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Etude des crédits du ministère des
Terres et Forêts
(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Clair): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît!
La commission permanente des richesses naturelles et des terres et
forêts est réunie ce matin pour continuer l'étude des
crédits budgétaires du ministère des Terres et
Forêts. Les membres de la commission pour la séance d'aujourd'hui
sont M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Boucher
(Rivière-du-Loup), en remplacement de M. Bordeleau (Abitibi-Est), M.
Brochu (Richmond), M. Desbiens (Dubuc), M. Garneau (Jean-Talon), M. Giasson
(Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac),
M. Joron (Mille-Iles), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Gravel (Limoilou), en
remplacement de M. Marcoux (Rimouski), M. Marquis (Matapédia), M.
Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Perron (Duplessis).
Nous avions procédé à l'adoption des programmes 1,
2, 3 ainsi qu'à l'adoption des programmes 5 et 6. Nous avions
laissé en suspens l'étude du programme 4 qui avait
été commencée. Nous en étions à
l'élément 1 du programme 4. J'avais dressé, au moment
où nous avions suspendu l'étude du programme 4,
élément 1, une liste des députés qui avaient
demandé la parole. Il y avait, en premier lieu, le député
de Montmagny-L'Islet, le député de Robert Baldwin, le
député de Rimouski, le député d'Abitibi-Est et le
député de Mercier. Je donne immédiatement la parole au
député de Montmagny-L'Islet.
Utilisation de la forêt Révocation des
concessions forestières
M. Giasson: M. le Président, comme vous l'avez dit, nous
avons arrêté notre discussion sur la situation de
révocation des concessions forestières au Québec pour
profiter de la présence de ceux qui ont oeuvré du
côté du crédit forestier depuis son institution afin de
libérer cet élément de programme puisque ces gens ne
pouvaient pas être avec nous cette semaine.
Nous pourrions reprendre là où nous avions laissé,
je pense, la discussion sur la révocation des concessions
forestières. Il y a un élément qui m'a frappé
beaucoup lorsque le ministre nous a déclaré que l'état de
réflexion dans lequel il s'est plongé vis-à-vis de cette
partie du programme forestier au Québec n'avait pas atteint son
cheminement final; c'est que le ministre voulait se donner encore une
période de réflexion pour choisir entre les options possibles. Je
ne cache pas que cela m'a beaucoup surpris, cette longue période de
réflexion que le ministre doit se donner, puis- que son parti, depuis
quelques années déjà, avait classé toute la
question des concessions forestières.
On n'a qu'à se rappeler les prises de position et les
déclarations de certains de ses collègues, entre autres de M.
Jacques Parizeau, qui est ministre des Finances présentement, et de
l'actuel premier ministre de la province de Québec qui, à ce
moment, faisait encore du journalisme combiné avec sa fonction de chef
de parti en dehors de la Chambre. Nous avions là des déclarations
qui nous prouvaient qu'il n'y avait plus de doute possible dans l'esprit du
Parti québécois qui forme l'actuel gouvernement.
Je pourrais citer, M. le Président, des déclarations qui
ont paru dans les journaux du Québec, ici, à l'époque, et
qui discutaient de la vision que le Parti québécois avait
vis-à-vis de ce programme de révocation. Je pourrais citer, par
exemple, entre autres, une prise de position très précise du
premier ministre qui déclarait, dans le Journal de Québec du 6
octobre 1971, dans l'une de ses chroniques: "Le fait est je cite le
premier ministre alors chef du Parti québécois que la
forêt étant déjà propriété collective,
ce rachat des seuls investissements utilisables ne devrait coûter
qu'environ $200 millions c'est bien $200 millions, les chiffres n'ont
pas été tronqués en tout et pour tout
étalés sur dix ans, selon un précédent
créé pour la reprise de Hammer Mill près de Matane.
L'opération grèverait le budget québécois d'une
vingtaine de millions par année". C'étaient des peanuts,
c'était peu de chose. Dix ans, $200 millions, $20 millions par
année, pas de problème là. Si vous permettez, je vais
aller au bout de ma citation. "Ce n'est vraiment pas cher pour reprendre le
contrôle de la première de nos richesses". Ce sont de grandes
déclarations de principes. C'est l'actuel premier ministre qui parle et
il sait ce qu'il dit. "Ce n'est vraiment pas cher pour reprendre le
contrôle de la première de nos richesses, surtout pour la remettre
en bon état en lui donnant enfin une gestion rationnelle". Là, il
n'a pas déclaré de chiffres, il n'a pas dit quel serait le
coût de la remise en état, de la formation d'unités de
gestion, parce que c'est un autre chiffre qui vient s'ajouter aux $200 millions
qu'on applique uniquement au coût des révocations.
Il arrive que dans la vie le hasard fait bien les choses. L'actuel
ministre des Finances, qui s'y connaissait lui aussi en matière de
réforme forestière, déclarait, et je cite le journal
Québec-Presse du 26 septembre 1971: "En termes d'emplois et
d'impôts à percevoir, le déboursé du gouvernement
deviendrait un de ses meilleurs placements". $200 millions, en termes de
déboursés et de création d'emplois, cela devient l'un des
meilleurs placements. "Quelques dizaines de millions par an pour le
citer textuellement serviraient ainsi à moderniser et à
rendre plus concurrentielle sur les marchés mondiaux l'industrie des
pâtes et papiers".
C'est heureux que cet homme, qui avait analysé la situation, qui
avait réfléchi sur le dossier, qui était fixé dans
les objectifs à réaliser, soit devenu, aujourd'hui, ministre des
Finances. Il va être justement celui qui va permettre à l'actuel
ministre des Terres et Forêts de réserver, à même les
budgets du gouvernement, lui qui siège au Conseil du trésor, les
dizaines de millions de dollars annuels qui sont nécessaires pour passer
à travers le programme de révocation des concessions
forestières et permettre à l'Etat québécois, donc
à la population du Québec, d'être véritablement
propriétaire de cette richesse naturelle.
C'est pourquoi je vous disais, M. le Président, que je ne
comprends plus les hésitations du ministre, ces réflexions
profondes qu'il doit faire, puisque c'est facile. En effet, nous avons
là deux hommes importants dans l'actuel gouvernement, le premier
ministre et le ministre des Finances qui détient les cordons de la
bourse, donc qui peut mettre à la disposition du ministre les sommes
requises. Je ne comprends plus cette période d'hésitation,
d'attente et de longue réflexion que le ministre doit se donner pour
savoir si les $70 millions, qui étaient les prévisions de
l'ancien ministre des Terres et Forêts, sont une bonne chose. Devant le
fait de consacrer $70 millions, qui serait le coût total des
révocations selon les critères déjà établis
par l'expérience qui est acquise en matière de révocation,
je ne comprends plus son hésitation. Il me semble que le ministre des
Terres et Forêts n'aurait qu'à aller voir le premier ministre et
le ministre des Finances et, bingo, le tour est joué. Ce n'est plus $200
millions, coût estimé par son premier ministre à
l'époque; c'est seulement $70 millions.
Je n'accepterai pas qu'on me trouve une multitude de raisons pour nous
dire, aujourd'hui, que ce n'est plus possible, qu'il faut
réfléchir, qu'il faut peut-être trouver d'autres formules.
C'est clair, c'est net, c'est précis. Son équipe nous a dit
comment on devait travailler. Le ministre se cache derrière quoi pour
dire que c'est difficile, compliqué et qu'il faut
réfléchir encore?
M. le Président, j'aimerais que le ministre nous donne plus de
précisions, compte tenu de ce qui était facile à
l'époque. On disait qu'on ferait cela en un tour de main; il s'agissait
d'avoir la volonté de consacrer les crédits et on réglait
le problème.
Le Président (M. Clair): Le ministre des Terres et
Forêts.
M. Bérubé: II me fait plaisir de répondre
à votre interrogation. D'une part, il est important de retenir que la
programmation de révocation nous a été
léguée directement par l'ancienne administration. En d'autres
termes, nous n'avons pas modifié la programmation qui avait
été adoptée par l'ancien gouvernement; nous avons
considéré que nous n'étions pas en mesure de la remettre
en question et que, par conséquent, les crédits que vous voyez au
poste en question, c'est pour un programme de trois ans. C'est donc la suite
logi- que de la programmation de l'ancienne administration. Il est donc assez
intéressant de constater que le critique officiel de l'Opposition est
aujourd'hui en train de critiquer les chiffres de son gouvernement,
l'année dernière.
Je suppose que l'an dernier il devait défendre la position de son
gouvernement face à l'Opposition du Parti québécois. Par
conséquent, ce que je vous ai expliqué dans ma déclaration
préliminaire était à l'effet que, dans la
présentation du présent budget, il y a forcément un bon
bagage historique que nous avons accepté et que nous n'avons pas remis
en cause. Donc, nous n'avons pas jugé bon, dans le budget que je vous
présente, de remettre en question, en particulier, la programmation de
révocation prévue par l'ancien gouvernement.
Par conséquent, j'ai l'impression que le député de
Montmagny, présentement, critique son propre gouvernement et ses propres
décisions passées auxquelles il a participé,
j'espère.
Deuxième remarque: II nous cite, en 1971, certaines
déclarations de notre chef, M. Lévesque. Je pense qu'il a raison
de les citer. En 1971, effectivement, les finances de l'Etat pouvaient
paraître relativement saines. Cependant, l'an dernier, le gouvernement
libéral nous a entraîné dans des emprunts de l'ordre de
$2500 millions. En d'autres termes, le gouvernement s'est lancé dans des
dépenses tellement insignifiantes, tellement irrationnelles, tellement
irréalistes que, forcément, au moment de l'élection
d'ailleurs, une des principales raisons pour lesquelles nous avons
été élus, c'est que la population a jugé que les
enfantillages du gouvernement précédent avaient suffisamment
duré prenant le pouvoir dans la suite logique de l'ancien
gouvernement, nous avons été aux prises avec une condition
budgétaire du gouvernement qui n'était pas à la hauteur de
ce qu'elle aurait pu être en 1970 si nous avions effectivement pris le
pouvoir.
Donc, il y a un legs du passé à nouveau; c'est non
seulement le legs de vos propres planifications budgétaires, mais c'est
également le legs d'un état budgétaire catastrophique au
niveau du gouvernement du Québec. Deuxième réflexion.
La troisième réflexion est que je me suis engagé
à terminer les révocations en 1982. Je rappellerai
également au député de Montmagny que l'une des principales
attaques du critique de l'Opposition à l'époque, donc, dans les
années 1973/74/75, M. Lessard, à l'encontre du programme de
révocation, était son coût qu'il jugeait excessif. Il
était donc normal qu'en prenant le pouvoir, la première
réflexion que nous effectuions soit: Est-ce que nous ne payons pas trop
cher? La conclusion que nous en avons tirée c'est qu'effectivement, pour
les ressources du Québec, nous payons trop cher. Il y a deux
possibilités: soit que nous nous organisions pour percevoir, de
l'industrie, les revenus comparables au coût que justifie la
révocation ou soit que nous procédions à un mode moins
coûteux de révocation.
Donc ce que j'ai pris la peine d'affirmer, c'est que nous allons
maintenir cette programmation, mais de deux choses l'une; ou nous paierons
moins cher, ce qui à ce moment-là répondrait aux
critiques du Parti québécois quand il était dans
l'Opposition, ou nous chargerons plus cher à l'industrie
forestière, de manière à justifier cette révocation
et cette gestion.
Il m'apparaît à moi totalement anormal que le gouvernement
subventionne l'industrie des pâtes et papiers. Ne vous semblerait-il pas
injuste, si l'industrie papetière présentement doit, à
titre d'exemple, payer peut-être l'équivalent de $8, $9, $10 le
cunit pour l'entretien de sa voirie forestière, qu'au lendemain de la
révocation payée par les deniers des Québécois nous
ne chargions à cette industrie que $1 le cunit? En d'autres termes, non
seulement nous aurions racheté les concessions, mais en plus nous
subventionnerions cette industrie, puisque dans le cas où elle aurait
conservé sa concession elle aurait dû encourir des frais de
quatre, cinq, six fois plus élevés.
Par conséquent, on peut aborder ce problème sous deux
angles et c'est ce que je vous ai dit au début. Par conséquent,
je vous dirai que je ne remets pas en question le programme de
révocation, je m'assure simplement qu'il se fasse à l'avantage de
l'ensemble des Québécois.
