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Etude des problèmes de
rentabilité
de l'industrie des pâtes et papiers
du Québec
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Reprise des travaux de la commission des richesses naturelles et des
terres et forêts, sur l'étude des perspectives d'avenir de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Les membres de la
commission pour la présente séance seront: MM. Baril
(Arthabaska), Bérubé (Matane), Bordeleau (Abitibi-Est); M.
Grenier (Mégantic-Compton) en remplacement de M. Brochu (Richmond); M.
Desbiens (Dubuc); M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau
(Jean-Talon); M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Russell (Brome-Missisquoi) en
remplacement de M. Goulet (Bellechasse); M. Grégoire (Frontenac); M.
Gendron (Abitibi-Ouest) en remplacement de M. Joron (Mille-Iles); MM.
Larivière (Pontiac), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),
Marcoux (Rimouski), Marquis (Matapédia), Mercier (Berthier), O'Gallagher
(Robert Baldwin); M. Gagnon (Champlain) en remplacement de M. Perron
(Duplessis).
Les organismes convoqués dans l'ordre et qui vont être
entendus aujourd'hui à cette commission sont: Papier Cascade Inc.,
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, le Syndicat canadien
des travailleurs du papier et la Fédération des travailleurs du
Québec, l'Association des propriétaires de boisés
privés du Québec et M. Bertrand Harvey à titre personnel.
J'inviterais maintenant le porte-parole de Papier Cascade Inc. à bien
vouloir nous présenter son mémoire et à nous
présenter celui qui l'accompagne.
Papier Cascade Inc.
M. Lemaire (Bernard): Je veux présenter ici le directeur
de l'usine de Cabano, M. Martin Pelletier, et moi-même, Bernard Lemaire,
président de Papier Cascade. M. Martin Pelletier vous lira le
mémoire qu'on a préparé. On a essayé de
résumer dans ce mémoire un peu ce que notre jeune compagnie pense
des pâtes et papiers. M. Pelletier va vous lire le mémoire.
M. Pelletier (Martin): M. le Président, MM. les
députés, comme nous sommes une jeune compagnie, nous aimerions
peut-être au départ faire un peu l'historique de sa formation.
Papier Cascade Inc. fut fondée en 1964. Notre but était la
production de papiers et cartons spécialisés en utilisant des
papiers de rebuts comme matière première.
Nous avions alors acheté l'ancienne usine de Dominion Paper,
située à Kingsey Falls. Cette usine, construite en 1980,
était fermée depuis 1957. En 1967, Papier Cascade Inc. s'est
associée à la Canadian Johns Manville Co. Ltd pour fonder
Papier Kingsey Falls Inc. Le but était la production de papier
à base d'amiante.
En 1974, Papier Cascade Inc. est devenue partenaire dans Papier Cascade
Cabano Inc. Nous avons construit l'usine de papier pour cannelures qui est en
opération depuis septembre 1976.
Cette année, à la suite de notre association avec un
distributeur, nous avons entrepris la construction d'une usine pour produire
des papiers hygiéniques. La mise en eau de la machine se fera à
la fin de cette année.
Malgré notre brève expérience dans le secteur des
pâtes et papiers, nous désirons faire part à la commission
de nos commentaires sur quelques-uns des thèmes proposés. Nous
espérons qu'ils pourront contribuer à faire progresser les
travaux de la commission.
Nous aimerions maintenant traiter de la modernisation.
Lorsqu'en 1964, nous avons acheté une usine dont les
équipements dataient de 1890, il est certain que nous achetions en
même temps un problème de modernisation. Après une mise en
opération difficile, nous avons réussi à manufacturer des
produits spécialisés dont les volumes n'avaient aucun attrait
pour la grande entreprise. Le prix payé pour ces produits nous
permettait de faire fonctionner la machine même si le tonnage
était peu élevé. Nous produisions alors 20 tonnes par jour
avec une machine de 84 pouces de largeur. Le nombre d'employés
était de 25.
Au cours des années qui suivirent, nous avons constamment investi
la majeure partie de nos profits pour la modernisation. Les investissements
avaient pour but d'améliorer la machinerie, augmenter la production,
abaisser nos coûts de fabrication, permettre le développement de
nouveaux produits et assurer à nos employés une continuité
de leur emploi. Etant une jeune compagnie, nous n'avons pas à faire face
à des normes établies de main-d'oeuvre et de productivité,
lesquelles sont parfois des objections majeures à des programmes de
modernisation.
Ce premier défi relevé, nous avons entrepris un programme
d'expansion et de diversification. Vinrent alors s'ajouter deux nouvelles
usines, la première pour produire des alvéoles en pâte
moulée utilisant des papiers bruts comme matière première,
et la seconde pour la fabrication de contenants en mousse plastique
utilisés dans l'industrie alimentaire. Dans les deux cas, nous avons
profité de la disponibilité d'équipements
usagés.
Lors de notre association avec la Canadian Johns Manville Co. Ltd., pour
la fabrication de papier d'amiante, nous avons acheté et
reconditionné une machine à cylindre usagée sachant bien
que celle-ci répondrait aux besoins d'une production
spécialisée. Aujourd'hui, cette unité fonctionne
efficacement et, comme dans les cas précédents, nous investissons
annuellement une partie des profits pour assurer la continuité des
activités.
En conséquence nous croyons donc qu'il est possible, dans
certains cas, de continuer à utiliser de vieilles machines, mais
à la condition que celles-ci puissent être adaptées
à des produits spécialisés.
Nous aimerions maintenant traiter de Papier Cascade (Cabano) Inc. Cette
unité fonctionne présentement avec succès et nous
espérons que très bientôt elle aura atteint le seuil de la
rentabilité.
Nous aimerions faire part à cette commission que notre principale
préoccupation fut les risques que nous avons dû prendre pour que
cette entreprise puisse rouler à des coûts de fabrication
compétitifs.
Ces risques furent les suivants: l'utilisation d'un nouveau
procédé de fabrication sans soufre. L'utilisation d'unités
de fabrication avec le minimum d'effluent afin de diminuer les dépenses
requises pour satisfaire les normes des services de protection de
l'environnement, ainsi le volume d'effluent fut établi à cinq
fois plus bas que la pratique courante. Finalement, l'utilisation d'un
procédé d'incinération à lit fluidisé pour
les résidus de la liqueur de cuisson sans soufre. Ce
procédé n'avait jamais été
expérimenté avec ce type de produit.
Aujourd'hui, nous sommes heureux de constater que tous ces risques
furent un excellent investissement, lequel contribue au succès de cette
opération
Cette expérience démontre que, pour progresser et se
moderniser, l'industrie devra prendre de nombreux risques. Nous souhaitons
qu'il y ait de la part du gouvernement un encouragement envers de telles
initiatives. Aujourd'hui, nous ne voulons pas nous arrêter à
penser quel aurait pu être le coût additionnel si nos initiatives
n'avaient pas eu de succès.
Nous désirons porter à votre attention deux autres
éléments qui sont avantageux pour l'usine de Cabano.
Premièrement, un rayon d'approvisionnement en matière
première inférieur à cinquante milles et,
deuxièmement, un traitement complet des eaux usées. Le premier
élément montre l'importance de situer nos nouvelles usines
là où se trouve la matière première. Le second a
prouvé qu'il est possible, avec des installations adéquates, de
traiter les eaux usées d'une usine de pâtes et papiers même
si celle-ci doit rejeter ses effluents dans un lac.
Papier Cascade (Cabano) Inc., est le résultat d'une association
gouvernementale, population et industrie dans le secteur des pâtes et
papiers.
Après une année d'opération difficile, due
principalement à la faible demande pour ce produit, il nous
apparaît prématuré de faire une analyse complète de
cette intervention. Toutefois, nous sommes en mesure de recommander à la
commission d'encourager une intervention limitée du gouvernement dans le
secteur des pâtes et papiers.
Main-d'oeuvre. Depuis le début de nos opérations, notre
mode de gestion a toujours permis de faire confiance à nos
employés. Ceux-ci, en retour, démontrent un intérêt
marqué pour leur travail et le succès de nos entreprises y est
relié. A Cabano, nous avons fait confiance aux travailleurs en leur
confiant des postes qui, traditionnellement, étaient
réservés à des personnes expérimentées. Nous
leur avons enseigné et les résultats obtenus ont de loin
dépassé nos prévisions. Notre principe est de construire
et d'opérer des unités auxquelles les travailleurs peuvent
s'identifier et dans lesquelles ils sont heureux de travailler. Depuis quelques
années nous avons reconnu et adopté le principe du partage des
profits avec nos employés. Cette initiative, nous le croyons,
répond aux désirs de nos employés. A la fin de 1977, notre
huitième unité de production sera en opération et le
nombre total de nos employés passera de 310 à 360.
Recherche et développement. Récemment, lors de
l'étude d'un nouveau projet, nous avons reçu des propositions
pour essayer une nouvelle technologie. Elle s'appliquerait à une section
qui a peu évolué dans la fabrication du papier, soit le
séchage. Cette nouvelle technologie permettrait de réduire les
investissements de base tout en assurant la conservation de l'énergie.
Dans ce domaine, comme dans d'autres, il y a possibilité pour innover,
mais nous considérons, dans certains cas, que les risques sont trop
grands pour être absorbés uniquement par l'industrie. Il est
souhaitable qu'une aide gouvernementale soit disponible si l'application de
nouvelles technologies ne donnait pas les résultats
escomptés.
Utilisation des résidus du bois. Nous songeons ici à
l'utilisation des résidus comme carburant pour produire de la vapeur et
de l'électricité. La hausse constante du prix de l'huile et de
l'électricité rendra cela possible plutôt dans le cadre de
nouveaux complexes situés près des sources
d'approvisionnement.
Lors de l'étude d'un nouveau projet, nous avons songé
à cette possibilité, mais les sommes à investir et le
manque de garantie d'approvisionnement en résidus nous ont forcés
à abandonner cette option.
En conséquence, nous croyons nécessaire que le
gouvernement subventionne ce genre de projet et qu'il s'engage à assurer
une garantie d'approvisionnement par l'intermédiaire de travaux
sylvicoles.
En conclusion, depuis le début de nos opérations en 1964,
nous avons toujours eu confiance en l'avenir de l'industrie des pâtes et
papiers au Québec. Les éléments essentiels pour la garder
concurrentielle sont toujours disponibles et nous croyons que les formules
décrites précédemment ont encore des chances de
succès dans l'avenir.
Si vous avez des questions.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Matapédia.
M. Marquis: Je voudrais remercier Papier Cascade Inc., de nous
avoir expédié un mémoire et d'être ici ce matin pour
le présenter. Je suis également heureux de saluer en la personne
de M. Lemaire un jeune industriel québécois qui a fait ses
preuves dans une industrie difficile à cause de la concurrence.
Ma première question est celle-ci. A la page 5 de votre
mémoire, suite aux résultats obtenus à Cabano et par suite
d'une association gouvernement, population et industrie, vous mentionnez que
vous êtes en mesure de recommander à la commission d'encourager
une intervention limitée du gouvernement dans le secteur des pâtes
et papiers. Qu'entendez-vous d'abord par cette intervention limitée et
quelle pourrait être la nature de cette intervention dans des projets
à venir?
M. Lemaire: Quand je parle de limiter, je veux dire, toujours
laisser l'initiative à l'entreprise privée, mais une
participation du gouvernement est utile pour le financement et aussi pour
l'approvisionnement. Comme les approvisionnements sont contrôlés
par le ministère, on a besoin du gouvernement dans ces projets. Si les
tâches sont bien définies et que chacun des partenaires a une
tâche définie dans le projet, il y a possibilité de le
réaliser. Quant à l'expérience que nous avons eue à
Cabano, il y avait eu des contrats de signés avant la mise en chantier
ou l'exploitation de l'usine et il n'y a eu aucune intervention gouvernementale
au cours de la construction ou de la politique dans la mise en chantier de
Cabano. Je l'ai apprécié; c'est pour cette raison que je dis que
c'est possible. Mais il ne faut pas que les interventions gouvernementales
fassent que la politique puisse s'ingérer dans la mise en chantier ou
dans l'exploitation de l'usine. Il faut demeurer dans le domaine des affaires
et j'ai encore confiance dans l'initiative privée pour
réussir.
M. Marquis: Pour faire suite, vous dites, en page 6, que votre
principe est de construire des unités auxquelles les travailleurs
peuvent s'identifier et dans lesquelles ils sont heureux de travailler. Je
pense à ce que vous avez fait à Cabano. Quand vous parlez
d'unités auxquelles les travailleurs peuvent s'identifier, est-ce qu'il
s'agit uniquement de la taille des entreprises, ou s'il y a autre chose, par
exemple, des contacts humains plus faciles et personnalisés, des
responsabilités accrues, un partage de bénéfices, comme
vous l'avez mentionné? Est-ce qu'il s'agit de tout cela ensemble?
M. Lemaire: Oui, c'est un ensemble et je crois qu'il faut
réaliser, aujourd'hui, avec les problèmes qui existent entre
patrons et employés, qu'il faut peut-être tendre à une
autre formule, pour que les employés aient un certain
intérêt. Un employé travaille aujourd'hui, mais son devoir
n'est pas le même que celui qui existait il y a 25 ou 30 ans, où
le père de famille était obligé d'apporter un revenu
à la maison, s'il voulait faire vivre ses enfants. Aujourd'hui, vous
avez le bien-être social, vous avez toutes sortes de choses qui
permettent d'avoir un revenu. La personne ne cherche pas seulement à
vivre, elle peut avoir un autre intérêt dans son travail. Je pense
qu'à Cabano et dans nos entreprises la fierté du travail accompli
est nécessaire pour avoir une bonne entente dans l'usine. Si la personne
ne vient que chercher un salaire, vous avez un paquet de problèmes qui
entravent la production et nuisent à son efficacité.
C'est peut-être difficile d'inculquer cette attitude, si l'usine
est immense; si vous avez 1000 employés, c'est beaucoup plus difficile.
Dans une petite unité d'environ une centaine d'employés comme
à Cabano, c'est possible de l'inculquer. Mais il faut s'impliquer. Il
faut que les patrons et les directeurs d'usine soient sur le même pied
que les employés et que chacun admette qu'il peut y avoir un patron,
mais ne se sente pas brimé par les ordres qui sont donnés. Les
ordres peuvent venir de quelqu'un. Les employés admettent que des ordres
peuvent être donnés, mais il y a une manière de les donner.
Il faut pouvoir comprendre les ordres qui sont donnés. L'employé
peut comprendre et peut demander des explications.
Moi, je suis très près de mes employés quand je
travaille avec eux et toutes les personnes cadres qui exploitent l'usine
à Cabano ou toutes nos autres usines sont près des
employés. C'est la première chose que je leur demande, qu'ils
soient près des employés. On peut déceler plus facilement
s'ils ont des problèmes, les contacts sont faciles entre le patron et
l'employé.
M. Marquis: Mais vous restez toujours le patron et, quand il y a
une décision importante à prendre pour l'orientation ou l'avenir
de votre ou de vos usines, vous restez quand même avec votre parole et
votre décision est quand même prépondérante à
ce moment-là?
M. Lemaire: Oui, et l'employé admet facilement cette
chose. C'est naturel qu'il y ait un patron et il l'admet, s'il peut comprendre
pourquoi on donne cet ordre.
M. Marquis: Jusqu'à présent, M. Lemaire, vos
activités ont été limitées à des secteurs de
marché plutôt restreints. Je pense que vous l'avouez
vous-même dans le mémoire. Pour certaines unités, vous ne
pouviez réaliser de grandes économies d'échelle, ce qui
peut vous causer des problèmes à certains moments. Si vous aviez
à envisager l'implantation de plus grandes unités de production,
compte tenu des témoignages qui ont été rendus ici
à la commission parlementaire par presque toutes les grandes compagnies
de pâtes et papiers, est-ce que votre approche serait encore applicable?
Pour ce faire, compte tenu que je suis député de Matapédia
vous savez que ce projet me tient à coeur si vous
l'appliquez à un projet comme celui de la papeterie de la
Matapédia, quelles seraient vos conclusions à ce moment-ci?
Puisque vous cheminez dans le dossier depuis assez longtemps, quelle serait
votre position face à l'implantation d'une papeterie de ce genre?
M. Lemaire: J'ai toujours dit qu'il fallait s'assurer d'un
marché avant de commencer un projet comme celui-là. J'en reste
à cela. Il faut être conscient que nous devons avoir un
débouché pour nos produits. Les grandes compagnies se disent que
le marché n'est peut-être pas existant,
mais quand on parle d'une papeterie, on parle toujours d'une
période de construction de trois ans. Quel sera le marché dans
trois ans? Si les études sont bonnes, on devrait avoir une demande de
papier journal d'ici trois ans. Il y a peut-être des possibilités.
Cependant le premier critère, je crois, c'est de trouver un
marché pour les produits. Cela peut être réalisé. Il
ne faut pas oublier que, s'il y a de grandes compagnies, elles augmentent leurs
unités de production. Elles sont toujours là pour prendre le
marché. Si personne ne fait une poussée pour essayer de le
pénétrer, quatre ou cinq seulement vont contrôler le
marché. Mettre une unité de production ou augmenter leur
production pour prendre le marché, pour elles, c'est assez facile.
La pénétration du marché n'est pas facile pour une
petite compagnie. Je peux vous parler de notre petite compagnie. On a
commencé avec une usine qui produisait vingt tonnes par jour. Quand on
avait vingt tonnes par jour, c'était beaucoup trop pour les grandes
compagnies. On n'était pas capable de pénétrer le
marché. On nous disait qu'on nuisait au marché, qu'on ne devrait
pas être là, qu'on ne devrait pas exister.
On a monté des unités de 50, 75 tonnes. Toutes les fois
qu'on a pénétré ces marchés, c'était trop
pour le marché. Il ne faut pas se leurrer. Il y a toujours trop de
production. On a eu à faire face à une période de
pénurie en 1973. Elle a duré seulement six mois. On a toujours un
surplus de production. Toutes les usines ont un surplus de production, mais
pour faire sa place au soleil, il faut prendre des initiatives et essayer de
faire notre marché.
J'ai toujours dit: On va trouver notre place. A Cabano, on est la plus
grosse usine de papier à cannelures au Canada. Ce n'est pas facile de
pénétrer le marché. Les autres compagnies ont toujours
dit: II y a trop de papier sur le marché dans le moment. La
première des choses, qu'est-ce qu'elles ont fait dans le temps qu'on
construisait Cabano? Elles ont augmenté leur production. Cela veut dire
que la demande était là. Si Cabano n'avait pas fonctionné,
elles étaient déjà prêtes à prendre le
surplus de production. Cabano a pénétré le marché.
On pénètre le marché dans le moment. C'est très
difficile. Je ne vous dirai pas que c'est facile, mais on pénètre
le marché. On va essayer de faire notre place au soleil. On va essayer
de s'intégrer. On va essayer de faire quelque chose pour avoir notre
part du marché. L'augmentation du volume va être là dans
les cinq prochaines années, si cela augmente de 5% à 7% par
année. On va prendre cette partie pour nous. Peut-être que les
autres concurrents vont être retardés dans leur
développement, mais c'est nous qui allons avoir pris le
développement de l'augmentation de la production qu'il pouvait y
avoir.
Il ne faut pas se leurrer. Ce sont des gros volumes. On ne peut pas
partir avec une petite unité qui va prendre 5% du marché. Il faut
arriver avec une unité sur le marché qui prend peut-être
25% du marché. Si vous comptez une augmentation de 5% ou de 7% par
année, vous avez quatre ans avant d'avoir votre part du marché.
Il faut faire cela, mais il faut aller la chercher dans le moment. Je pense que
c'est cela qu'on réalise à Cabano. Ce sera un peu comme cela dans
toutes les autres usines qui seront implantées parce que, le jour
où il y aura du marché, si on n'est pas là pour le
prendre, les compagnies le savent. Elles ont des prévisions et elles
vont mettre une unité. Vous allez avoir des nouveaux
développements. Il va se faire une nouvelle unité de production.
Ce n'est pas facile de pénétrer les ventes. Le gros
problème, c'est d'être capable de vendre nos produits. Il va
falloir les développer, il va falloir...
M. Marquis: Concernant maintenant les approvisionnements, et
toujours un peu sur le même sujet, vous mentionnez qu'un des
éléments importants, c'est le rayon d'approvisionnement en
matière première. A Cabano, vous vous approvisionnez à une
distance inférieure à 50 milles. Est-ce que vous êtes
d'avis également qu'on doit implanter de nouvelles usines là
où se trouvent les sources d'approvisionnement pour diminuer les
transports? Parce que je ne vous cacherai pas qu'après deux semaines,
comme je l'ai dit tantôt, toutes les grandes compagnies s'opposent
à l'ouverture de nouvelles industries. On sent qu'elles ne sont pas
favorables à implanter de nouvelles usines de pâtes et papiers
dans l'Abitibi, par exemple, ou encore dans la Gaspésie, où,
traditionnellement, on a été des régions exportatrices,
des régions-ressources pour d'autres régions. Quel est votre avis
là-dessus, à la suite de vos... Précisez davantage ce que
vous avez dit dans votre mémoire.
M. Lemaire: C'est un avantage d'être près de
l'approvisionnement, mais vous avez parfois un désavantage qui est
l'expédition de vos produits. Pour vous expliquer cela, dans le moment,
on a le plus bel exemple à Cabano pour les coûts de transport, la
différence de nos coûts de transport. Cabano ne possède pas
de chemin de fer. On a fait presque toutes les expéditions par camion.
Pour charger par chemin de fer, il faut se rendre à Edmundston au
Nouveau-Brunswick. C'est la place la plus rapprochée. Si on demande un
taux de fret, comme le volume du papier à cannelures pour les
exportations est aux Etats-Unis, dans la région de Chicago et ces
endroits, le CNR nous charge un taux pour le chemin de fer d'environ $60 la
tonne. On traverse le pont à Edmundston pour Madawaska, on prend le
chemin de fer américain, ce qui nous donne un coût de transport de
$37 comptant les échanges, comptant tout pour expédier au
même endroit. Vous avez une différence de $20 la tonne dans les
coûts de transport. Pour la même distance, vous avez un chemin de
fer américain et un chemin de fer canadien environ à 1000 pieds,
pas plus de 1000 pieds l'un de l'autre, mais vous avez $23 la tonne de
différence dans les coûts de transport.
C'est un désavantage qu'on peut avoir au Canada si on implante
des usines et qu'on n'a pas de meilleurs coûts de transport. Si on
implante des usines loin du marché, c'est bien; on est près
de
l'approvisionnement en forêt, mais on est loin du marché et
si on ne peut pas avoir des bons coûts de transport pour expédier
nos produits finis, on est bien désavantagé. C'est certain qu'une
usine américaine, qui est implantée dans le sud des Etats-Unis,
où est le marché, est près de la matière
première et, l'expédition est meilleur marché. Il faut
certainement avoir un coût de transport qui est meilleur marché
que dans le moment. Je ne comprends pas qu'on puisse avoir une telle
différence. On pourrait admettre une différence de 5%, 10%, mais
pas une différence de 35% dans les coûts de transport. On n'a
qu'à traverser la rivière, on change de pays et nos coûts
de transport ne sont pas les mêmes. Ces compagnies de transport, à
Bangor, Maine, font le tour par Boston pour se rendre à Chicago. Elles
font un trajet plus long que le CNR et elles sont quelque $20 meilleur
marché.
M. Marquis: Maintenant, concernant justement le coût de
transport, il y a quelques années, le transport se faisait, et je me
demande s'il ne se fait pas encore ainsi, on prenait notre bois dans la
vallée de la Matapédia pour le transporter ici, à
Québec, à Trois-Rivières et ailleurs. Là, il va un
peu plus proche, à Rivière-du-Loup; au sujet de la
différence entre le transport du produit fini, qu'est le papier, par
exemple, et le transport du bois rond, sous forme de pitoune, est-ce que, si
les usines sont plus près, comme Rivière-du-Loup l'a
prouvé, il y a un avantage? Est-ce que, d'après vous, le
coût de transport du papier fini coûte moins cher que le coût
de transport du bois non fini?
M. Lemaire: Non, je ne peux pas vous donner de réponse. Je
n'ai jamais vérifié le coût par barge ou ces
choses-là. Je ne peux pas vous donner de réponse.
M. Marquis: Une dernière question en ce qui me concerne,
M. Lemaire. A la page 7 de votre mémoire, que voulez-vous dire par ceci:
"II est souhaitable qu'une aide gouvernementale soit disponible si
l'application de nouvelles technologies ne donnait pas les résultats
escomptés"? Parce que vous avez fait cette expérience. Alors,
est-ce que vous anticipez des difficultés d'avenir pour de nouvelles
technologies qui seraient encore plus à l'avant-garde que celles que
vous avez appliquées?
M. Lemaire: Oui. L'intervention gouvernementale était
peut-être une chose vous êtes au courant du projet de
l'usine de Cabano forcée par la population. Cela a
été implanté là. Le gouvernement était bien
impliqué dans le projet de Cabano. On a pu mettre de nouvelles
techniques. Je vais vous dire franchement, les risques ont été
pris, mais je ne crois pas qu'une compagnie privée, avec actionnaires,
aurait pu prendre les risques qui ont été pris à Cabano.
Parce que la nouvelle technologie qu'on a mise en place à Cabano, il
faut dire que Papier Cascade n'était pas capable de la subir. Mais on
savait que le gouvernement était à 50% à l'appui de ce
projet et ce gouvernement était pris avec le projet, pour vous dire
franchement. Il fallait qu'il se réalise; il fallait qu'il fasse quelque
chose.
On a réussi avec les nouvelles techniques, mais, comme on a dit
dans le mémoire, s'il avait fallu que ces nouvelles techniques ne
fonctionnent pas, l'usine de Cabano était implantée là, on
était sur un lac. Le service de l'environnement aurait dit: Fermez
l'usine; vous ne fonctionnez pas. Vous ne pouvez pas fonctionner selon ce
procédé. C'était l'un ou l'autre. On fermait l'usine ou on
essayait de nouvelles techniques. C'étaient des investissements... Le
projet a réussi. On a mis des efforts. On a mis toute la technique qu'on
pouvait trouver. Techniquement, c'était censé fonctionner;
l'usine a fonctionné.
Ce n'est peut-être pas encore la perfection, mais ça
fonctionne. C'est déjà un avantage. C'est ce que je veux dire
dans le mémoire.
Si on implante dans le papier journal... Dans le domaine du papier
journal, il y a eu des améliorations au cours des dix dernières
années avec la pâte thermomécanique, la formation avec deux
toiles, ce sont des avantages, mais, comme on l'explique ici, il y a encore des
développements à faire pour rendre une usine peut-être plus
concurrentielle avec les autres marchés. Ces techniques sont dans la
section du séchage, dans la fabrication d'énergie à base
des résidus du bois. Mais je ne crois pas que personne, dans le
moment... Ce que je veux mentionner ici, c'était une partie du
séchage. C'est un séchage à air forcé. Je ne crois
pas qu'une compagnie indépendante ne veuille risquer ce projet, mais
c'est peut-être l'avenir des machines à 6000 pieds. Dans le
moment, le maximum des machines à papier, c'est 3000 pieds. Mais
l'avenir des machines, c'est peut-être 6000 pieds. Si, avec la même
unité, vous pouvez produire deux fois plus... La technique, dans le
moment, où on est arrêté est dans le flottage, dans la
section du séchage. On ne peut pas aller plus vite que 3000 pieds avec
le papier journal. Mais cette possibilité existe avec l'air forcé
pour sécher le papier, et il y aura une économie
d'énergie, mais qui peut assumer le risque? Les compagnies ne sont pas
prêtes à prendre le risque. Cela prend peut-être un
organisme gouvernemental.
Peut-être qu'avant d'investir des milliards dans les pâtes
et papiers, il y a lieu d'étudier pour savoir s'il n'y a pas de
nouvelles techniques qui peuvent être appliquées pour investir
dans le futur. Je crois que si cette technique est prouvée, les
compagnies indépendantes seront prêtes à risquer
après; elles prendront ces unités, le gouvernement n'aura pas
besoin d'investir d'argent parce que ces compagnies, s'il y a un profit
à faire, investiront dans le développement de cette technique,
mais cette technique peut coûter très cher; elle peut
peut-être coûter $50 millions, si cela ne réussit pas. Ce
sont ces risques que le gouvernement pourrait peut-être prendre pour
l'avancement de la technique dans le domaine du papier.
M. Marquis: Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. Lemaire, de votre mémoire.
Seulement deux ou trois questions.
A la page 5, vous dites: Cette expérience démontre que,
pour progresser et se moderniser, l'industrie devrait prendre de nombreux
risques. Nous souhaitons qu'il y ait de la part du gouvernement un
encouragement envers de telles initiatives.
Pouvez-vous nous donner des exemples des initiatives que vous pouvez
suggérer?
M. Lemaire: C'est un peu ce que je viens d'expliquer. Je suis
peut-être rêveur, mais j'ai ma conception d'une nouvelle usine de
papier journal, du développement à envisager pour le futur, pour
ce que seront les usines de développement dans dix ans. Notre avantage,
ici, au Canada, était en 1929 et 1930, qu'on avait des machines de 240
pouces. Cela a été à notre avantage, on a tenu le
marché du papier journal pendant des années à cause des
machines de cette largeur et qui ont été construites durant ces
années. Avec les années, notre avantage a disparu parce
qu'ailleurs on avait des machines plus rapides et aussi larges et même
plus larges; même ici, au Canada, on a mis en usage des machines plus
larges. Mais, aujourd'hui, il y a de nouvelles techniques, qui sont plus
avancées, mais personne ne veut s'y risquer dans le moment.
Peut-être le gouvernement pourrait-il encourager cet effort. Le "paper
dryer " a été développé au Canada, c'est une
invention canadienne, québécoise, mais personne ne veut s'y
risquer, c'est seulement en laboratoire, il faudrait qu'on courre le risque de
l'essayer un jour sur une base commerciale pour savoir ce que cela va donner
comme produit. Cela peut être un avantage qu'on peut avoir pour faire
avancer les pâtes et papiers, surtout le papier journal; cela ne
s'appliquerait pas aux autres sortes de papiers, cela s'appliquerait au papier
journal exclusivement.
M. O'Gallagher: Suggérez-vous au gouvernement d'aller chez
vous et de faire exactement ce que vous suggérez?
M. Lemaire: Oui, dans le projet Matapédia, j'ai
peut-être glissé quelques mots à ce sujet et j'en profite
ici pour le dire, c'est peut-être rêver, si on veut
présenter un projet à des créanciers avec des chances de
rentabilité et, si on a un point d'interrogation tel que ce point
d'interrogation, il n'y a pas un créancier qui va vouloir nous financer,
parce qu'il y a trop de points d'interrogation. La rentabilité ne peut
être assurée. Si cela ne réussit pas, que fait-on de la
rentabilité de notre usine? Ce sont des millions qui disparaissent. Ce
projet ne peut pas être mis en marche, même les compagnies
privées qui possèdent des millions ne veulent pas courir ce
risque. C'est un problème; je suis peut-être un gars qui aime le
risque, mais j'aimerais voir cette technique se développer, car c'est
l'avenir. Malgré le peu de connaissances que j'ai dans les pâtes
et papiers, je dirais que c'est peut-être la solution de l'avenir pour
reprendre l'avance sur les autres pays dans la production du papier
journal.
M. O'Gallagher: Le gouvernement est-il sympathique à votre
projet Matapédia?
M. Lemaire: Je n'ai pas vraiment soumis ce projet de façon
précise. J'en profite aujourd'hui pour le dire publiquement, mais ce
n'est pas le gouvernement qui pourra le faire; c'est peut-être à
nous de nous impliquer, nous de Papier Cascade, dans un projet comme
celui-là. Je n'aime pas être... On a fait un projet avec le
gouvernement, mais je ne veux pas qu'on nous accuse d'être une compagnie
qui profite du gouvernement pour faire des investissements pour de telles
choses. Je le soumets ici, le gouvernement pourra prendre des initiatives, s'il
le veut; on est prêt à collaborer, mais j'aimerais mieux que
l'initiative vienne du gouvernement plutôt que de nous.
M. O'Gallagher: REXFOR est-elle impliquée dans ces
discussions ou cette étude, étant donné qu'elle est
propriétaire de 5% de vos actions?
M. Lemaire: Oui, elle a participé à quelques
réunions pour le développement du nouveau projet.
M. O'Gallagher: En parlant, tout à l'heure, des
coûts de transport au Canada par rapport aux coûts au Etats-Unis,
les coûts aux Etats-Unis, dans le Maine notamment, sont-ils
subventionnés directement par le gouvernement fédéral?
M. Lemaire: Je ne sais pas s'ils sont subventionnés...
M. O'Gallagher: Pour qu'il y ait un écart de $23 la
tonne...
M. Lemaire: Je ne peux pas vous dire s'ils sont
subventionnés.
M. O'Gallagher: Une dernière question. Quelle est
l'influence de votre usine de Cabano sur l'usine de CIP à Matane au
point de vue du partage du marché, etc?
M. Lemaire: Je crois que l'usine de Matane en subit les
conséquences. Elle est obligée de fermer quelques semaines de
temps en temps parce que nous sommes sur le marché.
M. O'Gallagher: Depuis que vous êtes sur le
marché?
M. Lemaire: Oui, je l'admets. A Matane aussi, on travaille fort
pour reprendre une partie du marché en même temps que nous. Vous
savez ce que sont les affaires. Vous avez tous été en affaires.
Il faut se défendre et il faut se battre pour avoir chacun sa part du
marché. Il faut aller la chercher. Je ne pense pas que CIP soit...
Les
quelques semaines qu'elle perd par année dans le moment, elle va
essayer de les combler par des acquisitions ou quelque chose comme cela. Elle
est intégrée; avec cette intégration, elle peut trouver un
débouché sur le marché des boîtes "corrugated". J'ai
confiance qu'elle ne se laissera pas faire tellement longtemps.
M. O'Gallagher: Merci, M. Lemaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, permettez-moi d'abord de
remercier la compagnie Papier Cascade de nous avoir présenté ce
mémoire, et peut-être plus que d'autres, parce que j'ai eu le
plaisir de visiter les deux usines, d'abord celle à Kingsey Falls puis
aussi celle de Cabano.
M. Lemaire, quelle est votre capacité à Kingsey Falls
actuellement?
M. Lemaire: A Kingsey Falls, on a plusieurs unités. On a
une unité qui produit environ 55 tonnes par jour de papier
spécialisé. On a une autre unité qui fabrique du papier
d'amiante, entre 150 et 175 tonnes par jour; si vous ajoutez les
alvéoles qui sont des contenants pour les oeufs, en papier
mâché, c'est une unité qui emploie de dix à douze
tonnes de papier par jour. On fait 130 000 unités par jour pour les
contenants d'oeufs. On a une nouvelle usine qui va avoir une capacité de
55 tonnes par jour de papier hygiénique, soit le papier essuie-mains et
ces choses-là; la production va débuter en janvier.
M. Russell: Cela veut dire environ 280 tonnes à Kingsey
Falls?
M. Lemaire: A Cabano, l'usine a une capacité de 250 tonnes
par jour.
M. Russell: Elle fonctionne actuellement à quel
pourcentage de sa capacité?
M. Lemaire: A Cabano, on travaille cinq jours par semaine. On
fabrique environ 1000 tonnes par semaine.
M. Russell: 1000 tonnes par semaine, 50 000 tonnes par
année. Dans votre mémoire, à la page 7, vous parlez de la
recherche qui devrait être faite par le gouvernement. Etes-vous d'opinion
que le gouvernement devrait s'impliquer beaucoup plus dans la recherche de
nouveaux procédés du papier qu'il ne le fait actuellement?
M. Lemaire: Je dis que le gouvernement semble vouloir s'impliquer
dans la modernisation des usines de pâtes et papiers. Il y a des
déclarations qui ont été faites. Je dis qu'avant de faire
des investissements, il faudrait faire les bons investissements. Pourquoi faire
tout de suite des investissements qui seront peut-être
dépassés dans cinq ou dix ans? La nouvelle technique, qui va la
mettre de l'avant? Peut-être les Américains, mais, quand cette
technique sera appliquée, si on a fait la modernisation, on sera encore
en arrière, parce que la modernisation n'aura pas été
faite dans le bon sens, n'aura pas été faite en prévision
des années, dix ans ou quelque chose comme cela. Il faudrait
peut-être essayer toutes les nouvelles techniques et la modernisation
pourrait alors se faire. Mais pourquoi la faire sans que ce soit la fine pointe
de l'industrie? Avant de dépenser des milliards, il faudrait faire
attention.
M. Russell: Si je comprends bien, votre usine de Kingsey Falls
utilise seulement des rebuts de papier, de carton, que vous ramassez
actuellement?
M. Lemaire: Oui.
M. Russell: Vous n'utilisez aucune autre matière
première?
M. Lemaire: On utilise de l'amiante et des papiers de rebut.
M. Russell: A votre usine de Cabano, vous utilisez du bois dur?
Pas de résineux du tout?
M. Lemaire: Pas de résineux, seulement du bois dur, des
feuillus et du papier de rebut, à environ 20%.
M. Russell: Est-ce que vous seriez d'accord que les usines de
papier du Québec pourraient tenir le coup en n'utilisant que des
résidus de copeaux, de sciures, des déchets de bois,
actuellement?
M. Lemaire: Oui, dans le moment, c'est assez avancé, dans
cela, avec la pâte thermoécanique, on peut employer les copeaux
des scieries pour faire du papier journal, ce qui n'était pas possible,
avant, avec le procédé des meules. Quand vous aviez des meules,
cela prenait des billes pour faire du papier journal; maintenant, avec le
procédé thermomécanique, vous employez des copeaux. Les
copeaux peuvent venir des scieries. L'utilisation de la forêt est bien
mieux faite maintenant, grâce au procédé
thermomécanique. Tout le monde semble opter pour le
thermomécanique.
M. Russell: L'installation du thermomécanique coûte
beaucoup meilleur marché que...
M. Lemaire: Non. L'énergie est un peu plus
élevée, mais la qualité de la pâte est
peut-être un peu meilleure, ce qui permet d'employer un peu moins de
pâte chimique.
Quand vous faites du papier journal, vous employez entre 10% et 20% de
pâte chimique. Cela peut être réduit en employant la
pâte thermomécanique, la quantité de pâte chimique
est réduite. Certaines usines disent qu'elles peuvent produire le papier
journal sans aucune pâte chimique.
M. Russell: Vous avez parlé tout à l'heure de
petites usines. Quelle est l'usine la plus petite qui peut survivre ou de
quelle taille doit-elle être pour être rentable?
M. Lemaire: Quant aux normes, je ferais plus confiance à
une usine d'une seule unité de production que plusieurs unités de
production ensemble. Je dis que vous pouvez garder un bon climat de travail, si
vous avez une unité où les gens se sentent impliqués,
où les gens se connaissent, où les gens se situent bien dans un
ensemble. Autrement, les relations de travail sont beaucoup plus difficiles et
je pense que des injustices peuvent se faire plus facilement; ces choses
créent un climat de travail beaucoup plus difficile, tandis que quand
c'est une seule unité, du genre de Cabano, du genre du projet
Matapédia, dans des unités de 100 000 à 125 000 tonnes par
année, vous pouvez garder un bon climat. Je pense que le climat des
relations patrons-employés est bien important aujourd'hui.
On dit toujours que nos coûts de production et de main-d'oeuvre
sont bien élevés. Si vous avez des employés bien
payés, mais très efficaces, vos coûts de main-d'oeuvre
peuvent baisser, mais si vous avez des employés bien payés, et
que ça vous prend deux fois plus de main-d'oeuvre que ça devrait
en prendre, c'est joliment dispendieux. Je pense que si on a de bonnes
relations, même chez les jeunes d'aujourd'hui, c'est possible. Ainsi
à Cabano, notre personnel est très jeune, dans la vingtaine,
même pas, et on serait surpris. On dit que les jeunes ne sont pas
capables de travailler, mais les jeunes d'aujourd'hui sont autant capables de
travailler que les anciens employés, pour autant qu'ils soient
motivés, qu'ils aient quelque chose qui mène à un but. Le
rendement d'une journée de travail, c'est surprenant ce qu'on peut
retirer des employés encore aujourd'hui.
M. Russell: Donc, avec l'expérience que vous avez
vécue depuis 1964, vous êtes d'opinion qu'il vaudrait mieux avoir
de petites usines un peu dispersées en province que d'avoir une grosse
usine pour centraliser la production?
M. Lemaire: Dans le papier journal, ce n'est pas absolument
nécessaire. Quand on parle d'usines de pâtes chimiques, ça
devient un complexe qui prend un certain volume et ça prend une grosse
usine. Mais quand on parle de papier journal, avec le thermomécanique,
on n'a plus de pâtes chimiques, on peut avoir de petites
unités.
M. Russell: Quand vous parlez de petites unités, quel
serait l'ordre de grandeur, de millions impliqués?
M. Lemaire: C'est $75 millions.
M. Russell: $75 millions pour une centaine de tonnes, 125
tonnes?
