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Version finale

29th Legislature, 3rd Session
(March 7, 1972 au March 14, 1973)

Tuesday, August 29, 1972 - Vol. 12 N° 80

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 250 - Code des professions et autres projets de loi connexes


Journal des débats

 

Commission spéciale des corporations professionnelles

Séance du mardi 29 août 1972

(Dix heures huit minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

La quinzième séance de la commission spéciale sur les corporations professionnelles commence. Les règlements, pour ceux qui ne sont pas au courant, sont les suivants: Les organismes disposent de vingt minutes pour exposer leur mémoire; suit ensuite une période de quarante minutes pour les questions de la part des membres de la commission à l'adresse des porte-parole des groupements. J'espère qu'on suivra les règlements parce que nous avons huit groupes à entendre aujourd'hui et nous voulons les entendre tous avant la clôture de la séance.

Tout d'abord nous entendrons le Collège des optométristes de la province de Québec, par son président, M. Jean-Louis Desrosiers.

Echec aux examens de 71 dentistes

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, avant de commencer, j'aimerais entendre les commentaires du ministre des Affaires sociales concernant les 71 dentistes qui ont subi leurs examens à l'université et qui n'ont pas réussi leurs examens au Collège des dentistes.

M. LE PRESIDENT: Je pense que l'ordre...

M. LAVOIE (Wolfe): Nous siégeons en commission ici sur les professions, et j'aimerais savoir ce qui en est des dentistes et 60 p.c. des avocats qui ont échoué leurs examens.

M. LE PRESIDENT: Si vous discutez cette question avec le ministre, à moins qu'il soit prêt à répondre...

M. CASTONGUAY: Je peux donner une réponse très brève.

M. LE PRESIDENT: Mais je ne veux pas que ça crée un précédent, parce que nous allons ouvrir cette commission à toutes sortes de questions sur toutes sortes de professions. Demain, M. Vézina posera une question sur les avocats, comme M. Paul l'a dit...

M. PAUL: M. le Président, vous n'avez pas le droit de me prêter d'intentions. D'abord, demain, la commission ne siège pas. Et la question de mon collègue est fort pertinente, parce que nous sommes devant le ministre des Affaires sociales.

M. LE PRESIDENT: Oui, mais nous avons une liste d'organismes qui doivent présenter leur mémoire. Cette commission ne fait pas une enquête de tous les problèmes du ministre des Affaires sociales ou des corporations; cependant, comme je le disais, si le ministre veut répondre. Je ne veux pas toutefois que ça crée un précédent.

J'avise le ministre que c'est la première et la dernière fois que je lui donne cette permission.

M. CASTONGUAY: Nous sommes très respectueux de votre autorité. La raison pour laquelle il me fait plaisir de répondre est la suivante: ma réponse peut donner un certain éclairage dans l'analyse de certaines dispositions des projets de loi que nous étudions.

J'ai rencontré, hier matin, le comité exécutif du Collège des chirurgiens dentistes, de même que les représentants des trois facultés. Nous avons fait la revue de ce qui s'est produit l'an dernier, et le problème se situait principalement chez les étudiants de la faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal.

Grâce au bon travail du médiateur que nous avions nommé, Me Bruno Meloche, le dialogue s'est établi, même si c'était tard dans l'année, entre la faculté, les étudiants et le collège. Au lieu de s'en tenir à la procédure très stricte d'un examen final en présence d'assesseurs du Collège des chirurgiens dentistes, étant donné que la faculté n'administre plus d'examen final, mais plutôt évalue le progrès des étudiants, il a été convenu de donner à ceux qui ne s'étaient pas soumis à l'examen prévu par le collège — c'était la très grande majorité des 65 étudiants — une autorisation spéciale de pratiquer. Cette autorisation spéciale est pour une période limitée au cours de laquelle le collège exerce un contrôle et aussi évalue le travail des diplômés de l'Université de Montréal.

Je voudrais mentionner que, pour l'année terminée, heureusement, il ne semble pas que des diplômés de l'Université de Montréal aient à cause de cet imbroglio quitté le Québec pour aller pratiquer à l'extérieur. Il y en a quelques-uns qui sont allés à l'extérieur se spécialiser, un nombre très limité ; quelques-uns sont allés dans l'armée canadienne. A l'exception de ces deux catégories, il semble que tous les autres demeurent au Québec. Quant à l'année qui commence, les facultés et le collège ont convenu qu'il était important qu'ils s'associent dans la révision des programmes de formation de telle sorte que ces programmes soient à la fois satisfaisants au plan scolaire pour l'université et pour le collège au plan professionnel, et que le collège puisse s'associer aux facultés dans les mécanismes d'évaluation régulière des progrès effectués par les étudiants; en définitive, c'est la proposition qui est faite dans le projet de loi no 254 pour les chirurgiens dentistes.

Alors, c'est ça, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Merci. Nous procédons de façon normale.

Collège des Optométristes

M. DESROSIERS: Mon nom est Jean-Louis Desrosiers, optométriste de Mont-Joli. La délégation du collège se compose de Armand Bastien, ex-président, de Bernard Poliquin, vice-président, de Claude Gareau, registraire, de Me Robert Lesage, conseiller juridique, et de Pierre Crevier, ex-président.

M. LE PRESIDENT: M. Desrosiers, normalement, on fait son exposé assis.

M. DESROSIERS: Oui?

M. LE PRESIDENT: A votre choix. Si vous aimez mieux parler debout, comme les bons politiciens, c'est votre affaire.

M. DESROSIERS: Je joue la carte debout. M. LE PRESIDENT: D'accord.

M. DESROSIERS: En premier lieu, le collège désire remercier les membres de la commission de l'occasion qui lui est fournie d'exposer ses vues sur l'ensemble de la réforme du droit professionnel proposée par le gouvernement. La présente audition revêt, pour les optométristes du Québec, un caractère tout à fait spécial, pour ne pas dire historique. J'ai drôlement l'impression, devant vous, M. le Président, de passer un véritable examen, sachant que vous allez me questionner et que mes confrères m'écoutent en arrière.

Leur présence dans cette salle témoigne de la valeur que nous attachons aux travaux de cette commission. Il nous incombe donc, M. le Président, tout en essayant de respecter les règles de cette commission parlementaire, de vous exposer le point de vue du Collège des optométristes sur différents projets de loi et de vous faire comprendre que leur application, sous leur forme actuelle, irait à l'encontre même des objectifs poursuivis, à savoir la protection du public, l'accessibilité et la rentabilité des services de santé.

Au sujet du projet de loi no 250, voici nos commentaires. La loi proposée dans son ensemble invite à s'interroger sur la justification même de l'existence des corporations professionnelles. Ces corporations sont constituées de groupements d'individus qui ont une activité commune. La corporation professionnelle donne un cadre juridique à ce groupement d'individus qu'elle définit et la corporation assume des obligations en échange de certains droits exclusifs conférés à ses membres. Il faut se garder ici de parler de privilèges bien qu'on ait eu souvent tendance à le faire. Ce que l'on appelle "privilèges" n'est en sorte que des droits exclusifs, fonction de la compétence, et ces droits exclusifs existent aujourd'hui dans toutes les occupations requérant une certaine habileté ou compétence, qu'on les appelle métiers ou professions.

La corporation professionnelle offre donc la particularité d'avoir une certaine autonomie administrative. S'il n'y a plus d'autonomie, il n'y a plus de corporation professionnelle. La corporation devient alors un instrument de contrôle de l'Etat, la corporation professionnelle est dénaturée et il y a lieu de craindre que la spontanéité et le dynamisme des membres soient canalisés vers d'autres mécanismes, que les membres aient tendance à se recroqueviller sur eux-mêmes pour ne défendre que leurs intérêts économiques.

Dans une telle perspective, il est normal de penser que l'Etat pourrait quand même faire appel aux groupements professionnels unifiés dans des syndicats pour établir les mécanismes de contrôle de la compétence. On se retrouverait alors dans une situation similaire à celle que l'on constate aujourd'hui et qui permet de confier à un même organisme le rôle de défendre à la fois les intérêts économiques de ses membres et les intérêts du public.

Evidemment, il y a toujours la possibilité du contrôle direct par l'Etat des activités professionnelles. Faisant abstraction des termes de la législation proposée, nous avons lieu de croire, en nous appuyant sur des déclarations récentes et sur le rapport de la commission Castonguay-Nepveu, que tel n'est pas le désir du gouvernement qui favorise plutôt l'autogestion tempérée des professions. Le Collège des optométristes, M. le Président, trouve singulier que l'on ne retrouve pas dans le contenu global de la législation suggérée les rudiments essentiels à une forme de cogestion authentique et efficace.

C'est pourquoi il s'est vu obligé d'interpréter le projet de loi no 250 comme un envahissement de l'Etat dans les activités des corporations professionnelles et non comme un désir légitime du législateur d'exercer une surveillance des corporations professionnelles dans l'accomplissement de leurs fonctions.

Si nous estimons qu'il appartient à l'Etat de formuler et d'organiser des objectifs politiques et sociaux de manière qu'ils deviennent une source de performance pour les corporations, nous croyons toutefois que l'Etat doit se concentrer sur les prises de décision et de direction en confiant les tâches d'exécution aux directions opérationnelles des corporations, chacune ayant son propre rayon d'action et sa propre autonomie. Il se trouve que la corporation professionnelle est actuellement l'organisme le mieux équipé pour servir d'agent d'exécution dans le domaine de l'administration du droit professionnel, et l'Etat doit lui permettre de continuer à se diriger elle-même en lui attribuant un degré d'autorité proportionnelle aux lourdes responsabilités qui lui sont conférées.

A la lecture du bill 250, tel que libellé, force nous est de reconnaître cependant que le législateur retirerait sa confiance aux corporations professionnelles en ne leur consentant que de maigres pouvoirs qui, à toutes fins prati-

ques, seraient presque nuls sans l'autorisation continuelle du lieutenant-gouverneur en conseil. Le Collège des optométristes deviendrait donc strictement un organisme consultatif sans pouvoir décisionnel. Le collège ne serait appelé qu'à jouer un rôle de conseiller du lieutenant-gouverneur en conseil.

Nous soumettons donc que l'Etat ne doit pas confier au gouvernement tous les pouvoirs qu'il veut lui attribuer par cette loi, mais accorder sa confiance aux corporations professionnelles, animées qu'elles sont de l'esprit de favoriser l'exécution de leur profession dans l'intérêt du public, et aiguillonnées qu'elles seront par une forme de cogestion que le Collège des optométristes accepte d'emblée.

C'est dans cet esprit qu'un nombre important de recommandations vous sont adressées aux fins de modifier le projet de loi no 250. D'autres recommandations ont pour but de maintenir des mécanismes qui se sont avérés efficaces dans l'administration des affaires de la corporation, tels le maintien du comité de l'exercice professionnel et d'un comité d'examen des plaintes.

Enfin, certaines recommandations ont pour but soit d'assurer un traitement égal à tous les professionnels, soit d'assurer que les professionnels soient jugés avec équité dans le respect du secret professionnel et de l'honneur de la profession.

En adoptant le bill 250 tel que présenté en première lecture, nous soumettons respectueusement, M. le Président, que les corporations professionnelles seraient suradministrées et, comme l'a si bien exprimé Peter Drucker, dans son ouvrage intitulé La grande mutation, nous pensons "que le gouvernement pourrait augmenter son tour de taille et son poids, mais qu'il ne pourra augmenter sa puissance, son intelligence et son efficacité".

Voilà pour le bill 250. Je passe immédiatement au projet no 256 qui nous intéresse en particulier. Pour le projet de loi 256, nous voulons couvrir certains champs de façon assez explicite avec le minimum possible de mots afin d'épargner votre temps. Le champ d'exercice. A la lecture du bill 256, les optométristes ont vivement réagi devant la menace de se voir amputés de certaines activités professionnelles et de leurs moyens thérapeutiques. La loi proposée constitue une limitation effective du champ d'action optométrique et une entrave à l'évolution scientifique normale. Elle révèle une méconnaissance totale du rôle de Poptométriste et entraîne l'avènement d'une ère d'inaccessibilité aux soins visuels. La définition de l'optométrie contenue dans le projet de loi no 256 et la définition encore plus restrictive proposée par l'Association des ophtalmologistes du Québec rejettent près de trois quarts de siècle d'évolution scientifique, un demi-siècle de formation universitaire et placent quelques centaines d'op-tométristes répartis aux quatres coins du Québec devant la seule éventualité de fermer leur bureau et de chercher une nouvelle orientation. Que dire alors des centaines d'étudiants qui fréquentent présentement l'Université de Montréal?

La définition de l'optométrie que l'on nous propose dans le bill 256 non seulement risque de stériliser et de freiner le progrès scientifique en optométrie, mais prive Poptométriste de certaines activités qu'il a déjà le droit d'exercer en vertu de la loi actuelle. Cette définition dissocie carrément les services thérapeutiques des services diagnostiques; elle dénie la responsabilité professionnelle de l'optométriste.

Or, le Collège des optométristes déclare qu'en vertu du deuxième paragraphe de l'article 17 de la Loi des optométristes et opticiens, chapitre 237, Statuts refondus du Québec, 1964, l'optométriste a le droit et, de fait, utilise tous les moyens thérapeutiques orientés vers les problèmes de la vision. L'exercice de l'optométrie a pour objet non seulement de diagnostiquer mais également de traiter les problèmes de la vision d'un être humain. L'optométrie est, d'autre part, universellement reconnue comme étant la science de la vision.

Il est absolument faux de prétendre, comme le font certaines personnes qui se plaisent à créer sciemment la confusion et l'ambiguité, que la législation actuelle fait appel à la notion d'acuité visuelle pour définir l'optométrie, tandis que le bill 256 a recours à une notion différente qui est celle de la vision. En effet, l'article 17 de la Loi des optométristes actuelle fait appel à la notion d'acuité de la vision et non pas d'acuité visuelle. L'interprétation restrictive à laquelle nous vous référons plus haut s'oppose systématiquement à l'esprit et à la lettre de la Loi des optométristes et ainsi qu'à l'économie de plus de 70 textes de loi que nous avons consultés.

Il est évident que cette stratégie vise à rapetisser l'optométrie et à la ravaler au niveau des occupations techniques. Le Collège des optométristes a proposé au ministère des Affaires sociales, suite à l'approbation de l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal, une définition qu'il adapte, dans sa recommandation 64, à la formule législative employée dans tous les projets de loi actuellement à l'étude. Le collège tient à rappeler que les soins optométri-ques doivent comprendre, pour être complets, la prévention, l'examen, le diagnostic, la rééducation, le traitement et le contrôle de la thérapeutique.

Voilà pourquoi, M. le Président, la définition contenue dans le projet de loi 256 ainsi que celle préconsiée par l'Association des ophtalmologistes deviennent inacceptables. Ces positions sont irréalistes et provoqueraient une dégradation dans la qualité des services rendus par les optométristes en raison des limitations qu'elle susciterait tant au niveau de l'examen que de la thérapeutique.

Un autre chapitre que nous voulons traiter devant vous, M. le Président, est la question de

la dispensation des lentilles ophtalmiques. La dispensation des lentilles ophtalmiques est un droit reconnu aux optométristes par la législature depuis plus de 65 ans, afin de leur permettre de mieux servir la collectivité. Il ne s'agit pas seulement d'un droit acquis au sens protectionniste attribué généralement à cette expression mais bien d'une partie intégrante de la thérapeutique optométrique et ce, dans tous les pays où s'exerce la profession.

Si la logique permet à un dentiste de dispenser des prothèses â ses patients, à un médecin et à un dentiste de tenir et de fournir à leurs patients les médicaments, les produits pharmaceutiques et les appareils dont ils peuvent avoir besoin; à un médecin vétérinaire de tenir les médicaments, les produits pharmaceutiques et les appareils physiques de chimie ou de mécanique dont il peut avoir besoin et d'en faire usage dans l'exercice de sa profession; à un denturologiste de vendre, de fournir, de poser et de remplacer des prothèses dentaires sans ordonnance d'un dentiste, il serait intéressant de connaître les règles que cette même logique a empruntées pour défendre à l'optométriste de dispenser des lentilles ophtalmiques.

Le Collège des optométristes n'accepte pas ce défaut de logique et insiste pour que les mêmes règles s'appliquent équitablement à tous.

On a prétendu que la raison de pareilles interdictions serait d'éviter un conflit d'intérêts. Cet argument, M. le Président, ne résiste pas à l'analyse. Disons, d'abord, qu'il n'y a pas plus de conflit d'intérêts pour un optométriste qui dispense des lentilles ophtalmiques que pour un avocat qui recommande à son client de plaider. Nous pourrions citer de nombreux exemples, car un médecin qui recommande une intervention chirurgicale est la même personne qui fera l'intervention.

Tout jugement professionnel — cela me parait vital — implique un conflit d'intérêts virtuel.

Quant à faire dispenser les lentilles ophtalmiques par un groupe plus restreint, rien n'assure le public contre l'exploitation, si telle exploitation existe. Au contraire, en supprimant la concurrence, on augmente les risques.

Le Collège des optométristes affirme qu'un des facteurs primordiaux dans toute cette question de la dispensation des lentilles consiste à préserver la liberté de choix du patient. Le patient doit savoir et réaliser qu'il peut se procurer les aides optiques dont il a besoin à l'endroit qualifié de son choix. Aucune législation ne devrait le priver d'obtenir un service complet, un service global chez l'optométriste. Traditionnellement et historiquement, les optométristes ont toujours dispensé les produits ophtalmiques reliés à leurs services professionnels, permettant aussi au patient de faire reposer l'entière responsabilité de ses soins visuels sur un seul praticien.

Cette pratique offre l'avantage d'éliminer un partage inutile de la responsabilité dont la clientèle fait souvent les frais lorsqu'un service est déficient. L'évaluation d'un problème visuel, l'ordonnance, l'exécution de l'ordonnance par une seule personne, en l'occurrence l'optométriste, présentent de multiples avantages pour le patient au plan de la qualité, de la continuité, de l'accessibilité et de l'économique. De plus, étant donné que la fabrication, l'application et l'ajustement de ces aides visuelles sont intimement reliés à leur degré d'efficacité, il est évident que l'on ne saurait dissocier les responsabilités légales et professionnelles de l'optométriste sans provoquer des inconvénients graves pour le patient.

Tandis que la responsabilité de l'ophtalmologiste est limitée à une obligation de moyens, la pratique de l'optométrie fait appel à l'unité de responsabilités et de résultats.

Le bris d'unicité, et d'unicité de responsabilités, pourrait ouvrir la porte à l'irresponsabilité et peut-être même à la dichotomie. La nature des actes étant changée, l'optométriste perdrait une partie de sa motivation. L'optométriste est un biophysicien qui possède une formation spéciale en optique, qui connaît les effets d'une lentille sur l'organisme et qui peut en contrôler les effets cliniques. Le fait de le priver de ce moyen thérapeutique diminuerait sensiblement la qualité de ses services.

Le Collège des optométristes est porté à croire que la loi proposée cherche une justification pour accorder des champs professionnels distincts. Cette conception idéologique est contredite dans les faits, car plusieurs professions chevauchent et il s'est avéré impossible d'établir une frontière légale dans tous les cas. Aussi le médecin continuera-t-il à pratiquer l'optométrie, le dentiste la denturologie, et on pourrait citer de nombreux exemples.

Il est indubitable qu'un tel chevauchement existe dans certaines disciplines. Et le fait de tirer une frontière légale serait nuisible à l'évolution de ces disciplines et à la qualité des services que le public est en droit d'espérer. La frontière légale ne doit exister que pour empêcher le chevauchement des contrôles administratifs. Ce n'est aucunement incompatible avec un chevauchement des activités professionnelles. C'est là une question d'un tout autre ordre.

S'il existe un chevauchement entre le domaine médical et le domaine de l'optométrie, ce chevauchement est à l'avantage du public, puisqu'il permet à des professionnels de disciplines différentes de faire valoir leur activité propre dans les champs qui chevauchent et de se compléter dans les champs qui se différencient.

Les frontières légales entre deux professions doivent empêcher l'hégémonie d'une profession sur l'autre, afin que chaque groupement professionnel puisse s'administrer lui-même. Ceci n'empêche pas le travail d'équipe. Encore faut-il que les équipes existent.

Au plan individuel, il existe de fait une

bonne collaboration entre la généralité des médecins et les optométristes. Mais si une véritable équipe multidisciplinaire existait, comme on souhaite que cela se produise dans les centres locaux de services communautaires et dans les centres hospitaliers, la loi corporative ne devrait pas, d'avance, en imposer l'organigramme.

Est-il besoin de souligner que le monde professionnel de demain ne sera pas un ensemble d'alvéoles rigides où chacun aura sa niche, mais au contraire un système d'une extrême souplesse en état de changements perpétuels?

Nous voudrions maintenant faire un rappel au sujet de la prise de position de la profession médicale. Le Collège des optométristes tient à rappeler que le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec ainsi que le Collège des optométristes sont les deux seuls organismes professionnels autorisés à se prononcer sur la dispensation des services visuels au nom des intérêts de la société.

Une mise en garde s'impose donc auprès des membres de la commission, afin que les représentations de la Fédération des spécialistes, ou encore de l'Association des ophtalmologistes soient correctement interprétées et que leurs prétentions soient situées dans leur véritable contexte. Ces deux organismes sont des syndicats professionnels dont la préoccupation majeure et primordiale consiste en la protection des intérêts socio-économiques de leurs membres.

Le Collège des optométristes trouve singulier, M. le Président, que le Collège des médecins ait invoqué la "technicité" et la complexité de l'optométrie pour se récuser alors qu'il n'a nullement ressenti le besoin de faire appel au même genre d'arguments lorsqu'il fut question de se prononcer sur l'art dentaire, la pharmacie, la radiologie, la chiropraxie, la podiatrie, la physiothérapie et les soins infirmiers.

Le Collège des optométristes désire souligner l'illogisme et la position contradictoire du Collège des médecins qui, d'une part, confesse son ignorance des connaissances aussi surspécialisées et qui, d'autre part, n'hésite pas à appuyer une définition mise de l'avant par un syndicat de médecins.

Nous trouvons donc inadmissible et inconséquent que le Collège des médecins, qui se targue d'être un organisme dont les activités sont avant tout centrées sur la protection du public, endosse aveuglément une définition dont la mise en application priverait la collectivité de services essentiels et provoquerait des injustices graves au plan de la qualité et de l'accessibilité des services.

Quant à nous, la position du Collège des médecins n'a rien d'étonnant car, depuis l'avènement de l'optométrie au Québec, c'est le Collège des optométristes et non le Collège des médecins qui a assumé presque exclusivement la responsabilité de protéger les intérêts de la population en matière de soins visuels et jamais, à notre connaissance, le Collège des médecins n'a attaqué la compétence ou la juridiction légale de l'optométriste lorsque ce dernier diagnostiquait ou traitait des problèmes de la vision.

Un autre petit chapitre très court, M. le Président, les relations en ophtalmologie...

M. LE PRESIDENT: Je l'espère, vous avez dépassé votre temps.

M. DESROSIERS: J'ai compris que vous aviez compris qu'en faisant une synthèse des bills 250 et 256, je vous épargnais vingt minutes.

M. LE PRESIDENT: C'est vingt minutes pour tous les mémoires.

M. DESROSIERS: Je voulais être gentil.

M. LE PRESIDENT: C'est vingt minutes pour tous les mémoires ensemble, mais on vous donne quelques minutes pour finir.

M. DESROSIERS: Vous êtes bien aimable.

Il est vrai que nous avons souligné lors de l'étude du bill 65 qu'il existe des sources d'incompréhension entre l'ophtalmologie et l'optométrie, mais il n'est pas moins évident que ces difficultés ne pourront jamais être aplanies en limitant, par voie législative, le champ d'activités de l'optométriste ou encore en brimant sa liberté thérapeutique. Si les services optométriques ne répondaient pas adéquatement aux besoins de la population, il y a déjà longtemps que l'optométrie aurait disparu, tant elle a été l'objet de malveillance, d'injustice, de discrimination et d'intolérance.

Le Collège des optométristes a tenté à maintes reprises au cours des dernières années d'amorcer un dialogue objectif et constructif avec la médecine afin que la santé publique ne subisse pas les malencontreux effets de ces dissensions. C'est ainsi qu'en 1962 le Collège des médecins, présidé par le docteur Ward, acceptait de nous rencontrer pour discuter des principaux problèmes qui se posaient aux deux professions. Le président de l'Association des optalmologistes, qui commençait alors une croisade longue de dix ans, préconisa purement et simplement la disparition de l'optométrie. En 1965, une nouvelle tentative est engagée. Le docteur Jobin, président du Collège des médecins, fit preuve d'ouverture d'esprit en accueillant favorablement notre demande. Le président de l'Association des optalmologistes imposa cette fois comme prérequis à toute discussion que l'optométrie accepte tout bonnement la tutelle de l'ophtalmologie.

Durant les années 1968, 1969, 1970, le gouvernement formait pas moins de six comités pour étudier certains problèmes relatifs aux soins optométriques. Cette initiative a également échoué pour les raisons suivantes. En

dépit du fait qu'il appartient à une corporation professionnelle de réglementer la surveillance, le contrôle des activités professionnelles, de même que la compétence des practiciens, le Collège des médecins transmit ses responsabilités au président du syndicat des ophtalmologistes. Le Collège des optométristes n'eut d'autre choix que de contester au président de l'Association des ophtalmologistes l'autorité et le droit de parler au nom de la santé publique.

Le président de l'Association des ophtalmologistes profitait alors de cette occasion pour tenter d'imposer ses vues à la table de négociation syndicale sur l'optométrie dont les travaux devaient heureusement conduire à une entente collective dans le cadre de l'assurance-maladie.

En 1972, l'Association des ophtalmologistes adopte une attitude qui dissimule à peine ses intentions réelles. D'une part, elle découpe un champ d'activité restreint pour l'optométrie et, d'autre part, elle s'apprête à sectionner tout le champ d'exercice de cette profession pour le confier à des auxiliaires médicaux. Or, le Collège des optométristes s'oppose à ces substitutions qui consistent à remplacer les professionnels compétents dans le domaine de la vision par des techniciens orientés dans une autre discipline. Le Collège des optométristes estime que les actes optométriques ne peuvent être accomplis par des aides médicaux, encore moins sans la surveillance immédiate et personnelle d'un spécialiste.

Au cours de la dernière décennie deux commissions d'enquête ont formulé des recommandations sur l'optométrie: la commission Hall et la commission Castonguay-Nepveu. L'absence complète d'optométristes tant au nombre des commissaires que des conseillers nous a valu plusieurs recommandations farfelues qui ne collent aucunement à la réalité. Ce qui est plus grave encore c'est que les statistiques qui sous-tendent certaines recommandations des commissions Hall et Castonguay-Nepveu en ce qui a trait à l'incidence générale de la pathologie oculaire et de la compétence des optométristes dans le dépistage de la pathologie oculaire, ne sont aucunement valables scientifiquement.

Pourtant, c'est en se basant sur ces données que les deux commissions ont conclu que les optométristes étaient susceptibles de mettre le public en danger. M. Lacasse, membre du département des sciences économiques de l'Université de Montréal, dans une étude effectuée pour la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, affirme qu'après un réexamen des sources sur lesquelles les deux commissions appuient leurs conclusions et à la suite d'un tour d'horizon et d'autres études pertinentes "il est impossible de les accepter ou du moins d'en tirer les mêmes règles d'action." M. Lacasse poursuit en disant que "ces conclusions sont décevantes parce que négatives. Les données existantes ne sont pas plus capables d'étayer solidement les jugements du rapport Hall que de les infirmer. "Les optométristes, croyons-nous, partagent alors le sort des autres praticiens du domaine de la santé parce qu'il est aujourd'hui impossible d'évaluer scientifiquement leur efficacité, la justesse de leur référence à d'autres spécialistes." Il ne saurait être question aujourd'hui de s'appuyer sur l'information fossile et souvent fallacieuse pour imposer des normes d'orientation obligatoires des cas pathologiques vers le médecin.

M. le Président, je vous remercie. Nous sommes à votre disposition.

M. LE PRESIDENT: Merci. Avant de passer aux questions, le groupe qui se trouve en arrière, dans la porte, pourrait venir se placer ici, il y a de la place.

Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais faire un simple commentaire en ce qui a trait au projet de loi 250 et poser une ou deux questions concernant le projet de loi no 256. En ce qui a trait au projet de loi no 250, il me semble qu'il y a une certaine ambiguïté ou une interprétation qui n'est pas exacte relativement à la présence de personnes non issues de la corporation ou d'une corporation professionnelle au niveau du bureau ou, encore, quant à certaines autres nominations qui peuvent être effectués au sein des organismes pour le fonctionnement d'un collège ou d'une corporation.

On semble confondre le principe et la nécessité ou l'utilité de la présence de membres en provenance de l'extérieur avec les mécanismes de nomination. La présence de membres de l'extérieur, pour retenir uniquement l'exemple du bureau des gouverneurs, est proposée afin de faire en sorte que les membres d'une corporation, malgré toute leur bonne volonté dans la discussion des problèmes qui se posent à eux, demeurent toujours conscients que leur rôle unique et premier est de protéger le public et non pas leurs propres intérêts. A ce sujet, on peut noter, par exemple, qu'en Angleterre ce qui est l'équivalent de notre Collège des médecins, depuis 1956, a introduit ce principe. Je pense qu'au cours des seize dernières années, si les résultats n'avaient pas été bons ou si cela avait été une mainmise de l'Etat, comme on le dit, sur les corporations professionnelles, cela aurait pu être dénoncé.

Je cite le rapport McRuer parce qu'on se réfère bien souvent à la commission d'enquête sur la santé et le bien-être social en ce qui a trait à cette question, comme si c'était une espèce d'innovation unique. La commission McRuer, en Ontario, a analysé les divers modes de nomination et a bien distingué entre le principe de la présence de membres de l'extérieur et les modes de nomination. Divers modes se présentent, et je ne crois pas qu'on puisse, à partir du choix d'un mode, rejeter l'ensemble du principe.

Il y avait donc cette distinction à faire qui, à mon sens, doit rappeler que ces gens qu'on

propose comme membres des bureaux sont là dans un but bien spécifique et qu'ils n'ont pas le statut d'officiers rapporteurs face au gouvernement ou à l'office. Ils ne sont pas des membres chargés de contrôler au nom du gouvernement, mais plutôt au nom de l'intérêt public.

Quant au bill 256, je voudrais apporter une précision que j'ai fait à plusieurs reprises. Il s'agit ici de définir un champ exclusif de pratique. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas parlé de prévention étant donné que ce type d'activité ne doit pas, à notre avis, être réservé à un groupe professionnel bien identifié. La documentation sur la prévention peut être aussi distribuée par d'autres organismes de bon conseil, etc. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas inclus, dans la définition, cette question de la prévention.

Quant aux autres aspects des définitions qui nous sont proposées, j'aimerais mentionner que, si nous tendons à ne pas élargir, de façon très générale, cette définition, c'est qu'à notre avis il existe encore une absence de données scientifiques permettant d'établir la validité de certains types de traitements. Quant à moi, si la preuve peut être faite de la validité de ces types de traitements, il me semble qu'il y aura lieu d'élargir la définition. Ceci en se rappelant que, dans ce domaine comme dans bien d'autres, l'évolution des connaissances, l'évolution des modes de pratique va se poursuivre même après l'adoption de la loi no 254 et que ce projet de loi ne sera pas immuable.

Enfin, M. le Président, j'aimerais poser une question au collège en ce qui a trait à la dispensation des lentilles ophtalmiques. Je ne parlerai pas des problèmes qui existent entre les ophtalmologistes et les optométristes. J'ai entendu l'exposé de ces problèmes à tellement de reprises et j'imagine que d'autres membres de la commission les soulèveront ou voudront les discuter. Ce qui me paraît malheureux, c'est que, malgré toutes les discussions, tous les comités, tous les efforts qui ont été faits, il ne semble pas qu'il y ait tellement de progrès qui s'accomplisse sur ce plan. Si, aujourd'hui, de nouvelles lois semblaient devoir s'ouvrir sur ce plan, ce serait un progrès énorme.

De toute façon, sur ce plan, je laisse à d'autres membres de la commission le soin de poser des questions. La seule question que je vais adresser a trait à la dispensation des lentilles ophtalmiques. On a soulevé, si j'ai bien entendu l'exposé qui a été fait, l'aspect du conflit d'intérêts. A ce sujet, je n'ai rien à ajouter. Je crois que, tout comme le médecin distribuait les médicaments de façon beaucoup plus générale dans le passé et que la tendance veut que cette activité soit de plus en plus réservée aux pharmaciens, de la même manière, en ce qui a trait à l'optométrie, c'est l'opticien d'ordonnance qui est le vrai spécialiste de la fabrication des lentilles. J'aimerais savoir pourquoi, dans l'esprit des optométristes, cette fonction à laquelle les opticiens d'ordonnance sont préparés très spécifiquement — d'autant plus que la fabrication des lentilles ophtalmiques peut se faire par des modes aujourd'hui différents des modes traditionnels ou des modes d'il y a un certain nombre d'années, c'est-à-dire des procédés presque industriels — soit la distribution des lentilles ophtalmiques ne devrait pas être réservée aux opticiens d'ordonnance. En quoi la population pourrait-elle souffrir d'une telle situation?

M. DESROSIERS: M. le Président, je crois que je vais rester assis, si vous le permettez. Vu que vous avez tous les pouvoirs, pouvez-vous demander de l'eau, s'il vous plaît?

Un autre petit commentaire. Si on fait souvent appel au rapport de la commission Castonguay-Nepveu, c'est parce qu'on trouvait que c'est un maudit bon rapport, excusez l'expression.

M. CASTONGUAY: Malgré les aspects farfelus de certaines sections?

M. PAUL: Est-ce ces sections-là qui vous plaisent?

M. DESROSIERS: Cela met de la couleur dans le rapport. M. le Président, la question posée par le ministre des Affaires sociales au sujet de notre réticence ou de notre façon d'exposer le problème quant à la dispensation des lentilles ophtalmiques, c'est vraiment la question. Je pense que c'est la question que nous attendions.

Il faudrait quand même se demander, au point de départ, ce qu'est un optométriste, quelle est la formation d'un optométriste, quelle est sa fonction. Quand on répond à ces questions, on est mal pris avec la dispensation des lentilles ophtalmiques et on peut même arriver à faire des comparaisons qui sont différentes entre le médecin et le pharmacien et l'optométriste par rapport à la dispensation des lentilles ophtalmiques.

D'une part, historiquement, l'optométriste a toujours été formé pour la dispensation des lentilles ophtalmiques. Aussi pour autre chose, mais pour ce point précis. D'ailleurs, en 1967, une sous-commission sénatoriale aux Etats-Unis a fait une enquête pour analyser ce problème au niveau des ophtalmologistes. Les conclusions de l'enquête étaient que — je cite de mémoire, pensant être assez fidèle et ne pas violer ni trahir celui qui a écrit le mémoire — la dispensation des lentilles ophtalmiques — d'après le sous-comité sénatorial, on pourrait vous produire les documents — fait partie intégrante de la thérapeutique optométrique.

Je pense qu'il est impossible de dissocier le tout. Si le médecin, lorsqu'il a examiné, évalué, diagnostiqué, prescrit un traitement, celui-ci peut avoir plusieurs aspects. Le traitement peut avoir plusieurs étapes. Le traitement est presque

un processus de traitement. Dans biens des cas, chez l'optométriste, le traitement, c'est la lentille ophtalmique. Et lorsque nous déclarons dans le mémoire que vous dissociez par le projet de loi proposé les services diagnostiques et thérapeutiques, c'est ce que nous voulons affirmer, à savoir que si nous n'avons pas le droit de continuer à faire ce qui se fait dans tout le continent nord-américain, de dispenser une lentille ophtalmique à nos patients, vous coupez définitivement la thérapeutique des services optométriques. Vous créez des problèmes nouveaux, plus grands. Je pense à ce moment-là — je ne veux pas entrer dans les détails des présentations de ceux qui nous suivront — que tant au niveau de l'accessibilité que de l'économique, ce seront des questions qui devraient revenir à une autre table qui nous succéderait. Parce que je pense qu'il faut quand même garder à l'esprit qu'au niveau du collège, la protection du public a quand même sa raison d'être.

D'une part, si vous faites la comparaison entre un pharmacien et un opticien d'ordonnance, je pense qu'il y a un élément fondamental qu'il faut toujours avoir à l'esprit. Mon premier argument est à l'effet que, bien souvent, le traitement de l'optométriste était la lentille ophtalmique. Si on n'a pas le droit de la dispenser, on lui enlève le traitement. D'autre part — mon deuxième argument est qu'il faut établir une différence fondamentale entre le pharmacien et l'opticien d'ordonnance —. Le pharmacien, de par sa formation, sa compétence, peut évaluer cliniquement le médicament prescrit par le médecin. A moins qu'on me prouve le contraire, l'opticien d'ordonnance n'a pas la formation ni la compétence pour évaluer cliniquement l'ordonnance d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste. Et cela me paraît essentiel. Toute comparaison à l'effet qu'on veut, comme au niveau du médecin, finir par lui enlever la prescription du médicament lui-même, le fait d'exécuter l'ordonnance lui-même, lorsqu'on fait une comparaison avec l'optométriste et l'opticien d'ordonnance, n'est pas valable. C'est trop différent. L'un a la formation clinique pour évaluer. D'ailleurs, il a le droit de substituer et l'opticien d'ordonnance ne l'a pas. Il n'a pas le droit de substituer.

Dr Bastien, voulez-vous ajouter un commentaire là-dessus?

M. BASTIEN: M. le Président, je crois que M. Desrosiers a fait un juste exposé. Peut-être me serait-il permis d'ajouter quelque chose. Lorsque l'on considère la thérapeutique au point de vue de la pharmacie, au point de vue de la pharmacodynamique, eh bien! il se produit que l'organisme aura des réactions. Son fonctionnement sera changé, altéré par le produit qui sera consommé. En ce qui concerne la thérapeutique optique, l'appareil lui-même qui comporte les lentilles est une thérapeutique et une correction. C'est une correction d'un défaut de structure dans la plupart des cas.

C'est aussi une correction du fonctionnement, un appareil qui aura pour but d'altérer le fonctionnement d'une façon optimale. La personne qui peut le mieux évaluer l'effet de cet appareil ou de cette thérapeutique est bien la personne qui a fait l'évaluation, qui a fait le diagnostic. Même dans l'exécution des lentilles, il y a certaines marges d'exactitude qu'on peut appeler tolérances. L'optométriste, par exemple, sait que lorsque l'on prescrit des lentilles, non seulement on corrige l'acuité visuelle mais on agit également sur la vision binoculaire.

Dans certains cas — je m'excuse d'entrer dans un domaine technique — la position des centres optiques des lentilles aura un effet sur l'alignement des yeux, sur la triangulation, ce qu'on appelle le convergence. Il peut arriver, dans certains cas, que celui qui examine ait un jugement à établir, un jugement d'acceptation ou un jugement de valeur sur la thérapeutique. Il saura, par exemple, quel effet cela aura sur la triangulation, sur la vision binoculaire. Certaines lentilles pourront avoir un effet physique sur le patient.

Il est important que la personne qui a fait l'examen puisse avertir le sujet qui se servira de cet appareil, sur livraison de l'appareil thérapeutique, des réactions que cela peut procurer, qu'il observe les réactions premières de cet appareil, qu'il lui fasse les recommandations parce que l'action de cette thérapeutique, au point de vue de la correction, autant au point de vue de l'amélioration de la performance ou du rétablissement du rendement, se fera dans une certaine continuité de temps.

Je crois que l'opticien d'ordonnance, avec tout le respect que j'ai pour sa formation qui lui permet de bien exécuter une paire de verres et de bien la faire, n'a pas la formation en optique physiologique, en physiologie de la vision pour être capable d'évaluer les réactions et de faire les recommandations qui s'imposent.

Pour revenir sur ce que disait mon président tout à l'heure, le contrat optométrique est un contrat de services. C'est un contrat de résultats et cela l'a toujours été. C'est un contrat de résultats qui repose sur l'unité, sur l'unicité, la liaison intégrée des services diagnostics et des services thérapeutiques. Ces services intégrés sont faits par un homme qui a reçu une formation en fonction desdits services intégrés, qui non seulement a étudié l'optique en elle-même au point de vue des lois de l'optique et au point de vue de l'optique appliquée, mais qui a aussi étudié l'optique physiologique, qui a étudié les effets des lentilles non seulement sur l'oeil mais sur l'organisme, sur le système d'action.

Maintenant, pour en revenir à un sujet qu'on a abordé tout à l'heure, il n'y a pas seulement acuité visuelle, dans les services optométriques. Si nous n'avions qu'un oeil, cela pourrait se résumer en un seul acte, la réfraction. Mais nous ne sommes pas des Cyclopes. Nous sommes doués, comme tous les primates, de vision binoculaire simple. Autrement dit, le cerveau

doit faire l'unité, la synthèse entre le champ de perception de l'oeil droit et le champ de perception de l'oeil gauche, les unir et nous donner une juste perception de l'espace. Ce renseignement sur l'espace environnant doit être stable. Il ne doit pas souffrir de défaillances ou d'interruptions.

La vision binoculaire simple est un moyen d'apprécier l'environnement. Si on n'avait qu'un oeil, tout pourrait se résumer à la réfraction. Cependant, il existe des cas où le cerveau ne maintiendra pas d'une façon stable l'image d'un des yeux — c'est ce qu'on appelle la suppression — et ne maintiendra pas d'une façon stable la perception des deux yeux d'une façon intégrée. Vous aurez même dans certains cas des manifestations diplopiques.

Par conséquent, on ne peut pas amener tout le champ de l'optométrie à la simple réfraction, à moins que nous soyons des cyclopes. Il a toujours été dans le champ de la pratique optométrique d'évaluer non seulement l'acuité visuelle, mais également l'étendue de la perception, ce qu'on appelle l'empan de la perception, la rapidité de la perception, la stabilité de la perception binoculaire.

Cela a toujours été aussi dans notre formation, telle que donnée par toutes les universités américaines qui dispensent l'enseignement de l'optométrie, d'enseigner à l'optométriste non seulement les moyens techniques de corriger un oeil déficient dans sa structure et de rétablir l'acuité visuelle, mais de donner le plus haut degré de rendement en ce qui concerne la performance visuelle.

On a parlé tout à l'heure de certaines méthodes thérapeutiques dites de traitement. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que l'entraînement visuel et la rééducation visuelle ont la sanction de toutes les universités américaines où l'optométrie est enseignée. Par conséquent, cet enseignement est passé au crible, si vous voulez, de toutes les disciplines basiques.

A moins que l'on considère toutes ces universités comme étant incapables de juger de la valeur thérapeutique de ce qui est enseigné dans leurs murs, on doit, je crois, reconnaître une pratique qui est universelle et qui, au point de vue historique, a commencé avec l'invention du stéréoscope avec Wheatstone au milieu du XIXe siècle pour se poursuivre avec Javal et toute une série d'individus qui se sont occupés de la rééducation.

Par conséquent, au point de vue scientifique, les méthodes de rééducation pour le rétablissement de la binocularité chez les gens qui sont monuculaires ou qui sont strabiques, ainsi que pour les difficultés dans la performance lexique et dans les manifestations asthénopiques, cela a toujours été du domaine de l'optométrie, et c'est parfaitement scientifique.

Je crois que j'ai dit à peu près tout ce que j'avais à dire. Pour en revenir là-dessus, l'évaluation des effets des lentilles sur le sujet est assez importante. Autrement, on lui donne des lentilles sans lui donner de recommandations. Sou- vent le moyen thérapeutique pourra être mis de côté sans raison, et ce sera un recommencement perpétuel.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'à l'avenir on donne des réponses un peu plus courtes, parce que les autres membres de la commission...

M. GAREAU: Mes réponses vont être très courtes. Pour en revenir à certains commentaires du ministre des Affaires sociales, tout d'abord, au niveau du bill 250, je pense que le Collège des optométristes a très bien établi dans son mémoire qu'il favorisait la participation du public aux bureaux d'administration et même au comité administratif.

Ce qui l'inquiète, c'est qu'à un moment donné, quand vous relisez tous les articles, vous vous apercevez de l'établissement d'un pouvoir parallèle. La corporation se retrouve dans une situation telle que tant l'inspection professionnelle que la discipline ne sont plus de son ressort, mais relèvent du lieutenant-gouverneur en conseil.

Deuxième commentaire que j'aimerais faire,...

M. CASTONGUAY: Une question sur cet aspect, j'ai simplement fait un commentaire.

M. GAREAU: Vous avez fait un commentaire, et je veux commenter par-dessus.

M. CASTONGUAY: Il y a des règlements dans ces...

M. LE PRESIDENT: La question vient d'être posée par un membre de la commission. Or nous voulons donner une chance à tous les membres qui ont des points de vue peut-être un peu différents que le ministre de poser des questions, parce que nous n'avons que quarante minutes pour poser des questions et nous ne voulons pas priver d'autres membres de le faire.

Vous avez droit à un exposé. Votre président a dépassé même de dix minutes le temps établi par les règlements.

M. GAREAU: Si vous me permettez, il y a certains commentaires qui peuvent créer des ambiguïtés.

M. LE PRESIDENT: Oui, mais il y a les règlements; si des députés ici pensent qu'il y a des ambiguilés, ils vont poser des questions. Ils n'ont pas tous les mêmes idées. Le député de Montmagny a une série de questions à poser, et c'est certain que ces commentaires pourront être expliqués dans les réponses. Si on commence à faire d'autres commentaires, on ne finira jamais.

Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je me rends à votre invitation, on va

essayer d'y voir clair. Vous nous soumettez un problème, d'ailleurs comme tous les organismes qui vont venir aujourd'hui, relativement à l'optométrie. J'ai retenu, dans l'exposé du président, les multiples tentatives qu'il a faites d'éliminer les divergences d'opinion, et de rapprocher les groupes de professionnels qui travaillent dans ce secteur de la vision.

Ma première question est celle-ci: Vous avez parlé dans votre exposé, du problème de la définition, problème du champ d'exercice, problème de la prothèse, de la lentille ophtalmique. Je voudrais vous demander ceci: Est-ce que, la définition actuelle, avec laquelle vous vous arrangez depuis plusieurs années, celle qui régit votre corporation professionnelle, d'après vous, porte atteinte au public, lèse les intérêts du public ou si cette définition aurait pu être retenue dans la loi actuelle avec plus d'avantages pour tous les professionnels et tout le public?

M. GAREAU: Si vous permettez, M. le Président, je pense que la définition que nous avons à l'heure actuelle permet aux optométristes d'exercer à plein leur activité et je crois que c'est à l'avantage du public. Le ministre des Affaires sociales, tantôt, soulignait qu'il pourrait élargir la définition pourvu qu'on lui prouve qu'on a les connaissances scientifiques pour poser ces gestes. Je me place de l'autre côté et je me dis qu'avant de restreindre une définition comme celle que nous possédons présentement et qui est beaucoup plus large que celle qui est dans le bill 256, il faudrait que le gouvernement soit en mesure de prouver que les optométristes sont un danger public.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne veux pas entrer dans l'aspect de la formation tout de suite. Nous aurons l'école d'optométrie dont les représentants viendront dans le courant de la journée, alors nous pourrons parler plus précisément de la formation académique de l'optométriste et peut-être des modifications qui pourraient être apportées sur lesquelles, je pense bien, vous seriez d'accord et les autres professions aussi peut-être. Nous traiterons de cet aspect-là.

M'en tenant plutôt à la définition actuelle, celle avec laquelle vous vous êtes accomodés depuis fort longtemps, est-ce que, à votre avis, la nouvelle définition, même si le ministre a dit que, moyennant certaines démonstrations ou moyennant que vous apportiez certaines preuves, il pourrait y avoir une révision, la définition qui est proposée par la législation pourrait éventuellement conduire à la disparition, à plus ou moins brève échéance, de l'optométrie?

M. GAREAU: La nouvelle définition qui est proposée dans le bill 256?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, ce qui est proposé.

M. GAREAU: Je pense que oui, M. le Président. Je pense qu'avec cette définition on enlève complètement aux optométristes la responsabilité de la thérapeutique. Tout ce que l'optométriste peut faire, par cette définition, c'est de rédiger une ordonnance pour des lentilles ophtalmiques. Il ne peut même pas traiter, il ne peut même pas contrôler concrètement des lentilles ophtalmiques, d'une part, et pour toutes les autres formes de traitement, il n'en est pas question.

Justement, dans les deux dernières lois, la définition que nous avons présentement correspond à toutes les définitions qui existent tant au Canada qu'aux Etats Unis. Dernièrement il y a eu, au Rhode Island, une nouvelle définition: aucune limitation.

Il y a eu des précisions comme celles que nous suggérons dans notre projet de loi. En Ontario, le livre blanc qu'on vient de déposer sur les corporations — parce qu'il y a un projet similaire à celui-ci — contient une définition exhaustive beaucoup plus large, qui comprend vraiment tous les services que l'optométriste peut rendre. On ne le limite pas en disant: Essaie de te débattre et fais la preuve que tu es bon. Nous, dans la définition du bill 256, on nous place au pied du mur. On nous dit: On vous enlève telles attributions, telles prérogatives, maintenant, faites la preuve que vous êtes capables de les remplir.

Je pense que ça ne peut pas se faire dans une commission parlementaire.

M. CLOUTIER (Montmagny): A votre avis, y a-t-il eu des déclarations, devant cette commission, qui me justifient de poser la question voulant qu'avec une telle définition, l'optométrie pourrait disparaître? Y a-t-il eu des déclarations de professionnels devant la commission qui ont été énoncées dans ce sens-là?

M. GAREAU: A cette commission-ci?

M. CLOUTIER (Montmagny): Depuis que cette commission-ci siège. Je pose ma question directement: Est-ce que le Collège des médecins...

M. GAREAU: Je pense que le Collège des médecins n'a pas osé répondre.

M. CLOUTIER (Montmagny) : ... n'a pas reconnu qu'il y avait des dangers que l'optométrie disparaisse?

M. GAREAU: Il a reconnu qu'il y avait des dangers mais il n'a pas osé répondre d'une façon catégorique.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais plusieurs questions et je les pose un peu rapidement pour donner la chance à tous les autres députés, notamment au député de Jacques-Cartier qui brûle du désir d'en poser. Le député

de Jacques-Cartier n'a pas de conflit d'intérêts. Ce matin, on va le surveiller.

Est-ce que les ophtalmologistes posent des actes que vous, comme optométristes, posez?

M. DESROSIERS: Bien oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Est-ce qu'ils pourraient poser des actes qu'ils ne posent pas? Est-ce qu'ils délèguent certaines responsabilités qu'ils pourraient assumer, et lesquelles?

M. DESROSIERS: C'est encore oui. Quant à moi, j'aime cette question-là; je m'excuse, mais en tout cas je vais essayer d'être vite et de répondre clairement. C'est là qu'est le noeud du problème. Vous n'empêcherez pas un médecin de pratiquer sa science et sa science embarque dans mon domaine et dans celui des autres et cela ne me scandalise même pas. Ce n'est pas cela le problème. La médecine est orientée vers l'état de morbidité; il faut faire disparaître la maladie. Les optométristes ne sont pas orientés dans ce domaine, nous ne sommes pas formés comme cela. Ne nous faites pas de reproches. Faites-en à l'université qui m'a formé autrement. On m'a dit: La santé, la maladie, ce n'est pas tes oignons, c'est le domaine de la médecine, occupe-toi de tes affaires. Tes affaires, ce sont la performance, l'efficacité visuelle, le domaine de la vision, du bon équilibre binoculaire simple. C'est ainsi qu'on m'a formé.

Quand vous me dites que messieurs les ophtalmologistes font, pour leurs besoins, des travaux similaires aux nôtres, oui je suis d'accord; pourquoi ne le feraient-ils pas si c'est à l'avantage du public? Je trouve intelligent qu'ils le fassent, mais je ne me vois pas faire le travail de l'ophtalmologiste. Ce n'est pas mes oignons et je n'ai pas la compétence pour le faire.

D'autre part, vous demandez, dans votre question, si les ophtalmologistes pourraient aller plus loin — ou messieurs les médecins, de toute façon, tout le monde se comprend — dans leur travail. Bien oui. J'ai cité la sous-commission sénatoriale américaine de 1967. Les ophtalmologistes pourraient, dans leurs services, dispenser, de la même façon que les optométristes le font, un service complet quand c'est un service visuel. Cela me permet de faire une affirmation forte. Dans l'intérêt du public, le service global et unifié donné par l'optométriste est supérieur à celui qui est donné par le tandem ophtalmologiste-opticien d'ordonnances et je vous en donne la raison : Non pas parce qu'on parle de maladie, mais parce qu'on parle d'efficacité et de performance visuelle. Il faudrait faire attention pour ne pas m'entrafner dans des domaines où je ne veux pas aller.

Je ne conteste pas, ce n'est pas dans mon esprit et je ne le veux pas. Première proposition, j'attache de l'importance à la santé et elle est entre bonnes mains tant qu'elle sera entre les mains des médecins. Deuxième proposition, quand il y a un service visuel à rendre qui, lui, est orienté et que l'ophtalmologiste a déterminé qu'il n'y avait pas de pathologie, qu'il n'y avait pas de maladie, on passe alors à l'autre niveau qui est un niveau optométrique, que les ophtalmologistes ont aussi le droit de faire, ils en ont le droit, je ne leur conteste pas ce droit-là. Lorsque l'ophtalmologiste fait le même travail que moi dans mon bureau et qu'il délègue, par une ordonnance, à l'opticien d'ordonnances, l'exécution de l'ordonnance, j'ai de forts doutes que le contrôle de l'ordonnance sur le patient soit aussi bon, aussi efficace, aussi valable que celui que l'optométriste fait.

D'ailleurs, le docteur Bastien l'a dit tout à l'heure, nous avons avec nos patients un contrat de résultats. Lorsqu'on donne une ordonnance, qu'on l'exécute, qu'on la livre aux patients et que ça fait mal, je vous garantis que les patients — tout le monde va comprendre ça — reviennent au bureau et disent : Mon petit Desrosiers, tel lunettes, elles ne me font pas; fais-en d'autres. C'est ce que j'appelle une responsabilité de résultats. Cela ne repose que sur la tête d'une personne, pas sur deux personnes. Le patient ne vient pas à Mont-Joli pour dire: Les lunettes ne font pas. Parce qu'il n'y a pas d'opticien d'ordonnances à Mont-Joli, il ne va pas à Rimouski chez l'opticien d'ordonnances pour voir si ses lunettes ont été bien faites. Il ne revient pas après parce que les lunettes ont été bien faites à Mont-Joli pour dire: L'opticien m'a dit que les lunettes ont été bien faites, alors, tu retournes. Qui va payer les frais de tous les déplacements de ces gens-là? On parle de contrat unifié, de contrat de résultats, de service global. Moi, je pense que le service que l'optométriste rend est indispensable et que c'est difficile de le remplacer par autre chose qui va être aussi bon.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dr Desrosiers, vous avez parlé de la pathologie, de la préparation de l'ophtalmologiste, du médecin pour assumer sa responsabilité professionnelle. Est-ce qu'il y a eu une évolution depuis quelques années dans les cas d'affections de l'oeil? Quelle est la tendance maintenant? Est-ce qu'il y a davantage de cas de pathologie ou s'il y en a moins? Est-ce qu'il y a davantage de cas, si je peux employer l'expression, d'acuité visuelle ou de problèmes de réfraction, de vision? Voulez-vous nous donner des statistiques là-dessus?

M. DESROSIERS: Oui, Bien, ce sera des statistiques...

M. CLOUTIER (Montmagny): Je veux une tendance. Je ne vous demande pas le nombre de cas.

M. DESROSIERS: D'accord. Alors, je vais répondre. Je pense qu'il n'y a pas plus de cas aujourd'hui qu'il n'y en avait dans le passé, vu

que ce sont toujours les mêmes personnes qu'avant, d'une part. D'autre part, ce n'est pas tout à fait le sens de votre question; elle va plus loin que ça. Quant à la détermination des cas, est-ce qu'on en trouve plus maintenant qu'on n'en trouvait anciennement pour les référer à l'ophtalmo? Je vais répondre que c'est encore du pareil au même. Je pense que les cas qu'on trouvait dans le passé, on les trouve encore aujourd'hui. Les cas qu'on référait dans le passé, on les réfère encore aujourd'hui.

Nous avons attaqué la commission Hall et Castonguay dans son rapport sur l'incidence des pathologies oculaires, car notre prétention est à l'effet — nous avons des preuves aussi — qu'elle n'est pas aussi élevée qu'on veut bien le dire parfois. Quand on parle de pathologie oculaire, il faut quand même s'entendre. C'est de la pathologie oculaire, ce n'est pas autre chose. Lorsque l'optométriste est pris avec un cas de pathologie oculaire et qu'il le renvoie au médecin de famille, ce qui arrive aussi, je pense que c'est encore de la bonne optométrie et que c'est encore un bon service au public.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous voulez ajouter quelque chose à cette réponse?

M. GAREAU: Je voudrais ajouter un commentaire à ce que j'ai dit tantôt. Si vous comparez le projet de loi 256, par exemple, au projet de loi 252, le projet de loi médical, on a insinué tantôt qu'il fallait répartir, autant que possible, les tâches entre le pharmacien, le médecin, l'optométriste et l'opticien d'ordonnances. Mais, si vous lisez le projet de loi médical, cela n'enlève jamais au médecin le droit et le privilège de fournir à ses patients quelque forme de traitement, y compris les médicaments. Qu'il n'ait pas le droit de tenir de pharmacie, d'accord, mais il peut toujours fournir des traitements. Avec le projet de loi 256, tel libellé présentement, l'optométriste ne devient qu'un dépisteur. Il ne fait plus de traitement. C'est une des raisons pour lesquels nous disons que le projet de loi en question nous dégrade et dévalorise la profession. Il risque même pour la population d'entraîner des effets néfastes parce qu'il y a des services essentiels qui sont rendus par les optométristes et qui ne sont pas rendus par d'autres.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous dites que l'optométriste devient un dépisteur. Est-ce que vous êtes satisfaits de la formation que l'on vous donne pour pouvoir faire du dépistage? Est-ce que vous voudriez faire davantage d'études en pathologie, quitte à ne pas exercer la pathologie, parce que votre profession vous le défendrait, évidemment? Cela, vous permettrait de faire une meilleure référence.

M. GAREAU: Excusez-moi de vous interrompre. Je pense que ce serait le temps de rendre hommage à tous les optométristes qui sont ici. On est peut-être la seule corporation, à l'heure actuelle, qui, à même les fonds des membres, subventionne l'enseignement en pathologie oculaire à l'Université de Montréal.

Nous sommes obligés, à même les sommes que nous percevons, de former nos membres en pathologie oculaire, à cause de l'incompréhension qui existe et que vous connaissez.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce problème-là, nous le traiterons plus loin.

M. GAREAU: Je suis satisfait. Evidemment, j'en voudrais davantage et je pense que nous poumons en avoir davantage si, comme on le mentionnait lors du bill 65, on commençait à former tant les médecins que les optométristes dans une faculté unifiée et qu'on les faisait pratiquer en stage, soit dans les centres locaux ou dans les centres hospitaliers.

Le projet de loi, tel que rédigé présentement, pourrait probablement s'appliquer dans les centres locaux ou dans les centres hospitaliers, mais je pense qu'on ne doit pas tracer d'organigramme comme celui-là pour toutes les pratiques privées; c'est inapplicable.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le président du collège, j'ai été bien intéressé, tantôt, par vos remarques sur la limite du champ d'exercice des professions et sur la difficulté de délimiter parfaitement et rigoureusement les champs de pratique. Vous avez parlé d'un chevauchement qui serait préférable dans certains cas. Je pense bien que vous faisiez référence particulièrement aux sciences de la santé.

M. GAREAU: C'est inévitable.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai fait une suggestion, la semaine dernière, devant la commission parlementaire au ministre et aux fonctionnaires. Tel que ça nous apparaît à ce moment-ci de notre étude en commission parlementaire, peut-être que la législation ne va pas assez loin dans l'orientation suivante, c'est-à-dire de faciliter le dialogue et la collaboration entre les différentes professions dans certains secteurs. Il y a le secteur de la santé, d'une part; il y a le secteur des affaires, de la comptabilité, les professions comptables; il y a, d'autre part, les professions juridiques. Il y a d'autres professions aussi qui connaissent une évolution assez rapide. Il y a même des professions qui viendront au monde d'ici quelques années.

A mon avis, vous ne pouvez pas, non plus, partager les actes dans le domaine de la santé par une cloison étanche. C'est inutile d'essayer de faire pratiquer en équipe les professionnels de la santé, si vous dites: Toi, tu as fini et, moi, je commence et si vous commencez à vous parler à partir du moment où la ligne est tracée. C'est absolument impossible. Je pense que nous allons vivre avec le chevauchement. Je vous demanderais ce que vous pensez d'une suggestion comme celle-là: Que le code des profes-

sions favorise un certain rapprochement, un certain regroupement des professions qui travaillent ensemble, comme les professions de la santé. On favoriserait ce rapprochement aussi lors de la formation, parce qu'on en a eu des exemples devant la commission parlementaire, des professions au niveau universitaire où il n'y a pas assez de dialogue. Des expériences sont faites, mais ça pourrait peut-être aller un peu plus vite. Alors, que pensez-vous d'une suggestion comme celle-là? Auriez vous des suggestions à faire, à un moment donné, sur certaines modalités?

M. GAREAU: Si vous me le permettez, dans le cadre de la loi que nous discutons, je ne vous dirais pas que c'est hors d'ordre, mais je pense que ce n'est pas la place pour le faire. La place pour le faire — nous l'avions suggéré lors de nos commentaires sur le bill 65 — c'est dans les centres locaux de services communautaires et dans les centres hospitaliers. Mais vous n'avez pas besoin de modifier une loi organique ou une loi constitutive d'une profession pour faciliter ce rapprochement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je m'excuse, mais ça ne modifie pas la loi organique de la profession; c'est dans le code des professions que je suggérerais qu'on introduise ça. Ce serait peut-être dans le conseil interprofessionnel qui actuellement regroupe, dans une vaste unité, toutes les professions sans exiger d'un type de profession en particulier un autre rapprochement que celui qui est indiqué. C'est purement, je pense, académique, le rapprochement qu'on demande au conseil interprofessionnel. Je pense que ça pourrait déboucher sur quelque chose de plus concret. C'est dans ce sens que j'ai fait la suggestion. Nous devons accepter que les professions chevauchent, à un moment donné; nous ne pourrons pas en sortir autrement. On a déjà fait de l'incitation au dialogue entre certaines professions et c'est difficile, il ne faut pas se le cacher. Alors, il faudrait aller plus loin et non seulement les inciter, mais les obliger à certaines discussions fondamentales à un moment donné. Parce que ce n'est pas au législateur, ce n'est pas au ministre des Affaires sociales, je pense bien, d'aller discuter, tous les jours, avec les médecins et les pharmaciens pour voir où commence la responsabilité et où elle finit entre le Barreau, les notaires, les avocats et les comptables et, enfin, toutes les professions. Alors, je pense que ça devrait se faire par les corporations professionnelles.

Dès lors, nous pourrions parler d'autonomie et de responsabilité des corporations.

M. le Président, je laisse la parole à un autre.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'aurais également quelques questions à poser au président du Collège des optométristes. Advenant la disparition des optométristes, j'aimerais savoir quel groupe récolterait la part du lion dans leur champ de pratique.

M. DESROSIERS: Cette question n'a l'air de rien, mais c'est une bonne question. Il n'y a pas d'autre réponse que de dire que si... D'ailleurs, la question ne se pose pas. Je ne comprends pas que vous pensiez que les optométristes puissent disparaître. Je n'accepte pas, M. le Président, de répondre à une question de ce genre. Nous sommes là depuis trop longtemps. C'est impossible. Je m'excuse, M. Guay, mais il faudra nous garder.

M. PAUL: Il faut tenir compte de qui elle vient.

M. GUAY: Vous avez mentionné quand même, M. Desrosiers — je crois que c'est vous — que vous craigniez la disparition des optométristes. Je vais plus loin et je dis: Si vous disparaissez, qui vous remplacera?

M. DESROSIERS: Je vais répondre plus sérieusement maintenant que nous nous sommes détendus un instant. Je pense que nous assisterions à l'avènement de techniciens, tout bonnement, qui deviendraient des auxiliaires, qui compléteraient le travail de gens extrêmement compétents. Et là, on se pose la question: Est-ce que ces techniciens qui remplaceraient des gens qui ont déjà une formation, une compétence et une jurisprudence derrrière eux, cela serait mieux pour le public? Là, j'ai de fortes réticences. Il faudrait quand même penser que le territoire du Québec est grand, que nous sommes partout. J'ai le fou rire quand je dis cela, mais cela nous fait un damné bon argument. Cela nous fait une bonne jambe. Nous sommes là quand même. Et si nous ne sommes pas là demain, qui fera ce que nous faisons?

M. GAREAU: M. Guay, j'aimerais vous donner seulement un exemple. Admettons qu'on appliquerait le bill 256 tel qu'il est rédigé présentement d'ici deux ans en défendant aux optométristes de dispenser des lentilles ophtalmiques. Si je me reporte aux dernières statistiques de la Régie de l'assurance-maladie et aux statistiques publiées par le syndicat professionnel, avec qui vous pourrez parler plus tard, je pense que sur 520 optométristes, il y en aurait environ 200 qui seraient obligés de fermer leur bureau.

M. GUAY: Actuellement, selon ce qui est proposé par le code des professions, je me pose la question suivante: — dans le champ d'exercice, on essaie toujours d'établir qui va pratiquer quoi — Est-ce que présentement ce sont les ophtalmologistes qui viennent empiéter sur le terrain des optométristes ou vice-versa? Si on

veut établir des cloisons assez étanches, il faudra commencer par délimiter un champ d'exercice et je serais bien heureux de savoir qui jouera sur le terrain de qui.

M. DESROSIERS: J'aime cette question parce que je pense que cela permet d'expliciter un point auquel je n'ai peut-être pas donné assez d'importance tout à l'heure. Il y a un point qui relie ophtalmologie et optométrie. Et ce point, c'est la réfraction.

D'une part — je ne veux pas parler en personne compétente en ophtalmologie, il faudra leur poser la question — je ne pense pas les caricaturer en disant que ces gens, en faisant leur travail, ont aussi besoin de faire la réfraction. C'est un terme qui est bien compris, d'une part. D'autre part, l'optométriste lorsqu'il fait l'évaluation de la vision et qu'il passe un contrat de résultat avec son patient s'engageant à lui fournir une efficacité et une performance visuelle plus grandes, se sert d'un moyen qui s'appelle aussi la réfraction. Vous ne sortirez jamais de cela. Parce que les deux s'en servent pour des raisons différentes. C'est normal, c'est bon et c'est à l'avantage du public. Ne touchons pas à cela. Si vous me demandez à ce moment-là: Est-ce qu'il y aura chevauchement? Je vous dis: Dans une facette de l'opération ophtalmologique et dans une facette de l'opération optométrique, il y a chevauchement. Mais si, dans votre esprit, vous pensez que l'optométrie, c'est faire des réfractions, ce n'est pas vrai. Nous avons mal vendu notre marchandise ce matin. Ce n'est pas cela. C'est plus que cela. C'est une partie, simplement, mais une partie valable pour l'un et pour l'autre.

M. GUAY: Une autre question. J'ai tenté une petite expérience depuis quelques jours, sachant que vous comparaîtriez devant la commission. J'ai posé une question au monsieur qu'on appelle Jos. Public. Pour lui, un optométriste, un ophtalmologiste, un opticien d'ordonnances ou même ce qu'on appelle des comptoirs détaillants, cela semble toujours la même chose. Il nous répond toujours: C'est un spécialiste de la vue. On lui pose alors la question: Est-ce un optométriste, un ophtalmologiste ou autre? Il répond: Un instant, je vais regarder sur ma facture. C'est la seule chose qui lui permet de dire quel professionnel lui a rendu tel service. Dans la majorité des cas, c'est un spécialiste de la vue.

Est-ce qu'on a donné, dans le passé — je pourrais poser la question au collège — l'information suffisante dans les soins ou les services que vous étiez en droit de dispenser? Et, en question supplémentaire, devant qui avez-vous à répondre, pour les actes que vous posez?

M. DESROSIERS: Il y a donc trois questions. Il y a d'abord M. Jos. Bleau. A votre question, vous avez donné la réponse.

M. GUAY: En partie.

M. DESROSIERS: Vous avez dit: Ce sont tous des spécialistes de la vue. Qui dois-je consulter? Jos. Bleau — si je cite vos paroles — a nommé l'optométriste, l'ophtalmologiste et l'opticien d'ordonnances. Jos. Bleau, d'instinct, sait que, pour les examens de la vue, pour la vision, c'est chez l'optométriste qu'on va. C'est effrayant comme Jos Bleau le sait. Alors je ne me pose plus de questions pour Jos. Bleau.

D'ailleurs, sans le vouloir, vous l'avez tout de suite mentionné. Faites encore des observations et vous verrez que c'est automatique. Les gens le savent. Ils ne viennent pas nous consulter pour leurs dents ou pour des accouchements. Ils viennent nous consulter simplement parce qu'ils ont des problèmes visuels, ils ne voient pas clair, ils ont des problèmes de rendement visuel ou des choses du genre. C'est drôle, car lorsque les gens ont des maladies aux yeux, ils ne viennent pas nous voir non plus.

Je vous donne quand même l'expérience vécue, dans mon bureau, et tous mes confrères, dans la salle, pourraient faire la même chose. Ils savent que nous ne sommes pas là pour cela.

Quand vous demandez si nous avons fait suffisamment d'information, je vous réponds que nous n'en avons probablement pas assez fait. Mais je vous garantis qu'en sortant d'ici, nous en ferons de l'information. Vous m'avez motivé correctement.

Devant qui sommes-nous responsables? Nous sommes responsables parce que nous sommes une corporation professionnelle. Si on compare l'application de notre comité de discipline, notre code disciplinaire, notre code déontologique, dans la profession avec les autres professions, messieurs, je suis très fier.

M. GUAY: Vous n'avez pas à répondre devant d'autres professionnels, en ce qui concerne les services que vous rendez.

M. DESROSIERS: Non. Chaque profession est autonome.

M. GUAY: D'accord. On parle beaucoup d'acuité visuelle. J'aimerais bien qu'on me donne une définition simple de l'acuité visuelle.

M. DESROSIERS: Ce que vous demandez est impossible, M. le Président! Demander une définition simple, la question est bonne. Parce que lorsqu'on pense à une réfraction comme seule et unique opération que l'optométriste doit faire, on pense à l'acuité visuelle. Lorsqu'on dit que la réfraction fait partie du processus d'évaluation de l'état de binocularité, de l'état de rendement d'une personne, la réfraction ne devient qu'un moyen. Alors, l'acuité visuelle versus l'acuité de la vision, c'est tout le champ d'action. C'est là qu'est la fameuse différence.

Mais là, j'ai envie de demander un peu l'aide d'un de mes confrères, Armand Bastien, qui est

aussi professeur, comme par hasard, à l'Université de Montréal et aussi à l'étranger, qui a aussi été professeur à l'Institut Gesell, de New-York; car toutes ces choses ne sont pas mises en doute, c'est du scientifique, c'est du valable, c'est incontesté. Le hasard veut que cela ait été fondé par des médecins. Alors ce doit être pas pire. De toute façon, il a été professeur là-bas. J'ai envie de demander à Armand Bastien de répondre à cette question en particulier.

