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Commission spéciale des corporations
professionnelles
Projet de loi no 250 Code des professions et
autres projets de loi connexes
Séance du mardi 13 juin 1972
(Dix heures treize minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale des
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
Nous commençons la onzième séance de la commission
spéciale des corporations professionnelles. Vous excuserez le retard.
Nonobstant la présence des libéraux et des uniquistes, nous
attendions les représentants du Parti québécois et les
créditistes. Ils ne sont pas arrivés mais nous commencerons quand
même la séance. La Corporation des chimistes professionnels du
Québec est-elle prête? Est-ce que le président est
arrivé? Est-ce que la Corporation des agronomes de la province de
Québec est ici?
UNE VOIX: Présent.
M. LE PRESIDENT: L'Association canadienne des manufacturiers de
moulées? La Société des traducteurs du Québec? La
Corporation des maîtres en centrale thermique de la province de
Québec est présente?
M. LAFRENIERE: M. le Président, notre présence
immédiate semble manifester certaines présomptions.
M. LE PRESIDENT: Nous allons commencer avec la Corporation des chimistes
professionnels du Québec. C'est la coutume ici.
M. LAFRENIERE: Je n'ai pas vu d'autre corporation au début...
M. LE PRESIDENT: Elles sont toutes ici.
M. LAFRENIERE: Je comprends, M. le Président, que vous commenciez
par la Corporation des chimistes. La Corporation des maîtres en centrale
thermique viendra à quel tour?
M. LE PRESIDENT: La dernière. M. LAFRENIERE: La
dernière?
M. LE PRESIDENT: Oui. C'est la liste qui a été
préparée par le secrétaire des commissions et nous suivons
toujours la liste.
M. LAFRENIERE: Les premiers seront les derniers, je voudrais tout
simplement faire une remarque cependant, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Nous finirons même ce matin, nous serons ici
jusqu'à midi et demi. Je pense qu'on va pouvoir entendre toutes les
corporations qui sont devant nous ce matin.
M. LAFRENIERE: Je voulais tout simplement vous faire remarquer que la
salle, à ma connaissance, est remplie presque exclusivement des
mécaniciens maîtres en centrale thermique.
M. LE PRESIDENT: Les règles de procédure ont la
préséance sur les personnes.
La Corporation des chimistes professionnels du Québec, s'il vous
plaît! M. Bonnier est le président.
M. BONNIER: Bonjour, M. le Président!
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez procéder avec votre
résumé.
Corporation des chimistes professionnels du
Québec
M. BONNIER: Je vous remercie, M. le Président, MM. les
députés de la commission parlementaire, tout d'abord,
permettez-moi de me présenter: Florian Bonnier, président de la
Corporation des chimistes professionnels du Québec. Je suis
accompagné des membres de l'exécutif de la corporation et par
notre délégué au Conseil interprofessionnel du
Québec.
Je vous les présente mais je ne sais si je dois procéder
à la présentation en commençant par la personne à
mon extrême gauche ou par celle placée à mon extrême
droite. De toute façon, il ne faudrait pas voir là une
signification politique.
Donc, à ma droite, M. Adam Wygnanski, vice-président de la
corporation; à la droite de M. Wygnanski, M. Denis Boutin,
délégué de la corporation au Conseil interprofessionnel. A
ma gauche, M. Pierre Bataille, dernier président sortant de charge;
à la gauche de M. Bataille, M. Gérard Pelletier et à la
gauche de M. Pelletier, M. Roger Ashley, membres de l'exécutif.
J'aimerais aussi vous souligner que notre délégation est
elle-même accompagnée de membres du conseil que je reconnais dans
la salle.
Historique de la corporation. La Corporation des chimistes
professionnels du Québec groupe présentement quelque 625 membres
à travers la province. Incorporée en 1926, l'Association des
chimistes professionnels du Québec obtint de la Législature, en
juillet 1963, la présente loi des chimistes, reconnaissant
légalement le statut de professionnel à ses membres. En 1950, le
nombre des membres actifs de la corporation était de 40. En 1972, le
nombre est de 625.
Avant de procéder à la présentation proprement dite
de notre mémoire sur le projet de loi 263 affectant notre corporation,
qu'il me soit permis, M. le Président, de dire quelques mots au sujet du
projet de loi 250. Nous n'avons pas présenté de mémoire
sur ledit projet parce que nous avons participé à la
préparation du mémoi-
re du Conseil interprofessionnel du Québec dont nous sommes un
des membres fondateurs. Nous tenons à vous déclarer que nous
faisons nôtres toutes les suggestions et commentaires inscrits dans le
mémoire du Conseil interprofessionnel du Québec.
Toutefois, nous aimerions revenir sur un point particulier,
c'est-à-dire, l'article 171 du projet de loi 250 qui traite des permis
de radiologie.
Nous voulons simplement vous souligner qu'il est d'usage courant pour le
chimiste en métallurgie, en biochimie et en recherche de faire usage de
rayons X et de substances radioactives.
En effet, des chimistes utilisent tous les jours les rayons X pour
étudier les métaux et déceler plus particulièrement
les failles qui pourraient se trouver dans des axes et des plaques
métallurgiques de toutes sortes. Ils les utilisent aussi pour
étudier les composés chimiques et déterminer l'orientation
des chaînes moléculaires et faire l'étude des cristaux. Les
substances radioactives, aussi appelées les radio-isotopes, sont
utilisées par les chimistes dans certaines analyses biochimiques. On se
sert de l'élément radioactif comme élément traceur.
On ne saurait donc exclure les chimistes de cet article, à moins de
vouloir réduire leur champ d'action. Il ne pourrait être question
d'obtenir un permis spécial pour effectuer ces travaux dans des
sphères d'activités que déjà nous reconnaît
la loi. Il n'est pas question pour nous d'utiliser les radiations obtenues
à partir de rayons X ou de substances radioactives pour traiter qui que
ce soit. Pour nous, ce sont des moyens qui nous permettent d'accomplir notre
travail. La formation très poussée aux niveaux théorique
et pratique que reçoit le chimiste fait de lui une personne hautement
compétente et qui ne saurait être à la remorque de
quelqu'autre professionnel sur le plan des radiations.
Projet de loi 263. Notre mémoire, comme vous l'aurez
constaté, est très succinct et de lecture facile. Nos demandes
portent essentiellement sur deux points précis. Premièrement nous
vous demandons d'élargir le champ de pratique du chimiste pour y inclure
l'enseignement de sa discipline. Deuxièmement, nous vous demandons
d'abroger le paragraphe 2 de l'article 14 du projet de loi 263, de façon
à intégrer danss la corporation toutes les personnes qui
pratiquent la chimie professionnelle.
Sur le premier point, nous disons qu'il est primordial de former des
scientifiques qui assureront au Québec une place de choix dans la
révolution technique de l'ère postindustrielle. On se doit donc
d'assurer aux jeunes une qualité minimale de l'enseignement de la
chimie. Cet enseignement spécialisé devrait donc être
dispensé sous la direction ou la surveillance d'un chimiste
professionnel, lui-même enseignant.
Nous croyons que la corporation est l'organisme tout
désigné pour assurer la compétence professionnelle de
celui qui le dispensera étant donné que toutes les demandes
d'admission à la corporation sont référées à
un bureau d'examinateur. Ce bureau évalue d'une façon
désintéressée tous les candidats porteurs d'un
diplôme universitaire en chimie et aussi les diplômes
étrangers, ce qui pourrait constituer un premier filtrage.
De plus, il y va de la protection du public étudiant.
L'enseignement théorique de la chimie se complète par
l'enseignement pratique, c'est-à-dire par des séances de travaux
pratiques où les élèves sont appelés à
manipuler des substances dangereuses et à faire des expériences.
On ne peut concevoir que de tels travaux pratiques puissent être
organisés et surveillés par des personnes n'ayant qu'une
connaissance théorique de la chimie. Puisque notre raison d'être
est de protéger le public, nous croyons qu'un tel enseignement ne peut
se faire que sous la surveillance d'un praticien de la chimie,
c'est-à-dire un chimiste membre de l'ordre professionnel.
Enfin, une dernière raison qui milite en faveur de la
reconnaissance du principe que l'enseignement de la chimie constitue la
pratique est d'ordre professionnel. De nos jours, beaucoup de jeunes
diplômés en chimie se dirigent vers l'enseignement de la chimie.
Or, une des exigences de notre corporation veut qu'un jeune
diplômé soit admis dans l'ordre après un entraînement
de deux ans, sous la direction d'un membre de l'ordre. Dans les circonstances
actuelles, il serait difficile, à certains niveaux de l'enseignement,
pour ce jeune diplômé de trouver une personne qualifiée,
aux termes de la corporation, pour répondre de l'évolution et du
progrès du jeune chimiste à l'entrafnement. Dans certains cas, il
lui serait impossible de remplir l'exigence de notre loi qui lui permettrait
l'accès normal à la pratique de la profession.
Sur le deuxième point, nous vous demandons d'abroger le
paragraphe 2 de l'article 14 du projet de loi 263, onzième modification
du projet de loi 263, de façon à intégrer dans la
corporation tous ceux qui pratiquent la chimie professionnelle. Nous croyons
que les obligations qui découleront de la mise en vigueur du projet de
loi 250 doivent être partagées par tous les chimistes, qu'ils
soient chefs de laboratoire ou simples exécutants. Il s'agit d'une
question d'équité. On ne saurait limiter à un petit nombre
de chimistes le soin de porter tout le fardeau de la responsabilité
découlant du bill 250. De plus, on ne saurait nier que le travail d'un
groupe important de chimistes peut affecter le bien-être et la
sécurité publique. Nous, ce qui nous intéresse avant tout,
c'est de protéger le public, quel qu'il soit et nous croyons que c'est
uniquement en surveillant l'acte professionnel de tous ceux qui pratiquent la
chimie professionnelle que l'on peut y arriver.
En terminant, je remercie les membres de la commission de leur
bienveillante attention et
nous sommes à votre disposition pour les questions.
M. LE PRESIDENT: Le Solliciteur général.
M. FOURNIER: M. Bonnier, par le bill 250, nous tentons d'organiser un
système en vertu duquel à l'article 169, il y a une participation
à l'enseignement, c'est-à-dire que les corporations
professionnelles vont rencontrer des universités et décider des
programmes d'étude et des diplômes donnant ouverture au
diplôme de chimiste, dans votre cas. En vertu de ce que vous nous
présentez dans l'article 1, vous voulez étendre jusqu'à
l'enseignement et, en vertu de l'article 15, vous allez plus loin encore, vous
ajoutez un paragraphe mentionnant ceci: "Cependant, cet enseignement se fera
sous la direction ou la surveillance d'un membre de la Corporation
professionnelle des chimistes".
Si je regarde votre présentation, ceci veut dire que vous voulez
vous réserver presque exclusivement, du moins en direction,
l'enseignement pour devenir membre de votre corporation.
M. BONNIER: M. le ministre, ce n'est pas tout à fait notre
intention. Nous réalisons que, par l'article 169 du bill 250, il y a
dialogue entre les membres de l'enseignement et les corporations pour
établir les programmes. Notre but n'est pas d'intervenir d'une
façon directe dans les programmes pour établir tout le contenu de
ce programme. Notre but est avant tout de surveiller l'acte professionnel
même dans le milieu de l'enseignement. C'est surtout au niveau des
laboratoires que cela nous inquiète le plus. Il peut sembler y avoir une
contradiction entre l'article où nous demandons d'étendre la
juridiction de notre corporation à l'enseignement et l'article 15; mais,
en fait, ce que nous voulons, c'est faire reconnaître le principe que
l'enseignement de la chimie constitue un acte professionnel. Nous voulons
surveiller cet acte professionnel et, dans certains milieux d'enseignement, la
question ne se pose pas véritablement. Il s'agit en fait de sanctionner
une question de fait.
Au niveau universitaire, les professeurs sont éminemment
qualifiés pour répondre aux exigences de la corporation. La
plupart des directeurs des départements de chimie dans nos
universités du Québec sont membres de la corporation. Au niveau
des CEGEP, dans les grands CEGEP, il n'y a pas de problème non plus.
Dans les CEGEP de moindre importance, il peut y avoir certains
problèmes. Notre but est avant tout de surveiller l'acte professionnel.
C'est au niveau de l'application de la chimie et non pas tellement au niveau de
l'enseignement théorique, parce qu'au niveau de l'enseignement
théorique, on réalise fort bien que l'article 169 du bill 250 va
nous donner la possibilité de donner notre avis, du moins sur les
programmes. Mais lorsque nous passons au laboratoire, on ne peut pas concevoir
que ce laboratoire-là où on manipule des substances dangereuses,
où on fait des expériences qui sont dangereuses, puisse
être surveillé par des personnes qui n'ont pas une connaissance
pratique de la chimie. A ce niveau-là, dans les universités, il
n'y a pas de problème, ça existe déjà. Mais au
niveau des CEGEP, il y a certaines lacunes à combler et, au niveau
secondaire, il y a beaucoup de lacunes à combler. Comment voulez-vous,
lorsque les jeunes élèves se réunissent dans un
laboratoire, au niveau de l'enseignement secondaire et qu'ils sont
initiés aux substances chimiques pour la première fois, ces
gens-là ne peuvent vraiment pas faire les expériences qui sont
décrites dans les programmes sous la surveillance d'appariteurs. Il faut
absolument que la personne qui organise ces séances de travaux pratiques
ait une connaissance de la chimie, autrement il y va de la
sécurité de nos élèves. Nous avons tous
été témoins, dans le passé, de certains accidents
malheureux qui auraient pu être évités, si simplement les
personnes qui organisaient ces laboratoires avaient eu une connaissance
pratique de la chimie.
M. FOURNIER: Votre rôle comme corporation professionnelle n'est-il
pas plutôt de voir à ce que l'exercice de la profession de
chimiste, dans votre cas, se fasse suivant certaines normes pour la protection
du public? Relativement à l'enseignement, est-ce que ce n'est pas la
responsabilité, quant à l'enseignement lui-même, des CEGEP,
des écoles secondaires et des universités? Ce que nous tentons
d'établir, c'est un système par lequel vous allez accepter, dans
votre corporation, certaines personnes détenant les diplômes qui
satisfassent à vos exigences. On ne demande pas aux corporations
professionnelles d'aller surveiller la chimie à travers la province.
Le but de la loi est d'établir des corporations professionnelles
qui aient des membres qualifiés qui s'appellent des chimistes
professionnels. A ce moment-là, la population peut avoir confiance
à ces chimistes professionnels.
Ce n'est pas une loi générale de protection du public
comme on fait des lois pour la sécurité des
établissements, la sécurité des machines, etc. C'est une
loi de corporation professionnelle. L'article 169 mentionne ceci: "La
corporation s'entend avec l'université, relativement au diplôme".
Et si le diplôme du CEGEP ne fait pas votre affaire, vous ne les
accepterez pas dans vos rangs.
L'article 169 mentionne ceci: "Le lieutenant-gouverneur en conseil,
après consultation de l'office et de la corporation
intéressée peut, par règlement, déterminer les
diplômes délivrés par les établissements
d'enseignement." Votre rôle est de garantir au public les services de
ceux qui sont membres de votre corporation.
M. BONNIER: M. le ministre, je crois que notre loi actuelle va un peu
plus loin que ça.
Elle nous permet de contrôler la pratique de la chimie. Vous
n'avez qu'à consulter notre bill 265 où il est bien dit que, dans
certains milieux, il y a obligation pour les chefs de laboratoire de faire
partie de notre corporation. En somme, lorsqu'il s'agit de protéger le
public; pour nous, le public étudiant, est un public à
protéger aussi bien que le grand public en général.
D'abord, une des premières fonctions de notre corporation, et je
suis d'accord avec vous, c'est de s'assurer que les personnes qui pratiquent la
chimie professionnelle ont la préparation adéquate.
Deuxièmement, nous avons la responsabilité, suivant notre loi
actuelle, de contrôler cet acte professionnel. En somme, ce que nous vous
demandons, c'est tout simplement d'étendre notre contrôle à
la surveillance de l'acte professionnel au niveau de la pratique de la chimie,
surtout au niveau de l'organisation des laboratoires et de la surveillance des
séances de laboratoire dans les maisons d'institution.
M. FOURNIER: Si je compare avec la Corporation professionnelle du
Barreau, vous avez constaté que, dans les universités, les
professeurs ne sont pas tous membres du Barreau.
M. BONNIER: C'est un fait.
M. FOURNIER: C'est une corporation à côté de
l'université mais il faut que les deux se rencontrent de façon
qu'il n'y ait pas une multiplicité d'examens.
Seconde question relative à la disposition du deuxième
paragraphe de l'article 14. A ce moment-là, vous voulez que, dans
chacune des entreprises, toutes les analyses chimiques se fassent par des
chimistes membres de votre corporation puisque l'article mentionnait ceci:
"Nonobstant le paragraphe 1, lorsque plus d'un employé d'un même
établissement industriel exécute un travail qui est l'exercice de
la chimie professionnelle, seul le chimiste chef de ces employés a
l'obligation d'être membre de la corporation". Vous voudriez donc que
tous ceux qui travaillent dans une industrie soient des chimistes membres de
votre corporation et qu'il ne puisse pas y avoir d'employés qui soient
des assistants de ceux qui sont membres de votre corporation.
M. BONNIER: Tout d'abord, sur votre première question, M. le
ministre, il est exact que, pour être professeur à
l'université, en droit, il n'est pas nécessaire d'être
membre du Barreau. C'est exact aussi que, pour certaines autres professions, ce
n'est pas nécessaire. Par contre, ces gens-là, les
diplômés de ces facultés, sont obligés de passer des
examens d'admission au Barreau, entre autres des examens d'admission à
la Chambre des notaires.
Chez nous, nous n'avons pas d'examen d'admission. Nous reconnaissons
d'abord que les diplômes décernés par nos maisons
universitaires sont adéquats et nous admettons les diplômés
spécialisés en chimie directement sans examen d'admission. Le
fait que nous aurons une voix au chapitre par le biais de l'article 169 du bill
250 renforce notre conviction qu'il ne sera pas nécessaire à
l'avenir d'établir desexamens d'admission puisque nous aurons pu
exprimer nos voeux aux commissions qui sont chargées d'établir
les programmes.
D'autre part, dans certaines professions, l'enseignement est reconnu
comme étant une pratique de la chimie professionnelle. Dans la Loi des
agronomes professionnels, dans la définition de la pratique de
l'agronomie, vous avez une définition qui englobe l'enseignement comme
étant de la pratique de l'agronomie. En somme, il y a déjà
des précédents qui ont été créés.
Au sujet de votre deuxième question, le fait d'abroger l'article
14, paragraphe b) ne veut pas dire que tous ceux qui vont pratiquer la chimie
seront tenus d'appartenir à la corporation, parce qu'à l'article
1 de notre loi actuelle nous avons déjà certaines exclusions. On
ne considère pas que des analyses de routine et que le contrôle de
procédés industriels constituent de la chimie. Vous avez
ça dans la définition 1 b) de notre loi actuelle. Donc, il y a
certaines exclusions.
Ce que l'on veut, c'est qu'il y ait une distinction à faire entre
la chimie tout court et la chimie professionnelle. Lorsqu'il s'agit
d'exécuter des travaux de chimie suivant des méthodes connues et
sur une base purement de routine, nous ne considérons pas que c'est de
la chimie professionnelle. La chimie professionnelle commence là
où l'on fait de l'interprétation de résultats, là
où l'on fait du développement, là où l'on fait de
la mise au point, autrement dit, là où il y a un certain secteur
où l'on doit exercer un jugement, où l'on doit innover. C'est
là de la chimie professionnelle.
Le fait d'abroger le paragraphe b) de l'article 14 n'entrafnerait que
ceci: Tous les chimistes qui exercent la chimie professionnelle sont
obligés d'être membres de leur corporation parce que le bill 250
nous apportera des frais additionnels.
On ne pourra pas s'administrer avec le budget que nous avons et nous
considérons qu'il s'agit d'une question d'équité. Pourquoi
faire porter sur environ 600 à 700 membres tout le fardeau de ces
coûts additionnels alors que tous les chimistes font la même chose?
Ce que cela veut dire, en comme, c'est que dans l'entreprise aujourd'hui,
surtout dans la grande entreprise, vous avez des morcellements. Vous n'avez
plus maintenant un laboratoire central. Vous avez plusieurs petits laboratoires
et chaque laboratoire a son chef. Dans le cas actuel, seul le directeur
scientifique d'une entreprise est tenu d'être membre de la corporation.
Or, souvent c'est un administrateur qui est coupé des
réalités quotidiennes. Comment pouvons-nous concevoir que cette
personne puisse contrôler la qualité de l'acte professionnel de
tout son personnel, pas plus qu'un chef médecin,
d'ailleurs, dans un hôpital, ne peut contrôler tous les
actes posés par ses aides-médecins. On exige que les
médecins, que les avocats pratiquants soient tous membres de leur ordre.
En somme, on ne fait que demander ce qui existe déjà.
M. FOURNIER: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dubuc.
M. BOIVIN: Est-ce que les biochimistes font partie de votre
association?
M. BONNIER : Oui. Et je suis très heureux de votre question parce
qu'en somme cela renforcira le point que je viens de vous soulever. Si on
devait s'en tenir uniquement aux termes de la loi, seul le chimiste principal,
dans un hôpital, serait tenu de faire partie de la corporation. Or,
l'association des biochimistes d'hôpitaux exige comme une des conditions
d'admission que l'individu soit d'abord membre de sa corporation
professionnelle, reconnaissant par là que tous les actes posés
à l'intérieur d'un laboratoire de biochimie, au niveau de la
chimie professionnelle, sont primordiaux. Et le chef chimiste reconnaît
que, pour lui, il n'est pas question d'aller vérifier tous les jours si
les actes posés par tous ses subalternes sont de qualité
professionnelle, cette chose étant déjà établie par
l'ordre.
M. BOIVIN : Alors, vous voulez dire que le biochimiste qui est à
l'hôpital doit d'abord être médecin?
M. BONNIER: Non. En fait, la fonction du médecin et du
biochimiste est totalement différente. Le médecin n'est pas un
biochimiste. Le médecin peut devenir un biochimiste s'il prend des cours
spécialisés en biochimie mais le biochimiste a reçu une
formation tout à fait spéciale au point de vue théorique
et au point de vue pratique, pour effectuer un travail tout à fait
spécial, celui de l'analyse des humeurs humaines et de s'assurer que les
méthodes de contrôle sont adéquates de façon que le
médecin puisse poser un diagnostic à partir des données
qui lui sont fournies par le biochimiste dans l'hôpital.
M. BOIVIN : La biochimie est une spécialité de votre
corporation?
M. BONNIER: A l'article 1 b), nous avons la définition de la
biochimie, de la clinico-chimie et c'est une spécialité de notre
corporation.
M. BOIVIN : Concernant la radiologie, quelle école
fréquentent vos étudiants?
M. BONNIER : Ici, il faudrait s'entendre sur la définition de la
radiologie. S'il s'agit de faire des radios sur des êtres humains, ce
n'est pas notre rôle. Là où l'on se sert d'appareils de
rayons X, on se sert d'éléments radioactifs pour des
déterminations en laboratoire. Cet entraînement a
été fourni dès l'université. Ce n'est pas tellement
mystérieux que de se servir d'un appareil qui génère des
rayons X et de prendre des radios de cela.
Ensuite, nous apprenons,de même que le radiologiste, de même
que le technicien dans un hôpital, va prendre des radiologies sur un
être humain, lesquelles radios sont passées au médecin pour
interprétation, nous sommes capables de prendre des radios des
métaux et comparer à ces radios des standards pour
déterminer si les métaux en question présentent une
uniformité de structure. Alors, ce sont des choses auxquelles on nous
entraîne dès l'université,
M. BOIVIN: Maintenant cette question m'amène à une autre.
C'est une opinion personnelle que je vous demande, parce que je crois qu'il y a
des dangers dans la manipulation des rayons X, quoique vous venez de dire que
c'est une chose qui est assez facile. Est-ce que vous croyez que, dans la
province de Québec actuellement, nous avons des lois adéquates
pour le contrôle et la réglementation pour permettre à tout
le monde, par exemple, d'exercer ce métier de radiologiste? Pour mieux
«l'expliquer, c'est que, dans le commerce, on fait usage de radiologie.
Dans l'industrie, vous venez de le dire, il me semble qu'il y a des dangers
pour le public de ne pas avoir les lois adéquates et les inspections
nécessaires pour la manipulation de ces rayons X. Je sais, par exemple,
dans le domaine médical, qu'à un moment donné un dentiste
s'installe dans le bas d'une résidence, dans un immeuble d'habitation,
est-ce qu'on peut dire que le public en général est
protégé si tout le monde peut en faire l'usage?
M. BONNIER: Lorsque vous dites tout...
M. BOIVIN: Est-ce qu'on ne devrait pas avoir une loi spéciale
dans la province pour régir l'emploi des rayons X?
M. BONNIER: Lorsque vous dites que tout le monde peut se servir des
rayons X, je pense que tout de même il y a certaines limitations
présentement. Tout le monde ne peut pas s'en servir justement. Vous avez
tout d'abord des techniciens qui se servent de rayons X et vous avez des
professionnels. Parmi les professionnels, il y a des médecins, des
chirurgiens dentistes, des médecins vétérinaires et
égale- ment des chimistes. Or, ce que nous demandons, en somme, nous,
c'est ceci: l'article 171 est un article très bienvenu, ça
pourrait faire l'objet d'une loi tout à fait spéciale, nous
n'avons pas étudié la question. Mais l'article tel qu'il est,
nous croyons qu'il est beaucoup trop restrictif. Nous croyons que cet article,
tel qu'il est, a besoin de précisions, c'est-à-dire que la
radiologie faite sur des êtres humains ou sur des
animaux relève d'autres professions, excepté si cette
radiologie est faite en laboratoire, sur des animaux de laboratoire, pour
permettre au biochimiste de poursuivre ses recherches, mais ça entre
dans le cadre de nos responsabilités. Alors, on ne voit pas comment il
faudrait pour nous obtenir un permis pour utiliser un moyen de travail que nous
avons déjà. Or, nous ne sommes pas n'importe qui. Les chimistes
sont des gens qui ont reçu une formation hautement
spécialisée, hautement théorique et pratique. En somme,
nous ne voulons pas être à la remorque de n'importe quel autre
professionnel pour aller demander des substances radioactives pour faire nos
travaux. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
M. BOIVIN: J'ai bien confiance à tous ces professionnels qui sont
sûrement capables de manipuler les rayons X, mais je crois que dans la
province nous n'avons pas la législation et c'est que vous
réclamez actuellement certaines choses.
Peut-être que le bill 250 est trop restrictif, mais ne croyez-vous
pas que par une loi spéciale où vous allez admettre des
diplômés comme la chirurgie dentaire en admet, comme la
médecine vétérinaire en admet, comme les médecins
et tous ces spécialistes vont en admettre et qu'ils aient leur petit
laboratoire où ils feront des rayons X un peu partout? Actuellement, il
y a eu certaines restrictions, mais on ne peut pas dire que la manipulation des
rayons X dans des magasins à rayons sert la protection du public. Des
restrictions ont été faites, je ne veux pas limiter ceux qui sont
compétents mais il y a danger, manque de protection dans le champ
d'action où ces rayons X sont manipulés, je le dis et je
l'affirme pour le besoin de la cause, et on devrait voter une loi
spéciale pour la protection du grand public.
Je suis d'accord qu'un professionnel établisse un laboratoire, il
n'est pas nécessaire que ce soit votre association, mais tous les
médecins, la médecine biochimique, les chimistes, les
industriels. S'il faut étendre la mesure aux commerces, je ne veux pas
qu'il y ait de restriction, mais que l'on soit pas dans une situation
inférieure dans la province. Je n'admets pas qu'on ne puisse pas
utiliser tout ce que la science nous donne, mais je dis et je l'affirme, pour
l'avoir contasté lors de mon passage au ministère de la
Santé, actuellement, il n'y a pas de protection adéquate pour le
grand public. On fait des rayons X sans avoir des chambres plombées un
peu partout dans la province.
M. LE PRESIDENT: Je pense qu'on s'est éloigné un peu du
sujet. L'idée est très bonne mais on y a déjà
répondu.
M. BOIVIN: Je pose la question pour avoir une opinion.
M. LE PRESIDENT: On a déjà répondu à ces
questions et donné une opinion personnelle. Je pense que votre
idée est très bonne mais elle devrait être
mentionnée ailleurs.
M. BOIVIN: Je vais poser la question partout, à ceux qui font des
rayons X.
M. LE PRESIDENT: D'accord, on a eu la réponse, votre idée
sur la question des rayons X est très bonne, mais je pense que ce n'est
pas dans le contexte de ce bill.
M. BOIVIN: On se plaint qu'il y a restriction, alors, j'affirme qu'on
devrait avoir une loi spéciale pour donner un permis à tous ceux
qui doivent en avoir.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le mémoire
présenté par les chimistes ne s'attarde qu'à quelques
points particuliers. Je dois peut-être en conclure qu'ils sont satisfaits
dans l'ensemble de la loi proposée. Tantôt, M. le
Président, vous avez présenté ceux qui vous accompagnent
en disant qu'il y a parmi eux un représentant au Conseil
interprofessionnel.
M. BONNIER: C'est exact.
M. CLOUTIER (Montmagny): Es ont travaillé probablement à
la préparation du mémoire conjoint. En ce qui concerne les points
que vous n'avez pas touchés, cela voudrait-il dire que vous êtes
d'accord sur les positions prises ici devant la commission parlementaire par le
Conseil interprofessionnel dont le porte-parole était M. Sheppard?
M. BONNIER : Nous avons, dans notre représentation, dit
tantôt que nous étions solidaires des recommandations et
suggestions du mémoire du Conseil interprofessionnel. Il est exact que
nous avons participé à tous les stades de l'élaboration de
ce mémoire. Nous avons fait nos représentations sur les articles
particuliers qui nous intéressaient à l'intérieur de nos
séances de préparation du mémoire et nous avons
trouvé satisfaction dans la rédaction du mémoire
final.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous êtes d'avis que le
Conseil interprofessionnel soit institutionnalisé par le bill 250?
M. BONNIER: Qu'il soit reconnu, oui. Quant à être
institutionnalisé, nous existons déjà depuis un certain
temps.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, mais pas dans le cadre de la loi et,
à ce moment-ci, cet organisme reçoit une reconnaissance
officielle et avec des pouvoirs plus élaborés que ceux qu'il
avait auparavant. D'autres organismes ont
mentionné qu'ils devaient rester en dehors des cadres de la loi
et que l'adhésion au Conseil interprofessionnel soit volontaire. Il y a
plusieurs organismes qui ont mentionné cela aussi.
M. BONNIER: Nous préférons que l'adhésion soit sur
la base volontaire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quant à la définition, vous avez
mentionné tantôt avec raison que certaines corporations
professionnelles, dans les lois spécifiques qui vont les régir,
avaient dans leur définition un aspect qui touche l'enseignement. Vous
avez parlé, entre autres, de la Loi des agronomes, bill 258, et je pense
qu'on les reçoit tantôt, après vous. Dans la
définition, à l'article 24, on dit: Constitue l'exercice de la
profession d'agronome tout acte posé moyennant
rémunération, qui a pour objet d'enseigner, de vulgariser. Alors,
vous avez mentionné au ministre tantôt, au député de
Gatineau, cet aspect de l'enseignement contenu dans la définition.
D'autre part aussi, dans la question des règlements il est prévu
à l'article 69 le ministre l'a mentionné tantôt
que les corporations professionnelles vont tout de même être
consultées à certains stades et, pour certains aspects, avant que
le permis ou qu'un certificat de spécialiste ne soit
délivré. Si j'ai bien compris tantôt, vous n'êtes pas
satisfaits du rôle et des responsabilités que pourront assumer les
corporations professionnelles en ce qui concerne la formation. Est-ce
exact?
M. BONNIER: Non, M. Cloutier. Je crois que ce qui est important pour
nous d'abord, on reconnaît que cet article 169 du bill 250 est un
pas dans la bonne direction c'est qu'il s'établit un dialogue
entre les corporations professionnelles et les maisons d'enseignement et que ce
dialogue ne peut que bénéficier aux futurs diplômés.
Nous sommes très heureux de cette chose. Seulement ce qui nous
inquiète, on peut avoir les meilleurs programmes du monde, si certains
aspects des programmes constituent un entraînement pratique vers la
spécialité ou vers la formation ultime d'un étudiant, nous
calculons à ce moment-là, si ce n'est pas sous la surveillance
d'un praticien, qu'il y a une lacune à combler.
Il ne faut pas oublier que la chimie, comme d'ailleurs bien d'autres
sciences, est une science avant tout expérimentale. Nous avons d'abord
une formation théorique hautement poussée et, ensuite, nous avons
une formation pratique. Le chimiste apprend dès l'université
à se servir des divers appareils et des diverses substances-, il fait
des expériences, il acquiert un doigté, etc., au niveau de la
pratique. Comment voulez-vous que cette pratique soit sûre, uniquement
parce que des programmes ont bien été élaborés, si
cet aspect spécial n'est pas sous le contrôle d'une personne qui
connaît la pratique elle-même? Un professeur peut avoir une
formation hautement théorique; s'il n'a pas une formation pratique, il
n'est pas apte à surveiller des travaux pratiques. Seulement, j'insiste
ici, ce n'est pas le cas de nos professeurs dans les universités et dans
la plupart de nos CEGEP à Montréal. La plupart de nos directeurs
des départements de chimie sont des membres de la corporation. Donc, ils
sont déjà aptes à voir à ce que la
sécurité des laboratoires où se font des travaux pratiques
soit assurée.
M. CLOUTIER (Montmagny): Alors, c'est surtout l'enseignement dans sa
dimension pratique, c'est là le sens de vos représentations
devant la commission.
M. BONNIER: C'est là que se situe le niveau de nos
préoccupations.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord, merci.
M. LE PRESIDENT: M. Bonnier, je pense que ce sont là toutes les
questions qu'on veut vous poser et je veux remercier votre
délégation et la corporation pour le résumé du
mémoire et pour être venues ici aujourd'hui.
M. BONNIER: Je vous remercie beaucoup, messieurs les
législateurs.
M. LE PRESIDENT: La Corporation des agronomes.
Me Denys Aubé.
Corporation des agronomes de la province de
Québec
M. AUBE : M. le Président, si vous me permettez, Denys
Aubé, avocat. Je représente la Corporation des agronomes pour les
fins de ce mémoire, ici à la commission parlementaire. Je vais
d'abord vous dire que je suis accompagné à ma gauche de M.
Bertrand Forest, qui est l'actuel président de la corporation et,
à ma droite, de M. Paul Morin, qui est le président tout
nouvellement sortant et, à l'extrême gauche, de M. Théodore
Mongeon, qui est secrétaire général de la corporation.
Notre mémoire a été déposé, il y a
déjà quelques mois. Nous avons également soumis un
document, il y a quelques mois aussi, à l'effet que nous donnions notre
appui au mémoire du Conseil interprofessionnel. Ce matin, si on ne l'a
pas fait, nous avons apporté quelques amendements aux articles 24, 25 et
29 qu'on vous a distribués.
Alors, sans plus tarder, parce qu'il y a beaucoup de
délégations ici ce matin, je demanderais à M. Bertrand
Forest, le président, de vous exposer le mémoire de la
Corporation des agronomes de la province.
M. FOREST: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire spéciale des corporations professionnelles de
l'Assemblée nationale.
Les membres de la Corporation des agronomes de la province de
Québec ont étudié le projet de loi 258, communément
appelé, intitulé "Loi des agronomes" et ont fait connaître
leur point de vue au secrétariat général par
l'intermédiaire de leur président de section qui est membre du
conseil administratif de la corporation. Les onze corporations
régionales sont les cellules de notre corporation générale
et le mémoire que nous vous soumettons respectueusement
représente donc les vues des membres de la Corporation des agronomes du
Québec. Le secrétariat de notre corporation dispose, depuis 1937,
d'un secrétaire général permanent, d'un personnel de
secrétariat, et a apporté à l'étude du projet de
loi 258 une attention particulière qui tient compte des
procédés administratifs qui nous sont propres et de
l'expérience acquise, au cours des 35 dernières
années.
Depuis plusieurs années, les agronomes désiraient des
amendements à la loi qui les régissait, car cette dernière
devenait de moins en moins adéquate, puisqu'elle avait été
sanctionnée le 29 mai 1942. Depuis lors, la loi des agronomes a connu
peu de changements. Par ailleurs, on sait que l'agriculture a
évolué durant cette période. Le champ d'action de
l'agronome s'est considérablement agrandi. De nouvelles sciences sont
apparues dans les programmes universitaires d'enseignement agronomique. Le
rôle de l'agronome a une dimension mondiale, puisqu'il voit à
nourrir le genre humain. Un célèbre auteur américain
écrivait récemment "Can we learn to feed the world in time? " La
famine mondiale est arrêtée temporairement par ce que l'on appelle
communément la révolution verte en agriculture. Ici même au
Québec, les problèmes sont nombreux. On ne produit pas tout ce
qu'on pourrait produire sous nos propres conditions pour suffire à nos
propres besoins alimentaires.
Les deux facultés d'agriculture situées au Québec,
celle de l'université Laval, celle de l'université McGill,
Collège Macdonald, dispensent un enseignement universitaire
supérieur de haut calibre; leurs diplômés occupent les
postes les plus variés au Québec, au Canada, à
l'étranger et leur influence est considérable. Les membres de la
Corporation des agronomes expriment leur reconnaissance au législateur
qui a jugé bon de refondre la loi de leur corporation. Dans son
ensemble, le projet de loi nous plaît et les considérations qui
suivent n'ont pour but que de l'améliorer et de parvenir à une
plus grande efficacité.
Premièrement, dans la version anglaise du projet de loi 258, on
traduit "agronome" par "agronomist". C'est une traduction impropre. Le mot
"agronomist" est restreint et qualifie celui qui s'occupe de grandes cultures,
culture des céréales, des plantes fourragères en grand
champ. Alors que le mot "agrologist" est celui qui applique les sciences
à l'agriculture, sans restriction, et dans tous les domaines de l'agri-
culture, soit l'élevage, l'alimentation. D'ailleurs, l'Institut agricole
du Canada qui est l'homologue de la Corporation des agronomes ici au
Québec, traduit ce terme par "agrologist" au lieu de "agronomist". Nous
demandons donc que le mot "agrologist" soit substitué à celui de
"agronomist" à 47 endroits différents de la version anglaise du
projet de loi 258.
Choix des membres du bureau nommés par le lieutenant-gouverneur
en conseil, l'article 5. Nous considérons que le rôle des membres
du bureau nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil en est un
d'observation avec pouvoir de délibération et de votation. A ce
point de vue, nous croyons fermement que ce rôle peut être
efficacement tenu par un seul membre nommé par le lieutenant-gouverneur
en conseil.
Nous sollicitons de plus que ce délégué soit choisi
parmi une liste de noms provenant de divers milieux et suggérés
par notre corporation.
M. le Président, lors du dernier congrès de la
corporation, tenu au début de juin à Trois-Rivières, les
agronomes se sont opposés à la désignation, par le
gouvernement, d'administrateurs de la Corporation professionnelle des agronomes
du Québec.
Délégués au bureau. Article 7. Depuis la fondation
de notre corporation en 1942, les présidents de section ont toujours
été délégués au bureau provincial
d'administration, appelé chez nous le conseil administratif. On
constate, par le tableau suivant, la variation entre les effectifs des sections
de la corporation.
Le président de section, au niveau local, est l'autorité
démocratiquement élue. C'est la personne la mieux informée
de ce qui se passe au sein de sa section. Le président de section
constitue le lien essentiel entre la corporation générale et les
membres de sa section, servant d'agent d'information dans les deux
directions.
Si le président de section ne peut pas être le
délégué au bureau provincial, nous croyons qu'il se
créera une double autorité au sein de la section et nous ne
pouvons concevoir que le délégué puisse être une
autre personne que le président de section élu au suffrage
universel par les membres de sa section.
Nous demandons qu'une disposition précise au projet de loi 258
soit inscrite pous s'assurer que le président de section est le
délégué au bureau, avec pouvoir de se nommer un
remplaçant en cas d'incapacité.
Cotisations. Depuis huit ans, le secrétariat
général de notre corporation recueille les cotisations de tous
les agronomes et remet à chacune des sections une ristourne de 10 p.c,
avec un minimum de $300, de l'argent perçu des membres de la section
concernée. Cette procédure a beaucoup amélioré le
rythme de perception des cotisations et toutes nos onze sections sont unanimes
à vouloir que ce système continue, afin que la corporation
générale dispose de revenus nécessaires à sa
régie.
Il est également bon de souligner que si
chacune de nos sections est indépendante, aucune d'entre elles ne
dispose d'un personnel permanent. Nous demandons donc, que le projet de loi
258, à l'article 10 c), soit modifié et confirme ce qui existe en
fait depuis huit ans. Et afin d'éviter que les membres d'une section
puissent être obligés d'acquitter une cotisation
supplémentaire, nous sollicitons l'abrogation de l'article 18 du projet
de loi 258.
Modifications aux territoires des sections. Quatre de nos corporations
régionales ont exprimé le désir de modifier leur
appellation ou la répartition des districts électoraux qui les
concernent. Le district électoral de Témiscouata ferait partie de
la Corporation des agronomes de Rivière-du-Loup-Gaspé et serait
retranché de la Corporation des agronomes de la région de La
Pocatière. Les deux corporations régionales concernées ont
donné leur approbation à cette décision.
La Corporation des agronomes de la région
Abitibi-Témiscamingue a exprimé le désir d'être
désignée sous l'appellation la Corporation des agronomes du
Nord-Ouest québécois. Cet amendement à nos
règlements a été approuvé lors de
l'assemblée générale de la' corporation au début de
juin dernier.
Enfin, la Corporation des agronomes de la région
Lac-Saint-Jean-Saguenay désire également modifier son appellation
en Corporation des agronomes de la région Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Exercice et résidence. Depuis 1937, le lieu de résidence a
toujours été le critère d'appartenance à une
section. Nous croyons que, pour minimiser le transfert de membres entre les
sections, le critère de résidence soit ajouté à
celui de l'exercice de la profession. Et si l'un des deux critères,
exercice et résidence, doit disparaître, nous
préférons que subsiste celui de la résidence.
Fonction agronomique. Article 24. L'agriculture a évolué
et évolue rapidement. La ferme agricole est devenue une entreprise
commerciale. Des étudiants en agronomie, au niveau universitaire,
étudient maintenant de nouvelles sciences que les plus vieux agronomes
n'avaient pas perçues. Les méthodes d'approche des agronomes
auprès des cultivateurs sont différentes de celles qui avaient
cours il y a moins de dix ans. L'agriculture n'est plus uniquement une affaire
de production mais aussi, et surtout, une affaire de transformation.
Le rôle de l'agronome dans une agriculture moderne est
perçu et apprécié dans de nombreuses sphères comme
essentiel puisque de son action professionnelle dépend l'alimentation
des humains. L'agronome est le seul professionnel de l'agriculture, le seul
capable d'appliquer les sciences à l'agriculture. Il lui faut donc
disposer d'une autorité légale qui lui permette d'oeuvrer et
d'empêcher les charlatans de mal conseiller la classe agricole.
Le terme agronomie dépasse de beaucoup le cadre étroit et
restreint qu'on lui attribue normalement, soit la connaissance
supérieure de l'agriculture. Un éminent agronome français
précisait en termes très courts, brefs, une définition de
l'agronomie: "C'est la connaissance des faits agronomiques et des moyens de les
apprécier".
Depuis plusieurs années, les agronomes aspirent à une
définition légale plus à jour de leur travail
professionnel. Cette nouvelle définition de leur profession, les
agronomes la souhaitent ardemment, non pas pour revendiquer des droits qu'ils
ne peuvent avoir, non pas non plus pour éliminer et dominer des gens qui
gagnent leur vie en agriculture, non pas pour restreindre le champ d'action
d'autres professionnels mais pour caractériser leur action, pour en
déterminer la portée, pour leur permettre d'appliquer à
l'agriculture les sciences qu'ils ont étudiées.
Deux solutions se présentent à ce désir de modifier
la définition légale de l'exercice de la profession d'agronome,
une définition détaillée des diverses fonctions
agronomiques ou une définition plus large qui ne nécessitera pas
d'être modifiée à la suite de l'évolution de la
profession. Nous avons consulté tous les agronomes et 80 p.c. d'entre
eux ont opté pour une définition plus large de leurs fonctions.
Nous avons remis ce matin la définition des fonctions agronomiques qui
ont été choisies et approuvées par les membres de la
corporation.
Modification de l'article 24. Article 25: Droits et privilèges.
Rares sont les professions qui peuvent réclamer l'exclusivité
absolue d'un champ d'exercice de leur profession. Il est fréquent de
voir plusieurs professionnels de professions différentes travailler
à la réalisation d'un projet. Cette complémentarité
des professions a son origine à l'université où le
mouvement de décloisonnement des facultés est maintenant chose
irréversible.
