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Version finale

36th Legislature, 1st Session
(March 2, 1999 au March 9, 2001)

Tuesday, September 21, 1999 - Vol. 36 N° 1

Consultation générale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental


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Table des matières

Documents déposés

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Roger Bertrand, président
M. François Gendron
Mme Rita Dionne-Marsolais
M. Geoffrey Kelley
M. Jean-Guy Paré
*M. Michel Noël de Tilly, Secrétaire général du gouvernement du Québec
*M. André Trudeau, sous-ministre des Transports
* M. André Vézina, sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
*Mme Pauline Champoux-Lesage, sous-ministre de l'Éducation
*M. Jean-Pierre Adam, ARQ
*M. Michel Lesage, idem
*M. Martin Houle, Forum des jeunes de la fonction publique québécoise
*M. Luc Perron, SPEQ
*M. Serge Doyon, ACGQ
*M. André Matte, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental est réunie afin d'entendre les intéressés dans le cadre de la consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental proposé par l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

Avant de procéder, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Il n'y a aucun remplacement, M. le Président.

(9 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il n'y a pas de remplacement. Nous allons donc procéder. J'aimerais, d'emblée, dès le départ, souhaiter la bienvenue bien sûr à chacun des membres de cette commission spéciale de même qu'à l'ensemble des personnes que nous rencontrerons, représentants de différents organismes, et également, au nom des membres de la commission, souhaiter un prompt rétablissement à notre collègue le député de Richelieu, M. Simard, qui, normalement, devait présider cette commission mais qui, pour les raisons que l'on sait, a dû malheureusement être absent. Alors, je lui souhaite donc, en votre nom et en mon nom personnel, la meilleure santé possible.

Vous avez entre les mains un projet d'ordre du jour. Selon cet ordre du jour, nous consacrerons 30 minutes, c'est-à-dire, grosso modo, jusqu'à 10 heures et un peu plus, aux remarques préliminaires; ensuite, nous rencontrerons le Secrétaire général du gouvernement à 10 heures et, à 11 heures, l'Association des régions du Québec; suspension à midi; nous reprendrons à 14 heures avec le Forum des jeunes de la fonction publique québécoise; ensuite, à 15 heures, le Syndicat des professeurs de l'État du Québec et, à 16 heures, l'Association des cadres du gouvernement du Québec, pour ajourner à 17 heures. Est-ce que cet ordre du jour est adopté? Adopté.


Documents déposés

Alors, avant de passer au rapport préliminaire, j'aimerais rappeler aux membres de la commission qu'à la demande de la commission certains documents ont été produits par le Secrétariat des commissions. Premièrement, une synthèse des mémoires présentés à la commission, de même que certains extraits d'articles de la revue Gestion automne 1999 . Et je dépose, toujours suite aux demandes de la commission, une analyse comparative, préparée par le Vérificateur général, où l'on compare le cadre de gestion proposé, le cadre de gestion actuel et, dans une troisième colonne, les commentaires – alors, ce document-là est déposé au bénéfice des membres de la commission – de même qu'un rapport intitulé Réforme du cadre de la gestion gouvernementale – Expérience hors Québec , préparé par l'Observatoire de l'administration publique de l'ENAP. Il s'agit donc d'autant de documents pouvant servir à appuyer la réflexion des membres de la commission dans le cadre de cet exercice.


Remarques préliminaires

Nous en venons donc aux remarques préliminaires, et je vais inviter d'abord le ministre, ensuite le porte-parole de l'opposition et, éventuellement, les députés intéressés à faire leurs remarques, en se rappelant que le temps de parole prévu à cet effet est de 15 minutes pour chacun des groupes parlementaires. Alors, M. le président du Conseil du trésor et député de Labelle, vous avez la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui. Alors, je puis vous dire qu'il me fait grand plaisir d'être ici aujourd'hui pour discuter de la modernisation de la gestion publique qui est sûrement d'un intérêt commun pour tous les citoyens du Québec. Il va de soi que je vous assure de mon entière collaboration, ainsi qu'à l'opposition, tout au long des travaux de cette commission. Les accords entre le gouvernement et l'opposition arrivent parfois, M. le Président. Le sujet de la modernisation de la gestion de l'appareil gouvernemental en est un, puisque le bon fonctionnement de l'appareil administratif est une préoccupation qui nous rejoint tous.

J'aimerais souligner la présence d'une équipe de la modernisation de la gestion publique ainsi que du Secrétariat du Conseil du trésor dont j'ai la responsabilité. À mes côtés, il y a Mme Monique Bégin, et le secrétaire du Conseil du trésor qui est ici, M. Boivin, ainsi que d'autres personnes de l'équipe, qui sont là pour entendre les propositions, commentaires et nous suggérer, au besoin, les bonifications à l'énoncé de politique dont découlera un projet de loi que je compte déposer à l'Assemblée nationale pour étude cet automne. Et, si l'opposition y consent, on pourrait l'adopter avant Noël. Alors, M. le Président...

M. Chagnon: Ça peut être modifié suite à ce que nous allons entendre aujourd'hui.

M. Léonard: ...je compte que les travaux se dérouleront dans un esprit d'ouverture et de collaboration.

Nous étudierons, au cours des prochains jours, un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique pour favoriser de meilleurs services aux citoyens du Québec. Le gouvernement croit en effet que le contexte a changé et que le temps est venu d'adapter les règles qui encadrent la gestion pour favoriser davantage la performance et mettre l'accent sur les résultats plutôt que sur les moyens.

Je vous tracerai les grands traits de la réforme, mais, tout d'abord, permettez-moi de revenir sur les attentes des citoyens. Je reviendrai, par la suite, sur le rôle déterminant de l'État pour les Québécois au cours des dernières années. Et, en quelques mots, je voudrais évoquer le contexte économique et social du Québec d'aujourd'hui, un Québec plus que jamais ouvert sur le monde.

Les citoyens, à titre individuel ou corporatif, quant à eux, ont de nouvelles exigences. Est-il nécessaire de rappeler que c'est pour eux que nous oeuvrons, que c'est pour eux qu'il faut être encore plus efficace et plus transparent? La population s'attend à ce que ses élus consacrent toute leur énergie à des priorités telles que l'avenir de la jeunesse, l'élargissement et l'épanouissement de la culture, le développement économique et la création d'emplois, l'amélioration du sort des démunis, ou encore à des défis comme ceux que pose le vieillissement de la population.

La population entretient des attentes grandissantes à l'égard de l'appareil public. Elle sait par ailleurs qu'elle peut compter sur une fonction publique loyale et intègre. La population veut que sa fonction publique se mesure aux meilleurs et que des services publics de qualité soient rendus avec efficacité, simplicité, diligence, et ce, bien sûr, au meilleur coût. Faut-il rappeler que le paradoxe de la fonction publique, c'est que le citoyen est à la fois client, utilisateur et contribuable?

L'État québécois, comme nous le connaissons, s'est développé, surtout à partir des années soixante, à la faveur d'un vent de changement qui a marqué cette période et que nous appelons la Révolution tranquille. Depuis, il a joué un rôle moteur dans le développement économique, social, culturel et politique du Québec. Le Québec est aussi le seul État majoritairement francophone en Amérique, ce qui lui confère des responsabilités toutes particulières en ce qui concerne la promotion de sa langue, de sa culture, de ses choix sociaux et économiques. L'État a également favorisé le rayonnement du Québec sur le plan international. Il a favorisé le développement des échanges dans les domaines de la culture et de l'éducation avec de nombreux pays. Sur le plan économique, un très large consensus s'est développé au Québec, toutes tendances politiques confondues, en faveur de la libéralisation des marchés et en faveur de notre participation à l'ALENA.

Qu'il soit moteur du développement, qu'il l'accompagne ou qu'il l'encadre, l'État, par ses interventions, a été source de progrès pour la société québécoise. Pour bien comprendre le sens de la réforme en cours, il ne faut pas perdre de vue ce lien particulier d'identification de la population au seul État qui la représente et qu'il contrôle de façon démocratique et exclusive, l'État du Québec. Par ailleurs, l'environnement du Québec continue de se transformer à un rythme accéléré et la capacité de l'État doit donc aussi continuer de s'adapter tant sur le plan social qu'économique. L'économie québécoise repose beaucoup sur l'exportation non seulement des matières premières, mais de plus en plus sur l'exportation de produits et de services de haute technologie. Notre économie est sans conteste une économie ouverte et, loin de craindre la compétition internationale, nous recherchons sans cesse de nouveaux marchés. Or, il est reconnu que la compétition qui résulte de l'ouverture des marchés n'affecte pas uniquement les entreprises privées. Elle affecte également les gouvernements. Ainsi, le potentiel économique d'un État ne dépend plus uniquement de son secteur privé. Il dépend également du coût et de la qualité de ses services publics. Il faut donc porter une attention particulière à la contribution économique imputable au fonctionnement de l'État.

Dans ce contexte, la politique fiscale et budgétaire devient un enjeu majeur. À cet égard, les gouvernements sont maintenant comparés entre eux et sont de plus en plus mis en concurrence pour l'attraction des ressources et des investissements. Au Québec, depuis 1995, un effort sans précédent a été fait pour redresser les finances publiques. Nous avons maintenant un budget équilibré, pour la première fois depuis 40 ans, et nous comptons maintenir cet équilibre au cours des exercices à venir. Toutefois, la pression sur les dépenses publiques demeure très forte et la rigueur budgétaire sera toujours de mise.

Il n'y a pas que l'économie qui soit un facteur de changement. Des nouvelles technologies présentent maintenant des possibilités novatrices, en particulier les technologies de l'information et des communications. L'information est en effet devenue une ressource stratégique tant pour les entreprises que pour les gouvernements. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a déjà indiqué son intention d'en tirer profit en se dotant d'une politique québécoise de l'autoroute de l'information et d'un plan d'action gouvernemental sous la responsabilité du ministre délégué à l'Autoroute de l'information et aux Services gouvernementaux.

Bref, le contexte qui prévaut aujourd'hui, avec l'ouverture des marchés et la forte compétition à laquelle est soumise notre économie, nous amène à revoir nos approches et nos méthodes. L'État est interpellé au même titre que la société et doit de plus être exemplaire. D'autres États ont fait le même constat et ont entrepris depuis quelques années une modernisation de leur gestion gouvernementale. Tous ces gouvernements ont été confrontés à des problématiques de finances publiques et de concurrence internationale et ils ont repensé leur mode de gestion des services publics, et le Québec aussi doit, à sa façon, relever les défis du nouveau siècle.

La fonction publique québécoise a de nombreux acquis dont nous sommes fiers, mais il faut lui donner des moyens d'être encore meilleure, de répondre à de nouvelles réalités, d'utiliser les nouveaux modes de gestion et d'accroître son efficience. Il faut un cadre de gestion, des règles du jeu qui favorisent la performance et la qualité des services.

(9 h 50)

L'énoncé de politique qui fait l'objet de la consultation est le fruit d'un travail collectif. Un groupe de travail, présidé par le Secrétaire général du gouvernement et formé de sous-ministres provenant tant des organismes centraux que de ministères qui rendent des services directement à la population, était responsable de son élaboration. Le Forum des sous-ministres, qui regroupe l'ensemble des sous-ministres, a également été mis à contribution. À trois reprises, ceux-ci y ont consacré une journée complète pour en étudier les divers aspects, y allant de leurs recommandations. Les dirigeants d'organismes ainsi que de nombreux spécialistes au sein de la fonction publique ont également été consultés.

Le texte que j'ai rendu public le 9 juin dernier a depuis fait l'objet d'une vaste consultation dans toute la fonction publique. Des milliers de personnes dans toutes les régions du Québec ont rendu leurs commentaires et leurs suggestions. Ce que nous constatons, c'est que leurs attentes sont élevées. Les employés de l'État ont à coeur la qualité des services à la population, ils aspirent à plus de responsabilités pour rendre ces services de façon toujours plus efficace, et ce, en toute intégrité, loyauté et impartialité. Fiers de respecter ces valeurs, ils endossent les grands principes de gestion de l'énoncé de politique tout en étant préoccupés par leur mise en oeuvre. Bref, ils sont prêts au changement.

Cette politique, je vous le rappelle, vise un changement en profondeur de la gestion. Elle met l'accent sur la qualité des services et sur les résultats plutôt que sur les règles et sur les procédures administratives. De plus, fait important, elle interpelle tous les intervenants, parlementaires, ministres et fonctionnaires. L'adhésion de tous ces acteurs est essentielle. Chacun a un rôle fondamental à jouer au sein de l'État. Leur engagement est une condition primordiale pour le succès de la réforme. Ces hommes et ces femmes se montrent déjà favorables, car la réforme proposée n'est pas un saut dans l'inconnu. De nombreuses initiatives suivant une approche de gestion par résultats ont été prises jusqu'ici et des progrès substantiels ont été réalisés.

L'Assemblée nationale s'est dotée d'une loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. Cette loi a maintenant un historique de plus de cinq ans, et la commission de l'administration publique de l'Assemblée nationale a déjà convié de nombreux hauts fonctionnaires à discuter de leur gestion.

Du côté gouvernemental, on a également adopté de nouvelles approches. Notamment depuis 1996, un exercice interne de planification stratégique piloté par le Conseil exécutif a amené peu à peu les ministères et les organismes à adopter une perspective pluriannuelle. Sur le plan budgétaire, depuis l'exercice 1995-1996, le gouvernement alloue aux ministères une enveloppe fermée, c'est-à-dire qu'elle ne peut fluctuer en cours d'exercice à moins de circonstances exceptionnelles et imprévisibles. L'enveloppe fermée garantit aux ministères une stabilité pour planifier et gérer, mais oblige ceux-ci à trouver, à même leur enveloppe, les solutions aux défis qui sont les leurs. Enfin, nous avons mis à l'essai une approche plus poussée de gestion par les résultats et de reddition de comptes à partir d'indicateurs de performance. C'est ainsi que nous comptons aujourd'hui 15 unités autonomes de service qui bénéficient d'une plus grande latitude pour leur gestion, mais s'engagent en retour à réaliser leurs objectifs et à rendre compte publiquement des résultats accomplis. Le cadre de gestion proposé devrait permettre une plus grande liberté d'action pour accroître leur efficacité. Toutes ces expériences sont concluantes, tant la planification stratégique que la responsabilisation par des mécanismes comme l'enveloppe fermée ou la gestion par les résultats, et nous savons que c'est la voie à suivre.

La modernisation de la gestion se réalisera à la faveur des possibilités fort prometteuses des technologies de l'information. D'ici avril 2001, nous allons implanter dans l'ensemble de la fonction publique un nouveau système d'information intégrant la gestion des ressources financières, humaines et matérielles, appelé GIRES. Que comporte la démarche que nous envisageons? Quelques mots sur ses principales composantes.

Une loi prévoirait que les ministères et les organismes du gouvernement élaborent et rendent publics: premièrement, un engagement sur les objectifs de qualité et le niveau des services dans le cas des ministères et des organismes qui rendent des services directement à la population; deuxièmement, un plan stratégique pluriannuel précisant, entre autres, la mission du ministère ou de l'organisme, des orientations stratégiques, les objectifs et les résultats visés ainsi que les indicateurs de performance utilisés pour mesurer l'atteinte des objectifs; troisièmement, un plan annuel de gestion des dépenses préparé dans le cadre du cycle budgétaire et venant préciser l'allocation des ressources et les actions envisagées pour atteindre les objectifs du plan stratégique; quatrièmement, un rapport annuel de gestion qui rend compte des résultats atteints en regard du plan stratégique.

Ce projet s'accompagne d'une révision de l'action des organismes centraux. Des contrôles a priori seront progressivement, autant que faire se peut, remplacés par des contrôles a posteriori. La réforme encouragera de la sorte la responsabilisation des ministères, des organismes et de leurs gestionnaires. Elle laissera à ceux-ci une plus grande latitude quant au choix des moyens en dirigeant plutôt l'attention sur l'atteinte de résultats en regard d'objectifs établis préalablement. En contrepartie, la reddition de comptes sera renforcée. La publication des plans et des rapports, et surtout leur dépôt à l'Assemblée nationale, favorisera la transparence de la gestion et mettra davantage en lumière les résultats. En fait, ce qui est recherché, c'est une gestion axée sur les résultats à atteindre et connus préalablement de tous.

Voilà un cadre général simple, mais très exigeant; il fait appel au sens des responsabilités plutôt qu'à la conformité à des règles et à des procédures. Pour pousser encore plus loin la transformation du cadre de gestion, nous avons voulu que ce cadre de gestion soit souple et adaptable et, pour ce faire, la réforme prévoit de plus la possibilité de fixer un cadre particulier adapté à une unité administrative au sein d'un ministère ou à un organisme. À cette fin, un contrat de performance et d'imputabilité pourrait être conclu entre un ministre et un sous-ministre ou un dirigeant d'organisme ou avec le plus haut dirigeant de l'unité administrative concernée. Ce dernier prendrait ainsi les engagements sur les objectifs de résultat clairs et serait évalué en fonction de l'atteinte de ceux-ci en retour d'une marge de manoeuvre accrue pour diriger les opérations de son unité. En outre, dans l'optique d'axer la gestion gouvernementale sur l'atteinte des résultats, l'éventualité d'élargir les mécanismes de reconnaissance de la performance fait actuellement l'objet de discussions avec les partenaires syndicaux. Je souhaite que ces discussions réussissent, car je crois qu'il s'agit d'un élément pouvant influencer positivement la valorisation et la mobilisation des femmes et des hommes au service de citoyens.

Les parlementaires y trouveront leur compte. Ils auront une information de meilleure qualité, exprimée en termes d'objectifs et de résultats, grâce à un plan stratégique et un rapport annuel plus pertinent. Ils seront ainsi mieux informés des enjeux, des choix faits et des coûts et seront davantage en mesure d'exercer le rôle de contrôle qui leur appartient dans nos institutions démocratiques. L'action des parlementaires et de la fonction publique sera ainsi mieux arrimée au bénéfice de la population.

La réforme de la gestion gouvernementale que nous envisageons rejoint des préoccupations que nous partageons tous. Cependant, elle doit trouver son assise dans une législation. Disposant de meilleurs instruments pour surveiller les fonds publics, les parlementaires pourront mieux suivre les progrès de l'action des ministères et des organismes et contribuer à l'amélioration des services aux citoyens. Voilà l'effet primordial recherché par cette démarche de renouvellement.

Et, pour les Québécois, l'État revêt une importance particulière – j'y reviens. Sa fonction publique de même que tout son appareil administratif occupent une place stratégique au sein de la société et de l'économie québécoise. Son bon fonctionnement leur tient donc à coeur. Le débat qui s'amorce sur le nouveau cadre de gestion gouvernementale proposé est essentiel afin que les solutions retenues soient partagées et entraînent l'adhésion de tous les acteurs. En particulier, pour les parlementaires et la fonction publique, il s'agit rien de moins que des conditions d'exercice de nos rôles respectifs. En définitive, il doit répondre aux nouveaux besoins d'une administration efficace tout en garantissant la transparence dont les parlementaires ont besoin et que la population du Québec exige.

Cela étant dit, M. le Président, qualité des services publics, moindres coûts, transparence renforcée, responsabilisation accrue et renouvelée de la fonction publique, voilà ce qu'il faut rechercher, et ce, avec tous les employés. Car chaque employé, peu importe son niveau, a non seulement sa part de responsabilité dans la qualité des services aux citoyens mais aussi une expérience dont il faut tenir compte. La contribution de chacun et chacune est importante. Enfin, les résultats des travaux de cette commission devront permettre aux citoyens et aux entreprises d'en être les premiers gagnants. Je vous remercie, M. le Président.

(10 heures)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le président du Conseil du trésor et ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique. Nous en venons donc aux remarques préliminaires de l'opposition officielle. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil, vous avez la parole.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Je vais d'abord dire d'entrée de jeu que nous sommes très heureux de participer à cette commission parlementaire qui porte sur un nouveau cadre de gestion de la fonction publique. Je souhaite également la bienvenue aux fonctionnaires qui ont travaillé sur ce document et je voudrais également les assurer et assurer le ministre de la collaboration de l'opposition officielle dans le cadre de ce débat. Nous avons, au Québec, une fonction publique qui est compétente, qualifiée, qui est soucieuse de bien administrer les deniers publics et de servir le citoyen le mieux possible. Il est certes opportun d'adapter et de faire évoluer les modes de gestion pour assurer une administration qui soit plus efficace dans le contexte des changements externes que nous connaissons, comme la mondialisation des économies qui pose un problème énorme sur le plan du défi de la compétitivité et de la productivité.

Plusieurs pays de l'OCDE ont procédé, au cours des dernières années, à des modifications de leur mode de gestion. Notez cependant que, ce qui différencie la présente démarche du processus qui a été entrepris dans d'autres pays qui ont également entamé le même projet sur les modes de gestion, dans ces pays, dans ces gouvernements, on a revu au préalable les fonctions de l'État, son organisation, ses structures, et on a procédé à un examen général des programmes. Est-ce que l'État fait les bonnes choses? C'est pourquoi des programmes ont été modifiés, ont été, dans certains cas, ajustés, et d'autres ont été abandonnés.

Évidemment, dans le document, dans l'introduction, le ministre indique que le débat doit porter sur le comment et non pas sur le quoi. Donc, il s'agit non pas de discuter de ce que l'État fait ou ne doit pas faire mais de la manière dont l'État doit faire ce qu'il a à faire. Il me semble que dans l'ordre logique des choses – et c'est ce qui est concordant avec ce qui s'est fait dans d'autres pays – dans tous projets, le quoi doit précéder le comment. En somme, l'architecture vient avant l'ingénierie; le comment est plutôt l'accessoire du quoi. Si on fait une chaîne de montage, il faut savoir qu'est-ce que l'on produit avant de vouloir en assurer l'efficacité et la façon dont ça fonctionne.

Et, à cet égard-là, au Québec, nous avons maintenu un modèle d'intervention constante de l'État. Et, dans le cadre actuel, près de 50 % du PIB, dans l'économie, sont conçus par des dépenses publiques. C'est un pourcentage qui se compare, par exemple, avec certains de nos voisins – notamment l'Ontario, 38 % – et c'est un modèle qui ne livre plus la marchandise sur le plan de la croissance économique. La part du secteur public est devenue énorme et, lorsque nous nous comparons à d'autres pays ou à d'autres gouvernements, dans le contexte contemporain, les pays qui ont la meilleure croissance sont ceux qui ont revu le rôle de l'État, qui ont réduit les impôts et qui ont permis d'avoir une croissance économique qui puisse financer des services.

Pour amener le pourcentage de dépenses publics à des niveaux plus comparables avec nos voisins, nous croyons que nous devrions nous questionner davantage sur le quoi, revoir les programmes, réexaminer les organisations. Et je vous donne simplement quelques exemples. Les subventions aux entreprises. Présentement, on donne des subventions à des entreprises qui, après coup, disent: Écoutez, nous aurions quand même investi même si nous n'avions pas eu des subventions accordées par le gouvernement. Sur le plan des structures, par exemple, dans le domaine de la santé et services sociaux, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de revoir le rôle des régies régionales dans le nouveau contexte qui fait qu'il y a beaucoup moins d'établissements maintenant, que la ministre veut s'occuper directement des centres hospitaliers universitaires, que l'information avec l'autoroute de l'information peut maintenant se transmettre très rapidement? Donc, pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de revoir les structures de régies régionales, de revoir le rôle, de diminuer les frais administratifs afin de pouvoir investir davantage dans les soins directs aux citoyens?

Ce qui semble différencier également l'approche retenue par rapport à d'autres pays de l'OCDE, c'est qu'en plus de ne pas se questionner sur le quoi on semble vouloir également mettre de côté les discussions sur de nouveaux modes de prestation des services ou de nouvelles manières de faire. Une fois qu'un programme doit être livré par le gouvernement, la question, c'est: Comment structurer le programme? La question suivante que nous devrions nous poser, c'est: Est-il légitime et indispensable que ce soit le gouvernement qui l'exécute? Le gouvernement devrait-il remplir son rôle en partenariat avec le secteur privé ou avec le secteur bénévole ou devrait-il y avoir une dévolution de responsabilités au secteur parapublic?

Il est sûr que l'administration publique est beaucoup plus complexe que le secteur privé, et ça, nous le reconnaissons, mais est-il nécessaire que l'appareil public exécute tout ou si on ne peut pas travailler en partenariat avec le secteur privé, le secteur bénévole ou d'autres juridictions?

Dans le cadre des nouveaux modes de prestation, ça semble exclu, si on prend ce que le ministre nous donne dans son introduction, et je pense que ça fait partie de la recherche d'une plus grande efficacité de gestion des programmes que de nous questionner sur les modes de livraison des services pour assurer aux citoyens une accessibilité, une qualité de service, mais toujours au meilleur coût possible, quelle que soit la personne ou l'institution qui livre ce service-là.

D'ailleurs, si on vient maintenant au contenu même du document, l'énoncé s'inscrit dans les tendances que l'on retrouve à des stades différents dans plusieurs pays de l'OCDE. L'objectif de gérer par résultats, de responsabiliser davantage les gestionnaires, de mieux encadrer la reddition de comptes, de déléguer davantage d'autorité et de donner plus de marge de manoeuvre aux gestionnaires, je pense que tout ça fait consensus. D'ailleurs, c'est ma collègue Monique Gagnon-Tremblay qui, au moment où elle était présidente du Conseil du trésor, a commencé à réfléchir sur ces orientations-là, et je voudrais également souligner le rôle qu'ont joué deux collègues dans tout ce qui touche l'imputabilité des gestionnaires, notamment le député de Verdun et le député de Westmount–Saint-Louis, qui ont participé avec d'autres évidemment mais qui ont été des leaders à cet égard-là, sur le plan de la reddition de comptes et de l'imputabilité.

Nous aurons l'occasion de discuter davantage de certains aspects de l'énoncé avec les personnes et les groupes qui vont venir devant la commission. D'ailleurs, les mémoires contiennent d'excellentes suggestions, font des commentaires fort intéressants, et je remercie les groupes et les personnes qui se sont donné la peine de préparer des mémoires, de travailler et de venir devant la commission.

Vous me permettrez cependant de souligner quelques points, de faire quelques commentaires, certaines réflexions. Le titre du document Pour de meilleurs services aux citoyens porterait à croire qu'il s'agit avant tout d'un document qui traite vraiment du service aux citoyens. Bien sûr que l'objectif est là, mais il en est peu question dans le document comme tel et il en est peu question également dans le projet de loi. Pour moi, l'aspect de l'évaluation des services aux citoyens était fort important. Un exemple qui peut se reproduire dans d'autres cas, celui d'Emploi-Québec où on a promis à des citoyens de pouvoir suivre des cours et où finalement l'État a renié... pas renié, mais a dit qu'il ne pouvait pas respecter ses engagements. Pourtant, je pense que c'est le principe de base que l'État doit respecter les engagements qu'il prend à l'égard de ses citoyens. Et c'est sans doute pour ça d'ailleurs que, dans plusieurs pays, on retrouve des chartes des citoyens, notamment en Angleterre, avec le Citizen's Charter, qui permet d'énoncer des standards où les citoyens peuvent déterminer à quoi ils s'attendent en termes de services.

Comment évaluer la satisfaction des citoyens? Dans le privé, la satisfaction des citoyens s'exprime par des changements de fournisseurs ou encore le citoyen va changer de place, va changer de banque, etc. Dans le secteur public, le citoyen ne peut pas faire cela parce que c'est une situation de monopole, mais il est important de pouvoir quand même, je pense, évaluer la satisfaction des citoyens. Tout ce qui touche les indicateurs de performance est également fort important pour pouvoir mesurer le rendement et l'efficacité et, à cet égard-là, je pense qu'il y a beaucoup à faire. Ce n'est pas facile de pouvoir déterminer des indicateurs de performance qui soient significatifs et qui permettent réellement de juger de l'efficacité des gestionnaires et d'une unité de gestion de façon générale.

Un autre commentaire sur tout ce qui touche les contrats, les ententes de gestion et les contrats de performance qui semblent fort positifs. Je pense qu'on ne doit pas oublier un des objectifs qui est celui aussi de conserver une administration publique qui soit la plus simple possible et où les citoyens peuvent se retrouver. Donc, je pense que ça, il faut faire attention pour ne pas complexifier davantage en voulant pouvoir évaluer une meilleure performance parce qu'on pourrait arriver avec un objectif contraire.

(10 h 10)

La mobilisation des équipes semble être un élément qui est fort important et nous y reviendrons. Nous aurons l'occasion d'en discuter au cours des mémoires qui seront présentés, plusieurs mémoires abordent cet aspect-là. Et l'autre question: Y aura-t-il un plan et un échéancier pour la mise en oeuvre de cette réforme de l'administration gouvernementale? Il m'apparaît important d'avoir un plan général et qu'il puisse être suivi annuellement afin que les parlementaires puissent mesurer le degré de réalisation du programme de modernisation gouvernementale. Y aura-t-il également un rapport annuel global sur justement le degré d'avancement et l'évaluation de la performance et des diverses unités qui entrent à l'intérieur de ce nouveau cadre de la gestion gouvernementale de la modernisation?

Alors, M. le Président, je pense que c'est avec beaucoup d'ouverture et certainement avec beaucoup d'intérêt que nous abordons cette commission parlementaire. Les énoncés qui y sont faits vont dans la bonne direction, s'inscrivent dans les tendances qui sont déjà en place en partie, les orientations qui ont été dégagées au cours des dernières années dans l'administration publique québécoise et que l'on retrouve également dans divers pays de l'OCDE.

Tout ceci semble nous faire oublier qu'il est également important de pouvoir discuter, à un moment donné, d'un sujet qui est plus large et qui est celui du rôle, dans le fond, du gouvernement, la capacité d'avoir au Québec une croissance économique qui se compare avec nos voisins, parce que c'est à ce prix que nous pourrons financer nos services de base: la santé, l'éducation, l'aide aux plus démunis. Et, si l'efficience de l'administration publique est importante et même nécessaire, il faut également assurer une prospérité qui puisse nous permettre de financer tous nos programmes.

Alors, M. le Président, je pense que je voudrais laisser les quelques minutes qui restent à mes collègues.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il nous reste deux minutes, effectivement. M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Est-ce que je pourrais savoir comment le ministre a pris de temps, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il a pris tout son temps. Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Oui? Je voudrais en avoir autant.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pour ainsi dire.

M. Chagnon: Nous en aurons autant, j'espère.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ça va de soi, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, je voudrais signaler quelques points relativement rapidement, comme vous me le suggérez. Je voudrais signaler, d'une part, que le document qui nous a été présenté au mois de juin, Pour de meilleurs services aux citoyens , nous permet de pouvoir faire et de tirer quelques leçons sur les causes et les effets. Le document porte davantage sur les effets que les causes, et on le signale en page 6 lorsqu'on dit: «Elle porte sur son fonctionnement. Il ne s'agit pas ici de discuter ce que l'État doit ou ne doit pas faire – le quoi dont mon collègue vient de signaler la problématique – il s'agit plutôt de la manière dont l'État doit faire ce qu'il a à faire et le comment.»

Alors, en ce qui concerne l'effet puis les suggestions qui nous sont faites dans le document, qui ont été souventefois reprises par la commission de l'administration publique quant à l'amélioration et à la mise sur pied d'indicateurs de performance, l'imputabilité grandissante – qui doit être grandissante – des hauts fonctionnaires, la modification importante à faire au rapport annuel sont, juste pour citer quelques exemples, des éléments qui vont dans un sens tout à fait positif. Mais il est dommage que, si l'on se compare avec des expériences étrangères qui ont été faites et dont on cite quelques cas en page 7 – je pense au États-Unis avec Government Performance and Results Act ; la Grande-Bretagne, Next Step Initiative , et d'autres, vous pouvez tous les retrouver sur Internet – dans tous les cas on a bien pris soin de faire en sorte de s'attaquer à la cause avant de regarder les effets. Et la cause, M. le Président, c'est assez normal, on le retrouve dans la page 2 lorsqu'on nous dit ici: «L'État a cessé d'être vu comme l'unique moteur de développement et le rôle des autres acteurs s'est ramifié et raffermi dans tous les secteurs de la vie collective.»

On nous dit aussi que: «Le poids de l'ensemble du secteur public dans l'économie, incluant les trois paliers de gouvernement, s'élève à 48,7 % du PIB, dont 25,4 % est attribuable au seul gouvernement du Québec.» Simplement ça devrait nous remettre la puce à l'oreille pour faire en sorte que nous puissions discuter du quoi.

Je pourrais donner des exemples concrets. J'aimerais juste en donner trois, rapidement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis, j'aurais besoin du consentement pour pouvoir continuer.

M. Chagnon: Rapidement...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Est-ce qu'il y a consentement pour donner une minute de plus?

M. Chagnon: Est-ce que vous nous avez demandé le consentement pour laisser plus de temps au ministre, M. le Président? Non?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Allez-y. Non.

M. Léonard: J'ai pris mon temps, juste mon temps.

M. Chagnon: Vous avez pris plus de temps.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Non, non. Il a pris tout son temps.

M. Léonard: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mais pas plus.

M. Chagnon: Il a pris tout son temps et même plus. Je réclame les quelques...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Non, non. Il a pris exactement son 15 minutes. On n'a pas dépassé le temps imparti aux ministériels. Donc, à ce moment-ci, je vous demanderais de conclure.

M. Chagnon: Est-ce qu'on pourrait me dire combien de temps on a eu de chaque côté?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): On a pris 14 min 40 s du côté ministériel, et vous en êtes à 14 min 50 s. Alors, je vous prie de conclure.

M. Chagnon: Je reviendrai plus tard, dans ce cas-là. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous en arrivons donc à la partie audition proprement dite. Nous allons maintenant entendre le Secrétaire général du gouvernement du Québec, M. Michel Noël de Tilly, que j'inviterais à prendre la parole, en se rappelant que nous avons une vingtaine de minutes maximum et en l'invitant également à présenter les personnes qui l'accompagnent.


Auditions


Secrétaire général du gouvernement du Québec

M. Noël de Tilly (Michel): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de cette commission spéciale, au début de l'étude du projet pour l'élaboration du nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental, je voudrais d'abord vous remercier de nous donner la possibilité de venir vous exprimer, au nom de mes collègues sous-ministres, la position des administrateurs d'État.

J'aimerais vous présenter mes collègues sous-ministres qui m'accompagnent ce matin: à ma gauche, vous avez Mme Pauline Champoux-Lesage, qui est sous-ministre au ministère de l'Éducation; à sa gauche, vous avez M. André Trudeau, sous-ministre au ministère des Transports; et, à ma droite, vous avez M. André Vézina, sous-ministre au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Ma participation à titre de Secrétaire général du gouvernement s'inscrit d'emblée dans l'intérêt et l'ouverture des parlementaires à recevoir le point de vue de ceux et celles qui sont nommés à la direction des ministères et qui, au quotidien, sont les collaborateurs administratifs de leur ministre désigné. Il existe au Québec une tradition parlementaire permettant au représentant de l'administration de s'exprimer sur des enjeux de gestion, et cette approche fait toute notre fierté. Mes prédécesseurs, en 1982 et en 1990, ont d'ailleurs exprimé leur point de vue devant l'Assemblée nationale sur la pertinence de réviser la loi 50 sur la fonction publique, en 1982, ou celle de la maintenir en vigueur ou de la modifier, en 1990.

Au fil des années qui ont jalonné la mise en place de la fonction publique que nous connaissons aujourd'hui, l'ensemble du personnel qui oeuvre au service de l'État a tout mis en oeuvre pour mieux servir les citoyens et les citoyennes du Québec. Nous pouvons en témoigner, mes collègues et moi, la fonction publique québécoise est formée de personnes de grande qualité, de personnes dédiées, compétentes et expérimentées. Jour après jour, elles mettent tout en oeuvre pour dispenser des services de qualité à l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Nous pouvons toujours compter sur leur professionnalisme.

Le même esprit les anime dans cette importante opération de modernisation du cadre de gestion de la fonction publique afin de poursuivre la constante recherche de la performance des organisations publiques. Encore faut-il leur en donner les moyens, ce que cherche à faire selon nous le nouveaux cadre de gestion gouvernementale. Ce projet, de notre point de vue, est mobilisateur. Les changements à opérer sont importants. Le défi est à la hauteur de la capacité du personnel de la fonction publique.

Les éléments que je soumettrais à votre attention s'inscrivent dans la foulée de l'invitation du premier ministre, M. Lucien Bouchard, qui, à l'occasion du discours inaugural de la Trente-sixième Législature, le 3 mars dernier, invitait la fonction publique québécoise à se réinventer, invitation à laquelle le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor, M. Jacques Léonard, donnait suite le 9 juin dernier en déposant à l'Assemblée nationale un énoncé de politique portant sur la gestion gouvernementale Pour de meilleurs services aux citoyens , un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique.

(10 h 20)

Les sous-ministres ont été étroitement associés, depuis plus d'une année, aux nécessaires étapes de réflexion qui ont conduit au contenu de cet énoncé de politique. Ils y ont accordé une attention toute particulière. Les sous-ministres vivent les contraintes du cadre actuel de gestion, ils sont donc heureux de constater la volonté ferme du gouvernement de le moderniser. Leurs expériences quotidiennes dans l'exercice de leurs responsabilités les ont amenés à mettre en commun leurs diagnostiques et des avenues de solutions s'inscrivant dans l'esprit et les orientations de cet énoncé de politique. Ils ont été associés, de même que leurs collaborateurs immédiats, à toutes les étapes importantes du processus de révision. Ils ont contribué par leur réflexion aux résultats du Groupe de travail spécial sur la fonction publique que j'ai mandaté pour proposer des moyens de pousser plus avant la modernisation de la gestion publique amorcée depuis plusieurs années au sein de l'appareil gouvernemental.

Les constats sont unanimes: la création d'unités autonomes de services – 15 à ce jour – la mise en place d'une gestion participative en matière d'organisation du travail, qui s'est traduite en particulier par la création des comités ministériels sur l'organisation du travail, la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes, la gestion budgétaire à partir d'enveloppes fermées et les allégements administratifs réalisés à ce jour sont des pas significatifs de franchis.

Les sous-ministres sont tous convaincus de la nécessité de tendre encore davantage vers une plus grande qualité de services à la population à des coûts plus compétitifs. Les sous-ministres partagent donc d'emblée les deux défis incontournables d'une gestion publique moderne: mettre l'accent sur les résultats plutôt que sur les moyens et rendre les fonctionnaires davantage responsables et imputables. Ils ont toujours été soucieux de relever ces défis et entendent non seulement le demeurer, mais aller encore plus loin. Ils sont aussi sensibles à la nécessité de poursuivre une gestion rigoureuse et l'utilisation optimale des ressources après avoir largement contribué à l'assainissement des finances publiques.