M. BASTIEN: C'est difficile de répondre brièvement. Je vais essayer. Disons que c'est le seuil de vision critique. Autrement dit, c'est le seuil de vision précise. C'est le plus haut degré de vision précise que l'on peut atteindre. C'est le propre de ce qu'on appelle la rétine centrale, d'un petit point minuscule, qui est placé au centre de la rétine et qui est aligné sur l'objet d'intérêt. C'est le plus grand pouvoir de voir clair. Chez certaines personnes, normalement, cela s'évalue de la façon suivante: il y a un objet d'une certaine grandeur qui sous-tend un angle de cinq minutes, avec la macula, qui est la localisation de la rétine où on a la vision critique, on a 20/20 ou 100 p.c. si cet objet, qui sous-tend un angle de cinq minutes, est perçu. Certaines personnes ne l'ont pas. L'objet qui devrait être vu à vingt pieds doit être rapproché ou agrandi.

Elles verront à vingt pieds un objet que l'oeil normal verrait à trente, à quarante ou à soixante pieds. Autrement dit, il y a des gens qui n'ont pas la vision critique, la vision aiguë au même degré que d'autres. Il peut y avoir différentes causes à ça, mais je ne pense pas que ce soit l'endroit pour en parler.

Autrement dit, c'est le propre de la rétine centrale. C'est vous que je vois le plus clairement dans l'assistance ici, mais je vois, quand même, M. le Président beaucoup moins clairement que vous. J'ai un champ de perception complet. Le cerveau intègre par la fusion ces deux champs de perception en vision binoculaire simple et ce sont les muscles oculo-moteurs, sous la commande du cerveau, qui dirigent les yeux dans l'espace. C'est un processus du système nerveux central.

Un optométriste ne s'occupe pas strictement de la petite parcelle centrale, ou de l'acuité visuelle, mais il s'occupe et de l'acuité visuelle et du champ de perception, et de la motilité oculaire.

M. DESROSIERS: M. Guay, je voudrais faire un commentaire. L'acuité visuelle, ça fait partie de l'acuité de la vision. L'acuité de la vision, ce n'est pas toute l'acuité visuelle.

M. GUAY: D'accord. J'aurais une dernière question. Autrefois, il existait des comptoirs où on pouvait obtenir des lunettes après un examen rapide. Est-ce que ça existe encore?

M. DESROSIERS: Pas au Québec.

M. SAINT-GERMAIN: Avec les restrictions qu'on impose par cette définition à l'article 14, est-ce que je peux demander si le fait pour un optométriste d'avoir l'obligation de prescrire une paire de lunettes serait suffisant pour conserver à l'optométriste sa motivation à l'étude, à la recherche? Est-ce que ça pourrait le motiver à essayer d'améliorer sa compétence professionnelle?

M. DESROSIERS: J'ai envie de répondre brièvement. Surtout si, en plus de votre question, on a à l'esprit que ce sont des réfractions qu'on doit faire, ça ne donne rien d'aller à l'université; ils formeront ça au CEGEP. C'est aussi bête que ça. C'est là qu'on nous amène. Est-ce qu'à ce moment-là le public sera mieux protégé? Cela, c'est une damnée bonne question. La raison d'être de l'optométrie, c'est de rendre des services qui sont nécessaires au public.

Si on accepte la définition telle quelle et qu'en plus que nous avons à l'idée que ce que nous devons faire, ce sont des réfractions, soit une partie de ce qu'est l'étude de l'analyse de la vision, on simplifie les choses. La motivation saute par-dessus bord et, là, courons après les piastres au plus sacrant !

Je m'excuse d'être aussi vulgaire, mais c'est réaliste.

M. SAINT-GERMAIN: La rééducation visuelle, on a dit que c'était accepté par la majorité des universités américaines. Est-ce que vous pourriez, pour clarifier la situation, nommer au moins quelques-unes de ces universités qui acceptent, au point de vue scientifique, la rééducation visuelle comme étant valable?

M. BASTIEN: Il y en a une, très importante pour nous, qui est Montréal. Au Canada, vous en avez une autre: Waterloo. Vous avez Berkeley, Indiana, Los Angeles et d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit. Autrement dit, vous en avez parmi les principales universités américaines. On connaît leur valeur au point de vue scientifique, qui est respectée dans le monde entier. On sait que ces principales universités américaines donnent leur sanction non seulement à l'entraînement visuel et aux méthodes de perception, mais à tout le champ de la perception psychomotrice. Pas seulement à nous.

Ces mêmes universités enseignent les principes de la psychomotricité à d'autres professions aussi. Nous ne sommes pas les seuls à utiliser ça. Excepté que nous sommes les seuls, dans une certaine mesure, à les utiliser dans le but que l'on poursuit au point de vue visuel. Mais c'est utilisé au niveau de la pédagogie. Vous avez Barsch qui parle de toute une série d'exercices psychomoteurs pour le rétablissement des capacités. Tous les centres de réadaptation et de rééducation s'en servent. C'est par le mouvement que vous allez

rééduquer, que vous allez améliorer la performance.

M. DESROSIERS: Moi, j'aimerais faire un commentaire supplémentaire qui est le suivant. Le petit portrait qu'on nous dessine va faire que les optométristes du Québec ne seront pas comme les optométristes du contexte nord-américain. Ils vont être dévalorisés. Nous ne serons plus au même niveau.

On ne fait vraiment pas les choses, nous autres, comme ça se fait ailleurs. On a toujours le don de faire ça vraiment différemment.

C'est tellement vrai ce que je dis là que déjà cette année, les optométristes québécois veulent faire leur cours à Waterloo au lieu de le faire à Montréal. Ce n'est pas grave, ça n'a pas d'importance, on se dévalorise, envoyons, mettons-en! Je ne comprends pas cette idée qu'on a d'être différent dans le fait d'une profession qui est reconnue dans un contexte nord-américain.

M. SAINT-GERMAIN: Déterminer les anomalies du globe oculaire ou les anomalies de réfraction est chose relativement simple et vu que la technique avance énormément vite actuellement, est-ce qu'il se fait des recherches actuellement, surtout au point de vue électronique, est-ce qu'il y a une possibilité qu'avant peu d'années une machine électronique pourra facilement déceler les vices de formation des globes oculaires?

M. BASTIEN: C'est sûr que, dans un certain avenir, vous aurez des machines électroniques qui pourront faire la réfraction objective. Cela ne veut pas dire que ça va régler les problèmes visuels. Je vais vous donner un petit exemple sur l'effet que ça peut avoir sur la vision binoculaire. Vous auriez, vous qui êtes optométriste, quelqu'un — et les ophtalmologistes qui sont ici m'entendent également — par exemple, dont la réfraction objective des yeux vous donnerait une puissance dioptrique quatre fois plus grande d'un côté que de l'autre, disons + 1 d'un oeil et + 5 ou + 4 de l'autre. La réfraction objective — et vous pourriez avoir un cylindre là-dedans qui exprime la distortion cornéenne — pourrait être parfaite. Et si la différence entre les deux yeux est encore plus grande, le résultat sera encore plus désastreux parce qu'avec des lentilles de puissance différente, justement sur la macula, sur la partie centrale qui s'occupe de l'acuité visuelle, vous aurez là des images de grandeurs différentes, vous aurez le grossissement d'un champ par rapport à l'autre. Non seulement cette prescription objective ne pourra pas aider le sujet, elle pourra lui occasionner plus d'ennuis. Plus parfaite elle sera, plus d'ennuis il aura au point de vue de sa binocula-rité parce qu'au cerveau, par exemple, sur le système nerveux central, au-delà d'une certaine différence de grandeur ou de diamètre apparent des objets, la fusion en est perturbée, et dans certains cas vous avez l'apparition de la diplopie.

Par conséquent, ces appareils-là ne menacent pas du tout une profession, ces appareils-là permettront, si vous voulez, de résoudre des problèmes.

M. GAREAU: Juste un commentaire pour continuer dans le même sens que M. Bastien. Je pense qu'il faut s'attendre à des progrès technologiques, on en a connus depuis des années, mais jamais ces progrès technologiques ne remplaceront le jugement professionnel de l'optométriste.

M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, puisque vous considérez la distribution des lentilles ophtalmiques comme partie intégrante du service professionnel rendu par l'optométriste, est-ce que le collège serait prêt à être payé à l'acte, relativement à ce service? Est-ce que le collège serait prêt à accepter d'être payé à l'acte pour le service rendu en distribuant la lunette, au lieu de vendre la lunette, autrement dit, selon le prix qu'elle coûte à l'optométriste?

M. GAREAU: Le collège a déjà adopté des attitudes. D'ailleurs, elles sont mentionnées dans le mémoire que vous avez en main. Le collège a toujours dit que le consommateur des produits ophtalmiques, ce n'était pas le patient c'était l'optométriste lui-même. Et nous, avec les pouvoirs que nous avions dans notre loi, nous avons toujours incité nos membres à dispenser la lentille ophtalmique au prix de revient, sans faire de profit.

Et d'ailleurs on fait plusieurs suggestions et recommandations dans le mémoire. Nous sommes d'avis que les services professionnels attachés à la dispensation de la prothèse devraient être payés tant pour l'opticien d'ordonnances, l'ophtalmologiste ou l'optométriste, mais que la lentille ophtalmique et la lunette elle-même devraient être distribuées au prix de revient, sans profit.

M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous fait des études qui vous permettraient de dire quel est le bassin de population nécessaire pour faire vivre économiquement un optométriste actuellement?

M. GAREAU: A l'heure actuelle, c'est un par 12,000 de population au Québec.

M. SAINT-GERMAIN: Si vous diminuez les services professionnels qu'ils peuvent rendre, avez-vous essayé de déterminer combien d'optométristes seront obligés de laisser leur bureau?

M. GAREAU: Plus de 200. Même à ce moment-là, si vous disséminiez les opticiens d'ordonnances partout dans la province, il n'y aurait personne pour faire les examens; vous ne réglez pas votre problème.

M. SAINT-GERMAIN: Au sujet des verres de contact, êtes-vous satisfaits des responsabili-

tés qu'on laisse aux optométristes et à d'autres corps professionnels?

M. GAREAU: A une nuance près. Dans le mémoire, on parle des personnes qui, en 1961, ont eu une permission de la Législature pour ajuster des lentilles de contact parce qu'elles en faisaient auparavant. Nous ne sommes pas pour leur enlever leurs droits acquis, sauf que nous demandons, à la suite d'un jugement de la cour des Sessions de la paix, que, lorsqu'ils ajustent des lentilles de contact, ce soit en la présence physique soit d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste.

M. SAINT-GERMAIN: C'est tout, merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'ai omis de poser une petite question au collège tantôt. Parmi l'équipe qui conseille habituellement le ministre aux Affaires sociales, y a-t-il des optométristes?

M. GAREAU: Je n'ai pas compris votre question.

M. GUAY: Parmi l'équipe qui conseille le ministre aux Affaires sociales, peut-on compter un ou des optométristes?

M. GAREAU: Je ne crois pas qu'il y ait de conseillers optométristes au ministère des Affaires sociales.

UNE VOIX: Je ne suis pas fonctionnaire, ni le porte-parole des optométristes.

M. GAREAU: Si vous me le permettez, il y a deux optométristes à la Régie de l'assurance-maladie, mais il n'y en a pas encore — je pense bien que cela va venir — au ministère des Affaires sociales.

M. GUAY: J'aurais une question connexe, si le député me le permet. Avant la rédaction de cette loi, le collège a-t-il été consulté?

M. GAREAU: Oui, assurément. On peut mettre en doute tout le processus de consultation, mais soyons honnêtes dans les faits. Il y a eu une consultation, une rencontre avec le ministre des Affaires sociales et votre humble serviteur, en février 1971. Si vous me demandez comme sous-question — vous ne me le demandez pas; alors, je vais me la poser moi-même — si le Collège des optométristes aurait aimé le rencontrer de nouveau, la réponse est encore oui.

M. LE PRESIDENT: Le ministre aurait un bref commentaire.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais faire deux brefs commentaires. Je voudrais simplement rappeler qu'au ministère des Affaires sociales il n'y a pas 44 ou 45 spécialistes représentant les divers groupements spécialisés dans le domaine de la santé, à titre de conseillers. Il me paraît beaucoup plus logique de procéder par expertise lorsque nous en avons besoin et surtout de le faire auprès de gens qui sont dans la pratique active que d'avoir à notre emploi, de façon permanente, un grand nombre de professionnels qui, à plus ou moins brève échéance, perdraient leur contact avec la pratique.

J'aimerais aussi faire un petit commentaire puisqu'on a parlé du Québec qui voulait toujours être différent des autres et qu'on l'a présenté d'une façon négative. J'ai ici les définitions de l'optométrie dans bon nombre de provinces. Je pourrais vous lire celle du Manitoba, par exemple, qui dit que l'optométrie est "the employment of any means other than drugs, medicine or surgery for the measurement of the powers of vision and the adaptation of lens for the aid thereof". On me dit que celle de la Saskatchewan est identique. Vous avez une gamme de définitions qui varient les unes avec les autres. Ceci est tiré des statuts refondus du Manitoba de 1970.

C'est un argument qui me paraît assez faible, parce qu'il y a des variations dans les définitions de l'optométrie d'une province à l'autre. C'était mon seul autre commentaire, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Je veux remercier le collège pour son exposé et les réponses et poser des questions.

Association professionnelle des optométristes

M. LE PRESIDENT: Nous allons maintenant passer à l'Association professionnelle des optométristes.

M. DESROSIERS: Merci pour cette nouvelle consultation que le législateur nous accorde. Merci à tout le monde.

M. LE PRESIDENT: L'Association professionnelle des optométristes de Québec. M. Gauthier, qui en êtes le président, voulez-vous procéder, s'il vous plaît?

M. GAUTHIER: M. le Président, un commentaire au début. J'espère que nous allons disposer de tout le temps nécessaire pour faire tous nos commentaires et répondre à toutes les questions pertinentes que les membres de la commission voudront nous poser, même si le collège a été assez long dans ses représentations.

M. LE PRESIDENT: Vous aurez assez de temps. La seule chose qu'on vous demande, c'est de ne pas dire dans votre exposé, les mêmes choses que le collège.

M. GAUTHIER: Malheureusement, nous allons parler d'optométrie.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. GAUTHIER: Si vous me le permettez, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Oui, d'accord, mais il n'est pas nécessaire de répéter les mêmes arguments. On va sortir tous les faits avec les questions. Si vous avez un aspect différent, exposez-le.

M. GAUTHIER: J'ai bien compris. Je suis André Gauthier, président de l'Association professionnelle des optométristes du Québec. Je suis accompagné de quelques-uns des conseillers de l'association de même que de nos conseillers techniques.

J'entre immédiatement dans le vif du sujet. J'aimerais d'abord dire un mot du rôle de l'optométriste. Dans le domaine oculo-visuel, l'optométriste dispense des soins de première ligne et son cabinet constitue une porte d'entrée dans le système de distribution. Un certain nombre de raisons expliquent pourquoi il est rationnel que les optométristes agissent en tant que praticiens de première ligne. Premièrement, l'incidence des déficiences visuelles est beaucoup plus élevée que l'incidence des pathologies oculaires. Deuxièmement, le nombre des optométristes est beaucoup plus élevé que celui des ophtalmologistes. Les optométristes sont implantés dans toutes les régions du Québec. Troisièmement, par ses connaissances, l'optométriste est en mesure d'acheminer vers une catégorie de professionnels plus spécialisés — le plus souvent les opthalmologistes — le patient chez qui il soupçonne une condition pathologique oculaire ou la manifestation oculaire d'une condition pathologique systémée. L'optométriste est en mesure d'apporter une solution immédiate au problème visuel d'une importante proportion de ses patients et ces derniers ont rapidement obtenu un résultat.

Enfin, l'optométriste, dans les cas où il ne peut lui-même résoudre le problème de son patient l'oriente dans un réseau de soins ou encore peut exercer une surveillance à la demande d'un autre professionnel de la santé.

Pratique en cabinet privé.

La très grande majorité sinon la totalité des optométristes du Québec exercent leur activité professionnelle en cabinet privé. Ils sont totalement absents des établissements que ce soit à titre d'enseignant, d'étudiant ou de praticien.

Notre participation au régime d'assurance-maladie du Québec.

Dès le début du régime d'assurance-maladie, en novembre 1970, une partie importante de l'activité des optométristes dite "services" est assurée.

Enfin, la formation de l'optométriste.

Le niveau de formation est celui de l'université et effectivement, c'est le département d'optométrie de l'Université de Montréal qui assume cette formation.

Disons maintenant un mot des objectifs que poursuivent les optométristes.

Ces objectifs sont : 1 ) Assumer la dispensation de tous les soins de première ligne. 2 ) Elargir la couverture des services assurés dans le régime d'assurance-maladie, ce qui nous semble être l'objet de négociations. 3) Participer au réseau de distribution des soins.

Explications: Dispensation de tous les soins de première ligne: Les optométristes doivent continuer à dispenser et à assumer la responsabilité des soins de première ligne dans le secteur visuel. C'est-à-dire qu'ils doivent être ceux vers qui les patients s'orientent en premier lieu. Ce mode de fonctionnement ou d'accès doit non seulement continuer mais encore s'intensifier. Un tel mode de fonctionnement implique que les optométristes dispenseront les services opto-métriques requis alors que les ophtalmologistes se confineront davantage à la pratique de leur spécialité. A partir des données publiées par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, on peut inférer que nous sommes encore très loin d'avoir réalisé ce partage des activités professionnelles respectives. Sur les 695,000 services dispensés par les ophtalmologistes, seulement 52,000, soit 7.5 p.c., sont des actes chirurgicaux et plus de 350,000, soit plus de 50 p.c, sont des services effectués en cabinet privé.

Etant donné le faible taux d'incidence de pathologie oculaire dans la province, nous pouvons présumer qu'une importante proportion de ces 350,000 services sont de nature optométrique. Cette interprétation des données est par ailleurs confirmée par le fait que les quelques 200 opticiens d'ordonnances remplissent quasi exclusivement les ordonnances des ophtalmologistes.

J'aimerais maintenant dire un mot sur la participation au réseau de soins. La récente adoption de la loi sur les services de santé et les services sociaux, et la création d'un certain nombre de centres locaux de services communautaires ne laissent pas les optométristes indifférents car cette organisation des services de santé les affectera directement ou indirectement. Les optométristes doivent s'intégrer au réseau de dispensation des soins par le biais des CLSC en ce qui concerne les soins de base ou les soins courants.

Par ailleurs, il est prévu que des liens fonctionnels devront s'établir avec les centres hospitaliers afin de pouvoir y organiser des équipes multidisciplinaires. De plus, il est nécessaire que l'enseignement clinique se fasse dans les différents établissements CLSC et centres hospitaliers à cause principalement du grand réservoir de patients qui vont être examinés nécessairement dans ces établissements.

Il nous apparaît clairement qu'une réforme de l'enseignement clinique reçu par les étudiants en optométrie s'impose. En effet, l'étude de l'annexe 3 nous permet de constater une diminution du nombre de patients reçus, du nombre de cliniques, du nombre moyen de

patients par clinique et du nombre moyen de patients par étudiant pendant la période 1964-1969.

Cette tendance a continué à se manifester au cours des trois dernières années. La formation dans les différents établissements réglerait, par le fait même, la question de l'enseignement de la pathologie oculaire, que les responsables des cours de sciences fondamentales en ophtalmologie persistent à refuser.

Je pense qu'il est nécessaire ici de mentionner l'intérêt que notre association porte à la formation des optométristes. Nous aimons suivre de très près cette formation. Nous désirons faire des recommandations — le processus, d'ailleurs, est déjà commencé — à l'université pour essayer de faire comprendre, de faire saisir aux gens qui sont responsables d'organiser l'enseignement des sciences de la santé, les liens qui doivent exister entre la formation, d'une part, et les responsabilités professionnelles qu'assumeront les gens au sortir de leur formation. Je pense que, dans certains cas, il y a des choses qui semblent être disjointes ou déconnectées —si on peut me pardonner le mot — et il y a des liens qui se font mal.

Il ne s'agit pas, à l'intérieur de sciences de la santé, de bâtir une grande structure, de mettre tout cela sur organigramme et de penser que tout marchera comme cela parce que la structure est sur papier. Il y a quelqu'un qui a mentionné tantôt qu'à un certain moment le législateur pouvait chercher à établir des cloisons étanches entre les différents champs d'activités des professionnels de la santé. Cela m'ap-paraît impensable parce que dans les sciences de la santé, les gens qui sont impliqués ont tous des fonctions complémentaires. Il est bien sûr qu'il y a des chevauchements de champs d'activités par le fait qu'à la médecine — d'abord, la médecine existe depuis des millénaires — sont venues se greffer, à cause de la complexité des sciences, justement d'autres sciences de la santé qui ont leur valeur, qui permettent au public d'avoir accès à des soins parce que, s'il fallait —comme on a posé la question tantôt, question très théorique, remarquez bien — qu'on se retrouve du jour au lendemain uniquement avec des médecins, cela ne marcherait pas. Tout de suite, le lendemain matin, il y aurait et des médecins et des paramédicaux pour répondre à la demande.

Evidemment, je respecte les gens qui ont un statut de paramédical. Seulement, les dentistes, les pharmaciens, les optométristes et d'autres personnes dans le domaine de la santé n'ont pas ce statut. Ils ont gagné le respect des citoyens. Ils sont autonomes. Ils sont capables et suffisamment compétents pour établir eux-mêmes leurs critères de qualité professionnelle. Et cela, nous ne pouvons pas admettre que ce soit établi par d'autres personnes, parce qu'à ce moment-là, nous pourrions nous demander à la lumière de quoi on établirait ces critères de qualité?

Comment les bills 256 et 268 risquent-ils de compromettre la réalisation des objectifs que j'ai énoncés tantôt? D'abord, la description des services optométriques pourrait se faire de la façon suivante: Les services que rendent les optométristes ont pour objet de protéger, de maintenir, d'améliorer et de promouvoir une vision claire et confortable permettant à un individu d'atteindre une performance visuelle maximale. Ces services comprennent des actes diagnostiques et des services thérapeutiques.

Maintenant, décrivons l'exercice de l'optométrie. Compte tenu des caractéristiques de l'optométrie, de l'entente signée dans le cadre du régime d'assurance-maladie, de la description des services optométriques que nous venons de faire, nous croyons qu'une définition de ce que constitue l'exercice de l'optométrie devrait se lire comme suit: "Constitue l'exercice de l'optométrie tout acte qui a pour objet de diagnostiquer ou de traiter toute déficience de la vision chez un être humain. L'exercice de l'optométrie comprend notamment l'évaluation des problèmes visuels, la détection d'un état de pathologie, le diagnostic optométrique, la prescription de lentilles ophtalmiques, le traitement optométrique et son contrôle." Contrairement à la définition proposée dans le bill 256, nous proposons une définition qui a l'avantage de contenir une notion d'amélioration ou de solution des problèmes visuels.

Evidemment, si nous pratiquons en première ligne, nous voulons être capables, dans un contexte législatif nouveau, de régler 95 p.c. des cas en première ligne. Nous n'avons pas l'intention de contribuer â un accroissement du coût en étant tellement limités que presque plus rien ne pourrait se régler à la première ligne.

De plus, la définition proposée permet, sujette à certaines conditions, l'usage topique de drogues à des fins diagnostiques.

J'aimerais ici dire un mot sur l'entraînement visuel, suite à tout ce qu'on a entendu tantôt. Le problème concernant l'entrafnement visuel, c'est de l'organiser, de le réglementer parce qu'en soi, c'est valable. Tout le monde le dit. Il ne faudrait pas oublier que l'entraînement visuel, dont il a été question tantôt, se fait actuellement en milieu hospitalier. Alors je ne vois pas pourquoi, avec une réglementation logique et des moyens de contrôle logiques, la corporation ait les pouvoirs de surveiller la qualité de l'activité de ses membres; je ne vois réellement pas de problèmes là-dedans. Autrement, que cela cesse de se faire dans les hôpitaux! Si c'était mauvais au point qu'on veuille défendre à l'optométrie d'exercer dans ce champ d'activité, comment se fait-il qu'on fasse cela à l'hôpital? Et il s'en fait, à l'hôpital, pas mal, à part cela.

Ici, même si le ministre des Affaires sociales a mentionné tantôt que les législations des autres provinces n'étaient pas des critères, il est tout de même intéressant, parfois, de se pencher au moins sur celles qui sont bonnes. J'ai ici un texte qui nous arrive de l'Ontario. Je comprends qu'après cela, ce n'est peut-être pas la fin du monde: "Practice of optometry means

any professionnal service performed by an optometrist, the objects of which are to determine the visual environment as it relates to vision performance, to detect and refer, when necessary, any abnormality of the eye or adnexa which may be pathological in origin, to diagnose and to take care of, by such acts, as counselling, prescribing, dispensing and vision training anomalies of vision and vision performance. "Prescribing means to write or to determine a formula or prescription for ophtalmic appliances and vision training. "Vision training means to carry out or provide for orthoptics and repetitive exercices to develop aculoneuromuscular mechanisms to preserve, restore or improve vision performance."

M. CASTONGUAY: Je m'excuse de vous interrompre, M. Gauthier.

M.GAUTHIER: C'est le projet de loi — je m'excuse — proposé par la législation en juin 1972, en Ontario. C'est un projet de loi, remarquez bien. On peut être en haut de la côte, on peut être en bas de la côte. Question de savoir pelleter !

M. CASTONGUAY: On peut aussi le modifier en cours de route.

M. GAUTHIER: La conséquence de l'interdiction de la vente de lentilles ophtalmiques par les optométristes intéresse beaucoup de gens. L'article 18 du bill 256 et l'article 30 du bill 268 font qu'au terme d'une période de 24 mois, les optométristes ne vendraient ni n'ajusteraient de lentilles ophtalmiques et consacreraient la totalité de leur activité professionnelle à l'examen, au diagnostic optométrique, à l'ordonnance et à l'exécution de certaines thérapies.

Pour que de telles dispositions puissent trouver application, il faudrait être au stade terminal de la réalisation des deux objectifs suivants, lesquels sont de facto indissociables: La complémentarité entre optométristes et ophtalmologistes et l'intégration complète de services optométriques dans le système de dispensation des soins. Après tant d'années de distance entre ces deux groupes de professionnels, comment une mesure législative peut-elle arriver à enfermer, dans une limite de temps, un processus de cette nature qui suppose compréhension et communication?

J'ajouterais ici que, depuis déjà deux ans, les optométristes participent au régime d'assurance-maladie. Or, dans le cours de l'exercice de leur pratique et de leur participation, nous nous retrouvons devant un problème qui est celui de la référence de nos cas porteurs de pathologie qui se voient refuser systématiquement l'accès direct à des soins spécialisés sous le prétexte que l'ophtalmologiste ne peut pas obtenir, si le cas lui est référé par un optométriste, son tarif de consultation. On n'a même pas réglé ça encore.

Moi, j'ai soulevé le problème devant le Collège des médecins. On m'a répondu en haussant les épaules. J'ai porté le problème ailleurs. Je pense qu'il y a peut-être plus de chances ailleurs. C'est peut-être un problème qui relève strictement de la négociation, mais je pense qu'il relève aussi en partie du devoir qu'a le législateur de s'assurer qu'un patient, pour des motifs aussi stupides, ne se voie pas refuser l'accès à des soins.

Un optométriste a certaines connaissances en matière de pathologie; s'il juge qu'un cas doit être vu en ophtalmologie ou ailleurs, je pense que c'est de toute humanité, c'est primordial qu'on ne puisse pas refuser, sous prétexte qu'il vient d'un optométriste, un cas de cette nature. Je soulève le fait encore une fois, je l'ai soulevé un peu partout depuis un bon bout de temps. Un jour ça finira sans doute par se régler.

J'aimerais ici ouvrir une autre petite parenthèse. Il ne faudrait pas croire que les optométristes, d'une part, et les ophtalmologistes, d'un autre côté, sont continuellement en guerre. C'est absolument faux. Nous avons du travail, nous avons des gens â voir des deux côtés, et c'est rendu que nous commençons à en avoir même plus que nous sommes capables d'en faire, jusqu'à un certain point. Nous n'avons pas le temps de passer nos journées à préparer des batailles. Ce n'est pas vrai et nous ne faisons pas ça non plus.

Nous avons avec les ophtalmologistes, à titre d'individu à individu, de praticien à praticien, des relations très étroites et ça va bien. Sauf lorsqu'on se bute à une directive venant de l'association, alors nous commençons à avoir des problèmes. Il me semble que ça a assez duré. Il y a trop de travail à faire dans le domaine de la santé pour se buter continuellement à des choses comme ça.

Nous, de toute façon, nous avons orienté nos objectifs, nous travaillons à la réalisation de ces objectifs, et dans une certaine mesure nous en avons réalisé une bonne partie. Il nous en reste encore, il nous reste l'intégration à réaliser à l'équipe de la santé au niveau des CLS et des centres hospitaliers, et je suis optimiste, je pense que ça va se faire et dans des conditions professionnellement acceptables.

Il ne s'agit pas — j'ouvre encore une autre petite parenthèse, c'est peut-être difficile à suivre, mais tout de même — pour nous, quand nous parlons d'intégration au réseau de santé, de juxtaposer des bureaux les uns à côté des autres, que le gouvernement soit une espèce de concierge de cette grosse patente.

Nous pensons que ce qui est encore beaucoup plus important que des affaires physiques, c'est qu'on réussisse, à un moment donné, à s'entendre sur un certain nombre de conditions professionnelles. C'est au moins aussi important que tout le reste.

Je continue mon exposé sur la question des

difficultés qu'on peut rencontrer avec les prothèses ophtalmiques. D'ici deux années, est-ce que les optométristes seront intégrés au réseau de distribution de soins? On travaille dans ce sens-là, mais on n'en est pas certain. Est-ce que les liens fonctionnels nécessaires seront finalisés entre les CLSC et les centres hospitaliers? Il nous apparaît impossible de déterminer une période de temps à l'intérieur de laquelle se réalisera la complémentalité entre ophtalmologistes et optométristes et l'intégration des optométristes au réseau de distribution de soins.

Conséquence de l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques par les opticiens d'ordonnances. Nous nous limitons ici à dresser une série de questions. Face à un accroissement du marché, c'est-à-dire à une demande additionnelle, dans quel délai les opticiens d'ordonnances seront-ils en mesure d'y répondre? Deuxièmement, seront-ils en mesure de se répartir sur tout le territoire de sorte que la population ne soit obligée de parcourir de plus longues distances? Troisièmement, s'il y a certaines raisons de croire que l'on peut faire face à une sérieuse pénurie d'opticiens d'ordonnances, pénurie réelle ou artificielle, est-ce qu'il ne faudrait pas s'attendre à une augmentation du prix des lentilles ophtalmiques? Enfin, la réduction sur une courte période de temps du nombre de points de vente pourrait-elle être un autre facteur susceptible de faire jouer les prix vers une hausse, puisqu'il est généralement reconnu que plus le nombre de vendeurs est élevé, plus ce marché est concurrentiel?

En plus de ces questions, nous avons certaines indications à l'effet que le prix des prothèses est plus élevé chez les opticiens d'ordonnances que chez les optométristes, à l'heure actuelle. Qu'adviendra-t-il demain?

L'optique de contact. L'utilissation accrue de ce moyen thérapeutique nous amène à quelques considérations sur ce sujet. A l'heure actuelle, la confusion est totale et le projet de loi ne clarifie rien. En effet, la Loi médicale accorde aux médecins le droit de vendre des verres de contact; la Loi sur l'optométrie accorde aux optométristes le droit de vendre des verres de contact et la Loi des opticiens d'ordonnances ne le défend pas expressément aux opticiens d'ordonnances. De plus, l'optique de contact ne fait partie de l'exercice illégal ni de la médecine ni de l'optométrie, ce qui permet à toute personne d'oeuvrer dans ce secteur. Ainsi, l'optique de contact n'est soumise à aucune restriction, contrairement aux lentilles ophtalmiques et aux autres prothèses.

Nous recommandons donc que soient utilisés dans chaque projet de loi des termes identiques pour désigner ce qui a trait à l'optique de contact; que le projet de loi 268 défende expressément aux opticiens d'ordonnances d'oeuvrer dans ce secteur; que l'optique de contact fasse partie des actes réservés aux optométristes et que nul ne puisse poser ces actes s'il n'est optométriste.

Je vous remercie, M. le Président. Je termine ici mon exposé.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je veux remercier l'association pour son mémoire. Tout comme en 1970, au moment où nous avons négocié l'entente au sujet de la couverture des services optométriques, de façon, je pense, conjointe nous pouvions dire qu'il y avait là un progrès considérable.

Pour mieux comprendre certains aspects des problèmes qui demeurent, particulièrement le problème de la référence aux ophtalmologistes, j'aimerais poser une seule question à M. Gauthier, et c'est la suivante: Compte tenu que cette question de référence et de tarif doit nécessairement passer, à un moment ou à un autre, par la table de négociation — il s'agit aussi de bien voir quelles en sont toutes les dimensions sur les autres plans — quels sont, selon vous, M. Gauthier, les principaux motifs qui font en sorte, comme vous le dites dans votre mémoire ou encore comme vous l'avez dit dans votre exposé, que vous êtes absents des centres hospitaliers ou encore que vous n'êtes pas intégrés dans le réseau des services de santé?

M. GAUTHIER: L'optométriste, comme je l'ai mentionné, a exercé, jusqu'à ces derniers temps, exclusivement en cabinet privé pour un certain nombre de raisons. D'abord, c'est un praticien de première ligne, un peu à l'instar d'un omnipraticien, si vous voulez, dans le domaine de la santé, si je peux faire cette comparaison. Tout le monde sait que le champ ou le lieu d'exercice des praticiens de première ligne a été et est encore, pour un certain laps de temps, le cabinet privé; c'est la porte d'entrée de ces praticiens de première ligne. Or, il arrive une réorganisation des soins de santé, une loi qui réorganise la distribution des soins; cette loi va nous permettre de nous intégrer davantage à l'équipe de la santé en rapprochant les groupes sur le plan de leur formation clinique, d'une part. Il y a des avantages nets de ce côté-là, ce qu'on ne retrouvait pas autrefois.

Il y a un historique quant à la formation de l'optométriste qui est en dehors actuellement du milieu hospitalier et, selon nos recommandations à nous, il devrait s'intégrer au milieu hospitalier, au niveau des CLS et des centres hospitaliers pour des soins multidisciplinaires. Certains soins auraient avantage à être multidisciplinaires, d'autres peuvent être réglés à la première ligne. Je pense qu'une nouvelle loi, telle que le bill 65 de même que ces règlements sur lesquels nous avons préparé des travaux que nous vous avons fait parvenir, va maintenant favoriser ou avoir tendance à inciter l'optométriste à s'intégrer à l'équipe de la santé. Cela ne l'empêchera pas de conserver en quelque sorte

son cabinet privé pour répondre à d'autres types de population ou à d'autres besoins, mais il y a un net avantage, je pense, que l'optométriste s'imbrique à l'équipe de la santé par la voie des CLS et du centre hospitalier. Est-ce que cela répond un peu à votre question?

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny) : M. le Président, j'aimerais poser quelques questions à M. Gauthier. Vous avez donné tantôt des statistiques intéressantes au sujet des actes professionnels posés dans le cadre de la Loi de l'assurance-maladie.

Le rapport de la régie en contenait également. Est-ce que, selon les statistiques publiées, la classification des actes vous surprend? Est-ce que les résultats vous surprennent ou si cela correspondrait aux prévisions que vous aviez effectuées, dont vous aviez tenu compte au moment des négociations? Est-ce que la pratique change... est-ce qu'il y a une évolution assez rapide dans ce domaine?

M. GAUTHIER: Je pense qu'on est tombé pas mal dans le mille avec les prévisions que nous avions faites à la table des négociations. Quant aux statistiques qui nous concernent, nous avions évalué le coût des soins optométriques à environ $7 millions et plus. Je pense que c'est tombé pas mal juste. Quant aux statistiques d'utilisation des services, elles prouvent ce que nous avions toujours dit. Ce qui nous est apparu un peu plus surprenant, c'est ce que j'ai mentionné tantôt, sur les 695,000 services dispensés par les ophtalmos, seulement 52,000, soit 7.5 p.c, sont des actes chirurgicaux alors que tout le monde définit la spécialité comme une spécialité médico-chirurgicale.

C'est embêtant un peu. Cela devient alors de l'optométrie qui coûte joliment cher. Si le gouvernement, disons, le réseau fait en quelque sorte qu'on fait faire de l'optométrie par des gens qui devraient rendre des soins secondaires et spécialisés, un instant! Cette optométrie-là commence à coûter très cher, alors que l'optométrie est répartie et organisée, dans la province, pour assumer la responsabilité et rendre tous les soins de première ligne. C'est cet aspect qui nous est ressorti dans les statistiques. Cela veut dire qu'il y a beaucoup d'ophtalmologistes qui font de l'optométrie et d'une façon assez importante.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce le seul endroit ici, au Québec, où les statistiques donnent une telle évidence, ou si c'est la même chose ailleurs? Vous avez affirmé dans votre exposé que l'incidence des cas pathologiques était beaucoup moins élevée que celle des problèmes visuels.

Cela se traduit, en statistiques, dans le cadre de l'assurance-maladie — je pense que s'il y a des statistiques que nous pouvons accepter, ce sont celles-là, elles sont payées par la régie — est-ce qu'ailleurs cela traduit de la même façon, l'exercice de la profession dans le champ qui nous occupe ce matin?

M. GAUTHIER: Là-dessus, nous ne disposons pas tellement de chiffres sur les autres provinces. Nous avons ici une Régie de l'assurance-maladie qui est bien organisée et qui nous a produit un très très beau rapport statistique. C'est quelque chose d'assez intéressant. Je ne pense pas que des chiffres aussi détaillés, avec des "break-down" aussi détaillés, aussi sophistiqués puissent se retrouver ailleurs. Il est un peu embêtant d'essayer de faire des comparaisons avec l'activité dans les autres provinces.

M. CLOUTIER (Montmagny): Tenant compte de la définition que vous proposez et de la définition que contient la législation, est-ce qu'avec la législation que vous proposez, vous pourriez continuer d'offrir des soins de première ligne et est-ce qu'avec la définition contenue dans le projet de loi no 256, vous pourriez effectuer des soins de première ligne?

M. GAUTHIER: Je pense qu'avec la définition proposée, il serait assez difficile d'assumer la totalité des soins de première ligne. C'est pourquoi nous en proposons une, nous, qui nous paraît avoir pour objet que l'optométriste pourra continuer à assumer cette responsabilité de première ligne, compte tenu aussi du fait que nous croyons que les corporations professionnelles ont un rôle à jouer en ce qui concerne la qualité des soins dispensés par les gens qui sont sous leur juridiction. La définition que nous possédons actuellement, comme le souligne Me Lapointe, est supérieure à celle qui est proposée par le législateur.

M. CLOUTIER (Montmagny): A votre avis, celle que vous proposez est supérieure à celle que vous avez actuellement?

M. GAUTHIER: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): Autrement, vous ne l'auriez pas proposée. C'est bien important, si vous parlez de soins de première ligne, vous devez parler de la répartition de vos effectifs. Est-ce qu'actuellement vous êtes d'avis que la répartition de vos effectifs vous permet d'assumer entièrement cette responsabilité de première ligne et que d'autres — vous avez semblé dire tantôt les opticiens d'ordonnances et je ne sais pas si vous avez dit les ophtalmologistes — professionnels ne pourraient peut-être pas assumer aussi adéquatement ces soins de première ligne à cause de la répartition de leurs effectifs sur le territoire.

M. GAUTHIER: Cela nous apparaît assez évident, M. Cloutier. Il y a 530 optométristes qui couvrent tout le territoire du Québec. Il y a

170 ophtalmologistes concentrés, à cause de leur spécialité — c'est très facile de le comprendre — près des centres hospitaliers, ordinairement des centres hospitaliers universitaires parce que ces gens assument une certaine proportion de leur temps à l'enseignement. C'est normal. Je ne les blâme absolument pas. Ce qu'il est important d'organiser, c'est la première ligne et d'en faire une espèce de satellisation, c'est-à-dire, après que les patients ont été vus à la première ligne, qu'est-ce qu'on fait avec eux? Dans certains cas, si on réorganise le réseau comme il faut, que toute la province puisse avoir accès, et rapidement, à des soins secondaires et spécialisés.

Je pense que si celui qui joue le rôle de donner des soins secondaires et spécialisés s'en vient jouer le rôle de la première ligne, il perturbe toute cette affaire. A notre sens, il est absolument peu efficace, et quand nous en aurons besoin pour donner ces soins de seconde ligne, ces soins secondaires, il ne sera pas là. Il sera occupé à faire notre travail. C'est ce qui n'est pas logique. Et il me semble qu'un gars qui a fait six ans de médecine et quatre d'ophtalmologie et peut-être en plus, deux ou trois ans de spécialisation, un gars qui est rendu à ce niveau sophistiqué des connaissances, je ne sais pas s'il a tellement de raisons de faire de l'optométrie, qui, elle, s'exerce sur la première ligne et qui l'assume et qui est capable de donner toutes les garanties suffisantes à la population. Autrement, il n'y aurait personne dans les bureaux des optométristes. Si nous ne donnions pas satisfaction à la population, comment ferait-on pour remplir les bureaux? Les bureaux sont pleins. A ce moment-là, je comprends bien l'optique du législateur qui dit: Cela serait bon que l'on divise les tâches, qu'on partage tout cela. Cela fera peut-être la paix. Mais on ne peut pas partager cela sur le dos de l'optométrie. Cela ne fera pas la paix. Comprenez-vous?

Si l'ophtalmologiste était prêt à s'asseoir à une table et dire: Je fais connaître mes objectifs, qui ne sont pas de détruire l'optométrie.

Cela serait déjà quelque chose de nouveau en partant. Je fais connaître mes objectifs, les objectifs que j'ai pour mon monde. Est-ce que c'est la première ligne ou la deuxième ligne? Est-ce que c'est la surspécialisation? C'est quoi, au juste?

Est-ce une déclaration de guerre permanente? Qu'est-ce que c'est? Où s'en va-t-on? Ce n'est pas cela. On pourrait commencer à penser à répartir des tâches et nous mettrions notre monde devant un choix. Jamais, nous ne nous opposerons à cela, comme association. Si nos professionnels décident eux-mêmes qu'ils ont suffisamment de travail et qu'ils ne veulent s'occuper que de telle, telle ou telle partie de leur champ d'activité — c'est un privilège qui est réservé à tout professionnel de choisir son champ d'activité à l'intérieur d'un cadre — nous n'avons pas d'objection à cela. Mais on ne peut pas arriver de but en blanc et dire: Ecoute, on prend 50 p.c. de ton activité et de ton revenu et on va "shooter" cela ailleurs. C'est un autre qui va faire ce travail. Cela me paraît curieux. Cela ne me paraît pas réaliste. Ce n'est pas facilement applicable au Québec, non plus. Je ne le pense pas.

Que l'on place les professionnels devant un choix, je suis bien d'accord. Les optométristes vont faire un choix. Il y a des optométristes qui vont entrer dans le réseau; il y a des optométristes qui vont pousser, pousser, pousser, à tous les niveaux de spécialisation. Au fur et à mesure qu'ils monteront, ils laisseront des affaires en arrière. Ils ne pourront pas tout faire. Ce n'est pas logique. Mais plaçons-les devant un choix. Ne forçons pas le jeu de cette façon, parce qu'on obtiendra de mauvais résultats, à mon sens.

M. LE PRESIDENT: M. Gauthier, nous allons suspendre la séance jusqu'à deux heures et quart.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

Reprise de la séance à 14 h 18

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

M. GAUTHIER: La loi proposée étant à caractère assez limitatif par rapport à la définition que nous avions, qui comprenait tous les moyens parmi l'usage des drogues, je pense que cela nous créerait certaines difficultés, parce que, tout au cours des négociations, il a fallu s'appuyer, premièrement, sur une définition d'ordre juridique de l'optométrie, et deuxièmement, sur la formation universitaire de l'optométriste.

C'est ce qui nous a permis d'établir une entente que nous connaissons aux fins du régime d'assurance-maladie. Je pense que si on se retrouvait avec une définition à caractère limitatif, nous pourrions avoir certaines difficultés à nous entendre.

Evidemment, l'entente que nous possédons actuellement se situe — comme je l'ai mentionné ce matin — au niveau de la dispensation de soins de première ligne. Et elle est collée sur la définition juridique que nous avions de l'optométrie, de même que sur notre formation universitaire.

Nous allons nous retrouver éventuellement avec une nouvelle définition. Nous, nous demandons, d'une part, qu'elle soit aussi large que possible pour nous permettre de continuer d'assumer des responsabilités à la première ligne. Et deuxièmement, nous demandons qu'en complémentarité de ce point de vue, la corporation professionnelle ait tous les pouvoirs lui permettant de surveiller l'exercice professionnel, de telle sorte que les gens qui sont sous sa juridiction ne puissent pas déborder le champ d'activité ou les normes de sécurité qui leur sont dévolues par la loi. Je pense que c'est assez clair.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit également que les relations entre les optométristes et les ophtalmologistes, sur le plan personnel, étaient excellentes, mais qu'au niveau des associations, c'était peut-être un peu plus difficile.

Vous avez dit également — soit vous autres ou le collège — que les opticiens d'ordonnance surtout étaient en relation avec les ophtalmologistes pour remplir des ordonnances.

M. GAUTHIER: Exactement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Disons que je ne comprends pas très bien. Vos relations seraient bonnes avec les ophtalmologistes, mais vous n'auriez pratiquement pas de relations professionnelles avec les ophtalmologistes, si j'accepte que ce sont les opticiens d'ordonnance qui remplissent en majorité les prescriptions.

M. GAUTHIER: Oui, mais les relations, M. Cloutier, que nous avons avec les ophtalmologistes ne sont pas au niveau de la prescription de lentilles ophtalmiques. Les relations que nous avons non seulement avec les ophtalmologistes, mais avec la médecine spécialisée et même avec les omnipraticiens se situent à un niveau professionnel diagnostique.

Je vais vous donner un exemple concret. Admettons que, dans le cours de sa pratique, soit en écoutant l'histoire du patient, soit à l'examen de fond de l'oeil, un optométriste décèle des symptômes, si vous voulez, de diabète. Je pense bien que son premier geste — c'est un geste de diagnostic et c'est un geste professionnel — va être de s'informer auprès du patient s'il a un médecin de famille et il va le référer à son médecin de famille pour son diabète, selon la présomption qu'il peut avoir qu'il a une maladie du système.

Autre exemple, si l'optométriste découvre ou décèle chez un patient la présence d'une opacité, d'une cataracte, mettons, il ne perdra pas de temps à le référer à un omnipraticien; il va le référer à un ophtalmologiste. Ce sont des choses qui paraissent assez évidentes. C'est le genre de relations, si vous voulez, que nous entretenons avec l'ensemble des professionnels de la santé. Ce n'est pas tout à fait le même genre de relations qui peuvent exister, par exemple, entre l'ophtalmologiste et l'opticien d'ordonnances. L'opticien d'ordonnances vient poser les actes complémentaires aux actes d'op-tométrie posés par l'ophtalmologiste en ce qui concerne l'examen, la réfraction, une ordonna-ce au bout de cet examen, à la suite d'un diagnostic. L'opticien d'ordonnances exécute pour l'ophtalmologiste cette ordonnance.

Ce sont des relations un peu différentes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez mentionné également qu'il y avait un problème non réglé dans le cas de l'assurance-maladie, soit celui de la référence. Vous aviez eu des contacts avec le Collège des médecins et ça n'a pas donné de résultats concrets. Vous aviez fait d'autres démarches. Ces démarches, les avez-vous faites auprès de la Fédération des médecins spécialistes?

M. GAUTHIER: Nous en avons fait auprès de la Fédération des médecins spécialistes, qui nous a semblé, à ce moment-là, comprendre ce que nous voulions. Ils nous ont expliqué pourquoi ça ne s'était pas réalisé. Nous avons fait d'autres commentaires auprès des représentants du ministère des Affaires sociales, qui nous ont semblé capables de régler ce problème. Je pense que c'est un problème de négociation qui devrait se régler dans la prochaine ronde qui est déjà amorcée, en principe, concernant l'assurance-maladie.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'après vous, est-ce qu'il serait plus facile de régler les

problèmes délicats entre les deux professions par le truchement du syndicat, votre syndicat et la Fédération des médecins spécialistes ou si ce serait plus facile par les deux collèges?

M. GAUTHIER: Vous me posez là une question bien théorique.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au niveau des associations, ce sont des problèmes bien concrets. Il s'agit de références de cas. Quand il s'agit de l'assurance-maladie...

M. GAUTHIER: Oui, je suis d'accord sur cela.

M. CLOUTIER (Montmagny): ... il faut tout de même que la régie accepte ce que vous faites et ce que l'autre spécialiste fait. Vous avez des problèmes concrets; à partir des problèmes qui se répètent, qui se posent souvent, je pense bien qu'on peut dégager, à un moment donné, une...

M. GAUTHIER: Dans la mesure, M. Cloutier, où il s'agit de problèmes reliés à l'assurance-maladie, aux ententes, à la loi et à la négociation, nous jouons notre rôle. Lorsqu'il s'agit de problèmes qui touchent la protection du public, je pense qu'il y a des organismes. Je suis le premier à reconnaître que les corporations professionnelles ont un rôle très important à jouer là. Je n'ai pas accepté la réponse que m'a faite le Collège de médecins sur ce problème.

Je pense que c'est un problème qui relève en partie des corporations professionnelles et même en partie du législateur; en partie, ça touche aussi un peu les questions reliées à l'assurance-maladie. Il y a pas mal de monde d'impliqué dans ces choses. Il ne s'agit pas que le syndicat fasse le travail, se superpose soit au collège, soit au législateur. Je pense qu'on a assez de notre ouvrage à faire sur le plan de la négociation; cela ne nous empêche pas de soulever certaines questions qui nous paraissent d'intérêt public, d'intérêt social. On a des intérêts indirects là-dedans. Quand on parle de questions d'enseignement, ce n'est pas nous les enseignants et ce n'est pas nous l'université. Rien n'empêche qu'on est intéressé au premier chef parce que l'enseignement, c'est ce qui sous-tend toute la qualité des soins, alors, on y est intéressé.

Tantôt, nous allons nous présenter devant les représentants du ministre et nous allons dire: On a tel et tel produit à vendre. On voudrait bien être toujours certain que ce qu'on vend, c'est ce qu'on décrit, qu'il y ait un enseignement en arrière qui sous-tend cela et qu'il y a également une loi qui encadre tout cela. Chacun là-dedans à son rôle à jouer. De toute façon, les différents rôles entre syndicats et corporations professionnelles, il commence à y avoir du monde qui comprend cela de plus en plus, les choses commencent à entrer dans l'ordre.

Evidemment, il arrive de nouvelles lois. Cela produit un état de choc, des réactions. Cela ne peut pas faire autrement. Je pense que ce qui reste dans le fond, dans tout ça — et ça, ça ne change pas beaucoup — ce sont les besoins réels de la population auxquels il faut répondre. Je comprends que le législateur cherche le meilleur moyen de répondre à ça en s'assurant d'une meilleure efficacité possible, du coût le plus rentable possible par les moyens les plus efficaces possibles. Il me semble que c'est l'objectif du législateur. C'est ce qu'on comprend. On essaie d'insérer notre action à l'intérieur de ces choses, pas de jouer le rôle de l'un ou de l'autre. Je ne vous dis pas qu'on ne pousse pas quelquefois; on est obligé de pousser. Il faut pousser sur l'université, il faut pousser sur les collèges, il faut pousser sur tout le monde. Cela prend des bulldozers comme ça, on fait ce qu'on peut.

M. CASTONGUAY: J'aurais un commentaire, M. le Président. Le député de Montmagny a soulevé, à quelques reprises, la question de savoir si une meilleure relation pourrait s'établir par des discussions entre les collèges ou par des discussions entre les syndicats. J'ai déjà lu une phrase qui m'avait parue pleine de sens. On disait que la relation entre le médecin et son patient, c'est une relation sacrée, mais que ce qui la cimentait vraiment, c'était le paiement de l'honoraire. A l'observation, j'ai trouvé que cela avait passablement de sens. Je me demande si, dans ce cas-ci, on parle d'une relation qui procède de motifs très élevés. Mais si on veut bien la cimenter et faire en sorte qu'elle s'établisse, on ne doit pas passer par le truchement des honoraires aussi.

L'Association des ophtalmologistes du Québec

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques Cartier. D'accord. Il vous remercie au nom de la commission. L'Association des ophtalmologistes du Québec, Me Claude Tellier.

Je vois que vous avez deux résumés de mémoires. Je voudrais que vous réunissiez les deux, à l'intérieur d'une période de vingt minutes.

M. TELLIER: M. le Président, je veux simplement, d'abord, vous souligner que je suis accompagné des principaux représentants de l'Association des ophtalmologistes. A ma droite, le Dr Michel Mathieu, le gros méchant dont on a parlé ce matin; à sa droite, il y a le Dr Labelle et, à ma gauche, le Dr Jean de Margerie. Il y a également dans l'auditoire un certain nombre de médecins qui assument le leadership.

Maintenant, avec votre permission, je vais demander au Dr Mathieu de présenter l'introduction et nous continuerons de façon très expéditive pour réserver le plus de temps possible aux questions qui, j'imagine, ne manqueront pas.

M. MATHIEU: M. le ministre, M. Cloutier, MM. les membres de la commission, nous sommes heureux de pouvoir venir nous présenter à vous aujourd'hui et de vous donner certaines informations. Je dois vous dire ce que je vous avais dit lorsque j'étais venu avec le Dr Robillard: Notre but, en venant ici aujourd'hui, n'est pas du tout de venir défendre les droits de l'ophtalmologie. Je pense que l'ophtalmologie comme telle actuellement n'est pas en cause dans les bills que nous allons discuter. Parce que, de par notre expérience, nous sommes dans une situation qui nous permet de voir un peu ce qui doit être fait dans l'intérêt de la population, nous sommes venus ici vous faire des suggestions sur des points qui, nous le pensons, sont d'intérêt public.

Nos mémoires, comme vous les avez vus, sont courts. Ils embrassent des points bien précis. Ces points, nous les présentons parce que nous pensons que les projets de loi que le gouvernement met en discussion ont certaines petites défectuosités et que les suggestions que nous allons faire devraient permettre d'améliorer les soins à la population. C'est notre unique but. Maintenant, Me Tellier va vous faire un court résumé des points que nous soulevons dans nos deux mémoires: après quoi, nous répondrons avec plaisir à vos questions et aux commentaires que vous voudrez bien faire.

M. TELLIER: Avec votre permission, M. le Président, je voudrais commencer par le rapport qui traite du bill 268, Loi des opticiens d'ordonnances. Sur ce projet de loi, nous avons deux commentaires et deux recommandations.

D'abord sur l'article 30 qui, pour une période de 24 mois après l'entrée en vigueur de ce bill, accorderait aux médecins et aux optométristes le droit de continuer la vente de lentilles ophtalmiques. La position de l'association est que le médecin ne devrait pas avoir à vendre des lunettes pour quelque raison que ce soit parce que nous sommes d'avis que ce n'est pas son boulot. Par ailleurs, et c'est pour cela que nous vous suggérons notre première recommandation, que l'on enlève le mot médecin dans cet article 30 et qu'on s'en tienne uniquement aux optométristes dans cet article.

Cependant, il faut être réaliste et considérer la possibilité que dans certaines régions il n'y ait pas d'opticien d'ordonnances de disponible. Simplement à titre de suppléance, nous croyons que le médecin, malgré que le principe n'y colle pas, puisse vendre, dans les cas d'exception et dans l'intérêt du service à rendre au public, des lunettes dans une municipalité où il n'y a pas d'opticien d'ordonnances dans un rayon de 25 milles.

C'est la raison pour laquelle nous suggérons des modifications à l'article 19 du projet de loi de façon qu'on ajoute cette possibilité. J'attire votre attention sur l'article 19. On semble, au paragraphe a), sur le droit qu'aurait le médecin de vendre des lentilles ophtalmiques, simple- ment considérer les droits acquis, c'est-à-dire les médecins qui, au 1er novembre 1971, en vendaient. Je ne pense pas que c'est servir l'intérêt de la population parce qu'il se peut bien qu'un médecin aille s'établir dans une localité tout à fait nouvelle. Nous vous suggérons également de faire disparaître cette question de date du 1er décembre 1971.

Voilà pour le premier point quant au droit des médecins de vendre des lentilles ophtalmiques.

Le deuxième point, en ce qui concerne le bill 268, est la question des verres de contact.

A l'article 19, paragraphe b), on maintient les droits acquis pour un petit groupe de personnes qui, depuis le 1er avril 1961, avaient comme occupation l'ajustement des verres de contact. Nous sommes d'accord pour que ce droit, ce privilège acquis se maintienne. Sauf qu'il arrive, sur le marché, depuis quelque temps, que de nouveaux produits, aux Etats-Unis, ne sont encore qu'au stade expérimental et leur vente est réservée à quelques institutions seulement. Je ne suis pas un spécialiste de la technique, vous pourrez vous en enquérir plus tard, mais il s'agit apparemment de verres de contact mous qui doivent s'ajuster en même temps que le professionnel qui fait l'opération, fait une réfraction. Alors nous, l'association, vous demandons quand même d'exclure de ces privilèges acquis, l'installation de verres de contact qui demanderait qu'une réfraction soit faite. Dans ce cas, nous vous suggérons d'ajouter au paragraphe b) de l'article 19, cette phrase que nous vous citons à la page 2 de notre mémoire: Toutefois l'ajustement de tout verre de contact qui nécessite qu'une réfraction soit faite avec ledit verre en place sur l'oeil du patient, est réservé à ceux qui sont légalement habilités à faire la réfraction.

Je pense que c'est clair et que nous n'avons pas besoin de développer davantage. Cela terminerait, M. le Président, les quelques commentaires que nous avions sur le bill 268. Je voudrais passer sans autre introduction à nos commentaires au sujet du bill 256 concernant la Loi sur l'optométrie.

Relativement à ce bill, nous avons trois commentaires à énoncer: Tout d'abord, sur la définition de l'optométrie, en deuxième lieu, sur la nature de certains gestes posés par des personnes qui assistent les ophtalmologistes et, troisièmement, une recommandation particulière de la commission Castonguay-Nepveu qui semble ne pas avoir été retenue dans le projet de loi présenté devant la Chambre.

Je reprends dans les détails, chacune de ces questions. Premièrement, la définition de l'optométrie. Je dois vous dire, à cet égard, que nous sommes assez étonnés de ce que nous avons entendu, ce matin, quant à l'interprétation qui y est apportée au bill 256.

Dans ce projet de loi, nous croyons que la définition proposée de l'optométrie ouvre ou élargit considérablement le champ d'application

professionnel par rapport à la loi existante, parce que, dans la loi existante, on fait appel à la notion d'acuité visuelle, tandis que, dans le projet de loi qui est devant vous, on parle de vision. Dans ce domaine spécialisé, ce domaine professionnel, il semble acquis chez les auteurs en la matière que la vision embrasse un champ d'action ou des notions beaucoup plus larges que la notion d'acuité visuelle. C'est pour ça que nous vous disons que nous avons été fort étonnés, ce matin, d'entendre des représentants des optométristes venir dire que la définition proposée restreignait leur champ d'activités professionnelles, alors que, selon nous, ça l'élargit considérablement.

C'est pour ça que nous proposons de reprendre la définition de l'optométrie, basée sur le principe de l'acuité visuelle, mais nous ajoutons, par ailleurs, des notions partielles que nous empruntons à la notion plus large de vision. A la page 4 de notre mémoire, nous vous proposons une définition de l'optométrie basée sur cette question d'acuité visuelle à laquelle nous ajoutons quatre notions particulières empruntées au domaine de la vision.

Ces quatre notions sont les suivantes: la recherche des anomalies congénitales de la vision des couleurs; la mesure de l'acuité visuelle nocturne; la correction de l'aniséiconie par des lentilles ophtalmiques; l'utilisation de systèmes optiques spéciaux dans les cas de basse vision, une fois que les diagnostics et pronostics médicaux ont été faits.

Avant de terminer sur cette question, nous vous ajoutons, en annexe à la dernière page de notre mémoire, un extrait d'un traité d'ophtalmologie qui s'appelle The foundations of ophthalmology, un ouvrage de 1962. Nous vous donnons un extrait de la table des matières où on parle de vision. Vous avez là les différentes notions auxquelles on peut faire allusion lorsque l'on traite de vision.

Par conséquent, sur ce premier point, nous vous proposons cette définition de l'optométrie.

En second lieu, il y a le problème suivant. L'article 15 dit ceci: "Sous réserve des droits et privilèges expressément accordés par la loi à d'autres professionnels, les actes décrits par l'article 14 sont réservés aux optométristes". Cet article, interprété correctement, peut faire en sorte que les techniciens, qui travaillent depuis plusieurs années en collaboration et sous la surveillance d'ophtalmologistes, soient dorénavant privés de leurs droits acquis et ne puissent plus poser des actes techniques, ophtalmologiques, à raison de cet article tel que libellé.

Ces techniciens sont formés dans les centres hospitaliers, répondent à des techniques qui se sont développées au cours des dernières années; ils existent non seulement au Québec mais également, généralement, sur le continent nord-américain; ils sont, dans les hôpitaux du Québec, une centaine à peu près, si bien qu'adopter sans faire la nuance appropriée cet article 15 du projet 256 équivaudrait à exclure de leur activité professionnelle ces techniciens.

C'est pour ça que nous vous proposons un article 15 modifié. Il s'agirait d'ajouter, à l'article 15, le paragraphe suivant: La disposition précédente n'a pas pour effet de restreindre l'exécution de techniques se rapportant à l'examen, au diagnostic ou au traitement, sous la surveillance de professionnels agissant dans le cadre de droits et privilèges qui leur sont expressément accordés par la loi.

Enfin, M. le Président, je passe au troisième point qui est le suivant: La commission Caston-guay-Nepveu faisait, dans son rapport, une recommandation à l'effet que le ministère de la Santé devrait "en collaboration avec le Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec et le Collège des optométristes, élaborer des normes relatives à l'orientation obligatoire des cas pathologiques vers la médecine. Ces normes devraient être par la suite inscrites dans la Loi des optométristes et opticiens de la province de Québec".

Faisant nôtre cette recommandation, nous croyons que ça devrait être retenu mais peut-être que les standard ou les normes à être établies devraient non pas être énumérées dans une loi, ce qui rend la réglementation un peu figée, mais devraient être l'objet d'une réglementation à être adoptée par le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est pourquoi nous vous recommandons d'insérer au bill 256 une disposition qui autoriserait le lieutenant-gouverneur en conseil, après consultation avec le bureau de l'ordre des médecins et le bureau de l'ordre des optométristes, à établir par règlements des normes relatives à l'orientation obligatoire des cas pathologiques vers le médecin.

Il a été question, tout au cours de l'avant-midi, de ce problème de pathologie, de référence, etc., et je pense que ce serait peut-être une amorce pour la création d'un dialogue et peut-être également de solutions au moins partielles à ces différents problèmes dont nous avons traité ce matin. Ceci étant dit, M. le Président, je pense que j'arrêterai ici les remarques que nous avions à faire, sachant très bien, par toutes les questions qui ont été soulevées ce matin, que les membres de la commission auront sûrement des questions à poser aux médecins qui m'entourent et qui m'accompagnent cet après-midi et qui se feront un plaisir de vous répondre.

M. MATHIEU: M. le Président, si vous me permettez simplement, pour ce qui regarde ce que nous demandons, à savoir le paragraphe qui assurerait une protection aux personnes qui travaillent sous la direction et la responsabilité de l'ophtalmologiste, je tiens à vous souligner que ceci est important.

Si nous considérons ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis, j'ai ici une liasse de documents qui font foi de tentatives de procès,

de discussions, de lois, de prises de position qui tournent autour des assistants médicaux et c'est devenu un sujet de conflit. Si, au départ, l'article que nous suggérons réglait ce problème des assistants médicaux, qui n'existe pas uniquement en ophtalmologie mais dans toutes les spécialités, il permettait aux médecins d'étendre un peu leur pouvoir de répondre aux demandes de la population en déléguant certaines responsabilités techniques à des gens dont ils assurent quand même la responsabilité sur le plan médical. L'existence d'assistants médicaux est essentielle au fonctionnement d'une médecine moderne telle que nous la connaissons et lui permet de répondre davantage au public.

D'une part, cet article, croyons-nous — est essentiel à la bonne pratique de l'ophtalmologie; il permettrait à l'ophtalmologie d'être plus accessible et, d'autre part, on éviterait, pour l'avenir, des conflits comme on en voit de nombreux aux Etats-Unis. On en est même rendu à des citations du président dans son discours qui a insisté sur le rôle important de l'assistant médical. Nous croyons donc que ce problème devrait être réglé au départ afin d'éviter des conflits inutiles. Il y en a déjà eu assez dans le passé que si on peut, par le truchement de certains articles de loi, éviter des conflits, on aidera encore davantage au rapprochement que nous désirons entre les différents groupes professionnels qui oeuvrent dans un domaine qui est à peu près le même, celui de la vision.

M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser au Dr Mathieu ou à Me Tellier. Avant de poser ces questions, je voudrais simplement souligner le fait ou indiquer comment le problème présente de difficultés. Il faut se souvenir que ce matin, on nous disait que la définition proposée était beaucoup trop restrictive; l'après-midi commence sur un autre ton, car on nous dit qu'elle est beaucoup trop large. Il y a là des problèmes qui sont loin d'être faciles à résoudre.

Dans la définition que vous proposez je note, par exemple, que l'entraînement visuel ou la rééducation ne paraissent pas. Pourriez-vous, compte tenu de ce qui a été dit ce matin et surtout de l'aspect scientifique qui doit primer, à mon sens, dans la détermination des divers types de traitement qui peuvent être effectués, nous dire pourquoi vous n'avez pas inclus ce type d'activités dans votre définition?

M. MATHIEU: M. le ministre, je crois que nous n'avons pas mis, dans ce que nous croyons être les privilèges ou la responsabilité de l'opto-métrie, la rééducation visuelle pour les mêmes raisons que le gouvernement, actuellement, ne l'a pas mise. Ces raisons, les nôtres en tout cas, sont que dans ce domaine là il existe actuellement, pour ce qui concerne l'optométrie, une confusion assez importante.

Je pense que le gouvernement a été sage, pour le moment, de ne pas permettre ce qu'on appelle vaguement la rééducation visuelle qui se définit différemment selon que c'est l'Ecole d'optométrie qui la définit, selon que c'est le collège qui la définit ou selon que c'est l'Association des optométristes qui en parle. Pour vous prouver un peu ce que j'avance, je ne me gêne pas actuellement pour dire que je considère que le Collège des optométristes est responsable de ne pas avoir, jusqu'ici, mis de l'ordre dans tout ce domaine que l'on appelle, en général, la rééducation visuelle.

M. Gauthier a dit ce matin qu'il se faisait de la rééducation visuelle dans les hôpitaux. D'accord. Il se fait une rééducation visuelle qui s'appelle de l'orthoptique. C'est une forme de rééducation visuelle qui est universellement acceptée. Le Collège des optométristes, dans son mémoire, en regard de la commission Hall, disait à la page 56: "La rééducation visuelle de l'optométriste. Il ne s'agit pas d'orthoptique". Le Collège des optométristes disait clairement que la rééducation visuelle qu'il préconisait n'était pas de l'orthoptique. L'Ecole d'optométrie, dans son curriculum d'enseignement, donne deux cours de rééducation visuelle et les deux volumes qu'elle suggère sont "Manuel of orthoptics". Si on conseille aux étudiants de s'acheter un livre qui traite de l'orthoptique, c'est qu'on enseigne quelque chose qui est de l'orthoptique. L'Association des optométristes, dans son mémoire à cette commission, semble un peu à cheval sur les deux et dit que la rééducation visuelle en laquelle elle croit a pour but d'améliorer la vision binoculaire; cela c'est de l'orthoptique.

En d'autres mots, actuellement, il y a une confusion. Il y a une pseudo-science qui est répudiée par un bon nombre d'optométristes et, en particulier — je suis au courant — par plusieurs membres de l'Association des optométristes. Cela s'appelle la visiologie qui est une espèce de doctrine basée sur quelque chose d'assez étrange où on prétend que l'enfant qui a des troubles visuels n'a pas marché à quatre pattes assez longtemps, qu'il n'a pas développé la vision. Alors, on le remet à marcher à quatre pattes, on le fait sauter comme un petit chien, ou un gros chien. En d'autres mots, des choses qui sont très jolies et qui pourraient faire le sujet d'une poésie, mais qui ne reposent absolument sur aucune base scientifique. Je crois que c'est ce qui a empêché le gouvernement de reconnaître que l'optométrie faisait de la rééducation, parce que l'optométrie elle-même et, en particulier, son collège n'ont pas voulu mettre de l'ordre là-dedans, alors qu'ils auraient dû le faire depuis des années. Il y a des gens qui pratiquent cette visiologie, qui exploitent la population. Ils font porter des lentilles à trois foyers à des enfants, ils les font sauter, courir, etc.

Des enfants nous arrivent, qui ont fait ces folies pendant des mois de temps, avec des lunettes à trois foyers et qui n'ont absolument aucun trouble visuel, qui ont une vision normale et à qui on a réussi malheureusement à faire payer des exercices de ce genre.

Tant que le collège d'optométrie ou le gouvernement n'aura pas pris les moyens pour clarifier ce domaine, nous croyons qu'on ne doit pas, pour le moment, donner à l'optométrie le privilège de faire une rééducation visuelle qui sera faite justement selon des modalités différentes et qui risquent d'être une exploitation du public plutôt qu'un service.

M. CASTONGUAY: Comment, dans les faits, et aussi comme association — je pense qu'on nous a fait état des différences — considérez-vous les cas qui vous sont référés par les optométristes? Je devrais peut-être préciser ma pensée, je ne parle pas simplement au plan de bonnes relations entre individus, mais est-ce que vous demandez le dossier de l'optométriste, partez-vous de ce dossier ou si vous prenez une autre attitude, aussi bien dans les faits que comme association?

M. MATHIEU: Il est certain qu'un bon nombre de patients sont dirigés par les optométristes à l'ophtalmologiste. Certains optométristes ont adopté un ophtalmologiste à qui ils envoient des patients. Ils leur donne une petite note expliquant le motif pour lequel le patient lui est envoyé. Bon nombre disent au patient d'aller voir un ophtalmologiste et préfèrent l'orienter vers une clinique d'ophtalmologie. Habituellement, certains optométristes nous remettent une note qui est un peu un résumé de ce qu'ils ont trouvé et qui est le motif pour lequel ils nous réfèrent le patient.

Dans ces cas, lorsque l'examen est terminé — c'est mon habitude — je suis certain, bon nombre de mes confrères envoient un petit mot à l'optométriste ou remettent une note au patient disant exactement ce qu'ils ont trouvé, ce qu'ils ont fait. Dans bien des cas, si l'examen est négatif... C'est-à-dire que l'optométriste a cru qu'il pouvait y avoir une pathologie et il n'y a pas effectivement de pathologie. Alors, si des lunettes sont indiquées, et nous sommes certains qu'il n'y a pas de pathologie — il y a des exceptions à toute règle — mais en général, l'ophtalmologiste va dire: Vous pouvez retourner voir votre optométriste. Et il lui donnera une ordonnance, parce que parfois il y a une différence de conception sur la réfraction, et nous dirons: Il n'y a pas de pathologie, vous pouvez faire faire vos lunettes.