Nous sommes d'avis que la rédaction de l'article 25, tel qu'il
apparaît au projet de loi 258, est préjudiciable aux
intérêts professionnels des agronomes parce qu'elle accorde la
priorité de l'exercie des fonctions à tout professionnel dont la
loi qui le gouverne contient une ou plusieurs fonctions incluses dans la
définition de la fonction agronomique. Et la portée de cet
article est considérable puisqu'elle englobe toute fonction qu'une
corporation pourrait éventuellement ajouter aux siennes ou croire
être siennes.
Nous acceptons l'article 25 dans sa rédaction actuelle à
condition que pareille disposition apparaisse aux lois constitutives des
médecins vétérinaires, des ingénieurs, des
arpenteurs, des ingénieurs forestiers et des chimistes
professionnels.
Comité des examinateurs. Article 26. La Corporation des agronomes
se réjouit du fait que le législateur ait maintenu au
comité des examinateurs qui jugera de la qualité des candidats
à l'exercice de la profession. Notre corporation, soyez-en
assurés, s'acquittera de
cette tâche et profitera de l'expérience qu'elle a acquise
depuis 1942 et qui a permis à plus de 1,768 candidats de devenir
membres.
Dans les pouvoirs que le projet de loi 258 accorde au comité des
examinateurs, il y a celui de faire subir un examen écrit et un examen
oral.
La Corporation des agronomes veut que ce pouvoir demeure mais
apprécierait que l'imposition d'un examen écrit soit
laissée à la discrétion des membres du comité des
examinateurs. L'examen écrit, par exemple, des diplômés de
nos deux facultés d'agriculture du Québec pourrait être
celui imposé par ces dernières.
Nous sollicitons un amendement à l'article 26 du projet de loi
258 dans ce sens.
Dispositions transitoires. Article 31, article 36. Comme nos onze
sections ont par la loi qui nous gouverne présentement des pouvoirs et
des devoirs, nous croyons que les dispositions transitoires dont il est fait
mention à l'article 31 spécifient qu'elles s'appliquent
également aux sections.
Il en est ainsi des règlements qui demeurent en vigueur et dont
l'article 36 doit faire mention pour les règlements des sections.
Corporation régionale. Le projet de loi 258 utilise abondamment
le mot section pour désigner la corporation régionale. Nous
préférons de beaucoup que les mots corporation régionale
remplacent le mot section dans tout le texte du projet de loi 258.
Texte français et texte anglais. Les agronomes ont signalé
que le texte français du projet de loi 258 pouvait être
amélioré sans pour autant en affaiblir l'interprétation.
Croyant que cette tâche revenait au législateur, nous n'avons pas
cru bon d'aller plus avant dans ce projet.
Afin d'expliciter le mémoire, il nous fera plaisir de
répondre à vos questions et je vous remercie de votre
bienveillante attention, M. le Président et messieurs les membres de la
commission parlementaire.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gatineau.
M. FOURNIER: Relativement au premier point que vous avez souligné
à l'effet que le mot anglais "agrologist" serait plus conforme à
la loi, est-ce que vous avez examiné la définition
française du mot agrologiste ou agrologie? Parce qu'il semble que, dans
le texte, si l'on prend le mot agrologie en français, ce terme a moins
d'étendue que l'agronomie. Et avez-vous comparé? Peut-être
est-ce plus restreint en anglais? Peut-être est-ce le contraire?
M. FOREST: C'est que "agronomy" en anglais est très
restrictif.
M. FOURNIER: II est plus restrictif qu'en français?
M. FOREST: C'est plus restrictif "my" que "mie". C'est pour cela qu'en
accolant agronomist à agronomy, on restreint. Il y a aux Etats-Unis ce
qu'on appelle Agronomy Department dans une université qui ne constituera
que l'étude des plantes de grandes cultures, les plantes
fourragères, les céréales, à l'exclusion des
plantes horticoles, des animaux et de tout. Et parfois on y inclut le sol dans
d'autres universités et c'est différent. Alors, nous trouvons que
le mot "agronomy" anglais est très très restrictif. C'est pour
cela qu'on voudrait l'étendre.
M. FOURNIER: En français, c'est le contraire?
M. FOREST: Oui.
M. FOURNIER: L'agrologie est restreinte à la grande culture,
comme vous le mentionnez et ne s'étend pas aux animaux.
M. FOREST: Et comme je l'ai mentionné, les Anglais
eux-mêmes utilisent le terme "agrologist".
M. FOURNIER: Vous nous avez soumis une définition de champ
d'exercice de la profession, de même qu'une définition de
l'agriculture. Et, dans la définition de cette dernière, vous lui
donnez une étendue qui couvre la production, l'entreposage, la
transformation et la distribution. Je devance peut-être les
mémoires qui seront entendus. De quelle façon
considérez-vous les personnes qui manufacturent et vendent les produits?
Est-ce que ces gens, lorsqu'ils se présentent, soit à la
coopérative ou chez le gros cultivateur et lui suggèrent des
produits, lui vantant leurs produits, la façon dont ils sont
composés et leurs effets, comment considérez-vous ce champ
d'exercice relativement au champ d'exercice que vous nous demandez dans votre
définition? Il s'agit de la distribution; les vendeurs de
moulées, quand ils se présentent...
M. FOREST: La minute où ils donnent un conseil au public
si on veut protéger le public adéquatement ils doivent
être en mesure de répondre à certaines normes
professionnelles ou autres, parce qu'ils donneront immédiatement un
conseil au producteur ou au cultivateur. A ce moment-là, ils devront
posséder la compétence nécessaire pour
protéger...
M. FOURNIER: Ils devront être membres de votre corporation.
Comment considérez-vous la personne qui vend les produits
pharmaceutiques, qui se rend chez les pharmaciens, les médecins et vante
les nouveaux produits? Parce que dans votre article...
M. FOREST: Si c'est pour les produits pharmaceutiques pour les
animaux...
M. FOURNIER: Non.
M. FOREST: ... je présume que les médecins
vétérinaires eux-mêmes verront à ce point.
M. FOURNIER: C'est seulement par analogie que je fais la remarque. Cela
prendra des agronomes aux entreprises commerciales pour aller voir les
coopératives et pouvoir vanter leurs produits.
M. FOREST: S'ils donnent des conseils et des avis concernant la culture,
il faudra qu'ils aient la compétence, qu'ils soient reconnus. Comment
voulez-vous autrement protéger le public et vous assurer que l'acte
professionnel qu'ils ont posé répond bien au code des professions
que vous voulez établir?
M. FOURNIER: Sans être un acte professionnel, établir les
valeurs nutritives des produits, cela fait partie de votre champ
d'activités? Jusqu'à maintenant, quelles ont été
vos relations avec ces gens?
M. FOREST: M. l'ex-président qui a été membre du
conseil administratif pendant six ans pourrait peut-être vous parler des
relations qu'il a entretenues. Si vous n'avez pas d'objection.
M. FOURNIER: J'aimerais cela.
M. FOREST: M. Morin a été associé...
M. MORIN: La plupart du temps vous avez dans chaque territoire,
même dans chaque comté, un bureau du ministère de
l'Agriculture auquel peuvent faire référence tous les
cultivateurs qui sont indécis sur l'utilisation d'un produit qu'ils se
sont procuré chez un revendeur ou même un manufacturier. A ce
moment-là, il y a toujours un contrôle qui est exercé par
un ou plusieurs agronomes sur l'utilisation du produit.
M. FOURNIER: Relativement à la production elle-même, je
vois que vous le mentionnez dans votre définition, la production et la
transformation, est-ce que ça veut dire aussi qu'il y aura un agronome
dans les établissements qui produisent ou...
M. FOREST: Je pourrais répondre à votre question en disant
que nous avons, par exemple, ici au ministère de l'Agriculture du
Québec, des conseils, c'est ainsi qu'on les appelle: le Conseil des
recherches agricoles du Québec, le Conseil des productions
végétales, le Conseil des productions animales où sont
regroupés les agronomes et les spécialistes du gouvernement du
Québec, de celui du Canada qui a des établissements au
Québec, des universités et de l'entreprise privée. Tous et
chacun mettent en commun leurs renseignements, participent à certains
travaux de développement expérimental ou même de recherche
appliquée, étudient les résultats et, chaque année,
on publie des recommandations précises. Souventefois, les produits
auxquels vous avez fait allusion ont été essayés, ont
été soumis même par certaines de ces compagnies; s'il
s'agit de pesticides, ces produits ont été soumis aux essais qui
ont été coordonnés par les comités et les conseils
dont je vous ai parlé tout à l'heure.
M. FOURNIER: Revenant au mémoire plus précisément,
vous mentionnez que le représentant nommé au bureau devrait
provenir d'une liste soumise par votre corporation. Est-ce que vous seriez
satisfait si la liste était faite par le Conseil interprofessionnel?
M. FOREST: Certainement que...
M. FOURNIER: Si elle est soumise par chacune des corporations, cela
devient pas mal restrictif si on veut une représentation du public.
M. FOREST: Nous avons un délégué au Conseil
interprofessionnel.
M. FOURNIER: Si la liste provenait du Conseil interprofessionnel...
M. FOREST: Elle serait épurée à une deuxième
étape.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): M. Forest, concernant les régions qui
sont contenues dans l'annexe, vous demandez certaines modifications. Le
gouvernement a fixé par arrêté en conseil dix
régions économiques dont il se sert pour l'administration du
territoire. Je pense que le ministère de l'Agriculture a douze
régions, si ma mémoire est bonne. Vous avez onze régions.
En pratique, comment tout cela peut-il se conlier?
M. FOREST: Nous nous sommes surtout basés sur les districts
électoraux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Mais les districts électoraux, nous
sommes à les étudier à nouveau dans cette même
salle.
M. FOREST: C'est précisément pourquoi il y a deux
corporations qui ont suggéré une modification.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ah bon! C'est en tenant compte de ces
représentations que vous avez été amenés...
M. FOREST: Oui, il faut toujours qu'il y ait entente entre deux
corporations régionales. La
modification au règlement doit être soumise avant
l'assemblée générale annuelle de la corporation et
l'amendement soumis au vote sous forme de résolution. Elle est
même soumise au conseil général après que les deux
corporations respectives se soient entendues pour les modifications à
leur propre territoire. L'amendement au règlement doit être
approuvé par l'assemblée générale de la corporation
lors du congrès annuel.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, il faudra
peut-être que le législateur tienne compte de cet
élément de réforme électorale pour introduire un
peu de souplesse dans cette législation là où les lois
contiennent des annexes. Evidemment, il faudra toutes les revoir, à un
moment donné, et il est même possible aussi que le
ministère de l'Industrie et du Commerce revoie les régions, ce
qui n'a pas été fait depuis 1965. C'est une remarque que je
voulais faire devant la commission.
La deuxième question que je voulais vous poser, à
même vos effectifs totaux de la corporation qui est de 1,248 membres, je
pense...
M. FOREST: Le secrétaire général me disait hier
qu'il y a 1,269 membres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il y a 1,269 membres.
M. FOREST: Il y a trois autres membres recrutés hier. Le total
varie: 1,269.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela renforce votre position d'autant devant la
commission parlementaire. Je voudrais aussi savoir quelle est la proportion des
fonctionnaires, au niveau fédéral ou provincial. Vous avez une
bonne proportion de vos membres qui sont fonctionnaires.
M. MONGEON: Est-ce que je peux répondre?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.
M. MONGEON: Dans l'établissement du pourcentage, si on part de
1,250, il faut enlever immédiatement 125 retraités, enlever une
cinquantaine de finissants, parce que l'échantillonnage est fait une
fois l'année du diplôme terminée. Cela nous ramène
à 1,000 aux niveaux provincial, fédéral et municipal.
J'établirais à environ 450 membres le nombre de ceux qui
travaillent pour ces organismes fédéraux, provinciaux et
municipaux.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les autres sont...
M. MONGEON: ... dans l'industrie agricole et paragricole. Il y en a
aussi dans l'enseignement un certain nombre.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'évolution que l'on constate dans
l'industrie de façon générale et dans l'industrie
agricole, en agriculture en particulier, est-elle ce qui vous a amenés
à modifier sensiblement la définition de l'agriculture pour les
fins de la présente loi?
Je remarque en effet que, dans votre proposition de définition,
à l'article 24, on va assez loin dans le champ couvert par la
définition. Vous dites bien que, pour les fins du paragraphe
précédent et sans en restreindre la portée
générale, l'agriculture comprend telle chose, telle chose et
telle chose. Mais vous allez dans l'exploitation des boisés de ferme,
dans l'embellissement du paysage par les plantes et vous allez dans
l'écologie agricole. D'autres groupes ou professionnels sent venus
devant la commission parlementaire, en particulier des urbanistes, puisqu'il a
été question d'urbanisme par rapport aux agriculteurs, par
rapport aux écologistes. Je voudrais donc vous demander si vous
prévoyez, en pratique, des difficultés quant au champ d'exercice
de votre profession.
M. FOREST: Je n'en prévois pas.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous en prévoyez pour
d'autres professions?
M. FOREST: Pour autant que ce n'est pas restrictif. Voyons ce qu'il y
avait dans l'autre article, tel que mentionné: sous réserve des
droits et privilèges expressément accordés. Le terme est
peut-être un peu fort, s'il était sous réserve des droits
et privilèges accordés à d'autres professions, ce n'est
pas exclusif. Il y a des champs où c'est assez connexe, un peu comme en
agriculture, de la recherche à la pratique, c'est continu. Parce que
l'agriculteur expérimente chaque jour dans sa ferme les rendements de
ses cultures, de ses animaux. Il fait des essais. C'est la même chose. Il
y a des domaines qui y sont contigus, le domaine de la foresterie, où la
classification des sols est faite par les forestiers. Les ingénieurs
forestiers de même que les agronomes vont faire de la classification des
sols. Il n'y a pas là de problème parce que ce sont même
dans certains cas les normes de classification qui sont établies selon
un système reconnu et le système est appliqué par l'un et
par l'autre dans leur domaine respectif. J'ai cité une comparaison,
même si je mentionnais dans la loi la classification des sols, il est
bien entendu que les forestiers font de la classification et peuvent en
faire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Advenant la formation et la reconnaissance
officielle, avec l'évolution telle qu'on la connaît, d'une
profession qui s'appellera l'écologie, avec les développements
qu'une profession comme ça est appelée à connaître
dans l'avenir, est-ce que vous prévoyez que les écologistes
agricoles qui seraient des agronomes pourraient se diriger davantage vers cette
autre profession qui, sous
le nom générique d'écologistes, pourraient
comprendre des membres de différentes spécialités telles
que des agronomes, des urbanistes de différentes formations? Ce serait
une spécialité de l'agriculture. A ce moment-là, on pousse
un peu plus loin, la spécialisation mais, je vois que, dans le
développement de votre profession, vous ne ferez pas autrement que de
suivre le développement de votre profession.
Vous ne ferez pas autrement que suivre le développement des
autres professions. Il va y avoir non seulement une formation
générale, mais aussi une spécialisation, tenant compte de
l'évolution et des problèmes nouveaux qui se posent. Prenons le
problème de l'environnement, le problème ne se posait pas il y a
25 ans et il se pose aujourd'hui.
M. FOREST: Vous avez bien raison. Lors du congrès, c'est la
remarque que j'ai faite aux membres de la corporation, il va falloir s'ouvrir
au milieu, on ne peut pas vivre en vase clos, il va falloir ouvrir sur le
milieu, il va falloir s'ouvrir aux problèmes de l'environnement. On est
directement concerné, soit le mot à la mode actuellement
est pollution par la pollution, pollution par l'agriculture et
également pollution de l'agriculture par les développements
industriels ou urbains. Si l'on mettait dans la balance le tort
réciproque causé par l'un ou l'autre, on serait peut-être
surpris de voir qui cause le plus de dommage au milieu environnant.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis content de vos remarques. J'ai
posé ma question dans le contexte suivant. On a reproché
longtemps, j'ai eu connaissance de ces reproches qu'on a adressés
à votre profession, vous l'avez souligné tantôt, vous avez
dit: Cela fait longtemps qu'on attend une refonte de notre loi pour pouvoir
moderniser et assumer véritablement les responsabilités qui sont
les nôtres. Alors, vous en étiez bien conscients. Dans certains
milieux et dans le milieu agricole, on vous a adressé des reproches
assez sévères sur l'évolution de votre profession et sur
la possibilité pour votre profession d'assumer davantage des
responsabilités. Il ne faut pas se faire d'illusions, la profession que
vous exercez sera de plus en plus importante, étant donné ces
avertissements que l'on entend souvent à savoir, en l'an 2000, ce qui va
se passer pour l'alimentation. Encore ce matin, nous avions l'occasion
d'entendre â la radio un économiste de l'alimentation ou de
l'agriculture qui posait le problème. Alors, c'est pour cela qu'il est
important que votre profession soit bien à l'heure de 1972 et qu'elle
assume ses responsabilités, qu'elle ait des outils. J'attire l'attention
du législateur sur le fait que l'agronimie, et avec les
spécialités possibles dont on vient de parler, assume
véritablement toutes les responsabilités qui seront les
siennes.
C'est dans ce contexte-là que je vous posais la question et je
vois que les agronomes sont conscients de l'évolution de leur profession
et de la spécialisation qu'il va falloir qu'ils regardent eux aussi.
M. AUBE: Nous sommes heureux de ces remarques parce qu'évidemment
le gros problème qui s'est posé est que, d'un côté,
les agronomes voulaient élargir le plus possible le champ de
définition de leur profession plutôt qu'en faire une
définition détaillée. D'un autre côté, on ne
pouvait pas faire cela sans jouer dans des territoires qui risquaient
d'être communs. Par l'article 25, cette inquiétude au
départ que vous souligniez, je pense, est prévue;
c'est-à-dire que, si à un moment donné le
législateur croit que les agronomes ne doivent pas
bénéficier d'un pouvoir exclusif dans le domaine, par exemple, de
la mise en marché ou de l'écologie, comme vous le disiez tout
à l'heure, on pourra accorder expressément à d'autres
professionnels ce droit d'après l'article 25. Mais nous, nous ajoutons
un paragraphe à l'article 25 pour dire: Si le législateur
décide d'ouvrir un champ qu'on demande ici à d'autres, cela ne
voudra pas dire que cela nous l'enlève, ce sera une juridiction
concurrente. Je pense qu'à ce moment-là la définition est
large chez nous mais elle n'empêche pas les autres de jouer si le
législateur en décide ainsi.
M. LE PRESIDENT: Merci. Le député de Dorchester.
M. GUAY: J'aurais également quelques questions. J'ai
remarqué au cours de l'évolution de l'agriculture, comme vous le
dites si bien, que le rôle de l'agronome a légèrement
changé et s'est transformé. Il y a eu une transformation qui
s'est faite naturellement, mais la plus grande transformation qui semble se
concrétiser de nos jours, c'est qu'il semble que l'agronome est de plus
en plus un bonhomme qui remplit des formules ou qui indique à
l'agriculteur de quelle façon remplir telle ou telle formule. Je pense
aux travaux mécanisés actuellement : les gens ne se plaignent pas
que l'agronome ne fait pas son travail, loin de là, il y a même
des salles d'attente qui sont remplies par les agriculteurs qui ont à se
faire aider soit pour des indications, soit pour remplir des formules ou pour
autre chose.
Est-ce que cette profession d'agronome deviendra en fait une classe
d'intellectuels qui devront normalement, si on suit l'évolution, se
pencher sur ce problème ou avoir en quelque sorte des personnes qui vont
les aider?
M. FOREST: M. Morin.
M. MORIN: L'inconvénient que vous soulignez a été
vécu plusieurs années. Je pense qu'il est pratiquement
corrigé aujourd'hui, parce que, dans chaque bureau d'agronome, ou
cha-
que bureau d'information agricole, dans les comtés, il y a un
homme chargé de toute la question des subsides et des formules à
remplir. On l'appelle l'inspecteur agricole. C'est un type qui a
l'habileté nécessaire pour remplir tout ce formulaire et qui
dégage l'agronome de toute cette cuisine, du travail de paperasse.
M. GUAY: Est-ce qu'il y a différentes classifications dans la
profession d'agronome, soit, par exemple, des spécialités qui
sont nées de l'évolution?
M. FOREST: Au sein même de la corporation?
M. GUAY: Au sein même de la corporation.
M. FOREST: J'ai parlé tout à l'heure de la classification
des sols. Ce serait un spécialiste en sol, un pédologue. S'il est
à la défense des cultures, ça pourrait être un
phytopathologiste; cela pourrait être un entomologiste pour la lutte
contre les insectes; ça pourrait être un malherbologiste pour le
contrôle des mauvaises herbes, et ainsi de suite. Il y a même des
économistes agricoles et il y a différentes
spécialités dans nos facultés d'agriculture.
M. GUAY: Selon la corporation, y a-t-il suffisamment d'agronomes pour
répondre aux besoins de la société, aux besoins
généraux? Est-ce qu'il y a des agronomes chômeurs, qui
n'ont pas de travail?
M. MONGEON: Très peu.
M. GUAY: Vous dites très peu, est-ce que ça signifierait
quand même qu'il y en a?
M. MONGEON: II y en a.
M. FOREST: C'est possible qu'il y en ait, mais de plus en plus, disons
qu'on suffit aux besoins du marché. On a dit tout à l'heure qu'on
voulait ouvrir la corporation au monde extérieur. J'ai dit qu'il y avait
des membres de la corporation qui sont actuellement à l'étranger,
qui sont en mission au Maroc, en Algérie, en Tunisie et on m'en demande
deux pour le Niger. Je n'en ai pas. On demande constamment des
spécialistes francophones pour ces pays africains. Je pense bien que,
même chez nous, ici, on peut à peine suffire au marché et
les demandes de l'extérieur, des pays francophones, sont
considérables.
M. GUAY: J'ai remarqué dans la répartition de vos
effectifs par région et je suis très heureux de le
constater que la plus forte concentration de vos membres n'est pas cette
fois dans la région de Montréal mais dans la région de
Québec.
UNE VOIX: II n'y a pas seulement des fermes...
M. FOREST: Je voudrais souligner toutefois que cette évolution
est récente. L'an passé, je crois que c'était à peu
près 50-50. Je suis heureux moi-même que le centre agricole se
déplace, pas nécessairement le centre agricole, mais le centre de
la corporation. Vous connaissez la région de Montréal, il y a
là de belles terres qui ne sont pas exploitées, M. le
Président, et qui devraient l'être.
M. GUAY: D'accord. Maintenant, ceci m'amène à vous poser
une autre question. Est-ce que vous avez de la difficulté à faire
en sorte que vos membres soient répartis de la façon la plus
adéquate possible? Est-ce que vos membres refusent parfois de changer
d'endroit pour s'établir dans des régions où ça
nécessiterait leurs services?
M. FOREST: Vous voulez parler surtout des régions excentriques
comme l'Abitibi, le Lac-Saint-Jean ou la Gaspésie?
M. GUAY: Si on exclut, bien sûr, ceux qui travaillent
exclusivement pour le gouvernement?
M. MONGEON: Si on exclut ceux qui sont au gouvernement, je dirais que le
problème ne se pose pas comme ça. Les besoins de services
agronomiques, dans les régions éloignées, c'est surtout au
niveau du gouvernement provincial qu'ils existent. On ne retrouve pas le
problème dans le sens que vous le signalez.
M. GUAY: Maintenant, dernière question, les nouveaux membres de
votre corporation sont-ils surtout des étudiants qui proviennent de
milieux agricoles ou des gens qui partent de la ville et qui n'ont aucune
connaissance de base au départ?
M. FOREST: Durant leur cours agronomique, s'ils n'ont aucune
connaissance agricole, s'ils n'ont pas été élevés
dans une ferme, ils sont obligés de faire un stage dans une ferme au
cours de leurs études universitaires.
Les étudiants, actuellement, peuvent nous venir de la ville.
Maintenant, étant donné les possibilités d'emploi, le
champ d'action comme on l'a dit tout à l'heure, soit à
l'enseignement, soit à la recherche, l'étudiant pourra travailler
et utiliser sa compétence dans un laboratoire ou dans une institution
d'enseignement s'il n'a pas les dispositions pour aller dans un bureau de
conseiller agricole dans une région.
M. GUAY: Et ce stage d'apprentissage dure combien de temps?
M.,FOREST: Durant les vacances, l'étudiant est obligé de
faire un stage dans une ferme et préparer un projet sur l'exploitation
où il a travaillé durant ses vacances.
M. GUAY: Cela lui permet de se familiariser
davantage avec les données réelles de l'agriculture.
M. FOREST: S'il ne l'est pas.
M. GUAY: Est-ce que vous auriez, comme agronome, des recommandations
précises à faire, peut-être pas comme professionnel, au
gouvernement en tant que responsable, comme vous l'avez mentionné, de la
dimension mondiale, pour nourrir le genre humain? Est-ce que vous auriez des
recommandations précises à faire au gouvernement dans ce
sens-là afin d'améliorer, non seulement les possibilités
de production, mais la conservation de certains milieux agricoles qui tendent
à disparaître actuellement?
M. FOREST: C'est une question qui est vaste, M. le Président. La
corporation n'a pas encore fait de résolutions précises sur le
sujet. On m'a déjà posé la question. Il y a là un
sujet de toute une étude.
M. GUAY: Si un député vous la demandait en vous laissant
tout le temps voulu, est-ce que vous seriez en mesure de faire cette
étude?
M. FOREST: La corporation même? M. GUAY: Oui.
M. FOREST: Nous ne ménageons pas nos conseils lorsqu'on juge bon
de nous demander notre avis sur des questions. Cela nous fera plaisir de
répondre aux questions qu'on voudra bien nous poser, avec autant de
spontanéité qu'on l'a fait ce matin pour répondre à
vos questions, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Forest et Me Aubé.
M. FOREST: Au nom de mes compagnons, je désire vous remercier de
l'attention que vous avez accordée à la présentation de
notre mémoire, M. le Président, et MM. les membres de la
commission parlementaire.
M. LE PRESIDENT: Merci. L'Association canadienne des manufacturiers de
moulées.
Association canadienne des manufacturiers de
moulées
M. AUBREY: J'aimerais vous présenter les deux personnes qui sont
avec moi; le président, M. Nicolas Florakas et M. Don Greene. Nous avons
présenté à la commission un mémoire dont vous avez
reçu une copie je crois. Maintenant, j'aimerais céder la parole
à notre président, M. Florakas.
M. FLORAKAS: Merci, René. Présentement, les
employés des manufacturiers de moulées sont exclus de l'acte
agronomique. Nous voulons simplement maintenir le statu quo. C'est la raison
pour laquelle nous avons déjà soumis le mémoire et,
aujourd'hui, nous avons une proposition à faire dont, je pense, vous
avez déjà reçu une copie. Nous proposons que l'article 29
e) du bill 258 soit amendé pour y inclure: "Les dispositions du
présent article ne s'appliquent pas aux actes posés et
là, on ajoute e) par une personne à l'emploi de ou
agissant pour une compagnie qui fabrique ou vend des produits agricoles,
incluant les moulées pour le bétail commercial, volaille et les
moulées spéciales, les produits sanitaires pour le bétail
et la volaille, dont les responsabilités durant la période de
l'emploi exigent l'exercice de la profession et pour laquelle il est
rémunéré par son employeur".
M. LE PRESIDENT: M. le Solliciteur général.
M. FOURNIER: Pourriez-vous, M. Florakas, nous dire quelle est la
représentativité de votre association? Est-ce que tous les
producteurs canadiens font partie de votre association?
M. FLORAKAS: Je vais demander à notre
secrétaire-trésorier, M. Aubrey, de répondre à
cette question.
M. AUBREY : Dans la province, nous avons actuellement 92 membres
associés à notre association qui, eux, fournissent les
manufacturiers de moulées qui, en retour, fournissent les cultivateurs
dans la province.
M. FOURNIER: Ce sont des gens qui circulent, qui vont aux
coopératives, qui vont chez les gros cultivateurs et expliquent les
produits qu'ils ont à vendre?
M. AUBREY: C'est ça. Autrement dit, les représentants que
nous avons vont suivre le programme recommandé par leur compagnie et
vont recommander aux cultivateurs le programme, ainsi que de suivre les
recommandations pour l'hygiène, la ventilation ou quoi que ce soit.
M. FOURNIER: Actuellement, quelles sont vos relations avec la
Corporation des agronomes? Est-ce que l'on a tenté, de quelque
façon, de restreindre vos activités de vente de vos produits?
M. AUBREY: Dans le passé, M. le ministre, non.
M. FOURNIER: Il n'y en avait pas; il n'y a pas eu de restriction, bien
que la loi prévoyait que c'était du domaine de l'agronomie ce que
vous faisiez, jusqu'à un certain point.
M. AUBREY: C'est ça. Il y a une autre chose
que j'aimerais ajouter, M. le ministre. La majorité des vendeurs,
aujourd'hui, que les compagnies essaient d'avoir vont au collège de
Saint-Hyacinthe; ce sont des diplômés en technologie. Ce sont
ceux-là que nous employons aujourd'hui pour la pratique.
M. FOURNIER: Ce sont des technologistes et non pas des agronomes.
M. AUBREY: C'est ça. Si la loi est mise en vigueur, il n'y aura
plus d'emploi pour ces jeunes.
M. LE PRESIDENT: On vous remercie infiniment, messieurs.
M. AUBREY: Au nom du groupe, j'aimerais remercier la commission de nous
avoir entendus.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que la Société des traducteurs du
Québec est ici? Messieurs, vous pouvez procéder.
La Société des traducteurs du
Québec
M. COTY: M. le Président, MM. les membres de la commission, je
suis Jean-Paul Coty, président de la Société des
traducteurs du Québec. Je vous remercie d'avoir bien voulu nous
accueillir aujourd'hui pour nous permettre d'exposer notre cas.
A ma droite, M. Robert Dubuc, terminolo-gue en chef de la banque de
terminologie de l'Université de Montréal; M. Georges Neray,
vice-président de la société; M. Beaugrand-Champagne,
membre du conseil d'administration. A ma gauche, M. Paul Horguelin, professeur
à l'Ecole de traduction de l'Université de Montréal.
M. Lucien Forgues, directeur adjoint du service de traduction de la Sun
Life. M. William Côté, président de la section de
Québec de la Société des traducteurs du Québec. Si
vous voulez bien, M. le Président, je confierais à M. Robert
Dubuc le soin de présenter notre mémoire.
M.DUBUC: M. le Président, messieurs les membres de la commission,
la Société des traducteurs du Québec a été
constituée par lettres patentes le 27 mai 1943. Devant
l'évolution de la situation qui était surtout
caractérisée par, d'une part, l'accroissement du volume des
traductions et, d'autre part, par une sensibilité accrue du public
à l'égard de la qualité de la langue, nous avons senti la
nécessité d'appuyer l'organisation de notre profession sur des
bases plus solides. C'est pourquoi, en 1967, il y avait trois organisations
professionnelles concurrentes. Nous sommes parvenus à faire
l'unité de ces sociétés et nous pouvons dire
qu'aujourd'hui la Société des traducteurs du Québec
regroupe la grande majorité des traducteurs professionnels en
exercice.
Notre société comptait, au 30 avril 1972, 766 membres dont
354 membres agréés et 412 membres adhérents. Les membres
adhérents doivent, dans un délai de cinq ans, se qualifier au
moyen d'un examen d'agrément.
Notre société entretient également des relations
étroites par l'entremise du Conseil canadien des traducteurs et
interprètes avec l'Association des traducteurs et interprètes de
l'Ontario et la Corporation des traducteurs et interprètes du
Nouveau-Brunswick. Nous sommes également affiliés à la
Fédération internationale des traducteurs.
Notre société, en outre, contribue très activement,
à la publication de la revue META, qui a maintenant, dans le domaine de
la traduction, une audience internationale.
On peut se demander ce qu'est la traduction, même si c'est
réputé être l'un des plus anciens métiers du monde.
Il est certain que la traduction a toujours été un facteur de
civilisation et de progrès. Depuis la deuxième guerre mondiale,
les besoins de traducteurs ont connu une expansion sans
précédent. Au Québec en particulier, la traduction joue
évidemment un rôle de premier plan en raison de la coexistence de
deux communautés linguistiques, bien sûr, mais aussi à
cause de notre situation géographique et économique. Si nous
voulons traiter avec nos voisins, force nous est de faire de la traduction.
Alors, la traduction est essentiellement à notre point de vue une
activité professionnelle qui a pour objet de transposer d'une langue en
une autre la teneur d'un message, sa tonalité et son esprit. Le mot
à mot que l'on rencontre parfois ne saurait à aucun titre
être considéré comme un travail de traduction.
Or, quels sont les critères d'exercice de la profession?
Aujourd'hui, on exige de plus en plus que le traducteur se soit
préparé par des études professionnelles à
l'exercice de sa profession. Il ne suffit plus d'être bilingue pour
être traducteur.
L'Université de Montréal, d'une part, offre un cours de
trois ans, qui conduit à un baccalauréat en traduction et, depuis
l'an dernier, elle offre en outre une maîtrise. De même,
l'université Laval offre une licence qui correspond sensiblement au
baccalauréat spécialisé offert par l'Université de
Montréal.
A cause des difficultés intrinsèques de l'exercice de la
profession de traducteur, il est de plus en plus reconnu que le traducteur doit
avoir sur le plan linguistique, d'abord, une formation universitaire parce que
la connaissance qu'il doit avoir de ses langues de travail doit déborder
largement celle qu'on attribue ou qu'on reconnaît
généralement à de simples bilingues.
Donc, sur le plan linguistigue, il faut une formation universitaire; de
même sur le plan technique parce que l'évolution de la
société fait que la plupart des traducteurs en exercice à
l'heure actuelle sont des traducteurs techniques. Alors, sur le plan technique,
ils ont besoin aussi d'une connaissance de base suffisamment forte
pour leur permettre d'aborder tous les domaines de la technique
contemporaine.
Un autre point qu'on devrait également signaler, ce sont les
apports ethniques par l'immigration que le Québec reçoit.
Ces gens-là, arrivent souvent au Québec et n'ont pas la
possession des langues officielles. Ils ont besoin de pouvoir compter sur des
traducteurs compétents pour assurer les services qui leur sont
essentiels. Dans les relations du traducteur avec le public,
l'expérience prouve que très souvent les clients n'ont pas la
compétence linguistique ou la compétence technique
nécessaire pour juger de la qualité du travail. Ce n'est un
secret pour personne que notre économie a des caractéristiques
particulières au Québec, ce qui a pour conséquence que 80
p.c. environ des traductions qui sont faites au Québec se font de
l'anglais au français. Ces clients de nos traducteurs sont souvent des
unilingues qui sont incapables de juger de la qualité du travail qui
leur est présenté. Or, cette caractéristique ouvre la
porte à ce qu'on peut appeler des chevaliers d'industrie de sorte qu'il
arrive souvent que des clients soient obligés de payer des sommes
presque astronomiques pour des traductions faites par des amateurs. Ils ne sont
pas en mesure de juger de la qualité.
Sur le plan technique et scientifique, il y a un problème aussi
qui se pose, c'est celui de la terminologie. Un concours de circonstances: tout
à l'heure nous avons vu la difficulté terminologique que
présentait la traduction du mot agronome qui pouvait sembler simple au
premier abord, mais on s'aperçoit qu'agronome et "agronomist" ne
correspondent pas. Alors, dans tous les aspects de la technique, des
problèmes semblables se posent avec des conséquences qui peuvent
être considérables. En particulier, l'imprécision
terminologique présente un double risque, c'est d'abord
l'incompréhension du message avec tous les dangers que ça peut
comporter quand il s'agit, par exemple, de traduire des posologies en pharmacie
ou des modes opératoires dans l'industrie et l'implantation d'une
terminologie erronée qu'il faut ensuite redresser à grands frais
par des campagnes de refrancisation.
Enfin, sur un autre plan, je pense qu'il est important de le dire, c'est
la garantie des droits de la minorité anglophone. Si le français
continue à faire les progrès qu'on espère bien qu'il va
faire en tant que langue de travail, il est certain qu'il faudra qu'un plus
grand nombre de traductions se fasse vers la langue anglaise et il faudra
aussi, pour respecter les droits de ces gens-là, que la traduction soit
de qualité. Ce qui caractérise la situation du Québec
à l'égard de la traduction en particulier, c'est que, de plus en
plus, à cause de la présence des techniques massives de
diffusion, la traduction devient omniprésente, c'est un facteur
d'influence constant sur tous et chacun des citoyens du Québec. On donne
dans le mémoire le cas de la publicité qui est traduite dans une
proportion de 80 p.c. à 90 p.c; à la télévision, en
moyenne 40 p.c. des émissions sont doublées; les agences de
presse s'alimentent aux sources anglo-saxonnes pour la plupart, donc quand
elles rédigent leurs textes, elles s'inspirent d'un texte anglais ou
d'un texte traduit d'un texte anglais. La même chose pour les textes qui
émanent du gouvernement fédéral, ils sont traduits
à presque 100 p.c. Même dans les textes émanant du
gouvernement provincial, l'influence de l'anglais se fait sentir justement
à cause de cette omniprésence.
Le cas des manuels scolaires aussi méritent notre attention. Au
niveau de ce qu'on appelait autrefois les écoles normales et qui sont
devenues les facultés de pédagogie, 5 p.c. des manuels sont
traduits, mais par contre près de 40 p.c. des manuels utilisés
par les maîtres ne sont pas traduits, mais sont en langue anglaise. La
même chose au niveau des CEGEP, les proportions sont
considérables. Tout ça pose un problème très
considérable sur le plan linguistique parce que les maîtres ou les
étudiants sont souvent en possession de textes qui n'ont pas la
qualité requise ou encore qui sont rédigés dans une langue
qui n'est pas la nôtre.
Alors, si notre situation nous contraint ainsi à traduire, elle
nous oblige également, sous peine d'une aliénation profonde ou
d'une dégradation culturelle inquiétante, à bien traduire.
Il ne fait pas de doute que les mauvaises traductions ont été et
sont encore le cheval de Troie de l'anglicisation du français au
Québec. Cela se traduit sur le plan du vocabulaire par la
création d'une sorte de vocabulaire parallèle. On donne dans le
mémoire l'exemple du vocabulaire des assurances sur la vie,
publié par l'Office de la langue française du gouvernement du
Québec, sur les 223 expressions considérées comme
fondamentales en matière d'assurance sur la vie, il y a 85 expressions
qui sont fautives et qu'il faut redresser.
Cela représente â peu près 40 p.c. du vocabulaire en
usage, vocabulaire fondamental, élémentaire et je pense que la
situation vaut à peu près pour toutes les techniques et toutes
les sphères d'activités. Il faut penser aussi à la
désarticulation de la pensée qui se produit par les mauvaises
traductions. Il faut lire des mauvaises traductions pour savoir ce que
ça peut représenter comme désarticulation de la
pensée.
Je pense que, compte tenu de tous ces facteurs, on peut dire que, si la
traduction qui se fait au Québec n'atteint pas bientôt un palier
de qualité satisfaisant, il n'est pas sûr que le patrimoine
linguistique de la majorité des Québécois ne se
détériore pas au point de devenir un sous-produit qui ne pourrait
être qu'un facteur de détérioration ou
d'infériorisation pour notre peuple.
Cela pose le problème d'une traduction de qualité. On ne
peut pas parler de traduction de qualité sans traducteurs de
qualité. Tant qu'on ne disposera pas d'un moyen permettant de
reconnaître officiellement et légalement la com-
pétence du traducteur, on laissera oeuvrer, je pense, les
chevaliers d'industrie, on incitera les bilingues à se consacrer
traducteurs sans préparation et sans compétence et on ouvrira la
porte à tous les abus qu'on a déjà décrits. Je
pense qu'il faut cesser de faire des campagnes de français pour
redresser les mauvaises expressions que les mauvaises traductions mettent en
circulation. Ce n'est pas la bonne façon de procéder. Je pense
qu'il vaut mieux travailler à la source et à la base.
Quoi qu'on dise, les mauvaises traductions qui circulent ne sont pas
l'oeuvre des traducteurs mais ce sont l'oeuvre de personnes qui s'improvisent
traducteurs sans avoir la préparation nécessaire.
Il importe, au tout premier chef, si on veut mettre un terme au
règne de l'amateurisme en traduction, que la profession de traducteur
bénéficie d'une reconnaissance officielle qui lui a fait
défaut jusqu'ici. Il faut que le public, client ou consommateur, sache
qu'il y a moyen d'avoir des traductions de qualité mais qu'elles ne
peuvent être le fruit de l'improvisation. Sans un minimum de pouvoirs
légaux, sans une reconnaissance officielle de l'Etat, la
Société des traducteurs du Québec restera toujours
impuissante à défendre les intérêts du public devant
les dépravations de traducteurs improvisés et des amateurs peu
consciencieux.
Je pense qu'une donnée apparaît comme incontestable, c'est
qu'il se fait et se fera toujours beaucoup de traduction au Québec.
C'est de la qualité de cette traduction que dépendra en grande
partie la qualité du français parlé et écrit au
Québec. Or, comment aussurer la compétence des traducteurs si on
ne dispose d'aucun instrument efficace pour la faire reconnaître? Notre
objectif n'est certes pas de monopoliser la traduction ni d'en fermer
l'accès à quiconque. Ce que nous voulons, c'est un moyen de
fournir au public une garantie raisonnable de la valeur d'un titre, celui de
traducteur agréé. Déjà la Société des
traducteurs du Québec s'efforce de donner cette garantie en soumettant
ses membres à un examen d'agrément, mais seule la protection
légale du titre pourra donner une efficacité réelle
à ses efforts.
Je pense aussi que l'exercice de la profession de traducteur comporte
une dimension éthique importante. Les erreurs de traduction dans les
modes d'emploi, dans les processus opératoires et dans les notices
d'entretien impliquent des conséquences désastreuses, non
seulement sur le plan financier parce que c'est souvent sur le plan
financier que cela peut en avoir mais aussi pour la santé et le
bien-être des usagers. Une posologie mal traduite est une menace directe
à la santé de même qu'une mauvaise notice d'entretien
compromet la durée de vie de l'appareil et très souvent la
sécurité des opérateurs.
Notre système législatif et notre système
judiciaire exigent également la présence de traducteurs
compétents si on ne veut pas léser les droits fondamentaux de nos
deux communautés linguistiques. Enfin, les traducteurs sont
appelés à traduire souvent des textes de nature confidentielle.
Or, il ne fait pas de doute que la présence du secret professionnel dans
l'exercice de la profession revêt une importance considérable
quand il s'agit en particulier des traducteurs de l'Etat et des traducteurs qui
sont appelés à traduire des textes confidentiels, des rapports de
gestion confidentiels, des dossiers personnels ainsi que des dossiers qui
comportent des secrets de fabrication.
Il semble donc que les connaissances requises des traducteurs, la
difficulté de porter un jugement sur ses activités
professionnelles, le caractère souvent personnel des rapports avec ses
clients, la gravité du préjudice et des dommages que ceux-ci
peuvent subir en l'absence de tout contrôle et le caractère
souvent confidentiel des renseignements auxquels il a accès justifient
aux termes de l'article 21 du projet de loi 250, l'attribution d'un titre
réservé.
Toutes ces raisons se doublent d'un nouvel impératif, par suite
de la politique du gouvernement d'implanter le français comme langue de
travail. Je pense qu'il ne sert à rien d'implanter le français
comme langue de travail si on n'est pas capable de garantir que ce soit un
français de qualité. Or, la réalisation de cet objectif
risque d'être compromise si la société
québécoise ne peut compter sur un corps professionnel de
traducteurs dont la compétence est dûment attestée par
l'attribution d'un titre réservé. M. le Président, je vous
remercie; mes collègues et moi-même serons heureux de
répondre à toutes les questions que vous jugerez à propos
de nous poser.
M. FOURNIER: J'ai devant moi le projet de loi, le bill 114 que vous avez
présenté et dans lequel vous énumérez les buts de
la société que vous vouliez voir dotée d'une charte
particulière. Tout le long il s'agit de la société des
traducteurs et non pas de la corporation professionnelle, de sorte que l'on
s'imagine que c'est une société du genre d'un syndicat
plutôt. Si on lit les buts, on y retrouve aussi un peu la même
chose avec l'exception du paragraphe d) où l'on parle d'un code
d'éthique. Parce qu'au paragraphe a), vous mentionnez que la
société a pour but de grouper les titulaires de diplômes;
au paragraphe b), d'étudier et de promouvoir les intérêts
économiques, sociaux et professionnels de ses membres; au paragraphe c),
d'éditer des revues, etc., et ce n'est qu'au paragraphe d) que l'on
retrouve la question d'un code d'éthique. Il ressort de cette analyse
qu'il s'agit plutôt d'une société ou d'un syndicat
destiné à protéger les membres et non pas le public.
Est-ce que cela a été modifié depuis?
