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Commission spéciale des corporations
professionnelles
Projet de loi no 250 Code des professions et
autres
projets de loi connexes
Séance du mardi 22 août 1972
(Dix heures treize minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale des
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
La troisième séance de la commission spéciale des
corporations professionnelles débute maintenant.
Je vais faire lecture de la liste pour savoir si tous les groupes sont
ici. Le Collège des pharmaciens, l'Association québécoise
des pharmaciens propriétaires, l'Association professionnelle des
pharmaciens salariés, la Société professionnelle des
pharmaciens d'hôpitaux, la Faculté de pharmacie de
l'Université de Montréal et l'Ecole de pharmacie de
l'université Laval. Les Aides pharmaciens ne sont pas ici. J'en ajoute
une autre, l'Association professionnelle des pharmaciens de l'Université
du Québec; ils sont ici?
Les règles de procédure sont très faciles. On donne
vingt minutes pour faire l'exposé du mémoire et, après, il
y a quarante minutes de questions qui viennent de la commission aux groupes qui
sont ici.
Je constate que le Collège des pharmaciens a quatre
mémoires. Nous voudrions étudier les quatre en même temps
et vous interroger sur les quatre. Si ça prend un peu plus de temps,
nous vous l'accorderons. Faites votre exposé sur les quatre
mémoires et la commission va vous interroger sur les quatre. Même
si ça prend plus de temps que d'en faire un pour chaque mémoire,
nous allons vous donner ce temps.
M. GAGNON (Jacques): M. le Président, étant donné
que nous avons étudié le bill 255, la Loi de pharmacie, la Loi
médicale, la Loi de l'art dentaire ensemble, serait-il possible de faire
un exposé sur ces bills-là et de faire un exposé
séparé sur le bill 250 parce que nous nous sommes divisé
le travail?
M. LE PRESIDENT: Faites le séparément, mais l'un
après l'autre.
M. GAGNON (Jacques): D'accord.
M. LE PRESIDENT: Nous vous interrogerons après que tous vos
exposés seront terminés.
M. GAGNON (Jacques): D'accord.
Collège des pharmaciens du
Québec
M. GAGNON (Jacques): M. le Président, M. le ministre des Affaires
sociales, MM. les députés...
M. LE PRESIDENT: M. Gagnon, voulez- vous, pour le bénéfice
du journal des Débats, vous identifier avant de commencer à
parler? Ceci vaut pour tous les opinants.
M. GAGNON (Jacques): Je suis Jacques Gagnon, président du
Collège des pharmaciens de la province de Québec. Je suis
accompagné des membres du Conseil des gouverneurs, des
pharmaciens-cadres du collège, dont M. Pierre Robert, le coordonnateur
des activités professionnelles, ainsi que notre conseiller juridique, Me
Louise Mailloux.
Au cours des dernières années, et à maintes
reprises, le Collège des pharmaciens du Québec a publiquement
pris position sur divers sujets dont la santé publique, l'organisation
professionnelle et le rôle des corporations. Il l'a fait, entre autres,
lors de son mémoire sur l'assurance-maladie, présenté au
ministre de la Santé du Québec en janvier 1966; lors de son
deuxième mémoire sur l'assurance-maladie, présenté
à la commission d'enquête sur la santé et le
bien-être social en mai 1967, lors des recommandations de son
comité de planification, faisant suite à l'étude des
quatre premiers rapports déposés par la Régie de
l'assurance-maladie du Québec en octobre 1970, ainsi que lors de ses
considérations et recommandations sur le bill 69 présenté
à la commission parlementaire des affaires sociales en janvier 1971.
Le Collège des pharmaciens désire d'abord remercier le
président et les membres de la commission parlementaire spéciale
des corporations professionnelles de lui donner une nouvelle occasion d'exposer
ses vues sur les projets de loi dont il a pris connaissance. L'exécutif
du collège a fait une tournée provinciale afin d'exposer la
philosophie du conseil des gouverneurs à ses membres. C'est fort de leur
appui que le collège a déposé et commentera aujourd'hui
ces mémoires qui représentent la philosophie des pharmaciens du
Québec. Notre mémoire sur le bill 250, soit le code des
professions, a été préparé par MM. Roger Des
Groseilliers et Jean-Yves Julien, gouverneurs du collège. Je cède
donc la parole à M. Des Groseilliers, sur le bill 250.
M. DES GROSEILLIERS: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, le Collège des pharmaciens du Québec a
participé à l'élaboration du mémoire sur le bill
250 déposé par le Conseil interprofessionnel du Québec. Il
tient cependant à apporter à l'étude de ce projet de loi
les commentaires et recommandations supplémentaires qui suivent.
Commentaires. Le Collège des pharmaciens du Québec tient
à déclarer tout d'abord qu'il reconnaît la
nécessité de ce projet de loi-cadre, qui a pour but d'assurer la
participation gouvernementale au contrôle de l'exercice des professions.
Si nous nous référons à la déclaration
ministérielle de l'honorable Roy Fournier, datant du 9 juillet 1971,
l'action du gouvernement visait un double but. A) instaurer un système
nouveau et homogène dont la fonction
première sera d'assurer la protection des intérêts
du public et l'autodiscipline active des membres dans l'exécution de
cette fonction tout en préservant l'identité propre, les
caractéristiques particulières et les prérogatives de
chaque profession. B) établir une structure normalisée pour
chacune des professions et leur attribuer certains droits, pouvoirs et
obligations en certaines matières, notamment la déontologie, la
formation professionnelle, l'autorisation d'exercer, de même que la
reconnaissance des spécialités dans le cadre des normes qui
seront substantiellement de même nature pour chacune des professions.
L'honorable Roy Fournier précisait: "L'initiative gouvernementale
ne vise en aucune sorte à la mainmise de l'Etat sur les corporations
professionnelles ou sur les activités de leurs membres.
M. LE PRESIDENT: Je constate que vous lisez mot à mot votre
mémoire. Les quatre mémoires que vous avez déposés
sont entre les mains des membres de cette commission depuis longtemps et
j'espère qu'une grande majorité a déjà lu ces
mémoires. Vous pourriez peut-être ne dire que les points
importants de votre mémoire, mais nous allons vous questionner sur
l'ensemble de votre mémoire car le ministre et les autres membres de la
commission l'ont lu et ont préparé des questions le
concernant.
M. DES GROSEILLIERS: M. le Président, la lecture du
mémoire va durer exactement douze minutes. Le mémoire est
déjà un résumé du CPQ et vous me demandez d'en
faire un autre résumé. Puis-je continuer? Douze minutes au
maximum et vous m'allouez vingt minutes.
M. LE PRESIDENT: D'accord. Mais vous avez trois autres mémoires
aussi.
M. DES GROSEILLIERS: Cette déclaration de principe devait se
traduire dans une loi-cadre qui, primo, définirait les corporations et
les professionnels; secundo, déterminerait de façon
générale les fonctions, devoirs et pouvoirs des corporations;
tertio, établierait une structure générale permettant aux
corporations professionnelles d'assumer le rôle de protection du public;
quarto, permettrait une surveillance générale de l'Etat.
Or, après avoir étudié le projet de loi 250 dans
les quelque deux mois alloués pour le faire, le Collège des
pharmaciens du Québec doit déclarer que le projet de code des
professions ne répond pas aux principes énoncés et
risquerait, si l'on adoptait sa rédaction actuelle, de manquer les
objectifs que le gouvernement lui-même s'est fixés.
Plusieurs articles du bill 250 pèchent par l'esprit et la lettre
contre les intentions manifestées par le gouvernement. Ainsi les
articles 84 à 88, 168 et 169 enlèvent toute véritable
autonomie aux corporations en conférant au lieutenant-gouverneur en
conseil des pouvoirs trop étendus. Les articles 1 a) et 27 ne donnent
pas une définition suffisante des corporations professionnelles. Les
articles du chapitre IV, spécialement l'article 27, ne décrivent
pas adéquatement les fonctions des corporations professionnelles.
De façon générale, le Collège des
pharmaciens du Québec estime que le bill 250, dans sa rédaction
actuelle, impose des devoirs accrus aux corporations, devoirs qu'elles
acceptent de remplir, tout en restreignant cependant leurs pouvoirs et, par
conséquent, leur efficacité.
Le projet de loi a notamment le tort de chercher à établir
une structure détaillée trop rigide, ce qui se traduirait par un
recul pour les corporations déjà bien structurées, et de
viser à une uniformisation impossible et, d'ailleurs, non
désirable.
Ce dernier reproche peut être formulé, entre autres,
à l'endroit des articles 102, 105, 110, 114, 117 et 247 du bill.
Le bill a aussi et surtout l'inconvénient de permettre des
nominations gouvernementales à un trop grand nombre de postes. C'est
ainsi que le gouvernement se réserve le droit de nommer et de
rétribuer ses représentants à six paliers administratifs:
les membres de l'Office des professions, quatre administrateurs
délégués sur vingt, dans le cas du Collège des
pharmaciens, et un membre du bureau sur cinq, le secrétaire du
comité d'inspection professionnelle, le président et le
secrétaire du comité de discipline, les syndics, les syndics
adjoints et les syndics correspondants des comités de discipline. Par
une telle omniprésence, l'Etat n'exercerait plus une simple surveillance
générale mais instituerait sa véritable
hégémonie sur les corporations, par le truchement d'une sorte de
pouvoir parallèle.
On aboutirait ainsi à une situation ambiguë, se trouvant
à mi-chemin entre l'étatisation pure et simple et une
régie partielle des corporations professionnelles. Une telle situation
pourrait susciter, au sein des professions et de la société, de
grands désordres dont le public et le bien commun feraient les
frais.
En conséquence et c'est ce qui constitue la
deuxième partie de ce mémoire le Collège des
pharmaciens du Québec soumet les recommandations suivantes pour la
refonte du projet de loi no 250. En tenant compte, toujours, du mémoire
présenté par le Conseil interprofessionnel du Québec, nous
soumettons les recommandations suivantes. Elles concernent le chapitre II
(l'Office des professions du Québec) le chapitre III (le Conseil
interprofessionnel) le chapitre IV (les corporations) et notamment la section
VI (inspection professionnelle) et la section VII (discipline) de ce chapitre
IV. 1) L'Office des professions du Québec. Le collège
considère que le rôle de l'office devrait être
renforcé, en lui confiant certains pouvoirs
que le projet actuel réserve au lieutenant-gouverneur en conseil,
notamment ceux mentionnés à l'article 63 et aux alinéas
a), b) et c) de l'article 169.
Les membres de l'office pourraient être au nombre de cinq ou sept
et la majorité de ces membres devraient être des professionnels
nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil d'après une liste
suggérée par les corporations professionnelles ou encore par
l'intermédiaire du CUQ.
L'office devrait avoir le pouvoir de nommer les administrateurs
prévus à l'article 76. 2) Le CIQ ou Conseil interprofessionnel du
Québec.
Que soit reconnu le Conseil interprofessionnel.
Que toutes les corporations professionnelles y participent
obligatoirement.
Que le conseil soit formé des corporations professionnelles et
non du président de chacune d'elles.
Que la cotisation de chacune des corporations professionnelles soit
déterminée suivant le mode actuellement en vigueur au CIQ, et que
chacune des corporations professionnelles puisse déléguer les
représentants de son choix. 3)Les corporations professionnelles.
Que les cinq conditions énumérées à
l'article 21 soient respectées pour la constitution des corporations
professionnelles présentes et futures.
Que, conformément à l'article 27, chaque corporation
professionnelle soit dotée de pouvoirs suffisants pour contrôler
l'exercice de la profession dans quelque domaine que ce soit, y compris les
services publics et parapublics: pratique privée, établissement,
industrie et gouvernement, afin que son contrôle soit efficace et
général.
Que les principales fonctions des corporations professionnelles soient
clairement identifiées et comprennent entre autres: la protection du
public; la vérification du haut degré de connaissances
scientifiques de leurs membres lorsqu'ils accèdent à l'exercice
et tout au long de leur exercice; le contrôle de la qualité de
l'exercice de la profession; du maintien des principes de moralité et de
probité professionnelle et de l'observance par tous les membres de leur
devoir professionnel; la surveillance et le maintien de l'honneur et la
dignité de la profession; la répression de l'exercice de la
profession par tout professionnel dans tous les milieux et l'exécution
de la présente loi et de ses règlements.
Que dans le but de rendre ces pouvoirs réellement efficaces et
généralisés, tout professionnel occupant un poste public
ou autre, en raison de sa qualité de professionnel, soit inscrit et
soumis à toutes les obligations des membres de sa corporation.
Le collège recommande encore que l'article 47 soit
modifié, de manière à ce qu'il soit d'application plus
facile et plus équitable.
L'article 49, qui constitue une obligation à la délation,
devrait être supprimé.
Que l'interdiction prévue à l'article 51 s'applique
seulement lors de l'admission en cure fermée.
Que l'article 57 soit modifié de manière à
permettre l'inscription des professionnels retraités ou autres qui
désirent participer aux activités de leur corporation
professionnelle comme administrateurs ou autrement.
Que les articles 62 et 245 soient modifiés de manière
à supprimer la possibilité de l'élection du
président au suffrage universel.
Que les pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil qui sont
prévus à l'article 63 deviennent des pouvoirs de l'office et que
l'office puisse les exercer après consultation auprès de la
corporation intéressée.
Le collège recommande aussi que l'adoption des règlements
d'élection relève des pouvoirs du bureau et que ce dernier soit
autorisé à prévoir un mode de contestation
d'élection.
Que toute consultation des membres, sauf lors de l'assemblée
générale, s'effectue par courrier recommandé.
Que le bureau ne soit pas tenu de faire approuver les règlements
adoptés en vertu de l'article 83, spécialement 83 k) et le
dernier paragraphe qui s'y rattache, forçant le collège à
faire approuver sa cotisation annuelle par l'assemblée
générale.
Aux articles 84, 85 et 86, contrairement à ce qui est
prévu à l'article 88, nous recommandons que le comité
administratif soit composé exclusivement de membres élus. Nous
recommandons aussi que la section VI traitant de l'inspection professionnelle
soit modifiée dans le sens des recommandations suivantes:
Que les membres, y compris le secrétaire, soient nommés
par le bureau parmi les membres de la profession; que le nombre de membres soit
déterminé en tenant compte des besoins de chacune des
corporations;
Que les pouvoirs du comité soient déterminés par
règlements du bureau, règlements approuvés par
l'office;
Que le comité d'inspection professionnelle n'ait pas le pouvoir
de loger de plaintes mais l'obligation de signaler au syndic ou au bureau, le
cas échéant, les cas qui à son avis méritent une
action disciplinaire.
Enfin, nous recommandons que la section VII traitant de la discipline
soit modifiée dans le sens des recommandations suivantes:
Le comité de discipline devrait être formé de cinq
membres de la corporation désignés par le bureau;
Les cinq membres ainsi nommés devraient élire un
président choisi parmi eux;
Un avocat ad hoc devrait agir comme procureur du comité de
discipline et devrait être rémunéré par chacune des
corporations professionnelles.
Le secrétaire du comité de discipline devrait être
nommé et rémunéré par le bureau.
Les syndics devraient être nommés et
rémunérés par le bureau qui déterminerait leurs
fonctions par règlement.
Des sanctions supplémentaires devraient être prévues
dans les lois particulières, en plus de celles prévues à
l'article 144, afin de tenir compte du caractère spécial des
corporations, le cas échéant.
On devrait prévoir, en matière de signification, les cas
où le secrétaire est dans l'impossibilité de signifier
toute plainte ou toute décision.
Le comité devrait être autorisé à
procéder par défaut ou exparte.
Les dépositions pourraient être prises en
sténographie si les parties préfèrent ce mode à
l'enregistrement.
Enfin, l'article 130 ne devrait pas être modifié.
L'article 136 devrait tenir compte du parjure.
L'article 143 devrait être modifié de façon à
tenir compte de certaines lois pénales s'appliquant uniquement à
certaines professions particulières, comme dans notre cas à nous,
du Collège des pharmaciens, la Loi des stupéfiants, la Loi des
aliments et drogues.
Il devrait y avoir une corrélation entre le comité de
discipline et le bureau.
L'appel devrait être entendu par le tribunal prévu à
l'article 149 et les juges devraient être désignés par le
juge en chef et non par le lieutenant-gouverneur en conseil.
Les articles 155 et 156 devraient être modifiés de
façon qu'une preuve additionnelle ne soit permise qu'en des
circonstances exceptionnelles et il faudrait qu'il s'agisse d'une preuve
nouvelle indispensable.
Enfin, l'appel devrait être entendu par préséance et
l'audition devrait avoir lieu dans les plus courts délais.
Le tribunal d'appel pourrait procéder par défaut ou
exparte.
Autres recommandations générales:
Que le pouvoir de réglementation du lieutenant-gouverneur en
conseil soit diminué et celui de l'office augmenté;
Que le serment ou affirmation de discrétion soit
renforcé;
Que seules soient exclues de l'annexe 2 les corporations suivantes:
Corporation professionnelle des avocats du Québec, des notaires du
Québec et des arpenteurs du Québec.
Conclusion: Considérant son expérience de cent ans comme
corporation professionnelle;
Considérant les amendements qu'il a déjà fait
apporter à la Loi de pharmacie, les efforts consentis et les
études faites pour l'établissement d'un répertoire des
règlements, la jurisprudence établie à grands frais, son
organisation disciplinaire bien rodée, sa structure de commissions et de
comités qui n'a rien perdu de son efficacité en 1972;
Considérant toutes ces structures qu'il a élaborées
avec soin pour assurer le contrôle de l'exercice de la profession,
promouvoir la com- pétence et le haut niveau professionnel de ses
membres et assumer ainsi pleinement son rôle de protection de la
santé publique, le Collège des pharmaciens du Québec prie
instamment le législateur de modifier en profondeur les dispositions du
bill 250 afin d'éviter qu'on ne noie dans la centralisation et
l'uniformisation d'utiles réalisations qui sont le fruit d'une longue
expérience et de coûteux efforts;
Le Collège des pharmaciens du Québec est d'avis que le
projet de code des professions, dans sa rédaction actuelle, loin
d'apporter la réponse attendue et nécessaire, marquera, pour la
majorité des corporations déjà bien structurées, un
tel retour en arrière qu'il ne laissera éventuellement à
ces corporations d'autre choix que de remettre complètement à
l'Etat le contrôle et la surveillance de l'exercice des professions. Les
corporations seront, en effet, dans une situation telle qu'elles ne pourront
s'acquitter des fonctions pour lesquelles elles sont et seront toujours les
mieux qualifiées.
M. GAGNON (Jacques): M. le Président, quant aux trois autres
bills, j'ai un résumé des mémoires.
L'exposé du collège sera aussi bref que possible et sera
divisé en deux parties. La première traitant des principes de
base et des recommandations générales concernant le pharmacien et
la pharmacie. La deuxième traitant du projet de loi lui-même sur
la pharmacie, soit le bill 255.
Principes de base: Les principes de base concernant le pharmacien et la
pharmacie peuvent se résumer en mentionnant que: 1 ) Le
médicament ne peut être considéré comme une
marchandise commerciale. 2)Le médicament est un poison en substance.
3)Le médicament ne peut être préparé et
délivré sans contrôle. 4)Le contrôle doit être
exercé par un spécialiste. 5)Le pharmacien est le seul
spécialiste du médicament. 6)La loi acutelle, 1964 et le projet
de loi sur la pharmacie, le bill 255, ne permettent pas aux pharmaciens
d'exercer pleinement ce contrôle.
Recommandations générales: Se basant donc sur les grands
principes qu'il vient d'émettre, le collège recommande: l)Que la
délivrance des médicaments et poisons soit sous la juridiction
exclusive du pharmacien. 2)Que les mots médicaments et drogues soient
définis de façon uniforme dans les différentes lois. 3)
Que la présence du pharmacien soit assurée au niveau de la
préparation, du contrôle et de la délivrance du
médicament dans tous les établissements du secteur public et
privé où il se fait une délivrance de médicaments;
4) Que les médicaments brevetés fassent l'objet d'une
évaluation scientifique quant à
leur valeur thérapeutique, que l'étiquetage soit soumis
à des normes identiques à celles de la Loi des aliments et
drogues et, enfin, que la délivrance en soit réservée
uniquement aux pharmaciens; 5) Que toute publicité sur les
médicaments auprès du grand public soit abolie; 6) Que les
professionnels de la santé autres que les pharmaciens ne soient
autorisés à ne délivrer que les médicaments
d'urgence et d'une façon extemporanée; 7) Que le gouvernement
provincial profite des services du pharmacien pour assurer la diffusion de
toute information sur les drogues.
Projet de loi sur la pharmacie. Relativement au bill 255 lui-même,
il est évident que nous ne traiterons pas de toutes les modifications
que le collège désire apporter, mais que nous nous attarderons
plus spécifiquement aux articles les plus importants.
Définitions. A l'article 1 du bill 255, page 1 à 4 du
contreprojet de loi sur la pharmacie, section I. D'abord, le collège
désire apporter des modifications et des additions â l'article 1
de la section I du bill 255, soit celui traitant des définitions. Les
plus importantes modifications sont celles ayant trait aux définitions
des mots pharmacien, médecin, médicament et ordonnance. Les plus
importantes additions sont celles ayant trait aux définitions des mots
membre, autorisation, et non l'autorisation spéciale du code des
professions, licence, pharmacie ou officine, fournir un médicament et
administrer un médicament.
Si nous revenons aux modifications apportées par le
collège au paragraphe c) pharmaciens, paragraphe d) médecins,
paragraphe e) permis et paragraphe f ) autorisation spéciale du bill
255, elles ont été faites dans le but de faire une distinction
très nette entre un pharmacien et un médecin. Le collège
définit un pharmacien comme étant tout membre de l'Ordre des
pharmaciens, le membre étant défini comme étant tout
professionnel détenant un permis au sens de la présente loi. Le
collège y définit aussi le médecin comme étant tout
membre de l'ordre des médecins du Québec détenant une
autorisation au sens de la présente loi.
Ce faisant, le collège fait une distinction nette entre un
pharmacien membre détenant un permis d'exercer sa profession, la
pharmacie, et un médecin détenant l'autorisation lui permettant
de fournir des médicaments ou de distribuer des médicaments,
autorisation accordée conformément à la présente
loi. Les dispositions de cette autorisation sont prévues aux articles 38
à 42 inclusivement de notre contre-projet et nous y reviendrons plus
tard. A ce moment-ci, il faut mentionner qu'il s'est glissé une erreur
dans la disposition des articles à la page 2 de notre contreprojet
relativement à l'autorisation spéciale du code des professions.
Le collège désire, en effet, conserver intégralement le
texte du paragraphe f ) de l'article 1 du bill 255.
Quant aux modifications apportées à la définition
du mot médicament, elles ont été faites dans le but de ne
pas définir le médicament comme étant exclusivement un
objet faisant partie d'une liste. Le collège suggère une
définition beaucoup plus complète basée sur celle de la
direction générale de la protection de la santé,
antérieurement la direction générale des aliments et
drogues, ce qui nous permet de rejoindre l'une de nos recommandations du
début, soit celle d'uniformiser les définitions dans les
différentes lois.
Enfin, relativement aux modifications apportées à la
définition du mot ordonnance, le collège demande d'introduire la
notion d'une demande plutôt que celle d'un ordre.
Le collège y précise aussi que cette demande doit
être adressée à un pharmacien et dirigée vers une
personne désignée par le patient.
Traitons maintenant des additions les plus importantes à ce
niveau. Le collège recommande de prévoir une licence, soit un
permis de tenir une officine, et de définir cet endroit comme
étant affecté à la préparation, la composition, le
contrôle des médicaments, des produits hygiéniques et
sanitaires. Enfin, le collège désire faire une distinction entre
les termes "fournir un médicament" et "administrer un
médicament", "fournir un médicament" étant défini
comme le distribuer et "administrer un médicament" étant
défini comme le faire prendre à un malade d'une façon
extemporanée et en cas d'urgence.
Les additions mentionnées précédemment se
retrouvent aux pages 3 et 4 de notre contre-projet et plus
précisément à l'article 1 des paragraphes m), licence, n),
pharmacie ou officine, p), fournir un médicament et q), administrer un
médicament.
A la section III du bill 255, soit celle traitant du bureau de l'ordre,
et plus précisément à l'article 4, le collège
demande que le bureau de l'ordre soit composé de vingt administrateurs
élus, conformément à l'article 59 du code des professions,
et non de 17 comme le stipule cet article.
A ce niveau, le collège revendique le pouvoir de
réglementer sur la répartition des administrateurs du bureau de
l'ordre, se basant sur les districts électoraux provinciaux plutôt
que sur les districts judiciaires, tel que stipulé dans la loi actuelle
de pharmacie, 1964, et dans le bill 255, afin d'être en mesure d'apporter
une répartition géographique et une représentation
conforme à la réalité pharmaceutique
québécoise.
Toujours à la section III et plus précisément
à l'article 9 du bill 255, le collège demande au
législateur d'élargir son pouvoir de réglementation
notamment en ce qui a trait: a) à la tenue d'une officine, b) à
la création et répartition des officines, soit le zonage, c) aux
circonstances où le médecin peut fournir des médicaments,
d) à la publicité professionnelle et e) aux circonstances dans
lesquelles un établissement peut four-
nir des médicaments à des personnes qui ne sont pas
hospitalisées, ni traitées.
Ces additions se retrouvent aux articles 16, etc, du contreprojet sur la
pharmacie et plus particulièrement aux pages 7, 8 et 9.
A) Tenue d'une officine. Relativement à la première
addition signalée précédemment, soit celle relative
à la tenue d'une officine, le collège demande le pouvoir de
réglementer afin de décommercialiser la pharmacie et permettre au
pharmacien de jouer uniquement son rôle de professionnel de la
santé et de rendre de meilleurs services pharmaceutiques à la
population.
B) Création et répartition des officines, le zonage. Quant
à la création et à la répartition des officines,
soit le zonage, le collège considère qu'il est important de
prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre
l'accessibilité aux services pharmaceutiques pour tous les
Québécois.
Les trois pouvoirs de réglementation qui suivent et que le
collège revendique étaient dans le bill 255 des pouvoirs du
lieutenant-gouverneur en conseil. On comprendra pourquoi le collège
demande de les rattacher à son pouvoir de réglementation en
expliquant ce qui suit.
C) Pour ce qui est des circonstances où le médecin peut
fournir des médicaments, elles sont reliées à la
définition du mot "autorisation" dont nous avons traité
précédemment. Une autorisation peut être accordée au
médecin en vue d'avoir dans son cabinet un dépôt de
médicaments et d'en délivrer aux personnes auxquelles il donne
ses soins dans les endroits où il n'y a pas de pharmaciens, cette
autorisation se justifiant par la nécessité de pourvoir aux
besoins de la population.
Il faut comprendre qu'une telle autorisation ne doit pas être
donnée dans l'intérêt du médecin, mais bien dans
celui de la population. C'est pourquoi nous nous permettons de suggérer
au législateur des textes en vertu desquels cette autorisation serait
considérée comme une exception de droit.
Renouvelable en principe, elle serait révocable dès qu'un
pharmacien se serait installé dans les districts concernés.
Ces dispositions sont prévues dans le contre-projet, au dernier
paragraphe de l'article 38, ainsi qu'aux articles 39 à 42 inclusivement,
soit aux pages 14 et 15.
Publicité professionnelle. Traitons maintenant de l'addition
apportée par le collège relativement à la publicité
professionnelle. La publicité mentionnée au paragraphe a) de
l'article 39 du bill 255 est un point touchant de près à
l'intégrité et à l'éthique professionnelle. Nous
sommes en faveur d'une publicité non tapageuse, tel que le recommande
d'ailleurs le rapport de la commission d'enquête sur la santé et
le bien-être social, les professions et la société,
publicité par laquelle le pharmacien favoriserait l'accessibilité
des services pharmaceutiques.
Nous ne pouvons toutefois accepter les stipulations de l'article 39 a)
du bill 255 permettant au lieutenant-gouverneur en conseil de
déterminer, par règlement, le genre de publicité qu'un
pharmacien peut faire dans le but de favoriser la libre concurrence entre
pharmaciens. Nous soumettons qu'il est inacceptable, pour des professionnels
ayant un code d'éthique à respecter, d'être ainsi
exposés à une publicité tapageuse incompatible avec la
dignité professionnelle.
Si l'objectif du gouvernement est d'assurer l'accessibilité des
biens et services de santé pour l'ensemble de la population, d'assurer
la protection des citoyens en se portant garant d'une qualité minimale
de ces biens et services, de faire en sorte que la distribution soit efficace
au plan économique, à savoir que les coûts d'obtention de
ces biens et services soient les moins élevés possible, si tel
est l'objectif du gouvernement et s'il croit l'atteindre en établissant
la libre concurrence entre pharmaciens, pourquoi le gouvernement
n'applique-t-il pas ce même principe de concurrence au sein des autres
professions de la santé et même de toutes les professions en
général? Nous estimons que cette exigence de l'article 39 a) est
discriminatoire et que le corps pharmaceutique ne peut l'accepter.
De plus, relativement aux répercussions que pourrait avoir une
publicité concurrentielle sur les médicaments, il est important
de mentionner que cette publicité, faite par les nombreux media
d'information, incite fortement le patient à utiliser des substances
contre la toux, contre l'insomnie, etc. Dans bien des cas, ces produits
contiennent des agents qui peuvent diminuer ou augmenter la vigilance, la
capacité de concentration et qui peuvent mener à des accidents
graves et à une certaine dépendance. Le patient devient donc
ainsi orienté vers le médicament, qui lui sert de
béquille.
De plus, le public considère quelquefois comme superflues les
recommandations écrites sur l'étiquette du médicament et
en ignore les directives d'emploi.
Secrétaire de l'ordre. Afin de faire préciser les
fonctions du secrétaire de l'ordre et rattacher ses fonctions à
l'article 43 du bill 255, créant le secrétaire de l'ordre, le
collège recommande, dans son contreprojet, une nouvelle section. Nous
désirons insister particulièrement sur l'article 24 du
contreprojet, qui donne au secrétaire de l'ordre le pouvoir d'être
le gardien de toute officine et le dépositaire de tous les originaux
d'ordonnance, les registres, les dossiers-patient, les médicaments s'y
trouvant dans tous les cas où une officine, pour quelque raison que ce
soit, n'a plus de pharmacien responsable.
L'exercice de la pharmacie. A la section V du bill 255, relative
à l'exercice de la pharmacie, le Collège des pharmaciens demande
au législateur de modifier l'article 15, en incluant les services
pharmaceutiques que doit rendre le pharmacien, soit le contrôle de
l'authenticité de
l'ordonnance, le contrôle de la régularité de
l'ordonnance, la préparation ou le refus d'exécuter l'ordonnance
et le renouvellement de l'ordonnance, l'information pharmacologique et
pharmaceutique, la fourniture et la vente de médicaments, de poisons et
de préparations médicinales, les analyses ainsi que tout autre
service pharmaceutique offert au patient.
Le collège propose, à l'article 35 du contre-projet, un
nouveau texte, afin de réitérer le principe de
l'incompatibilité de l'exercice de la profession de pharmacien avec
l'exercice d'une autre profession, sous la réserve des privilèges
accordés dans certains cas par la présente loi.
Quant à l'article 17 du bill 255, nous croyons que la nouvelle
loi sur la pharmacie ne protégerait pas adéquatement la
santé des patients en permettant, comme le fait cet article, que
l'achat, la préparation, la vente ou la fourniture des
médicaments soient confiés à quelqu'un d'autre qu'un
pharmacien. Nous suggérons de biffer entièrement le premier
paragraphe de cet article, parce qu'il contredit l'article 22 du code des
professions en laissant des personnes qui n'ont pas suivi d'études en
pharmacie et qui n'ont donc pas la formation ni les qualifications requises
pour assurer la protection de la santé publique poser des actes qui
doivent être réservés à des pharmaciens.
Ce premier paragraphe contredit aussi l'article 27 du code des
professions selon lequel la principale fonction d'une corporation est d'assurer
la protection du public et le contrôle de la profession par ses membres.
Or, l'ordre n'aurait aucun contrôle sur des non-pharmaciens.
Pour ce qui est du deuxième paragraphe de l'article 17, nous
demandons qu'on en biffe la première partie, soit jusqu'au
point-virgule. Elle permettrait en effet à tous les
établissements visés par le bill 65 d'acheter, de
préparer, vendre ou fournir des médicaments à des patients
qui sont hospitalisés ou traités, sans que tous ces actes ainsi
que tous les services pharmaceutiques y étant rattachés, qui
constituent pourtant l'exercice de la pharmacie, soient exécutés
par un pharmacien.
Cette disposition aurait pour effet de priver les gens
hospitalisés ou traités des services d'un pharmacien, de
contrevenir à un règlement de la Loi des hôpitaux qui
préconise la présence d'un pharmacien, et d'empêcher le
contrôle des erreurs et la surveillance de la distribution des
médicaments dans un secteur ou précisément le patient est
en droit de s'attendre à bénéficier d'une protection
optimale.
Si l'on considère le fait que n'importe qui peut aller dans un
établissement et devenir une personne traitée au sens de la loi,
que les médicaments y seraient distribués par une personne
n'ayant pas nécessairement des connaissances pharmaceutiques, qu'aucun
contrôle ou surveillance adéquat n'y serait exercé, nous
concluons qu'une telle situation pourrait avoir de nombreux effets
déplorables, dont surconsommation de médicaments,
automédication et risque d'interaction médicamenteuse ou
d'association de médicaments préjudiciables à la
santé des patients traités, erreur pouvant se glisser dans la
rédaction de l'ordonnance, ainsi qu'augmentation des coûts.
Pour toutes ces raisons, nous demandons que la première partie de
ce deuxième paragraphe de l'article 17 soit biffée et
remplacée par un nouveau texte qui dirait, en substance, que rien dans
la présente loi n'interdit l'achat et la préparation de
médicaments par les établissements, ni la fourniture par eux de
médicaments aux patients qui y sont hospitalisés, pourvu que tels
actes soient effectués par un pharmacien membre de l'ordre.
Quant à la seconde partie de ce deuxième paragraphe
concernant les personnes autres que les patients qui y sont hospitalisés
ou traités, nous exigeons toutefois que les deux conditions suivantes
soient respectées, à savoir que l'ordre conserve le
contrôle du pharmacien oeuvrant dans un tel établissement et que
l'ordre conserve le contrôle de l'officine ouverte dans un tel
établissement.
Le Collège des pharmaciens du Québec a
déposé des recommandations en ce sens dans le mémoire
qu'il a présenté le 7 novembre 1969 à la Commission
fédérale d'enquête sur l'usage des drogues à des
fins non médicinales, la commission Le Dain. Il demande aujourd'hui que
la Loi sur la pharmacie accueille ces recommandations en confirmant que la
délivrance des médicaments et des poisons soit sous la
juridiction exclusive du pharmacien, que la présence du pharmacien soit
assurée dans toutes les institutions hospitalières et autres
établissements où il se fait une délivrance de
mécidaments.
Quant à l'article 20 du bill 255 concernant l'exécution
d'une ordonnance et la substitution, le collège recommande, à
l'article 44 du contre-projet, page 15, un nouveau texte qui permette la
substitution de médicaments en tenant compte du refus d'exécuter
une ordonnance.
De plus, relativement à la responsabilité du pharmacien
vis-à-vis de la substitution, le collège recommande qu'aucune
action ou autre procédure ne soit intentée contre un pharmacien
dans un cas de substitution selon le présent article.
De plus, le collège désire souligner au législateur
le danger de laisser le prescripteur libre de s'opposer à la
substitution. Nous savons que l'industrie pharmaceutique fait actuellement une
campagne d'information, basée uniquement sur les dangers de permettre la
substitution de médicaments. Certaines maisons pharmaceutiques sont
même allées plus loin en faisant fabriquer des tampons qu'elles
remettent aux médecins gratuitement, en leur suggérant de refuser
systématiquement la substitution. Nous savons de plus qu'il existe
d'autres compagnies pharmaceutiques qui fournissent aux médecins des
carnets d'ordonnance sur lesquels sont inscrits le nom et l'adresse du
médecin, ainsi que le nom du médicament.
Quant à l'article 25 du bill 255, traitant de la
propriété de l'officine, le Collège des pharmaciens
recommande que les pharmacies continuent à être la
propriété exclusive d'un pharmacien ou d'une
société de pharmaciens, comme le prescrit la Loi sur la pharmacie
actuelle. Nous ne pouvons accepter les dispositions de l'article 25 b) du bill
255 permettant qu'une pharmacie soit la propriété d'une
corporation comprenant des non-pharmaciens, à condition que la
majorité des administrateurs soient des pharmaciens qui
détiennent la majorité des actions.
Ce faisant, la profession pharmaceutique rabaisserait son prestige, son
intégrité professionnelle et ferait bon marché de la
protection du public. Nous ne pouvons concevoir qu'un gouvernement comme celui
du Québec, qui se préoccupe de la santé publique, du
respect et de la protection du consommateur, ainsi que de la qualité des
services accessibles au public, préconise que de simples hommes
d'affaires, ne détenant aucun diplôme pertinent, n'ayant aucune
compétence scientifique particulière et dont l'unique
préoccupation, quoique légitime, est et demeure le profit soient
à l'avenir autorisés à détenir jusqu'à 49
p.c. des intérêts dans l'administration d'une pharmacie.
On peut concevoir en théorie que le ou les pharmaciens
majoritaires dans une telle corporation sauraient préserver la tenue
professionnelle de la pharmacie et maintenir la qualité des services qui
sont dispensés au public. Dans la pratique, toutefois, nous sommes
justifiés de. croire qu'une telle situation dégradera la
profession, diminuera la qualité des services qu'elle rend et ouvrira la
porte à de multiples dangers dont seul le patient fera les frais.
Au moment même où le gouvernement du Québec reserre
avec raison les exigences scolaires et professionnelles des corporations
professionnelles existant déjà et crée de nouvelles
professions, il est inacceptable qu'on veuille commercialiser la nôtre.
Nous croyons, d'ailleurs, qu'il est impossible d'affirmer que la
société anonyme constituerait le meilleur type de structure des
entreprises québécoises distribuant des produits pharmaceutiques.
Si l'on se fie à l'exemple américain, cette forme d'entreprise
pourrait bien devenir dominante et l'on sait qu'aux Etats-Unis les
sociétés par action de grande taille, à succursales
multiples, contrôlent près des deux tiers du marché
américain de la vente au détail des médicaments.
Est-ce le but que nous voulons atteindre au Québec? Veut-on faire
passer la distribution au détail des médicaments entre les mains
de puissantes compagnies commerciales d'Ontario ou d'ailleurs, qui
n'installeront leurs succursales que dans les zones urbaines où elles
tireront le maximum de profits, sans se préoccuper d'améliorer la
répartition géographique des pharmaciens et
l'accessibilité de toute la population aux services pharmaceutiques?
La disposition que nous propose l'article 25 b) existe dans quelques
autres provinces cana- diennes et dans plusieurs Etats américains
où, sans doute, par voie de conséquence, les pharmacies offrent
l'aspect le plus dégradé qui soit. Or, les pharmaciens du
Québec ne veulent pas revenir à l'époque des
pharmacies-bazars qui furent, à juste titre, si critiquées. A ce
point de vue, nous croyons que l'adoption de l'article 25 b) aurait pour
déplorable conséquence d'annihiler les efforts de revalorisation
professionnelle consentis par les pharmaciens du Québec au cours de la
dernière décennie, efforts qui furent concrétisés
par le législateur lui-même en 1964 lors de la dernière
modification de la Loi de pharmacie du Québec, efforts grâce
auxquels on admet généralement aujourd'hui que, dans l'ensemble
du Canada et même de l'Amérique du Nord, les pharmacies
québécoises sont celles qui affichent la meilleure tenue
professionnelle.
Enfin, de sérieux doutes se posent au plan constitutionnel, car
l'article 25 b) aurait pour effet de permettre à des corporations
à charte fédérale de s'installer dans ce champ
d'activité. Or, ces compagnies fédérales échappent
totalement au législateur provincial qui ne peut avoir et n'a aucun
contrôle sur elles. De plus, le collège recommande que les
articles 26, 27 et 28, 29 et 30 du bill 255 soient biffés en concordance
avec l'article 25 b).
De plus, nous désirons souligner au législateur que, s'il
maintenait l'article 25 b), on aboutirait à la situation absurde
suivante. En concordance avec l'article 23 du bill 255, par le truchement d'une
corporation, un fabricant de produits pharmaceutiques pourrait détenir
jusqu'à 49 p.c. des actions, d'une pharmacie, alors que le pharmacien ne
serait pas autorisé à avoir le moindre intérêt dans
une compagnie de fabrication. De plus, un non-pharmacien propriétaire de
49 p.c. des actions d'une pharmacie pourrait détenir des
intérêts dans une entreprise de fabrication, alors que son
associé pharmacien ne pourrait en détenir. Au niveau de cette
section sur l'exercice de la pharmacie, le Collège des pharmaciens
recommande d'ajouter qu'une personne tenant officine doit la tenir dans un lieu
complètement distinct de tout local où il se pratique un commerce
étranger aux produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires:
médicaments, drogues et poisons.
Le texte proposé par le collège à cet effet se
retrouve à l'article 54 du contreprojet, à la page 19.
Exercice illégal de la pharmacie. Au niveau de la section VI du
bill 255, soit celle traitant de l'exercice illégal de la pharmacie, le
collège demande au législateur d'inclure dans la Loi sur la
pharmacie les dispositions de l'article 36 de la Loi sur la pharmacie actuelle,
64, qui interdit à toute personne de distribuer ou de vendre des
médicaments par l'intermédiaire d'appareils automatiques. Le
collège désire ainsi prévenir l'automédication, la
surconsommation des médicaments et le risque d'absorption accidentelle
par les enfants.
Spécialités pharmaceutiques ou médicaments
brevetés. Quant à la section VIII du bill 255 traitant des
spécialités pharmaceutiques ou médicaments
brevetés, le collège demande au législateur de la faire
disparaître entièrement. Le collège insiste, en effet, pour
que tous les remèdes brevetés ou spécialités
pharmaceutiques soient considérés comme des médicaments au
sens de la Loi sur la pharmacie, cela dans l'intérêt de la
santé publique.
Considérant son expérience passée, les amendements
aux diverses lois de pharmacie établies depuis une centaine
d'années, amendements souvent reliés à la jurisprudence
établie par le collège ainsi que toutes les structures
élaborées dans ce sens, le Collège des pharmaciens
recommande au législateur de modifier le bill 255 de façon que le
public soit protégé en obtenant une qualité optimale des
biens et services pharmaceutiques tout en étant assuré de
l'accessibilité de ces biens et services pharmaceutiques.
Le bill 252, Loi médicale. Relativement au bill 252, soit la Loi
médicale, le Collège des pharmaciens recommande qu'au niveau des
articles 33 et 35 il soit bien spécifié que le médecin
n'est autorisé qu'à administrer des médicaments, soit
faire prendre un médicament à un malade d'une façon
extemporanée et en cas d'urgence, tel que nous l'avons mentionné
dans notre présentation sur le bill 255. Le médecin membre de
l'ordre des médecins du Québec détenant une autorisation
de l'ordre des pharmaciens du Québec pourra fournir des
médicaments, c'est-à-dire les distribuer. Quant à
l'article 34, le collège demande d'ajouter que le médecin,
puisqu'il ne peut avoir d'intérêt direct ou indirect dans une
entreprise de fabrication ou de vente de prothèse, ne puisse avoir
d'intérêt direct ou indirect dans une officine ou dans une
entreprise de fabrication de médicaments.
Relativement au bill 254, soit la Loi des dentistes, le Collège
des pharmaciens recommande que le dentiste ne soit autorisé qu'à
administrer des médicaments, c'est-à-dire faire prendre des
médicaments à un malade de façon extemporanée et en
cas d'urgence. Quant à l'article 32, le collège demande d'ajouter
que le dentiste, puisqu'il ne peut avoir d'intérêt direct ou
indirect dans une entreprise de fabrication ou de vente de prothèse
dentaire ne puisse avoir d'intérêt direct ou indirect dans une
officine ou dans une entreprise de fabrication de médicaments.
Messieurs, nous sommes à votre entière disposition si vous
avez des questions à nous poser.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Je pense que le ministre a quelques
questions.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier le
collège pour l'analyse qu'il a faite de ces projets de loi et les
suggestions qu'il formule. Au lieu de poser des questions extrêmement
spécifiques sur certaines des recommandations qu'il formule, j'aimerais
demander au président qu'il nous dise, d'une façon
résumée, jusqu'à quel point il partage la
préoccupation qui est la nôtre, au ministère, face à
l'augmentation extrêmement rapide de la consommation des
médicaments et qu'il identifie, ce qui à son avis, est la cause
de cette augmentation de la consommation des médicaments qui, pour nous
au ministère, présente des dangers et qui ne peut continuer
indéfiniment sans que certains gestes soient posés pour en
contrôler la croissance.
C'est ma première question. J'aimerais revenir avec une autre
question après celle-là, M. le Président.
M. GAGNON: M. le Président, M. le ministre, sur la
surconsommation des médicaments nous avons, au Collège des
pharmaciens, créé un comité avec la collaboration du
Collège des médecins. Nous avons soumis au Collège des
médecins parce que nous croyons que c'est un problème que
doit analyser le Collège des médecins et le Collège des
pharmaciens un document de travail et, à cause de la
période des vacances, nous n'avons pas rencontré à nouveau
le Collège des médecins. Je puis vous résumer le document
de travail que nous avons soumis au Collège des médecins. 1) Les
causes générales de la surconsommation des médicaments,
les causes favorisant la surconsommation des médicaments et les facteurs
connexes font l'objet d'explications qui varient de façon
considérable. Elles varient selon les différents groupes
d'usagers et au sein d'un même groupe; elles varient aussi selon les
drogues. Nous avons remarqué qu'au niveau des assistés sociaux,
soit ceux qui bénéficient de l'aide, il y a une surconsommation
plus grande de médicaments. Il y a une raison également: la
classification, la Loi sur les stupéfiants et la Loi sur les
narcotiques.
J'ai des statistiques qui m'ont été remises par une
compagnie d'assurance qui a fait un profil durant les derniers six mois. Sur un
million d'ordonnances, il y a une fréquence de 18.5 p.c. de
sédatifs et de barbituriques, comprenant les tranquillisants, entre
autres. Au niveau des répétitions, on compte 68 p.c. de ces
produits qui sont répétés.
On voit également que les produits de comptoir qui sont inclus
dans la liste que cette compagnie-là paie aux gens qui sont
hospitalisés représentent 11 p.c. et 53 p.c. de
répétitions. Ce sont les deux grands points. Nous avons
recommandé au Collège des médecins, pour pallier cela
d'abord que tous les tranquillisants mineurs soient changés d'annexe
à la Loi des aliments et drogues et que ça devienne un
médicament qui soit contrôlé, qui exige une nouvelle
ordonnance à chaque fois. Je pense qu'on règlerait là un
des gros problèmes de la surconsommation.
Egalement, il y a la publicité professionnelle sur tous les
médicaments qui fait foi de ça. Je pourrais laisser à M.
Robert le soin de parler de
la publicité des médicaments qui, j'en suis certain,
favorise l'automédication et la surconsommation de
médicaments.
M. CASTONGUAY: Avant de passer, M. le Président, à la
question de la publicité, sur le point que vous avez mentionné,
la question de répétitions, s'agit-il là uniquement d'un
problème de classification des médicaments que vous avez
mentionnés, les tranquillisants etc., ou s'il s'agit aussi de pratiques,
de la part des médecins, qui sont plus ou moins, disons, conformes aux
dangers que représente une trop grande consommation de
médicaments, c'est-à-dire non-indication assez précise
quant au renouvellement des ordonnances, quant à des ordonnances faites
par téléphone, etc.
M. GAGNON (Jacques): Quant au renouvellement de l'ordonnance, il est
vrai que souvent nous avons à constater que le médecin je
ne veux pas le blâmer, je pense que c'est la situation en
général ne donne pas toutes les indications sur
l'ordonnance. Nous avons vu des prescriptions sans nom, sans adresse, sans
signature même de médecin parfois et, selon la loi
fédérale, une ordonnance ne doit pas être
répétée à moins que ce ne soit indiqué par
le médecin. Le pharmacien est pris avec ce problème-là, le
patient se présente à sa pharmacie, on ne peut pas
répéter, on essaie de rejoindre le médecin, on appelle le
médecin: Organise-toi avec tes problèmes. Cela cause un
problème. Je pense que c'est un point important la façon dont
l'ordonnance est rédigée et les médecins ne
spécifient pas assez sur l'ordonnance de quelle façon on doit
agir. Les répétitions, si elles étaient indiquées,
une fois, deux fois ou trois fois, on pourrait les contrôler. Egalement,
on a institué un instrument, le dossier-patient avec lequel le
pharmacien est capable de contrôler la médication, mais
malheureusement à un moment donné on parle aux médecins,
on les appelle, on n'est pas capable de les rejoindre, le patient a besoin de
ses médicaments. Je suis d'accord avec vous que parfois le pharmacien
juge opportun de lui répéter son ordonnance.
M. ROBERT: Si vous me permettez, M. le Président, concernant la
publicité des maisons pharmaceutiques orientée vers les
professionnels de la santé, et aussi orientée vers le patient, en
deux mots, on a des documents ici qui sont assez longs et que nous sommes
prêts à déposer au ministre des Affaires sociales.
Cette publicité est surtout orientée vers les
professionnels de la santé, le pharmacien et le médecin surtout,
mal dirigée et a une tendance très nettement commerciale et
devrait être axée davantage vers l'information scientifique.
Je vous donne un exemple, ici j'ai une publicité commerciale
dirigée vers le pharmacien qui dit que c'est vendu d'avance à vos
clients par une campagne intensive de 25 annonces par semaine à la
télévision. C'est cette forme d'annonce commerciale à
laquelle le Collège des pharmaciens s'oppose.
Cela c'est dirigé vers le pharmacien. Il y a d'autres formes
d'annonces commerciales qui sont dirigées vers le médecin avec
toutes sortes de gadgets publicitaires à tendance nettement commerciale.
Tout à l'heure le président vous a parlé de la
substitution et actuellement nous savons que l'industrie pharmaceutique fait
une campagne très intensive pour empêcher la substitution du
médicament et on fait faire des tampons, des autotampons que j'ai ici en
main, et avec un crayon le médecin n'a qu'à estampiller, et c'est
marqué à ce moment-là sur l'ordonnance : Ne pas
substituer.
Il y a des compagnies qui vont encore plus loin que ça, qui font
des carnets publicitaires, et leur réclame actuellement est
orientée seulement pour empêcher la substitution.
Il y a d'autres compagnies qui font faire d'avance des carnets
d'ordonnances où est indiqué le nom du médicament et
où il est aussi indiqué: Ne pas substituer. C'est à cette
forme de publicité commerciale, en deux mots, que le Collège des
pharmaciens désire s'opposer.
M. CASTONGUAY: Merci. En plus de cette question de surconsommation, il y
a aussi une question de prix des médicaments. On peut constater, par
exemple, que dans certains pays, notamment en Europe, le prix des
médicaments est considérablement plus bas qu'au Canada et il n'y
a pas de question à poser pour savoir si ces médicaments sont de
même qualité ou non. Ce sont les mêmes grands fabricants qui
les fabriquent que ceux que nous retrouvons ici, dans un certain nombre de cas,
au moins.
Il s'agit donc, à mon sens, dans toute la question de la
distribution des médicaments, d'une part, d'assurer un contrôle
par les pharmaciens pour prévenir la surconsommation de
médicaments ou encore la distribution de substances dangereuses ou de
poisons, pour protéger la population. D'autre part, il reste que, si
nous tendons à aller davantage dans cette direction, il existe un
certain danger, à mon avis, soit celui que les prix qui paraissent
déjà élevés augmentent en contrepartie. En ce
sens-là, il me semble que votre recommandation, en ce qui a trait
à la publicité, comporte des éléments positifs,
parce que cette publicité, de l'avis de tous ceux qui ont examiné
la question, est une publicité qui, au niveau des fabricants,
coûte cher et incite à la consommation. Elle incite aussi, par
conséquent, les gens à consacrer une plus grande partie de leur
budget aux médicaments. Vous recommandez toutefois que les
médicaments brevetés cessent d'être distribués ou ne
soient distribués à l'avenir que par des pharmaciens. Sur ce, il
y a un certain nombre de substances dans les médicaments brevetés
qui ne présentent aucun danger. En effet, si ces substances
présentaient des dangers, on aurait des témoignages assez
fréquents à l'effet que des personnes ont subi des malaises
pour avoir utilisé ces médicaments qui,
présentement, sont assez facilement accessibles.
Il me semble qu'il y a là une recommandation qui vise à
assurer un meilleur contrôle de la distribution des médicaments,
j'en suis, mais qui porte sur une partie des médicaments qui ne
présentent pas les mêmes d angers et qui, si elle était
retenue, contribuerait encore davantage à faire augmenter le prix des
médicaments.
J'aimerais, si possible, q ue vous commentiez ou que vous nous donniez
les raisons pour lesquelles vous insistez sur ce point particulier. Parce que,
pour nous, il semble qu'il y a deux dimensions à la question :
surconsommation, d'une part, et protection de la population et, d'autre part,
la question des prix qui ne peut être ignorée.
M. GAGNON: Si vous me le permettez, M. le Président. Sur les
médicaments brevetés, M. Robert a fait une étude; je vais
lui céder la parole.
M. ROBERT: M. Castonguay, les médicaments brevetés ou les
remèdes brevetés, qu'on appelle aussi patentés,
relèvent d'une loi fédérale qui s'appelle la Loi sur les
spécialités pharmaceutiques ou les remèdes
brevetés. Cependant, il arrive que la fabrication et la publicité
relèvent du fédéral, tandis que la vente de ces
remèdes brevetés relève du provincial, car il existe
à peu près dans toutes les lois provinciales un article qui
exempte la vente de la juridiction provinciale.
En ce qui concerne ces remèdes brevetés, la formule n'est
pas indiquée sur l'étiquette ou elle est secrète. Donc,
les patients qui prennent des remèdes brevetés ne connaissent pas
les indications, ainsi que les médecins et les pharmaciens. Si vous me
le permettez, nous avons fait une étude sur un certain nombre de ces
produits brevetés. Cette étude est arrivée à deux
conclusions. D'abord, un certain nombre de ces médicaments ont
été jugés inefficaces. D'autre part, il y a quand
même un autre nombre de médicaments qui ont été
jugés efficaces et qui devraient, à notre avis, être remis
aux pharmaciens à cause des dangers inhérents à leur
composition et aussi à cause de la publicité.
Si vous me le permettez, je pourrais même citer des noms de
médicaments que le Collège des pharmaciens, par une étude
systématique détaillée et surtout analytique, juge
inefficaces. A ce moment, la publicité qui est reliée à
l'inefficacité de ces médicaments est tout à fait
frauduleuse de la part des fabricants de ptroduits pharmaceutiques
brevetés et le public se fait berner. Il y a un certain nombre de
médicaments inefficaces.
M. CASTONGUAY: Pourriez-vous donner des exemples?
M. ROBERT: Oui. Est-ce qu'on a quand même une certaine protection
de l'Assemblée nationale?
M. LE PRESIDENT: C'est une question intéressante. Nous, les
députés, avons l'immunité ici. Mais je ne suis pas certain
que vous ayez l'immunité.
M. PAUL: M. le Président, si la commission donne ordre au
témoin de dévoiler ce qu'il a avancé, il n'a pas de choix,
à mon humble point de vue.
M. VEZINA: Il faut d'abord l'assigner comme témoin avant de
donner l'ordre.
M. PAUL: Non, il est un témoin volontaire.
M. VEZINA: J'aimerais entendre Me Mailloux sur ce point.
M. VEILLEUX: Donnez-nous la liste, nous allons la regarder nous autres.
Nous sommes protégés.
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais faire une suggestion, qui,
peut-être, rallierait l'opinion des membres de la commission ou du
collège? Les auditions de la commission se poursuivant ce matin et cet
après-midi, toujours sur la question de ces lois touchant la pharmacie,
vous avez vos conseillers juridiques et, si vous jugez opportun de nous donner
ces exemples, après avoir consulté vos conseillers, il y aurait
avantage que les membres de la commission sachent plus
précisément à quoi vous faites allusion.
Il est important de savoir, comme vous l'avez dit, qu'il y a des
médicaments qui sont inefficaces. D'un autre côté, s'il
s'agit de médicaments qui ne sont à peu près jamais
consommés ou encore qui sont à peu près inconnus, cela
prend une coloration différente que si ce sont des médicaments
qui, de l'avis de tous ici, sont très répandus et au sujet
desquels la population croit qu'en les utilisant, elle utilise un produit
extrêmement efficace.
M. ROBERT: Il s'agit de médicaments très bien connus et
fabriqués par des maisons reconnues. Je vous donne une exemple, on va
courir un risque, les petites pilules pour le foie, brunes, que tout le monde
connaît, ne contiennent aucun ingrédient actif qui est
indiqué pour le foie, absoluement pas, et pourtant ces pilules sont
commercialisées et vendues partout sous un numéro de brevet
inscrit à Ottawa. Cela a pris au Food and Drug américain seize
ans pour empêcher la compagnie commercialisant ces petites pilules brunes
pour le foie d'utiliser le mot "pour le foie". Au Canada, le mot "pour le foie"
est encore là. C'est un exemple particulier, j'en ai d'autres.
Dans le domaine de la publicité, il y a encore des choses
frauduleuses, le public se fait berner pour les analgésiques, que ce
soit l'aspirine ou les autres, qui sont annoncés à la
télévision, vous avez devant vous le monsieur qui laisse tomber
un comprimé dans un verre d'eau et le
comprimé, dit-on, se désintègre en deux secondes.
Qu'est-ce que ça prouve? Cela prouve qu'un comprimé se
désintègre en deux secondes dans un verre d'eau. Or, l'organisme,
ce n'est pas un verre d'eau et la désintégration, ce n'est pas la
dissolution. C'est une publicité frauduleuse qui augmente la
surconsommation des médicaments.
A notre avis, l'article 40 devrait être biffé totalement.
La vente de ces médicaments brevetés, si l'article 40 de la Loi
de pharmacie est biffé, reviendrait à la pharmacie.
Je peux vous donner un autre exemple: le sirop Vicks, je pense que c'est
un produit assez bien connu. Or, il existe deux sortes de sirop Vicks.
Remarquez que l'on s'attaque à des compagnies multimilliardaires. Il y a
deux sortes de sirop Vicks: le sirop Vicks ordinaire et le sirop Vicks qu'on
appelle 44. Le sirop Vicks ordinaire est un produit breveté, donc il se
vend partout, dans les épiceries, les supermarchés, chez Woolco
ou chez Zeller's, chez Miracle Mart, partout.
Il y a 10,000 de ces établissements où cela peut se
vendre. Dans le sirop Vicks ordinaire breveté, donc dont la formule est
secrète, il existe un ingrédient que nous ne connaissions pas,
évidemment, mais que nous avons connu par les analyses. La compagnie
l'appelle quienium, en anglais. Dans le sirop Vicks 44, qui n'est pas
breveté, il existe un autre ingrédient, qu'on dit contre la toux,
et que la compagnie appelle silencium. Je pense que vous l'avez entendu
à la télévision. Or, on connaît ce qu'il y a dans le
médicament appelé silencium. C'est inscrit sur l'étiquette
et c'est distribué à la pharmacie. C'est du
dextrométhorphanne. De toute façon, c'est un antitussif.
L'analyse nous a révélé que le quienium du remède
breveté et le silencium du remède non breveté
étaient le même produit, le même ingrédient actif,
avec deux noms commerciaux différents.
M. CASTONGUAY: Merci. A la suite de ces explications et de ces exemples,
pourriez-vous nous faire quelques commentaires en ce qui a trait à
l'effet qui pourrait résulter du changement que vous préconisez
au niveau des prix?
M. ROBERT: Je pense que je parle toujours des remèdes
brevetés il y aurait une diminution de la surconsommation et
peut-être une diminution des prix aussi. On veut régir la
publicité. Le seul moyen de régir la publicité de ces
médicaments, je crois que c'est de biffer l'article 40. Je vous parle
uniquement des médicaments brevetés.
Concernant les autres médicaments, je pourrais peut-être
passer la parole au président, en ce qui concerne les prix.
M. GAGNON: On dit, au niveau des brevetés: S'ils sont efficaces,
il faut un certain contrôle. M. Robert vient de démontrer que dans
le sirop Vicks, etc., il y a un produit qui semble dangereux. Par contre,
lorsqu'il est breveté, il est vendu partout. On dit: S'il est efficace,
s'il un principe actif dedans, qu'il revienne à la pharmacie. S'il n'y a
rien dedans et que c'est anodin, qu'on l'enlève du marché. Il ne
sert à rien de eurrer la population avec des produits qui sont
censés agir au niveau du foie ou d'autre chose et qui ne contiennent
aucun ingrédient pour soulager un malaise.
M. VEILLEUX Quelle est la différence de prix entre les deux?
M.GAGNON: La différence de prix je m'excuse, je ne sais
pas cela de mémoire est assez importante.
M. ROBERT: ?ar coeur, je ne le sais pas, mais je sais qu'il y a une
grosse différence de prix.
M. VEILLEJX: Je n'ai jamais employé ni l'un ni l'autre et
j'aimerais bien savoir.
M. PAUL: A vous regarder, cela paraît.
M. CASTONGUAY: Il y a simplement un commentaire que je voudrais faire.
Je vous remercie pour vos explications. C'étaient les deux questons que
je voulais vous adresser. Je pense que vous l'avez noté vous-même,
en ce qui a trait à la publicité de la part des fabricants il y a
là un aspect qui nous échappe, en tant que gouvernement, et qui
relève de la responsaiilité du gouvernement du Canada. Je
voudrais simplement signaler à l'attention des membre que, lors d'une
rencontre avec l'exécutif du Collège des pharmaciens, au mois de
mai ou de juin, nous avions abordé cette question. Nous vions convenu,
après une brève recherche, pour bien identifier l'interlocuteur,
les lois en cause, que le Collège des pharmaciens, le ministère
et nous voulions aussi demander au Collège des médecins de
s'associer communiquer avec le gouvernement du Canada pour aborder ce
problème qui nous paraît je pense de avis de tous
extrêmement important et assz sérieux.
M. GAGNON: M. le ministre, à ce niveau, nous sommes à
votre entière disposition pour touver une solution.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, e voudrais
féliciter le Collège des pharmaciens le son analyse très
élaborée du bill 250 et de la loi spécifique qui le
concerne, le bill 255.
Sur le code des professions, je ne m'attarderai pas davantage. Il y a
tellement de mémoires de présentés devant la commission
que nous avons souvent l'occasion de soulever des aspects particuliers de la
législation générale. Je vou-
drais poser mes questions surtout sur le bill 255.
Avant, je me réfère à la discussion que vous venez
d'avoir avec le ministre des Affaires sociales, au sujet de la surconsommation
et de la surutilisation des médicaments. On a parlé des
médicaments brevetés.
Vous demandez d'avoir un contrôle sur la distribution des
médicaments brevetés par des modifications à la loi. Mais
si j'ai bien compris, il s'agirait aussi d'avoir, par suite de ce
contrôle, des ordonnances qui pourraient être données pour
l'acquisition de certains médicaments. Vous avez mentionné des
noms. Je félicite le collège d'avoir eu le courage de souveler le
problème, même sans attendre l'opinion des conseillers juridiques.
Je pense que ce sont des choses qui doivent être dites,
indépendamment...
M. ROBERT: Le Québec n'est pas une province comme les autres, il
faut parler...
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous ne l'avez pas fait pour'diriger vos
critiques contre une compagnie en particulier. Vous l'avez fait dans l'optique
d'une amélioration des services dans le domaine des médicaments.
Et vous êtes conscient des différents problèmes. Il n'y a
peut-être pas une profession, qui va venir devant la commission
parlementaire, qui est aux prises avec des problèmes difficiles comme
ceux de la pharmacie. D'ailleurs, on le voit par le nombre d'organismes: il y
en a 10 ou 12 qui viennent devant la commission parlementaire nous parler des
problèmes relatifs à la pharmacie.
Pour revenir au point qui a été discuté
tantôt, il ne faudrait pas qu'il y ait besoin d'ordonnance, parce que si
on veut diminuer le coût... S'il y a une ordonnance, il va y avoir une
visite chez le médecin, et on va retomber dans les mêmes dangers
qu'on veut éviter, dans les mêmes abus.
M. ROBERT: Remarquez que l'analyse systématique de toutes les
drogues n'a pas été faite, mais les produits qui ont
été jugés efficaces ne demanderaient pas d'ordonnance.
Actuellement c'est distribué partout, mais ça tomberait dans la
catégorie des produits qu'on appelle "grand public", c'est-à-dire
qui ne nécessitent pas d'ordonnance mais qui tombent sour le coup de la
Loi des aliments et drogues et non de la Loi des remèdes
brevetés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Tantôt vous avez donné des
statistiques et des pourcentages sur l'étude que vous avez faite sur
l'abus qu'il y a du côté des tranquilisants, des sédatifs,
et vous avez parlé de la répétition des ordonnances. Si
j'ai bien compris, il y aurait beaucoup de contrôle sur la
répétition, mais l'ordonnance ne serait pas rédigée
de la même façon. Il y aurait indication de la
répétition et l'ordonnance serait beaucoup plus complète.
