme Goulet, qui est en charge de l'éducation, pourrait
peut-être préciser là-dessus.
MME GOULET: M. le ministre, cela existe aussi depuis longtemps. Nous
avons à faire face à cette nouvelle situation. Comme Mme Parver
vous l'a expliqué, je pense bien qu'exactement, dans notre concept,
c'est dans le milieu universitaire que se faisait la formation qui mène
actuellement vers un premier grade universitaire.
M. CASTONGUAY: Dans les autres provinces, est-ce que la formation d'un
physiothérapeute est exclusivement de niveau universitaire?
MME GOULET: A l'université.
M. CASTONGUAY: Dans toutes les autres provinces?
MME GOULET: Excepté dans l'Ontario, où il y a une
école qui vient d'ouvrir, le Mohawk College. C'est tout. Les autres
écoles sont toutes dans une université. Toutes les autres
écoles mènent à un premier grade universitaire,
excepté Dalhousie, qui mène encore à un diplôme.
Le fait d'être diplômé et d'appartenir à la
corporation, ici, évidemment, nous donne droit d'être membre de
l'association canadienne et de devenir membre de l'association internationale
parce qu'une seule association par pays est reconnue par l'association
internationale.
M. CASTONGUAY: La dernière question que j'avais à poser,
M. le Président, porte sur l'ergothérapie. Dans le projet de loi
tel qu'il est formulé, nous avons inclus, à l'article 7,
l'ergothérapie. On s'oppose à l'inclusion de
l'ergothérapie dans le champ de la physiothérapie.
D'autre part, nous notons qu'à l'exception d'une seule province,
à notre connaissance, dans les provinces qui ont
légiféré sur la question de la physiothérapie, soit
pour réserver un titre, soit pour former une corporation à champ
d'exercice exclusif, il n'y a pas, à l'exception d'une seule province,
une législation différente pour l'ergothérapie.
De même, il n'est pas bon je crois que nos séances
nous l'ont démontré assez clairement de fractionner trop
les groupements professionnels parce que chaque fois qu'un groupement
professionnel naît, il y a des dangers de conflit avec d'autres
groupements, des cloisonnements, etc. Nous avons eu, je pense, quelques
exemples assez éloquents. Alors, il me semble qu'il est assez important
de préciser pourquoi il y avait lieu d'exclure l'ergothérapie,
d'autant plus, comme je le mentionne, que selon les données que nous
avons ici, cette façon de procéder ne semble pas, de loin,
être la norme générale. Nous n'avons encore une fois qu'une
seule province qui semble avoir adopté une législation
particulière en ce qui a trait aux ergothérapeu-tes.
M. VIAU: Madame Breton peut préciser la position de l'association
là-dessus.
MME BRETON: Nous avons retenu du mémoire en ce qui concerne
l'ergothérapie, de la façon dont c'est présenté,
que nous trouvons l'ergothérapie à la fin de la définition
de la physiothérapie, et cela semble être une modalité de
la physiothérapie alors que c'est complètement différent.
Il s'agit, comme vous le mentionniez, d'une discipline paramédicale
particulière, et je pense que la meilleure façon pour vous
d'être mieux renseignés sur la question, ce sera d'entendre
l'opinion des ergothérapeutes elles-mêmes qui sont ici aujourd'hui
pour vous expliquer la question.
Mais, cependant, la façon dont c'est formulé
présentement dans le texte nous a paru comme
plaçant l'ergothérapie tout simplement comme une
modalité de la physiothérapie.
M. CASTONGUAY: Si c'est simplement une question de présentation
de texte, cela se change assez facilement. On peut parler de la loi des
physiothérapeutes, des ergothérapeutes et définir le champ
d'exercice de l'ergothérapie et de la physiothérapie. Il s'agit
de personnes qui oeuvrent dans le domaine de la réadaptation, même
si les techniques sont quelque peu différentes. Je ferais remarquer, par
exemple, que dans le champ de la médecine, vous avez 24
spécialités, à ma connaissance, présentement, et
qu'il y a des différences assez prononcées entre la chirurgie,
par exemple, et la psychiatrie. Comme nous sommes donc ici dans un domaine qui
touche à la réadaptation, même si les techniques peuvent
différer, ce que je ne conteste pas, est-ce qu'il y a des objections de
fond ou des objections valables pour s'opposer à ce qu'il n'y ait qu'un
groupement professionnel qui l'utilise selon les cas où leur formation
des techniques est quelque peu différente?
M. VIAU: Là-dessus, la question a peut-être
été mal comprise. La position que l'association avait prise
était à cause de la formulation de l'article 7 lui-même.
Alors, je pense que, dans des circonstances, la chose peut être
reconsidérée et des discussions peuvent avoir lieu avec les
ergothérapeutes qui viendront tantôt, et peut-être
pourrons-nous nous entendre, en cours de route, sur le principe. Il me semble
que là-dessus il y avait des difficultés au niveau de la
rédaction.
M. CASTONGUAY: Si nous corrigeons les difficultés au niveau de la
rédaction je vous pose la question, je la poserai
également aux ergothérapeutes est-ce que, de votre
côté, il y a des objections de fond, compte tenu des
précédents que je vous mentionne? Je rappelle l'exemple de la
médecine. Je pense que c'est assez frappant. Le psychiatre et le
chirurgien sont deux êtres assez différents. Ils sont tous les
deux, toutefois, dans le champ général de la médecine.
Ici, nous sommes dans le champ général de la
réadaptation.
M. VIAU: Si vous permettez, je vais laisser à la
présidente le soin de répondre à cette question.
MME PARVER: The bill itself is called "The Physiotherapist Act" and not
"The Physiotherapist and Occupational therapist Act."
Because of this we reserve the right to practice physiotherapy just for
physiotherapists for the reasons that you mentioned before: for the protection
of the public, to be able to control our membership, the quality of
professional cares that they dispense. Occupational therapists follow a
different program at the university level. Our studies overlap concerning
anatomy, concerning neuro-anatomy and certain other subjects, but the
professional "métier" that they observe is not the "domaine" of
physiotherapy. We are all in rehabilitation but the particular aspect is
different, the manner in which we work differs.
M. CASTONGUAY: Well, to be clear, the way in which this bill is written
can be changed easily. So, I do not think we have to consider the question
taking as a base for discussion the way the bill is written. We must ask the
question the following way, in my opinion: In the general field of medicine,
you have many specialties, something like 24. Some are very different:
psychiatry, for example, as compared to surgery. And yet, they are all members
of the same professional corporation because they all practice medicine.
In this field here of rehabilitation, you may have different techniques
and if you have different techniques, obviously there are differences in the
training program, in the same way as there are differences in the type training
program for surgeons and psychiatrists.
So the question, in my opinion, is there a fundamental reason why there
should be two professional corporations for two groups of persons dealing in
the field of rehabilitation? We do not want to multiply professional
corporations for a simple reason: Each time it has been done, it created
certain barriers between professional groups. It is a source of conflict, we
have had many examples here. So we must, before we take such a decision, have
very good reasons to do so.
MME PARVER: Excusez-moi une minute. I have asked the treasurer, Mlle
Suzanne Hardy, to answer your question.
MLLE HARDY: M. Castonguay, si vous pensez que les ergothérapeutes
et les physiothérapeutes devraient être dans le même projet
de loi, il y a plusieurs autres disciplines paramédicales qui
remplissent des tâches auprès du patient avec le même niveau
de responsabilités. Entre autres, on pourrait peut-être penser aux
travailleurs sociaux, aux orthophonistes, aux différents membres de
l'équipe de réadaptation.
M. CASTONGUAY: We have legislation for social workers, pour les
audiologistes et les orthophonistes. So we are dealing with these problems in a
separate bill.
MLLE HARDY: Oui.
M. VIAU: Si vous le permettez, M. le ministre, ce que je comprends de la
position, c'est ceci: On dit que, si les ergothérapeutes faisaient
partie de la corporation, il faudrait l'étendre aussi, peut-être,
aux orthophonistes et aux travailleurs sociaux.
M. CASTONGUAY: Vous ne répondez pas à ma question. Il y a
des projets de loi pour les travailleurs sociaux et pour les orthophonistes. Je
vous pose une question spécifique par rapport aux
ergothérapeutes.
M. VIAU: Oui.
M. CASTONGAUY: Je ne vous parle pas des travailleurs sociaux.
Les orthophonistes, les audiologistes, nous avons de la
législation pour ça. Je vous le demande précisément
pour les ergothérapeutes.
M. VIAU: Notre position est que nous croyons que, comme les
orthophonistes et les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes
devraient avoir un statut différent des physiothérapeutes
puisqu'ils participent à une discipline différente.
M. CASTONGUAY: Je ne crois pas que les travailleurs sociaux soient dans
le champ de la réhabilitation physique ou la réadaptation
physique. Je vois mal le parallèle que vous faites. De la même
manière l'audiologiste n'est pas vraiment dans le champ de la
réadaptation. Il est un peu comme l'optométriste dans le domaine
de la vision ou de l'acuité visuelle par rapport au système
auditif.
M. VIAU: M. le ministre, permettez-moi de faire expliquer par Mme Goulet
l'exemple des orthophonistes. Peut-être que ça pourrait
préciser er rendre la question claire pour tout le monde.
MME GOULET: M. le Président il est certain que les orthophonistes
font partie de ce groupe de réadaptation. Ils font beaucoup de
réadaptation pour certains malades. Peut-être pas les
audiologistes, mais sûrement les orthophonistes. Je ne connais pas assez
l'audiologie mais il est évident que les orthophonistes font partie du
groupe.
M. CASTONGUAY: Très bien. Alors, je vais vous poser la question
différemment. Auriez-vous objection à inclure les orthophonistes,
les ergothérapeutes dans le champ général de la
réadaptation? Tout comme nous avons un champ général de la
médecine.
MME GOULET: C'est extrêmement difficile pour nous de
répondre à la question sans avoir pu discuter avec ces
groupes.
M. CASTONGUAY: Remarquez, vous nous avez fait des objections par rapport
à l'ergothérapie, pas seulement maintenant mais lorsque les
projets de loi ont été déposés. C'est la raison
pour laquelle je pose la question. Je veux comprendre.
MME GOULET: Mais c'est ça. Est-ce qu'il ne faudrait pas, par
exemple, discuter de cette question? C'est difficile pour nous, comme groupe,
de dire: Oui, nous sommes d'accord. Les deux autres groupes peuvent être
dissidents.
M. CASTONGUAY: Non, je demande s'il y a des raisons fondamentales. Je ne
demande pas s'il y a des oppositions par rapport aux autres groupes.
MME GOULET: Il faudrait changer le nom.
M. CASTONGUAY: C'est très facile à changer.
MME GOULET: Chaque groupe peut avoir une autonomie dans ça. Il
faut que chaque groupe...
M. CASTONGUAY: Les psychiatres et les chirurgiens cohabitent depuis
très longtemps ensemble et semblent bien s'entendre. Je suis convaincu
qu'ils s'entendent beaucoup mieux que s'ils étaient dans deux
corporations professionnelles distinctes.
Alors, M. le Président, je vais laisser la question à ce
niveau.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis d'accord sur la dernière
observation du ministre. C'est plus facile de rapprocher le psychiatre et le
médecin à l'intérieur de la même corporation. Et,
même à l'intérieur de la même corporation, c'est
arrivé qu'il y avait des divergences d'opinions assez fréquentes.
Je pense que le véritable problème a été
posé. On vient d'entendre les questions du ministre et les
réponses. Je pense, pour ma part, qu'un problème réel se
pose, et j'ai entendu les réponses tout à l'heure. J'ai devant
moi le mémoire des ergothérapeutes qui vont venir tout à
l'heure. Je voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que la formation
scolaire d'un ergothérapeute et celle d'un physiothérapeute sont
tellement différents, même si les techniques et les approches
peuvent diverger? Est-ce qu'on pourrait élaborer un peu
là-dessus?
MME GOULET: Oui, M. le député. Certaines matières
de base sont exactement les mêmes. Mais quant aux matières
professionnelles c'est complètement différent. Les
matières comme l'anatomie, la physiologie, toutes les matières
dont on a parlé tout à l'heure, les sciences biologiques sont les
mêmes, excepté les ergothérapeutes vous
l'expliqueront que la psychiatrie, c'est beaucoup plus
développée du côté de l'ergothérapie.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je comprends, mais faisons une analogie,
prenons le médecin qui est spécialisé en chirurgie et
celui qui est
spécialisé en psychiatrie. Ils ont aussi une formation de
base de cinq ans qui est presque la même; à toutes fins pratiques,
je pense qu'elle est la même. Après ça, il y a un certain
nombre d'années de spécialisation. Ils oeuvrent tous les deux
dans le champ de la médecine.
Les 24 spécialités médicales sont regroupées
à l'intérieur de la même corporation professionnelle.
Dans le public, je doute qu'on puisse faire la distinction facilement
entre un physiothérapeute et un ergothérapeute. Je pense bien
que, pour la majorité et même pour nous, les parlementaires, si
nous n'avions pas devant nous des documents qui nous donnent une explication
assez poussée de la différence entre les deux professions, il
serait difficile de faire une appréciation. C'est pour ça que
j'ai posé la question sur la formation. Vous me dites qu'il y a une
formation de base identique et qu'après vous avez des cours, une
spécialisation. L'ergo-thérapeute oeuvre dans le secteur de la
psychiatrie, alors que le physiothérapeute n'y va pas. Est-ce exact?
MME GOULET: Nous avons quand même une place, mais peut-être
moins importante que celle de l'ergothérapeute, dans la psychiatrie.
M. CLOUTIER (Montmagny): Comparé avec les ergothérapeutes
qui sont environ 650, quels sont vos effectifs en physiothérapie?
MME PARVER: There are 700 physiotherapists in the province of Quebec of
which 480 are members of our corporation.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, je constate que les deux groupes sont
à peu près identiques en nombre. D'après le mémoire
des ergothérapeutes, il y a 642 ergothérapeutes
diplômés, dont 193 exercent activement dans 58 hôpitaux ou
institutions de la province.
Est-ce qu'à part les groupes auxquels on a
référé tout à l'heure on a parlé des
techniciens en rééducation il y en a d'autres qui ne sont
pas dans l'association des physiothérapeutes et qui pratiquent la
physiothérapie, sur lesquels vous n'avez aucun contrôle? Est-ce
qu'il y en a?
MME PARVER: There are many who call themselves physiotherapists who are
pseudo-physiotherapists. They have no qualification to call themselves such.
But, we, as a corporation, now have no right to exercise any control over these
people. Anyone in the province of Quebec can call himself physiotherapist and
there are some who do.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est là que vous faites intervenir
l'argument de la protection du public, parce que vous dites qu'il y en a
plusieurs sur lesquels vous n'avez aucun contrôle, tel que les lois sont
rédigées actuellement.
Exercent-ils en cabinet privé? Ils n'exercent certainement pas
dans les institutions, j'imagine?
MME PARVER: They are not allowed to work in hospital institutions. They
have their own private cabinets.
If I may just go back to the previous question, within the context of
the definition of physiotherapy as it appears in article 7, I believe, the deep
objection that the corporation had was because it appeared in the definition in
this manner, because it appears as just another method of physiotherapy, which
is not. It is an entirely defined discipline. If the contexts of the definition
were changed so that it would be professional acts performed by
physiotherapists in such a manner, by ergotherapists in such a manner, it would
completely change the meaning and the sense.
But, in the way that appears right now, the objection was because it is
not an addition to physiotherapy.
M. CASTONGUAY: Prenons la même approche que dans les écoles
de l'Université de Montréal et l'université McGill. On a
ici un mémoire, qui nous viendra plus tard, des étudiants en
réadaptation de l'Université de Montréal. Lorsqu'on prend
celui de l'Université McGill, on dit: "Occupational Therapy Students,
School of Physical and Occupational Therapy." Là, on donne une
description plus juste.
M. VIAU: Si on répétait peut-être la
définition. Je crois qu'on n'a pas entendu exactement la
définition.
M. CASTONGUAY: A l'école de l'université McGill, par
exemple, on parle de "Physical and Occupational Therapy."
MME PARVER: That is a school where both these different subjects are
taught. It is a school of physical...
M. CASTONGUAY: Alors, l'approche est d'avoir une seule école qui
enseigne deux techniques, toutes les deux dans le champ de la
réhabilitation et de la réadaptation. Cela vous parait plus
conforme à la réalité.
M. VIAU: Vous pouvez répondre.
MME GOULET: A l'Université de Montréal, cela s'appelle
école de réadaptation et nous avons certaines disciplines, la
psysiothérapie, l'ergothérapie, l'orthophonie et
l'audiologie.
M. CASTONGUAY: Très bien. Merci.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les physiothérapeutes qui
travaillent en institution travaillent toujours sous la surveillance
médicale?
MME PARVER: Always. It is written in our by-laws that we can only work
under medical supervision and upon a doctor's referral. We must, when we
receive a patient, have a doctor's referral, his diagnosis, his main objectives
in how he would like us to treat his patient. We must have this medical
referral or "une ordonnance médicale, en français"
in order to treat the patient.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aurais quelques questions pratiques. Si c'est possible de me
répondre en français, je comprends plus vite en français
qu'en anglais. A partir du nombre de physiothérapeutes qui existent,
votre effectif est réparti de quelle façon en province?
MME BRETON: La grosse majorité des physiothérapeutes
pratiquent dans la région de Montréal. Il y en a à peu
près 80 p.c. à Montréal, 1 p.c. dans la région de
Trois-Rivières, 10 p.c. à Québec, un peu plus de 3 p.c.
dans la région de Sherbrooke, .5 p.c. dans la région de la
Gaspésie, .5 p.c. dans la région de Hull, .1 p.c. dans la
région de l'Abitibi et 1 p.c. dans la région de Chicoutimi.
Vraiment le gros de l'effectif est concentré dans la région
montréalaise.
M. GUAY: Je constate évidemment qu'on est démuni chez nous
de physiothérapeutes. J'aimerais savoir si vous dispensez des soins
à domicile ou si c'est seulement en milieu hospitalier, en officine.
MME BRETON: Actuellement, 79 p.c. de nos membres travaillent dans les
hôpitaux ou dans les cliniques de réadaptation. En pratique
privée, nous en avons à peu près 12 p.c. Les soins
à domicile ne sont pas tellement développés.
Malheureusement présentement, il n'y a que 5.5 p.c. de notre effectif
qui donnent des services de soins à domicile. Quelques-uns de la
pratique privée vont à domicile, mais les services de soins
à domicile en tant que tels ont 5.5 p.c. de nos membres.
M. GUAY: Pour ceux qui dispensent des soins à domicile,
j'aimerais savoir, excusez l'expression, de quelle façon vous attrapez
vos patients. Par quel moyen de publicité ou par quelle relation
venez-vous en contact avec les patients?
MME BRETON: Il y a des services de soins à domicile. Par exemple,
grâce à la parade des dix sous les médecins nous renvoient
des patients. Ils ont des physiothérapeutes à leur emploi qui
vont donner les traitements à domicile. Quant aux
physiothérapeutes de notre association qui, privément, vont
traiter des patients à domicile, c'est parce qu'ils connaissent certains
médecins. Ces médecins savent que ces physiothérapeutes
sont prêts à faire des traitements à domicile. Ils leur
réfèrent leurs patients. Ils peuvent téléphoner
à notre association et on essaie de trouver un physiothérapeute
de la région indiquée pour aller traiter le patient à
domicile.
M. GUAY: Maintenant vous me corrigerez si je fais erreur
j'ai souvent entendu dire que des physiothérapeutes s'occupaient de
cures d'amaigrissement. Est-ce le cas?
MME BRETON: Ce sont les pseudo-physio-thérapeutes non
diplômés qui s'occupent de cures d'amaigrissement et non les
physiothérapeutes membres de notre association.
M. GUAY: Vous soulignez, dans votre mémoire, que vous aimeriez
mieux voir le mot "obtenir" que le mot "redonner". Etant donné que vous
vous occupez surtout de réadaptation, pouvez-vous expliquer pourquoi
vous aimeriez voir changer le mot?
MME BRETON: On peut donner facilement l'exemple d'un enfant qui vient au
monde atteint d'une paralysie cérébrale. On ne peut pas redonner
à cet enfant la capacité de marcher alors qu'il ne l'a jamais
eue. Chez lui, il s'agit vraiment de l'obtenir. C'est vrai pour un grand nombre
de patients. Cela ne limite pas le patient qui l'avait déjà, mais
cela explique mieux la situation pour celui qui n'avait pas fait cette
acquisition auparavant.
M. GUAY: Est-ce que cela fait partie quand même de la
réadaptation, ou surtout de l'éducation?
MME BRETON: C'est de la réadaptation physique. Vous pouvez
l'appeler "éducation", mais, à ce moment-là, je pense
qu'on va arriver dans un domaine où on va pouvoir discuter sur les mots,
peut-être, avec les professeurs. En fait, ils vont peut-être
vouloir insister sur le fait que l'éducation est leur domaine. Quant
à nous, nous l'appelions "réadaptation physique" à ce
niveau.
M. GUAY: J'aimerais également savoir c'est ma
dernière question si vous connaissez, comme professionnel qui
dispense des services, le groupe qu'on appelle "phytothérapeutes"?
M. VIAU: Je ne connais pas ça.
MME BRETON: Est-ce que vous pourriez expliquer? Je ne connais pas
ça, personnellement.
M. GUAY: C'était seulement juste pour savoir si vous connaissiez
le groupe.
M. LEDUC: Ce sont des gens qui ne sont pas "fités", alors! C'est
pour soigner...
M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.
M. PAUL: Les conséquences du résultat de l'élection
d'hier en Colombie-Britannique.
M. LEDUC: Oui, c'est vrai.
M. HOUDE: C'est probablement ça!
Je voudrais savoir si les représentants des
physiothérapeutes et des ergothérapeutes ont eu avec le ministre
ou les autorités du ministère des pourparlers et si c'est dans
l'esprit de la loi de protéger le public et les membres de la profession
contre on l'a mentionné une catégorie de charlatans
je n'hésite pas à employer le mot qui, à
tout moment, se font passer pour des physiothérapeutes ou encore des
physiothérapistes? Quelle est la place, dans le public, si vous voulez,
de tous ceux qui, sans avoir suivi de cours, très souvent, ou enfin de
cours sérieux, s'improvisent, du jour au lendemain, masseurs
c'est une expression que je ne retrouve nulle part de tous ceux qui ont
atteint même une célébrité comme
physiothérapeutes, non pas parce qu'ils ont passé par les
universités mais plutôt parce qu'ils ont eu la chance d'être
des guérisseurs, si vous voulez, au sein d'équipes sportives de
fort calibre? Il n'est nécessaire de nommer personne, on sait ce qui est
arrivé à certains de ces gars. C'est la partie qui
m'intéresse, d'une part.
D'autre part, je voudrais aussi, à l'article 7, si je ne me
trompe pas, lorsqu'il s'agit d'exercices physiques réservés
à la profession des physiothérapeutes et des
ergothérapeutes, au moins que ce soit entendu, même si cela l'est
probablement implicitement dans l'esprit de ceux qui ont rédigé
le texte, qu'il y a quand même des universités, aujourd'hui, qui
décernent des diplômes en éducation physique, où les
gars et les filles ont eu des années d'université et où,
sans faire nécessairement de la réadaptation ou sans être
attachés directement à un médecin, ils utilisent
l'exercice physique comme moyen d'épanouissement ou d'éducation.
Je ne voudrais pas si cette loi était adoptée telle quelle, qu'un
jour, avec de très bons avocats, on arrive en cour à prouver que
l'éducateur physique qualifié, en travaillant dans son gymnase, a
péché contre cette loi. Telle qu'elle est là, avec un bon
avocat comme Harry Blank, je pense qu'on pourrait prouver que les
éducateurs physiques sont dans l'illégalité. Je pense
qu'il y a moyen d'ouvrir une parenthèse.
M. VIAU: Voici, si vous me permettez...
M. HOUDE: Mais le point qui m'intéresse davantage, c'est que pour
l'opinion publique, il est extrêmement important, à mon sens, que
ces professions, nouvelles soient connues dans le public.
Il s'agit de la profession du physiothérapeute ou de
l'ergothérapeute. De cette façon le public en
général saura que ceux qui sont membres de ces corporations ont
suivi telle ou telle étude de telle ou telle catégorie ou de tel
calibre, et une fois pour toutes, tous les pseudo-physiothérapeutes de
nos centaines, pour ne pas dire de nos milliers, de studios de culture physique
qui oeuvrent à tous les coins de rue cessent d'utiliser des expressions
comme hydrothérapie, ergothérapie, psysiothérapie,
massages turcs, danois, finlandais et tout ce que vous voulez. C'est de
l'attrape-nigaud, dans beaucoup de cas. Il y a des procès,
présentement, assez amusants concernant toutes les cures que vous
connaissez, d'amaigrissement ou de réadaptation. Je pense que le
ministre a raison de dire que c'est dans l'esprit de la loi de protéger,
d'une part, le public, et également de protéger les membres de
ces professions et d'éliminer le plus rapidement possible tous les
incompétents de ce champ d'action.