D'autre part, le patient arrive et il a déjà des lunettes. Nous nous contentons de dire qu'il n'y a pas de pathologie et ça se termine là.

Qu'il y ait des échanges de dossiers complets et qu'on puisse dire à l'optométriste: Envoyez-nous donc votre dossier. Non, la chose ne s'est pas faite. Est-ce qu'il y aurait avantage à le faire? C'est certainement une chose qui mériterait d'être discutée mais qui n'est pas de pratique habituelle.

M. DE MARGERIE: M. le Président, pourrais-je ajouter un mot en réponse, peut-être à la dimension de l'association. Le ministre Castonguay a posé la question non seulement à titre individuel, ce à quoi le Dr Mathieu a répondu, mais également en ce qui a trait à l'association comme telle. Depuis bientôt six ans, je suis associé à l'association de très près comme membre de l'exécutif. Je dois dire qu'en aucun temps, n'a-t-il jamais été suggéré par l'association que l'ophtalmologiste ne devrait pas, par exemple, ce qui a été suggéré ce matin, refuser de voir un patient référé par un optométriste. Au contraire, l'Association des ophtalmologistes en tout temps a fortement recommandé à ses membres de recevoir les patients référés par les optométristes et, bien sûr, depuis que la régie existe, comme la loi de la province ne permet pas de considérer le patient référé par l'optométriste comme étant un patient référé par un médecin.

La dimension consultation à laquelle on a fait allusion ce matin n'entre pas en ligne de compte, parce que peuvent être considérés comme consultations à honoraires un peu plus élevés seulement les cas qui sont envoyés bona fide par un médecin.

M. CASTONGUAY: En ce qui a trait aux techniciens auxquels vous faites allusion dans votre mémoire sur la Loi de l'optométrie, pourriez-vous nous dire si la formation de ces techniciens, préalablement à leur emploi, est assez homogène, à quel niveau elle se situe, ou si ce sont des gens qui, sur ce plan, présentent des caractéristiques assez diverses? Quels sont les actes ou quel type de travail effectuent-ils, de façon concrète? Est-ce qu'ils s'engagent de façon régulière? Comment les décrit-on dans les conventions collectives? Si vous pouviez me donner un peu plus de détails.

M. MATHIEU: D'abord, il y a les orthoptistes. Ce sont des techniciennes qui sont formées, qui suivent des cours pendant deux ans, à qui on enseigne toute la mécanique de la vision binoculaire et toutes les méthodes d'investigation, de traitement, d'exercices. Ce sont celles qui, justement, font ce qu'on appelle l'orthoptique. Nous demandons que ces jeunes filles — parce que, habituellement, ce sont des jeunes filles, comme elles ont affaire à des enfants, il y a de rares orthoptistes masculins, il semble que cela soit plus facile — aient une 12ème année scientifique. Elles suivent un entraînement de deux ans pendant lesquels elles ont des cours. Et pendant qu'elles suivent des cours, elles sont attachées à une orthoptiste graduée qui les initie au travail.

Un autre groupe de personnes qui travaillent comme assistantes — opthalmologistes sont des infirmières qui, après leur cours d'infirmière, viennent dans des services d'ophtalmologie et apprennent les différentes techniques. Par exemple, elles apprennent à mesurer l'acuité visuelle, mesurer la force des lunettes — un patient va arriver avec des lunettes, alors avant

de commencer à faire un examen, il est bon de savoir quelle est la force de ses lunettes — prendre l'acuité visuelle, faire des champs visuels, faire des tonographies, technique qui consiste à prendre la pression de l'oeil pendant quatre minutes dans les cas où l'on croit qu'il y a un glaucome. Alors, il y a des techniciennes en tonographie. Et c'est à peu près actuellement l'ensemble des domaines que nous laisserons faire à des techniciens, photographie, etc. Et ces gens travaillent continuellement sous la direction et en présence de l'ophtalmologiste. Alors, leur formation est assurée par les ophtalmologistes, sous leur surveillance et leur responsabilité. Celles qui font des champs visuels apprennent à faire la technique du champ visuel, mais c'est l'ophtalmologiste qui décide à qui on va faire un champ visuel, et c'est l'ophtalmologiste qui, une fois le champ visuel fait, s'il constate une anomalie que la technicienne n'a pas mis en évidence, ira refaire le champ visuel. S'il trouve une anomalie qui semble un peu douteuse, il la vérifiera.

Ces gens sont continuellement sous la surveillance et la responsabilité de l'ophtalmologiste.

M. CASTONGUAY: Vous avez dit, si je comprends bien, qu'il y avait des techniciennes en orthoptique qui sont graduées. Est-ce qu'elles sont formées dans les CEGEP ou si c'est purement une formation en cours d'emploi? Et si c'est une formation en cours d'emploi, qui leur octroie un diplôme?

M. MATHIEU: Il existe au Canada, comme aux Etats-Unis, ce qu'on appelle le Conseil canadien d'orthoptique, qui est un conseil formé d'ophtalmologistes, de médecins et d'orthoptistes, qui est responsable de l'octroi de ce diplôme.

Ces élèves doivent suivre un entraînement qui dure deux ans, entraînement durant lequel ils ont des cours et au bout de deux ans ils doivent se présenter à un examen. S'ils passent cet examen, ils reçoivent un certificat de compétence en orthoptique. Aucune personne, actuellement, ne pratique l'orthoptique dans la province de Québec si elle n'a pas ce diplôme.

M. CASTONGUAY: Quant à la dernière recommandation formulée au sujet de la loi de l'optométrie, vous avez rappelé une recommandation de la commission et vous avez souligné qu'on ne retrouve pas cette disposition dans le projet de loi. Je vais vous demander une dernière question à ce sujet. Croyez-vous qu'il serait possible de transposer, pas simplement l'écrire dans un texte législatif mais faire en sorte qu'elle soit appliquée, une telle disposition?

M. MATHIEU: Si cette liste de critères est acceptée par règlement, à la suite d'un arrêté en conseil, je pense que les gens y seront légale- ment obligés et je pense qu'il appartiendra de façon primordiale à la Corporation des optométristes de voir à ce que ces règlements soient observés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: Vous avez demandé dans votre mémoire des privilèges pour les techniciens, les orthoptistes et certaines infirmières qui sont formés dans une école spéciale, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une possibilité que les ophtalmologistes, dans la formation même des techniciens, se servent de l'école d'optométrie qui existe actuellement et qui est une école affiliée à l'Université de Montréal?

Deuxièmement, est-ce qu'il y a des ophtalmologistes qui ont été demandés et qui enseignent actuellement à cette école d'optométrie?

M. MATHIEU: Je vous remercie de me poser cette question, Dr Boivin, parce qu'il en a été question. On a glissé élégamment sur le sujet ce matin et on laisse entendre, évidemment, que l'ophtalmologiste veut garder pour lui la science et qu'il ne veut pas enseigner. Le problème est un peu plus complexe et si vous me le permettez, je vais vous donner l'essentiel des raisons pour lesquelles nous n'acceptons pas, dans le climat actuel et dans les circonstances actuelles, d'aller faire de l'enseignement à l'école d'optométrie. Nous l'avons déjà fait. Nous avons déjà fait de l'enseignement mais, un moment donné, nous avons dû cesser cet enseignement. Les optométristes nous disent: Si vous nous enseigniez nous serions beaucoup plus capables de déceler la pathologie oculaire. Parmi tous ceux que vous avez entendus ce matin, vous n'en avez pas entendu un, je pense, qui vous ait dit: Moi, je ne suis pas capable de déceler la pathologie oculaire. Ils ont tous dit rapidement: Nous sommes capables de déceler la pathologie oculaire. C'est qu'ils sont compétents dans ce domaine. Qu'est-ce que notre enseignement va leur apporter de plus? Je ne le sais pas, s'ils sont compétents. Nous nous sommes rendus compte — et la même chose vaut aux Etats-Unis — que dans la philosophie de l'optométrie, on se servait beaucoup plus de l'enseignement qui se donnait pour obtenir des privilèges légaux que de la compétence réelle de ceux qui pratiquent l'optométrie. Je vais vous donner un exemple assez caractéristique.

Dans l'entente qui a été signée entre le Syndicat des optométristes et le ministère des Affaires sociales, on a obtenu le droit de faire des champs visuels. Est-ce parce qu'on a pu prouver au gouvernement que le champ visuel était une pratique habituelle de l'optométrie et que l'on était compétent pour faire ça? Non, parce que nous savons de façon certaine qu'au moment où l'entente a été signée il n'y avait à peu près pas de champ visuel qui se faisait chez les optométristes et que la grande majorité d'entre eux n'avaient même pas l'appareillage

nécessaire pour faire les champs visuels, tellement que, quand l'entente a été signée, les maisons qui vendent des appareils ont été prises d'assaut pour avoir des appareils pour faire des champs visuels.

Mais on s'est servi de l'enseignement qu'on recevait à l'école, vu qu'il y avait à l'école un cours qui se donnait pour faire les champs visuels. On se sert de l'enseignement pour obtenir des privilèges. Si nous enseignons aux optométristes — et la preuve a été faite aux Etats-Unis — on va se servir de cet enseignement pour, dans un an ou deux, aller trouver le ministère des Affaires sociales et dire: Nous sommes beaucoup plus compétents maintenant dans le domaine de la pathologie oculaire; nous avons des cours qui sont donnés par le docteur Untel et le docteur Untel. Je pense qu'il serait juste qu'on nous donne le privilège de faire tel ou tel acte.

Aux Etats-Unis, en 1934, l'Association médicale américaine a défendu aux ophtalmologistes et aux médecins d'enseigner aux écoles d'optométrie pour cette raison. En 1950, il y a eu une révision. On s'est dit: Peut-être qu'on a fait fausse route, nous allons de nouveau enseigner. Pendant cinq ans, on a enseigné aux optométristes aux Etats-Unis, de 1950 à 1955. Au bout de cinq ans, on s'est demandé: Est-ce que cet enseignement qu'on leur donne depuis cinq ans les rend plus compétents? Est-ce qu'ils ont dirigé plus de patients? Non. Mais on a constaté que, pendant ces cinq années, il y avait une pluie de bills présentés aux différentes Législatures des Etats-Unis pour demander des privilèges et où on brandissait cet enseignement qu'on recevait.

C'est une des raisons pour lesquelles nous n'enseignons pas. Il y a une autre raison, c'est que, si nous enseignons la pathologie à l'optométriste, nous lui donnons le privilège et, d'une certaine façon, notre autorité pour être capable de déceler les maladies, et, ce qui est encore plus grave, de dire à quelqu'un: Monsieur, vous n'avez pas de pathologie oculaire.

Or, nous donnons ce privilège à ceux que nous formons en ophtalmologie de dire à un individu: Vous avez une pathologie oculaire et, ce qui est encore à mon avis plus sérieux: Monsieur, vous n'avez pas de pathologie oculaire. Pour arriver à cela, nous exigeons de nos étudiants qu'ils fassent un cours de médecine et qu'ils fassent, en plus, quatre années de formation spécialisée. Alors, nous croyons qu'ils ont la formation nécessaire pour être capables de prendre cette responsabilité.

Qu'est-ce qu'on va donner à l'optométriste par rapport à ça? Je crois que ça serait généreux de dire qu'on va donner à l'optométriste à peu près 25 p.c. de ce qu'on est capable de donner à celui qui est formé en ophtalmologie. Ce qui veut dire que quand l'individu va être devant un patient et qu'il va dire: Oui, vous avez une pathologie et, surtout: Non, vous n'avez pas de pathologie; il va avoir 25 chances sur 100 d'avoir raison et 75 chances sur 100 de ne pas avoir raison. Nous croyons que ça n'est pas dans l'intérêt du public.

La Commission d'enquête sur le bien-être social et la santé avait compris ça. Dans son rapport, elle avait dit, à la page 294: "Bien qu'elle ait été favorablement impressionnée par le désir des optométristes de parfaire leur formation, la commission croit que cet effort doit tendre à améliorer la qualité de leurs services dans le domaine de l'optométrie proprement dite. La commission reprendra cette question dans un rapport ultérieur en formulant ses recommandations sur l'enseignement. A son avis, l'acquisition par l'optométriste de connaissances médicales additionnelles destinées à faciliter l'orientation des cas pathologiques ne peut constituer une solution acceptable, car ces connaissances ne peuvent être qu'incomplètes."

Voilà une déclaration de la commission que nous, personnellement, ne considérons pas comme farfelue,

A la fin de cette année, alors qu'il y avait une cérémonie de remise de diplômes à l'Ecole d'optométrie ou enfin quelque chose, on me dit qu'un jeune étudiant en optométrie s'est levé et a dit: Messieurs, durant mon cours d'optométrie, j'ai réussi à faire un maximum de 25 réfractions. Me croyez-vous apte à pratiquer l'optométrie? Je ne sais pas ce que vous diriez, messieurs, si le Collège des médecins donnait le droit de pratique à un médecin qui n'aurait eu la chance d'examiner que 25 patients dans son cours de médecine. Eh bien, ces gens-là ont le droit de pratique. Avant de nous demander, à nous, de donner de l'enseignement en pathologie — enseignement que nous ne croyons pas, pour le moment, dans l'intérêt du public et qui, comme d'autres enseignements, sera utilisé pour obtenir des droits — nous croyons que l'optométrie pourrait commencer par donner son enseignement en réfraction aux gens qui auront à en faire à peu près toute leur vie. Qu'on commence par former des réfractionnistes en optométrie et, ensuite, on leur donnera autre chose. Si on laisse pratiquer les optométristes qui ont eu la chance de faire 25 examens dans leur cours, qu'on ne vienne pas nous reprocher d'être déficients dans l'enseignement que nous leur donnons.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions?

M. MATHIEU: Un résident en ophtalmologie fait en moyenne 500 à 600 réfractions par année pendant son cours.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: On a parlé beaucoup de pratique de première ligne, ce matin, en optométrie ou de dépistage sommaire, ce qui revient à dire qu'il y aurait probablement un champ d'action à déterminer en optométrie. Pourriez-vous nous éclairer sur cette question?

M. MATHIEU: On a entendu ça à plusieurs reprises: L'optométriste veut être le praticien de première ligne. Est-ce que, dans le passé, l'optométriste s'est montré capable d'être le praticien de première ligne? Nous avons ici les statistiques de la régie qui nous indiquent à peu près de façon adéquate le pourcentage de patients que les optométristes dirigent ailleurs. Nous avons calculé le nombre de ce qu'on appelle les examens complets de la vision et les examens partiels de la vision. L'examen partiel de la vision est défini ainsi dans l'entente: Un examen que fait un optométriste et au cours duquel il s'aperçoit que le patient a une pathologie oculaire et dit qu'il doit cesser son examen et diriger le patient pour soins.

Nous avons fait les proportions d'examens complets et d'examens partiels et nous constatons que l'optométriste dirige à peu près 2 p.c. des patients qu'il voit à l'ophtalmologiste. Peut-être, mais nous savons qu'il dirige un bonne partie de ses patients au médecin praticien. Nous n'avons pas d'objection, si l'optométriste croit que le patient peut avoir un désordre général, une pathologie systémique, à ce qu'il le fasse examiner. Ce qui arrive dans bien des cas, c'est qu'on dit au patient qui a une vision défectueuse qu'on n'arrive pas à corriger par des lunettes: Allez voir votre médecin de famille. Le patient part, va voir son médecin de famille. Le médecin de famille l'examine des pieds à la tête, ne trouve rien et dit: Monsieur, vous êtes en bonne santé. Là, le patient a une vision défectueuse. Il s'est fait dire qu'il était en bonne santé, mais probablement que c'était à cause de sa mauvaise santé. Il se trouve vis-à-vis de rien, alors qu'il a une pathologie oculaire et non une pathologie qui dépend de son état général. Nous avons vu plusieurs patients comme ça.

Il arrive heureusement souvent que le médecin, qui a vu le patient, qui sait qu'il a eu un examen de type optométrique, va le diriger à l'optalmologiste, mais, bien des fois, le patient va se faire dire qu'il est en bonne santé et va s'en retourner avec sa pathologie oculaire qui va continuer à évoluer. Alors, 2 p.c. sont dirigés ailleurs, mais pas nécessairement à l'ophtalmologiste.

Il est reconnu que parmi la population qui va consulter pour ses yeux, pas ceux qui ont des symptômes mais ceux qui pensent avoir besoin de lunettes — la commission Hall l'a dit — il y a une pathologie dans au moins 7 p.c. à 10 p.c. des cas. Nous avons cet été — je pense que cela va intéresser M. le ministre — réussi à mettre en branle une roulotte parfaitement bien équipée pour faire des examens complets. Je suis heureux de voir que messieurs les optométristes ont applaudi ce projet.

Voici quelque chose qui va peut-être vous intéresser. Nous avons les statistiques des examens faits du 19 juin au 24 août, soit dix semaines au cours desquelles ont été examinées 841 personnes, ce qui fait en moyenne 80 personnes par semaine, à peu près 16 par jour, ce qui est assez loin des 450 par semaine dont on a parlé dans certaines sphères. A tout événement, ces patients ont été vus sur demande. Nous aurions aimé avoir un autre système, mais certaines circonstances sur lesquelles je ne veux pas insister ont fait que se sont présentés à la roulotte pour se faire examiner ceux qui le voulaient et on a examiné ceux qui le voulaient sans pouvoir examiner tout le monde parce que dans certaines régions où on en a examiné 150, il y en a 700 qui voulaient se faire examiner.

Sur 841 personnes, nous avons trouvé une pathologie oculaire dans 569 cas; je ne vous dis pas que c'est une pathologie sérieuse mais il y avait une pathologie, ce qui constitue 66 p.c. de pathologie dans cette région. Vous savez qu'à cause de la consanguinité qui existe en Gaspésie, le nombre de pathologies oculaires est beaucoup plus grand que dans le reste de la province et du Canada. On a dit ce matin que l'incidence de la pathologie oculaire dans la province de Québec était basse, mais je regrette, elle est la province qui a la plus haute incidence de pathologie oculaire.

Le nombre de patients avec une erreur de réfraction seulement était de 246; le nombre de patients qui n'avaient ni erreur de réfraction ni pathologie oculaire de 26. Donc, nous avons trouvé 66 p.c. de pathologie oculaire. Les optométristes de la région en réfèrent 2 p.c. Est-ce que ce sont des gens que l'on peut considérer comme des sujets idéals pour des praticiens de première ligne? Je vous laisse, messieurs, tirer les conclusions.

M. TELLIER: M. le Président, si vous permettez. Cette question de praticien de première ligne pose aussi le problème suivant. En parlant de praticien de première ligne, cela sous-entend que l'optométriste, s'il en était ainsi, serait en quelque sorte le premier professionnel qui viendrait en contact avec la population, celui qu'on serait, à toutes fins pratiques, obligé de consulter lorsqu'on veut avoir des services oculaires. Je pense qu'au niveau des principes, c'est difficilement acceptable pour la bonne raison que le bill 65 a posé un principe bien différent en définissant, aux articles 4, 5 et 6 de la loi, ce qu'il est convenu maintenant d'appeler la charte des droits des citoyens à la santé où, on reconnaît notamment, pour le citoyen du Québec, le droit de choisir le professionnel de son choix, le droit de choisir l'institution de son choix. Cette déclaration, que l'on retrouve dans le bill 65, revêt une importance singulière parce que je vous rappelle que lors de la première lecture du bill 65, ces dispositions n'existaient pas. A la suite des très nombreuses représentations qui ont été soumises à l'Assemblée nationale on a, dans la réimpression de la première lecture, jugé opportun d'ajouter cette disposition qui garantissait à chaque citoyen le droit du choix du professionnel et de l'institution.

En second lieu, dans les faits — le Dr Mathieu peut vous donner ici les statistiques

qu'il a tirées des rapports de l'assurance-santé — si on regarde, en moyenne, le nombre de patients reçus au cours d'une année par un ophtalmologiste et le nombre, en moyenne de patients reçus par un optométriste, on voit un décalage assez impressionnant. Les avez-vous?

M. MATHIEU: Je n'ai pas les chiffres. J'ai été surpris de voir quand même le nombre de patients que voyaient les optométristes par année et j'avais l'impression qu'ils en voyaient beaucoup plus. Si on calcule un peu, pas ici... qu'est-ce que vous voulez? Qu'on le veuille ou non, les gens, avec le temps, ont appris un peu, et quand ils ont le libre choix que les optométristes revendiquent depuis des années, il semble qu'ils préfèrent subir un examen qui puisse les rassurer non seulement sur les lunettes qu'ils doivent porter mais aussi sur la présence ou l'absence de pathologie. On a beaucoup de patients qui ont été examinés par un optométriste, qui ont eu des lunettes et qui viennent se faire examiner deux mois plus tard par un ophtalmologiste. Ils veulent connaître exactement leur état; et ils n'ont été envoyés par personne.

Le libre choix semble actuellement jouer, on semble voir par les statistiques que le libre choix s'oriente dans une direction où le patient espère avoir une sécurité plus grande.

M. BOIVIN: En plus de demander à la commission Castonguay de faire enquête sur les champs de pratique des optométristes et des ophtalmologistes, nous avons tenté à différentes reprises de permettre des rencontres entre ophtalmologistes et optométristes. Parce que dans le champ de la santé, si on demande au gouvernement de régler des situations entre les professionnels de la santé, il me semble qu'il y aurait une possibilité de rencontres. Pourriez-vous nous dire si nous pouvons espérer que des optométristes et des ophtalmologistes, un jour, se rencontreront pour parler du champ d'action où ils évoluent et pratiquent.

M. MATHIEU: Vous savez, on aime bien faire jouer un peu le jeu du martyre, de gens qui sont persécutés. Quant à moi, on me fait passer par un bonhomme qui mangerait à peu près trois optométristes par jour pour se nourrir. On exploite ça passablement. On aimerait bien s'entendre avec les ophtalmologistes, on aimerait bien les rencontrer, laissant entendre que nous avons toujours dit: Nous ne voulons pas vous voir, ne nous dérangez pas.

J'ai une liste de réunions qui ont groupé des ophtalmologistes et des optométristes. Je dois dire que celles qui nous ont offert le plus de satisfactions et d'espoirs ont été celles que nous avons eues avec M. Gauthier et quelques-uns de ses collègues de l'Association des optométristes. M. Gauthier pourra vous le dire, il y a eu des échanges véritables, francs, honnêtes et une ébauche — celui qui rit n'était probablement pas d'accord — qui aurait pu certainement amener... Malheureusement, je dois dire que le Collège d'optométrie n'a pas trop voulu collaborer dans ces résolutions que nous avions, de part et d'autre, prises même pour intégrer les optométristes. Il y a eu des tentatives franches, il y a eu au moins cinq ou six réunions non officielles où on s'est parlé franchement. Ensuite, le gouvernement — vous le savez M. Boivin et M. Cloutier — a voulu essayer de comprendre un peu quelque chose. A un moment donné, nous avions suggéré au Dr Claveau des critères pour qu'il donne aux infirmières qui faisaient du dépistage dans les écoles des directives.

Or, les optométristes ont trouvé que ces directives les lésaient. Ils ont fait des menaces au niveau du ministère de la Santé et le ministère de la Santé a convoqué les représentants du collège et les représentants des ophtalmologistes pour discuter un peu de ce qui pourrait être fait. Nous y sommes allés et nous avons convenu qu'il serait peut être bon de former un comité qui pourrait réétudier ces critères et en formuler d'autres qui ne léseraient personne, parce que les optométristes avaient certains arguments que nous avons reconnus comme valides. Les deux parties étaient d'accord pour avoir des réunions. Les optométristes n'ont jamais voulu participer à ce comité. Pourquoi? On trouve toujours des raisons quand on ne veut pas. Le gouvernement a créé trois commissions, l'une après l'autre, pour étudier le problème des optométristes et essayer de voir un peu ce que pouvait offrir l'optométrie. Il a nommé trois juges, l'un après l'autre, mais les optométristes ont refusé d'aller siéger à ces commissions, sauf à la dernière qui était présidée par le juge Dionne.

A cette commission, on avait convoqué le Collège des optométristes, le Collège des médecins et un autre physiologiste qui s'occupe de vision à l'université. Le Dr Gingras m'a délégué; c'était son privilège de déléguer quelqu'un qui était au courant. Nous avons eu une réunion et nous avons cru que la meilleure chose serait, à la prochaine réunion, d'entendre, premièrement, un optométriste de l'école qui fait de l'enseignement pour qu'il vienne nous dire un peu la formation que recevaient les optométristes et d'entendre aussi un optométriste qui est en pratique qui viendrait donner à la commission son expérience dans ce que l'optométrie pouvait faire, selon lui. Je pense que ce n'est ni dérogatoire, ni insultant de demander à des gens de venir s'expliquer. Les optométristes ne sont jamais revenus à cette commission. Ils ont posé des conditions, disant qu'ils exigeaient que le gouvernement reprenne les négociations. On vous a dit, ce matin, que c'était parce que le Dr Mathieu était là-dessus et qu'il allait les dévorer tout rond.

En d'autres mots, quand on vient vous dire qu'on aimerait bien et qu'on semble faire porter sur l'ophtalmologiste le fardeau de la responsabilité du fait qu'il n'y a pas d'entente, voilà une

série de tentatives que nous avons faites loyalement, honnêtement. Nous n'avons aucun scrupule et regret et nous ne méritons pas de nous faire dire que notre collaboration est refusée. Nous l'avons toujours dit: Nous sommes prêts à nous entendre et à trouver un modus vivendi qui serait dans l'intérêt de la population. Pas dans l'intérêt de l'optométrie, ni dans l'intérêt de l'ophtalmologie, mais dans l'intérêt de la population. C'est notre but. Nous n'avons rien à perdre dans toute cette législation. Vous pourrez faire ce que vous voudrez avec l'optométrie, ça n'enlèvera rien à l'ophtalmologie. Nous faisons ces remarques parce que nous pensons qu'il y va de l'intérêt de la population. C'est ce que nous voulons défendre; sans ça, nous n'avons aucune raison d'être ici, parce que nous ne sommes pas personnellement en cause.

M. BOIVIN: Pouvez-vous nous dire brièvement ce que vous exigez des étudiants en ophtalmologie? Quelles sont les années d'études que vous exigez actuellement pour former un ophtalmologiste?

M. MATHIEU: Le futur ophtalmologiste doit faire son cours de médecine et il doit faire quatre années de formation additionnelle pour avoir le droit de se présenter aux examens en ophtalmologie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, vous me permettrez de poser quelques questions au Dr Mathieu. D'abord, en vous écoutant, docteur, j'ai été frappé de toute l'estime et de la considération que vous avez à l'endroit des optométristes. Vous avez soutenu que les optométristes avaient, en quelque sorte, refusé d'assumer leurs responsabilités dans la rééducation visuelle.

Vous nous avez donné des exemples de traitements plus ou moins ridicules, du moins, cela m'a semblé tel, que certains optométristes auraient conseillé à leurs clients ou leurs patients. Vous, de l'Association des ophtalmologistes du Québec, quel a été le rôle que vous avez joué? Quelles mesures avez-vous prises? Et quelle éducation avez vous donnée à la population pour faciliter une rééducation visuelle?

M. MATHIEU: J'aimerais que vous me disiez ce que vous entendez par rééducation visuelle.

M. PAUL: C'est vous-même qui avez dit tout à l'heure que les optométristes avaient négligé d'assumer leurs responsabilités dans la rééducation visuelle.

M. MATHIEU: Oh non, ils n'ont rien négligé. Ils en ont fait beaucoup. Ce que j'ai dit, c'est que le...

M. PAUL: Mais ils ont refusé de mettre de l'ordre.

M. MATHIEU: Le Collège des optométristes n'a pas su mettre de l'ordre dans les exercices qui étaient acceptables et ceux qui ne l'étaient pas. Comme je vous l'ai dit, il y a une forme de rééducation visuelle que nous utilisons et qui sert à aider les gens qui ont des troubles de la vision binoculaire surtout. Mais il y a une autre forme qui a pris de l'essor depuis quelques années et qui s'appelle, en terme générique, la visiologie, et c'est cette forme de rééducation visuelle qui ne repose absolument sur aucun fondement scientifique acceptable.

M. PAUL: Est-ce que vous avez discuté de l'efficacité de ces traitements basés sur la visiologie avec le Collège des optométristes?

M. MATHIEU: Nous en avons discuté une fois avec le Collège des optométristes quand nous les avons rencontrés au Collège des médecins. Nous leur avons demandé, par exemple, s'ils traitaient les cas de dyslexie en faisant des exercices, etc. Nous n'avons pas été outre mesure impressionnés par les réponses. Et je dois vous dire que cette forme de rééducation n'est pas approuvée par une bonne partie des optométristes qui sont actuellement en pratique.

M. PAUL: Mais est-ce que vous avez demandé au Collège des optométristes de prendre certaines mesures pour inciter leurs membres à se dissocier d'une telle philosophie médicale?

M. MATHIEU: Ce n'est pas tout à fait notre responsabilité. Nous leur disons toujours de ne pas se mêler des corporations.

M. PAUL: Avez-vous l'impression que vos deux associations sont mélangeables?

M. MATHIEU: Si c'est?

M. PAUL: Si c'est mélangeable. Si cela peut faire de bonnes relations.

M. MATHIEU: Je pense que cela pourrait...

M. PAUL: N'avez-vous pas l'impression, après le certificat de haute compétence que vous avez décerné aujourd'hui, que ceux qui se présenteraient au nom du Collège des optométristes de la province de Québec pour discuter avec votre association pourraient avoir l'impression, du moins, juris de jure, que leur rencontre deviendrait tout à fait inutile?

M. MATHIEU: Est-ce que vous voulez mon opinion ou si vous voulez donner la vôtre?

M. LE PRESIDENT: Dr Mathieu, une minute s'il vous plaît.

M. PAUL: Je vous pose la question.

M. LE PRESIDENT: Je veux informer l'assistance qu'il est défendu de manifester devant les commissions. Je l'ai laissé passer la première fois, je pensais que c'était un accident mais je ne veux pas que cela devienne une habitude. Il est défendu de le faire. Si vous avez des commentaires, veuillez les faire après.

M. TELLIER: M. le Président, nous sommes venus ici pour discuter sérieusement et nous espérons que cela ne dégénérera pas en autre chose. Nous pouvons changer de style aussi.

M. LE PRESIDENT: Le Dr Mathieu.

M. MATHIEU: Je disais à M. Paul que je me demande s'il veut me donner son opinion ou si c'est la mienne qu'il veut avoir.

M. PAUL: Je n'ai pas d'opinion à donner. Je suis ignare en la matière.

M. LE PRESIDENT: Il n'a pas le droit de donner son opinion ici.

M. PAUL: Je veux tout simplement essayer de voir clair.

M. MATHIEU: Si c'est une question de lunettes, je pourrais vous recommander un bon optométriste.

M. PAUL: Oui, vous avez raison parce que je suis allé voir un ophtalmologiste et j'ai changé mes lunettes. Je suis allé voir un optométriste, et depuis ce temps-là, je vois bien.

M. MATHIEU: C'est très bien.

M. PAUL: Docteur, les orthoptiques dont vous avez parlé tout à l'heure comme étant des aides de votre profession, où suivents-ils ces cours? Vous avez dit qu'ils étaient obligés de suivre des cours.

M. MATHIEU: Oui.

M. PAUL: A quelle université ou à quelle école?

M. MATHIEU: Ces cours sont donnés par des ophtalmologistes et des orthoptistes dans la pratique, dans les hôpitaux où ils suivent leur entraînement. Cette année, il y a eu une session de cours intensifs qui a duré trois semaines, où ils ont eu des cours pendant trois semaines du matin jusqu'au soir. Comme c'est un enseignement surtout technique, ils ont des cours d'anatomie, de physiologie, parce qu'il faut tout de même qu'ils connaissent un peu ce qu'est l'oeil, de fonction de la vision binoculaire. Ils ont des cours qui sont donnés par les ophtalmologistes qui s'occupent plus particulièrement de strabisme et par les orthoptistes eux-mêmes qui sont en pratique et leur enseignent ce qu'il faut faire pour pratiquer cette technique qui s'appelle l'orthoptique.

M. PAUL: C'est un cours de combien d'heures théoriques?

M. MATHIEU: Ce cours dure deux ans, en moyenne huit heures par jour, cinq jours par semaine, quarante et quelques semaines par année.

M. PAUL: C'est un cours qu'on devrait enseigner ou du moins qu'on devrait inviter plus de gens à suivre, parce que cela semble être très intéressant par la culture que vous leur donnez.

M. MATHIEU: Les élèves trouvent cela très intéressant.

M. PAUL: Maintenant, pourriez-vous nous dire, docteur, s'il y a d'autres raisons que celles que vous nous avez données quant à votre indifférence ou à votre refus de dispenser des cours à l'école d'optométrie de l'Université de Montréal? Vous nous avez déclaré qu'il serait à craindre que les optométristes, après avoir suivi un certain nombre de cours d'ophtalmologistes compétents, puissent revendiquer l'exercice de certains droits de la part du législateur? Est-ce que c'est la seule raison qui vous empêche d'entrer en communication avec le Collège des optométristes pour en venir à une entente quant à l'enseignement qui pourrait être dispensé à l'école d'optométrie de l'Université de Montréal?

M. MATHIEU: Je pense, M. Paul, que tantôt j'ai parlé assez longtemps et que j'ai donné d'autres raisons. Si vous voulez que je les répète, je peux les répéter.

M. PAUL: Non.

M. MATHIEU: Mais il y en avait au moins trois ou quatre autres.

M. PAUL: C'est surtout celle-là qui m'a frappé.

M. MATHIEU: C'est celle-là qui vous a frappé, oui. Il y a d'autres raisons. Comme je l'ai dit, c'est de donner à l'optométriste ce droit beaucoup plus officiel de se prononcer sur la présence ou l'absence de maladie avec un enseignement qui serait quand même incomplet. Je pense que c'est un argument assez important. La commission a reconnu que c'était un argument valide puisqu'elle nous le dit dans son rapport.

M. PAUL: Ce matin ou cet après-midi, il a été fait mention qu'il y avait à peu près 170 ophtalmologistes au Québec. Pourriez-vous

nous dire si votre association tente de faire du recrutement pour que les soins puissent être dispensés d'une façon plus accessible pour le patient? Avec 170 spécialistes, vous conviendrez que le patient est obligé d'attendre des semaines, sinon des mois, pour avoir l'entrevue désirée ou recommandée soit par l'omniprati-cien ou par l'optométriste en certaines circonstances. Est-ce qu'il y a un recrutement qui se fait?

M. MATHIEU: Je m'occupe personnellement depuis déjà une quinzaine d'années de la formation des ophtalmologistes. J'ai été personnellement responsable de la formation du cours à l'Université de Montréal alors qu'autrefois les futurs ophtalmologistes étaient obligés d'aller à l'étranger.

Actuellement, on peut, depuis maintenant une dizaine d'années, faire sa formation en ophtalmologie à Montréal, la même chose à Québec, à l'Université de Sherbrooke et à l'université McGill, de telle sorte que le nombre d'ophtalmologistes a augmenté beaucoup.

Actuellement, il y a un peu d'hésitation, les jeunes médecins sont portés plutôt à s'en aller en médecine générale, à cause de circonstances dont M. Castonguay a parlé ce matin, et disons que les vocations sont un petit peu moins nombreuses. Quand même, depuis un certain nombre d'années, le nombre d'ophtalmologistes dans la province a augmenté. Et il va augmenter encore, parce que nous réussissons à décerner des diplômes de 10 à 12 ophtalmologistes par année, dans les quatre universités. Sherbrooke bientôt aura...

Je me suis personnellement appliqué, depuis des années, à essayer de former le plus d'ophtalmologistes possibles, mais de les bien former. Parce que pour moi la quantité ne doit jamais remplacer la qualité. C'est un principe. Je pense que je peux vous dire : Oui, nous avons fait des efforts et l'association a fait des efforts, et les facultés de médecine et tout le monde a fait des efforts pour former plus d'ophtalmologistes.

Que le nombre d'ophtalmologistes soit insuffisant, je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas un patient qui, ayant besoin de soins urgents ou médicaux, n'ait pas été vu dans l'heure ou la journée qui suit. Et ensuite il y a des cliniques externes actuellement où, si quelqu'un a un accident oculaire ou une perte subite de vision, il va être vu immédiatement. Les gens qui attendent deux ou trois mois, ce sont les gens qui ont des troubles qui semblent être purement des troubles de réfraction.

Dès que quelqu'un nous appelle et nous dit: J'ai un oeil qui est rouge, un oeil qui fait mal, un oeil qui ne voit pas, nous le voyons, même en l'ajoutant à ceux que nous avons déjà sur notre liste de rendez-vous.

M. PAUL: Je vous remercie, docteur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Pour revenir à cette question de la définition de l'optométrie, messieurs les ophtalmologistes soutiennent que la nouvelle définition est plus vaste que l'ancienne et donne plus de liberté d'action à l'optométriste. C'est la raison pour laquelle on voudrait changer le terme "vision" pour le terme "acuité visuelle".

Qu'il me soit permis, M. le Président, de lire, ici, dans la loi, la définition de l'optométrie actuellement. Je lis, à l'article 17: "L'optométrie se définit : emploi de tous les moyens autres que l'usage des drogues pour la recherche et le mesurage des vices de réfraction, tels que l'hypermétropie, la myopie, la presbytie, l'astigmatisme et l'asténopie en se servant de lentilles ophtalmiques pour y remédier. "Elle comprend aussi tout examen de la vue..." Et lorsqu'on parle d'examen de la vue, je pense bien que cela laisse entendre la vision. Ce n'est certainement pas simplement la question d'acuité visuelle, parce que l'acuité visuelle est prise, comme vous le dites chez vous, bien souvent par des techniciennes.

Je continue: "Elle comprend aussi tout examen de la vue fait par tous les moyens quelconques, hormis l'usage des drogues dans le but d'en déterminer, d'en corriger ou d'en améliorer l'acuité." Alors, pour confirmer cette interprétation du législateur, si je lis la traduction anglaise, c'est bien écrit: "It also includes any examination of the sight by any means whatsoever other than the use of drugs for determining, correcting or improving acuteness of vision."

Alors, ici, on peut affirmer sans erreur que lorsqu'on dit: "dans le but d'en déterminer, d'en corriger ou d'en améliorer l'acuité," on parle d'améliorer l'acuité de la vision et cette interprétation est confirmée par la traduction anglaise.

Alors, comment pouvez-vous affirmer que la nouvelle définition dans le bill 256 a plus d'ampleur ou est moins restrictive que celle-ci?

M.TELLIER: Je vous ferai remarquer, d'abord, que, dans le premier paragraphe de l'article 17 — je ne suis pas un tribunal pour interpréter de façon péremptoire les textes de lois — les mots importants sont "vice de réfraction". Je pense qu'on a assez débattu, ce matin, cette notion de réfraction dans l'ensemble de tout le concept de l'optométrie qu'on a voulu proposer devant l'assemblée pour bien concevoir que la réfraction, c'est une part importante de l'optométrie.

Dans le deuxième paragraphe, on parle d'examen de la vue dans le but d'en corriger ou d'en améliorer l'acuité. C'est pour ça que nous nous sommes crus autorisés de dire que la législation actuelle donne à l'optométriste une juridiction ou une autorité en matière d'acuité

visuelle. Ce matin et tout au cours des débats, on a entendu les expressions "soins thérapeutiques, pathologie", d'accord; on ne voit dans la législation actuelle aucune référence, de quelque façon que ce soit, à ce qui peut être pathologique, à ce qui peut être des soins ou à ce qui peut être de la thérapeutique. C'est une question de langage, de contenu des mots. On peut même se demander jusqu'à quel point un optométriste rend des soins, puisque les soins sont, selon évidemment le point de vue où l'on se place, reliés à un état pathologique. Prescrire des verres, ce n'est pas nécessairement rendre des soins médicaux, en tout cas; c'est rendre un service.

De la même façon, ce matin, on a affirmé des énormités lorsque les représentants du collège sont venus dire que l'optométriste avait une obligation de résultats. Lisez n'importe quoi en matière de contrat professionnel, à partir du traité, par exemple, du professeur Crépeault qui est maintenant président de l'Office de révision de code civil; regardez n'importe quel jugement de la cour Suprême du Canada ou de la cour d'Appel en matière de soins professionnels ou de services professionnels ou de contrats professionnels et on va vous dire que le plus qu'un professionnel fait, c'est d'assumer une obligation de moyens et que jamais il n'assume une obligation de résultats.

Cette parenthèse étant fermée, je vous dis maintenant ceci: Dans la définition que l'on propose de l'optométrie dans le bill 256, le mot important qu'il faut souligner, c'est mot "vision". Ce mot "vision", il faut le mettre en opposition avec les mots "vice de réfraction", "examen de la vue" et "acuité", dans la définition actuelle de l'optométrie. Si vous regardez le document que nous annexons à notre mémoire, lorsque nous faisons référence au mot "vision", nous englobons un champ d'activités beaucoup plus grand. On peut rentrer dans les questions de troubles de vision. Il y a des troubles de vision qui se corrigent par réfraction, mais il y a aussi tout le domaine de la pathologie de la vision. A l'occasion de la pathologie de la vision, vous tombez dans la pathologie de tout le corps humain. Si un organisme est atteint de diabète, cela va avoir des répercussions au niveau de la vision.

A ce moment-là, c'est son état général. C'est pour ça que l'on vous dit qu'en utilisant l'expression "vision" vous faites référence à un champ d'action beaucoup plus large qui sous-entend et qui englobe la pathologie.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je ne voudrais pas faire une discussion sur les termes, mais la vision, ce n'est jamais malade, ça.

Ce qui est malade, c'est le globe oculaire ou l'organisme lui-même. La vision en elle-même n'est jamais malade, je n'ai jamais eu de pathologie de vision. J'ai vu des globes oculaires malades, j'ai vu des êtres malades mais pas la vision.

Je voulais souligner devant la commission que, d'après la définition actuelle de l'optométrie, son champ d'action est la vision. Vous êtes tout à fait en droit de dire et de soutenir que l'acuité visuelle est simplement un facteur de la vision, une partie de la vision, une des habilités ou des constituantes de la vision.

M. TELLIER: C'est exactement ce que nous disons. L'acuité visuelle n'est qu'un aspect de la question.

M. SAINT-GERMAIN: Justement.

M. TELLIER: En utilisant le mot "vision" dans la définition, vous soulevez des difficultés d'application et d'interprétation qui, au départ, nous assurent que, d'ici bientôt, on devra faire préciser cette question par les tribunaux. On vous dit respectueusement que si vous pouvez éviter ces difficultés d'interprétation en précisant votre pensée, vous rendrez service à tout le monde.

M. SAINT-GERMAIN: Avez-vous des antécédents à porter à la connaissance de la commission démontrant que les optométristes ou le Collège des optométristes a essayé d'inclure, dans la vision, la pathologie?

M. TELLIER: Je ne dirais pas cela de cette façon, je vous réfère tout simplement — vous pourrez le faire comme moi à la transcription des Débats d'aujourd'hui; si vous le faites dans ce contexte, vous serez frappé par la fréquence, dans les débats de ce matin, de l'utilisation des mots "pathologie, soin, thérapeutique".

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez souligné dans vos parenthèses, que les optométristes avaient mentionné ce matin qu'ils avaient avec leurs patients un contrat de résultat. Je comprends que vous êtes avocat et que vous interprétez les mots toujours d'une façon légale...

M. TELLIER: Non.

M. SAINT-GERMAIN: ... mais est-ce que "contrat de résultat" ne vous a pas semblé vouloir dire que le patient va voir un optométriste en vue, du moins à son idée, de la correction d'un trouble de la vision et qu'il croit l'optométriste assez responsable pour lui donner satisfaction?

M. TELLIER: Je ne partage pas votre opinion, monsieur, parce que n'importe quel citoyen qui va voir n'importe quel professionnel ne peut s'attendre qu'à une chose, que le professionnel s'engage vis-à-vis de lui à prendre tous les moyens en sa possession pour lui donner satisfaction, mais jamais un professionnel sérieux et compétent ne pourra lui garantir un résultat, en aucun cas.

M. SAINT-GERMAIN: Dans la question de relations entre les deux professions, vous avez mentionné les relations que l'Association des ophtalmologistes avait eues avec M. Gauthier et l'Association des optométristes. Ici, j'ai un document, une lettre en date du 1er mai 1969 adressée à vos confrères ophtalmologistes et qui dit, si vous me permettez, M. le Président: "Nos discussions avec l'Association des optométristes se sont poursuivies depuis notre dernière assemblée générale. M. André Gauthier, président de l'Association des optométristes et moi-même sommes allés rencontrer M. Gaudry, recteur de l'Université de Montréal, pour discuter de l'orientation que devrait prendre l'Ecole d'opto-métrie. "M. le recteur a bien semblé comprendre le problème et il nous a dit qu'advenant la présentation d'un mémoire conjoint des ophtalmologistes et des optométristes, les recommandations qui seraient contenues dans ce mémoire auraient d'excellentes chances d'être mises en force par l'université. Veuillez trouver ci-inclus un document de base pour discussion qui a été échangé avec l'Association des optométristes. Ce document a été accepté en principe par ces derniers".

Enfin, je n'ai pas demandé à M. Gauthier, ce matin, s'il avait en principe accepté ce document ou non. Voici en partie la teneur du document. On dit: "Au cours de réunions et de discussions officieuses de représentants des deux associations, il a semblé possible d'arriver à des points communs d'entente sur la façon dont l'optométrie, pour une bonne part...

M. TELLIER: Excusez-moi, monsieur. Pourriez-vous parler un peu plus fort? Le système de haut-parleurs arrive en arrière de nous et nous vous entendons à peine.

M. SAINT-GERMAIN: ... pourrait se joindre à l'équipe ophtalmologique. Il fut convenu que, de part et d'autre, chaque groupe préparerait une ébauche de planification dans ce sens, en considérant les trois points suivants: premièrement, rôle et statut de l'optométriste qui accepterait de faire partie de l'équipe ophtalmologique; deuxièmement, réorganisation et orientation future de l'enseignement de l'optométrie; troisièmement, façon dont le rôle de l'optométriste, en pratique privée, pourrait être mieux défini et ses relations améliorées avec l'ophtalmologiste. Les ophtalmologistes du Québec, conscients du climat ingrat et souvent frustrant dans lequel bon nombre d'optométristes doivent travailler, sont heureux que l'Association professionnelle des optométristes, par l'entremise de quelques membres de son exécutif, ait manifesté le désir de prendre les moyens nécessaires pour modifier de façon significative cette situation. Il est, toutefois, certains principes qu'il faudra accepter si on veut que les efforts déployés ne le soient pas en vain. C'est ainsi que l'optométriste devra au départ accepter l'autori- té de l'ophtalmologiste sous lequel il aura choisi de travailler et que l'ophtalmologiste devra avoir pour l'optométriste la considération à laquelle celui-ci a droit de par sa formation et son statut professionnel. "Premièrement, l'optométriste au sein de l'équipe médicale ophtalmologique. De par sa formation, l'optométriste aurait la réfraction pour fonction principale dans une équipe ophtalmologique. Toutefois, d'autres champs d'action pourront lui être accessibles. Il est tout probable qu'advenant l'entrée d'optométristes dans le groupe médical des cours de perfectionnement leur seront offerts afin qu'ils puissent développer leurs connaissances et s'adapter de façon plus valable au travail clinique. "On peut facilement envisager que certains optométristes entreprendront, par exemple, de se perfectionner dans le domaine du champ visuel, de la tonographie, de l'exploration poussée des discomatopsies, etc. Dans les hôpitaux, les activités des services ophtalmologiques, réunions scientifiques, conférences, etc., leur seront accessibles. "Du point de vue honoraires, le salariat sera sans doute la seule méthode logique de rétribution."

Au tout début, on voit que l'ophtalmologie ne veut pas respecter l'autonomie professionnelle des optométristes. Cela me semble évident, puisqu'au tout départ on passe comme condition de base qu'on devrait reconnaître la supériorité de l'ophtalmologiste. En plus de ce facteur, on dit que la seule méthode de rétribution logique sera le salariat. Si, dans l'intérêt du public, le salariat est la seule façon de rétribuer l'optométriste, pour quelle raison n'en serait-il pas de même pour l'ophtalmologiste?

M. MATHIEU: Je pense que nous entrons dans des considérations qui ne sont pas à propos, actuellement. Je vous remercie d'avoir lu ce document et d'en avoir fait prendre connaissance à ceux qui sont à la commission, ce qui prouve que nous étions effectivement rendus à des ententes qui auraient pu certainement donner des résultats, mais qui, par un concours de circonstances, ont été interrompues, à un moment donné. Comme vous l'avez fait bien gentiment, M. Saint-Germain, quand on lit ce texte-là, on voit qu'il y a quand même des possibilités d'entente. Ce que je veux dire, c'est que nous sommes toujours dans les mêmes dispositions et que ces échanges pourraient être repris. Evidemment, avec le climat qui a changé, nous pourrions modifier certaines phrases, etc. J'espère que les gens de cette commission verront que l'ophtalmologie n'a pas fermé la porte et accepte de trouver avec l'optométrie des moyens de s'entendre et de travailler en équipe. Je pense que c'est le but que nous avons et que nous devrions avoir mutuellement.

Il y a de petites difficultés. Il s'est créé certaines antipathies, pour ne pas dire certaines allergies, mais à tout bobo on peut trouver un

remède et, personnellement, je reste disponible pour échanger des opinions, avec des gens qui veulent discuter de choses sérieuses, de modalités d'entente. On nous fait le reproche d'être fermés, d'être hermétiquement clos à tout procédé. M. Saint-Germain, vous venez de lire un document qui prouve exactement le contraire.

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je lis ce document. Depuis le commencement de nos travaux on a attaché énormément d'importance au sujet des relations entre les ophtalmologistes et les optométristes. Je crois que si nous l'avons fait, c'est que la victime de ce manque de relations amicales ou compréhensives, c'est le public. Les membres de la commission se sont montrés curieux et ont semblé vouloir analyser le pourquoi de ce mécontentement. Je crois qu'en prenant connaissance de ce document on peut au moins sentir, voir dans quelle situation les optométristes se trouvent dans leurs relations avec les ophtalmologistes. C'est la raison pour laquelle je le lis, et j'ai posé aux ophtalmologistes une question bien précise: Pourquoi, dans l'intérêt public, en arrivent-ils à dire que les optométristes devraient être des salariés ou être rémunérés à salaire et pourquoi ne fait-on pas la même déduction pour les ophtalmologistes?

M. TELLIER: M. le Président, si vous le permettez, je vais répondre à ceci. Ce document date de 1969 et ce n'est pas un document qui a été signé. C'est un projet qui a été mis de l'avant et ce sont peut-être même des optométristes qui l'ont fait. Je ne le sais pas, mais une chose est certaine...

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, je ne crois pas que l'on doive parler pour ne rien dire. Je crois que M. Tellier devrait se renseigner auprès de l'Association des optalmologistes pour savoir ce qui se passe à l'intérieur de l'association qu'il représente aujourd'hui. C'est un document extrêmement important et vous devriez savoir si ce document...

M. TELLIER: Il n'est même pas signé.

M. SAINT-GERMAIN: ... a été envoyé par les ophtalmologistes ou non.

M. TELLIER: J'en ai une copie, mais elle n'est pas signée. Le document n'a jamais été signé.

M. SAINT-GERMAIN: C'esn entendu qu'il n'est pas signé, je l'ai même fait remarquer, mais il a été envoyé aux ophtalmologistes. Il faut un minimum d'honnêteté.

M. TELLIER: C'est un projet. Cette question a été débattue à l'époque antérieure à l'assurance-maladie. L'assurance-maladie est venue régler un problème par la négociation d'une convention collective où les optométristes se sont vu reconnaître des honoraires à l'acte. Mais à ce moment-là aucun guide juridique ne pouvait prévoir une autre formule. Vous vous formalisez, mais il y a des médecins qui, à certaines périodes, parce qu'ils avaient des fonctions telles dans l'équipe thérapeutique qu'il était difficile d'évaluer leurs honoraires en fonction de l'acte professionnel, étaient payés à salaire. Vous avez le cas des psychiatres, des pneumologues, des radiologistes, un temps, etc. Il n'y a rien, je pense, de vexant ou de vexatoire dans une telle disposition. Vous soulevez ça; je vais vous en soulever d'autres et je vais vous dire que, par exemple, on parle de l'intégration des optométristes dans les milieux hospitaliers. Cela ne relève pas uniquement des chambres professionnelles parce que le bill 65 prévoit que cette question de l'organisation scientifique de l'hôpital et des soins relève du conseil consultatif des professionnels. Ce sont eux qui, en définitive, vont établir à l'intérieur de leur établissement leur propre déontologie. De la même façon que le médecin qui, en théorie, de par la loi, a le droit de poser n'importe quel acte médical dans son milieu hospitalier se voit restreindre ses privilèges et limiter certaines fonctions. Il est normal qu'à un moment donné, si on parle en termes d'intégration, par exemple, de l'optométriste à un milieu hospitalier, nonobstant les pouvoirs, les privilèges et les droits qu'il a en vertu de la loi, il y ait par le fait même et par le phénomène de l'intégration une certaine restriction, comme c'est le cas pour tous les autres professionnels oeuvrant en milieu de santé. Vous avez le cas de l'équipe multiprofessionnelle dont il existe de nombreux exemples. Vous avez, dans les milieux psychiatriques, les psychologues, les criminologues, les sociologues qui participent à une équipe thérapeutique sous la direction d'un médecin, chacun travaillant en équipe.

Il n'y a pas dans le document que vous lisez, de quoi s'offusquer si ce n'est que cela fait la preuve qu'il y a eu des pourparlers et qu'il faut espérer que ceux-ci se perpétuent et en arrivent à des conclusions.

M. SAINT-GERMAIN: J'ai posé une question bien précise. Si on ne peut pas me donner de réponse précise, je passerai au deuxième point de cette missive: "Réorganisation et orientation futures de l'enseignement de l'optométrie. Compte tenu de la situation actuelle et des avantages que pourra constituer tant pour l'optométriste que pour la population en général son intégration dans l'équipe médicale, l'enseignement de l'optométrie devra désormais être orienté vers la formation d'optométristes uniquement destinés à l'intégration dans l'équipe ophtalmologiste. Il nous semblerait absolument inconcevable que l'Ecole d'optométrie puisse former en même temps des individus qui

s'intégreraient dans l'équipe ophtalmologique et d'autres qui pourraient aller en pratique libre, car l'enseignement ne pourrait être le même pour chacun de ces deux groupes. Afin de réaliser complètement l'objectif pour lequel elle serait réorganisée, à savoir la formation d'optométristes intégrés à l'équipe ophtalmologique, il serait nécessaire que l'Ecole d'optométrie soit sous l'autorité de la faculté de médecine..." — J'ai bien dit que l'Ecole d'optométrie soit sous l'autorité de la faculté de médecine —..." et elle pourrait s'intégrer au département d'ophtalmologie. Le nombre d'inscriptions permises au niveau de cette école devrait être basé sur la demande afin de ne pas entraîner une surproduction inutile et dangereuse de gradués."

Cela est inutile parce que si cela relève de la faculté de médecine, il n'y a jamais eu trop de diplômés en médecine. Il n'y en aura pas plus en optométrie.

Mais de toute façon, ce qui me surprend, c'est ceci: Vous avez dit tout à l'heure qu'il n'était pas dans vos habitudes de vous mêler des choses des autres professions. Je me demande à quel titre, l'Association des ophtalmologistes qui est un syndicat, qui a comme but principal de voir à l'intérêt de ses membres, puisse avoir la compétence et le front d'aller dire aux optométristes quelle sorte d'école ils doivent avoir. Je ne comprends rien.

M. MATHIEU: Si vous aviez assisté aux réunions, M. Saint-Germain, vous seriez peut-être en mesure de mieux comprendre. Cela a été l'aboutissement de longues discussions, d'essayer de voir comment on pourrait orienter l'optométrie dans un sens qui lui permettrait justement de s'intégrer plus facilement dans l'équipe. Ce sont des modalités que nous avons pensé possibles, modalités qui, jusqu'à un certain point, n'étaient pas complètement refusées par nos. interlocuteurs à ce moment-là, à tel point que, comme vous l'avez dit, je suis allé avec M. Gauthier rencontrer le recteur de l'université pour voir si, en soumettant un plan conjoint, pour une modification de l'enseignement au niveau de l'école d'optométrie, l'université serait prête à l'accepter, et le recteur nous avait dit: Si, effectivement, vos deux groupes fournissent un mémoire suggérant des changements dans l'enseignement, nous serons, je crois, très contents et nous pourrons mettre effectivement ces recommandations en pratique.

Je pense que, de ce document, vous voulez essayer de tirer des conclusions à savoir que nous essayons d'opprimer l'optométrie. Je crois que ce document n'a aucunement cette intention, et vous l'utilisez à mauvais escient. C'est un document qui a résulté de longues discussions et qui était une ébauche de planification.

M. SAINT-GERMAIN: Un document de base.

M. MATHIEU: Pardon?

M. SAINT-GERMAIN: On dit ici dans la lettre que c'est un document de base en vue de discussions futures.

M. MATHIEU: Certainement.

M. SAINT-GERMAIN: Troisièmement: "Rôle de l'optométriste en pratique privée. Il est probable que les services d'ophtalmologie hospitalière et privée de même que les exigences de l'hygiène scolaire et celle du département des véhicules moteurs ne soient pas actuellement en mesure d'absorber tous les optométristes de la province de Québec. Il est certain, par ailleurs, que bon nombre d'optométristes ne sont pas pour le moment intéressés à s'intégrer à l'équipe ophtalmologique". Moi, le premier. "Il faut donc admettre qu'une bonne proportion des optométristes continueront de pratiquer en clientèle privée comme ils le font actuellement. Il semblerait, toutefois, qu'il soit possible d'organiser une certaine intégration d'autorité entre le ou les ophtalmologistes et des optométristes pratiquant dans une même région?

C'est ainsi que, dans des centres où il y a des ophtalmologistes et même des organisations hospitalières d'ophtalmologie, il serait possible de concevoir et de réaliser une intégration sur le plan des responsabilités entre des optométristes et ce centre médical ophtalmologique. Cette façon de procéder permettrait à ces optométristes de réaliser, de façon plus valable, leur rôle. Alors, comment voulez-vous que les optométristes, qui ont une profession libre actuellement, qui donnent à la population un service total, indépendamment de toute profession, qui sont responsables vis-à-vis du public et le législateur de leurs actes, commencent à dialoguer avec un tel document? Est-ce que vous croyez que ce soit propice à la bonne entente entre les optométristes et les ophtalmologistes? Pour que l'optométriste puisse travailler avec l'ophtalmologiste, quelles sont les raisons qui font qu'il doive pratiquement se prostituer ou disparaître, comme il vit, comme il est ou comme il existe actuellement? Il faut qu'il sacrifie son école, il faut qu'il sacrifie son indépendance personnelle, il faut qu'il admette l'autorité de l'ophtalmologiste qui n'y connaît pas plus que lui en optométrie, et ça me semble être absolument évident. Alors, comment voulez-vous arriver et dialoguer dans des conditions semblables? Un homme qui se respecte...

M. MATHIEU: Je pense qu'avec vous, cela aurait été difficile, mais avec ceux que nous avons rencontrés dans le temps, cela a été assez facile d'au moins discuter et d'arriver à certaines lignes, certains documents, comme vous dites, documents de base qui n'étaient pas nécessairement des documents définitifs. Je vous remercie de l'avoir apporté, M. Saint-Germain, parce que, encore une fois, malgré

que vous ne l'aimiez pas, il y avait des optométristes qui le trouvaient pas trop mal, dans le temps. Peut-être qu'aujourd'hui avec les nouvelles lois, ils en sentent moins le besoin. Peut-être que la formulation aurait besoin d'être changée. Mais cela prouve — et vous le prouvez d'une façon évidente — j'espère, à ceux qui en doutaient, que nous avons fait réellement des échanges basés sur autre chose que des sourires, des regards ou des grimaces.

M. SAINT-GERMAIN: Oui, cela me semble évident. Vous avez bien raison de dire que je n'aurais pas accepté une discussion, personnellement, si j'avais été responsable vis-à-vis des optométristes.

M. MATHIEU: Nous considérons que vous, vous n'êtes pas intégrable.

M. SAINT-GERMAIN: Non, monsieur, pas à cette époque. Je suis intégrable, croyez-moi, mais pas à ces conditions-là, pour aucune considération.

M. LE PRESIDENT: La parole...

M. SAINT-GERMAIN: Excusez-moi. Vous avez parlé de rééducation visuelle et d'orthopti-que. Comment se fait-il que, par la loi, vous voudriez que vos techniciennes puissent avoir le droit de pratiquer l'orthoptique, sous votre juridiction, et que vous voulez empêcher les optométristes, qui sont, si je ne m'abuse, beaucoup plus compétents que vos techniciennes, de faire le même travail?

M. MATHIEU: C'est que les techniciennes qui travaillent pour le compte d'un opthalmologiste n'assument aucune responsabilité dans le traitement proprement dit. Ce ne sont pas elles qui décident de le prescrire, elles le font sous surveillance, et c'est l'ophtalmologiste qui en interprète et évalue les résultats.

M. SAINT-GERMAIN: Quelles sont les études et les connaissances actuelles de l'ophtalmologiste en ce qui regarde l'orthoptique que les optométristes n'ont pas?

M. MATHIEU: Je pense qu'on vous a expliqué tout à l'heure que, dans ce domaine, il y avait dans le milieu de l'optométrie différentes écoles qui n'avaient pas retenu l'attention de tout le monde, et que même le gouvernement n'avait pas cru bon de confier aux optométristes le soin de cette rééducation visuelle.

M. SAINT-GERMAIN: Parce que la rééducation visuelle, ce sont les optométristes qui, les premiers, l'ont amenée à Montréal, et ce sont eux qui l'ont toujours développée en Amérique du Nord.

M. MATHIEU: La seule chose, c'est qu'il leur reste à prouver que c'est valable, et c'est ce qui n'a pas été fait encore.

M. SAINT-GERMAIN: Vous appelez ça de l'orthoptique.

M. MATHIEU: Non, ce que font les optométristes et que vous appelez la nouveauté qu'ils ont inventée, je n'appelle pas ça de l'orthoptique; ça s'appelle de la visiologie, et vous le savez comme moi. Est-ce que vous en faites, vous, monsieur, de la visiologie?

M. SAINT-GERMAIN: Non, je n'en fais pas.

M. MATHIEU: Parce que vous n'avez pas confiance à ça ou quoi?

M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas parce que je ne fais pas de visiologie que je dois perdre tous mes droits acquis. Ce n'est pas parce que je ne fais pas de visiologie que je ne rends pas service à la population.

M. MATHIEU: Est-ce que vous approuvez la visiologie comme telle?

M. SAINT-GERMAIN: Disons que, chez vous comme chez moi, il y a des choses qui se passent qu'on ne peut pas toujours approuver. Mais on ne peut pas tirer de conclusions générales à partir d'exceptions.

M. MATHIEU: Je suis tout à fait du même avis que vous, monsieur. C'est pour ça qu'actuellement j'estime qu'on ne peut pas approuver "at large" ce qu'on appelle, sans la définir et sans d'ailleurs la réglementer, la rééducation visuelle. Comme l'a dit M. Gauthier — je suis tout à fait d'accord avec lui — cette rééducation visuelle a besoin d'être réglementée avant d'être acceptable.

M. SAINT-GERMAIN: Vous voyez qu'il y a des points sur lesquels nous pouvons nous entendre.

M. MATHIEU: Certainement.

M. SAINT-GERMAIN: D'après la définition que vous apportez ici, les optométristes devront s'occuper exclusivement d'acuité visuelle. Vous leur permettez ça?

M. MATHIEU: Je pense que vous nous lisez mal, M. le député, parce que nous allons quand même plus loin que ça. Nous ajoutons à cette question d'acuité visuelle, qui est un fait existant à l'heure actuelle, quatre éléments qui sont empruntés à la notion plus générale de vision.

M. SAINT-GERMAIN: Les optométristes aimeraient bien améliorer leurs connaissances au point de vue de la pathologie de façon à être capables de déceler si un oeil est malade ou ne

l'est pas, et ceci dans le meilleur intérêt de la population. Vous avez donné les raisons pour lesquelles les ophtalmologistes ne doivent pas coopérer à enseigner la pathologie aux optométristes. Vous me direz si c'est exact ou non. Vous acceptez les optométristes selon la définition que vous en donnez ici, mais vous voudriez que ces gens soient tout à fait ignares des questions pathologiques et qu'ils ne puissent avoir aucune façon, lorsqu'ils prescrivent ou donnent des verres à leurs patients, de déceler si un oeil est malade ou pas.

M. MATHIEU: La Société canadienne d'ophtalmologie et l'Association médicale canadienne ont suggéré une liste de critères qui permettraient à l'optométriste de déceler au moins la majorité, sinon la très grande majorité, des cas de pathologie. C'est clair, net et précis. Si les optométristes suivaient ces critères, il y aurait très peu de pathologie qui leur échapperait. La pathologie qui leur échapperait au début, ce serait des cas qui pourraient même nous échapper à nous.

Les critères que nous suggérons — nous ne voyons pas pourquoi l'optométrie ne veut pas les accepter comme mode de travail — permettraient à l'optométriste, sans nécessité d'avoir une connaissance accrue de la pathologie oculaire, de dépister tous les cas ou la majorité des cas qui présentent une pathologie oculaire. Les optométristes n'ont jamais voulu accepter ces critères. Ils prétendent que c'est leur imposer une contrainte qui les déshonore.

M. SAINT-GERMAIN: Vous admettez en principe que les optométristes doivent avoir les qualifications voulues pour déceler la pathologie, mais vous ne voulez pas les aider à ce faire.

M. MATHIEU: De par sa formation qui lui permet de juger de l'acuité visuelle, d'éliminer la réfraction comme trouble de baisse visuelle et avec les critères que nous énumérons, l'optométriste a tout ce qu'il faut pour dépister la très grande majorité de la pathologie oculaire. Lui enseigner plus de pathologie ne changerait absolument rien, parce qu'on ne pourrait jamais lui en enseigner assez pour qu'il soit véritablement compétent.

M. SAINT-GERMAIN: Vous croyez qu'actuellement les optométristes sont compétents à déceler la pathologie?

M. MATHIEU: C'est ce qu'ils nous disent. Ce matin, nous vons entendu les optométristes dire: Nous, nous sommes compétents pour déceler la pathologie. Nous le faisons tous les jours.

M. SAINT-GERMAIN: Et c'est la aison pour laquelle...

M. MATHIEU: Vous, M. Saint-Germain, est-ce que vous êtes compétent pour déceler la pathologie?

M. SAINT-GERMAIN: J'aimerais bien que...

M. MATHIEU: Non, mais, actuellement, est-ce que...

M. SAINT-GERMAIN: ... avoir la coopération des ophtalmologistes avec les optométristes.

M. MATHIEU: ... vous trouvez que vous êtes capables en général de déceler la plupart des pathologies, que vous êtes capable de les référer ou si vous en êtes incapable?

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, premièrement...

M. LE PRESIDENT: Une minute! Vous n'avez pas le droit de nous poser des questions. C'est nous qui posons les questions. Je ne veux pas que ça dégénère en débat. Avez-vous une question?

M. SAINT-GERMAIN: Oui, on n'a pas répondu à ma question. Les ophtalmologistes n'ayant pas la possession exclusive des sciences humaines — les sciences sont au service de la population — ils admettent que les optométristes devraient être compétents à déceler la pathologie, alors je me demande, dans l'intérêt public, pour quelle raison ils refusent de coopérer à ce niveau avec les optométristes.

M. MATHIEU: Qu'est-ce que vous entendez par "refusent de coopérer"?

M. SAINT-GERMAIN: De leur enseigner au niveau de l'école au moins, et même dans la pratique privée.

M. MATHIEU: Je crois que j'ai donné suffisamment de raisons. La seule chose que je peux faire, si vous voulez me faire répéter encore une fois, ça fait à peu près deux fois que je les répète, si quelqu'un voulait prendre des notes, on serait certain que quelqu'un a les raisons. Je ne voudrais pas qu'on aboutisse encore à cette chicane qui dure depuis des années. Nous sommes venus ici présenter des points précis et je ne suis pas intéressé à faire un autre débat.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny a des question.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, on a parlé de la définition, on a dit d'un côté que la définition était restrictive et de l'autre côté vous prétendez qu'elle élargit déjà le champ d'exercice de la profession. Avant qu'une définition ne soit retenue par le législateur, je ne sais pas si vous me permettriez, M. le Président, de demander au ministre, qui est le

législateur, quelle est son intention. Si c'est l'intention de restreindre ou d'élargir, ça pourrait peut-être faire jurisprudence et on n'aura pas besoin d'interpréter plus tard la définition.

M. TELLIER: La jurisprudence est à l'effet qu'on ne peut pas se servir des déclarations pour interpréter l'intention du législateur.

M. CLOUTIER (Montmagny): Mais elle n'est pas adoptée, la législation. Je veux connaître l'intention du législateur avant...

M. TELLIER: ... on a voulu assigner les ministres qui avaient proposé au gouvernement fédéral une législation pour savoir ce qu'ils avaient à l'idée quand ils ont déposé le bill et ils n'ont jamais pu être entendus.

M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre va nous le dire.

M. CASTONGUAY: Je peux vous faire la réponse suivante, M. le député, c'est que je vais référer les arguments qui ont été apportés aux légistes sur ce point précis de la signification du terme "vision" et je vais me fier à leur analyse avant que nous allions plus loin. Je ne voudrais pas me prononcer moi-même sur cette question.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous pourriez peut-être associer à vos discussions l'Office de la langue française.

M. TELLIER: Je pourrais peut-être ajouter ceci pour le bénéfice de M. Cloutier. Dans un cas comme celui-là, où on emploie un mot qui peut avoir une consonance technique, il est alors permis devant les tribunaux de faire la preuve par expert de ce que le mot peut vouloir dire; et là, on pourrait faire venir desophtalmologistes de différentes parties du pays, comme il m'est arrivé il n'y a pas longtemps, et d'avoir une cause où il fallait définir l'expression "gaz" au sens d'une loi provinciale. On avait des experts chimistes pour le développer. C'est pour ça que nous vous faisons la proposition de clarifier cette difficulté.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'ailleurs, ça va se poser pour d'autres lois spécifiques. Je voudrais poser une deuxième question. Est-ce que, dans votre idée, Dr Mathieu, l'une des professions est dépendante de l'autre dans le champ d'exercice conjoint? Pour ce qui est permis actuellement par la Loi de l'optométrie, est-ce que, dans votre opinion, il y aune profession qui est reliée et subordonnée à l'autre indépendamment de ce qu'on a entendu tantôt, des documents de travail qui proposaient l'intégration? Faisant abstraction de ça, est-ce que vous pourriez répondre à cette question?

M. MATHIEU: Si, actuellement, une profession est subordonnée à l'autre?

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans votre opinion à vous.

M. MATHIEU: Non, je ne le pense pas. Actuellement, il est certain que l'optométrie n'est pas subordonnée à l'ophtalmologie. Si l'optométrie, comme il semble et comme nous le désirons aussi, veut s'intégrer dans une espèce d'équipe multidisciplinaire, il n'existe pas d'équipe avec simplement des chefs et pas de gens en dessous, une tribu avec des chefs seulement et pas d'Indiens...