M. Lemaire: 125 000 tonnes par année.
M. Russell: 125 000 tonnes de papier journal ou d'autres
produits. Quand vous parliez de séchage, que vous augmenteriez la
production à 6000 pieds, il s'agit de 6000 pieds à la minute au
lieu de 3000 pieds?
M. Lemaire: Le maximum, aujourd'hui, c'est 3000 ou 32000 pieds.
Ceux qui développent la technique prétendent qu'ils pensent faire
des machines à 6000 pieds avec ça. Si c'est possible un jour de
faire 6000 pieds, vous vous imaginez, avec la même unité, si vous
produisez deux fois plus et que ça prend le même nombre
d'employés, que l'investissement ne sera pas tellement plus dispendieux
et que le transfert d'énergie est meilleur que le transfert par des
rouleaux séchoirs où il y a une perte d'énergie beaucoup
plus grande qu'avec le séchage par air forcé.
M. Russell: Une dernière question, M. le Président.
M. Lemaire, vous avez vécu la difficulté de
pénétrer les marchés. Etes-vous d'accord que c'est mieux
de laisser l'entreprise privée qui est audacieuse se disputer le
marché, que c'est mieux d'avoir une multiplication de petites compagnies
qui se font concurrence, que d'avoir une grosse compagnie qui fait la mise en
marché d'une façon tranquille, sans être
dérangée?
M. Lemaire: Je suis en faveur de la concurrence, que chacun
trouve son marché. On vit dans ce régime et j'y ai encore
confiance.
M. Russell: Le gros marché, c'est encore le marché
américain?
M. Lemaire: Oui, dans le domaine du papier. On a des voisins qui
sont dix fois plus gros que nous, ils utilisent dix fois plus de produits, il y
a encore un marché. Il y a un marché canadien, mais la proportion
est là.
M. Russell: Mais, pour entrer sur le marché
américain, il faut être assez audacieux?
M. Lemaire: II faut être audacieux, il faut avoir certains
avantages. Je vous dis que ce n'est pas facile. Dans le moment, on a un taux
d'échange de l'argent qui nous avantage, mais, pour combien de temps, on
ne le sait pas. Dans le moment, à Cabano, ça nous permet de
pénétrer le marché américain. C'est à cause
du taux d'échange de l'argent.
M. Russell: M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions pour le moment. Je voudrais terminer en félicitant MM.
Lemaire, parce qu'ils sont deux ou trois frères impliqués
là-dedans, je crois, du succès de leurs opérations. La
première a débuté de façon très modeste et
avec succès. Je les invite à continuer; s'il y a une
possibilité qu'ils développent d'autres usines de ce genre au
Québec, je pense que ce serait bien recommandable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Levesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le
Président. Je voudrais remercier la compagnie Papier Cascade de Cabano,
de la présentation de son mémoire. Cela fait toujours plaisir de
rencontrer des chefs d'entreprise de son comté, surtout d'une entreprise
qui fait les manchettes depuis une couple d'années, qui fait parler
d'elle.
A la page 1 de votre mémoire, vous mentionnez que vous êtes
associés à un distributeur dans la construction d'une usine pour
produire du papier hygiénique dont la mise en eau se fera à la
fin de 1977. Dans ces dossiers, les services de l'environnement du
Québec ne possèdent aucune information et n'ont émis
aucune autorisation pour la construction de cette usine, bien qu'en date du 19
mai 1977, ils vous aient demandé des précisions à cet
effet.
Pourriez-vous nous préciser, pour cette usine, la localisation,
la provenance des fibres, la nature du procédé de transformation
et les modes de traitement des effluents liquides de cette nouvelle
industrie?
M. Lemaire: Le produit fabriqué à cette usine est
du papier essuie-main industriel, ce que vous avez dans les édifices
publics, écoles et ces choses, le papier brun, en rouleau, en feuilles,
avec lequel vous vous essuyez les mains. Ce produit sera fait seulement
à base de papier brut. On recyclera des vieux papiers pour fabriquer ces
papiers.
Il n'y a eu aucune demande aux services de l'environnement parce qu'on
pense être capable de fermer l'usine complètement. Il n'y aura
aucun effluent pour cette usine. On dit que c'est possible de faire des usines
fermées pour contrôler les effluents; on pense être capable
de le faire à cette usine. On a mis les équipements en place pour
n'avoir aucun effluent.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): C'est pour
cela qu'il n'y a pas eu de demande officielle de permis? Vous n'ignorez pas
qu'en vertu de la loi de la qualité de l'environnement, vous êtes
tenus d'obtenir un certificat d'autorisation pour la construction d'une telle
usine.
M. Lemaire: Cette usine a été décidée
rapidement. Les demandes à l'environnement, on les connaît, on a
assez fait affaires avec ces gens-là. On nous dit que, si on n'a pas
d'effluent, on n'a pas affaire à l'environnement. L'usine est
bâtie de cette manière. Il y aura une demande faite, parce qu'il y
a une subvention. Vous savez que le meilleur moyen que vous avez dans le
moment... Il n'y a aucune subvention qui est accordée si on n'a pas eu
l'approbation. On va en venir au point où il va falloir avoir
l'approbation. On a l'idée de se conformer aux normes, si elles sont
établies dans ce temps-là. Comme les normes ne sont pas encore
décidées complètement... Si les normes sont bien
établies, on va se conformer aux normes; on sait qu'on va se conformer
aux normes. Il y a $600 000 de subvention dans le projet; pour avoir notre
subvention de $600 000, je pense qu'on va se conformer et on va faire la
demande en bonne et due forme.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Les
conditions de travail et les salaires payés dans votre entreprise
sont-ils, tout compte fait, égaux et équivalents à ceux
des autres entreprises oeuvrant dans le secteur des syndiqués?
M. Lemaire: Oui, on a établi à peu près les
mêmes normes. On ne suit pas exactement les mêmes normes, parce que
la classification de nos employés n'est pas la même. Mais c'est
à peu près... A Cabano, on a suivi les mêmes normes que
dans l'industrie, les employés sont au même stade. Les
employés ont...
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Auriez-vous
objection à ce qu'un ou des syndicats s'y installent?
M. Lemaire: Oui, j'ai une objection, parce que je crois à
la méthode qu'on emploie, la participation des employés et
l'initiative des employés. C'est la manière dont je vois la
direction des usines. S'il vient à y avoir un syndicat, on vivra avec,
mais cela me dira que les employés n'étaient pas heureux avec...
Ce serait peut-être un échec personnel, parce que je me suis
toujours dit: Pourquoi ont-ils besoin d'un syndicat? Pourquoi ont-ils besoin
des gens de l'extérieur pour leur dire ce qu'ils ont à faire? De
quelle manière devraient-ils faire leur demande? S'ils sont bien dans
l'usine et qu'il y a des choses qu'ils n'aiment pas, ils vont venir directement
nous les demander. C'est de cette manière qu'on agit. C'est tellement
ouvert que l'employé n'est pas gêné de dire s'il ne se
trouve pas bien, s'il se trouve mal.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Cela demande
beaucoup d'entrevues, de négociation, de participation, entre
l'employé et le patron?
M. Lemaire: C'est le problème. Dans une grosse
unité, cela ne peut pas exister. S'il y a un nombre trop grand
d'employés, cela ne peut pas exister. Le patron vient qu'il ne
connaît pas ses employés. Cela ne peut pas marcher. Mais je dis
que, dans des petites unités, cela peut fonctionner.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Le dialogue a
toujours sa place.
M. Lemaire: Le dialogue a sa place, pour autant que ce n'est pas
trop gros. Si c'est trop gros, cela vient que tu perds. Même lorsque vous
êtes le meilleur patron... C'est certain que je ne peux pas en venir
à connaître tous mes employés et, s'il y a des
employés insatisfaits qui ne me connaissent pas et ne peuvent pas me
dire les problèmes, certainement que cela en vient à ce
point.
Mais, dans le moment, tant que les unités demeureront de la
grosseur qu'elles sont à Cabano et selon les plans qu'on a, c'est
possible.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci
beaucoup.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Lemaire: Vous avez demandé tout à l'heure
pourquoi on n'a pas fait une demande aux services de l'environnement. Je pense
que le gouvernement, dans le moment, réalise la papeterie et les
difficultés d'implanter de nouvelles usines. Si, avant de
réaliser... Moi, j'ai négocié ce nouveau projet au mois de
janvier l'an passé. La construction a débuté en mars et on
va entrer en activité au mois de janvier.
Si on commence à le demander au service de l'environnement et
à attendre son approbation, je peux vous dire qu'il n'y aura jamais
d'implantation d'usine qui va se faire au Québec, parce que c'est un
moyen paquet de paperasse et de papeterie avant de réaliser un projet.
Même si les gens de l'environnement sont ici, je leur dis. L'usine
était en marche et on a eu l'approbation de notre usine à Cabano.
Ce sera pareil là-bas. C'est pour cette raison qu'on passe à
travers. On dit peut-être qu'on est hors la loi, mais de la paperasse, il
y en a. Je ne sais pas si vous avez réalisé un projet
d'implantation en industrie. Il y en a de la paperasse. Il y a des
problèmes. C'est peut-être bon dans le moment. Je ne sais pas. Il
me semble que M. Parizeau a l'air de dire qu'il va essayer d'en enlever un peu.
Je pense qu'il fait un bon pas.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Est-ce que
les normes sont tros sévères ou si elles ne sont pas
réalistes ou si c'est un manque de bon fonctionnement des fonctionnaires
de l'environnement?
M. Lemaire: Souvent, dans un projet, cela revient, tu reviens, tu
retournes avant de commencer la construction, pour savoir si c'est selon la
loi, avant de commencer la construction. Cela prend au moins un an. Il y a des
négociations qui prennent un an. C'est pourquoi je sais que je n'aurai
pas la subvention fédérale avant un an, parce que je n'aurai pas
l'approbation du ministère de l'environnement avant un an, quand on va
être en marche, parce qu'il va falloir faire approuver le projet. On va
rencontrer ses membres, je peux dire cela.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): La
subvention, pour ce qui vient, ne sera pas un cadeau de Noël cette
année?
M. Lemaire: Ce ne sera pas un cadeau de Noël. On a fait
assez de projets pour savoir quand vient la subvention. On prend nos
précautions pour ne pas avoir besoin de la subvention avant un an et
demi, deux ans.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Merci
beaucoup pour votre mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: M. Lemaire, vous êtes un exemple
de dynamisme dans le secteur industriel et je pense que vous allez être
en mesure de répondre à quelques questions qui se sont
posées tout au long de cette commission parlementaire. C'est avec
beaucoup d'intérêt que je m'adresse à vous.
D'un côté, dans le cas du projet de Val-Brillant dans
lequel vous êtes impliqué assez en profondeur, des montants du
projet ont circulé de l'ordre de $60 millions, enfin un peu toutes
sortes de chiffres, et nous avons pris soin, au cours de cette commission, de
reposer la question à plusieurs reprises, à peu près
à tous les intervenants, que ce soit F.F. Soucy, que ce soit CIP pour
essayer de voir dans quelle mesure il y avait un consensus dans
l'industrie.
Or, à peu près tout le monde dans l'industrie nous dit:
Pour une nouvelle usine, il faut tabler au moins sur $250 000 par tonne-jour.
Pour une addition, les coûts peuvent descendre jusqu'à $120 000,
$130 000.
Dans le cas de Cabano, de la papeterie Matapédia, vous venez de
réitérer le chiffre qui est autour de $60 millions. Si je fais le
calcul sur la base de $250 000 la tonne-jour, j'arrive au contraire autour de
$90 millions à $95 millions. En fait, la plupart des intervenants nous
ont dit en bas de $105 millions, vous pouvez l'oublier.
J'aimerais savoir comment vous établissez ces $60 millions et
comment vous arrivez à baisser les coûts par un facteur de 50%
alors qu'à peu près tous les intervenants disent que c'est
impossible.
M. Lemaire: C'est peut-être encore une nouvelle
méthode. Si vous pensez les investissements, dans le moment, on dit
toujours que l'installation des équipements fait plus que doubler le
prix. Si vous avez $40 millions d'achat d'équipement, cela va monter
à $50 millions pour les installer. Nous autres, notre facteur est loin
de là. Je vous le dis franchement. Je ne sais pas si je peux mettre ici
la commission au courant de la manière dont l'usine de Cabano a
été construite. Elle a été construite. Les
employés qui travaillent dans le moment à l'usine de Cabano, ce
sont des employés qui ont mis les équipements en place. Ces
employés ont appris ce que c'était une machine à papier en
la construisant, parce que ces gens-là n'avaient jamais vu de machine
à papier de leur vie, ils ne connaissaient pas le papier. La
première des choses, la meilleure base, c'est de leur montrer ce qu'est
une machine à papier, comment c'est fait et tout cela. Si tu travailles
un an et demi alentour de la machine, tu la connais quand tu arrives à
commencer à la faire fonctionner. Tu as déjà eu des
normes. On a engagé des spécialistes qui dirigeaient ces
employés, mais la mise en place des équipements a
été faite par les employés eux-mêmes et les
coûts, je peux vous dire quelque chose, c'est incroyable. J'ai
engagé, comme on pourrait dire, des professionnels de perte de temps
d'installation d'équipement, des gens qui sont habitués à
faire ces installations je les appelle les professionnels de perte de
temps et c'est incroyable ce qu'ils peuvent perdre comme temps
comparé à nos employés. Cela coûte cher
dans ce temps-là. Avec les allocations de logements et ces
choses-là, vous avez eu l'exemple du stade olympique.
Papier Cascade Cabano a été construit en même temps
que le stade olympique et en même temps que ces installations, dans les
coûts d'inflation, en 1974. On avait admis un projet de $9,3 millions. Ce
n'était pas énorme. Si vous mettez cela à $250 000 la
tonne, vous allez voir que cela n'arrive pas tout à fait, parce que
Cabano est de 75 000 tonnes par année. On a eu un projet de $9
millions.
On a dépassé d'environ $1 million notre budget, parce
qu'on a ajouté des équipements pour le perfectionnement. On avait
prévu l'inflation, mais jamais l'inflation qui s'est produite dans le
temps de la construction. Même dans ce cas, on a été
capable de garder notre budget, grâce aux employés et aux gens de
Cabano qui ont fait ces installations. Le ciment était à $23 la
verge et, quand on a fini le projet, il était à $35 la verge. Il
en entre du ciment dans les usines de papier. Si les coûts avaient
été partout de la sorte, on aurait eu de moyens
dépassements. On a été capable de garder les coûts,
mais on a eu la main-d'oeuvre.
La main-d'oeuvre est très importante. Ces gens ont
installé cela. Ils n'avaient aucune connaissance, mais on leur a
montré et avec le temps... Cela prend peut-être un an de plus
à construire une usine de cette façon mais au lieu qu'il y ait
600 personnes sur le chantier, à Cabano, il n'y en a jamais eu plus que
75. Un projet comme cela, exige qu'il y ait environ 600 à 700 personnes
sur le chantier. Cela prend peut-être six mois ou un an de moins, mais
vous voyez la différence dans le personnel. Comptez ce que les salaires
de ces employés peuvent coûter, la différence, et vous
verrez qu'on a réussi la même chose.
On avait un bel exemple. Une usine à Rivière-du-Loup se
construisait en même temps que la nôtre. Il y avait entre 600 et
700 personnes sur ce chantier tandis que nous autres, on a travaillé
avec 75 personnes. L'unité de Cabano est plus volumineuse que celle de
Rivière-du-Loup. Vous pourrez constater que c'est peut-être
là que les coûts ont été coupés. Il y a des
méthodes pour le faire. Je ne veux pas dire que cela se fait partout,
mais il y a des régions où cela peut se faire. Il y a des
régions où les gens sont vraiment impliqués. Les gens de
Cabano la voulaient leur usine. Ils étaient prêts à
travailler.
Je pense qu'à Matapédia ou dans n'importe quelle
région de la Gaspésie, les gens veulent avoir du
développement. Ils sont prêts à travailler, ils sont
prêts à faire des efforts. Si on exploite cela en même
temps, ces gens sont bien heureux de le faire. Ils veulent participer. Il faut
exploiter cela. Comme je l'ai dit, si les gens sont heureux... Un homme qui a
confiance en ce qu'il fait et qui voit les résultats produit une moyenne
journée d'ouvrage. Je vous le dis, un homme qui veut travailler vaut
cinq hommes qui ne sont pas intéressés. Ce n'est pas vrai que les
gens ne sont pas travailleurs aujourd'hui. Donnez-leur un intérêt
et ils vont travailler autant que n'importe lequel de nos pères ou que
nous, on peut travailler.
M. Bérubé: Toujours dans la même veine, on
pourrait soulever l'hypothèse qu'il a été possible dans le
cas de Cabano d'abaisser les coûts, étant donné la taille
de l'usine, étant donné justement la possibilité de
maintenir un chantier à une échelle humaine, de manière
à garder une équipe. Croyez-vous que ce soit encore applicable
dans le cas d'une unité de production de la taille de celle qui est
envisagée? Elle va produire quelque 150 000 tonnes par année,
donc on parle d'une usine considérablement plus grosse et surtout d'un
procédé technologiquement plus complexe. La fabrication de papier
n'est pas tout à fait la même que celle du papier cannelure qui,
semble-t-il, je n'y connais absolument rien, demande moins de tolérance,
donne un peu plus de marge de manoeuvre pour la fabrication.
Au contraire, si on veut faire du papier à partir de pâtes
thermomécaniques, l'expérience de F.F. Soucy a montré
qu'en fait il faut un excellent gérant. Je pense qu'il faut rendre
hommage à M. Carrier pour cela. Il a fallu un excellent gérant et
une très grande expérience pour arriver à faire
fonctionner cette usine de façon correcte. En d'autres termes, la
technologie est peut-être plus complexe dans le cas de la fabrication de
papier journal. Est-ce qu'elle est effectivement valable cette objection que
j'ai eu l'occasion d'entendre à quelques reprises?
M. Lemaire: Non, je dis qu'elle n'est pas valable. Faire du
papier à cannelures demande une pâte chimique, tandis que vous
vous servez d'une pâte mécanique pour faire du papier journal. Le
fonctionnement d'une machine à papier est peut-être plus
délicat parce que c'est un papier plus mince, qui a plutôt
tendance à casser, mais l'installation d'une usine de papier journal est
moins compliquée que l'installation d'une usine comme celle de Cabano,
qui a des procédés de traitements de produits chimiques. Il faut
cuire avec des produits chimiques. C'est beaucoup plus compliqué qu'une
usine de papier journal. Il faut peut-être faire attention dans
l'installation de la machine elle-même. Vous avez raison, les
tolérances sont moins grandes. On peut moins tolérer parce que la
feuille est tellement mince et cela va si vite qu'il n'y a pas de
tolérance.
Il ne faut pas s'en faire un mythe. Cela s'apprend par des gens. Il y a
des gens compétents. On n'a pas besoin de 50 gens compétents. Un
bonhomme compétent dans le papier, c'est l'homme qu'il faut trouver pour
l'installation de la machine à papier, une personne compétente
qui connaît son métier. A ce moment-là vous pouvez
installer une machine. Les tolérances vont être respectées.
C'est faisable. Les mythes concernant le papier disparaissent de plus en plus
dans le moment parce que les techniques changent. Longtemps, dans le papier, il
ne fallait pas toucher à telle ou telle chose. Je vous parle de mon
expérience. Je n'avais aucune connaissance. Mes parents n'étaient
pas dans le papier. Quand on a fait de l'amiante on a développé
des usines. Je vous dis que les techniques dans le domaine de l'amiante, pas
grand monde les connaissait. On les
a développées nous autres mêmes. On avait des gens
qui voulaient. On a employé toutes nos connaissances pour
développer la fabrication du papier d'amiante, qui est autrement plus
compliquée que la fabrication de n'importe quel papier que je connais
aujourd'hui.
Je connais la pâte chimique. Je connais le papier à
cannelures, je connais le papier d'emballage. Le papier journal, je m'y
intéresse, mais je peux vous dire quelque chose. Que ceux qui pensent
qu'ils ont des connaissances, viennent fabriquer du papier d'amiante, ils vont
s'apercevoir que c'est une technique autre que celle de fabriquer ces autres
papiers. L'amiante, c'est une fibre qui ne se tient pas, bien moins que
n'importe quelle fibre de bois, et on vient à bout de faire du papier.
On en fait 150 à 175 tonnes par jour. On a appris. Cela s'apprend, mais
il faut vouloir.
M. Bérubé: Maintenant, pour toucher le
problème peut-être du financement, un syndicat, la CSN, en fait,
s'est opposé de façon assez véhémente à la
possibilité de voir le gouvernement s'impliquer financièrement
dans un programme de modernisation comme tel de l'industrie.
Par contre, plusieurs intervenants, du côté de l'industrie,
ont souligné que, dans le cas d'implantation de nouvelles usines,
c'était à peu près impensable sans subvention
gouvernementale; on a même souligné que, pour rentabiliser une
nouvelle usine, il faudrait que le prix du papier journal soit de l'ordre de
$475 la tonne au lieu des $305 actuels. Donc, il n'y avait pas de justification
pour construire de nouvelles usines, ce qui a même amené certaines
compagnies américaines, pour l'instant en tout cas, à retarder
l'implantation de nouvelles usines aux Etats-Unis sur cette même
base.
Egalement, dans le cas de Saint-Félicien, je pense, on a dû
y aller de subventions, semble-t-il, pour rentabiliser le capital.
Moi, j'aimerais savoir, dans le cas de Cabano, quelle est la structure
de financement, c'est-à-dire combien d'argent est allé dans la
capitalisation. Quel montant est allé sous forme de subvention, pour le
comparer avec le montant ayant servi à la capitalisation, pour essayer
de voir dans quelle mesure justement l'intervention du gouvernement a
été nécessaire pour rentabiliser un tel projet?
M. Lemaire: Si on prend les investissements totaux à
Cabano, le contrôle de la pollution et ces choses-là... Il ne faut
pas oublier que les effluents sont traités conjointement avec la ville
de Cabano et l'usine. On traite les effluents de la ville de Cabano. Mais, si
on prend tout ça globalement, c'est un chiffre de $20 millions pour
Cabano. Les capitaux qui ont été mis, c'est environ $11 millions.
Il y a eu $9 millions en subventions $6 millions plus $2 300 000
en tout cas, il y a eu $8 millions en subventions gouvernementales.
M. Bérubé: En fait, les subventions ont permis de
doubler, en gros, le rendement sur le capital et l'auraient fait passer,
mettons, d'un seuil inaccep- table à un taux qui est acceptable. Quel
doit être le rendement sur le capital que vous estimez justifié
dans un secteur comme le papier journal ou le papier à cannelures pour
décider d'un investissement?
Vous devez faire le calcul.
M. Lemaire: Oui. Le rendement sur le capital... On exigerait 13%,
14%, je ne sais pas, mais c'est difficile à établir à long
terme. Il y a la question de dépréciation, etc. Je ne peux pas
vous donner exactement ce qui serait la nouvelle norme.
M. Bérubé: Vous estimeriez quand même
qu'autour de 13%, c'est raisonnable.
M. Lemaire: Oui.
M. Bérubé: Doit-on supposer qu'à ce
moment-là le rendement sur le capital évalué au moment du
lancement de Cabano était peut-être autour de 6% et qu'il fallait
donc y aller d'une injection de subventions pour arriver à le monter
à 12%, 13%?
M. Lemaire: Oui. Il y avait des grands risques à Cabano.
Les risques étaient là et il ne faut pas oublier que, dans le
traitement même des effluents, on y est allé en grand. On a un
traitement d'effluents, je pense que c'est une expérience qui a
été faite à Cabano pour prouver que c'était
possible. On était sur un lac, etc. Si vous aviez eu une usine
d'implantée ailleurs que sur un lac, les normes de l'environnement
n'auraient pas été les mêmes. Il y avait une chose
politique à Cabano. Si cela avait été seulement une
compagnie privée qui avait établi cette usine, elle ne l'aurait
pas construite à Cabano. Elle aurait été construite
ailleurs, soit sur le fleuve ou quelque chose comme ça, où les
normes de l'environnement... Il y a $7 300 000 qui ont été
dépensés pour le contrôle des effluents, ce qui aurait
peut-être pu être réalisé pour $1,5 million ailleurs.
Il faut dire ça. Il y avait la question politique. C'est pour ça
peut-être que les subventions ont été supérieures,
à cause du site et de l'implication politique, parce que c'est certain
que, si on avait regardé ça froidement comme une compagnie
indépendante, l'usine n'aurait pas été construite à
Cabano.
M. Bérubé: Oui, je vous envoie une petite vite...
Vous parlez d'implication politique et vous avez, dans votre mémoire,
tantôt, dans une de vos réponses, souligné que vous
préfériez ne pas voir d'implication politique dans ces projets.
Vous aimeriez en faire simplement une négociation d'affaires.
Est-ce que vous voulez dire par là que, dans le cas de
Val-Brillant, par exemple, vous estimez justement qu'il ne devrait pas y avoir
d'implication politique et qu'on devrait carrément laisser les
intervenants se débrouiller avec leurs problèmes et ne pas
intervenir comme tel ou si vous pensez, au contraire, que, parfois, il est
nécessaire qu'il y ait une intervention politique?
M. Lemaire: Parfois, oui. Vous savez que, comme
Québécois, on ne possède pas nos industries; nos banques
ne sont peut-être pas prêtes à financer les compagnies
indépendantes québécoises et canadienne-françaises
qui sont là. Leurs expériences ne sont pas énormes dans
cela; les risques sont grands et nos créanciers ne veulent pas les
courir. Ils demandent une garantie du gouvernement; c'est là que le
gouvernement peut intervenir parce que, pour posséder notre industrie,
si on veut se développer, ce n'est pas facile de pénétrer
cela. Même si on est une compagnie qui a treize ans d'existence, notre
fonds de roulement et notre capitalisation ne nous permettent pas de nous
lancer dans des projets comme ceux-là. Arriver aux banquiers pour
financer de tels projets, ce n'est pas facile. Il faut le dire, il faut
être francs; on n'a pas l'argent, on ne possède pas les ressources
pour les implanter.
On parle de projets de $70 millions, de $80 millions, de $90 millions,
de $150 millions; ce n'est pas facile d'avoir cela. Dans 25 ans, si on a une
progression telle qu'on en a une, peut-être que Papier Cascade pourra se
permettre quelque chose, mais, dans le moment, Papier Cascade est minime dans
l'industrie des pâtes et papiers, c'est tout petit. On ne se leurre pas
en pensant que nous sommes une grosse corporation, nous sommes tout petits,
nous sommes infiniment petits comparativement aux autres. Ce n'est pas facile
de pénétrer cela. L'aide gouvernementale pourrait peut-être
aider de ce côté. Je ne sais pas si c'est bon ou pas bon, c'est
peut-être une discrimination, je ne sais pas ce que cela peut être.
Si on veut les implanter, si on veut posséder des usines de pâtes
et papiers, c'est peut-être le moyen de les réaliser, il n'y en a
peut-être pas plusieurs autres. A moins qu'on prenne notre bas de laine,
qu'on se mette tous ensemble et qu'on commence à empiler, parce que cela
coûte cher et il n'y a pas grand chose qui peut donner les garanties pour
cela. Ce n'est pas facile de pénétrer cela. Je rêve d'avoir
des grandes usines, je pense seulement à cela, mais la
réalisation prend des années. Il faut avoir les sous pour le
faire et cela prend du temps pour ramasser des sous et le faire. Cela prend
plusieurs années, peut-être que la génération
suivante pourra réussir, mais je ne pourrai peut-être pas me
rendre là.
M. Bérubé: J'aurais une dernière question.
Vous avez eu une réflexion qui m'a un peu surpris, mais il faut quand
même dire que vous n'êtes pas le premier à l'avoir
souligné. Vous avez dit: II faut peut-être attendre la bonne
technique avant de se lancer dans un programme de modernisation. J'ai
l'impression que, pour faire une affirmation de ce genre, il faut pratiquement
sous-entendre que la technologie ne progresse pas continuellement,
c'est-à-dire qu'il y a des paliers et que vous avez l'impression
présentement qu'on est en train de trouver de nouvelles technologies et,
après cela, probablement que cette technologie va se stabiliser, pour
arriver à énoncer une telle phrase, parce que, si, au contraire,
on suppose que la technolo- gie est en évolution continuelle, cela
pourrait vouloir dire et cela pourrait même être une excuse pour ne
jamais introduire la moindre technologie nouvelle. Or, tout votre
mémoire est à l'inverse, c'est-à-dire que vous avez
suggéré que le gouvernement devrait financer la nouvelle
technologie, devrait aider les industries à introduire la nouvelle
technologie. C'est la base de votre mémoire et, à un moment
donné, vous dites: Oui, mais, d'un autre côté, n'y allez
pas trop vite parce que, peut-être, la technologie nouvelle n'est pas
prête. Là, j'ai eu l'impression qu'il y avait une contradiction
interne dans votre mémoire, j'ai l'impression qu'elle n'est pas dans
votre tête; j'aimerais que vous puissiez l'expliciter.
M. Lemaire: La technologie, dans les pâtes et papiers, a
été très lente à changer. Vous avez le
système Fourdrinier qui a été inventé en 18... et,
encore il y a cinq ans, le système Fourdrinier était la seule
manière de faire du papier journal, avec un Fourdrinier. On a
changé cela, le "papri former" est venu, ce fut une technique qui a
été changée. Les usines ont été construites
dans des endroits où il y avait des chutes parce que c'étaient
toujours les meules qui faisaient le bois; on meulait le bois pour faire le
papier journal. La technique est restée; il y a deux ou trois ans qu'on
essaie de développer le thermomécanique. Les changements dans le
papier journal, on ne peut pas dire qu'ils sont rapides. Je dis qu'il y a un
autre changement qui est la section des séchoirs. La machine qui
était à Kingsey Falls quand j'y suis arrivé avait
été bâtie en 1890 et avait des séchoirs comme les
machines qui sont construites aujourd'hui. La pression n'a que peu
changé, mais c'était le même principe. Ce principe n'a pas
été changé depuis près de 100 ans, je dis que ce
principe va peut-être être changé; c'est prouvé dans
le tissu, dans le papier de toilette, dans le kleenex, ce n'est plus
séché sur un séchoir, c'est séché à
l'air forcé; cela se fait. Les machines fonctionnent à 6000 pieds
dans ce domaine, mais je dis que, dans le papier journal, les machines vont
venir à fonctionner à 6000 pieds avec cette technique. C'est
cette technique qui devrait être développée. J'ai
mentionné seulement celle-là; dans les autres, il va y avoir des
changements, mais des changements majeurs dans la fabrication du papier... Si
vous prenez le papier journal, si vous réussissez à le fabriquer
avec de la pâte thermomécanique, un "papri former" et un "papri
dryer", cela veut dire que ce qu'on faisait il y a dix ans est
complètement changé.
Je dis que cette technique-là va peut-être être
changée. C'est la seule qui n'a pas encore été
changée et il y a un changement majeur à faire. On est
peut-être bon pour qu'il n'y ait pas de changements majeurs dans la
fabrication du papier journal d'ici 30 ou 40 ans.
M. Bérubé: Alors, vous croyez que,
présentement, au moins en ce qui a trait au thermomécanique et
à la fabrication de papier avec les machines à double toile, la
technologie est peut-être
stabilisée pour au moins dix ou quinze ans et qu'au niveau du
séchage il y a une possibilité d'ouverture pour l'avenir? Je vous
remercie infiniment, MM. Lemaire et Pelletier.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
Mégancit-Compton.
M. Grenier: Merci, M. le Président. M. Lemaire, vous avez
fait le portrait d'un homme fort dynamique et fort décidé au
Québec. Votre expérience n'est peut-être pas très
longue, mais elle témoigne d'un homme qui est allé de l'avant
depuis 1964. Est-ce que vous étiez dans le milieu avant 1964?
M. Lemaire: Oui, dans le milieu du papier de rebut. J'ai fait
quatre ans à l'université, mais je n'ai jamais fini mon cours
d'ingénieur. Je suis allé avec mon père. Mon père a
commencé dans le ramassage des vidanges et la récupération
des vieux papiers. Je suis allé avec mon père dans la
récupération des vieux papiers. J'étais un "dealer de
wastes", comme on dit en anglais. Je vendais et j'achetais du vieux papier de
rebut aux Etats-Unis. C'est de cette manière que j'ai commencé.
Un jour, j'ai dit à mon père: Au lieu d'aller vendre nos papiers
de rebut aux Etats-Unis dans de petites usines, il y a un moulin qui est
fermé à Kingsey Falls depuis sept ans, pourquoi ne
rachèterions-nous pas? Pourquoi ne prendrions-nous pas nos papiers de
rebut plutôt que de les vendre pour les transformer sur place? C'est
comme cela que j'en suis venu au papier.
M. Grenier: Un technicien du milieu... un peu par obligation.
M. Lemaire: On est encore dans le domaine du papier de rebut. Une
de nos grosses affaires actuellement, c'est encore le papier de rebut. On
exploite le papier de rebut. On a des installations. On a tout près de
200 installations pour la récupération des papiers de rebut dans
tous les magasins à succursales, dans toutes les grosses industries
comme General Motors. On récupère encore les papiers de
rebut.
M. Grenier: Est-ce qu'il y a encore place pour développer
passablement le papier de rebut?
M. Lemaire: Oui, cela se développe continuellement. C'est
une technique qui avance assez vite. Cela se développe et tous les
gens...
M. Grenier: II y a du gaspillage. Il y a vraiment du papier qui
ne sert pas une seconde fois?
M. Lemaire: Oui. On récupère seulement 20% à
25% ici. Il y a des endroits, comme en Allemagne, qui en sont à 60% de
récupération du papier. On est encore loin d'avoir atteint
notre...
M. Grenier: Maximum. M. Lemaire: Oui.
M. Grenier: Vous avez parlé assez largement de Cabano.
Vous avez acquis Kingsey Falls en 1964?
M. Lemaire: Oui.
M. Grenier: Vous avez combien d'employés à Kingsey
Falls?
M. Lemaire: On doit avoir environ 250 employés.
M. Grenier: Autant que cela? M. Lemaire: Oui.
M. Grenier: Avez-vous des difficultés d'approvisionnement?
Je pense que le matériel de base n'est pas le même, mais avez-vous
plus de difficultés d'approvisionnement à Kingsey Falls
qu'à Cabano?
M. Lemaire: Non. Comme je vous l'ai dit, on contrôle nos
approvisionnements de papier à rebut. On a commencé avec le
papier de rebut et on a toujours gardé nos sources d'approvisionnement.
On les contrôle nous-mêmes. On a nos propres installations. On
n'est pas obligé de passer par personne. On s'approvisionne. Cabano est
approvisionné aussi en papiers de rebut par des installations qu'on
possède. Tout notre marché est intérieur dans le moment.
On contrôle nos prix. Ce sont des contrats à long terme. C'est la
base. De cette manière, on est assez bon dans cette partie. C'est la
vente qu'on ne contrôle pas encore. On va essayer.
M. Grenier: Vous avez dit que vous n'aviez pas de syndicat
à Cabano. Est-ce que vous avez un personnel syndiqué à
Kingsey Falls?
M. Lemaire: Non. A aucune de nos usines. A Victoriaville non
plus, on n'a aucune...
M. Grenier: Avez-vous senti, depuis le début de vos
opérations, peut-être pas des grèves, mais des
ralentissements dans le travail?
M. Lemaire: Non.
M. Grenier: A certaines périodes de l'année,
certaines années?
M. Lemaire: On a des ralentissements de travail. On essaie de
garder nos employés même s'il y a un ralentissement de travail. On
essaie de trouver de l'ouvrage aux employés, de les garder sur place,
sans les mettre au chômage. C'est de cette manière qu'on
fonctionne. Chez nous, à Kingsey Falls, tous les employés
participent aux profits. Je pense que le problème est résolu de
ce côté-là. Les employés sont tellement
motivés à cause de cela, le partage des profits... Il y a un bon
partage des profits. Maintenant que la compagnie est assez stable
financièrement, on peut se permettre de partager les profits. Avant, on
réinvestissait tou-
jours nos profits. C'est toujours ce que j'ai dit à mes
employés: On va réinvestir nos profits, vous allez avoir quelque
chose, vos emplois vont être protégés pour des
années à venir. Maintenant que la compagnie est assez stable, on
peut partager une partie des profits avec les employés. C'est comme cela
qu'on voit l'opération.
M. Grenier: J'ai une question peut-être un peu technique.
Vous avez des installations qui se servent des produits de base comme l'huile
et d'autres qui peuvent s'alimenter avec des copeaux. Est-ce que c'est un
système à l'huile que vous avez ou est-ce...?
M. Lemaire: Oui, nous employons beaucoup d'huile.
M. Grenier: Recommanderiez-vous au gouvernement de faire des
transformations pour en venir à se servir de copeaux plutôt que de
cette huile qui a l'air de diminuer?
M. Lemaire: Au prix où est l'huile maintenant, il y a
possibilité d'utiliser les résidus de bois. Je songe
sérieusement à faire une installation à Kingsey Falls qui
utiliserait tous les résidus, (es vieux "skid"; vous savez, cela a
été un gaspillage épouvantable, ce qui pourrait être
récupéré, comme dans la région de Victoriaville, il
y a beaucoup de bois, les manufactures de meubles ont beaucoup de
résidus de bois. On songe à utiliser ça; avant, ça
n'était pas possible, quand tu payais l'huile lourde à $0.06 le
gallon, il n'y avait rien de possible en installations, mais à $0.30
à peu près le gallon, vous pouvez faire des réalisations,
et ainsi économiser l'énergie. Cela va venir, je pense que
l'économie fait que comme compagnie privée, on pense à
avoir des sources où on pourrait économiser de l'argent,
ça va se faire automatiquement.
M. Grenier: Du côté du transport de vos
matériaux vers vos usines, est-ce qu'il y a des différences de
prix entre Cabano et Kingsey Falls? Par exemple, est-ce que vous avez plus de
difficultés ou si c'est plus dispendieux? Est-ce qu'il y a des
problèmes propres à Cabano qui ne sont pas ceux de Kingsey
Falls?
M. Lemaire: A Kingsey Falls, on contrôle toute notre propre
flotte de camions, soit une centaine de camions pour faire tous nos transports.
Mais on est près de nos marchés; quand on arrive à plus de
500 milles du marché, le chemin de fer devrait être plus
économique, selon mon calcul. Dans le moment, cela ne l'est pas tout le
temps. Mais cela l'est aux Etats-Unis, aussitôt que tu dépasses
400 ou 500 milles, le chemin de fer est meilleur marché que le camion.
Mais on ne s'aperçoit pas de ça à Cabano; même pour
la région de Chicago, on peut y aller par camion et ça
coûte moins cher que le chemin de fer. Cela ne devrait pas exister,
ça n'a aucun sens, que le chemin de fer ne puisse pas arriver avec des
distances de 900 à 1100 milles à coûter plus cher que le
camion.
Une chance qu'on a l'avantage d'aller charger aux Etats-Unis, on
n'expédie pas ces marchés par camion, c'est trop dispendieux,
quand on peut avoir le chemin de fer des Etats-Unis. Il y a des usines qui
pourraient être implantées ailleurs, elles n'ont pas ces
avantages; nous avons l'avantage, mais j'ai peur qu'un bon matin, les
Américains se réveillent et disent: Ils ont $20 la tonne de
l'autre côté; ils vont monter leurs prix. Dans le moment, on a un
taux, mais ils sont d'affaires, ils vont savoir qu'on paye moins cher, on a
peur que nos prix augmentent. Si le Canadien National était
compétitif à $5 ou à peu près, mais c'est une
grande différence, $20 a peu près de différence, il y a un
moyen jeu à faire.
Si on était près d'une base compétitive, dans le
moment, il n'y a aucune compétition, ce n'est pas croyable la
différence.
M. Grenier: Je n'avais pas d'autres questions. Je voudrais vous
inviter une fois à venir siéger autour de cette table, en tant
que député d'un comté, et venir défendre les
intérêts que défend le député de
Brome-Missisquoi de la petite et de la moyenne industrie. C'est plus digne de
foi, quand on est assis ici, pour les députés en tout cas, de
venir défendre ça. Cela irait peut-être à
l'encontre, non pas de l'actuel gouvernement, mais des anciens et de l'actuel,
de fonctionnaires qui préfèrent les grosses boîtes dans
tous les secteurs à de petites boîtes comme vous en avez
là-bas et qui font la preuve d'un sain fonctionnement. Je vous
félicite et je vous remercie.
M. Lemaire: Je vous remercie de l'invitation, mais...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup, M. Lemaire et les représentants de Papier Cascade Inc., pour
votre participation aux travaux de cette commission parlementaire.
J'inviterais maintenant l'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec à venir présenter son mémoire.
Est-ce que le porte-parole de l'Ordre des ingénieurs pourrait se
présenter et présenter ceux qui l'accompagnent, s'il vous
plaît?
Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec
M. Godbout (Claude): M. le Président, MM. les
députés, je m'appelle Claude Godbout et je suis le
président de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.
Je suis accompagné de M. Jacques Bray, à ma gauche,
vice-président; de M. Pierre Villeneuve, trésorier; et à
ma droite, M. Marc Côté, secrétaire.