M. VIAU: Pour répondre à une partie de votre question, M.
le député, quant aux personnes responsables d'éducation
physique, nous pourrions préciser encore davantage notre propre texte,
mais nous visons tout acte thérapeutique. Il nous semblait que nous
visions là un acte il nous semblait que c'était assez
précis thérapeutique. Les gens de l'éducation
physique ne posent pas d'actes thérapeutiques, à ce qu'il me
semble.
M. HOUDE (Fabre): Je m'excuse. Quand vous regardez dans les journaux, si
vous lisez...
M. VIAU: Sinon, nous n'avons pas d'objection à tenter de
préciser davantage puisque telle n'est pas notre intention.
M. HOUDE (Fabre): Je souhaiterais que ce soit précisé
parce que je pense, par exemple, qu'à quelque part dans le texte que
j'ai lu tantôt, un article ou une phrase concerne les exercices
prénataux . C'est un secret de polichinelle qu'il y a des centaines et
des centaines de professeurs d'éducation physique ou de culture physique
peu importe leur qualification pour l'instant je suis bien
d'accord s'ils sont qualifiés pour en donner.
Je pense, par exemple, à cette euphorie que connaît
présentement je dirais le monde entier, dans un domaine qui s'appelle le
yoga, où on ne se gêne pas, dans la publicité, pour parler
de réadaptation, de guérison et de tout ce que vous voulez, sans
compter tout l'aspect spirituel. Je n'ai rien contre le yoga. Encore là,
ce n'est pas parce qu'on s'appelle Jean Latulippe, une journée, et que
le lendemain on s'appelle Juan et qu'on se fait passer pur un Hindou qu'on a
obtenu du jour au lendemain les qualifications ou la compétence
nécessaire pour enseigner le yoga. C'est un problème.
M. LE PRESIDENT: J'attire l'attention du député de Fabre
je pense que c'est la première fois qu'il vient à cette
commission sur le fait qu'à cette commission-ci, nous n'avons pas
le droit de faire des commentaires. Nous pouvons seulement poser des
questions.
M. HOUDE (Fabre): D'accord. J'efface mes commentaires.
M. VEILLEUX: Le message est quand même fait.
M. HOUDE (Fabre): Le message est fait, oui. En somme, ce que je voulais
surtout, c'est que les gens de cette profession, à laquelle je crois,
soient protégés, que le public soit protégé et
qu'une fois pour toutes, on fasse des définitions et qu'on essaie de
couvrir, dans une corporation, tout ce qu'il y a de plus sérieux.
MME PARVER: To respond to the first part of your question, concerning
the charlatans and the pseudo physiotherapists, we have had many requests from
these people to join our professional corporation, which we have refused as
they do not meet our standards.
M. LAVOIE (Wolfe): Peut-on savoir votre opinion concernant les
rebouteurs et les chiropraticiens? Quelle est votre opinion à ce
sujet?
M. VIAU: Je peux peut-être répondre immédiatement
quant aux chiropraticiens. Il me semble qu'il y a un projet de loi de
déposé qui les concerne. Quant aux rebouteurs, tout dépend
ce que vous entendez par cette définition. Si on la classe dans la
catégorie des personnes qui ne sont pas acceptables pour la protection
du public, il me semble évident que nous ne sommes pas concernés
par cela.
M. LAVOIE (Wolfe): Il y a des rebouteurs qui donnent certainement des
soins qui ressemblent beaucoup aux soins donnés par les
physiothérapeutes. Je voulais savoir quelle était la
différence entre les soins donnés par les
physiothérapeutes et les chiropraticiens, à certaines
occasions.
M. VIAU: Les physiothérapeutes et les chiropraticiens?
M. LAVOIE (Wolfe): Oui.
MME GOULET: Les chiropraticiens, d'après la définition de
la chiropractie, sont censés ne faire des manipulations que sur la
colonne vertébrale. C'est la définition de la chiropractie.
M. LAVOIE (Wolfe): Les physiothérapeutes ne donnent-ils pas le
même traitement occasionnellement aussi?
MME GOULET: Que les chiropraticiens?
M. LAVOIE (Wolfe): Oui. MME GOULET: Non.
M. LAVOIE (Wolfe): Du tout. Les rebouteurs qui donnent des genres de
traitement de physiothérapie, est-ce que...
MME GOULET: Quelle définition donnez-vous à rebouteur?
M. LAVOIE (Wolfe): Un "ramancheur". UNE VOIX: "Débosseur"
physique. MME GOULET: Nous ne faisons pas cela.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: Il ne nous arrive pas souvent d'avoir un procureur comme Me
Viau pour représenter une clientèle aussi choisie que celle de ce
matin. Je voudrais simplement lui poser la question suivante: Si, à
l'occasion de l'étude du projet de loi, je me faisais le parrain d'un
amendement pour corriger le texte de l'article 7, qui pourrait se lire comme
suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie tout acte
thérapeutique qui a pour objet de redonner ou d'obtenir...", est-ce que
cet article ainsi amendé ne couvrirait pas les deux champs
d'activités des thérapeutes? Du même coup, vous donneriez
à la personne ce qu'elle n'avait pas et vous redonneriez à la
personne ou au patient ce qu'il ou qu'elle avait perdu.
M. VIAU: Je n'ai pas d'objection. Cela couvrirait les deux champs.
M. PAUL: Mais est-ce que cela rencontrerait les désirs de
l'association?
M. VIAU: Oui.
M. LE PRESIDENT: Avant que je remercie le groupement, je voudrais
seulement attirer l'attention du procureur sur le fait que ce n'est pas le
Parlement qui présente le projet de loi. C'est le Parlement qui adopte
le projet de loi, mais c'est le gouvernement qui le présente. Et c'est
après cela que le Parlement l'étudie et l'adopte. C'est le
gouvernement qui a présenté le bill en première lecture et
c'est lui qui prend la responsabilité de le présenter.
Après cela, le Parlement le discute et l'adopte, si
nécessaire.
M. VIAU: Je me suis mal exprimé tantôt. Connaissant un peu
la technique parlementaire, le projet de loi est déposé et, si
nous sommes en commission parlementaire, c'est parce que les membres de la
commission veulent se renseigner.
M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas le Parle-
ment qui a déposé le projet de loi. C'est cela, la
différence.
M. PAUL: C'est la raison pour laquelle les lois sont si mal faites.
M. VIAU: Je vous remercie de la précision, M. le
Président.
Québec Society of Occupational
Therapists
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Maintenant, nous entendrons le
Québec Society of Occupational Therapists. Me Robert Lesage.
MLLE SAINT-JACQUES: Permettez-moi de vous présenter la
délégation de la Société des ergothérapeutes
du Québec. A la droite, Mlle Françoise Poirier, qui est
professeur d'ergothérapie à l'université Laval. Mlle
Thérèse Derome, qui est directrice du service
d'ergothérapie à l'hôpital Rivière-des-Prairies de
Montréal. Me Lesage, notre conseiller juridique. Mlle Colette Tracy, qui
est directrice du service d'ergothérapie du département de
psychiatrie de l'hôpital Notre-Dame-de-Montréal, et Mme Micheline
Marazzani qui est professeur d'ergothérapie à l'Université
de Montréal, et moi-même, Micheline Saint-Jacques.
Je suis professeur d'ergothérapie à l'Université de
Montréal, ergothérapeute au Centre psychosocial de Valleyfield et
présidente de la Société des ergothérapeutes du
Québec.
Les ergothérapeutes sont groupés dans une corporation
formée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies,
sous le nom de Quebec Society of Occupational Therapists Incorporated.
Cette corporation est reconnue officieusement comme la
Société des ergothérapeutes du Québec. Cette
corporation existe depuis 1930. Il y a dans la province 642
ergothérapeutes diplômés dont 193 exercent activement dans
58 hôpitaux ou institutions de la province. Je crois ici qu'il y aura une
explication à donner. C'est qu'il y a 642 diplômes
d'ergothérapie de donnés et non pas 642 ergothérapeutes
qui oeuvrent dans la province de Québec, tel que mentionné
tantôt.
La Société des ergothérapeutes du Québec
demande de biffer la mention de l'ergothérapie de l'article 7 du bill
272, Loi des physiothérapeutes. Cet article présente
erronément l'ergothérapie comme une modalité de traitement
de la physiothérapie. Les ergothérapeutes demandent
également d'être constitués en une corporation
professionnelle fermée et distincte.
C'est pourquoi la Société des ergothérapeutes du
Québec soumet en annexe à son mémoire un projet de loi des
ergothérapeutes. Il y aura également lieu d'adopter des
modifications de concordance au bill 250 et de mentionner les
ergothérapeutes à l'article 30 et aux annexes 1 et 2 de ce
bill.
En respectant la phraséologie employée dans les divers
projets de loi concernant les professions de la santé,
l'ergothérapeute peut se définir comme suit. Je crois qu'il est
bien important ici de définir ce qu'est l'ergothérapie, si on
s'en tient aux questions posées auparavant aux physiothérapeutes.
L'ergothérapie, c'est tout acte qui a pour objet le traitement d'une
personne en vue d'améliorer ou d'assurer son indépendance
fonctionnelle au plan physique et psychique, principalement par l'utilisation
d'activités de travail ou de la vie quotidienne. L'exercice de
l'ergothérapie comprend notamment l'évaluation du potentiel
fonctionnel d'une personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques
impliquant des relations thérapeutiques et la conception d'adaptations
fonctionnelles.
L'ergothérapeute évalue quantitativement et
qualitativement le degré fonctionnel du malade. Selon le cas, il
évalue les habilités perceptuelles et motrices et le comportement
psychosocial.
Au niveau de la planification et du traitement, il précise les
buts à court et à long terme du traitement ergothérapique;
il choisit les moyens thérapeutiques appropriés; il modifie le
programme de traitement au besoin, selon l'évolution du patient; il
assume la supervision de ce programme; il participe au plan de soins du patient
avec l'équipe de la santé de son milieu et il agit comme
cothérapeute dans des traitements multidisciplinaires.
De par sa formation spécifique, il fait l'analyse
métrique, kinésique, tonique et psychique de tous les moyens et
media utilisés en cours de traitement. Il agit comme consultant,
élabore et participe à des programmes de recherche fondamentale
et clinique. Il est autonome dans le cadre de ses responsabilités.
L'ergothérapeute fait partie intégrante de l'équipe
médicale. Il travaille dans les hôpitaux généraux et
pédiatri-ques, hôpitaux et cliniques psychiatriques,
hôpitaux pour convalescents, malades chroniques et vieillards, centres de
réadaptation, services spécialisés de traitements à
domicile, milieux scolaire et carcéral.
Il exerce soit dans le secteur de la médecine physique, soit dans
le secteur de la psychiatrie.
M. LE PRESIDENT (Leduc): Si vous me permettez, comme l'expliquait le
président qui m'a précédé, le résumé
doit durer à peu près une vingtaine de minutes. En regardant
votre texte, nous craignons que vous n'ayez pas le temps de tout lire. Je me
demande s'il n'y aurait pas des points qu'il serait plus important
d'autant plus que nous avons le texte devant nous de faire ressortir
plutôt que de passer à travers tout le document.
MME SAINT-JACQUES: Je pense que pour nous tous les points sont
très importants, de la définition à ce que nous demandons,
et nous arrivons au point important.
Le point important est la formation professionnelle qui est distincte de
la physiothérapie.
Nous vous exposons que, dans la province de Québec, trois
universités dispensent des cours d'ergothérapie: les
universités Laval, McGill et de Montréal. Les conditions sont le
CEGEP, option sciences de la santé, ou sciences biologiques. Le cours de
trois ans est couronné par un BSc en ergothérapie. C'est
très spécifique et distinct. La distinction qui est importante
à faire, c'est entre l'ergothérapie et la physiothérapie.
C'est peut-être du fait de la formation de l'ergothérapeute qui
est acquise justement dans les mêmes institutions et aussi du fait que
nous oeuvrons dans un domaine connexe, soit celui de la médecine
physique. C'est un des secteurs du champ de l'ergothérapie.
La formation de l'ergothérapeute est spécifique à
l'ergothérapie. Bien qu'elle soit commune dans les sciences biologiques
de base, l'ergothérapeute se distingue par sa formation
spécifique en sciences du comportement ainsi que dans les sciences
humaines et dans les activités rééducatives,
perceptivomotrices et les adaptations fonctionnelles. Une seule corporation des
physiothérapeutes et des ergothérapeutes n'est pas
souhaitée par les ergothérapeutes et n'assurerait pas
adéquatement le contrôle de la compétence professionnelle
et de la protection du public.
D'une part, il serait difficile d'accorder à chacun de ces deux
groupes une représentation adéquate, vu l'importance
numérique beaucoup plus grande des physiothérapeutes. Les
ergothérapeutes répondent aux critères
énoncés aux articles 21 et 22 du bill 250 pour être
constitués en corporation professionnelle fermée et autonome.
Leurs activités profesionnelles exigent une formation universitaire de
trois ans après leurs études collégiales.
L'ergothérapeute est autonome dans l'élaboration du plan de
traitement ergothérapique qu'il recommande ou qu'il applique et son
jugement professionnel ne peut être valablement discuté par des
personnes ne possédant pas la même formation que lui. La relation
thérapeute-patient est essentielle dans le traitement de
l'ergothérapeute et exige la confiance du patient dans les rapports
personnels qu'il a avec son thérapeute.
Un individu s'improvisant ergothérapeute peut causer un
préjudice grave au patient en ce qu'il n'est pas apte à
établir les besoins et ressources du malade, à contrôler
les moyens de traitement, ni à faire le lien entre les activités
de traitement et les facteurs médicaux. Pour la protection de la
santé publique, il importe que seules les personnes possédant les
qualifications requises des ergothérapeutes puissent exercer cette
profession.
A cette fin, nous demandons respectueusement qu'une corporation
professionnelle des ergothérapeutes soit constituée et que
l'exercice de l'ergothérapie soit réservé à ses
membres, sauf dans certains cas prévus au projet de loi que nous vous
soumettons. L'ergothérapie est reconnue comme une profession autonome
dans 27 pays qui se regroupent au sein de la World Federation of Occupational
Therapists.
De plus, une association nationale, constituée par lettre patente
fédérale est active depuis 1939: The Canadian Association of
Occupational Therapists.
Au Québec, les programmes de formation des ergothérapeutes
dans les trois universités, soit Laval, McGill et de Montréal
sont conformes aux normes et standards établis par l'Association
canadienne des ergothérapeutes. Pour répondre à ces
normes, les étudiants sont soumis à un entraînement
clinique régi par cette même association. Depuis plus de 15 ans,
les ergothérapeutes oeuvrent dans les établissements de la
santé du Québec, jouant un rôle actif dans
l'élaboration et l'application des programmes de prévention, de
soins et de réadaptation. Ils sont reconnus comme des professionnels par
l'équipe médicale.
La Société des ergothérapeutes du Québec
soumet donc en premier lieu à votre attention que l'article 7 du bill
272 doit être modifié de façon à y biffer la mention
de l'ergothérapie. Cette mention crée une confusion qui ne
correspond pas à la réalité scientifique.
D'ailleurs, la Société des ergothérapeutes du
Québec est informée de représentations provenant de divers
secteurs du monde de la santé à l'effet que l'ergothérapie
doit être considérée comme une discipline
indépendante. Les ergothérapeutes réclament la
reconnaissance de leur statut professionnel dans une loi distincte. Dans
l'intérêt du public, ils désirent que leur profession soit
contrôlée par une corporation composée de personnes ayant
la même formation qu'eux et qui sont seules compétentes à
juger des actes professionnels qu'ils posent. Ils désirent en outre
participer, à ce titre, à l'élaboration des programmes et
à l'administration des établissements de santé comme tous
les autres professionnels.
La Société des ergothérapeutes du Québec
produit, en annexe à son mémoire, un projet de loi des
ergothérapeutes qu'elle est disposée à discuter en
détail. On me dit que ce n'est pas nécessaire de continuer. Je
termine. La Société des ergothérapeutes demande
également que le bill 250, code des professions, soit modifié en
particulier comme suit: En amendant l'article 30 pour y ajouter le titre
d'ergothérapeutes, et en anglais Occupational Therapists en ajoutant: la
Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec,
à l'annexe 1 et à l'annexe 2, et en apportant toutes
modifications de concordance nécessaires. La Société des
ergothérapeutes du Québec exprime sa confiance envers la
commission parlementaire des corporations professionnelles et souhaite, dans
l'intérêt du public et l'évolution rationnelle des sciences
de la santé, que le projet de loi qui vous est soumis soit adopté
en principe. Nous vous remercions.
M. LE PRESIDENT: Merci, madame Saint-Jacques. M. le ministre.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier
les représentants de la Société des
ergothérapeutes pour ce mémoire. J'aurais trois questions, M. le
Président, à leur adresser qui sont sensiblement de la même
nature que celles que j'ai adressées au groupe précédent.
La première: Est-ce qu'au Québec, parmi les personnes qui se
disent ergothérapeutes, il y en a qui n'ont pas le niveau de formation
que vous décrivez dans votre mémoire ou encore qui n'ont,
à toutes fins pratiques, aucune formation professionnelle et qui se
prétendent ergothérapeutes? Combien sont-elles? Où les
retrouve-t-on? D'où sortent-elles?
MME SAINT-JACQUES: Oui, nous en retrouvons dans la province de
Québec; ce sont habituellement des moniteurs dans des techniques
d'artisanat et qui oeuvrent dans les hôpitaux à titre
d'ergothérapeutes. Nous en retrouvons un peu partout dans la province et
nous n'avons vraiment aucun pouvoir d'y remédier, et ceci est
très défavorable et pour la profession, à notre avis, et
aussi pour l'intérêt public.
Si nous comprenons l'importance de l'ergothérapie, je pense que
des actes posés peuvent causer des préjudices vraiment
déplorables pour le patient qui est traité par ces personnes. Je
peux vous expliquer, dans les deux secteurs, par des exemples, ce qui peut
arriver. Je pense, en médecine physique, dans ce secteur, à des
activités qui sont recommandées sans aucune connaissance
médicale, à un hémiplégique à la suite d'un
accident cérébro-vasculaire parce que la dépense
d'énergie et d'efforts, compte tenu de la résistance,
étant trop grande, on peut tout simplement aggraver la condition
physique du patient. De même en psychiatrie, et là c'est moins
tangible et c'est plus difficile à percevoir, mais je sais très
bien que l'on peut faire, par exemple, décompenser un individu
prépsychotique si on lui donne des activités qui sont très
peu structurées, et le malade, à ce moment-là, vraiment
décompense et entre dans un délire.
M. CASTONGUAY: Si je comprends bien, donc, ces personnes, nous les
retrouvons principalement dans les hôpitaux.
MME SAINT-JACQUES: Nous en retrouvons aussi, en milieu scolaire, dans
les écoles pour enfants handicapés.
M. CASTONGUAY: Quelle est leur formation? Y a-t-il une certaine base
commune à leur formation?
MME SAINT-JACQUES: A ma connaissance, je ne voudrais pas affirmer plus
qu'il n'en faut, ces personnes n'ont aucune connaissance médicale, et
c'est là, je pense, le grand danger.
M. CASTONGUAY: Mais est-ce qu'ils ont été formés
dans une école quelconque ou simplement en cours d'emploi?
MME SAINT-JACQUES: Non. Quand on regarde très rapidement ce
qu'est l'ergothérapie, on dit que les ergothérapeutes font des
activités. On ne se limite qu'à la production d'activités,
on ne voit pas le traitement derrière cela, c'est pour cela que ces
gens-là sont employés. Il n'y a pas d'école. Ils ne
viennent pas d'autres écoles. Ce sont des gens qui ont peut-être
un cours plus poussé en céramique, en art ou quelque chose comme
cela. Dans les hôpitaux psychiatriques il y a une partie de ces
activités qui, à notre avis, sont très saines et peuvent
être utilisées comme occupations, mais, de là à dire
que c'est un traitement, il y a une différence.
M. CASTONGUAY: Si je comprends bien votre mémoire, tout comme
pour les physiothérapeutes, vous pratiquez normalement dans un milieu
organisé où il existe des médecins qui font des
diagnostics, qui ont la responsabilité générale du
traitement du patient. Alors, est-ce que tout comme eux vous acceptez que les
traitements soient faits sur demande d'un médecin et que le
contrôle vraiment médical s'exerce par le médecin?
MME SAINT-JACQUES: Voici notre position. D'une part, nous avons une
majorité d'ergothérapeutes qui oeuvrent dans le milieu
hospitalier. Là, nous considérons que, comme tous les autres
professionnels, nous nous soumettons au contrôle médical. Je pense
qu'il y a une loi qui vient d'être adoptée, le bill no 65, qui
offre le contrôle médical à tous les professionnels
oeuvrant dans le secteur hospitalier. Nous nous y soumettrons de bon
gré, comme tous les autres professionnels.
D'autre part, pour nous, il n'est pas souhaitable qu'à
l'intérieur de la Loi des ergothérapeutes il soit indiqué
le contrôle médical. Je vous explique pourquoi. C'est que les
ergothérapeutes oeuvrent dans d'autres secteurs où il n'y a pas
de médecin. Je parle spécialement du milieu scolaire où
les ergothérapeutes sont employés par une régionale et
fonctionnent à l'intérieur d'une autre équipe. Je parle
aussi des ergothérapeutes qui, par exemple, peuvent être
appelés comme consultants par un bureau d'architectes pour
élaborer des plans pour éliminer les barrières
architecturales. Il n'y a vraiment aucun médecin.
L'ergothérapeute est autonome dans ses responsabilités. Pour
nous, ce serait vraiment limiter la profession.
M. CASTONGUAY: Dans l'élimination des barrières
architecturales, il n'y a pas de traitement d'une personne, il n'y a pas de
service à un individu en besoin de traitement. Je pose la question
plutôt en ce qui a trait aux activités reliées au
traitement de personnes.
MME SAINT-JACQUES: C'est ce que je tentais de vous expliquer. Comme je
vous le dis, comme tous les autres professionnels, nous acceptons le rôle
du médecin. Je pense qu'il est
bien nécessaire. Il coordonne et voit à la
globalité de cela. Nous nous y soumettons volontiers. Mais il y a
d'autres secteurs, en milieu scolaire, où l'ergothérapeute fait
du dépistage. Je crois que cela serait vraiment limiter la profession,
qui est en pleine expansion et qui, vraiment, s'en va dans des domaines
complètement...
M. CASTONGUAY: On ne doute pas de votre dynamisme, mais, en ce qui a
trait à la prévention, nous avons pris soin dans le projet de loi
médical de ne pas inclure, dans la définition de ce qu'est le
champ exclusif de pratique, la prévention ou le dépistage. Si
c'est le type d'activités auquel vous vous adonnez en milieu scolaire,
sans être en liaison avec un médecin, je ne crois pas que cela
crée de difficultés. Mais c'est plutôt au niveau des
traitements que la question se pose, je crois.
MME SAINT-JACQUES: Oui, mais je m'excuse. Je me suis peut-être mal
exprimée tantôt. Les ergothérapeutes qui sont
employés par les régionales font aussi de l'ergothérapie
qui est un traitement ergothérapique.
M. CASTONGUAY: En l'absence de tout médecin?
MME SAINT-JACQUES: Oui.
M. CASTONGUAY: J'aurais une dernière question, M. le
Président. C'est la même question que j'ai posée aux
physiothérapeutes. Je comprends très bien ce qu'on nous dit
à l'effet qu'il s'agit de techniques différentes. La
physiothérapie n'est pas l'ergothérapie, je comprends bien
ça. Les modes de traitement ne sont pas nécessairement les
mêmes. Toutefois, aussi rapidement que possible, je voudrais mentionner
qu'à notre avis la création d'un trop grand nombre de
corporations professionnelles est susceptible de donner lieu à bien des
difficultés, à des cloisonnements, à des conflits et
à des problèmes quant aux lignes de démarcation des champs
de pratique. Alors que l'objectif est vraiment d'apporter le meilleur
traitement au malade, toutes ces difficultés, provenant de
frontières qui sont établies entre des champs de pratique, bien
souvent, ont pour effet d'introduire dans tout le système des
inconvénients qui peuvent être assez sérieux pour le
malade.
Alors, tout en reprenant le parallèle que je faisais tantôt
entre diverses spécialités très différentes dans le
domaine de la médecine, est-ce que vous, qui êtes dans le domaine
de la réhabilitation, de la réadaptation et qui utilisez une
technique différente, vous voyez une objection fondamentale à
être regroupés dans un plus grand corps professionnel qui pourrait
avoir des échanges plus variés, qui regrouperait, disons, un,
deux ou trois types de personnes oeuvrant dans le domaine de la
réadaptation?
MME SAINT-JACQUES: Oui, M. le ministre, nous avons des objections.