Comme le disait Me Tellier, dans toutes les équipes qui existent actuellement, comme dans une équipe psychiatrique, il y a des psychologues qui sont des professionnels et qui ont une formation. Ces gens-là acceptent, d'une certaine façon, qu'il y ait une autorité. Cela ne veut pas dire que si l'optométriste, à un moment donné, fait partie de l'équipe et qu'il accepte, d'une certaine façon, l'autorité de l'ophtalmologiste, que l'ophtalmologiste va passer son temps à le faire mettre à genoux, tous les matins, et à lui dire: Salue ton maître! Il faut qu'il y ait une autorité quelque part si on veut qu'une équipe fonctionne. Et je pense que la formation de l'ophtalmologiste étant beaucoup plus vaste que celle de l'optométriste — quelqu'un ici peut-il me prouver le contraire? — si quelqu'un doit prendre la responsabilité de l'autorité dans une équipe, ce doit être l'ophtalmologiste.

Si vous pensez, dans certains milieux, dans certains établissements, organiser parallèlement un service d'optométrie et un service d'ophtalmologie, je vous assure au départ que vous ne règlerez pas beaucoup de problèmes; vous allez en créer bien plus que vous allez en régler. Si vous n'êtes pas capables, au départ, de faire accepter de part et d'autre une modalité. Mettez des services d'optométrie dans les hôpitaux et dans les centres locaux de santé, etc., établissez-les et dites-leur: Vous êtes indépendants de l'ophtalmologie, vous n'avez rien à entendre. Là, vous allez en créer des problèmes — je vous le dis tout de suite — un paquet de problèmes!

M. TELLIER: Si vous me permettez. Dans cette question d'équipe, cela existe même à l'intérieur des différentes disciplines de la médecine. Pensez-vous, par exemple, qu'un chirurgien qui exerce dans un hôpital est bbre de tous ses mouvements? Il est soumis, en quelque sorte, au rapport du pathologiste. Il est soumis, dans l'exercice de sa profession, à tout un protocole opératoire, à des règles internes, même si c'est le grand patron, même si c'est le chef du département, etc.

Il y a dans la pratique d'une profession, peu importe ce qu'elle est, des contraintes et des disciplines auxquelles il faut s'assujettir. Il ne faut pas voir là une espèce d'élément persécuteur. C'est normal aujourd'hui, dans les domaines scientifiques, que de telles règles existent.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le secteur qui nous occupe présentement, où vous évoluez, où les optométristes évoluent, quelle est la proportion des actes professionnels qui peuvent être posés également par l'optométriste et par l'ophtalmologiste? Est-ce qu'il y a 50 p.c. des actes dans ce secteur qui peuvent être posés par les deux?

M. MATHIEU: Selon mon opinion, actuellement, l'optométriste est compétent pour pratiquer tous les actes qui se rapportent à l'acuité visuelle et à la réfraction. Qu'un optométriste étudie plus spécialement autre chose, cela ne veut pas dire que toute la confrérie des optométristes devient compétente dans ce domaine. Je pense que l'optométriste de base est un homme qui a été formé dans le but de faire de la réfraction. Si vous regardez un peu ce que font les optométristes dans la province de Québec, la majorité font de la réfraction presque exclusivement. C'est dans ce domaine qu'actuellement ils pratiquent.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas tout à fait le sens de ma question, Dr Mathieu. On a des statistiques de l'assurance-maladie, on en a fait état aujourd'hui. Disons qu'on les accepte pour fins de discussion; dans le secteur qu'on étudie actuellement il y a des actes qui relèvent de la pathologie, ce sont les ophtalmologistes qui y sont habilités par leur formation. Vous avez un secteur de la réfraction où, actuellement, les optométristes et les ophtalmologistes évoluent également.

M. MATHIEU: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans la masse d'actes, dans la pathologie qui a trait à la vision mais que vous pouvez poser ensemble globalement, quelle est la proportion d'actes qui peuvent être posés et par les optométristes, s'ils sont habilités à le faire, et par les ophtalmologistes?

M. MATHIEU: Vous voulez dire légalement, actuellement?

M. CLOUTIER (Montmagny): Légalement, oui.

M. MATHIEU: L'entente qui a été signée entre les optométristes et le gouvernement leur donne le droit de faire certains actes comme le champ visuel, l'étude de la motilité oculaire, l'étude de la vision des couleurs.

Nous croyons que certains de ces actes, l'optométriste n'a pas la formation nécessaire pour les faire, pour en poser les indications et les interpréter. Nous le discutons dans notre mémoire. Les actes que nous croyons que l'optométriste, actuellement, est qualifié et compétent à faire se limitent à la capacité de faire tous les actes qui ont trait à la réfraction.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je vais poser ma question autrement, Dr Mathieu. Vous avez un ophtalmologiste qui pratique n'importe où en province; dans une année, quelle est la proportion des actes qu'il pose? Est-ce que 50 p.c. des actes qui ont trait à la réfraction peuvent également être posés par l'optométriste? C'est le sens de ma question. Je prends une moyenne.

M. MATHIEU: Ce matin, on a dit que l'évaluation montrait que, parmi les actes que faisaient les ophtalmologistes, il n'y en avait que 7 p.c. qui étaient de la chirurgie.

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, j'avais retenu les statistiques.

M. MATHIEU: Il n'y a pas seulement la chirurgie. Il y a tous les traitements médicaux. On n'opère pas tous les malades qui ont quelque chose de pathologique; un glaucome se traite longtemps; une conjonctivite et toutes les pathologies régulières se traitent. Quel est le pourcentage? Moi, je ne sais pas, je ne peux pas vous le dire actuellement. Je suis certain que, parmi les actes que posent les ophtalmologistes, au-delà de 50 p.c. ont trait à la pathologie oculaire. Quelle est la proportion qui se résume à une simple réfraction? Je n'ai pas les chiffres actuellement. Je ne peux pas vous le dire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous ne pouvez pas avancer de pourcentage?

M. MATHIEU: Je pourrais vous en avancer, mais j'aimerais mieux être certain plutôt que de vous dire un chiffre à peu près.

M. CLOUTIER (Montmagny): Voici pourquoi je pose la question, Dr Mathieu. D'une part, vous avez les professionnels qui sont devant nous, vous êtes les ophtalmologistes qui avez une formation de neuf ans, cinq ans de médecine, quatre ans de spécialisation. Vous avez d'autre part, les optométristes qui ont trois ans de formation universitaire. Vous avez neuf ans d'un côté et trois ans de l'autre. Vous avez des professionnels qui sont habilités, tous les deux groupes, à donner des services dans un domaine particulier et peuvent tous les deux légalement, donner ces services. Je me demande s'il n'y a pas une disproportion entre, d'un côté, la formation qui est donnée à un groupe de spécialistes par rapport à toutes les tâches qu'ils peuvent faire. Je ne mets pas en cause la formation que vous recevez pour la pathologie, mais peut-être avez-vous une formation qui est trop poussée pour la réfraction. D'autre part, je me demande si les optométristes, qui ont une formation de trois ans, ne pourraient pas recevoir davantage de formation. C'est là que cela nous amène au problème de la pathologie. Je ne serais pas consentant à ce que les optométristes qui réclament des cours de patho-

logie les aient. Le champ d'exercice de la loi pourrait les empêcher de faire de la pathologie. C'est le sens de ma question. Je me demande s'il n'y a pas un déséquilibre, si ce n'est pas le fond de la question.

M. MATHIEU: C'est certain que quand un patient a été examiné par un ophtalmologiste et que le résultat de l'examen montre que c'est purement un taux de réfraction, il dit, ce bonhomme qui a neuf ans de pratique: Il aurait été mieux que ce patient soit examiné par un optométriste. Avant de partir, il ne savait pas qu'il ne s'agissait que d'un trouble de réfraction. Bien des gens viennent chez nous simplement pour changer leurs lunettes, on les examine et on trouve qu'ils commencent à faire un glaucome. Ce n'est pas facile. Je suis conscient du fait que nous faisons des examens qui, une fois faits, nous prouvent qu'ils auraient pu être faits par un optométriste. Il y a quand même la liberté de choix de l'individu. Comment décider d'avance ce qui est simplement un cas de réfraction avant de l'avoir examiné? C'est difficile. Je serais bien d'accord que si si on pouvait trouver une formule qui permettrait de prendre tous les cas qui sont simplement des cas de réfraction, les donner aux optométristes et nous, voir plus de pathologie, je n'aurais pas d'objection.

Mais qui va faire la séparation au départ? C'est là que ce n'est pas facile.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est là, à mon sens, que la discussion qu'on a eue pour les soins de première ligne est importante. C'est là que les optométristes devront peut-être avoir plus de connaissances en pathologie pour faire la référence. S'ils sont mieux répartis sur le territoire, si ce sont eux qui sont en Gaspésie, en Abitibi, ou au Lac-Saint-Jean et qui peuvent faire plus facilement le dépistage ou l'information de première ligne, les soins de première ligne, s'ils sont habilités à faire cette référence, je pense que, comme pour l'omnipraticien et le spécialiste, nous aurons un meilleur cheminement des patients vers les spécialistes.

Vous, les ophtalmologistes, avec votre formation, vous pourrez vous réserver des actes peut-être plus complexes. C'est le sens de la question que j'ai posée.

M. MATHIEU: M. Cloutier, dans le document que M. Saint-Germain a montré tout à l'heure, nous avions l'intention d'organiser une corrélation non seulement avec les milieux hospitaliers, mais il y avait un paragraphe qui traitait des médecins qui pratiquaient dans les centres éloignés. Il y aura moyen, je pense, à un moment donné, d'arriver à réaliser ce que vous dites, à condition qu'il y ait une entente et que nous soyons capables de faire admettre à l'optométriste qu'il y a, quand même, certaines directives qu'il doit accepter. Jusqu'ici, nous avons eu affaire à des gens qui disent: Moi, je ne veux pas entendre parler de personnes qui me diront quoi faire; nous sommes une profession libre et indépendante, nous n'avons d'ordre à recevoir de personne. C'est difficile de commencer à dialoguer, quand le bonhomme dit: Je n'ai rien à recevoir de toi. Tu n'as rien à me dire. Je suis indépendant; ton côté, mon côté. Qu'allons-nous faire pour nous entendre? C'est difficile.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit tantôt que l'incidence des cas de pathologie, ici au Québec, était peut-être plus considérable qu'on ne le pense et plus considérable qu'ailleurs. Cela dépendrait de quoi?

M. MATHIEU: Cela dépend du fait que le Canadien français a été laissé à lui-même pendant un grand nombre d'années. Avec la consanguinité, il y a une foule de maladies héréditaires qu'on retrouve de façon abondante, particulièrement en Gaspésie. Il y a même des épidémiologues qui ont pris comme sujet d'étude les pathologies non seulement oculaires, mais systémiques des Canadiens français parce que nous avons vécu en vase clos. Il y en a qui voudraient tenir le vase encore plus fermé pendant un bout de temps, puis le refermer davantage et mettre le couvercle dessus. Disons que c'est à cause de la consanguinité que la pathologie et les maladies congénitales sont beaucoup plus abondantes dans la province de Québec que dans les autres provinces où l'on s'est marié entre X, Y, Z.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas parce que nous regardons, des choses que nous ne devrions pas regarder?

M. MATHIEU: Il y en a de moins en moins de ces choses, parce qu'apparemment nous pouvons tout regarder maintenant.

M. LE PRESIDENT: Merci, docteur Mathieu. Au nom de la commission, je vous remercie ainsi que votre groupe pour votre intervention.

Nous allons maintenant suspendre la commission pour cinq minutes avant d'entendre l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal.

M. MATHIEU: Je vous remercie, messieurs, de votre bonne attention.

M. BLANK: A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! Avant que vous ne preniez la parole, M. Castonguay veut dire un mot.

M. CASTONGUAY: La semaine dernière, les membres de la commission ont demandé s'ils pouvaient recevoir une copie du rapport Mireault sur les aides-pharmaciens. On a communiqué avec le ministère du Travail et nous avons reçu une copie de ce rapport. M. Mireault nous

dit que ce n'est pas un travail définitif et qu'il n'a pas été poursuivi. Pour quelle raison? Je l'ignore. De toute façon, le rapport, dans sa forme actuelle, existe. J'en ai fait faire des copies et je les ai fait distribuer aux membres de la commission.

Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal

M. BEAULNE: MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord vous présenter les personnes qui composent la délégation de l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal. En partant de l'extrême gauche, M. Jacques Létourneau, Ph. D., responsable de l'enseignement dans le domaine de la perception visuelle et des méthodes quantitatives dans le secteur de la recherche; M. Armand Bastien, optométriste et professeur dans les sciences cliniques; à ma droite, M. Michel Mélodot, optométriste et Ph. D., responsable de l'enseignement de l'optique physiologique et du programme de recherche; à l'extrême droite, M. Louis-Philippe Raymond, également optométriste et professeur dans les sciences cliniques. Je suis Claude Beaulne, directeur de l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal.

Qu'il nous soit d'abord permis de remercier les membres de cette commission pour l'invitation qui nous est faite de développer certains aspects de notre mémoire présenté en février dernier. En premier lieu, au sujet du bill 250, j'aimerais souligner que l'école d'optométrie est solidaire du mémoire présenté par la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec, qui a soulevé les trois points suivants que je veux résumer très rapidement :

Premièrement, il existe déjà un cadre juridique régissant le monde de l'enseignement supérieur et tout nouveau projet de loi touchant les universités et leur rôle doit se concevoir à l'intérieur de ce cadre pour éviter tout dédoublement et pour préserver l'équilibre de l'ensemble.

Deuxièmement, si ce premier principe n'est pas accepté, il apparaît nécessaire, alors, que soit modifiée la composition de l'office des professions pour inclure un représentant du monde de l'enseignement.

Et, troisièmement, deux points spécifiques ont été apportés par ce document: D'abord, que les stages de formation continue relèvent des universités avec les corporations professionnelles et, ensuite, à l'article 169 d) du bill 250, il faut rétablir la mention de la nécessité de consulter les établissements d'enseignement avant de reconnaître un diplôme pour les fins d'obtention d'un permis.

En ce qui a trait au bill 250, nous avons abordé deux points: la définition de l'optométrie et le titre professionnel. La définition que nous voulons donner de l'optométrie provient de la nature des soins visuels dont la population a besoin. L'incidence des troubles visuels est beaucoup plus élevée que celle des maladies de l'oeil à cause des conditions d'hygiène qui prévalent dans notre société.

Les troubles visuels comprennent les erreurs de réfraction — je n'ai pas besoin de les énumérer ici — les troubles de vision binoculaire, tels le strabisme et l'amblyopie, les troubles perceptifs, troubles lexiques, troubles de la vision des couleurs, troubles d'apprentissage scolaire et le reste. Ces troubles s'étendent à une grande partie de la population. Une étude américaine sur l'incidence des erreurs de réfraction a démontré que plus de 90 p.c. des habitants, après l'âge de 55 ans, étaient affectés. Nous sommes convaincus que les soins visuels doivent aussi inclure la prévention qui consiste, d'une part, en une bonne hygiène visuelle dans le travail de près et, d'autre part, en la détection précoce de toute anomalie de la vision, car des études récentes ont démontré qu'une erreur de réfraction comme l'astigmatisme, non détectée dans le bas âge, produit des effets qui sont ensuite irréversibles.

En fonction des besoins déjà mentionnés brièvement et des thérapeutiques nécessaires pour remédier à ces besoins, nous proposons la définition suivante qui est inscrite dans notre mémoire et que je me permets de vous relire: "Constitue l'exercice de l'optométrie tout acte qui a pour objet la vision et qui se rapporte à l'examen des yeux, l'analyse de leurs fonctions et l'évaluation des problèmes visuels ainsi que la prescription, l'usage et le contrôle de tous les moyens, autres que l'usage de drogues, permettant l'amélioration et la correction de la vision".

On note trois différences fondamentales entre cette définition et celle qui a été incluse dans le projet de loi 256.

D'abord, nous considérons que le public serait mieux servi, si l'optométriste pouvait employer des drogues, afin de lui permettre de reconnaître certaines affections de l'oeil.

La deuxième différence a trait à l'usage et au contrôle de la lentille ophtalmique. Nous considérons que l'optométriste devrait contrôler la prescription qu'il a donnée et qu'il s'en rende responsable vis-à-vis du patient, afin de fournir au patient les soins complets et valables.

La troisième différence a trait aux moyens thérapeutiques autres que les lentilles ophtalmiques. Les lentilles optalmiques ne constituent pas le seul moyen thérapeutique, il faut aussi inclure l'orthoptique, la pléoptique et les autres méthodes de rééducation visuelle. Dans le but de rendre ces services à la population, l'Ecole d'optométrie de l'Université de Montréal forme des optométristes depuis plus de 60 ans. Le programme de cours de l'école d'optométrie est analogue à celui d'autres universités américaines qui forment des optométristes. Nous n'énumérerons pas tous ces cours qui sont détaillés dans notre mémoire. Ces cours sont divisés en trois grandes catégories: les sciences fondamentales, l'optique physiologique et l'optométrie clinique.

Le programme d'enseignement de l'étudiant en optométrie lui permet de connaître parfaitement bien la structure et la dioptrique normale de l'oeil, les mécanismes de la vision binoculaire simple et normale ainsi que l'effet de la thérapeutique sur ces mécanismes.

Bref, il est renseigné sur la prévention, la correction et la rééducation des problèmes d'intégrité et de santé de tous les mécanismes visuels, car il a étudié l'ensemble des connaissances organisées, orientées qui ont trait à la vision.

L'enseignement de l'anatomie, de la physiologie, de la bactériologie, de la pharmacologie et de la pathologie générale et oculaire complètent les connaissances lui permettant de déceler les conditions oculaires pathologiques.

L'instrumentation qu'utilise l'étudiant favorise la connaissance des signes objectifs résultant de la pathologie et sa connaissance profonde de la vision lui facilite l'observation de signes subjectifs.

L'école d'optométrie soutient donc, sans hésitation, que grâce à cette formation, le diplômé possède les connaissances requises pour effectuer un diagnostic éliminatoire des pathologies oculaires.

En plus des connaissances acquises dans le domaine de la pathologie, la formation théorique et clinique de l'étudiant dans toutes les phases concernant les lentilles cornéennes, ordonnances, ajustement, contrôle, en font un professionel compétent apte à prescrire des verres de contact.

Le curriculum d'études dans ce secteur de l'activité professionnelle optométrique est élaboré de façon à donner à l'étudiant l'entraînement nécessaire: anatomie et physiologie oculaire, optique des verres de contact, topographie cornéenne, réaction des tissus cornéens, pharmacologie, microbiologie et le reste.

L'Ecole d'optométrie — il importe de ne pas l'oublier — est la seule institution universitaire à dispenser un enseignement formel dans la pratique du verre de contact, et ce depuis plus de trente ans. La prescription et l'ajustement des lentilles cornéennes exigent la connaissance, le contrôle et la synchronisation de multiples éléments ou facteurs, de telle sorte qu'on ne peut concevoir qu'un tel service puisse être rendu autrement que sous la responsabilité et la surveillance de la même personne. Dans l'esprit des professeurs de l'Ecole d'optométrie, la vision est un processus dynamique permettant la mobilisation optimum des capacités d'action. Un concept positif, celui de l'amélioration des capacités productives, préside à l'enseignement des techniques d'entraînement visuel. L'entraînement visuel répond aux exigences d'efficacité d'une société hautement urbanisée, fortement scolarisée, axée sur une productivité toujours plus grande. En augmentant le rendement, on contribue automatiquement à l'amélioration du bien-être.

Dans le but de donner une meilleure forma- tion clinique à ses étudiants, l'Ecole d'optométrie souhaiterait qu'ils puissent faire des stages dans les centres locaux de services communautaires et dans les centres hospitaliers universitaires. L'étudiant pourrait ainsi rencontrer un nombre de cas plus grand et plus varié. Il pourrait s'intégrer à l'équipe des professionnels de la santé et être plus en mesure de servir la communauté.

En ce qui a trait au deuxième point, soit l'usage du titre professionnel, nous considérons qu'il serait injuste et discriminatoire qu'un optométriste qui a obtenu un doctorat d'une université reconnue ne puisse utiliser ce titre. En conséquence, nous recommandons que l'article 22 du bill 256 se lise comme suit: Un optométriste peut, relativement à l'exercice de sa profession, se désigner autrement que comme optométriste s'il a complété des programmes d'études approuvés, conduisant à un certificat de spécialiste. Il est aussi autorisé à prendre le titre de docteur ou une abréviation de ce titre s'il détient un doctorat en optométrie d'une université reconnue.

Nous vous remercions de votre bienveillante attention et nous sommes à votre disposition pour répondre à certaines questions.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les représentants de l'Ecole d'optométrie pour ce mémoire, M. le Président. Le directeur de l'école nous a fait un exposé qui, je crois, est clair. Je voudrais poser une seule question, à ce moment du moins. En ce qui a trait à la question de la rééducation ou de l'entraînement visuel, il y a eu des représentations divergentes ou contradictoires. J'aimerais que vous me disiez, d'une façon plus précise que vous l'avez fait dans votre intervention, si ce que vous enseignez dans le domaine de la rééducation déborde ce qui pourrait être compris dans le champ de l'orthoptique. Si cela déborde ceci, dans quel type d'autres méthodes de rééducation faites-vous cet enseignement, s'il vous plaît?

M. BEAULNE: Je pense que je peux répondre de la façon suivante. On a présenté devant vous ici aujourd'hui une thèse qui tend à faire croire que la seule méthode de rééducation qui puisse exister, c'est l'orthoptique. L'orthoptique est une des formes de rééducation.

Il serait possible de développer, de vous faire connaître différents moyens qui sont à la disposition de l'optométriste pour utliser ce que, moi, j'appelle la rééducation visuelle et qui comprend l'orthoptique, la pléoptique et divers autres moyens de rééducation.

M. CASTONGUAY: Lorsque vous dites divers autres moyens, pourriez-vous être plus explicite? Est-ce que ça touche ce qu'on a

appelé la visiologie et, si oui, pourriez-vous nous dire ce qu'est la visiologie?

M. BASTIEN: Si vous me permettez, M. le Président, je voudrais aborder la question de l'enseignement de l'entraînement visuel et aussi en même temps toucher ce que vous appelez la visiologie.

En ce qui concerne l'entraînement visuel, nous enseignons toutes les méthodes qui ont pour but de rétablir la binocularité et qui ont pour but également de redresser les yeux, ce qu'on appelle les méthodes d'orthoptique. Cependant, nous, nous considérons que ce n'est qu'un aspect de l'entrafnement visuel et nous ne croyons pas qu'il soit possible de fixer à jamais l'entrafnement visuel dans ces seules structures qui sont des structures limitées.

Evidemment, j'ai entendu cet après-midi ce qui m'a semblé, à moi, une caricature de la chose. C'est entendu qu'on court toujours un danger quand on juge ce qui se passe dans le champ du voisin; on court toujours le risque de le voir d'une façon déformée. Cependant, l'entraînement visuel déborde l'orthoptique. Il y a eu 20 années de recherches à l'Institut Gesell, sur le développement de l'enfant. Et, au cours de ces 20 années de recherches, il y a eu des recherches intensives sur le développement de la vision.

Pour vous situer dans le contexte, je vous donnerai une des définitions de la vision, qui provient du Dr Arnold Gesell lui-même, qui — soit-dit en passant — n'est pas un optométriste mais qui a été assisté dans son travail par des optométristes en recherches: "La vision n'est pas une fonction indépendante, elle est profondément intégrée au système d'action totale de l'enfant, sa posture, sa manipulation, ses habitudes motrices, son intelligence et même les traits de sa personnalité". Evidemment, libre à chacun de discuter ces choses et même de les mettre en doute. Ce n'est pas une définition qui provient d'un optométriste mais d'un médecin, le Dr Arnold Gesell, qui a fait ces recherches.

Si on revient à cette définition, on voit que la vision est reliée à l'ensemble du système d'action. Et il est bien évident, avec l'avènement de ce qu'on appelle la psychomotricité dans le domaine de l'éducation, que c'est possible dans certains cas, sans recours à des simagrées, sans recours à une caricature — parce qu'il ne faut pas oublier que tous les mouvements d'un enfant pour un adulte sont des caricatures — on peut reprendre les étapes du développement, à tort ou à raison parce que pour moi, ce qui m'importe, je crois, ce sont les résultats obtenus; on parlait de la qualité des méthodes, pour moi les bonnes méthodes sont celles qui donnent de bons résultats. Si, par exemple, dans le domaine de la psychomotricité et de la visiomotricité, vous avez des méthodes qui donnent de bons résultats, je crois que ce sont celles-là qui sont bonnes. Ce sont les résultats, sans se chicaner sur les théories.

Le phénomène de visiologie, vous en avez parlé tout à l'heure, M. le Président, est un phénomène local. C'est un terme qui est utilisé d'une façon strictement locale. Et, évidemment, il ne s'agit pas à mon point de vue de faire le procès de la visiologie. Il peut y avoir, si vous voulez, dans l'esprit de certains, des aberrations. Il peut y avoir l'apparence de certaines exagérations. Je ne suis pas visiologiste, mais je considère que ce n'est pas à moi de la juger. La visiologie donne sûrement des résultats.

Mais, je ne crois pas que ce soit ici qu'on doive faire dévier toute la question de l'entraînement visuel sur une variante locale. Des exagérations dans le domaine de la thérapeutique, vous en avez partout. Souvent, les exagérations actuelles deviennent, après quelques années, moins exagérées lorsqu'elles sont acceptées. Lorsqu'on les voit sans initiation, cela peut fort bien paraître des caricatures.

Pour finir, on utilise dans le domaine de l'entraînement visuel des exercices qui ont pour but de coordonner les mouvements des yeux aux mouvements de la tête, les mouvements des yeux aux mouvements de la main, les mouvements des yeux aux mouvements du reste du corps et ceci en suivant les étapes du développement de la motricité. Ce n'est pas l'optométriste qui a inventé ces étapes; par conséquent, je crois qu'on ne doit pas fermer la porte à des procédés cliniques qui donnent des résultats. Tout ce qui compte, ce sont les résultats. Je ne crois pas qu'on doive se chicaner sur les théories, d'autant plus que ces théories sont assez facilement défendables aussi. Toutes les théories sont en quelque sorte des hypothèses pour expliquer, si vous voulez, les actes que l'on pose et cela peut facilement dégénérer en chicane de clocher. Je considère que la description que l'on a donnée cet après-midi, même si elle est juste à certains points de vue, pour certains individus particuliers qui ont fait des exagérations, est quand même une caricature quand on l'applique à tout un secteur de thérapeutique.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: Y a-t-il des professeurs d'optométrie qui enseignent à la faculté de médecine?

M. BASTIEN: S'il y a des professeurs...

M. BOIVIN: Est-ce qu'il y a des professeurs d'optométrie qui enseignent à la faculté de médecine, c'est-à-dire aux ophtalmologistes?

M. BASTIEN: Pas que je sache.

M. BOIVIN: Votre école est fondée depuis 60 ans, avez-vous dit. Comment se fait-il que cette école ne soit pas affiliée à une faculté quand on sait que le recteur de l'Université de Montréal, M. Gaudry, a manifesté le désir — je ne me rappelle pas qui a lu la lettre — d'avoir un

mémoire conjoint de la faculté de médecine, pour l'ophtalmologie, et de l'Ecole d'optométrie? Comment se fait-il qu'il n'a pas pu y avoir de rapprochement entre la faculté de médecine et l'Ecole d'optométrie faisant partie d'une même université?

M. BEAULNE: Il faudrait peut-être refaire très rapidement l'historique et dire que l'Ecole d'optométrie était affiliée à l'Université de Montréal depuis 1925. Elle était affiliée au même titre que le sont actuellement l'Ecole polytechnique et l'Ecole des hautes études commerciales, c'est-à-dire que, du point de vue académique, il y avait dépendance vis-à-vis de l'université mais, du point de vue administratif, c'était séparé. Depuis juin 1969, l'Ecole d'optométrie a été intégrée à l'Université de Montréal avec le rang de département et on a rattaché l'Ecole d'optométrie directement à un vice-recteur tout simplement parce qu'on prévoyait que les structures du secteur de la santé se feraient dans quelques années. C'est l'étape où nous sommes rendus maintenant.

M. BOIVIN: Devant les études de neuf années exigées des ophtalmologistes et les trois années de votre école, avec tout ce que vous réclamez de privilèges pour les gens qui sortent de votre école, ne trouvez-vous pas que du côté de l'ophtalmologie il y aurait surscolarisation et peut-être sous-scolarisation de votre part? N'y aurait-il pas un moyen terme, former un homme qui donnerait du rendement par suite d'une entente entre les deux écoles?

M. BEAULNE: Je ne crois pas, parce que l'ophtalmologie agit dans le secteur de la pathologie oculaire principalement et l'optométrie agit dans le secteur de la physiologie de la vision principalement. Je ne pense pas qu'on puisse réaliser ce que vous demandez.

M. BOIVIN: Vous parlez de drogue, vous réclamez le droit à la drogue pour les traitements. Vous avez parlé tout à l'heure d'une certaine pathologie et même les optométristes parlent de médecine, de pratique de première ligne.

Est-ce que c'est suffisant trois ans d'études pour vous amener à faire un diagnostic?

M. BEAULNE: Je voudrais d'abord rectifier. Il ne s'agit pas d'utiliser la drogue pour des fins thérapeutiques. Il s'agit de l'utiliser pour des fins diagnostiques, certaines drogues pour déceler certaines anomalies. Il n'est pas question — j'espère ne pas avoir laissé cette impression — d'utiliser la drogue pour des fins thérapeutiques.

M. BOIVIN: Est-ce qu'on peut espérer qu'il y ait des rencontres entre la faculté de médecine et l'Ecole d'optométrie pour étudier les problèmes?

M. BEAULNE: Il existe une collaboration assez étroite actuellement entre la faculté de médecine et l'Ecole d'optométrie. Nous recevons quand même passablement de cours de la faculté de médecine. Ce n'est qu'au niveau de la pathologie oculaire qu'il y a ce blocage qu'on connaît depuis tant d'années.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Beaulne. Je veux aussi remercier votre groupe d'être venu présenter votre mémoire.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous trouvez qu'entre une formation médicale et une formation d'optométriste il y a, à la base, une différence profonde?

M. BEAULNE: A la base, si je comprends le sens de votre question, les étudiants qui sont admis à l'Ecole d'optométrie et ceux qui le sont à la faculté de médecine ont exactement la même formation à l'arrivée à l'université. Ils doivent posséder le diplôme d'études collégiales dans le secteur de la santé. Je ne sais pas si cela répond à la question.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez dit que la formation de base des étudiants était la même mais, en partant de là, est-ce qu'entre la philosophie de base de la profession d'optométriste et celle de la profession médicale il y a un décalage que vous pouvez nous expliquer et nous définir?

M. BEAULNE: A mon point de vue, je pense avoir répondu à cette question en disant que la formation médicale, du point de vue oculaire, va traiter de la pathologie de l'oeil alors que la philosophie de base dans la formation de l'optométriste est de voir au bon fonctionnement de la vision.

M. SAINT-GERMAIN: Pour simplifier ma question, est-ce que vous croyez qu'une longue formation médicale pourrait aider quelqu'un à être meilleur optométriste et qu'une longue formation optométrique pourrait aider quelqu'un à être meilleur ophtalmologiste, si on conserve cette question d'optométrie exclusivement? Je ne sais pas si vous comprenez bien ma question.

Est-ce que le fait, pour les ophtalmologistes, d'avoir des études très prolongées peuvent faire d'eux de meilleurs optométristes lorsqu'ils parlent de troubles visuels chez leurs patients?

M. BASTIEN: Je crois que, même si les deux professions ont un champ de chevauchement, elles ont également chacune une certaine exclusivité, pour ne pas dire une exclusivité certaine. J'ai entendu tout à l'heure pratiquement nous reprocher de ne pas être d'assez bons ophtalmologistes. S'il fallait que nous ayons une telle formation poussée pour avoir cette compétence, à ce moment-là nous cesserions peut-être

d'être des optométristes. Je crois que ce qui est important pour un optométriste, c'est d'avoir une formation qui lui permette de faire un diagnostic primaire, éliminatoire, de sorte que, lorsqu'il soupçonne une pathologie ou lorsqu'il en décelle une, il dirige ses patients dans un champ d'activité qui est celui d'une autre personne qui est plus compétente que lui dans ce domaine.

L'optométriste joue un rôle précieux au point de vue scientifique et social avec le phénomène d'urbanisation, de haute scolarisation qui est celui que l'on connaît actuellement. Vous avez une masse considérable de gens qui ont des problèmes strictement de fonctionnement ou des problèmes dits fonctionnels chez qui on ne trouve aucune pathologie.

Tout à l'heure on a parlé de pathologie de façon pratiquement aberrante, en ce qui me concerne, au point que j'ai cru que nous étions une race de dégénérés. Quand on est rendu à considérer qu'on est malade à 66 p.c. parce qu'on fait partie d'une race particulière qui a vécu sous un couvercle, je ne l'avale pas. Je ne crois pas que ça atteigne ces proportions. Mais ceci étant dit, lorsque vous avez, par exemple, dans une usine 2,000 ouvriers qui ont des problèmes visuels et qui sont presque tous obligés de porter des lunettes, ou du moins un très grand nombre d'entre eux, il est bien évident que dans ce phénomène d'adaptation aux exigences d'un milieu, qui est un phénomène écologique ou mésologique, si vous voulez, il n'y a aucune pathologie mais tout simplement un vice de fonctionnement. Là où l'optométriste se distingue de l'ophtalmologiste, c'est qu'il reçoit sa formation dans ce sens en particulier. C'est son champ d'activité de redonner à l'individu qui a une difficulté d'adaptation aux exigences du milieu, au point de vue visuel, les capacités qui vont lui permettre d'agir avec le plus haut degré d'efficacité et de rendement, avec l'absence de malaise.

Vous avez là deux champs d'activité et je n'en veux pas aux ophtalmologistes de ne pas considérer la chose sous cet angle. Ce ne serait pas normal qu'ils la considèrent de la sorte parce que leur formation est en tout premier lieu faite pour diagnostiquer les maladies et les traiter. Ce serait malheureux que l'on prenne des gens qui ont une formation aussi poussée dans ce domaine et qu'on les utilise à régler des problèmes d'adaptation visuelle avec des lentilles ou des exercices.

Vous avez là deux champs d'activité complètement différents, un qui est du côté morbide et l'autre qui est du côté du fonctionnement et du rendement, et je crois que les deux ont lieu d'exister et répondent à des besoins de notre société. D'ailleurs, l'optométrie n'a pas existé avant que nos sociétés s'industrialisent et se scolarisent. C'est justement parce qu'il y a une masse de soins visuels qu'il faut donner à des gens qui ont des difficultés d'adaptation que l'optométrie existe. Autrement, elle n'aurait pas existé.

M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Vous avez parlé dans votre mémoire de la nécessité d'un contrôle pour l'optométriste de la prescription optique qu'il fait; pourriez-vous fournir quelques explications là-dessus?

M. BEAULNE: Je pense que le point que nous avons voulu illustrer c'est que nous considérons, en principe, que l'unicité des services doit exister, dans le but d'éviter que le patient ait à se référer à deux ou trois personnes pour obtenir un service qu'il pourrait obtenir de façon intégrale chez une même personne.

M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je vous remercie pour votre intervention et maintenant nous allons entendre la Corporation des opticiens d'ordonnances.

Corporation des opticiens d'ordonnances

M. SAULNIER: M. le ministre, messieurs, mon nom est Jules Saulnier et je suis le président de la Corporation des opticiens d'ordonnances de la province de Québec. A mes côtés, commençant par la gauche, Me Pierre Delorme, notre conseiller juridique; M. Jacques Nantais, notre secrétaire, et M. Avron Cohen, deuxième vice-président. A ma droite, M. Jacques Clément, premier vice-président; M. Gilles Racette, trésorier, et M. Raymond Bertrand, directeur.

Notre corporation groupe 300 opticiens d'ordonnances pratiquant dans la province de Québec et est actuellement régie par le chapitre 258 des statuts refondus du Québec. En temps que profession d'exercice exclusif, nous sommes une des corporations incluses dans l'annexe 1 du bill 250. Je crois que nous devons nous réjouir de la forme de ce code des professions qui permettra l'uniformisation des structures de tous les organismes professionnels.

Les améliorations apportées par ce code des professions dans l'administration des corporations professionnelles rejoignent les vues de la Corporation des opticiens d'ordonnances comme vous avez sans doute pu le constater par les nombreux mémoires qui ont déjà été présentés par la corporation ainsi que par un projet de loi que la corporation a déposé en 1969.

Ce projet de loi aurait accordé à la corporation des pouvoirs additionnels pour réglementer la régie interne, la publication d'un tableau général des membres, la discipline, les fonctions incompatibles, les études permettant l'obtention du diplôme d'opticien d'ordonnances, le tout dans le but de mieux protéger le public.

A la lecture du mémoire sur le projet de loi 250 soumis par la Corporation des opticiens d'ordonnances, vous avez sans doute constaté que la corporation ne fera pas exception à la règle et entend s'élever contre l'ingérence gou-

vernementale à tous les paliers. Pourquoi donner des pouvoirs d'une main pour les enlever de l'autre? Les nominations par le lieutenant-gouverneur en conseil, soit au niveau du bureau ou au niveau des divers comités, n'auront-elles pas pour effet de gêner le droit de parole des officiers déjà en place et d'empêcher une saine administration des corporations?

Notre corporation est d'accord sur les grands principes qui ont déjà été développés publiquement sur ce même thème par la plupart des autres corporations. Nous ne croyons pas que la nomination d'administrateurs ainsi que la législation par arrêté en conseil puissent vraiment protéger le public. Toutefois, nous vous demandons de bien prendre connaissance du mémoire que nous avons déposé sur le code des professions. Nous désirons également attirer votre attention sur certains points précis qui ont été soulevés, soit le nombre d'administrateurs, les pouvoirs du président et l'absence de dispositions financières.

En effet, nous croyons que le nombre d'administrateurs serait trop restreint pour les corporations de moins de 500 membres si l'article 63 demandant une représentation régionale adéquate était mis en application.

Egalement, nous recommandons que les pouvoirs accordés au président à l'article 31 du code soient plutôt exercés par le bureau pour maintenir l'esprit démocratique au sein du bureau. De plus, nous comprenons mal comment il se fait que le code des professions soit muet au sujet des dispositions financières de chaque corporation.

Le poste de trésorier semble disparaître mais nous croyons, étant donné les nombreux domaines dans lesquels chaque corporation doit travailler, qu'un trésorier devrait toujours être présent pour préparer le budget de la corporation en tenant compte des divers comités formés et pour les cotisations perçues des membres.

Finalement, pour permettre un contact personnel entre les administrateurs et les membres d'une corporation, nous croyons qu'il serait préférable. De plus, de maintenir le système actuel d'élections tenues lors de l'assemblée annuelle des membres de la corporation.

Nous posons la question: Existe-t-il une raison valable pour modifier le système d'élection? Nous croyons que nos remarques sont importantes et qu'à brève échéance nous pourrons nous réjouir de l'adoption de ce code des professions.

Vous comprendrez toutefois que, puisque le bill 268 nous accorde l'exclusivité de la vente au détail des lentilles ophtalmiques et leur monture et que nous y retrouvons la protection tant recherchée pour l'avenir, en plus de la sécurité pour le public, mettant fin ainsi aux fameux conflits d'intérêts, nous voulions consacrer plus de temps à ce projet de loi. Me Pierre Delorme, notre conseiller juridique, fera les représentations.

M. DELORME: Merci, M. Saulnier. M. le Président, M. le ministre, messieurs, nous avons constaté, à l'étude du projet de loi 268, certaines omissions entre autres à l'article 8. Nous croyons que ce sont vraiment des omissions, surtout par suite de nos diverses conversations avec des représentants du ministère et aussi après ce que nous avons entendu, ce matin, de M. le ministre Castonguay.

A l'article 8, nous voudrions que soient ajoutés certains mots pour que cet article se lise maintenant comme suit: "Constitue l'exercice de la profession d'opticien d'ordonnances tout acte qui a pour objet de fabriquer, de vendre, de fournir, de poser ou de remplacer ainsi qu'ajuster toutes lentilles ophtalmiques ainsi que leur monture". A la lecture du texte du projet de loi, vous remarquerez que les mots "fabriquer" et "ainsi que leur monture" ont été omis. Je pense que la compétence de l'opticien d'ordonnances à fabriquer des lentilles ophtalmiques a toujours été reconnue. Je pourrais même me servir des propos du ministre des Affaires sociales, ce matin. Quant à la question des montures, je pense que c'est bien évident que l'opticien d'ordonnances n'a pas l'intention de vendre seulement une lentille ophtalmique; il faudrait qu'il ait la possibilité de vendre la monture qui se rattache à cette lentille. D'autant plus que ces mots existaient dans toutes les autres lois qui ont déjà gouverné la Corporation des opticiens d'ordonnances.

L'article 9 de la loi accorde à l'opticien d'ordonnances l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques. En fonction de l'article 9, nous aimerions également que soit corrigé l'article 21, pour que ce soit bien entendu dans tous les cas que, dès qu'une lentille ophtalmique est vendue au détail, elle doit l'être par un opticien d'ordonnances. Nos propos portent spécialement sur ce qui concerne les lunettes de protection pour fins industrielles.

Ces mots pourraient, d'après nous, être ajoutés à l'article 21 de façon que l'article puisse se lire dans le sens que rien n'empêche la vente au gros des lentilles ophtalmiques mais que rien par contre ne permet la vente au détail des lentilles ophtalmiques s'il s'agit de lentilles ophtalmiques pour fins de protection industrielle spécialement.

L'article 8 auquel nous nous sommes déjà référés plus haut enlève à l'opticien d'ordonnances le droit de vendre des verres de contact. Toutefois, l'article 19 indique que ce droit ne sera pas enlevé aux personnes qui s'occupaient de l'ajustement des verres de contact avant le 1er avril 1961. De la façon que je lis le texte de l'article 19, je comprends: Toute personne qui faisait l'ajustement des verres de contact, avant le 1er avril 1961. Donc, j'en conclus que cela inclut les opticiens d'ordonnances qui faisaient l'ajustement de verres de contact, avant 1961. Egalement cela inclut les corporations qui existent actuellement, qui ne sont pas des corporations professionnelles, et qui vendent

des verres de contact en vertu de la Loi des optométristes, où l'on exige évidemment la surveillance d'un optométriste ou d'un médecin.

Je ne vois pas pourquoi on permettrait à des personnes qui n'ont pas la compétence, qui n'ont pas les études nécessaires pour vendre le verre de contact de le faire, alors que les opticiens d'ordonnances, qui, actuellement, suivent des cours à l'Ecole d'optique de la province de Québec, pour l'ajustement et la vente des verres de contacts, n'auraient pas la capacité de le faire.

On a parlé de toujours être logique dans ce qu'on fait. Je pense qu'ici il faudrait être logique. Il y a des gens qui ont été formés pour vendre des verres de contact et on leur enlève ce droit, pour les personnes entre autres qui le font depuis 1961. Je pense que la prescription du verre de contact est très importante, mais, en soi, la vente d'un verre de contact et les premiers ajustements du verre de contact peuvent très bien être faits par un opticien d'ordonnances. Il n'est pas nécessaire, lorsqu'on ajuste un verre de contact, qu'il y ait immédiatement un nouvel examen de la vue.

Les personnes qui ont déjà fait l'expérience de porter le verre de contact savent très bien que les premiers jours on ne peut que le porter environ une demi-heure ou une heure à la fois. Je pense qu'il est impossible de déterminer à ce moment s'il existe vraiment des raisons valables d'empêcher le port du verre de contact.

Il faut une certaine expérience par la personne qui désire porter ce verre, avant de déterminer si elle peut ou ne peut pas le porter. Donc, cette expérience, que cette personne la prenne après un rendez-vous chez un optométriste ou un ophtalmologiste, ou encore après un rendez-vous chez un opticien d'ordonnances, à mon point de vue cela ne change absolument rien. Je pense qu'il n'y a aucune raison valable d'enlever aux opticiens d'ordonnances le droit de vendre des verres de contact.

Je me réfère à la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, à la page 71 du volume I, où on y déclare que "l'ajustement des verres de contact ne devrait être effectué que par des personnes compétentes, dûment reconnues comme telles. Un comité formé par le Collège des médecins et chirurgiens, en collaboration avec le Collège des optométristes et la Corporation des opticiens d'ordonnances, devrait déterminer les titres requis, dresser et tenir à jour la liste des personnes jugées compétentes".

La commission, après enquête, avait reconnu que l'opticien d'ordonnances était compétent pour prescrire un verre de contact; je ne vois pas pourquoi aujourd'hui on déciderait de changer d'opinion. Cette commission d'enquête a également publié l'annexe 4 de M. François Lacasse. Dans cette annexe, M. Lacasse propose que l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques soit accordée aux opticiens d'ordonnan- ces, sans faire de distinction aucune entre les lentilles ophtalmiques avec monture et les verres de contact.

Toujours dans l'étude du bill 268, nous arrivons à l'article 13, qui permet aux opticiens d'ordonnances d'exercer leur profession par l'intermédiaire d'une corporation. Je pense qu'en accordant l'exclusivité de lentilles ophtalmiques aux opticiens d'ordonnances on leur reconnaît sûrement un titre de professionnels. Tous les professionnels, de par leurs lois, n'ont pas le droit de partager leurs honoraires avec des personnes qui ne sont pas de la même profession. Les opticiens d'ordonnances se demandent pourquoi il en serait différent pour eux.

Il existe évidemment des raisons aussi plus importantes derrière cette demande; c'est qu'actuellement des grossistes tentent d'accaparer le marché de la vente des lentilles ophtalmiques. Le système, tel que proposé par le projet de loi actuel, permettrait aux grossistes d'obtenir au moins 49 p.c. des actions des compagnies qui seraient engagées dans la vente des lentilles ophtalmiques.

Le système des grossistes par la suite devient plus facile. A ces compagnies on vend les lentilles à un prix plus dispendieux, et les compagnies de gros augmentent leurs profits, alors que les opticiens d'ordonnances réduisent les leurs.

Certaines de ces compagnies ont déjà été poursuivies ailleurs au Canada en vertu des poursuites sur les monopoles et les trusts. Je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt public et de la population en général que ces compagnies de gros puissent accaparer le marché. C'est pourquoi nous avons proposé certains amendements aux articles 13 et suivants de la loi, et nous vous demandons d'en prendre note dans le mémoire qui a été déposé.

Nous recommandons en fait que seuls les opticiens d'ordonnances puissent être actionnaires et administrateurs des corporations qu'ils auraient le droit de former. C'est bien évident que l'opticien d'ordonnances n'a pas l'intention de devenir un salarié des compagnies de gros.

Un autre paragraphe du projet de loi concerne les rayons d'optique exploités par les détaillants. Ces rayons d'optique emploient actuellement des optométristes et des opticiens d'ordonnances. Evidemment, les revenus de cette pratique sont versés à ces détaillants.

En pratique courante, ces détaillants versent un salaire, en parlant de la corporation, aux opticiens d'ordonnances qui sont à leur emploi. Je ne sais pas ce qui se passe pour les optométristes, mais je me vois presque obligé de penser que c'est la même chose. Qu'adviendrait-il lors de la couverture des lunettes par le régime d'assurance-maladie? N'y aurait-il pas lieu de croire que la régie paiera aux détaillants les honoraires gagnés par les professionnels à leur emploi? Je me pose la question. Peut-être cette situation existe-t-elle actuellement pour les optométristes.

De plus, ces rayons d'optique ne sont pas soumis aux mêmes règles que les professionnels, ne relèvent pas des comités de discipline des professions ni des comités d'inspection professionnelle. Ils auront donc pleine liberté d'agir dans le sens qui leur plaît.

Je voudrais maintenant apporter certains commentaires à ce qui a été discuté ici aujourd'hui. Pourquoi n'accorderait-on pas l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques aux opticiens d'ordonnances? En fait, c'est une question qui a été posée ce matin par le ministre des Affaires sociales au Collège des optométristes. Le Collège des optométristes, dans sa réponse, soulève un point principal: Nous voulons garder la ligne complète, c'est-à-dire l'examen jusqu'à la thérapeutique. Par contre, si on se réfère aux notes et aux discussions de l'Association professionnelle des optométristes, celle-ci a demandé au gouvernement de ne pas lui enlever la vente des lentilles ophtalmiques mais ajoute que les membres, s'ils le désirent, pourront s'en retirer. Qu'est-ce qui arrivera de leur acte global? Je crois que l'argument soulevé par le Collège des optométristes est tout simplement un argument auquel on a pensé pour une réponse, étant donné qu'on s'attendait à la question.

Le conflit d'intérêts existe, le bill 268 le règle. On a soulevé ce matin le fait que le conflit d'intérêts pouvait exister au sein d'autres corporations professionnelles, au niveau des avocats, au niveau des médecins, au niveau des notaires; seulement il n'existe pas dans ces corporations de possibilité de régler le conflit d'intérêts actuellement. Tandis qu'au niveau des optométristes il existe des moyens de régler le conflit d'intérêt. Les opticiens d'ordonnances sont là et ils sont en nombre suffisant pour répondre à la demande.

La liberté de choix du patient demeurera toujours, étant donné qu'il y a actuellement dans la province de Québec 300 opticiens d'ordonnances. De plus on a mis en doute évidemment la compétence de l'opticien d'ordonnances. Je pense toutefois que, si vous vous référez au prospectus de l'Ecole des opticiens d'ordonnances, vous constaterez, messieurs, que cette compétence ne peut absolument pas être mise en doute.

D'autres questions ont été posées concernant principalement l'accroissement du marché. Est-ce que les opticiens d'ordonnances pourront répondre à l'accroissement du marché et dans quel délai? Les opticiens d'ordonnances ont fait faire depuis quelques années des études économiques sur le sujet. Je vous rapporte les conclusions d'une étude de la firme Mhun et Associés, économistes-conseils de Montréal, qui nous déclare: Dans les conditions actuelles de travail et d'équipement, sans augmenter le personnel, les opticiens d'ordonnances sont capables de répondre à un très fort accroissement de la demande. Quelle que soit la taille de leur bureau et sa situation dans l'ensemble de la province.

Evidemment, pour répondre à la demande, nous ne pourrons pas le faire en quelques jours. Je pense que le gouvernement a été sage dans sa prévision de deux ans pour permettre aux opticiens d'ordonnances d'établir de nouveaux bureaux et de roder cette nouvelle machine, si on peut l'appeler ainsi.

Seront-ils en mesure de se répartir sur tout le territoire? Actuellement, c'est évident que le territoire est mieux couvert par les optométristes qu'il ne l'est par les opticiens d'ordonnances. Les opticiens d'ordonnances, recevant la majorité de leurs ordonnances des ophtalmologistes, se trouvent évidemment là où il y a des ophtalmologistes. Par contre, à brève échéance, si les optométristes se retirent du marché de la vente des lentilles ophtalmiques, des opticiens d'ordonnances se présenteront sur les lieux pour obtenir ce marché. Je pense que la question ne se pose absolument pas.

Donc, partout où vous aurez un optométriste, vous aurez un opticien d'ordonnances. Nous croyons être en mesure de déclarer qu'il faut deux optométristes pour permettre à un opticien d'ordonnances de survivre dans les conditions actuelles. Les optométristes se déclarent assez nombreux actuellement pour faire le travail de la réfraction et les 300 opticiens d'ordonnances suffiront grandement à répondre à la demande des optométristes. De plus, advenant l'exclusivité de la lunette, nous ne voyons pas comment l'optométriste serait obligé de fermer son bureau. Il n'en est sûrement pas question puisque les derniers chiffres qui ont paru dans le rapport de la régie indiquent que les optométristes n'ont absolument pas besoin de la lunette pour vivre.

Par contre, on s'oppose sûrement à ce que les opticiens d'ordonnances aient l'exclusivité de la lunette par peur de perdre du revenu, même si on a offert devant cette commission de vendre les lentilles ophtalmiques sans aucun profit. Je me demande pourquoi on fermerait 200 bureaux d'optométristes si on déclare qu'on vend les lentilles ophtalmiques sans aucun profit.

Il y a un autre point que nous aimerions ajouter, il concerne les ophtalmologistes. A l'article 30 de la Loi des opticiens d'ordonnances il est déclaré que tout médecin ou optométriste peut, au cours des 24 mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, vendre des lentilles ophtalmiques. Les ophtalmologistes ont demandé que le mot médecin soit enlevé. Nous n'avons pas d'objection à ce que les médecins ne vendent pas de lentilles ophtalmiques pendant les deux ans qui viendront; seulement il faudrait que ce soit bien clair qu'après les deux ans ils ne pourront pas non plus vendre de lentilles ophtalmiques. Pour résoudre le problème, il serait peut-être préférable de maintenir le mot médecin dans l'article 30.

Un autre point a été soulevé et étudié plus spécialement par M. Jacques Nantais, de la corporation, à qui je passe la parole.

M. NANTAIS: Merci, M. Delorme. M. le Président, M. le ministre, messieurs, nous désirons ajouter à notre mémoire un article nouveau sur la liberté de l'interprétation des données d'une prescription d'un optométriste ou d'un ophtalmologiste, lors de son exécution.

A la suite de poursuites récentes contre un de nos membres par le Collège des optométristes et en plus de ce qui fut mentionné ce matin, en comparant l'opticien d'ordonnances au pharmacien, nous disons que, dans le domaine de l'optique, l'opticien d'ordonnances est plus que pharmacien. Il doit lire l'ordonnance, en vérifier le bien-fondé, en interpréter les exigences, discuter avec le patient de ses contraintes, de ses occupations, de ses allergies, de son faciès, de ses caractéristiques physiques. Il doit choisir le type de lentilles appropriées, choisir la monture appropriée, prendre les mesures nécessaires, exécuter l'ordonnance, vérifier la lunette lorsqu'elle est terminée, la livrer et l'ajuster. Nous voulons que l'opticien d'ordonnances puisse interpréter la prescription sans en changer les données, c'est-à-dire la dioptrie, les chiffres en fonction des besoins et de la volonté du client.

Exemple, si un optométriste prescrit des bilentilles, des doubles foyers, le patient devant nous peut refuser les bilentilles. L'opticien d'ordonnances peut alors fabriquer deux paires de lentilles, deux paires de lunettes, une pour la distance et une pour la lecture, toujours en respectant les dioptries prescrites. Un autre cas, un optométriste prescrit des bilentilles dites exécutives ou rectilignes, le patient préfère des doubles foyers de forme circulaire. Toujours les mêmes données, la même acuité visuelle, la même vision. Le client n'est d'aucune façon désavantagé dans un cas semblable. Cet état de choses se pratique actuellement et n'a jamais nui à la bonne vision des clients. En accordant aux opticiens d'ordonnances l'exclusivité de la vente de la lunette au détail, le gouvernement doit leur donner la latitude nécessaire dans l'exercice de leurs fonctions. Le gouvernement a de plus résolu le problème du conflit d'intérêts qui existait chez l'optométriste et, pour le résoudre pleinement, il devrait continuer à laisser aussi aux opticiens d'ordonnances la vente des lentilles cornéennes sous la surveillance d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste comme cela se fait actuellement.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais qu'on s'en tienne au mémoire. Je pense que l'on déborde un peu du mémoire présenté devant la commission. Je vous demanderais d'être le plus bref possible parce que je crois que tous les membres remarquent que l'on s'écarte un peu du mémoire qui nous a été soumis.

M. NANTAIS: Parfait, M. le Président. Pour une meilleure protection du public, nous demandons au gouvernement de retrancher du bill 268 tout article qui irait à l'encontre de l'intérêt des Québécois et qui permettrait à des individus ou des corporations de profiter de la pratique de la profession d'opticien d'ordonnances sans en avoir la compétence.

Nous attendons avec hâte l'adoption du projet de loi no 268, qui deviendra, nous l'espérons, dans un avenir des plus rapproché, la loi 268. Merci, M. le Président, de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos vues sur ces deux projets de loi. Tous les représentants de la Corporation des opticiens d'ordonnances ici présents sont prêts à répondre à vos questions avec plaisir.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, d'abord je voudrais remercier la corporation et je voudrais faire une ou deux remarques en ce qui a trait à l'ajustement des verres de contact. Les commentaires que François Lacasse a pu faire dans son étude ne me paraissent pas, sur le plan autre que purement économique, des commentaires valables permettant d'affirmer catégoriquement qu'une position ou une autre puisse être prise en ce qui a trait à l'ajustement des verres de contact. Entre le projet de loi et cette étude qui n'était qu'un commentaire, qui n'était pas partie du rapport de la commission, il y a des divergences. Depuis, nous avons demandé des opinions, et c'est une des raisons pour laquelle vous trouvez des divergences.

Egalement, dans la partie du rapport de la commission que vous avez citée, on a dit que c'était une proposition que trois organismes corporatifs pouvaient dresser une liste des exigences au plan de la formation, etc. pour déterminer qui précisément pourrait faire l'ajustement des verres de contact. Je ne crois pas qu'on puisse interpréter cette proposition qui était formulée comme signifiant qu'automatiquement tout opticien d'ordonnances, à notre avis, avait la connaissance nécessaire pour faire ces ajustements. Je ne veux pas entrer dans la discussion de problèmes de nature médicale mais les expertises que nous avons eues nous indiquent que c'était la voie à prendre, celle que nous avons prise dans le projet de loi.

En ce qui a trait à la fabrication des lentilles ophtalmiques, vous proposez que soit ajouté à la définition du champ d'exercice le terme fabriquer. Ce matin, je croyais m'être exprimé de façon assez claire pour indiquer que ce n'était pas la voie qui nous paraissait souhaitable. Bien des personnes participent à la fabrication des médicaments, que ce soit des chimistes, des ingénieurs au besoin, des pharmacologues, d'autres techniciens, en plus de ces professionnels. De la même manière, aujourd'hui, il me semble que la fabrication de lentilles ophtalmiques peut se faire par des procédés à caractère industriel qui donnent une garantie très grande; je pense à tous les instruments d'optique qui

existent, à partir des microscopes, des télescopes, etc.

Ce sont des instruments de très haute précision dans le domaine de l'optique qui sont fabriqués non pas par des opticiens d'ordonnances mais par des ingénieurs, des chimistes, par une gamme de spécialistes, en d'autres mots. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il n'est pas sage de restreindre la fabrication à un groupe professionnel. D'ailleurs, j'aimerais vous demander si, présentement, tous les verres qui sont vendus au Québec sont fabriqués par des opticiens d'ordonnances. Deuxièmement, combien d'opticiens d'ordonnances fabriquent des verres et, dans la fabrication, n'utilisent que des opticiens d'ordonnances?

Je voulais préciser ma pensée sur ce point. J'aimerais que vous me donniez une réponse à ces deux questions et, au besoin, que vous commentiez les avantages qui résulteraient d'une telle modification au projet de loi.

M. DELORME: Dans l'opinion des opticiens d'ordonnances, le mot fabriquer s'entend beaucoup plus comme signifiant la transformation du verre. Il ne s'agit pas de fabriquer le verre à partir des minéraux mais de transformer une lentille qui est envoyée dans un bureau d'un opticien d'ordonnances.

Je vais laisser la parole à un opticien d'ordonnances, qui sera plus en mesure de vous expliquer exactement le processus suivi.

M. NANTAIS: De fait, c'est peut-être le mot fabriquer qu'on désirerait employer puisqu'il était dans l'ancienne loi. Mais, probablement, le mot transformer c'est prendre un bloc de lentille et lui donner certaines courbures afin qu'il devienne une lentille ophtalmique que nous pouvons ensuite insérer dans une monture selon l'ordonnance. Combien d'opticiens en fabriquent? Dans le sens de fabriquer, nous n'en fabriquons pas telles quelles. Mais nous transformons la lentille dans nos propres laboratoires.

M. CASTONGUAY: J'aurais une couple d'autres questions. Est-ce qu'il serait possible d'avoir une idée de la marge qui est ajoutée au prix du fabricant dans la vente des lentilles ophtalmiques par les opticiens d'ordonnances? Est-ce que cette marge est sensiblement la même que celle qui est ajoutée par les optométristes? Et je vous souligne que j'ai certaines données en main.

M. SAULNIER: Est-ce que vous voulez le prix de fabrication?

M. CASTONGUAY: Non, je souligne simplement.

M. SAULNIER: C'est la différence entre le prix de vente et le prix de revient que vous voulez exprimer?

M. CASTONGUAY: C'est le prix au niveau du fabricant. S'il passe par un autre intermédiaire, quelle marge est ajoutée?

Mais, entre le niveau du fabricant et à partir de cette étape, en passant par l'opticien d'ordonnance jusqu'à la personne qui reçoit la paire de lunettes ou les verres épais, quelles sont les marges, et si ça passe par le truchement d'un optométriste, est-ce que les marges sont les mêmes?

M. SAULNIER: Voici ce qui se présente. Pour la question de service au public, une bonne majorité des opticiens d'ordonnance ont un laboratoire. Pour quelle raison, c'est bien simple à exprimer. Vous êtes certainement au courant que la majorité des gens ont seulement une paire de verres. Ne leur demandez pas de s'en procurer une deuxième paire, c'est une affaire monstrueuse, mais ils peuvent mettre énormément sur une voiture ou un téléviseur en couleur. Par contre, s'ils se présentent, qu'ils ont brisé un verre et qu'il peut arriver qu'ils manqueront une journée de travail ou deux, si ce n'est pas fait dans un temps limite, à ce point-là, si on peut les accommoder, automatiquement, c'est une économie pour eux, c'est une question de service au public que l'on rend. Seulement, cela ne se fait pas sur une base générale, parce que vous avez des prescriptions. Si vous avez une prescription comme un verre pour un opéré de la cataracte, c'est entendu qu'on ne peut pas le fabriquer dans nos laboratoires, parce que l'instrumentation et l'équipement deviennent trop coûteux et le temps durant lequel cela pourrait accaparer un individu, l'opticien d'ordonnances, ça ne lui permettra pas de servir son public.

Assurément, lorsqu'on fait la taille et le montage de notre verre, on sauve du temps pour accommoder le client et, de ce fait même, le prix de revient est moins élevé. Alors, l'accommodation...

M. CASTONGUAY: Je vous laisse poursuivre, mais j'aimerais être renseigné de façon générale. Je prends une paire de verres, je ne prends pas un cas d'exception. Une personne se présente chez un opticien d'ordonnance avec une prescription et on lui remet un produit fini. Dans ce produit il y a deux verres, il y a une monture, le client paie tant, l'opticien d'ordonnances a obtenu ce matériel d'un laboratoire ou d'une compagnie et il paie un certain prix pour ce matériel. Dans certains cas, il y a ajustement, comme vous dites, du verre. Dans d'autres cas, c'est un verre standard. Alors, quelle est la marge qui est ajoutée dans les étapes que je viens de décrire?

M. SAULNIER: La marge du coût peut varier de 20 p.c. à 30 p.c. ou à 35 p.c. ou à 40 p.c. C'est bien difficile à exprimer pour la simple raison que dans ce qui fait foi du prix, il y a la question de la puissance du verre, la

composition du verre, en ce sens que si vous faites faire un verre avec un effet prismatique dessus, c'est entendu que le coût de revient de la marchandise s'ajoute, si vous avez de la couleur, ainsi de suite. Il y a toutes sortes de facteurs qui s'amènent avec ça.

Alors, vous ne pouvez pas donner un prix très global là-dessus, mais cela peut varier de 20 p.c. à 40 p.c. de différence.

M. CASTONGUAY: Est-ce que dans votre opinion les marges prises par les optométristes sont du même ordre?

M. SAULNIER: Oui. C'est équivalent dans le prix des verres. Est-ce que vous voulez parler des prix de vente?

M. CASTONGUAY: Les marges de profits entre ce qui est payé aux fabricants et ce qui est demandé aux clients?

M. SAULNIER: Si l'optométriste fait faire le tout, naturellement, au laboratoire, cela lui coûtera plus cher qu'à l'opticien d'ordonnances qui, lui, commandera son matériel non taillé et terminera la fabrication.

M. CASTONGUAY: J'aurais une dernière question, M. le Président. L'Ecole des opticiens d'ordonnances, si je comprends bien, fonctionne sous l'autorité de la Corporation des opticiens d'ordonnances?

M. SAULNIER: C'est un fait.

M. CASTONGUAY: Elle compte combien d'étudiants? Quelle est la durée de leur stage? Qui enseigne dans cette école? Les programmes d'enseignement sont-ils soumis à un organisme d'enseignement autre que la corporation? Pourriez-vous me donner, en tout cas, une description aussi précise que possible du statut, des activités, de la composition du corps professoral, du nombre d'étudiants, de la durée des études?

M. CLEMENT: M. le Président, cette année, en première année, nous avons eu 25 élèves et 23 finissants. La durée du cours est de deux ans, de jour et de nuit, les deux. L'étudiant doit travailler dans un laboratoire d'opticiens d'ordonnances pendant une période de deux ans, au moins, avant d'avoir sa licence de pratique.

Quant à nos professeurs, on compte: une personne, un technicien supérieur en optique et lunetterie de Morez, deux opticiens d'ordonnances qui donnent les cours théoriques et pratiques, un professeur ayant un brevet d'enseignement spécialisé, option secondaire, qui enseigne la théorie, physique, chimie, etc. Nous avons un opticien d'ordonnances qui enseigne la lentille cornéenne et aussi un ophtalmologiste qui vient nous donner des cours à l'école.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre, messieurs, s'il vous plaît! Le président qui me précédait tantôt a bien fait remarquer à l'assemblée qu'il n'y avait pas lieu d'y avoir de manifestations à l'intérieur des cadres de la commission. Alors, je compte sur la collaboration de tous et de chacun.

M. PAUL: Vous conviendrez, M. le Président, que c'était bon pareil.

M. CLEMENT: Je dois préciser que l'Ecole d'optique du Québec est la seule école au Canada qui donne des cours de jour avec des professeurs. Si je ne me trompe pas, il y en a une en Ontario et une autre qui donne des cours par correspondance.

M. PERREAULT: Depuis combien de temps les cours ont-ils lieu le jour?

M. CLEMENT: Depuis toujours.

M. PERREAULT: Depuis combien d'années? Cette école d'optique existe depuis combien d'années?

M. CLEMENT: L'école d'optique elle-même?

M. PERREAULT: Oui.

M. CLEMENT: C'est avant mon temps. Depuis 1940.

M. SAULNIER: M. Castonguay avait posé une question au sujet de la structuration des cours. Vous avez demandé où nous prenions notre composant et toutes ces choses. Nous prenons tout ce qui est nécessaire pour nous structurer et être au diapason dans tous les développements techniques qui se produisent dans le domaine de l'optique. Alors, nous nous tenons à la hauteur nécessaire pour accommoder la clientèle et le public. Autrement, nous ne pourrions pas exister.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander à la Corporation des opticiens d'ordonnances si par la nouvelle loi ils se voient confier des responsabilités qu'ils n'avaient pas.

M. SAULNIER: Certainement pas. La seule chose, ça va augmenter le volume, la responsabilité demeure la même. Entre autres choses, je dois faire une parenthèse; jusqu'à ce jour, si nous avons vécu c'est parce que nous nous devions de bien servir notre clientèle, parce que nous ne prescrivons pas, nous ne vendons pas, nous ne forçons pas la vente. La personne qui vient à chacun de nous, à nos bureaux, il faut

qu'elle ait une ordonnance, un verre brisé ou une monture brisée. De façon à conserver notre clientèle, nous nous devons de donner le meilleur de nous-mêmes sur toute la ligne. Quant à notre compétence, nous pouvons vous remplir n'importe quelle ordonnance. Vous pouvez nous les apporter, nous allons vous les remplir.

M. CLOUTIER (Montmagny): Jusqu'à présent, vous n'aviez pas ou presque pas de contacts ou de relations avec les optométristes, est-ce exact?

M. SAULNIER: Pardon? Je n'ai pas saisi.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les optométristes, jusqu'à présent, vous envoyaient des ordonnances à remplir.

M. SAULNIER: Oui.

M. DELORME: Oui, mais ça devenait aussi très difficile entre autres, à cause d'un règlement du Collège des optométristes qui défend à un optométriste d'avoir son bureau sur le même étage qu'un opticien d'ordonnances. Je ne comprends pas le bien-fondé d'un règlement comme ça, mais cela existe.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez dit tantôt, si j'ai bien compris, que les optométristes étaient en conflit d'intérêts. Vous n'acceptez pas la démonstration qu'ils ont faite devant la commission qu'il serait préférable qu'ils puissent accomplir l'acte au complet, à partir du début jusqu'à la prescription et remplir aussi l'ordonnance quant à la lentille ophtalmique. Etant donné que vous avez l'exclusivité, c'est pour ça que je vous posais la question. Vous aurez l'exclusivité dans quelque temps, est-ce que vous ne croyez pas que vous assumez plus de responsabilités que vous n'en assumiez auparavant? L'optométriste et l'ophtalmologiste n'auront pas, sauf erreur, le contrôle de l'ordonnance.

M. SAULNIER: Je ne crois pas que le contrôle se termine là. A ce point-là, vous avez deux personnes à satisfaire, vous avez le client et l'ordonnance que vous devez respecter, soit qu'elle ait été remplie par l'ophtalmologiste ou l'optométriste. Il faut que vous donniez toute votre compétence et que vous l'appliquiez.

M. CLOUTIER (Montmagny): En pratique, ça va se passer comment?

M. SAULNIER: Je pourrai vous le dire lorsqu'on sera...

M. CLOUTIER (Montmagny): Soyons pratiques, vous allez remplir toutes les ordonnances.

M. SAULNIER: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous allez recevoir une ordonnance de l'optométriste et de l'ophtalmologiste. A partir d'un document, vous allez compléter une ordonnance. Vous allez ajuster, vous allez remettre au patient une paire de lentilles ophtalmiques avec une monture; le client s'en retourne, ça fait ou ça ne fait pas, il peut y avoir des ajustements de nécessaires. Est-ce que le patient va retourner vous voir si vous avez la responsabilité? Il va falloir que quelqu'un la prenne la responsabilité au complet. Le pharmacien a la responsabilité partielle de l'ordonnance pour autant qu'il la remplit tel que le médecin l'a indiqué sur son papier; c'est le médecin qui prend la responsabilité de la médication. Il l'exécute par après. Je voudrais bien situer le problème, étant donné qu'on a une telle loi. Où commence votre responsabilité et où va se terminer celle de l'optométriste? Par la loi nouvelle — je ne porte pas de jugement à ce moment-ci, on le fera plus tard — l'optométriste se voit amputer d'une partie de son champ d'exercice. Même si nous n'avons pas eu l'interprétation de la définition, il y a une restriction à un bout de la chaîne et une autre à l'autre bout parce qu'il ne peut plus remplir l'ordonnance quant à la lentille ophtalmique. Donc, c'est rétréci aux deux extrémités. Il faut un nouveau partage des responsabilités, à mon sens. C'est pour ça que je vous pose la question.

M. DELORME: L'optométriste, aujourd'hui, a la responsabilité de l'ordonnance et également il prend la responsabilité de la lentille ophtalmique.