On s'attend maintenant aussi d'eux qu'ils contribuent à créer un nouvel équilibre, c'est-à-dire demeurer à l'écoute des besoins des citoyens, dispenser des services de grande qualité, mobiliser leurs équipes sur la base d'engagement de services, d'objectifs clairs et de résultats de performance, stimuler l'innovation et la créativité, supporter le développement de nouvelles habiletés et connaissances. Ils sont, tout comme l'ensemble du personnel de la fonction publique, interpellés par cette réforme. Ils sont déterminés à s'y engager avec leadership et loyauté, disposés à mettre la main à la pâte pour en faire un réel succès collectif dans l'esprit des décisions que le législateur conviendra d'adopter au terme des audiences en cours.

Les pas franchis en matière d'organisation du travail au sein des ministères en partenariat avec les représentants syndicaux ont contribué de manière significative à la lutte contre le déficit et suscité de nouvelles expériences de partenariat porteuses de responsabilisation, d'autonomie accrue et de concertation renouvelée dans l'ensemble des ministères et organismes. Mes collègues sous-ministres peuvent d'ailleurs témoigner de leurs expériences et des étapes significatives franchies à ce jour en matière d'organisation du travail dans le cadre des comités ministériels d'organisation du travail. Ceux qui m'accompagnent aujourd'hui sont particulièrement familiers avec ces questions-là.

La mise sur pied des unités autonomes de services aura notamment permis d'innover dans les processus de gestion et permis de conclure à l'évidence que le cadre de gestion gouvernementale demeurerait encore rigide et lourd, et ce, malgré les efforts répétés, successifs et efficaces à plusieurs égards depuis une vingtaine d'années pour l'alléger, que la seule conformité à des procédures et des normes génère des délais importants et des coûts élevés en laissant trop peu de place aux initiatives de bonne gestion. Ainsi, l'expérience a aussi démontré que ce modèle doit évoluer vers un cadre de gestion qui réduirait au minimum les contraintes sur les processus et mettrait l'accent sur les objectifs de performance. Ma collègue la sous-ministre de l'Éducation pourrait vous faire partager, si vous le souhaitiez, l'expérience d'une unité autonome de services: l'aide financière aux études.

Nous pouvons témoigner que ce qui pouvait être fait dans le contexte actuel a été accompli. La poursuite de la réforme exige maintenant une adaptation plus poussée du cadre législatif, réforme qui s'inscrit dans un courant beaucoup plus large de modernisation des fonctions publiques dans le monde, qui s'inscrit dans l'impérieuse nécessité de mieux adapter les secteurs publics aux réalités socioéconomiques de nos sociétés actuelles. Je pense entre autres à la réforme de la Grande-Bretagne, à celle du vice-président Al Gore aux États-Unis, à celle menée en Suède et, plus près de nous, à celle de l'Alberta et de la fonction publique canadienne. Bien qu'il faille adapter notre démarche à notre réalité, ces expériences nous permettent notamment de cerner les points d'ancrage, de dégager des conditions de succès et les étapes de mise en oeuvre.

La proposition de textes législatifs annexés au livre blanc amorce cette révision en remplaçant une partie importante de la Loi de l'administration financière. Les autres dispositions de cette loi devront sans doute être revues afin de s'ajuster, elles aussi, aux réalités nouvelles. D'autres lois pourront possiblement avoir à être retouchées à la lumière de l'expérience acquise. Ce qui importe, c'est de continuer à aller de l'avant dans la voie de la responsabilisation et de l'imputabilité.

Au cours de cette démarche, d'autres contrôles s'appliquant au processus et aux moyens devront sans doute faire l'objet d'assouplissement. Par ailleurs, gérer par résultats ne signifie pas abolir tous les contrôles; bien gérer signifie aussi bien contrôler. C'est un élément essentiel de la gestion: une gestion en contrôle, une gestion contrôlée a posteriori par ses résultats et non plus contrôlée sur l'a priori strict de l'encadrement des ressources. À cette fin, des outils modernes de reddition de comptes devront être mis en place, notamment les rapports de rendement et les indicateurs de résultats. En outre, les fonctions essentielles à la gestion par résultats devront être adaptées ou développées tout autant que les contrôles centraux financiers et de gestion, la vérification interne et l'évaluation de programmes.

L'imputabilité. La gestion axée sur des résultats attendus, des objectifs fixés à l'avance, des indicateurs de mesure de la performance prédéterminés et une information transparente exigeront une reddition de comptes adaptée et plus significative, une imputabilité encore plus poussée des gestionnaires. Le régime d'imputabilité est l'élément clé du système d'une fonction publique encore plus centrée sur les besoins du public, sur la responsabilisation des intervenants, sur la flexibilité et la souplesse au niveau des moyens, sur la compétence et l'efficacité attendues.

Depuis l'adoption de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et dirigeants d'organismes, en 1993, les sous-ministres appelés à s'expliquer devant la Commission de l'administration publique ont été unanimes: «Ces occasions sont stimulantes, elles permettent de mieux expliquer les programmes et la brochette de services offerts, les difficultés rencontrées et le partage de certaines problématiques.» Elle aura aussi permis de reconnaître la qualité des personnes qui oeuvrent au service de l'État, voire, le cas échéant, répondre à certaines critiques, commentaires ou suggestions provenant notamment du Vérificateur général.

Les sous-ministres estiment que la reddition de comptes est essentielle à l'expression libre et transparente de la démocratie. Ils saluent d'ailleurs les pas importants franchis à ce jour. Ils peuvent témoigner de l'ouverture, de l'accueil, de la qualité des échanges lorsqu'ils se sont présentés en commission parlementaire pour s'expliquer de leur gestion. Dans la mesure où le sujet est bien circonscrit, la reddition de comptes en commission parlementaire s'avère largement bénéfique pour tous les acteurs et constitue une grande source d'amélioration, de valorisation et de fierté de servir les citoyens et les citoyennes. L'expérience acquise en cette matière est probante, est porteuse d'expériences novatrices. Nous sommes d'avis qu'il faut poursuivre dans cette voie.

La consultation des fonctionnaires de tous niveaux. Les sous-ministres ont également souscrit d'emblée à la volonté exprimée par le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor à l'effet d'associer largement à la démarche de modernisation l'ensemble des gestionnaires et le personnel de la fonction publique. La première étape d'une période de consultation s'est échelonnée de juin, depuis le dépôt de l'énoncé de politique, jusqu'à août, sur une dizaine de semaines, et aura permis à un bon nombre de fonctionnaires de faire valoir leur point de vue.

(10 h 30)

En dépit de la période estivale, chaque sous-ministre a donc fait en sorte qu'un nombre optimal d'employés soient consultés et s'expriment sur le projet d'un nouveau cadre de gestion et la proposition de loi qui l'accompagne. Ce n'est cependant que le début d'un processus d'information et de consultation. Nous entendons associer notre personnel à toutes les étapes que nous devrons franchir pour mener à terme cette importante opération de modernisation.

L'adhésion aux principes et aux orientations générales suscite un large consensus. Nous avons pu observer à tous les niveaux l'intérêt soulevé par le projet de modernisation, la fierté et le souci des fonctionnaires de servir bien le public et leur ferme volonté de maintenir, voire d'améliorer leur performance. Nous pouvons dire que le mouvement semble bien amorcé. Il importera cependant de poursuivre la trajectoire, de demeurer à l'écoute et sensible aux commentaires et suggestions propres à bonifier la modernisation proposée. Une très grande majorité de personnes a fait valoir que cette proposition doit être menée jusqu'à son terme ultime. Ainsi, avons-nous également pu observer des inquiétudes quant au rythme de mise en place des mesures avancées et des attentes élevées à l'effet de dépasser le discours pour formellement le traduire dans des mesures concrètes pour encore mieux servir le public.

Le développement de nouvelles habiletés de gestion et celles notamment nécessaires à la prise en charge des nouveaux outils technologiques sera impératif. Des mesures de formation et des outils de support à la bonne compréhension des objectifs et à sa pénétration seront essentiels.

Essentiellement, ce mouvement de changement va exiger la mobilisation des équipes vers un but commun. Au-delà des objectifs traduits dans des stratégies de communication pertinentes, seul un vrai leadership saura guider les fonctionnaires dans l'implantation de cette modernisation. Les sous-ministres sont prêts à relever le défi avec leurs équipes, tout aussi exigeant soit-il. Nous, les sous-ministres, sommes enthousiastes. Nous croyons à ce projet. Je pense, comme tous mes collègues, que le projet de modernisation de la fonction publique québécoise est un projet de plus en plus mobilisateur, qu'il rejoint les demandes souvent répétées de notre personnel désireux d'assumer pleinement les responsabilités qu'on leur confie pour continuer à dispenser des meilleurs services aux citoyens.

M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de cette commission spéciale, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. le Secrétaire général. Nous passons à la période d'échanges et de questions. Je rappelle que chaque groupe parlementaire a 20 minutes pour cette phase. Alors, à ce moment-ci, M. le ministre d'État à l'Administration et à la Fonction publique, vous avez la parole.

M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier le Secrétaire général de son témoignage, de sa prise de position sur cette question de la modernisation de la fonction publique ou de l'administration publique. Avant de lui poser une question, je voudrais simplement faire une mise au point sur ce qui a été dit tout à l'heure, à l'effet que nous nous interrogions d'abord sur le comment avant de procéder au pourquoi. Je veux simplement dire que, sur le quoi, nous nous sommes interrogés très longuement, puisque, en faisant la lutte au déficit, c'est justement là-dessus que les questions ont porté: Quels sont les programmes que nous retenons? Quels sont les corrections que nous faisons aux programmes existants, que nous voulons maintenir? Et donc, nous faisons les deux choses en même temps: nous avons modernisé jusqu'à un certain point, nous avons progressé, mais nous avons aussi progressé sur le quoi, sur ce que fait l'État, sur comment il fait, comment il fait les programmes qu'il a décidé de maintenir.

Maintenant, à ce stade-ci, après avoir mis en place un certain nombre de dispositifs – s'entend bien le sens du témoignage du Secrétaire général que – nous sommes arrivés à un point où nous avons exploité en quelque sorte les possibilités que nous avions dans le système actuel et que nous devions changer. Je crois qu'il se posait une question: Pourquoi, à ce stade-ci, nous avons besoin d'une législation, nous avons besoin d'un cadre modifié profondément, alors que, jusqu'ici, nous avons pu mettre en place un certain nombre de dispositifs, mais qu'ils ont épuisé leur capacité dans ce cadre? Est-ce que vous pourriez commenter sur cet aspect de la question?

M. Noël de Tilly (Michel): Évidemment, je n'entrerai pas dans le détail des différentes modalités de l'avant-projet de loi qui est joint à l'énoncé de politique sur cette question-là. Essentiellement, les travaux qu'on a faits au gouvernement sur ces questions-là ont démontré que ce qu'il était possible de faire dans le cadre de la Loi de l'administration financière en termes de plus grande responsabilisation, bien, avait été fait et que maintenant, pour être en mesure d'aller un peu plus loin, il était nécessaire d'apporter des modifications à la Loi de l'administration financière et peut-être éventuellement également aussi à la Loi de la fonction publique sur des éléments un peu plus détaillés, de manière à ce que, particulièrement du côté de la gestion et des ressources en général et des ressources humaines en particulier, les différents gestionnaires aient davantage de marge de manoeuvre qui puisse leur être déléguée par le gouvernement.

M. Léonard: Est-ce que quelqu'un d'autre veut commenter?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Trudeau.

M. Trudeau (André): Oui. André Trudeau, sous-ministre des Transports. Je pense que, dans le même sens, il faut voir que ce n'est pas une démarche spontanée, hein? C'est une démarche qui date depuis plusieurs années. Ça fait longtemps qu'on parle de la gestion par résultats. Non pas que c'est nécessairement une opération facile, il faut travailler dans une autre approche, développer des indicateurs, ainsi de suite. Mais ce changement vers une gestion par résultats pour donner plus de marge de manoeuvre dans l'adaptation des services aux citoyens, l'expérimentation la plus claire qui a été faite ces dernières années, ça a été via les unités autonomes de service, et de permettre de mieux structurer un peu cette démarche-là. Et, quand on regarde l'évolution des unités autonomes de service, on constate que, pour aller plus loin dans l'adaptation des services, c'est davantage dans ce secteur-là qu'il faut mieux adapter nos règles. Parce que les lois étant ce qu'elles sont, le cadre législatif étant ce qu'il est, il faut le requestionner sur certains éléments – là, j'imagine qu'ils sont proposés dans l'énoncé de politique – et c'est dans ce sens-là donc qu'il devient de plus en plus nécessaire et important de repenser un peu notre cadre de gestion, le cadre législatif, si on veut évoluer vers cette approche de gestion des résultats plutôt qu'une gestion des moyens seulement.

M. Léonard: M. le Secrétaire... Oui? M. Vézina.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Il y a M. Vézina qui voulait ajouter quelque chose. M. Vézina.

M. Vézina (André): Oui. Pour aller plus loin sur cette question, je pourrais illustrer ça avec quelques exemples. Les ministères, la plupart des ministères se sont déjà engagés dans, par exemple, la préparation de plans stratégiques. Tous les ministères se sont engagés sur cette voie-là, dans l'implantation d'une gestion par les résultats. Ils se sont engagés aussi, tous, dans la préparation de plans de gestion des dépenses. Or, la difficulté qui se pose à ce moment-ci, c'est qu'ils ne disposent pas toujours de la marge de manoeuvre suffisante pour concrétiser la réalisation des plans stratégiques, et on pourrait donner des exemples à cet égard, et les membres de cette commission ont pu vivre quelques exemples, j'en suis certain, à cet égard. Et l'exercice d'imputabilité en particulier ne porte pas sur ces outils que nous avons développés. Il n'y a aucune prescription à l'effet que les commissions parlementaires doivent considérer en quelque sorte l'ensemble de la planification des services rendus aux citoyens. Et ces ajustements sont maintenant devenus nécessaires si on veut maintenir la mobilisation du personnel des ministères et organismes autour de la réalisation de ces outils axés sur la gestion par les résultats.

M. Léonard: M. le Secrétaire général, tout à l'heure, a indiqué que sa collègue pourrait nous parler de l'aide financière aux études. J'imagine que vous avez là une UAS qui est vraiment orientée vers une clientèle très précise que sont les étudiants. Alors, est-ce que vous pouvez nous parler de votre expérience?

Mme Champoux-Lesage (Pauline): Oui. Pauline Champoux-Lesage. Ça fait seulement deux ans maintenant qu'on a une unité autonome de service. Vous évoquez, M. le ministre, qu'il y a une clientèle particulière. Je pense qu'une clientèle de jeunes qui est en attente d'un prêt ou d'une bourse est une clientèle particulièrement exigeante. Le fait d'avoir mis en place une unité autonome de service a fait qu'on s'est véritablement recentré sur le service à la clientèle, si je peux m'exprimer ainsi, aux jeunes. Donc, le personnel, qui, pour une bonne part, est un personnel de soutien ou un personnel technicien qui traitait des dossiers – j'ai envie de dire des piles de dossiers – à la pièce, s'est engagé d'entrée de jeu avec des objectifs de résultat, objectifs qui pouvaient toucher tant les délais de traitement des demandes qui lui sont faites, la qualité du service qui est offert à la clientèle, c'est-à-dire clarté des informations qui leur sont transmises, qualité de la documentation, rapidité aussi des réponses aux questions qui nous sont faites, avec mise en place de systèmes interactifs, et aussi collaboration, bien sûr, avec nos réseaux que sont les universités et les cégeps, qui ont collaboré à l'amélioration du service.

(10 h 40)

Je peux vous dire que cette expérience-là est très, très bien vécue au sein du ministère et a fait l'objet d'une présentation à l'ensemble des gestionnaires du ministère qui y ont vu un modèle extrêmement stimulant. C'est sûr que nous ne sommes pas, au ministère de l'Éducation, dans le domaine des opérations de manière générale. C'est un cas d'espèce, l'aide financière aux études, parce que nous ne sommes pas en service direct à la population; nous, on le fait par l'entremise de nos réseaux, mais le résultat est probant. Et peut-être pour illustrer aussi l'exemple que mes collègues disaient, qu'on est allés au bout de ce qu'on pouvait faire, c'est que, si on veut encore améliorer la qualité des services, par exemple il faudrait peut-être envisager une organisation de la dispensation des services autrement, par exemple sur un horaire qui soit modulaire. Et, actuellement, il y a des contraintes à la prestation d'un service véritablement efficace, par exemple dans des périodes de pointe, où il faudrait peut-être avoir des gens pour travailler davantage le soir, ou des choses comme ça. Alors, c'est ce genre de contraintes qu'il faudrait lever pour améliorer la qualité des services.

Mais, au terme de deux ans, à la fois le personnel qui s'est senti mobilisé... il y a un sentiment de fierté dans cette unité-là, et je ne m'en cache pas, c'est une unité qui avait des difficultés même de recrutement de personnel, parce que ce sont des opérations difficiles, on est toujours en demande à leur endroit. Il y a maintenant une fierté au sein de cette unité-là, et une fierté tant chez les gestionnaires que chez les employés eux-mêmes. Alors, ça nous semble, nous en tout cas, une voie prometteuse et une voie pour mobiliser la fonction publique. On le voit, je sais que les gens vont venir en témoigner, des responsables d'unité autonome de service, mais, de manière générale, je considère que c'est un atout très positif pour la modernisation et l'amélioration du service aux citoyens.

M. Léonard: Juste une dernière avant de passer la parole à mon collègue. Je voudrais savoir si la détermination des indicateurs de performance a été difficile, si cette détermination a fait l'objet de négociations longues ou bien s'il y a eu une évolution aussi au cours des trois périodes que vous avez vécues.

Mme Champoux-Lesage (Pauline): La détermination des objectifs, d'une part, des indicateurs de performance, c'est toujours difficile parce que ça touche plusieurs dimensions. C'est à la fois de la performance pour les gens qui doivent améliorer leur processus, donc livrer... mais aussi des indicateurs de performance sur les coûts-bénéfices, par exemple, si on va du côté du recouvrement, parce qu'on a aussi à recouvrer des dettes auprès des jeunes. Alors, la définition des indicateurs est toujours difficile. Et ça va en s'affinant d'une année à l'autre. La première année, c'est toujours de manière un petit peu plus arbitraire, mais on arrive et on voit l'évolution au bout d'un an, deux ans, trois ans, et je pense que, d'ici trois ou quatre ans, on va être capable d'affiner encore davantage ces indicateurs de performance.

Mais ce que mon directeur d'unité me disait, c'est qu'ils ont travaillé en étroite collaboration avec chacun des employés. Il y a souvent des propositions qui sont faites par les employés et qui sont très... souvent, c'est eux qui ont la solution au problème, et, quand on s'adresse à eux et qu'on convient avec eux des objectifs à atteindre et des moyens pour les atteindre, c'est beaucoup plus facile, d'entrée de jeu, d'atteindre les résultats.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Je voudrais, d'entrée de jeu, d'abord saluer les gens qui sont nos invités, mais dire à tous les collègues qu'en plus de M. Noël de Tilly, qui est Secrétaire général du gouvernement, nous avons là une brochette et un trio chevronné, expérimenté; ils sont tous encore jeunes, mais ils ont une très longue expérience sur...

Une voix: Un quatuor.

M. Gendron: Oui. Non, mais, en plus de M. de Tilly, il reste un trio ou une brochette de sous-ministres très expérimentés en la présence de M. Vézina, de M. Trudeau et de Mme Champoux-Lesage.

Moi, j'aurais deux questions très rapides. Ça ne fait aucun doute, vous le dites dans votre mémoire, que, quant à vous, puis là vous parlez au nom des sous-ministres, vous êtes déterminés à vous engager dans ce nouveau cadre de gestion avec leadership, loyauté. Ça ne fait aucun doute, aucun doute. Je connais la fonction publique, je connais la qualité des gestionnaires. Ma question, ce serait sur ce que j'appelle... sans hiérarchiser la fonction publique, il y a vous puis il y a l'ensemble de l'appareil de la fonction publique. Par votre expérience, ayant exercé dans plusieurs ministères les uns et les autres, vous avez une bonne connaissance de la fonction publique, la question précise... On dit que, dans le milieu de la fonction publique, il y aurait un certain climat de désabusement, d'inquiétude, de morosité. Alors, spécifiquement là-dessus, quand les sous-ministres disent: Nous, on va y aller fort, avec leadership, loyauté, ainsi de suite, c'est quoi, la lecture que vous faites à ce moment-ci de la structure de la fonction publique à d'autres niveaux que le vôtre par rapport à un degré d'implication, de motivation d'y aller à fond de train pour la mettre en oeuvre rapidement?

M. Noël de Tilly (Michel): En ce qui me concerne, moi, ce que je peux dire, c'est que les degrés de mobilisation dans la fonction publique à l'heure actuelle sont parfois variables d'un endroit à l'autre. Je ne pense pas qu'on puisse dire... Je pense que, d'une manière générale, la fonction publique m'apparaît, moi, plutôt mobilisée. Bien sûr qu'il y a des sections, qu'il y a des unités parfois dans certaines organisations qui sont moins motivées, moins mobilisées que d'autres. Comme dans toute grosse organisation, c'est des choses, bien sûr, qui arrivent. Mais je pense que, d'une manière générale, la fonction publique est plutôt positivement motivée.

Bien sûr, le document dont on parle, l'énoncé de politique dont on parle aujourd'hui, c'est un dossier qui est venu, à l'origine, de la haute fonction publique et des gestionnaires et suite à des discussions dans les différents ministères. Mais, lorsque l'énoncé a été rendu public, à partir du moment où l'énoncé a été rendu public, nous, on a voulu associer davantage les employés; alors, on a parti un exercice de consultation, auquel j'ai fait allusion tout à l'heure. Et on voit que, évidemment, le moment où on a fait cet exercice de consultation n'était pas extraordinairement bien choisi, puisque ça s'adonnait à être pendant la période estivale et on a plus de difficultés à rejoindre l'ensemble de notre personnel dans ces circonstances-là. Mais, malgré tout, on a eu un taux de réponse très, très, très élevé. Il y a plusieurs milliers de fonctionnaires qui ont fait des commentaires de toute nature. C'est vraiment un exercice de consultation qui a donné beaucoup de commentaires écrits de toute nature. Ce sont des documents qu'on a avec nous, si éventuellement... Je présume que vous vouliez en prendre connaissance. Je présume qu'il n'y a rien de bien, bien secret dans ces questions-là.

Mais ce que ça a révélé, l'exercice, c'est que, d'une manière générale, les gens sont vraiment en arrière de nous autres sur les objectifs. Bien sûr qu'il y a un petit peu de crainte dans la fonction publique, mais la crainte est davantage sur, je dirais plutôt, un certain scepticisme. Ça fait un certain temps que les fonctionnaires en général entendent parler de ces questions-là, puis je pense qu'ils ont hâte de voir le gouvernement passer à l'action puis implanter davantage le nouveau système de modernisation de la fonction publique. Je pense que, quand on va être rendu à des étapes plus concrètes d'implantation, on va être capable de rejoindre et de mobiliser davantage de monde parce qu'on va être en mesure de leur démontrer des résultats plus concrets.

Alors, c'est le commentaire que j'avais à faire. Je présume que mes collègues pourraient peut-être compléter.

M. Trudeau (André): Oui. André Trudeau. Je prendrais peut-être l'exemple ou le témoin de... J'ai eu à coordonner les opérations concernant le déluge de 1996. Et on dit souvent que la fonction publique a de la misère à se revirer sur un 10 cents, et puis est assez morose, puis ainsi de suite. Mais je peux vous dire que, dans une opération comme ça, il y en a une, mobilisation. Et on n'a pas à aller courir après les gens. Les gens se sont tout de suite mobilisés, rapidement. Quand il y a un projet spécifique, on arrive à mobiliser rapidement les gens. Et je pense que les résultats ont été assez probants. On a vu des gens ou des spécialistes même, avec lesquels on faisait peu affaire, se manifester puis arriver à trouver des solutions, des réponses dans une situation un peu inédite. Alors donc, on voit qu'il suffit finalement d'un événement ou de quelque chose pour arriver à mobiliser.

J'ai vu que notre collègue Roland Arpin avait fait entendre qu'il y avait un peu de morosité. Je pense que la fonction publique est loyale et dévouée, et je pense qu'on assume les responsabilités qui sont les nôtres, et je pense qu'on a contribué au déficit zéro, comme d'autres d'ailleurs – on n'est pas les seuls, comme d'autres. Et je pense que là-dessus vous pouvez compter sur les gens pour se mobiliser quand le temps vient.

(10 h 50)

Ce qui est nouveau peut-être dans la gestion maintenant, c'est qu'on ne peut plus travailler dans son bureau, la porte fermée. Hein! C'est vrai tout partout. C'est vrai dans le secteur privé, c'est vrai dans la fonction publique. Il faut que les hauts dirigeants, les sous-ministres, les hauts dirigeants de l'organisation impliquent le personnel, l'associent aux différentes démarches. Ça va être vrai pour cette démarche qu'on met de l'avant, mais c'est vrai sur l'ensemble des projets ou des fonctions qu'on doit réaliser. Il faut mobiliser ces gens-là, les associer. Ils sont, comme vous le savez maintenant, l'expérience. L'âge moyen a augmenté dans la fonction publique, l'expérience est plus développée. Il faut les mettre davantage à contribution, et ça, je pense que...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Une deuxième question, brièvement, M. le député.

M. Gendron: Oui, très rapidement. C'est parce que je suis content que M. de Tilly l'ait souligné. Dans votre mémoire, je crois, vous insistez sur une phrase qui m'a frappé et vous venez de le rappeler. Vous dites: Lors de la consultation, une très grande majorité de personnes a fait valoir que cette proposition doit être menée jusqu'à son terme ultime. Alors, quand on dit ça, c'est qu'il y a du doute, il y a de l'inquiétude, puis il y a du scepticisme. J'aimerais ça que vous soyez plus précis. Au-delà du désabusement, au-delà des efforts qui ont été tentés dans l'histoire de la fonction publique – ce n'est pas la première fois – est-ce que le doute vient davantage, ou bien de la volonté politique, ou bien des cadres intermédiaires, ou bien des sous-ministres? Parce que, si on avait plus de temps... il me semble qu'il n'y a pas de réforme... Vous avez quand même une certaine marge de manoeuvre pour atteindre un certain nombre d'objectifs visés par la réforme, sans cadre réglementaire. Alors, il faut se poser la question: Pourquoi ce n'est pas arrivé? Alors, y a-t-il des joueurs qui ne jouent pas? Alors, le scepticisme, là, pouvez-vous le préciser? À quel niveau il se situe précisément?

M. Noël de Tilly (Michel): Il est difficile à mesurer, évidemment. C'est variable, peut-être, d'un individu à l'autre, là. Mais disons que, d'une manière générale, je pense que les gens, maintenant, comprennent qu'il y a davantage un consensus malgré tout. Parce qu'on voit que c'est un dossier qui a été évoqué dans le discours inaugural, le gouvernement a accepté un énoncé de politique. Ça veut dire que les politiciens, d'une manière générale, sont sensibilisés à ce dossier-là. On voit les travaux qui ont été menés à travers les dernières années. Du côté de la commission de l'administration publique, il y a un consensus qui s'est développé, je pense, de tous les politiciens qui participaient, d'un côté comme de l'autre, à une démarche comme celle qu'on évoque.

M. Gendron: Ça va. Pourquoi sont-ils inquiets?

M. Noël de Tilly (Michel): Bien, c'est-à-dire que ce sur quoi ils sont inquiets, je pense... c'est que, à l'heure actuelle, on est rendu au niveau d'un énoncé de politique puis d'un avant-projet de loi. Je pense que les gens ont hâte qu'on passe à l'action, que la loi soit adoptée, qu'on invente des mesures, puis qu'on arrive dans le concret de manière à ce que ça puisse produire des vrais résultats et que les fonctionnaires soient capables de les voir, ces résultats-là, dans leur gestion quotidienne. Alors, je pense que c'est un scepticisme qui dit tout simplement: On a hâte que vous arriviez et qu'on puisse passer à l'action. Moi, je pense que, pour l'essentiel, c'est là-dessus que ça porte.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À ce moment-ci, malheureusement, on a épuisé le temps prévu pour les ministériels. M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil, vous avez la parole.

M. Marcoux: M. le Président, je vais passer...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Ah! monsieur, excusez-moi.

M. Marcoux: Mon collègue de Westmount–Saint-Louis, et je reviendrai.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis, allez-y.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Quelques commentaires, au début, puisque je vais finir ce que j'ai failli commencer tout à l'heure.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chagnon: Mais j'avais dit que je serais bref. Alors, je vais écourter d'ailleurs ce que j'avais à dire.

J'ai été un peu surpris de l'échange préalable que nous avons eu où le ministre nous a dit: Pas de raison de s'occuper du quoi parce que nous l'avons fait, puisque, maintenant, nous avons un déficit zéro. C'était un peu court comme réponse. En fait, pour arriver au déficit zéro, on s'est impliqué à modifier beaucoup les comment, et je pense, entre autres, à la diminution de 6 % des effectifs dans la fonction publique. Je pense qu'on s'est préoccupé davantage des comment dans le secteur de la santé lorsqu'on a mis en préretraite 3 800 infirmières sans se poser la question sur comment on était pour opérer les services a posteriori. C'est donc une approche qui a été fondée beaucoup, beaucoup sur le comment et beaucoup moins sur le quoi. L'expérience étrangère a d'abord consacré ses énergies sur la redéfinition des tâches de l'organisation gouvernementale. Je comprends que, si la réponse du ministre est la réponse du gouvernement, il s'agit, dans ce cas-ci, d'une volonté d'un statu quo sur cette question-là au sein du gouvernement.

Mais, puisque nos invités, que je remercie de s'être pliés à l'effort de venir nous rencontrer et que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans d'autres commissions et de questionner dans d'autres circonstances, et dont je connais la qualité et la valeur... pourriez-vous nous dire, vous, qui avez... Dans le fond, même si le ministre est sensible à l'appui que vous lui apportez, je sais pertinemment, parce que vous venez de le dire aussi, M. de Tilly, que ces travaux-là ont émergé du Conseil exécutif. Mme Wilhelmy était impliquée là-dedans beaucoup. En fait, c'est le ministre qui a appuyé le dossier du Conseil exécutif, dans les faits. Et ça n'empêche pas moins que cette partie-là m'inquiète: Pourquoi n'avez-vous pas jugé bon de vous poser des questions ou de remettre en question l'aspect du ce que l'on doit faire? D'autant plus qu'on a le quart du PIB qui est maintenant contrôlé par l'État du Québec.

M. Noël de Tilly (Michel): Je peux répondre bien simplement à cette question-là. Nous, M. le ministre, on considère qu'il s'agit d'une question qui relève d'abord et avant tout d'une question d'orientation politique...

M. Chagnon: Politique, O.K. Bon. Merci.

M. Noël de Tilly (Michel): ...de la part d'un gouvernement, et c'est au gouvernement, je pense bien, à déterminer de quelle manière doit être fait l'État, tandis que les sous-ministres, eux, ont davantage à travailler sur le comment, c'est-à-dire d'essayer de faire fonctionner le mieux possible l'État qui aura été défini par le gouvernement et/ou l'Assemblée nationale, selon le cas.

M. Chagnon: Ça répond très bien à ma question. Je vous remercie beaucoup.

Vous avez aussi dit que ce qui importe, c'est d'aller plus loin dans la voie de la responsabilité et de l'imputabilité au chapitre de la reddition de comptes, l'imputabilité plus poussée des fonctionnaires. Comment réagissez-vous lorsqu'on a un cas précis devant nous où les clients, les observateurs, les témoins s'entendent pour dire qu'il y a un cafouillis – on ne sait pas s'il est administratif ou autre – dans un système ou dans un département? Prenons Emploi-Québec, par exemple. Qu'est-ce que vous nous suggéreriez de rechercher comme imputabilité dans un cas comme celui-là?

M. Noël de Tilly (Michel): Ha, ha, ha! Évidemment, aucun d'entre nous n'est directement concerné par le cas parce que c'est un dossier qui survient dans un autre ministère. Je présume que...

M. Chagnon: Mais vous êtes le sous-ministre des sous-ministres.

M. Noël de Tilly (Michel): Oui, oui, si on veut. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Noël de Tilly (Michel): Mais ça ne me donne pas une compétence absolue puis une science infuse pour autant. Je voulais simplement dire qu'Emploi-Québec, c'est une unité autonome de service, une nouvelle, plus récente que d'autres, et je pense qu'en termes de reddition de comptes il est prévu des processus possibles, et je pense que c'est plutôt une commission parlementaire qui serait chargée d'étudier la question qui pourrait peut-être y voir davantage clair que l'un ou l'autre d'entre nous ici, autour de cette table, aujourd'hui.

M. Chagnon: Mais encore là, est-ce que c'est l'approche administrative ou l'approche politique qui doit être regardée? Parce que, finalement, quand on regarde la question de l'imputabilité, inévitablement, que ce soit à l'ENAP ou ailleurs, on a soulevé la question: Où commence l'imputabilité politique et où commence l'imputabilité administrative?

M. Noël de Tilly (Michel): Je présume qu'il y a un peu des deux dans le cas. Mais je ne connais pas, moi, suffisamment le dossier pour être capable de le commenter d'une manière précise. Pour être bien franc, je ne connais pas le détail du dossier puis je préférerais ne pas porter de jugement sur ce qui n'a pas fonctionné dans le dossier. Il semble bien y avoir eu à l'origine un certain nombre de problèmes de contrôle budgétaire, d'après ce que j'ai compris. Et bien sûr, du contrôle, ça en prend, je pense que j'ai été le premier à le dire tantôt dans un de mes exposés. J'ai compris qu'il y avait eu dans ce dossier-là, mais, encore une fois, je n'en ai pas fait un examen exhaustif, mais j'ai compris qu'il y avait eu à l'origine des difficultés de contrôle, particulièrement en ce qui a trait à cinq systèmes informatiques qui venaient de cinq organisations différentes et qui avaient à être mis ensemble les uns par rapport aux autres. Et il semblerait bien qu'il y ait eu des difficultés imprévues à cet égard et qui ont amené, entre autres choses, un contrôle peut-être déficient sur... Bien sûr que je pense que ça demanderait un examen plus approfondi du rôle de chacun dans le dossier pour être capable de voir où l'imputabilité devrait porter.

M. Chagnon: Effaçons le dossier Emploi-Québec de l'ardoise puis revenons à la question de fond: Où commence et où se termine l'imputabilité ou la responsabilité ministérielle? Je pose la question, je suis certain que mon collègue de Labelle est friand d'avoir la réponse à cette question-là parce que, pendant des semaines et des mois, nous avons discuté, l'un devant l'autre, ayant des positions très différentes, sur justement le caractère de l'imputabilité de la fonction publique. Mon collègue était plutôt un partisan de la responsabilité ministérielle rigide.

(11 heures)

M. Noël de Tilly (Michel): Je ne sais pas si, André, tu veux commenter.

M. Vézina (André): Oui. André Vézina. Bien, tout ça, c'est une question sur laquelle on a eu à se questionner et à chercher une réponse et à laquelle on a été pratiquement confronté à chaque fois qu'on s'est présenté devant une commission parlementaire. Bien sûr, la ligne n'est pas forcément facile à tracer, mais tout de même, il m'apparaît que, si on fait exception de peut-être certaines petites zones grises, on peut y arriver.

Il nous apparaît, quant à nous, en vertu des lois qui nous régissent – et j'en ai souvent discuté avec mes collègues – que toutes les décisions relevant formellement du ministre, du gouvernement ou de l'Assemblée nationale, les lois et leur contenu, les règlements et leur contenu, les programmes, dans la mesure où leur contenu et les normes de ces programmes ont été décidés par le gouvernement ou par décision formelle du ministre, que toutes ces décisions-là et les questions qui se rapportent à la pertinence des décisions ne relèvent pas de l'imputabilité des administrateurs et les ministres en sont carrément imputables.

Tout ce qui concerne, par contre, la mise en application des lois, règlements et programmes, l'allocation des ressources à l'intérieur des décisions prises sur l'allocation des ressources encore ici par le gouvernement – c'est bien sûr le gouvernement qui, pour les grands pans d'allocation des ressources, décide – et l'aménagement de ces ressources à l'intérieur de ces décisions, la façon de mettre en oeuvre ces règlements, d'appliquer ces lois, de gérer ces programmes, ça, ça relève carrément de l'imputabilité des gestionnaires de la fonction publique. Et quand même, on est arrivé, quand des exemples précis se sont posés devant nous, à faire, règle générale, assez bien ce départage à l'intérieur même des exercices d'imputabilité en commission parlementaire, me semble-t-il.

M. Chagnon: M. le Président, c'est intéressant puis je pense que l'explication qui est donnée par le sous-ministre à l'Agriculture doit correspondre aux visions aussi des trois autres invités à cette commission. Mais qu'est-ce qui arrive dans un cas, par exemple, où un organisme est un organisme de tutelle du gouvernement? Je prends, par exemple, la Société des alcools du Québec, là où, encore une fois, la question du quoi puis du comment se pose. La Société des alcools du Québec, la semaine dernière, nous a annoncé qu'elle va construire pour 7 000 000 $ à 8 000 000 $ un musée du vin en-dessous du secteur de Montréal qui s'appelle Au-Pied-du-Courant. 7 000 000 $ à 8 000 000 $. Pourquoi on a une Société des alcools du Québec? En principe, c'est pour fournir des alcools, vendre des alcools, contrôler la qualité des alcools, puis surtout amener un dividende au ministre des Finances.

Ça fait que, si je comprends bien, cette Société-là vient de se trouver un nouveau créneau, donc un quoi. Elle va se développer un musée du vin. On n'a jamais été un pays producteur, sauf depuis à peu près quelques années, et puis là on va avoir un musée du vin. Y a-tu quelqu'un quelque part qui a les deux yeux plantés à la place des trous puis qui va dire à la Société des alcools: 7 000 000 $, 8 000 000 $, je pense que le ministre des Finances en a plus besoin que votre musée du vin. Il y a plus de clients chez Mme Lesage, plus de clients chez votre collègue à la Santé, plus de clients à l'Agriculture ou aux Transports qui ont besoin de ces 8 000 000 $ là qu'un musée pour l'instant. Ou encore, on va baisser le prix des alcools qu'on vend.

Mais, quand on a des organismes comme ça qui se développent par génération spontanée, des objectifs de société nouveaux, je pense qu'on est en droit de se questionner sur le fonctionnement puis le mode de raisonnement de ces gens-là puis de ces conseils d'administration qui émergent de l'État.

M. Noël de Tilly (Michel): Évidemment, dans un cas comme celui que vous évoquez, le dossier de modernisation de la fonction publique qu'on étudie à l'heure actuelle porte sur l'intérieur de la fonction publique, c'est-à-dire les ministères et les organismes régis par la Loi de la fonction publique. Je pense que...