M. DUBUC: Je pense, quand on avait soumis le projet de loi 114, que le
projet de loi 250, il n'en avait pas été question; le projet de
loi 114
remonte déjà à ce qu'on peut appeler l'ancien
régime. Alors, ce projet de loi 114 était sensiblement
structuré selon le schème fondamental des projets de loi
régissant les corporations professionnelles à cette
époque. Si vous remarquez, ce paragraphe d'introduction que vous nous
avez donné, on peut le retrouver dans celui de la corporation des
psychologues et d'autres organismes semblables. Il y avait un schème
fondamental qu'on suivait normalement. Maintenant, notre objectif en venant
devant vous ce matin je pense que mes collègues seront d'accord
avec vous ce n'est pas de nous constituer en un syndicat professionnel
ou en un syndicat tout court, mais c'est de donner ou de donner au public un
moyen de pouvoir discerner le bon grain de l'ivraie.
M. FOURNIER: Est-ce que la réputation elle-même,
créée par votre société et la qualité des
membres que vous avez, ce n'est pas déjà suffisant pour obtenir,
exiger que certains emplois soient pour les membres de la société
des traducteurs? Est-ce que cela vous prend, en plus...
M. DUBUC: Si on vivait dans une société de purs esprits,
je pense que oui, monsieur. Mais la nature humaine étant ce qu'elle est,
elle a parfois besoin d'être contrainte.
M. FOURNIER: Quelles sont les exigences pour être traducteur?
Est-ce que nécessairement cela prend un diplôme universitaire ou
si c'est plutôt un stage de cinq ans tel que mentionné?
M. DUBUC: Comme notre société sur le plan professionnel
est relativement jeune, il y a beaucoup de traducteurs, dont ceux de ma
génération en particulier, même s'ils avaient voulu obtenir
un diplôme universitaire de traducteur, ce n'était pas possible.
Nous sommes tous des autodidactes. Mais aujourd'hui, maintenant que les
structures sont en place dans les universités pour former des
traducteurs, de plus en plus cela devient le critère d'admission.
Maintenant, comme on ne veut pas justement priver de reconnaissance
professionnelle les traducteurs qui se sont formés eux-mêmes,
parce qu'il n'y avait pas possibilité de faire autrement, c'est pour
cela qu'on a prévu certaines dispositions moyennant, toujours, sanction
de la compétence par un examen pour reconnaf-tre également les
gens qui ont acquis la compétence nécessaire, mais par
eux-mêmes.
M. FOURNIER: A l'intérieur de votre société, est-ce
que vous avez un code d'éthique quelconque, est-ce que vous avez
certaines réglementations qui s'appliquent à vos membres?
M. DUBUC: Oui, il y en a un qui est en chantier, présentement.
Nous avons toujours été régis par un règlement
général, mais justement en vue de l'évolution
récente, nous avons un projet de code d'éthique qui est
présentement rédigé.
Je pense que M. Forgues peut-être pourrait ajouter quelque chose
en ce qui concerne le code d'éthique.
M . BEAUGRAND-CHAMPAGNE: Le projet a été
préparé de façon générale, en attendant de
connaître un peu mieux les intentions du gouvernement, parce qu'il ne
sert à rien de préparer un code d'éthique et qu'on nous
dise: Ecoute mon vieux, t'as pas le droit de ci, t'as pas le droit de
ça, cela ne fait pas l'affaire. Alors, il faut tout de même savoir
excusez l'expression sur quel pied danser. Le projet, c'est une
ébauche où on a mis peut-être plus de clauses qu'il ne
fallait, de façon à laisser libre cours à la discussion,
il y a toujours moyen de le modifier. Il sera préparé selon les
exigences.
M. FOURNIER: Voulez-vous dire que si votre demande n'était pas
accueillie par la
Législature vous ignoreriez jusqu'à un certain point la
question d'un code d'éthique?
M. BEAUGRAND-CHAMPAGNE: Pas du tout. Mais il faudrait tout de même
savoir quelles sont les exigences du gouvernement à ce sujet-là.
C'est normal d'ailleurs. Parce qu'en définitive, les médecins
savent à quoi s'en tenir, alors ils peuvent préparer un code
d'éthique, mais pas nous; officiellement, je suis traducteur mais je
n'existe pas officiellement.
M. FOURNIER: Est-ce qu'il n'y a pas...
M. COTY: Pour revenir à ce sujet, M. le ministre, je pense que le
problème, c'est que, selon les structures officielles d'une
société, qu'elle soit corporation professionnelle ou non, son
code d'éthique varie, non pas dans le contenu mais dans son application,
parce que les moyens de sanction sont différents. C'est plutôt une
question de procédure et de forme que de contenu, parce que le contenu
d'un code d'éthique ne relève pas des structures d'un organisme.
C'est dans ce sens-là que l'association croit plus prudent de savoir
quelle va être sa forme définitive, qu'elle demeure telle qu'elle
est, ou qu'elle soit reconnue comme corporation. C'est à peu près
la distinction qu'il faut faire.
M. FOURNIER: M. Sheppard, ayant travaillé au rapport
Castonguay-Nepveu, de même qu'ayant présenté le
mémoire du Conseil interprofessionnel et ayant analysé le bill
250, est-ce que vous considérez que la société qui
présente son mémoire et que vous représentez aussi entre
totalement dans les critères édictés par l'article 21?
M. SHEPPARD: Vous me demandez de por-
ter un jugement de valeur. Je suis payé pour le faire.
M. FOURNIER: J'aimerais savoir...
M. SHEPPARD: J'ai eu l'occasion d'étudier le champ d'action des
activités de ma cliente. Mais, à part ce que j'ai fait pour le
Conseil interprofessionnel et pour la commission Castonguay-Nepveu, les
représentations qui vous sont faites ce matin rejoignent une de mes
préoccupations personnelles, d'abord à titre de directeur de la
recherche juridique à la commission Laurendeau-Dunton et j'occupe les
mêmes fonctions auprès de la commission Gendron maintenant.
Je vois tout d'abord dans cette association un organisme qui est
structuré dans l'esprit d'une corporation professionnelle,
c'est-à-dire qu'il veut non seulement assurer la compétence mais
il ne cherche pas un monopole, il cherche principalement à
protéger le public. Vous pouvez voir par le nombre de membres, par le
fait que les associations se sont fusionnées, qu'il y a un esprit
progressif et dynamique.
Deuxièmement, vous avez pu voir par le mémoire et
je peux dire qu'à titre d'avocat j'ai moi-même eu ce
problème que nous sommes conscients des problèmes
déontologiques que pose la traduction. Parce que, de plus en plus, vous
avez des documents, que ce soient des documents médicaux, que ce soient
des documents juridiques, des documents commerciaux ou industriels, qu'on
traduit. Le secret professionnel est aussi fort, aussi bien
protégé que le plus faible maillon dans la chaîne. Si un
traducteur peut le trahir, si le secrétaire peut le trahir, si un
paramédical peut le trahir, il ne vaut rien. Or, il est très
important, et ça va devenir de plus en plus important, que cet aspect
déontologique soit considéré. Il y a ensuite une question
de conscience professionnelle qui se pose sur le plan déontologique,
c'est que, la plupart du temps, le client n'est pas en mesure de
vérifier lui-même la qualité de la traduction, parce que,
si c'est un anglophone qui ne connaît pas le français, qui
commande une traduction en français, il est à la merci d'une
qualité très piètre. Donc, il y a une importance du point
de vue du client que le professionnel concerné soit moralement
obligé à donner des services de qualité.
Mais, et c'est là que je veux revenir à des
considérations intellectuelles et politiques de droit linguistique, il y
a cet aspect de la protection des droits linguistiques dont nous
commençons à nous occuper tellement.
Et là, je vois plusieurs aspects que j'aimerais soumettre
à votre attention.
Premièrement, je pense que ce n'est un secret pour personne qu'on
s'oriente de plus en plus vers une situation où la majorité
francophone travaille en français, pense en français et
communique avec d'autres groupes et d'autres juridictions en français.
Mais, en contrepartie, elle reçoit aussi beaucoup de communications qui
sont peut-être en anglais.
Il y a donc un intérêt à avoir une traduction
compétente des communications reçues en anglais. Il y a
également, je pense, un consensus général qu'une
minorité anglophone importante a certains droits qu'on va continuer
à respecter, qu'elle aura droit de recevoir des communications dans sa
langue.
De part et d'autre, même si on travaille soi-même dans sa
langue, même si on administre soi-même dans la langue, il y a tout
de même l'obligation de communiquer avec l'autre groupe dans la langue de
ce groupe. Oublions un instant l'aspect du droit juridique mais pensons
simplement à l'aspect de courtoisie ou de respect pour l'autre.
Je pense que la traduction au Québec va être
appelée, pendant très longtemps, à un rôle de plus
en plus important et j'aimerais insister, par exemple, sur l'aspect de la
langue de travail. Pendant très longtemps, on va être
obligé de traduire parce que les manuels, les instructions, toutes
sortes de documents qui font partie des communications entre l'industrie et le
commerce, ses salariés et ses employés, émanent en anglais
parce que ce sont les mêmes que ceux utilisés à
l'extérieur ou parce que ce sont les seuls disponibles.
Or, tout ceci se résume à dire qu'il ne suffit pas
d'adopter une loi qui dit que l'ouvrier peut travailler en français; il
s'agit aussi de savoir quelle va être la qualité du
français. On peut très bien légiférer et finir avec
le franglais ou avec du mauvais français, ce qui est presque aussi
mauvais que du bon anglais.
Je vous signale par exemple que, depuis quelque temps, on a une
série de lois qui stipulent que le client, le consommateur, a le droit
d'avoir un contrat en français. Il y a un projet de loi qui a
été déposé il y a quelques jours; il y en a
déjà deux ou trois autres, par exemple la Loi de la protection du
consommateur, où on dit que le contrat est en français, quoiqu'on
puisse exiger une version anglaise.
Les avocats qui sont présents ici, moi-même je peux vous le
confirmer, avons un problème constant, c'est de nous assurer que les
deux versions sont identiques et surtout qu'elles soient dans une langue qui
respecte l'intégrité culturelle du groupe. Or, vous voyez
déjà d'ici ce qui peut se passer. C'est très joli de dire
que les contrats doivent être en français; il faut aller plus loin
et s'assurer que ce sera du français au moins convenable. Et pour vous
montrer que même les codificateurs peuvent se tromper, vous trouverez
dans le code civil du Québec, qui est tout de même un document
d'inspiration française, un article où on a traduit l'expression
"newspaper" par "papier journal".
Du point de vue des droits linguistiques, c'est essentiel que la
compétence de traduction soit assurée et j'appuierais fortement,
à titre personnel, à part mon titre d'avocat, cette demande de
l'association.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, le mémoire qui
nous est présenté est extrêmement important et encore plus
importantes, je pense, sont les remarques de M. Dubuc et de Me Sheppard. En
vous écoutant tantôt, je me demandais si on avait requis, au
niveau des négociations fédérales-provinciales, des
traducteurs. Si on n'en avait pas requis, ça pourrait peut-être
expliquer qu'on parle difficilement le même langage et que les accords
sont difficiles.
A tout événement, pour revenir au sérieux, M. le
Président, je pense que vous avez raison de dire que, de plus en plus,
les services de vos professionnels seront nécessaires dans le contexte
que vous avez indiqué tantôt.
Ma première question serait celle-ci: Est-ce que l'importance de
votre profession est reconnue par les fonctions publiques, la fonction publique
au fédéral et la fonction publique du Québec et, par les
critères de base, pour les examens, et pour la
rémunération qui est accordée dans la fonction
publique?
M. DUBUC: Pour commencer par le fédéral, je pense
qu'à ce niveau il y a une longue tradition et il y a des examens de
sélection. Le niveau de rémunération se compare, je pense,
aux autres professions où on exige une préparation analogue.
En ce qui concerne la fonction publique québécoise, les
structures sont peut-être un peu moins fermes mais il y a eu aussi
beaucoup de progrès depuis quatre ou cinq ans. Il y a des traducteurs
compétents qui travaillent au sein de la fonction publique
québécoise, qui sont reconnus comme travailleurs professionnels
et qui touchent une échelle de rémunération qui se
compare, je pense, aux autres professions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'il y en a plusieurs dans la fonction
publique québécoise?
M. DUBUC: Dans la fonction publique québécoise, à
ma connaissance mais il faudrait vérifier pour avoir quelque
chose d'exact ils sont une vingtaine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce qu'ils sont davantage concentrés
soit au ministère de la Justice ou à l'Office de la langue
française? M. Beaugrand-Champagne, vous êtes à l'Office de
la langue française?
M. BEAUGRAND-CHAMPAGNE: Non, moi je suis simple traducteur libre, je
travaille à mon compte.
M. DUBUC: A l'Office de la langue française, vous avez certains
traducteurs mais qui travaillent surtout dans des fonctions apparentées
à la traduction, de la recherche terminologique, par exemple, des choses
comme ça. Il n'y a pas un bureau de traduction constitué à
l'Office de la langue française proprement dit. Il y avait dans ce qu'on
appelait autrefois le Secrétariat de la province un bureau de traduction
et les autres traducteurs, je pense, sont disséminés un peu
à travers les ministères.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous pourriez davantage fournir
d'effectifs au gouvernement du Québec, à la fonction publique
québécoise?
M. DUBUC: Certainement, voyez-vous, l'Université de
Montréal met sur le marché du travail, chaque année, une
centaine de traducteurs. La fonction publique fédérale en absorbe
peut-être 20 p.c. à 30 p.c. alors il reste un bon nombre qui sont
disponibles; de même, l'université Laval en prépare, je
pense, une soixantaine par année. Donc, je pense qu'on pourrait
certainement être en mesure de répondre à la demande dans
ce secteur.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que tous ceux-là dont vous venez
de parler assistent aux cours du jour et ont une formation universitaire?
M. DUBUC: C'est ça, oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que les interprètes font partie
de votre groupe?
M. DUBUC : Les interprètes ne font pas partie de notre groupe. Il
y a à peu près au Québec, en exercice à l'heure
actuelle, vingt à vingt-cinq interprètes. La plupart sont
affiliés à l'Association internationale des interprètes.
Ils n'ont pas senti le besoin de se joindre à nous pour l'instant mais
les portes ne sont pas fermées.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que des traducteurs, des membres de
votre groupe, débouchent sur l'autre fonction d'interprète?
M. DUBUC: Il y a une fonction qui commence à prendre de la vogue
et c'est celle de la terminologie. Je fais présentement de la
terminologie à l'Université de Montréal. C'est une des
principales spécialités. Il y a évidemment aussi la
spécialisation à l'intérieur de la traduction. De plus en
plus, les traducteurs doivent prendre une spécialité technique.
Ils peuvent se spécialiser en chimie, en pharmacologie ou dans des
secteurs comme ceux-là.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous pensez que les 412 membres
adhérents passeront, dans une proportion importante, l'examen
d'agrément d'ici cinq ans?
M. DUBUC: Nous le souhaitons. Nous avons organisé des cours de
perfectionnement à leur intention de façon qu'ils puissent se
qualifier. Maintenant, il est probable qu'il y aura quand
même un certain nombre qui ne pourront pas réussir, mais
nous espérons bien qu'en leur fournissant les outils nécessaires
pour leur perfectionnement, ils pourront éventuellement finir par se
qualifier pour devenir traducteurs agréés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que l'université donne la
possibilité à des fonctionnaires ou à ceux qui ne sont pas
fonctionnaires, qui ont un degré universitaire, qui seraient
intéressés à étudier la traduction pour devenir
spécialistes de la traduction, de suivre des cours du soir? Est-ce
qu'ils peuvent accéder à ce niveau de formation?
M. DUBUC: Je demanderais à M. Horguelin, qui est professeur
à l'école de traduction de l'Université de
Montréal, de répondre à cette question.
M. HORGUELIN: Actuellement, quatre universités au Québec
dispensent des cours du soir. L'Université de Montréal,
l'université Laval, l'université McGill et, à partir de
septembre prochain, l'Université de Sherbrooke. Et très
récemment, le ministère de l'Education a donné
l'autorisation aux CEGEP de commencer également à donner des
cours de traduction. Ces cours devraient commencer cette année. C'est
très récent.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis bien sensible...
M. DUBUC: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose? Aussi au niveau
de la maîtrise à l'Université de Montréal, il est
possible pour quelqu'un qui possède déjà un
baccalauréat spécialisé dans une matière quelconque
de prendre une maîtrise en traduction moyennant deux années
d'étude à temps plein s'il peut le consacrer. Cela veut dire que
cela le dispense quand même de deux années supplémentaires
d'étude.
M. CLOUTIER (Montmagny): Pour couvrir tous les champs d'action que vous
avez mentionnés dans votre mémoire... Prenons un exemple, les
manuels scolaires dont la traduction n'est pas, généralement,
à la disposition des étudiants. Vous avez la publicité
télévisée ou publiée dans les journaux, qui en
fait, est bien souvent une traduction assez pauvre. Pour tous les secteurs que
vous avez mentionnés qui sont extrêmement importants, notamment la
fonction publique, est-ce que vous pensez que le recrutement actuel et les
étudiants qui terminent leurs études chez vous seront capables de
répondre d'une façon générale à la demande
à assez court terme?
M. DUBUC: Je pense que le problème a plusieurs aspects. Il y a
une loi en économie qui dit que "la mauvaise monnaie chasse la bonne" et
peut-être que la bonne attire la bonne aussi. Je pense que, si on a une
structure professionnelle affermie, si l'exercice de la profession, de ce fait,
se trouve assaini, on aura de moins en moins de difficultés à
attirer des candidats compétents. Présentement d'ailleurs, depuis
quatre ou cinq ans, où on travaille de façon plus
systématique à structurer la profession, la demande devient de
plus en plus forte. Lors des examens d'entrée à
l'Université de Montréal, il y a eu 500 candidats qui se sont
présentés à l'Ecole de traduction. Présentement, il
n'est pas possible d'en retenir plus de 100.
Mais si les conditions du marché se modifiaient il n'y a pas de
doute qu'on... le problème ne m'apparaït pas un problème
d'approvisionnement, en d'autres termes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci. M. LE PRESIDENT: Merci au groupe.
M. BURNS: Quant à moi, M. le Président, je suis convaincu
que les traducteurs ou la corporation qui les représenterait correspond
assez favorablement aux critères de l'article 21 bien que le Solliciteur
général a semblé en douter tantôt.
M. FOURNIER: J'ai demandé des explications à Me
Sheppard.
M. BURNS: D'accord! Particulièrement le quatrième, la
gravité du préjudice et des dommages qui pourraient être
subis par les gens recourant à leurs services; je pense même,
comme l'ont fait ressortir M. Dubuc et Me Sheppard, que c'est peut-être
la collectivité elle-même qui va en souffrir si des
critères professionnels ne sont pas imposés. Mais, pour moi, ce
n'est pas encore tout à fait clair. Vous avez peut-être
répondu à cette question au cours de la discussion, mais si je
décidais, aujourd'hui, de devenir traducteur et être
agréé ou accrédité auprès de votre
société, qu'est-ce que je devrais faire?
M. DUBUC: Tout d'abord, cela dépend un peu de votre dossier. On
examinerait votre dossier. On exigerait de vous que vous soyez inscrit à
un cours universitaire, qu'il s'agisse de cours du soir ou de cours du jour et
que vous vous justifiiez aussi quant à l'exercice de la profession. Si
vous êtes déjà diplômé, l'exercice d'un an, si
vous n'êtes pas diplômé, je pense que c'est trois ans.
Après cela, vous devez quand même réussir l'examen
d'agrément.
M. BURNS: Merci.
M. COTY: Il faudrait qu'il y ait également un examen d'admission,
un examen d'entrée...
M. BURNS: A la corporation, à la société. M. COTY:
... à la société. Il y a donc deux
examens, un à l'entrée et un autre, si je peux m'exprimer
ainsi, à la sortie.
M. BEAUGRAND-CHAMPAGNE: Excusez-moi! Au sujet des manuels scolaires,
j'aimerais faire une petite remarque. Je viens de terminer une traduction d'un
manuel sur le dessin industriel avec un professeur de dessin bien connu. Le
monsieur en question est de bonne foi, c'est un chic type qui connaît
bien son français. Dans divers domaines il me dit: Je n'ai aucun
document en langue française sur le sujet. Moi, j'en achète, je
les lis, je les étudie, je vois de quelle façon on utilise telle
expression, tel mot. Il arrive toujours et me dit: Ce n'est pas ce mot qu'on
utilise. Finalement il ressort que cela fait 25 ans qu'on utilise ce mot et on
ne peut pas le changer.
Ce qui se produit, c'est que des entreprises d'ingénierie, par
exemple, j'ai eu l'occasion de le voir, vont communiquer avec des entreprises
de langue française dans des pays francophones et elles reçoivent
un télégramme: Pourriez-vous nous envoyer un texte anglais parce
qu'avec ces mauvaises traductions... On utilise les termes ou les expressions
à mauvais escient. Alors le type lit un cahier des charges et,
d'après lui, cela se rapporte à quelque chose qui va au sommet du
mur et il lit mais ne comprend pas pour la bonne raison qu'on a fait une
traduction et que le mot se rapporte à une autre partie du mur. Cela
devient complètement incompréhensible.
L'Hydro-Québec a adopté le français international
au point de vue technique et scientifique justement pour pouvoir communiquer
avec tous les spécialistes des pays francophones. Les jeunes
ingénieurs cherchent à faire un stage de quelques années
à l'Hydro-Québec pour apprendre le français. Si le
français était de si bonne qualité dans les écoles,
ils ne seraient pas obligés de le faire.
M. LE PRESIDENT: Merci encore.
M. COTY: Je remercie M. le président ainsi que les membres de la
commission d'avoir bien voulu nous écouter.
M. LE PRESIDENT: Me Lafrenière, et la Corporation des
maîtres en centrale thermique de la province de Québec.
Corporation des maîtres en centrale
thermique
M. LAFRENIERE: M. le Président, MM. les membres de la commission,
c'est avec plaisir que je souligne ici la présence du président
de la Corporation des maîtres en centrale thermique, M. Lavoie de
même que les deux vice-présidents, MM. Laberge et Leboeuf, le
secrétaire et le trésorier M. Karavasilis et M. Lebel,
l'ex-président M. Venne, le conseiller technique, M. Bréard, de
même que le surintendant de Place Ville-Marie des mécaniciens de
machines fixes.
Je désire vous remercier d'avoir voulu commencer l'audition de
notre cas même si l'heure parait tardive avant le dîner et
j'essaierai, pour suivre les recommandations de la société qui
vient de vous exposer son problème, de traduire le plus clairement
possible et dans le meilleur français possible, le problème de la
Corporation des maîtres en centrale thermique. Je dois vous dire qu'il
s'agit d'un organisme qui a été incorporé en 1958, donc
depuis environ quatorze ans. Depuis la date de son incorporation, environ 5,000
membres se sont inscrits à cette corporation. Aujourd'hui, il y a
à peu près 1,500 membres réguliers ayant payé leur
cotisation. Les mécaniciens de machines fixes, au nom desquels nous
parlons ce matin, sont dans la province de Québec au nombre d'environ
15,979, suivant les statistiques fournies par le ministère du Travail.
Sur ce nombre, certains sont classés dans les premières classes
de mécaniciens de machines fixes. Et je dois vous dire
immédiatement que, dans ce métier ou profession, il y a environ
cinq classes. La situation des mécaniciens de machines fixes au point de
vue de la protection et de la promotion de leurs intérêts est
assez précaire. Cependant, je sais que la philosophie du code des
professions est basée sur la protection du public. C'est la raison
particulière pour laquelle nous venons devant vous ce matin.
Evidemment, ces gens travaillent, pour la plupart, dans des
édifices publics et un grand nombre d'entre eux sont des fonctionnaires
des gouvernements fédéral, provincial ou municipal; d'autres
travaillent dans l'industrie en général, dans des manufactures,
usines de papeterie, scieries, grands magasins à rayons, centres
d'achat, dans des édifices publics comme des maisons de rapport,
collèges, couvents et hôpitaux.
C'est donc dire, messieurs, que les travailleurs de cette
catégorie correspondent, à coup sûr, à la
philosophie générale du code des professions qui est
destiné à la protection du public. Je n'ai pas besoin de donner
des exemples particuliers de catastrophes qui pourraient survenir si des
travailleurs mécaniciens de machines fixes étaient
préposés dans des endroits, sans qu'ils aient les qualifications
nécessaires, la compétence nécessaire et le sens des
responsabilités nécessaire pour bien remplir leurs fonctions.
Jusqu'à maintenant, les mécaniciens de machines fixes ont
été régis par le chapitre 157 qui s'intitule: " Loi et
règlements concernant les mécaniciens de machines fixes". Le
chapitre 157, de par la volonté du bill 49, qui concerne la Loi sur la
formation professionnelle de la main-d'oeuvre, devra éventuellement
disparaî-tre; c'est du moins ce que dit l'article 96 du bill 49. Le
chapitre ou la loi régissant les mécaniciens de machines fixes
disparaissant, ceux-ci seront simplement noyés dans le groupe de
travailleurs de toute catégorie et de tous métiers. Le fait est
qu'actuellement les mécani-
ciens de machines fixes n'ont pas le privilège ni le droit de
former ce qu'on appelle un groupe distinct, en vertu de l'article 20,
paragraphe 3, du code du travail. Ce sont des travailleurs isolés
pourrait-on dire. Pour donner un exemple plus concret, je pourrais dire que
pour un employeur qui retient les services de 200 employés, il peut y
avoir quatre, cinq ou six mécaniciens de machines fixes. Ces gens sont
noyés dans des unités de négociation qui peuvent
comprendre des coiffeurs, des barbiers, des cuisiniers, des journaliers, des
ouvriers, des menuisiers. En conséquence, nous prétendons qu'ils
sont mal placés pour négocier directement avec l'employeur, en
tenant compte des conditions particulières de travail qui devraient
être leur lot.
Comme je l'ai dit au début, si cette loi, si le chapitre 157,
disparaît... Le ministre du Travail s'est occupé d'eux
jusqu'à maintenant et je ne voudrais pas critiquer de façon trop
acerbe les employés du gouvernement, mais je ne saurais dire que les
mécaniciens de machines fixes reçoivent, de la part du
gouvernement, toute l'attention que commande l'importance de leurs fonctions et
que commandent aussi les qualifications qu'ils doivent avoir pour exercer leurs
fonctions.
De plus, comme je l'ai dit tantôt, il est impossible à ce
groupe de travailleurs de s'unir pour discuter de leurs contrats de travail,
pour discuter de leurs conditions de travail, parce que la loi ne permet pas
que trois ou quatre employés d'un employeur de Montréal par
exemple, se joignent à quatre ou cinq employés d'un autre
employeur de Montréal ou de n'importe quelle autre ville dans la
province pour former ce qu'on appellerait une union ou un syndicat.
C'est donc dire qu'en 1972, alors que les droits des travailleurs sont
scrupuleusement respectés, nous sommes ici pour attirer votre attention
sur 15,000 ou 16,000 personnes qui sont mal servies au point de vue de la
protection de leurs droits et de leurs privilèges. Evidemment, ceci est
un point, M. le Président, mais je comprends que ce n'est pas le
principal point et le code des professions recherche la protection du
public.
Mais la protection du public ne doit pas nécessairement exclure
aussi l'intérêt des travailleurs eux-mêmes. Alors, je
soumets que les mécaniciens de machines fixes devraient être
considérés pour former une corporation professionnelle. Je veux
dire par ceci que la corporation que je représente aujourd'hui et qui
est composée d'environ 2,000 membres est la seule corporation aussi
importante dans la province de Québec, et le gouvernement ou l'Etat
pourrait, croyons-nous, considérer sérieusement la
possibilité de lui déléguer des pouvoirs. La corporation
est composée d'un conseil général d'administration pour la
province de Québec évidemment.
Cette même corporation est répartie dans la province en six
chapitres. C'est donc dire que cette corporation est bien structurée,
elle est déjà bien organisée. Il s'agit donc d'un corps
intermédiaire dont le gouvernement pourrait se servir parce qu'à
l'intérieur de cette corporation, il y a évidemment bon nombre de
mécaniciens de machines fixes qui ont déjà acquis dans le
métier ou la profession un bon nombre d'années
d'expérience et qui pourraient servir adéquatement pour aider
l'Etat à protéger le public en scrutant les qualifications, la
compétence et le sens des responsabilités des mécaniciens
de machines fixes.
Au point de vue des qualifications qui sont exigées de la part
des membres de la corporation ou des mécaniciens de machines fixes, les
règles ne sont pas à ce point de vue, je dois l'avouer,
strictement établies. Je veux dire que, pour qu'un individu
accède à la fonction de mécanicien de machines fixes, il
n'y a pas strictement de prérequis au point de vue de l'instruction.
Cependant, il y a comme je l'ai dit tout à l'heure
différentes classes de mécaniciens de machines fixes, il y en a
quatre qui sont d'importance.
La quatrième classe exige d'un individu qu'il ait une
expérience de douze mois sur un système de plus de 100
chevaux-vapeur-bouilloire; la troisième classe exige douze mois
supplémentaire sur un système de plus de 300
chevaux-vapeur-bouilloire; la deuxième classe exige en supplément
18 mois sur un système de plus de 600 chevaux-vapeur-bouilloire et
enfin, la première classe exige un supplément de 24 mois, dont
douze mois en charge d'un corps ou d'une relève d'une installation de
plus de 1000 chevaux-vapeur-bouilloire.
C'est donc dire que, en fin de compte, celui qui est parvenu à la
première classe et à la deuxième classe de
mécanicien de machines fixes possède l'équivalent de
douze, treize et quatorze ans de scolarité. Les autres, ceux de
quatrième classe et de cinquième classe, ont évidemment
une scolarité beaucoup moindre.
Cependant, messieurs, le point sur lequel je veux surtout attirer votre
attention aujourd'hui, l'action des législateurs, c'est que nous avons
affaire à un groupe extrêmement important de travailleurs. Comme
je l'ai dit au début, ils sont environ 16,000. Si leurs qualifications
ne sont pas scrutées, pesées et analysées, si leur sens de
responsabilité n'est pas mesuré, il pourrait en résulter
des catastrophes déplorables.
Ainsi, par exemple, je voudrais mentionner la ville de Montréal
et je ne pourrais pas évidemment faire la nomenclature de toutes les
institutions importantes dans lesquelles ces gens travaillent. Pour ne prendre
qu'un secteur de la ville de Montréal, je pourrais nommer Place
Bonaventure, Place Victoria, le palais de justice, l'Hydro-Québec, la
bâtisse de la Canadian Industries Limited, la Place Ville-Marie, la
Banque de Commerce, le Château Champlain, ce sont
tous des endroits où les services de mécaniciens de
machines fixes sont absolument nécessaires. Ici à Québec,
pour vous donner quelques autres exemples où les services de
mécaniciens de machines fixes de première classe sont retenus, je
pourrais nommer l'Anglo Canadian Pulp & Paper Ltd, l'hôpital de
l'Enfant-Jésus, Saint-Malo Heating, Saint-Michel-Archange et je dois
dire, évidemment, que ce n'est pas un patient de cet hôpital qui
est en charge de la centrale thermique ou des bouilloires ou de la
mécanique dont nous parlons ce matin.
Cela vous indique tout de même l'importance qu'on doit attacher
aux classifications requises pour ces travailleurs. Je reviens sur cette
idée déjà exprimée que le ministère du
Travail, malgré toute sa bonne foi, malgré la compétence
j'en conviens des fonctionnaires qui doivent voir à
l'application de la loi, est à notre avis incapable de couvrir tout le
champ ou tout le secteur qui intéresse la corporation au nom de laquelle
nous parlons.
Nous voulons insister sur cette idée que le chapitre 157
disparaissant, loi qui régit les mécaniciens de machines fixes,
le chapitre 156, lois et règlements concernant les appareils sous
pression, ce chapitre-là aussi disparaissant, vu aussi
l'impossibilité pour les travailleurs de cette classe de se grouper en
syndicat et en union à travers toute la province de Québec, eh
bien, nous aurons laissé pour compte en 1972 un groupe fort important de
travailleurs qui ne pourront pas se prévaloir du droit sacré de
l'union pour exprimer aux autorités compétentes, soit au
gouvernement, soit à leurs employeurs, les représentations
nécessaires pour protéger leurs droits et ils seront dans
l'impossibilité aussi de voir à la protection du public. Comme je
l'ai dit aussi, il s'agit d'une corporation qui est la seule aussi bien
structurée pour offrir au gouvernement une collaboration étroite,
une collaboration efficace.
Il y a quelques autres corporations dans la province de Québec
qui groupent un certain nombre de mécaniciens de machines fixes, mais ce
nombre est très restreint et peut se limiter à 40, 50 ou 60,
alors que la corporation qui est ici devant vous groupe un nombre de 1,500
membres actifs et possède au-delà de 5,000 inscriptions de
membres depuis son existence.
En conséquence, messieurs, je vous demande au nom de la
corporation de donner, de déléguer des pouvoirs à la
corporation qui est ici devant vous, afin qu'elle puisse régir et
règlementer la pratique et l'exercice de cette profession des
mécaniciens de machines fixes, être en même temps aussi
l'interlocuteur valable entre l'autorité, soit le gouvernement, et les
milliers de membres répartis dans la province de Québec, et de
cette façon assurer la protection du public et la promotion de la
compétence et de l'intérêt de ses membres.
Je pense, messieurs, que j'ai parlé un peu abondamment du
problème général sans me reporter au mémoire qui
est devant vous et que vous pourrez lire à loisir. Mais il ne sert
à rien, à mon avis, de répéter ici les
écrits que vous avez déjà et je vous laisse le soin de
poser les questions qu'il vous semblera bon de poser pour savoir si la
corporation satisfait aux critères exigés par la loi pour devenir
une corporation professionnelle.
Je n'insisterai pas sur chacun des critères. En ce qui concerne
les connaissances requises que l'on voit au premier paragraphe de l'article 21,
je pense qu'il y aurait moyen de légiférer là-dessus ou de
réglementer. Quant aux dommages à la propriété et
à la personne, ai-je besoin d'insister puisque, si on avait ici dans la
bâtisse un mécanicien en machines fixes incompétent, on
pourrait sauter rapidement et sans en avoir même le douloureux
souvenir.
En conséquence, messieurs, je laisse ce problème à
votre sens des responsabilités et à votre compétence et
vous pourrez poser des questions.
M. FOURNIER: Me Lafrenière, le code des professions tel
qu'édicté par le bill 250, ne contient pas simplement une
reconnaissance, mais il contient aussi une série d'obligations que
doivent assumer les corporations professionnelles. En particulier, elles
doivent avoir un comité de discipline, comité d'inspection
professionnelle, code de déontologie, des procédures d'arbitrage
de comptes, toute une série d'obligations et je me demande si
réellement votre groupement désire être sujet à
toutes ces obligations-là.
Quand je regarde le mémoire que vous avez présenté
et les conclusions que j'y retrouve, ce sont des conclusions s'adressant au
ministère du Travail et une reconnaissance vis-à-vis du
ministère du Travail. Il semble que le problème de votre groupe,
c'est de ne compter que 2,000 sur 15,000 personnes qui exercent la même
discipline. Est-ce que la solution ne réside pas dans un autre
système comme par exemple les électriciens où tous ceux
qui sont électriciens, en plus du certificat du ministère du
Travail, doivent appartenir à l'association? Est-ce que ce n'est pas
là plutôt votre solution qu'imposer à un groupement comme
le vôtre toute une série d'obligations qui semblent ne pas
être trop appropriées à votre domaine?
M. LAFRENIERE: Je comprends le souci bien fondé de l'honorable
Solliciteur général à ce point de vue-là et je puis
dire qu'actuellement la corporation au nom de laquelle je parle n'a
peut-être pas d'une façon déterminée tous les
comités auxquels vous vous référez, soit quoiqu'il
en existe des embryons le comité de discipline, le comité
d'inspection, de surveillance, le code de déontologie.
Vous comprendrez, M. le Solliciteur général, que cette
corporation-là, qui a été incorporée en vertu de la
troisième partie de la Loi des compagnies et qui n'est en somme qu'une
corporation socio-économique pour la protec-
tion de ses membres, n'a pas eu jusqu'à maintenant les pouvoirs
nécessaires pour bâtir toute la structure qu'exige vraiment une
corporation professionnelle. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, avec
5,000 inscriptions qui sont venues dans la corporation, des membres ont
négligé de renouveler leur cotisation, des membres se sont
désintéressés parce que l'autorité n'a pas
laissé à cette corporation les pouvoirs nécessaires pour
vraiment bâtir du solide et avoir les moyens en somme de fonctionner et
d'atteindre ses fins.
Nous prétendons cependant, les membres de votre commission en
jugeront, que la corporation est tout de même un organisme actuellement
valable et un corps intermédiaire précieux qui pourrait aider
à l'établissement et à l'application de la
réglementation concernant les mécaniciens de machines fixes. Vous
vous êtes référé aussi au ministère du
Travail, sans critiquer le ministère du Travail, nous prétendons
que des fonctionnaires qui n'ont pas, peut-être le nombre d'années
d'expérience que pourraient avoir la plupart des membres de la
corporation, ne sont certainement pas aussi avertis des
nécessités du métier que le sont les membres
eux-mêmes de la corporation. C'est un peu comme si on laissait mener par
des bureaucrates ou des fonctionnaires, quelles que soient leur
compétence et leur intelligence, une association comme le Collège
des médecins ou comme le Barreau, l'association des avocats. Il est bien
entendu, l'honorable Solliciteur général le sait pour avoir
pratiqué pendant plusieurs années le droit, que celui qui n'a pas
été dans la pratique elle-même oublie une foule de facteurs
humains que l'on rencontre dans la pratique et qui pourtant sont d'une aide
précieuse lorsqu'il s'agit de réglementer la profession. Alors,
c'est un peu, toute proportion gardée, le même principe que l'on
peut appliquer à l'organisme que nous appelons la Corporation des
maîtres en centrales thermiques.
M. FOURNIER: Merci.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, Me Lafrenière,
c'est la deuxième fois que vous venez devant la commission pour
représenter des groupes qui s'apparentent un peu, des groupes
extrêmement importants. La première fois, c'étaient les
techniciens professionnels et aujourd'hui ce sont les membres de la Corporation
des maîtres en centrale thermique. Est-ce que vous faites un joint entre
les deux groupements professionnels, si ce n'est pas au plan de la formation,
ce qui n'est pas exclu dans l'avenir, toute formation évoluant? Est-ce
que vous faites un rapprochement entre les deux corporations?
M. LAFRENIERE: Je pense que la question de l'honorable
député de Montmagny est extrêmement pertinente. L'on ne
peut pas faire de joint au point de vue corporatif lui-même, parce que
les corporations sont des personnes morales, strictement indépendantes
et séparées l'une de l'autre, mais en ce qui concerne la
formation et la compétence que peuvent avoir ces travailleurs des
différentes corporations, à un certain moment il peut y avoir
fusion, parce qu'en somme nous sommes dans l'ère technologique, comme on
l'a déjà établi. Le rôle ou le travail accompli par
les mécaniciens de machines fixes est quelque chose d'essentiellement
technique aussi. Ils doivent posséder des techniques mécaniques
pour pouvoir exercer leurs fonctions et exécuter leur travail. Leur
formation pourrait être prise aussi à la même source, soit
dans les CEGEP de la province de Québec, et particulièrement en
ce qui concerne les membres des trois premières catégories que
j'ai mentionnées tout à l'heure, soit les mécaniciens de
machines fixes première classe, deuxième classe et
troisième classe. Il est bien convenu et admis que pour les
mécaniciens de machines fixes de quatrième classe et de
cinquième classe, on exige moins de compétence ou moins de
théorie. Leur travail pourrait s'apparenter davantage à un
travail qui requiert strictement de l'expérience; c'est un travail
manuel qu'on pourrait apprendre en ayant suivi un cours dans les écoles
secondaires, sans avoir nécessairement étudié dans les
écoles de niveau collégial que l'on dénomme les CEGEP.
M. CLOUTIER (Montmagny): Actuellement, dans le secteur parapublic, au
cours des négociations qui se font actuellement avec le gouvernement
provincial, les mécaniciens de machines fixes n'ont-ils pas une
unité de négociation spéciale?
M. LAFRENIERE: Je crois pouvoir répondre dans la négative,
M. le député de Montmagny, à ce point de vue. Parce que,
comme je l'ai dit tout à l'heure, jusqu'à maintenant l'esprit de
la loi ne permet pas qu'un petit groupe d'employés, du parlement par
exemple, s'affilie à un groupe d'employés de 1'Anglo Pulp, de
Saint-Michel-Archange ou de l'hôpital de l'Enfant-Jésus pour
former- un syndicat qui soit bien à eux et représentatif. De
sorte que, lorsqu'un mécanicien de machines fixes veut négocier
avec son employeur je pense que nous devrions recourir à la
société des traducteurs qui est passée devant vous
tantôt, parce que j'allais employer un anglicisme il n'a pas ce
qu'on appelle un "bargaining power" qui soit très puissant, parce qu'ils
sont isolés, ils sont seuls et noyés dans une unité de
négociation qui inclut tous les genres de métiers.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vois que vous voulez apporter une
précision...
M. LEBOEUF: J'aurais quelque chose à ajouter à ce que Me
Lafrenière disait. Pour une bonne partie des mécaniciens de
machines fixes, il n'est pas possible de faire partie des comités
de négociation, comme vous le mentionnez, au sujet des salaires
et des conditions de travail, puisque ces gars sont déjà dans la
partie patronale de l'industrie des édifices publics ou
représentent le patronat.
Pour ce qui est du bill 49, lorsqu'on a demandé de travailler aux
comités consultatifs, on nous a répondu, à ceux qui
étaient la partie patronale, qu'on devait passer par un
représentant de notre patron. Or, je vous cite un cas en particulier, le
mien. Lorsqu'on a voulu travailler à un comité consultatif
régional, on nous a mentionné que, dans notre usine,
c'était un commis qui nous représentait.
Or, ce qui nous intéresse énormément
vis-à-vis du bill 250 et ce que nous retenons surtout, c'est le
contrôle de l'exercice de la profession. Cela nous intéresse
énormément puisque, par le bill 49, vous avez mentionné
tantôt : Les électriciens ont un système. Mais je vous
ferais remarquer que, dans le bill 49, on n'a pas abrogé totalement la
loi des électriciens ni celle des mécaniciens en tuyauterie,
alors que pour les mécaniciens de machines fixes, on a tout simplement
dit un mot: abrogé. Et nous nous inquiétons
énormément, nous, ceux qui font partie du patronat, ceux qui ont
une classe supérieure probablement, ceux qui seraient en mesure d'aider
le plus et le gouvernement et la société, en vertu de la
protection et du public et des gars eux-mêmes qui travaillent dans les
installations concernées.
C'est-à-dire que je crois que ce sont les individus qui ont
atteint un certain palier qui sont en mesure d'aider à la
rédaction de nouvelles formes de contrôle. On espère qu'il
y aura une nouvelle forme de contrôle, que ce ne sera pas laissé
au loisir de chacun de contrôler les appareils sous pression, parce qu'on
sait fort bien que c'est à peu près impensable. Certes, vous avez
peut-être à l'idée de petites installations, mais
souvenez-vous qu'il y a beaucoup de grosses installations auxquelles on attache
énormément d'importance parce qu'on connaît bien le
domaine, on connaît bien le danger que cela comporte.
On a déjà eu, puisque la loi a été
modifiée à plusieurs reprises, le chapitre 157 qui a donné
beaucoup plus de latitude à certains, je pourrais même dire les
propriétaires, pour faire des changements concernant la
sécurité qui devient très chancelante. On le fait par
expérience, on s'opposait en s'appuyant sur une loi qui existait mais,
si elle disparaît, comment voulez-vous que je puisse prendre des
décisions rapides? A certains moments, vous comprendrez bien qu'il y a
des décisions extrêmement rapides, pour éviter une
catastrophe, qui sont prises par la personne en charge et qui relèvent
de toute une série de données, d'expériences
accumulées et de connaissances? A ce moment-là, on évite
la catastrophe parce qu'on pose un geste de compétence et qui est
réfléchi parce qu'on a déjà
l'expérience.
Si on évite de contrôler l'accès à la profes-
sion, c'est-à-dire si on nie le droit au gars d'avoir un système
qui contrôle, vous mettez la sécurité publique en danger.
Vous savez, lorsque je suis à l'intérieur d'une centrale
thermique et que je n'ai pas de moyens de contrôler les actions
dangereuses qui peuvent se produire, je suis également en danger.
M. CLOUTIER (Montmagny): Revenant au niveau des négociations, il
y a une unité de négociation qui s'appelle le local 50.
M. LEBOEUF:Oui.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce sont des mécaniciens de machines
fixes.
M. LEBOEUF: Ce sont des mécaniciens de machines fixes mais non
pas pour la partie patronale. Autrement dit, pas un surintendant, pas un
contremaître, vous comprenez ce que je veux dire?