Il faudrait qu'el- le le soit la première fois, parce qu'autrement
ça amène le patient à retourner chaque fois chez son
médecin pour obtenir une nouvelle ordonnance .
M. GAGNON (Jacques): Si vous me permettez, M. Cloutier, lorsque j'ai
parlé tout à l'heure des produits d'ordonnance dont le
pourcentage de l'ordonnance représentait environ 11 p.c. et un
pourcentage de renouvellement de 53.228 p.c, je rattachais ça à
la publicité professionnelle et la publicité auprès du
grand public. En vertu d'une assurance-médicaments que certaines
compagnies d'assurances offrent à leurs clients, dans la liste il y a
certains produits de comptoir qui sont payés par la compagnie
d'assurances. Et c'est là que les gens vont chez le médecin et
lui demandent tel produit, qu'ils ont connu par la publicité qui a
été faite par les différents media d'information. C'est
là que je trouve que c'est assez révélateur de voir
l'influence de la publicité sur la consommation de médicaments.
Mais ce n'étaient pas des produits qui normalement exigent une
ordonnance.
S'ils sont prescrits par un médecin, ils sont remboursés
par la compagnie d'assurances. Je faisais la relation avec la publicité
professionnelle.
M. CLOUTIER (Montmagny): On peut probablement distinguer aussi entre la
surconsommation et la surutilisation. L'augmentation de l'utilisation des
médicaments peut provenir aussi d'une plus grande accessibilité.
On a mentionné tantôt le problème des assistés
sociaux. Si l'obtention des médicaments est plus accessible,
évidemment qu'il va y avoir... C'est signe qu'il y avait peut-être
une sousconsommation à un moment donné. Mais il y a plus de
danger qu'il y ait surconsommation que sous-consommation.
M. GAGNON (Jacques): Mais si présentement il y a plus de 10,000
établissements dans toute la province qui distribuent des
médicaments brevetés, si les médicaments brevetés,
après une analyse, reviennent à la pharmacie, il y aura à
peu près 1,200 endroits dans la province où on pourra avoir ces
médicaments, s'ils sont jugés efficaces.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sur un autre problème, probablement que
les deux professions qui doivent collaborer le plus étroitement, c'est
la médecine et la pharmacie. On le constate non seulement à
l'occasion de l'étude de cette loi, mais à chaque fois qu'il y a
eu des lois à caractère social, on l'a vu, tous les
problèmes qui vous confrontent et ceux de la médecine, on les
retrouve devant la commission parlementaire assez étroitement
liés.
Votre profession, je ne dirais pas qu'elle est subordonnée,
d'ailleurs ce n'est pas l'idée du code des professions de subordonner
une profession à une autre, et si c'était le cas, je pense
que, peut-être, le législateur ferait une erreur. Il ne
s'agit pas de subordonner une profession à une autre, mais il s'agit de
les faire travailler en étroite collaboration.
A présent, vous avez réclamé certains pouvoirs de
zonage, de répartition des pharmacies pour, j'imagine, pouvoir donner un
meilleur service au public. Il arrive, justement dans ces régions qui
sont moins pourvues en pharmacies, que la distribution des médicaments
soit assurée par d'autres professionnels, particulièrement les
médecins.
Là, peut-être qu'on va entrer dans un sujet qui est sub
judice. De toute façon, il y a une action qui a été
intentée par certains médecins, mais c'est le problème
plus vaste que je veux attaquer, sans me référer
particulièrement à des événements récents.
Je veux seulement parler d'une loi qui vient d'entrer en vigueur.
Il y a des gens dans des régions qui obtenaient des
médicaments par les médecins. Maintenant, depuis l'entrée
en vigueur de la loi 69 et à la suite de la négociation de la
convention collective par le Syndicat des pharmaciens, il y a des clauses qui
prévoient que la distribution des médicaments dans ces
régions est réservée aux pharmaciens.
Il y a un certain malaise. Il ne faut pas se scandaliser qu'à
l'entrée en vigueur d'une loi il y ait des malaises parce qu'avant que
l'appareil soit rodé, ça arrive. D'autre part, dans ces
régions où il y a des malaises, il y a une vaste clientèle
les assistés sociaux qui comprend entre 500,000 et 700,000
personnes qui sont concentrées surtout dans des zones
défavorisées, des zones grises où déjà,
peut-être, il n'y avait pas suffisamment de services de pharmacie, et
pour cause.
C'est là que le problème se produira. Comment voyez-vous
cela, étant donné que la Loi sur la pharmacie, 64, dit que, dans
des municipalités ou dans des agglomérations où il y a
tant de population, les médecins sont autorisés à
distribuer les médicaments et que, d'autre part, le syndicat, par la
négociation de la convention collective avec le gouvernement, ne
reconnaît qu'une liste de médecins? Il y a des régions
actuellement qui sont mal desservies et c'est au commencement du
régime.
C'est un régime qui s'applique à une partie de la
clientèle. Quand le régime va s'élargir, le malaise va
peut-être s'élargir avec l'augmentation de la clientèle.
Qu'est-ce que vous proposez? Comment voyez-vous le problème à ce
moment-ci étant donné qu'une loi permet telle chose et qu'une
convention collective ne permet pas telle chose? Est-ce que vous avez une
proposition concrète pour résoudre ce problème qui,
actuellement, est devant l'opinion publique et qui joue au détriment des
pharmaciens? Ce n'est pas le médecin, actuellement, qui a l'odieux du
fonctionnement peut-être défectueux d'un nouveau régime.
C'est le pharmacien qui a l'odieux de ça.
M. GAGNON (Jacques): Il est évident, comme vous le disiez, M.
Cloutier, que les pharmaciens ne sont pas présents dans toutes les
régions de la province, et pour cause. Pourquoi n'étaient-ils pas
là? Il était permis, en vertu de la loi de 64, aux
médecins de distribuer des médicaments dans toutes les
localités de moins de 7,0 00 habitants. Or, un pharmacien ne pouvait pas
aller s'installer là; il crevait. Certains ont essayé d'y aller.
On a des exemples; des gens sont allés à certains endroits. Cela
n'a pas pris un an ou deux et le gars était à terre.
Or, en vertu du bill proposé, le bill 255, nous demandons, nous
de l'ordre des pharmaciens, que, dans des régions où il n'y a pas
de pharmacien, le médecin soit autorisé pour un certain temps,
jusqu'au moment où il arrive un pharmacien à distribuer les
médicaments.
A présent, vous dites je sais comme vous que c'est sub
judice; je ne veux pas entrer dans le sujet, mais je vais parler en
général que dans certaines régions il y a des
médecins qui, semblerait-il, n'ont pas été
acceptés. Moi, je pense ceci: Est-ce que ces médecins n'ont pas
été acceptés par la convention parce qu'ils
n'étaient pas inscrits chez nous, au Collège des pharmaciens, en
vertu du bill 69? Peut-être que, s'ils avaient été inscrits
c'étaient des régions à cinquante ou soixante
milles d'une pharmacie au niveau de la négociation, ces gens
auraient été inscrits.
Je comprends qu'il y a un interrègne et, moi, de la part du
Collège des pharmaciens, je serais prêt à former un
comité, au collège, pour étudier toutes les demandes qu'on
a présentement de médecins qui veulent se faire inscrire. En
effet, il y en a qu'on a arrêtées en disant: On va attendre les
événements avec le Syndicat des pharmaciens pour en discuter.
Nous ne sommes pas pour dire au médecin : Inscris-toi chez nous, et on
verra après, si, au niveau de la convention, tu n'es pas accepté.
Je serais prêt à collaborer pour régler la situation
temporairement, en attendant que les lois soient adoptées.
Si ça peut régler le problème, je suis prêt
à offrir ma collaboration au ministère pour former un
comité et à discuter avec l'AQPP toutes les demandes qui nous
parviennent des médecins pour s'inscrire en vertu du bill 69.
Après ça, nous dirons aux médecins: Voici, dans telle
région, à vingt-cinq ou vingt milles, il y a un pharmacien qui
est là.
Il donne des services pharmaceutiques à la population. Il ne
faudrait pas créer non plus une autre situation. Si le Collège
des pharmaciens inscrit, en vertu de sa loi 64, toutes les demandes des
médecins, on crée une autre situation qui ne règle pas le
problème non plus.
Je suis prêt à suggérer cela au législateur.
Temporairement, on pourrait résoudre le problème de cette
façon.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, il y a une
période de transition qui est importante.
M. CAGNON (Jacques): Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il faudrait, pendant cette période de
transition, que les objectifs que poursuit la loi puissent être atteints.
Les objectifs, c'est une plus grande accessibilité aux
médicaments pour une certaine classe de population. Il arrive, que par
un système de distribution des médicaments qui existe depuis
longtemps, que c'est un groupe de professionnels dans une région,
à cause de l'absence, et pour cause, d'une autre catégorie de
professionnels, qui distribue un type de service dans le domaine de la
santé.
Il arrive une période de transition difficile. C'est le syndicat
qui a négocié la convention collective avec le ministère
des Affaires sociales et c'est le Collège des pharmaciens qui
réclame, dans la loi, une responsabilité qu'il désire
assumer, celle de voir à une juste répartition des effectifs de
la profession sur le territoire. Je pense que c'est louable. Je ne sais pas si
le seul pouvoir d'étudier cette répartition devrait vous
être dévolu mais, de toute façon, vous ne pouvez pas
assumer seuls cette responsabilité parce qu'il y a certainement d'autres
facteurs dont vous devez tenir compte. Un facteur, à première
vue, serait la création de certains types d'établissements sur le
territoire, comme les CLSC. Cela ne peut pas vous laisser indifférents,
vous serez appelés à collaborer à ce type
d'établissement.
La distribution des médicaments se fait aussi par les
établissements ordinaires que sont les institutions hospitalières
et il y a le zonage dont il faut tenir compte, la répartition des
conseils de santé, pour les fins du bill 65, services de santé et
services sociaux. Il y a une foule d'autres facteurs. De toute façon,
vous devrez tenir compte de cela.
Je reviens à ma question principale. Le point important,
d'après moi, c'est qu'il y ait un rapprochement plus étroit entre
la médecine et la pharmacie. Maintes fois, devant la commission
parlementaire, on a constaté les problèmes pratiques que
l'exercice de chacune des professions pose. Quand vous avez parlé de la
définition, vous avez fait un commentaire sur le bill 252, la Loi
médicale; vous en avez fait un sur le bill 254, la Loi des dentistes, en
demandant que la distribution des médicaments ne se fasse qu'en cas
d'urgence et d'une façon temporaire. On voit l'étroite
collaboration qui doit exister entre les deux professions et c'est pour cela
que j'avais...
M. GAGNON (Jacques): Je pense que notre suggestion, au niveau de la Loi
médicale et de la Loi des dentistes, est justement pour éviter
ces problèmes. On a eu des problèmes d'interprétation
juridique; on allait en cour, on poursuivait certains médecins qui
vendaient des médicaments dans des endroits où ils ne devaient
pas en vendre et les médicaments étaient vendus par n'importe
qui. Quelquefois on gagnait, quelque- fois on perdait. A un moment
donné, c'est le Collège des médecins qui s'est mis
à nous poursuivre. Cela a donné quoi?
Nous sommes entièrement d'accord qu'il faut régler une
fois pour toutes ces problèmes. La médecine appartient aux
médecins, l'art dentaire appartient aux dentistes et la pharmacie
appartient aux pharmaciens. C'est nous qui avons la formation nécessaire
pour faire la distribution des médicaments, pour rendre des services
pharmaceutiques, mais on comprend que, dans des cas très isolés,
dans des cas précis, il faut axer notre action pour protéger la
population. Il y a, évidemment, des cas bien éloignés
où il n'y aura jamais un pharmacien et où il ne faudrait pas
priver la population de médicaments. Nous sommes d'accord et c'est pour
cela qu'on le prévoit dans le projet.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'après vous, M. le Président,
où devrait commencer la responsabilité du pharmacien? Est-ce au
moment de la rédaction de l'ordonnance?
M. GAGNON (Jacques): D'après moi, actuellement, la
responsabilité du pharmacien commence lorsqu'il reçoit
l'ordonnance du patient.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'elle devrait commencer avant cela? A
partir du diagnostic?
M. GAGNON (Jacques): On étudie cela présentement et je
pense que dans un avenir assez rapproché on pourra peut-être voir
le médecin poser le diagnostic et le pharmacien donner la
médication. Si on en vient à une médecine de pratique de
groupe où il y aura des pharmaciens et des médecins ensemble,
cela pourra peut-être arriver. Je sais que cela s'étudie
présentement.
D'ailleurs, je pense que vous pourrez poser la question à l'Ecole
de pharmacie. Je pense que c'est nouveau au programme des étudiants en
pharmacie qui doivent aller à l'hôpital et suivre un cours de
pharmacie clinique. Dans l'avenir, on pourra peut-être arriver à
cela.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est important pour le problème de
partage des juridictions. Le problème le plus difficile de la commission
depuis le début est la définition du champ d'exercice pour les
professions qui se touchent de près. Cela vous arrive et cela arrivera
à d'autres. La semaine prochaine, on étudiera le mémoire
des optométristes et des ophtalmologistes; on a étudié
celui des dentistes il y a quelques semaines.
Cela se pose pour la profession juridique. C'est une des
difficultés et je ne sais pas si le législateur doit accepter une
situation statique, étant donné que les professions
évoluent constamment. Je pense bien qu'on ne doit pas consacrer
définitivement, même dans une loi, un champ d'exercice et une
responsabilité pour
une profession. Il faudra que ce soit... M. le Président, vous
trouvez que mes commentaires sont plus abondants que mes questions, alors je
laisse la parole à un de mes collègues avant que vous ne me
rappeliez à l'ordre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, comme ça se produit assez
souvent, le député de Montmagny, dans sa question principale, a
touché à celle que je voulais traiter. Je suis quand même
rassuré par la réponse du président du collège. Je
pense que, dans sa recommandation que je pourrais appeler principale, il ait
employé les même mots que moi-même il y a quelques
semaines.
On se rend compte et c'est là qu'on voit que le
député de Montmagny vit aussi dans un milieu rural que la
distribution des médicaments actuellement est à repenser. Il se
fait du travail là-dedans. Le député de Montmagny a
parlé de la période de transition qui n'est pas facile, ça
ne se fait pas d'un coup sec. Bien sûr, je ne toucherai pas aux
mécanismes qui pourraient permettre une meilleure distribution, je pense
que vous êtes les spécialistes dans le domaine.
J'aimerais cependant vous poser une question qui a été
soulevée, je peux l'ajouter, à mon bureau assez souvent, en ce
qui concerne les ordonnances magistrales. A peu près quel pourcentage,
si vous l'avez à l'esprit, peut-il y avoir de ces prescriptions
magistrales?
M. GAGNON (Jacques): Les ordonnances magistrales, sur un million
représentent .365
M. GUAY: Sur un million.
M. GAGNON (Jacques) : Sur un million d'ordonnances.
M. GUAY: Cela veut dire que c'est quand même assez minime. On n'a
pas touché aux pharmacies vétérinaires, peut-être
qu'on y touchera un peu plus tard. J'espère qu'on va y toucher, parce
que c'est un autre problème.
Maintenant, une autre question. J'aimerais savoir qui peut mesurer
l'efficacité ou la non-efficacité d'un médicament
absorbé par un patient?
M. ROBERT: Cela dépend des médicaments. Il existe
plusieurs lois comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Si vous
parlez des remèdes brevetés, il existe une loi
fédérale qui s'appelle Loi sur les spécialités
pharmaceutiques. Donc, ça relève du ministère de la
Santé et du Bien-Etre social. En ce qui concerne les autres
médicaments, par exemple, les médicaments d'ordonnance, c'est la
Loi sur les aliments et drogues ou la direction générale de la
santé publique, pour la protection du public. Si vous parlez de
l'efficacité des produits, vous faites peut-être mention des
équivalences, il existe plusieurs sortes d'équivalences.
Actuellement, je pense que ça va répondre à votre
question, personne n'est capable de mesurer l'efficacité
thérapeutique d'un médicament, à savoir si un
médicament absorbé au même moment qu'un autre va donner
exactement le même résultat qu'un autre. Ceci demande un
appareillage extrêmement compliqué et surtout des patients, parce
que ça ne se fait pas seulement avec des appareils.
M. GUAY: En grande partie, cela peut se faire en analysant le composant
du médicament, tout de même.
M. ROBERT: Là, vous parlez de l'équivalence chimique?
M. GUAY: D'accord.
M. ROBERT: Cela se fait assez bien, oui.
M. GUAY: Dans votre esprit, y a-t-il suffisamment de pharmacies, je
m'attends à la réponse, dans la province de Québec pour
répondre actuellement à tous les besoins?
M. GAGNON (Jacques): Il y a suffisamment de pharmaciens mais les
pharmacies, d'après nous, sont mal distribuées dans la province
de Québec et c'est pour ça que nous demandons le zonage. Dans les
grandes villes, on peut affirmer qu'il y a trop de pharmaciens. Il faudrait un
zonage et accepter que seul le pharmacien distribue les médicaments.
Plusieurs pharmaciens attendent ça pour aller s'installer dans d'autres
endroits, pour pouvoir donner des services à la population et se
libérer des grandes villes, parce que je vous dis qu'en pharmacie il y
en a qui en arrachent dans les grandes villes. Nous pouvons l'affirmer.
M. GUAY: D'accord. Une autre question. Peut-on affirmer actuellement, le
ministre y a touché, qu'il y a surconsommation ou qu'il n'y avait pas,
dans le passé, sousconsommation? On a parlé de
l'accessibilité rendue plus facile. Il n'y a peut-être pas
surconsommation actuellement, autant qu'on semble le prétendre mais il y
avait peut-être sousconsommation dans le passé. C'est assez
difficile à déterminer. Comment peut-on également mesurer
qu'il y a surconsommation actuellement?
M. ROBERT: Je pense que ça peut se mesurer assez facilement.
Surmédicament égale poison, cela veut dire qu'un
médicament doit être pris seulement dans des circonstances bien
définies, c'est-à-dire lorsque vous êtes malade, point.
Vous prenez toujours trop de médicaments quand vous n'êtes pas
malade et vous devez arrêter d'en prendre quand la maladie
finit. Ce que je veux dire, c'est que le fait de prendre un
médicament ne doit pas être incité par des
mécanismes publicitaires. Sûrement qu'on parle beaucoup de
publicité à la télévision, à la radio et
partout, mais même si ce ne sont pas les mêmes médicaments
qui sont impliqués, c'est-à-dire les médicaments
d'ordonnance, cela crée chez le public une sensibilisation. Aujourd'hui,
tout le monde veut prendre des médicaments. Vous regardez la
télévision le soir, vous êtes achalé cinquante fois
pour prendre un médicament. Vous allez le lendemain chez le
médecin. Si vous ne sortez pas du bureau du médecin avec une
ordonnance de deux, trois ou quatre médicaments, bien souvent vous
n'êtes pas content. C'est un cercle vicieux. Le patient s'en va chez le
médecin et veut avoir un médicament, le médecin est
obligé de lui en prescrire un. Le pharmacien remplit cette ordonnance.
Je ne veux pas dire qu'il n'existe pas de cas spécifique de maladie
où on doit avoir des médicaments. Bien sûr le
médicament est indispensable. Cependant, je veux parler de cette
sensibilisation du public à acheter toutes sortes de médicaments
et à recevoir une médication.
M. GUAY: J'ai l'impression que ce n'est pas facile non plus
d'établir une ligne de démarcation entre publicité et
information. Parce que là aussi il peut arriver des zones grises. On ne
peut pas enlever la publicité qui a été faite. On peut
cesser celle qui se fait actuellement mais pas celle qui est faite, elle reste
faite. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de contrebalancer cette mauvaise
publicité, qu'on appelle, par de l'information? On se rend compte que
l'information dans le domaine pharmaceutique actuellement existe très
peu. Est-ce que le collège a prévu un système
d'information, soit par les pharmacies ou autrement? Est-ce que ce sera
établi sous la même forme que le système de
publicité qui existe actuellement?
M. ROBERT: C'est une de nos recommandations générales du
début. Avant de passer au bill 255, M. Gagnon a parlé de notre
dernière recommandation qui était de faire profiter des services
d'information à toute la population du Québec par
l'intermédiaire de tous les pharmaciens du Québec et
peut-être aussi par l'intermédiaire de tous les médecins du
Québec. Ce serait une action commune.
M. GUAY: Est-ce que vous croyez que ce sera suffisant pour pallier cette
fausse publicité?
M. ROBERT: Sincèrement, ce ne sera peut-être pas suffisant,
mais on croit que cela peut être bon parce qu'au Collège des
pharmaciens, nous le faisons dans un domaine bien défini,
c'est-à-dire celui de la drogue, les hallucinogènes depuis
quelques années. Nous avons donné des conférences, nous
publions une brochure et nous croyons que cette mesure d'information est
souhaitable.
M. GUAY: Cette information devra, dans un avenir très bref,
être centrée surtout sur les dangers de la surconsommation de
certains médicaments, ce sera laissé à votre
discrétion. Je vous remercie et je pense que vos exposés nous ont
permis de nous décorer l'esprit davantage.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Sur la question de substitution, je sais que certaines
agences gouvernementales aux Etats-Unis commandent leurs médicaments
sous le nom chimique du produit. Est-ce que, si les médecins
prescrivaient sous le nom chimique, cela ne simplifierait pas la substitution
du produit?
M. GAGNON (Jacques): Bien sûr. Si le médecin, au lieu de
prescrire le nom commercial, prescrivait sous le nom générique du
produit, cela simplifierait. On s'aperçoit que le médecin n'est
pas habitué à prescrire sous le nom générique,
d'une part, et d'autre part, qu'il ne connaît pas les classes de noms
génériques. Il n'a pas été formé à
ça.
M. PERREAULT: Cela revient à ce qu'on disait tout à
l'heure. Il faudrait peut-être commencer un jour à partir du
diagnostic du patient. J'ai lu un peu sur les recherches américaines et
on conclut que le médecin n'est pas au courant des noms
génériques des produits. Il se fie à la publicité
qu'il reçoit. Je me demande, si on arrivait là, que le
médecin soit obligé...
M. GAGNON: D'ailleurs, si on regarde le curriculum, à
l'université de Montréal, au niveau de la faculté de
médecine et de la faculté de pharmacie, en médecine je
crois qu'il y a 147 heures sur la pharmacologie alors que le pharmacien en a
environ 2,000. Je pense que toute la preuve est là.
M. PERREAULT: Deuxième question, vous avez mentionné tout
à l'heure l'aspect de la commercialisation et de l'accessibilité
au public. Dans les régions éloignées il manque des
pharmacies, tout le monde le sait.
Plusieurs attribuent cela aux médecins qui distribuent des
médicaments et aussi ne serait-ce pas que certains pharmaciens n'ont pas
les fonds nécessaires? On sait que ça demande beaucoup de capital
pour ouvrir une pharmacie. N'y aurait-il pas un manque de capital pour ouvrir
ces pharmacies? Lorsque vous vous opposez, je suis enclin à être
d'accord avec vous, à ce que des hommes d'affaires participent en
minorité à une pharmacie, est-ce qu'à ce moment-là
vous ne nuisez pas à l'implantation de nouvelles pharmacies dans des
régions éloignées?
M. GAGNON (Jacques): C'est un manque de capital si vous
considérez que c'est un commerce. Le pharmacien, tel qu'on veut qu'il
prati-
que, pour cette pharmacie des produits hygiéniques et sanitaires,
n'a pas besoin d'un capital énorme pour ouvrir une pharmacie. Cela prend
un gros capital pour ouvrir un bazar, mais, pour ouvrir une pharmacie,
ça ne prend pas un capital énorme. Dans les régions
éloignées, pour attirer les pharmaciens afin de donner les
services à la population, le gouvernement ne pourrait-il pas aider ces
pharmaciens à s'établir? En donnant une prime d'isolement, je
pense que cela s'est déjà fait pour d'autres professionnels,
est-ce que ça ne pourrait pas aider? Une subvention.
M. PERREAULT: Dans ces régions éloignées, s'il y
avait participation d'hommes d'affaires d'une façon minoritaire, je
crois que ça aiderait à l'implantation de pharmacies.
M. GAGNON (Jacques): La preuve, si les compagnies étaient
acceptées, est-ce que ces compagnies, avec 49 p.c. de non-pharmaciens,
seraient intéressées à s'établir dans ces
localités? Elles ne seraient pas intéressées, elles
demeureraient dans les gros centres. Qu'est-ce que cela ferait? Nous sommes
convaincus nous avons des exemples frappants en Ontario que, si
cela était accepté, ce serait la fin de la pharmacie
québécoise. D'ici cinq ans, il n'y aurait plus de pharmacies de
coin qui rendent d'énormes services à la population. Ces gens
sont axés simplement sur le profit. Il y en a qui ont fait des demandes
au Collège des pharmaciens. Il y a Koffler, en Ontario, qui a fait une
demande au Collège des pharmaciens et qui possède 177 pharmacies.
United Cigar a fait une demande chez nos conseillers juridiques. Chemco, Woolco
veulent avoir ça. Le nouveau Magasin de la baie veut avoir des
pharmacies. Pourquoi? Ce sont des pharmacies a succursales qui vont prendre le
contrôle et on pense qu'il n'y a rien de pire qu'une minorité qui
agit pour avoir une influence sur une majorité.
M. PERREAULT: Je l'ai dit d'ailleurs tout à l'heure, je suis
enclin à être d'accord avec vous, seulement il faudrait trouver
des moyens.
M. GAGNON (Jacques): Qu'on règle le problème! Qu'on nous
donne le droit de pratiquer notre profession n'importe où! Qu'on
enlève le droit aux médecins, comme je le disais tantôt, et
des pharmaciens vont aller dans ces districts, j'en suis persuadé.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: Pouvez-vous nous dire s'il y a beaucoup de pharmaciens qui
remplissent les ordonnances vétérinaires?
M. GAGNON (Jacques): Très peu.
M. PAUL: Ne riez pas, c'est une question sérieuse. Je comprends
que pour un enfant, ça le dépasse.
M. ROBERT: Il y en a très peu parce que, tout simplement, les
médicaments vétérinaires, qui sont en fait les mêmes
que ceux administrés aux humains, ne sont pas vendus aux pharmaciens.
Les compagnies pharmaceutiques qui fabriquent les produits pour les humains ont
des filiales vétérinaires et refusent de vendre aux
pharmaciens.
M. PAUL: Est-ce que vous reconnaissez par là que c'est un
commerce qui devrait appartenir exclusivement aux
vétérinaires?
M. ROBERT: Aux vétérinaires ou aux pharmaciens?
M. PAUL: Pardon. Aux pharmaciens.
M. ROBERT: Nous croyons que seul le pharmacien, encore une fois,
possède la compétence voulue, scientifique pour
interpréter et analyser les ordonnances, qu'elles soient des ordonnances
vétérinaires ou humaines. En fait, ce sont les mêmes
médicaments.
M. PAUL: Est-ce qu'il est à votre connaissance personnelle qu'il
y aurait eu surconsommation depuis l'entrée en vigueur de
l'assurance-santé animale?
M. GAGNON (Jacques): A ma connaissance, non. Mais on sait, par exemple,
que certains produits qui peuvent être employés pour usage
vétérinaires, comme la pénicilline, sont pris parfois par
les humains. Cela arrive et on a eu des plaintes à ce sujet dans
quelques endroits. Je ne sais pas la consommation, je n'ai aucune
idée.
M. PAUL: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous dire s'il n'y a pas
un élément psychologique chez l'humain dans la consommation des
médicaments?
M. GAGNON (Jacques): Certainement qu'il y a un élément
psychologique.
M. PAUL: Est-ce que ça joue chez tous les individus?
M. GAGNON (Jacques): Je le crois. Dans certains cas d'intoxication le
médecin va prescrire, si une personne est habituée à un
sédatif, un placebo, un médicament qui ne contient absolument
rien; la personne va aussi bien dormir. Il s'agit d'avoir sa petite pilule
jaune. Je pense que l'effet psychologique est là et existe pour tout le
monde.
M. PAUL: A ce moment, est-ce que vous leur vendez ces pilules?
M. GAGNON (Jacques): Oui. C'est-à-dire que nos services sont les
mêmes, parce que, autrement, est-ce que la personne aurait la même
confiance?
M. PAUL: Qu'est-ce que vous faites pour guérir cet aspect
psychologique?
M. GAGNON (Jacques): On essaie de lui dire, d'abord, qu'elle peut
diminuer la consommation qu'elle fait de ce médicament. Au lieu d'en
prendre trois ou quatre par jour, on lui dit qu'elle peut essayer d'en prendre
deux, puis d'en prendre un et que, graduellement, elle peut se
débarrasser de cette médication. Je pense que c'est dans les
devoirs du pharmacien de donner toutes les informations relatives au
médicament, soit la façon de le prendre ou les dangers de telle
médication.
M. ROBERT: Depuis 1968, nous avons une campagne d'éducation et
d'information précisément sur toutes les drogues qui donnent de
la dépendance psychologique, c'est-à-dire les tranquillisants
mineurs, les sédatifs et ainsi de suite.
M. PAUL: Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: Y a-t-il d'autres questions?
M. LACROIX: Combien de membres le Collège des pharmaciens
compte-t-il, au Québec?
M. GAGNON (Jacques): Au-dessus de 2,000.
M. LACROIX: Est-ce que cela comprend les pharmaciens
salariés?
M. GAGNON (Jacques): Tous les pharmaciens de la province, qui sont
membres de l'ordre.
M. LACROIX: Ce qui veut dire qu'il en manque beaucoup pour les
campagnes.
M. GAGNON (Jacques): C'est-à-dire qu'il y a une mauvaise
distribution. Je ne suis pas prêt à admettre qu'il manque des
pharmaciens, mais il y a une mauvaise distribution dans la province. Ils sont
centralisés. Je pense que c'est à Montréal que se trouve
la plus grande proportion de pharmaciens. Il y en a une quantité qui
aimeraient aller ailleurs, mais ils n'auraient pas la possibilités de
gagner leur vie. Je pense que c'est là le problème. Si on
était capable d'aller pratiquer n'importe où, j'ai l'impression
qu'on a assez de pharmaciens, surtout avec les universités qui en
forment chaque année. Je pense qu'on a les effectifs
nécessaires.
M. VEILLEUX: Dans les milieux ruraux, les médecins qui pratiquent
la médecine générale, habituellement, sont disponibles 24
heures par jour pour répondre aux besoins des malades.
Monsieur rit, mais, moi, je connais des médecins qui pratiquent
la médecine générale et qui sont disponibles 24 heures par
jour. Cela existe encore aujourd'hui. Avez-vous assez de pharmaciens pour,
justement, répondre aux besoins de la population? Un type n'a pas
nécessairement besoin de remèdes, le jour. Il peut en avoir
besoin à minuit, à une heure ou deux heures du matin.
M. GAGNON (Jacques): M. le député, vous avez
entièrement raison. Nous avons avisé nos membres de s'organiser
pour avoir des services de garde afin que la population ne manque pas de
médicaments. Comme vous le dites, on ne choisit pas l'heure où on
est malade. Je peux vous dire qu'ici, à Québec, c'est
organisé. Dans la région du Lac-Saint-Jean, c'est
organisé, à Hull, c'est organisé. Ici, à
Québec, il y a un pharmacien qui est de garde 24 heures par jour. Il y a
un numéro central que les pharmaciens paient. Nous nous sommes
groupés, nous nous sommes divisé la ville. Cela se fait
également ailleurs. Je pourrais nommer des endroits. Je pense qu'il n'y
a pas beaucoup d'endroits où il n'y en a pas. Le pharmacien est
disponible, monsieur. Il est conscient qu'il a un rôle à jouer et
qu'il doit rendre service à la population. Il est conscient qu'on ne
choisit pas sa maladie et que ce n'est pas limité à certaines
heures.
C'est le devoir du collège, en fait, de voir à ce que les
pharmaciens, dans toutes les localités de la province, aient un service
de garde pour donner les médicaments à la population.
M. VEILLEUX: Dans un milieu urbain, il est peut-être plus facile
d'avoir ce service de garde. Mais prenez un milieu rural, où il y a
peut-être 35, 40 ou 50 milles à parcourir avant d'avoir une
pharmacie. A ce moment, cela peut devenir assez onéreux pour le patient
ou pour l'assurance-médicaments.
M. GAGNON (Jacques): Le médecin va à 35 ou 40 milles. Je
pense qu'aujourd'hui le pharmacien s'est organisé. Dans plusieurs
localités, il livre même les médicaments à 25 ou 30
milles à la ronde. En vertu des lois, le patient n'est pas obligé
de se déplacer. Le médecin peut donner l'ordonnance par
téléphone au pharmacien et le pharmacien prendra ses
responsabilités par la suite.
M. VEILLEUX: Je vous pose la question parce que je veux être
éclairé. On entend parler, depuis un certain temps, des
difficultés que rencontrent des médecins, notamment dans des
milieux ruraux. Je voudrais bien avoir des éclaircissements
là-dessus.
Il y a un autre domaine sur lequel j'aimerais avoir des
éclaircissements.
M. LE PRESIDENT: J'attire l'attention du député de
Saint-Jean sur le fait qu'il doit demander à la commission la permission
de poser des questions...
M. VEILLEUX: Je pose une question, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: ... parce que c'est le député de
Montmorency qui m'a demandé la parole avant vous.
M. VEZINA: Je la prendrai après.
M. VEILLEUX: Je vais laisser la parole au député de
Montmorency et je poserai ma question après.
M. LE PRESIDENT: Non, non. Nous vous donnons la permission de
continuer.
M. VEILLEUX: J'imagine qu'il y a eu des négociations entre les
représentants des pharmaciens et le ministère des Affaires
sociales relativement aux remèdes devant être acceptés dans
la liste des 3,000, plus ou moins. Tout à l'heure, on parlait
d'équivalences. Vous avez mentionné que le spécialiste de
l'étude de ces médicaments devait être le pharmacien.
Quelle est votre position relativement à la demande des médecins
de discuter de l'équivalence des médicaments au même titre
que les pharmaciens peuvent en discuter?
M. GAGNON (Jacques): Parce que nous croyons que le médecin n'a
pas la formation pour discuter de ça. Nous croyons que c'est le
pharmacien, de par sa formation et, je vous l'ai dit tout à
l'heure, par les études que nous avons qui a les connaissances
voulues pour discuter de la médication, de l'aspect du
médicament.
M. VEZINA: M. le Président, je voudrais poser une question au
président du Collège des pharmaciens. On remarque de plus en plus
chez la population relativement jeune qu'un grand nombre de personnes ont en
leur possession j'appelle ça des drogues des valium, des
librium et autres "faux-fuyants" comme ça.
Ma première question: Est-ce que, pour acheter ces produits,
ça prend une ordonnance d'un médecin?
Seconde question: Est-ce que, dans votre opinion, tous ceux qui en ont,
soit dans leur sac à main ou autrement, ont effectivement obtenu
préalablement l'ordonnance d'un médecin?
M. GAGNON (Jacques): A votre première question: Ces
médicaments exigent une ordonnance.
A votre deuxième: Je ne suis pas convaincu que toutes ces
personnes ont eu une ordonnance. Nous savons que le service des aliments et
drogues fait des enquêtes à ce sujet. Il nous remet ces
enquêtes et ces gens-là sont soumis à notre comité
d'éthique pour la première offense. A la deuxième offense,
ils sont soumis à notre bureau de discipline. Ils doivent se conformer,
exiger l'ordonnance, mais je sais je ne veux pas poser au pur
qu'il y a certains de nos membres qui donnent de ces produits sans ordonnance.
Mais nous y voyons et ils sont soumis, à la première offense,
à notre comité d'éthique et, à la deuxième,
à notre comité de discipline.
M. ROBERT: Il ne faudrait pas donner l'impression, quand même, que
tous ces médicaments proviennent de la pharmacie, parce qu'il y a des
laboratoires de fabrication frauduleux qui imitent exactement le même
produit.
M. VEZINA: Est-ce que le Collège des pharmaciens si vous
affirmez qu'il y a des laboratoires frauduleux a pris quelque acte que
ce soit contre ces laboratoires frauduleux qui mettent justement en circulation
des produits importants pour autant que la santé des individus est
concernée?
M. GAGNON (Jacques): Je pense que le gouvernement fédéral
s'est chargé de ces compagnies.
M. VEZINA: Pour tous les produits auxquels je fais allusion: valium,
librium et autres "faux-fuyants" devant la réalité de la vie,
est-ce qu'actuellement le Collège des pharmaciens est en mesure de nous
donner des statistiques sur le volume qui peut se consommer au
Québec?
M. GAGNON (Jacques): Si vous parlez des tranquillissants, je vous le
disais tout à l'heure, sur 1 million d'ordonnances, ça
représente au point de vue de la consommation, 18. 5 p.c. et, au point
de vue de la répétition d'ordonnances, 68 p.c.
M. VEZINA: C'est un volume très important.
M. GAGNON (Jacques): C'est le deuxième. Le premier, ce sont les
anovulants, et, après ça, ce sont les tranquillisants.
M. VEZINA: Dans les sacs à main aussi?
M. GAGNON (Jacques): Je n'ai pas vérifié.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rouville.
M. OSTIGUY: Vous avez mentionné tantôt que vous
étiez persuadé qu'il y aurait possibilité d'implantation
de pharmacies dans les milieux ruraux. Est-ce que vous avez des critères
établis sur un nombre de population? Par exemple, est-ce que, dans une
ville de 3,000 de population, une pharmacie peut être rentable? Il reste
quand même que, dans les milieux éloignés, il y a plusieurs
petites municipalités, mais il y a toujours une ville ou un village qui
est plus populeux. Sur quelle base?
M. GAGNON (Jacques): Au niveau du zona-
ge, tel qu'on le demande, nous avons regardé ce qui s'est fait
dans différents pays et on voit que la population pour une pharmacie
peut être entre 8,000 et 10,000 habitants. C'est le zonage dans les
grandes villes.
Dans certaines parties de la province, vous pouvez tirer un rayon de 25
milles à 30 milles alentour d'un pharmacien et vous allez trouver 7,000
à 8,000 habitants facilement. Il y a des cas bien concrets.
M. OSTIGUY: Vous vous basez sur une population d'au moins 8,000 avant
d'implanter une pharmacie?
M. GAGNON (Jacques): Nous avons étudié ça
vaguement, parce qu'avant nous voulons avoir le pouvoir de le faire. Nous avons
regardé ce qui s'était fait dans les autres pays. C'était
à peu près sur cette base-là.
M. VEILLEUX: Est-ce que vous prévoyez un territoire de cette
étendue?
M. KENNEDY:Est-ce que vous avez des statistiques quant au nombre
d'ordonnances qu'il y a dans les pharmacies dans une année?
M. GAGNON (Jacques): Le collège n'en a pas.
M. KENNEDY: D'après votre expérience, combien
d'ordonnances sont préparées selon la méthode de
l'apothicaire, le bonhomme qui fait son mélange avec ses petits
pots?
M. GAGNON (Jacques): Selon l'art, ce qu'on appelle les ordonnances
magistrales je l'ai dit tout à l'heure représentent
0.365 p.c. sur un million d'ordonnances.
M. KENNEDY: Cela répond à ma question.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui
ont des questions à poser?
M. PAUL: M. le Président, peut-être que vous pourriez
demander aux représentants du Parti québécois de poser
leurs questions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Sainte-Marie, membre du
Parti québécois, est arrivé pour la séance mais il
est tombé malade et est actuellement à l'hôpital. Le
secrétaire, M. Bernard, m'a avisé qu'il se sentait malade et
qu'il est à l'hôpital.
M. GAGNON (Jacques): M. le Président, avant de terminer nous vous
avions écrit au mois de février, mentionnant que nous avions un
contre-projet de loi à déposer. Est-ce que, avec votre
permission, il nous serait accordé de le déposer officiellement
ce matin?
M. LE PRESIDENT: Déposez-le.
M. GAGNON (Jacques): Merci.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier le
président du Collège des pharmaciens et les autres
représentants pour leur très bon exposé. Maintenant,
L'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires.
M. GAGNON (Jacques): Merci, M. le Président, merci messieurs.
M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous changer de place, s'il vous plait !
Nous cédons la parole à M. Yves Comtois,
président.
Association québécoise des pharmaciens
propriétaires
M. COMTOIS: M. le Président, merci. Nous représentons
l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires qui
groupe 98 p.c. des propriétaires de pharmacies qui sont des pharmaciens
dans la province de Québec.
Nous vous avons confié le dossier de notre représentation
devant vous à M. Gilles LaRocque, notre porte-parole à la table
des négociations lors de la signature de la convention avec le
ministère des Affaires sociales, pour expliquer notre philosophie de la
pharmacie au Québec. M. Gilles LaRocque.
M. LAROCQUE: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés. Vous avez sans aucun doute reçu le mémoire
de l'association ainsi que le résumé. Je ne vous ferai pas
l'injure de croire que vous ne les avez pas lus ou compris.
La dimension actuelle de la pharmacie est en fonction de l'encadrement
juridique, en fonction de l'attitude de l'industrie pharmaceutique qui joue
à plein le jeu du "big business"; elle est en fonction également
de l'incompréhension, voire même de l'indifférence des
autres professionnels de la santé et aussi du "je-m'en-foutisme" des
citoyens qui, face aux médicaments, se comportent comme des
consommateurs qui exigent toujours et de plus en plus des médicaments et
ce au plus bas coût possible.
Notre approche s'est voulue totalement différente. Nous n'avons
pas voulu reprendre la conception traditionnelle, vieillotte, erronée de
ce qui constitue la pratique de la pharmacie mais nous avons voulu faire
et je m'excuse de vous en parler, messieurs un effort intellectuel,
voire même tout remettre en question. Ici je vous demande de me suivre
attentivement parce que je vais tâcher, sans rigueur intellectuelle, d'au
moins vous apporter ce que nous convenons d'appeler une approche
révolutionnaire à ce qui constitue la pratique de la
pharmacie.
Je n'ai pas l'intention de relire le mémoire.
Je vais plutôt tâcher de vous souligner ce qui constitue
pour nous les points importants et aussi d'établir un parallèle
entre la profession de
pharmacien et toutes les autres professions citées dans le code
des professions. En guise d'introduction, permettez-moi, messieurs, de vous
lire un très court paragraphe cité par le professeur A.
Quevauvillier, professeur d'hygiène et d'éducation sanitaire
à la faculté de pharmacie de Paris: "Le 2 mars 1791,
l'Assemblée nationale de l'époque décida que l'on pouvait
parfaitement permettre à un non-pharmacien de préparer et de
vendre des médicaments. Le désordre fut tel que moins de six
semaines après, le 14 avril 1791, la même Assemblée
nationale, qui venait de déclarer la liberté totale du commerce,
s'empressa de déclarer que, par exception, la délivrance des
médicaments devrait être réservée aux hommes de
l'art. Jamais depuis, et c'est sans doute heureux pour la santé
publique, aucun gouvernement ne s'est avisé de recommencer
l'expérience."
Messieurs, je soutiens qu'avec le dépôt du bill 255, non
seulement le Québec hésite à innover mais veut, à
toutes fins pratiques, perpétuer dans les faits ce que nous appelons
ce que j'ai dit tantôt une conception totalement
erronée de ce qui constitue la pratique de la pharmacie. Je me bornerai
ici à vous souligner quatre aspects et en même temps faire un
parallèle avec ce qui se fait dans les autres professions. En premier
lieu, nous soutenons que l'exercice d'une profession ne doit pas être
lié à un objet ni défini en fonction d'un acte
matériel.
Si vous relisez l'article 15, on y définit ce qui constitue la
pratique de la pharmacie; la fourniture, sur ordonnance ou non, d'un
médicament, et pas n'importe quel médicament, seulement ceux qui
auront été cités dans une liste préalablement
déposée. Or, nous ne voyons dans aucune autre profession une
telle définition de ce qui constitue l'exercice d'une profession. Je
vous donne des exemples très simples. En médecine, on ne dit pas
"constitue l'exercice de la médecine" chaque fois qu'un médecin
écrit une ordonnance, c'est un acte matériel. Non seulement il
peut mais il pratique nécessairement la médecine sans fournir une
ordonnance parce que c'est un effort intellectuel, cela réside dans sa
compétence, dans sa formation scolaire, dans sa responsabilité et
dans sa prise de décision.
Si vous transposez cela chez un autre professionnel de la santé,
le dentiste, on ne dira pas "constitue l'exercice de l'art dentaire" chaque
fois qu'on arrache une dent, bien au contraire. On ne dira pas non plus qu'un
avocat pratique sa profession chaque fois qu'il remet ou paraphe une opinion
juridique. Vous voyez qu'au départ on a une conception erronée de
ce qui constitue l'exercice de la pharmacie. On dit: La pharmacie, c'est quand
tu donnes un remède en ordonnance ou non; c'est cela, la pharmacie. On a
oublié fondamentalement que la pharmacie est une profession dans le sens
le plus noble du terme. Ici, je me permets de vous rappeler que le pharmacien
est professionnel, pas parce qu'il se dit professionnel, pas parce qu'il a une
blouse blanche et un beau sourire, s'exprime normalement assez bien ou qu'il a
une formation universitaire.
C'est parce qu'en somme, lorsqu'il s'agit de la thérapeutique, et
du médicament en particulier, le pharmacien est celui qui a la meilleure
formation universitaire possible à l'heure actuelle et j'inclus
même les médecins. Deuxièmement, c'est celui dont le centre
de préoccupation constante, l'intérêt, le souci, c'est la
pharmacie, le médicament, la thérapeutique. Il a aussi la
responsabilité de délivrer le bon médicament, un
médicament de qualité, d'exercer un contrôle sur la
consommation du médicament. En plus, il est responsable des gestes qu'il
pose et des opinions qu'il émet. Il peut très bien ne pas poser
le geste de délivrer un médicament, comme il peut le poser; c'est
lui qui a la responsabilité et pas d'autres. En plus, il y a transfert
de connaissances, de chaleur humaine entre le pharmacien et un individu qui,
lui, reçoit le médicament. Ce n'est pas autre chose que
ça. Je vous prie de faire le parallèle avec toutes les autres
professions et ce que je vous dis, vous le retrouvez dans toutes les autres
professions. Alors, je soutiens ici, au nom de l'association que l'on ne doit
pas relier l'exercice de la pharmacie en fonction d'un objet.
On vous a dit à plusieurs reprises: Le médicament est un
poison et non une marchandise. Evidemment, vous avez raison de vous poser des
questions comme celles que vous avez posées tantôt, à
savoir qu'il y a des médicaments qui sont poison, que d'autres sont
demi-poison, que d'autres ne sont à peu près pas poison et,
finalement, qu'il y en a dont on se demande si vraiment ce sont des
médicaments.
Nous soutenons que nous devons, une fois pour toutes, prendre une
position claire. Si c'est un médicament, ça fait partie du
domaine de la thérapeutique, ça doit être
réservé, dans les faits et dans les lois, aux pharmaciens. Si ce
ne sont pas des médicaments, il y a une façon assez subtile,
économique, pratique de réduire les coûts je la
soumets au ministre des Affaires sociales on n'a qu'à ne pas
donner une forme pharmaceutique à des poisons que nous convenons
d'appeler domestiqués. On les vendra dans des sacs en polythène,
avec une posologie moyenne et ce sera accessible à tout le monde, dans
tous les débits possibles et imaginables. On pourra choisir sa marque,
comparer les coûts, comme n'importe quel consommateur le fait pour une
boite de fèves. On pourra dire: Vous prendrez votre cuillère
à thé de tranquillisant, une quart de cuillère à
thé d'hormones, etc. Ce ne sont pas des médicaments, ce n'est pas
dangereux, il faut susciter la libre concurrence, réduire les
coûts, c'est un moyen.
Nous soutenons qu'un médicament, c'est une substance
étrangère qui ne doit pas être laissée à la
portée et à l'interprétation de tout le
monde. C'est un médicament ou ce n'est pas un médicament.
A ce moment-là, qu'on nous le dise clairement et qu'on ne
définisse pas la pratique de la pharmacie en fonction d'une
énumération d'actes. Exemple: Si on fait le parallèle avec
les autres professions, on pourra très bien dire: Une infirmière
qualifiée peut très bien faire des points de suture; cependant,
normalement, c'est le médecin qui fait les points de suture. Va-t-on
dire, puisque l'infirmière peut, à l'occasion, faire des points
de suture, que c'est un demi-acte médical et que ça peut
être parfois médical, parfois non médical, qu'on peut
laisser ça un peu à tout le monde, parce qu'en fin de compte ce
n'est pas si dangereux que ça? Bien au contraire, on ne définit
pas la pratique de la médecine en fonction d'une
énumération d'actes qui a été édictée
ou publiée par l'ordre.
On ne dira pas chez le dentiste: En fait, arracher une dent, il y a des
techniciens qui peuvent faire ça. C'est peut-être dentaire, ce
n'est peut-être pas dentaire. Nous soutenons, au contraire, qu'on ne doit
pas définir une profession en fonction d'une énumération
de cas. Je vous prie de regarder la législation de tous les autres codes
de profession et vous ne trouverez cela nulle part. Sauf en pharmacie.
On a revendiqué et on revendique encore, le collège le
fait aussi avec beaucoup de vigueur, le droit d'exercer la pharmacie pour les
pharmaciens. Or, il y a trois critères qui reviennent, qui nous laissent
perplexes et songeurs. On trouve cela seulement en pharmacie. Cela vous
démontre qu'on a une conception erronnée de ce qui constitue la
pratique de la pharmacie et on veut entériner ça davantage dans
les faits. Je cite les trois critères: réduction des coûts,
accessibilité aux services, libre concurrence ou libre commerce. En
aucun endroit, dans les autres codes de profession, on ne retrouve ces
mêmes normes et critères. Pourquoi? Est-ce qu'il n'est pas
nécessaire de réduire les coûts aussi chez les autres
professionnels? Est-ce qu'on ne devrait pas favoriser aussi
l'accessibilité aux services? Est-ce que la libre concurrence ne doit
pas exister également?
On se pose de très sérieux points d'interrogation. Je
pense aujourd'hui qu'il est plus normal de vous citer ces choses que de vous
faire une longue diatribe plus charpentée avec un beau style
littéraire. Ce sont des faits. Puisque vous nous appelez à
comparaître ici devant vous pour défendre notre profession, parce
que nous croyons que nous sommes une profession, nous devons être
régis par les mêmes normes et critères qui régissent
les autres professions.
Lorsque nous arrivons au quatrième point, l'autonomie du
pharmacien dans l'exercice de sa profession, qu'est-ce qui se produit? On
encadre le pharmacien en ne lui donnant à peu près pas
d'autonomie. Premièrement, l'ordonnance, c'est un ordre. Un ordre qu'on
ne peut pas discuter. Vous l'exécutez ou vous ne l'exécutez pas.
On ne fait pas appel aux connaissan- ces du pharmacien. On ne fait pas appel
à son sens des responsabilités. On lui dit : Tu exécutes
l'ordre. On arrive avec un autre article: la teneur intégrale. Tu fais
exactement ce qui est marqué et pas autre chose. Or, pour vous montrer
que c'est une conception vieillotte de la pharmacie, je me permets de vous
souligner qu'autrefois, lorsqu'on parlait de la teneur intégrale, cela
pouvait se comprendre. On avait des formules et dans ces formules, on mettait
toutes sortes d'éléments. Il était clair que le pharmacien
ne devait pas dire: Cet élément est moins certain, cela n'est pas
important, il devait exécuter la teneur intégrale. Aujourd'hui,
c'est différent. Nous avons affaire à des substances bien
dosées, qui sont manufacturées par plusieurs. En fait, c'est le
même principe partout. On ne fait pas appel au jugement du pharmacien
comme on a fait appel au jugement du professionnel dans tous les autres codes
de profession. Bien plus, on subordonne le pouvoir de décision du
pharmacien à un autre professionnel qui, lui, parfois sur un simple coup
de téléphone, peut tout simplement dire: Monsieur, changez donc,
donnez-lui autre chose. Cela nous apparaît assez aberrant.
Cela nous amène aussi à vous parler d'autres facteurs que
vous ignorez peut-être. Ici, je mets la commission en garde contre une
chose.
Je ne désire pas ici décrier quiconque. Comme je l'ai dit
souvent, je ne fais pas de procès d'intention à quiconque. Je
vous apporte des faits que vous pourrez vérifier. J'ai ici une
étude je n'en ai malheureusement qu'un exemplaire qu'il me
ferait plaisir de remettre au ministre des Affaires sociales lui-même.
Cela rapporte des faits assez troublants. Le titre de l'étude est "The
Influence of the Drug Industry in Canada's Health System" publiée par
l'Université de Toronto en février 1972, c'est assez
récent.
Or, pour vous souligner de quelle façon se pratique la
consommation des médicaments, de quelle manière subtile on s'y
prend pour promouvoir la vente des médicaments, pour souligner de quelle
façon on essaie par tous les moyens détournés de consacrer
le système tel qu'il est, à perpétuer la
non-équivalence, à perpétuer la création ou si vous
voulez l'émission de l'ordonnance uniquement chez le médecin,
alors que l'on prend tous les moyens pour combattre les gouvernants qui ont le
courage d'établir des listes de médicaments, voici ce que l'on
dit. Je résume parce qu'en fait on pourrait en parler pendant des
heures. Je vais essayer, dans mon anglais, si vous me permettez, de me faire
comprendre: "The salient features of the doctors position in the present system
include the followings: 1) the exclusive right to make the decisions; 2) a high
degree of uncertainty and time pressure in their work; 3) strong patients
support for the use of drugs; 4) a massive promotional campaign directed at
them by the pharmaceutical industry; 5) a work situation that leaves them
particularly vulnerable to outside pressures; 6) a lack of access to
objective and authoritative information on drug efficacity and prices."
Maintenant, pour vous montrer encore d'autres petites choses, lorsque
l'industrie combat systématiquement ce qu'eux appellent la substitution
et ce que nous nous appelons le dédoublement, c'est une tout autre
chose. Je me permets aussi de vous citer des chiffres, du même rapport:
des 656 produits manufacturés, produits pharmaceutiques, aux Etats-Unis,
57 p.c. sont manufacturés par une seule compagnie. La United States Task
Force on Prescription Drugs, 1969, j'ai la référence ici, a
trouvé que 72 p.c. des 409 produits pharmaceutiques les plus souvent
prescrits chez les personnes âgées étaient vendus sous des
noms de commerce.
Un peu plus loin, on cite quels sont les deux grands moyens que
l'industrie prend pour ce qu'elle appelle "How to Develop and Keep a Market".
Premièrement, "the creation of brand identification and brand loyalty
among doctors is a necessity". Deuxièmement, "the final mechanism which
makes the system work is the antisubstitution regulations which require the
pharmacist to dispense the exact brands specified on the prescription order".
Ce sont deux moyens.
Il y a des faits encore plus troublants et je me dois de vous les dire,
en toute honnêteté. Ce n'est pas une charge à fond de
train. Ce sont des faits que vous pouvez vérifier. On parle ici de ce
qu'il est convenu d'appeler "irrational prescribing". Voici ce que l'industrie
fait. Elle engage des "market research firms which identify heavy prescribers
and sell the list to the drug companies". On identifie les médecins qui
sont les plus gros émetteurs d'ordonnances, les plus gros prescripteurs,
comme on dit, et on vend cette liste aux compagnies. Quel est l'effet de cela?
"There are 5,000 doctors in Canada who write at least 15 prescriptions a day".
Ce sont des "heavy prescribers".
On dit aussi que "approximately one fourth of the active physicians in
Canada accounts for over three quarters of all the prescriptions issued in the
country". Cela commence à vous donner une indication à savoir
d'où provient la surconsommation. On dit que "indiscriminate prescribing
is particularly pronounced in certain classes, including vitamins, antibiotics
and psychoactive drugs". J'ai la référence: Leannert, 1971.
Maintenant, messieurs, je pourrais en parler plus longtemps. Je ne
voudrais pas vous ennuyer. Il existe tout de même un fait. C'est qu'on
n'a jamais recherché exactement les causes profondes de l'anarchie qui
existe au sein de l'industrie pharmaceutique, au sein de notre corps
professionnel et aussi des autres membres de l'équipe de la
santé. Nous disons et nous affirmons publiquement ceci: Les citoyens du
Québec sont en droit d'obtenir non seulement une réduction des
coûts des médicaments mais aussi une qualité de soins
pharmaceutiques. Il ne vient à l'esprit de personne de contester,
lorsque les médecins proclament que le Québécois a droit
aux meilleurs services médicaux, que ce sont seulement les
médecins qui peuvent donner ces services médicaux. Ils ont
raison. Le médecin est le spécialiste du diagnostic, du mode de
traitement et aussi de la surveillance.
C'est lui qui est le responsable du traitement du malade. Mais il ne
faut pas oublier que le pharmacien est le spécialiste du
médicament. C'est lui qui est responsable de la thérapeutique,
c'est lui qui doit non pas intervenir dans le diagnostic du médecin,
mais au moins être capable d'évaluer, de critiquer à
l'occasion et même de conseiller le médecin en ce qui concerne la
thérapeutique. Et nous affirmons que les meilleurs soins pharmaceutiques
ne peuvent être donnés et fournis que par un pharmacien, pas par
un médecin.
Ceci étant dit...
M. LE PRESIDENT: En avez-vous encore pour longtemps?
M. LA ROCQUE: Non.
M. LE PRESIDENT: Parce que nous voulons suspendre à midi et demi.
Si cela ne doit vous prendre que deux ou trois minutes, nous allons vous les
donner et nous vous interrogerons après.
M. LA ROCQUE: Cet après-midi. Disons que je ne voudrais pas
retarder le dfner de quiconque ici. Est-ce que je pourrais brièvement
terminer cet après-midi, parce que j'ai des pièces à
conviction qu'il me faut absolument déposer?
M. LE PRESIDENT: D'accord. La commission suspend ses travaux
jusqu'à trois heures.
(Suspension de la séance à 12 h 29)
Reprise de la séance à 15 h 8
M. BLANK (président de la commission spéciale des
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
M. LA ROCQUE: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, je suis conscient qu'il ne me reste que fort peu de
temps et je ne voudrais pas abuser inutilement de la patience des membres de
cette commission.
Je vais terminer ici sur une note optimiste et positive, et
j'espère également que vous poserez des questions afin qu'on
puisse éclairer davantage le débat.
On a mentionné ce matin que le problème de la
surconsommation des médicaments était relié à la
publicité. Or, ce qu'on n'a pas souvent décrit en public, c'est
que la publicité se faisait non seulement par les media d'information
que l'on connaît et surtout dirigée vers le consommateur, mais
également d'une façon beaucoup plus subtile, savamment
orchestrée, savamment entretenue chez les prescripteurs.
Pour cette affirmation, nous avons apporté ici à votre
intention des moyens qui sont utilisés tous les jours dans les bureaux
des prescripteurs pour les inciter à prescrire et à prescrire
toujours davantage. Nous sommes conscients que les médecins, d'abord
débordés de travail, n'ayant pas non plus reçu la
formation universitaire adéquate en ce qui concerne les
médicaments, conscients également que les prescripteurs sont
beaucoup plus intéressés à découvrir la maladie,
à traiter les malades qu'à poser des questions ou à
s'informer d'une façon in extenso sur la valeur des médicaments,
leur composition, etc., sont placés d'une façon bien humaine dans
une position presque d'infériorité. Ils reçoivent un
déluge de publications médicales, d'information plus ou moins
objective; ils reçoivent un déluge d'échantillons et de
"gadgets".
A titre d'exemple, je me permet ici de vous montrer un globe lunaire que
l'on envoie un peu partout, que l'on promène chez les médecins et
on leur dit: Voici, messieurs, un globe lunaire; vous avez suivi Apollo 12, 13,
14, 15, 16; voici pour votre information, etc., etc., etc.; mais n'oubliez pas
notre produit, le merveilleux produit X, de le prescrire, c'est bon pour telle
chose. On néglige de parler de la composition, on néglige de
parler des effets secondaires, on néglige de parler souvent de la
posologie.
Si le président veut bien me permettre d'offrir ça ici aux
membres de la commission pour qu'il puisse circuler, ça nous ferait
plaisir.
Ici, j'ai une boîte que j'ai apportée afin que vous sachiez
ce qui se passe; ici, d'autres gadgets extrêmement intéressants
où on dit: Voici deux d'une série de six fourchettes à
fondue que vous recevrez avec nos hommages. Bon appétit! Pas bonne
thérapeutique, bon appétit ! Ici, on vous arrive avec d'autres
gadgets. Ovral, un anovulant et on vous passe l'élixir de la vie.
Voilà, messieurs. Evidemment, il y a toutes sortes d'autres choses. Je
me demande si c'est vraiment utile ou pas. Vous avez des plumes,
différents gadgets, des porte-clefs, quelque chose pour placer vos
crayons. Ici, il y a quelque chose d'assez savoureux, messieurs, que je vous
montre à l'instant. C'est une belle petite boîte et voici ce que
l'on dit dessus: Vous méritez un moment de répit, une bonne
pause-café car, grâce à votre collaboration, une nouvelle
ordonnance de diazepan sur trois dans les pharmacies spécifie: "Vivol"
je vous le dis carrément. Docteur, nous vous en remercions. A
l'intérieur, vous avez du café Sanka. C'est ce qu'on appelle
l'information scientifique objective rationnelle. J'en passe des bonnes et des
meilleures.
Je suis très heureux de constater que chez les confrères
"prescripteurs" il y a d'excellents artistes, j'en suis très heureux. Il
existe le calendrier de 1972 du Salon d'art des médecins, un calendrier
avec les meilleures peintures des différents médecins. Au moins,
c'est quelque chose qui en vaut la peine. C'est un gadget. Je vous en prie, M.
le député, la pause-café en intéresse un certain
nombre.
Je ne voudrais pas parodier une phrase célèbre que l'on
entend trop souvent à la télévision, mais savez-vous
à quoi cela nous fait penser? Je le regrette mais on en est rendu
à dire: Des ordonnances pour tout le monde, certainement! C'est ce qui
arrive aujourd'hui.
Ici, je vous passe le restant des gadgets. Il y a quelque chose d'assez
intéressant lorsqu'on parle de la composition des médicaments. Il
y a quelque chose ici d'assez extraordinaire; vous avez deux produits, deux
marques différentes. Normalement, l'une est annoncée pour une
certaine partie où l'on s'assied et l'autre pour les régions
supérieures de l'organisme. Pourtant, ce sont deux marques
différentes et c'est exactement la même composition. Allez vous y
retrouver dans tout cela! Si on vous prescrit du Nupercaihal, vous ne pouvez
pas donner du Bradosol Crème parce que ce n'est pas la même
chose.
Regardez la composition. Lorsqu'on parle de dédoublement, c'en
est un. La même chose, la même compagnie.
M. LEDUC: Ai-je bien compris que vous dites que c'est la même
compagnie pour le Nupercaïnal et Bradosol?
M. LE PRESIDENT: M. Leduc, pourriez-vous, s'il vous plaît vous
adresser au président?
M. LEDUC: M. le Président, puis-je poser une question à M.
La Rocque? Non. Je ne vous pose pas la question, M. La Rocque.
M. LE PRESIDENT: Si je permets une question, tous les membres voudront
poser des questions.
M. LEDUC: Très bien, M. le Président.
M. LA ROCQUE: Ce n'est pas tout; avec votre permission, M. le
Président, pouvons-nous déposer sur le tapis rouge des
pièces à conviction? Nous nous engageons, nous pharmaciens
nous sommes propres, propres, propres, même si nous ne sommes pas 12,012
à tout récupérer sur le parquet de la Chambre et
à nettoyer les dégâts que nous aurions causés. Nous
permettez-vous, messieurs, de déposer des pièces à
conviction?
M. VEZINA: Certes, faites, apportez tout ça sur le parquet de la
Chambre, videz ça.
M. LA ROCQUE: Messieurs, vous avez là l'échantillonnage
moyen qui est déversé dans un bureau de médecin durant une
période d'un mois. Vous voyez de quelle façon on s'y prend pour
créer et entretenir la psychose du médicament. On arrive
même avec des produits comme ceci, parfaitement non identifiés et
qu'on a même déposés chez nous, à notre siège
social à Montréal, en nous disant: C'est pour les gens pauvres,
vous allez leur donner ça. C'est assez difficile d'en établir la
provenance, la qualité.
On se pose de très sérieuses questions.
Messieurs, ceci pour vous dire qu'il est temps d'ouvrir les yeux, de
croire véritablement que l'on entretient, à dessein et depuis
fort longtemps, par des moyens purement commerciaux, la psychose du
médicament, la volonté d'inciter les prescripteurs à
prescrire sans connaissance de cause, à prescrire pour prescrire.
Je ne dis pas que tous les prescripteurs tombent dans le piège,
mais malheureusement, à force d'inonder les bureaux de produits qui
retombent souvent dans les mains de "peddlers" où c'est
redistribué, revendu, reconditionné, il y a un danger pour la
santé publique. Lorsqu'en plus de ça on tente, par tous les
moyens, de vendre des produits avec des "gadgets" vous en avez ici, des
miniautos c'est un autre moyen qu'on juge inacceptable. On
s'aperçoit que, de plus en plus, on traite les médicaments comme
si c'étaient des marchandises. Il faut que ça cesse.