M. Chagnon: La SAQ en est un.

M. Noël de Tilly (Michel): La Société des alcools du Québec n'est pas régie par la Loi de la fonction publique, à ma connaissance.

M. Chagnon: Elle n'est pas régie par la Loi de la fonction publique mais est un des organismes qui sont reliés par le ministère de l'Industrie et du Commerce au gouvernement.

M. Noël de Tilly (Michel): Oui, mais c'est un lien différent. Ce n'est pas des fonctionnaires qui travaillent à la Société des alcools du Québec.

M. Chagnon: C'est vrai.

M. Noël de Tilly (Michel): Le projet dont on parle porte essentiellement là-dessus, et nos réflexions, nous, ont porté davantage sur les questions reliées à l'intérieur même de ce qu'on appelle la fonction publique à proprement dit. Le rôle des organismes et des sociétés d'État, des réseaux d'éducation et des réseaux de la santé n'ont pas fait l'objet, du moins dans une première étape, de ce dossier-là, de l'examen du dossier de la modernisation.

M. Chagnon: C'est exact. Oubliez mon exemple, puis je vais vous en prendre un autre qui tombe dans vos cordes, dans ce cas-là: le Palais des congrès, le «youpi aïe» de tout ce qui se passe dans le processus de soumissions publiques. Ça, ça relève de chez vous, la SIQ, la fonction publique. Eh bien, là aussi il y a un tas de questionnements qu'on pourrait se poser en termes de d'indicateur de performance. S'il n'y a rien qu'une chose à faire avec ce dossier-là, c'est de le fermer, rembourser les gens à qui on a demandé de soumissionner puis repartir cette opération-là de A à Z, sinon la crédibilité du gouvernement est entachée. Alors, dans un cas où le comment et le quoi sont extrêmement liés?

M. Noël de Tilly (Michel): Moi, je pense que dans ces dossiers-là, dans les sociétés d'État dont on parle il y a des lois constitutives qui répartissent les pouvoirs entre le ministre et le dirigeant d'organisme, puis je pense que cette imputabilité-là est fonction un peu de ce que l'Assemblée nationale a décidé sur ces questions-là. Je ne connais pas le cas précis de la Loi de la SIQ, de la Société immobilière, ou bien même le cas de la Société des alcools du Québec en ce qui a trait au départage entre les deux, mais c'est certain qu'il y a un départage; il a été prévu par l'Assemblée dans ces questions-là, puis l'imputabilité du dirigeant d'organisme et/ou du ministre est fonction des pouvoirs qu'ils lui sont accordés de par la loi, mais je ne peux pas vous donner un exemple plus précis que ça, parce que je ne connais pas ces lois-là dans le détail.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marcoux: M. le Président, simplement, je pense, pour illustrer dans ce cas-là, pour poursuivre dans le même sens: Est-ce que vous jugez qu'il s'agit davantage d'une imputabilité administrative ou d'une imputabilité politique, un nouveau cadre de gestion, si cette question se posait dans le nouveau cadre de gestion qui est proposé?

M. Noël de Tilly (Michel): Évidemment, en ce qui concerne les sous-ministres, c'est une imputabilité administrative. On pense que les ministres sont, de manière générale, dans les gouvernements, responsables des grandes orientations, du développement des grandes orientations, alors que les fonctionnaires sont davantage responsables des dimensions et de l'application administrative. Alors, quand les fonctionnaires viennent en commission parlementaire pour rendre compte de leurs gestes, ils rendent compte de leurs gestes et leur imputabilité porte sur la dimension administrative des choses, alors que la dimension davantage d'orientation est de caractère plus politique, ça relève d'un autre forum qui est celui de l'Assemblée nationale, qui est celui que vous connaissez bien.

M. Marcoux: M. de Tilly, vous mentionniez tantôt, dans une réponse à la question de mon collègue, que le choix de programmes ou le quoi relevait davantage du politique, évidemment. Si on examine la question du mode de livraison des services ou du mode de prestation des services, dans le document qui est devant nous, on mentionne qu'on ne discute pas de l'établissement de nouveaux modes de prestation de services, par exemple, avec des partenaires extérieurs. Or, dans les pays qui ont procédé à diverses réformes du mode de gestion de la fonction publique, tous se sont interrogés ou encore plusieurs ont mis en application des nouveaux modes de prestation des services publics en disant que ce n'était pas nécessairement à l'État de tout faire, que certains services pouvaient être mieux rendus avec des partenariats publics, privés, d'autres peut-être carrément par le privé, d'autres par d'autres institutions parapubliques ou des services bénévoles, ou des organisations de type bénévole. Quel est le rôle des gestionnaires dans la mise sur pied, dans la création de nouveaux partenariats, par exemple, s'ils jugent que c'est la solution à faire et pourquoi on n'en discute pas dans ce document d'orientation, de la modernisation de la gestion publique pour une plus grande efficacité?

(11 h 10)

M. Noël de Tilly (Michel): Moi, à mon avis, il s'agit là aussi d'une question d'orientation de la part d'un gouvernement. Si un gouvernement décidait qu'il souhaitait avoir davantage recours, par exemple, à l'entreprise privée dans la dispensation de certains modes de services, je pense que le gouvernement pourrait en donner instruction et en faire une de ses orientations et, à ce moment-là, bien, les fonctionnaires travaillent avec le gouvernement dans le développement de ces nouveaux modes de dispensation de services. Mais il s'agit d'abord et avant tout d'une question d'orientation, je pense bien, davantage politique d'un gouvernement, et, à partir du moment où un gouvernement décide d'aller davantage dans ce sens-là, il passe des instructions à ses sous-ministres, bien, les sous-ministres peuvent développer différents scénarios et discuter de différents scénarios de dispensation de services qui vont dans le sens des orientations qu'un gouvernement détermine.

M. Marcoux: Vous mentionnez dans votre mémoire qu'évidemment tous les gestionnaires, tous les sous-ministres sont convaincus de la nécessité de tendre davantage vers une plus grande qualité de services à des coûts plus compétitifs. Donc, la compétitivité, normalement, ça s'évalue par des comparaisons. Comment vous entrevoyez justement évaluer cette compétitivité des services dans le cadre actuel de la fonction publique et compte tenu de la réponse que vous venez de donner sur l'autre plan?

M. Noël de Tilly (Michel): Bien, d'abord, on peut se comparer par rapport à ce qu'on a fait dans le passé, se comparer dans la manière dont on a dispensé ces services-là dans le passé, et on peut également se comparer par rapport à d'autres administrations publiques qui rendent des services analogues. Par exemple, au Canada, on peut se comparer facilement, à certains égards, avec l'Ontario, avec d'autres provinces qui, lorsqu'elles dispensent les services de la même manière, bien, il y a des coûts qui sont rattachés à ça. On peut, pas toujours très facilement, par exemple, parce que c'est difficile d'avoir des systèmes qui soient parfaitement comparables... Dans certains éléments de l'administration publique, il est parfois possible de faire des comparaisons de coût comme ça, de voir à se comparer avec les autres puis essayer de faire en sorte qu'on puisse diminuer davantage les nôtres.

M. Marcoux: Est-ce que ce serait dans vos orientations, si vous jugez... par exemple, si des gestionnaires ou un sous-ministre juge qu'il serait plus efficace de pouvoir fournir un service donné soit avec un partenariat public-privé, soit directement par le secteur privé – et je pense que c'est ça que vous disiez, tantôt, dans l'application de la loi, de rendre la gestion plus efficace, donc à un meilleur coût possible – comment pouvez-vous en arriver à tenter de mettre ça en opération? Je comprends que vous dites que ça dépend d'un choix politique, mais est-ce que de pouvoir rendre des services d'une façon plus efficace ce n'est pas vraiment de l'administration, ça, mais des choix administratifs?

Si, par exemple, au ministère des Transports, vous jugez que de rendre un tel type de services serait plus efficace d'une telle façon ou en ayant recours au secteur privé ou un autre type d'organisme, comment peut-on...

Une voix: Oui. Bien, il y a une façon...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si vous permettez, je pense qu'il y a beaucoup de candidats à la réponse, je vous signale qu'il nous reste 30 secondes.

M. Trudeau (André): Écoutez, la façon habituelle, c'est que, quand on regarde, par exemple, le budget, quand on a un budget puis qu'on voit les argents qu'on a de disponibles, ça nous amène à réfléchir sur des solutions nouvelles souvent et on soumet ça... il y a un organisme qui s'appelle le futur conseil de gestion peut-être, ou le Conseil du trésor, où on va débattre de ces questions-là. Il y a un comité – c'est un Conseil des ministres, comme vous le savez – et on discute de ces enjeux-là. Quand il y a un enjeu suffisamment important, ça peut même être déféré au Conseil des ministres et il y a des décisions qui se prennent sur si, oui ou non, on avance dans une direction qui était proposée par un ministère, par une organisation.

Il y a actuellement des moyens de faire valoir ces discussions-là sur le quoi lorsque certains enjeux, dans un milieu donné, se présentent. S'il s'agit, par exemple, du transport – très rapidement, M. le Président – la question du partenariat avec le secteur privé se pose. Donc, on amène les discussions au lieu approprié pour que les décisions soient prises dans un sens ou dans l'autre. Il existe donc des façons pour aborder ces problèmes du quoi et dans quelle mesure on va s'impliquer; c'est des choix gouvernementaux, c'est les choix du gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, sur ces paroles, nous allons donc mettre un terme à l'échange. J'aimerais remercier le Secrétaire général du gouvernement du Québec, M. Michel Noël de Tilly, et les personnes qui l'accompagnent pour leur contribution aux travaux de cette commission spéciale, et j'inviterais immédiatement les représentants de l'Association des régions du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission spéciale sur le nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux. Il s'agit d'entendre les intéressés dans le cadre d'une consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental proposé. Alors, nous avons maintenant comme invités les représentants de l'Association des régions du Québec, dont son président, M. Jean-Pierre Adam, que j'invite à nous présenter la personne qui l'accompagne. Et je lui rappelle que nous avons 20 minutes maximums pour la présentation. Allez-y, M. le président.


Association des régions du Québec (ARQ)

M. Adam (Jean-Pierre): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, Mmes, MM. les sous-ministres, je vous présente M. Michel Lesage, qui est directeur général intérimaire de l'Association des régions du Québec, qui est avec moi ce matin pour la présentation de notre avis. D'abord, merci de nous recevoir. Nous sommes honorés de présenter l'avis de l'Association des régions sur l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale.

Mon premier propos sera de dire notre accord avec le titre même de l'énoncé Pour de meilleurs services aux citoyens . Ça rejoint les orientations de la politique de soutien au développement local et régional qui a été adoptée il y a deux ans par le gouvernement, politique qui a, entre autres, consacré le modèle de planification du développement régional qui reconnaît le rôle déterminant des intervenants du milieu.

Un mot d'abord pour vous dire qui nous sommes. L'Association des régions regroupe les 18 conseils régionaux de développement des 17 régions administratives du Québec. Ça inclut les régions de Montréal et de Laval qui, dans une autre vie, relèvent du ministère de la Métropole et non pas du ministère des Régions. Les conseils régionaux de développement sont un agent de planification et de soutien du développement régional qui utilise comme outil principal la concertation des intervenants. Et j'entends par «intervenants» aussi bien les députés, les élus municipaux que les intervenants sectoriels qui participent aux travaux des conseils régionaux de développement. Des agents de planification et de soutien du développement qui agissent également en étroite collaboration avec les ministères du gouvernement, et principalement le ministère des Régions.

(11 h 20)

L'intérêt de l'Association pour cet énoncé de politique – et nous nous en tiendrons principalement à l'énoncé de politique sans entrer dans les détails du projet de loi – vient d'abord et avant tout de l'interaction constante que les conseils régionaux de développement ont avec les ministères et organismes gouvernementaux. Les règles qui régissent la fonction publique affectent directement ces liens de collaboration et nous croyons que leur esprit coïncide avec les vues que l'Association des régions du Québec défend depuis quelques années.

Pour nous, l'objectif de cet énoncé de politique aurait trois conditions de réussite principales: axer la gestion sur les résultats et laisser une plus grande liberté dans un cadre d'imputabilité accrue exige: premièrement, des mécanismes fonctionnels d'identification des besoins des citoyens; deuxièmement, la responsabilisation des gestionnaires gouvernementaux en région; et troisièmement, un cadre d'imputabilité administrative clair et responsabilisant pour les intervenants.

Si on prend chacun de ces trois points maintenant. En premier, pour l'Association des régions, l'identification des besoins des citoyens pourrait avantageusement se faire sur une base territoriale et avec la participation des conseils régionaux de développement. Il faudrait pour cela être en mesure d'utiliser le rôle aviseur qu'on a confié aux conseils régionaux de développement sur les plans régionalisés des ministères. Cet élément était mentionné dans la politique de soutien au développement local et régional, a fait l'objet, l'année dernière, en fait, de cas-pilotes dans deux régions du Québec, notamment avec le ministère des Ressources naturelles, et on pense que d'étendre ce modèle permettrait d'utiliser l'expertise des conseils régionaux de développement et leur réseau de concertation dans l'identification des besoins.

Deuxièmement, nous pensons que le recours à la Table Québec-régions, qui est une interface entre les régions du Québec et le gouvernement, permettrait aussi d'améliorer la lecture des besoins et, comme je le disais à l'instant, permettrait à l'ensemble des régions du Québec de faire valoir les besoins ou les éléments d'orientation qui sont primordiaux.

Au niveau de la deuxième condition de réussite, la responsabilisation des gestionnaires, pour nous, cette responsabilisation devrait mener à accroître les pouvoirs des directeurs régionaux des ministères afin de permettre une vraie responsabilisation. Nous avons, la semaine dernière, déposé à la Table Québec-régions un état de situation sur la négociation des ententes spécifiques entre les conseils régionaux de développement et les ministères du gouvernement, dans lequel nous avons fait valoir qu'une responsabilisation accrue des responsables régionaux des ministères faciliterait la négociation de ces ententes spécifiques qui sont un élément fort important du cadre de développement régional.

Pour assurer une vision d'ensemble du développement du territoire, il faut, à notre avis, établir une vision transversale, ou ce qu'on appelle communément horizontale, ce que tendent à faire les conseils régionaux de développement. On a souvent l'habitude de lire les besoins à la verticale, donc ministère par ministère. On pense, nous, que, pour avoir vraiment une responsabilisation des intervenants et une vision cohérente du développement à ce niveau-là, il faudrait avoir une vision transversale à laquelle l'ensemble des intervenants puissent participer.

La réciproque chez les intervenants gouvernementaux suppose, selon nous, un renforcement de ce qu'on appelle les conférences administratives régionales. Pour avoir une vision cohérente de l'action gouvernementale sur le territoire d'une région administrative il est important que cette instance, qui regroupe les directions régionales des ministères, puisse être confortée dans son rôle et s'attaquer à une lecture partagée des besoins des citoyens et des plans d'intervention du gouvernement au niveau des régions. Et, selon nous, ce renforcement supposerait la bonification du rôle qu'on confie aux sous-ministres adjoints en région du ministère des Régions afin qu'ils puissent vraiment animer et coordonner le développement d'une telle vision transversale. Donc, cette responsabilisation accrue des directeurs régionaux des ministères suppose, selon nous, qu'on puisse aussi la faire à l'intérieur d'une vision partagée du développement d'une région.

Le troisième élément – et j'en parlais au début – un cadre d'imputabilité clair et responsabilisant. Nous avons eu l'occasion déjà, à deux reprises, de signifier à M. le premier ministre, lors de deux rencontres que nous avons eues – la dernière en avril dernier et la première en juin précédent – l'importance d'avoir un cadre d'imputabilité clair. Nous le retrouvons à l'intérieur de l'énoncé de politique. Et, pour nous, c'est un élément très important qui permet de rendre compte de l'utilisation des fonds publics qui sont confiés soit aux organismes et ministères soit encore aux organismes du type de ceux que nous représentons, de façon à ce que nous puissions sortir de ce que j'appellerai le syndrome du non-élu.

On nous accuse souvent, à l'intérieur des conseils régionaux de développement, de ne pas tous être des élus et de ne pas être notamment élus au suffrage universel. Nous avons demandé et nous insistons sur le fait qu'un tel cadre d'imputabilité devrait exister et nous permettre, selon les modalités qui conviendront aux parlementaires, de rendre compte de l'utilisation que nous faisons des fonds publics. Nous souscrivons à la responsabilité ministérielle en ces matières-là et nous ne voulons pas échapper à la nécessité de rendre des comptes, mais nous souhaitons que le plus rapidement possible ce cadre d'imputabilité dont on parle ici, pour les ministères et organismes gouvernementaux, soit établi, et nous souhaitons même y être, par extension, assujettis de façon à ce que nous puissions encore une fois rendre compte, au lieu et au moment appropriés, de l'utilisation qui est faite par les conseils des fonds publics qui leur sont confiés.

Pour que ce cadre d'imputabilité fonctionne, il faut, selon nous, un processus de reddition de comptes qui permette à la fois le principe de la responsabilité ministérielle et la marge de manoeuvre des intervenants en région. Il faut, deuxièmement, un assouplissement de la gestion des crédits budgétaires afin de faciliter et d'accélérer le processus de décision et d'investissement. On souffre souvent d'un processus décisionnel qui met des délais indus soit dans le processus de décision lui-même soit dans le processus d'investissement ou de décaissement des fonds. Alors, nous souhaitons des assouplissements à ce niveau-là pour que les intervenants tant gouvernementaux que non gouvernementaux dans notre cas puissent bénéficier d'un assouplissement des règles.

Et, troisièmement, des objectifs mesurables – c'est très important – assortis d'indicateurs de performance, mais qui soient basés sur les mandats qui sont confiés soit aux organismes gouvernementaux, soit aux directions ministérielles, soit à d'autres types d'organismes qui seraient assujettis à ce cadre. C'est important parce que, si on veut avoir des objectifs mesurables et convenir d'indicateurs de performances, encore faut-il que ce soit directement relié aux mandats qui sont confiés aux organismes qui ont à entrer à l'intérieur de ce cadre d'imputabilité.

En fait, ce cadre s'applique déjà au ministère des Régions et on voit dans le plan triennal notamment que le ministère a publié récemment que ce modèle se répercute sur les conseils régionaux de développement puisqu'une bonne partie des objectifs que se fixe le ministère pour les trois prochaines années concerne les actions qui vont être posées par ces partenaires que sont les conseils régionaux de développement. Donc, d'où notre volonté de participer à ce cadre d'imputabilité.

En résumé donc, même si nous ne sommes pas un organisme ou des organismes gouvernementaux, nous appuyons les orientations de l'énoncé de politique de façon non équivoque. Nous souhaitons vivement que les régions, que le développement des régions puisse bénéficier pleinement des assouplissements qui responsabiliseront davantage les acteurs et leur donneront une marge de manoeuvre accrue. Enfin, nous croyons profondément que les conseils régionaux de développement eux-mêmes gagneraient, comme je le disais tout à l'heure, à être assujettis aux dispositions de cet énoncé – peut-être dans un deuxième temps – même s'ils ne sont pas à proprement parler des organismes gouvernementaux, parce que nous croyons qu'un régime d'imputabilité du type de celui qui est proposé, un cadre d'imputabilité, permettrait d'accélérer et de bonifier les actions qui sont posées au niveau du développement des régions. Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel de ce que nous voulions vous communiquer.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Merci, M. Adam, au nom de l'Association des régions du Québec. Nous passons donc à la période d'échanges. Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Moi, j'ai trois, quatre questions, mais qui sont très courtes, que vous pourrez peut-être prendre l'une après l'autre assez simplement. La première, c'est sur votre proposition d'approche territoriale par rapport à l'amélioration de la compréhension des besoins de la clientèle. Comment est-ce que vous voyez, par exemple, que les besoins du contribuable par rapport au ministère du Revenu seraient plus précisés, clarifiés à partir d'une approche territoriale? Je n'ai pas dit une organisation, mais bien une approche territoriale. Ça, c'est ma première question.

(11 h 30)

La deuxième question, toujours dans le volet de l'approche territoriale: Est-ce que les systèmes d'information auxquels vous avez accès, avec lesquels vous travaillez en interface avec le gouvernement du Québec vous apparaissent au point pour répondre aux besoins que vous auriez dans ce cas-là par rapport à la clarification des besoins de la clientèle et par rapport aussi à tout le volet de la responsabilisation des directeurs régionaux?

Ma troisième question concernant l'imputabilité, l'imputabilité autant de vos organisations que des directeurs sectoriels mais régionaux, donc des directeurs des différents ministères mais régionaux: Comment est-ce que vous allez mesurer l'imputabilité et être capables d'agir? Parce que, quand on dit imputable, on dit une prime quand on réussit, mais une punition quand on échoue. Donc, comment vous allez pouvoir gérer ces volets-là, autant la prime que la punition, dans un contexte d'approche territoriale?

Et la dernière question que j'ai. Je suis étonnée que vous soyez tout à fait favorables à vous inscrire vous-mêmes dans ce type de réforme. Je ne sais pas si vous avez lu attentivement le projet de loi, mais le Conseil du trésor a un poids beaucoup plus lourd dans toutes ces orientations gouvernementales, si vous lisez le projet de loi attentivement. Je suis impressionnée de votre désir d'y participer activement de cette manière-là. Mais peut-être qu'il y a des choses que je ne comprends pas. Alors, voilà, c'est tout.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Adam.

M. Adam (Jean-Pierre): Oui. Au niveau de l'approche territoriale, je vous dirai que, pour nous, ça permet d'éviter le fractionnement. Il y a des problématiques qui sont probablement, comme vous l'avez mentionné, carrément abordables en termes verticaux et qui ne demandent pas nécessairement qu'on ait à ce niveau-là une approche territoriale. Mais nous pensons que, pour avoir une connaissance de l'ensemble des besoins et surtout des interfaces entre les besoins, de façon à ne pas ni dédoubler des services ni laisser des zones qui ne seraient pas couvertes, une approche territoriale, une approche globale aurait l'avantage par rapport aux approches sectorielles qu'on voit actuellement qui multiplient souvent les démarches de lecture de besoins, alors que, dans bien des cas, ces besoins-là sont déjà connus. Nous avons eu l'occasion à plusieurs reprises, je pense, dans les conseils régionaux de développement, de faire valoir ces difficultés que nous avons à faire, d'une part, au niveau des milieux, un ensemble de lecture des besoins et, après ça, se retrouver confrontés avec, si vous voulez, une reprise de ces activités.

Au niveau des systèmes d'information, je vous avoue qu'à ce niveau-là – je pourrai peut-être demander à M. Lesage de compléter – on est, dans bien des cas, au début d'une collaboration plus étroite avec les directions régionales des ministères à travers les conférences administratives régionales et on espère qu'à ce niveau-là on pourra déjà faciliter l'accès aux systèmes d'information. Et on est actuellement, sur un certain nombre de dimensions, en train d'essayer d'en constituer un système d'information avec notamment les centres locaux de développement de façon à nous permettre d'avoir une meilleure vue des actions qui sont posées à l'intérieur de chacune des régions. J'inviterai quand même M. Lesage, s'il veut ajouter quelque chose, si vous le permettez, M. le Président, à la fin, à revenir là-dessus.

Sur la question des primes et punitions, je vous avoue que là-dessus je ne pourrais pas vous donner une réponse très claire. On a commencé à aborder, au niveau de l'Association, cette question-là. On en a discuté déjà de façon préliminaire avec le ministère, notamment au niveau de ce qu'étaient les éléments budgétaires annuels, les éléments de performance. On entre cette année dans une discussion plus serrée sur la question de formulation des objectifs de résultat, et il faudra, j'en suis certain, arriver à un élément de cette nature-là. Je ne serais pas en mesure pour l'instant de vous dire quelle forme il pourrait prendre, mais il est clair qu'à ce niveau-là on pourrait penser à un régime de bonification ou de prime et aussi, dans certains cas, si les objectifs ne sont pas atteints, à ce que vous appelez une punition, mais, je le rappelle, à l'intérieur des mandats qui sont confiés aux organismes. Il ne faut pas non plus confier à des organismes des objectifs qui ne relèvent pas de leurs mandats ou qui ne relèvent pas de leur seul mandat et, après ça, leur demander de rendre compte entièrement des objectifs à ce niveau-là. Il faut que ce soit...

La question, par exemple, dans le cas des conseils régionaux de développement, est fort simple. Comment est-ce que vous mettez des objectifs mesurables à ce qu'on appelle la fonction de concertation? Est-ce que c'est le nombre de réunions qui sont tenues? Est-ce que c'est l'esprit d'amitié qui règne entre les personnes autour de la table? Est-ce que c'est le fait qu'il n'y ait pas de conflits qui sortent dans les médias? Il faudrait, à ce niveau-là, aller... Et c'est pour ça que je vous dis: si un système de cette nature-là doit être mis en place, il doit porter sur les éléments de mandats qui sont confiés aux organismes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Pour ce qui est d'être inclus, maintenant?

M. Adam (Jean-Pierre): Pour ce qui est d'être inclus, j'y venais. Je l'ai dit, je pense, en intervenant, par extension, on souhaite être inclus à l'intérieur parce qu'on voit pour la première fois la possibilité qu'il y en ait un cadre d'imputabilité. Et je vous dirais qu'on veut aller de l'avant là-dessus parce que cette occasion-là qui nous serait donnée d'entrer dans un cadre d'imputabilité avec les partenaires du gouvernement nous apparaît une occasion intéressante.

On n'a pas eu, à date, d'échanges formels sur ces questions-là, mais on souhaite aller vers ce cadre-là. Et, si, par extension du projet de loi qui est déjà déposé et de l'énoncé de politique, on pouvait convenir d'un modèle à l'intérieur duquel on pourrait se retrouver avec le Conseil du trésor... On comprend de plus en plus l'importance des décisions ou des interventions du Conseil du trésor dans les choses qui nous touchent. Notamment, je parlais tout à l'heure de la négociation des ententes spécifiques. On a eu encore un cas récemment où le Conseil du trésor pèse de façon importante.

Mais, je vous le disais, on veut entrer à l'intérieur de cette problématique-là parce qu'on pense qu'il y a là une occasion. On pourrait peut-être penser à une autre, mais il y en a une sur la table présentement, et on voudrait utiliser ou prospecter, si vous voulez, cette occasion-là le plus loin possible.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Lesage, sur les systèmes d'information, voulez-vous compléter?

M. Lesage (Michel): Oui. Si vous le permettez, peut-être un complément d'information sur les quatre questions. Peut-être, d'abord, sur les systèmes d'information. La démarche que, nous, on propose, la démarche de l'approche territoriale, ne vient pas supplanter l'approche sectorielle ou l'analyse par les ministères ou programme par programme des besoins des citoyens ou de leur clientèle. Elle vient la compléter, dans notre esprit. Et elle porte davantage sur les modalités de mise en oeuvre, sur les modes d'organisation des services, parfois, que sur la nature même des services ou...

Et ça répond aussi, peut-être, à votre première question: Comment les besoins des citoyens, par exemple, par rapport au ministère du Revenu, seraient-ils mieux pris en compte par le biais d'une approche territoriale? Je vous répondrais que le cas du ministère du Revenu, ce n'est effectivement pas un cas dans lequel nos membres, les CRD, ont une action très développée. Par contre, vous pourriez peut-être avoir des avis intéressants sur les modes d'organisation des services plus que sur les services à offrir. Il y a d'autres secteurs de compétence où les CRD ou leurs partenaires sont plus aptes à se prononcer, mais, dans certains secteurs, c'est plus au niveau de l'organisation des services.

Pour ce qui est de comment recourir à la sanction ou à la punition ou à la récompense, je vous dirais qu'il y a un processus dans lequel, chaque année, chaque conseil régional convient et négocie avec le ministre des Régions d'attentes signifiées. Alors, il y a un véhicule annuel là, où le ministre peut notamment mettre sur la table un certain nombre d'attentes envers le CRD. Et ces attentes-là pourraient évidemment changer d'une année à l'autre, selon le processus de reddition de comptes, ce qui en sortirait.

Quant à la volonté des CRD de s'inscrire dans le cadre d'imputabilité, il ne faut pas entendre qu'on veut exactement le cadre tel qu'il est proposé. Ce qu'on demande, c'est un cadre d'imputabilité. Celui qui est là ne correspond pas nécessairement au contexte institutionnel des CRD. Par contre, la volonté des CRD de s'inscrire dans une démarche d'imputabilité administrative, elle est claire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Je voudrais saluer M. Adam et M. Lesage et les remercier d'avoir pris la peine de nous faire connaître leur réflexion sur le dossier qu'on veut étudier. J'ai deux ou trois questions, moi. Depuis l'arrivée des sous-ministres en région – parce que c'est des réalités que je connais assez bien, là – vous suggérez une responsabilisation des gestionnaires à trois niveaux: l'augmentation des pouvoirs des D.G. puis des directeurs régionaux de chacun des ministères dans les régions; le renforcement des conférences administratives, qu'on appelle communément les CAR, en région, qui regroupent l'ensemble des directeurs régionaux; et la bonification du rôle des sous-ministres adjoints.

J'ai un peu de misère, parce que, à ma connaissance, si l'État, dans sa politique de développement régional, croit que, toute l'appréciation de la dimension horizontale de la gestion, c'est le sous-ministre adjoint en région qui doit voir à la coordination puis à la supervision, pourquoi souhaitez-vous quand même éventuellement un renforcement des conférences administratives régionales? Pour quelles fins? Et ça serait quoi, précisément, que vous entendez par renforcement? Parce que, là, ça va dépendre de ce que vous allez dire.

Moi, je prétends que ce rôle-là, nécessaire, d'une plus grande coordination des D.G. devrait être joué par le sous-ministre adjoint en région. C'est son mandat, c'est sa responsabilité et c'est lui qui doit faire l'interface avec le CRD et l'État central par rapport à une meilleure coordination. Alors, là, j'ai lu votre mémoire. Moi, il me manque des choses, là. J'aimerais avoir plus de précisions là-dessus. Puis j'aurais une autre question.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Adam.

(11 h 40)

M. Adam (Jean-Pierre): Alors, sur ce point, pourquoi renforcer... D'abord, prenons-le par le bout du rôle des sous-ministres adjoints en région. Les expériences qui nous sont relatées montrent que leur capacité de mettre en oeuvre, si vous voulez, la collaboration qui est prévue au niveau des conférences administratives régionales demeure encore jusqu'à aujourd'hui relativement limitée. Il y a des exercices de partage, il y a des exercices de mise en commun, de plans d'action, d'objectifs. Je participe régulièrement aux travaux de la Conférence administrative régionale de la région de la Mauricie, dont je suis président du conseil, et je vous avoue qu'il y a un partage d'informations, mais bien souvent même les membres de la Conférence administrative régionale se plaignent qu'il n'y a pas de cadre d'action clair qu'ils pourraient mettre au point.

Donc, c'est à ce niveau-là. C'est au niveau du renforcement du mandat de la CAR, de la possibilité qu'à travers un renforcement des rôles des directions générales on puisse assister à la mise en oeuvre de projets qui émaneraient de cette instance-là, qui seraient pris, si vous voulez, carrément en région et non pas qui feraient l'objet de recommandations qui doivent être traitées – passez-moi l'expression – au central avant de faire l'objet d'une autorisation pour que le projet puisse aller de l'avant. On souhaite donc qu'à ce niveau-là le renforcement des pouvoirs des directeurs régionaux puisse permettre à la CAR, à la conférence administrative régionale, d'être le lieu où des projets voient le jour, des projets qui vont permettre d'harmoniser et de concerter les interventions gouvernementales en région et de mieux les harmoniser avec les plans de développement qui sont produits par les conseils. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Gendron: Oui. Bien, je veux dire, ce n'est pas... Vous donnez les précisions que je ne trouvais pas dans le mémoire, alors merci beaucoup. L'autre question que je trouve, en tout cas, importante, vous dites: Oui, nous, on n'a pas d'objection pour ce qui est de l'identification de paramètres ou d'objectifs qu'on appelle mesurables ou les indicateurs de performance. Vous n'avez pas de trouble avec ça. Vous ajoutez cependant que vous êtes très conscients de toutes les difficultés que ça pose à l'intérieur des structures que vous connaissez bien.

Et là, encore là, peut-être que j'ai été inattentif, je n'ai pas vu très clairement énoncé le type de difficultés que ça pose pour porter un jugement, à savoir que ça pose tellement de difficultés qu'il vaut mieux oublier ça ou si on maintient quand même l'objectif de l'atteindre dans vos structures. Alors, c'est quoi, précisément, le type de difficultés concrètement que ça vous pose, les indicateurs de performance précis?

M. Adam (Jean-Pierre): La plus grande difficulté que ça pose, c'est l'habitude qu'on a de traiter les choses mur à mur, comme nous répétait souvent un de vos collègues.

M. Gendron: Oui.

M. Adam (Jean-Pierre): Et, à ce niveau-là, on s'est rendu compte que... Et je vais parler là de l'expérience davantage des centres locaux de développement, parce que c'est ressorti l'année dernière. Les centres locaux de développement, comme le disait M. Lesage tout à l'heure, ont fait aussi l'objet d'attentes signifiées. Et on attendait d'eux qu'ils contribuent à renforcer le tissu économique des territoires sur lesquels ils travaillent pour se rendre compte qu'il y a des endroits où cette tâche-là pouvait être prise déjà à un niveau passablement avancé mais d'autres endroits où on le prenait carrément largement en aval de ça. Et il est très important que, dans la détermination des objectifs, on tienne compte des situations respectives et que, donc, ce soit basé non seulement sur les mandats des organismes, mais aussi sur les situations auxquelles ils ont à faire face.

Et, donc, on souhaite – et c'est pour ça que je mettais des précautions dans cette intervention-là – qu'à ce niveau-là on prenne en compte les situations particulières et qu'on ne traite pas l'ensemble des organismes – mais, dans ce cas-là, l'ensemble des régions – sur un même pied parce que les organismes se retrouvent, en matière d'attente signifiée, si on reprend l'expression du ministère des Régions, dans des situations fort différentes.

M. Gendron: Pour qu'un nouveau cadre de gestion comme celui-là ait des chances de lever, si vous me permettez l'expression, et de prendre forme... Je ne sais pas si vous me saisissez bien, là. Pour qu'un nouveau cadre de gestion comme on propose ait des chances vraiment de lever, ça prend une mobilisation assez importante de l'ensemble des intervenants.

Si je posais la question suivante: Avec les vôtres, vos intervenants – puis je les connais très bien, là – les gens qui oeuvrent au niveau des CRD, de la CAR, ainsi de suite, à partir de quoi vous avez des évaluations qui vous permettraient de porter le jugement que, même chez ces gens-là aussi, il y a là une large motivation, une mobilisation pour que le nouveau cadre de gestion s'actualise dans les meilleurs délais? est-ce que vous avez un jugement à porter? Puis c'est quoi, vos paramètres d'analyse pour le porter?

M. Adam (Jean-Pierre): Je vous dirais, à l'expérience, qu'il y a certainement un intérêt pour que ça se produise. Il y a certainement aussi des craintes à l'intérieur des organismes parce qu'on n'est pas rompu à ce genre d'exercice là, on n'est pas rompu à ce genre de modèle ou de cadre. Et il y aurait très certainement des précisions importantes à fournir à l'ensemble des intervenants. Mais je suis convaincu qu'à voir les expériences qui sont réalisées dans certaines régions – je regarde, par exemple, l'expérience-pilote à laquelle, nous, on a participé, sur l'avis qu'on a donné sur le plan du ministère des Ressources naturelles – il y a déjà eu là un partage très important. Maintenant, il va falloir multiplier ces expériences-là de façon à ce que, progressivement, on se rende compte des interfaces entre l'action du gouvernement et les priorités de développement des collectivités.

M. Gendron: Dernière question, en tout cas, en ce qui me concerne: Est-ce que la table des régions, actuellement... Parce que vous le placez souvent en interface dans bien des dossiers, là. Est-ce que vous croyez que le rôle aviseur... Parce que, parfois, on prétend que le rôle aviseur pour le gouvernement devrait davantage être joué par les CRD, parfois par la table nationale qui regroupe l'ensemble de ces CRD. C'est quoi, l'évaluation que vous faites actuellement, dans les grandes orientations de l'État, du rôle que vous avez joué en termes d'échanges et de discussions pour tenir compte justement du point de vue, je vais appeler ça des divers comités aviseurs?

M. Adam (Jean-Pierre): Bien, je vous dirais, là-dessus, que le rôle aviseur des conseils régionaux de développement se fait d'abord en région sur les parties qui touchent, par exemple, les plans...

M. Gendron: Stratégiques.

M. Adam (Jean-Pierre): D'abord la production des plans stratégiques, mais aussi de donner des avis sur les plans des ministères en fonction de leur logique propre et aussi de leur lien avec les plans stratégiques. Le rôle qu'on souhaite voir jouer par la Table Québec-régions, c'est le rôle d'interface que la politique lui donne, c'est-à-dire un lieu où les grandes politiques gouvernementales sont dans un premier temps scrutées sous l'angle de leur régionalisation et, donc, sous l'angle des mécanismes qui peuvent être mis en place ou des actions à poser pour que ces grandes orientations ou ces grandes politiques soient vraiment régionalisées et qu'on puisse, en région, en tirer le meilleur parti possible.

On a eu l'occasion de le faire à quelques reprises, de recevoir des ministres qui venaient à la Table Québec-régions présenter des énoncés de politique ou des projets de politiques. Et ça nous a permis de faire des suggestions sur la partie régionalisée, si vous voulez, et en même temps sur la partie adaptation aux réalités régionales, puisque, je vous le disais tout à l'heure, si on reste à l'intérieur d'une stratégie mur à mur, on aura beau changer le cadre, les résultats risquent de se retrouver être les mêmes.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui. Alors, M. le ministre, il nous reste deux minutes.

M. Léonard: Oui, M. le Président, très rapidement. D'abord, je voudrais vous remercier pour votre mémoire. Moi, j'ai une question à vous poser. Vous dites: Les sous-ministres en région doivent avoir plus d'autorité. Mais, dans le projet que nous avons, la question de l'autorité d'un sous-ministre sur son ministère et de l'imputabilité qu'il doit assumer lorsqu'il vient en commission parlementaire ne peut pas être divisible indéfiniment. En réalité, le directeur régional dans une région – mettons les Transports – relève de son sous-ministre à Québec, directement ou indirectement, mais il relève de son sous-ministre à Québec. Si vous donnez à un sous-ministre régional une autorité directe, formelle, nous avons là un problème. Est-ce que vous le reconnaissez? Qu'est-ce que vous répondez à cette remarque?