Là, nous rejoignons, je pense, votre souci de protection du public. Nous
croyons qu'à cause, justement, du petit nombre d'ergothérapeutes
par rapport aux physiothérapeutes nous ne serions pas suffisamment
représentés, d'une part. D'autre part, nous croyons que seuls les
ergothérapeutes peuvent évaluer la qualité des soins que
les ergothérapeutes donnent.
M. CASTONGUAY: Pensez-vous qu'un psychiatre peut évaluer le
travail d'un chirurgien et vice versa?
MME SAINT-JACQUES: Je ne voudrais pas me prononcer pour les psychiatres,
surtout pas. Pour répondre, je pense que, dans les autres provinces,
contrairement à ce que vous venez de dire, il y a vraiment des projets
de loi distincts. Le livre blanc de la santé de l'Ontario vient
justement de donner à l'ergothérapie son statut distinct.
M. CASTONGUAY: Le projet de l'Ontario, dont vous parlez, demeure un
projet. Ce n'est pas une loi. Alors, il va être discuté, comme
ici. J'en ai une copie que nous venons de recevoir. Ce n'est même pas
dans la forme d'un projet de loi. C'est encore un document préliminaire.
Alors, je pense qu'on ne peut pas prendre cela comme une base
définitive.
MME SAINT-JACQUES: Alors, on peut prendre celui de la
Nouvelle-Ecosse.
M. CASTONGUAY: J'ai ici l'exemple de la Saskatchewan. Pardon? Nous avons
celui de la Saskatchewan.
MME SAINT-JACQUES: De la Nouvelle-Ecosse.
M. CASTONGUAY: De la Nouvelle-Ecosse. MME SAINT-JACQUES: Du
Manitoba.
M. CASTONGUAY: Du Manitoba? Est-ce une loi adoptée?
MME SAINT-JACQUES: Oui.
M. CASTONGUAY: Une loi adoptée. Est-ce que vous pourriez nous
remettre des copies de ces lois, s'il vous plait?
UNE VOIX: En Colombie-Britannique, il faudra attendre une semaine !
MME SAINT-JACQUES: Oui, cela pose des difficultés. Je pense que,
pour nous, c'est très important. Nous avons une association mondiale.
Nous sommes organisés de cette façon, comme toutes les autres
professions.
M. CASTONGUAY: Est-ce que c'est simplement une question
d'évaluation ou de petit nombre? Les nombres relatifs de professionnels,
il me semble que ce n'est pas une raison fondamentale. Le fait que certaines
autres provinces agissent d'une façon par rapport à une autre,
cela peut être valable. Mais il me semble qu'il doit y avoir des raisons
plus...
MME SAINT-JACQUES: Profondes? M. CASTONGUAY: ... profondes.
MME SAINT-JACQUES: Je pense que le fait que, en première
présentation, vous ayez mis l'ergothérapie comme une
modalité de la physiothérapie peut nous donner une petite
idée de ce qui pourrait arriver si on était groupé, en
plus, dans une même corporation.
Je pense que Me Lesage aurait des commentaires à ajouter.
M. LESAGE: Si vous me le permettez, nous suggérons qu'il y ait
une loi distincte pour les ergothérapeutes, parce que, dans les faits,
l'ergothérapie se distingue de la physiothérapie. Toute la
structure de l'organisation professionnelle de l'ergothérapie est
distincte de celle de la physiothérapie. Alors, ce serait malheureux que
la législation adopte un processus différent ou veuille confondre
la physiothérapie et l'ergothérapie.
Evidemment, on peut toujours penser que, dans le cadre d'une loi, on
distinguera ce qui est précisément physiothérapie et ce
qui est ergothérapie. Mais vous n'avez pas fait cela dans le domaine des
orthophonistes ou des audiologistes, parce qu'il n'y a pas de distinction des
champs professionnels dans le projet de loi qui est devant votre commission.
Alors, si on le faisait dans un projet de loi, ici, en distinguant les deux
champs, on arriverait peut-être à avoir une seule loi, mais deux
corporations ou deux organismes à l'intérieur d'une seule
loi.
Nous suggérons de ne pas permettre que les
physiothérapeutes puissent juger les actes des ergothérapeutes,
pour les mêmes principes que l'existence des corporations
professionnelles est un fait. S'il y a des corporations professionnelles, c'est
pour permettre, justement, aux gens qui ont la compétence dans le
domaine de juger ceux qui exercent l'activité professionnelle. Notre
prétention c'est un argument de base est que le
physiothérapeute n'est pas compétent pour apprécier ou
donner justice à l'ergothéra-peute dont on analyse la
conduite.
Vous nous citez l'exemple des médecins. Evidemment, il y a des
raisons historiques pour les médecins. Il y a des raisons historiques
qui font que les dentistes ne sont pas dans le Collège des
médecins. Il y a d'autres professions qui se distinguent, dans les
techniques en particulier. Je ne vois pas, personnellement, de mal à ce
qu'on ait un plus grand nombre de corporations pour tenir compte de faits qui
existent et pour que la législation colle à la
réalité.
Vous avez un mécanisme, d'ailleurs, que vous proposez, l'Office
des professions, qui vient chapeauter toutes les corporations professionnelles
et qui assurera, dans l'intérêt du public plus
général et dans l'intérêt de l'Etat, que les
corporations professionnelles exercent bien leurs activités. A ce
moment-là, on pourrait peut-être être un peu plus
généreux dans l'octroi des chartes. De toute façon, ce
n'est pas parce qu'il n'y aura qu'une seule loi que les ergothérapeutes
seront assimilés à des techniciens de la réadaptation ou
se désigneront comme des techniciens ou des professionnels de la
réadaptation.
M. CASTONGUAY: Me Lesage, croyez-vous qu'un avocat qui a pratiqué
pendant 25 ans ou 20 ans, par exemple, dans le domaine du droit corporatif est
vraiment apte à juger un autre avocat qui s'est spécialisé
en droit criminel pendant une même période? C'est ce qui se
produit à l'intérieur du Barreau. Cela donne des
résultats. La raison pour laquelle c'est possible, c'est qu'on examine,
d'une part, si l'avocat s'est bien conformé au code de
déontologie, s'il n'a pas fait preuve de négligence, s'il n'a pas
divulgué de secrets professionnels, etc., s'il a agi dans le meilleur
intérêt de son client, sans nécessairement, à ce
niveau, faire appel à l'expertise technique. Si le besoin venait,
même dans un tel cas, d'aller plus loin et d'avoir une connaissance ou
une opinion basée sur une expertise très
spécialisée, j'imagine que le Barreau le ferait.
M. LESAGE : Sur cette question, je dois dire que vous avez parfaitement
raison. On ne peut pas être savant en tout. Mais ce qui serait
malheureux, dans une seule législation, c'est qu'on assimile deux
professionnels qui n'oeuvrent pas dans des domaines identiques et qui
c'est ce que nous soumettons ne devraient pas avoir le droit d'oeuvrer
dans les domaines réciproques de l'un et de l'autre. Cela se distingue
de l'avocat qui, lui, peut, même s'il n'a pas la compétence,
même si on n'a pas encore reconnu les spécialités au
Barreau, faire n'importe quoi.
Nous soumettons donc que ce serait créer une confusion
malheureuse et que les objectifs de l'Etat, qui sont d'assurer le bien public,
seraient tout autant servis par deux lois distinctes que par une seule;
peut-être même mieux parce qu'à ce moment-là cela
collerait à la réalité.
Mme Saint-Jacques, la présidente, aimerait ajouter un mot.
MME SAINT-JACQUES: Oui, un autre argument. Je pense que les
physiothérapeutes viennent de vous dire qu'elles acceptent en principe
le contrôle médical alors que nous venons de vous exposer que,
pour nous, cela serait vraiment limité et cela ne collerait pas à
la réalité des faits du travail de l'ergothérapeute et des
responsabilités qu'elle prend dans d'autres secteurs. Je ne verrais pas,
à l'intérieur d'une même loi, comment on pourrait joindre
ces deux éléments. C'est peut-être un élément
qui est de moindre importance si on pense au contrôle de la
qualité des soins mais je pense que, pour nous, il est quand même
là.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai écouté attentivement les
explications que vous avez données, Mme Saint-Jacques et Me Lesage,
à l'appui de votre représentation pour qu'il y ait deux
corporations distinctes. Est-ce que l'un des éléments que vous
invoquez n'est pas le fait que vous oeuvrez également dans le domaine de
la rééducation et qu'il y a un aspect qui est relié
à l'éducation en plus d'être lié à la
médecine, à la thérapeutique? Vous travaillez dans les
centres d'entrafnement à la vie.
MME SAINT-JACQUES: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous travaillez dans l'institut de
réhabilitation du Dr Gingras.
MME SAINT-JACQUES: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): On pourrait nommer beaucoup de centres. Est-ce
qu'il n'y a pas dans ce travail que vous faites, dans cette
responsabilité professionnelle un aspect qui touche davantage à
l'éducation qu'à la simple thérapie?
MME SAINT-JACQUES: A la simple thérapie?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.
MME SAINT-JACQUES: Je pense qu'il y a les deux. Au niveau des
écoles c'est peut-être de là que vient la confusion
nous travaillons auprès d'enfants qui sont malades, qui sont des
enfants exceptionnels mais malades. Peut-être, à
l'intérieur d'une régionale pour enfants normaux, nous retrouvons
ces cas. L'ergothérapeute va pouvoir offrir une thérapie
ergothérapique à ces enfants sans les sortir de leur milieu, sans
les envoyer au centre. Il va faire ce traitement en milieu scolaire, là
où l'enfant doit être. Il peut donner aussi des consultations aux
professeurs, aux autres membres de l'équipe, aux psychologues dans leur
façon de voir.
M. CLOUTIER (Montmagny): La thérapie que vous faites n'est pas
seulement non plus d'enseigner à l'enfant à marcher, à
utiliser ses membres, à s'asseoir, à courir. Mais l'enseignement
comporte aussi la scolarisation la plus poussée possible, non?
MME SAINT-JACQUES: Cet aspect comprend par exemple les enfants qui
souffrent de troubles émotifs, les enfants agressifs, les enfants
névrosés qui ont des problèmes. Nous pouvons leur offrir
une ergothérapie à ce moment-là, soit individuelle ou de
groupe. Nous faisons aussi toute la rééducation, la
réadaptation de base pour l'entrafnement perceptuel. Alors,
l'ergothérapeute va préparer l'enfant à la scolarisation
et va se rendre jusqu'à l'écriture et à la lecture.
Là, cela sera le professeur qui viendra ou l'orthopédagogue ou le
pédagogue.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous travaillez dans le champ de la
réadaptation avec d'autres professionnels de la santé, tels que
l'optométriste?
MME SAINT-JACQUES: Il arrive quelquefois que nos patients consultent les
optométristes. Je pense à l'importance de la coordination
oeil-main et toute la part que l'ergothérapie peut jouer.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je dis l'optométrie et non pas la
visiologie, pour ceux qui ont assisté aux séances de la
commission parlementaire de mardi dernier.
MME SAINT-JACQUES: Je n'ai pas compris.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai dit qu'il faut distinguer entre
l'optométrie et la visiologie parce que, mardi dernier, il a fortement
été question de cette section. Le député de
Jacques-Cartier ne sera pas d'accord.
MME SAINT-JACQUES: Nous ne voudrions pas entrer dans ce conflit.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. J'ai remarqué tantôt que
vous n'aviez pas voulu vous prononcer sur le sujet du psychiatre par rapport au
médecin. Vous êtes très prudente et vous travaillez au
centre psycho-social de Valleyfield avec des psychiatres. Comment peut-on
comparer le régime de rémunération entre les
ergothérapeutes et les physiothérapeutes? Est-ce que les niveaux
de rémunération sont à peu près les
mêmes?
MME SAINT-JACQUES: Hélas, oui!
M. CLOUTIER (Montmagny): Hélas oui? MME SAINT-JACQUES:
Hélas! pour les
deux groupes, je pense. C'est un hélas global que je lance.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'hélas se réfère
davantage à votre groupe qu'à l'autre groupe. Est-ce le
régime du salariat qui...
M. CASTONGUAY: Ne leur mettez pas d'idée dans la tête.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, mais est-ce que c'est...
MME SAINT-JACQUES: On l'a nous-mêmes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les institutions, vous êtes
rémunérés à salaire?
MME SAINT-JACQUES: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a de vos membres qui sont
rémunérés à l'acte médical?
MME SAINT-JACQUES: Quelques fois, sur consultation privée, les
ergothérapeutes qui donnent des soins privés à domicile
ont été payés à l'acte. Il y a même des
compagnies d'assurance qui assurent les soins d'ergothérapie.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les institutions, vous négociez
votre niveau de rémunération?
MME SAINT-JACQUES: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ceux et celles qui ne sont pas
diplômés, qui ne font pas partie de votre association ont le
même niveau de rémunération que vous?
MME SAINT-JACQUES: Je ne le sais pas, mais cela se pourrait fort
bien.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, vous ne négociez
pas pour elles et pour eux.
MME SAINT-JACQUES: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que...
MME SAINT-JACQUES: Mme Marazzani voudrait ajouter un mot.
MME MARAZZANI: Je dois dire que, dans plusieurs cas, des moniteurs
peuvent recevoir le même salaire qu'un ergothérapeute quand ils
utilisent le titre d'ergothérapeute et bien souvent ce n'est pas
seulement l'individu qui utilise ce titre, mais l'administrateur qui le lui
donne pour obtenir un budget correspondant.
MME SAINT-JACQUES: Je désire justement ajouter un petit
commentaire qui peut-être va vous aider à comprendre. Il y a
à peu près 80 ergothérapeutes qui sont ici avec la
permission des administrateurs d'hôpitaux qui, je pense, comprennent bien
notre problème et nous appuient.
M. CLOUTIER (Montmagny): Au début de votre mémoire
tantôt, vous avez bien insisté sur le fait qu'il y avait 642
ergothérapeutes diplômés.
MME SAINT-JACQUES: Oui, enfin, il y a 642 diplômes
d'émis.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez corrigé un peu l'impression
que j'avais laissée tantôt qu'il y en avait 642 en tout. Est-ce
que vous avez une évaluation du nombre de ceux qui ne seraient pas
diplômés?
MME SAINT-JACQUES: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'avez pas d'idée du tout?
MME SAINT-JACQUES: Non, nous n'avons pas poussé nos recherches
jusque là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'ai écouté avec
attention les explications données et je cherche une raison de retenir
vos services actuellement; je n'en trouve malheureusement pas. On dit souvent,
on dit presque partout que ce qui compte ce sont les résultats. Est-ce
que vous faites aussi du traitement à domicile? Cela m'intéresse
de savoir, dans toutes ces professions médicales ou
paramédicales, qu'on peut offrir au public en services à
domicile.
MME SAINT-JACQUES: Si nous offrons des services à domicile? Il y
a dans les hôpitaux des services de soins à domicile et
l'ergothérapie fait partie de l'équipe et va traiter à
domicile. Par exemple, je fais une thérapie à domicile d'un cas
qui est référé au centre psycho-social. C'est une
thérapie que je fais toutes les semaines chez le patient où je
vois les interactions du patient dans son milieu. Cet aspect est très
important pour nous.
M. GUAY: Etant donné que chaque ergothérapeute est
autonome vous le mentionnez dans votre mémoire dans le
cadre de ses responsabilités, il a à répondre devant qui
de ses actes?
MME SAINT-JACQUES: Il a à répondre, comme tous les autres
professionnels, au con-
trôle d'une institution dans laquelle il travaille, au
contrôle du directeur médical.
M. GUAY: Est-ce que le code d'éthique professionnelle est bien
différent de celui des physiothérapeutes?
MME SAINT-JACQUES: Je ne connais pas celui des
physiothérapeutes.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez établi tantôt des pourcentages
décrivant géographiquement où pratiquent les
ergothérapeutes. Avez-vous établi les mêmes pourcentages
relativement au nombre d'ergothérapeutes qui travaillent dans
différents milieux.
MME SAINT-JACQUES: Dans les milieux et dans les régions, est-ce
que vous êtes intéressé à avoir les deux?
M. SAINT-GERMAIN: Oui.
MME SAINT-JACQUES: A Montréal, il y a 153 ergothérapeutes,
je n'ai pas calculé le pourcentage. A Québec, il y en a 25;
à Trois-Rivières, 4; à Sherbrooke, 2; dans les
Laurentides, 1 ; en Gaspésie, 2 ; dans la région de Valleyfield,
2; dans la région de Hull, il y en a 1; en Abitibi, 1. Mais ces
données sont fausses, puisque maintenant il y en a trois en Abitibi.
Dans les hôpitaux généraux, il y a 34 p.c. des
ergothérapeutes qui oeuvrent, soit 17 p.c. en médecine physique,
17 p.c. en psychiatrie. Il y a 23 p.c. des ergothérapeutes qui oeuvrent
dans les centres de réadaptation; 15 p.c. dans les hôpitaux pour
enfants; dans les centres de psychiatrie, 12 p.c; dans les hôpitaux pour
convalescents, 5 p.c; dans les centres communautaires, 5 p.c; dans les
écoles, 4 p.c; dans la gériatrie, 2 p.c
M. SAINT-GERMAIN: Quels sont les organismes qui reconnaissent les
thérapeutes comme étant une profession distincte?
MME SAINT JACQUES: Peut-être que Mlle Poirier pourrait
répondre à cette question.
MLLE POIRIER: Les organismes qui reconnaissent les
ergothérapeutes comme entité spécifique, il me fait
plaisir de nommer en premier lieu, nos administrateurs; il y a aussi la
Conférence des hôpitaux du Québec; la Conférence des
hôpitaux phychiatriques du Québec; le Collège des
médecins qui l'a reconnu par la parole de son président, le Dr
Gingras, lors de la présentation du mémoire du Collège des
médecins; le Conseil de l'enfance exceptionnelle, et tous nos autres
collègues professionnels qui oeuvrent au sein des équipes de
traitements.
M. SAINT-GERMAIN: Merci.
MLLE POIRIER: Il y a aussi le niveau universitaire qui nous
reconnaît comme entité professionnelle spécifique.
MME SAINT-JACQUES: Est-ce qu'on pourrait revenir en arrière? On
vient de m'apporter une réponse à une question posée tout
à l'heure. En 1969, nous avons su qu'il y avait 49 personnes non
qualifiées qui travaillaient comme ergothérapeutes dans la
province de Québec.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le milieu hospitalier surtout?
MME SAINT-JACQUES: Oui, dans quinze hôpitaux.
M. CASTONGUAY: Sous l'ancien gouvernement.
MME SAINT-JACQUES: Je ne veux pas non plus me mêler de ce
conflit-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aimerais faire remarquer que cette situation
se continue. Il y a donc une continuité entre l'ancien et le
nouveau.
M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, j'aimerais poser une
question. Dans le mémoire, on dit: "L'exercice de l'ergothérapie
comprend notamment l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une
personne". Qu'est-ce que cela veut dire?
MME SAINT-JACQUES: Cela veut dire que l'ergothérapeute
évalue les capacités résiduelles d'un handicapé,
soit physiques ou mentales, dans des domaines particuliers. Par exemple, dans
le domaine de la motricité aux membres supérieurs. Elle
évalue ses capacités fonctionnelles, comment il fonctionne dans
sa motricité fine, il évalue les capacités fonctionnelles
dans le domaine perceptuel, dans le domaine du comportement du patient. Cela
veut dire ce qu'il est capable de faire malgré la pathologie qu'il a. En
plus de faire l'évaluation des problèmes spécifiques du
malade.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais savoir de Me Lesage ou de
la présidente de la corporation s'il y a eu des rencontres avec des
personnes en autorité au sein du ministère des Affaires sociales
pour discuter de l'avant-projet de loi que l'on retrouve en appendice au
mémoire que vous nous avez présenté.
M. LESAGE: M. le Président, il n'y a eu aucune rencontre avec les
conseillers juridiques, sauf que nous avons pu étudier tous les projets
de loi ui ont été déposés. Le projet de loi qui est
en annexe au mémoire s'inspire largement de la formule utilisée
dans les autres projets de loi, en y apportant, peut-être, certaines
améliorations de notre cru.
M. PAUL: Un instant, n'allez pas trop vite.
Pourriez-vous nous dire, M. Lesage, si vous avez discuté du texte
de ce projet de loi avec les légistes du gouvernement?
M. LESAGE: Aucunement. D'ailleurs, vous allez pouvoir voir aujourd'hui
que, dans un autre mémoire, il y a un autre projet de loi qui ressemble
à celui-ci. Je n'en ai pas discuté, étant donné que
j'ai suivi la procédure de déposer les mémoires et
d'attendre qu'on nous interroge.
M. PAUL: Je constate que le nom de Lesage est prédestiné
comme légiste auprès du gouvernement ou dans les organismes qui
se présentent devant nous.
M. LESAGE: Ma collaboration, à cet égard, est tout
à fait bénévole, M. le député.
M. PAUL: Vous pourrez compter sur la collaboration de l'Opposition pour
faire valoir les représentations que l'on retrouve dans votre
mémoire et spécialement quant au texte de loi qu'on y
retrouve.
M. LESAGE: Je vous remercie infiniment.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie au nom de la commission.
MME SAINT-JACQUES: Nous vous remercions.
M. LE PRESIDENT: La Corporation des techniciens inhalothérapeutes
du Québec. Nous gardons Me Lesage.
M. LESAGE: M. le Président, j'ai une suggestion, tout simplement,
à vous faire. L'inhalothérapie n'a aucun rapport avec la
physiothérapie ou avec l'ergothérapie; ce n'est pas dans le
domaine de la réadaptation. Vous avez d'autres mémoires qui
concernent le domaine que vous venez de débattre. Je suis prêt
à présenter le mémoire des inhalothérapeutes, mais
je voulais vous laisser voir cette possibilité.
M. LE PRESIDENT: Je pense, Me Lesage, que c'est une bonne idée.
Avec le consentement de la commission, nous allons passer au groupe des
ergothérapeutes, membres de la Société des
Ergothérapeutes du Québec Inc.
C'est Mme Micheline Marazzani et Mme Joyce D. Field.
Société des ergothérapeutes du
Québec Inc.
MME MARAZZANI: M. le Président, nous représentons ici un
groupe de professeurs d'ergothérapie des universités Laval, de
Montréal et McGill. Je tiens à préciser ici que nous ne
sommes nullement mandatés par les institutions qui nous emploient et que
c'est à titre personnel, en tant que professeurs d'ergothérapie,
que nous avons tenu à présenter ce mémoire.
Je suis Micheline Marazzani. A ma droite, Mlle Françoise Poirier,
Mme Chantai Mathieu, Mme Beverly Roper et Mlle Joyce Field.
Ayant pris connaissance du bill no 272, Loi des
physiothérapeutes, et du bill no 250, code des professions, nous
désirons soumettre à la commission parlementaire spéciale
des corporations professionnelles nos considérations et recommandations
concernant la formation et l'exercice de l'ergothérapie.
L'article 7 de la section IV mentionne l'ergothérapie comme un
acte faisant partie de l'exercice de la physiothérapie. En tant que
professeur d'ergothérapie, cette disposition de l'article ci-haut
mentionné nous est inacceptable parce qu'elle est fausse et ne tient pas
compte de la réalité des faits concernant la formation et la
pratique de ces deux professions.
En effet, bien que la formation des ergothérapeutes et des
physiothérapeutes soit souvent donnée au sein des mêmes
écoles, il n'en reste pas moins que les cours d'ergothérapie et
de physiothérapie sont des cours distincts, de trois ans chacun, et sont
couronnés par des diplômes distincts, soit Bsc ergothérapie
et Bsc physiothérapie.
Bien que les étudiants de deux disciplines reçoivent des
cours communs dans les sciences de base telles mathématiques, anatomie,
physiologie, biochimie et pathologie, il existe une différence notable
dans l'enseignement de cette autre science de base qu'est la psychopathologie.
Les étudiants d'ergothérapie reçoivent
généralement trois fois plus de crédits que les
étudiants en physiothérapie.
En ce qui concerne les sciences du comportement, c'est-à-dire
sociologie et psychologie, on note généralement un nombre plus
considérable de crédits de psychologie dans les programmes
d'ergothérapie. Vous trouverez à l'intérieur de notre
mémoire une liste des cours spécifiques à
l'ergothérapie auxquels nous pourrons revenir si vous le jugez à
propos.
Le programme d'ergothérapie qui a été mis dans le
mémoire est un programme type qui n'est pas celui d'une
université en particulier, mais nous avons essayé de
présenter quelque chose de global puisqu'il y a toujours de petites
différences d'une école à l'autre.
A la suite de l'exposé du programme de formation des
ergothérapeutes en vigueur dans les écoles reconnues par
l'Association canadienne des ergothérapeutes et du rôle
particulier qu'ils sont ainsi préparés à jouer tant en
milieu
hospitalier que communautaire, nous croyons que l'ergothérapie
devrait être régie par une loi de manière à assurer
la qualité des services offerts et la protection du public.