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui.
M. KARAVASILIS: Monsieur, si vous permettez, le local 50 dont vous
parlez, je le connais très bien, j'en fais partie tout en faisant partie
des cadres de la corporation. Le premier des problèmes majeurs avec
l'organisme concerné c'est que c'est un organisme municipal. Les
mécaniciens de machines fixes exercent dans toute la province et le
local 50 est pour toute la ville de Montréal. Si vous me permettez,
disons l'impertinence d'être en désaccord mineur avec notre
procureur, je crois que notre ami Leboeuf approchait le problème tout
à l'heure, à mon sens: le gros problème n'est pas au
niveau de notre employeur. Très peu d'entre nous ici vont faire
état du manque de dialogue avec notre employeur.
Notre gros problème est le manque de dialogue avec les
autorités gouvernementales. Notre existence légale dépend
d'un fil, c'est le chapitre 157 et, au moment où les technocrates en
place modifient ou menacent de changer le code 157, on se trouve devant une
situation où on ne peut plus parler.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous n'êtes pas pris dans un
cercle vicieux? Le ministère du Travail vous considère moins
parce que vous avez seulement 1,500 membres actifs sur 15,000? D'autre part,
vos membres se désintéressent parce que les autorités
gouvernementales ne portent pas suffisamment d'attention à vos
recommandations? Vous l'avez dit tantôt. Vous êtes abrogés,
en un mot, vous disparaissez de cette législation.
M. KARAVASILIS: Vous savez, 1,500 membres en règle, je crois
je n'essaie pas de me gargariser avec nos mérites pour un
organisme comme le nôtre qui n'a jamais eu aucune espèce de
pouvoir et connaissant la façon dont les
mécaniciens ont été maltraités par le
ministère du Travail parce qu'il faut l'admettre que nous
ayons 1,500 gars qui d'année en année envoient $15 ou $20
à la corporation qui n'a rien à offrir, les promesses mises
à part, je crois que c'est fameux.
M. LAFRENIERE: Je pense que l'honorable député de
Montmagny touche le centre du problème parce que c'est un peu un cercle
vicieux, comme vous l'avez mentionné. Et c'est pour cela que la
protection du public pourrait être compromise si le législateur ne
s'occupe pas de légiférer spécialement pour un groupe
semblable de travailleurs. Le législateur décidera-t-il de former
une corporation professionnelle avec les mécaniciens de machines fixes?
C'est la question qui se pose actuellement. Mais si une autre loi pouvait
couvrir tout aussi bien les buts que nous recherchons, les mécaniciens
de machines fixes en seraient probablement enchantés aussi.
M. CLOUTIER (Montmagny): En somme, si le législateur d'un
côté agréait à votre demande, il faudrait que cela
s'apparente aux techniciens professionnels, si je comprends bien, et, d'autre
part, si le législateur décidait de couvrir le problème
d'une autre façon, il faudrait que vous soyez aussi bien couverts que le
sont les autres corporations, comme les maîtres électriciens ou
d'autres corporations professionnelles du même genre. Vous êtes
assis entre deux chaises. Vous n'êtes couverts, ni par la corporation
professionnelle, ni par... Le chapitre 157 disparaissant, évidemment,
vous êtes noyés dans tous les autres corps de métiers.
M. LAFRENIERE: C'est cela. Nous sommes noyés dans tous les autres
corps de métiers et surtout avec cette caractéristique principale
qu'on a affaire à des gens qui ont des responsabilités
extrêmement lourdes et qui travaillent dans des endroits publics, dans
des édifices publics. Je ne pense pas que l'Etat ou l'autorité
civile devrait tolérer une situation d'à peu près comme
cela pour un groupe semblable de travailleurs. C'est la raison pour laquelle
nous sommes venus devant vous ce matin.
Je pense qu'en ce qui concerne les mécaniciens de machines fixes,
malgré qu'il y ait d'autres petites corporations qui soient
déjà existantes, c'est la seule qui, semble-t-il, viendra devant
vous exposer le problème que nous avons discuté depuis tout
à l'heure. A notre point de vue et je ne pense pas qu'on rêve en
couleur en disant cela, je pense que nous sommes réalistes, la
Corporation des maîtres en centrale thermique est de beaucoup la plus
importante de toutes celles qui peuvent exister pour surveiller les
intérêts des mécaniciens de machines fixes et pour
surveiller leur qualification. Conséquemment, si le comité que
vous représentez considérait la Corporation des maf-tres en
centrale thermique, c'est avec plaisir que les autres corporations joindraient
celle que nous représentons pour vraiment présenter un front
commun et une unité de buts ou d'objectifs à rechercher.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les mots "front commun" sont acceptables!
M. LAFRENIERE: J'ai pensé qu'ils impressionneraient le
président...
M. LE PRESIDENT: Le député de Maisonneuve.
M. BURNS: J'ai seulement une question, Me Lafrenière. Vos
réclamations pour les maîtres en centrale thermique ou les
mécaniciens de machines fixes, je pense qu'elles sont, sur le plan
réclamations, justifiées. Je me demande si, d'autre part, le
genre de reconnaissance que vous recherchez n'est pas un type de reconnaissance
analogue à celui de la corporation des maîtres électriciens
ou la corporation des mécaniciens en tuyauterie ou des choses de ce
genre. Regardant les critères, vous nous avez parlé de deux des
critères auxquels les mécaniciens de machines fixes
répondent, je pense, assez clairement : la question de compétence
et la question de gravité du geste posé. Mais, l'article 21 nous
parle de l'ensemble des cinq critères, les trois autres étant
l'aspect confidentiel des renseignements, le caractère personnel des
rapports qui existent entre la personne qui donne des services et la personne
qui en reçoit, et également le degré d'autonomie dont
jouissent les personnes qui sont membres de ces corporations. A cet
égard je me pose la question tout en admettant vos réclamations
et c'est là que je reviens à ma question du début: Est-ce
qu'il ne s'agit pas plus d'une accréditation, auprès du
ministère du Travail, du type de corporation comme les
électriciens ou les autres corps de métiers semblables?
M. LAFRENIERE: C'est l'opinion, actuellement, M. le
député, de la plupart des membres de la corporation qui sont
intéressés vraiment d'une façon active, c'est l'opinion de
ces gens pour lesquels le ministère du Travail ne semble pas manifester
d'intérêt assez positif.
Vous avez mentionné les critères. Admettons au
départ qu'on pourrait prendre deux critères, soit les
connaissances requises et la gravité du préjudice causé.
Je pense aussi qu'on pourrait pousser plus loin et prendre des critères
qui traitent du degré d'autonomie, parce que le mécanicien de
machines fixes qui se trouve en charge d'une centrale thermique ou de ces
machines a des décisions à prendre, comme l'a signalé le
vice-président, qui sont assez rapides. Sa compétence doit entrer
en ligne de compte. Il se conduit lui-même de par sa
compétence.
Quant à l'aspect confidentiel, évidemment, ce n'est pas
comme s'il s'agissait d'un médecin ou d'un avocat, mais il reste que ces
gens connaissent certaines choses dans une manufacture, dans un édifice
public, qui ne doivent pas
être révélées au premier venu parce qu'il
pourrait y avoir quand même des tentatives de sabotage ou quoi que ce
soit. Cet homme doit donc présenter un caractère moral qui soit
de tout repos.
Si on regarde la question de près et les critères
nécessités ou exigés par l'article 21 du code des
professions, on s'aperçoit que, généralement parlant, on y
répond assez bien. D'un autre côté, il reste une foule de
modalités, de technicités à étudier, ce qu'on ne
peut faire ici, en commission, pour faire l'ajustement complet de cette
corporation dans les cadres d'une corporation professionnelle. Bien entendu, il
y aurait peut-être lieu d'émonder un peu et d'avoir des exigences
plus précises, plus serrées pour certains membres de la
corporation.
Comme la plupart des membres ici l'ont compris, on est assis entre deux
chaises vraiment et je ne pense pas que ce genre de travail doive être
laissé en plan comme ça et laissé pour compte. Il y a tout
de même 15,000 ou 16,000 travailleurs dans la province de Québec
qui sont en mesure de protéger ou de compromettre la
sécurité du public. Par conséquent, je pense qu'on doit
accorder une attention extrêmement particulière à ce groupe
de travailleurs et légiférer en conséquence. Quant au mode
de législation, cela reste à étudier, mais le but que nous
avons recherché ici ce matin est de placer le problème sur la
table de façon que le législateur en soit averti.
C'est la première fois, je pense, que pour le groupe des
mécaniciens de machines fixes, cela peut se faire et c'est grâce,
justement, à votre compréhension et à l'invitation que
vous nous avez faite de paraître devant vous, que nous avons pu le
faire.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. BURNS: Une dernière seulement; vous ne m'avez pas
répondu à l'autre question que je vous posais. Evidemment, elle
était peut-être cachée dans tout ce que je vous ai dit.
Est-ce que les buts que vous visez ne seraient pas atteints par une loi
spéciale pour votre groupe, un loi du type de celle de la corporation
des maftres électriciens ou de la corporation encore une fois je
vous donne l'autre exemple des mécaniciens en tuyauterie? Il y a
d'autres corporations du même style. Est-ce que les buts que vous visez
ne seraient pas atteints par cela?
M. LAFRENIERE: Les buts, je pense bien, pourraient être atteints,
à la condition que, justement, le gouvernement donne à notre
corporation des pouvoirs qui ne sont pas tout simplement des pouvoirs d'un club
social.
M. BURNS: Si le gouvernement prenait la peine de faire la loi concernant
les mécaniciens en centrale thermique, je pense que déjà,
en soi, cela serait une reconnaissance, cela vous donne- rait justement ce
fameux "bargaining power" auprès du ministère du Travail pour
représenter vos gens. Est-ce que je me trompe en disant cela?
M. LAFRENIERE: Je ne crois pas que le groupe actuel veuille tellement
avoir une corporation qui s'appelle nécessairement une corporation
professionnelle. Il veut avoir une corporation qui lui donne des pouvoirs.
M. BURNS: Et un statut.
M. LAFRENIERE : ... qui peuvent lui permettre de réglementer, de
surveiller, d'avoir un comité de discipline, de faire passer des examens
à ses membres et d'exiger l'application intégrale des
règlements à travers la province de Québec. Ce qui ne peut
se faire que d'une façon très incomplète par un seul
organisme gouvernemental qui n'a à son emploi que 36 employés de
bureau et 21 inspecteurs pour les mécaniciens de machines fixes qui sont
au nombre de 15,979. Alors, ce n'est pas équilibré.
M. BURNS : La raison principale pour laquelle je vous posais cette
question et là-dessus, je rejoins le Solliciteur
général dans sa question précédente c'est
que je me demande si le fait de vous couvrir par le projet de loi no 250 ne
vous imposerait pas des obligations beaucoup trop lourdes pour le genre de
corporation ou le genre d'organisme que vous voulez avoir. C'est la question
que je me pose.
M. LAFRENIERE: En même temps que cela imposerait des obligations,
cela imposerait aussi des droits et pour l'exercice de ces droits que la
corporation aurait, je pense qu'elle serait prête à supporter les
obligations.
C'est entendu que ça lui enlève comme à
toutes les corporations qui seront régies par le code de profession
une certaine autonomie. C'est bien entendu, parce que le gouvernement ou
l'Etat se réserve un droit de surveillance assez serré
auprès de ces corporations et c'est justement pour atteindre la
protection du public que c'est fait. Malgré ça, je pense que tout
le monde y trouverait son profit si la Corporation des maîtres en
centrale thermique était sous la juridiction du code des professions,
quitte à se plier à toutes les exigences du gouvernement qui sont
contenues dans le bill 250.
M. LE PRESIDENT: Vous voulez ajouter quelque chose?
M. LAVOIE: M. le Président, messieurs, au nom de l'association
que je représente, il me fait plaisir de vous remercier
sincèrement. Nous repartons d'ici cet après-midi comme il
est passé l'heure du midi avec l'espérance de nouvelles
favorables. Merci.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je remercie la
délégation. La commission ajourne ses travaux jusqu'à
jeudi, à neuf heures et demie.
M. LAFRENIERE: Neuf heures et demie?
M. LE PRESIDENT: Neuf heures et demie ou dix heures. Regardez dans le
feuilleton pour le savoir.
(Fin de la séance à 13 h 15)
Séance du ieudi 15 juin 1972 (Dix heures douze minutes)
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
La commission spéciale sur les corporations professionnelles est
maintenant ouverte. En premier, nous entendrons l'Association des chirurgiens
dentistes du Québec. Est-ce que le Dr Labelle est ici?
Association des chirurgiens dentistes du
Québec
M. LE PRESIDENT: Je constate que vous avez deux mémoires, un sur
les bills 250 et 254 et l'autre sur le bill 266. Voyant qu'il y a des choses
dans les deux mémoires qui correspondent, est-ce qu'il serait possible
de faire le résumé en discutant les trois bills ensemble? On vous
questionnera sur les trois bills après.
M. LABELLE: M. le Président, je n'ai pas l'intention de faire la
lecture intégrale des résumés de mémoires.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup.
M. LABELLE: J'aimerais, pour économiser le plus de temps possible
aux participants, soulever certains points qui nous semblent d'un plus grand
intérêt. Nous aimerions commencer à commenter quelques
points du bill 254, pour ensuite passer au bill 266 et terminer par le bill
250.
M. le Président, je tiens à vous remercier de nous avoir
permis de venir ici pour pouvoir exprimer notre point de vue. J'aimerais au
début vous présenter à la table, à mes
côtés, les principaux membres de notre exécutif. A partir
de ma gauche, le Dr Marcel Tenenbaum, qui est le vice-président; le Dr
Pierre-Yves Lamarche, le secrétaire; Me Marc Lapointe, notre conseiller
juridique. A ma droite, le Dr Claude Chicoine, trésorier de notre
association; Mlle Francine Beaudoin, conseiller technique et le Dr Yves Poulin,
vice-président de notre association.
Pour débuter, il va sans dire que les trois bills qui sont le
sujet de discussion aujourd'hui revêtent pour nous une importance
primordiale. Nous aimerions rendre bien clair le fait que nous avons
déjà, depuis plusieurs années, recommandé à
plusieurs occasions l'élargissement des fonctions du personnel
auxiliaire à l'intérieur de la profession dentaire.
Nous étions conscients que la loi qui nous gouvernait
était quelque peu désuète et déjà,
dès 1968, dans le mémoire, notre association présentait au
ministre de la Santé, l'honorable Jean-Paul Cloutier, un mémoire
qui demandait... Si vous permettez, je vais simplement citer un paragraphe qui
dit que les enquêtes à travers la province et le Canada ont
démontré la
pénurie de dentistes face aux besoins de la population. Cette
pénurie pourrait être largement atténuée si la loi
dentaire était amendée, afin de donner plus de
prérogatives à un personnel auxiliaire.
Déjà, en 1969, nous avions aussi l'occasion de
présenter un autre mémoire, cette fois au comité
d'étude des professions auxiliaires de la santé et qui faisait,
encore une fois, ressortir l'urgence d'un personnel auxiliaire à
l'intérieur de notre profession. Si j'ai voulu mentionner ces quelques
points, c'est principalement pour faire voir le plus clairement possible que
nous avons toujours prôné l'expansion d'un personnel auxiliaire en
vue de rendre un service plus approprié à la population.
Si vous me le permettez, pour se référer plus
spécifiquement au bill 254, je voudrais souligner à la page 19 de
notre mémoire, le paragraphe 37 se référant à
l'article 35 du bill 254. Je vais faire lecture de l'article 35 qui dit, sous
l'étiquette Exercice illégal de l'art dentaire: "Sous
réserve de l'article 25, nul ne peut poser l'un ou l'autre des actes
décrits aux articles 23 et 24, s'il n'est pas dentiste".
En rapport avec cet article 35, nous aimerions voir ajouter, comme
modification au bill 254, l'assurance que le dentiste pourra
déléguer certaines fonctions à son personnel auxiliaire et
cela en cabinet privé.
Dans la loi qui nous régit présentement, le dentiste n'a
aucune liberté d'action dans ce sens et nous pensons qu'en vue de
favoriser la distribution des soins il serait sûrement très
important d'assurer ou par réglementation ou à l'intérieur
du projet de loi que le personnel auxiliaire puisse effectuer des tâches
pour autant qu'elles seraient déléguées et sous la
responsabilité du dentiste.
En rapport avec le même mémoire, et ceci à la page
11, nous constatons, quant au personnel auxiliaire à l'heure
actuelle je pense qu'il y a un consensus de tout le monde qu'il faut
former autant que possible le personnel auxiliaire.
Cependant, là s'arrêtent nos connaissances.
Quand il s'agit de déterminer quelles seront les fonctions
remplies par ce personnel auxiliaire, quel en sera le nombre et avec quelle
rapidité devons-nous le former? Combien avons-nous besoin d'assistantes
dentaires ou d'hygiénistes dentaires ou de techniciens dentaires? Je
pense que nous sommes devant des données inexactes, devant des
études, qui à toutes fins pratiques, n'ont jamais
été effectuées à l'intérieur du
Québec.
Si vous permettez, sur ce point, j'aimerais lire quelques paragraphes de
notre mémoire et je cite, paragraphe 22: "Il n'existe aucune
donnée quant au nombre de personnes qui oeuvrent dans le secteur
à un quelconque titre. De plus, il faut, au départ, renoncer
à l'utilisation des titres, secrétaires, réceptionniste,
assistante dentaire, hygiéniste dentaire, puisque chacune de ces
appellations est susceptible de couvrir des réalités
différentes. Outre leur nombre, il faudrait connaître leur
répartition géographique, leur fonction, c'est-à-dire la
nature de leur tâche, leur mode de formation. Il faut s'interroger pour
savoir si la totalité ou une partie de ces personnes pourraient, une
fois certains ajustements effectués c'est-à-dire le
recyclage ou une certaine période de formation constituer le
noyau des futurs groupes d'auxiliaires. Il faut également se demander
à quel rythme il serait possible d'intégrer dans les cabinets
privés des dentistes du personnel auxiliaire. Car cette
intégration nécessite que les deux conditions suivantes soient
réalisées: qu'un tel marché soit existant et que les
dentistes soient prêts à intégrer dans leur cabinet de
nouvelles catégories de personnel. On peut se poser des questions quant
à l'existence de ce marché au Québec. De plus, si l'on se
réfère à l'étude de Hall, sur l'attitude des
dentistes vis-à-vis de l'hygiéniste dentaire, la majorité
des dentistes répondants qui n'emploient pas d'hygiénistes
dentaires manifestent une attitude positive. Cependant, il est difficile de
prévoir ce que serait leur comportement et leur vitesse d'adaptation
car, dans les réponses, l'argument le plus souvent invoqué
c'est-à-dire que la dimension de la pratique ne justifie pas l'emploi
d'hygiénistes constitue-t-il un prétexte ou une
réalité si cette dimension de la pratique était autre?
Un peu plus loin, à première vue, et je me
réfère au paragraphe 39, page 20, il apparaît bien
fondé de former et de constituer en corporation un groupe de personnes
qui s'occuperont avant tout de l'aspect préventif. Cependant, nous ne
pouvons répondre aux questions suivantes, c'est-à-dire leur
nombre, le secteur où ces personnes oeuvreront, leurs liens avec les
dentistes et l'étendue de leur champ d'activité.
Ceci, à mon sens, résume l'importance que nous voulons
attacher à un personnel auxiliaire bien intégré au sein de
la profession. Mais, d'un autre côté, il fait voir le manque de
données précises sur lesquelles nous devrions compter avant
d'élargir et de transférer certaines fonctions à ce
personnel auxiliaire.
Ceci étant dit, et vous aurez eu l'occasion de le lire parmi les
conclusions de nos mémoires, nous sommes d'avis qu'un comité
d'étude devrait être formé en vue d'étudier les
besoins du Québec et en vue de faire des recommandations dans le plus
bref délai possible, quant au personnel auxiliaire pouvant
s'intégrer à l'intérieur de la profession dentaire.
Si vous le permettez, M. le Président, ce sont là les
principaux points que nous voulions aborder quant au bill 254; il nous ferait
plaisir de vous faire connaître maintenant nos commentaires quant au
projet de loi 266.
En résumé, quant au projet de loi 266, nous sommes en
désaccord sur le libellé actuel du projet de loi, principalement
pour les raisons suivantes: pour la prothèse partielle amovible, je
pense que nous devrions très bientôt faire
une distinction et apporter les clarifications quant à la
définition de la prothèse, prothèse dentaire, j'entends.
La prothèse partielle amovible ne peut pour aucune considération
constituer une activité professionnelle pour un groupe autre que les
chirurgiens dentistes. Parce qu'à notre point de vue, pour accomplir une
prothèse partielle amovible, il faut des notions poussées de
diagnostic, de dentisterie opératoire, de couronnes et ponts, de
périodontie et de radiologie.
S'il était utile de développer ces différents
points, il nous fera plaisir, lors de la période de questions, de
s'attarder sur les points que je viens d'énumérer.
Deuxièmement, une condition qui, à notre point de vue,
nous semble essentielle: nous voulons et nous recommandons de recevoir
l'assurance que le patient, avant la réalisation d'une pièce de
prothèse complète, reçoive un examen et aussi qu'un
diagnostic soit posé et qu'un choix de traitements soit fait. Nous
constatons que toujours, avant la réalisation d'une pièce de
prothèse complète, il faut un examen clinique et radiologique
s'il est nécessaire qu'un diagnostic soit posé et qu'un choix de
traitements soit établi.
A ce stade-là, il est essentiel que ces étapes soient
effectuées par le chirurgien dentiste et nul autre. Un troisième
point quant au projet de loi 266, c'est le suivant: la formation actuelle du
technicien dentaire n'est aucunement reliée à l'activité
professionnelle qu'on lui délègue dans le projet de loi 266.
Enfin, pour pouvoir simplement jeter un peu de clarté sur la
définition de la prothèse, je pense qu'il faut d'abord faire les
grandes divisions de la prothèse complète et de la
prothèse partielle, ce qui semble avoir été
complètement ignoré dans la rédaction du projet de loi
266. Même dans la prothèse complète, il y a une subdivision
qu'on pourrait appeler la prothèse de type immédiat, la
prothèse initiale et la prothèse de remplacement.
Quant à la prothèse partielle, il y a deux types de
prothèses partielles qui sont la prothèse amovible et la
prothèse fixe. Dans tout ce domaine de la prothèse, je vous
inviterai dans quelques moments à poser toutes les questions que vous
désirez au Dr Claude Chicoine qui se trouve à mes
côtés.
Passons maintenant au projet de loi 250. A ce sujet, il s'agira pour
nous principalement de questionner et d'obtenir certaines clarifications quant
aux tarifs d'honoraires et aussi quant au fonds d'indemnisation. Mais plus
spécifiquement, j'aimerais laisser Me Marc Lapointe discuter du sujet en
relation avec le tarif d'honoraires.
M. LAPOINTE: Je pense bien que le mémoire de l'association est
assez clair, je me contenterai de le résumer pour le moment. Il est
question du bill 250 et du point particulier que nous voulons soulever dans le
mémoire à la page i), au tout début du mémoire et
nous aimerions mettre, comme nous le faisons dans le mémoire, en
comparaison, l'article 83 m) du bill avec l'article 169, paragraphe f).
C'est-à-dire qu'il nous apparaît qu'il y aurait lieu
d'apporter certaines clarifications ou certaines concordances entre ces deux
textes afin qu'il n'y ait pas et qu'il ne se glisse pas dans la fixation des
honoraires des incompatibilités qui feraient qu'on recouvrirait par deux
parties de loi les mêmes actes posés par les mêmes
professionnels. C'est dans son essence même la remarque que nous voulions
faire sur cet aspect du tarif des honoraires. Quant à l'autre point qui
a été soulevé, le fonds d'indemnisation, nous avons
remarqué, à l'occasion de notre lecture au journal des
Débats, que c'est un point qui a été traité
à différentes reprises déjà et nous n'insistons pas
plus. Sur le bill 250, par conséquent, c'est strictement cette question
de la comparaison des deux textes de loi qui nous cause des ennuis et qui, nous
croyons, pourrait amener des difficultés à l'avenir.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, on peut passer aux questions?
Le ministre des Affaires sociales.
M. CASTONGUAY: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les
représentants de l'Association des chirurgiens dentistes pour leur
mémoire. J'aurais peut-être un commentaire à faire en ce
qui a trait à la nécessité de personnel auxiliaire ou
d'hygiénistes dentaires. Nous sommes parfaitement d'accord et,
même si des données précises n'existent pas, nous avons des
approximations assez justes, malgré tout, parce que ce personnel est
relativement rare. Il nous apparaît, sans nécessairement devoir
attendre que le personnel, que des données ou des projections
très précises puissent être faites, que des gestes peuvent
être posés, entre-temps, sans risquer de nous engager dans une
voie qui serait fausse. Il est évident que, malgré ces gestes,
nous devrons nous orienter vers des prévisions qui nous permettront de
mieux connaître les besoins et qui pourraient venir compléter
celles constituées par le comité des professions auxiliaires de
la santé et d'autres organismes. C'était simplement un
commentaire sur ce point.
Quant au reste, M. le Président, je préférerais
attendre les questions des autres membres de la commission.
M. CHICOINE: M. le Président, j'aimerais faire remarquer une
chose à M. le ministre concernant les hygiénistes dentaires. Il y
en a seulement quinze enregistrés au collège, mais il y en a
peut-être 150 qui travaillent dans la province présentement et
dont nous n'avons pas les enregistrements. Ceci pour vous dire que certains
dentistes qui sont à l'avant-garde du progrès ont
déjà formé dans leur bureau leur propre
hygiéniste.
M. CASTONGUAY: Je suis au courant.
M. CHICOINE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je voudrais dire au Dr
Labelle qu'il est d'abord exact que des mémoires aient été
présentés en 1968 au ministre de la Santé d'alors et que
c'est ça qui a donné naissance pas seulement ce fait
et qui a aidé à la création de la commission
spéciale qui a été chargée d'enquêter sur les
professions auxiliaires de la santé, sous la responsabilité du
ministre d'Etat à la Santé, le député de Dubuc, mon
collègue, le Dr Boivin.
En 1969, également, un mémoire a été
présenté à cette commission. Je voudrais vous poser une
première question: Etant donné qu'il y a des lois qui mettent en
lumière d'autres professions de votre secteur de la santé, entre
autres les denturologistes et les hygiénistes dentaires je
rattache ça au besoin que vous avez mentionné de personnel
auxiliaire et que la nécessité, l'urgence de votre
loi vous donne la possibilité que ce personnel auxiliaire travaille sous
votre responsabilité, ce que les lois actuelles ne permettent pas
si la législation avait permis que le personnel auxiliaire, dans votre
secteur, dans votre profession, travaille sous votre responsabilité,
croyez-vous que ces demandes des denturologistes auraient quand même
été faites à la commission parlementaire, parce que c'est
la première occasion qu'il y a de faire ces demandes?
M. LABELLE: Je pense qu'on scrute plusieurs hypothèses
présentement; je pense aussi qu'on fait face à une situation,
comme je l'ai soulevé, qui comporte des inconnues. On ne sait pas trop
où on s'en va. Tout le monde le dit et tout le monde est d'accord pour
développer un personnel auxiliaire. Mais quel type de personnel
auxiliaire? Quelles fonctions va-t-il remplir?
Nous favorisons le développement d'un personnel auxiliaire
pouvant faciliter et pouvant distribuer plus facilement les soins de
santé au public, nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais ce que
l'on constate de plus en plus, c'est qu'en étant tous d'accord sur un
point, sur ce point-là en particulier, on est devant une situation ne
comportant pratiquement que des inconnues pour l'avenir. De quel nombre
avons-nous besoin? Quelles seront leurs fonctions bien précises? Quelle
sera la relation entre le dentiste pratiquant et le personnel auxiliaire? Quels
sont les besoins du Québec?
Je pense qu'on a, dans bien des cas, essayé de copier des
situations qui existaient dans d'autres provinces ou dans d'autres pays, mais
ça ne veut pas nécessairement dire que ce sont des situations qui
correspondent au Québec. Il peut y avoir des divergences assez
marquées quant aux besoins de la population en regard des soins
dentaires.
En fait, peut-être que ça ne répond pas directement
à votre question mais étant donné qu'elle est
hypothétique...
M. CL0UTIER (Montmagny): Je suis d'accord, nous sommes dans le domaine
hypothétique. Mais vous, les dentistes, vous avez des relations avec les
techniciens dentaires depuis que la profession existe. Ils vous assistent dans
votre travail. Nous constatons, par les lois qui nous sont offertes, qu'ils
vont se dégager, ils demandent d'avoir un secteur qui leur soit
réservé. Vous répondez que toutes les opérations
qui sont rattachées à l'installation des prothèses ne se
séparent pas et vous apportez à l'appui, dans votre
mémoire, tout l'exposé de ça. Vous dites que ça
fait partie d'un ensemble, d'un acte qui ne se sépare pas.
Cela m'a amené à vous poser la question suivante. Si vous
aviez pu, si les lois actuelles avaient permis que les techniciens dentaires
travaillent sous votre responsabilité, si le personnel auxiliaire dans
le secteur ou dans le champ d'activités que vous exercez avait
été reconnu par la législation, est-ce que ces demandes
qui viennent de la part d'autres groupes dans le même secteur que vous
occupez auraient été formulées? C'est une question
hypothétique, je l'admets, mais c'est peut-être une analyse qu'on
vous demande, à ce moment-ci, du comportement de ceux avec qui vous avez
été appelés à travailler en plus étroite
collaboration.
M. LABELLE: Si vous me permettez, je suis d'accord que les relations
entre les techniciens dentaires et les chirurgiens dentistes auraient
peut-être dû prendre une direction meilleure depuis
déjà quelques années. Je pense qu'on aurait dû
faciliter cette relation en tant que type de personnel auxiliaire, comme
catégorie de personnel auxiliaire. Je pense qu'on aurait dû
faciliter avant aujourd'hui la délégation de certaines
fonctions.
Cela aurait peut-être évité les embarras que nous
avons aujourd'hui et qui ne sont pas des problèmes sérieux, loin
de là, mais qui ne sont pas toujours ce qu'on voudrait qu'ils soient.
Par contre, je m'empresse d'ajouter ceci. Vous semblez exprimer l'opinion
disant que nous ne voulons pas, en aucun cas, déléguer certaines
fonctions aux techniciens dentaires et je pense que là n'est pas notre
pensée du tout. Parce que nous ne nous opposons pas à
déléguer certaines fonctions, nous insistons principalement sur
le fait qu'il y a une phase essentielle qui doit être du ressort du
chirurgien dentitste et c'est la suivante, c'est-à-dire l'examen, le
diagnostic et le choix du traitement. C'est une condition essentielle et nous
prétendons à juste titre que c'est du ressort du chirurgien
dentiste, que c'est le seul qui est en mesure de poser cette phase qui
précède la confection d'une prothèse.
Quand nous en serons à l'étape même d'une confection
d'une prothèse, là, il pourra y avoir une
délégation et je pense bien que, dans le
mémoire que nous avons présenté, nous ne nous
opposons pas du tout à une délégation de fonctions
à ce niveau, quant à la confection de prothèses. Nous
disons tout simplement que, encore une fois, nous voudrions voir, avant
l'adoption du projet de loi 266, la formation d'un comité qui sera en
mesure d'ici quelques mois, de déterminer les fonctions de chacun. Mais,
nous ne nous opposons aucunement à la délégation de
fonctions dans la phase de la confection de la prothèse.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans le contexte de votre réponse, cela
voudrait dire que la définition de l'acte qui est donnée au bill
266, à l'article 6, est inacceptable sans que vous n'ayez eu l'occasion,
dans le comité que vous venez de décrire, de discuter le champ
d'exercice et les responsabilités qui seraient
délégués aux den-turologistes.
M. LABELLE: C'est exact. Et d'ailleurs, je pense qu'on fait mention de
la prothèse où il est essentiel que la définition de la
prothèse que j'ai donnée tout à l'heure soit bien
établie et bien clarifiée, parce que le mot prothèse est
bien vague. Cela veut dire beaucoup.
M. CLOUTIER (Montmagny): Plus tard, nous aurons l'occasion de
questionner l'autre groupe, s'il a des commentaires à faire. Il est vrai
que vous n'aurez pas le droit de réplique aujourd'hui, mais de toute
façon, nous essaierons de soulever les points qui nous paraissent les
plus susceptibles d'intérêt pour éclairer cette zone grise
dans ce secteur. Une autre question que je voudrais vous poser, Dr Labelle, est
celle-ci: La profession des dentistes entre dans le champ des lois
provinciales. Vous entrez dans le cadre du bill 69, dans ce réseau
étatique des soins pour les enfants de zéro à sept ans.
Evidemment, la demande viendra aussi pour que d'autres clientèles soient
ajoutées; notamment, déjà, il y a eu des demandes pour que
les enfants de huit, neuf et dix ans et aussi jusqu'à 18 ans, soient
couverts en priorité. Croyez-vous que, dans l'état actuel de la
profession, dans l'état actuel de la loi, vous êtes en mesure de
répondre à cette demande énormément accrue des
soins?
M. LABELLE: Je pense que c'est un peu ce qui ressort de tout le domaine
dentaire, de la situation dentaire au Québec. Nous sommes devant la
noirceur. Quels sont les besoins de la population au point de vue dentaire? Je
pense que nous avons quelques données, mais elles sont discutables ou du
moins, c'est l'avenir qui nous dira si elles sont bien justes. Quelle sera la
proportion des gens qui se prévaudront de l'assurance dentaire? Est-ce
que cela sera dans une proportion de 25 p.c. 30 p.c. ou 40 p.c? Là
encore, je pense que nous n'avons pas de données précises
là-dessus. Je pense que tout dépendra aussi de la couverture des
soins, quel genre de soins seront exactement couverts; quoique là, nous
commençons à avoir plus de précisions puisque le ministre
des Affaires sociales a fait récemment une déclaration qui nous a
rendus bien heureux, dans son ensemble, je dirais.
M. CLOUTIER (Montmagny): Laquelle, Dr Labelle? Pas celle au sujet des
allocations familiales?
M. CASTONGUAY: Ils sont bien heureux, laissez-les dans leur
béatitude.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, ils en ont arraché assez longtemps.
Continuez, docteur.
M. LABELLE: Enfin, je pense tout de même que les dentistes
devraient être en mesure de faire face à la demande pourvu qu'on
favorise, dans le plus bref délai, l'élargissement des fonctions
qui seront déléguées au personnel auxiliaire en cabinet
privé, moyennant toujours une formation adéquate.
M. CLOUTIER (Montmagny): De toute façon, Dr Labelle, on peut le
dire, on n'a pas de statistiques actuellement, on ne sait pas quel serait le
volume des soins requis par la population advenant le cas où la
population de 0 à 18 ans soit couverte par un régime
étatique, mais on peut tout de même entrevoir que la demande
serait très considérable.
M. LABELLE: Oui, d'accord, mais je pense qu'on est assuré
à ce moment-ci que le début du régime sera pour les
enfants de sept ans, ceci couvre donc une population beaucoup moindre que si on
couvrait toute la population jusqu'à 18 ans. Durant ce temps, je pense
bien que le ministre des Affaires sociales sera en mesure d'évaluer,
après un an ou deux de fonctionnement du régime, les
retombées de ce régime.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous poursuivez certaines
études actuellement, soit au Collège des chirurgiens dentistes ou
à l'Association des chirurgiens dentistes, sur ces inconnues que nous
avons, sur les profils d'exercice de vos professionnels de la santé, sur
la répartition de vos effectifs, enfin toutes les données qui
seront nécessaires, à un moment donné, à votre
profession pour avoir une discussion assez serrée avec le
gouvernement?
M. LABELLE: A l'heure actuelle, il y a une étude que nous avons
fait effectuer l'an dernier par l'économiste Lacasse, qui
s'intéresse particulièrement aux besoins du Québec et aux
données du Québec en regard des soins dentaires et de la
population dentaire. Il y a aussi des statistiques qu'on peut colliger au
niveau fédéral, c'est-à-dire par l'intermédiaire de
l'Association dentaire canadienne, qui fait habituellement des relevés
périodiques.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quand vous avez suggéré
tantôt une modification à la loi actuelle je pense que
c'est l'article 35 de la loi qui est proposée, la loi 254 vous
avez mentionné la responsabilité du personnel auxiliaire, mais en
cabinet privé, non seulement en cabinet privé, j'imagine que
c'est dans des institutions aussi, à l'hôpital, parce que vous
avez dit que ce serait en cabinet privé.
M. LABELLE: Bien, disons que nous y attachons sûrement plus
d'importance.
M. CLOUTIER (Montmagny): Plus d'importance.
M. LABELLE: Cela devrait être général, nous y
attachons plus d'importance parce que la grande majorité des dentistes
pratiquent en cabinet privé et que c'est réellement là
où se distribueront, du moins encore pour l'instant et pour probablement
quelques années, les soins dentaires.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je vous pose la question, docteur, parce que,
dans le cadre du bill 65, avec les CLSC, il est possible que les soins
dentaires se développent davantage dans le contexte de ces nouvelles
institutions. C'est pour ça que je vous pose la question. Alors, vous
n'excluez pas le champ de pratique, c'est le champ de pratique
général de votre profession.
M. LABELLE: Absolument pas. Si nous avons soulevé ce point, c'est
que, principalement dans la loi actuelle, le dentiste, si vous voulez, est
forcé d'accomplir des tâches secondaires, qu'il pourrait
déléguer à un personnel auxiliaire, par le fait
même, il pourrait augmenter sa productivité. C'est dans la loi
actuelle, ça. Par contre, le projet de loi 254, ne donne pas d'assurance
que cette situation plus ou moins anachronique sera corrigée. Or, nous
voudrions être assurés que le projet de loi 254 prévoie
cette possibilité pour le dentiste de déléguer des
fonctions de type secondaire, tout en demeurant sous sa
responsabilité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci, docteur.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, je voudrais demander au Dr Labelle, si
dans son optique, si selon sa pensée, le personnel auxiliaire
rattaché aux soins dentaires aura le droit de prendre des empreintes et
de faire l'ajustement d'une prothèse dentaire?
M. LABELLE: Le personnel auxiliaire est à déterminer. Je
peux en faire l'émunération je parle à
l'intérieur de la profession dentaire à partir de la
réceptionniste ou de la secrétaire dentaire, l'assistante
dentaire, l'hygiéniste dentaire, le technicien dentaire, le
denturologiste et même une autre catégorie qu'on appelle le
technologiste dentaire qui s'apparente de très près et qui,
à mon sens, est une meilleure terminologie pour identifier le
denturologiste, mais enfin. Vous avez aussi le thérapeute dentaire qui
est un autre type de personnel auxiliaire qu'on a développé
principalement à l'intérieur de l'armée canadienne.
Tout ça, c'est l'ensemble des membres du personnel auxiliaire qui
oeuvre à l'intérieur de la profession dentaire, sous la
responsabilité du chirurgien dentiste. Quelles sont exactement leurs
fonctions? C'est ce que nous avons dit tout à l'heure; à l'heure
actuelle, nous sommes en face d'un imbroglio où il y a beaucoup de
personnel auxiliaire dont les fonctions ne sont pas
déterminées.
M. GUAY: Mais, en pratique, il y a quand même des rôles
assez définis pour chacune de ces personnes. J'imagine que la
réceptionniste ne prend pas d'empreintes, c'est sûr. Dans la
pratique, il y a quand même des rôles qui se sont
concrétisés avec le temps.
M. LABELLE: Des rôles qui se sont concrétisés de
bureau en bureau; c'est une image différente que vous pouvez avoir d'un
bureau à l'autre, suivant la façon dont il est organisé,
suivant l'organisation interne d'un cabinet dentaire.
M. GUAY: Vous avez mentionné des tâches secondaires du
dentiste; si vous parlez de tâches secondaires, vous avez à
l'esprit que ce peut être, à peu près, un rôle qui
pourrait être accompli par d'autres personnes. Pourriez-vous donner des
exemples de tâches secondaires dont le dentiste pourrait se dispenser,
par exemple?
M. LABELLE: D'abord et avant tout, on doit dire que le dentiste est un
diagnosticien, si vous voulez, de la chose dentaire. C'est le rôle
principal du dentiste. Par sa formation, c'est un thérapeute et c'est un
diagnosticien du domaine bien spécifique de la bouche. Quels sont les
rôles secondaires, les actes secondaires qu'il peut
déléguer? Vous avez toute une série d'actes qu'il serait
très difficile d'énumérer, parce que tout cela est en
relation de la formation du personnel auxiliaire. Plus vous aurez un personnel
auxiliaire qui est mieux formé, mieux préparé à
remplir des tâches secondaires, plus vous pourrez lui
déléguer des tâches secondaires.
M. GUAY: Je ne vous obligerai pas à répondre à
l'autre question. Est-ce que les tâches accomplies par le denturologiste
ou technicien dentaire font partie des tâches secondaires ou si ce sont
des tâches premières?
M. LABELLE: Si vous permettez, j'aimerais
laisser la parole au Dr Chicoine qui, comme je vous l'ai dit tout
à l'heure, s'occupera principalement de répondre à ces
questions.
M. CHICOINE: Pour répondre à votre question, disons que le
terme tâche secondaire est peut-être mal choisi. Ce sont des
pouvoirs qui seront délégués. Est-ce que cela
répond un peu à votre question?
M. GUAY: Cela répond partiellement. Moi, je m'explique mal
actuellement... Si on parle de tâches primaires et de tâches
secondaires, comment expliquer quand même que 80 p.c. de la
clientèle qui a besoin de services dans le domaine dentaire va
directement chez un technicien dentaire au lieu d'aller chez le dentiste?
Peut-être que cela pourrait préciser davantage le point de vue de
la clientèle sur la chose en son entier.
M. CHICOINE: Je vais vous donner justement l'opinion de 80 p.c. de la
population. Les gens disent toujours qu'au point de vue de leurs dents, le
moyen le plus rapide, c'est d'en finir avec les troubles dentaires. Le moyen
d'en finir, c'est d'en acheter des fausses le plus vite possible. Le
raisonnement est d'autant plus intelligent qu'il est possible de
réaliser cet achat en faisant des économies; il s'agit même
de grosses économies puisqu'on a réussi à contacter un
intermédiaire qui va nous obtenir l'appareil non seulement dans le gros
mais, en plus, illégalement.
A coup sûr, l'aubaine en vaut tellement la peine qu'il est
impérieux de négliger ses dents et sa condition buccale pour
pouvoir enfin profiter de cet avantage réservé aux plus
astucieux.
M. GUAY: Si on enlève le terme illégalité, parce
que peut-être que, dans l'avenir, ce sera normalisé, il y a quand
même...
M. CHICOINE: Cela ne change pas le problème.
M. GUAY: Je suis d'accord avec vous que cela ne règle pas le
problème mais quand même il ne faut pas ignorer la
réalité. Je pense qu'on ne peut pas se permettre cela parce que
c'est un manque d'information. Si le rôle de chirurgien dentiste est de
si grande importance et qu'il rend des services immenses à la
population, il ne faut pas se le cacher, je m'explique encore mal, quand
même, que 80 p.c. de la population vous avez donné la
version disant que 80 p.c. de la population va chez le denturologiste
mais, quand même, ce sont des faits, cela existe, alors comment corriger
cette situation-là de votre part?
M. CHICOINE: Il s'agit tout simplement de savoir où on s'en va
tout simplement. Dans le bill qui parle de la denturologie, c'est tellement
vague qu'on ne sait pas si on parle de prothèse complète ou de
prothèse partielle, de "template" ou de prothèse temporaire, avec
ou sans reteneur direct ou indirect, on ne sait pas où on s'en va, c'est
tellement large qu'on ne sait pas de quoi on parle présentement. Quand
ce sera défini et que vous me direz de quoi je parle exactement, je
serai bien heureux de vous parler de prothèse complète ou de
prothèse partielle, mais on va s'entendre et on va donner les
étapes aussi d'une prothèse complète, comment on fait une
prothèse complète et là, on va savoir où on va.
Présentement il n'y a rien de clair.
M. LABELLE: M. le Président, il est facile d'affirmer que 80 p.c.
de la population va directement chez le denturologiste, je suis bien prêt
à l'accepter si ce sont des données scientifiques, mais est-ce
que vous avez réellement des données scientifiques qui prouvent
cela? Autrement, je pense qu'on peut citer n'importe quel pourcentage, je pense
qu'il vaut mieux avouer qu'on n'a réellement pas de chiffres à
l'heure actuelle. Pourquoi avancer 75 p.c, 80 p.c. quand en fait on n'a rien
sur quoi se fonder?
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Je reviens à la question du tarif que Me Lapointe
posait un peu plus tôt. Est-ce que j'interprète bien le
désir de votre association en disant que vous préféreriez
qu'il n'y ait qu'un seul tarif et que ce soit le tarif négocié
par convention collective?