M. Adam (Jean-Pierre): Si je peux me permettre, vous voulez dire de donner au sous-ministre adjoint du ministère des Régions, en région, un pouvoir sur...

M. Léonard: Vous voulez qu'il ait plus de pouvoir. Donc, ça veut dire qu'il a une relation d'autorité quelconque, en tout cas.

M. Adam (Jean-Pierre): Je vous avoue qu'à première vue ce n'est pas la façon dont on le verrait, c'est-à-dire un lien d'autorité direct sur l'ensemble des directeurs régionaux. On voit d'abord et avant tout pour nous un lien au niveau de la coordination des projets, de l'intervention ou de l'offre des services qui ne soit pas nécessairement un lien hiérarchique. Mais ça suppose qu'à l'intérieur de l'ensemble des ministères cette interface-là soit faite au niveau national aussi.

M. Léonard: Oui. En tout cas, c'est ma question, et je pense que... Nous sommes 7 000 000 au Québec, et se mettre à multiplier par région toutes sortes d'instances, ça pose quelques problèmes aussi. En tout cas, on peut en débattre aussi. Mais je la posais sous l'angle de l'autorité et de l'imputabilité directe. Je trouve que...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous en venons donc à la période réservée à l'opposition. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Moi, je veux peut-être revenir un petit peu sur la même question parce que j'essaie de trouver le filon sur l'imputabilité dans vos commentaires qui sont ici. Moi, je suis un député de Montréal, un Montréalais, malgré les propos du maire de Montréal dans le journal aujourd'hui, et je participe dans notre CRD. Et je trouve un petit peu étranges vos commentaires sur... Je pense que c'est à la page 8. Pour le Fonds de développement, il y a des frais de gestion de juste 2 %. Et, de l'expérience de quelqu'un qui participe au CRD de Montréal, c'est très modeste. J'ai voté, je me rappelle, en 1995-1996, il y avait une proposition pour la gestion de notre 3 000 000 $ de budget. Les frais de gestion étaient de 1 500 000 $, donc 1 $ pour gérer l'autre. Alors, pour dire, 2 %, je dis: c'est vraiment quelque chose qui est très modeste.

Mais vous demandez, dans votre mémoire, ici, un assouplissement, entre autres, des crédits budgétaires. On revient peut-être un petit peu dans l'esprit du débat qui a eu lieu à Granby, où il y avait un conseil qui voulait prendre l'argent pour embaucher un médecin. Est-ce que ça, c'est, dans votre optique, permis? Est-ce que c'est vraiment quelque chose que... Si le milieu, le CRD, les maires, les préfets, les MRC – je ne sais pas qui – décident que c'est quelque chose qu'ils veulent faire, est-ce que ça, c'est permis?

(11 h 50)

M. Adam (Jean-Pierre): Vous prenez comme exemple un cas relativement glissant. Je vous dirais, là-dessus, qu'à l'intérieur du cadre d'imputabilité – et M. Lesage le mentionnait tout à l'heure – toute la question des attentes signifiées, des zones d'intervention et aussi des interfaces avec les responsabilités des autres organismes doit être claire. Quand on parlait d'un cadre d'imputabilité tout à l'heure, on parlait d'un cadre d'imputabilité où les responsabilités sont clairement identifiées. Je vous dirais qu'au-delà de ça ma réponse à votre question serait oui.

M. Kelley: Parce que, moi, comme élu, j'ai beaucoup de misère avec les choses comme les CRD, je dois être franc, parce que j'étais le chef de cabinet, dans un autre gouvernement, au Conseil du trésor, je sais, la gestion des fonds publics n'est pas facile, et la rareté des ressources, etc. On a des grands défis.

Alors, moi, quand je suis allé aux rencontres de notre CRD, dépenser l'argent des autres est très facile parce que ce n'est pas eux autres qui doivent faire les impôts, chercher les impôts dans les poches des contribuables, ils ont un budget à dépenser. Je pense même que le député de Labelle a des beaux projets qu'il aimerait réaliser un jour, dépenser l'argent. Mais, avant tout, son devoir maintenant, c'est de s'assurer d'une saine gestion des fonds publics et de limiter plutôt que d'ajouter les beaux projets qui sont dispendieux pour l'État.

Et j'essaie de voir. Si vous me dites, dans mon exemple, que le CRD est d'une certaine façon libre de faire ses choix avec les millions qui sont consacrés région par région, comment, comme députés, est-ce qu'on peut assurer une imputabilité?

M. Adam (Jean-Pierre): Je vous dirai d'abord que l'exercice du rôle des conseils régionaux de développement, dans ce cas-là, dans le pouvoir de dépenser, si vous me permettez...

M. Kelley: Non, je sais que j'ai pris un cas extrême, mais...

M. Adam (Jean-Pierre): Oui, mais...

M. Kelley: ...peu importe, la seule réponse va être: Le CRD a décidé de dépenser l'argent de cette manière, point. C'est la fin de l'imputabilité.

M. Adam (Jean-Pierre): Mais je vous dirai, M. le député, que, d'abord, c'est le cas d'un CLD, ça, et non pas d'un CRD. On parle d'un centre local de développement, là, et non pas d'un conseil. Mais l'exercice du mandat des conseils se fait à l'intérieur de l'entente-cadre que la région passe avec le gouvernement du Québec, et, je vous le disais tout à l'heure, il y a des limites, il y a déjà des orientations qui sont votées à l'intérieur ou qui sont convenues à l'intérieur de cette entente-cadre, et je pense que l'entente-cadre...

On vient de s'entendre aussi avec le gouvernement à l'effet qu'à l'avenir les planifications stratégiques feront l'objet de plans qui portent sur deux ans. Donc, il y aura normalement, à l'intérieur des ententes spécifiques, des plans d'action plus précis. Il y a donc là des corridors de balisage, à mon avis, qui peuvent éviter, si vous y voyez des débordements, que ces débordements se fassent.

Je vous dirai, d'autre part, que, depuis le début de ce débat-là, nous le demandons, le cadre d'imputabilité. Vous dites que vous avez des problèmes avec le fait qu'on dépense les deniers publics. Je vous ferai remarquer qu'on n'est pas les seuls. Il y en a plusieurs qui ne sont pas nécessairement assujettis à des cadres d'imputabilité du même type. Donc, il faudrait voir jusqu'où l'exemple peut porter.

D'autre part, je pense que l'existence d'un cadre et de mécanismes d'imputabilité permettrait de résoudre cette question-là. Et, moi, je vous le dis, de ce point de vue là, on n'a pas d'a priori, on livrera des comptes sur la façon dont on gère les fonds publics qui nous sont confiés aux endroits et au moment qu'on aura convenus avec le gouvernement. Et je pense qu'il n'y a aucun conseil régional de développement...

Je vous ferai d'ailleurs remarquer que les conseils ont fait l'objet d'une vérification interne, qui a été demandée par le ministre, M. Chevrette, il y a deux ans, et qu'à mon souvenir en tout cas, le rapport, qu'on a appelé le rapport Forest, n'avait fait ressortir aucun fantôme des placards pour ce qui était de la gestion des fonds publics qui était faite par les conseils régionaux de développement.

M. Kelley: Non, mais ce n'est pas ça que je cherche, pas du tout. C'est juste que j'essaie de voir. L'argent est donné. Vous demandez une souplesse, pour le conseil régional, de faire ses propres choix. Alors, si on est très souple, la seule chose qu'on peut dire est que l'argent a été dépensé. Alors, vous allez, comme je dis, aller voir les vérificateurs, que l'argent a été dépensé. Mais comment exiger les contrôles? Vous parlez d'un cadre. Mais, à mon avis, le plus exigeant que le cadre va être, le moins de pouvoir décisionnel pour le CRD.

Alors, comment est-ce qu'on peut résoudre ou établir un certain équilibre entre les deux? Parce que, si on met dans l'entente qu'on ne peut pas embaucher les médecins – je sais que c'est un exemple extrême – si on dit que ça doit être dépensé x, y, z malgré le fait que peut-être le milieu au complet dit que x, y, z ne sont pas nos priorités du tout, comment est-ce qu'on peut résoudre ces deux choses?

Et comment aussi... Parce que, au bout de la ligne, veux veux pas, pour le CRD d'Abitibi, les personnes qui sont probablement les plus imputables sont les trois, quatre députés du coin parce que c'est l'argent qui vient du gouvernement du Québec. Alors, s'il y a des problèmes, si l'argent est mal dépensé, avant tout, ça va être le député d'Abitibi-Ouest qui va être visé et pas les membres du CRD, qui sont un petit peu plus anonymes que la renommée que le député d'Abitibi-Ouest a.

Alors, j'essaie de résoudre ces deux choses parce que, avant tout, c'est 20 000 000 $ dans le Fonds de développement, c'est de l'argent du gouvernement du Québec, et, au bout de la ligne, même les députés de l'opposition sont responsables pour l'argent qui est dépensé par le gouvernement du Québec. Alors, comment assurer une imputabilité et ne pas avoir trop d'ingérence, en même temps, dans vos fonctionnements?

M. Adam (Jean-Pierre): Je le répète, M. le député, pour nous, c'est l'ensemble des corridors ou des balises qui sont posés par l'entente-cadre et par les plans – les deux – d'action qui vont être faits à l'intérieur des ententes-cadres qui doivent permettre d'atteindre le résultat que vous mentionnez. Et, sur les mécanismes, par la suite, selon lesquels on rendra compte de l'utilisation qui a été faite des fonds publics, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que, le simple fait de dire qu'ils ont été dépensés, ça ne constitue pas un processus de reddition de comptes, ça fait juste dire qu'il n'y a plus d'argent dans la caisse. Et, donc, à ce niveau-là on pense que cette deuxième génération d'ententes-cadres dans laquelle on s'engage, en amenant des précisions en termes de résultats à l'intérieur de l'entente-cadre et des plans d'action, va nous permettre, en tout cas, sinon de répondre entièrement, du moins de répondre partiellement à vos préoccupations. Si vous me permettez, M. le Président, je demanderais à M. Lesage d'ajouter là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Lesage.

M. Lesage (Michel): Quand on parle d'assouplissement, aussi, des crédits budgétaires, on ne parle pas uniquement, en fait, même pas surtout de la capacité des CRD de pouvoir affecter les fonds comme bon leur semble. Depuis sept, huit ans que les CRD sont associés à la gestion de fonds avec le gouvernement, il y a des cas très spécifiques, qui n'ont pas rapport à la marge de manoeuvre des CRD, qu'on observe.

Par exemple, on observe que c'est très difficile, même pour des ministres, de transférer des crédits d'une catégorie ou d'une subdivision à l'autre. Pourtant, c'est des élus. Alors, quand, pour les besoins d'un projet régional, il faut procéder rapidement à des réaménagements de crédits, même pour les élus, pour les ministres, c'est très difficile et c'est très laborieux de le faire.

Un autre exemple, c'est la péremption des crédits. Combien d'argent a été périmé dans la politique de développement local et régional parce que le processus de gestion des projets en région cadrait mal avec la péremption des crédits. Or, il est évoqué la possibilité, dans la projet de réforme, de reporter des crédits non dépensés ou de voter des crédits sur plusieurs années. Or, ça, pour nous, c'est des assouplissements qui sont nécessaires, mais qui ne touchent en rien la marge de manoeuvre des CRD. Ce n'est pas nécessairement uniquement de ça dont on voulait parler, mais, au sein même du fonctionnement puis de la gestion des crédits budgétaires du gouvernement, il y a, selon nous, des rigidités qui, en région, après ça, ont des conséquences sur la capacité des régions de réaliser des projets.

M. Kelley: Et, sur ça, je suis complètement d'accord, parce que, je trouve, pas chez les CRD mais d'une façon très générale, il y a l'autre phénomène où, s'il reste de l'argent à la fin de l'année, il faut le dépenser parce que sinon ça va être périmé. Alors, ça incite des fois les dépenses. Et ce n'est pas une accusation envers les CRD, c'est un commentaire beaucoup plus large, c'est juste la nature humaine.

Mais je reviens toujours... j'ai de la misère à bien cerner, et peut-être vous pouvez me donner des exemples dans une dernière question: Dans une deuxième génération des ententes-cadres, c'est quoi, les exigences qui sont appropriées? Qu'est-ce que le ministère des Régions ou le gouvernement du Québec peut mettre comme exigences sur les dépenses de ces argents qui laisseraient la marge de manoeuvre aux CRD, mais quand même assureraient que les députés qui sont imputables, d'une certaine façon, devant l'électorat puissent s'assurer qu'ils en ont pour leur argent?

(12 heures)

M. Adam (Jean-Pierre) : Ce dont nous avons déjà convenu, pour cette deuxième génération d'ententes-cadres, c'est d'abord un processus qui ressemblait à celui de la précédente, à savoir que, par exemple, les élus, les députés d'une région, à travers le ministre régional, vont recevoir le projet d'entente-cadre, vont avoir l'occasion, et, je souhaite, plus en direct avec les conseils, de discuter des orientations qui y sont prises. Donc, dans un premier temps il y a déjà là un élagage, si vous voulez, une identification des grandes priorités qui doivent conduire aux actions par la suite et, donc, encadrer aussi l'utilisation des fonds.

Et, deuxièmement, comme je le disais, à travers les plans d'action, je pense qu'il y a là l'occasion de formuler des résultats, de formuler des cibles plus précises. Et, donc, c'est un processus additionnel, à mon avis, à l'intérieur duquel la gestion des fonds devrait se faire. Ce qui serait, de votre point de vue, aberrant, à mon avis, ce serait que les fonds soient investis dans des projets qui n'ont rien à voir avec ça. Et je ne crois pas, dans le cadre dans lequel on s'engage pour la deuxième génération des ententes-cadres, que ce soit quelque chose de possible.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. M. le député de Vaudreuil et porte-parole de l'opposition.

M. Marcoux: Alors, M. le Président, M. Adam, vous proposez un certain nombre de changements concernant la responsabilisation des gestionnaires gouvernementaux. Mais est-ce que vos propositions pourraient s'implanter finalement, même sans ce nouveau cadre de gestion, en fait, qu'on propose dans le cadre des politiques du cadre actuel de gestion, ce qui touche l'augmentation des pouvoirs des directeurs généraux, le renforcement des cadres, etc.? Donc, est-ce que c'est nécessaire de... En d'autres termes, ce que vous proposez pourrait-il être mis en place présentement, même si, par hypothèse, là, la proposition du nouveau cadre n'était pas encore opérante?

M. Adam (Jean-Pierre): Je ne suis pas spécialiste des mécanismes qui régissent la fonction publique. Il y a peut-être d'autres façons d'atteindre l'objectif que celui qui est pris là. Ce que je vous dirais, c'est que, nous, à l'expérience, on en sent le besoin. On sent le besoin d'un renforcement de l'autonomie des directeurs régionaux des ministères, d'un renforcement de l'harmonisation et de la coordination au niveau des conférences administratives régionales et aussi du rôle des sous-ministres adjoints du ministère des Régions parce qu'on pense qu'il y a là des conditions de succès pour le développement régional.

Est-ce qu'il y a d'autres façons d'atteindre cet objectif-là? Je vous avoue que je ne me prononcerai pas là-dessus. Mais, à l'expérience, dans le cadre actuel dans lequel on vit, on a des attentes relativement précises par rapport à ça. Et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a voulu intervenir dans ce débat, c'est qu'on croit que cet assouplissement-là sera favorable à une amélioration des actions de développement régional.

M. Marcoux: Est-ce que j'ai encore une... Quand vous parlez du renforcement des conférences administratives pour agir en meilleure interface avec les représentants du milieu, pourriez-vous nous illustrer un petit peu ce que vous avez à l'esprit quand vous énoncez ça?

M. Adam (Jean-Pierre): Oui, je peux vous donner un exemple. Prenez les actions sur le décrochage scolaire, un exemple sur lequel on est en train d'essayer de travailler avec la Fédération des commissions scolaires. Vous avez là, autour de la table des conférences administratives régionales, une série d'intervenants, que ce soit au niveau de la Sécurité du revenu, de la Solidarité sociale, au niveau de l'Éducation, au niveau de la Santé, qui sont présents et qui peuvent contribuer. Si chacun fait son plan chacun de son côté et qu'il n'y a pas d'harmonisation puis de mise en commun, à mon avis, on va atteindre des objectifs beaucoup inférieurs à ce qu'on pourrait faire s'il y avait une concertation puis une réelle coordination à ce niveau-là. Donc, c'est un exemple. Je pourrais vous en donner d'autres sur d'autres dimensions.

Je vous dirais que ça touche évidemment le développement économique, mais aussi toutes les questions de développement social et aussi culturel parce qu'il y a une série... À chaque fois qu'il y a une présentation des plans d'action des ministères ou des projets d'action pour une année, on se rend toujours compte qu'il y a des interfaces entre les projets qui sont mis sur la table et qu'il y a des possibilités de mise en commun. M. Chevrette, à l'époque, parlait surtout des photocopieurs et des réceptionnistes, mais on sait que, dans son esprit comme dans le nôtre, ça pouvait dépasser de beaucoup cette étape-là de mise en commun.

M. Marcoux: Quand vous parlez, par exemple, du sujet du décrochage scolaire, qui est fort important, là, comment vous intervenez là-dedans? C'est-à-dire, de quelle façon vous pouvez avoir une influence par un rôle accru de la CAR?

M. Adam (Jean-Pierre): À mon avis, c'est qu'à partir du moment où on s'est donné à l'intérieur de nos politiques de développement stratégique des orientations puis des cibles relativement claires sur un sujet comme le décrochage scolaire on s'attend à ce qu'à l'interface des relations entre les intervenants que nous sommes et les actions gouvernementales, à ce qu'à travers la conférence administrative régionale, on puisse – passez-moi l'expression anglaise – «pooler» l'ensemble des ressources et l'ensemble des interventions qui sont prévues pour s'attaquer de façon réelle non pas à des petits morceaux de ce phénomène-là, mais à l'ensemble de la séquence qui les provoque ou qui les maintient.

M. Marcoux: Une dernière question, M. le Président. Sur l'aspect de l'imputabilité, qui est fort important, je pense, également la transparence, vous avez évoqué la difficulté de développer des indicateurs de performance, même de cibler des objectifs précis et de développer des indicateurs de performance. Alors, dans ce contexte-là, comment peut-on justifier une plus grande marge de manoeuvre et comment peut-on, comme parlementaires, par exemple, apprécier la performance?

M. Adam (Jean-Pierre): Je vous répondrai, là-dessus, qu'on a convenu de s'engager dans ce cadre-là où on va avoir davantage d'objectifs mesurables. Je ne vous dis pas que ça vient naturellement. Il y a des conseils régionaux de développement qui sont à terminer la deuxième génération de leur entente-cadre et qui regardent de près cet élément-là.

On doit, là-dessus, je pense, mettre en commun nos ressources, et on a commencé des discussions avec le ministère des Régions là-dessus aussi, pour s'assurer qu'on puisse en formuler, de ces objectifs mesurables, dans l'ensemble ou en tout cas dans certains des secteurs d'activité que nous couvrons. Et je vous dirais que, même si c'est un engagement qui a été pris pour la deuxième génération des ententes-cadres, ça va demander passablement d'efforts de la part de tous les intervenants pour qu'on y arrive. Mais on sait qu'on est capables de convenir d'objectifs mesurables, encore une fois, qui tiennent compte des mandats qui nous sont confiés ou qui sont confiés à l'ensemble des intervenants et aussi des situations différentes dans lesquelles on se retrouve dans chacune des régions.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, j'aimerais donc remercier M. Adam, président, et M. Lesage, directeur général par intérim de l'Association des régions du Québec, pour leur contribution à nos travaux.

Et, avant de suspendre, je rappelle que nous nous retrouverons à 14 heures pour accueillir le Forum des jeunes de la fonction publique québécoise. Et nous avons pris les dispositions pour que la salle soit fermée sur l'heure du dîner. Alors, si les membres veulent laisser leurs documents ici, ça ne pose pas de problème.

Sur ce, donc, je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 8)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental reprend ses travaux. Il s'agit donc d'une consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental qui nous est proposé.


Mémoires déposés

Avant d'aborder le prochain groupe – il s'agira du Forum des jeunes de la fonction publique québécoise – j'aimerais informer les membres de cette commission que, suite à une entente entre les leaders, nous procéderons à la rencontre, ou à l'audience, d'un groupe supplémentaire. Le jeudi 30 septembre 1999, nous devions débuter à 9 h 30; nous débuterons à 9 heures et nous allons accorder 30 minutes, c'est-à-dire selon la formule habituelle 10-10-10, à l'Association des industries forestières du Québec. Nous avons ici un mémoire que nous allons distribuer dans quelques instants.

Une deuxième information à l'intention des membres de la commission. Nous avons une annexe à distribuer aux membres de la commission, annexe au document 22M. Il s'agit du mémoire de la Conférence administrative régionale de l'Estrie, que nous rencontrerons, selon notre projet d'horaire, le mercredi 22 septembre prochain, à 17 heures.

Alors, nous sommes prêts à entendre le prochain groupe. Il s'agit donc du Forum des jeunes de la fonction publique québécoise, représenté notamment par son président, M. Martin Houle, que j'invite à prendre la parole en lui demandant également de nous présenter les personnes qui l'accompagnent et en se rappelant, tout le monde ensemble, qu'on a, pour la présentation, un maximum de 20 minutes.


Forum des jeunes de la fonction publique québécoise

M. Houle (Martin): D'accord. Merci, M. le Président. Donc, je vais présenter tout de suite les gens à côté de moi. Vous avez, à ma droite, M. Joël Bélanger, qui est vice-président des communications au Forum; à ma gauche, vous avez Mme Claudie St-Hilaire, qui est membre du conseil d'administration du Forum des jeunes de la fonction publique québécoise.

Rapidement, qui nous sommes, en 30 secondes. Le Forum des jeunes est un organisme constitué depuis peut-être un an et demi. On organise principalement des conférences et des séances de consultation. D'ailleurs, notre premier conférencier a été M. Claude Morin, en janvier 1998; depuis ce temps, se sont succédés des gens reconnus pour leur compétence et surtout leur expérience dans tous les domaines traitant de la fonction publique, notamment. Alors, c'est très intéressant pour les jeunes d'apprendre des gens qui connaissent beaucoup plus que nous en la matière. Ça nous permet d'aiguiller les différentes réflexions qu'on a pour améliorer la fonction publique québécoise, l'organisme pour lequel nous travaillons.

C'est d'ailleurs pour cette raison, c'est basé notamment sur certaines de ces conférences que nous organisons qu'a été publié le mémoire dont vous avez obtenu copie. L'objectif que j'aurai pour les 20 prochaines minutes sera de sensibiliser les membres de la commission parlementaire spéciale à l'importance du cadre de rémunération dans la fonction publique québécoise lorsqu'on parle de réformer le cadre de gestion.

En fait, c'est une condition qui m'apparaît sine qua non pour réaliser les différents objectifs ambitieux qui apparaissent dans l'énoncé de politique. Je crois que c'est donc une condition importante qu'un cadre de rémunération rajeuni, moderne et qui reflète les objectifs énoncés dans le cadre de gestion soit mis en place. Autrement, il pourrait s'avérer difficile, pénible, peut-être même infructueux de s'aventurer dans un si gros défi.

Ceci dit, avant de débuter à proprement dit, je mentionne que les gens de la fonction publique québécoise, les employés que nous sommes, nous avons la chance d'être des témoins privilégiés de ce qui se passe dans la machine. Nous avons les deux pieds dedans, nous contribuons à fournir les services aux citoyens. Et, en ce sens là, ça fait donc de nous des gens privilégiés pour peut-être susciter certaines pistes de solution à des gens comme vous, membres de la commission.

Le mémoire dont vous avez eu copie s'inspire notamment de deux sources. La première, c'est le rapport de consultation que le Forum a fait l'an dernier. En avril 1998, on a regroupé des jeunes de la fonction publique en ateliers et en plénières pour leur demander qu'est-ce qui, selon eux, pourrait être changé dans la fonction publique, qu'est-ce qui devrait être conservé, et d'identifier certaines pistes de solution. Tout ça pour, bien entendu, améliorer l'organisme pour lequel on travaille. Ça, c'est la première source d'inspiration que j'ai eue pour rédiger ce mémoire.

La deuxième source, principalement, ce sont mes réflexions en tant qu'économiste – je suis économiste au ministère des Finances. Et ces réflexions, d'ailleurs, ont fait l'objet d'une conférence que j'ai eu l'honneur de présenter devant le Groupe réseau-gestion, le 10 juin dernier. C'est un groupe qui est organisé d'ailleurs par le Secrétariat du Conseil du trésor, un groupe de cadres du gouvernement du Québec. Je me suis inspiré de certains commentaires avec ce que j'ai pu mentionner, et donc ça fait partie des sources qui m'ont amené à rédiger le présent mémoire.

Maintenant, comment faire en sorte qu'un cadre de rémunération de la fonction publique puisse s'imbriquer dans un cadre de gestion qui valorise les éléments mentionnés dans l'énoncé de politique, c'est-à-dire une gestion axée sur la performance, axée sur les résultats et puis des valeurs de performance, d'imputabilité, de rendement? En fait, ça a été un déclic que j'ai eu à la fin de l'été. Je trouvais contradictoire, je vous dirais, ce que je venais de lire dans l'énoncé via Internet et ce que je voyais à la télé, dans l'actualité, concernant les négociations actuelles dans le secteur public.

Il y avait, d'un côté... En fait, il y a toujours... D'un côté, vous avez les syndicats, les organismes syndicaux qui revendiquent des augmentations salariales de 11,5 % et de 16 % sur trois ans pour tous les employés de l'État, peu importe le rendement de ces employés-là; et, de l'autre côté, vous avez le gouvernement du Québec qui propose, qui fait des offres de 5 % d'augmentation de salaire pour tous les employés de l'État, peu importe le rendement de ces employés. Alors, bien qu'on puisse constater que ces deux entités, donc le gouvernement et les syndicats, ne semblent pas s'entendre sur la valeur pour rémunérer les employés de l'État, en termes de pourcentage d'augmentation de salaires, ils s'entendent au moins sur une chose, à mon avis: c'est les règles du jeu qui prévalent dans la négociation collective actuelle, c'est-à-dire de fixer une augmentation salariale pour tous, peu importe le rendement de ces gens-là, des employés de l'État. Alors, je trouvais ça un peu particulier donc d'offrir un salaire égal à des gens qui offrent un rendement inégal. Il y a une certaine contradiction entre ce qui se passe et l'énoncé de politique.

Maintenant, je crois que la véritable question à se poser est moins de dire: Est-ce que c'est 5 % qui est mieux, 16 % qui est mieux, est-ce que c'est quelque chose entre les deux? que de se poser la question: Comment payer mieux? J'ai l'impression que maintenant on se fait dire comment payer plus la fonction publique. L'argument du mouvement syndical, c'est plutôt de dire: Nous avons été coupés il y a de ça quelques années, en 1983, nous avons perdu un pouvoir d'achat, nous voulons récupérer ce pouvoir d'achat et nous voulons aussi l'équité, qui est un élément très important que vous avez peut-être vu dans mon mémoire, et je vais y revenir bientôt.

Donc, il y a ça. Et de l'autre côté, vous avez l'argument du gouvernement qui dit: Nous aussi, on veut l'équité salariale. Et c'est tout à fait justifié, le 5 %, avec les études de l'IRIR qui dit que l'employé de l'État, sa rémunération globale est similaire à celle qui se passe à l'extérieur de la fonction publique, ce qui est une bonne chose, et il y a aussi la capacité de payer du gouvernement, qui sont quand même des arguments tout à fait louables, d'un côté comme de l'autre.

(14 h 20)

Maintenant, comme je vous le mentionnais, la question, est-ce que c'est de payer plus, comment payer plus ou combien payer mieux? Je pense que c'est là l'importance, la nuance à saisir: Comment payer mieux l'employé de l'État en restant fidèle aux valeurs d'imputabilité, de gestion par résultat et de rendement? On n'a pas le choix de marier ces deux choses-là. À mon avis – c'est peut-être l'économiste en moi qui ressort un peu – le salaire, c'est d'abord et avant tout un prix, c'est un prix qui reflète le marché à l'extérieur, vous savez. Vous avez des oranges que vous payez un certain montant; si l'ouragan Floyd était passé sur les orangeraies de la Floride, il y a fort à parier que le prix des oranges aurait augmenté, étant donné que l'offre d'oranges serait plus rare. Donc, ce sont des phénomènes. L'économie est une science au même titre que la physique est une science, donc il y a certaines vérités; qu'on le veuille ou non, on doit peut-être s'en inspirer.

À ce titre, je crois qu'on aurait intérêt, lorsqu'on regarde la rémunération de la fonction publique, à s'inspirer de ces règles-là. Et parmi ces règles-là donc il y a le fait de la rareté ou la valeur réelle d'un type d'emploi qu'on a à rémunérer dans la fonction publique. Je vous dirais donc qu'il y a deux éléments importants pour un salaire: il y a le type d'emploi, c'est-à-dire un ingénieur, par exemple, ou un biologiste, un technicien, il y a des emplois différents, qui, selon le jeu de l'offre et de la demande, selon qu'on est en grande demande... Par exemple, avec le bogue de l'an 2000, vous avez vu combien les techniciens informatiques ont été fortement en demande; les prix ont augmenté, c'est tout à fait normal. Donc, il y a ce côté-là, type d'emploi à évaluer, et il y a l'autre côté qui est le type d'employé, qui est une vision beaucoup plus microscopique de la situation.

Je crois que ces deux éléments-là, le type d'emploi et le type d'employé, doivent être pris en compte dans un cadre de rémunération jeune, moderne et qui fait foi d'un cadre de gestion axé sur le rendement, les résultats, la performance et l'imputabilité. Autrement, il m'apparaît très difficile d'atteindre ces objectifs de l'énoncé, si le cadre de rémunération n'est pas modifié en conséquence. Et ce que je viens de dire en termes concrets, je vais prendre les deux éléments. Je vais commencer par le premier, le type d'emploi.

Il va de soi que, si la fonction publique offre, pour un type d'emploi donné, une fonction donnée, moins que ce que le marché donne, on risque fort d'avoir dans la fonction publique québécoise ce qu'on appelle – à la mode ces temps-ci – un «exode des cerveaux» de la fonction publique. Les gens qui sont déjà en place seront tentés d'accepter l'offre d'autres personnes à l'extérieur de la fonction publique, étant donné qu'à l'extérieur on va dire: Moi, j'ai besoin d'une personne de tes compétences. Donc, ce n'est peut-être pas à l'avantage de la fonction publique de ne pas tenir compte de ça. C'est ce qui se passe actuellement. Le cadre de rémunération actuel dans la fonction publique ne tient pas suffisamment compte de chaque type d'emploi.

Il en va de même en sens inverse. Si la fonction publique offre un salaire supérieur à un salaire de marché pour un corps d'emploi donné, la fonction publique paie trop pour ce qu'elle pourrait, en fait. Vous payez un service plus cher qu'il ne vaut en réalité. Vous ne faites pas donc une gestion optimale des ressources limitées de la fonction publique. Vous voyez, ça joue dans les deux côtés. Je crois qu'en ce sens-là il s'avérerait important, dans l'actuel mouvement de réforme, qu'une étude de chaque corps d'emploi... Le salaire de base offert par chaque corps d'emploi doit être revu pour qu'il cadre davantage avec une réalité changeante du marché. La réalité change, vous le savez. Si la commission d'aujourd'hui s'était tenue voilà 30 ans, les propos que je tiens différeraient sûrement de ceux que je tiens maintenant. Il en va ainsi. Dans 30 ans, ça sera autre chose. Mais aujourd'hui, on fait face à des problèmes particuliers et c'est dans l'intérêt de la fonction publique et de nos clients, c'est-à-dire les citoyens dehors, de s'arranger pour être fidèles le plus possible à cet environnement changeant.

Va pour le type d'emploi. Je m'attarderai maintenant un petit peu plus sur le type d'employé. Je vous avais promis que j'étais pour revenir à ça. On disait que le terme «équité salariale» était un terme qui venait souvent dans l'actualité. On entend souvent parler d'équité salariale. Je vous dirais qu'avant de rédiger le mémoire je me suis dit: Bon, eh bien, on va revenir à la base. Qu'est-ce que l'équité?

Alors, si vous regardez – je ne sais pas si vous l'avez devant vous – le mémoire à la page 11, je suis tout simplement allé m'inspirer du Nouveau Petit Robert à ce sujet. Il dit c'est quoi, l'équité. L'équité dit simplement que c'est «une notion de justice naturelle dans l'appréciation de ce qui est dû à chacun». Je le répète donc, c'est une «justice naturelle dans l'appréciation de ce qui est dû à chacun».

L'appréciation. J'ai dit: Il y a peut-être un problème dans ce mot-là. Je vais aller voir ce que ça veut dire, «appréciation». Vous remarquez que l'«appréciation», c'est l'«action de déterminer le prix, la valeur de quelque chose», et ses synonymes, c'est «estimation», «évaluation». Alors, vous me voyez venir déjà. Le cadre actuel de rémunération de la fonction publique ne tient pas suffisamment compte d'un outil fondamental qui s'appelle l'évaluation des employés individuellement. Vous avez un corps d'emploi qui s'appelle comptable, qui s'appelle technicien, secrétaire, économiste. Il y a des bons et des moins bons comptables, économistes, techniciens. Cette nuance-là n'apparaît pas dans le cadre actuel. Je crois sincèrement que peut-être une vision un peu plus élaborée, une manière, en fait, une façon de procéder pour permettre de rémunérer des gens qui vraiment répondent aux besoins de la fonction publique en termes de rendement... donc ils doivent être rétribués selon leur rendement.

Bien entendu qu'il y a des nuances à apporter à tout ça. On ne dit pas que demain matin le fonctionnaire, l'employé de l'État devra exclusivement être rémunéré en fonction de son rendement. Je pense qu'il y a un salaire de base mais qui doit, à mon avis, non seulement refléter le type d'emploi, comme je le mentionnais tantôt, mais il doit également refléter le type d'employé. Avec ça, j'aurais tendance à croire qu'on aurait des bonnes pistes de solution à trouver, un cadre de rémunération qui soit davantage optimal que celui actuellement, et qui puisse permettre enfin de relever le défi de la performance pour la fonction publique québécoise actuelle.

Dernier mot concernant l'équité. Je vous dirais que, selon la définition du Petit Robert , l'interprétation que j'en ai de la définition du Petit Robert : Il n'est pas équitable de payer un employé de l'État qui performe plus que la moyenne de la même façon, donc de le rémunérer de la même façon que son collègue à côté de lui qui, toujours dans mon exemple, hypothétique mais vérifiable, performe beaucoup moins. À mon avis, l'équité, c'est ça, et je vous dirais que même les jeunes dans la fonction publique en paient le prix, de cette histoire-là. Si on ne rémunère pas les gens en fonction de leur performance, comment voulez-vous que les jeunes, dans le système actuel, puissent se tailler une place dans la fonction publique puisque, premièrement, on les accepte, on leur donne un poste et on les rémunère en fonction de leur nombre d'années d'expérience, en fonction des disponibilités de postes permanents qui existent dans la fonction publique? Ce n'est pas, à mon avis, le propre d'une fonction publique axée sur la performance.

Ceci dit, un dernier mot avant de passer à mon dernier point. Je veux parler davantage de l'évaluation. Une évaluation, les gens ont peur de ça, bien souvent. Je dirais même que les gestionnaires sont peut-être effrayés par le terme «évaluation». Pourquoi? Je vais vous donner un exemple tout à fait concret, le mien. Je ne suis pas un gestionnaire, comme je le mentionnais, mais mon gestionnaire, aux Finances, m'a donné un échelon accéléré. C'est un des moyens qui existent actuellement pour rétribuer la performance qu'un gestionnaire qualifié de «supérieur». Donc, on rémunère un employé de cette façon-là, en lui donnant un échelon accéléré. Sauf que mon gestionnaire m'a montré le document qu'il a dû rédiger pour me faire obtenir cet échelon accéléré. Les deux bras m'ont tombé, c'est 20 pages. Il a pris quatre jours, quatre jours sur cinq à rédiger ça. Être un gestionnaire, je serais essoufflé et je vous dirais que je serais craintif de m'embarquer dans un système d'évaluation qui m'obligerait à justifier à n'en plus finir les rétributions exceptionnelles que je voudrais attribuer à mes employés.

Donc, ça, il faut changer ça. Il faut une rémunération souple tant pour le gestionnaire que pour l'employé, parce que l'employé, lui aussi, comment je pourrais dire, ne veut pas être découragé par le processus, ne veut pas être empreint de scepticisme. L'employé ne veut pas être sceptique devant l'évaluation. Au contraire, il doit comprendre que c'est bon, et pour lui, et pour la fonction publique, et pour l'équipe dont il fait partie. Notamment, ça lui permet d'identifier ses bons coups, ça lui permet d'identifier également ses coups moins bons qu'il pourrait améliorer. Donc, c'est dans un esprit de convivialité, je crois bien, et de simplicité qu'un processus d'évaluation devrait être mis en branle.

(14 h 30)

Mon dernier point concerne les gestionnaires plus spécifiquement. On l'indique dans l'énoncé mais peut-être pas suffisamment. Le gestionnaire doit posséder les moyens d'être imputable. Qu'est-ce que je veux dire par là? C'est qu'on doit, je crois, faire confiance au gestionnaire et lui donner les moyens pour qu'il puisse se permettre de se constituer une équipe à lui. C'est comme un peu si on disait aux Canadiens de Montréal: Je t'oblige à gagner la coupe Stanley cette année – donc tu es imputable, il faut que tu gagnes la coupe Stanley cette année – sauf que tu ne peux pas changer, tu ne peux pas faire de transaction, tu es obligé de garder la même équipe.

Je crois qu'actuellement, si on maintient le cadre qui prévaut, le gestionnaire est un peu pris avec ça. Je dirais même... Je fais allusion à un article que M. Leduc avait écrit le lendemain du dépôt de l'énoncé politique. Il disait: Épée de Damoclès au-dessus des gestionnaires . Je crois que les gestionnaires sont bien prêts à relever le défi, mais il faut leur donner les moyens en ce sens et leur permettre de choisir l'équipe de personnes qui va travailler pour eux et leur permettre aussi d'attirer, de retenir du personnel qu'ils jugent compétent pour leur équipe. En fait, je vous dirais même que j'aurais tendance à vous proposer la notion d'enveloppe salariale dont j'ai parlé à certains gestionnaires du gouvernement du Québec, qu'ils trouveraient appropriée, puis je crois que, lorsqu'on y pense, ça peut être une avenue, à explorer du moins. Une enveloppe salariale serait accordée à chacun des gestionnaires. Le gestionnaire, avec une enveloppe, dirait: Bon, moi, j'ai tant, je m'organise pour avoir les employés que je veux en les rémunérant de la façon dont je l'entends. Et, en ce sens-là, on pourrait boucler la boucle de l'imputabilité. Parce que tu ne peux pas demander à un gestionnaire d'être imputable des travaux de son équipe alors que lui-même ne peut pas choisir les membres de son équipe de travail. Bien entendu, tout ça se fait dans un cadre, avec des procédures. Mais n'empêche que je pense que c'est des idées intéressantes sur lesquelles la commission pourrait se pencher.