Dans cette loi proposée, par ailleurs, par la
Société des ergothérapeutes du Québec Inc., la
définition de l'ergothérapie devrait se lire comme suit:
Constitue l'exercice de l'ergothérapie, tout acte qui a pour
objet le traitement d'une personne en vue d'améliorer ou d'assurer son
indépendance fonctionnelle, tant au plan physique que psychique,
principalement par l'utilisation d'activités de travail ou
d'activités de la vie quotidienne. L'exercice de l'ergothérapie
comprend, notamment, l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une
personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques impliquant des
relations thérapeutiques et la conception d'adaptations
fonctionnelles.
Nous tenons à souligner que tout notre enseignement est
basé sur le travail d'équipe, sur le rôle particulier de
l'ergothérapeute au sein de cette équipe, sur la collaboration
entre les divers membres de l'équipe pour en arriver au traitement
global du malade, chacun apportant les connaissances particulières
à sa spécialité. Cette philosophie, conforme aux
traditions qui ont présidé à la fondation des
écoles de réadaptation, s'applique autant en milieu hospitalier
qu'en milieu communautaire.
Par ailleurs, la formation particulière des étudiants, au
niveau de l'évaluation fonctionnelle, leur sert également
à jouer le rôle de consultant qui est de plus en plus
demandé par divers organismes extrahospitaliers, faisant ainsi appel
â des qualités professionnelles propres à
l'ergothérapie.
Même si nous estimons que l'enseignement actuellement
dispensé aux étudiants les prépare bien à
l'exercice de la profession, aucun cours ne peut prétendre à la
perfection et est toujours sujet à évolution et à
amélioration. Je fais référence ici aux tendances
actuelles, dans le domaine de l'enseignement de l'ergothérapie, qui
veulent que toutes les écoles d'ergothérapie se préparent
à dispenser des programmes de maîtrise. Il y a même des
projets de doctorat en ergothérapie aux Etats-Unis.
Nous sommes également d'avis que la définition d'une
profession doit être suffisamment souple pour lui permettre de s'adapter
à l'évolution rapide des sciences de la santé et de la
dispensation des soins. En ceci, nous nous référons
spécialement à l'avènement de la médecine
communautaire qui exige des structures très différentes de celles
du milieu hospitalier.
En conséquence de ce qui précède, nous faisons les
recommandations suivantes: - Que l'ergothérapie soit retirée de
l'article 7 de la section IV du bill 272, Loi des physiothérapeutes,
comme faisant partie de l'exercice de la physiothérapie; - Qu'une loi
distincte soit instituée pour régir les conditions d'admission et
la pratique de l'ergothérapie pour le plus grand bien du public
bénéficiant ou étant appelé à
bénéficier des services dispensés par les
ergothérapeutes.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier ce groupe
de professeurs en ergothérapie qui nous présente ce
mémoire. Vous avez assisté à la discussion qui a
précédé la présentation de votre mémoire. Je
note qu'essentiellement il arrive aux mêmes conclusions que celui du
groupe précédent. Il est rédigé d'une façon
claire. Je n'ai pas vraiment de question à vous poser, sauf que je peux
vous inviter à ajouter d'autres commentaires reliés à ce
qui a pu être dit et qu'il vous paraîtrait utile d'ajouter à
votre mémoire.
MME MARAZZANI: Une objection a été soulevée, tout
à l'heure, en rapport avec la formation commune avec la
physiothérapie. Nous avons fait un relevé rapide du nombre de
crédits qui sont donnés aux étudiants. Par exemple, sur un
nombre total d'approximativement 104 crédits qui forment le cours
d'ergothérapie, nous relevons 74 crédits spécifiques
à l'ergothérapie, dont vous trouverez une description à
l'intérieur du mémoire: 13 crédits de psychologie et 7
crédits de psychiatrie. J'ai fait une erreur. Je crois que ce sont 54
crédits relatifs aux traitements d'ergothérapie, ce qui fait un
total de 74 crédits spécifiques à l'ergothérapie,
sur un total de 104 crédits, approximativement.
Je pense que cela démontre suffisamment les différences
qui peuvent exister dans la formation des ergothérapeutes et celle des
physiothérapeutes.
M. CASTONGUAY: Je m'excuse, j'aurais une question, en fait. Vous qui
êtes dans l'enseignement, qui êtes, même si nous avons vu
certaines d'entre vous à une autre table, moins impliquées dans
la pratique, qui étudiez l'évolution, comme vous le dites, des
sciences, des techniques, des moyens de réadapter ou de
réhabiliter des personnes, vous n'êtes pas sans savoir qu'il
existe diverses techniques de réadaptation vous en faites
état en nous disant que l'ergothérapie est différente de
la physiothérapie vous n'êtes pas également sans
savoir que c'est un domaine qui a connu une expansion assez grande depuis la
fin de la deuxième guerre. Dans certains pays, particulièrement
en Grande-Bretagne je pense que c'est l'endroit, en fait, où il y
a eu le plus de dynamisme, au départ, à tout le moins dans ce
secteur de la réadaptation, et en disant ceci, je me fie à ce que
l'ancien président du collège et le directeur de l'Institut de
réhabilitation de Montréal m'a dit, je note que dans un pays
comme la Grande-Bretagne, vous avez ce qu'on appelle les "remedial
gymnasts".
Ils semblent aussi avoir une formation au plan de la durée des
études qui se situent à peu près au même niveau que
les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, mais qui,
toutefois, utilisent une autre technique, si j'en juge par le document que j'ai
ici, qui décrit un peu l'approche. Alors, dans un domaine en aussi
rapide évolution, selon vous, est-il sage, compte tenu du fait que de
nouvelles techniques peuvent se développer, tout aussi valables, mais
orientées quelque peu différemment, que l'on multiplie chaque
fois les corporations professionnelles? Il reste que le but, dans tous les cas,
est vraiment la réadaptation et que, dans bien des cas, il me semble que
ce travail, à partir de techniques différentes, doit se faire
dans le même milieu. Ma question est de savoir si, dans un monde en
évolution comme celui-là, il est sage de dire : Pour aujourd'hui,
nous avons deux groupements bien précis, alors que nous savons qu'il est
susceptible de s'en développer d'autres.
MME MARAZZANI: Tout d'abord, je voudrais préciser que les
"remedial gymnasts" travaillent probablement d'une façon plus proche des
physiothérapeutes que des ergothérapeutes. Leur travail est
strictement physique, alors que le nôtre touche beaucoup au domaine
psychiatrique. En fait, les chiffres qui ont été avancés
tout à l'heure l'ont démontré. D'autre part, même
quand nous travaillons en médecine physique, nous apportons toujours la
dimension psychique à notre traitement, de sorte qu'actuellement, dans
tous les cours qui sont donnés en médecine physique, les
professeurs apportent toujours des notions de psychosomatique qui sont
très importantes pour le traitement d'un malade. Si on veut traiter un
malade d'une façon globale, il faut le voir comme un individu d'une
façon globale. Nous avons cette formation, justement, pour traiter un
individu sur tous les plans.
En ce qui concerne l'éclosion de nouvelles professions ou
métiers, il y aurait peut-être lieu de respecter
l'ancienneté de certaines professions qui, je pense, ont fait leurs
preuves. Si elles existent encore après tant d'années, c'est
peut-être qu'on a prouvé la nécessité de ces
professions.
M. CASTONGUAY: Je peux bien me limiter à ceci. Je ne peux pas
dire que l'ancienneté est une réponse qui me satisfasse
tellement. Remarquez que je ne veux pas poser cette question d'une façon
désagréable, mais il me semble qu'il y a là un
problème réel.
Quand on a discuté avec les physiothérapeutes, on nous a
renvoyés aux ergothérapeutes et là vous nous dites: Ils
ressemblent aux physiothérapeutes. Je sais que les
physiothérapeutes ne considèrent pas ces "Remedial Gymnasts"
comme étant similaires à eux. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Il y a
trois groupes et, à un moment donné, on va en faire un
quatrième avec tous les dangers que ça représente, comme
nous l'avons vu ici, de cloisonnement, de conflits.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ma question se rapproche un peu de celle qu'a
posée le ministre. Comme professeur, vous constatez l'évolution
et même vous y participez, j'imagine; vous n'assistez pas simplement en
observatrice. Qu'est-ce qui cause ce besoin de scolarisation davantage
poussée que vous avez mentionné dans votre secteur? Vous avez
mentionné qu'il y a des maîtrises qui vont se donner, des
doctorats. Quelle est la raison profonde de vouloir pousser davantage, si
celles qui sortent de l'école sont parfaitement aptes à donner
les services, sont qualifiées? Quelle est la raison?
MME MARAZZANI: Ceux qui sortent des écoles actuellement sont
parfaitement qualifiés pour traiter les gens d'une façon
compétente. Si nos cours ont évolué de cette façon
et si cela continue on sent des pressions pour continuer
d'évoluer c'est que ces pressions viennent des besoins qui sont
ressentis chaque jour dans la pratique. En fait, ce sont les praticiens qui
nous ont aidés à structurer les cours tels qu'ils sont
actuellement.
Si des gens veulent poursuivre plus loin, aller vers la maîtrise
et, plus tard, vers le doctorat éventuellement, c'est qu'il n'y a aucune
profession qui se veut professionnelle qui peut se passer de la recherche.
C'est précisément pour ça qu'on veut donner des
maîtrises et, beaucoup plus tard, les doctorats.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans votre mémoire, je regarde le
programme pondéré des études. Vous avez une section pour
l'ergothérapie chez les enfants, une chez les adultes et vous avez la
section des malades mentaux. J'imagine que, si les études sont plus
poussées, il y en aura aussi dans ce secteur qui concerne les malades
mentaux, cette clientèle spéciale.
Est-ce qu'il y a danger que vous soyez en conflit à ce
moment-là avec d'autres professionnels de la santé qui, eux
aussi, sont des spécialistes dans le domaine mental?
MME MARAZZANI: Jusqu'à présent, on n'a jamais eu de
bataille sérieuse avec les autres professionnels du domaine
psychiatrique à l'intérieur des hôpitaux. Nous nous
entendons très bien avec les psychologues, avec les travailleurs
sociaux, avec les psychiatres, avec les infirmières psychiatriques. Ce
n'est pratiquement pas possible à cause de la spécificité
de nos moyens thérapeutiques. Nous ne travaillons pas de la même
façon que les gens que j'ai mentionnés
précédemment.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le mi-
lieu hospitalier, vous travaillez sous surveillance médicale?
C'est-à-dire que les psysiothérapeutes travaillent toujours sous
surveillance médicale. Dans votre cas, ce n'est pas exact de le dire, si
je me souviens bien?
MME MARAZZANI: Nous avons certaines parties de notre travail qui sont
véritablement autonomes comme, par exemple, l'évaluation, le
choix des moyens thérapeutiques que nous sommes seuls à
décider.
En général, pour parler de la psychiatrie, parce que c'est
peut-être le domaine que je connais le mieux, on nous demande de recevoir
un malade. On ne nous dit pas: Appliquez à M. Untel tel genre
d'activité. Jamais.
M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on vous dit quel a été le
diagnostic qui a été formulé à l'égard de ce
malade?
MME MARAZZANI: Si le diagnostic est sûr, on nous le donne. Mais il
arrive très fréquemment qu'on nous demande de participer à
l'établissement d'un diagnostic différentiel par nos
observations.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il arrive que quelqu'un de vos
membres puisse accéder à un poste de responsabilités dans
une institution, dans un secteur particulier, disons le secteur psychiatrique?
Prenons comme exemple l'hôpital de Rivières-des-Prairies?
MME MARAZZANI: Dans quel sens posez-vous votre question?
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le sens où ses
responsabilités pourraient l'amener à un moment donné
à discuter d'égal à égal avec un psychiatre.
MME MARAZZANI: Cela se fait tous les jours dans les réunions de
service.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous poussez plus loin la scolarisation au
niveau du doctorat ou de la maîtrise, est-ce qu'il y a possibilité
qu'à l'intérieur de votre profession, se forme certaines
spécialités? Est-ce possible?
MME MARAZZANI: Oui, ça existe déjà par la force des
choses. Nous avons des ergothérapeutes qui sont davantage
spécialisés en psychiatrie, davantage en pédiatrie,
médecine physique, ou en pédopsychiatrie. Comme tous les
praticiens...
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ça peut se développer
assez vite pour les amener à demander la formation de la corporation
professionnelle?
MME MARAZZANI: Je pense que nous ne dépasserions pas, en cela,
les structures qui existent déjà pour le Collège des
médecins.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, mesdames. Le député de
Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Croyez-vous qu'il serait possible de considérer
tous les problèmes d'adaptation ou de réadaptation ou ainsi de
suite comme étant un tout et comme étant le champ
d'activité d'une seule profession où, en partant de là, se
dégageraient des spécialités telles que
l'ergothérapie, et ainsi de suite, la physiothérapie?
MME MARAZZANI: Je pense que dans l'état actuel des choses, aucun
professionnel ne peut prétendre posséder le bagage de
connaissances requis pour l'exercice de chacune des professions qui travaillent
dans les équipes de santé pour servir de personne à tout
faire et connaître vraiment suffisamment tout ça pour travailler
d'une façon efficace.
M. SAINT-GERMAIN: Si on prend, par exemple, le champ de la
médecine, c'est très vaste et pourtant il n'y a qu'une
profession, et de là, on crée des spécialistes dans les
divers champs d'activité, mais c'est tout de même un tout, la
médecine. Est-ce que, dans votre champ d'activité, vous pensez
que ce serait impossible?
MME MARAZZANI: Non parce que tous les spécialistes en
médecine sont d'abord médecins. Ils sont d'abord médecins,
ensuite, ils ont des spécialistes. Nous, nous sommes d'abord
ergothérapeutes.
M. LE PRESIDENT: Merci madame, merci encore. Nous allons suspendre la
séance jusqu'à deux heures et demie. Nous commencerons avec la
Société des étudiants en réadaptation de
l'Université de Montréal.
(Suspension de la séance 12 h 40)
Reprise de la séance à 14 h 34
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
M. Viau, je note ici que les étudiants en ergothérapie
déposent seulement leur mémoire, c'est-à-dire qu'il n'y a
pas de résumé à proposer aujourd'hui.
M. CAYER: Il serait peut-être de mise de commencer par nous
excuser de ce léger retard. Nous venons d'arriver. Nous ne sommes pas
habitués aux rues de Québec, à les monter ou à les
descendre.
En tant que représentant officiel de cette
délégation qui est composée d'étudiants en
ergothérapie de l'Université de Montréal et de
l'université McGill, il me fait plaisir de vous présenter les
membres de la délégation. En commençant par la droite,
Mlle Denise Chevre-fils, finissante en troisième année; à
l'extrême gauche, on trouve Mlle Nancy Esar, qui est bachelière
diplômée de cette année; Mme Manon Laporte, finissante en
troisième année; Mlle Madeleine Guimond, finissante en
troisième année; Mlle Monique Laurin, bachelière
diplômée de cette année, et moi-même, Gilles Cayer,
bachelier diplômé de cette année.
Nous sommes très conscients que nous allons peut-être dire
des choses qui ont déjà été dites auparavant par
des organismes groupant les ergothérapeutes. Toutefois, pour nous, le
seul travail que cela a représenté de faire ce mémoire au
cours de l'année académique est suffisant, je pense, pour nous
donner le goût et la fierté de présenter ce mémoire,
même s'il n'est pas long et qu'il redit des choses qui ont
été dites auparavant.
Sans plus tarder, je vais vous lire la copie du mémoire que vous
avez devant vous. Le mémoire repose sur deux points que nous avons
jugé très importants. Ils ont déjà
été énumérés par les autres organismes,
auparavant. Il s'agit de l'article 7, section IV, du bill 272, qui se lit comme
suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie tout acte qui a pour
objet de redonner à une personne la maîtrise de ses mouvements
corporels en utilisant des exercices physiques, l'hydrothérapie,
l'électrothérapie ou l'ergothérapie."
Alors nous, étudiants en ergothérapie des écoles de
réadaptation de l'Université de Montréal et de
l'université McGill, sommes en désaccord sur le rôle
attribué à 1'ergothérapeute dans cet article.
Faisant suite à ce désaccord, nous recommandons que le
terme ergothérapie en soit retiré pour les raisons suivantes: 1)-
En fait, cet article sous-entend une fausse définition de
l'ergothérapie en la considérant comme une modalité
thérapeutique de la physiothérapie. Or, la physiothérapie
et l'ergothérapie sont deux disciplines spécifiques dont les
membres sont appelés à travailler en collabora- tion dans le
secteur de la médecine physique sans pour autant perdre leur
identité propre. 2)- Le programme scolaire des sections
d'ergothérapie et de physiothérapie de l'Université de
Montréal se compose de certains cours théoriques de base suivis
en commun; cependant, les cours concernant l'exercice de la profession sont
divergents.
La formation spécifique des physiothérapeutes se situe au
niveau de l'apprentissage de modalités de traitement telles que
kinésithérapie, hydrothérapie,
électrothérapie, cryothérapie,
mécanothérapie et autres agents physiques. Par comparaison, notre
formation est axée sur les sciences humaines, les sciences du
comportement, les activités rééducatives et
perceptuomotrices et sur les adaptations fonctionnelles. 3)- Cet article omet
complètement le rôle thérapeutique qu'exerce
l'ergothérapeute dans le secteur psychiatrique, tel qu'il en a
été discuté auparavant.
Faisant suite au retrait du terme ergothérapie de cet article, il
paraît souhaitable et nécessaire que l'ergothérapie soit
définie à l'intérieur d'un bill particulier.
Donc, nous recommandons l'institution d'un bill privé pour la
pratique de l'ergothérapie, dont la définition doit se lire comme
suit : "Constitue l'exercice de l'ergothérapie tout acte qui a pour
objet le traitement d'une personne en vue d'améliorer ou d'assurer son
indépendance fonctionnelle au plan physique et psychique, principalement
par l'utilisation d'activités de travail ou d'activités de la vie
quotidienne. "L'exercice de l'ergothérapie comprend notamment
l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une personne, l'utilisation
d'activités psychodynamiques impliquant des relations
thérapeutiques et la conception d'adaptations fonctionnelles."
Nous requérons ainsi un statut professionnel pour les bacheliers
ès sciences en ergothérapie qui, après l'obtention d'un
diplôme d'études collégiales en sciences de la santé
ou l'équivalent par l'équivalent, ici, nous entendons le
baccalauréat ès arts poursuivent trois années
d'études universitaires, le baccalauréat ainsi obtenu
étant reconnu par la faculté de médecine et le Conseil des
études de l'Université de Montréal et de McGill.
Vous trouverez ci-jointe une description détaillée des
cours offerts par l'Ecole de réadaptation de l'Université de
Montréal. Ce cours, tel qu'il est présenté en annexe, est
celui qui est officiellement donné aux étudiants en
ergothérapie, à l'Université de Montréal.
Nous tenons à vous faire remarquer que le ministère des
Affaires sociales (section des bourses et subventions à la recherche)
octroie des bourses d'études aux étudiants en ergothérapie
qui en font la demande, et ceci en vue de favoriser le développement de
cette discipline dans la province de Québec.
En conclusion, étant donné que le B. Sc. en
ergothérapie est reconnu sur le plan universitaire et que le contenu des
cours nous donne une formation professionnelle bien différente de celle
de la physiothérapie, nous considérons nécessaire de
retirer le terme "ergothérapie" de l'article 7, section IV du bill 272,
et d'instituer un bill privé reconnaissant le statut professionnel de
l'ergothérapie.
En annexe, tel que je l'ai mentionné auparavant, vous trouverez
la description détaillée de chaque cours donné aux
étudiants en ergothérapie de l'Université de
Montréal.
Comme je l'ai dit auparavant, M. le Président, nous sommes
très conscients que nous avons peut-être dit ou redit des choses
qui ont déjà été dites. Nous voudrions ajouter que,
si nous sommes ici, aujourd'hui, c'est parce que nous étions fiers de
constituer ce mémoire que nous vous présentons.
Nous sommes très conscients que nous avons défini
clairement et simplement les demandes que nous avions à faire devant
cette commission. Mais si, toutefois, il y a des questions qui pourraient
apporter des éclaircissements quant à la nature des demandes que
nous faisons, nous sommes bien prêts à faire de notre mieux, au
meilleur de notre connaissance, pour y répondre. Merci beaucoup.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier ce groupe d'étudiants pour
le mémoire qu'ils nous ont présenté. J'espère que
leur périple dans les rues de Québec et les difficultés
que cela leur a occasionnées ne les obligeront pas à suivre des
traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie.
La seule question que j'ai, en fait, étant donné que vous
êtes un groupe d'étudiants, est la suivante: Est-ce qu'au cours de
vos études vous avez beaucoup de contacts avec les étudiants en
physiothérapie? Est-ce que vous sentez qu'au moment où vous
abordez vos études et au cours de vos études, vous avez des
différences fondamentales dans votre façon de concevoir !es
choses, par exemple, des différences assez profondes d'attitude ou
d'habileté préalable? Je pense à celles qui peuvent
distinguer les étudiants en lettres et les étudiants en
génie. Je pense qu'on peut trouver des caractéristiques qui les
différencient. Est-ce que, par rapport à vos confrères de
votre même école ou des mêmes écoles, vous notez
certaines similitudes?
M. CAYER: Une des plus grandes similitudes, qui est peut-être la
plus simple, est que nous sommes tous étudiants, peu importe la
spécialité dans laquelle nous sommes. Bien entendu, à
l'école de réadaptation, telle qu'elle est constituée
à l'Université de Montréal, nous cohabitons,
c'est-à-dire que nous sommes tous regroupés dans la même
école. Toutefois, les contacts que nous avons ensemble sont
sûrement des contacts d'étudiants où il y a proba- blement
entre les cours des échanges sur la profession. Mais on doit dire
qu'à prime abord les étudiants, étant concernés
chacun dans leur profession et ayant également des cours
différents qui sont donnés par des professeurs différents,
donc dans des locaux différents.
On ne peut pas dire que nous ayons des contacts à ce point
rapprochés les uns avec les autres qu'il nous fassent nous
différencier d'un groupe d'étudiants, tel que vous l'avez
mentionné tout à l'heure. Nous cohabitons, nous suivons des cours
de base ensemble en première année et, par la suite, nous restons
des étudiants qui se voient entre les cours et qui échangent des
idées.
MLLE LAURIN: Ce qui se produit, c'est que les cours spécifiques
en ergothérapie se donnent en même temps que des cours
spécifiques en physiothérapie. Alors, les seuls contacts qu'on
peut avoir avec les étudiants en physiothérapie, c'est lors des
collations ou à l'heure des repas. Quand on a cinq minutes entre chaque
cours, c'est bien difficile pour nous d'aller entreprendre une discussion
professionnelle avec un étudiant en physiothérapie.
MLLE GUIMOND: On a dit que nous avions des cours de base semblables qui
nous viennent de la faculté de médecine. Je pourrais ajouter que
les cours d'ergothérapie et même de physiothérapie sont
tellement différents qu'au niveau même du cours qui est
donné en physio on ne peut pas vraiment correspondre. On peut, face
à un patient, discuter du cas; la physio va donner son point de vue et
nous, notre point de vue, mais nous ne connaissons pas ce qu'ils font, eux, et
eux ne connaissent pas ce que nous faisons vraiment. Ils en ont une
idée, mais ils ne le connaissent pas à fond. Alors, c'est assez
difficile.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que vous êtes tous des
étudiants en ergothérapie, vous avez fait un choix. Il y a un an,
doux, trois ans, vous avez opté pour l'ergothérapie. Qu'est-ce
qui vous a fait choisir d'aller en ergothérapie plutôt qu'en
physiothérapie?
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas une torture?
MLLE LAURIN: Pour moi, ce qui était différent entre
l'ergothérapie et la physiothérapie, c'est l'aspect
psychologique, l'aspect psychiatrique. Moi, je voulais travailler en
psychiatrie. Alors, c'est ce qui m'a amenée à prendre la
décision d'aller en ergothérapie plutôt qu'en
physiothérapie.
Je trouvais que la relation thérapeute-patient, l'aspect
psychologique chez un patient est
très important. On est plus axé vers ça en
ergothérapie qu'en physiothérapie.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'imagine que cet aspect a aussi retenu
l'attention des autres. Qu'est-ce qui motiverait une infirmière qui veut
se spécialiser et qui décide de se spécialiser en
psychiatrie? Quelle serait la différence? La motivation serait la
même, mais le champ d'activité ne serait pas le même?
MLLE LAURIN: C'est ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il arrive que des étudiants en
ergothérapie, durant le cours, ou des étudiants en
physiothérapie, après la première année,
décident de changer de direction, d'opter pour l'autre
spécialité?
M. CAYER: A ma connaissance, au cours des trois années
universitaires que nous avons faites, nous n'avons pas eu à faire de
changements de la sorte. Au contraire, je pense que d'année en
année, les étudiants je peux parler d'ergothérapie
parce que je ne connais pas tous les étudiants en physiothérapie
en ergothérapie ont réitéré la motivation
première qu'ils avaient d'aller en ergothérapie, ils l'ont
trouvé de plus en plus forte au fur et à mesure que les
années s'écoulaient.