M. Giasson: L'argumentation que le ministre vient de nous donner,
M. le Président, ne me convainc pas. Ses collègues, après
avoir examiné le dossier de révocation, avaient jugé que
$200 millions étaient un prix normal à payer; on pouvait payer
cela dans le programme de révocation. Ces chiffres n'étaient pas
sortis en fonction de la situation financière du Québec,
c'était sorti en fonction de la valeur qu'on jugeait de voir
attribuée au coût de la révocation. C'était
là la position du premier ministre et c'était également
l'attitude ou les déclarations faites par le ministre actuel des
Finances, quelque $10 millions par année.
Moi, je demeure convaincu que, si cette volonté ou ce
désir, qui était très formel de la part du ministre des
Finances à l'époque, il avait voulu le maintenir, il aurait
été possible de couper des budgets à d'autres
ministères pour aller chercher les $10 millions ou les $20 millions qui
étaient requis. Le ministre sait bien qu'il ne convainc personne en
disant cela. Lorsqu'on a un budget au ministère des Transports de $1
milliard par année, on ne me fera pas croire qu'il était
impossible de retrancher un petit montant de $20 millions sur le milliard des
Transports, pour procéder à ce qui était une urgence
déjà en 1971.
Il aura beau invoquer la situation financière actuelle du
Québec, il ne convainc encore personne, pour celui qui connaît le
moindrement l'administration. Tout cela se fait à l'intérieur
d'une assiette globale, et c'est une question de choix. J'en déduis, et
c'est cela la réalité, que cette importance qu'on avait
donnée à l'époque à la révocation des
concessions n'est plus la même maintenant que ce parti a le pouvoir.
C'est aussi simple que cela. Cela n'a plus la même importance que
celle qu'on lui donnait à l'époque en 1971. C'est cela le fond de
la réalité.
M. Bérubé: Dois-je répondre au
député de Montmagny que le budget qu'il critique en ce moment est
la continuité du budget de l'année précédente? Nous
n'avons pas modifié la planification que l'ancien gouvernement avait
imposée dans ce secteur.
Par conséquent, ce que vous nous reprochez, c'est d'aller moins
vite que l'ancienne administration.
M. Giasson: C'est de ne pas aller dans le sens de ce qui
était la politique et la philosophie du Parti québécois
tout récemment. C'est ce qu'on vous dit ce matin.
M. Bérubé: Je peux vous assurer...
M. Giasson: Ce qu'on vous reproche, c'est que d'un
côté le premier ministre faisait une déclaration, l'actuel
ministre des Finances en faisait une autre, et pendant qu'eux prenaient ces
positions le critique officiel du Parti québécois, qui à
cette époque, était l'Opposition, reprochait au ministre des
Terres et Forêts de ne pas consacrer $10 millions ou $20 millions par
année pour passer à travers le programme de révocation des
concessions sur une période de dix ans. C'est ce qu'il faisait à
l'époque.
Ce parti, qui avait des données très précises,
prenant le pouvoir, il était facile d'imaginer que le programme de
révocation se ferait dans le temps prévu, même à
l'intérieur du temps prévu parce qu'au lieu de $200 millions
comme coût probable, nous passions à $70 millions, tel que
déterminé par l'ancien ministre des Terres et Forêts.
M. Bérubé: Premièrement, lorsque je parle de
$70 millions, je parle de la voirie forestière en gros. D'ailleurs, je
tiens à souligner que ces coûts sont très mal connus.
Autant ils étaient mal connus à l'époque, en 1971, par
l'Opposition, autant aujourd'hui encore on constate qu'ils ne sont pas
finalement connus de façon extrêmement précise.
Les coûts de voirie forestière augmentent de façon
substantielle depuis les dernières années, de plus de 30% par
année. Par conséquent, je pense que justement un point important
à souligner c'est peut-être le fait que nous connaissons mal le
coût réel que nous allons encourir par la révocation des
concessions. Mais je pense que ce qui est important, c'est justement de
s'engager à terminer la programmation pour 1982 et, donc, se donner les
moyens pour le terminer.
Même si le député de l'Opposition nous disait: Vous
devriez mettre $50 millions cette année pour programmer la
révocation, alors que vous n'en mettez que $1,6 million, à cela
je répondrais que si nous mettions $50 millions il faudrait le prendre
ailleurs. Nous avions une marge de manoeuvre de l'ordre de $175 millions qu'il
a fallu partager entre les différents ministères.
Relativement peu de ministres auraient accepté que l'on
investisse $20 millions comme tels
dans le programme de révocation en sacrifiant des programmes
extrêmement urgents dans le secteur de la santé, dans le secteur
du développement minier, dans le secteur de l'aide à la
forêt privée, je pense que cette coupe aurait été
beaucoup trop importante pour qu'elle soit justifiée. D'autant plus que,
compte tenu de la réflexion que nous avions faite, on se rendait compte
que révoquant les concessions forestières tout ce que nous
faisions c'était subventionner l'industrie des pâtes et
papiers.
Or, je pense qu'il était normal de la part du gouvernement de
revenir sur l'ensemble du programme pour savoir dans quelle mesure le
gouvernement est justifié de faire payer moins à l'industrie des
pâtes et papiers, une fois la révocation faite, que ce que cette
même industrie aurait à défrayer si elle gardait ses
concessions. C'est là le raisonnement que nous faisons.
Or, je peux vous assurer que, pour 1982, ce sera terminé.
Maintenant, ce dont je peux également vous assurer, c'est qu'il est
possible que cela ne se fasse pas de la même façon que ce qui
avait été prévu, comme cela pourrait également se
faire de la même façon si nous arrivons à la conclusion
et c'est ce que nous sommes en train de faire que l'industrie
forestière est en mesure de payer des droits pour la voirie
forestière, qui seraient substantiellement plus élevés que
ceux que le gouvernement a exigés dans le passé.
M. Giasson: M. le Président, puisque le ministre dans sa
réplique a indiqué qu'il n'était pas question de vouloir
subventionner les pâtes et papiers sur l'application d'un programme
donné, j'aimerais savoir de l'actuel ministre lorsqu'il a
indiqué son intention de procéder dans les meilleurs
délais à une réorganisation totale et
intégrée de toute l'industrie des pâtes et papiers, il a
même utilisé des chiffres; dans des prévisions initiales,
il a parlé d'un montant de $6 milliards pour vraiment moderniser
l'industrie des pâtes et papiers face à cette projection
à laquelle le ministre a fait allusion récemment, comment il
entend procéder dans cette rénovation de l'industrie des
pâtes et papiers afin de la moderniser et de la rendre compétitive
avec les industries similaires dans d'autres pays. Est-ce que dans
l'évaluation d'un coût de $6 milliards il prévoit des
subventions qui pourraient venir, soit du gouvernement provincial du
Québec ou encore du gouvernement fédéral? Il serait
intéressant que le ministre nous donne beaucoup plus d'informations sur
ce vaste programme de réorganisation et de modernisation de cette
industrie.
M. Bérubé: Ce que vous demandez ici, c'est
d'élaborer quelque chose qui sera l'objectif du ministère dans
les années à venir. Par conséquent, nous allons parler
beaucoup plus d'hypothèses de travail, d'orientations à donner
que de résultats concrets, tangibles concernant en particulier les
chiffres mentionnés.
D'ailleurs, comme vous le soulignerez, c'est rapporté par un
journaliste, je pense que ce journaliste a fait un excellent travail en ce qui
a trait à la synthèse de ma pensée dans la majeure partie
des sujets.
Quant à la valeur précise du chiffre de $6 milliards, je
peux vous dire comment on peut évaluer, grosso modo, le montant. On sait
qu'une usine à Saint-Félicien a coûté autour de $300
ou $350 millions. On sait à peu près l'ordre de grandeur du
coût d'une usine moderne, premièrement. On sait grosso modo le
volume de notre industrie qui représente à peu près une
vingtaine de ces grosses usines, si on tient compte de l'état de
certaines d'entre elles. Par conséquent, on sait, en théorie,
combien coûterait une reconstruction complète de l'industrie des
pâtes et papiers, en gros, c'est donc très approximatif.
M. Giasson: C'est en gros.
M. Bérubé: Oui, c'est en gros. C'est simplement une
idée générale. D'ailleurs, on peut penser que cela
coûterait beaucoup moins cher.
Deuxième réflexion. Pour savoir si un gouvernement peut
s'engager dans une telle démarche, on peut se dire que sur un rapport
d'équité-dette, un rapport de un semble normal. Par
conséquent, les entreprises bancaires pourraient certainement couvrir
jusqu'à concurrence de $3 milliards. Dans un secteur comme l'industrie
des pâtes et papiers, depuis un certain nombre d'années, on
constate que le gouvernement fédéral a subventionné, je
pense, à Cabano plus précisément. Il y a des indications
à l'effet que le gouvernement fédéral accepterait
d'investir dans le secteur de la réforme de l'industrie des pâtes
et papiers au Québec. Evidemment, il n'y a eu aucune négociation.
Ils ont simplement déjà créé un
précédent en intervenant. On peut donc se dire que, si on
appliquait les règles normales de subventions, Ottawa pourrait en
prendre une partie.
Si vous prenez le reste, en général, je pense que c'est
autour de 20% dans le cas de Cabano, on peut toujours extrapoler voyant grosso
modo le montant. Vous vous retrouvez avec l'équivalent peut-être
de $2 milliards à couvrir par l'industrie. Des programmes de travaux
publics comme ceux, par exemple, de la construction du réseau
d'égout dans la région de Montréal sont prévus pour
un montant d'environ $3,2 milliards. En d'autres termes, pour régler un
problème de pollution dans la région de Montréal, et par
régler je ne veux pas dire qu'on élimine la pollution, mais on
fait simplement la diriger en aval de l'île, le coût serait de
l'ordre de $3 milliards. Ce montant est donc tout à fait comparable
à ce que cela pourrait coûter pour rénover l'industrie. Je
dois vous signaler qu'à mon point de vue les $6 milliards sont
probablement un chiffre assez gros puisque la société Kruger a
fait une réforme quand même assez importante dans son usine qui
lui coûte évidemment nettement moins cher que $300 millions pour
rénover son usine. Ils ont encore une programmation en vue.
Par conséquent, on se rend compte que l'ordre de grandeur est un
ordre de grandeur qu'on peut envisager. Ce n'est pas un chiffre
complètement exagéré. Cela indique que, probablement, le
gouvernement doit s'orienter de ce côté. Mainte-
nant, sous quelle forme le gouvernement doit-il participer? Vous savez
qu'il existe déjà des sociétés d'Etat, comme la
Donohue, REXFOR, donc on peut imaginer que le gouvernement pourrait participer
par le biais de ces sociétés.
On peut maintenant se demander si le gouvernement devrait participer
sous forme de subventions. C'est une de nos questions. Personnellement, je
pense que non. Je pense qu'il n'appartient pas au gouvernement du Québec
de subventionner notre industrie des pâtes et papiers, que, c'est donc
à l'industrie elle-même de le faire, et si elle ne peut le faire,
le gouvernement aura des responsabilités à prendre. Je pense
qu'on ne peut pas s'asseoir et regarder fermer des usines, comme celle du
Cap-de-la-Madeleine, les unes après les autres, parce que vous
êtes conscients du vieillissement de notre industrie.
On ne peut pas s'asseoir et regarder, à chaque année, une
usine de plus qui ferme ses portes. Avec, évidemment, les critiques de
l'Opposition, qui prendra un malin plaisir à demander ce que le
gouvernement fait. Il est donc normal que nous choisissions d'aborder
carrément le problème, et c'est ce que nous allons faire dans les
mois à venir. Par conséquent, ce qui est souligné, c'est
ma vision des problèmes de l'industrie forestière au
Québec. Je pense qu'il ne sert à rien d'aménager la
forêt privée, il ne sert à rien de parler d'allocation de
la matière ligneuse, il ne sert à rien de parler de
révocation des concessions forestières et de plans de gestion, si
nous n'avons pas l'industrie forestière pour faire la transformation du
bois. Il semble normal que le gouvernement actuel estime que ce soit
peut-être là le domaine sur lequel il faudra insister. Non pas que
l'on mette en veilleuse le programme de révocation, comme vous l'avez
laissé entendre, mais que l'on reporte le programme de révocation
dans un cadre plus global de celui d'une étude et d'une révision
complète de notre industrie des pâtes et papiers au
Québec.
Il faudra donc intégrer le programme de révocation, en
intégrant les règlements de protection de l'environnement
concernant l'industrie des pâtes et papiers qui sont sur les tablettes
déjà depuis un très bon bout de temps, vous le savez, et
qui n'ont pas été appliqués, justement parce que cette
industrie prétend, et probablement à juste titre, que si on
appliquait de tels règlements elle devrait fermer ses portes.