Il y a aussi une autre chose pour terminer. Lorsqu'on vous parle de
médication, nous sommes conscients qu'il est urgent qu'il y ait une
personne responsable de la thérapeutique, qu'il y ait une personne qui
soit, de par sa formation, habilitée à évaluer, critiquer,
analyser et même conseiller les prescripteurs sur les
médicaments.
A titre d'exemple, lorsqu'on dit que les médicaments ne sont pas
dangereux, que même les produits brevetés sont moins toxiques, on
se pose de sérieuses questions lorsqu'on voit dans des volumes qui ont
été publiés l'an passé, comme "Hazards of
Medication", toutes les interactions, les incompatibilités entre les
médicaments prescrits, les médicaments du grand public qui sont
associés avec des produits prescrits. Cela vous fait dresser les cheveux
sur la tête tellement il y a de danger.
Nous disons qu'il faut de toute urgence, si vous ne donnez pas
l'exclusivité de la vente des médicaments aux pharmaciens,
créer une autre classe, appelez-la comme vous voudrez, les
pharmaco-vigilants par exemple. Il faudra que quelqu'un, un jour, soit
responsables vis-à-vis de l'Etat, des citoyens du Québec sur la
question des médicaments. Il faudra que les gens soient
renseignés, et cela prend quelqu'un de compétent.
M. Cloutier disait ce matin qu'il faut de toute urgence grouper les
différents professionnels de la santé pour le mieux-être,
et nous sommes d'accord. Mais à ce moment, il va falloir
délimiter drôlement les attributions et les responsabilités
de chacun. Le médecin et le pharmacien reçoivent la même
formation universitaire. Or, vous ne pouvez pas dire à un pharmacien:
Vous, pharmacien, vous allez vous tenir parfaitement au courant de la
pharmacologie et en même temps parfaitement au courant de la
médecine; et, inversement, vous ne pouvez pas demander au médecin
de se tenir parfaitement au courant de tous les développements de la
médecine et en même temps de tous les développements de la
pharmacologie.
Alors, en finissant, nous réitérons à la commission
que, si la médecine appartient aux médecins et c'est
normal, ce sont les gens compétents il va falloir que les
médecins de plus en plus admettent que le pharmacien est là non
pas pour intervenir dans leurs actes, non pas pour leur dire quoi faire, mais
au moins comme un allié sûr, un allié sur lequel ils
peuvent compter en ce qui concerne la thérapeutique.
J'ai fini et je vous remercie de votre bonne attention. Si vous avez des
questions, ça me fera plaisir d'y répondre.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Je donne la parole au ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier
l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires
pour cette présentation imagée, en audio-visuel. J'espère
que dans les deux spécimens qu'on nous a remis, on n'a pas fait
d'association d'idée; je vois que dans les deux cas ce sont des
médicaments supposément efficaces contre l'érythème
fessier, alors j'espère qu'il n'y a pas eu d'association d'idée
entre les membres de l'Assemblée nationale et le choix de ces
spécimens.
Mais pour revenir aux choses plus sérieuses, parce qu'il y a des
problèmes évidemment très sérieux dans toute cette
question, il y a une petite précision que je voudrais apporter en
premier lieu, lorsque vous avez traité de la définition de
l'exercice de la pharmacie. Il faut se rappeler que les lois qui sont
présentement à l'étude sont des lois qui visent à
limiter de façon très précises ce qu'est le champ de
pratique d'une profession qui ne peut être exercée de façon
générale par une autre profes-
sion. Ceci ne signifie pas pour autant que ça limite les membres
de cette profession à l'objet spécifique qui est décrit
dans la définition du projet de loi.
Dans le cas de la Loi du Collège des médecins et
chirurgiens, on nous avait indiqué le fait qu'il n'était pas
question de prévention.
C'est vrai qu'il n'est pas question de prévention,
d'éducation sanitaire puisque je pense que tout le monde admettra
je crois que cela avait d'ailleurs été admis, à ce
moment-là que l'éducation sanitaire ou la
prévention peut s'exercer par d'autres personnes que les
médecins. Ce qui importe, c'est de limiter un champ de pratique
où il faut absolument et de toute nécessité que seules des
personnes compétentes posent les actes qui sont couverts par cette
définition.
Lorsque nous retournons au projet de loi sur la pharmacie, la même
distinction s'impose. Cela n'empêche pas les pharmaciens d'agir à
titre de pharmacologues, par exemple au niveau de facultés ou encore
dans des centres hospitaliers où leurs fonctions ne les amèneront
pratiquement jamais à s'occuper de distribution concrète de
médicaments, mais où ils joueront éminemment leur
rôle de pharmaciens ou de spécialistes du médicament.
Je voulais apporter cette précision parce qu'on ne peut pas
ignorer, dans la préparation de ces projets de loi, qu'il s'agit de
projets de loi visant à limiter ou à déterminer ce que
doit être un champ de pratique réservé. Même si cela
ne donne pas toujours une rédaction satisfaisante lorsqu'on la compare
avec ce que devrait être l'exercice plus large d'une profession, ce n'est
pas l'endroit pour faire un traité, en quelque sorte, de ce que devrait
être l'exercice d'une profession, étant donné la nature
bien particulière de ces projets de loi.
C'était une précision que je voulais apporter, parce que
je ne crois pas qu'il soit possible d'introduire des définitions
descriptives très larges dans tous les projets de loi qui visent
à réserver un champ de pratique à une profession.
Sur le deuxième point, j'aurais deux questions à vous
adresser. La première est très pratique. Vous nous dites
il est évident que tout votre plaidoyer doit être
écouté de façon très attentive que le
pharmacien doit retrouver un rôle qui fasse que la thérapeutique
par les médicaments soit, dans toute la mesure du possible,
ordonnée, contrôlée, administrée par le pharmacien.
Nous retrouvons, dans un certain nombre d'hôpitaux, des pharmaciens qui
peuvent s'associer à l'équipe qui pratique à
l'intérieur d'un milieu hospitalier.
Mais la très grande majorité des pharmaciens ne pratiquent
pas en milieu hospitalier. Par tradition, par habitude, et aussi pour des
raisons de facilité, on retrouve un très grand nombre de
pharmaciens dans des pharmacies d'officine.
Alors, comment voyez-vous concrètement, étant donné
que les médecins pratiquent dans des milieux différents, voient
leurs patients à l'hôpital, en consultation externe, à
leurs bureaux ou à domicile, cette possibilité que le pharmacien
s'associe de façon beaucoup plus étroite au médecin,
à moins que l'on conçoive des modes de distribution des soins
assez différents de ce qui existe présentement? Je pense que
c'est une première question. Il n'en demeure pas moins que,
malgré tous les bienfaits qui pourraient résulter de ces voeux
que vous formulez, en pratique, il faut regarder ce que cela pourrait
impliquer, comment cela pourrait être réalisé. C'est la
première question.
Voici la seconde question. Vous nous avez dit et je pense
qu'à ce moment vous citiez un texte qui à été
publié aux Etats-Unis que, dans le domaine des
médicaments, le médecin a le rôle exclusif de prendre des
décisions. Je pense que vous avez dit "exclusive right to the doctor to
make a decision". Qu'est-ce qui empêche présentement un pharmacien
de refuser une prescription, si cette prescription est mal
rédigée, si elle apparaît fausse, non
appropriée?
Je pose la question, d'autant plus que, si ma mémoire est bonne,
dans l'entente qui a été signée, il a été
reconnu qu'il était normal de payer un honoraire professionnel au
pharmacien pour une prescription non remplie. Il me semble qu'il y a là
une reconnaissance très claire et concrète de la
possibilité qu'a le pharmacien de refuser de remplir une ordonnance si,
dans son jugement, cette ordonnance ne doit pas être remplie.
M. LA ROCQUE: Pour répondre à la première question,
vous avez raison de souligner l'intérêt pratique, ce qui se passe
à l'heure actuelle. Vous avez dans le passé émis l'opinion
qu'il fallait de plus en plus intéresser les différents
professionnels de la santé à se grouper, à travailler en
association, par le truchement des centres régionaux de santé. Il
est clair que cela nous apparaît comme la solution idéale qui doit
être réalisée le plus rapidement possible.
Mais le fait demeure qu'à l'heure actuelle sauf, comme
vous avez mentionné, en dehors des milieux hospitaliers ou dans
certaines cliniques spécialisées où les contacts ne sont
pas fréquents entre, en particulier, les médecins et les
pharmaciens ça pose des problèmes d'ordre pratique.
On nous dit aussi: Le médecin, lui, reçoit le malade, pose
le diagnostic, établit le traitement et prescrit. A ce moment-là,
personne ne conteste ces droits aux médecins. Mais il agit seul, en
fait, avec son malade. C'est lui qui découvre la maladie, mais qu'est-ce
qui nous dit qu'une fois qu'il l'a découverte, cette maladie ou cette
morbidité, il doit être le seul à partager le secret?
Qu'est-ce qui nous dit qu'il ne doit pas fournir un supplément
d'information au pharmacien même afin de permettre au pharmacien de jouer
son rôle d'une façon beaucoup plus précise?
Et je m'explique: Si je me permets une analogie, prenons le cas d'un
citoyen du Québec qui n'a jamais été malade, qui consulte
un médecin pour la première fois, et je suppose que le
médecin joue parfaitement bien son rôle à
l'intérieur des cadres et des lois actuels. Il l'examine, l'ausculte,
etc., pose un diagnostic, établit le traitement et prescrit. Là
on peut dire que ce patient a reçu, compte tenu des circonstances, les
meilleurs soins médicaux qui étaient disponibles. Tout le monde
est de bonne foi.
Or, ce patient sort du bureau du médecin avec une ordonnance, et
je suppose que l'ordonnance est correctement rédigée, selon les
normes et standards actuels: nom, adresse, même l'âge, la
dénomination commune ou commerciale, la quantité, la posologie,
la signature lisible et la possibilité de renouveler, s'il y a lieu, la
date, et il s'en va chez le pharmacien. Et je suppose encore un cas
idéal que ce même patient n'a jamais consulté un
pharmacien de sa vie. Le pharmacien compétent a des dossiers-patient, a
tout ce qu'il faut, a suivi ses cours de recyclage, est bien au courant de ce
qui se passe, mais qu'est-ce qu'il reçoit pour évaluer
l'état du patient? Un papier qui est très laconique: donner tel
produit à telle condition. Qu'est-ce qui lui dit à lui, le
pharmacien, que ce patient ne souffre pas d'une condition morbide quelconque,
est-ce qu'il fait du diabète, est-ce qu'il fait une insuffisance
cardiaque, insuffisance rénale, hépatique, glaucome, etc., etc..
Je ne sais pas.
A ce moment-là, est-ce que vous pouvez affirmer que, dans les
conditions actuelles, le pharmacien est en mesure de donner des services
pharmaceutiques adéquats? Nous disons non. Et en plus de ça, non
seulement il y a fort peu de rencontres entre le médecin et le
pharmacien je ne dis pas qu'il y a une guerre ouverte, bien au contraire
de plus en plus, vous savez, sur le plan social tout au moins, on se
rencontre, on cause.
Sur le plan professionnel, il y a une réticence qui est largement
entretenue par l'industrie et il me paraît absolument anormal que
l'information scientifique ne soit pas donnée. On devrait, au moins,
s'entretenir avec le pharmacien pour dire: Qu'est-ce que tu penses de tel
produit? Est-ce qu'il te parait aussi valable qu'on le dit? Non seulement on ne
fait pas cela, mais on prend plus volontiers les conseils des
délégués médicaux qui sont de bons garçons,
mais sont des vendeurs.
Pour corriger en partie le système, d'une façon pratique,
nous devrions revenir à la standardisation de l'ordonnance. La
standardisation de l'ordonnance pour nous, c'est non seulement toutes les
données dont j'ai parlé tantôt, mais, en plus de cela, on
devrait tout au moins indiquer, que ce soit par code ou autrement, les
principales catégories de maladies. En fait, on ne divulgue rien du
secret professionnel. Que l'on indique sur l'ordonnance que le patient souffre
de diabète sucrée, de glaucome, d'hypertension, d'insuffisance
cardiaque, d'insuffisance hépatique, rénale ou respiratoire, le
patient le sait; on ne divulgue absolument rien.
Lorsque le pharmacien reçoit l'ordonnance et la
thérapeutique, il est plus en mesure de savoir et de contrôler si
la médication, à la dose ou à la posologie prescrite, est
conforme ou ne présente pas certains dangers face à la condition
du malade, ce qu'on n'est pas capable de faire sur le plan pratique à
l'heure actuelle. Nous affirmons que ce doit être fait et que ça
presse.
M. CASTONGUAY: Est-ce que vous ne contribuez pas aussi à cela
dans une certaine mesure par la pratique qui veut que, lorsqu'on fait
exécuter une ordonnance chez le pharmacien, on n'indique bien souvent
qu'un numéro de prescription et la posologie, sans dire un mot sur le
contenu, ce qui crée pour la population, bien souvent, des
difficultés du même ordre que celles que vous mentionnez? Si on
s'adresse à une autre pharmacie pour un renouvellement qui pourrait
être très valable, très légitime, il n'est pas
possible de l'avoir.
Lorsqu'une personne, à un moment donné, est sujette
à un malaise quelconque, si elle consulte un médecin et qu'elle
montre au médecin ce qu'elle a comme médicament, le
médecin, à moins d'être assez extraordinaire, n'est pas en
mesure de savoir ce qui lui a été prescrit. En définitive,
ne faites-vous pas un peu la même chose que ce que vous reprochez?
M. LA ROCQUE: Là-dessus, M. le ministre, vous avez parfaitement
raison. Nous dénonçons également cette lacune.
Actuellement, une des grandes difficultés que l'on avait
heureusement, la liste des médicaments est en train de corriger cette
lacune c'est que nous étions en face de produits complexes. A
moins d'inscrire la dénomination commerciale ce qui souvent
n'était pas souhaitable, même les prescripteurs, souvent, le
disaient: On ne veut pas que tu marques le nom trouver le principe actif
dominant était parfois très difficile. Maintenant, c'est devenu
une chose beaucoup plus simple. Nous suggérons de plus en plus à
nos membres nous allons faire une campagne en ce sens d'indiquer
sur l'étiquette de l'ordonnance non seulement les informations
traditionnelles, mais également deux autres facteurs, soit la
dénomination commune ou, si vous voulez, le nom générique,
ainsi que la concentration et la qualité fournie. Je pense que le
consommateur ou le patient a le droit d'exiger cette information sur
l'étiquette.
Je crois également que c'est une sécurité lorsqu'un
patient se présente, soit dans une autre pharmacie, à
l'hôpital, en clinique, à un service d'urgence. Tout au moins l'on
devrait connaître les principes actifs dominants et je pense qu'il faut
que ça se fasse de toute urgence. Mais l'un n'empêche pas l'autre,
les lacunes qui existent chez nous existent égale-
ment ailleurs. Il n'est pas question de priorités, de subordonner
l'action de l'un à celle de l'autre ou encore de prendre le pas sur
l'autre, il faut que tous les deux travaillent pour le mieux-être du
patient. Pour cette raison, nous croyons, d'une part, qu'il est essentiel de
standardiser l'ordonnance en donnant un supplément d'information
permettant aux pharmaciens d'agir en pharmacologues. Par ailleurs, le
médecin ou le "prescripteur", le patient ont également le droit
d'exiger qu'il y ait un peu plus d'information sur l'étiquette. Est-ce
que ça répond à la première question?
M. CASTONGUAY: Cela répond dans une large mesure à la
question mais croyez-vous qu'il est possible, par voie législative,
d'arriver à cet objectif? N'est-ce pas beaucoup plus une question de
confiance mutuelle dans l'établissement de rapports entre deux groupes
professionnels qu'un problème d'ordre législatif? Dans toute
cette gamme de lois portant sur les corporations professionnelles, on est dans
un monde qui évolue, où des rapports dynamiques doivent
s'établir doivent prendre toutes sortes de formes. Il me paraît
assez difficile d'édicter des rapports; aussitôt que nous
essayons, dans nos lois, d'être un peu trop directifs, on nous accuse de
nous ingérer dans la façon de pratiquer une profession, de
traiter les gens. Il me parait extrêmement difficile d'édicter ou
d'ordonner quels devraient être les rapports entre deux groupes
professionnels par voie législative. Alors, vous répondez, en
fait, à la question que je vous avais posée mais, par la nature
même de votre réponse, il me paraît que c'est beaucoup plus
un problème qui doit être réglé par d'autres
mécanismes que par voie législative.
M. LA ROCQUE: En fait, vous avez parfaitement raison. Cependant, on se
pose toujours des questions. Dans le passé, on a tenté, autant
comme autant, d'établir tout au moins une certaine relation soutenue. On
s'est heurté à des droits acquis, à des privilèges,
aussi à une espèce de supériorité qui a
été entretenue et qui a été fort bien comprise par
l'industrie. Cela me permet, par le biais de cette réponse,
peut-être, de tenter de répondre à votre deuxième
question alors qu'on disait que le pouvoir de décision restait en somme
entre les mains d'un seul homme, soit le "prescripteur". Elle a fort bien
compris ça parce que, quelle que soit l'attitude que l'on adopte, bonne
volonté, collaboration, etc., le fait demeure que l'initiateur des soins
est le médecin. C'est lui qui détermine, qui ordonne la
médication, on ne peut pas empêcher ça. On souhaiterait
qu'il le fasse le plus souvent possible en collaboration avec le pharmacien,
mais, dans les faits et en pratique, ça ne se fait pas. L'industrie
prend bien soin de toujours laisser entendre au médecin qu'en somme
c'est lui le principal, je ne dirai pas actionnaire, mais instigateur.
C'est tellement vrai qu'on a tenté aussi, par le biais du
"prescripteur" d'augmenter la vente des médicaments en accordant au
"prescripteur" qui choisit la marque des gadgets comme ceux qu'on vous a
montrés tantôt, des faveurs spéciales, des escomptes
également spéciaux, des prix de quantité, des
conditionnements que l'on refusait systématiquement aux pharmaciens.
Parce qu'on raisonnait aussi en "big business" en disant: Celui qui crée
la demande, c'est le médecin. A l'hôpital, on crée aussi
une demande. Donc, le marché principal, c'est le médecin, c'est
l'hôpital. Vous avez vu ça dans le passé. On a même
donné des quantités astronomiques de tranquillisants pour dire:
Si on donne ce produit à l'hôpital et si les médecins
l'utilisent, ça va se répercuter sur l'extérieur de
l'hôpital. C'est ce qui s'est produit, en somme. Comme nous, pharmaciens,
nous n'avions rien, aucun pouvoir de décision, rien à dire, sauf
exécuter fidèlement, intégralement l'ordonnance, nous
donnions ce qui était marqué sur l'ordonnance. Nous estimons que
le pouvoir de décision est encore entre les mains d'un seul homme.
Cependant, il y a moyen, tout en soignant les gens d'une façon
rationnelle, scientifique, objective, par le truchement de listes... Ici, je me
permets de faire une digression pour dire que, pour la première fois en
Amérique du Nord, un gouvernement a eu le courage d'établir une
liste de médicaments qui a été très bien faite,
objective, avec laquelle on peut traiter n'importe quelle maladie, avec
laquelle on peut faire des combinaisons de médicaments pour
individualiser le traitement et la posologie et non pas se fier sur les
produits composés de l'industrie où on avait standardisé
les quantités. Nous estimons qu'on commence peut-être à
redonner ainsi au pharmacien un certain rôle pourvu que l'on ne vienne
pas, par le biais et le truchement d'une loi, faire justement le contraire en
disant: Vous ne pouvez qu'exécuter l'ordonnance d'une façon
intégrale, donner la marque qui est inscrite là. On s'en vient
exactement à l'encontre de ce qu'on a toujours défendu. On ne
traite pas les gens avec des couleurs, des marques de commerce; on traite les
gens avec des principes actifs. Qu'on livre les principes actifs tels que
prescrits, c'est important, mais qu'on ne fasse pas autre chose.
M. CASTONGUAY: Il y a seulement un petit commentaire. C'était
simplement pour faire confirmer, lorsque j'ai posé la question où
j'ai rappelé l'entente signée, la possibilité qu'a
maintenant le pharmacien de poser un acte, d'être
rémunéré dans le cadre du régime
d'assistance-médicaments sans pour autant que cela exige la remise d'un
médicament.
M. LA ROCQUE: Ceci, M. le ministre, je crois que c'est une primeur. Je
ne voudrais pas prendre le temps de la commission pour parler de cette question
in extenso, mais si vous me le permettez, par le truchement de l'entente, vous
avez reconnu évidemment ce droit aux pharmaciens, pour la
première fois, et je pense que c'est la première fois au monde
où on est
rémunéré pour refuser. On avait bien fait
comprendre que chaque fois que le pharmacien veut jouer son rôle
professionnel, c'est-à-dire porter un jugement de valeur sur la
médication, sur la fréquence de l'utilisation, le pharmacien
était pénalisé.
En dehors de l'entente, dans les faits, tout de même actuels, il y
a au moins 80 p.c. ou 85 p.c. de la population qui n'est pas couverte par le
régime. Le fait demeure qu'en pratique le pharmacien, s'il refuse
systématiquement les ordonnances, s'il refuse systématiquement
les renouvellements, s'il tente de conditionner les gens à ne pas
surconsommer, à ne pas abuser de la médication, il est
pénalisé.
On va dire: Ecoute, je veux le produit Untel. Si tu ne me le donnes pas,
je vais aller ailleurs. Ou encore, on va dire: Ecoute, ce ne sont pas tes
affaires, ça m'est prescrit, donne-le-moi ou je vais transporter mes
pénates ailleurs.
Alors, le pharmacien, au fond, que récolte-t-il? Rien. C'est le
seul professionnel, dans tout le code des professions, qui, lorsqu'il pose des
gestes éminemment professionnels, est pénalisé. Je dis que
vous avez commencé par corriger une lacune par le biais de l'entente et
on vous félicite, on vous remercie. Mais il va rester aussi à
corriger la même lacune chez le reste de la population. Alors, le pouvoir
de décision, nous ne l'avons pas. Nous avons sans aucun doute la
possibilité de refuser, mais refuser toujours nous paraît un peu
aberrant. Que faut-il faire? Il faut essayer d'améliorer le
système. Il faut essayer de remettre à la bonne place la
thérapeutique. La thérapeutique, ce n'est pas pour tout le monde
à profusion, en donnant des ordonnances plus ou moins bien
rédigées, faites à la hâte.
Si vous voulez des exemples, nous en avons plein les classeurs. Ce sont
des originaux et nous en avons peut-être quelques milliers. Je ne dis pas
ça pour déprécier le corps médical. Je dis que
ça existe. Pourquoi? Parce qu'on a perdu la notion du médicament.
Le médicament, ce n'est pas dangereux. La preuve, vous avez des gens qui
arrivent en clinique et on leur dit: Prenez-vous des médicaments? Non,
ils ne prennent pas de médicaments. On les interroge, on leur demande:
Prenez-vous de l'Agarol? Oui, je prends de l'Agarol. Prenez-vous de l'aspirine?
Certainement. Bien, ce sont des médicaments. Non, ce ne sont pas des
médicaments, on peut en avoir partout.
Alors, la psychose du médicament n'existe à peu
près pas, disons, en tant que médicament dangereux. On dit que ce
n'est pas dangereux, puisque c'est vendu par tout le monde. La même chose
dans le bureau des "prescripteurs". Les gars n'ont pas le temps. Ils ont autre
chose à penser. Ce qui est encore plus important, c'est le diagnostic,
les techniques médicales, les nouveaux modes de diagnostic, etc. C'est
ce qui les intéresse. La médication les intéresse un peu.
Je ne veux pas dire qu'ils ne sont pas intéressés, mais ne leur
demandez pas la composition du médicament. Ne leur demandez pas les
réactions secondaires les plus courantes, les interactions, ça ne
les intéresse pas. Cela nous intéresse drôlement, nous.
Alors, qu'on nous confie donc ce rôle une fois pour toutes, puis nous
serons heureux et les gens vont être mieux soignés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, si vous me permettez un
commentaire très bref. Il y a un sujet qui revient constamment devant la
commission; j'y ai fait allusion ce matin et, là, durant
l'échange entre M. La Rocque et le ministre, on sent de plus en plus la
nécessité de cette collaboration entre les différentes
professions, prenons les professions de la santé, par exemple. Cela a
paru évident également dans les professions comptables et les
professions d'administration, lorsqu'elles sont venues devant la commission.
Certains secteurs de la santé en particulier l'ont souligné.
Prenons les pharmaciens avec les médecins et les dentistes; on va
prendre, après ça, les optométristes et les
ophtalmologistes et ainsi de suite.
Je pense que, peut-être, notre législation je le
fais sous forme de suggestion à l'endroit du ministre et de ses
fonctionnaires ne va pas assez loin dans le sens de favoriser un certain
regroupement et une certaine collaboration qui pourrait être davantage
accentuée entre ces différents groupes. Le conseil
interprofessionnel regroupe toutes les professions, d'accord. Le code des
professions également établit un cadre pour toutes les
professions. Mais, pour discuter certains problèmes complexes entre les
différentes professions, disons de la santé, comme la
définition du champ d'exercice d'une profession aujourd'hui, on a
parlé beaucoup du médecin et du pharmacien peut-être
que notre législation devrait, sous une forme ou sous une autre,
introduire des mécanismes qui favoriseraient davantage, au fur et
à mesure de l'application de cette législation, une fois qu'elle
sera en vigueur, un développement harmonieux des relations entre ces
différentes professions de façon que l'usager, le public en
bénéficie et que les difficultés que l'on éprouve
entre les différentes professions ne jouent pas au détriment de
la population.
Là, on prend un point qui est assez délicat, celui de la
responsabilité quant à l'ordonnance. Les pharmaciens nous disent
que, pour poursuivre l'objectif de revaloriser leur statut professionnel afin
que les pharmaciens remplissent véritablement leur rôle, ils
devraient, au point de vue de l'exercice de leur jugement vis-à-vis de
l'ordonnance, prendre d'autres responsabilités.
On a apporté l'exemple de la régie qui
rémunère le pharmacien. Même s'il n'a pas fourni de
médication, il est rémunéré s'il a exercé
son jugement et s'il a même dit qu'à son avis il ne devait pas
remplir cette ordonnance ou ne devait pas la remplir de la façon qu'il
le
fait ou qu'il devrait exercer son jugement pour faire une substitution.
Je pense que c'est une suggestion qui devrait être étudiée
avant que nous n'adoptions la loi finale, soit d'introduire une certaine forme
de mécanisme de consultation, pour faciliter la consultation, le
dialogue et la collaboration entre les différentes professions qui sont
appelées à travailler en étroite collaboration et en
équipe, sur le terrain, que ce soit à l'intérieur des
établissements ou que ce soit à l'intérieur des cliniques
privées.
Cela m'amène à vous poser la question suivante, M. La
Rocque. C'est vous qui avez négocié, au nom des pharmaciens
propriétaires, l'entente avec le gouvernement, dans le cadre du bill 69.
Avez-vous eu l'occasion, lors de cette négociation, de discuter de la
philosophie que vous nous avez exposée depuis le début de votre
intervention?
M. LA ROCQUE: Disons, M. Cloutier, que pendant un an nous avons vraiment
discuté de cette question, dans les détails. Ce que nous vous
montrons ici, nous l'avons également montré aux
négociateurs. Je crois que, dans une certaine mesure, nous avons tout de
même réussi à les sensibiliser. Je crois que le
résultat de l'entente en est une preuve éloquente, en particulier
lorsqu'on a parlé du refus de l'ordonnance. Cela a été
accepté à la négociation et on est payé pour cela,
pour ne pas pénaliser le pharmacien.
Nous avons vraiment mis le paquet d'une façon très
objective, rationnelle, peut-être avec un peu moins d'émotion que
je ne l'ai fait tantôt et je m'en excuse mais vraiment, les
représentants du gouvernement ont été informés en
détail de tout ce qui se fait à l'intérieur du
présent système, que nous trouvons vraiment
dépassé, vieillot, à tendance fortement commerciale. Ce
matin et cet après-midi, nous ne pouvons vous donner qu'un faible
échantillon parce que nous pourrions vous parler des réseaux de
distribution, nous pourrions vous parler des politiques de vente, nous
pourrions vous parler de l'information pseudo-scientifique, nous pourrions
également vous parler peut-être du bernage d'esprit qui se fait,
à l'heure actuelle. Mais là n'est pas notre idée. Ce que
nous voulons faire, c'est vous sensibiliser au fait que la profession de
pharmacien, si elle est ce qu'elle est, actuellement, c'est qu'elle a
été malheureusement encadrée dans des cadres juridiques
qui sont vieillots, qui ont besoin d'être un peu
ébranlés.
S'il y a eu manifestement un manque de collaboration entre le
médecin et le pharmacien, c'était à cause d'une
incompréhension, d'une part, peut-être aussi d'un certain orgueil,
d'autre part, et aussi à cause de l'attitude de l'industrie qui,
à un moment donné, a réalisé que le gars, si vous
voulez, qui créait le marché, c'était le médecin.
C'est lui qui ordonnait, c'est lui qui choisissait la marque, c'est lui qui
déterminait la durée du traitement. En fin de compte, le
pharmacien n'était là que pour exécuter l'ordre. Il
n'avait rien à dire. Alors on a faussé le problème, on a
entretenu cela. On a un peu débordé le champ de la
thérapeutique en faisant de la publicité, en incitant les gens
à consommer. Aujourd'hui, on se trouve face â un problème
sérieux, qui est soit de l'automédication excessive ou encore une
surconsommation galopante. Qu'est-ce qu'on fait en face de cela? On a un
objectif primordial et on retrouve cela partout, chez tous les gouvernements et
les légistes : il faut réduire les coûts.
Nous avons dit au ministre et nous vous redisons ici aujourd'hui: A quoi
sert de réduire les coûts des médicaments si on incite les
gens, en ne mettant pas les remèdes appropriés, à
surconsommer de 50 p.c. et 60 p.c. davantage? Où sera l'économie
réelle? Où les gouvernements pourront-ils corriger la
situation?
Lorsqu'on nous apporte l'incorporation avec des étrangers,
qu'est-ce qu'on cherche? On cherche, ni plus ni moins, nous, au Québec,
qui avons toujours été la seule province, si vous voulez, le seul
Etat en Amérique du Nord qui ait toujours systématiquement
refusé d'ouvrir ses portes à des non-pharmaciens, à cause
de la Loi sur la pharmacie, on s'apprête à l'ouvrir et à
dire: Laissons libre la concurrence. Nous allons tenter de diminuer les
coûts. Or, qu'est-ce qui se fait aux Etats-Unis et dans les autres
provinces, où vous avez des consortiums qui sont, à toutes fins
pratiques propriétaires des pharmacies qui engagent des pharmaciens?
Je ne vous dirai pas que vous avez un moins bon service pharmaceutique.
Je ne vous dis pas que les pharmaciens sont moins compétents. Je vous
dis qu'ils n'ont rien à dire. Ils sont conditionnés eux et
engagés pour vendre. Et qu'est-ce qu'on cherche à faire?
Où est l'intérêt de ces corporations, de ces
étrangers? C'est de susciter et de mousser la vente à tout prix.
C'est ça qu'on veut faire par la publicité.
On vous a fait distribuer tantôt des modèles, on fait des
"mass displays", on met des voitures, toutes sortes de gadgets et on dit aux
gens: Bourrez-vous, ça coûte moins cher. Est-ce que vraiment
ça coûte moins cher? Est-ce qu'on a évalué
jusqu'à quel point l'Etat sera mal pris un jour avec ce
système?
Aux Etats-Unis, le président Nixon a déclaré l'an
passé, publiquement: "America is becoming a drug oriented society". Dans
l'Etat de New York, ça leur coûte tellement cher le Medicare
qu'ils ne savent plus où prendre l'argent parce qu'il y a une
surconsommation. Tout le monde veut des médicaments et on entretient
encore la psychose de la médication. Et au lieu de chercher le
remède à sa source, c'est-à-dire là où
l'émission des ordonnances se fait et où à toutes fins
pratiques le goût d'utiliser le médicament débute, on tente
de prendre des moyens détournés. On va dire: Peut-être que,
si on faisait moins de publicité à la télévision,
dans les journaux, ça serait moins pire. Le problème n'est pas
là.
Actuellement il faudrait, je ne dirai pas faire table rase, mais il va
falloir drôlement s'orienter et dire: La profession de pharmacie,
qu'est-ce que c'est? Est-ce un commerce? Si c'est un commerce, nous n'avons pas
d'affaire à nous présenter devant vous comme une profession.
Là il n'y aurait plus de contrôle. Nous allons vendre,
prendre des moyens qui sont acceptés dans le commerce, des fins de
série, nous allons inciter les gens à acheter, nous allons couper
les prix tant que nous pouvons comme ça se fait
déjà et puis on va avoir un problème sérieux
sur les bras.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. La Rocque, vous avez entendu ce matin quand
nous avons discuté avec le Collège des pharmaciens, nous avions
demandé une suggestion au collège. Il a dit qu'il
suggérait de se réunir avec l'association des
propriétaires de pharmacies pour discuter des difficultés de la
période de transition, au début du programme. Voyez-vous d'un bon
oeil cette suggestion? Etes-vous prêt à apporter votre
entière collaboration pour résoudre certaines
difficultés?
M. LA ROCQUE: En premier lieu, avant de répondre à votre
question, il faut tout de même se demander si un problème
sérieux existe. Encore là, je me permets de vous souligner une
chose. On met l'accent sur la médication d'urgence. Et, par le biais de
la médication d'urgence, on tente de régler la médication
d'entretien. Or, l'entente n'a pas changé les lois. Rien n'empêche
le médecin de fournir la médication d'urgence. Mais ce que l'on a
prévu dans l'entente, c'est qu'on ne voit pas de raison pour laquelle un
médecin continuerait à fournir la médication d'entretien
pour un, deux, trois mois comme ça se faisait auparavant dans des
endroits où il y avait des pharmaciens ou à proximité de
pharmacies.
En plus, il y a un autre problème aussi. C'est que nous sommes
soumis à la Loi médicale et à la Loi sur la pharmacie. Je
ne sache pas que personne, fût-il médecin ou pharmacien, soit
au-dessus des lois. Or, que dit la Loi sur la pharmacie? Comme l'a dit le
président du collège ce matin, dans tous les endroits de moins de
7,000 de population où il n'y a pas de pharmacie, un médecin peut
s'inscrire au Collège des pharmaciens.
Or, dans le passé, à cette même commission
parlementaire, pour le bill 69, publiquement, les médecins ont
déclaré qu'ils ne voulaient pas que leurs membres s'inscrivent au
collège. Mais la loi n'a pas été changée. Nous,
face à cette situation, nous avons étudié
sérieusement et attentivement la carte du Québec et nous nous
sommes aperçus que plusieurs centaines de médecins vendaient
depuis toujours illégalement des médicaments. Ils
n'étaient pas inscrits au collège, mais vendaient des
médicaments quand même.
Nous devons respecter la loi. Nous ne pou- vions pas les inscrire,
puisque a priori ils n'existaient pas en tant que distributeurs officiels de
médicaments. C'est une chose que nous ne vous avons jamais dite, mais
qui existe dans les faits.
L'association est toujours prête à suivre la directive, la
suggestion de notre président du collège. On n'a jamais dit qu'on
excluait automatiquement tous ceux qui ne faisaient pas partie de la liste mais
il va falloir qu'on démontre qu'il y a un besoin réel. Je
n'accepte pas qu'on fasse du pathos, de l'émotion en nous disant: Les
pharmaciens ne sont pas là 24 heures par jour, les médecins, eux,
sont là 24 heures par jour. Je n'accepte pas ça parce que dans
les faits c'est faux. Que ce soit dans les régions rurales, que ce soit
à la ville, essayez d'avoir un médecin la nuit vous, les fins de
semaine.
J'affirme ici, publiquement, que depuis, surtout, l'entrée en
vigueur de l'assurance-maladie, les pharmaciens n'ont jamais tant prescrit en
fin de semaine. Et je dis bien prescrit, même si ce n'est pas dans la
loi. Face à une situation d'urgence, face à
l'impossibilité de rejoindre des médecins, et ça je
l'affirme publiquement, le pharmacien fait ce qu'il peut et fournit souvent des
médicaments à des gens mal pris en fin de semaine, le samedi, le
samedi après-midi et le dimanche. Et cela se fait tous les jours. Mais
on n'a pas fait de pathos avec ça.
Une fois pour toutes, essayons donc d'analyser la situation de
façon non pas dramatique mais pratique. Actuellement, nous avons une
entente, elle prévoit des centres de distribution. Nous ne
prétendons pas que nous avons couvert tous les moindres hameaux de la
province, mais si on perpétue les pseudo-droits acquis et
privilèges et si on ne donne pas au pharmacien la possibilité
d'étendre ses services, d'une part, ou de permettre à d'autres
jeunes pharmaciens de s'installer dans les régions où il n'y a
pas de pharmacie et où ce serait possiblement rentable, dans un certain
bassin de population, pour un pharmacien, on ne corrigera jamais la situation.
Est-ce que ça répond un peu à votre question?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, j'aurais quelques questions â
poser à M. La Rocque. Je l'ai rencontré à l'heure du
déjeuner et je lui ai dit que j'en poserais des collantes, alors il va
les avoir.
J'aimerais savoir la différence qui existe, en fait, entre ce
qu'on appelait, en 1790, un pharmacien, puis ce qu'on appelle en 1972 un
pharmacien. J'ai regardé la définition du dictionnaire Larousse
français et on dit: Apothicaire, c'est ce qu'on appelle aujourd'hui un
pharmacien. Il faut se rappeler que ces gens fabriquaient en entier leurs
médicaments. J'ai posé
la question cet avant-midi, à peu près quel pourcentage
des médicaments pouvait être sur prescription magistrale,
c'est-à-dire composée par le pharmacien? Alors, on se rend compte
qu'un faible pourcentage de médicaments est préparé par le
pharmacien.
Je me pose la question suivante: D'abord, est-ce que le rôle du
pharmacien a changé énormément depuis le temps? La
démonstration est pratiquement faite. Je me pose également la
question: Pourquoi autant d'études si, dans bien des cas, comme vous
venez pratiquement de l'expliquer, un simple commis pourrait remplir la
fonction de pharmacien parce qu'à toutes fins pratiques les
médicaments vous parviennent en grande majorité, sinon presque
tous, préparés à l'avance? Alors on a seulement à
prendre la bouteille de capsules et la vendre au client.
J'aimerais que vous fassiez une distinction entre 1790 et 1972.
M. LA ROCQUE: Je vous remercie d'avoir posé cette question
extrêmement pertinente. Il y a une grande différence mais on l'a
oubliée dans les faits et dans les lois. Essentiellement, autrefois, le
pharmacien était un artisan, un préparateur. Or, qu'est-ce qu'il
faisait, en somme? Il prenait différents ingrédients qui
pouvaient être des substances végétables, animales, fort
peu de substances chimiques, les mélangeait dans un mortier en tenant
compte des incompatibilités physiques et chimiques et essayait de
préparer une concoction potable. C'était essentiellement le
rôle du pharmacien à l'époque, un artisan.
Est venue l'ère moderne où l'industrie pharmaceutique a
commencé à fabriquer des médicaments, qui étaient
de la polypharmacie au début, des formules que les pharmaciens
préparaient, et l'industrie a commencé à les
préparer elle aussi. Et avec l'équipement, avec aussi des
connaissances techniques améliorées, l'industrie est venue
à préparer les mêmes produits que ceux des pharmaciens mais
bien mieux que les pharmaciens et à un plus faible coût. Il faut
être logique, c'est ce qui est arrivé.
Qu'est-ce qui est arrivé au pharmacien qui, lui, avait une
préparation d'artisan, de préparateur? Il s'est dit: Je n'ai rien
à faire, tout est fait d'avance, je n'ai qu'à prendre le produit
fort bien emballé comme monsieur a dit gratter
l'étiquette et la redonner.
Alors, il a commencé à se désintéresser,
à jouer au golf et à laisser n'importe qui vendre les
médicaments. On le dit publiquement et on ne s'en gêne pas. Ce qui
est paradoxal, c'est que l'industrie pharmaceutique je ne dis pas
qu'elle était de mauvaise foi qui nous a enlevé notre
rôle de préparateurs et d'artisans est en train de nous redonner
notre rôle de pharmaco-logues et je dirais même d'"ombudsmans" du
médicament. Pourquoi? Parce que l'industrie a évolué, elle
aussi. Elle a fait des recherches, elle a délaissé graduellement
les vieilles formules d'autrefois pour s'adonner à la mise en
marché de produits simples, actifs, spécifiques,
concentrés, extrêmement dangereux à manipuler.
A ce moment-là, même si ces produits sont fort bien
emballés d'avance, quel est le nouveau rôle du pharmacien?
Aujourd'hui, on ordonne au pharmacien de prendre différents produits
actifs, tout prêts d'avance, et de mettre cela dans le mortier humain, de
faire avaler cela aux gens. On lui dit: Ce que tu devrais faire, c'est tenir
compte des incompatibilités physiques, chimiques, physiologiques et
psychologiques. C'est le rôle du pharmacien; ce n'est pas le rôle
d'un commis, parce que, pour remettre un produit, ça ne prend pas un
pharmacien; nous sommes bien d'accord sur cela. Le dernier rempart entre la
remise du médicament et celui qui l'absorbe, c'est quelqu'un de
compétent, quelqu'un qui est capable de répondre aux questions du
malade qui est inquiet face à la médication, de répondre
aux questions concernant les dangers possibles, les interactions possibles, les
contre-indications possibles, les effets secondaires possibles.
C'est devenu trop compliqué pour les commis et trop
compliqué pour les médecins, disons-le franchement. Si ce n'est
pas nous, les pharmaciens, créez une classe de professionnels de la
santé qui vont, eux, être compétents. Nous disons que c'est
nous et que le rôle du pharmacien est celui-là, aujourd'hui. C'est
pour cette raison que, dans notre mémoire, nous avons bien fait la
distinction entre la valeur intellectuelle d'une profession et la valeur
matérielle. Est-ce que cela répond à votre question?
M. GUAY: Oui. Maintenant, face à la surconsommation des
médicaments, le pharmacien devient donc un modérateur, dans bien
des cas. Est-ce que le pharmacien ne serait pas plutôt, étant
donné sa compétence, une personne qui ferait de la recherche, de
l'information, en quelque sorte un professeur dans le domaine des
médicaments? J'ai toujours eu et j'ai encore l'impression que le premier
rôle du pharmacien est d'abord d'interpréter l'ordonnance du
médecin. A partir de là, sauf pour les ordonnances magistrales,
le pharmacien demeure celui qui joue le rôle d'un commis. Là, vous
venez d'expliquer quel devrait être le rôle du pharmacien, mais,
présentement, son rôle est quasi limité à cela.
Moi, je verrais le pharmacien peut-être que ce serait
ajouté à ses fonctions faire partie d'une équipe de
recherche. Je le vois comme celui qui prépare l'information sur les
médicaments, étant donné sa compétence et ses
nombreuses années d'études. Vous n'êtes pas sans être
d'accord avec cela, vous venez de le mentionner.
Sur un autre point, j'aimerais vous demander si vous êtes d'accord
avec le système de zonage qui a été très
brièvement expliqué ce matin.
M. LA ROCQUE: Cela nous parait une me-
sure qui mérite, tout au moins, d'être
étudiée et non pas rejetée comme cela l'a
été dans le passé sous prétexte qu'on ne pouvait
pas, avec les lois nord-américaines et notre tempérament un peu
anglo-saxon, qu'on le veuille ou non, freiner la libre concurrence. C'est ce
qu'on nous avait répondu dans le passé. Tout au moins, on devrait
étudier cette possibilité non pas en fonction de la population
parce que, lorsqu'on parle de 7,000 de population et qu'on sait
également qu'avec la multiplicité des municipalités, la
municipalité de la ville, de la paroisse, quand ce n'est pas le conseil
de ville d'une autre municipalité, les populations de moins de 7,000
sont à profusion dans la province de Québec. Il n'y a que
cela.
On devrait plutôt étudier les possibilités de zonage
avec un bassin minimal de population où les gens qui résident
là, même si c'est dans de petites localités, ont aussi le
droit d'avoir les services pharmaceutiques d'un pharmacien, pourquoi serait-ce
seulement en ville?
Mais l'objection que l'on a fort bien soulignée ce matin et que
je me permets de vous rappeler cet après-midi c'est que les pharmaciens,
face à l'encadrement juridique actuel, face aux droits acquis, aux
privilèges, face aussi au fait qu'ils n'ont pas le pouvoir de
décision, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas prescrire, ne
peuvent pas courir le risque et dire: Je vais m'installer à Saint X dans
le comté de Z et je vais espérer que le médecin va
lâcher ses médicaments et que les gens vont venir chez moi me
consulter. Ce n'est pas possible dans les cadres actuels, disons-le
franchement. Ce qui arrive, c'est qu'il y a des pharmaciens qui sortent des
facultés, que font-ils? Ils vont s'établir dans les villes
où ils sont à proximité des grossistes, où ils sont
capables de supporter moins de stock, où ils sont capables d'avoir
accès à la marchandise très rapidement, où
peut-être aussi, ils ont parfois la chance d'avoir des
à-côtés leur permettant de vivre ou de vivoter. Mais nous,
de l'association, sommes en mesure de vous affirmer sans l'ombre d'un doute
que, quoi qu'on pense, une grande proportion, une très grande proportion
de pharmaciens propriétaires seraient peut-être en mesure de
gagner mieux leur vie s'ils étaient ailleurs que dans les villes.
M. GUAY: Maintenant, étant donné que le zonage vous
connaissez assez bien la région que je représente, M. La Rocque
croyez-vous que pour des groupes de 7,000 à 8,000 de population,
il serait quand même possible qu'il existe une concurrence étant
donné les distances?
M. LA ROCQUE: Que voulez-vous dire au juste par concurrence?
M. GUAY: Si on veut une libre concurrence entre les
établissements pharmaceutiques, si, par exemple, on groupe ma
région par bassins de 7,000 ou 8,000 de population à desservir
par une pharmacie, à partir de là, je pense que la concurrence
est complètement éliminée parce que, si on calcule un prix
plus avantageux ailleurs, plus loin que plus proche, on va dépenser la
différence en millage. Chez nous, c'est un problème qui se
présente, je pense que vous êtes quand même au courant. Je
pense que dans ce système de zonage où on regroupe un bassin de
population quelconque, peut-être que le nombre de population pourrait
établir si oui ou non c'est bon, mais je pense que cela aurait comme
effet d'éliminer presque complètement la concurrence qui pourrait
exister, la concurrence dont on a parlé depuis ce matin.
M. LA ROCQUE: C'est peut-être un faux problème parce qu'il
nous apparaît à nous que si vraiment la concurrence est le
problème majeur, ça doit exister partout, pas seulement en
pharmacie. Or, d'une part, avec les médicaments prescrits, vous avez une
entente qui, à toutes fins pratiques, fixe les prix. C'est le prix
coûtant tel que sur la liste, tant mieux si les prix baissent, nous
serons très heureux mais le prix est tout de même connu, c'est le
prix coûtant plus ce qui a été négocié.
En ce qui concerne les autres produits, qui sont vendus partout à
toutes fins pratiques, la concurrence existe parce que, même dans un
bassin de population, si un pharmacien essayait de vendre à un prix fort
des produits qui se vendent sans ordonnance il aurait tôt fait de subir
la concurrence des gens à l'extérieur de son réseau, c'est
clair. D'ailleurs, les gens voyagent aujourd'hui. C'est un fait assez curieux,
je me permets de vous le souligner, que des gens n'hésiteront nullement,
c'est ce qui se fait dans ma région, à faire 25, 30, 40 et
même 50 milles pour aller chercher des produits pharmaceutiques sans
ordonnance parce que, prétendent-ils, c'est moins cher ailleurs, mais
ils ne feront pas 5 ou 10 milles pour aller chercher des produits sur
ordonnance. C'est un autre problème.
M. GUAY: Etant donné les conditions climatiques, je crois que ce
que vous venez de souligner se produit surtout l'été, beaucoup
moins l'hiver.
Je voudrais toucher un autre point. On a parlé du pouvoir de
décision du pharmacien. On reconnaît qu'actuellement le pouvoir de
décision est assez limité. Je pose la question suivante: Comment
un pharmacien peut-il décider du médicament à donner
à un patient, soit par téléphone ou directement, s'il ne
possède pas, s'il n'a pas en main le dossier du patient? Est-ce qu'il
peut se produire qu'un pharmacien, si on lui donne un plus grand pouvoir de
décision, puisse décider d'un médicament à donner
à un patient?
M. LA ROCQUE: J'ai l'impression qu'il y a une confusion que je me dois
de dissiper.
Les pharmaciens ne demandent pas comme pouvoir de décision,
d'établir quelle médication prendre. Cela revient aux
médecins. Pour prendre un exemple simple, si le médecin
décide, après examen, de donner des hormones à son
patient, ce n'est pas au pharmacien de donner des vitamines, c'est clair. On ne
conteste pas cette chose-là. Comme vous le soulignez, il n'est pas
question pour les pharmaciens, lorsqu'ils vous rencontrent de vous dire:
Monsieur, vous prenez telle chose. Ce n'est pas ça. C'est que, si le
médecin détermine, comme je le disais tantôt, des hormones,
on voit mal qu'il spécifie et qu'on soit obligé de donner la
marque d'hormone qu'il spécifie pour autant que ce soit le même
principe actif que celui qui est prescrit. C'est le pouvoir de décision.
Il ne s'agit pas de changer la médication ou le principe actif.
M. GUAY: Si je vous pose la question, c'est parce que vous venez de
souligner que les pharmaciens n'ont jamais autant prescrit de
médicaments en fin de semaine.
M. LA ROCQUE: Et c'est vrai.
M. GUAY: C'est pour ça que je pose la question, étant
donné que cela se produit.
M. LA ROCQUE: A ce moment-là, c'est la prescription par oreille
qui se fait d'une façon éhontée, disons-le franchement.
Combien d'appels téléphoniques l'on reçoit tous les jours:
Untel, donne-lui telle ou telle ou telle chose. Je veux bien croire qu'on a
peut-être une certaine science du diagnostic, mais j'avoue que, par
téléphone ou par oreille, cela me semble difficile. Je ne pose
pas un jugement, je ne dis pas que les médecins sont des gens
incompétents. Ce n'est pas ce qu'on dit. On a une situation de fait qui
existe où on ne voit pas le malade, où on ne l'examine pas du
tout et on prescrit quand même. Je ne dis pas que les pharmaciens veulent
prendre la place des médecins et prescrire par oreille; ce n'est pas la
question. Il faut, une fois pour toutes, qu'on ait le courage de vous dire,
sans ambages, que c'est une situation qui existe et qui est déplorable.
Il faut qu'elle soit corrigée. Les fins de semaine, on vous dit qu'on
prescrit. Si tu as affaire à une personne qui tousse, à une
personne qui a un peu de fièvre et s'il n'y a pas moyen de rejoindre le
médecin, bien, tu fais ton devoir, tu donnes ce qu'ils prescrivent
normalement par téléphone et tu ne te trompes pas. En plus de
ça, on sait ce qu'on donne, on connaît la composition du
médicament et on est capable de leur dire: Fais attention et tâche
de voir ton médecin le plus tôt possible. Si c'est mauvais, qu'on
nous le dise carrément, mais c'est ce qui se fait.
M. GUAY: M. La Rocque, j'aurais une autre question à poser. Je
pense qu'il existe des médicaments composés. Il y a un exemple
qui a été soulevé, je ne sais pas par quel hasard. Il
s'agit de deux médicaments qui peuvent se vendre en une capsule. Je
pense qu'on l'appelle le bentylol-pheno ou quelque chose comme ça. Il
peut être compris dans une seule capsule ou séparément. On
a porté à mon attention que, dans la liste des médicaments
qui a été dressée, disons temporairement jusqu'à ce
qu'il y ait des modifications pour les assistés sociaux, ce
médicament apparaît séparément. On a conclu
conclusion normale que ça faisait deux ordonnances pour la
personne qui a besoin des deux médicaments. Au lieu d'avoir ce
médicament compris dans une, cela fait deux ordonnances, double prix et,
parfois, double voyage. Alors, pouvez-vous m'expliquer étant
donné que vous êtes dans le domaine si vous concevez la chose
autrement que ça?
M. LA ROCQUE: Ah oui! bien autrement et je suis très heureux que
vous ayez le courage de nous parler de ce produit en particulier, puisque j'ai
eu le bonheur de participer, à titre de délégué de
notre association, au sous-comité de la liste. Je dois vous dire ici
est-ce hors de mes attributions de le dire, M. le Président
qu'à ce moment-là le ministère avait eu la bonne
fortune d'avoir des experts pharmocolo-gistes; il y en avait deux, ainsi que
deux médecins. Tous les différents groupements ont
été invités, à savoir les médecins, les
pharmaciens, les syndicats, les universitaires. Il y avait même des
représentants des syndicats ouvriers, consommateurs, etc. A ce
moment-là, on a établi des critères qui devaient
constituer la liste. Une fois ces critères constitués, cette
question que vous soulevez du bentylol-pheno a été
soulevée, débattue et voici ce qu'on nous a dit. J'espère
que je ne dirai pas de conneries; j'essaie de me souvenir exactement de ce dont
il a été question. Ce qu'on cherche à faire avec la liste,
c'est d'enlever dans l'esprit des prescripteurs, des pharmaciens et des
consommateurs cette standardisation des ordonnances.
Pour quelle raison, lorsque vous vous présentez à mon
bureau et que vous avez des spasmes d'estomac, que nécessairement
ça prend du bentylol avec quinze milligrammes de phéno? Pourquoi
pas bentylol tout seul? Pourquoi pas bentylol avec 30 milligrammes de
phéno ou 100 milligrammes de phéno? Alors, l'idée n'est
pas de multiplier les ordonnances, c'est de faire réfléchir
d'abord le "prescripteur" sur la nécessité ou non d'ordonner les
deux. S'il juge qu'il doit ordonner les deux, qu'il individualise le traitement
puis qu'il dise: Cela me prend du bentylol, 10 milligrammes, et ça me
prend du phéno, 30 milligrammes.
Mais en vertu de quel critère scientifique une compagnie
pharmaceutique, qui est là pour faire des sous, va déterminer
d'avance que le produit bentylol et phéno doit être bentylol, dix
milligrammes, et quinze milligrammes de phéno. Pourquoi? Parce qu'on
nous dit: Quinze milligrammes, c'est une dose qui n'est pas trop forte, un
quart de grain, ce n'est pas
dangereux, ça peut peut-être aider. Si vous regardez ce
qu'on en dit, vous allez vous apercevoir que ça n'aide pas du tout; bien
au contraire, ça nuit à l'effet du médicament. Cela
répond-il à votre question?
M. GUAY: Oui, ça répond assez bien à ma question.
Il y a sans doute des études qui sont faites là-dessus, certains
médicaments on parle de produits pharmaceutiques, on exclut les
drogues peuvent-ils avoir des effets d'entraînement assez
marqués chez l'individu? On parle de surconsommation et, moi, ça
me revient souvent à l'esprit qu'il peut exister remarquez que ce
n'est pas ma compétence des médicaments qui ont un effet
d'entraînement. Je pourrais prendre comme exemple mon père, je
n'irai pas loin; lui prétend que, lorsqu'il ne prend pas tel
médicament, il ne va pas bien. On lui remplace son médicament, on
lui joue des tours et, tant qu'il en a, il semble assez bien, mais il dit: Je
crois qu'il est moins fort que l'autre. C'est un médicament qui est
remplacé, c'est un médicament inoffensif. On rencontre ça
chez l'homme de la rue, partout. Mais il y a quand même certains
médicaments qui ont un effet d'entraînement, qui créent un
besoin. Vous êtes en mesure de confirmer ou de nier que certains
médicaments ont une assez forte teneur en alcool. Je soulève la
question: Est-ce que ça existe et y a-t-il des études
précises à cet effet?
M. LA ROCQUE: Oui. Je ne suis pas un expert de la liste, mais dans la
liste qui a été retenue, à toutes fins pratiques, on a
éliminé certains produits à forte teneur alcoolique. Je
pense à certains toniques qui se vendaient et dont le nom finissait par
quelque chose de bon où il y avait 18 p.c. d'alcool. C'est clair que
pour plusieurs personnes, lorsqu'elles prenaient ça avec un petit verre
d'eau, "on the rocks" comme on disait autrefois, ça stimulait
l'appétit et on aimait ça. Mais cela, à toutes fins
pratiques, a été éliminé de la liste.
Je crois que ce que vous soulevez est un problème de taille. Je
pense ici aux tranquillisants. Manifestement on s'aperçoit que des gens
de bonne foi commencent à prendre des tranquillisants prescrits par le
médecin. Si ces personnes reçoivent en même temps trois ou
quatre médicaments, invariablement, sans qu'elles le sachent d'une
façon ordonnée et scientifique, elles vont découvrir parmi
les médicaments qu'elles reçoivent le tranquillisant et c'est
celui-là qu'on va demander à renouveler. C'est infaillible.
Si vous me permettez une comparaison, savez-vous pourquoi les gens en
général prennent des tranquillisants et aiment ça? Ce sont
des gens normaux, ils n'en mourront pas, ils vont en prendre toute leur vie et
ils n'en mourront pas. Mais, un jour, un savant pharmacologue m'a
expliqué, et ce n'est pas bête son idée, que ça
reproduit, si vous voulez, d'une façon artificielle, la même
impression qu'un bonhomme qui est gai un peu; il n'est pas dans l'ivresse
totale, mais il est "feeling" comme on dit en bon canadien.
Or, sur le plan social, c'est très acceptable. Il ne prend pas un
coup, il prend un tranquillisant, il prend ça dans sa petite boîte
et il dit: Moi, je suis un homme "stressé", je suis un businessman, je
dois prendre mes petits tranquillisants. C'est un "relaxant" musculaire, alors
il est détendu, il est débonnaire, il prend la vie du bon
côté, ensuite il y a une espèce de sentiment d'euphorie,
puis son affaire va bien avec tout le monde. Mais aussi il en a besoin et, sur
plan social, c'est très acceptable.
Aujourd'hui, ne vous surprenez pas que tant de gens prennent des
tranquillisants et n'allez pas me dire qu'on tente de prendre des moyens pour
informer les gens. Les pharmaciens sont aussi coupables que les autres,
remarquez bien. On dit les choses telles qu'elles sont, mais lorsqu'on tente
par tous les moyens, et on vous en a montré tantôt, d'enlever
notre esprit sur ce danger, de nous distraire de l'optique de la
thérapeutique comme une chose sérieuse et non pas comme une chose
qu'on doit galvauder comme on le fait présentement, comme des objets de
commerce, justement, on manque à son devoir, tous tant que nous
sommes.
A ce moment-là, que fait-on? On consomme des tranquillisants, des
médicaments. Ce n'est pas dangereux, on est bien et on ne meurt pas. On
est "feeling" et tout le monde est bien.
M. GUAY: M. le Président, sur les deux dernières
questions, je pense que, lorsqu'on écoute M. La Rocque, on peut
s'attendre, étant donné qu'un médicament est un poison,
à avoir du poison savamment préparé.
La dernière question, c'est une question à laquelle je ne
vous oblige pas à répondre mais si vous voulez donner un point de
vue personnel, c'est votre droit. Les naturistes parlent de beaucoup de choses,
entre autres ils s'opposent à la fluoration de l'eau de consommation.
Qu'en pensez-vous? Est-ce que cela ferait partie, premièrement, de la
liste des médicaments?
M. LA ROCQUE: Je dois vous dire que nous avons prévu cette chose
parce que je crois qu'il y a des comprimés de fluor qui sont sur la
liste. Ceux qui ont peut-être une certaine réticence à voir
leur eau fluorée c'est leur droit le plus strict tout de
même, s'ils désirent assurer une certaine protection à
l'émail des dents de leurs enfants, ils peuvent au moins demander
à leur médecin de leur ordonner, pour leurs enfants du moins, le
fluor.
M. GUAY: Alors vous n'hésiterez pas à remplir une
ordonnance de fluor pour de l'eau de consommation.
M. LA ROCQUE: Non, mais encore là, le rôle du pharmacien
pourrait être utile parce
qu'il y a des endroits où, dans la province, je crois comprendre
que la fluoration existe. A ce moment-là, il est clair que ce sera au
pharmacien de mettre en garde le consommateur, à savoir de ne pas
prendre trop de fluor en surplus parce qu'il y en a déjà dans
l'eau. Cela prend une dose minime.
M. GUAY: Je vous remercie, M. La Rocque.
M. LA ROCQUE: Je vous en prie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Taillon.
M. LEDUC: M. La Rocque, j'ai devant moi une édition
spéciale, Québec Pharmacie, datée du 15 mars. A la page 2,
je crois qu'il s'est commis une erreur flagrante. On voit la photo de Gilles-A.
La Rocque, licencié en pharmacie. Je pense qu'on aurait dû
indiquer Me Gilles-A. La Rocque, licencié en pharmacie, parce que vous
défendez très bien la cause qui vous a amené ici
aujourd'hui.
M. LA ROCQUE: Merci.
M. LEDUC: C'est un peu un pot-pourri de questions que je voudrais vous
poser. D'abord, tantôt, vous avez dit que vous avez été
consulté, avec d'autres gens, pour établir la liste des
médicaments. Est-ce qu'à votre connaissance les compagnies
pharmaceutiques étaient aussi présentes? Une autre question: Chez
les pharmaciens, n'y a-t-il pas une tendance à la promotion, une
promotion assez marquée, pour la vente de produits, disons,
pharmaceutiques qui ne sont pas prescrits et où on invite les compagnies
qui fabriquent ces produits à payer l'espace d'étalage dans les
pharmacies? La troisième question, qui est peut-être la plus
importante, c'est qu'à vous avoir écouté cet
après-midi malheureusement j'étais absent ce matin
j'ai un peu l'impression que le pharmacien voudrait devenir disons le
sous-diacre, que le diacre pourrait être le médecin qui, à
certains moments le terme n'est pas de moi se croit
peut-être le grand-prêtre mais disons qu'il est diacre et que le
pharmacien voudrait devenir sous-diacre. N'est-ce pas un peu cela que vous
visez, en tant que pharmacien, dans le mémoire que vous nous
présentez?
La dernière question: La promotion semble être un
élément qui vous chicote un peu. Les éléments que
nous avons devant nous, le paquet de médicaments, de documentation qui
parviennent aux médecins, je crois que vous avez dit que c'était
la documentation moyenne qui parvenait à un médecin pendant un
mois, si ma mémoire est bonne. Ces éléments ne sont-ils
pas un peu ce que vous faites, comme pharmaciens, en annonçant votre
commerce, en mettant des annonces dans les journaux, où il y a un coupon
avec lequel on peut acheter un médicament à un prix
réduit? Dans certaines pharmacies du moins dans le territoire
où je demeure lors- qu'on a acheté pour un certain
montant, n'a-t-on pas un verre ou deux, ou un service de vaisselle, avec
l'accumulation des coupons d'achat? Cela ne fait-il pas partie du commerce, de
la promotion, en vue d'attirer une clientèle? Je crois comprendre, en
voyant cela, ici, sur le plancher, devant moi, que vous avez une certaine
réticence à ce que les compagnies pharmaceutiques, qui ont
fabriqué des produits pharmaceutiques, qui ont, dans certains cas, fait
de la recherche, fassent la promotion de leurs produits.
Pour employer les termes que vous avez à la dernière page
du document, "Mais toi, Guy Leduc, as-tu compris?" ou si je n'ai pas compris ce
que vous avez dit tantôt?
M. LA ROCQUE: Vous soulevez là quatre points intéressants.
Quant au premier, si j'ai bonne mémoire, au sous-comité de la
liste il y avait effectivement des représentants des manufacturiers
québécois et aussi des manufacturiers canadiens, j'ignore le
sigle exact. C'était évidemment pour déterminer les normes
et critères visant à édifier ou à formuler la
liste. Ils étaient là.
Quant au reste, je pense qu'il faudrait poser la question aux
responsables de cette liste de médicaments: Jusqu'à quel point
a-t-on consulté l'industrie? Là, j'avoue que je l'ignore.
Quant au deuxième point que vous soulevez concernant la
publicité et la promotion allant jusqu'à payer de l'espace
d'étalage, de l'espace d'annonce, vous avez parfaitement raison. Nous
sommes tous coupables, pharmaciens comme les autres. Cependant, l'optique ne
donne absolument pas le choix au pharmacien.
Si d'une part le pharmacien refuse systématiquement les offres de
l'industrie, les "deals", les promotions spéciales, les escomptes
additionnels, et même les montants d'argent que l'on vous accorde pour
l'annonce de produits, qu'est-ce qu'on va dire? Que le pharmacien, ce n'est pas
un gars d'affaire. On va aller offrir sa marchandise et sa promotion
ailleurs.
Deuxièmement, le consommateur va dire: Ils vendent cher, on peut
l'avoir meilleur marché ailleurs. Le pharmacien même celui
qui n'aime pas ça est obligé de jouer dans le
système. Il n'a pas le choix. S'il vend à plein prix, on va le
dire tantôt, il n'y a pas de concurrence.
Actuellement c'est le système de "big business" qui incite les
pharmaciens à jouer le jeu et ils n'ont pas véritablement le
choix. Je suis d'accord avec vous: si l'on abaisse les coûts sur les
produits d'hygiène, les fixatifs pour les cheveux, les
cosmétiques, ça passe. Que vous utilisiez du shampoing à
tous les jours, dix bouteilles par semaine, c'est votre droit le plus strict,
et je ne pense pas que ce soit véritablement un danger pour la
santé publique. Mais que l'on annonce l'aspirine à prix
coupé, les laxatifs à prix coupé, et toute la kyrielle des
produits, là on se pose de sérieuses questions. Mais vous ne
pouvez pas demander au pharma-
cien d'être meilleur que le système et de combattre le
système.