Je termine en disant, avant ma conclusion, que le gestionnaire donc ne doit pas être le seul à payer le prix de la performance. Le salarié aussi. Si le salarié ne correspond pas aux besoins de son équipe ou de la fonction publique, je pense qu'il doit y avoir des moyens pour éviter de maintenir en emploi un employé qui ne démontre aucune volonté d'améliorer sa performance. La sécurité d'emploi qui existe actuellement, je crois que le concept est important. Nous sommes dans la fonction publique, nous avons des obligations, sauf que, de l'autre côté, elle devrait peut-être être revue. L'imputabilité et le rendement, ça a son prix et pas uniquement pour le gestionnaire.

Ma conclusion, en 30 secondes, si vous me permettez. Je fais un résumé rapide de ce que j'ai mentionné. Il serait donc intéressant, à mon avis, de...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Vous concluez.

M. Houle (Martin): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Je dis: Vous ne faites pas de résumé, vous concluez.

M. Houle (Martin): Je conclus, oui, c'est ça. Trente secondes, je vous ai dit, regardez ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Houle (Martin): Donc, il faudrait revoir le cadre de rémunération actuel, sinon la performance telle qu'on l'entend dans l'énoncé de politique m'apparaît difficile, voire même impossible à mener de l'avant. Si on veut gérer par résultats, il faut d'abord commencer à évaluer et à payer ces résultats-là; donc, comme je le mentionnais tantôt, revoir la base salariale en fonction du corps d'emploi et du type d'employés et revoir les mécanismes pour que le gestionnaire fasse preuve d'un peu plus de souplesse, lui faire confiance.

Alors, ceci dit, je suis bien disponible à vos questions, en vous soulignant la chose suivante. C'est que, le 25 octobre prochain, le Forum organise sa deuxième séance de consultation et il sera question de la politique de rémunération. Il y aura cinq ateliers. On demande aux jeunes de s'exprimer. C'est au Domaine Cataraqui que ça va se passer. On ambitionne de réunir 109 jeunes de la fonction publique – vous voyez le jeu de mots, et ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est une dame même qui est en face de moi – donc 109 jeunes de la fonction publique qui vont se prononcer là-dessus. Et le Forum s'est donné comme mandat de fournir un rapport de consultation qui va témoigner des différentes choses qui ont été dites lors de la consultation. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci, M. le président du Forum des jeunes de la fonction publique québécoise. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Merci de votre mémoire qui brasse quelques idées, disons, assez radicales, je pourrais dire; je vais les qualifier comme telles. Je pense que c'est un point de vue très important. Mais j'aurais quand même quelques questions à vous poser.

Je suis d'accord avec vous que, pour mettre en place ce nouveau cadre de gestion, il faut avoir des mécanismes aussi de rémunération qui puissent être modifiés. J'ai d'ailleurs fait une ouverture aux syndicats sur ce plan en leur disant que nous sommes prêts à en discuter. Nous avons rétabli le programme de bonus au rendement, le mois de mars dernier, en rétablissant l'ancien système qu'il y avait, mais en nous disant ouverts aussi à le modifier ou même à le changer si c'était nécessaire.

Mais, dans ce que vous nous dites, vous portez une critique sur le fait qu'on propose à l'ensemble des salariés, par exemple, 5 % sur trois ans, vous dites que c'est pour tout le monde et puis que ça ne tient pas compte des performances. Je voudrais juste distinguer. Il y a un système de bonus au rendement, mais il y a aussi ce que vous avez dit, l'évaluation des emplois, à l'heure actuelle, qui laisserait à désirer. Je rappelle que le gouvernement, d'ailleurs sous nos prédécesseurs, avait procédé à une étude, La relativité de chacun des emplois , qui lui a coûté 375 000 000 $. Chaque emploi a été pointé, évalué et rémunéré en conséquence. Il y a eu des corrections, dont certaines n'ont pas encore eu d'effet parce qu'il y en a qui étaient surnumérés, mais ils sont ce qu'on appelle dans des «red circles» à l'heure actuelle. Mais l'ensemble du système aurait ou avait... dans l'intention du gouvernement, a conduit à une évaluation beaucoup plus correcte des emplois les uns par rapport aux autres. Et donc, de dire, de façon très générale comme cela, que les emplois sont mal évalués comme emplois – je ne parle pas de performance, mais comme emplois – j'aimerais ça avoir des explications. Est-ce que cela veut dire que vous trouvez que l'exercice de relativité n'a pas produit les fruits qu'on en attendait?

M. Houle (Martin): J'aurais tendance à vous répondre par certains exemples pointus. Bien entendu que ce n'est peut-être pas la meilleure façon d'y répondre. Mais, au ministère des Finances, il y a le marché des capitaux, que vous connaissez sans doute. C'est des gens qui ont comme mandat de faire des emprunts au nom du gouvernement du Québec à coup de milliards de dollars. C'est un peu ce que vous voyez à la télé, à la Bourse; ils ont trois, quatre écrans de télé devant eux, avec deux, trois téléphones. Vous irez voir dans cette salle-là et, si la moyenne d'âge est équivalente à mon propre âge, ça sera bien, donc 30 ans, je vous dirais. Les gens sont tous très jeunes. Et la raison pour ca, c'est que seulement quelques années après, à faire ce métier dans la fonction publique, pour le gouvernement du Québec, ces gens-là sont recrutés, par des agences de cotation et autres firmes de la sorte, à des salaires qui reflètent bien entendu un marché, ce qui fait que la fonction publique québécoise reste avec des gens qui brassent des milliards de dollars d'emprunts et qui ont une trentaine d'années, ou des choses comme ça. Et, encore une fois, je ne dis pas que, parce qu'ils sont jeunes, ils sont nécessairement non performants. Je m'explique. Je pense qu'il faut, dans la fonction publique, un équilibre intergénérationnel optimal, qui est la jeunesse et qui est l'expérience, chose qui n'existe peut-être pas actuellement et qui, curieusement, dans l'exemple que je vous cite, est à l'inverse de toute la fonction publique, il y a beaucoup de jeunes gens là.

Mais, pour peut-être répondre d'une manière plus générale à votre question, s'il y a eu déjà une réévaluation de la rémunération des types d'emplois faite dans le passé, il ne serait peut-être pas mauvais de la revoir encore, dans la mesure où est-ce que la fonction publique actuelle témoigne de certains exodes – je pense qu'il y a eu certains cas plus médiatisés que d'autres – de hauts fonctionnaires qui ont quitté pour le privé, d'autres qui sont beaucoup moins médiatisés, des gens qui sont nos collègues et qui... Encore une fois, bon, il y a des exemples: ces gens-là se font offrir des salaires beaucoup plus avantageux que les nôtres, et pas juste dans le privé, dans le gouvernement fédéral entre autres, et bien souvent – c'est ce que j'argumente dans mon mémoire – le différentiel de salaire que le gouvernement aurait pu payer entre ce que ces employés-là valent et ce qu'on est prêt à leur offrir, donc, le différentiel des deux est inférieur à ce que ça coûte au gouvernement de se priver des services de ces gens-là.

Et pour terminer peut-être, je reste un peu sceptique devant la situation actuelle qui viendrait me dire que la révision a été faite et que les différentes échelles salariales qui existent actuellement sont tout à fait saines pour la fonction publique.

(14 h 40)

M. Léonard: Je ne prétendrai pas que tout est parfait, mais il reste que c'est un exercice quand même très sérieux qui a été fait au gouvernement, qui a duré des années et qui a conduit à une conclusion monétaire de 375 000 000 $, ce qui n'est pas rien non plus, récurrents. Je posais cette question.

Par ailleurs, l'IRIR nous dit qu'en rémunération globale le secteur public est à parité avec le privé. Il y a 1,3 % de plus en rémunération globale, ce qu'on considère à peu près la parité. C'est la marge acceptable. Alors, je comprends que dans certains cas, peut-être même conjoncturels, il y ait un exode, mais je crois qu'il faut conclure que, de façon générale, les employés du secteur public sont aussi bien payés en général, encore une fois, que le privé, avec, en plus, une sécurité d'emploi qui est meilleure. Donc, sur ce plan-là, quand même, je trouve que l'État n'est pas en reste non plus.

Et, en plus, est-ce qu'il faut déplorer – je vous pose la question – qu'il y ait un va-et-vient du privé au public, qu'il y ait une mobilité de l'emploi? Je trouve que, d'un point de vue global, c'est intéressant qu'il y ait une telle mobilité, ce qui ne préjuge en rien de la condition particulière d'un individu qui, lui, peut s'estimer, puis peut-être à juste titre, mal évalué ou performer alors que sa performance n'est pas reconnue. Mais on voit que, en général, nous sommes à parité. Puis, en plus, la question qui se pose: Est-ce que c'est si mauvais que ça qu'il y ait du va-et-vient entre les deux, le privé et le public?

M. Houle (Martin): Deux mots importants dans votre question: «général» et «mobilité».

M. Léonard: Oui.

M. Houle (Martin): Vous l'avez répété à plusieurs reprises, le mot «général». Généralement, les employés de la fonction publique sont rémunérés pareil... comme leurs collègues du privé ou de l'extérieur du secteur public. Vous avez raison. Sauf qu'à mon avis, c'est peut-être une vision qui est moins appropriée dans la mesure où est-ce qu'on veut que cette fonction publique là relève le défi de la performance. Il est difficile d'aller avec une simple moyenne.

M. Léonard: Ah!

M. Houle (Martin): La performance, par définition, c'est toujours sur une échelle de un à 100; la performance, c'est toujours ceux qui sont un peu plus haut. Bien entendu, je ne pense pas que la fonction publique, ça soit dans son intérêt de recruter uniquement des tops niveaux, pour utiliser l'expression chère à nos Français, à nos cousins de la France. N'empêche que, si on veut réellement se diriger vers une fonction publique qui aspire à devenir davantage performante, je crois qu'on a intérêt à vérifier ces choses-là.

Le deuxième mot que vous mentionniez, M. Léonard, «mobilité». Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il est sain qu'un employé bouge, puisque... bien, bouge, toujours dans un cadre régulier, normal. On ne dit pas changer d'emploi à tous les six mois. Mais je pense que, toujours dans un cadre normal, il est intéressant, même pour l'employé, et pour son employeur, parce que ça lui fait apprendre des choses nouvelles, ça lui donne de l'expérience particulière. Le problème, c'est quand la mobilité, souvent, se fait de manière unidirectionnelle. C'est, bien entendu, un piège dans lequel la fonction publique ne veut pas plonger. C'est un danger que je me permets de soulever ici. Puis je vous rappelle en vous disant que les jeunes, quand on les a consultés, nous ont dit qu'ils étaient prêts à relever le défi de la performance, et relever le défi de la performance, ça veut dire être jugé en fonction de ce que tu vaux.

M. Léonard: Mais ça, c'est le mécanisme d'un système de bonus au rendement.

M. Houle (Martin): Non.

M. Léonard: Mes considérations antérieures portaient plus sur l'évaluation générale de l'emploi...

M. Houle (Martin): De l'emploi.

M. Léonard: ...et non de la performance de la personne dans l'emploi. Là, c'est autre chose. Ça, nous sommes ouverts. Je sais que, dans des pays qui ont adopté un système comme le nôtre, on a élargi graduellement la reconnaissance de la performance. On a rémunéré davantage la performance. Alors, moi, je suis ouvert à en parler, puis on l'a déjà introduit dans un certain nombre... au moins deux sociétés d'État: la Société des alcools du Québec et Loto-Québec. Maintenant, dans la fonction publique elle-même, on est prêt à en discuter.

L'autre question que vous soulevez, c'est celle de la dotation. Il y a une question importante qui est celle de l'accessibilité pour tous à la fonction publique. Alors, laisser pleine latitude à un gestionnaire d'engager qui il veut sur le poste qu'il veut, ça remet en cause un certain nombre de consensus dans notre société qui ont été acquis au cours des années. On peut en discuter, je comprends très bien, mais il faut aussi être conscient que ce n'est pas une mince question.

M. Houle (Martin): Je comprends. Je pourrais peut-être me permettre de répondre. Bien entendu, j'avais mentionné que ça devait être fait dans un cadre comme tel. Je voulais plus faire allusion dans le mémoire à la flexibilité dont ne sont pas pourvus, peut-être, ou pas suffisamment pourvus les gestionnaires actuels. Bien entendu, ça ne voulait pas dire... Je vous dis «bien entendu», mais vous allez comprendre que, dans un mémoire de 18 pages, c'est difficile de tout dire ce qu'on peut penser. Mais je pense qu'un gestionnaire avec les gens dont il dispose en termes de... les employés autour de lui, dans ce qui existe dans la fonction publique, il serait intéressant de lui donner une flexibilité additionnelle et peut-être même aussi une fenêtre. Je ne vous dis pas que la fenêtre doit être totale, c'est-à-dire qu'il peut recruter systématiquement à l'extérieur de la fonction publique, mais je pense qu'en apprivoisant peut-être davantage une proposition comme celle-là ça permettrait au gestionnaire d'être imputable, dans le bon sens du terme.

M. Léonard: Oui, si on dit cela, ça repose une autre question. Plus vous donnez de latitude à un gestionnaire, plus les mécanismes de reddition de comptes doivent être resserrés, précis, les critères de performance doivent être bien établis et mesurés en conséquence. Quels seraient par la suite les éléments de reddition de comptes que vous introduiriez dans un rapport en ce qui concerne la dotation du personnel puis aussi l'attribution des bonus de performance?

M. Houle (Martin): C'est la question-piège, ça, M. Léonard.

M. Léonard: Non.

M. Houle (Martin): C'est difficile à répondre.

M. Léonard: C'est la question qui vient là immédiatement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Houle (Martin): C'est difficile à répondre, dans la mesure... Ha, ha, ha! Si je peux me permettre en toute simplicité de répondre à ça, je vous dirais: Quand vous allez voir votre médecin, vous n'êtes pas obligé d'avoir des connaissances très approfondies en médecine pour sortir du cabinet et dire: Lui, c'est un bon médecin, ou: Lui, c'est un mauvais médecin, je ne l'ai pas aimé pour x ou y raison. Je pense que, pour être aussi général dans ma réponse que vous l'avez peut-être été dans votre question, j'aurais tendance à croire qu'un indicateur de performance le plus général qui soit est celui de la satisfaction qu'éprouvent les citoyens vis-à-vis leur fonction publique et, à ce titre... et là je veux faire une anecdote que, l'année passée, les jeunes nous ont dit.

L'année passée, il y a des jeunes, M. Léonard, c'était assez intéressant – moi-même qui suis jeune, bien, j'ai 30 ans, j'ai vécu exactement ce que ces gens-là m'ont mentionné – ils disaient: C'est curieux, depuis que je suis fonctionnaire, depuis que je suis employé de l'État – je vous donne un exemple – je m'en vais dans un party de Noël dans ma famille, il y a toujours un mon oncle qui vient à côté de moi puis qui me dit: Puis, mon jeune, qu'est-ce que tu fais de ta vie? Et, quand je lui réponds: Moi, je suis rendu employé de l'État, je suis fonctionnaire, il a toujours un petit sourire en coin puis il dit: Oh! ça dort jusqu'à 16 h 30 puis, après ça, ça s'en va chez lui.

Vous allez me dire que c'est incrusté. Ce n'est pas, comment je pourrais dire? ce n'est pas bien que les gens pensent ça. Il y a beaucoup de subjectivité, il y a beaucoup d'idées préconçues. Et j'en conviens, étant donné que ça fait trois ans que je travaille dans la fonction publique québécoise, j'ai travaillé deux ans au fédéral, à Ottawa, je sais qu'il y a du bon et du très bon travail qui se fait ici. Mais je pense qu'à la limite la perception qu'ont les gens de la fonction publique, peut-être on est à même de pouvoir se poser la question, il faut avoir l'humilité de se poser la question: Est-ce qu'elle n'est pas fondée à certains endroits? Et notre objectif, c'est de corriger le tir pour que nos clients, les citoyens, soient satisfaits des services qu'on leur fournit.

M. Léonard: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Oui, cinq minutes.

M. Léonard: O.K. Quand vous dites ça, je comprends, mais je vais dire quand même que l'expérience que j'ai de la fonction publique, surtout dans les dernières années, c'est qu'elle a livré la marchandise et au-delà. Je peux dire ça.

(14 h 50)

Mais l'autre point que vous avez soulevé, finalement, c'est qu'en donnant beaucoup de latitude à votre gestionnaire on a presque conclu ou on aurait pu conclure que, finalement, vous sacrifieriez la sécurité d'emploi. Dans une grande organisation, la mobilité est un avantage parce que, si un poste ne fait pas votre bonheur, vous pouvez toujours postuler ailleurs, ce qui est une pratique, parce que, au cours de votre vie, si vous changez d'affectation... il est très pensable qu'à un moment donné tel emploi vous convienne peu, puis vous vous en rendez compte et vous changez, puis vous performez très bien ailleurs. Donc, la mobilité intra dans la fonction publique donne accès à un bassin de 47 000 postes permanents, théoriquement à tout le moins, et je trouve que, ça, c'est un avantage qu'on doit maintenir. Ce qui n'empêche pas que, dans une organisation précise à l'intérieur de l'ensemble, oui, quelqu'un puisse dire: Bien, tel employé, peut-être, pourrait changer, ou je peux même lui conseiller, des fois ça se fait de bon gré, de gré à gré, tout simplement. Alors, est-ce que j'ai bien compris que, pour vous, la sécurité d'emploi, c'était à bannir ou bien à sacrifier ou...

M. Houle (Martin): Je vais vous répondre aussi directement que peut l'être votre question: Non.

M. Léonard: Non? Bon, très bien.

M. Houle (Martin): Puis je vais m'expliquer. Je m'explique en peu de mots. Je pense que la sécurité d'emploi, c'est un concept qui n'est pas nécessairement vieux, c'est relativement nouveau. Je crois que les différentes fonctions publiques ont vu qu'il était dans leur intérêt d'offrir à leurs employés – puis même dans le privé il y en a plusieurs où c'est comme ça – une sécurité d'emploi. Pourquoi? Parce que, surtout dans la fonction publique, il y a l'aspect politique de notre emploi. Bien entendu que, par définition, un fonctionnaire est apolitique, mais ses supérieurs, néanmoins, sont élus par le peuple. Il fut un temps où peut-être la sécurité d'emploi aurait préservé le poste de plusieurs personnes qui quittaient en même temps qu'un gouvernement élu pouvait quitter.

Ceci dit, je ne crois pas du tout approprié de revenir à ce stade-là, primaire, vieillot. C'est trop vieux, ce n'est plus ça. Je pense qu'il y a une nouvelle façon de le revoir. Autant, avant, on était dans l'extrême, tout le monde pouvait s'en aller un peu n'importe quand, j'aurais tendance à vous dire qu'aujourd'hui la pratique qu'on a de la sécurité d'emploi actuellement est peut-être un peu trop extrême de l'autre côté, où ce n'est pas tout à fait normal – et, encore une fois, on a des exemples pour témoigner – qu'un collègue à côté de ton bureau arrive à 9 h 30, 10 heures le matin, va fumer sa cigarette et revient, ne fait pas grand-chose autre que de jouer au solitaire et repart à 16 h 30. Et cet homme-là, ou cette femme-là, assis sur un poste permanent, c'est quasiment impossible de le déloger de là. Et pendant ce temps-là, vous avez des jeunes et des moins jeunes, mais qui sont performants pas mal plus que cet exemple-là que je viens de vous donner, qui sont à l'extérieur, ici, et qui aimeraient beaucoup pouvoir avoir la chance de rivaliser sur un même pied d'égalité avec lui et prendre son poste. Actuellement, ce n'est pas possible.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont, il nous reste 90 secondes.

Mme Dionne-Marsolais: Bien, je serai brève parce que ce que vous dites et puis ce qu'on lit là, il y a des choses étonnantes. Si vous voulez maintenir la sécurité d'emploi, qui n'est pas si jeune finalement, qui remonte à 1965, hein – peut-être que vous êtes jeune, vous n'étiez peut-être pas né à ce moment-là, mais ça date de 1965, donc ce n'est pas si jeune quand même – quelle suggestion vous nous feriez pour mesurer à ce moment-là l'imputabilité pas seulement à la performance, mais aussi à l'échec? Qu'est-ce que vous nous faites comme suggestion...

M. Houle (Martin): Je saisis mal votre question.

Mme Dionne-Marsolais: ...si on doit garder tout le monde, on doit avoir une fonction publique élitiste, on veut faire une carrière là-dedans, alouette! Mais l'imputabilité, on la mesure comment et on la récompense ou on la punit comment, dans cette dynamique?

M. Houle (Martin): Je ne suis pas sûr de saisir votre question, Mme Marsolais.

Mme Dionne-Marsolais: Bien, c'est très clair, quelqu'un qui réussit, c'est facile, on lui donne une promotion, puis on lui donne une augmentation de salaire, puis on l'inscrit dans la carrière, et puis il vivra heureux longtemps.

M. Houle (Martin): D'accord.

Mme Dionne-Marsolais: Quelqu'un qui fait une erreur.. prenez votre personne du marché monétaire, tantôt, qui fait perdre des millions parce qu'il a fait un mauvais achat et, je ne sais pas, une journée... et dont il est responsable, là. Qu'est-ce que vous faites? Comment on peut...

Des voix: On le sanctionne.

Mme Dionne-Marsolais: ...on le sanctionne? Voilà. Merci.

M. Houle (Martin): Bon, je pense que... enfin, j'aurais tendance à vous répondre en utilisant un terme que vous avez utilisé, «erreur». Je crois que l'imputabilité, ça n'implique pas nécessairement que employés ou gestionnaires n'ont plus droit à l'erreur. On est quand même des êtres humains. Je pense que le mémoire doit être lu en ayant à l'esprit que les gens qui adhèrent à ce genre de principe là et son auteur comprennent qu'il s'agit d'une nouvelle façon peut-être de voir la fonction publique, mais tout en préservant certains acquis, non pas des acquis qui sont nuisibles pour la fonction publique, pour le citoyen ou pour le fonctionnaire, mais peut-être des acquis qui peuvent être préservés et renouvelés. Et, en ce sens-là, ça va de soi que l'erreur doit être... D'ailleurs, je suis convaincu que, dans n'importe quelle, comment je pourrais dire? dans une équipe... je ne suis pas gestionnaire, mais j'ai une équipe et je sais que, parmi mes employés qui sont performants, il y en a un qui a fait une erreur. Alors, j'ai le choix. Je suis confronté à une décision: ou bien je me départis bêtement de cet homme-là ou bien je me dis: Il a fait une erreur, mais j'en ai besoin et ça fait partie de son apprentissage. Je pense qu'il y a une réflexion que le gestionnaire doit faire, une réflexion professionnelle devant la situation à laquelle il sera confronté.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous passons maintenant aux questions de l'opposition ou aux remarques. À ce moment-ci, M. le porte-parole de l'opposition officielle et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Houle, et merci pour la présentation de votre mémoire. Vous vous inscrivez dans le cadre du renouvellement de la gestion gouvernementale en soulignant l'importance de la rémunération. Je pense que c'est un aspect qui est majeur. J'aimerais vous poser quelques questions peut-être un peu de clarification pour ma propre compréhension. Quand vous parlez de rémunération et, notamment à la page 12, vous dites: Certains employés pourraient recevoir plus que le salaire réel dit de base pour une catégorie de services donnée, vous ne référez pas nécessairement, si je comprends, au rendement comme tel ou à l'évaluation de rendement. Est-ce que ça veut dire que, quand vous parlez de salaire réel de base, c'est un salaire additionnel de base ou ce sont des bonis de performance? Comment vous voyez ça?

M. Houle (Martin): Je dirais que le mémoire d'abord a été rédigé en termes de direction, de guide. Je ne prétends pas arriver avec des solutions tout à fait concrètes et directement applicables.

Néanmoins, pour tenter une réponse à votre question, lorsque je parle... Je pense que j'ai identifié la phrase à laquelle vous faites allusion, c'est au deuxième paragraphe – c'est ça? – de la page 12, donc le type d'employé: «...il implique que certains employés puissent recevoir plus que le salaire réel dit "de base" pour une catégorie de services donnée.» En fait, c'est un peu ce que je mentionnais tout à l'heure. C'est que, dans un salaire, tu as deux éléments: ton groupe, ta catégorie d'emploi, et l'employé comme tel qui évolue dans cette catégorie d'emploi là. Alors, tu aurais peut-être – je présume – un salaire de base qui refléterait le marché pour une catégorie d'emploi donnée. Et, si on se rend compte que, dans cette catégorie-là, monsieur X, lui, il offre un rendement qui est supérieur à ce qu'on attendait de lui et puis qu'on avait besoin de ce rendement supérieur là, il est efficace, c'est un atout, c'est un actif pour la direction et pour la fonction publique en général, je pense qu'il est important de le rétribuer en conséquence, au moins de détenir des outils permettant de le rétribuer. Je ne sais pas si...

M. Marcoux: Mais, à ce moment-là, est-ce que vous référez à des bonis de performance, quand vous dites de le rétribuer adéquatement, qui sont basés sur le rendement et une évaluation du rendement dont vous parlez d'ailleurs, et on pourra y revenir?

M. Houle (Martin): Ça dépend, monsieur, parce que tantôt je parlais d'une idée que j'ai lancée comme ça suite à des discussions avec des cadres, l'enveloppe salariale. «Boni de performance», c'est un mot. Il y en a qui parlent de «prime». On peut utiliser plusieurs mots, je présume. Mais, dans la mesure où est-ce qu'il existe une base salariale qu'on offre à un employé qui satisfait aux exigences qu'on attendait de cette personne-là, donc il est rémunéré comme ça. Sauf que, si on se rend compte que cet homme-là devient un personnage clé dans notre direction ou qu'il arrive avec des idées ou des travaux qui vraiment sont le propre de la performance telle qu'énoncée dans l'énoncé de politique, je pense qu'on doit essayer de rétribuer ce travail-là pour être conséquent avec les ambitieux objectifs qu'on se fixe dans l'énoncé de politique.

(15 heures)

M. Marcoux: Vous parlez à certains endroits de l'évaluation de rendement. Vous avez d'ailleurs fait état, dans votre propre cas, d'une augmentation plus rapide d'échelon qui a exigé beaucoup de documentation. Est-ce que vous trouvez que, présentement, les processus d'évaluation annuelle ne sont pas adéquats pour bien évaluer le rendement des gestionnaires et des professionnels de la fonction publique?

M. Houle (Martin): Ça serait intéressant de demander à des employés. Vous me le demandez à moi mais on pourrait refaire l'exercice à plusieurs. Est-ce qu'ils sont au courant que ces gens-là font l'objet d'une évaluation systématique annuelle? Je pense que la réponse aurait tendance à être non. Moi, les seules fois où j'ai eu l'impression qu'on m'évaluait de façon systématique, c'était lorsqu'on voulait me donner des échelons accélérés, mais ce n'est pas arrivé... Comme je le mentionne dans le document, je pense que l'évaluation doit être une pratique souple et qui permette, tant au gestionnaire qu'au salarié, de dire: Bon, bien, regarde, ça, c'est un bon coup; on a fait telle et telle choses ensemble, ça, ça, ça, c'était excellent. Maintenant, si tu voulais peut-être t'améliorer dans telle et telle places, voici même des indices sur comment on pourrait accroître la performance de notre unité en faisant telle et telle choses, toi, le salarié. Alors, je ne sais pas si je réponds un peu à votre question.

Je ne parle que pour moi, mais les gens qui sont autour de moi ne m'indiquent pas qu'il existe, de façon tout à fait claire et limpide, un processus d'évaluation dont ces gens-là font l'objet et qu'une fois par année ils sont avec le gestionnaire pour parler d'eux, de leur rendement et de leur rôle dans l'unité de travail. Ça n'existe pas en tout cas.

M. Marcoux: Ce que vous dites, ça n'existe pas et vos collègues qui sont avec vous disent également la même chose. Il n'y a pas annuellement une évaluation de rendement qui se fait par votre supérieur pour vous indiquer...

M. Houle (Martin): S'il s'en fait une, je ne suis pas au courant. Et mes collègues de travail ne font pas juste partie du ministère où je travaille. Surtout dans le Forum, on a la chance de pouvoir côtoyer des gens de plusieurs ministères et organismes, et quand des sujets comme ça viennent sur la table, on se rend compte que l'évaluation n'est pas quelque chose qui apparaît systématique partout. Ça doit l'être.

M. Marcoux: Peut-être changer de sujet. Vous parlez beaucoup de la rémunération. Est-ce qu'il n'y a pas également un autre volet qui est important, je pense, pour les jeunes dans la fonction publique, que vous touchez très brièvement dans l'annexe, mais qui est celui des perspectives de carrières au sein de la fonction publique? Est-ce que, pour vous, pour le Forum, les perspectives de carrière sont relativement claires et sont suffisamment attrayantes également pour avoir la rétention des jeunes dans la fonction publique? Je pense que le salaire, c'est une chose, mais il y a bien d'autres éléments, à mon avis, qui rendent intéressant un emploi et puis qui justifient, qui encouragent une personne à le conserver. Quel est votre...

M. Houle (Martin): Vous avez raison de dire ça, puis j'aurais tendance à vous répondre ce que j'ai répondu devant le Groupe réseau-gestion le 10 juin dernier, c'est-à-dire que, s'il y a une organisation au Québec, une entreprise – si on peut appeler ça une entreprise – qui offre à ses salariés des possibilités extraordinaires dans différents domaines tout aussi variés que la biologie, la chimie, l'économie, la bureautique, l'informatique, c'est bien la fonction publique québécoise. Pas seulement québécoise, j'allais dire, mais la fonction publique en général offre à toute personne, dans des domaines bien spécifiques, de pouvoir faire carrière. Donc, en ce sens-là, c'est très attirant tant pour le jeune que pour le moins jeune. En fait, pour n'importe qui, c'est très attirant de faire une carrière dans la fonction publique.

Maintenant, ce qui est curieux, à l'observation de ce qui se passe actuellement... J'ai lu, il y a de ça quelque temps, le livre Mes premiers ministres , de Claude Morin, où il fait une rétrospective de ses expériences avec cinq premiers ministres. Je trouvais ça assez frappant de voir qu'à l'époque, à son époque, la fonction publique était l'endroit à être si tu voulais influer de manière directe sur ta société. Si tu voulais changer les choses, si tu voulais avoir une carrière, c'était la fonction publique. Aujourd'hui, ça a une tendance à changer un peu. Demandez aux jeunes: La fonction publique, c'est quoi? Bien souvent, les gens vont répondre – encore une fois, je me base uniquement sur l'échantillonnage qu'on a eu l'an dernier – que c'est un endroit qui nous apparaît un petit peu, j'allais dire, mon Dieu, immobile, un petit peu sclérosé, un peu dépassé par les événements.

Ce qui est intéressant de voir dans le livre de M. Morin, c'est à quel point la fonction publique québécoise, dans les années soixante, était novatrice. Le Québec arrivait avec des nouvelles choses. Même dans les relations fédérales-provinciales, puisque c'était son ministère, le Québec arrivait avec des nouvelles choses. Aujourd'hui, souvent, le réflexe qu'on a au Québec, c'est de dire: Oups! Il se passe quoi en Ontario? On a un nouveau problème, il se passe quoi en Ontario, il se passe quoi en Nouvelle-Zélande, il se passe quoi un peu partout? Sans dénigrer le fait que c'est important de voir ailleurs ce qui se fait pour pouvoir accroître nos connaissances là-dessus, je vous dirais que je rêve du jour où la fonction publique québécoise sera montrée du doigt pour l'exemple qu'elle pourra donner aux autres fonctions publiques, tant canadiennes qu'internationales. Et je ne pense pas qu'on vive ça actuellement. Je pense qu'il y a une bonne dose d'innovation qui doit être injectée dans la fonction publique québécoise, innovation mariée avec l'expérience et la maturité. C'est pour ça que je mentionnais tantôt que le mixte intergénérationnel optimal, je pense que c'est fondamental.

Et, en ce sens-là donc, la perspective de carrière, je ne sais pas si vous me voyez un peu... Avant, la fonction publique était vue comme étant la place à être. Aujourd'hui, non seulement cette vision-là est modifiée, mais ça devient très difficile d'y entrer. Très difficile d'y entrer pourquoi? C'est une ébauche de réponse que je vous donne: parce que les gens qu'on embauche ne sont pas systématiquement employés en fonction de leur performance. Si on embauchait et on rémunérait, mais disons embauchait par rapport à la performance, n'importe quel jeune qui n'est pas assis sur un poste permanent ou un poste quelconque pourrait rivaliser avec les autres sur un même pied d'égalité. Ce n'est pas le cas actuellement, vous le savez. Que ce soit une personne qui est occasionnelle ou une personne qui est stagiaire, même si, dans mon exemple – je sais que ce n'est pas toujours comme ça mais dans un exemple – le stagiaire ou l'occasionnel fait preuve de rendement autrement plus supérieur que son collègue tout juste à côté qui, lui, a la chance d'être sur un poste permanent, ces gens-là ne sont pas sur un même pied d'égalité. Et je ne crois pas que ça serve les intérêts de la fonction publique qu'une situation comme celle-là prévale dans le troisième millénaire.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. Juste en entrée de jeu, je trouve curieux votre choix du général Douglas MacArthur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: Dans l'optique de l'imputabilité, c'était quelqu'un, un personnage américain qui avait beaucoup de difficultés à comprendre cette idée, cette notion-là. C'est sûrement une coïncidence, mais l'imputabilité est une des choses qu'on est en train de regarder et le général MacArthur avait quelques problèmes.

Moi, je veux revenir à la page 14. On parle de l'évaluation de performance et vous dites que l'abus de pouvoir, c'est le problème théorique. O.K. Je suis un vieux de 44 ans et, dans la vraie vie, des fois, il y a des personnes qui ont de meilleures relations avec une autre personne dans le bureau – ça arrive comme ça – ou n'aiment pas quelqu'un d'autre. J'aimerais savoir comment on peut protéger... parce que, performance, c'est bien beau de dire qu'on peut avoir des indicateurs de performance mais, à la commission de l'administration publique, récemment on a interviewé le Centre de perception fiscale et le Centre de recouvrement de la sécurité du revenu qui avaient deux façons complètement différentes de fixer les indicateurs de performance. Et surtout le Centre de perception avait une idée fort intéressante, ils ont demandé aux personnes: Cette année, tu es bon pour combien d'argent? Alors, je pense que, comme bon gestionnaire, je fixe un seuil assez bas. Eh, regarde donc, Kelley est arrivé à 50 % de plus que l'indicateur de performance qu'il a lui-même choisi! Je simplifie l'affaire un petit peu mais, quand même, ça, c'est la façon dont ils ont décidé, au Centre de perception, de procéder. Alors, c'est un auto-indicateur. Au Centre de recouvrement, ils ont opté pour d'autres systèmes pour le faire.

(15 h 10)

On peut être objectif, on peut être scientifique mais, tôt ou tard, au bout de la ligne, le monde fait des choix. Et dans votre système de rendre les gestionnaires plus imputables, des bonis de performance et des choses comme ça, comment est-ce qu'on va protéger les fonctionnaires des abus de pouvoir? Parce que ça va arriver.

M. Houle (Martin): Avant de répondre à votre question, votre deuxième, je vais répondre à votre première, celle du général MacArthur. Vous allez comprendre – en 15 secondes – que je n'ai quand même pas cité le général pour ses talents de théoricien, d'imputabilité, mais beaucoup plus pour la réflexion qu'il avait portée sur ce qui, à son avis, constituait la jeunesse. Pourquoi? Parce que le Forum des jeunes ne veut pas être une clique de jeunes nécessairement. D'ailleurs, dans tout ce qu'on organise, il y a toujours une portion non négligeable de personnes moins jeunes, c'est-à-dire qui ont les cheveux peut-être un peu plus gris que les miens, et qui viennent participer au Forum et que ça intéresse. Ils trouvent ça très pertinent. D'ailleurs même je vous dirais que ça unit les générations qui existent dans la fonction publique. Donc, j'avais cité beaucoup plus la réflexion qu'il avait portée sur les jeunes. Et j'espère... En tout cas, j'aime beaucoup ce qu'il avait dit là-dessus.

Maintenant, concernant les abus de pouvoirs, vous dites: Ce n'est peut-être pas nécessairement aussi théorique qu'on peut le prétendre. Peut-être. Vous avez vu tantôt que je parlais de boucler l'imputabilité, je le mentionne dans le mémoire. Je mentionne, moi, que le gestionnaire, s'il est imputable, c'est-à-dire s'il doit rendre des comptes sur des résultats préalablement identifiés, dire: Bon, bien, nous, on s'entend. Toi et ton équipe d'employés, vous devez atteindre tel et tel types de rendement. Il n'est pas dans l'intérêt du gestionnaire de décider ou de faire la sélection de ses employés, des membres de son équipe en fonction de considérations autres que celle de la performance.

Je vous donne l'exemple le plus extrême qui me vient rapidement à l'idée: Si le gestionnaire a une équipe de cinq personnes, puis il sait que, je ne sais pas, moi, son cousin est dans l'autre ministère puis il s'embête un peu, puis, lui, il veut l'amener: Viens, on va te donner une job. Ça va être le fun, on va travailler ensemble. Ça adonne que, si son cousin, il n'est pas capable de livrer la marchandise dont, lui, le gestionnaire a besoin pour être imputable en haut, vous allez comprendre que le cadre n'a pas intérêt à utiliser ou à abuser de son pouvoir. Au contraire, s'il est pleinement imputable, il a intérêt à se forger une équipe qui, à ses yeux, lui apparaît optimale pour livrer la marchandise qu'on lui a demandé de livrer.

M. Kelley: Je comprends votre explication. Mais, dans la vraie vie, trop souvent, peut-être que toute l'équipe est performante, peut-être qu'il y a une personne dans l'équipe qui fait tout le travail et on donne le boni de rendement aux cinq.