MLLE BEAUDOIN: Disons que la question a été mise de
l'avant sur le tarif d'honoraires, parce que cela soulève vraiment pour
les dentistes un problème particulier. On est dans un système
où éventuellement la couverture de soins sera peut-être
universelle en ce qui concerne la population, mais pour l'instant elle ne l'est
pas.
Je crois que, jusqu'à maintenant, on peut quand même,
à partir du tarif d'honoraires et de la couverture de la chirurgie
buccale qui couvre une certaine partie des soins à laquelle on aura
additionné la couverture des soins dentaires pour les enfants qui, elle
aussi, couvrira une partie importante de la couverture des soins, penser
à établir une sorte d'équivalence entre ce qui existe chez
les médecins et chez les dentistes. On pense qu'à ce
moment-là le tarif conventionné couvrira suffisamment d'actes
pour qu'il soit utilisé ou, en tout cas, que l'interprétation
qu'on puisse en faire soit dans le même sens que dans la loi
médicale.
M. LAURIN: Est-ce à dire que vous souhaiteriez que le
Collège des chirurgiens dentistes ne se préoccupe plus de la
tarification, n'ait plus aucune fonction en ce qui concerne la
tarification?
MLLE BEAUDOIN: A ce moment-là, cela nous apparaîtrait
plutôt inutile une fois assurée
la couverture des soins dentaires, parce qu'on a déjà les
examens, la consultation, la radiologie, la restauration, la chirurgie; alors,
au fond, ce qui reste cela devient largement marginal.
M. LAURIN: Quand vous dites à ce moment-là, est-ce que
vous vous êtes fixé un délai, quelle durée
entrevoyez-vous?
MLLE BEAUDOIN: Six secondes, six mois!
M. BOIVIN: Pourriez-vous me dire, Dr Labelle, combien de dentistes sont
attachés aux hôpitaux?
M. LABELLE: Environ 350. M. BOIVIN: Sur combien?
M. LABELLE: Sur un total d'environ 1,700 pratiquants. En fait, il y a un
grand total d'environ 1,800 enregistrés mais je pense qu'on doit
calculer qu'il y en a environ 1,700 qui sont réellement des praticiens.
Là-dessus il y en a 350 qui vont régulièrement en milieu
hospitalier, d'après les chiffres que nous avons depuis un an.
M. BOIVIN: Savez-vous combien d'hôpitaux ne sont pas couverts par
les dentistes? Combien d'hôpitaux négligent d'organiser un
département de dentisterie?
M. LABELLE: D'une part, on doit faire une distinction entre les
hôpitaux desservant les grands centres et ceux desservant les centres en
dehors des grandes villes. A Montréal je dis Montréal
je veux inclure aussi Québec et les principales villes de la
province, mais surtout Montréal est peut-être mal servie par les
dentistes, principalement parce qu'ils n'offrent pas ou peu de facilités
ou encore parce que l'admission est très difficile. Tandis que, dans la
plupart des centres hors des principales villes, je pense que la plupart des
hôpitaux sont desservis occasionnellement ou périodiquement par
des dentistes de la région.
M. BOIVIN: Je suis à la recherche des causes qui ont
manqué à la formation du personnel auxiliaire. Je vous
félicite de la présentation de votre mémoire, de la
façon que vous le présentez aussi. Ne croyez-vous pas qu'il y a
eu cloisonnement entre le médecin, les hôpitaux et les dentistes?
Pour mieux m'expliquer, ne croyez-vous pas que le dentiste s'est trop
confiné à son cabinet privé? Il a peut-être
négligé c'est une question que je vous pose, une opinion
que je vous demande de se coller à certaines institutions et a
peut-être même négligé de donner certains soins dans
les hôpitaux qui ont peut-être été laissés aux
chirurgiens, ce qui a formé un certain cloisonnement entre la
médecine proprement dite et les dentistes. C'est une question et je fais
des affirma- tions pour vous amener à donner une opinion. Je crois que
les institutions ont aidé davantage la médecine à former
le personnel auxiliaire. Alors, croyez-vous que le confinement du dentiste dans
son cabinet privé n'a pas été une cause? C'est l'aveu que
vous nous faites ce matin en nous disant qu'on a négligé,
peut-être, de former le personnel. La deuxième question: Est-ce
que vous devez attendre de l'Etat, est-ce que le Collège des chirurgiens
dentistes doit attendre de l'Etat la formation de ce personnel auxiliaire?
M. LABELLE: D'abord, à la première question, je pense
qu'il n'y a eu aucune négligence de la part des dentistes en ce qui
concerne le milieu hospitalier et le chirurgien dentiste. Ce qui arrive trop
souvent, c'est une situation qui s'est toujours présentée dans le
passé et encore jusqu'à présent, c'est que le milieu
hospitalier est tout à fait décourageant; il n'est pas
équipé en conséquence et n'offre aucune facilité
aux dentistes pour y pratiquer à l'intérieur du milieu
hospitalier. Premièrement, le milieu hospitalier, dans la
majorité des cas, n'offre pas les facilités techniques qu'un
cabinet dentaire peut avoir. Pour être plus précis, en guise
d'exemple, dans une grande majorité des institutions
hospitalières, encore aujourd'hui, il n'y a pas d'appareil de
radiographie je parle de radiographie d'appareil dentaire il n'y
a pas de fauteuil dentaire pour qu'un dentiste puisse pratiquer comme il
pratique à l'intérieur de son cabinet. Là-dessus, le
milieu hospitalier étant mal organisé au point de vue dentaire,
par le fait même, les dentistes n'y étaient pas
attirés.
Non seulement n'étaient-ils pas attirés mais ils
étaient totalement découragés puisque, pour aller
pratiquer en milieu hospitalier, il pouvait être nécessaire qu'ils
prennent peut-être deux heures, ce qu'ils auraient pu effectuer en une
demi-heure en cabinet privé, à cause de l'équipement, non
seulement technique, mais aussi à cause du personnel auxiliaire er
milieu hospitalier. Même le personnel auxiliaire, dans le milieu
hospitalier, ne connaît, dans la majorité des cas, pas grand-chose
du domaine dentaire et n'est pas en mesure d'assister le dentiste
adéquatement.
M. BOIVIN: Quand vous dites qu'il y a 350 dentistes qui sont
attachés aux hôpitaux, est-ce qu'ils font partie du bureau
médical? Parce qu'il y a le règlement de la Loi des
hôpitaux qui les rend égaux aux médecins. Est-ce que les
dentistes se sont prévalus de ce que leur a accordé la Loi des
hôpitaux et aussi les autres lois qui sont venues ensuite, même le
bill 250?
M. LABELLE: En ce qui concerne tout le domaine du secteur hospitalier,
j'aimerais que le Dr Pierre-Yves Lamarche, à ce stade-ci, puisse vous
donner tous les renseignements nécessaires puisqu'il est bien au fait du
problème hospitalier en rapport avec les chirurgiens dentistes.
M. LAMARCHE: En ce qui concerne votre première question, à
savoir quel est le statut du dentiste en milieu hospitalier, vous faisiez
allusion au fait que les portes étaient grandes ouvertes aux dentistes.
Je pense que, grâce à la nouvelle loi, c'est-à-dire au
projet de règlement qui accompagne le bill 65, le statut du dentiste
sera largement rehaussé. Mais sous l'ancien règlement de la Loi
des hôpitaux, c'est-à-dire en vertu du bill 44, les
règlements de l'article 21, à ce moment-là, le dentiste
était accepté en milieu hospitalier, simplement à titre de
paramédical jusqu'à un certain point.
D'autre part, comme le Dr Labelle en a fait mention
précédemment, dans la plupart des institutions
hospitalières, le dentiste ne bénéficie, au niveau de la
technique et de l'instrumentation, que d'un instrument très rudimentaire
et même, à plusieurs reprises, dans des hôpitaux qui sont de
grandeur appréciable, le dentiste est obligé de transporter avec
lui ses instruments pour satisfaire par ses interventions chirurgicales
lorsqu'il est appelé à le faire.
D'autre part, étant donné que la priorité est
souvent donnée aux chirurgiens de chirurgie générale et
à d'autres disciplines du milieu hospitalier, le dentiste, qui a
à concentrer sa pratique presque générale dans son cabinet
privé, doit souvent attendre une, deux ou trois heures, ce qui lui fait,
dans une certaine mesure, négliger sa pratique. Donc, c'était un
élément pour décourager les dentistes. Est-ce que
ça répond à votre question?
M. BOIVIN: Oui, mais est-ce que le confinement dans le bureau
privé n'a pas été une cause de la carence d'organisation
de personnel auxiliaire? Les institutions, en un mot, ont aidé, il me
semble, la médecine dans la formation des auxiliaires de
médecins.
M. LABELLE: Je pense que ce que vous dites est vrai vis-à-vis de
la profession médicale. Mais vis-à-vis de la profession dentaire,
je pense que c'est tout à fait inexistant et que, comme je vous le dis,
vu que, jusqu'à aujourd'hui, le milieu hospitalier ne se prête pas
ou se prête très mal à la pratique dentaire, non seulement
au point de vue technique mais, comme je le disais tout à l'heure, au
point de vue du personnel auxiliaire, vous allez en milieu hospitalier et, dans
bien des cas, vous pouvez avoir des infirmières licenciées qui
sont très bien préparées pour assister le médecin
mais qui ne connaissent absolument rien au point de vue dentaire. Alors, elles
ne sont pas en mesure d'assister le dentiste adéquatement et aussi bien
que notre propre personnel auxiliaire que nous avons formé en cabinet
privé.
Nous souhaiterions que le milieu hospitalier forme de plus en plus le
personnel auxiliaire et installe l'équipement approprié pour que
le dentiste puisse pratiquer à son aise.
M. BOIVIN: Mais à qui revient la responsabilité de former
ce personnel auxiliaire?
M. LABELLE: Jusqu'à maintenant, vous savez, on a toujours
délégué cette tâche, je pense, plus ou moins aux
corporations professionnelles, du moins à l'intérieur de notre
profession. Je pense que ça relevait, avec le consensus de tout le
monde, de la corporation professionnelle qui était le Collège des
chirurgiens dentistes.
Quel succès avons-nous obtenu? Je pense que c'est très
discutable et qu'il est temps plus que jamais que des organismes s'occupent
activement de former le personnel auxiliaire. En plus de ça, comme on
vous l'a mentionné tout à l'heure, à cause d'une loi qui
était trop restrictive et qui défendait à tout personnel
auxiliaire d'effectuer des fonctions, à ce moment-là, même
le collège avec toute la bonne volonté qu'il aurait pu avoir, se
voyait dans l'impossibilité de former un personnel auxiliaire parce que
la loi le lui défendait et ne permettait pas la délégation
de toute fonction à un personnel auxiliaire autre que le dentiste.
M. BOIVIN: J'aurais encore une petite question à poser au sujet
de votre opinion sur les CLSC: Croyez-vous que les CLSC aideront le dentiste
à former ce personnel auxiliaire et à donner davantage encore de
services à la population?
M. LABELLE : Si vous me permettez, je vais vous dire franchement. D'une
part, je pense que le Dr Pierre-Yves Lamarche pourrait y répondre
quelque peu; d'autre part, je pense que le plus apte à répondre
à cette question n'est nul autre que le ministère des Affaires
sociales puisque nous sommes presque devant une incertitude en ce qui concerne
le domaine dentaire. De quelle façon sera-t-il formé au milieu
des CLSC? Je pense que le ministère des Affaires sociales serait
sûrement le plus apte à répondre. D'ailleurs, nous serions
heureux de connaître tous les détails là-dessus.
M. BOIVIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: M. Labelle, au sujet du personnel auxiliaire, actuellement
la compétence du personnel auxiliaire est reliée à son
expérience et non pas à certaines études.
M. LABELLE: C'est juste, le personnel auxiliaire que nous avons
présentement dans nos cabinets a été formé
uniquement par les dentistes eux-mêmes et c'est basé uniquement
sur l'expérience beaucoup plus que... Il n'y a pas de normes qui sont
établies ou du moins celles qui sont établies le sont depuis
très récemment.
M. FORTIER: Très brièvement, pour tous les membres,
pourriez-vous nous dire si l'auxiliaire dans un bureau de dentiste ne fait pas
d'obturation, il n'arrache pas de dents, il prépare simplement le
travail.
M. LABELLE: D'après la loi actuelle, disons que ce sont des
tâches non pas secondaires mais, si on peut les appeler ainsi,
tertiaires.
M. FORTIER: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rivière-du-Loup.
M. LAFRANCE: Dr Labelle, en ce qui concerne les bills 250 et 254, il ne
semble pas y avoir, de la part de l'association professionnelle, de
problèmes trop sérieux, sauf les amendements que vous avez
proposés dans vos mémoires. En ce qui concerne le bill 266, vous
semblez avoir beaucoup plus de réticence.
Est-ce que vous pourriez dire aux membres de la commission quels sont
les buts des soins prothodontiques et la nature des soins qu'on peut donner
à un patient, par exemple, en prothèse complète? Quelle
est la différence des soins et des honoraires, si vous voulez, entre les
dentistes et les denturologistes comme on les appelle aujourd'hui?
M. LABELLE : Si vous le permettez, je transmets cette question au Dr
Chicoine.
M. CHICOINE: On peut peut-être parler des buts des soins
prothodontiques, du moins en ce qui concerne la prothèse
complète. Voici les buts quand on fait une prothèse
complète: premièrement, conserver et prévenir la perte des
tissus qui sont en place; deuxièmement, il faut restaurer et maintenir
la fonction masticatoire; troisièmement, rétablir
l'esthétique; quatrièmement, aider à la phonation;
cinquièmement, favoriser le maintien de l'hygiène et de la
santé dentaire et, sixièmement, assurer la stabilité et la
durabilité de la pièce.
On a parlé tantôt de prise d'empreintes lorsqu'on parlait
de prothèse complète. Il ne s'agit pas tout simplement de prendre
des empreintes quand on fait une prothèse complète; c'est
seulement un cinquième du travail et peut-être un peu moins que
ça.
Quand on fait une prothèse complète, il faut d'abord faire
un examen médico-dentaire. Il faut savoir à qui on a affaire.
Est-ce que ce patient est en santé? Est-ce qu'il est malade? Est-ce
qu'il a déjà souffert de maladies contagieuses? Tout le
questionnaire médico-dentaire doit être bien établi. Il
faut aussi connaître son patient au point de vue dentaire, en ce sens
qu'il faut savoir quand les dernières extractions ont eu lieu. Il faut
savoir aussi depuis quand il porte des prothèses, à quelle
échéance il a échangé ces prothèses. Il faut
connaître aussi l'évaluation psychique du patient, ceci pour la
première phase, l'entrée en matière lorsqu'un patient
vient vous voir.
Il ne s'agit pas de commencer à malaxer le matériel
à la première visite. Il s'agit aussi de regarder ce qu'il y a en
bouche. Comment est la voûte? Est-ce qu'elle est rétentive? Est-ce
qu'elle est de dépouille? Est-ce qu'elle est régulière,
résorbée, étroite? Il faut connaître aussi la
relation entre les maxillaires. Est-ce que c'est un patient qui est prognathe,
est-ce que c'est un patient qui est opisthognathe, est-ce que ses crêtes
sont inversées?
Il faut connaître aussi l'espace entre les maxillaires
eux-mêmes. Est-ce qu'il y a de la place pour mettre une prothèse
ou n'y a-t-il pas d'espace? S'il n'y a pas de place, qu'est-ce qu'il faut
faire? Il faut aussi regarder la muqueuse, si elle est normale, anormale ou
ulcérée. Il faut regarder les insertions musculaires; la forme de
la langue est importante. Voilà pour une première visite, avant
de commencer à prendre les empreintes.
Et avant de commencer à prendre les empreintes, il faut savoir si
on a affaire à une salive qui est claire, qui est visqueuse, qui est
abondante ou qui ne l'est pas du tout. Il faut regarder le joint
temporo-mandibulaire parce que l'articulation est importante dans un dentier.
Il faut avoir des interprétations radiogra-phiques. Il faut poser un
diagnostic. Il faut avoir un plan de traitement. Il faut regarder si le patient
a besoin de soins préprothétiques et aussi établir un
diagnostic. Voilà pour une première visite.
Et ensuite, on peut commencer à prendre une empreinte primaire.
Une fois cette empreinte prise, il faut couler le modèle. Il faut
là-dessus aller tout simplement fabriquer un porte-empreinte individuel
qui vous donnera une empreinte beaucoup plus précise de la bouche. Une
fois que cette deuxième empreinte est prise, vous avez toutes les
insertions musculaires, les freins sont dégagés, à ce
moment vous pouvez commencer à prendre une cire d'articulation,
établir à quelle place les maxillaires iront, établir la
position de vos dents. Il faut savoir si vous avez de la place avec la
lèvre pour établir la phonation. Il faut savoir, au point de vue
esthétique, de quelle façon vous allez procéder. Il faut
savoir aussi quel genre de dents vous choisirez avant de faire un essayage et,
une fois que votre essayage est fait, il faut reprendre une autre articulation,
avant de faire la mise en bouche et voir aux corrections nécessaires.
Voilà pour une prothèse complète. C'est ainsi qu'on doit
faire cela. S'il y a d'autres façons de le faire, on ne me les a jamais
enseignées et je ne veux pas les connaître.
M. LAFRANCE: A la lumière de ce que vous venez de dire, Dr
Chicoine, est-ce que les hygiénistes dentaires, le personnel auxiliaire
que vous employez aujourd'hui dans vos bureaux, ont la formation voulue pour
aider un dentiste dans son bureau?
M. CHICOINE: En ce qui regarde la prothèse, non.
M. LAFRANCE: Je parle de façon générale, le travail
de l'hygiéniste dentaire dans un
bureau de dentiste. Est-ce qu'il y a un cours spécial pour former
les hygiénistes dentaires à l'heure actuelle?
M. CHICOINE: Présentement, à l'Université de
Montréal, on est en train de former une quinzaine d'hygiénistes.
Je n'ai pas le nombre exact. En ce qui regarde la prothèse, ces
hygiénistes dentaires auront un rôle très restrictif, mais
ils auront un rôle très grand en ce qui regarde la
prévention. Et je pense que la prévention est une chose qui a
été mise de l'avant par l'Association des chirurgiens dentistes.
Parce que c'est bien beau d'avoir des soins curatifs, mais il faut aussi penser
à la prévention.
M. LAFRANCE: Est-ce que vous croyez que les denturologistes,
actuellement, ont la formation voulue pour fabriquer des prothèses
dentaires? Je ne dis pas fabriquer, je voudrais dire partir de la phase
initiale que vous avez mentionnée tout à l'heure,
c'est-à-dire la phase de l'examen et du diagnostic et du plan de
traitement.
M. CHICOINE: Si on me prouve que oui, je m'inclinerai. Seulement, il y a
quand même certaines données qu'il faut posséder. Et je
pense à la pathologie, par exemple. Si on veut avoir des cours en
pathologie buccale, il faut d'abord connaître la pathologie
générale. Si on veut avoir des cours en pathologie
générale qui est l'anatomie macroscopique, il faut quand
même connaître l'histologie. C'est-à-dire que, si on veut
avoir des cours en pathologie, il faut avoir des cours en histologie. Si on
veut avoir des cours en histologie, il faut avoir des cours en anatomie. Je me
demande bien comment on peut faire un tout de tout cela, si on n'a pas des
cours en physiologie. Alors, si vous voulez former quelqu'un, donnez-lui un
cours de deux ans, ajoutez-lui deux autres années, vous ferez de lui un
dentiste et vous aurez une bien meilleure réponse que vous avez
présentement.
M. LAFRANCE: Alors, vous croyez que le cours qui se donne au CEGEP
Edouard-Montpe-tit ne répond pas aux exigences pour former un
professionnel ou un personnel auxiliaire?
M. CHICOINE: Je pense qu'au CEGEP Edouard-Montpetit, ce qui se donne
présentement, c'est un cours de technicien.
Et je me pose aussi la question, lorsqu'on parle de denturologistes,
à savoir: Si la prothèse blesse, qu'est-ce qui va arriver
à ce moment? Qui a la responsabilité du traitement?
M. LAFRANCE: Auriez-vous des suggestions à faire à la
commission parlementaire en ce qui a trait à la formation du personnel
auxiliaire vis-à-vis des dentistes?
M. CHICOINE: Il serait temps qu'on institue un cours d'assistante
dentaire, mais que ce soit...
M. LAFRANCE: Sous la responsabilité de qui?
M. CHICOINE: Du comité d'étude. M. LAFRANCE: D'accord!
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier. Une
question brève.
M. SAINT-GERMAIN: Oui, une brève question. La réponse
serait non, je suppose. Nous avons mentionné et nous avons tous
constaté personnellement qu'une minorité, sinon une
majorité, de prothèses sont faites par des mécaniciens
dentistes ou des denturologistes, quel que soit le nom. Tout à l'heure,
on a mentionné qu'une enquête avait été faite et
qu'on a évalué ou déterminé quelle était la
philosophie des gens qui se procuraient des prothèses dentaires
illégalement. Ce phénomène constant existe depuis
plusieurs années. Est-ce qu'on pourrait me donner les causes profondes
de cette tendance des gens à exiger ou à demander les services
d'un mécanicien dentiste au lieu du dentiste lui-même?
M. CHICOINE: La cause la plus profonde est l'éducation des gens.
C'est la première des causes.
M. SAINT-GERMAIN: Quelles sont les causes moins profondes?
M. CHICOINE : Il y a peut-être une question de prix qui entre en
ligne de compte à ce moment. Il y a toujours la petite fille de 18 ans
qui veut avoir des dentiers neufs comme cadeau de Noël.
M. LE PRESIDENT: Merci.
M. CASTONGUAY: Est-ce que je pourrais poser une question en terminant?
Lorsque vous avez parlé de l'aspect psychique au moment de
l'installation d'une prothèse, vous ne voulez pas aller aussi loin que
demander un examen du psychiatre?
M. LE PRESIDENT: S'il vous plaît, il n'est pas permis de
manifester ici. Vous pouvez écrire au ministre.
M. CHICOINE: Il y a quand même une chose; une prothèse
dentaire, ce n'est pas comme une paire de lunettes. On ne met pas ça
chez le patient et on ne dit pas: Habituez-vous avec une béquille.
UNE VOIX: Il l'a eu.
M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, est-ce que j'ai le droit?
M. CHICOINE: Il y a quand même une chose; il y a une fonction
physiologique et on s'en sert tous les jours pour mastiquer et ça doit
s'adapter sur des muscles, ça doit s'adapter avec une articulation
temporo-mandibulaire qui est probablement l'articulation la plus
compliquée du corps humain. C'est la raison pour laquelle on se
réveille devant de si grands problèmes. Je n'ai pas d'objection
à ce qu'on entraîne des gens à faire des prothèses,
mais qu'on leur donne des cours adéquatement, qu'on les forme
adéquatement. Ce n'est pas une porte fermée que je vous apporte.
Je vous dis: On ouvre la porte, seulement il faut que ces gens soient bien
formés.
M. LE PRESIDENT: Au nom de la commission, je veux remercier
l'association...
M. LAURIN: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Est-ce sur la question psychiatrique?
M. LAURIN: Non, non. Jusqu'ici, Dr Labelle, si je comprends bien, ce
sont les dentistes qui, en pratique, ont formé presque exclusivement,
soit les techniciens dentaires soit les denturologistes. A part le cours qui se
donne au CEGEP Edouard-Montpetit, il y a très peu de cours formels
organisés qui ont été donnés, contrairement
à ce qui existe en médecine où les écoles
universitaires se sont chargées de la formation des audiologistes, des
physiothéra-peutes, des psychologues, des travailleurs sociaux. La
formation, jusqu'ici, a commencé dans les cabinets privés, mais
elle n'est pas beaucoup passée à un autre palier de
l'éducation. C'est demeuré une formation d'apprenti
jusqu'ici.
M. LABELLE: Oui. D'accord!
M. LAURIN: Et, à un moment donné, l'apprenti sorcier qui a
été le dentiste a perdu le contrôle d'une formation dont il
est à l'origine.
M. LABELLE: Je pense qu'il faut faire une distinction. En ce qui
concerne tout le personnel auxiliaire à l'exception du technicien
dentaire et j'inclus surtout la catégorie des assistantes
dentaires celui-là est formé un peu selon le type
artisanal, par les dentistes eux-mêmes. Par contre, en ce qui concerne
les techniciens dentaires, pour la plupart, il y a un cours qui se donne et
aussi beaucoup ont reçu leur formation à l'intérieur
même de laboratoires dentaires.
M. LAURIN: C'est ce que je voulais dire.
M. LABELLE: Mais ils ne relèvent pas nécessairement de la
formation de dentiste.
M. LAURIN: Du système éducatif.
M. LABELLE: Oui. En fait, il est sûrement temps de mettre un peu
d'ordre là-dedans.
M. BLANK: Pour la troisième fois, je veux remercier l'Association
des chirurgiens dentistes et sa délégation d'être venues
ici présenter leurs vues.
C'est maintenant l'Association des techniciens dentaires.
Est-ce Mme Denise Leclaire qui présente le mémoire?
MME LECLAIRE: Non. C'est M. Aimé Saint-Louis, le
président.
M. BLANK: M. Saint-Louis, le président, d'accord.
Association des techniciens dentaires
M. COGGER : M. le Président, si vous le permettez, je m'appelle
Michel Cogger, je suis avocat et j'agis au nom de l'Association des techniciens
dentaires. Avant de céder la parole à M. Saint-Louis, j'aimerais
vous présenter les membres du conseil d'administration qui sont ici et
qui représentent l'association.
En commençant par l'extrême gauche, M. Marcel Couture, un
des directeurs de l'association; M. Claude Berthiaume; M. Roch
Lefran-çois, vice-président; Mlle Denise Leclaire,
secrétaire exécutive; M. Aimé Saint-Louis,
président qui fera les représentations au nom de l'association et
M. Claude Ayotte, secrétaire trésorier.
M. le Président, avant de céder la parole à M.
Saint-Louis, je voudrais, au nom de mes clients, remercier la commission de
l'occasion qui leur est offerte de faire valoir leur représentation en
marge du bill 266.
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire, nous sommes très heureux de nous présenter devant
la commission pour lui faire part de nos commentaires sur le projet de loi 266
concernant la denturologie.
Le mémoire que nous vous soumettons est le reflet du point de vue
de la grande majorité des 545 membres de la Corporation des techniciens
dentaires de la province de Québec. Nous approuvons presque en entier,
presque en totalité le projet de loi 266. Nous profitons de l'occasion
pour remercier et féliciter le gouvernement d'avoir
présenté un projet de loi qui tient compte des besoins de la
population et du réalisme de la situation. Nous avons seulement quelques
réserves aux articles 6, 10 et 14 du projet de loi.
Pour commencer avec l'article 6, la Corporation des techniciens
dentaires de la province de Québec aimerait voir la commission
recommander au législateur d'ajouter et d'inscrire que le denturologiste
peut prendre des empreintes et des articulés pour ne laisser aucune
ambiguïté dans la loi.
Nous avons la certitude que, dans l'esprit de celui qui a
rédigé le bill 266, le denturologiste peut, par cette loi,
prendre les empreintes et les articulés. Si nous demandons cette
garantie additionnelle à l'article 6, c'est que nous ne voulons pas
revenir devant le législateur dans un an ou deux afin d'obtenir un
amendement à cet article parce que la loi n'aura pas été
assez claire.
Pour ce qui est de l'article 10, encore ici, la Corporation des
techniciens dentaires de la province de Québec est persuadée que
celui qui a rédigé le texte comprend que le denturologiste pourra
avoir sa propre entreprise pour la fabrication de ces pièces de
prothèses destinées à ses patients.
Cela va de soi qu'il pourra employer les futurs stagiaires du CEGEP
Edouard-Montpetit afin de permettre à ceux-ci de parfaire leurs
connaissances et aussi d'aider le denturologiste à servir un plus grand
nombre de patients. C'est pourquoi nous demandons à la commission de
recommander une nouvelle rédaction de l'article 10 qui permettra au
denturologiste d'avoir un intérêt dans seulement et ici
j'insiste dans seulement son laboratoire à lui.
L'article 14 de la loi 266 est sans contredit l'article qui nous
préoccupe le plus. La loi actuelle des techniciens dentaires, chapitre
254, considère comme actes réservés au technicien dentaire
certifié la confection et la réparation de pièces de
prothèses buccales. Le. retrait de ces deux termes dans la Loi sur la
denturologie nous laisse donc présumer que la confection et la
réparation ne seront plus désormais réservées aux
membres de la profession et conséquemment qu'elles seront permises
à n'importe qui. L'article 14, précisant que rien ne saurait
prohiber la vente à un denturologiste, confirme notre
présomption.
L'absence de législation en ce qui a trait à la confection
et la réparation des pièces de prothèses buccales
causerait directement la perte des droits déjà acquis au
technicien dentaire certifié d'exercer légitimement et
exclusivement sa profession. Elle serait également l'occasion
inespérée pour les fabricants de l'extérieur du
Québec et du Canada, de prendre le contrôle du marché
québécois de la prothèse dentaire et ce, au
détriment de l'économie du Québec dans
l'éventualité où l'Etat assumerait le coût des
prothèses dentaires.
L'association demande donc aux membres de cette commission de
recommander au législateur de modifier l'article 14 en y statuant sur la
fabrication et la réparation de prothèses buccales de quelque
nature que ce soit à savoir: En conservant leurs droits acquis aux
propriétaires et employés de laboratoire de fabrication de
prothèses partielles ou complètes, de ponts et couronnes, de
prothèses orthodontiques et céramiques, en maintenant la
législation actuelle qui oblige le propriétaire et les
employés de laboratoire à être techniciens dentaires
certifiés et membres de la corporation. Les propriétaires et les
employés de tels laboratoires de fabrication n'auraient aucun droit aux
actes strictements réservés à l'article 6, aux
denturologistes et leur clientèle se limiterait aux dentistes et aux
denturologistes. Maintenant, si vous le permettez, je suis prêt à
répondre à vos questions.
M. CASTONGUAY: M. le Président, j'aimerais apporter une couple de
précisions. Il est évident que ce projet de loi est
présenté en fonction de certaines exigences quant à la
formation. Il n'est pas question de dire: Tous ceux qui portent le nom de
techniciens dentaires ou encore qui, n'étant pas membres de
l'association, jouent un rôle quelconque dans la fabrication ou la
dispensation de prothèses puissent devenir automatiquement membres de la
corporation dont la formation est proposée ici. C'est une
première chose et c'est pourquoi il sera intéressant d'entendre
les représentants du CEGEP Edouard-Montpetit avec toutes les autres
représentations qui ont été faites.
En second lieu je crois qu'il est aussi très important de
distinguer entre le travail qui est proposé ou le champ d'exercice qui
est proposé pour le denturologiste et la fabrication des
prothèses. La fabrication de prothèses peut être faite de
diverses façons. On a dit justement que bien des fois les
prothèses sont fabriquées à l'extérieur. Ceci
provient du fait que, tout comme c'est le cas pour d'autres types de
prothèses, on peut aujourd'hui faire appel à des méthodes
revêtant un caractère non pas industriel nécessairement,
mais exigeant une organisation beaucoup plus élaborée. Compte
tenu des dispositions des lois actuelles, le développement de tels
laboratoires n'a pas été possible.
Il nous apparaît que ce sont deux choses différentes. J'ai
mentionné déjà, à quelques reprises, que
c'était notre intention d'apporter des amendements à la Loi de la
protection de la santé publique. Dans cette loi, c'est notre intention
de proposer qu'il y ait un mécanisme d'émission de permis pour
les laboratoires, de telle sorte que des normes soient respectées, que
ce soient des laboratoires d'analyse, que ce soient des laboratoires pour
fabrication de prothèses ou autre chose. Je crois que ça
s'impose. Il y a un champ d'activité qui touche directement la
population et la protection de la population exige, je crois, qu'il y ait des
normes et que des permis soient émis. Nous avons distingué
clairement deux types d'activités et je crois que ce n'est pas par
confusion, ce n'est pas par oubli de notre part, mais il m'apparaît qu'il
y a deux types bien clairs d'activités qui doivent être
distinguées.
Enfin, j'aurais une question, parce que je crois qu'elle est assez
révélatrice de la situation actuelle. J'aimerais demander au
représentant de l'association de nous donner un aperçu de la
situation actuelle, par rapport à l'application de la loi formant
l'association des techniciens dentaires. Combien de personnes sont membres de
cette association? Combien, tout en étant
membres de l'association, ne respectent pas les
dispositions de cette loi et combien à leur avis ne sont pas membres de
cette association et posent des actes qui sont présentement, dans
l'état actuel de la législation, prohibés par l'une ou
l'autre des deux lois? Je pense que ça peut être assez
révélateur aussi comme élément pour
apprécier toute cette question.
M. SAINT-LOUIS: Comme je l'ai dit au commencement, notre
délégation est entièrement d'accord sur le projet de loi
présenté. Tout ce que je veux dire, c'est que je suis satisfait
que vous nous ayez renseignés de ce qu'il adviendra des
propriétaires de laboratoire et des gens qui ne veulent pas se destiner
à la denturologie. C'était une inquiétude dans notre
esprit, mais vous avez, par vos propos, éclairci notre idée
là-dessus. Nous sommes assez satisfaits de ce que vous nous avez
apporté.
Maintenant, pour ce qui est des gens qui sont membres de
notre corporation, il y en a 545. Il y en a environ 50 p.c. qui pratiquent
directement avec le public et qui servent le public en leur procurant des
prothèses dentaires partielles ou complètes. Pour les autres 50
p.c. de ce nombre, il y en a un peu, moyennement, beaucoup qui pratiquent en
même temps à servir le public et à servir le dentiste. Il y
en a, je crois, 10 p.c. qui s'adonnent exclusivement à servir le public
tandis que les autres 40 p.c. s'adonnent à servir le dentiste
moyennement, beaucoup ou un peu. Ce sont à peu près les
chiffres.
Vous avez aussi parlé de gens qui ne sont pas
membres de notre association de techniciens dentaires. Il y a, dans la province
de Québec, environ 400 personnes qui servent le public sans être
membres de notre corporation ou de toute association. Je vais vous expliquer
quelque chose. Il y a une certaine partie parmi ces 400 mécaniciens
dentistes ou techniciens, environ 20 p.c. à 25 p.c, qui ont
déjà été membres de notre association. Il serait
assez facile de les recouvrer, de les faire revenir au sein de notre organisme,
parce que ces gens-là ont déjà suivi des cours chez nous.
Il faut vous dire qu'on a un cours de cinq ans, l'ancien cours des techniciens
dentaires; c'était un cours de cinq ans par des cours du soir et cinq
années de pratique dans un laboratoire. Dans cette catégorie de
400 personnes qui pratiquent illégalement en dehors de notre
association, il y a en 25 p.c. environ qui ont déjà fait partie
de notre association.
Ils ont quitté notre association, je vais vous
expliquer pourquoi. C'est tout simplement pour que leur nom ne figure pas sur
notre liste de membres, de crainte de représailles de la part du
Collège des dentistes. C'est la grande raison pour laquelle ils nous ont
quittés. J'espère que ça répond à votre
question.
M. CASTONGUAY: Merci; ça répond en effet à la
question. Je voudrais simplement, en
guise de commentaire, attirer l'attention sur le fait que
cette réponse indique ici une situation qu'on ne peut ignorer. En effet
si on tient compte du fait qu'il y a 400 personnes qui sont clairement en
dehors de toute disposition législative, s'il y a un pourcentage de
membres de votre association qui, tout en étant membres de
l'association, passent outre aux dispositions de la loi, il y a là une
situation qui ne peut être ignorée et dont on devra tenir compte
lorsque nous arriverons aux étapes finales de l'étude de ces
projets de loi.
J'insiste sur ce point parce que, présentement, dans
l'état actuel de la situation, peu importe, les causes sont importantes,
mais la population n'est pas protégée comme elle doit
l'être, si on croit au principe du maintien des corporations
professionnelles qui réservent aux membres d'une corporation la pratique
de certains actes, leur imposent des normes de formation, et des conditions
d'exercice. Nous sommes donc dans une situation qui va complètement
à l'encontre de ces principes, si on y croit.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER: (Montmagny): M. le Président, vous avez entendu
tantôt la définition qu'on a donnée de la prothèse
complète. Est-ce que vous êtes sensiblement d'accord sur cette
définition, cette série d'exigences ou d'impératifs
contenus dans la définition qu'on a donnée tantôt? Est-ce
que vous avez des commentaires à faire sur cette définition?
M. SAINT-LOUIS: Il y a des façons de prendre les empreintes, des
façons de faire des prothèses dentaires qui ne nécessitent
pas, à mon avis, tout cet échantillonnage d'examens et de gestes.
C'est sûr que le technicien dentaire d'aujourd'hui peut prendre deux ou
trois empreintes de la façon que le Dr Chicoine a définie tout
à l'heure. Le technicien dentaire peut certainement faire toutes ces
opérations, mais il est bien certain que le technicien dentaire n'est
pas et ne doit pas être celui qui va diagnostiquer des maladies. Nous
sommes là pour poser des prothèses quand la dent naturelle a
été enlevée.
M. CLOUTIER (Montmagny): A votre avis, dans quel pourcentage des cas
d'installation de prothèses n'y a-t-il aucune complication et que vous
pouvez procéder, à l'intérieur de votre définition,
la définition qui est proposée ou l'autre définition que
vous suggérez, ou que vous ajoutez dans la définition que vous
suggérez?
M. SAINT-LOUIS: Je n'ai pas saisi votre question.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le
pourcentage de cas qui pourraient, sans aucune complication, relever du
denturologiste pour l'installation d'une prothèse? Est-ce qu'il y a 50
p.c. des cas où il n'y a aucune...
M. SAINT-LOUIS: Plus que ça.
M. CLOUTIER (Montmagny): ... espèce de problème?
M. SAINT-LOUIS: A mon avis, il y a beaucoup plus que ça. Il y a
au moins 80 p.c. des cas où il n'y a pas nécessité de
faire un examen de la bouche pour procéder à la fabrication des
prothèses dentaires par le denturologiste. Quand on dit qu'il y a
beaucoup de prothèses dentaires, par exemple 4,000 prothèses
dentaires qui sont fabriquées au Québec, ce ne sont pas des
bouches qui ont été vidées deux mois avant. Mais une
prothèse dentaire doit être refaite au moins tous les quatre ou
cinq ans, si ce n'est avant parce que les tissus de la bouche se
rétrécissent toujours. Comme la vue change durant toute la vie
d'une personne humaine, la bouche change elle aussi continuellement.
C'est pour ça qu'il y a tant de prothèses dentaires de
faites au Québec, parce que c'est une des provinces les plus
édentées au Canada, et même en Amérique du Nord,
même au monde, si on peut dire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ce n'est pas une province comme les autres.
M. SAINT-LOUIS: Non, mais il reste quand même qu'à chaque
quatre ou cinq ans, il faut refaire les prothèses. A ce
moment-là, ça ne nécessite pas un examen parce que c'est
un remplacement d'une prothèse qui n'est plus adaptée
normalement. Ensuite, vous avez tous les cas ordinaires qui ne
nécessitent pas d'examen spécial.
Lorsque le technicien dentaire constate qu'il y a la moindre anomalie,
tout de suite, je crois que nos techniciens dentaires sont assez intelligents
pour référer la personne soit à un médecin ou
à un dentiste.
M. CLOUTIER (Montmagny): On a parlé tantôt du niveau de
formation du technicien dentaire et, maintenant, du denturologiste. Le ministre
a apporté certaines précisions. Dans votre opinion, selon votre
champ d'expérience dans ce domaine, quel serait le niveau de formation
additonnelle que vous entrevoyez à ce moment-ci? On va entendre
tantôt les gens du CEGEP Edouard-Montpetit, mais avant que nous
n'entendions leur témoignage, quel serait le contenu de cette formation
additionnelle et quelle serait sa durée selon vous?
M. SAINT-LOUIS: A mon avis, les étudiants actuels, au CEGEP
Edouard-Montpetit, ont quinze années de scolarité. Ils ont
étudié pendant quinze ans. Us doivent subir un stage dans un
laboratoire dentaire d'une année, ce qui fait seize ans d'études.
A la suite de ça, il serait permis, à mon avis, il serait
peut-être souhaitable même qu'un technicien dentaire
diplômé de ces écoles suive un cours de trois ou six mois
pour se perfectionner dans la prise d'empreintes et des articulés.
Je voudrais revenir â l'ancien technicien dentaire, l'ancienne
formation...
M. CLOUTIER (Montmagny): Excusez, avant que vous terminiez cet aspect,
à quel endroit l'étudiant suivrait-il ce cours de trois à
six mois, chez un dentiste?
M. SAINT-LOUIS: Non, il pourrait le suivre au CEGEP
Edouard-Montpetit.
Je voudrais revenir aussi à l'ancienne méthode du
technicien dentaire. Le technicien dentaire devait, pour accéder
à l'étude de la technologie dentaire qui était
l'école de l'association et qui a été fermée il y a
trois ou quatre ans, avoir un diplôme de onzième année et
suivre des cours du soir en technologie dentaire. C'est entendu qu'il n'avait
pas la formation de ceux d'aujourd'hui mais il reste quand même que ces
étudiants ont suivi des cours du soir et, le jour, ils faisaient leurs
travaux pratiques dans des laboratoires. Et cela, pendant cinq ans.
Je crois que, pour ce temps-là, le technicien dentaire a toujours
fait le travail du dentiste et a toujours bien servi le dentiste. Maintenant,
je crois qu'il peut servir le public.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Je veux vous poser la question suivante : Pour un technicien
dentaire qui est au service, si je peux m'exprimer ainsi, d'un dentiste, est-ce
que c'est possible pour lui de vérifier le travail qu'il fait? Par
exemple, si je suis technicien dentaire et si je fabrique des prothèses
pour un dentiste, comment puis-je vérifier la qualité de mon
travail?
M. SAINT-LOUIS: C'est assez difficile, excepté pour ceux qui
travaillent dans le même bureau qu'un dentiste. Il y a souvent des
laboratoires dentaires à l'arrière du cabinet du dentiste. Cela,
c'est extrêmement rare. Dans la grande majorité des cas, le
technicien dentaire ne peut jamais voir le travail fini dans la bouche du
client. Il y a énormément de travaux de prothèses
dentaires qui sont faits où le dentiste prend l'empreinte et envoie le
tout, même par courrier, au laboratoire et celui-ci le retourne au
dentiste. A ce moment-là, c'est absolument impossible que le technicien
dentaire vérifie le résultat de son travail dans la bouche du
client.
C'est la même chose dans les villes. Prenez par exemple,
Montréal, Québec et plusieurs
autres villes, le technicien dentaire a habituellement son laboratoire
à dix rues peut-être dans une autre partie de la ville
plutôt que près de chez le dentiste, parce que le technicien
dentaire dessert habituellement cinq ou six dentistes. Il ne peut pas
être dans le cabinet de chacun des dentistes. Il est donc très
rare, à mon avis, que le technicien dentaire puisse vérifier les
travaux qui sont mis en bouche par le dentiste.
M. GUAY: Si je vous posais cette question, c'est qu'assez souvent
on l'a portée à mon attention à plusieurs reprises
le temps qu'il faut à un patient qui se rend chez le dentiste et qui
commande une prothèse dentaire est très long avant qu'il
reçoive cette prothèse. Dans les cas exagérés, cela
prend des mois avant que la prothèse ne soit reçue et que le
patient ne puisse s'en servir.
M. SAINT-LOUIS: Si vous me permettez, j'ajouterais quelque chose ici.
Vous prenez par exemple les réparations de dentiers. Quelqu'un qui brise
sa prothèse est obligé d'aller chez le dentiste, par la loi
actuelle; le dentiste appelle le commissionnaire du laboratoire dentaire, le
commissionnaire vient chercher la prothèse. Cela peut prendre une ou
deux journées. Tandis que si les denturologistes avaient leur bureau,
leur cabinet, ils pourraient faire la réparation du dentier, même
s'il est brisé en deux, dans une heure ou une heure et demie. C'est le
plus de temps que cela peut prendre.
M. GUAY: Quel est votre lien de parenté avec les
dentiphysionomistes? Est-ce un groupe avec lequel vous avez des relations
étroites? Quel est leur travail? Nous n'aurons pas la chance de les
entendre en commission. C'est la raison de ma question.