Cela me fait penser à ce que j'ai déjà dit dans le
passé. Vous nous dites avec raison: Messieurs, vous vivez dans un
taudis. Et nous disons: Oui, c'est vrai, nous vivons dans un entourage de
taudis. Mais au moins les pharmaciens, depuis quelques années, nous
avons fait un effort valable pour essayer de nettoyer ce satané taudis.
Le collège a mis en application l'article 21: présence constante,
éducation continue, dossier-patient. On vise à tenter de
séparer l'officine du reste du commerce. On tente à
réglementer la publicité professionnelle.
Donc, même si ce n'est pas parfait, nous avons tout de même
fait des efforts louables pour tenter de nettoyer ce taudis. Mais nous sortons
de notre taudis et qu'est-ce que nous voyons? D'autres taudis et des
excréments dans la rue. Et on nous dit: C'est votre faute, les
pharmaciens, nettoyez donc tout cet entourage. Nous ne pouvons pas le faire.
C'est le système qui nous tient prisonnier.
Votre troisième point est à l'effet que pharmacien,
sous-diacre, etc. Dans le fond, nous ne cherchons pas la guerre. La guerre ne
donne rien. Est-ce que le médecin est plus important ou moins important
que le pharmacien? Est-ce que le pharmacien veut prendre la place du
médecin? Ce n'est pas la question. Le médecin c'est le
médecin, et le pharmacien c'est le pharmacien.
J'avais quelque chose d'assez intéressant à vous souligner
ce matin. Dès 1220, Frédéric II, roi des Deux-Siciles
avait promulgué la loi séparant la pharmacie de la
médecine. Pourquoi? Parce qu'il disait qu'il n'y avait pas moyen de
contrôler les fraudes de charlatanisme, les substitutions, etc., et qu'il
fallait séparer les conflits d'intérêts.
En somme, qu'est-ce que nous cherchons? Je vais vous le résumer.
C'est que nous sommes conscients que le médecin est important dans
l'équipe de la santé.
Qu'il soit le capitaine de l'équipe, on n'a pas d'objection
à cela mais on ne veut pas qu'il devienne le propriétaire. C'est
la question. Nous ne voulons pas que ce soit lui qui décide tout et que
nous ne puissions, nous, rien dire et rien faire. Je pense qu'il est temps de
se le dire carrément et publiquement. C'était l'idée, mais
ce n'est pas la guerre.
M. LEDUC: Si vous me permettez de vous interrompre, c'est beau, à
une commission parlementaire, d'énoncer des principes. Je pense que
plusieurs organismes sont venus ici dire qu'ils étaient prêts
à collaborer, prêts à travailler. Tout ça fait
plaisir aux membres de la commission, ça rassure le ministre. Dans les
faits de la vie, qu'est-ce qu'il arriverait au niveau professionnel,
d'après la discussion que vous avez aujourd'hui, si vous étiez
face à un médecin, si vous aviez une décision à
prendre? Je pense bien que le Collège des médecins a toujours dit
qu'il était prêt à collaborer avec tout le monde, mais,
dans les faits de la vie, est-ce que, effectivement, à votre sens, M. La
Rocque, il y a cette collaboration ou s'il n'y a pas encore une espèce
de frottement, frottement qui peut durer peut-être deux semaines, deux
mois, deux ans ou vingt ans, personne ne le sait? Est-ce qu'il n'y a pas une
espèce de frottement?
M. LA ROCQUE : Oui, mais les choses s'améliorent et je me permets
ici de vous souligner ce qui se passe actuellement dans les faits concrets.
Autrefois, il y avait encore cette réticence, surtout dans les
régions rurales; en ville, c'est un demi-mal parce que, depuis fort
longtemps, les médecins, à toutes fins pratiques, ne vendent pas
de médicaments. Les spécialistes, ça fait longtemps qu'ils
s'en balancent. Or, en ville, je ne dirais pas qu'il y a une collaboration
très étroite, mais, la plupart du temps, ce sont des
confrères, les gars causent à l'occasion et échangent des
points de vue et même dans certains milieux, en ville en particulier, le
médecin et le pharmacien se consultent assez
régulièrement.
A la campagne, il y a une réticence parce qu'aux yeux du
médecin le pharmacien est un intrus. C'est celui qui s'en vient lui
voler ses médicaments. Ce sont les faits. Mais, actuellement, ça
s'améliore et je vais vous dire pourquoi. C'est la liste des
médicaments qui nous permet ça, et ça me fait plaisir de
vous le dire. La liste a été conçue de façon
scientifique. On a classifié les médicaments selon leur objet
thérapeutique, en mettant en valeur la dénomination commune, non
commerciale ou, si vous voulez, non scientifique. Pour les pharmaciens, c'est
un demi-mal. On est habitué à ça; c'est le langage
pharmaceutique. Pour le médecin, ça pose des problèmes,
surtout pour le médecin qui pratique depuis des années, qui, lui,
est habitué à des marques de commerce, parce que l'industrie lui
met dans la tête et lui met â l'esprit constamment la marque de
commerce, pas la dénomination commune.
Qu'est-ce qui arrive dans les faits et de plus en plus? Il y a des
médecins qui disent: Moi, face à un patient, je ne suis pas pour
lui demander s'il est un assisté social ou non. C'est un patient et
j'essaie de le traiter le mieux possible. Alors, il ordonne ce qu'il a
l'habitude d'ordonner. Bien des médecins ont appelé les
pharmaciens et plusieurs pharmaciens ont appelé les médecins,
même dans les régions rurales, et on a dit: Ecoutez, faites ce que
vous faites normalement et faites-nous confiance, on va toujours livrer le
principe actif dominant tel que prescrit. Les gars nous disent je ne
charrie pas en vous disant ça: Arrange ça pour le mieux. C'est un
début de collaboration et c'est la liste qui nous amène
ça. C'est heureux.
Dans le fond, le médecin, ça le dégage un peu. Je
ne dis pas qu'il se désintéresse, je ne dis pas qu'il ne prendra
jamais la liste, mais, pour le
moment, dans la pratique, pour lui, c'est un peu mélangeant.
Quand vous avez à faire face à cette chose-là et, de
l'autre côté, à la liste, mettez-vous à sa place, ce
n'est pas facile. Ensuite, il est occupé. Il veut soigner les gens et
les soigner comme du monde. La médication est importante, mais, en fait,
c'est secondaire.
Ce début de collaboration commence déjà et je ne
sache pas que les gens sont moins bien traités. Je ne sache pas que les
pharmaciens vont outrepasser leurs attributions, bien au contraire. Il serait
souhaitable qu'un tel climat se perpétue et qu'à un moment
donné, au lieu de voir des dizaine de délégués
médicaux qui encombrent les bureaux des médecins pour leur vendre
leur camelote, pour leur mettre dans la tête des choses comme ça,
il pourrait très bien arriver que ces mêmes
délégués médicaux aillent chez le pharmacien, puis
lui, qui a le sens critique face à la médication on
n'emplira pas un pharmacien il va avoir un sens critique, il va
déballer ses outils.
M. LEDUC: Voulez-vous insinuer qu'on peut emplir un médecin en
disant cela?
M. LA ROCQUE: Avez-vous remarqué que je ne l'ai pas dit?
M. LE PRESIDENT (Cloutier-Montmagny): M. La Rocque, le ministre voudrait
faire un commentaire sur ce que vous venez de dire.
M. CASTONGUAY: Je voudrais apporter une petite précision sur la
question de la confection de la liste afin qu'il n'y ait pas de malentendu. On
a demandé si les fabricants avaient été consultés
lors de la fabrication de la liste, et M. La Rocque a mentionné qu'il
n'était pas tout à fait en mesure d'affirmer ce qui
s'était produit. Un comité, qui a été suivi par un
autre comité au cours des années, a élaboré des
critères qui devaient servir à la confection de cette
liste-là.
Lorsque le conseil de pharmacologie a été
créé, en vertu de la loi 69, ce conseil était
constitué, comme M. La Rocque l'a dit, de spécialistes, de
pharmacologues, et eux ont pris le travail qui avait été fait et
l'ont poussé plus loin pour transposer, disons d'une façon
opérationnelle, les critères qui avaient été
élaborés. Par les comités antérieurs, dans le
travail du conseil de pharmacologie, je pense que tous les organismes
professionnels, que ce soient des corporations ou des associations, ont
été consultés quant à la valeur des critères
retenus pour confectionner la liste.
Après cela, il y a eu une autre étape qui a
été la rédaction précise de la liste à
partir des critères. Là, le conseil de pharmacologie a
demandé, si ma mémoire est bonne, à plus d'une centaine de
spécialistes, la plupart ou la totalité étant des
médecins dans diverses spécialités, des avis quant
à la façon, à partir des critères, de dresser la
liste précisément pour chaque dénomination commune,
certains détails comme un format qui pourrait paraître logique,
etc., les indications techniques que la liste contient. Une fois la liste
confectionnée, si ma mémoire est bonne, deux communications ont
été faites par le conseil de pharmacologie auprès des
fabricants de telle sorte que les fabricants puissent ajouter de l'information
au besoin, puissent donner les prix contenus dans la liste, puissent faire des
représentations si la liste ne leur paraissait pas adéquate.
En plus et en parallèle, le conseil de pharmacologie a fait
effectuer une étude à caractère économique pour
déterminer quel pourrait être l'impact de l'introduction de cette
liste sur les fabricants, et plus particulièrement les fabricants
installés au Québec, de telle sorte qu'il soit possible de
mesurer quel pourrait être l'impact économique de l'introduction
de cette liste. Dernier détail, c'est une liste qui n'est pas
fixée en permanence. La loi 69 prévoit, et le conseil de
pharmacologie va évidemment suivre la prescription de la loi, la liste
peut être mise à jour pour diverses raisons, par exemple, pour
l'introduction de nouvelles substances ou encore à la suite de
l'élimination d'une substance parce qu'elle ne répond pas aux
normes de la qualité. Si un fabricant change son processus de
fabrication et qu'à la suite de ces changements il satisfait aux normes,
il sera possible de l'inscrire sur la liste. La liste n'est pas fixée en
permanence, d'une façon définitive.
Je voulais apporter ces quelques renseignements étant
donné que cette liste a été souvent mentionnée au
cours de la journée et puisqu'on en a également fait état
lors de l'introduction du régime d'assistance médicament et aussi
compte tenu du fait que je ne voulais pas qu'au journal des Débats
l'information donnée par M. La Rocque je sais fort bien qu'il ne
le faisait pas de mauvaise foi soit considérée comme
n'étant pas tout à fait exacte.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. LEDUC: Je m'excuse, j'avais une toute dernière question, comme
publicitaire de profession, que j'avais posée à M. La Rocque au
sujet... Je vous suis reconnaissant de m'être personnellement
agréable.
M. LA ROCQUE: Je crois comprendre que vous aviez parlé de la
promotion pharmaceutique.
M. LEDUC: C'est ça, en mentionnant un peu comme exemple ce qu'on
avait devant nous.
M. LA ROCQUE: Vous me permettrez peut-être d'avoir
échappé un peu le sens de cette question, pourriez-vous la
répéter?
M. LEDUC: Je me demandais si vous mettiez en doute la valeur de cette
promotion, qui, si
on se fie à certaines pharmacies, du moins que je connais chez
moi, est bonne. Je mentionnais l'exemple de l'accumulation de coupons de caisse
pour des ensembles de vaisselle ou des choses comme ça. Croyez-vous que
cette promotion pour faire connaître un produit devrait, selon vous,
être éliminée, diminuée ou amplifiée
je ne pense pas que vous vouliez donner de l'amplitude à cette chose
mais, enfin, quel but visez-vous vraiment en amenant cet exemple
très concret de ce qui peut être déversé dans un
bureau de médecin, je pense, dans l'espace d'un mois?
M. LA ROCQUE: En fait, nous déplorons avec vous cette forme de
publicité, qu'elle soit faite dans les bureaux des "prescripteurs" ou
à la pharmacie. Un règlement du Collège des pharmaciens
défend explicitement cette forme de promotion en donnant des cadeaux,
des primes. C'est en dehors des lois existantes, des règlements du
collège. On ne peut pas admettre une telle pratique parce que c'est une
incitation directe à se procurer des médicaments pour des besoins
souvent artificiels.
Quant à cette promotion, il nous paraît d'abord qu'elle est
fort coûteuse, qu'elle est en plus dangereuse. Je ne connais pas beaucoup
de médecins, du moins dans les grands centres, qui vont se
préoccuper d'écouler cette marchandise. Il y en a qui ramassent
ça dans de grandes boîtes, qui vont donner ça, par exemple,
à des oeuvres de charité, ça se fait beaucoup. D'autres,
dans certains cas, vont remettre ça à des vendeurs qui se
chargent de visiter les bureaux et de ramasser ces échantillons
moyennant une certaine rémunération. Ensuite ils les arrangent et
les revendent à prix de rabais; évidemment ça ne
coûte rien. Cela nous paraît une pratique extrêmement
dangereuse et, en somme, qui paie pour tout ça? C'est le consommateur.
On ne me fera pas dire que les contenants spéciaux que vous voyez
là ainsi que la poste et tout ne coûtent absolument rien. Je
conviens que peut-être ça va nuire à certaines agences de
publicité, ça peut enlever du travail. Je le déplore mais
je crois bien que ces mêmes agences de publicité ont suffisamment
d'intérêts ailleurs et d'imagination pour combler ces revenus
qu'ils vont perdre à la suite du retrait de cette forme de
publicité.
Ce qui nous paraît comme du tape-à-l'oeil, c'en est, c'est
qu'on tente de distraire l'attention du médecin. Avec beaucoup de
couleurs, on tente de mettre l'accent sur la marque et non pas sur le prix ni
sur les indications précises ou les dangers possibles. Alors, pour nous,
une telle chose est inacceptable et, même si elle se pratique encore sur
une haute échelle, nous disons qu'il faudrait à toutes fins
pratiques que ce soit aboli. Cela relève du fédéral, je le
comprends, mais on n'a jamais fait cette distinction.
Ensuite, ce qui me paraît encore plus grave, comment se fait-il
que la loi fédérale permette que des produits PR,
c'est-à-dire qui ne doivent se vendre que sur ordonnance du
médecin, soient colportés par des non-pharmaciens, par des
non-médecins? On fait volontiers des échanges entre
représentants ou encore, disons le très franchement, on se sert
de ces mêmes échantillons pour faire des arrangements
spéciaux avec des pharmaciens par exemple. Je vous avoue que je l'ai
accepté on ne joue pas aux vierges offensées le
représentant d'une certaine maison qui vend des anovulants m'a dit: Si
tu en achètes une grosse, je vais t'en donner douze de mon auto,
gratuitement. Evidemment on devrait refuser systématiquement mais si ce
n'est pas nous ce sera un autre, c'est le système qui est vicieux. Je ne
dis pas que le représentant ou le délégué
médical n'est pas correct, lui il joue dans le système.
Il n'a même pas le droit de refuser de recevoir chez lui un amas
d'échantillons qui lui ont été envoyés par la
compagnie. La compagnie va les lui envoyer. J'ai été
délégué médical pendant deux ans et demi, c'est
pourquoi je peux vous en parler. On recevait systématiquement un certain
nombre d'échantillons à tous les mois, qu'on devait entreposer et
souvent on n'avait pas les endroits pour entreposer de telles marchandises. On
n'avait même pas le droit de les refuser parce qu'on nous disait: Si tu
refuses, cherche-toi une autre "job". Je dis que ce sont des choses qui n'ont
jamais été dites. Il faut que ce soit dit. Ce sont des faits qui
existent. Interrogez les délégués médicaux,
demandez comment cela se passe. Les gars n'aiment pas colporter de bureau en
bureau de pleines valises d'échantillons. Est-ce qu'on peut dire que
c'est une information objective, rationnelle, scientifique, en 1972? Je dis
non. Il est grandement temps que les médecins reçoivent une
information qui est à la mesure de leur intelligence. On n'a pas affaire
à des fous; on a affaire à des médecins. On les traite
comme des vulgaires consommateurs, on dit: Voici, voici. C'est du
tape-à-l'oeil. Il faut que ce soit mieux ordonné. Il faut que
cela disparaisse, il faut que l'information soit centralisée chez
quelqu'un qui connaît le médicament: le pharmacien. Ensuite, si on
peut encourager les pharmaciens à communiquer avec les médecins
et vice versa, tout le monde s'en portera mieux. Les médecins vont mieux
exercer la médecine, les pharmaciens vont mieux exercer leur profession
et vont se sentir responsables. En définitive, on pourra peut-être
mettre en place des mécanismes visant à contrôler cette
surconsommation. Il n'y a pas d'autres moyens.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que cela répond à votre
question?
M. LEDUC: Dernier commentaire, en fait, j'ai posé la question
dans un seul but, c'est que vous disiez justement que des représentants
pharmaceutiques doivent transporter avec eux dans leur automobile et garder
chez eux des
médicaments qui, normalement, doivent être prescrits et
exclusivement prescrits, ce qui représente je pense, un danger pour la
santé publique. C'était le seul but de ma question.
J'espérais que vous y répondiez sans que j'y aille directement.
C'est une chose qui m'inquiète, personnellement.
M. LA ROCQUE: Vous avez bien raison.
M. LEDUC: Mon beau-père est médecin, j'ai quelques membres
de ma famille qui sont représentants médicaux et ils ont fait
exactement le même commentaire que vous. Vous avez été plus
poli. Moi, je vous dirai que cela les emmerde.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, en écoutant M. La Rocque, j'ai
eu l'impression qu'au nom de l'Association québécoise des
pharmaciens propriétaires, il s'était donné comme mission
de revaloriser le professionnel qu'est le pharmacien en invitant le
médecin à certaines réformes afin que ces deux
professions, mariant leurs activités, le public en retire
bénéfices et avantages. J'ai même cru, à un moment
donné, que M. La Rocque voulait dépasser la brillante performance
qui nous avait été donnée ce matin par le président
du Collège des pharmaciens et, devant tant d'éloquence de la part
de M. La Rocque, il me permettra sans doute de lui poser quelques
questions.
M. LA ROCQUE: Avec plaisir.
M. PAUL: Vous nous avez produit une kyrielle de médicaments en
bloc sur le plancher de la salle rouge comme exibit P-I en nous mentionnant que
c'était à peu près la publicité que recevait chaque
médecin mensuellement. Est-ce que la même quantité de
remèdes est également adressée à chaque pharmacien
mensuellement?
M. LA ROCQUE: J'aimerais vous répondre avec autant de brio et
d'élégance...
M. PAUL: Je vous dirais: Laissez faire le brio, on se rencontrera
après.
M. LA ROCQUE: Si je vous parle en tant que négociant, je dois
vous dire, malheureusement, non. Parce que les négociants seraient
drôlement intéressés à recevoir ça tous les
mois et les vendre. En tant que professionnels, nous sommes heureux de ne pas
en recevoir.
M. PAUL: Du tout?
M. LA ROCQUE: Du tout. Je vous affirme que très rares sont les
pharmaciens qui reçoivent des échantillons. On est très
parcimonieux envers les pharmaciens, non seulement en ce qui concerne les
échantillons mais en ce qui concerne les gadgets. Je vous avoue que
certains gadgets nous intéresseraient, parce qu'ils sont amusants, parce
que lorsque vous recevez des services à thé, des coutelleries
pour meubler le chalet ou la deuxième maison, cela aide. Nous ne
détesterions pas cela.
M. PAUL: Même si, à un moment donné, vous avez une
offre d'un vendeur, d'un commis-voyageur en produits pharmaceutiques à
l'effet que, si vous en achetez 10,000, il va vous en donner 2,000 de plus,
vous prenez les 10,000 et vous refusez les 2,000?
M. LA ROCQUE: Non. D'ailleurs, je l'ai dit tantôt, on joue
à plein dans le système. On ne l'aime pas, mais on joue à
plein.
M. PAUL: Alors, pourriez-vous me dire, M. La Rocque, dans ce tas de
remèdes qui est devant nous, le pourcentage qui ne doit être vendu
que sur ordonnance, d'après vous?
M. LA ROCQUE: Vous posez une question très intéressante,
mais je vous avoue que nous n'avons pas fait d'études là-dessus.
On pourrait peut-être, tout au moins, risquer de dire que la
moitié de ces échantillons normalement requièrent
l'ordonnance, pour cette raison bien simple que les compagnies pharmaceutiques
ne font pas auprès des médecins la promotion des produits pour le
grand public.
M. PAUL: Vous avez la liste des médicaments qui
nécessitent une ordonnance.
M. LA ROCQUE: Vous pouvez vous procurer cette liste en suivant l'annexe
F et G, de la Loi des aliments et drogues. On ne vous donne pas
nécessairement les marques de commerce, mais tout au moins les
dénominations communes de tous les produits qui exigent
l'ordonnance.
M, PAUL: Est-ce que vous pourriez nous en nommer quelques-uns?
M. LA ROCQUE: Là-dedans, vous allez retrouver des anovulants qui
exigent l'ordonnance. Vous allez retrouver des tranquillisants qui exigent
l'ordonnance. Vous allez retrouver des hormones, vous allez retrouver certains
sédatifs, certaines vitamines à haute teneur qui exigent
l'ordonnance, par exemple, la vitamine D très concentrée. Y
a-t-il autre chose que j'oublie, mes chers confrères? Vous allez
retrouver des hypoglycémiants, des antibiotiques, certaines
médications cardiaques, des hypotenseurs, des diurétiques. Je
vous dis qu'en regardant ça de très près, c'est
inquiétant.
M. PAUL: Devant cette publicité qui est faite auprès de
tous les médecins, quel a été le
rôle de votre association auprès des médecins? Y
a-t-il eu une campagne pour que les médecins s'astreignent à
commander davantage des ordonnances magistrales?
M. LA ROCQUE: Non. D'ailleurs, je vais vous le dire franchement, notre
rôle à l'association n'est pas de dicter ou de laisser entendre
aux médecins que nous voulons nécessairement nous immiscer dans
leurs affaires.
M. PAUL: Non, vous êtes ceux-là qui connaissent la
portée thérapeutique d'un remède, d'un
médicament.
M. LA ROCQUE: Oui.
M. PAUL: Est-ce que vous avez des chimistes, des savants qui travaillent
à l'analyse de chacun des produits qui sont mis sur le
marché?
M. LA ROCQUE: Non, tel n'est pas le rôle de l'association et je
vous avoue que nous n'avons certainement pas les moyens financiers de le
faire.
M. PAUL: Est-ce qu'à votre connaissance le Collège des
pharmaciens le fait?
M. LA ROCQUE: Je ne pourrais pas répondre, sauf qu'en entendant
les commentaires de ce matin, tout au moins le collège a certainement
fait faire des expertises concernant certains médicaments. Mais je ne
peux vous en dire davantage.
Tout ce que je peux dire d'une façon certaine, c'est que tous ces
médicaments sont fabriqués par des maisons responsables. La
plupart des maisons qui fabriquent ces échantillons sont probablement
contenues dans la liste des fabricants qui sont acceptés ou acceptables
comme fournisseurs dans la liste des médicaments. Ce sont des fabricants
qui respectent les normes de bonne fabrication du gouvernement
fédéral, la norme 174GP1C. Ce sont également des
médicaments qui, je le pense, pour la plupart, ont été
approuvés par la direction générale des aliments et
drogues. Or, je ne mets pas ici en doute la qualité du produit; je mets
en doute les moyens que l'on emploie pour mousser la vente de produits,
fussent-ils de qualité.
M. PAUL: Dans un autre domaine, M. La Rocque, pourriez-vous nous dire si
le code d'éthique de votre association recommande à vos membres
de refuser la commande que pourrait placer un individu qui est
entraîné à la médication afin d'éviter la
surconsommation de produits pharmaceutiques?
M. LA ROCQUE: Je suis heureux de vous dire qu'à la suite de
l'entente où on nous a permis, pour la première fois de
façon officielle, de refuser d'exécuter une ordonnance et en
même temps ne pas être pénalisé pour avoir
posé ce geste, nous avons émis une directive à nos
membres, que je n'ai pas ici, malheureusement, où nous leur avons
suggéré un code ainsi qu'une estampille, où nous avons
tenté d'employer un terme français suggéré par
l'Office de la langue française.
M. PAUL: L'Office de la langue française, qui ne relève
pas de Mme Casgrain mais du ministre de l'Education.
M. LA ROCQUE: C'est possible.
M. VEZINA: Ce n'est pas la même langue!
M. LA ROCQUE: Il y est inscrit: Je refuse d'homologuer cette ordonnance.
Il y a ensuite la signature du pharmacien, la date, son numéro
d'inscription à la régie ainsi qu'un carré où il
peut inscrire, en code, les raisons du refus. Les raisons du refus sont de deux
ordres: un refus qui est directement relié au patient, soit qu'il y ait
surconsommation de la part du patient, soit qu'il y ait abus, soit qu'on nous
présente une ordonnance falsifiée, etc. et cela peut aussi
être du ressort du prescripteur, si celui-ci a prescrit deux
médications qui présentent des interactions dangereuses ou encore
pour des fins qui sont autres. Disons, par exemple, qu'on donne une posologie
orale à une médication topique, quelque chose comme cela. A ce
moment-là, nous avons donné des indications précises,
à savoir que le pharmacien devait refuser pour des motifs professionnels
et nous donnions une liste de suggestions. Il n'est pas question de refuser
parce qu'il y a conflit d'intérêts entre le prescripteur et le
pharmacien ou conflit de personnalité entre le patient et le pharmacien
ou parce qu'il est à court de "stock" ou des choses comme cela. Sur ce
plan, nous avons fait un travail.
M. PAUL: Pour des raisons professionnelles. M. LA ROCQUE:
Professionnelles.
M. PAUL: Et cela, c'est depuis le 1er août dernier.
M. LA ROCQUE: C'est exact.
M. PAUL: Avant le 1er août dernier, lorsque le pharmacien recevait
une ordonnance qu'il jugeait comme ne devant pas être livrée
à un patient, que faisait-il?
M. LA ROCQUE: Disons que je ne peux pas parler...
M. PAUL: Quelles étaient les directives de votre association?
M. LA ROCQUE: Ici, je dois mettre la com-
mission en garde contre une chose: c'est que notre association, dans le
fond, est un syndicat. Alors nous n'avions pas à donner des directives
précises quant à la qualité de l'acte professionnel, ce
qui relève manifestement du collège. Il faut aussi vous souligner
que notre association est relativement jeune.
M. PAUL: Mais puissante.
M. LA ROCQUE: Oui, et unie surtout. Je pense que depuis deux ans, nous
avons tenté de regrouper d'abord les pharmaciens, de leur donner
confiance, d'essayer de les éveiller à leur valeur
professionnelle, de leur fournir des moyens de sortir du système. Nous
avons commencé, il y a deux ans, en signant, avec des assureurs, des
ententes qui permettaient justement de mettre en valeur un système qui a
été accepté par la régie en grande partie, à
savoir que la rémunération du pharmacien ne devait pas être
en fonction du coût d'une marchandise. Nous avons établi
l'honoraire professionnel. Nous avons continué en moussant cette
idée de dossier-patient , que le collège lui-même appuie
fortement. Nous avons donné à nos membres des moyens de
réaliser ce dossier, en leur fournissant des modèles. Nous avons
fait, à maintes reprises, surtout depuis l'an passé, des
déclarations publiques, alors que nous avons dit: La surconsommation des
médicaments est effrayante. Nous assistons à la pollution de
l'être humain par le système pharmaceutique. Nous n'avons pas
tenté de dire: Nous, les pharmaciens, nous sommes bien plus fins et plus
honnêtes que les autres. Nous avons dit: Nous sommes pris dans le
système. C'est le système qu'il faut changer. Je ne dis pas
l'abattre mais le changer.
Notre préoccupation constante je vous l'avoue, Me Paul
c'est que nous tentons de ne pas nous immiscer dans le rôle qui
est dévolu au collège. Nous tentons d'appuyer le collège
et nous croyons que le collège il l'a démontré ce
matin tente lui aussi d'appuyer l'action concertée de notre
association, qui vise essentiellement à promouvoir le bien-être
socio- économique de nos membres, pas tellement de défendre
nécessairement la santé publique, malgré que,
paradoxalement depuis ce matin, je n'ai pas parlé de
l'intérêt des pharmaciens propriétaires à
dessein.
Je ne voulais pas faire l'injure à la commission de nous
présenter devant elle en disant: Nous sommes à étudier le
code des professions, et nous étudions la pharmacie comme Profession,
avec un grand P. La profession pour nous ça englobe tout le monde, le
président du collège l'a dit ce matin.
Nous croyons que si nous réussissons à sensibiliser le
législateur à la véritable dimension actuelle pas
d'il y a 100 ans de la pharmacie, nous allons de ce fait même
préserver nos pharmacies. Je crois qu'il est de notre
intérêt, non pas de chercher à préserver notre titre
de propriétaire, mais de préserver la profession. C'est ça
qui compte et c'est ce que j'ai tenté de faire avec je vous
l'avoue beaucoup de sincérité.
Peut-être que dans certains cas j'ai pu avoir des écarts de
langage ou que j'ai donné l'impression que j'en voulais
nécessairement aux autres membres de la profession. Ce n'est pas le cas.
Je vous dis franchement: Voici la situation. Nous vous demandons seulement de
faire preuve envers nous de la même honnêteté
intellectuelle. Analysez ce que nous vous avons dit. Cherchez, voyez ce qui se
fait. Nous ne faisons pas table rase. Nous allons certainement essayer tous
ensemble de trouver des correctifs graduellement. Et nous allons en venir
à une situation où pratiquer la pharmacie au Québec,
ça sera vraiment presque un rêve.
A l'heure actuelle, en France, nous assistons à une
décadence marquée de l'officine française, où on
vous présente des "drugs" ils n'appellent pas ça des
"drugstores" mais des "drugs". Ils font exactement ce qu'ils nous ont toujours
reproché dans le passé. Or, nous, nous faisons le contraire.
Nous disons: Voici, nous sommes en train de vivre une autre ère,
une ère de spécialisation. La médication, c'est important.
On ne doit pas galvauder ça, on ne doit pas appliquer à la
thérapeutique les mêmes critères et normes qu'on applique
volontiers aux articles de commerce. Il faut clarifier la situation une fois
pour toutes.
M. PAUL: Je vous remercie, M. La Rocque. Une autre question, c'est que
vous avez mentionné dans le cours de vos remarques que jamais les
pharmaciens n'avaient été appelés à prescrire
autant en fin de semaine depuis l'instauration de l'assurance-maladie. Ces
remèdes sont prescrits à la discrétion du pharmacien?
M. LA ROCQUE: Oui. Mais pas d'une façon systématique.
M. PAUL: Permanente.
M. LAROCQUE: Pas d'une façon permanente.
Et je ne vous dis pas que nous sommes heureux de le faire. Nous disons
que, face à des situations d'urgence, les pharmaciens sont capables de
prendre leurs responsabilités. L'idéal le ministre l'a
souligné à maintes reprises c'est qu'il devrait y avoir
partout dans le Québec des endroits où les gens pourraient se
faire traiter par des médecins et aussi avoir les services d'un
pharmacien. Mais, à l'heure actuelle, ce n'est pas possible.
C'est malheureux que, dans certaines régions où il y a
trois, quatre ou cinq médecins qui pratiquent, tous ces médecins
s'évadent à chaque fin de semaine. C'est dommage. Mais qu'on ne
vienne pas nous dire dans les journaux que
les pauvres bénéficiaires du régime on les traite
en parias, parce qu'ils ne peuvent pas avoir accès aux
médicaments, puisque les médecins ne sont pas toujours là
jour et nuit. Nous croyons que c'est une exagération.
Je ne dis pas que ça ne se fait pas dans certains endroits. Je
dis qu'à la grandeur de la province ça ne se fait pas, pas plus
que si j'essayais de vous dire que partout dans les régions rurales les
pharmaciens sont là 24 heures par jour. C'est physiquement et
financièrement irréalisable. Mais je ne dis pas que c'est
impensable, je dis qu'il y a possiblement moyen d'en venir à une
entente. Dans une région donnée, compte tenu de la densité
de la population et des distances, il pourrait y avoir un médecin de
garde les fins de semaine, il pourrait y avoir un pharmacien qui serait aussi
disponible les fins de semaine. Ce n'est pas impensable. Mais on ne peut dire:
Vous autres, commencez par donner l'exemple, payez les frais que ça
occasionne. Il me paraît que c'est un peu odieux.
M. PAUL: Dans un autre domaine, pourriez-vous nous dire quel est le
montant total des produits pharmaceutiques achetés dans les
différentes pharmacies par la population du Québec dans une
année? En 1970 ou 1971, par exemple, suivant les dernières
statistiques que vous pouvez posséder, si vous en possédez?
M. LA ROCQUE: Je dois vous dire que, de mémoire, je ne pourrais
pas répondre à cette question.
M. PAUL: Quel pourcentage des ventes proviennent des ordonnances de
médecins?
M. LA ROCQUE: Jusqu'à tout récemment, nos enquêtes
ont démontré qu'en général environ 33 p.c. à
35 p.c. du volume total des ventes d'une pharmacie consistaient dans la vente
d'ordonnances.
M. PAUL: D'ordonnances? M. LA ROCQUE: Oui.
M. PAUL: Dans un autre domaine, j'ai peut-être une ou deux autres
questions. Pourriez-vous nous dire quelles sont vos relations avec la
faculté de pharmacie de l'Université de Montréal, de
l'Université de Québec ou d'ailleurs? Pourriez-vous nous dire si
vous êtes appelés à dialoguer avec ces professeurs
d'universités dans le but, justement, d'inviter les étudiants en
pharmacie, les futurs pharmaciens, à lutter davantage contre cette
publicité monstre dont vous nous avez donné un échantillon
cet après-midi? Quelles sont les recommandations que vous faites aux
facultés? Ces recommandations, si vous en avez faites, ont-elles
été endossées par le Collège des pharmaciens?
M. LA ROCQUE: En premier lieu, je dois vous dire que nos relations avec
les membres de la faculté sont très cordiales et excellentes.
Nous avons eu l'occasion à quelques reprises de rencontrer non seulement
les doyens des différentes écoles de pharmacie, mais aussi les
étudiants. Notre but, au départ, c'était possiblement de
sensibiliser tout ce monde universitaire au fait que le pharmacien d'officine
n'était pas seulement un négociant, qu'il avait un rôle
à jouer. Je crois comprendre qu'il y a je ne sais pas si c'est
à cause de notre action directe ou si c'est dû à autre
chose semble-t-il, un intérêt ou un renouveau
d'intérêt des jeunes étudiants pour la pharmacie
d'officine, ce qui n'était peut-être pas le cas autrefois.
Quant à la question, je crois comprendre, de nos relations avec
le Collège des pharmaciens, elles sont également très
cordiales et excellentes. Nous avons toujours tenté dès le
départ de bien sensibiliser nos membres à voir la distinction
fondamentale qui existait entre la corporation et le collège, d'une
part, et l'association et le syndicat de l'autre.
M. PAUL: Un instant, s'il vous plaît, M. le Président.
C'est juste par curiosité et non pas parce que je leur en veux; mes
collègues savent quel est mon comportement vis-à-vis des
médecins et la médecine. Pourriez-vous nous dire ce que vous
allez faire de ces médicaments-là? Vous les avez !
M. LA ROCQUE: Le président vient de m'en souffler un mot. On n'a
pas l'intention de monnayer ces échantillons; bien au contraire, on va
tenter de les donner à des institutions de charité. C'est notre
but. D'ailleurs, je dois vous dire que, lorsqu'on a dans le passé fait
appel aux médecins disons-le franchement et aux
pharmaciens pour donner des souscriptions au cardinal Léger pour ses
bonnes oeuvres, tout le monde a répondu de façon très
généreuse, y compris l'industrie pharmaceutique.
M. PAUL: Je vous remercie bien sincèrement, M. La Rocque.
M. LA ROCQUE: Je vous en prie, monsieur.
M. CASTONGUAY: Je voudrais donner juste une information additionnelle
à la suite d'une des questions posées par le député
de Maskinongé. A l'occasion de rencontres avec l'exécutif du
Collège des médecins et du Collège des pharmaciens, le
printemps dernier, je leur ai fait état de notre inquiétude
relativement à cette question de la consommation abusive des
médicaments pour essayer de mettre le doigt sur les principales causes.
Ce qui est ressorti aujourd'hui est un peu ce qui était ressorti comme
cause première à l'occasion de ces rencontres. J'avais
invité les deux exécutifs à se rencontrer pour qu'ils
déterminent de concert
quels gestes ils pourraient poser par rapport à leurs membres et
aussi afin de les inviter à associer leur action à celle du
ministère dans les représentations qui, je le pense bien, devront
être faites auprès du gouvernement fédéral qui
contrôle cette question de la publicité.
Je dois très bientôt rencontrer à nouveau
l'exécutif du Collège des médecins et je communiquerai de
nouveau aussi avec l'exécutif du Collège des pharmaciens pour
voir quels résultats a donnés cette rencontre.
M. PAUL: L'honorable ministre a-t-il terminé?
M. CASTONGUAY: Oui.
M. PAUL: Me permettez-vous une question? Connaissant vos très
bonnes relations avec le ministre fédéral de la santé,
pourriez-vous nous dire si ce problème a été
attaqué lors...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Cette question est pour l'autre Chambre.
M. CASTONGUAY: Ce qui me fait un peu peur, c'est qu'on va penser que
c'est une idée fixe chez moi si j'aborde ce problème en plus des
autres. Il y a aussi un autre petit point. Si vous ne savez pas quoi faire de
tels médicaments donnez-les donc à l'Entraide médicale
internationale qui fait un excellent travail, expédiant ces
médicaments dans des pays sous-développés à la
suite de requêtes de personnes qui travaillent dans ces pays. Il y a un
système excellent qui fonctionne. Au lieu de ne pas les utiliser, il y
aurait grand avantage à penser à cette association.
M. LE PRESIDENT: Le député de Yamaska.
M. FAUCHER: M. La Rocque, si on avait une liste de médicaments
bien établie pour la médecine humaine et animale, si
l'assurance-maladie, tant humaine qu'animale, était universelle, est-ce
qu'on ne pourrait pas éliminer une foule de troubles? Qu'est-ce que vous
en pensez?
M. LA ROCQUE: Je vous avoue que je n'ai pas tellement saisi le sens de
la question.
M. FAUCHER: Je vais spécifier. Si l'assurance-maladie
était universelle pour les médicaments, tant du point de vue de
la médecine animale que de la médecine humaine, ne
parviendrait-on pas à éliminer des troubles? Qu'est-ce que vous
en pensez?
M. LA ROCQUE: Si cela nous apporterait des difficultés?
M. FAUCHER: Non, si cela n'éviterait pas tous ces troubles?
M. LA ROCQUE: Encore là, c'est assez diffi- cile à dire.
Nous vivons actuellement une expérience pilote, comme je l'appelle. Ce
sont les bénéficiaires de l'aide sociale, à l'heure
actuelle. Nous sommes en train de roder le système et nous convenons que
tous les problèmes n'ont pas été résolus.
S'il fallait, demain matin, que l'on étende les
bénéfices à toute la population, je vous avoue que cela
pourrait causer des problèmes parce qu'il y aurait manifestement un
"stampede". On inonderait les bureaux et les officines. Je ne crois pas que
l'on serait alors en mesure de donner véritablement un service
pharmaceutique professionnel adéquat. Mais, graduellement, j'ai
l'impression qu'on va roder le système. Lorsqu'on sera en mesure
d'offrir ou d'étendre la couverture à un plus grand secteur de la
population, on sera prêt. Est-ce que cela répond un peu à
votre question?
M. PAUL: M. le Président, question additionnelle à celle
posée par l'honorable député de Yamaska. M. La Rocque,
pourriez-vous me dire si votre association est capable d'avoir un catalogue des
produits vétérinaires?
M. LA ROCQUE: M. Paul, me permettez-vous de lire ici une lettre
envoyée à l'un de nos membres?
M. PAUL: Lisez-la et je vais suivre le texte. M. LA ROCQUE: Vous
l'avez?
M. PAUL: Non, mais j'aimerais que ce soit inscrit au journal des
Débats, c'est pourquoi je vous ai posé la question.
M. LA ROCQUE: Je vous remercie. Est-ce que je puis nommer la compagnie
également?
M. PAUL: Si vous voulez faire de la publicité. De toute
façon, cela n'aura pas beaucoup d'influence sur les patients.
M. LA ROCQUE: Disons-le franchement. La compagnie Werck, Shapr &
Dohme, en date du 17 août 1972, adresse à l'un de nos membres,
pharmacien en règle, la lettre suivante: "Cher monsieur,
Faisant suite à votre lettre du 15 août dernier nous
demandant de vous faire parvenir notre catalogue de produits
vétérinaires, nous regrettons de ne pouvoir vous faire parvenir
ce catalogue étant donné que ces produits ne sont vendus que par
l'entremise de vétérinaires actifs.
Nous vous remercions bien sincèrement de l'intérêt
que vous portez à nos produits. Vos tout dévoués, etc.
"
M. PAUL: M. La Rocque, est-ce que votre association ou le Collège
des pharmaciens a l'intention de faire des représentations auprès
de cette compagnie et d'autres qui se spécialisent dans la fabrication
de produits vétérinaires?
M. LA ROCQUE: Je vous avoue ne pas pouvoir vous répondre puisque
cette question doit nécessairement relever de notre conseil
d'administration et de notre exécutif.
J'ai l'impression, tout au moins, qu'on va en discuter.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.
M. VEZINA: M. le Président, M. La Rocque est sûrement
fatigué, il a fait une grosse journée, vous me permettrez
cependant, M. La Rocque, deux courtes questions. Je reviens à vos propos
originaux de ce matin sur l'article 15 de la loi 250 où vous avez
donné votre opinion sur la rédaction, la définition de ce
que constitue l'exercice de la pharmacie. Vous avez fait des réserves,
mais par contre, avez-vous un texte nouveau à nous soumettre? Dans la
négative, dois-je conclure, et c'est purement au niveau théorique
que vous avez soulevé le problème, qu'en fait ça ne vous
cause pas préjudice?
M. LA ROCQUE: Oui, en fait, nous soumettons, à la page 35 du
mémoire l'article 15 tel que nous voudrions le voir écrit:
"Constitue l'exercice de la pharmacie tout acte qui a pour objet d'analyser les
effets des médicaments chez un être humain, de les lui fournir et
de lui donner des conseils sur leur utilisation et leur consommation." Je ne
dis pas que cette définition nous satisfait pleinement, parce
qu'après qu'on l'eut rédigée, ça fait
déjà quelques mois, d'autres éléments sont venus
s'ajouter à ça. Mais vous remarquerez cependant que l'on ne relie
pas l'exercice de la pharmacie à un objet, à la fourniture d'un
bien, on dit tout acte. D'ailleurs quand vous remarquez le code des autres
professions, on parle d'actes, c'est ça qu'est un professionnel.
M. VEZINA: Vous voulez vous rattacher à l'acte professionnel qui
est posé par le pharmacien.
M. LA ROCQUE: C'est d'abord un acte intellectuel qui peut ou ne peut pas
se traduire par un acte matériel. Essentiellement c'est ça.
M. VEZINA: D'accord. Maintenant, je veux revenir sur des propos que vous
avez tenus et avec lesquels je vous dirai bien honnêtement que je ne suis
pas d'accord, quand vous nous avez parlé des tranquillisants et que vous
nous avez référé à ce réputé
pharmacologue qui associait ce malheureux besoin de tranquillisants à la
dimension sociale que voulaient se donner les gens ou autrement. Vu votre
expérience pratique et celle de vos membres, ne serait-il pas plus exact
d'affirmer que l'immense volume des tranquillisants qui peut circuler au
Québec ce n'est pas du tout rattaché au phénomène
des gens qui veulent se donner une dimension ou une allure sociale acceptable
mais bien plus à cette espèce de besoin que l'on rencontre de
plonger le mot est un peu fort, je vous le concède au
départ dans le monde de la drogue et des feelings, des speeds,
etc. et qu'à ce moment-là, les pharmaciens comme tels qui ont ce
contact quotidien dans l'exercice de leur profession avec les consommateurs de
ces pilules ont un rôle social très important à jouer. Ne
seriez-vous pas plus d'accord avec cette théorie-là qu'avec celle
de votre pharmacologue?
M. LA ROCQUE: Remarquez bien ici que je n'ai pas tenté de vous
laisser croire que c'était l'unique raison. En fait, ce n'est même
pas une raison scientifique et je pense bien que le pharmacologue, en tant que
pharmacologue, ne donnerait pas une telle opinion s'il avait à
déposer devant la commission. Nous constatons seulement que dans la
pratique les gens qui consomment le plus de tranquillisants ont tendance
évidemment, d'une part, à oublier leurs soucis quotidiens,
à se trouver une échappatoire, c'est fort possible, je ne les
juge pas, remarquez bien, mais aussi il y en a chez certains qui aiment l'effet
du tranquillisant, ils se sentent moins gênés, plus
détendus, plus confiants, dans une certaine mesure, ou encore ça
ralentit leur activité alors que souvent ils sont peut-être
portés à être un peu trop actifs.
M. VEZINA: Mais vous ne me dites pas que quelqu'un qui arriverait dans
une officine de pharmacien, qui dirait: Vous savez, je suis très timide,
je suis très gêné, vous allez me donner un peu d'opium ou
je ne sais pas trop, vous allez dire: C'est une excellente idée et nous
allons en prendre. C'est évident que non.
M. LA ROCQUE: Non, c'est évident.
M. VEZINA: Bon. Alors, je vous demande ceci: Ne trouvez-vous pas qu'il y
a une dimension sociale qui se rattache à votre profession,
indépendamment du côté strictement professionnel concernant
ce problème immense? Vous avez cité le président Nixon
tantôt, nous ne sommes pas tellement loin des Etats-Unis, ce n'est pas
complètement séparé, à ce point de vue là,
alors, ne pensez-vous pas qu'il y a un rôle social très important,
notamment chez les jeunes qui se promènent à gauche et à
droite avec des pilules, qui en prennent en contrevenant.
Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un rôle social qui
appartient au pharmacien comme professionnel de la santé?
M. LAROCQUE: Vous avez parfaitement raison et c'est pour cela que toute
notre intervention se situe au niveau d'une nouvelle dimension de la pharmacie
que l'on veut instaurer. On ne veut pas perpétuer ce qui a
déjà existé en y apportant certains correctifs ou
peut-être certains éléments qui ne visent, en somme,
qu'à réduire les coûts, qu'à favoriser
l'accès aux services et à susciter la libre concurrence.
Au contraire, nous avons, comme vous le dites et je suis heureux que vous
l'affirmiez, un rôle social, une responsabilité envers la nation.
Nous sommes d'abord conscients de tous les problèmes que suscitent les
médicaments. Nous devons aussi être le rempart contre cette
publicité exessive et cette psychose du médicament où on
tente de régler tous ses problèmes en prenant des
médicaments.
Je crois aussi qu'en tant qu'adultes nous avons une grande
responsabilité parce qu'inconsciemment nous absorbons des
quantités astronomiques de médicaments d'une façon
très légale. On consomme des laxatifs, des analgésiques,
il y en a dans toutes les pharmacies de toutes les maisons. Nos jeunes ont
été élevé dans cette mentalité, ils voyaient
leurs parents ingurgiter force médicaments et en tramaient dans toute la
maison. On fait de la publicité, on donne allégremment aux
enfants, sous forme de bonbons vitaminés, des solutions agréables
à prendre; tout concourt à rendre accessible et potable
l'administration des médicaments. Autrefois, si vous vous souvenez,
lorsqu'on était petit, lorsqu'on feignait d'être malades, notre
maman nous disait: D'accord, si tu es malade, tu vas prendre une
cuillerée à soupe d'huile de ricin. Si on restait couché,
c'est qu'on était vraiment malade. Pas aujourd'hui. Aujourd'hui, on va
dire: Quel parfum aimes-tu le mieux? Est-ce que c'est une saveur de framboise,
de chocolat et tout ça? On rend ça tellement accessible, c'est
incroyable. Je crois qu'en tant qu'adultes nous avons une
responsabilité. Il est temps qu'on commence à mettre en branle
des mécanismes visant tout au moins à corriger la situation et ne
pas la laisser empirer. C'est le rôle du pharmacien.
M. VEZINA: Pour ma part, je peux vous dire que je suis contre les
pilules.
M. LE PRESIDENT: Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, au nom de la
commission, je veux remercier l'association. M. le ministre veut savoir s'il y
a quelque chose contre le mal de tête. On vous remercie de votre
présentation. Il reste encore cinq groupes qui doivent présenter
leur mémoire aujourd'hui. Normalement, on finit à six heures.
Mais il est cinq heures et demie, ça ne vaut pas la peine de commencer
avec un autre groupe. La seule chose qu'on peut faire, c'est de donner à
ces cinq groupes la préférence pour jeudi matin. On va commencer
par l'Association professionnelle des pharmaciens salariés, jeudi matin,
et on suivra la liste qu'on a ici avant de commencer celle de jeudi.
La séance ajourne ses travaux à jeudi, dix heures.
(Fin de la séance à 17 h 28)
Séance du jeudi 24 août 1972
(Dix heures quinze minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale des
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Avant d'entendre les organismes qui doivent être entendus
aujourd'hui, nous allons procéder avec l'Association professionnelle des
pharmaciens salariés. Mlle Agathe Shooner.
Association professionnelle des pharmaciens
salariés du Québec
MLLE SHOONER: M. le Président, M. le ministre, messieurs.
L'Association professionnelle des pharmaciens salariés est une
association à charte syndicale, dont les buts sont l'étude, la
défense et le développement des intérêts
économiques, sociaux et professionnels de ses membres.
Nous vous remercions de nous permettre, pour la troisième fois,
de nous présenter devant vous. Nos revendications, lors du projet de loi
no 69, ont été quelque peu fructueuses. Lors du projet de loi no
65, nous avons obtenu légalement, puisque nous y étions le seul
groupement pharmaceutique, la présence du pharmacien dans les CLSC.
Mais, pour le moment, dans les centres où le public et le conseil
d'administration exigent le pharmacien, il nous est impossible d'obtenir un
budget du gouvernement.
Tout de même, ce matin, nous sommes ici, pleins d'espoir,
assurés que le gouvernement nous obtiendra une corporation, où
les administrateurs seront d'abord élus démocratiquement, et qui
protégera, par la suite, la santé publique.
Je vous présente maintenant M. René Dubois,
président fondateur de notre association, qui, à cause de son
expérience comme inspecteur et gouverneur au Collège des
pharmaciens, saura davantage vous exposer les recommandations des pharmaciens
salariés concernant et le code des professions et la Loi sur la
pharmacie.
M. DUBOIS: Loi sur la pharmacie, projet de loi no 255. Dans notre
exposé sur la loi sur la pharmacie, nos suggestions tendent à
assurer une protection maximum au consommateur et à faciliter
l'accomplissement des buts premiers du législateur dans la formation
d'une nouvelle corporation, soit la protection du public et le contrôle
de l'exercice de la profession.
La répartition strictement régionale, telle que
proposée dans le projet de loi actuel, place inévitablement les
pharmaciens salariés, les pharmaciens d'hôpitaux, les enseignants
et les pharmaciens oeuvrant dans l'industrie dans une situation
d'infériorité qui rend leur nomination quasi impossible au niveau
du bureau. Et pourtant, à cause du caractère commercial de la
profession au niveau de l'officine, ils demeurent les moins sujets aux conflits
d'intérêts qui peuvent surgir entre les administrateurs et leurs
biens particuliers dans l'application intégrale de la loi. Même
que le système forcerait ces pharmaciens à tolérer ces
conflits advenant leur élection par occasion.
Pour le salarié, cette situation est encore plus évidente,
puisqu'un changement ou une perte d'emploi, facteur vital pour lui, peut
l'obliger à abandonner son poste de directeur.
En pharmacie, plus qu'ailleurs, nous croyons qu'il y a
nécessité d'assurer, au niveau des administrateurs, une
représentation à la fois régionale et sectorielle des
pharmaciens.
La proportion 10-1-1-2-6, telle que suggérée, nous
paraît la plus équitable parce qu'elle évite tout
contrôle de la profession par quelque secteur que ce soit.
A notre avis, l'article 15 qui traite de l'exercice de la pharmacie ne
protège pas suffisamment le consommateur parce qu'il ne précise
pas les responsabilités du pharmacien dans l'accomplissement de son
acte. La simple fourniture d'un médicament devient strictement
mercantile si le pharmacien ne prend pas les renseignements nécessaires
pour juger de l'opportunité de fournir le médicament et s'il ne
prévient pas le patient des précautions à prendre avec le
médicament fourni.
Ces responsabilités déterminées, il y aurait lieu
d'assurer davantage la protection du public en spécifiant
l'exclusivité du pharmacien dans les tâches qu'elles
déterminent: les renseignements d'usage du médicament,
l'information pharmaceutique, l'étude pharmacologique du dossier-patient
et le contrôle des médicaments.
Article 16. Notre position sur la vente des médicaments par des
médecins est assez explicite dans le texte qui vous a été
remis. Nous ne nous opposons pas à la fourniture de médicaments
par des médecins dans des circonstances spéciales, lorsqu'un
pharmacien n'est pas disponible. Mais, dans le but d'intéresser les
pharmaciens à pratiquer dans les milieux ruraux, pour assurer de
meilleurs services, nous croyons que cette autorisation spéciale devrait
être refusée â l'intérieur d'un arrondissement de 20
milles d'une pharmacie et qu'elle ne devrait pas donner lieu à un droit
acquis advenant l'établissement d'un pharmacien.
D'ailleurs, un projet de réglementation en ce sens a
déjà été approuvé par le Collège des
médecins, il y a quelques années, en collaboration avec le
Collège des pharmaciens.
L'article 17. Institutions. Nous n'avons pas d'objection à ce
qu'il y ait des pharmacies dans les institutions, bien au contraire; nous ne
concevons pas, par exemple, que des CLSC puissent fonctionner sans pharmacie.
Ce qui nous rend pour le moins perplexes, c'est qu'on veuille perpétuer
la dangereuse tolérance actuelle vis-à-vis des institutions qui
exploitent des pharmacies sans pharmacien. C'est toute la Loi sur la pharmacie
qu'on renie pour protéger des institutions au détriment d'un
public pour qui les services pharmaceutiques sont encore plus indispensables
puisqu'il s'agit de patients dont
la santé est plus fragile et, donc, plus sensible aux effets
secondaires du médicament.
Est-ce l'intention du législateur d'éviter au gouvernement
les responsabilités que lui impose la protection de la santé
publique en n'assurant pas dans ces institutions de véritables services
pharmaceutiques et d'éviter, en même temps, le contrôle de
la qualité de ces services par l'organisme qu'il met lui-même sur
pied à cet effet? Nous avouons n'y rien comprendre.
L'article 34. Nous ne saurions trop insister sur la
nécessité de conserver dans le texte de loi l'article 34.
L'interprétation de cet article doit, cependant, être sans
équivoque, surtout si on fait un rapprochement avec l'article 15 qui
traite de l'exercice de la pharmacie. Si l'exercice de la pharmacie est la
fourniture d'un médicament, avec ou sans prescription, il semblerait que
l'interprétation de service pharmaceutique, tel que cité à
l'article 34, pourrait prendre le même sens et, de ce fait, un acte
pharmaceutique pourrait être accompli par un non-pharmacien, pour autant
qu'il le soit sous le contrôle et la surveillance constante du
pharmacien. Nous ne croyons pas qu'il soit dans l'esprit du législateur
de donner à cet article une telle interprétation. Il faudrait
alors préciser le sens de "service pharmaceutique" ou, en
éliminant cette expression, assurer tout simplement par cet article la
présence d'au moins un pharmacien lorsqu'une pharmacie est accessible au
public. Les services et les devoirs du pharmacien demeureraient suffisamment
précisés par l'article 15 tel que nous l'avons
suggéré. Ceci a déjà été
approuvé par le Collège des médecins, il y a quelques
années, en collaboration avec le Collège des pharmaciens.
Ce sont les seuls points, dans le moment, que nous vous soulignons sur
le projet de loi 255, mais vous remarquerez qu'il y a d'autres points que nous
avons soulignés dans notre mémoire. Il nous fera plaisir de
répondre autant sur les autres points que sur ceux que nous venons de
préciser.
Sur le code des professions, projet de loi no 250. Dans l'étude
que nous avons faite sur le bill 250, nos déductions font suite à
notre expérience en milieu pharmaceutique et aux efforts que nous avons
déployés depuis quelques années pour réformer par
l'intérieur les structures actuelles de notre corporation. Nous serions
déçus si le législateur, à la suite des efforts
qu'il déploie pour la protection du consommateur par
l'établissement d'un code des professions et la refonte des lois des
corporations, aboutissait malgré sa bonne volonté au même
point de départ, au statu quo actuel inacceptable.
Il serait déplorable, en effet, si, par manque de structures
suffisamment rigides, certains professionnels réussissaient à
contourner le bill 250 pour protéger leurs propres intérêts
au détriment du bien public.
Sur l'Office des professions. Les profession- nels nommés
à cet office pour exercer les pouvoirs qui leur sont
conférés devront déterminer l'efficacité de chacune
des 34 corporations formées par le présent code. En
conséquence, ces professionnels devront être en mesure de juger
les services que chacune d'elles doit rendre au public. C'est pourquoi nous
suggérons un rapprochement entre tous les représentants du
gouvernement avec cet office pour l'éclairer sur les lacunes à
corriger ou en aviser le lieutenant-gouverneur en conseil s'il y a lieu.
Le Conseil interprofessionnel du Québec. Il faut
considérer que la formation du CIQ actuel, il y a quelques
années, n'avait d'autre but que de planifier les divergences entre les
différents corps professionnels et d'unir les forces de tous ces
professionnels contre l'ingérence possible de l'Etat, un front commun
quoi! Il ne faut pas se surprendre par conséquent que les suggestions
qu'il a apportées ici sur le code des professions ait été
une tentative d'amoindrir la portée des mesures de surveillance que
l'Etat prévoit se donner au niveau des corporations.
Vos remarques sur ce conseil, lors de l'ouverture de cette commission,
ont sans doute surpris les membres de plusieurs corporations actuelles. Ces
remarques, puisqu'elles ont dû être faites, vous feront comprendre
pourquoi nous sommes un peu perplexes devant la consécration officielle
du CIQ tel que proposé. Nous sommes pleinement d'accord sur les vues du
législateur et notre suggestion n'en demeure que plus valable, soit une
représentation d'administrateurs nommés par le gouvernement pour
chaque corporation à ce conseil interprofessionnel.
Comité paritaire. A notre sens, ce comité sera l'outil
nécessaire en ce qui regarde les professionnels de la santé,
à la Régie de l'assurance-médicaments, pour corriger les
abus de certains membres dans la présentation de leurs comptes. Comme
nous l'avions mentionné lors de nos représentations au
comité consultatif formé par la régie en 1970, la
corporation ne pourra pas jouer adéquatement ce rôle si les
même personnes sont à la fois négociants pour leurs
électeurs et protecteurs du bien public.
C'est pourquoi nous suggérons que le secrétaire et le
syndic, de par leurs fonctions, siègent à ce comité et
qu'un troisième membre, nommé par le bureau en dehors de ses
propres cadres, représente ce dernier.
Le huis-cols. En dehors des cours juvéniles, nous ne connaissons
pas de cour où les délibérations se font à huis
clos, si ce ne sont les bureaux de discipline des corporations
professionnelles.
Ce huis clos ne peut servir qu'à protéger les
intérêts personnels d'individus fautifs dans l'accomplissement de
leurs obligations professionnelles. Nous concevons la possibilité du
huis clos lorsqu'il y aurait risque d'atteinte au secret professionnel. En
dehors de cette exception, c'est rendre un bien mauvais service aux con-
sommateurs et aux professionnels conscients de leurs devoirs.
De plus, le code des professions ne prévoit pas l'interdiction du
huis clos dans les autres occasions. Est-ce à dire que le
lieutenant-gouverneur en conseil, l'Office des professions et les membres des
corporations ne pourront pas être renseignés sur les
délibérations des administrateurs lorsque ces derniers auront
à étudier la réglementation prévue aux articles 83,
84, 85 et 87 et, bientôt, la révision des règlements
actuels? Sans une clause spéciale défendant le huis clos aux
assemblées du bureau, nous risquons, comme par les années
passées, l'adoption de minirèglements, de minimesures qui ne
feraient qu'amoindrir l'application des lois actuelles nécessaires au
bon fonctionnement des corporations et à la réalisation de leur
fonction même qui est je le répète la
protection du public et le contrôle de l'exercice des professions.
Les élections. En ce qui concerne l'élection des
administrateurs, nous avons plusieurs remarques importantes parce que nous
considérons que, de la qualité des personnes élues, va
dépendre toute l'efficacité de l'application de la loi. Il
devient donc une nécessité de prendre les mesures
nécessaires pour éviter les abus que permettent la votation par
correspondance et l'obligation pour l'électeur de voter pour un groupe
de candidats. Notre mémoire et les appendices 4 et 5 parlent
suffisamment d'eux-mêmes pour vous éclairer sur la situation qui
existe en pharmacie.
Si nous vous apportons ces éclaircissements, c'est que nous
aimerions que vous préveniez ces abus possibles dans toutes les
corporations. Pour démocratiser les élections, en faciliter
l'organisation et diminuer les coûts, nous suggérons que les
élections soient tenues en même temps et le même jour pour
toutes les corporations, que des bureaux de scrutin soient tenus dans toutes
les villes importantes du Québec, que l'Office des professions soit
responsable de la tenue de ces élections et confie le travail à
une société de fiducie et, enfin, que les élections soient
tenues immédiatement après l'assemblée
générale.
Cette conception de l'élection est peut-être nouvelle en ce
qui regarde les corporations mais c'est la seule manière, à notre
avis, de permettre une représentation démocratique des
électeurs.
Pourriez-vous concevoir, par exemple, un vote par correspondance
réparti sur plus de quinze jours dans une municipalité ou au
niveau de l'Etat du Québec sous prétexte que c'est trop
d'embarras pour un électeur de se déplacer le jour du vote? A
combien de réglementations sont sujettes les lois électorales
pour éviter les abus et rendre le système démocratique et
honnête? Nous ne croyons pas qu'il existe encore des professionnels qui
soient dans l'impossibilité, une fois par quatre ou par deux ans, de
prendre une heure de leur temps pour élire un candidat de leur choix au
bureau et en toute connaissance de cause.
Depuis que vous avez établi la pratique des commissions
parlementaires, vous avez remarqué que, dans chaque profession,
plusieurs associations viennent, à tour de rôle, vous donner leurs
opinions. Qui aurait pensé, par exemple, que chacune des corporations
professionnelles actuelles ne puisse représenter ici même tous ses
membres? Les temps ont changé et, dans chacune des professions, il y a
des professionnels salariés qui voient différemment la protection
du public et le contrôle de l'exercice de la profession.
Chaque corporation a les mêmes difficultés à retenir
ses membres pour qu'ils fassent front commun. Le phénomène se
répète partout en comptabilité, en médecine, en
droit, en architecture, en dentisterie, en pharmacie, pour ne nommer que
ceux-là.
En génie, la corporation des ingénieurs a
déjà pallié la situation en demandant la
représentation de différents secteurs à son conseil
d'administration.
La représentation régionale, telle que vous la
préconisez à l'article 65, est aussi une nécessité
mais nous croyons qu'à elle seule elle est aujourd'hui
dépassée.
On a déjà souligné ici qu'il ne faut jamais perdre
une chose de vue, c'est que le collège et les syndicats médicaux,
c'est la même chose. Ce sont les mêmes membres. Alors, il est
difficile de penser que les mêmes vont avoir deux pensées, une
à gauche et une à droite. M. Cloutier, à la même
occasion, soulignait que les mêmes personnes doivent prendre des chapeaux
différents.
Donc, pour corriger cette situation, nous aimerions qu'au niveau des
administrateurs des corporations, les personnes ne portent pas toutes le
même chapeau. C'est pourquoi nous croyons qu'au niveau de plusieurs
corporations, une représentation par secteur d'activités serait
plus conforme à la réalité, tout en assurant une meilleure
réalisation des buts par le code des professions. Il est donc
nécessaire que le code des professions non seulement permette une telle
représentation, mais y assujettisse les corporations où ces
différents secteurs pourraient exister.
Quant à la représentation du consommateur par des
nominations gouvernementales, nous croyons qu'elle ne devrait pas se limiter
à une simple surveillance des corporations dans l'accomplissement de
leurs obligations. Le rôle de ces représentants devrait être
plus positif et d'autorité représentative du consommateur,
suffisante pour influencer et éclairer souvent les professionnels sur
les besoins du consommateur.
Si nous insistons dans notre exposé pour rendre cette
représentation majoritaire, c'est un peu parce que nous croyons
qu'à certaines occasions elle ne pourrait pas être aussi efficace
qu'on le voudrait quant à la protection du consommateur. C'est pourquoi
nous aimerions vous suggérer ici une formule plus souple au niveau du
code des professions quant au nom-
bre de nominations en rendant cette représentation minimale
plutôt que maximale et en permettant à l'occasion de l'augmenter
selon la conjoncture.