L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec est heureux de
l'occasion qui lui est offerte de venir devant cette commission et d'apporter
ses suggestions afin de rétablir la capacité concurrentielle de
l'industrie des pâtes et papiers du Québec.
Ce n'est en effet un secret pour personne que ce secteur industriel est
malade, et nous espérons contribuer, à notre façon,
à lui redonner sa vitalité.
Vous comprendrez facilement que les ingénieurs forestiers sont
très intéressés par tous les problèmes et les
décisions qui touchent, de près ou de loin, la forêt. Ces
dernières années, plusieurs concepts ont transformé la
foresterie traditionnelle. Nous y avons participé de notre mieux en
insistant, entre autres, sur la nécessité d'un zonage
intégré du territoire, de l'aménagement polyvalent des.
forêts et d'un aménagement du territoire, réalisé
via le développement communautaire.
Plus récemment, lors de notre congrès annuel, nous avons
voulu insister sur le fait qu'il doit y avoir, entre l'aménagement des
forêts, d'une part, et les modes de gestion, ainsi que la technologie
d'exploitation et de transformation, d'autre part, une interaction constante.
Dès demain, des ingénieurs forestiers se pencheront sur
l'état de la régénération en forêt.
Bien entendu, nous sommes conscients que l'aménagement des
forêts n'a de sens que dans le contexte de l'utilisation des ressources
de cette même forêt. La transformation de fibres de bois en
pâtes et papiers constitue en effet une des utilisations les plus
importantes de la forêt. En ce sens, elle influence
considérablement l'aménagement de ces mêmes
forêts.
Avant d'aller plus loin, je pense que vous serez
intéressés à connaître le processus
d'élaboration d'un tel mémoire, dans un organisme comme le
nôtre. Ce mémoire a d'abord été
élaboré en comité et ensuite, approuvé par le
bureau de l'ordre. Par la suite, il a été envoyé à
tous les membres et soumis à la discussion lors de notre dernier
congrès annuel. Ce consensus des ingénieurs forestiers du
Québec est d'autant plus intéressant à signaler que nos
membres se recrutent dans tous les secteurs d'activités ayant trait
à la forêt, travaillent, pour la plupart, dans des organismes
intervenant en forêt et sont répartis dans toutes les
régions du Québec.
Je ne me propose pas ici de lire le mémoire en entier. Je me
contenterai d'en lire l'introduction et les recommandations et de
répondre ensuite à vos questions. Je serai heureux de
préciser alors notre pensée sur les divers points que vous
voudrez nous voir éclaircir. C'est d'ailleurs dans cette optique que
notre mémoire a été écrit.
L'introduction. L'Ordre des ingénieurs forestiers du
Québec reconnaît l'importance de l'industrie des pâtes et
papiers au Québec. L'activité économique qu'elle
génère et les emplois qu'elle fournit en font une industrie
majeure influençant la santé économique de tout le
Québec. Son importance lui vient aussi de ce qu'elle utilise la
matière ligneuse sous différentes formes, qu'elle peut
s'accommoder de bois de faibles dimensions et qu'elle s'approvisionne à
partir de diverses sources. Elle constitue de ce fait un instrument des plus
intéressants pour une mise ne valeur de la forêt et pour une
utilisation plus complète de la matière ligneuse.
Par ailleurs, l'ordre est également conscient des
problèmes que vit cette industrie depuis quelques années,
à savoir la difficulté de rester en compétition, celle de
pénétrer de nouveaux marchés, une rentabilité
relativement faible ainsi que la difficulté de s'adapter aux normes de
protection de l'environnement. Ces dernières ont contribué
à accentuer le problème de cette industrie. Nous estimons donc
qu'à cause de son importance pour le Québec, il est essentiel que
ce secteur industriel retrouve rapidement son dynamisme et sa
rentabilité et qu'il reprenne sa place sur le marché.
En tant qu'organisme regroupant les ingénieurs forestiers du
Québec, nous nous attacherons en particulier aux aspects des
thèmes proposés ayant trait à la production et à la
récolte de la matière ligneuse. Il faut cependant rappeler que si
ce domaine est davantage de notre ressort, et fait partie du champ de
compétence de nos membres, bon nombre d'entre nous s'occupent de
transformation et d'utilisation des bois dans différents types
d'industries.
Les recommandations maintenant. Compte tenu de l'importance de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec et considérant
les problèmes que cette industrie vit depuis quelques années, il
nous apparaît urgent que des mesures soient prises pour redonner à
cette industrie son dynamisme et sa rentabilité. En conséquence,
l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec recommande: 1) que
l'Etat reconnaisse les interrelations entre l'aménagement de la
forêt, la transformation des bois et la mise en marché des
produits et que toute stratégie industrielle dans la transformation des
bois soit basée sur leur coordination. 2) Que l'approvisionnement des
usines de transformation soit relié à un aménagement de la
forêt, au moins selon le rendement soutenu.
Dans cette optique, après coupe ou toute perturbation importante,
la forêt accessible devra être rétablie adéquatement
afin d'assurer la pérennité du stock ligneux de qualité.
3) Que des politiques gouvernementales soient mises de l'avant afin de diminuer
le coût d'approvisionnement en matière ligneuse des usines de
transformation à moyen et à court terme, entre autres par une
meilleure orientation du mouvement de la matière ligneuse et par un
aménagement intensif des forêts à proximité des
usines. 4) Que les coûts imputables au l'établissement de la
forêt soient considérés comme des déboursés
liés à la récolte des bois, qu'ils soient compris dans les
redevances versées à l'Etat et qu'ils soient utilisés aux
fins prévues. 5) Que l'Etat et l'industrie se penchent dès
maintenant sur les possibilités d'utilisation des feuillus à
pâte afin d'orienter l'aménagement de nos forêts en fonction
des besoins et des possibilités de ce marché. 6) Que le conseil
de la recherche et du développement forestiers soit reconstitué
et qu'on lui fasse jouer le rôle de coordination prévu. 7) Qu'une
politique de main-d'oeuvre forestière soit élaborée sans
tarder afin de résoudre les
problèmes de disponibilité et de motivation de la
main-d'oeuvre spécialisée en forêt. 8) Que des formules
soient élaborées pour faciliter l'association de l'industrie du
sciage et de celle des pâtes et papiers tant au niveau de la
récolte qu'au niveau de la coordination des approvisionnements.
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci
beaucoup. M. le député d'Arthabaska.
M. Baril: Je tiens à vous féliciter, monsieur, de
la façon dont vous avez constitué ce mémoire. Il
reflète certainement les problèmes de coupe, de transformation et
d'aménagement des forêts québécoises. Une bonne
partie de votre mémoire traite de l'aménagement, et l'on voit
facilement que vous y attachez une très grande importance pour assurer
un approvisionnement futur. J'aurais aimé peut-être que vous
traitiez également de l'environnement, de la protection du milieu et
aussi du désintéressement de certaines compagnies de voir
à garder leurs industries en santé par le perfectionnement et la
transformation.
Vous parlez beaucoup de la nécessité d'avoir recours
à l'aménagement intensif des forêts à
proximité des usines pour améliorer à court terme certains
problèmes de l'industrie. Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que le
recours à l'aménagement intensif des forêts situées
près des usines peut réduire le coût du bois?
M. Godbout: En bref, je peux peut-être faire un
résumé. On peut dire que, dans le coût du bois, à
l'usine, le transport est quand même un élément très
important. En plus, dans le coût du bois qui vient de loin, qui vient des
forêts publiques nordiques, en plus d'avoir un élément de
transport, il y a des éléments de coûts qui ne sont pas
présents à la forêt à proximité des usines.
On pense aux coûts d'accessibilité, en termes de routes; on pense
aux coûts de camps, qui ne sont pas là. Ce qu'on dit, c'est que
les forêts à proximité des usines, le bois qui vient de ces
forêts coûte moins cher, c'est bien sûr, que le bois qui
vient du nord. Si on pouvait augmenter la proportion de bois qui vient des
forêts à proximité des usines, la moyenne de coûts
c'est ce qui compte vraiment s'en trouverait diminuée.
Pourquoi parler d'aménagements intensifs? Je pense que tous les
forestiers savent que la forêt à proximité des usines se
prête le mieux à cet aménagement. Les sols y sont les plus
productifs et l'accessibilité y est assez grande aussi, parce qu'on se
doute bien que pour aménager une forêt, il ne suffit pas de savoir
qu'elle est proche, il faut pouvoir y aller et la traiter. Le réseau
routier est installé. La main-d'oeuvre est disponible. Quand on parle
des forêts à proximité des usines, on parle aussi bien des
forêts privées parce qu'elles sont toutes à
proximité des usines finalement, que des forêts publiques, d'une
certaine partie des forêts publiques qui sont à proximité
des usines.
Je ne sais pas si cela répond à votre question ou si vous
voulez avoir des précisions supplémentaires.
M. Baril: Oui, cela y répond jusqu'à un certain
point. A court terme, avec le problème que l'industrie des pâtes
et papiers vit actuellement, croyez-vous que l'on doive attacher la même
importance à la ressource elle-même qu'à sa transformation,
à sa mise en marché? La reconstitution ou l'aménagement de
nos forêts, c'est entendu qu'on aurait dû les faire bien avant
cela. On n'aurait peut-être pas les problèmes qu'on a aujourd'hui.
C'est pour cela qu'actuellement vous insistez beaucoup sur l'aménagement
des forêts à proximité des usines, mais, pour tout de
suite, cela ne règle pas notre problème.
M. Godbout: D'accord. C'est bien sûr que notre domaine
d'activité se concentre surtout en forêt, et non pas dans les
usines de transformation de papier ou dans les marchés. C'est dans ce
sens que le mémoire a été conçu. C'est bien
sûr aussi que ce n'est pas demain matin qu'on va avoir des
résultats de l'aménagement des forêts. Il y a
peut-être moyen de faire certains travaux sylvico-les, de faire certaines
coupes particulières, des éclaircies pour récupérer
un peu plus de bois, mais ce n'est pas demain que le grand boum va venir. Je
pense qu'il faut commencer un jour dans ce sens. Je peux quand même vous
rappeler que cela fait plusieurs années que les ingénieurs
forestiers parlent du problème de la dégradation des forêts
du sud du Québec. En 1949, dans un mémoire, on signalait le
problème; ce n'est pas d'hier, c'est de 1949. Si on avait fait quelque
chose à ce moment, aujourd'hui, on aurait des forêts très
productives et très belles dans le sud du Québec, et les
coûts d'approvisionnement seraient sûrement inférieurs
à ce qu'ils sont actuellement. On ne l'a pas fait. Maintenant, qu'est-ce
qu'on va faire? Je ne dis pas que la solution est à court terme.
J'admets qu'il y a un problème qui est à court terme. Si on veut
aménager des forêts, le problème est aussi à long
terme. Il ne faut pas perdre de vue le long terme uniquement pour du court
terme. On parle aussi dans notre mémoire d'un aspect à plus court
terme qu'on appelle l'orientation des bois. Je pense qu'il y a beaucoup de
mouvement de bois dans la province. On parle de bois ou de matières
ligneuses sous différentes formes. Sûrement, une meilleure
orientation de ces bois pourrait contribuer à diminuer le coût de
transport.
M. Baril: Pourquoi, selon vous, n'a-t-on jamais fait
d'aménagement intensif au Québec dans le passé? A quoi
cela est-il dû? Est-ce parce qu'on prévoyait que c'était
inépuisable?
M. Godbout: Je ne le sais trop. Je suis quand même assez
jeune pour ne pas avoir été là en 1949. Je pense qu'on
peut dire qu'il y a peut-être eu d'autres priorités à ce
moment. Nous, comme ingénieurs forestiers, avons signalé ce
problème en 1949. Certes, le problème a été
signalé en 1949, mais les problèmes réels et aigus ne se
sont pas produits avant plusieurs années, c'est bien sûr. De la
même façon que cela prend du temps pour dégrader une
forêt, cela prend du temps pour la re-
construire aussi. C'est pour cela que l'apparence d'une forêt
dégradée, cela prend du temps à paraître et à
se faire sentir sur les coûts et les volumes. Quand on l'a on est
"poigne" et cela prend du temps. Maintenant, pourquoi cela n'a-t-il pas
été fait? Je ne le sais pas. Je pense qu'il y a eu une foule de
circonstances. Il y a eu des priorités ailleurs. Il y a eu une foule de
choses.
M. Baril: Vous dites que l'Ordre des ingénieurs a fait des
recommandations en 1949.
M. Godbout: Entre autres. On en a aussi fait en 1972.
M. Baril: Est-ce qu'il y a des compagnies qui en ont tenu compte
de ces recommandations ou si aucune compagnie n'a tenu compte de ces mises en
garde?
M. Godbout: Je pense que la mentalité en
général, à ce moment, n'était pas propice à
l'aménagement intensif. On trouvait que cela coûtait cher. En
fait, cela coûte effectivement assez cher aussi.
Je pense aussi que le régime fiscal c'est un peu ce qu'on
signalait aussi en 47 et en 62 n'était pas propice à
ça. Les gains que les compagnies pouvaient avoir en améliorant
leur forêt étaient quand même assez peu tangibles. Elles
marchaient sur un système de concessions. Elles avaient tout le bois
qu'il leur fallait. Pour quelle raison voudraient-elles avoir plus? Je pense
qu'il y a eu différentes choses.
M. Baril: Etes-vous au courant si, dans d'autres pays, les
gouvernements ou l'Etat oblige les compagnies à reboiser ou à
refaire l'aménagement?
M. Godbout: Effectivement, disons qu'on peut prendre les autres
provinces du Canada d'abord. Je suis au courant qu'en Alberta la politique
gouvernementale veut que, quand elles coupent un arbre, elles plantent un
arbre. En Ontario, ce n'est pas encore tout à fait ça, mais il y
a des obligations afin de voir que la forêt se
régénère et le gouvernement donne des subventions à
cet effet.
Si on prend maintenant d'autres pays, les pays Scandinaves comme la
Finlande ou la Suède, il est illégal même sur un terrain
privé, de couper du bois sans voir à son remplacement. C'est un
peu ce qui a amené finalement... C'est bien sûr que, quand on
plante des arbres, on ne plante pas des arbres qu'on avait auparavant. On
plante de meilleurs arbres. On a un choix, à ce moment-là, et les
rendements sont de beaucoup plus forts. J'avais des chiffres récemment
qui démontraient que la Suède, par exemple pour ne citer
que quelques chiffres en 1920, en termes de stock ligneux, en termes
d'inventaire de bois sur pied, avait près de 60% moins de bois qu'elle
en a actuellement... autrement dit, ce pays à augmenté son
inventaire en forêt tout en augmentant sa coupe tout près de la
moitié dans cet intervalle aussi. Les Suédois ont augmenté
leur coupe et leur inventaire. En plus, ils ont augmenté leur
diamètre moyen tout près de 50%. Non seulement ils ont
augmenté tout ça, mais ils ont augmenté leur
diamètre moyen. Ils ont du bois pour le sciage. Ils n'ont pas seulement
de l'épinette assez mince, assez faible de diamètre pour la
pâte. On voit un peu ce que ça peut donner comme rendement. C'est
bien sûr qu'en 1920 ils savaient que c'était pour donner des
résultats seulement en 1950, 1960, mais ils l'ont fait quand
même.
Il y a d'autres pays. On pense au sud des Etats-Unis, où il y a
eu un reboisement assez considérable dans les années trente.
Actuellement, ils tirent profit de ça.
M. Baril: Si on tient compte de ce que vous dites, est-ce que
ça pourrait répondre aux questions qu'on se pose souvent,
à savoir pourquoi les compagnies s'en vont investir ou
réinvestissent plus dans d'autres pays qu'elles n'investissent ici si,
ici elles n'ont pas été tenues de reboiser et elles l'ont fait
ailleurs? Ici, en réalité, elles n'ont rien fait de ça et
ont laissé aller les usines pour augmenter ailleurs, c'est parce
qu'elles se sont occupées du reboisement, c'est plus profitable qu'ici.
Est-ce que ce serait une raison...
M. Godbout: En fait, il y a peut-être plusieurs raisons.
D'abord, on a souvent dit, depuis quelques années, que la forêt
ici était surtout en termes d'exploitation et non pas
d'aménagement; alors qu'ailleurs, c'est beaucoup plus pensé en
termes d'aménagement de la forêt. La décision d'une
entreprise d'investir ailleurs ou ici est basée quand même sur des
chiffres qu'elle a et sur des projections de coût, de prix de vente et de
quantité. Mais, en général, elle a quand même une
optique qui est relativement à court terme par rapport à ce que
doit avoir l'Etat. Maintenant, pourquoi une entreprise va-t-elle ailleurs?
C'est peut-être pour cette raison.
Si on pense au sud des Etats-Unis, ce n'est sûrement pas
étranger à ça, le fait que les gens aient planté
beaucoup d'arbres dans les années trente et, aujourd'hui, ils en
plantent encore plus, et des arbres de qualité supérieure avec un
rendement accru.
Tout cela leur donne de très belles forêts et vous pouvez
vous imaginer que leurs coûts de ré-colte sont quand même
assez faibles parce que des beaux arbres droits, en ligne, qui ont
été plantés sur un terrain planche, cela se ramasse tout
seul; à peu près. Cela aide beaucoup.
M. Baril: Vous suggérez dans votre mémoire
d'imputer à l'industrie le coût de l'établissement de la
forêt. Avez-vous considéré quel serait l'impact d'une telle
politique sur l'industrie des pâtes et papiers?
M. Godbout: Ce qu'on dit, dans notre mémoire, ce n'est pas
d'imputer à l'industrie le coût de l'établissement de la
forêt; on dit que plutôt que de se demander si cela vaut la peine
de rétablir la forêt après coupe, de savoir si c'est
rentable ou
non et de calculer en termes d'investissement et de rentabilité
économique, etc., ... On dit que cela doit être un principe
établi qu'après coupe ou après perturbationlà
on veut dire surtout les feux, les chablis et les épidémies
peut-être on devrait voir à ce que la forêt soit
rétablie adéquatement. On dit dans notre mémoire que ceci
ne devrait pas être considéré comme un investissement, mais
comme un déboursé; autrement dit, c'est un genre de droit de
couper. On dit à l'exploitant: Tu peux aller couper, mais à
condition que tu nous remettes le sol, la forêt, dans une même
capacité de production. Ce qu'on veut préciser dans ce premier
aspect, c'est que c'est un déboursé et non pas un investissement;
il s'agit de savoir si c'est rentable ou non parce qu'il y a quand même
une perte de capital si on ne le fait pas.
Deuxième aspect: on dit que cela devrait être compris dans
les redevances payées à l'Etat, on ne dit pas ajouté. Cela
peut être parfois ajouté, parfois compris. Je pense qu'il faut
tenir compte de la capacité concurrentielle de l'industrie, il faut
tenir compte de la capacité de payer des différentes usines, mais
on veut quand même que ce montant soit payé obligatoirement.
Dernier point qu'on signale, on veut qu'il soit utilisé aux fins
prévues. Exemple, cela pourrait vouloir dire que si le droit de coupe
actuel de $5 le cunit... Il n'y a rien dans notre mémoire qui indique
qu'il doit être augmenté pour payer le l'établis- sement de
la forêt, cela peut vouloir dire qu'il y a $2 de ceux-ci qui sont
immédiatement réinvestis en forêt, mais cela peut aussi
vouloir dire $2 de plus; cela dépend un peu des conditions de chaque
industrie et de la capacité concurrentielle. Ce n'est pas notre
intention, dans un objectif à long terme d'aménagement intensif
des forêts, de vouloir, à court terme, mettre l'industrie par
terre; je pense qu'il est quand même important de se le rappeler.
M. Baril: Vous suggérez qu'on devrait augmenter les droits
de coupe aux compagnies, c'est cela?
M. Godbout: Non, on dit que dans les redevances devrait
être inclus un montant qui est prévu et réservé pour
rétablir la forêt. Ceci peut ou ne peut pas impliquer une
augmentation de droits de coupe, selon la situation de l'industrie, la
capacité de payer et ce que l'Etat peut faire là aussi.
M. Baril: Dans votre mémoire, vous en parlez et beaucoup
d'autres en parlent aussi, on dit que pour les compagnies cela leur coûte
plus cher de s'approvisionner sur les lots publics que sur des boisés
privés. Si c'est vrai, comment expliquez-vous qu'on ne s'approvisionne
pas plus sur les boisés privés? Les membres de la
Fédération des producteurs de bois sont venus et ils se
plaignaient qu'ils étaient maltraités par les compagnies parce
que, à tout moment, il y avait des coupures de contrat. Combien
connaît-on de producteurs, d'agriculteurs qui ont du bois qui pourrit le
long du chemin. Si cela leur coûte meilleur marché, comment
expliquez-vous qu'ils n'utilisent pas ce bois?
M. Godbout: Ils ont peut-être des raisons propres, en
particulier, on peut penser qu'ils ont quand même des investissements,
des installations de faites en forêt publique.
C'est sûr qu'une compagnie qui est organisée avec de la
machinerie, même si cela lui coûte un peu plus cher, peut quand
même utiliser ce qu'elle a. Si elle n'utilise pas ce qu'elle a, cela
revient très cher à ce moment-là. Je crois qu'il y a une
phase d'ajustement qui peut être pensée.
M. Baril: A la page 13, vous parlez des feuillus. Vous dites:
"L'utilisation des feuillus à pâte subit l'importante contrainte
des barrières tarifaires imposées par les Etats-Unis pour
l'exportation des papiers fins vers ce pays? Pourquoi? Est-ce parce qu'ils en
produisent plus que nous?
M. Godbout: Je pense que les papiers fins sont un peu
différents des autres types de papiers. En général, il y a
beaucoup plus de barrières tarifaires pour les papiers fins que pour les
autres types de papiers et, en fait, je pense qu'on en produit assez. On a
quand même dit que les Américains vendaient du papier fin ici, en
dépit de la douane et des transports. On veut quand même signaler
qu'au point de vue des feuillus, dans certains coins de la province, il y a une
augmentation de la quantité des feuillus après coupe. Au lieu de
revenir en résineux, cela revient souvent en feuillus. Actuellement,
souvent, pour ces feuillus, il n'y a pas d'utilisation en vue. C'est vraiment
un problème très grave. Ou bien on s'organise pour les utiliser,
à ce moment-là, c'est très bien, mais il faut s'y
préparer. Ou bien la forêt, la nouvelle forêt, sera une
forêt non utilisable. Ce n'est pas souhaitable à ce
moment-là.
M. Baril: Avez-vous des calculs ou des estimations approximatives
pour savoir combien il se perd de feuillus, combien il en reste dans le bois,
annuellement?
M. Godbout: Je ne le sais pas, mais ce que je peux dire assez
rapidement, c'est que, si on prend la coupe des feuillus par rapport à
la coupe des résineux, on s'aperçoit qu'il n'y a aucune mesure
entre les deux. Il y a un rapport de sept à un. Pour un million de
cunits de feuillus, il y en a neuf de résineux dans la province, en
général. Les chiffres sont par ordre de grandeur, mais il y a un
rapport de six ou sept à un, alors que la forêt est quand
même dans une proportion un peu différente, de trois à
cinq, ou quelque chose du genre. Il s'en perd parce qu'ils restent sur pied. Il
s'en perd aussi parce qu'ils en contiennent probablement trop et sont
considérés comme non exploitables. Un exploitant n'ira pas dans
un peuplement de feuillus s'il n'y a que quelques tiges de sapin. Il va laisser
le sapin là et le feuillu aussi. C'est de la forêt quand
même, mais c'est de la forêt non utili-
sée et non utilisable actuellement. Le point important, c'est de
savoir ce qu'on va en faire. Si on prévoit ne rien en faire, on a un
problème assez grave sur les bras.
M. Baril: Oui, parce que vous disiez, entre autres je ne
me souviens pas de la page qu'on devrait l'orienter vers du
déroulage?
M. Godbout: Non... M. Baril: Du sciage?
M. Godbout: Disons que le problème des feuillus au
Québec se divise en deux grandes zones; il y a la zone des feuillus dans
la partie sud du Québec, c'est-à-dire le nord de Montréal
et l'Outaouais où il y a beaucoup de feuillus à déroulage
et à sciage: bouleau jaune, pin, ce dernier n'est pas un feuillu, mais
considéré comme un feuillu, et d'autres essences similaires,
orme, ainsi de suite. C'est la zone des feuillus, et dans cette zone, les
feuillus sont des feuillus non pas à pâte, mais des feuillus
à déroulage et à sciage. Le bouleau jaune, on ne le
ramasse pas pour la pâte, on le ramasse pour le déroulage et le
sciage.
C'est une zone qui devrait être aménagée pour ces
bois, parce qu'on pense qu'il est souhaitable d'avoir une diversification
industrielle; s'en aller vers le sciage de résineux, ce n'est
peut-être pas bon. Il y a quelques usines de sciage de bouleaux jaunes,
de pins blancs, de bouleaux blancs, d'ormes, de hêtres, ainsi de suite.
Mais quand vous prenez des usines de sciage, pour qu'on ait une diversification
industrielle, il faut avoir la ressource, et actuellement, la ressource de
feuillus en termes de déroulage et de sciage est décroissante.
C'est malheureux à dire, mais c'est décroissant. Le
problème est tout à fait différent pour la zone des
feuillus nordiques, ceux qu'on appelle des feuillus à pâte, le
tremble, le bouleau blanc qui est de qualité plus ou moins bonne.
M. Baril: Selon vous, le feuillu qui peut servir au sciage ou au
déroulage, dans certaines forêts que vous avez mentionnées,
est-ce qu'il y a de la perte à ces endroits? Il s'en gaspille aussi.
M. Godbout: Je pense que c'est quand même assez bien connu
que les feuillus abattus pour le sciage et le déroulage, la plus grande
partie, les houppiers, les branches parce que pour faire du sciage et du
déroulage, ils ne prennent pas ce qui a quatre pouces, ils prennent ce
qui a neuf ou huit pouces, ainsi de suite tout ce qui reste,
après coupe, est perdu. Cela pourrait éventuellement aller
à la pâte, mais actuellement, il n'y a pas beaucoup d'usines de
pâtes au Québec qui utilisent des feuillus, alors c'est perdu dans
ce sens. A part les autres feuillus qui restent sur pied.
M. Baril: Vous avez parlé de la constitution du conseil de
la recherche. Depuis 1975 que les gens ont démissionné. Pourquoi
ont-ils démissionné?
M. Godbout: En fait, leur démission... Je vais laisser
Pierre répondre.
M. Villeneuve: Disons que le conseil avait été
formé en 1969 et il a fonctionné pendant six ans, assez bien. En
1973, on avait formé un comité pour étudier une politique
de recherche et de développement au Québec. Les trois membres du
groupe ont donné leur politique, avec des recommandations et tout, et
les membres du conseil ont démissionné.
A la remise de leur rapport, ils ont dit: On va démissionner, de
façon à donner la chance au ministre, s'il croit à la
recherche forestière, de continuer le conseil, de le reconstruire. Ils
ont démissionné et cela est resté comme cela. Cela a
été oublié. On s'est posé une question: Est-ce
qu'on y croit? C'est une autre...
M. Baril: Mais, durant le temps que ce conseil a existé,
est-ce qu'il y a eu des réalisations de faites? Est-ce que le
gouvernement a tenu compte des recommandations? Je ne sais pas quel
était leur rôle au juste.
M. Villeneuve: II y a eu des réalisations. Il y a eu
beaucoup de travaux de comité. Par exemple, en technologie du bois, il y
a eu un travail qui a été fait, un document de 50 pages a
été produit, avec des recommandations du point de vue de la
recherche en technologie, du point de vue de l'éducation à
l'université. Ensuite, il y a eu beaucoup de travail sur la recherche,
sur les pins, dans le domaine de la recherche à faire concernant les
feuillus, surtout pour les feuillus de haute qualité comme le bouleau
jaune, l'orme et le frêne. Ces recommandations ont été
transmises au ministre et, comme c'est un conseil consultatif, le ministre est
quand même libre d'en faire ce qu'il veut. Comme vous le savez, en 1975,
le conseil n'a pas été aboli, mais a été
relégué aux oubliettes.
M. Baril: On n'a pas jugé bon de le remplacer?
M. Villeneuve: Non, je crois que c'est cela qui est
arrivé. On a tendu la perche pour savoir si on croyait à la
recherche forestière, mais je pense qu'on n'y croit pas.
M. Baril: Je vous remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A la
suite d'une entente intervenue entre les différents partis politiques,
par exception, les travaux de la commission, ce midi, seront ajournés
sine die. Je demanderais aux gens de se présenter à nouveau pour
quatre heures.
M. Pagé: Avec les questions de l'Opposition officielle, M.
le Président? Est-ce que M. le député d'Arthabaska a
terminé?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Avec les
questions de l'Opposition officielle. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 heures)
Reprise de la séance à 17 h 21
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Je demanderais aux représentants de l'Ordre des ingénieurs
forestiers de bien vouloir excuser les membres de la commission. Les travaux
préliminaires de l'Assemblée viennent à peine de se
terminer; c'est peut-être parce que c'était la première
journée de la deuxième partie de la session. Là-dessus, je
cède la parole au député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vous remercie. Je
tiens tout d'abord à remercier les représentants de l'Ordre des
ingénieurs forestiers. A la lecture de votre mémoire, il y a
plusieurs questions, évidemment, qui m'étaient venues à
l'esprit, suite aux différentes informations et particulièrement
aux différentes recommandations que vous formulez dans votre
document.
Cependant, plusieurs de ces questions ont été
résolues par des réponses que vous avez données aux
questions du député d'Arthabaska, qui ont été
posées ce matin; j'en aurais quand même quelques autres. Vous
faites état, vous recommandez, somme toute, d'adopter des mesures qui
pourraient favoriser une relation entre les approvisionnements et
l'aménagement, une diminution des coûts d'approvisionnement. Vous
parlez beaucoup de l'utilisation de la matière première
évidemment. Ne croyez-vous pas qu'un des moyens ou un des leviers
importants pour le gouvernement afin d'atteindre les objectifs que vous
formulez dans les recommandations de votre document, aux pages 20 et 21, un des
éléments importants de ce levier, un des leviers importants,
c'est la révocation des concessions forestières? Cela a
été discuté à quelques reprises au cours des
audiences de cette commission. J'aimerais bien avoir vos commentaires, parce
qu'à certains moments les entreprises nous ont dit que c'est
pratiquement impossible d'atteindre les objectifs qu'elles se sont
fixés, que c'est pratiquement impossible d'atteindre les objectifs qu'on
atteint actuellement, soit au chapitre de l'opération, la
rationalisation des courbes, la gestion, etc., si le gouvernement continue de
procéder à la révocation des concessions
forestières qui avait été amorcé par l'ancien
gouvernement. Croyez-vous, à la lueur de l'expérience que vous
avez, d'une part, qu'il est souhaitable pour une meilleure gestion de nos
forêts, pour atteindre les objectifs que vous faites vôtres dans
les recommandations que vous formulez, qu'il est souhaitable, dis-je, que le
gouvernement puisse continuer tout au moins, continuer si ce n'est pas
accélérer, le processus de révocation des concessions
forestières, dans un premier temps? Et, comme deuxième volet
à ma question, croyez-vous que, même avec la révocation des
concessions forestières, les compagnies peuvent atteindre les objectifs
nécessaires pour une gestion, non pas une gestion, mais une utilisation
optimale de la ressource?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Excusez-moi; puisque c'est une nouvelle séance, j'ai oublié de
remplir une formalité importante qui est celle de nommer les membres de
la commission pour la présente séance. M. Baril (Arthabaska), M.
Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Grenier
(Mégantic-Compton) en remplacement de M. Brochu (Richmond), M. Desbiens
(Dubuc), M. Pagé (Portneuf) en remplacement de M. Garneau (Jean-Talon);
M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Russell (Brome-Missisquoi) en remplacement
de M. Goulet (Bellechasse); M. Grégoire (Frontenac), M. Gendron
(Abitibi-Ouest) en remplacement de M. Joron (Mille-Iles); M. Larivière
(Pontiac) remplacé par M. Vaillancourt (Orford); M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis
(Matapédia), M. Mercier (Berthier)...
M. Pagé: M. O'Gallagher.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ...M.
O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Gagnon (Champlain) en remplacement de M.
Perron (Duplessis).
M. Godbout: Pour répondre à votre première
question, nous pensons que pour atteindre les objectifs dont on parle dans
notre mémoire et peut-être d'autres aussi la révocation des
concessions est un instrument essentiel et utile. Quant à votre
deuxième question, à savoir si les compagnies vont quand
même pouvoir atteindre leurs objectifs ou atteindre ce qu'elles pensaient
faire, je suis mal placé pour y répondre. Je ne suis pas ici pour
répondre pour les compagnies elles-mêmes. Je ne vois pas quel
objectif elles ne pourraient pas atteindre.
M. Pagé: D'accord, merci, là-dessus. Vous savez
qu'à plusieurs reprises il a été fait état de la
relation existant entre les usines de sciage et les compagnies de papier. Vous
n'êtes pas sans savoir non plus que cette relation se traduit parfois par
des problèmes particuliers. On a eu l'occasion de faire état du
problème dans le Nord-Ouest québécois, avec le surplus de
copeaux, etc. A la recommandation no 8 de votre mémoire, vous dites:
"que des formules soient élaborées pour faciliter l'association
de l'industrie du sciage et de celle des pâtes et papiers, tant au niveau
de la récolte qu'au niveau de la coordination des approvisionnements".
Quand vous parlez d'association, vous recommandez au gouvernement d'aller
jusqu'où dans des mesures intégrationnistes ou autres? Somme
toute, vous formulez une recommandation, mais est-ce que cette recommandation,
selon vous, peut contribuer à régler largement le problème
qu'on connaît actuellement? D'autre part, j'aimerais que vous
élaboriez peut-être un peu plus le sens de cette recommandation
comme telle.
M. Godbout: D'accord. Dans le document, on parle non pas
d'intégration, parce que même si le
terme, strictement parlant, ne veut pas dire une absorption
financière, souvent, on est porté à penser que cela veut
dire cela. Plutôt que d'employer le terme "intégration", on a
employé le terme "association". Effectivement, si on doit s'en tenir au
sens des mots, c'est probablement une intégration des produits ou de la
production.
Maintenant, dans le document, on parle d'intégration et
d'association. Ce qu'on veut dire, c'est que, dans un premier temps, en
forêt, vous savez sûrement qu'il existe différents types de
bois, différentes essences, différents diamètres; c'est
bien sûr que pour faire du sciage, cela prend un certain diamètre.
Ce n'est pas avec un quatre pouces qu'on va faire des madriers. Par contre, un
quatre pouces, pour la pâte, c'est numéro 1. On dit: D'abord, en
forêt, il y a lieu de trouver des mécanismes qui existent
déjà dans bien des cas. Il ne faut pas se surprendre. Il y a bien
des coins au Québec où, déjà, il y a une
intégration au niveau de la récolte qui permet d'envoyer les
tiges les plus intéressantes, en termes de diamètre, de dimension
et de qualité, au sciage, et d'envoyer les tiges les moins
intéressantes à la pâte. Parce que pour la pâte,
à l'usine, on défait l'arbre, alors qu'à l'usine de
sciage, ça nous prend une dimension. Il y a d'abord cet
élément. Ceci est vrai si on parle de même essence et si on
parle de différentes essences, par exemple, les feuillus et les
résineux.
On sait très bien qu'il y a beaucoup de compagnies au
Québec, il y a beaucoup d'exploitants qui utilisent les résineux,
et les feuillus sont laissés sur place. Mais on pense qu'il est
souhaitable que ceux qui ramassent les feuillus, plutôt que de venir
après ramasser le feuillu avec une autre opération, un autre
groupe de travailleurs, d'autres types de machinerie, pourquoi cela ne se
fait-il pas dans une même opération, livré en bordure de
route et, après, les produits pourraient être envoyés aux
usines de sciage, de pâte, de feuillus et de résineux? C'est
d'abord ça qu'on voudrait préciser.
Excusez. Si vous permettez, je n'ai pas tout à fait fini.
Là, on parle de la forêt. C'est pareil au niveau des
approvisionnements, approvisionnements non seulement en billes, mais aussi en
copeaux. On pense, nous, qu'il est souhaitable d'utiliser toute la
matière ligneuse qu'on extrait de la forêt et ça veut dire
les copeaux, ça veut dire aussi le bran de scie et les planures. Vu que
cette matière est déjà à moitié
transformée, pas à moitié, mais semi-transformée,
pourquoi ne pas l'utiliser? Mais par contre, pour pouvoir l'utiliser à
long terme, il est bon d'avoir des arrangements entre les usines de pâte
et les usines de sciage pour l'approvisionnement de copeaux ou de planures et
sciures, parce que c'est bien sûr que si les contrats étaient
uniquement annuels, cela mettrait à la fois l'industrie du sciage et
à la fois l'industrie des pâtes dans une position de
négociations annuelles. C'est précaire un petit peu, parce que I
'usine ne sait pas si elle aura tous ses copeaux et si ça ne restera pas
pris. A l'inverse, l'usine de pâte, qui est organisée pour
recevoir telle quantité de copeaux, ne sait pas si elle va pouvoir avoir
tous les copeaux qu'elle devrait avoir.
Nous, on parle d'association. Maintenant, on n'est pas prêt
à aller à l'intégration financière.
On pense qu'il serait souhaitable d'avoir deux secteurs industriels,
surtout dans certains coins. Cela permettrait de développer des usines
locales plus facilement, des usines de sciage en particulier. Il peut y avoir
des associations, soit au niveau de la coupe, des approvisionnements, des
contrats à long terme. Ces associations peuvent prendre
différentes formes.
M. Pagé: Je vous remercie de vos réponses, M. le
Président.
M. Grenier: Brièvement, nous désirons vous
remercier de nous avoir présenté un mémoire.
Déjà plusieurs questions qui vous ont été
posées ont servi à nous éclairer sur la situation. Vous
signalez, à la fin de la page 10, que des mesures incitatives de la part
de l'Etat pourraient jouer un rôle. Vous parlez de l'aménagement
de la forêt. Avez-vous des propositions bien concrètes à
faire pour que les compagnies... Je sais qu'il y a un assez bon nombre de
compagnies qui sont soucieuses de l'aménagement de la forêt
il ne faut pas en nommer pour ne pas déprécier les autres
mais je pense que l'éducation se fait dans ce sens. Il y a un certain
nombre de compagnies qui sont soucieuses de l'aménagement de la
forêt. Dans ces mesures que vous soulignez, y en aurait-il qui pourraient
faire que les compagnies aménagent davantage leurs forêts?
M. Godbout: Je pense que si on regarde un peu ce qui se passe
dans différents pays au monde, les mesures fiscales ont quand même
une préférence en ce sens que l'Etat, souvent, par des mesures
fiscales, par le rapport d'impôt, à la suite de crédits
à l'investissement en forêt, aide les entreprises qui veulent
investir leur part en forêt. C'est bien sûr que l'entreprise a
relativement une vie à court terme. Souvent elle ne peut pas supporter
des investissements qui vont s'échelonner durant 40 ou 50 ans. L'Etat le
peut plus facilement parce qu'il est quand même plus en mesure de
récupérer cela. Je pense que si on peut, par des mesures
incitatives, amener l'industrie à participer aux investissements en
forêt en leur donnant un bénéfice immédiat qui
serait le rapport d'impôt ou des mesures en termes de fiscalité,
cela pourrait contribuer en ce sens, je pense en termes de mesures fiscales.
Maintenant, je ne suis pas un spécialiste des questions fiscales pour
dire précisément quelles mesures. On n'a pas voulu
l'étudier en profondeur.
M. Grenier: Pourriez-vous nous informer si des compagnies
vous pourriez peut-être nous répondre un peu plus pour la partie
gouvernementale si vous sentez que depuis une dizaine d'années on
a pris un plus grand soin de l'aménagement ou du
réaménagement de la forêt?
M. Godbout: Je serais bien embêté de vous
répondre à ce sujet. Je peux difficilement comparer la
dernière décennie avec la précédente. Ce n'est pas
très vieux.
M. Grenier: Pour la partie gouvernementale, le ministre serait
plus en mesure de nous dire les investissements qu'il met pour
l'aménagement.
M. Godbout: C'est vraiment assez difficile parce qu'on n'a pas
vraiment fait de sylviculture au Québec. Je sais que des efforts ont
été faits par diverses compagnies, mais ce sont quand même
des efforts qui étaient sur des superficies restreintes, plus en termes
de projets expérimentaux ou de projets locaux. Il y en a eu
effectivement, mais, de là à pouvoir influencer
l'approvisionnement des usines, c'est différent.
M. Grenier: Est-ce qu'il vous semble qu'il y a eu des
études de faites pour recycler le bois, par exemple pour savoir que,
dans tel secteur, cela pourrait être du cèdre, ailleurs du pin,
à d'autres endroits de l'épinette ou du sapin ou des feuillus,
par exemple. Est-ce que vous êtes au courant des dernières
données? Est-ce que c'est sérieux le travail qui est fait, entre
autres, par le ministère en ce sens-là?