M. Houle (Martin): Vous avez raison.

M. Kelley: Et on va dire: Comment ça se fait? Moi, j'ai travaillé les fins de semaine, j'ai beaucoup travaillé mais c'est partagé entre les cinq! Alors, ce n'est pas une science exacte. Et ça m'amène à ma deuxième question: Est-ce que la seule rémunération prévisible est l'argent? Parce que, quand je lis votre mémoire, c'est axé beaucoup sur l'argent. Exemple, les personnes qui travaillent à la Bourse à 300 000 $ par année. Mais il y a beaucoup d'autres choses. Moi, quand je parle à la doyenne de la Faculté de génie à McGill... C'est évident que pour l'informatique les universités ne seront jamais concurrentielles avec le secteur privé. Mais comme chercheur à McGill, tu es prof, les étés sont un petit peu moins engagés et on peut faire de la recherche, on a le contact avec les étudiants, et pour les personnes qui aiment la jeunesse, d'être un professeur est vraiment une profession noble.

Alors, quand je lis votre document, c'est l'argent, l'argent, l'argent. Mais au niveau du temps... Moi, je pense, entre autres, à une jeune mère fonctionnaire pour qui peut-être le temps et pas l'argent est un incitatif fort intéressant. Si, moi, je peux passer plus de temps avec mon enfant, si mon équipe est très performante, j'ai les vendredis de juin à septembre en congé, en addition avec mes vacances annuelles, ça, c'est quelque chose qui est intéressant. Est-ce qu'il n'y a d'autres moyens? Parce qu'il y aura toujours quelqu'un dans notre société mieux payé que nous. Moi, je me rappelle une entrevue avec Wayne Gretzky qui prenait le fait que les comédiens au cinéma sont mieux payés que les hockeyeurs. Et j'imagine que les comédiens vont dire que c'est les joueurs de basket, que Michael Jordan est le mieux payé au monde ou je ne sais pas trop qui. Alors, il y a un certain exercice là qui va nous amener nulle part. Est-ce qu'il y a d'autres choses qui peuvent rendre le poste de fonctionnaire plus enrichissant? Et comme moyen d'inciter les fonctionnaires à être plus performants, est-ce qu'il y a d'autres choses que l'État peut rendre disponible?

M. Houle (Martin): Votre réflexion a été sur le fait que le mémoire portait quasiment, presque exclusivement sur la rémunération, l'argent. Vous conviendrez avec moi que, dans l'introduction, je savais ça, et je le mentionne dans l'introduction, qu'on pouvait discuter de plein de choses. Le cadre de gestion, il n'y a pas plus général que ça pour se réunir autour d'une table et discuter d'une multitude de choses, mais étant donné les contraintes de temps et les contraintes aussi de possibilités, de moyens, j'ai fait le choix de me limiter au cadre de rémunération.

Maintenant, ce que vous mentionnez est tout à fait valable, tout à fait véridique. Je ne pense pas qu'on veuille faire de chaque fonctionnaire, comment je pourrais dire, des personnes totalement obsédées par leur travail, qui vont négliger systématiquement leur vie familiale, etc. On ne veut pas faire des machines des fonctionnaires. Je ne pense pas qu'il soit marqué dans l'énoncé de politique que, pour viser la performance, on doit nécessairement faire des machines de nos gestionnaires, mais je pense qu'il y a un juste milieu entre les intentions qu'on a et les moyens qu'on entend prendre pour réaliser ces intentions-là.

Et j'ai parlé ici du côté rémunération, mais vous avez tout à fait raison de souligner d'autres moyens comme le temps. En ce sens-là, vous allez comprendre que c'est un élément, comme le mien, qui doit être pris en compte dans une commission comme la vôtre et dans les travaux qui vont se poursuivre. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avancez.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, cette dernière réponse nous amène au terme de notre échange, de notre entretien. J'aimerais donc remercier les représentants du Forum des jeunes de la fonction publique québécoise de leur participation à nos travaux, M. Martin Houle, président, et les personnes qui l'accompagnent, et j'inviterais immédiatement, étant donné qu'on a enregistré un peu de retard quand même, les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec à bien vouloir prendre place pour enchaîner.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, je rappelle que la commission spéciale est réunie dans le cadre d'une consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental proposé par l'énoncé de politique intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique , et nous avons maintenant comme groupe devant nous les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec, dont son président, M. Luc Perron – bonjour, M. Perron – que j'inviterais à bien vouloir prendre place et à nous présenter la personne qui l'accompagne. Est-ce qu'il y a une personne qui vous accompagne, M. Perron? Oui? C'est bien ça?

M. Perron (Luc): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Et se rappeler que nous avons une vingtaine de minutes pour la présentation et que nous passerons par la suite aux échanges.


Syndicat des professeurs de l'État du Québec (SPEQ)

M. Perron (Luc): Il me fait plaisir de vous saluer, tous ces parlementaires, hommes et femmes, et je suis convaincu que l'absence de transition va faciliter la réception de ce que nous voulons vous présenter.

Nous arrivons avec une économie par rapport à un nouveau cadre de gestion. On se dit qu'il faudrait oublier le nouveau cadre de gestion, mettre un peu plus d'humain dans le rapport gestionnaire avec ses employés de l'État et, si effectivement il y a un surplus dont on ne sait pas le chiffre – de quelque 200 000 000 $, 500 000 000 $ ou 1 000 000 000 $, dépendant qui parle – alors, ce serait intéressant peut-être de tomber, dans la fonction publique, avec une nouvelle technologie, donc de s'équiper, par exemple, nous, de l'enseignement, d'outils plus sophistiqués, comme des micro-ordinateurs, et ainsi de suite.

Celui qui est avec moi, qui vient de vous distribuer une belle brochure concernant le réseau des COFI – que vous pourrez lire à temps perdu; parce que c'est le réseau, chez nous, qui actuellement est le plus en péril parmi les quatre réseaux d'enseignement spécialisé – c'est Carol Lemieux. Carol Lemieux, c'est un professeur au Conservatoire de musique de Québec. Il a été sept ans professeur occasionnel et il est, malgré l'apparence, après ces sept ans, depuis 20 ans comme professeur permanent. Alors, sans trop parodier ce que j'ai entendu tantôt, c'est évident que, s'il avait été occasionnel depuis ses débuts, il est fort possible, compte tenu qu'il y a différentes écoles de pensée dans l'instrument de musique qu'il professe, il ne serait peut-être pas avec moi aujourd'hui pour pouvoir m'accompagner.

(15 h 20)

Vous avez tous en main le mémoire que nous vous avons déposé. J'irai rapidement en vous disant que le nouveau cadre de gestion, pour nous, il mérite, avant qu'on passe, si vous voulez, encore à une impression, à une fabrication puis à une structuration nouvelle, il faudrait tout simplement qu'on mette ça de côté puis qu'on regarde ce qu'on peut faire déjà avec les gens qui sont en place. Et là je vais le faire de façon, bien sûr, privilégiée, à travers les quatre réseaux d'enseignement qui particularisent notre Syndicat, dont nous avons, comme une madame l'a dit tantôt, obtenu la sécurité d'emploi en 1965.

Pour répondre à la question qu'il n'est pas nécessaire de créer un nouveau cadre de gestion, j'aurais trois considérations, trois commentaires puis je vais vous tracer un portrait personnel à partir vraiment de ma petite expérience qui est partagée par l'ensemble de mon conseil exécutif et des instances que nous avons pu consulter rapidement pour vous présenter ce mémoire.

Les trois considérations que je vous donne gratuitement: La première, c'est que ceux qui décident de la guerre, généralement ce sont ceux qui ne la font pas. Une deuxième considération que je vous présente, c'est que ceux généralement qui encensent la précarité au travail, ce sont ceux qui ne sont pas précaires eux-mêmes. Et la troisième considération, ce sont ceux qui pensent étudier à la place des autres par rapport à ceux véritablement qui étudient. Alors, ceux qui pensent étudier trouvent les études comme étant conviviales, comme étant reposantes, comme étant agréables, par rapport à ceux qui étudient vraiment, dans nos quatre réseaux d'enseignement spécialisé, qui, eux, trouvent ça exigeant, difficile, puis je dirais même pénible comme héritage religieux.

À ces trois considérations, j'ai trois commentaires à faire avant de vous présenter ce bref mémoire. Le premier commentaire, on l'a vu un peu tantôt, si je fais la transition avec ceux qui précèdent, c'est qu'au niveau du corps enseignant il existe une masse de compétence qui est, à notre sens, sous-utilisée ou facilement déviée. Les compétences, chez nous, on les associe à l'expérience. On n'a aucune gêne de dire – en ce qui me concerne, avec mes 49 ans – que nous avons de l'expérience et que ça ne s'improvise pas. C'est-à-dire, peu importe la personne qui arrive dans la fonction publique, si on parle de compétence, si elle vient juste d'arriver, il est assez surprenant qu'elle ait la compétence de quelqu'un que ça fait déjà 30 ans qu'il est là, à moins que la personne, bien sûr, qui est là depuis 30 ans ne sache pas pourquoi elle est là. Mais, dans le monde de l'enseignement, rassurez-vous, les étudiants nous rappellent pourquoi nous sommes là.

Je vous donne un exemple pour illustrer cette absence de compétence qui peut nous créer des situations catastrophiques. La fonction publique québécoise avait nommé un directeur général au niveau du réseau du Conservatoire de musique et d'art dramatique, grosso modo, en 1987, que je ne nommerai pas parce que je ne veux pas être poursuivi. Ce directeur sans expérience, lui, avait accepté comme mandat, ou avait intériorisé comme mandat, ou avait intériorisé comme résultat à atteindre la disparition du réseau des conservatoires. C'est un exemple qui est très sévère, un exemple qui est très dur, mais un exemple qui illustre très bien actuellement un des dommages ou une des plus grandes lacunes dans la fonction publique, en ce qui nous concerne, dans nos milieux d'enseignement: c'est qu'on est en train de fabriquer des gestionnaires qui n'ont pas d'expérience et qui, parce qu'ils ont été gestionnaires dans un endroit dans le monde, peuvent facilement venir gérer une maison d'enseignement.

Alors, ce directeur général sans expérience malheureusement, il a connu un échec. Le réseau du Conservatoire, il existe encore et nous en sommes fort fiers. Et même plus que cela, la fonction publique s'est ravisée et a nommé un directeur général qui, lui, a une expérience, ayant déjà eu une formation de clarinettiste, et ainsi de suite. D'ailleurs, il ne faut pas se surprendre que ce directeur, qui voulait la disparition de ce réseau, se situe peut-être dans les suites du rapport Poulin qui aussi, je pense, en 1991, recommandait tout simplement que le réseau des conservatoires aille se faire paître ailleurs.

Un deuxième commentaire, qui est très dur à faire mais qu'il faut faire... Il faut parfois rappeler des banalités parce que, des fois, les gens ont des visions aériennes, qui sont loin du terrain. C'est que les connaissances comme telles, qui sont véhiculées, on pense qu'on peut les acquérir absolument partout, par n'importe qui, d'où cette difficulté pour nous, comme enseignants, de rendre complice une direction qui, elle, parfois par complaisance, laisse croire aux étudiants qu'ils sont aussi bons que les enseignants. Et ça aussi, on trouve que c'est catastrophique.

Le troisième commentaire, qui est difficile à faire mais qu'il faut faire à cette table-ci, c'est qu'on banalise trop facilement l'acte d'enseigner. Les contraintes qui sont liées à la complexité d'enseigner, il semble que ça n'existe que dans la tête des enseignants, puis à plus forte raison dans la tête de leurs représentants syndicaux, dont je suis. À cela, il m'agrée de vous présenter un portrait que nous jugeons réel du rapport entre les gestionnaires et le monde de l'enseignement dans la fonction publique québécoise, que nous représentons.

La première lacune, je vous l'ai déjà annoncée, c'est que malheureusement actuellement il n'y a pas d'effort de fait, malgré l'existence de l'ENAP, une très bonne maison d'enseignement où je suis passé moi-même, il n'y a pas d'effort de fait de nous arrimer à des gestionnaires qui peuvent gérer du personnel spécialisé. On pense que gérer une maison d'enseignement ou gérer des enseignants, c'est comme gérer une ressource matérielle, c'est comme gérer des meubles, ce n'est pas plus compliqué que ça. Sauf que dans nos quatre réseaux d'enseignement spécialisé, il y a très peu d'antiquaires, ce qui fait en sorte qu'on donne peu de valeur, si vous voulez, à nos enseignants d'expérience.

Deuxième trait de ce portrait difficile dans lequel nous vivons, c'est qu'on a tendance à justifier par des statistiques actuellement des résultats anticipés. Je vous donne un exemple fort simple, mais qui est réel, qui est fort, je dirais, antipathique, mais que je vais dire à cette étape-ci comme étant un exemple sympathique. Vous avez 50 professeurs dans une maison d'enseignement qui, durant le mois de juin, n'ont pas de contact avec leurs élèves. Ils décident, sur une base volontaire, de se donner une formation en informatique durant cinq jours et puis ils demandent à des professeurs spécialisés de donner cette formation en informatique. Alors, les professeurs spécialisés en informatique dans la même maison acceptent de donner la formation.

Là, qu'est-ce qui se passe? Vous avez un gestionnaire qui passe entre 9 heures et 9 h 5 tous les matins pour bien compter de un jusqu'à 50, s'il y a 50 professeurs sur une base volontaire qui suivent une formation. Si on évalue à 200 $ par journée le salaire d'un professeur, alors ça veut dire qu'il y a 1 000 $ pour un professeur pendant cinq jours puis ça fait 50 000 $ après une semaine, si je calcule bien. Alors, c'est évident que les profs, qu'ils suivent une formation ou qu'ils n'en suivent pas, le 50 000 $ aura été payé, parce qu'ils n'étaient pas en congé sans solde, ils étaient vraiment dans une situation de travail et ils étaient payés de toute façon.

L'aberration là-dedans par rapport à cette donnée-là, c'est de faire en sorte qu'un prof qui demande un perfectionnement par la suite se dit que l'enveloppe est épuisée parce qu'il a été dépensé 50 000 $. Ça, à mon sens, c'est une aberration qui traduit un portrait. Puis ça ne mérite pas une réforme pour corriger ça, ça mérite tout simplement un coup de barre.

Le dernier trait du portrait qui est très sévère, que nous enregistrons au niveau de la base chez nous, c'est qu'on voudrait qu'un professeur soit polyvalent, flexible et souple. Ce sont des qualificatifs qui particularisent actuellement tout discours politique, si vous voulez, même à l'échelle du Québec. Au niveau de la polyvalence – je caricature à raison – on aimerait qu'un professeur de piano puisse enseigner aussi la pâtisserie, parce qu'on a des profs dans les conservatoires puis on a des professeurs à l'ITHQ. Alors, c'est évident – à moins que le prof ait deux qualifications totalement distinctes; exception faite, ça n'existe pas, pour les fins de mon discours – ça veut dire que ce serait une aberration de gaspiller un professeur de piano puis de lui faire enseigner la pâtisserie. Et ça, c'est la polyvalence. Je caricature, mais à peine, parce que dans certains lieux on peut demander à un professeur très spécialisé dans un enseignement instrumental d'enseigner à peu près tous les autres instruments, ce qui est une aberration.

Une deuxième, en termes de flexibilité. Je vais illustrer l'exemple de la façon suivante: Nous, à la table de négociation actuellement, dont je suis le porte-parole syndical, nous assistons à une avalanche de demandes du Conseil du trésor, via les gens qui sont là, qui font en sorte que le professeur puisse faire à peu près n'importe quoi et puis on banalise les 18 périodes d'enseignement. Alors, ça, c'est à notre table. Ça veut dire quoi? Je vais l'illustrer par un cas. Nous, on a 65 % de professeurs occasionnels; donc, la précarité, nous savons ce que c'est. Peu importent les bonnes intentions d'un gestionnaire, quand les gens sont précaires, on a tendance à abuser. On appelle ça «l'abus d'un pouvoir malsain». C'est réel, on a plein d'exemples.

Par rapport à cette flexibilité, ça veut dire qu'un professeur, dans une région donnée, qui ne voulait pas aller à une conférence de presse pour remplacer la direction qui devait assumer ses responsabilités de gestionnaire d'aller à la conférence de presse, a compris très vite qu'elle devait y aller parce que, si elle n'y allait pas, elle n'avait pas de contrat d'enseignement l'année suivante. C'est ça, la flexibilité, quand on embauche à tort, si vous voulez, de façon démesurée, 65 % de professeurs à statut précaire dans l'ensemble de nos 22 maisons d'enseignement où nous sommes.

Et le troisième: Lorsqu'on parle de souplesse actuellement, ce qui circule à travers les textes qui nous sont déposés – des textes que nécessairement les gens qui les écrivent ne savent pas ce qu'ils écrivent; mais ça aussi, ça fait partie, semble-t-il, d'une nouvelle négociation – c'est qu'on aimerait que le professeur qui enseigne 18 heures ait aussi 17 autres heures à faire quelque chose. Étant donné qu'on a des profs d'expérience – il y en a de 20 ans, de 30 ans – on se dit: Maintenant qu'ils savent enseigner, qu'ils savent ce qu'ils ont à enseigner – pensant que l'enseignement, c'est statique – ils devraient s'occuper, les 17 autres heures, à faire à peu près toutes sortes de choses pour la direction pendant – et là je caricature à bon escient – que la direction, elle, irait sur les terrains de golf, durant la période qu'on a connue, pendant que la direction, elle, s'arrimerait avec l'industrie-école et puis pendant que la direction peut-être, elle, s'intéresserait davantage au volet international par rapport à un volet local, par rapport à la raison d'être de la maison d'enseignement.

(15 h 30)

Alors, en guise d'entrée, c'est ce que je voulais vous mentionner. Donc, des considérations, commentaires, puis un portrait qui est sévère, mais un portrait qui illustre qu'au niveau du terrain les gens qui sont loin du terrain pensent d'une drôle de façon.

Dans le résumé, ce que je vous présente, c'est qu'on vous dit que ce qu'on souhaite, c'est une construction de confiance. Je me limiterai à deux volets de la confiance. La confiance, généralement, ça se base sur des expériences passées. Les expériences passées, chez nous, ne sont pas nécessairement favorables à ce que nous établissions, si vous voulez, de façon aveugle, des stratégies de confiance avec les gens d'en face. Mais, par ailleurs, on comprend aussi que la confiance, malgré des expériences passées qui sont négatives... et il faut aussi anticiper des succès dans un proche avenir. Et, en ce sens-là, on ne pense pas que ça prend un nouveau rapport entre gestionnaires et syndiqués, mais ça prend tout simplement, si vous voulez, une compréhension, ça prend tout simplement un arrimage de la gestion plus proche du terrain, plus proche de l'enseignement, plus proche des contraintes d'enseignement.

Ce qu'on vous dit dans notre résumé qui nous apparaît important, on vous dit qu'une réforme administrative ou un nouveau cadre de gestion sans changement de mentalité, parce qu'on pense que ça peut se créer, des changements de mentalité... nous avons des gestionnaires qui sont là dans les années florissantes, ils ont à gérer une décroissance ou une rationalisation. C'est peut-être d'autres types de comportement, mais ce qui est certain, c'est qu'il faudrait qu'ils s'arriment à tout le moins avec les besoins des étudiants à travers les professeurs que nous représentons. Donc, sans changement de mentalité, sans écouter les besoins évolutifs des enseignants qui sont en contact avec les étudiants et les immigrants, parce qu'on représente des professeurs aussi dans les COFI, c'est évident qu'il nous apparaît fondamental que c'est nous, si on veut parler d'une amélioration des services aux citoyens, en l'occurrence, en ce qui nous concerne, des services aux étudiants qui passent dans nos 22 maisons d'enseignement, c'est évident que la gestion doit absolument à tout le moins écouter ou développer une capacité d'écoute auprès de ces enseignants, ce qui n'est pas le cas généralement. Il faut la provoquer, l'encourager, la stimuler et utiliser toutes sortes de trucs, gentils bien sûr, pour se faire entendre. Puis, malgré ça, si on vous donne la brochure du réseau des COFI, c'est qu'on ne réussit pas à se faire entendre au niveau de ce réseau-là. Donc, je vais vous expliquer sommairement qu'est-ce qui se passe présentement.

Alors, sans favoriser le débat entre le SPEQ et la gestion politico-administrative, donc l'aspect politique que vous représentez, c'est évident qu'on s'en va vers une réforme qui est vouée à l'échec. Mais c'est évident que, si on valorise l'échec, on peut y aller tête baissée. Nous, on veut que vous valorisiez le parcours de l'étudiant, on veut que vous soyez sensibles à cela, puis, pour ça, il faut nous écouter; on veut que vous soyez sensibles au parcours de l'immigrant, et puis, pour ça, il faut nous écouter. Le parcours de l'immigrant, je vais vous l'illustrer de la façon suivante.

Actuellement, le ministère envoie nos professeurs dans des cégeps ou dans des universités. On a des profs qui sont arrivés à l'UQAM. Alors, l'UQAM, évidemment, n'a rien à apprendre des COFI, parce que l'UQAM existe quand même depuis 1969, bon, puis ils ont des experts, et tout cela. Et nous, nos profs de COFI se disent qu'un immigrant qui arrive au Québec, on procède d'abord par le code oral avant de procéder par le code écrit. Or, à l'UQAM, eux autres, ils ne tiennent pas compte que ce sont des nouveaux arrivants au Québec, alors ils se disent qu'ils sont déjà capables, parce qu'ils sont à l'UQAM, parce que c'est une institution prestigieuse, ils sont capables tout de suite de commencer par le code écrit. Alors, ça va de soi, bien sûr, que ça ne fonctionne pas. Et le plan de cours de l'UQAM est remplacé par le programme COFI, ce qui est fort juste. Mais, nous, ce qu'on dit donc, c'est qu'il faut tenir compte du parcours de l'immigrant.

Et dans ce que nous vous présentons, c'est qu'on vous dit qu'on a des compétences. Puis on vous dit compétence, il faut penser expérience. Et puis on vous parle de 31 ans d'expertise au niveau de l'ITHQ, alors c'est un collectif enseignant qui est encore... pas depuis nécessairement 31 ans, mais le jeune qui arrive à l'Institut de tourisme, c'est évident qu'il a une culture de la maison d'enseignement et, en ce sens-là, il s'introduit et puis il bénéficie bien sûr de l'apport de l'expérience de ses collègues. Il en est de même dans les conservatoires, 57 ans de qualification. Il en est de même dans les COFI, ça existe depuis 31 ans. Mais justement, on voudrait banaliser, éroder l'expérience de 31 ans puis se laisser croire que n'importe qui dans n'importe quelle institution au Québec peut enseigner aux immigrants puis arriver aux mêmes résultats. Ce qui est, évidemment, triste de le penser.

Dans les COFI, je vous parle de polémologie, pour ceux que ça intéresse, là, c'est-à-dire que, moi, je pense que l'absence de chaos social à Montréal, c'est parce qu'il y a eu une intégration des immigrants. Alors, je ne veux pas partir le débat de «une île, une ville» là, mais il reste que c'est une intégration des immigrants dans le tissu montréalais et, en ce sens-là, je suis convaincu que l'impact de la formation qui est dispensée dans les COFI, qui sont chez nous depuis 1975, joue un rôle important. Et puis nous vous parlons, dans les ITA, des 32 ans de formation.

Concernant la Révolution tranquille, ce que je voulais vous dire, ça a été un bond en avant. Nous en sommes, on était 3 500 dans cette période-là, les écoles normales, les écoles de métiers, et ainsi de suite. Donc, c'est certain que ça a permis à un ensemble de jeunes générations d'aller à l'école, dont vous êtes possiblement. Mais, par ailleurs, on dit aussi qu'il y a eu un recul avec la Révolution tranquille parce que ça n'a pas empêché, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, de considérer la formation professionnelle comme étant la poubelle de l'enseignement. Et heureusement que le spectre dans nos institutions d'enseignement... on est hors le système général d'éducation, parce que peut-être qu'on n'aurait pas le plaisir d'être devant vous aujourd'hui. Mais ce qui est malheureux à constater sur le plan évolutif, c'est que la formation professionnelle ayant été considérée peut-être comme la poubelle de l'enseignement, il est peut-être à tort actuellement – et je l'espère – que ça crée une sorte d'épidémie à la formation générale qui, elle aussi, est dépréciée, ou défavorisée, ou dévalorisée, je dirais, peut-être, par les élites politiques ou d'autres élites au sein du Québec.

Dans les pages qui suivent, on vous dit qu'on est passé en commission parlementaire. On a dit qu'il y avait des faux occasionnels. Comme, aujourd'hui, on vous dit: On n'a pas besoin de rapport, on n'a pas besoin de nouveau cadre de gestion. Alors, sans doute que vous allez donner suite à cela par économie. Mais les faux occasionnels... vous nous avez écoutés, vous avez dit: Oui, ça a de l'allure, il faudrait régler ça. Nous, comme illustration à notre table des négociations, on a dit: Oui... Vous, dans le SPEQ, il y a 600 postes occasionnels; on va répondre au voeu de la commission, on va régulariser 12 emplois d'occasionnels en permanents, et puis vous laissez tomber la liste de priorités téléphonique; ça veut dire que vous mettez la hache dans la liste, si vous voulez, qui reconnaît l'expérience aux professeurs pour être engagés et vous vous soumettez à la totale discrétion de la gestion. Or, c'est évident qu'on n'a pas discuté longtemps pour dire qu'on a jeté ça à la poubelle, cette recommandation-là. Mais ce qu'il faut retenir de ça comme tel, c'est qu'on vient valoriser, en l'absence de nouveau cadre, vraiment que les gestionnaires aient le droit de vie et de mort puis on revient à la discrétion d'avant les années soixante.

Je vais juste vous illustrer les exemples que je vous apporte aux pages 7 et 8 au niveau de la gestion axée sur les résultats, sans prêter à Machiavel la notion de «la fin justifie les moyens». On vous dit qu'il va de soi que, pour atteindre notre 10 % de gens qui finissent au niveau maîtrise dans nos conservatoires, ça prend un 90 % d'autres jeunes qui créent ce qu'on appelle une masse critique qui permet à 10 % d'émerger. Puis, comme résultat, on n'ira pas mettre la hache dans le 90 % des jeunes qui ne se rendent pas au sommet parce que ces 90 % là développent des habiletés intellectuelles fondamentales et ça leur permet d'être des citoyens par la suite dans d'autres domaines.

Au niveau des Relations avec les citoyens actuellement, c'est qu'ils prennent des classes COFI, ils envoient ça un peu partout dans l'univers de l'éducation en pensant que les résultats avec 1 000 heures dans le réseau général de l'éducation vont être plus probants que les 600 heures enseignées au COFI. Alors, ça, c'est à la page 8. Moi, je vous dis: Faites l'économie d'une étude savante là-dedans, et je vous assure effectivement que, si vous donnez 1 000 heures ailleurs... puis ce n'est pas à 600 heures chez nous que les résultats vont être plus intéressants.

À l'ITHQ, compte tenu qu'il y a une vocation commerciale puis une vocation pédagogique, on veut augmenter le coût au niveau de la salle où les étudiants ont à faire des stages, la salle de restaurant où les étudiants font des stages, à l'Hôtel, d'application. Alors, ça fait que les jeunes actuellement font des stages dans une salle vide parce que les coûts sont trop élevés.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Si vous me permettez, je vous inviterais à conclure, il vous reste une minute.

M. Perron (Luc): O.K. Dans la conclusion comme telle, ce qu'on vous dit, rapidement, alors à la page 18, on vous invite vraiment à prendre en considération déjà que les nouvelles technologies vont créer un changement, une petite révolution de palais à l'intérieur de l'ensemble des gestions, et ça nous apparaît suffisant parce que c'est déjà mal compris par plusieurs gestionnaires. À titre d'exemple, vous avez une secrétaire qui revient au travail après six mois puis on lui demande en trois jours de se taper six logiciels. C'est évident que le gestionnaire qui demande ça, il ne sait pas de quoi il parle.

On vous demande de favoriser l'entrée de la transparence dans la gestion. «Transparence», ce n'est pas juste un mot ou une coquille vide. On vous demande vraiment que l'information circule. On vous demande d'encourager la démocratie représentative des organisations syndicales en les intégrant aux débats sur les enjeux, pas seulement une fois qu'une décision est prise puis aller tout simplement vous avaliser, ce qu'il nous est impossible de faire. On vous demande, comme politiciens, d'avoir la tête haute par rapport aux missions de l'État, parce qu'on dit: Il ne faut pas rediscuter du rôle de l'État. C'est évident que, si vous décidez que les maisons d'enseignement, ça n'a pas un rôle à jouer dans notre société, bien, c'est évident qu'on met la hache dedans. Mais, si vous maintenez que c'est important, alors, à ce moment-là, parlons véritablement de l'intégration en français des immigrants, et on vous donne des exemples à la page 18. Quand vous mettez un 46 000 000 $ en pâture aux autres maisons d'enseignement, c'est évident qu'elles prétendent qu'elles peuvent faire aussi bien que les 31 ans des professeurs de COFI.

On vous demande d'avoir la tête haute dans la formation professionnelle artistique. Depuis 1997, on a imposé malheureusement des frais de scolarité. Nous, on pense que ça érode la gratuité, et puis, ce type spécifique de formation à l'échelle du Québec, on calcule que ce n'est pas utile comme tel. On vous demande de maintenir la tête haute pour maintenir la formation agricole, ce que le MAPAQ fait bien actuellement. Et puis on vous demande évidemment de maintenir la tête haute au niveau de la formation professionnelle dans les domaines de la restauration et de l'hôtellerie. Et puis on vous donne un exemple: actuellement, c'est qu'il y a un tiraillement à l'hôtellerie entre l'image publique, l'aspect commercial de la maison et puis cette compétitivité d'ordre international dont on ne sait pas trop ce que ça veut dire au niveau local. Mais ça peut nuire effectivement au développement même de la maison, de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci, M. le président Perron.

M. Perron (Luc): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Maintenant, la parole est au ministre et député de Labelle.

(15 h 40)

M. Léonard: Merci, M. le Président. Je remercie le Syndicat des professeurs de l'État du Québec d'être venu présenter un mémoire. Je ne dis pas que je partage toutes ses conclusions, vous m'entendez bien. Mais je veux quand même au départ dire une chose. Je comprends qu'il y a certains sujets qui ont été abordés et qui touchent les négociations. Je voudrais juste dire que je ne considère pas que c'est ici que je vais négocier et que la position qui a été rapportée, c'est celle du syndicat. Bon, je comprends qu'il y a eu une tribune dont on s'est servi, très bien, c'est de bon aloi. Ceci étant dit, je n'entends pas aborder une séance de négociations ici, en commission parlementaire.

Je voudrais dire une chose sur l'évaluation. Tout à l'heure, l'intervenant précédent avait presque conclu qu'il n'y avait pas d'évaluation ou, au cours des échanges, on avait presque laissé entendre qu'il n'y avait pas d'évaluation dans la fonction publique. Ce n'est pas exact. Il y a un processus d'évaluation. Les gestionnaires doivent évaluer leurs employés. Est-ce que je peux assurer que 100 % des gestionnaires le font? C'est une autre question. Mais ils ont cette responsabilité de le faire, de faire l'évaluation de leurs employés, et ils la font, en autant que je suis concerné.

Ceci étant dit, je reviens aux propos du mémoire. Je dois presque conclure qu'il y a une critique de fond contre l'approche gouvernementale à l'heure actuelle, même la modernisation; je crois qu'au passage on a parlé de modernisation ou d'équipements technologiques modernes, informatiques, et tout. Je veux juste rappeler que le gouvernement a quand même investi beaucoup dans le système d'éducation pour des appareils informatiques et il a investi aussi beaucoup dans les ministères. En particulier, nous avons pu accélérer les équipements informatiques à l'intérieur des ministères en permettant l'amortissement des équipements sur une période de trois à sept ans, dépendant de la nature de l'équipement, et ça, ça a occasionné une accélération des équipements informatiques, technologiques modernes dans les ministères.

Je reviens à l'évaluation. C'est un dispositif important. Quel que soit le mode d'administration, je pense que cela doit avoir cours. Mais, dans l'approche que nous mettons sur la table, c'est particulièrement important. Nous allons vers une gestion par résultats. Donc, dans la mesure où on peut les quantifier, nous allons le faire, et les résultats doivent être mesurés, ils doivent être mesurables. Je ne dis pas que tout ce que fait un fonctionnaire ou un gestionnaire est mesurable, mais il y a une partie substantielle des gestes qu'il pose et des mandats qu'il a qui sont mesurables. La question que je vous pose, c'est: Est-ce que, dans le cas de l'enseignement, les professeurs peuvent être évalués? Quelles sont les mesures que vous voyez pour évaluer les professeurs? À mon sens, tout le monde l'est d'une façon ou de l'autre, directement ou indirectement. Comment voyez-vous l'évaluation pour les professeurs?

M. Perron (Luc): Alors, très rapidement. Au niveau de l'évaluation par rapport à ce que vous disiez tantôt pour une autre table, nous, quand le gestionnaire, si vous voulez, s'oblige à évaluer avec une rapidité qui dépasse certainement les attentes de qui que ce soit, c'est parce qu'il veut mettre un professeur généralement à l'extérieur; généralement, je vous dis chez nous, au niveau du terrain, là; au niveau du terrain, c'est ce qui se passe, et je vous le dis en toute humilité. C'est vraiment ce qui se passe. Et quand vous avez une précarité à 65 %, alors vous avez à ce moment-là des gestes d'évaluation qui sont faits de façon impromptue dans le sens qu'on va dire à l'individu: Je vais y aller tel jour, on n'y va pas; je vais y aller sans m'annoncer. Il y a un irrespect, là, qui se situe dans cette fausse relation, si vous voulez, qui existe.

Vous avez parlé de la modernité tantôt. Nous en sommes, bien sûr. La modernité, on vous le dit dans le mémoire, on vous parle de transparence, il faudrait que ça circule, l'information. Il ne faudrait pas qu'il y ait des documents qu'on appelle des documents cachés, les documents qu'on nous dépose mais sans qu'on veuille les déposer formellement parce qu'on ne veut pas participer au débat, et j'en mentionne un, document, dans le mémoire comme tel. Quand on parle de modernité, nous en sommes. On vous parle de concertation. Quand on vous parle de modernité, nous en sommes. On parle de démocratie représentative, donc y aller vraiment avec les gens tels qu'ils sont. On vous parle de négociation raisonnée – ce n'est pas une table de négociation ici – mais, raisonnée, c'est quelque chose qui est exigeant, c'est quelque chose qui est possible même dans la fonction publique. Mais, quand on ne peut pas s'asseoir pour s'entendre sur ce qu'est ce cadre de négociation raisonnée, ça va de soi qu'on valorise le rapport conflictuel.

Pour répondre maintenant directement à votre question, c'est évident qu'on s'est prêté, suite à des exercices du Vérificateur général dans nos maisons d'enseignement... par exemple, dans le réseau des conservatoires où on a dû sortir le palmarès, on a dû sortir le résultat, où se sont situés nos jeunes talents qui ont performé à travers le réseau conservatoire qui se situe à l'échelle internationale ou nationale. Et ça, je pense que ça parle. Et ça, je pense que c'est excessivement important. Et ça, c'est une mesure.

Quand je pense au niveau de l'intégration en français des immigrants, nous, on a dit, sur une base expérimentale, que ça nous prenait x nombre d'heures-contacts, et ça a été avalisé par un chercheur de l'Université de Montréal, en 1990. Et, malgré cette étude savante, le ministère, lui, n'écoute pas ses enseignants. Il n'écoute pas donc qu'est-ce qui fait en sorte vraiment qu'on puisse mesurer ou apprécier les impacts des immigrants qui passent au COFI. Et puis ils évaluent sur quoi? Je n'en sais trop rien. Mais, nous, quand on évalue ou quand on veut se faire évaluer, on respecte d'abord et avant tout le rythme d'apprentissage, si vous voulez, de l'immigrant qui arrive dans sa salle de classe au Québec. On respecte le rythme et le talent des jeunes qui se présentent tels qu'ils sont devant nous, dans les classes, dans les conservatoires. À l'Institut de tourisme, c'est la même chose, c'est-à-dire qu'on y va sur la base de la sélection, sur la base de contingenter, puis on prend les étudiants tels qu'ils sont et puis on les amène vraiment au sommet de leur art. Et c'est la même chose dans les instituts de technologie.

Mais ce qui est actuellement un petit peu tordu, c'est que vous avez des gens qui s'improvisent, avec je ne sais trop quoi comme outils, évaluateurs à la petite semaine, à la grande semaine. Nous, l'évaluation, si vous voulez, on parle d'un champ d'enseignement spécialisé. On n'est pas réfractaire à ce que le travail soit considéré, mais on demande d'abord à ce que le travail soit reconnu. Puis je vais terminer par un exemple qu'on a vécu parce qu'il faut, nous autres aussi, qu'on développe une visibilité qui permette à un gestionnaire qui est en mal de s'occuper par l'évaluation constante de ses professeurs... On en avait un à l'Institut de technologie agro-alimentaire qui voulait absolument évaluer un chimiste parce que lui-même était chimiste. Alors, on lui a dit, parce que c'était un jeune professeur, il commençait, et tout ça, puis il trouvait ça excessivement énervant, il était en probation en plus, vous vous rendez compte... on a dit: Non, ta science est intéressante; ce que tu fais, c'est intéressant; et les remarques qu'on a des élèves, ils restent en classe jusqu'à la fin, donc c'est un indicateur intéressant, malgré le bagage qu'ils ont, malgré leur motivation, et ainsi de suite. On a dit: Présente-toi avec un chariot de tout ce que tu fais. Il s'est présenté avec un chariot. Puis l'évaluation a duré cinq minutes parce qu'il a été impressionné par la hauteur du chariot puis avec le contenu que le chariot avait. Mais ce n'est pas ce qu'on appelle une évaluation sérieuse. Nous, l'évaluation vraiment sérieuse, c'est d'abord de reconnaître que les gens arrivent formés, qu'ils sont des spécialistes, qu'ils arrivent avec un bagage de formation que ça leur a pris des années, 17, 18, 19 ans et puis 20 ans de scolarité, et puis, à ce moment-là, qu'on leur laisse une autonomie relative bien sûr à l'intérieur de l'institution, mais qu'on reconnaisse le travail qui est fait. Et ça se base vraiment sur les résultats par rapport aux étudiants où ils en sont et aux étudiants où ils se placent.

L'industrie agroalimentaire actuellement, elle accueille à plus de 80 %, c'est le sous-ministre en titre qui le disait à une commission parlementaire. Vous avez l'ITHQ, Mme la directrice, elle se dit que 99,8 % des jeunes se placent. Et je pense qu'à ce moment-là, ça, c'est des résultats qui sont probants.

