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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, October 18, 1977 - Vol. 19 N° 207

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des problèmes de rentabilité de l'industrie des pâtes et papiers du Québec


Journal des débats

 

Etude des problèmes de rentabilité

de l'industrie des pâtes et papiers

du Québec

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

Reprise des travaux de la commission des richesses naturelles et des terres et forêts, sur l'étude des perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Les membres de la commission pour la présente séance seront: MM. Baril (Arthabaska), Bérubé (Matane), Bordeleau (Abitibi-Est); M. Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de M. Brochu (Richmond); M. Desbiens (Dubuc); M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M. Grégoire (Frontenac); M. Gendron (Abitibi-Ouest) en remplacement de M. Joron (Mille-Iles); MM. Larivière (Pontiac), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Marcoux (Rimouski), Marquis (Matapédia), Mercier (Berthier), O'Gallagher (Robert Baldwin); M. Gagnon (Champlain) en remplacement de M. Perron (Duplessis).

Les organismes convoqués dans l'ordre et qui vont être entendus aujourd'hui à cette commission sont: Papier Cascade Inc., l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, le Syndicat canadien des travailleurs du papier et la Fédération des travailleurs du Québec, l'Association des propriétaires de boisés privés du Québec et M. Bertrand Harvey à titre personnel. J'inviterais maintenant le porte-parole de Papier Cascade Inc. à bien vouloir nous présenter son mémoire et à nous présenter celui qui l'accompagne.

Papier Cascade Inc.

M. Lemaire (Bernard): Je veux présenter ici le directeur de l'usine de Cabano, M. Martin Pelletier, et moi-même, Bernard Lemaire, président de Papier Cascade. M. Martin Pelletier vous lira le mémoire qu'on a préparé. On a essayé de résumer dans ce mémoire un peu ce que notre jeune compagnie pense des pâtes et papiers. M. Pelletier va vous lire le mémoire.

M. Pelletier (Martin): M. le Président, MM. les députés, comme nous sommes une jeune compagnie, nous aimerions peut-être au départ faire un peu l'historique de sa formation. Papier Cascade Inc. fut fondée en 1964. Notre but était la production de papiers et cartons spécialisés en utilisant des papiers de rebuts comme matière première.

Nous avions alors acheté l'ancienne usine de Dominion Paper, située à Kingsey Falls. Cette usine, construite en 1980, était fermée depuis 1957. En 1967, Papier Cascade Inc. s'est associée à la Canadian Johns Manville Co. Ltd pour fonder

Papier Kingsey Falls Inc. Le but était la production de papier à base d'amiante.

En 1974, Papier Cascade Inc. est devenue partenaire dans Papier Cascade Cabano Inc. Nous avons construit l'usine de papier pour cannelures qui est en opération depuis septembre 1976.

Cette année, à la suite de notre association avec un distributeur, nous avons entrepris la construction d'une usine pour produire des papiers hygiéniques. La mise en eau de la machine se fera à la fin de cette année.

Malgré notre brève expérience dans le secteur des pâtes et papiers, nous désirons faire part à la commission de nos commentaires sur quelques-uns des thèmes proposés. Nous espérons qu'ils pourront contribuer à faire progresser les travaux de la commission.

Nous aimerions maintenant traiter de la modernisation.

Lorsqu'en 1964, nous avons acheté une usine dont les équipements dataient de 1890, il est certain que nous achetions en même temps un problème de modernisation. Après une mise en opération difficile, nous avons réussi à manufacturer des produits spécialisés dont les volumes n'avaient aucun attrait pour la grande entreprise. Le prix payé pour ces produits nous permettait de faire fonctionner la machine même si le tonnage était peu élevé. Nous produisions alors 20 tonnes par jour avec une machine de 84 pouces de largeur. Le nombre d'employés était de 25.

Au cours des années qui suivirent, nous avons constamment investi la majeure partie de nos profits pour la modernisation. Les investissements avaient pour but d'améliorer la machinerie, augmenter la production, abaisser nos coûts de fabrication, permettre le développement de nouveaux produits et assurer à nos employés une continuité de leur emploi. Etant une jeune compagnie, nous n'avons pas à faire face à des normes établies de main-d'oeuvre et de productivité, lesquelles sont parfois des objections majeures à des programmes de modernisation.

Ce premier défi relevé, nous avons entrepris un programme d'expansion et de diversification. Vinrent alors s'ajouter deux nouvelles usines, la première pour produire des alvéoles en pâte moulée utilisant des papiers bruts comme matière première, et la seconde pour la fabrication de contenants en mousse plastique utilisés dans l'industrie alimentaire. Dans les deux cas, nous avons profité de la disponibilité d'équipements usagés.

Lors de notre association avec la Canadian Johns Manville Co. Ltd., pour la fabrication de papier d'amiante, nous avons acheté et reconditionné une machine à cylindre usagée sachant bien que celle-ci répondrait aux besoins d'une production spécialisée. Aujourd'hui, cette unité fonctionne efficacement et, comme dans les cas précédents, nous investissons annuellement une partie des profits pour assurer la continuité des activités.

En conséquence nous croyons donc qu'il est possible, dans certains cas, de continuer à utiliser de vieilles machines, mais à la condition que celles-ci puissent être adaptées à des produits spécialisés.

Nous aimerions maintenant traiter de Papier Cascade (Cabano) Inc. Cette unité fonctionne présentement avec succès et nous espérons que très bientôt elle aura atteint le seuil de la rentabilité.

Nous aimerions faire part à cette commission que notre principale préoccupation fut les risques que nous avons dû prendre pour que cette entreprise puisse rouler à des coûts de fabrication compétitifs.

Ces risques furent les suivants: l'utilisation d'un nouveau procédé de fabrication sans soufre. L'utilisation d'unités de fabrication avec le minimum d'effluent afin de diminuer les dépenses requises pour satisfaire les normes des services de protection de l'environnement, ainsi le volume d'effluent fut établi à cinq fois plus bas que la pratique courante. Finalement, l'utilisation d'un procédé d'incinération à lit fluidisé pour les résidus de la liqueur de cuisson sans soufre. Ce procédé n'avait jamais été expérimenté avec ce type de produit.

Aujourd'hui, nous sommes heureux de constater que tous ces risques furent un excellent investissement, lequel contribue au succès de cette opération

Cette expérience démontre que, pour progresser et se moderniser, l'industrie devra prendre de nombreux risques. Nous souhaitons qu'il y ait de la part du gouvernement un encouragement envers de telles initiatives. Aujourd'hui, nous ne voulons pas nous arrêter à penser quel aurait pu être le coût additionnel si nos initiatives n'avaient pas eu de succès.

Nous désirons porter à votre attention deux autres éléments qui sont avantageux pour l'usine de Cabano. Premièrement, un rayon d'approvisionnement en matière première inférieur à cinquante milles et, deuxièmement, un traitement complet des eaux usées. Le premier élément montre l'importance de situer nos nouvelles usines là où se trouve la matière première. Le second a prouvé qu'il est possible, avec des installations adéquates, de traiter les eaux usées d'une usine de pâtes et papiers même si celle-ci doit rejeter ses effluents dans un lac.

Papier Cascade (Cabano) Inc., est le résultat d'une association gouvernementale, population et industrie dans le secteur des pâtes et papiers.

Après une année d'opération difficile, due principalement à la faible demande pour ce produit, il nous apparaît prématuré de faire une analyse complète de cette intervention. Toutefois, nous sommes en mesure de recommander à la commission d'encourager une intervention limitée du gouvernement dans le secteur des pâtes et papiers.

Main-d'oeuvre. Depuis le début de nos opérations, notre mode de gestion a toujours permis de faire confiance à nos employés. Ceux-ci, en retour, démontrent un intérêt marqué pour leur travail et le succès de nos entreprises y est relié. A Cabano, nous avons fait confiance aux travailleurs en leur confiant des postes qui, traditionnellement, étaient réservés à des personnes expérimentées. Nous leur avons enseigné et les résultats obtenus ont de loin dépassé nos prévisions. Notre principe est de construire et d'opérer des unités auxquelles les travailleurs peuvent s'identifier et dans lesquelles ils sont heureux de travailler. Depuis quelques années nous avons reconnu et adopté le principe du partage des profits avec nos employés. Cette initiative, nous le croyons, répond aux désirs de nos employés. A la fin de 1977, notre huitième unité de production sera en opération et le nombre total de nos employés passera de 310 à 360.

Recherche et développement. Récemment, lors de l'étude d'un nouveau projet, nous avons reçu des propositions pour essayer une nouvelle technologie. Elle s'appliquerait à une section qui a peu évolué dans la fabrication du papier, soit le séchage. Cette nouvelle technologie permettrait de réduire les investissements de base tout en assurant la conservation de l'énergie. Dans ce domaine, comme dans d'autres, il y a possibilité pour innover, mais nous considérons, dans certains cas, que les risques sont trop grands pour être absorbés uniquement par l'industrie. Il est souhaitable qu'une aide gouvernementale soit disponible si l'application de nouvelles technologies ne donnait pas les résultats escomptés.

Utilisation des résidus du bois. Nous songeons ici à l'utilisation des résidus comme carburant pour produire de la vapeur et de l'électricité. La hausse constante du prix de l'huile et de l'électricité rendra cela possible plutôt dans le cadre de nouveaux complexes situés près des sources d'approvisionnement.

Lors de l'étude d'un nouveau projet, nous avons songé à cette possibilité, mais les sommes à investir et le manque de garantie d'approvisionnement en résidus nous ont forcés à abandonner cette option.

En conséquence, nous croyons nécessaire que le gouvernement subventionne ce genre de projet et qu'il s'engage à assurer une garantie d'approvisionnement par l'intermédiaire de travaux sylvicoles.

En conclusion, depuis le début de nos opérations en 1964, nous avons toujours eu confiance en l'avenir de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Les éléments essentiels pour la garder concurrentielle sont toujours disponibles et nous croyons que les formules décrites précédemment ont encore des chances de succès dans l'avenir.

Si vous avez des questions.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Matapédia.

M. Marquis: Je voudrais remercier Papier Cascade Inc., de nous avoir expédié un mémoire et d'être ici ce matin pour le présenter. Je suis également heureux de saluer en la personne de M. Lemaire un jeune industriel québécois qui a fait ses preuves dans une industrie difficile à cause de la concurrence.

Ma première question est celle-ci. A la page 5 de votre mémoire, suite aux résultats obtenus à Cabano et par suite d'une association gouvernement, population et industrie, vous mentionnez que vous êtes en mesure de recommander à la commission d'encourager une intervention limitée du gouvernement dans le secteur des pâtes et papiers. Qu'entendez-vous d'abord par cette intervention limitée et quelle pourrait être la nature de cette intervention dans des projets à venir?

M. Lemaire: Quand je parle de limiter, je veux dire, toujours laisser l'initiative à l'entreprise privée, mais une participation du gouvernement est utile pour le financement et aussi pour l'approvisionnement. Comme les approvisionnements sont contrôlés par le ministère, on a besoin du gouvernement dans ces projets. Si les tâches sont bien définies et que chacun des partenaires a une tâche définie dans le projet, il y a possibilité de le réaliser. Quant à l'expérience que nous avons eue à Cabano, il y avait eu des contrats de signés avant la mise en chantier ou l'exploitation de l'usine et il n'y a eu aucune intervention gouvernementale au cours de la construction ou de la politique dans la mise en chantier de Cabano. Je l'ai apprécié; c'est pour cette raison que je dis que c'est possible. Mais il ne faut pas que les interventions gouvernementales fassent que la politique puisse s'ingérer dans la mise en chantier ou dans l'exploitation de l'usine. Il faut demeurer dans le domaine des affaires et j'ai encore confiance dans l'initiative privée pour réussir.

M. Marquis: Pour faire suite, vous dites, en page 6, que votre principe est de construire des unités auxquelles les travailleurs peuvent s'identifier et dans lesquelles ils sont heureux de travailler. Je pense à ce que vous avez fait à Cabano. Quand vous parlez d'unités auxquelles les travailleurs peuvent s'identifier, est-ce qu'il s'agit uniquement de la taille des entreprises, ou s'il y a autre chose, par exemple, des contacts humains plus faciles et personnalisés, des responsabilités accrues, un partage de bénéfices, comme vous l'avez mentionné? Est-ce qu'il s'agit de tout cela ensemble?

M. Lemaire: Oui, c'est un ensemble et je crois qu'il faut réaliser, aujourd'hui, avec les problèmes qui existent entre patrons et employés, qu'il faut peut-être tendre à une autre formule, pour que les employés aient un certain intérêt. Un employé travaille aujourd'hui, mais son devoir n'est pas le même que celui qui existait il y a 25 ou 30 ans, où le père de famille était obligé d'apporter un revenu à la maison, s'il voulait faire vivre ses enfants. Aujourd'hui, vous avez le bien-être social, vous avez toutes sortes de choses qui permettent d'avoir un revenu. La personne ne cherche pas seulement à vivre, elle peut avoir un autre intérêt dans son travail. Je pense qu'à Cabano et dans nos entreprises la fierté du travail accompli est nécessaire pour avoir une bonne entente dans l'usine. Si la personne ne vient que chercher un salaire, vous avez un paquet de problèmes qui entravent la production et nuisent à son efficacité.

C'est peut-être difficile d'inculquer cette attitude, si l'usine est immense; si vous avez 1000 employés, c'est beaucoup plus difficile. Dans une petite unité d'environ une centaine d'employés comme à Cabano, c'est possible de l'inculquer. Mais il faut s'impliquer. Il faut que les patrons et les directeurs d'usine soient sur le même pied que les employés et que chacun admette qu'il peut y avoir un patron, mais ne se sente pas brimé par les ordres qui sont donnés. Les ordres peuvent venir de quelqu'un. Les employés admettent que des ordres peuvent être donnés, mais il y a une manière de les donner. Il faut pouvoir comprendre les ordres qui sont donnés. L'employé peut comprendre et peut demander des explications.

Moi, je suis très près de mes employés quand je travaille avec eux et toutes les personnes cadres qui exploitent l'usine à Cabano ou toutes nos autres usines sont près des employés. C'est la première chose que je leur demande, qu'ils soient près des employés. On peut déceler plus facilement s'ils ont des problèmes, les contacts sont faciles entre le patron et l'employé.

M. Marquis: Mais vous restez toujours le patron et, quand il y a une décision importante à prendre pour l'orientation ou l'avenir de votre ou de vos usines, vous restez quand même avec votre parole et votre décision est quand même prépondérante à ce moment-là?

M. Lemaire: Oui, et l'employé admet facilement cette chose. C'est naturel qu'il y ait un patron et il l'admet, s'il peut comprendre pourquoi on donne cet ordre.

M. Marquis: Jusqu'à présent, M. Lemaire, vos activités ont été limitées à des secteurs de marché plutôt restreints. Je pense que vous l'avouez vous-même dans le mémoire. Pour certaines unités, vous ne pouviez réaliser de grandes économies d'échelle, ce qui peut vous causer des problèmes à certains moments. Si vous aviez à envisager l'implantation de plus grandes unités de production, compte tenu des témoignages qui ont été rendus ici à la commission parlementaire par presque toutes les grandes compagnies de pâtes et papiers, est-ce que votre approche serait encore applicable? Pour ce faire, compte tenu que je suis député de Matapédia — vous savez que ce projet me tient à coeur — si vous l'appliquez à un projet comme celui de la papeterie de la Matapédia, quelles seraient vos conclusions à ce moment-ci? Puisque vous cheminez dans le dossier depuis assez longtemps, quelle serait votre position face à l'implantation d'une papeterie de ce genre?

M. Lemaire: J'ai toujours dit qu'il fallait s'assurer d'un marché avant de commencer un projet comme celui-là. J'en reste à cela. Il faut être conscient que nous devons avoir un débouché pour nos produits. Les grandes compagnies se disent que le marché n'est peut-être pas existant,

mais quand on parle d'une papeterie, on parle toujours d'une période de construction de trois ans. Quel sera le marché dans trois ans? Si les études sont bonnes, on devrait avoir une demande de papier journal d'ici trois ans. Il y a peut-être des possibilités. Cependant le premier critère, je crois, c'est de trouver un marché pour les produits. Cela peut être réalisé. Il ne faut pas oublier que, s'il y a de grandes compagnies, elles augmentent leurs unités de production. Elles sont toujours là pour prendre le marché. Si personne ne fait une poussée pour essayer de le pénétrer, quatre ou cinq seulement vont contrôler le marché. Mettre une unité de production ou augmenter leur production pour prendre le marché, pour elles, c'est assez facile.

La pénétration du marché n'est pas facile pour une petite compagnie. Je peux vous parler de notre petite compagnie. On a commencé avec une usine qui produisait vingt tonnes par jour. Quand on avait vingt tonnes par jour, c'était beaucoup trop pour les grandes compagnies. On n'était pas capable de pénétrer le marché. On nous disait qu'on nuisait au marché, qu'on ne devrait pas être là, qu'on ne devrait pas exister.

On a monté des unités de 50, 75 tonnes. Toutes les fois qu'on a pénétré ces marchés, c'était trop pour le marché. Il ne faut pas se leurrer. Il y a toujours trop de production. On a eu à faire face à une période de pénurie en 1973. Elle a duré seulement six mois. On a toujours un surplus de production. Toutes les usines ont un surplus de production, mais pour faire sa place au soleil, il faut prendre des initiatives et essayer de faire notre marché.

J'ai toujours dit: On va trouver notre place. A Cabano, on est la plus grosse usine de papier à cannelures au Canada. Ce n'est pas facile de pénétrer le marché. Les autres compagnies ont toujours dit: II y a trop de papier sur le marché dans le moment. La première des choses, qu'est-ce qu'elles ont fait dans le temps qu'on construisait Cabano? Elles ont augmenté leur production. Cela veut dire que la demande était là. Si Cabano n'avait pas fonctionné, elles étaient déjà prêtes à prendre le surplus de production. Cabano a pénétré le marché. On pénètre le marché dans le moment. C'est très difficile. Je ne vous dirai pas que c'est facile, mais on pénètre le marché. On va essayer de faire notre place au soleil. On va essayer de s'intégrer. On va essayer de faire quelque chose pour avoir notre part du marché. L'augmentation du volume va être là dans les cinq prochaines années, si cela augmente de 5% à 7% par année. On va prendre cette partie pour nous. Peut-être que les autres concurrents vont être retardés dans leur développement, mais c'est nous qui allons avoir pris le développement de l'augmentation de la production qu'il pouvait y avoir.

Il ne faut pas se leurrer. Ce sont des gros volumes. On ne peut pas partir avec une petite unité qui va prendre 5% du marché. Il faut arriver avec une unité sur le marché qui prend peut-être 25% du marché. Si vous comptez une augmentation de 5% ou de 7% par année, vous avez quatre ans avant d'avoir votre part du marché. Il faut faire cela, mais il faut aller la chercher dans le moment. Je pense que c'est cela qu'on réalise à Cabano. Ce sera un peu comme cela dans toutes les autres usines qui seront implantées parce que, le jour où il y aura du marché, si on n'est pas là pour le prendre, les compagnies le savent. Elles ont des prévisions et elles vont mettre une unité. Vous allez avoir des nouveaux développements. Il va se faire une nouvelle unité de production. Ce n'est pas facile de pénétrer les ventes. Le gros problème, c'est d'être capable de vendre nos produits. Il va falloir les développer, il va falloir...

M. Marquis: Concernant maintenant les approvisionnements, et toujours un peu sur le même sujet, vous mentionnez qu'un des éléments importants, c'est le rayon d'approvisionnement en matière première. A Cabano, vous vous approvisionnez à une distance inférieure à 50 milles. Est-ce que vous êtes d'avis également qu'on doit implanter de nouvelles usines là où se trouvent les sources d'approvisionnement pour diminuer les transports? Parce que je ne vous cacherai pas qu'après deux semaines, comme je l'ai dit tantôt, toutes les grandes compagnies s'opposent à l'ouverture de nouvelles industries. On sent qu'elles ne sont pas favorables à implanter de nouvelles usines de pâtes et papiers dans l'Abitibi, par exemple, ou encore dans la Gaspésie, où, traditionnellement, on a été des régions exportatrices, des régions-ressources pour d'autres régions. Quel est votre avis là-dessus, à la suite de vos... Précisez davantage ce que vous avez dit dans votre mémoire.

M. Lemaire: C'est un avantage d'être près de l'approvisionnement, mais vous avez parfois un désavantage qui est l'expédition de vos produits. Pour vous expliquer cela, dans le moment, on a le plus bel exemple à Cabano pour les coûts de transport, la différence de nos coûts de transport. Cabano ne possède pas de chemin de fer. On a fait presque toutes les expéditions par camion. Pour charger par chemin de fer, il faut se rendre à Edmundston au Nouveau-Brunswick. C'est la place la plus rapprochée. Si on demande un taux de fret, comme le volume du papier à cannelures pour les exportations est aux Etats-Unis, dans la région de Chicago et ces endroits, le CNR nous charge un taux pour le chemin de fer d'environ $60 la tonne. On traverse le pont à Edmundston pour Madawaska, on prend le chemin de fer américain, ce qui nous donne un coût de transport de $37 comptant les échanges, comptant tout pour expédier au même endroit. Vous avez une différence de $20 la tonne dans les coûts de transport. Pour la même distance, vous avez un chemin de fer américain et un chemin de fer canadien environ à 1000 pieds, pas plus de 1000 pieds l'un de l'autre, mais vous avez $23 la tonne de différence dans les coûts de transport.

C'est un désavantage qu'on peut avoir au Canada si on implante des usines et qu'on n'a pas de meilleurs coûts de transport. Si on implante des usines loin du marché, c'est bien; on est près de

l'approvisionnement en forêt, mais on est loin du marché et si on ne peut pas avoir des bons coûts de transport pour expédier nos produits finis, on est bien désavantagé. C'est certain qu'une usine américaine, qui est implantée dans le sud des Etats-Unis, où est le marché, est près de la matière première et, l'expédition est meilleur marché. Il faut certainement avoir un coût de transport qui est meilleur marché que dans le moment. Je ne comprends pas qu'on puisse avoir une telle différence. On pourrait admettre une différence de 5%, 10%, mais pas une différence de 35% dans les coûts de transport. On n'a qu'à traverser la rivière, on change de pays et nos coûts de transport ne sont pas les mêmes. Ces compagnies de transport, à Bangor, Maine, font le tour par Boston pour se rendre à Chicago. Elles font un trajet plus long que le CNR et elles sont quelque $20 meilleur marché.

M. Marquis: Maintenant, concernant justement le coût de transport, il y a quelques années, le transport se faisait, et je me demande s'il ne se fait pas encore ainsi, on prenait notre bois dans la vallée de la Matapédia pour le transporter ici, à Québec, à Trois-Rivières et ailleurs. Là, il va un peu plus proche, à Rivière-du-Loup; au sujet de la différence entre le transport du produit fini, qu'est le papier, par exemple, et le transport du bois rond, sous forme de pitoune, est-ce que, si les usines sont plus près, comme Rivière-du-Loup l'a prouvé, il y a un avantage? Est-ce que, d'après vous, le coût de transport du papier fini coûte moins cher que le coût de transport du bois non fini?

M. Lemaire: Non, je ne peux pas vous donner de réponse. Je n'ai jamais vérifié le coût par barge ou ces choses-là. Je ne peux pas vous donner de réponse.

M. Marquis: Une dernière question en ce qui me concerne, M. Lemaire. A la page 7 de votre mémoire, que voulez-vous dire par ceci: "II est souhaitable qu'une aide gouvernementale soit disponible si l'application de nouvelles technologies ne donnait pas les résultats escomptés"? Parce que vous avez fait cette expérience. Alors, est-ce que vous anticipez des difficultés d'avenir pour de nouvelles technologies qui seraient encore plus à l'avant-garde que celles que vous avez appliquées?

M. Lemaire: Oui. L'intervention gouvernementale était peut-être une chose — vous êtes au courant du projet de l'usine de Cabano — forcée par la population. Cela a été implanté là. Le gouvernement était bien impliqué dans le projet de Cabano. On a pu mettre de nouvelles techniques. Je vais vous dire franchement, les risques ont été pris, mais je ne crois pas qu'une compagnie privée, avec actionnaires, aurait pu prendre les risques qui ont été pris à Cabano. Parce que la nouvelle technologie qu'on a mise en place à Cabano, il faut dire que Papier Cascade n'était pas capable de la subir. Mais on savait que le gouvernement était à 50% à l'appui de ce projet et ce gouvernement était pris avec le projet, pour vous dire franchement. Il fallait qu'il se réalise; il fallait qu'il fasse quelque chose.

On a réussi avec les nouvelles techniques, mais, comme on a dit dans le mémoire, s'il avait fallu que ces nouvelles techniques ne fonctionnent pas, l'usine de Cabano était implantée là, on était sur un lac. Le service de l'environnement aurait dit: Fermez l'usine; vous ne fonctionnez pas. Vous ne pouvez pas fonctionner selon ce procédé. C'était l'un ou l'autre. On fermait l'usine ou on essayait de nouvelles techniques. C'étaient des investissements... Le projet a réussi. On a mis des efforts. On a mis toute la technique qu'on pouvait trouver. Techniquement, c'était censé fonctionner; l'usine a fonctionné.

Ce n'est peut-être pas encore la perfection, mais ça fonctionne. C'est déjà un avantage. C'est ce que je veux dire dans le mémoire.

Si on implante dans le papier journal... Dans le domaine du papier journal, il y a eu des améliorations au cours des dix dernières années avec la pâte thermomécanique, la formation avec deux toiles, ce sont des avantages, mais, comme on l'explique ici, il y a encore des développements à faire pour rendre une usine peut-être plus concurrentielle avec les autres marchés. Ces techniques sont dans la section du séchage, dans la fabrication d'énergie à base des résidus du bois. Mais je ne crois pas que personne, dans le moment... Ce que je veux mentionner ici, c'était une partie du séchage. C'est un séchage à air forcé. Je ne crois pas qu'une compagnie indépendante ne veuille risquer ce projet, mais c'est peut-être l'avenir des machines à 6000 pieds. Dans le moment, le maximum des machines à papier, c'est 3000 pieds. Mais l'avenir des machines, c'est peut-être 6000 pieds. Si, avec la même unité, vous pouvez produire deux fois plus... La technique, dans le moment, où on est arrêté est dans le flottage, dans la section du séchage. On ne peut pas aller plus vite que 3000 pieds avec le papier journal. Mais cette possibilité existe avec l'air forcé pour sécher le papier, et il y aura une économie d'énergie, mais qui peut assumer le risque? Les compagnies ne sont pas prêtes à prendre le risque. Cela prend peut-être un organisme gouvernemental.

Peut-être qu'avant d'investir des milliards dans les pâtes et papiers, il y a lieu d'étudier pour savoir s'il n'y a pas de nouvelles techniques qui peuvent être appliquées pour investir dans le futur. Je crois que si cette technique est prouvée, les compagnies indépendantes seront prêtes à risquer après; elles prendront ces unités, le gouvernement n'aura pas besoin d'investir d'argent parce que ces compagnies, s'il y a un profit à faire, investiront dans le développement de cette technique, mais cette technique peut coûter très cher; elle peut peut-être coûter $50 millions, si cela ne réussit pas. Ce sont ces risques que le gouvernement pourrait peut-être prendre pour l'avancement de la technique dans le domaine du papier.

M. Marquis: Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. Lemaire, de votre mémoire. Seulement deux ou trois questions.

A la page 5, vous dites: Cette expérience démontre que, pour progresser et se moderniser, l'industrie devrait prendre de nombreux risques. Nous souhaitons qu'il y ait de la part du gouvernement un encouragement envers de telles initiatives.

Pouvez-vous nous donner des exemples des initiatives que vous pouvez suggérer?

M. Lemaire: C'est un peu ce que je viens d'expliquer. Je suis peut-être rêveur, mais j'ai ma conception d'une nouvelle usine de papier journal, du développement à envisager pour le futur, pour ce que seront les usines de développement dans dix ans. Notre avantage, ici, au Canada, était en 1929 et 1930, qu'on avait des machines de 240 pouces. Cela a été à notre avantage, on a tenu le marché du papier journal pendant des années à cause des machines de cette largeur et qui ont été construites durant ces années. Avec les années, notre avantage a disparu parce qu'ailleurs on avait des machines plus rapides et aussi larges et même plus larges; même ici, au Canada, on a mis en usage des machines plus larges. Mais, aujourd'hui, il y a de nouvelles techniques, qui sont plus avancées, mais personne ne veut s'y risquer dans le moment. Peut-être le gouvernement pourrait-il encourager cet effort. Le "paper dryer " a été développé au Canada, c'est une invention canadienne, québécoise, mais personne ne veut s'y risquer, c'est seulement en laboratoire, il faudrait qu'on courre le risque de l'essayer un jour sur une base commerciale pour savoir ce que cela va donner comme produit. Cela peut être un avantage qu'on peut avoir pour faire avancer les pâtes et papiers, surtout le papier journal; cela ne s'appliquerait pas aux autres sortes de papiers, cela s'appliquerait au papier journal exclusivement.

M. O'Gallagher: Suggérez-vous au gouvernement d'aller chez vous et de faire exactement ce que vous suggérez?

M. Lemaire: Oui, dans le projet Matapédia, j'ai peut-être glissé quelques mots à ce sujet et j'en profite ici pour le dire, c'est peut-être rêver, si on veut présenter un projet à des créanciers avec des chances de rentabilité et, si on a un point d'interrogation tel que ce point d'interrogation, il n'y a pas un créancier qui va vouloir nous financer, parce qu'il y a trop de points d'interrogation. La rentabilité ne peut être assurée. Si cela ne réussit pas, que fait-on de la rentabilité de notre usine? Ce sont des millions qui disparaissent. Ce projet ne peut pas être mis en marche, même les compagnies privées qui possèdent des millions ne veulent pas courir ce risque. C'est un problème; je suis peut-être un gars qui aime le risque, mais j'aimerais voir cette technique se développer, car c'est l'avenir. Malgré le peu de connaissances que j'ai dans les pâtes et papiers, je dirais que c'est peut-être la solution de l'avenir pour reprendre l'avance sur les autres pays dans la production du papier journal.

M. O'Gallagher: Le gouvernement est-il sympathique à votre projet Matapédia?

M. Lemaire: Je n'ai pas vraiment soumis ce projet de façon précise. J'en profite aujourd'hui pour le dire publiquement, mais ce n'est pas le gouvernement qui pourra le faire; c'est peut-être à nous de nous impliquer, nous de Papier Cascade, dans un projet comme celui-là. Je n'aime pas être... On a fait un projet avec le gouvernement, mais je ne veux pas qu'on nous accuse d'être une compagnie qui profite du gouvernement pour faire des investissements pour de telles choses. Je le soumets ici, le gouvernement pourra prendre des initiatives, s'il le veut; on est prêt à collaborer, mais j'aimerais mieux que l'initiative vienne du gouvernement plutôt que de nous.

M. O'Gallagher: REXFOR est-elle impliquée dans ces discussions ou cette étude, étant donné qu'elle est propriétaire de 5% de vos actions?

M. Lemaire: Oui, elle a participé à quelques réunions pour le développement du nouveau projet.

M. O'Gallagher: En parlant, tout à l'heure, des coûts de transport au Canada par rapport aux coûts au Etats-Unis, les coûts aux Etats-Unis, dans le Maine notamment, sont-ils subventionnés directement par le gouvernement fédéral?

M. Lemaire: Je ne sais pas s'ils sont subventionnés...

M. O'Gallagher: Pour qu'il y ait un écart de $23 la tonne...

M. Lemaire: Je ne peux pas vous dire s'ils sont subventionnés.

M. O'Gallagher: Une dernière question. Quelle est l'influence de votre usine de Cabano sur l'usine de CIP à Matane au point de vue du partage du marché, etc?

M. Lemaire: Je crois que l'usine de Matane en subit les conséquences. Elle est obligée de fermer quelques semaines de temps en temps parce que nous sommes sur le marché.

M. O'Gallagher: Depuis que vous êtes sur le marché?

M. Lemaire: Oui, je l'admets. A Matane aussi, on travaille fort pour reprendre une partie du marché en même temps que nous. Vous savez ce que sont les affaires. Vous avez tous été en affaires. Il faut se défendre et il faut se battre pour avoir chacun sa part du marché. Il faut aller la chercher. Je ne pense pas que CIP soit... Les

quelques semaines qu'elle perd par année dans le moment, elle va essayer de les combler par des acquisitions ou quelque chose comme cela. Elle est intégrée; avec cette intégration, elle peut trouver un débouché sur le marché des boîtes "corrugated". J'ai confiance qu'elle ne se laissera pas faire tellement longtemps.

M. O'Gallagher: Merci, M. Lemaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, permettez-moi d'abord de remercier la compagnie Papier Cascade de nous avoir présenté ce mémoire, et peut-être plus que d'autres, parce que j'ai eu le plaisir de visiter les deux usines, d'abord celle à Kingsey Falls puis aussi celle de Cabano.

M. Lemaire, quelle est votre capacité à Kingsey Falls actuellement?

M. Lemaire: A Kingsey Falls, on a plusieurs unités. On a une unité qui produit environ 55 tonnes par jour de papier spécialisé. On a une autre unité qui fabrique du papier d'amiante, entre 150 et 175 tonnes par jour; si vous ajoutez les alvéoles qui sont des contenants pour les oeufs, en papier mâché, c'est une unité qui emploie de dix à douze tonnes de papier par jour. On fait 130 000 unités par jour pour les contenants d'oeufs. On a une nouvelle usine qui va avoir une capacité de 55 tonnes par jour de papier hygiénique, soit le papier essuie-mains et ces choses-là; la production va débuter en janvier.

M. Russell: Cela veut dire environ 280 tonnes à Kingsey Falls?

M. Lemaire: A Cabano, l'usine a une capacité de 250 tonnes par jour.

M. Russell: Elle fonctionne actuellement à quel pourcentage de sa capacité?

M. Lemaire: A Cabano, on travaille cinq jours par semaine. On fabrique environ 1000 tonnes par semaine.

M. Russell: 1000 tonnes par semaine, 50 000 tonnes par année. Dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez de la recherche qui devrait être faite par le gouvernement. Etes-vous d'opinion que le gouvernement devrait s'impliquer beaucoup plus dans la recherche de nouveaux procédés du papier qu'il ne le fait actuellement?

M. Lemaire: Je dis que le gouvernement semble vouloir s'impliquer dans la modernisation des usines de pâtes et papiers. Il y a des déclarations qui ont été faites. Je dis qu'avant de faire des investissements, il faudrait faire les bons investissements. Pourquoi faire tout de suite des investissements qui seront peut-être dépassés dans cinq ou dix ans? La nouvelle technique, qui va la mettre de l'avant? Peut-être les Américains, mais, quand cette technique sera appliquée, si on a fait la modernisation, on sera encore en arrière, parce que la modernisation n'aura pas été faite dans le bon sens, n'aura pas été faite en prévision des années, dix ans ou quelque chose comme cela. Il faudrait peut-être essayer toutes les nouvelles techniques et la modernisation pourrait alors se faire. Mais pourquoi la faire sans que ce soit la fine pointe de l'industrie? Avant de dépenser des milliards, il faudrait faire attention.

M. Russell: Si je comprends bien, votre usine de Kingsey Falls utilise seulement des rebuts de papier, de carton, que vous ramassez actuellement?

M. Lemaire: Oui.

M. Russell: Vous n'utilisez aucune autre matière première?

M. Lemaire: On utilise de l'amiante et des papiers de rebut.

M. Russell: A votre usine de Cabano, vous utilisez du bois dur? Pas de résineux du tout?

M. Lemaire: Pas de résineux, seulement du bois dur, des feuillus et du papier de rebut, à environ 20%.

M. Russell: Est-ce que vous seriez d'accord que les usines de papier du Québec pourraient tenir le coup en n'utilisant que des résidus de copeaux, de sciures, des déchets de bois, actuellement?

M. Lemaire: Oui, dans le moment, c'est assez avancé, dans cela, avec la pâte thermoécanique, on peut employer les copeaux des scieries pour faire du papier journal, ce qui n'était pas possible, avant, avec le procédé des meules. Quand vous aviez des meules, cela prenait des billes pour faire du papier journal; maintenant, avec le procédé thermomécanique, vous employez des copeaux. Les copeaux peuvent venir des scieries. L'utilisation de la forêt est bien mieux faite maintenant, grâce au procédé thermomécanique. Tout le monde semble opter pour le thermomécanique.

M. Russell: L'installation du thermomécanique coûte beaucoup meilleur marché que...

M. Lemaire: Non. L'énergie est un peu plus élevée, mais la qualité de la pâte est peut-être un peu meilleure, ce qui permet d'employer un peu moins de pâte chimique.

Quand vous faites du papier journal, vous employez entre 10% et 20% de pâte chimique. Cela peut être réduit en employant la pâte thermomécanique, la quantité de pâte chimique est réduite. Certaines usines disent qu'elles peuvent produire le papier journal sans aucune pâte chimique.

M. Russell: Vous avez parlé tout à l'heure de petites usines. Quelle est l'usine la plus petite qui peut survivre ou de quelle taille doit-elle être pour être rentable?

M. Lemaire: Quant aux normes, je ferais plus confiance à une usine d'une seule unité de production que plusieurs unités de production ensemble. Je dis que vous pouvez garder un bon climat de travail, si vous avez une unité où les gens se sentent impliqués, où les gens se connaissent, où les gens se situent bien dans un ensemble. Autrement, les relations de travail sont beaucoup plus difficiles et je pense que des injustices peuvent se faire plus facilement; ces choses créent un climat de travail beaucoup plus difficile, tandis que quand c'est une seule unité, du genre de Cabano, du genre du projet Matapédia, dans des unités de 100 000 à 125 000 tonnes par année, vous pouvez garder un bon climat. Je pense que le climat des relations patrons-employés est bien important aujourd'hui.

On dit toujours que nos coûts de production et de main-d'oeuvre sont bien élevés. Si vous avez des employés bien payés, mais très efficaces, vos coûts de main-d'oeuvre peuvent baisser, mais si vous avez des employés bien payés, et que ça vous prend deux fois plus de main-d'oeuvre que ça devrait en prendre, c'est joliment dispendieux. Je pense que si on a de bonnes relations, même chez les jeunes d'aujourd'hui, c'est possible. Ainsi à Cabano, notre personnel est très jeune, dans la vingtaine, même pas, et on serait surpris. On dit que les jeunes ne sont pas capables de travailler, mais les jeunes d'aujourd'hui sont autant capables de travailler que les anciens employés, pour autant qu'ils soient motivés, qu'ils aient quelque chose qui mène à un but. Le rendement d'une journée de travail, c'est surprenant ce qu'on peut retirer des employés encore aujourd'hui.

M. Russell: Donc, avec l'expérience que vous avez vécue depuis 1964, vous êtes d'opinion qu'il vaudrait mieux avoir de petites usines un peu dispersées en province que d'avoir une grosse usine pour centraliser la production?

M. Lemaire: Dans le papier journal, ce n'est pas absolument nécessaire. Quand on parle d'usines de pâtes chimiques, ça devient un complexe qui prend un certain volume et ça prend une grosse usine. Mais quand on parle de papier journal, avec le thermomécanique, on n'a plus de pâtes chimiques, on peut avoir de petites unités.