M. SAINT-LOUIS: Les dentiphysionomistes, c'est une longue histoire. J'ai
entendu parler de l'association que ce groupe de gens a formée il y a
environ un an. M. Castonguay nous demandait tout à l'heure s'il y avait
d'autres personnes à l'extérieur de la Corporation des
techniciens dentaires qui pratiquaient illégalement, ces gens-là
en sont une partie. Ils sont environ une cinquantaine qui pratiquent
illégalement. Quand ces gens ont entendu dire qu'il y aurait une loi qui
permettrait aux techniciens dentaires denturologistes de servir le public, ils
se sont dépêchés à former une association pour
essayer de joindre les rangs. Ce sont des gens qui ont été
formés à la va-comme-je-te-pousse par d'autres personnes. Ils ont
appris cela comme ils le pouvaient. Mais ils n'ont pas les qualifications, les
connaissances des techniciens dentaires de notre association parce que nos
membres ont toujours été suivis par la Corporation des
techniciens dentaires depuis 1944. Et ceux-là, nous ne les connaissons
pas. Nous ne pouvons même pas évaluer quelles sont leurs
connaissances.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN : Je vous ai entendu dire tout à l'heure qu'il y avait
400 de vos membres qui ne voulaient pas être inscrits au registre de
l'association parce qu'ils craignaient que ceci vienne à la connaissance
du Collège des chirurgiens dentistes. Pourriez-vous nous dire ce que
craignent ces techniciens dentaires? Et d'une façon plus
générale, quelles ont été et quelles sont les
relations entre le Collège des chirurgiens dentistes et votre
association?
M. SAINT-LOUIS: Sur 400 personnes qui pratiquent illégalement,
qui sont en dehors de la Corporation des techniciens dentaires, j'ai dit tout
à l'heure qu'il y a 25 p.c. de ces 400 qui ont déjà
été membres chez nous. Voici ce que ces 25 p.c. craignent.
Premièrement, le Collège des chirurgiens dentistes faisait des
perquisitions dans leurs laboratoires et, s'il s'y trouvait une prothèse
dentaire n'appartenant pas à un dentiste, pour laquelle il n'y avait pas
une ordonnance de dentiste, le technicien dentaire devait comparaître
devant les cours de justice et payer une amende. Quand cela se produisait
à deux ou trois reprises, il pouvait perdre tout son équipement.
Or, les équipements des laboratoires sont assez dispendieux. Et c'est
pour ces raisons que 25 p.c. des 400 c'est très ambigu et
très complexe cette affaire se sont retirés mais ces 25
p.c. qui ont été formés par l'Association des techniciens
dentaires pourraient revenir chez nous s'il y avait une loi leur permettant de
transiger avec le public. Je ne me souviens pas de votre deuxième
question.
M. LAURIN: Les relations générales entre le Collège
des chirurgiens dentistes et votre association, ce qu'elles ont
été, ce qu'elles sont.
M. SAINT-LOUIS: Les relations entre l'Association des techniciens
dentaires et le Collège des dentistes, jusqu'en 1966, ont
été assez cordiales et assez fréquentes. Pour la simple
raison que ceux qui dirigeaient la Corporation des techniciens dentaires
à ce moment-là étaient en grande partie les
propriétaires de laboratoires qui servaient le dentiste. Je ne sais pas
si c'était obligatoirement ou s'ils faisaient exprès pour ignorer
la situation qui prévalait à cette époque, en 1966, et qui
est pire ou à peu près semblable aujourd'hui, mais on ne daignait
pas regarder le problème en face. C'est pour cela qu'on ne parlait
jamais de pratique illégale: on savait que ça existait, mais on
n'en parlait pas et les relations étaient assez cordiales avec le
Collège des dentistes à ce moment-là, jusqu'en 1966.
Mais en 1964, 1965 et 1966, il y a eu un mouvement des techniciens
dentaires qui ont pris en main leur avenir. Ils voulaient demander à
l'Association des techniciens dentaires de reconnaître que la pratique
illégale existait et
les dirigeants du bureau de l'association ne voulaient rien entendre.
Donc, une équipe s'est formée au sein des techniciens dentaires
et s'est présenté contre l'équipe adverse; elle a
renversé le bureau de direction. A ce moment-là, je me souviens,
j'étais de cette équipe-là en 1966, la première
chose que nous avons faite a été d'écrire une lettre au
Collège des dentistes pour les rencontrer, pour discuter du
problème qui existait à ce moment-là. Nous avons
reçu un accusé de réception nous disant qu'une rencontre
serait probablement organisée. L'année s'est
écoulée et il n'y a pas eu de rencontre. L'année suivante,
ce même bureau de direction a encore répété la
lettre pour une rencontre avec les dentistes et, encore une fois, nous avons
reçu un accusé de réception nous disant qu'il y aurait une
rencontre prévue. L'année s'est passée, il n'y a rien eu
et cela dure depuis 1966 et nous sommes en 1972. Nous avons
répété les lettres pour discuter du problème avec
le Collège des dentistes et celui-ci n'a jamais voulu rencontrer le
bureau de direction qui, aujourd'hui, dit qu'il y a une situation de fait qui
aurait dû être discutée avec les dentistes, mais ça
na pas été fait.
M. LAURIN: Autre question. Si je comprends bien, le programme de
formation des techniciens dentaires dont vous avez fait état tout
à l'heure a été élaboré depuis longtemps par
votre association de techniciens dentaires?
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAURIN: Est-ce que ce programme a déjà fait l'objet de
discussions entre votre association et la faculté de chirurgie dentaire
ou le Collège des chirurgiens dentistes? Deuxièmement, est-ce que
ce programme a été approuvé en quoi que ce soit par ces
deux mêmes corps et est-ce qu'il fait l'objet ou d'un contrôle ou
d'une surveillance ou d'une collaboration entre votre association et ces deux
mêmes corps?
M. SAINT-LOUIS: C'est une très bonne question parce que,
justement, ça met en cause le technicien dentaire. Depuis 1944, depuis
la loi de la Corporation des techniciens dentaires, il y avait un comité
de pédagogie pour l'Association des techniciens dentaires. Ce
comité était composé de quatre dentistes et de quatre
techniciens dentaires et c'est ce comité qui a déterminé
les cours que les techniciens dentaires, à l'époque devaient
suivre. Les représentants étaient un représentant du
Collège des dentistes, un représentant de l'Université de
Montréal, un représentant de l'université McGill et puis
il y avait un autre dentiste, là je ne me souviens pas qui il
représentait, mais je sais qu'il y avait quatre dentistes et quatre
techniciens dentaires et c'est ce comité qui a déterminé
les cours que les techniciens dentaires avaient à suivre.
Ce comité déterminait les examens que le technicien
dentaire devait subir et, bien souvent, les dentistes venaient faire les
examens de nos étudiants techniciens dentaires. Cela a été
notre école pendant vingt ou vingt-cinq ans, jusqu'à ce que nous
ayons le CEGEP Edouard-Montpetit.
M. LAURIN: Vos remarques laissent entendre qu'il y a un certain nombre
je vous laisse préciser ce nombre de techniciens dentaires
qui ne travaillent pas pour les dentistes, mais qui font affaires et transigent
directement avec le public. Est-ce que votre association exerce un
contrôle, une surveillance sur la qualité des soins, si on peut
les appeller comme ceci, que ces techniciens dentaires donnent?
M. SAINT-LOUIS: Non, il n'y a pas de surveillance et la raison en est
très simple. La Corporation des techniciens dentaires ne peut pas aller
voir les travaux que les techniciens dentaires placent en bouche, pour la
simple raison que l'Association des techniciens dentaires serait
complètement hors la loi elle-même, parce qu'elle ferait un
travail qui ne lui revient pas, parce que c'est défendu à un
technicien dentaire de pratiquer et de servir le public. C'est pour ça
que nous, en voyant arriver ce projet de loi, nous lui souhaitons la bienvenue.
Parce que, avec le code de déontologie et le bureau de direction qui va
être constitué avec la Corporation des denturologistes, il y aura,
à ce moment, des exigences et la Corporation des denturologistes pourra
surveiller les travaux et faire des examens dans les laboratoires et dans les
cliniques de denturologistes.
M. LE PRESIDENT: Le député de Gaspé-Sud.
M. FORTIER: Actuellement, il n'y a pas de différence, quant
à la pratique, entre un technicien dentaire et un denturologue?
M. SAINT-LOUIS: Non.
M. FORTIER: Il n'y a pas de différence.
M. SAINT-LOUIS: Pour être denturologiste, il faut obligatoirement
être membre de l'Association des techniciens dentaires. Le denturologiste
est celui qui veut, par ses revendications, changer la loi. Ils se sont
constitués en association pour revendiquer leurs droits. Ce sont tous
des membres de l'Association des techniciens dentaires.
M. FORTIER: Avec la possession de cette loi, tous les techniciens
dentaires vont faire des prothèses sur ordonnance médicale des
dentistes.
M. SAINT-LOUIS: Ce n'est pas ce qui est marqué ici, dans le
projet de loi.
M. FORTIER: Non, mais je vous pose la question.
M. SAINT-LOUIS: Non, pas nécessairement. Le denturologiste pourra
servir le public, si j'ai bien compris la loi.
M. FORTIER: Oui, mais sans ordonnance. M. SAINT-LOUIS: Sans
ordonnance.
M. FORTIER: Sans ordonnance du dentiste. Très bien.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rivière-du-Loup.
M. LAFRANCE: M. le Président, vous avez dit au début de
votre exposé que votre association comprenait 545 membres. Est-ce que
cela représente tous les techniciens dentaires qui pratiquent à
l'heure actuelle dans la province de Québec?
M. SAINT-LOUIS: Non. J'ai répondu à cette question.
M. LAFRANCE: Combien y a-t-il je vais poser la question d'une
autre façon à l'heure actuelle, de techniciens dentaires
dans la province de Québec, qu'ils soient enregistrés ou non,
à l'association?
M. SAINT-LOUIS: Il y a les 545 membres chez nous et il y en a environ
400 en dehors.
M. LAFRANCE: Est-ce que vous comptez là-dedans les
propriétaires de laboratoire?
M. SAINT-LOUIS: Non.
M. LAFRANCE: Vous ne les considérez pas comme techniciens
dentaires?
M. SAINT-LOUIS: Non; parmi les 545, les propriétaires de
laboratoire sont membres de la Corporation des techniciens dentaires.
M. LAFRANCE: Les propriétaires de laboratoire sont actuellement
membres de l'Association des techniciens dentaires de la province de
Québec?
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: Tous les propriétaires? M. SAINT-LOUIS: Tous les
propriétaires.
M. LAFRANCE: D'accord. Vous avez mentionné qu'il y avait des
membres qui avaient laissé votre association par crainte de
représailles de la part du ministère de la Justice, ou du moins,
de la part du Collège des chirurgiens dentistes. Par contre, vous
mentionnez que parmi les 545 membres, il y en a 50 p.c. qui font de la pratique
illégale à l'heure actuelle.
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: Alors, ceux-là ne sont pas peureux?
M. SAINT-LOUIS: Ils ne sont pas peureux.
M. LAFRANCE: Alors, ils défient la loi, simplement, tandis que
les autres ne veulent pas le faire.
M. SAINT-LOUIS: C'est cela.
M. LAFRANCE: Est-ce qu'en plus des 545 il y en a parmi les 400 qui font
de la pratique illégale?
M. SAINT-LOUIS: Je n'ai pas saisi cette question.
M. LAFRANCE: Parmi les 400 qui restent, est-ce qu'il y en a qui font de
la pratique illégale?
M. SAINT-LOUIS: Il en font tous. M. LAFRANCE: Plus 50 p.c. des 545? M.
SAINT-LOUIS: C'est cela. M. LAFRANCE: Cela fait du monde.
M. SAINT-LOUIS: C'est pour cela qu'on souhaite la bienvenue au projet de
loi parce que cela va clarifier la situation.
M. LAFRANCE: Mais avant que le projet de loi ne soit voté, on
pratique toujours dans l'illégalité.
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: On défie la loi.
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: Depuis que le bill est inscrit est-ce qu'il n'y a pas eu
une escalade du côté des techniciens dentaires vis-à-vis de
la pratique illégale?
M. SAINT-LOUIS: Vous voulez dire depuis que le bill a été
déposé?
M. LAFRANCE: Depuis que le bill a été
déposé.
M. SAINT-LOUIS: C'est sûr. Nos membres techniciens dentaires se
sont dit: Voilà un pas dans la bonne direction. Les gens ont
commencé à...
M. LAFRANCE: Alors, c'est un pas dans la bonne direction que de
défier la loi.
M. SAINT-LOUIS: C'est-à-dire que c'est un pas dans la bonne
direction de défier la loi mais je vous dirais que la population a
besoin de nos services. Je sais qu'il y a entre 1,600 et 1,800 dentistes dans
la province de Québec, de ce nombre il y en a une bonne partie qui ne
pratique plus, de ce nombre il y en a une bonne partie qui est malade ou
retirée. S'il fallait aujourd'hui pour demain pour le technicien
dentaire denturologiste, que ce projet de loi qui a été
présenté ne soit pas adopté, que nous soyons
éclipsés de la province de Québec, que nous n'ayons plus
le droit de pratiquer, que la loi devienne rigide, que nous ne puissions
d'aucune façon servir le public, qu'arriverait-il alors? La population
serait joliment embêtée parce que le nombre de dentistes qu'il y a
dans la province de Québec ne pourrait jamais suffire à servir
pour les prothèses dentaires. Par-dessus le marché, on va payer
l'examen des bouches de un an à sept ans pour les enfants.
M. LAFRANCE: Pas seulement l'examen, les traitements.
M. SAINT-LOUIS: Les traitements pour les enfants de zéro à
sept ans. A ce moment-là, je ne vois pas comment les dentistes vont
pouvoir desservir la population pour ce qui est des prothèses dentaires
et ce sera joliment embêtant pour la population.
M. LAFRANCE: Alors, vous trouvez que la population de la province de
Québec, à l'heure actuelle, se satisfait et serait malheureuse si
on prenait des dispositions voulues pour empêcher
l'illégalité chez nous.
M. SAINT-LOUIS: Je crois sincèrement que oui, parce qu'elle
serait privée de gens qui sont compétents et qui la desservent
dans le moment.
M. LAFRANCE: Alors, croyez-vous que les habitants de la province de
Québec seraient heureux si à un moment donné le
ministère de la Justice disait: Etant donné qu'il y a des gens
indésirables dans la province, qu'on les laisse aller et qu'on continue
à les laisser défier la loi. Je ne parle pas seulement des
denturologistes, je parle en général. Est-ce que la population
serait protégée?
M. SAINT-LOUIS: Ce sont des gens qui viennent nous voir. Vous allez
prendre un dentiste, par exemple, qui a des rendez-vous d'ici à deux
mois ou trois mois; la personne qui a besoin d'une prothèse dentaire est
obligée d'attendre deux mois pour avoir une prothèse dentaire.
Cette personne-là veut se marier, dans deux semaines, je veux bien
croire que c'est illégal ce que nous faisons...
M. LAFRANCE: C'est nécessaire pour se marier? Cela aide...
M. SAINT-LOUIS: Je vais vous dire quelque chose. Les techniciens
dentaires denturologistes n'ont absolument pas le droit de s'annoncer comme
tels, mais, par-dessus le marché, la population réussit quand
même à nous trouver et à demander nos services, alors qu'on
n'a même pas le droit de s'annoncer comme tels.
M. LAFRANCE: Tantôt vous avez mentionné que tous les
denturologistes actuellement font partie de l'Association des techniciens
dentaires, est-ce exact?
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: Les représentants des denturologistes qui vont venir
tout à l'heure sont exactement les mêmes que vous
représentez?
M. SAINT-LOUIS: C'est le syndicat professionnel des denturologistes,
oui.
M. LAFRANCE: Mais ils font tous partie de votre association?
M. SAINT-LOUIS: Ils font tous partie de notre association.
M. LAFRANCE: Il n'y a aucune exception?
M. SAINT-LOUIS: Aucune exception. Je vous disais tout à l'heure
que, avant 1966, le bureau de direction fermait les yeux. Nous avons
été j'étais de cette équipe-là qui a
pris le pouvoir à l'association en 1966 réalistes, nous
avons dit: Il y a une situation de fait, les membres enfreignent la loi, on va
l'admettre publiquement et on va demander au gouvernement de changer la
situation de fait. Je ne veux pas blâmer les bureaux antérieurs,
mais il reste qu'il fallait être réaliste à un moment
donné et dire: Voici une situation, on la propose au gouvernement, le
gouvernement en a pris connaissance. Nous avons été
honnêtes dans notre illégalité.
M. LAFRANCE: Alors, vous avez profité d'une situation et vous
avez encouragé une situation pour forcer la main, pour vous faire
reconnaître légalement?
M. SAINT-LOUIS: Non, nous avons, à mon avis, constaté que
la population avait besoin de nos services. Ce n'est pas par
méchanceté ou malhonnêteté, mais nous avons
constaté que la population avait besoin qu'on la serve et c'est pour
ça que nous avons continué.
M. LAFRANCE : Vous avez mentionné tout à l'heure que des
prothèses habituellement peuvent durer quatre ou cinq ans et que c'est
bon de changer ça à tous les quatre ou cinq ans.
Vous avez mentionné aussi que vous pouvez faire des
prothèses sans examen et que vous les changez à tous les cinq
ans, sans examen. Qu'est-ce que vous faites par exemple des cas pathologiques?
Vous avez dit que vous les référiez au dentiste, mais sans examen
comment faites-vous pour détecter l'état pathologique dans une
bouche.
M. SAINT-LOUIS: Quand nous voyons qu'une bouche a quelque chose le
moindrement défectueux, qu'il y a quelque chose qui n'est pas normal,
à ce moment-là on peut référer la personne à
un médecin ou à un dentiste. Nous ne sommes pas là pour
passer des examens, pour faire des diagnostics, loin de là. Tout ce que
nous voulons faire, c'est de remplir la bouche.
M. LAFRANCE: Remplir la bouche, c'est ça qui est important,
D'accord. Vous avez mentionné aussi qu'il y avait un comité qui
avait été formé de quatre dentistes et de quatre
techniciens dentaires afin de déterminer quel cours serait adaptable ou
pourrait être donné pour la formation d'un technicien dentaire.
Est-ce exact?
M. SAINT-LOUIS: Cela, c'est l'ancienne...
M. LAFRANCE: L'ancien cours. Mais ces cours n'ont pas été
préparés en vue de faire des denturologistes mais bien des
techniciens dentaires.
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: Alors, vous-même, êtes-vous denturologiste ou
technicien dentaire?
M. SAINT-LOUIS: Je suis denturologiste.
M. LAFRANCE: Bon. Une petite remarque en passant; vous disiez aussi tout
à l'heure que vous ne pouviez pas surveiller à l'heure
actuelle.
M. SAINT-LOUIS: Pardon?
M. LAFRANCE: Vous ne pouviez pas surveiller à l'heure
actuelle.
M. SAINT-LOUIS: Absolument pas, parce que...
M. LAFRANCE: Alors, du fait d'avoir un bill, comment allez-vous faire la
surveillance par la suite?
M. SAINT-LOUIS: L'association formera un code de déontologie et
un comité de discipline pour faire la surveillance, ce qui sera
prévu par le bill 250.
M. LAFRANCE: Etes-vous d'accord sur le bill 250?
M. SAINT-LOUIS: Oui. M. LAFRANCE: Merci.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, sur le même
sujet, est-ce que, actuellement, le ministère des Affaires sociales ne
paye pas pour les assistés sociaux des factures directement aux
techniciens dentaires et aux laboratoires?
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. CASTONGUAY: Quand est-ce que ça a commencé?
M. CLOUTIER (Montmagny): Le ministre demande quand c'a commencé.
Je pense que ça existait du temps de l'ancien ministre et c'est pour
ça que je suis bien à l'aise pour poser la question.
M. SAINT-LOUIS: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose? La semaine
dernière, un bureau du bien-être social d'une région
je ne veux pas nommer la région a
téléphoné à l'Association des techniciens dentaires
parce qu'il n'y avait pas de technicien dentaire denturologiste dans sa
région, de voir à lui en suggérer un pour que ce type
aille demeurer dans cette région, et on en a suggéré un.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Je ne sais pas si vous possédez des chiffres... Combien
de prothèses dentaires sont fabriquées hors du Québec
actuellement pour des Québécois? Est-ce qu'il y en a un bon
nombre?
M. SAINT-LOUIS: Oui, il y a sûrement un bon nombre de
prothèses dentaires qui sont fabriquées par des laboratoires de
la région de Toronto et qui sont faites pour le Québec.
M. GUAY: Maintenant, est-ce qu'il y a des provinces où la
profession de technicien dentaire est légalisée de la
façon que vous le demandez?
M. SAINT-LOUIS: Oui, il y a la Colombie-Britannique et l'Alberta.
M. GUAY: Est-ce que ça ne pourrait pas justement expliquer
commerit il se fait que le Québec soit si mal organisé
actuellement?
M. SAINT-LOUIS: Cela se pourrait.
M. GUAY: De toute façon, c'est peut-être une
observation personnelle, on a souligné qu'un nombre assez important
de denturologistes ou techniciens dentaires de vos membres
étaient traduits devant les tribunaux, est-ce qu'ils l'ont
été à cause de plaintes enregistrées par des
patients mal servis?
M. SAINT-LOUIS: Il y a 28 ans que je suis technicien dentaire, que je
suis membre de la Corporation des techniciens dentaires, et jamais je n'ai vu
une plainte qui ait été faite devant les tribunaux, par les
patients parce qu'il y avait eu des maladies ou des infections. Les plaintes
portées devant les tribunaux ont toujours été des plaintes
faites par des agents provocateurs du Collège des dentistes.
M. GUAY: Qu'est-ce qui se passerait, demain matin, si on vous enlevait
même le droit de faire des prothèses? Quel conflit pourrait se
produire, si vous faites une grande partie des prothèses et que
très peu de dentistes fabriquent eux-mêmes leurs prothèses
dentaires, si votre association abandonnait complètement ce secteur?
M. SAINT-LOUIS: S'il ne nous était plus permis de faire les
prothèses, je crois bien que la population de la province de
Québec serait très mal prise, pour la simple raison que nous
fabriquons, je crois, 99.9 p.c. des prothèses dentaires, soit
légalement ou illégalement.
M. GUAY : Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Vous pratiquez actuellement illégalement.
Est-ce que vous ne payez pas de loyer, de taxes d'aucune sorte probablement
même pas d'impôt sur le revenu ou, du moins, très peu...
M. SAINT-LOUIS: Je voudrais répondre tout de suite à cette
question, parce que je ne voudrais pas laisser les membres de la commission
dans le doute que je ne paie pas mes impôts. J'ai tous mes rapports
d'impôt depuis que je suis en affaires.
M. SAINT-GERMAIN: Oui, on comprend bien ça mais...
M. SAINT-LOUIS: Et je paie des taxes, et des taxes d'affaires à
la ville de Montréal; je paie des taxes d'eau, je paie tout.
M. SAINT-GERMAIN: De toute façon, lorsque vous allez être
en corporation, si jamais vous l'êtes, le fait d'être obligé
de payer toutes ces taxes, de payer un loyer, de payer les taxes municipales,
taxes d'affaires, du téléphone et enfin tout ce que vous voulez,
vous obligera certainement à augmenter le prix de vos services.
M. SAINT-LOUIS : Je ne le crois pas, pour la simple raison que ceux qui
pratiquent dans le moment sont très satisfaits des honoraires qu'ils
reçoivent. Il n'y aura pas d'accroissement de dépenses parce que,
réellement, dans le moment, il y a plusieurs bureaux de denturologistes
qui sont très bien organisés. Je ne vois pas pourquoi, du jour au
lendemain, s'ils avaient le droit, ils hausseraient les tarifs.
M. SAINT-GERMAIN: Et vous allez être responsables de la pratique
illégale, j'entends d'empêcher la pratique illégale.
M. SAINT-LOUIS: C'est sûr, mais je vous ferai remarquer, par
exemple, que ça va être plus facile parce qu'il n'y aura pas... Ce
ne sera pas comme dans le moment, c'est de l'anarchie complète, à
tous les points de vue.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que le législateur peut être
confiant que vos honoraires n'augmenteront pas au même niveau
pratiquement que ceux des dentistes? Parce que si ce phénomène
arrivait, il y aurait tout de même des mécaniciens dentistes ou
des techniciens dentaires qui continueraient cette pratique illégale. Ce
n'est pas pour arrêter demain matin, même si la loi était
acceptée. Est-ce qu'on a une garantie que, dans dix ou quinze ans, le
même phénomène qui existe aujourd'hui n'existera pas de
nouveau?
M. SAINT-LOUIS: Concernant la question des prix, peut-être que le
président des denturologistes pourra en parler mais, personnellement, je
ne vois pas pourquoi la situation changerait tellement pour la simple raison
que vous allez éviter un intermédiaire. Le fait de rencontrer le
patient et le fait de servir ce même patient plutôt que de passer
par un autre, sera toujours meilleur marché, dans des conditions
semblables.
M. SAINT-GERMAIN: Merci.
M. KENNEDY: Est-ce que votre clientèle va vous voir lorsque les
dents naturelles sont extraites ou si elle y va avant?
M. SAINT-LOUIS: Dans la majorité des cas, les dents sont
déjà extraites.
M. KENNEDY: Vous ne faites pas d'extraction?
M. SAINT-LOUIS: Non.
M. KENNEDY: Vous n'empiétez pas alors sur le terrain des
dentistes?
M. SAINT-LOUIS: En aucune façon, ce n'est pas notre domaine. Nous
sommes des prothésistes pour faire des prothèses.
M. KENNEDY: D'accord.
M. GUAY: Vous ne faites pas non plus de prothèse fixes?
M. SAINT-LOUIS: Jamais, nous n'envisageons pas de faire des
prothèses fixes.
M. GUAY: Vous pourriez peut-être faire la fabrication mais non
l'installation?
M. SAINT-LOUIS: C'est cela. M. GUAY: Ah bon!
M. SAINT-LOUIS: Nous avons tous étudié pour faire des
prothèses fixes mais c'est un domaine qui ne nous concerne d'aucune
façon.
M. GUAY: Alors, au pis aller, si jamais le patient n'est pas satisfait
de vos services, temporairement, il peut quand même l'enlever, et
retourner vous voir.
M. SAINT-LOUIS: Certainement.
M. LE PRESIDENT: Je voudrais remercier l'Association des techniciens
dentaires. Comme il est présentement 12 h 30, nous suspendrons nos
travaux pour revenir à 16 heures cet après-midi. A ce
moment-là, nous entendrons les représentants du CEGEP
Edouard-Montpetit, et les trois autres groupes selon la liste.
M. SAINT-LOUIS: Je voudrais profiter de l'occasion pour remercier, au
nom des 545 membres de l'Association des techniciens dentaires, la commission
parlementaire de nous avoir écoutés. Merci.
(Suspension de la séance â 12 h 28)
Reprise de la séance à 16 h
M. BLANK (président de la commission spéciale sur les
corporations professionnelles): A l'ordre, messieurs!
CEGEP Edouard-Montpetit
M. LE PRESIDENT: Nous sommes prêts à commencer la
séance. Les représentants du CEGEP Edouard-Montpetit sont-ils
ici? Bienvenue. Vous êtes M. Sainte-Marie?
M. AUPRIX: Non. Je représente M. Benoît Sainte-Marie. Je
suis responsable de l'Ecole technique dentaire au CEGEP Edouard-Montpetit.
M. LE PRESIDENT: Votre nom, s'il vous plaît?
M. AUPRIX: Paul Auprix. Je voudrais présenter, tout d'abord, le
procureur du collège, Me Serge Brault, à ma gauche, et deux
étudiants dont le vice-président et le vice-président de
l'Association des étudiants en techniques dentaires au CEGEP, M.
Provencher et M. Ash. Si vous le permettez, je passerai tout de suite la parole
au procureur du collège avec lequel nous avons travaillé pour
préparer le mémoire qui a été
présenté à la commission. M. Serge Brault.
M. BRAULT: Si vous le permettez, M. le Président, étant
donné que notre texte est assez volumineux je me permettrai de
dégager ce qui semble au CEGEP Edouard-Montpetit être les points
essentiels que je résumerai. S'il y a lieu, vous pourrez nous adresser
les questions que les membres de la commission auront à nous poser.
Le CEGEP Edouard-Montpetit, étant donné son rôle
particulier dans la formation des techniciens dentaires, s'est senti
concerné par le dépôt de la loi 266. Il s'est senti, par
ailleurs, obligé d'intervenir. Maintenant, l'intérêt du
CEGEP n'est pas le même que celui des corps professionnels ou des
professionnels eux-mêmes qui exercent ou exerceront la profession qui
sera créée par le bill 266. Comme tel, le CEGEP Edouard-Montpetit
tient à informer la commission qu'il n'est pas du tout
préoccupé par la structure de l'organisme créé,
c'est-à-dire en majeure partie par les dispositions du bill 250 qui
concernent la structure de la denturologie elle-même.
Le gros de son intérêt est centré sur le travail que
l'on exigera des personnes qu'on a appelées denturologistes et, soit dit
en passant, nous avons souligné dans notre mémoire que ce terme
nous semblait impropre et inexistant pour désigner ce que les
techniciens dentaires seront appelés à faire.
Nous sommes aussi intéressés par ce qu'il adviendra de nos
programmes soclaires et des diplômes que nous décernerons, mais
que pour l'instant, nous décernons en technique dentaire.
Nous avons formulé différentes observations sur
différents articles du projet de loi et nous proposons des amendements
à cinq de ces articles.
En gros, il y a l'article 6 comme tel qui concerne l'exercice de la
profession. Nous croyons qu'il y aurait lieu de préciser le champ
d'exercice et que, s'il est clairement attribué aux techniciens
dentaires le droit de prendre des empreintes et des articulés, cela soit
clairement exprimé dans la loi; parce qu'il nous a semblé, par
l'analyse qui est en annexe II du mémoire, que des confusions pourraient
surgir, étant donné le texte de l'article 35, entre autres, du
bill 254.
Pour ce qui est de l'article 6, nous croyons que la prise d'empreintes
et d'articulés qui est exprimée là devrait l'être
plus clairement et que le droit de fabriquer les prothèses soit
clairement donné aux personnes que l'on appelle des denturologistes.
M. Auprix pourra vous expliquer tantôt les programmes scolaires
qui sont annexés au mémoire, à l'annexe I, qui font que
nous croyons qu'il est essentiel que les denturologistes aient le droit de
fabriquer les prothèses qu'ils peuvent, par ailleurs, poser et
remplacer. Quant à l'article 8 d), en deux mots, il est dit à cet
endroit que la corporation pourra faire subir des examens professionnels. Nous
croyons qu'il doit être clairement précisé que
l'étendue de ces examens professionnels doit se limiter au
contrôle des matières d'ordre professionnel comme le code
déontologique, la loi de la corporation, le code des professions, mais
ne doit pas faire double avec les examens qui sont passés afin d'obtenir
le diplôme reconnu au sens du bill 250 et qui suit un programme scolaire
qui est déjà approuvé par l'Etat.
Pour ce qui est de l'article 10, qui traite des intérêts
que ne peut avoir un denturologiste dans une entreprise de fabrication,
étant donné que nous demandons à l'article 6 qu'il soit
clairement précisé que le denturologiste pourra fabriquer des
prothèses mais que l'article 10, à ce moment-là, sans
devenir inutile, ferait double emploi avec une disposition du code des
professions qui prévoit expressément que dans le code
déontologique on énumérera les commerces incompatibles
avec l'exercice d'une profession, nous croyons qu'à ce moment-là
l'article 10 devra purement et simplement être abrogé et
référé au code déontologique de cette future
profession.
Quant à l'article 12, qui traite de la pratique illégale,
étant donné que dans nos programmes scolaires les
étudiants sont appelés à poser des actes qui ressembleront
à ceux qu'un denturologiste détenteur d'un permis posera, nous
croyons qu'il doit y avoir une disposition ajoutée à l'article 12
qui créera une exception en ce qui a trait à la pratique
illégale lorsque des gestes seront posés par des étudiants
dans le cadre d'un programme scolaire reconnu.
Quant à l'article 14 qui traite de l'impossibi- lité pour
la corporation de réglementer l'exercice de la profession au point de
défendre la vente de prothèses à un dentiste ou à
un denturologiste, la question que nous nous posons est la suivante: Etant
donné le libellé du texte, à qui la corporation ne
pourra-t-elle pas défendre de vendre des prothèses à un
dentiste? La question est celle-ci: A qui cette prohibition s'adressera-t-elle?
A cet égard, nous pensons que le texte est imprécis et devrait
être précisé.
Quant à l'article 17, au CEGEP Edouard Montpetit il y a
actuellement deux programmes scolaires qui fonctionnent en parallèle. Il
y a l'ancien programme qui se termine en automne 1972 et qui concerne les
étudiants régis par l'ancien programme scolaire de l'Association
des techniciens dentaires qui comportait 300 heures de cours réparties
sur cinq ans.
Etant donné que les étudiants termineront leur
année scolaire, vraisemblablement, en décembre prochain, et que
ces étudiants, à ce moment ne seront pas membres de l'association
au sens de l'article 17, nous croyons que le délai prévu, pour
être admis à l'exercice de la denturologie, devra être
étendu de six mois, afin que ces étudiants puissent devenir
membres, à temps, de la corporation et ainsi profiter de la disposition
de l'article 17.
Nous proposons également un amendement au deuxième
paragraphe de l'article 17, en ce qui a trait à l'étendue de
l'examen que devront passer les membres en exercice de l'association. Etant
donné que nous proposons à l'article antérieur de limiter
cet examen au code déontologique, nous croyons que, pour les gens qui ne
détiendront pas de diplôme récent, il devrait y avoir un
examen qui tienne compte de ce fait et possiblement porte sur d'autres
matières que le code déontologique.
Quant au titre de technicien dentaire, apparemment aboli par cette loi,
en ce sens qu'il est réservé aux gens qui le portent
actuellement, on se pose la question vu que nous, au CEGEP Edouard-Montpetit,
nous continuons de dispenser un enseignement en technique dentaire et que l'on
donne un diplôme d'études collégiales en technique
dentaire. Est-ce que ces gens, diplômés en technique dentaire, ne
devraient pas s'appeler des techniciens dentaires?
Quant à l'article 20, qui nous préoccupe beaucoup,
à vrai dire, avec les articles 12, 17 et 6, il traite de l'abrogation de
la Loi des techniciens dentaires. Je dois vous dire que nous avons mis un peu
de mordant dans notre texte à l'article 20, à la suite de
pressions faites par des étudiants, notamment en technique dentaire,
mais qui reçoivent une formation différente de celle qui est
donnée aux gens qui se destinent à la denturologie. Autrement
dit, tous les étudiants du CEGEP Edouard-Montpetit, en technique
dentaire, ne veulent pas et ne se destinent pas à la denturologie.
Dans la mesure où, par l'article 20, on abolit purement et
simplement la Loi des techniciens
dentaires qui régissait, et qui régit encore d'ailleurs,
toute la question de la technique dentaire pour ne légiférer que
sur la question des prothèses amovibles, tous les techniciens dentaires
qui se spécialisent dans la prothèse fixe et qui, actuellement,
sont régis par cette loi, cesseront d'être couverts et, à
toutes fins pratiques, cela pourrait signifier que n'importe qui,
détenteur d'un diplôme ou non, pourra s'adonner à la
fabrication des prothèses dentaires fixes.
Nous pensons que toute la question des techniques dentaires, de la
fabrication des prothèses, doit être réglementée et
que l'effet de la loi 266 n'est pas de réglementer toute cette question,
même si on y ajoute la loi 254. Les étudiants du CEGEP
Edouard-Montpetit, qui étudient la prothèse fixe, se
considèrent un peu laissés pour compte et demandent que la
question de la fabrication des prothèses, en général et
globalement, soit réglementée par l'Etat.
Et c'est pourquoi nous demandons que l'article 20, qui abolit la Loi des
techniciens dentaires, ne soit pas proclamée en vigueur tant que cette
réglementation générale, concernant l'ensemble de la
technique dentaire, ne sera pas elle-même mise en vigueur.
Voilà, en quelques mots, le résumé du
mémoire soumis par le CEGEP Edouard-Montpetit.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants du CEGEP Edouard-Montpetit pour le mémoire qu'ils
viennent de nous présenter. J'ai mentionné ce matin, de toute
façon, je ne sais pas si les représentants du CEGEP
étaient ici, que c'est certainement notre intention de
réglementer, par le truchement de la Loi de la protection de la
santé publique et d'établir des normes touchant les laboratoires
ou tout ce qui touche à la fabrication de prothèses, par
l'émission de permis et avec les mécanismes de contrôle
appropriés.
Ce qui signifie et ce qui explique d'ailleurs pourquoi, dans le bill 250
et le bill 266, en ce qui a trait aux techniciens dentaires, ce que nous
voulons assurer, c'est la protection de leur titre, étant donné
que, en ce qui a trait à la fabrication, ce sera transposé par un
autre mécanisme.
D'ailleurs, vous soulignez vous-même dans le mémoire le
fait que les modes de fabrication peuvent être autres que des modes de
fabrication individuelle ou artisanale. J'espère que ceci apporte une
certaine clarification. Quant à la concordance à apporter, j'ai
pris note de vos commentaires quant aux dates.
Maintenant, j'aimerais poser deux questions, M. le Président.
Voici la première: Qu'est-ce qui a poussé les autorités du
CEGEP Edouard-Montpetit à établir un tel cours et quelles ont
été, au moment où ce cours a été
établi, les communications qui ont pu avoir lieu avec divers niveaux
d'institutions dans le domaine de l'éducation, de l'enseignement, soit
au plan universitaire, soit avec le ministère de l'Education? Et voici
la deuxième: On a fait état ce matin et si j'ai bien
compris vos réactions lorsque j'ai rappelé mes commentaires de ce
matin, vous étiez ici de la nécessité d'un certain
niveau de formation pour poser certains actes. Sans reprendre toute la
discussion, est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon, selon
vous, le contenu de vos cours peut permettre de poser des actes qui ne sont pas
permis présentement par la Loi des techniciens dentaires, actes qui
seraient posés advenant la formation d'une corporation comme celle qui
est suggérée par le bill 266?
Notez que, encore une fois je ne veux pas inutilement compliquer ma
question, je ne fais pas d'énumération, de distinction entre les
prothèses partielles ou totales, etc.
M. AUPRIX: Je vais essayer d'être le plus bref possible pour vous
expliquer un peu l'évolution qui s'est faite pour en venir à
établir l'Ecole des techniques dentaires au CEGEP Edouard-Montpetit.
Il y a à peu près sept ou huit ans, il a été
formé un comité consultatif constitué de membres du
Collège des dentistes, des représentants des deux
universités et des représentants de l'Association des techniciens
dentaires pour organiser une école qui permettrait de former des
techniciens dentaires ou de donner une formation supplémentaire aux
techniciens dentaires par rapport à l'école qu'ils avaient dans
le temps. Il y a eu plusieurs contacts avec le ministère de
l'Education.
Le ministère de l'Education était aussi présent
à ces discussions, il était membre du comité consultatif
pour la formation de l'école des techniciens dentaires.
La première décision du ministère de l'Education
était, avant l'avènement du CEGEP, d'installer l'école des
techniciens dentaires à l'université Laval, à l'institut
des techniques à Ahuntsic. Après le phénomène
CEGEP, il y a eu arrêt momentané des discussions, à savoir
où irait la technique dentaire et au sujet de l'adaptation des
programmes au niveau collégial.
Il y a eu rencontre avec le ministre de l'époque. J'ai
rencontré le ministre Cardinal qui venait d'être nommé et
il m'a dit de voir les CEGEP qui seraient intéressés à
donner le cours de technicien dentaire et, avec le ministère de
l'Education, de voir à établir avec la DIGEC, la direction
générale de l'enseignement collégial, des programmes et
d'ouvrir l'école le plus tôt possible dans un CEGEP qui serait
intéressé et qui avait les locaux disponibles.
A ce moment-là, j'ai fait quatre CEGEP: Rosemont, Maisonneuve,
Vieux-Montréal et Ahuntsic et ils n'avaient pas les locaux qui nous
auraient permis d'ouvrir l'école de technique dentaire dans les plus
brefs délais possible.
Après avoir, rencontré les autorités du CEGEP de
Longueuil, le conseil d'administration du CEGEP de Longueuil avait
accepté de fournir un étage au complet, les locaux, les
facilités pour ouvrir l'école de technique dentaire. La DIGEC a
émis son sceau et le ministère de l'Education a accepté.
C'est comme cela qu'est née l'école de technique dentaire au
CEGEP Edouard-Montpetit.
Pour les questions des programmes. Il y a eu un comité qui a
été formé et qui comprenait des techniciens dentaires, des
professeurs universitaires et du Collège des dentistes et des gens du
ministère de l'Education, de la DIGEC, pour organiser un programme de
technique dentaire.
En 1968, l'école s'est ouverte au CEGEP Edouard-Montpetit. Depuis
ce temps, avec le ministère de l'Education, nous adaptons les programmes
pour faire des techniciens dentaires, des techniciens qui répondraient
réellement à la demande et aux besoins du public, directement ou
indirectement.
En ce qui concerne la formation des individus, au sujet des cours, le
technicien dentaire, comparativement à ce qu'il recevait autrefois,
reçoit aujourd'hui une formation de base et une formation
générale, une formation scientifique et technique, les cours de
philosophie et de français, les cours scientifiques et les cours
d'anatomie, biologie, physiopathologie, microbiologie, ceci toujours
adapté à la technique dentaire.
Les cours de physiopathologie sont donnés par les mêmes
professeurs d'université, les Drs Bussières et Metzler, qui
donnent les cours aux dentistes à l'université, des professeurs
de carrière. Les cours d'anatomie dentaire sont donnés par trois
dentistes qui enseignent partiellement à l'université et qui ont
leur bureau personnel. Les cours de microbiologie dentaire sont donnés
par un médecin et les cours de biologie dentaire sont donnés par
un biologiste faisant partie du département de biologie du
collège Edouard-Montpetit. Les cours de spécialité sont
donnés par des techniciens dentaires certifiés. Disons qu'au
départ on avait certains problèmes, sachant très bien
qu'on n'était pas préparé au point de vue
pédagogique pour faire de l'enseignement. Nous avons bâti les
locaux, nous avons bâti les programmes et, actuellement, je dois dire que
nous approchons les $600,000 d'investissement au collège
Edouard-Montpetit avec sept laboratoires d'enseignement. Les professeurs sont
recrutés chez les techniciens dentaires et, avec l'expérience que
nous avons vécue depuis quatre ans, nous avons fixé notre choix
sur des jeunes techniciens dentaires pour pouvoir leur permettre de se former
en pédagogie. Actuellement, tous les professeurs qui enseignent en
technique dentaire sont enregistrés à des cours pour l'obtention
du brevet d'enseignement spécialisé vers la licence. Est-ce que
ça répond à votre question, M. le ministre?
M. CASTONGUAY: Oui. Il y aurait peut-être, si possible, quelques
commentaires sur le contenu des cours par rapport à ce qui a pu
être dit ce matin, quant à l'aptitude de vos diplômés
à poser des actes qui dépassent ceux posés
présentement dans le cadre de la loi des techniciens dentaires,
c'est-à-dire à transiger directement avec le public pour certains
actes.
M. AUPRIX: Les programmes qui sont actuellement dans l'annuaire du
gouvernement, du ministère de l'Education, sont facilement adaptables
selon les changements de loi. Si le bill 266 est adopté tel qu'il est
demandé actuellement, le cours de denturologie deviendra une option au
niveau de la troisième année. Il y aura, à ce moment,
trois options possibles au niveau de la troisième année, ce qui
n'empêchera pas de faire un cours postscolaire par la suite. Le seul
cours que l'on voit qui pourrait être ajouté pour devenir
denturologiste serait le cours de prise d'empreintes et d'articulés.
C'est à peu près le seul cours pour le spécialiste qui se
dirigerait en denturologie. Il y aurait sensiblement le même cours au
point de vue de la formation générale et scientifique et, au
point de vue technique, il serait spécialisé dans la
prothèse amovible; à partir de la troisième année,
il ne toucherait pas aux prothèses fixes ou au métal.
M. CASTONGUAY: Merci, M. le Président. M. LE PRESIDENT: Le
député de Laurier.
M. MARCHAND: Une question supplémentaire. Vos professeurs, vous
les recrutez, vous dites, parmi les jeunes techniciens. Quelle est leur
pratique?
M. AUPRIX: Leur spécialité?
M. MARCHAND: Leur pratique. Quelle est leur pratique, leur
expérience pratique?
M. AUPRIX: Disons qu'ils ont en moyenne cinq à sept ans
d'expérience pratique dans un laboratoire.
M. MARCHAND: En denturologie?
M. AUPRIX: Du tout.
M. MARCHAND: Pas du tout?
M. AUPRIX: Du tout. Disons que chez nous au ministère de
l'Education, d'ailleurs, on en a discuté depuis deux ans le mot
denturologie est tabou, parce qu'on en parle sûrement, mais
officiellement, on n'en parle pas. Dans les corridors, c'est sûr que les
étudiants doivent s'en parler; ils s'en parlent certainement.