Le travail de l'opticien d'ordonnances consiste à remplir l'ordonnance qui lui est présentée. A ce point de vue, on peut facilement le comparer à un pharmacien. Si vous vous présentez chez un pharmacien et qu'on vous prescrit des 292, si le pharmacien vous donne un autre pilule, c'est sa responsabilité. Par contre si ce ne sont pas des 292 qu'il vous faut, c'est la responsabilité du médecin. Alors, le cas sera exactement le même pour les opticiens d'ordonnances. Si on vous prescrit un tel verre, la responsabilité des opticiens d'ordonnances c'est de remplir l'ordonnance. Evidemment, en plus, ils sont assez compétents pour savoir s'il s'est glissé certaines erreurs sur des ordonnances. Il y a souvent des conversations téléphoniques — actuellement surtout — entre des opticiens d'ordonnances et des ophtalmologistes. Il y a des fois des erreurs de copies, il y a certaines petites erreurs qui surviennent; on réussit à les corriger, ensuite on remplit l'ordonnance. Si le patient qui porte les lunettes trouve qu'elles ne lui vont pas, il peut y avoir deux choses: ou bien l'ordonnance n'était pas exacte, ou elle a été mal remplie. Si elle a été mal remplie, c'est la responsabilité de l'opticien; si elle n'est pas exacte, c'est la responsabilité de celui qui l'a prescrit.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quel moyen allez-vous prendre pour décentraliser votre effectif et le répartir sur le territoire pour faire en sorte que vous ayez un opticien d'ordonnances pour un optométriste, tel que vous nous l'avez exprimé tantôt?

M. DELORME: Ceci a été prévu. Depuis deux ans, les étudiants admis à l'école, — pour autant qu'on peut le faire — sont des étudiants de l'extérieur des grands centres justement pour permettre, advenant l'exclusivité de la lunette, que les centres de moindre importance soient immédiatement desservis. Evidemment, il y a des opticiens d'ordonnances dans les grands centres qui pourront aussi s'en aller vers les centres plus petits.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Au sujet de votre école, vous avez dit que vos cours sont de deux ans?

M. SAULNIER: Je n'ai pas compris votre question.

M. SAINT-GERMAIN: La durée des cours donnés à l'Ecole des opticiens d'ordonnances est de deux ans?

M. SAULNIER: C'est bien cela. M. SAINT-GERMAIN: Le jour. M. SAULNIER: Jour et soir.

M. SAINT-GERMAIN: Ce sont des cours du soir.

M. SAULNIER: Jour et soir.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que ce sont les mêmes étudiants le jour et le soir?

M. SAULNIER: Certainement. Les journées ne sont pas complètes, vous avez des cours le matin, vous avez des cours le soir parce qu'il y a du travail pratique ajouté à cela.

M. NANTAIS: La raison de cela, c'est que l'élève peut venir le matin suivre un cours et retourner à son travail chez un opticien d'ordonnances, dans un laboratoire. Il est sous la surveillance d'un opticien et le soir il revient suivre un autre cours, soit de théorie ou de pratique. Alors il a l'expérience des cours donnés à l'école et l'expérience pratique comme stagiaire avec un opticien d'ordonnances.

M. SAINT-GERMAIN: Et cela, cinq jours par semaine?

M. NANTAIS: Trois soirs et trois jours.

M. SAINT-GERMAIN: Et cela dure combien de temps?

M. NANTAIS: Son expérience pratique se fait tous les jours. Il doit travailler à plein temps chez un opticien d'ordonnances.

M. SAINT-GERMAIN: Et cela dure combien de temps? Vous commencez les cours en septembre jusqu'à juin?

M. NANTAIS: De septembre à juin. Les examens ont lieu au début de juin avec des examens aux Fêtes aussi.

M. SAINT-GERMAIN: Et c'est deux ans. M. NANTAIS: Deux ans.

M. SAINT-GERMAIN: Depuis combien d'années le cours est-il de deux ans?

M. NANTAIS: Je dirais depuis plus de dix ans, sans avoir de date précise. L'école existe depuis 1940.

M. SAINT-GERMAIN: Mais avant c'était un an je suppose?

M. NANTAIS: Oui.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous aviez des cours du jour et du soir avant ces dix ans-là?

M. NANTAIS: A ce moment-là aussi. Nous avons aussi les cours de jour...

M. SAINT-GERMAIN: Qu'est-ce que vous avez, maintenant, comme cours pour vous justifier d'ajuster des verres de contact?

M. CLEMENT: Le cours de verres de contact comprend l'anatomie de l'oeil, le limbe, les glandes lacrimales et meiboennes, les fonctions de la couche précornéenne, la construction de base d'une lentille, les données pour la construction d'une lentille.

Il y a aussi les puissances d'une lentille cornéenne, la transposition d'une ordonnance à une lentille cornéenne, l'ajustement, courbures de base par rapport à la lecture caractométrique, la théorie de la grandeur des lentilles, la relation entre l'angle de la lentille et la cornée, calcul du diamètre, l'étude des solutions, le contrôle de la qualité des lentilles, l'usage du radioscope, les vérifications du diamètre et l'étude de la lentille cornéenne molle.

M. SAINT-GERMAIN: Et qui donne ce cours-là?

M. CLEMENT: Un opticien d'ordonnances.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que cet opticien d'ordonnances a le droit de..?

M. CLEMENT: Il n'y a absolument rien qui dise qu'il n'ait pas le droit, dans aucune loi, je crois.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce qu'il n'y a pas actuellement des causes devant les tribunaux à ce propos?

M. CLEMENT: Je ne le crois pas.

M. SAINT-GERMAIN: Il n'y a pas de causes pendantes? Le Collège des optométristes n'a pas fait de causes concernant certains opticiens d'ordonnances qui faisaient des vers de contact?

M. DELORME: Non, pas à ma connaissance.

M. SAINT-GERMAIN: Il y a peut-être quelqu'un qui est mal renseigné. Mais cet opticien d'ordonnances qui vous donne ces cours, est-ce qu'il en fait, d'une façon pratique, des verres de contact?

M. CLEMENT: Bien sûr.

M. SAINT-GERMAIN: Il les fait hors la loi.

M. CLEMENT: Quelle loi?

M. DELORME: Actuellement, en vertu de la loi, les opticiens d'ordonnances ont le droit de faire des verres de contact.

M. SAINT-GERMAIN: Mais ils les font avec quelles ordonnances?

M. DELORME: Ils les font selon les ordonnances d'un ophtamologiste.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce d'après une ordonnance qui a été faite à la suite d'un examen pour verres de contact ou d'après une ordonnance ordinaire?

M. NANTAIS: Le client est d'abord toujours envoyé chez un ophtalmologiste. L'ophtalmologiste autorise, par son ordonnance, la fabrication des lentilles cornéennes pour cette personne-là; et une nouvelle vérification est ensuite faite par l'ophtamologiste qui l'a autorisée.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, lorsque l'ophtalmologiste remet son ordonnance, elle comprend tout: les courbures, tous les détails du verre de contact.

M. NANTAIS: Les courbures caractométriques peuvent être prises par l'opticien d'ordonnances. Certains ophtalmologistes les prennent mais l'opticien d'ordonnances est compétent pour prendre les courbures caractométriques.

M. SAINT-GERMAIN: Vous vous servez du rapport Castonguay pour dire que la commission Lacasse vous a trouvés compétents pour ajuster les verres de contact. Vous semblez faire cette déduction à la suite de ce paragraphe de la page 71 qui recommande que l'ajustement des verres de contact ne devrait être effectué que par des personnes compétentes dûment reconnues comme telles: Un comité formé par le Collège des médecins chirurgiens, en collaboration avec le Collège des optométristes et la Corporation des opticiens d'ordonnances, devrait déterminer les titres requis dressés et tenir à jour la liste des personnes jugées compétentes.

Est-ce que ce comité a déjà siégé?

M. DELORME: Si ce comité a déjà siégé? M. SAINT-GERMAIN: Oui.

M. DELORME: Ce comité n'a jamais été formé.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, comment pou-vez-vous déduire que, de par la formation de ce comité...

M. DELORME: Il s'agit...

M. SAINT-GERMAIN: ... la commission Lacasse en a déduit que vous étiez compétents.

M. DELORME: ... d'une recommandation, non pas de la commission Lacasse, mais de la commission Castonguay-Nepveu. Une de ces recommandations concernait justement l'ajustement des verres de contact. Et l'on dit, probablement pour assurer une plus grande sécurité, que les verres de contact devaient être ajustés par des personnes dûment reconnues compétentes en la matière.

Ces personnes devaient être déterminées par un comité formé. C'était une des recommandations de la commission Castonguay-Nepveu.

M. SAINT-GERMAIN: Oui, mais cette recommandation n'a jamais été mise en pratique. Ce comité n'a pas fait d'étude, il n'a donc pas soumis de rapport.

M. DELORME: Ce comité serait seulement formé pour nommer les personnes compétentes. C'est une des recommandations de la commission d'enquête. Les recommandations, à ma connaissance, n'ont pas toutes été mises en pratique et les comités qui ont été suggérés n'ont pas tous été formés non plus.

M. SAINT-GERMAIN: Je lis bien, pour la bonne compréhension: L'ajustement des verres de contact ne devrait être effectué que par des personnes compétentes dûment reconnues comme telles. Un comité formé par le Collège des médecins chirurgiens, en collaboration avec le Collège des optométristes et la Corporation des

opticiens d'ordonnances, devrait déterminer les titres requis dressés et tenir à jour la liste des personnes jugées compétentes.

Alors, comment la commission Castonguay a-t-elle pu déterminer que les opticiens d'ordonnances sont compétents si le comité qui avait pour responsabilité de faire une liste des personnes jugées compétentes n'a jamais siégé?

M. DELORME: Je vais vous retourner la question.

Pourquoi les opticiens d'ordonnances siègent-ils à ce comité? Pourquoi demander aux opticiens d'ordonnance...

M. SAINT-GERMAIN: Je ne retourne pas les questions. Je ne suis pas ici pour me faire questionner. J'ai le rapport devant moi. Vous vous servez de ce paragraphe pour dire que les opticiens d'ordonnances sont compétents. Vous avouez que le comité n'a jamais changé. Je vous demande où est cette liste de personnes jugées compétentes pour ce comité si elles n'ont jamais siégé?

M. DELORME: M. Saint-Germain, il s'agit de la commission d'enquête Castonguay-Nepveu. Cette commission a fait un très grand nombre de recommandations. Entre autres, elle a recommandé que les optométristes se retirent de la vente des lentilles ophtalmiques. Ce n'est pas fait ça non plus, aujourd'hui. Cela va se faire bientôt, mais ce n'est pas fait ça non plus. Elle a aussi recommandé qu'un comité soit formé pour déterminer quelles seront les personnes compétentes pour faire l'ajustement des lentilles de contact. Ce n'est pas fait ça non plus, aujourd'hui. Je souhaite que cela se fasse. Je ne parle plus des oculistes, je parle d'autre chose.

M. CASTONGUAY: Je peux peut-être dire un mot. J'ai noté également, M. le Président, parce que je pense avoir entendu la même chose, qu'il y avait un illogisme ou qu'on tiendrait une conclusion qui n'était pas tout à fait correcte en bonne logique, qu'on ne pouvait, à partir des citations de l'étude Lacasse et du rapport de la commission, en arriver à conclure que tous les opticiens d'ordonnances sont aptes et compétents à faire l'ajustement des lentilles cornéennes ou les verres de contact.

M. SAINT-GERMAIN: Je peux continuer. Je ne reviendrai pas là-dessus puisque la chose semble être claire. Mais pour revenir aux études de la commission Lacasse, vous semblez vous en servir, justement au point de vue de l'accessibilité des services optométriques et de la lunette en particulier. Ici, j'ai devant moi le mémoire de l'Association professionnelle des optométristes. A l'annexe VI, page 4, on cite des extraits de l'étude de la commission Lacasse et on dit, dans le chapitre Economie et accessibilité, en pensant à la distribution des lunettes, "Quels seraient les prix que la société devrait payer en astreignant les optométristes au mécanisme le plus rigoureux de l'ordonnance? Autrement dit, si les opticiens seuls pouvaient, dorénavant, exécuter les prescriptions de prothèses optiques. "A court et moyen termes (la formation de l'opticien dure quatre ans), la pénurie de points de vente pour les lentilles serait sérieuse. En effet, il y a aujourd'hui, dans la province, 495 optométristes (largement éparpillés sur l'ensemble du territoire) alors que les opticiens comptent 241 membres actifs. Plus concrètement, un mémoire du Collège des optométristes nous apprend qu'en 1964, sur 400,000 examens effectués par les optométristes du Québec, 340,000 ont entraîné la prescription de prothèses. Comme on peut supposer que la majeure partie de ces ordonnances ont été remplies par les optométristes eux-mêmes, c'est dire que la capacité des services de distribution de prothèses optiques devrait vraisemblablement plus que doubler pour se passer des services des optométristes. "Le prix à payer (en termes d'accessibilité et d'économie) pour obtenir la sécurité du plein mécanisme d'ordonnance serait, en courte et moyenne périodes, passablement élevé. C'est donc dire que l'arrangement actuel présente des avantages considérables, des points de vue économie et accessibilité. "

J'aimerais vous demander comment vous pouvez vous servir des résultats d'une telle étude pour appuyer vos revendications?

M. DELORME: La réponse est bien simple. Si vous continuez la lecture du rapport Lacasse, le rapport Lacasse pose la question si les opticiens étaient sous-employés. Je peux vous dire qu'actuellement il y a des opticiens qui sont sous-employés. C'est ce que nos études économiques également ont déterminé. Continuons aussi la lecture du rapport Lacasse et vous allez arriver à la suggestion du rapport Lacasse que les optométristes se retirent de la vente des lentilles ophtalmiques.

M. SAINT-GERMAIN: Nous ne lisons certainement pas le même rapport. Vous parlez de conflit d'intérêts; on dit ici: Les optométristes partagent avec les dentistes et les acousticiens de remplir leurs propres ordonnances. Bon, on en finit.

La conclusion donc, sous ce rapport, l'opto-métriste ne diffère pas du médecin que par une question de degrés. Il contrôle, non seulement la demande des services qu'il donne, mais aussi celle des biens. Alors, les conflits d'intérêts peuvent parfois être plus apparents que réels.

En effet, des cas peuvent survenir où on peut traiter par prothèses ou par des soins au cabinet de l'optométriste. Dans un tel cas, le fait pour l'optométriste d'être ainsi un vendeur de prothèses évite le conflit d'intérêts. De toute façon, à notre connaissance, il ne se produit pas sous

ce rapport les grossiers abus que l'on rencontre parfois dans la vente des prothèses auditives. Est-ce que vous voyez là-dedans quelque chose qui...?

M. DELORME: Je vois au moins, là-dedans, qu'il est fait mention du conflit d'intérêts. On mentionne que le conflit d'intérêt soit le même pour un autre professionnel, ça m'importe peu. Ce n'est pas parce que vous allez vous jeter à l'eau demain que je vais y aller aussi. Si on peut régler le conflit d'intérêts entre les optométris-tes et les opticiens, tant mieux.

Evidemment, avec les moyens actuels, on ne pourrait pas le régler au niveau des avocats parce que, actuellement, il est vrai que si j'ai un client qui vient à mon bureau, c'est moi qui décide de la procédure à suivre. Tandis que s'il y avait un autre personnage qu'on pourrait appeler l'aide légale ou l'aide-avocat, on pourrait peut-être créer une deuxième corporation.

M. SAINT-GERMAIN: Ne croyez-vous pas que la conclusion est tout à fait opposée? De toute façon, on dit dans un tel cas, le fait pour l'optométriste d'être aussi un vendeur de prothèse évite le conflit d'intérêts; il ne peut pas y avoir de dichotomie. Parce que, enfin, il faut bien l'avouer, ça existe. Il y a des rapports qui existent entre opticiens d'ordonnances et ophtamologistes; il y en aura tout à l'heure, si la loi reste telle qu'elle, entre les optométristes et les opticiens. Cela me semble être évident.

M. DELORME: Pourquoi y en aurait-il? Je ne vois pas pourquoi il y en aurait.

M. SAINT-GERMAIN: C'est parce que si, moi, je n'ai pas le droit de distribuer des lunettes tout à l'heure, je vais devenir très intéressant pour un opticien d'ordonnances. Croyez-moi, je vais en avoir alentour, soyez sans inquiétude.

M. DELORME: Non, parce que l'opticien d'ordonnances va être certain d'avoir toutes...

M. SAINT-GERMAIN: Il suffit d'en amener un avec moi et d'en établir un en avant de moi; je vais avoir tous les avantages, je vais même avoir un choix.

M. DELORME: Vous aurez peut-être le choix mais n'oubliez pas que vous avez insisté énormément sur le fait que vous êtes 500 dans la province de Québec et qu'il y a plus de 170 ophtamologistes. Donc, il y a tout près de 700 personnes qui pourront prescrire des lentilles ophtalmiques et 300 personnes qui pourront remplir les prescriptions. Est-ce que vous croyez que ça ne causera pas de problèmes à ce moment-là?

M. SAINT-GERMAIN: Le fait que les verres peuvent être distribués par deux corps profes- sionnels, n'est-ce pas une garantie pour le public, que c'est une saine concurrence et que ça donne au public l'opportunité d'être servi par les ophtamologistes ou par les optométristes ou par les opticiens d'ordonnances, selon son choix.

Est-ce que vous pensez que le public n'a pas droit à ce choix?

M. DELORME: Personnellement, je crois que le public a droit à la personne la plus compétente pour remplir l'ordonnance et actuellement, selon mes vues, la personne la plus compétente est l'opticien d'ordonnances.

M. SAINT-GERMAIN: Si je reviens au rapport Lacasse, j'en arrive encore à la même chose. On dit ici: Ces considérations nous ramènent à un problème déjà mentionné dans le cas des pharmaciens, celui du progrès technique qui rend plus ou moins utile la formation spécialisée de certains professionnels. Il semble bien que mutatis mutandis, nos remarques d'alors soient justifiées dans le cas présent aussi. En effet, que le travail de mise au point, de réparation, etc. des lentilles soit effectué à l'usine du fabricant ou dans l'atelier de l'opticien, le patient jouit des mêmes garanties pourvu, évidemment, que la qualité et la pertinence du travail soient contrôlées par un spécialiste.

C'est précisément ce qui se produit au cas où un optométriste est le responsable final de l'exécution d'une ordonnance de prothèse optique.

M. DELORME: La réponse là-dessus, d'après moi, c'est que justement, l'opticien d'ordonnances est compétent pour déterminer la qualité de la lentille. Vous avez une vérification additionnelle; c'est pas ça la sécurité du public? Vous l'avez, vous la donnez au public. Il va voir son optométriste et ensuite, il va voir l'opticien d'ordonnances. Lui va lire la prescription, ça fait une deuxième personne qui va lire la prescription. L'opticien d'ordonnances va ensuite remplir la prescription, il va la revérifier. Je pense que c'est une bonne façon de protéger l'intérêt du public.

M. SAINT-GERMAIN: En fait, est-ce que vous ne croyez pas...

M. SAULNIER: Si vous permettez, M. Saint-Germain, j'aimerais faire une parenthèse. D'après vous, si un optométriste a une secrétaire qui fait les ajustements et la bande de la monture, est-ce qu'elle a la compétence d'un opticien d'ordonnance?

M. SAINT-GERMAIN: Elle n'a pas la compétence d'un optométriste non plus, croyez-moi. Et c'est illégal.

M. SAULNIER: Je n'en doute pas.

M. SAINT-GERMAIN: Et je ne protège...

M. SAULNIER: Et c'est attribuable au fait qu'ils sont trop occupés.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez raison.

M. SAULNIER: Mais là, vous envisagez le problème...

M. SAINT-GERMAIN: Ce qui me surprend dans tout votre mémoire, c'est que vous semblez vous appuyer fortement, du moins pour avoir certaines responsabilités vis-à-vis du public, sur un rapport, qui, à la lecture, est en faveur, à mon avis, du statu quo sur bien des points.

M. SAULNIER: La conclusion finale de ce rapport, c'est quand même que l'optométriste se retire de la vente des lentilles ophtalmiques.

M. SAINT-GERMAIN: Ce n'est pas ce que l'on dit. Je vous dis que nous ne lisons pas le même rapport.

M. DELORME: Il ne faut pas oublier non plus qu'il s'agit d'une analyse économique. C'est tout.

M. SAINT-GERMAIN: Je pourrais bien vous lire ceci. Je ne sais pas si je prends trop de temps. Peut-être.

M. LE PRESIDENT (Carpentier): Je pense que nous avons pas mal couvert le sujet. Je demanderais au député de l'Assomption de poser sa question.

M. PERREAULT: Par rapport à l'école d'optique, quel est le prérequis de scolarité pour l'admission à l'école d'optique?

M. CLEMENT: Présentement, c'est le CEGEP 1 avec des cours très spécifiques.

M. PERREAULT: Le CEGEP 1. M. CLEMENT: Oui, monsieur.

M. PERREAULT: Il y a une autre question qui a attiré mon intérêt dans l'intervention du député de Montmagny, à propos de la répartition géographique. On a mentionné tout à l'heure que la majorité des ordonnances venait des ophtalmologistes ou des opticiens d'ordonnance. D'après les chiffres, il y a 170 ophtalmologistes et 300 opticiens d'ordonnance. Donc, un rapport deux-un, deux opticiens pour un ophtalmologiste. Et les optométristes sont 525. Donc, une différence de 225. Même si on prend le rapport un à un que vous avez proposé, et avec une graduation de 23 élèves dans une année, dans combien d'années pensez-vous que cette différence sera couverte au point de vue mathématique?

M. NANTAIS: Dans le temps alloué aux optométristes pour se retirer de la vente des lunettes.

M. PERREAULT: Dans deux ans.

M. NANTAIS: Dans deux ans, puisqu'on peut doubler et faire des tâches doubles. Actuellement, plusieurs opticiens d'ordonnance qui ne peuvent exercer leur profession à temps plein travaillent pour d'autres, c'est-à-dire qu'ils sont salariés, pourront ouvrir leur propre bureau parce qu'à ce moment-là, cela deviendra intéressant de le faire et économiquement aussi.

M. PERREAULT: J'ai de la difficulté à comprendre cette différence du rapport deux-un pour les ophtalmologistes en ce moment parce que votre majorité de commandes vient d'eux et vous dites à un opto-opticien.

M. NANTAIS: Parce qu'il faut calculer qu'actuellement sur les 300 opticiens d'ordonnance, tous ne sont pas à leur propre compte.

M. PERREAULT: Combien y en a-t-il à leur propre compte?

M. NANTAIS: Il y en a 100.

M. PERREAULT: Il y en a 100 à leur propre compte. Une autre question. Vous avez réclamé le droit à la fabrication comme une industrie — un laboratoire, c'est une industrie — alors, ne croyez-vous pas que vous cherchez à détenir deux mandats de professionnel et de commerçant?

M. NANTAIS: Nous n'avons pas d'objection à être professionnel et commerçant parce que les deux fonctions sont bien le but pour lequel nous sommes formés. Comme professionnel, comme opticien d'ordonnance, il y a le contact que nous ivons avec le patient du spécialiste qui examine et aussi nous pouvons travailler à notre laboratoire. Nous ne sommes pas manufacturiers. On disait tantôt le mot transformer la lentille et non pas la fabriquer. La partie commerçante est aussi une partie intéressante de notre fonction, autant que l'optométriste cherche à sauver cette sauvegarde même s'il dit qu'il donne des lunettes sans profit, il y tient pas mal pour quelqu'un qui veut les donner.

M. PERREAULT: Justement, si on enlève les lunettes aux optométristes pour vous les donner, c'est peut-être sage aussi que les laboratoires soient indépendants des opticiens d'ordonnance.

M. NANTAIS: Ce n'est pas un laboratoire manufacturier à ce moment-là, c'est notre propre marchandise que nous travaillons pour avoir un meilleur contrôle de l'acte que nous posons.

M. PERREAULT: Il y a des laboratoires autres que les laboratoires d'opticiens d'ordonnance qui rendent ces services.

M. NANTAIS: Je vous demande pardon?

M. PERREAULT: Il y a d'autres laboratoires que les laboratoires d'opticiens qui rendent ces services.

M. NANTAIS: Il y a des laboratoires de gros où les optométristes envoient leurs ordonnances tandis que nous, nous pouvons surveiller notre propre marchandise. Nous parlions tantôt de coût de revient, mais du fait que nous achetons notre marchandise nous-mêmes et que nous la travaillons, notre coût de revient est moindre que lorsque nous achetons du grossiste qui, lui aussi, doit vivre.

Et on peut vous signaler que, depuis quelques années, le taux, le coût pour acheter la marchandise a augmenté. Tandis que le prix auquel nous travaillons, quand nous achetons une marchandise semi-finie, et que nous la travaillons en laboratoire fait qu'elle nous coûte moins cher.

M. PERREAULT: Concernant les grossistes, je prends un laboratoire que je connais, Bausch & Lomb, qui fait ça. D'après vous, en donnant tout à l'opticien d'ordonnance, la majorité ont leur laboratoire, on se trouverait à éliminer ces autres laboratoires et, à ce moment-là, vous pouvez affirmer que le coût diminuerait.

M. NANTAIS: Le coût de production n'augmentera pas certainement. Si la Bausch & Lomb ou une autre compagnie disparaissaient, je pense que nous, ça ne nous préoccupe pas, pourvu qu'on puisse donner le service. On parle de service global, mais c'est un service complet, on a une ordonnance, il suffit qu'on puisse travailler sur place même et surveiller l'opération de A à Z jusqu'à la livraison.

M. SAULNIER: On parle toujours d'intérêt public, mais, jusqu'à maintenant, je crois qu'il n'y a pas tellement de personnes qui semblent se préoccuper de la lunette industrielle. Ce sont des verres faits pour donner de la protection au public mais, par contre, dans plusieurs cas, il y a eu des accidents qui se sont produits, par négligence et faute de contrôle sur la lunette industrielle.

Vous parlez de main-d'oeuvre, je crois que vous dirigez vos intentions vers ce point en disant qu'on priverait les compagnies grossistes. Pour votre information, concernant les compagnies de gros qui fabriquent des lentilles industrielles, après avoir eu l'ordonnance cette ordonnance est faite en bonne et due forme par un optométriste, par un ophtalmologiste; par contre, les mesures et ainsi de suite, c'est pris par le type qui travaille aux premiers soins dans les usines. A ce point, ils ont le contrôle là-dessus et il envoie ça, pour votre information, en Ontario. Vous parlez de main-d'oeuvre, on va vous renseigner.

Il n'y a personne qui a semblé s'inquiéter de cet état de choses. Si ce qui s'en va en Ontario était fait au Québec, les compagnies de gros ne resteraient pas en souffrance et tout le monde serait heureux.

M. PERREAULT: Vous parlez de lentilles industrielles, il faut quand même faire une différence entre une lentille ophtalmique et une lentille industrielle.

M. SAULNIER: Pardon, monsieur. Si vous avez une lentille industrielle avec ordonnance, ça existe.

M. PERREAULT: Avec ordonnance, oui, mais la plupart...

M. SAULNIER: Vous seriez surpris du montant d'argent qui coule en dehors de la province.

M. PERREAULT: Une autre question: L'opticien étant fabricant, donc fabricant de son produit, travaillant le verre, et recevant une ordonnance d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste, ne trouvez-vous pas un peu étrange que ce soit lui-même qui contrôle la qualité du produit fournie pour l'ordonnance?

M. SAULNIER: C'est sa formation d'opticien.

M. PERREAULT: Ecoutez, ç'a beau être sa formation, vous fabriquez le produit, vous remplissez l'ordonnance, qui vérifie que le produit est bien fait?

M. DELORME: L'opticien lui-même.

M. PERREAULT: C'est son propre produit.

M. DELORME: Bien sûr!

M. PERREAULT: C'est un peu anormal.

M. DELORME: Ecoutez, actuellement, il y a 170 ophtalmologistes dans la province de Québec qui envoient leurs ordonnances chez l'opticien d'ordonnance, c'est fait comme ça. Vous êtes probablement déjà allé chez un opticien d'ordonnance, vous avez eu de bonnes lunettes. C'est vérifié sur place, faites les vérifier après, ça ne gêne personne ici de faire vérifier le travail d'un opticien d'ordonnance, en aucun temps.

M. PERREAULT: En principe, celui qui fabrique son produit ne devrait pas être celui qui le vérifie.

M. NANTAIS: C'est la même préoccupation pour les optométristes d'ailleurs.

M. PERREAULT: Je ne dis pas que ce n'est pas la même situation, je parle, comme principe, de la fabrication.

M. SAULNIER: Par contre, on n'est pas sans tenir compte que si on a une ordonnance d'un ophtalmologiste ou d'un optométriste, on en prend bien soin, parce que c'est notre client qui nous fait vivre. Par contre, imaginez-vous qu'il faut toujours finir par faire confiance à quelqu'un. Si tout le monde est un cas douteux, à ce moment-là où est le point de vie?

M. PERREAULT: Ecoutez, il y a une différence, ce n'est pas une question de ne pas être compétent, de ne pas faire confiance, mais il y a un contrôle de l'ordonnance qui devrait exister, d'après moi. Il faut que quelqu'un exerce ce contrôle.

M. DELORME: Justement, c'est l'opticien d'ordonnance qui exerce ce contrôle. C'est bien moins grave que quand c'est la personne qui a prescrit les verres en plus.

M. PERREAULT: Il est fabricant en même temps, l'opticien d'ordonnance.

M. DELORME: La différence...

M. PERREAULT: Il fabrique et il contrôle sa fabrication.

M. DELORME: Il contrôle sa fabrication, c'est moins grave, monsieur, que de prescrire et aussi de vendre les lunettes.

M. NANTAIS: Le ministre Castonguay a demandé ce matin au représentant du collège si le fait que les opticiens d'ordonnance pourraient avoir l'exclusivité de la vente des lunettes deviendrait un danger pour la population, si la population en souffrirait. Il a répondu que non. Je pense que si, depuis que les opticiens d'ordonnance...

M. PERREAULT: Qui a répondu non?

M. NANTAIS: Le représentant du Collège des optométristes. Si, depuis le nombre d'années que nous exécutons, vérifions et transformons les lentilles et exécutons les ordonnances pour les ophtalmologistes, nous étions vraiment incompétents, il y a longtemps qu'on l'aurait su.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Maskinongé.

M. PAUL: Je voudrais poser quelques questions au président du collège. Pourriez-vous me dire depuis quand vous exigez une scolarité équivalente au CEGEP I de la part de: vos étudiants?

M. CLEMENT: Depuis l'année passée.

M. PAUL: Avant l'an dernier, quel était le minimum de scolarité que vous exigiez de vos étudiants?

M. CLEMENT: Une onzième année sciences-mathématiques.

M. PAUL: Pourriez-vous nous dire où se trouve située cette école dite d'optique de la province de Québec?

M. CLEMENT: Sur la rue Saint-Denis, à Montréal.

M. PAUL: Est-ce que cette école est affiliée à une université?

M. CLEMENT: Aucunement.

M. PAUL: Pourriez-vous nous dire quelle est la scolarité de vos professeurs? Est-ce que ce sont des professeurs de carrière ou si c'est à temps partiel qu'ils dispensent l'enseignement?

M. CLEMENT: Il y en a qui sont des professeurs de carrière, il y en a d'autres qui sont des opticiens.

M. PAUL: Que représente, chez ces professeurs de carrière, leur scolarité et leurs études spécialisées?

M. CLEMENT: Je n'ai pas compris la question.

M. PAUL: Quel cours spécialisé ont suivi ces professeurs de carrière?

M. CLEMENT: En théorie, on a un monsieur qui a un brevet d'enseignement spécialisé, option secondaire, physique.

M. PAUL: Vous en avez un. Et les autres? Combien avez-vous de professeurs en tout?

M. CLEMENT: Il y a cinq professeurs.

M. PAUL: Vous avez mentionné, vous ou Me Méloche, l'obligation d'une cléricature de deux années. Est-ce pendant l'enseignement ou si c'est postérieur à l'enseignement, cette cléricature?

M. CLEMENT: C'est pendant l'enseignement.

M. PAUL: Pourriez-vous nous dire si vos étudiants reçoivent des subventions du ministère de l'Education?

M. CLEMENT: Pas jusqu'à maintenant.

M. PAUL: Quel est le nombre d'heures d'enseignement dispensé par l'ophtalmologiste qui enseigne à votre école?

M.CLEMENT: Entre 25 et 30 heures, je crois.

M. PAUL: Par année ou durant tout le cours?

M. CLEMENT: Pendant l'année.

M. PAUL: Est-ce que l'enseignement est répété la deuxième année?

M. CLEMENT: Non, le cours de l'ophtalmologiste n'est donné qu'aux élèves de deuxième année.

M. PAUL: Est-ce qu'il y a des ophtalmologistes qui sont membres de votre corporation?

M. CLEMENT: Non, monsieur.

M. PAUL: Est-ce qu'il y a des optométristes qui sont membres de votre corporation?

M. CLEMENT: Non, je ne crois pas. M. PAUL: Merci.

M. NANTAIS: Est-ce qu'on peut signaler, pour éclairer M. Paul, que des démarches ont été entreprises pour une affiliation avec un des CEGEP?

M. PAUL: Est-ce que vous avez consulté le ministère de l'Education?

M. NANTAIS: Le ministère de l'Education et le sous-ministre Brunet avec lequel nous avons discuté le sujet.

M. LE PRESIDENT: Je remercie les membres de la Corporation des opticiens d'ordonnances de la province de Québec pour la présentation de leur rapport. J'inviterais maintenant les membres de l'Optique Richelieu Ltée à présenter leur rapport.

M. DELORME: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Juste une question avant de commencer à entendre votre mémoire. Est-ce que les représentants de la Corporation des ajusteurs de lentilles cornéennes sont encore ici présents dans la salle? D'accord, alors j'invite les membres à commencer immédiatement.

L'Optique Richelieu Ltée

M. TETRAULT: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Vous avez devant vous, à ma gauche, M. Raymond Custeau, directeur général de l'Optique Richelieu; à ma droite, Me Maurice Martel, conseiller juridique de l'Optique Richelieu. Mon nom est Luc Tétrault, optométriste, président de l'Optique Richelieu.

Immédiatement, je vais demander à M. Custeau de présenter le mémoire.

M. CUSTEAU: M. le Président, MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord vous dire ce qu'est l'Optique Richelieu. C'est une entreprise de fabrication de lentilles ophtalmiques et de distribution de produits d'optique. Cette entreprise a été fondée par des optométristes pour servir les intérêts de tous les optométristes.

La presque totalité des actionnaires sont des optométristes et l'accès au capital-actions a été offert à plusieurs reprises à tous les optométristes du Québec. Parmi les 528 optométristes du Québec, au-delà de 140 sont nos actionnaires. Les autres sont des cadres de la compagnie.

La compagnie est actuellement présente dans différentes régions de la province par le biais de laboratoires régionaux, notamment dans le Bas-du-Fleuve, dans la Mauricie, Montréal et la rive sud. C'est vous dire que la compagnie, en tant que grossiste, s'est bien intégrée à chaque milieu régional.

Rappelons d'abord que nous sommes ici en tant qu'entreprise oeuvrant dans le secteur de l'optique et que nous sommes touchés par le bill 256, Loi sur l'optométrie, et par le bill 268, Loi des opticiens d'ordonnances, parce qu'ils ont des implications économiques.

Au chapitre des changements proposés, le bill 256 — pour le rappeler brièvement — propose d'interdire aux optométristes de vendre des lentilles ophtalmiques et "d'avoir un intérêt dans une entreprise de fabrication ou de vente de lentilles ophtalmiques." C'est là que nous sommes particulièrement touchés.

Le bill 268, par ailleurs, veut donner aux opticiens d'ordonnances l'exclusivité de la vente des lentilles ophtalmiques et, par ricochet, d'autres produits d'optique, tels que les montures.

En théorie, l'idée de délimiter les champs d'activités entre ces deux professions peut paraître souhaitable, mais, en pratique, il s'impose de vérifier si le partage, tel que conçu, est juste pour tous les groupes concernés et si le public sera mieux servi.

Avant de répondre à ces questions, l'on nous permettra de souligner certains aspects qui ne manquent pas de surprendre celui qui est familier avec le secteur de l'optique et qui planaient dans l'ombre cet après-midi, au cours des discussions qui parfois voulaient s'en tenir aux questions de principe.

En général, il est reconnu qu'une saine et réelle concurrence dans la distribution des produits sert les intérêts du public. Pourquoi voudrait-on nier ce principe au niveau de la distribution des produits d'optique?

Plusieurs des bills sur les professions ont été préparés avec un souci évident de protéger les droits acquis. Je voudrais vous donner un exemple qui nous a particulièrement frappés, nous. Dans le bill des opticiens d'ordonnances,

division 5, section 19, paragraphe c), le législateur protège les intérêts que les grandes compagnies détiennent dans les salons d'optique gérés par les opticiens d'ordonnances. Pourtant, il est connu que les grandes compagnies contrôlent, d'une façon avouée ou inavouée, un grand nombre de salons d'optique, pied-à-terre des opticiens d'ordonnances. Le fait que ces intérêts, ajoutés à leurs intérêts au niveau de la fabrication du verre et de la distribution d'un grand nombre de produits d'optique, leur donnent une influence envahissante sur le marché de l'optique au Québec et au Canada constitue un danger pour le public en général.

Ces compagnies font présentement l'objet d'une enquête fédérale sur les pratiques restrictives du commerce. Le seul fait qu'on ait jugé bon, en certains milieux, de lancer cette enquête n'est pas sans fondement.

Dans son souci de mettre de l'ordre au niveau de ces deux professions, pourquoi le législateur ne s'inquiète-t-il pas de l'influence asservissante qu'exercent les grandes compagnies sur un grand nombre d'opticiens d'ordonnances, par le biais des salons d'optique? Nous croyons rendre un service aux opticiens d'ordonnances en faisant cette affirmation en public, parce que nous admettons leur sincérité, etc. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux s'alarment de cette situation, mais il est clair qu'ils n'ont pas la latitude pour poser ce problème aussi ouvertement que nous nous le posons. C'est vrai que notre intérêt, dans une certaine mesure, nous le dicte, mais on ne saura pas nous en faire un reproche, je crois.

Il est troublant — je le répète — de constater que, depuis l'annonce de cette loi, les grandes compagnies ont acheté plusieurs salons d'optique et multiplient leurs démarches pour en acheter d'autres. Plusieurs opticiens d'ordonnances dynamiques, et qui apprécient leur autonomie, s'en sont alarmés à juste titre. Ce phénomène a pris une telle ampleur que, maintenant, on compte plutôt les salons d'optique qui ne subissent pas une suggestion déguisée, parce que l'affaire est toujours faite finement.

Le salon d'optique est toujours au nom de celui qui le gère. Celui qui le gère, qui est un opticien d'ordonnance, n'est pas toujours libre, n'a pas toujours la liberté qui serait souhaitable. Le problème que nous soulevons est d'autant plus important que le bill 268, en donnant aux opticiens d'ordonnances le monopole de la vente des lentilles ophtalmiques et, à toutes fins pratiques, des montures, fait de ceux-ci la pierre angulaire de tout le commerce des produits d'optique. C'est bien important qu'on s'y arrête un peu.

Or, la tutelle que subissent nombre d'opticiens d'ordonnances par rapport aux grandes compagnies fait que les changements envisagés auront pour résultat d'asservir tout le marché de l'optique à ces dernières. On peut se demander si ce n'est pas rendre un très mauvais service à l'opticien d'ordonnance en lui donnant toutes sortes de chasses gardées sous prétexte de lui assurer une sécurité que, de toute façon, il n'aura jamais s'il n'est pas affranchi de la tutelle des grandes compagnies. Aux Etats-Unis, il y a quelques années, on a interdit à une grande compagnie en particulier de posséder des salons d'optique, si bien que cette compagnie, qui en contrôle un grand nombre au Canada, plus précisément 45 ou environ, n'en contrôle aucun aux Etats-Unis. Voilà pourquoi, au Canada, les grandes compagnies ont choisi de contrôler d'une façon déguisée des centaines de salons d'optique, ce qui leur permet de dominer une bonne part de la distribution des produits optiques en toute quiétude.

Il ne faudrait pas oublier que dans le partage qu'on veut faire au niveau des professions, comme toujours lorsqu'il y a des hommes, il y a de gros intérêts qui s'agitent. On parle souvent de principes, mais même quand on parle de principe, étant donné que personne n'est désincarné, il y a toujours des questions d'influence, de pouvoir et souvent un pouvoir qui est lié à l'argent. Il faut bien prononcer ce vil mot.

L'intérêt du public. Nous voudrions en parler de notre point de vue, si vous nous permettez. Nous tenons à rappeler que l'intérêt du public exige que l'on assure une saine concurrence au niveau de la fabrication et de la redistribution des produits d'optique. Cet après-midi, on nous a presque fait peur, on voulait avoir aussi la fabrication. L'appétit grandit chaque jour, semble-t-il. Déjà présentement, malgré l'existence de deux circuits de fabrication et de distribution, le circuit influencé par les optométristes, celui influencé par les salons d'optique, l'équilibre reste précaire.

Si les optométristes se résignaient à ne plus exercer d'influence au point de vue de la fabrication et de la distribution, nous considérons que tout un réseau de petites entreprises, qui joue présentement le rôle de deuxième force devant les salons d'optique et les grandes compagnies, s'écroulerait. Si cette deuxième force est éliminée, le public devient automatiquement à la merci des grandes compagnies complètement intégrées.

Si on considère que déjà les prix des grandes compagnies sont supérieurs de 25 p.c. à 45 p.c, suivant les catégories d'ordonnances, à ceux de l'Optique Richelieu seulement, à qualité égale avec, la plupart du temps, un service moindre, on n'a pas à deviner ce qu'il adviendra. Nous sommes prêts à vous soumettre une étude, à comparer les prix, étude qui, à notre avis, est très éloquente. Cette étude a été soumise au gouvernement fédéral qui enquête sur les pratiques restrictives du commerce.

Permettez-moi de donner quelques renseignements sur notre compagnie. Plus de la moitié des optométristes du Québec, soit 275, s'approvisionnent chez nous complètement ou partiellement. Notre chiffre d'affaires qui, en 1972, va atteindre les $2 millions, fait de nous

la plus importante au Québec. Si nous avons atteint un tel niveau, ce n'est pas sans raison. Avant 1960 — un peu d'histoire, si vous le permettez — le secteur de l'optique au Québec était complètement dominé par les grandes compagnies, filiales de compagnies américaines ou ontariennes, qui pouvaient monter les prix à volonté et qui ne manquaient pas de le faire. Elles contrôlaient directement ou indirectement l'approvisionnement en lentilles brutes ophtalmiques, la distribution des lentilles finies, la vente de machinerie d'optique, la vente d'instrumentation d'optique, la vente de lunettes industrielles, de nombreux salons d'optique, établissements spécialisés dans la vente au détail de lunettes correctrices, administrés d'ailleurs par des opticiens d'ordonnance, donc compagnies parfaitement intégrées, omniprésente à tous les niveaux du secteur de l'optique.

Pourquoi les optométristes ont-ils des intérêts directs ou indirects dans les laboratoires? La fondation de l'Optique Richelieu, malgré l'influence toujours considérable des grandes compagnies, notamment dans la distribution du verre brut, a rétabli les lois de la concurrence avec les effets suivants qui peuvent être prouvés: - Baisse immédiate des prix de gros; ensuite, au cours des années, nivellement des prix malgré le coût plus élevé de la matière première et de la main-d'oeuvre. Le verre brut est toujours plus ou moins sous contrôle de grandes compagnies. C'est un marché qui n'est pas sans présenter bien des anomalies. - Concurrence plus grande quant à la qualité du service et des prix en général. - Par l'effet d'entraînement, formation d'autres laboratoires indépendants.

Nous soumettons que le projet de loi aura pour effet de forcer les optométristes à vendre leurs compagnies, avec les conséquences suivantes: - Laisser le marché complètement à la merci des grandes compagnies étrangères vouées à l'accumulation de profits. - Décapiter la seule force valable vraiment québécoise que nous ayons dans le secteur de l'optique. - Mettre fin à l'une des plus belles expériences d'émancipation économique jamais vue au Québec dans ce secteur.

Je vous remercie, messieurs.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je dois avouer, au départ, que j'étais complètement ignorant du fait que la compagnie Optique Richelieu avait été fondée et était détenue, soit en partie ou en très grande majorité, par des optométristes. Alors, il ne faudrait pas voir, dans le projet de loi, des visées qui n'existent pas ou qui n'existaient pas au moment où il a été rédigé.

Deuxièmement, en ce qui a trait aux comptoirs d'optique, je crois que la disposition ne visait pas à favoriser justement la multiplication de ces comptoirs, mais bien à mettre un frein à ce phénomène. Vous avez mentionné — j'aurais deux questions — d'une part, que de nouveaux comptoirs d'optique se sont ouverts en grand nombre. Est-ce que vous pourriez me donner des précisions quant aux endroits, si possible, ou, à tout le moins, quant au nombre? Ma seconde question a trait au laboratoire Optique Richelieu. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il existe un certain danger de conflit d'intérêts si un optométriste, à la fois, vend des verres et en retire un profit? Si ces verres sont commandés dans un laboratoire où il a un intérêt, n'aura-t-il pas une certaine tendance à vouloir augmenter le volume de ventes? Je ne peux m'empêcher de faire remarquer que nous sommes dans un secteur où les règles ordinaires du marché peuvent présenter certains dangers. Sans discuter de principes, il n'en demeure pas moins que la santé publique, si on laisse toujours s'appliquer les règles ordinaires du marché, peut être mise en cause. C'étaient mes deux questions.

M. CUSTEAU: En réponse à votre première question, je voudrais préciser que ce n'est pas tellement le fait que de nouveaux comptoirs d'optique aient été ouverts, mais c'est que les comptoirs existants assez importants sont passés sous le contrôle des grandes compagnies, depuis un an. Déjà, ce phénomène était assez remarquable, à tel point qu'on compte plus facilement ceux qui ne sont pas contrôlés que ceux qui sont contrôlés. La chose est toujours faite d'une façon déguisée. Même du point de vue légal, c'est assez difficile. Nous autres, nous avons des signes pour le savoir. Même parmi les opticiens d'ordonnances, ils se reconnaissent. Ils savent qui est resté libre et qui n'est pas libre. On a des listes qu'on a préparées.

Maintenant, au chapitre des statistiques, c'est difficile, savez-vous, d'arriver d'une façon très certaine, mais c'est un phénomène très répandu au Canada. Une seule très grande compagnie, qui est représentée au Québec, contrôle plus de 300 salons d'optique directement.

Maintenant, quant à votre deuxième question, M. Tétrault peut y répondre, je crois.

M. TETRAULT: Au niveau du conflit d'intérêts, nous pensons que c'est toujours un conflit d'intérêts immédiats. Dans le contexte de l'Optique Richelieu, ce conflit d'intérêts immédiats n'existe pas, parce que ce n'est pas l'argent que l'optométriste va toucher immédiatement qui va l'intéresser. Lorsque les profits, par exemple, demeurent dans une compagnie, il les touchera en dividendes dans X années.

A ce moment-là, ce n'est pas immédiat. Il faut bien penser aussi que l'optométriste qui reçoit son ordonnance, si elle n'est pas exacte, peut la retourner au laboratoire. Dieu sait si nos

gens sont difficiles. Il obtiendrait un crédit, en partie, pour l'ordonnance qu'il nous retournerait. Si nous donnons l'exclusivité à l'opticien d'ordonnances, lorsque celui-ci recevra son ordonnance â son salon d'optique ou la fabriquera lui-même, si elle n'est pas tout à fait exacte, il sera en réel conflit d'intérêts. Il la passe comme cela au patient, et le patient n'a pas ce qu'il doit avoir; ou il la lui remplace et il vient de perdre X dollars. C'est la même personne qui fera cela. Au niveau du laboratoire, actuellement, l'opto-métriste vérifie l'ordonnance; il la retourne s'il ne la trouve pas exacte et, à ce moment-là, il y a un crédit partiel pour cette erreur.

M. CASTONGUAY: Y a-t-il d'autres laboratoires de cette même nature, à votre connaissance, au Québec, dans lesquels les optométristes ont du capital-actions?

M. TETRAULT: La tentative a déjà été faite mais cela n'a jamais réussi. L'existence de l'Optique Richelieu, actuellement, est unique, je pense, en Amérique du Nord.

M. CASTONGUAY: Merci

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Y a-t-il des optométristes qui ont vendu leurs parts, depuis le début, après avoir été actionnaires?

M. TETRAULT: Oui, sûrement. Nous avons même des optométristes qui ont participé à la fondation pour les buts que nous savons, qui ne font pas affaires avec nous et qui ont aussi revendu leurs parts.

M. CLOUTIER (Montmagny): Les ont-ils revendues à d'autres actionnaires qui sont déjà dans l'entreprise?

M. TETRAULT: Au début, il y avait une entente à l'effet que cela devait se transiger au niveau des optométristes, uniquement. La raison, c'était pour garder le contrôle, pour éviter que les grandes compagnies puissent avoir la mainmise. Mais actuellement, l'optométriste est libre de vendre à qui il veut, sauf les actionnaires-fondateurs, qui ont fait une convention d'entiercement et se sont engagés individuellement, les uns envers les autres, pour ne pas que le contrôle tombe entre les mains des étrangers.

M. CLOUTIER (Montmagny): Les ont-ils revendues avec profit?

M. TETRAULT: A la valeur au livre, et toujours avec profit.

UNE VOIX: Transigées à la valeur au livre, mais toujours avec profit?

M. TETRAULT: Exactement.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les optométristes qui sont actionnaires commandent leurs prothèses à l'entreprise Optique Richelieu?

M. TETRAULT: En partie. La majorité, je peux dire, de nos clients commandent partiellement à l'Optique Richelieu. Ils commanderont aussi dans d'autres laboratoires.

M. CUSTEAU: Ce qui a fait notre force, c'est que nous avons un service spécial dans certaines régions, que les grandes compagnies ne s'étaient jamais résignées à rendre. Il y a un service d'autobus, avec messagers, qui est très coûteux. Il y a toutes sortes de politiques qui émanent des clients alors que les grandes compagnies, étant donné qu'elles ont des considérations sur tout le profit, ne s'arrêtent pas à des choses assez coûteuses comme le service spécial.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez au-delà de 140 actionnaires, n'est-ce pas?

M. CUSTEAU: Nous avons 150 actionnaires en tout, dont 140 optométristes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ils commandent chez vous. Pourriez-vous établir assez facilement un profil de pratique de l'optométriste?

M. TETRAULT: Dans quel sens?

M. CLOUTIER (Montmagny): La fréquence des commandes qu'ils placent chez vous. Vous pourriez comparer différents profils de pratique et vous pourriez trouver si un optométriste s'écarte sensiblement de la moyenne des ordonnances des autres.

M. TETRAULT: Absolument.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ne pourriez-vous pas avoir un certain contrôle? Les optométristes-actionnaires eux-mêmes ne pourraient-ils pas, par là, exercer un certain contrôle sur la qualité de l'acte professionnel? Quand je dis la qualité de l'acte, il faut comprendre la fréquence d'ordonnances qu'ils font. Je fais allusion au conflit d'intérêts, à l'optométriste, étant donné qu'il est actionnaire, qui prescrirait beaucoup plus souvent que les 139 autres qui sont aussi actionnaires d'Optique Richelieu.

M. TETRAULT: Il y aurait possibilité d'établir des profils et, à ce moment-là, de très bien surveiller ces gens, et même d'envoyer des enquêteurs si des organismes le jugeaient à propos.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais attirer l'attention du ministre

sur le fait que je pense que l'Optique Richelieu pose véritablement un problème important. Je n'ai pas poussé plus loin mon enquête, mais je pense que dans le domaine de l'optique on a là une entreprise qui a pris une place qui n'existait pas. Apparemment c'était contrôlé par d'autres et, avec les années, les optométristes eux-mêmes ont réussi à prendre une part importante du marché et cela a certainement contribué à abaisser le coût de la lentille.

M. TETRAULT: Elle a été fondée uniquement dans ce but-là: permettre aux optométristes de servir mieux avec un produit de qualité qui peut être contrôlé constamment et avec un meilleur service.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est évident que c'est la formule coopérative. Ce sont eux qui dirigent, ce sont eux qui prennent les décisions...

M. TETRAULT: C'est exactement...

M. CLOUTIER (Montmagny): ... ce sont eux qui contrôlent la qualité, l'administration. Alors, ils sont intéressés à ce que l'entreprise ait un bon rendement de façon à diminuer les coûts et de pouvoir faire la concurrence et pouvoir rivaliser avec d'autres qui vendent, les laboratoires et d'autres groupes professionnels qui vendent de la lentille. Alors, je pense qu'il y a là un problème important. Le ministre a dit, il y a un instant, qu'il l'ignorait, au moment de la rédaction de la loi, je pense qu'on doit en tenir compte.

M. TETRAULT: Il y a un élément que j'ai oublié tantôt à la question du ministre. Je vous ai répondu que c'était un fait unique en Amérique du Nord. Il existe peut-être aussi des petits groupes, des petites unités. J'entends que c'est un fait unique avec cette importance, c'est dans ce sens-là que je l'entendais tantôt. Parce qu'il existe quelques petites unités où il y a trois ou quatre optométristes ensemble ou un peu plus, peut-être une dizaine. Mais de cette envergure-là et qui peut jouer un rôle... Parce qu'à un moment donné il a fallu se poser la question: Nous demeurons petit et nous ne jouons aucun rôle sur le plan économique et sur le plan de la concurrence ou nous grossissons et à ce moment-là nous jouons réellement un rôle au niveau de la concurrence, compte tenu aussi de la qualité, du service et des prix, toujours les mêmes facteurs.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. CASTONGUAY: Quelle est la valeur aux livres du capital-action et du surplus et quelle est la proportion détenue par des optométristes qui pratiquent leur profession?

M. TETRAULT: La valeur aux livres est de $17.34 au 31 décembre 1971 sur un total d'à peu près $450,000 incluant le capital investi et surplus, $459,000 ou $60,000 à peu près.

M. CASTONGUAY: Le pourcentage d'actions détenues par des optométristes en pratique?

M. TETRAULT: Cela représente surement 95 p.c. à peu près. Actuellement, je pense qu'il y a un fait nouveau, je pense que nous ne sommes pas... Il n'y a rien de caché, nous sommes ouverts à tout. Il y a quelques opticiens d'ordonnance qui sont actionnaires. Quelques cadres...

M. CUSTEAU: Il faut vous dire ici que l'Optique Richelieu a toujours été conçue comme une occasion d'unir des gens et de s'affranchir des influences traditionnelles qui ont tant contribué à donner un mauvais nom au capitalisme et à la libre entreprise. Nous voulions que ce soit concrétisé ce mot de libre entreprise et c'est une participation de la part du personnel, une motivation et de plus en plus nous agissons dans ce sens-là. Nous avons pensé que même dans le contexte actuel de guerre tribale entre professions, cela aurait été de bonne guerre que les opticiens d'ordonnance trouvent par ce biais-là une occasion de se rapprocher de leurs confrères les optométristes.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Dubuc.

M. BOIVIN: Combien avez-vous d'opticiens d'ordonnances à votre service.

M. TETRAULT: Ce ne sont pas des opticiens d'ordonnance que nous avons à notre service, ce sont des techniciens que nous entraînons nous-mêmes par des cours que nous leur donnons.

M. BOIVIN: ... une école aussi d'opticiens d'ordonnances.

M. TETRAULT: Oui, il s'est donné, avec la collaboration...

M. CUSTEAU: D'opticiens d'ordonnance et d'autres personnes.

M. TETRAULT: Non, mais ce que je veux dire c'est par l'aide fédérale...

M. CUSTEAU: L'entraînement des employés. Je ne me souviens pas du nom exact du bill, mais nous profitons de la collaboration du fédéral dans ce sens-là.

M. TETRAULT: Les centres d'apprentissage et d'entraînement de la main-d'oeuvre.

M. BOIVIN: Vous n'avez aucun opticien d'ordonnances à votre service?

M. TETRAULT: C'est cela exactement.

M. BOIVIN: Vous n'avez pas d'optométristes non plus à votre service?

M. CUSTEAU: Pas au niveau de la fabrication, parce que ce n'est pas leur domaine.

M. BOIVIN: Est-ce que vous recevez des ordonnances des ophtalmologistes?

M. CUSTEAU: Oui, de quelques-uns.

M. BOIVIN: Est-ce qu'il y a des actionnaires comme ophtalmologistes?

M. TETRAULT: Non, pas encore, ce n'est pas impossible.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Hyacinthe.

M.CORNELLIER:M. le Président, le Dr Tétrault a mentionné que l'Optique Richelieu était un fait peut-être unique en Amérique du Nord et une initiative très heureuse dans la province de Québec.

Elle a permis à des Québécois de prendre une part très active dans un domaine où ils n'existaient pas auparavant. Sur le plan économique, il est certain qu'Optique Richelieu a un rôle important à jouer. Il joue un rôle important dans la province. J'aimerais savoir du docteur Tétrault ou de M. Custeau le nombre d'employés, d'Optique Richelieu?

M. CUSTEAU: Nous avons 80 personnes à notre emploi dans différentes parties de la province. Cela augmente chaque mois, parce qu'en trois ans, le chiffre d'affaires a plus que doublé et le personnel a plus que doublé. C'est dire qu'on est en pleine croissance. Auparavant, la compagnie était plutôt un peu artisanale et la décision a été prise de prendre de l'ampleur. Cela nous donnait un biais qui nous permettait de neutraliser l'influence grandissante des grandes compagnies. On avait une très belle formule.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Est-ce que tous les administrateurs et les postes de la haute direction sont occupés par des optométristes?

M. CUSTEAU: Oui. M. PERREAULT: Oui.

M. CUSTEAU: Mais il y a quelques conseillers, notre conseiller juridique qui vient assez souvent aux réunions du conseil d'administration et un conseiller financier qui vient régulièrement chaque mois.

M. PERREAULT: Quel poste occupez-vous, M. Custeau?

M. CUSTEAU: Directeur général.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que les prix que vous demandez pour vos services et le matériel sont les mêmes, aussi bien pour l'opto-métriste qui est actionnaire que pour celui qui ne l'est pas?

M. TETRAULT: Tout le monde est égal chez nous à quelqu'échelle qu'il appartienne.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez mentionné que...

M. TETRAULT: Excusez, c'est unique, cela, parce que dans les autres laboratoires, on fait des prix selon la personne qui est en face d'eux. La liste de prix officielle n'a pas la même signification pour les autres grossistes, alors que chez nous, tout le monde doit être traité sur le même pied, parce que c'est une entreprise de participation. Ce serait la pagaille. Tous les prix sont affichés. Le même traitement est donné au président, aux clients et à celui qui est actionnaire. Tout le monde est traité sur le même pied.

M. SAINT-GERMAIN: Maintenant, vous avez mentionné que, habituellement, les optométristes ne faisaient appel que partiellement à vos services. Est-ce que vous avez pu constater pour quelle raison un optométriste pouvait faire affaires avec vous dans 70 p.c. des cas?

M. TETRAULT: Parce que souvent il trouvera un produit qui lui semblera à meilleur prix, mais il n'aura pas la même qualité ni le même service.

M. CUSTEAU: Il y a certaines exigences que nous devons remplir nous aussi: d'abord, la qualité, le prix, le service. Or, parfois, il y a des petits laboratoires, qui vivent de trois ou quatre opticiens ou techniciens, et qui, étant donné qu'ils font de la vente au détail, où les marges sont beaucoup plus grandes qu'au niveau du grossiste, peuvent se permettre de couper certains prix. Et étant donné aussi que leur chiffre d'affaires est très petit, ils ont une flexibilité qu'une organisation qui commence à prendre un peu de poids ne peut pas se permettre, comme de varier ses prix suivant les clients. Nous sommes quand même prisonniers de notre politique de prix et nous faisons affaires à l'échelle de la province. Alors il faut faire une moyenne.

M. LE PRESIDENT: Alors nous terminons.

M. SAINT-GERMAIN: Une dernière question, s'il vous plaît, M. le Président. Est-ce que vous avez pu constater que, pour un optométriste, le fait d'être actionnaire de votre compagnie puisse l'inciter à vendre plus de lunettes ou à prescrire plus de lunettes pour le simple fait que c'est vous qui les distribuez et qu'il est, par ricochet, propriétaire de l'entreprise?

M. TETREAULT: Nous n'avons jamais pu constater ça. Par contre, nous avons pu constater une chose, c'est que dans bien des cas les optométristes sont plus difficiles envers nous, parce que c'est leur affaire, que si c'était une autre compagnie, j'entends au point de vue service ou point de vue qualité et tout ça. On est plus exigeant parce qu'on dit: On veut avoir ce qu'il y a de mieux comme produit.

Pour répondre à la question du ministre, au 31 décembre 1971 nous avions $412,000 capital investi et surplus accumulé.

M. LE PRESIDENT: Je remercie les membres de l'Optique Richelieu Limitée de la présentation de leur mémoire. J'invite les membres de la Corporation des ajusteurs de lentilles cornéennes à se présenter à la barre.

Corporation des ajusteurs de lentilles cornéennes

M. KINGSTONE: m. le president, je vais prendre deux minutes seulement. Je représente le groupe qui est reconnu par la loi comme regroupant les personnes qui, avant le 1er avril 1961, s'occupaient de l'ajustement des verres de contact. C'est leur seul métier. Depuis plus de vingt ans, elles ont ajusté des verres de contact.

M. LE PRESIDENT: Une minute, s'il vous plaît, monsieur, Est-ce que vous pourriez vous identifier?

M. KINGSTONE: Excusez-moi. Daniel Kingstone, avocat. A mes côtés, c'est M. John McKeating, qui est une des personnes mentionnées dans la loi, c'est-à-dire une des personnes qui ajustaient les verres de contact avant 1961.

Maintenant, nous sommes décrits comme la corporation. Actuellement, nous avons demandé la formation d'une corporation, mais l'approbation a été retardée, vu l'enquête et les représentations faites.

La seule chose que je veux souligner, M. le Président, c'est que nous avions le droit d'ajuster les verres de contact par exception. Si vous regardez la Loi des optométristes et opticiens, le chapitre 257, et en particulier la clause 19, nous avons le droit, même si nous ne sommes ni optométristes, ni opticiens, d'ajuster les verres de contact. Nous sommes techniciens.

Maintenant, si nous regardons le bill 268, nous pouvons voir que le droit nous sera donné d'ajuster toute lentille ophtalmique autre qu'un verre de contact, mais nous n'avons aucune autre profession. La seule chose que nous pouvons faire, c'est d'ajuster les verres de contact.

J'espère, M. le Président, que c'est seulement une erreur dans la rédaction. En effet, si les optométristes sont les seuls qui ont le droit d'ajuster les verres de contact, selon le projet de loi 256 et si, par exception, nous sommes nommés dans le projet de loi, il faut nous enlever du projet de loi 268 et nous placer dans le projet de loi 256, parce que nous ne demandons pas le droit d'ajuster des lentilles ophtalmiques autres que les verres de contact. Nous vous demandons seulement de nous permettre d'ajuster les verres de contact, comme nous le faisons depuis plus de vingt ans. S'il s'agit d'une erreur, je n'ai aucune chose à dire. Si on nous donne le droit d'ajuster les lunettes, par exemple, nous n'avons ni la compétence, ni la tradition, ni l'expérience pour le faire. Notre expérience porte surtout sur le verre de contact.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: Encore une fois, M. le Président, j'avoue qu'au moment où les dispositions ont été modifiées pour celles que nous retrouvons maintenant dans le projet de loi nous n'étions pas conscients de l'effet que cela pouvait avoir vis-à-vis d'un groupe particulier. Tout ce que je peux vous dire, pour le moment, c'est que nous allons examiner ce que vous nous dites et qu'au besoin nous communiquerons avec vous.

M. KINGSTONE: C'est la seule chose que nous demandons, à moins qu'il n'y ait des questions.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Combien de membres sont régis par cette exception?

M. KINGSTONE: A peu près huit.

M. PERREAULT: Huit membres seulement?

M. KINGSTONE: Huit personnes, oui.

M. LE PRESIDENT: Alors, c'est tout? Le député de Dubuc.

M. BOIVIN: Est-ce qu'il y en a d'autres qui sont aptes à pratiquer cette technique, des ophtalmologistes ou optométristes?

M. KINGSTONE: C'est une technique universelle. La seule chose que nous faisons, nous, techniciens, nous recevons les ordonnances des ophtalmologistes ou des optométristes et nous les remplissons.

M. BOIVIN: Vous êtes les seuls à les remplir?

M. KINGSTONE: Exactement. M. BOIVIN: Merci.

M. CORNELLIER: Vous n'êtes pas les seuls?

M. KINGSTONE: Non, nous ne sommes pas les seuls. La seule chose que nous faisons, notre seul devoir, notre seul métier et notre seul travail, c'est de remplir les ordonnances.

M. BOIVIN: Mais vous n'êtes pas les seuls à pratiquer ce métier.

M. KINGSTONE: Non, non. Les optométristes peuvent le faire ainsi que les opticiens d'ordonnance.

M. LE PRESIDENT: Ceci termine les auditions. Je remercie tous les membres de la commission, ainsi que tous ceux qui ont présenté des mémoires. La commission ajourne ses travaux au jeudi matin 31 août, à dix heures.

(Fin de la séance à 19 h 23)

Séance du ieudi 31 août 1972

(Dix heures six minutes)

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

La sixième séance de la commission spéciale sur les corporations professionnelles commencera après le court commentaire du ministre sur un sujet particulier.

Déclaration de M. Castonguay

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais mentionner, à la suite des questions qui ont été posées par certains organismes, que, pour tous les projets de loi parus sous mon nom, ceux des services de santé, des services sociaux, nous avons convoqué, pour chaque groupement professionnel assez clairement identifié ou pour chaque type d'activité, les organismes dont les mémoires nous semblaient faire le tour de la question. Nous les avons regroupés, comme vous l'avez constaté, pour des séances d'une journée ou, à quelques occasions, deux journées ont été consacrées à un groupement.

Dans ce choix que nous avons fait, certains organismes n'ont pas été convoqués. Il nous paraissait utile de pouvoir étudier la série des projets de loi de la façon dont nous avons procédé. J'ai la liste des organismes qui n'ont pas été convoqués. Pour la loi 65, si les membres de la commission étaient d'accord — ils pourraient y songer et, la prochaine fois, nous pourrions en dire un mot — nous pourrions demander au secrétariat des commissions de communiquer avec les organismes en cause pour leur demander si, à la suite des discussions, ils désirent toujours faire une présentation, une discussion de leurs mémoires ou si simplement le fait d'avoir remis leur mémoire les satisfait. Nous pourrons voir, à la suite de ces réponses, s'il y a lieu de tenir d'autres séances que celles qui ont été convoquées, et combien.

Je vous ai fait la suggestion; nous pourrons en dire un mot, au besoin, à la prochaine séance.

Deuxièmement, il y a le fait qu'un certain nombre de projets de loi étaient au nom de M. Roy Fournier. Parmi ces projets de loi, nous en retrouvons certains qui n'ont pas encore fait l'objet de discussions ici à la commission parlementaire. Il est évident que le premier ministre doit désigner très bientôt un ou des membres du cabinet à titre de parrains de ces projets de loi.

Les organismes qui n'ont pas encore été entendus seront convoqués à ce moment pour la discussion de leur mémoire et l'étude des projets de loi qui n'ont pas encore été étudiés ou qui n'avaient pas été étudiés à l'occasion des séances de là commission auxquelles Me Roy Fournier a participé.

Enfin, quant aux séances présentement convoquées, la prochaine aura lieu le 14 septembre. A ce moment, j'indiquerai de façon assez détaillée quelles sont les modifications qu'il nous paraîtrait nécessaire d'apporter au code des professions, suite aux nombreux mémoires que nous avons reçus à la commission et une certaine identité dans les points de vue quant à certains aspects de code des professions dans sa forme actuelle.

Je voulais le mentionner à l'avance, ça aura lieu le 14 septembre, à notre prochaine séance. Ainsi, vous pourrez peut-être réviser à l'avance quelque peu les mémoires ou y songer. L'idée d'annoncer certaines modifications, à ce moment-là, permettra à la commission, il me semble, de poursuivre son travail dans un éclairage quelque peu différent. Nous avions fait de même avec la loi 65. En cours de route, j'avais indiqué l'intention du gouvernement d'apporter certaines modifications et j'avais donné des détails sur ces modifications. Ceci nous avait permis, par la suite, d'éviter de revenir constamment sur les mêmes points à l'occasion de la discussion des mémoires.

C'est la raison pour laquelle le 14 septembre prochain je donnerai certaines indications sur les modifications qui nous paraîtront appropriées.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, si vous le permettez, un très court commentaire sur ce que vient de dire le ministre. Les organismes qui n'ont pas été invités à comparaître devant la commission voudront peut-être quand même faire cette représentation. Alors, il est important, comme on l'a fait pour le projet de loi no 65, qu'ils reçoivent l'invitation de venir devant la commission s'ils jugent à propos que tout a été dit ou à peu près ou que la présentation de leur mémoire à la Commission a été suffisant.

D'ailleurs, nous en prendrons connaissance. Ils décideront s'ils doivent venir devant la commission, et personne ne sera brimé dans ses droits de faire des représentations à la commission parlementaire.

Deuxièmement, je suis content que le ministre annonce, pour le 14 septembre, à la prochaine réunion, des modifications au code des professions. J'ai entendu moi-même à la télévision — je pense avant-hier — le ministre de la Justice, dans une conférence de presse, dire qu'il y aurait des amendements importants au code des professions et probablement aussi à la loi spécifique qui concerne le Barreau.

Evidemment, plus tôt nous connaîtrons, même si ce n'est pas le texte exact des modifications, du moins l'orientation que le législateur veut prendre, plus nous pourrons faciliter les délibérations de la commission. Aussi, dans certains cas, cela peut aider aux discussions qui vont se dérouler devant la commission. Cela peut hâter le travail de la commission parlementaire.

Ce sont les commentaires que je voulais faire.

M. GUAY: M. le Président, j'ai été très heureux d'apprendre, comme probablement plusieurs professionnels, que certaines modifications seraient apportées, notamment dans le sens que les professionnels l'ont demandé. Cela permettra probablement à la commission...

M. CASTONGUAY: Il ne faudrait pas tirer de conclusions. Je n'ai pas donné d'indication quant au contenu des modifications.

M. GUAY: Je n'ai pas parlé du contenu, M. le ministre, mais j'ai dit que j'ai été heureux d'apprendre qu'il y aurait des modifications.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je serais bien surpris que les modifications satisfassent toutes les corporations professionnelles à la fois, parce qu'on a cru qu'il y avait certaines oppositions.

M. GUAY: De toute façon, un projet de loi peut s'amender. Le ministre l'a dit lui-même à la commission parlementaire. Nous espérons, évidemment, que ce soit dans le bon sens, dans le sens désiré.

M. CASTONGUAY: Très bien.

M. GUAY: Bien sûr que nous avons l'occasion d'entendre plusieurs groupes, ici à la commission. D'autres ont présenté des mémoires. Quand même, cela nous permet de prendre connaissance du contenu des mémoires et d'être en mesure de nous forger une opinion valable. J'ajoute que je serais parfaitement d'accord pour que ceux qui le désirent aient la chance de se faire entendre. Il y a des groupes peut-être importants qui auraient désiré se faire entendre à la suite de ce qui a déjà été dit.