M. Russell: Quand vous parlez de petites unités, quel serait l'ordre de grandeur, de millions impliqués?

M. Lemaire: C'est $75 millions.

M. Russell: $75 millions pour une centaine de tonnes, 125 tonnes?

M. Lemaire: 125 000 tonnes par année.

M. Russell: 125 000 tonnes de papier journal ou d'autres produits. Quand vous parliez de séchage, que vous augmenteriez la production à 6000 pieds, il s'agit de 6000 pieds à la minute au lieu de 3000 pieds?

M. Lemaire: Le maximum, aujourd'hui, c'est 3000 ou 32000 pieds. Ceux qui développent la technique prétendent qu'ils pensent faire des machines à 6000 pieds avec ça. Si c'est possible un jour de faire 6000 pieds, vous vous imaginez, avec la même unité, si vous produisez deux fois plus et que ça prend le même nombre d'employés, que l'investissement ne sera pas tellement plus dispendieux et que le transfert d'énergie est meilleur que le transfert par des rouleaux séchoirs où il y a une perte d'énergie beaucoup plus grande qu'avec le séchage par air forcé.

M. Russell: Une dernière question, M. le Président. M. Lemaire, vous avez vécu la difficulté de pénétrer les marchés. Etes-vous d'accord que c'est mieux de laisser l'entreprise privée qui est audacieuse se disputer le marché, que c'est mieux d'avoir une multiplication de petites compagnies qui se font concurrence, que d'avoir une grosse compagnie qui fait la mise en marché d'une façon tranquille, sans être dérangée?

M. Lemaire: Je suis en faveur de la concurrence, que chacun trouve son marché. On vit dans ce régime et j'y ai encore confiance.

M. Russell: Le gros marché, c'est encore le marché américain?

M. Lemaire: Oui, dans le domaine du papier. On a des voisins qui sont dix fois plus gros que nous, ils utilisent dix fois plus de produits, il y a encore un marché. Il y a un marché canadien, mais la proportion est là.

M. Russell: Mais, pour entrer sur le marché américain, il faut être assez audacieux?

M. Lemaire: II faut être audacieux, il faut avoir certains avantages. Je vous dis que ce n'est pas facile. Dans le moment, on a un taux d'échange de l'argent qui nous avantage, mais, pour combien de temps, on ne le sait pas. Dans le moment, à Cabano, ça nous permet de pénétrer le marché américain. C'est à cause du taux d'échange de l'argent.

M. Russell: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions pour le moment. Je voudrais terminer en félicitant MM. Lemaire, parce qu'ils sont deux ou trois frères impliqués là-dedans, je crois, du succès de leurs opérations. La première a débuté de façon très modeste et avec succès. Je les invite à continuer; s'il y a une possibilité qu'ils développent d'autres usines de ce genre au Québec, je pense que ce serait bien recommandable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Levesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier la compagnie Papier Cascade de Cabano, de la présentation de son mémoire. Cela fait toujours plaisir de rencontrer des chefs d'entreprise de son comté, surtout d'une entreprise qui fait les manchettes depuis une couple d'années, qui fait parler d'elle.

A la page 1 de votre mémoire, vous mentionnez que vous êtes associés à un distributeur dans la construction d'une usine pour produire du papier hygiénique dont la mise en eau se fera à la fin de 1977. Dans ces dossiers, les services de l'environnement du Québec ne possèdent aucune information et n'ont émis aucune autorisation pour la construction de cette usine, bien qu'en date du 19 mai 1977, ils vous aient demandé des précisions à cet effet.

Pourriez-vous nous préciser, pour cette usine, la localisation, la provenance des fibres, la nature du procédé de transformation et les modes de traitement des effluents liquides de cette nouvelle industrie?

M. Lemaire: Le produit fabriqué à cette usine est du papier essuie-main industriel, ce que vous avez dans les édifices publics, écoles et ces choses, le papier brun, en rouleau, en feuilles, avec lequel vous vous essuyez les mains. Ce produit sera fait seulement à base de papier brut. On recyclera des vieux papiers pour fabriquer ces papiers.

Il n'y a eu aucune demande aux services de l'environnement parce qu'on pense être capable de fermer l'usine complètement. Il n'y aura aucun effluent pour cette usine. On dit que c'est possible de faire des usines fermées pour contrôler les effluents; on pense être capable de le faire à cette usine. On a mis les équipements en place pour n'avoir aucun effluent.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est pour cela qu'il n'y a pas eu de demande officielle de permis? Vous n'ignorez pas qu'en vertu de la loi de la qualité de l'environnement, vous êtes tenus d'obtenir un certificat d'autorisation pour la construction d'une telle usine.

M. Lemaire: Cette usine a été décidée rapidement. Les demandes à l'environnement, on les connaît, on a assez fait affaires avec ces gens-là. On nous dit que, si on n'a pas d'effluent, on n'a pas affaire à l'environnement. L'usine est bâtie de cette manière. Il y aura une demande faite, parce qu'il y a une subvention. Vous savez que le meilleur moyen que vous avez dans le moment... Il n'y a aucune subvention qui est accordée si on n'a pas eu l'approbation. On va en venir au point où il va falloir avoir l'approbation. On a l'idée de se conformer aux normes, si elles sont établies dans ce temps-là. Comme les normes ne sont pas encore décidées complètement... Si les normes sont bien établies, on va se conformer aux normes; on sait qu'on va se conformer aux normes. Il y a $600 000 de subvention dans le projet; pour avoir notre subvention de $600 000, je pense qu'on va se conformer et on va faire la demande en bonne et due forme.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Les conditions de travail et les salaires payés dans votre entreprise sont-ils, tout compte fait, égaux et équivalents à ceux des autres entreprises oeuvrant dans le secteur des syndiqués?

M. Lemaire: Oui, on a établi à peu près les mêmes normes. On ne suit pas exactement les mêmes normes, parce que la classification de nos employés n'est pas la même. Mais c'est à peu près... A Cabano, on a suivi les mêmes normes que dans l'industrie, les employés sont au même stade. Les employés ont...

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Auriez-vous objection à ce qu'un ou des syndicats s'y installent?

M. Lemaire: Oui, j'ai une objection, parce que je crois à la méthode qu'on emploie, la participation des employés et l'initiative des employés. C'est la manière dont je vois la direction des usines. S'il vient à y avoir un syndicat, on vivra avec, mais cela me dira que les employés n'étaient pas heureux avec... Ce serait peut-être un échec personnel, parce que je me suis toujours dit: Pourquoi ont-ils besoin d'un syndicat? Pourquoi ont-ils besoin des gens de l'extérieur pour leur dire ce qu'ils ont à faire? De quelle manière devraient-ils faire leur demande? S'ils sont bien dans l'usine et qu'il y a des choses qu'ils n'aiment pas, ils vont venir directement nous les demander. C'est de cette manière qu'on agit. C'est tellement ouvert que l'employé n'est pas gêné de dire s'il ne se trouve pas bien, s'il se trouve mal.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Cela demande beaucoup d'entrevues, de négociation, de participation, entre l'employé et le patron?

M. Lemaire: C'est le problème. Dans une grosse unité, cela ne peut pas exister. S'il y a un nombre trop grand d'employés, cela ne peut pas exister. Le patron vient qu'il ne connaît pas ses employés. Cela ne peut pas marcher. Mais je dis que, dans des petites unités, cela peut fonctionner.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Le dialogue a toujours sa place.

M. Lemaire: Le dialogue a sa place, pour autant que ce n'est pas trop gros. Si c'est trop gros, cela vient que tu perds. Même lorsque vous êtes le meilleur patron... C'est certain que je ne peux pas en venir à connaître tous mes employés et, s'il y a des employés insatisfaits qui ne me connaissent pas et ne peuvent pas me dire les problèmes, certainement que cela en vient à ce point.

Mais, dans le moment, tant que les unités demeureront de la grosseur qu'elles sont à Cabano et selon les plans qu'on a, c'est possible.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci beaucoup.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Lemaire: Vous avez demandé tout à l'heure pourquoi on n'a pas fait une demande aux services de l'environnement. Je pense que le gouvernement, dans le moment, réalise la papeterie et les difficultés d'implanter de nouvelles usines. Si, avant de réaliser... Moi, j'ai négocié ce nouveau projet au mois de janvier l'an passé. La construction a débuté en mars et on va entrer en activité au mois de janvier.

Si on commence à le demander au service de l'environnement et à attendre son approbation, je peux vous dire qu'il n'y aura jamais d'implantation d'usine qui va se faire au Québec, parce que c'est un moyen paquet de paperasse et de papeterie avant de réaliser un projet. Même si les gens de l'environnement sont ici, je leur dis. L'usine était en marche et on a eu l'approbation de notre usine à Cabano. Ce sera pareil là-bas. C'est pour cette raison qu'on passe à travers. On dit peut-être qu'on est hors la loi, mais de la paperasse, il y en a. Je ne sais pas si vous avez réalisé un projet d'implantation en industrie. Il y en a de la paperasse. Il y a des problèmes. C'est peut-être bon dans le moment. Je ne sais pas. Il me semble que M. Parizeau a l'air de dire qu'il va essayer d'en enlever un peu. Je pense qu'il fait un bon pas.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Est-ce que les normes sont tros sévères ou si elles ne sont pas réalistes ou si c'est un manque de bon fonctionnement des fonctionnaires de l'environnement?

M. Lemaire: Souvent, dans un projet, cela revient, tu reviens, tu retournes avant de commencer la construction, pour savoir si c'est selon la loi, avant de commencer la construction. Cela prend au moins un an. Il y a des négociations qui prennent un an. C'est pourquoi je sais que je n'aurai pas la subvention fédérale avant un an, parce que je n'aurai pas l'approbation du ministère de l'environnement avant un an, quand on va être en marche, parce qu'il va falloir faire approuver le projet. On va rencontrer ses membres, je peux dire cela.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): La subvention, pour ce qui vient, ne sera pas un cadeau de Noël cette année?

M. Lemaire: Ce ne sera pas un cadeau de Noël. On a fait assez de projets pour savoir quand vient la subvention. On prend nos précautions pour ne pas avoir besoin de la subvention avant un an et demi, deux ans.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci beaucoup pour votre mémoire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: M. Lemaire, vous êtes un exemple de dynamisme dans le secteur industriel et je pense que vous allez être en mesure de répondre à quelques questions qui se sont posées tout au long de cette commission parlementaire. C'est avec beaucoup d'intérêt que je m'adresse à vous.

D'un côté, dans le cas du projet de Val-Brillant dans lequel vous êtes impliqué assez en profondeur, des montants du projet ont circulé de l'ordre de $60 millions, enfin un peu toutes sortes de chiffres, et nous avons pris soin, au cours de cette commission, de reposer la question à plusieurs reprises, à peu près à tous les intervenants, que ce soit F.F. Soucy, que ce soit CIP pour essayer de voir dans quelle mesure il y avait un consensus dans l'industrie.

Or, à peu près tout le monde dans l'industrie nous dit: Pour une nouvelle usine, il faut tabler au moins sur $250 000 par tonne-jour. Pour une addition, les coûts peuvent descendre jusqu'à $120 000, $130 000.

Dans le cas de Cabano, de la papeterie Matapédia, vous venez de réitérer le chiffre qui est autour de $60 millions. Si je fais le calcul sur la base de $250 000 la tonne-jour, j'arrive au contraire autour de $90 millions à $95 millions. En fait, la plupart des intervenants nous ont dit en bas de $105 millions, vous pouvez l'oublier.

J'aimerais savoir comment vous établissez ces $60 millions et comment vous arrivez à baisser les coûts par un facteur de 50% alors qu'à peu près tous les intervenants disent que c'est impossible.

M. Lemaire: C'est peut-être encore une nouvelle méthode. Si vous pensez les investissements, dans le moment, on dit toujours que l'installation des équipements fait plus que doubler le prix. Si vous avez $40 millions d'achat d'équipement, cela va monter à $50 millions pour les installer. Nous autres, notre facteur est loin de là. Je vous le dis franchement. Je ne sais pas si je peux mettre ici la commission au courant de la manière dont l'usine de Cabano a été construite. Elle a été construite. Les employés qui travaillent dans le moment à l'usine de Cabano, ce sont des employés qui ont mis les équipements en place. Ces employés ont appris ce que c'était une machine à papier en la construisant, parce que ces gens-là n'avaient jamais vu de machine à papier de leur vie, ils ne connaissaient pas le papier. La première des choses, la meilleure base, c'est de leur montrer ce qu'est une machine à papier, comment c'est fait et tout cela. Si tu travailles un an et demi alentour de la machine, tu la connais quand tu arrives à commencer à la faire fonctionner. Tu as déjà eu des normes. On a engagé des spécialistes qui dirigeaient ces employés, mais la mise en place des équipements a été faite par les employés eux-mêmes et les coûts, je peux vous dire quelque chose, c'est incroyable. J'ai engagé, comme on pourrait dire, des professionnels de perte de temps d'installation d'équipement, des gens qui sont habitués à faire ces installations — je les appelle les professionnels de perte de temps — et c'est incroyable ce qu'ils peuvent perdre comme temps comparé à nos employés. Cela coûte cher

dans ce temps-là. Avec les allocations de logements et ces choses-là, vous avez eu l'exemple du stade olympique.

Papier Cascade Cabano a été construit en même temps que le stade olympique et en même temps que ces installations, dans les coûts d'inflation, en 1974. On avait admis un projet de $9,3 millions. Ce n'était pas énorme. Si vous mettez cela à $250 000 la tonne, vous allez voir que cela n'arrive pas tout à fait, parce que Cabano est de 75 000 tonnes par année. On a eu un projet de $9 millions.

On a dépassé d'environ $1 million notre budget, parce qu'on a ajouté des équipements pour le perfectionnement. On avait prévu l'inflation, mais jamais l'inflation qui s'est produite dans le temps de la construction. Même dans ce cas, on a été capable de garder notre budget, grâce aux employés et aux gens de Cabano qui ont fait ces installations. Le ciment était à $23 la verge et, quand on a fini le projet, il était à $35 la verge. Il en entre du ciment dans les usines de papier. Si les coûts avaient été partout de la sorte, on aurait eu de moyens dépassements. On a été capable de garder les coûts, mais on a eu la main-d'oeuvre.

La main-d'oeuvre est très importante. Ces gens ont installé cela. Ils n'avaient aucune connaissance, mais on leur a montré et avec le temps... Cela prend peut-être un an de plus à construire une usine de cette façon mais au lieu qu'il y ait 600 personnes sur le chantier, à Cabano, il n'y en a jamais eu plus que 75. Un projet comme cela, exige qu'il y ait environ 600 à 700 personnes sur le chantier. Cela prend peut-être six mois ou un an de moins, mais vous voyez la différence dans le personnel. Comptez ce que les salaires de ces employés peuvent coûter, la différence, et vous verrez qu'on a réussi la même chose.

On avait un bel exemple. Une usine à Rivière-du-Loup se construisait en même temps que la nôtre. Il y avait entre 600 et 700 personnes sur ce chantier tandis que nous autres, on a travaillé avec 75 personnes. L'unité de Cabano est plus volumineuse que celle de Rivière-du-Loup. Vous pourrez constater que c'est peut-être là que les coûts ont été coupés. Il y a des méthodes pour le faire. Je ne veux pas dire que cela se fait partout, mais il y a des régions où cela peut se faire. Il y a des régions où les gens sont vraiment impliqués. Les gens de Cabano la voulaient leur usine. Ils étaient prêts à travailler.

Je pense qu'à Matapédia ou dans n'importe quelle région de la Gaspésie, les gens veulent avoir du développement. Ils sont prêts à travailler, ils sont prêts à faire des efforts. Si on exploite cela en même temps, ces gens sont bien heureux de le faire. Ils veulent participer. Il faut exploiter cela. Comme je l'ai dit, si les gens sont heureux... Un homme qui a confiance en ce qu'il fait et qui voit les résultats produit une moyenne journée d'ouvrage. Je vous le dis, un homme qui veut travailler vaut cinq hommes qui ne sont pas intéressés. Ce n'est pas vrai que les gens ne sont pas travailleurs aujourd'hui. Donnez-leur un intérêt et ils vont travailler autant que n'importe lequel de nos pères ou que nous, on peut travailler.

M. Bérubé: Toujours dans la même veine, on pourrait soulever l'hypothèse qu'il a été possible dans le cas de Cabano d'abaisser les coûts, étant donné la taille de l'usine, étant donné justement la possibilité de maintenir un chantier à une échelle humaine, de manière à garder une équipe. Croyez-vous que ce soit encore applicable dans le cas d'une unité de production de la taille de celle qui est envisagée? Elle va produire quelque 150 000 tonnes par année, donc on parle d'une usine considérablement plus grosse et surtout d'un procédé technologiquement plus complexe. La fabrication de papier n'est pas tout à fait la même que celle du papier cannelure qui, semble-t-il, je n'y connais absolument rien, demande moins de tolérance, donne un peu plus de marge de manoeuvre pour la fabrication.

Au contraire, si on veut faire du papier à partir de pâtes thermomécaniques, l'expérience de F.F. Soucy a montré qu'en fait il faut un excellent gérant. Je pense qu'il faut rendre hommage à M. Carrier pour cela. Il a fallu un excellent gérant et une très grande expérience pour arriver à faire fonctionner cette usine de façon correcte. En d'autres termes, la technologie est peut-être plus complexe dans le cas de la fabrication de papier journal. Est-ce qu'elle est effectivement valable cette objection que j'ai eu l'occasion d'entendre à quelques reprises?

M. Lemaire: Non, je dis qu'elle n'est pas valable. Faire du papier à cannelures demande une pâte chimique, tandis que vous vous servez d'une pâte mécanique pour faire du papier journal. Le fonctionnement d'une machine à papier est peut-être plus délicat parce que c'est un papier plus mince, qui a plutôt tendance à casser, mais l'installation d'une usine de papier journal est moins compliquée que l'installation d'une usine comme celle de Cabano, qui a des procédés de traitements de produits chimiques. Il faut cuire avec des produits chimiques. C'est beaucoup plus compliqué qu'une usine de papier journal. Il faut peut-être faire attention dans l'installation de la machine elle-même. Vous avez raison, les tolérances sont moins grandes. On peut moins tolérer parce que la feuille est tellement mince et cela va si vite qu'il n'y a pas de tolérance.

Il ne faut pas s'en faire un mythe. Cela s'apprend par des gens. Il y a des gens compétents. On n'a pas besoin de 50 gens compétents. Un bonhomme compétent dans le papier, c'est l'homme qu'il faut trouver pour l'installation de la machine à papier, une personne compétente qui connaît son métier. A ce moment-là vous pouvez installer une machine. Les tolérances vont être respectées. C'est faisable. Les mythes concernant le papier disparaissent de plus en plus dans le moment parce que les techniques changent. Longtemps, dans le papier, il ne fallait pas toucher à telle ou telle chose. Je vous parle de mon expérience. Je n'avais aucune connaissance. Mes parents n'étaient pas dans le papier. Quand on a fait de l'amiante on a développé des usines. Je vous dis que les techniques dans le domaine de l'amiante, pas grand monde les connaissait. On les

a développées nous autres mêmes. On avait des gens qui voulaient. On a employé toutes nos connaissances pour développer la fabrication du papier d'amiante, qui est autrement plus compliquée que la fabrication de n'importe quel papier que je connais aujourd'hui.

Je connais la pâte chimique. Je connais le papier à cannelures, je connais le papier d'emballage. Le papier journal, je m'y intéresse, mais je peux vous dire quelque chose. Que ceux qui pensent qu'ils ont des connaissances, viennent fabriquer du papier d'amiante, ils vont s'apercevoir que c'est une technique autre que celle de fabriquer ces autres papiers. L'amiante, c'est une fibre qui ne se tient pas, bien moins que n'importe quelle fibre de bois, et on vient à bout de faire du papier. On en fait 150 à 175 tonnes par jour. On a appris. Cela s'apprend, mais il faut vouloir.

M. Bérubé: Maintenant, pour toucher le problème peut-être du financement, un syndicat, la CSN, en fait, s'est opposé de façon assez véhémente à la possibilité de voir le gouvernement s'impliquer financièrement dans un programme de modernisation comme tel de l'industrie.

Par contre, plusieurs intervenants, du côté de l'industrie, ont souligné que, dans le cas d'implantation de nouvelles usines, c'était à peu près impensable sans subvention gouvernementale; on a même souligné que, pour rentabiliser une nouvelle usine, il faudrait que le prix du papier journal soit de l'ordre de $475 la tonne au lieu des $305 actuels. Donc, il n'y avait pas de justification pour construire de nouvelles usines, ce qui a même amené certaines compagnies américaines, pour l'instant en tout cas, à retarder l'implantation de nouvelles usines aux Etats-Unis sur cette même base.

Egalement, dans le cas de Saint-Félicien, je pense, on a dû y aller de subventions, semble-t-il, pour rentabiliser le capital.

Moi, j'aimerais savoir, dans le cas de Cabano, quelle est la structure de financement, c'est-à-dire combien d'argent est allé dans la capitalisation. Quel montant est allé sous forme de subvention, pour le comparer avec le montant ayant servi à la capitalisation, pour essayer de voir dans quelle mesure justement l'intervention du gouvernement a été nécessaire pour rentabiliser un tel projet?

M. Lemaire: Si on prend les investissements totaux à Cabano, le contrôle de la pollution et ces choses-là... Il ne faut pas oublier que les effluents sont traités conjointement avec la ville de Cabano et l'usine. On traite les effluents de la ville de Cabano. Mais, si on prend tout ça globalement, c'est un chiffre de $20 millions pour Cabano. Les capitaux qui ont été mis, c'est environ $11 millions. Il y a eu $9 millions en subventions — $6 millions plus $2 300 000 — en tout cas, il y a eu $8 millions en subventions gouvernementales.

M. Bérubé: En fait, les subventions ont permis de doubler, en gros, le rendement sur le capital et l'auraient fait passer, mettons, d'un seuil inaccep- table à un taux qui est acceptable. Quel doit être le rendement sur le capital que vous estimez justifié dans un secteur comme le papier journal ou le papier à cannelures pour décider d'un investissement?

Vous devez faire le calcul.

M. Lemaire: Oui. Le rendement sur le capital... On exigerait 13%, 14%, je ne sais pas, mais c'est difficile à établir à long terme. Il y a la question de dépréciation, etc. Je ne peux pas vous donner exactement ce qui serait la nouvelle norme.

M. Bérubé: Vous estimeriez quand même qu'autour de 13%, c'est raisonnable.

M. Lemaire: Oui.

M. Bérubé: Doit-on supposer qu'à ce moment-là le rendement sur le capital évalué au moment du lancement de Cabano était peut-être autour de 6% et qu'il fallait donc y aller d'une injection de subventions pour arriver à le monter à 12%, 13%?

M. Lemaire: Oui. Il y avait des grands risques à Cabano. Les risques étaient là et il ne faut pas oublier que, dans le traitement même des effluents, on y est allé en grand. On a un traitement d'effluents, je pense que c'est une expérience qui a été faite à Cabano pour prouver que c'était possible. On était sur un lac, etc. Si vous aviez eu une usine d'implantée ailleurs que sur un lac, les normes de l'environnement n'auraient pas été les mêmes. Il y avait une chose politique à Cabano. Si cela avait été seulement une compagnie privée qui avait établi cette usine, elle ne l'aurait pas construite à Cabano. Elle aurait été construite ailleurs, soit sur le fleuve ou quelque chose comme ça, où les normes de l'environnement... Il y a $7 300 000 qui ont été dépensés pour le contrôle des effluents, ce qui aurait peut-être pu être réalisé pour $1,5 million ailleurs. Il faut dire ça. Il y avait la question politique. C'est pour ça peut-être que les subventions ont été supérieures, à cause du site et de l'implication politique, parce que c'est certain que, si on avait regardé ça froidement comme une compagnie indépendante, l'usine n'aurait pas été construite à Cabano.

M. Bérubé: Oui, je vous envoie une petite vite... Vous parlez d'implication politique et vous avez, dans votre mémoire, tantôt, dans une de vos réponses, souligné que vous préfériez ne pas voir d'implication politique dans ces projets. Vous aimeriez en faire simplement une négociation d'affaires.

Est-ce que vous voulez dire par là que, dans le cas de Val-Brillant, par exemple, vous estimez justement qu'il ne devrait pas y avoir d'implication politique et qu'on devrait carrément laisser les intervenants se débrouiller avec leurs problèmes et ne pas intervenir comme tel ou si vous pensez, au contraire, que, parfois, il est nécessaire qu'il y ait une intervention politique?

M. Lemaire: Parfois, oui. Vous savez que, comme Québécois, on ne possède pas nos industries; nos banques ne sont peut-être pas prêtes à financer les compagnies indépendantes québécoises et canadienne-françaises qui sont là. Leurs expériences ne sont pas énormes dans cela; les risques sont grands et nos créanciers ne veulent pas les courir. Ils demandent une garantie du gouvernement; c'est là que le gouvernement peut intervenir parce que, pour posséder notre industrie, si on veut se développer, ce n'est pas facile de pénétrer cela. Même si on est une compagnie qui a treize ans d'existence, notre fonds de roulement et notre capitalisation ne nous permettent pas de nous lancer dans des projets comme ceux-là. Arriver aux banquiers pour financer de tels projets, ce n'est pas facile. Il faut le dire, il faut être francs; on n'a pas l'argent, on ne possède pas les ressources pour les implanter.

On parle de projets de $70 millions, de $80 millions, de $90 millions, de $150 millions; ce n'est pas facile d'avoir cela. Dans 25 ans, si on a une progression telle qu'on en a une, peut-être que Papier Cascade pourra se permettre quelque chose, mais, dans le moment, Papier Cascade est minime dans l'industrie des pâtes et papiers, c'est tout petit. On ne se leurre pas en pensant que nous sommes une grosse corporation, nous sommes tout petits, nous sommes infiniment petits comparativement aux autres. Ce n'est pas facile de pénétrer cela. L'aide gouvernementale pourrait peut-être aider de ce côté. Je ne sais pas si c'est bon ou pas bon, c'est peut-être une discrimination, je ne sais pas ce que cela peut être. Si on veut les implanter, si on veut posséder des usines de pâtes et papiers, c'est peut-être le moyen de les réaliser, il n'y en a peut-être pas plusieurs autres. A moins qu'on prenne notre bas de laine, qu'on se mette tous ensemble et qu'on commence à empiler, parce que cela coûte cher et il n'y a pas grand chose qui peut donner les garanties pour cela. Ce n'est pas facile de pénétrer cela. Je rêve d'avoir des grandes usines, je pense seulement à cela, mais la réalisation prend des années. Il faut avoir les sous pour le faire et cela prend du temps pour ramasser des sous et le faire. Cela prend plusieurs années, peut-être que la génération suivante pourra réussir, mais je ne pourrai peut-être pas me rendre là.

M. Bérubé: J'aurais une dernière question. Vous avez eu une réflexion qui m'a un peu surpris, mais il faut quand même dire que vous n'êtes pas le premier à l'avoir souligné. Vous avez dit: II faut peut-être attendre la bonne technique avant de se lancer dans un programme de modernisation. J'ai l'impression que, pour faire une affirmation de ce genre, il faut pratiquement sous-entendre que la technologie ne progresse pas continuellement, c'est-à-dire qu'il y a des paliers et que vous avez l'impression présentement qu'on est en train de trouver de nouvelles technologies et, après cela, probablement que cette technologie va se stabiliser, pour arriver à énoncer une telle phrase, parce que, si, au contraire, on suppose que la technolo- gie est en évolution continuelle, cela pourrait vouloir dire et cela pourrait même être une excuse pour ne jamais introduire la moindre technologie nouvelle. Or, tout votre mémoire est à l'inverse, c'est-à-dire que vous avez suggéré que le gouvernement devrait financer la nouvelle technologie, devrait aider les industries à introduire la nouvelle technologie. C'est la base de votre mémoire et, à un moment donné, vous dites: Oui, mais, d'un autre côté, n'y allez pas trop vite parce que, peut-être, la technologie nouvelle n'est pas prête. Là, j'ai eu l'impression qu'il y avait une contradiction interne dans votre mémoire, j'ai l'impression qu'elle n'est pas dans votre tête; j'aimerais que vous puissiez l'expliciter.

M. Lemaire: La technologie, dans les pâtes et papiers, a été très lente à changer. Vous avez le système Fourdrinier qui a été inventé en 18... et, encore il y a cinq ans, le système Fourdrinier était la seule manière de faire du papier journal, avec un Fourdrinier. On a changé cela, le "papri former" est venu, ce fut une technique qui a été changée. Les usines ont été construites dans des endroits où il y avait des chutes parce que c'étaient toujours les meules qui faisaient le bois; on meulait le bois pour faire le papier journal. La technique est restée; il y a deux ou trois ans qu'on essaie de développer le thermomécanique. Les changements dans le papier journal, on ne peut pas dire qu'ils sont rapides. Je dis qu'il y a un autre changement qui est la section des séchoirs. La machine qui était à Kingsey Falls quand j'y suis arrivé avait été bâtie en 1890 et avait des séchoirs comme les machines qui sont construites aujourd'hui. La pression n'a que peu changé, mais c'était le même principe. Ce principe n'a pas été changé depuis près de 100 ans, je dis que ce principe va peut-être être changé; c'est prouvé dans le tissu, dans le papier de toilette, dans le kleenex, ce n'est plus séché sur un séchoir, c'est séché à l'air forcé; cela se fait. Les machines fonctionnent à 6000 pieds dans ce domaine, mais je dis que, dans le papier journal, les machines vont venir à fonctionner à 6000 pieds avec cette technique. C'est cette technique qui devrait être développée. J'ai mentionné seulement celle-là; dans les autres, il va y avoir des changements, mais des changements majeurs dans la fabrication du papier... Si vous prenez le papier journal, si vous réussissez à le fabriquer avec de la pâte thermomécanique, un "papri former" et un "papri dryer", cela veut dire que ce qu'on faisait il y a dix ans est complètement changé.

Je dis que cette technique-là va peut-être être changée. C'est la seule qui n'a pas encore été changée et il y a un changement majeur à faire. On est peut-être bon pour qu'il n'y ait pas de changements majeurs dans la fabrication du papier journal d'ici 30 ou 40 ans.

M. Bérubé: Alors, vous croyez que, présentement, au moins en ce qui a trait au thermomécanique et à la fabrication de papier avec les machines à double toile, la technologie est peut-être

stabilisée pour au moins dix ou quinze ans et qu'au niveau du séchage il y a une possibilité d'ouverture pour l'avenir? Je vous remercie infiniment, MM. Lemaire et Pelletier.

Le Président (M. Marquis): M. le député de Mégancit-Compton.

M. Grenier: Merci, M. le Président. M. Lemaire, vous avez fait le portrait d'un homme fort dynamique et fort décidé au Québec. Votre expérience n'est peut-être pas très longue, mais elle témoigne d'un homme qui est allé de l'avant depuis 1964. Est-ce que vous étiez dans le milieu avant 1964?

M. Lemaire: Oui, dans le milieu du papier de rebut. J'ai fait quatre ans à l'université, mais je n'ai jamais fini mon cours d'ingénieur. Je suis allé avec mon père. Mon père a commencé dans le ramassage des vidanges et la récupération des vieux papiers. Je suis allé avec mon père dans la récupération des vieux papiers. J'étais un "dealer de wastes", comme on dit en anglais. Je vendais et j'achetais du vieux papier de rebut aux Etats-Unis. C'est de cette manière que j'ai commencé. Un jour, j'ai dit à mon père: Au lieu d'aller vendre nos papiers de rebut aux Etats-Unis dans de petites usines, il y a un moulin qui est fermé à Kingsey Falls depuis sept ans, pourquoi ne rachèterions-nous pas? Pourquoi ne prendrions-nous pas nos papiers de rebut plutôt que de les vendre pour les transformer sur place? C'est comme cela que j'en suis venu au papier.

M. Grenier: Un technicien du milieu... un peu par obligation.

M. Lemaire: On est encore dans le domaine du papier de rebut. Une de nos grosses affaires actuellement, c'est encore le papier de rebut. On exploite le papier de rebut. On a des installations. On a tout près de 200 installations pour la récupération des papiers de rebut dans tous les magasins à succursales, dans toutes les grosses industries comme General Motors. On récupère encore les papiers de rebut.

M. Grenier: Est-ce qu'il y a encore place pour développer passablement le papier de rebut?

M. Lemaire: Oui, cela se développe continuellement. C'est une technique qui avance assez vite. Cela se développe et tous les gens...

M. Grenier: II y a du gaspillage. Il y a vraiment du papier qui ne sert pas une seconde fois?

M. Lemaire: Oui. On récupère seulement 20% à 25% ici. Il y a des endroits, comme en Allemagne, qui en sont à 60% de récupération du papier. On est encore loin d'avoir atteint notre...

M. Grenier: Maximum. M. Lemaire: Oui.

M. Grenier: Vous avez parlé assez largement de Cabano. Vous avez acquis Kingsey Falls en 1964?

M. Lemaire: Oui.

M. Grenier: Vous avez combien d'employés à Kingsey Falls?

M. Lemaire: On doit avoir environ 250 employés.

M. Grenier: Autant que cela? M. Lemaire: Oui.

M. Grenier: Avez-vous des difficultés d'approvisionnement? Je pense que le matériel de base n'est pas le même, mais avez-vous plus de difficultés d'approvisionnement à Kingsey Falls qu'à Cabano?

M. Lemaire: Non. Comme je vous l'ai dit, on contrôle nos approvisionnements de papier à rebut. On a commencé avec le papier de rebut et on a toujours gardé nos sources d'approvisionnement. On les contrôle nous-mêmes. On a nos propres installations. On n'est pas obligé de passer par personne. On s'approvisionne. Cabano est approvisionné aussi en papiers de rebut par des installations qu'on possède. Tout notre marché est intérieur dans le moment. On contrôle nos prix. Ce sont des contrats à long terme. C'est la base. De cette manière, on est assez bon dans cette partie. C'est la vente qu'on ne contrôle pas encore. On va essayer.

M. Grenier: Vous avez dit que vous n'aviez pas de syndicat à Cabano. Est-ce que vous avez un personnel syndiqué à Kingsey Falls?

M. Lemaire: Non. A aucune de nos usines. A Victoriaville non plus, on n'a aucune...

M. Grenier: Avez-vous senti, depuis le début de vos opérations, peut-être pas des grèves, mais des ralentissements dans le travail?

M. Lemaire: Non.

M. Grenier: A certaines périodes de l'année, certaines années?

M. Lemaire: On a des ralentissements de travail. On essaie de garder nos employés même s'il y a un ralentissement de travail. On essaie de trouver de l'ouvrage aux employés, de les garder sur place, sans les mettre au chômage. C'est de cette manière qu'on fonctionne. Chez nous, à Kingsey Falls, tous les employés participent aux profits. Je pense que le problème est résolu de ce côté-là. Les employés sont tellement motivés à cause de cela, le partage des profits... Il y a un bon partage des profits. Maintenant que la compagnie est assez stable financièrement, on peut se permettre de partager les profits. Avant, on réinvestissait tou-

jours nos profits. C'est toujours ce que j'ai dit à mes employés: On va réinvestir nos profits, vous allez avoir quelque chose, vos emplois vont être protégés pour des années à venir. Maintenant que la compagnie est assez stable, on peut partager une partie des profits avec les employés. C'est comme cela qu'on voit l'opération.

M. Grenier: J'ai une question peut-être un peu technique. Vous avez des installations qui se servent des produits de base comme l'huile et d'autres qui peuvent s'alimenter avec des copeaux. Est-ce que c'est un système à l'huile que vous avez ou est-ce...?

M. Lemaire: Oui, nous employons beaucoup d'huile.

M. Grenier: Recommanderiez-vous au gouvernement de faire des transformations pour en venir à se servir de copeaux plutôt que de cette huile qui a l'air de diminuer?

M. Lemaire: Au prix où est l'huile maintenant, il y a possibilité d'utiliser les résidus de bois. Je songe sérieusement à faire une installation à Kingsey Falls qui utiliserait tous les résidus, (es vieux "skid"; vous savez, cela a été un gaspillage épouvantable, ce qui pourrait être récupéré, comme dans la région de Victoriaville, il y a beaucoup de bois, les manufactures de meubles ont beaucoup de résidus de bois. On songe à utiliser ça; avant, ça n'était pas possible, quand tu payais l'huile lourde à $0.06 le gallon, il n'y avait rien de possible en installations, mais à $0.30 à peu près le gallon, vous pouvez faire des réalisations, et ainsi économiser l'énergie. Cela va venir, je pense que l'économie fait que comme compagnie privée, on pense à avoir des sources où on pourrait économiser de l'argent, ça va se faire automatiquement.

M. Grenier: Du côté du transport de vos matériaux vers vos usines, est-ce qu'il y a des différences de prix entre Cabano et Kingsey Falls? Par exemple, est-ce que vous avez plus de difficultés ou si c'est plus dispendieux? Est-ce qu'il y a des problèmes propres à Cabano qui ne sont pas ceux de Kingsey Falls?

M. Lemaire: A Kingsey Falls, on contrôle toute notre propre flotte de camions, soit une centaine de camions pour faire tous nos transports. Mais on est près de nos marchés; quand on arrive à plus de 500 milles du marché, le chemin de fer devrait être plus économique, selon mon calcul. Dans le moment, cela ne l'est pas tout le temps. Mais cela l'est aux Etats-Unis, aussitôt que tu dépasses 400 ou 500 milles, le chemin de fer est meilleur marché que le camion. Mais on ne s'aperçoit pas de ça à Cabano; même pour la région de Chicago, on peut y aller par camion et ça coûte moins cher que le chemin de fer. Cela ne devrait pas exister, ça n'a aucun sens, que le chemin de fer ne puisse pas arriver avec des distances de 900 à 1100 milles à coûter plus cher que le camion.

Une chance qu'on a l'avantage d'aller charger aux Etats-Unis, on n'expédie pas ces marchés par camion, c'est trop dispendieux, quand on peut avoir le chemin de fer des Etats-Unis. Il y a des usines qui pourraient être implantées ailleurs, elles n'ont pas ces avantages; nous avons l'avantage, mais j'ai peur qu'un bon matin, les Américains se réveillent et disent: Ils ont $20 la tonne de l'autre côté; ils vont monter leurs prix. Dans le moment, on a un taux, mais ils sont d'affaires, ils vont savoir qu'on paye moins cher, on a peur que nos prix augmentent. Si le Canadien National était compétitif à $5 ou à peu près, mais c'est une grande différence, $20 a peu près de différence, il y a un moyen jeu à faire.

Si on était près d'une base compétitive, dans le moment, il n'y a aucune compétition, ce n'est pas croyable la différence.

M. Grenier: Je n'avais pas d'autres questions. Je voudrais vous inviter une fois à venir siéger autour de cette table, en tant que député d'un comté, et venir défendre les intérêts que défend le député de Brome-Missisquoi de la petite et de la moyenne industrie. C'est plus digne de foi, quand on est assis ici, pour les députés en tout cas, de venir défendre ça. Cela irait peut-être à l'encontre, non pas de l'actuel gouvernement, mais des anciens et de l'actuel, de fonctionnaires qui préfèrent les grosses boîtes dans tous les secteurs à de petites boîtes comme vous en avez là-bas et qui font la preuve d'un sain fonctionnement. Je vous félicite et je vous remercie.

M. Lemaire: Je vous remercie de l'invitation, mais...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup, M. Lemaire et les représentants de Papier Cascade Inc., pour votre participation aux travaux de cette commission parlementaire.

J'inviterais maintenant l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec à venir présenter son mémoire.

Est-ce que le porte-parole de l'Ordre des ingénieurs pourrait se présenter et présenter ceux qui l'accompagnent, s'il vous plaît?