Je pense qu'il faudra de toute façon appliquer ces
règlements. Nous n'avons pas le choix. Par conséquent, nous
devons appliquer ces règlements en sachant pertinemment que certaines
industries accepteront de se moderniser ou de fermer leurs portes. Si ces
industries ferment leurs portes, il faut que le gouvernement ait
automatiquement une solution de rechange. Lorsque vous me souligniez cet
article du Devoir, c'est le sens de l'interview que j'ai voulu donner aux
journalistes.
M. Giasson: J'aimerais savoir tout de même si cette
réforme de toute l'industrie comme telle, la modernisation des usines
est une priorité à laquelle le ministre va s'attacher à
brève échéance. Pour en arriver là, il va falloir
que l'industrie collabore. C'est un fait certain. Pour collaborer, l'industrie
va demander certainement au gouvernement du Québec, comme du
gouvernement fédéral, de l'aider de ce côté. Est-ce
qu'il est possible de croire que cette aide pourrait être semblable
à celle de Cabano, usine à laquelle le ministre a fait allusion?
Il y a eu d'abord une participation des citoyens à la base, une aide qui
est venue du gouvernement du Québec, une aide qui est venue du
gouvernement fédéral. Est-ce qu'on peut prévoir que cette
usine de Cabano pourrait servir de modèle dans un plan de
réorganisation des usines de pâtes et papiers ici au
Québec?
M. Bérubé: J'ai cité en exemple le cas de
Cabano aux journalistes qui m'interviewaient, comme étant un exemple du
type d'intervention du gouvernement; c'est pour cela que vous avez, dans cet
article, mention que REXFOR pourrait participer. Donc, c'était un
exemple. Je pense que deux solutions vont se présenter, soit que
l'industrie jugera préférable de conserver son autonomie, et que,
par conséquent, elle n'estime pas nécessaire de voir le
gouvernement investir dans la modernisation de ses usines. Dans ce cas, je
pense que le gouvernement ne voit aucune objection et l'industrie pourra avoir
son propre programme de développement à nous présenter, et
nous n'avons pas l'intention d'interférer.
Dans le cas où l'industrie devrait nous dire, avec chiffres
à l'appui, qu'elle est incapable de faire face à une
modernisation de ses installations et qu'elle demande au gouvernement de
participer, le gouvernement devra décider, d'une part, quant à la
modernisation de cette usine, si cette modernisation est justifiée.
On sait que nous avons un certain nombre de nos usines qui sont
très loin des approvisionnements en bois. Il y aura un choix
économique à faire, à savoir si telle usine mérite
la peine d'être reconstruite à partir de zéro. Ces choix
seront faits au gouvernement par un groupe de travail et on fera une
évaluation cas par cas. A ce moment, je pense qu'il y aura une
négociation avec l'industrie, à savoir sous quelle forme le
gouvernement doit s'engager, et j'aurai à défendre face au
gouvernement une solution qui sera sans doute propre à chaque cas. Je ne
peux pas vous dire que ce sera REXFOR qui embarquera ou encore que ce sera la
Société générale de financement ou encore la SDBJ,
si ce doit être un cas dans le Nord-Ouest. Je pense que la formule
d'intervention est à définir et qu'elle va varier
énormément avec les cas.
M. Giasson: Dans l'esprit du ministre cela pourrait
s'étaler sur quelle période de temps, cette transformation de
toute la production des pâtes et papiers?
M. Bérubé: Vous dites bien dans l'esprit et non le
résultat... Moi, j'aime bien la notion de plan quinquennal. Compte tenu
du fait que nous vou-
Ions terminer les révocations en 1982, nous n'avons pas
l'intention d'attendre à 1982 pour appliquer les règlements sur
la protection de l'environnement. Or, comme la notion de plan quinquennal me
semblerait valable a priori, si vous demandez l'idée du ministre, je
vous dirais que c'est un programme de cinq ans où on s'asseoit avec les
entreprises, où on met sur la table carrément les objectifs du
gouvernement dans le secteur et où on demande à l'industrie
quelle est la forme de participation qu'elle a maintenant l'intention
d'apporter.
M. Giasson: Cela pourrait débuter vers quelle
année?
M. Bérubé: II me paraît possible de commencer
cette année, probablement vers l'automne, les rencontres avec
l'industrie papetière.
M. Giasson: Dès cette année, on pourrait rencontrer
l'industrie, comme vous dites, et commencer à examiner le dossier puis
voir les formules de transformation, le financement de ces projets.
M. Bérubé: Oui, il faut dire qu'il existe
présentement, grâce aux bons soins de l'ancienne administration,
un comité interministériel oui, certainement, cher
collègue de Montmagny-L'Islet regroupant des fonctionnaires du
ministère de l'environnement, du ministère des Terres et
Forêts et du ministère de l'Industrie et du Commerce qui sont,
présentement, à évaluer, cas par cas, les problèmes
que représenterait la modernisation de l'industrie pour faire face aux
nouvelles normes de la protection de l'environnement. Un des concepts de base
auxquels ce comité se réfère, c'est: Vaut-il la peine
d'investir dans des équipements de traitement des eaux plutôt que
dans une modernisation directe de l'usine, de manière que celle-ci
génère une charge polluante moindre? Pour arriver à faire
ce calcul, il faut, dans chaque cas, évaluer tous les coûts de la
transformation de l'usine par rapport au coût purement et simplement de
l'usine de traitement des eaux. Nous devrions avoir pour le mois de juin,
normalement et il y a déjà un bon nombre d'usines pour
lesquelles ces travaux sont déjà terminés ce
rapport global de l'état de l'industrie des pâtes et papiers au
Québec, qui sera, je pense, un outil extrêmement utile pour ces
discussions. D'autre part, nous voulons, au ministère et c'est ce
que nous nous employons à faire présentement constituer
une petite équipe de travail d'économistes qui nous permettront
justement de réfléchir, maintenant, à une projection dans
l'avenir des marchés, de la place qu'occupe le Québec, et donc de
l'importance de notre industrie papetière face, justement, à la
révocation et à l'approvisionnement en matière ligneuse,
donc d'avoir une vision beaucoup plus claire de ce que l'on peut espérer
comme industrie pour peut-être les cinq prochaines années. Comme
ce groupe de travail, normalement, sera formé d'ici à
l'été, on peut donc imaginer une commission parlementaire pour
permettre aux membres de l'Assemblée nationale de rencontrer les
dirigeants de l'industrie des pâtes et papiers, nos syndiqués, et
que l'on puisse justement évaluer l'ensemble des problèmes de
cette industrie.
Cette commission parlementaire serait sans doute à la base d'une
nouvelle politique.
Etat de l'industrie des pâtes et papiers
M. Giasson: Dans des problèmes plus immédiats qui
touchent, entre autres, les travailleurs, j'ai à l'esprit, par exemple,
la fermeture, au Cap-de-la-Madeleine, de l'usine de la Consolidated-Bathurst.
Comment le ministère des Terres et Forêts entend-il disposer de
cette main-d'oeuvre qui, tout de même, est qualifiée et a pris de
l'expérience à l'intérieur de l'industrie? Y a-t-il
déjà des projets qui sont examinés, qui sont sur la table
de travail afin de prévoir de quelle façon on va
réintégrer ces gens dans l'industrie ou s'il faudra les diriger
vers d'autres secteurs de la production chez nous?
M. Bérubé: Non. Malheureusement, je dois dire non,
pour plusieurs raisons. Je pense que la véritable raison est que la
vocation du ministère des Terres et Forêts n'a jamais
été de travailler dans ce secteur du développement
industriel, du développement économique. Le ministère de
l'Industrie et du Commerce a servi souvent d'étincelle pour le lancement
de nouveaux projets, mais, sauf dans les cas récents de Donohue à
Saint-Félicien et de Cabano, il n'était pas dans la tradition du
gouvernement d'intervenir dans ce secteur de l'industrie des pâtes et
papiers. Par conséquent, nous manquons d'outils pour faire face à
des situations. Je pense que, dans le cas de la relocalisation des
travailleurs, de leur emploi dans l'industrie, il faut, à ce
moment-là, tabler sur les mécanismes existants,
c'est-à-dire ceux du ministère du Travail, pour retrouver de
l'emploi à ces travailleurs. Je ne pense pas que présentement
nous soyons en mesure de proposer une solution de rechange au problème
de l'usine du Cap-de-la-Madeleine, aussi malheureux que ce soit.
M. Giasson: II est possible, d'ailleurs, que, dans la
région de Trois-Rivières-Cap-de-la-Madeleine, il y ait d'autres
mises à pied en plus de celle des travailleurs de l'usine de la
Wayagamack, comme on l'appelle aussi. Le ministre est-il au courant de
cela?
M. Bérubé: Vous voulez dire dans d'autres secteurs
que l'industrie des pâtes et papiers?
M. Giasson: Non, dans les pâtes et papiers, région
de Trois-Rivières-Cap-de-la-Madeleine.
M. Bérubé: Vous voulez parler du moulin de
l'île dont la vétusté serait encore plus grave que celle du
Cap-de-la-Madeleine, mais qui serait peut-être protégé par
le fait qu'il traite quand même un volume plus important de
matière ligneuse et que, par conséquent, il serait
peut-être
plus rentable que l'autre. Je ne suis pas en mesure, ici en tout cas, de
vous donner la réponse.
La seule solution que le gouvernement peut apporter, c'est la
possibilité d'investir dans le projet de Magnésium-Québec
dont on parle ces jours-ci. Je pense que, présentement, c'est
plutôt dans la recherche de nouveaux projets pour la région qu'il
faut chercher une solution, pour l'instant.
M. Giasson: On se rappelle tous qu'en 1975 une grève assez
longue, dans l'industrie des pâtes et papiers, a perturbé, a
causé des problèmes assez aigus à l'industrie
québécoise qui, ne pouvant alimenter les marchés
traditionnels qu'elle avait, à cause de cet état de grève
qui a duré plusieurs mois, a connu une reprise plus difficile et a vu
ses acheteurs s'alimenter chez des concurrents, chez d'autres marchés
possibles. Cela a également eu comme conséquence de poser des
problèmes très aigus de vente de bois venant des forêts
privées, des petits producteurs qui, par suite d'un arrêt de la
plupart des usines durant une période de quatre et de cinq mois, ont vu
s'accumuler des quantités de bois très importantes qui ont
traîné sur les routes, qui ont vieilli. Etant donné que les
usines n'avaient pas produit pendant une aussi longue période, cela a eu
nécessairement des répercussions.
Face à cette situation, il est possible qu'on vive encore des
problèmes de grève, des problèmes de relations de travail.
J'aimerais que le ministre nous livre davantage sa pensée, la
philosophie qui lui serait propre, puisqu'à un moment donné,
à l'Assemblée nationale, il a fait allusion à la
nécessité absolue d'un nouveau contrat social dans tout le
secteur de l'industrie du bois, j'inclus le sciage, les pâtes et papiers
et les autres utilisations du bois.
Ce nouveau contrat social, dans l'esprit du ministre, comment faut-il le
percevoir et de quelle façon pourrait-il résoudre les
problèmes que nous avons vécus traditionnellement à
diverses périodes dans toute l'industrie du bois au Québec?
Autrement dit, traduit dans une réalité bien définie, quel
est ce nouveau type de contrat social qui pourrait être un
élément de stabilité et qui pourrait constituer à
donner beaucoup plus de sécurité dans l'avenir à tout ce
qui est l'utilisation de la richesse bois ici au Québec?
M. Bérubé: Je soulignerai, d'une part, que vous
avez généralisé une réponse qui, en fait,
était partielle. Cette idée du contrat social, elle ne vient pas
du ministre des Terres et Forêts, elle vient du CRD de l'Est du
Québec et elle résulte d'un certain nombre de rencontres que j'ai
eues avec les syndicats, en particulier de la Consol, à New Richmond, et
de rencontres que j'ai eues avec les gens de l'industrie comme telle.
Ce qui se produit, dans le domaine du sciage, dans l'Est du
Québec, est le problème dont je parlais quand je parlais d'un
contrat social. Dans l'Est du Québec, vous savez que l'industrie du
sciage est peut-être plus vieille et possiblement moins rentable
qu'ailleurs au Québec. Par conséquent, les difficultés
sont plus importantes, surtout dans ce domaine par exemple de
l'approvisionnement en bois, dans la qualité du bois alimentant les
usines de sciage.
Or, à la suite d'une rencontre avec les syndiqués de la
Consolidated, à New Richmond, ceux-ci avaient fait la remarque à
l'effet que, s'ils avaient su que l'entreprise n'était pas rentable, que
l'entreprise prévoyait devoir fermer, lors de la négociation de
la convention collective, ils auraient été prêts à
planifier un certain nombre de règlements qui auraient permis justement
à certains travailleurs de prendre des retraites
prématurées, donc permettre également à certains
travailleurs de se retrouver un emploi par exemple dans l'exploitation d'une
usine de pâtes et papiers. Donc, ils auraient tout probablement
modifié le texte même de la convention collective qu'ils
négociaient avec l'entreprise, de manière à faciliter la
transition.