M. Léonard: Bien, je veux juste reposer ma question de façon un peu différente. Les professeurs dans les universités en général sont évalués par leurs pairs, p-a-i-r-s, on s'entend bien. Dans le cas de l'enseignement que vous mentionniez tout à l'heure, vous avez juste évoqué l'idée que les étudiants qui réussissent témoignent de la qualité de l'enseignement, et je suis assez près de l'admettre. Mais cela m'amène à dire: Si les professeurs ne sont pas évaluables directement, est-ce qu'on peut le faire indirectement par le succès de leurs élèves, en ayant un système soit de «benchmarking» ou n'importe quoi d'autre, mais au moins un système qui soit objectif? Si l'évaluation ne peut pas être faite directement par le gestionnaire, je peux comprendre que vous ayez des critiques à l'endroit d'un tel système, mais des données objectives sur les résultats... Je sais que, dans les écoles secondaires, il peut y avoir certains examens uniformes qui témoignent de la qualité de l'enseignement en cause. Mais, dans votre cas, est-ce qu'on peut développer un système qui reconnaisse la performance des professeurs? Ou bien est-ce que vous êtes en désaccord fondamental avec cette approche?

(15 h 50)

M. Perron (Luc): M. Gérard Éthier, qui a pris sa retraite, qui a été professeur émérite à l'ENAP durant longtemps, dans les années soixante jusqu'à soixante-quinze, il a tout fait à la CECM entre autres pour tenter d'établir ce qu'on appelle un système d'évaluation du corps professoral, et il en est arrivé à la juste conclusion que, lorsqu'on fait affaire avec des spécialistes, donc on fait affaire avec une autoresponsabilisation, on fait affaire avec une autonomie professionnelle, on fait affaire avec une formation avec laquelle ils doivent arriver, alors on doit donner une marge de manoeuvre, si vous voulez, crédible, entre guillemets, à l'interrelation qui se développe entre le professeur et l'ensemble de ses étudiants. Et c'est ça qu'on doit favoriser. On doit favoriser, si vous voulez, comme gestion locale, faire en sorte que l'ensemble des moyens, vraiment, permettent à l'enseignant d'utiliser la fine pointe des moyens pédagogiques, et ainsi de suite. Et, ça, je pense que c'est fondamentalement important parce que, si... et puis là, ça ne prend pas un système. Et vous le savez très bien, si un professeur ne donne pas ce qu'on est en droit de s'attendre, généralement les étudiants se plaignent, généralement c'est connu, puis généralement la direction de la gestion a certains moyens, vraiment, pour, à ce moment-là, considérer qu'est-ce qui en est par rapport à la prestation qui est faite. D'établir un système systématique pour aller chercher l'ensemble des spécialistes, l'ensemble des spécialités, le temps que vous allez le trouver, il va être à refaire. Alors, c'est bien mieux de travailler avec économie là-dedans puis avoir un petit préjugé favorable au système de formation, au système d'éducation, puis, quand vous engagez quelqu'un, de savoir pourquoi vous l'engagez, quels sont les disciplines qu'il peut enseigner, qu'est-ce qu'il va enseigner, puis ce à quoi on est en droit de s'attendre. Mais ça n'exclut pas en cours de route d'essayer de s'entendre sur des qualités de processus, des qualités d'intervention.

Mais qu'un professeur, si vous voulez, qui évalue quelqu'un par rapport à une discipline qui est enseignée... on va aller évaluer ensemble les ondes Martenot, on ne sait pas trop, trop ce que c'est... Il ne faut pas tomber, je pense, dans la panacée qu'un outil d'une certaine objectivité qui n'existe pas pourrait à ce point exister et stimuler l'ensemble du corps professoral pour se faire évaluer constamment. Moi, je pense que c'est négatif comme introduction, si vous voulez, je dirais, d'un mode de contrôle, d'un mode de gestion. Il faut y aller beaucoup plus, je pense, par une autoresponsabilisation. Il faut y aller beaucoup plus par des conditions d'émulation. Il faut y aller beaucoup plus par la création d'un environnement professionnel ou socioprofessionnel à l'égard du professeur, qui fait en sorte vraiment de produire. Le professeur à l'université, vous avez pris cet exemple-là, quand il se met à écrire, mais, généralement, c'est parce que, dans son département, il y a toute une émulation vraiment qui porte l'ensemble des gens à produire, et ça, c'est intéressant, et c'est ça qu'il faut encourager.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Lotbinière.

M. Paré: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous dites que la gestion par résultats n'est pas ajustée et vous ajoutez: actuellement à la réalité de l'enseignement. Qu'est-ce que vous proposez pour l'ajuster à la...

M. Perron (Luc): C'est-à-dire, lorsqu'on parle de résultats, ce qu'on mentionne beaucoup, c'est que le processus et le résultat sont excessivement importants. Sans vouloir, si vous voulez, faire de la sémantique, la pédagogie ou le moyen pour permettre à un étudiant d'arriver à un résultat, donc à une qualification et autre, bien, ça aussi, c'est un résultat. Alors, il faut déplacer, il faut essayer de comprendre ce qu'on veut dire lorsqu'on parle vraiment de l'intervention professionnelle dans une interrelation entre l'enseignant et les étudiants qui sont devant lui.

M. Paré: O.K. Mais vous ajoutez après: l'accent est trop mis sur les intrants et non pas sur les extrants. Un résultat, pour moi, c'est un extrant.

M. Perron (Luc): C'est-à-dire, quand vous regardez l'exemple que je vous donne au niveau des COFI, je pense que c'est à la page où vous êtes, je vous dis: Bon, actuellement, en 1999-2000, il va y avoir 12 000 immigrants qui vont entrer en classe. Par rapport à l'an passé, il y en avait 10 000. Ça fait qu'on dit: On va valoriser le résultat comme intrant, ça veut dire 20 % d'augmentation. Mais ce qui est excessivement malheureux là-dedans, on ne se prononce pas, puis on ne se penche pas, puis on ne s'intéresse pas, une fois que l'immigrant est en classe, à qu'est-ce qui se passe. Et c'est ça qui est malheureux. Parce que, qu'il en passe – une statistique – 12 000, 13 000 qui restent là une heure, qui restent là une semaine, qui restent là 30 semaines, qu'ils aient 600 périodes de formation ou 750, c'est ça qui devient important.

M. Paré: Oui, mais là...

M. Perron (Luc): Et, actuellement, malheureusement, quand je dis, par exemple, qu'on pousse les statistiques, c'est que, dans certains contextes, comme dans ce réseau-là, on valorise davantage qu'il passe des immigrants, peu importe le temps qu'ils restent, en autant qu'il en passe beaucoup.

M. Paré: Mais le résultat, ce n'est pas comment ils sont intégrés dans la société québécoise?

M. Perron (Luc): Le résultat, pour nous, c'est l'intégration qui ne se fait pas en 30 semaines, qui ne se fait pas nécessairement en un an. L'intégration, pour nous, ou le résultat, c'est que l'immigrant qui est au Québec participe comme citoyen à la totalité de ce qu'un citoyen peut faire. Pour nous, c'est vraiment ça, l'intégration. Et l'intégration, des fois, ce n'est pas une question que la personne parle en français ou baragouine, si vous voulez, après 30 semaines ou après 10 semaines, c'est vraiment de voir comment est-ce qu'elle s'insère dans nos us et coutumes. Et c'est ça, vraiment, l'intégration. Ce n'est pas seulement la maîtrise d'un code...

M. Paré: Donc, l'extrant, c'est être fonctionnel dans la société québécoise, non?

M. Perron (Luc): Non. C'est-à-dire que, là-dedans, quand je dis, sans trop ironiser, que, si on valorise seulement l'entrée, en termes de statistiques, de ceux qui passent dans nos classes, on ne mesure pas l'impact de l'intervention professionnelle que font les professeurs eu égard à leurs immigrants versus leur insertion socioprofessionnelle dans notre belle société.

M. Paré: Mais, ça, c'est le processus. Ce n'est pas l'extrant. Ce n'est pas le résultat.

M. Perron (Luc): C'est-à-dire que, pour nous, le résultat, c'est vraiment, une fois qu'ils passent en COFI, une fois qu'ils passent, si vous voulez, sur ce passage comme tel, au sein de leur parcours... le résultat serait que l'immigrant reste au Québec, qu'il soit content de vivre au Québec et qu'il participe comme citoyen au Québec. Pour nous autres, ce serait ça, le résultat.

M. Paré: L'intégration, comme ça. Merci.

M. Perron (Luc): Oui. Nous, c'est ça, l'intégration. Et là-dedans, vous soulevez bien la question, parce qu'on avait une étude savante qui avait été faite, pas par le syndicat, mais commandée par le ministère, dans les années quatre-vingt-dix, où on disait que les gens qui passaient dans la formule plein temps en COFI, à raison de 25 périodes par semaine, ça accélérait leurs chances de s'insérer socioprofessionnellement dans le réseau francophone, donc quatre, cinq fois davantage. Et ça, c'est important. On le mentionne aussi dans notre brochure. Mais, malheureusement, quand on dit que les professeurs, au niveau du terrain... parce qu'on pense qu'on sait un petit peu qu'est-ce que c'est, améliorer les services à nos immigrants, ou à nos citoyens, ou à nos étudiants... bien, on n'est pas écoutés. C'est-à-dire que, là, il se fait toutes sortes de tentatives: on valorise du temps partiel, on valorise toutes sortes de formes d'interventions professionnelles, sachant d'avance que, possiblement, ça ne peut pas conduire aux mêmes résultats, et ça, c'est malheureux.

Comme actuellement, l'exemple que je vous donne dans mon mémoire, ou dans notre mémoire, c'est de vous dire qu'on tente de faire des classes COFI en cégeps, dans les universités – actuellement, on en a à Sainte-Foy, ici, on en a à l'Université Laval, on en a à l'Université de Montréal, à l'Université du Québec, dans certains cégeps, trois, quatre cégeps à Montréal – et puis on leur donne 1 000 heures d'enseignement, avec tout un autre stimuli, si vous voulez, au niveau de l'environnement, et on va faire des études savantes pour dire: Bien, les résultats sont meilleurs qu'en COFI. Écoutez, faites l'économie d'une étude savante, tout le monde va comprendre que, si quelqu'un passe 1 000 heures, en termes de formation, par rapport à 600, généralement, il va en savoir un peu plus, il va apprendre un peu plus. Mais on aimerait que cette expérience-là se fasse en COFI, par exemple, d'où une aberration au niveau de la gestion dans son rapport avec ses employés.

M. Paré: Merci.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Mme la députée de Rosemont.

Mme Dionne-Marsolais: Oui, la madame, c'est la députée de Rosemont.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dionne-Marsolais: Juste une explication. À la page 10, il y a une chose que... je ne vous suis pas partout, mais il y a des bouts où je vous suis encore moins. À la page 10, dans le bas, il y a un mot là, je ne comprends pas ce que cette phrase-là veut dire: «Est-il besoin de dire qu'une intégration réussie des immigrants valorise notre capacité d'accueil des aubains...» J'ai cherché le mot dans le dictionnaire tantôt, je ne l'ai pas trouvé.

M. Perron (Luc): Oui, dans un dictionnaire, généralement, c'est écrit.

Mme Dionne-Marsolais: Qu'est-ce que ça veut dire?

M. Perron (Luc): C'est des gens qui sont en attente de citoyenneté, qui ne l'ont pas encore.

Mme Dionne-Marsolais: Des aubains, c'est ça?

M. Perron (Luc): Oui, oui, oui.

Mme Dionne-Marsolais: Ah bon! Bien, ce n'était pas dans Le Petit Robert . Merci de me le dire.

M. Perron (Luc): Oui, mais, au ministère, c'est un terme qui est souvent utilisé.

Mme Dionne-Marsolais: Qui est reconnu?

M. Perron (Luc): Oui, oui, bien sûr. Bien sûr.

Mme Dionne-Marsolais: Ah bon! Alors, moi, c'est la première fois que je le vois.

M. Perron (Luc): Oui, je parle avec des mots généralement qui...

Mme Dionne-Marsolais: J'ai appris quelque chose. Je vous en remercie.

Je voudrais parler de l'imputabilité, c'est un sujet qui me préoccupe beaucoup. J'ai cru comprendre de vos propos tout à l'heure que les professeurs étaient imputables devant leurs élèves, en somme. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Perron (Luc): Bien, c'est certain que le professeur est responsable, si vous voulez, de la formation, de la transmission de connaissances eu égard aux élèves tels qu'ils sont devant lui. Alors, c'est évident qu'il n'est pas là pour jouer un rôle social, il n'est pas là pour faire une partie de fun, il est là vraiment, compte tenu de sa profession, compte tenu de son éthique, vraiment pour faire en sorte que l'étudiant passe du point A au point B, mais avec ce qu'il est.

Mme Dionne-Marsolais: Tantôt, vous avez dit: Si un professeur n'est pas bon, ses élèves vont se plaindre, hein.

M. Perron (Luc): C'est-à-dire que...

Mme Dionne-Marsolais: C'est ce que j'ai compris.

M. Perron (Luc): Oui, mais le corps professoral, c'est un peu comme un corps de députés, si vous voulez, ou un corps de... peu importe le groupe, c'est reconnu mondialement.

Mme Dionne-Marsolais: Mais il ne se fait pas élire quand même.

M. Perron (Luc): Non, mais c'est une courbe normale. Ce que je veux dire, c'est: Même si les gens qui se font élire, des fois... bon, il y en a qui se font élire d'une certaine façon, il y en a qui utilisent d'autre chose. Mais, peu importe le corps de professionnels, même dans le corps professoral, vous en avez qui tirent un petit peu moins, puis vous en avez qui sont des supervedettes, puis vous avez le gros du corps enseignant qui donne un bon rendement. Pour nous, ce qui est important, c'est que ceux qui en font plus que ce à quoi on est en droit de s'attendre, qu'ils servent de modèles pour les autres, et c'est ça que la gestion doit encourager. Mais, actuellement, c'est que la gestion, au lieu d'encourager le gros du groupe à faire comme ceux qui en font un peu plus, des fois ils perdent leur temps en voulant, par exemple, sévir sur un qui traîne un petit peu en pensant que tout le monde fait la même chose, et c'est là que c'est un petit peu malheureux.

Mme Dionne-Marsolais: J'ai l'impression que vous n'y croyez pas beaucoup à l'imputabilité au sens où toute cette réforme-là...

M. Perron (Luc): Bien, c'est-à-dire que c'est un concept qui est ronflant, qui est excessivement sympathique, si vous voulez, dans des cahiers, dans des livres, dans des bouquins. Allons-y de façon concise et responsable tous les deux puis avec les autres qui nous entendent. Moi, je suis dans le dossier santé et sécurité en termes de prévention depuis 1983. C'est l'association sectorielle au niveau de la santé et sécurité dans le secteur de l'administration provinciale; je suis même coprésident de l'APSSAP, en l'occurrence. Nous avons établi un ensemble de structures par obligation de la loi, qui est une bonne loi sociale. Nous avons, dans la fonction publique québécoise, au-delà de 450 comités paritaires en santé et sécurité au travail, donc dans des établissements. Nous avons au-delà de 500 représentants de la prévention. Donc, nous avons une structuration qui a été imposée, encouragée et qui est faite sur une base volontaire entre nous et des gestionnaires, ce qui est très bien. Mais, à cette structuration-là, ça ne veut pas dire que les mentalités au niveau local ont changé pour autant. Alors, j'arrive à votre imputabilité.

(16 heures)

Est-ce qu'au niveau de l'établissement, lorsque le gestionnaire et le représentant en prévention ou les gens du comité de santé et sécurité s'entendent pour un correctif qui vraiment améliore, je dirais, la prévention en termes de santé et sécurité ou d'intégrité physique... Mais là l'imputabilité, si vous les rendez responsables de la décision qu'ils peuvent prendre, c'est assez difficile parce que, là, vous vous apercevez que, dans certaines régions, dans certains ministères, l'imputabilité, elle remonte rapidement, si vous voulez, au décideur, puis le décideur, c'est le décideur politique, en l'occurrence.

Dans le mémoire, je vous mentionne que la rotation, par exemple, des sous-ministres, au Québec, est catastrophique par rapport à ce qui peut se faire ailleurs. Un sous-ministre qui est de passage puis qui est, des fois, nommé sous-ministre puis qui ne sait pas pourquoi il a été nommé sous-ministre, c'est évident que c'est assez difficile, si vous voulez, qu'il prenne des décisions qui, vraiment, je dirais, consolident ou développent les unités qui sont sous ses ordres. Et ça, ça me paraît important.

Mais ça, qu'est-ce que vous voulez, j'aimerais mieux vous dire autre chose. Mais, moi, à travers les quatre ministères où je suis, je les vois passer un après l'autre. Ils sont fort gentils. Je les félicite, des fois, lorsqu'ils sont nommés. Puis, une fois que ma carte arrive, des fois, ils sont changés. Je ne calcule pas que l'imputabilité...

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): En terminant, s'il vous plaît.

M. Perron (Luc): À ce moment-là, l'imputabilité, elle devrait commencer à des niveaux, si vous voulez, hiérarchiques importants. Et localement, dans le dossier santé et sécurité, on s'aperçoit que la personne qui veut jouer son rôle comme il faut, elle ne réussit pas à avoir des remplaçants. Au niveau des travailleurs, par exemple, ils ne font qu'augmenter leur tâche, et ainsi de suite. Donc, il n'y a pas vraiment une considération. Alors, si on veut rendre imputable le représentant en prévention, s'il est obligé de travailler 130 % au lieu de 60 %, c'est évident qu'à ce moment-là c'est une fausse imputabilité.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, nous en venons aux questions de l'opposition officielle. M. le porte-parole et député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Et merci, M. Perron, de votre présentation. Simplement un commentaire. D'abord, vous avez parlé des faux occasionnels. Je suis très optimiste à cet égard-là parce que le ministre a déjà indiqué qu'il réglerait cette question-là, donc, très rapidement. C'est un engagement qu'il avait pris. Et je suis convaincu, donc, qu'il y aura une solution qui sera trouvée dans les meilleurs délais.

En ce qui a trait à la formation professionnelle, vous avez mentionné que la formation professionnelle semblait avoir perdu beaucoup de préoccupation ou avait pris moins d'importance. C'était peut-être vrai au moment où les cégeps ont été mis sur pied et, finalement, nous avons axé davantage sur la formation générale. Et malheureusement, les écoles techniques de toutes sortes, à ce moment-là, ont été oubliées. Mais est-ce que, quand même, depuis trois ou quatre ans, il n'y a pas un renouveau d'intérêt pour la formation professionnelle et l'importance que ça revêt maintenant dans notre société, en termes d'emplois et de qualité d'emplois?

M. Perron (Luc): Oui, vous avez totalement raison. C'est évident qu'actuellement je parle d'une approche cyclique, mais on a un retard qui est terrible à rattraper. Si je compare avec l'Allemagne, sans y être allé, pour savoir ce qui se passe, c'est l'impact des nouvelles technologies. Bien, c'est certain que, si on regarde le rapport apprenti, par exemple, ingénieur en Allemagne, qui existe depuis longtemps, comme tout le système de compagnonnage, c'est évident que, à ce moment-là, eux, il n'ont pas eu le hiatus, si vous voulez, de 10 ou 15 ans par rapport à nous, notre hiatus, comme tel, au niveau de la formation professionnelle.

C'est évident que le rattrapage se fait. C'est évident que les jeunes qui osent aller dans la formation professionnelle et qui sont talentueux évidemment réussissent à trouver, à avoir des débouchés. C'est évident qu'il y a un rattrapage qui se fait, mais il faudrait mettre les bouchées doubles pour vraiment en arriver à des résultats probants. Parce que vous avez un ensemble, actuellement, de domaines techniques. Ce n'est pas nécessairement, si vous voulez, notre apanage, dans nos réseaux respectifs, où je suis. Mais c'est évident qu'il y a un manque au niveau de la relève.

Puis, pour être un peu futurologue, ce qui n'est pas le cas, mais, avec le nouveau cadre, il faut l'être un peu, les baby-boomers, là, on n'en parle souvent, mais, en 2006, ça va être une année possiblement charnière où ils vont disparaître, même au niveau des gestionnaires. S'il n'y a pas de relève qui s'installe avant ça, on va arriver dans des situations, là... En tout cas, on ne réfléchit pas bien, bien avant, on dirait. On attend d'être pris le nez dedans. Ça, c'est malheureux. Mais c'est peut-être ça, la rapidité de la fonction publique.

M. Marcoux: Quand vous parlez de la relève, comment vous voyez ça? Est-ce que...

M. Perron (Luc): C'est-à-dire que, quand je dis qu'il y aura un départ qui est assez important, comme au niveau de la gestion, c'est évident que, d'ici 10 ans, il va y avoir un remplacement important. Je vais vous donner un exemple fort simple pour illustrer mon propos.

J'ai parlé tantôt, avant de venir, avec des gens de la Chambre de commerce pour être certain que ce que j'avance est réel. Parce que je maintiens que la compétence est reliée intimement à l'expérience. Alors, eux, dans une chambre de commerce, généralement, ce qu'on m'a dit de bonne foi, et je pense que c'est vrai et je suis totalement d'accord avec cela, c'est qu'avant de devenir président de la Chambre de commerce ils sont généralement vice-président. Donc, ils s'insèrent vraiment dans la culture, si vous voulez, de l'entreprise, si je peux m'exprimer ainsi. Et, après ça, il est président.

Alors, chez nous, ça serait un peu la même chose, c'est-à-dire qu'avant que des gens deviennent gestionnaire d'un conservatoire ou d'une autre maison, il serait intéressant que d'abord ils sachent dans quoi ils s'embarquent, ils sachent dans quoi ils sont, puis vraiment pour assurer une relève qualitative par rapport à ce qu'ils doivent faire, si vraiment la mission de l'État est toujours d'avoir des maisons de formation de grande qualité.

M. Marcoux: Maintenant, je voudrais revenir peut-être un peu sur la question d'évaluation dont vous avez discuté tout à l'heure. Il n'y a pas, quand même, certains éléments ou critères qu'on peut dégager et qui permettent de mesurer le succès, par exemple, d'une institution? Évidemment, quand je parle d'institution, c'est à la fois ses cadres, ses professeurs et tout le personnel qui y oeuvre. Mais ça peut varier selon les types d'institution. Par exemple, au niveau cégep, on va parler du taux de diplomation comme étant un critère qui permettrait, en tout cas, d'évaluer. Ce n'est pas le seul. Pardon?

Une voix: Un indicateur.

M. Marcoux: Un des indicateurs. Est-ce que, quand même, dans les institutions, le milieu dans lequel vous oeuvrez, il n'est pas possible d'en dégager et qui permettent évidemment d'éviter l'arbitraire – ça, je suis bien sensible à cet aspect-là – mais quand même de faire une certaine évaluation à la fois pour les gens qui y travaillent, mais aussi pour les étudiants qui viennent à ces écoles-là puis qui disent: Bien, écoute, oui, c'est une bonne école, ça, puis c'est intéressant d'y aller? C'est même une façon de pouvoir agrandir le bassin de recrutement de candidats potentiels.

M. Perron (Luc): C'est dur un peu, la question que vous amenez, parce qu'on fait face actuellement à des sortes d'euphorie administrative, là. Et puis, heureusement, ce n'est pas universel puis ce n'est pas dans tous les bouquins qu'on a la chance de lire. Je vous répondrais qu'au niveau des critères il existe actuellement un fétichisme, vraiment, qui est abominable, un fétichisme dans le sens qu'une fois qu'on a 12 critères, on en a 26, on en a 42, on en a 44, là, on évalue, si vous voulez, un enseignant, et puis finalement il n'est plus en enseignement lorsqu'on réussit à établir une grille. Pour moi, si vous voulez, c'est vraiment du gaspillage administratif qui est tout à fait éhonté.

Je pense que le gestionnaire, ou les pairs, comme on l'a dit tantôt à M. Léonard, ont la capacité d'exercer un jugement professionnel. Si les gens ont à coeur, bien sûr – puis je pense qu'ils l'ont; il faut penser à la théorie x et non y de Doug McGregor, là – il faut se dire que les gens ont intérêt à ce que les jeunes qui passent devant eux sortent avec la meilleure des formations possibles, et je vais vous donner un exemple pour illustrer mon propos. J'en ai toujours plein, d'exemples, puis, si ce n'est pas clair, vous me le demanderez.

On avait un professeur... Parce que Mme Frulla disait publiquement que les professeurs d'un certain âge dans les conservatoires étaient devenus improductifs. Moi, ça m'avait blessé. Ça m'avait blessé, qu'est-ce que vous voulez. Mais il y a toutes sortes de choses qui se disent, des fois. Bon. Je ne l'avais pas accepté. Puis Mme Robillard avait renchéri en disant qu'il y a des professeurs artistes qui sont fonctionnaires puis, en plus, ils sont syndiqués. Ça, c'était vraiment rendu terrible, là, comme expression.

Mais tantôt vous aviez un collègue qui est intervenu avec McGill. Alors, moi, il y a un professeur qui était d'un âge avancé et qui était répudié, je dirais, qui était mis quasiment au rancard, au Conservatoire de musique de Montréal. Et j'ai négocié, ce n'est pas mon travail, mais j'ai eu plaisir à négocier son salaire à l'Université McGill. Ils l'ont pris, eux, je ne dirais pas les yeux fermés parce qu'ils savaient la carrière qu'il avait, ils savaient la capacité qu'il avait. Et puis ils avaient cette reconnaissance, si vous voulez, je dirais, de l'expérience professionnelle qu'ils sont prêts à attribuer. Et puis ils n'achalent pas le professeur, c'est-à-dire qu'ils l'engagent, ils disent: Tu as tant de périodes à donner, puis la personne, elle est responsable, elle, de donner le travail pour lequel elle a été engagée. Et ça, c'est des risques qu'un gestionnaire peut prendre. Mais il y a des petits moyens de contrôle, et on peut vérifier à un moment donné pour voir si cela se fait.

Mais je pense que c'est comme ça qu'il faut aller. Il ne faut pas minimiser notre capacité, je pense, d'exercer un jugement professionnel. Vous avez de plus en plus des gestionnaires qui, malheureusement, parce qu'on les encourage, fonctionnent par procuration. C'est-à-dire qu'ils se mettent une grille et puis, quand ils ont mis les crochets dans toutes les affaires sur la grille, bien là ils disent: Ah! ça, c'est un bon candidat. C'est comme les gens qui jugent quelqu'un seulement sur la base de l'entrevue. Ils s'aperçoivent, des fois, quand ça arrive dans le champ, que ce n'était peut-être pas tout à fait comme l'entrevue, même s'il y avait une grille très, très poussée, très, très sélective. Alors, je pense que, là-dedans...

Comme nous, chez nous, c'est deux ans de probation. Donc, la gestion étant pour deux ans, ils ont droit de vie et de mort sur la personne. Mais ils sont en droit vraiment de vérifier, je dirais, les compétences, à savoir s'il a la formation requise pour donner l'enseignement ou la prestation qu'il doit donner. Et il y a des moyens pour ça. Mais, par la suite, il s'agit vraiment de créer un ensemble de conditions qui font en sorte qu'on n'oublie pas la raison d'être de la maison puis qu'on n'oublie pas vraiment la raison d'être de son embauche, et ainsi de suite. Et ça, c'est plus exigeant, par ailleurs. Mais, quand c'est réussi, là, je vais vous dire, les gens, ils n'entrent pas à reculons, ils vont travailler puis ils sont contents. Mais, quand ils n'ont qu'à se soumettre à un paravent, si vous voulez, ou à un fétichisme de critères, il y en a des experts qui vont le faire avec grande aisance, mais ce n'est pas ça qui est recherché.

Ce qui est recherché... Il ne faudrait pas, au niveau de la gestion, qu'on recherche, si vous voulez, un résultat non voulu, c'est-à-dire une capacité et une habilité à faire ou à répondre à des grilles et puis se foutre du résultat dans le champ, c'est-à-dire la relation qui, elle, est exigeante au niveau du prof avec ses élèves. Et ça, c'est important.

(16 h 10)

M. Marcoux: Peut-être aborder la question des COFI dont vous avez parlé de façon, tout à l'heure, assez longue. Vous mentionnez, à la page 18 de votre mémoire, dans une note de pied, comme on dit: «Il est tentant pour la compétitivité de vouloir les 46 000 000 $ en garantissant sur papier des résultats de francisation et en faisant fi des 31 ans des COFI construits...» Est-ce que les indications qui vous amènent à dire qu'on remet en cause les COFI ou... Qu'est-ce qui vous amène, dans le fond, à faire cette affirmation-là?

M. Perron (Luc): Actuellement, le ministre responsable, M. Perreault, formellement, en public, il maintient que les COFI sont là pour rester, il maintient que l'expérience et les compétences de ce corps professoral là doivent être utilisées encore et avantageusement. Alors, je pense qu'il n'y a pas péril en la demeure.

Ceci étant dit, au début de 1998, ce qu'on a mis dans le champ, c'est à peu près ceci: les COFI, comme institutions, représentent, grosso modo, un investissement de 46 000 000 $, et là, dans un contexte qu'on appelle d'une concertation paravent, on dit à l'ensemble des autres intervenants, que ce soient les cégeps, les commissions scolaires et les universités: Écoutez, faites-nous la preuve que vous voulez ce 46 000 000 $ là; nous, on va continuer à payer, puis, si vous pouvez faire ce que les profs font dans nos institutions, on va peut-être vous donner 46 000 000 $. Alors, écoutez, ça ne prend pas la tête à Papineau pour comprendre que les gens dans les commissions scolaires, à la CSDM, par exemple, l'UQAM et autres, ce sont des gestionnaires chevronnés et que, pour aller chercher 1 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $, ils sont prêts à faire des pirouettes fantastiques.

Et c'est là qu'on se dit, nous: Il faut d'abord prendre le temps un peu de réfléchir, prendre le temps un petit peu de reconnaître d'abord qu'il y a du personnel qualifié qui donne une prestation de qualité. Et là, nous, comme syndicat, ce qu'on a fait depuis le début de cette expérience-là, on s'est mis dans toutes les tables, avec la permission bien sûr du MRCI, donc du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, pour vraiment faire la preuve... et puis on a donné cette brochure-là aussi à tous nos partenaires pour leur montrer que, s'ils peuvent faire mieux, bien, qu'ils le fassent.

Mais, nous, on part avec une quasi-certitude que ce que nous faisons, c'est bien. Nous comprenons, compte tenu qu'on sait ce que c'est, des immigrants, vraiment quels sont leurs besoins et nous tentons d'y répondre. Et puis là, actuellement, on pense qu'on relève le défi, à savoir que les autres, malgré l'appât d'un montant aussi généreux puis aussi important, ils sont prêts à considérer effectivement que le travail qui est fait, c'est un travail de spécialiste, c'est un travail qui est exigeant et puis qu'on ne peut pas improviser, si vous voulez, comme tel, dans ce champ-là de travail. Actuellement, c'est un petit peu ça.

Donc, nous, ce qu'on a misé, comme syndicat, c'est de faire en sorte que les partenaires, les commissions scolaires, cégeps et universités, sont capables de comprendre, à travers vraiment une lecture professionnelle de l'intervention, je dirais, des enseignants, qu'ils n'ont peut-être pas l'ensemble de ce que nous avons pour donner cette prestation de qualité. Et, actuellement, c'est un petit peu ce que nous avons... Mais on sait très bien, puis, le Québec, on est maître un peu là-dedans, que des gens peuvent s'improviser en disant: On va faire mieux. N'importe quel consultant que vous engagez va faire mieux qu'un autre consultant, même s'il ne connaît pas ce dans quoi il s'embarque. Ça, c'est une règle d'or, si vous voulez, pour avoir au moins le contrat. Alors, là-dedans, c'est un peu la même chose, c'est-à-dire que les gens, ils veulent aussi que leur institution soit plus riche, alors, en ce sens-là, ils sont prêts à prendre l'argent à qui veut bien le donner. Alors, c'est un petit peu ça que ça veut dire.

Et ce qui est malheureux là-dedans, c'est que la concertation, au départ, qui était affichée par M. Boisclair, n'en était pas une, lorsqu'on regarde à reculons, dans le sens qu'il y a des comités à l'interne du ministère qui arrivent avec des documents tout faits, puis on a seulement à essayer de comprendre ce qu'ils nous mentionnent, et ça donne très peu de place, nous, à l'information qu'on aimerait leur livrer pour vraiment orienter des directions qui sont plus satisfaisantes pour les besoins des immigrants.

M. Marcoux: Mais est-ce que vous avez des indications à l'effet qu'il y aura une évaluation de ces enseignements qui sont faits dans les commissions scolaires ou dans les cégeps ou dans les universités, comparativement à ce qui se fait dans les COFI, pour éventuellement, le cas échéant, prendre une décision éclairée qui soit dans le meilleur intérêt de...

M. Perron (Luc): Actuellement, les cégeps, les universités et les commissions scolaires n'ont pas embarqué, comme tel, pour des raisons politico-administratives importantes. Alors, ceux qui ont embarqué ont accepté que ce soit des professeurs de COFI qui dispensent en leurs lieux. Alors, ça veut dire que c'est comme s'il y avait des classes COFI, actuellement, comme au cégep Saint-Laurent, au cégep Bois-de-Boulogne – vous en avez deux – le cégep de Sainte-Foy, ici. Alors, c'est comme ça que ça se passe. Nous, on pense que ça devrait se continuer comme cela, mais là l'avenir nous le dira. Nous, ce qu'on fait, là-dedans, c'est qu'on investit sur, vraiment, le geste professionnel, et puis on se dit que c'est ça qu'il faut d'abord considérer avant de considérer autre chose.

M. Marcoux: Peut-être simplement un dernier commentaire que j'ai entendu sur la qualité des diplômés des conservatoires. Je pense que la personne qui me l'a donné, c'est le directeur de l'Orchestre symphonique. Il dit que les candidats qui sortent des conservatoires ici, au Québec, sont très, très bien formés et sont de grande qualité. Je pense que ça, c'est un témoignage qui est fort intéressant, et, M. Dutoit, qu'il puisse le faire...

M. Perron (Luc): Je vous remercie beaucoup. Ce qui est la petite porte que vous m'ouvrez, c'est que parfois – et c'est ça qui est triste des fois comme citoyens engagés que nous sommes dans le Québec – il faut passer par l'extérieur pour se faire reconnaître. Ça, c'est assez... Mais c'est malheureux un peu parce qu'on pourrait, même au Québec, reconnaître que... Il y a des gens qui n'osent pas afficher leur doctorat, dans des cégeps, parce que, bon, ça crée des envieux. C'est des situations, à mon sens, anormales. Et la journée où on valorisera cela, on n'aura pas besoin de fétichisme ou de critères.

M. Marcoux: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, j'aimerais donc remercier les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec, M. Perron, comme président, et M. Lemieux, comme premier vice-président, pour leur contribution à nos travaux. Et, étant donné quand même le retard que nous avons déjà enregistré, j'inviterais immédiatement les représentants de l'Association des cadres du gouvernement du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Alors, je rappelle donc que la commission spéciale sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental est réunie afin d'entendre les intéressés dans le cadre d'une consultation générale portant sur un nouveau cadre de gestion de l'appareil gouvernemental qui nous est proposé, et nous avons devant nous, pour cette rencontre, l'Association des cadres du gouvernement du Québec, dont son vice-président, M. Serge Doyon, qui est accompagné de M. André Matte, vice-président exécutif et directeur général.

Alors, à ce moment-ci, M. Doyon, je vous céderais la parole en vous demandant simplement de contenir votre présentation à l'intérieur du 20 minutes qui est prévu, et nous passerons par la suite aux échanges.


Association des cadres du gouvernement du Québec (ACGQ)

M. Doyon (Serge): D'accord, M. le Président. D'abord, je voudrais excuser l'absence de la présidente, Mme Christiane Côté, qui, en raison de ses fonctions dans le projet gouvernemental GIRES, est à l'extérieur du Québec. C'est pourquoi je la remplace aujourd'hui. Vous avez présenté M. André Matte, qui est vice-président et directeur général de l'Association, qui m'accompagne dans cette présentation.

Avant d'aborder le contenu de notre mémoire, je voudrais d'abord vous dire quelques mots sur notre Association. Vous savez, notre Association, c'est l'Association des cadres du gouvernement du Québec. C'est une association qui a été formée en 1998 et qui origine de la fusion de deux associations, l'Association des gestionnaires de la fonction publique et parapublique du Québec, qui avait été formée en 1969, et l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec, qui avait été fondée en 1978. Nous représentons près de 2 700 membres à travers le Québec, répartis à peu près de la façon suivante: 50 % dans la région de Québec, 30 % dans la région de Montréal et 20 % dans les autres régions.

Notre Association a deux volets à sa mission, d'abord, un premier volet, qui est la défense des intérêts des membres et la promotion du sens des responsabilités, de l'intégrité et de conscience professionnelle. Notre deuxième volet – et c'est ce qui explique notre présence aujourd'hui – c'est de proposer au gouvernement des solutions pour améliorer la gestion des ressources humaines, matérielles et financières de l'administration publique ainsi que des services publics et des relations avec les citoyens. Alors, voilà donc en quelques mots notre Association.

À présent, je voudrais vous présenter quelques remarques globales, d'ensemble, et on abordera par la suite les trois volets du nouveau corps de gestion. D'abord, on doit vous dire qu'on est un petit peu étonné de voir qu'on parle d'un nouveau cadre de gestion. Alors, depuis à peu près 20 ans, l'Association a toujours participé activement à différents projets de réforme qui ont toujours été alentour des différents thèmes que nous abordons aujourd'hui. Je voudrais, sur ce point, peut-être, vous donner quelques exemples de ce qui a été fait au cours des 20 dernières années.

Alors, on commence d'abord par la commission Bisaillon. Vous savez que la commission Bisaillon a été formée en 1981 avec le mandat de recommander à l'Assemblée nationale des voies de solution à privilégier et des stratégies de changements à effectuer pour mieux servir la société des années quatre-vingt. Alors, je vais vous citer quand même quelques éléments de cette commission, et vous allez voir qu'on retrouve aujourd'hui encore à peu près les mêmes discours.

(16 h 20)

Alors, disons que la commission Bisaillon, déjà, elle disait qu'elle devait prioritairement prendre en considération le principe de l'imputabilité des employés de l'État. La commission Bisaillon jugeait également que l'accent devrait être mis dorénavant sur le droit des citoyens et la qualité du service. On disait également que la mise en oeuvre d'un régime d'imputabilité devrait faire état d'une distinction très nette entre l'imputabilité administrative et l'imputabilité politique.

Finalement, dans ses grands axes de projets, la commission Bisaillon rappelait, entre autres, que le citoyen constitue la préoccupation majeure et centrale de son projet d'alors et que les agents de l'État devaient davantage être responsables et qu'ils aient à répondre de leurs actes. Alors, voilà l'essentiel des grandes recommandations du rapport Bisaillon.

La Loi sur la fonction publique, en 1983. Alors, c'est une loi qui origine des travaux de la commission Bisaillon, et on la présentait alors comme un cadre novateur en préconisant la responsabilisation des gestionnaires et des employés, le service aux citoyens et le développement des ressources humaines.