Ordre des ingénieurs forestiers du Québec

M. Godbout (Claude): M. le Président, MM. les députés, je m'appelle Claude Godbout et je suis le président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. Je suis accompagné de M. Jacques Bray, à ma gauche, vice-président; de M. Pierre Villeneuve, trésorier; et à ma droite, M. Marc Côté, secrétaire.

L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est heureux de l'occasion qui lui est offerte de venir devant cette commission et d'apporter ses suggestions afin de rétablir la capacité concurrentielle de l'industrie des pâtes et papiers du Québec.

Ce n'est en effet un secret pour personne que ce secteur industriel est malade, et nous espérons contribuer, à notre façon, à lui redonner sa vitalité.

Vous comprendrez facilement que les ingénieurs forestiers sont très intéressés par tous les problèmes et les décisions qui touchent, de près ou de loin, la forêt. Ces dernières années, plusieurs concepts ont transformé la foresterie traditionnelle. Nous y avons participé de notre mieux en insistant, entre autres, sur la nécessité d'un zonage intégré du territoire, de l'aménagement polyvalent des. forêts et d'un aménagement du territoire, réalisé via le développement communautaire.

Plus récemment, lors de notre congrès annuel, nous avons voulu insister sur le fait qu'il doit y avoir, entre l'aménagement des forêts, d'une part, et les modes de gestion, ainsi que la technologie d'exploitation et de transformation, d'autre part, une interaction constante. Dès demain, des ingénieurs forestiers se pencheront sur l'état de la régénération en forêt.

Bien entendu, nous sommes conscients que l'aménagement des forêts n'a de sens que dans le contexte de l'utilisation des ressources de cette même forêt. La transformation de fibres de bois en pâtes et papiers constitue en effet une des utilisations les plus importantes de la forêt. En ce sens, elle influence considérablement l'aménagement de ces mêmes forêts.

Avant d'aller plus loin, je pense que vous serez intéressés à connaître le processus d'élaboration d'un tel mémoire, dans un organisme comme le nôtre. Ce mémoire a d'abord été élaboré en comité et ensuite, approuvé par le bureau de l'ordre. Par la suite, il a été envoyé à tous les membres et soumis à la discussion lors de notre dernier congrès annuel. Ce consensus des ingénieurs forestiers du Québec est d'autant plus intéressant à signaler que nos membres se recrutent dans tous les secteurs d'activités ayant trait à la forêt, travaillent, pour la plupart, dans des organismes intervenant en forêt et sont répartis dans toutes les régions du Québec.

Je ne me propose pas ici de lire le mémoire en entier. Je me contenterai d'en lire l'introduction et les recommandations et de répondre ensuite à vos questions. Je serai heureux de préciser alors notre pensée sur les divers points que vous voudrez nous voir éclaircir. C'est d'ailleurs dans cette optique que notre mémoire a été écrit.

L'introduction. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec reconnaît l'importance de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. L'activité économique qu'elle génère et les emplois qu'elle fournit en font une industrie majeure influençant la santé économique de tout le Québec. Son importance lui vient aussi de ce qu'elle utilise la matière ligneuse sous différentes formes, qu'elle peut s'accommoder de bois de faibles dimensions et qu'elle s'approvisionne à partir de diverses sources. Elle constitue de ce fait un instrument des plus intéressants pour une mise ne valeur de la forêt et pour une utilisation plus complète de la matière ligneuse.

Par ailleurs, l'ordre est également conscient des problèmes que vit cette industrie depuis quelques années, à savoir la difficulté de rester en compétition, celle de pénétrer de nouveaux marchés, une rentabilité relativement faible ainsi que la difficulté de s'adapter aux normes de protection de l'environnement. Ces dernières ont contribué à accentuer le problème de cette industrie. Nous estimons donc qu'à cause de son importance pour le Québec, il est essentiel que ce secteur industriel retrouve rapidement son dynamisme et sa rentabilité et qu'il reprenne sa place sur le marché.

En tant qu'organisme regroupant les ingénieurs forestiers du Québec, nous nous attacherons en particulier aux aspects des thèmes proposés ayant trait à la production et à la récolte de la matière ligneuse. Il faut cependant rappeler que si ce domaine est davantage de notre ressort, et fait partie du champ de compétence de nos membres, bon nombre d'entre nous s'occupent de transformation et d'utilisation des bois dans différents types d'industries.

Les recommandations maintenant. Compte tenu de l'importance de l'industrie des pâtes et papiers au Québec et considérant les problèmes que cette industrie vit depuis quelques années, il nous apparaît urgent que des mesures soient prises pour redonner à cette industrie son dynamisme et sa rentabilité. En conséquence, l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1) que l'Etat reconnaisse les interrelations entre l'aménagement de la forêt, la transformation des bois et la mise en marché des produits et que toute stratégie industrielle dans la transformation des bois soit basée sur leur coordination. 2) Que l'approvisionnement des usines de transformation soit relié à un aménagement de la forêt, au moins selon le rendement soutenu.

Dans cette optique, après coupe ou toute perturbation importante, la forêt accessible devra être rétablie adéquatement afin d'assurer la pérennité du stock ligneux de qualité. 3) Que des politiques gouvernementales soient mises de l'avant afin de diminuer le coût d'approvisionnement en matière ligneuse des usines de transformation à moyen et à court terme, entre autres par une meilleure orientation du mouvement de la matière ligneuse et par un aménagement intensif des forêts à proximité des usines. 4) Que les coûts imputables au l'établissement de la forêt soient considérés comme des déboursés liés à la récolte des bois, qu'ils soient compris dans les redevances versées à l'Etat et qu'ils soient utilisés aux fins prévues. 5) Que l'Etat et l'industrie se penchent dès maintenant sur les possibilités d'utilisation des feuillus à pâte afin d'orienter l'aménagement de nos forêts en fonction des besoins et des possibilités de ce marché. 6) Que le conseil de la recherche et du développement forestiers soit reconstitué et qu'on lui fasse jouer le rôle de coordination prévu. 7) Qu'une politique de main-d'oeuvre forestière soit élaborée sans tarder afin de résoudre les

problèmes de disponibilité et de motivation de la main-d'oeuvre spécialisée en forêt. 8) Que des formules soient élaborées pour faciliter l'association de l'industrie du sciage et de celle des pâtes et papiers tant au niveau de la récolte qu'au niveau de la coordination des approvisionnements. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci beaucoup. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Je tiens à vous féliciter, monsieur, de la façon dont vous avez constitué ce mémoire. Il reflète certainement les problèmes de coupe, de transformation et d'aménagement des forêts québécoises. Une bonne partie de votre mémoire traite de l'aménagement, et l'on voit facilement que vous y attachez une très grande importance pour assurer un approvisionnement futur. J'aurais aimé peut-être que vous traitiez également de l'environnement, de la protection du milieu et aussi du désintéressement de certaines compagnies de voir à garder leurs industries en santé par le perfectionnement et la transformation.

Vous parlez beaucoup de la nécessité d'avoir recours à l'aménagement intensif des forêts à proximité des usines pour améliorer à court terme certains problèmes de l'industrie. Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que le recours à l'aménagement intensif des forêts situées près des usines peut réduire le coût du bois?

M. Godbout: En bref, je peux peut-être faire un résumé. On peut dire que, dans le coût du bois, à l'usine, le transport est quand même un élément très important. En plus, dans le coût du bois qui vient de loin, qui vient des forêts publiques nordiques, en plus d'avoir un élément de transport, il y a des éléments de coûts qui ne sont pas présents à la forêt à proximité des usines. On pense aux coûts d'accessibilité, en termes de routes; on pense aux coûts de camps, qui ne sont pas là. Ce qu'on dit, c'est que les forêts à proximité des usines, le bois qui vient de ces forêts coûte moins cher, c'est bien sûr, que le bois qui vient du nord. Si on pouvait augmenter la proportion de bois qui vient des forêts à proximité des usines, la moyenne de coûts — c'est ce qui compte vraiment — s'en trouverait diminuée.

Pourquoi parler d'aménagements intensifs? Je pense que tous les forestiers savent que la forêt à proximité des usines se prête le mieux à cet aménagement. Les sols y sont les plus productifs et l'accessibilité y est assez grande aussi, parce qu'on se doute bien que pour aménager une forêt, il ne suffit pas de savoir qu'elle est proche, il faut pouvoir y aller et la traiter. Le réseau routier est installé. La main-d'oeuvre est disponible. Quand on parle des forêts à proximité des usines, on parle aussi bien des forêts privées parce qu'elles sont toutes à proximité des usines finalement, que des forêts publiques, d'une certaine partie des forêts publiques qui sont à proximité des usines.

Je ne sais pas si cela répond à votre question ou si vous voulez avoir des précisions supplémentaires.

M. Baril: Oui, cela y répond jusqu'à un certain point. A court terme, avec le problème que l'industrie des pâtes et papiers vit actuellement, croyez-vous que l'on doive attacher la même importance à la ressource elle-même qu'à sa transformation, à sa mise en marché? La reconstitution ou l'aménagement de nos forêts, c'est entendu qu'on aurait dû les faire bien avant cela. On n'aurait peut-être pas les problèmes qu'on a aujourd'hui. C'est pour cela qu'actuellement vous insistez beaucoup sur l'aménagement des forêts à proximité des usines, mais, pour tout de suite, cela ne règle pas notre problème.

M. Godbout: D'accord. C'est bien sûr que notre domaine d'activité se concentre surtout en forêt, et non pas dans les usines de transformation de papier ou dans les marchés. C'est dans ce sens que le mémoire a été conçu. C'est bien sûr aussi que ce n'est pas demain matin qu'on va avoir des résultats de l'aménagement des forêts. Il y a peut-être moyen de faire certains travaux sylvico-les, de faire certaines coupes particulières, des éclaircies pour récupérer un peu plus de bois, mais ce n'est pas demain que le grand boum va venir. Je pense qu'il faut commencer un jour dans ce sens. Je peux quand même vous rappeler que cela fait plusieurs années que les ingénieurs forestiers parlent du problème de la dégradation des forêts du sud du Québec. En 1949, dans un mémoire, on signalait le problème; ce n'est pas d'hier, c'est de 1949. Si on avait fait quelque chose à ce moment, aujourd'hui, on aurait des forêts très productives et très belles dans le sud du Québec, et les coûts d'approvisionnement seraient sûrement inférieurs à ce qu'ils sont actuellement. On ne l'a pas fait. Maintenant, qu'est-ce qu'on va faire? Je ne dis pas que la solution est à court terme. J'admets qu'il y a un problème qui est à court terme. Si on veut aménager des forêts, le problème est aussi à long terme. Il ne faut pas perdre de vue le long terme uniquement pour du court terme. On parle aussi dans notre mémoire d'un aspect à plus court terme qu'on appelle l'orientation des bois. Je pense qu'il y a beaucoup de mouvement de bois dans la province. On parle de bois ou de matières ligneuses sous différentes formes. Sûrement, une meilleure orientation de ces bois pourrait contribuer à diminuer le coût de transport.

M. Baril: Pourquoi, selon vous, n'a-t-on jamais fait d'aménagement intensif au Québec dans le passé? A quoi cela est-il dû? Est-ce parce qu'on prévoyait que c'était inépuisable?

M. Godbout: Je ne le sais trop. Je suis quand même assez jeune pour ne pas avoir été là en 1949. Je pense qu'on peut dire qu'il y a peut-être eu d'autres priorités à ce moment. Nous, comme ingénieurs forestiers, avons signalé ce problème en 1949. Certes, le problème a été signalé en 1949, mais les problèmes réels et aigus ne se sont pas produits avant plusieurs années, c'est bien sûr. De la même façon que cela prend du temps pour dégrader une forêt, cela prend du temps pour la re-

construire aussi. C'est pour cela que l'apparence d'une forêt dégradée, cela prend du temps à paraître et à se faire sentir sur les coûts et les volumes. Quand on l'a on est "poigne" et cela prend du temps. Maintenant, pourquoi cela n'a-t-il pas été fait? Je ne le sais pas. Je pense qu'il y a eu une foule de circonstances. Il y a eu des priorités ailleurs. Il y a eu une foule de choses.

M. Baril: Vous dites que l'Ordre des ingénieurs a fait des recommandations en 1949.

M. Godbout: Entre autres. On en a aussi fait en 1972.

M. Baril: Est-ce qu'il y a des compagnies qui en ont tenu compte de ces recommandations ou si aucune compagnie n'a tenu compte de ces mises en garde?

M. Godbout: Je pense que la mentalité en général, à ce moment, n'était pas propice à l'aménagement intensif. On trouvait que cela coûtait cher. En fait, cela coûte effectivement assez cher aussi.

Je pense aussi que le régime fiscal — c'est un peu ce qu'on signalait aussi en 47 et en 62 — n'était pas propice à ça. Les gains que les compagnies pouvaient avoir en améliorant leur forêt étaient quand même assez peu tangibles. Elles marchaient sur un système de concessions. Elles avaient tout le bois qu'il leur fallait. Pour quelle raison voudraient-elles avoir plus? Je pense qu'il y a eu différentes choses.

M. Baril: Etes-vous au courant si, dans d'autres pays, les gouvernements ou l'Etat oblige les compagnies à reboiser ou à refaire l'aménagement?

M. Godbout: Effectivement, disons qu'on peut prendre les autres provinces du Canada d'abord. Je suis au courant qu'en Alberta la politique gouvernementale veut que, quand elles coupent un arbre, elles plantent un arbre. En Ontario, ce n'est pas encore tout à fait ça, mais il y a des obligations afin de voir que la forêt se régénère et le gouvernement donne des subventions à cet effet.

Si on prend maintenant d'autres pays, les pays Scandinaves comme la Finlande ou la Suède, il est illégal même sur un terrain privé, de couper du bois sans voir à son remplacement. C'est un peu ce qui a amené finalement... C'est bien sûr que, quand on plante des arbres, on ne plante pas des arbres qu'on avait auparavant. On plante de meilleurs arbres. On a un choix, à ce moment-là, et les rendements sont de beaucoup plus forts. J'avais des chiffres récemment qui démontraient que la Suède, par exemple — pour ne citer que quelques chiffres — en 1920, en termes de stock ligneux, en termes d'inventaire de bois sur pied, avait près de 60% moins de bois qu'elle en a actuellement... autrement dit, ce pays à augmenté son inventaire en forêt tout en augmentant sa coupe tout près de la moitié dans cet intervalle aussi. Les Suédois ont augmenté leur coupe et leur inventaire. En plus, ils ont augmenté leur diamètre moyen tout près de 50%. Non seulement ils ont augmenté tout ça, mais ils ont augmenté leur diamètre moyen. Ils ont du bois pour le sciage. Ils n'ont pas seulement de l'épinette assez mince, assez faible de diamètre pour la pâte. On voit un peu ce que ça peut donner comme rendement. C'est bien sûr qu'en 1920 ils savaient que c'était pour donner des résultats seulement en 1950, 1960, mais ils l'ont fait quand même.

Il y a d'autres pays. On pense au sud des Etats-Unis, où il y a eu un reboisement assez considérable dans les années trente. Actuellement, ils tirent profit de ça.

M. Baril: Si on tient compte de ce que vous dites, est-ce que ça pourrait répondre aux questions qu'on se pose souvent, à savoir pourquoi les compagnies s'en vont investir ou réinvestissent plus dans d'autres pays qu'elles n'investissent ici si, ici elles n'ont pas été tenues de reboiser et elles l'ont fait ailleurs? Ici, en réalité, elles n'ont rien fait de ça et ont laissé aller les usines pour augmenter ailleurs, c'est parce qu'elles se sont occupées du reboisement, c'est plus profitable qu'ici. Est-ce que ce serait une raison...

M. Godbout: En fait, il y a peut-être plusieurs raisons. D'abord, on a souvent dit, depuis quelques années, que la forêt ici était surtout en termes d'exploitation et non pas d'aménagement; alors qu'ailleurs, c'est beaucoup plus pensé en termes d'aménagement de la forêt. La décision d'une entreprise d'investir ailleurs ou ici est basée quand même sur des chiffres qu'elle a et sur des projections de coût, de prix de vente et de quantité. Mais, en général, elle a quand même une optique qui est relativement à court terme par rapport à ce que doit avoir l'Etat. Maintenant, pourquoi une entreprise va-t-elle ailleurs? C'est peut-être pour cette raison.

Si on pense au sud des Etats-Unis, ce n'est sûrement pas étranger à ça, le fait que les gens aient planté beaucoup d'arbres dans les années trente et, aujourd'hui, ils en plantent encore plus, et des arbres de qualité supérieure avec un rendement accru.

Tout cela leur donne de très belles forêts et vous pouvez vous imaginer que leurs coûts de ré-colte sont quand même assez faibles parce que des beaux arbres droits, en ligne, qui ont été plantés sur un terrain planche, cela se ramasse tout seul; à peu près. Cela aide beaucoup.

M. Baril: Vous suggérez dans votre mémoire d'imputer à l'industrie le coût de l'établissement de la forêt. Avez-vous considéré quel serait l'impact d'une telle politique sur l'industrie des pâtes et papiers?

M. Godbout: Ce qu'on dit, dans notre mémoire, ce n'est pas d'imputer à l'industrie le coût de l'établissement de la forêt; on dit que plutôt que de se demander si cela vaut la peine de rétablir la forêt après coupe, de savoir si c'est rentable ou

non et de calculer en termes d'investissement et de rentabilité économique, etc., ... On dit que cela doit être un principe établi qu'après coupe ou après perturbation—là on veut dire surtout les feux, les chablis et les épidémies peut-être — on devrait voir à ce que la forêt soit rétablie adéquatement. On dit dans notre mémoire que ceci ne devrait pas être considéré comme un investissement, mais comme un déboursé; autrement dit, c'est un genre de droit de couper. On dit à l'exploitant: Tu peux aller couper, mais à condition que tu nous remettes le sol, la forêt, dans une même capacité de production. Ce qu'on veut préciser dans ce premier aspect, c'est que c'est un déboursé et non pas un investissement; il s'agit de savoir si c'est rentable ou non parce qu'il y a quand même une perte de capital si on ne le fait pas.

Deuxième aspect: on dit que cela devrait être compris dans les redevances payées à l'Etat, on ne dit pas ajouté. Cela peut être parfois ajouté, parfois compris. Je pense qu'il faut tenir compte de la capacité concurrentielle de l'industrie, il faut tenir compte de la capacité de payer des différentes usines, mais on veut quand même que ce montant soit payé obligatoirement.

Dernier point qu'on signale, on veut qu'il soit utilisé aux fins prévues. Exemple, cela pourrait vouloir dire que si le droit de coupe actuel de $5 le cunit... Il n'y a rien dans notre mémoire qui indique qu'il doit être augmenté pour payer le l'établis- sement de la forêt, cela peut vouloir dire qu'il y a $2 de ceux-ci qui sont immédiatement réinvestis en forêt, mais cela peut aussi vouloir dire $2 de plus; cela dépend un peu des conditions de chaque industrie et de la capacité concurrentielle. Ce n'est pas notre intention, dans un objectif à long terme d'aménagement intensif des forêts, de vouloir, à court terme, mettre l'industrie par terre; je pense qu'il est quand même important de se le rappeler.

M. Baril: Vous suggérez qu'on devrait augmenter les droits de coupe aux compagnies, c'est cela?

M. Godbout: Non, on dit que dans les redevances devrait être inclus un montant qui est prévu et réservé pour rétablir la forêt. Ceci peut ou ne peut pas impliquer une augmentation de droits de coupe, selon la situation de l'industrie, la capacité de payer et ce que l'Etat peut faire là aussi.

M. Baril: Dans votre mémoire, vous en parlez et beaucoup d'autres en parlent aussi, on dit que pour les compagnies cela leur coûte plus cher de s'approvisionner sur les lots publics que sur des boisés privés. Si c'est vrai, comment expliquez-vous qu'on ne s'approvisionne pas plus sur les boisés privés? Les membres de la Fédération des producteurs de bois sont venus et ils se plaignaient qu'ils étaient maltraités par les compagnies parce que, à tout moment, il y avait des coupures de contrat. Combien connaît-on de producteurs, d'agriculteurs qui ont du bois qui pourrit le long du chemin. Si cela leur coûte meilleur marché, comment expliquez-vous qu'ils n'utilisent pas ce bois?

M. Godbout: Ils ont peut-être des raisons propres, en particulier, on peut penser qu'ils ont quand même des investissements, des installations de faites en forêt publique.

C'est sûr qu'une compagnie qui est organisée avec de la machinerie, même si cela lui coûte un peu plus cher, peut quand même utiliser ce qu'elle a. Si elle n'utilise pas ce qu'elle a, cela revient très cher à ce moment-là. Je crois qu'il y a une phase d'ajustement qui peut être pensée.

M. Baril: A la page 13, vous parlez des feuillus. Vous dites: "L'utilisation des feuillus à pâte subit l'importante contrainte des barrières tarifaires imposées par les Etats-Unis pour l'exportation des papiers fins vers ce pays? Pourquoi? Est-ce parce qu'ils en produisent plus que nous?

M. Godbout: Je pense que les papiers fins sont un peu différents des autres types de papiers. En général, il y a beaucoup plus de barrières tarifaires pour les papiers fins que pour les autres types de papiers et, en fait, je pense qu'on en produit assez. On a quand même dit que les Américains vendaient du papier fin ici, en dépit de la douane et des transports. On veut quand même signaler qu'au point de vue des feuillus, dans certains coins de la province, il y a une augmentation de la quantité des feuillus après coupe. Au lieu de revenir en résineux, cela revient souvent en feuillus. Actuellement, souvent, pour ces feuillus, il n'y a pas d'utilisation en vue. C'est vraiment un problème très grave. Ou bien on s'organise pour les utiliser, à ce moment-là, c'est très bien, mais il faut s'y préparer. Ou bien la forêt, la nouvelle forêt, sera une forêt non utilisable. Ce n'est pas souhaitable à ce moment-là.

M. Baril: Avez-vous des calculs ou des estimations approximatives pour savoir combien il se perd de feuillus, combien il en reste dans le bois, annuellement?

M. Godbout: Je ne le sais pas, mais ce que je peux dire assez rapidement, c'est que, si on prend la coupe des feuillus par rapport à la coupe des résineux, on s'aperçoit qu'il n'y a aucune mesure entre les deux. Il y a un rapport de sept à un. Pour un million de cunits de feuillus, il y en a neuf de résineux dans la province, en général. Les chiffres sont par ordre de grandeur, mais il y a un rapport de six ou sept à un, alors que la forêt est quand même dans une proportion un peu différente, de trois à cinq, ou quelque chose du genre. Il s'en perd parce qu'ils restent sur pied. Il s'en perd aussi parce qu'ils en contiennent probablement trop et sont considérés comme non exploitables. Un exploitant n'ira pas dans un peuplement de feuillus s'il n'y a que quelques tiges de sapin. Il va laisser le sapin là et le feuillu aussi. C'est de la forêt quand même, mais c'est de la forêt non utili-

sée et non utilisable actuellement. Le point important, c'est de savoir ce qu'on va en faire. Si on prévoit ne rien en faire, on a un problème assez grave sur les bras.

M. Baril: Oui, parce que vous disiez, entre autres — je ne me souviens pas de la page — qu'on devrait l'orienter vers du déroulage?

M. Godbout: Non... M. Baril: Du sciage?

M. Godbout: Disons que le problème des feuillus au Québec se divise en deux grandes zones; il y a la zone des feuillus dans la partie sud du Québec, c'est-à-dire le nord de Montréal et l'Outaouais où il y a beaucoup de feuillus à déroulage et à sciage: bouleau jaune, pin, ce dernier n'est pas un feuillu, mais considéré comme un feuillu, et d'autres essences similaires, orme, ainsi de suite. C'est la zone des feuillus, et dans cette zone, les feuillus sont des feuillus non pas à pâte, mais des feuillus à déroulage et à sciage. Le bouleau jaune, on ne le ramasse pas pour la pâte, on le ramasse pour le déroulage et le sciage.

C'est une zone qui devrait être aménagée pour ces bois, parce qu'on pense qu'il est souhaitable d'avoir une diversification industrielle; s'en aller vers le sciage de résineux, ce n'est peut-être pas bon. Il y a quelques usines de sciage de bouleaux jaunes, de pins blancs, de bouleaux blancs, d'ormes, de hêtres, ainsi de suite. Mais quand vous prenez des usines de sciage, pour qu'on ait une diversification industrielle, il faut avoir la ressource, et actuellement, la ressource de feuillus en termes de déroulage et de sciage est décroissante. C'est malheureux à dire, mais c'est décroissant. Le problème est tout à fait différent pour la zone des feuillus nordiques, ceux qu'on appelle des feuillus à pâte, le tremble, le bouleau blanc qui est de qualité plus ou moins bonne.

M. Baril: Selon vous, le feuillu qui peut servir au sciage ou au déroulage, dans certaines forêts que vous avez mentionnées, est-ce qu'il y a de la perte à ces endroits? Il s'en gaspille aussi.

M. Godbout: Je pense que c'est quand même assez bien connu que les feuillus abattus pour le sciage et le déroulage, la plus grande partie, les houppiers, les branches — parce que pour faire du sciage et du déroulage, ils ne prennent pas ce qui a quatre pouces, ils prennent ce qui a neuf ou huit pouces, ainsi de suite — tout ce qui reste, après coupe, est perdu. Cela pourrait éventuellement aller à la pâte, mais actuellement, il n'y a pas beaucoup d'usines de pâtes au Québec qui utilisent des feuillus, alors c'est perdu dans ce sens. A part les autres feuillus qui restent sur pied.

M. Baril: Vous avez parlé de la constitution du conseil de la recherche. Depuis 1975 que les gens ont démissionné. Pourquoi ont-ils démissionné?

M. Godbout: En fait, leur démission... Je vais laisser Pierre répondre.

M. Villeneuve: Disons que le conseil avait été formé en 1969 et il a fonctionné pendant six ans, assez bien. En 1973, on avait formé un comité pour étudier une politique de recherche et de développement au Québec. Les trois membres du groupe ont donné leur politique, avec des recommandations et tout, et les membres du conseil ont démissionné.

A la remise de leur rapport, ils ont dit: On va démissionner, de façon à donner la chance au ministre, s'il croit à la recherche forestière, de continuer le conseil, de le reconstruire. Ils ont démissionné et cela est resté comme cela. Cela a été oublié. On s'est posé une question: Est-ce qu'on y croit? C'est une autre...

M. Baril: Mais, durant le temps que ce conseil a existé, est-ce qu'il y a eu des réalisations de faites? Est-ce que le gouvernement a tenu compte des recommandations? Je ne sais pas quel était leur rôle au juste.

M. Villeneuve: II y a eu des réalisations. Il y a eu beaucoup de travaux de comité. Par exemple, en technologie du bois, il y a eu un travail qui a été fait, un document de 50 pages a été produit, avec des recommandations du point de vue de la recherche en technologie, du point de vue de l'éducation à l'université. Ensuite, il y a eu beaucoup de travail sur la recherche, sur les pins, dans le domaine de la recherche à faire concernant les feuillus, surtout pour les feuillus de haute qualité comme le bouleau jaune, l'orme et le frêne. Ces recommandations ont été transmises au ministre et, comme c'est un conseil consultatif, le ministre est quand même libre d'en faire ce qu'il veut. Comme vous le savez, en 1975, le conseil n'a pas été aboli, mais a été relégué aux oubliettes.

M. Baril: On n'a pas jugé bon de le remplacer?

M. Villeneuve: Non, je crois que c'est cela qui est arrivé. On a tendu la perche pour savoir si on croyait à la recherche forestière, mais je pense qu'on n'y croit pas.

M. Baril: Je vous remercie.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A la suite d'une entente intervenue entre les différents partis politiques, par exception, les travaux de la commission, ce midi, seront ajournés sine die. Je demanderais aux gens de se présenter à nouveau pour quatre heures.

M. Pagé: Avec les questions de l'Opposition officielle, M. le Président? Est-ce que M. le député d'Arthabaska a terminé?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec les questions de l'Opposition officielle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 heures)

Reprise de la séance à 17 h 21

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

Je demanderais aux représentants de l'Ordre des ingénieurs forestiers de bien vouloir excuser les membres de la commission. Les travaux préliminaires de l'Assemblée viennent à peine de se terminer; c'est peut-être parce que c'était la première journée de la deuxième partie de la session. Là-dessus, je cède la parole au député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vous remercie. Je tiens tout d'abord à remercier les représentants de l'Ordre des ingénieurs forestiers. A la lecture de votre mémoire, il y a plusieurs questions, évidemment, qui m'étaient venues à l'esprit, suite aux différentes informations et particulièrement aux différentes recommandations que vous formulez dans votre document.

Cependant, plusieurs de ces questions ont été résolues par des réponses que vous avez données aux questions du député d'Arthabaska, qui ont été posées ce matin; j'en aurais quand même quelques autres. Vous faites état, vous recommandez, somme toute, d'adopter des mesures qui pourraient favoriser une relation entre les approvisionnements et l'aménagement, une diminution des coûts d'approvisionnement. Vous parlez beaucoup de l'utilisation de la matière première évidemment. Ne croyez-vous pas qu'un des moyens ou un des leviers importants pour le gouvernement afin d'atteindre les objectifs que vous formulez dans les recommandations de votre document, aux pages 20 et 21, un des éléments importants de ce levier, un des leviers importants, c'est la révocation des concessions forestières? Cela a été discuté à quelques reprises au cours des audiences de cette commission. J'aimerais bien avoir vos commentaires, parce qu'à certains moments les entreprises nous ont dit que c'est pratiquement impossible d'atteindre les objectifs qu'elles se sont fixés, que c'est pratiquement impossible d'atteindre les objectifs qu'on atteint actuellement, soit au chapitre de l'opération, la rationalisation des courbes, la gestion, etc., si le gouvernement continue de procéder à la révocation des concessions forestières qui avait été amorcé par l'ancien gouvernement. Croyez-vous, à la lueur de l'expérience que vous avez, d'une part, qu'il est souhaitable pour une meilleure gestion de nos forêts, pour atteindre les objectifs que vous faites vôtres dans les recommandations que vous formulez, qu'il est souhaitable, dis-je, que le gouvernement puisse continuer tout au moins, continuer si ce n'est pas accélérer, le processus de révocation des concessions forestières, dans un premier temps? Et, comme deuxième volet à ma question, croyez-vous que, même avec la révocation des concessions forestières, les compagnies peuvent atteindre les objectifs nécessaires pour une gestion, non pas une gestion, mais une utilisation optimale de la ressource?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Excusez-moi; puisque c'est une nouvelle séance, j'ai oublié de remplir une formalité importante qui est celle de nommer les membres de la commission pour la présente séance. M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de M. Brochu (Richmond), M. Desbiens (Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M. Grégoire (Frontenac), M. Gendron (Abitibi-Ouest) en remplacement de M. Joron (Mille-Iles); M. Larivière (Pontiac) remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M. Mercier (Berthier)...

M. Pagé: M. O'Gallagher.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Gagnon (Champlain) en remplacement de M. Perron (Duplessis).

M. Godbout: Pour répondre à votre première question, nous pensons que pour atteindre les objectifs dont on parle dans notre mémoire et peut-être d'autres aussi la révocation des concessions est un instrument essentiel et utile. Quant à votre deuxième question, à savoir si les compagnies vont quand même pouvoir atteindre leurs objectifs ou atteindre ce qu'elles pensaient faire, je suis mal placé pour y répondre. Je ne suis pas ici pour répondre pour les compagnies elles-mêmes. Je ne vois pas quel objectif elles ne pourraient pas atteindre.

M. Pagé: D'accord, merci, là-dessus. Vous savez qu'à plusieurs reprises il a été fait état de la relation existant entre les usines de sciage et les compagnies de papier. Vous n'êtes pas sans savoir non plus que cette relation se traduit parfois par des problèmes particuliers. On a eu l'occasion de faire état du problème dans le Nord-Ouest québécois, avec le surplus de copeaux, etc. A la recommandation no 8 de votre mémoire, vous dites: "que des formules soient élaborées pour faciliter l'association de l'industrie du sciage et de celle des pâtes et papiers, tant au niveau de la récolte qu'au niveau de la coordination des approvisionnements". Quand vous parlez d'association, vous recommandez au gouvernement d'aller jusqu'où dans des mesures intégrationnistes ou autres? Somme toute, vous formulez une recommandation, mais est-ce que cette recommandation, selon vous, peut contribuer à régler largement le problème qu'on connaît actuellement? D'autre part, j'aimerais que vous élaboriez peut-être un peu plus le sens de cette recommandation comme telle.

M. Godbout: D'accord. Dans le document, on parle non pas d'intégration, parce que même si le

terme, strictement parlant, ne veut pas dire une absorption financière, souvent, on est porté à penser que cela veut dire cela. Plutôt que d'employer le terme "intégration", on a employé le terme "association". Effectivement, si on doit s'en tenir au sens des mots, c'est probablement une intégration des produits ou de la production.

Maintenant, dans le document, on parle d'intégration et d'association. Ce qu'on veut dire, c'est que, dans un premier temps, en forêt, vous savez sûrement qu'il existe différents types de bois, différentes essences, différents diamètres; c'est bien sûr que pour faire du sciage, cela prend un certain diamètre. Ce n'est pas avec un quatre pouces qu'on va faire des madriers. Par contre, un quatre pouces, pour la pâte, c'est numéro 1. On dit: D'abord, en forêt, il y a lieu de trouver des mécanismes qui existent déjà dans bien des cas. Il ne faut pas se surprendre. Il y a bien des coins au Québec où, déjà, il y a une intégration au niveau de la récolte qui permet d'envoyer les tiges les plus intéressantes, en termes de diamètre, de dimension et de qualité, au sciage, et d'envoyer les tiges les moins intéressantes à la pâte. Parce que pour la pâte, à l'usine, on défait l'arbre, alors qu'à l'usine de sciage, ça nous prend une dimension. Il y a d'abord cet élément. Ceci est vrai si on parle de même essence et si on parle de différentes essences, par exemple, les feuillus et les résineux.

On sait très bien qu'il y a beaucoup de compagnies au Québec, il y a beaucoup d'exploitants qui utilisent les résineux, et les feuillus sont laissés sur place. Mais on pense qu'il est souhaitable que ceux qui ramassent les feuillus, plutôt que de venir après ramasser le feuillu avec une autre opération, un autre groupe de travailleurs, d'autres types de machinerie, pourquoi cela ne se fait-il pas dans une même opération, livré en bordure de route et, après, les produits pourraient être envoyés aux usines de sciage, de pâte, de feuillus et de résineux? C'est d'abord ça qu'on voudrait préciser.

Excusez. Si vous permettez, je n'ai pas tout à fait fini.

Là, on parle de la forêt. C'est pareil au niveau des approvisionnements, approvisionnements non seulement en billes, mais aussi en copeaux. On pense, nous, qu'il est souhaitable d'utiliser toute la matière ligneuse qu'on extrait de la forêt et ça veut dire les copeaux, ça veut dire aussi le bran de scie et les planures. Vu que cette matière est déjà à moitié transformée, pas à moitié, mais semi-transformée, pourquoi ne pas l'utiliser? Mais par contre, pour pouvoir l'utiliser à long terme, il est bon d'avoir des arrangements entre les usines de pâte et les usines de sciage pour l'approvisionnement de copeaux ou de planures et sciures, parce que c'est bien sûr que si les contrats étaient uniquement annuels, cela mettrait à la fois l'industrie du sciage et à la fois l'industrie des pâtes dans une position de négociations annuelles. C'est précaire un petit peu, parce que I 'usine ne sait pas si elle aura tous ses copeaux et si ça ne restera pas pris. A l'inverse, l'usine de pâte, qui est organisée pour recevoir telle quantité de copeaux, ne sait pas si elle va pouvoir avoir tous les copeaux qu'elle devrait avoir.

Nous, on parle d'association. Maintenant, on n'est pas prêt à aller à l'intégration financière.

On pense qu'il serait souhaitable d'avoir deux secteurs industriels, surtout dans certains coins. Cela permettrait de développer des usines locales plus facilement, des usines de sciage en particulier. Il peut y avoir des associations, soit au niveau de la coupe, des approvisionnements, des contrats à long terme. Ces associations peuvent prendre différentes formes.

M. Pagé: Je vous remercie de vos réponses, M. le Président.

M. Grenier: Brièvement, nous désirons vous remercier de nous avoir présenté un mémoire. Déjà plusieurs questions qui vous ont été posées ont servi à nous éclairer sur la situation. Vous signalez, à la fin de la page 10, que des mesures incitatives de la part de l'Etat pourraient jouer un rôle. Vous parlez de l'aménagement de la forêt. Avez-vous des propositions bien concrètes à faire pour que les compagnies... Je sais qu'il y a un assez bon nombre de compagnies qui sont soucieuses de l'aménagement de la forêt — il ne faut pas en nommer pour ne pas déprécier les autres — mais je pense que l'éducation se fait dans ce sens. Il y a un certain nombre de compagnies qui sont soucieuses de l'aménagement de la forêt. Dans ces mesures que vous soulignez, y en aurait-il qui pourraient faire que les compagnies aménagent davantage leurs forêts?

M. Godbout: Je pense que si on regarde un peu ce qui se passe dans différents pays au monde, les mesures fiscales ont quand même une préférence en ce sens que l'Etat, souvent, par des mesures fiscales, par le rapport d'impôt, à la suite de crédits à l'investissement en forêt, aide les entreprises qui veulent investir leur part en forêt. C'est bien sûr que l'entreprise a relativement une vie à court terme. Souvent elle ne peut pas supporter des investissements qui vont s'échelonner durant 40 ou 50 ans. L'Etat le peut plus facilement parce qu'il est quand même plus en mesure de récupérer cela. Je pense que si on peut, par des mesures incitatives, amener l'industrie à participer aux investissements en forêt en leur donnant un bénéfice immédiat qui serait le rapport d'impôt ou des mesures en termes de fiscalité, cela pourrait contribuer en ce sens, je pense en termes de mesures fiscales. Maintenant, je ne suis pas un spécialiste des questions fiscales pour dire précisément quelles mesures. On n'a pas voulu l'étudier en profondeur.

M. Grenier: Pourriez-vous nous informer si des compagnies — vous pourriez peut-être nous répondre un peu plus pour la partie gouvernementale — si vous sentez que depuis une dizaine d'années on a pris un plus grand soin de l'aménagement ou du réaménagement de la forêt?

M. Godbout: Je serais bien embêté de vous répondre à ce sujet. Je peux difficilement comparer la dernière décennie avec la précédente. Ce n'est pas très vieux.

M. Grenier: Pour la partie gouvernementale, le ministre serait plus en mesure de nous dire les investissements qu'il met pour l'aménagement.

M. Godbout: C'est vraiment assez difficile parce qu'on n'a pas vraiment fait de sylviculture au Québec. Je sais que des efforts ont été faits par diverses compagnies, mais ce sont quand même des efforts qui étaient sur des superficies restreintes, plus en termes de projets expérimentaux ou de projets locaux. Il y en a eu effectivement, mais, de là à pouvoir influencer l'approvisionnement des usines, c'est différent.

M. Grenier: Est-ce qu'il vous semble qu'il y a eu des études de faites pour recycler le bois, par exemple pour savoir que, dans tel secteur, cela pourrait être du cèdre, ailleurs du pin, à d'autres endroits de l'épinette ou du sapin ou des feuillus, par exemple. Est-ce que vous êtes au courant des dernières données? Est-ce que c'est sérieux le travail qui est fait, entre autres, par le ministère en ce sens-là?