M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais dû le demander aux professeurs
mais je n'y ai pas pensé. Est-ce qu'il serait possible pour un
étudiant de l'une des deux disciplines dont nous parlons, après
la première année, de changer d'option sans avoir à faire
de rattrapage ou d'ajustement?
M. CAYER: Je pourrais tenter une réponse mais au risque de me
tromper. Je suis certain que les professeurs eux-mêmes, étant au
courant de la formation académique des étudiants, pourraient
éventuellement répondre à cette question. De toute
façon, je pense que l'étudiant qui voudrait passer d'une section
à l'autre aurait à faire face à une grande
différence dans les cours et devrait, d'une façon ou d'une autre,
soit en nombre de crédits, soit en différence de cours ou en
nombre d'années, compléter et peut-être même
recommencer.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si le cours qui est maintenant de trois ans se
prolongeait davantage, soit pour le doctorat ou la maîtrise, est-ce que
les étudiants seraient davantage tentés, étant
donné qu'ils feraient quatre ans ou cinq ans en ergothérapie, de
se diriger vers une autre discipline des sciences de la santé où
ils feraient un cours de médecine pendant la même période,
soit cinq ans?
MLLE GUIMOND: Je pense qu'une telle chose pourrait se produire pour
certains étudiants qui décident de changer. Mais quelqu'un qui
est vraiment intéressé à sa profession, je crois qu'il va
continuer parce qu'il y a tellement de nouvelles choses. On n'a qu'à
voir tout ce qui se fait aux Etats-Unis, un peu partout, de recherches en
pédiatrie, en ergothérapie et on est vraiment motivé
à continuer. C'est ce qu'on espère, pouvoir continuer parce qu'il
y a tellement de choses à faire dans le domaine, avec les
handicapés, que ce soit des handicapés physiques ou mentaux.
M. CAYER: Je pense aussi que nous n'avons pas choisi le cours
d'ergothérapie en nous basant sur le nombre d'années à
faire mais bien plutôt parce que les sujets nous intéressaient.
Peu importe le nombre d'années, que ce soit quatre ou cinq ans, je ne
crois pas que nous aurions une motivation profonde à vouloir changer. Au
contraire, si notre cours allait vers un grade supérieur, de quatre
à cinq années, je crois que nous serions d'autant plus fiers de
continuer dans la même branche pour tenter de nous améliorer, d'en
connaître davantage, non pas de changer.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous auriez peut-être pu ajouter aussi
que la rémunération n'entrerait pas en ligne de compte à
ce moment-là, si on se base sur les statistiques du ministère du
Revenu fédéral. Vous choisiriez l'option de l'ergothérapie
pour cinq ans et non pas pour le revenu à ce moment-là, à
comparer avec la médecine.
MLLE GUIMOND: Il y a un problème actuellement. En Ontario, j'y
suis allée en internat, ils sont beaucoup plus payés que nous.
Ils ont $1000 de plus en commençant, et même davantage, ils ont
plus de facilités. Ce qui arrive c'est que les individus qui sont
intéressés à faire de la recherche et vraiment à
continuer dans le domaine sont obligés de s'expatrier.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est la rémunération, une
fois les années d'étude terminées en ergothérapie?
La moyenne de rémunération pour la première année
de travail?
MLLE GUIMOND: C'est $6,300, et je pense que selon la dernière
convention, d'après les discussions que j'ai entendues, ce serait
même baissé un peu.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour ceux qui possèdent un diplôme
universitaire, c'est le plus bas niveau de rémunération, une fois
les études terminées?
MLLE GUIMOND: Je le crois, si on compare aux autres Bsc.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ceux qui négocient ont probablement
noté les réponses que vous avez données.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aimerais savoir s'il vous est possible de me répondre.
Dans quel pourcentage les étudiants choisissent la physiothérapie
comparativement à l'ergothérapie?
MLLE LAURIN: On ne peut pas donner un pourcentage exact étant
donné que...
M. GUAY: A peu près.
MLLE LAURIN : Tout ce que je peux vous dire c'est que, cette
année, il y a eu 150 demandes d'admission en ergothérapie. En
physiothérapie, je ne suis pas au courant. Mais on a dû en
accepter seulement 30 en première année, étant
donné les conditions matérielles de locaux.
M. GUAY: Est-ce que les finissants, dans votre profession, trouvent
facilement du travail à la sortie des études?
M. CAYER: Jusqu'à maintenant, parce qu'on s'est tenu au courant
au cours de nos trois années, cela n'a posé aucune
difficulté sérieuse que de trouver un emploi en
ergothérapie. Les postes offerts ont toujours été je ne
dirais pas alléchants mais très intéressants pour
l'ergothérapeute. Je ne crois pas qu'il ait été difficile
de trouver du travail en ergothérapie.
M. GUAY: Maintenant y a-t-il suffisamment d'ergothérapeutes pour
combler le besoin réclamé par la population actuellement?
M. CAYER: Actuellement, nous ne pensons vraiment pas qu'il y ait
suffisamment d'ergothérapeutes diplômés qui sont sortis des
universités pour combler le besoin. En fait, le besoin, on le sent
à chaque année. Les emplois augmentent. Les étudiants se
dirigent de plus en plus vers cette discipline. Ils trouvent des
débouchés à leur sortie du cours universitaire. Il y a un
roulis continuel.
M. GUAY: Quel pourcentage de la population, selon vous, pourrait
requérir les services d'un professionnel en ergothérapie? Par
exemple, si on le prend sur 100 personnes?
MLLE LAURIN: C'est bien difficile de déterminer...
UNE VOIX: C'est une question hors du sujet.
M. VEILLEUX: On pourrait demander cela aux psychothérapeutes.
M. CAYER: J'aimerais répondre, de toute façon, en disant
que peu importe le nombre sur 100, sur 500 ou sur 1,000, les personnes qui ont
besoin d'un traitement d'ergothérapie sont assez nombreuses.
M. GUAY: Il n'y a pas eu de recherche bien spécifique de faite
dans ce sens-là.
Il y a une autre question, uniquement pour ma curiosité
personnelle. Je pense que nous sommes choyés, depuis ce matin, les
représentations sont faites en grande partie par le sexe féminin.
Est-ce que les ergothérapeutes comportent, au sein de l'association,
beaucoup plus d'hommes que de femmes? Y a-t-il une raison
particulière?
M. CAYER: Il y a certainement plus de femmes, plus de
représentation féminine que de représentation
masculine.
M. VEILLEUX: Vous êtes privilégiés.
M. CAYER: Je suis actuellement très privilégié.
Disons tout simplement qu'on le déplore beaucoup. Quand je dis on, ce
n'est pas nécessairement moi. On le déplore beaucoup parce que le
besoin se fait de plus en plus pressant dans certains milieux. Je pense au
milieu carcéral, et aussi à celui de la pédiatrie
où les enfants doivent avoir à faire face à une
identification masculine comme thérapeutes, ce qui est très
important dans le développement de l'enfant.
Il y a très peu d'hommes comparativement au nombre de femmes.
Mais, enfin, si je peux me permettre, je pense que ce ne serait pas difficile
à comparer, il y a une grande part de la rémunération
salariale qui est, à mon humble avis, très insuffisante pour un
homme qui se dirige dans cette profession.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.
M. LEDUC: Tantôt, vous disiez que vous n'aviez pas tellement de
difficulté à vous trouver de l'emploi, en ce sens que
c'était un emploi intéressant. Disons qu'au point de vue de la
rémunération, cela ne vous satisfait pas. Je ne voudrais pas
qu'on entre là-dedans aujourd'hui Est-ce que dans les offres d'emploi
qui sont disponibles au moment où quelqu'un est reçu
ergothérapeute, ne sont pas centralisées dans les territoires
urbains? Est-ce que l'ergothérapeute n'a pas une tendance à
chercher du travail dans un territoire urbain plutôt que dans un
territoire rural? Là, je ne le dis pas dans un sens péjoratif
quand j'emploie les termes "urbain" et "rural".
MLLE LAURIN : Disons qu'il est vrai que les ergothérapeutes
s'engagent principalement dans des territoires urbains. Mais on a des compagnes
de classe qui, justement, ont été reçues cette
année. Elles vont aller travailler à Val-d'Or, à
Rouyn-Noranda, si je ne me trompe pas. Il y en
a une autre qui va aller travailler dans une école à
Sainte-Rose pour les handicapés. Je pense que, de plus en plus, les
ergothérapeutes tendent, justement, à offrir leurs services dans
des territoires qui en ont besoin et où la demande est quand même
assez grande. Je pense qu'elles sont prêtes à...
M. LEDUC: Je vais vous poser une autre question qui est très
injuste. Je la qualifie au départ. Je laisserai au président le
soin de la juger. Est-ce que, d'après vous, il y a une demande plus
forte en dehors des centres urbains pour des ergothérapeutes qu'il y en
a dans les centres urbains? Est-ce que les centres ruraux, en fait, n'ont pas
un besoin plus urgent d'ergothérapeutes que les centres urbains?
Là, je vous demande d'évaluer quelque chose dont comme
étudiants, vous n'êtes peut-être pas au courant. Mais j'ai
l'impression, étant donné que vous vous êtes lancée
dans cette profession, que vous devez avoir un peu l'idée de ce que
c'est.
MLLE LAURIN: Disons que, personnellement, je crois qu'on a plus besoin
de nous dans les centres ruraux étant donné qu'on y est
très limité en fait d'équipes en réadaptation.
C'est comme pour n'importe quel professionnel de la santé, les
psychologues, les psychiatres. Ils sont plus nombreux dans les centres urbains.
Ils desservent une population qui, quand même, est grosse. Dans les
centres ruraux, les besoins sont là. Je crois qu'on s'en aperçoit
parce que l'on voit qu'il y a des équipes volantes qui vont dans ces
centres pour répondre aux besoins de ces gens.
M. LEDUC: Est-ce que, à votre connaissance, il y a des primes
d'éloignement qui sont payées aux ergothérapeutes qui s'en
iraient au village X pour desservir la région Y?
M. CAYER: Il y a, actuellement, un début de primes pour les
ergothérapeutes qui consentent, même en sortant de leurs cours,
à faire partie de ces équipes volantes. Ces équipes vont
aussi loin qu'en Abitibi. Elles consentent à se retirer dans des milieux
plus lointains. On en a conscience. Cette année, on a fait une demande
de prime d'éloignement. Ce dont on s'est aperçu, aussi, c'est
qu'il fallait aller très très loin pour avoir une prime
raisonnable.
M. LEDUC: Voici ma dernière question, la moins importante du
groupe: Est-ce qu'au cours de vos études vous avez entendu parler des
phytothérapeutes? Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.
M. HOUDE (Fabre): Je voudrais savoir des ergothérapeutes,
premièrement ensuite, j'ai une question pour le ministre
si, comme professionnels, vous sentez présentement, même si le
marché du travail semble raisonnable vous avez laissé
entendre que c'est assez facile, pour un diplômé, de se trouver un
emploi dans un avenir presque immédiat, quand même, une
certaine menace, d'une part, quant au marché du travail et, d'autre
part, quant à des rivaux, et même des rivaux diplômés
de l'université, dans d'autres secteurs connexes. Est-ce qu'actuellement
vous pensez que le marché sera saturé de diplômés en
ergothérapie?
MLLE LAURIN: Je ne le crois pas. Nous ne pouvons pas penser à une
saturation, étant donné qu'il n'y a toujours qu'un petit nombre
d'ergothérapeutes, en ce moment, qui sortent des universités, que
la demande est de plus en plus grande et que, justement, aussi, les ouvertures
sont de plus en plus grandes, parce qu'on s'en va dans des domaines toujours
nouveaux. De plus en plus, on essaie...
M. HOUDE (Fabre): Spécialités.
MLLE LAURIN: ... de sortir des hôpitaux. Vous avez entendu parler
des ergothérapeutes qui allaient dans des écoles.
M. HOUDE (Fabre): Pour donner le fond de ma pensée, ma question
s'adresse peut-être au ministre.
M. LE PRESIDENT: Pas à ce stade-ci.
M. HOUDE (Fabre): Je ne veux pas être en reste avec mon
collègue du Ralliement créditiste qui a sorti un grand mot ce
matin. Je me suis fait aider, moi aussi, par les ergothérapeutes,
tantôt. J'ai découvert, il y a quelque temps et j'ai
retrouvé le nom ce matin que l'Université du
Québec, par exemple, section Trois-Rivières, avait un nouveau
cours qui s'appelait la génagogie. Alors, on va créer, ou
diplômer, à partir de juin prochain, je pense, des
génagogues ou des génagogistes. Je ne sais pas comment on les
appellera, mais je sais que c'est la génagogie. Ajoutez à cela
les récréologues ou les récréologistes. Alors, il y
a un tas de gars et de filles qui entrent dans les universités. Les
universités, en particulier l'Université du Québec,
ouvrent, de temps en temps, de nouvelles sections. En ce qui concerne la
génagogie, je ne sais pas exactement ce que c'est, mais, d'après
ce que je sais, le minimum que je possède, cela se rapproche un peu de
l'ergothérapie, c'est-à-dire qu'il y a quelqu'un, à un
moment donné, qui dit: Bon, il faudrait former des gars et des filles
qui seront capables de travailler avec le groupe, avec les enfants qui ont des
difficultés soit à l'école, soit dans les
hôpitaux.
Est-ce que votre profession collabore avec les universités? Y
a-t-il un dialogue pour savoir si on va ouvrir, comme cela, des facultés
ou des écoles tous les quinze jours, dans des domaines connexes? Est-ce
que le ministère, d'un autre côté, se dit: Ecoutez, nous
avons des physiothé-
rapeutes et des ergothérapeutes? Il faut y penser avant
d'accepter sur le marché du travail une autre sorte de diplôme et
une autre sorte de cours. Justement, une des jeunes filles me disait aussi, ce
matin, qu'il y a aussi des techniciens en loisirs qui existent, au niveau des
CEGEP. Actuellement ils n'ont pas de marché du travail cela,
c'est une autre histoire mais ils se lancent également dans un
champ d'action qui est très près du vôtre.
Je ne veux pas me faire l'avocat du diable. Je ne sais pas si vous,
comme groupe professionnel, ou le gouvernement, avec les universités ou
l'Université du Québec, à un moment donné, vous
rencontrez autour d'une table pour dire: Il y a un marché du travail,
d'accord. Nous avons besoin de spécialistes.
M. LE PRESIDENT: Je veux attirer l'attention du député de
Fabre encore une fois. Ce n'est pas la place pour faire des commentaires.
M. HOUDE (Fabre): Je ne fais pas un discours. Je veux seulement
comprendre quelque chose.
M. LE PRESIDENT: La procédure que nous suivons et qui a
été adoptée, M. le député, est que durant
cette période on pose des questions aux groupes. Quand nous aurons
toutes les informations, la commission se réunira et discutera. Si
chacun commence à faire ses commentaires chaque fois qu'une question est
posée, nous ne finirons jamais.
M. HOUDE (Fabre): Très bien. Est-ce que les
ergothérapeutes accepteront dans leur rang les génagogistes
diplômés?
MLLE GUIMOND: Pour l'instant, il faudrait d'abord que vous nous disiez
quel est le programme de cours qui leur est donné. Je sais qu'il y a des
moniteurs dans les parcs qui s'occupent aussi de groupes.
MLLE LAURIN: Je pense que c'est important de dire que nous, en
ergothérapie, nous avons une formation globale en ergothérapie
qui s'applique autant en médecine physique, en psychiatrie, en
pédiatrie. C'est un traitement que nous donnons. C'est important. Vous
nous comparez aux techniciens des loisirs. Ils ne font pas un traitement.
M. HOUDE (Fabre): Je ne nie pas cela. Au contraire, j'essaie de vous
défendre.
MLLE GUIMOND: Monsieur, je crois...
M. HOUDE (Fabre): Peut-être il manque des définitions
quelque part. A qui appartient la responsabilité? Votre travail comme
ergothérapeute me paraît très clair. Ce que je n'arrive pas
à comprendre, c'est pourquoi d'autres associations se forment. Les
universités créent des diplômes dans des matières
très connexes à la vôtre. Je voulais savoir si votre groupe
est conscient de cela, est au courant qu'il y a des écoles. C'est un
exemple, le génagogiste ou génagogue. J'ai entendu cela pour la
première fois il y a quelque temps. Je sais que cela existe. On parle
même d'une succursale dans l'Abitibi de l'Université du
Québec qui formera des génagogues ou génagogistes. Est-ce
que vous vous protégez contre cela ou si vous êtes d'accord?
MLLE GUIMOND: Est-ce que ce sont des gens qui travaillent dans le
domaine de la santé? Nous, nous sommes dans le domaine de la
santé. Nous étudions en réadaptation.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire un commentaire, M. le
député. Je pense que la question ne devrait pas être
posée à ce groupe-ci; ce sont des étudiants.
Peut-être que les professeurs possèdent plus d'informations sur ce
problème. Ce sont des étudiants qui sont ici pour expliquer leur
attitude, pourquoi ils veulent que la loi soit amendée. Les questions
concernant la santé et quel groupe va voir quel groupe ne sont pas
nécessairement de leur domaine. Ils ne semblent pas pouvoir
répondre aux questions. Je cède la parole au ministre, qui a un
bref commentaire à faire. Lui, il peut le faire.
M. CASTONGUAY: Très brièvement, M. le Président. On
connaît le désir d'autonomie des universités dans
l'organisation de leurs programmes d'études, le choix des secteurs dans
lesquels elles veulent s'orienter, etc. On connaît, d'autre part, les
problèmes qui sont susceptibles d'en résulter, soit certains
dédoublements, certains vides possibles ou encore certains
problèmes de pénurie dans le nombre de diplômés de
l'ensemble des universités. Dans d'autres secteurs, il existe une
certaine surabondance. Il y a aussi des problèmes de multiplication de
diplômes ou de programmes de formation qui s'apparentent. Je crois que
c'est précisément une des fonctions du Conseil des
Universités de faire en sorte qu'il y ait une certaine harmonie qui
s'établisse mais par des mécanismes aussi souples que possible
pour respecter l'autonomie des universités.
Dans le cadre des actions entreprises par le ministère de
l'Education et le Conseil des universités, des opérations ont
été lancées, comme l'opération des sciences
appliquées où, dans ce secteur, en collaboration avec tous les
organismes intéressés, on a fait une certaine revue de toute la
situation, tendant à fixer des objectifs aux universités, des
champs où elles peuvent se spécialiser et établir des
coordinations au besoin. Nous avons commencé une opération
analogue en ce qui a trait aux sciences de la santé. Pour ma part, je
compte qu'on pourra obtenir des résultats intéressants. Le point
que je fais ressortir, c'est qu'il s'agit vraiment d'une question qui
relève, au premier
titre, du ministère de l'Education et qui met en cause, dans une
certaine mesure, l'autonomie des universités.
M. LE PRESIDENT: Merci aux étudiants. Je pense que, nonobstant la
dernière question, vous avez passé vos examens et on vous accorde
un diplôme. Merci.
M. VEILLEUX: M. le Président, avant de continuer, le
député de Dorchester nous a dit qu'il nous donnerait cet
après-midi la définition des phytothérapeutes. J'aimerais
bien savoir ce que c'est?
M. GUAY: M. le Président, je sais qu'il n'est pas permis à
un membre de la commission, sauf au ministre, de faire des commentaires.
M. LEDUC: Il n'est pas permis à un membre de la commission de
faire de commentaires? Mais qu'est-ce qu'on fait depuis ce matin?
M. LE PRESIDENT: Le député a raison, à ce stade-ci.
Je pense que la question du député de Saint-Jean est hors
d'ordre. Nous allons la mettre de côté, parce que nous avons trois
groupes à passer avant la fin de l'après-midi.
M. LEDUC: Nous allons demander à chacun de ces groupes ce que
sont les phytothérapeutes, et on va perdre du temps.
M. LE PRESIDENT: Prenez un dictionnaire vous allez trouver.
Corporation des techniciens inhalothérapeutes
du Québec
M. LE PRESIDENT: Me Robert Lesage, avec la Corporation des techniciens
inhalothérapeutes du Québec.
M. PARENT: M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales,
MM. les membres de la commission parlementaire, avec votre permission, avant de
laisser la parole à notre procureur, Me Robert Lesage, c.r., qui fera la
lecture de notre mémoire, j'aimerais faire la présentation des
membres présents.
A ma droite, M. Lanteigne, inhalothérapeute à
l'hôpital de Cartierville, en thérapie inhalatoire, administrateur
de la corporation. M. Jean Bernier, inhalothérapeute, administrateur de
la corporation, service de la thérapie inhalatoire à domicile de
l'hôpital Laval, Québec. A ma gauche, M. Michel Gamache,
vice-président de la corporation, inhalothérapeute, responsable
du service d'inhalothérapie, Centre hospitalier universitaire de
Sherbrooke. Laurent Saint-Onge, inhalothérapeute, professeur en
techniques d'inhalothérapie au CEGEP de Rosemont. Moi-même, Gilles
Parent, inhalothérapeute, hôpital général Fleury,
président de la Corporation des inhalothérapeutes du
Québec.
M. LESAGE: M. le Président, sans abuser de votre patience, je
vais résumer le mémoire de la Corporation des
inhalothérapeutes. Il s'agit d'une corporation qui a été
constituée suivant la troisième partie de la Loi des compagnies,
par lettres patentes émises le 21 octobre 1969.
On disait, dans notre mémoire, qu'il y avait 200
inhalothérapeutes. Depuis la dernière promotion, il y a 275
inhalothérapeutes qui pratiquent dans le territoire du Québec. La
première école d'inhalothérapie a ouvert ses portes au
Québec le 11 septembre 1965. C'est une discipline qui est appelée
à demeurer. L'évolution de la science et certains
phénomènes sociologiques, tels que l'usage de la drogue et la
pollution, requièrent pour le traitement de l'insuffisance respiratoire
le concours de professionnels spécialisés en la matière,
dont l'inhalothérapeute.
L'inhalothérapeute exerce sa profession principalement dans les
hôpitaux, soit dans les salles d'opération et de réveil,
les services de médecine, les services de soins intensifs et de
réanimation, les cliniques externes et d'urgence, mais il est
également formé pour donner des traitements à domicile aux
insuffisants respiratoires chroniques.
Dans l'intérêt du public, nous croyons qu'il importe que
soit constituée la Corporation professionnelle des
inhalothérapeutes pour assurer la compétence de ses membres, la
surveillance de l'éthique professionnelle et pour prévenir
l'exercice illégal au détriment de la santé publique.
Tel que proposé dans le projet de loi soumis en annexe au
mémoire, voici la définition que nous donnons de
l'inhalothérapie: "Constitue l'exercice de l'inhalothérapie, tout
acte qui a pour objet le traitement de l'insuffisance respiratoire, y compris
la réanimation cardio-pulmonaire et l'assistance chirurgicale".
L'inhalothérapeute a sa place dans le traitement de toutes les
modalités de l'insuffisance respiratoire. Il seconde le médecin
ou le spécialiste dans l'application méthodique des
différentes techniques d'inhalothérapie et opère des
appareils spécialisés. Il est aussi responsable de la
physiothérapie respiratoire qui suit le traitement et qui
précède le reconditionnement physique. Il effectue
également certaines épreuves diagnostiques en rapport avec la
fonction respiratoire.
La formation des inhalothérapeutes est présentement
dispensée sous le contrôle du ministère de l'Education dans
cinq CEGEP de la province. Elle a pour objectif de donner aux
inhalothérapeutes les notions de base nécessaires pour
comprendre, d'une part, la fonction respiratoire, d'autre part, le
fonctionnement et l'entretien des divers appareils utilisés en
inhalo-thérapie. Leurs études portent également sur les
différentes pathologies pulmonaires afin d'assurer une meilleure
compréhension des soins infirmiers. Elles sont complétées
par un entraînement pratique en clinique. Le cours est de trois ans, dont
une année d'enseignement clinique. L'enseignement clinique se fait sur
une
période de 40 semaines par stages dans différents services
hospitaliers ou différents milieux. Il y a quatre stages
généraux et quatre stages spécialisés.
Les facteurs énoncés aux articles 21 et 22 du bill 250
conduisent à reconnaître les inhalothérapeutes comme une
corporation professionnelle. On vient de voir que les connaissances requises
pour devenir inhalothérapeutes sont très
spécialisées dans le domaine qui leur est propre. Leur formation
est beaucoup plus spécialisée que celle des infirmiers et
infirmières dans leur domaine. D'ailleurs, leur tâche à
l'hôpital ne peut être remplie par un infirmier ou une
infirmière. Leur formation est tout à fait différente
à la base. Il est encore moins question que leur tâche puisse
être remplie par des préposés en inhalothérapie non
diplômés, ainsi que le reconnaissait M. Gilles Gaudreault,
sous-ministre adjoint au ministère des Affaires sociales, dans une
directive adressée aux directeurs généraux des
hôpitaux en date du 21 juillet 1971.