Le choix de ces administrateurs devrait aussi répondre à
des critères de représentativité et de qualité.
C'est pourquoi, au niveau des professionnels de la santé, nous verrions
d'office siéger aux bureaux un représentant du ministère
des Affaires sociales, un représentant de la régie de
l'assurance-maladie et un représentant des services de santé des
villes de Montréal ou de Québec. Enfin, toutes les corporations
devraient pouvoir profiter des services d'un représentant du
ministère de la Justice pour renseigner les administrateurs quant
à l'interprétation de leur loi respective et de celle des autres,
s'il y a lieu.
Inspection professionnelle. Pour nous, le fait que deux membres sur
trois soient nommés par le bureau et rémunérés par
lui est déjà une ingérence sérieuse sur l'autonomie
même de ces inspecteurs. Certaines corporations, par exemple,
possèdent déjà un comité juridique formé de
deux ou plusieurs gouverneurs qui dirigent trop souvent l'inspecteur-chef vers
des causes politiquement rentables.
Le comité juridique deviendra-t-il le comité d'inspection?
C'est pourquoi nous suggérons qu'il ne devrait pas être permis
à un membre du. bureau de faire partie de ce comité. Les deux
membres nommés par le bureau ne devraient pouvoir être
destitués que conformément à l'article 61 de la loi de la
fonction publique; les politiques d'inspection devraient être
décidées par ce comité et approuvées par l'Office
des professions et non par le bureau; le comité devrait être tenu
d'informer le syndic des constatations faites lors des inspections.
M. LE PRESIDENT: Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
l'Association des pharmaciens salariés pour son sérieux
mémoire. Je crois que les points soulevés l'ont été
d'une façon claire. Je me limiterai à un seul commentaire. C'est
un commentaire à la suite de la question que pose l'association quant
à l'absence de dispositions obligeant les institutions
hospitalières à avoir à leur service un pharmacien.
Je voudrais simplement rappeler, d'abord, que les hôpitaux, de
façon générale, sont des institutions qui ont
évolué avec les années, qui sont structurées et
que, par conséquent, nous sommes dans un milieu
généralement bien organisé, où il y a un conseil
d'administration, où il y a un directeur général,
où il y a un conseil des médecins et dentistes et où il y
a un conseil des professionnels.
La loi prévoit la formation de comités, l'obligation de
maintenir des dossiers, etc. Tout ceci est dans le but d'assurer une protection
générale au patient qui reçoit des services, soit en
étant hospitalisé ou dans les services d'urgence ou les services
externes de l'hôpital. Je ne crois pas qu'au moment où la loi 65 a
été étudiée, de façon
générale, il soit venu à l'esprit d'exiger, par exemple,
que certains types d'actes soient nécessairement effectués par
certains types de professionnels et que ceci soit inscrit dans la loi. Il va de
soi que, le milieu étant organisé, il ne nous semble pas
nécessaire d'entrer dans tous ces détails, d'autant plus
qu'à l'expérience, au cours des années, il ne semble pas
que dans ce milieu, des problèmes majeurs se soient
développés par l'absence de telles dispositions, par exemple dans
l'ancienne loi des hôpitaux. C'est la raison pour laquelle nous n'avons
pas voulu entrer dans tous ces détails. Nous croyons que tout
hôpital qui a un souci de s'améliorer, de mieux fonctionner,
visera et doit viser, évidemment, à avoir une équipe aussi
compétente et aussi complète que possible pour donner les
services que l'institution distribue.
Nous avons toutefois prévu qu'au besoin les services hospitaliers
puissent dispenser des médicaments par la voie de leur organisation.
Et évidemment, encore là, il me semble que le sens commun
indique qu'il doit y avoir un pharmacien pour la population lorsqu'il n'y a pas
de pharmacie d'officine dans la région ou encore de centre local de
services communautaires.
Mais nous n'avons pas cru nécessaire d'aller plus loin et
d'entrer dans des détails plus spécifiques; c'est la raison pour
laquelle nous ne retrouvons pas cette disposition. Cela n'est pas un
désir du gouvernement de protéger d'une façon
exagérée les pharmaciens d'officine et de minimiser l'importance
des centres hospitaliers; ce sont plutôt les considérations que je
viens d'énumérer qui font en sorte que nous nous en sommes tenus
à des dispositions relativement analogues aux dispositions de l'ancienne
Loi des hôpitaux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mlle Shooner ou M. Dubois, est-ce que vous
pourriez nous donner certaines statistiques sur l'importance en nombre de votre
association?
MLLE SHOONER: L'Association des pharmaciens salariés groupe
environ 265 membres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sur combien de pharmaciens?
MLLE SHOONER: Les statistiques de la régie, le fichier du service
de l'inscription de la direction des opérations-médicaments au 26
avril, montrent qu'il y a 994 pharmaciens propriétaires et 1,047
pharmaciens en service. Mais je crois que nous devons dire que notre
association est du bénévolat et ne donne aucun
avantage financier aux membres. C'est ce pourquoi, je crois, nous
n'avons pas encore la majorité des pharmaciens salariés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a une indication à
l'effet que votre effectif rémunéré à salaire
augmenterait par rapport à l'ensemble de la profession des pharmaciens?
Est-ce qu'il y a eu une augmentation?
MLLE SHOONER: C'est la première fois, je crois, qu'il y a une
majorité de pharmaciens non propriétaires. Mais la proportion
exacte de pharmaciens en service à l'officine, je ne pourrais pas la
donner, c'est le collège qui aurait les chiffres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous croyez qu'il y aura une
augmentation assez rapide de pharmaciens salariés par rapport à
l'effectif total? Est-ce que vous désirez que ce soit comme
ça?
MLLE SHOONER: Oui, nous aurions plus de force. Mais il s'agit tout
simplement d'avoir le temps.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez insisté sur les articles 15 et
34. Vous dites dans votre mémoire: "La simple fourniture d'un
médicament devient strictement mercantile, si le pharmacien ne prend pas
les renseignements nécessaires pour juger de l'opportunité de
fournir le médicament et s'il ne prévient pas le patient des
précautions à prendre avec le médicament fourni."
Est-ce que dans les fonctions de pharmacien salarié
peut-être que c'est plus courant dans une officine vous prenez
cette liberté d'aller aussi loin que ça, d'assumer toutes vos
responsabilités?
M. DUBOIS: Disons qu'en pratique le pharmacien dans une pharmacie, quand
il peut avoir cette occasion de donner les renseignements voulus à
chaque fois qu'un patient achète des médicaments, il le fait.
Mais la raison pourquoi nous voudrions spécifier par l'article 15 ces
responsabilités du pharmacien, c'est que souvent ce sont des
tâches qui sont négligées dans la pharmacie d'officine;
soit pour la raison que souvent la loi est mal appliquée, qu'il n'y a
même pas de pharmacien dans une pharmacie lorsqu'elle est accessible au
public, ou soit que le personnel qui est nécessaire tout de même
en pharmacie et qui sert les clients au comptoir, en cosmétiques, etc.
se permet de donner des renseignements qui, à notre avis, ne sont pas
toujours justes et qui reviennent de droit et de nécessité, et
pour le bien du patient, au pharmacien.
Si vous entrez dans une pharmacie, avant de pouvoir retracer le
pharmacien, souvent c'est assez difficile et vous allez être porté
à vous adresser au comptoir et dire: J'ai un mal de tête, que me
suggérez-vous?
C'est une personne non qualifiée qui va vous dire: Prenez telle
ou telle chose pour un mal de tête ou pour la grippe. Bien souvent ce
n'est pas le renseignement qu'il vous faudrait; il faudrait vous diriger vers
le médecin, par exemple. C'est le pharmacien qui peut, à
quelqu'un qui lui demande un renseignement qui souvent peut paraître
banal, pour un simple mal de tête, aider le patient à avoir de
meilleurs soins que simplement essayer un produit ou un autre, que ce soit un
produit breveté ou n'importe lequel.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il est souhaitable, dites-vous, que le
pharmacien ne pose pas seulement un geste machinal de remplir une ordonnance,
remettre une ordonnance à un patient, mais qu'il aille plus loin, qu'il
fasse une interprétation...
M. DUBOIS: Qu'il aille plus loin, qu'il renseigne le patient, non
seulement sur le médicament qui est donné dans l'ordonnance, mais
sur le médicament que le client peut se procurer à cause des
media de publicité dans lesquels il a une confiance énorme, se
faisant bien souvent plus de tort que de bien.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'en pratique il n'existe pas certaines
difficultés de communication dans le régime qui a
été mis sur pied pour l'assistance-médicaments, à
partir de la livraison de médicaments par courrier ou par un service qui
va se faire dans différentes municipalités avoisinantes? Il n'y a
pas de contact à ce moment-là, parce que c'est un livreur qui va
porter la commande de médicaments.
M. DUBOIS: Oui, il est évident que l'idéal est que le
patient s'adresse toujours directement lui-même à la pharmacie
pour avoir le renseignement. Il reste que, quand le patient n'est pas
là, le pharmacien a toujours la possibilité de communiquer par
téléphone avec le patient pour lui donner certaines
indications.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez parlé d'une entente qui serait
intervenue déjà entre le Collège des pharmaciens et le
Collège des médecins il y a quelques années. Vous vous
référez particulièrement à l'établissement
de pharmacies...
M. DUBOIS: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... est-ce que, à votre connaissance,
cela a été rediscuté tenant compte des témoignages
qui ont été apportés devant la commission
parlementaire...
M. DUBOIS: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... et est-ce qu'il y a eu des progrès
sensibles?
M. DUBOIS: Cette entente avait été conclue,
je crois, si je ne me trompe pas, en 1967 par les représentants
du Collège qui avaient été plus loin parce qu'ils avaient
signé l'entente dans le but de présenter par la suite une
nouvelle réglementation au gouvernement, de faire des amendements
à la loi. Mais probablement à cause de certaine
précipitation et de la venue des nouvelles lois qui existent dans le
moment, on a préféré laisser cela de côté et
attendre que ce soit réglé avec ce projet-ci.
Si j'ai rappelé cette entente à ce moment-ci, c'est qu'il
en a déjà été question dans une des commissions
parlementaires, à savoir si le Collège des pharmaciens
s'était déjà entendu avec le Collège des
médecins au sujet de la vente des médicaments par les
médecins. Le président d'alors, probablement parce que
c'était un autre président et qu'il n'était pas tout
à fait au courant, n'avait pas mentionné cette entente qui avait
déjà été signée. Je crois qu'elle est
intéressante, vu surtout qu'elle avait été acceptée
par les deux parties.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, vous dites dans votre mémoire
qu'un médecin ne doit être autorisé à fournir des
médicaments que là où aucun pharmacien n'est pas
disponible à vingt milles à la ronde. Ma question est la
suivante: Est-ce que vous avez fait des études assez approfondies dans
chacune des régions du Québec? J'ajoute, comme question
supplémentaire: Combien cela nécessiterait-il de pharmacies dans
la province?
M. DUBOIS: Vous avez plusieurs questions dans la même. Vous avez
la question des vingt milles. On a établi vingt milles croyant qu'il est
raisonnable pour toute pharmacie d'établir un service de livraison dans
un rayon de vingt milles. Et peut-être plus, selon la région.
Combien de pharmaciens faudrait-il en province pour établir ce
système-là? Nous ne l'avons pas établi, non plus. Je puis
vous dire, cependant, qu'il a été maintes fois question, au
Collège des pharmaciens, d'entreprendre une étude scientifique
sur la répartition des pharmacies, sur la possibilité
d'établir des pharmacies à l'extérieur, sur les
populations que cela prendrait. En fait, il s'agirait d'une étude autant
économique que professionnelle sur toute une répartition, mais
cela n'a jamais été fait. Pour quelle raison? Je ne pourrais pas
vous le dire, mais les projets ont toujours abouti à rien, faute de
fonds nécessaires qui n'étaient pas alloués au
comité en question qui projetait de faire ces études.
M. GUAY: Comme ce ne sont pas toutes les pharmacies qui font la
livraison, vous concevez comme normal qu'un patient doive faire 40 milles,
c'est-à-dire 20 milles pour aller et 20 milles pour revenir, afin de se
procurer un médicament? Vos études n'ont pas été
complétées, mais on a émis cette semaine, comme
critère, un bassin de 8,000 de population. Ce critère,
ajouté au vôtre qui est un critère de 20 milles en
distance, serait-il respectable ou normal?
M. DUBOIS: Dans un arrondissement de 20 milles, puisque vous parlez
d'une population de 8,000, sans pouvoir l'affirmer en économiste, parce
que je n'ai pas les connaissances administratives pour vous le dire, je crois
que ce serait suffisant, à condition que le pharmacien ait exclusivement
la distribution de tous les médicaments, pour que le pharmacien puisse
s'établir.
M. GUAY: Est-ce qu'on peut encore, avec des critères comme
ceux-là, parler de la libre concurrence dont on a fait état mardi
avec assez de vigueur?
M. DUBOIS: Oui, certainement, on peut parler de libre concurrence. Je
crois vous voir venir; vous voulez en arriver à la question de zonage.
Il ne s'agit pas d'établir un critère pour dire que, dans une
région de 20 milles, il va y avoir une pharmacie et rien qu'une; ce
n'est pas notre position. Notre position est à l'effet que, dans une
région de 20 milles, lorsqu'il y a une pharmacie, les médecins ne
devraient pas pouvoir s'inscrire au Collège des pharmaciens pour vendre
leurs propres médicaments. Il ne devrait pas y en avoir.
M. GUAY: Pour ceux qui sont déjà inscrits, est-ce qu'on
peut considérer cela comme un droit acquis?
M. DUBOIS: Non, je ne le considérerais pas comme un droit acquis.
Il est possible, par une nouvelle loi, de dire tout simplement: La loi,
maintenant, c'est ça. Vous avez eu le privilège de le faire
pendant dix, quinze et vingt ans. Je pense qu'il n'est pas nécessaire
que le gars puisse continuer à pratiquer.
M. GUAY: J'aime un peu moins le mot "privilège" parce que, dans
bien des régions, c'était indispensable. Dernière
question.
M. DUBOIS: Sur la question de privilège, je puis vous dire
qu'avec l'expérience que j'ai eue comme inspecteur au Collège des
pharmaciens c'était quasiment un privilège si on considère
la foule d'abus qui se font dans la vente de médicaments par ces
médecins qui ont des permis pour la distribution des médicaments,
mais qui les font distribuer par leur servante, par leur secrétaire ou
par leur femme, qui sont partis en vacances et chez lesquels on peut se
procurer des médicaments à profusion. Il n'y a qu'à dire
qu'on en a déjà eu.
M. GUAY: Je suis très heureux...
M. DUBOIS: Il faut penser aussi que, pour le médecin, il y a une
question de piastres et de cents là-dedans qui l'intéresse bien
gros.
M. GUAY: ... d'apprendre...
M. DUBOIS: Je ne le blâme pas, mais...
M. GUAY: ... en même temps que les pharmaciens sont des gens qui
ne prennent pas de vacances. Ma dernière question, M. le
Président...
M. DUBOIS: Non, je n'ai pas dit cela non plus. Il faudrait qu'ils en
prennent plus.
M. GUAY : ... concerne le conflit d'intérêts.
MLLE SHOONER: Nous prenons des vacances, mais nous nous faisons
remplacer par d'autres pharmaciens.
M. GUAY: Si on le souligne quand le médecin est en vacances, on
pourra également le souligner quand le pharmacien sera en vacances. De
toute façon, mon rôle est de poser des questions; je ne vous
oblige pas à y répondre. Dernière question, M. le
Président.
UNE VOIX: Le président a dit de se limiter aux questions
intelligentes.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Pas de commentaires sur les
questions.
M. GUAY: Vous mentionnez que l'interdiction de posséder un
intérêt dans une industrie pharmaceutique ne s'applique qu'aux
médecins qui rédigent les ordonnances. Pourquoi?
M. DUBOIS: C'est le médecin qui prescrit le
médicament.
M. GUAY: Ce sera toujours lui.
M. DUBOIS: Oui, alors c'est lui qui ne doit pas avoir
d'intérêt dans une compagnie particulière, c'est lui qui
est en conflit d'intérêts, non pas le pharmacien; le pharmacien,
il a l'ordonnance et il doit la remplir.
M. GUAY: Vous ditez: "ne s'applique qu'aux médecins qui
rédigent les ordonnances". Est-ce que ça voudrait dire que ceux
qui ne rédigent pas d'ordonnances pourraient posséder des
intérêts?
M. DUBOIS: Non, aux médecins, parce que ce sont eux qui
rédigent les ordonnances, disons que c'est le sens que nous voulions
donner à notre texte.
M. GUAY: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: Mademoiselle Shooner, tantôt vous nous avez... Oui, je
vais me limiter à des questions intelligentes. C'est d'ailleurs pour
ça que je n'en poserai pas beaucoup.
M. VEZINA: Cela va être différent de mardi.
M. BURNS: Je n'étais pas ici mardi.
Mademoiselle Shooner, vous nous avez cité des chiffres, quelque
900 pharmaciens propriétaires et un peu au-delà de 1,000
non-propriétaires. Est-ce que dans ce chiffre de
non-propriétaires, vous incluez les personnes mentionnées
à la page 4 de votre mémoire, quant à la
représentation sectorielle, c'est-à-dire les pharmaciens de
l'enseignement, les pharmaciens de l'industrie?
MLLE SHOONER: Tous ceux qui ne sont pas propriétaires sont
compris dans ce chiffre.
M. BURNS: Dans ce chiffre-là. MLLE SHOONER: Oui.
M. BURNS: Actuellement, au Collège des pharmaciens, quelle est la
proportion de ces gens au bureau comme administrateurs?
MLLE SHOONER: Des propriétaires? M. BURNS: Des
non-propriétaires.
MLLE SHOONER: Des non-propriétaires, des pharmaciens
salariés, il n'y en a aucun dans l'administration.
M. BURNS: Il n'y en a aucun?
MLLE SHOONER: Il n'y en a aucun. Il y a des pharmaciens
d'hôpitaux, deux je crois, à peu près, oui parce qu'il y en
a un qui ne s'est pas présenté, et c'est tout.
M. BURNS: Sur combien?
MLLE SHOONER: Il y a une pharmacienne, Mme Chevalier, et tout le reste
ce sont des propriétaires.
M. BURNS: Sur combien? MLLE SHOONER: Sur 17.
M. BURNS: Alors, cela veut dire que vous auriez trois salariés
sur 17 actuellement.
MLLE SHOONER: Oui, attachés à l'hôpital.
M. BURNS: Alors que votre proportion est au-delà de 50 p.c.
Ma question suivante, je la pose plutôt à M. Dubois parce
que vous avez commencé à répondre là-dessus. Vous
nous avez parlé d'une entente avec le Collège des médecins
quant à la fourniture de médicaments par les médecins.
Est-ce que c'est suivi actuellement en pratique ou si ce ne l'est pas?
M. DUBOIS: Elle n'a jamais été mise en application.
M. BURNS: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, je voudrais poser quelques questions
à M. Dubois. La première aux fins de savoir si votre association
est en négociation actuellement avec les propriétaires de
pharmacie ou avec les institutions?
M. DUBOIS: Je vais vous dire un peu ce qui arrive dans la
négociation. Notre première approche avec le syndicat des
propriétaires pour négocier a été de vouloir
négocier la question des tâches du pharmacien. Nous avons toujours
été beaucoup plus préoccupés par le statut
professionnel du pharmacien que par son statut financier.
Quant à la question des tâches du pharmacien, il
s'agissait, pour nous, de faire approuver par le syndicat des
propriétaires un mémoire que nous avions déjà
présenté aux députés, MM. Cloutier et Boivin, et de
leur faire accepter officiellement ce mémoire.
Nous avons écrit officiellement à deux ou trois reprises
et nous ne recevions même pas de réponse ou d'accusé de
réception. Après un an et demi d'attente, nous avons fini par
rencontrer le syndicat des propriétaires qui a approuvé nos
revendications, qui a dit qu'en principe tout était parfait, que
c'était très bien, que c'était bien ça les
tâches du pharmacien mais ils n'ont jamais voulu accepter de signer
officiellement le document. Les négociations s'en sont tenues là
depuis ce temps.
MLLE SHOONER: ... aucune nouvelle.
M. PAUL: Est-ce qu'elles sont encore en cours actuellement?
Continuez-vous les négociations ou si c'est tombé.
M. DUBOIS: C'est tombé complètement.
M. PAUL: Votre association prêche-t-elle encore l'abolition du
Collège des pharmaciens?
M. DUBOIS: Nous avons prêché l'abolition du collège
en tant que système.
M. PAUL: Est-ce par souci du statut professionnel du pharmacien?
M. DUBOIS: C'est par souci du statut professionnel du pharmacien et par
souci d'une application réelle de la loi. On a toujours
considéré que le collège ne faisait pas les efforts voulus
pour qu'il y ait des pharmaciens dans les pharmacies. Un des gros points c'est
que, si la loi était appliquée intégralement, il
s'ensuivrait probablement que plusieurs pharmacies dans les grands centres
où il y a d'ailleurs trop de pharmacies devraient fermer
leurs portes parce qu'elles ne seraient pas capables de payer les services d'un
pharmacien. Tout de même, beaucoup de ces gens-là ou la
majorité de ces pharmaciens qui ont de la difficulté actuellement
seraient fiers de voir la loi appliquée réellement parce qu'il y
aurait de la demande pour des pharmaciens dans d'autres pharmacies. Ils
pourraient se grouper pour avoir une pharmacie rentable et établir des
pharmacies professionnelles.
M. PAUL: C'est pour ça que vous prêchez ou prônez
l'idée que les syndicats pharmaceutiques seraient mieux placés
pour établir un code de déontologie?
M. DUBOIS: On tombe dans tout un contexte qui était notre
mémoire sur l'abolition du collège. Tout ça tombe dans un
ensemble. On établissait qu'à ce moment-là ce serait un
code de déontologie par les syndicats parce qu'on donnait les
responsabilités de l'application de la loi à des personnes qui ne
seraient même pas pharmaciens. On demandait tout simplement une
régie qui s'occuperait de l'application de la loi et des pharmaciens qui
s'occuperaient de régler la question de déontologie et le
reste.
M. PAUL: Quels pourraient être les critères sur lesquels
vous vous baseriez ou sur lesquels les syndicats pharmaceutiques se baseraient
pour établir qu'un pharmacien ne pratique plus d'une façon
rentable ou profitable pour le public?
M. DUBOIS: Vous voulez dire qu'un syndicat établirait qu'un
pharmacien n'a plus les capacités...
M. PAUL: Si je me réfère à votre mémoire, en
parlant d'un code de déontologie établi par les syndicats
pharmaceutiques, vous mentionnez que ce code prévoit l'exclusion ou la
suspension de pharmaciens devenus incapables de pratiquer leur profession de
façon profitable au public. Quelles pourraient être les raisons
invoquées pour déclassifier ou exclure de la profession un de vos
confrères?
Est-ce que c'est parce qu'à un moment donné il
arrêterait d'être professionnel, dans toute l'acception du mot,
dans la vente de produits autres que ceux de la pharmacie?
M. DUBOIS: Non. Parce qu'en même temps, dans le même projet,
nous préconisons qu'il y
ait toujours des cours de recyclage. Si un pharmacien bloquait ses cours
de recyclage, nous considérons qu'il debrait être rejeté et
reprendre les examens. Il devrait étudier pour se remettre à
jour.
M. PAUL: Cela amènerait la tenue d'examens à tous les
trois ou cinq ans pour tous les pharmaciens?
M. DUBOIS: Oui, certainement.
M. PAUL: Je vous remercie, M. Dubois.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux vous remercier pour
votre présentation.
M. DUBOIS: Si vous voulez me permettre, à la suite des remarques
du ministre Castonguay au sujet des pharmacies et des pharmaciens dans les
hôpitaux, je suis bien d'accord que, dans les hôpitaux qui sont
dirigés et administrés par l'Etat, tout est fait en ce moment
pour qu'il y ait des pharmaciens. Là où ça devient un peu
plus inquiétant, c'est dans tous les petits centres privés pour
vieillards ou pour enfants retardés ou dans la foule d'institutions
privées qui existent où il se fait une distribution de
médicaments qui est profitable pour ces institutions qui n'ont pas de
pharmaciens ni de services pharmaceutiques.
Elles n'en veulent pas parce que ce serait trop dispendieux. Il n'y a
aucune raison pour que des centres ne se procurent pis leurs médicaments
chez des pharmaciens d'officine ou, s'ils sont suffisamment
développés pour avoir dos pharmacies, qu'ils puissent exploiter
une pharmacie. Je suis bien d'accord. Mais, d'après la loi sur la
pharmacie, ils devraient être obligés d'avoir des pharmaciens.
M. LE PRESIDENT: Merci. Maintenant, nous allons entendre la
Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux du
Québec.
Société professionnelle des pharmaciens
d'hôpitaux du Québec
M. COURCHESNE: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît?
M.COURCHESNE: Mon nom est Yves Courchesne, président de la
Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux. Je suis
accompagné des membres du conseil d'administration de la
société professionnelle.
La société professionnelle désire remercier la
commission parlementaire de bien vouloir la recevoir. Pour débuter, nous
n'avons qu'une seule considération sur le bill no 250, à l'effet
que nous approuvons ce que la Corporation des pharmaciens a déjà
dit ici en regard du bill no 250. L'article 12 de ce projet de loi dit que "Le
lieutenant-gouverneur en conseil place sous le contrôle de l'office, dans
la mesure et suivant les conditions et modalités qu'il fixe, les
corporations qui, d'après un rapport de l'office, présentent une
situation financière déficitaire ou ont des revenus insuffisants
pour remplir leurs obligations." On aimerait voir ajouter à cet article
une petite phrase à la suite d'i mot "obligations": Ou si la corporation
ne remplit pas adéquatement son rôle. Je pense que cela pourrait
être une raison pour qu'une corporation soit en tutelle. Ceci termine nos
considérations sur le bill no 250.
Nous voudrions, cependant, nous attarder quelque peu sur le bill no 255.
Les projets de loi, en général, tendent à améliorer
des situations déjà existantes, surtout en ce qui touche les
corporations et les différentes professions au niveau de la santé
et autres.
Nous avons bien étudié le projet de loi et nous avons
présenté un mémoire. Il y a des points, toutefois, que
nous aimerions faire ressortir ici. Le premier de ces points, c'est le
rôle du pharmacien. A la commission parlementaire, mardi dernier, le
ministre Castonguay a précisé sur ce point que le but du
législateur, en déterminant le rôle de chacun des
professionnels de la santé, était de déterminer dans la
loi la juridiction exclusive rattachée à un professionnel en
particulier. Dans le cas qui nous occupe, c'est le pharmacien.
Actuellement, l'article 15 prévoit que le pharmacien voit
à la préparation et à la distribution des
médicaments. Ces deux tâches nous semblent techniques et ne font
à peu près jamais appel au jugement et aux connaissances
scientifiques que le pharmacien peut avoir. Les pharmaciens d'hôpitaux
vivent dans des milieux qui sont structurés, vous n'êtes pas sans
le savoir. Le ministre Castonguay le mentionnait tantôt encore.
C'est important pour nous parce que, dans le milieu des
établissements, souvent les administrations ont tendance à
déterminer les pouvoirs et les responsabilités des
différents professionnels, suivant les articles de loi qui
régissent ces professionnels. Nos administrateurs, par la voix de
l'AHPQ, dans le mémoire qu'elle a présenté à la
commission parlementaire des affaires sociales sur le chapitre 48 et le projet
de règlement, déplorent vivement que le pharmacien soit
sous-utilisé et qu'il n'ait pas l'occasion de remplir son vrai
rôle.
Pourquoi, dans les milieux des institutions ou des
établissements, ne pouvons-nous pas remplir notre vrai rôle? Parce
que souvent on tend, comme je le mentionnais tantôt, à cataloguer
d'après les lois qui sont écrites.
Je veux, à cet effet, vous apporter certains exemples
vécus dans les hôpitaux. Plusieurs hôpitaux, à
travers la province, publient des bulletins d'information qui concernent,
habituellement, la thérapeutique en usage dans
l'hôpital. Certains hôpitaux, par la voix des
médecins, ont défendu aux pharmaciens de publier de tels
bulletins d'information, qui, à notre avis, sont très valables,
en disant que le rôle du pharmacien, tel que déterminé dans
les lois, est de voir à la distribution et à la
préparation des médicaments et non pas de s'occuper de la
thérapie.
Je pense qu'il serait important, pour nous qui travaillons dans les
milieux structurés, que la définition du rôle du pharmacien
soit plus étendue qu'elle ne l'est dans le projet de loi, actuellement.
Si on veut que le pharmacien joue son rôle dans ces
établissements, je pense qu'on doit prévoir cela. C'est sûr
qu'on ne demande pas l'exclusivité, par exemple, de l'information. Il
serait inconcevable de penser que le pharmacien soit l'unique dispensateur de
l'information. Mais il serait peut-être sage de prévoir des
mécanismes par lesquels cette information, dans le milieu des
établissements où il y a un pharmacien, soit pour le moins
l'attribution du pharmacien, d'une façon ou d'une autre.
De plus, si le pharmacien veut jouer le rôle qu'il a
déjà joué et qu'il joue encore dans certains des
établissements, au niveau de la surconsommation ou des réactions
adverses, je pense qu'il faut le reconnaître de façon
légale. Le ministre des Affaires sociales n'est pas sans savoir le
coût énorme que représentent les conséquences des
réactions adverses aux médicaments. Nous ne prétendons
pas, en tant que pharmaciens, pouvoir empêcher toutes ces
réactions adverses mais nous croyons qu'en jouant proprement notre
rôle, et facilement, nous pouvons aider à l'élaboration
d'une thérapeutique peut-être plus rationnelle, dans le milieu des
établissements.
Nous avons souligné déjà, dans notre mémoire
sur le bill 69, avec des articles à l'appui, l'importance des
réactions adverses, qui prolongeaient souvent la durée de
séjour des patients et qui, aussi, amenaient souvent l'admission des
patients. Quand on sait aujourd'hui ce que coûte une journée
d'hospitalisation, ne serait-ce que de prolonger le séjour d'une
journée ou deux, calculez les sommes que cela peut impliquer.
Si le pharmacien veut donc travailler librement, je pense que, tel que
l'a mentionné l'AHPQ dans son mémoire, il faudrait voir à
élargir le rôle du pharmacien dans les lois.
On a parlé de la présence du pharmacien dans le milieu des
institutions. On vient d'en parler, il n'y a pas tellement longtemps.
Je peux vous apporter des chiffres qui font suite à une
étude qui a été terminée en juin 1972, étude
qui a été entreprise par la société
professionnelle. Il y a actuellement, dans le milieu des établissements,
300 pharmaciens, plus ou moins, qui travaillent â temps complet; 40
établissements ne comptent qu'un pharmacien à temps partiel et 46
établissements ne comptent pas de pharmacien du tout; 87 autres
établissements et là je me permets une parenthèse,
les termes que j'emploie n'étant peut-être pas clairs parce que
les lois sont en partie appliquées et en partie non appliquées:
les chiffres que je vous donne concernent les établissements
hospitaliers, je ne compte pas les établissements qu'on nomme
actuellement foyers 87 hôpitaux, donc, dans le sens de la loi,
n'ont qu'un seul pharmacien à leur service.
Contrairement peut-être à nos confrères de
l'officine privée, nous ne pouvons pas toujours nous faire remplacer,
lors des vacances, d'absence pour maladie ou d'absence pour tout autre motif,
par un pharmacien, parce que les budgets ne prévoient pas ce
remplacement et la présence constante.
La présence du pharmacien permettrait aussi, dans le milieu des
établissements, de contribuer à la formation des autres
professionnels de la santé. Je pense qu'encore à ce niveau le
pharmacien a été sous-utilisé, comme l'a
déjà mentionné l'AHPQ. En effet, l'information qui arrive
sur le médicament est souvent propagée, dans le milieu des
hôpitaux, par les représentants pharmaceutiques. Les
médecins, souvent, croient volontiers ou écoutent beaucoup plus
malheureusement les représentants que les recommandations
des pharmaciens. Il est facile de savoir pourquoi.
Dans un hôpital universitaire de 500 ou 600 lits, à chaque
semaine on voit apparaître dans l'institution je vais employer un
chiffre très conservateur environ 50 représentants alors
que la même institution, qui a 500 ou 600 lits, comprend cinq ou six
pharmaciens. Les contacts des représentants sont beaucoup plus
fréquents avec les médecins que les contacts des pharmaciens avec
les mêmes médecins.
Parlons d'autres établissements: les foyers. Encore
récemment, une étude terminée en juillet seulement
a été faite sur le profil thérapeutique ou
l'utilisation des médicaments dans certains foyers. Cette étude
comprenait trois foyers totalisant 363 lits. Nous en sommes arrivés
à la conclusion conclusion totale pour les trois que
chaque patient absorbait tous les jours 5.77 médicaments et 8.05
principes actifs. Ces 5.77 médicaments comprenaient 8.05 principes
actifs.
Tout ça pour des patients qui sont dans des conditions
chroniques, des conditions non aiguës. Les mêmes statistiques dans
des hôpitaux généraux, pour le traitement de patients qui
sont en phase aiguë, démontrent que le nombre d'ordonnances par
patient est de 3.8, alors que la moyenne d'ingrédients actifs par
patient est de 5.6.
Pourquoi la différence? C'est que dans un des hôpitaux
présentant une étude sur 832 lits, il y avait une présence
de pharmacien, alors que dans les foyers l'étude a
été faite au moment de l'arrivée de pharmaciens dans ces
foyers des pharmaciens ont été engagés à
temps partiel.
Il est très difficile actuellement, même lorsque les
conseils d'administration des foyers le
veulent bien, d'avoir des pharmaciens et des services pharmaceutiques
dans ces établissements parce qu'au niveau du MAS, on n'a pas encore
reconnu, je pense, l'importance de la présence du pharmacien dans ces
établissements.
Nous collaborons actuellement de façon très étroite
avec le conseil consultatif de pharmacologie afin de dresser la liste de
médicaments qui doivent être ajoutés à la liste
actuelle pour que cette liste, éventuellement, s'applique, vous le savez
tous, aux établissements. Je me pose de sérieuses questions
à savoir comment le ministère compte appliquer cette liste dans
les établissements où il n'y a pas de pharmacien.
Des difficultés surgissent actuellement à tous les niveaux
dans la mise en application de la liste. Mais j'ai cru m'apercevoir
peut-être que je me trompe que ces difficultés provenaient
surtout de milieux disons non urbains ou de milieux ruraux. Encore là
l'explication est assez facile: dans les milieux urbains, les médecins
qui pratiquent dans ces milieux ont l'habitude d'aller à l'hôpital
et de travailler dans les hôpitaux. Dans ces hôpitaux,
déjà, la présence du pharmacien s'est fait sentir. Les
formulaires qui sont actifs dans ces hôpitaux respectent presque tout le
temps les critères qui ont été établis par le
conseil consultatif.
En fait, les pharmaciens des hôpitaux ont aussi, comme d'autres
organismes, travaillé sérieusement à
l'établissement de ces critères et je pense que
l'expérience qu'ils en avaient déjà les a aidés
énormément. De toute façon, pour nous, les critères
qui ont été établis par le conseil consultatif nous
agréent totalement, qu'est-ce que vous voulez, ce sont les
critères avec lesquels on travaille depuis très longtemps.
Les médecins sont habitués, dans les hôpitaux,
à travailler avec une liste restreinte. Je pense que la transition sera
d'autant moins difficile à ce moment-là. Mais ceux qui les
médecins oeuvrent dans les comtés ruraux, qui ne vont pas
ou peu à l'hôpital ou qui vont dans les hôpitaux où
il n'y a pas de service pharmaceutique et pas de présence de pharmacien,
ne sont pas habitués à travailler avec des listes restrictives.
Je pense qu'on en a vu un exemple avec les foyers comme je vous ai
mentionné tantôt. Ils ne sont pas habitués à
travailler avec des listes restrictives et acceptent d'autant plus
difficilement la mise en application de la liste pour les assistés
sociaux.
M. LE PRESIDENT: Je vous demanderais de conclure parce que vous avez
déjà dépassé les vingt minutes.
M. COURCHESNE: Si vous me donnez encore cinq minutes,
j'achève.
M. VEZINA: On ne vous les donne pas, vous les prenez.
M. COURCHESNE: Je sais que vous avez grand coeur.
Je veux faire des considérations assez rapides, si vous me
permettez, sur quelques points en particulier du mémoire, points qu'on a
peut-être déjà soulignés mais que je voudrais
souligner un peu, surtout la définition de l'article 1 c), où on
confère le titre de pharmacien au médecin.
Si vous me permettez, comme le mentionnaient hier mes confrères
de l'OQPP, dans certaines occasions ils sont obligés de poser des
diagnostics et de prescrire. Est-ce que le fait de prescrire leur
confère le titre de médecin? Est-ce que le fait, pour les
médecins, de fournir des médicaments et non pas des services
pharmaceutiques doit leur conférer le titre de pharmacien?
A mon avis, il y a là un non-sens. A l'article 9, je voudrais
insister pour que les quatre premiers paragraphes, a), b), c) et d) qui
traitent des pouvoirs prévus dans le bill 250, des pouvoirs du bureau,
fassent l'objet d'une obligation. On retrouve, dans le texte du projet de loi
actuel: "Le bureau peut, par règlement." Nous aimerions, nous de la
Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux, que ce
"peut" devienne un "doit". Dans le corps de notre mémoire, nous l'avons
spécifié.
L'article 1 j) et l'article 20 ont fait l'objet de nombreuses
représentations par nos confrères et nous voulons les appuyer sur
ce point. L'ordonnance ne doit pas être un ordre, mais bien une
autorisation à un pharmacien de fournir des médicaments. J'ouvre
une parenthèse, encore là, parce que nous avons, lors de
négociations avec le gouvernement, si je peux employer le terme,
discuté sur ce point. La partie patronale, par la voix de Réjean
Larouche qui, alors, était notre vis-à-vis, nous a
confirmé l'obligation qu'il y avait pour un pharmacien de remplir une
ordonnance de façon intégrale. Même si, après avoir
communiqué avec le médecin et l'avoir avisé qu'une dose
était létale, celui-ci insistait pour la donner, nous devions la
donner.
Je voudrais bien qu'on s'entende sur certains points. Moi, je me vois
bien mal pris; peut-être qu'à l'officine privée on peut
refuser au patient et lui dire: Cette dose est létale, je ne la remplis
pas. Dans un contexte structuré comme celui de l'hôpital, quand un
médecin, après avoir pris toutes les précautions, nous
oblige encore à la donner, à ce moment-là, je pense que je
dois être protégé. Je voudrais que l'obligation de remplir
de façon intégrale une ordonnance soit pour le moins adoucie.
Je vous remercie. J'avais peut-être encore quelques
considérations, mais je respecte le temps qui m'a été
accordé.
M. LE PRESIDENT (Perreault): Je pense que, lors de la période des
questions, vous pourrez compléter. Le ministre Castonguay.
M. CASTONGUAY: M. le Président, en plus de remercier la
Société professionnelle des pharmaciens d'hôpitaux pour son
mémoire, je voudrais poser une ou deux questions, en fait,
faire un commentaire. En ce qui a trait à l'article 12 du bill
250, vous nous avez dit que vous aimeriez voir une addition qui aurait pour
effet que, lorsqu'une corporation ne joue pas son rôle, elle pourrait
être mise, en définitive, en tutelle. Pourriez-vous nous dire,
selon vous, qui porterait un tel jugement et quels pourraient être les
critères à partir desquels un tel jugement pourrait être
porté? Le principe étant présentement, dans ces projets de
loi, que l'institution des corporations professionnelles doit demeurer, doit
être mise à jour et doit être modifiée mais qu'elle
doit garder le contrôle de l'admission à la pratique, qu'elle doit
aussi surveiller l'exercice de la profession et qu'elle doit le faire d'une
façon autonome, sauf en ce qui a trait à l'aspect financier,
comme il est indiqué à l'article 12, et sauf aussi lorsque la
corporation ne s'acquitte pas de certaines obligations très
précises comme l'adoption d'un code de déontologie. Là,
l'office voit à ce qu'un tel code soit adopté ou soit
préparé et devienne partie intégrante des
règlements ou des dispositions qui réglementent la corporation.
C'est la première question.
Je vous remercie d'avoir mis en lumière le problème de la
consommation élevée de médicaments dans les foyers pour
personnes âgées. La direction de l'agrément du
ministère a constaté également cette situation.
J'apprécierais recevoir l'étude à laquelle vous
avez fait allusion et je crois bien que, dans la révision des
règlements en vertu de la loi 65, il y a là une question qui
devrait être examinée de façon attentive. Si vous pouviez
commenter cette question de l'article 12, je l'apprécierais.
M. COURCHESNE: Je pense qu'il y aurait peut-être lieu
d'étendre les pouvoirs de l'office à cet effet. Vous dites que
les corporations doivent le faire de façon autonome, je suis
entièrement d'accord avec vous. Mais si, dans les obligations que vous
avez mentionnées tantôt, une corporation, quelle qu'elle soit, ne
joue pas son rôle, fait son code de déontologie mais ne le met pas
en application, quelles sont les moyens prévus? Je m'excuse de vous
répondre par une question, c'est la raison pour laquelle nous avons mis
ça là. Nous voulons qu'il y ait des moyens de prévus pour
que, si à un moment donné la corporation ne joue pas son
rôle d'admission à la profession, auprès du public,
auprès des membres, il y ait une possibilité pour le gouvernement
de faire quelque chose à la place de cette corporation.
Je pense qu'il y aurait lieu, lors du rapport des corporations au
gouvernement, de donner les pouvoirs à l'office de façon que
quelqu'un prenne en main la corporation qui ne jouerait pas son rôle.
Les critères peuvent être déterminés, je
pense, suivant chacune des corporations et chacune des lois de ces
corporations. Il est assez difficile d'établir, je pense, des
critères généraux. Je n'ai pas étudié la
question de façon profonde, mais je pense que les critères qui
pourraient s'appliquer pour la médecine ne seraient peut-être pas
les mêmes qui pourraient s'appliquer pour la pharmacie ou la psychologie
ou les infirmières. Alors, les pouvoirs des corporations sont
différents, sont plus ou moins étendus d'après ce que j'ai
pu lire des projets de loi. Pour ce qui est des critères à
établir, au niveau des pouvoirs donnés à chacune des
corporations, si ces pouvoirs qui sont écrits dans les lois respectives
ne sont pas mis en application, à ce moment-là, il faudrait que
quelqu'un y voit.
M. CASTONGUAY: Vous avez répondu d'une certaine façon ou
en partie par une question. Je pense qu'il y a peut-être lieu d'apporter
un commentaire. Il y aura un office, un ministre responsable auprès de
la Chambre et du cabinet pour cet ensemble de lois. Si une corporation ne
s'acquitte pas de ses obligations correctement, au lieu de la mettre en tutelle
ce qui créerait énormément de difficultés
pour quiconque, comme administrateur ou comme tuteur, essaierait de s'acquitter
alors de ce rôle la chose qui apparaîtra, à mon sens,
à tous ceux qui sont impliqués, aussi bien la population que le
gouvernement, ce sera de changer le système en ce qui a trait à
cette corporation et en instituer un autre. Il y en a d'autres tels que
l'octroi de licences par un organisme gouvernemental comme ça se fait
dans plusieurs Etats, comme ça se fait d'ailleurs pour certains types
d'activité. Je pense aux courtiers d'assurance, aux agents d'assurance,
aux courtiers en valeurs mobilières, etc. Alors, c'est pourquoi le
pouvoir de tutelle n'a pas été prévu pour cette
circonstance où une corporation ne s'acquitterait pas de son
rôle.
M. COURCHESNE: Je vous remercie, M. Castonguay, des
éclaircissements.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Courchesne, dans votre mémoire
intégral, qui n'est pas paginé, à la deuxième page,
vous employez souvent le mot prêt. Vous posez des questions: "Les
pharmaciens sont-ils prêts aujourd'hui à assumer le rôle et
les responsabilités d'un véritable spécialiste du
médicament? " Vous dites un peu plus loin: "Enfin certains pharmaciens
d'officine sont prêts à poser des jugements sur la
médication choisie par le médecin." Dans quel sens faut-il
prendre le mot prêt? Est-ce au sens de disposé ou apte?
M. COURCHESNE: Disposé et apte.
M. CLOUTIER (Montmagny): Disposé et apte, les deux.
M. COURCHESNE: Exactement. Mais enco-
re, on peut être disposé à faire quelque chose, on
peut être apte à le faire, mais on peut ne pas pouvoir le faire de
par les contextes. En fait, je pense que chaque fois qu'on parle, on parle dans
le contexte dans lequel nous vivons le plus souvent. C'est-à-dire le
contexte des structures que je mentionnais tantôt.
M. CLOUTIER (Montmagny): La nuance est importante, quand même. Ils
sont disposés et aptes. Je me suis posé la question parce qu'un
peu plus loin vous parlez de la formation universitaire, de
l'intégration au niveau universitaire, l'intégration au milieu
hospitalier durant le cours universitaire. Le groupe qui va vous suivre est
celui de l'université et on en discutera avec lui. Mais je voudrais tout
de suite vous amener à ce paragraphe où vous dites qu'il faut
travailler pour l'avenir, qu'il faut entreprendre la réforme de la
pharmacie, qu'il faut que la faculté et l'école de pharmacie
sortent de leur isolement et prennent la responsabilité d'assurer une
continuité entre la théorie et la pratique, qu'il faut
intégrer la pharmacie et les autres disciplines de la santé dans
un grand ensemble académique. Est-ce que vous pourriez dire de quelle
façon cela ne se fait pas aujourd'hui et de quelle façon cela va
se faire, parce que le doyen va venir et on va lui poser la question?
M. COURCHESNE: C'est important, le niveau de la formation. On y a
toujours attaché beaucoup d'importance. Vous avez parlé
vous-même mardi du rôle connexe de la médecine et de la
pharmacie, des liens qui devraient exister. Nous avons déjà
établi un premier pas dans ce sens lors de la présentation de
notre mémoire. Je regrette de revenir sur d'autres mémoires, sur
les règlements du chapitre 48 en disant que nous
préférerions nous retrouver sous la direction du conseil des
médecins ou la direction médicale plutôt que sous celle des
services hospitaliers. Parce que nos contacts, même s'ils ne sont pas
toujours faciles, sont toujours, dans la majorité des cas, avec les
médecins.
Vous parliez aussi d'étendre le pouvoir des pharmaciens qui,
à partir d'un diagnostic, pourraient éventuellement prescrire un
médicament. Je pense qu'il n'est pas illusoire de se dire que ce
rôle que vous préconisiez, dont vous parliez mardi, va être
dévolu aux pharmaciens éventuellement. D'après les
rapports de la régie et l'activité actuelle, je pense que chacun
peut se rendre compte que les médecins sont débordés. Mes
confrères, avant moi, l'ont démontré, les médecins
eux-mêmes l'admettent. Eventuellement, il faudra en venir à une
répartition des tâches où ceux qui peuvent le faire et sont
formés à cet effet vont contribuer encore un peu plus à
remplir immédiatement des rôles qu'ils pourraient jouer. Je pense
que les transformations qu'on pourrait préconiser ou demander peuvent se
faire au niveau de l'enseignement supérieur. Je m'explique.
Pendant longtemps, on a connu le contexte des différentes
facultés ou écoles dans les différentes sciences de la
santé. Québec a tenté, semble-t-il avec succès, je
ne suis pas un expert en la matière, de réunir les sciences de la
santé en un seul groupe plutôt que d'avoir plusieurs
facultés. Montréal n'a pas encore suivi. Peut-être
attend-il les résultats des expériences qui ont été
faites ailleurs. A Québec, on a déjà un lien beaucoup plus
étroit entre les médecins et les pharmaciens. Le cours a
été, à mon avis, amélioré dans plusieurs
sens, alors que le curriculum d'aujourd'hui, à l'Université de
Montréal, là où sont formés 75 p.c. des
pharmaciens, n'a pas évolué de la même manière. Nous
avons retrouvé pour la première fois cette année je
me trompe peut-être, mais je ne le crois pas, c'est peut-être aussi
la deuxième année de la pathologie au niveau de la
formation du pharmacien à l'Université de Montréal.
Les confrères d'officine réclamaient, hier, par exemple,
le diagnostic, afin d'en connaître un peu plus sur le patient. Encore
faut-il connaître le langage et les implications du langage. Je voudrais
que le pharmacien soit formé de façon à inclure un peu
plus de pathologie.
Jamais ne s'adresse-t-on ou ne devrait-on s'adresser, lorsque nous
rendons des services, à un patient qui est sain, à part les
quelques médicaments qui sont réservés à la
prévention, vaccins surtout. Nous nous adressons, à peu
près toujours, à un patient qui souffre d'une morbidité
quelconque, à un point plus ou moins grave. Alors, très souvent,
les difficultés de communication existent à cause d'un certain
manque de formation des pharmaciens, surtout en physiologie et en pathologie,
qui nous permettrait de connaître plus facilement les conséquences
des maladies dont sont atteints les patients. Alors, c'est dans ce sens qu'on a
fait certaines représentations auprès des facultés.
On a aussi souhaité, depuis très longtemps, que le cours
de pharmacie qui se donne à Montréal et le cours de pharmacie qui
se donne à Québec soient identiques. On me répond qu'ils
ne sont pas aussi divergents que ça. C'est peut-être très
vrai. Mais si je lis les curriculi de chacune des universités, je
m'aperçois qu'il y a tout de même une différence notable
à l'oeil. Alors, je voudrais que peut-être la coopération,
dont font preuve l'Université de Montréal et l'université
Laval aujourd'hui, s'étende à d'autres domaines que celui de
présenter, par exemple, des mémoires à des commissions
parlementaires.
M. LE PRESIDENT: Le ministre aurait un bref commentaire à faire
sur ce sujet.
M. CASTONGUAY: Etant donné que vous avez mentionné que
depuis l'assurance-maladie le médecin est débordé, vous
dites que cela a été dit à des séances
antérieures de cette commission, je voudrais simplement faire une
mise en garde pour qu'on ne vienne pas, à force de
répéter cette affirmation, à tenir pour acquis que c'est
le cas de façon générale. J'aimerais plutôt que
cette affirmation soit nuancée, surtout que l'on attende les
résultats d'études, telles que celle commanditée par le
Service de santé publique des Etats-Unis auprès des professeurs
de l'université McGill. Il étudie justement l'incidence ou
l'impact de l'assurance-maladie sur la pratique médicale au
Québec. Je cite cette étude en particulier parce qu'elle a
été conçue, c'est-à-dire les critères et la
méthodologie, non pas par les services gouvernementaux du Québec,
dont on pourrait peut-être mettre en doute les critères, ou la
méthode, ou le choix des recherchistes, mais bien de l'extérieur.
C'est ce qui lui donnera probablement une plus grande objectivité,
à tout le moins dans l'esprit de ceux qui liront les conclusions.
Déjà les données préliminaires de cette
étude démontrent que cette affirmation globale ne peut pas
être retenue. Si je mentionne ceci, c'est que je ne voudrais pas qu'on
parle d'un type d'affirmation comme celle-là pour analyser des questions
autres, comme celle que nous analysons présentement, c'est-à-dire
prendre une hypothèse qui n'est pas nécessairement
fondée.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... commentaire pour le ministre. Est-ce qu'il
serait plus exact de dire que le médecin est débordé de
travail comme le député ou le ministre est débordé
de travail? Il faudrait s'en assurer et faire certaines
vérifications.
M. CASTONGUAY: Je pense que les médecins, c'est comme pour les
ministres et les députés. Il y en a qui sont
débordés et il y en a d'autres qui en font moins!
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Courchesne a fait allusion aux remarques que
j'ai faites mardi dernier. D'ailleurs, ce n'est pas une suggestion que j'ai
faite mais on retrouve cela dans plusieurs mémoires, à l'effet
que le rôle du pharmacien soit davantage un rôle de professionnel,
que sa responsabilité soit accrue. Alors, la question que l'on se pose:
Comment traduire cela non seulement dans la loi, puisqu'à un moment
donné il faut que les responsabilités y soient traduites, mais
aussi dans les faits? Cela ne sert à rien de le mettre dans la loi si
dans les faits ce n'est pas accepté par les professionnels qui sont
appelés à travailler en collaboration. Même si, dans
l'opinion publique ou dans la loi, on acceptait que la responsabilité
professionnelle du pharmacien aille plus loin, si, dans la pratique, le
pharmacien ne prend pas cette responsabilité qui lui appartient, ou si
le médecin, qui pratique à côté de lui, ne lui
laisse pas cette responsabilité ou qu'il refuse d'en discuter avec lui,
alors il y aura des problèmes.
C'est pour cela qu'en proposant, comme je vois que vous le proposez dans
votre mémoire, que cette habitude, si l'on veut, commence au niveau de
la formation, à l'université par un regroupement et un
rapprochement des sciences de la santé, quand ils seront rendus en
pratique, il y a bien plus de chances qu'ils travaillent en collaboration.
Je voudrais demander à M. Courchesne si, à son avis,
étant donné que, dans les établissements hospitaliers
où il y a des services de pharmacie bien organisés, où
vous pouvez retrouver vous l'avez dit tantôt cinq ou six
pharmaciens et où vous avez également toutes les
catégories de médecins, on rencontre tout de même, de temps
en temps, cette collaboration étroite entre le médecin et le
pharmacien, qui sont au même lieu de travail, aux mêmes heures de
travail, quant à l'ordonnance qui est remplie par le médecin.
M. COURCHESNE: Effectivement, cette collaboration que vous mentionnez,
dans des milieux où les pharmaciens sont présents et où
ils ont su s'affirmer, je pense qu'on la retrouve d'une façon
très étroite. Je pense que les pharmaciens travaillent
très souvent avec les médecins à l'élaboration, par
exemple, de médications ou de "patterns" si vous me pardonnez le
mot de médications pour certains "patterns" de maladies. Par
exemple, il peut s'agir d'une vaccination pour les patients qui arrivent
traumatisés par des clous rouillés ou des choses comme cela. On
donne alors, habituellement, du vaccin antitétanique. Ces "patterns"
d'ordonnances sont établis en collaboration par le médecin et le
pharmacien. Certains traitements d'ulcus ou d'ulcères duodénaux
ou gastriques sont élaborés avec la collaboration du
pharmacien.
Encore aujourd'hui, souvent, le médecin, dans les
établissements, fera appel au pharmacien en particulier pour lui
soumettre un cas et lui dire: Que devrions-nous faire à ce moment-ci?
Penses-tu que telle médication conviendrait? Enfin, nous discutons
ensemble de la médication et du traitement approprié.
Je ne dis pas que cela se pratique sur une échelle globale. Je
pense qu'avant de pouvoir atteindre à ce genre de dialogue le pharmacien
doit faire ses preuves. Il faut constater qu'il y a dix ou douze ans, avant
l'établissement de l'assurance-maladie, il y avait une vingtaine de
pharmaciens dans les hôpitaux, à travers la province.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'assurance-hospitalisation. C'est parce que
vous avez dit l'assurance-maladie.
M. COURCHESNE: Excusez-moi. C'est l'assurance-hospitalisation. Avant
l'assurance-hospitalisation, il y avait une vingtaine de pharmaciens dans le
milieu. Aujourd'hui, il y en a 300. Cela ne s'est pas fait globalement, mais
c'est
petit à petit que nous avons retrouvé les pharmaciens et
c'est petit à petit que ceux-ci peuvent faire leurs preuves et
être acceptés de plus en plus.
A preuve de cela, je pense que, dans plusieurs régions de la
province, les pharmaciens sont acceptés aux conseils des
médecins. Ils discutent de différentes choses avec eux, enfin de
tous les problèmes qui sont relatifs aux médicaments, aux
traitements ou des problèmes qui sont inhérents aux conseils des
médecins ou au bureau médical, comme on l'appelle
habituellement.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. COURCHESNE: Plusieurs pharmaciens font partie de ces bureaux.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Vous avez touché un peu au problème de la
surconsommation. Vous avez une étude qui a été faite
à partir de trois foyers. Pourriez-vous nous dire dans quelle
région du Québec ou dans quelles localités sont
situés ces trois foyers?
M. COURCHESNE: Les trois foyers en question sont dans la région
de la Mauricie. Je voudrais revenir un peu là-dessus, si vous me le
permettez, parce que le ministre Castonguay m'a demandé de lui faire
parvenir cette étude. C'est avec plaisir que nous lui ferons parvenir
cette étude qui comprend quatre pages. Nous avons même
décortiqué le genre de médicaments qui sont prescrits le
plus fréquemment, les catégories de médicaments: les
laxatifs, par exemple, à 10 p.c. des ordonnances, les tranquillisants
majeurs, à 8.9 p.c, les hynotiques, à 8.6 p.c. C'est 8.6 p.c.
d'un nombre d'ordonnances, mais, très souvent, les patients
reçoivent deux hypnotiques ou deux laxatifs ou deux tranquillisants
mineurs ou majeurs. Il y a des aberrations qu'on retrouve là-dedans,
c'est fantastique.
Il est assez facile, lorsque les pharmaciens ont accès à
ces foyers, d'établir cette étude. Pour plus de renseignements
aussi, je voudrais dire au ministre que cette étude se poursuit,
actuellement, dans environ dix hôpitaux généraux de la
province et non pas dans des foyers, parce que, comme je le disais
tantôt, nous avons accès à quelques-uns des foyers, mais
pas à tous, loin de là.
Voisin de chez nous, il y a un foyer de 300 patients; il n'y a jamais eu
un pharmacien qui y a mis les pieds. C'est, à mon avis, assez grave. Il
y a des patients pas seulement des vieillards qui sont en
convalescence, mais il y en a aussi qui en sont au stade final et terminal. Je
pense qu'ils ont droit à tous les services pharmaceutiques qui sont
disponibles et qui pourraient l'être.
M. GUAY: Comme deuxième question, est-ce que vous avez
l'intention d'étendre votre étude aux foyers en milieu urbain,
pour voir s'il peut exister une différence?
M. COURCHESNE: Comme je vous dis, si nous pouvions le faire. Moi,
j'aimerais ça aller à côté de chez nous et faire
cette étude, mais l'administration ne veut pas me voir là. Et je
le ferais d'une façon bénévole. Ce serait une suggestion
à faire à M. le ministre Castonguay, que cette étude soit
entreprise, soit par le ministère, soit par des pharmaciens. Cela nous
ferait plaisir de vous donner le protocole de l'étude, comment on peut
la faire, comment elle est peu onéreuse, autant au point de vue du temps
qu'au point de vue des difficultés de ramasser ces données et de
les compiler.
M. CASTONGUAY: Je l'apprécierais avec l'autre document.
M. COURCHESNE: Avec grand plaisir, M. le ministre.
M. GUAY: Comme dernière question, est-ce que ça serait
possible d'obtenir une copie de l'étude que vous possédez?
M. COURCHESNE: Cela me fera plaisir de vous l'envoyer ici au
parlement.
M. CASTONGUAY: Il y aurait peut-être lieu aussi de mentionner que
présentement l'Université du Québec ou l'INRS effectue une
étude. Mme Leclerc-Chevalier est membre de l'équipe qui effectue
une étude sur la consommation des médicaments, de façon
générale. Mais ceci n'exclut pas la possibilité que nous
donnions suite à votre suggestion.
M. COURCHESNE: Je suis content de l'apprendre.
M. LE PRESIDENT: Merci au nom de la commission. Je vous remercie pour
votre présentation. Maintenant nous allons entendre la faculté de
pharmacie de l'Université de Montréal et l'école de
pharmacie de l'université Laval.
Universités de Montréal et Laval
M. BRAUN: Mon nom est Julien Braun, doyen de la faculté de
pharmacie de l'Université de Montréal. Je suis entouré du
professeur Pierre Claveau, directeur de l'école de pharmacie de
l'université Laval, et d'un certain nombre de nos collègues de
ces deux institutions.
La réforme de la Loi de pharmacie de même que le projet de
code des professions présentent des implications extrêmement
importantes pour l'avenir de la profession pharmaceutique et, par voie de
conséquence, pour les établissements d'enseignement de pharmacie.
C'est pourquoi
nous avons cru devoir porter à votre attention quelques
considérations générales et proposer un certain nombre de
modifications au projet de loi.
Les auditions précédentes de mardi et de ce jour nous ont
montré la quasi parfaite unanimité qui existe parmi les membres
des différents secteurs de la profession pharmaceutique concernant les
principes de base de l'exercice de la pharmacie et concernant les modifications
qu'ils souhaitent voir apportées à ce projet de loi.
D'autre part, les explications fournies par les rapporteurs, les
réponses qui ont été apportées aux
différentes questions posées par les membres de la commission ont
couvert les aspects principaux des problèmes de la profession
pharmaceutique. Nous nous réjouissons de cette communauté de vues
parmi les pharmaciens et nous partageons la plupart des principes
exposés précédemment.
La plupart des rapporteurs ont insisté sur l'évolution
récente qui s'est développée dans le monde pharmaceutique
quant à son rôle et à ses activités. Plusieurs se
sont insurgés contre des définitions limitées de la
pharmacie, définitions limitées à deux aspects:
préparer et fournir des médicaments. On a mis en évidence
que le rôle du pharmacien n'était pas seulement lié
à l'aspect matériel du médicament, mais que c'était
au contraire un acte professionnel dont le médicament en lui-même
ne constitue en fait que l'objet.
On a insisté sur l'intervention très personnelle du
pharmacien entre le moment où il reçoit l'ordonnance et le moment
où il délivre le médicament au patient. On a parlé
du contrôle qu'exerçait le pharmacien en cette occasion; on a
parlé également de l'intervention du pharmacien en tant que
conseiller thérapeutique auprès du médecin et
auprès du patient.
Une question apparaît immédiatement à l'esprit; elle
a déjà été évoquée
précédemment: La formation reçue par le pharmacien lui
permet-elle de remplir adéquatement ce rôle? D'autre part,
l'activité du pharmacien, tel qu'en fait foi la participation à
ces débats de groupements de différents secteurs de la pharmacie,
peut s'exercer au niveau de l'officine privée, mais également au
niveau de l'hôpital, au niveau de l'industrie pharmaceutique, au niveau
d'organismes gouvernementaux, de laboratoires de recherche ou de contrôle
et, enfin, dans l'enseignement universitaire.
En effet, si dans le passé la pharmacie constituait une
activité professionnelle bien caractérisée,
homogène, exercée par un ensemble d'individus ayant reçu
une formation identique, exécutant un travail semblable, il n'en est
plus de même aujourd'hui. Bien qu'ayant bénéficié
d'une formation de base identique, les pharmaciens, dans la
société actuelle, exercent des fonctions fort dissemblables selon
le secteur où ils oeuvrent. De plus, au sein d'un même secteur,
leurs fonctions revêtent des aspects fort différents.
En conséquence, on peut se demander quel est le
dénominateur commun qui lie toutes ces personnes. Il apparaît
assez rapidement que ce dénominateur commun est le médicament et,
plus particulièrement, la responsabilité du médicament. La
pharmacie est une institution sociale qui n'a sa raison d'être que si
elle sert un besoin social bien particulier. Ce que toutes ces personnes
exercent en commun, pour le bien de la communauté, c'est la
responsabilité du médicament que le législateur leur
confie.
Cette responsabilité est importante parce qu'elle s'adresse
à la santé des individus, parce qu'il faut que les
médicaments utilisés soient les meilleurs possible, que leur
qualité soit assurée d'une façon parfaite et que chaque
malade puisse recevoir le médicament qui convienne à son cas
particulier. En outre, étant donné la nature
particulièrement dangereuse de ces produits, il faut assurer la
sécurité du public vis-à-vis des abus et des mauvais
usages des médicaments et, par conséquent, en surveiller
étroitement la diffusion.
En conséquence, nous pensons qu'il faut élargir le concept
de la pharmacie et je propose de la définir comme l'exercice de la
responsabilité, vis-à-vis de la communauté, de la
production, de la distribution et de l'usage des médicaments. Il
paraît également ainsi une distinction bien nette entre pharmacie
et médecine quant à leur domaine respectif de
responsabilités, le médecin étant directement responsable
de la santé de son patient, tandis que le pharmacien est directement
responsable du médicament, de son activité et de sa
qualité, ainsi que de la protection du public vis-à-vis de ses
dangers.
Nous pourrions revenir maintenant à la question
précédente: Le pharmacien reçoit-il à l'heure
actuelle une formation qui lui permet de remplir adéquatement son
rôle, ce rôle dans lequel il s'est engagé déjà
et qu'il souhaite voir se développer? Quatre années
d'études universitaires ont fait de lui un spécialiste du
médicament. Sa formation de base comprend deux disciplines ou deux types
de disciplines fondamentales: une formation à caractère
physicochimique qui lui permet d'acquérir une connaissance approfondie
du médicament qui est une entité chimique et, d'autre part, une
formation à caractère biologique et médical, axée
sur l'identité biologique qu'est l'homme, et plus
particulièrement l'homme malade.
Maître de ces deux éléments constituants du
problème, l'homme et le médicament, l'étudiant peut faire
la synthèse de ces deux entités et aboutir ainsi à l'acte
thérapeutique. Nos programmes, tant à Laval qu'à
Montréal, ont évolué progressivement depuis plusieurs
années pour développer cette formation particulièrement
dans ses constituantes biologiques et médicales.