Or, n'ayant pas été au courant, ils n'ont pas
été en mesure, à ce moment-là, de se doter d'une
convention collective davantage à la mesure de la situation qu'ils
envisageaient. Alors ce sont donc les syndicats eux-mêmes qui ont fait la
première avance, en disant: Ecoutez, si nous étions au courant de
ce qui se passe dans cette industrie, nous serions certainement prêts, en
discutant avec les industriels, à définir des conventions
collectives qui pourraient être différentes. Ils ont dit: Nous
serions même prêts à accepter, par exemple, des salaires
inférieurs à ceux que nous négocions
présentement.
A la suite de cette rencontre et à la suite sans doute d'une
rencontre entre le CRD et le syndicat, et entre les industriels et le CRD, le
CRD devait proposer au gouvernement la tenue d'un comité de travail qui
réfléchirait à la situation de l'industrie du sciage dans
l'Est du Québec, et qu'il nous proposerait à ce moment-là,
peut-être justement ce contrat social, c'est-à-dire un modus
vivendi des industriels du sciage dans l'Est du Québec, des syndicats,
des travailleurs de la population, de manière qu'on puisse
peut-être avoir un plan d'exploitation pour une industrie qui est
peut-être en moins bonne posture dans l'Est du Québec qu'elle ne
l'est dans le reste du Québec.
C'est donc en ce sens qu'on parlait d'un contrat social. C'est
d'ailleurs pour cela que présentement il y a un groupe de travail,
animé par le directeur général du ministère des
Terres et Forêts à Rimouski, et qui regroupe des
représentants des syndicats, de l'industrie, des populations, du CRD, et
qui va chercher à faire le point. Ce contrat social résultera
sans doute de leur propre effort.
Je pense qu'un contrat social vient d'abord des gens, de la population
et non pas de l'idée d'un ministre. C'est en ce sens que j'ai
parlé d'un contrat social en réponse, en fait, à une
demande que me faisait, je pense, le chef de l'Opposition relativement à
cette demande du CRD puisqu'elle venait de son comté.
M. Giasson: Donc, je dois comprendre que le
contrat social auquel le ministre faisait allusion s'appliquait
uniquement à une région du Québec et n'était pas
fonction de solution de problèmes que vit l'industrie un peu partout
à travers le territoire. Le ministre sait fort bien que l'Est du
Québec a des problèmes pour continuer certaines industries qui
sont alimentées par le bois. Nous avons le même
phénomène dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean,
peut-être sur la Côte-Nord. Nous avons le cas de Samoco
là-bas, à Sacré-Coeur. Il y a également d'autres
usines qui sont aux prises avec des difficultés à peu près
identiques à celles qu'on peut retrouver dans l'industrie du sciage dans
l'Est du Québec.
Dans ce contrat social j'avais cru déceler la place assez
importante que pourrait prendre l'Etat du Québec, le gouvernement, ou
encore des sociétés d'Etat. Ce n'est pas ce que le ministre avait
à l'esprit?
M. Bérubé: II s'agit là...
M. Giasson: Je me posais la question, et voici pourquoi. C'est
que dans le reportage du Devoir du 5 avril, une déclaration que vous
faites indique une volonté ou une présence très grande de
l'Etat comme nécessité pour solutionner les problèmes,
surtout lorsqu'on lit: A moins d'une intervention énergique du
gouvernement, l'industrie québécoise des pâtes et papiers,
estime le ministre, disparaîtra, au dire de M. Bérubé.
Quand on lit cela, on se demande si l'avenir des pâtes et papiers et
même des autres utilisations du bois, repose entre les mains de l'Etat,
dont la participation sera beaucoup plus grande, qui devra oublier la
présence traditionnelle de l'industrie privée. Est-ce que nous
devons croire que l'Etat deviendra le moteur principal, par une participation
directe ou une action directe, dans la réforme ou la
réorganisation de toute cette industrie?
M. Bérubé: Je ne vous cacherai pas que la
pensée évolue même à l'intérieur de
l'industrie privée dans ce domaine. Au tout début de mon mandat
j'ai tenu à rencontrer des représentants de l'industrie des
pâtes et papiers canadienne et québécoise, et je pense
qu'un leitmotiv de nos rencontres en est ressorti. Je me souviens, en
particulier, de certaines réflexions à l'effet que probablement
une des exploitations les plus rentables dans ce secteur des pâtes et
papiers serait probablement Donohue-Saint-Félicien. Les industriels
eux-mêmes avouaient que probablement ils n'auraient jamais les reins
suffisamment solides pour relancer l'industrie des pâtes et papiers.
Par conséquent, j'ai dû me faire une philosophie dans ce
domaine de l'industrie à partir des rencontres que j'ai eues avec les
industries et les syndicats et, évidemment, avec les fonctionnaires du
ministère. Je pense qu'il ressort de ces nombreuses discussions que,
d'une part, peut-être l'industrie, présentement, n'aurait pas les
reins assez solides pour moderniser. C'est là un cercle vicieux parce
que, ne générant pas les profits suffisants pour
réinvestir, ils n'ont pas les moyens d'investir. Leurs industries
vieillissent, leur productivité décroît, elles sont de
moins en moins rentables, et le cercle vicieux est engagé.
Par conséquent, c'est donc à partir de cette constatation
que les industriels eux-mêmes s'interrogeaient sur la possibilité
de relacer leur propre industrie et sur le fait que le problème semblait
véritablement grave, au dire de tous les fonctionnaires qui oeuvrent
dans ce secteur au Québec. A ce moment-là je pense que
c'était normal qu'on parle d'une relance.
Maintenant, quand vous parlez d'un contrat social, un véritable
contrat social ne peut s'établir qu'à la suite de relations entre
le patronat, le gouvernement et les syndicats. Je pense que c'est l'esprit du
sommet économique qui se tiendra au printemps. Il faut retenir qu'une
des principales raisons pour lesquelles l'économie allemande s'est
peut-être assez bien comportée au cours des dernières
années c'est qu'à tous les trois mois présentement il
existe en Allemagne un regroupement des syndicats, patronats, gouvernements
pour étudier la situation de l'économie, voir les
projections.
Ce type d'information a permis jusqu'à maintenant au
gouvernement, aux syndicats, à l'entreprise privée un
développement de l'économie allemande qui semble avoir assez bien
réussi. Or, le sommet économique auquel nous allons assister, au
printemps, c'est tout nouveau dans l'histoire du Québec et je pense que
s'il n'y avait qu'un seul sommet sans suite, on n'aurait peut-être pas ce
contrat social. Au contraire, si on parle de rencontres, peut-être
à tous les trois mois ou tous les six mois, des principaux intervenants
dans l'économie du Québec, je pense qu'à la longue ce
contrat social dont j'ai parlé pourrait s'instaurer à
l'échelle du Québec, non pas simplement dans l'industrie des
pâtes et papiers.
M. Giasson: Ce que je retiens des propos que le ministre vient
d'énoncer, c'est que s'il fallait avoir une collaboration pour appliquer
ici au Québec le modèle qu'il a cité, celui de
l'Allemagne, soit une participation voulue et acceptée de la part des
trois grands agents, le gouvernement, le patronat et les syndicats, cela
supposerait dès le départ qu'ici au Québec le monde
syndical, les centrales syndicales changent d'attitude sur ce qui a
été leur cheminement des dernières années. C'est
qu'on recherchait, du moins chez certaines centrales syndicales,
délibérément et de façon manifeste, un changement
de système total au Québec.
M. Bérubé: Vous avez raison. Il faut
également que le gouvernement change totalement son attitude face au
développement économique. Il faut également que
l'entreprise privée change totalement son attitude face à son
rôle de développeur économique; non seulement cela, mais
également son rôle social. Et c'est là un changement
radical de mentalité qui va être très dur, et pour les
syndicats et pour les industriels et pour le Conseil du patronat du
Québec et pour le gouvernement. Ce n'est pas qu'un problème
syndical. Je pense que c'est un problème social.
M. Giasson: Vous croyez donc à la capacité du
patronat, que ce soit par le conseil ou tout ce qui regroupe le patronat au
Québec, vous croyez à la capacité de ces hommes que l'on
retrouve là de changer leur mentalité, leur attitude, leur
philosophie. Vous croyez également que le monde syndical, que les
centrales syndicales sont capables d'évoluer à un rythme aussi
rapide.
M. Bérubé: Je crois en la bonne volonté des
Québécois et je crois...
M. Giasson: Je n'ai pas de doute moi non plus. Mais ceux qui
mènent les Québécois, c'est autre chose. Ceux qui
conduisent les Québécois par groupes organisés, c'est une
autre chose. On ne parle pas du même monde, on ne parle pas de gens qui
pensent de la même manière que l'ensemble des
Québécois.
M. Bérubé: Je pense que vous prêtez de noirs
desseins à...
M. Giasson: Ce ne sont pas de noirs desseins. Je vous dis tout
simplement qu'ils ne pensent pas de la même manière que l'ensemble
des Québécois, sans porter un jugement sur la pensée
collective des Québécois ni sur celle de ceux qui
prétendent diriger les grands secteurs économiques au
Québec.
M. Jolivet: L'ancien gouvernement aussi.
M. Giasson: II a été jugé. Ne vous faites
pas de peine. Le jugement a été porté par les
Québécois sur l'ancien gouvernement comme il sera porté
sur le présent gouvernement un jour ou l'autre. Vous n'y
échapperez pas, quel que soit le verdict de la population.
M. Jolivet: C'est la volonté différente d'un
gouvernement qui parle.
M. Giasson: C'est l'ensemble des Québécois.
Le Président (M. Clair): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Ce matin, le ministre a
parlé du mode de financement, par exemple, de Cabano. Il a dit que
c'était un mode de financement satisfaisant. La semaine
dernière...
M. Bérubé: ...
M. Goulet: Bien oui, vous ne critiquez pas. La semaine
dernière, également, vous avez parlé de la
société REXFOR et vous avez dit je ne sais pas si ce sont
vos mots mais je vais essayer de les rapporter le plus fidèlement
possible qu'elle avait réussi là où d'autres
compagnies avaient échoué et qu'en général vous
étiez satisfait de son travail.
J'aimerais demander au ministre ce qu'il pense du prêt de $19
millions, tout près de $20 millions, consenti par le gouvernement
à REXFOR, et ce sans intérêt. A l'époque,
l'économiste du Parti québécois, actuellement ministre des
Finances, M. Parizeau, avait dénoncé cette entente très
fortement. Il était contre cela. J'aimerais savoir tout simplement ce
que le ministre en pense aujourd'hui de cette méthode de
financement.
M. Bérubé: Vous parlez du prêt à
REXFOR qui a été reprêté à ITT-Rayonier?
M. Goulet: C'est cela.
M. Bérubé: Donc, nous ne parlons pas directement de
REXFOR, REXFOR n'ayant été qu'un instrument du gouvernement pour
prêter à m.
M. Goulet: Si vous voulez, oui.
M. Bérubé: D'accord. D'abord un petit mot en
passant sur le mode de financement de Cabano, dont vous me dites qu'il est
satisfaisant. Je vous dirai tout de suite qu'il n'est peut-être pas
entièrement satisfaisant.
Je pense qu'il manque, à l'intérieur de la structure
financière de Cabano, la participation d'un industriel qui aurait
utilisé, par exemple, la production de l'usine. Un des problèmes
auxquels doit faire face présentement Cabano, c'est qu'ils ont une
excellente structure de production, mais ils n'ont pas une structure de mise en
marché. A moins d'être une très grosse entreprise, comme la
Donohue, par exemple, qui est déjà plus importante, la mise en
marché pose des problèmes lorsque vous n'êtes pas
associé avec un financier qui lui-même est intéressé
par votre production.
Je pense que déjà la structure de financement de Cabano
est discutable, sous cet angle. Quant au prêt à ITT, je ne vous
cacherai pas que d'ailleurs, c'est ce que j'ai dit tantôt
je suis assez peu favorable à des subventions à l'entreprise
privée. Il m'aparaît difficilement acceptable que le gouvernement
investisse de concert avec des industriels de l'entreprise privée et que
les industriels aient droit au profit et que le gouvernement n'y ait pas droit,
en d'autres termes qu'il s'agisse de subventions. Qu'il y ait participation au
capital-actions, là c'est entièrement différent, mais
qu'il y ait purement et simplement subvention, je pense que, d'une façon
générale, on peut dire que je suis assez peu favorable au
système de subvention.