Dans l'exercice de leur profession, les inhalothérapeutes
exercent un jugement professionnel et ont une responsabilité dont
dépend la vie du patient. Leurs faits et gestes ne peuvent être
valablement critiqués que par des gens qui possèdent une
formation ou une qualification de même nature.
C'est là, croyons-nous, la raison d'être d'une corporation
professionnelle.
Quant à la relation entre l'inhalothérapeute et le
patient, elle est constante, très personnelle. L'inhalothérapeute
doit inspirer confiance à son patient. Ce dernier s'attache à
celui qui le soulage, le réconforte, l'entraîne dans une fonction
essentielle à la vie humaine, la respiration. Bien sûr, la
position de l'inhalothérapeute fait de lui un confident, il a
accès au dossier médical du patient, dont il doit garder le
secret. Encore une raison pour justifier une corporation professionnelle.
Comme nous l'avons déjà souligné et comme nous le
détaillons au chapitre suivant, il paraît très nettement
que des personnes ne possédant pas la compétence des
inhalothérapeutes ne peuvent, sans préjudice pour le public,
remplir leurs fonctions. Parallèlement, il faut que la compétence
des inhalothérapeutes soit constamment susceptible d'être remise
en question.
A moins que l'on ne rejette la formule des corporations professionnelles
pour adopter celle des régies d'Etat, il nous paraît que la
compétence des inhalothérapeutes doit être laissée
à la surveillance de leur corporation professionnelle.
La Corporation des inhalothérapeutes du Québec, depuis sa
formation, s'est employée activement à améliorer les
qualifications et les connaissances des inhalothérapeutes.
Là-dessus la corporation a eu l'appui enthousiaste des autorités
du ministère de la Santé et ensuite des Affaires sociales et de
la profession médicale, en particulier, qui vient tout juste encore de
déposer un mémoire de la part de l'Association des
anesthésistes-réanimateurs du Québec au ministère
des Affaires sociales. On y recommande avec insistance de désigner et de
former les inhalothérapeutes comme les futurs assistants
anesthésistes.
La Corporation des inhalothérapeutes du Québec est
reconnue par divers organismes, l'Association médicale canadienne,
l'Association des anesthésistes-réanimateurs, l'Association des
hôpitaux de la province de Québec. Il existe au plan syndical un
syndicat professionnel homogène des inhalothérapeutes suivant la
formule qui est la formule courante pour les syndicats de professionnels.
C'est-à-dire que ce n'est pas un syndicat qui groupe des membres autres
que les inhalothérapeutes. En conséquence, la profession
d'inhalothérapeute est identifiée au plan syndical.
Il n'est pas besoin d'une longue démonstration pour
établir que les actes posés par les inhalothérapeutes sont
de nature telle qu'en vue de la protection du public ils ne peuvent être
posés par des personnes ne possédant pas leur formation ou leurs
qualifications. Cependant, au risque de fournir trop de détails, nous
nous permettons de donner quelques exemples. Une personne non
préparée peut causer préjudice à son patient en
administrant une trop forte concentration d'oxygène, ce qui peut
entraîner nausées, tachycardie, étourdissements,
convulsions, toxicité. Elle peut aussi causer des accidents, tels
qu'incendies, explosions, entraînant des dommages matériels et des
pertes de vie.
A la suite d'une mauvaise humidification, un incompétent peut
détériorer les muqueuses nasales, trachéales,
alvéolaires. L'administration de médicaments incompatibles est
susceptible de causer des empoisonnements. Une trop forte quantité peut
entraîner des complications et même noyer le patient, surtout
lorsqu'il s'agit d'un enfant. L'usage d'humidificateurs dont le fonctionnement
est mal connu peut causer des infections et endommager l'état du
patient. Une personne incompétente ne peut reconnaître les
défectuosités mécaniques des appareils et du
matériel utilisés en inhalothérapie et est inapte à
y remédier. On a malheureusement eu à déplorer
déjà dans un hôpital une perte de vie dans des
circonstances semblables alors qu'il n'y avait pas
d'inhalothérapeute.
L'incompétence dans les méthodes d'aspiration peut causer
de l'infection, provoquer des vomissements, étouffer le patient. En
somme, les inhalothérapeutes se battent contre la mort en utilisant des
techniques et des appareils dont dépend la vie du patient.
Nous vous soumettons donc avec confiance que les
inhalothérapeutes satisfont aux critères énoncés
à l'article 22 du bill 250. Vous trouverez en annexe le texte d'un
projet de loi des inhalothérapeutes ayant pour but de créer la
corporation professionnelle des inhalothérapeutes et de réserver
à ses membres l'usage exclusif de l'inhalothérapie.
Un mot sur l'avenir de la profession. Nous croyons qu'il s'agit d'une
profession d'avenir. Il y a une pénurie d'inhalothérap
eûtes, les médecins les réclament, ils ont plus d'ouvrage
qu'ils sont capables d'en faire. A compter de juin 1973, ceux qui sortiront des
CEGEP, de la province pourront assumer certaines des fonctions exercées
jusqu'ici par les anesthésistes et d'autres spécialistes. C'est
ainsi qu'on en arrivera à une utilisation plus rationnelle, plus
efficace des effectifs disponibles dans le domaine de la santé.
En raison des rapports humains qui existent entre
l'inhalothérapeute et son patient, l'évolution de la technique ne
risque pas de faire disparaître la profession. L'inhalothérapeute
ne sera jamais remplacé par un appareillage, il faudra toujours
quelqu'un pour utiliser cet appareillage ou montrer aux patients à s'en
servir. N'oublions pas que nous sommes dans le domaine de la respiration.
La respiration est essentielle à la vie et les
phénomènes sociologiques que nous connaissons présentement
viennent attaquer ou viennent mettre en péril le phénomène
de la respiration, en particulier le phénomène de la pollution
qui est une menace à notre société postindustrielle. Cela
peut causer des troubles respiratoires à toute une population. On
connaît moins le phénomène, on entend beaucoup parler de
l'abus des narcotiques. On ne sait peut-être pas que ce
phénomène amène un nombre effarant de jeunes dans les
hôpitaux, nécessitant une réanimation cardiaque.
Ils sont accueillis aux salles d'urgence par des inhalo
thérapeutes. Les fonctions des inhalo thérapeutes dans les salles
d'opération et les salles de réveil en font les premiers
assistants des anesthésistes, comme nous l'avons vu. Les
anesthésistes réclament d'être de plus en plus
libérés de leur tâche routinière pour les laisser
à des inhalothérapeutes, qui sont des techniciens agissant sous
leur surveillance.
En conclusion, les inhalothérapeutes soumettent à
l'attention de la commission parlementaire un projet de loi les constituant en
corporation professionnelle fermée. Cette rédaction s'inspire des
projets de loi soumis à l'étude de votre commission dans le
domaine de la santé. Ce projet de loi nécessiterait, s'il
était adopté, quelques modifications de concordance au bill no
250.
Nous attirons votre attention, en terminant, sur le bill no 272, la Loi
des physiothérapeutes, dont on a parlé ce matin. La
réhabilitation des insuffisants respiratoires nécessite une
physiothérapie respiratoire qui s'effectue dans les hôpitaux par
les inhalothérapeutes. Signalons, par exemple, les exercices
d'expiration forcée, contre résistance labiale, respiration
abdominale, premiers exercices de marche.
Dans les services complets de physiothérapie que l'on retrouve
dans les hôpitaux spécialisés, il faut entrevoir une
collaboration étroite entre les physiothérapeutes et les
inhalothérapeutes pour la réhabilitation des insuffisants
respiratoires.
Le bill no 272 ne fait aucune réserve à ce sujet. Nous
voulons croire que par l'article 8 de ce bill qui réserve les droits et
privilèges accordés par une loi à d'autres professionnels,
le législateur prévoyait déjà, dans son principe,
l'adoption d'une loi des inhalothérapeutes.
Ce sont nos commentaires. La délégation qui est ici est
prête à répondre aux questions des membres de cette
commission.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les représentants de la
Corporation des techniciens inhalothérapeutes pour ce mémoire. Je
suis convaincu que la description qu'a donnée Me Lesage du travail
qu'ils effectuent est très exacte. Il est évident qu'ils jouent
un rôle extrêmement important. Il s'agit là d'un autre
professionnel de la santé qui oeuvre à un niveau exigeant
beaucoup de connaissances et d'intégrité pour assurer la
protection du public.
On voit, toutefois, à l'occasion de cette représentation,
certains des dangers qui ont été mis en lumière, ce matin,
si on désire trop fractionner en des groupes distincts, à qui on
réserve des champs exclusifs de pratique, compte tenu de
l'évolution assez rapide, dangers qui peuvent empêcher une bonne
distinction des services de santé. Je note ici, dans le mémoire,
que la première école d'inhalothérapie a ouvert ses
portes, au Québec, le 11 septembre 1965. D'ailleurs,
l'inhalothérapie comme telle, à ma connaissance, est une
méthode ou une technique ou une approche qui est encore relativement
récente, même si on peut je pense bien que Me Lesage l'a
fait affirmer qu'elle demeurera encore longtemps, en tout cas, dans un
avenir prévisible. Je suis bien d'accord qu'il s'agit là d'un
groupe professionnel qui devra continuer d'exister et dont la présence
est de plus en plus requise.
Compte tenu du fait que l'inhalothérapeute, dans une très
large mesure, pratique en milieu organisé, même si ce sont des
soins à domicile. Généralement, ce sont des soins à
domicile qui originent d'une base hospitalière ou d'un service de soins
à domicile. Ce sont donc des traitements qui sont données dans un
milieu organisé, dans un cadre préétabli où
s'exerce un certain contrôle ou qui devrait s'exercer par le
médecin.
Je me demande vraiment, M. le Président, si, encore une fois,
nous ne sommes pas devant une situation un peu comme celle de ce matin et, sans
nier la valeur du travail au contraire qui est fait par les
inhalothérapeutes, reconnaissant également le fait qu'ils doivent
avoir des connaissances et une intégrité, je me demande vraiment
s'il y a lieu de former une corporation professionnelle fermée ou s'il
n'y aurait pas plutôt lieu d'envisager un titre protégé, de
telle sorte qu'il soit clair que lorsque l'on s'adresse à un
inhalothérapeute, tout comme c'est le cas présentement, par
exemple, par rapport aux travailleurs sociaux, l'on sache que c'est une
personne qui a un certain niveau de compétence, qui est membre d'une
corporation qui a un code d'éthique, un code de déontologie. De
cette façon, la population sera tout aussi protégée et on
évitera ainsi les multiples conflits qui semblent toujours devoir se
développer ou qui risquent de se développer chaque fois qu'une
nouvelle corporation professionnelle à titre exclusif est
formée.
M. LESAGE: M. le Président, si vous me permettez de
répondre à cette question, je ne crois pas, présentement,
qu'il existe des conflits. S'il existait des conflits, nous n'aurions pas, de
la part de la profession médicale, autant d'appui, de support. Je ne
crois pas...
M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Le ministre a un téléphone
d'urgence. Est-ce que nous pouvons suspendre pour quelques minutes?
M. LESAGE: Certainement.
Je n'ai entendu parler d'aucun conflit, dans les milieux hospitaliers ou
dans les milieux où les inhalothérapeutes travaillent, entre les
autres professionnels de la santé et eux. Alors, je pense que ces gens
travaillent en équipe. De ce côté-là, on n'a pas de
justification pour écarter, éventuellement, leurs demandes.
Maintenant, la question d'une corporation d'exercice exclusif, si on la
pose sur le principe énoncé à l'article 22 du code des
professions...
M. CASTONGUAY: Il y a aussi l'article 21.
M. LESAGE: Oui, il y a l'article 21. Je pense que les
inhalothérapeutes rencontrent plus que beaucoup d'autres professions les
critères énoncés à l'article 21. Nous rencontrons,
par surcroît, le critère énoncé à l'article
22, qui est la protection du public. Vous avez affaire aux gens. Nous les
rencontrons tout au moins autant que les techniciens en radiologie et que bien
d'autres que je ne veux pas nommer. Alors, le critère de l'article 22,
qui est la protection du public, s'applique autant aux techniciens en
inhalothérapie qu'aux techniciens en radiologie. Ce sont eux qui
reçoivent les enfants intoxiqués qui arrivent dans les cliniques
d'urgence, ce sont eux qui répondent aux urgences dans le cas
d'arrêts cardiaques, ce sont eux qui aident aux gens à respirer.
Il faut que ces gens soient qualifiés.
Il arrive malheureusement que certains hôpitaux engagent, pour ce
faire, des gens qui ne sont pas qualifiés. Je dis donc, comme
deuxième point, que les inhalothérapeutes rencontrent le
critère qui a été énoncé à l'article
22.
Maintenant, si on me permet une réflexion personnelle, le
quatrième critère de l'article 21, qui donne comme raison
d'être d'une corporation professionnelle que la compétence doit
être contrôlée par les membres de la corpo- ration
même, fait, en quelque sorte, double emploi avec l'article 22. C'est
juste une question de degré. A partir du moment où l'on
reconnaît que la compétence des membres d'une profession doit
être contrôlée par une corporation, de là à ne
pas fermer la corporation, je pense que c'est une question tout à fait
de nuances. Si on ne la ferme pas, on ne lui donne pas de moyens efficaces de
contrôler l'exercice de la corporation.
C'est pour cela que je disais, en troisième point, qu'une
profession à titre réservé ne donne pas cette assurance.
Vous avez entendu les commentaires du Conseil interprofessionnel qui vous a dit
qu'il y avait lieu de s'interroger passablement sur la formule qu'on
préconisait, parce qu'on n'assure pas, par une profession à titre
réservé, le contrôle de l'exercice professionnel par la
corporation, étant donné que n'importe qui peut, en dehors de la
corporation, exercer dans le même champ d'activité
professionnelle.
Alors, le véritable contrôle ne peut s'exercer que dans le
cadre d'une corporation fermée. J'ajouterais que, si, de plus, dans
l'esprit du bill 250, dans une corporation à titre
réservé, on enlève aux membres de la corporation le droit
de s'occuper de leurs intérêts socio-économiques, on leur
enlève le seul moyen qu'ils ont de protéger le public, d'assurer
la compétence de leurs membres et de vendre leurs membres au public, en
disant: Nos membres sont meilleurs que ceux qui ne portent pas notre titre. Si
on leur enlève cela, ils ne sont plus capables de contrôler la
compétence des gens.
Je fais cette remarque parce que je crois véritablement que la
concurrence est un élément nécessaire dans une profession
à titre réservé pour défendre la compétence
des membres de cette profession. Si on reconnaît cela, on reconnaît
en même temps que les professions à titre réservé
devraient à la fois défendre l'intérêt public et
l'intérêt de leurs membres.
Maintenant, ceci étant dit, si on n'adopte pas cette formule,
qu'on se retourne du côté du "licensing" et qu'on dit: Le
gouvernement est capable, par un procédé de permisou de licences,
d'établir qui doit porter un titre, on peut, effectivement, s'assurer de
la compétence des gens qui portent ce titre, mais, cela finit là,
parce qu'il y a d'autres choses qu'une corporation professionnelle appelle. Il
y a d'autres raisons pour avoir une corporation professionnelle.
Dans une corporation qui n'est pas fermée, l'autre raison est
d'assurer l'éthique professionnelle, la déontologie, la
compétence continue des membres de cette corporation. Je ne veux, pour
autorité, que m'en référer, comme tout le monde le fait,
à la commission Castonguay-Nepveu, à l'introduction du tome I,
volume 5. Je vous cite un petit passage: "La notion de profession implique une
autre dimension qui impose la reconnaissance d'une certaine autonomie
vis-à-vis de la société. L'activité profession-
nelle relève d'une discipline qui permet de la juger. Par
définition, la connaissance que requiert l'activité
professionnelle n'est pas socialement répandue puisque la profession
exprime la spécialisation d'une formation dans la société.
Aussi le contrôle de cette dernière sur l'activité
professionnelle devra-t-il prendre des formes et faire appel à des modes
qui tiennent compte de cette caractéristique que doit présenter
un tel contrôle, la maîtrise de la discipline sur laquelle porte ce
contrôle."
L'existence des corporations professionnelles est due au fait que seuls
les membres de cette discipline peuvent contrôler l'activité
professionnelle. Le gouvernement, par définition il peut bien
dire le contraire aujourd'hui si on établit un système de
régies d'Etat dit: Nous n'avons pas les mécanismes
je dis le gouvernement, je devrais dire l'Etat pour contrôler
l'activité professionnelle. Nous donnons, en conséquence, une
autonomie aux membres de cette profession, dans un cadre qui s'appelle une
corporation professionnelle, pour contrôler l'exercice de la
profession.
Nous disons, nous, que le "licensing" ne donne pas cette
possibilité de contrôler l'éthique professionnelle, la
déontologie professionnelle et, en ce sens, il ne donne pas le
même résultat qu'une corporation professionnelle. Si tel est le
cas et si on juge que les inhalothérapeutes sont un corps professionnel
dont la déontologie doit être réglementée et qui par
surcroît sont un corps qui, pour la protection du public, est
constitué de gens qui seuls peuvent donner ces services, on en arrive
nécessairement à la conclusion qu'il faut fermer la
corporation.
On dit qu'il y a des difficultés d'administration, une
prolifération de corporations. Quand cela cessera-t-il? Qu'est-ce que
vous voulez? Nous vivons dans un monde complexe. Nous vivons dans un monde
où la science évolue sans arrêt. Qu'est-ce qui sera si
nuisible dans le fait d'avoir une corporation de plus? Pensez-vous que cela
empêchera les hôpitaux d'avoir à négocier des
conventions collectives avec des inhalothérapeutes de façon
séparée? Ils sont déjà reconnus dans le domaine de
l'organisation des établissements. Parce qu'ils sont reconnus, nous vous
soumettons que ceci fait qu'il s'agit d'un corps distinct. Leur accorder une
corporation professionnelle est simplement assurer que ces gens qui se disent
ergothérapeutes sont des gens qualifiés qui répondent aux
normes, qui respectent un code de déontologie. En conséquence,
nous disons qu'autoriser une corporation de plus ce n'est pas compliquer
davantage le système. C'est simplement le suivre. Et j'ai dit ce matin
qu'il y avait tout de même un office des professions qui coiffe le tout.
Cela dépend des pouvoirs qu'on veut donner à l'office des
professions mais celui-ci doit s'assurer du rôle que remplissent les
corporations. Il pourrait certainement s'assurer, avec autant
d'efficacité, du rôle que remplissent dix corporations, vingt
corporations, trente corporations.
Je vous soumets que le nombre en lui-même n'est pas un obstacle.
L'intégration peut, elle, être, non pas une difficulté dans
notre cas, mais un problème qu'il faut envisager sérieusement.
Mais l'intégration ne se fait pas dans la loi corporative.
M. Parent, le président de la corporation, pourrait
peut-être ajouter un mot sur la nécessité, pour la
protection du public, que les actes posés par les
inhalothérapeutes le soient par des gens qui ont la formation
nécessaire.
M. CASTONGUAY: Avant que M. Parent prenne la parole, parce que vous avez
fait un plaidoyer qui est extrêmement éloquent, j'aimerais faire
quelques commentaires.
Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté. Lorsque j'ai
mentionné que la formation de corporations à champ
réservé pouvait devenir une source de conflits, je ne voulais pas
laisser entendre qu'il existait présentement des conflits entre les
inhalothérapeutes et d'autres groupes. Je voudrais justement qu'on garde
cette bonne harmonie qui semble exister.
Vous avez fait état des techniciens en radiologie et vous avez
traité aussi de la procédure du "licensing". Remarquez que nous
n'avons pas proposé cette procédure de façon
généralisée; nous ne l'avons proposée, à ma
connaissance, que dans le cas de la radiologie pour une raison qui nous
apparaissait importante, c'est le fait que des personnes autres que des
techniciens en radiologie peuvent être appelées à utiliser
les techniques de la radiologie. Sans entrer dans une
énumération, je pense au dentiste qui, aujourd'hui, prend de
façon assez courante des relevés au moyen de la radiologie, et je
pense à d'autres groupes professionnels. La raison pour laquelle nous
avons voulu procéder par la voie du "licensing" dans ce cas-là,
c'est que nous voulions utiliser une technique qui ne partait pas d'une base,
d'une formation professionnelle, mais plutôt un mécanisme qui
pouvait s'étendre à plus d'un groupement professionnel.
Encore là, nous sommes conscients du fait que nous devons
utiliser cette technique uniquement lorsqu'elle constitue le seul moyen
approprié. C'est d'ailleurs pourquoi, dans la presque totalité
des projets de loi, nous avons proposé le maintien de corporations
professionnelles ou la formation de nouvelles corporations professionnelles,
mais de deux types. Nous disions justement, dans le rapport de la commission,
qu'il fallait être très prudent. En plus de la partie que vous
avez citée, nous disions aussi qu'il nous fallait être très
prudents, très parcimonieux si je me rappelle l'expression
dans l'octroi de ces pouvoirs, non pas seulement à cause de la
possibilité de conflits mais aussi par suite du danger de figer
l'évolution d'un groupement professionnel. C'est un danger très
réel.
Je crois, pour ma part, et j'espère que je ne soulèverai
pas de réaction en disant, par exemple, que si les notaires ne
s'étaient pas enfermés
dans un champ de pratique très étroitement défini,
leur situation ne serait pas aujourd'hui tout à fait celle qui est la
leur. Dans un monde en pleine évolution comme celui des diverses
techniques de réadaptation, il me semble dangereux de fermer, de
circonscrire précisément un champ de pratique, alors que nous
savons que nous sommes dans un domaine en pleine évolution. Il y a
là aussi cette préoccupation de notre part, qui n'est pas un
jugement de valeur par rapport à un groupe professionnel, au
contraire.
Je voudrais ajouter, M. le Président, ces commentaires, avant que
M. Parent nous explique en quoi les actes posés par un
inhalothérapeute doivent être entourés de sauvegarde pour
la protection du public en rappelant que même dans les professions
où uniquement le titre est réservé étant
donné la façon dont le bill 250 est rédigé, il y a
protection pour le public, parce qu'il y a nécessité d'adoption
d'un code de déontologie, nécessité de maintien de
certains standards assurant à la population surtout dans un milieu
organisé, que si elle s'adresse à M. X qui est membre de telle
corporation, il est membre d'une corporation qui a des exigences au plan de la
formation et de la déontologie.
M. PARENT: M. le Ministre, si on parle de danger et de protection
publique, je voudrais vous référer à la catastrophe de
décembre 1971, dans le métro de Montréal.
Dix-huit pompiers sont arrivés inconscients et, alors, le travail
de l'inhalothérapeute n'a pas été contesté. Si vous
vous référez au mémoire qu'on vous a donné, vous
verrez une lettre des médecins responsables qui disent: "Il me fait
plaisir de souligner le magnifique travail accompli par les
inhalothérapeutes de l'Hôpital général Fleury Inc.
à l'occasion de soins accordés à de nombreux pompiers,
lors de l'incendie du métro de Montréal en décembre 1971.
Leur travail en est un de dévouement, de compétence et de
disponibilité continuelle. Personnellement, nous avons noté leur
compétence depuis longtemps, mais cette situation d'urgence aura
démontré à chacun leur nécessité dans un
hôpital général. Nous les félicitons donc pour leur
dévouement à cette occasion et espérons que tous les
médecins auront compris qu'ils peuvent s'adresser à eux en toute
confiance."
Vous êtes au courant, M. le ministre, du nombre de personnes qui
travaillent aux techniques d'inhalothérapie et qui ne sont pas
compétents. Vous êtes au courant que, dernièrement, il y a
eu une catastrophe où un patient est décédé,
malheureusement. Je ne voudrais pas causer de préjudice à la
personne en question parce que cela a été jugé à la
cour, mais le médecin qui est venu témoigner a dit: "Si on avait
demandé l'inhalothérapeute, on aurait sauvé le patient."
Le patient sortait de la salle d'opération; il a fait un arrêt
cardiaque. Le chirurgien a dû lui faire une trachéotomie et le
mettre sous appareil volumétrique électrique. Il y a eu une panne
d'électricité. Cela aurait été si facile, si la
personne avait été compétente, de débrancher le
mécanisme automatique et de ventiler son patient par la respiration
bouche à bouche, en attendant qu'on lui apporte un O qui est un appareil
que vous pouvez actionner avec votre main. C'est un cas et je pourrais vous en
citer, M. le ministre, toute la journée. C'est pour cette raison que les
inhalothérapeutes se sont formés en syndicat professionnel pour
défendre leurs droits. Nous avons été plus loin que
ça; nous avons même demandé au ministère de
l'Education de mettre sur pied un cours de recyclage pour les gens non
compétents, dont le ministère a accepté de défrayer
les coûts. Ces cours ont débuté au CEGEP de Rosemont en
juillet dernier.