Je n'insisterai pas sur les détails de ce programme; des
questions ultérieures trous permettront d'avoir plus d'explications
à ce propos. D'autre part, nos programmes actuels
permettent à l'étudiant certains choix parmi un lot de
cours optionnels de façon à lui permettre d'acquérir une
formation adéquate au type d'activités qu'il compte exercer plus
tard. Ceux qui désirent poursuivre des études ont la
possibilité de se spécialiser en pharmacie hospitalière
par un programme de 12 mois couvrant des activités universitaires et des
stages.
Ceux qui se destinent à l'industrie et à des
carrières de chercheurs peuvent s'engager à la faculté
dans des travaux de recherche qui leur permettent de postuler des grades de
maîtrise ès-sciences et de doctorat dans les différentes
sphères de la recherche pharmaceutique. Je n'insisterai pas
particulièrement sur les propos tenus précédemment
concernant les différences qui existent entre les programmes de Laval et
de Montréal. Cependant, si le programme peut différer dans sa
structure et quant au nom des cours en présence, je pense pouvoir
affirmer que la formation acquise par les étudiants de part et d'autre
est assez semblable.
Le pharmacien est-il, par conséquent, apte à remplir ces
rôles en fonction de la formation qu'il a reçue? Je pense pouvoir
en toute honnêteté vous affirmer que oui, en ce sens que
l'enseignement des facultés et écoles de pharmacie a très
largement précédé ces rôles que le pharmacien
réclame à l'heure actuelle. Je pense aussi pouvoir dire que les
établissements d'enseignement pharmaceutique portent une part et une
grande part de la responsabilité du malaise qui règne
actuellement dans le monde pharmaceutique, à cause de l'insatisfaction
du rôle que remplissent les pharmaciens à l'heure actuelle en
regard de la formation qu'ils ont reçue au cours de leurs études
universitaires.
Néanmoins, les programmes ont été modifiés
régulièrement et, à l'heure actuelle, ils ont
été mis à jour d'une façon assez intense. Les seuls
éléments qui nous semblent déficients à l'heure
actuelle sont les éléments qui concernent une part d'enseignement
au niveau des hôpitaux et des cliniques. A cet égard, des
expériences viennent à peine de commencer.
En ce qui concerne les modifications que nous proposons au texte de loi,
elles sont donc mentionnées dans le mémoire que nous vous avons
remis et elles concernent essentiellement des points que nous
considérons comme ayant des implications de principe importantes,
à savoir certaines définitions, en particulier les
définitions de "pharmacien" et de "médicament". La
définition de "médicament" que nous proposons a comme corollaire
l'abandon de la liste générale des médicaments de
l'article 7, du moins en tant que définition.
Nous proposons également des modifications à la
description de l'exercice de la pharmacie et nous proposons d'introduire la
notion de contrôle à ce niveau, de même qu'à
l'article 20 nous introduisons également cette notion de contrôle
de l'ordonnance par des pharmaciens. Nous proposons également certaines
modifications aux articles 17 et 18 concernant la dispensation des services
pharmaceutiques dans les institutions, ceci dans les vues
développées par le commentateur précédent.
Enfin, pour des raisons de principe et de déontologie
également, nous pensons que les articles autorisant des corporations non
pharmaceutiques à être propriétaires d'une pharmacie
devraient être abandonnés. Nous souhaitons la suppression de la
mention "libre concurrence entre pharmaciens" comme justification de la
publicité pour une pharmacie, pensant que si la publicité existe,
elle doit se limiter à informer le public sur les services que le
pharmacien peut lui rendre, dans quelles conditions et à quel
moment.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier
également la faculté de pharmacie de l'Université de
Montréal, l'école de pharmacie de l'université Laval pour
ce mémoire. Comme vous le mentionniez, il y a vraiment identité
de vues, dans les propositions que vous formulez, avec celles qui, de
façon générale, ont été formulées par
les organismes qui vous ont précédé. C'est pourquoi
à ce moment-ci je n'aurais pas de question. Ceci n'indique pas de ma
part un manque d'intérêt pour ce mémoire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, moi aussi je voudrais
noter la présentation du mémoire par M. le doyen et sa
clarté, sa précision. Je voudrais souligner qu'il n'y a pas
beaucoup de divergences d'opinions. On en a noté quelques-unes au
passage mais peut-être seulement une en particulier, quand on propose
l'abolition du collège. Je pense qu'il n'y a pas unanimité
là-dessus mais, de toute façon, sur les grands principes, je
pense que tout le monde est d'accord; sur les modalités pour les
atteindre, il peut y avoir des différences.
Je vais demander au doyen, du côté des relations entre les
doyens des facultés de pharmacie et les doyens des facultés de
médecine, les doyens de facultés de la santé en
général, s'il y a quelque chose de concret comme mécanisme
de communication. Est-ce qu'il y a des projets de ce côté?
M. BRAUN: Je vais d'abord répondre pour Montréal et puis
je demanderai à M. Claveau de vous donner la situation à Laval.
Je dois reconnaître en toute honnêteté que les relations
entre les facultés de pharmacie et de médecine à
l'Université de Montréal sont bonnes mais cependant très
rares. Il n'y a pas de conflit majeur entre les deux facultés. La
collaboration s'effectue d'une façon directe et pratique en ce sens que
nous nous adressons à la faculté de médecine pour
dispenser à nos étudiants les cours des sciences biologiques et
médicales tels
que anatomie, physiologie, les cours de microbiologie, les cours de
pathologie et d'autres. En conséquence, sur le plan des problèmes
pratiques très directs en ce qui concerne la structuration de nos
enseignements, il existe une collaboration réelle et efficace qui ne se
marque cependant pas par des institutions organisées.
D'autre part, sur le plan de la recherche également, il existe de
nombreuses liaisons et elles se développent considérablement
depuis quelque temps entre différents laboratoires de la faculté
de médecine et de la faculté de pharmacie.
Ce qui n'existe pas c'est une liaison institutionnelle qui permette
à ces deux facultés de discuter en commun des problèmes
autres que les problèmes techniques de l'enseignement et autres que les
problèmes de la recherche très spécifique.
Cependant, à l'Université de Montréal,
différentes structures nouvelles viennent d'être mises en place,
dont un regroupement d'un certain nombre de facultés sous forme d'une
faculté des arts et des sciences et également la création
d'une faculté des études supérieures. Les problèmes
de restructuration des facultés des sciences de la santé sont en
cours d'étude à l'heure actuelle.
Il n'est pas certain que nous aboutissions à une structure telle
que celle qui existe à Laval. Probablement seront maintenues des
unités ayant leur existence propre. Cependant des organes de liaison et
de coordination seront créés d'une façon certaine et une
collaboration meilleure et plus étroite se développe actuellement
et continuera à se développer.
M. CLOUTIER (Montmagny): Avant que je n'aie la réponse de
Québec, est-ce que le gouvernement, par le truchement des budgets,
pourrait faciliter la mise en place de ces mécanismes, de cette
coordination? Cela ne représente pas des budgets fantastiques, tout de
même?
M. BRAUN: Non, non, ça ne représente aucun budget. Je vais
vous donner une réponse d'universitaire soucieux de son
indépendance. Je pense qu'on peut faire confiance, disons, aux
universitaires eux-mêmes pour régler ce problème de la
relation au sein de leur institution et je pense qu'on aboutira à de
bons résultats.
M. LE PRESIDENT: Le doyen de Laval.
M. CLAVEAU: Les relations sont tout à fait harmonieuses, d'autant
plus que nous sommes, depuis 1964, regroupés dans un ensemble dit des
sciences de la santé. Il y a quelquefois des frictions mais c'est
mineur. Le danger, pour nous, j'ai l'impression que c'en est un de dissolution
de la pharmacie dans l'ensemble. On risque, à l'occasion, de passer pour
un département de la faculté de médecine à cause du
Fait que le nombre de nos étudiants est à peu près le
nombre d'une année de médecine, par exemple. Jusqu'à
maintenant, il n'y a pas eu d'embêtements majeurs. Nous ne
prévoyons pas qu'il y en ait non plus. Le risque, c'est qu'on veuille
tellement avoir la collaboration de nos professeurs, qu'on juge
compétents, et il faut limiter de notre part ces contributions. Parce
que le corps professoral, l'école de pharmacie, c'est très minime
en comparaison de celui de la faculté de médecine. Pour le reste,
il y a des accommodements du côté budgétaire qui peuvent
paraître hallucinants même, à d'aucuns, quand on songe que
l'école de pharmacie va à l'occasion, à chaque
année même, jusqu'à fournir de l'argent à la
faculté de médecine, parce qu'on a un certain nombre
d'étudiants qui sont dans un cours qui est donné à
l'ensemble des sciences de la santé et qu'à cause des
façons de procéder, on a pu demander des sommes pour les
laboratoires qui pourraient, théoriquement, être données
chez nous.
On peut dire, à toutes fins pratiques, que c'est une harmonie
tout à fait splendide.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous désireriez prendre plus
d'étudiants, à Montréal et à Québec, de
première année? Est-ce que vous avez des contraintes, soit
budgétaires, soit du côté du personnel enseignant, des
locaux?
M. CLAVEAU: Il y a des contraintes de locaux qui sont sérieuses
de telle sorte qu'il n'est pas question, pour nous, à l'heure actuelle,
de prendre plus d'une cinquantaine d'étudiants en première
année. Nous logeons, à l'heure actuelle, à la
faculté des sciences, qui peut en recevoir 48. Le personnel enseignant
en pharmacie n'est pas suffisamment nombreux pour doubler les enseignements et
les travaux pratiques en laboratoire.
M. CLOUTIER (Montmagny): A Montréal?
M. BRAUN: Nous avons augmenté le nombre d'étudiants que
nous acceptons par année et, depuis l'an dernier, nous avons
accepté 130 à 140 étudiants en première
année, ce qui était une augmentation de plus de 40 p.c. des
effectifs, tels que nous les connaissions il y a cinq ans.
D'autre part, nous occupons, depuis le mois de juin, de nouveaux locaux,
c'est-à-dire que nous avons de nouveaux aménagements dans
l'immeuble central de l'Université de Montréal. Ceci nous a
permis d'avoir des locaux beaucoup mieux aménagés, beaucoup plus
adaptés à nos besoins actuels. Cependant, la superficie dont nous
disposons à l'heure actuelle nous empêche de prendre un nombre
d'étudiants supplémentaire. Nos laboratoires d'enseignement de
travaux pratiques, pour cette année, tels que nous les avons
actuellement, vont être occupés à 90 p.c. du temps.
M. CLOUTIER(Montmagny): Compte tenu des réponses qui ont
été apportées par les opinants devant la commission depuis
deux jours, on a mentionné particulièrement le besoin
d'équiper certaines régions de pharmaciens et de pharmacies. On a
parlé, ce matin, également de peut-être mieux servir
certaines institutions qui n'ont pas de pharmacien, d'autres qui ne comptent
pas suffisamment de pharmaciens. Est-ce qu'il serait désirable que vous
puissiez augmenter le nombre d'étudiants en première année
aux deux facultés et dans quelle proportion, sans avoir fait des
calculs, à première vue?
M. BRAUN: La question est très difficile parce que nous ne
disposons pas, en fait, d'étude très précise concernant
les besoins quantifiés de pharmaciens dans la province. Ces besoins sont
également dépendants des critères que l'on va utiliser.
Considérera-t-on qu'un hôpital de 500 lits doive utiliser les
services de cinq, de trois ou de huit pharmaciens? Peut-être que les
trois solutions sont possibles et défendables. Le nombre de demandes et
de postes ouverts dépend très fortement de cela.
Nos productions d'étudiants, de diplômés ayant
augmenté au cours des récentes années, tant à Laval
qu'à l'Université de Montréal, nous sommes à peu
près, disons, aux chiffres qui doivent permettre de répondre aux
besoins. Personnellement, je ne pense pas que nous devions augmenter nos
admissions au-delà de 150 étudiants par année,
apparemment, dans les besoins actuels et dans les fonctions actuelles des
pharmaciens.
M. CLAVEAU: Je différerais d'opinion un peu avec mon
collègue, c'est normal! Il y a toujours les comparaisons que l'on peut
faire avec les autres provinces. Avec notre voisine, l'Ontario, cela devient
toujours un peu désastreux.
La proportion de pharmaciens pour la population, en Ontario, est de 1
pour 1,700. Ici, au Québec, c'est de 1 pour 3,000. Il y a donc un
rattrapage considérable à faire. L'Ontario songe à se
créer une seconde faculté, disant que ses besoins sont tels qu'il
faut encore augmenter la production, alors même qu'elle a comme
réservoir le Manitoba, la Saskatchewan et presque aussi l'Alberta, qui
lui fournissent une proportion assez marquée de candidats,
annuellement.
Je pense également, aussi, au nombre de candidatures. Je vais
donner seulement les chiffres de 71/72 et de 72/73, pour vous donner une
idée de l'écrémage qu'il faut faire et de ce qui s'ensuit,
évidemment, lorsqu'il y a des retours et qu'on doit fournir des
explications sérieuses.
Il y a 135 étudiants qui veulent entrer en pharmacie c'est
leur premier choix en 71/72 et 164 en deuxième choix, ce qui fait
un total de 299. Là-dessus, nous en prenons 50. Vous imaginez les
rebondissements. Pour cette année, cela a été encore pire:
165 demandes de premier choix, 244 de deuxième choix, pour un total de
409. Hier, il y en a 56 qui nous ont dit: On y va parce qu'on leur avait dit:
Vous pouvez venir. Mais il y a plusieurs mécontents, il va sans dire.
Cela fait de très bons élèves, toutefois, parce qu'on en
choisit un sur huit ou dix. Nos critères d'admission, je pense qu'ils
sont plus sévères, à l'heure actuelle, que pour la
médecine, à l'université Laval.
M. LE PRESIFENT: Le ministre Castonguay.
M. CASTONGUAY: Au sujet de cette question, je voudrais mentionner que,
tout comme dans le domaine des sciences pures il y a eu une opération
effectuée par le ministère de l'Education, les
universités, le Conseil des universités, une opération
analogue dans le domaine des sciences de la santé est en voie
d'être effectuée, visant à donner une prévision des
besoins et des possibilités pour les cinq prochaines années et
également certaines perspectives pour une autre période de cinq
années. Cette opération est effectuée en collaboration
avec les deux ministères, le Conseil des universités. En fait,
elle s'insère dans le rôle du Conseil des universités qui
est d'apporter, dans la mesure où c'est possible de le faire, une
certaine coordination des efforts ou encore de préciser des rôles
dans certains secteurs des universités au Québec, en tenant
compte du problème des ressources financières, des ressources de
diverses natures toujours limitées, que ce soit dans le domaine de la
formation universitaire ou dans le domaine des services.
Pour cette opération, le groupe est maintenant au travail. Nous
comptons évidemment sur les résultats qui pourront s'en
dégager pour apporter certaines solutions à ce type de
problèmes.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Juste une brève question. Est-ce que la formation est
bien différente pour un étudiant qui choisit de se diriger vers
l'industrie pharmaceutique comparativement à ceux qui choisissent la
profession de pharmacien.
M. BRAUN: C'est là le gros problème que nous avons
à résoudre dans des facultés de pharmacie. Nous avons
à faire face, d'une part, au besoin de formation de pharmaciens
professionnels pour le secteur de l'officine et l'hôpital et l'insistance
du caractère biologique et médical se trouve donc
développée. D'autre part, lorsque nous avons à faire face
à la formation de pharmaciens destinés à oeuvrer dans
l'industrie ou dans des laboratoires de recherche, où l'insistance doit
être marquée sur l'autre entité du problème,
c'est-à-dire le médicament, la
formation à caractère chimique et physicochimique doit
être plus développée.
Nous essayons de résoudre le problème par un compromis en
fixant un certain nombre de cours de base et en donnant aux étudiants la
possibilité de choisir un certain nombre de cours optionnels,
principalement au niveau de la quatrième année. De cette
façon, nous assurons à chacun une formation de base suffisante
pour pouvoir évoluer par la suite, mais nous donnons à chacun de
ces étudiants la possibilité d'un choix personnel qui lui
permette de se diriger dans différents secteurs.
Il est cependant utile, pour un grand nombre de fonctions au niveau de
l'industrie pharmaceutique, de poursuivre des études de
perfectionnement.
M. GUAY: Une autre question: Quel pourcentage d'élèves
vont choisir l'industrie par rapport à la profession de pharmacien?
M. BRAUN: A l'heure actuelle, le pourcentage est très faible. Il
ne représente, je pense, pas plus de 10 p.c. Et ceci, peut-être,
met en évidence le fait que certainement nous ne sommes pas en
surproduction de pharmaciens. Si peu de pharmaciens se dirigent dans
l'industrie pharmaceutique, c'est essentiellement parce que tout le champ de la
pharmacie d'officine privée ou hospitalière leur est ouvert. Ils
envisagent peut-être avec plus de crainte de s'engager dans l'industrie
pharmaceutique où là ils sont en contact et en concurrence avec
d'autres scientifiques. D'autre part, les taux de salaire de départ au
niveau de l'industrie pharmaceutique sont généralement moins
élevés que les taux de départ dans les pharmacies
d'officine.
M. GUAY: Une dernière question. Vous avez donné des
chiffres comparativement à l'Ontario.
Est-ce que vous êtes également en mesure de dire si oui ou
non la compétence des pharmaciens, puisqu'on les appelle pharmaciens
pour le besoin de la cause, leur formation est comparable dans les autres
provinces avec celle du Québec?
M. CLAVEAU: Absolument identique. Il y a une association nationale des
facultés de pharmacie et les programmes sont identiques, si vous voulez,
à peu de choses près, un peu comme pour Montréal et Laval.
Il y a des divergences mineures, somme toute, dans le
réaménagement. On peut coiffer un cours avec un titre
différent, des choses de la sorte. Il faut nécessairement, pour
être agréé nationalement dans les facultés,
respecter un programme minimum qui est de quatre années.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.
M. VEZINA: Le doyen de la faculté de Montréal nous a
suggéré une définition de la pharmacie. Ma question est la
suivante: Est-ce que vous en faites une suggestion pour qu'on amende l'article
15 du bill 255, parce qu'on nous a suggéré de modifier l'article
15. Je ne me souviens pas si c'est l'Association des pharmaciens
propriétaires. Dans son mémoire, il y a une définition, et
je vois que vous arrivez à une définition différente.
M. BRAUN: J'avais donné dans le texte une définition de la
pharmacie sur le plan du principe, si vous voulez. Nous n'avons pas introduit
une définition de la pharmacie dans le projet de loi. Cependant, nous
avons introduit au niveau de l'article 15, concernant l'exercice de la
pharmacie, la notion du contrôle qui nous paraît une notion
très vaste couvrant à peu près tout ce que le pharmacien
peut effectuer au moment où il reçoit l'ordonnance.
M. VEZINA: Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. le doyen, ainsi que le groupe
représentant les facultés des universités de
Montréal et Laval. Nous suspendons la séance jusqu'à 2
heures et quart, pour faire un compromis.
(Suspension de la séance à 12 h 28)
Reprise de la séance à 14 h 20
M. BLANK (président de la commission spéciale des
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Il y a un petit changement au programme; il y a un groupe, l'Association
canadienne de l'industrie du médicament, qui a un avion à prendre
pour l'Europe, à six heures ce soir. Nous pourrions lui donner la chance
de passer avant et, vu qu'ils sont pressés, ils ne seront pas trop
longs.
Nous commençons avec l'Association canadienne de l'industrie des
médicaments.
Association canadienne de l'industrie du
médicament
M. BEAUCHEMIN: Merci, M. le Président. Mon nom est Guy
Beauchemin, je suis vice-président d'administration de notre
association. Je suis accompagné aujourd'hui par le docteur Wigle, qui
est président de notre association, par M. Hubert Martel, directeur
exécutif du marketing des laboratoires Merck Frost, par le docteur
Davies, directeur de la pharmacologie clinique des laboratoires Ayerst, et par
le docteur Murphy, secrétaire administratif de la Fondation canadienne
pour l'avancement des sciences thérapeutiques.
Vous avez reçu notre mémoire. Je me bornerai donc à
en citer les grandes lignes. L'Association canadienne de l'industrie du
médicament, fondée en 1914, représente 58 compagnies
pharmaceutiques qui fabriquent au Canada environ 85 p.c. des médicaments
prescrits par le corps médical. Le principal lien commun entre ses
membres est la recherche en vue de mettre à la disposition des
médecins des substances physiologiquement actives sous des formes
pharmaceutiques stables, d'une efficacité éprouvée et
d'une très grande sécurité d'emploi.
Je voudrais souligner que nous ne représentons pas les fabricants
de "patent medicines" de médicaments vendus par n'importe qui. La vente
de nos médicaments est réservée aux pharmaciens. Nous
commentons, dans notre mémoire, les articles 7, 20, 23 et 40; nous nous
opposons aux articles 7 et 20 qui autorisent le pharmacien à modifier
l'ordonnance du médecin : 1 ) parce que cette permission constitue une
brèche dans la relation médecin-patient-pharmacien; 2) parce que
le médecin ne peut, d'aucune façon, empêcher que cette
substitution n'ait lieu si le projet de loi est adopté; 3) parce que le
patient devient le dindon de la farce dans cette procédure puisque cette
manipulation de l'ordonnance, qui est sa propriété, se fait
à son insu; 4) parce que la santé publique est gravement mise en
danger par une décision prise par le pharmacien qui, n'ayant pas
à sa disposition le dossier médical du patient et ignorant, la
plupart du temps, tout de la pathologie de son client, n'a pas les
données nécessaires pour prendre une décision
éclairée, malgré sa science incontestée des actions
médicamenteuses.
Nous nous opposons aussi à l'article 23 parce qu'il prive de leur
droits une forte proportion des pharmaciens de la province de Québec qui
oeuvrent au sein de l'industrie pharmaceutique ou qui ont investi dans
celle-ci. Nos objections au premier paragraphe de l'article 40 relèvent
de la sémantique et de l'usage des expressions qui sont
particulières au domaine pharmaceutique industriel.
M. le Président, nous sommes disponibles pour répondre aux
questions que vous pourriez avoir.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: Il s'agit en effet d'une présentation qui est
brève et qui est précise. Est-ce que vous pourriez nous donner un
peu plus de détails concrets, précis sur le quatrième
motif qui vous incite à vous opposer à la substitution? Quant aux
trois autres motifs, même s'ils sont élégamment
rédigés, je ne crois pas qu'ils aient la même
portée. Lorsque l'on dit que la substitution constitue une brèche
dans la relation médecin-patient-pharmacien, cette relation est assez
ténue dans bien des cas. Lorsqu'on dit que le médecin ne peut en
aucune façon empêcher que cette substitution ait lieu, encore
là, s'il y a des motifs valables de demander qu'il n'y ait pas
substitution et s'il y a des communications entre les médecins et les
pharmaciens, je ne vois pas, pour des cas vraiment sérieux, pourquoi de
telles communications, écrites ou autres, ne pourraient être
faites.
Quant au troisième argument, lorsqu'on dit que l'ordonnance est
la propriété du patient et que la manipulation de l'ordonnance
fait du patient le dindon de la farce, eh bien, je sais fort bien, par
expérience dans ma famille, que lorsque je reçois une ordonnance,
c'est du grec pour moi. Je l'apporte à la pharmacie, et elle demeure du
grec parce qu'on me remet un médicament avec un numéro en me
disant: Prenez-en deux fois par jour à telle heure. Je vous dis que si
on le manipule à un moment donné ou qu'on apporte certains
changements au processus actuel, je n'ai pas l'impression que le patient va
s'en apercevoir beaucoup.
Il est évident qu'il faut des sauvegardes pour préserver
le patient, le protéger, je suis d'accord. Il me semble que c'est votre
quatrième argument qui porte vraiment. Pour pouvoir le juger, il serait
intéressant d'avoir de façon plus concrète des exemples
positifs pour illustrer votre recommandation ou encore des exemples de
méfaits qui auraient pu se produire dans d'autres juridictions où
la substitution, avec certaines sauvegardes, a été
introduite.
M. BEAUCHEMIN: Essentiellement, notre objection se base sur le fait que
des préparations différentes d'un même ingrédient
actif
peuvent avoir des propriétés différentes et peuvent
agir d'une façon différente au niveau de l'organisme.
Les concentrations tissulaires et les concentrations sanguines peuvent
varier et la preuve en est bien établie en pharmacologie avec la
méthode de préparation des excipients employés, les
méthodes de préparation en somme. Nous disons que la substitution
ne doit avoir lieu que lorsque le médicament qu'on veut substituer
à celui que le médecin a prescrit originalement a subi des
épreuves comparatives qui permettent d'établir une
efficacité et une sécurité égale à celles du
médicament que le médecin avait prescrit originalement et avec
lequel il avait beaucoup d'expérience. Même si le pharmacien
nous sommes plusieurs pharmaciens ici à la table a les
connaissances pharmacologiques nécessaires et nous n'en doutons
pas il n'a pas ce qu'on appelle en anglais le "feed-back" que le
médecin a. Il a donné une certaine préparation d'un
ingrédient actif à ses patients pendant un certain temps, il a le
rapport de ses patients, il voit l'action du médicament, il sait que
telle préparation de telle compagnie agit de telle façon. Je sais
que je peux avoir une action semblable en prescrivant la même chose.
Une autre préparation d'une autre compagnie peut agir assez bien
aussi et souvent tout aussi bien mais différemment avec un temps
d'absorption plus long. Tout dépend de l'âge des patients et de
différentes autres considérations qui sont particulières.
Le médecin ayant à sa disposition cette expérience peut
prescrire; il s'habitue à telle ou telle préparation, il sait
quel résultat en obtenir. Il prescrit, il est en mesure et en droit de
s'attendre que ce qu'il prescrit est bien ce que son patient va absorber. Si le
patient absorbe une autre préparation qui a été
substituée à la faveur de cette modification à la Loi de
pharmacie et que le patient réagisse de façon différente
de celle à laquelle le médecin est habitué, il peut y
avoir confusion.
Est-ce qu'il y a des preuves de différence qui existent entre
différentes préparations? Il en existe de nombreuses. Il y a
assez fréquemment des symposiums sur ce qu'on appelle la
biodisponibilité ou la disponibilité biologique de
différentes préparations. Tout dernièrement encore, il y
avait un article dans la revue de l'Association médicale canadienne sur
des essais qui ont été faits sur trois marques d'ampicilline
où on reconnaissait qu'il y avait différentes méthodes
d'absorption à différents pourcentages.
Si on pouvait prouver que presque tous les médicaments sont
égaux, quelle que soit la façon dont ils sont
préparés, cela irait. Jusqu'ici, tel n'est pas le cas. L'art du
fabricant, qui est l'art de prendre la substance chimique active et de la
transformer en un médicament qui va être stable sur les tablettes
du pharmacien, qui va s'absorber d'une façon régulière et
prévisible dans les organismes, c'est cela l'art de la fabrication du
médicament. C'est une science qui est assez longue à apprendre et
qui s'apprend avec l'expérience.
M. CASTONGUAY: Comment expliquez-vous, d'une part, qu'à ma
connaissance, dans certains hôpitaux d'enseignement où il y a des
patients qui souffrent d'affections graves, on en soit arrivé à
établir une liste relativement restreinte de médicaments et que
tout le monde semble s'en bien porter? D'autre part, en ce qui a trait à
la distribution des médicaments en dehors des milieux hospitaliers, de
mémoire ou encore par toute l'information que j'ai, c'est
extrêmement rare qu'un médecin va s'informer pour voir quel a
été l'effet sur un patient du médicament qu'il lui a
administré. Ce qui est susceptible, possiblement, de se produire, c'est
qu'à un moment donné, si le médicament ne semble pas avoir
l'effet désiré, le patient peut se plaindre. Mais de
mémoire ou à ma connaissance, je n'ai jamais entendu parler qu'il
y eût tellement de "follow up" de la part des médecins en dehors
des milieux hospitaliers pour voir comment les patients réagissaient. Il
me semble un peu difficile de croire qu'ils ont une connaissance très
précise de la façon que leurs patients réagissent en
dehors du milieu hospitalier.
M. BEAUCHEMIN: Pour répondre à votre première
question, en milieu hospitalier, évidemment les formulaires hospitaliers
sont rédigés avec le consentement du bureau médical et des
médecins qui pratiquent dans cet hôpital. Les médecins
savent à quoi s'attendre quand ils vont prescrire telle chose. C'est tel
produit qui va être donné. Cela se fait avec leur consentement. En
général, pas toujours, les médicaments sont de très
bonne qualité. Tout le monde est d'accord. Le médecin est au
courant de cette chose et le choix entre les différentes
préparations n'est pas très grand à l'intérieur du
formulaire: d'habitude, une préparation de chaque ingrédient
actif.
Maintenant, le médecin a aussi, la plupart du temps, dans les
hôpitaux, l'option de spécifier telle préparation. On le
remet au patient.
Deuxièmement, les réactions des patients peuvent varier
avec les médecins.
La plupart des médecins, d'ailleurs, demandent à leurs
patients si cela va mieux. Le médecin, en examinant son patient,
s'aperçoit s'il va mieux ou s'il ne va pas mieux. Est-ce que telle
condition a été corrigée? Est-il plus ou moins
nerveux?
As-tu quelque chose à ajouter?
M. MURPHY: Non, je n'ai rien à ajouter. Je ne suis pas d'accord
avec M. le ministre en ce sens qu'à mon avis la plupart des
médecins suivent leurs malades régulièrement et constatent
essentiellement les effets des médicaments qu'ils prescrivent à
leurs malades. Un médecin qui finit par avoir de l'expérience
avec un
certain médicament préfère toujours continuer
à s'en servir. C'est tout ce que je dirais en réponse à
cela.
M. CASTONGUAY: Compte tenu de ces deux réponses, pourrait-on
conclure c'est ma dernière question que, si une liste est
conçue bien scientifiquement, à partir de normes bien
établies, éprouvées, une telle liste je pense en
particulier à celle qui est utilisée pour
l'assistance-médicaments pourrait constituer un cadre
adéquat pour effectuer de la substitution, en y mettant, possiblement,
d'autres sauvegardes? Je me rappelle, entre autres, certaines recommandations
formulées par le Collège des médecins. Est-ce que cela
pourrait constituer un outil?
M. BEAUCHEMIN: D'ailleurs, les facultés de pharmacie, ce matin,
ont recommandé exactement la même chose. D'accord, la liste de
médicaments est excellente comme liste de médicaments, mais les
fabricants de ces médicaments n'ont pas tous eu à prouver
à la direction des aliments et drogues, à Ottawa,
l'efficacité de leurs médicaments et les concentrations sanguines
obtenues à l'usage de ces médicaments.
M. CASTONGUAY: Nous savons, d'autre part, que le ministère
fédéral et sa direction des aliments et drogues consacrent des
ressources toujours plus grandes pour faire un travail toujours plus soutenu
sur ce plan. Des organismes du gouvernement ontarien le font
également.
Ce problème tend à diminuer quant à l'ampleur des
médicaments non analysés de façon parfaite, pour autant
que mes renseignements sont exacts.
M. BEAUCHEMIN : Oui, le gouvernement fédéral commence
maintenant avec le programme qu'il appelle QUAD, qui n'est pas en marche
encore, mais qui est en voie d'établissement, à établir
des taux comparatifs. Et ça ça ira très bien.
Si vous permettez, nous avons le Dr Davies, qui est un expert
là-dedans. Il est unilingue anglais.
M. DAVIES: Mr. Minister, I am Richard Davies. My background includes a
bachelor of science in pharmacy, a master and PHDin pharmacology and an
M.D. I am presently director of Clinical pharmacology for Ayerst Laboratories
in Montreal.
One of the projects that have interested me for some time because of my
dual background is this question of biological availability investigations as a
mechanism of comparing drugs or drug products which are claimed to have the
same chemical but which, quite often, when properly and carefully investigated,
in fact have a different therapeutic action. In other words, we are into the
brand, ex-brand...
The techniques of biological availability are not new, but this
technique, which is about ten years old, has really been only used extensively
in the last three to four years. There are now 35 to 40 examples of drugs, drug
products on the market claimed to have the same chemical and the same strenght
which in fact give different blood levels when administered to humans.
One of the other branches of clinical pharmacology which is important to
the physician is the much greater recognition that the blood level is often
important in the therapeutic action.
The higher the blood level is, the better the therapeutic action is.
Unfortunately, along with this relationship also goes drug toxicity. And
this is particularly important in drugs in apoplexy, in drugs in heart
disease.
Let me express to you a concern that I, as an informed physician and
clinical pharmacologist investigator, hold in the attemps to evaluate items
claimed to be the same. It is only if we do, it is only if the scientist does a
careful investigation in order to compare the products, taking into account the
variation between people, the variation in blood level that I or you may get
for a given drug today persist tomorrow. It can vary with what you eat, for
example.
It is only if we do careful investigations this way that these
differences can be critically established. In the Canadian Medical Journal of
August 6th, this year, the Department of Clinical Pharmacology at Ayerst
laboratories and the Department of Clinical Pharmacology at McGill, where I
also have an appointment, published a comparison of three brands of an
antibiotic.
The principal purpose for this investigation was to illustrate how
critical it is to do a proper investigation because, scientifically, we can
attempt to find differences; if no differences are found, we can make a
statement that no differences were found but it is very critical to go the next
step. No differences exist, you must be sure that your method of measurement is
exact.
There are a number of publications in the scientific literature where
less than precise investigations have been undertaken and no differences were
found. This has importance to the patient and to the doctor because if in fact
differences existed but were missed, then the patient may well end up
suffering. As I said, there are now 35 to 40 commonly used drugs where it has
been clearly shown by critical biological availability investigations, that
unexpected differences exist between two brands or two batches of the same
chemical in the same strenght. Only if proper investigations are accomplished
and the results published, do I then feel that the danger of interchangeability
is minimal.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais demander
à l'association des fabricants canadiens si, étant donné
l'importance des investissements en pharmacie qu'il y a dans le Québec
par rapport aux investissements canadiens dans votre mémoire,
vous donnez $140 millions sur $200 millions il y a des raisons
particulières pour que l'industrie se soit développée
tellement dans la province de Québec par rapport aux autres
provinces.
Est-ce que ce sont des habitudes de consommation? Est-ce la
facilité de recruter du personnel spécialisé? Vous voyez
le genre d'explication qu'on pourrait donner?
M. BEAUCHEMIN: C'est vrai que la grosse concentration de l'industrie
pharmaceutique canadienne se trouve dans la province de Québec. M.
Martel pourra vous répondre mieux que moi.
M. MARTEL: Il y a peut-être différentes causes: 1) une
cause historique; 2) une cause géographique; 3) une cause probablement
culturelle. La cause historique, c'est que les grandes maisons, à
l'origine canadiennes, se sont développées à
Montréal à cause de la maison Frosst. La maison Rougier et la
maison Ayerst sont des maisons qui se sont développées à
partir de la maison Frosst. Il était naturel que ces gens-là,
lorsqu'ils se sont séparés de la maison mère, comme on
pourrait dire, s'établissent sur place; c'est une histoire.
Deuxièmement, il est fort probable que le fait que les grandes
maisons américaines soient placées sur la côte Atlantique,
c'est-à-dire proche de Montréal, ait favorisé la
région de Montréal. Par exemple, la région autour de la
Pennsylvanie et de New York.
La troisième raison c'est que, si on veut faire réellement
un marketing, il faut avoir une entrée et sur le marché
anglo-canadien et une connaissance du marché anglo-canadien
et aussi du marché du Québec qui représente tout de
même 25 p.c. du marché canadien. Il faut connaître les deux
marchés. Donc, Montréal se trouve culturellement bien
placé.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que ça pourrait, non pas
directement, faciliter une certaine surconsommation?
M. MARTEL: De médicaments? M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.
M. MARTEL: Je vais retourner la question, si vous voulez. Je crois que
dans votre question, il y a une implication qu'il y a une surconsommation de
médicaments prescrits dans la province de Québec ou au Canada en
particulier. C'est un peu la question que vous vous posez?
M. CLOUTIER (Montmagny): Devant la commission, on a semblé
admettre qu'on avait du chemin à faire de ce côté; et de la
part de ceux qui prescrivent et de la part de ceux qui consomment, il y aura
peut-être un peu d'autres habitudes de modération à
acquérir.
M. MARTEL: Je suis tout à fait d'accord pour utiliser les drogues
à bon escient, pour des causes réelles.
Il est assez difficile de répondre à votre question parce
qu'il faut utiliser des critères. Si on compare, par exemple,
l'utilisation des médicaments au Canada par rapport à d'autres
pays comme les Etats-Unis ou l'Europe, qui sont les pays qui sont tout de
même les plus proches de nous, si on regarde les choses d'une
façon globale, aux Etats-Unis on consomme par tête à peu
près 50 p.c. plus de médicaments qu'au Canada. Je crois qu'au
prix du manufacturier, l'utilisation au Canada est de l'ordre de $16 par
personne tandis qu'aux Etats-Unis elle est de l'ordre de $21 par personne. Si
on regarde la consommation des médicaments en Europe, en Angleterre,
pour une population qui est à peu près le double de celle du
Canada, on a une consommation de médicaments quadruple. Il y a deux fois
plus d'utilisation en volume d'argent qu'au Canada. Il y a à peu
près, pour une double population, en France, cinq fois plus de
médicaments utilisés. Et on peut faire le même genre
d'analyse d'une façon très générale. En Europe on
utilise de deux à trois ou quatre fois la quantité de
médicaments qu'on utilise au Canada.
Pour ce qui est du Québec, il y a un certain retard dans
l'utilisation des médicaments par rapport au reste du Canada.
M. CLOUTIER (Montmagny): Justement je voulais vous poser cette
question.
M. MARTEL: La population québécoise est à peu
près 27 p.c. de celle du Canada tandis que l'utilisation des
médicaments est entre 25 p.c. et 26 p.c.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'industrie pharmaceutique
canadienne compile vous nous donnez des statistiques d'autres
sortes de statistiques sur l'utilisation? Par exemple, il peut y avoir
sous-consommation dans une région ou dans certaines sections, il peut y
avoir surconsommation dans d'autres groupes de population...
M. MARTEL: Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous allez aussi loin que ça
dans les statistiques?
M. MARTEL: Nous essayons de savoir quelle est la nature du
développement du marché parce que, pour nous, c'est la question
du développement du marché. Le Canada est un
petit marché pharmaceutique, comme tel. Si on regarde
l'utilisation des médicaments en général, on pourrait
penser que les gens des Maritimes, par exemple, sont de bons utilisateurs de
médicaments. Pas tellement beaucoup mais un peu plus. Le Québec,
un peu moins; l'Ontario, c'est la norme; les Prairies, l'Ouest, à peu
près la norme aussi. Je crois que la Colombie-Britannique utilise un peu
plus de médicaments.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quant à la promotion des produits ou les
renseignements que vous donnez sur les produits, on peut dire, je pense, qu'on
peut accepter comme postulat que vos contacts sont plus étroits avec les
médecins qu'avec les pharmaciens, d'après ce qui nous a
été dit devant la commission. Est-ce que ça provient du
fait que, pour vous, c'est un état de fait que la loi reconnaît,
à venir jusqu'à maintenant, que le médecin est le premier
prescripteur de médicaments? Est-ce plus facile pour vous de
procéder de cette façon ou si c'est parce que vous n'êtes
pas complètement convaincus que, pour des raisons professionnelles, tel
qu'on vient de nous l'expliquer, le pharmacien doit être égal au
médecin dans vos contacts avec les professionnels?
Vous êtes convaincus que, sur le plan professionnel, vous devez
davantage vous tenir en relation avec le médecin qui est le premier
prescripteur qu'avec le pharmacien qui, dans votre esprit, est le
deuxième prescripteur. Il n'est même pas du tout un prescripteur;
il est professionnel qui exécute des ordonnances.
M. MARTEL: Je crois que le doyen Braun a répondu, ce matin,
à cette question d'une façon indirecte. Le médecin est
celui qui traite les malades. Le pharmacien, dont je suis, s'occupe des
médicaments et connaît le médicament. Il y a toute une
série de fonctions qui sont proprement pharmaceutiques dans le
médicament. Je vois très bien le pharmacien comme un
associé du médecin dans le choix des médicaments, d'une
façon très générale. Pour un patient en
particulier, lorsqu'il s'agit de le traiter, je crois que c'est le
médecin. Le pharmacien peut servir de consultant auprès du
médecin pour sa marche thérapeutique, mais c'est le
médecin qui est responsable du traitement de son malade. Le pharmacien
est responsable de la connaissance du médicament. Je crois à
ça fermement.
J'aimerais corriger un peu une impression. Nous ne délaissons pas
le pharmacien. Parce que c'est la façon dont on pratique la
médecine et la pharmacie au Canada, particulièrement au
Québec, les visites des représentants se font le matin chez les
pharmaciens et dans les hôpitaux et, chez les médecins, dans
l'après-midi. Je crois que, d'une façon générale
nous consacrons 50 p.c. de notre temps de vente ou de promotion aux pharmaciens
et 50 p.c. aux médecins.
Pour ce qui est de la promotion comme telle, elle est
généralement dirigée vers le médecin.
M. CLOUTIER (Montmagny): On nous a apporté mardi, au centre de la
salle, un paquet de médicaments échantillons. On nous a dit que
c'était ce qui était transmis aux médecins durant une
période d'un mois. Est-ce que vous étiez ici mardi?
M. MARTEL: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez peut-être vu la photographie
dans les journaux; il y en avait un bon paquet. Est-ce que, d'après
vous, c'est exagéré ce qu'on nous a mis ici comme monceau de
médication ou si, véritablement, cela peut approcher
ça?
M. MARTEL: C'est assez difficile pour moi de juger parce que je n'y
étais pas. Maintenant, je sais certaines choses. Moi aussi, je veux
savoir ce que mes confrères font en promotion. J'ai des médecins
qui collaborent avec moi pour me donner, à la fin de chaque mois, ce
qu'ils reçoivent. Quelques-uns mettent dans une boîte ce qu'ils
reçoivent. C'est une boîte de cette dimension qu'ils me donnent
chaque mois, que je leur retourne, d'ailleurs. Ce que les pharmaciens vous ont
donné, cette semaine, je n'en sais pas la nature car je ne l'ai pas vu.
Je sais qu'une circulaire a été envoyée aux
différents pharmaciens il y a quelques mois, là-dessus.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour le journal des Débats, étant
donné qu'on ne verra pas vos gestes, cela pourrait être une
boîte de deux pieds de longueur sur un pied de largeur. On n'a pas la
télévision encore au journal des Débats.
M. MARTEL: Il y a peut-être autre chose qu'il faudrait dire, c'est
que les échantillons ne sont donnés qu'à la demande du
médecin, sur signature du médecin. C'est une règle que
nous suivons. Si le médecin reçoit un échantillon, c'est
qu'il l'a demandé.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ceux qui laissent les échantillons aux
médecins, la plupart du temps, ce sont vos voyageurs, vos vendeurs quand
ils vont chez le médecin, j'imagine. Il y en a peut-être qui sont
transmis par la poste, mais une grande partie des échantillons sont
laissés par les voyageurs. Quel type de formation ont ceux qui sont les
intermédiaires entre le producteur, le fabricant, et le
médecin?
Est-ce qu'il y a une bonne majorité de spécialistes en
pharmacie qui ont suivi un entraînement spécial? Ils vont tout de
même donner des renseignements. Le médecin va vouloir se
renseigner sur le médicament. C'est la seule occasion, pratiquement,
qu'il a, dans sa journée, au moment où il est en contact avec
l'industrie c'est sa façon de se tenir en contact avec
l'industrie, de laisser un peu ses patients de se renseigner sur la
production pharmaceutique. Alors, est-ce que vous voudriez commenter un peu
cela?
M. MARTEL: Dans le cas des maisons avec lesquelles je collabore, environ
50 p.c. des représentants sont des pharmaciens, à peu près
40 p.c. sont des universitaires autres que des pharmaciens.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela peut être des chimistes, cela peut
être des médecins ou... pas des médecins mais...
M. MARTEL: Des médecins, très peu souvent mais il peut y
avoir des chimistes, des biologistes et ainsi de suite. Mais Guy pourrait
peut-être vous donner...
M. BEAUCHEMIN: Justement dans ce domaine, nous nous sommes
aperçus, depuis quelques années, qu'il y avait des progrès
à faire pour les représentants qui n'avaient pas tous
nécessairement une formation universitaire. Alors, en collaboration avec
une autre association de fabricants et les universitaires canadiens, nous avons
créé un conseil d'accréditation des représentants
médicaux qui est disponible à tous les représentants
médicaux canadiens. Cet organisme, qui est séparé de nous
nous avons contribué financièrement au lancement mais
maintenant il se supporte lui-même donne des cours aux
représentants. C'est un cours par correspondance d'un an. Il est
disponible en anglais et en français. On y retrouve les matières
suivantes: la chimie, la biologie, la pharmacie, la pharmacologie. Ce cours a
pour but d'aider les représentants qui n'ont pas eu de formation
universitaire, médicale ou pharmaceutique afin qu'ils puissent
comprendre très bien les actions médicamenteuses et parler en
connaissance de cause avec les médecins et les pharmaciens avec lesquels
ils font affaires.
Le premier groupe de diplômés, c'est peut-être un
grand mot, mais enfin ceux qui ont subi avec succès les épreuves
d'examens, est sorti en septembre ou octobre dernier. D'autres examens seront
tenus dans les universités à travers le Canada cet automne
encore. Il y a 550 candidats qui ont subi les examens avec succès, 250
qui ont échoué. Maintenant, ceux qui ont réussi ajoutent
après leur nom, quand ils visitent les médecins et les
pharmaciens, des lettres qui prouvent qu'ils ont subi les examens avec
succès, ce qui amènera, à très brève
échéance, une distinction par les médecins et par les
pharmaciens qui ne voudront consulter et recevoir que les représentants
accrédités auprès de cet organisme.
Maintenant, vous parliez tantôt du spectacle de mardi.
J'étais ici et j'ai vu de loin qu'il y avait un gros tas d'objets. Je
crois, d'après mon expérience, que c'est beaucoup plus que ce
qu'un médecin recueille dans un mois, comme on vous l'a dit.
L'Association des pharmaciens avait envoyé une circulaire à ses
membres, en mars dernier, et dans laquelle on disait: "Nous voulons illustrer
le fait que l'industrie pharmaceutique emploie tous les moyens incitateurs
imaginables dans le but d'inciter les médecins à prescrire ou
à acheter des médicaments. Veuillez nous remettre tous les
gadgets dont vous pourrez disposer: crayons, canifs, loupes, porte-clefs,
billets de hockey, de baseball, etc., etc.". Il se peut que quelques-uns des
articles, qui ont été distribués aujourd'hui, proviennent
de sources autres que le cabinet d'un seul médecin pendant un mois. Je
ne les ai pas toutes regardées, mais j'ai vu une chose, en particulier,
que je sais avoir été utilisée il y a plusieurs
années par une compagnie. Cela ne se fait plus depuis très
longtemps.
M. VEILLEUX: Le globe lunaire... M. BEAUCHEMIN: Pardon?
M. VEILLEUX: Le globe lunaire qu'on nous a remis, est-ce qu'il remonte
à plusieurs années?
M. BEAUCHEMIN: Je ne sais pas qui distribue cela. Je n'ai aucune
idée à savoir qui le distribue.
M. VEILLEUX: Le café Maxwell ou je ne sais trop quoi.
M. PAUL: C'était du Sanka.
M. BEAUCHEMIN: Je crois que c'était la compagnie Warner, mais il
y a de cela plusieurs années.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que votre association, soit
l'association canadienne ou la section du Québec, qui viendra
tantôt, a un certain contrôle sur la publicité qui peut
être faite par des fabricants? On a ici tout le monde peut avoir
cela la compagnie Ayerst qui fait une promotion avec des voyages. On
peut gagner un voyage. C'est pour augmenter la clientèle et pour vendre
des vitamines Paramet. C'est de la publicité pour promouvoir la vente de
vitamines.
M. BEAUCHEMIN: C'est chez les pharmaciens, je crois.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, c'est publié à l'intention
du pharmacien par les laboratoires Ayerst. De toute façon, c'est une
promotion de vente d'un certain produit. Sauf erreur, on ne parle pas de la
qualité du produit. C'est une promotion commerciale, comme on en voit
pour des produits d'autre type que ceux du domaine de la santé.
Avez-vous un certain contrôle là-dessus? Si vous n'en avez pas,
songez-vous à acquérir, peut-être, un contrôle plus
étroit sur ce genre de choses?
M. BEAUCHEMIN: Ce médicament n'est pas donné sur
ordonnance, habituellement. C'est un médicament qui s'achète au
comptoir suivant le
choix du patient ou la recommandation du pharmacien. Pour ce qui est du
contrôle, nous avons ce qu'on appelle un code de mise en marché
qui vise différents aspects de la mise en marché. Nous
surveillons, à nos bureaux, toutes les annonces pharmaceutiques qui ont
pour but de donner les qualités d'un médicament et qui sont
publiées au Canada, dans tous les journaux médicaux et
pharmaceutiques, et nous les comparons avec ce code, qui a été
développé en collaboration avec l'Association médicale
canadienne et le directorat des aliments et drogues, dans le temps, qui a
changé de nom maintenant.
Nous avons, jusqu'ici, attiré l'attention de plusieurs de nos
compagnies sur des annonces où toutes les indications, par exemple,
n'étaient pas inscrites ou dont le goût était certainement
douteux. Nous avons toujours eu une excellente coopération de la part de
nos membres là-dessus. L'annonce s'est arrêtée
immédiatement. Evidemment, il s'agit de l'apprendre avant qu'elle ne
paraisse.
Pour ce qui est de ces annonces, non, nous n'avons pas de contrôle
là-dessus. C'est une promotion qui...
M. MARTEL: Qui n'est pas dirigée vers le médecin et ce
n'est pas pour une médication sur ordonnance.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aurais rien qu'une question, M. le Président. On a
souligné, à l'attention de la commission, que certains
médicaments pouvaient être livrés en l'absence
d'informations suffisantes. Avez-vous un code d'éthique ou d'autres
moyens ou systèmes pour être en mesure d'indiquer, avec chaque
médicament, sa composition, les dangers à le consommer ou quelque
chose comme cela?
M. MARTEL: Oui, oui. D'ailleurs, c'est une des conditions que le
gouvernement fédéral impose sous différentes formes. Toute
nouvelle médication, actuellement, doit être accompagnée
d'une description complète, qui est appelée la monographie d'un
produit. C'est le terme qu'on emploie. Il y a une description complète,
si c'est un nouveau médicament, si c'est un médicament qui a subi
les essais cliniques pour démontrer son efficacité et le fait
qu'il est sûr.
M. GUY: Merci.
M. BEAUCHEMIN: Pour ce qui est du code, si vous me permettez, M. le
Président, voici le code des principes et normes de notre association.
J'en ai des copies. Si vous êtes intéressés, elles sont
à votre disposition.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: J'ai entendu avec un peu d'éton-nement M. Martel nous
dire, tantôt, que 50 p.c. des représentants de vente et de
promotion auprès des médecins étaient des pharmaciens. Par
contre, j'ai entendu une réserve à ce qu'il disait, dans ce sens
qu'il parlait des compagnies avec lesquelles il est associé. Est-ce que
vous voulez dire que c'est l'ensemble de l'industrie ou seulement un groupe de
compagnies?
M. MARTEL: Je dois limiter ce genre de commentaires aux compagnies avec
lesquelles je travaille et que je connais.
M. BURNS: Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui peut nous donner la
réponse quant à l'ensemble des compagnies? Quelle serait la
proportion des représentants de vente et de promotion qui sont des
pharmaciens?
M. BEAUCHEMIN : Pour les 58 compagnies que nous représentons,
nous ne séparons pas ça entre pharmaciens et non-pharmaciens.
Nous séparons ça entre universitaires et non-universitaires et
nous avons à peu près la même proportion; 40 p.c. des
représentants de nos compagnies sont des universitaires.
M. BURNS: Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir combien
sont des pharmaciens. Je veux dire pas simplement un gars qui est allé
en première année de pharmacie, qui a bloqué et qui est
devenu vendeur, comme on en a vu plusieurs. C'est peut-être quelqu'un que
vous considérez comme un universitaire. Mais le gars qui commence son
cours de pharmacie et qui s'aperçoit qu'il n'est pas capable de passer
au travers souvent va se diriger vers ce domaine. Tant mieux, il gagne sa vie
honnêtement. Mais ça ne répond pas nécessairement
à ma question, à savoir combien il y a de pharmaciens qui
pourraient exercer dans une officine.
M. BEAUCHEMIN: Je ne le sais pas. Je sais que nous avons à peu
près 700 pharmaciens qui travaillent pour l'industrie. Evidemment,
ça comprend la fabrication, la vérification de la qualité,
etc. Je n'ai aucune idée de la proportion.
M. BURNS: Vous n'avez aucune statistique? Aucune autre personne à
la table ne pourrait nous dire ça, non plus.
M. MARTEL: Est-ce que je peux, tout de même, clarifier la question
un peu? Le problème qui se pose, c'est le recrutement. Les maisons qui
ont une force de vente depuis un certain nombre d'années, normalement,
auraient une plus grande proportion de pharmaciens. Depuis une dizaine
d'années, particulièrement depuis les cinq dernières
années, les
salaires, comme le doyen Braun le disait tout à l'heure, dans
l'industrie pharmaceutique pour commencer sont moindres que ce qui est offert
dans l'officine. Dans les provinces des Prairies, il y a un certain nombre de
pharmaciens qui sont disponibles, mais ils ne sont pas disponibles pour
l'industrie. C'est un problème de recrutement pour les cinq à dix
dernières années.
M. BURNS: Est-ce que vous ne trouvez pas, étant donné tout
ce qu'on a dit sur le caractère particulier des médicaments, leur
caractère dangereux, que la tendance des compagnies devrait être
normalement d'employer des pharmaciens pour remplir ces
fonctions-là?
M. MARTEL: Je suis tout à fait d'accord.
M. BURNS: Est-ce qu'il y a quelque chose qui se fait du
côté des entreprises pour attirer davantage des pharmaciens dans
ces fonctions-là? Est-ce qu'il se fait quelque chose? Si oui, qu'est-ce
que c'est?
M. MARTEL: Moi personnellement et M. Beauchemin aussi avons
collaboré avec la faculté de pharmacie de l'Université de
Montréal pour donner un cours sur la pharmacie industrielle depuis une
dizaine d'années, de façon à intéresser des jeunes
à considérer l'industrie pharmaceutique comme une
carrière.
M. BURNS: Mais vous parlez de difficultés de recrutement. Est-ce
une question de salaires qui empêche les gens de se diriger
là?
M. MARTEL: Oui.
M. BURNS: N'est-ce pas une fonction suffisamment importante pour que
vous rendiez ce poste attrayant pour les pharmaciens?
M. BEAUCHEMIN: Les salaires les plus élevés pour des
pharmaciens, c'est dans la production et la vérification de la
qualité. C'est souvent beaucoup plus intéressant pour le
pharmacien que d'être représentant médical. Cela
dépend du caractère de chacun.
Il faut dire qu'en arrière de chaque représentant
médical, pharmacien ou non, on retrouve les connaissances de
l'équipe médicale de chaque compagnie. Il arrive très
fréquemment qu'un représentant, qu'il soit pharmacien ou non, ne
puisse pas répondre à la question d'un médecin, qu'il
n'ait pas l'information nécessaire à sa disposition, mais
toujours elle est disponible au sein de la compagnie par le service
médical où un tas de médecins travaillent.
M. BURNS: Remarquez que moi-même qui suis universitaire, avec une
formation en droit, je me vois mal aller vendre des pilules à un
médecin et lui vanter les mérites de ces pilules, parce que je
n'y connais strictement rien. Même si vous nous parlez d'universitaires
qui sont dans le domaine, ça me laisse froid.
M. BEAUCHEMIN: Oui, oui.
M. MARTEL: Je crois qu'on entend des gens des sciences biologiques d'une
façon générale. Il ne faut pas oublier qu'avant que le
type soit placé dans le champ, il a reçu pendant plusieurs mois
une formation dans la maison.
M. BURNS: Sauf que ça n'en fait pas un pharmacien.
M. MARTEL: Pardon?
M. BURNS: Ça n'en fait pas un pharmacien.
M. MARTEL: Non, ça n'en fait pas un pharmacien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Je regarde le document que vous nous avez remis tout
à l'heure, les principes et normes et, notamment, on parle des normes
régissant la réclame pharmaceutique destinée aux
médecins. Est-ce que L'Association canadienne de l'industrie du
médicament a un organisme de surveillance. Vous avez des gens à
l'arrière qui ont signé, les membres; parfois c'est facile de
signer mais dans l'application c'est différent. Est-ce que vous avez un
organisme de surveillance?
M. BEAUCHEMIN: Oui. Comme je vous disais tantôt, nous avons
à nos bureaux un service qui s'occupe exclusivement de ça,
surveiller la publicité de nos membres. Ceci ne veut pas dire qu'il ne
se publiera pas une annonce une fois qui ne réponde pas tout à
fait aux normes. L'organisme de surveillance est chargé de rectifier
cela.
M. VEILLEUX: Est-ce que cet organisme de surveillance que vous
mentionnez surveille vraiment? On a eu, dans les gadgets
présentés, deux tubes faits par la même compagnie, portant
des noms différents, ayant exactement la même teneur et se vendant
à des prix différents. Un tube était d'une couleur
différente, c'était plus regardable, alors ça se vendait
plus cher.
Est-ce que votre organisme surveille ces choses-là pour les
membres?
M. BEAUCHEMIN: J'étais ici, j'ai vu un des tubes, il me semblait
que c'était du nupercaihal. Mais, l'autre tube, je n'ai pas pu voir de
quoi il s'agissait.
M. VEILLEUX: Je les ai placés en haut dans mon bureau, j'ai
oublié de les descendre.
M. BEAUCHEMIN: Nupercaïnal et Bradosol sont fabriqués
par...
M. VEILLEUX: Bradosol.
M. MARTEL: On me dit que ce n'est pas la même compagnie.
M. VEILLEUX: Je ne sais pas, ça me fait penser je vous
demande ce que vous en pensez un peu aux sortes de savon qu'on vend
à la télévision. On appuie beaucoup plus sur la serviette
à l'intérieur que sur le produit. Parfois certaines compagnies,
pour certains produits, peuvent appuyer plus sur les gadgets que sur le produit
lui-même.
M. MARTEL: Pour en revenir aux gadgets, je pense bien que vous me
permettrez, M. le Président, de faire peut-être un commentaire
là-dessus. Après une longue observation sur la question des
gadgets, j'en suis venu à la conclusion que les gadgets ne vendent rien.
Pour un gadget qui n'est pas utile dans la pratique de la médecine ou de
la pharmacie, ça ne vaut pas la peine.
M. VEILLEUX: A ce moment-là, est-ce que ce ne serait pas mieux de
vous entendre entre les membres pour avoir une espèce de code sur les
gadgets? Vous pourriez dire: On ne fait plus de gadget, c'est le produit qu'on
explique. Parfois les gadgets ça peut servir à différentes
choses, notamment en termes de publicité dans certains rapports.
M. BEAUCHEMIN: A toutes fins pratiques les gadgets ne sont à peu
près plus employés. Ça représente d'ailleurs un
chiffre infime. L'échantillonnage et les gadgets, je crois que c'est 1.1
p.c. des ventes, quelque chose comme ça. Pas des ventes, de
l'annonce.
M. VEILLEUX: Les industries du médicament, est-ce qu'ils sont
tous membres de cet organisme et dans quelle proportion?
M. BEAUCHEMIN: Tout dépend de la définition de fabricant.
Suivant la Loi des aliments et drogues à Ottawa est
réputée fabricant toute personne qui appose son nom sur un
produit. A ce titre-là, il y en a environ 1,200 au Canada. Pour la
plupart, c'est très régional. Il y a même des pharmacies
qui ont des préparations à elles; elles sont
réputées fabricants. Elles distribuent seulement dans leur
environnement. En général, des compagnies qui fabriquent au
Canada, il y en a une centaine, 120 peut-être, et nous en
représentons 58.
M. VEILLEUX: Est-ce que les 58 ont signé ça ou s'il y en a
qui n'ont pas voulu signer?
M. BEAUCHEMIN: C'est une condition d'adhésion à
l'association.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir de M.
Martel où il a pris les statistiques qu'il nous a communiquées
dans le cours de ses remarques lorsqu'il a mentionné par exemple que la
consommation per capita de médicaments aux Etats-Unis était de
$21, en Angleterre à peu près quatre fois plus que ce qui se
consomme au Canada, cette consommation canadienne étant de l'ordre de
$16 ou $18 per capita?
Sans nous chloroformer, cela nous a quelque peu surpris. Y aurait-il
possibilité de connaître la source de vos statistiques? C'est
contrôlé par qui et quels sont les critères qui servent de
base à l'établissement, au calcul de ces statistiques?
M. MARTEL: Une correction. J'ai dit qu'en Angleterre la population
était à peu près le double de celle du Canada et que le
marché est à peu près quatre fois celui du Canada, donc la
consommation serait à peu près le double. Pour ce qui est du
marché, la grandeur du marché, je crois que ce sont des chiffres
qui se rapportent à 1970.
Il existe dans le monde entier ou dans les pays les plus
évolués, c'est-à-dire l'Amérique du Nord, certains
pays de l'Amérique du Sud, l'Europe, un service qui permet de mesurer
avec une précision de 5 p.c. à 10 p.c. la grandeur totale du
marché et avec une précision de 20 p.c. à 25 p.c. les
ventes d'un produit individuellement. C'est une compagnie internationale qui
est établie dans la grande majorité des pays et qui fait une
étude de statistiques mensuelles sur les ventes au niveau des achats des
pharmacies et très souvent dans les hôpitaux. Au Canada, on a les
achats des pharmacies et les achats des hôpitaux. Il est assez facile de
reprendre ces informations qui viennent de IMS, International Marketing
Services et, DK & K, Davie, Killing and... je ne me souviens pas du
troisième nom compagnies qui nous donnent le total des ventes sur
le marché d'Europe.
M. PAUL: Maintenant, l'échantillonnage se fait chez combien de
pharmaciens, par exemple, au Canada ou au Québec?
M. MARTEL: Les échantillons sont normalement offerts aux
médecins.
M. PAUL: Je parle de l'échantillonnage pour
l'établissement des statistiques.
M. MARTEL: Oui, l'échantillonnage. C'est entre 120 et 150
pharmacies au Canada, à peu près 200 pharmacies.
M. PAUL: Au Canada? M. MARTEL: Au Canada.
M. PAUL: Alors qu'il y aurait au Québec, si les informations qui
nous ont été données sont exactes quand je les retiens,
environ 900 pharmaciens au Québec.
M. MARTEL: Le nombre de pharmacies, je ne pourrais pas vous le dire. Il
y a 5,000 pharmacies au Canada.
M. PAUL: Propriétaires de pharmacie.
M. MARTEL: Il y a peut-être de 1,000 à 1,200 pharmacies au
Québec.
M. PAUL: Est-ce que votre association, dite canadienne, de l'industrie
du médicament a ses propres statistiques elle aussi?
M. BEAUCHEMIN: Oui, nous recueillons des statistiques aussi et c'est
comme cela qu'on peut voir assez bien l'exactitude des sondages faits par les
compagnies que M. Martel a mentionnées. Les statistiques de consommation
correspondent, à la fin de l'année, à nos ventes ou aux
ventes projetées avec les compagnies qui ne se rapportent pas à
nous. On peut vérifier. Enfin, c'est dans le champ.
M. MARTEL: C'est cela, nous faisons un rappel de nos ventes contre leurs
statistiques.
M. BEAUCHEMIN: Oui, nous recueillons les statistiques
mentionnées.
M. MARTEL: C'est pour cela qu'on peut même vous citer l'ordre de
grandeur des erreurs.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption.
M. PERREAULT: Ce matin, les doyens des facultés de Laval et de
Montréal nous ont parlé de la préparation des pharmaciens
qui sont des professionnels de la santé. On nous a aussi dit l'autre
jour que chez les pharmaciens on consacrait trois fois plus de temps à
l'étude des médicaments et drogues que dans le cours de
médecine.
Je vous pose la question suivante: Puisque vous adressez votre
publicité surtout aux médecins, est-ce que les pharmaciens ne
sont pas plus en mesure de comprendre le diagnostic thérapeutique des
médecins? Deuxièmement, est-ce que les pharmaciens ne sont pas
plus en mesure d'analyser les actions secondaires des produits ajoutés
aux éléments actifs, les actions secondaires des produits
secondaires ajoutés aux éléments actifs dans certains
produits?
Troisièmement, M. Murphy a parlé des différentes
qualités chimiques des produits; stabilité sur les tablettes,
concentration sanguine, temps d'absorption. Je vous pose la question: Est-ce
que ça ne relève pas plutôt d'une spécialité
chimique que de la médecine?
M. BEAUCHEMIN: Il y a une question de fait à l'heure actuelle,
c'est que c'est le médecin qui prescrit le médicament pour son
patient. Le patient va voir le médecin qui choisit le médicament
qu'il juge le plus approprié.
M. PERREAULT: C'est la situation actuelle, mais je vous pose la
question: Si le médecin établissait un diagnostic
thérapeutique, est-ce que le pharmacien ne pourrait pas
déterminer le produit nécessaire à l'action
thérapeutique?