Je reconnais, cependant, que le principe des subventions peut parfois se
défendre, en particulier quand il s'agit de développement
régional. Lorsqu'une industrie encourt des coûts plus
élevés en allant s'établir dans des régions
désignées, je pense qu'à ce moment un mécanisme de
subvention compensateur pourrait permettre de rétablir la
rentabilité de cette entreprise pour la ramener sur un plan comparable.
A ce moment, un but social pourrait justifier des subventions. Mais je pense,
malheureusement, que ces décisions de subventionner l'entreprise ne sont
pas prises sur une base rationnelle. Il existe une excellente étude
qui a été effectuée à Laval en recherche
opérationnelle où, justement, on évalue à quel
niveau le gouvernement doit embarquer sous la forme de subventions, de
participation au capital-actions, en faisant entrer en ligne de compte des
notions de rentabilité pour l'Etat, de profits sociaux. C'est un
modèle mathématique qui nous permet de calculer jusqu'à
quel niveau le gouvernement doit aller dans ses subventions. Dans le
passé, les subventions se sont faites à la suite de
négociations et ont eu un caractère beaucoup plus politique
qu'objectif.
Si on devait instaurer un programme de subventions à l'industrie,
d'une façon générale, il faudrait que ce soit un programme
de nature purement et simplement à compenser les frais
supplémentaires qu'on fait encourir à l'industrie lorsque
celle-ci obéit à des pressions gouvernementales pour
s'établir à un endroit ou à un autre.
M. Goulet: M. le Président, si vous me le permettez, le
ministre a dit qu'il est peu favorable aux subventions à l'entreprise
privée. Il a bien mentionné privées. Est-ce qu'il serait
favorable à d'autres modes de subventions à d'autres organismes?
Vous avez mentionné privées et vous avez donné comme
raison... En tout cas, je vous laisse répondre.
M. Bérubé: Je pense que l'attitude du gouvernement
face aux coopératives est connue et, dans la mesure où une
subvention s'avère nécessaire pour rentabiliser une entreprise
à caractère plus social, qui appartient, donc, à un grand
nombre de Québécois, à ce moment, ma position serait
beaucoup plus flexible.
M. Goulet: M. le Président, je demanderais au ministre de
m'expliquer cela. Ce que je ne comprends pas, c'est cette philosophie qui fait
une différence entre l'entreprise privée et une
coopérative. Si l'entreprise privée fait du bon travail, si elle
en fait profiter l'Etat par des emplois créés, des salaires, des
impôts et même s'occupe d'écouler son produit soit sur le
marché local ou international, lorsqu'il s'agit du bien des
Québécois, que l'initiative vienne d'une entreprise privée
ou d'une coopérative, je ne vois pas la différence. Je ne
comprends pas la philosophie du ministre et même du Parti
québécois. Je ne peux pas m'entrer cela dans la tête.
Quand c'est pour le bien de la population, si l'entreprise privée
ou une personne crée 500 emplois et fait bénéficier toute
une région de ses connaissances ou de son travail, je ne vois pas la
différence entre cela et une coopérative. Je n'ai rien contre les
coopératives. Je ne vois pas pourquoi, dans la philosophie du
ministère, du ministre et du Parti québécois même,
on ferait une grosse différence entre les deux. Il me semble qu'on doit
regarder ce que cela donne à l'autre bout et non pas partir avec des
oeillères et dire: Si c'est l'entreprise privée, si c'est un
particulier c'est non, et, si c'est une coopérative, c'est oui.
Si on crée 500 emplois et si on fait du bien à la
population avec une coopérative, et si on fait le même bien avec
l'entreprise privée, je ne vois pas la différence. Je ne vois pas
de différence. Je regarde à l'autre bout, ce qui résulte
à l'autre bout, c'est cela qui compte, M. le Président. C'est
cela qui compte. On étudie, ce matin, les crédits. C'est comme
cela dans d'autres ministères. Quand c'est une coopérative, je
n'ai rien contre cela quand c'est pour le bien de la population, si la
coopérative réussit là où l'entreprise
privée n'a pas réussi, bravo. Si la coopérative vient en
concurrence avec l'entreprise privée et si c'est pour le bien du
marché, bravo. Mais pourquoi, au départ, on exclut des gens? On
exclut des gens. En tout cas moi, c'est difficile de m'entrer cela dans la
tête. Moi, ce que je regarde à l'autre bout, c'est ce que cela
donne. 500 emplois, c'est pour le bien d'une population que le promoteur soit
l'entreprise privée ou la coopérative, je ne vois pas pourquoi le
gouvernement pourrait aider l'un plus que l'autre.
M. Bérubé: Ma réponse à votre
question est relativement simple. Lorsque deux hommes d'affaires s'associent et
mettent chacun la moitié du capital, vous trouvez normal qu'ils se
partagent la moitié des profits.
M. Goulet: Certainement!
M. Bérubé: Lorsque le gouvernement s'associe avec
un industriel à 50/50, vous trouvez anormal que le gouvernement
récupère 50% des profits.
M. Goulet: Je n'ai jamais dit cela, M. le ministre.
M. Bérubé: Donc, nous reconnaissons au premier
chef, que si la collectivité investit dans les moyens de production, la
collectivité devrait normalement bénéficier du même
pourcentage de profits que s'il s'agissait d'une entreprise privée.
M. Goulet: Et des coopératives.
M. Bérubé: Donc, d'une façon
générale, nous nous opposons au principe des subventions. C'est
là ma position et c'est la vôtre aussi. Je pense que nous nous
retrouvons. Là où nous acceptons le principe de la subvention,
c'est pour des raisons de caractère social. C'est-à-dire que si
un industriel de l'entreprise privée va s'installer dans une
région défavorisée et qu'il encourt des frais de
transports, parce que l'infrastructure n'y est pas, des frais
supérieurs, là nous acceptons le principe de la subvention parce
que nous introduisons un caractère social au financement. De la
même façon, lorsque nous acceptons au gouvernement, dans la
philosophie du Parti québécois, de privilégier les
coopératives, voici ce que nous disons: Présentement, il y a
très peu de Québécois qui ont les reins suffisamment
solides pour se lancer en affaires. Faire démarrer une
coopérative demande énormément de bonne volonté,
demande beaucoup de courage parce que très souvent les
coo-pérateurs n'ont pas les moyens financiers, n'ont pas les
connaissances techniques pour se déve-
lopper, ils ont donc besoin d'une assistance. C'est en ce sens, c'est au
sens social que le gouvernement, à ce moment, accepte d'investir dans
une coopérative. Mais si vous me présentiez une
coopérative... Je ne pense pas, par exemple, que le gouvernement
jugerait bon, en ce moment, de venir en aide aux Caisses populaires Desjardins,
qui font suffisamment d'argent, Dieu merci.
Par conséquent, je pense que dans le cas d'une coopérative
prospère, il n'est pas question, pour le gouvernement, d'intervenir.
Mais lorsqu'une coopérative n'a pas les reins suffisamment solides pour
se développer, lorsqu'elle a besoin d'une aide gouvernementale, le
gouvernement fait entrer en ligne de compte le concept social de la subvention.
Et là, nous faisons la réflexion suivante, c'est qu'il s'agit
d'un regroupement collectif, donc, d'une participation populaire des gens, et
en c.e sens, la philosophie du gouvernement estime que chaque fois qu'il y a un
effort populaire, avec une participation des travailleurs, le gouvernement
estime que son engagement social est plus grand que quand il s'agit simplement
d'un industriel qui le fait. Sauf, évidemment, si cet industriel, pour
développer son industrie, se soumet à des conditions sociales
qu'un autre n'aurait pas à rencontrer. En d'autres termes, chaque fois
qu'un industriel privé a un rôle social dans son action, le
gouvernement estime qu'on peut subventionner, je pense. C'est normal. Mais, on
dit que, d'une façon générale, il faut qu'ils soient dans
des conditions particulières.
Par contre, pour une coopérative, que ce soit une
coopérative d'alimentation, que ce soit dans l'industrie du sciage, qui
fait face à une situation financière difficile, le gouvernement
estime que, pour des raisons purement sociales, cela vaut la peine de
protéger, de défendre ces coopérateurs. C'est, je pense,
une question de philosophie politique.
M. Goulet: Vous me permettez, M. le Président.
Si l'entreprise privée garantissait le même bien social au
bout qu'une coopérative, seriez-vous prêt à l'aider au
même titre?
M. Bérubé: Une entreprise privée, par
exemple, qui nous parlerait de cogestion.
M. Goulet: Une entreprise privée qui se soumet aux
mêmes conditions sociales et promet, garantit les mêmes
résultats qu'une coopérative pourrait garantir. Je parle pour le
bien d'une région, par exemple. Le ministère serait-il prêt
à aider, dans sa philosophie de base, l'entreprise privée autant
que la coopérative? Si on parle des mêmes conditions.
M. Bérubé: J'ai un problème semblable,
présentement, dans mon comté, à Cap-Chat, où vous
avez une opération qui n'est...
M. Goulet: En partageant si vous permettez toujours
les bénéfices au prorata de l'aide, mais, si on donne à
quelqu'un il faut consentir à donner à l'autre. Si on partage
avec l'un, on partage avec l'autre, dans les mêmes conditions. Il y a
juste les promoteurs qui font la différence.
M. Bérubé: Prenons l'exemple d'un cas où
apparemment l'exploitation est non rentable, donc vous ne trouverez aucun
promoteur, aucun industriel intéressé à le
développer. Mais le promoteur, souvent, va vous dire: Si vous me donniez
une subvention de X millions, à ce moment, je pourrais, compte tenu de
l'argent que je mets, faire un profit de 10%. J'estimerais cela satisfaisant;
par conséquent j'accepterais d'investir. En d'autres termes, ce que le
promoteur demande c'est que le gouvernement le subventionne de manière
qu'il puisse faire un profit, donc que le gouvernement lui fasse faire des
profits et que le seul objectif du gouvernement c'est de lui faire faire des
profits. Moi, j'hésiterais énormément à accepter.
Mais si cet industriel disait: Moi, je serais prêt à m'asso-cier,
avec les travailleurs, à implanter un système de cogestion avec
mes travailleurs. Je serais prêt à investir un certain montant
dans cette entreprise et, pour la rentabiliser, il faudrait peut-être un
investissement du gouvernement. A ce moment, je vous dis que, personnellement,
je regarderais très favorablement cette association, entreprise
privée, gouvernement, coopérative. Là j'y verrais
justement cette possibilité de réfléchir à ce
contrat social, mais, pour des raisons purement sociales, je dirais oui. Mais
si cet industriel dit: Vous me subventionnez simplement pour que moi je puisse
faire 10% de profit sur mon capital, à ce moment, je dis: Quant à
subventionner, je préfère subventionner une coopérative
carrément.
M. Goulet: Vous me permettez, M. le Président.
Si l'entreprise privée ou le promoteur consentait, par exemple,
à diviser ses profits au prorata de l'aide qu'il a reçue, je ne
vois pas la différence. C'est cela la question. Je ne vois pas de
différence.
La philosophie actuelle semble que, pour les mêmes
résultats, on est prêt à dépenser beaucoup plus
d'argent ou beaucoup plus d'énergie, du côté physique, pour
aider les associations plutôt qu'un promoteur. On va prendre le cas de
Tricofil; on dit que c'est un cas type, je suis bien d'accord. Mais je ne
comprends pas ceci. Si un promoteur arrive et dit: Ecoutez, moi, j'aimerais
avoir telle aide pour produire tels résultats qui sont à peu
près les mêmes qu'une coopérative pourrait produire,
pourquoi ne l'aiderait-on pas au prorata, quitte à ce qu'il divise ses
profits? Est-ce que la coopérative divise ses profits avec l'Etat? S'il
les divisait au prorata de ce que la coopérative les divise, mais la
philosophie de base du ministre et du ministère, et même de votre
parti, ne semble pas celle-là.
M. Bérubé: Chaque fois que la
propriété d'un bien de production est collective, il ne fait
aucun doute que le gouvernement envisage plus favorablement la
possibilité de donner des subventions. Je pense que c'est cela qui est
important, c'est de retenir que la propriété des biens de
production
est collective. C'est que l'Etat représente une
collectivité, l'ensemble des Québécois. Ce que nous
disons, c'est que lorsque c'est un transfert d'une collectivité à
une autre collectivité, à ce moment, peut-être que le parti
au pouvoir présentement est davantage intéressé à
ce genre de subvention tandis que la subvention d'une collectivité
à un individu, cela cadre beaucoup moins avec la philosophie du Parti
québécois.