M. Godbout: Le recyclage du bois...
M. Grenier: C'est-à-dire à savoir que le
re-zoné, si vous voulez...
M. Godbout: Oui. Je pense que si, actuellement, il faut essayer
d'avoir les usines en fonction de la ressource qu'on a, il faut aussi, en
pensant au futur, essayer d'avoir la forêt pour l'usine qu'on aura
à ce moment-là. En ce sens, c'est bien sûr qu'il est
souhaitable que des efforts soient faits pour avoir une forêt telle qu'on
la voudra à ce moment-là. Si, actuellement, dans certains coins,
il y a du feuillu, et si on pense ne pas en vouloir dans 20 ans, c'est aussi
bien de mettre du cèdre, du résineux ou du pin. Par contre, si on
prévoit une demande très forte de bouleau jaune, de merisier, de
pin ou autre chose, c'est aussi bien d'en produire à ce
moment-là. Je pense que tout est conditionné par les besoins, par
les marchés, par la technologie de transformation.
M. Grenier: Je pense que la question se pose mal pour vous,
quoique vous soyez quand même assez bien placé pour le savoir.
Est-ce qu'il y a des études de faites pour savoir ce qui nous attend
d'ici 15 ans? Quels seront les besoins d'ici 15 ans? Dans quel secteur de bois?
Est-ce qu'on sera dans le feuillu, est-ce qu'on sera dans le résineux?
Est-ce que c'est équilibré d'après vous? Est-ce que vous
pouvez nous fournir de l'information là-dessus?
M. Godbout: Malheureusement, je ne peux pas vous fournir de
l'information. C'est justement une des questions importantes qu'on
soulève dans lé mémoire. On dit que, pour ce qui est des
feuillus, les feuillus à pâte en particulier, parce qu'on se doute
quand même que pour ce qui est des feuillus à sciage, il n'y a pas
tellement d'inquiétude. Du merisier, on en voudra toujours, du pin
aussi. On parle du feuillu à pâte, du tremble, du bouleau et des
arbres moins intéressants; souvent, on soulève la question dans
notre mémoire et il est important d'avoir une réponse à ce
sujet-là. Est-ce qu'on va pouvoir les utiliser ou non. Si oui, à
ce moment-là, c'est bien qu'on aménage la forêt en fonction
des essences.
Par contre, si on ne pense pas pouvoir les utiliser à ce
moment-là, qu'on y voie, parce qu'il y a beaucoup de forêts au
Québec qui se régénèrent en pin. Je ne dis pas que
c'est l'ensemble du Québec, mais on s'aperçoit qu'après
coupe, les feuillus viennent beaucoup plus facilement que les résineux,
en partie du fait qu'on laisse les feuillus sur pied. Quand on va dans une
forêt, on coupe les résineux et on laisse les feuillus sur place.
Cela fait des graines pour l'année prochaine et, pour celui qui revient,
ce n'est pas bien difficile à deviner.
M. Grenier: Je vous remercie.
M. Godbout: Merci, monsieur.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y aurait d'autres intervenants? Là-dessus, MM. les
représentants de l'Ordre des ingénieurs forestiers, je vous
remercie énormément pour votre collaboration à cette
commission. Au nom des membres de la commission, je m'excuse encore du retard
apporté au début de nos travaux cet après midi.
Merci beaucoup.
J'inviterais maintenant le Syndicat canadien des travailleurs du papier
et la Fédération des travailleurs du Québec, de même
que leurs représentants, à bien vouloir venir présenter
leur mémoire, s'il vous plaît.
M. Pagé: M. le Président?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Sur une question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Portneuf, sur une question de règlement. Oui, M.
le député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Juste une information. Je réalise que le
ministre... Il nous arrive un ministre, mais est-ce qu'on doit procéder
à la lecture de ce document qui est pour nous fort important sans la
présence du ministre des Terres et Forêts?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai une
information. M. le ministre était convaincu que ce mémoire ne
commencerait pas avant 20
heures ce soir et il m'avait assuré de sa présence
à 20 heures ce soir. Mais je pense que, de toute façon, il en a
certainement pris connaissance, comme on a pu s'en apercevoir depuis quelques
semaines. Il sera certainement présent pour la période de
questions à 20 heures. Je ne sais pas si le ministre d'Etat aurait
quelque chose à ajouter.
M. Landry: II m'avait, en plus, dit que si, d'aventure, la FTQ
parlait avant six heures, de me tenir en disponibilité pour le remplacer
et de demander aux intervenants de l'excuser; il sera parmi nous à 20
heures.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. M. le député de Portneuf, sur une question de
règlement.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas
prendre trop de temps, le temps fuit, il est tellement important. Je tiendrais
tout d'abord à m'excuser auprès des représentants de la
Fédération des travailleurs d'avoir à intervenir avant que
ceux-ci puissent faire lecture de leur mémoire.
M. le Président, vous avez assisté, tout comme moi, aux
délibérations des travaux de l'Assemblée nationale cet
après-midi, séance au cours de laquelle j'ai eu l'occasion de
soulever une question de privilège, de saisir l'assemblée des
privilèges des membres, particulièrement de cette commission,
à la suite de la position de la compagnie Consolidated Bathurst de ne
pas rendre publics les chiffres, le bilan, les états financiers de la
compagnie, division de la Wayagamack, au Cap-de-la-Madeleine.
Vous vous rappellerez, M. le Président, qu'une motion avait
été adoptée par les membres de cette commission, avec
abstention du ministre, demandant à la compagnie cette motion
avait été adoptée, si ma mémoire est fidèle,
le 29 septembre dernier de la part des membres de la commission, suite
à une motion, je le répète toujours, que celle-ci accepte
de répondre à la requête des membres de la commission et de
rendre publics ces chiffres qui sont tellement importants pour les parties en
cause, particulièrement les représentants syndicaux qui sont
certainement intéressés, à la lueur de ces chiffres,
à étudier une méthode éventuelle de gestion
nouvelle, où, entre autres, les employés pourraient être
impliqués.
On se rappellera qu'à cette occasion, j'avais invoqué que
si les travailleurs de la Wayagamack étaient intéressés
à étudier un mode de gestion nouveau, il allait de soi que
ceux-ci se devaient d'avoir les chiffres bien en main.
Or, M. le Président, compte tenu qu'on n'a pas voulu recevoir la
motion que j'ai présentée tout à l'heure à
l'Assemblée nationale, j'aurais donc deux possibilités en vertu
de notre règlement. Dans un premier temps, je pourrais me
prévaloir des articles 79 et 81, par une motion annoncée, qui
entraînerait un débat vraiment privilégié à
l'Assemblée; si je me prévalais des articles 79 et 81, cela
voudrait dire que toute la journée de jeudi prochain et peut-être
vendredi matin, seraient spécialement consacrés au débat
sur cette motion.
M. le Président, compte tenu qu'il est urgent, compte tenu qu'il
est impérieux de donner suite à ce que la commission avait
souhaité, dans un voeu exprimé le 29 septembre, compte tenu, de
plus, qu'il n'est pas préférable, dans les circonstances, que la
question soit reportée à jeudi et que, par surcroît, jeudi,
on mobilise l'Assemblée nationale sur cette question qui pourrait
être réglée d'une autre façon, soit ici même,
à la commission parlementaire...
M. le Président, l'article 153 nous permet de faire un rapport au
président de l'Assemblée, par le fait même à toute
l'Assemblée, qui pourrait être intérimaire, qui
n'impliquerait pas la fin ou la terminaison de nos travaux. Cela pourrait
être un rapport intérimaire, comme cela s'est produit à la
commission parlementaire qui étudiait toute la question des Olympiques,
où il y a eu, on se rappellera, plusieurs rapports des travaux de la
commission qui ont été déposés en Chambre, sans
pour autant que les travaux de la commission ne soient terminés.
M. le Président, pour ces motifs, je fais donc motion pour qu'en
vertu de l'article 153 de notre règlement, cette commission accepte
qu'un rapport intérimaire soit fait à l'Assemblée
nationale le plus tôt possible, par le rapporteur de la commission, et
que ce rapport indique ce qui s'est effectivement passé le 29 septembre,
à savoir que la commission, unanimement, sauf l'abstention du ministre,
a demandé que les chiffres, les états financiers et le bilan,
somme toute le portrait financier des activités de l'usine Wayagamack,
division du Cap-de-la-Madeleine, puisse être déposé ici,
devant les membres de cette commission.
Si je prends cette initiative c'est qu'afin que soient respectés
les privilèges et droits de cette assemblée, de cette commission
qui est quand même le prolongement de l'Assemblée nationale et
afin que soient prises les dispositions nécessaires pour que la
compagnie Consolidated Bathurst rende publics le bilan et les états
financiers de son usine du Cap-de-la-Madeleine, division Wayagamack et ce, tel
que demandé par la commission parlementaire le 29 septembre 1977.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf...
M. Pagé: M. le Président, je vais textualiser ma
motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît, par écrit.
M. Pagé: Oui. Je conclus, M. le Président.
M. le Président, je termine et je vous remets la motion.
Je tiendrais cependant à vous dire, avant que vous ne la
déclariez recevable, je l'espère, qu'évidemment, si un
représentant du gouvernement ou encore, si M. le ministre, ou encore, si
vous, en tant que président, vous pouvez nous informer que, suite au
voeu que la commission a formulé et suite à la requête qui
a été présentée par la commission, si la compagnie
y a accédé, la
compagnie peut vous avoir répondu il y a quelques heures, hier ou
il y a quelques jours, disant qu'elle acceptait de donner suite au voeu
formulé par la commission et de déposer les documents qui sont
requis, évidemment, si tel est le cas, je pense qu'on n'aura même
pas besoin de débattre la motion. L'objectif que vise cette motion
serait déjà atteint.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus jusqu'à ce que la
présidence reprenne son fauteuil; si ce n'est pas avant 18 heures, ce
sera à 20 heures. Pour prendre cette motion en
délibéré, cela peut aller à 17 h 50 ou 17 h 55. Si,
à 18 heures, la séance n'a pas repris, elle reprendra à 20
heures.
M. Grenier: M. le Président, est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de lire la motion d'abord et d'annoncer immédiatement qu'on la
remet à 20 heures, étant donné que c'est pour trois ou
quatre minutes seulement, plutôt que de faire revenir Iles
députés encore une fois et les gens qui sont ici?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Or, "je
fais motion pour que en vertu de l'article 153 de notre règlement, cette
commission accepte que son rapporteur dépose à l'Assemblée
nationale un rapport intérimaire afin que soient respectés les
privilèges et droits de cette Assemblée et que vous preniez les
dispositions pour que la compagnie Consolidated Bathurst rende publics le bilan
et les états financiers de son usine du Cap-de-la-Madeleine, division de
la Wayagamack, et ce, tel que demandé par notre commission le 29
septembre 1977". Or, comme j'aurai à me prononcer sur la
recevabilité de la motion qui a rapport à l'article 153, comme je
dois fouiller les procès-verbaux des séances du 29 septembre et
peut-être même antérieurement, et pour ne pas faire perdre
inutilement le temps de tout le monde, je suspends les travaux jusqu'à
20 heures. D'accord?
(Suspension de la séance à 17 h 48)
Reprise de la séance à 20 h 7
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
La décision sur la motion qui a été
présentée par le député de Portneuf. J'aimerais
demander s'il y a consentement unanime pour que le député de
Saint-Hyacinthe agisse au lieu et place de M. Grenier
(Mégantic-Compton). C'est bien ça?
M. Pagé: Oui, M. le Président. Nous y souscrivons
avec enthousiasme.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Que M.
Brassard (Lac-Saint-Jean) agisse au lieu et place de M. Grégoire
(Frontenac).
M. Pagé: Heureusement.
Des Voix: Entièrement d'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
consentement unanime est constaté.
Une Voix: C'est une amélioration. M. Pagé:
C'est une amélioration.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: ... la question d'après-midi...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: On peut se taquiner, messieurs... Soyez
sereins.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Le
député de Portneuf, aux environs de 17 h 45 je suis
sûr que ce n'était pas prémédité a fait
une motion, en vertu de l'article 153 de notre règlement, pour que cette
commission accepte que son rapporteur dépose à l'Assemblée
nationale un rapport intérimaire afin que soient respectés les
privilèges et droits de cette Assemblée et que vous preniez les
dispositions pour que la compagnie Consolidated-Bathurst rende publics le bilan
et les états financiers de son usine du Cap-de-la-Madeleine, division de
la Wayagamack et ce, tel que demandé par notre commission le 29
septembre 1977.
L'article 153 stipule que: "Lorsqu'une commission élue a requis
une personne morale ou physique de se présenter devant
elle pour s'y faire entendre ou pour produire des documents et que cette
personne refuse de le faire, la commission fait rapport de ce refus au
président c'est là le sens de cette motion et
celui-ci le président de l'Assemblée nationale prend
les moyens nécessaires pour que la demande de la commission soit
satisfaite".
Or, la première question que j'ai à me poser,
évidemment, c'est: est-ce que, telle que rédigée, la
motion du député de Portneuf est recevable?
La motion adoptée le 29 septembre 1977, avec l'abstention du
ministre des Terres et Forêts, stipulait que la commission parlementaire
des richesses naturelles et des terres et forêts formule le voeu que la
société Consolidated-Bathurst dégage le ministre des
Terres et Forêts de ses engagements à la confidentialité et
que le ministre dépose à cette commission, compte tenu de
l'intérêt et de l'urgence du cas de la Wayagamack, du
Cap-de-la-Madeleine, tous les documents, échange de documents de
même nature qui ont servi aux discussions entre la compagnie
Consolidated-Bathurst et le ministère des Terres et Forêts ou les
syndicats. Donc, dans le sens de la motion adoptée à
l'unanimité, sauf une abstention, en date du 29 septembre, on demandait
à la Consol. une chose: Non pas de rendre publics des documents, de
déposer des documents, mais de dégager le ministre de la
confidentialité, et si le ministre était dégagé, il
lui appartenait, à ce moment, de rendre le document, public.
En vertu de l'article 65 de notre règlement, le président
doit mettre en délibération toute motion mais dès qu'une
motion lui paraît irrégulière, en elle-même ou par
les buts qu'elle veut atteindre, il doit le signaler à
l'Assemblée et il peut, après avoir motivé sa
décision, refuser qu'on en délibère ou qu'on la mette aux
voix.
Or, ce que je suggère au député de Portneuf,
puisque sa motion, même si elle n'est pas dans la forme conforme à
notre règlement, elle l'est certainement dans le fond... Je sais
pertinemment qu'il a posé des questions verbales précises,
à ce sujet, à la compagnie ou à ses représentants,
à savoir, par exemple, des dépôts de documents et je sais
pertinemment pour avoir assisté à cette commission que la
réponse a été négative. Je me demande, s'il n'y
aurait pas lieu, dans les circonstances, que le député de
Portneuf présente à nouveau une motion ayant le même
fondement, mais au lieu de se fonder sur la motion adoptée unanimement,
sauf une abstention, de se fonder sur des questions précises qui
auraient été posées par des députés,
à cette commission, soit le député de Portneuf ou un
autre, et des réponses négatives qui auraient pu être
données par des intervenants. A ce moment, si les questions ont bel et
bien été posées et si les réponses sont
négatives, je me devrai d'appliquer l'article 153 et déclarer la
motion recevable. A ce moment, la commission décidera si celle-ci sera
adoptée ou non.
M. Pagé: D'accord. M. le Président, je vous
remercie d'avoir consacré tout le temps du dîner au
délibéré sur la motion qui a été
présentée vers 17 h 45. Je vous remercie parce que cela vous a
certainement obligé à regarder et analyser toute la jurisprudence
sur cette question. Je dois vous dire, M. le Président, à prime
abord, que cette motion que j'ai formulée dans le libellé a quand
même été faite de façon assez expéditive
puisque j'ai fait ma motion verbalement et vous m'avez demandé de la
rédiger, ceci en ce qui concerne la forme.
En ce qui concerne le fond, c'est le cas, et je reconnais chez vous la
sagesse d'un prudent avocat quand vous faites état des commentaires que
vous venez de formuler.
Ne soyez pas inquiet, le pot ne suivra pas les fleurs, ce que je dis est
vrai et je le pense.
C'est le cas de l'article 153, d'une part, qui n'a pas eu souvent
d'implication en commission parlementaire et cela explique à bon droit
les questions qu'on peut se poser. Si vous permettez, M. le Président,
on va reprendre l'article 153. "Lorsqu'une commission élue a requis
d'une personne de se présenter devant elle pour se faire entendre ou
pour produire des documents..." On dit bien que c'est la commission qui doit
demander un dépôt de document. Cela pourrait même aller, M.
le Président, jusqu'à vouloir dire que si cette demande
était formulée uniquement par un membre de la commission, cela
pourrait être discutable sur la recevabilité de la motion. C'est
le premier élément. Le deuxième élément,
c'est que si on se réfère au journal des Débats du 29
septembre, vous allez vous rappeler que ce n'était pas facile
l'échange avec la compagnie. On se rappellera qu'il a fallu poser
plusieurs questions. Les réponses ne reflétaient pas toujours le
sujet sur lequel la question avait été posée.
M. le Président, je ne voudrais pas, par un amendement ou par une
modification à la motion déjà proposée, qu'on parte
encore sur des délibérations qui pourraient durer toute la
soirée, et somme toute, arriver vers 11 heures ce soir après que
vous ayez eu l'occasion de délibérer sans savoir exactement si la
motion est recevable. Une chose est certaine, M. le Président, c'est que
la commission a le droit d'exiger de la Consol de déposer ses chiffres,
ses bilans. Et si la compagnie refuse, à ce moment-là, dans
l'esprit de l'article 153, ce sera d'une part la commission qui l'aura
exigé et d'autre part, la commission, par le biais de son rapporteur et
de son président, aura constaté que la compagnie s'y est soumise
ou non.
M. le Président, pour mettre fin à toute
ambiguïté, pour être bien clair et aussi pour atteindre les
mêmes objectifs, je vais retirer ma motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Que
j'avais oublié de déclarer irrecevable.
Motion demandant la comparution
de Consolidated-Bathurst,
division Wayagamack
M. Pagé: D'accord. Je vais retirer ma motion et je vais
vous présenter celle-ci qui est beaucoup plus claire et qui, selon moi,
ne peut porter aucune ambiguïté. M. le Président, je fais
motion pour que cette commission ordonne à la compagnie
Consolidated-Bathurst, division de Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine, de
comparaître devant la commission parlementaire des terres et
forêts, mercredi le 19 octobre 1977 à 10 heures ou à la
prochaine séance que tiendra ladite commission relativement à
l'industrie des pâtes et papiers au Québec, et de produire devant
la commission ses états financiers des dix dernières
années, son
bilan et tous les documents relatifs aux activités
financières.
M. Brassard: Toute la compagnie.
M. Pagé: Division Wayagamack, Cap-de-la-Madeleine.
Ce n'est pas du tout ambigu.
M. le Président, je vous remets cette motion et je suis certain
que, claire et précise comme elle est, j'ose le croire, elle sera
jugée recevable. L'ambiguïté va être terminée,
M. le Président. L'entreprise pourra dire, on comparaît ou on ne
comparaît pas et, si on comparaît, on donne les chiffres ou on ne
les donne pas. Sur la foi de la réponse que nous aurons... C'est
précis, ce n'est pas un voeu, ce n'est pas une demande, ce n'est pas une
recommandation de la commission pour relever le ministre de la
confidentialité concernant l'engagement qu'il a pris, c'est clair et
précis. On demande, par le biais de cette motion, que la compagnie soit
entendue devant la commission parlementaire pour déposer les bilans, les
états financiers des dix dernières années relatifs
à l'usine Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine. Si la compagnie l'accepte,
tant mieux, on aura les chiffres. Cela pourra profiter à toutes les
parties, cela pourra servir à tous ceux qui sont
intéressés, de près ou de loin, à étudier un
nouveau mode de gestion. Si la compagnie ne veut pas, l'article 153
prévaudra. Un ordre de la commission, l'intervenant, la compagnie n'aura
pas donné suite à un ordre de la commission et, à ce
moment-là, ce seront les droits et les privilèges, non seulement
des membres de la commission, mais de l'Assemblée nationale comme telle.
Notre commission est quand même le prolongement de l'Assemblée
nationale. Ce seront le privilège et le droit des membres de
l'Assemblée qui seront mis en cause.
A la lumière, à la lecture de notre règlement,
d'ailleurs, il y a eu plusieurs cas comme ça dans le passé. La
président de l'Assemblée nationale a tous les pouvoirs pour faire
en sorte que les droits et les privilèges des parlementaires soient
respectés intégralement et que ceux qui ont à
comparaître devant nous soient soumis à l'application de notre
règlement.
Donc, M. le Président, c'est ma motion. J'espère une
chose, M. le Président, un élément, je suis peiné
que M. le ministre ne soit pas ici. Je comprends qu'il a beaucoup
d'engagements, mais j'ose croire que, sans délibérations trop
longues, on pourra en arriver à un vote qui, je l'espère, sera
unanime de la part des membres de la commission pour accepter la motion que je
viens de formuler.
M. le Président, c'étaient mes commentaires et je vous
remercie.
Motion prise en délibéré
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf, MM., surtout de la Fédération
des travailleurs du Québec, ce n'est pas mon habitude de prendre des
demandes en délibéré, j'ai même l'habitude de rendre
des décisions sur-le-champ.
Mais comme le député de Portneuf l'a dit, l'article 153
n'a pas énormément de jurisprudence. Je suis conscient que la
décision qui va être prise sur la requête, sur la motion
telle que rédigée, peut causer une sorte de
précédent et peut avoir des conséquences sur des
décisions futures qui auront à être prises, puisque cette
décision implique, en fait, le refus de répondre à des
questions de tout intervenant, quel qu'il soit, ou le refus de produire des
documents par tout intervenant.
Vous voyez l'impact que peut avoir la recevabilité ou
l'irrecevabilité de cette motion. Je dois vous avouer que le
député de Portneuf, qui a une plus longue expérience que
la mienne ici, à l'Assemblée nationale, fait état que la
jurisprudence, là-dessus, n'est pas très énorme. Je me fie
à sa parole et je suis malheureusement dans l'obligation...
M. Pagé: M. le Président, je crois percevoir dans
vos yeux, dans vos intentions, que vous voulez suspendre pour quelques
minutes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
pour quelques minutes.
M. Pagé: M. le Président, je serais d'accord que
possiblement, vous puissiez vous faire remplacer par un de nos collègues
et qu'on procède à l'audition du mémoire des
représentants qui sont devant nous, qui attendent quand même
depuis 17 h 45, quitte à ce que lorsque l'on aura terminé le
dialogue et les échanges avec les gens de la FTQ, vous pourriez
reprendre votre fauteuil pour nous faire part de votre décision et
ainsi, on pourra gagner du temps.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! Votre présomption était bonne. J'avais
justement l'intention de suspendre. Effectivement, je pourrais me faire
remplacer...
M. Pagé: M. le Président, une seule question.
Est-ce qu'on applaudissait le ministre?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! Ici, je me dois, avant d'aller délibérer sur
cette question, en toute objectivité, de dire quelque chose que j'ai
déjà eu l'occasion de dire quelques minutes avant 20 heures,
à certaines personnes qui sont ici présentes. Je pense qu'il
n'est pas question ici de partisanerie politique, il est question de remplir
mon devoir de façon objective.
Au mois de septembre 1977, il avait été convenu, lorsque
l'Université du Québec, à Trois-Rivières, avait
donné son consentement pour laisser la place aux gars de la Wayagamack,
que ces derniers venaient présenter leur mémoire sur la
Wayagamack et qu'ils reviendraient le 13 octobre pour présenter le
mémoire général de la Fédération des
travailleurs du Québec, sur la situation générale qui
prévaut dans le domaine des pâtes et papiers.
J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, en toute objectivité
et franchement, de redire ces paroles.
J'ose espérer, sans restreindre le débat, que ceux qui
sont devant moi actuellement sauront se rappeler ces paroles.
Je leur permettrai sans doute de parler du cas de la Wayagamack, mais
j'aimerais, même si ma conscience est extrêmement large et mon
esprit très souple, que la fédération nous entretienne
aussi, du moins également, du problème général de
l'industrie des pâtes et papiers au Québec. Sans cela, ce serait
permettre que les mêmes intervenants viennent à deux reprises,
dans l'espace de deux semaines, nous parler du même problème et,
cela, en conscience, comme président de commission parlementaire, je ne
peux l'accepter.
Je suis assuré à l'avance de la collaboration, tout en
sachant que les intervenants ont compris toutes les nuances qu'il y avait dans
cette intervention. M. Daoust, je vous cède la parole.
Fédération des travailleurs
du Québec et syndicat des
travailleurs du papier, Wayagamack
M. Daoust (Femand): M. le Président, je voudrais, en
premier lieu, vous présenter ceux qui m'accompagnent. A ma gauche, Paul
Gagnon, de la section locale 216 du Syndicat des travailleurs du papier,
Wayagamack; à ses côtés, John Todd, président du
local 222 du même syndicat et du même groupe; Jean-Guy Frenette,
directeur au service des recherches à la FTQ; Edmond Gallant, directeur
québécois du Syndicat canadien des travailleurs des pâtes
et papiers; Serge Lord, permanent de ce syndicat au Québec, et
André Charest, président de la section locale 216 du Syndicat des
travailleurs du papier, Wayagamack.
J'ai bien compris les remarques du président. Par ailleurs, le
sort que nous réservons au mémoire qui était
présenté ou soumis auprès de votre commission il y a
quelques jours est conditionné par les réponses qui seront
formulées à l'égard des sujets qui sont soulevés
dans une déclaration préliminaire. Cette déclaration, je
la lirai. Elle n'est pas très longue, trois ou quatre pages. Elle
reprend des problèmes qui font partie du mandat de votre commission.
Elle est plus nettement axée, sans aucun doute, sur le cas de
Wayagamack, mais, dans notre esprit, c'est un tout qui se tient; le cas de
Wayagamack, le mandat de votre commission et l'attitude du gouvernement du
Québec à l'égard de ce problème. Je le
répète, le mémoire en fait état, ou plutôt la
déclaration préliminaire en fait état et cela va se
clarifier dès que la lecture en sera complétée.
Je vais vous le lire, ce n'est pas tellement long. "M. le
Président, MM. les ministres, MM. les membres de la commission, il y a
peu de temps, nous comparaissions devant vous, et une fois de plus, on a
suscité des espoirs nouveaux chez les travailleurs de l'usine du
Cap-de-la-Madeleine de la Wayagamack. Encore une fois, aujourd'hui, nous avons
la désagréable occasion de constater que ces espoirs
n'étaient pas fondés.
Vous vous souviendrez que nous vous demandions essentiellement: a)
d'ouvrir le dossier complet; b) de tout faire pour maintenir les
opérations actuelles pendant un certain temps; c) de nous faire
connaître les chances réelles de recyclage de l'usine.
Après de longues discussions, votre commission adoptait à
l'unanimité deux résolutions: l'une demandant à la
compagnie de prolonger ses opérations jusqu'à ce qu'une nouvelle
vocation soit trouvée, l'autre demandant au ministre de déposer
toutes les études, informations ou données auxquelles il a eu
accès dans ce dossier, après la levée de la
confidentialité à laquelle il s'était astreint devant la
Consolidated-Bathurst.
Cette commission étant en quelque sorte un prolongement de
l'Assemblée nationale, nous avions la conviction que les positions
adoptées par elle liaient, au moins moralement, le gouvernement. Cette
interprétation n'a d'ailleurs pas été contredite
lorsqu'elle fut formulée devant vous. Nous pouvions donc croire que,
dans les jours qui suivraient, certaines lumières seraient
apportées au dossier et que des pressions sérieuses seraient
faites sur la Consolidated-Bathurst pour qu'elle prolonge ses
opérations. Par pressions sérieuses, nous entendions,
évidemment, autre chose qu'une demande officielle. Cela, nous l'avions
mentionné au moment où la décision fut prise par votre
commission de demander à la compagnie de prolonger le délai de la
fermeture pour une période d'une année.
L'attitude arrogante affichée par la compagnie lors de son
passage à la commission parlementaire aurait dû convaincre ceux
qui ne l'étaient pas qu'il faut plus que des appels à la raison
ou l'invocation de sentiments humanitaires pour faire bouger ces gens.
Quelles sont les pressions qui furent exercées par le
gouvernement pour maintenir l'usine en marche? Quelles sont les raisons qui
empêchent votre gouvernement d'agir fermement depuis le début?
Pour être plus direct et traduire la pensée d'un nombre
grandissant de travailleurs, nous vous demandons: Pourquoi cette peur d'agir?
Quel chantage pensez-vous que la Consolidated-Bathurst et le trust qui la
contrôle, Power Corporation, peuvent faire subir à votre
gouvernement.
Nous vous l'avons dit. Votre aveu d'impuissance devant la
Consolidated-Bathurst enlève toute crédibilité à
votre commission.
Nous doutons que vous puissiez intervenir de façon efficace dans
l'industrie des pâtes et papiers, si vous continuez à vous
astreindre à toutes les règles de la confidentialité de
l'entreprise privée, si vous reconnaissez le droit absolu des compagnies
de décider seules du sort économique d'une région
entière et si vous vous contentez d'appels à la bonne
volonté.
Les représentants de la Consolidated-Bathurst ont
été assez clairs, il nous le semble. Ils ne veulent aucune
intervention directe ou indirecte de l'Etat dans leur industrie. Votre attitude
passive devant des gens aussi arrogants ouvre la voie au sabotage de votre
commission.
Vous ne manquerez pas de nous dire qu'il faut tourner la page et cesser
de parler de la prolongation des opérations, puisque l'usine est
fermée
depuis samedi matin. Il faut maintenant songer au recyclage de ses
équipements à la nouvelle vocation. Mais, justement, votre
facilité à vous situer dans la logique de la compagnie depuis le
début nous inquiète toujours. La Wayagamack est fermée,
mais la Consolidated-Bathurst en est toujours propriétaire. Or, à
plusieurs reprises, ces dirigeants ont affirmé que jamais ils ne
vendraient à un concurrent.
Nous croyons que depuis quelques mois déjà des tentatives
de rachat de l'usine ont échoué à cause de cela. Qu'a fait
le gouvernement? Comment espère-t-il intervenir maintenant?
Le ministre des Terres et Forêts, M. Yves Bé-rubé,
à qui sa conscience ne permet pas de tordre les bras à une
compagnienous citons le ministre, lorsqu'il faisait cette
déclaration devant les syndiqués de la Wayagamack, à
Trois-Rivières qui agit dans la légalité, sera-t-il
en mesure de convaincre cette compagnie de vendre ses équipements,
même s'il n'est pas illégal de ne pas vendre?
Nous aimerions bien savoir du ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Rodrigue Tremblay, comment il est intervenu dans le dossier jusqu'ici. Quelles
démarches a-t-il faites pour maintenir l'usine ouverte? Quelle fut
l'action du ministère dans la recherche d'une solution de rechange? Y
a-t-il eu, oui ou non, des offres d'achat? Si oui, quelle a été
la réaction de la Consolidated-Bathurst à ces offres? Quels
moyens le ministre entend-il prendre pour convaincre la compagnie de se
départir de sa propriété du Cap-de-la-Madeleine si elle
refuse de le faire?
Par la même occasion, nous aimerions être mis au courant de
ce qui a été fait jusqu'ici pour concrétiser l'une ou
l'autre des trois hypothèses suivantes: Premièrement, une usine
de papier d'amiante; deuxièmement, une usine de papier fin et,
troisièmement, une usine de produits isolants. Nous croyons que le
ministre de l'Industrie et du Commerce devrait déposer ici, devant votre
commission, le dossier complet de toutes les démarches qui ont
été faites, si, toutefois, il y en a eu?
Pour ne rien vous cacher, nous avons le sentiment que peu d'efforts ont
été faits pour trouver une nouvelle vocation à l'usine.
Nous croyons que là encore, c'est la volonté politique qui
manque.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises: Pour le Syndicat canadien
des travailleurs du papier, comme pour la FTQ, le dossier Wayagamack constitue
un test que subit le gouvernement du Québec et, plus
particulièrement, le parti au pouvoir.
Si ce gouvernement, comme le précédent, s'emprisonne dans
le respect intégral de toutes les règles et coutumes de
fonctionnement des compagnies, nous doutons qu'il puisse intervenir
adéquatement dans l'industrie des pâtes et papiers.
De la clarté des réponses que vous donnerez à
toutes nos questions et des efforts que vous nous convaincrez que vous
êtes prêts à faire pour solutionner à court terme le
problème de la fermeture de la Wayagamack, dépend notre
participation aux travaux de cette commission.
En effet, nous avons préparé un mémoire sur
l'industrie des pâtes et papiers, mais nous jugeons peu utile de discuter
d'une politique d'ensemble pour cette industrie si, par votre passivité
vous acceptez la subordination du pouvoir politique au pouvoir
économique dans les décisions à prendre.
Voici donc les questions que nous posons au ministre des Terres et
Forêts et quelques-unes de ces questions, en ce qui a trait à des
solutions de rechange, ont été posées, par voie de
télégramme, au ministre de l'Industrie et du Commerce, M.
Rodrigue Tremblay, copie du télégramme fut envoyée
à chacun des membres de la commission par le président de cette
commission. Je pense que le cas a toute l'urgence qu'on lui reconnaissait le 29
septembre dernier et qu'on lui connaît depuis le début. Je n'ai
pas à vous relater les démarches multiples qui ont
été entreprises, toutes les déclarations qui ont
été faites, le rôle d'un comité de citoyens, les
promesses qui ont été transmises aux syndiqués. Je pense
que vous connaissez fort bien le dossier et que vous êtes en mesure
d'apporter des réponses aux questions que nous soulevons dans cette
déclaration préliminaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
la fin de votre mémoire?
M. Daoust: De la déclaration préliminaire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Pourrions-nous prendre connaissance de votre mémoire maintenant?
M. Daoust: M. le Président, je veux évidemment
éviter toute ambiguïté. Je l'ai mentionné au
début, le mémoire fut déposé; par ailleurs, selon
que vous saurez répondre je ne dis pas vous, mais le
gouvernement, M. Bérubé aux questions que nous vous posons
dans ce mémoire, nous serons en mesure, à la suite des
réponses devrais-je dire, de fixer notre orientation à
l'égard du mémoire que nous avons déposé
auprès de votre commission. Ce sont des questions qu'on vous pose et on
aimerait bien vous entendre... Pas vous personnellement, mais surtout le
ministre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je sais,
M. Daoust, mais, tout en vous félicitant de l'ardeur habituelle que vous
mettez dans la défense de vos vues, je dois quand même dire que je
suis un peu déçu, à titre de président de
commission parlementaire, de voir que l'entente tacite qui avait
été faite n'ait pas été, du moins
intégralement, respectée. De toute façon, le
mémoire est lu. Je reconnais là des moyens très habiles
pour faire valoir votre cause et je ne vous en veux pas, c'est votre travail,
mais je dois quand même dire qu'à titre de président, je
m'attendais à recevoir ce soir le mémoire de la
Fédération des travailleurs du Québec.
M. le ministre.
M. Daoust: Je me permets, M. Vaillancourt, puisque vous avez fait
la déclaration qu'il y avait eu une entente tacite... Lors de la
présentation de
notre point de vue, le 29 septembre dernier, nous avions, là
aussi, posé des questions précises et votre commission avait
entériné deux voeux unanimes, sauf une abstention dans un cas.
L'un de ces voeux, au-delà du dépôt de certains documents,
c'était que la compagnie ne ferme pas et s'engage à maintenir ses
activités pour une année.
A ce sujet, nous n'avons jamais eu de réponse.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Remarquez que la commission n'en connaît pas plus que vous puisque l'une
des deux motions n'a certainement pas reçu de réponse. En ce qui
concerne la deuxième, j'ai été informé ce matin
seulement, en ce qui concerne la motion demandant que la fermeture soit
retardée d'une certaine période de temps je pense que
c'était un an que cette réponse était
négative. J'en ai pris connaissance ce matin.
Motion jugée recevable
Avant de céder la parole au ministre, je déclare recevable
la motion du député de Portneuf puisqu'elle correspond
intégralement au libellé même de l'article 153 du
règlement et qu'il y a déjà eu un précédent
alors que le député de Maisonneuve, M. Burns, dans le cas de la
United Aircraft, avait exigé, justement en vertu de cet article, le
dépôt de certains documents ou de certaines pièces. Alors,
je déclare la motion recevable. Il reste maintenant à savoir
quand elle sera débattue. Est-ce que le ministre répond à
des questions? Est-ce qu'on débat la motion?
M. Pagé: On pourrait débattre la motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Selon
les normes de la commission, à votre gré.
M. Pagé: On pourrait débattre la motion. Cela
pourrait régler cette question pour que cela ne revienne pas dans le
débat dans les questions qui seront posées.
M. Gendron: Personnellement, M. le Président, si votre
décision est rendue, vous acceptez...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Elle est
recevable, maintenant il suffit de savoir si elle va être adoptée
par la commission. C'est tout.
M. Gendron: Je serais d'accord pour la débattre tout de
suite.
M. Vaillancourt (Orford): Je pense qu'elle devrait être
débattue immédiatement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
D'accord. Avec le consentement des membres de la commission, la motion est
recevable et débattable. Je cède de nouveau la parole au
député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, je vais être
très bref. D'abord, je vous remercie de l'avoir reçue.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ne me
remerciez pas, c'est le règlement.
M. Pagé: Non, mais je ne me trompais pas tantôt
quand je faisais état de votre sagesse comme juriste et comme
président de commission. M. le Président, seulement quelques
mots. Les membres de la commission parlementaire, le 29 septembre dernier, dans
un voeu qu'ils ont formulé, demandaient à la compagnie de
divulguer les chiffres, les états financiers, le bilan, somme toute, le
portrait financier de l'usine Wayagamack. Vous vous rappellerez qu'il y avait
de sérieuses interrogations sur les investissements qui avaient
été faits par l'entreprise depuis 20 ans. On se rappellera que
dans le dossier de la Consolidated-Bathurst, celle-ci avait produit, en termes
de capital, en termes de pourcentage, tous les investissements qui avaient
été faits depuis 20 ans. A cela s'ajoutaient d'autres questions
comme, par exemple: Quelle avait été la
dépréciation en capital des équipements? Pourquoi la
compagnie du Cap-de-la-Madeleine avait-elle été le parent pauvre
de toutes les entreprises en ce qui concerne les investissements depuis 20
ans?
On se rappellera qu'on n'avait pas eu droit, M. le Président,
à des réponses aux questions qui avaient été
formulées dans un ordre aussi général que celui-là.
On se rappellera de plus, M. le Président, qu'il était
nécessaire que les chiffres en question, que le portrait financier, pour
l'appeler comme cela, soit divulgué parce que le gouvernement a eu droit
à cette information et que ce n'était pas le gouvernement, quand
même, qui siégeait le 29 septembre, c'était
l'Assemblée nationale.
Par surcroît, il était nécessaire que ces chiffres
soient divulgués pour que les travailleurs puissent analyser et voir ce
qui en était exactement. Les chiffres avaient fait état de
profits de $119 000 au cours du premier trimestre. On se rappellera que les
représentants de l'entreprise n'avaient pas été
très clairs dans les réponses aux questions qu'on leur avait
posées sur ce sujet.
Alors, M. le Président, c'est dans ce but que le voeu avait
été adopté, compte tenu des réponses, la
réponse présumément négative, parce que somme toute
il n'y a pas eu de réponse, compte tenu qu'aujourd'hui, tout comme M.
Daoust y faisait allusion tout à l'heure, il est peut-être devenu
encore plus impérieux, plus urgent que toutes les parties en
présence puissent avoir ces chiffres. Parce que tout à l'heure,
on pourra voir quel est l'avenir de l'usine Wayagamack au
Cap-de-la-Madeleine.
Maintenant, d'accord, c'est fermé depuis samedi dernier, il y a
des choix possibles, éventuels. On fait état dans ce
mémoire de la possibilité d'une nouvelle opération pour un
nouveau produit. Je pense que plus que jamais, il est devenu urgent,
impérieux et nécessaire que les parties en
présence puissent savoir de quoi on parle et, le meilleur moyen
pour le savoir, c'est de connaître la situation, le portrait de
l'entreprise pour les dix dernières années.
M. le Président, je comprends que certaines entreprises,
d'ailleurs, on l'a déjà vu dans certains cas, ne sont pas du
tout, mais pas du tout désireuses de rendre publics des chiffres comme
ceux-là. C'est un droit qui appartient aux parlementaires, c'est un
droit qui appartient à la commission. J'espère que les membres de
la commission sauront adopter, j'espère que ce sera unanime, la motion
qui a été présentée. Je présume que le
ministre saura souscrire, non pas seulement au voeu, mais à la
requête qu'on présente aujourd'hui,
M. le Président, est-ce que le ministre pourrait
m'écouter, s'il vous plaît? C:est tellement important.