En 1985, on a eu la présentation par le Conseil du trésor d'un document qu'on a intitulé Pour une rénovation de l'administration publique . À ce moment, les auteurs identifiaient six grands principes d'un avenir prévisible de la fonction publique: le service aux clients; la recherche de l'excellence; l'imputabilité; la déconcentration et la décentralisation; la productivité, l'efficacité et le rendement; et l'équité. Traitant également du principe de l'imputabilité, les auteurs indiquaient qu'il fallait cesser d'en parler et qu'il fallait trouver les moyens de la réaliser. O.K.?

Également, les auteurs de ce rapport disaient que, pour l'avenir, il fallait vraiment se loger à l'enseigne de la responsabilisation des gestionnaires, de la déconcentration des pouvoirs et des décisions, de l'allégement de la réglementation et de la productivité, le tout coiffé d'une préoccupation accrue pour le service aux citoyens.

En 1990, la commission du budget et de l'administration avait présenté ses interventions sous l'objet de quatre thèmes centraux, en disant que ce sont ces quatre thèmes-là qui permettraient vraiment de mettre sur la table les vrais problèmes de l'administration. Alors, on parlait, entre autres, de la qualité des services aux citoyens, du leadership dans l'implantation de la loi, de l'imputabilité et de la dotation et du développement des ressources. En 1991, le Conseil du trésor adoptait une politique d'amélioration des services aux citoyens. En 1992, nous avons eu l'opération de réalignement de la fonction publique. En 1993, nous avons eu la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes et également, par la suite, en 1995, la mise en place d'un nouveau processus des allocations des ressources.

Alors, vous voyez, M. le Président, que ce n'est pas nouveau. Et l'Association considère donc que ce nouveau cadre de gestion gouvernementale s'inscrit dans un processus de continuité de l'amélioration des services. Évidemment, l'Association souhaite vraiment que cette fois-ci sera la bonne et que le gouvernement aura une volonté inébranlable d'en arriver à mettre en place ce nouveau cadre de gestion là, dont on dit qu'il n'est pas nouveau.

Un des éléments marquants, par contre, l'Association considère qu'il y a quelques lacunes fondamentales, dont la première, c'est la reconnaissance des cadres. Alors, on est un peu étonné et préoccupé de voir que, dans l'énoncé de politique, les cadres ne sont absolument pas identifiés comme tels. Les cadres ont un rôle déterminant à jouer dans la mise en place de cette réforme. Nous considérons, nous, à l'Association, que les cadres sont des partenaires incontournables pour la réussite de cette étape de la modernisation. Alors, l'énoncé de politique est muet sur le rôle, les pouvoirs et les responsabilités que devront assumer les gestionnaires. L'État n'a pas démarqué le personnel d'encadrement des fonctionnaires. Alors, voilà donc une de nos premières préoccupations, et on considère donc que c'est une lacune majeure qui devrait être corrigée.

Par ailleurs, sur la gestion des résultats, j'aimerais d'abord vous rappeler une intervention de M. Michel Carpentier, qui était alors Secrétaire général du gouvernement, lors d'une allocution qu'il prononçait devant les cadres le 25 avril 1996. Alors, M. Carpentier disait: «S'il vaut la peine d'avoir un cadre quelque part, il vaut la peine de lui donner l'autonomie nécessaire pour gérer son unité. Il faut en arriver à ce que les décisions concernant l'utilisation des ressources financières et humaines ainsi que les fournitures de services soient prises le plus près possible du terrain.»

Or, sur ce, M. le Président, nous considérons que le nouveau cadre de gestion présenté n'apporte pas grand-chose de nouveau sur la question des allégements. À la lecture de l'énoncé de politique et de l'avant-projet de loi, on considère davantage que ça laisse présager un renforcement des fonctions du Secrétariat du Conseil du trésor. Alors, pour nous, c'est très important, il faut absolument offrir l'allégement nécessaire à la réussite d'une gestion par résultats. Voilà donc, pour nous, une deuxième lacune majeure qu'il faut corriger par le nouveau cadre de gestion.

Sur les trois volets que comporte le cadre de gestion, nos commentaires sont les suivants. D'abord, au niveau de l'encadrement administratif, il est évident que les 2 700 cadres du gouvernement que nous représentons sont favorables aux mesures proposées. Alors, lorsqu'on parle d'engagement sur la qualité des services, de plan stratégique, de plan annuel de gestion de dépenses, de plan annuel de gestion qui servira de base à la reddition de comptes, l'Association est entièrement d'accord avec cet encadrement-là.

Toutefois, et je le répète, pour atteindre ces objectifs, il est impératif que les organismes centraux laissent plus de latitude aux ministères et organismes dans leur gestion quotidienne. À la lecture de l'énoncé de politique et de l'avant-projet de loi, l'allégement est difficilement perceptible. Seuls les articles 59 et 60 de l'avant-projet de loi nous laissent voir une ouverture possible à l'allégement par une délégation par le biais des ententes de gestion. Alors, voilà donc une autre lacune importante à corriger.

Sur le contrat de performance et d'imputabilité, l'Association pose sept conditions que nous considérons majeures pour un véritable régime d'imputabilité: une définition claire du rôle et des responsabilités des gestionnaires ainsi que des autres acteurs au contrat de performance et d'imputabilité; l'octroi d'une plus grande autonomie et des responsabilités pour les gestionnaires; la clarté des objectifs poursuivis, des résultats attendus et des contraintes à respecter; l'équilibre des attentes et des capacités; une définition claire des indicateurs pour mesurer le degré d'atteinte des résultats et permettre de se comparer avec les autres; des mesures d'intéressement à la performance, en contrepartie peut-être des mesures de punition qui vont aller pour les cadres qui ne performent pas; la formation continue et le perfectionnement des cadres.

Alors, nous considérons que ces orientations ne sont pas traduites concrètement dans la proposition, ce qui constitue une lacune importante pour une véritable imputabilité. La proposition offre peu de marge de manoeuvre et demeure vague sur les moyens pour atteindre plus d'autonomie. Les gestionnaires sont prêts, mais les rôles et les responsabilités doivent être clairement établis dans la loi, être bien compris et acceptés par les acteurs. Nous croyons qu'il s'agit d'une occasion unique de définir leur rôle dans le cadre de gestion.

Sur un autre élément, au niveau de la définition des responsabilités et des rôles du ministre et du sous-ministre, alors là-dessus, même à la page 20 de l'énoncé de politique, on dénote assez bien ce qui départage la sphère administrative et la sphère politique. Toutefois, dans les rôles qui sont définis plus loin, ça semble plus ambigu. Nous considérons que le politique doit intervenir sur le quoi et l'administratif sur le comment. C'est ainsi que le plan stratégique, dont le contenu est surtout d'ordre politique, et l'entente de gestion conclue avec le Conseil du trésor doivent appartenir au ministre.

Mais, par ailleurs, l'article 56 notamment du projet de loi, le contrôle sur l'atteinte des résultats, c'est une gestion des moyens. Et nous considérons que la signature d'un contrat de performance doit relever du sous-ministre. L'Association s'oppose donc fortement à ce que le politique s'approprie les responsabilités relevant de l'administratif.

Au niveau de la reddition de comptes, alors nous sommes favorables à la mise en place de ce processus, évidemment sous réserve des commentaires que nous avons énoncés précédemment. À partir du moment où les gestionnaires manifestent le désir d'avoir plus de responsabilités, cela implique qu'ils sont prêts à rendre des comptes. Alors, nous croyons donc que le cadre législatif proposé devrait inclure, en plus de la reddition des comptes du ministre envers l'Assemblée nationale, du sous-ministre envers le ministre... on devrait aussi y voir la reddition de comptes du gestionnaire vis-à-vis de son sous-ministre. Voilà donc l'essentiel des recommandations de notre mémoire.

Je voudrais vous présenter, donc, en résumé, les sept recommandations formelles que l'Association vous présente aujourd'hui. Alors, ces sept recommandations sont les suivantes:

Que le gouvernement fasse preuve d'une détermination politique inébranlable quant à la mise en place de la modernisation de la fonction publique;

Que le gouvernement reconnaisse aux gestionnaires de l'État la place déterminante qu'ils occupent au sein de l'appareil gouvernemental en les associant étroitement à la définition des objectifs poursuivis et à la mise en place d'un nouveau cadre de gestion;

Que le gouvernement traduise concrètement à l'intérieur d'un cadre législatif le rôle, les pouvoirs et les responsabilités des gestionnaires;

Que le gouvernement accorde davantage de liberté d'action aux gestionnaires dans la gestion des ressources pour garantir l'atteinte des résultats et pour répondre au défi d'offrir de meilleurs services aux citoyens;

(16 h 30)

Qu'à cet égard le gouvernement assujettisse dans la loi les gestionnaires à une obligation de rendre compte de leurs actes;

Que le gouvernement développe rapidement, en consultation avec l'Association des cadres du gouvernement du Québec, des incitatifs à la performance;

Et, finalement, que le gouvernement garantisse l'équilibre entre le politique et l'administratif en clarifiant les responsabilités et le rôle du ministre et du sous-ministre afin d'éviter la politisation de la fonction publique québécoise.

Voilà donc, M. le Président, l'essentiel de nos recommandations.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Merci beaucoup, M. le vice-président de l'Association. Nous passons maintenant aux échanges. M. le ministre.

M. Léonard: Oui. Merci. Merci de votre mémoire et de vos commentaires qui sont, je crois, très positifs. Si je comprends bien, vous êtes d'accord avec les principes du projet de loi mais il y aurait des améliorations à y apporter. Donc, en termes de compréhension des orientations, ça vous a l'air assez clair. Je voudrais vous poser quelques questions mais qui vont un peu dans le même sens. Vous souhaitez une association plus étroite entre le gouvernement et ses gestionnaires. Qu'est-ce que ça veut dire au juste? Quelle est votre recommandation? C'est une reconnaissance explicite de l'Association des cadres. Mais il y a déjà des discussions assez suivies entre les cadres et le gouvernement.

M. Doyon (Serge): Non. Ce qu'on demande, c'est de...

M. Léonard: Vous voulez une reconnaissance dans le projet de loi comme tel?

M. Doyon (Serge): C'est ça. Ce qu'on demande, c'est de reconnaître spécifiquement, clairement, dans le projet de loi, dans la loi qui viendra, le rôle et les responsabilités des cadres. Nulle part on ne départage le rôle des gestionnaires. Et pourtant le rôle des gestionnaires n'est pas celui des fonctionnaires et des professionnels du gouvernement. On a un rôle distinct. On est à la fois représentant de l'employeur et employé du gouvernement. Et, à ce moment-là, je pense que nous considérons très important que l'on puisse définir clairement les rôles et responsabilités des gestionnaires dans ce cadre de gestion-là.

M. Léonard: Mais il y a aussi la Loi de la fonction publique qui existe. Est-ce que c'est dans cette loi ou dans celle de la fonction publique que ça pourrait intervenir?

M. Doyon (Serge): Vous savez, on ne voit pas encore les modifications qui vont être apportées à la Loi de la fonction publique ni à la Loi de l'administration financière, d'ailleurs. Disons qu'il y a un véhicule. Mais dans l'ensemble de cette réforme-là, je pense qu'il faut choisir le bon véhicule. Mais on considère absolument important que le rôle, notre rôle de gestionnaire soit défini. Je pense que M. Matte veut apporter un complément.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. Matte.

M. Matte (André): Si vous permettez, M. le Président. Dans le fond, on a un très bon exemple législatif qui existe: la Loi de l'instruction publique qui, en 1984, a été écrite en passant par des pédagogues – j'étais directeur général des régions à l'époque – et ça a été revu par le Bureau des lois. Mais dans cette loi, dès le premier article, qu'est-ce qu'on retrouve? Le droit des enfants, des étudiants. Un petit peu plus loin, les devoirs des étudiants. Un petit peu plus loin, les droits des enseignants. Un petit peu plus loin, les devoirs des enseignants. Et, compte tenu qu'avec cette loi on venait camper la responsabilité au niveau du directeur d'école, on a pris la peine de définir dans la loi les droits des directeurs d'école et les devoirs des directeurs d'école.

Ce que nous demandons, ce n'est pas la reconnaissance de l'Association, c'est de faire en sorte que le cadre de gestion puisse venir camper, puisque c'est l'objet de ce cadre, les responsabilités des gestionnaires et leurs droits pour qu'on puisse avoir une assise.

M. Léonard: Vous avez des exemples de ces droits, de ces responsabilités? Vous pourriez en donner quelques exemples?

M. Matte (André): Je crois qu'on peut s'inspirer sensiblement de ce qui a été fait dans la Loi de l'instruction publique au niveau des cadres directeurs d'école, où on retrouve de leurs droits bien décrits, et au niveau de leurs devoirs, de leurs responsabilités. Alors, je crois que, quand on vient camper les responsabilités des cadres, c'est évident qu'ils ont une responsabilité de mettre en oeuvre les politiques gouvernementales dans le respect des grandes orientations qui sont définies par les hommes et les femmes politiques. Je crois que c'est là une responsabilité qu'ils ont. Servir le citoyen, c'est une responsabilité qu'ils ont.

Et je crois qu'on aurait avantage à venir le camper d'une façon distincte de ce qu'on retrouve au niveau des fonctionnaires. Je comprends qu'avec la Loi de la fonction publique on vient camper les rôles des fonctionnaires. Les cadres, nous voulons distinguer le rôle des cadres des autres fonctionnaires, de par le rôle prédominant qu'ils exercent.

M. Léonard: Bien. On enregistre le point de vue. Très bien. L'autre question, c'est celle de l'imputabilité. Bon. Quand on parle d'imputabilité, on fait référence implicitement ou presque à des indicateurs de performance, à toutes sortes de mesures, des résultats, en quelque sorte, mais qui aussi mesurent la performance, mesurent la formation continue, le perfectionnement des cadres. Est-ce que vous avez des suggestions sur ce plan-là qui vous intéressent particulièrement, qu'on devrait mettre dans un projet de loi? Nous avons un avant-projet de loi, mais est-ce qu'on devrait aller plus loin dans le projet de loi?

M. Doyon (Serge): J'ai parlé tout à l'heure des sept conditions que nous considérons essentielles à un vrai régime d'imputabilité. Alors, ce qu'on a dit, c'est que, dans le cadre de gestion et surtout dans l'avant-projet de loi on ne retrouve pas nécessairement le respect de ces sept conditions. Entre autres, on considère très important qu'on ait des mesures d'intéressement à la performance. C'est sûr qu'on aura un contrat de performance et on prévoit que les gestionnaires non performants pourront avoir certaines punitions, entre guillemets. Alors, à ce moment-là, non. Je veux dire, c'est la contrepartie...

M. Léonard: Des récompenses aussi.

M. Doyon (Serge): Oui.

M. Léonard: Des récompenses aussi.

M. Doyon (Serge): Bien, je pense que ce n'est pas clairement indiqué. Nous, on considère important qu'à l'intérieur de ce nouveau cadre de gestion l'on ait clairement des mesures d'intéressement à la performance en contrepartie de ceux qui ne performent pas. C'est un des éléments, il y a d'autres éléments aussi. Oui.

M. Léonard: Je reviens...

M. Doyon (Serge): Excusez.

M. Léonard: Ah! excusez. Allez-y.

M. Matte (André): J'aurais peut-être un complément pour éclairer un peu. Quand on parle d'évaluation et de contrat de performance, on parle nécessairement d'attente. Actuellement, prenons cette année, les bonis ont été rétablis; on remercie M. le ministre. L'évaluation du rendement, par ailleurs, n'avait jamais été abolie et l'évaluation du rendement, depuis qu'il n'y avait plus de boni, ne s'est pratiquement pas faite.

Qu'est-ce que c'est qu'une évaluation du rendement? Une évaluation du rendement, c'est de faire en sorte que les cadres aient des attentes qui leur soient signifiées pour qu'ils puissent par la suite, avec des indicateurs clairs, être évalués sans égard s'il y a une rémunération ou non; c'est un autre acte. Alors, ça ne serait peut-être pas mauvais effectivement – et ça fait partie des conditions que Serge Doyon évoquait – l'équilibre des attentes et des capacités.

M. Léonard: Tout repose aussi ou le projet repose en bonne partie sur ces contrats entre le ministre et le sous-ministre. Tout à l'heure, vous avez évoqué la possibilité que ça pourrait être entre le sous-ministre et l'unité. Je ne sais pas où résiderait, dans une telle approche, la responsabilité ministérielle qu'il ne faut jamais oublier, parce que nous sommes en démocratie aussi. Est-ce que, sur ce plan, vous pouvez être plus explicites? Parce qu'il y avait comme deux étapes ou une qui restait mais qui touchait aussi à la responsabilité ministérielle.

M. Doyon (Serge): Ce que l'on dit, c'est de départager clairement. C'est quand même deux sphères différentes, la sphère administrative et la sphère politique.

M. Léonard: Oui.

M. Doyon (Serge): Alors, nous, on considère qu'il faut départager assez clairement, dans ce cadre de gestion, ces deux sphères. Lorsqu'on travaille sur le quoi, évidemment, ce sont des responsabilités qui sont de la sphère politique; ce sont des orientations, des énoncés de principe, bon, différents éléments qui sont dans le quoi. Le comment, c'est la gestion des moyens. Les gestionnaires sont là pour mettre en oeuvre les décisions, les orientations qui ont été décidées. À ce moment-là, c'est là qu'on doit intervenir. Lorsqu'on parle du contrat de performance, on est au niveau du comment. Alors, c'est pour ça que, nous, on dit: Le comment, c'est le sous-ministre qui administrativement devrait avoir la responsabilité de l'assigner.

M. Léonard: Sur le comment. Oui, allez-y!

M. Matte (André): Si vous permettez, aussi là-dessus, par rapport à la responsabilité ministérielle. De notre point de vue, la responsabilité ministérielle est inscrite dans chacune des lois constitutives des ministères et, à cet égard, on ne la niera jamais, elle est toujours là. L'Association ne veut absolument pas nier cette responsabilité ministérielle. Mais au-delà de la responsabilité ministérielle, le ministre délègue à son sous-ministre, et on voit mal qu'un contrat de performance – je ne parle pas d'entente de gestion ni de plan stratégique – soit signé entre un ministre et un gestionnaire. Ça n'enlève absolument pas ultimement la responsabilité du sous-ministre et ultimement la responsabilité du ministre. Il y a des exemples très récents qui sont très clairs à cet égard, et je pense que Louis Bernard a très bien distingué la responsabilité de la culpabilité.

M. Léonard: Oui, c'est comme tout à l'heure quand on parlait, je pense, un peu de façon abusive du droit à l'erreur. Je trouve que c'est plutôt l'excuse à l'erreur.

M. Matte (André): Oui.

(16 h 40)

M. Léonard: Bon, ceci étant dit, sur les indicateurs de performance – puis ça, c'est un sujet, je pense, difficile à cerner parce qu'au fond ils peuvent être changeants, dépendant de l'unité, il y en aura des quantités, ça ne sera jamais les mêmes – comment vous voyez la négociation, mettons, entre guillemets, entre un supérieur et son subordonné en ce qui concerne ces indicateurs? Vous en avez quand même quelques expériences. Est-ce que vous trouvez que c'est une approche difficile? Est-ce qu'on peut généraliser vraiment cette approche? Quels sont vos commentaires?

M. Doyon (Serge): Oui. Comme vous le dites, je pense que c'est une approche difficile, mais il est absolument essentiel, dans un régime d'imputabilité, que l'on puisse clairement identifier des indicateurs. Ce n'est pas facile. J'ai moi-même participé à la mise en place de quelques unités autonomes de services et à la formulation d'indicateurs; parfois, c'est un mandat, c'est un défi.

Mais, malgré cette difficulté-là, il est très important que l'on puisse, dans un régime d'imputabilité, définir des indicateurs. Et c'est possible de le faire, on y croit profondément, là, en y mettant le temps. Il est important que ces indicateurs-là soient acceptés de part et d'autre parce que c'est un des aspects sur lequel le régime d'imputabilité s'appuie, notamment.

M. Léonard: O.K. Ça va? Je reviendrai peut-être après.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, nous passons donc aux remarques ou aux interventions de l'opposition. M. le porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre mémoire, que j'ai trouvé très bien fait, bien approfondi, avec d'intéressantes suggestions. J'aimerais revenir et poser une question concernant l'imputabilité et la distinction entre l'imputabilité sur le plan politique et celle sur le plan administratif, d'autant plus, comme vous le mentionnez, que le rôle du sous-ministre, il est double. Il est, d'une part, d'aviser son ministre – je pense que ça, c'est le quoi principalement – et celui de diriger l'administration du ministère.

Est-ce que, dans la vie pratique de tous les jours, il est possible de vraiment distinguer de façon étanche le politique de l'administratif? Et je vais vous donner un exemple qu'on a vécu récemment, celui d'Emploi-Québec, qui peut se reproduire dans d'autres secteurs, à un moment donné. Comment, là, on distingue – et pourtant, même Emploi-Québec est une unité autonome de services présentement – le politique de l'administratif, dans un cas comme celui-là? Et je pense qu'on peut avoir d'autres exemples dans d'autres cas.

M. Doyon (Serge): Disons que c'est sûr que le sous-ministre a un peu un rôle d'interface, si on peut parler en termes de système, là. Le sous-ministre a toujours un rôle d'interface entre le politique et l'administratif. Et, à ce moment-là, il est certain qu'il y a toujours une petite zone grise à l'intérieur de ça. Néanmoins, nous considérons que lorsqu'on travaille clairement sur les moyens, sur le comment, on travaille vraiment sur l'aspect administratif et, dans ce contexte-là, il est possible qu'on puisse clairement cerné le rôle du sous-ministre sur l'aspect administratif. Mais il y aura toujours, évidemment, une petite zone grise, là, qui est difficile parfois à circonscrire. Ça, on l'admet. Je ne sais pas si André a d'autres...

M. Matte (André): Oui, peut-être un complément. C'est que, effectivement, il y aura toujours des zones grises, et je crois que les cadres sont payés pour gérer ces zones grises, quand ils deviennent cadres. Mais il n'en demeure pas moins que je crois que le mémoire de l'Association préconise que les responsabilités soient au niveau des grands encadrements. C'est ça qu'on dit, on ne veut pas rentrer dans la fine pointe parce qu'on sait que, dans le quotidien, il y a cette complexité que vivent aussi les cadres aussi qui sont directeurs régionaux en région, qui n'ont pas nécessairement le niveau de collègues qui sont au central mais qui ont à le vivre avec les hommes et les femmes politiques de la région pour défendre les dossiers, défendre les grandes orientations. Alors, oui, il y a des zones grises puis on va les gérer.

M. Marcoux: Maintenant, ce que vous suggérez, c'est que le contrat de performance soit passé entre le sous-ministre et l'unité. Il me semble qu'il reste que dans notre système le responsable ultime de ce qui se passe dans le ministère, c'est le ministre. Est-ce que, à ce moment-là, ça peut jouer à la fois contre, dans le fond, le gestionnaire responsable ou contre le ministre? Mais le ministre peut dire aussi: Écoutez, là, ce n'est pas de mes affaires, ce n'est pas de ma faute, là, c'est l'administration qui n'a pas réalisé ses objectifs. Si c'est le cas, c'est peut-être possible, pour des raisons qu'il peut expliquer, que le ministre ait changé d'idée sur certains éléments.

Donc, comment se fait une césure entre le sous-ministre et le ministre qui est l'ultime responsable pour ce qui est des contrats de performance? D'autant plus que, si vous généralisez les contrats de performance dans les ministères, vous pouvez arriver avec sept ou huit contrats de performance. Et là le sous-ministre sera peut-être comme un genre de président de conglomérat – excusez l'expression. Comment le ministre peut, lui, dire: Je suis quand même responsable s'il y a une sorte de coupure entre les deux?

M. Doyon (Serge): Moi, je répondrais là-dessus qu'on dit aussi que le sous-ministre est imputable vis-à-vis de son ministre. Alors, il est évident, j'imagine, qu'avant de signer un contrat de performance avec l'unité administrative il va s'assurer avec son ministre des orientations. Alors, à ce moment-là, c'est pour ça que je pense que le sous-ministre, qui est imputable vis-à-vis de son ministre, s'il signe un contrat de performance avec une unité, il est dans le comment, il est dans la gestion des moyens, mais il se sera assuré, étant imputable vis-à-vis de son ministre, que les objectifs véhiculés dans le contrat de performance répondent aux orientations.

M. Matte (André): Si vous permettez un complément. Dans les faits, quand on parle de contrat de performance, vous avez raison, on va assister à la démultiplication des contrats de performance qui vont répondre à des mandats spécifiques que certaines unités à l'intérieur de certains ministères ont, des unités notamment opérationnelles à court terme. On peut imaginer que toutes les autres en auront.

Donc, on voit là que ça va s'inscrire – et c'est dit très clairement dans l'énoncé de politique – à l'intérieur des plans stratégiques des ministères. Donc, il y a un plan stratégique. Un des premiers éléments du contrat de performance, c'est effectivement aussi l'aspect stratégique de ce contrat de performance. Prenons le Centre de restauration des oeuvres, c'en est une unité autonome; donc, il doit se donner une planification stratégique.

Et nous disons là-dessus: Cette planification stratégique ne peut absolument pas être déconnectée de l'application stratégique du ministère de la Culture et des Communications, en l'occurrence, de telle sorte que le ministre a la responsabilité de signer ces grandes orientations à l'intérieur des plans stratégiques. Le fait de ramener le ministre à un plan, à un contrat de performance, on est vraiment dans des formes; on n'est pas sur le fond, dans un contrat de performance. Je comprends qu'il va y avoir beaucoup d'opérationnel là-dessus. On ne veut pas nier la responsabilité du ministre, mais on dit que ça devrait rester administratif. C'est les grandes distinctions que nous faisons, puisque c'est inclus dans la stratégie.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais me joindre à mon collègue pour vous féliciter pour la qualité du mémoire que vous avez soumis et la qualité, l'articulation des idées qu'on y retrouve. Un point. Je le soulève parce qu'on l'a soulevé aussi ce matin. On a fait une lecture indépendamment les uns des autres de l'énoncé de politique sur la gestion gouvernementale puis on est arrivé avec une même conclusion, qu'on a énoncée aussi ce matin, à l'effet qu'on était un peu surpris puis un peu déçu de voir que, dans l'énoncé de politique, on avait pris la décision de dichotomiser le quoi du comment puis de faire en sorte d'éviter de parler du quoi prétextant – un peu plus tard, le ministre nous a dit: Bien, nous, on pense que ça a été fait – que tout ce qui a été fait depuis trois, quatre ans fait en sorte qu'on devrait savoir ce que l'État doit faire et maintenant on doit gérer comment il doit le faire.

Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est un peu court comme raisonnement? Ou peut-être que vous n'avez tout simplement pas eu la même impression que nous avons eue à la lecture de l'énoncé de politique. Est-ce que cette espèce de non-arrimage entre le quoi puis le comment, c'est quelque chose qui vous a marqués, frappés ou qui vous a laissés tout à fait indifférents?

M. Matte (André): On n'a rien mis dans le mémoire. D'entrée de jeu, M. Léonard, lorsqu'il a déposé l'énoncé de politique, a été très clair là-dessus. Même si on n'a rien mis dans le mémoire, il est évident que les cadres – et je fais la tournée régionale au moment où on se parle – se posent cette même question-là. Nous considérons à 200 % que la responsabilité ultime de définir le quoi appartient aux élus. Nous considérons par ailleurs que personne n'est mieux placé que les cadres de la fonction publique québécoise et les fonctionnaires de la fonction publique québécoise pour éclairer les hommes et les femmes élus, pour leur dire ce que devrait être la fonction publique de l'an 2000. Nous n'avons pas fait de paragraphe là-dessus mais, puisque vous posez la question, nous l'évoquons.

Et nous croyons que les cadres... À l'ENAP, dans n'importe quel cours de formation que vous allez suivre, on va vous dire: Avant de poser le comment, réponds donc au quoi. Nous, comme cadres, on se fait dire par nos employés: Aïe! Avant, boss, de définir le comment là, veux-tu, tu vas définir le quoi? Nous ne voulons pas prendre la place des élus pour définir ce que devra être la fonction publique de l'an 2000. Cette fonction publique de l'an 2000 doit être là pour le développement du Québec et elle doit être là pour le développement régional, parce que c'est par là que ça passe. Et là il y a des façons de faire qu'on n'interpelle pas dans le présent mémoire. On parle du comment, on parle du cadre.

(16 h 50)

M. Chagnon: Je vous remercie beaucoup. Ça rejoint l'inquiétude qu'on avait, puis je rappelle que, nous, l'expérience qu'on a eue, c'est qu'on a fait littéralement une lecture indépendante puis on a dit: On s'asseoit puis on regarde c'est quoi, nos impressions du mémoire, puis on est arrivé exactement avec les mêmes conclusions au départ, conclusions qui ont été signalées par notre porte-parole ce matin.

Autre question. Même s'il m'apparaît un peu bancal parce qu'il ne s'adresse pas au but mais uniquement à la forme, à l'accessoire plutôt qu'à l'essentiel, dans le fond, est-ce qu'on ne peut pas dire que, pour qu'une réforme, qu'un mode de fonctionnement, qu'une nouvelle culture s'imprègne dans un milieu comme le vôtre, qui est un milieu extrêmement riche, le milieu le plus riche de la fonction publique, dans le fond – c'est le milieu des gestionnaires, c'est le milieu de ceux qui vont faire avancer un dossier comme celui-là – est-ce que la condition de base pour que la recette puisse prendre ce n'est pas la mobilisation de l'ensemble du personnel de la fonction publique et particulièrement l'ensemble des cadres pour pouvoir permettre la mise sur pied de façon structurée puis intelligente d'une culture comme celle-là à l'intérieur de notre secteur public?

M. Doyon (Serge): C'est essentiel, comme vous le dites, que les cadres soient entièrement mobilisés dans ce projet-là.

M. Chagnon: Au stade où nous en sommes, est-ce que vous avez l'impression qu'ils le sont suffisamment et qu'ils le seront?

M. Doyon (Serge): Oui. Je pense que M. Matte fait actuellement la tournée régionale. À chaque année, on fait une tournée régionale. On a eu beaucoup de commentaires avant de déposer notre mémoire et nous pouvons dire, je pense bien, que les cadres, ils sont engagés comme ils l'ont été depuis les dernières années. Je vous parlais tout à l'heure de l'historique depuis la commission Bisaillon. L'Association et les gestionnaires se sont toujours manifestés et ont toujours voulu être associés à tous ces projets de réforme. Alors, je peux vous dire qu'encore aujourd'hui nos gestionnaires sont résolument prêts à s'engager dans cette réforme-là, à condition qu'on y soit clairement associé et à condition qu'on respecte un petit peu les lacunes... On espère que le gouvernement nous entendra sur les quelques lacunes majeures que nous avons présentées. Mais je peux vous dire que les cadres, ils sont résolument engagés dans cette réforme-là.

M. Chagnon: Je pense que le fait d'avoir annoncé et énoncé que vous vouliez être intégrés puis avoir votre place à l'intérieur d'une part de la vision du gouvernement à l'égard des modifications à un cadre de gestion nouveau pour la fonction publique, je pense bien que le ministre a pris acte de ce que vous avez...

M. Léonard: Ils sont déjà sur un comité d'implantation.

M. Chagnon: Alors, vous avez pris non seulement acte, vous avez déjà commencé...

M. Doyon (Serge): C'est sûr.

M. Chagnon: C'est ça. Mais, si ce n'était pas le cas, vous pouvez compter sur nous pour pousser dessus pour que ça se fasse. On ne peut pas penser, on ne peut pas même rêver à mettre sur pied un cadre de gestion qui soit nouveau puis à exclure les principaux gestionnaires de ce cadre de gestion là, ou du moins de faire en sorte de les mettre dans les limbes. Ça ne peut pas fonctionner.

J'ai été un peu surpris aussi; je le dis pendant que le ministre est là et qu'il écoute attentivement. L'idée d'amener un avant-projet de loi en annexe à l'énoncé m'apparaissait un peu bizarre. Il me semble qu'on aurait pu attendre d'entendre tout le monde avant de préparer le projet de loi. Peut-être que je me trompe, peut-être que ça vous a plu que ça soit comme ça, mais vous, vous avez réagi comment avec ça?

M. Doyon (Serge): Bien nous, notre réaction à ça, c'est qu'on a actuellement une vision partielle des changements qui seront apportés, parce qu'on a un avant-projet de loi qui est surtout axé sur les rôles, les pouvoirs du Conseil du trésor. On parle évidemment d'harmonisation avec la Loi sur la fonction publique, la Loi sur l'administration financière. On ne connaît pas quels sont les changements qui vont être apportés, alors on a une vision un petit peu partielle de ces changements-là. Peut-être que l'avant-projet de loi, si on avait également les modifications qui vont être apportées aux autres lois... Parce qu'il y a quand même trois lois importantes dans notre gestion. On parle de cet avant-projet là, on a aussi la Loi de l'administration financière et la Loi sur la fonction publique. Ce sont les trois lois qui encadrent principalement la gestion gouvernementale. Actuellement, on n'a pas une vision totale et intégrée des changements qui seront proposés par le cadre de gestion.

M. Chagnon: Une dernière question, M. le Président, courte. Vous avez spécifié tout à l'heure que votre présidente est à l'extérieur du Québec sur le dossier GIRES. Si on n'a pas défini le quoi puis si on est en train de définir le comment, ça m'apparaît assez difficile – peut-être que je me trompe, encore une fois – d'établir quels seront les moyens de communication du type GIRES que nous devrions choisir collectivement ou comme État pour justement faire l'administration de l'ensemble des services rendus par la fonction publique du Québec. Ça ne vous apparaît pas curieux, non?

M. Doyon (Serge): Non. Moi, je pense que le GIRES... En fait, on parle d'un...

M. Chagnon: Ça fait des années qu'on parle de le changer mais il faut...

M. Doyon (Serge): ...produit intégré de gestion de ressources. On parle d'un produit qui est déjà implanté dans plusieurs entreprises, d'autres gouvernements. C'est un produit performant et je pense qu'on peut travailler sur GIRES indépendamment du quoi.

M. Chagnon: Même si on ne sait pas sur quoi on va travailler et comment on va le faire?

M. Doyon (Serge): Mais on sait comment travailler efficacement. GIRES nous permet de travailler efficacement. Donc, sur le comment, à ce moment-là, c'est un outil. C'est plus qu'un outil, ce sont des processus qui vont être passés, et c'est déjà éprouvé ailleurs, que c'est une façon performante de procéder.

M. Chagnon: Et un commentaire en terminant. En terminant pour vrai – ce n'est plus une question, c'est un commentaire – dans le document fourni par l'ENAP, l' Observatoire , je remarque qu'aux pages 26 et 88 il y a deux exemples: un aux États-Unis puis un second en Suède, où justement une des suggestions que vous formulez a été reprise. D'une part, aux États-Unis, on a permis l'utilisation de 2 % du surplus budgétaire pour récompenser la performance des employés. Mais on permet aussi à chacun des départements... il y a une autorisation aux organismes de garder 50 % des surplus de fin d'année pour chacun des crédits budgétaires, je présume.

En Suède, on a une mise en relation de la rémunération des cadres et du personnel avec une évaluation du rendement. On me dira que ça se fait aujourd'hui, mais c'est assez curieux que ça ne se fasse pas quand il n'y a pas le 2 % ou le 3 % de bonus dont on parlait tout à l'heure. Ça devrait se faire automatiquement ça. Non?

M. Doyon (Serge): Ce sont des exemples là. Il faudrait voir aussi que ça s'applique dans notre culture. Je veux dire, ce qui se passe dans d'autres... c'est des exemples intéressants, mais il faut s'assurer aussi que ces exemples-là sont possibles dans notre culture, dans notre organisation.

M. Chagnon: Mais j'ai remarqué qu'il y a des problèmes de rétention aussi au niveau des gestionnaires de l'État du Québec, des cadres. Si je me fie rien qu'à ce que je vois, par exemple, au gouvernement fédéral, bien il y a eu des modifications substantielles aux conditions de travail des cadres au gouvernement fédéral; donc, vous n'avez pas eu beaucoup d'écho de votre côté.

M. Matte (André): Nous présumons que les semaines à venir nous permettront d'avancer là-dedans.

M. Chagnon: Je vous le souhaite. Je nous le souhaite tous. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Très rapidement. Premièrement, merci beaucoup pour le sommaire à partir de la commission Bisaillon. Je trouve que vous êtes très poli de dire que c'est de la continuité. C'est peut-être un fait qu'on a fait le diagnostic il y a 18 ans, mais on trouve beaucoup de difficultés à mettre ça en place et à poser des gestes plutôt concrets. Et, sur ça, votre sixième recommandation, c'est: «Que le gouvernement développe [...] des incitatifs à la performance.» Autre que l'argent, est-ce que l'Association s'est penchée sur c'est quoi les autres incitatifs qu'on peut mettre en place pour améliorer, pour reconnaître la bonne performance d'une équipe, d'une direction? C'est quoi, vos pistes de réflexion là-dessus?

M. Doyon (Serge): Oui. Actuellement, c'est en discussion. On travaille de façon continue avec les gens du Secrétariat du Conseil du trésor dans le cadre de tout le dossier de rémunération globale et on essaie aussi de voir ce qui existe ailleurs comme mesures de reconnaissance de la performance. C'est sûr qu'il y a la rémunération ou il y a d'autres mesures. Je pense que c'est en concertation avec les gens du Secrétariat du Conseil du trésor que nous arriverons à définir ce que pourraient être ces autres mesures là, mais on prend aussi exemple sur ce qui existe ailleurs.

M. Kelley: Est-ce que le temps est une des choses? Parce que, moi, je pense aux jeunes couples où les deux doivent travailler. J'imagine, si l'équipe est performante, qu'un jeune père ou une mère de famille pourrait passer plus de temps à la maison avec les vendredis de congé ou je ne sais pas trop quoi. Est-ce que c'est parmi les choses qu'on a regardées?

M. Doyon (Serge): Ça peut faire partie. Il y a un éventail de possibilités, de mesures d'intéressement, et il y a certaines mesures qui peuvent être complémentaires l'une de l'autre aussi. Alors, je pense qu'actuellement c'est déjà en discussion. Effectivement, ce qui est important, par contre, ce qu'on considère, c'est qu'on reconnaisse, à l'intérieur du cadre de gestion, la nécessité de mettre en place des mesures d'intéressement à la performance.

M. Kelley: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Portneuf): Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, il me resterait à remercier les représentants de l'Association des cadres du gouvernement du Québec pour leur contribution à nos travaux: M. Serge Doyon, vice-président de l'Association et M. Matte vice-président exécutif et directeur général.

Ayant épuisé notre ordre du jour, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, 9 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 heures)


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