M. Goulet: M. le Président, est-ce que vous permettez une
dernière question?
Le Président (M. Clair): Allez-y, M. le
député de Bellechasse.
M. Goulet: Merci. Je ne voudrais pas être mal
interprété, puis je ne suis pas contre du tout les
coopératives, je suis pour même. Je pose la question, mais c'est
qu'on semble voir, un moment donné, qu'on est porté à
favoriser la coopération de façon à créer de la
concurrence à l'entreprise privée, avec l'argent de l'Etat, avec
l'argent de tout le monde.
C'est là que je me pose de sérieuses questions à
savoir si c'est bon. Si on se sert de cet argent et qu'on favorise la
coopération pour créer de la compétition à
l'entreprise privée pour la faire tomber, bien... Pourquoi ne
pourrait-on pas l'aider? Si cela donne les mêmes résultats,
j'aimerais qu'on l'aide au prorata.
M. Bérubé: C'est la première fois que
j'entends dire que le mouvement coopératif au Québec met en
danger l'entreprise privée.
M. Goulet: Pas mettre en danger, mais créer de la
compétition.
M. Bérubé: Mais la compétition, dans le
système de l'entreprise privée, est saine.
M. Goulet: Pour autant qu'elle soit...
M. Giasson: A chances égales.
M. Goulet: ...à chances égales.
Le Président (M. Clair): Le député de
Berthier.
M. Mercier: Les questions que j'aurais à poser concernant
plutôt les éléments 2 et 4. Je ne sais pas si...
M. Giasson: Oui, allez-y.
Contrôle de l'utilisation de la
forêt.
M. Mercier: Cela va? Au sujet de l'élément 2,
Contrôle de l'utilisation, dans ma région, j'ai beaucoup de
plaintes de gens quant à la façon dont la forêt est
exploitée par les "timberjacks". On dit que cela crée des
dommages extrêmement sérieux à la forêt. Est-ce que
le ministère est préoccupé par cette donnée?
M. Giasson: Les méthodes modernes.
M. Mercier: Oui, par ces méthodes modernes d'exploitation
de la forêt?
Deuxièmement, il y a un élément directement
relié à cela. La compagnie Consolidated-Bathurst de ma
région a vendu aux exploitants ces fameux "timberjacks" qui sont
rentables sur une base d'utilisation de plusieurs mois. Les gens se sont
retrouvés avec des contrats simplement pour une période de deux
ou trois mois parce qu'il n'y avait pas suffisamment de demande. Ils sont pris
avec des paiements considérables sur cette machinerie extrêmement
coûteuse et, d'autre part, ils ne sont pas admissibles à
l'assurance-chômage. Donc, ils se trouvent dans une situation
extrêmement difficile.
M. Bérubé: A votre première question, il
faudrait répondre que les "timberjacks", effectivement, brisent le
paysage d'une façon momentanée dans le sens que cela amène
énormément de bouleversement du terrain où les
opérations ont lieu. Effectivement, ce bouleversement, selon les
conditions du sol et surtout les conditions de drainage, a souvent pour effet
de favoriser la venue d'une régénération plus
hâtive.
Quand à la deuxième question sur le mode de
propriété des machines, le ministère, à ma
connaissance, n'est jamais intervenu dans ce domaine. Je ne suis pas sûr
que ce soit de notre ressort d'intervenir dans ce domaine.
M. Mercier: Cela crée quand même un problème
social assez considérable. Bien sûr, si ce n'est pas directement
dans le cadre de vos préoccupations, sauf que pour ceux qui sont pris
avec ce problème, c'est...
M. Bérubé: Effectivement, c'est une pratique
courante dans l'industrie, je pense. On pourrait ajouter qu'effectivement la
façon dont les forêts publiques sont exploitées est une
préoccupation constante du ministère. On en tient compte
continuellement lorsque nous examinons et évaluons les plans
d'aménagement et les plans d'exploitation faits par les
concessionnaires, les permissionnaires ou les industriels.
Le débat sur les effets des différentes pratiques
d'exploitation sont d'ordre économique, écologique et,
évidemment, technique. Il y a plusieurs versions qui circulent
actuellement à savoir que la venue de la grosse machinerie en
forêt met en danger le système écologique et fait des
dommages au sol, etc. Il ne faut pas oublier, d'autre part, qu'un des
traitements sylvicoles ou qu'une des actions que nous retrouvons facilement en
forêt, à la suite ou non d'exploitations forestières, ce
sont les opérations de reforestation qui, très souvent, sont
précédées de méthodes de scarification alors qu'on
amène de la machinerie justement pour préparer le sol à
recevoir des plantations. Il y a certaines personnes qui se demandent si les
"timberjacks", par exemple, ne font pas une double opération:
l'exploitation, d'une part, et la scarification, d'autre part.
Alors, le débat est ouvert et des spécialistes de
différents milieux, particulièrement ceux de notre
ministère se penchent, depuis quelques années, sur cette
question. Nous avons une préoccupation constante de ce
côté.
M. Mercier: Oui, autre question également. Pourriez-vous
m'expliquer en fonction de quels principes vous établissez vos
programmes d'allocation des feuillus dans les régions,
c'est-à-dire cette question des feuillus qu'utilisent plus facilement
les petites scieries et des résineux que...
M. Bérubé: Disons que le plan d'allocation des
feuillus c'est une expression consacrée chez nous c'est
une institution qui remonte aux années 1967, alors qu'on a
constaté que la quantité de bois feuillu disponible et
susceptible d'être ouvré au Québec diminuait d'année
en année et qu'il fallait prévoir même, à toutes
fins pratiques, une extinction. Les gouvernements, depuis ce temps, ont cru bon
de réglementer la quantité de bois feuillu qui pouvait être
utilisé sur une base annuelle et ont procédé à une
distribution aux différents utilisateurs.
La distribution se fait, règle générale, à
partir de la capacité de production des usines installées,
également à partir du degré de transformation plus ou
moins poussée de chacune de ces usines. Compte tenu de ces deux
facteurs, règle générale, les bois sont attribués
après négociation avec les utilisateurs.
M. Mercier: Enfin, vous êtes conscient que, dans une usine
où il y a une surcapacité de sciage c'est le cas pour les
petites usines par rapport au montant de feuillus disponible, cette
allocation peut faire en sorte que l'entreprise disparaisse et qu'une autre ait
de l'expansion. L'allocation est quand même quelque chose de
délicat.
M. Bérubé: On pourrait ajouter, à la suite
des remarques précédentes, comme on vient de le mentionner, que
malheureusement nous en sommes à une phase de liquidation,
jusqu'à un certain point, des feuillus. Il y a une capacité
installée au Québec de quelque 52 millions de p.m.p. Alors, les
usines qui oeuvrent dans le domaine des feuillus ont une capacité
installée de quelque 50 millions ou 52 millions de p.m.p. Le volume
disponible est de 28 millions de p.m.p. Alors, vous voyez immédiatement
le dilemme de la distribution de ce volume qui est la moitié moindre
à peu près que ce que les usines voudraient avoir pour continuer
à vivre.
Alors, premièrement, nous sommes sur une base de liquidation.
Donc, il y a un problème sérieux. Il y a des industriels ou des
industries qui sont appelés à disparaître,
évidemment. Les différents critères mentionnés tout
à l'heure sont évalués sérieusement au
ministère, dans cette distribution du volume à traiter
annuellement.
M. Mercier: D'accord.
Le Président (M. Clair): Le député de Robert
Baldwin.
M. O'Gallagher: M. le Président, j'aurais une question.
Cette hésitation de la part de l'industrie privée à
réinvestir dans notre plus grande industrie n'est-elle pas causée
par le climat politique instable, la menace de séparation, un nouveau
régime politique et même un nouveau système
monétaire qui est étranger vraiment à l'Amérique du
Nord?
M. Bérubé: Je répondrai à cela que,
sous l'administration antérieure, à titre d'exemple, jamais
auparavant une entreprise privée n'avait accepté de s'associer au
gouvernement dans un programme de développement économique. Je
soulignerai au député de Robert Baldwin que c'est à titre
de ministre des Richesses naturelles que j'ai négocié avec la
Société Noranda. Justement, la participation de Noranda à
un programme gouvernemental d'exploration. En d'autres termes, je vous dirai
que l'attitude de l'entreprise privée dépend beaucoup plus du
dynamisme dont fait montre son interlocuteur gouvernemental que des
problèmes dont vous parlez, d'incertitude ou autres.
Je sais que, de ce temps-ci, il y a énormément de
sièges sociaux qui quittent le Québec. Paraît-il qu'il en
est sorti 91 dans quatre mois et que c'est une catastrophe pour le
Québec, évidemment catastrophe qui n'a pu être
observée par la société Bell Canada puisque, semble-t-il,
très peu avaient le téléphone. Vous savez, ce climat
d'incertitude sur lequel vous revenez continuellement, sur lequel vous
insistez...
M. O'Gallagher: C'était dans le cas de CPR.
M. Bérubé: Laissez-moi vous répondre. Ce
climat d'incertitude, c'est vous qui le créez. C'est par vos
interventions continuelles, par les interventions de l'Opposition qui parle
d'un climat d'incertitude que, finalement, tout le monde se dit: Puisque tout
le monde parle d'un climat d'incertitude, il doit y en avoir un. Ce que je
trouve bizarre, c'est que, ayant rencontré le président de la
société Noranda, qui investit présentement au Chili, qui
investit partout, l'ayant rencontré, lui ayant expliqué la
situation dans le secteur de l'exploration et estimant que sa compagnie devrait
s'engager, j'ai dit qu'il serait normal qu'il s'associe avec nous. Il a fallu
moins de dix jours pour que cette société nous dise: On pense que
cela a du bon sens, on est prêt à s'associer. On pense qu'avec le
jeu que vous définissez, même si c'est différent de ce
qu'on a connu antérieurement, nous sommes susceptibles de justifier nos
investissements, par conséquent nous nous engageons.
Donc, je vous dirai que ce climat d'incertitude était beaucoup
plus grand sous l'ancien régime puisque, évidemment, l'ancien
régime manquant peut-être un peu d'épine dorsale, on ne
savait jamais trop de quel côté il allait se tourner, tandis
qu'avec le nouveau gouvernement, on sait où nous allons et le climat
d'incertitude disparaît.
M. O'Gallagher: Justement, le CPR hésite en ce moment
à investir $120 millions à Montréal
pour reconstruire son siège social. Vous trouvez votre climat
très calme. Je pense que c'est surtout le gouvernement qui influence les
investisseurs et non pas l'Opposition.
Le Président (M. Clair): Le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur
une question que j'avais posée au ministre en Chambre, et à
laquelle il a donné une réponse par écrit hier, concernant
le problème qui prévaut actuellement dans la région de
Senne-terre. Je pense que le ministre me fait signe de la tête qu'il est
au courant de la situation. J'avais soulevé la question, le 13 avril
dernier, pour la première fois à l'Assemblée nationale, en
demandant au ministre s'il était au courant du problème, d'abord,
s'il était au courant aussi que l'Association des travailleurs de la
région de Senneterre était à mettre au point une
étude de rentabilité de l'exploitation sur place, une usine de
pin blanc. Le ministre m'avait répondu ceci: "Non, je n'ai pas eu
d'arrêté en conseil parce que je lui avais demandé
s'il y avait eu un arrêté en conseil de passé à ce
sujetconcernant l'approvisionnement en bois pour l'usine de Senneterre,
d'une part. Quand à l'ATSEN, je connais vaguement le dossier, mais il ne
m'a pas encore été soumis". Le ministre m'avait dit qu'il me
répondrait le lendemain et le lendemain était hier.
J'aimerais que le ministre puisse faire le point maintenant. Je sais
qu'il a révisé le dossier depuis ce temps-là. Je comprends
qu'il a fallu un certain temps pour le faire aussi, d'ailleurs je ne lui en
tiens pas rigueur, mais j'aimerais que le ministre nous fasse le point sur la
situation, la décision prise aussi, et peut-être nous donner
quelques informations sur les dates des arrêtés en conseil en
question accordant, comme il a été dit dans le communiqué
qu'il nous a remis, une garantie en faveur des Produits forestiers Dufresne
Inc. Est-ce que le ministre pourrait nous donner ces quelques indications?
J'aurai peut-être d'autres questions par la suite.
M. Bérubé: Oui, il appert que certaines questions
peuvent recevoir des réponses assez rapidement et d'autres fois c'est
plus difficile quand la situation est en évolution. Je ne vous cacherai
pas qu'en rentrant à mon bureau le soir, j'ai découvert que
justement l'ATSEN était en discussion à mon bureau, et que, par
conséquent, la situation était en évolution à ce
moment-là.