M. Bérubé: Oui, c'est passionnant d'ailleurs.
M. Pagé: Des deux oreilles.
M. Bérubé: Continuez.
M. Pagé: Des deux oreilles.
M. Burns: Une oreille, c'est assez. M Bérubé: A
deux oreilles, on atteint vite la saturation, à une, c'est
même...
M. Pagé: Ne commencez pas de partisanerie, c'est tellement
urgent, sérieux cette affaire, ne commencez pas à faire de la
politique, parce qu'on peut en faire à deux, M. le ministre.
Ce que je dis, M. le Président, c'est ceci. J'espère que
ma motion sera adoptée, j'espère qu'elle le sera unanimement,
parce qu'il est tout aussi srgent, aujourd'hui, de connaître ces chiffres
qu'il l'était le 29 septembre dernier. Si elle est adoptée, la
compagnie Consolidated-Bathurst devra se rendre au désir de la
commission de comparaître, ici, et montrer le portrait financier en
question. Si elle n'y répond pas, M. le Président, l'article 153
s'applique et ce sera à la présidence de l'Assemblée
nationale de prendre les dispositions pour que le désir de la commission
soit respecté intégralement.
M. le Président, je termine là-dessus. Je suis pas mal
certain que mes collègues de l'Opposition vont souscrire à la
motion que j'ai déposée. J'ose croire qu'il en sera ainsi de la
part de la majorité ministérielle, suite à l'attention,
à deux oreilles, de la part du ministre.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Lac
Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président, quant à moi, je vais
voter pour la motion du député de Portneuf. Je la trouve
parfaitement justifiée. Dans le cas qui nous préoccupe tous, il
me semble aussi normal je suis d'accord avec lui que l'on puisse
voir un portrait financier, le plus exact possible, et sur une période
la plus longue possible la motion mentionne dix ans, cela
m'apparaît suffisant du fonctionnement de l'usine Wayagamack, du
Cap-de-la-Madeleine, appartenant à la Consolidated-Bathurst, de
façon que les membres de cette commission puissent porter un jugement
éclairé sur cette fermeture qui plonge la ville du
Cap-de-la-Madeleine dans une situation extrêmement difficile et
pénible à supporter, et surtout, qui crée une
véritable tragédie sociale pour les travailleurs
impliqués.
Je suis heureux de constater, en terminant, que par son
représentant, le député de Portneuf, le parti
Libéral, l'Opposition oficielle a décidé, comme le
mentionne le document préliminaire de la Fédération des
travailleurs du Québec, de ne plus s'emprisonner comme c'était le
cas auparavant, semble-t-il, dans le respect intégral de toutes les
règles et coutumes de fonctionnement des compagnies. Nous sommes bien
d'accord avec lui, nous allons voter pour cette motion, quant à moi, en
tout cas.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Russell: M. le Président, je serai bref. C'est
simplement pour vous dire que je suis d'accord pour appuyer la motion
présentée par le député de Portneuf qui fait suite
à la motion qui avait été acceptée
précédemment par cette commission, en vue de solliciter la
compagnie de prolonger ses activités et aussi d'avoir la
possibilité d'examiner la rentabilité de cette compagnie depuis
quelques années. Vu le manque de respect de ce désir de la
commission et vu que la commission a un droit d'exiger de la
société de nous démontrer, de nous justifier sa
prétention de l'inefficacité de l'usine... Actuellement,
malgré les commentaires qui ont été faits à cette
commission, et malgré le mémoire qu'elle nous a
présenté, il n'a pas été prouvé que cette
société fonctionnait à déficit, au
Cap-de-la-Madeleine.
Dans le contexte actuel, je pense que la commission était
justifiée de demander à cette société de maintenir
ses activités, au moins pour un temps limité, pour
démontrer à la commission que réellement, c'était
impossible de maintenir la continuité de ses activités.
Dans les circonstances, M. le Président, il y a là un
ensemble de faits. C'est une compagnie qui fonctionne avec les richesses
naturelles de la province. C'est une compagnie qui a fonctionné dans le
milieu depuis nombre d'années. Il y a plusieurs centaines d'ouvriers, de
familles affectées et je pense que c'était un droit de la
commission de faire en sorte que la compagnie se justifie de façon
formelle et sans équivoque de sa fermeture. Dans les circonstances, je
me vois même obligé de recommander au parti que je
représente l'appui de cette motion, de même qu'à la
commission.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci.
M. le député de Rimouski.
M. Marcoux: Je voudrais indiquer brièvement les motifs
pour lesquels, légalement, j'appuierai la motion du député
de Portneuf. Je pense que dans le déroulement de nos travaux sur
l'évolution générale de l'industrie des pâtes et
papiers depuis quelques années, et dans le sens dans lequel on voudrait
que cette industrie évolue dans les prochaines années, le cas de
la Wayagamack, en employant une comparaison médicale, peut constituer ce
qu'on pourrait appeler un beau cas.
Comme les médecins parlent d'un beau cas en parlant d'un mourant,
dans ce cas-là, il est déjà mort, mais lorsqu'on fait
l'analyse d'un beau cas, c'est pour essayer de savoir comment, la prochaine
fois, on pourrait éviter que le même cas survienne, pour sortir ou
guérir le malade. Cette fois-ci, il est déjà mort.
En ce sens-là, je pense qu'il serait très utile, pour tous
les membres de la commission et les membres de l'Assemblée nationale,
d'avoir l'information la plus complète possible sur ce cas de la
Wayagamack, ce qui nous permettrait, en fait, parce qu'en ayant une vue sur les
états financiers depuis dix ans, cela nous permettrait de savoir ce
qu'il ne faudra pas faire à l'avenir. Le gouvernement est
déjà partie prenante à travers REXFOR, dans des
entreprises de pâtes et papiers. Il serait important aussi pour le
gouvernement de savoir comment il ne doit pas mener ses affaires pour aboutir
à des cas semblables à celui de la Wayagamack.
Je pense qu'une objection qui est maintenant disparue de la part de la
compagnie et qui doit tomber d'elle-même... Si la compagnie Wayagamack
était encore en exercice, elle pourrait dire qu'elle est encore en
état de concurrence, qu'elle a des compétiteurs, qu'à ce
moment-là, elle est en mesure de refuser ou nous convaincre davantage de
son refus de révéler les chiffres. Mais maintenant que l'usine
Wayagamack est fermée, cette usine n'est plus en état de
concurrence avec les autres usines ou les autres compagnies de pâtes et
papiers.
Cet argument qui pourrait être évoqué pour justifier
le secret sur les états financiers passés, je pense que c'est un
argument qui ne peut plus être évoqué par la compagnie.
C'est sûr que cet argument pourrait être évoqué dans
la mesure où on n'oblige pas les autres compagnies... On sait que
plusieurs d'entre elles peuvent être en état de difficultés
financières, celles dont les équipements sont vieillots, n'ont
pas été rénovés depuis dix, quinze ou vingt ans,
peut-être qu'elles vivront des situations semblables et on pourrait aussi
demander à connaître cette situation.
Dans ce cas, comme l'entreprise est fermée, je pense que les
motifs pour nous empêcher de connaître la situation des
états financiers au cours des dix dernières années tombent
en très grande partie d'eux-mêmes. Voilà deux motifs pour
lesquels les membres de l'Assemblée nationale auraient avantage à
connaître la situation complète de cette entreprise depuis dix
ans.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: M. le Président, dans un tel cas,
je crois que je devrai m'abstenir, non pas que je m'oppose à la
décision de cette assemblée, je pense que l'Assemblée
nationale est toute-puissante et qu'elle peut demander les renseignements en
vertu du règlement dont elle a besoin pour guider sa
décision.
Néanmoins, à titre de ministre, membre d'un gouvernement,
j'ai déjà eu accès à ces renseignements sur une
base confidentielle et, par conséquent, pour éviter d'être
en conflit d'intérêt, je préfère m'abstenir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
membres de la commission sont-ils disposés à voter? Cette motion
sera-t-elle adoptée?
M. Pagé: M. le Président, aurais-je eu droit de
réplique? Ce sera seulement pour une minute, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Je veux bien qu'on se comprenne. Je comprends que
mon bon ami, le député de Rimouski, vient seulement, tout au
moins depuis quelques jours, de se joindre aux travaux de cette commission. Ce
n'est pas du tout dans une perspective d'analyse de vos cas que ces documents
sont demandés. Ce n'est pas dans le but de faire l'autopsie d'un dossier
qui est mort, au contraire. Il apparaît d'ailleurs, on pourra
échanger tantôt avec les représentants syndicaux; le
ministre pourra certainement avoir une contribution très utile à
nos débats en nous informant sur ce qui s'est passé, tout au
moins sur les éléments qui sont invoqués par les
représentants de la FTQ ce soir qu'il y a différentes
possibilités d'avenir qui se dégagent pour cette entreprise. Je
pense que les documents qu'on demande ne seront qu'un autre
élément qui pourra favoriser les parties en présence pour
avoir un esprit plus éclairé, avoir un tableau d'une situation
beaucoup plus fidèle, et ce n'est pas du tout dans une perspective
d'analyse d'une situation qui est acquise. Au contraire, cela se doit
d'être interprété dans le cadre d'une perspective d'avenir
pour l'entreprise et de survie de l'entreprise.
Je remercie les membres de l'appui qu'ils me donnent dans l'adoption de
cette motion.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Cette
motion sera-t-elle adoptée?
M. Pagé: Vote enregistré, M. le Président.
Mise aux voix de la motion
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. Baril
(Arthabaska)?
M. Baril: Je voterai pour, avec plaisir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bérubé (Matane)?
M. Bérubé: Abstention.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Bordeleau (Abitibi-Est)?
M. Bordeleau: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Cordeau (Saint-Hyacinthe)?
M. Cordeau: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Desbiens (Dubuc)?
M. Desbiens: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Pagé (Portneuf)?
M. Pagé: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Giasson (Montmagny-L'Islet)? M. Russell (Brome-Missisquoi)?
M. Russell: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Brassard (Lac-Saint-Jean)?
M. Brassard: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Gendron (Abitibi-Ouest)?
M. Gendron: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Larivière (Pontiac)? M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata)?
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Marcoux (Rimouski)?
M. Marcoux: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Marquis (Matapédia)?
M. Marquis: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Mercier (Berthier)?
M. Mercier: Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
O'Gallagher (Robert Baldwin)? M. Gagnon (Champlain)? La motion est... Le
consentement n'est pas nécessaire. M. Vaillancourt (Orford)?
M. Vaillancourt (Orford): Pour.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion est adoptée unanimement, sauf une abstention.
Je comprends votre joie. Puis-je vous demander, si vous voulez, votre
collaboration et de ne pas applaudir mais de manifester
intérieurement.
Où en étions-nous?
M. Brassard: Une information, M. le Président. La motion
comporte-t-elle une date précise? Mercredi, c'est demain.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): La
motion comporte une date. Le personnel du secrétariat des commissions
devra faire en sorte qu'un télégramme ou un autre avis soit
envoyé dans les minutes qui suivent à qui de droit, si la chose
est possible.
Evidemment, la motion dit: "ou toute autre séance
subséquente " de telle sorte qu'actuellement, nous n'avons pas encore de
mandat pour siéger le 19 octobre. Un mandat pourra être
donné d'ici 23 heures, mais, de toute façon, la motion ne
deviendrait pas caduque si la commission ne siégeait pas, puisque la
motion parle de "toute autre séance subséquente'.
M. Pagé: Si possible, à la suite des communications
que vous aurez avec la compagnie. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bérubé: M. le Président, relevant
brièvement un certain nombre de questions, il en existe certaines
auxquelles on peut apporter réponse. Je me ferai un plaisir d'essayer
d'y répondre le plus objectivement possible. Néanmoins, il
m'apparaît qu'à la page 3, au centre, où l'essentiel des
questions se retrouve, il m'apparaît que ces questions se dirigent
essentiellement du côté de M. Rodrigue Tremblay et, par
conséquent, il m'est assez difficile, pour autant que je suis
concerné, d'y répondre, il va de soi. Je pourrai dire,
néanmoins, que le Conseil des ministres a effectivement confié un
mandat conjoint au ministre des Terres et Forêts et au ministre de
l'Industrie et du Commerce pour que les deux regardent, chacun dans son domaine
respectif, les possibilités de rechercher des solutions de rechange aux
problèmes auxquels fait face présentement la Wayagamack et, en
particulier, les travailleurs qui sont mis en chômage le 15. Donc, dans
le cas de M. Rodrigue Tremblay, malheureusement, je ne saurais dire ce qu'il a
fait. Je suis au courant, mais, évidemment, sur une base privée,
puisqu'il m'a mis au courant de certaines démarches. Je pourrai traiter
des éléments de réponse qui sont à ma
disposition.
En ce qui a trait à une usine de papier d'amiante, il existait un
projet, celui de la Nicolet Industries. Nous avons donc communiqué avec
l'entreprise Nicolet Industries de manière à nous assurer que ce
projet pouvait être mis sur pied. La société nous a
répondu que le marché du feutre d'amiante dans lequel elle
s'était engagée était en régression, d'une part, et
qu'elle voyait difficile-
ment un investissement en ce moment. De plus, elle estimait ne pas avoir
les reins assez solides pour acheter une entreprise de la taille de la
Wayagamack avec ses machines à papier. Elle était donc
hésitante. Par conséquent, il nous est apparu que cette avenue
était peu probable. Nous avons également, à ce moment,
pour nous rassurer sur les possibilités, pris contact avec M. Le-maire,
qui était d'ailleurs présent à cette commission ce matin
et qui, comme vous le savez, est impliqué dans la fabrication de papier
et de feutre d'amiante. Nous lui avons confié un mandat sur une base
professionnelle, un mandat de consultant afin qu'il puisse nous éclairer
sur les possibilités d'utiliser l'équipement de la Wayagamack
à des fins de production de papier ou de feutre. M. Lemaire est
censé nous avoir produit un rapport que je n'ai malheureusement pas pu
voir encore pour plusieurs raisons. Les conclusions m'ont été,
néanmoins, transmises verbalement par mon sous-ministre. Les conclusions
de M. Lemaire seraient les suivantes: A la suite d'une évaluation du
marché du feutre d'amiante, il s'est révélé que,
dans ce secteur, le feutre qui était en grande demande et dont la
demande était en expansion était un feutre de quatre
mètres. Or, il arrive que les machines de la Wayagamack, étant de
dimensions un peu plus restreintes, ne peuvent malheureusement pas produire du
feutre de quatre mètres. On devrait donc se spécialiser dans la
production d'un feutre de plus petites dimensions, lequel, malheureusement, est
justement en régression sur le marché et c'est plutôt le
feutre de quatre mètres qui est en demande. Par conséquent,
l'étude de M. Lemaire, telle qu'elle m'a été
communiquée à la fin de la semaine dernière, semble donc
peu encourageante du côté du papier d'amiante.
Quant à une usine de papier fin, j'ai pris connaissance
aujourd'hui de trois entrepreneurs qui, semble-t-il, manifesteraient de
l'intérêt pour relancer un papier, une industrie de ce type.
Malheureusement, je n'ai pas plus de renseignements que cela. J'ai donc
demandé à mon sous-ministre d'entrer en communication avec ces
trois promoteurs dont je n'ai malheureusement pas les noms, de manière
à pouvoir vérifier. Maintenant, mon sous-ministre a sans doute
les noms. En ce qui a trait au papier en particulier, il y a donc,
peut-être, une possibilité, mais, malheureusement, c'est beaucoup
trop récent. Ceci ne m'a été confié que cet
après-midi.
Quant à une usine de produits isolants, malheureusement, c'est la
première fois que j'en entends parler. La compagnie Consol m'a dit
qu'elle avait d'autres projets également. Je sais que des
représentants ont fait, semble-t-il, un voyage en Europe il y a une
dizaine de jours, justement pour entrer en contact avec un investisseur
potentiel.
Il me fera plaisir de déposer à la commission, si la
commission le désire, le rapport que M. Lemaire nous présentera,
de manière que vous ayez les éléments qui substantifient
son jugement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Daoust.
M. Daoust: M. le Président, messieurs, nous, ce qu'on
souhaite et ce qu'on souhaitait on le mentionne dans le dernier
paragraphe de notre déclaration préliminaire
c'était une grande clarté dans les réponses et la
conviction qui aurait pu découler des prises de position que le ministre
était prêt à mettre en oeuvre pour qu'il y ait une solution
de rechange.
Nous aurions souhaité incidemment que M. Rodrigue Tremblay soit
présent. Le mémoire que nous lui avons fait parvenir, le
télégramme plutôt, a été communiqué au
président de cette commission et vous ne nous avez pas répondu
ou, du moins, on ne vous a pas posé la question, à savoir si vous
aviez convoqué ou pas M. Rodrigue Tremblay. Le télégramme
vous a été envoyé vendredi, c'est-à-dire que la
copie du télégramme que nous avions fait parvenir à M.
Tremblay vous a été envoyée vendredi. Vous ne l'avez pas
eue? Bon! De toute façon...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
j'aimerais dire que je ne l'ai pas eue.
M. Daoust: Ce n'est pas notre faute.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, ce
n'est pas ma faute non plus si je n'ai pu y donner suite.
M. Daoust: II n'y a personne de la commission qui l'a eue?
Non?
M. Bérubé: Nous avons d'ailleurs obtenu votre
mémoire uniquement ce matin, vers 11 heures, et, par conséquent,
nous n'avons eu que très peu de temps pour l'étudier, je dois
dire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Si le
télégramme a été envoyé à tous les
membres... En ce qui me concerne, en tout cas, je peux dire que je n'ai
reçu aucun télégramme ou, du moins, je n'en ai pas pris
connaissance. Si j'en ai eu un, j'ai...
M. Daoust: Je vais vous le lire, c'est très bref. M.
Vaillancourt, président de la commission parlementaire de l'industrie
des pâtes et papiers, Hôtel du Gouvernement, Québec. Voici
copie du télégramme que nous faisons parvenir aujourd'hui au
ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Rodrigue Tremblay. Nous vous
saurions gré d'en faire parvenir une copie à chacun des membres
de votre commission. Assuré de votre collaboration, je vous remercie
à l'avance et demeure, Fernand Daoust. Bon!
Voici maintenant le texte du télégramme: Devant la
disparition de quelque 400 emplois dans la région de la Mauricie et
compte tenu que le gouvernement a, à plusieurs reprises,
évoqué la possibilité d'un recyclage de l'usine de la
Wayagamack au Cap-de-la-Madeleine, nous croyons que vous seriez en mesure
d'éclairer la situation. C'est pourquoi nous souhaiterions pouvoir vous
poser quelques questions lors de la commission parlementaire sur l'industrie
des pâtes et papiers où nous serons entendus le mardi 18
octobre.
Nous souhaiterions être renseignés sur les positions de
votre ministère et les démarches entreprises plus
particulièrement en ce qui a trait à trois hypothèses de
réouverture: premièrement, fabrication de papier d'amiante;
deuxièmement, fabrication de papier fin; troisièmement,
fabrication de produits isolants.
Voilà les questions: Ces dossiers ont-ils été
étudiés sérieusement par votre ministère?
Envisagez-vous d'autres solutions de rechange? Dans quels délais? Quelle
garantie la main-d'oeuvre actuelle de la Wayagamack a-t-elle d'être
privilégiée dans l'embauche lors d'une éventuelle
réouverture?
Voilà autant de points qui mériteraient d'être
éclaircis, surtout si l'on tient compte des espoirs considérables
suscités tout au cours de l'été par certains de vos
collègues ministres.
Espérant que vous jugerez la situation suffisamment grave pour
venir rencontrer les travailleurs de la Wayagamack, les représentants du
Syndicat canadien des travailleurs du papier et ceux de la FTQ, à la
commission parlementaire, mardi. Je demeure, etc.
Vous ne l'avez pas reçu? Encore une fois, c'est un
problème de communications. Ce n'est peut-être pas la
première fois. Passons!
Nous, ce que nous souhaitons, c'est un engagement très ferme de
votre gouvernement pour qu'une solution de rechange soit trouvée, afin
de ne pas faire en sorte qu'il y ait 400 travailleurs de mis à pied de
façon indéfinie.
Nous pensons que votre gouvernement doit prendre un tel engagement, de
façon concrète. M. Bérubé nous a fait état
de certaines démarches qui, sans aucun doute, ont été
faites, peut-être trop ou fort récemment pour qu'on puisse obtenir
des réponses concrètes.
Par ailleurs, au-delà des démarches, il y a des
engagements qui doivent être pris, à notre sens.
Nous l'avons dit lors de notre première comparution et nous
sommes encore convaincus que, si le gouvernement avait pris tous les moyens
à sa disposition, les moyens de pression qu'on n'a pas à
décrire de nouveau, on en a parlé la dernière fois, la
Consolidated-Bathurst aurait pu continuer de fonctionner pendant encore une
année, période au cours de laquelle il aurait été
relativement facile, selon nous, de trouver une solution de rechange.
Retrait du mémoire de la FTQ
Devant le fait je m'excuse vous me faites signe qu'il y a
probablement un vote, je ne sais pas, mais je finis dans trois minutes
qu'il n'y a pas d'engagement concret et formel, qu'on ne peut déceler
chez le gouvernement une volonté d'intervention très ferme dans
le cas de la Wayagamack et dans le cas d'une solution de rechange, la FTQ, nous
l'avons déjà dit, ne voit aucun intérêt à
poursuivre les échanges de vues devant votre commission et retire le
mémoire qu'elle a déposé il y a quelques jours devant
votre commission.
Nous aurions souhaité poursuivre les travaux, échanger
avec vous, répondre aux questions qui, sans aucun doute,
découlent du mémoire que nous vous avons présenté;
mais, encore une fois, devant l'impuissance manifeste de votre gouvernement et
l'hésitation qui nous semble inacceptable dans un cas comme
celui-là, nous je jugeons pas utile de poursuivre notre comparution
devant votre commission.
Le Prési-ent (M. Vaillancourt, Jonquière): Les
travaux de la commission sont suspendus jusqu'à la fin du vote.
(Suspension de la séance à 21 h 6)
Reprise de la séance à 21 h 23
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
J'inviterais maintenant l'Association des propriétaires de
boisés privés du Québec, s'il vous plaît!... Et ses
représentants à venir présenter leur mémoire, s'il
vous plaît. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir se
présenter et présenter ceux qui l'accompagnent, s'il vous
plaît.
Association des propriétaires de boisés
privés du Québec
M. Racine (Yvon): M. le Président, M. le ministre n'est
pas ici... A ma gauche, vous avez M. Jacques Lamontagne, qui a
été nommé tout récemment président de
l'Association des propriétaires de boisés privés. Vous
avez à ma droite, M. Emmanuel Caron, qui est devenu directeur.
Avant de commencer la lecture de notre mémoire, nous tenons
à remercier d'une façon particulière il n'est pas
ici M. Bérubé, le ministre des Terres et Forêts, de
l'invitation qu'il nous a faite de participer à la présente
commission parlementaire sur les perspectives d'avenir de l'industrie des
pâtes et papiers.
A priori, nous voulons que notre association soit
considérée comme fournisseur de matière ligneuse autonome,
c'est-à-dire qu'elle puisse contrôler son produit de A à Z
depuis le parterre des coupes, à la livraison du produit au lieu de
transformation, en passant par la négociation des prix pour cette
série de manutentions. Ceci nous amène à regarder encore
de plus près le domaine forestier d'une superficie de 26 000 milles
carrés de forêts privées incluant les agriculteurs, soit
près de 12% de la superficie totale de la forêt publique
située au sud du 52e parallèle. Une grande partie de cette
forêt publique est en concession et soumise à un plan
d'aménagement qui a toujours été d'ordre prioritaire au
ministère des Terres et Forêts.
Pendant que le ministère des Terres et Forêts, sous divers
gouvernements, veillait scrupuleusement à l'aménagement et
à l'exploitation ration-
nelle des concessions forestières en fournissant tous les
services techniques aux concessionnaires, la forêt privée
était complètement négligée, aucun plan
d'aménagement et d'exploitation n'a été fait pour
connaître et améliorer sa productivité. Tout a
été laissé au petit bonheur. Cette forêt
privée, tout à fait exceptionnelle, située dans les
meilleurs sites de la province, composée d'une grande
variété d'essence qui peut procurer à l'industrie
forestière déjà existante la matière
première dont elle a besoin, et à la nouvelle industrie
forestière, comme Cabano et Matane, dont nous aurions un grand besoin,
qui emploierait tous les feuillus qui sont de mauvaise croissance.
Ceci contribuerait à assainir nos boisés privés,
tout en créant un nombre considérable de nouveaux emplois.
Cette forêt privée, nous la considérons comme
prioritaire pour plusieurs raisons:
Premièrement, parce que 90% de sa superficie est située au
sud du Saint-Laurent; deuxièmement, elle jouit d'un climat
spécial comparé à la forêt boréale, donc
d'une croissance maximale; troisièmement, cette forêt est
composée d'essences multiples, tant résineuses que feuillues;
quatrièmement, cette forêt peut être exploitée en
employant différents modes de coupe; cinquièmement, cette
forêt peut procurer la matière ligneuse à plusieurs genres
d'industries, pâtes, sciage, déroulage, fuseau, formes, et le
reste; sixièmement, cette forêt peut être
aménagée spécialement, et nous avons ici à
l'idée l'exploitation maximale de l'érable à sucre, la
récréation, le développement de la faune, la pisciculture
et peut-être, après un inventaire minutieux, la découverte
de cours d'eau qui pourraient fournir un peu d'énergie pouvant alimenter
de petites industries; septièmement, cette forêt rurale dont les
grandes voies de vidange la croisent en tout sens est à proximité
de l'industrie, grande, moyenne et petite, usine de pâtes, moulins de
sciage, industries du meuble, et le reste; huitièmement, cette
forêt rurale pouvant accommoder la grosse, petite et moyenne industrie
forestière qui emploierait la main-d'oeuvre rurale, non agricole,
réduirait le chômage en général et empêcherait
la désertion des campagnes qui grossit le rang des sans-travail dans les
villes; neuvièmement, cette forêt rurale est toujours facile
d'accès pour fournir à l'industrie le supplément de bois
nécessaire manquant dans les périodes où la matière
ligneuse est en grande demande et quand la forêt publique, à court
avis, ne peut y suppléer; dixièmement, tous ces aspects ci-haut
décrits peuvent être intégrés à cette
forêt privée pour autant que nous connaissons tous ces
détails, si minimes soient-ils. Pour les connaître, il nous faut
un inventaire spécial, détaillé, qui nous montrera la
composition de cette forêt.
Qu'avons-nous en mains aujourd'hui pour répondre aux besoins de
l'industrie et de la société? Une permission pure et simple de
produire un vo- lume de matière ligneuse sans se préoccuper
où ces volumes seront coupés, basé sur une
possibilité empirique de croissance.
Il faut donc considérer l'ensemble des boisés
privés avec leurs différentes catégories d'âge, en
situant celle de l'exploitation, c'est-à-dire de la maturité de
ses différents peuplements, afin de normaliser cette forêt pour
pouvoir compter sur un volume annuel exploitable et mieux servir les besoins de
notre société.
Pourquoi les propriétaires de boisés privés qui en
feraient la demande ne pourraient-ils pas bénéficier de l'aide
technique et des octrois dont bénéficient les groupements
forestiers, sans être reliés à des contrats de quinze
ans?
En d'autres termes, nous croyons que pour mener à bien ce que
nous préconisons pour l'amélioration des boisés
privés, c'est de considérer la matière ligneuse comme un
produit de la forêt et non pas comme un produit agricole. Le
mélange a assez duré. Ceci veut dire que cette section de la
forêt privée doit être prise en main par les
intéressés, c'est-à-dire le ministère des Terres et
Forêts, en coopération avec l'Association des propriétaires
de boisé privé. Il ne faut pas perdre de vue que 80% du bois
provenant des territoires privés sont coupés par des
propriétaires non-cultivateurs et qu'ils sont bafoués par le
système actuel d'exclusivité et de toutes ses implications et
relégués au deuxième plan; étant conduit par une
organisation de cultivateurs, c'est une situation anormale.
A long terme, nous pourrions étudier de plus près une
formule qui ressemblerait à celle de la Suède où le
service forestier comme tel de la Suède n'a rien à voir avec la
pratique de la forêt privée sur les terrains forestiers des
particuliers. Ceci est la responsabilité d'une autre organisation qu'on
appelle Commission naturelle des forêts privées, qui comprend un
directeur général et cinq membres nommés par le
ministère. Pour exercer un meilleur contrôle et aider les
propriétaires de forêt privée, on établit un certain
nombre de commissions forestières régionales. Ces commissions
régionales, non seulement surveillent et contrôlent les coupes,
mais voient aussi à des cours d'entraînement, donnent des conseils
et offrent certains services aux propriétaires forestiers. Elles
fournissent les semences et les plants nécessaires au reboisement. Elles
accordent des subsides pour l'amélioration des boisés et la
construction des routes, s'occupent des travaux forestiers, de chômage,
voient à l'aménagement des réserves forestières et
des sites pittoresques. Le personnel composé de plusieurs centaines de
personnes employées à guider techniquement les associations et
à préparer leurs plans d'aménagement et d'exploitation est
formé, pour une bonne moitié, d'ingénieurs forestiers, de
gardes forestiers, service de contremaîtres et ingénieurs
spécialisés en aménagement.
Nous avons ici, avec l'UPA et sa fédération, une
série de syndicats et offices où il semblerait en surface exister
le même travail pour donner les mêmes services, mais si l'on
regarde de plus près, nous nous apercevons que ces syndicats et
offices
se bornent, à toutes fins pratiques, à se cacher sous le
couvert de possibilité empirique pour conserver leur monopole, se
bornant à faire une mise en marché de bois qui n'est que
théorique, se contentant de favoriser un certain groupe de producteurs
et de camionneurs de bois en distribuant des passes à ceux qui sont du
bon côté. Avec un pareil système, les propriétaires
de boisés privés sont très inquiets du bois totalement
ravagé par la tordeuse des bourgeons d'épinette et qu'il faudra
absolument couper et livrer aux usines.
En Suède, le propriétaire de lot privé est libre
d'appartenir ou non à une association qui s'occupera de la vente de son
bois. Le propriétaire forestier membre est obligé par contrat, de
ne vendre son bois qu'à l'association à laquelle il a choisi
librement d'appartenir. Cette formule laisse le propriétaire forestier
de boisé privé entièrement libre de se former en
association ou de n'en pas faire partie et d'exploiter son boisé
privé lui-même et de ne recevoir de l'association que des conseils
sur l'exploitation et la vente.
Que penser du vieillissement de nos usines québécoises?
Qu'ont-elles fait de la dépréciation reçue chaque
année, argent qui doit être comptabilisé
spécialement à l'amélioration ou au remplacement de la
machinerie?
Conclusions. A court terme, voici ce que notre association demande: 1)
Une reconnaissance immédiate par votre ministère de notre
Association de propriétaires de boisés privés.
Présentement, par une contradiction législative, les
propriétaires de boisés privés sont exclus comme
producteurs agricoles quand il s'agit d'en retirer des avantages. Exemples:
Subventions taxes scolaires, exemption de taxe provinciale à l'achat
d'équipement, subventions pour travaux mécanisés,
subventions pour essence diesel, subventions pour la mise en valeur et
l'amélioration foncière, ristourne d'intérêt sur
achat d'équipement, etc.
D'autre part, quand il s'agit de brimer notre liberté, on
considère la forêt comme un produit agricole.
Le gouvernement doit immédiatement, dans la loi qui
définit la forêt comme produit agricole, exclure du mot
"forêt" les propriétaires de boisés privés, non
agriculteurs. 2) Un inventaire forestier complet des boisés
privés, en coopération avec l'association, afin de
déterminer la croissance annuelle, la superficie de chacun des
peuplements, leur âge, la possibilité et le mode d'exploitation,
la superficie des peuplements rendus à maturité, surannés
ou décadents. 3) Une aide substantielle à la forêt
privée pour la construction de chemins afin de favoriser la coupe des
peuplements mûrs et surannés qui sont presque toujours
localisés aux extrémités des boisés. Leur
présence contribue à diminuer la productivité et, par
conséquent, la possibilité. 4) Une aide financière pour
adopter une mécanisation de coupe qui réponde aux exigences des
peuplements de la forêt privée pour endommager le moins possible
la régénération. 5) Que les syndicats et offices relevant
de l'UPA s'occupent de leurs membres agriculteurs seulement. 6)Une
négociation conjointe de prix et quantités (offices, syndicats ou
autres et Association de propriétaires de boisés privés)
pour protéger leurs membres et les producteurs de bois en
général contre les abus des compagnies papetières. 7)
Modification aux règlements actuels pour permettre aux usines de
négocier des contrats de bois avec l'Association des
propriétaires de boisés privés de la province de
Québec.
Le Président (M. Gendron): Je vous remercie au nom de
l'Association des propriétaires de boisés privés. M.
Jacques Baril, pour la période des questions.
M. Baril: Je dois tout d'abord vous féliciter d'avoir eu
le courage de venir présenter ce mémoire devant cette commission,
n'ayant probablement pas les moyens financiers et techniques que d'autres
avaient pour le faire.
Après avoir pris connaissance de ce mémoire, j'ai
constaté que votre courage doit certainement se traduire aujourd'hui par
un soulagement, je dirais même un défoulement. C'est assez facile
de voir la bataille d'objections que vous faites au syndicat ou à
l'Office des producteurs. Je pourrais même dire, si vous me passez
l'expression, que vous y êtes allés avec une hache à deux
taillants, si on veut rester dans le contexte.
Nous aurions certainement aimé vous voir traiter davantage des
coûts d'abattage des boisés privés. Nous aurions
aimé lire les avantages d'approvisionnement que la forêt
privée peut apporter aux grandes compagnies. Vous avez très peu
parlé de reboisement et de coupes sélectives.
Voici ma première question: J'aimerais vous demander qui
regroupent les propriétaires de boisés privés, qui sont
ces gens.
M. Racine: Les propriétaires de boisés
privés regroupent les petits, les moyens et les gros
propriétaires de boisés privés.
M. Baril: Oui, mais est-ce que cela regroupe des petits, des
gros, des moyens, des agriculteurs ou n'y a-t-il aucun agriculteur?
M. Racine: Je dirais qu'on a peut-être cinq à six
agriculteurs qui sont membres à l'heure actuelle.
M. Baril: Sur combien de membres? M. Racine: Environ
2000.
M. Baril: De vos 2000 membres, est-ce que, je ne sais pas comment
les appeler, ceux qui achètent des coupes de boison les appelait
les "jobbers" nous autres, le mot français, je ne le sais pas et
qui bûchent eux-mêmes, est-ce que ce sont vos membres?
Vous avez des gens qui achètent des lots, des boisés
privés, et après les avoir achetés, automatiquement, ils
deviennent propriétaires. Ils coupent cela et ils s'en vont en acheter
un autre et ils continuent: des commerçants de bois, si vous voulez
ce ne sont pas tellement des commerçants, parce qu'ils l'abattent
eux-mêmes est-ce que parmi vos membres...
M. Racine: Oui, je dirais qu'il y a certainement des gens parmi
nos membres qui ont déjà acheté des terrains pour les
exploiter. La quantité, le pourcentage, je l'ignore.
M. Baril: Vous avez beaucoup parlé dans votre
mémoire du système suédois. Vous dites que ces commissions
suédoises surveillent, contrôlent les coupes et donnent aussi
plusieurs autres services. Comment, vous autres, pouvez-vous voir cela au
Québec?
M. Racine: On a fait faire une étude en Suède. On
s'aperçoit qu'en Suède, qui est un pays d'appartenance
socialiste, 80% des producteurs de bois appartiennent à l'une ou
à l'autre association, auxquelles ils ont un libre choix d'appartenir.
Ici, dans la province de Québec, on se rend compte qu'on est
supposément dans un système démocratique. Les producteurs
de bois sont refoulés à un monopole. Il y a un canal pour faire
leur mise en marché. Ce sont les syndicats et les offices qui
relèvent de l'UPA. Ils n'ont pas le droit d'association. Ils n'ont pas
le choix d'adhérer à l'une ou l'autre association, parce qu'il
n'y en a qu'une. Ce sont les syndicats et les offices. C'est le canal. Il faut
qu'ils passent par là. C'est pour cela qu'on a fait faire une
étude en Suède. On trouve cela drôlement dégueulasse
que dans une province démocratique les producteurs de bois soient soumis
à une tutelle semblable.
M. Baril: A la première page, au début de votre
mémoire, vous dites: Nous voulons que notre association soit
considérée comme fournisseur de matières ligneuses
autonomes, c'est-à-dire qu'elle puisse contrôler son produit de A
à Z. Quel pouvoir de contrôle cette commission pourrait-elle avoir
quand vous dites cela? En Suède, on dit plus loin qu'une telle
commission a des règlements sur la coupe qui l'obligent à un
reboisement. Il y a beaucoup de choses qu'elle suggère à ces
propriétaires. Si vous voulez être autonomes de A à Z,
comment voulez-vous qu'une commission puisse fonctionner ici, au
Québec?
M. Racine: Le choix des producteurs de bois aujourd'hui, c'est
qu'ils travaillent pour couper leur bois. Ils travaillent pour le placer sur le
bord du chemin de "gravelle", et une fois que le bois est rendu sur le bord du
chemin de camion, ils perdent le contrôle de leur bois. Ce ne sont pas
eux qui décident à qui ils vont le vendre et à quel moment
leur bois va partir. On se rend compte des lacunes; vous êtes
certainement au courant que l'association et la fédération,
dernièrement, le 4 octobre, elles ne l'ont certainement pas
démenti qu'il y a 30 000 à 40 000 cordes de bois qui pourrissent,
qui sont pourries à l'heure actuelle. Etes-vous capable de m'expliquer
cela, vous? Quand on parle de contrôler notre produit de A à Z,
c'est que notre bois, on est capable de le couper, on est capable de le
transporter sur le bord du chemin, et on est capable de le livrer aux usines
aussi.
M. Baril: Je comprends. Comment pouvez-vous expliquer?... L'autre
fois, la Fédération des producteurs, l'UPA, a passé et a
dit qu'il y avait des coupures des compagnies. Il y avait des contrats, et
quand elles s'en attendaient le moins, il y avait une coupure de leur contrat
qui pouvait aller jusqu'à 40 000 cordes.
Le Président (M. Gendron): S'il vous plaît, je
m'excuse, pour les membres de la commission, il ne s'agit pas d'une question de
vote. C'est pour autre chose. Alors, on demeure en commission, sauf quelques
volontaires pour aller faire le quorum. Je m'excuse.
M. Baril: Je disais que la fédération se plaignait,
l'autre fois, d'avoir eu des coupures de contrats. Donc, elle-même a
à subir les hauts et les bas des compagnies. De votre part, ce doit
être la même chose. Comment négociez-vous vos contrats avec
les compagnies? Vendez-vous ça à l'UPA ou quoi?
M. Racine: ... Vous ne connaissez pas beaucoup le
problème, parce que c'est justement là qu'est le monopole.
Comprenez-vous? Ce sont les syndicats, qui relèvent de l'UPA, qui
négocient les quantités et les prix. Une fois que c'est
négocié, ce sont eux qui ont le contrôle absolu
là-dessus. S'ils décident qu'Yvon Racine est du bon
côté, ils vont me faire expédier du bois. S'ils
décident que je ne suis pas du bon bord, mon bois va pourrir comme il le
fait à l'heure actuelle.
M. Baril: Oui, je comprends. Par contre, je ne connais
peut-être pas le problème à fond, mais j'en connais une
bonne partie. Je ne veux pas défendre l'UPA, absolument pas. Mais si
l'UPA obtient un contrat de 100 000 cordes et qu'à un moment
donné elle a une coupure de 40%, à sa place, de quelle
façon agiriez-vous pour dire: Ce sera à toi, à toi et
à toi à qui je vais prendre du bois?
M. Racine: Ecoutez! Cela ne fait pas deux cents ans que l'UPA est
là avec ses syndicats, ses satellites. Il y a eu des périodes
tout aussi difficiles, en tout cas, à ma connaissance, dans la mise en
marché du bois que les producteurs connaissent aujourd'hui. Il n'a
jamais pourri 30 000 à 40 000 cordes de bois sur le bord des
chemins.
M. Baril: Oui. Il est possible que le bois ne pourrissait pas sur
le bord du chemin, mais à quel prix le cultivateur le vendait-il?
M. Racine: Ah ça, par exemple, c'est leur
défense.
M. Baril: Bien, c'est leur défense. Etant agriculteur
moi-même, j'ai déjà été obligé de
vendre mon bois à un prix ridicule pour ne pas devoir le laisser pourrir
là...
M. Racine: Cela...
M. Baril: Qui l'achetait? C'était un commerçant de
bois qui, lui, allait le vendre à Trois-Rivières.
M. Racine: Sur cela, vous avez raison. Je vous donne parfaitement
raison là-dessus. Mais ce n'est pas ce que l'Association des
propriétaires de boisés privés prône à
l'heure actuelle. Pourquoi veut-on faire une négociation conjointe avec
les syndicats et les offices qui relèvent de l'UPA? C'est justement pour
assurer un prix minimal aux producteurs. On sait qu'il y a eu de gros abus
là-dessus. On ne voudrait pas, à un moment donné... Ce
n'est pas ce que l'Association des propriétaires de boisés
privés demande non plus, revenir à l'ancien système.