M. MARTEL: Je crois qu'un médecin pourrait mieux répondre
à cette question. Vous verriez-vous, docteur Murphy, faire le diagnostic
et demander au pharmacien de prescrire le médicament?
M. MURPHY: Non parce que, même si peut-être le pharmacien
connaît un peu plus de détails en ce qui concerne les
propriétés galéniques d'un médicament, il incombe
toujours au médecin d'être au courant des indications pour un
médicament donné et de ses effets secondaires dans les
résultats qu'il recherche lui-même dans un traitement. Cela, c'est
vraiment en dehors de la discipline de la pharmacie.
Qu'il y ait une collaboration entre les deux, comme on le voit de plus
en plus dans les hôpitaux, d'accord, mais c'est vraiment en premier lieu,
à mon avis, le médecin qui doit faire le choix.
M. PERREAULT: Est-ce qu'à votre avis les médecins ont
suffisamment de temps à consacrer à l'étude des tests et
des recherches qui se font sur les médicaments?
M. MURPHY: Les bons médecins le font. Ils se renseignent
grâce à des publications, auprès de leurs confrères
et en examinant les résultats des investigations que leurs
confrères ont pu faire, etc.
M. PERREAULT: Dans votre optique, quel serait le pourcentage des
médecins qui connaissent le nom générique des produits
pharmaceutiques?
M. MURPHY: Pas la majorité; je ne pourrais pas donner un
chiffre.
M. MARTEL: On a publié, il y a quelques années, dans le
journal de l'Association médicale canadienne, un article qui
démontrait que les médecins connaissent le nom
générique dans l'ordre d'à peu près 50 p.c. Aussi,
ils ne connaissent le nom de la maison que dans l'ordre d'environ 30 p.c. Ils
connaissent la drogue, mais ils ne connaissent ni le nom
générique, ni le nom du fabricant.
M. PERREAULT: Ils connaissent surtout la marque de commerce de la
drogue.
M. MARTEL : Ils connaissent le nom de la drogue qu'ils utilisent.
Maintenant, vous savez très bien que les médecins utilisent un
nombre assez restreint, individuellement, de médicaments qu'ils
connaissent.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aurais une question à ajouter à celles que j'ai
déjà posées. Lors de l'étude d'une autre
législation, des personnes ont soulevé, à une commission
parlementaire, la différence marquée entre le prix d'un produit
vendu par une pharmacie ou par une autre pharmacie. J'aimerais savoir de votre
part si le prix que paient les pharmaciens chez vous pour obtenir un produit
quelconque est le même à peu près partout, si on fait
exception de la quantité.
M. MARTEL: C'est la loi. Il faut que les clients qui sont concurrents
soient soumis aux mêmes conditions de vente. C'est la loi
fédérale.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Une autre question?
M. VEILLEUX: Si vous me permettez une demi-minute.
M. PAUL: Encore une question sur le savon?
M. VEILLEUX: Non, mais ça ressemble un peu au savon. Il y a des
exemples qu'on nous a mentionnés qui me reviennent tout à coup.
Il y a je ne sais pas des Vicks formule ordinaire et la formule
44. Des gens nous ont dit que c'était, sinon la même chose,
pratiquement la même chose. Or, un produit se vendait plus cher que
l'autre parce que c'était écrit "formule 44" dessus. Avez-vous
quelque chose à dire là-dessus?
M. BEAUCHEMIN: Ce sont ce qu'on appelle des "over the counter drugs",
des produits qui sont vendus à peu près par n'importe qui. Nous
ne représentons pas ces compagnies, quoique la compagnie Vicks soit
associée à la compagnie Merrell que nous représentons,
mais exclusivement pour des médicaments vendus par les pharmaciens,
réservés aux pharmaciens et habituellement sur ordonnance.
M. VEILLEUX: Chez vous, les 58 compagnies ne font pas de choses comme
ça?
M. BEAUCHEMIN: Pas Vicks, en tout cas.
M. VEILLEUX: Il y a 120 compagnies, alors il en reste 70 que vous ne
contrôlez pas.
M. BEAUCHEMIN: Sur les médicaments à ordonnance, il n'est
pas éthique, d'ailleurs ça ne s'est jamais fait, d'employer des
noms inventés pour caractériser les substances chimiques connues.
C'est contraire à la Loi des aliments et drogues.
M. VEILLEUX: Je l'espère.
M. LE PRESIDENT: Le ministre a un commentaire.
M. CASTONGUAY: Avant de terminer, étant donné qu'il a
été question du niveau de consommation de médicaments au
Canada, au Québec, dans d'autres pays, je voudrais simplement apporter
d'autres données qui montrent qu'il y a un problème
sérieux. Ce sont des données qui ont été
recueillies sur une base scientifique qui porte sur l'augmentation de la
dépense de médicaments, de septembre à décembre
1971, par une catégorie bien identifiée de personnes, les
bénéficiaires de l'aide sociale, sur l'île de
Montréal. On voit que, par bureau d'aide sociale, dans aucun cas, il n'y
a eu diminution. Les augmentations varient de 7 p.c. jusqu'à 900 p.c.
dans une période de quatre mois. C'est une étude qui a
été faite en dehors du ministère sans, encore une fois,
que ce soit nous, comme ministère, qui ayons délimité la
méthodologie ou la façon d'aborder l'étude ou de
l'exécuter ou de choisir les chercheurs. En tant que ministère,
nous n'avons pas touché, d'aucune façon, à la forme
d'étude ni au choix des chercheurs. Ce sont des statistiques que je cite
et je pourrais, au besoin, en citer d'autres. Je les cite parce que, à
mon avis, je l'ai mentionné mardi, il y a un problème
extrêmement sérieux d'augmentation dans la consommation des
médicaments. Malgré les chiffres qui ont été
cités ici pour rassurer, il n'en demeure pas moins que des
données comme celles-ci sont très inquiétantes, à
mon avis.
M. LE PRESIDENT: Merci. Est-ce que vous voulez répondre?
M. CASTONGUAY: C'est un commentaire seulement. De temps à autre,
au cours de nos séances, j'apporte de l'information de la façon
la plus objective possible.
M. GUAY: M. le Président, comme information
supplémentaire, est-ce que le ministre pourrait nous dire par qui
l'étude a été menée?
M. CASTONGUAY: Je pourrai donner tous ces renseignements avec grand
plaisir.
M. BEAUCHEMIN: Vous nous permettrez sans doute de vous envoyer
l'état de l'augmentation du marché?
M. CASTONGUAY: Certainement, avec grand plaisir.
M. MARTEL: J'aurais un commentaire, si vous me le permettez. Ce genre
d'augmentation se remarque probablement dans un secteur particulier de la
population?
M. CASTONGUAY: Il s'agit ici d'un programme qui a été mis
en vigueur le 1er novembre 1970, l'étude porte sur septembre 1971
à décembre 1971.
M. MARTEL: Ce sont les assistés sociaux.
M. CASTONGUAY: Oui, mais il y a une limite à ce qu'on peut leur
fournir. On va venir à les tuer, à ce rythme-là.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs. Je vais vous souhaiter bon voyage en
Europe.
Me Laflamme. Je cède maintenant la parole aux aides-pharmaciens
représentés par Me Ovide Laflamme, procureur et
représentant.
Association des aides-pharmaciens
M. LAFLAMME: M. le Président, je représente ici
l'Association des aides-pharmaciens qui est, en soi, une association bona fide
qui représente tout de même, à travers la province, environ
1,200 membres. Nous étions déjà venus comparaître
devant la commission parlementaire au mois de mars 1971 lors de l'étude
du projet de loi 69 sur l'assurance-maladie.
A cette époque, M. le Président, nous avions, à
l'exposé de notre mémoire, reçu des commentaires.
J'attire l'attention des membres de cette commission tout
particulièrement sur la page B-669 du journal des Débats de la
Législature, le 11 mars 1971. A l'analyse de notre mémoire,
l'honorable ministre des Affaires sociales avait déclaré: "...
après cet exposé de Me Laflamme, exposé au cours duquel
nous avons été en mesure de juger de sa compétence
passons pour ça dans la défense d'une bonne cause."
Or, l'honorable ministre continuait en exposant la
nécessité d'une refonte des lois relatives aux corporations
professionnelles. Cette remarque du ministre et la réception que nous
avions reçue à ce moment-là avaient créé
chez nos membres beaucoup d'espoirs à l'effet que, dans une refonte
éventuelle de la Loi de pharmacie, il y aurait possibilité
d'avoir enfin et une fois pour toutes un statut juridique pour les
aides-pharmaciens qui oeuvrent dans la province de Québec, dans les
pharmacies d'officine particulièrement.
Malheureusement, lorsque le projet de loi 255 a été
déposé, incluant le projet de loi 250, et à la lecture du
projet de loi 255 sur la pharmacie, nous avons tout de même pu remarquer
et noter que nulle part il n'était question des 1,200 aides-pharmaciens
dans la province, bien que nous remarquions qu'il s'agissait d'un projet de
loi. A plusieurs reprises l'honorable ministre des Affaires sociales l'a
déclaré, c'était un projet. La possibilité de
présenter des mémoires et de venir faire valoir des opinions
devant votre commission était ouverte. De fait, nous sommes ici
aujourd'hui, bien confiants qu'à travers les délibérations
il y aura possibilité, enfin, de régler juridiquement le
problème qui confronte les gens que nous représentons.
Nous n'avons pas l'intention de discourir bien longuement et de faire
l'histoire du développement de la vente en officine de produits
pharmaceutiques. Toutefois je voudrais rappeler aux membres que depuis que nous
sommes ici, c'est-à-dire mardi, nous avons entendu nombre de
mémoires. Il a semblé acquis dans notre esprit que les
pharmaciens licenciés, qui nous enploient, disent ou ont du moins
reconnu, dans des termes assez clairs et assez évidents, que la
formation pédagogique qu'ils avaient reçue à
l'université n'avait aucune compatibilité avec les qualifications
nécessaires pour la vente, à l'heure actuelle, en officine de
produits pharmaceutiques sous ordonnances, tant et si bien que les pharmaciens
ont dit qu'ils voulaient participer à l'exercice ou à la
préparation de l'ordonnance médicale. A ce moment-là, nous
nous posons la question et ce n'est pas là notre point de vue: Est-ce
que, oui ou non, votre commission a l'intention de confier au pharmacien la
possibilité juridique d'effectuer un acte médical,
particulièrement sa participation dans l'ordonnance médicale?
Veut-on conserver aux médecins cette priorité ou ce droit qui
engendre, évidemment, une responsabilité importante? A ce
moment-là nous répétons ce que déjà
François Lacasse, qui a été chargé de faire une
enquête, a déclaré. Egalement nous faisons nôtres les
vues qui ont été élaborées par un comité qui
a été constitué par le ministère de la
Main-d'Oeuvre du Québec et qui a fait rapport au ministre du Travail,
particulièrement et précisément sur la confusion qui
existe à l'heure actuelle chez les employés qui sont les
aides-pharmaciens travaillant dans les pharmacies d'officine et l'article 21 de
la Loi de pharmacie du Québec.
Ce que, M. le Président, nous voulons développer ici
devant vous, c'est qu'en 1967, le Collège des pharmaciens a subitement
décidé de tenter de mettre en pratique l'article 21 de la Loi de
pharmacie, chapitre 255 des Statuts du Québec, qui dit qu'aucune
ordonnance médicale ne peut être remplie et livrée sans la
présence physique d'un pharmacien.
Il y a eu des poursuites, évidemment. A compter de ce
moment-là, il y a eu aussi la réaction des aides-pharmaciens qui
oeuvrent depuis de nombreuses années et qui, dans les faits, remplissent
depuis dix ans, depuis quinze ans... Il y en a ici, à cette table, qui
remplissent des ordonnances depuis 35 ans sans la présence d'un
pharmacien. Ces gens, évidemment, se trouvaient, par suite de cette
tentative de vouloir appliquer une loi, et se trouvent encore, à l'heure
actuelle, dans une situation pour le moins désordonnée.
Or, ce que nous disons je fais appel, tout simplement, à
la compréhension des membres de cette commission c'est que le
rapport Mireault, qui a déjà été
déposé mais qui n'a pas été publié... Je
demande à l'honorable ministre, étant donné que j'ai pu
m'en procurer une copie, s'il est permis qu'il soit distribué parmi les
membres de la commission. S'il est permis qu'il soit distribué parmi les
membres de la commission, je pense qu'il s'agit là du rapport
d'une commission complètement indépendante qui a
étudié notre problème et qui a fait des recommandations
sur lesquelles nous sommes à 95 p.c. d'accord.
Ce que nous voulons particulièrement et
précisément, sans vouloir faire des allusions
désobligeantes ou malveillantes, c'est qu'en conformité avec ce
qui a déjà été dit ici par les pharmaciens
licenciés, et il est vrai que pour la livraison sur ordonnance
médicale de produits dans des pharmacies d'officine, les exigences
pédagogiques de la législation qui existe, à l'heure
actuelle, sont disproportionnées par rapport aux besoins... Il n'est pas
question du tout, à ce moment-là, de soulever la question de
l'intérêt public parce que, dans les faits, les 1,200 membres de
l'Association des aides-pharmaciens agissent, livrant sur ordonnance des
produits pharmaceutiques. En fait, dans au moins 75 p.c. des pharmacies
d'officine de la province, les aides-pharmaciens sont ceux qui remplissent,
dans la plupart des cas, le plus d'ordonnances médicales, qui livrent le
plus de produits pharmaceutiques.
Sans citer de noms, je voudrais simplement vous donner des exemples et
des chiffres. Si l'on mettait à l'oeuvre tous les pharmaciens
licenciés, à l'heure actuelle, qui travaillent à
l'intérieur des pharmacies d'officine et dans les hôpitaux, il
faudrait en conclure, M. le Président, et ce sont des chiffres
essentiellement conservateurs parce que nous nous sommes basés sur
à peu près 30 millions d'ordonnances médicales en 1971.
Nous savons qu'il y en a plus. Comme l'honorable ministre vient de faire
allusion à une augmentation considérable, depuis l'application du
programme des assistés sociaux, il y a beaucoup de 30 millions
d'ordonnances par année. Si vous appliquez à cela les chiffres
des pharmaciens qui sont en service, vous en arrivez à une situation
que, sans faire absolument rien d'autre, les pharmaciens licenciés
devront travailler dans les pharmacies plus de 49 heures par semaine, sans
faire absolument rien d'autre que de remplir des ordonnances. Même pas
répondre au téléphone, même pas s'occuper
d'administration.
Dans les faits, cela démontre je pense que vous le savez
tous que parmi les 1,200 membres que nous représentons, il y en a
qui, par l'expérience, ont acquis non seulement la compétence
mais aussi les connaissances suffisantes pour pouvoir interpréter une
ordonnance.
Evidemment, j'ai été extrêmement
étonné, M. le ministre, d'entendre ce matin le doyen de la
faculté dire qu'il n'y avait que 10 p.c. d'étudiants en pharmacie
qui se dirigeaient vers la recherche.
Si l'on fait état des connaissances nécessaires et
requises pour agir comme pharmacien d'officine, je dis qu'il est simplement
déplorable que l'on puisse pendant quatre années faire des
études en pharmacologie et en venir à effectuer de la vente d'un
produit pharmaceutique.
Pour éclairer le problème sous un autre angle, les
pharmaciens vous arrivent et disent: Nous voulons participer à
l'ordonnance. Nous voulons entretenir le contact avec le patient. Ecoutez, bien
sincèrement, ça ça ne tient pas. Habituellement ce n'est
pas le patient lui-même qui va chercher le médicament à la
pharmacie. Deuxièmement, le rapport thérapeutique pour le
médicament qui a été prescrit, ce n'est pas le pharmacien
qui le reçoit, c'est le médecin.
Alors, lorsque l'on parle de ce contact humain, dans la plupart des cas
le pharmacien on ne le voit pas lorsque l'on va dans une pharmacie chercher le
médicament.
Je voulais attirer votre attention sur le rapport Mireault, qui a,
à mon point de vue, une valeur importante parce qu'il a
été fait par des officiers du ministère de la
Main-d'oeuvre essentiellement indépendants. Ils ont fait des recherches
constructives, des recommandations sur lesquelles, je le répète,
nous sommes à 95 p.c. d'accord.
Nous en sommes arrivés, à l'analyse du bill 255, à
proposer une recommandation. Nous l'avons fait dans notre mémoire. Nous
n'avons pas l'intention de répéter ce qui y est inclus. Mais nous
voudrions qu'à l'article 16 on ne demande pas le diplôme de
pharmacien, qui est donné par le Collège des pharmaciens à
des gens qui ont reçu une formation universitaire. D'abord l'article 21
devrait être aboli immédiatement, il ne faudrait pas attendre
l'étude de tous les mémoires de toutes les corporations
professionnelles, sur tous les projets de loi des corporations
professionnelles. La tentative de vouloir mettre en application l'article 21 de
la loi qui existe à l'heure actuelle crée un conflit
considérable, place environ 1,200 employés à travers la
province, qui rendent un service adéquat, dans une situation
intolérable. En même temps cela place aussi les pharmaciens
licenciés qui les emploient dans une situation totalement fausse.
Ce que nous disons, c'est que l'article 16 du projet de loi devrait
être amendé de façon que les aides-pharmaciens puissent
continuer leur travail, continuer à délivrer des
médicaments sous ordonnance dans les officines, sous la
responsabilité d'un pharmacien licencié.
En disant sous la responsabilité d'un pharmacien licencié,
cela implique nécessairement nous le disons de la même
manière que le rapport Mireault l'a fait que tous les
aides-pharmaciens ayant servi pendant au moins dix ans continus chez un
pharmacien licencié, dans la vente sur ordonnance de produits
pharmaceutiques, devraient recevoir le droit de continuer à effectuer le
même travail sous la responsabilité d'un pharmacien.
Si l'on ne dit pas uniquement sous la responsabilité d'un
pharmacien, l'on va encore perpétuer dans les faits une situation qui
est totalement fausse. Plutôt que de continuer à
répéter des choses qui vons ont déjà
été dites, nous voudrions cependant vous faire savoir que
vous êtes le tribunal de dernier ressort et qu'il existe chez ces
employés, à l'heure actuelle, un état d'urgence. Et aussi
il existe le bon sens. C'est qu'en même temps que le Collège des
pharmaciens tente de faire appliquer chez ses membres l'article 21 ce sont ses
membres qui nous emploient pour livrer des médicaments.
Dans la ville de Montréal, par exemple, je pourrais vous dire
qu'il y a des pharmacies qui remplissent 600 ordonnances par jour et il n'y a
qu'un pharmacien licencié. Les expertises et les données qui nous
sont fournies démontrent que ça prend au moins 10 à 15
minutes pour véritablement remplir une ordonnance. Ceci signifie tout
simplement que dans les faits nos gens agissent et ils n'ont jamais ou
à peu près commis d'erreur. Sur le tableau des erreurs
dans la dispensation de produits pharmaceutiques sur ordonnance
médicale, dans trois cas l'erreur fut faite par des pharmaciens
licenciés. La seule erreur qui a été faite à
Montréal, il y a quelques années, le fut par un aide-pharmacien
et ce ne fut pas une erreur grave.
Nous disons tout simplement qu'il est temps de corriger un état
de fait et nous voudrions que la Loi de pharmacie soit en priorité
analysée par votre commission de façon à faire
disparaître complètement cette anomalie qui existe par
l'application de l'article 21 qui n'a à peu près jamais
été mis en pratique et qui, dans les faits, est continuellement
violé par tous ceux qui sont ici et par 75 p.c. des pharmaciens
d'officine, des pharmaciens propriétaires.
Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: Je voudrais d'abord vous remercier pour ce
mémoire.
En ce qui a trait au rapport Mireault, nous allons communiquer avec le
ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre pour demander des
exemplaires de ce mémoire, et selon la réponse, pour ma part je
n'ai aucune objection à ce que ce rapport soit distribué aux
membres de la commission. De toute façon j'ai demandé qu'on
communique avec le ministère afin d'obtenir des exemplaires pour
l'information des membres de la commission.
La situation que vous nous décrivez démontre, je pense
bien, encore une fois, la nécessité d'une mise à jour des
lois touchant un bon nombre, sinon toutes, de corporations professionnelles.
J'aimerais toutefois, à l'occasion de cet échange, que vous nous
disiez, à votre avis, qui souffre le plus de la situation
présente. Est-ce que c'est la population? Est-ce que ce sont les
aides-pharmaciens? En plus de l'aspect de légaliser la situation par le
type d'amendements que vous proposez, dans les faits qu'est-ce qu'une telle
modification pourrait avoir comme effets en ce qui a trait aux
aides-pharmaciens eux-mêmes?
Il y a là un ensemble de questions qui est assez...
M. LAFLAMME: Je comprends, M. le ministre. Il s'agit, en fait,
fondamentalement, de tout le point. Dans les relations humaines des
aides-pharmaciens, particulièrement à l'heure actuelle,
vis-à-vis de leur propriétaire. Evidemment ils sont leurs
employés depuis de nombreuses années, mais vis-à-vis des
conditions de travail, c'est toujours une chose qui peut se discuter. Le
pharmacien licencié peut toujours dire à son aide: Je pourrais
peut-être te donner une augmentation de salaire mais je n'ai pas le
droit, dans les faits, de t'embaucher. Ensuite, le pharmacien lui-même,
vis-à-vis du collège, est toujours dans un état
d'inquiétude à savoir s'il sera poursuivi parce que l'article 21
de la loi est là. Alors ça crée des complications pour
tout le monde et ça crée un état tel que nos gens, nos
membres, n'ont aucun statut juridique, ni légal, face à leur
patron. Et c'est une situation que je considère nettement
intolérable. Ils sont efficaces puisqu'ils sont là depuis de
nombreuses années, qu'ils remplissent les ordonnances, qu'ils livrent la
médication, qu'ils ne font pas d'erreurs et qu'ils agissent à la
satisfaction de leur employeur qui est un pharmacien licencié.
Je pourrais vous citer des cas, ce serait simplement prolonger le
débat. Mais la situation qui est créée par cette
contradiction démontre, dans les faits, justement les
conséquences désastreuses de la loi pour les membres qui sont les
aides-pharmaciens, qui n'ont pas de statut juridique, qui n'ont même pas
de statut professionnel leur permettant, dans certains cas, de négocier
des conditions de travail normales et valables parce qu'ils peuvent toujours
être congédiés demain. Si le Collège des
pharmaciens, demain disons, dans une pharmacie donnée où il y a
deux ou trois aides-pharmaciens ou quatre aides-pharmaciens, prend trois
poursuites, l'une après l'autre, en trois mois, le pharmacien va perdre
sa licence et les aides-pharmaciens vont perdre leur emploi. Cela crée
ce genre de situation qui, nettement, n'a rien à voir avec la
sécurité du public.
M. CASTONGUAY: Une dernière question: Comment, dans les faits,
l'application plus rigide de l'article 21 par le collège s'est-elle
effectuée? Est-ce que ç'a donné lieu à des
fermetures arbitraires, au maintien...
M. LAFLAMME: Il y a eu ce que nous appelons, par le Collège des
pharmaciens, l'opération 21, qui a effectué environ 300 à
400 poursuites.
Je vous donne des chiffres sous réserve; pour moi, c'est du
oui-dire, je n'ai pas fait la vérification personnellement. En
réalité, on se poursuit soi-même, dans bien des cas. Soyons
honnêtes, soyons logiques et regardons les faits en face. De toute
façon, la première conséquence de ces poursuites est
l'amende; c'est le comité de discipline, ensuite, c'est l'autre
comité et, après, c'est la suspension de la licence.
Des poursuites ont été intentées depuis 1967 et,
là, les pharmaciens salariés ont dit devant
vous: Nous voulons que l'article 21 soit appliqué. Je comprends
bien! Prenez les pharmaciens salariés, faites-leur remplir les 30
millions d'ordonnances et voyez dans quelle situation ils vont être pour
négocier leurs conditions de travail avec le pharmacien
propriétaire. C'est assez facile à concevoir et à
comprendre. J'aurais préféré, M. le ministre, que l'on
nous dise que nous ne sommes pas compétents dans le travail que nous
faisons, plutôt que de dire: Nous voulons remplir l'ordonnance
médicale que le médecin a le pouvoir de faire.
Nous ne sommes pas tellement exigeants même si plusieurs d'entre
nous enseignent dans des pharmacies aux aides-pharmaciens qui sortent des
universités la façon d'exécuter une ordonnance, de la
déchiffrer et d'étudier le catalogage, les contre-indications qui
sont toutes données dans des catalogues. Ce sont nos gens qui font
cela.
Aujourd'hui, il y a un député qui a posé une
question. J'y reviens, je m'excuse. Lorsqu'on a posé la question sur le
nombre d'ordonnances magistrales qui étaient données on a dit:
00365 Cela comprend, à moins que je ne m'abuse, les ordonnances
magistrales que le pharmacien demande d'effectuer au laboratoire de
préparations médicinales. Vous pouvez interroger les gens qui
sont ici, ils travaillent dans des pharmacies depuis de nombreuses
années. Il ne s'en fait plus d'ordonnances magistrales. Lorsqu'il s'en
faisait, c'était eux qui les faisaient.
Aujourd'hui, la sécurité du public est assurée.
Quant à la question de la juridiction, donnez-nous le pouvoir d'exercer
ce que nous accomplissons présentement et conservez au pharmacien
licencié, puisque nous reconnaissons qu'il a une compétence
pédagogique dépassant les besoins de la fonction du pharmacien
d'officine, la responsabilité de cet individu. Ainsi, étant sous
sa responsabilité, le pharmacien d'officine, qui est propriétaire
d'une pharmacie, lorsqu'il engagera ou emploiera quelqu'un, aura le souci de
reconnaître qu'il a cette compétence; il aura cet
entraînement. L'expérience de dix ans que nous nous imposons
à nous-mêmes d'acquérir à l'intérieur d'une
pharmacie d'officine est une garantie, à notre sens, absolue de la
sécurité du public. Dans les circonstances, nous espérons
que, conscients du problème, vous nous aiderez à le
résoudre. A ce moment-là, nous nous plaçons à peu
près dans le même sens au point de vue juridique que les pouvoirs
que vous accordez dans la Loi d'incorporation des infirmières, alors que
vous leur accordez certains pouvoirs, dans un hôpital, sous la
responsabilité d'un médecin c'est l'expression
d'accomplir ce qui peut être techniquement considéré comme
un acte médical.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Me Laflam- me, vous plaidez votre cause au
moins pour la deuxième fois devant la commission parlementaire des
Affaires sociales. Vous le faites avec brio et avec patience. Avec les
gouvernements, il faut être patient; vous en savez quelque chose, Me
Laflamme. On aura peut-être même le temps de voter encore une fois
avant que tous ces problèmes soient réglés. Je parle de
voter encore une fois sur le plan fédéral parce que, si
c'était sur le plan provincial, ce serait un peu long pour avoir la
réponse. Vous auriez le temps de revenir encore devant la commission
parlementaire. Vous avez parlé, dans votre mémoire, du
Collège des pharmaciens.
Vous n'avez pas été violent, vous avez dit: "Il semblerait
que le Collège des pharmaciens en tant que tel s'oppose à nos
revendications pendant que les membres du Collège des pharmaciens ont
requis, depuis de nombreuses années et continuent de requérir les
services de nos membres pour, dans les faits, effectuer la vente sur ordonnance
des produits pharmaceutiques". C'est ce que vous venez de nous
démontrer. Est-ce qu'il y a eu, du côté de l'organisme que
vous représentez et du Collège des pharmaciens, depuis
l'application de l'article 21, en 1967, d'autres discussions ou d'autres
rencontres pour tenter de régler la situation?
M. LAFLAMME: Nous avons, en ce qui nous concerne, M. Cloutier, à
plusieurs reprises tenté une approche et c'est un peu un langage de
sourds. M. Mireault et M. Bélanger, dans leur rapport, disent que
l'approche est impossible dans le sens que... Enfin, nous avons tenté
cette approche sans succès.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce sont les conclusions du rapport Mireault,
mais de toute façon le ministre a dit tantôt que nous pourrions,
à un moment donné, en prendre connaissance. Non, il n'est pas
publié, mais j'imagine que nous en prendrons connaissance.
M. CASTONGUAY: Comme je l'ai dit, je n'ai aucune objection. Je ne
connais pas le contenu du rapport. Est-ce que le ministre du Travail aurait des
objections? J'en douterais mais, de toute façon, je ne peux pas prendre
l'engagement pour lui de le rendre public.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, il semble bien que votre
présentation et les représentations qui ont été
faites par les pharmaciens d'une façon générale tendraient
à élever d'un cran les pharmaciens, d'abord parce qu'ils
acquerraient un statut davantage professionnel, leur temps étant
consacré davantage à poser des actes professionnels, même
à participer au diagnostic. D'autre part, votre groupe, le groupe que
vous représentez, poserait légalement les actes qu'il pose depuis
de nombreuses années comme groupe. Est-ce que ce serait là
élever d'un...
M. LAFLAMME: C'est-à-dire que nous ne voulons pas pousser les
autres, mais nous voulons reconnaître ce que M. Larocque, qui
représente les pharmaciens propriétaires, a dit devant vous:
c'est le fait qu'ils étaient capables de faire autre chose que ce qui se
fait dans les pharmacies d'officine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'à votre connaissance ce
problème a été discuté lors de la
négociation avec le ministère des Affaires sociales, dans le
cadre de la loi 69, la convention collective, l'entente pour la distribution
des médicaments? Ce problème a-t-il été posé
par M. La Rocque?
M. LAFLAMME: Un mémoire a été soumis lors de
l'étude du projet de loi 69 par notre groupement. Justement, à ce
moment-là, M. Castonguay nous avait assuré qu'il était
nécessaire de faire une refonte en profondeur des diverses lois
régissant les corporations professionnelles.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y a encore du recrutement de vos
effectifs ou si vous restez stationnaires à 1,200? Est-ce qu'à
partir de 1967, il y en a d'autres qui ont quitté les rangs de
l'association pour s'en aller chercher du travail ailleurs et est-ce qu'il y en
a qui sont entrés dans le groupe que vous représentez?
M. LAFLAMME: Il y en a qui quittent. Pour le moment, disons dans les
cinq dernières années, le groupe de 1,200 est assez stationnaire.
Si nous parlons, pour donner une précision en chiffres, par voie de
conséquence, de la reconnaissance du droit de livrer les
médicaments sur ordonnance dans les pharmacies d'officine par nos
membres ayant dix ans et plus d'expérience continue au service d'un
pharmacien licencié, cela représente entre 400 et 450 de nos
membres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Qui ont dix ans.
M. LAFLAMME: Qui ont dix ans et plus.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'amendement que vous proposez à la page
7 s'appliquerait à 450 de vos membres. Vous proposez qu'il y ait des
dispositions législatives également pour ceux qui ont cinq ans de
pratique. Qu'est-ce que ça représente dans le reste des
effectifs, j'imagine que c'est presque le reste des effectifs?
M. LAFLAMME: En ce qui concerne l'ensemble des membres, il y en a qui
ont, au niveau de l'enseignement antérieur, une formation scolaire
plutôt réduite mais qui ont 35 ans d'expérience.
Il y en a d'autres, par contre, d'une façon plus récente,
qui n'ont que cinq ou six ans d'expérience à l'intérieur
d'une pharmacie d'officine et qui ont une connaissance scolaire. C'est pour
ça que nous osons parler, vis-à-dis de ce terme, de ce plafond de
dix ans, de droits acquis, c'est-à-dire une reconnaissance dans les
faits.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous avez eu l'occasion
d'établir un dossier complet sur la compétence,
l'expérience, les années de service de vos 1,200 membres et de
soumettre ce dossier au Collège des pharmaciens?
M. LAFLAMME: Il a été fait et catalogué; il existe
dans le rapport Mireault complètement en détail par degrés
d'âge, de formation scolaire, d'années de pratique effective
à l'intérieur d'une pharmacie d'officine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'on pourrait savoir quelle est la
moyenne de rémunération des membres du groupe?
M. LAFLAMME: C'est $100 par semaine.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Me Laflamme, vous présentez, en quelque sorte, une
définition simplifiée de la profession de pharmacien. Vous avez
mentionné que, sans aide, les pharmaciens auraient une semaine de 49
heures de travail sans rien faire d'autre. On nous a dit à la commission
que les ordonnances représentent environ de 33 p.c. à 35 p.c. des
heures de travail dans une pharmacie. On reconnaît qu'il y a actuellement
1,200 aides-pharmaciens qui font quand même du travail. Je vais parler un
peu pour mon clocher où il y a absence de pharmacies, pas
complètement mais où il n'y en a pas suffisamment, je pose la
question bien directement : Croyez-vous que les pharmaciens, actuellement, sont
en mesure de répondre à toutes les demandes dans ce domaine?
M. LAFLAMME: Il serait évidemment possible que
l'accréditation de nos membres puisse rendre plus accessible le capital
humain pour pouvoir ouvrir ailleurs des pharmacies. Par contre, je crois que le
Collège des pharmaciens présente le point de vue que si, à
côté de lui, un médecin exerçant peut vendre des
produits pharmaceutiques, on a beau renvoyer la balle à qui que ce soit,
tout le monde va aller travailler et tout le monde va exercer un commerce, une
profession, qu'on appelle ça comme on voudra, dans le but d'essayer de
tirer son épingle du jeu et de gagner sa vie. Il va tout de même
falloir que ce soit envisagé dans ce sens-là si on veut permettre
à nos membres aussi bien qu'aux
pharmaciens licenciés d'aller ouvrir une pharmacie d'officine
dans un autre secteur. Par contre, lorsqu'on dit: "sous la
responsabilité d'un pharmacien licencié", il n'y a rien qui
empêche un comptoir médical ou pharmaceutique de recourir à
un aide-pharmacien sous la responsabilité d'un pharmacien
licencié. A l'intérieur des hôpitaux, il se fait beaucoup
de travaux connexes ou parallèles à la médecine qui
peuvent être considérés comme des actes médicaux. En
ce qui nous concerne, de la façon dont les produits pharmaceutiques sont
livrés et vendus, à l'heure actuelle, ça n'implique
absolument aucune espèce de danger. Sur ce point, il y a
déjà eu une recommandation qui a été faite pour que
les ordonnances que l'aide-pharmacien aurait remplies au cours d'une
journée soient revisées le jour même par le pharmacien.
Encore là, on crée un carcan qui ne sera pas appliqué. On
est en train de créer un carcan qui, dans les faits, ne sera pas
véritablement appliqué. Imaginez-vous les ordonnances qui seront
remplies un vendredi, ce n'est certainement pas le pharmacien licencié
qui veut partir pour la fin de semaine qui va les vérifier, il le fera
le lundi ou le mardi. C'est pour ça que le sens de la
responsabilité est l'élément majeur de la
sécurité du public vis-à-vis du législateur.
M. GUAY: Est-ce qu'il y en a, parmi vos membres, qui travaillent sous la
responsabilité d'un médecin?
M. LAFLAMME: Non.
M. GUAY: Dans votre optique, si je fais une déduction, vous
semblez voir le pharmacien beaucoup plus comme un modérateur, un
éducateur, un surveillant étant donné sa
compétence. Est-ce que c'est le cas? Vous avez dit, par exemple, que
cinq, six aides-pharmaciens pouvaient travailler sous la surveillance d'un
pharmacien compétent. Est-ce que vous voyez le statut du pharmacien
professionnel comme un éducateur, un surveillant, un
modérateur?
M. LAFLAMME: Le pharmacien ou le spécialiste en pharmacologie a
une éducation qui dépasse la compétence requise pour
remplir une ordonnance médicale et livrer le produit prescrit par le
médecin. Evidemment, si l'on fait du pharmacien un conseiller du
médecin, à ce moment-là, cela regarde les modifications
à la loi du Collège des médecins, cela regarde toutes
sortes d'autres modifications. En ce qui nous concerne, pour la mise en
marché du produit pharmaceutique, nous disons que la connaissance que
procurent quatre ans d'université en pharmacologie n'est pas
nécessaire, quant à la sécurité du public, pour
remplir une ordonnance et livrer le médicament. Sur ce point
précis, l'article 20, auquel on s'est référé tout
à l'heure, crée une certaine complication. Dans les faits, nous
sommes de l'avis des représentants des manufacturiers de produits, qui
ont scientifi- quement et médicalement démontré le danger
de la substitution du produit. Cela crée un problème parce que la
substitution ne pourra se faire, à notre point de vue, qu'avec le
concours ou l'autorisation du médecin parce que les mêmes
composants chimiques n'ont pas les mêmes effets thérapeutiques.
Cela, tous les hommes de science l'ont reconnu jusqu'à présent.
Si l'on facilite la substitution, on aura le jeu de la publicité des
manufacturiers de produits pharmaceutiques qui vont copier les composantes
chimiques, qui vont copier l'apparence de la même pillule et qui feront
de la réclame pour tenter de prendre une partie du marché.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de l'Assomption, est-ce que
vous avez une question?
M. PERREAULT: Je veux juste vous demander si, depuis la mise en vigueur
de l'article 21, les pharmaciens continuent à recruter des
aides-pharmaciens.
M. LAFLAMME: Oui.
M. PERREAULT: Dans quelle proportion?
M. LAFLAMME: Ev-demment, je n'ai pas ces statistiques. Il y en a un
certain nombre qui quittent l'emploi chaque année. Il y en a d'autres
qui entrent. Ensuite, vous avez cette question d'expérience. Quelqu'un
va entrer dans une pharmacie et va commencer à y accomplir autre chose.
Petit à petit, il prend de l'expérience et, à un moment
donné, on lui fait exécuter des ordonnances. Il y a la question
de l'expérience. Maintenant, les chiffres précis sur l'embauche,
je ne saurais vous les dire d'une façon précise.
M. PERREAULT: En conclusion, si je comprends bien, depuis
l'Opération 21 vous avez parlé tout à l'heure du
collège on continue à engager de nouveaux
aides-pharmaciens.
M. LAFLAMME: Oui. Tous les gens qui sont ici sont à l'emploi de
pharmaciens.
M. PERREAULT: Vous êtes d'anciens aides-pharmaciens. Vous existiez
avant l'Opération 21. Je parle depuis l'Opération 21.
M. LAFLAMME: Oui.
M. PERREAULT: Vous parlez de dix ans, l'Opération 21 n'existe pas
depuis dix ans.
M. LAFLAMME: Je comprends mais l'embauchage se fait encore
régulièrement. Il y a même des annonces dans les
journaux.
M. PERREAULT: Il faut se comprendre.
M. LE PRESIDENT: Le député de Maskinongé.
M. PAUL: M. le Président, durant l'heure de la suspension de
notre commission pour le lunch, j'ai discuté du mémoire des
aides-pharmaciens avec le député de Chicoutimi, qui, incidemment,
aurait aimé être ici cet après-midi mais il doit être
à la commission parlementaire des terres et forêts. Nous en sommes
venus à la conclusion que et je demanderais à Me Laflamme
de me corriger si je suis dans l'erreur vous voulez obtenir pour les
aides-pharmaciens un statut juridique.
M. LAFLAMME: Oui.
M. PAUL: Vous ne voulez pas leur obtenir un diplôme
pharmaceutique. Vous voulez les mettre à l'abri de poursuites
judiciaires éventuelles.
M. LAFLAMME: Nettement, et eux-mêmes et le patron. A l'heure
actuelle, il y a des clauses pendantes et la jurisprudence oscille à
savoir si c'est le pharmacien propriétaire qui devient responsable, en
vertu de l'article 21, ou si c'est l'employé.
M. PAUL: M. Laflamme, entre nous, il n'y a pas de journaliste, nous ne
sommes pas nombreux, pourriez-vous nous dire si les pharmaciens verraient d'un
bon oeil que la loi donne un statut juridique aux aides-pharmaciens?
M. LAFLAMME: Il y a des pharmaciens propriétaires de pharmacies
qui sont descendus de Montréal. Il y a de nos membres qui sont ici. Ils
ne peuvent pas dire qu'ils sont en notre faveur parce qu'il y a toujours le
collège qui peut intervenir.
M. PAUL: Il y a toujours l'article 21 qui leur pend au-dessus de la
tête. Ce que vous voulez, pour votre association, c'est faire
disparaître l'article 21.
M. LAFLAMME: Nettement l'article 21. Maintenant, il y a plus que
cela.
M. PAUL: Plus les amendements que vous nous avez
suggérés.
M. LAFLAMME: Si nous n'avons pas la juridiction de faire ce que nous
faisons, non seulement nous n'avons plus d'emploi, mais il manquera environ
1,000 pharmaciens, demain matin, dans la province de Québec.
M. PAUL: Par suite de la campagne lancée par le premier ministre,
100,000 nouveaux emplois en 1970, je suis sûr que c'est une raison qui va
grandement émouvoir le ministre des Affaires sociales!
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency .
M. VEZINA: M. le Président, en fait, on nous a donné des
chiffres qui sont les suivants. Il y aurait environ 1,200 aides-pharmaciens et,
d'après d'autres chiffres qu'on nous a donnés, environ 975 ou 980
pharmacies, au Québec. Disons 1,000 pharmacies et 1,200
aides-pharmaciens.
M. LAFLAMME: C'est cela.
M. VEZINA: Avez-vous une idée du nombre de pharmacies,
actuellement, où l'on retrouve des aides-pharmaciens?
M. LAFLAMME: Dans 75 p.c. des pharmacies.
M. VEZINA: Dans 75 p.c. Y a-t-il des pharmacies qui ont trois, quatre ou
cinq aides-pharmaciens pour un pharmacien?
M. LAFLAMME: Il y a des pharmacies, où il n'y a qu'un pharmacien,
qui exécutent quotidiennement 500 à 600 ordonnances. Pour
exécuter 500 à 600 ordonnances, cela prend une dizaine de
pharmaciens ou d'aides-pharmaciens.
M. VEZINA: Ce sont les faits. M. LAFLAMME: Oui.
M. VEZINA: Donc, ce que vous recherchez, si j'ai bien compris votre
exposé, c'est de consacrer, par un texte de loi, la situation actuelle,
de la légaliser, enfin, de lui donner un cadre juridique.
M. LAFLAMME: Donner un statut juridique à nos membres.
M. VEZINA: Mais, là, il y a une nuance. Recherchez-vous un statut
juridique pour vos membres ou recherchez-vous le droit, dans la loi, pour le
pharmacien d'exercer les privilèges que lui accorderait l'article 15 du
bill 255 par l'intermédiaire des aides-pharmaciens sous sa
juridiction?
M. LAFLAMME: Ce que nous recherchons, c'est le droit légal
d'interpréter et de vendre sur ordonnances, sous la
responsabilité d'un pharmacien licencié, des produits
pharmaceutiques, ce que nous faisons depuis des années.
M. VEZINA: Est-ce que cela irait, par exemple, jusqu'à la
situation suivante, à savoir qu'un pharmacien serait
propriétaire, disons, de trois pharmacies, qu'il serait le seul
pharmacien licencié dans l'organisation, mais aurait à son
emploi, disons, deux aides-pharmaciens par pharmacie?
M. LAFLAMME: Je crois que votre projet de loi no 255 dit qu'un
même pharmacien ne peut pas avoir d'intérêts dans d'autres
pharmacies.
M. VEZINA: Oui, mais cela, c'est un projet. J'essaie de comprendre le
problème suivant: si vous donnez un statut juridique à un
aide-pharmacien, il faut lui donner des droits et des obligations. Cela va
ensemble.
M. LAFLAMME: Oui.
M. VEZINA: Tandis que, si vous cherchez à donner au pharmacien le
droit d'avoir à son emploi des aides-pharmaciens pour exercer sa
profession, ce n'est pas tout à fait la même optique du
problème. On ne crée pas une nouvelle profession, à ce
moment-là, en fait.
M. LAFLAMME: Ce que nous recherchons, dans les faits, c'est le
même statut juridique que l'aide-pharmacien qui, pour les fins de la
pharmacie d'officine, exerce les pouvoirs du pharmacien d'officine. Nous ne
prétendons pas avoir des études spécialisées en
pharmacologie. Ensuite, il ne peut pas gérer une pharmacie.
M. VEZINA: Vous avez dit que certains de vos membres enseignent. Qui
engage ces personnes pour les faire enseigner? Qui les choisit?
M. LAFLAMME: Ils n'enseignent pas particulièrement.
M. VEZINA: Non, non mais dans les officines.
M. LAFLAMME: Dans les pharmacies d'officine, dans la pratique, lorsque
les aides-pharmaciens qui sortent de l'université arrivent, ce sont nos
membres qui leur montrent comment déchiffrer une ordonnance.
M. PAUL: Ils font plutôt de l'information que de
l'enseignement.
M. LAFLAMME: Ils ne font pas d'enseignement. Ils montrent à
travailler.
M. PAUL: C'est de l'information.
M. VEZINA: En fait, ils montrent à ceux qui arrivent avec des
connaissances théoriques la pratique de leur profession.
M. LAFLAMME: La pratique.
M. VEZINA: En somme, si l'article 21 de la Loi de pharmacie actuelle
disparaissait et si le projet de loi no 255 consacrait le droit aux pharmaciens
d'exercer leur profession, au besoin, par l'intermédiaire d'un
aide-pharmacien sous leur responsabilité, cela clarifierait le
problème que vous avez soulevé et cela empêcherait cette
possibilité de suspension de licence ou de poursuite, etc.
M. LAFLAMME: Pas de la façon que vous l'expliquez là.
Clairement, nous voulons continuer à travailler à
l'intérieur d'une pharmacie d'officine pour livrer des produits
pharmaceutiques. Nous voulons que le pharmacien ne soit pas poursuivi par son
collège et nous voulons avoir un statut juridique pour être
capables de dire à notre patron: Si nous justifitons telle condition de
travail, nous méritons tel salaire, parce que nous n'avons aucune
espèce de statut à l'heure actuelle, ni nous, ni le
pharmacien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: Est-ce que l'association a pensé d'organiser une
école d'aides-pharmaciens? Plusieurs ont comparé les
aides-pharmaciens aux infirmières. Avoir une école ne serait-ce
pas le moyen détourné d'avoir un statut juridique, beaucoup plus
que par la législation? Même, il pourrait y avoir un recyclage
pour entrer dans cette profession, comme les aides-ingénieurs, les
aides-médecins, les infirmières.
M. LAFLAMME: Je ne pense pas, pour répondre au Dr Boivin, que
notre association ait les moyens financiers de pouvoir penser à
élaborer et à structurer une école d'apprentissage. Je
pense qu'un bagage pédagogique d'une douzième année et
plus, une bonne expérience clinique à l'intérieur d'une
pharmacie et l'apprentissage, c'est encore la meilleure école et la
meilleure sécurité. Mais c'est recommandé dans des
rapports qui sont entre les mains d'officiers du gouvernement.
M. BOIVIN: Mais, est-ce que cela a été proposé au
Collège des pharmaciens ou aux écoles de pharmacie? Il y aurait
peut-être une rencontre qui serait profitable.
M. LAFLAMME: C'est assez difficile pour nos membres d'aller au
Collège des pharmaciens et de dire: Je suis à l'emploi de M. le
pharmacien Untel, je vends des médicaments sur ordonnance, etc. C'est un
aveu de culpabilité pour son patron.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une dernière question: Est-ce que tous
vos membres travaillent dans les officines, ou s'il y en a qui sont dans les
établissements hospitaliers?
M. LAFLAMME: Tous dans les officines.
M. VEZINA: Une dernière question: Dans les autres
provinces...
M. LAFLAMME: Un instant, je m'excuse. Il y a des hôpitaux qui en
emploient quelques-uns.
M. VEZINA: ... pouvez-vous nous donner une idée
générale de la situation?
M. LAFLAMME: Dans la Nouvelle-Ecosse,
ils ont un statut particulier; en Ontario aussi. Dans les autres
provinces, je ne sais pas.
M. LE PRESIDENT: Merci, Me Laflamme. Nous suspendons la séance
pour cinq minutes et nous procéderons avec l'Association professionnelle
des pharmaciens d'industrie. M. Jean-Paul Marsan.
Association professionnelle des pharmaciens
d'industries du Québec
M. MARSAN: M. le Président, je suis président de
l'Association professionnelle des pharmaciens d'industries du Québec et
je suis accompagné de M. Roger Mailhot, qui est docteur en
pharmacologie.
Voici nos commentaires sur le projet de loi 255. Il y a deux
définitions qui, à notre sens, devraient être
modifiées: La première, celle qui a trait à
médicament. Nous aussi suggérons que la définition qui
paraît dans la Loi des aliments et drogues soit celle qui s'applique ici.
La deuxième définition que nous aimerions voir modifier est celle
d'ordonnance. Nous aimerions apporter une précision: Qu'une ordonnance
soit un ordre au pharmacien de fournir des médicaments. Dans le projet
de loi, il n'y a pas le mot pharmacien.
Nous aimerions aussi apporter des remarques au sujet du bureau des
gouverneurs. Nous considérons qu'on devrait tenir compte des
disparités du champ d'action des membres au sein de chaque profession
pour la formation du bureau de direction. Nous, pharmaciens d'industries, ne
sommes qu'environ 100 membres et, par le mode électif, il est difficile
pour nous de se faire élire. Nous aimerions qu'il y ait une
représentation de facto pour des pharmaciens de facultés,
d'hôpitaux et d'industries en plus des pharmaciens d'officines
communautaires.
Au sujet de la liste des médicaments, nous nous opposons à
ce que les pharmaciens aient le privilège de substituer un
médicament à un autre. En fait, nous considérons que les
pharmaciens, même si leur formation professionnelle les habilite à
connaître la valeur d'un médicament à comparer à un
autre, ne possèdent effectivement pas les données qui puissent
leur permettre d'évaluer un médicament comparé à un
autre même si ce sont deux médicaments à formule chimique
semblable.
Le dernier article sur lequel nous aimerions attirer votre attention est
l'article 23, dans lequel il est défendu à un pharmacien de
posséder des intérêts dans une entreprise de produits
pharmaceutiques. En fait, cet article empêcherait tout pharmacien de
l'industrie de posséder une entreprise de fabrication de
médicaments, d'être actionnaire ou même de siéger au
conseil d'administration d'une entreprise dont il serait un officier
supérieur. Ceci correspondrait à l'élimination du
pharmacien de la pratique industrielle de la pharmacie.
Nous avons annexé à notre mémoire environ une
vingtaine de feuilles qui sont des photocopies d'articles qui ont paru dans
différentes revues scientifiques, articles par lesquels il est
démontré que deux médicaments à formule chimique
semblable ne produisent pas toujours le même effet thérapeutique.
Nous sommes disponibles pour vos questions.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup.
M. CASTONGUAY: Je voudrais remercier l'association pour ce
mémoire. Je crois bien que la dernière remarque soulignait
l'impossibilité pour un pharmacien d'avoir un intérêt
direct ou indirect dans une entreprise de fabrication de médicaments. Je
vais soumettre cette question aux légistes; il s'agit là
évidemment, dans son esprit, d'une disposition visant à
éviter que des pharmaciens d'officine aient un tel
intérêt.
M. MARSAN: D'accord.
M. CASTONGUAY: Quant aux autres aspects soulevés, quant à
moi, suite à toutes les questions et discussions qui ont eu lieu, je
n'aurai pas de questions pour le moment.
M. PAUL: J'aurais peut-être une seule question, M. le
Président. Quant à l'amendement suggéré à
l'article 23, lorsque vous mentionnez dans votre mémoire le poste
d'officier supérieur, si on se réfère à la Loi du
Conseil exécutif, un ministre ne peut pas être directeur d'une
compagnie. Si on assimilait votre demande à cette interprétation
juridique à l'endroit du Conseil exécutif, est-ce que cela vous
donnerait satisfaction, c'est-à-dire qu'un pharmacien ne pourrait pas
être directeur d'une compagnie de produits pharmaceutiques?
M. MARSAN: Non, même là-dessus nous ne sommes pas d'accord
parce que plusieurs pharmaciens diplômés de Montréal et de
Laval ont fondé leur propre laboratoire. Ils sont propriétaires
de leur laboratoire, de leur industrie. En fait, il faudrait qu'ils vendent
leur industrie qui est prospère, la plupart du temps, ou qu'ils
renoncent à leur titre de pharmacien. Je pense que ni l'un ni l'autre ne
devraient être considérés.
M. PAUL: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. C'est un court mais très
intéressant exposé.
M. MARSAN: D'accord.
M. LE PRESIDENT: L'Association des étudiants en pharmacie de
l'Université de Montréal.
Association des étudiants en pharmacie de
l'Université de Montréal
M. DESJARDINS: M. le ministre, ce serait seulement pour attirer votre
attention...
M. LE PRESIDENT: Pouvez-vous nous donner votre nom, s'il vous
plaît, pour le journal des Débats?
M. DESJARDINS: André Desjardins. M. Dupuis-Angers m'aidera. Ce
serait seulement pour attirer votre attention sur quatre articles du projet de
loi qui ne me semblent pas complets, je ne sais pourquoi.
La définition d'un pharmacien est complètement aberrante;
cela ne décrit pas du tout ce que je pense être un pharmacien. On
l'a noté, vous avez lu notre définition. C'est la même
chose pour la prescription ou l'ordonnance. Ce n'est pas donner un ordre, c'est
une autorisation de donner un médicament.
Pour ce qui est des médicaments brevetés, plus loin, la
loi laisse la permission à tout le monde de vendre des
médicaments brevetés. On a souvent prouvé, plusieurs vous
l'ont dit, que tous les médicaments, quels qu'ils soient, sont des
poisons. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas mettre dans la loi que les
médicaments brevetés sont dangereux et qu'on devrait y faire
attention, les mettre sous la juridiction des pharmaciens seulement, tout au
moins avoir un étiquetage complet des produits. Pour la plupart des
produits, on ne sait même pas ce qu'ils contiennent. C'est terrible!
Ensuite, il y a le point des hôpitaux, des institutions. On dit,
dans la loi, qu'un pharmacien n'est pas nécessaire là,
probablement parce que les malades vont mourir, selon votre pensée,
parce que vous ne voulez pas vous en occuper plus que cela. Du moins, cela
semble être ainsi.
Pour ce qui est de la publicité, vous devriez vous arranger pour
la faire abolir au complet. Je ne vois la nécessité d'aucune
sorte de publicité en pharmacie, que ce soit à titre individuel
ou pour une industrie même. C'est tout.
M. LE PRESIDENT: M. le ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je vais faire simplement quelques
brefs commentaires. En ce qui a trait à la définition de la
pharmacie, je l'ai mentionné mardi mais je crois que vous n'étiez
pas ici, il s'agit d'un projet de loi visant à donner à un
groupement professionnel un champ exclusif de pratique.
Je comprends qu'il y a des problèmes avec des médecins
à certains endroits, etc., mais c'est le principe. Il ne s'agit pas
d'écrire une thèse ou un traité sur ce qu'est la pharmacie
ou sur ce que pourraient être tous les rôles du pharmacien. Cela ne
restreint pas le pharmacien uniquement aux actes qui sont dans la
définition, mais le but de ces lois est d'accorder un champ exclusif de
pratique. Cela délimite ce que doit être ce champ exclusif. Cela
n'empêche pas le pharmacien d'aller au-delà de ça et
surtout, par la confiance, par les relations qu'il peut établir, d'avoir
un rôle beaucoup plus grand. C'est un premier aspect; c'est pourquoi
cette définition est aussi restreinte. Je vous réfère
à la loi médicale, par exemple, où nous retrouvons le
même genre de problèmes. Vous regarderez la définition et
vous allez voir qu'il n'est absolument pas fait mention, par exemple, de la
prévention, parce que, encore une fois, l'aspect de la prévention
n'est pas limité purement et simplement aux médecins. D'autres
personnes, je crois, peuvent avoir des activités valables dans la
prévention de la maladie, sans être médecins. C'est la
première des raisons.
Deuxième commentaire. Ce matin, je ne sais pas si vous
étiez ici, j'ai parlé des pharmaciens d'hôpitaux. Si vous
n'étiez pas ici, je vous réfère au journal des
Débats. Si mes explications ne vous ont pas convaincus, c'est
malheureux. Nous pourrons toujours examiner cet aspect.
Quant aux médicaments brevetés, j'aimerais vous poser une
question sur cet aspect. On dit: Il faudrait que les médicaments
brevetés ne soient vendus que par des pharmaciens, et non pas qu'il soit
possible de les acheter à d'autres endroits que dans les pharmacies. Ce
que ça laisse sous-entendre, c'est qu'à ce moment-là,
même s'il n'est pas nécessaire d'avoir une ordonnance pour obtenir
de tels médicaments, du fait que ces médicaments brevetés
seront vendus dans les pharmacies, il y aura un plus grand contrôle qui
s'exercera et que moins de médicaments brevetés seront
vendus.
A ma connaissance, présentement, dans les pharmacies d'officine,
il ne s'exerce pas de contrôle sur la vente des médicaments
brevetés.
M. DESJARDINS: Je comprends votre point de vue, mais ce que je voulais
surtout noter, ce n'est pas le fait de rapatrier, comme on dit, les
médicaments brevetés dans les pharmacies, c'est de pouvoir les
contrôler complètement à leur source. Il y a des
médicaments brevetés qui ne possèdent aucune valeur
thérapeutique. Si vous les laissez sur le marché, au Steinberg et
dans tous les autres magasins, ils continueront à être vendus,
tandis que, si on ne leur donne pas le marché ouvert si grand, ils
seront obligés de s'en aller d'eux-mêmes ou, tout au moins, vous
pourrez avoir une liste quelconque et en enlever. Il faudrait pouvoir faire
ça. Je ne voudrais pas qu'on pense que c'est parce que je voudrais
rapatrier dans une pharmacie les médicaments brevetés; ce n'est
pas notre opinion.
M. CASTONGUAY: Merci.
M. LAVOIE (Wolfe): Pourquoi l'aspirine est-elle plus dangereuse vendue
dans un magasin général que vendue dans une pharmacie?
Pouvez-vous me répondre à ça?
M. DESJARDINS: Elle n'est sûrement pas plus dangereuse, mais il y
a une surconsommation parce que vous ou votre épouse allez au Steinberg
au moins une fois par semaine, tandis que vous allez à la pharmacie pour
avoir une ordonnance seulement une fois par mois peut-
être. Le marché est tellement vaste que, si on
l'étend à tout le monde, il y a une surconsommation.
M. LAVOIE (Wolfe): La Loi de pharmacie ou les pharmaciens ont toujours
défendu aux gens d'acheter de l'aspirine chez Steinberg ou dans d'autres
magasins.
Or, n'importe quel client arrive dans une pharmacie, achète un
bocal de 500, paie et s'en va. Je ne vois pas la différence.
M. DESJARDINS: Je serais d'accord avec vous si le gouvernement voulait
le leur défendre à eux aussi. Je comprends qu'il y a des abus
dans les deux sens mais il faut comprendre aussi le pharmacien, qui est
là surtout pour servir le public. Il vend des médicaments.
M. LAVOIE (Wolfe): Il les vend sans contrôle comme
l'épicier peut les vendre sans contrôle.
M. DESJARDINS: Il les vend sans contrôle comme l'épicier
peut les vendre sans contrôle.
M. PAUL: Ce n'est pas un jugement de blâme que je fais mais il
faut tenir aussi compte que certains pharmaciens se sont lancés dans les
lignes générales de marchandises. Cela est un peu au
détriment de l'épicier du coin. Il s'agit d'établir un
équilibre.
M. DESJARDINS: La loi est là pour ça. C'est à nous
de restreindre des deux côtés. Personne n'est d'accord sur les
pharmacies mercantiles. Personne ne veut ça dans la loi. On voudrait
absolument qu'il y ait un article de loi qui prohibe ça. On n'en veut
pas du tout.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CASTONGUAY: Si personne n'en veut, comment se fait-il que ça
subsiste?
M. DESJARDINS: C'est comme vous. Si vous ne voulez pas quelque chose et
ne faites rien pour l'empêcher, ça va rester là. Moi, je ne
peux rien faire contre ça. Je n'ai pas de pharmacie.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmangy): M. Desjardins, vous avez dit que toute
publicité devrait être abolie mais vous faites la
différence entre publicité et information. L'information à
l'endroit du pharmacien et du médecin doit continuer. L'information sur
ce qui se produit, la valeur du médicament, tout ça.
Publicité dans le sens de publicité, c'est de la promotion.
M. DESJARDINS: La publicité que je critique, c'est celle qui
amène à l'automédication et la surmédication.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous n'en avez pas contre l'information
scientifique, professionnelle, l'information du professionnel par celui...
M. DESJARDINS: Scientifique et professionnelle, oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. Est-ce que les étudiants en
pharmacie favorisent un mode de rémunération particulier? Je veux
dire, est-ce que les étudiants en pharmacie désirent se diriger
particulièrement vers la rémunération à salaire ou
si vous favorisez également la rémunération à
l'acte professionnel tel que ça s'oriente actuellement?
M. ANGERS: Je pense que c'est plutôt à l'acte
professionnel. D'ailleurs, la plupart des étudiants se destinent
à l'officine ou à l'hôpital plutôt qu'à
l'industrie à cause du salaire. Il y a quelqu'un qui a mentionné
tout à l'heure pourquoi il y avait si peu d'étudiants qui
allaient à l'industrie. Quelqu'un qui a un PHD, avec cinq ans de plus
d'étude qu'un étudiant avec un B.Sc. va commencer à peu
près au même salaire qu'un étudiant qui va s'en aller en
officine. C'est la raison pour laquelle la plupart des gens s'en vont à
l'officine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie de votre exposé.
M. VEZINA: C'est une question sur le remplacement du mot ordonnance par
prescription, tel que vous le suggérez au bas de la page 1 et à
la page 2 de votre mémoire. Je suis d'avis que vous nous suggérez
de prendre un terme anglais plutôt que de prendre un terme
français. Est-ce qu'il y a une raison spéciale pour ça?
Prescription, en français, ne veut pas dire une ordonnance.
M. DESJARDINS: Non.
M. VEZINA: C'est ça qui est le problème. "Prescription" en
anglais c'est parfait. Si vous nous suggérez de metttre un anglicisme,
vous devez avoir une raison particulière.
M. DESJARDINS: Je dois dire que ce n'est pas moi qui ai écrit
tout le rapport. J'en ai fait des parties. Cela a été fait l'an
passé.
M. VEZINA: Vous ferez le message à celui qui a fait le
rapport.
M. DESJARDINS: Oui, c'est Jean-Pierre Lessard. De toute façon, ce
n'était que pour noter que le mot ordonnance comme tel sous-entend un
ordre. Un pharmacien voudrait pouvoir juger.
M. VEZINA: L'ordre n'est pas adressé au pharmacien, il est
adressé au patient. La meilleure preuve, c'est que le patient va choisir
son pharmacien comme il va vouloir. Il va même jeter son ordonnance.
Alors, c'est un ordre qu'on appelle sui generis. Ce n'est pas un ordre ad
hominem. Ce n'est pas un ordre donné à quelqu'un. C'est la
meilleure preuve. La loi consacre, je ne sais pas à quel article, le
droit de la substitution...
M. DESJARDINS: Même là,...
M. VEZINA: ... du médicament. Cela prouve que c'est le pharmacien
qui va exercer son jugement dans un cas concret qui lui est soumis. Cela
devient une ordonnance et non une prescription.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je voudrais poser une question au
député de Montmorency. Si c'est une ordonnance, si cela s'adresse
au patient, le patient est coupable quand il ne va pas...
M. VEZINA: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... à la pharmacie pour faire remplir
son ordonnance, si c'est...
M. VEZINA: Non.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... un ordre.
M. VEZINA: Oui, il est coupable du moins d'un manque de jugement, s'il
ne le fait pas. Sa pénalité, c'est de guérir moins vite.
Mais cela ne peut pas être un ordre adressé au pharmacien.
M. PAUL: M. le député de Montmorency, je dois vous
féliciter parce que j'ai entendu des propos fort
désagréables contre votre intervention, disant qu'il s'agissait
encore d'une autre avocasserie. M. le Président et moi-même,
à l'unanimité, nous vous félicitons de votre
intervention!
M. LE PRESIDENT: Merci, monsieur.
M. DESJARDINS: Merci.
M. LE PRESIDENT: Nous allons entendre l'Association des fabricants du
Québec des produits pharmaceutiques.
M. CASTONGUAY: La pharmacie québécoise vient de faire un
grand pas en avant !
Association des fabricants du Québec de
produits pharmaceutiques
M. CHICOINE: Je m'appelle Yves Chicoine. Je suis président de
l'Association des fabricants du Québec de produits pharmaceutiques. Je
suis accompagné de deux membres de l'exécutif: M. Yvon Brouard,
à ma gauche, et M. Gérard Dufault, à ma droite.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission. Notre association vous remercie de nous donner l'occasion d'exposer
nos vues sur le projet de loi 255. Nos commentaires et recommandations
porteront uniquement sur les articles 4, 7, 20 et 23, en omettant,
évidemment, la lecture intégrale de notre mémoire.
L'article 4 dit que l'ordre est administré par un bureau
formé d'un président et de 17 administrateurs élus ainsi
que de quatre autres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil.
Nous faisons ici la recommandation que, parmi ces quatre administrateurs, un
pharmacien soit choisi au sein d'une industrie pharmaceutique
québécoise.