M. MARCHAND: Calculez-vous que le tabou va disparaître?
M. AUPRIX: Si la loi est adoptée, oui.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'abord, un commentaire, M. le
Président, non pas pour vous provoquer. Vous avez soulevé un
point extrêmement important, celui de l'abolition de la Loi des
techniciens dentaires. Vous avez vu, par les remarques qui ont
été faites ce matin, que vous aviez raison de souligner ce point,
pour qu'on ne se retrouve pas dans une situation inacceptable ou
embrouillée.
Pour ma part, je suis satisfait de la réponse du ministre
à l'effet qu'un autre projet de loi va couvrir ce secteur. Il y aura
lieu de tenir compte, dans la préparation de cette législation,
des remarques que vous avez faites et que d'autres feront possiblement à
ce sujet.
Mes questions seraient les suivantes: Est-ce que vos étudiants,
étant donné qu'un seul CEGEP donne le cours, se recrutent dans la
région de Montréal exclusivement ou si vous avez des
étudiants qui viennent d'un peu partout, en province?
M. AUPRIX: A la suite des demandes, on fixe actuellement le nombre
d'étudiants, qui était l'an passé de 80 et cette
année de 60. Nous avons eu cette année des demandes de 300
étudiants. On fait d'abord passer un test d'aptitudes aux
étudiants et le test révèle les possibilités quant
au choix de l'étudiant. Dans le choix, cela varie entre 50 p.c. et 55
p.c. de la région de Montréal et le reste, hors de la
région.
C'est entendu que la demande est beaucoup plus forte dans la
région de Montréal. On pourrait probablement choisir tous les
étudiants dans la région de Montréal. On s'arrange pour
avoir à peu près 50 p.c. à 55 p.c. de la région de
Montréal et 45 p.c. à quelque pourcentage près, hors de
Montréal.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le pourcentage d'admissions
reçues auquel vous ne pouvez pas donner satisfaction?
M. AUPRIX: Il se fait 300 demandes. Prenons cette année, pour
exemple, il s'est fait 300 demandes au mois de mars. Sur ce nombre 150 demandes
sont irrecevables, c'est-à-dire ne sont pas admissibles dans aucune
option du CEGEP, aussi bien en technique dentaire qu'en technique
administrative ou d'autres techniques ou cours généraux. Sur les
150, nous en prenons 60.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous croyez, avec
l'expérience que vous avez maintenant depuis 1968, cela fait
quatre ans qu'il serait bon qu'un CEGEP dans une autre région,
disons Québec, donne aussi le cours de technicien dentaire?
M. AUPRIX: Si on n'élargit pas la loi pour permettre aux
techniciens d'avoir un horizon un peu plus vaste, le marché du travail
pour les techniciens dentaires est assez restreint. Avec le nombre de 60 qui
sortirait par année je prends le nombre qui entre au CEGEP au
début de la première année en prévoit que 40
ou 45 finiront à la fin de la troisième année. Cela comble
amplement les besoins du marché du travail en technique dentaire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que, depuis que le cours est
commencé en 1968, vous avez eu l'occasion de vérifier selon la
pratique, la qualité de l'enseignement, une fois qu'ils ont
commencé? Cela fait quatre ans.
M. AUPRIX: Les premiers finissants sont sortis cette année. On
s'est organisé pour les faire suivre régulièrement. On
veut rencontrer les propriétaires de laboratoire qui ont des
étudiants comme employés. On veut savoir ce qui leur manque, ce
qui leur faudrait en supplémentaire. On adaptera les programmes selon
l'expérience mais il faudra quelques années avant qu'on ajuste
réellement les programmes selon le marché du travail.
M. CLOUTIER (Montmagny): A la lumière des observations faites
devant cette commission, à la séance précédente et
à cette séance, est-ce que, déjà, vous pouvez
entrevoir certaines modifications qui seraient souhaitables à votre
programme d'enseignement?
M. AUPRIX: Oui. On se propose, dès cette année,
d'amplifier la pratique au lieu de la théorie, c'est-à-dire qu'on
voudrait éventuellement faire un cours de 85 p.c. de pratique et 15 p.c.
de théorie. On s'aperçoit que, dans les laboratoires, l'individu
la fille ou le garçon sait très bien quoi faire mais il
n'a pas encore la dextérité ou la vitesse pour le faire.
L'employeur, qui veut avoir ces gens s'attend quand même à une
certaine production parce qu'il ne le fait pas pour rendre service. Il le fait
peut-être un peu pour rendre service mais surtout pour que son industrie
ait une certaine sorte de production.
L'individu lui-même devrait avoir un peu plus de connaissances ou
de pratique en laboratoire pour se permettre d'arriver sur le marché du
travail et pouvoir produire même s'il veut travailler à son compte
après son année de stage, être capable de gagner sa vie
sans travailler 50 ou 75 heures par semaine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est l'équivalence entre le
diplôme que vous accordez et un diplôme semblable qui serait
accordé à l'extérieur du Québec? Un diplôme
correspondant qui serait accordé... Est-ce que vos étudiants, une
fois diplômés du CEGEP en techniques dentaires, pourraient aller
pratiquer dans d'autres provinces ou aux Etats-Unis?
M. AUPRIX: Très facilement. J'ai visité
l'école de Toronto; il y en a une autre au Canada, l'école
d'Alberta. En Alberta, c'est une école de denturistes. J'ai son
programme. J'ai passé une semaine à l'enseignement, à
l'école de Toronto. Je pense que l'école du Québec peut
avantageusement se comparer avec les deux autres écoles du Canada. Nos
finissants peuvent aller n'importe où dans le Canada sans être
gênés. D'ailleurs les Etats-Unis déjà demandent de
nos finissants. Ils disent: Envoyez-nous la quantité que vous voulez.
Simplement parce qu'un étudiant est allé faire un stage d'un mois
dans un laboratoire à Albany. On nous a dit: Si ce sont des gens comme
ceux-là que vous formez, envoyez-nous-en tant que vous voulez.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il faudrait seulement les leur
prêter.
M. AUPRIX: Oui, je suis bien d'accord. Si on a un surplus on peut
peut-être déborder.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: M. le Président, quelques brèves questions parce
que plusieurs ont déjà été posées. Je
remercie d'abord les membres de les avoir posées à ma place.
Est-ce que les étudiants inscrits à vos cours reçoivent,
dans un laps de temps quelconque, la technique ou la façon de prendre
les empreintes?
M. AUPRIX: Pas du tout.
M. GUAY: Est-ce que cela vous arrive de faire du recyclage,
c'est-à-dire des techniciens dentaires qui auraient pratiqué
pendant un certain temps et qui désireraient se recycler par
exemple?
M. AUPRIX: A l'automne, le CEGEP Edouard-Montpetit inscrit le
perfectionnement pour les techniciens dentaires déjà
diplômés; il y aura perfectionnement I dans les techniques
d'abord, montage de prothèses amovibles partielles et complètes;
il y aura des cours de spécialisation en ponts et couronnes et
céramique dentaire et métallurgie. Il y aura aussi des cours
offerts en anatomie dentaire et en biologie dentaire.
M. GUAY: Parmi les professeurs, est-ce qu'il y a également des
dentistes?
M. AUPRIX: Oui. Pas exactement en technique dentaire, mais en
physiopathologie, ce sont deux dentistes, professeurs de carrière
à l'Université de Montréal, les mêmes professeurs
qui enseignent aux dentistes. Il y a trois autres dentistes qui enseignent en
anatomie dentaire et, à compter de septembre cette année, nous
aurons une clinique dentaire, un bureau de dentiste qui fait partie du
département. Cinq dentistes ont été engagés et
chacun enseignera sa spécialité, chaque jour de la semaine; ils
fourniront du travail aux étudiants qui travaillent sur des cobayes
excusez le mot des modèles, et ils pourront observer les
résultats en bouche à l'aide d'un circuit fermé de
télévision. Une caméra est installée en face de la
chaise du dentiste et, à chaque laboratoire, les étudiants voient
le travail qui a été fait par un autre étudiant.
M. GUAY: Avez-vous déjà reçu des recommandations de
la part du Collège des chirurgiens-dentistes?
M. AUPRIX: C'est-à-dire qu'actuellement nous avons formé
au CEGEP Edouard-Montpetit un comité consultatif maison. On sait que les
comités consultatifs qui faisaient partie de l'éducation ont
été transférés au ministère du Travail et la
collaboration était assez difficile, cela faisait un
intermédiaire de plus. Chez nous, au CEGEP Edouard-Montpetit, nous avons
organisé un comité consultatif maison composé de deux
dentistes représentant les deux universités, McGill et
Montréal, un du Collège des dentistes, le président de
l'Association des techniciens dentaires, un propriétaire de laboratoire,
un employé, un étudiant, le directeur général du
collège, le directeur du service pédagogique du collège et
moi-même.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT (Marchand): Le député de Bourget.
M. LAURIN: M. le Président, est-ce que tous vos finissants
travaillent exclusivement dans des laboratoires? Est-ce que vous les formez
expressément pour ce genre de pratique?
M. AUPRIX: Exclusivement. C'est-à-dire que l'étudiant en
techniques dentaires au collège Edouard-Montpetit apprend tout
l'éventail des techniques, c'est-à-dire aussi bien en
prothèses complètes ou partielles amovibles qu'aux couronnes et
ponts ou céramique qui s'appellent les prothèses fixes ou la
métallurgie, qui s'appelle nobilium, ticonium, vitalium, et les
alliages.
M. LAURIN: Est-ce qu'on pourrait interpréter cela en disant que
vous formez exclusivement vos techniciens pour qu'ils puissent travailler
à remplir les ordonnances des dentistes?
M. AUPRIX: Actuellement, oui. On ne peut pas faire autrement, selon la
loi. Comme c'est une maison d'éducation du ministère de
l'Education, c'est assez difficile de faire autrement.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Le cours au CEGEP, c'est deux ans de base, de cours
généraux.
M. AUPRIX: C'est trois ans, le cours.
M. SAINT-GERMAIN: C'est dans la troisième année seulement
qu'il y a une option, que l'étudiant prend son option.
M. AUPRIX: Actuellement, il n'y a pas d'option. Le cours est
général, universel, si vous voulez. La première
année, l'étudiant fait surtout des cours généraux
et quelques cours de spécialité. Il suit des cours de
philosophie, français, physique, biologie, anatomie et de
matériaux dentaires. La deuxième année et la
troisième année, les cours en sont presque exclusivement de
spécialité et de matière générale, dans le
sens qu'on fait de tout: les prothèses fixes, amovibles, et
métal.
Si le bill 266 venait à se faire, il y aurait une modification
des cours au niveau de la troisième année, pour en faire une
option spécialisée de denturologie, de prothèses fixes ou
de métallurgie.
M. SAINT-GERMAIN: Vos étudiants qui finissent actuellement leurs
études est-ce qu'ils sont aptes à déterminer si une bouche
est normale de façon à ce qu'ils puissent prescrire des
ordonnances?
M. AUPRIX: Non. Ils ont une formation biologique, physiologique,
anatomique pour s'apercevoir s'il y a une anomalie quelconque, et diriger le
patient vers un dentiste ou un médecin.
M. SAINT-GERMAIN: Ils ne peuvent pas dire qu'un patient est apte
à recevoir une pièce de prothèse actuellement, lorsqu'ils
ont fini le cours?
M. AUPRIX: Oui, ils peuvent, avec les cours de physiologie, pathologie,
microbiologie, anatomie et biologie, s'apercevoir si la bouche est saine ou
non. Ils sont capables de s'apercevoir s'il y a une anomalie quelconque. De
là à dire que c'est telle chose qu'il y a là, et à
dire que c'est tel remède que ça prend, ils ne le font pas.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que c'est là une addition au cours qui
était donné antécé-demment aux techniciens
dentaires?
M. AUPRIX: Oui.
M. SAINT-GERMAIN: Vous avez parlé d'un comité consultatif
maison, est-ce qu'il a fonctionné ce comité?
M. AUPRIX: Régulièrement. M. SAINT-GERMAIN: Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rivière-du-Loup.
M. LAFRANCE: M. le Président, étant donné que vous
représentez le CEGEP Edouard-Montpetit, ma première question
serait: Quelle est votre opinion sur l'appellation denturologis-te?
M. AUPRIX: Je pense que vous pouvez voir dans le mémoire qu'on a
préparé, dans les premières pages...
M. BRAULT: Lorsqu'il s'est agi d'interpréter le texte, on s'est
basé sur ce vieux principe qui dit qu'on interprète un texte de
loi à partir du sens ordinaire des mots. On est allé le
vérifier et on a découvert que le mot n'était nulle part.
On a vérifié auprès d'un comité du Collège
des médecins qui porte un nom technique mais qui s'intéresse aux
termes techniques de la médecine également auprès de
l'Office de la langue française; à aucun des deux endroits on n'a
pu nous dire ce que signifiait le mot denturologie sans que nous en lisions la
définition. Par la suite, on s'est adressé à un linguiste
ou un traducteur qui nous a dit : Oui, on comprend ce que ça veut dire,
mais, comme question de fait, au plan technique, au plan sémantique, le
mot est mal construit. Ce qu'on fait dans notre mémoire à la page
2, à la note en bas, on vous répète l'opinion qu'on nous a
donnée nous disant qu'on ne peut pas construire un néologisme
à partir d'un terme français complet qui est le mot denture et
d'une racine grecque qui est le mot "logie". Il faudrait prendre deux racines
grecques ou deux mots français apparemment.
M. LAPRANCE: Est-ce que le mot "denti-physionomiste" vous dit quelque
chose?
M. AUPRIX: J'ai vu ce terme dans une revue, l'an passé, et c'est
tout ce que j'en sais.
M. LAFRANCE: Est-ce que vous connaissez une association qui s'appelle
l'Association des dentiphysionomistes du Québec?
M. AUPRIX: Non.
M. LAFRANCE: Connaissez-vous M. André Verreau?
M. AUPRIX: Pour en avoir entendu parler, il en est le
président.
M. LAFRANCE: Est-ce qu'il fait partie de l'Association des
denturologistes?
M. AUPRIX: Pas à ma connaissance.
M. LAFRANCE: C'en est un qui a eu peur et qui s'est dissocié des
denturologistes. Vous avez dit tout à l'heure qu'au CEGEP Edouard-
Montpetit vous formiez des techniciens dentaires. La seule formation que
vous donnez à l'heure actuelle au CEGEP Edouard-Montpetit est une
formation technique pour former des techniciens dentaires.
M. AUPRIX: Oui, selon les termes de la loi actuelle.
M. LAFRANCE: Vous avez aussi mentionné qu'il était
possible d'avoir une option après la troisième année.
M. AUPRIX: Pas après, mais pendant.
M. LAFRANCE: Pendant la troisième année. A l'heure
actuelle, vous n'êtes pas rendus à la troisième
année?
M. AUPRIX: Oui.
M. LAFRANCE: Est-ce que vous donnez l'option spéciale?
M. AUPRIX: Non.
M. LAFRANCE: Vous ne la donnez pas.
M. AUPRIX: J'ai dit tantôt à M. Laurin qu'on ne peut pas la
donner tant et aussi longtemps que la loi ne sera pas adoptée. C'est une
école totalement financée par le gouvernement, le
ministère de l'Education, on ne peut pas déroger à la
loi.
M. LAFRANCE: Quand vous avez eu l'approbation du ministère de
l'Education pour former des techniciens dentaires, est-ce que vous avez
mentionné au ministère de l'Education que vous aviez l'intention
de former des denturologistes?
M. AUPRIX: Il n'en fut aucunement question.
M. LAFRANCE: Quoiqu'il en soit question au CEGEP Edouard-Montpetit.
M. AUPRIX: J'ai dit tantôt que le mot était tabou; on peut
s'en parler dans les passages mais il n'en est pas question pendant les
cours.
M. LAFRANCE: J'imagine que ce doit être dans les passages parce
que les cours se donnent au CEGEP.
M. AUPRIX: Non, monsieur.
M. LAFRANCE: Ils ne se donnent pas au CEGEP?
M. AUPRIX: Ces cours-là?
M. LAFRANCE: Les cours de techniciens dentaires?
M. AUPRIX: Oui, mais pas les cours de denturologie.
M. LAFRANCE: Mais vous en parlez, justement, dans les corridors.
M. AUPRIX: Il peut s'en parler.
M. LAFRANCE: Dites-moi donc quelle est la différence entre le
technicien dentaire et le denturologiste.
M. AUPRIX: Le denturologiste est un technicien dentaire qui a
décidé de travailler directement auprès du public. Il fait
des prothèses amovibles.
M. LAFRANCE: Qui a décidé, tout simplement, sans aucune
formation parce que vous ne la donnez pas.
M. AUPRIX: Il a toute la formation nécessaire.
M. LAFRANCE: Qui la lui donne? Actuellement, il n'y a pas de
denturologistes.
M. AUPRIX: Je regrette, il y a l'Association des denturologistes du
Québec. Il y a un mémoire de présenté par
l'association.
M. LAFRANCE: Est-ce qu'ils existent ou s'ils n'existent pas?
M. BRAULT: Si vous me permettez, d'abord, je vous ai donné,
tantôt, la limite de l'intervention du CEGEP Edouard-Montpetit. D'une
part, il y a tout le débat qui peut impliquer des gens qu'on accuse de
pratique illégale de part et d'autre, mais par ailleurs, le CEGEP
Edouard-Montpetit forme des techniciens dentaires parce que, si on veut,
l'accueil légal que l'on fait aux gens qui sont formés en
technique dentaire se limite à celui que le CEGEP Edouard-Montpetit
offre, c'est-à-dire aux techniques dentaires reconnues depuis X
années et que M. Auprix a expliquées tantôt. Mais le CEGEP
Edouard-Montpetit comme tel ne peut pas non plus former des techniciens
dentaires denturologistes tant que les techniciens dentaires denturologistes ne
seront pas reconnus. C'est vous-même qui l'avez souligné ce matin,
je vous ai entendu, avec un représentant d'une association. Il existe un
certain nombre de gens qui se disent denturologistes. Mais, pour l'instant, ils
ne sont reconnus nulle part. C'est un état de fait que sans doute cette
loi-ci a décidé de prendre en considération. Mais, comme
tel, le CEGEP Edouard-Montpetit se doit de dispenser un enseignement qui
s'inscrit dans le cadre des métiers légalement reconnus. C'est ce
que fait le CEGEP, mais il se dit, par ailleurs, apte à faire plus ou
à faire autre chose si une loi lui permet de former des techniciens qui
se dirigeront vers autre chose.
M. LAFRANCE: Etes-vous capable de me dire, au CEGEP Edouard-Montpetit,
le nombre d'heures d'enseignement en anatomie, en physiologie, en pathologie,
en histopathologie en micropathologie et en physiopathologie?
M. BRAULT: Je vous renvoie à la page 37 du mémoire. M.
Auprix pourra vous donner le détail. Le tableau à droite indique
le nombre d'heures.
M. AUPRIX: Prenez la page 37 et allez à la cinquième
ligne. Vous voyez: Anatomie dentaire I et les chiffres 1-3-3; 1 désigne
l'enseignement théorique, le premier 3 l'enseignement pratique et le
deuxième 3, un travail personnel que le professeur donne à chaque
élève; c'est par semaine ça. Vous allez en deuxième
session...
M. LAFRANCE: C'est en nombre d'heures?
M. AURPIX: C'est ça, par semaine. Vous allez à: Anatomie
dentaire, en deuxième session, la quatrième ligne, vous voyez:
Anatomie dentaire II. Vous voyez encore sept heures par semaine. Cela veut dire
que, pendant l'année, ils ont sept heures par semaine. Biologie humaine
I et II, la pondération est augmentée en 3-2-3; cela veut dire
huit heures par semaine.
Si vous allez en cinquième session, vous voyez:
Physio-pathologie, 0-2, deux heures; quatre heures et aussi, en sixième
session, encore quatre heures. Vous avez aussi microbiologie, en
deuxième session, la dernière ligne du bas, 3-1-3, ce qui donne
sept heures.
M. LAFRANCE: Vous avez mentionné tantôt qu'il y avait des
dentistes qui donnaient des cours au CEGEP Edouard-Montpetit. Pouvez-vous me
donner les noms?
M. AUPRIX: Le Dr Bussières enseigne l'histologie en
physio-pathologie c'est un des deux professeurs de l'Université
de Montréal qui enseigne aussi en art dentaire et le Dr Metzler,
qui donne l'autre cours de physio-pathologie. Le Dr LaHaye enseigne l'anatomie
dentaire I. Les Drs Brunet, LaHaye et...
M. LAFRANCE: Ils n'y vont pas souvent, vous ne les connaissez pas.
M. AUPRIX: Ils se divisent le groupe. M. LAFRANCE: Il y en a moins que
ça. M. AUPRIX: Et le Dr Bordeleau.
M. LAFRANCE: Vous confectionnez les prothèses dentaires. Vous
savez qu'une prothèse dentaire ou deux prothèses dentaires
peuvent causer des lésions au niveau de l'articulation
temporo-mandibulaire...
M. AUPRIX: Des lésions?
M. LAFRANCE: Des lésions au niveau de l'articulation
temporo-mandibulaire. Connaissez-vous l'articulation temporo-mandibulaire?
M. AUPRIX: Oui.
M. LAFRANCE: Vous la connaissez? Est-ce que ça peut arriver qu'il
se produise des lésions à ce niveau à la suite de
prothèses dentaires, de fabrication de prothèses?
M. AUPRIX: Cela pourrait arriver.
M. LAFRANCE: Dans ces conditions, quel recours pourrait avoir le citoyen
ou de quelle façon pourrait-on régler le problème? De
quelle façon les denturologistes pourraient-ils régler le
problème légalement?
M. AUPRIX: En le référant à un spécialiste
en chirurgie buccale.
M. LAFRANCE: Ah bon! on cause le dommage et on les réfère
à d'autres après. Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
L'Association des denturologistes du Québec.
M. BRAULT: Nous vous remercions de nous avoir entendus.
M. LE PRESIDENT: Je demanderais à l'Association des
denturologistes du Québec, à son représentant, de bien
vouloir s'identifier et identifier son groupe.
Association des denturologistes du
Québec
M. MASAROLA: M. le Président, mon nom est Yvan Masarola. Je suis
avocat et conseiller juridique de l'Association des denturologistes du
Québec. Cet après-midi, le président de l'Association des
denturologistes, M. Michel Saint-Louis, vous fera l'exposé des
commentaires qu'il a à faire relativement au bill 266.
J'aimerais cependant vous présenter les membres du bureau de
direction de l'association. Commençant à ma gauche, M. Gaston
Choquette, M. Sylvain, M. André Lamaire, le vice-président Yvon
Goudreau, le président Michel Saint-Louis et, à ma droite, M.
Yvan Duchesne, M. Jean Blache et le secrétaire-trésorier, M.
Jean-Pierre Leroux.
Je voudrais maintenant céder la parole à M. Michel
Saint-Louis, le président, qui vous fera ses commentaires sur le bill
266.
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, l'Association des denturologistes du Québec voudrait,
premièrement, remercier cette commission de l'avoir invitée
à présenter un mémoire sur le code des professions.
L'Association des denturologistes
du Québec compte 255 membres qui sont tous membres en
règle de l'Association des techniciens dentaires de la province de
Québec. C'est d'ailleurs une condition sine qua non pour faire partie de
notre association.
La formation de cette association découle du fait que plusieurs
techniciens dentaires, constatant les services qu'ils rendaient à la
population et voyant la persécution du Collège des chirurgiens
dentistes de la province de Québec par ses arrestations continuelles et
la saisie de l'équipement complet dans leur laboratoire, ont
décidé de former cette association afin de pouvoir revendiquer
les droits qui leur reviennent.
Depuis plus de dix ans, ils demandent la reconnaissance de leur
profession. L'Association des denturologistes du Québec désire
remercier et féliciter le gouvernement pour avoir reconnu, par le bill
266, une situation de fait qui existe depuis longtemps. Nous appuyons
entièrement le bill 266, sauf que nous soumettons aux membres de cette
commission quelques amendements à l'article 6 de ce bill qui
définit la profession de la denturologie, afin qu'il n'y ait aucune
équivoque quant à l'interprétation de cette loi.
A l'article 6 de la Loi sur la denturologie, il est dit: "Constitue
l'exercice de la denturologie tout acte qui a pour objet de vendre, de fournir,
de poser ou de remplacer des prothèses dentaires amovibles qui
remplacent la dentition naturelle. Dans l'exercice de sa profession, il est
interdit à un denturologiste de poser un acte qui a pour objet de
diagnostiquer ou de traiter les maladies des dents, de la bouche ou des
maxillaires chez l'être humain."
L'association des denturologistes demande un amendement à cet
article, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Comme nous avons pu
le remarquer ce matin et à d'autres réunions de cette commission,
nous ne tenons plus à avoir devant les tribunaux les guerres que nous
avons eues depuis plus de 50 ans. Afin qu'il n'y ait pas d'équivoque,
par rapport au bill 254 qui dit à l'article 24: "Nonobstant toute autre
loi générale ou spéciale, les dentistes sont
habilités..., à prendre des empreintes et des articulés et
à faire l'essai, la pose l'adaptation, et la vente des dispositifs
adjoints ou conjoints. Aux fins du présent article, les mots
"dispositifs adjoints" désignent une prothèse dentaire amovible
qui remplace la dentition naturelle et les mots "dispositifs conjoint
désignent une prothèse fixe qui est ajoutée ou
intégrée à la dentition naturelle."...
Et l'article 25 dit: "Sous réserve des droits et
privilèges expressément accordés par la loi à
d'autres professionnels, les actes décrits aux articles 23 et 24 sont
réservés aux dentistes."
Alors, les denturologistes, comme je le disais, afin qu'il n'y ait pas
d'équivoque, aucune ambiguïté, demandent qu'à
l'article 6 de la Loi sur la denturologie, soient intégrés la
prise d'empreintes, les articulés, l'essai, l'adaptation et "qui a pour
objet de fabriquer et de réparer."
La fabrication et la réparation n'étant pas incluses
à l'article 6, par rapport à l'article 10 de la Loi sur la
denturologie qui dit qu'il est interdit à un denturologiste d'avoir des
intérêts dans un laboratoire dentaire, nous demandons, encore une
fois, que le législateur puisse introduire la fabrication et la
réparation.
Parce que, pour un denturologiste, il est bien clair que pour rendre un
service impeccable à un patient, il est très important de pouvoir
fabriquer et réparer cette prothèse dentaire. Nous nous sommes
renseignés et nous savons que c'est bien dans l'esprit du
législateur. Mais, je crois que les membres de cette commission n'auront
certainement aucune objection à recommander à l'Assemblée
nationale que des lois soient claires et précises, afin que la
population puisse les interpréter comme il se doit.
Maintenant, nous demandons, s'il est possible, que les membres de cette
assemblée recommandent à l'Assemblée nationale que
l'article 6 soit constitué comme tel: Constitue l'exercice de la
denturologie tout acte, dont la prise d'empreintes, les articulés,
l'essai, l'adaptation et qui a pour objet de fabriquer, de réparer, de
vendre, de fournir, de poser ou de remplacer les prothèses dentaires
amovibles qui remplacent la dentition naturelle. Tout ceci pour bien
éclairer la population et afin qu'il n'y ait aucune équivoque
dans l'esprit des tribunaux si, plus tard, nous sommes appelés, encore
une fois, devant eux.
M. le Président, je remercie les membres de m'avoir
écouté et maintenant, je suis à leur disposition pour
répondre aux questions.
M. CASTONGUAY: M. le Président, je voudrais remercier les
représentants de l'Association des denturologistes pour le
mémoire qu'ils nous ont présenté et, compte tenu de la
nature des commentaires qui ont été faits et des explications que
j'ai tenté d'apporter en ce qui a trait aux amendements que nous
envisageons quant à la Loi de l'hygiène publique, je n'aurai pas
de questions, pour le moment, à poser.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, après l'adoption
de la loi 266 qui reconnaîtrait officiellement votre profession, est-ce
que vous avez prévu certains programmes de formation additionnels pour
ceux, parmi vos membres, qui pourraient requérir une telle
formation?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, pour répondre au
député de Montmagny; dans l'esprit des membres de l'association
des denturologistes, les membres, quant à nous, sont compétents
pour prendre des empreintes et des articulés puisque, depuis 50 ans,
cela se pratique au Québec. Maintenant, notre association, qui, entre
parenthèses, a été instituée par la Loi
des syndicats professionnels le 13 avril 1970, ne s'opposera
sûrement pas à ce qu'il y ait des cours de recyclage ou de
perfectionnement pour que nos membres puissent, dans l'avenir, bien servir le
public.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous avez fait état du nombre
de membres que vous comptez dans votre association?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, notre association compte
je l'ai mentionné tout à l'heure 255 membres.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quelle est leur répartition sur le
territoire du Québec? Est-ce qu'il y a concentration dans les
villes?
M. SAINT-LOUIS: La répartition, sur le territoire du
Québec, se situe à environ 50 p.c. dans la région de
Montréal, 35 p.c. dans la région de Québec et, dans la
région de l'Abitibi, il y a quatre ou cinq denturologistes; dans la
région de Hull, deux denturologistes et dans la région des
Cantons de l'Est, environ une quinzaine.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous faisiez état tantôt, par
incidence, des difficultés que vous avez eues depuis cinquante ans
à pratiquer une profession qui n'a pas de reconnaissance officielle, si
ce n'est la reconnaissance par la Loi des syndicats professionnels en 1970.
Est-ce qu'il y a eu beaucoup de poursuites de la part du Collège des
dentistes?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, je ne puis apporter une
réponse exacte.
M. CLOUTIER (Montmagny): Non, je ne vous demande pas...
M. SAINT-LOUIS: Je peux vous dire que, avant que des techniciens
dentaires ne se groupent pour former une association afin de pouvoir, au moins,
se défendre devant les tribunaux, je puis vous dire que plusieurs
techniciens dentaires étaient poursuivis par le Collège des
chirurgiens dentistes. Je puis aussi vous dire que beaucoup de techniciens
dentaires ont souffert de cela à cause de l'équipement qui
était saisi. Dans l'Association des techniciens dentaires, avant 1960,
on peut mettre 10 p.c. à 15 p.c. du nombre, qui étaient à
ce moment 350 ou 400 techniciens dentaires. Depuis que l'Association des
denturologistes de Québec a été formée, depuis nos
contestations devant nos tribunaux et depuis que la population a
été mise au courant de cette situation, le Collège des
chirurgiens dentistes a sensiblement diminué les arrestations contre les
denturologistes.
M. CLOUTIER (Montmagny): Récemment quand je dis
récemment, c'est depuis que la Loi des syndicats professionnels vous a
recon- nus est-ce qu'il y a eu des poursuites fréquentes ou si
c'est très rare?
M. SAINT-LOUIS: Oui, il y a eu des poursuites après la formation
de notre syndicat professionnel. Cela a toujours été en diminuant
surtout après que nous eûmes fait une démonstration devant
le Collège des chirurgiens dentistes et que tous les journaux ou presque
de la province en eurent parlé. Je parle surtout de la région de
Montréal puisque dans la région de Québec, il y a encore
des poursuites, il y a encore des denturologistes qui se font saisir leur
matériel.
M. CLOUTIER (Montmagny): L'Association des techniciens dentaires nous a
parlé ce matin, de ses relations avec les dentistes. Est-ce que vous
avez, vous-même comme association, des contacts, soit avec le
Collège des chirurgiens dentistes ou l'Association des chirurgiens
dentistes?
M. SAINT-LOUIS: L'Association des denturologistes a rencontré, il
y a environ cinq ou six mois, deux membres du comité exécutif de
l'Association des chirurgiens dentistes au 759 est, rue Mont-Royal, qui est le
secrétariat des denturologistes. Après une discussion franche,
sincère, les deux membres de cet exécutif, qui étaient
présents ce matin, ont avoué qu'ils n'avaient pas tellement
d'objections, quant à eux, à ce que les denturologistes puissent
prendre des empreintes et des articulés. C'est la seule rencontre que
nous avons eue.
Etant le président de mon conseil exécutif, j'ai fait part
de ma rencontre aux membres de mon conseil. Par après, il me semble que
ces relations n'étaient plus très favorables, c'est-à-dire
que l'Association des dentistes ne semblait plus très favorable à
ces rencontres.
M. CLOUTIER (Montmagny): De leur témoignage devant la commission
parlementaire témoignage auquel vous avez assisté
est-ce que vous pouvez en conclure que leur attitude vis-à-vis de votre
association ou le dialogue qui semblait être établi est
changé ou si les chirurgiens dentistes seraient prêts à
entreprendre une discussion avec votre association, préalablement
à l'adoption de ces lois spécifiques et du bill 250?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, je ne peux répondre
à la place des membres de l'Association des chirurgiens dentistes. Quant
à nous, l'Association des denturologistes est toujours prête
à discuter avec n'importe qui. Nous appuyons fortement le gouvernement
et croyons que le gouvernement, avant de présenter un tel projet de loi,
a certainement eu des comités qui ont étudié cette chose,
pour que les denturologistes puissent pratiquer publiquement. C'est
évident que si nous avons une rencontre avec l'Association des
chirurgiens
dentistes, qui semble peut-être moins s'opposer que le
Collège des chirurgiens dentistes parce que nous avons
découvert, ce matin, que l'Association des chirurgiens dentistes serait
peut-être prête à ce que les denturologistes aient le droit
de prendre des empreintes, mais sous surveillance directe d'un dentiste ou sur
ordonnance d'un médecin.
Alors, nous ne pouvons accepter cela parce qu'il a été
prouvé en Colombie-Britannique, où le projet de loi avait ainsi
été adopté, que les denturologistes de cette province
pouvaient avoir le droit de fabriquer ou de prendre les empreintes sous
ondonnance d'un dentiste. Seulement un an après, le gouvernement de
cette province a été obligé d'amender cette loi parce que
les dentistes profitaient de cette occasion de donner une ordonnance... Il faut
bien se dire qu'une fois le projet de loi 266 voté, le public aura
toujours le choix entre un denturologiste et un dentiste. Les dentistes, par
cette loi, comme nous avons pu comprendre, ont toujours le droit de prendre des
empreintes et même de fabriquer des prothèses dentaires.
Comme je le dis, dans d'autres provinces, cette ordonnance devait
permettre à une personne d'aller chez un denturologiste. Le gouvernement
a été obligé d'amender cela parce que le dentiste
profitait trop de cette chose, au rabais sur une ordonnance, si vous faites
faire vos prothèses dentaires ici plutôt que d'aller chez un
dentiste. Je n'ai aucune objection à ce que les dentistes puissent faire
des dentiers ou des prothèses dentaires mais je crois que, quand aux
relations des dentistes, nous sommes toujours prêts à discuter,
mais quant à nous, vous pouvez être assurés que nous
appuyons le gouvernement pour le bill 266.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Vous demandez un amendement à l'article 6. Si cet
amendement vous était refusé, est-ce que vous seriez
obligés de vous considérer comme étant dans
l'illégalité?
M. SAINT-LOUIS: Non, pas du tout. Nous ne nous considérerions pas
dans l'illégalité mais nous demandons cet amendement afin qu'il
n'y ait plus d'état de guerre entre, d'une part, des techniciens
dentaires qui voudraient devenir denturologistes par rapport à
l'état de guerre entre l'Association des techniciens dentaires et le
gouvernement, ou l'état de guerre aussi entre l'Association ou la future
corporation des denturologistes avec le Collège des chirurgiens
dentistes, afin que nos membres ne soient plus traduits devant les tribunaux et
que les dentistes plaident que, sous droits et privilèges
expressément accordés par la loi 254, les actes décrits
aux articles 23 et 24 sont réservés aux dentistes. Alors, l'acte
de la prise d'empreintes, des articulés et de l'essai étant
inscrit à l'article 24 et n'étant pas inscrit au nôtre,
c'est pour cela que nous demandons à ce qu'il soit inscrit afin que ce
soit bien clair.
M. GUAY: Ce serait une clarification nécessaire. Deuxième
question, étant donné que les denturologistes ou techniciens
dentaires fournissent à une grande partie de la population qui a besoin
de prothèses on a mentionné que c'était
peut-être 80 p.c. est-ce que vous avez eu dans le passé un
moyen de publicité quelconque pour acquérir cette nombreuse
clientèle?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, pour répondre au
député de Dorchester, les denturologistes desservent 80 p.c. de
la population et les denturologistes, après avoir lu un débat de
la commission parlementaire, je puis vous assurer une chose, c'est que les
denturologistes n'ont jamais fait de porte à porte; pis encore, ils
n'ont jamais fait de publicité. Parce que les denturologistes, pour
pratiquer en public, pour prendre des empreintes devaient toujours prendre
quelqu'un qui été référé par un autre
à cause justement de la peur de prendre un agent provocateur qui aurait
été envoyé par le Collège des chirurgiens dentistes
afin de monter une cause contre les denturologistes.
Alors, il faut bien se dire que, quand quelqu'un réfère
une personne à un denturologiste afin qu'il puisse se faire faire des
prothèses dentaires, c'est parce que lui-même aura
été satisfait et les denturologistes n'avaient, avant cette
année, aucune publicité. Alors, pour référer
quelqu'un à un autre afin qu'il puisse se faire faire des
prothèses dentaires, il faut tout de même que cette personne ait
été satisfaite.
M. GUAY: Maintenant, sur quoi vous basez-vous pour affirmer un chiffre
aussi important que 80 p.c. de la clientèle ayant besoin de
prothèses dentaires?
M. SAINT-LOUIS: Nous nous basons, pour répondre à M. Guay,
sur une déclaration du Dr Nadeau, un des six spécialistes en
prothèse dentaire au Québec, qui est à l'Université
de Montréal, dans la presse du 5 janvier 1970. Il a
déclaré lui-même que 80 p.c. de la population avait recours
dans le temps à des techniciens dentaires pour se faire fabriquer des
pièces de prothèse dentaire amovible.
M. GUAY: Est-il arrivé dans le passé que des
médecins vous ont référé directement des clients
qui avaient besoin d'une prothèse dentaire, au lieu de les diriger vers
un dentiste?
M. SAINT-LOUIS: Oui, il est arrivé à maintes reprises que
des médecins ont référé des patients; j'ai
même des lettres que des médecins ont envoyées à des
patients pour qu'ils puissent faire affaire avec un denturologiste afin de se
faire fabriquer des pièces de prothèse dentaire. Ce sont des
médecins qui avaient vu la bouche
du patient et qui ont référé ce patient à un
technicien dentaire.
M. GUAY: Maintenant, il semblerait que les dentistes reçoivent
les plaintes qui sont formulées à l'endroit des dentorologistes.
Est-ce que vous recevez des plaintes de patients qui ont été
traités par des dentistes? Peut-être que c'est toujours vice versa
l'histoire des plaintes ou encore recevez-vous des plaintes directement de vos
patients?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, pour répondre au
député de Dorchester, il est évident que nous ne sommes
pas une corporation et nous n'avons pas l'intention non plus de voir à
ce que les patients soient bien traités ou de référer une
plainte au Collège des chirurgiens dentistes. Venant de nous, je pense
qu'elle serait refusée. Mais nous avons, chaque jour, de nombreuses
plaintes. J'en ai des plaintes contre les chirurgiens dentistes. Le
député de Dorchester a soulevé une question, il me fait
plaisir de répondre, parce que, quand on a parlé d'adaptation de
prothèse dentaire, on a dit que seul un dentiste pouvait adapter une
prothèse dentaire. Je trouve ça un peu drôle, parce que
j'ai des patients ou mes confrères ont des patients dont les
prothèses auraient été faites par un dentiste qui aurait
commis des erreurs. Quand on vient me dire que, pour adapter une
prothèse dentaire, il faut peut-être sept, huit ou neuf
matières, c'est un peu fort. Quand après une lettre
envoyée au Collège des chirurgiens dentistes, on se permet de
répondre à cette dame: En réponse à votre lettre,
nous tenons à vous faire savoir que, dans certains cas, la
période d'ajustage et d'adaptation de pièces de prothèse
complète est parfois longue et demande beaucoup de patience et de
persévérance, je ne crois pas que ce fut le dentiste qui a
adapté, avec tous les cours qu'il aurait pu suivre, la pièce de
prothèse dentaire. Mais, je crois que et c'est signé par
le Dr Roger Charette, du comité des griefs ce ne sont plus les
cours. Le collège répond que la personne doit s'adapter au
dentier, que ça prend parfois quelque temps. Il ne faut tout de
même pas déborder et dire qu'il faut de sept à neuf
matières pour adapter une prothèse dentaire. Une prothèse
dentaire s'adapte, on la met dans la bouche, si elle touche trop fort, c'est
entendu que ça va peut-être blesser un peu; à ce
moment-là, le denturologiste n'a qu'à en enlever un peu, la
prothèse dentaire s'adapte et quelquefois la personne revient au bout de
deux ou trois jours et la prothèse dentaire s'étant
adaptée, rentrée quelque peu, il faut en enlever encore un peu,
on en enlève. Cela arrive dans 95 p.c. des cas, mais il ne faut pas
sept, neuf et dix matières pour adapter une prothèse dentaire
à une gencive.
M. GUAY: Croyez-vous que si vous aviez désormais le droit de
prendre des empreintes, cela pourrait éviter un grand nombre d'erreurs
par exemple dans la fabrication de prothèses? Quand je parle d'erreurs,
par exemple, je parle d'un client qui recevrait une prothèse mal
fabriquée à cause d'empreintes mal prises. Que serait-ce si vous
aviez également le droit de faire ce qu'on appelle l'installation?
M. SAINT-LOUIS: Il est évident, M. le Président, que
lonsqu'un denturologiste fabrique une pièce de prothèse dentaire
amovible, il a beaucoup plus de chance de bien réussir sa pièce
de prothèse, parce qu'il voit directement son patient.
De là, il peut placer des dents avec un moule qui correspond
à la figure du patient, avec la couleur qui correspond à celle de
la figure, des yeux et des cheveux du patient. Ce sont tous des facteurs
très importants afin de bien confectionner une prothèse
dentaire.
Mais lorsqu'on reçoit des empreintes de la part d'un dentiste,
quand bien même l'ordonnance serait remplie jusqu'au moindre
détail, ce n'est pas comme lorsqu'on voit directement le patient.
J'imagine que, pour confectionner un habit sur mesure, si vous voyez la
personne, vous prenez les mesures vous-même, le résultat en sera
de beaucoup amélioré.
M. GUAY: Une grande partie de votre clientèle est sans doute due
à un prix moins élevé pour la confection de
prothèses. Mais comment expliquez-vous si c'est possible, je ne
vous oblige pas à répondre qu'une prothèse dentaire
ait coûté, il y a quelques années, $700? Est-ce que c'est
explicable?
M. SAINT-LOUIS: Qu'une prothèse dentaire coûte $700?
M. GUAY: Disons, comme spécification, que c'est une
prothèse en vitalium.
M. SAINT-LOUIS: De la part d'un denturologiste, vous voulez dire?
M. GUAY: Apparemment, c'est un dentiste qui n'aurait peut-être pas
fabriqué la pièce, mais qui aurait tout de même
commandé la pièce. Et l'an dernier, cette même
prothèse aurait coûté $350, uniquement en
réparations. Est-ce que c'est quand même possible de trouver, chez
un denturologiste, un prix aussi élevé pour fabriquer ou
réparer une prothèse dentaire?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, on va prendre la
réparation de prothèse dentaire que le député de
Dorchester mentionne. Je crois personnellement que, pour une réparation
de prothèse dentaire en vitalium, un métal qui est de très
bonne qualité, $350 je crois que mes confrères seront de
mon avis c'est très exagéré.
M. GUAY: Maintenant, j'ai vu les factures. Comme dernière
question, M. Saint-Louis, en toute franchise, pouvez-vous nous dire si on
exclut le député de Rivière-du-Loup qui est
carrément contre le projet de loi 266?
M. LAFRANCE: M. le Président, le député de
Dorchester est encore novice en politique. Vous devriez peut-être le
rappeler à l'ordre et lui dire qu'il n'a pas le droit de prêter
des intentions à un collègue.
M. GUAY: ... à l'odre.
M. BROCHU: M. le Président, sur la même question de
règlement. Etant novices, c'est peut-être ce qui fait que nous
portons davantage intérêt aux vrais problèmes.
M. SAINT-LOUIS: Est-ce que je peux répondre à la
question?
M. LAFRANCE: Non, il n'y a pas de question.
M. SAINT-LOUIS: La question est de savoir qui est, à ma
connaissance, contre le bill 266.
M. GUAY: Je pourrais présenter ma question autrement. Est-ce que
vous avez eu des représentations démontrant une contradiction
avec le projet de loi 266, face aux denturologis-tes ou aux techniciens
dentaires?
M. SAINT-LOUIS: A notre connaissance, ceux qui ont apporté des
objections au bill 266: le Collège des chirurgiens dentistes,
l'Association des chirurgiens dentistes, l'Association des prothodontistes et
la Ligue d'hygiène dentaire. Mais je crois que ce sont tous des
dentistes. Je ne sais pas si le député de Rivière-du-Loup
est un dentiste. Je dis cela parce que M. Guay a dit qu'il était
contre.