Bien sûr, quand on prend connaissance d'une loi, c'est assez difficile, sans étude approfondie, de dire si on est pour ou contre ou si on désire des amendements.

Mais, à la suite de la lumière apportée à la commission, j'ai l'impression que plusieurs groupes seraient maintenant intéressés à être entendus. Alors, le désir que je formule, c'est celui-là. Cela nous permettra peut-être, en même temps, de découvrir de nouveaux horizons. Merci.

M. PAUL: M. le Président, si vous me permettez, je veux, dès maintenant, m'opposer à toute remarque qui pourrait être faite plus tard, dans le cours de cette séance, par un représentant du Parti québécois au cas où il viendrait participer aux travaux de notre commission, parce que ses membres brillent par leur absence depuis un certain nombre de séances. Je ne voudrais pas que, dans le cours de la journée, nous puissions donner à un représentant de passage devant la commission le droit de faire

des commentaires comme l'ont été appelés à le faire, ce matin, les représentants des différents partis politiques reconnus.

M. VEILLEUX: Très bien.

Corporation des physiothérapeutes

M. LE PRESIDENT: Merci. Nous débutons avec la Corporation des physiothérapeutes.

M. VIAU: M. le Président, mon nom est Pierre Viau. Je suis procureur des physiothérapeutes de la province de Québec Inc. Je suis accompagné, à partir de mon extrême gauche, par Mlle Suzanne Hardy, trésorière; Mme Louise-Marie Breton, responsable du comité de législation; Mme Corinne Parver, présidente; à ma droite, Mme Françoise Goulet, responsable du comité d'éducation, ainsi que la vice-présidente, Mme Jocelyne Caron.

Si vous permettez, nous avons déposé devant cette honorable commission un mémoire et un résumé du mémoire. Nous pouvons peut-être — le mémoire étant quand même bref — procéder. S'il y a lieu, à votre avis, de hâter les choses, nous résumerons notre mémoire en cours de route puisque, dans le résumé du mémoire, on nous avait demandé de déposer les textes d'amendements proposés au projet de loi no 272.

Le premier point que nous avons soulevé consistait à modifier l'article 7 de la section IV de la loi no 272, qui a trait à l'acte professionnel. Voici la suggestion que nous faisons. Nous suggérons que le texte se lise maintenant comme suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie, tout acte thérapeutique qui a pour objet d'obtenir le rendement fonctionnel maximum de la personne par les exercices physiques, la thérapie manuelle et/ou par l'utilisation de moyens physiques tels que l'électrothérapie ou l'hydrothérapie."

Voici pourquoi, à notre point de vue, le mot "obtenir" est préférable au mot "redonner" et parait plus juste. Il arrive, en effet, qu'un patient n'ait pas encore acquis la possibilité d'exécuter un mouvement. Il s'agit alors de le lui enseigner et de l'éduquer. Il ne saurait donc être question de redonner ce que ce patient n'a jamais acquis. Suivant les renseignements obtenus, on m'informe que ce sont des cas qui se présentent, par exemple, pour les patients souffrant de paralysie cérébrale. Certains patients n'auraient donc jamais acquis la faculté de se mouvoir facilement et, de ce fait, il nous semble que la définition présentée est restrictive.

De plus, le verbe redonner laisse sous-enten-dre que le patient demeure passif tandis que le verbe obtenir implique une participation active de sa part.

Deuxièmement, l'adjectif "thérapeutique" qui qualifie le mot "acte" a été ajouté afin d'indiquer clairement qu'il s'agit de soins prodi- gués à une personne dont une déficience actuelle ou prévisible a été diagnostiquée par un médecin.

Troisièmement, l'utilisation de l'expression "rendement fonctionnel maximum" nous paraît de beaucoup supérieure à celle que l'on retrouve à l'article 7 actuel, c'est-à-dire "la maîtrise de ses mouvements corporels".

Cette dernière expression, en effet, semble limiter l'activité du malade à un certain nombre de mouvements tandis que le terme suggéré donne au patient une vue beaucoup plus globale en lui donnant accès, par exemple, aux exercices cardio-respiratoires et aux exercices prénataux et postnataux.

Il semble, par exemple, dans certains cas, comme dans le cas de paralytiques, où on ne pourrait évidemment pas redonner la maîtrise des mouvements corporels, que la définition actuelle restreindrait un peu trop l'acte professionnel, de sorte qu'il serait possible, pour ces patients, de leur donner un rendement fonctionnel maximum, eu égard à leur état mais non une maîtrise complète de leurs mouvements corporels.

Ainsi, notre suggestion étend la définition et nous semble préférable pour couvrir ces cas.

Quatrièmement : Aux moyens les plus importants préconisés pour l'exercice de la physiothérapie, il convient d'ajouter celui de la thérapie manuelle. Cette modalité regroupe plusieurs techniques de rééducation neuromusculaire, le massage, la mobilisation passive et autres.

Cinquièmement: Le mot ergothérapie devrait être retranché pour une bonne raison: Il nous semble, et je pense que là-dessus le Collège des médecins et chirurgiens est aussi d'accord, qu'il s'agit là d'une discipline différente de la physiothérapie et qu'une loi particulière devrait traiter de l'ergothérapie.

Voici pour les remarques que nous avons concernant la définition même de l'acte professionnel contenue à l'article 7.

Notre seconde recommandation concerne le paragraphe a) de l'article 9 du mémoire. Nous suggérons de remplacer ce paragraphe par le suivant: "Est reconnu titulaire d'un diplôme universitaire reconnu valide à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil et le bureau ou jugé équivalent par le bureau. "

A notre point de vue les physiothérapeutes, devant recevoir un enseignement complet qui ne se donne que dans les universités, il est logique de préciser que pour exercer cette profession il faille être titulaire d'un diplôme universitaire.

Il nous semble aussi logique que le bureau de la corporation contrôle l'exercice de la profession comme c'est le cas dans les autres professions.

Troisième section: L'exercice de la physiothérapie. Il s'agit ici d'apporter un amendement en ajoutant à l'article 13 un paragraphe, de sorte que cet article se lise maintenant comme suit: "Sous réserve de l'article 8, nul ne peut poser l'un des actes décrits à l'article 7, s'il n'est

pas physiothérapeute. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux actes posés par les personnes suivantes, travaillant dans un établissement, tel que défini par la Loi de l'organisation des services de santé et des services sociaux : "a) Les candidats à l'admission à l'exercice de la profession qui effectuent un stage d'entraînement professionnel conformément à la présente loi et aux règlements du bureau; "b) Les personnes qui auraient reçu une formation collégiale en techniques de réadaptation. "Elles ne s'appliqueront pas non plus aux personnes désignées par un physiothérapeute pour continuer, à domicile et après instructions, certains soins physiothérapeutiques à une personne donnée."

Voici pourquoi cet amendement est demandé. Tout comme à l'article 31 du projet de loi 273 intitulé la Loi des infirmières et infirmiers, nous avons cru opportun d'exclure certaines catégories de personnes qui, autrement, auraient pu être considérées comme exerçant illégalement la profession de physiothérapeute. Toutefois, comme vous le voyez dans notre amendement, nous avons prévu le cas des stages et la formation collégiale en technique de réadaptation.

Notre quatrième remarque concerne l'émission de permis par le bureau. Nous recommandons de modifier ce deuxième paragraphe en le remplaçant par le suivant: Le bureau peut également délivrer un permis à toute personne qui en fait la demande dans les douze mois de l'entrée en vigueur de la présente loi si cette personne a exercé, comme source principale de revenu, la profession de physiothérapeute au Québec, sur les ordonnances de médecins, pendant les trois années précédant l'entrée en vigueur de la présente loi et a subi avec succès les examens requis par le bureau.

La note explicative jointe à cet amendement mentionne que les modifications que nous suggérons dans ce deuxième paragraphe ont pour but de protéger les personnes qui tirent présentement de la physiothérapie leur principale source de revenu, à condition qu'elles rencontrent certaines exigences et qu'elles se soumettent à un examen d'admission que le bureau verra à leur faire subir en vue de protéger évidemment le public.

Nous aimerions ici réitérer une position que l'Association des physiothérapeutes a déjà prise face au contrôle médical. Cette position paraît en annexe au mémoire. Nous voyons la nécessité de préciser notre position face au contrôle médical afin de dissiper toute inquiétude qui pourrait exister. Nous tenons à souligner que des règlements pertinents à cette question sont déjà inscrits dans les textes de loi internes de l'Association canadienne de physiothérapie et des physiothérapeutes de la province de Québec Incorporée.

Notons également que même en l'absence de toute loi régissant l'exercice de leur discipline, les physiothérapeutes diplômés des écoles reconnues ont toujours respecté ces règlements, qu'ils aient été ou non membres de l'association connue sous le nom de Les physiothérapeutes de la province de Québec, Incorporés.

Qu'il soit donc ici clairement entendu que les physiothérapeutes ne dispensent des traitements que sur demande d'un médecin et que leurs patients sont soumis au contrôle du praticien médical si nécessaire.

Voici, M. le Président, l'ensemble du mémoire que nous avions présenté relativement au projet de loi no 272.

M. LE PRESIDENT: Merci, j'ai oublié d'expliquer les procédures: Nous donnons une chance aux groupements d'exposer leur mémoire pendant un maximum de vingt minutes, et après, il y a une période de questions jusqu'à quarante minutes pour les questions de la Commission aux représentants des groupements.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les physiothérapeutes de la province de Québec pour le mémoire qu'ils nous ont présenté. Il y a trois aspects sur lesquels je voudrais poser des questions.

Le premier aspect est le suivant: présentement, il n'existe pas de corporation professionnelle des physiothérapeutes qui leur réserve un champ d'exercice exclusif. C'est toujours le même principe dans ces types de professions par rapport aux médecins qui ont toute la gamme des actes médicaux qui peuvent être posés. Par exception, les physiothérapeutes peuvent, selon le contexte de ce projet de loi, poser des actes qui leur seraient réservés exclusivement dans le secteur de la physiothérapie. Etant donné le fait que, jusqu'à maintenant, il n'existait pas de corporation professionnelle réservant un champ exclusif de pratique et que, d'autre part, les physiothérapeutes, dans leur mémoire, nous disent "il doit être clairement entendu que les physiothérapeutes ne dispensent des traitements que sur demande d'un médecin et que leurs patients sont soumis au contrôle du praticien médical, si nécessaire", je pense qu'il y aurait lieu de demander aux représentants de l'association de nous dire pourquoi, dans leur opinion, il est nécessaire que ce groupement soit formé en corporation professionnelle avec un champ exclusif de pratique, comme première question.

M. GIROUX: La présidente de l'association, Mme Parver, peut répondre et préciser la pensée de l'association sur cette question.

MME PARVER: Merci, M. le Président. Je vais continuer ma réponse en anglais. By virtue of our educational and scholastic formation and years of experience, we believe that physiotherapists have the exclusive right to exercise their

profession. Our universities are associated with medical schools; teachers in the schools of physiotherapy are physiotherapists. They are responsible for our professional formation along with specialists in the medical field.

We are taught, during our years of education, subjets on physiology, on neuro-anatomy and anatomy by a chemistry in chemistry, all the biological sciences as such as humanities and aspects of professional formation. We also partake of clinical experience in hospitals and are required to attend a period of internship before we may practice our profession. We believe that we have the exclusive right to exercise our profession by virtue of this education which forms our background.

M. CASTONGUAY: M. le Président, il y a des critères, dans le code des professions, qui ont été précisés et qui doivent servir, à notre avis, à déterminer si un groupe professionnel doit se voir attribuer un champ exclusif de pratique, et parmi ces critères, le niveau d'éducation où les droits acquis n'apparaissent pas.

Le premier, l'objectif fondamental, c'est la protection du public. Je pourrais nommer un certain nombre de groupements professionnels dont le niveau de formation est extrêmement élevé et qui ne sont pas formés en corporation professionnelle. Je pense, par exemple, aux économistes pour en nommer un, je pense aux sociologues, je peux en nommer un certain nombre, les philosophes, et ils ne sont pas formés en corporation professionnelle fermée pour la bonne raison que la protection du public ne l'exige pas.

Alors, on ne peut s'appuyer sur une question de niveau de formation et non plus qu'on ne peut s'appuyer sur une question de droits acquis. Il n'y a pas de droits acquis; ce n'est pas formé en corporation professionnelle fermée présentement.

C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle, dans les projets de loi, nous avons distingué entre les projets de loi où le titre est réservé à ceux qui ont la compétence nécessaire, et là un code de déontologie doit être approuvé par la corporation mais le champ de pratique n'est pas réservé. Le fait d'avoir un titre réservé assure déjà une certaine protection à la population, une protection qui apparaît suffisante.

Ici je crois qu'il est important de s'interroger sur la situation parce que le fait de former en corporation professionnelle fermée ou à champ d'exercice réservé est une décision extrêmement importante et qui ne peut être prise à la légère, d'autant plus qu'il ne faut pas multiplier, à moins d'avoir des raisons extrêmement sérieuses, les corporations professionnelles à champ exclusif d'exercice.

M. VIAU: Peut-être, pour compléter, M. le ministre, nous avons évidemment devant nous un texte de loi qui est en première lecture et suivant notre opinion, le texte de loi évidem- ment peut être modifié et va probablement l'être. Mais il s'agit là d'un texte de loi public présenté par le Parlement et il me semble que lorsque le Parlement présente un projet de loi, il a déjà de bonnes raisons de vouloir régulariser ou de vouloir adopter une loi.

Deuxièmement, il nous semble que le cas des physiothérapeutes se pose de la façon suivante. Nous savons que près de 80 p.c. des physiothérapeutes, membres de l'association, exercent leur profession dans de grands hôpitaux de Montréal, et ils ont à prendre une partie de la décision concernant le traitement et à donner le traitement.

Or, il y a une différence entre une personne qui doit — j'allais dire faire fonctionner les appareils — mais je veux dire qu'il y a une différence entre le technicien ou la personne appelée exclusivement à faire fonctionner, par exemple, des appareils de micro-ondes et le physiothérapeute qui est appelé à donner le traitement de physiothérapie et à participer en quelque sorte à une partie de la décision, sur ordonnance médicale évidemment.

Je pense, en plus, que la protection du public vient, non seulement comme vous le mentionnez de la formation, mais, ce critère étant acquis, elle vient aussi du fait que les physiothérapeutes ont un acte professionnel à poser et non pas un acte simplement technique ou mécanique. Es participent en partie, par suite d'ordonnances du médecin, à un traitement. De ce fait, il nous semble que le public serait beaucoup mieux protégé si une corporation était formée de sorte qu'elle puisse discipliner ses propres membres.

Vous connaissez bien les problèmes que causent de simples associations professionnelles lorsqu'on entre dans le domaine de la santé et dans celui de la protection du public face aux actes à poser. Je comprends, et vous avez cité des exemples, que certaines professions ne sont pas des corporations fermées. D'ailleurs, il me semble que la tendance, depuis peut-être une dizaine d'années à Québec, a été de créer dans plusieurs cas des corporations qu'on appelait ouvertes. On avait le droit de se servir du nom, mais d'autres personnes pouvaient aussi faire le travail.

Il nous semble que dans les circonstances actuelles le travail que font les physiothérapeutes, la grande proportion d'entre eux, est du travail qui participe de ce que l'on reconnaît comme un acte professionnel et qui concerne directement des personnes dont la santé est affectée. Or, il nous semble que, même s'il ne restait que cette raison, elle serait suffisante pour que les membres de cette corporation se disciplinent entre eux, suivent le règlement et que celui-ci soit exécutoire. Il ne s'agit pas simplement de recherche ou d'analyse qui peuvent être contrôlées et décidées subséquem-ment, mais dans plusieurs cas il s'agit d'actes qui ont un effet direct sur le patient. Il nous semble que c'est important pour la santé des

personnes que les physiothérapeutes sont appelés à traiter de leur permettre d'être formés en corporation professionnelle. Il me semble que c'est la meilleure méthode pour assurer la protection du public dans ce cas-là.

J'ignorais les modifications, et je les ignore encore, qui peuvent être apportées à la loi no 250, mais il me semble que le Parlement a voulu faire une loi de façon à adapter certaines normes de base à toutes les professions. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas reconnaître à des gens qui ont une formation, qui participent à un traitement, qui donnent un traitement, évidemment sur ordonnance médicale, le privilège d'avoir une corporation. Il nous semble que c'est la meilleure façon d'assurer la protection du public, puisque c'est assurer la protection du patient lui-même.

Evidemment, là-dessus, la personne qui pose un acte professionnel encourt aussi la responsabilité de celui qui est appelé à poser cet acte professionnel. Tout cela va de pair. Ce n'est pas seulement un avantage que d'avoir une corporation professionnelle et de poser des actes professionnels. Cela entraîne aussi la responsabilité que connaissent les médecins et les autres professionnels.

M. CASTONGUAY: Quel serait le statut, dans vos propositions, des personnes qui auraient reçu une formation collégiale en techniques de réadaptation? Vous dites que les dispositions relatives à la fermeture du champ d'exercice ne s'appliqueraient pas à eux s'ils travaillent dans un établissement. Mais est-ce que, dans votre proposition, ils seraient membres de la corporation? S'ils sont membres de la corporation, est-ce qu'ils auraient un statut de membre à demi-part? Dans l'autre hypothèse, s'ils ne sont pas membres de la corporation, quelle serait la protection que la population aurait? Il me semble que, par rapport à tout l'exposé que vous venez de nous faire, il y a là un danger d'inconsistance.

M. VIAU: Si on me permet de faire un parallèle, nous avons, dans la corporation du Barreau, une catégorie de membres qui sont des stagiaires de quatrième année d'université et qui peuvent — si on étudie les derniers règlements votés depuis quelques années et, récemment, par le Barreau — poser plusieurs actes. Ils peuvent représenter des personnes, par exemple, devant une cour municipale. Le stagiaire peut faire une partie de l'acte professionnel de l'avocat, évidemment sous la responsabilité de celui qui...

M. CASTONGUAY: Non, je ne parle pas de stagiaires qui sont dans un statut temporaire. Je parle des techniciens, par exemple, ou des élèves qui vont sortir des CEGEP, à Chicoutimi, à Sherbrooke. Je pense, avec raison, je crois, à ceux qui se sont inscrits à une école qui était reliée d'une certaine façon à l'université Laval au moment de leur admission, en autant que mes renseignements sont exacts, qui avaient une formation de onzième année et qui ont poursuivi, pour deux ou trois ans, à peu près l'équivalent de ce qui est un cours, en nombre d'années d'étude, au niveau du CEGEP. Même si cette école avait une certaine liaison avec l'université Laval il y a un certain nombre de ces gens qui pratiquent ou qui agissent comme physiothérapeutes depuis un certain temps. Je ne crois pas que l'on puisse les considérer comme stagiaires.

M. VIAU: Si vous me permettez, la présidente peut préciser et apporter des détails là-dessus.

MME PARVER: Our Corporation has been studying this exact question for almost a year, now, Mr. Castonguay. We have had, in a general assembly, the authority of our members to proceed in negociations with these graduates of the CEGEP, colleges and "techniques de réadaptation" to open up a new category of membership. For the present time, they would become, temporary, affiliated members of the Corporation for a period of three years. Let me tell you why we put them for a period of three years. They have just recently graduated, this June 1972. They are virtually an unknown quantity in the health professional team. We do not know how they will be functioning in the hospital setting, yet. We felt it was necessary to have three years study period, where we could evaluate their functions, their capacities. And, at the end of this three year period, the members of the Corporation would then vote on whether to accept them as fully affiliated members of the Corporation at a specific category. We have three different categories of membership as it stands right now. We have active members, those who are practicing physiotherapy, either full or part time; we have inactive members, those who belong to the Corporation but are not working at present, and honorary members. They would then become a fourth category of members of the Corporation.

M. CASTONGUAY: Dans les corporations professionnelles à champ réservé, à l'exception des stagiaires qui, encore une fois, sont dans un statut temporaire, sont en stage d'étude, travaillent dans des conditions très contrôlées.

Il peut y avoir des exceptions, il doit y avoir des exceptions pour leur permettre d'acquérir la formation pratique ou clinique nécessaire. Mais une fois admis dans une corporation, avec un champ d'exercice réservé ou exclusif, il n'y a plus de membres à deux ou trois niveaux, parce que le principe est d'assurer, justement, une protection à la population. La population doit savoir que si elle s'adresse à M. X, qui fait partie de telle corporation, il est compétent.

C'est pour cela que je pose ma question. Elle va plus loin, à mon sens, que simplement en ce

qui a trait aux diplômés de 1972 parce que les diplômés de l'école de Laval ne sont pas tous des diplômés de 1972. Il y en a d'autres qui ont été reçus avant. Ces gens, à mon sens, ont une formation équivalente à une formation collégiale, comme niveau. Si vous nous dites qu'il est nécessaire d'avoir un champ exclusif fermé pour les physiothérapeutes, si on fait une exception pour ceux qui sont de formation collégiale, il me semble qu'il y a là une inconsistance.

M. VIAU: Suivant des renseignements qu'on m'a transmis, la formation du niveau collégial ne remonterait pas à plus loin que 1969. Peut-être que les premiers techniciens viendraient d'entrer sur le marché du travail ou seraient sur le point d'y entrer. Il est donc évident que lorsque nous venons pour former une corporation professionnelle ou donner un champ réservé à une corporation professionnelle, il y a tous ces cas à régler. Celui des techniciens nous semble peut-être plus délicat à régler. Une des façons, c'est évidemment de ne pas les exclure, comme tels, de leur possibilité de travailler et de ne pas les exclure non plus, comme tels, de leur possibilité d'acquérir le statut professionnel de physiothérapeute.

Evidemment, il faut chercher une façon de résoudre le problème. La façon de le résoudre, c'est que rien n'empêche les personnes qui sortent du CEGEP de perfectionner leur formation ou de suivre d'autres cours, comme le recyclage se fait présentement dans plusieurs autres domaines et dans celui de la physiothérapie.

M. CASTONGUAY: Si je comprends bien la base de votre argument, la formation d'un physiothérapeute doit forcément être au niveau du premier cycle universitaire et non au niveau collégial.

M. VIAU: Mme Goulet, qui est en charge de l'éducation, pourrait peut-être préciser là-dessus.

MME GOULET: M. le ministre, cela existe aussi depuis longtemps. Nous avons à faire face à cette nouvelle situation. Comme Mme Parver vous l'a expliqué, je pense bien qu'exactement, dans notre concept, c'est dans le milieu universitaire que se faisait la formation qui mène actuellement vers un premier grade universitaire.

M. CASTONGUAY: Dans les autres provinces, est-ce que la formation d'un physiothérapeute est exclusivement de niveau universitaire?

MME GOULET: A l'université.

M. CASTONGUAY: Dans toutes les autres provinces?

MME GOULET: Excepté dans l'Ontario, où il y a une école qui vient d'ouvrir, le Mohawk College. C'est tout. Les autres écoles sont toutes dans une université. Toutes les autres écoles mènent à un premier grade universitaire, excepté Dalhousie, qui mène encore à un diplôme.

Le fait d'être diplômé et d'appartenir à la corporation, ici, évidemment, nous donne droit d'être membre de l'association canadienne et de devenir membre de l'association internationale parce qu'une seule association par pays est reconnue par l'association internationale.

M. CASTONGUAY: La dernière question que j'avais à poser, M. le Président, porte sur l'ergothérapie. Dans le projet de loi tel qu'il est formulé, nous avons inclus, à l'article 7, l'ergothérapie. On s'oppose à l'inclusion de l'ergothérapie dans le champ de la physiothérapie.

D'autre part, nous notons qu'à l'exception d'une seule province, à notre connaissance, dans les provinces qui ont légiféré sur la question de la physiothérapie, soit pour réserver un titre, soit pour former une corporation à champ d'exercice exclusif, il n'y a pas, à l'exception d'une seule province, une législation différente pour l'ergothérapie.

De même, il n'est pas bon — je crois que nos séances nous l'ont démontré assez clairement — de fractionner trop les groupements professionnels parce que chaque fois qu'un groupement professionnel naît, il y a des dangers de conflit avec d'autres groupements, des cloisonnements, etc. Nous avons eu, je pense, quelques exemples assez éloquents. Alors, il me semble qu'il est assez important de préciser pourquoi il y avait lieu d'exclure l'ergothérapie, d'autant plus, comme je le mentionne, que selon les données que nous avons ici, cette façon de procéder ne semble pas, de loin, être la norme générale. Nous n'avons encore une fois qu'une seule province qui semble avoir adopté une législation particulière en ce qui a trait aux ergothérapeu-tes.

M. VIAU: Madame Breton peut préciser la position de l'association là-dessus.

MME BRETON: Nous avons retenu du mémoire en ce qui concerne l'ergothérapie, de la façon dont c'est présenté, que nous trouvons l'ergothérapie à la fin de la définition de la physiothérapie, et cela semble être une modalité de la physiothérapie alors que c'est complètement différent. Il s'agit, comme vous le mentionniez, d'une discipline paramédicale particulière, et je pense que la meilleure façon pour vous d'être mieux renseignés sur la question, ce sera d'entendre l'opinion des ergothérapeutes elles-mêmes qui sont ici aujourd'hui pour vous expliquer la question.

Mais, cependant, la façon dont c'est formulé présentement dans le texte nous a paru comme

plaçant l'ergothérapie tout simplement comme une modalité de la physiothérapie.

M. CASTONGUAY: Si c'est simplement une question de présentation de texte, cela se change assez facilement. On peut parler de la loi des physiothérapeutes, des ergothérapeutes et définir le champ d'exercice de l'ergothérapie et de la physiothérapie. Il s'agit de personnes qui oeuvrent dans le domaine de la réadaptation, même si les techniques sont quelque peu différentes. Je ferais remarquer, par exemple, que dans le champ de la médecine, vous avez 24 spécialités, à ma connaissance, présentement, et qu'il y a des différences assez prononcées entre la chirurgie, par exemple, et la psychiatrie. Comme nous sommes donc ici dans un domaine qui touche à la réadaptation, même si les techniques peuvent différer, ce que je ne conteste pas, est-ce qu'il y a des objections de fond ou des objections valables pour s'opposer à ce qu'il n'y ait qu'un groupement professionnel qui l'utilise selon les cas où leur formation des techniques est quelque peu différente?

M. VIAU: Là-dessus, la question a peut-être été mal comprise. La position que l'association avait prise était à cause de la formulation de l'article 7 lui-même. Alors, je pense que, dans des circonstances, la chose peut être reconsidérée et des discussions peuvent avoir lieu avec les ergothérapeutes qui viendront tantôt, et peut-être pourrons-nous nous entendre, en cours de route, sur le principe. Il me semble que là-dessus il y avait des difficultés au niveau de la rédaction.

M. CASTONGUAY: Si nous corrigeons les difficultés au niveau de la rédaction — je vous pose la question, je la poserai également aux ergothérapeutes — est-ce que, de votre côté, il y a des objections de fond, compte tenu des précédents que je vous mentionne? Je rappelle l'exemple de la médecine. Je pense que c'est assez frappant. Le psychiatre et le chirurgien sont deux êtres assez différents. Ils sont tous les deux, toutefois, dans le champ général de la médecine. Ici, nous sommes dans le champ général de la réadaptation.

M. VIAU: Si vous permettez, je vais laisser à la présidente le soin de répondre à cette question.

MME PARVER: The bill itself is called "The Physiotherapist Act" and not "The Physiotherapist and Occupational therapist Act."

Because of this we reserve the right to practice physiotherapy just for physiotherapists for the reasons that you mentioned before: for the protection of the public, to be able to control our membership, the quality of professional cares that they dispense. Occupational therapists follow a different program at the university level. Our studies overlap concerning anatomy, concerning neuro-anatomy and certain other subjects, but the professional "métier" that they observe is not the "domaine" of physiotherapy. We are all in rehabilitation but the particular aspect is different, the manner in which we work differs.

M. CASTONGUAY: Well, to be clear, the way in which this bill is written can be changed easily. So, I do not think we have to consider the question taking as a base for discussion the way the bill is written. We must ask the question the following way, in my opinion: In the general field of medicine, you have many specialties, something like 24. Some are very different: psychiatry, for example, as compared to surgery. And yet, they are all members of the same professional corporation because they all practice medicine.

In this field here of rehabilitation, you may have different techniques and if you have different techniques, obviously there are differences in the training program, in the same way as there are differences in the type training program for surgeons and psychiatrists.

So the question, in my opinion, is there a fundamental reason why there should be two professional corporations for two groups of persons dealing in the field of rehabilitation? We do not want to multiply professional corporations for a simple reason: Each time it has been done, it created certain barriers between professional groups. It is a source of conflict, we have had many examples here. So we must, before we take such a decision, have very good reasons to do so.

MME PARVER: Excusez-moi une minute. I have asked the treasurer, Mlle Suzanne Hardy, to answer your question.

MLLE HARDY: M. Castonguay, si vous pensez que les ergothérapeutes et les physiothérapeutes devraient être dans le même projet de loi, il y a plusieurs autres disciplines paramédicales qui remplissent des tâches auprès du patient avec le même niveau de responsabilités. Entre autres, on pourrait peut-être penser aux travailleurs sociaux, aux orthophonistes, aux différents membres de l'équipe de réadaptation.

M. CASTONGUAY: We have legislation for social workers, pour les audiologistes et les orthophonistes. So we are dealing with these problems in a separate bill.

MLLE HARDY: Oui.

M. VIAU: Si vous le permettez, M. le ministre, ce que je comprends de la position, c'est ceci: On dit que, si les ergothérapeutes faisaient partie de la corporation, il faudrait l'étendre aussi, peut-être, aux orthophonistes et aux travailleurs sociaux.

M. CASTONGUAY: Vous ne répondez pas à ma question. Il y a des projets de loi pour les travailleurs sociaux et pour les orthophonistes. Je vous pose une question spécifique par rapport aux ergothérapeutes.

M. VIAU: Oui.

M. CASTONGAUY: Je ne vous parle pas des travailleurs sociaux.

Les orthophonistes, les audiologistes, nous avons de la législation pour ça. Je vous le demande précisément pour les ergothérapeutes.

M. VIAU: Notre position est que nous croyons que, comme les orthophonistes et les travailleurs sociaux, les ergothérapeutes devraient avoir un statut différent des physiothérapeutes puisqu'ils participent à une discipline différente.

M. CASTONGUAY: Je ne crois pas que les travailleurs sociaux soient dans le champ de la réhabilitation physique ou la réadaptation physique. Je vois mal le parallèle que vous faites. De la même manière l'audiologiste n'est pas vraiment dans le champ de la réadaptation. Il est un peu comme l'optométriste dans le domaine de la vision ou de l'acuité visuelle par rapport au système auditif.

M. VIAU: M. le ministre, permettez-moi de faire expliquer par Mme Goulet l'exemple des orthophonistes. Peut-être que ça pourrait préciser er rendre la question claire pour tout le monde.

MME GOULET: M. le Président il est certain que les orthophonistes font partie de ce groupe de réadaptation. Ils font beaucoup de réadaptation pour certains malades. Peut-être pas les audiologistes, mais sûrement les orthophonistes. Je ne connais pas assez l'audiologie mais il est évident que les orthophonistes font partie du groupe.

M. CASTONGUAY: Très bien. Alors, je vais vous poser la question différemment. Auriez-vous objection à inclure les orthophonistes, les ergothérapeutes dans le champ général de la réadaptation? Tout comme nous avons un champ général de la médecine.

MME GOULET: C'est extrêmement difficile pour nous de répondre à la question sans avoir pu discuter avec ces groupes.

M. CASTONGUAY: Remarquez, vous nous avez fait des objections par rapport à l'ergothérapie, pas seulement maintenant mais lorsque les projets de loi ont été déposés. C'est la raison pour laquelle je pose la question. Je veux comprendre.

MME GOULET: Mais c'est ça. Est-ce qu'il ne faudrait pas, par exemple, discuter de cette question? C'est difficile pour nous, comme groupe, de dire: Oui, nous sommes d'accord. Les deux autres groupes peuvent être dissidents.

M. CASTONGUAY: Non, je demande s'il y a des raisons fondamentales. Je ne demande pas s'il y a des oppositions par rapport aux autres groupes.

MME GOULET: Il faudrait changer le nom.

M. CASTONGUAY: C'est très facile à changer.

MME GOULET: Chaque groupe peut avoir une autonomie dans ça. Il faut que chaque groupe...

M. CASTONGUAY: Les psychiatres et les chirurgiens cohabitent depuis très longtemps ensemble et semblent bien s'entendre. Je suis convaincu qu'ils s'entendent beaucoup mieux que s'ils étaient dans deux corporations professionnelles distinctes.

Alors, M. le Président, je vais laisser la question à ce niveau.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis d'accord sur la dernière observation du ministre. C'est plus facile de rapprocher le psychiatre et le médecin à l'intérieur de la même corporation. Et, même à l'intérieur de la même corporation, c'est arrivé qu'il y avait des divergences d'opinions assez fréquentes. Je pense que le véritable problème a été posé. On vient d'entendre les questions du ministre et les réponses. Je pense, pour ma part, qu'un problème réel se pose, et j'ai entendu les réponses tout à l'heure. J'ai devant moi le mémoire des ergothérapeutes qui vont venir tout à l'heure. Je voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que la formation scolaire d'un ergothérapeute et celle d'un physiothérapeute sont tellement différents, même si les techniques et les approches peuvent diverger? Est-ce qu'on pourrait élaborer un peu là-dessus?

MME GOULET: Oui, M. le député. Certaines matières de base sont exactement les mêmes. Mais quant aux matières professionnelles c'est complètement différent. Les matières comme l'anatomie, la physiologie, toutes les matières dont on a parlé tout à l'heure, les sciences biologiques sont les mêmes, excepté — les ergothérapeutes vous l'expliqueront — que la psychiatrie, c'est beaucoup plus développée du côté de l'ergothérapie.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je comprends, mais faisons une analogie, prenons le médecin qui est spécialisé en chirurgie et celui qui est

spécialisé en psychiatrie. Ils ont aussi une formation de base de cinq ans qui est presque la même; à toutes fins pratiques, je pense qu'elle est la même. Après ça, il y a un certain nombre d'années de spécialisation. Ils oeuvrent tous les deux dans le champ de la médecine.

Les 24 spécialités médicales sont regroupées à l'intérieur de la même corporation professionnelle.

Dans le public, je doute qu'on puisse faire la distinction facilement entre un physiothérapeute et un ergothérapeute. Je pense bien que, pour la majorité et même pour nous, les parlementaires, si nous n'avions pas devant nous des documents qui nous donnent une explication assez poussée de la différence entre les deux professions, il serait difficile de faire une appréciation. C'est pour ça que j'ai posé la question sur la formation. Vous me dites qu'il y a une formation de base identique et qu'après vous avez des cours, une spécialisation. L'ergo-thérapeute oeuvre dans le secteur de la psychiatrie, alors que le physiothérapeute n'y va pas. Est-ce exact?

MME GOULET: Nous avons quand même une place, mais peut-être moins importante que celle de l'ergothérapeute, dans la psychiatrie.

M. CLOUTIER (Montmagny): Comparé avec les ergothérapeutes qui sont environ 650, quels sont vos effectifs en physiothérapie?

MME PARVER: There are 700 physiotherapists in the province of Quebec of which 480 are members of our corporation.

M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, je constate que les deux groupes sont à peu près identiques en nombre. D'après le mémoire des ergothérapeutes, il y a 642 ergothérapeutes diplômés, dont 193 exercent activement dans 58 hôpitaux ou institutions de la province.

Est-ce qu'à part les groupes auxquels on a référé tout à l'heure — on a parlé des techniciens en rééducation — il y en a d'autres qui ne sont pas dans l'association des physiothérapeutes et qui pratiquent la physiothérapie, sur lesquels vous n'avez aucun contrôle? Est-ce qu'il y en a?

MME PARVER: There are many who call themselves physiotherapists who are pseudo-physiotherapists. They have no qualification to call themselves such. But, we, as a corporation, now have no right to exercise any control over these people. Anyone in the province of Quebec can call himself physiotherapist and there are some who do.

M. CLOUTIER (Montmagny): C'est là que vous faites intervenir l'argument de la protection du public, parce que vous dites qu'il y en a plusieurs sur lesquels vous n'avez aucun contrôle, tel que les lois sont rédigées actuellement.

Exercent-ils en cabinet privé? Ils n'exercent certainement pas dans les institutions, j'imagine?

MME PARVER: They are not allowed to work in hospital institutions. They have their own private cabinets.

If I may just go back to the previous question, within the context of the definition of physiotherapy as it appears in article 7, I believe, the deep objection that the corporation had was because it appeared in the definition in this manner, because it appears as just another method of physiotherapy, which is not. It is an entirely defined discipline. If the contexts of the definition were changed so that it would be professional acts performed by physiotherapists in such a manner, by ergotherapists in such a manner, it would completely change the meaning and the sense.

But, in the way that appears right now, the objection was because it is not an addition to physiotherapy.

M. CASTONGUAY: Prenons la même approche que dans les écoles de l'Université de Montréal et l'université McGill. On a ici un mémoire, qui nous viendra plus tard, des étudiants en réadaptation de l'Université de Montréal. Lorsqu'on prend celui de l'Université McGill, on dit: "Occupational Therapy Students, School of Physical and Occupational Therapy." Là, on donne une description plus juste.

M. VIAU: Si on répétait peut-être la définition. Je crois qu'on n'a pas entendu exactement la définition.

M. CASTONGUAY: A l'école de l'université McGill, par exemple, on parle de "Physical and Occupational Therapy."

MME PARVER: That is a school where both these different subjects are taught. It is a school of physical...

M. CASTONGUAY: Alors, l'approche est d'avoir une seule école qui enseigne deux techniques, toutes les deux dans le champ de la réhabilitation et de la réadaptation. Cela vous parait plus conforme à la réalité.

M. VIAU: Vous pouvez répondre.

MME GOULET: A l'Université de Montréal, cela s'appelle école de réadaptation et nous avons certaines disciplines, la psysiothérapie, l'ergothérapie, l'orthophonie et l'audiologie.

M. CASTONGUAY: Très bien. Merci.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les physiothérapeutes qui travaillent en institution travaillent toujours sous la surveillance médicale?

MME PARVER: Always. It is written in our by-laws that we can only work under medical supervision and upon a doctor's referral. We must, when we receive a patient, have a doctor's referral, his diagnosis, his main objectives in how he would like us to treat his patient. We must have this medical referral — or "une ordonnance médicale, en français" — in order to treat the patient.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aurais quelques questions pratiques. Si c'est possible de me répondre en français, je comprends plus vite en français qu'en anglais. A partir du nombre de physiothérapeutes qui existent, votre effectif est réparti de quelle façon en province?

MME BRETON: La grosse majorité des physiothérapeutes pratiquent dans la région de Montréal. Il y en a à peu près 80 p.c. à Montréal, 1 p.c. dans la région de Trois-Rivières, 10 p.c. à Québec, un peu plus de 3 p.c. dans la région de Sherbrooke, .5 p.c. dans la région de la Gaspésie, .5 p.c. dans la région de Hull, .1 p.c. dans la région de l'Abitibi et 1 p.c. dans la région de Chicoutimi. Vraiment le gros de l'effectif est concentré dans la région montréalaise.

M. GUAY: Je constate évidemment qu'on est démuni chez nous de physiothérapeutes. J'aimerais savoir si vous dispensez des soins à domicile ou si c'est seulement en milieu hospitalier, en officine.

MME BRETON: Actuellement, 79 p.c. de nos membres travaillent dans les hôpitaux ou dans les cliniques de réadaptation. En pratique privée, nous en avons à peu près 12 p.c. Les soins à domicile ne sont pas tellement développés. Malheureusement présentement, il n'y a que 5.5 p.c. de notre effectif qui donnent des services de soins à domicile. Quelques-uns de la pratique privée vont à domicile, mais les services de soins à domicile en tant que tels ont 5.5 p.c. de nos membres.

M. GUAY: Pour ceux qui dispensent des soins à domicile, j'aimerais savoir, excusez l'expression, de quelle façon vous attrapez vos patients. Par quel moyen de publicité ou par quelle relation venez-vous en contact avec les patients?

MME BRETON: Il y a des services de soins à domicile. Par exemple, grâce à la parade des dix sous les médecins nous renvoient des patients. Ils ont des physiothérapeutes à leur emploi qui vont donner les traitements à domicile. Quant aux physiothérapeutes de notre association qui, privément, vont traiter des patients à domicile, c'est parce qu'ils connaissent certains médecins. Ces médecins savent que ces physiothérapeutes sont prêts à faire des traitements à domicile. Ils leur réfèrent leurs patients. Ils peuvent téléphoner à notre association et on essaie de trouver un physiothérapeute de la région indiquée pour aller traiter le patient à domicile.

M. GUAY: Maintenant — vous me corrigerez si je fais erreur — j'ai souvent entendu dire que des physiothérapeutes s'occupaient de cures d'amaigrissement. Est-ce le cas?

MME BRETON: Ce sont les pseudo-physio-thérapeutes non diplômés qui s'occupent de cures d'amaigrissement et non les physiothérapeutes membres de notre association.

M. GUAY: Vous soulignez, dans votre mémoire, que vous aimeriez mieux voir le mot "obtenir" que le mot "redonner". Etant donné que vous vous occupez surtout de réadaptation, pouvez-vous expliquer pourquoi vous aimeriez voir changer le mot?

MME BRETON: On peut donner facilement l'exemple d'un enfant qui vient au monde atteint d'une paralysie cérébrale. On ne peut pas redonner à cet enfant la capacité de marcher alors qu'il ne l'a jamais eue. Chez lui, il s'agit vraiment de l'obtenir. C'est vrai pour un grand nombre de patients. Cela ne limite pas le patient qui l'avait déjà, mais cela explique mieux la situation pour celui qui n'avait pas fait cette acquisition auparavant.

M. GUAY: Est-ce que cela fait partie quand même de la réadaptation, ou surtout de l'éducation?

MME BRETON: C'est de la réadaptation physique. Vous pouvez l'appeler "éducation", mais, à ce moment-là, je pense qu'on va arriver dans un domaine où on va pouvoir discuter sur les mots, peut-être, avec les professeurs. En fait, ils vont peut-être vouloir insister sur le fait que l'éducation est leur domaine. Quant à nous, nous l'appelions "réadaptation physique" à ce niveau.

M. GUAY: J'aimerais également savoir — c'est ma dernière question — si vous connaissez, comme professionnel qui dispense des services, le groupe qu'on appelle "phytothérapeutes"?

M. VIAU: Je ne connais pas ça.

MME BRETON: Est-ce que vous pourriez expliquer? Je ne connais pas ça, personnellement.

M. GUAY: C'était seulement juste pour savoir si vous connaissiez le groupe.

M. LEDUC: Ce sont des gens qui ne sont pas "fités", alors! C'est pour soigner...

M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.

M. PAUL: Les conséquences du résultat de l'élection d'hier en Colombie-Britannique.

M. LEDUC: Oui, c'est vrai.

M. HOUDE: C'est probablement ça!

Je voudrais savoir si les représentants des physiothérapeutes et des ergothérapeutes ont eu avec le ministre ou les autorités du ministère des pourparlers et si c'est dans l'esprit de la loi de protéger le public et les membres de la profession contre — on l'a mentionné — une catégorie de charlatans — je n'hésite pas à employer le mot — qui, à tout moment, se font passer pour des physiothérapeutes ou encore des physiothérapistes? Quelle est la place, dans le public, si vous voulez, de tous ceux qui, sans avoir suivi de cours, très souvent, ou enfin de cours sérieux, s'improvisent, du jour au lendemain, masseurs — c'est une expression que je ne retrouve nulle part — de tous ceux qui ont atteint même une célébrité comme physiothérapeutes, non pas parce qu'ils ont passé par les universités mais plutôt parce qu'ils ont eu la chance d'être des guérisseurs, si vous voulez, au sein d'équipes sportives de fort calibre? Il n'est nécessaire de nommer personne, on sait ce qui est arrivé à certains de ces gars. C'est la partie qui m'intéresse, d'une part.

D'autre part, je voudrais aussi, à l'article 7, si je ne me trompe pas, lorsqu'il s'agit d'exercices physiques réservés à la profession des physiothérapeutes et des ergothérapeutes, au moins que ce soit entendu, même si cela l'est probablement implicitement dans l'esprit de ceux qui ont rédigé le texte, qu'il y a quand même des universités, aujourd'hui, qui décernent des diplômes en éducation physique, où les gars et les filles ont eu des années d'université et où, sans faire nécessairement de la réadaptation ou sans être attachés directement à un médecin, ils utilisent l'exercice physique comme moyen d'épanouissement ou d'éducation. Je ne voudrais pas si cette loi était adoptée telle quelle, qu'un jour, avec de très bons avocats, on arrive en cour à prouver que l'éducateur physique qualifié, en travaillant dans son gymnase, a péché contre cette loi. Telle qu'elle est là, avec un bon avocat comme Harry Blank, je pense qu'on pourrait prouver que les éducateurs physiques sont dans l'illégalité. Je pense qu'il y a moyen d'ouvrir une parenthèse.

M. VIAU: Voici, si vous me permettez...

M. HOUDE: Mais le point qui m'intéresse davantage, c'est que pour l'opinion publique, il est extrêmement important, à mon sens, que ces professions, nouvelles soient connues dans le public.

Il s'agit de la profession du physiothérapeute ou de l'ergothérapeute. De cette façon le public en général saura que ceux qui sont membres de ces corporations ont suivi telle ou telle étude de telle ou telle catégorie ou de tel calibre, et une fois pour toutes, tous les pseudo-physiothérapeutes de nos centaines, pour ne pas dire de nos milliers, de studios de culture physique qui oeuvrent à tous les coins de rue cessent d'utiliser des expressions comme hydrothérapie, ergothérapie, psysiothérapie, massages turcs, danois, finlandais et tout ce que vous voulez. C'est de l'attrape-nigaud, dans beaucoup de cas. Il y a des procès, présentement, assez amusants concernant toutes les cures que vous connaissez, d'amaigrissement ou de réadaptation. Je pense que le ministre a raison de dire que c'est dans l'esprit de la loi de protéger, d'une part, le public, et également de protéger les membres de ces professions et d'éliminer le plus rapidement possible tous les incompétents de ce champ d'action.

M. VIAU: Pour répondre à une partie de votre question, M. le député, quant aux personnes responsables d'éducation physique, nous pourrions préciser encore davantage notre propre texte, mais nous visons tout acte thérapeutique. Il nous semblait que nous visions là un acte — il nous semblait que c'était assez précis — thérapeutique. Les gens de l'éducation physique ne posent pas d'actes thérapeutiques, à ce qu'il me semble.

M. HOUDE (Fabre): Je m'excuse. Quand vous regardez dans les journaux, si vous lisez...

M. VIAU: Sinon, nous n'avons pas d'objection à tenter de préciser davantage puisque telle n'est pas notre intention.

M. HOUDE (Fabre): Je souhaiterais que ce soit précisé parce que je pense, par exemple, qu'à quelque part dans le texte que j'ai lu tantôt, un article ou une phrase concerne les exercices prénataux . C'est un secret de polichinelle qu'il y a des centaines et des centaines de professeurs d'éducation physique ou de culture physique — peu importe leur qualification pour l'instant — je suis bien d'accord s'ils sont qualifiés pour en donner.

Je pense, par exemple, à cette euphorie que connaît présentement je dirais le monde entier, dans un domaine qui s'appelle le yoga, où on ne se gêne pas, dans la publicité, pour parler de réadaptation, de guérison et de tout ce que vous voulez, sans compter tout l'aspect spirituel. Je n'ai rien contre le yoga. Encore là, ce n'est pas parce qu'on s'appelle Jean Latulippe, une journée, et que le lendemain on s'appelle Juan et qu'on se fait passer pur un Hindou qu'on a obtenu du jour au lendemain les qualifications ou la compétence nécessaire pour enseigner le yoga. C'est un problème.

M. LE PRESIDENT: J'attire l'attention du député de Fabre — je pense que c'est la première fois qu'il vient à cette commission — sur le fait qu'à cette commission-ci, nous n'avons pas le droit de faire des commentaires. Nous pouvons seulement poser des questions.

M. HOUDE (Fabre): D'accord. J'efface mes commentaires.

M. VEILLEUX: Le message est quand même fait.

M. HOUDE (Fabre): Le message est fait, oui. En somme, ce que je voulais surtout, c'est que les gens de cette profession, à laquelle je crois, soient protégés, que le public soit protégé et qu'une fois pour toutes, on fasse des définitions et qu'on essaie de couvrir, dans une corporation, tout ce qu'il y a de plus sérieux.

MME PARVER: To respond to the first part of your question, concerning the charlatans and the pseudo physiotherapists, we have had many requests from these people to join our professional corporation, which we have refused as they do not meet our standards.

M. LAVOIE (Wolfe): Peut-on savoir votre opinion concernant les rebouteurs et les chiropraticiens? Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. VIAU: Je peux peut-être répondre immédiatement quant aux chiropraticiens. Il me semble qu'il y a un projet de loi de déposé qui les concerne. Quant aux rebouteurs, tout dépend ce que vous entendez par cette définition. Si on la classe dans la catégorie des personnes qui ne sont pas acceptables pour la protection du public, il me semble évident que nous ne sommes pas concernés par cela.

M. LAVOIE (Wolfe): Il y a des rebouteurs qui donnent certainement des soins qui ressemblent beaucoup aux soins donnés par les physiothérapeutes. Je voulais savoir quelle était la différence entre les soins donnés par les physiothérapeutes et les chiropraticiens, à certaines occasions.

M. VIAU: Les physiothérapeutes et les chiropraticiens?

M. LAVOIE (Wolfe): Oui.

MME GOULET: Les chiropraticiens, d'après la définition de la chiropractie, sont censés ne faire des manipulations que sur la colonne vertébrale. C'est la définition de la chiropractie.

M. LAVOIE (Wolfe): Les physiothérapeutes ne donnent-ils pas le même traitement occasionnellement aussi?

MME GOULET: Que les chiropraticiens?

M. LAVOIE (Wolfe): Oui. MME GOULET: Non.

M. LAVOIE (Wolfe): Du tout. Les rebouteurs qui donnent des genres de traitement de physiothérapie, est-ce que...

MME GOULET: Quelle définition donnez-vous à rebouteur?

M. LAVOIE (Wolfe): Un "ramancheur". UNE VOIX: "Débosseur" physique. MME GOULET: Nous ne faisons pas cela.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: Il ne nous arrive pas souvent d'avoir un procureur comme Me Viau pour représenter une clientèle aussi choisie que celle de ce matin. Je voudrais simplement lui poser la question suivante: Si, à l'occasion de l'étude du projet de loi, je me faisais le parrain d'un amendement pour corriger le texte de l'article 7, qui pourrait se lire comme suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie tout acte thérapeutique qui a pour objet de redonner ou d'obtenir...", est-ce que cet article ainsi amendé ne couvrirait pas les deux champs d'activités des thérapeutes? Du même coup, vous donneriez à la personne ce qu'elle n'avait pas et vous redonneriez à la personne ou au patient ce qu'il ou qu'elle avait perdu.

M. VIAU: Je n'ai pas d'objection. Cela couvrirait les deux champs.

M. PAUL: Mais est-ce que cela rencontrerait les désirs de l'association?

M. VIAU: Oui.

M. LE PRESIDENT: Avant que je remercie le groupement, je voudrais seulement attirer l'attention du procureur sur le fait que ce n'est pas le Parlement qui présente le projet de loi. C'est le Parlement qui adopte le projet de loi, mais c'est le gouvernement qui le présente. Et c'est après cela que le Parlement l'étudie et l'adopte. C'est le gouvernement qui a présenté le bill en première lecture et c'est lui qui prend la responsabilité de le présenter. Après cela, le Parlement le discute et l'adopte, si nécessaire.

M. VIAU: Je me suis mal exprimé tantôt. Connaissant un peu la technique parlementaire, le projet de loi est déposé et, si nous sommes en commission parlementaire, c'est parce que les membres de la commission veulent se renseigner.

M. LE PRESIDENT: Ce n'est pas le Parle-

ment qui a déposé le projet de loi. C'est cela, la différence.

M. PAUL: C'est la raison pour laquelle les lois sont si mal faites.

M. VIAU: Je vous remercie de la précision, M. le Président.

Québec Society of Occupational Therapists

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie. Maintenant, nous entendrons le Québec Society of Occupational Therapists. Me Robert Lesage.

MLLE SAINT-JACQUES: Permettez-moi de vous présenter la délégation de la Société des ergothérapeutes du Québec. A la droite, Mlle Françoise Poirier, qui est professeur d'ergothérapie à l'université Laval. Mlle Thérèse Derome, qui est directrice du service d'ergothérapie à l'hôpital Rivière-des-Prairies de Montréal. Me Lesage, notre conseiller juridique. Mlle Colette Tracy, qui est directrice du service d'ergothérapie du département de psychiatrie de l'hôpital Notre-Dame-de-Montréal, et Mme Micheline Marazzani qui est professeur d'ergothérapie à l'Université de Montréal, et moi-même, Micheline Saint-Jacques.

Je suis professeur d'ergothérapie à l'Université de Montréal, ergothérapeute au Centre psychosocial de Valleyfield et présidente de la Société des ergothérapeutes du Québec.

Les ergothérapeutes sont groupés dans une corporation formée en vertu de la troisième partie de la Loi des compagnies, sous le nom de Quebec Society of Occupational Therapists Incorporated.

Cette corporation est reconnue officieusement comme la Société des ergothérapeutes du Québec. Cette corporation existe depuis 1930. Il y a dans la province 642 ergothérapeutes diplômés dont 193 exercent activement dans 58 hôpitaux ou institutions de la province. Je crois ici qu'il y aura une explication à donner. C'est qu'il y a 642 diplômes d'ergothérapie de donnés et non pas 642 ergothérapeutes qui oeuvrent dans la province de Québec, tel que mentionné tantôt.

La Société des ergothérapeutes du Québec demande de biffer la mention de l'ergothérapie de l'article 7 du bill 272, Loi des physiothérapeutes. Cet article présente erronément l'ergothérapie comme une modalité de traitement de la physiothérapie. Les ergothérapeutes demandent également d'être constitués en une corporation professionnelle fermée et distincte.

C'est pourquoi la Société des ergothérapeutes du Québec soumet en annexe à son mémoire un projet de loi des ergothérapeutes. Il y aura également lieu d'adopter des modifications de concordance au bill 250 et de mentionner les ergothérapeutes à l'article 30 et aux annexes 1 et 2 de ce bill.

En respectant la phraséologie employée dans les divers projets de loi concernant les professions de la santé, l'ergothérapeute peut se définir comme suit. Je crois qu'il est bien important ici de définir ce qu'est l'ergothérapie, si on s'en tient aux questions posées auparavant aux physiothérapeutes. L'ergothérapie, c'est tout acte qui a pour objet le traitement d'une personne en vue d'améliorer ou d'assurer son indépendance fonctionnelle au plan physique et psychique, principalement par l'utilisation d'activités de travail ou de la vie quotidienne. L'exercice de l'ergothérapie comprend notamment l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques impliquant des relations thérapeutiques et la conception d'adaptations fonctionnelles.

L'ergothérapeute évalue quantitativement et qualitativement le degré fonctionnel du malade. Selon le cas, il évalue les habilités perceptuelles et motrices et le comportement psychosocial.

Au niveau de la planification et du traitement, il précise les buts à court et à long terme du traitement ergothérapique; il choisit les moyens thérapeutiques appropriés; il modifie le programme de traitement au besoin, selon l'évolution du patient; il assume la supervision de ce programme; il participe au plan de soins du patient avec l'équipe de la santé de son milieu et il agit comme cothérapeute dans des traitements multidisciplinaires.

De par sa formation spécifique, il fait l'analyse métrique, kinésique, tonique et psychique de tous les moyens et media utilisés en cours de traitement. Il agit comme consultant, élabore et participe à des programmes de recherche fondamentale et clinique. Il est autonome dans le cadre de ses responsabilités. L'ergothérapeute fait partie intégrante de l'équipe médicale. Il travaille dans les hôpitaux généraux et pédiatri-ques, hôpitaux et cliniques psychiatriques, hôpitaux pour convalescents, malades chroniques et vieillards, centres de réadaptation, services spécialisés de traitements à domicile, milieux scolaire et carcéral.

Il exerce soit dans le secteur de la médecine physique, soit dans le secteur de la psychiatrie.

M. LE PRESIDENT (Leduc): Si vous me permettez, comme l'expliquait le président qui m'a précédé, le résumé doit durer à peu près une vingtaine de minutes. En regardant votre texte, nous craignons que vous n'ayez pas le temps de tout lire. Je me demande s'il n'y aurait pas des points qu'il serait plus important — d'autant plus que nous avons le texte devant nous — de faire ressortir plutôt que de passer à travers tout le document.

MME SAINT-JACQUES: Je pense que pour nous tous les points sont très importants, de la définition à ce que nous demandons, et nous arrivons au point important.

Le point important est la formation professionnelle qui est distincte de la physiothérapie.

Nous vous exposons que, dans la province de Québec, trois universités dispensent des cours d'ergothérapie: les universités Laval, McGill et de Montréal. Les conditions sont le CEGEP, option sciences de la santé, ou sciences biologiques. Le cours de trois ans est couronné par un BSc en ergothérapie. C'est très spécifique et distinct. La distinction qui est importante à faire, c'est entre l'ergothérapie et la physiothérapie. C'est peut-être du fait de la formation de l'ergothérapeute qui est acquise justement dans les mêmes institutions et aussi du fait que nous oeuvrons dans un domaine connexe, soit celui de la médecine physique. C'est un des secteurs du champ de l'ergothérapie.

La formation de l'ergothérapeute est spécifique à l'ergothérapie. Bien qu'elle soit commune dans les sciences biologiques de base, l'ergothérapeute se distingue par sa formation spécifique en sciences du comportement ainsi que dans les sciences humaines et dans les activités rééducatives, perceptivomotrices et les adaptations fonctionnelles. Une seule corporation des physiothérapeutes et des ergothérapeutes n'est pas souhaitée par les ergothérapeutes et n'assurerait pas adéquatement le contrôle de la compétence professionnelle et de la protection du public.

D'une part, il serait difficile d'accorder à chacun de ces deux groupes une représentation adéquate, vu l'importance numérique beaucoup plus grande des physiothérapeutes. Les ergothérapeutes répondent aux critères énoncés aux articles 21 et 22 du bill 250 pour être constitués en corporation professionnelle fermée et autonome. Leurs activités profesionnelles exigent une formation universitaire de trois ans après leurs études collégiales. L'ergothérapeute est autonome dans l'élaboration du plan de traitement ergothérapique qu'il recommande ou qu'il applique et son jugement professionnel ne peut être valablement discuté par des personnes ne possédant pas la même formation que lui. La relation thérapeute-patient est essentielle dans le traitement de l'ergothérapeute et exige la confiance du patient dans les rapports personnels qu'il a avec son thérapeute.

Un individu s'improvisant ergothérapeute peut causer un préjudice grave au patient en ce qu'il n'est pas apte à établir les besoins et ressources du malade, à contrôler les moyens de traitement, ni à faire le lien entre les activités de traitement et les facteurs médicaux. Pour la protection de la santé publique, il importe que seules les personnes possédant les qualifications requises des ergothérapeutes puissent exercer cette profession.

A cette fin, nous demandons respectueusement qu'une corporation professionnelle des ergothérapeutes soit constituée et que l'exercice de l'ergothérapie soit réservé à ses membres, sauf dans certains cas prévus au projet de loi que nous vous soumettons. L'ergothérapie est reconnue comme une profession autonome dans 27 pays qui se regroupent au sein de la World Federation of Occupational Therapists.

De plus, une association nationale, constituée par lettre patente fédérale est active depuis 1939: The Canadian Association of Occupational Therapists.

Au Québec, les programmes de formation des ergothérapeutes dans les trois universités, soit Laval, McGill et de Montréal sont conformes aux normes et standards établis par l'Association canadienne des ergothérapeutes. Pour répondre à ces normes, les étudiants sont soumis à un entraînement clinique régi par cette même association. Depuis plus de 15 ans, les ergothérapeutes oeuvrent dans les établissements de la santé du Québec, jouant un rôle actif dans l'élaboration et l'application des programmes de prévention, de soins et de réadaptation. Ils sont reconnus comme des professionnels par l'équipe médicale.

La Société des ergothérapeutes du Québec soumet donc en premier lieu à votre attention que l'article 7 du bill 272 doit être modifié de façon à y biffer la mention de l'ergothérapie. Cette mention crée une confusion qui ne correspond pas à la réalité scientifique.

D'ailleurs, la Société des ergothérapeutes du Québec est informée de représentations provenant de divers secteurs du monde de la santé à l'effet que l'ergothérapie doit être considérée comme une discipline indépendante. Les ergothérapeutes réclament la reconnaissance de leur statut professionnel dans une loi distincte. Dans l'intérêt du public, ils désirent que leur profession soit contrôlée par une corporation composée de personnes ayant la même formation qu'eux et qui sont seules compétentes à juger des actes professionnels qu'ils posent. Ils désirent en outre participer, à ce titre, à l'élaboration des programmes et à l'administration des établissements de santé comme tous les autres professionnels.

La Société des ergothérapeutes du Québec produit, en annexe à son mémoire, un projet de loi des ergothérapeutes qu'elle est disposée à discuter en détail. On me dit que ce n'est pas nécessaire de continuer. Je termine. La Société des ergothérapeutes demande également que le bill 250, code des professions, soit modifié en particulier comme suit: En amendant l'article 30 pour y ajouter le titre d'ergothérapeutes, et en anglais Occupational Therapists en ajoutant: la Corporation professionnelle des ergothérapeutes du Québec, à l'annexe 1 et à l'annexe 2, et en apportant toutes modifications de concordance nécessaires. La Société des ergothérapeutes du Québec exprime sa confiance envers la commission parlementaire des corporations professionnelles et souhaite, dans l'intérêt du public et l'évolution rationnelle des sciences de la santé, que le projet de loi qui vous est soumis soit adopté en principe. Nous vous remercions.

M. LE PRESIDENT: Merci, madame Saint-Jacques. M. le ministre.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier

les représentants de la Société des ergothérapeutes pour ce mémoire. J'aurais trois questions, M. le Président, à leur adresser qui sont sensiblement de la même nature que celles que j'ai adressées au groupe précédent. La première: Est-ce qu'au Québec, parmi les personnes qui se disent ergothérapeutes, il y en a qui n'ont pas le niveau de formation que vous décrivez dans votre mémoire ou encore qui n'ont, à toutes fins pratiques, aucune formation professionnelle et qui se prétendent ergothérapeutes? Combien sont-elles? Où les retrouve-t-on? D'où sortent-elles?

MME SAINT-JACQUES: Oui, nous en retrouvons dans la province de Québec; ce sont habituellement des moniteurs dans des techniques d'artisanat et qui oeuvrent dans les hôpitaux à titre d'ergothérapeutes. Nous en retrouvons un peu partout dans la province et nous n'avons vraiment aucun pouvoir d'y remédier, et ceci est très défavorable et pour la profession, à notre avis, et aussi pour l'intérêt public.

Si nous comprenons l'importance de l'ergothérapie, je pense que des actes posés peuvent causer des préjudices vraiment déplorables pour le patient qui est traité par ces personnes. Je peux vous expliquer, dans les deux secteurs, par des exemples, ce qui peut arriver. Je pense, en médecine physique, dans ce secteur, à des activités qui sont recommandées sans aucune connaissance médicale, à un hémiplégique à la suite d'un accident cérébro-vasculaire parce que la dépense d'énergie et d'efforts, compte tenu de la résistance, étant trop grande, on peut tout simplement aggraver la condition physique du patient. De même en psychiatrie, et là c'est moins tangible et c'est plus difficile à percevoir, mais je sais très bien que l'on peut faire, par exemple, décompenser un individu prépsychotique si on lui donne des activités qui sont très peu structurées, et le malade, à ce moment-là, vraiment décompense et entre dans un délire.

M. CASTONGUAY: Si je comprends bien, donc, ces personnes, nous les retrouvons principalement dans les hôpitaux.

MME SAINT-JACQUES: Nous en retrouvons aussi, en milieu scolaire, dans les écoles pour enfants handicapés.

M. CASTONGUAY: Quelle est leur formation? Y a-t-il une certaine base commune à leur formation?

MME SAINT-JACQUES: A ma connaissance, je ne voudrais pas affirmer plus qu'il n'en faut, ces personnes n'ont aucune connaissance médicale, et c'est là, je pense, le grand danger.

M. CASTONGUAY: Mais est-ce qu'ils ont été formés dans une école quelconque ou simplement en cours d'emploi?

MME SAINT-JACQUES: Non. Quand on regarde très rapidement ce qu'est l'ergothérapie, on dit que les ergothérapeutes font des activités. On ne se limite qu'à la production d'activités, on ne voit pas le traitement derrière cela, c'est pour cela que ces gens-là sont employés. Il n'y a pas d'école. Ils ne viennent pas d'autres écoles. Ce sont des gens qui ont peut-être un cours plus poussé en céramique, en art ou quelque chose comme cela. Dans les hôpitaux psychiatriques il y a une partie de ces activités qui, à notre avis, sont très saines et peuvent être utilisées comme occupations, mais, de là à dire que c'est un traitement, il y a une différence.

M. CASTONGUAY: Si je comprends bien votre mémoire, tout comme pour les physiothérapeutes, vous pratiquez normalement dans un milieu organisé où il existe des médecins qui font des diagnostics, qui ont la responsabilité générale du traitement du patient. Alors, est-ce que tout comme eux vous acceptez que les traitements soient faits sur demande d'un médecin et que le contrôle vraiment médical s'exerce par le médecin?

MME SAINT-JACQUES: Voici notre position. D'une part, nous avons une majorité d'ergothérapeutes qui oeuvrent dans le milieu hospitalier. Là, nous considérons que, comme tous les autres professionnels, nous nous soumettons au contrôle médical. Je pense qu'il y a une loi qui vient d'être adoptée, le bill no 65, qui offre le contrôle médical à tous les professionnels oeuvrant dans le secteur hospitalier. Nous nous y soumettrons de bon gré, comme tous les autres professionnels.

D'autre part, pour nous, il n'est pas souhaitable qu'à l'intérieur de la Loi des ergothérapeutes il soit indiqué le contrôle médical. Je vous explique pourquoi. C'est que les ergothérapeutes oeuvrent dans d'autres secteurs où il n'y a pas de médecin. Je parle spécialement du milieu scolaire où les ergothérapeutes sont employés par une régionale et fonctionnent à l'intérieur d'une autre équipe. Je parle aussi des ergothérapeutes qui, par exemple, peuvent être appelés comme consultants par un bureau d'architectes pour élaborer des plans pour éliminer les barrières architecturales. Il n'y a vraiment aucun médecin. L'ergothérapeute est autonome dans ses responsabilités. Pour nous, ce serait vraiment limiter la profession.

M. CASTONGUAY: Dans l'élimination des barrières architecturales, il n'y a pas de traitement d'une personne, il n'y a pas de service à un individu en besoin de traitement. Je pose la question plutôt en ce qui a trait aux activités reliées au traitement de personnes.

MME SAINT-JACQUES: C'est ce que je tentais de vous expliquer. Comme je vous le dis, comme tous les autres professionnels, nous acceptons le rôle du médecin. Je pense qu'il est

bien nécessaire. Il coordonne et voit à la globalité de cela. Nous nous y soumettons volontiers. Mais il y a d'autres secteurs, en milieu scolaire, où l'ergothérapeute fait du dépistage. Je crois que cela serait vraiment limiter la profession, qui est en pleine expansion et qui, vraiment, s'en va dans des domaines complètement...

M. CASTONGUAY: On ne doute pas de votre dynamisme, mais, en ce qui a trait à la prévention, nous avons pris soin dans le projet de loi médical de ne pas inclure, dans la définition de ce qu'est le champ exclusif de pratique, la prévention ou le dépistage. Si c'est le type d'activités auquel vous vous adonnez en milieu scolaire, sans être en liaison avec un médecin, je ne crois pas que cela crée de difficultés. Mais c'est plutôt au niveau des traitements que la question se pose, je crois.

MME SAINT-JACQUES: Oui, mais je m'excuse. Je me suis peut-être mal exprimée tantôt. Les ergothérapeutes qui sont employés par les régionales font aussi de l'ergothérapie qui est un traitement ergothérapique.

M. CASTONGUAY: En l'absence de tout médecin?

MME SAINT-JACQUES: Oui.

M. CASTONGUAY: J'aurais une dernière question, M. le Président. C'est la même question que j'ai posée aux physiothérapeutes. Je comprends très bien ce qu'on nous dit à l'effet qu'il s'agit de techniques différentes. La physiothérapie n'est pas l'ergothérapie, je comprends bien ça. Les modes de traitement ne sont pas nécessairement les mêmes. Toutefois, aussi rapidement que possible, je voudrais mentionner qu'à notre avis la création d'un trop grand nombre de corporations professionnelles est susceptible de donner lieu à bien des difficultés, à des cloisonnements, à des conflits et à des problèmes quant aux lignes de démarcation des champs de pratique. Alors que l'objectif est vraiment d'apporter le meilleur traitement au malade, toutes ces difficultés, provenant de frontières qui sont établies entre des champs de pratique, bien souvent, ont pour effet d'introduire dans tout le système des inconvénients qui peuvent être assez sérieux pour le malade.

Alors, tout en reprenant le parallèle que je faisais tantôt entre diverses spécialités très différentes dans le domaine de la médecine, est-ce que vous, qui êtes dans le domaine de la réhabilitation, de la réadaptation et qui utilisez une technique différente, vous voyez une objection fondamentale à être regroupés dans un plus grand corps professionnel qui pourrait avoir des échanges plus variés, qui regrouperait, disons, un, deux ou trois types de personnes oeuvrant dans le domaine de la réadaptation?

MME SAINT-JACQUES: Oui, M. le ministre, nous avons des objections. Là, nous rejoignons, je pense, votre souci de protection du public. Nous croyons qu'à cause, justement, du petit nombre d'ergothérapeutes par rapport aux physiothérapeutes nous ne serions pas suffisamment représentés, d'une part. D'autre part, nous croyons que seuls les ergothérapeutes peuvent évaluer la qualité des soins que les ergothérapeutes donnent.

M. CASTONGUAY: Pensez-vous qu'un psychiatre peut évaluer le travail d'un chirurgien et vice versa?

MME SAINT-JACQUES: Je ne voudrais pas me prononcer pour les psychiatres, surtout pas. Pour répondre, je pense que, dans les autres provinces, contrairement à ce que vous venez de dire, il y a vraiment des projets de loi distincts. Le livre blanc de la santé de l'Ontario vient justement de donner à l'ergothérapie son statut distinct.

M. CASTONGUAY: Le projet de l'Ontario, dont vous parlez, demeure un projet. Ce n'est pas une loi. Alors, il va être discuté, comme ici. J'en ai une copie que nous venons de recevoir. Ce n'est même pas dans la forme d'un projet de loi. C'est encore un document préliminaire. Alors, je pense qu'on ne peut pas prendre cela comme une base définitive.

MME SAINT-JACQUES: Alors, on peut prendre celui de la Nouvelle-Ecosse.

M. CASTONGUAY: J'ai ici l'exemple de la Saskatchewan. Pardon? Nous avons celui de la Saskatchewan.

MME SAINT-JACQUES: De la Nouvelle-Ecosse.