M. Godbout: Le recyclage du bois...

M. Grenier: C'est-à-dire à savoir que le re-zoné, si vous voulez...

M. Godbout: Oui. Je pense que si, actuellement, il faut essayer d'avoir les usines en fonction de la ressource qu'on a, il faut aussi, en pensant au futur, essayer d'avoir la forêt pour l'usine qu'on aura à ce moment-là. En ce sens, c'est bien sûr qu'il est souhaitable que des efforts soient faits pour avoir une forêt telle qu'on la voudra à ce moment-là. Si, actuellement, dans certains coins, il y a du feuillu, et si on pense ne pas en vouloir dans 20 ans, c'est aussi bien de mettre du cèdre, du résineux ou du pin. Par contre, si on prévoit une demande très forte de bouleau jaune, de merisier, de pin ou autre chose, c'est aussi bien d'en produire à ce moment-là. Je pense que tout est conditionné par les besoins, par les marchés, par la technologie de transformation.

M. Grenier: Je pense que la question se pose mal pour vous, quoique vous soyez quand même assez bien placé pour le savoir. Est-ce qu'il y a des études de faites pour savoir ce qui nous attend d'ici 15 ans? Quels seront les besoins d'ici 15 ans? Dans quel secteur de bois? Est-ce qu'on sera dans le feuillu, est-ce qu'on sera dans le résineux? Est-ce que c'est équilibré d'après vous? Est-ce que vous pouvez nous fournir de l'information là-dessus?

M. Godbout: Malheureusement, je ne peux pas vous fournir de l'information. C'est justement une des questions importantes qu'on soulève dans lé mémoire. On dit que, pour ce qui est des feuillus, les feuillus à pâte en particulier, parce qu'on se doute quand même que pour ce qui est des feuillus à sciage, il n'y a pas tellement d'inquiétude. Du merisier, on en voudra toujours, du pin aussi. On parle du feuillu à pâte, du tremble, du bouleau et des arbres moins intéressants; souvent, on soulève la question dans notre mémoire et il est important d'avoir une réponse à ce sujet-là. Est-ce qu'on va pouvoir les utiliser ou non. Si oui, à ce moment-là, c'est bien qu'on aménage la forêt en fonction des essences.

Par contre, si on ne pense pas pouvoir les utiliser à ce moment-là, qu'on y voie, parce qu'il y a beaucoup de forêts au Québec qui se régénèrent en pin. Je ne dis pas que c'est l'ensemble du Québec, mais on s'aperçoit qu'après coupe, les feuillus viennent beaucoup plus facilement que les résineux, en partie du fait qu'on laisse les feuillus sur pied. Quand on va dans une forêt, on coupe les résineux et on laisse les feuillus sur place. Cela fait des graines pour l'année prochaine et, pour celui qui revient, ce n'est pas bien difficile à deviner.

M. Grenier: Je vous remercie.

M. Godbout: Merci, monsieur.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce qu'il y aurait d'autres intervenants? Là-dessus, MM. les représentants de l'Ordre des ingénieurs forestiers, je vous remercie énormément pour votre collaboration à cette commission. Au nom des membres de la commission, je m'excuse encore du retard apporté au début de nos travaux cet après midi.

Merci beaucoup.

J'inviterais maintenant le Syndicat canadien des travailleurs du papier et la Fédération des travailleurs du Québec, de même que leurs représentants, à bien vouloir venir présenter leur mémoire, s'il vous plaît.

M. Pagé: M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Portneuf, sur une question de règlement. Oui, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Juste une information. Je réalise que le ministre... Il nous arrive un ministre, mais est-ce qu'on doit procéder à la lecture de ce document qui est pour nous fort important sans la présence du ministre des Terres et Forêts?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai une information. M. le ministre était convaincu que ce mémoire ne commencerait pas avant 20

heures ce soir et il m'avait assuré de sa présence à 20 heures ce soir. Mais je pense que, de toute façon, il en a certainement pris connaissance, comme on a pu s'en apercevoir depuis quelques semaines. Il sera certainement présent pour la période de questions à 20 heures. Je ne sais pas si le ministre d'Etat aurait quelque chose à ajouter.

M. Landry: II m'avait, en plus, dit que si, d'aventure, la FTQ parlait avant six heures, de me tenir en disponibilité pour le remplacer et de demander aux intervenants de l'excuser; il sera parmi nous à 20 heures.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. M. le député de Portneuf, sur une question de règlement.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas prendre trop de temps, le temps fuit, il est tellement important. Je tiendrais tout d'abord à m'excuser auprès des représentants de la Fédération des travailleurs d'avoir à intervenir avant que ceux-ci puissent faire lecture de leur mémoire.

M. le Président, vous avez assisté, tout comme moi, aux délibérations des travaux de l'Assemblée nationale cet après-midi, séance au cours de laquelle j'ai eu l'occasion de soulever une question de privilège, de saisir l'assemblée des privilèges des membres, particulièrement de cette commission, à la suite de la position de la compagnie Consolidated Bathurst de ne pas rendre publics les chiffres, le bilan, les états financiers de la compagnie, division de la Wayagamack, au Cap-de-la-Madeleine.

Vous vous rappellerez, M. le Président, qu'une motion avait été adoptée par les membres de cette commission, avec abstention du ministre, demandant à la compagnie — cette motion avait été adoptée, si ma mémoire est fidèle, le 29 septembre dernier — de la part des membres de la commission, suite à une motion, je le répète toujours, que celle-ci accepte de répondre à la requête des membres de la commission et de rendre publics ces chiffres qui sont tellement importants pour les parties en cause, particulièrement les représentants syndicaux qui sont certainement intéressés, à la lueur de ces chiffres, à étudier une méthode éventuelle de gestion nouvelle, où, entre autres, les employés pourraient être impliqués.

On se rappellera qu'à cette occasion, j'avais invoqué que si les travailleurs de la Wayagamack étaient intéressés à étudier un mode de gestion nouveau, il allait de soi que ceux-ci se devaient d'avoir les chiffres bien en main.

Or, M. le Président, compte tenu qu'on n'a pas voulu recevoir la motion que j'ai présentée tout à l'heure à l'Assemblée nationale, j'aurais donc deux possibilités en vertu de notre règlement. Dans un premier temps, je pourrais me prévaloir des articles 79 et 81, par une motion annoncée, qui entraînerait un débat vraiment privilégié à l'Assemblée; si je me prévalais des articles 79 et 81, cela voudrait dire que toute la journée de jeudi prochain et peut-être vendredi matin, seraient spécialement consacrés au débat sur cette motion.

M. le Président, compte tenu qu'il est urgent, compte tenu qu'il est impérieux de donner suite à ce que la commission avait souhaité, dans un voeu exprimé le 29 septembre, compte tenu, de plus, qu'il n'est pas préférable, dans les circonstances, que la question soit reportée à jeudi et que, par surcroît, jeudi, on mobilise l'Assemblée nationale sur cette question qui pourrait être réglée d'une autre façon, soit ici même, à la commission parlementaire...

M. le Président, l'article 153 nous permet de faire un rapport au président de l'Assemblée, par le fait même à toute l'Assemblée, qui pourrait être intérimaire, qui n'impliquerait pas la fin ou la terminaison de nos travaux. Cela pourrait être un rapport intérimaire, comme cela s'est produit à la commission parlementaire qui étudiait toute la question des Olympiques, où il y a eu, on se rappellera, plusieurs rapports des travaux de la commission qui ont été déposés en Chambre, sans pour autant que les travaux de la commission ne soient terminés.

M. le Président, pour ces motifs, je fais donc motion pour qu'en vertu de l'article 153 de notre règlement, cette commission accepte qu'un rapport intérimaire soit fait à l'Assemblée nationale le plus tôt possible, par le rapporteur de la commission, et que ce rapport indique ce qui s'est effectivement passé le 29 septembre, à savoir que la commission, unanimement, sauf l'abstention du ministre, a demandé que les chiffres, les états financiers et le bilan, somme toute le portrait financier des activités de l'usine Wayagamack, division du Cap-de-la-Madeleine, puisse être déposé ici, devant les membres de cette commission.

Si je prends cette initiative c'est qu'afin que soient respectés les privilèges et droits de cette assemblée, de cette commission qui est quand même le prolongement de l'Assemblée nationale et afin que soient prises les dispositions nécessaires pour que la compagnie Consolidated Bathurst rende publics le bilan et les états financiers de son usine du Cap-de-la-Madeleine, division Wayagamack et ce, tel que demandé par la commission parlementaire le 29 septembre 1977.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf...

M. Pagé: M. le Président, je vais textualiser ma motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît, par écrit.

M. Pagé: Oui. Je conclus, M. le Président.

M. le Président, je termine et je vous remets la motion.

Je tiendrais cependant à vous dire, avant que vous ne la déclariez recevable, je l'espère, qu'évidemment, si un représentant du gouvernement ou encore, si M. le ministre, ou encore, si vous, en tant que président, vous pouvez nous informer que, suite au voeu que la commission a formulé et suite à la requête qui a été présentée par la commission, si la compagnie y a accédé, la

compagnie peut vous avoir répondu il y a quelques heures, hier ou il y a quelques jours, disant qu'elle acceptait de donner suite au voeu formulé par la commission et de déposer les documents qui sont requis, évidemment, si tel est le cas, je pense qu'on n'aura même pas besoin de débattre la motion. L'objectif que vise cette motion serait déjà atteint.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à ce que la présidence reprenne son fauteuil; si ce n'est pas avant 18 heures, ce sera à 20 heures. Pour prendre cette motion en délibéré, cela peut aller à 17 h 50 ou 17 h 55. Si, à 18 heures, la séance n'a pas repris, elle reprendra à 20 heures.

M. Grenier: M. le Président, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de lire la motion d'abord et d'annoncer immédiatement qu'on la remet à 20 heures, étant donné que c'est pour trois ou quatre minutes seulement, plutôt que de faire revenir Iles députés encore une fois et les gens qui sont ici?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, "je fais motion pour que en vertu de l'article 153 de notre règlement, cette commission accepte que son rapporteur dépose à l'Assemblée nationale un rapport intérimaire afin que soient respectés les privilèges et droits de cette Assemblée et que vous preniez les dispositions pour que la compagnie Consolidated Bathurst rende publics le bilan et les états financiers de son usine du Cap-de-la-Madeleine, division de la Wayagamack, et ce, tel que demandé par notre commission le 29 septembre 1977". Or, comme j'aurai à me prononcer sur la recevabilité de la motion qui a rapport à l'article 153, comme je dois fouiller les procès-verbaux des séances du 29 septembre et peut-être même antérieurement, et pour ne pas faire perdre inutilement le temps de tout le monde, je suspends les travaux jusqu'à 20 heures. D'accord?

(Suspension de la séance à 17 h 48)

Reprise de la séance à 20 h 7

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, messieurs!

La décision sur la motion qui a été présentée par le député de Portneuf. J'aimerais demander s'il y a consentement unanime pour que le député de Saint-Hyacinthe agisse au lieu et place de M. Grenier (Mégantic-Compton). C'est bien ça?

M. Pagé: Oui, M. le Président. Nous y souscrivons avec enthousiasme.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Que M. Brassard (Lac-Saint-Jean) agisse au lieu et place de M. Grégoire (Frontenac).

M. Pagé: Heureusement.

Des Voix: Entièrement d'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le consentement unanime est constaté.

Une Voix: C'est une amélioration. M. Pagé: C'est une amélioration.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brassard: ... la question d'après-midi...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: On peut se taquiner, messieurs... Soyez sereins.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le député de Portneuf, aux environs de 17 h 45 — je suis sûr que ce n'était pas prémédité —a fait une motion, en vertu de l'article 153 de notre règlement, pour que cette commission accepte que son rapporteur dépose à l'Assemblée nationale un rapport intérimaire afin que soient respectés les privilèges et droits de cette Assemblée et que vous preniez les dispositions pour que la compagnie Consolidated-Bathurst rende publics le bilan et les états financiers de son usine du Cap-de-la-Madeleine, division de la Wayagamack et ce, tel que demandé par notre commission le 29 septembre 1977.

L'article 153 stipule que: "Lorsqu'une commission élue a requis une personne — morale ou physique — de se présenter devant elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette personne refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au président— c'est là le sens de cette motion — et celui-ci— le président de l'Assemblée nationale — prend les moyens nécessaires pour que la demande de la commission soit satisfaite".

Or, la première question que j'ai à me poser, évidemment, c'est: est-ce que, telle que rédigée, la motion du député de Portneuf est recevable?

La motion adoptée le 29 septembre 1977, avec l'abstention du ministre des Terres et Forêts, stipulait que la commission parlementaire des richesses naturelles et des terres et forêts formule le voeu que la société Consolidated-Bathurst dégage le ministre des Terres et Forêts de ses engagements à la confidentialité et que le ministre dépose à cette commission, compte tenu de l'intérêt et de l'urgence du cas de la Wayagamack, du Cap-de-la-Madeleine, tous les documents, échange de documents de même nature qui ont servi aux discussions entre la compagnie Consolidated-Bathurst et le ministère des Terres et Forêts ou les syndicats. Donc, dans le sens de la motion adoptée à l'unanimité, sauf une abstention, en date du 29 septembre, on demandait à la Consol. une chose: Non pas de rendre publics des documents, de déposer des documents, mais de dégager le ministre de la confidentialité, et si le ministre était dégagé, il lui appartenait, à ce moment, de rendre le document, public.

En vertu de l'article 65 de notre règlement, le président doit mettre en délibération toute motion mais dès qu'une motion lui paraît irrégulière, en elle-même ou par les buts qu'elle veut atteindre, il doit le signaler à l'Assemblée et il peut, après avoir motivé sa décision, refuser qu'on en délibère ou qu'on la mette aux voix.

Or, ce que je suggère au député de Portneuf, puisque sa motion, même si elle n'est pas dans la forme conforme à notre règlement, elle l'est certainement dans le fond... Je sais pertinemment qu'il a posé des questions verbales précises, à ce sujet, à la compagnie ou à ses représentants, à savoir, par exemple, des dépôts de documents et je sais pertinemment pour avoir assisté à cette commission que la réponse a été négative. Je me demande, s'il n'y aurait pas lieu, dans les circonstances, que le député de Portneuf présente à nouveau une motion ayant le même fondement, mais au lieu de se fonder sur la motion adoptée unanimement, sauf une abstention, de se fonder sur des questions précises qui auraient été posées par des députés, à cette commission, soit le député de Portneuf ou un autre, et des réponses négatives qui auraient pu être données par des intervenants. A ce moment, si les questions ont bel et bien été posées et si les réponses sont négatives, je me devrai d'appliquer l'article 153 et déclarer la motion recevable. A ce moment, la commission décidera si celle-ci sera adoptée ou non.

M. Pagé: D'accord. M. le Président, je vous remercie d'avoir consacré tout le temps du dîner au délibéré sur la motion qui a été présentée vers 17 h 45. Je vous remercie parce que cela vous a certainement obligé à regarder et analyser toute la jurisprudence sur cette question. Je dois vous dire, M. le Président, à prime abord, que cette motion que j'ai formulée dans le libellé a quand même été faite de façon assez expéditive puisque j'ai fait ma motion verbalement et vous m'avez demandé de la rédiger, ceci en ce qui concerne la forme.

En ce qui concerne le fond, c'est le cas, et je reconnais chez vous la sagesse d'un prudent avocat quand vous faites état des commentaires que vous venez de formuler.

Ne soyez pas inquiet, le pot ne suivra pas les fleurs, ce que je dis est vrai et je le pense.

C'est le cas de l'article 153, d'une part, qui n'a pas eu souvent d'implication en commission parlementaire et cela explique à bon droit les questions qu'on peut se poser. Si vous permettez, M. le Président, on va reprendre l'article 153. "Lorsqu'une commission élue a requis d'une personne de se présenter devant elle pour se faire entendre ou pour produire des documents..." On dit bien que c'est la commission qui doit demander un dépôt de document. Cela pourrait même aller, M. le Président, jusqu'à vouloir dire que si cette demande était formulée uniquement par un membre de la commission, cela pourrait être discutable sur la recevabilité de la motion. C'est le premier élément. Le deuxième élément, c'est que si on se réfère au journal des Débats du 29 septembre, vous allez vous rappeler que ce n'était pas facile l'échange avec la compagnie. On se rappellera qu'il a fallu poser plusieurs questions. Les réponses ne reflétaient pas toujours le sujet sur lequel la question avait été posée.

M. le Président, je ne voudrais pas, par un amendement ou par une modification à la motion déjà proposée, qu'on parte encore sur des délibérations qui pourraient durer toute la soirée, et somme toute, arriver vers 11 heures ce soir après que vous ayez eu l'occasion de délibérer sans savoir exactement si la motion est recevable. Une chose est certaine, M. le Président, c'est que la commission a le droit d'exiger de la Consol de déposer ses chiffres, ses bilans. Et si la compagnie refuse, à ce moment-là, dans l'esprit de l'article 153, ce sera d'une part la commission qui l'aura exigé et d'autre part, la commission, par le biais de son rapporteur et de son président, aura constaté que la compagnie s'y est soumise ou non.

M. le Président, pour mettre fin à toute ambiguïté, pour être bien clair et aussi pour atteindre les mêmes objectifs, je vais retirer ma motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Que j'avais oublié de déclarer irrecevable.

Motion demandant la comparution

de Consolidated-Bathurst,

division Wayagamack

M. Pagé: D'accord. Je vais retirer ma motion et je vais vous présenter celle-ci qui est beaucoup plus claire et qui, selon moi, ne peut porter aucune ambiguïté. M. le Président, je fais motion pour que cette commission ordonne à la compagnie Consolidated-Bathurst, division de Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine, de comparaître devant la commission parlementaire des terres et forêts, mercredi le 19 octobre 1977 à 10 heures ou à la prochaine séance que tiendra ladite commission relativement à l'industrie des pâtes et papiers au Québec, et de produire devant la commission ses états financiers des dix dernières années, son

bilan et tous les documents relatifs aux activités financières.

M. Brassard: Toute la compagnie.

M. Pagé: Division Wayagamack, Cap-de-la-Madeleine.

Ce n'est pas du tout ambigu.

M. le Président, je vous remets cette motion et je suis certain que, claire et précise comme elle est, j'ose le croire, elle sera jugée recevable. L'ambiguïté va être terminée, M. le Président. L'entreprise pourra dire, on comparaît ou on ne comparaît pas et, si on comparaît, on donne les chiffres ou on ne les donne pas. Sur la foi de la réponse que nous aurons... C'est précis, ce n'est pas un voeu, ce n'est pas une demande, ce n'est pas une recommandation de la commission pour relever le ministre de la confidentialité concernant l'engagement qu'il a pris, c'est clair et précis. On demande, par le biais de cette motion, que la compagnie soit entendue devant la commission parlementaire pour déposer les bilans, les états financiers des dix dernières années relatifs à l'usine Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine. Si la compagnie l'accepte, tant mieux, on aura les chiffres. Cela pourra profiter à toutes les parties, cela pourra servir à tous ceux qui sont intéressés, de près ou de loin, à étudier un nouveau mode de gestion. Si la compagnie ne veut pas, l'article 153 prévaudra. Un ordre de la commission, l'intervenant, la compagnie n'aura pas donné suite à un ordre de la commission et, à ce moment-là, ce seront les droits et les privilèges, non seulement des membres de la commission, mais de l'Assemblée nationale comme telle. Notre commission est quand même le prolongement de l'Assemblée nationale. Ce seront le privilège et le droit des membres de l'Assemblée qui seront mis en cause.

A la lumière, à la lecture de notre règlement, d'ailleurs, il y a eu plusieurs cas comme ça dans le passé. La président de l'Assemblée nationale a tous les pouvoirs pour faire en sorte que les droits et les privilèges des parlementaires soient respectés intégralement et que ceux qui ont à comparaître devant nous soient soumis à l'application de notre règlement.

Donc, M. le Président, c'est ma motion. J'espère une chose, M. le Président, un élément, je suis peiné que M. le ministre ne soit pas ici. Je comprends qu'il a beaucoup d'engagements, mais j'ose croire que, sans délibérations trop longues, on pourra en arriver à un vote qui, je l'espère, sera unanime de la part des membres de la commission pour accepter la motion que je viens de formuler.

M. le Président, c'étaient mes commentaires et je vous remercie.

Motion prise en délibéré

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf, MM., surtout de la Fédération des travailleurs du Québec, ce n'est pas mon habitude de prendre des demandes en délibéré, j'ai même l'habitude de rendre des décisions sur-le-champ.

Mais comme le député de Portneuf l'a dit, l'article 153 n'a pas énormément de jurisprudence. Je suis conscient que la décision qui va être prise sur la requête, sur la motion telle que rédigée, peut causer une sorte de précédent et peut avoir des conséquences sur des décisions futures qui auront à être prises, puisque cette décision implique, en fait, le refus de répondre à des questions de tout intervenant, quel qu'il soit, ou le refus de produire des documents par tout intervenant.

Vous voyez l'impact que peut avoir la recevabilité ou l'irrecevabilité de cette motion. Je dois vous avouer que le député de Portneuf, qui a une plus longue expérience que la mienne ici, à l'Assemblée nationale, fait état que la jurisprudence, là-dessus, n'est pas très énorme. Je me fie à sa parole et je suis malheureusement dans l'obligation...

M. Pagé: M. le Président, je crois percevoir dans vos yeux, dans vos intentions, que vous voulez suspendre pour quelques minutes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, pour quelques minutes.

M. Pagé: M. le Président, je serais d'accord que possiblement, vous puissiez vous faire remplacer par un de nos collègues et qu'on procède à l'audition du mémoire des représentants qui sont devant nous, qui attendent quand même depuis 17 h 45, quitte à ce que lorsque l'on aura terminé le dialogue et les échanges avec les gens de la FTQ, vous pourriez reprendre votre fauteuil pour nous faire part de votre décision et ainsi, on pourra gagner du temps.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Votre présomption était bonne. J'avais justement l'intention de suspendre. Effectivement, je pourrais me faire remplacer...

M. Pagé: M. le Président, une seule question. Est-ce qu'on applaudissait le ministre?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! Ici, je me dois, avant d'aller délibérer sur cette question, en toute objectivité, de dire quelque chose que j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques minutes avant 20 heures, à certaines personnes qui sont ici présentes. Je pense qu'il n'est pas question ici de partisanerie politique, il est question de remplir mon devoir de façon objective.

Au mois de septembre 1977, il avait été convenu, lorsque l'Université du Québec, à Trois-Rivières, avait donné son consentement pour laisser la place aux gars de la Wayagamack, que ces derniers venaient présenter leur mémoire sur la Wayagamack et qu'ils reviendraient le 13 octobre pour présenter le mémoire général de la Fédération des travailleurs du Québec, sur la situation générale qui prévaut dans le domaine des pâtes et papiers.

J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, en toute objectivité et franchement, de redire ces paroles.

J'ose espérer, sans restreindre le débat, que ceux qui sont devant moi actuellement sauront se rappeler ces paroles.

Je leur permettrai sans doute de parler du cas de la Wayagamack, mais j'aimerais, même si ma conscience est extrêmement large et mon esprit très souple, que la fédération nous entretienne aussi, du moins également, du problème général de l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Sans cela, ce serait permettre que les mêmes intervenants viennent à deux reprises, dans l'espace de deux semaines, nous parler du même problème et, cela, en conscience, comme président de commission parlementaire, je ne peux l'accepter.

Je suis assuré à l'avance de la collaboration, tout en sachant que les intervenants ont compris toutes les nuances qu'il y avait dans cette intervention. M. Daoust, je vous cède la parole.

Fédération des travailleurs

du Québec et syndicat des

travailleurs du papier, Wayagamack

M. Daoust (Femand): M. le Président, je voudrais, en premier lieu, vous présenter ceux qui m'accompagnent. A ma gauche, Paul Gagnon, de la section locale 216 du Syndicat des travailleurs du papier, Wayagamack; à ses côtés, John Todd, président du local 222 du même syndicat et du même groupe; Jean-Guy Frenette, directeur au service des recherches à la FTQ; Edmond Gallant, directeur québécois du Syndicat canadien des travailleurs des pâtes et papiers; Serge Lord, permanent de ce syndicat au Québec, et André Charest, président de la section locale 216 du Syndicat des travailleurs du papier, Wayagamack.

J'ai bien compris les remarques du président. Par ailleurs, le sort que nous réservons au mémoire qui était présenté ou soumis auprès de votre commission il y a quelques jours est conditionné par les réponses qui seront formulées à l'égard des sujets qui sont soulevés dans une déclaration préliminaire. Cette déclaration, je la lirai. Elle n'est pas très longue, trois ou quatre pages. Elle reprend des problèmes qui font partie du mandat de votre commission. Elle est plus nettement axée, sans aucun doute, sur le cas de Wayagamack, mais, dans notre esprit, c'est un tout qui se tient; le cas de Wayagamack, le mandat de votre commission et l'attitude du gouvernement du Québec à l'égard de ce problème. Je le répète, le mémoire en fait état, ou plutôt la déclaration préliminaire en fait état et cela va se clarifier dès que la lecture en sera complétée.

Je vais vous le lire, ce n'est pas tellement long. "M. le Président, MM. les ministres, MM. les membres de la commission, il y a peu de temps, nous comparaissions devant vous, et une fois de plus, on a suscité des espoirs nouveaux chez les travailleurs de l'usine du Cap-de-la-Madeleine de la Wayagamack. Encore une fois, aujourd'hui, nous avons la désagréable occasion de constater que ces espoirs n'étaient pas fondés.

Vous vous souviendrez que nous vous demandions essentiellement: a) d'ouvrir le dossier complet; b) de tout faire pour maintenir les opérations actuelles pendant un certain temps; c) de nous faire connaître les chances réelles de recyclage de l'usine.

Après de longues discussions, votre commission adoptait à l'unanimité deux résolutions: l'une demandant à la compagnie de prolonger ses opérations jusqu'à ce qu'une nouvelle vocation soit trouvée, l'autre demandant au ministre de déposer toutes les études, informations ou données auxquelles il a eu accès dans ce dossier, après la levée de la confidentialité à laquelle il s'était astreint devant la Consolidated-Bathurst.

Cette commission étant en quelque sorte un prolongement de l'Assemblée nationale, nous avions la conviction que les positions adoptées par elle liaient, au moins moralement, le gouvernement. Cette interprétation n'a d'ailleurs pas été contredite lorsqu'elle fut formulée devant vous. Nous pouvions donc croire que, dans les jours qui suivraient, certaines lumières seraient apportées au dossier et que des pressions sérieuses seraient faites sur la Consolidated-Bathurst pour qu'elle prolonge ses opérations. Par pressions sérieuses, nous entendions, évidemment, autre chose qu'une demande officielle. Cela, nous l'avions mentionné au moment où la décision fut prise par votre commission de demander à la compagnie de prolonger le délai de la fermeture pour une période d'une année.

L'attitude arrogante affichée par la compagnie lors de son passage à la commission parlementaire aurait dû convaincre ceux qui ne l'étaient pas qu'il faut plus que des appels à la raison ou l'invocation de sentiments humanitaires pour faire bouger ces gens.

Quelles sont les pressions qui furent exercées par le gouvernement pour maintenir l'usine en marche? Quelles sont les raisons qui empêchent votre gouvernement d'agir fermement depuis le début? Pour être plus direct et traduire la pensée d'un nombre grandissant de travailleurs, nous vous demandons: Pourquoi cette peur d'agir? Quel chantage pensez-vous que la Consolidated-Bathurst et le trust qui la contrôle, Power Corporation, peuvent faire subir à votre gouvernement.

Nous vous l'avons dit. Votre aveu d'impuissance devant la Consolidated-Bathurst enlève toute crédibilité à votre commission.

Nous doutons que vous puissiez intervenir de façon efficace dans l'industrie des pâtes et papiers, si vous continuez à vous astreindre à toutes les règles de la confidentialité de l'entreprise privée, si vous reconnaissez le droit absolu des compagnies de décider seules du sort économique d'une région entière et si vous vous contentez d'appels à la bonne volonté.

Les représentants de la Consolidated-Bathurst ont été assez clairs, il nous le semble. Ils ne veulent aucune intervention directe ou indirecte de l'Etat dans leur industrie. Votre attitude passive devant des gens aussi arrogants ouvre la voie au sabotage de votre commission.

Vous ne manquerez pas de nous dire qu'il faut tourner la page et cesser de parler de la prolongation des opérations, puisque l'usine est fermée

depuis samedi matin. Il faut maintenant songer au recyclage de ses équipements à la nouvelle vocation. Mais, justement, votre facilité à vous situer dans la logique de la compagnie depuis le début nous inquiète toujours. La Wayagamack est fermée, mais la Consolidated-Bathurst en est toujours propriétaire. Or, à plusieurs reprises, ces dirigeants ont affirmé que jamais ils ne vendraient à un concurrent.

Nous croyons que depuis quelques mois déjà des tentatives de rachat de l'usine ont échoué à cause de cela. Qu'a fait le gouvernement? Comment espère-t-il intervenir maintenant?

Le ministre des Terres et Forêts, M. Yves Bé-rubé, à qui sa conscience ne permet pas de tordre les bras à une compagnie—nous citons le ministre, lorsqu'il faisait cette déclaration devant les syndiqués de la Wayagamack, à Trois-Rivières— qui agit dans la légalité, sera-t-il en mesure de convaincre cette compagnie de vendre ses équipements, même s'il n'est pas illégal de ne pas vendre?

Nous aimerions bien savoir du ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Rodrigue Tremblay, comment il est intervenu dans le dossier jusqu'ici. Quelles démarches a-t-il faites pour maintenir l'usine ouverte? Quelle fut l'action du ministère dans la recherche d'une solution de rechange? Y a-t-il eu, oui ou non, des offres d'achat? Si oui, quelle a été la réaction de la Consolidated-Bathurst à ces offres? Quels moyens le ministre entend-il prendre pour convaincre la compagnie de se départir de sa propriété du Cap-de-la-Madeleine si elle refuse de le faire?

Par la même occasion, nous aimerions être mis au courant de ce qui a été fait jusqu'ici pour concrétiser l'une ou l'autre des trois hypothèses suivantes: Premièrement, une usine de papier d'amiante; deuxièmement, une usine de papier fin et, troisièmement, une usine de produits isolants. Nous croyons que le ministre de l'Industrie et du Commerce devrait déposer ici, devant votre commission, le dossier complet de toutes les démarches qui ont été faites, si, toutefois, il y en a eu?

Pour ne rien vous cacher, nous avons le sentiment que peu d'efforts ont été faits pour trouver une nouvelle vocation à l'usine. Nous croyons que là encore, c'est la volonté politique qui manque.

Nous l'avons dit à plusieurs reprises: Pour le Syndicat canadien des travailleurs du papier, comme pour la FTQ, le dossier Wayagamack constitue un test que subit le gouvernement du Québec et, plus particulièrement, le parti au pouvoir.

Si ce gouvernement, comme le précédent, s'emprisonne dans le respect intégral de toutes les règles et coutumes de fonctionnement des compagnies, nous doutons qu'il puisse intervenir adéquatement dans l'industrie des pâtes et papiers.

De la clarté des réponses que vous donnerez à toutes nos questions et des efforts que vous nous convaincrez que vous êtes prêts à faire pour solutionner à court terme le problème de la fermeture de la Wayagamack, dépend notre participation aux travaux de cette commission.

En effet, nous avons préparé un mémoire sur l'industrie des pâtes et papiers, mais nous jugeons peu utile de discuter d'une politique d'ensemble pour cette industrie si, par votre passivité vous acceptez la subordination du pouvoir politique au pouvoir économique dans les décisions à prendre.

Voici donc les questions que nous posons au ministre des Terres et Forêts et quelques-unes de ces questions, en ce qui a trait à des solutions de rechange, ont été posées, par voie de télégramme, au ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Rodrigue Tremblay, copie du télégramme fut envoyée à chacun des membres de la commission par le président de cette commission. Je pense que le cas a toute l'urgence qu'on lui reconnaissait le 29 septembre dernier et qu'on lui connaît depuis le début. Je n'ai pas à vous relater les démarches multiples qui ont été entreprises, toutes les déclarations qui ont été faites, le rôle d'un comité de citoyens, les promesses qui ont été transmises aux syndiqués. Je pense que vous connaissez fort bien le dossier et que vous êtes en mesure d'apporter des réponses aux questions que nous soulevons dans cette déclaration préliminaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce la fin de votre mémoire?

M. Daoust: De la déclaration préliminaire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pourrions-nous prendre connaissance de votre mémoire maintenant?

M. Daoust: M. le Président, je veux évidemment éviter toute ambiguïté. Je l'ai mentionné au début, le mémoire fut déposé; par ailleurs, selon que vous saurez répondre — je ne dis pas vous, mais le gouvernement, M. Bérubé — aux questions que nous vous posons dans ce mémoire, nous serons en mesure, à la suite des réponses devrais-je dire, de fixer notre orientation à l'égard du mémoire que nous avons déposé auprès de votre commission. Ce sont des questions qu'on vous pose et on aimerait bien vous entendre... Pas vous personnellement, mais surtout le ministre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je sais, M. Daoust, mais, tout en vous félicitant de l'ardeur habituelle que vous mettez dans la défense de vos vues, je dois quand même dire que je suis un peu déçu, à titre de président de commission parlementaire, de voir que l'entente tacite qui avait été faite n'ait pas été, du moins intégralement, respectée. De toute façon, le mémoire est lu. Je reconnais là des moyens très habiles pour faire valoir votre cause et je ne vous en veux pas, c'est votre travail, mais je dois quand même dire qu'à titre de président, je m'attendais à recevoir ce soir le mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec.

M. le ministre.

M. Daoust: Je me permets, M. Vaillancourt, puisque vous avez fait la déclaration qu'il y avait eu une entente tacite... Lors de la présentation de

notre point de vue, le 29 septembre dernier, nous avions, là aussi, posé des questions précises et votre commission avait entériné deux voeux unanimes, sauf une abstention dans un cas. L'un de ces voeux, au-delà du dépôt de certains documents, c'était que la compagnie ne ferme pas et s'engage à maintenir ses activités pour une année.

A ce sujet, nous n'avons jamais eu de réponse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Remarquez que la commission n'en connaît pas plus que vous puisque l'une des deux motions n'a certainement pas reçu de réponse. En ce qui concerne la deuxième, j'ai été informé ce matin seulement, en ce qui concerne la motion demandant que la fermeture soit retardée d'une certaine période de temps — je pense que c'était un an — que cette réponse était négative. J'en ai pris connaissance ce matin.

Motion jugée recevable

Avant de céder la parole au ministre, je déclare recevable la motion du député de Portneuf puisqu'elle correspond intégralement au libellé même de l'article 153 du règlement et qu'il y a déjà eu un précédent alors que le député de Maisonneuve, M. Burns, dans le cas de la United Aircraft, avait exigé, justement en vertu de cet article, le dépôt de certains documents ou de certaines pièces. Alors, je déclare la motion recevable. Il reste maintenant à savoir quand elle sera débattue. Est-ce que le ministre répond à des questions? Est-ce qu'on débat la motion?

M. Pagé: On pourrait débattre la motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Selon les normes de la commission, à votre gré.

M. Pagé: On pourrait débattre la motion. Cela pourrait régler cette question pour que cela ne revienne pas dans le débat dans les questions qui seront posées.

M. Gendron: Personnellement, M. le Président, si votre décision est rendue, vous acceptez...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle est recevable, maintenant il suffit de savoir si elle va être adoptée par la commission. C'est tout.

M. Gendron: Je serais d'accord pour la débattre tout de suite.

M. Vaillancourt (Orford): Je pense qu'elle devrait être débattue immédiatement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): D'accord. Avec le consentement des membres de la commission, la motion est recevable et débattable. Je cède de nouveau la parole au député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, je vais être très bref. D'abord, je vous remercie de l'avoir reçue.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ne me remerciez pas, c'est le règlement.

M. Pagé: Non, mais je ne me trompais pas tantôt quand je faisais état de votre sagesse comme juriste et comme président de commission. M. le Président, seulement quelques mots. Les membres de la commission parlementaire, le 29 septembre dernier, dans un voeu qu'ils ont formulé, demandaient à la compagnie de divulguer les chiffres, les états financiers, le bilan, somme toute, le portrait financier de l'usine Wayagamack. Vous vous rappellerez qu'il y avait de sérieuses interrogations sur les investissements qui avaient été faits par l'entreprise depuis 20 ans. On se rappellera que dans le dossier de la Consolidated-Bathurst, celle-ci avait produit, en termes de capital, en termes de pourcentage, tous les investissements qui avaient été faits depuis 20 ans. A cela s'ajoutaient d'autres questions comme, par exemple: Quelle avait été la dépréciation en capital des équipements? Pourquoi la compagnie du Cap-de-la-Madeleine avait-elle été le parent pauvre de toutes les entreprises en ce qui concerne les investissements depuis 20 ans?

On se rappellera qu'on n'avait pas eu droit, M. le Président, à des réponses aux questions qui avaient été formulées dans un ordre aussi général que celui-là. On se rappellera de plus, M. le Président, qu'il était nécessaire que les chiffres en question, que le portrait financier, pour l'appeler comme cela, soit divulgué parce que le gouvernement a eu droit à cette information et que ce n'était pas le gouvernement, quand même, qui siégeait le 29 septembre, c'était l'Assemblée nationale.

Par surcroît, il était nécessaire que ces chiffres soient divulgués pour que les travailleurs puissent analyser et voir ce qui en était exactement. Les chiffres avaient fait état de profits de $119 000 au cours du premier trimestre. On se rappellera que les représentants de l'entreprise n'avaient pas été très clairs dans les réponses aux questions qu'on leur avait posées sur ce sujet.

Alors, M. le Président, c'est dans ce but que le voeu avait été adopté, compte tenu des réponses, la réponse présumément négative, parce que somme toute il n'y a pas eu de réponse, compte tenu qu'aujourd'hui, tout comme M. Daoust y faisait allusion tout à l'heure, il est peut-être devenu encore plus impérieux, plus urgent que toutes les parties en présence puissent avoir ces chiffres. Parce que tout à l'heure, on pourra voir quel est l'avenir de l'usine Wayagamack au Cap-de-la-Madeleine.

Maintenant, d'accord, c'est fermé depuis samedi dernier, il y a des choix possibles, éventuels. On fait état dans ce mémoire de la possibilité d'une nouvelle opération pour un nouveau produit. Je pense que plus que jamais, il est devenu urgent, impérieux et nécessaire que les parties en

présence puissent savoir de quoi on parle et, le meilleur moyen pour le savoir, c'est de connaître la situation, le portrait de l'entreprise pour les dix dernières années.

M. le Président, je comprends que certaines entreprises, d'ailleurs, on l'a déjà vu dans certains cas, ne sont pas du tout, mais pas du tout désireuses de rendre publics des chiffres comme ceux-là. C'est un droit qui appartient aux parlementaires, c'est un droit qui appartient à la commission. J'espère que les membres de la commission sauront adopter, j'espère que ce sera unanime, la motion qui a été présentée. Je présume que le ministre saura souscrire, non pas seulement au voeu, mais à la requête qu'on présente aujourd'hui,

M. le Président, est-ce que le ministre pourrait m'écouter, s'il vous plaît? C:est tellement important.

M. Bérubé: Oui, c'est passionnant d'ailleurs.

M. Pagé: Des deux oreilles.

M. Bérubé: Continuez.

M. Pagé: Des deux oreilles.

M. Burns: Une oreille, c'est assez. M Bérubé: A deux oreilles, on atteint vite la saturation, à une, c'est même...

M. Pagé: Ne commencez pas de partisanerie, c'est tellement urgent, sérieux cette affaire, ne commencez pas à faire de la politique, parce qu'on peut en faire à deux, M. le ministre.