La preuve en est qu'on demande une négociation conjointe avec eux
justement pour protéger les producteurs de bois des multinationales et
des compagnies, et leur assurer un prix minimal pour le bois qui est sur le
bord du chemin.
M. Baril: Oui, mais si les compagnies ne tiennent pas compte des
contrats négociés avec l'UPA, pensez-vous qu'elles vont tenir
compte des contrats qu'elles vont avoir avec vous autres?
M. Racine: Ecoutez! Les négociations se faisant
conjointement pour des prix et quantités. Nous, on dit ceci: On n'est
pas des producteurs agricoles. On est des producteurs forestiers. On n'a ni
vaches, ni cochons, ni poules. On n'est pas contre... On n'est pas ici pour
débâtir l'UPA, on n'est pas ici pour débâtir la
fédération, on n'est pas ici pour débâtir les
syndicats ni les offices de producteurs de bois. On est ici pour avoir notre
place au soleil. On n'est pas contre le fait que l'UPA, un organisme qui
s'appelle l'Union des producteurs agricoles, continue à s'occuper de ses
agriculteurs, de faire la mise en marché du bois de ses agriculteurs,
tandis que, nous, qui ne recevons aucune subvention, comme je l'ai
mentionné, voudrions que le gouvernement donne aux propriétaires
de boisés privés non agriculteurs le pouvoir de faire la mise en
marché du bois.
Je pense que ce serait une bonne chose, parce que le monopole serait
automatiquement aboli. On serait deux organismes qui pourraient se surveiller
pour ne pas commettre des abus comme il s'en commet à l'heure
actuelle.
Si un organisme faisait un abus, l'autre pourrait publiquement
appelez cela comme vous voudrez rendre compte du mandat ou des erreurs
de l'autre organisme.
Je pense que dans toute province démocratique et pays libre...
mettez Steinberg dans la province de Québec, seul dépositaire et
vendeur de café, à quel prix allez-vous payer le café?
Notre cas est absolument semblable si, demain matin, il était seul
à vendre du café dans la province de Québec. On est soumis
à un monopole, on est soumis à un canal, c'est passe par
là, c'est le crois ou meurs.
M. Baril: Vous êtes assez sévère d'un
côté, mais sur quoi vous me direz sur des faits vous
basez-vous pour dire que c'est ce problème qu'on vit. Je comprends que
l'UPA a un monopole vis-à-vis de la vente du bois, mais quand vous avez
dit tout à l'heure qu'elle donne des passes à ses amis si
on peut s'exprimer ainsi et qu'elle n'en donne pas aux autres, sur quoi
vous basez-vous? Est-ce que ce sont vos membres qui se plaignent?
M. Racine: D'ailleurs, pour vous reprendre, l'UPA a un monopole
sur la mise en marché du bois, pas seulement sur la vente. La mise en
marché, vous savez en quoi cela consiste.
M. Baril: Sur quoi vous basez-vous pour dire qu'elle a ce
monopole? Est-ce que ce sont vos membres qui se plaignent? Avez-vous des cas
concrets?
M. Racine: Si vous êtes agriculteur, moi je suis producteur
forestier. En trois ans on m'a fait livrer aux usines: En 1977, 60 cordes de
bois, avec 40 lots à bois, 4000 acres de terrain; en 1976, 191 cordes de
bois dont 120 provenaient de la contestation en juin 1976, déduisez
cela, cela fait 61 cordes; en 1975, 53 cordes de bois. Je me demande si vous
êtes capable de payer vos taxes avec cela. Seulement payer les taxes, il
va falloir que vous soyez sacrement bon comptable, parce que moi, je ne suis
pas capable.
M. Baril: Oui, mais est-ce un cas particulier ou est-ce
général parmi vos 2000 membres?
M. Racine: C'est un exemple parmi tant d'autres.
M. Baril: En terminant, si le ministère faisait
l'inventaire des possibilités éventuelles de coupe, pour
définir comment on peut couper le bois rationnellement, en donnant tant
de cordes de bois à couper et tant de mille pieds de bois de sciage
à couper pour garantir une reconstitution naturelle de la forêt,
est-ce que vos membres seraient prêts à respecter ces
recommandations?
M. Racine: Ce qu'on demande au gouvernement, premièrement,
c'est un inventaire forestier pour que les producteurs de bois sachent et que
le gouvernement sache où est la vieille forêt et où est la
jeune forêt. La vieille forêt est comme un vieillard, c'est
prouvé que la vieille forêt, loin de produire, elle
décroît, tandis que la jeune forêt accroît. Ce qu'on
demande au gouvernement, c'est un inventaire forestier pour savoir où
est située la vieille forêt et la jeune forêt; quand on
saura cela, on pourra s'asseoir ensemble et partir. On n'est pas contre la
sylviculture, on sait qu'il y a eu des abus dans le passé, on est pour
que la forêt conti-
nue à exister et on n'est pas là pour la détruire.
On est là pour collaborer avec le gouvernement.
M. Baril: Vous seriez prêts à vous asseoir pour
discuter, c'est beau discuter, mais seriez-vous prêts à respecter
les normes?
M. Caron (Emmanuel): On a toujours respecté les normes; il
reste quand même qu'on a, depuis peut-être des années,
amélioré la forêt, même si des gens ont
prétendu qu'on la détruisait. Je pense qu'on peut prouver,
à l'heure actuelle, que notre forêt croît beaucoup plus vite
qu'elle décline. A ce moment je crois qu'on l'a
protégée.
C'est notre façon, je pense, de faire de la sylviculture. Je
pense qu'elle était très bonne. Je peux vous donner un exemple.
On peut prendre un terrain, un boisé de 200 acres, où il fallait
peut-être exploiter 40 acres. Cela veut dire qu'à ce
moment-là, il y avait quand même une rotation de la forêt
qui se faisait; il restait quand même 60 acres qui n'étaient pas
affectées. Cela veut dire qu'après 5 ans, 10 ans, 15 ans ou 20
ans, cette même forêt était prête. Je pense qu'on a
toujours protégé la forêt et on la protège encore.
Je pense qu'avec un inventaire forestier, vous pouvez être en mesure de
le savoir.
M. Baril: Mais, avec la coupe sélective.
M. Caron (Emmanuel): En fait, on n'est pas contre la coupe
sélective.
M. Baril: Vous n'êtes pas contre, mais seriez-vous
prêts à l'appliquer? Parce que je connais beaucoup de
travailleurs, de propriétaires de boisés privés de votre
genre et je peux vous dire que la coupe sélective, ils s'en foutent pas
mal. Ce qui est payant pour eux, c'est d'amener tout ce qu'il y a là.
Quand ils reviendront, ce ne sera plus eux.
M. Caron (Emmanuel): Je pense qu'on a toujours respecté la
coupe et je pense que vous avez tout simplement à faire un inventaire,
comme je vous l'ai dit tantôt, et vous allez vous rendre compte qu'on l'a
respectée, mais il y a peut-être des moyens, il y a
peut-être une aide qu'on devrait avoir du gouvernement comme groupement
forestier ou comme d'autres organismes naturellement, qui vont
bénéficier d'aide. Je pense que si la forêt privée
ou les propriétaires de boisés pouvaient bénéficier
de cette aide, on pourrait faire de la sylviculture et je pense qu'on serait
aussi fier de la faire.
M. Baril: Je ne m'éterniserai pas. Je vais laisser la
chance à d'autres, mais je tiens quand même à
préciser que je connais beaucoup de forêts privées qui ont
été bûchées et cela va prendre
énormément de temps avant qu'elles se reconstituent
elles-mêmes parce que, si on voit les sucreries qui ont été
abattues, ce sont des branches qui repoussent sur les vieilles souches. Quand
est-ce qu'on pourra repasser pour prendre une autre coupe?
M. Caron (Emmanuel): Est-ce que je pourrais vous poser une
question? Est-ce que la forêt publique a été plus
conservée que la forêt privée?
M. Baril: Non, je suis d'accord avec vous.
M. Caron (Emmanuel): N'allez pas demander aux
propriétaires de boisés de faire ce que la forêt publique
n'a pas pu faire.
M. Baril: C'est parce que je vous demandais tout à l'heure
si vous étiez prêts à en tenir compte.
M. Caron: Oui.
M. Lamontagne (Jacques): Si vous me permettez, M. Baril, tout
dépend de la manière que la sylviculture est proposée par
le gouvernement. Il est assuré que, pour certaines gens qui ne
possèdent que 100 acres, un plan d'aménagement ou de gestion
équivaut à 100 acres. L'autre qui en a 4000 ou 10 000 ou plus ne
voit pas un plan de gestion de la même manière. Il voit tout de
même un plan de gestion de sa propre forêt sur un ensemble de sa
forêt. Il ne voit pas cela au point de vue local des 100 acres. Vous
pourriez passer un jour et dire: II a glané un lot de 100 acres, mais,
pour lui, il ne l'a pas glané. Il l'a tout simplement
préparé pour le revoir dans 20 ans. C'est cela qui est toujours
mêlant lorsqu'on discute avec l'UPA ou qu'on discute avec des
associations, des syndicats ou des offices de producteurs. Eux ne voient que
les 50 acres qui ont servi souvent en pacage; là, le cultivateur les a
abandonnées, il transplante les autres 50 acres. Lui, c'est vrai qu'il
veut une gestion tout simplement dans ce sens, ce qu'on ne peut pas
accepter.
Tous les gens qui ont accumulé des lots pendant des années
ne peuvent pas accepter cela parce que cela ne marche pas avec leur
système, parce qu'eux sont des producteurs actifs tandis que les autres
sont des producteurs inactifs qui ne font que 15 à 20 cordes de bois par
année, même en se forçant, parce que, d'ordinaire, ils en
faisaient 5 ou 10, parce qu'on a acheté pendant nombre d'années
de ces personnes-là et, aujourd'hui, pour ces 20 cordes de bois, ce
n'est pas une question d'être actif, c'est tout simplement un loisir. Ils
le font le dimanche après-midi ou le samedi après-midi pour
oublier les tracas de la ville parce qu'ils sont chômeurs en ville ou des
nouveaux travailleurs pour le gouvernement en ville.
M. Baril: Tout à l'heure, vous avez parlé d'un
propriétaire de boisé qui a 4000 acres et qui en glane 100 acres,
qu'est-ce que c'est, pour vous autres, glaner?
M. Lamontagne (Jacques): Qu'est-ce que vous entendez par une
coupe à blanc? La personne qui passe et qui s'aperçoit que toute
la coupe de huit pouces à la souche est disparue d'un terrain...
Certains ingénieurs vont dire: C'est une coupe à blanc. D'autres
vont dire: Ce n'est pas une coupe à blanc. L'ingénieur qui a
été élevé
chez CIP, par exemple, ou chez Consol, dirait que ce n'est pas une coupe
à blanc lorsqu'on voit ce qui est fait quand une tronçonneuse est
passée. Lui dirait: II reste une très belle
régénération.
Mais maintenant, il s'agit de savoir qui on affronte lorsqu'on en
discute. Si on affronte un ingénieur de l'office, par exemple, ou un
ingénieur du gouvernement qui ne voit que la parcelle des terrains ou
que le parterre de 50 acres ou de 100 acres, le jardin si vous voulez; il voit
ça au niveau environnement, au niveau antipollusion, il voit ça
au niveau conservation de l'air pur, de l'eau, et tout le tralala; il oublie
que le gars qui est là paye des taxes pour ça, il oublie que le
gars n'a que 1/40 de ces 4000 acres, 1/40 de son histoire. A ce
moment-là, il ne peut pas le voir avec le même oeil parce qu'il ne
peut pas tout en étant actif et exploitant, l'exploiter de la même
façon que l'autre. C'est le problème en
réalité.
C'est ce qui fait qu'on demande que l'association soit reconnue de
façon qu'on puisse exprimer nos politiques et se faire reconnaître
par nos politiques, ce qu'on ne peut pas faire devant un ensemble
d'agriculteurs qui ne possède pas ces grandes valeurs de terrain.
M. Baril: Ayant ouvert la conversation, M. le Président,
je suis certain que d'autres membres de la commission compléteront les
questions que j'aurais posées. Merci.
Le Président (M. Gendron): M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Je tiens
à remercier l'Association des propriétaires de boisés
privés de la présentation de son mémoire. Cela va nous
permettre de vous poser des questions et de savoir ce qu'est l'Association des
propriétaires de boisés privés.
Premièrement, j'aimerais savoir depuis quand votre association
est fondée et incorporée?
M. Lamontagne (Jacques): J'ai ici les lettres patentes, si vous
me permettez de répondre à la place du présentateur. La
corporation a été fondée ici au Québec, le 31
janvier 1975, ici dans la province de Québec.
M. Vaillancourt (Orford): Le 31 janvier... M. Lamontagne
(Jacques): 1975. M. Vaillancourt (Orford): ... 1975.
M. Lamontagne (Jacques): Et enregistrée le 10 mars
1975.
M. Vaillancourt (Orford): Combien de membres comprend votre
association pour le moment?
M. Lamontagne (Jacques): Environ 2000 membres.
M. Vaillancourt (Orford): Environ 2000 membres. Et de quels
territoires viennent les membres qui font partie de votre association?
M. Lamontagne (Jacques): A l'heure actuelle, il y en a dans les
régions de Frontenac, Lévis, Lotbinière, Québec-Sud
bien sûr, Rimouski, et nous avons aussi des membres dans La
Pocatière.
M. Vaillancourt (Orford): Est-ce que vous avez des membres aussi
dans la région de l'Estrie?
M. Lamontagne (Jacques): De l'Estrie? Excusez-moi, je demanderais
ça à l'ancien président, excusez-moi.
M. Racine: De l'Estrie, je ne pourrais pas vous dire, remarquez
bien que ce n'est pas moi qui s'occupe de ça à temps plein. C'est
possible qu'on ait des membres de l'Estrie. Je ne pourrais pas vous le
confirmer, mais c'est possible.
M. Vaillancourt (Orford): Pour ma part, c'est la première
fois que j'entends parler de l'Association des propriétaires de
boisés privés. Je sais qu'il existe des associations...
M. Lamontagne (Jacques): Souvent dans le secteur des Cantons de
l'Est d'ailleurs.
M. Vaillancourt (Orford): Comme il en existe une dans les Cantons
de l'Est, il en existe dans la région ici. Il y a plusieurs associations
qui représentent les producteurs de bois. Maintenant, j'aimerais savoir
quel est l'impact de la politique de la forêt privée auprès
de vos propriétaires?
M. Lamontagne (Jacques): Qu'entendez-vous par l'impact de la
politique?
M. Vaillancourt (Orford): J'entends le contrôle fait par la
Régie des marchés agricoles, soit pour la livraison de votre
bois. Comme j'ai pu le constater tout à l'heure par les questions de mon
collègue le député d'Arthabaska, vous n'avez pas l'air
tellement satisfaits du contrôle qui est fait par la mise en
marché.
M. Lamontagne (Jacques): Pour répondre à votre
question, premièrement, nous savons que les offices, par l'entremise des
plans conjoints, selon la Loi des marchés agricoles, ont obtenu des
pouvoirs de faire de la mise en marché. Malheureusement, depuis six ans
qu'ils ont les pouvoirs, ils ne font pas de réelles mises en
marché. C'est-à-dire qu'ils s'assoient à une table et ils
décident que telle paroisse, normalement, devrait livrer tant de cordes
de bois sans vérifier si ça va se produire ou non, et ils disent,
à priori, on va envoyer un camion faire la tournée. C'est un peu
comme la guignolée, si vous voulez.
Le camion fait la tournée et ramasse à chacun, autant que
possible, un voyage de bois. Et il retourne, s'il y a moyen. Un point, c'est
tout. C'est leur principe de mise en marché. C'est ce qu'ils appellent
un principe de non-favoritisme. Je n'appelle pas cela une mise en
marché, parce que toute personne qui a goûté à la
production forestière sait qu'il y a du bois qui peut être mis en
marché, différemment, selon la saison durant l'an-
née. Il y a du bois que l'on doit charroyer en période de
sécheresse et d'été; d'autre, en période de gel;
d'autre, presque en tout temps de l'année. C'est tout en voulant garder
notre bois à un prix assez normal, en fin de compte, pour ne pas amener
l'industrie papetière à refuser complètement d'acheter le
bois privé. C'est un point de vue économique.
M. Vaillancourt (Orford): Mais les producteurs de votre
région ne coupent pas d'après des quotas qui leur sont
accordés? On entend dire assez souvent que vous avez des 35 000, 40 000,
50 000 cordes de bois qui pourrissent le long des chemins. N'êtes-vous
pas récidivistes un peu, les producteurs de la région de
Québec-Sud, ou de la région de Québec? Dans la
région des Cantons de l'Est, à ma connaissance, les producteurs
ou les commerçants de bois, on peut les appeler comme vous voulez, ne
semblent pas se plaindre que le bois pourrit en bordure des chemins?
M. Lamontagne (Jacques): Ce que vous dites est vrai pour la
région de l'Estrie, puisque je connais plusieurs personnes dans cette
région. Vous remarquerez que vous possédez déjà des
usines à papier, dans votre région. Lorsque vous parlez de la
région de Québec-Sud, c'est une région qui ne
possède aucune industrie papetière; vous avez d'autres
régions également où le cas n'est pas aussi fort que la
région de Québec-Sud, par exemple, malgré qu'il existe du
bois qui pourrit sur le bord des chemins. Cela ne dépend pas des quotas
qui ont été remplis ou qui ont été surremplis.
C'est qu'il n'y a jamais eu de quota. C'est toujours à l'aveuglette.
Si vous êtes propriétaire de boisé, à l'heure
actuelle, dans le territoire de ces offices, vous allez
téléphoner à l'office ou lui écrire et vous allez
demander: Est-ce que je puis faire du bois cette année? On va vous
répondre: Oui, monsieur, quand vous voulez. Quand allez-vous faire la
mise en marché de mon bois? On ne le sait pas. Pensez-vous, dans deux
ans, être capable? On ne le sait pas. Pensez-vous, dans trois ans,
être capable? On ne le sait pas. A ce moment-là, c'est presque
seulement de l'amour de la forêt qu'il nous reste.
M. Vaillancourt (Orford): Mais ne croyez-vous pas que c'est un
manque de dialogue entre les producteurs et l'Office de mise en
marché?
M. Lamontagne (Jacques): Excusez-moi monsieur. J'ai eu des
dialogues pendant un an de temps, lors de sept réunions avec eux et je
n'ai jamais été plus loin. Je pourrais même vous nommer un
futur producteur, lorsqu'il le désirera, parce qu'il est
propriétaire de boisé, qui siège à votre
commission, qui m'a posé la question. J'aimerais que tout à
l'heure, lorsqu'il parlera, il puisse vous donner la réponse qu'il a
reçue.
M. Vaillancourt (Orford): Tout à l'heure je vous demandais
combien de membres comprend votre association. Est-ce qu'il serait possible que
votre association dépose la liste de ses membres à la commission
parlementaire?
M. Lamontagne (Jacques): A l'heure actuelle, quant à la
question de déposer notre liste de membres, il nous est impossible de le
faire et vous savez un peu pourquoi. Pour se maintenir en vie, même si on
ne se garde que le souffle, à l'heure actuelle, nous sommes
obligés d'exiger une cotisation de la part des membres, qui est de $10
par année; ce que les syndicats ne font pas, parce que c'est gratuit,
lorsqu'on veut être membre d'un syndicat pour la mise en marché de
son bois.
Ce qui arrive à ce moment-là, le gars qui nous fait la
charité de son $10on peut presque l'appeler de la charité
s'il réussit à vendre 20 cordes de bois par année,
régulièrement, à l'UPA, cela en serait fini demain matin
pour lui. Donc, on n'a pas intérêt à le faire, dans le
moment. J'espère que vous le comprenez.
M. Vaillancourt (Orford): Je ne veux pas forcer votre association
à déposer la liste. On pourrait toujours le faire, mais pour ma
part, je n'irai pas jusqu'à ce point, si c'est pour vous nuire dans
l'expansion de votre association.
M. Lamontagne (Jacques): C'est la raison.
M. Racine: Ce n'est pas l'expansion, c'est la protection.
M. Vaillancourt (Orford): La protection, c'est-à-dire que
cela revient un peu à cela. Si on fait déposer la liste et que
cela nuit à l'expansion de votre association...
M. Lamontagne (Jacques): On fait du "ad mortem" pour 1978.
M. Vaillancourt (Orford): ... on est aussi bien de vous la
laisser former plus solidement pour commencer.
Une autre question. Pensez-vous que l'Etat devrait contrôler la
coupe des boisés privés? Actuellement je m'explique
on voit assez souvent des producteurs, surtout les petits producteurs, faire
des coupes à blanc, couper du bois de quatre, cinq, six pouces sur la
souche. Je me demande s'il ne serait pas préférable qu'il y ait
un contrôle pour ne pas détruire les forêts privées,
étant donné que, de plus en plus, dans certaines régions,
la forêt privée diminue considérablement.
M. Racine: Je pense que le commencement de tout, c'est, comme
nous disons dans le mémoire nous autres, on n'a pas la force
économique de le faire d'avoir un inventaire de la forêt
privée, de savoir où la vieille forêt est située et
de savoir où est la jeune forêt. Quand les propriétaires de
boisés privés et les producteurs de bois saurons cela, à
ce moment-là, on pourra s'asseoir à la table avec le gouvernement
et on pourra en discuter.
M. Vaillancourt (Orford): D'accord. Une der-
nière question, parce que je voudrais donner la chance à
mes collègues de vous poser d'autres questions. A la page 8,
quatrièmement, vous dites: "Une aide financière pour adopter une
mécanisation de coupe qui répondrait aux exigences des
peuplements de la forêt privée..." Pourriez-vous élaborer
un peu votre pensée? J'aimerais avoir des explications.
M. Lamontagne (Jacques): Par expérience, il nous est
arrivé de manquer de main-d'oeuvre forestière. Lorsque la demande
est forte, il nous est arrivé de ne pouvoir répondre aux
quantités que demandait l'industrie par manque de main-d'oeuvre
forestière. On se demande s'il n'y aurait pas possibilité de la
part du ministère de demander au service de recherche de trouver une
certaine mécanisation de façon à prévoir mieux
l'avenir de nos forêts privées, et empêcher la grosse
mécanisation qui existe à l'heure actuelle de détruire
entièrement lorsqu'on parle de parcelles de forêt la
forêt comme telle.
On sait que les tronçonneuses, par exemple, qui existent à
l'heure actuelle sur le marché ne sont pas applicables dans une
forêt privée. On sait par exemple que même certaines
machines telles que les "timber jacks" sont déjà trop grosses
pour une parcelle de forêt de cent acres et qui est isolée.
M. Vaillancourt (Orford): Voulez-vous dire qu'on devrait
retourner aux chevaux?
M. Lamontagne (Jacques): Non, monsieur. Je crois qu'il y aurait
certainement une mécanisation qui, à l'heure actuelle, n'a
été exploitée personnellement par aucune compagnie et qui
pourrait être étudiée avec l'aide du gouvernement, au
service de la recherche, parce que cela coûte assez cher pour faire cette
recherche, de façon à prévoir qu'en cas de manque de
main-d'oeuvre, on ait une mécanisation pour répondre aux besoins
des contrats qu'on aurait pu signer avec les compagnies de façon
qu'elles ne puissent plus faire ce qu'elles font à l'heure actuelle avec
les producteurs, par exemple, à partir de baisses de contrats de 30% ou
40%, parce qu'un contrat en bonne et due forme, anciennement, ce que je
connaissais des compagnies moi-même, c'est qu'elles respectaient un
contrat, d'une manière ou d'une autre, soit pécuniairement, soit
pour les quantités qu'on leur vendait, mais, nous aussi étions
obligés, d'un autre côté, de respecter les quantités
qu'on leur vendait, soit d'une manière pécuniaire, si on ne
pouvait pas les fournir, soit de fournir le bois qu'on avait vendu. A l'heure
actuelle, les producteurs, par l'entremise des syndicats, ne peuvent pas faire
cela, parce que les syndicats ne sont pas maîtres de la production.
M. Vaillancourt (Orford): D'accord.
Le Président (M. Gendron): Je vais donner la parole
à M. Russell. J'inviterais les membres de la commission parlementaire
à essayer de procéder plus rapidement, si possible, car, si on
veut res- pecter l'horaire de la journée, il faudrait entendre M.
Harvey, qui devait passer aujourd'hui. J'inviterais M. Russell à poser
ses questions.
M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président, du temps
qui m'a été alloué. Etant donné que le temps
presse, je vais laisser la parole à d'autres intervenants.
M. Russell: M. le Président, merci. D'une façon
très brève, sommaire, je voudrais simplement, comme les autres,
remercier ceux qui ont bien voulu se déplacer pour venir nous
présenter ce mémoire et nous informer un peu d'un malaise qui
existe chez eux.
Si je comprends bien, vous avez 2000 membres, comme vous l'avez
exposé, dont six sont des cultivateurs possédant des terrains
d'une superficie de 26 000 acres, plus ou moins, si j'ai bien compris.
M. Racine: 26 000 milles carrés.
M. Russell: 26 000 milles carrés, plutôt.
M. Racine: On dit que la forêt privée dans la
province de Québec couvre une superficie d'environ 26 000 milles
carrés.
M. Russell: Vous parlez de 12% de 26 000 milles.
M. Racine: On dit que la forêt privée fournit 12% de
la production que les usines emploient.
M. Russell: Quelle serait la superficie détenue par les
propriétaires de terrains privés?
M. Racine: Ecoutez, la forêt privée...
M. Lamontagne (Jacques): Si on entre dans les grandes compagnies,
supposément que 26 000 milles carrés seraient détenus par
des propriétaires privés...
M. Russell: Vous n'avez pas de données qui
établissent d'une façon certaine les terrains privés qui
sont détenus par vos membres, la possibilité de production
annuelle, le nombre de cunits ou de mille pieds de coupe que vous aimeriez
faire, le pourcentage de bois dur et de bois mou que vous couperiez? Vous
n'avez pas ces données.
M. Lamontagne (Jacques): Malheureusement, non.
Entièrement, non. Nous ne possédons pas ces données, nous
autres non plus, parce qu'alors on aurait dû faire un inventaire beaucoup
plus poussé auprès de nos membres. Nous aurions eu besoin
d'obtenir des inventaires beaucoup plus détaillés de nos
membres.
M. Russell: Si je comprends bien, vous êtes ici simplement
pour présenter un mémoire, pour essayer d'obtenir de la part du
gouvernement de l'aide pour vous établir d'une façon certaine et
pouvoir fournir annuellement un pourcentage du bois utilisé par les
usines à papier et les scieries.
M. Lamontagne (Jacques): Très bien. Oui, c'est cela.
M. Russell: C'est le but de votre mémoire et de votre
association?
M. Lamontagne (Jacques): Oui, tout en regardant le bon
côté suivant: On veut maintenir un prix raisonnable, parce qu'on
sait que tout cartel amène la syndicalisation à outrance, tel que
dans le transport. On s'aperçoit, à l'heure actuelle, que le
transport monte vertigineusement. Il y a un manque de concurrence.
M. Russell: Est-ce que vous seriez prêt à
établir par quota pour chacun de vos membres, à établir
pour tant de l'acre?
M. Lamontagne (Jacques): C'est sûr. En principe,
l'inventaire technique, ce serait l'idéal.
M. Russell: II y a une chose qui m'a frappé tout à
l'heure quand vous avez dit que vous craigniez de déposer la liste de
vos membres devant cette commission, ayant peur d'être punis ou
menacés de l'autre côté, un peu comme sont les
propriétaires de scieries. Lorsqu'ils tentent de vendre leurs copeaux ou
de faire d'autre chose avec leurs copeaux, ils peuvent être punis par les
gros méchants, les usines à papier ou les papeteries.
M. Lamontagne (Jacques): C'est la même chose en
réalité.
M. Russell: De votre côté, c'est l'UPA qui fera cela
chez vous?
M. Lamontagne (Jacques): Directement.
M. Racine: Je demanderais au président de la commission de
me donner l'occasion de fournir un exemple type.
Le Président (M. Gendron): Bien sûr.
M. Racine: Quand on a rencontré le 28 août, si je ne
me trompe, le ministre des Terres et Forêts, le ministre de
l'Agriculture, M. Roy y était, M. Goulet y était. Il y avait un
type qui se nommait Raynald Gilbert, de Robertsonville. Son père est
décédé en mai. Il était agent pour l'Office des
producteurs de bois. Son père est décédé et le
frère de Raynald a demandé cette place à l'office, la
place que son père avait. Ils ont des camions et des lots à bois.
On l'a invité à venir rencontrer les ministres, parce que
l'association voulait être représentative, elle voulait avoir des
producteurs de bois d'un peu partout dans les régions. Suite à
cette venue, à cette rencontre avec les ministres, le lendemain, il a
reçu un appel de l'office lui disant que la place que son père
avait il voulait avoir les mêmes pouvoirs que son père
c'était inutile d'y penser parce qu'il était pour
l'Association des propriétaires de boisés privés, parce
qu'il était avec l'association au moment de la rencontre avec les
ministres Garon et Bérubé. Je pense que
M. Roy pourra le confirmer, parce qu'il m'a dit: Qu'est-ce que je fais
avec cela? J'ai dit: Ecoute, je n'ai pas de pouvoirs politiques. Appelle Fabien
Roy. Il m'a dit après cela qu'il avait parlé avec Fabien.
M. Lamontange (Jacques): Est-ce que cela répond à
votre question?
M. Racine: Je pense que cela pourrait répondre...
M. Russell: M. le Président, j'espère que le
ministre prend note du chantage qui se fait dans ce domaine...
M. Racine: Je pense que ça pourrait répondre...
M. Russell: ... et qu'il prendra les mesures qui s'imposent pour
s'assurer que les gens puissent agir d'une façon assez libre, tant dans
votre domaine que pour les scieries, qui sont menacées de chantage assez
souvent.
M. Racine: Vous comprenez que si on dépose la liste de nos
membres, 24 heures après, la liste sera dans les mains des syndicats et
des offices, et là, ils pourront exercer leur "crois ou meurs".
M. Russell: C'est peut-être ce qui clarifierait une
situation assez rapidement.
M. le Président, je ne veux pas prendre trop de temps. Je sais
que le temps presse un peu.
Seulement deux points que je veux retenir: Est-ce que l'UPA exige de
vous une cotisation par corde de bois que vous leur vendez?
M. Racine: Elle l'exige, mais elle ne le démontre pas.
M. Russell: Elle ne le démontre pas, vous voulez dire
quoi?
M. Racine: Non. Cela veut dire qu'on expédie un voyage de
bois et on reçoit le chèque, mais la cotisation est
cachée. Elle n'est pas sur le bordereau ou sur le talon du
chèque.
M. Russell: Mais ça doit paraître quelque part dans
les revenus de l'UPA?
M. Racine: Cela paraît, mais ce n'est pas nous qui sommes
là.
M. Russell: Vous ne savez pas quel est le montant qui est retenu
ou ce que ça coûte pour la mise en marché?
M. Racine: C'est $0.75 la corde, qu'on nous dit.
M. Russell: Mais, écoutez, je pense bien que l'UPA n'est
pas un organisme secret. C'est censé être un organisme quasi
public.
M. Racine: Vous demanderez ça à votre
collègue.
M. Russell: M. le Président, on pourra obtenir cette
information ailleurs, de toute façon.
Vos terrains privés, vous payez vos taxes scolaires et
municipales comme tous les autres cultivateurs, je présume?
M. Racine: On paie nos taxes comme tous les autres cultivateurs,
agriculteurs, mais on n'a pas la ristourne de 40% sur les taxes scolaires
qu'ils reçoivent du gouvernement, parce qu'ils ont un numéro,
étant reconnus comme agriculteurs. Ils ont droit, si vous voulez, comme
on le disait, à une ristourne de 40% sur les taxes scolaires. Ils ont
droit à une ristourne sur le gaz qu'ils dépensent, le diesel,
exemption de la taxe provinciale sur achat d'équipement. Ils
s'achètent une brouette, pas de taxe provinciale. Ils s'achètent
un marteau, pas de taxe provinciale. Subvention pour les travaux
mécanisés. Ils prennent un "bulldozer" et font faire un chemin et
vont chercher le bois. Cela leur coûte $4 l'heure. Nous, ça nous
en coûte $25 et $30. Ce n'est pas grave, c'est le gouvernement qui
paie.
M. Baril: Vous pouvez bien mettre un peu plus que $4 l'heure, par
exemple.
M. Racine: En tout cas, cela a peut-être changé,
mais ça ne doit pas être beaucoup plus.
M. Baril: Bien oui, c'est 50%.
M. Racine: Mais, de toute façon, le principe de ma
réponse, c'est que nous, les propriétaires de boisés
privés, on n'a aucun droit à ces subventions, et quand il s'agit
de brimer notre liberté, on nous assimile à eux autres et on est
conduit par des agriculteurs.
Pour ma part, je vois mal Yvon Racine et les propriétaires de
boisés privés aller contrôler un cultivateur dans sa
production de lait. Ce serait un fiasco. C'est justement ce qu'ils font. Ils
nous contrôlent dans la mise en marché de notre bois et c'est un
fiasco. Le bois pourrit.
M. Russell: M. le Président, je connais le malaise qui
existe en général dans le domaine du bois. Je crois qu'on a
entendu assez de groupements pour que le ministre puisse prendre une
décision ou la commission dans ce domaine.
Je ne veux pas retarder indûment... Il y a bien d'autres questions
que je pourrais vous poser. Je pense qu'on en a entendu beaucoup d'autres et
qu'on peut se faire une idée là-dessus.
La seule chose que je veux dire en terminant, c'est que,
personnellement, je ne crois pas au "crois ou meurs", ni de la part de l'UPA,
pas plus que de la part des papeteries. Donc, je pense bien qu'il se fera
quelque chose ou j'espère qu'il se fera quelque chose dans ce domaine
pour éviter ces prises de position radicales et éviter de faire
en sorte qu'il y ait des gens qui deviennent des privilégiés.
M. Racine: Un petit complément: Ici, on est en commission
parlementaire sur les terres et forêts. C'est drôle qu'à un
moment donné, une corde de pulpe, quand il s'agit d'un terrain
privé, c'est un produit forestier, quand il s'agit d'un terrain
privé, c'est un produit agricole. Nos revendications, toutes les
difficultés auxquelles ont à faire face les propriétaires
de boisés privés, relèvent du ministre de l'Agriculture.
C'est de valeur qu'il ne soit pas ici ce soir. Dans tous les cas, je sais que
son collègue, l'honorable Yves Bérubé, saura faire les
pressions nécessaires pour qu'à un moment donné, la
forêt devienne comme une forêt publique. Quand il s'agit de la
forêt privée, qu'une corde de pulpe ou 1000 pieds de billots
soient considérés comme un produit forestier et non pas comme un
produit agricole.
Le Président (M. Gendron): M. Marcoux. M. Marcoux:
Alors...
Le Président (M. Gendron): Rapidement, s'il vous
plaît!
M. Marcoux: Oui, rapidement, bien sûr.
La première remarque que je voudrais faire: Vous avez dit que
vous ne voudriez pas, que vous ne vous mêlez pas de dire la
quantité qu'un agriculteur doit faire; vous ne voudriez pas
également qu'il se mêle, pour quelqu'un qui est seulement
producteur forestier, qu'il vous dise combien produire.
Je vous ferai remarquer que, dans le domaine agricole, il y a ce qu'on
appelle des quotas et des contingentements et, quand ils ne sont pas
respectés, il y a des pénalités. Je pense que, même
s'il y a des problèmes avec la question des quotas depuis qu'ils
existent, entre la liberté complète de produire n'importe
comment, n'importe quelle quantité d'un bien et le fait qu'il existe des
quotas, je pense que le choix des agriculteurs est clair et net. C'est la
même chose, en fait, au niveau de la production forestière. Ce que
vous demandez implicitement, c'est qu'on revienne au temps où chacun
produisait les quantités de bois au marché libre, point final;
où chacun produit les quantités de bois qu'il veut, pourvu qu'il
se trouve un marché pour les vendre. Quand vous ditesce n'est pas
officiellement ce que vous demandez que vous souhaitez que chacun soit
libre le plus possible, qu'on respecte l'autonomie de chaque producteur, cela
revient à cela. Je pense que ce retour en arrière ne peut pas se
faire.
Il y a une chose qui apparaît évidente. C'est sûr
qu'il y a des secteurs, des régions du Québec où il y a
certainement eu des problèmes de relations entre les producteurs
forestiers, au sens où vous les définissez ceux qui vivent
seulement de la forêt et les producteurs agricoles, mais il reste
que le portrait que vous tracez dans l'ensemble du Québec, que le
travail de rationalisation des apprivisionnements et de répartition des
quotas de coupe sur les boisés privés qui a été
fait depuis plusieurs années est certainement un progrès. Qu'il y
ait des problèmes, il y en a eu et il y
en aura encore, mais je pense qu'on ne peut pas souhaiter des
améliorations et, en même temps, ne pas vouloir la condition de
ces améliorations, c'est-à-dire affecter des quotas de coupe
à différents producteurs. Je pense que c'est un point sur lequel
n'importe quel gouvernement ne pourrait revenir comme principe
d'approvisionnement des usines. Une autre chose qui vous crée un
problème, c'est quand vous dites: Les grandes compagnies font de la
coupe à blanc, pourquoi les producteurs privés ne pourraient-ils
pas en faire sur leurs lots? Je vous ferai remarquer que, pour les compagnies,
c'est déterminé, c'est le ministère qui détermine
quel type de coupe et on sait que la forêt privée du Québec
est une forêt jeune, ce n'est pas une forêt qui est vieille, alors
que, dans les forêts domaniales, les grandes forêts publiques, il y
a de très larges secteurs qui sont de la forêt mûre et qui
doivent être coupés, d'autant plus si on ajoute la question de la
tordeuse de bourgeons d'épinette, etc. A ce moment, on a avantage
à faire des coupes à blanc par opposition à des coupes
sélectives.
Vous disiez: Pourquoi les compagnies peuvent-elles faire des coupes
à blanc et les producteurs ne pourraient pas en faire? C'est que la
forêt privée n'est pas dans le même état que la
grande forêt publique au Québec. Je pense que c'est ce qui doit
expliquer le type de coupe différent qui doit être autorisé
dans ces circonstances.
J'aimerais, avant de poser une ou deux autres questions, que vous
réagissiez à ces commentaires que je fais à la suite des
interventions que vous avez faites.
M. Lamontagne (Jacques): Si vous me le permettez,
premièrement, je vous ferai remarquer que nous ne possédons pas
de quota; donc, il est erroné de dire que nous avons des quotas et que
nous les dépassons ou que nous ne les remplissons pas; nous n'en avons
pas. J'espère que, pour cela...
M. Marcoux: Le système ou l'office de producteurs de bois
détermine des quotas pour les producteurs.
M. Lamontagne (Jacques): Non, l'office ne détermine pas de
quotas à l'heure actuelle.
M. Racine: Pour votre information, il y a une douzaine
d'années, il y avait environ... C'est pour répondre à
votre question et vous poser une question en même temps.
Le Président (M. Gendron): Un instant! On va entendre la
réponse de monsieur.
M. Racine: II y a une douzaine d'années passées, il
y avait environ 50 000 agriculteurs dans la province de Québec.
Aujourd'hui, il en reste à peu près 26 000. C'est la question des
quotas. Je vous pose un point d'interrogation, je m'en pose et tout le monde
s'en pose au point de vue des quotas. Je ne sais pas, mais quand vous disiez
à un moment donné que la rationalisation était faite, je
ne sais pas à qui vous donniez le crédit. J'aimerais le savoir de
votre part. Si vous donnez le crédit à l'UPA, je vous dirai que
l'UPA, pour faire des négociations de quantités, s'est servie des
cinq dernières années. Evaluant combien, dans telle
région, il s'était vendu de bois, elle a divisé cela par
cinq, cela faisait X mille cordes de bois par année. C'est cela, ses
possibilités, ce sont ses chiffres en l'air, ses possibilités
qu'on appelle possibilités empiriques. Tout ce qui l'intéresse,
c'est le signe de piastre, c'est de venir chercher ma cotisation dans ma poche
et de venir chercher la cotisation de tout le monde. C'est ce qui
l'intéresse. Pourquoi ne demande-t-elle pas un inventaire forestier pour
savoir où est la vieille forêt et où est la jeune
forêt? Ce serait un maudit bon point de départ. Mais on se rend
compte que ce n'est pas cela qu'elle cherche, pas du tout. Ce qu'elle veut, ce
sont les $0.50, les $0.75 sur la piastre. C'est ce qui l'intéresse.
Je tiens à dire ici en commission que si le gouvernement continue
à vouloir donner à l'UPA les pouvoirs qu'elle a sur certaines
productions, dans quelques mois, sinon dans quelques années, l'UPA
contrôlera l'économie rurale de A à Z, ce gros monstre
contrôlera l'économie rurale de A à Z.