M. CASTONGUAY: De la Nouvelle-Ecosse. MME SAINT-JACQUES: Du Manitoba.

M. CASTONGUAY: Du Manitoba? Est-ce une loi adoptée?

MME SAINT-JACQUES: Oui.

M. CASTONGUAY: Une loi adoptée. Est-ce que vous pourriez nous remettre des copies de ces lois, s'il vous plait?

UNE VOIX: En Colombie-Britannique, il faudra attendre une semaine !

MME SAINT-JACQUES: Oui, cela pose des difficultés. Je pense que, pour nous, c'est très important. Nous avons une association mondiale. Nous sommes organisés de cette façon, comme toutes les autres professions.

M. CASTONGUAY: Est-ce que c'est simplement une question d'évaluation ou de petit nombre? Les nombres relatifs de professionnels, il me semble que ce n'est pas une raison fondamentale. Le fait que certaines autres provinces agissent d'une façon par rapport à une autre, cela peut être valable. Mais il me semble qu'il doit y avoir des raisons plus...

MME SAINT-JACQUES: Profondes? M. CASTONGUAY: ... profondes.

MME SAINT-JACQUES: Je pense que le fait que, en première présentation, vous ayez mis l'ergothérapie comme une modalité de la physiothérapie peut nous donner une petite idée de ce qui pourrait arriver si on était groupé, en plus, dans une même corporation.

Je pense que Me Lesage aurait des commentaires à ajouter.

M. LESAGE: Si vous me le permettez, nous suggérons qu'il y ait une loi distincte pour les ergothérapeutes, parce que, dans les faits, l'ergothérapie se distingue de la physiothérapie. Toute la structure de l'organisation professionnelle de l'ergothérapie est distincte de celle de la physiothérapie. Alors, ce serait malheureux que la législation adopte un processus différent ou veuille confondre la physiothérapie et l'ergothérapie.

Evidemment, on peut toujours penser que, dans le cadre d'une loi, on distinguera ce qui est précisément physiothérapie et ce qui est ergothérapie. Mais vous n'avez pas fait cela dans le domaine des orthophonistes ou des audiologistes, parce qu'il n'y a pas de distinction des champs professionnels dans le projet de loi qui est devant votre commission. Alors, si on le faisait dans un projet de loi, ici, en distinguant les deux champs, on arriverait peut-être à avoir une seule loi, mais deux corporations ou deux organismes à l'intérieur d'une seule loi.

Nous suggérons de ne pas permettre que les physiothérapeutes puissent juger les actes des ergothérapeutes, pour les mêmes principes que l'existence des corporations professionnelles est un fait. S'il y a des corporations professionnelles, c'est pour permettre, justement, aux gens qui ont la compétence dans le domaine de juger ceux qui exercent l'activité professionnelle. Notre prétention — c'est un argument de base — est que le physiothérapeute n'est pas compétent pour apprécier ou donner justice à l'ergothéra-peute dont on analyse la conduite.

Vous nous citez l'exemple des médecins. Evidemment, il y a des raisons historiques pour les médecins. Il y a des raisons historiques qui font que les dentistes ne sont pas dans le Collège des médecins. Il y a d'autres professions qui se distinguent, dans les techniques en particulier. Je ne vois pas, personnellement, de mal à ce qu'on ait un plus grand nombre de corporations pour tenir compte de faits qui existent et pour que la législation colle à la réalité.

Vous avez un mécanisme, d'ailleurs, que vous proposez, l'Office des professions, qui vient chapeauter toutes les corporations professionnelles et qui assurera, dans l'intérêt du public plus général et dans l'intérêt de l'Etat, que les corporations professionnelles exercent bien leurs activités. A ce moment-là, on pourrait peut-être être un peu plus généreux dans l'octroi des chartes. De toute façon, ce n'est pas parce qu'il n'y aura qu'une seule loi que les ergothérapeutes seront assimilés à des techniciens de la réadaptation ou se désigneront comme des techniciens ou des professionnels de la réadaptation.

M. CASTONGUAY: Me Lesage, croyez-vous qu'un avocat qui a pratiqué pendant 25 ans ou 20 ans, par exemple, dans le domaine du droit corporatif est vraiment apte à juger un autre avocat qui s'est spécialisé en droit criminel pendant une même période? C'est ce qui se produit à l'intérieur du Barreau. Cela donne des résultats. La raison pour laquelle c'est possible, c'est qu'on examine, d'une part, si l'avocat s'est bien conformé au code de déontologie, s'il n'a pas fait preuve de négligence, s'il n'a pas divulgué de secrets professionnels, etc., s'il a agi dans le meilleur intérêt de son client, sans nécessairement, à ce niveau, faire appel à l'expertise technique. Si le besoin venait, même dans un tel cas, d'aller plus loin et d'avoir une connaissance ou une opinion basée sur une expertise très spécialisée, j'imagine que le Barreau le ferait.

M. LESAGE : Sur cette question, je dois dire que vous avez parfaitement raison. On ne peut pas être savant en tout. Mais ce qui serait malheureux, dans une seule législation, c'est qu'on assimile deux professionnels qui n'oeuvrent pas dans des domaines identiques et qui — c'est ce que nous soumettons — ne devraient pas avoir le droit d'oeuvrer dans les domaines réciproques de l'un et de l'autre. Cela se distingue de l'avocat qui, lui, peut, même s'il n'a pas la compétence, même si on n'a pas encore reconnu les spécialités au Barreau, faire n'importe quoi.

Nous soumettons donc que ce serait créer une confusion malheureuse et que les objectifs de l'Etat, qui sont d'assurer le bien public, seraient tout autant servis par deux lois distinctes que par une seule; peut-être même mieux parce qu'à ce moment-là cela collerait à la réalité.

Mme Saint-Jacques, la présidente, aimerait ajouter un mot.

MME SAINT-JACQUES: Oui, un autre argument. Je pense que les physiothérapeutes viennent de vous dire qu'elles acceptent en principe le contrôle médical alors que nous venons de vous exposer que, pour nous, cela serait vraiment limité et cela ne collerait pas à la réalité des faits du travail de l'ergothérapeute et des responsabilités qu'elle prend dans d'autres secteurs. Je ne verrais pas, à l'intérieur d'une même loi, comment on pourrait joindre ces deux éléments. C'est peut-être un élément qui est de moindre importance si on pense au contrôle de la qualité des soins mais je pense que, pour nous, il est quand même là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai écouté attentivement les explications que vous avez données, Mme Saint-Jacques et Me Lesage, à l'appui de votre représentation pour qu'il y ait deux corporations distinctes. Est-ce que l'un des éléments que vous invoquez n'est pas le fait que vous oeuvrez également dans le domaine de la rééducation et qu'il y a un aspect qui est relié à l'éducation en plus d'être lié à la médecine, à la thérapeutique? Vous travaillez dans les centres d'entrafnement à la vie.

MME SAINT-JACQUES: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous travaillez dans l'institut de réhabilitation du Dr Gingras.

MME SAINT-JACQUES: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): On pourrait nommer beaucoup de centres. Est-ce qu'il n'y a pas dans ce travail que vous faites, dans cette responsabilité professionnelle un aspect qui touche davantage à l'éducation qu'à la simple thérapie?

MME SAINT-JACQUES: A la simple thérapie?

M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.

MME SAINT-JACQUES: Je pense qu'il y a les deux. Au niveau des écoles — c'est peut-être de là que vient la confusion — nous travaillons auprès d'enfants qui sont malades, qui sont des enfants exceptionnels mais malades. Peut-être, à l'intérieur d'une régionale pour enfants normaux, nous retrouvons ces cas. L'ergothérapeute va pouvoir offrir une thérapie ergothérapique à ces enfants sans les sortir de leur milieu, sans les envoyer au centre. Il va faire ce traitement en milieu scolaire, là où l'enfant doit être. Il peut donner aussi des consultations aux professeurs, aux autres membres de l'équipe, aux psychologues dans leur façon de voir.

M. CLOUTIER (Montmagny): La thérapie que vous faites n'est pas seulement non plus d'enseigner à l'enfant à marcher, à utiliser ses membres, à s'asseoir, à courir. Mais l'enseignement comporte aussi la scolarisation la plus poussée possible, non?

MME SAINT-JACQUES: Cet aspect comprend par exemple les enfants qui souffrent de troubles émotifs, les enfants agressifs, les enfants névrosés qui ont des problèmes. Nous pouvons leur offrir une ergothérapie à ce moment-là, soit individuelle ou de groupe. Nous faisons aussi toute la rééducation, la réadaptation de base pour l'entrafnement perceptuel. Alors, l'ergothérapeute va préparer l'enfant à la scolarisation et va se rendre jusqu'à l'écriture et à la lecture. Là, cela sera le professeur qui viendra ou l'orthopédagogue ou le pédagogue.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous travaillez dans le champ de la réadaptation avec d'autres professionnels de la santé, tels que l'optométriste?

MME SAINT-JACQUES: Il arrive quelquefois que nos patients consultent les optométristes. Je pense à l'importance de la coordination oeil-main et toute la part que l'ergothérapie peut jouer.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je dis l'optométrie et non pas la visiologie, pour ceux qui ont assisté aux séances de la commission parlementaire de mardi dernier.

MME SAINT-JACQUES: Je n'ai pas compris.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'ai dit qu'il faut distinguer entre l'optométrie et la visiologie parce que, mardi dernier, il a fortement été question de cette section. Le député de Jacques-Cartier ne sera pas d'accord.

MME SAINT-JACQUES: Nous ne voudrions pas entrer dans ce conflit.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. J'ai remarqué tantôt que vous n'aviez pas voulu vous prononcer sur le sujet du psychiatre par rapport au médecin. Vous êtes très prudente et vous travaillez au centre psycho-social de Valleyfield avec des psychiatres. Comment peut-on comparer le régime de rémunération entre les ergothérapeutes et les physiothérapeutes? Est-ce que les niveaux de rémunération sont à peu près les mêmes?

MME SAINT-JACQUES: Hélas, oui!

M. CLOUTIER (Montmagny): Hélas oui? MME SAINT-JACQUES: Hélas! pour les

deux groupes, je pense. C'est un hélas global que je lance.

M. CLOUTIER (Montmagny): L'hélas se réfère davantage à votre groupe qu'à l'autre groupe. Est-ce le régime du salariat qui...

M. CASTONGUAY: Ne leur mettez pas d'idée dans la tête.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, mais est-ce que c'est...

MME SAINT-JACQUES: On l'a nous-mêmes.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les institutions, vous êtes rémunérés à salaire?

MME SAINT-JACQUES: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a de vos membres qui sont rémunérés à l'acte médical?

MME SAINT-JACQUES: Quelques fois, sur consultation privée, les ergothérapeutes qui donnent des soins privés à domicile ont été payés à l'acte. Il y a même des compagnies d'assurance qui assurent les soins d'ergothérapie.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans les institutions, vous négociez votre niveau de rémunération?

MME SAINT-JACQUES: Oui.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ceux et celles qui ne sont pas diplômés, qui ne font pas partie de votre association ont le même niveau de rémunération que vous?

MME SAINT-JACQUES: Je ne le sais pas, mais cela se pourrait fort bien.

M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, vous ne négociez pas pour elles et pour eux.

MME SAINT-JACQUES: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que...

MME SAINT-JACQUES: Mme Marazzani voudrait ajouter un mot.

MME MARAZZANI: Je dois dire que, dans plusieurs cas, des moniteurs peuvent recevoir le même salaire qu'un ergothérapeute quand ils utilisent le titre d'ergothérapeute et bien souvent ce n'est pas seulement l'individu qui utilise ce titre, mais l'administrateur qui le lui donne pour obtenir un budget correspondant.

MME SAINT-JACQUES: Je désire justement ajouter un petit commentaire qui peut-être va vous aider à comprendre. Il y a à peu près 80 ergothérapeutes qui sont ici avec la permission des administrateurs d'hôpitaux qui, je pense, comprennent bien notre problème et nous appuient.

M. CLOUTIER (Montmagny): Au début de votre mémoire tantôt, vous avez bien insisté sur le fait qu'il y avait 642 ergothérapeutes diplômés.

MME SAINT-JACQUES: Oui, enfin, il y a 642 diplômes d'émis.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez corrigé un peu l'impression que j'avais laissée tantôt qu'il y en avait 642 en tout. Est-ce que vous avez une évaluation du nombre de ceux qui ne seraient pas diplômés?

MME SAINT-JACQUES: Non.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'avez pas d'idée du tout?

MME SAINT-JACQUES: Non, nous n'avons pas poussé nos recherches jusque là.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'ai écouté avec attention les explications données et je cherche une raison de retenir vos services actuellement; je n'en trouve malheureusement pas. On dit souvent, on dit presque partout que ce qui compte ce sont les résultats. Est-ce que vous faites aussi du traitement à domicile? Cela m'intéresse de savoir, dans toutes ces professions médicales ou paramédicales, qu'on peut offrir au public en services à domicile.

MME SAINT-JACQUES: Si nous offrons des services à domicile? Il y a dans les hôpitaux des services de soins à domicile et l'ergothérapie fait partie de l'équipe et va traiter à domicile. Par exemple, je fais une thérapie à domicile d'un cas qui est référé au centre psycho-social. C'est une thérapie que je fais toutes les semaines chez le patient où je vois les interactions du patient dans son milieu. Cet aspect est très important pour nous.

M. GUAY: Etant donné que chaque ergothérapeute est autonome — vous le mentionnez dans votre mémoire — dans le cadre de ses responsabilités, il a à répondre devant qui de ses actes?

MME SAINT-JACQUES: Il a à répondre, comme tous les autres professionnels, au con-

trôle d'une institution dans laquelle il travaille, au contrôle du directeur médical.

M. GUAY: Est-ce que le code d'éthique professionnelle est bien différent de celui des physiothérapeutes?

MME SAINT-JACQUES: Je ne connais pas celui des physiothérapeutes.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez établi tantôt des pourcentages décrivant géographiquement où pratiquent les ergothérapeutes. Avez-vous établi les mêmes pourcentages relativement au nombre d'ergothérapeutes qui travaillent dans différents milieux.

MME SAINT-JACQUES: Dans les milieux et dans les régions, est-ce que vous êtes intéressé à avoir les deux?

M. SAINT-GERMAIN: Oui.

MME SAINT-JACQUES: A Montréal, il y a 153 ergothérapeutes, je n'ai pas calculé le pourcentage. A Québec, il y en a 25; à Trois-Rivières, 4; à Sherbrooke, 2; dans les Laurentides, 1 ; en Gaspésie, 2 ; dans la région de Valleyfield, 2; dans la région de Hull, il y en a 1; en Abitibi, 1. Mais ces données sont fausses, puisque maintenant il y en a trois en Abitibi.

Dans les hôpitaux généraux, il y a 34 p.c. des ergothérapeutes qui oeuvrent, soit 17 p.c. en médecine physique, 17 p.c. en psychiatrie. Il y a 23 p.c. des ergothérapeutes qui oeuvrent dans les centres de réadaptation; 15 p.c. dans les hôpitaux pour enfants; dans les centres de psychiatrie, 12 p.c; dans les hôpitaux pour convalescents, 5 p.c; dans les centres communautaires, 5 p.c; dans les écoles, 4 p.c; dans la gériatrie, 2 p.c

M. SAINT-GERMAIN: Quels sont les organismes qui reconnaissent les thérapeutes comme étant une profession distincte?

MME SAINT JACQUES: Peut-être que Mlle Poirier pourrait répondre à cette question.

MLLE POIRIER: Les organismes qui reconnaissent les ergothérapeutes comme entité spécifique, il me fait plaisir de nommer en premier lieu, nos administrateurs; il y a aussi la Conférence des hôpitaux du Québec; la Conférence des hôpitaux phychiatriques du Québec; le Collège des médecins qui l'a reconnu par la parole de son président, le Dr Gingras, lors de la présentation du mémoire du Collège des médecins; le Conseil de l'enfance exceptionnelle, et tous nos autres collègues professionnels qui oeuvrent au sein des équipes de traitements.

M. SAINT-GERMAIN: Merci.

MLLE POIRIER: Il y a aussi le niveau universitaire qui nous reconnaît comme entité professionnelle spécifique.

MME SAINT-JACQUES: Est-ce qu'on pourrait revenir en arrière? On vient de m'apporter une réponse à une question posée tout à l'heure. En 1969, nous avons su qu'il y avait 49 personnes non qualifiées qui travaillaient comme ergothérapeutes dans la province de Québec.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le milieu hospitalier surtout?

MME SAINT-JACQUES: Oui, dans quinze hôpitaux.

M. CASTONGUAY: Sous l'ancien gouvernement.

MME SAINT-JACQUES: Je ne veux pas non plus me mêler de ce conflit-là.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aimerais faire remarquer que cette situation se continue. Il y a donc une continuité entre l'ancien et le nouveau.

M. LAVOIE (Wolfe): M. le Président, j'aimerais poser une question. Dans le mémoire, on dit: "L'exercice de l'ergothérapie comprend notamment l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une personne". Qu'est-ce que cela veut dire?

MME SAINT-JACQUES: Cela veut dire que l'ergothérapeute évalue les capacités résiduelles d'un handicapé, soit physiques ou mentales, dans des domaines particuliers. Par exemple, dans le domaine de la motricité aux membres supérieurs. Elle évalue ses capacités fonctionnelles, comment il fonctionne dans sa motricité fine, il évalue les capacités fonctionnelles dans le domaine perceptuel, dans le domaine du comportement du patient. Cela veut dire ce qu'il est capable de faire malgré la pathologie qu'il a. En plus de faire l'évaluation des problèmes spécifiques du malade.

Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.

M. PAUL: M. le Président, je voudrais savoir de Me Lesage ou de la présidente de la corporation s'il y a eu des rencontres avec des personnes en autorité au sein du ministère des Affaires sociales pour discuter de l'avant-projet de loi que l'on retrouve en appendice au mémoire que vous nous avez présenté.

M. LESAGE: M. le Président, il n'y a eu aucune rencontre avec les conseillers juridiques, sauf que nous avons pu étudier tous les projets de loi ui ont été déposés. Le projet de loi qui est en annexe au mémoire s'inspire largement de la formule utilisée dans les autres projets de loi, en y apportant, peut-être, certaines améliorations de notre cru.

M. PAUL: Un instant, n'allez pas trop vite.

Pourriez-vous nous dire, M. Lesage, si vous avez discuté du texte de ce projet de loi avec les légistes du gouvernement?

M. LESAGE: Aucunement. D'ailleurs, vous allez pouvoir voir aujourd'hui que, dans un autre mémoire, il y a un autre projet de loi qui ressemble à celui-ci. Je n'en ai pas discuté, étant donné que j'ai suivi la procédure de déposer les mémoires et d'attendre qu'on nous interroge.

M. PAUL: Je constate que le nom de Lesage est prédestiné comme légiste auprès du gouvernement ou dans les organismes qui se présentent devant nous.

M. LESAGE: Ma collaboration, à cet égard, est tout à fait bénévole, M. le député.

M. PAUL: Vous pourrez compter sur la collaboration de l'Opposition pour faire valoir les représentations que l'on retrouve dans votre mémoire et spécialement quant au texte de loi qu'on y retrouve.

M. LESAGE: Je vous remercie infiniment.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie au nom de la commission.

MME SAINT-JACQUES: Nous vous remercions.

M. LE PRESIDENT: La Corporation des techniciens inhalothérapeutes du Québec. Nous gardons Me Lesage.

M. LESAGE: M. le Président, j'ai une suggestion, tout simplement, à vous faire. L'inhalothérapie n'a aucun rapport avec la physiothérapie ou avec l'ergothérapie; ce n'est pas dans le domaine de la réadaptation. Vous avez d'autres mémoires qui concernent le domaine que vous venez de débattre. Je suis prêt à présenter le mémoire des inhalothérapeutes, mais je voulais vous laisser voir cette possibilité.

M. LE PRESIDENT: Je pense, Me Lesage, que c'est une bonne idée. Avec le consentement de la commission, nous allons passer au groupe des ergothérapeutes, membres de la Société des Ergothérapeutes du Québec Inc.

C'est Mme Micheline Marazzani et Mme Joyce D. Field.

Société des ergothérapeutes du Québec Inc.

MME MARAZZANI: M. le Président, nous représentons ici un groupe de professeurs d'ergothérapie des universités Laval, de Montréal et McGill. Je tiens à préciser ici que nous ne sommes nullement mandatés par les institutions qui nous emploient et que c'est à titre personnel, en tant que professeurs d'ergothérapie, que nous avons tenu à présenter ce mémoire.

Je suis Micheline Marazzani. A ma droite, Mlle Françoise Poirier, Mme Chantai Mathieu, Mme Beverly Roper et Mlle Joyce Field.

Ayant pris connaissance du bill no 272, Loi des physiothérapeutes, et du bill no 250, code des professions, nous désirons soumettre à la commission parlementaire spéciale des corporations professionnelles nos considérations et recommandations concernant la formation et l'exercice de l'ergothérapie.

L'article 7 de la section IV mentionne l'ergothérapie comme un acte faisant partie de l'exercice de la physiothérapie. En tant que professeur d'ergothérapie, cette disposition de l'article ci-haut mentionné nous est inacceptable parce qu'elle est fausse et ne tient pas compte de la réalité des faits concernant la formation et la pratique de ces deux professions.

En effet, bien que la formation des ergothérapeutes et des physiothérapeutes soit souvent donnée au sein des mêmes écoles, il n'en reste pas moins que les cours d'ergothérapie et de physiothérapie sont des cours distincts, de trois ans chacun, et sont couronnés par des diplômes distincts, soit Bsc ergothérapie et Bsc physiothérapie.

Bien que les étudiants de deux disciplines reçoivent des cours communs dans les sciences de base telles mathématiques, anatomie, physiologie, biochimie et pathologie, il existe une différence notable dans l'enseignement de cette autre science de base qu'est la psychopathologie. Les étudiants d'ergothérapie reçoivent généralement trois fois plus de crédits que les étudiants en physiothérapie.

En ce qui concerne les sciences du comportement, c'est-à-dire sociologie et psychologie, on note généralement un nombre plus considérable de crédits de psychologie dans les programmes d'ergothérapie. Vous trouverez à l'intérieur de notre mémoire une liste des cours spécifiques à l'ergothérapie auxquels nous pourrons revenir si vous le jugez à propos.

Le programme d'ergothérapie qui a été mis dans le mémoire est un programme type qui n'est pas celui d'une université en particulier, mais nous avons essayé de présenter quelque chose de global puisqu'il y a toujours de petites différences d'une école à l'autre.

A la suite de l'exposé du programme de formation des ergothérapeutes en vigueur dans les écoles reconnues par l'Association canadienne des ergothérapeutes et du rôle particulier qu'ils sont ainsi préparés à jouer tant en milieu

hospitalier que communautaire, nous croyons que l'ergothérapie devrait être régie par une loi de manière à assurer la qualité des services offerts et la protection du public.

Dans cette loi proposée, par ailleurs, par la Société des ergothérapeutes du Québec Inc., la définition de l'ergothérapie devrait se lire comme suit:

Constitue l'exercice de l'ergothérapie, tout acte qui a pour objet le traitement d'une personne en vue d'améliorer ou d'assurer son indépendance fonctionnelle, tant au plan physique que psychique, principalement par l'utilisation d'activités de travail ou d'activités de la vie quotidienne. L'exercice de l'ergothérapie comprend, notamment, l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques impliquant des relations thérapeutiques et la conception d'adaptations fonctionnelles.

Nous tenons à souligner que tout notre enseignement est basé sur le travail d'équipe, sur le rôle particulier de l'ergothérapeute au sein de cette équipe, sur la collaboration entre les divers membres de l'équipe pour en arriver au traitement global du malade, chacun apportant les connaissances particulières à sa spécialité. Cette philosophie, conforme aux traditions qui ont présidé à la fondation des écoles de réadaptation, s'applique autant en milieu hospitalier qu'en milieu communautaire.

Par ailleurs, la formation particulière des étudiants, au niveau de l'évaluation fonctionnelle, leur sert également à jouer le rôle de consultant qui est de plus en plus demandé par divers organismes extrahospitaliers, faisant ainsi appel â des qualités professionnelles propres à l'ergothérapie.

Même si nous estimons que l'enseignement actuellement dispensé aux étudiants les prépare bien à l'exercice de la profession, aucun cours ne peut prétendre à la perfection et est toujours sujet à évolution et à amélioration. Je fais référence ici aux tendances actuelles, dans le domaine de l'enseignement de l'ergothérapie, qui veulent que toutes les écoles d'ergothérapie se préparent à dispenser des programmes de maîtrise. Il y a même des projets de doctorat en ergothérapie aux Etats-Unis.

Nous sommes également d'avis que la définition d'une profession doit être suffisamment souple pour lui permettre de s'adapter à l'évolution rapide des sciences de la santé et de la dispensation des soins. En ceci, nous nous référons spécialement à l'avènement de la médecine communautaire qui exige des structures très différentes de celles du milieu hospitalier.

En conséquence de ce qui précède, nous faisons les recommandations suivantes: - Que l'ergothérapie soit retirée de l'article 7 de la section IV du bill 272, Loi des physiothérapeutes, comme faisant partie de l'exercice de la physiothérapie; - Qu'une loi distincte soit instituée pour régir les conditions d'admission et la pratique de l'ergothérapie pour le plus grand bien du public bénéficiant ou étant appelé à bénéficier des services dispensés par les ergothérapeutes.

M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.

M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier ce groupe de professeurs en ergothérapie qui nous présente ce mémoire. Vous avez assisté à la discussion qui a précédé la présentation de votre mémoire. Je note qu'essentiellement il arrive aux mêmes conclusions que celui du groupe précédent. Il est rédigé d'une façon claire. Je n'ai pas vraiment de question à vous poser, sauf que je peux vous inviter à ajouter d'autres commentaires reliés à ce qui a pu être dit et qu'il vous paraîtrait utile d'ajouter à votre mémoire.

MME MARAZZANI: Une objection a été soulevée, tout à l'heure, en rapport avec la formation commune avec la physiothérapie. Nous avons fait un relevé rapide du nombre de crédits qui sont donnés aux étudiants. Par exemple, sur un nombre total d'approximativement 104 crédits qui forment le cours d'ergothérapie, nous relevons 74 crédits spécifiques à l'ergothérapie, dont vous trouverez une description à l'intérieur du mémoire: 13 crédits de psychologie et 7 crédits de psychiatrie. J'ai fait une erreur. Je crois que ce sont 54 crédits relatifs aux traitements d'ergothérapie, ce qui fait un total de 74 crédits spécifiques à l'ergothérapie, sur un total de 104 crédits, approximativement.

Je pense que cela démontre suffisamment les différences qui peuvent exister dans la formation des ergothérapeutes et celle des physiothérapeutes.

M. CASTONGUAY: Je m'excuse, j'aurais une question, en fait. Vous qui êtes dans l'enseignement, qui êtes, même si nous avons vu certaines d'entre vous à une autre table, moins impliquées dans la pratique, qui étudiez l'évolution, comme vous le dites, des sciences, des techniques, des moyens de réadapter ou de réhabiliter des personnes, vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe diverses techniques de réadaptation — vous en faites état en nous disant que l'ergothérapie est différente de la physiothérapie — vous n'êtes pas également sans savoir que c'est un domaine qui a connu une expansion assez grande depuis la fin de la deuxième guerre. Dans certains pays, particulièrement en Grande-Bretagne — je pense que c'est l'endroit, en fait, où il y a eu le plus de dynamisme, au départ, à tout le moins dans ce secteur de la réadaptation, et en disant ceci, je me fie à ce que l'ancien président du collège et le directeur de l'Institut de réhabilitation de Montréal m'a dit, je note que dans un pays comme la Grande-Bretagne, vous avez ce qu'on appelle les "remedial gymnasts".

Ils semblent aussi avoir une formation au plan de la durée des études qui se situent à peu près au même niveau que les physiothérapeutes et les ergothérapeutes, mais qui, toutefois, utilisent une autre technique, si j'en juge par le document que j'ai ici, qui décrit un peu l'approche. Alors, dans un domaine en aussi rapide évolution, selon vous, est-il sage, compte tenu du fait que de nouvelles techniques peuvent se développer, tout aussi valables, mais orientées quelque peu différemment, que l'on multiplie chaque fois les corporations professionnelles? Il reste que le but, dans tous les cas, est vraiment la réadaptation et que, dans bien des cas, il me semble que ce travail, à partir de techniques différentes, doit se faire dans le même milieu. Ma question est de savoir si, dans un monde en évolution comme celui-là, il est sage de dire : Pour aujourd'hui, nous avons deux groupements bien précis, alors que nous savons qu'il est susceptible de s'en développer d'autres.

MME MARAZZANI: Tout d'abord, je voudrais préciser que les "remedial gymnasts" travaillent probablement d'une façon plus proche des physiothérapeutes que des ergothérapeutes. Leur travail est strictement physique, alors que le nôtre touche beaucoup au domaine psychiatrique. En fait, les chiffres qui ont été avancés tout à l'heure l'ont démontré. D'autre part, même quand nous travaillons en médecine physique, nous apportons toujours la dimension psychique à notre traitement, de sorte qu'actuellement, dans tous les cours qui sont donnés en médecine physique, les professeurs apportent toujours des notions de psychosomatique qui sont très importantes pour le traitement d'un malade. Si on veut traiter un malade d'une façon globale, il faut le voir comme un individu d'une façon globale. Nous avons cette formation, justement, pour traiter un individu sur tous les plans.

En ce qui concerne l'éclosion de nouvelles professions ou métiers, il y aurait peut-être lieu de respecter l'ancienneté de certaines professions qui, je pense, ont fait leurs preuves. Si elles existent encore après tant d'années, c'est peut-être qu'on a prouvé la nécessité de ces professions.

M. CASTONGUAY: Je peux bien me limiter à ceci. Je ne peux pas dire que l'ancienneté est une réponse qui me satisfasse tellement. Remarquez que je ne veux pas poser cette question d'une façon désagréable, mais il me semble qu'il y a là un problème réel.

Quand on a discuté avec les physiothérapeutes, on nous a renvoyés aux ergothérapeutes et là vous nous dites: Ils ressemblent aux physiothérapeutes. Je sais que les physiothérapeutes ne considèrent pas ces "Remedial Gymnasts" comme étant similaires à eux. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Il y a trois groupes et, à un moment donné, on va en faire un quatrième avec tous les dangers que ça représente, comme nous l'avons vu ici, de cloisonnement, de conflits.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ma question se rapproche un peu de celle qu'a posée le ministre. Comme professeur, vous constatez l'évolution et même vous y participez, j'imagine; vous n'assistez pas simplement en observatrice. Qu'est-ce qui cause ce besoin de scolarisation davantage poussée que vous avez mentionné dans votre secteur? Vous avez mentionné qu'il y a des maîtrises qui vont se donner, des doctorats. Quelle est la raison profonde de vouloir pousser davantage, si celles qui sortent de l'école sont parfaitement aptes à donner les services, sont qualifiées? Quelle est la raison?

MME MARAZZANI: Ceux qui sortent des écoles actuellement sont parfaitement qualifiés pour traiter les gens d'une façon compétente. Si nos cours ont évolué de cette façon et si cela continue — on sent des pressions pour continuer d'évoluer — c'est que ces pressions viennent des besoins qui sont ressentis chaque jour dans la pratique. En fait, ce sont les praticiens qui nous ont aidés à structurer les cours tels qu'ils sont actuellement.

Si des gens veulent poursuivre plus loin, aller vers la maîtrise et, plus tard, vers le doctorat éventuellement, c'est qu'il n'y a aucune profession qui se veut professionnelle qui peut se passer de la recherche. C'est précisément pour ça qu'on veut donner des maîtrises et, beaucoup plus tard, les doctorats.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans votre mémoire, je regarde le programme pondéré des études. Vous avez une section pour l'ergothérapie chez les enfants, une chez les adultes et vous avez la section des malades mentaux. J'imagine que, si les études sont plus poussées, il y en aura aussi dans ce secteur qui concerne les malades mentaux, cette clientèle spéciale.

Est-ce qu'il y a danger que vous soyez en conflit à ce moment-là avec d'autres professionnels de la santé qui, eux aussi, sont des spécialistes dans le domaine mental?

MME MARAZZANI: Jusqu'à présent, on n'a jamais eu de bataille sérieuse avec les autres professionnels du domaine psychiatrique à l'intérieur des hôpitaux. Nous nous entendons très bien avec les psychologues, avec les travailleurs sociaux, avec les psychiatres, avec les infirmières psychiatriques. Ce n'est pratiquement pas possible à cause de la spécificité de nos moyens thérapeutiques. Nous ne travaillons pas de la même façon que les gens que j'ai mentionnés précédemment.

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le mi-

lieu hospitalier, vous travaillez sous surveillance médicale? C'est-à-dire que les psysiothérapeutes travaillent toujours sous surveillance médicale. Dans votre cas, ce n'est pas exact de le dire, si je me souviens bien?

MME MARAZZANI: Nous avons certaines parties de notre travail qui sont véritablement autonomes comme, par exemple, l'évaluation, le choix des moyens thérapeutiques que nous sommes seuls à décider.

En général, pour parler de la psychiatrie, parce que c'est peut-être le domaine que je connais le mieux, on nous demande de recevoir un malade. On ne nous dit pas: Appliquez à M. Untel tel genre d'activité. Jamais.

M. CASTONGUAY: Est-ce qu'on vous dit quel a été le diagnostic qui a été formulé à l'égard de ce malade?

MME MARAZZANI: Si le diagnostic est sûr, on nous le donne. Mais il arrive très fréquemment qu'on nous demande de participer à l'établissement d'un diagnostic différentiel par nos observations.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il arrive que quelqu'un de vos membres puisse accéder à un poste de responsabilités dans une institution, dans un secteur particulier, disons le secteur psychiatrique? Prenons comme exemple l'hôpital de Rivières-des-Prairies?

MME MARAZZANI: Dans quel sens posez-vous votre question?

M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le sens où ses responsabilités pourraient l'amener à un moment donné à discuter d'égal à égal avec un psychiatre.

MME MARAZZANI: Cela se fait tous les jours dans les réunions de service.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si vous poussez plus loin la scolarisation au niveau du doctorat ou de la maîtrise, est-ce qu'il y a possibilité qu'à l'intérieur de votre profession, se forme certaines spécialités? Est-ce possible?

MME MARAZZANI: Oui, ça existe déjà par la force des choses. Nous avons des ergothérapeutes qui sont davantage spécialisés en psychiatrie, davantage en pédiatrie, médecine physique, ou en pédopsychiatrie. Comme tous les praticiens...

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ça peut se développer assez vite pour les amener à demander la formation de la corporation professionnelle?

MME MARAZZANI: Je pense que nous ne dépasserions pas, en cela, les structures qui existent déjà pour le Collège des médecins.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, mesdames. Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Croyez-vous qu'il serait possible de considérer tous les problèmes d'adaptation ou de réadaptation ou ainsi de suite comme étant un tout et comme étant le champ d'activité d'une seule profession où, en partant de là, se dégageraient des spécialités telles que l'ergothérapie, et ainsi de suite, la physiothérapie?

MME MARAZZANI: Je pense que dans l'état actuel des choses, aucun professionnel ne peut prétendre posséder le bagage de connaissances requis pour l'exercice de chacune des professions qui travaillent dans les équipes de santé pour servir de personne à tout faire et connaître vraiment suffisamment tout ça pour travailler d'une façon efficace.

M. SAINT-GERMAIN: Si on prend, par exemple, le champ de la médecine, c'est très vaste et pourtant il n'y a qu'une profession, et de là, on crée des spécialistes dans les divers champs d'activité, mais c'est tout de même un tout, la médecine. Est-ce que, dans votre champ d'activité, vous pensez que ce serait impossible?

MME MARAZZANI: Non parce que tous les spécialistes en médecine sont d'abord médecins. Ils sont d'abord médecins, ensuite, ils ont des spécialistes. Nous, nous sommes d'abord ergothérapeutes.

M. LE PRESIDENT: Merci madame, merci encore. Nous allons suspendre la séance jusqu'à deux heures et demie. Nous commencerons avec la Société des étudiants en réadaptation de l'Université de Montréal.

(Suspension de la séance 12 h 40)

Reprise de la séance à 14 h 34

M. BLANK (président de la commission spéciale sur les corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!

M. Viau, je note ici que les étudiants en ergothérapie déposent seulement leur mémoire, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de résumé à proposer aujourd'hui.

M. CAYER: Il serait peut-être de mise de commencer par nous excuser de ce léger retard. Nous venons d'arriver. Nous ne sommes pas habitués aux rues de Québec, à les monter ou à les descendre.

En tant que représentant officiel de cette délégation qui est composée d'étudiants en ergothérapie de l'Université de Montréal et de l'université McGill, il me fait plaisir de vous présenter les membres de la délégation. En commençant par la droite, Mlle Denise Chevre-fils, finissante en troisième année; à l'extrême gauche, on trouve Mlle Nancy Esar, qui est bachelière diplômée de cette année; Mme Manon Laporte, finissante en troisième année; Mlle Madeleine Guimond, finissante en troisième année; Mlle Monique Laurin, bachelière diplômée de cette année, et moi-même, Gilles Cayer, bachelier diplômé de cette année.

Nous sommes très conscients que nous allons peut-être dire des choses qui ont déjà été dites auparavant par des organismes groupant les ergothérapeutes. Toutefois, pour nous, le seul travail que cela a représenté de faire ce mémoire au cours de l'année académique est suffisant, je pense, pour nous donner le goût et la fierté de présenter ce mémoire, même s'il n'est pas long et qu'il redit des choses qui ont été dites auparavant.

Sans plus tarder, je vais vous lire la copie du mémoire que vous avez devant vous. Le mémoire repose sur deux points que nous avons jugé très importants. Ils ont déjà été énumérés par les autres organismes, auparavant. Il s'agit de l'article 7, section IV, du bill 272, qui se lit comme suit: "Constitue l'exercice de la physiothérapie tout acte qui a pour objet de redonner à une personne la maîtrise de ses mouvements corporels en utilisant des exercices physiques, l'hydrothérapie, l'électrothérapie ou l'ergothérapie."

Alors nous, étudiants en ergothérapie des écoles de réadaptation de l'Université de Montréal et de l'université McGill, sommes en désaccord sur le rôle attribué à 1'ergothérapeute dans cet article.

Faisant suite à ce désaccord, nous recommandons que le terme ergothérapie en soit retiré pour les raisons suivantes: 1)- En fait, cet article sous-entend une fausse définition de l'ergothérapie en la considérant comme une modalité thérapeutique de la physiothérapie. Or, la physiothérapie et l'ergothérapie sont deux disciplines spécifiques dont les membres sont appelés à travailler en collabora- tion dans le secteur de la médecine physique sans pour autant perdre leur identité propre. 2)- Le programme scolaire des sections d'ergothérapie et de physiothérapie de l'Université de Montréal se compose de certains cours théoriques de base suivis en commun; cependant, les cours concernant l'exercice de la profession sont divergents.

La formation spécifique des physiothérapeutes se situe au niveau de l'apprentissage de modalités de traitement telles que kinésithérapie, hydrothérapie, électrothérapie, cryothérapie, mécanothérapie et autres agents physiques. Par comparaison, notre formation est axée sur les sciences humaines, les sciences du comportement, les activités rééducatives et perceptuomotrices et sur les adaptations fonctionnelles. 3)- Cet article omet complètement le rôle thérapeutique qu'exerce l'ergothérapeute dans le secteur psychiatrique, tel qu'il en a été discuté auparavant.

Faisant suite au retrait du terme ergothérapie de cet article, il paraît souhaitable et nécessaire que l'ergothérapie soit définie à l'intérieur d'un bill particulier.

Donc, nous recommandons l'institution d'un bill privé pour la pratique de l'ergothérapie, dont la définition doit se lire comme suit : "Constitue l'exercice de l'ergothérapie tout acte qui a pour objet le traitement d'une personne en vue d'améliorer ou d'assurer son indépendance fonctionnelle au plan physique et psychique, principalement par l'utilisation d'activités de travail ou d'activités de la vie quotidienne. "L'exercice de l'ergothérapie comprend notamment l'évaluation du potentiel fonctionnel d'une personne, l'utilisation d'activités psychodynamiques impliquant des relations thérapeutiques et la conception d'adaptations fonctionnelles."

Nous requérons ainsi un statut professionnel pour les bacheliers ès sciences en ergothérapie qui, après l'obtention d'un diplôme d'études collégiales en sciences de la santé ou l'équivalent — par l'équivalent, ici, nous entendons le baccalauréat ès arts — poursuivent trois années d'études universitaires, le baccalauréat ainsi obtenu étant reconnu par la faculté de médecine et le Conseil des études de l'Université de Montréal et de McGill.

Vous trouverez ci-jointe une description détaillée des cours offerts par l'Ecole de réadaptation de l'Université de Montréal. Ce cours, tel qu'il est présenté en annexe, est celui qui est officiellement donné aux étudiants en ergothérapie, à l'Université de Montréal.

Nous tenons à vous faire remarquer que le ministère des Affaires sociales (section des bourses et subventions à la recherche) octroie des bourses d'études aux étudiants en ergothérapie qui en font la demande, et ceci en vue de favoriser le développement de cette discipline dans la province de Québec.

En conclusion, étant donné que le B. Sc. en ergothérapie est reconnu sur le plan universitaire et que le contenu des cours nous donne une formation professionnelle bien différente de celle de la physiothérapie, nous considérons nécessaire de retirer le terme "ergothérapie" de l'article 7, section IV du bill 272, et d'instituer un bill privé reconnaissant le statut professionnel de l'ergothérapie.

En annexe, tel que je l'ai mentionné auparavant, vous trouverez la description détaillée de chaque cours donné aux étudiants en ergothérapie de l'Université de Montréal.

Comme je l'ai dit auparavant, M. le Président, nous sommes très conscients que nous avons peut-être dit ou redit des choses qui ont déjà été dites. Nous voudrions ajouter que, si nous sommes ici, aujourd'hui, c'est parce que nous étions fiers de constituer ce mémoire que nous vous présentons.

Nous sommes très conscients que nous avons défini clairement et simplement les demandes que nous avions à faire devant cette commission. Mais si, toutefois, il y a des questions qui pourraient apporter des éclaircissements quant à la nature des demandes que nous faisons, nous sommes bien prêts à faire de notre mieux, au meilleur de notre connaissance, pour y répondre. Merci beaucoup.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier ce groupe d'étudiants pour le mémoire qu'ils nous ont présenté. J'espère que leur périple dans les rues de Québec et les difficultés que cela leur a occasionnées ne les obligeront pas à suivre des traitements de physiothérapie ou d'ergothérapie.

La seule question que j'ai, en fait, étant donné que vous êtes un groupe d'étudiants, est la suivante: Est-ce qu'au cours de vos études vous avez beaucoup de contacts avec les étudiants en physiothérapie? Est-ce que vous sentez qu'au moment où vous abordez vos études et au cours de vos études, vous avez des différences fondamentales dans votre façon de concevoir !es choses, par exemple, des différences assez profondes d'attitude ou d'habileté préalable? Je pense à celles qui peuvent distinguer les étudiants en lettres et les étudiants en génie. Je pense qu'on peut trouver des caractéristiques qui les différencient. Est-ce que, par rapport à vos confrères de votre même école ou des mêmes écoles, vous notez certaines similitudes?

M. CAYER: Une des plus grandes similitudes, qui est peut-être la plus simple, est que nous sommes tous étudiants, peu importe la spécialité dans laquelle nous sommes. Bien entendu, à l'école de réadaptation, telle qu'elle est constituée à l'Université de Montréal, nous cohabitons, c'est-à-dire que nous sommes tous regroupés dans la même école. Toutefois, les contacts que nous avons ensemble sont sûrement des contacts d'étudiants où il y a proba- blement entre les cours des échanges sur la profession. Mais on doit dire qu'à prime abord les étudiants, étant concernés chacun dans leur profession et ayant également des cours différents qui sont donnés par des professeurs différents, donc dans des locaux différents.

On ne peut pas dire que nous ayons des contacts à ce point rapprochés les uns avec les autres qu'il nous fassent nous différencier d'un groupe d'étudiants, tel que vous l'avez mentionné tout à l'heure. Nous cohabitons, nous suivons des cours de base ensemble en première année et, par la suite, nous restons des étudiants qui se voient entre les cours et qui échangent des idées.

MLLE LAURIN: Ce qui se produit, c'est que les cours spécifiques en ergothérapie se donnent en même temps que des cours spécifiques en physiothérapie. Alors, les seuls contacts qu'on peut avoir avec les étudiants en physiothérapie, c'est lors des collations ou à l'heure des repas. Quand on a cinq minutes entre chaque cours, c'est bien difficile pour nous d'aller entreprendre une discussion professionnelle avec un étudiant en physiothérapie.

MLLE GUIMOND: On a dit que nous avions des cours de base semblables qui nous viennent de la faculté de médecine. Je pourrais ajouter que les cours d'ergothérapie et même de physiothérapie sont tellement différents qu'au niveau même du cours qui est donné en physio on ne peut pas vraiment correspondre. On peut, face à un patient, discuter du cas; la physio va donner son point de vue et nous, notre point de vue, mais nous ne connaissons pas ce qu'ils font, eux, et eux ne connaissent pas ce que nous faisons vraiment. Ils en ont une idée, mais ils ne le connaissent pas à fond. Alors, c'est assez difficile.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-

M. CLOUTIER (Montmagny): Etant donné que vous êtes tous des étudiants en ergothérapie, vous avez fait un choix. Il y a un an, doux, trois ans, vous avez opté pour l'ergothérapie. Qu'est-ce qui vous a fait choisir d'aller en ergothérapie plutôt qu'en physiothérapie?

M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas une torture?

MLLE LAURIN: Pour moi, ce qui était différent entre l'ergothérapie et la physiothérapie, c'est l'aspect psychologique, l'aspect psychiatrique. Moi, je voulais travailler en psychiatrie. Alors, c'est ce qui m'a amenée à prendre la décision d'aller en ergothérapie plutôt qu'en physiothérapie.

Je trouvais que la relation thérapeute-patient, l'aspect psychologique chez un patient est

très important. On est plus axé vers ça en ergothérapie qu'en physiothérapie.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'imagine que cet aspect a aussi retenu l'attention des autres. Qu'est-ce qui motiverait une infirmière qui veut se spécialiser et qui décide de se spécialiser en psychiatrie? Quelle serait la différence? La motivation serait la même, mais le champ d'activité ne serait pas le même?

MLLE LAURIN: C'est ça.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il arrive que des étudiants en ergothérapie, durant le cours, ou des étudiants en physiothérapie, après la première année, décident de changer de direction, d'opter pour l'autre spécialité?

M. CAYER: A ma connaissance, au cours des trois années universitaires que nous avons faites, nous n'avons pas eu à faire de changements de la sorte. Au contraire, je pense que d'année en année, les étudiants — je peux parler d'ergothérapie parce que je ne connais pas tous les étudiants en physiothérapie — en ergothérapie ont réitéré la motivation première qu'ils avaient d'aller en ergothérapie, ils l'ont trouvé de plus en plus forte au fur et à mesure que les années s'écoulaient.

M. CLOUTIER (Montmagny): J'aurais dû le demander aux professeurs mais je n'y ai pas pensé. Est-ce qu'il serait possible pour un étudiant de l'une des deux disciplines dont nous parlons, après la première année, de changer d'option sans avoir à faire de rattrapage ou d'ajustement?

M. CAYER: Je pourrais tenter une réponse mais au risque de me tromper. Je suis certain que les professeurs eux-mêmes, étant au courant de la formation académique des étudiants, pourraient éventuellement répondre à cette question. De toute façon, je pense que l'étudiant qui voudrait passer d'une section à l'autre aurait à faire face à une grande différence dans les cours et devrait, d'une façon ou d'une autre, soit en nombre de crédits, soit en différence de cours ou en nombre d'années, compléter et peut-être même recommencer.

M. CLOUTIER (Montmagny): Si le cours qui est maintenant de trois ans se prolongeait davantage, soit pour le doctorat ou la maîtrise, est-ce que les étudiants seraient davantage tentés, étant donné qu'ils feraient quatre ans ou cinq ans en ergothérapie, de se diriger vers une autre discipline des sciences de la santé où ils feraient un cours de médecine pendant la même période, soit cinq ans?

MLLE GUIMOND: Je pense qu'une telle chose pourrait se produire pour certains étudiants qui décident de changer. Mais quelqu'un qui est vraiment intéressé à sa profession, je crois qu'il va continuer parce qu'il y a tellement de nouvelles choses. On n'a qu'à voir tout ce qui se fait aux Etats-Unis, un peu partout, de recherches en pédiatrie, en ergothérapie et on est vraiment motivé à continuer. C'est ce qu'on espère, pouvoir continuer parce qu'il y a tellement de choses à faire dans le domaine, avec les handicapés, que ce soit des handicapés physiques ou mentaux.

M. CAYER: Je pense aussi que nous n'avons pas choisi le cours d'ergothérapie en nous basant sur le nombre d'années à faire mais bien plutôt parce que les sujets nous intéressaient. Peu importe le nombre d'années, que ce soit quatre ou cinq ans, je ne crois pas que nous aurions une motivation profonde à vouloir changer. Au contraire, si notre cours allait vers un grade supérieur, de quatre à cinq années, je crois que nous serions d'autant plus fiers de continuer dans la même branche pour tenter de nous améliorer, d'en connaître davantage, non pas de changer.

M. CLOUTIER (Montmagny): Vous auriez peut-être pu ajouter aussi que la rémunération n'entrerait pas en ligne de compte à ce moment-là, si on se base sur les statistiques du ministère du Revenu fédéral. Vous choisiriez l'option de l'ergothérapie pour cinq ans et non pas pour le revenu à ce moment-là, à comparer avec la médecine.

MLLE GUIMOND: Il y a un problème actuellement. En Ontario, j'y suis allée en internat, ils sont beaucoup plus payés que nous. Ils ont $1000 de plus en commençant, et même davantage, ils ont plus de facilités. Ce qui arrive c'est que les individus qui sont intéressés à faire de la recherche et vraiment à continuer dans le domaine sont obligés de s'expatrier.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est la rémunération, une fois les années d'étude terminées en ergothérapie? La moyenne de rémunération pour la première année de travail?

MLLE GUIMOND: C'est $6,300, et je pense que selon la dernière convention, d'après les discussions que j'ai entendues, ce serait même baissé un peu.

M. CLOUTIER (Montmagny): Pour ceux qui possèdent un diplôme universitaire, c'est le plus bas niveau de rémunération, une fois les études terminées?

MLLE GUIMOND: Je le crois, si on compare aux autres Bsc.

M. CLOUTIER (Montmagny): Ceux qui négocient ont probablement noté les réponses que vous avez données.

M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.

M. GUAY: J'aimerais savoir s'il vous est possible de me répondre. Dans quel pourcentage les étudiants choisissent la physiothérapie comparativement à l'ergothérapie?

MLLE LAURIN: On ne peut pas donner un pourcentage exact étant donné que...

M. GUAY: A peu près.

MLLE LAURIN : Tout ce que je peux vous dire c'est que, cette année, il y a eu 150 demandes d'admission en ergothérapie. En physiothérapie, je ne suis pas au courant. Mais on a dû en accepter seulement 30 en première année, étant donné les conditions matérielles de locaux.

M. GUAY: Est-ce que les finissants, dans votre profession, trouvent facilement du travail à la sortie des études?

M. CAYER: Jusqu'à maintenant, parce qu'on s'est tenu au courant au cours de nos trois années, cela n'a posé aucune difficulté sérieuse que de trouver un emploi en ergothérapie. Les postes offerts ont toujours été je ne dirais pas alléchants mais très intéressants pour l'ergothérapeute. Je ne crois pas qu'il ait été difficile de trouver du travail en ergothérapie.

M. GUAY: Maintenant y a-t-il suffisamment d'ergothérapeutes pour combler le besoin réclamé par la population actuellement?

M. CAYER: Actuellement, nous ne pensons vraiment pas qu'il y ait suffisamment d'ergothérapeutes diplômés qui sont sortis des universités pour combler le besoin. En fait, le besoin, on le sent à chaque année. Les emplois augmentent. Les étudiants se dirigent de plus en plus vers cette discipline. Ils trouvent des débouchés à leur sortie du cours universitaire. Il y a un roulis continuel.

M. GUAY: Quel pourcentage de la population, selon vous, pourrait requérir les services d'un professionnel en ergothérapie? Par exemple, si on le prend sur 100 personnes?

MLLE LAURIN: C'est bien difficile de déterminer...

UNE VOIX: C'est une question hors du sujet.

M. VEILLEUX: On pourrait demander cela aux psychothérapeutes.

M. CAYER: J'aimerais répondre, de toute façon, en disant que peu importe le nombre sur 100, sur 500 ou sur 1,000, les personnes qui ont besoin d'un traitement d'ergothérapie sont assez nombreuses.

M. GUAY: Il n'y a pas eu de recherche bien spécifique de faite dans ce sens-là.

Il y a une autre question, uniquement pour ma curiosité personnelle. Je pense que nous sommes choyés, depuis ce matin, les représentations sont faites en grande partie par le sexe féminin. Est-ce que les ergothérapeutes comportent, au sein de l'association, beaucoup plus d'hommes que de femmes? Y a-t-il une raison particulière?

M. CAYER: Il y a certainement plus de femmes, plus de représentation féminine que de représentation masculine.

M. VEILLEUX: Vous êtes privilégiés.

M. CAYER: Je suis actuellement très privilégié. Disons tout simplement qu'on le déplore beaucoup. Quand je dis on, ce n'est pas nécessairement moi. On le déplore beaucoup parce que le besoin se fait de plus en plus pressant dans certains milieux. Je pense au milieu carcéral, et aussi à celui de la pédiatrie où les enfants doivent avoir à faire face à une identification masculine comme thérapeutes, ce qui est très important dans le développement de l'enfant.

Il y a très peu d'hommes comparativement au nombre de femmes. Mais, enfin, si je peux me permettre, je pense que ce ne serait pas difficile à comparer, il y a une grande part de la rémunération salariale qui est, à mon humble avis, très insuffisante pour un homme qui se dirige dans cette profession.

M. GUAY: Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.

M. LEDUC: Tantôt, vous disiez que vous n'aviez pas tellement de difficulté à vous trouver de l'emploi, en ce sens que c'était un emploi intéressant. Disons qu'au point de vue de la rémunération, cela ne vous satisfait pas. Je ne voudrais pas qu'on entre là-dedans aujourd'hui Est-ce que dans les offres d'emploi qui sont disponibles au moment où quelqu'un est reçu ergothérapeute, ne sont pas centralisées dans les territoires urbains? Est-ce que l'ergothérapeute n'a pas une tendance à chercher du travail dans un territoire urbain plutôt que dans un territoire rural? Là, je ne le dis pas dans un sens péjoratif quand j'emploie les termes "urbain" et "rural".

MLLE LAURIN : Disons qu'il est vrai que les ergothérapeutes s'engagent principalement dans des territoires urbains. Mais on a des compagnes de classe qui, justement, ont été reçues cette année. Elles vont aller travailler à Val-d'Or, à Rouyn-Noranda, si je ne me trompe pas. Il y en

a une autre qui va aller travailler dans une école à Sainte-Rose pour les handicapés. Je pense que, de plus en plus, les ergothérapeutes tendent, justement, à offrir leurs services dans des territoires qui en ont besoin et où la demande est quand même assez grande. Je pense qu'elles sont prêtes à...

M. LEDUC: Je vais vous poser une autre question qui est très injuste. Je la qualifie au départ. Je laisserai au président le soin de la juger. Est-ce que, d'après vous, il y a une demande plus forte en dehors des centres urbains pour des ergothérapeutes qu'il y en a dans les centres urbains? Est-ce que les centres ruraux, en fait, n'ont pas un besoin plus urgent d'ergothérapeutes que les centres urbains? Là, je vous demande d'évaluer quelque chose dont comme étudiants, vous n'êtes peut-être pas au courant. Mais j'ai l'impression, étant donné que vous vous êtes lancée dans cette profession, que vous devez avoir un peu l'idée de ce que c'est.

MLLE LAURIN: Disons que, personnellement, je crois qu'on a plus besoin de nous dans les centres ruraux étant donné qu'on y est très limité en fait d'équipes en réadaptation. C'est comme pour n'importe quel professionnel de la santé, les psychologues, les psychiatres. Ils sont plus nombreux dans les centres urbains. Ils desservent une population qui, quand même, est grosse. Dans les centres ruraux, les besoins sont là. Je crois qu'on s'en aperçoit parce que l'on voit qu'il y a des équipes volantes qui vont dans ces centres pour répondre aux besoins de ces gens.

M. LEDUC: Est-ce que, à votre connaissance, il y a des primes d'éloignement qui sont payées aux ergothérapeutes qui s'en iraient au village X pour desservir la région Y?

M. CAYER: Il y a, actuellement, un début de primes pour les ergothérapeutes qui consentent, même en sortant de leurs cours, à faire partie de ces équipes volantes. Ces équipes vont aussi loin qu'en Abitibi. Elles consentent à se retirer dans des milieux plus lointains. On en a conscience. Cette année, on a fait une demande de prime d'éloignement. Ce dont on s'est aperçu, aussi, c'est qu'il fallait aller très très loin pour avoir une prime raisonnable.

M. LEDUC: Voici ma dernière question, la moins importante du groupe: Est-ce qu'au cours de vos études vous avez entendu parler des phytothérapeutes? Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Fabre.

M. HOUDE (Fabre): Je voudrais savoir des ergothérapeutes, premièrement — ensuite, j'ai une question pour le ministre — si, comme professionnels, vous sentez présentement, même si le marché du travail semble raisonnable — vous avez laissé entendre que c'est assez facile, pour un diplômé, de se trouver un emploi — dans un avenir presque immédiat, quand même, une certaine menace, d'une part, quant au marché du travail et, d'autre part, quant à des rivaux, et même des rivaux diplômés de l'université, dans d'autres secteurs connexes. Est-ce qu'actuellement vous pensez que le marché sera saturé de diplômés en ergothérapie?

MLLE LAURIN: Je ne le crois pas. Nous ne pouvons pas penser à une saturation, étant donné qu'il n'y a toujours qu'un petit nombre d'ergothérapeutes, en ce moment, qui sortent des universités, que la demande est de plus en plus grande et que, justement, aussi, les ouvertures sont de plus en plus grandes, parce qu'on s'en va dans des domaines toujours nouveaux. De plus en plus, on essaie...

M. HOUDE (Fabre): Spécialités.

MLLE LAURIN: ... de sortir des hôpitaux. Vous avez entendu parler des ergothérapeutes qui allaient dans des écoles.

M. HOUDE (Fabre): Pour donner le fond de ma pensée, ma question s'adresse peut-être au ministre.

M. LE PRESIDENT: Pas à ce stade-ci.

M. HOUDE (Fabre): Je ne veux pas être en reste avec mon collègue du Ralliement créditiste qui a sorti un grand mot ce matin. Je me suis fait aider, moi aussi, par les ergothérapeutes, tantôt. J'ai découvert, il y a quelque temps — et j'ai retrouvé le nom ce matin — que l'Université du Québec, par exemple, section Trois-Rivières, avait un nouveau cours qui s'appelait la génagogie. Alors, on va créer, ou diplômer, à partir de juin prochain, je pense, des génagogues ou des génagogistes. Je ne sais pas comment on les appellera, mais je sais que c'est la génagogie. Ajoutez à cela les récréologues ou les récréologistes. Alors, il y a un tas de gars et de filles qui entrent dans les universités. Les universités, en particulier l'Université du Québec, ouvrent, de temps en temps, de nouvelles sections. En ce qui concerne la génagogie, je ne sais pas exactement ce que c'est, mais, d'après ce que je sais, le minimum que je possède, cela se rapproche un peu de l'ergothérapie, c'est-à-dire qu'il y a quelqu'un, à un moment donné, qui dit: Bon, il faudrait former des gars et des filles qui seront capables de travailler avec le groupe, avec les enfants qui ont des difficultés soit à l'école, soit dans les hôpitaux.

Est-ce que votre profession collabore avec les universités? Y a-t-il un dialogue pour savoir si on va ouvrir, comme cela, des facultés ou des écoles tous les quinze jours, dans des domaines connexes? Est-ce que le ministère, d'un autre côté, se dit: Ecoutez, nous avons des physiothé-

rapeutes et des ergothérapeutes? Il faut y penser avant d'accepter sur le marché du travail une autre sorte de diplôme et une autre sorte de cours. Justement, une des jeunes filles me disait aussi, ce matin, qu'il y a aussi des techniciens en loisirs qui existent, au niveau des CEGEP. Actuellement ils n'ont pas de marché du travail — cela, c'est une autre histoire — mais ils se lancent également dans un champ d'action qui est très près du vôtre.

Je ne veux pas me faire l'avocat du diable. Je ne sais pas si vous, comme groupe professionnel, ou le gouvernement, avec les universités ou l'Université du Québec, à un moment donné, vous rencontrez autour d'une table pour dire: Il y a un marché du travail, d'accord. Nous avons besoin de spécialistes.

M. LE PRESIDENT: Je veux attirer l'attention du député de Fabre encore une fois. Ce n'est pas la place pour faire des commentaires.

M. HOUDE (Fabre): Je ne fais pas un discours. Je veux seulement comprendre quelque chose.

M. LE PRESIDENT: La procédure que nous suivons et qui a été adoptée, M. le député, est que durant cette période on pose des questions aux groupes. Quand nous aurons toutes les informations, la commission se réunira et discutera. Si chacun commence à faire ses commentaires chaque fois qu'une question est posée, nous ne finirons jamais.

M. HOUDE (Fabre): Très bien. Est-ce que les ergothérapeutes accepteront dans leur rang les génagogistes diplômés?

MLLE GUIMOND: Pour l'instant, il faudrait d'abord que vous nous disiez quel est le programme de cours qui leur est donné. Je sais qu'il y a des moniteurs dans les parcs qui s'occupent aussi de groupes.

MLLE LAURIN: Je pense que c'est important de dire que nous, en ergothérapie, nous avons une formation globale en ergothérapie qui s'applique autant en médecine physique, en psychiatrie, en pédiatrie. C'est un traitement que nous donnons. C'est important. Vous nous comparez aux techniciens des loisirs. Ils ne font pas un traitement.

M. HOUDE (Fabre): Je ne nie pas cela. Au contraire, j'essaie de vous défendre.

MLLE GUIMOND: Monsieur, je crois...

M. HOUDE (Fabre): Peut-être il manque des définitions quelque part. A qui appartient la responsabilité? Votre travail comme ergothérapeute me paraît très clair. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi d'autres associations se forment. Les universités créent des diplômes dans des matières très connexes à la vôtre. Je voulais savoir si votre groupe est conscient de cela, est au courant qu'il y a des écoles. C'est un exemple, le génagogiste ou génagogue. J'ai entendu cela pour la première fois il y a quelque temps. Je sais que cela existe. On parle même d'une succursale dans l'Abitibi de l'Université du Québec qui formera des génagogues ou génagogistes. Est-ce que vous vous protégez contre cela ou si vous êtes d'accord?

MLLE GUIMOND: Est-ce que ce sont des gens qui travaillent dans le domaine de la santé? Nous, nous sommes dans le domaine de la santé. Nous étudions en réadaptation.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais faire un commentaire, M. le député. Je pense que la question ne devrait pas être posée à ce groupe-ci; ce sont des étudiants. Peut-être que les professeurs possèdent plus d'informations sur ce problème. Ce sont des étudiants qui sont ici pour expliquer leur attitude, pourquoi ils veulent que la loi soit amendée. Les questions concernant la santé et quel groupe va voir quel groupe ne sont pas nécessairement de leur domaine. Ils ne semblent pas pouvoir répondre aux questions. Je cède la parole au ministre, qui a un bref commentaire à faire. Lui, il peut le faire.

M. CASTONGUAY: Très brièvement, M. le Président. On connaît le désir d'autonomie des universités dans l'organisation de leurs programmes d'études, le choix des secteurs dans lesquels elles veulent s'orienter, etc. On connaît, d'autre part, les problèmes qui sont susceptibles d'en résulter, soit certains dédoublements, certains vides possibles ou encore certains problèmes de pénurie dans le nombre de diplômés de l'ensemble des universités. Dans d'autres secteurs, il existe une certaine surabondance. Il y a aussi des problèmes de multiplication de diplômes ou de programmes de formation qui s'apparentent. Je crois que c'est précisément une des fonctions du Conseil des Universités de faire en sorte qu'il y ait une certaine harmonie qui s'établisse mais par des mécanismes aussi souples que possible pour respecter l'autonomie des universités.

Dans le cadre des actions entreprises par le ministère de l'Education et le Conseil des universités, des opérations ont été lancées, comme l'opération des sciences appliquées où, dans ce secteur, en collaboration avec tous les organismes intéressés, on a fait une certaine revue de toute la situation, tendant à fixer des objectifs aux universités, des champs où elles peuvent se spécialiser et établir des coordinations au besoin. Nous avons commencé une opération analogue en ce qui a trait aux sciences de la santé. Pour ma part, je compte qu'on pourra obtenir des résultats intéressants. Le point que je fais ressortir, c'est qu'il s'agit vraiment d'une question qui relève, au premier

titre, du ministère de l'Education et qui met en cause, dans une certaine mesure, l'autonomie des universités.

M. LE PRESIDENT: Merci aux étudiants. Je pense que, nonobstant la dernière question, vous avez passé vos examens et on vous accorde un diplôme. Merci.

M. VEILLEUX: M. le Président, avant de continuer, le député de Dorchester nous a dit qu'il nous donnerait cet après-midi la définition des phytothérapeutes. J'aimerais bien savoir ce que c'est?

M. GUAY: M. le Président, je sais qu'il n'est pas permis à un membre de la commission, sauf au ministre, de faire des commentaires.

M. LEDUC: Il n'est pas permis à un membre de la commission de faire de commentaires? Mais qu'est-ce qu'on fait depuis ce matin?

M. LE PRESIDENT: Le député a raison, à ce stade-ci. Je pense que la question du député de Saint-Jean est hors d'ordre. Nous allons la mettre de côté, parce que nous avons trois groupes à passer avant la fin de l'après-midi.

M. LEDUC: Nous allons demander à chacun de ces groupes ce que sont les phytothérapeutes, et on va perdre du temps.

M. LE PRESIDENT: Prenez un dictionnaire vous allez trouver.

Corporation des techniciens inhalothérapeutes du Québec

M. LE PRESIDENT: Me Robert Lesage, avec la Corporation des techniciens inhalothérapeutes du Québec.

M. PARENT: M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, MM. les membres de la commission parlementaire, avec votre permission, avant de laisser la parole à notre procureur, Me Robert Lesage, c.r., qui fera la lecture de notre mémoire, j'aimerais faire la présentation des membres présents.

A ma droite, M. Lanteigne, inhalothérapeute à l'hôpital de Cartierville, en thérapie inhalatoire, administrateur de la corporation. M. Jean Bernier, inhalothérapeute, administrateur de la corporation, service de la thérapie inhalatoire à domicile de l'hôpital Laval, Québec. A ma gauche, M. Michel Gamache, vice-président de la corporation, inhalothérapeute, responsable du service d'inhalothérapie, Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Laurent Saint-Onge, inhalothérapeute, professeur en techniques d'inhalothérapie au CEGEP de Rosemont. Moi-même, Gilles Parent, inhalothérapeute, hôpital général Fleury, président de la Corporation des inhalothérapeutes du Québec.

M. LESAGE: M. le Président, sans abuser de votre patience, je vais résumer le mémoire de la Corporation des inhalothérapeutes. Il s'agit d'une corporation qui a été constituée suivant la troisième partie de la Loi des compagnies, par lettres patentes émises le 21 octobre 1969.

On disait, dans notre mémoire, qu'il y avait 200 inhalothérapeutes. Depuis la dernière promotion, il y a 275 inhalothérapeutes qui pratiquent dans le territoire du Québec. La première école d'inhalothérapie a ouvert ses portes au Québec le 11 septembre 1965. C'est une discipline qui est appelée à demeurer. L'évolution de la science et certains phénomènes sociologiques, tels que l'usage de la drogue et la pollution, requièrent pour le traitement de l'insuffisance respiratoire le concours de professionnels spécialisés en la matière, dont l'inhalothérapeute.

L'inhalothérapeute exerce sa profession principalement dans les hôpitaux, soit dans les salles d'opération et de réveil, les services de médecine, les services de soins intensifs et de réanimation, les cliniques externes et d'urgence, mais il est également formé pour donner des traitements à domicile aux insuffisants respiratoires chroniques.

Dans l'intérêt du public, nous croyons qu'il importe que soit constituée la Corporation professionnelle des inhalothérapeutes pour assurer la compétence de ses membres, la surveillance de l'éthique professionnelle et pour prévenir l'exercice illégal au détriment de la santé publique.

Tel que proposé dans le projet de loi soumis en annexe au mémoire, voici la définition que nous donnons de l'inhalothérapie: "Constitue l'exercice de l'inhalothérapie, tout acte qui a pour objet le traitement de l'insuffisance respiratoire, y compris la réanimation cardio-pulmonaire et l'assistance chirurgicale". L'inhalothérapeute a sa place dans le traitement de toutes les modalités de l'insuffisance respiratoire. Il seconde le médecin ou le spécialiste dans l'application méthodique des différentes techniques d'inhalothérapie et opère des appareils spécialisés. Il est aussi responsable de la physiothérapie respiratoire qui suit le traitement et qui précède le reconditionnement physique. Il effectue également certaines épreuves diagnostiques en rapport avec la fonction respiratoire.

La formation des inhalothérapeutes est présentement dispensée sous le contrôle du ministère de l'Education dans cinq CEGEP de la province. Elle a pour objectif de donner aux inhalothérapeutes les notions de base nécessaires pour comprendre, d'une part, la fonction respiratoire, d'autre part, le fonctionnement et l'entretien des divers appareils utilisés en inhalo-thérapie. Leurs études portent également sur les différentes pathologies pulmonaires afin d'assurer une meilleure compréhension des soins infirmiers. Elles sont complétées par un entraînement pratique en clinique. Le cours est de trois ans, dont une année d'enseignement clinique. L'enseignement clinique se fait sur une

période de 40 semaines par stages dans différents services hospitaliers ou différents milieux. Il y a quatre stages généraux et quatre stages spécialisés.

Les facteurs énoncés aux articles 21 et 22 du bill 250 conduisent à reconnaître les inhalothérapeutes comme une corporation professionnelle. On vient de voir que les connaissances requises pour devenir inhalothérapeutes sont très spécialisées dans le domaine qui leur est propre. Leur formation est beaucoup plus spécialisée que celle des infirmiers et infirmières dans leur domaine. D'ailleurs, leur tâche à l'hôpital ne peut être remplie par un infirmier ou une infirmière. Leur formation est tout à fait différente à la base. Il est encore moins question que leur tâche puisse être remplie par des préposés en inhalothérapie non diplômés, ainsi que le reconnaissait M. Gilles Gaudreault, sous-ministre adjoint au ministère des Affaires sociales, dans une directive adressée aux directeurs généraux des hôpitaux en date du 21 juillet 1971.

Dans l'exercice de leur profession, les inhalothérapeutes exercent un jugement professionnel et ont une responsabilité dont dépend la vie du patient. Leurs faits et gestes ne peuvent être valablement critiqués que par des gens qui possèdent une formation ou une qualification de même nature.

C'est là, croyons-nous, la raison d'être d'une corporation professionnelle.