C'est toujours plus difficile de répondre de façon
définitive quand la situation est mouvante. Il semble que
l'arrêté en conseil dont on parle, donnant une garantie
d'approvisionnement dans la forêt Decelles à la
société, je crois que c'est...
M. Brochu: Le groupe Cossette.
M. Bérubé: Le groupe Cossette, je crois. C'est
cela, les Produits forestiers Dufresne, c'est le groupe Cossette. Ceci date du
mois de décembre, c'est-à-dire qu'il s'agissait de
négociations qui avaient eu cours sous l'ancienne administration, et
l'arrêté en conseil nous attendait quand nous sommes
arrivés au gouvernement. Cela explique la raison pour laquelle je ne
m'en souvenais que vaguement. En fait, nous n'avons pas remis en question
toutes les négociations antérieures et nous avons tout
simplement, au Conseil des ministres, tenu pour acquis que le travail avait
été bien fait et nous avons donc entériné d'une
façon générale les décisions
antérieures.
Par conséquent, donc, c'est le 22 novembre ou le 22
décembre, donc immédiatement après que nous ayons pris le
pouvoir, d'une part.
M. Brochu: Pour aller plus loin, je pense que le premier
arrêté en conseil a été signé le 29 novembre
1976, ce qui confirme un peu ce que le ministre dit, dans le sens que cela a
peut-être été commencé sous l'ancienne
administration et ratifié ensuite pas votre gouvernement.
M. Bérubé: Lorsque vous m'avez posé la
question en Chambre, effectivement le lendemain matin, suite à
l'arrêté en conseil et aux négociations et à la
préparation des contrats, en date du 22 décembre.
M. Brochu: En date du 22 décembre. M.
Bérubé: En date du 22 décembre.
M. Brochu: Est-ce l'arrêté en conseil qui porte le
numéro 4381?
M. Bérubé: Oui, c'est bien cela.
M. Brochu: Y a-t-il eu un autre arrêté en conseil en
date du 29 novembre 1976 accordant en principe la faveur au groupe Cossette en
ce qui concerne l'exploitation? Est-ce qu'on pourrait vérifier s'il y a
eu un autre arrêté en conseil datant du 29 novembre 1976
concernant le même problème de la région de Senneterre, la
question de l'approvisionnement?
M. Bérubé: Nous allons vérifier. M.
Brochu: D'accord.
M. Bérubé: Mais nous n'avons pas les
éléments en main pour répondre.
M. Brochu: Le ministre pourrait-il nous répondre plus tard
à ce sujet?
M. Bérubé: Oui, nous allons vérifier.
M. Brochu: J'aimerais demander au ministre quelque chose. Dans le
dossier en question, le ministre a mentionné tout à l'heure que
son gouvernement avait ratifié ce qui avait été
commencé par l'ancienne administration. Avant de ratifier, le ministre
s'est-il impliqué dans le dossier et, si oui, de quelle façon et
jusqu'à quel point est-il inter-
venu pour réévaluer cette situation et les groupes en
cause également?
M. Bérubé: Donc, si je reprends essentiellement ce
que j'allais vous dire, c'est qu'en arrivant nous n'avons pas remis en question
des décisions administratives. Nous avons donc accepté de
ratifier un nombre de décisions en les estimant sans doute
justifiées. Nous nous contentions d'examiner si quelque chose semblait
carrément anormal. Or, au moment, donc au mois de décembre, ATSEN
n'était pas encore entré dans le décor. Ce qui
était en discussion à l'époque était un
problème tout autre, c'était la décision à prendre
sur une garantie d'approvisionnement aux usines qui allaient remplacer Paradis
et Fils dans la région de Senneterre. C'était donc, à ce
moment-là, de savoir si nous allions donner une garantie
d'approvisionnement au groupe de Normick-Perron et au groupe de Barrette et
Saucier plutôt qu'à un regroupement populaire à former.
C'était donc le problème que nous avions à affronter et
j'ai eu une décision à prendre sur le sujet.
Quant au projet de Cossette, il n'y avait à ce moment-là
aucune remise en question de quelque regroupement que ce soit. Ce n'est
qu'après coup que le groupe de l'ATSEN, ayant réfléchi au
problème, a décidé de se tourner du côté d'un
approvisionnement en pin. Ayant appris qu'il y avait justement en
négociation un plan d'approvisionnement en pin gris pour le groupe de
Cossette, ils sont intervenus la journée même où vous
m'avez posé cette question en Chambre. Nous avons donc regardé,
en particulier en prévision du contrat à signer le lendemain,
dans quelle mesure nous pouvions intervenir. Il s'est avéré
effectivement d'ailleurs c'est ce qui confirme la raison que je vous ai
donnée que dans la région de Senneterre il n'existe pas
d'approvisionnement en pin gris pour justifier une exploitation. Il y en aurait
au contraire dans l'autre unité d'aménagement et il y aurait eu
à ce moment-là possibilité d'approvisionnement en pin
blanc, ce pin blanc étant dirigé vers l'usine de Cossette. Je me
mélange encore dans les espèces, excusez-moi.
M. Brochu: II y en a beaucoup aussi.
M. Bérubé: Par conséquent, ce que nous avons
pris garde de garantir, c'est que, compte tenu du très faible
approvisionnement en pin, nous avons insisté pour que le pin de la
région de Val-d'Or, dans leur unité d'aménagement, aille
à une usine existante et non à une nouvelle usine. Nous estimons
illogique de permettre la construction d'une nouvelle usine pour scier du pin
pour un approvisionnement que nous prévoyons ne pas devoir perdurer.
Donc, dans le contrat avec Cossette nous avons une clause qui exige que le pin
coupé dans cette unité d'aménagement approvisionne une
usine existante et non une nouvelle usine. Nous avons dû pour la
même raison signifier au groupe de l'ATSEN que, même si d'une part
nous sommes très favorables aux coopératives, d'autre part nous
devions tenir compte de l'appro- visionnement en pin pour ne pas justifier la
création d'une nouvelle usine.
M. Brochu: M. le Président, je voudrais revenir un peu sur
la question qui était en discussion par rapport aux coopératives
et à la participation gouvernementale tantôt. En ce qui concerne
l'usine des entreprises Cossette, de Val-d'Or, il semble, du moins
d'après les informations qui sont disponibles actuellement, que la
transformation de ce pin blanc se ferait à Val-d'Or et que
l'installation se ferait probablement dans le parc industriel de Val-d'Or,
d'une part. Maintenant, ce qui existe actuellement comme bâtisse ou comme
usine pour la transformation du pin blanc, c'est, à toutes fins
pratiques, une vieille scierie qui ne sert actuellement aucunement pour
l'usinage du pin blanc mais simplement pour le planage du bois.
Quant à la question de l'argumentation à savoir si on doit
utiliser une usine déjà existante qui peut continuer de
fonctionner, je pense qu'à ce moment il faudrait peut-être
réviser la situation et revoir ce qu'il en est exactement, parce que si
c'est bien ce que je vous dis actuellement, à savoir qu'il s'agit d'une
vieille bâtisse, il faudra, de toute façon, reconstruire
également, moderniser l'équipement pour faire cette
transformation, ce qui, comme argument de poids, n'aurait plus la même
valeur pour les travailleurs de l'association de Senneterre.
M. Bérubé: Oui, je suis au courant. Cela ne fait
aucun doute. D'ailleurs, je soulignerai que c'est largement à la suite
de votre intervention en Chambre que nous avons insisté pour qu'au moins
ce pin aille dans une usine existante et non pour la construction d'une
nouvelle usine. Il ne fait aucun doute qu'effectivement, dans l'usine en
question, il devra y avoir des transformations pour lui permettre d'effectuer
le sciage en question. Il reste tout de même qu'il ne s'agit pas d'une
nouvelle usine rebâtie à partir de zéro; il s'agit
simplement de continuer à faire vivre une usine.
M. Brochu: Je comprends, mais lorsqu'on parle de la structure de
la bâtisse, apparemment, c'est à reconstruire complètement
parce que c'était tout simplement une vieille usine de planage, l'usine
en question. C'est-à-dire qu'il y a là une usine existante qui a
déjà fonctionné en ce qui concerne la transformation du
pin blanc. Par contre, depuis quelques années, il ne se fait aucune
transformation de pin blanc à cette usine. Ce que je veux dire, c'est
que l'argument, à toutes fins pratiques, ne vaut pratiquement pas parce
que rééquiper une vieille usine qui tombe peut-être en
désuétude, ou qui, n'est pas affectée au but auquel on la
destine, ou reconstruire une autre usine à quelques milles de distance,
c'est la même chose au fond. Ce que je voulais dire par là, c'est
que le fait d'utiliser une installation existante a très peu de poids
parce que si l'usine tombe en désuétude, n'est pas
utilisée à ces fins et n'est plus équipée pour
cela, à ce moment, on ne peut pas prendre la décision de donner
la concession
d'approvisionnement en pin blanc à une organisation sous
prétexte qu'elle a déjà l'équipement
nécessaire alors que ce n'est pas tout à fait le cas.
M. Bérubé: II s'agit en fait d'une remise en
état de fonctionnement d'une usine pour le moins vieillotte. Au cours
des négociations, l'industriel a manifesté le désir ferme
de remettre cette usine en fonctionnement et, au ministère, il a
semblé que cette remise en état de fonctionnement
s'avérait la solution la moins coûteuse pour usiner le pin blanc
qui restait à être usiné parce que, effectivement,
dès l'octroi d'un contrat d'approvisionnement en faveur des Produits
forestiers Dufresne, on était déjà conscient que la
quantité de pin blanc disponible ne pouvait pas supporter des
investissements très élevés. Effectivement, je pense que
la remise en état va en être une très sommaire et avec le
moins d'investissements possibles parce que la quantité de pin blanc ne
pourra pas justifier un investissement très élevé.
M. Brochu: Mais il semblait, du moins dans la proposition qui
avait été faite par l'association en question, qu'il aurait pu y
avoir une exploitation conjointe des différentes essences dans le projet
qui avait été soumis. Pour peut-être clarifier la
situation, je me réfère ici à un document qui avait
été présenté au gouvernement décrivant un
petit peu la situation là-bas et la nature du projet de l'Association
des travailleurs de Senneterre. Je cite: "Depuis trois ans, nous travaillons
sur l'étude de l'implantation d'une usine de transformation de bois de
pin blanc dans notre région de Senneterre. Après la destruction
par le feu de l'usine de Victoria Pine, filiale de Paradis et Fils,
située à quelque 35 milles de Senneterre, quelques anciens
actionnaires et des citoyens de Senneterre sont venus très près
de réaliser la reconstruction de ladite usine à Senneterre.
Le projet fut suspendu, c'est-à-dire sa réalisation, parce
que l'actionnaire majoritaire a décidé d'investir à la
construction d'une usine à Cha-pais." Cet élément est
intervenu dans le dossier. "Si le fiasco administratif de Paradis et Fils
n'était pas survenu, nous croyons que la compagnie Victoria se serait
reconstruite à Senneterre. Il est très malheureux que
l'étude faite par ladite compagnie sur la rentabilité de la
réimplantation de Victoria Pine à Senneterre ait demeuré
parmi les dossiers de cette compagnie." Donc, il y avait une amorce faite, par
la compagnie concernant la rentabilité de la construction
éventuelle d'une usine sur place.
Je continue le texte maintenant: "M. le ministre, nous faisons une
demande d'aide officielle à votre gouvernement afin d'obtenir l'aide
nécessaire pour compléter une étude de rentabilité
sur l'implantation d'une telle usine à Senneterre et, en même
temps, retenir l'approvisionnement nécessaire à l'alimentation de
ladite usine. Nous connaissons la forêt qui pourrait donner un tel
approvisionnement. Nous connaissons la topographie de ces lieux, nous en
connaissons la qualité et le rendement. Nous estimons que cette partie
de la forêt contient 220 millions à 250 millions de p.m.p.
facilement récupérables, donnant un approvisionnement d'environ
20 années." Ici, j'ouvre une parenthèse simplement pour
mentionner que le document qui nous a été remis par le ministre
disait environ dix années hier, je pense. Il y a peut-être une
petite différence. Je continue: "De plus, à Senneterre, nous
avons les administrateurs compétents, etc." On donne les qualités
qui sont invoquées pour la réalisation du projet.
"Réaliser ce projet redonnera une stabilité à notre
économie et aura un effet bienfaisant sur notre situation sociale
très affectée présentement. Nous croyons
sincèrement, M. le ministre, que ce projet est plus réaliste que
celui que nous proposions." Il y avait une autre étude qui avait
été faite. "Les études préliminaires nous proposent
de réaliser ce projet, c'est-à-dire la construction d'une usine,
l'installation et l'achat d'équipement et des dépendances pour un
montant d'environ $360 000, créant annuellement 115 emplois."