Ce que je dis, M. le Président, c'est ceci. J'espère que ma motion sera adoptée, j'espère qu'elle le sera unanimement, parce qu'il est tout aussi srgent, aujourd'hui, de connaître ces chiffres qu'il l'était le 29 septembre dernier. Si elle est adoptée, la compagnie Consolidated-Bathurst devra se rendre au désir de la commission de comparaître, ici, et montrer le portrait financier en question. Si elle n'y répond pas, M. le Président, l'article 153 s'applique et ce sera à la présidence de l'Assemblée nationale de prendre les dispositions pour que le désir de la commission soit respecté intégralement.

M. le Président, je termine là-dessus. Je suis pas mal certain que mes collègues de l'Opposition vont souscrire à la motion que j'ai déposée. J'ose croire qu'il en sera ainsi de la part de la majorité ministérielle, suite à l'attention, à deux oreilles, de la part du ministre.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Lac Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, quant à moi, je vais voter pour la motion du député de Portneuf. Je la trouve parfaitement justifiée. Dans le cas qui nous préoccupe tous, il me semble aussi normal — je suis d'accord avec lui — que l'on puisse voir un portrait financier, le plus exact possible, et sur une période la plus longue possible — la motion mentionne dix ans, cela m'apparaît suffisant — du fonctionnement de l'usine Wayagamack, du Cap-de-la-Madeleine, appartenant à la Consolidated-Bathurst, de façon que les membres de cette commission puissent porter un jugement éclairé sur cette fermeture qui plonge la ville du Cap-de-la-Madeleine dans une situation extrêmement difficile et pénible à supporter, et surtout, qui crée une véritable tragédie sociale pour les travailleurs impliqués.

Je suis heureux de constater, en terminant, que par son représentant, le député de Portneuf, le parti Libéral, l'Opposition oficielle a décidé, comme le mentionne le document préliminaire de la Fédération des travailleurs du Québec, de ne plus s'emprisonner comme c'était le cas auparavant, semble-t-il, dans le respect intégral de toutes les règles et coutumes de fonctionnement des compagnies. Nous sommes bien d'accord avec lui, nous allons voter pour cette motion, quant à moi, en tout cas.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, je serai bref. C'est simplement pour vous dire que je suis d'accord pour appuyer la motion présentée par le député de Portneuf qui fait suite à la motion qui avait été acceptée précédemment par cette commission, en vue de solliciter la compagnie de prolonger ses activités et aussi d'avoir la possibilité d'examiner la rentabilité de cette compagnie depuis quelques années. Vu le manque de respect de ce désir de la commission et vu que la commission a un droit d'exiger de la société de nous démontrer, de nous justifier sa prétention de l'inefficacité de l'usine... Actuellement, malgré les commentaires qui ont été faits à cette commission, et malgré le mémoire qu'elle nous a présenté, il n'a pas été prouvé que cette société fonctionnait à déficit, au Cap-de-la-Madeleine.

Dans le contexte actuel, je pense que la commission était justifiée de demander à cette société de maintenir ses activités, au moins pour un temps limité, pour démontrer à la commission que réellement, c'était impossible de maintenir la continuité de ses activités.

Dans les circonstances, M. le Président, il y a là un ensemble de faits. C'est une compagnie qui fonctionne avec les richesses naturelles de la province. C'est une compagnie qui a fonctionné dans le milieu depuis nombre d'années. Il y a plusieurs centaines d'ouvriers, de familles affectées et je pense que c'était un droit de la commission de faire en sorte que la compagnie se justifie de façon formelle et sans équivoque de sa fermeture. Dans les circonstances, je me vois même obligé de recommander au parti que je représente l'appui de cette motion, de même qu'à la commission.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci. M. le député de Rimouski.

M. Marcoux: Je voudrais indiquer brièvement les motifs pour lesquels, légalement, j'appuierai la motion du député de Portneuf. Je pense que dans le déroulement de nos travaux sur l'évolution générale de l'industrie des pâtes et papiers depuis quelques années, et dans le sens dans lequel on voudrait que cette industrie évolue dans les prochaines années, le cas de la Wayagamack, en employant une comparaison médicale, peut constituer ce qu'on pourrait appeler un beau cas.

Comme les médecins parlent d'un beau cas en parlant d'un mourant, dans ce cas-là, il est déjà mort, mais lorsqu'on fait l'analyse d'un beau cas, c'est pour essayer de savoir comment, la prochaine fois, on pourrait éviter que le même cas survienne, pour sortir ou guérir le malade. Cette fois-ci, il est déjà mort.

En ce sens-là, je pense qu'il serait très utile, pour tous les membres de la commission et les membres de l'Assemblée nationale, d'avoir l'information la plus complète possible sur ce cas de la Wayagamack, ce qui nous permettrait, en fait, parce qu'en ayant une vue sur les états financiers depuis dix ans, cela nous permettrait de savoir ce qu'il ne faudra pas faire à l'avenir. Le gouvernement est déjà partie prenante à travers REXFOR, dans des entreprises de pâtes et papiers. Il serait important aussi pour le gouvernement de savoir comment il ne doit pas mener ses affaires pour aboutir à des cas semblables à celui de la Wayagamack.

Je pense qu'une objection qui est maintenant disparue de la part de la compagnie et qui doit tomber d'elle-même... Si la compagnie Wayagamack était encore en exercice, elle pourrait dire qu'elle est encore en état de concurrence, qu'elle a des compétiteurs, qu'à ce moment-là, elle est en mesure de refuser ou nous convaincre davantage de son refus de révéler les chiffres. Mais maintenant que l'usine Wayagamack est fermée, cette usine n'est plus en état de concurrence avec les autres usines ou les autres compagnies de pâtes et papiers.

Cet argument qui pourrait être évoqué pour justifier le secret sur les états financiers passés, je pense que c'est un argument qui ne peut plus être évoqué par la compagnie. C'est sûr que cet argument pourrait être évoqué dans la mesure où on n'oblige pas les autres compagnies... On sait que plusieurs d'entre elles peuvent être en état de difficultés financières, celles dont les équipements sont vieillots, n'ont pas été rénovés depuis dix, quinze ou vingt ans, peut-être qu'elles vivront des situations semblables et on pourrait aussi demander à connaître cette situation.

Dans ce cas, comme l'entreprise est fermée, je pense que les motifs pour nous empêcher de connaître la situation des états financiers au cours des dix dernières années tombent en très grande partie d'eux-mêmes. Voilà deux motifs pour lesquels les membres de l'Assemblée nationale auraient avantage à connaître la situation complète de cette entreprise depuis dix ans.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, dans un tel cas, je crois que je devrai m'abstenir, non pas que je m'oppose à la décision de cette assemblée, je pense que l'Assemblée nationale est toute-puissante et qu'elle peut demander les renseignements en vertu du règlement dont elle a besoin pour guider sa décision.

Néanmoins, à titre de ministre, membre d'un gouvernement, j'ai déjà eu accès à ces renseignements sur une base confidentielle et, par conséquent, pour éviter d'être en conflit d'intérêt, je préfère m'abstenir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les membres de la commission sont-ils disposés à voter? Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Pagé: M. le Président, aurais-je eu droit de réplique? Ce sera seulement pour une minute, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Je veux bien qu'on se comprenne. Je comprends que mon bon ami, le député de Rimouski, vient seulement, tout au moins depuis quelques jours, de se joindre aux travaux de cette commission. Ce n'est pas du tout dans une perspective d'analyse de vos cas que ces documents sont demandés. Ce n'est pas dans le but de faire l'autopsie d'un dossier qui est mort, au contraire. Il apparaît — d'ailleurs, on pourra échanger tantôt avec les représentants syndicaux; le ministre pourra certainement avoir une contribution très utile à nos débats en nous informant sur ce qui s'est passé, tout au moins sur les éléments qui sont invoqués par les représentants de la FTQ ce soir — qu'il y a différentes possibilités d'avenir qui se dégagent pour cette entreprise. Je pense que les documents qu'on demande ne seront qu'un autre élément qui pourra favoriser les parties en présence pour avoir un esprit plus éclairé, avoir un tableau d'une situation beaucoup plus fidèle, et ce n'est pas du tout dans une perspective d'analyse d'une situation qui est acquise. Au contraire, cela se doit d'être interprété dans le cadre d'une perspective d'avenir pour l'entreprise et de survie de l'entreprise.

Je remercie les membres de l'appui qu'ils me donnent dans l'adoption de cette motion.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Pagé: Vote enregistré, M. le Président.

Mise aux voix de la motion

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Baril (Arthabaska)?

M. Baril: Je voterai pour, avec plaisir.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Abstention.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Bordeleau (Abitibi-Est)?

M. Bordeleau: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Cordeau (Saint-Hyacinthe)?

M. Cordeau: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Desbiens (Dubuc)?

M. Desbiens: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Pagé (Portneuf)?

M. Pagé: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Giasson (Montmagny-L'Islet)? M. Russell (Brome-Missisquoi)?

M. Russell: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Brassard (Lac-Saint-Jean)?

M. Brassard: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Gendron (Abitibi-Ouest)?

M. Gendron: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Larivière (Pontiac)? M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata)?

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Marcoux (Rimouski)?

M. Marcoux: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Marquis (Matapédia)?

M. Marquis: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Mercier (Berthier)?

M. Mercier: Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. O'Gallagher (Robert Baldwin)? M. Gagnon (Champlain)? La motion est... Le consentement n'est pas nécessaire. M. Vaillancourt (Orford)?

M. Vaillancourt (Orford): Pour.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion est adoptée unanimement, sauf une abstention.

Je comprends votre joie. Puis-je vous demander, si vous voulez, votre collaboration et de ne pas applaudir mais de manifester intérieurement.

Où en étions-nous?

M. Brassard: Une information, M. le Président. La motion comporte-t-elle une date précise? Mercredi, c'est demain.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La motion comporte une date. Le personnel du secrétariat des commissions devra faire en sorte qu'un télégramme ou un autre avis soit envoyé dans les minutes qui suivent à qui de droit, si la chose est possible.

Evidemment, la motion dit: "ou toute autre séance subséquente " de telle sorte qu'actuellement, nous n'avons pas encore de mandat pour siéger le 19 octobre. Un mandat pourra être donné d'ici 23 heures, mais, de toute façon, la motion ne deviendrait pas caduque si la commission ne siégeait pas, puisque la motion parle de "toute autre séance subséquente'.

M. Pagé: Si possible, à la suite des communications que vous aurez avec la compagnie. Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, relevant brièvement un certain nombre de questions, il en existe certaines auxquelles on peut apporter réponse. Je me ferai un plaisir d'essayer d'y répondre le plus objectivement possible. Néanmoins, il m'apparaît qu'à la page 3, au centre, où l'essentiel des questions se retrouve, il m'apparaît que ces questions se dirigent essentiellement du côté de M. Rodrigue Tremblay et, par conséquent, il m'est assez difficile, pour autant que je suis concerné, d'y répondre, il va de soi. Je pourrai dire, néanmoins, que le Conseil des ministres a effectivement confié un mandat conjoint au ministre des Terres et Forêts et au ministre de l'Industrie et du Commerce pour que les deux regardent, chacun dans son domaine respectif, les possibilités de rechercher des solutions de rechange aux problèmes auxquels fait face présentement la Wayagamack et, en particulier, les travailleurs qui sont mis en chômage le 15. Donc, dans le cas de M. Rodrigue Tremblay, malheureusement, je ne saurais dire ce qu'il a fait. Je suis au courant, mais, évidemment, sur une base privée, puisqu'il m'a mis au courant de certaines démarches. Je pourrai traiter des éléments de réponse qui sont à ma disposition.

En ce qui a trait à une usine de papier d'amiante, il existait un projet, celui de la Nicolet Industries. Nous avons donc communiqué avec l'entreprise Nicolet Industries de manière à nous assurer que ce projet pouvait être mis sur pied. La société nous a répondu que le marché du feutre d'amiante dans lequel elle s'était engagée était en régression, d'une part, et qu'elle voyait difficile-

ment un investissement en ce moment. De plus, elle estimait ne pas avoir les reins assez solides pour acheter une entreprise de la taille de la Wayagamack avec ses machines à papier. Elle était donc hésitante. Par conséquent, il nous est apparu que cette avenue était peu probable. Nous avons également, à ce moment, pour nous rassurer sur les possibilités, pris contact avec M. Le-maire, qui était d'ailleurs présent à cette commission ce matin et qui, comme vous le savez, est impliqué dans la fabrication de papier et de feutre d'amiante. Nous lui avons confié un mandat sur une base professionnelle, un mandat de consultant afin qu'il puisse nous éclairer sur les possibilités d'utiliser l'équipement de la Wayagamack à des fins de production de papier ou de feutre. M. Lemaire est censé nous avoir produit un rapport que je n'ai malheureusement pas pu voir encore pour plusieurs raisons. Les conclusions m'ont été, néanmoins, transmises verbalement par mon sous-ministre. Les conclusions de M. Lemaire seraient les suivantes: A la suite d'une évaluation du marché du feutre d'amiante, il s'est révélé que, dans ce secteur, le feutre qui était en grande demande et dont la demande était en expansion était un feutre de quatre mètres. Or, il arrive que les machines de la Wayagamack, étant de dimensions un peu plus restreintes, ne peuvent malheureusement pas produire du feutre de quatre mètres. On devrait donc se spécialiser dans la production d'un feutre de plus petites dimensions, lequel, malheureusement, est justement en régression sur le marché et c'est plutôt le feutre de quatre mètres qui est en demande. Par conséquent, l'étude de M. Lemaire, telle qu'elle m'a été communiquée à la fin de la semaine dernière, semble donc peu encourageante du côté du papier d'amiante.

Quant à une usine de papier fin, j'ai pris connaissance aujourd'hui de trois entrepreneurs qui, semble-t-il, manifesteraient de l'intérêt pour relancer un papier, une industrie de ce type. Malheureusement, je n'ai pas plus de renseignements que cela. J'ai donc demandé à mon sous-ministre d'entrer en communication avec ces trois promoteurs dont je n'ai malheureusement pas les noms, de manière à pouvoir vérifier. Maintenant, mon sous-ministre a sans doute les noms. En ce qui a trait au papier en particulier, il y a donc, peut-être, une possibilité, mais, malheureusement, c'est beaucoup trop récent. Ceci ne m'a été confié que cet après-midi.

Quant à une usine de produits isolants, malheureusement, c'est la première fois que j'en entends parler. La compagnie Consol m'a dit qu'elle avait d'autres projets également. Je sais que des représentants ont fait, semble-t-il, un voyage en Europe il y a une dizaine de jours, justement pour entrer en contact avec un investisseur potentiel.

Il me fera plaisir de déposer à la commission, si la commission le désire, le rapport que M. Lemaire nous présentera, de manière que vous ayez les éléments qui substantifient son jugement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Daoust.

M. Daoust: M. le Président, messieurs, nous, ce qu'on souhaite et ce qu'on souhaitait — on le mentionne dans le dernier paragraphe de notre déclaration préliminaire — c'était une grande clarté dans les réponses et la conviction qui aurait pu découler des prises de position que le ministre était prêt à mettre en oeuvre pour qu'il y ait une solution de rechange.

Nous aurions souhaité incidemment que M. Rodrigue Tremblay soit présent. Le mémoire que nous lui avons fait parvenir, le télégramme plutôt, a été communiqué au président de cette commission et vous ne nous avez pas répondu ou, du moins, on ne vous a pas posé la question, à savoir si vous aviez convoqué ou pas M. Rodrigue Tremblay. Le télégramme vous a été envoyé vendredi, c'est-à-dire que la copie du télégramme que nous avions fait parvenir à M. Tremblay vous a été envoyée vendredi. Vous ne l'avez pas eue? Bon! De toute façon...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, j'aimerais dire que je ne l'ai pas eue.

M. Daoust: Ce n'est pas notre faute.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, ce n'est pas ma faute non plus si je n'ai pu y donner suite.

M. Daoust: II n'y a personne de la commission qui l'a eue? Non?

M. Bérubé: Nous avons d'ailleurs obtenu votre mémoire uniquement ce matin, vers 11 heures, et, par conséquent, nous n'avons eu que très peu de temps pour l'étudier, je dois dire.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le télégramme a été envoyé à tous les membres... En ce qui me concerne, en tout cas, je peux dire que je n'ai reçu aucun télégramme ou, du moins, je n'en ai pas pris connaissance. Si j'en ai eu un, j'ai...

M. Daoust: Je vais vous le lire, c'est très bref. M. Vaillancourt, président de la commission parlementaire de l'industrie des pâtes et papiers, Hôtel du Gouvernement, Québec. Voici copie du télégramme que nous faisons parvenir aujourd'hui au ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Rodrigue Tremblay. Nous vous saurions gré d'en faire parvenir une copie à chacun des membres de votre commission. Assuré de votre collaboration, je vous remercie à l'avance et demeure, Fernand Daoust. Bon!

Voici maintenant le texte du télégramme: Devant la disparition de quelque 400 emplois dans la région de la Mauricie et compte tenu que le gouvernement a, à plusieurs reprises, évoqué la possibilité d'un recyclage de l'usine de la Wayagamack au Cap-de-la-Madeleine, nous croyons que vous seriez en mesure d'éclairer la situation. C'est pourquoi nous souhaiterions pouvoir vous poser quelques questions lors de la commission parlementaire sur l'industrie des pâtes et papiers où nous serons entendus le mardi 18 octobre.

Nous souhaiterions être renseignés sur les positions de votre ministère et les démarches entreprises plus particulièrement en ce qui a trait à trois hypothèses de réouverture: premièrement, fabrication de papier d'amiante; deuxièmement, fabrication de papier fin; troisièmement, fabrication de produits isolants.

Voilà les questions: Ces dossiers ont-ils été étudiés sérieusement par votre ministère? Envisagez-vous d'autres solutions de rechange? Dans quels délais? Quelle garantie la main-d'oeuvre actuelle de la Wayagamack a-t-elle d'être privilégiée dans l'embauche lors d'une éventuelle réouverture?

Voilà autant de points qui mériteraient d'être éclaircis, surtout si l'on tient compte des espoirs considérables suscités tout au cours de l'été par certains de vos collègues ministres.

Espérant que vous jugerez la situation suffisamment grave pour venir rencontrer les travailleurs de la Wayagamack, les représentants du Syndicat canadien des travailleurs du papier et ceux de la FTQ, à la commission parlementaire, mardi. Je demeure, etc.

Vous ne l'avez pas reçu? Encore une fois, c'est un problème de communications. Ce n'est peut-être pas la première fois. Passons!

Nous, ce que nous souhaitons, c'est un engagement très ferme de votre gouvernement pour qu'une solution de rechange soit trouvée, afin de ne pas faire en sorte qu'il y ait 400 travailleurs de mis à pied de façon indéfinie.

Nous pensons que votre gouvernement doit prendre un tel engagement, de façon concrète. M. Bérubé nous a fait état de certaines démarches qui, sans aucun doute, ont été faites, peut-être trop ou fort récemment pour qu'on puisse obtenir des réponses concrètes.

Par ailleurs, au-delà des démarches, il y a des engagements qui doivent être pris, à notre sens.

Nous l'avons dit lors de notre première comparution et nous sommes encore convaincus que, si le gouvernement avait pris tous les moyens à sa disposition, les moyens de pression qu'on n'a pas à décrire de nouveau, on en a parlé la dernière fois, la Consolidated-Bathurst aurait pu continuer de fonctionner pendant encore une année, période au cours de laquelle il aurait été relativement facile, selon nous, de trouver une solution de rechange.

Retrait du mémoire de la FTQ

Devant le fait — je m'excuse vous me faites signe qu'il y a probablement un vote, je ne sais pas, mais je finis dans trois minutes — qu'il n'y a pas d'engagement concret et formel, qu'on ne peut déceler chez le gouvernement une volonté d'intervention très ferme dans le cas de la Wayagamack et dans le cas d'une solution de rechange, la FTQ, nous l'avons déjà dit, ne voit aucun intérêt à poursuivre les échanges de vues devant votre commission et retire le mémoire qu'elle a déposé il y a quelques jours devant votre commission.

Nous aurions souhaité poursuivre les travaux, échanger avec vous, répondre aux questions qui, sans aucun doute, découlent du mémoire que nous vous avons présenté; mais, encore une fois, devant l'impuissance manifeste de votre gouvernement et l'hésitation qui nous semble inacceptable dans un cas comme celui-là, nous je jugeons pas utile de poursuivre notre comparution devant votre commission.

Le Prési-ent (M. Vaillancourt, Jonquière): Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à la fin du vote.

(Suspension de la séance à 21 h 6)

Reprise de la séance à 21 h 23

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais maintenant l'Association des propriétaires de boisés privés du Québec, s'il vous plaît!... Et ses représentants à venir présenter leur mémoire, s'il vous plaît. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter ceux qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Association des propriétaires de boisés privés du Québec

M. Racine (Yvon): M. le Président, M. le ministre n'est pas ici... A ma gauche, vous avez M. Jacques Lamontagne, qui a été nommé tout récemment président de l'Association des propriétaires de boisés privés. Vous avez à ma droite, M. Emmanuel Caron, qui est devenu directeur.

Avant de commencer la lecture de notre mémoire, nous tenons à remercier d'une façon particulière — il n'est pas ici — M. Bérubé, le ministre des Terres et Forêts, de l'invitation qu'il nous a faite de participer à la présente commission parlementaire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des pâtes et papiers.

A priori, nous voulons que notre association soit considérée comme fournisseur de matière ligneuse autonome, c'est-à-dire qu'elle puisse contrôler son produit de A à Z depuis le parterre des coupes, à la livraison du produit au lieu de transformation, en passant par la négociation des prix pour cette série de manutentions. Ceci nous amène à regarder encore de plus près le domaine forestier d'une superficie de 26 000 milles carrés de forêts privées incluant les agriculteurs, soit près de 12% de la superficie totale de la forêt publique située au sud du 52e parallèle. Une grande partie de cette forêt publique est en concession et soumise à un plan d'aménagement qui a toujours été d'ordre prioritaire au ministère des Terres et Forêts.

Pendant que le ministère des Terres et Forêts, sous divers gouvernements, veillait scrupuleusement à l'aménagement et à l'exploitation ration-

nelle des concessions forestières en fournissant tous les services techniques aux concessionnaires, la forêt privée était complètement négligée, aucun plan d'aménagement et d'exploitation n'a été fait pour connaître et améliorer sa productivité. Tout a été laissé au petit bonheur. Cette forêt privée, tout à fait exceptionnelle, située dans les meilleurs sites de la province, composée d'une grande variété d'essence qui peut procurer à l'industrie forestière déjà existante la matière première dont elle a besoin, et à la nouvelle industrie forestière, comme Cabano et Matane, dont nous aurions un grand besoin, qui emploierait tous les feuillus qui sont de mauvaise croissance.

Ceci contribuerait à assainir nos boisés privés, tout en créant un nombre considérable de nouveaux emplois.

Cette forêt privée, nous la considérons comme prioritaire pour plusieurs raisons:

Premièrement, parce que 90% de sa superficie est située au sud du Saint-Laurent; deuxièmement, elle jouit d'un climat spécial comparé à la forêt boréale, donc d'une croissance maximale; troisièmement, cette forêt est composée d'essences multiples, tant résineuses que feuillues; quatrièmement, cette forêt peut être exploitée en employant différents modes de coupe; cinquièmement, cette forêt peut procurer la matière ligneuse à plusieurs genres d'industries, pâtes, sciage, déroulage, fuseau, formes, et le reste; sixièmement, cette forêt peut être aménagée spécialement, et nous avons ici à l'idée l'exploitation maximale de l'érable à sucre, la récréation, le développement de la faune, la pisciculture et peut-être, après un inventaire minutieux, la découverte de cours d'eau qui pourraient fournir un peu d'énergie pouvant alimenter de petites industries; septièmement, cette forêt rurale dont les grandes voies de vidange la croisent en tout sens est à proximité de l'industrie, grande, moyenne et petite, usine de pâtes, moulins de sciage, industries du meuble, et le reste; huitièmement, cette forêt rurale pouvant accommoder la grosse, petite et moyenne industrie forestière qui emploierait la main-d'oeuvre rurale, non agricole, réduirait le chômage en général et empêcherait la désertion des campagnes qui grossit le rang des sans-travail dans les villes; neuvièmement, cette forêt rurale est toujours facile d'accès pour fournir à l'industrie le supplément de bois nécessaire manquant dans les périodes où la matière ligneuse est en grande demande et quand la forêt publique, à court avis, ne peut y suppléer; dixièmement, tous ces aspects ci-haut décrits peuvent être intégrés à cette forêt privée pour autant que nous connaissons tous ces détails, si minimes soient-ils. Pour les connaître, il nous faut un inventaire spécial, détaillé, qui nous montrera la composition de cette forêt.

Qu'avons-nous en mains aujourd'hui pour répondre aux besoins de l'industrie et de la société? Une permission pure et simple de produire un vo- lume de matière ligneuse sans se préoccuper où ces volumes seront coupés, basé sur une possibilité empirique de croissance.

Il faut donc considérer l'ensemble des boisés privés avec leurs différentes catégories d'âge, en situant celle de l'exploitation, c'est-à-dire de la maturité de ses différents peuplements, afin de normaliser cette forêt pour pouvoir compter sur un volume annuel exploitable et mieux servir les besoins de notre société.

Pourquoi les propriétaires de boisés privés qui en feraient la demande ne pourraient-ils pas bénéficier de l'aide technique et des octrois dont bénéficient les groupements forestiers, sans être reliés à des contrats de quinze ans?

En d'autres termes, nous croyons que pour mener à bien ce que nous préconisons pour l'amélioration des boisés privés, c'est de considérer la matière ligneuse comme un produit de la forêt et non pas comme un produit agricole. Le mélange a assez duré. Ceci veut dire que cette section de la forêt privée doit être prise en main par les intéressés, c'est-à-dire le ministère des Terres et Forêts, en coopération avec l'Association des propriétaires de boisé privé. Il ne faut pas perdre de vue que 80% du bois provenant des territoires privés sont coupés par des propriétaires non-cultivateurs et qu'ils sont bafoués par le système actuel d'exclusivité et de toutes ses implications et relégués au deuxième plan; étant conduit par une organisation de cultivateurs, c'est une situation anormale.

A long terme, nous pourrions étudier de plus près une formule qui ressemblerait à celle de la Suède où le service forestier comme tel de la Suède n'a rien à voir avec la pratique de la forêt privée sur les terrains forestiers des particuliers. Ceci est la responsabilité d'une autre organisation qu'on appelle Commission naturelle des forêts privées, qui comprend un directeur général et cinq membres nommés par le ministère. Pour exercer un meilleur contrôle et aider les propriétaires de forêt privée, on établit un certain nombre de commissions forestières régionales. Ces commissions régionales, non seulement surveillent et contrôlent les coupes, mais voient aussi à des cours d'entraînement, donnent des conseils et offrent certains services aux propriétaires forestiers. Elles fournissent les semences et les plants nécessaires au reboisement. Elles accordent des subsides pour l'amélioration des boisés et la construction des routes, s'occupent des travaux forestiers, de chômage, voient à l'aménagement des réserves forestières et des sites pittoresques. Le personnel composé de plusieurs centaines de personnes employées à guider techniquement les associations et à préparer leurs plans d'aménagement et d'exploitation est formé, pour une bonne moitié, d'ingénieurs forestiers, de gardes forestiers, service de contremaîtres et ingénieurs spécialisés en aménagement.

Nous avons ici, avec l'UPA et sa fédération, une série de syndicats et offices où il semblerait en surface exister le même travail pour donner les mêmes services, mais si l'on regarde de plus près, nous nous apercevons que ces syndicats et offices

se bornent, à toutes fins pratiques, à se cacher sous le couvert de possibilité empirique pour conserver leur monopole, se bornant à faire une mise en marché de bois qui n'est que théorique, se contentant de favoriser un certain groupe de producteurs et de camionneurs de bois en distribuant des passes à ceux qui sont du bon côté. Avec un pareil système, les propriétaires de boisés privés sont très inquiets du bois totalement ravagé par la tordeuse des bourgeons d'épinette et qu'il faudra absolument couper et livrer aux usines.

En Suède, le propriétaire de lot privé est libre d'appartenir ou non à une association qui s'occupera de la vente de son bois. Le propriétaire forestier membre est obligé par contrat, de ne vendre son bois qu'à l'association à laquelle il a choisi librement d'appartenir. Cette formule laisse le propriétaire forestier de boisé privé entièrement libre de se former en association ou de n'en pas faire partie et d'exploiter son boisé privé lui-même et de ne recevoir de l'association que des conseils sur l'exploitation et la vente.

Que penser du vieillissement de nos usines québécoises? Qu'ont-elles fait de la dépréciation reçue chaque année, argent qui doit être comptabilisé spécialement à l'amélioration ou au remplacement de la machinerie?

Conclusions. A court terme, voici ce que notre association demande: 1) Une reconnaissance immédiate par votre ministère de notre Association de propriétaires de boisés privés.

Présentement, par une contradiction législative, les propriétaires de boisés privés sont exclus comme producteurs agricoles quand il s'agit d'en retirer des avantages. Exemples: Subventions taxes scolaires, exemption de taxe provinciale à l'achat d'équipement, subventions pour travaux mécanisés, subventions pour essence diesel, subventions pour la mise en valeur et l'amélioration foncière, ristourne d'intérêt sur achat d'équipement, etc.

D'autre part, quand il s'agit de brimer notre liberté, on considère la forêt comme un produit agricole.

Le gouvernement doit immédiatement, dans la loi qui définit la forêt comme produit agricole, exclure du mot "forêt" les propriétaires de boisés privés, non agriculteurs. 2) Un inventaire forestier complet des boisés privés, en coopération avec l'association, afin de déterminer la croissance annuelle, la superficie de chacun des peuplements, leur âge, la possibilité et le mode d'exploitation, la superficie des peuplements rendus à maturité, surannés ou décadents. 3) Une aide substantielle à la forêt privée pour la construction de chemins afin de favoriser la coupe des peuplements mûrs et surannés qui sont presque toujours localisés aux extrémités des boisés. Leur présence contribue à diminuer la productivité et, par conséquent, la possibilité. 4) Une aide financière pour adopter une mécanisation de coupe qui réponde aux exigences des peuplements de la forêt privée pour endommager le moins possible la régénération. 5) Que les syndicats et offices relevant de l'UPA s'occupent de leurs membres agriculteurs seulement. 6)Une négociation conjointe de prix et quantités (offices, syndicats ou autres et Association de propriétaires de boisés privés) pour protéger leurs membres et les producteurs de bois en général contre les abus des compagnies papetières. 7) Modification aux règlements actuels pour permettre aux usines de négocier des contrats de bois avec l'Association des propriétaires de boisés privés de la province de Québec.

Le Président (M. Gendron): Je vous remercie au nom de l'Association des propriétaires de boisés privés. M. Jacques Baril, pour la période des questions.

M. Baril: Je dois tout d'abord vous féliciter d'avoir eu le courage de venir présenter ce mémoire devant cette commission, n'ayant probablement pas les moyens financiers et techniques que d'autres avaient pour le faire.

Après avoir pris connaissance de ce mémoire, j'ai constaté que votre courage doit certainement se traduire aujourd'hui par un soulagement, je dirais même un défoulement. C'est assez facile de voir la bataille d'objections que vous faites au syndicat ou à l'Office des producteurs. Je pourrais même dire, si vous me passez l'expression, que vous y êtes allés avec une hache à deux taillants, si on veut rester dans le contexte.

Nous aurions certainement aimé vous voir traiter davantage des coûts d'abattage des boisés privés. Nous aurions aimé lire les avantages d'approvisionnement que la forêt privée peut apporter aux grandes compagnies. Vous avez très peu parlé de reboisement et de coupes sélectives.

Voici ma première question: J'aimerais vous demander qui regroupent les propriétaires de boisés privés, qui sont ces gens.

M. Racine: Les propriétaires de boisés privés regroupent les petits, les moyens et les gros propriétaires de boisés privés.

M. Baril: Oui, mais est-ce que cela regroupe des petits, des gros, des moyens, des agriculteurs ou n'y a-t-il aucun agriculteur?

M. Racine: Je dirais qu'on a peut-être cinq à six agriculteurs qui sont membres à l'heure actuelle.

M. Baril: Sur combien de membres? M. Racine: Environ 2000.

M. Baril: De vos 2000 membres, est-ce que, je ne sais pas comment les appeler, ceux qui achètent des coupes de bois—on les appelait les "jobbers" nous autres, le mot français, je ne le sais pas — et qui bûchent eux-mêmes, est-ce que ce sont vos membres?

Vous avez des gens qui achètent des lots, des boisés privés, et après les avoir achetés, automatiquement, ils deviennent propriétaires. Ils coupent cela et ils s'en vont en acheter un autre et ils continuent: des commerçants de bois, si vous voulez — ce ne sont pas tellement des commerçants, parce qu'ils l'abattent eux-mêmes — est-ce que parmi vos membres...

M. Racine: Oui, je dirais qu'il y a certainement des gens parmi nos membres qui ont déjà acheté des terrains pour les exploiter. La quantité, le pourcentage, je l'ignore.

M. Baril: Vous avez beaucoup parlé dans votre mémoire du système suédois. Vous dites que ces commissions suédoises surveillent, contrôlent les coupes et donnent aussi plusieurs autres services. Comment, vous autres, pouvez-vous voir cela au Québec?

M. Racine: On a fait faire une étude en Suède. On s'aperçoit qu'en Suède, qui est un pays d'appartenance socialiste, 80% des producteurs de bois appartiennent à l'une ou à l'autre association, auxquelles ils ont un libre choix d'appartenir. Ici, dans la province de Québec, on se rend compte qu'on est supposément dans un système démocratique. Les producteurs de bois sont refoulés à un monopole. Il y a un canal pour faire leur mise en marché. Ce sont les syndicats et les offices qui relèvent de l'UPA. Ils n'ont pas le droit d'association. Ils n'ont pas le choix d'adhérer à l'une ou l'autre association, parce qu'il n'y en a qu'une. Ce sont les syndicats et les offices. C'est le canal. Il faut qu'ils passent par là. C'est pour cela qu'on a fait faire une étude en Suède. On trouve cela drôlement dégueulasse que dans une province démocratique les producteurs de bois soient soumis à une tutelle semblable.

M. Baril: A la première page, au début de votre mémoire, vous dites: Nous voulons que notre association soit considérée comme fournisseur de matières ligneuses autonomes, c'est-à-dire qu'elle puisse contrôler son produit de A à Z. Quel pouvoir de contrôle cette commission pourrait-elle avoir quand vous dites cela? En Suède, on dit plus loin qu'une telle commission a des règlements sur la coupe qui l'obligent à un reboisement. Il y a beaucoup de choses qu'elle suggère à ces propriétaires. Si vous voulez être autonomes de A à Z, comment voulez-vous qu'une commission puisse fonctionner ici, au Québec?

M. Racine: Le choix des producteurs de bois aujourd'hui, c'est qu'ils travaillent pour couper leur bois. Ils travaillent pour le placer sur le bord du chemin de "gravelle", et une fois que le bois est rendu sur le bord du chemin de camion, ils perdent le contrôle de leur bois. Ce ne sont pas eux qui décident à qui ils vont le vendre et à quel moment leur bois va partir. On se rend compte des lacunes; vous êtes certainement au courant que l'association et la fédération, dernièrement, le 4 octobre, elles ne l'ont certainement pas démenti qu'il y a 30 000 à 40 000 cordes de bois qui pourrissent, qui sont pourries à l'heure actuelle. Etes-vous capable de m'expliquer cela, vous? Quand on parle de contrôler notre produit de A à Z, c'est que notre bois, on est capable de le couper, on est capable de le transporter sur le bord du chemin, et on est capable de le livrer aux usines aussi.

M. Baril: Je comprends. Comment pouvez-vous expliquer?... L'autre fois, la Fédération des producteurs, l'UPA, a passé et a dit qu'il y avait des coupures des compagnies. Il y avait des contrats, et quand elles s'en attendaient le moins, il y avait une coupure de leur contrat qui pouvait aller jusqu'à 40 000 cordes.

Le Président (M. Gendron): S'il vous plaît, je m'excuse, pour les membres de la commission, il ne s'agit pas d'une question de vote. C'est pour autre chose. Alors, on demeure en commission, sauf quelques volontaires pour aller faire le quorum. Je m'excuse.

M. Baril: Je disais que la fédération se plaignait, l'autre fois, d'avoir eu des coupures de contrats. Donc, elle-même a à subir les hauts et les bas des compagnies. De votre part, ce doit être la même chose. Comment négociez-vous vos contrats avec les compagnies? Vendez-vous ça à l'UPA ou quoi?

M. Racine: ... Vous ne connaissez pas beaucoup le problème, parce que c'est justement là qu'est le monopole. Comprenez-vous? Ce sont les syndicats, qui relèvent de l'UPA, qui négocient les quantités et les prix. Une fois que c'est négocié, ce sont eux qui ont le contrôle absolu là-dessus. S'ils décident qu'Yvon Racine est du bon côté, ils vont me faire expédier du bois. S'ils décident que je ne suis pas du bon bord, mon bois va pourrir comme il le fait à l'heure actuelle.

M. Baril: Oui, je comprends. Par contre, je ne connais peut-être pas le problème à fond, mais j'en connais une bonne partie. Je ne veux pas défendre l'UPA, absolument pas. Mais si l'UPA obtient un contrat de 100 000 cordes et qu'à un moment donné elle a une coupure de 40%, à sa place, de quelle façon agiriez-vous pour dire: Ce sera à toi, à toi et à toi à qui je vais prendre du bois?

M. Racine: Ecoutez! Cela ne fait pas deux cents ans que l'UPA est là avec ses syndicats, ses satellites. Il y a eu des périodes tout aussi difficiles, en tout cas, à ma connaissance, dans la mise en marché du bois que les producteurs connaissent aujourd'hui. Il n'a jamais pourri 30 000 à 40 000 cordes de bois sur le bord des chemins.

M. Baril: Oui. Il est possible que le bois ne pourrissait pas sur le bord du chemin, mais à quel prix le cultivateur le vendait-il?

M. Racine: Ah ça, par exemple, c'est leur défense.

M. Baril: Bien, c'est leur défense. Etant agriculteur moi-même, j'ai déjà été obligé de vendre mon bois à un prix ridicule pour ne pas devoir le laisser pourrir là...

M. Racine: Cela...

M. Baril: Qui l'achetait? C'était un commerçant de bois qui, lui, allait le vendre à Trois-Rivières.

M. Racine: Sur cela, vous avez raison. Je vous donne parfaitement raison là-dessus. Mais ce n'est pas ce que l'Association des propriétaires de boisés privés prône à l'heure actuelle. Pourquoi veut-on faire une négociation conjointe avec les syndicats et les offices qui relèvent de l'UPA? C'est justement pour assurer un prix minimal aux producteurs. On sait qu'il y a eu de gros abus là-dessus. On ne voudrait pas, à un moment donné... Ce n'est pas ce que l'Association des propriétaires de boisés privés demande non plus, revenir à l'ancien système.

La preuve en est qu'on demande une négociation conjointe avec eux justement pour protéger les producteurs de bois des multinationales et des compagnies, et leur assurer un prix minimal pour le bois qui est sur le bord du chemin.