Quant à la relation entre l'inhalothérapeute et le patient, elle est constante, très personnelle. L'inhalothérapeute doit inspirer confiance à son patient. Ce dernier s'attache à celui qui le soulage, le réconforte, l'entraîne dans une fonction essentielle à la vie humaine, la respiration. Bien sûr, la position de l'inhalothérapeute fait de lui un confident, il a accès au dossier médical du patient, dont il doit garder le secret. Encore une raison pour justifier une corporation professionnelle.

Comme nous l'avons déjà souligné et comme nous le détaillons au chapitre suivant, il paraît très nettement que des personnes ne possédant pas la compétence des inhalothérapeutes ne peuvent, sans préjudice pour le public, remplir leurs fonctions. Parallèlement, il faut que la compétence des inhalothérapeutes soit constamment susceptible d'être remise en question.

A moins que l'on ne rejette la formule des corporations professionnelles pour adopter celle des régies d'Etat, il nous paraît que la compétence des inhalothérapeutes doit être laissée à la surveillance de leur corporation professionnelle.

La Corporation des inhalothérapeutes du Québec, depuis sa formation, s'est employée activement à améliorer les qualifications et les connaissances des inhalothérapeutes. Là-dessus la corporation a eu l'appui enthousiaste des autorités du ministère de la Santé et ensuite des Affaires sociales et de la profession médicale, en particulier, qui vient tout juste encore de déposer un mémoire de la part de l'Association des anesthésistes-réanimateurs du Québec au ministère des Affaires sociales. On y recommande avec insistance de désigner et de former les inhalothérapeutes comme les futurs assistants anesthésistes.

La Corporation des inhalothérapeutes du Québec est reconnue par divers organismes, l'Association médicale canadienne, l'Association des anesthésistes-réanimateurs, l'Association des hôpitaux de la province de Québec. Il existe au plan syndical un syndicat professionnel homogène des inhalothérapeutes suivant la formule qui est la formule courante pour les syndicats de professionnels. C'est-à-dire que ce n'est pas un syndicat qui groupe des membres autres que les inhalothérapeutes. En conséquence, la profession d'inhalothérapeute est identifiée au plan syndical.

Il n'est pas besoin d'une longue démonstration pour établir que les actes posés par les inhalothérapeutes sont de nature telle qu'en vue de la protection du public ils ne peuvent être posés par des personnes ne possédant pas leur formation ou leurs qualifications. Cependant, au risque de fournir trop de détails, nous nous permettons de donner quelques exemples. Une personne non préparée peut causer préjudice à son patient en administrant une trop forte concentration d'oxygène, ce qui peut entraîner nausées, tachycardie, étourdissements, convulsions, toxicité. Elle peut aussi causer des accidents, tels qu'incendies, explosions, entraînant des dommages matériels et des pertes de vie.

A la suite d'une mauvaise humidification, un incompétent peut détériorer les muqueuses nasales, trachéales, alvéolaires. L'administration de médicaments incompatibles est susceptible de causer des empoisonnements. Une trop forte quantité peut entraîner des complications et même noyer le patient, surtout lorsqu'il s'agit d'un enfant. L'usage d'humidificateurs dont le fonctionnement est mal connu peut causer des infections et endommager l'état du patient. Une personne incompétente ne peut reconnaître les défectuosités mécaniques des appareils et du matériel utilisés en inhalothérapie et est inapte à y remédier. On a malheureusement eu à déplorer déjà dans un hôpital une perte de vie dans des circonstances semblables alors qu'il n'y avait pas d'inhalothérapeute.

L'incompétence dans les méthodes d'aspiration peut causer de l'infection, provoquer des vomissements, étouffer le patient. En somme, les inhalothérapeutes se battent contre la mort en utilisant des techniques et des appareils dont dépend la vie du patient.

Nous vous soumettons donc avec confiance que les inhalothérapeutes satisfont aux critères énoncés à l'article 22 du bill 250. Vous trouverez en annexe le texte d'un projet de loi des inhalothérapeutes ayant pour but de créer la corporation professionnelle des inhalothérapeutes et de réserver à ses membres l'usage exclusif de l'inhalothérapie.

Un mot sur l'avenir de la profession. Nous croyons qu'il s'agit d'une profession d'avenir. Il y a une pénurie d'inhalothérap eûtes, les médecins les réclament, ils ont plus d'ouvrage qu'ils sont capables d'en faire. A compter de juin 1973, ceux qui sortiront des CEGEP, de la province pourront assumer certaines des fonctions exercées jusqu'ici par les anesthésistes et d'autres spécialistes. C'est ainsi qu'on en arrivera à une utilisation plus rationnelle, plus efficace des effectifs disponibles dans le domaine de la santé.

En raison des rapports humains qui existent entre l'inhalothérapeute et son patient, l'évolution de la technique ne risque pas de faire disparaître la profession. L'inhalothérapeute ne sera jamais remplacé par un appareillage, il faudra toujours quelqu'un pour utiliser cet appareillage ou montrer aux patients à s'en servir. N'oublions pas que nous sommes dans le domaine de la respiration.

La respiration est essentielle à la vie et les phénomènes sociologiques que nous connaissons présentement viennent attaquer ou viennent mettre en péril le phénomène de la respiration, en particulier le phénomène de la pollution qui est une menace à notre société postindustrielle. Cela peut causer des troubles respiratoires à toute une population. On connaît moins le phénomène, on entend beaucoup parler de l'abus des narcotiques. On ne sait peut-être pas que ce phénomène amène un nombre effarant de jeunes dans les hôpitaux, nécessitant une réanimation cardiaque.

Ils sont accueillis aux salles d'urgence par des inhalo thérapeutes. Les fonctions des inhalo thérapeutes dans les salles d'opération et les salles de réveil en font les premiers assistants des anesthésistes, comme nous l'avons vu. Les anesthésistes réclament d'être de plus en plus libérés de leur tâche routinière pour les laisser à des inhalothérapeutes, qui sont des techniciens agissant sous leur surveillance.

En conclusion, les inhalothérapeutes soumettent à l'attention de la commission parlementaire un projet de loi les constituant en corporation professionnelle fermée. Cette rédaction s'inspire des projets de loi soumis à l'étude de votre commission dans le domaine de la santé. Ce projet de loi nécessiterait, s'il était adopté, quelques modifications de concordance au bill no 250.

Nous attirons votre attention, en terminant, sur le bill no 272, la Loi des physiothérapeutes, dont on a parlé ce matin. La réhabilitation des insuffisants respiratoires nécessite une physiothérapie respiratoire qui s'effectue dans les hôpitaux par les inhalothérapeutes. Signalons, par exemple, les exercices d'expiration forcée, contre résistance labiale, respiration abdominale, premiers exercices de marche.

Dans les services complets de physiothérapie que l'on retrouve dans les hôpitaux spécialisés, il faut entrevoir une collaboration étroite entre les physiothérapeutes et les inhalothérapeutes pour la réhabilitation des insuffisants respiratoires.

Le bill no 272 ne fait aucune réserve à ce sujet. Nous voulons croire que par l'article 8 de ce bill qui réserve les droits et privilèges accordés par une loi à d'autres professionnels, le législateur prévoyait déjà, dans son principe, l'adoption d'une loi des inhalothérapeutes.

Ce sont nos commentaires. La délégation qui est ici est prête à répondre aux questions des membres de cette commission.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier les représentants de la Corporation des techniciens inhalothérapeutes pour ce mémoire. Je suis convaincu que la description qu'a donnée Me Lesage du travail qu'ils effectuent est très exacte. Il est évident qu'ils jouent un rôle extrêmement important. Il s'agit là d'un autre professionnel de la santé qui oeuvre à un niveau exigeant beaucoup de connaissances et d'intégrité pour assurer la protection du public.

On voit, toutefois, à l'occasion de cette représentation, certains des dangers qui ont été mis en lumière, ce matin, si on désire trop fractionner en des groupes distincts, à qui on réserve des champs exclusifs de pratique, compte tenu de l'évolution assez rapide, dangers qui peuvent empêcher une bonne distinction des services de santé. Je note ici, dans le mémoire, que la première école d'inhalothérapie a ouvert ses portes, au Québec, le 11 septembre 1965. D'ailleurs, l'inhalothérapie comme telle, à ma connaissance, est une méthode ou une technique ou une approche qui est encore relativement récente, même si on peut — je pense bien que Me Lesage l'a fait — affirmer qu'elle demeurera encore longtemps, en tout cas, dans un avenir prévisible. Je suis bien d'accord qu'il s'agit là d'un groupe professionnel qui devra continuer d'exister et dont la présence est de plus en plus requise.

Compte tenu du fait que l'inhalothérapeute, dans une très large mesure, pratique en milieu organisé, même si ce sont des soins à domicile. Généralement, ce sont des soins à domicile qui originent d'une base hospitalière ou d'un service de soins à domicile. Ce sont donc des traitements qui sont données dans un milieu organisé, dans un cadre préétabli où s'exerce un certain contrôle ou qui devrait s'exercer par le médecin.

Je me demande vraiment, M. le Président, si, encore une fois, nous ne sommes pas devant une situation un peu comme celle de ce matin et, sans nier la valeur du travail — au contraire — qui est fait par les inhalothérapeutes, reconnaissant également le fait qu'ils doivent avoir des connaissances et une intégrité, je me demande vraiment s'il y a lieu de former une corporation professionnelle fermée ou s'il n'y aurait pas plutôt lieu d'envisager un titre protégé, de telle sorte qu'il soit clair que lorsque l'on s'adresse à un inhalothérapeute, tout comme c'est le cas présentement, par

exemple, par rapport aux travailleurs sociaux, l'on sache que c'est une personne qui a un certain niveau de compétence, qui est membre d'une corporation qui a un code d'éthique, un code de déontologie. De cette façon, la population sera tout aussi protégée et on évitera ainsi les multiples conflits qui semblent toujours devoir se développer ou qui risquent de se développer chaque fois qu'une nouvelle corporation professionnelle à titre exclusif est formée.

M. LESAGE: M. le Président, si vous me permettez de répondre à cette question, je ne crois pas, présentement, qu'il existe des conflits. S'il existait des conflits, nous n'aurions pas, de la part de la profession médicale, autant d'appui, de support. Je ne crois pas...

M. LE PRESIDENT: Excusez-moi. Le ministre a un téléphone d'urgence. Est-ce que nous pouvons suspendre pour quelques minutes?

M. LESAGE: Certainement.

Je n'ai entendu parler d'aucun conflit, dans les milieux hospitaliers ou dans les milieux où les inhalothérapeutes travaillent, entre les autres professionnels de la santé et eux. Alors, je pense que ces gens travaillent en équipe. De ce côté-là, on n'a pas de justification pour écarter, éventuellement, leurs demandes.

Maintenant, la question d'une corporation d'exercice exclusif, si on la pose sur le principe énoncé à l'article 22 du code des professions...

M. CASTONGUAY: Il y a aussi l'article 21.

M. LESAGE: Oui, il y a l'article 21. Je pense que les inhalothérapeutes rencontrent plus que beaucoup d'autres professions les critères énoncés à l'article 21. Nous rencontrons, par surcroît, le critère énoncé à l'article 22, qui est la protection du public. Vous avez affaire aux gens. Nous les rencontrons tout au moins autant que les techniciens en radiologie et que bien d'autres que je ne veux pas nommer. Alors, le critère de l'article 22, qui est la protection du public, s'applique autant aux techniciens en inhalothérapie qu'aux techniciens en radiologie. Ce sont eux qui reçoivent les enfants intoxiqués qui arrivent dans les cliniques d'urgence, ce sont eux qui répondent aux urgences dans le cas d'arrêts cardiaques, ce sont eux qui aident aux gens à respirer. Il faut que ces gens soient qualifiés.

Il arrive malheureusement que certains hôpitaux engagent, pour ce faire, des gens qui ne sont pas qualifiés. Je dis donc, comme deuxième point, que les inhalothérapeutes rencontrent le critère qui a été énoncé à l'article 22.

Maintenant, si on me permet une réflexion personnelle, le quatrième critère de l'article 21, qui donne comme raison d'être d'une corporation professionnelle que la compétence doit être contrôlée par les membres de la corpo- ration même, fait, en quelque sorte, double emploi avec l'article 22. C'est juste une question de degré. A partir du moment où l'on reconnaît que la compétence des membres d'une profession doit être contrôlée par une corporation, de là à ne pas fermer la corporation, je pense que c'est une question tout à fait de nuances. Si on ne la ferme pas, on ne lui donne pas de moyens efficaces de contrôler l'exercice de la corporation.

C'est pour cela que je disais, en troisième point, qu'une profession à titre réservé ne donne pas cette assurance. Vous avez entendu les commentaires du Conseil interprofessionnel qui vous a dit qu'il y avait lieu de s'interroger passablement sur la formule qu'on préconisait, parce qu'on n'assure pas, par une profession à titre réservé, le contrôle de l'exercice professionnel par la corporation, étant donné que n'importe qui peut, en dehors de la corporation, exercer dans le même champ d'activité professionnelle.

Alors, le véritable contrôle ne peut s'exercer que dans le cadre d'une corporation fermée. J'ajouterais que, si, de plus, dans l'esprit du bill 250, dans une corporation à titre réservé, on enlève aux membres de la corporation le droit de s'occuper de leurs intérêts socio-économiques, on leur enlève le seul moyen qu'ils ont de protéger le public, d'assurer la compétence de leurs membres et de vendre leurs membres au public, en disant: Nos membres sont meilleurs que ceux qui ne portent pas notre titre. Si on leur enlève cela, ils ne sont plus capables de contrôler la compétence des gens.

Je fais cette remarque parce que je crois véritablement que la concurrence est un élément nécessaire dans une profession à titre réservé pour défendre la compétence des membres de cette profession. Si on reconnaît cela, on reconnaît en même temps que les professions à titre réservé devraient à la fois défendre l'intérêt public et l'intérêt de leurs membres.

Maintenant, ceci étant dit, si on n'adopte pas cette formule, qu'on se retourne du côté du "licensing" et qu'on dit: Le gouvernement est capable, par un procédé de permisou de licences, d'établir qui doit porter un titre, on peut, effectivement, s'assurer de la compétence des gens qui portent ce titre, mais, cela finit là, parce qu'il y a d'autres choses qu'une corporation professionnelle appelle. Il y a d'autres raisons pour avoir une corporation professionnelle.

Dans une corporation qui n'est pas fermée, l'autre raison est d'assurer l'éthique professionnelle, la déontologie, la compétence continue des membres de cette corporation. Je ne veux, pour autorité, que m'en référer, comme tout le monde le fait, à la commission Castonguay-Nepveu, à l'introduction du tome I, volume 5. Je vous cite un petit passage: "La notion de profession implique une autre dimension qui impose la reconnaissance d'une certaine autonomie vis-à-vis de la société. L'activité profession-

nelle relève d'une discipline qui permet de la juger. Par définition, la connaissance que requiert l'activité professionnelle n'est pas socialement répandue puisque la profession exprime la spécialisation d'une formation dans la société. Aussi le contrôle de cette dernière sur l'activité professionnelle devra-t-il prendre des formes et faire appel à des modes qui tiennent compte de cette caractéristique que doit présenter un tel contrôle, la maîtrise de la discipline sur laquelle porte ce contrôle."

L'existence des corporations professionnelles est due au fait que seuls les membres de cette discipline peuvent contrôler l'activité professionnelle. Le gouvernement, par définition — il peut bien dire le contraire aujourd'hui si on établit un système de régies d'Etat — dit: Nous n'avons pas les mécanismes — je dis le gouvernement, je devrais dire l'Etat — pour contrôler l'activité professionnelle. Nous donnons, en conséquence, une autonomie aux membres de cette profession, dans un cadre qui s'appelle une corporation professionnelle, pour contrôler l'exercice de la profession.

Nous disons, nous, que le "licensing" ne donne pas cette possibilité de contrôler l'éthique professionnelle, la déontologie professionnelle et, en ce sens, il ne donne pas le même résultat qu'une corporation professionnelle. Si tel est le cas et si on juge que les inhalothérapeutes sont un corps professionnel dont la déontologie doit être réglementée et qui par surcroît sont un corps qui, pour la protection du public, est constitué de gens qui seuls peuvent donner ces services, on en arrive nécessairement à la conclusion qu'il faut fermer la corporation.

On dit qu'il y a des difficultés d'administration, une prolifération de corporations. Quand cela cessera-t-il? Qu'est-ce que vous voulez? Nous vivons dans un monde complexe. Nous vivons dans un monde où la science évolue sans arrêt. Qu'est-ce qui sera si nuisible dans le fait d'avoir une corporation de plus? Pensez-vous que cela empêchera les hôpitaux d'avoir à négocier des conventions collectives avec des inhalothérapeutes de façon séparée? Ils sont déjà reconnus dans le domaine de l'organisation des établissements. Parce qu'ils sont reconnus, nous vous soumettons que ceci fait qu'il s'agit d'un corps distinct. Leur accorder une corporation professionnelle est simplement assurer que ces gens qui se disent ergothérapeutes sont des gens qualifiés qui répondent aux normes, qui respectent un code de déontologie. En conséquence, nous disons qu'autoriser une corporation de plus ce n'est pas compliquer davantage le système. C'est simplement le suivre. Et j'ai dit ce matin qu'il y avait tout de même un office des professions qui coiffe le tout. Cela dépend des pouvoirs qu'on veut donner à l'office des professions mais celui-ci doit s'assurer du rôle que remplissent les corporations. Il pourrait certainement s'assurer, avec autant d'efficacité, du rôle que remplissent dix corporations, vingt corporations, trente corporations.

Je vous soumets que le nombre en lui-même n'est pas un obstacle. L'intégration peut, elle, être, non pas une difficulté dans notre cas, mais un problème qu'il faut envisager sérieusement. Mais l'intégration ne se fait pas dans la loi corporative.

M. Parent, le président de la corporation, pourrait peut-être ajouter un mot sur la nécessité, pour la protection du public, que les actes posés par les inhalothérapeutes le soient par des gens qui ont la formation nécessaire.

M. CASTONGUAY: Avant que M. Parent prenne la parole, parce que vous avez fait un plaidoyer qui est extrêmement éloquent, j'aimerais faire quelques commentaires.

Je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté. Lorsque j'ai mentionné que la formation de corporations à champ réservé pouvait devenir une source de conflits, je ne voulais pas laisser entendre qu'il existait présentement des conflits entre les inhalothérapeutes et d'autres groupes. Je voudrais justement qu'on garde cette bonne harmonie qui semble exister.

Vous avez fait état des techniciens en radiologie et vous avez traité aussi de la procédure du "licensing". Remarquez que nous n'avons pas proposé cette procédure de façon généralisée; nous ne l'avons proposée, à ma connaissance, que dans le cas de la radiologie pour une raison qui nous apparaissait importante, c'est le fait que des personnes autres que des techniciens en radiologie peuvent être appelées à utiliser les techniques de la radiologie. Sans entrer dans une énumération, je pense au dentiste qui, aujourd'hui, prend de façon assez courante des relevés au moyen de la radiologie, et je pense à d'autres groupes professionnels. La raison pour laquelle nous avons voulu procéder par la voie du "licensing" dans ce cas-là, c'est que nous voulions utiliser une technique qui ne partait pas d'une base, d'une formation professionnelle, mais plutôt un mécanisme qui pouvait s'étendre à plus d'un groupement professionnel.

Encore là, nous sommes conscients du fait que nous devons utiliser cette technique uniquement lorsqu'elle constitue le seul moyen approprié. C'est d'ailleurs pourquoi, dans la presque totalité des projets de loi, nous avons proposé le maintien de corporations professionnelles ou la formation de nouvelles corporations professionnelles, mais de deux types. Nous disions justement, dans le rapport de la commission, qu'il fallait être très prudent. En plus de la partie que vous avez citée, nous disions aussi qu'il nous fallait être très prudents, très parcimonieux — si je me rappelle l'expression — dans l'octroi de ces pouvoirs, non pas seulement à cause de la possibilité de conflits mais aussi par suite du danger de figer l'évolution d'un groupement professionnel. C'est un danger très réel.

Je crois, pour ma part, et j'espère que je ne soulèverai pas de réaction en disant, par exemple, que si les notaires ne s'étaient pas enfermés

dans un champ de pratique très étroitement défini, leur situation ne serait pas aujourd'hui tout à fait celle qui est la leur. Dans un monde en pleine évolution comme celui des diverses techniques de réadaptation, il me semble dangereux de fermer, de circonscrire précisément un champ de pratique, alors que nous savons que nous sommes dans un domaine en pleine évolution. Il y a là aussi cette préoccupation de notre part, qui n'est pas un jugement de valeur par rapport à un groupe professionnel, au contraire.

Je voudrais ajouter, M. le Président, ces commentaires, avant que M. Parent nous explique en quoi les actes posés par un inhalothérapeute doivent être entourés de sauvegarde pour la protection du public en rappelant que même dans les professions où uniquement le titre est réservé étant donné la façon dont le bill 250 est rédigé, il y a protection pour le public, parce qu'il y a nécessité d'adoption d'un code de déontologie, nécessité de maintien de certains standards assurant à la population surtout dans un milieu organisé, que si elle s'adresse à M. X qui est membre de telle corporation, il est membre d'une corporation qui a des exigences au plan de la formation et de la déontologie.

M. PARENT: M. le Ministre, si on parle de danger et de protection publique, je voudrais vous référer à la catastrophe de décembre 1971, dans le métro de Montréal.

Dix-huit pompiers sont arrivés inconscients et, alors, le travail de l'inhalothérapeute n'a pas été contesté. Si vous vous référez au mémoire qu'on vous a donné, vous verrez une lettre des médecins responsables qui disent: "Il me fait plaisir de souligner le magnifique travail accompli par les inhalothérapeutes de l'Hôpital général Fleury Inc. à l'occasion de soins accordés à de nombreux pompiers, lors de l'incendie du métro de Montréal en décembre 1971. Leur travail en est un de dévouement, de compétence et de disponibilité continuelle. Personnellement, nous avons noté leur compétence depuis longtemps, mais cette situation d'urgence aura démontré à chacun leur nécessité dans un hôpital général. Nous les félicitons donc pour leur dévouement à cette occasion et espérons que tous les médecins auront compris qu'ils peuvent s'adresser à eux en toute confiance."

Vous êtes au courant, M. le ministre, du nombre de personnes qui travaillent aux techniques d'inhalothérapie et qui ne sont pas compétents. Vous êtes au courant que, dernièrement, il y a eu une catastrophe où un patient est décédé, malheureusement. Je ne voudrais pas causer de préjudice à la personne en question parce que cela a été jugé à la cour, mais le médecin qui est venu témoigner a dit: "Si on avait demandé l'inhalothérapeute, on aurait sauvé le patient." Le patient sortait de la salle d'opération; il a fait un arrêt cardiaque. Le chirurgien a dû lui faire une trachéotomie et le mettre sous appareil volumétrique électrique. Il y a eu une panne d'électricité. Cela aurait été si facile, si la personne avait été compétente, de débrancher le mécanisme automatique et de ventiler son patient par la respiration bouche à bouche, en attendant qu'on lui apporte un O qui est un appareil que vous pouvez actionner avec votre main. C'est un cas et je pourrais vous en citer, M. le ministre, toute la journée. C'est pour cette raison que les inhalothérapeutes se sont formés en syndicat professionnel pour défendre leurs droits. Nous avons été plus loin que ça; nous avons même demandé au ministère de l'Education de mettre sur pied un cours de recyclage pour les gens non compétents, dont le ministère a accepté de défrayer les coûts. Ces cours ont débuté au CEGEP de Rosemont en juillet dernier.

M. LESAGE: Si on me permet d'ajouter un mot, les inhalothérapeutes qui sont des techniciens se placent au niveau des infirmiers et des infirmières, mais dans leur discipline propre. Ils n'ont pas la même formation de base. Ils ne pourraient pas faire partie du même groupe, mais on reconnaît, quand même, que les infirmiers et infirmières ont leur corporation à eux. Les inhalothérapeutes n'en auraient pas. Nous soumettons que les inhalothérapeutes devraient, au moins, être traités sur le même pied. J'admets qu'il est dangereux de circonscrire des champs exclusifs. D'autre part, ce danger est atténué par le fait que, dès que l'on reconnaît une autre profession, on se trouve à faire tomber la barrière du champ exclusif. Dans tous les projets de loi, on dit : Cette disposition ne s'applique pas aux autres professionnels qui ont le droit d'exercer dans leur domaine. Il s'agit simplement, à ce moment-là, d'une question de définition.

Quant au chevauchement, nous en avons déjà entendu parler. Nous reconnaissons que ça existe! Le chevauchement des activités professionnelles est inévitable et même souhaitable et la compétition ou l'émulation doit se faire dans le fait que les techniques ou les sciences chevauchent. A ce moment-là, on arrive à évoluer. De là à permettre à tout le monde d'exercer la même chose pour aider la science à évoluer, c'est là le jugement qu'il faut poser.

C'est vrai que le code des professions veut assurer la sécurité du public pour les corporations à titre réservé, en leur imposant les mêmes obligations envers leurs membres qu'aux corporations fermées.

Ce que je voulais faire ressortir c'est que le dynamisme des membres n'y sera pas, leur marchandise ne sera pas vendable et les membres de ces corporations devront être des missionnaires. Malheureusement, moi, je ne crois pas tellement au missionnariat.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais

demander à Me Lesage ce qu'il pense de la représentation qui a été faite ici devant la commission parlementaire par le groupe des techniciens professionnels, représenté par un de ses brillants confrères, Me Lafrenière. Celui-ci nous a soumis qu'il y avait une loi des techniciens professionnels et qu'il serait désirable que le législateur reconnaisse la Corporation des techniciens professionnels actuellement par le code des professions et, deuxièmement, qu'il serait également désirable que tous les finissants de CEGEP en technique soient regroupés à l'intérieur d'une corporation professionnelle. Que pensez-vous, Me Lesage, d'une telle suggestion?

M. LESAGE: Cela revient à ceci: Est-ce qu'une telle corporation serait en mesure d'assurer la discipline des membres? Serait-elle en mesure d'évaluer les actes posés par les techniciens des différentes disciplines? Si on me dit oui, je suis obligé d'admettre que cela a du bon sens. Si on me dit non, c'est impossible parce que ces gens ne sont pas formés pour comprendre tous les actes qui sont posés dans les différentes disciplines. Ou si, encore, pour des raisons de rapports humains — parce que nous faisons affaire avec des hommes — la formation de certaines personnes diffère tellement de celle d'autres personnes, que l'approche est différente et qu'il peut y avoir friction, même, entre certaines personnes, je dis qu'on ne donne pas justice aux membres à qui l'on impose une corporation professionnelle. Une corporation professionnelle, ce n'est pas un privilège, c'est un fardeau et ça délimite un champ d'activité, mais aussi ça crée certaines obligations. Je pense que quelqu'un ici aurait quelque chose à dire là-dessus, M. Gamache.

M. GAMACHE: Présentement, j'ai l'impression que la technique d'inhalothérapie évolue vers l'inhalothérapie. C'est plus qu'une technique, c'est quelque chose de bien spécifique. C'est comme l'infirmière, on dit technique infirmière, c'est ambivalent peut-être un peu. La tâche du technicien en inhalothérapie est très spécifique, elle s'attache à la respiration. Aujourd'hui, avec l'avènement des infirmières venant des CEGEP, plus ça va, moins ces personnes sont versées dans le domaine technique. Autrefois, elles étaient affectées à toutes sortes de travaux, du temps de leur stage, qui étaient nombreux et longs; maintenant elles nous arrivent dans les hôpitaux beaucoup plus désintéressées du plan technique. Aussitôt qu'il y a un appareil, même si la fonction technique proprement dite ne s'attache qu'au premier dixième de l'ouvrage de l'inhalothérapeute, tout de suite elles se rebiffent et ne veulent plus prendre une part active à cette thérapie respiratoire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'un inhalothérapeute incompétent pourrait mettre en danger la vie d'un patient?

M. GAMACHE: Très sûrement. Je vais donner un exemple: un patient est ventilé par un appareil d'une façon permanente, si on le ventile un peu trop, on va l'hyperventiler, chasser son gaz carbonique, son CO2; en peu de temps on va le décompenser et on peut entraîner très probablement un arrêt cardio-respiratoire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le niveau moyen de rémunération de l'inhalothérapeute, son salaire moyen?

M. GAMACHE: C'est $101 par semaine.

M. CLOUTIER (Montmagny): Par semaine, $101?

M. PARENT: Oui, par semaine. Nous sommes en négociation à l'heure actuelle.

M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Pouvez-vous me dire combien de patients, en moyenne, un inhalothérapeute peut aider dans un hôpital en un an, par exemple?

M. PARENT: Si nous nous référons à une enquête qui a été faite sérieusement par l'Association des anesthésistes-réanimateurs de la province de Québec et l'Association des hôpitaux de la province de Québec, en 1967, de 8,000 à 10,000 patients ont été traités. En 1968, de 10,000 à 20,000. Mais remarquez, en 1969 et 1970, incluant nos jeunes de 13 à 17 ans, en coma barbiturique, 35,424 patients ont été traités par des appareils volumétriques. Sur 50 hôpitaux seulement, on en couvre 250 dans un an.

M. GAMACHE: Moi, je peux vous citer l'exemple du mois de juin au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Il y a eu des ventilations contrôlées sur appareils pour 589 heures. Depuis le début de l'année, alors que l'an dernier nous avions donné 24,000 traitements d'aérosol, nous en avons déjà donné 26,000. L'automne n'est pas passé, la saison des asthmatiques, des bronchitiques chroniques. Nous aurons donné, en traitements séparés, plus de 37,000 traitements selon les prévisions actuelles, dans un seul hôpital, avec seulement trois inhalothérapeutes diplômés.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Le député de l'Assomption.

M. PERREAULT: Pour reprendre la question du député de Montmagny et la réponse de Me Lesage, tout à l'heure, à propos d'une même corporation pour tous les techniciens professionnels, est-ce que vous ne croyez pas que le problème pourrait être résolu, comme la Corporation des ingénieurs lé propose dans le mo-

ment, par des sections fonctionnelles groupant chacune des spécialités?

M. LESAGE: Si on donne suffisamment d'autonomie à chacune des sections, cela peut toujours marcher. Mais si on n'impose pas, par exemple...

M. PERREAULT: Est-ce que vous avez regardé le projet que les ingénieurs ont déposé?

M. LESAGE: Non, je ne suis pas suffisamment informé de ce que les ingénieurs ont fait.

M. SAINT-GERMAIN: Vous travaillez en équipe et vous donnez un service, je suppose, jour et nuit, 24 heures par jour et sept jours par semaine?

M. GAMACHE: La plupart des services de physiothérapie, par exemple, ne fonctionnent que de jour. Notre traitement est beaucoup plus pressant à l'unité que celui du physiothérapeute, qui n'est pas moins indispensable, non moins de longue haleine, mais quelqu'un qui ne respire pas, ce n'est pas demain matin à huit heures qu'on va le traiter. C'est tout de suite.

M. PARENT: D'ailleurs, l'inhalothérapeute, vous le trouvez à l'unité de choc, à l'unité coronarienne, à tous les services, service de soins intensifs, salles de réveil, salles d'opération. C'est la personne la plus mobile et la plus compétente dans le secteur de la santé.

M. SAINT-GERMAIN : Qu'est-ce qui fait que le nombre de vos traitements augmente d'une façon aussi considérable? Est-ce que c'est la drogue qui est le facteur principal?

M. PARENT: Il y a le facteur des barbituriques. C'est incroyables, seulement dans un hôpital on a vu, dans une fin de semaine, des jeunes qui sont entrés et on n'avait que quatre appareils. Nous avons été obligés de les transférer dans d'autres centres parce que nous ne pouvions pas les garder. Le patient qui est inconscient, on est obligé de l'intuber et, souvent, j'ai vu jusqu'à sept jours pour sauver une vie.

M. GAMACHE: En plus des barbituriques, des drogues, le plus gros pourcentage de maladies respiratoires provient de l'industrialisation. Dans ma région, à Sherbrooke, Asbestos et Thetford Mines nous envoient des patients souffrant de fibrose pulmonaire, d'assèchement. Il y a la pollution, la cigarette, toutes sortes de choses dans ce genre-là qui nous aident beaucoup à donner des clients.

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous constatez que l'abus de la cigarette est un des facteurs importants?

M. GAMACHE: Certainement. Les anesthésistes, qui sont nos patrons et qui nous enseignent régulièrement, voient pendant l'anesthésie une grande différence dans la facilité d'endormir un patient aujourd'hui comparativement à ce que c'était il y a 20 ans. C'était beaucoup plus facile. De là l'inhalothérapeute, qui doit bien préparer le patient avant l'opération, doit en prendre soin pendant l'opération, avec une assistance à l'anesthésiste, et surtout en postchirurgie. Quand vous avez quelqu'un qui vient de subir une chirurgie thoracique ou une ablation du foie et qu'il a de la nicotine pour gommer ses bronches en entier, expectorer et tousser à volonté, c'est presque un sport en soi.

M. LE PRESIDENT: Merci, Me Lesage. Merci au président ainsi qu'aux autres.

M. LESAGE: Nous vous remercions, M. le Président.

Société de podiatrie de la province de Québec

M. LE PRESIDENT: Nous allons entendre maintenant les Praticiens en podiatrie de la province de Québec. M. Paul Andrès. Ils ne sont pas ici?

UNE VOIX: ils ne sont pas ici.

M. LE PRESIDENT: Ils ne sont pas ici. Donc, nous entendrons la Société de podiatrie de la province de Québec.

M. PHILIPPON: M. le Président, mon nom est Jacques Philippon, avocat. Je représente la Société de podiatrie Enr. Je voudrais vous présenter ceux qui sont avec moi. A ma droite, le président de la société, M. Marc Desforges; le suivant est M. Ronald Perreault, qui est le trésorier de la société et son ex-président; à l'extrême droite, M. Jacques Richer, qui est professeur de biologie à la Commission des écoles catholiques de Montréal au niveau secondaire V, consultant à l'élaboration des programmes et des examens de biologie à la Direction générale de l'enseignement permanent et conseiller en matière d'éducation auprès de la Société de podiatrie que je représente. A ma gauche, M. Jacques Gran, qui est podiatre depuis au-delà de 20 ans à Québec et qui est directeur de la société en relation avec le gouvernement et le Collège des médecins; à l'extrême gauche, ce n'est pas un podiatre mais en le nommant, sa présence se justifiera, je crois, le Dr Laval Leclerc, orthopédiste à l'Enfant-Jésus et, depuis deux ans, en charge de la clinique du pied au service orthopédique de l'Enfant-Jésus.

Nous réalisons, sans jeu de mots, que nous sommes maintenant au pied de l'agenda. Je ne voudrais pas reprendre le mémoire qui a déjà été produit. Je voudrais seulement dégager les

trois points que nous considérons les plus importants. D'abord, tel qu'il est mentionné au début du mémoire, la Société de podiatrie reconnaît et encourage l'effort déployé pour légiférer sur la podiatrie au moyen du bill 271. La Société de podiatrie, formée en 1963, a été enregistrée en 1964.

Dans les préoccupations que nous désirons dégager du mémoire, il y a d'abord la définition de la podiatrie. A la page 2 de notre mémoire, nous avons suggéré un texte qui, d'après la société que je représente, reflète davantage la réalité et décrirait, nous le croyons, mieux que l'article 6 qui est proposé dans le projet de loi no 271, le champ d'application réservé aux podiatres, tenant compte, évidemment du fait qu'en proposant le projet de loi no 271 il a été décidé de proposer de faire de la podiatrie une profession à exercice exclusif.

Un autre point qui est considéré comme important, c'est la restriction que le projet de loi no 271, à l'article 11, désire mettre en application, en interdisant à un podiatre de vendre des souliers orthopédiques ou des prothèses. Nous voyons, dans le mémoire, à la page 2 ou au haut de la page 3, que le principe est admis qu'on doit éviter des conflits possibles d'intérêts entre, par exemple, le désir de vendre un soulier et le fait de pouvoir conseiller de s'acheter un soulier. Mais, au tiers de la page 3, la société est d'avis que le podiatre est la personne compétente exclusivement pour incorporer une orthèse conforme â la physiologie particulière du pied, avec prise d'empreintes et moulage. Nous disons que cette opération spécifique devrait être laissée à l'initiative du podiatre. Il s'agit là d'un acte qui, spécifiquement, devrait lui être réservé parce qu'il est plus compétent que d'autres en la matière. Donc il faudrait, à notre avis, à ce moment-ci, distinguer entre la vente des souliers orthopédiques et la fabrication des orthèses orthopédiques.

La troisième préoccupation majeure qui justifie notre présence ici vient du fait qu'en lisant l'article 17 on constate que le bureau de la corporation professionnelle des podiatres du Québec serait constitué de neuf administrateurs, dont sept seraient choisis parmi les membres de la corporation dissoute mentionnée à l'article 16. Or, si on lit l'article 16, on constate que l'association dont il est question s'appelle l'Association des podiatres de la province de Québec. Evidemment, ce que je représente ici s'appelle la Société de podiatrie. Nous croyons donc qu'il existe deux associations: l'association et la société. Les informations que nous avons sont à l'effet que l'association des podiatres, dont il est fait mention à l'article 16, est constituée de deux podiatres pratiquant dans la province de Québec. Par ailleurs, la Société de podiatrie, qui se présente ici devant vous, est constituée de 57 podiatres pratiquant, dont 22 sont dans la région de Montréal et les autres disséminés à travers la province, 5 dans la région de Québec et ainsi de suite.

D'autre part, à cause de la formation empirique, académique que nous aimerions exposer devant vous ici, en quelques mots, nous croyons que les membres de la Société de podiatrie de la province de Québec, qui est ici devant vous, sont vraiment ceux qui devraient participer à l'élaboration des moyens qu'il faut prendre pour établir la podiatrie comme corporation professionnelle.

Je sais que, dès ce moment, la première question qui peut se poser à notre esprit est: Quel est le background, quelle est la formation que les membres de la société peuvent vous exposer? A ce point de vue, et étant donné que le temps qui est mis â notre disposition est court, je voudrais, dès maintenant, inviter ce que la société considère comme un podiatre type, membre de la société, pour qu'il vous expose comment, lui, est venu à être un podiatre pratiquant.

Et je demande à M. Ronald Perreault, podiatre, qui pratique à Joliette depuis quelques années, de vous dire lui-même comment il est devenu podiatre.

M. PERREAULT (Ronald): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, en terminant mes études secondaires au collège Roussin, je m'intéressais aux infections locales du pied. En discussions avec l'orienteur, nous avons cherché une école, du côté des institutions publiques, qui me permettrait d'arriver à mes aspirations. Après différentes recherches à travers la province de Québec, je n'ai trouvé aucune école qui donnait un cours en podiatrie.

Alors, nous avons regardé du côté des autres provinces. Il n'existait absolument rien là non plus. L'orienteur, consciencieux, a cherché dans d'autres pays, et le plus près était les Etats-Unis. Maintenant, le travail qui se faisait aux Etats-Unis n'était pas propre à celui du Québec. A force de chercher et de poser des questions, nous avons trouvé une école, une institution privée qui est le Centre de Pédicurie scientifique à Montréal. Faute de choix, je m'y suis inscrit. Cela consistait à aller à cette institution une journée par semaine où on recevait des cours théoriques et pratiques. Après neuf mois, on m'a décerné un diplôme sans examen qui totalisait approximativement 45 heures de cours.

Je suis d'accord avec vous, et je suis certain que vous allez me comprendre, qu'après 45 heures de cours, je ne pouvais travailler en podiatrie en donnant un service de première qualité, donc gagner ma vie honorablement. Alors, j'ai continué à chercher. J'ai visité à travers la province de Québec ce qu'il y avait comme cliniques de pédicurie scientifique, et à force d'en visiter, j'ai entendu parler d'une clinique de podiatrie ici même, à Québec, dont M. Jacques Gran était le propriétaire. Je me suis déplacé, je suis venu rencontrer M. Gran, je lui ai expliqué ma situation. Il m'a fait visiter sa clinique, et le travail qu'il faisait répondait

exactement à mes aspirations. Après discussion avec lui, il m'a accepté comme stagiaire durant deux ans et demi.

M. Gran faisait partie de la société de podiatrie, dont j'ai été président. Cette même société a structuré des cours de recyclage pour tous ses membres afin qu'ils arrivent au même niveau. Ces cours consistaient, brièvement, en des cours de biologie adaptés à la podiatrie, en des cours de chimie adaptés à la podiatrie. Egalement des conférences données par des médecins, des orthopédistes, des pédiatres, une foule de spécialistes qui venaient nous informer. Et même, à l'occasion, différents invités sont venus des Etats-Unis et d'Europe pour nous donner des cours, puisqu'il n'y avait aucune école au Québec, ni même au Canada.

Par la suite, toujours par l'entremise de cette même société, j'ai eu le privilège, ainsi que quatre de mes confrères, d'aller faire un stage intensif en médecine podiatrique à l'Université de Philadelphie.

Pour vous expliquer plus en détail pourquoi j'ai agi ainsi, je demanderais à M. Gran, à qui je dois beaucoup, parce qu'en réalité c'est à peu près le seul dans la province de Québec qui avait la compétence nécessaire pour me donner une formation, de vous expliquer pourquoi j'ai agi ainsi. M. Gran.

M. GRAN: MM. les députés, M. le Président, M. le ministre, il faudrait d'abord déterminer trois sortes de personnes qui s'occupent du pied, en particulier l'orthopédiste, le podiatre et le pédicure. L'orthopédiste s'occupe du pied au niveau de la chirurgie majeure; le podiatre, comme professionnel, soigne les déséquilibres du pied qui ne sont pas d'une pathologie générale et le pédicure , mot qui vient de curer et pied, s'occupe plutôt d'esthétique.

L'individu qui, depuis les quinze dernières années, se trouvait à traiter les pieds de près ou de loin devait passer cinq ans aux Etats-Unis pour obtenir un doctorat en médecine podiatrique qui ne correspondait absolument pas, à ce moment-là et même actuellement, au statut que nous pourrions avoir. Il était obligé d'aller faire ce stage — c'était un ennui par le fait de la langue — et quitter l'emploi qu'il pouvait avoir, s'il gagnait sa vie en traitant les pieds, pour obtenir ce doctorat.

En partant de l'insuffisance flagrante des cours donnés, pour faire face à la demande du public et du corps médical, en collaboration avec les médecins avec qui je travaillais, nous nous sommes aperçus, à la Société de podiatrie, qu'il fallait absolument recycler nos membres. Automatiquement, le gouvernement ne pouvait pas, au moment de ce recyclage, faire face à ça, à cause de questions beaucoup plus importantes qu'il débattait à ce moment-là. Il a donc fallu nous organiser nous-mêmes. A la Société de podiatrie, on s'est recyclé, on a fait des cours de biologie, tous les cours qui pouvaient conduire à une corporation professionnelle. C'est d'au- tant plus valable que c'est un peu un non-sens d'être obligé, aujourd'hui, pour pratiquer la podiatrie, d'être à la merci des diplômes étrangers, parce qu'il n'y a rien. Alors la valeur de la société, c'est d'avoir mis sur pied un cours structuré d'une façon scientifique, avec l'appui du Collège des médecins, des Américains, d'orthopédistes, de dermatologistes, enfin toutes les corporations professionnelles ou disciplines pouvant nous aider. Nous l'avons structuré, nous l'avons amélioré et, aujourd'hui, nous pensons pouvoir présenter quelque chose qui corresponde au nouveau contexte québécois de la santé, c'est-à-dire un podiatre qualifié. D'après l'expérience que j'ai eue avec le docteur Laval Leclerc, dans divers hôpitaux et des stages où nous avons mis sur pied des cliniques de podiatrie, cela a répondu vraiment aux besoins d'une façon valable. Nous pensons pouvoir faire face à la demande actuelle par notre travail pour toutes les affections du pied, en ce qui concerne la podiatrie. Je pense que le Dr Laval Leclerc pourra vous éclairer encore plus sur le travail accompli, durant les trois années où j'ai travaillé avec lui.

M. LECLERC: Comme orthopédiste, je voudrais d'abord justifier ma présence. Je me suis permis de répondre à l'invitation des podiatres, pour plusieurs raisons que je vous dirai tantôt, mais pour une raison fondamentale à laquelle je crois profondément et pour laquelle j'ai de l'intérêt plus particulièrement depuis deux ans.

Comme orthopédiste, on voit des pieds, bien sûr, et on les voit sous un aspect bien particulier en vue de la chirurgie, parce qu'on est chirurgien. Mais parce qu'on est chirurgien aussi et parce qu'on veut faire un peu plus, un peu mieux, ou parce qu'on est idéaliste ou qu'on a un intérêt particulier, on ne s'intéresse pas seulement à l'acte chirurgical, mais on s'intéresse au pied comme entité. C'est ce qui nous a amenés — et c'est ce qui justifie un peu ma présence — à essayer d'aller chercher quelqu'un qui avait des intérêts pour le pied qui ne soient pas tout à fait chirurgicaux, qui ne soient pas tout à fait médicaux en même temps qu'ils le seraient dans une certaine partie.

C'est ce qui nous a amenés — parce qu'en particulier Jacques Gran avait une philosophie que je partageais — à créer une clinique dite du pied. Je ferai remarquer, en passant, que, si je viens, c'est à titre personnel. Je n'ai aucun mandat des orthopédistes; je n'ai aucun mandat du Collège des médecins. Par contre, j'en ai rencontré avec qui j'ai discuté déjà.

Si je viens, c'est pour vous faire part de mon témoignage après une expérience de deux ans à traiter du pied avec un podiatre particulier qui, entre parenthèses, a été attaché officiellement au bureau médical de l'Enfant-Jésus, comme il est aussi attaché à la Clinique du pied. Il est aussi admis au conseil d'administration au même titre, à l'hôpital.

Bien sûr, je dois ajouter à ça qu'il a été admis

à l'intérieur des restrictions légales que la loi actuelle impose. Je veux dire qu'il ne vient pas pour faire de la chirurgie; il ne vient pas pour poser un acte médical tel que le décrit la loi. Il vient pour nous aider et pour donner son opinion actuellement, surtout comme consultant. Eventuellement, j'espère qu'il fera un peu plus.

Au bout de deux ans de ce régime, il y a des choses qui ressortent assez facilement: d'abord, le volume de patients qu'on peut voir spécifiquement pour une entité comme le pied. Il y a une chose évidente aussi qui ressort d'emblée, au départ ou presque au départ, une chose dont j'étais convaincu avant, mais que je voudrais vous dire. En effet, si vous parlez de différentes sortes de podiatres et de différentes associations, il faut le dire. On ne peut pas considérer le pied, traiter le pied et s'arrêter là. Je veux dire que le pied n'est pas un bout de caoutchouc qu'on applique au bout d'une prothèse. Le pied est attaché à la jambe, la jambe est. attachée à la cuisse, etc. J'ai rencontré, grâce à la Société de podiatrie actuelle, plusieurs sortes de podiatres: un Français, un Américain, un Britannique. Il y a toutes sortes de définitions possibles du podiatre. Je pense qu'au Québec, après avoir connu l'expérience que j'ai connue, c'est peut-être pour nous une heureuse chance — d'ailleurs, les Français et les Américains nous envieraient — d'avoir des podiatres qui soient des professionnels de la santé et qui travaillent avec les médecins et non pas contre les médecins.

Il ne faut pas qu'il arrive ce qui est arrivé aux Etats-Unis, des collèges de podiatrie à part, avec des gens strictement bien qualifiés. Il s'agit véritablement de collèges de médecine podiatrique, mais, aussitôt que la chirurgie d'un oignon ou d'un hallux valgus se complique par une torsion tibiale, on est obligé de communiquer avec l'orthopédiste qui n'est pas souvent d'accord avec le podiatre. Cela ne devrait pas exister. Cela devrait aussi être mieux qu'en France où cela a commencé sous le nom de pédicure esthétique. Ensuite, c'est devenu graduellement des podologues. Il y a là des gens sérieux qui, grâce à leur autonomie, ont amené des traitements conservateurs pour des ongles incarnés, auxquels les chirurgiens ou les médecins n'avaient jamais pensé.

Eux aussi, malheureusement, travaillent trop de leur côté. Eux aussi, malheureusement, n'ont pas les privilèges que moi, personnellement, je voudrais que les podiatres aient dans la province, à condition qu'ils soient bien qualifiés, c'est sûr. Les Français ne peuvent faire aucune chirurgie. Je ne peux pas entrer dans les détails, mais il me semble qu'il y a des choses que le podiatre québécois devrait faire. Il ne devrait pas, à mon sens, faire de l'orthopédie ou faire des chirurgies sanglantes de la même façon qu'un orthopédiste le fait. Pourquoi? On en a des orthopédistes. Il ne devrait pas, non plus, faire de la médecine, traiter un diabète général; on a des médecins.

Là où j'ai trouvé qu'il y avait peut-être un rôle pour le podiatre dans le Québec, c'est qu'il y a des domaines, autour du pied, qui sont mal connus, qui sont complémentaires au traitement médical comme tel et qui pourraient aider à nous donner vraiment l'impression que nous traitons des gens avec des pieds et non pas des pieds, points, avec un nom pour donner le compte.

Le rôle, à mon sens, d'un podiatre n'est pas de traiter des pieds, point; c'est d'avoir le "background" médical ou biologique voulu pour savoir ce qu'il fait. C'est la première condition. Je suis ici parce que j'ai de la sympathie pour la Société de podiatrie.

J'ai surtout de la sympathie pour les gens que je connais à la Société de podiatrie, qui ont ma philosophie. A l'Enfant-Jésus, on n'a pas accepté la Société de podiatrie comme telle, on a accepté un individu jusqu'à ce que le législateur se prononce.

Ce que nous voudrions, par exemple, c'est que le podiatre soit quelqu'un qu'on puisse utiliser. Quant à nous, médecins, et quant à moi, orthopédiste, nous allons continuer à faire des opérations sur le pied, que le podiatre soit là ou non. Je vais peut-être continuer — on peut m'en blâmer — et on va peut-être continuer à faire des opérations qui sont destinées à un échec parce qu'on n'a pas ensuite, dans le soulier, l'orthèse intelligente voulue pour continuer ou pour améliorer le résultat de la chirurgie. On peut encore faire ça, on le fait déjà malheureusement, peut-être parce qu'on n'est pas assez compétent dans ce domaine particulier ou peut-être parce que ce n'est pas la mode, mais nous irons, je l'espère, plus loin.

D'où vient le rôle du podiatre? A mon sens, il peut avoir quatre rôles bien précis sans nuire au médecin, sans peut-être, nuire aux techniciens en orthopédie, appelez-les mécaniciens en orthopédie ou prosthétistes. Le prosthétiste a un rôle bien défini qui est autre que celui du podiatre; il a un rôle différent. Quant aux autres techniciens qui gravitent autour de la profession de podiatrie, c'est une autre paire de manches. Mais le podiatre, à mon sens, je le verrais facilement pour faire de la médecine préventive. Il s'agit de voir le nombre d'enfants en clinique pour s'apercevoir qu'un pied plat qui n'est pas ou qui est mal traité peut non seulement conduire à du trouble au niveau du pied mais tantôt, en fin de croissance ou en cours de croissance, à de l'arthrite au niveau du genou, à un mauvais alignement du membre. Il faut voir aussi, en médecine préventive, que si on avait pris un poupon à la naissance, avec le pédiatre parce qu'il l'a reconnu, avec le podiatre parce qu'il lui a fait des orthèses au bon moment et au bon âge, ce que cela pourrait donner comme résultat à quinze ans. Il faut voir ce que cela pourrait éliminer de pathologie à quinze ans, qui n'aurait pas raison d'exister.

Donc, médecine préventive. Je verrais facilement le podiatre bien qualifié en milieu scolaire

pour orienter les patients. Le podiatre bien qualifié, ce n'est pas le gars qui lève le bout du pantalon et qui regarde les pieds. C'est le gars qui met au patient une jaquette d'hôpital et qui sait regarder les membres inférieurs, le bassin, la scoliose qui existe ou celle qui se formera. C'est ça un podiatre. Donc, en médecine préventive, il a un rôle.

Deuxièmement, en hygiène, il a un rôle. Combien de patients souffrent de leurs pieds parce qu'ils ne connaissent pas les soins hygiéniques qu'un podiatre pourrait leur enseigner par de la propagande ou autrement dans le but de renseigner le public? Combien y en a-t-il qui souffrent d'hyperthidrose, de sudation exagérée au niveau des pieds, que les podiatres pourraient traiter et aider? Nous autres, médecins, nous occupons-nous de ça en général? Non, malheureusement, parce que nous n'avons pas le temps de nous en occuper.

Combien de souliers, chez les femmes surtout, il y a quelques années, parce que la mode est meilleure maintenant, ont provoqué des oignons, des hallux valgus. Si ces gens avaient été pris par les podiatres et contrôlés, nous aurions pu avoir quelque chose de plus.

Troisièmement, traitement médical du pied. Je vois facilement des traitements médicaux du pied qui ne sont pas nécessairement des prescriptions longues comme celles d'un médecin ou qui ne traitent pas un diabète. Il y a les déséquilibres statiques du pied. Une callosité au niveau d'un pied qui est provoquée par un valgus ou un écartement externe de la jambe, c'est un déséquilibre statique. Il y a le traitement médical au niveau des déséquilibres dynamiques, les patients qui ont eu une polio, par exemple, qui ont des faiblesses musculaires mais qui ont un pied mal foutu et qu'on pourrait chausser avec des orthèses.

Finalement, traitement chirurgical ou postchirurgical en conjonction avec le chirurgien. On a orienté notre pathologie, on l'a dirigée et, finalement, on a besoin d'une opération, on veut améliorer notre résultat. Là, je parle comme chirurgien. Il n'y a pas un chirurgien qui n'est pas intéressé à améliorer son résultat. Je suis convaincu d'après l'expérience que nous avons, qu'on peut améliorer le résultat avec un podiatre qui sache faire des orthèses — non pas des prothèses, des orthèses — c'est-à-dire des semelles orthopédiques, des bandages orthopédiques pour améliorer notre résultat. Parce que la chirurgie du pied, malheureusement, comme n'importe quelle chirurgie ne redonne jamais un pied normal ou pratiquement jamais un pied normal quand un pied est déjà affecté.

A mon sens, ce sont les quatre rôles principaux qu'un podiatre devrait avoir, à condition qu'il soit bien qualifié. Je voulais dire, parce qu'on a déjà une expérience, qu'on a déjà vu un nombre important de patients dans une clinique spéciale de pied, en conjonction avec un podiatre. Je pense que ces gens devraient avoir plus de pouvoirs. Ils devraient avoir aussi des privi- lèges bien spécifiques, non pas comme une corporation séparée mais comme professionnels de la santé. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre.

M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier la Société des podiatres pour ce mémoire. J'ai trois questions, en fait, à poser. La première: vous nous avez dit que l'Association des podiatres ne compte que deux membres. J'aimerais savoir si ce sont des membres formés, selon vous, d'après l'approche de médecine podiatrique — je ne sais pas si c'est l'expression juste — à laquelle vous avez fait référence.

J'aimerais également que vous me disiez quelle est la différence ou quelles sont les différences entre les membres de votre société et les membres d'un autre groupe qui nous ont présenté un mémoire, groupe qui n'est pas ici aujourd'hui, et qui s'intitule praticiens en podiatrie et qui se disent 200. Il semble y avoir trois groupes...

M. GRAN: Il y a trois groupes bien définis. Il y a le DPM, Doctor Podiatrist Medecine, qui demande cinq ans. Les membres de l'Association des podiatres ont obtenu ce diplôme par équivalence. Au départ, d'après nos renseignements, c'était à peu près un cours de trois ans. Mais comme les Etats-Unis, d'année en année, augmentaient les cours, par équivalence on leur a donné un diplôme pour finir, le diplôme général qui couvre les Etats-Unis, diplôme de médecine podiatrique. Alors, ces deux membres ne font pas de la podiatrie à temps plein, ils ne s'en occupent qu'à temps partiel.

Maintenant, dans le groupe des praticiens en podiatrie, ce sont des gens qui ont eu un cours à Montréal et qui reçoivent un diplôme sous le nom de pédicurie scientifique. Ce cours, qui était de 45 heures il y a quelques années, est actuellement de 75 heures. On le donne au public avec les responsabilités que cela peut causer et c'est cette chose-là que nous voudrions éviter. Nous voulons qu'ils deviennent des professionnels de la santé, dûment structurés et qualifiés pour éviter les erreurs ou les accidents que peuvent faire ces gens non qualifiés sur le marché du travail.

M. CASTONGUAY: Est-ce que vous avez des exemples de problèmes qui résultent des traitements de personnes par des gens qui n'ont pas un certain niveau de formation?

M. GRAN: Les arthérites, par exemple, si vous n'êtes pas capable, par votre formation, de prévoir une maladie de Léo Burger, une trombo-angéite oblitérante, une maladie de Raynaud, vous pouvez soigner un cas ou poser un acte, le faire saigner, pensant soulager votre patient, et entraîner dans un temps très court une gangrène qui va nécessiter l'amputation du membre.

Vous pouvez prendre un phlyctène diabétique pour simplement une pustule de pied d'athlète et déclarer une gangrène diabétique. C'est justement cela, la formation professionnelle. Nous avons eu évidemment des amputations. Nous ne pouvons pas nommer les gens. Nous l'avons su et nous ne pouvons rien faire, n'étant pas en corporation professionnelle. Il n'y a aucun code pouvant dire: Voilà, on a eu telle chose. On a prévenu le Collège des médecins qui nous aide un peu, qui a déjà poursuivi certains charlatans, mais, évidemment, ce n'est pas une corporation, ils ont leurs propres problèmes, mais c'est simplement pour nous faire plaisir qu'ils vont poursuivre ces gens-là. Ce n'est pas suffisant pour protéger le public.

M. CASTONGUAY: Ma deuxième question. Est-ce que, présentement, parmi vos 57 membres, la plupart pratiquent hors des hôpitaux, dans des cabinets privés? Est-ce que, selon vous, vous voyez plutôt une évolution dans le sens de celle indiquée par le docteur Fortier, c'est-à-dire évolution vers une pratique qui s'inscrirait toujours davantage dans les hôpitaux, dans les cliniques où on retrouverait divers professionnels, de telle sorte qu'on en arrive à la complémentarité dont il a été question, et aussi de telle sorte que, lorsqu'on parle de prévention, qu'on n'expose pas les gens à de l'information extrêmement frangmentée; qu'on puisse parler de prévention de façon plus organisée, touchant plus d'aspects.

M. GRAN: Il y a certainement beaucoup de débouchés dans les hôpitaux. Mais, dans les structurations actuelles, nous ne pouvons pas couvrir les hôpitaux par le fait que nous n'avons pas de corporation professionnelle. Nous pouvons le faire à titre privé, comme je l'ai fait moi-même. De plus, je pense que le podiatre va continuer à recevoir, pour une période assez longue, son patient directement. C'est ce qui en fait le risque.

Maintenant, avec l'évolution de la médecine de groupe, le membre inférieur n'étant pas une entité séparée, cela nous oblige à des rapports constants avec le corps médical, soit au niveau de la circulation, soit au niveau de l'orthopédie. Si nous avons jugé que nous étions inaptes à soigner cette personne et qu'elle devait subir une cure chirurgicale, soit au niveau d'une maladie systémique comme le diabète, une artérite ou d'autres choses qui peuvent apparaître, ou une maladie infectieuse à staphylocoques ou autres qui demandent un traitement de base à l'antibiotique assez important, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de cela.

Alors, les podiatres de la société travaillent à peu près à 70 p.c. de leurs références avec le corps médical. Pour ma part, c'est ce que je fais: entre 70 p.c. à 80 p.c, ce sont des prescriptions de médecins. Moi-même, dans mes patients nouveaux que je reçois, j'en réfère à peu près 50 p.c. au corps médical. Il y a donc continuellement un lien entre le podiatre et le médecin. Il serait difficile de le séparer ou de faire une ligne de démarcation.

M. CASTONGUAY: Pourriez-vous, enfin, me dire qu'est-ce qu'apporterait de plus la définition que vous proposez à la page 2 de votre mémoire par rapport à la définition qui apparaît à l'article...

M. CLOUTIER (Montmagny): A l'article 6. M. CASTONGUAY: ... 6 du projet de loi?

M. PHILIPPON: Je pense que le grand avantage de la proposition que nous faisons, c'est d'exclure, c'est de procéder négativement en empêchant qu'un domaine d'activité ne puisse être interprété comme étant permis. Alors, les paragraphes 1, 2, 3 et 4, qui sont mentionnés à la page 2 de notre mémoire, c'est en somme l'exclusion des actes médicaux suivants pour empêcher qu'il n'y ait des problèmes d'interprétation.

M. CASTONGUAY: Cela n'ajoute rien à la définition de l'article 6. C'est pour assurer plus de précision, si je comprends bien.

M. PHILIPPON: Evidemment, cela va plus loin. A l'article 6, on parle du traitement des affections locales qui ne sont pas des maladies du système. Dans notre proposition, nous disons que c'est "le traitement des affections locales des pieds qui ne sont pas le propre d'une pathologie générale, ou l'acte fait sur prescription médicale." A ce moment-là, on ajoute la référence aux podiatres par prescription médicale comme étant un acte qui est nécessairement permis, toujours en excluant les quatre paragraphes qui suivent. Autrement dit, il y a le traitement des affections locales qui ne sont pas d'ordre pathologique et les autres qui sont sur prescription médicale.

M. CASTONGUAY: Et qui, là, pourraient être d'ordre pathologique ou par leur nature, s'apparenter davantage...

M. PHILIPPON: C'est ça.

M. CASTONGUAY: ... à des actes médicaux.

M. PHILIPPON: C'est exact, oui. C'est comme ça que je comprends la définition que nous avons proposée.

M. GRAN: Pour un diabétique, il est difficile de prendre sur nous-mêmes le traitement. Nous ne voyons pas le soin d'un pied diabétique comme une entité seule. Il faut qu'il soit justement soigné. Il faut d'abord le référer au praticien qui nous autorisera à ce moment-là, à faire le traitement d'un pollapidus, par exemple, qui constitue à débrider des ulcères perforantes,

des choses comme ça. Elles sont une suite du traitement podiatrique, après intervention du médecin traitant.

M. LECLERC: M. le Président, puis-je me permettre d'interpréter le sens de la fin du premier paragraphe, "pathologie générale, au lieu de maladies du système? Si je comprends bien — d'ailleurs, je suis d'accord avec cet article — si on parle de maladies du système, on parle de diabète, de choses dans cet ordre. Mais, si on est plus large et qu'on dit "pathologie générale," cela veut dire qu'ils se restreignent eux-mêmes, en fait.

Parce qu'une pathologie générale, cela peut être une maladie statique du pied qui est causée, par exemple, par une torsion fémorale anormale. Mais une torsion fémorale anormale, ce n'est pas une maladie du système. Si vous ne précisiez pas cela, cela voudrait dire que le podiatre qui voit un pied avec une torsion fémorale pourrait, théoriquement, s'occuper de la torsion fémorale. Ce n'est pas une pathologie du système, c'est une pathologie générale. Je pense que c'est dans ce sens que la petite différence a été indiquée.

M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): Non, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions? Le député de Wolfe.

M. LAVOIE (Wolfe): Selon vous, de qui relèverait, supposons, le soin d'une verrue plantaire? Est-ce que cela relève du pédicure ou du podiatre?

M. GRAN: Nous pensons que cela relèverait du podiatre, d'abord parce que nous pouvons avoir affaire à des tumeurs à la place de verrues; c'est très rare mais cela peut arriver. Deuxièmement, les verrues sont souvent récidivantes et c'est un virus. Il faut avoir, évidemment, la formation scientifique pour pouvoir dire, d'abord, à quel sorte de verrue nous avons affaire. Il y a des verrues en mosaïque, des verrues sèches, des verrues arides. Ce sont des types différents de tumeurs bénignes mais qui ne peuvent être traitées que par celui qui a une formation biologique ou universitaire adéquate. Laisser au pédicure le soin de traiter les verrues a déjà causé des accidents et il s'en reproduira certainement d'autres.

M. LAVOIE (Wolfe): Que deviendrait le groupe de pédicures, si vous voulez? Il y a une rue complète ici, à Québec, que j'ai remarquée, où ce sont quasiment tous des pédicures. Ils soignent les cors et je ne sais quoi.

M. GRAN: Il nous est très difficile d'en juger. Nous pensons que ces gens sont des pédicures esthétiques. Ce sera peut-être au gouvernement de faire les lois en conséquence. Nous ne voulons pas les exclure. Si l'individu peut se recycler et suivre ce que nous avons fait, nous, nous serons contents de le prendre dans nos rangs. Mais s'il n'est pas apte, nous pourrions le laisser, pendant quelque temps, pratiquer sa pédicurie. Mais nous voyons difficilement en remettre d'autres sur le marché, parce que leur rôle est esthétique et non médical. Nous ne voyons pas non plus, si nous sommes inclus un jour dans l'assurance-maladie, que pour madame qui a des petits souliers pointus le gouvernement se mette à payer des honoraires chaque mois. Nous ne pensons pas voir la podiatrie dans cet ordre.

M. PHILIPPON: M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais demander à Jacques Richer d'exposer le côté de l'enseignement, qui est une des préoccupations majeures de la société.

M. RICHER: Brièvement, j'ai été amené à rencontrer la Société de podiatrie pour lui donner des cours en biologie, ce qui est entièrement dans mon domaine. A la suite de ces cours que 85 p.c. de ses membres ont suivi, toujours orientés vers un perfectionnement de leur pratique podiatrique, on a aussi été amené à collaborer à divers paliers du domaine de l'éducation. C'est à peu près à ce niveau que je peux les conseiller, moi-même travaillant à l'organisation de programmes en biologie, à l'éducation permanente, et ayant aussi des rapports avec la direction générale de l'enseignement secondaire et collégiale. Même, actuellement, nous sommes en train d'établir des liens, un dialogue avec le Conseil des universités, de façon à vraiment préparer de futurs podiatres qualifiés dans le sens où on a toujours parlé — depuis l'intervention tantôt — des podiatres qualifiés.

Actuellement, les démarches en sont à ce point-ci. Nous dialoguons avec le Conseil des universités, de façon à établir un cours de trois années, après les études collégiales générales, qui mènent évidemment — je parle des études collégiales orientées vers les structures d'accueil universitaires en sciences de la santé — à un baccalauréat spécialisé en podiatrie. Après consultations auprès de médecins, auprès d'orthopédistes, nous en sommes venus à la conclusion que le podiatre, tel que défini et tel qu'il vous a été présenté depuis l'intervention de tantôt, serait vraiment qualifié avec les structures de cours que nous proposons actuellement.

Il faut dire qu'on a débuté avec un cours de recyclage pour les membres actuels. Nous sommes actuellement en train de préparer un futur cours pour le futur podiatre qui serait, pour donner une approximation, l'équivalent du cours d'ergothérapie tel que décrit ce matin. Il y aurait un baccalauréat spécialisé en podiatrie, après trois années d'études universitaires à la sortie du collège. Or, évidemment, ce cours

contiendra beaucoup de crédits, la majorité des crédits en sciences biologiques, en biochimie, en chimie et aussi en techniques podiatriques. Ce sera vraiment, selon les médecins et les orthopédistes que nous avons pu consulter, une innovation puisqu'il faut innover en ce qui concerne les cours de podiatrie au Québec.

Je pense qu'à ce stade on peut qualifier la Société de podiatrie de vraiment honnête et elle veut préparer ses membres à une fonction bien définie, professionnelle, qui sera en accord avec le dialogue établi avec les universités, le Collège des médecins et les autres professionnels de la santé.

M. LAVOIE (Wolfe): Les produits du Dr Scholl que nous voyons un peu partout, est-ce que cela serait dans le même genre?

M. RICHER: Absolument pas. C'est un cours tout à fait nouveau.

M. PERREAULT (Ronald): Je vais me permettre de répondre à cette question. J'ai tenté ma propre expérience. Vous avez connu un peu mon histoire personnelle tout à l'heure. Hier soir on m'a demandé de ne pas parler d'un séjour que j'ai fait à Chicago pendant deux mois. Mes parents ont dépensé énormément d'argent pour m'envoyer à Chicago à la compagnie du Dr Scholl, où normalement j'étais censé apprendre certaines choses au niveau du pied. Tout ce que j'y ai appris, je suis bien honnête en le mentionnant, je n'ai rien à cacher, il ne faut pas rêver en couleurs, j'ai les deux pieds à terre, c'était simplement de vendre des bebelles, purement et simplement. Cela ne rend aucun service à la population. J'irai même plus loin. Sur leur étiquetage, la précaution à prendre est très peu indiquée. On retrouve dans nos bureaux, certaines fois, des diabétiques qui ont utilisé ce produit. Cela endommage leur pied et coûte plus cher qu'une consultation chez le podiatre. Cela peut aller jusqu'à leur causer une gangrène diabétique et même l'amputation parce qu'ils ont acheté ce qu'on appelle communément un "Blue Jay".

En ce qui concerne les orthèses, pour en confectionner une, il faut calculer le pied de la personne dans l'espace — je m'excuse si c'est technique. Par la suite, le calculer en position statique, le calculer en mouvement, établir une moyenne et faire la fabrication. Ce n'est pas un appareillage qu'on fabriquera à l'avance et qu'on donnera à un patient.

Vous voyez difficilement un dentiste vous donner une prothèse dentaire sans prendre d'empreintes, sans examen. Vous voyez difficilement un optométriste vous donner une paire de lunettes sans examen. En ce qui concerne le domaine du pied, c'est exactement la même chose.

M. LAVOIE (Wolfe): Qu'est-ce que vous pensez du support qui se vend pour ajuster l'arche du pied?

M. PERREAULT (Ronald): C'est ce que je viens de vous mentionner. Vous ne voyez pas un dentiste...

M. LAVOIE (Wolfe): Vous avez parlé des "Blue Jay".

M. PERREAULT (Ronald): Cela ne rend absolument aucun service. Vous rencontrerez des personnes, par exemple, qui ont une voûte qui est extrêmement prononcée. Mettez ce que vous voulez à l'intérieur, cela les soulagera. Mais si vous prenez quelque chose qui est fait pour elles, pour leur problème, cela aidera réellement.

M. LAVOIE (Wolfe): C'est semblable à la médecine générale. Il y a peut-être 50 p.c. de subjectif. Le seul fait d'avoir ce support dans son soulier soulage la personne.

M. PERREAULT (Ronald): Je vais laisser répondre mon confrère.

M. DESFORGES: Vous parlez de support acheté dans un commerce quelconque. Est-ce qu'on achèterait un dentier dans une pharmacie ou un magasin quelconque? C'est là qu'est la réponse. Il faut quelque chose sur mesure et adapté à la statique du pied.

M. LE PRESIDENT: Le ministre a une question.

M. DESFORGES: C'est du point de vue de l'orthèse.

M. CASTONGUAY: Vous n'avez pas de traitement pour ceux qui raisonnent comme des pieds?

M. DESFORGES: Pardon?

M. CASTONGUAY: Je ne vise personne, je ne voudrais pas commencer une discussion, il fait assez chaud.

M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, je veux remercier Me Philippon et la délégation de la Société de podiatrie de la province de Québec.

M. DESFORGES: A titre de président de la société, j'aimerais remercier M. le président, M. le ministre, ainsi que les députés de bien avoir voulu nous entendre.

M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux au 14 septembre, à 1 0 heures.

(Fin de la séance à 17 heures)

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