A l'heure actuelle, les propriétaires de boisés
privés sont au pied du mur. Nous sommes considérés comme
des robots. Vous pesez sur un bouton, vous voulez aller à droite? Ce
n'est pas à droite qu'il faut que vous alliez, c'est à gauche.
L'économie rurale en subira les conséquences. Il est grand temps
que le gouvernement mette un frein à cela, grand, grand temps.
M. Marcoux: II y a au moins une chose qui est en train de
disparaître, en tout cas je ne viens pas de la région de
Québec-Sud c'est ce qu'on appelait les pilleurs de lots, ceux qui
achetaient des lots, qui les pillaient en quelques années,
c'était éliminé, et qui les laissaient comme cela. Avec le
système actuel, quand je parlais de quotas tantôt, lorsque
l'office des producteurs dit à un agriculteur: On va t'acheter tant de
cordes cette année, il ne dit pas: Tu as tel quota, mais il assure
l'achat de tant de cordes. C'est une façon de répartir le total
des cordes de bois pour lesquelles il a des contrats. Qu'on appelle cela
contingentement, quota ou n'importe quoi, c'est une façon, en somme, de
dire à quelqu'un avant de produire: II y a tant de cordes qu'on peut
t'acheter, qu'on t'assure de vendre. Le reste, il laisse...
M. Russell: ...
M. Marcoux: Cela dépend. Je sais que, dans la
région, il assure tant de cordes, il l'achète et c'est lui de
toute façon, qui trouve un vendeur, s'il n'y en a pas, il est
acheté et il est assuré d'être payé.
M. Lamontagne (Jacques): C'est une raison de...
M. Marcoux: Justement, c'est le système vers lequel on
doit tendre de toute façon pour assurer une meilleure allocation et un
meilleur approvisionnement également.
M. Racine: Pourquoi est-ce qu'on demande un inventaire? On vient
de dire et on a répété qu'une vieille forêt, une
forêt rendue à maturité, ne croît plus, elle
décroît. Une vieille forêt, c'est comme un vieillard. Il
faut qu'elle soit coupée, car elle ne produit plus, tandis que la jeune
forêt c'est là qu'elle devrait avoir un traitement, parce qu'elle
est en pleine croissance.
Le Président (M. Gendron): S'il vous plaît, à
l'ordre!
M. Marcoux: Les boisés que vous achetez ou que vos
producteurs ont, est-ce que vous considérez que c'est de la vieille
forêt?
M. Racine: On a dit que nous n'avions pas les moyens financiers
de faire l'inventaire. C'est au gouvernement de faire l'inventaire, pour savoir
où est située la vieille forêt et où est
située la jeune forêt. C'est là le point de départ.
Après cela, on s'asseoira avec le gouvernement à une table ronde
et on discutera de tout cela.
M. Marcoux: Pour ne pas étirer davantage le débat,
je pense qu'entre l'option que vous pouvez défendre et celle que je
pense souhaitable pour les producteurs forestiers à l'avenir, il y a un
désaccord fondamental. Il y a quand même une chose qui doit
être clarifiée c'est la représentativité de votre
association.
Darts le casde l'Office des producteurs ou de l'UPA, on sait exactement
qui ils représentent, le nombre de personnes qu'ils représentent,
etc.
Vous dites que vous ne pouvez pas révéler le nom de vos
membres vous pouvez révéler le nombre en gros, environ
2000 parce que vous craignez des représailles. Je voudrais quand
même savoir pourquoi vous avez également refusé de donner
ces informations au ministre concerné, que ce soit le ministre de
l'Agriculture ou que ce soit le ministre des Terres et Forêts.
M. Racine: Ce que j'ai répondu, le ministre
Bérubé est témoin, la télévision en est
témoin, parce que j'ai fait une déclaration à ce sujet,
c'est que je n'ai pas refusé de dévoiler la liste de membres,
j'ai dit au ministre Bérubé, j'ai dit au ministre Garon: On va
s'asseoir ensemble tous les trois, la liste des membres, si vous voulez la
voir, j'ouvre le livre et je vous la montre. Mais personne n'en prendra de
photocopie, pour que 24 heures plus tard, elle soit rendue dans les mains des
syndicats et des offices de producteurs de bois pour qu'ils exercent leur
"crois ou meurs".
L'autre question que vous m'avez posée...
M. Marcoux: ...
M. Racine: ... vous dites que, quant à l'UPA, c'est facile
de savoir le nombre de ses membres. C'est facile, parce qu'ils retiennent la
cotisation, si vous ne le savez pas, c'est de $50 sur la première paie
de lait en juin. S'il y a 26 000 agriculteurs dans la province de
Québec, ils ont 26 000 membres, ils ont retenu obligatoirement leur $50,
alors ils sont obligatoirement membres. Mais ce que le gouvernement ne sait
pas, ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'il y a 75% de ces gars
qui sont contre l'UPA; politiquement, 26 000 membres, c'est rentable, à
côté de 2000. Mais ce que le gouvernement et ce que vous ne savez
pas, par exemple, c'est la quantité de ces 26 000 qui sont pour
l'UPA.
M. Marcoux: S'il y avait une motion faite à cette
commission, vous demandant ou vous ordonnant de rendre publique la liste de vos
membres dans le but de connaître la représentativité de
votre association, demande qui vous a été faite à
plusieurs reprises par les ministres concernés, est-ce que vous
accepteriez de vous rendre à cette demande de la commission?
M. Racine: Ecoutez, vous n'avez pas besoin de me reposer la
question, je l'ai dit au ministre Bérubé et au ministre Garon, si
vous voulez voir la liste de membres, on ouvre les livres et je vous la montre.
Mais personne n'en prendra des photocopies. Est-ce que cela répond
à votre question?
M. Marcoux: Cela veut dire que vous acceptez qu'ils la voient,
mais vous n'acceptez pas qu'ils puissent vérifier si ce sont de
véritables membres?
M. Racine: Ecoutez, on n'est pas intéressé à
donner la liste des membres pour que des photocopies se prennent, parce que ce
que vous ne savez pas, c'est que l'UPA a pris 20 ans à s'organiser et
qu'il y a des gars de l'UPA, dans tous les ministères du gouvernement,
Toupin est parti et Drummond est parti, mais eux, ils sont restés
là.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud, une minute s'il vous plaît. Il est
maintenant 22 h 40 et nous avons un cinquième intervenant aujourd'hui
à qui j'ai promis parce qu'il est reconvoqué pour la
troisième fois, il prend des jours de vacances, c'est quelqu'un qui
vient parler à titre individuel, M. Raymond Harvey de faire tous
les efforts pour qu'il soit entendu ce soir. Il a un court mémoire de
deux pages, il pourrait répondre également à certaines
questions. Il serait de mise à ce stade-ci, étant donné
que ça fait 1 h 40 minutes, de demander la collaboration de tout le
monde. Les travaux doivent être ajournés à 11 heures, mais
j'aimerais que cette promesse personnelle que j'ai faite en votre nom soit
respectée, pour M. Harvey.
M. Giasson: M. le Président, si vous permettez, suite
à la promesse que vous avez faite, je suis certain et assuré que
tous les membres de la commission vont désirer entendre le dernier
intervenant, quelle que soit l'heure à laquelle il comparaîtra,
nous allons être ici, c'est la troisième fois qu'il vient devant
la commission et soyez assuré, qu'il soit 23 heures, 23 h 30 ou minuit,
on va être ici pour l'entendre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
savez que ça prend le consentement unanime.
M. Giasson: Je ne doute pas...
M. Russell: De notre côté, on est prêt
à donner notre accord pour régler ce problème.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): J'ai le
consentement du député de Beauce-Sud également?
M. Roy: Je ne suis pas membre de la commission, il faut que je
sollicite le consentement unanime de la commission pour pouvoir intervenir.
M. Bérubé: II va consulter son caucus.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: Cela a été fait et je puis assurer le
ministre qu'il a été unanime. Est-ce qu'on me permet, M. le
Président, d'intervenir dans ce débat? Ces gens ne sont pas de
mon comté, mais ce sont des gens de ma région. Est-ce qu'on me
permet, M. le Président?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
allez.
M. Roy: Je vous remercie, M. le Président. Après
avoir écouté mes collègues, j'ai constaté, qu'on a
attaché énormément d'importance à la liste des
membres. Je pense que c'est un faux débat je me permettrai un
commentaire au début complètement faux, qu'il y ait 25,
500, 1000, 2000 ou 10 000 membres, cela ne change rien. Le problème est
là et je pense qu'il a été souligné par les
questions de mes collègues, tant du côté ministériel
que du côté de l'Opposition.
J'aimerais revenir sur un point particulier qui me semble on me
corrigera, nos invités pourront me corriger il me semble que le
gros problème qui se dégage dans tout cela, c'est le fait qu'il
n'existe pas de quota, on ne distribue pas de quota aux propriétaires de
boisés avant la coupe de bois. Est-ce que c'est le fond du
problème?
M. Lamontagne (Jacques): C'est le fond, à l'heure
actuelle.
M. Roy: Vous avez des propriétaires, dans votre
association, qui sont propriétaires de 4000, 5000 et je pense qu'il y en
a même de 10 000 acres. Comment un propriétaire de 1000 acres
peut-il procéder, à l'heure actuelle, avec certitude,
après avoir communiqué avec les responsables de la mise en
marché, procéder à la coupe et à la mise en
marché du bois? J'aimerais bien que le ministre prenne bonne note de
cela, puisqu'il a effectivement assisté partiellement à une
séance à laquelle avait participé également son
collègue le ministre de l'Agriculture, séance qui n'avait pas
donné de résultats comme tels, mais à laquelle on avait
référé à l'éventuelle commission
parlementaire qui étudierait le secteur de la mise en marché et
le problème des pâtes et papiers au Québec.
J'aimerais demander à nos interlocuteurs comment une personne qui
est propriétaire de 1000 acres de bois peut-elle procéder avec
sécurité, avec certitude, pour couper du bois et organiser sa
mise en marché et le livrer?
M. Lamontagne (Jacques): En ce moment, il n'y a aucune
manière.
M. Roy: Cela veut dire que si une personne se présente
à l'UPA, au syndicat des producteurs de bois et qu'elle déclare
qu'elle est propriétaire de 1000 acres de bois, qu'elle veut demander un
permis de coupe de 50 cordes de bois, ne peut pas avoir de permis de coupe ou
un quota et une certitude de livraison de ces 50 cordes?
M. Lamontagne (Jacques): Aucune à l'heure actuelle. Ils
ont eu six ans pour mettre cela sur pied, mais ils ne l'ont pas encore
fait.
M. Roy: Je pense qu'on touche le fond du problème. Ce
problème est sur mon bureau depuis passablement longtemps et je
déplore et je le dis aux membres de la commission, en sachant
très bien que les propos que je tiens à ce moment-ci vont
être relus par certaines personnes qui vont sûrement se procurer le
journal des Débats. Si, à chaque fois qu'on ose toucher à
ce problème, problème réel qui constitue des pertes
économiques pour des citoyens du Québec qui paient des taxes...
Je ne veux pas faire de débat philosophique à ce moment-ci, mais
à partir du moment où on parle de toucher à ce
problème, c'est immédiatement accuser.
Celui qui vous parle n'a pas été victime. Mais celui qui
vous parle s'est fait écrire des lettres dans tous les journaux du
Québec disant qu'il travaillait à détruire le plan de
l'UPA, alors que j'ai toujours soutenu et j'ai même travaillé
à le bâtir, le plan de l'UPA, parce que pour les petits
propriétaires de boisés privés, agriculteurs surtout, j'ai
toujours dit et je soutiens encore devant la commission parlementaire, que
l'UPA joue un rôle et je pense que ces messieurs ici l'ont dit tout
à l'heure: pour les agriculteurs, il n'y a pas de problème, le
problème n'est pas là.
Le problème existe pour une autre catégorie de producteurs
qui ne sont pas agriculteurs et qui sont propriétaires de grandes
étendues de terrain, et qui ne peuvent pas avoir aucune certitude avant
de commencer à couper du bois, à savoir combien de cordes de
livraison on pourra leur garantir, à partir du moment où des
contrats sont négociés avec les compagnies papetières.
J'aimerais poser une question à M. Lamontagne. Elle va
peut-être être un peu personnelle. Vous êtes
propriétaire de combien d'acres de bois?
M. Lamontagne (Jacques): 10 200 acres.
M. Roy: 10 200. Combien de bois avez-vous pu couper depuis
quelques années?
M. Lamontagne (Jacques): Dans trois ans, nous avons mis sur le
marché 800 cordes de bois qui sont encore là.
M. Roy: II y a un deuxième problème, mais je pense
que la réponse est assez significative. Si le gouvernement
s'inquiète pour les compagnies qui sont propriétaires de
concessions forestières, à cause des implications
économiques, le gouvernement doit également s'occuper et se
préoccuper des problèmes des moyens et des petits
propriétaires industriels dans le domaine de la forêt et
j'aimerais bien, à ce moment-ci...
M. Bérubé: Le député...
M. Roy: ... que le premier ministre puisse éclairer les
membres de la commission et nous dise ce qu'il entend faire à ce
sujet.
M. Bérubé: II me ferait un grand plaisir de
répondre à vos deux interrogations. D'une part, le
problème de la mise en marché des bois de la forêt
privée n'est pas un problème simple; d'essayer de structurer la
mise en marché de ces bois a demandé des efforts de longue
haleine de la part des syndicats de producteurs de bois. Il faut donc
éviter de tenter de désorganiser toute une mise en marché
qui s'est organisée péniblement. Ce qui me frappe, au cours des
interventions, parce que c'est quand même la deuxième ou
troisième fois que nous nous rencontrons, c'est d'abord qu'on n'arrive
pas à savoir dans quelle mesure c'est représentatif, parce que le
problème de ce qu'on peut appeler la dissidence dans les plans
conjoints, c'est un problème qu'on retrouve pour le porc, le poulet, les
oeufs, on le retrouve partout. On est toujours aux prises avec le même
problème, c'est-à-dire que, chaque fois qu'il y a un programme,
un plan de mise en marché, il y a forcément des gens qui ne sont
pas d'accord avec le plan, souvent pour de très bonnes raisons, mais
cela ne veut pas dire pour autant qu'on doive sacrifier le plan.
Pour arriver à évaluer si un plan doit être
sacrifié, il faut être capable d'en connaître la
représentativité. Personnellement, je suis bien prêt
à invoquer l'article 153, à demander et à forcer votre
association à déposer cette liste, puisque nous en avons le
pouvoir, parce que je ne peux pas, comme ministre, accepter de négocier
avec qui que ce soit sans savoir qui il représente.
M. Roy: J'aimerais demander...
M. Bérubé: C'est ma première remarque et je
pense que c'est un point important.
Le deuxième point que j'estime capital, il existe
présentement un tribunal, la Régie de mise en marché des
produits agricoles. Il n'y a aucune plainte qui ait été
portée devant la Régie de mise en marché des produits
agricoles et qui ait permis à un moment donné d'avoir un
jugement. En d'autres termes, on demande à un homme politique de faire
lui-même enquête et d'essayer de convoquer des témoins alors
que la loi a prévu un tribunal. Le jour où il y aura eu une
décision de la cour et que cette décision n'aura pas, à
notre avis d'après une évaluation qu'on pourra respecter
véritablement, une justice élémentaire, jugé qu'il
y aura peut-être lieu de réévaluer cela, tant et aussi
longtemps que des gens ne veulent pas avoir recours à la loi telle
qu'elle est rédigée dans ce cas-ci, c'est la Régie
de mise en marché on n'a aucun élément pour juger
si ce que monsieur vient d'affirmer est vrai ou faux. Ce n'est certainement pas
le ministre qui va aller se promener pour aller voir si c'est vrai ou si c'est
faux. Il y a une régie qui a des moyens de faire enquête. Il
devrait y avoir une plainte une fois pour toutes et, à partir de cette
plainte, il devrait y avoir jugement pour qu'on puisse décider.
Or, l'association, d'une part, refuse de déposer sa liste de
membres pour démontrer qu'elle est représentative et, d'autre
part, cette association refuse de déposer une plainte devant la
régie de manière qu'elle soit jugée pour sa valeur. Dans
ces conditions, il m'apparaît personnellement très difficile
d'aller plus loin que d'écouter patiemment les mêmes
argumentations que j'entends chaque fois, et que les ministres
précédents, M. Drummond et M. Toupin, ont entendues
également; à chaque fois, ils n'ont pu tirer la moindre
conclusion, faute d'avoir eu la réponse à ces deux mêmes
questions. Tant et aussi longtemps qu'on refusera de répondre à
ces questions, je refuse de répondre à d'autres questions.
M. Roy: J'aurais une autre question, malgré tout cela,
à poser au ministre à ce moment-ci, suite à ce qui a
été dit dans le mémoire également et qui a
déjà été entendu devant la commission
parlementaire. On a parlé tout à l'heure d'un inventaire. Je
ferai grâce d'une question à leur poser, la question a
été posée tout à l'heure, mais j'aimerais, c'est ce
qui m'intéresse à ce moment-ci, puisque je connais la
réponse de l'association, avoir la réponse du ministre.
Le problème de la surproduction qu'on attribue à la
forêt de la rive sud du Québec, c'est un problème qu'on
retrouve actuellement pour les personnes qui demandent des permis
d'exploitation de petits moulins à scie et qui demandent la permission
d'avoir un plus grand quota de sciage, pour de petits moulins privés qui
desservent la classe agricole particulièrement. D'ailleurs, j'ai trois
demandes dans la région chez nous qui sont actuellement à
l'étude devant le ministère des Terres et Forêts et pour
lesquelles je devrai entrer en contact prochainement avec les
intéressés.
On nous dit j'ai eu de sérieuses discussions avec les
officiers du ministère là-dessus qu'on a
évalué la possibilité de coupe de la forêt de la
rive sud du Saint-Laurent à une demi-corde à l'acre et de
façon totalement arbitraire. Certains ingénieurs forestiers ont
fait des études, ont fait des démarches, ont fait des
enquêtes, et on nous dit que, dans certains coins, dans certaines
régions, on va même jusqu'à une corde et demie de pousses
annuelles, ce qui ferait que la moyenne serait de beaucoup supérieure
à une demi-corde l'acre. Si, je pose la question, c'est parce que cela
fait 25 ans que j'entends dire que la forêt est surexploitée. Elle
est toujours surexploitée et il y a toujours trop de bois.
J'aimerais demander, suite à la demande qui a été
formulée par l'Association des propriétaires de
boisés privés, si le ministère entend faire, sur
place, un inventaire par échantillonnage pour être capable
d'évaluer le taux de production annuelle, le taux de pousses annuelles
de la forêt de la région chez nous.
M. Bérubé: La réponse, c'est oui.
Effectivement, cette question m'a été posée par le
syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud. Elle m'a
été également posée dans le cas de la vallée
de la Matapédia. C'est un problème qui se pose à
l'échelle du Québec. Cette question a été
soulevée, à ma connaissance, par la Fédération des
producteurs de l'UPA, lors de cette commission parlementaire.
Le problème qui se pose dans le cas de l'évaluation de la
forêt privée vient de la non-homogénéité de
la forêt privée en particulier, c'est-à-dire qu'on ne peut
pas contrôler ce que chaque cultivateur coupe, ce que chaque
propriétaire coupe. Par conséquent, faute de cette
homogénéité, les places échantillons sont
difficiles à prendre, puisque vous pouvez prendre une place
échantillon dans un lot, mais le lot voisin peut être totalement
différent. Donc, il faut certainement procéder par d'autres
techniques, des techniques qui sont peut-être moins précises,
moins exactes, mais qui sauront quand même donner une réponse un
peu plus précise.
Présentement, le travail est commencé dans
Québec-Sud, justement pour fournir une idée de la capacité
forestière dans cette unité d'aménagement ou, du moins, de
forêt privée. A la lumière de cette réponse, le
syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud pourrait décider
d'imposer des quotas fondés sur la capacité forestière.
C'est d'ailleurs mon intention personnelle, puisque ce sera au gouvernement
d'en décider, de présenter éventuellement un projet de loi
qui permettrait de garantir une allocation de la matière ligneuse entre
les différents intervenants, donc de définir pour chaque
unité d'aménagement la quantité de bois qui doit
être mise en marché.
Un des éléments nous permettant de fonder cette
décision, c'est évidemment la capacité forestière
de la région, mais également les besoins en bois. Si on vise
comme objectif l'utilisation de la capacité forestière de la
forêt privée, puisque ce bois est plus économique et permet
à la population d'en vivre, si on vise cela comme objectif, il va de soi
que si, éventuellement, il doit y avoir une réduction des besoins
en bois, par exemple, un ralentissement de la demande pour le papier,
forcément, il va falloir répartir sur tous les intervenants,
c'est-à-dire sur les scieries, la forêt publique et les
cultivateurs, l'impact de cette réduction et non la faire absorber,
comme c'est présentement le cas, pratiquement entièrement par les
propriétaires de boisés privés.
C'est l'objectif que l'on vise avec ce type de projet de loi. Cela me
paraît fondamental comme réflexion. Cela ne résout pas tous
les problèmes, mais cela peut aider à garantir qu'au moins, d'une
façon générale, en fonction de la capacité
forestière de leurs boisés, les cultivateurs, en moyenne, vont
être capables de vendre le bois qu'ils cou- pent. Donc, cela
répondrait à la question que vous avez soulevée: Est-ce
qu'il y a moyen de garantir à un cultivateur qu'il va vendre son bois?
Son boisé, ayant une capacité forestière d'une demi-corde
à l'acre, par exemple, on pourrait lui garantir une demi-corde d'une
façon normale, sauf que, s'il y a un ralentissement imprévu, cela
pourrait descendre, au lieu d'une demi-corde, à 0,45 corde ou 0,48
corde. Il pourrait y avoir un certain jeu, mais au moins, en gros, on pourrait
garantir que la possibilité de la forêt sera utilisée dans
le cas de la forêt privée. Ceci, cependant, ne va pas à
l'encontre des plans d'aménagement.
Cela voudrait dire que, même si M. Racine est propriétaire
de 10 000 acres, il aurait droit, selon l'évaluation de ses
boisés, à un quota qui dépendrait de la capacité de
ses boisés. Il ne pourrait pas plus, après comme maintenant,
décider de couper plus que la possibilité forestière. Il
serait obligé de s'en tenir à la possibilité, auquel cas,
je ne vois pas, personnellement, tellement la différence qu'il y aurait
à passer par le syndicat, par un plan conjoint, puisque, de toute
façon, il serait limité sur la quantité et il accepterait
que les syndicats négocient les prix. Donc, à partir du moment
où il est fixé sur la quantité qu'il peut mettre en
marché et qu'il accepte que le syndicat négocie les prix, il ne
reste plus grand chose à négocier.
M. Roy: J'aurais une dernière remarque à faire au
ministre. Tout à l'heure, il a parlé du nombre de membres et du
dépôt de la liste des membres. Je pense que ce qui doit retenir
l'attention du ministre, ce n'est pas une question de nombre de membres et de
dépôt ou pas de la liste. Je pense que les membres de la
commission ont été en mesure de se rendre compte, qu'il y a un
problème réel concernant les permis de coupe, les quotas de coupe
et le problème de la mise en marché.
J'aimerais bien qu'on se place dans la situation, face aux
problèmes que doit envisager le syndicat de l'UPA les Producteurs
de bois de Québec-Sud qui a de la difficulté à
négocier des contrats raisonnables pouvant satisfaire les besoins des
producteurs. J'aimerais que le ministre prenne bonne note que le rôle de
l'UPA et son premier devoir, elle le fait et je dirai même qu'on ne peut
pas la blâmer de le faire; elle commence par servir les
intérêts de la classe agricole et des petits producteurs en
distribuant le plus grand nombre de passes au plus grand nombre de producteurs
et, actuellement, ce sont ces gens qui font les frais du système, ce
sont les propriétaires de boisés privés, qui ne sont pas
agriculteurs, qui ont de grandes étendues de bois et qui ne peuvent
avoir aucun quota de production; lorsqu'ils occupent du bois, ils ne peuvent
pas le livrer. Je pense que le problème a été clairement
illustré. Je ne veux pas faire de débat philosophique, je ne veux
pas tirer la pierre et écraser, à un moment donné, et
revenir à l'ancien système en détruisant le plan conjoint
de l'UPA, mais j'aimerais quand même que le ministre réalise
très bien, ainsi que les membres de la commission, qu'il y a un
problème très réel qui ne permet pas à ces
personnes de pouvoir avoir leur place au soleil, comme elles l'ont dit
elles-mêmes.
M. Bérubé: II m'apparaît cependant que,
même si le problème est réel, il est mal abordé par
l'Association des propriétaires des boisés privés. A titre
d'exemple, pour pouvoir imposer des quotas aux membres du plan conjoint, il
faut un règlement. Or, dans certaines régions, il existe un
règlement. Dans le Bas-Saint-Laurent, il existe un règlement, qui
définit comment les quotas sont donnés.
Si le syndicat, le plan conjoint alloue des quotas sans
règlement, ceci pourrait être contesté devant la
régie de la mise en marché des produits agricoles et être
déclaré invalide et pourrait même conduire à la
dissolution du plan conjoint en question. Que je sache, il n'y a jamais eu de
contestation. J'en conclus que l'Association des propriétaires de
boisés privés est satisfaite du système. Elle ne le
conteste pas.
M. Roy: Est-ce que le ministre veut dire par là que les
offices de producteurs et les syndicats sont obligés d'avoir un
règlement de mise en marché.
M. Bérubé: Bien oui! M. Roy: Bon!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: Messieurs de l'association, vous nous avez
indiqué tout à l'heure deux d'entre vous les
superficies de terrain que vous possédez en nous fournissant les
quantités de cordes de bois que vous avez pu mettre en marché,
livrées ou non. Quant à vous, M. Lamontagne, vous avez
parlé d'au moins 10 000 acres. M. Racine, vous possédez quoi?
Quelques milliers d'acres aussi? Comment avez-vous vécu, si c'est
là votre seule activité? Est-ce que vous avez livré des
billots à des scieries? Avez-vous vendu des billots en dehors de ce
qu'on appelle le bois de "pulpe"?
M. Lamontagne (Jacques): C'est tout simplement ce qu'on a fait,
nous.
M. Giasson: Au lieu de faire de l'exploitation de bois à
pâte, dans l'incapacité d'obtenir des passes, vous avez dû
modifier votre système et tenter, dans la forêt où les
essences étaient suffisamment volumineuses, de livrer ça aux
usines de sciage.
M. Lamontagne (Jacques): C'est-à-dire que nous avions
toujours fait ça, livrer du bois de sciage et ce qui ne pouvait aller au
bois de sciage allait à la pâte, non pas par rapport à la
mauvaise qualité, mais, disons, la grosseur du bois ou peut-être,
par exemple, la souche un peu fourchue, des choses semblables, un peu comme
tout le monde fait, même les grandes compagnies font la même chose.
Ce qui arrive, c'est qu'à l'heure actuelle, nous le laissons dans la
forêt; au lieu d'exploiter, par exemple, l'arbre à trois pouces,
on le "botte" je ne sais pas s'il y a un autre mot qu'on peut employer
à cinq pouces et le reste, on le laisse pourrir, tout simplement.
Cela fait un an qu'on fait ça.
M. Giasson: Contrairement à la récupération
que vous faisiez autrefois, quand il y avait possibilité de le mettre en
marché.
M. Lamontagne (Jacques): Oui, il n'y a pas de possibilité.
Tout de même, lorsqu'arrivent les taxes scolaires ou municipales, il faut
les payer.
M. Giasson: Une autre information que j'aimerais bien avoir, si
vous êtes capable de la donner à la commission. Devant le
comportement de l'Office des producteurs de bois de Québec-Sud, pris
dans des problèmes qu'on comprend, forte demande venant des cultivateurs
qui veulent couper sur leurs boisés, devant ce problème, vous
sentant incapables de mettre en marché les quantités de bois
à pâte que vous devriez normalement mettre en marché, vous
avez tenté, à un moment donné, d'exposer à la
Régie des marchés agricoles, la situation vécue, vous avez
obtenu une entrevue, je crois, sauf erreur, il n'y a pas tellement
d'années. Je présume qu'à cette audition, vous avez pu
exposer, le plus complètement possible, les problèmes aigus que
vous aviez à vivre. Il y a certainement eu des personnes qui ont
témoigné pour vous autres, comme il a dû y en avoir pour
l'autre partie, qui prétendait que le rôle joué par elle
était équitable pour tous.
Qu'est-ce qui a résulté, somme toute, de cette audience?
La décision rendue par la Régie des marchés agricoles sur
les problèmes exposés à l'audience s'est traduit par quoi?
Quelle a été la décision?
M. Racine: Voici, il y a eu des témoins entendus en
septembre 1976 à la Régie des marchés agricoles du
Québec. On n'a pas rendu de jugement puisqu'on a retiré notre
requête parce qu'on s'était rendu compte qu'on n'était
même pas des producteurs agricoles, on n'avait pas affaire là.
Suite à cela, la régie n'a pas perdu de jugement. Je ne sais pas
si le ministre Bérubé serait capable de sortir un jugement, mais
j'aimerais dire quelque chose au ministre: Ce qu'il ne sait pas, c'est que
depuis quatre ans, à l'association, c'est du bénévolat
qu'on fait. Ce midi on a dîné et on a payé cela de notre
poche, ce soir on a soupé et on a payé cela de notre poche. Cela
fait quatre ans qu'on fait cela. J'aimerais qu'il se rentre cela dans la
tête. Cela fait quatre ans qu'on nous renvoie de Pilate à je ne
sais trop qui. Les ministres nous envoient à la Régie des
marchés agricoles, la Régie des marchés agricoles nous
envoie au lieutenant-gouverneur, le lieutenant-gouverneur nous envoie au
ministre et cela fait quatre ans qu'on nous ballotte; j'appelle cela un
ballottage en ligne. On nous demande de repasser encore à la
Régie des marchés agricoles. J'ai des doutes à un moment
donné et je l'ai dit aux gens de la régie la semaine
passée, je leur ai dit: J'ai des doutes sur vous
parce qu'en octobre 1975 on a signé une convention avec l'UPA, le
syndicat de Québec-Sud. Ils ne l'ont même pas respectée.
Quelle intervention avez-vous faite pour leur faire respecter la convention
qu'on avait signée? Zéro. Le 8 décembre 1976, ils sont
venus faire enquête sur mon cas personnel; j'attends encore la
réponse. Je leur ai dit: Quel sérieux peut-on prendre de vous?
Vous n'êtes pas sérieux, pas une maudite miette. Et le ministre va
vouloir nous faire dépenser de l'argent pour nous faire encore organiser
des requêtes, nous faire aller devant des avocats quand on sait
"mauditement" bien qu'ils sont biaisés, qu'ils ont un penchant vers
l'UPA. Cela, je n'ai pas peur de le dire en commission parlementaire. Qu'est-ce
que cela va nous donner? Je l'ai dit tout à l'heure, le problème
est devenu un problème politique. Je sais que l'UPA dit: Nous avons 26
000 membres, des membres qui retiennent la cotisation obligatoire sur leur paie
de lait en juin: $50. Au point de vue politique cela paraît bien, c'est
pas mal mieux que 2000, mais je le répète encore, ce que vous ne
savez pas c'est que 75% de ces gens sont contre l'UPA, c'est ce que je veux
faire comprendre ici à la commission, au gouvernement, aux membres de la
commission et au public. La Régie des marchés agricoles, suite
à la contestation que l'on a faite cela pourrait peut-être
répondre au ministre les 23 et 24 juin 1976, M. Roger Morasse
qui est ici était le secrétaire au Conseil
exécutif qui a entendu la régie M. Giasson vous en faisiez
partie ...
M. Giasson: Quel conseil?
M. Racine: ... quand vous avez rencontré la régie
suite à la contestation, vous avez rencontré la
fédération, l'UPA, vous nous avez rencontrés. Qu'est-ce
que la régie a dit à ce moment? J'aimerais bien que le ministre
en prenne bonne note. Les avenues possibles ce n'est pas moi qui le dis,
c'est la régie, je l'ai ici sont: Premièrement,
redéfinir le producteur visé par les plans conjoints.
Deuxièmement, exclure certaines classes ou catégories de
producteurs. Troisièmement, confier l'agence de vente à une autre
association ou à un tuteur spécifique. Quatrièmement,
former une association mixte dans laquelle les dissidents et les syndicats
administreraient l'agence de vente. Et vous voulez encore nous renvoyer
là? Vous l'avez la réponse M. le ministre. Il l'a la
réponse; pourquoi nous renvoyer là? Il l'a la réponse;
cela sert à quoi de nous faire dépenser de l'argent? Qu'est-ce
que le plan conjoint du porc fait? C'est vrai qu'il y a des dissidents et il y
a des raisons à cela. Je ne suis pas un éleveur de porcs, mais
qu'est-ce que le gouvernement fait? Il nomme des gars pour administrer et pas
seulement d'un même côté, il essaie d'avoir les deux
côtés.
Qu'on commence par nous offrir cela. Qu'il nous intègre de force
à un moment donné et, après cela, on ne sait jamais. Je
n'admets pas que le ministre veuille nous envoyer devant la régie pour
essayer d'aller chercher un jugement ou je ne sais trop quoi. Il a la
réponse ici. Elle s'est déjà prononcée. Qu'est-ce
que cela nous donne?
M. Bérubé: Je regrette, mais, en ce moment, on
m'avise que ce n'est pas la régie qui s'est prononcée. M. Giasson
pourra en témoigner et M. Morasse vient de me dire le contexte; c'est
simplement une réunion d'information entre des députés et
les gens de la régie. C'est une réflexion d'un membre de la
régie sur toutes les hypothèses de solutions possibles. Alors, ce
n'est donc pas la régie qui s'est prononcée. Je dois vous
rappeler qu'il n'y a jamais eu, jusqu'à maintenant, de jugement rendu
par la régie portant sur un cas d'injustice qui aurait été
commise par un des plans conjoints en question. Par conséquent, le
problème tel qu'il se pose, pour autant que nous sommes
concernés, c'est doit-on abolir le plan conjoint, s'il vous traite
justement? La réponse que nous avons, c'est non.
M. Racine: On ne demande pas l'abolition d'un plan conjoint, M.
Bérubé. On l'a dit tout à l'heure et je le
répète: On ne demande pas de débâtir les plans
conjoints existants; on demande d'avoir notre place au soleil. On demande
d'avoir le droit aux négociations et d'avoir notre part du gâteau.
C'est ce qu'on demande. On ne demande pas la démolition et on ne demande
pas de débâtir les organismes. Ce n'est pas ce qu'on demande.
C'est d'avoir notre place au soleil, de participer aux négociations de
prix et de quantités, d'avoir notre part du gâteau et de s'asseoir
avec vous autres à une table ronde pour discuter. On sait qu'il y a eu
des abus dans le passé et on ne veut pas que se commettent de nouveau
des abus. On voudrait, à un moment donné, s'asseoir avec vous et
regarder cela. Je pense que cela va être le meilleur moyen pour le
gouvernement de réussir à se concilier les propriétaires
de boisés privés et tout le monde serait heureux de cela.
M. Giasson: M. Racine, si le gouvernement actuel ou celui qui a
précédé, parce que c'était là une situation
de fait, avait décidé, selon des dispositions qui étaient
contenues dans la réforme forestière qui avait été
discutée par une commission parlementaire des terres et forêts en
1972, sauf erreur; si on avait mis à exécution une partie des
transformations qui avaient été suggérées par le
livre vert sur la réforme; si on avait créé, selon ces
recommandations, une régie des produits forestiers, régie qui
aurait eu pour fonction de regrouper tous les producteurs de bois qui sont en
même temps des agriculteurs ou des producteurs agricoles dans un
organismes de leur choix s'ils choisissent l'UPA, on reconnaît que
c'est là leur désir et on les laisse aller là et
que cette régie des produits forestiers avait reconnu également
une autre organisation composée de membres ou de personnes qui n'ont
absolument rien à voir avec l'agriculture, qui n'ont jamais
été agriculteurs et qui ne le seront jamais de leur vie, mais qui
possèdent des terrains boisés; si, après cela, dans les
pouvoirs accordés à la régie des produits forestiers, on
lui avait permis de réserver un volume de bois global pour le
Québec, devant être mis en marché par les membres de
l'office des propriétaires de boisés privés, peu importe
le nom qu'on lui donne-
rait, et un autre volume qui serait réservé pour garantir
les livraisons des producteurs agricoles qui veulent travailler dans un
organisme qui leur est propre, affiliée l'UPA ou autrement, pensez-vous
que, si cela avait été réalisé, on vivrait encore
les problèmes que vous vivez présentement? En fait, qu'on le
veuille ou non, il existe dans deux ou trois régions du Québec
des gens comme vous qui avez du bois à mettre en marchéet qui
êtes totalement incapables de le mettre en marché parce qu'on ne
vous fournit pas les passes dont vous auriez besoin, ces passes devant
être remises à des agriculteurs qui ont également du bois
à vendre. Est-ce qu'un tel organisme selon vous, permettrait cela
n'éliminera sans doute pas tous les problèmes de
régler certains problèmes que vous vivez présentement?
M. Racine: Je suis parfaitement d'accord avec vous, M. Giasson,
indépendamment de qui contrôle cette régie des produits
forestiers. Qui la contrôle? Moi, je vois mal une régie qui est
à Montréal dans une tour d'ivoire et qui n'a jamais vu une
bûche de "pitoune", qui n'a jamais scié une bûche de
"pitoune", qui n'a jamais mis une bûche de "pitoune" sur le bord du
chemin, venir essayer de nous... Je ne dis pas ça seulement pour la
Régie des marchés agricoles, je dis ça pour les gars de
syndicats et les offices de producteurs de bois. Ce sont des fonctionnaires
purs et simples.
Une chose que j'aimerais dire ici devant cette commission, je mets le
gouvernement au défi, je défie le gouvernement de donner à
l'Association des propriétaires de boisés privés une
accréditation officielle. Et de là, il n'y aura pas besoin de
nous demander notre liste de membres, il verra de quel côté se
dirigent les producteurs de bois. Je mets le gouvernement au défi ici ce
soir.
M. Giasson: Oui, mais M. Racine, même s'il a cette
possibilité, vous allez admettre comme moi qu'un grand nombre vont
continuer de faire leur mise en marché par les offices de producteurs
existants. Ils ne sont pas tous mécontents, les producteurs des offices
de mise en marché.
M. Racine: Ce n'est pas ce qu'on dit non plus.
M. Giasson: D'ailleurs, vous allez reconnaître que dans
certaines régions du Québec, vous avez des offices de producteurs
de bois ou des syndicats qui trouvent moyen d'opérer à
l'intérieur d'ententes entre ce qu'on appelait autrefois des
commerçants qui étaient les acheteurs de bois des petits
producteurs ou des cultivateurs. Ces gens ont trouvé moyen de travailler
ensemble. S'ils n'ont pas fait un mariage d'amour, ils ont au moins fait un
mariage de raison et ils raisonnent ensemble. Je vous \e dis, parce que vous
savez fort bien que dans une région comme celle que je
représente, même si tout n'est pas parfait, il y a eu des
possibilités de faire travailler des commerçants de bois qui sont
les acheteurs de bois des cultivateurs qui obtiennent toutes les passes
émises par l'Office des producteurs. Ce sont des propriétaires de
terrains boisés qui ne sont pas culti- vateurs, parce que je ne sache
qu'aucun qui possède 500 acres ou d'autres 1000 acres ou d'autres 2000
acres de bois, mais qui conviennent, par des "gentlemen agreements" avec
l'office de producteurs de la région, de tenter d'accommoder tout le
monde, les producteurs agricoles comme les producteurs de terrains
boisés privés, qui n'ont rien à voir avec
l'agriculture.
C'est sûr que, des années, il y a encore des petits
problèmes, parce qu'on ne peut jamais prévoir le volume de coupes
que chaque producteur va faire. Si la saison est bonne, que ça se
prête bien, on coupe plus de bois. Si une demande est plus forte ou si
les prix sont plus élevés du côté du sciage des
billots, les gens vont couper un peu plus de billots et donc il y aura moins de
bois de pulpe. Vous savez comment cela fonctionne, vous travaillez
là-dedans. Mais, tout de même, cela vous indique qu'il y a des
régions du Québec qui opèrent des plans conjoints avec les
pouvoirs de la régie des marchés agricoles du Québec et
qui parviennent, de façon assez intéressante, à ramasser
le bois qui se fait dans les régions.
Chez nous, cette année, en 1977, au moment où, dans
Québec-Sud, vous avez des surplus énormes qui ne sont pas mis en
marché... Vous avez parlé de 40 000 cordes. Récemment, le
président de l'Office des producteurs ou du syndicat des producteurs de
Québec-Sud a comparu devant la commission. Il nous a confirmé
qu'il y avait 23 000 cordes de bois, à sa connaissance, dans
Québec-Sud, dont la coupe remontait à au-delà d'un an.