M. Baril: Oui, mais si les compagnies ne tiennent pas compte des contrats négociés avec l'UPA, pensez-vous qu'elles vont tenir compte des contrats qu'elles vont avoir avec vous autres?

M. Racine: Ecoutez! Les négociations se faisant conjointement pour des prix et quantités. Nous, on dit ceci: On n'est pas des producteurs agricoles. On est des producteurs forestiers. On n'a ni vaches, ni cochons, ni poules. On n'est pas contre... On n'est pas ici pour débâtir l'UPA, on n'est pas ici pour débâtir la fédération, on n'est pas ici pour débâtir les syndicats ni les offices de producteurs de bois. On est ici pour avoir notre place au soleil. On n'est pas contre le fait que l'UPA, un organisme qui s'appelle l'Union des producteurs agricoles, continue à s'occuper de ses agriculteurs, de faire la mise en marché du bois de ses agriculteurs, tandis que, nous, qui ne recevons aucune subvention, comme je l'ai mentionné, voudrions que le gouvernement donne aux propriétaires de boisés privés non agriculteurs le pouvoir de faire la mise en marché du bois.

Je pense que ce serait une bonne chose, parce que le monopole serait automatiquement aboli. On serait deux organismes qui pourraient se surveiller pour ne pas commettre des abus comme il s'en commet à l'heure actuelle.

Si un organisme faisait un abus, l'autre pourrait publiquement — appelez cela comme vous voudrez — rendre compte du mandat ou des erreurs de l'autre organisme.

Je pense que dans toute province démocratique et pays libre... mettez Steinberg dans la province de Québec, seul dépositaire et vendeur de café, à quel prix allez-vous payer le café? Notre cas est absolument semblable si, demain matin, il était seul à vendre du café dans la province de Québec. On est soumis à un monopole, on est soumis à un canal, c'est passe par là, c'est le crois ou meurs.

M. Baril: Vous êtes assez sévère d'un côté, mais sur quoi — vous me direz sur des faits — vous basez-vous pour dire que c'est ce problème qu'on vit. Je comprends que l'UPA a un monopole vis-à-vis de la vente du bois, mais quand vous avez dit tout à l'heure qu'elle donne des passes à ses amis — si on peut s'exprimer ainsi — et qu'elle n'en donne pas aux autres, sur quoi vous basez-vous? Est-ce que ce sont vos membres qui se plaignent?

M. Racine: D'ailleurs, pour vous reprendre, l'UPA a un monopole sur la mise en marché du bois, pas seulement sur la vente. La mise en marché, vous savez en quoi cela consiste.

M. Baril: Sur quoi vous basez-vous pour dire qu'elle a ce monopole? Est-ce que ce sont vos membres qui se plaignent? Avez-vous des cas concrets?

M. Racine: Si vous êtes agriculteur, moi je suis producteur forestier. En trois ans on m'a fait livrer aux usines: En 1977, 60 cordes de bois, avec 40 lots à bois, 4000 acres de terrain; en 1976, 191 cordes de bois dont 120 provenaient de la contestation en juin 1976, déduisez cela, cela fait 61 cordes; en 1975, 53 cordes de bois. Je me demande si vous êtes capable de payer vos taxes avec cela. Seulement payer les taxes, il va falloir que vous soyez sacrement bon comptable, parce que moi, je ne suis pas capable.

M. Baril: Oui, mais est-ce un cas particulier ou est-ce général parmi vos 2000 membres?

M. Racine: C'est un exemple parmi tant d'autres.

M. Baril: En terminant, si le ministère faisait l'inventaire des possibilités éventuelles de coupe, pour définir comment on peut couper le bois rationnellement, en donnant tant de cordes de bois à couper et tant de mille pieds de bois de sciage à couper pour garantir une reconstitution naturelle de la forêt, est-ce que vos membres seraient prêts à respecter ces recommandations?

M. Racine: Ce qu'on demande au gouvernement, premièrement, c'est un inventaire forestier pour que les producteurs de bois sachent et que le gouvernement sache où est la vieille forêt et où est la jeune forêt. La vieille forêt est comme un vieillard, c'est prouvé que la vieille forêt, loin de produire, elle décroît, tandis que la jeune forêt accroît. Ce qu'on demande au gouvernement, c'est un inventaire forestier pour savoir où est située la vieille forêt et la jeune forêt; quand on saura cela, on pourra s'asseoir ensemble et partir. On n'est pas contre la sylviculture, on sait qu'il y a eu des abus dans le passé, on est pour que la forêt conti-

nue à exister et on n'est pas là pour la détruire. On est là pour collaborer avec le gouvernement.

M. Baril: Vous seriez prêts à vous asseoir pour discuter, c'est beau discuter, mais seriez-vous prêts à respecter les normes?

M. Caron (Emmanuel): On a toujours respecté les normes; il reste quand même qu'on a, depuis peut-être des années, amélioré la forêt, même si des gens ont prétendu qu'on la détruisait. Je pense qu'on peut prouver, à l'heure actuelle, que notre forêt croît beaucoup plus vite qu'elle décline. A ce moment je crois qu'on l'a protégée.

C'est notre façon, je pense, de faire de la sylviculture. Je pense qu'elle était très bonne. Je peux vous donner un exemple. On peut prendre un terrain, un boisé de 200 acres, où il fallait peut-être exploiter 40 acres. Cela veut dire qu'à ce moment-là, il y avait quand même une rotation de la forêt qui se faisait; il restait quand même 60 acres qui n'étaient pas affectées. Cela veut dire qu'après 5 ans, 10 ans, 15 ans ou 20 ans, cette même forêt était prête. Je pense qu'on a toujours protégé la forêt et on la protège encore. Je pense qu'avec un inventaire forestier, vous pouvez être en mesure de le savoir.

M. Baril: Mais, avec la coupe sélective.

M. Caron (Emmanuel): En fait, on n'est pas contre la coupe sélective.

M. Baril: Vous n'êtes pas contre, mais seriez-vous prêts à l'appliquer? Parce que je connais beaucoup de travailleurs, de propriétaires de boisés privés de votre genre et je peux vous dire que la coupe sélective, ils s'en foutent pas mal. Ce qui est payant pour eux, c'est d'amener tout ce qu'il y a là. Quand ils reviendront, ce ne sera plus eux.

M. Caron (Emmanuel): Je pense qu'on a toujours respecté la coupe et je pense que vous avez tout simplement à faire un inventaire, comme je vous l'ai dit tantôt, et vous allez vous rendre compte qu'on l'a respectée, mais il y a peut-être des moyens, il y a peut-être une aide qu'on devrait avoir du gouvernement comme groupement forestier ou comme d'autres organismes naturellement, qui vont bénéficier d'aide. Je pense que si la forêt privée ou les propriétaires de boisés pouvaient bénéficier de cette aide, on pourrait faire de la sylviculture et je pense qu'on serait aussi fier de la faire.

M. Baril: Je ne m'éterniserai pas. Je vais laisser la chance à d'autres, mais je tiens quand même à préciser que je connais beaucoup de forêts privées qui ont été bûchées et cela va prendre énormément de temps avant qu'elles se reconstituent elles-mêmes parce que, si on voit les sucreries qui ont été abattues, ce sont des branches qui repoussent sur les vieilles souches. Quand est-ce qu'on pourra repasser pour prendre une autre coupe?

M. Caron (Emmanuel): Est-ce que je pourrais vous poser une question? Est-ce que la forêt publique a été plus conservée que la forêt privée?

M. Baril: Non, je suis d'accord avec vous.

M. Caron (Emmanuel): N'allez pas demander aux propriétaires de boisés de faire ce que la forêt publique n'a pas pu faire.

M. Baril: C'est parce que je vous demandais tout à l'heure si vous étiez prêts à en tenir compte.

M. Caron: Oui.

M. Lamontagne (Jacques): Si vous me permettez, M. Baril, tout dépend de la manière que la sylviculture est proposée par le gouvernement. Il est assuré que, pour certaines gens qui ne possèdent que 100 acres, un plan d'aménagement ou de gestion équivaut à 100 acres. L'autre qui en a 4000 ou 10 000 ou plus ne voit pas un plan de gestion de la même manière. Il voit tout de même un plan de gestion de sa propre forêt sur un ensemble de sa forêt. Il ne voit pas cela au point de vue local des 100 acres. Vous pourriez passer un jour et dire: II a glané un lot de 100 acres, mais, pour lui, il ne l'a pas glané. Il l'a tout simplement préparé pour le revoir dans 20 ans. C'est cela qui est toujours mêlant lorsqu'on discute avec l'UPA ou qu'on discute avec des associations, des syndicats ou des offices de producteurs. Eux ne voient que les 50 acres qui ont servi souvent en pacage; là, le cultivateur les a abandonnées, il transplante les autres 50 acres. Lui, c'est vrai qu'il veut une gestion tout simplement dans ce sens, ce qu'on ne peut pas accepter.

Tous les gens qui ont accumulé des lots pendant des années ne peuvent pas accepter cela parce que cela ne marche pas avec leur système, parce qu'eux sont des producteurs actifs tandis que les autres sont des producteurs inactifs qui ne font que 15 à 20 cordes de bois par année, même en se forçant, parce que, d'ordinaire, ils en faisaient 5 ou 10, parce qu'on a acheté pendant nombre d'années de ces personnes-là et, aujourd'hui, pour ces 20 cordes de bois, ce n'est pas une question d'être actif, c'est tout simplement un loisir. Ils le font le dimanche après-midi ou le samedi après-midi pour oublier les tracas de la ville parce qu'ils sont chômeurs en ville ou des nouveaux travailleurs pour le gouvernement en ville.

M. Baril: Tout à l'heure, vous avez parlé d'un propriétaire de boisé qui a 4000 acres et qui en glane 100 acres, qu'est-ce que c'est, pour vous autres, glaner?

M. Lamontagne (Jacques): Qu'est-ce que vous entendez par une coupe à blanc? La personne qui passe et qui s'aperçoit que toute la coupe de huit pouces à la souche est disparue d'un terrain... Certains ingénieurs vont dire: C'est une coupe à blanc. D'autres vont dire: Ce n'est pas une coupe à blanc. L'ingénieur qui a été élevé

chez CIP, par exemple, ou chez Consol, dirait que ce n'est pas une coupe à blanc lorsqu'on voit ce qui est fait quand une tronçonneuse est passée. Lui dirait: II reste une très belle régénération.

Mais maintenant, il s'agit de savoir qui on affronte lorsqu'on en discute. Si on affronte un ingénieur de l'office, par exemple, ou un ingénieur du gouvernement qui ne voit que la parcelle des terrains ou que le parterre de 50 acres ou de 100 acres, le jardin si vous voulez; il voit ça au niveau environnement, au niveau antipollusion, il voit ça au niveau conservation de l'air pur, de l'eau, et tout le tralala; il oublie que le gars qui est là paye des taxes pour ça, il oublie que le gars n'a que 1/40 de ces 4000 acres, 1/40 de son histoire. A ce moment-là, il ne peut pas le voir avec le même oeil parce qu'il ne peut pas tout en étant actif et exploitant, l'exploiter de la même façon que l'autre. C'est le problème en réalité.

C'est ce qui fait qu'on demande que l'association soit reconnue de façon qu'on puisse exprimer nos politiques et se faire reconnaître par nos politiques, ce qu'on ne peut pas faire devant un ensemble d'agriculteurs qui ne possède pas ces grandes valeurs de terrain.

M. Baril: Ayant ouvert la conversation, M. le Président, je suis certain que d'autres membres de la commission compléteront les questions que j'aurais posées. Merci.

Le Président (M. Gendron): M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Je tiens à remercier l'Association des propriétaires de boisés privés de la présentation de son mémoire. Cela va nous permettre de vous poser des questions et de savoir ce qu'est l'Association des propriétaires de boisés privés.

Premièrement, j'aimerais savoir depuis quand votre association est fondée et incorporée?

M. Lamontagne (Jacques): J'ai ici les lettres patentes, si vous me permettez de répondre à la place du présentateur. La corporation a été fondée ici au Québec, le 31 janvier 1975, ici dans la province de Québec.

M. Vaillancourt (Orford): Le 31 janvier... M. Lamontagne (Jacques): 1975. M. Vaillancourt (Orford): ... 1975.

M. Lamontagne (Jacques): Et enregistrée le 10 mars 1975.

M. Vaillancourt (Orford): Combien de membres comprend votre association pour le moment?

M. Lamontagne (Jacques): Environ 2000 membres.

M. Vaillancourt (Orford): Environ 2000 membres. Et de quels territoires viennent les membres qui font partie de votre association?

M. Lamontagne (Jacques): A l'heure actuelle, il y en a dans les régions de Frontenac, Lévis, Lotbinière, Québec-Sud bien sûr, Rimouski, et nous avons aussi des membres dans La Pocatière.

M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que vous avez des membres aussi dans la région de l'Estrie?

M. Lamontagne (Jacques): De l'Estrie? Excusez-moi, je demanderais ça à l'ancien président, excusez-moi.

M. Racine: De l'Estrie, je ne pourrais pas vous dire, remarquez bien que ce n'est pas moi qui s'occupe de ça à temps plein. C'est possible qu'on ait des membres de l'Estrie. Je ne pourrais pas vous le confirmer, mais c'est possible.

M. Vaillancourt (Orford): Pour ma part, c'est la première fois que j'entends parler de l'Association des propriétaires de boisés privés. Je sais qu'il existe des associations...

M. Lamontagne (Jacques): Souvent dans le secteur des Cantons de l'Est d'ailleurs.

M. Vaillancourt (Orford): Comme il en existe une dans les Cantons de l'Est, il en existe dans la région ici. Il y a plusieurs associations qui représentent les producteurs de bois. Maintenant, j'aimerais savoir quel est l'impact de la politique de la forêt privée auprès de vos propriétaires?

M. Lamontagne (Jacques): Qu'entendez-vous par l'impact de la politique?

M. Vaillancourt (Orford): J'entends le contrôle fait par la Régie des marchés agricoles, soit pour la livraison de votre bois. Comme j'ai pu le constater tout à l'heure par les questions de mon collègue le député d'Arthabaska, vous n'avez pas l'air tellement satisfaits du contrôle qui est fait par la mise en marché.

M. Lamontagne (Jacques): Pour répondre à votre question, premièrement, nous savons que les offices, par l'entremise des plans conjoints, selon la Loi des marchés agricoles, ont obtenu des pouvoirs de faire de la mise en marché. Malheureusement, depuis six ans qu'ils ont les pouvoirs, ils ne font pas de réelles mises en marché. C'est-à-dire qu'ils s'assoient à une table et ils décident que telle paroisse, normalement, devrait livrer tant de cordes de bois sans vérifier si ça va se produire ou non, et ils disent, à priori, on va envoyer un camion faire la tournée. C'est un peu comme la guignolée, si vous voulez.

Le camion fait la tournée et ramasse à chacun, autant que possible, un voyage de bois. Et il retourne, s'il y a moyen. Un point, c'est tout. C'est leur principe de mise en marché. C'est ce qu'ils appellent un principe de non-favoritisme. Je n'appelle pas cela une mise en marché, parce que toute personne qui a goûté à la production forestière sait qu'il y a du bois qui peut être mis en marché, différemment, selon la saison durant l'an-

née. Il y a du bois que l'on doit charroyer en période de sécheresse et d'été; d'autre, en période de gel; d'autre, presque en tout temps de l'année. C'est tout en voulant garder notre bois à un prix assez normal, en fin de compte, pour ne pas amener l'industrie papetière à refuser complètement d'acheter le bois privé. C'est un point de vue économique.

M. Vaillancourt (Orford): Mais les producteurs de votre région ne coupent pas d'après des quotas qui leur sont accordés? On entend dire assez souvent que vous avez des 35 000, 40 000, 50 000 cordes de bois qui pourrissent le long des chemins. N'êtes-vous pas récidivistes un peu, les producteurs de la région de Québec-Sud, ou de la région de Québec? Dans la région des Cantons de l'Est, à ma connaissance, les producteurs ou les commerçants de bois, on peut les appeler comme vous voulez, ne semblent pas se plaindre que le bois pourrit en bordure des chemins?

M. Lamontagne (Jacques): Ce que vous dites est vrai pour la région de l'Estrie, puisque je connais plusieurs personnes dans cette région. Vous remarquerez que vous possédez déjà des usines à papier, dans votre région. Lorsque vous parlez de la région de Québec-Sud, c'est une région qui ne possède aucune industrie papetière; vous avez d'autres régions également où le cas n'est pas aussi fort que la région de Québec-Sud, par exemple, malgré qu'il existe du bois qui pourrit sur le bord des chemins. Cela ne dépend pas des quotas qui ont été remplis ou qui ont été surremplis. C'est qu'il n'y a jamais eu de quota. C'est toujours à l'aveuglette.

Si vous êtes propriétaire de boisé, à l'heure actuelle, dans le territoire de ces offices, vous allez téléphoner à l'office ou lui écrire et vous allez demander: Est-ce que je puis faire du bois cette année? On va vous répondre: Oui, monsieur, quand vous voulez. Quand allez-vous faire la mise en marché de mon bois? On ne le sait pas. Pensez-vous, dans deux ans, être capable? On ne le sait pas. Pensez-vous, dans trois ans, être capable? On ne le sait pas. A ce moment-là, c'est presque seulement de l'amour de la forêt qu'il nous reste.

M. Vaillancourt (Orford): Mais ne croyez-vous pas que c'est un manque de dialogue entre les producteurs et l'Office de mise en marché?

M. Lamontagne (Jacques): Excusez-moi monsieur. J'ai eu des dialogues pendant un an de temps, lors de sept réunions avec eux et je n'ai jamais été plus loin. Je pourrais même vous nommer un futur producteur, lorsqu'il le désirera, parce qu'il est propriétaire de boisé, qui siège à votre commission, qui m'a posé la question. J'aimerais que tout à l'heure, lorsqu'il parlera, il puisse vous donner la réponse qu'il a reçue.

M. Vaillancourt (Orford): Tout à l'heure je vous demandais combien de membres comprend votre association. Est-ce qu'il serait possible que votre association dépose la liste de ses membres à la commission parlementaire?

M. Lamontagne (Jacques): A l'heure actuelle, quant à la question de déposer notre liste de membres, il nous est impossible de le faire et vous savez un peu pourquoi. Pour se maintenir en vie, même si on ne se garde que le souffle, à l'heure actuelle, nous sommes obligés d'exiger une cotisation de la part des membres, qui est de $10 par année; ce que les syndicats ne font pas, parce que c'est gratuit, lorsqu'on veut être membre d'un syndicat pour la mise en marché de son bois.

Ce qui arrive à ce moment-là, le gars qui nous fait la charité de son $10—on peut presque l'appeler de la charité — s'il réussit à vendre 20 cordes de bois par année, régulièrement, à l'UPA, cela en serait fini demain matin pour lui. Donc, on n'a pas intérêt à le faire, dans le moment. J'espère que vous le comprenez.

M. Vaillancourt (Orford): Je ne veux pas forcer votre association à déposer la liste. On pourrait toujours le faire, mais pour ma part, je n'irai pas jusqu'à ce point, si c'est pour vous nuire dans l'expansion de votre association.

M. Lamontagne (Jacques): C'est la raison.

M. Racine: Ce n'est pas l'expansion, c'est la protection.

M. Vaillancourt (Orford): La protection, c'est-à-dire que cela revient un peu à cela. Si on fait déposer la liste et que cela nuit à l'expansion de votre association...

M. Lamontagne (Jacques): On fait du "ad mortem" pour 1978.

M. Vaillancourt (Orford): ... on est aussi bien de vous la laisser former plus solidement pour commencer.

Une autre question. Pensez-vous que l'Etat devrait contrôler la coupe des boisés privés? Actuellement — je m'explique — on voit assez souvent des producteurs, surtout les petits producteurs, faire des coupes à blanc, couper du bois de quatre, cinq, six pouces sur la souche. Je me demande s'il ne serait pas préférable qu'il y ait un contrôle pour ne pas détruire les forêts privées, étant donné que, de plus en plus, dans certaines régions, la forêt privée diminue considérablement.

M. Racine: Je pense que le commencement de tout, c'est, comme nous disons dans le mémoire — nous autres, on n'a pas la force économique de le faire — d'avoir un inventaire de la forêt privée, de savoir où la vieille forêt est située et de savoir où est la jeune forêt. Quand les propriétaires de boisés privés et les producteurs de bois saurons cela, à ce moment-là, on pourra s'asseoir à la table avec le gouvernement et on pourra en discuter.

M. Vaillancourt (Orford): D'accord. Une der-

nière question, parce que je voudrais donner la chance à mes collègues de vous poser d'autres questions. A la page 8, quatrièmement, vous dites: "Une aide financière pour adopter une mécanisation de coupe qui répondrait aux exigences des peuplements de la forêt privée..." Pourriez-vous élaborer un peu votre pensée? J'aimerais avoir des explications.

M. Lamontagne (Jacques): Par expérience, il nous est arrivé de manquer de main-d'oeuvre forestière. Lorsque la demande est forte, il nous est arrivé de ne pouvoir répondre aux quantités que demandait l'industrie par manque de main-d'oeuvre forestière. On se demande s'il n'y aurait pas possibilité de la part du ministère de demander au service de recherche de trouver une certaine mécanisation de façon à prévoir mieux l'avenir de nos forêts privées, et empêcher la grosse mécanisation qui existe à l'heure actuelle de détruire entièrement — lorsqu'on parle de parcelles de forêt — la forêt comme telle.

On sait que les tronçonneuses, par exemple, qui existent à l'heure actuelle sur le marché ne sont pas applicables dans une forêt privée. On sait par exemple que même certaines machines telles que les "timber jacks" sont déjà trop grosses pour une parcelle de forêt de cent acres et qui est isolée.

M. Vaillancourt (Orford): Voulez-vous dire qu'on devrait retourner aux chevaux?

M. Lamontagne (Jacques): Non, monsieur. Je crois qu'il y aurait certainement une mécanisation qui, à l'heure actuelle, n'a été exploitée personnellement par aucune compagnie et qui pourrait être étudiée avec l'aide du gouvernement, au service de la recherche, parce que cela coûte assez cher pour faire cette recherche, de façon à prévoir qu'en cas de manque de main-d'oeuvre, on ait une mécanisation pour répondre aux besoins des contrats qu'on aurait pu signer avec les compagnies de façon qu'elles ne puissent plus faire ce qu'elles font à l'heure actuelle avec les producteurs, par exemple, à partir de baisses de contrats de 30% ou 40%, parce qu'un contrat en bonne et due forme, anciennement, ce que je connaissais des compagnies moi-même, c'est qu'elles respectaient un contrat, d'une manière ou d'une autre, soit pécuniairement, soit pour les quantités qu'on leur vendait, mais, nous aussi étions obligés, d'un autre côté, de respecter les quantités qu'on leur vendait, soit d'une manière pécuniaire, si on ne pouvait pas les fournir, soit de fournir le bois qu'on avait vendu. A l'heure actuelle, les producteurs, par l'entremise des syndicats, ne peuvent pas faire cela, parce que les syndicats ne sont pas maîtres de la production.

M. Vaillancourt (Orford): D'accord.

Le Président (M. Gendron): Je vais donner la parole à M. Russell. J'inviterais les membres de la commission parlementaire à essayer de procéder plus rapidement, si possible, car, si on veut res- pecter l'horaire de la journée, il faudrait entendre M. Harvey, qui devait passer aujourd'hui. J'inviterais M. Russell à poser ses questions.

M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président, du temps qui m'a été alloué. Etant donné que le temps presse, je vais laisser la parole à d'autres intervenants.

M. Russell: M. le Président, merci. D'une façon très brève, sommaire, je voudrais simplement, comme les autres, remercier ceux qui ont bien voulu se déplacer pour venir nous présenter ce mémoire et nous informer un peu d'un malaise qui existe chez eux.

Si je comprends bien, vous avez 2000 membres, comme vous l'avez exposé, dont six sont des cultivateurs possédant des terrains d'une superficie de 26 000 acres, plus ou moins, si j'ai bien compris.

M. Racine: 26 000 milles carrés.

M. Russell: 26 000 milles carrés, plutôt.

M. Racine: On dit que la forêt privée dans la province de Québec couvre une superficie d'environ 26 000 milles carrés.

M. Russell: Vous parlez de 12% de 26 000 milles.

M. Racine: On dit que la forêt privée fournit 12% de la production que les usines emploient.

M. Russell: Quelle serait la superficie détenue par les propriétaires de terrains privés?

M. Racine: Ecoutez, la forêt privée...

M. Lamontagne (Jacques): Si on entre dans les grandes compagnies, supposément que 26 000 milles carrés seraient détenus par des propriétaires privés...

M. Russell: Vous n'avez pas de données qui établissent d'une façon certaine les terrains privés qui sont détenus par vos membres, la possibilité de production annuelle, le nombre de cunits ou de mille pieds de coupe que vous aimeriez faire, le pourcentage de bois dur et de bois mou que vous couperiez? Vous n'avez pas ces données.

M. Lamontagne (Jacques): Malheureusement, non. Entièrement, non. Nous ne possédons pas ces données, nous autres non plus, parce qu'alors on aurait dû faire un inventaire beaucoup plus poussé auprès de nos membres. Nous aurions eu besoin d'obtenir des inventaires beaucoup plus détaillés de nos membres.

M. Russell: Si je comprends bien, vous êtes ici simplement pour présenter un mémoire, pour essayer d'obtenir de la part du gouvernement de l'aide pour vous établir d'une façon certaine et pouvoir fournir annuellement un pourcentage du bois utilisé par les usines à papier et les scieries.

M. Lamontagne (Jacques): Très bien. Oui, c'est cela.

M. Russell: C'est le but de votre mémoire et de votre association?

M. Lamontagne (Jacques): Oui, tout en regardant le bon côté suivant: On veut maintenir un prix raisonnable, parce qu'on sait que tout cartel amène la syndicalisation à outrance, tel que dans le transport. On s'aperçoit, à l'heure actuelle, que le transport monte vertigineusement. Il y a un manque de concurrence.

M. Russell: Est-ce que vous seriez prêt à établir par quota pour chacun de vos membres, à établir pour tant de l'acre?

M. Lamontagne (Jacques): C'est sûr. En principe, l'inventaire technique, ce serait l'idéal.

M. Russell: II y a une chose qui m'a frappé tout à l'heure quand vous avez dit que vous craigniez de déposer la liste de vos membres devant cette commission, ayant peur d'être punis ou menacés de l'autre côté, un peu comme sont les propriétaires de scieries. Lorsqu'ils tentent de vendre leurs copeaux ou de faire d'autre chose avec leurs copeaux, ils peuvent être punis par les gros méchants, les usines à papier ou les papeteries.

M. Lamontagne (Jacques): C'est la même chose en réalité.

M. Russell: De votre côté, c'est l'UPA qui fera cela chez vous?

M. Lamontagne (Jacques): Directement.

M. Racine: Je demanderais au président de la commission de me donner l'occasion de fournir un exemple type.

Le Président (M. Gendron): Bien sûr.

M. Racine: Quand on a rencontré le 28 août, si je ne me trompe, le ministre des Terres et Forêts, le ministre de l'Agriculture, M. Roy y était, M. Goulet y était. Il y avait un type qui se nommait Raynald Gilbert, de Robertsonville. Son père est décédé en mai. Il était agent pour l'Office des producteurs de bois. Son père est décédé et le frère de Raynald a demandé cette place à l'office, la place que son père avait. Ils ont des camions et des lots à bois. On l'a invité à venir rencontrer les ministres, parce que l'association voulait être représentative, elle voulait avoir des producteurs de bois d'un peu partout dans les régions. Suite à cette venue, à cette rencontre avec les ministres, le lendemain, il a reçu un appel de l'office lui disant que la place que son père avait — il voulait avoir les mêmes pouvoirs que son père — c'était inutile d'y penser parce qu'il était pour l'Association des propriétaires de boisés privés, parce qu'il était avec l'association au moment de la rencontre avec les ministres Garon et Bérubé. Je pense que

M. Roy pourra le confirmer, parce qu'il m'a dit: Qu'est-ce que je fais avec cela? J'ai dit: Ecoute, je n'ai pas de pouvoirs politiques. Appelle Fabien Roy. Il m'a dit après cela qu'il avait parlé avec Fabien.

M. Lamontange (Jacques): Est-ce que cela répond à votre question?

M. Racine: Je pense que cela pourrait répondre...

M. Russell: M. le Président, j'espère que le ministre prend note du chantage qui se fait dans ce domaine...

M. Racine: Je pense que ça pourrait répondre...

M. Russell: ... et qu'il prendra les mesures qui s'imposent pour s'assurer que les gens puissent agir d'une façon assez libre, tant dans votre domaine que pour les scieries, qui sont menacées de chantage assez souvent.

M. Racine: Vous comprenez que si on dépose la liste de nos membres, 24 heures après, la liste sera dans les mains des syndicats et des offices, et là, ils pourront exercer leur "crois ou meurs".

M. Russell: C'est peut-être ce qui clarifierait une situation assez rapidement.

M. le Président, je ne veux pas prendre trop de temps. Je sais que le temps presse un peu.

Seulement deux points que je veux retenir: Est-ce que l'UPA exige de vous une cotisation par corde de bois que vous leur vendez?

M. Racine: Elle l'exige, mais elle ne le démontre pas.

M. Russell: Elle ne le démontre pas, vous voulez dire quoi?

M. Racine: Non. Cela veut dire qu'on expédie un voyage de bois et on reçoit le chèque, mais la cotisation est cachée. Elle n'est pas sur le bordereau ou sur le talon du chèque.

M. Russell: Mais ça doit paraître quelque part dans les revenus de l'UPA?

M. Racine: Cela paraît, mais ce n'est pas nous qui sommes là.

M. Russell: Vous ne savez pas quel est le montant qui est retenu ou ce que ça coûte pour la mise en marché?

M. Racine: C'est $0.75 la corde, qu'on nous dit.

M. Russell: Mais, écoutez, je pense bien que l'UPA n'est pas un organisme secret. C'est censé être un organisme quasi public.

M. Racine: Vous demanderez ça à votre collègue.

M. Russell: M. le Président, on pourra obtenir cette information ailleurs, de toute façon.

Vos terrains privés, vous payez vos taxes scolaires et municipales comme tous les autres cultivateurs, je présume?

M. Racine: On paie nos taxes comme tous les autres cultivateurs, agriculteurs, mais on n'a pas la ristourne de 40% sur les taxes scolaires qu'ils reçoivent du gouvernement, parce qu'ils ont un numéro, étant reconnus comme agriculteurs. Ils ont droit, si vous voulez, comme on le disait, à une ristourne de 40% sur les taxes scolaires. Ils ont droit à une ristourne sur le gaz qu'ils dépensent, le diesel, exemption de la taxe provinciale sur achat d'équipement. Ils s'achètent une brouette, pas de taxe provinciale. Ils s'achètent un marteau, pas de taxe provinciale. Subvention pour les travaux mécanisés. Ils prennent un "bulldozer" et font faire un chemin et vont chercher le bois. Cela leur coûte $4 l'heure. Nous, ça nous en coûte $25 et $30. Ce n'est pas grave, c'est le gouvernement qui paie.

M. Baril: Vous pouvez bien mettre un peu plus que $4 l'heure, par exemple.

M. Racine: En tout cas, cela a peut-être changé, mais ça ne doit pas être beaucoup plus.

M. Baril: Bien oui, c'est 50%.

M. Racine: Mais, de toute façon, le principe de ma réponse, c'est que nous, les propriétaires de boisés privés, on n'a aucun droit à ces subventions, et quand il s'agit de brimer notre liberté, on nous assimile à eux autres et on est conduit par des agriculteurs.

Pour ma part, je vois mal Yvon Racine et les propriétaires de boisés privés aller contrôler un cultivateur dans sa production de lait. Ce serait un fiasco. C'est justement ce qu'ils font. Ils nous contrôlent dans la mise en marché de notre bois et c'est un fiasco. Le bois pourrit.

M. Russell: M. le Président, je connais le malaise qui existe en général dans le domaine du bois. Je crois qu'on a entendu assez de groupements pour que le ministre puisse prendre une décision — ou la commission — dans ce domaine.

Je ne veux pas retarder indûment... Il y a bien d'autres questions que je pourrais vous poser. Je pense qu'on en a entendu beaucoup d'autres et qu'on peut se faire une idée là-dessus.

La seule chose que je veux dire en terminant, c'est que, personnellement, je ne crois pas au "crois ou meurs", ni de la part de l'UPA, pas plus que de la part des papeteries. Donc, je pense bien qu'il se fera quelque chose ou j'espère qu'il se fera quelque chose dans ce domaine pour éviter ces prises de position radicales et éviter de faire en sorte qu'il y ait des gens qui deviennent des privilégiés.

M. Racine: Un petit complément: Ici, on est en commission parlementaire sur les terres et forêts. C'est drôle qu'à un moment donné, une corde de pulpe, quand il s'agit d'un terrain privé, c'est un produit forestier, quand il s'agit d'un terrain privé, c'est un produit agricole. Nos revendications, toutes les difficultés auxquelles ont à faire face les propriétaires de boisés privés, relèvent du ministre de l'Agriculture. C'est de valeur qu'il ne soit pas ici ce soir. Dans tous les cas, je sais que son collègue, l'honorable Yves Bérubé, saura faire les pressions nécessaires pour qu'à un moment donné, la forêt devienne comme une forêt publique. Quand il s'agit de la forêt privée, qu'une corde de pulpe ou 1000 pieds de billots soient considérés comme un produit forestier et non pas comme un produit agricole.

Le Président (M. Gendron): M. Marcoux. M. Marcoux: Alors...

Le Président (M. Gendron): Rapidement, s'il vous plaît!

M. Marcoux: Oui, rapidement, bien sûr.

La première remarque que je voudrais faire: Vous avez dit que vous ne voudriez pas, que vous ne vous mêlez pas de dire la quantité qu'un agriculteur doit faire; vous ne voudriez pas également qu'il se mêle, pour quelqu'un qui est seulement producteur forestier, qu'il vous dise combien produire.

Je vous ferai remarquer que, dans le domaine agricole, il y a ce qu'on appelle des quotas et des contingentements et, quand ils ne sont pas respectés, il y a des pénalités. Je pense que, même s'il y a des problèmes avec la question des quotas depuis qu'ils existent, entre la liberté complète de produire n'importe comment, n'importe quelle quantité d'un bien et le fait qu'il existe des quotas, je pense que le choix des agriculteurs est clair et net. C'est la même chose, en fait, au niveau de la production forestière. Ce que vous demandez implicitement, c'est qu'on revienne au temps où chacun produisait les quantités de bois au marché libre, point final; où chacun produit les quantités de bois qu'il veut, pourvu qu'il se trouve un marché pour les vendre. Quand vous dites—ce n'est pas officiellement ce que vous demandez — que vous souhaitez que chacun soit libre le plus possible, qu'on respecte l'autonomie de chaque producteur, cela revient à cela. Je pense que ce retour en arrière ne peut pas se faire.

Il y a une chose qui apparaît évidente. C'est sûr qu'il y a des secteurs, des régions du Québec où il y a certainement eu des problèmes de relations entre les producteurs forestiers, au sens où vous les définissez — ceux qui vivent seulement de la forêt — et les producteurs agricoles, mais il reste que le portrait que vous tracez dans l'ensemble du Québec, que le travail de rationalisation des apprivisionnements et de répartition des quotas de coupe sur les boisés privés qui a été fait depuis plusieurs années est certainement un progrès. Qu'il y ait des problèmes, il y en a eu et il y

en aura encore, mais je pense qu'on ne peut pas souhaiter des améliorations et, en même temps, ne pas vouloir la condition de ces améliorations, c'est-à-dire affecter des quotas de coupe à différents producteurs. Je pense que c'est un point sur lequel n'importe quel gouvernement ne pourrait revenir comme principe d'approvisionnement des usines. Une autre chose qui vous crée un problème, c'est quand vous dites: Les grandes compagnies font de la coupe à blanc, pourquoi les producteurs privés ne pourraient-ils pas en faire sur leurs lots? Je vous ferai remarquer que, pour les compagnies, c'est déterminé, c'est le ministère qui détermine quel type de coupe et on sait que la forêt privée du Québec est une forêt jeune, ce n'est pas une forêt qui est vieille, alors que, dans les forêts domaniales, les grandes forêts publiques, il y a de très larges secteurs qui sont de la forêt mûre et qui doivent être coupés, d'autant plus si on ajoute la question de la tordeuse de bourgeons d'épinette, etc. A ce moment, on a avantage à faire des coupes à blanc par opposition à des coupes sélectives.

Vous disiez: Pourquoi les compagnies peuvent-elles faire des coupes à blanc et les producteurs ne pourraient pas en faire? C'est que la forêt privée n'est pas dans le même état que la grande forêt publique au Québec. Je pense que c'est ce qui doit expliquer le type de coupe différent qui doit être autorisé dans ces circonstances.

J'aimerais, avant de poser une ou deux autres questions, que vous réagissiez à ces commentaires que je fais à la suite des interventions que vous avez faites.

M. Lamontagne (Jacques): Si vous me le permettez, premièrement, je vous ferai remarquer que nous ne possédons pas de quota; donc, il est erroné de dire que nous avons des quotas et que nous les dépassons ou que nous ne les remplissons pas; nous n'en avons pas. J'espère que, pour cela...

M. Marcoux: Le système ou l'office de producteurs de bois détermine des quotas pour les producteurs.

M. Lamontagne (Jacques): Non, l'office ne détermine pas de quotas à l'heure actuelle.

M. Racine: Pour votre information, il y a une douzaine d'années, il y avait environ... C'est pour répondre à votre question et vous poser une question en même temps.

Le Président (M. Gendron): Un instant! On va entendre la réponse de monsieur.

M. Racine: II y a une douzaine d'années passées, il y avait environ 50 000 agriculteurs dans la province de Québec. Aujourd'hui, il en reste à peu près 26 000. C'est la question des quotas. Je vous pose un point d'interrogation, je m'en pose et tout le monde s'en pose au point de vue des quotas. Je ne sais pas, mais quand vous disiez à un moment donné que la rationalisation était faite, je ne sais pas à qui vous donniez le crédit. J'aimerais le savoir de votre part. Si vous donnez le crédit à l'UPA, je vous dirai que l'UPA, pour faire des négociations de quantités, s'est servie des cinq dernières années. Evaluant combien, dans telle région, il s'était vendu de bois, elle a divisé cela par cinq, cela faisait X mille cordes de bois par année. C'est cela, ses possibilités, ce sont ses chiffres en l'air, ses possibilités qu'on appelle possibilités empiriques. Tout ce qui l'intéresse, c'est le signe de piastre, c'est de venir chercher ma cotisation dans ma poche et de venir chercher la cotisation de tout le monde. C'est ce qui l'intéresse. Pourquoi ne demande-t-elle pas un inventaire forestier pour savoir où est la vieille forêt et où est la jeune forêt? Ce serait un maudit bon point de départ. Mais on se rend compte que ce n'est pas cela qu'elle cherche, pas du tout. Ce qu'elle veut, ce sont les $0.50, les $0.75 sur la piastre. C'est ce qui l'intéresse.

Je tiens à dire ici en commission que si le gouvernement continue à vouloir donner à l'UPA les pouvoirs qu'elle a sur certaines productions, dans quelques mois, sinon dans quelques années, l'UPA contrôlera l'économie rurale de A à Z, ce gros monstre contrôlera l'économie rurale de A à Z.