A part cela, je n'ai rencontré personne. Au contraire, j'ai fait
des émissions de radio au poste CKLM, au poste CKVL, au poste CJRP de
Québec et au poste CHRS. Je peux vous dire, M. le Président, que
le public qui appelait était en faveur du bill 266 à 99 p.c.
M. GUAY: Dernière question, M. le Président. Est-ce que
les denturologistes s'opposent à la loi des dentistes?
M. SAINT-LOUIS: Aucunement, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Le député de Bourget.
M. LAURIN: Quelle différence établissez-vous entre, d'une
part, un technicien dentaire et un denturologiste et, d'autre part, entre
l'Association des techniciens dentaires et l'Association des
denturologistes?
M. SAINT-LOUIS: La différence entre un technicien dentaire et un
denturologiste, c'est que le technicien dentaire se dévoue unique- ment
à desservir le dentiste, c'est-à-dire comme auxiliaire du
dentiste, à fabriquer les pièces de prothèse dentaire, les
ponts fixes, couronnes et ponts et les partiels en métal.
Tandis que le denturologiste dessert le public, c'est-à-dire en
lui fabriquant en prenant les empreintes nécessaires des
pièces de prothèse dentaire complète ou partielle.
M. LAURIN: Est-ce à dire que le denturologiste ne travaille
jamais sur ordonnance d'un dentiste mais directement à la demande d'un
citoyen?
M. SAINT-LOUIS: Le denturologiste travaille pour une personne qui
s'adresse à lui pour se faire fabriquer des pièces de
prothèse dentaire amovible sans aucune ordonnance.
M. LAURIN: Donc, si j'en crois ce qu'on nous disait ce matin, à
l'Association des techniciens dentaires, les 255 membres que vous
représentez s'inscriraient dans les 400 membres dont on nous parlait ce
matin...
M. SAINT-LOUIS: 500.
M. LAURIN: ... qui pratiquent dans l'illégalité?
M. SAINT-LOUIS: Oui, tous les membres de notre association sont membres
de l'Association des techniciens dentaires.
M. LAURIN: Et donc pratiquent dans l'illégalité?
M. SAINT-LOUIS: Certains ne sont pas membres de notre association et
sont de l'Association des techniciens dentaires, mais pratiquent quand
même dans l'illégalité.
M. LAURIN: Vous avez parlé de la situation qui prévaut
dans d'autres provinces du pays. Vous avez parlé de la
Colombie-Britannique qui avait, tout en reconnaissant les denturologistes,
émis un article à l'effet que le travail du denturologiste ne
pouvait se faire que sur ordonnance d'un dentiste. Vous dites que cet article a
été rescindé à la demande de la population?
M. SAINT-LOUIS: Je ne puis vous dire si c'est à la demande de la
population. Mais cet article a été retiré de la loi qui
régissait les denturologistes parce qu'il semblait y avoir conflit, que
la population n'était pas d'accord sur cet article.
M. LAURIN: Combien d'autres provinces au Canada reconnaissent la
denturologie?
M. SAINT-LOUIS: L'Alberta.
M. LAURIN: Il n'y a pas d'autres provinces, jusqu'ici?
M. SAINT-LOUIS : Non. Il y a des projets de loi présentés
dans d'autres provinces.
M. LAURIN: Dans combien d'autres provinces?
M. SAINT-LOUIS: L'Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan.
M. LAURIN: Est-ce que des provinces se sont prononcées contre la
denturologie?
M. SAINT-LOUIS: Le Manitoba, dernièrement, a rejeté un
bill sur la denturologie, à 21 contre 22.
M. LAURIN: Et dans d'autres provinces, vous n'êtes pas au
courant?
M. SAINT-LOUIS: Non, les autres provinces ne l'ont pas encore
rejeté.
UNE VOIX: La Nouvelle-Ecosse. M. SAINT-LOUIS: Peut-être.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rivière-du-Loup, Dr
Lafrance, dentiste.
M. LAFRANCE : M. Saint-Louis, pour continuer dans le même ordre
d'idées, est-ce que vous êtes le frère de M. Aimé
Saint-Louis?
M. SAINT-LOUIS: Je suis le frère de M. Saint-Louis.
M. LAFRANCE: Je pense que vous auriez intérêt à vous
documenter peut-être un peu plus parce que ce n'est pas le Manitoba mais
la Nouvelle-Ecosse qui a rejeté dernièrement le bill des
denturologistes.
M. SAINT-LOUIS: J'ai pu faire erreur. Je m'en excuse.
M. LAFRANCE: De la part d'un président, je pense que c'est
absolument indispensable parce que vous semblez avoir une très bonne
mémoire quand il s'agit de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
M. LAURIN: M. le Président, j'invoque le règlement. Je ne
pense pas que le député de Rivière-du-Loup ait le droit de
mener un contre-interrogatoire de cette façon.
M. TETLEY: Au contraire, M. le Président, je crois qu'il a
certainement le droit.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît! Comme j'ai dit ce
matin, il n'y a aucune manifestation permise dans la salle. Si je pense que les
remarques dépassent les règlements, je les arrêterai.
M. TETLEY: Je crois, M. le Président, que tout
député a le droit de contre-interroger un témoin ou
quelqu'un devant notre commission parlementaire. Le témoin en question a
certainement témoigné d'une certaine façon et je crois
qu'il est disposé à répondre aux questions.
M. LAFRANCE: M. le Président, je vous remercie. Je n'ai fait que
continuer une note explicative le genre de contre-interrogatoire.
On a ouvert une porte et j'en ai profité. Je reviens à d'autres
questions. Comment expliquez-vous qu'à la suite de la loi de la
denturologie, dans les deux provinces de l'Ouest, il y ait eu une augmentation
du prix des prothèses dentaires? Est-ce que vous êtes au
courant?
M. SAINT-LOUIS: Oui. Je ne communique pas tous les jours avec ces
provinces pour savoir tous les résultats. Comment l'expliquer? Je ne
peux pas plus l'expliquer que ce que le député de Dorchester a
soulevé tout à l'heure, pourquoi les dentistes avait
chargé $700 pour une pièce de de prothèse dentaire et $350
pour une réparation.
M. LAFRANCE: Si vous prenez un cas particulier, sans connaître
exactement ce qui s'est produit dans ce cas, je pense qu'il est assez difficile
d'en discuter. Vous l'admettrez avec moi parce qu'on peut ouvrir des cas
particuliers à différents niveaux.
J'aurais une autre question à vous poser. Vous dites dans votre
mémoire que les denturologistes possèdent les connaissances
requises à la prise d'empreintes. C'est textuel dans votre
mémoire. Tout à l'heure, nous avons entendu les
représentants du CEGEP Edouard-Montpetit et ils ont dit qu'au CEGEP
Edouard-Montpetit les cours de denturologistes ne sont pas donnés.
Où avez-vous pris la formation requise?
M. SAINT-LOUIS: Nous nous sommes formés nous-mêmes. C'est
un problème qui existe depuis 50 ans. Depuis 50 ans, la population fait
appel aux denturologistes, comme on les appelle maintenant, ceux-là qui
étaient appelés techniciens dentaires, autrefois. Nous nous
disons compétents et nous disons que les résultats que nous avons
prouvent ce que nous avançons. Je crois que si le public en
majorité était mal servi, il n'aurait pas constamment recours
à nos services. Nous n'avons appris dans aucune école, dans aucun
CEGEP comment prendre des empreintes parce que la loi 254 dit que seuls les
dentistes ont le droit de prendre des empreintes. Ce serait illogique qu'une
école ou un CEGEP enseigne à quelqu'un comment prendre des
empreintes si la personne qui enseigne n'est pas dentiste. Mais avec la loi
266, je crois que le gouvernement, qui a préparé ce projet de
loi, l'a étudié avant de le déposer, il me semble que le
gouvernement, dans les écoles de techniques dentaires, ajoutera à
cette formation pour
devenir denturologiste, des cours adéquats et
appropriés.
M. LAFRANCE: Ma question était la suivante: Où avez-vous
pris votre formation? Et vous m'avez répondu: Le problème existe
depuis 50 ans. Ce n'est pas la question, le problème existe depuis cinq,
dix ou cinquante ans. Je voudrais savoir où vous avez pris votre
formation.
M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il a répondu à la question.
Il a dit qu'il l'a fait par apprentissage.
M. SAINT-LOUIS: Nous avons appris par nous-mêmes à prendre
les empreintes.
M. LAFRANCE: Bon. Dans un autre endroit de votre mémoire, si vous
voulez, je vais vous lire le texte: "Dans l'exercice de sa profession je
ne peux vous dire à quelle page, parce que ce n'est pas
numéroté il est interdit à un denturologiste de
poser un acte qui a pour objet de diagnostiquer ou de traiter les maladies des
dents, de la bouche et des maxillaires chez l'être humain. Il est
évident que les denturologistes n'ont jamais eu la prétention de
poser des diagnostics, conscients qu'ils sont qu'un tel acte n'est pas de leur
ressort. Mais le denturologiste est obligé, avant d'effectuer la
fabrication de prothèses dentaires amovibles, d'apprécier
l'état des gencives et de la bouche pour savoir si telles bouche et
gencives sont prêtes à recevoir des prothèses dentaires
amovibles. "J'aimerais que vous me donniez la définition d'un
diagnostic, si ce n'est d'apprécier l'état des gencives.
M. SAINT-LOUIS: Pour répondre au député de
Rivière-du-Loup, lorsque le denturologiste reçoit son patient, il
ne veut pas avoir la prétention de poser un diagnostic comme ceci,
c'est-à-dire que, s'il voit une anomalie, de dire au patient qu'il a
telle ou telle maladie, et qu'il faudrait faire ceci ou faire cela. Lorsqu'un
patient vient nous voir, nous regardons sa bouche, et nous voyons s'il peut y
avoir une décoloration des tissus. A notre avis, cela peut être
une anomalie. Immédiatement, nous reférons cette personne chez un
médecin ou chez un dentiste. Deuxièmement, l'aspect digital. Si
nous touchons une gencive et que la personne ressent une douleur, à
notre avis, c'est une anomalie. Peut-être pas quand la personne a les
dents fraîchement extraites, alors que les empreintes ne doivent pas
être prises, mais une personne dont les dents ont été
enlevées depuis plus d'un an. Quand nous touchons la gencive et qu'il y
a une douleur, nous constatons une anomalie et nous reférons cette
personne à un dentiste ou à un médecin.
Troisièmement, sur les dents, si nous touchons une dent qui est
le centre de la douleur, encore une fois nous référons cette
personne à un dentiste ou à un médecin qui, seul, a la
compétence de diagnostiquer ces choses ou d'apporter les traitements
qu'il faut.
M. LAFRANCE: Alors, tout ce que vous venez de faire là, ce n'est
pas un diagnostic?
M. SAINT-LOUIS: D'après moi, non, c'est une constatation.
M. LAFRANCE: Quelle différence faites-vous entre une constatation
et un diagnostic?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, ces questions sont,
d'après moi, des questions techniques. Je ne suis pas médecin. La
différence entre une constatation et un diagnostic, pour moi je
n'ai pas fait les études d'un médecin, je ne peux pas donner un
paragraphe mais je peux vous dire que je puis constater que j'ai une
blessure ici. Si cela saigne, je n'ai pas besoin d'être un médecin
pour savoir qu'il faut que je place un ruban gommé ou, s'il y a quelque
chose, d'aller voir un médecin. Mais ce n'est pas un diagnostic que de
voir, lorsqu'un client ouvre la bouche, et de constater qu'il n'y a plus de
dent dans cette bouche et que la personne a une couleur de gencive qui n'est
pas ordinaire. Nous la référons chez un médecin ou un
dentiste.
M. LAFRANCE: Alors, avant de poser un acte médical, il n'est pas
nécessaire, d'après vous, de poser un diagnostic?
M. SAINT-LOUIS: Je m'excuse, M. le Président, je n'ai pas saisi
la question.
M. LAFRANCE: Je vais la répéter. Avant de poser des
prothèses dentaires ou avant de poser un acte médical, ce n'est
pas nécessaire, d'après vous, de faire un diagnostic?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, nous ne faisons pas de
diagnostic. Si nous trouvons qu'il y a anomalie dans la bouche, nous
référons la personne chez un dentiste qui, lui, fera le
diagnostic.
M. LAFRANCE: Alors, pour vous, un diagnostic, c'est de déterminer
une anomalie, point?
M. SAINT-LOUIS: Je n'ai jamais dit ça, M. le
Président.
M. LAFRANCE: Vous dites que vous faites un diagnostic ou...
M. SAINT-LOUIS: Non.
M. LAFRANCE: ... une appréciation. Si vous voyez, dans la bouche
d'un patient, une anomalie, vous le référez à un dentiste.
Donc vous faites un diagnostic.
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, je peux demander au Dr Lafrance
ce qu'il entend par un diagnostic.
M. LAFRANCE: C'est vous qui proposez le nom diagnostic ici et c'est vous
justement qui dites que vous ne posez pas de diagnostic. Mais il faut savoir de
quoi vous parlez, si vous parlez de diagnostic.
M. SAINT-LOUIS: Mais nous ne posons pas de diagnostic; nous constatons
s'il y a des anomalies, nous les référons.
M. LAFRANCE: Bon, d'accord. On ne s'étendra pas plus longtemps
là-dessus. Si vous voulez, on va arrêter là. Je vais vous
poser autre chose.
Vous avez mentionné tout à l'heure la répartition
des denturologistes dans la province. Si j'ai bonne mémoire, je pense
que vous avez dit ça tout à l'heure. Quel est le nombre
prévu des denturologistes, une fois que la loi sera adoptée?
M. SAINT-LOUIS: Si le bill 266 est adopté, la future Corporation
des denturologistes du Québec, des membres de l'Association des
techniciens dentaires qui voudront y être incorporés, peut se
situer, en pourcentage, à 60 p.c.
M. LAFRANCE : Pouvez-vous me donner des exemples, des cas que vous avez
déjà? Vous faites de la denturologie à l'heure actuelle,
je pense?
M. SAINT-LOUIS: Oui.
M. LAFRANCE: Alors la loi n'est pas passée et vous en faites?
M. SAINT-LOUIS: Oui, j'en fais.
M. LAFRANCE: Bon. Alors, pouvez-vous me donner des exemples de cas que
vous avez déjà référés à des
dentistes, dans des cas d'anomalies?
M. SAINT-LOUIS: Des cas que j'ai déjà
référés à un dentiste?
M. LAFRANCE: Que vous, les denturologistes, avez
référés à des dentistes parce qu'il y avait des
anomalies.
M. SAINT-LOUIS: C'est déjà arrivé
fréquemment. Par exemple, sans diagnostiquer, lorsque nous avons
constaté qu'il y avait, disons, des petits os, des petits ossements,
immédiatement, sans dire au patient que cela devait être
enlevé ou qu'il devait attendre, on lui disait de consulter un
dentiste.
M. LAFRANCE: Si, par hasard, il y avait une dent incluse?
M. SAINT-LOUIS: Si par hasard, il y avait une dent incluse...
M. LAFRANCE: Si, par hasard, il y avait une dent incluse, vous ne posez
pas de diagnostic. Qu'est-ce qui vous dit qu'il y a une dent incluse,
là?
M. SAINT-LOUIS: On l'envoie chez le dentiste se faire radiographier.
M. LAFRANCE: Vous ne le savez pas. Vous n'avez pas posé de
diagnostic.
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, je peux dire au
député de Rivière-du-Loup que j'ai déjà
travaillé dans des laboratoires pour des dentistes et que la grande
majorité ne prend pas de radiographie avant de prendre des
empreintes.
M. LAFRANCE: Vous avez travaillé pour un dentiste?
M. SAINT-LOUIS: Non, pour des laboratoires.
M. LAFRANCE: Vous avez travaillé pour des laboratoires et vous
savez que les dentistes ne prennent pas de radiographie?
M. SAINT-LOUIS: Oui, parce que beaucoup de dentistes prenaient leurs
empreintes dans notre laboratoire. Souvent.
M. LAFRANCE: C'est un beau laboratoire que vous avez. J'imagine que
c'est grand.
M. SAINT-LOUIS: Le laboratoire Charbon-neau.
M. LAFRANCE: Ah bon! Comment pouvez-vous dire que tous vos patients sont
satisfaits, sachant que dans bien des cas où ces patients sont
insatisfaits, ils n'ont aucun recours contre vous devant les tribunaux? Parce
que s'ils s'en vont devant un tribunal, ils sont aussi coupables que vous,
à l'heure actuelle.
M. SAINT-LOUIS: Si quelqu'un était mécontent de nos
services et voulait absolument faire corriger la situation, il s'adresserait au
Collège des dentistes qui, je crois, se ferait un plaisir de nous amener
devant les tribunaux sans mettre aucune charge et aucune offense sur le
témoin. C'est déjà arrivé après que le
denturolo-giste eut peut-être répété sa
prothèse dentaire six ou sept fois. Je ne crois pas que le
Collège des dentistes se gênerait pour intenter une cause contre
un denturologiste.
M. LAFRANCE: Connaissez-vous l'Association des dentiphysionomistes du
Québec?
M. SAINT-LOUIS: J'en ai entendu parler, parce qu'elle nous a
écrit une lettre nous
demandant si elle pouvait être intégrée à
notre association. Nous avons dit que pour être membre de notre
association, il fallait être membre de l'Association des techniciens
dentaires de la province de Québec et nous n'avons pu avoir d'autres
relations avec elle.
M. LAFRANCE: Elle ne fait pas partie de l'association des techniciens
dentaires?
M. SAINT-LOUIS: Nullement.
M. LAFRANCE: En ce qui concerne l'appellation de denturologiste, son
étymologie, d'où ça vient? Qui a fabriqué ce nom?
Etes-vous capable de me donner des renseignements là-dessus? J'aimerais
en connaître un peu plus.
M. SAINT-LOUIS: Là-dessus, je crois que, si mon confrère,
M. Yvon Goudreau, peut prendre la parole M. Goudreau depuis le
commencement a travaillé au mouvement de la den-turologie depuis 1957
il pourrait apporter une réponse qui pourrait satisfaire les
membres de cette commission.
M. GOUDREAU: M. le Président, vers 1964 et 1965, avec Me Jules
Geoffroy qui est aujourd'hui juge, nous avons travaillé pendant presque
deux ans à trouver un nom qui définirait très bien la
future personne qui pourrait transiger directement avec le public. Nous avons
passé toutes sortes de noms imaginables. On avait un seul nom qu'on
retenait toujours et qui pouvait vraiment définir un type pour faire des
prothèses dentaires, c'était dentiste. La confusion aurait
été épouvantable, il ne fallait pas la retenir. Il y a un
autre nom qui est aussi tout à fait français, c'est le nom
mécanicien dentiste que les anglais de l'Ouest retiennent, soit "dental
mechanist". Chez nous, un autre obstacle survenait. Si nous marquions notre nom
comme le fait le chirurgien dentiste, par exemple Dr Lafrance, d.d.s., nous
aurions marqué M. Michel Saint-Louis, m.d. Autre confusion. Il fallait
créer un nom de toutes pièces. Nous nous sommes aperçus,
à un moment donné, que le nom de denturologiste convenait
vraiment, à l'exception du suffixe, au mot denture. Nous avons retenu
denturologiste, mais peut-être le changer pour denturologue, changer le
suffixe logiste pour "logue"... Si les linguistes préfèrent nous
suggérer un autre nom, à ce moment, je ne vois aucun
inconvénient à ce que nous portions un autre nom.
M. LAFRANCE: Etes-vous d'accord avec votre ancien président
je crois que c'est M. Bleau qui nous disait l'an passé, le
11 mars, de regarder dans le dictionnaire Larousse, que le nom de
denturologiste y était inscrit?
M. GOUDREAU: Dans le dictionnaire Larousse, c'est impossible. Jean-Marie
Laurence linguiste, nous a dit: Si un jour, vous êtes
légalisés sous ce nom, peut-être qu'en 1984 le dictionnaire
Larousse le retiendra. C'est impossible, mais il y a quelque chose.
Je suis allé au même séminaire que le
distingué représentant du collège, le Dr Gosse-lin, j'ai
appris le même latin et le même grec que lui. Il a dit que le mot
denture n'était pas français. J'ai ici un dictionnaire
j'ai fouillé dans les étagères, cela sent un peu le moisi
et j'ai trouvé que le mot denture existe dans ce dictionnaire
latin-français et français-latin, édité à
Paris en 1929. Un autre point aussi extrêmement important à
retenir pour le choix du nom, parce qu'on veut être judicieux et que ce
soit vraiment français, c'est que quand on regarde dans un vieux
dictionnaire Cassell, et qu'on cherche le mot dentier, on nous dit : "Set of
teeth". Partant de là on retourne à "set", et à "set of
teeth" on nous dit: Denture ou râtelier. On est toujours
embêté entre deux choses, on est pris dans un dilemme. Il s'agit
de définir un nom. Moi, personnellement, l'avocat et tous mes
confrères, nous avons jugé qu'au Québec, pour une fois, on
ne copiait pas, on créait quelque chose.
M. LAFRANCE: M. le Président, en ce qui me concerne, je crois que
l'Association des denturologistes ne nous a pas assez éclairés.
Il y a des points qui sont encore obscurs. Comme je pense qu'on n'est pas
capable de nous donner plus d'explications, j'ai fini mon intervention.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous croyez que lorsque vous avez
déterminé visuellement les conditions de la bouche du patient,
c'est suffisant, au point de vue de la sécurité, et que le
patient peut accepter une prothèse après cet examen
élémentaire?
M. SAINT-LOUIS: Oui. Evidemment, M. le Président, depuis
longtemps, comme je l'ai dit, nous fabriquons, directement pour le public, des
pièces de prothèse dentaire. Il n'y a aucun danger pour le
patient parce que la pièce est amovible. S'il y a quoi que ce soit, rien
n'empêche le patient de retirer sa pièce.
M. SAINT-GERMAIN: Quelle est la scolarité moyenne des membres de
votre association? Quelle est leur formation de base?
M. SAINT-LOUIS: Tous les membres de notre association sont
classés par le gouvernement du Québec avec une quinzième
année de scolarité. Avant que les cours soient institués
au CEGEP Edouard-Montpetit, les futurs techniciens dentaires devaient avoir
complété une onzième année et cinq années de
cours en technologie dentaire, deux soirs par semaine, en plus de travailler
dans des laboratoires dentaires, pour l'apprentissage technique, pendant cinq
ans.
M. SAINT-GERMAIN: J'aimerais, M. le Président, poser la
même question que j'ai posée ce matin. Quelles sont, croyez-vous,
les causes profondes ou moins profondes de ce phénomène qui font
que les patients font appel, même illégalement, aux
mécaniciens dentistes au lieu de faire appel aux dentistes qui ont
pourtant, il faut le reconnaître, une compétence indiscutable en
ce domaine?
M. SAINT-LOUIS: Je crois, M. le Président,
qu'inévitablement les patients ou les personnes édentées
réclament les services d'un denturologiste parce que,
premièrement, il y a la question de prix. Evidemment, on peut dire
qu'une fois reconnus, les denturologistes hausseront leurs prix. Je ne vois pas
pourquoi ils hausseraient leurs prix. Les denturologistes sont très
satisfaits des prix qu'ils ont dans le moment. On dit que les denturologistes,
une fois reconnus, pour avoir des chaises et tout le cabinet devront hausser
leurs prix. Je crois que c'est faux parce que beaucoup de denturologistes ont
déjà leur cabinet, leurs chaises et leur laboratoire et les prix
sont restés les mêmes. Maintenant, lorsqu'on dit que les
denturologistes peuvent avoir les mêmes prix que les dentistes, je crois
que c'est faux. Si la personne est obligée de voir un dentiste,
inévitablement il reste qu'il y a encore l'intermédiaire qui doit
prendre les empreintes pour les envoyer par message intercepté à
un laboratoire. Cela fait deux personnes. Prenons seulement une
réparation de prothèse dentaire, une réparation de
prothèse dentaire brisée en deux.
Si vous allez la porter chez le dentiste qui, lui, la met dans une
enveloppe et la donne au messager pour qu'il la porte au technicien dentaire,
ce dernier la répare pour la remettre au messager qui lui, la redonne au
dentiste qui la remet au patient. Il n'y a même pas d'ordonnance à
remplir; il n'y a même pas d'empreintes à prendre, non plus.
Toutes ces personnes-là doivent être payées.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous croyez que la cause
déterminante est exclusivement la question de prix?
M. SAINT-LOUIS: Non. Je crois que les patients qui font affaires
directement avec celui qui fabrique la prothèse dentaire ont un meilleur
service, parce que celui-ci sait pour qui il la fabrique. Un dentiste ne
fabrique pas lui-même sa prothèse dentaire; il l'envoie au
technicien. Le technicien qui fabrique cette prothèse dentaire, dans la
majorité des cas, a une ordonnance où c'est simplement
écrit: Finir dentiers du haut et du bas pour vendredi, 4 heures. E ne
sait même pas si c'est un homme ou une femme, la couleur de ses yeux, sa
grandeur et la physionomie de son visage. Lorsque le denturo-logiste fabrique
la prothèse directement pour son patient, il peut donner un bien
meilleur service.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: Deux dernières questions. On nous a dit que, dans la
fabrication d'une prothèse dentaire, il y avait plusieurs
matériaux différents. Quand un denturologiste ou un technicien
dentaire fabrique une prothèse pour le compte d'un dentiste ou pour un
client qu'il traite directement, est-ce qu'il emploie les mêmes
procédés, les mêmes matériaux?
M. SAINT-LOUIS: Pour prendre des empreintes?
M. GUAY: Pour fabriquer la prothèse dentaire.
M. SAINT-LOUIS: Exactement les mêmes matériaux. C'est la
même chose que si le patient va chez le dentiste.
M. GUAY: En fait de fabrication et de qualité de prothèse,
il n'y a pas de différence quand le client passe par un dentiste ou s'il
traite directement avec vous?
M. SAINT-LOUIS: Aucunement. Les matériaux sont les mêmes
que si le patient se rend chez le dentiste.
M. GUAY: Un autre point que je voudrais toucher; juste une autre
question là-dessus. Est-ce que les ordonnances que vous recevez des
dentistes sont toujours complètes? Dans les études d'un
technicien dentaire ou d'un dentu-rologiste j'ai écouté
quand le CEGEP Edouard-Montpetit a comparu il semblait y avoir
énormément de points enseignés. Est-ce que ces ordonnances
sont toujours aussi complètes que le désirerait le denturologiste
ou le technicien dentaire?
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, pour répondre au
député de Dorchester, je puis vous dire que les
propriétaires de laboratoire que j'ai rencontrés m'ont tous
avoué que les ordonnances pour fabriquer une pièce de
prothèse dentaire n'étaient pas assez complètes. Il y a
des dentistes qui remplissent très bien les ordonnances, mais je ne
crois pas que la majorité des ordonnances soient remplies
adéquatement.
M. GUAY: Cela voudrait dire qu'il est préférable que celui
qui fabrique la prothèse voie le patient?
M. SAINT-LOUIS: Même si l'ordonnance est très bien remplie,
il n'y a rien pour remplacer la présence de la personne.
M. GUAY: Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. BROCHU: M. le Président, j'avais demandé la parole.
M. LE PRESIDENT: Le député de Richmond.
M. BROCHU: Je pense que l'amendement que M. Saint-Louis a proposé
tout à l'heure, il a vraiment touché le fond du problème
auquel ces spécialistes font face depuis leur existence et l'amorce de
solution possible se situe là aussi. On peut parler de la
continuité du service donné par un denturologiste, relativement
au réajustement des prothèses et à la suite de services
qui peuvent être donnés. On peut aussi parler de la qualité
des services, dans le sens de la fabrication d'une prothèse en fonction
d'une personne précise. Vous avez parlé de son teint, de sa forme
de visage, etc., ce qui est impossible dans l'autre cas. A cela, je souscris
entièrement.
Maintenant, j'aurais une question à poser, non pas au
président de l'association mais au médecin qui remplace M.
Castonguay. Il a dû s'absenter tout à l'heure. Est-ce que Dr
Fortier, vous pourriez nous faire part de l'intention du ministère
relativement à l'amendement qui a été proposé par
l'association qui vient de déposer un mémoire devant nous,
amendement tendant à préciser davantage la définition afin
que ces gens-là soient en mesure d'exercer librement, sans être
obligés d'exercer "bootlegger" en matière de denturologie.
Est-ce que vous êtes en mesure de nous informer des intentions du
ministère à ce moment-ci?
M. FORTIER: Nous prendrons connaissance de l'amendement et nous
aviserons l'association de la décision du ministère. Nous allons
aviser de la décision du ministère quand les fonctionnaires
l'auront étudié.
M. BROCHU: Mais est-ce qu'il est dans le plan d'ensemble de
définir de façon plus complète le champ d'exercice
précis?
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, ce sera
décidé quand nous aurons une réunion entre les membres de
la commission.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): Juste une remarque, parce que le
député de Richmond pose une question précise sur
l'intention du législateur à ce moment-ci. Nous nous
étions entendus, au début des travaux de cette commission, pour
entendre tous les témoignages des 140 organismes qui ont des
représentations à faire à la commission et, au terme des
audiences, nous aurions fait des représentations et le ministre aurait
répondu à des questions précises quant à son
intention. Parce qu'il peut arriver, en cours de route, qu'il y ait d'autres
représentations contraires. Alors, il faut avoir tout l'ensemble
du...
M. BROCHU: D'accord, quand on siégera strictement à la
commission parlementaire...
M. CLOUTIER (Montmagny): La dernière séance...
M. BROCHU: ... pour étudier ces questions-là.
D'accord.
M. GUAY: C'est ce qu'on appellera des séances de
délibération.
M. CLOUTIER (Montmagny): C'est ça, comme on l'a fait pour le bill
65.
M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas d'autres questions? Je remercie
l'Association des dentu-rologistes du Québec de leur mémoire et
pour la célérité avec laquelle ils ont répondu
à toutes les questions. Je vous remercie et je demanderais...
M. SAINT-LOUIS: M. le Président, j'aimerais remercier tous les
membres de cette commission de bien avoir voulu nous entendre.
M. LE PRESIDENT: Au nom des membres de la commission, nous vous
remercions et je demanderais à l'Association professionnelle des
propriétaires de laboratoires dentaires de la province de Québec
de bien vouloir prendre place.
Association professionnelle des propriétaires
de laboratoire dentaire
M. BOIVIN (Normand): M. le Président, j'aimerais d'abord vous
présenter les gens qui m'accompagnent. A ma gauche, M. Jean Laforte,
directeur du conseil de l'association; M. Guy Therrien, secrétaire et M.
Pierre Arsenault, membre du conseil.
Nous tenons d'abord à vous remercier de l'intérêt
que vous portez à notre problème, nous de l'association...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous pourriez vous identifier
vous-même?
M. BOIVIN: Normand Boivin, président de l'association.
M. LE PRESIDENT: Merci.
M. BOIVIN: Nous de l'Association des propriétaires de
laboratoires dentaires ne croyons pas qu'ils nous revienne de discuter du
principe sur lequel a été structuré le bill 266. Cependant
nous nous interrogeons sur deux sujets bien précis, soit celui de la
fabrication et celui de la formation du personnel qualifié. Car nous qui
aimerions demeurer dans le domaine de la fabrication sommes portés
à trouver qu'il paraîtrait ironique après avoir
investi de fortes sommes dans la création de nos entreprises, avoir
dépensé temps et efforts pour obtenir et
maintenir notre compétence et de nous être efforcés
de maintenir notre intégrité selon le contexte actuel qui nous
régit de voir une nouvelle profession oeuvrer dans son nouveau
domaine ainsi que dans le nôtre, celui de la fabrication.
Pour ce qui a trait au personnel qualifié, loin de nous
l'idée de mettre en question les capacités de nos organismes
d'enseignement. Nous vous demandons sérieusement s'il ne serait pas
préférable qu'en plus du CEGEP Edouard-Montpetit l'enseignement
de la technologie dentaire soit donné aussi au niveau arts et
métiers. Cette demande est basée surtout sur le fait de la crise
aiguë actuelle qui existe au niveau du personnel qualifié et la
demande toujours grandissante, et qui va le devenir encore plus, de nos
services.
Nous misons fortement sur le CEGEP pour nous fournir nos futurs chefs de
file mais nous aimerions que les arts et métiers réussissent
à nous fournir nos techniciens au banc. Ce sont les seules remarques que
nous avons à apporter, les seules suggestions. Je suis disponible pour
vos questions.
M. LE PRESIDENT: Je demanderais au député de
Gaspé-Sud s'il a des questions.
M. FORTIER : Au nom de M. Castonguay, je remercie les porte-parole de
l'Association des propriétaires de laboratoires dentaires de la province
de Québec. Nous prenons bonne note de vos explications et, après
étude, nous vous ferons connaître les résultats de ces
discussions.
M. LE PRESIDENT: Le député de Montmagny-
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je vais demander
à M. Boivin, le président, quelle est la moyenne de
l'investissement qui est fait dans les laboratoires.
M. BOIVIN (Normand): Vous savez, l'échantillonnage d'un
laboratoire de notre association nous avons 39 membres
l'échantillonnage quant à l'ampleur de laboratoire est
très varié.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quand vous dites 39 membres, ce sont 39
laboratoires?
M. BOIVIN (Normand): Ce sont 39 propriétaires de laboratoire,
oui. Quant à l'ampleur des laboratoires, c'est très varié.
Il est assez difficile d'établir une moyenne à cause des
restrictions de la loi actuelle. La montée, l'organisation d'une
certaine envergure représentait des problèmes sérieux du
côté du personnel.
M. CLOUTIER (Montmagny): Vous avez une magnifique occasion de nous dire
un peu comment est organisé un laboratoire, les laboratoires que vous
avez, dans lesquels vous avez investi. Est-ce que c'est surtout de
l'équipe- ment? Est-ce que vous pourriez, brièvement, nous
donner...
M. BOIVIN (Normand): Le laboratoire dentaire étant un domaine
purement technique, notre investissement touche d'abord l'équipement
pour la coulée des différents métaux que nous sommes
appelés à manipuler. Il y a également l'instrumentation
qui représente un montant moins élevé mais le gros de
l'investissement à venir jusqu'à aujourd'hui a été
consacré à la formation de notre personnel.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que vous pourriez quand même citer
un chiffre? Un laboratoire bien équipé.
M. BOIVIN (Normand): C'est selon l'ampleur des laboratoires, c'est pour
cela qu'il y a un peu de difficultés.
M. CLOUTIER (Montmagny): Oui, d'accord.
M. BOIVIN (Normand): Un laboratoire qui comprend de 45 à 50
techniciens peut représenter un investissement de $125,000.
M. CLOUTIER (Montmagny): Dans votre mémoire, vous réclamez
que la fabrication soit réservée exclusivement au laboratoire et
que le dentiste et le denturologiste ne donnent que des services
professionnels.
M. BOIVIN (Normand): Nous estimons que nous sommes les gens
compétents pour la fabrication et, en plus de cela, si on accorde tout
à la nouvelle profession et qu'on nous laisse avec les miettes, nous
nous poserons peut-être de sérieuses questions quant à la
solvabilité ou à la rentabilité de demeurer dans le
domaine que nous aimerions garder. Parce que, logiquement, selon la nouvelle
loi, il ne nous est pas défendu de joindre les rangs de M.
Saint-Louis.
M. CLOUTIER (Montmagny): Si les denturologistes étaient encore
devant nous, je leur poserais la question suivante: Est-ce que, s'ils n'avaient
que les services professionnels sans la fabrication, les denturologistes
pourraient vivre avec seulement cette section de...
M. BOIVIN (Normand): Les dentistes réussissent à vivre.
Alors, je ne vois pas pourquoi les denturologistes ne réussiraient pas
non plus.
M. CLOUTIER (Montmagny): Les dentistes font une gamme d'actes
professionnels beaucoup plus étendue que...
M. BOIVIN (Normand): Je ne veux pas non plus me lancer dans des
études économiques au niveau de la denturologie. C'est un domaine
qui, d'abord, ne m'intéresse pas. Quel est le
potentiel éventuel qui leur est offert? Malheureusement,
c'est...
M. CLOUTIER (Montmagny): Je pose la question à votre groupe. Si
la fabrication est permise aux denturologistes, est-ce que ça compromet
sérieusement, je ne dis pas l'expansion, mais l'existence de vos
laboratoires?
M. BOIVIN (Normand): Du côté de la rentabilité,
absolument pas, parce que la prothèse complète, si on ne leur
réserve que la prothèse complète, n'est que le tiers ou le
quart de nos activités. Au laboratoire dentaire, si on veut subdiviser
nos activités, nous avons la prothèse complète, la
prothèse partielle et amovible. En prothèse partielle fixe, nous
avons la prothèse partielle fixe or et plastique et prothèse
partielle fixe or et porcelaine. Or, la prothèse complète n'est
qu'un tiers de nos activités.
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le mode de rémunération
que vous entretenez à l'endroit de techniciens qui travaillent dans vos
laboratoires?
M. BOIVIN (Normand): C'est basé sur leur expérience et
leur productivité.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que c'est à salaire?
M. BOIVIN (Normand): C'est à salaire hebdomadaire.
M. CLOUTIER (Montmagny): A salaire hebdomadaire. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Dorchester.
M. GUAY: En ce qui concerne la formation des techniciens, est-ce que
vous avez fait des recommandations précises au CEGEP
Edouard-Montpetit?
M. BOIVIN (Normand): J'ai moi-même fait partie du comité
consultatif original. On a déploré, à maintes reprises, un
manque flagrant de consultation au niveau de l'industrie. Mais la chose semble
vouloir graduellement se corriger
M. GUAY : Est-ce que vous concevez vos employés comme
étant des gens compétents?
M. BOIVIN (Normand): On en a de tous les niveaux.
M. GUAY: D'accord! J'aurais une autre question. Est-ce que vous recevez
également, de la part des dentistes, des commandes...
M. BOIVIN (Normand): Des ordonnances. M. GUAY: ... des ordonnances
c'est le mot que je cherchais directement des dentistes et vous
fabriquez de la même façon en fait que les techniciens
dentaires?
M. BOIVIN (Normand): Mais nous sommes techniciens dentaires.
M. GUAY: Vous êtes techniciens dentaires mais propriétaires
de laboratoire.
M. BOIVIN (Normand): C'est un attribut qui n'a rien à voir avec
nos qualifications techniques.
M. GUAY : D'accord ! Mais vous êtes organisés,
peut-être, sur une base beaucoup plus industrielle qu'eux?
M. BOIVIN (Normand): C'est notre seule façon de survivre.
M. GUAY: D'accord!
M. LAURIN: Est-ce que vos laboratoires constituent le
débouché unique et exclusif des techniciens dentaires qui sont
formés par les diverses écoles?
M. BOIVIN (Normand): Si je comprends bien votre question, oui.
Maintenant, l'option leur est toujours offerte, après leur année
de stage, d'ouvrir eux-mêmes leur propre entreprise.
M. LAURIN: Est-ce qu'il y en a beaucoup qui le font?
M. BOIVIN (Normand): Le pourcentage est très
élevé.
M. LAURIN: Quelle est la proportion des techniciens dentaires qui
travaillent dans vos 39 laboratoires et ceux qui ont leur propre entreprise
individuelle?
M. BOIVIN (Normand): Il y en a 80 p.c. qui travaillent à leur
compte, pour se servir d'une expression bien populaire chez nous, et 20 p.c.
qui sont salariés.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rivière-du-Loup.
M. LAFRANCE: M. le Président, à la page 4 de votre
mémoire, vous manifestez des craintes au sujet de concurrence venant de
l'extérieur du Québec, si le projet de loi est adopté tel
quel.
M. BOIVIN (Normand): On s'est peut-être mal exprimé, on ne
dit pas que le projet de loi va créer un danger de concurrence provenant
de l'extérieur. Le danger est ici depuis les dix dernières
années. La chose est établie. Toronto a envahi Montréal
précisément depuis les dix dernières années.
M. LAFRANCE: Est-ce que, dans votre mémoire, vous demandez un
amendement au projet de loi actuel pour protéger les techniciens
dentaires qui veulent continuer à faire de la technique dentaire, ou si
vous demandez un projet de loi qui fait la distinction?
M. BOIVIN (Normand): Ce qu'on avait demandé originalement devant
la commission sur la santé et le bien-être social était de
faire disparaître une bonne partie des restrictions qui faisaient partie
de notre loi ou de la loi actuelle pour nous donner un peu plus de
liberté d'action au niveau de l'embauchage pour permettre une expansion
plus rapide et, automatiquement, faire face de façon juste à la
concurrence de l'Ontario, parce qu'on ne croit pas réellement pouvoir
résoudre le problème strictement en demandant une loi.
M. LAFRANCE: Est-ce que la loi adoptée en 1964, si j'ai bonne
mémoire, selon les statuts refondus de 1964, vous satisfait
actuellement, ou satisfait les techniciens, à cause des restrictions du
côté de l'embauchage?
M. BOIVIN (Normand): Du tout. M. LAFRANCE: Très bien, merci.
M. GUAY: Est-ce que vous réussissez à répondre
à toutes les demandes qui vous sont faites actuellement?
M. BOIVIN (Normand): Malheureusement, il faut admettre que non.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier.
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous avez dans votre clientèle
actuellement des techniciens dentaires qui font affaires avec le public,
illégalement vous me direz, mais qui en fait tout de même le font.
Est-ce que vous avez des clients parmi ces gens?
M. BOIVIN (Normand): Dire ou jurer qu'on a jamais travaillé pour
des techniciens ou des confrères qui transigent directement avec le
public, c'est impossible. Mais, par politique, en règle
générale, on ne le fait pas.
M. SAINT-GERMAIN: Vous ne le faites pas à cause de la
pression.
M. BOIVIN (Normand): A cause des implications légales.
M. SAINT-GERMAIN : Maintenant, si cette loi entrait en vigueur, si une
loi légalisait la situation des techniciens dentaires, est-ce que vous
prévoyez que vous auriez là une clientèle valable?
M. BOIVIN (Normand): Si on prévoyait?
M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous pourriez avoir avec les
denturologistes une clientèle valable?
M. BOIVIN (Normand): Sûrement. D'ailleurs c'est la raison pour
laquelle dans le mémoire, au début, je soulignais le
problème du personnel qualifié. On a déjà de la
difficulté à répondre à la demande et on sait que
la demande va continuer de s'accroître. Avec l'arrivée du bill sur
la denturologie, cela ne pourra pas faire autrement que d'y ajouter encore.
Comme actuellement notre statut juridique nous enferme dans un carcan du
côté de l'embauchage, si la loi actuelle est abrogée, nous,
nous ne demandons pas mieux, on dit hourra! On va avoir une liberté
d'action du côté de l'embauchage et du côté de
l'exploitation de nos entreprises.
M. SAINT-GERMAIN : Maintenant, vous demandez qu'il y ait un autre cours
que celui donné au niveau du CEGEP Edouard-Montpetit. Est-ce le nombre,
l'insuffisance de candidats ou de finissants au CEGEP ou la qualification de
ces finissants?
M. BOIVIN (Normand): Nous, nous sommes portés à croire que
les qualifications ou le degré d'éducation offert par Edouard
Montpetit justifieraient mal qu'on les laisse strictement dans un domaine de
productivité. On verrait ces gens qui vont jouir d'une éducation
supérieure, dans des postes de commande, en charge de services, ainsi de
sujte.
M. SAINT-GERMAIN: Comme vous faites partie vous-même de
l'Association des techniciens dentaires, si la loi était votée,
je suppose que vous pourriez vous aussi faire affaires directement avec le
public.
M. BOIVIN (Normand): L'optionm'est offerte comme aux autres. L'option
est offerte à tous les membres de l'Association des techniciens
dentaires.
M. LE PRESIDENT: Le député de Rivière-du-Loup.
M. LAFRANCE: M. le Président, vous faites partie de l'Association
des techniciens dentaires, vous venez de l'avouer. Vous semblez, vous, les
propriétaires de laboratoire dentaire, très respectueux de la
loi, comment vous sentez-vous à côtoyer des gens qui ne respectent
pas la loi?
M. BOIVIN (Normand): Il faut dire qu'il y a eu à plusieurs
reprises des discussions très vives, mais comme c'est un domaine qui ne
nous intéresse pas du tout, pour autant que notre domaine va demeurer
rentable, nous nous sommes très peu penchés sur leurs
problèmes.
M. LAFRANCE: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Je remercie l'Association professionnelle des
propriétaires de laboratoire dentaire de la province de Québec,
qui fut très bien représentée par M. Normand Boivin.
M. BOIVIN (Normand): Merci.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux sine die.
M. CLOUTIER (Montmagny): Il y avait un autre groupe, M. le
Président.
M. LAFRANCE: Ils sont annoncés là-dessus, mais ils n'ont
pas été convoqués.
M. CLOUTIER (Montmagny): Ils n'ont pas été
convoqués, c'est remis à une séance ultérieure.
M. LE PRESIDENT: La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 8)