M. LESAGE: Si on me permet d'ajouter un mot, les
inhalothérapeutes qui sont des techniciens se placent au niveau des
infirmiers et des infirmières, mais dans leur discipline propre. Ils
n'ont pas la même formation de base. Ils ne pourraient pas faire partie
du même groupe, mais on reconnaît, quand même, que les
infirmiers et infirmières ont leur corporation à eux. Les
inhalothérapeutes n'en auraient pas. Nous soumettons que les
inhalothérapeutes devraient, au moins, être traités sur le
même pied. J'admets qu'il est dangereux de circonscrire des champs
exclusifs. D'autre part, ce danger est atténué par le fait que,
dès que l'on reconnaît une autre profession, on se trouve à
faire tomber la barrière du champ exclusif. Dans tous les projets de
loi, on dit : Cette disposition ne s'applique pas aux autres professionnels qui
ont le droit d'exercer dans leur domaine. Il s'agit simplement, à ce
moment-là, d'une question de définition.
Quant au chevauchement, nous en avons déjà entendu parler.
Nous reconnaissons que ça existe! Le chevauchement des activités
professionnelles est inévitable et même souhaitable et la
compétition ou l'émulation doit se faire dans le fait que les
techniques ou les sciences chevauchent. A ce moment-là, on arrive
à évoluer. De là à permettre à tout le monde
d'exercer la même chose pour aider la science à évoluer,
c'est là le jugement qu'il faut poser.
C'est vrai que le code des professions veut assurer la
sécurité du public pour les corporations à titre
réservé, en leur imposant les mêmes obligations envers
leurs membres qu'aux corporations fermées.
Ce que je voulais faire ressortir c'est que le dynamisme des membres n'y
sera pas, leur marchandise ne sera pas vendable et les membres de ces
corporations devront être des missionnaires. Malheureusement, moi, je ne
crois pas tellement au missionnariat.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais
demander à Me Lesage ce qu'il pense de la représentation
qui a été faite ici devant la commission parlementaire par le
groupe des techniciens professionnels, représenté par un de ses
brillants confrères, Me Lafrenière. Celui-ci nous a soumis qu'il
y avait une loi des techniciens professionnels et qu'il serait désirable
que le législateur reconnaisse la Corporation des techniciens
professionnels actuellement par le code des professions et,
deuxièmement, qu'il serait également désirable que tous
les finissants de CEGEP en technique soient regroupés à
l'intérieur d'une corporation professionnelle. Que pensez-vous, Me
Lesage, d'une telle suggestion?
M. LESAGE: Cela revient à ceci: Est-ce qu'une telle corporation
serait en mesure d'assurer la discipline des membres? Serait-elle en mesure
d'évaluer les actes posés par les techniciens des
différentes disciplines? Si on me dit oui, je suis obligé
d'admettre que cela a du bon sens. Si on me dit non, c'est impossible parce que
ces gens ne sont pas formés pour comprendre tous les actes qui sont
posés dans les différentes disciplines. Ou si, encore, pour des
raisons de rapports humains parce que nous faisons affaire avec des
hommes la formation de certaines personnes diffère tellement de
celle d'autres personnes, que l'approche est différente et qu'il peut y
avoir friction, même, entre certaines personnes, je dis qu'on ne donne
pas justice aux membres à qui l'on impose une corporation
professionnelle. Une corporation professionnelle, ce n'est pas un
privilège, c'est un fardeau et ça délimite un champ
d'activité, mais aussi ça crée certaines obligations. Je
pense que quelqu'un ici aurait quelque chose à dire là-dessus, M.
Gamache.
M. GAMACHE: Présentement, j'ai l'impression que la technique
d'inhalothérapie évolue vers l'inhalothérapie. C'est plus
qu'une technique, c'est quelque chose de bien spécifique. C'est comme
l'infirmière, on dit technique infirmière, c'est ambivalent
peut-être un peu. La tâche du technicien en inhalothérapie
est très spécifique, elle s'attache à la respiration.
Aujourd'hui, avec l'avènement des infirmières venant des CEGEP,
plus ça va, moins ces personnes sont versées dans le domaine
technique. Autrefois, elles étaient affectées à toutes
sortes de travaux, du temps de leur stage, qui étaient nombreux et
longs; maintenant elles nous arrivent dans les hôpitaux beaucoup plus
désintéressées du plan technique. Aussitôt qu'il y a
un appareil, même si la fonction technique proprement dite ne s'attache
qu'au premier dixième de l'ouvrage de l'inhalothérapeute, tout de
suite elles se rebiffent et ne veulent plus prendre une part active à
cette thérapie respiratoire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'un inhalothérapeute
incompétent pourrait mettre en danger la vie d'un patient?
M. GAMACHE: Très sûrement. Je vais donner un exemple: un
patient est ventilé par un appareil d'une façon permanente, si on
le ventile un peu trop, on va l'hyperventiler, chasser son gaz carbonique, son
CO2; en peu de temps on va le décompenser et on peut entraîner
très probablement un arrêt cardio-respiratoire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le niveau moyen de
rémunération de l'inhalothérapeute, son salaire moyen?
M. GAMACHE: C'est $101 par semaine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Par semaine, $101?
M. PARENT: Oui, par semaine. Nous sommes en négociation à
l'heure actuelle.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Pouvez-vous me dire combien de patients, en moyenne,
un inhalothérapeute peut aider dans un hôpital en un an, par
exemple?
M. PARENT: Si nous nous référons à une
enquête qui a été faite sérieusement par
l'Association des anesthésistes-réanimateurs de la province de
Québec et l'Association des hôpitaux de la province de
Québec, en 1967, de 8,000 à 10,000 patients ont été
traités. En 1968, de 10,000 à 20,000. Mais remarquez, en 1969 et
1970, incluant nos jeunes de 13 à 17 ans, en coma barbiturique, 35,424
patients ont été traités par des appareils
volumétriques. Sur 50 hôpitaux seulement, on en couvre 250 dans un
an.
M. GAMACHE: Moi, je peux vous citer l'exemple du mois de juin au Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke. Il y a eu des ventilations
contrôlées sur appareils pour 589 heures. Depuis le début
de l'année, alors que l'an dernier nous avions donné 24,000
traitements d'aérosol, nous en avons déjà donné
26,000. L'automne n'est pas passé, la saison des asthmatiques, des
bronchitiques chroniques. Nous aurons donné, en traitements
séparés, plus de 37,000 traitements selon les prévisions
actuelles, dans un seul hôpital, avec seulement trois
inhalothérapeutes diplômés.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le
député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Pour reprendre la question du député de
Montmagny et la réponse de Me Lesage, tout à l'heure, à
propos d'une même corporation pour tous les techniciens professionnels,
est-ce que vous ne croyez pas que le problème pourrait être
résolu, comme la Corporation des ingénieurs lé propose
dans le mo-
ment, par des sections fonctionnelles groupant chacune des
spécialités?
M. LESAGE: Si on donne suffisamment d'autonomie à chacune des
sections, cela peut toujours marcher. Mais si on n'impose pas, par
exemple...
M. PERREAULT: Est-ce que vous avez regardé le projet que les
ingénieurs ont déposé?
M. LESAGE: Non, je ne suis pas suffisamment informé de ce que les
ingénieurs ont fait.
M. SAINT-GERMAIN: Vous travaillez en équipe et vous donnez un
service, je suppose, jour et nuit, 24 heures par jour et sept jours par
semaine?
M. GAMACHE: La plupart des services de physiothérapie, par
exemple, ne fonctionnent que de jour. Notre traitement est beaucoup plus
pressant à l'unité que celui du physiothérapeute, qui
n'est pas moins indispensable, non moins de longue haleine, mais quelqu'un qui
ne respire pas, ce n'est pas demain matin à huit heures qu'on va le
traiter. C'est tout de suite.
M. PARENT: D'ailleurs, l'inhalothérapeute, vous le trouvez
à l'unité de choc, à l'unité coronarienne, à
tous les services, service de soins intensifs, salles de réveil, salles
d'opération. C'est la personne la plus mobile et la plus
compétente dans le secteur de la santé.
M. SAINT-GERMAIN : Qu'est-ce qui fait que le nombre de vos traitements
augmente d'une façon aussi considérable? Est-ce que c'est la
drogue qui est le facteur principal?
M. PARENT: Il y a le facteur des barbituriques. C'est incroyables,
seulement dans un hôpital on a vu, dans une fin de semaine, des jeunes
qui sont entrés et on n'avait que quatre appareils. Nous avons
été obligés de les transférer dans d'autres centres
parce que nous ne pouvions pas les garder. Le patient qui est inconscient, on
est obligé de l'intuber et, souvent, j'ai vu jusqu'à sept jours
pour sauver une vie.
M. GAMACHE: En plus des barbituriques, des drogues, le plus gros
pourcentage de maladies respiratoires provient de l'industrialisation. Dans ma
région, à Sherbrooke, Asbestos et Thetford Mines nous envoient
des patients souffrant de fibrose pulmonaire, d'assèchement. Il y a la
pollution, la cigarette, toutes sortes de choses dans ce genre-là qui
nous aident beaucoup à donner des clients.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous constatez que l'abus de la cigarette
est un des facteurs importants?
M. GAMACHE: Certainement. Les anesthésistes, qui sont nos patrons
et qui nous enseignent régulièrement, voient pendant
l'anesthésie une grande différence dans la facilité
d'endormir un patient aujourd'hui comparativement à ce que
c'était il y a 20 ans. C'était beaucoup plus facile. De là
l'inhalothérapeute, qui doit bien préparer le patient avant
l'opération, doit en prendre soin pendant l'opération, avec une
assistance à l'anesthésiste, et surtout en postchirurgie. Quand
vous avez quelqu'un qui vient de subir une chirurgie thoracique ou une ablation
du foie et qu'il a de la nicotine pour gommer ses bronches en entier,
expectorer et tousser à volonté, c'est presque un sport en
soi.
M. LE PRESIDENT: Merci, Me Lesage. Merci au président ainsi
qu'aux autres.
M. LESAGE: Nous vous remercions, M. le Président.
Société de podiatrie de la province de
Québec
M. LE PRESIDENT: Nous allons entendre maintenant les Praticiens en
podiatrie de la province de Québec. M. Paul Andrès. Ils ne sont
pas ici?
UNE VOIX: ils ne sont pas ici.
M. LE PRESIDENT: Ils ne sont pas ici. Donc, nous entendrons la
Société de podiatrie de la province de Québec.
M. PHILIPPON: M. le Président, mon nom est Jacques Philippon,
avocat. Je représente la Société de podiatrie Enr. Je
voudrais vous présenter ceux qui sont avec moi. A ma droite, le
président de la société, M. Marc Desforges; le suivant est
M. Ronald Perreault, qui est le trésorier de la société et
son ex-président; à l'extrême droite, M. Jacques Richer,
qui est professeur de biologie à la Commission des écoles
catholiques de Montréal au niveau secondaire V, consultant à
l'élaboration des programmes et des examens de biologie à la
Direction générale de l'enseignement permanent et conseiller en
matière d'éducation auprès de la Société de
podiatrie que je représente. A ma gauche, M. Jacques Gran, qui est
podiatre depuis au-delà de 20 ans à Québec et qui est
directeur de la société en relation avec le gouvernement et le
Collège des médecins; à l'extrême gauche, ce n'est
pas un podiatre mais en le nommant, sa présence se justifiera, je crois,
le Dr Laval Leclerc, orthopédiste à l'Enfant-Jésus et,
depuis deux ans, en charge de la clinique du pied au service
orthopédique de l'Enfant-Jésus.
Nous réalisons, sans jeu de mots, que nous sommes maintenant au
pied de l'agenda. Je ne voudrais pas reprendre le mémoire qui a
déjà été produit. Je voudrais seulement
dégager les
trois points que nous considérons les plus importants. D'abord,
tel qu'il est mentionné au début du mémoire, la
Société de podiatrie reconnaît et encourage l'effort
déployé pour légiférer sur la podiatrie au moyen du
bill 271. La Société de podiatrie, formée en 1963, a
été enregistrée en 1964.
Dans les préoccupations que nous désirons dégager
du mémoire, il y a d'abord la définition de la podiatrie. A la
page 2 de notre mémoire, nous avons suggéré un texte qui,
d'après la société que je représente,
reflète davantage la réalité et décrirait, nous le
croyons, mieux que l'article 6 qui est proposé dans le projet de loi no
271, le champ d'application réservé aux podiatres, tenant compte,
évidemment du fait qu'en proposant le projet de loi no 271 il a
été décidé de proposer de faire de la podiatrie une
profession à exercice exclusif.
Un autre point qui est considéré comme important, c'est la
restriction que le projet de loi no 271, à l'article 11, désire
mettre en application, en interdisant à un podiatre de vendre des
souliers orthopédiques ou des prothèses. Nous voyons, dans le
mémoire, à la page 2 ou au haut de la page 3, que le principe est
admis qu'on doit éviter des conflits possibles d'intérêts
entre, par exemple, le désir de vendre un soulier et le fait de pouvoir
conseiller de s'acheter un soulier. Mais, au tiers de la page 3, la
société est d'avis que le podiatre est la personne
compétente exclusivement pour incorporer une orthèse conforme
â la physiologie particulière du pied, avec prise d'empreintes et
moulage. Nous disons que cette opération spécifique devrait
être laissée à l'initiative du podiatre. Il s'agit
là d'un acte qui, spécifiquement, devrait lui être
réservé parce qu'il est plus compétent que d'autres en la
matière. Donc il faudrait, à notre avis, à ce moment-ci,
distinguer entre la vente des souliers orthopédiques et la fabrication
des orthèses orthopédiques.
La troisième préoccupation majeure qui justifie notre
présence ici vient du fait qu'en lisant l'article 17 on constate que le
bureau de la corporation professionnelle des podiatres du Québec serait
constitué de neuf administrateurs, dont sept seraient choisis parmi les
membres de la corporation dissoute mentionnée à l'article 16. Or,
si on lit l'article 16, on constate que l'association dont il est question
s'appelle l'Association des podiatres de la province de Québec.
Evidemment, ce que je représente ici s'appelle la Société
de podiatrie. Nous croyons donc qu'il existe deux associations: l'association
et la société. Les informations que nous avons sont à
l'effet que l'association des podiatres, dont il est fait mention à
l'article 16, est constituée de deux podiatres pratiquant dans la
province de Québec. Par ailleurs, la Société de podiatrie,
qui se présente ici devant vous, est constituée de 57 podiatres
pratiquant, dont 22 sont dans la région de Montréal et les autres
disséminés à travers la province, 5 dans la région
de Québec et ainsi de suite.
D'autre part, à cause de la formation empirique,
académique que nous aimerions exposer devant vous ici, en quelques mots,
nous croyons que les membres de la Société de podiatrie de la
province de Québec, qui est ici devant vous, sont vraiment ceux qui
devraient participer à l'élaboration des moyens qu'il faut
prendre pour établir la podiatrie comme corporation professionnelle.
Je sais que, dès ce moment, la première question qui peut
se poser à notre esprit est: Quel est le background, quelle est la
formation que les membres de la société peuvent vous exposer? A
ce point de vue, et étant donné que le temps qui est mis â
notre disposition est court, je voudrais, dès maintenant, inviter ce que
la société considère comme un podiatre type, membre de la
société, pour qu'il vous expose comment, lui, est venu à
être un podiatre pratiquant.
Et je demande à M. Ronald Perreault, podiatre, qui pratique
à Joliette depuis quelques années, de vous dire lui-même
comment il est devenu podiatre.
M. PERREAULT (Ronald): M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, en terminant mes études secondaires au
collège Roussin, je m'intéressais aux infections locales du pied.
En discussions avec l'orienteur, nous avons cherché une école, du
côté des institutions publiques, qui me permettrait d'arriver
à mes aspirations. Après différentes recherches à
travers la province de Québec, je n'ai trouvé aucune école
qui donnait un cours en podiatrie.
Alors, nous avons regardé du côté des autres
provinces. Il n'existait absolument rien là non plus. L'orienteur,
consciencieux, a cherché dans d'autres pays, et le plus près
était les Etats-Unis. Maintenant, le travail qui se faisait aux
Etats-Unis n'était pas propre à celui du Québec. A force
de chercher et de poser des questions, nous avons trouvé une
école, une institution privée qui est le Centre de
Pédicurie scientifique à Montréal. Faute de choix, je m'y
suis inscrit. Cela consistait à aller à cette institution une
journée par semaine où on recevait des cours théoriques et
pratiques. Après neuf mois, on m'a décerné un
diplôme sans examen qui totalisait approximativement 45 heures de
cours.
Je suis d'accord avec vous, et je suis certain que vous allez me
comprendre, qu'après 45 heures de cours, je ne pouvais travailler en
podiatrie en donnant un service de première qualité, donc gagner
ma vie honorablement. Alors, j'ai continué à chercher. J'ai
visité à travers la province de Québec ce qu'il y avait
comme cliniques de pédicurie scientifique, et à force d'en
visiter, j'ai entendu parler d'une clinique de podiatrie ici même,
à Québec, dont M. Jacques Gran était le
propriétaire. Je me suis déplacé, je suis venu rencontrer
M. Gran, je lui ai expliqué ma situation. Il m'a fait visiter sa
clinique, et le travail qu'il faisait répondait
exactement à mes aspirations. Après discussion avec lui,
il m'a accepté comme stagiaire durant deux ans et demi.
M. Gran faisait partie de la société de podiatrie, dont
j'ai été président. Cette même société
a structuré des cours de recyclage pour tous ses membres afin qu'ils
arrivent au même niveau. Ces cours consistaient, brièvement, en
des cours de biologie adaptés à la podiatrie, en des cours de
chimie adaptés à la podiatrie. Egalement des conférences
données par des médecins, des orthopédistes, des
pédiatres, une foule de spécialistes qui venaient nous informer.
Et même, à l'occasion, différents invités sont venus
des Etats-Unis et d'Europe pour nous donner des cours, puisqu'il n'y avait
aucune école au Québec, ni même au Canada.
Par la suite, toujours par l'entremise de cette même
société, j'ai eu le privilège, ainsi que quatre de mes
confrères, d'aller faire un stage intensif en médecine
podiatrique à l'Université de Philadelphie.
Pour vous expliquer plus en détail pourquoi j'ai agi ainsi, je
demanderais à M. Gran, à qui je dois beaucoup, parce qu'en
réalité c'est à peu près le seul dans la province
de Québec qui avait la compétence nécessaire pour me
donner une formation, de vous expliquer pourquoi j'ai agi ainsi. M. Gran.
M. GRAN: MM. les députés, M. le Président, M. le
ministre, il faudrait d'abord déterminer trois sortes de personnes qui
s'occupent du pied, en particulier l'orthopédiste, le podiatre et le
pédicure. L'orthopédiste s'occupe du pied au niveau de la
chirurgie majeure; le podiatre, comme professionnel, soigne les
déséquilibres du pied qui ne sont pas d'une pathologie
générale et le pédicure , mot qui vient de curer et pied,
s'occupe plutôt d'esthétique.
L'individu qui, depuis les quinze dernières années, se
trouvait à traiter les pieds de près ou de loin devait passer
cinq ans aux Etats-Unis pour obtenir un doctorat en médecine podiatrique
qui ne correspondait absolument pas, à ce moment-là et même
actuellement, au statut que nous pourrions avoir. Il était obligé
d'aller faire ce stage c'était un ennui par le fait de la langue
et quitter l'emploi qu'il pouvait avoir, s'il gagnait sa vie en traitant
les pieds, pour obtenir ce doctorat.
En partant de l'insuffisance flagrante des cours donnés, pour
faire face à la demande du public et du corps médical, en
collaboration avec les médecins avec qui je travaillais, nous nous
sommes aperçus, à la Société de podiatrie, qu'il
fallait absolument recycler nos membres. Automatiquement, le gouvernement ne
pouvait pas, au moment de ce recyclage, faire face à ça, à
cause de questions beaucoup plus importantes qu'il débattait à ce
moment-là. Il a donc fallu nous organiser nous-mêmes. A la
Société de podiatrie, on s'est recyclé, on a fait des
cours de biologie, tous les cours qui pouvaient conduire à une
corporation professionnelle. C'est d'au- tant plus valable que c'est un peu un
non-sens d'être obligé, aujourd'hui, pour pratiquer la podiatrie,
d'être à la merci des diplômes étrangers, parce qu'il
n'y a rien. Alors la valeur de la société, c'est d'avoir mis sur
pied un cours structuré d'une façon scientifique, avec l'appui du
Collège des médecins, des Américains,
d'orthopédistes, de dermatologistes, enfin toutes les corporations
professionnelles ou disciplines pouvant nous aider. Nous l'avons
structuré, nous l'avons amélioré et, aujourd'hui, nous
pensons pouvoir présenter quelque chose qui corresponde au nouveau
contexte québécois de la santé, c'est-à-dire un
podiatre qualifié. D'après l'expérience que j'ai eue avec
le docteur Laval Leclerc, dans divers hôpitaux et des stages où
nous avons mis sur pied des cliniques de podiatrie, cela a répondu
vraiment aux besoins d'une façon valable. Nous pensons pouvoir faire
face à la demande actuelle par notre travail pour toutes les affections
du pied, en ce qui concerne la podiatrie. Je pense que le Dr Laval Leclerc
pourra vous éclairer encore plus sur le travail accompli, durant les
trois années où j'ai travaillé avec lui.
M. LECLERC: Comme orthopédiste, je voudrais d'abord justifier ma
présence. Je me suis permis de répondre à l'invitation des
podiatres, pour plusieurs raisons que je vous dirai tantôt, mais pour une
raison fondamentale à laquelle je crois profondément et pour
laquelle j'ai de l'intérêt plus particulièrement depuis
deux ans.
Comme orthopédiste, on voit des pieds, bien sûr, et on les
voit sous un aspect bien particulier en vue de la chirurgie, parce qu'on est
chirurgien. Mais parce qu'on est chirurgien aussi et parce qu'on veut faire un
peu plus, un peu mieux, ou parce qu'on est idéaliste ou qu'on a un
intérêt particulier, on ne s'intéresse pas seulement
à l'acte chirurgical, mais on s'intéresse au pied comme
entité. C'est ce qui nous a amenés et c'est ce qui
justifie un peu ma présence à essayer d'aller chercher
quelqu'un qui avait des intérêts pour le pied qui ne soient pas
tout à fait chirurgicaux, qui ne soient pas tout à fait
médicaux en même temps qu'ils le seraient dans une certaine
partie.
C'est ce qui nous a amenés parce qu'en particulier Jacques
Gran avait une philosophie que je partageais à créer une
clinique dite du pied. Je ferai remarquer, en passant, que, si je viens, c'est
à titre personnel. Je n'ai aucun mandat des orthopédistes; je
n'ai aucun mandat du Collège des médecins. Par contre, j'en ai
rencontré avec qui j'ai discuté déjà.
Si je viens, c'est pour vous faire part de mon témoignage
après une expérience de deux ans à traiter du pied avec un
podiatre particulier qui, entre parenthèses, a été
attaché officiellement au bureau médical de
l'Enfant-Jésus, comme il est aussi attaché à la Clinique
du pied. Il est aussi admis au conseil d'administration au même titre,
à l'hôpital.
Bien sûr, je dois ajouter à ça qu'il a
été admis
à l'intérieur des restrictions légales que la loi
actuelle impose. Je veux dire qu'il ne vient pas pour faire de la chirurgie; il
ne vient pas pour poser un acte médical tel que le décrit la loi.
Il vient pour nous aider et pour donner son opinion actuellement, surtout comme
consultant. Eventuellement, j'espère qu'il fera un peu plus.
Au bout de deux ans de ce régime, il y a des choses qui
ressortent assez facilement: d'abord, le volume de patients qu'on peut voir
spécifiquement pour une entité comme le pied. Il y a une chose
évidente aussi qui ressort d'emblée, au départ ou presque
au départ, une chose dont j'étais convaincu avant, mais que je
voudrais vous dire. En effet, si vous parlez de différentes sortes de
podiatres et de différentes associations, il faut le dire. On ne peut
pas considérer le pied, traiter le pied et s'arrêter là. Je
veux dire que le pied n'est pas un bout de caoutchouc qu'on applique au bout
d'une prothèse. Le pied est attaché à la jambe, la jambe
est. attachée à la cuisse, etc. J'ai rencontré,
grâce à la Société de podiatrie actuelle, plusieurs
sortes de podiatres: un Français, un Américain, un Britannique.
Il y a toutes sortes de définitions possibles du podiatre. Je pense
qu'au Québec, après avoir connu l'expérience que j'ai
connue, c'est peut-être pour nous une heureuse chance d'ailleurs,
les Français et les Américains nous envieraient d'avoir
des podiatres qui soient des professionnels de la santé et qui
travaillent avec les médecins et non pas contre les médecins.