A l'heure actuelle, les propriétaires de boisés privés sont au pied du mur. Nous sommes considérés comme des robots. Vous pesez sur un bouton, vous voulez aller à droite? Ce n'est pas à droite qu'il faut que vous alliez, c'est à gauche. L'économie rurale en subira les conséquences. Il est grand temps que le gouvernement mette un frein à cela, grand, grand temps.

M. Marcoux: II y a au moins une chose qui est en train de disparaître, en tout cas — je ne viens pas de la région de Québec-Sud — c'est ce qu'on appelait les pilleurs de lots, ceux qui achetaient des lots, qui les pillaient en quelques années, c'était éliminé, et qui les laissaient comme cela. Avec le système actuel, quand je parlais de quotas tantôt, lorsque l'office des producteurs dit à un agriculteur: On va t'acheter tant de cordes cette année, il ne dit pas: Tu as tel quota, mais il assure l'achat de tant de cordes. C'est une façon de répartir le total des cordes de bois pour lesquelles il a des contrats. Qu'on appelle cela contingentement, quota ou n'importe quoi, c'est une façon, en somme, de dire à quelqu'un avant de produire: II y a tant de cordes qu'on peut t'acheter, qu'on t'assure de vendre. Le reste, il laisse...

M. Russell: ...

M. Marcoux: Cela dépend. Je sais que, dans la région, il assure tant de cordes, il l'achète et c'est lui de toute façon, qui trouve un vendeur, s'il n'y en a pas, il est acheté et il est assuré d'être payé.

M. Lamontagne (Jacques): C'est une raison de...

M. Marcoux: Justement, c'est le système vers lequel on doit tendre de toute façon pour assurer une meilleure allocation et un meilleur approvisionnement également.

M. Racine: Pourquoi est-ce qu'on demande un inventaire? On vient de dire et on a répété qu'une vieille forêt, une forêt rendue à maturité, ne croît plus, elle décroît. Une vieille forêt, c'est comme un vieillard. Il faut qu'elle soit coupée, car elle ne produit plus, tandis que la jeune forêt c'est là qu'elle devrait avoir un traitement, parce qu'elle est en pleine croissance.

Le Président (M. Gendron): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Marcoux: Les boisés que vous achetez ou que vos producteurs ont, est-ce que vous considérez que c'est de la vieille forêt?

M. Racine: On a dit que nous n'avions pas les moyens financiers de faire l'inventaire. C'est au gouvernement de faire l'inventaire, pour savoir où est située la vieille forêt et où est située la jeune forêt. C'est là le point de départ. Après cela, on s'asseoira avec le gouvernement à une table ronde et on discutera de tout cela.

M. Marcoux: Pour ne pas étirer davantage le débat, je pense qu'entre l'option que vous pouvez défendre et celle que je pense souhaitable pour les producteurs forestiers à l'avenir, il y a un désaccord fondamental. Il y a quand même une chose qui doit être clarifiée c'est la représentativité de votre association.

Darts le casde l'Office des producteurs ou de l'UPA, on sait exactement qui ils représentent, le nombre de personnes qu'ils représentent, etc.

Vous dites que vous ne pouvez pas révéler le nom de vos membres — vous pouvez révéler le nombre en gros, environ 2000 — parce que vous craignez des représailles. Je voudrais quand même savoir pourquoi vous avez également refusé de donner ces informations au ministre concerné, que ce soit le ministre de l'Agriculture ou que ce soit le ministre des Terres et Forêts.

M. Racine: Ce que j'ai répondu, le ministre Bérubé est témoin, la télévision en est témoin, parce que j'ai fait une déclaration à ce sujet, c'est que je n'ai pas refusé de dévoiler la liste de membres, j'ai dit au ministre Bérubé, j'ai dit au ministre Garon: On va s'asseoir ensemble tous les trois, la liste des membres, si vous voulez la voir, j'ouvre le livre et je vous la montre. Mais personne n'en prendra de photocopie, pour que 24 heures plus tard, elle soit rendue dans les mains des syndicats et des offices de producteurs de bois pour qu'ils exercent leur "crois ou meurs".

L'autre question que vous m'avez posée...

M. Marcoux: ...

M. Racine: ... vous dites que, quant à l'UPA, c'est facile de savoir le nombre de ses membres. C'est facile, parce qu'ils retiennent la cotisation, si vous ne le savez pas, c'est de $50 sur la première paie de lait en juin. S'il y a 26 000 agriculteurs dans la province de Québec, ils ont 26 000 membres, ils ont retenu obligatoirement leur $50, alors ils sont obligatoirement membres. Mais ce que le gouvernement ne sait pas, ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'il y a 75% de ces gars qui sont contre l'UPA; politiquement, 26 000 membres, c'est rentable, à côté de 2000. Mais ce que le gouvernement et ce que vous ne savez pas, par exemple, c'est la quantité de ces 26 000 qui sont pour l'UPA.

M. Marcoux: S'il y avait une motion faite à cette commission, vous demandant ou vous ordonnant de rendre publique la liste de vos membres dans le but de connaître la représentativité de votre association, demande qui vous a été faite à plusieurs reprises par les ministres concernés, est-ce que vous accepteriez de vous rendre à cette demande de la commission?

M. Racine: Ecoutez, vous n'avez pas besoin de me reposer la question, je l'ai dit au ministre Bérubé et au ministre Garon, si vous voulez voir la liste de membres, on ouvre les livres et je vous la montre. Mais personne n'en prendra des photocopies. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Marcoux: Cela veut dire que vous acceptez qu'ils la voient, mais vous n'acceptez pas qu'ils puissent vérifier si ce sont de véritables membres?

M. Racine: Ecoutez, on n'est pas intéressé à donner la liste des membres pour que des photocopies se prennent, parce que ce que vous ne savez pas, c'est que l'UPA a pris 20 ans à s'organiser et qu'il y a des gars de l'UPA, dans tous les ministères du gouvernement, Toupin est parti et Drummond est parti, mais eux, ils sont restés là.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Sud, une minute s'il vous plaît. Il est maintenant 22 h 40 et nous avons un cinquième intervenant aujourd'hui à qui j'ai promis — parce qu'il est reconvoqué pour la troisième fois, il prend des jours de vacances, c'est quelqu'un qui vient parler à titre individuel, M. Raymond Harvey — de faire tous les efforts pour qu'il soit entendu ce soir. Il a un court mémoire de deux pages, il pourrait répondre également à certaines questions. Il serait de mise à ce stade-ci, étant donné que ça fait 1 h 40 minutes, de demander la collaboration de tout le monde. Les travaux doivent être ajournés à 11 heures, mais j'aimerais que cette promesse personnelle que j'ai faite en votre nom soit respectée, pour M. Harvey.

M. Giasson: M. le Président, si vous permettez, suite à la promesse que vous avez faite, je suis certain et assuré que tous les membres de la commission vont désirer entendre le dernier intervenant, quelle que soit l'heure à laquelle il comparaîtra, nous allons être ici, c'est la troisième fois qu'il vient devant la commission et soyez assuré, qu'il soit 23 heures, 23 h 30 ou minuit, on va être ici pour l'entendre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous savez que ça prend le consentement unanime.

M. Giasson: Je ne doute pas...

M. Russell: De notre côté, on est prêt à donner notre accord pour régler ce problème.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai le consentement du député de Beauce-Sud également?

M. Roy: Je ne suis pas membre de la commission, il faut que je sollicite le consentement unanime de la commission pour pouvoir intervenir.

M. Bérubé: II va consulter son caucus.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Cela a été fait et je puis assurer le ministre qu'il a été unanime. Est-ce qu'on me permet, M. le Président, d'intervenir dans ce débat? Ces gens ne sont pas de mon comté, mais ce sont des gens de ma région. Est-ce qu'on me permet, M. le Président?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, allez.

M. Roy: Je vous remercie, M. le Président. Après avoir écouté mes collègues, j'ai constaté, qu'on a attaché énormément d'importance à la liste des membres. Je pense que c'est un faux débat— je me permettrai un commentaire au début— complètement faux, qu'il y ait 25, 500, 1000, 2000 ou 10 000 membres, cela ne change rien. Le problème est là et je pense qu'il a été souligné par les questions de mes collègues, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition.

J'aimerais revenir sur un point particulier qui me semble — on me corrigera, nos invités pourront me corriger — il me semble que le gros problème qui se dégage dans tout cela, c'est le fait qu'il n'existe pas de quota, on ne distribue pas de quota aux propriétaires de boisés avant la coupe de bois. Est-ce que c'est le fond du problème?

M. Lamontagne (Jacques): C'est le fond, à l'heure actuelle.

M. Roy: Vous avez des propriétaires, dans votre association, qui sont propriétaires de 4000, 5000 et je pense qu'il y en a même de 10 000 acres. Comment un propriétaire de 1000 acres peut-il procéder, à l'heure actuelle, avec certitude, après avoir communiqué avec les responsables de la mise en marché, procéder à la coupe et à la mise en marché du bois? J'aimerais bien que le ministre prenne bonne note de cela, puisqu'il a effectivement assisté partiellement à une séance à laquelle avait participé également son collègue le ministre de l'Agriculture, séance qui n'avait pas donné de résultats comme tels, mais à laquelle on avait référé à l'éventuelle commission parlementaire qui étudierait le secteur de la mise en marché et le problème des pâtes et papiers au Québec.

J'aimerais demander à nos interlocuteurs comment une personne qui est propriétaire de 1000 acres de bois peut-elle procéder avec sécurité, avec certitude, pour couper du bois et organiser sa mise en marché et le livrer?

M. Lamontagne (Jacques): En ce moment, il n'y a aucune manière.

M. Roy: Cela veut dire que si une personne se présente à l'UPA, au syndicat des producteurs de bois et qu'elle déclare qu'elle est propriétaire de 1000 acres de bois, qu'elle veut demander un permis de coupe de 50 cordes de bois, ne peut pas avoir de permis de coupe ou un quota et une certitude de livraison de ces 50 cordes?

M. Lamontagne (Jacques): Aucune à l'heure actuelle. Ils ont eu six ans pour mettre cela sur pied, mais ils ne l'ont pas encore fait.

M. Roy: Je pense qu'on touche le fond du problème. Ce problème est sur mon bureau depuis passablement longtemps et je déplore et je le dis aux membres de la commission, en sachant très bien que les propos que je tiens à ce moment-ci vont être relus par certaines personnes qui vont sûrement se procurer le journal des Débats. Si, à chaque fois qu'on ose toucher à ce problème, problème réel qui constitue des pertes économiques pour des citoyens du Québec qui paient des taxes... Je ne veux pas faire de débat philosophique à ce moment-ci, mais à partir du moment où on parle de toucher à ce problème, c'est immédiatement accuser.

Celui qui vous parle n'a pas été victime. Mais celui qui vous parle s'est fait écrire des lettres dans tous les journaux du Québec disant qu'il travaillait à détruire le plan de l'UPA, alors que j'ai toujours soutenu et j'ai même travaillé à le bâtir, le plan de l'UPA, parce que pour les petits propriétaires de boisés privés, agriculteurs surtout, j'ai toujours dit et je soutiens encore devant la commission parlementaire, que l'UPA joue un rôle et je pense que ces messieurs ici l'ont dit tout à l'heure: pour les agriculteurs, il n'y a pas de problème, le problème n'est pas là.

Le problème existe pour une autre catégorie de producteurs qui ne sont pas agriculteurs et qui sont propriétaires de grandes étendues de terrain, et qui ne peuvent pas avoir aucune certitude avant de commencer à couper du bois, à savoir combien de cordes de livraison on pourra leur garantir, à partir du moment où des contrats sont négociés avec les compagnies papetières.

J'aimerais poser une question à M. Lamontagne. Elle va peut-être être un peu personnelle. Vous êtes propriétaire de combien d'acres de bois?

M. Lamontagne (Jacques): 10 200 acres.

M. Roy: 10 200. Combien de bois avez-vous pu couper depuis quelques années?

M. Lamontagne (Jacques): Dans trois ans, nous avons mis sur le marché 800 cordes de bois qui sont encore là.

M. Roy: II y a un deuxième problème, mais je pense que la réponse est assez significative. Si le gouvernement s'inquiète pour les compagnies qui sont propriétaires de concessions forestières, à cause des implications économiques, le gouvernement doit également s'occuper et se préoccuper des problèmes des moyens et des petits propriétaires industriels dans le domaine de la forêt et j'aimerais bien, à ce moment-ci...

M. Bérubé: Le député...

M. Roy: ... que le premier ministre puisse éclairer les membres de la commission et nous dise ce qu'il entend faire à ce sujet.

M. Bérubé: II me ferait un grand plaisir de répondre à vos deux interrogations. D'une part, le problème de la mise en marché des bois de la forêt privée n'est pas un problème simple; d'essayer de structurer la mise en marché de ces bois a demandé des efforts de longue haleine de la part des syndicats de producteurs de bois. Il faut donc éviter de tenter de désorganiser toute une mise en marché qui s'est organisée péniblement. Ce qui me frappe, au cours des interventions, parce que c'est quand même la deuxième ou troisième fois que nous nous rencontrons, c'est d'abord qu'on n'arrive pas à savoir dans quelle mesure c'est représentatif, parce que le problème de ce qu'on peut appeler la dissidence dans les plans conjoints, c'est un problème qu'on retrouve pour le porc, le poulet, les oeufs, on le retrouve partout. On est toujours aux prises avec le même problème, c'est-à-dire que, chaque fois qu'il y a un programme, un plan de mise en marché, il y a forcément des gens qui ne sont pas d'accord avec le plan, souvent pour de très bonnes raisons, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'on doive sacrifier le plan.

Pour arriver à évaluer si un plan doit être sacrifié, il faut être capable d'en connaître la représentativité. Personnellement, je suis bien prêt à invoquer l'article 153, à demander et à forcer votre association à déposer cette liste, puisque nous en avons le pouvoir, parce que je ne peux pas, comme ministre, accepter de négocier avec qui que ce soit sans savoir qui il représente.

M. Roy: J'aimerais demander...

M. Bérubé: C'est ma première remarque et je pense que c'est un point important.

Le deuxième point que j'estime capital, il existe présentement un tribunal, la Régie de mise en marché des produits agricoles. Il n'y a aucune plainte qui ait été portée devant la Régie de mise en marché des produits agricoles et qui ait permis à un moment donné d'avoir un jugement. En d'autres termes, on demande à un homme politique de faire lui-même enquête et d'essayer de convoquer des témoins alors que la loi a prévu un tribunal. Le jour où il y aura eu une décision de la cour et que cette décision n'aura pas, à notre avis d'après une évaluation qu'on pourra respecter véritablement, une justice élémentaire, jugé qu'il y aura peut-être lieu de réévaluer cela, tant et aussi longtemps que des gens ne veulent pas avoir recours à la loi telle qu'elle est rédigée — dans ce cas-ci, c'est la Régie de mise en marché — on n'a aucun élément pour juger si ce que monsieur vient d'affirmer est vrai ou faux. Ce n'est certainement pas le ministre qui va aller se promener pour aller voir si c'est vrai ou si c'est faux. Il y a une régie qui a des moyens de faire enquête. Il devrait y avoir une plainte une fois pour toutes et, à partir de cette plainte, il devrait y avoir jugement pour qu'on puisse décider.

Or, l'association, d'une part, refuse de déposer sa liste de membres pour démontrer qu'elle est représentative et, d'autre part, cette association refuse de déposer une plainte devant la régie de manière qu'elle soit jugée pour sa valeur. Dans ces conditions, il m'apparaît personnellement très difficile d'aller plus loin que d'écouter patiemment les mêmes argumentations que j'entends chaque fois, et que les ministres précédents, M. Drummond et M. Toupin, ont entendues également; à chaque fois, ils n'ont pu tirer la moindre conclusion, faute d'avoir eu la réponse à ces deux mêmes questions. Tant et aussi longtemps qu'on refusera de répondre à ces questions, je refuse de répondre à d'autres questions.

M. Roy: J'aurais une autre question, malgré tout cela, à poser au ministre à ce moment-ci, suite à ce qui a été dit dans le mémoire également et qui a déjà été entendu devant la commission parlementaire. On a parlé tout à l'heure d'un inventaire. Je ferai grâce d'une question à leur poser, la question a été posée tout à l'heure, mais j'aimerais, c'est ce qui m'intéresse à ce moment-ci, puisque je connais la réponse de l'association, avoir la réponse du ministre.

Le problème de la surproduction qu'on attribue à la forêt de la rive sud du Québec, c'est un problème qu'on retrouve actuellement pour les personnes qui demandent des permis d'exploitation de petits moulins à scie et qui demandent la permission d'avoir un plus grand quota de sciage, pour de petits moulins privés qui desservent la classe agricole particulièrement. D'ailleurs, j'ai trois demandes dans la région chez nous qui sont actuellement à l'étude devant le ministère des Terres et Forêts et pour lesquelles je devrai entrer en contact prochainement avec les intéressés.

On nous dit — j'ai eu de sérieuses discussions avec les officiers du ministère là-dessus — qu'on a évalué la possibilité de coupe de la forêt de la rive sud du Saint-Laurent à une demi-corde à l'acre et de façon totalement arbitraire. Certains ingénieurs forestiers ont fait des études, ont fait des démarches, ont fait des enquêtes, et on nous dit que, dans certains coins, dans certaines régions, on va même jusqu'à une corde et demie de pousses annuelles, ce qui ferait que la moyenne serait de beaucoup supérieure à une demi-corde l'acre. Si, je pose la question, c'est parce que cela fait 25 ans que j'entends dire que la forêt est surexploitée. Elle est toujours surexploitée et il y a toujours trop de bois.

J'aimerais demander, suite à la demande qui a été formulée par l'Association des propriétaires de

boisés privés, si le ministère entend faire, sur place, un inventaire par échantillonnage pour être capable d'évaluer le taux de production annuelle, le taux de pousses annuelles de la forêt de la région chez nous.

M. Bérubé: La réponse, c'est oui. Effectivement, cette question m'a été posée par le syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud. Elle m'a été également posée dans le cas de la vallée de la Matapédia. C'est un problème qui se pose à l'échelle du Québec. Cette question a été soulevée, à ma connaissance, par la Fédération des producteurs de l'UPA, lors de cette commission parlementaire.

Le problème qui se pose dans le cas de l'évaluation de la forêt privée vient de la non-homogénéité de la forêt privée en particulier, c'est-à-dire qu'on ne peut pas contrôler ce que chaque cultivateur coupe, ce que chaque propriétaire coupe. Par conséquent, faute de cette homogénéité, les places échantillons sont difficiles à prendre, puisque vous pouvez prendre une place échantillon dans un lot, mais le lot voisin peut être totalement différent. Donc, il faut certainement procéder par d'autres techniques, des techniques qui sont peut-être moins précises, moins exactes, mais qui sauront quand même donner une réponse un peu plus précise.

Présentement, le travail est commencé dans Québec-Sud, justement pour fournir une idée de la capacité forestière dans cette unité d'aménagement ou, du moins, de forêt privée. A la lumière de cette réponse, le syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud pourrait décider d'imposer des quotas fondés sur la capacité forestière. C'est d'ailleurs mon intention personnelle, puisque ce sera au gouvernement d'en décider, de présenter éventuellement un projet de loi qui permettrait de garantir une allocation de la matière ligneuse entre les différents intervenants, donc de définir pour chaque unité d'aménagement la quantité de bois qui doit être mise en marché.

Un des éléments nous permettant de fonder cette décision, c'est évidemment la capacité forestière de la région, mais également les besoins en bois. Si on vise comme objectif l'utilisation de la capacité forestière de la forêt privée, puisque ce bois est plus économique et permet à la population d'en vivre, si on vise cela comme objectif, il va de soi que si, éventuellement, il doit y avoir une réduction des besoins en bois, par exemple, un ralentissement de la demande pour le papier, forcément, il va falloir répartir sur tous les intervenants, c'est-à-dire sur les scieries, la forêt publique et les cultivateurs, l'impact de cette réduction et non la faire absorber, comme c'est présentement le cas, pratiquement entièrement par les propriétaires de boisés privés.

C'est l'objectif que l'on vise avec ce type de projet de loi. Cela me paraît fondamental comme réflexion. Cela ne résout pas tous les problèmes, mais cela peut aider à garantir qu'au moins, d'une façon générale, en fonction de la capacité forestière de leurs boisés, les cultivateurs, en moyenne, vont être capables de vendre le bois qu'ils cou- pent. Donc, cela répondrait à la question que vous avez soulevée: Est-ce qu'il y a moyen de garantir à un cultivateur qu'il va vendre son bois? Son boisé, ayant une capacité forestière d'une demi-corde à l'acre, par exemple, on pourrait lui garantir une demi-corde d'une façon normale, sauf que, s'il y a un ralentissement imprévu, cela pourrait descendre, au lieu d'une demi-corde, à 0,45 corde ou 0,48 corde. Il pourrait y avoir un certain jeu, mais au moins, en gros, on pourrait garantir que la possibilité de la forêt sera utilisée dans le cas de la forêt privée. Ceci, cependant, ne va pas à l'encontre des plans d'aménagement.

Cela voudrait dire que, même si M. Racine est propriétaire de 10 000 acres, il aurait droit, selon l'évaluation de ses boisés, à un quota qui dépendrait de la capacité de ses boisés. Il ne pourrait pas plus, après comme maintenant, décider de couper plus que la possibilité forestière. Il serait obligé de s'en tenir à la possibilité, auquel cas, je ne vois pas, personnellement, tellement la différence qu'il y aurait à passer par le syndicat, par un plan conjoint, puisque, de toute façon, il serait limité sur la quantité et il accepterait que les syndicats négocient les prix. Donc, à partir du moment où il est fixé sur la quantité qu'il peut mettre en marché et qu'il accepte que le syndicat négocie les prix, il ne reste plus grand chose à négocier.

M. Roy: J'aurais une dernière remarque à faire au ministre. Tout à l'heure, il a parlé du nombre de membres et du dépôt de la liste des membres. Je pense que ce qui doit retenir l'attention du ministre, ce n'est pas une question de nombre de membres et de dépôt ou pas de la liste. Je pense que les membres de la commission ont été en mesure de se rendre compte, qu'il y a un problème réel concernant les permis de coupe, les quotas de coupe et le problème de la mise en marché.

J'aimerais bien qu'on se place dans la situation, face aux problèmes que doit envisager le syndicat de l'UPA — les Producteurs de bois de Québec-Sud — qui a de la difficulté à négocier des contrats raisonnables pouvant satisfaire les besoins des producteurs. J'aimerais que le ministre prenne bonne note que le rôle de l'UPA et son premier devoir, elle le fait et je dirai même qu'on ne peut pas la blâmer de le faire; elle commence par servir les intérêts de la classe agricole et des petits producteurs en distribuant le plus grand nombre de passes au plus grand nombre de producteurs et, actuellement, ce sont ces gens qui font les frais du système, ce sont les propriétaires de boisés privés, qui ne sont pas agriculteurs, qui ont de grandes étendues de bois et qui ne peuvent avoir aucun quota de production; lorsqu'ils occupent du bois, ils ne peuvent pas le livrer. Je pense que le problème a été clairement illustré. Je ne veux pas faire de débat philosophique, je ne veux pas tirer la pierre et écraser, à un moment donné, et revenir à l'ancien système en détruisant le plan conjoint de l'UPA, mais j'aimerais quand même que le ministre réalise très bien, ainsi que les membres de la commission, qu'il y a un problème très réel qui ne permet pas à ces personnes de pouvoir avoir leur place au soleil, comme elles l'ont dit elles-mêmes.

M. Bérubé: II m'apparaît cependant que, même si le problème est réel, il est mal abordé par l'Association des propriétaires des boisés privés. A titre d'exemple, pour pouvoir imposer des quotas aux membres du plan conjoint, il faut un règlement. Or, dans certaines régions, il existe un règlement. Dans le Bas-Saint-Laurent, il existe un règlement, qui définit comment les quotas sont donnés.

Si le syndicat, le plan conjoint alloue des quotas sans règlement, ceci pourrait être contesté devant la régie de la mise en marché des produits agricoles et être déclaré invalide et pourrait même conduire à la dissolution du plan conjoint en question. Que je sache, il n'y a jamais eu de contestation. J'en conclus que l'Association des propriétaires de boisés privés est satisfaite du système. Elle ne le conteste pas.

M. Roy: Est-ce que le ministre veut dire par là que les offices de producteurs et les syndicats sont obligés d'avoir un règlement de mise en marché.

M. Bérubé: Bien oui! M. Roy: Bon!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Messieurs de l'association, vous nous avez indiqué tout à l'heure — deux d'entre vous — les superficies de terrain que vous possédez en nous fournissant les quantités de cordes de bois que vous avez pu mettre en marché, livrées ou non. Quant à vous, M. Lamontagne, vous avez parlé d'au moins 10 000 acres. M. Racine, vous possédez quoi? Quelques milliers d'acres aussi? Comment avez-vous vécu, si c'est là votre seule activité? Est-ce que vous avez livré des billots à des scieries? Avez-vous vendu des billots en dehors de ce qu'on appelle le bois de "pulpe"?

M. Lamontagne (Jacques): C'est tout simplement ce qu'on a fait, nous.

M. Giasson: Au lieu de faire de l'exploitation de bois à pâte, dans l'incapacité d'obtenir des passes, vous avez dû modifier votre système et tenter, dans la forêt où les essences étaient suffisamment volumineuses, de livrer ça aux usines de sciage.

M. Lamontagne (Jacques): C'est-à-dire que nous avions toujours fait ça, livrer du bois de sciage et ce qui ne pouvait aller au bois de sciage allait à la pâte, non pas par rapport à la mauvaise qualité, mais, disons, la grosseur du bois ou peut-être, par exemple, la souche un peu fourchue, des choses semblables, un peu comme tout le monde fait, même les grandes compagnies font la même chose. Ce qui arrive, c'est qu'à l'heure actuelle, nous le laissons dans la forêt; au lieu d'exploiter, par exemple, l'arbre à trois pouces, on le "botte" — je ne sais pas s'il y a un autre mot qu'on peut employer — à cinq pouces et le reste, on le laisse pourrir, tout simplement. Cela fait un an qu'on fait ça.

M. Giasson: Contrairement à la récupération que vous faisiez autrefois, quand il y avait possibilité de le mettre en marché.

M. Lamontagne (Jacques): Oui, il n'y a pas de possibilité. Tout de même, lorsqu'arrivent les taxes scolaires ou municipales, il faut les payer.

M. Giasson: Une autre information que j'aimerais bien avoir, si vous êtes capable de la donner à la commission. Devant le comportement de l'Office des producteurs de bois de Québec-Sud, pris dans des problèmes qu'on comprend, forte demande venant des cultivateurs qui veulent couper sur leurs boisés, devant ce problème, vous sentant incapables de mettre en marché les quantités de bois à pâte que vous devriez normalement mettre en marché, vous avez tenté, à un moment donné, d'exposer à la Régie des marchés agricoles, la situation vécue, vous avez obtenu une entrevue, je crois, sauf erreur, il n'y a pas tellement d'années. Je présume qu'à cette audition, vous avez pu exposer, le plus complètement possible, les problèmes aigus que vous aviez à vivre. Il y a certainement eu des personnes qui ont témoigné pour vous autres, comme il a dû y en avoir pour l'autre partie, qui prétendait que le rôle joué par elle était équitable pour tous.

Qu'est-ce qui a résulté, somme toute, de cette audience? La décision rendue par la Régie des marchés agricoles sur les problèmes exposés à l'audience s'est traduit par quoi? Quelle a été la décision?

M. Racine: Voici, il y a eu des témoins entendus en septembre 1976 à la Régie des marchés agricoles du Québec. On n'a pas rendu de jugement puisqu'on a retiré notre requête parce qu'on s'était rendu compte qu'on n'était même pas des producteurs agricoles, on n'avait pas affaire là. Suite à cela, la régie n'a pas perdu de jugement. Je ne sais pas si le ministre Bérubé serait capable de sortir un jugement, mais j'aimerais dire quelque chose au ministre: Ce qu'il ne sait pas, c'est que depuis quatre ans, à l'association, c'est du bénévolat qu'on fait. Ce midi on a dîné et on a payé cela de notre poche, ce soir on a soupé et on a payé cela de notre poche. Cela fait quatre ans qu'on fait cela. J'aimerais qu'il se rentre cela dans la tête. Cela fait quatre ans qu'on nous renvoie de Pilate à je ne sais trop qui. Les ministres nous envoient à la Régie des marchés agricoles, la Régie des marchés agricoles nous envoie au lieutenant-gouverneur, le lieutenant-gouverneur nous envoie au ministre et cela fait quatre ans qu'on nous ballotte; j'appelle cela un ballottage en ligne. On nous demande de repasser encore à la Régie des marchés agricoles. J'ai des doutes à un moment donné et je l'ai dit aux gens de la régie la semaine passée, je leur ai dit: J'ai des doutes sur vous

parce qu'en octobre 1975 on a signé une convention avec l'UPA, le syndicat de Québec-Sud. Ils ne l'ont même pas respectée. Quelle intervention avez-vous faite pour leur faire respecter la convention qu'on avait signée? Zéro. Le 8 décembre 1976, ils sont venus faire enquête sur mon cas personnel; j'attends encore la réponse. Je leur ai dit: Quel sérieux peut-on prendre de vous? Vous n'êtes pas sérieux, pas une maudite miette. Et le ministre va vouloir nous faire dépenser de l'argent pour nous faire encore organiser des requêtes, nous faire aller devant des avocats quand on sait "mauditement" bien qu'ils sont biaisés, qu'ils ont un penchant vers l'UPA. Cela, je n'ai pas peur de le dire en commission parlementaire. Qu'est-ce que cela va nous donner? Je l'ai dit tout à l'heure, le problème est devenu un problème politique. Je sais que l'UPA dit: Nous avons 26 000 membres, des membres qui retiennent la cotisation obligatoire sur leur paie de lait en juin: $50. Au point de vue politique cela paraît bien, c'est pas mal mieux que 2000, mais je le répète encore, ce que vous ne savez pas c'est que 75% de ces gens sont contre l'UPA, c'est ce que je veux faire comprendre ici à la commission, au gouvernement, aux membres de la commission et au public. La Régie des marchés agricoles, suite à la contestation que l'on a faite — cela pourrait peut-être répondre au ministre — les 23 et 24 juin 1976, M. Roger Morasse — qui est ici — était le secrétaire au Conseil exécutif qui a entendu la régie — M. Giasson vous en faisiez partie —...

M. Giasson: Quel conseil?

M. Racine: ... quand vous avez rencontré la régie suite à la contestation, vous avez rencontré la fédération, l'UPA, vous nous avez rencontrés. Qu'est-ce que la régie a dit à ce moment? J'aimerais bien que le ministre en prenne bonne note. Les avenues possibles — ce n'est pas moi qui le dis, c'est la régie, je l'ai ici — sont: Premièrement, redéfinir le producteur visé par les plans conjoints. Deuxièmement, exclure certaines classes ou catégories de producteurs. Troisièmement, confier l'agence de vente à une autre association ou à un tuteur spécifique. Quatrièmement, former une association mixte dans laquelle les dissidents et les syndicats administreraient l'agence de vente. Et vous voulez encore nous renvoyer là? Vous l'avez la réponse M. le ministre. Il l'a la réponse; pourquoi nous renvoyer là? Il l'a la réponse; cela sert à quoi de nous faire dépenser de l'argent? Qu'est-ce que le plan conjoint du porc fait? C'est vrai qu'il y a des dissidents et il y a des raisons à cela. Je ne suis pas un éleveur de porcs, mais qu'est-ce que le gouvernement fait? Il nomme des gars pour administrer et pas seulement d'un même côté, il essaie d'avoir les deux côtés.

Qu'on commence par nous offrir cela. Qu'il nous intègre de force à un moment donné et, après cela, on ne sait jamais. Je n'admets pas que le ministre veuille nous envoyer devant la régie pour essayer d'aller chercher un jugement ou je ne sais trop quoi. Il a la réponse ici. Elle s'est déjà prononcée. Qu'est-ce que cela nous donne?

M. Bérubé: Je regrette, mais, en ce moment, on m'avise que ce n'est pas la régie qui s'est prononcée. M. Giasson pourra en témoigner et M. Morasse vient de me dire le contexte; c'est simplement une réunion d'information entre des députés et les gens de la régie. C'est une réflexion d'un membre de la régie sur toutes les hypothèses de solutions possibles. Alors, ce n'est donc pas la régie qui s'est prononcée. Je dois vous rappeler qu'il n'y a jamais eu, jusqu'à maintenant, de jugement rendu par la régie portant sur un cas d'injustice qui aurait été commise par un des plans conjoints en question. Par conséquent, le problème tel qu'il se pose, pour autant que nous sommes concernés, c'est doit-on abolir le plan conjoint, s'il vous traite justement? La réponse que nous avons, c'est non.

M. Racine: On ne demande pas l'abolition d'un plan conjoint, M. Bérubé. On l'a dit tout à l'heure et je le répète: On ne demande pas de débâtir les plans conjoints existants; on demande d'avoir notre place au soleil. On demande d'avoir le droit aux négociations et d'avoir notre part du gâteau. C'est ce qu'on demande. On ne demande pas la démolition et on ne demande pas de débâtir les organismes. Ce n'est pas ce qu'on demande. C'est d'avoir notre place au soleil, de participer aux négociations de prix et de quantités, d'avoir notre part du gâteau et de s'asseoir avec vous autres à une table ronde pour discuter. On sait qu'il y a eu des abus dans le passé et on ne veut pas que se commettent de nouveau des abus. On voudrait, à un moment donné, s'asseoir avec vous et regarder cela. Je pense que cela va être le meilleur moyen pour le gouvernement de réussir à se concilier les propriétaires de boisés privés et tout le monde serait heureux de cela.

M. Giasson: M. Racine, si le gouvernement actuel ou celui qui a précédé, parce que c'était là une situation de fait, avait décidé, selon des dispositions qui étaient contenues dans la réforme forestière qui avait été discutée par une commission parlementaire des terres et forêts en 1972, sauf erreur; si on avait mis à exécution une partie des transformations qui avaient été suggérées par le livre vert sur la réforme; si on avait créé, selon ces recommandations, une régie des produits forestiers, régie qui aurait eu pour fonction de regrouper tous les producteurs de bois qui sont en même temps des agriculteurs ou des producteurs agricoles dans un organismes de leur choix — s'ils choisissent l'UPA, on reconnaît que c'est là leur désir et on les laisse aller là — et que cette régie des produits forestiers avait reconnu également une autre organisation composée de membres ou de personnes qui n'ont absolument rien à voir avec l'agriculture, qui n'ont jamais été agriculteurs et qui ne le seront jamais de leur vie, mais qui possèdent des terrains boisés; si, après cela, dans les pouvoirs accordés à la régie des produits forestiers, on lui avait permis de réserver un volume de bois global pour le Québec, devant être mis en marché par les membres de l'office des propriétaires de boisés privés, peu importe le nom qu'on lui donne-

rait, et un autre volume qui serait réservé pour garantir les livraisons des producteurs agricoles qui veulent travailler dans un organisme qui leur est propre, affiliée l'UPA ou autrement, pensez-vous que, si cela avait été réalisé, on vivrait encore les problèmes que vous vivez présentement? En fait, qu'on le veuille ou non, il existe dans deux ou trois régions du Québec des gens comme vous qui avez du bois à mettre en marchéet qui êtes totalement incapables de le mettre en marché parce qu'on ne vous fournit pas les passes dont vous auriez besoin, ces passes devant être remises à des agriculteurs qui ont également du bois à vendre. Est-ce qu'un tel organisme selon vous, permettrait — cela n'éliminera sans doute pas tous les problèmes — de régler certains problèmes que vous vivez présentement?

M. Racine: Je suis parfaitement d'accord avec vous, M. Giasson, indépendamment de qui contrôle cette régie des produits forestiers. Qui la contrôle? Moi, je vois mal une régie qui est à Montréal dans une tour d'ivoire et qui n'a jamais vu une bûche de "pitoune", qui n'a jamais scié une bûche de "pitoune", qui n'a jamais mis une bûche de "pitoune" sur le bord du chemin, venir essayer de nous... Je ne dis pas ça seulement pour la Régie des marchés agricoles, je dis ça pour les gars de syndicats et les offices de producteurs de bois. Ce sont des fonctionnaires purs et simples.

Une chose que j'aimerais dire ici devant cette commission, je mets le gouvernement au défi, je défie le gouvernement de donner à l'Association des propriétaires de boisés privés une accréditation officielle. Et de là, il n'y aura pas besoin de nous demander notre liste de membres, il verra de quel côté se dirigent les producteurs de bois. Je mets le gouvernement au défi ici ce soir.

M. Giasson: Oui, mais M. Racine, même s'il a cette possibilité, vous allez admettre comme moi qu'un grand nombre vont continuer de faire leur mise en marché par les offices de producteurs existants. Ils ne sont pas tous mécontents, les producteurs des offices de mise en marché.

M. Racine: Ce n'est pas ce qu'on dit non plus.

M. Giasson: D'ailleurs, vous allez reconnaître que dans certaines régions du Québec, vous avez des offices de producteurs de bois ou des syndicats qui trouvent moyen d'opérer à l'intérieur d'ententes entre ce qu'on appelait autrefois des commerçants qui étaient les acheteurs de bois des petits producteurs ou des cultivateurs. Ces gens ont trouvé moyen de travailler ensemble. S'ils n'ont pas fait un mariage d'amour, ils ont au moins fait un mariage de raison et ils raisonnent ensemble. Je vous \e dis, parce que vous savez fort bien que dans une région comme celle que je représente, même si tout n'est pas parfait, il y a eu des possibilités de faire travailler des commerçants de bois qui sont les acheteurs de bois des cultivateurs qui obtiennent toutes les passes émises par l'Office des producteurs. Ce sont des propriétaires de terrains boisés qui ne sont pas culti- vateurs, parce que je ne sache qu'aucun qui possède 500 acres ou d'autres 1000 acres ou d'autres 2000 acres de bois, mais qui conviennent, par des "gentlemen agreements" avec l'office de producteurs de la région, de tenter d'accommoder tout le monde, les producteurs agricoles comme les producteurs de terrains boisés privés, qui n'ont rien à voir avec l'agriculture.

C'est sûr que, des années, il y a encore des petits problèmes, parce qu'on ne peut jamais prévoir le volume de coupes que chaque producteur va faire. Si la saison est bonne, que ça se prête bien, on coupe plus de bois. Si une demande est plus forte ou si les prix sont plus élevés du côté du sciage des billots, les gens vont couper un peu plus de billots et donc il y aura moins de bois de pulpe. Vous savez comment cela fonctionne, vous travaillez là-dedans. Mais, tout de même, cela vous indique qu'il y a des régions du Québec qui opèrent des plans conjoints avec les pouvoirs de la régie des marchés agricoles du Québec et qui parviennent, de façon assez intéressante, à ramasser le bois qui se fait dans les régions.

Chez nous, cette année, en 1977, au moment où, dans Québec-Sud, vous avez des surplus énormes qui ne sont pas mis en marché... Vous avez parlé de 40 000 cordes. Récemment, le président de l'Office des producteurs ou du syndicat des producteurs de Québec-Sud a comparu devant la commission. Il nous a confirmé qu'il y avait 23 000 cordes de bois, à sa connaissance, dans Québec-Sud, dont la coupe remontait à au-delà d'un an. Donc, dans une région comme celle que je représente — c'est le même office des producteurs pour le député de Kamouraska-Témiscouata — on a très peu de bois présentement sur le territoire dans les comtés de Montmagny-L'Islet, dans Kamouraska-Témiscouata, dont la coupe remonte à au-delà d'un an. Il n'y a pas 1000 cordes de bois chez nous qui traînent, du bois qui aurait été coupé avant l'automne 1976. Cela nous indique que quand les gens veulent travailler ensemble, il y a encore moyen de faire quelque chose, de résoudre les problèmes à l'intérieur du même système dans lequel opère le Syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud ou de Lévis, Bellechasse, peu importe le nom qu'on lui donne.