Donc, dans une région comme celle que je représente c'est
le même office des producteurs pour le député de
Kamouraska-Témiscouata on a très peu de bois
présentement sur le territoire dans les comtés de
Montmagny-L'Islet, dans Kamouraska-Témiscouata, dont la coupe remonte
à au-delà d'un an. Il n'y a pas 1000 cordes de bois chez nous qui
traînent, du bois qui aurait été coupé avant
l'automne 1976. Cela nous indique que quand les gens veulent travailler
ensemble, il y a encore moyen de faire quelque chose, de résoudre les
problèmes à l'intérieur du même système dans
lequel opère le Syndicat des producteurs de bois de Québec-Sud ou
de Lévis, Bellechasse, peu importe le nom qu'on lui donne.
Je vous dis ceci pour vous indiquer que le système de mise en
marché, même avec le règlement d'exclusivité, n'est
pas acceptable partout dans toutes les régions du Québec. Il y a
encore des régions qui sont capables de fonctionner avec ce
système mais avec une volonté, de part et d'autre de s'entendre
et de travailler main dans la main.
Est-ce que vous reconnaissez que, à l'office de La
Pocatière, les problèmes ne sont pas aigus comme chez vous?
M. Racine: M. Giasson, ce que vous ne savez peut-être pas,
c'est qu'en étant aussi vivace, l'Association des propriétaires
de boisés privés fait terriblement peur. Mais que l'Association
des propriétaires de boisés privés d isparaisse demain
matin, vous allez voir le beau "chiard" qu'il va y avoir. Ils vont
prendre tous les producteurs de bois, ceux qu'ils vont vouloir, par la
gorge. Laissez d isparaître l'association!
M. Giasson: Mais je dis: Au contraire d'avoir peur, on va se
parler honnêtement, très ouvertement.
M. Racine: Mais le ministre Bérubé, si on en croit
ses paroles, voudrait quasiment nous voir disparaître. Il ne veut pas
nous donner de pouvoir, il veut nous envoyer nous faire dépenser de
l'argent et on sait que c'est du temps dépensé inutilement.
M. Giasson: Je suis un peu contraint d'avoir peur. Si on se
rappelle l'histoire du passé, remontons 25 ans en arrière, avant
la création des offices de producteurs, les plans conjoints, revoyons de
quelle façon se faisait la mise en marché, qui la
contrôlait, qui avait droit de vie et de mort sur les prix payés
aux producteurs, qui pouvait décider, certaines années, de couper
des quantités absolument incontrôlées sur ses propres
boisés et de laisser le bois là. C'est pour cela que personne ne
veut revivre ce que nous avons vécu comme système de mise en
marché avant l'existence des offices de producteurs ou des syndicats de
producteurs.
Si vous revenez à l'ancienne formule, vous avez les mêmes
dangers qu'il n'y ait pas de contrôle et que, certaines années,
les petits producteurs cultivateurs ne puissent pas mettre leur bois en
marché. M. Racine, rappelez-vous qu'en 1971, alors que bien des
cultivateurs n'étaient pas capables de vendre leur bois, à
l'été 1971, ce n'était pas possible de livrer le bois de
ma région aux usines de Québec, à Beaupré et
à l'Anglo Pulp à l'époque, au même moment, cette
année-là, il s'est rentré 45 000 cordes de bois frais
coupé, qui ne venaient pas des boisés des cultivateurs, cela
venait de boisés qui étaient la propriété de vrais
forestiers qui ne font pas autre chose, qui font le commerce du bois.
C'était la réalité. Quand on ne veut pas retourner
à ce système, je dis qu'on ne doit pas y aller non plus. Il faut
pouvoir amener les gens qui forment la composante en matière de mise en
marché du bois de pâte à se parler. S'ils ne sont pas
capables de se parler, qu'on modifie les règles du jeu et qu'on donne la
capacité à chacun d'avoir sa part du gâteau. Il ne faut pas
permettre que l'un fasse de la mise en marché au détriment de
l'autre, c'est inacceptable.
M. Racine: Cela me surprend un peu. On parle du passé,
d'accord, mais cela fait quatre ans qu'on chante, à un moment
donné, que le système passé, on n'en veut pas, et qu'on ne
veut plus revoir ce système. Comme propriétaire de 4000 acres, je
ne suis pas intéressé à ce que le prix du bois baisse de
$10 la corde, demain matin. Voyons donc! Je travaillerais contre mon
porte-monnaie.
M. Giasson: C'est pour cela que vous êtes
intéressé. Je vous comprends. Vous êtes logique de dire
cela, mais s'il n'y a de ligne nulle part, s'il n'y a pas d'avenue, s'il n'y a
pas de contrôle, qu'est-ce qui vous empêche d'en vendre le double,
le triple et le quadruple? Vous n'avez qu'à vous porter acquéreur
des terrains privés ou boisés qui sont à vendre. A ce
moment, vous pouvez augmenter le volume que vous pouvez livrer, s'il n'y a pas
de contrôle. Vous devez reconnaître cela. C'est ce qui s'est
produit dans le passé. C'est cette partie que je ne veux pas qu'on
revive.
M. Racine: On demande, à un moment donné...
M. Giasson: Pas le principe de contrôler les prix et
d'améliorer les prix au marché, on s'entend sur cela. Mais,
retourner à la possibilité qu'auraient quelques individus au
Québec de mettre sur le marché des quantités
énormes de bois, parce qu'ils ont acheté des terrains au
détriment d'autres petits propriétaires, ce n'est pas plus
acceptable.
M. Racine: Nous voyons toujours le gouvernement au-dessus de
nous, pour nous superviser. Nous voyons l'Association des boisés
privés, conjointement avec les offices, négocier les prix et les
quantités. A la suite de cela, nous voyons un partage suivant les acres
des agriculteurs et des non-agriculteurs. Le gouvernement est toujours en haut
pour nous superviser. Si cela ne fait pas, si un groupe veut faire le fou, il
adoptera une loi, ou il réglementera. Nous n'avons jamais dit que nous
ne voulions pas avoir le gouvernement et que nous ne voulions pas nous
soumettre, à un moment donné, à n'importe quel plan qui
aurait du sens. Nous n'avons jamais dit cela.
C'est bien certain qu'on ne veutiVien savoir de l'ancien système,
mais si on était des représentants et qu'on voulait revenir,
c'est bien sûr que les syndicats et les offices diraient aux producteurs
de bois: Si l'Association des propriétaires de boisés
privés a des pouvoirs demain matin, votre prix va diminuer de $10. C'est
leur seule défense. C'est bien certain qu'ils la chantent aux quatre
vents, mais je pense que les producteurs ne sont pas si dupes que cela; ils
commencent à se rendre compte qu'il y a pas mal de fausseté.
M. Giasson: Une dernière question, M. le ministre. Vous
avez proposé à différentes occasions ou, du moins, vous
avez indiqué votre intention de légiférer de façon
à mettre sur pied un véritable programme d'allocation de la
matière ligneuse pour l'industrie.
M. Bérubé: J'ai discuté avec un bon nombre,
en fait, d'intervenants de l'industrie forestière, avec les producteurs
de bois et autres d'un tel type de projet que nous avons élaboré
ensemble.
M. Giasson: Partons de cette acceptation que vous avez
discutée et que vous avez comme projet, en tant que ministre des Terres
et Forêts, de légiférer et de bâtir un plan
d'allocation. Dans ce
plan d'allocation, vous dites déjà avoir une bonne
idée des organismes que vous allez reconnaître comme étant
des intervenants avec qui vous allez travailler au niveau de l'allocation de la
matière ligneuse aux usines. Entendez-vous faire une place à des
forestiers qui n'ont rien à voir avec l'agriculture, qui n'ont jamais
été cultivateurs et qui ne le seront jamais parce que ce n'est
pas là leur avenir? Allez-vous laisser au moins une place à un
organisme qui les représente, quelle que soit la superficie de
forêt que ces gens posséderaient? Donc, conséquemment, cela
débouche sur une quantité qui représente les superficies
possédées. Etes-vous prêt à laisser une place
à ces gens?
M. Bérubé: II y a une très grande
difficulté de contrôler, comme vous le savez, la circulation des
bois. Par exemple, les producteurs de bois nous soulignent qu'il y a une
quantité épouvantable de bois qui vient du comté de
Québec, je pense, quelque chose comme cela, où effectivement il
n'y a pas de boisés, mais où il y a quand même une
production très élevée de bois, même sans
forêt. On se demande d'où sort le bois, mais, enfin, ce que l'UPA
ou les producteurs de bois reprochent, c'est que, finalement, il y a
certainement des commerçants qui profitent de ce que, dans le
comté de Québec, il n'y a justement pas de plan conjoint. Par
conséquent, c'est facile d'envoyer du bois à partir du
comté de Québec, même si on le prend ailleurs. Ceci pour
dire que contrôler les écoulements, la circulation du bois est
assez difficile. Il est donc important que, dans une région, il y ait au
moins une personne responsable et que, chaque fois qu'on a du bois qui circule,
on soit capable de le contrôler. Vous vous rendez bien compte que, s'il y
a du bois qui part de deux lots voisins, mais qui est administré par
deux personnes différentes, il est difficile de savoir quand vous
avez l'ensemble de la forêt d'où vient le bois, et,
à ce moment-là, d'avoir le contrôle dont on parlait
tantôt qui limiterait les coupes.
Donc, il nous semble, en tout cas, pour l'instant, que les quatre
intervenants auxquels on pourrait penser sont les suivants: les plans conjoints
que l'on connaît ou les offices, les scieries pour les copeaux, les
coopératives forestières qui exploiteraient la forêt
publique et les compagnies qui font leurs propres coupes. Ce seraient les
quatre auxquels nous pensons quand nous pensons régulariser
l'approvisionnement en bois. A l'intérieur des boisés
privés, on pense, présentement, à moins qu'il ne nous soit
démontré le contraire, qu'un plan conjoint est capable de
distribuer de façon équitable des passes ou des allocations ou je
ne sais pas quel terme, aux différents cultivateurs ou producteurs de
boisés privés. Dans la mesure où tous ceux qui produisent
du bois sont traités sur une base juste, c'est-à-dire qu'ils sont
en mesure de fournir une quantité de bois proportionnelle à la
quantité de forêt qu'ils ont, et qu'ils ne dépassent pas ce
quota, dans la mesure où ils sont libres de faire cela et que le prix
est négocié uniformément un peu pour tout le monde,
à ce moment-là, on estime que cela nous satisfait pour autant que
nous sommes concernés.
Il faudrait qu'il y ait démonstration de traitement injuste pour
qu'à ce moment-là on soit amené à dire:
Effectivement, les offices que l'on connaît présentement ne
traitent pas justement un certain nombre de propriétaires.
Il faudrait essayer de trouver un système qui ne serait pas
facile parce qu'il faudrait être capable de départager
soigneusement les bois qui viennent d'un lot ou qui viennent d'un autre lot. Il
y aurait un lot qui serait sous le contrôle d'un plan conjoint et l'autre
serait sous le contrôle d'un deuxième plan conjoint qui serait
contrôlé par l'Association des propriétaires des
boisés privés. Et là, il faudrait essayer de faire le
décompte et surveiller, à chaque fois qu'il y a des achats de
lots et des ventes de lots. Vous voyez la complexité que cela
représente pour nous. Tandis que c'est déjà beaucoup moins
complexe quand il n'y a qu'un intervenant. Donc, pour des raisons de
simplification, il nous apparaît préférable de ne pas tenir
compte d'un nouvel intervenant.
M. Roy: Est-ce que je pourrais poser une question à ce
moment-ci? Il y a quand même un fait dont le gouvernement devrait tenir
compte. Vous avez deux catégories de producteurs. Vous avez des
producteurs agricoles qui vont chercher un revenu d'appoint dans la
forêt, et vous avez les propriétaires de boisés
privés, qu'on appelle, pour les fins de la discussion, qui sont
propriétaires d'étendues de boisés. Quand vous arrivez
dans unr région et que l'Office des producteurs de l'UPA a des pressions
de faites par ses membres pour des petites quantités, pour la vente de
50 000 cordes de bois je prends un chiffre grosso modo et que les
agriculteurs, eux, auraient 60 000 cordes à vendre, comment voulez-vous
que le syndicat, qui dépend de l'UPA, puisse faire place, lui, aux
propriétaires de plus grandes étendues lorsqu'ils n'ont pas
suffisamment de contrats de négociés pour satisfaire les besoins
de leurs membres et remplir le rôle pour lequel ils ont été
spécifiquement fondés et organisés.
On leur demande, à ces gens, à peu près de se
couper une jambe pour sauver l'autre.
M. Bérubé: Ce n'est pas exact. M. Roy: C'est
un peu cela.
M. Bérubé: Ce n'est pas exact. Par exemple, dans le
Bas Saint-Laurent, il y a un quota qui est fondé sur le nombre d'acres.
Vous avez tant de cordes à l'acre, par producteur. Cela veut donc dire
que si monsieur a 10 000 acres, il a droit à un quota plus
élevé que s'il n'a que 100 acres. Cela veut donc dire que si,
à un moment donné, posons l'hypothèse que la
capacité forestière de Québec-Sud est de 150 000 cordes,
que cette année, suite à un ralentissement dans l'industrie des
pâtes et papiers, l'industrie peut prendre 140 000 cordes, à ce
moment, il faudra qu'on répartisse également la coupe de 10 000
cordes entre tous les intervenants en se fondant sur le nombre d'acres qu'ils
détiennent. Il faudra également que les scieries en prennent une
partie. Il faudra qu'on
coupe moins sur la forêt publique. Il faudra qu'on distribue cela
également entre tout le monde. Mais, à partir du moment où
on est capable de garantir qu'ils vont pouvoir écouler sur une base
juste leur bois, quelle différence y a-t-il à ce que cela passe
par un office ou que cela passe par deux offices si ce n'est de compliquer le
problème?
On ne règle rien d'avoir deux offices. Si on n'a qu'un seul
office, à ce moment, il est relativement plus facile d'effectuer les
contrôles. La seule garantie, le seul point que vous soulevez est qu'il
faut garantir qu'ils pourront écouler leur bois. Je pense qu'un
règlement passé comme celui du Bas Saint-Laurent qui
définit un rendement à l'acre est un règlement juste parce
qu'il met tout le monde sur un pied d'égalité. A ce moment, un
gros propriétaire vend plus de bois qu'un petit propriétaire.
D'ailleurs, à ma connaissance, un règlement, il n'en existe pas.
Mais un règlement qui consisterait à dire 50 acres par
cultivateur, sans tenir compte de la superficie, ne tiendrait pas compte de la
capacité de la forêt, donc, ne respecterait pas un critère
qu'on estime important.
Donc, le point que vous soulevez qui est important, c'est garantir
l'écoulement des bois de la forêt privée. Une fois que vous
avez garanti l'écoulement des bois, l'association accepte le principe
qu'il y ait un prix unique négocié à l'échelle du
Québec. Elle reconnaît que c'est important que cette
négociation se fasse à l'échelle du Québec. A
partir du moment où ils acceptent le prix et qu'il y a une
sécurité quant à la vente, quel avantage y a-t-il à
essayer de compliquer inutilement en ajoutant une troisième association
sous prétexte qu'il y en a un qui a les cheveux blonds, et l'autre les
yeux bleus et le troisième les yeux bruns et un autre les oreilles
croches.
On a beau multiplier les associations, ce qui est important c'est qu'on
vende du bois et que la quantité soit là et que le prix soit
là. Le reste n'est pas important.
M. Roy: Mais à condition, cependant, qu'un tel
règlement existe et qu'il soit appliqué.
M. Bérubé: Oui. Je pense que vous soulevez un
problème qui est réel.
M. Roy: Bon.
M. Racine: Je poserais une question au ministre. Est-ce qu'il
aimerait mieux nous voir coopérative qu'association?
M. Bérubé: D'habitude, c'est le ministre qui pose
les questions. Ce soir j'ai passé au "bat" à peu près
toute la soirée.
M. Racine: Non, mais j'aimerais savoir votre réponse.
Est-ce que vous aimeriez nous voir coopérative ou association? Cela me
paraît que vous aimeriez mieux nous voir coopérative.
M. Bérubé: Je pense que vous avez mal
interprété. Quand je parle de coopérative
forestière, c'est une politique que nous avons élaborée,
au ministère, de concert avec le ministère des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières.
Nous allons rechercher, dans le cas d'exploitation de la forêt
publique, la participation des coopératives, comme partenaires de
l'Etat, dans la gestion et l'aménagement de ces forêts. Par
conséquent, cela voudra donc dire que les coopératives qui
exploitent aussi la forêt publique aient une certaine
sécurité, de la même façon que vous devez avoir une
certaine sécurité, soient capables d'écouler leur bois.
Cela suppose donc qu'elles vont intervenir, elles aussi.
M. Racine: Vous parlez, un moment donné, de vous fournir
des preuves; vous avez les preuves flagrantes, il y a 30 000 à 40 000
cordes de bois qui sont pourries. Vous les avez les preuves.
M. Bérubé: Vous avez les preuves qu'il y a un
surplus de bois, oui.
M. Racine: Vous avez les preuves de leur défaillance, un
moment donné, à contrôler le monopole qu'ils ont. Ils ont
laissé pourrir 30 000 à 40 000 cordes de bois.
M. Bérubé: On a la preuve qu'il y a eu trop de
coupes par rapport à ce que l'industrie forestière est capable de
prendre, mais cela ne veut pas dire que l'industrie forestière n'aurait
pas pu faire une partie de ces coupes en forêt et ce n'est pas non plus
évident qu'on n'aurait peut-être pas dû diminuer certaines
productions de copeaux dans les scieries.
Ce que vous soulevez comme problème, ce n'est pas la preuve
d'inefficacité du plan conjoint de Québec-Sud ou d'un autre plan
conjoint. Vous soulignez simplement qu'il y a un surplus de bois,
présentement. C'est un fait. Il y a un ralentissement, les compagnies de
pâtes et papiers ne marchent pas au niveau où elles pensaient
marcher non plus. C'est une réalité cela aussi.
M. Racine: Vous dites que vous avez la preuve. Moi, j'en ai une
preuve. Vous semblez dire qu'à un moment donné on a coupé
trop de bois. J'ai des preuves ici que je peux fournir à la commission.
Sur 64 producteurs c'est signé représentant 50 255
acres, ces producteurs de bois ont coupé en moyenne, dans quatre
annéescela veut dire 1974, 1975, 1976, 1977 0,17 corde
à l'acre. Ils nous ont livré 0,12 corde à l'acre. Cela
veut dire qu'il leur reste 0,05 corde à l'acre qui est là sur le
bord des routes puis qui est pourri. Est-ce que vous allez venir nous accuser
d'avoir coupé trop de bois? J'ai les preuves en main.
M. Bérubé: Cela dépend de ce que vous
entendez par "trop".
M. Giasson: Mais est-ce que vous avez converti en cordes de bois
ce qui est allé en billots sur les terrains pas cédés?
M. Racine: Non, on ne l'a pas calculé.
M. Giasson: Vous avez des billots en dehors de cela. Pour avoir
des chiffres précis, une image précise, il faudrait
connaître les volumes de bois qui sont allés en billots et qui
sont du bois poussé sur les mêmes terrains, sur les superficies
que vous mentionnez.
M. Racine: Cela représente une quantité minime de
billots.
M. Giasson: Pour avoir des chiffres précis qui
correspondent à nos réalités, il faudrait avoir tous ces
éléments.
M. Roy: Dans votre échantillonnage, la proportion de
billots, du bois de quatre pieds, c'est de quel ordre? Est-ce qu'il s'en est
fait autant en billots? Est-ce qu'il s'en est fait moins? Est-ce que vous
pourriez nous donner une idée?
M. Racine: Selon notre échantillonnage, il y en a à
peu près 15%.
Le Président (M. Marcoux): La dernière
réponse. Je pense que la commission a montré sa
disponibilité; vous avez commencé vers vingt-deux heures moins
quart, je pense qu'elle a porté toute l'attention nécessaire
à votre mémoire. Il y a un autre intervenant que nous avons
assuré d'entendre. Nos travaux ne sont pas encore terminés, donc
ce sera la dernière réponse.
La question est posée, ce sera la dernière
réponse.
M. Racine: Votre question était...?
M. Roy: Ma question était dans quelle proportion il y a eu
des billots dans le nombre... C'est-à-dire que les chiffres que vous
nous avez donnés, est-ce que vous pouvez dire, par exemple, que cela
représente 50% du bois qui a été coupé, qu'il y en
a l'équivalent qui a été coupé en billots ou s'il y
en a eu moins coupé en billots?
M. Racine: Les billots ont représenté environ
15%.
M.Roy: 15% de...?
M. Racine: Du chiffre global du bois qui a été
coupé.
M. Roy: D'accord, merci.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous
les membres de la commission de votre participation. J'inviterais maintenant M.
Bertrand Harvey à venir nous présenter son mémoire.
M. Bertrand Harvey
M. Harvey (Bertrand): M. le Président, comme il se fait
tard, je peux revenir demain. Il se fait tard et je crois que tout le monde est
fatigué.
M. Giasson: M. Harvey, si mes collègues sont d'accord, on
va entendre votre mémoire.
M. Harvey: Ce n'est pas tellement long.
Le Président (M. Marcoux): Je pense qu'on va
procéder comme prévu. On va entendre votre mémoire.
M. Harvey: M. le Président, je désire, en premier
lieu, remercier le ministre des Terres et Forêts pour l'invitation qu'il
m'a faite de me faire entendre devant cette commission. Les informations qu'on
reçoit ces jours-ci, sur les problèmes que rencontre l'industrie
forestière, m'intéressent d'abord comme citoyen et en second lieu
comme propriétaire d'un boisé que j'ai acquis il y a seize
ans.
Quand j'ai fait parvenir ces deux feuilles de notes au ministère
des Terres et Forêts je ne m'attendais pas, avec si peu de
matière, à être invité à témoigner
devant une si importante tribune d'information. C'est un signe évident
que la démocratie se porte bien et j'en profite pour en rendre hommage
à M. le ministre des Terres et Forêts et à tous les membres
de la commission.
Les sujets sont: le reboisement des terrains privés et la
politique de mise en marché. M. le Président et messieurs les
membres de cette commission, je désire énumérer dans ces
quelques lignes certains problèmes qui touchent les propriétaires
de lots qui ont comme principale source de revenu l'exploitation de leur
forêt privée. De nombreuses études ont été
faites sur ce milieu par les gouvernements fédéral et provincial.
Ces études ont abouti à beaucoup de rapports, entre autres au
livre "Un exposé de la politique forestière". Il s'agit ici du
livre blanc publié par le ministère des Terres et Forêts en
1972. L'UCC publia aussi, en novembre 1971, sous la direction du Dr L.-J.
Lussier, un volume intitulé "Réorganisation de l'activité
rurale forestière". Le 30 mai 1972, la Loi des producteurs agricoles
prévoyait une politique d'exploitation et de mise en marché pour
les producteurs de bois des régions rurales. L'application de cette
politique, sous la direction de l'UPA, autrefois l'UCC, permit à cette
classe de producteurs d'obtenir un meilleur prix pour son bois. Cependant,
leurs problèmes de mise en marché et de reboisement sont loin
d'être résolus.
M. le Président, ici, je demanderais à la commission
d'ignorer le paragraphe suivant car les données que j'avais
étaient fausses.
En juillet 1976, j'ai fait parvenir un questionnaire à certains
de ces producteurs leur demandant des suggestions sur le sujet que je viens de
mentionner. Il ressort des témoignages reçus que le mode
d'application de la présente politique de mise en marché et de
reboisement des terres privées ne correspond pas à ce que les
propriétaires attendent du gouvernement. Nous avons l'avantage, au
Québec, de posséder de nombreuses terres propres à
l'exploitation forestière qui, en plus d'être en bordure du
Saint-Laurent, sont les plus fertiles. Ces terres appartiennent à des
citoyens qui peuvent exploiter une forêt tout en y prati-
quant la conservation. Les coupes répétées sur ces
terres ont contribué à réduire le potentiel de ces
forêts en plus d'en réduire la qualité. Il n'y a aucun
secours de prévu, que je sache, dans les politiques du gouvernement qui
s'appliquent à ces propriétaires autonomes qui devront
éventuellement, si on ne leur vient pas en aide, céder leur terre
à des spéculateurs. L'industrie du bois puise actuellement de ces
terres environ 20% de son approvisionnement; cette production peut, avec un peu
de planification à court terme, atteindre 60%.
S'il y a des questions, je serais heureux d'y répondre.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Montmagny-L' Islet.
M. Giasson: Oui. Même si vous avez dû subir des
retards quant à votre comparution...
M. Harvey: Cela m'a mieux instruit.
M. Giasson:... cela vous a permis de recueillir de nouvelles
données et de l'information additionnelle.
M. Harvey: D'en connaître plus long, oui.
M. Giasson: De toute façon, on vous félicite pour
votre patience et on s'excuse de vous accueillir aussi tardivement.
Vous nous indiquez dans votre mémoire, entre autres, qu'en
juillet 1976 vous avez fait parvenir un questionnaire à certains
producteurs que vous connaissiez afin d'obtenir des suggestions sur les sujets
que vous avez soumis à notre attention. Selon les réponses ou les
témoignages que vous avez reçus, vous en avez déduit que
les modes d'application de la présente politique ne correspondaient pas
à l'attente de ces producteurs par suite des différentes
questions que vous avez posées. Avez-vous rejoint beaucoup de
producteurs?
M. Harvey: J'ai payé de ma poche pour cette
histoire-là, alors j'en ai envoyé une cinquantaine de copies;
j'ai peut-être eu une quinzaine de réponses. De toute
façon, j'en ai une ici et je pourrais la lire à la commission, si
cela vous intéresse.
M. Giasson: Si ce n'est pas trop long, pourriez-vous nous lire
les questions que vous avez adressées à ces gens?
M. Harvey: Ce n'est pas long, il y a quatre pages, en tout. Voici
les questions: Quelle est la superficie, en acres, de votre terre?
Réponse. Deuxièmement, quelle est la répartition de ces
boisés? Je précisais les boisés âgés de 0
à 5 ans, de 5 à 10 ans, de 10 à 20 ans, prêts pour
la coupe, la superficie qui nécessite un reboisement, la superficie de
terrain inculte. Je mentionnais ici les lacs, rivières, marécages
et rochers. La proportion de sapins, d'épinettes, de trembles, de
peupliers ainsi que les différentes essences.
Troisièmement, je demandais quel genre de coupe, d'après
vous, convient le mieux à vos terres? Je signalais à blanc ou
sélective et on a répondu sélective. Tous les gens qui
m'ont répondu m'ont répondu de la même façon. Un
propriétaire forestier peut couper combien de cordes de bois durant une
période de douze mois? Celui qui me répond ici a une ferme. Il
mentionne 75 cordes de bois. Quel prix offre-t-on, dans votre région,
pour une corde de bois, 100 cunits? C'était $35 pour l'épinette
et $100 les 1000 pieds pour les billots. Accepteriez-vous de faire du
reboisement à base forfaitaire sur vos boisés? Certainement.
C'est la réponse. A combien évaluez-vous le coût d'une
prime de reboisement pour une superficie d'une acre, de 210 par 210? Ici, on me
mentionne $150.
J'ai pris celui-ci parce que, dans les normes du ministère des
Terres et Forêts, publiées en 1977-1978, on retrouve qu'il en
coûte en moyenne $160.15. Je pense donc que le chiffre que cet individu
me donnait est assez représentatif. De quelle façon
préféreriez-vous effectuer le reboisement de vos terres? a) Faire
ce reboisement vous-même à prix forfaitaire au moyen de primes
payables par l'Etat pour chaque acre aménagée ou b) confier vos
boisés à une société de gestion forestière
où vous deviendriez un salarié? On a répondu a).
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la vente du
bois de vos terres et quels moyens l'Etat devrait-il prendre pour corriger ces
problèmes de mise en marché? Cette idée-là m'est
évidemment venue lorsque les producteurs de bois sont apparus sur les
Plaines en 1975 ou 1976. J'étais là deux ou trois midis de suite
et j'ai pensé qu'on pourrait peut-être savoir quel était le
problème en dehors de ces gens. La réponse est 1) Les
responsables de l'Union des producteurs agricoles sont les propriétaires
de plusieurs lots et commencent par passer leur bois avant de passer le bois
des cultivateurs. 2) Mettre des responsables indépendants ici, on
me mentionne gardes forestiers, mesureurs et ingénieurs pour
surveiller la mise en marché. En dernier lieu, je demandais quel
était l'équipement et on mentionne surtout des outils et non pas
l'équipement lourd. C'est le questionnaire que j'ai fait parvenir et
pour lequel j'ai eu une quinzaine de réponses. J'ai aussi, pendant
plusieurs années c'est une marotte chez moi
questionné les gens. J'ai voyagé de Lac-Mégantic à
la Gaspésie, j'ai parcouru tout ce terrain-là et j'ai beaucoup
questionné les gens à ce sujet.
M. Giasson: Suite aux propos qu'on vous a tenus sur le
questionnaire que vous avez fait, il semblerait, selon la plupart des
témoignages et selon le contenu de votre mémoire, qu'on ne
répond pas aux attentes en ce qui a trait à la politique de mise
en marché et de reboisement des terres. Est-ce que cela vous a
amené à tenter d'imaginer quelle serait la nouvelle forme de mise
en marché au-delà de ce qu'on connaît
présentement?
M. Harvey: Je pourrais vous lire une citation qui vient du Dr
Lussier et là on retrouve les gran-
des raisons qui font qu'un type qui est propriétaire d'un
boisé désire le garder et non pas le partager. Voici la citation:
Dans son livre, le Dr Lussier mentionnait la ferme forestière sur
laquelle il a beaucoup insisté. "Le grand avantage de la ferme
forestière est qu'elle assure au propriétaire un droit de
jouissance exclusif. Le droit de propriété est sans contredit un
facteur important de motivation au travail, ce qui pour l'Etat peut constituer
une excellente garantie d'efficacité, garantie dont l'Etat aura besoin
pour minimiser ses investissements. La ferme forestière permet aussi un
contrôle efficace du volume et de la qualité de la production de
chaque individu, puisque le travail de chacun peut être
précisément localisé sur le terrain.
Un tel contrôle, cependant, nécessaire pour
rémunérer le travailleur, pour maintenir le travail à
l'intérieur de certaines normes de qualité, pour
déterminer les responsables du travail mal fait de façon à
appliquer les correctifs qui s'imposent, nous semble beaucoup plus difficile
dans le cas ici on parle de regroupement forestier où les
lignes de démarcation entre les individus n'existent plus. Un autre
avantage de la firme forestière est qu'elle constitue pour son
propriétaire un élément qui ajoute à sa vie de la
noblesse, de la fierté, de la sécurité et de la
liberté. Il correspond à ce besoin fortement ancré chez
les humains et plus particulièrement chez les ruraux de posséder
son coin de terre bien à soi.
Quand on parle du coût qu'il peut en coûter actuellement
pour développer, reboiser ou aménager une acre de terrain, avec
les normes du ministère des Terres et Forêts, on s'aperçoit
qu'une terre de 100 acres, avec l'investissement de 160 à 91/4% durant
une période de 30 ans, le temps où on va aller chercher la
récolte, il va en coûter $220 000 pour reboiser une terre. A ce
prix, on ne produira jamais de bois concurrentiel avec les Américains.
On dépasse un peu les normes.
On mentionnait aussi que dans des boisés jeunes où la
coupe est très forte, on peut trouver 10000 tiges à l'acre.
Suivant toujours les mêmes normes, le nombre d'heures en fonction des
normes, cela coûterait pour une acre de terre où il y a 10 000
tiges, avec les normes que nous avons actuellement, $933.40. J'ai parlé
avec des gens qui travaillent dans le reboisement et c'est cela qu'ils disent.
Cela peut coûter jusqu'à $1000 pour faire le reboisement d'une
acre de terre. C'est décidément trop fort.
En plus de cela, il y a un autre problème, lequel a
été signalé tout à l'heure. Les cultivateurs,
membres de l'UPA, restent collés avec du bois. J'ai un voisin qui, deux
ans passés, avait un quota de 100 cordes de bois. Il n'a pu en vendre
que 40. Cette année il a encore un autre quota de 100 cordes de bois,
mais on vient de lui dire qu'il y a 60 cordes de bois qu'il va perdre. A $40 la
corde, cela représente $2400. Pour l'individu qui vit principalement du
bois, cela devient un peu tragique.
Il existe des quotas, mais c'est à se demander comment ils sont
appliqués. Toujours dans cette même idée en ce qui concerne
le projet de loi no 12, il me semble qu'on pourrait peut-être rendre
cette loi un peu rigide. On y lit au paragraphe 37: L'office des producteurs
doit tenir, de la manière prescrite par la régie, un registre
dans lequel sont inscrits les nom, prénoms et adresse de chaque
producteur soumis à un plan conjoint. Si on ajoutait: et que cette liste
des producteurs soit produite à chaque membre lors de l'avis de
convocation de l'assemblée générale.
Pourquoi tout cela? C'est parce que vous avez un individu qui va avoir
une année un quota de 100cordes. Il n'en produira plus jamais, mais il
va toujours avoir son quota de 100 cordes. Son quota des années
suivantes va aller ailleurs. Je n'ai pas de preuve de cela, mais je vous assure
que dans le milieu je demeure en ville; j'ai une terre en campagne dans
le fond du comté de Bellechasse et depuis seize ans je passe mes fins de
semaine là j'en ai entendu beaucoup d'histoires dans la cuisine
de ces gens.
Il semble que c'est un des problèmes qui se présentent. Ce
qui fait probablement qu'on arrive aussi à un surplus de bois un bon
matin; si on allait au fond de la chose, on trouverait que les quotas ont
été remplis.
M. Giasson: Vous venez de faire référence à
la loi no 12. Quel est le titre de cette loi?
M. Harvey: Oui, monsieur. Le titre de cette loi c'est Loi sur la
mise en marché des produits agricoles.
M. Giasson: C'est l'ancienne loi qui a été
votée depuis quelques années pour la mise en marché des
produits agricoles.
M. Harvey: Oui, en 1974.
M. Giasson: Merci, M. Harvey.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. M.
Harvey, j'aimerais vous féliciter d'avoir accepté, sur une base
individuelle et personnelle, de présenter un mémoire.
Nous avons, certes, eu beaucoup de mémoires qui ont
été présentés par de grosses entreprises
forestières, par les syndicats de producteurs de bois. Je pense que si
on devait analyser chacun des mémoires, on devrait au moins
reconnaître que les gens qui les ont présentés avaient des
intérêts à défendre. A l'intérieur de la
commission il est parfois difficile de distinguer les intérêts
personnels que quelqu'un défend et l'intérêt de la
collectivité. Je pense que ce qui transparaît dans votre
mémoire et c'est peut-être ce qui m'a frappé
c'est que, dans votre présentation, vous cherchez essentiellement
à défendre une idée que vous avez de l'aménagement
de la forêt et vous avez une vision personnelle. Vous avez
réfléchi sur la forêt du Québec. Je tiens à
vous en féliciter parce que, dans votre mémoire, le moins qu'on
puisse dire, c'est qu'il n'y a pas d'intérêts person-
nels comme tels d'impliqués. Ce qui le rend justement
peut-être plus intéressant.
J'aimerais uniquement réfléchir avec vous. Vous soulignez
qu'il en coûterait, je crois, $200 000 pour reboiser...
M. Harvey: Avec intérêt composé à 9
1/4%.
M. Bérubé: Je vois. En fait, je devrais
peut-être corriger légèrement un chiffre que vous avez
souligné. Les programmes du ministère pour le reboisement
présentement se font plutôt au pied, c'est-à-dire que c'est
$0.09 le plant, et comme on me dit en arrière parce que je ne
suis pas un spécialiste en reboisement qu'une bonne plantation
est autour de 900 tiges à l'acre, cela veut donc dire que le
ministère devrait subventionner à peu près $8 100 pour un
lot de 100 acres. Or, des groupements forestiers ont présentement des
programmes de reboisement et ces programmes de reboisement, semble-t-il, leur
laissent au moins un léger profit. Je me demande par conséquent
si vos chiffres ne sont pas un peu amplifiés.
M. Harvey: Ce ne sont pas les miens, ce sont ceux du
ministère à la page 3, au paragraphe 16. Cela se lit comme suit:
"Taux moyen à l'acre, traitement sylvicole, $118.32; profits et pertes,
10%, $11.83; administration, $30. Total, $160.15; taux moyen, $160.15.
M. Bérubé: Dans ce cas-là, je corrigerais la
mauvaise impression que vous avez peut-être retenue de ce document qui
n'est peut-être pas suffisamment clair. Il s'agit là de programmes
de sylviculture à l'intention des groupements forestiers...
M. Harvey: C'est cela que j'ai mentionné.
M. Bérubé: Ce n'était pas tout à fait
le reboisement; c'étaient des coupes commerciales,
précommerciales, en forêt, donc essentiellement des coupes
sylvicoles. La subvention du gouvernement vient compléter le profit que
retire le producteur de sa coupe en forêt parce que si vous faites une
coupe avec une certaine récupération de cinq cordes à
l'acre, vous avez un revenu, mais, en général, le coût pour
faire une telle coupe est plus élevé que le revenu que vous
retirez de la vente du bois; ce que fait le ministère, c'est donc de
compenser pour le manque à gagner de cet aménagement sylvicole en
investissant un montant. C'est donc un supplément que le
ministère accorde en subvention pour permettre à un cultivateur,
à un groupement forestier ou à une société de
pouvoir faire de l'aménagement sans perdre sa chemise. Il semble
présentement que sur le plan financier les sociétés et
groupements forestiers font des profits puisque dans la vallée on a un
groupement forestier qui vient d'acheter un énorme couvent pour
implanter son exploitation et qu'il s'intéresse à acheter une
scierie. Il semble donc qu'ils font certains profits. Cela ne semble donc pas
trop mauvais pour l'instant, du moins les tarifs que nous leur offrons.
M. Harvey: Pourvu que cela ne devienne pas mauvais pour
l'Etat.
M. Bérubé: C'est peut-être une bonne question
qu'il faudrait poser.
M. Harvey: Parce que quand on regarde les étapes à
suivre, on s'aperçoit aussi que selon la définition, la formule
de regroupement de propriétaires constitue fondamentalement une
compagnie commerciale à but lucratif, avec capital-actions, qui a pour
objectif d'aménager l'aménagement intensif d'un territoire
forestier pouvant couvrir plusieurs centaines de milles carrés. Alors,
ce sont des compagnies formées en vertu de la partie I de la Loi des
compagnies. Elles peuvent avoir deux, trois ou quatre terres dans quatre ou
cinq ans. Elles peuvent les revendre et avoir un acheteur à l'encan qui
pourra dire: "I take it". Ce sont les paroles de Félix Leclerc, ce ne
sont pas les miennes. Ne pensez-vous pas?
M. Bérubé: Oui. Le problème que vous
soulevez de façon valable est vraiment un problème. J'aimerais
peut-être que vous détailliez les contacts que vous avez eus avec
les cultivateurs sur la mise en marché. Les problèmes que vous
avez rencontrés dans vos discussions sont-ils liés au fait qu'on
n'arrive pas à écouler suffisamment de bois, donc que les quotas
ne sont pas respectés ou sont trop bas ou est-ce carrément une
critique vis-à-vis du système de mise en marché,
c'est-à-dire un office de mise en marché avec un plan conjoint,
avec l'exclusivité de mise en marché, l'obligation de toujours
passer par un syndicat ou par un courtier habilité par un plan conjoint?
D'où vint la principale critique d'après vos rencontres et vos
réflexions?
M. Harvey: Elle vient de partout, mais il y a certainement des
choses qui accrochent. Dans le rapport qui a été soumis en 1972
par les producteurs de pâtes et papiers j'ai vu un extrait; je
n'ai pas le dernier qui a été sorti, mais j'en ai sorti un
on dit que tes compagnies ont acheté 1,5 million de cordes de bois. La
compagnie Reed Paper a coupé, l'an passé, entre 250 000 et 275
000 cordes de bois. C'est incroyable qu'on ne puisse pas garder ce bois
monte à Québec avec les "tugs", il y a un autre mot, mais tout de
même c'est impensable qu'on amène ce bois au port de
Québec et qu'on sait qu'il y a au moins 250 000 cordes de bois qui sont
coupées à Forestville alors qu'on pourrait facilement en garder
50 000, 75 000 ou 100 000 cordes. C'est plutôt de cette façon dont
sont appliqués les quotas. Il existe des quotas, mais il n'y a pas de
suite après cela. On ne sait pas ce qui se fait à la suite de
cela.
Il y a trois semaines passées j'assistais un soir, par plaisir,
à une réunion de l'UPA à Armagh. C'était de
l'humour, mais il y avait un monsieur qui a dit qu'il faudrait demander au
gouvernement qu'il vote une loi pour qu'il nous laisse la paix. Pendant toute
cette veillée de peut-être une heure ou deux, il y a eu un
tiraillement impossible. Tout à coup les gens étaient perdus.
Alors après avoir
écouté et suivi cette réunion, c'est de là
que viennent toutes mes informations.
M. Bérubé: Je vous remercie, monsieur.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Harvey au nom
des membres de la commission. La commission des terres et forêts et des
richesses naturelles ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 58)