L'article 7 fait mention de la liste de médicaments, effective
depuis le 1er août, et qui est très restrictive. Ici, nous
maintenons toujours notre opposition à cette liste restrictive. De
même, nous affirmons toujours que les normes et critères qui ont
présidé à l'élaboration de la liste sont
dépourvus de sens pratique. Ils ne tiennent aucunement compte de
l'aspect économique. Toutefois, nous ne voulons pas discourir sur cet
aspect. Mais nous aimerions reformuler une demande, qui vous a
été faite à maintes et maintes reprises, soit qu'une
occasion véritable soit donnée à chacune de nos compagnies
d'être enfin entendue par un organisme officiel, tel le comité
consultatif ou un autre, afin de discuter du bien-fondé de la
non-acceptation de leurs produits non seulement en fonction des critères
déjà établis mais surtout en regard des qualités
intrinsèques de leurs produits.
En regard de l'article 20, nous recommandons que le pharmacien
exécute l'ordonnance suivant sa teneur intégrale, respectant
ainsi le choix du prescripteur, ce qui est son droit. Notre association, comme
il a été mentionné précédemment par le
groupe de l'ACIM, l'Association canadienne de l'industrie du médicament,
est cofondatrice du Conseil de l'accréditation des représentants
afin de former, de façon continue, des représentants
médicaux.
En regard de l'article 23, nous nous demandons pourquoi le pharmacien
serait privé d'une liberté qui est laissée aux autres
professionnels de la santé.
Ainsi, un pharmacien d'industrie possédant des actions dans une
firme pharmaceutique deviendrait un proscrit de l'ordre des pharmaciens du
Québec. De plus, quel contrôle aurait le bureau sur un pharmacien
possédant des actions d'une compagnie pharmaceutique inscrite en
Bourse?
Messieurs les membres de la commission, ces commentaires et suggestions,
nous les avons voulus brefs mais constructifs. Nous sommes à votre
disposition pour les questions.
M. LE PRESIDENT: Merci.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier
l'association. Je puis l'assurer que le Conseil de pharmacologie, qui a
dressé la liste qui est utilisée pour
l'assistance-médicaments, a fait un travail qui, à mon avis,
était dépourvu de toute autre considération que des
considérations d'ordre scientifique, d'ordre professionnel.
D'ailleurs, à la suite de la distribution de la liste, des
témoignages extrêmement valables, en provenance d'organismes non
pas seulement canadiens mais américains, ont été
reçus soit par le président du conseil ou par d'autres voies.
Je voudrais rappeler que dans la loi 69, étant donné que
la question a été soulevée, il est prévu que cette
liste sera mise à jour périodiquement et ceci pour poursuivre
deux fins. La première, c'est qu'avec l'évolution, de nouveaux
médicaments puissent être inscrits lorsque, selon les
critères retenus, ces médicaments mériteront d'être
inscrits sur la liste et, en second lieu je l'ai mentionné
si à un moment, le Conseil de pharmacologie en est arrivé
à la conclusion que, selon les critères, un médicament ne
peut être inscrit, il y a aussi la possibilité que les modes de
fabrication, etc., soient modifiés ou encore que des correctifs soient
apportés. A ce moment-là, le Conseil de pharmacologie, j'en suis
certain, n'aura aucune objection à ce que tout médicament qui
satisfait aux normes soit inscrit sur cette liste.
Quant aux autres aspects soulevés dans le mémoire,
j'aimerais, M. le Président, plutôt écouter les questions
que les autres membres de la commission pourraient avoir à poser,
écouter les réponses et me réserver, au besoin, la
possibilité de poser d'autres questions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez entendu tantôt le
témoignage de l'Association canadienne des manufacturiers. Vous
n'êtes pas une filiale, vous êtes indépendants de
l'Association canadienne des manufacturiers. Avez-vous travaillé
ensemble? Vous avez présenté un mémoire distinct, mais
avez-vous eu une certaine forme de consultation avant de venir devant la
commission?
M. CHOCOINE: L'Association des fabricants du Québec est
complètement indépendante de l'Association canadienne de
l'industrie du médicament. Les normes d'acceptation, chez nous, sont
tout à fait différentes. Nos compagnies doivent absolument
être authentiquement canadiennes et 51 p.c. des intérêts
doivent être détenus par des Canadiens. La principale place
d'affaires le laboratoire ou le bureau doit être
située au Québec.
Quant à la consultation, il n'y a pas eu de consultation avec
l'ACIM au sujet de ce mémoi- re. Par contre, j'avoue que plusieurs de
nos avis se rejoignent, entre autres en ce qui regarde l'ordonnance
intégrale, car nous croyons, nous aussi, qu'à part
l'entité chimique, il y a tellement d'autres facteurs qui entrent dans
la fabrication des médicaments. Il y a l'expérience, le know-how
acquis depuis des années qui, je pense, ne peuvent pas, en quelques mois
ou quelques années même, être ramenés à une
simple copie ou à un générique. C'est la raison pour
laquelle nous croyons que l'ordonnance intégrale devrait être
remplie telle quelle.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez entendu la série de questions
que nous avons posées à l'Association canadienne. Est-ce que les
réponses qu'elle a données à nos questions vous satisfont
ou s'il y a des choses sur lesquelles vous n'êtes pas d'accord? Y a-t-il
quelque chose en particulier qui vous a frappé, pour ne pas
répéter les questions que nous avons posées?
M. CHICOINE: Disons qu'en règle générale leurs
réponses nous satisfont. Au sujet de l'accréditation, vous aviez
posé une question: Quelle est la proportion de pharmaciens parmi les
représentants médicaux? Je ne peux pas vous apporter une
réponse plus précise. Cependant, je sais qu'au conseil
d'accréditation, dont je suis un des membres, nous sommes en train de
compiler une étude assez exhaustive à cet effet, où chacun
des membres, qui demande d'être représentant ou a reçu
déjà son certificat d'accréditation, a donné son
curriculum vitae, le nombre d'années universitaires, s'il est chimiste,
étudiant, etc.
Je pense qu'au conseil d'accréditation je pourrais vous aider et
demander au secrétaire exécutif du conseil d'entrer en
communication avec vous. Il a sûrement beaucoup de détails
à vous donner à ce sujet-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez beaucoup plus de réserves que
l'Association canadienne n'en a montrées à l'endroit de la
confection de la liste de médicaments. Est-ce qu'à votre avis
cette liste pourrait, dans certains cas, jouer contre certaines industries?
M. CHICOINE: La liste se veut restrictive à souhait, et
très restrictive. Ce que nous aimerions et souhaiterions, c'est que les
critères qui ont présidé à la liste soient aussi
mis à jour, comme les produits mêmes qui répondent aux
critères. Je pense que les critères aussi peuvent être
discutés, sûrement quelques-uns.
Aussi, le conseil consultatif a fait appel à plusieurs experts,
à travers la province ou ailleurs, afin de se pencher sur des cas
difficiles, à savoir si tel médicament pourrait entrer dans la
liste et s'il pourrait suivre tel ou tel critère, les cas douteux,
quoi.
Nous aimerions ici collaborer avec le gouvernement et lui demander s'il
ne pourrait pas
instituer un organisme ou un bureau de consultation avec les propres
experts de nos compagnies pour les cas qui sont douteux, après demande
expresse. Cela rejoint un peu la demande que nous avons faite que chacune des
compagnies individuelles devrait être entendue. Au niveau d'une
association, c'est plus embêtant. On ne peut pas prendre des exemples
précis de tel médicament.
Au niveau de nos compagnies, la majorité ont quelques produits
qui pourraient sûrement, avec explications entre experts pharmacologistes
de l'industrie et des pharmacologistes du comité consultatif,
éclairer les deux. A la lumière d'une saine discussion
scientifique et franche, on pourrait tirer de là des conclusions
sûrement plus profitables.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez 16 industries qui font partie de
votre association; est-ce qu'il pourrait y en avoir beaucoup plus?
M. CHICOINE: Nous représentons 85 p.c. des possibilités.
Il y en a quelques-unes, trois ou quatre qui pourraient y être
présentement. Selon nos critères, quand même.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aurais juste une question à vous poser. Est-ce que vos
relations sont les mêmes avec les médecins et les pharmaciens?
Est-ce qu'elles sont aussi bonnes?
M. CHICOINE: Aussi bonnes avec les médecins qu'avec les
pharmaciens, sûrement. Ici, je rejoins un peu ce que le groupe
précédent de l'industrie des médicaments a dit: C'est un
fait qu'à peu près 50 p.c. du temps de nos représentants
est donné aux pharmaciens et à l'hôpital et 50 p.c. aux
médecins. Les relations sont sûrement aussi bonnes avec le
pharmacien qu'avec les médecins.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Chicoine, pour votre exposé et vos
réponses. C'est au tour maintenant de l'Association des grossistes en
médicaments du Canada (section de Québec). Me Maurice Paquin.
Association des grossistes en médicaments du
Canada
M. PAQUIN: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres, je
suis le porte-parole de l'Association des grossistes en médicaments du
Canada, c'est-à-dire de l'aile québécoise. Cette aile
québécoise est jusqu'à un certain point une formation bona
fide; elle n'existe pas juridiquement mais elle entend représenter les
grossistes en médicaments du Québec qui font 85 p.c. en moyenne
des ventes des médicaments aux pharmacies.
Je suis accompagné par M. Geoffrion, qui représente M.
Bleau, qui est un des directeurs de cette aile québécoise. Nous
avons tenté de faire un mémoire court; il ne comporte que neuf
pages en tout. Je n'ai pas l'intention de le lire parce que j'imagine
qu'à cause de son peu de volume il sera lu par les membres de la
commission. Je me souviens qu'autrefois on me disait toujours qu'une lettre
trop longue, personne ne la lisait. Alors nous avons tenté de le faire
court. Et je n'ai pas l'intention de m'attarder longtemps parce que tout est
là.
Il est important toutefois de noter que cette association comprend
à la fois des compagnies à responsabilité limitée
et des compagnies de type coopératif. Dans le cas de ces
dernières, les compagnies de type coopératif comme les pharmacies
universelles, les pharmacies modernes, pour ne citer que quelques exemples, les
membres sont à la fois clients et propriétaires,
c'est-à-dire détenteurs d'actions.
Dans la province de Québec, les compagnies de type
coopératif effectuent 85 p.c. du chiffre total d'affaires de la
distribution des médicaments en pharmacie. Par ailleurs, plusieurs
grossistes exploitent également un laboratoire de fabrication.
Actuellement, la grande majorité des produits ainsi fabriqués ne
sont pas visés pi.r le projet de loi 255. Toutefois, une certaine
proportion est atteinte et ces laboratoires ont pris les dispositions voulues
à cause de la règle de l'équivalence qui parait dans le
projet de loi 255 pour assurer la fourniture de la plupart dts
médicaments dits de dénomination commune dont on prévoit
un usage de plus en plus répandu.
Il est à observer également que les grossistes en
médicaments du Québec font un chiffre global d'affaires de $96
millions par année, que leurs investissements sont de l'ordre de $20
millions et qu'ils emploient 1,015 personnes à qui ils versent des
salaires de $5,500,000 annuellement. Ils servent les 1,200 ou 1,300 pharmacies
du Québec et ont été invités par lu
ministère de la Santé à étudier aussi la
possibilité de servir davantage les hôpitaux du Québec. Il
était nécessaire de poser ces jalons, et nous avons quatre points
concernant le bill 255 à noter.
Il s'agit, premièrement, de l'interdiction pour le pharmacien
d'avoir un intérêt dans la fabrication de médicaments.
L'article 23 du projet de loi, on en a parlé tantôt, M. le
ministre, vous avez noté que peut-être il y aurait lieu de limiter
cette restriction aux pharmaciens d'officine.
Nous pensons devoir aller plus loin à cause de la situation telle
qu'elle existe dans ce domaine particulier. Comme nous l'avons fait valoir plus
haut, une bonne partie des membres de l'aile québécoise sont des
compagnies de type coopératif de distribution en gros des
médicaments. Comme nous l'avons dit, ceci représente 85 p.c. de
la vente ou de la distribution québécoise.
Selon la règle fondamentale de la coopéra-
tion, ces compagnies de distribution, parmi les plus importantes, ne
transigent qu'avec leurs membres, ce qui veut dire que, pour pouvoir acheter,
les pharmaciens doivent être membres, c'est-à-dire actionnaires.
Certaines de ces compagnies, comme nous l'avons dit, ont des laboratoires et
veulent de plus en plus, à cause de la règle de
l'équivalence, se lancer dans la fabrication des médicaments
équivalents. Ceci aurait pour conséquence que leurs membres, les
pharmaciens actionnaires qui, pour acheter d'eux, doivent être
actionnaires, se procurent chez elles non seulement les produits des autres
fabricants, mais également leurs produits.
Si le texte actuel de l'article 23 est maintenu, il va de soi que les
pharmaciens actionnaires et membres devront se départir de leurs actions
ou que ces compagnies de type coopératif se verront dans l'obligation de
renoncer à l'exploitation de leur laboratoire. Dans un cas comme dans
l'autre, le résultat est désastreux pour une industrie
québécoise lentement édifiée et qui commence
à s'avérer rentable. On abandonne la fabrication des
médicaments et c'est une réduction importante d'une industrie de
chez nous et la perte d'investissements considérables, ou on vend ces
laboratoires et sans doute aux seuls acheteurs possibles, les grands
laboratoires des autres provinces, des Etats-Unis ou d'ailleurs.
Nous voyons mal à quels conflits d'intérêts cet
article entend s'attaquer. Ce ne sont pas les quelques actions qu'un pharmacien
pourrait détenir chez les plus gros fabricants qui l'inciteraient
à favoriser ses produits au détriment des autres. Il est de
commune renommée je pense que depuis le début de la
semaine les membres de la commission en ont entendu parler que les
grands ont des moyens de pression, auprès des pharmaciens et des
médecins, beaucoup plus effectifs que la détention de quelques
actions dans les compangnies. Nous croyons d'ailleurs que la règle de
l'équivalence, établie aux articles 7 et 20 du projet de loi 255,
résout ce problème sans qu'il soit nécessaire de recourir
aux restrictions de l'article 23.
Le pharmacien d'ordonnance devra remplir la prescription selon sa teneur
ou y substituer un produit équivalent d'un prix égal ou
inférieur. Devant cette règle, nous suggérons que la loi
des moyennes empêche qu'il préconise des médicaments dans
lesquels il pourrait avoir un intérêt d'actionnaire au
détriment des autres. La loi des moyennes jouerait contre cette
tendance.
De plus, je pense que le ministre l'a saisi tantôt, comme
l'interdiction de l'article 23 s'applique à tout pharmacien,
c'est-à-dire à tout membre de l'ordre, le pharmacien à
l'emploi d'un laboratoire ne pourrait pas adhérer, par exemple, à
un plan de participation aux bénéfices impliquant des actions de
sa compagnie. Voici pour l'article 23.
Le deuxième point concerne la liste des médicaments et
leur équivalence. Je me réfère particulièrement
à l'article 7. A ce sujet, j'ai appris parce que ce n'est pas mon
métier, on m'en a avisé qu'une première liste avait
été publiée et qu'elle avait suscité , comme l'a
noté l'honorable ministre tantôt, des commentaires favorables de
la part de tous ceux qui ont eu l'occasion de l'étudier.
Il n'en reste pas moins que les hommes se suivent mais ne se ressemblent
pas nécessairement et que, si nous devons féliciter les
responsables de cette liste actuellement, il reste un élément
d'arbitraire dans la détermination de cette liste, telle que
prévue dans le projet actuel. Nous suggérons fortement que la loi
devrait, à l'article 7, établir certaines normes limitant le
pouvoir discrétionnaire de déterminer la liste, de telle sorte
que, par exemple, un médicament soit obligatoirement sur cette liste
s'il répond aux barèmes de qualité, d'équivalence
et de prix de sa catégorie. Nous suggérons que ce sont là
des termes qui devraient être contenus dans la loi elle-même.
Le troisième point que nous aimerions faire valoir c'est le
pharmacien en corporation. Sans discourir sur le sujet, nous croyons aux
bienfaits à tous égards de l'apparition de la formule corporative
dans la pratique de la pharmacie chez nous. Mais selon la formule
d'incorporation prévue à l'article 25 b), nous croyons que ce
projet tel que formulé, offre de graves dangers.
L'article 25 b) édicte en effet que peut être
propriétaire d'une pharmacie une corporation dont la majorité des
administrateurs comprend des pharmaciens et dont la majorité des actions
de chaque classe est détenue par des pharmaciens. Il va de soi, par
conséquent, que dans toute la mesure qui dépasse la
majorité simple, tous les administrateurs et tous les actionnaires
peuvent être des non-pharmaciens. Si la loi autorisait l'existence de
compagnies qui pourraient compter, parmi leurs administrateurs ou leurs
actionnaires, des personnes qui, au-delà de la majorité simple,
ne fassent pas partie de l'ordre, ce serait, suggérons-nous, la porte
ouverte aux grandes chaînes étrangères de pharmacies que
notre système actuel québécois a toujours réussi
à écarter.
La venue de la grande chafne serait un coup très dur à la
pharmacie indépendante que nous connaissons et également au
commerce de gros qui constitue une importante et valable industrie actuellement
aux mains des Québécois. Tous savent très bien d'ailleurs
quelle influence et quel contrôle une minorité agissante peut
avoir sur la majorité. C'est pourquoi nous suggérons les
modifications suivantes à l'alinéa b) de l'article 25. A) Quant
aux actionnaires, seuls des pharmaciens membres de l'ordre pourront être
propriétaires des actions d'une telle corporation et ce pour toutes les
classes d'actions. Il y aura toujours les actions nominatives, mais ça
n'empêche pas le pharmacien d'en être propriétaire.
Quant aux administrateurs, comme il faut tenir compte de la loi actuelle
des compagnies
qui exige un minimum de trois administrateurs, et qu'il ne faut pas
empêcher un pharmacien seul de s'incorporer, ce qu'actuellement il ne
peut faire puisqu'il faut une majorité d'administrateurs pharmaciens
un pharmacien seul ne peut pas compter pour trois et par
conséquent il lui est impossible, nous le disons dans ce texte de
s'incorporer nous proposons que le nombre d'administrateurs non
pharmaciens soit toujours tenu au minimum requis par la loi des compagnies et
seulement dans la mesure où il n'y a pas de pharmacien pour occuper le
poste. Ce qui veut dire que, si un pharmacien seul s'incorpore, il faudra
fatalement qu'il ait, peut-être, sa femme et son comptable comme autres
administrateurs ou deux autres personnes. S'ils sont deux pharmaciens, qu'il
n'y ait pas possibilité qu'il y ait d'autres administrateurs qu'un tiers
et qu'on se limite à trois, deux pharmaciens plus un, ce serait une
façon.
L'autre méthode, la question épineuse de la
présence de non-pharmaciens au sein d'une compagnie serait vite
réglée si un amendement, depuis longtemps préconisé
par beaucoup de corps publics, était apporté à la Loi des
compagnies, autorisant enfin une personne seule à pouvoir obtenir des
lettres patentes la constituant en corporation. Il n'y a aucune raison valable,
suggérons-nous, qui empêche un individu seul plutôt que
trois personnes de former une compagnie.
Finalement, nous désirons simplement mentionner que
peut-être plus de précisions devraient être apportées
à l'article 39 c) du projet de loi 255 qui traite des pouvoirs du
lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter des règlements.
Au paragraphe c) de l'article 39, il est décrété
actuellement dans le projet que le lieutenant-gouverneur en conseil peut
"déterminer dans quelles circonstances de temps et de lieu une
institution peut, par l'entremise d'un pharmacien à son emploi, vendre
ou fournir des médicaments aux personnes qui n'y sont pas
hospitalisées ni traitées? Nous serait-il permis de soumettre
que, selon nous, ces pouvoirs conférés par la loi à
l'Exécutif sont un peu vastes et devraient être restreints?
L'exercice de ce pouvoir pourrait, dans des circonstances peut-être
impossibles à penser, mais toujours possibles dans la théorie,
aller jusqu'à amener la disparition de la pharmacie de quartier, qui a
toujours été un atout économique, et conduire à
l'apparition, jusqu'à un certain point, de la pharmacie d'Etat, puisque
ces institutions pourraient, selon les règlements, vendre à des
non-hospitalisés. La pharmacie suggérons-nous, offre un excellent
réseau de services dans toute la province, qui n'a pas besoin
d'investissements de la part de l'Etat et, si ce pouvoir donné aux
institutions était trop grand, ça pourrait amener la disparition
de la pharmacie de quartier.
Nous soumettons également que des précisions s'imposent au
pouvoir de réglementation prévu à l'article 39 a) quant
à la promotion des produits pharmaceutiques. Nous ne favorisons pas
l'annonce ou la publicité en matière de pharmacie. Nous croyons
que l'expression "produits pharmaceutiques", utilisée pour la
première fois et sans définition dans le projet de loi, le bill
255, mériterait d'être définie. "Produits pharmaceutiques"
va peut-être plus loin que médicaments, mais ce n'est pas
défini. Il nous semble qu'il ne faudrait pas restreindre pour le
pharmacien la promotion de certains produits pharmaceutiques
peut-être s'agit-il de remèdes brevetés que ses
concurrents non-pharmaciens peuvent annoncer à loisir. Pour tous ces
motifs, nous soumettons le tout respectueusement à la commission.
M. LE PRESIDENT: Merci. M. le ministre.
M. CASTONGUAY: Je veux remercier le président de l'association
pour son mémoire. J'ai écouté attentivement les
explications qui nous ont été données sous forme de
commentaire en ce qui a trait aux pharmaciens d'officine qui ont des actions,
si je comprends bien, parce que vous avez parlé de compagnies de type
coopératif, dans certains groupements qui ont leur propre laboratoire de
fabrication. J'ai écouté les représentations qui ont
été faites et il me semble qu'elles vont quelque peu à
l'encon-tre d'une foule d'autres représentations qui ont
été faites, soit aujourd'hui, soit mardi, quant à la
nécessité de donner un caractère plus professionnel
à l'activité du pharmacien.
D'ailleurs, dans votre mémoire, il me semble que c'est un des
arguments de type professionnel que vous invoquez contre la présence
d'actionnaires non-pharmaciens. En effet, vous dites qu'on voit difficilement
un non-médecin ou un non-avocat qui discuteraient de problèmes
professionnels s'ils étaient actionnaires, par hypothèse, d'un
bureau de médecins ou d'avocats. La raison pour laquelle ces articles ou
ces dispositions apparaissent présentement dans le bill 255, c'est qu'au
niveau même de la pharmacie d'officine il y a un aspect de commerce. A
notre avis, la présence de non-pharmaciens pourrait avoir un aspect
positif dans la discussion des problèmes d'ordre administratif
financier. C'est évident, à notre avis, qu'il ne s'agit pas de
demander à des non-pharmaciens actionnaires de discuter de
problèmes de pharmacologie, par exemple.
Si je comprends bien le raisonnement que vous faites ici, vous voyez mal
la présence de non-pharmaciens comme actionnaires pour des raisons
d'ordre professionnel. En fait, ce sont les mêmes motifs qui nous
incitaient à inscrire, dans les dispositions, une disposition
empêchant les pharmaciens d'avoir un intérêt dans une
entreprise de fabrication. A notre avis, lorsque l'on voit toutes les
manifestations de la consommation toujours plus grande de médicaments,
surtout dans un contexte d'un caractère plus professionnel de
l'activité du pharmacien, il y a un danger de conflit et un certain
danger
de promotion d'un type de produits par rapport à un autre.
Si le pharmacien n'a qu'un nombre très limité d'actions,
je comprends qu'il ne favorisera pas nécessairement un produit par
rapport à un autre, parce que son nombre d'actions est tellement
limité que cela n'en vaut pas la peine. Donc, si c'est le cas, l'article
ne présente pas tellement de dangers. Mais, si le pharmacien
possède un nombre élevé d'actions, là, je crois
vraiment qu'il y a un danger. Il va falloir opter, à un moment
donné, pour le catactère plus professionnel ou pour une plus
grande concurrence. On a entendu, aussi bien mardi qu'aujourd'hui, un assez bon
nombre d'arguments. A un moment donné, on dit: Il faudrait mettre
l'accent sur le caractère professionnel. A d'autres moments, on semble
opter dans l'autre sens. Je pense qu'il va falloir, à un moment
donné, résoudre ce problème. J'écoutais le
président du collège mardi soir, en revenant chez moi, qui nous
disait, par la voie de la télévision: Que le gouvernement prenne
ses responsabilités. Je crois aussi qu'à un moment donné
le collège et l'ensemble de la profession vont devoir se brancher un peu
plus clairement que ce n'est le cas présentement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous faites un chiffre d'affaires de $96
millions. C'est ce qui est écrit dans votre mémoire.
M. PAQUIN: Environ.
M. CLOUTIER (Montmagny): Bon!
M. PAQUIN: Brut.
M. CLOUTIER (Montmagny): Brut, oui, d'accord. Evidemment, tous les
médicaments ne passent pas par les grossistes. Il y a une certaine
distribution des médicaments, j'imagine, qui va passer en dehors du
réseau des grossistes, puisqu'on dit, également, que le
ministère a contacté votre association pour voir s'il n'y aurait
pas possibilité d'en distribuer dans les établissements, en plus
d'en distribuer aux pharmacies.
Quel est le pourcentage que vous avez sur tout le chiffre d'affaires
dans le domaine des médicaments? Il est de $96 millions chez vous.
Combien de millions de dollars passent en dehors des grossistes?
M. GEOFFRION: La distribution se fait de deux façons, soit par
l'intermédiaire des grossistes, soit directement par les fabricants aux
pharmaciens. Il y a des fabricants qui ont comme politique de vendre
directement aux pharmaciens et il y en a d'autres, pour certaines raisons, qui
préfèrent passer par le grossiste.
On a les deux cas. Je serais porté à dire que le chiffre
d'affaires qui se fait directement serait de l'ordre de $70 millions.
M. CLOUTIER (Montmagny): De $70 millions.
M. GEOFFRION: Il est toujours question de la vente de fabricants
directement aux pharmaciens, n'est-ce pas? Il y a tout un secteur de vente qui
se fait en dehors de la pharmacie de détail, évidemment, qui se
fait aux hôpitaux, qui se fait au gouvernement, à
différentes institutions, etc. Nous, dans le moment, nous ne parlons que
de la distribution qui, finalement, est faite au consommateur par le pharmacien
détaillant. Le pharmacien détaillant a deux façons de
s'approvisionner, suivant le type de fabricants avec qui il fait affaires: Ou
il achète directement chez le fabricant, ou il achète chez le
grossiste.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il serait intéressant nous
n'avons pas le temps aujourd'hui de reprendre les statistiques que vous
nous donnez pour en arriver à vérifier la consommation par
tête. Tantôt, on nous a donné des chiffres. On nous a dit
que la moyenne de consommation, au Québec, était $16 par
tête. Alors $16 par six millions, cela fait $96 millions. Par
coincidence, cela arrive exactement à votre chiffre d'affaires. Il se
consomme donc $16. C'est la moyenne. Parce que s'il en passe $100 millions en
dehors du réseau des grossistes, il faudrait donc ajouter un autre $16
par tête. On serait rendu à $32 par tête.
M. PAQUIN: Il faut faire attention. Lorsqu'il est question de notre
chiffre d'affaires, le chiffre que nous vous avons donné, ce n'est pas
un chiffre d'affaires de médicaments uniquement. C'est le chiffre
d'affaires global. Quand vous parlez de $96 millions, il ne s'agit pas de
médicaments. Il s'agit du chiffre d'affaires global des maisons. Cela
peut comprendre des fournitures, des produits de premiers soins, même
beaucoup de choses parapharmaceuti-ques et nécessairement des produits
brevetés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il serait quand même intéressant,
par les statistiques que vous possédez, d'essayer de recouper d'autres
statistiques, pour faire une approximation.
M. PAQUIN: D'ailleurs, le ministère a déjà produit,
dans ses documents de préparation pour les normes de
l'assurance-maladie, des documents qui fournissent à peu près
tous ces renseignements, toutes ces statistiques.
M. LE PRESIDENT: Je pense que le ministre aurait des commentaires.
M. CASTONGUAY: Simplement à titre d'information, étant
donné que cette question est revenue à quelques reprises; on m'a
remis, ici, le montant, pour 1970, de médicaments d'ordonnance
distribués par les pharmacies d'officine. Donc, c'est $83 millions en
1970, par les pharmacies d'officine, pour médicaments d'ordonnance.
M. CLOUTIER (Montmagny): A part les hôpitaux et les...
M. CASTONGUAY: Ce sont d'autres chiffres qui viennent s'ajouter.
M. CLOUTIER (Montmagny): Une autre statistique que l'on peut prendre
aussi, c'est qu'on a toujours estimé, d'après mon souvenir, la
consommation de médicaments à la moitié du coût des
soins médicaux, dans le cas des assistés sociaux. Quand on
évaluait l'aide médicale, avant qu'arrive le régime
d'assurance-maladie, aux assistés sociaux, c'était $20 millions.
Quand on voulait faire une projection pour les médicaments, on disait
que cela pourrait coûter $10 millions, soit la moitié du
coût des soins médicaux.
Présentement, le régime d'assurance-maladie coûte
$300 millions ou à peu près, avec l'administration. On pourrait
donc estimer que, si on avait un régime général
d'assurance-médicaments, il en coûterait $150 millions pour les
médicaments. Alors $150 millions, dans le Québec, divisés
par six millions de population, disons que ce sont des points de repère.
On pourrait comme cela essayer, à un moment donné, de recouper
assez de statistiques pour se rapprocher de la consommation.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY : Etant donné que vous ne fabriquez pas les
médicaments que vous vendez, vous êtes, â toutes fins
pratiques, l'intermédiaire entre le fabricant et le distributeur.
J'aimerais savoir d'où proviennent tous les médicaments que vous
vendez? Y a-t-il des médicaments, dans cela, qui proviennent de
l'extérieur du pays?
J'aimerais savoir d'où proviennent tous les médicaments
que vous vendez. Est-ce qu'il y en a qui viennent de l'extérieur du
pays? Quel pourcentage? Egalement, quel pourcentage vient de l'extérieur
de la province? J'aimerais aussi savoir s'il y a du "Made in Japan"
là-dedans, comme dans d'autres choses.
M. PAQUIN: Je n'ai pas compris la fin de votre question.
M. GUAY: J'aimerais savoir s'il peut y avoir du "Made in Japan" dans les
médicaments.
M. PAUL: Or Hong Kong.
M. PAQUIN: Nous sommes des distributeurs et je ne crois pas que nous
ayons c'est une chose que nous pourrions peut-être établir
assez facilement dans le moment de statistiques ou de renseignements
précis sur l'origine des produits que nous vendons. Quant à nous,
l'origine, ce sont tout simplement les fournisseurs qui sont disponibles. Quant
à savoir si telle compagnie qui nous fournit s'approvisionne
elle-même au Japon, aux Etats-Unis ou ailleurs, quel pourcentage est
fabriqué ici et quel pourcentage est fabriqué ailleurs, nous n'en
savons rien. Nous répondons à une demande. La demande, c'est
l'ordonnance du médecin, qui va chez le pharmacien. Le pharmacien
s'adresse à nous et nous lui fournissons le médicament,
après nous l'être nous-même procuré. Mais nous
n'avons jamais dressé de statistiques pour savoir s'il y a tel
pourcentage qui provient des Etats-Unis ou du Canada.
On peut procéder un peu à l'inverse et se faire une
idée en pensant aux compagnies. C'est évident que les plus
grosses compagnies vendent davantage. Ce sont celles qui ont fait un effort
plus considérable, qui ont fait de la recherche, qui ont fait des
démarches auprès des hôpitaux et des médecins, et
ça finit par se concrétiser par une utilisation des
médicaments. Nous pourrions peut-être vous dire, un jour, que 5
p.c. de notre chiffre d'affaires se fait avec telle compagnie, 4 p.c. avec
telle autre, etc., et vous faire une liste. Cela irait peut-être plus
vite comme ça que de procéder produit par produit.
M. GUAY: Vous n'êtes pas sans savoir remarquez bien que je
ne veux pas insister l'origine des médicaments que vous vendez.
Je repose ma question: Est-ce qu'il y en a qui viennent de l'extérieur
du pays?
M. PAQUIN : Il yna sûrement. Moi, je ne sais pas, cependant, quand
je vous parle d'un produit de telle maison, s'il est fabriqué ici ou
non. Rien ne me le dit. La maison peut être canadienne, suisse d'origine
ou allemande d'origine. Les produits peuvent provenir de Suisse ou d'Allemagne,
ils peuvent être fabriqués ici ou encore ils peuvent être
fabriqués partiellement ici ou seulement emballés ici. Je n'ai
aucune donnée là-dessus. Nous sommes des commerçants. Nous
fournissons ce qui nous est demandé, là où nous pouvons
nous approvisionner.
M. GUAY: Il faudrait s'adresser aux compagnies qui vous fournissent
actuellement.
M. LE PRESIDENT: C'est le prochain groupe qui vient.
Merci, Me Paquin et Me Geoffrion.
M. PAQUIN: Merci monsieur.
M. LE PRESIDENT: La compagnie Hoffmann-La Roche.
Hoffmann-La Roche Limitée
M. DRESSLER: M. le ministre, MM. les députés, mon nom est
M. Charles Dressier. Je suis le vice-président de la compagnie
Hoffmann-La Roche, de Vaudreuil. M'accompagnent à titre de porte-parole
de notre compagnie, à ma droite, M. Alec Nowotny, trésorier,
secrétaire adjoint; à ma gauche, M. Alphonse Poirier, chef de la
représentation médicale; de nouveau à ma droite, Me Pierre
Després, chef du contentieux de La Roche.
Vu l'heure tardive et le nombre de mémoires qui ont
déjà été présentés aujourd'hui, nous
n'avons pas l'intention, M. le Président, de vous faire la lecture de
notre mémoire. Par ailleurs, nous comprenons que le secrétaire
des commissions parlementaires vous en a remis des copies et il y a lieu de
croire que vous en avez déjà pris connaissance.
Vous vous êtes sans doute rendu compte, à la lecture de
notre mémoire, que les arguments que nous invoquons à l'appui de
notre position vont, d'une façon générale, dans le
même sens que ceux qui ont déjà été
développés devant vous aujourd'hui par l'Association canadienne
de l'industrie du médicament, par l'Association des fabricants du
Québec de produits pharmaceutiques et par l'Association professionnelle
des pharmaciens d'industrie du Québec. Ce serait abuser de votre
patience de vous les présenter à nouveau. Cependant, afin que
notre position soit clairement établie et qu'elle paraisse dans le
journal des Débats, nous désirons vous faire un bref
résumé de notre mémoire. Par la suite, nous aimerions
faire quelques commentaires additionnels sur l'article 7 du projet de loi 255,
qui a pour objet la liste des médicaments préparée par le
bureau de l'ordre des pharmaciens.
Je laisse maintenant la parole à mon collègue, M.
Nowotny.
M. NOWOTNY: M. le Président, nous nous élevons contre la
substitution des médicaments pour des raisons d'ordre scientifique et
d'ordre économique. Du point de vue scientifique, la substitution des
médicaments présuppose l'équivalence thérapeutique
des médicaments qui s'offrent au choix du pharmacien. Or, aussi
surprenant que cela puisse paraître, tant sur le plan national
qu'international très peu d'études ont été faites
dans ce sens et celles qui ont été faites ont
démontré que les médicaments étudiés
n'étaient pas équivalents et que leur substitution aurait
entraîné des risques pour le patient.
Vous comprendrez avec nous qu'on ne peut demander au médecin, au
pharmacien et au patient de se contenter d'une équivalence
présumée des médicaments. La santé du patient
requiert que les professionnels de la santé n'agissent pas sur des
présomptions, mais sur la foi de données résultant
d'études démontrant hors de tout doute l'équivalence
thérapeutique des médicaments.
Au niveau économique, la substitution des médicaments va
tarir la source des investissements qui permettent à l'industrie de
recherche d'innover et de mettre sur le marché de nouveaux
médicaments. Des imitations à bas prix vont peu à peu
remplacer les médicaments originaux. La compagnie qui aura
découvert un nouveau produit ne pourra plus espérer recouvrer ces
investissements qui, à leur tour, auraient permis la poursuite de ces
recherches. Faute de nouveaux produits, les imitateurs eux-mêmes n'auront
plus rien à imiter et la recherche scientifique sera alors devenue une
chose du passé.
En terminant ce bref résumé de notre mémoire, nous
aimerions vous dire que, premièrement, il semble étrange que les
pharmaciens qui substituent un produit à un autre ne soient pas
obligés d'en avertir le patient qui pourrait alors exiger qu'on lui
vende le produit original. Après tout, n'est-il pas le principal
intéressé?
Deuxièmement, comme cela existe déjà en Ontario et
au Manitoba, on a demandé au législateur, mardi passé,
qu'un article de la loi prévoie qu'aucun recours légal ne puisse
être exercé contre le pharmacien par le patient qui a subi des
dommages à la suite de la substitution du médicament prescrit par
le médecin par un autre médicament choisi par le pharmacien. Il
est exact que la substitution des médicaments rehausse le statut
professionnel du pharmacien, qui déclare être le seul à
avoir les connaissances requises pour ce faire.
S'il réclame cette prérogative, qu'il en assume la
responsabilité. En effet, tout professionnel doit être responsable
de ses actes, c'est une garantie de sa probité. Peut-être
demande-t-il d'être soustrait à cette responsabilité parce
que, comme nous, il doute du bien-fondé de la substitution des
médicaments en reconnaissant que l'équivalence des
médicaments n'a pas encore de base scientifique solide.
Nous en venons maintenant à nos commentaires additionnels sur
l'article 7, premier paragraphe, du projet de loi 255 qui se lit comme suit:
"Le bureau doit, par règlement, dresser périodiquement,
après consultation du Conseil consultatif de pharmacologie, une liste
des médicaments qui ne peuvent être fournis que par les
pharmaciens". Ces commentaires vous intéresseront sans doute vu ce que
vous ont dit les porte-parole des pharmaciens lors de la dernière
séance de la commission parlementaire mardi passé. Nous sommes
d'accord avec les pharmaciens quant à l'importance de leur rôle
dans le secteur des services pharmaceutiques. Nous souhaitons comme eux que la
profession du pharmacien soit revalorisée le plus vite possible et que
le pharmacien d'officine devienne un véritable professionnel de la
santé comme l'est déjà son collègue le pharmacien
d'hôpital.
N'est-il pas vrai également que l'évaluation d'un
médicament, surtout d'un nouveau médicament, requiert
l'intervention du corps médical? Le législateur ne devrait-il pas
alors prévoir la participation active et soutenue du bureau de
l'ordre des médecins dans la préparation périodique
de la liste des médicaments tel que prévu à l'article 7,
paragraphe 1, du projet de loi no 255? Le ministre lui-même a reconnu
l'importance du rôle du corps médical lorsqu'il l'a
consulté dans le cadre de l'élaboration des critères et
normes d'admission des médicaments dans la liste préparée
par le conseil consultatif. Il nous a été permis d'assister mardi
à l'exposé des pharmaciens au cours duquel deux problèmes
ont été discutés, à savoir la surconsommation des
médicaments et ce que certains appellent la promotion.
Quant à la promotion, une distinction très nette s'impose
entre les produits brevetés ou pour le grand public et les
médicaments d'ordonnance. Pour ce qui est de Roche, nous désirons
vous informer que nos produits ne comprennent aucun produit breveté; par
conséquent, nos commentaires ne porteront que sur les médicaments
d'ordonnance.
En premier lieu, chez Roche, notre éthique nous interdit de
mousser la vente de nos produits en utilisant des méthodes strictement
commerciales. Nos communications avec les professionnels de la santé
sont d'ordre scientifique, c'est l'information médicale. Comme les
médecins de cette commission le savent, les véritables tests pour
un médicament consistent à l'essayer chez un grand nombre de
patients. Nul autre ne peut mieux évaluer un médicament que ceux
qui l'ont découvert et qui savent déjà ce qu'il fera et ce
qu'il ne fera pas. L'information médicale est une extension de la
recherche et ne peut en être séparée tout comme le tronc,
les branches et les feuilles d'un arbre ne peuvent être
séparés de ses racines. Nul ne peut exister sans l'autre.
L'existence d'un médicament repose donc non seulement sur son
introduction aux médecins mais aussi et surtout sur une information
médicale constante. Si cette information médicale devait
être discontinuée, les médicaments disparaîtraient
rapidement du marché.
Pour être complète et efficace l'information
médicale exige la participation tant de la compagnie qui a
découvert le nouveau produit que des professionnels de la santé.
La compagnie soumet son produit et toutes les données qu'elle a pu
accumuler aux médecins et aux pharmaciens, qui à leur tour,
après avoir mis le produit à l'épreuve, font part à
la compagnie des résultats tant positifs que négatifs auxquels
ils sont arrivés.
L'ensemble de ces échanges constitue ce que nous appelons
l'information médicale. Ces échanges ont lieu dans le monde
entier, sur une base continuelle tout au cours de la vie du produit.
Permettez-moi maintenant, M. le Président, de laisser la parole pour
quelques minutes à mon collègue, M. Poirier, qui vous parlera de
ce qu'est dans les faits l'information médicale chez Roche.
M. POIRIER: M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, je désire réitérer
l'affirmation de mon collègue, M. Nowotny, portant sur le fait que Roche
ne fait pas de publicité ou de réclame ayant trait aux produits
brevetés dit grand public parce que nous n'en vendons pas.
Néanmoins, Roche, par le truchement de ses services d'information et par
la voie de ses délégués, appelés aussi
représentants médicaux, assure la diffusion de communications
scientifiques d'intérêt général et de données
techniques pour faire connaître ses médicaments d'ordonnance qui
représentent le fruit de ses recherches.
A propos de ces données techniques portant sur nos
médicaments d'ordonnance, nous insistons sur les faits suivants quant
à la teneur à la qualité et à
l'honnêteté scientifique de ces données. 1)Toutes les
déclarations sur nos produits sont contrôlées et
approuvées par la direction des aliments et des drogues. 2) L'exactitude
de ces communications est aussi assurée par l'honnêteté
intellectuelle et l'intégrité scientifique des
académiciens et cliniciens qui seraient les premiers, avec raison,
à nous censurer si nos communications n'étaient pas conformes aux
critères les plus sévères de l'exactitude scientifique. 3)
La qualité de notre information médicale est surtout
assurée par la vigilance la plus assidue de nos scientifiques qui ne
mettront jamais en sourdine la probité scientifique pour céder
à des contingences purement commerciales.
Quant au calibre de nos media scientifiques, qu'il me soit permis ici de
vous faire voir quelques exemplaires de nos textes, manuels et autres media qui
sont devenus je vous prie de me croire pour la plupart, des
publications à vocation pédagogique qui sont maintenant
utilisées dans un grand nombre d'universités au Canada. Je vais
faire moins de théâtre; je ne le mettrai pas sur le plancher,
mais, si vous voulez le voir sur la table, vous êtes bienvenus, vous les
membres de la commission. Je voudrais affirmer que ces textes-là
émanent du service scientifique La Roche Canada ou international. Nous
avons ici un texte qui s'appelle "La formation réticulée du tronc
cérébral et ses relations avec le comportement
végétativo-affectif." Maintenant, nous avons ici "De
l'émotion à la lésion". Voyez-vous, je bégaie; je
n'ai pas pris assez de valium.
Maintenant, ici, messieurs, c'est l'aspect de l'anxiété.
Nous appelons ça une information scientifique. Ce que parfois on peut
prendre pour de la publicité ou pour de la propagande, moi, j'appelle
cela une brochure qui contient des données scientifiques. Ces
données portent spécifiquement sur le valium. Je crois qu'il y a
lieu de distinguer entre ce que peut contenir l'information médicale et
une information spécifique sur un produit pour le faire
connaître.
Ici, on parle de la pharmacologie, de la toxicologie, des effets
secondaires, des indications et des contre-indications.
Nous avons ici un disque qui s'appelle
"Oscultations du coeur". Il émane de la faculté de
médecine de l'université Laval. Il a été fait par
un professeur de chez nous, qui est un recherchiste de chez nous, le Dr Yves
Morin.
Permettez-moi, messieurs, de vous souligner que cette documentation est
en grande demande chez les cliniciens, les pharmaciens d'hôpitaux, les
médecins en pratique privée et les pharmaciens en officine.
En terminant, la disponibilité de notre service d'information
médicale, déjà connue de tous les professionnels de la
santé, est plus que jamais offerte aux pharmaciens, avec qui nous aurons
le plaisir de collaborer afin de les aider à assumer la nouvelle
responsabilité qui leur incombe dans le contexte du projet de loi
255.
Maintenant, je laisse de nouveau la parole à mon collègue,
M. Alec Nowotny.
M. NOWOTNY: M. le Président, ce que vient de vous dire M. Poirier
illustre clairement, croyons-nous, ce que nous entendons par information
médicale ou documentation médicale. De plus, vous pouvez
maintenant constater que cette information n'est que scientifique et objective.
Quant aux échantillons des médicaments d'ordonnance, on vous a
suggéré que les compagnies pharmaceutiques en faisaient parvenir,
chaque mois, à tous les médecins et ceci en grande
quantité. Ils ne pouvaient pas les utiliser. Souvent, ces
échantillons aboutissaient entre des mains de personnes
étrangères au domaine de la santé.
Permettez-moi à ce sujet d'attirer votre attention sur l'article
C-01048 des règlements de la Loi des aliments et drogues, qui stipule:
"Personne ne peut distribuer, à titre d'échantillons, une drogue
à moins qu'il n'ait reçu, au préalable, une commande
écrite portant la signature du médecin à qui
l'échantillon doit être envoyé, laquelle commande doit
préciser le nom de la drogue et la quantité demandée comme
échantillons". Quant au problème de la surconsommation,
j'aimerais, au départ, vous rappeler que les médicaments Roche ne
comprennent pas de produits brevetés ou grand public. Par
conséquent, les commentaires qui vont suivre ne concernent que les
médicaments d'ordonnance.
Cette question, à savoir s'il y a ou non surconsommation de
tranquillisants mineurs Roche comme cela a été
suggéré mardi, a déjà fait l'objet d'un
mémoire soumis par Roche à la commission Le Dain. De ce
mémoire, nous citons cet extrait : "Il n'est pas dans
l'intérêt d'une compagnie qui découvre, démontre
l'efficacité et met sur le marché un nouveau médicament
d'en exagérer la vente ou la distribution. Bien au contraire, une
compagnie qui fait de la recherche, comme Roche, verra à ce que
l'utilisation de son produit par la profession médicale soit conforme
aux indications qui auront été scientifiquement
démontrées et acceptées. Elle verra aussi, comme Roche le
fait, à ce que les médicaments ne soient pas utilisés pour
des fins non médicales ou vendus par d'autres que des professionnels de
la santé. "Si une compagnie ne surveillait pas l'utilisation de ses
produits, la demande diminuerait car leur utilisation continue par le corps
médical repose, en grande partie, sur la confiance que les
médecins ont envers la compagnie et ses produits. De plus, le
marché des médicaments d'ordonnance n'est pas élastique,
en ce sens que la demande pour un médicament n'est directement
reliée qu'à la maladie et ne résulte pas exclusivement du
jeu de facteurs tels que l'offre et la demande, la publicité ou les
prix."
Enfin, cette question de la surconsommation des tranquillisants mineurs
Roche a, entre autres, fait l'objet d'une conférence des Nations Unies
sur l'adoption d'un protocole sur les substances psychotropes Les conclusions
de cette conférence, qui a eu lieu à Vienne, au début de
1971 sont à l'effet que la production, l'exportation, l'importation, la
distribution et la vente de nos tranquillisants mineurs n'ont pas à
être limités ou contrôlés d'une façon plus
sévère que les médicaments d'ordonnance.
En conclusion, il nous semble qu'il ne s'agit pas d'un problème
de surconsommation mais plutôt de prescriptions rationnelles dont une
solution sera le format thérapeutique, c'est-à-dire un produit
préemballé et préétiqueté par les
manufacturiers dans un format conçu pour un traitement particulier et
que les patients reçoivent directement du manufacturier par
l'intermédiaire du pharmacien qui le vend tel quel, à moins
d'instructions contraires du médecin.
Voilà, M. le Président, monsieur le ministre et messieurs
les députés, notre position. Il nous fait plaisir maintenant de
répondre à vos questions.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. M. le ministre.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants de la compagnie Hoffmann-La Roche pour ce mémoire.
J'ai écouté attentivement et je ne veux pas mettre en doute les
assurances qu'ils nous donnent quant à la haute qualité
recherchée par cette compagnie dans la fabrication de ses produits, dans
l'information qu'elle distribue auprès des médecins ou des
pharmaciens, quant à la recherche qu'elle fait.
J'accepte ce qui nous est dit ici mais toutefois je crois, avec raison
je pense bien, que les divers mémoires qui nous ont été
soumis, aussi bien mardi qu'aujourd'hui, ont mis en lumière un certain
nombre de malaises, un certain nombre de problèmes que nous ne pouvons
ignorer et qui peuvent provenir du fait que nombre de compagnies n'ont pas tout
à fait les mêmes standards ou les mêmes normes d'excellence
que la compagnie Hoffmann-La Roche. Je note en premier lieu, dans le
mémoi-
re, que vous précisez que vous n'êtes pas membres de
l'Association canadienne de l'industrie du médicament. J'aimerais que
vous commentiez cette question. Est-elle reliée à votre recherche
de l'excellence?
J'aimerais aussi apporter une petite précision en ce qui a trait
aux échantillons. Vous avez mentionné encore là, je
n'ai aucune raison de le mettre en doute que dans la Loi des aliments et
drogues, certaines dispositions existent quant à l'envoi
d'échantillons. Toutefois, je ne crois pas que ces dispositions soient
respectées, à tout le moins par un certain nombre de compagnies;
je pense, entre autres, à cette personne que je connais, dont le mari
était médecin, qui est mort en 1951 et qui, encore il y a deux ou
trois ans, recevait encore une quantité d'échantillons assez
volumineuse. J'apporte cet exemple pour illustrer le fait qu'il y a des
malaises.
Si je comprends bien, votre principale recommandation, en ce qui a trait
à la majeure partie des problèmes que vous nous illustrez, est
celle de l'adoption d'un format thérapeutique. J'aimerais que vous
alliez un peu plus loin. Je comprends bien que, par rapport à une
compagnie comme la vôtre, qui recherche l'excellence, cette
recommandation puisse vous paraître appropriée, mais il me semble
qu'il serait plus satisfaisant si vous alliez un peu plus loin et que vous nous
disiez, à votre avis, quelles sont les causes de certains des malaises
ou des exagérations ou des dangers qui ont été
exposés ici au cours de la séance de mardi et d'aujourd'hui.
Même si on peut ne pas trouver très élégante la
méthode d'illustration du problème des échantillons, on
peut s'interroger sur l'ampleur de ces échantillons, par exemple, qui
sont envoyés. Je pense qu'il y a là une situation qu'on a voulu
illustrer.
La publicité, l'information ou la promotion, peu importe le nom
qu'on lui donne, même si on désire mieux qualifier les formes
qu'elle prend, il n'en demeure pas moins que, s'il n'y avait pas de
problème là, je ne crois pas que cela aurait fait l'objet
d'autant de discussions, aussi bien mardi qu'aujourd'hui.
Les pharmaciens d'officine eux-mêmes revendiquent un plus grand
rôle non seulement face aux médecins, mais aussi face aux
fabricants. Même si on peut discuter, encore une fois, la façon
dont ces organismes, tels le collège et l'Association des pharmaciens
propriétaires mettent en relief les problèmes, on ne peut,
à mon sens, conclure que ces problèmes n'existent pas ou encore
pourraient tous être résolus par l'adoption d'un format
thérapeutique, si j'ai bien compris, évidemment, votre
recommandation; d'autant plus que je me rappelle l'exposé à tout
le moins d'un, sinon des deux présidents des deux grandes
fédérations des médecins au Québec devant cette
commission, nous rappelant justement le danger que présente
l'augmentation très rapide de la consommation des
médicaments.
J'aimerais que vous précisiez davantage.
M. NOWOTNY: M. le ministre, si j'ai bien compris, vous avez trois
questions. La première question était: Pourquoi ne sommes-nous
pas membres de l'Association canadienne de l'industrie du médicament?
Nous faisions partie de cette association jusqu'à environ quatre ou cinq
ans, quand nous avons décidé d'en sortir pour la simple raison
que l'industrie pharmaceutique a été et est encore, comme vous le
savez, constamment attaquée au sujet de ses prix et profits.
C'est très évident qu'une association d'industries ne peut
pas défendre les prix et surtout pas les profits de ses membres. Nous
avons donc cru bon de partir et de prendre la défense des prix et des
profits, chez les produits Roche, entre nos propres mains. C'était la
raison principale. Une deuxième raison de moindre importance a
été que nous n'étions pas toujours d'accord sur tout ce
que l'association disait, mais cela est compréhensible parce
qu'après tout, l'association ne doit rien faire d'autre que de
représenter l'opinion de la majorité et pas nécessairement
l'opinion de chacun de ses membres. Je ne sais pas si cela répond
à votre première question.
La deuxième question portait sur les échantillons. La
question que vous nous avez posée est plutôt délicate parce
qu'au fond vous nous demandez de faire des commentaires sur les pratiques de
nos collègues dans l'industrie pharmaceutique. Tout ce que je puis dire
à ce sujet, c'est que nous, chez Roche, faisons très attention
à ce que nous faisons avec nos échantillons. L'échantillon
est un objet dispendieux et nous ne sommes pas intéressés
à le voir rester dans une boîte dans un bureau de médecin
ou, peut-être, même tomber, comme je l'ai dit dans mes
commentaires, entre les mains des gens en dehors de la profession de la
santé. Peut-être, parmi la grande pile d'échantillons qui
vous ont été montrés mardi dernier y avait-il des
échantillons de produits brevetés ou des produits de comptoir,
donc, des produits qui ne demandent pas une ordonnance, mais qui ne peuvent
être annoncés au grand public.
La troisième question, si j'ai bien compris, portait sur la
surconsommation et vous avez cru comprendre que, s'il y a surconsommation, le
format thérapeuthique pourrait être la solution. Je ne crois pas
que je voulais suggérer cela; si je l'ai fait, je m'en excuse. Tout ce
que nous avons dit, c'est que nous, chez Roche, nous observons toujours ce qui
se passe sur le marché. Nous inspectons les commandes que nous recevons.
Si nous avons un pharmacien ou même un médecin de la campagne qui
nous demande une grande quantité d'un produit, nous n'hésitons
pas à lui téléphoner afin de vérifier pourquoi il
demande une si grande quantité. Le but de cela est très simple.
Nous ne voulons, à aucune condition, qu'il y ait abus de nos
médicaments, car, s'il y a abus, c'est clair qu'à longue
échéance celui qui va payer pour, c'est nous.
Il y a une chose qui a été dite depuis bien des
années c'est à ça que nous voulons faire
référence peut-être que les médecins
font trop d'ordonnances ou que l'ordonnance est pour une trop grande
quantité de médicaments pour un traitement. Nous croyons que le
format thérapeutique peut aider à contrôler cette
situation.
Le format thérapeutique est naturellement la quantité pour
un traitement. Le format thérapeutique peut être
déterminé en consultation avec la compagnie qui a
découvert le produit, qui en connaît très bien la
posologie, et en consultation naturellement avec la profession de la
médecine et la pharmacie.
Je ne sais pas si cela vous aide jusqu'à un certain point. Je
suis prêt à préciser encore plus, si vous le
désirez.
M. CASTONGUAY: Bien, j'avais une question peut-être d'ordre plus
général; je ne devrais peut-être pas insister. Je vous
demandais d'essayer d'expliquer quelles étaient, à votre avis,
les principales causes des problèmes qui nous ont été
exposés ici depuis deux jours quant à l'aspect de la consommation
relativement élevée ou montant à un rythme rapide. Il y a
la question des prix, évidemment, mais je ne voulais pas me limiter
à un seul aspect; je voulais prendre l'ensemble de ce qui a
été exposé ici, parce qu'on retrouve un assez bon nombre
de problèmes. Il y a celui de la surconsommation. On a fait état
aussi des techniques, non pas seulement par la voie des échantillons,
qui tendent à développer cette je ne sais pas quel terme
on a utilisé exactement psychose du médicament.
Alors, il y a cet ensemble de problèmes qu'on peut regrouper sous
le nom de surconsommation et de prix élevés. Mais s'il y en a
d'autres qui m'échappent, ça ne veut pas dire qu'ils ne devraient
pas être analysés. Si je comprends bien votre réponse, vous
nous dites qu'il y a peut-être des pratiques du corps médical qui
ne sont pas assez prudentes. On tend à trop prescrire et, d'autre part,
il y a cet aspect du format thérapeutique qui pourrait constituer un
autre élément positif.
M. NOWOTNY: Il y a peut-être deux autres facteurs à
considérer. Je vous donne ici strictement mon opinion personnelle, ce
n'est pas nécessairement celle de mes collègues ou de Hoffmann-La
Roche. Il est certainement vrai que l'établissement de
l'assurance-maladie, qui donne un libre accès à toute la
population québécoise, va avoir comme effet une augmentation dans
la consommation des médicaments, car, à chaque fois qu'un patient
va voir un médecin, il y a ordonnance. Ceci, je crois, a
été clairement démontré dans les différents
pays d'Europe qui ont l'assurance-maladie, que ce soit l'Angleterre ou des pays
d'Europe centrale.
Un autre fait qu'on doit considérer est celui, si l'on compare
les années cinquante à l'année 1972, qu'il y a eu beaucoup
de développement dans l'industrie pharmaceutique. Vous avez aujourd'hui
des produits beaucoup plus efficaces. Donc, le médicament est
probablement devenu, à travers toutes ces années, un
élément plus important dans le traitement des malades. Est-ce que
cela vous aide?
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, un très bref
commentaire suivi d'une question. Je voudrais féliciter la compagnie
d'être venue. Sauf erreur, c'est la seule compagnie fabriquant des
médicaments qui est venue témoigner devant la commission sur
cette loi extrêmement importante. On note, évidemment, la
qualité du mémoire.
Pour ma part, je pense qu'il est important que les fabricants, surtout
les plus sérieux, fassent connaître davantage au public l'autre
facette. Il y a des problèmes, d'accord, on l'a constaté depuis
deux jours dans le secteur des médicaments, mais aussi il y a des
possibilités que des fabricants sérieux qui sont conscients de
leurs responsabilités puissent aider à résoudre ces
problèmes.
Cela m'amène à poser une question complémentaire de
celle qu'a posée le ministre tantôt. Il vous a demandé
pourquoi vous ne faisiez pas partie de l'association des manufacturiers
canadiens. Mais vous ne faites pas partie non plus de la section
québécoise des manufacturiers, si j'en juge par la liste qui est
dans leur mémoire. Est-ce que c'est pour les mêmes raisons?
M. NOWOTNY: Je crois que M. le président de l'association des
fabricants du Québec vous a dit qu'on ne peut être membre de cette
association, à moins que la majorité des actionnaires soient des
Canadiens. Nous sommes une compagnie canadienne, mais affiliée à
notre maison mère qui est en Suisse; donc, nous ne pouvons pas devenir
membres de cette association.
M. DRESSLER: Pour répondre à votre commentaire, nous,
comme tous les professionnels, ingénieurs, comptables, chimistes, etc.,
nous n'avons qu'une chose qui s'appelle la réputation. Si un
professionnel perd sa réputation il vaut zéro. Si nous perdons
notre réputation, c'est la même chose. Nous sommes morts. C'est
pourquoi nous insistons à travers le monde dans les différentes
compagnies Roche bien entendu aussi chez nous au Québec
pour maintenir notre image et notre réputation.
M. CLOUTIER (Montmagny): Sans mentionner de nom de compagnie, je fais
référence à votre entreprise puisque vous êtes venu
devant la commission parlementaire. Je crois que votre entreprise et d'autres
entreprises qui ont une préoccupation importante quant au standard de
qualité et de réputation, vous pouvez exercer une influence
très considérable dans le domaine
des médicaments et vous en êtes conscients. Je souhaite
pour ma part que vous révisiez votre participation à
l'Association canadienne des manufacturiers, sur laquelle vous pourriez exercer
une très bonne influence, à mon avis.
M. DRESSLER: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Comme normalement il n'est pas permis de faire des commentaires
à un membre de la commission, je n'ai pas de question. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmorency.
M. VEZINA: Tout en écoutant avec beaucoup d'intérêt
les propos qui étaient échangés entre le ministre et les
gens de la table, j'ai lu quelques pages du volume intitulé
"Valium-Roche". On voit que vous y résumez si j'en saisis bien la
portée les expériences à travers le monde des
savants sur ce produit.
Mardi, lors de l'audition d'un autre témoignage, j'ai
demandé si c'était exact que ça prenait une ordonnance
d'un médecin pour obtenir chez un pharmacien du valium. On m'a
répondu oui. Comme j'ai personnellement constaté qu'il y a un
très grand nombre de jeunes qui ont en leur possession ce qu'ils
appellent eux du valium qui est peut-être du valium je
voudrais vous poser la question suivante: Est-ce que, à votre
connaissance, il y a sur le marché des substituts de ce produit qui ne
seraient pas fabriqués par votre maison mais qui seraient en
circulation? Dans l'affirmative, est-ce qu'il sont toujours mis en circulation
à la suite d'ordonnances et approuvés par la direction des
aliments et des drogues?
M. NOWOTNY: M. Vézina, je vais vous répondre de la
façon suivante: Premièrement, le gouvernement canadien
peut-être que vous êtes au courant a amendé la loi
des brevets, en juin 1969, permettant au commissaire des brevets d'accorder des
licences obligatoires et des licences d'importation à à peu
près n'importe quelle compagnie qui venait en demander.
Pour vous donner un exemple, nous avons un autre produit que vous
connaissez peut-être aussi, le librium. Il y en a aujourd'hui 23 copies
sur le marché, qui ne sont pas toujours de la qualité voulue,
mais ça c'est un problème de la direction des aliments et
drogues.
En ce qui concerne le valium, il y a une compagnie qui est en effet sur
le marché avec sa copie, la compagnie Horner, qui appelle son produit
Vivol. Et vous avez vu ici mardi sa publicité avec le pot de café
Sanka.
Cela c'est un côté, le côté légal
disons. D'autre part, il est arrivé qu'à deux reprises il y a eu
essai de contrefaire notre produit valium.
M. LE PRESIDENT: J'ai défendu une cause et j'ai perdu contre
votre compagnie.
M. NOWOTNY: Exactement.
M. LE PRESIDENT: Comme j'ai dit au ministre, l'erreur que mon client a
faite a été de marquer le R de Roche sur la pilule.
M. NOWOTNY: Cela, c'était le premier cas.
Le deuxième cas était un peu plus inquiétant, parce
que les contrefacteurs ont même contrefait notre étiquette.
Heureusement, parce que, comme je vous ai dit auparavant, nous regardons le
marché très attentivement, nous avons pu arrêter ces gens
qui contrefaisaient notre produit avec l'aide de la police de
Montréal dans les deux semaines. La police a pu
récupérer la plus grande partie de ce matériel.
Enfin, il y a un autre aspect: le valium, une des indications qui n'est
pas propagée par nous, mais par la direction des aliments et drogues,
est que ce produit est excellent pour faire sortir quelqu'un d'un voyage avec
du LSD. Et vous allez voir que dans toutes les institutions comme Alcohol and
Drug Research Foundations, je crois aussi OPTAT, le valium est utilisé
pour ces fins.
Et alors il se peut que vous trouviez des jeunes avec notre produit dans
ses poches. La question presque une question morale, si vous voulez
est: Vaut-il mieux ne pas leur en donner ou alors leur en donner au cas
où quelque chose arriverait et qu'ils céderaient? C'est une
question que je peux juste poser et à laquelle, naturellement, je ne
peux pas répondre.
M. VEZINA: Si vous me permettiez un très court commentaire
à l'intention du ministre, M. le Président, je lui dirai ceci:
Quand on lit les expressions employées de psychopathe, de
névrose, etc., et quand on voit le nombre de jeunes qui prennent de ce
produit ou d'un dérivé, je peux vous dire que le rôle du
ministre des Affaires sociales est plus important que jamais. C'est à se
demander si la santé collective de toute une génération
n'est pas largement mise en veilleuse, pour ne pas dire plus.
M. POIRIER: M. le Président, si vous me permettez un autre
commentaire, M. Vézina justement est en train de parcourir la brochure
sur le valium. J'aimerais signaler ici que nos services professionnels ne
s'arrêtent pas immédiatement après le lancement sur le
marché. Avant d'avoir lancé le valium ou le librium, nous avions
peut-être déjà 1,500 ou 2,000 travaux cliniques, et nous
continuons encore aujourd'hui. Nous avons près de 4,500 travaux
cliniques sur le valium.
M. VEZINA: Merci.
M. GUAY: Ceci m'amène à vous poser une question. Est-ce
qu'on peut se procurer peut-être pas abondamment les
brochures qui sont produites par La Roche actuellement?
M. POIRIER: Vu que ces brochures ou ces informations scientifiques sont
désignées spécifiquement pour les professionnels de la
santé, nous préférons ne pas le faire. Et justement pour
une raison qui inquiète M. le ministre: la surconsommation. Les jeunes
veulent s'instruire sur les médicaments, et pour cette raison, nous
limitons la distribution de ces choses aux professionnels de la
santé.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, messieurs de la compagnie Hoffmann-La Roche.
Est-ce que le Service de conseils d'ordonnances de Montréal est ici? M.
MacGregor? Cela a tout l'air qu'il n'est pas ici.
La commission ajourne ses travaux à mardi dix heures, le 29
août 1972.
(Fin de la séance à 18 h 30)