Je vous dis ceci pour vous indiquer que le système de mise en marché, même avec le règlement d'exclusivité, n'est pas acceptable partout dans toutes les régions du Québec. Il y a encore des régions qui sont capables de fonctionner avec ce système mais avec une volonté, de part et d'autre de s'entendre et de travailler main dans la main.

Est-ce que vous reconnaissez que, à l'office de La Pocatière, les problèmes ne sont pas aigus comme chez vous?

M. Racine: M. Giasson, ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'en étant aussi vivace, l'Association des propriétaires de boisés privés fait terriblement peur. Mais que l'Association des propriétaires de boisés privés d isparaisse demain matin, vous allez voir le beau "chiard" qu'il va y avoir. Ils vont

prendre tous les producteurs de bois, ceux qu'ils vont vouloir, par la gorge. Laissez d isparaître l'association!

M. Giasson: Mais je dis: Au contraire d'avoir peur, on va se parler honnêtement, très ouvertement.

M. Racine: Mais le ministre Bérubé, si on en croit ses paroles, voudrait quasiment nous voir disparaître. Il ne veut pas nous donner de pouvoir, il veut nous envoyer nous faire dépenser de l'argent et on sait que c'est du temps dépensé inutilement.

M. Giasson: Je suis un peu contraint d'avoir peur. Si on se rappelle l'histoire du passé, remontons 25 ans en arrière, avant la création des offices de producteurs, les plans conjoints, revoyons de quelle façon se faisait la mise en marché, qui la contrôlait, qui avait droit de vie et de mort sur les prix payés aux producteurs, qui pouvait décider, certaines années, de couper des quantités absolument incontrôlées sur ses propres boisés et de laisser le bois là. C'est pour cela que personne ne veut revivre ce que nous avons vécu comme système de mise en marché avant l'existence des offices de producteurs ou des syndicats de producteurs.

Si vous revenez à l'ancienne formule, vous avez les mêmes dangers qu'il n'y ait pas de contrôle et que, certaines années, les petits producteurs cultivateurs ne puissent pas mettre leur bois en marché. M. Racine, rappelez-vous qu'en 1971, alors que bien des cultivateurs n'étaient pas capables de vendre leur bois, à l'été 1971, ce n'était pas possible de livrer le bois de ma région aux usines de Québec, à Beaupré et à l'Anglo Pulp à l'époque, au même moment, cette année-là, il s'est rentré 45 000 cordes de bois frais coupé, qui ne venaient pas des boisés des cultivateurs, cela venait de boisés qui étaient la propriété de vrais forestiers qui ne font pas autre chose, qui font le commerce du bois. C'était la réalité. Quand on ne veut pas retourner à ce système, je dis qu'on ne doit pas y aller non plus. Il faut pouvoir amener les gens qui forment la composante en matière de mise en marché du bois de pâte à se parler. S'ils ne sont pas capables de se parler, qu'on modifie les règles du jeu et qu'on donne la capacité à chacun d'avoir sa part du gâteau. Il ne faut pas permettre que l'un fasse de la mise en marché au détriment de l'autre, c'est inacceptable.

M. Racine: Cela me surprend un peu. On parle du passé, d'accord, mais cela fait quatre ans qu'on chante, à un moment donné, que le système passé, on n'en veut pas, et qu'on ne veut plus revoir ce système. Comme propriétaire de 4000 acres, je ne suis pas intéressé à ce que le prix du bois baisse de $10 la corde, demain matin. Voyons donc! Je travaillerais contre mon porte-monnaie.

M. Giasson: C'est pour cela que vous êtes intéressé. Je vous comprends. Vous êtes logique de dire cela, mais s'il n'y a de ligne nulle part, s'il n'y a pas d'avenue, s'il n'y a pas de contrôle, qu'est-ce qui vous empêche d'en vendre le double, le triple et le quadruple? Vous n'avez qu'à vous porter acquéreur des terrains privés ou boisés qui sont à vendre. A ce moment, vous pouvez augmenter le volume que vous pouvez livrer, s'il n'y a pas de contrôle. Vous devez reconnaître cela. C'est ce qui s'est produit dans le passé. C'est cette partie que je ne veux pas qu'on revive.

M. Racine: On demande, à un moment donné...

M. Giasson: Pas le principe de contrôler les prix et d'améliorer les prix au marché, on s'entend sur cela. Mais, retourner à la possibilité qu'auraient quelques individus au Québec de mettre sur le marché des quantités énormes de bois, parce qu'ils ont acheté des terrains au détriment d'autres petits propriétaires, ce n'est pas plus acceptable.

M. Racine: Nous voyons toujours le gouvernement au-dessus de nous, pour nous superviser. Nous voyons l'Association des boisés privés, conjointement avec les offices, négocier les prix et les quantités. A la suite de cela, nous voyons un partage suivant les acres des agriculteurs et des non-agriculteurs. Le gouvernement est toujours en haut pour nous superviser. Si cela ne fait pas, si un groupe veut faire le fou, il adoptera une loi, ou il réglementera. Nous n'avons jamais dit que nous ne voulions pas avoir le gouvernement et que nous ne voulions pas nous soumettre, à un moment donné, à n'importe quel plan qui aurait du sens. Nous n'avons jamais dit cela.

C'est bien certain qu'on ne veutiVien savoir de l'ancien système, mais si on était des représentants et qu'on voulait revenir, c'est bien sûr que les syndicats et les offices diraient aux producteurs de bois: Si l'Association des propriétaires de boisés privés a des pouvoirs demain matin, votre prix va diminuer de $10. C'est leur seule défense. C'est bien certain qu'ils la chantent aux quatre vents, mais je pense que les producteurs ne sont pas si dupes que cela; ils commencent à se rendre compte qu'il y a pas mal de fausseté.

M. Giasson: Une dernière question, M. le ministre. Vous avez proposé à différentes occasions ou, du moins, vous avez indiqué votre intention de légiférer de façon à mettre sur pied un véritable programme d'allocation de la matière ligneuse pour l'industrie.

M. Bérubé: J'ai discuté avec un bon nombre, en fait, d'intervenants de l'industrie forestière, avec les producteurs de bois et autres d'un tel type de projet que nous avons élaboré ensemble.

M. Giasson: Partons de cette acceptation que vous avez discutée et que vous avez comme projet, en tant que ministre des Terres et Forêts, de légiférer et de bâtir un plan d'allocation. Dans ce

plan d'allocation, vous dites déjà avoir une bonne idée des organismes que vous allez reconnaître comme étant des intervenants avec qui vous allez travailler au niveau de l'allocation de la matière ligneuse aux usines. Entendez-vous faire une place à des forestiers qui n'ont rien à voir avec l'agriculture, qui n'ont jamais été cultivateurs et qui ne le seront jamais parce que ce n'est pas là leur avenir? Allez-vous laisser au moins une place à un organisme qui les représente, quelle que soit la superficie de forêt que ces gens posséderaient? Donc, conséquemment, cela débouche sur une quantité qui représente les superficies possédées. Etes-vous prêt à laisser une place à ces gens?

M. Bérubé: II y a une très grande difficulté de contrôler, comme vous le savez, la circulation des bois. Par exemple, les producteurs de bois nous soulignent qu'il y a une quantité épouvantable de bois qui vient du comté de Québec, je pense, quelque chose comme cela, où effectivement il n'y a pas de boisés, mais où il y a quand même une production très élevée de bois, même sans forêt. On se demande d'où sort le bois, mais, enfin, ce que l'UPA ou les producteurs de bois reprochent, c'est que, finalement, il y a certainement des commerçants qui profitent de ce que, dans le comté de Québec, il n'y a justement pas de plan conjoint. Par conséquent, c'est facile d'envoyer du bois à partir du comté de Québec, même si on le prend ailleurs. Ceci pour dire que contrôler les écoulements, la circulation du bois est assez difficile. Il est donc important que, dans une région, il y ait au moins une personne responsable et que, chaque fois qu'on a du bois qui circule, on soit capable de le contrôler. Vous vous rendez bien compte que, s'il y a du bois qui part de deux lots voisins, mais qui est administré par deux personnes différentes, il est difficile de savoir — quand vous avez l'ensemble de la forêt — d'où vient le bois, et, à ce moment-là, d'avoir le contrôle dont on parlait tantôt qui limiterait les coupes.

Donc, il nous semble, en tout cas, pour l'instant, que les quatre intervenants auxquels on pourrait penser sont les suivants: les plans conjoints que l'on connaît ou les offices, les scieries pour les copeaux, les coopératives forestières qui exploiteraient la forêt publique et les compagnies qui font leurs propres coupes. Ce seraient les quatre auxquels nous pensons quand nous pensons régulariser l'approvisionnement en bois. A l'intérieur des boisés privés, on pense, présentement, à moins qu'il ne nous soit démontré le contraire, qu'un plan conjoint est capable de distribuer de façon équitable des passes ou des allocations ou je ne sais pas quel terme, aux différents cultivateurs ou producteurs de boisés privés. Dans la mesure où tous ceux qui produisent du bois sont traités sur une base juste, c'est-à-dire qu'ils sont en mesure de fournir une quantité de bois proportionnelle à la quantité de forêt qu'ils ont, et qu'ils ne dépassent pas ce quota, dans la mesure où ils sont libres de faire cela et que le prix est négocié uniformément un peu pour tout le monde, à ce moment-là, on estime que cela nous satisfait pour autant que nous sommes concernés.

Il faudrait qu'il y ait démonstration de traitement injuste pour qu'à ce moment-là on soit amené à dire: Effectivement, les offices que l'on connaît présentement ne traitent pas justement un certain nombre de propriétaires.

Il faudrait essayer de trouver un système qui ne serait pas facile parce qu'il faudrait être capable de départager soigneusement les bois qui viennent d'un lot ou qui viennent d'un autre lot. Il y aurait un lot qui serait sous le contrôle d'un plan conjoint et l'autre serait sous le contrôle d'un deuxième plan conjoint qui serait contrôlé par l'Association des propriétaires des boisés privés. Et là, il faudrait essayer de faire le décompte et surveiller, à chaque fois qu'il y a des achats de lots et des ventes de lots. Vous voyez la complexité que cela représente pour nous. Tandis que c'est déjà beaucoup moins complexe quand il n'y a qu'un intervenant. Donc, pour des raisons de simplification, il nous apparaît préférable de ne pas tenir compte d'un nouvel intervenant.

M. Roy: Est-ce que je pourrais poser une question à ce moment-ci? Il y a quand même un fait dont le gouvernement devrait tenir compte. Vous avez deux catégories de producteurs. Vous avez des producteurs agricoles qui vont chercher un revenu d'appoint dans la forêt, et vous avez les propriétaires de boisés privés, qu'on appelle, pour les fins de la discussion, qui sont propriétaires d'étendues de boisés. Quand vous arrivez dans unr région et que l'Office des producteurs de l'UPA a des pressions de faites par ses membres pour des petites quantités, pour la vente de 50 000 cordes de bois — je prends un chiffre grosso modo — et que les agriculteurs, eux, auraient 60 000 cordes à vendre, comment voulez-vous que le syndicat, qui dépend de l'UPA, puisse faire place, lui, aux propriétaires de plus grandes étendues lorsqu'ils n'ont pas suffisamment de contrats de négociés pour satisfaire les besoins de leurs membres et remplir le rôle pour lequel ils ont été spécifiquement fondés et organisés.

On leur demande, à ces gens, à peu près de se couper une jambe pour sauver l'autre.

M. Bérubé: Ce n'est pas exact. M. Roy: C'est un peu cela.

M. Bérubé: Ce n'est pas exact. Par exemple, dans le Bas Saint-Laurent, il y a un quota qui est fondé sur le nombre d'acres. Vous avez tant de cordes à l'acre, par producteur. Cela veut donc dire que si monsieur a 10 000 acres, il a droit à un quota plus élevé que s'il n'a que 100 acres. Cela veut donc dire que si, à un moment donné, posons l'hypothèse que la capacité forestière de Québec-Sud est de 150 000 cordes, que cette année, suite à un ralentissement dans l'industrie des pâtes et papiers, l'industrie peut prendre 140 000 cordes, à ce moment, il faudra qu'on répartisse également la coupe de 10 000 cordes entre tous les intervenants en se fondant sur le nombre d'acres qu'ils détiennent. Il faudra également que les scieries en prennent une partie. Il faudra qu'on

coupe moins sur la forêt publique. Il faudra qu'on distribue cela également entre tout le monde. Mais, à partir du moment où on est capable de garantir qu'ils vont pouvoir écouler sur une base juste leur bois, quelle différence y a-t-il à ce que cela passe par un office ou que cela passe par deux offices si ce n'est de compliquer le problème?

On ne règle rien d'avoir deux offices. Si on n'a qu'un seul office, à ce moment, il est relativement plus facile d'effectuer les contrôles. La seule garantie, le seul point que vous soulevez est qu'il faut garantir qu'ils pourront écouler leur bois. Je pense qu'un règlement passé comme celui du Bas Saint-Laurent qui définit un rendement à l'acre est un règlement juste parce qu'il met tout le monde sur un pied d'égalité. A ce moment, un gros propriétaire vend plus de bois qu'un petit propriétaire. D'ailleurs, à ma connaissance, un règlement, il n'en existe pas. Mais un règlement qui consisterait à dire 50 acres par cultivateur, sans tenir compte de la superficie, ne tiendrait pas compte de la capacité de la forêt, donc, ne respecterait pas un critère qu'on estime important.

Donc, le point que vous soulevez qui est important, c'est garantir l'écoulement des bois de la forêt privée. Une fois que vous avez garanti l'écoulement des bois, l'association accepte le principe qu'il y ait un prix unique négocié à l'échelle du Québec. Elle reconnaît que c'est important que cette négociation se fasse à l'échelle du Québec. A partir du moment où ils acceptent le prix et qu'il y a une sécurité quant à la vente, quel avantage y a-t-il à essayer de compliquer inutilement en ajoutant une troisième association sous prétexte qu'il y en a un qui a les cheveux blonds, et l'autre les yeux bleus et le troisième les yeux bruns et un autre les oreilles croches.

On a beau multiplier les associations, ce qui est important c'est qu'on vende du bois et que la quantité soit là et que le prix soit là. Le reste n'est pas important.

M. Roy: Mais à condition, cependant, qu'un tel règlement existe et qu'il soit appliqué.

M. Bérubé: Oui. Je pense que vous soulevez un problème qui est réel.

M. Roy: Bon.

M. Racine: Je poserais une question au ministre. Est-ce qu'il aimerait mieux nous voir coopérative qu'association?

M. Bérubé: D'habitude, c'est le ministre qui pose les questions. Ce soir j'ai passé au "bat" à peu près toute la soirée.

M. Racine: Non, mais j'aimerais savoir votre réponse. Est-ce que vous aimeriez nous voir coopérative ou association? Cela me paraît que vous aimeriez mieux nous voir coopérative.

M. Bérubé: Je pense que vous avez mal interprété. Quand je parle de coopérative forestière, c'est une politique que nous avons élaborée, au ministère, de concert avec le ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières.

Nous allons rechercher, dans le cas d'exploitation de la forêt publique, la participation des coopératives, comme partenaires de l'Etat, dans la gestion et l'aménagement de ces forêts. Par conséquent, cela voudra donc dire que les coopératives qui exploitent aussi la forêt publique aient une certaine sécurité, de la même façon que vous devez avoir une certaine sécurité, soient capables d'écouler leur bois. Cela suppose donc qu'elles vont intervenir, elles aussi.

M. Racine: Vous parlez, un moment donné, de vous fournir des preuves; vous avez les preuves flagrantes, il y a 30 000 à 40 000 cordes de bois qui sont pourries. Vous les avez les preuves.

M. Bérubé: Vous avez les preuves qu'il y a un surplus de bois, oui.

M. Racine: Vous avez les preuves de leur défaillance, un moment donné, à contrôler le monopole qu'ils ont. Ils ont laissé pourrir 30 000 à 40 000 cordes de bois.

M. Bérubé: On a la preuve qu'il y a eu trop de coupes par rapport à ce que l'industrie forestière est capable de prendre, mais cela ne veut pas dire que l'industrie forestière n'aurait pas pu faire une partie de ces coupes en forêt et ce n'est pas non plus évident qu'on n'aurait peut-être pas dû diminuer certaines productions de copeaux dans les scieries.

Ce que vous soulevez comme problème, ce n'est pas la preuve d'inefficacité du plan conjoint de Québec-Sud ou d'un autre plan conjoint. Vous soulignez simplement qu'il y a un surplus de bois, présentement. C'est un fait. Il y a un ralentissement, les compagnies de pâtes et papiers ne marchent pas au niveau où elles pensaient marcher non plus. C'est une réalité cela aussi.

M. Racine: Vous dites que vous avez la preuve. Moi, j'en ai une preuve. Vous semblez dire qu'à un moment donné on a coupé trop de bois. J'ai des preuves ici que je peux fournir à la commission. Sur 64 producteurs — c'est signé — représentant 50 255 acres, ces producteurs de bois ont coupé en moyenne, dans quatre années—cela veut dire 1974, 1975, 1976, 1977 — 0,17 corde à l'acre. Ils nous ont livré 0,12 corde à l'acre. Cela veut dire qu'il leur reste 0,05 corde à l'acre qui est là sur le bord des routes puis qui est pourri. Est-ce que vous allez venir nous accuser d'avoir coupé trop de bois? J'ai les preuves en main.

M. Bérubé: Cela dépend de ce que vous entendez par "trop".

M. Giasson: Mais est-ce que vous avez converti en cordes de bois ce qui est allé en billots sur les terrains pas cédés?

M. Racine: Non, on ne l'a pas calculé.

M. Giasson: Vous avez des billots en dehors de cela. Pour avoir des chiffres précis, une image précise, il faudrait connaître les volumes de bois qui sont allés en billots et qui sont du bois poussé sur les mêmes terrains, sur les superficies que vous mentionnez.

M. Racine: Cela représente une quantité minime de billots.

M. Giasson: Pour avoir des chiffres précis qui correspondent à nos réalités, il faudrait avoir tous ces éléments.

M. Roy: Dans votre échantillonnage, la proportion de billots, du bois de quatre pieds, c'est de quel ordre? Est-ce qu'il s'en est fait autant en billots? Est-ce qu'il s'en est fait moins? Est-ce que vous pourriez nous donner une idée?

M. Racine: Selon notre échantillonnage, il y en a à peu près 15%.

Le Président (M. Marcoux): La dernière réponse. Je pense que la commission a montré sa disponibilité; vous avez commencé vers vingt-deux heures moins quart, je pense qu'elle a porté toute l'attention nécessaire à votre mémoire. Il y a un autre intervenant que nous avons assuré d'entendre. Nos travaux ne sont pas encore terminés, donc ce sera la dernière réponse.

La question est posée, ce sera la dernière réponse.

M. Racine: Votre question était...?

M. Roy: Ma question était dans quelle proportion il y a eu des billots dans le nombre... C'est-à-dire que les chiffres que vous nous avez donnés, est-ce que vous pouvez dire, par exemple, que cela représente 50% du bois qui a été coupé, qu'il y en a l'équivalent qui a été coupé en billots ou s'il y en a eu moins coupé en billots?

M. Racine: Les billots ont représenté environ 15%.

M.Roy: 15% de...?

M. Racine: Du chiffre global du bois qui a été coupé.

M. Roy: D'accord, merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission de votre participation. J'inviterais maintenant M. Bertrand Harvey à venir nous présenter son mémoire.

M. Bertrand Harvey

M. Harvey (Bertrand): M. le Président, comme il se fait tard, je peux revenir demain. Il se fait tard et je crois que tout le monde est fatigué.

M. Giasson: M. Harvey, si mes collègues sont d'accord, on va entendre votre mémoire.

M. Harvey: Ce n'est pas tellement long.

Le Président (M. Marcoux): Je pense qu'on va procéder comme prévu. On va entendre votre mémoire.

M. Harvey: M. le Président, je désire, en premier lieu, remercier le ministre des Terres et Forêts pour l'invitation qu'il m'a faite de me faire entendre devant cette commission. Les informations qu'on reçoit ces jours-ci, sur les problèmes que rencontre l'industrie forestière, m'intéressent d'abord comme citoyen et en second lieu comme propriétaire d'un boisé que j'ai acquis il y a seize ans.

Quand j'ai fait parvenir ces deux feuilles de notes au ministère des Terres et Forêts je ne m'attendais pas, avec si peu de matière, à être invité à témoigner devant une si importante tribune d'information. C'est un signe évident que la démocratie se porte bien et j'en profite pour en rendre hommage à M. le ministre des Terres et Forêts et à tous les membres de la commission.

Les sujets sont: le reboisement des terrains privés et la politique de mise en marché. M. le Président et messieurs les membres de cette commission, je désire énumérer dans ces quelques lignes certains problèmes qui touchent les propriétaires de lots qui ont comme principale source de revenu l'exploitation de leur forêt privée. De nombreuses études ont été faites sur ce milieu par les gouvernements fédéral et provincial. Ces études ont abouti à beaucoup de rapports, entre autres au livre "Un exposé de la politique forestière". Il s'agit ici du livre blanc publié par le ministère des Terres et Forêts en 1972. L'UCC publia aussi, en novembre 1971, sous la direction du Dr L.-J. Lussier, un volume intitulé "Réorganisation de l'activité rurale forestière". Le 30 mai 1972, la Loi des producteurs agricoles prévoyait une politique d'exploitation et de mise en marché pour les producteurs de bois des régions rurales. L'application de cette politique, sous la direction de l'UPA, autrefois l'UCC, permit à cette classe de producteurs d'obtenir un meilleur prix pour son bois. Cependant, leurs problèmes de mise en marché et de reboisement sont loin d'être résolus.

M. le Président, ici, je demanderais à la commission d'ignorer le paragraphe suivant car les données que j'avais étaient fausses.

En juillet 1976, j'ai fait parvenir un questionnaire à certains de ces producteurs leur demandant des suggestions sur le sujet que je viens de mentionner. Il ressort des témoignages reçus que le mode d'application de la présente politique de mise en marché et de reboisement des terres privées ne correspond pas à ce que les propriétaires attendent du gouvernement. Nous avons l'avantage, au Québec, de posséder de nombreuses terres propres à l'exploitation forestière qui, en plus d'être en bordure du Saint-Laurent, sont les plus fertiles. Ces terres appartiennent à des citoyens qui peuvent exploiter une forêt tout en y prati-

quant la conservation. Les coupes répétées sur ces terres ont contribué à réduire le potentiel de ces forêts en plus d'en réduire la qualité. Il n'y a aucun secours de prévu, que je sache, dans les politiques du gouvernement qui s'appliquent à ces propriétaires autonomes qui devront éventuellement, si on ne leur vient pas en aide, céder leur terre à des spéculateurs. L'industrie du bois puise actuellement de ces terres environ 20% de son approvisionnement; cette production peut, avec un peu de planification à court terme, atteindre 60%.

S'il y a des questions, je serais heureux d'y répondre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Montmagny-L' Islet.

M. Giasson: Oui. Même si vous avez dû subir des retards quant à votre comparution...

M. Harvey: Cela m'a mieux instruit.

M. Giasson:... cela vous a permis de recueillir de nouvelles données et de l'information additionnelle.

M. Harvey: D'en connaître plus long, oui.

M. Giasson: De toute façon, on vous félicite pour votre patience et on s'excuse de vous accueillir aussi tardivement.

Vous nous indiquez dans votre mémoire, entre autres, qu'en juillet 1976 vous avez fait parvenir un questionnaire à certains producteurs que vous connaissiez afin d'obtenir des suggestions sur les sujets que vous avez soumis à notre attention. Selon les réponses ou les témoignages que vous avez reçus, vous en avez déduit que les modes d'application de la présente politique ne correspondaient pas à l'attente de ces producteurs par suite des différentes questions que vous avez posées. Avez-vous rejoint beaucoup de producteurs?

M. Harvey: J'ai payé de ma poche pour cette histoire-là, alors j'en ai envoyé une cinquantaine de copies; j'ai peut-être eu une quinzaine de réponses. De toute façon, j'en ai une ici et je pourrais la lire à la commission, si cela vous intéresse.

M. Giasson: Si ce n'est pas trop long, pourriez-vous nous lire les questions que vous avez adressées à ces gens?

M. Harvey: Ce n'est pas long, il y a quatre pages, en tout. Voici les questions: Quelle est la superficie, en acres, de votre terre? Réponse. Deuxièmement, quelle est la répartition de ces boisés? Je précisais les boisés âgés de 0 à 5 ans, de 5 à 10 ans, de 10 à 20 ans, prêts pour la coupe, la superficie qui nécessite un reboisement, la superficie de terrain inculte. Je mentionnais ici les lacs, rivières, marécages et rochers. La proportion de sapins, d'épinettes, de trembles, de peupliers ainsi que les différentes essences.

Troisièmement, je demandais quel genre de coupe, d'après vous, convient le mieux à vos terres? Je signalais à blanc ou sélective et on a répondu sélective. Tous les gens qui m'ont répondu m'ont répondu de la même façon. Un propriétaire forestier peut couper combien de cordes de bois durant une période de douze mois? Celui qui me répond ici a une ferme. Il mentionne 75 cordes de bois. Quel prix offre-t-on, dans votre région, pour une corde de bois, 100 cunits? C'était $35 pour l'épinette et $100 les 1000 pieds pour les billots. Accepteriez-vous de faire du reboisement à base forfaitaire sur vos boisés? Certainement. C'est la réponse. A combien évaluez-vous le coût d'une prime de reboisement pour une superficie d'une acre, de 210 par 210? Ici, on me mentionne $150.

J'ai pris celui-ci parce que, dans les normes du ministère des Terres et Forêts, publiées en 1977-1978, on retrouve qu'il en coûte en moyenne $160.15. Je pense donc que le chiffre que cet individu me donnait est assez représentatif. De quelle façon préféreriez-vous effectuer le reboisement de vos terres? a) Faire ce reboisement vous-même à prix forfaitaire au moyen de primes payables par l'Etat pour chaque acre aménagée ou b) confier vos boisés à une société de gestion forestière où vous deviendriez un salarié? On a répondu a).

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la vente du bois de vos terres et quels moyens l'Etat devrait-il prendre pour corriger ces problèmes de mise en marché? Cette idée-là m'est évidemment venue lorsque les producteurs de bois sont apparus sur les Plaines en 1975 ou 1976. J'étais là deux ou trois midis de suite et j'ai pensé qu'on pourrait peut-être savoir quel était le problème en dehors de ces gens. La réponse est 1) Les responsables de l'Union des producteurs agricoles sont les propriétaires de plusieurs lots et commencent par passer leur bois avant de passer le bois des cultivateurs. 2) Mettre des responsables indépendants — ici, on me mentionne gardes forestiers, mesureurs et ingénieurs — pour surveiller la mise en marché. En dernier lieu, je demandais quel était l'équipement et on mentionne surtout des outils et non pas l'équipement lourd. C'est le questionnaire que j'ai fait parvenir et pour lequel j'ai eu une quinzaine de réponses. J'ai aussi, pendant plusieurs années — c'est une marotte chez moi — questionné les gens. J'ai voyagé de Lac-Mégantic à la Gaspésie, j'ai parcouru tout ce terrain-là et j'ai beaucoup questionné les gens à ce sujet.

M. Giasson: Suite aux propos qu'on vous a tenus sur le questionnaire que vous avez fait, il semblerait, selon la plupart des témoignages et selon le contenu de votre mémoire, qu'on ne répond pas aux attentes en ce qui a trait à la politique de mise en marché et de reboisement des terres. Est-ce que cela vous a amené à tenter d'imaginer quelle serait la nouvelle forme de mise en marché au-delà de ce qu'on connaît présentement?

M. Harvey: Je pourrais vous lire une citation qui vient du Dr Lussier et là on retrouve les gran-

des raisons qui font qu'un type qui est propriétaire d'un boisé désire le garder et non pas le partager. Voici la citation: Dans son livre, le Dr Lussier mentionnait la ferme forestière sur laquelle il a beaucoup insisté. "Le grand avantage de la ferme forestière est qu'elle assure au propriétaire un droit de jouissance exclusif. Le droit de propriété est sans contredit un facteur important de motivation au travail, ce qui pour l'Etat peut constituer une excellente garantie d'efficacité, garantie dont l'Etat aura besoin pour minimiser ses investissements. La ferme forestière permet aussi un contrôle efficace du volume et de la qualité de la production de chaque individu, puisque le travail de chacun peut être précisément localisé sur le terrain.

Un tel contrôle, cependant, nécessaire pour rémunérer le travailleur, pour maintenir le travail à l'intérieur de certaines normes de qualité, pour déterminer les responsables du travail mal fait de façon à appliquer les correctifs qui s'imposent, nous semble beaucoup plus difficile dans le cas — ici on parle de regroupement forestier — où les lignes de démarcation entre les individus n'existent plus. Un autre avantage de la firme forestière est qu'elle constitue pour son propriétaire un élément qui ajoute à sa vie de la noblesse, de la fierté, de la sécurité et de la liberté. Il correspond à ce besoin fortement ancré chez les humains et plus particulièrement chez les ruraux de posséder son coin de terre bien à soi.

Quand on parle du coût qu'il peut en coûter actuellement pour développer, reboiser ou aménager une acre de terrain, avec les normes du ministère des Terres et Forêts, on s'aperçoit qu'une terre de 100 acres, avec l'investissement de 160 à 91/4% durant une période de 30 ans, le temps où on va aller chercher la récolte, il va en coûter $220 000 pour reboiser une terre. A ce prix, on ne produira jamais de bois concurrentiel avec les Américains. On dépasse un peu les normes.

On mentionnait aussi que dans des boisés jeunes où la coupe est très forte, on peut trouver 10000 tiges à l'acre. Suivant toujours les mêmes normes, le nombre d'heures en fonction des normes, cela coûterait pour une acre de terre où il y a 10 000 tiges, avec les normes que nous avons actuellement, $933.40. J'ai parlé avec des gens qui travaillent dans le reboisement et c'est cela qu'ils disent. Cela peut coûter jusqu'à $1000 pour faire le reboisement d'une acre de terre. C'est décidément trop fort.

En plus de cela, il y a un autre problème, lequel a été signalé tout à l'heure. Les cultivateurs, membres de l'UPA, restent collés avec du bois. J'ai un voisin qui, deux ans passés, avait un quota de 100 cordes de bois. Il n'a pu en vendre que 40. Cette année il a encore un autre quota de 100 cordes de bois, mais on vient de lui dire qu'il y a 60 cordes de bois qu'il va perdre. A $40 la corde, cela représente $2400. Pour l'individu qui vit principalement du bois, cela devient un peu tragique.

Il existe des quotas, mais c'est à se demander comment ils sont appliqués. Toujours dans cette même idée en ce qui concerne le projet de loi no 12, il me semble qu'on pourrait peut-être rendre cette loi un peu rigide. On y lit au paragraphe 37: L'office des producteurs doit tenir, de la manière prescrite par la régie, un registre dans lequel sont inscrits les nom, prénoms et adresse de chaque producteur soumis à un plan conjoint. Si on ajoutait: et que cette liste des producteurs soit produite à chaque membre lors de l'avis de convocation de l'assemblée générale.

Pourquoi tout cela? C'est parce que vous avez un individu qui va avoir une année un quota de 100cordes. Il n'en produira plus jamais, mais il va toujours avoir son quota de 100 cordes. Son quota des années suivantes va aller ailleurs. Je n'ai pas de preuve de cela, mais je vous assure que dans le milieu — je demeure en ville; j'ai une terre en campagne dans le fond du comté de Bellechasse et depuis seize ans je passe mes fins de semaine là — j'en ai entendu beaucoup d'histoires dans la cuisine de ces gens.

Il semble que c'est un des problèmes qui se présentent. Ce qui fait probablement qu'on arrive aussi à un surplus de bois un bon matin; si on allait au fond de la chose, on trouverait que les quotas ont été remplis.

M. Giasson: Vous venez de faire référence à la loi no 12. Quel est le titre de cette loi?

M. Harvey: Oui, monsieur. Le titre de cette loi c'est Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

M. Giasson: C'est l'ancienne loi qui a été votée depuis quelques années pour la mise en marché des produits agricoles.

M. Harvey: Oui, en 1974.

M. Giasson: Merci, M. Harvey.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. M. Harvey, j'aimerais vous féliciter d'avoir accepté, sur une base individuelle et personnelle, de présenter un mémoire.

Nous avons, certes, eu beaucoup de mémoires qui ont été présentés par de grosses entreprises forestières, par les syndicats de producteurs de bois. Je pense que si on devait analyser chacun des mémoires, on devrait au moins reconnaître que les gens qui les ont présentés avaient des intérêts à défendre. A l'intérieur de la commission il est parfois difficile de distinguer les intérêts personnels que quelqu'un défend et l'intérêt de la collectivité. Je pense que ce qui transparaît dans votre mémoire — et c'est peut-être ce qui m'a frappé — c'est que, dans votre présentation, vous cherchez essentiellement à défendre une idée que vous avez de l'aménagement de la forêt et vous avez une vision personnelle. Vous avez réfléchi sur la forêt du Québec. Je tiens à vous en féliciter parce que, dans votre mémoire, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pas d'intérêts person-

nels comme tels d'impliqués. Ce qui le rend justement peut-être plus intéressant.

J'aimerais uniquement réfléchir avec vous. Vous soulignez qu'il en coûterait, je crois, $200 000 pour reboiser...

M. Harvey: Avec intérêt composé à 9 1/4%.

M. Bérubé: Je vois. En fait, je devrais peut-être corriger légèrement un chiffre que vous avez souligné. Les programmes du ministère pour le reboisement présentement se font plutôt au pied, c'est-à-dire que c'est $0.09 le plant, et comme on me dit en arrière — parce que je ne suis pas un spécialiste en reboisement — qu'une bonne plantation est autour de 900 tiges à l'acre, cela veut donc dire que le ministère devrait subventionner à peu près $8 100 pour un lot de 100 acres. Or, des groupements forestiers ont présentement des programmes de reboisement et ces programmes de reboisement, semble-t-il, leur laissent au moins un léger profit. Je me demande par conséquent si vos chiffres ne sont pas un peu amplifiés.

M. Harvey: Ce ne sont pas les miens, ce sont ceux du ministère à la page 3, au paragraphe 16. Cela se lit comme suit: "Taux moyen à l'acre, traitement sylvicole, $118.32; profits et pertes, 10%, $11.83; administration, $30. Total, $160.15; taux moyen, $160.15.

M. Bérubé: Dans ce cas-là, je corrigerais la mauvaise impression que vous avez peut-être retenue de ce document qui n'est peut-être pas suffisamment clair. Il s'agit là de programmes de sylviculture à l'intention des groupements forestiers...

M. Harvey: C'est cela que j'ai mentionné.

M. Bérubé: Ce n'était pas tout à fait le reboisement; c'étaient des coupes commerciales, précommerciales, en forêt, donc essentiellement des coupes sylvicoles. La subvention du gouvernement vient compléter le profit que retire le producteur de sa coupe en forêt parce que si vous faites une coupe avec une certaine récupération de cinq cordes à l'acre, vous avez un revenu, mais, en général, le coût pour faire une telle coupe est plus élevé que le revenu que vous retirez de la vente du bois; ce que fait le ministère, c'est donc de compenser pour le manque à gagner de cet aménagement sylvicole en investissant un montant. C'est donc un supplément que le ministère accorde en subvention pour permettre à un cultivateur, à un groupement forestier ou à une société de pouvoir faire de l'aménagement sans perdre sa chemise. Il semble présentement que sur le plan financier les sociétés et groupements forestiers font des profits puisque dans la vallée on a un groupement forestier qui vient d'acheter un énorme couvent pour implanter son exploitation et qu'il s'intéresse à acheter une scierie. Il semble donc qu'ils font certains profits. Cela ne semble donc pas trop mauvais pour l'instant, du moins les tarifs que nous leur offrons.

M. Harvey: Pourvu que cela ne devienne pas mauvais pour l'Etat.

M. Bérubé: C'est peut-être une bonne question qu'il faudrait poser.

M. Harvey: Parce que quand on regarde les étapes à suivre, on s'aperçoit aussi que selon la définition, la formule de regroupement de propriétaires constitue fondamentalement une compagnie commerciale à but lucratif, avec capital-actions, qui a pour objectif d'aménager l'aménagement intensif d'un territoire forestier pouvant couvrir plusieurs centaines de milles carrés. Alors, ce sont des compagnies formées en vertu de la partie I de la Loi des compagnies. Elles peuvent avoir deux, trois ou quatre terres dans quatre ou cinq ans. Elles peuvent les revendre et avoir un acheteur à l'encan qui pourra dire: "I take it". Ce sont les paroles de Félix Leclerc, ce ne sont pas les miennes. Ne pensez-vous pas?

M. Bérubé: Oui. Le problème que vous soulevez de façon valable est vraiment un problème. J'aimerais peut-être que vous détailliez les contacts que vous avez eus avec les cultivateurs sur la mise en marché. Les problèmes que vous avez rencontrés dans vos discussions sont-ils liés au fait qu'on n'arrive pas à écouler suffisamment de bois, donc que les quotas ne sont pas respectés ou sont trop bas ou est-ce carrément une critique vis-à-vis du système de mise en marché, c'est-à-dire un office de mise en marché avec un plan conjoint, avec l'exclusivité de mise en marché, l'obligation de toujours passer par un syndicat ou par un courtier habilité par un plan conjoint? D'où vint la principale critique d'après vos rencontres et vos réflexions?

M. Harvey: Elle vient de partout, mais il y a certainement des choses qui accrochent. Dans le rapport qui a été soumis en 1972 par les producteurs de pâtes et papiers — j'ai vu un extrait; je n'ai pas le dernier qui a été sorti, mais j'en ai sorti un — on dit que tes compagnies ont acheté 1,5 million de cordes de bois. La compagnie Reed Paper a coupé, l'an passé, entre 250 000 et 275 000 cordes de bois. C'est incroyable qu'on ne puisse pas garder — ce bois monte à Québec avec les "tugs", il y a un autre mot, mais tout de même — c'est impensable qu'on amène ce bois au port de Québec et qu'on sait qu'il y a au moins 250 000 cordes de bois qui sont coupées à Forestville alors qu'on pourrait facilement en garder 50 000, 75 000 ou 100 000 cordes. C'est plutôt de cette façon dont sont appliqués les quotas. Il existe des quotas, mais il n'y a pas de suite après cela. On ne sait pas ce qui se fait à la suite de cela.

Il y a trois semaines passées j'assistais un soir, par plaisir, à une réunion de l'UPA à Armagh. C'était de l'humour, mais il y avait un monsieur qui a dit qu'il faudrait demander au gouvernement qu'il vote une loi pour qu'il nous laisse la paix. Pendant toute cette veillée de peut-être une heure ou deux, il y a eu un tiraillement impossible. Tout à coup les gens étaient perdus. Alors après avoir

écouté et suivi cette réunion, c'est de là que viennent toutes mes informations.

M. Bérubé: Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Harvey au nom des membres de la commission. La commission des terres et forêts et des richesses naturelles ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 58)

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