Il ne faut pas qu'il arrive ce qui est arrivé aux Etats-Unis, des
collèges de podiatrie à part, avec des gens strictement bien
qualifiés. Il s'agit véritablement de collèges de
médecine podiatrique, mais, aussitôt que la chirurgie d'un oignon
ou d'un hallux valgus se complique par une torsion tibiale, on est
obligé de communiquer avec l'orthopédiste qui n'est pas souvent
d'accord avec le podiatre. Cela ne devrait pas exister. Cela devrait aussi
être mieux qu'en France où cela a commencé sous le nom de
pédicure esthétique. Ensuite, c'est devenu graduellement des
podologues. Il y a là des gens sérieux qui, grâce à
leur autonomie, ont amené des traitements conservateurs pour des ongles
incarnés, auxquels les chirurgiens ou les médecins n'avaient
jamais pensé.
Eux aussi, malheureusement, travaillent trop de leur côté.
Eux aussi, malheureusement, n'ont pas les privilèges que moi,
personnellement, je voudrais que les podiatres aient dans la province, à
condition qu'ils soient bien qualifiés, c'est sûr. Les
Français ne peuvent faire aucune chirurgie. Je ne peux pas entrer dans
les détails, mais il me semble qu'il y a des choses que le podiatre
québécois devrait faire. Il ne devrait pas, à mon sens,
faire de l'orthopédie ou faire des chirurgies sanglantes de la
même façon qu'un orthopédiste le fait. Pourquoi? On en a
des orthopédistes. Il ne devrait pas, non plus, faire de la
médecine, traiter un diabète général; on a des
médecins.
Là où j'ai trouvé qu'il y avait peut-être un
rôle pour le podiatre dans le Québec, c'est qu'il y a des
domaines, autour du pied, qui sont mal connus, qui sont complémentaires
au traitement médical comme tel et qui pourraient aider à nous
donner vraiment l'impression que nous traitons des gens avec des pieds et non
pas des pieds, points, avec un nom pour donner le compte.
Le rôle, à mon sens, d'un podiatre n'est pas de traiter des
pieds, point; c'est d'avoir le "background" médical ou biologique voulu
pour savoir ce qu'il fait. C'est la première condition. Je suis ici
parce que j'ai de la sympathie pour la Société de podiatrie.
J'ai surtout de la sympathie pour les gens que je connais à la
Société de podiatrie, qui ont ma philosophie. A
l'Enfant-Jésus, on n'a pas accepté la Société de
podiatrie comme telle, on a accepté un individu jusqu'à ce que le
législateur se prononce.
Ce que nous voudrions, par exemple, c'est que le podiatre soit quelqu'un
qu'on puisse utiliser. Quant à nous, médecins, et quant à
moi, orthopédiste, nous allons continuer à faire des
opérations sur le pied, que le podiatre soit là ou non. Je vais
peut-être continuer on peut m'en blâmer et on va
peut-être continuer à faire des opérations qui sont
destinées à un échec parce qu'on n'a pas ensuite, dans le
soulier, l'orthèse intelligente voulue pour continuer ou pour
améliorer le résultat de la chirurgie. On peut encore faire
ça, on le fait déjà malheureusement, peut-être parce
qu'on n'est pas assez compétent dans ce domaine particulier ou
peut-être parce que ce n'est pas la mode, mais nous irons, je
l'espère, plus loin.
D'où vient le rôle du podiatre? A mon sens, il peut avoir
quatre rôles bien précis sans nuire au médecin, sans
peut-être, nuire aux techniciens en orthopédie, appelez-les
mécaniciens en orthopédie ou prosthétistes. Le
prosthétiste a un rôle bien défini qui est autre que celui
du podiatre; il a un rôle différent. Quant aux autres techniciens
qui gravitent autour de la profession de podiatrie, c'est une autre paire de
manches. Mais le podiatre, à mon sens, je le verrais facilement pour
faire de la médecine préventive. Il s'agit de voir le nombre
d'enfants en clinique pour s'apercevoir qu'un pied plat qui n'est pas ou qui
est mal traité peut non seulement conduire à du trouble au niveau
du pied mais tantôt, en fin de croissance ou en cours de croissance,
à de l'arthrite au niveau du genou, à un mauvais alignement du
membre. Il faut voir aussi, en médecine préventive, que si on
avait pris un poupon à la naissance, avec le pédiatre parce qu'il
l'a reconnu, avec le podiatre parce qu'il lui a fait des orthèses au bon
moment et au bon âge, ce que cela pourrait donner comme résultat
à quinze ans. Il faut voir ce que cela pourrait éliminer de
pathologie à quinze ans, qui n'aurait pas raison d'exister.
Donc, médecine préventive. Je verrais facilement le
podiatre bien qualifié en milieu scolaire
pour orienter les patients. Le podiatre bien qualifié, ce n'est
pas le gars qui lève le bout du pantalon et qui regarde les pieds. C'est
le gars qui met au patient une jaquette d'hôpital et qui sait regarder
les membres inférieurs, le bassin, la scoliose qui existe ou celle qui
se formera. C'est ça un podiatre. Donc, en médecine
préventive, il a un rôle.
Deuxièmement, en hygiène, il a un rôle. Combien de
patients souffrent de leurs pieds parce qu'ils ne connaissent pas les soins
hygiéniques qu'un podiatre pourrait leur enseigner par de la propagande
ou autrement dans le but de renseigner le public? Combien y en a-t-il qui
souffrent d'hyperthidrose, de sudation exagérée au niveau des
pieds, que les podiatres pourraient traiter et aider? Nous autres,
médecins, nous occupons-nous de ça en général? Non,
malheureusement, parce que nous n'avons pas le temps de nous en occuper.
Combien de souliers, chez les femmes surtout, il y a quelques
années, parce que la mode est meilleure maintenant, ont provoqué
des oignons, des hallux valgus. Si ces gens avaient été pris par
les podiatres et contrôlés, nous aurions pu avoir quelque chose de
plus.
Troisièmement, traitement médical du pied. Je vois
facilement des traitements médicaux du pied qui ne sont pas
nécessairement des prescriptions longues comme celles d'un
médecin ou qui ne traitent pas un diabète. Il y a les
déséquilibres statiques du pied. Une callosité au niveau
d'un pied qui est provoquée par un valgus ou un écartement
externe de la jambe, c'est un déséquilibre statique. Il y a le
traitement médical au niveau des déséquilibres dynamiques,
les patients qui ont eu une polio, par exemple, qui ont des faiblesses
musculaires mais qui ont un pied mal foutu et qu'on pourrait chausser avec des
orthèses.
Finalement, traitement chirurgical ou postchirurgical en conjonction
avec le chirurgien. On a orienté notre pathologie, on l'a dirigée
et, finalement, on a besoin d'une opération, on veut améliorer
notre résultat. Là, je parle comme chirurgien. Il n'y a pas un
chirurgien qui n'est pas intéressé à améliorer son
résultat. Je suis convaincu d'après l'expérience que nous
avons, qu'on peut améliorer le résultat avec un podiatre qui
sache faire des orthèses non pas des prothèses, des
orthèses c'est-à-dire des semelles orthopédiques,
des bandages orthopédiques pour améliorer notre résultat.
Parce que la chirurgie du pied, malheureusement, comme n'importe quelle
chirurgie ne redonne jamais un pied normal ou pratiquement jamais un pied
normal quand un pied est déjà affecté.
A mon sens, ce sont les quatre rôles principaux qu'un podiatre
devrait avoir, à condition qu'il soit bien qualifié. Je voulais
dire, parce qu'on a déjà une expérience, qu'on a
déjà vu un nombre important de patients dans une clinique
spéciale de pied, en conjonction avec un podiatre. Je pense que ces gens
devraient avoir plus de pouvoirs. Ils devraient avoir aussi des privi-
lèges bien spécifiques, non pas comme une corporation
séparée mais comme professionnels de la santé. Je vous
remercie.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier la Société des
podiatres pour ce mémoire. J'ai trois questions, en fait, à
poser. La première: vous nous avez dit que l'Association des podiatres
ne compte que deux membres. J'aimerais savoir si ce sont des membres
formés, selon vous, d'après l'approche de médecine
podiatrique je ne sais pas si c'est l'expression juste à
laquelle vous avez fait référence.
J'aimerais également que vous me disiez quelle est la
différence ou quelles sont les différences entre les membres de
votre société et les membres d'un autre groupe qui nous ont
présenté un mémoire, groupe qui n'est pas ici aujourd'hui,
et qui s'intitule praticiens en podiatrie et qui se disent 200. Il semble y
avoir trois groupes...
M. GRAN: Il y a trois groupes bien définis. Il y a le DPM, Doctor
Podiatrist Medecine, qui demande cinq ans. Les membres de l'Association des
podiatres ont obtenu ce diplôme par équivalence. Au départ,
d'après nos renseignements, c'était à peu près un
cours de trois ans. Mais comme les Etats-Unis, d'année en année,
augmentaient les cours, par équivalence on leur a donné un
diplôme pour finir, le diplôme général qui couvre les
Etats-Unis, diplôme de médecine podiatrique. Alors, ces deux
membres ne font pas de la podiatrie à temps plein, ils ne s'en occupent
qu'à temps partiel.
Maintenant, dans le groupe des praticiens en podiatrie, ce sont des gens
qui ont eu un cours à Montréal et qui reçoivent un
diplôme sous le nom de pédicurie scientifique. Ce cours, qui
était de 45 heures il y a quelques années, est actuellement de 75
heures. On le donne au public avec les responsabilités que cela peut
causer et c'est cette chose-là que nous voudrions éviter. Nous
voulons qu'ils deviennent des professionnels de la santé, dûment
structurés et qualifiés pour éviter les erreurs ou les
accidents que peuvent faire ces gens non qualifiés sur le marché
du travail.
M. CASTONGUAY: Est-ce que vous avez des exemples de problèmes qui
résultent des traitements de personnes par des gens qui n'ont pas un
certain niveau de formation?
M. GRAN: Les arthérites, par exemple, si vous n'êtes pas
capable, par votre formation, de prévoir une maladie de Léo
Burger, une trombo-angéite oblitérante, une maladie de Raynaud,
vous pouvez soigner un cas ou poser un acte, le faire saigner, pensant soulager
votre patient, et entraîner dans un temps très court une
gangrène qui va nécessiter l'amputation du membre.
Vous pouvez prendre un phlyctène diabétique pour
simplement une pustule de pied d'athlète et déclarer une
gangrène diabétique. C'est justement cela, la formation
professionnelle. Nous avons eu évidemment des amputations. Nous ne
pouvons pas nommer les gens. Nous l'avons su et nous ne pouvons rien faire,
n'étant pas en corporation professionnelle. Il n'y a aucun code pouvant
dire: Voilà, on a eu telle chose. On a prévenu le Collège
des médecins qui nous aide un peu, qui a déjà poursuivi
certains charlatans, mais, évidemment, ce n'est pas une corporation, ils
ont leurs propres problèmes, mais c'est simplement pour nous faire
plaisir qu'ils vont poursuivre ces gens-là. Ce n'est pas suffisant pour
protéger le public.
M. CASTONGUAY: Ma deuxième question. Est-ce que,
présentement, parmi vos 57 membres, la plupart pratiquent hors des
hôpitaux, dans des cabinets privés? Est-ce que, selon vous, vous
voyez plutôt une évolution dans le sens de celle indiquée
par le docteur Fortier, c'est-à-dire évolution vers une pratique
qui s'inscrirait toujours davantage dans les hôpitaux, dans les cliniques
où on retrouverait divers professionnels, de telle sorte qu'on en arrive
à la complémentarité dont il a été question,
et aussi de telle sorte que, lorsqu'on parle de prévention, qu'on
n'expose pas les gens à de l'information extrêmement
frangmentée; qu'on puisse parler de prévention de façon
plus organisée, touchant plus d'aspects.
M. GRAN: Il y a certainement beaucoup de débouchés dans
les hôpitaux. Mais, dans les structurations actuelles, nous ne pouvons
pas couvrir les hôpitaux par le fait que nous n'avons pas de corporation
professionnelle. Nous pouvons le faire à titre privé, comme je
l'ai fait moi-même. De plus, je pense que le podiatre va continuer
à recevoir, pour une période assez longue, son patient
directement. C'est ce qui en fait le risque.
Maintenant, avec l'évolution de la médecine de groupe, le
membre inférieur n'étant pas une entité
séparée, cela nous oblige à des rapports constants avec le
corps médical, soit au niveau de la circulation, soit au niveau de
l'orthopédie. Si nous avons jugé que nous étions inaptes
à soigner cette personne et qu'elle devait subir une cure chirurgicale,
soit au niveau d'une maladie systémique comme le diabète, une
artérite ou d'autres choses qui peuvent apparaître, ou une maladie
infectieuse à staphylocoques ou autres qui demandent un traitement de
base à l'antibiotique assez important, nous ne pouvons pas prendre la
responsabilité de cela.
Alors, les podiatres de la société travaillent à
peu près à 70 p.c. de leurs références avec le
corps médical. Pour ma part, c'est ce que je fais: entre 70 p.c.
à 80 p.c, ce sont des prescriptions de médecins. Moi-même,
dans mes patients nouveaux que je reçois, j'en réfère
à peu près 50 p.c. au corps médical. Il y a donc
continuellement un lien entre le podiatre et le médecin. Il serait
difficile de le séparer ou de faire une ligne de démarcation.
M. CASTONGUAY: Pourriez-vous, enfin, me dire qu'est-ce qu'apporterait de
plus la définition que vous proposez à la page 2 de votre
mémoire par rapport à la définition qui apparaît
à l'article...
M. CLOUTIER (Montmagny): A l'article 6. M. CASTONGUAY: ... 6 du projet
de loi?
M. PHILIPPON: Je pense que le grand avantage de la proposition que nous
faisons, c'est d'exclure, c'est de procéder négativement en
empêchant qu'un domaine d'activité ne puisse être
interprété comme étant permis. Alors, les paragraphes 1,
2, 3 et 4, qui sont mentionnés à la page 2 de notre
mémoire, c'est en somme l'exclusion des actes médicaux suivants
pour empêcher qu'il n'y ait des problèmes
d'interprétation.
M. CASTONGUAY: Cela n'ajoute rien à la définition de
l'article 6. C'est pour assurer plus de précision, si je comprends
bien.
M. PHILIPPON: Evidemment, cela va plus loin. A l'article 6, on parle du
traitement des affections locales qui ne sont pas des maladies du
système. Dans notre proposition, nous disons que c'est "le traitement
des affections locales des pieds qui ne sont pas le propre d'une pathologie
générale, ou l'acte fait sur prescription médicale." A ce
moment-là, on ajoute la référence aux podiatres par
prescription médicale comme étant un acte qui est
nécessairement permis, toujours en excluant les quatre paragraphes qui
suivent. Autrement dit, il y a le traitement des affections locales qui ne sont
pas d'ordre pathologique et les autres qui sont sur prescription
médicale.
M. CASTONGUAY: Et qui, là, pourraient être d'ordre
pathologique ou par leur nature, s'apparenter davantage...
M. PHILIPPON: C'est ça.
M. CASTONGUAY: ... à des actes médicaux.
M. PHILIPPON: C'est exact, oui. C'est comme ça que je comprends
la définition que nous avons proposée.
M. GRAN: Pour un diabétique, il est difficile de prendre sur
nous-mêmes le traitement. Nous ne voyons pas le soin d'un pied
diabétique comme une entité seule. Il faut qu'il soit justement
soigné. Il faut d'abord le référer au praticien qui nous
autorisera à ce moment-là, à faire le traitement d'un
pollapidus, par exemple, qui constitue à débrider des
ulcères perforantes,
des choses comme ça. Elles sont une suite du traitement
podiatrique, après intervention du médecin traitant.
M. LECLERC: M. le Président, puis-je me permettre
d'interpréter le sens de la fin du premier paragraphe, "pathologie
générale, au lieu de maladies du système? Si je comprends
bien d'ailleurs, je suis d'accord avec cet article si on parle de
maladies du système, on parle de diabète, de choses dans cet
ordre. Mais, si on est plus large et qu'on dit "pathologie
générale," cela veut dire qu'ils se restreignent eux-mêmes,
en fait.
Parce qu'une pathologie générale, cela peut être une
maladie statique du pied qui est causée, par exemple, par une torsion
fémorale anormale. Mais une torsion fémorale anormale, ce n'est
pas une maladie du système. Si vous ne précisiez pas cela, cela
voudrait dire que le podiatre qui voit un pied avec une torsion fémorale
pourrait, théoriquement, s'occuper de la torsion fémorale. Ce
n'est pas une pathologie du système, c'est une pathologie
générale. Je pense que c'est dans ce sens que la petite
différence a été indiquée.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Le député de
Wolfe.
M. LAVOIE (Wolfe): Selon vous, de qui relèverait, supposons, le
soin d'une verrue plantaire? Est-ce que cela relève du pédicure
ou du podiatre?
M. GRAN: Nous pensons que cela relèverait du podiatre, d'abord
parce que nous pouvons avoir affaire à des tumeurs à la place de
verrues; c'est très rare mais cela peut arriver. Deuxièmement,
les verrues sont souvent récidivantes et c'est un virus. Il faut avoir,
évidemment, la formation scientifique pour pouvoir dire, d'abord,
à quel sorte de verrue nous avons affaire. Il y a des verrues en
mosaïque, des verrues sèches, des verrues arides. Ce sont des types
différents de tumeurs bénignes mais qui ne peuvent être
traitées que par celui qui a une formation biologique ou universitaire
adéquate. Laisser au pédicure le soin de traiter les verrues a
déjà causé des accidents et il s'en reproduira
certainement d'autres.
M. LAVOIE (Wolfe): Que deviendrait le groupe de pédicures, si
vous voulez? Il y a une rue complète ici, à Québec, que
j'ai remarquée, où ce sont quasiment tous des pédicures.
Ils soignent les cors et je ne sais quoi.
M. GRAN: Il nous est très difficile d'en juger. Nous pensons que
ces gens sont des pédicures esthétiques. Ce sera peut-être
au gouvernement de faire les lois en conséquence. Nous ne voulons pas
les exclure. Si l'individu peut se recycler et suivre ce que nous avons fait,
nous, nous serons contents de le prendre dans nos rangs. Mais s'il n'est pas
apte, nous pourrions le laisser, pendant quelque temps, pratiquer sa
pédicurie. Mais nous voyons difficilement en remettre d'autres sur le
marché, parce que leur rôle est esthétique et non
médical. Nous ne voyons pas non plus, si nous sommes inclus un jour dans
l'assurance-maladie, que pour madame qui a des petits souliers pointus le
gouvernement se mette à payer des honoraires chaque mois. Nous ne
pensons pas voir la podiatrie dans cet ordre.
M. PHILIPPON: M. le Président, si vous me le permettez,
j'aimerais demander à Jacques Richer d'exposer le côté de
l'enseignement, qui est une des préoccupations majeures de la
société.
M. RICHER: Brièvement, j'ai été amené
à rencontrer la Société de podiatrie pour lui donner des
cours en biologie, ce qui est entièrement dans mon domaine. A la suite
de ces cours que 85 p.c. de ses membres ont suivi, toujours orientés
vers un perfectionnement de leur pratique podiatrique, on a aussi
été amené à collaborer à divers paliers du
domaine de l'éducation. C'est à peu près à ce
niveau que je peux les conseiller, moi-même travaillant à
l'organisation de programmes en biologie, à l'éducation
permanente, et ayant aussi des rapports avec la direction
générale de l'enseignement secondaire et collégiale.
Même, actuellement, nous sommes en train d'établir des liens, un
dialogue avec le Conseil des universités, de façon à
vraiment préparer de futurs podiatres qualifiés dans le sens
où on a toujours parlé depuis l'intervention tantôt
des podiatres qualifiés.
Actuellement, les démarches en sont à ce point-ci. Nous
dialoguons avec le Conseil des universités, de façon à
établir un cours de trois années, après les études
collégiales générales, qui mènent évidemment
je parle des études collégiales orientées vers les
structures d'accueil universitaires en sciences de la santé
à un baccalauréat spécialisé en podiatrie.
Après consultations auprès de médecins, auprès
d'orthopédistes, nous en sommes venus à la conclusion que le
podiatre, tel que défini et tel qu'il vous a été
présenté depuis l'intervention de tantôt, serait vraiment
qualifié avec les structures de cours que nous proposons
actuellement.
Il faut dire qu'on a débuté avec un cours de recyclage
pour les membres actuels. Nous sommes actuellement en train de préparer
un futur cours pour le futur podiatre qui serait, pour donner une
approximation, l'équivalent du cours d'ergothérapie tel que
décrit ce matin. Il y aurait un baccalauréat
spécialisé en podiatrie, après trois années
d'études universitaires à la sortie du collège. Or,
évidemment, ce cours
contiendra beaucoup de crédits, la majorité des
crédits en sciences biologiques, en biochimie, en chimie et aussi en
techniques podiatriques. Ce sera vraiment, selon les médecins et les
orthopédistes que nous avons pu consulter, une innovation puisqu'il faut
innover en ce qui concerne les cours de podiatrie au Québec.
Je pense qu'à ce stade on peut qualifier la Société
de podiatrie de vraiment honnête et elle veut préparer ses membres
à une fonction bien définie, professionnelle, qui sera en accord
avec le dialogue établi avec les universités, le Collège
des médecins et les autres professionnels de la santé.
M. LAVOIE (Wolfe): Les produits du Dr Scholl que nous voyons un peu
partout, est-ce que cela serait dans le même genre?
M. RICHER: Absolument pas. C'est un cours tout à fait
nouveau.
M. PERREAULT (Ronald): Je vais me permettre de répondre à
cette question. J'ai tenté ma propre expérience. Vous avez connu
un peu mon histoire personnelle tout à l'heure. Hier soir on m'a
demandé de ne pas parler d'un séjour que j'ai fait à
Chicago pendant deux mois. Mes parents ont dépensé
énormément d'argent pour m'envoyer à Chicago à la
compagnie du Dr Scholl, où normalement j'étais censé
apprendre certaines choses au niveau du pied. Tout ce que j'y ai appris, je
suis bien honnête en le mentionnant, je n'ai rien à cacher, il ne
faut pas rêver en couleurs, j'ai les deux pieds à terre,
c'était simplement de vendre des bebelles, purement et simplement. Cela
ne rend aucun service à la population. J'irai même plus loin. Sur
leur étiquetage, la précaution à prendre est très
peu indiquée. On retrouve dans nos bureaux, certaines fois, des
diabétiques qui ont utilisé ce produit. Cela endommage leur pied
et coûte plus cher qu'une consultation chez le podiatre. Cela peut aller
jusqu'à leur causer une gangrène diabétique et même
l'amputation parce qu'ils ont acheté ce qu'on appelle communément
un "Blue Jay".
En ce qui concerne les orthèses, pour en confectionner une, il
faut calculer le pied de la personne dans l'espace je m'excuse si c'est
technique. Par la suite, le calculer en position statique, le calculer en
mouvement, établir une moyenne et faire la fabrication. Ce n'est pas un
appareillage qu'on fabriquera à l'avance et qu'on donnera à un
patient.
Vous voyez difficilement un dentiste vous donner une prothèse
dentaire sans prendre d'empreintes, sans examen. Vous voyez difficilement un
optométriste vous donner une paire de lunettes sans examen. En ce qui
concerne le domaine du pied, c'est exactement la même chose.
M. LAVOIE (Wolfe): Qu'est-ce que vous pensez du support qui se vend pour
ajuster l'arche du pied?
M. PERREAULT (Ronald): C'est ce que je viens de vous mentionner. Vous ne
voyez pas un dentiste...
M. LAVOIE (Wolfe): Vous avez parlé des "Blue Jay".
M. PERREAULT (Ronald): Cela ne rend absolument aucun service. Vous
rencontrerez des personnes, par exemple, qui ont une voûte qui est
extrêmement prononcée. Mettez ce que vous voulez à
l'intérieur, cela les soulagera. Mais si vous prenez quelque chose qui
est fait pour elles, pour leur problème, cela aidera
réellement.
M. LAVOIE (Wolfe): C'est semblable à la médecine
générale. Il y a peut-être 50 p.c. de subjectif. Le seul
fait d'avoir ce support dans son soulier soulage la personne.
M. PERREAULT (Ronald): Je vais laisser répondre mon
confrère.
M. DESFORGES: Vous parlez de support acheté dans un commerce
quelconque. Est-ce qu'on achèterait un dentier dans une pharmacie ou un
magasin quelconque? C'est là qu'est la réponse. Il faut quelque
chose sur mesure et adapté à la statique du pied.
M. LE PRESIDENT: Le ministre a une question.
M. DESFORGES: C'est du point de vue de l'orthèse.
M. CASTONGUAY: Vous n'avez pas de traitement pour ceux qui raisonnent
comme des pieds?
M. DESFORGES: Pardon?
M. CASTONGUAY: Je ne vise personne, je ne voudrais pas commencer une
discussion, il fait assez chaud.
M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, je veux remercier
Me Philippon et la délégation de la Société de
podiatrie de la province de Québec.
M. DESFORGES: A titre de président de la société,
j'aimerais remercier M. le président, M. le ministre, ainsi que les
députés de bien avoir voulu nous entendre.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux au 14 septembre,
à 1 0 heures.
(Fin de la séance à 17 heures)