Je rappelle seulement que l'Association des travailleurs de Senneterre
avait demandé, à ce moment, une collaboration de l'Etat non pas
d'abord pour investir dans le projet comme tel, mais pour compléter la
fameuse étude en question. Apparemment, le relevé des valeurs
récupérables en matière ligneuse dans la région ne
serait peut-être pas exhaustif ou fait de façon souhaitable ou
comme on pourrait l'espérer.
Cette étude, il semble qu'elle ait été
complètement mise de côté ou la participation à
l'étude demandée, qui serait d'un montant d'environ $25 000.
Est-ce que le ministre en a été informé suite aux
questions que j'ai posées en Chambre? Deuxièmement, est-ce que le
ministre serait prêt à reconsidérer, non pas sa
participation financière au projet comme tel, mais peut-être une
étude de rentabilité de l'implantation d'une telle usine sur
place, à Senneterre?
M. Bérubé: Une petite remarque en passant. Une des
raisons invoquées par la population fut d'exiger que les garanties
d'approvisionnement aux usines de Paradis et Fils, Nottaway et autres soient
soumises à des conditions d'usinage dans la ville. Donc, cette
condition, le ministère a insisté pour qu'elle soit
respectée. Cela veut dire que, quand nous avons émis notre
garantie d'approvisionnement, nous avons exigé que le bois je
pense qu'il vient de la forêt de Mégiscane, c'est-à-dire
celle de Senneterre soit usiné à Senneterre. Ce que nous
demandait l'ATSEN présentement, c'était, en fait, de prendre du
bois de l'unité d'aménagement Decelles donc relevant de Val-d'Or,
et de l'expédier à Senneterre justement pour traitement.
En d'autres termes, ils nous demandaient de faire exactement l'inverse
de ce qu'ils avaient exigé dans le cas de notre intervention à
Senneterre. Souvent, cela pose un réel problème, soit celui de
prendre du bois relevant d'une unité d'aménagement, donc, d'une
municipalité, et de l'expédier dans une autre
municipalité. Je pense que c'est peut-être un argument pour
hésiter à favoriser l'expédition du pin blanc de la
région de Val-d'Or du côté de Senneterre pour
traitement.
Quant au projet, effectivement, il nous a été
soumis, au moment où la question nous a été
posée. Je pense que, présentement, ce doit être
l'administrateur régional qui a le problème en main. Il nous a
été soumis à notre cabinet et nous avons demandé
une opinion justement sur la possibilité, préliminaire au moins,
d'une telle étude de rentabilité. Je pense qu'il y a toujours un
problème d'approvisionnement en bois; comme vous le constatez, c'est
souvent un problème. Si nos administrateurs régionaux nous disent
qu'il n'y a pas d'approvisionnement en bois, par exemple, en pin blanc, dans la
forêt Mégiscane, à ce moment, je pense que ce n'est pas
tellement la peine de poursuivre plus avant l'étude de
rentabilité de l'usine comme telle, puisque je pense que cela parle de
soi.
M. Brochu: Mais ce qui arrive, c'est que Victoria Pine a quand
même toujours exploité dans De-celles.
Mais l'argument que le ministre nous donne ici, si je comprends bien,
c'est que c'est surtout un problème de territoires, entre
municipalités. Vous n'avez pas pris votre décision surtout sur la
rentabilité ou la non-rentabilité du projet, mais sur le fait que
cela semblait causer, du moins selon ce que vous dites, un conflit de
juridictions entre les municipalités, dans le sens que, le territoire
relevant de Val-d'Or, à ce moment, il était, d'après le
raisonnement que vous faites, logique de continuer dans ce sens de
régionalisation.
M. Bérubé: Voici les deux paramètres dont on
a tenu compte; d'une part, on a tenu compte de la quantité totale de pin
disponible et, d'autre part, du fait que ce pin était situé dans
l'unité d'aménagement de Decelles, donc dans la région de
Val-d'Or, et non pas dans l'unité d'aménagement de
Mégiscane, dans le région de Senneterre. Ce sont les deux
facteurs dont on a tenu compte.
M. Brochu: Est-ce que le ministre, dans ce qu'il a dit, est
prêt, du moins, à envisager la possibilité de cette
étude, à vérifier l'étude de rentabilité
dont il a été question?
M. Bérubé: On me souligne que dans la région
de la forêt de Decelles trois usines peuvent couper de 20 millions
à 25 millions p.m.p., pour une forêt potentiellement capable de
fournir 200 millions de p.m.p., c'est-à-dire qu'il y en a pour une
durée d'au plus dix ans dans la forêt de Decelles. Donc, il y a un
problème d'approvisionnement en bois. Du côté de
Mégiscane, je n'ai pas les chiffres.
M. Brochu: C'est que le pin blanc est absent de la région
de Mégiscane.
M. Bérubé: Ils n'ont sûrement pas de pin
blanc.
M. Brochu: Est-ce que le ministre serait prêt, quand
même, à faire cette étude pour le vérifier? Ce
serait peut-être dans le sens...
M. Bérubé: Ce que nous sommes en train de faire,
c'est de regarder l'approvisionnement en bois avant de toucher, comme tel,
à l'étude de rentabilité.
M. Brochu: On parle toujours de la même chose, de
l'étude de rentabilité qu'ATSEN avait proposé de
faire?
M. Bérubé: Oui.
M. Brochu: D'accord. Le gouvernement pourrait participer
éventuellement financièrement à cette étude?
M. Bérubé: Oui, s'il y avait du bois.
M. Brochu: Cela ferait peut-être un peu le contrepoids
à ce qui est arrivé historiquement dans ce dossier, parce qu'il
semble que, depuis 1972, l'étude est faite dans un certain sens; cela a
été, évidemment, dans le sens de remettre aux entreprises
Cossette l'exloitation de ces richesses.
Je pense que c'est en 1972 que Dumont, Blais & McNeil ont fait
l'étude, apparemment, mais, selon les gens du coin, cela n'aurait pas
"marché", comme on le dit dans le langage du métier. C'est un peu
dans ce sens aussi que cela ferait peut-être le contrepoids à la
démarche qui a été suivie, depuis 1972, par l'ancienne
administration et qui semble être continuée par la nouvelle
administration. Si ma mémoire est bonne, je pense, d'ailleurs, que c'est
M. Houde, l'ancien député de la région, qui avait
piloté le projet. Il est devenu, à un moment donné, chef
de cabinet du ministre des Terres et Forêts, M. Drummond, et il est
actuellement à l'emploi de la firme Cossette. Disons que l'étude
s'est faite dans ce sens, depuis 1972, et il semblerait que la décision
était en bonne voie de réalisation depuis cette époque
glorieuse.
Maintenant, ce qui me fait dire qu'il y a eu une continuité,
c'est que le ministre a simplement entériné ce qui avait
déjà été fait. Il y a quand même tout un
historique à la situation. C'est dans ce sens que je posais la question:
Est-ce que le ministre serait prêt à faire cette étude,
peut-être, pour faire le contrepoids à une situation sur laquelle
on peut peut-être se poser certaines questions? Cela apporterait
peut-être en même temps certaines lumières.
M. Bérubé: Est-ce qu'on pourrait mentionner,
puisqu'on mentionne Cossette, que ce qui intéresse cet industriel,
compte tenu des investissements qui ont été faits et des
différentes usines où il a des participations on pense aux
usines de contre-plaqué, Bel, ainsi de suite c'est un volume de
bois. Le pin blanc comme tel ne l'intéresse pas du tout. Il
préférerait que le volume de bois qui lui a été
garanti par le ministère en vue des investissements qu'il a faits
là-bas, se traduise par des volumes d'épinette, de pin gris,
particulièrement. Cela irait plus dans sa ligne d'orientation.
Le volume global, cependant, comme on l'a mentionné tout à
l'heure, est limité. Le bois n'est
pas disponible autant que tout le monde voudrait en avoir. Ce qui est
arrivé dans les négociations, c'est que nous avons l'impression,
actuellement, que le pin blanc n'est pas en volume suffisant pour motiver un
investissement spécifique pour une usine qui traiterait cette essence,
car nous sommes sur une base de liquidation, comme cela a été
mentionné tout à l'heure. Nous sommes en train de
réévaluer cela, pour être bien certain que c'est le cas.
S'il s'avérait qu'il y a suffisamment de pin blanc pour que cela
devienne rentable au point de vue de la transformation comme telle, il est
évident que cela pourrait être remodifié,
réévalué.
Cependant, compte tenu du volume limité qui est disponible, et
que pour l'instant nous croyons qu'il n'y a pas suffisamment de volume en pin
blanc pour motiver un investissement propre, c'est le ministère
même qui a imposé à l'industriel que dans son volume il y
ait une partie de pin blanc pour éviter que le pin blanc soit
laissé sur place et soit perdu. L'industriel n'aurait aucune objection,
au contraire; nous avons déjà pris cette précaution
auprès de lui. Si jamais il y avait assez de volume en pin blanc pour sa
transformation et en d'autres essences pour remplacer cette partie du volume,
il n'y aurait aucune objection à réviser l'entente avec nous.
C'est une imposition du ministère des Terres et Forêts pour
éviter une perte d'une essence particulière.
M. Brochu: C'est dans ce sens-là que dans
l'arrêté en conseil il est prévu que si l'industriel ne
peut pas s'approvisionner des 15 000 cunits en pin blanc, à ce
moment-là, il peut suppléer par de l'épinette pour remplir
le quota, si on peut dire.
M. Bérubé: Exactement. Une étude de
rentabilité sur une usine, le ministère, comme cela a
été mentionné précédemment, serait favorable
à y participer, mais la première opération est de voir
s'il y a assez de bois pour que cela vaille la peine de penser même
à une usine. C'est ce que nous sommes en train de
réévaluer, compte tenu des objections et des suggestions qui ont
été faites au ministre récemment.
Chaque fois qu'il y a un problème de pénurie
d'approvisionnement dans une région, je pense qu'il est assez normal que
le ministère soit réticent à fovoriser l'implantation de
nouvelles industries. Je pense qu'il ne faut pas que notre grand désir
de contrer le chômage se traduise par la fermeture rapide de toutes les
industries de sciage que nous avons au Québec. Déjà,
présentement au Québec, nous avons des capacités de sciage
qui excèdent, dans le facteur 2, les possibilités de la
forêt. Par conséquent, c'est un problème réel
à l'échelle du Québec. D'une façon
générale, il faut s'attendre que le ministère soit
réticent face à l'ouverture de nouvelles usines, sauf,
évidemment, dans les régions précises où il y
aurait l'approvisionnement nécessaire.
M. Brochu: C'est sûr qu'il faut tenir compte de
différents facteurs et il faut nuancer une décision de cette
importance. Par contre, je voulais attirer l'attention du ministre sur ces
données et peut-être lui demander de pousser la
vérification plus loin en ce qui concerne cette étude. Si,
après vérification, cela ne s'avère vraiment pas possible,
à ce moment-là, la décision pourrait être
entérinée. Mais, si l'étude qui a été
demandée par cette association révélait qu'il y a vraiment
des possibilités, le ministre peut, à ce moment-là,
l'évaluer.
Le Président (M. Clair): Le député de
Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Merci, M. le Président. Je voudrais savoir l'orientation du
ministre et de son ministère sur le fait qu'on accorde des permis de
coupe de bois. Serait-il possible, dans un comté comme le mien, par
exemple, ou dans une région donnée, de savoir qu'il y a tant de
scieries et qu'on donne tant de permis de coupe de bois annuellement? Surtout
quand on sait qu'au Témiscouata l'industrie première est la
forêt. Vous avez l'usine de Gué-rette, à Dégelis;
présentement, on fait une étude pour voir comment cela pourrait
coûter de déplacer leur scierie au Nouveau-Brunswick. Son permis
de coupe est sur le point de se terminer, il ne reste qu'un an ou deux, je
crois, à 18 millions de p.m.p. par année.
J'aimerais savoir s'il est possible de nous dire combien on peut scier
dans un comté ou si ce sont, d'une façon globale, les
capacités de coupe de bois qu'on peut attribuer dans un comté
comme le mien.
Ou encore, comme vous le disiez tout à l'heure, ne pas laisser
implanter, d'autres usines comme c'est arrivé à
Pohénégamook, où on implante une autre usine quand il y en
a de fermées et qu'on voit des scieries comme Guérette qui
emploient 350 personnes à l'année dont on peut dire que si elles
disparaissent d'ici un an ou deux, pour la ville de Dégelis, cela va
être une catastrophe parce que l'industrie première c'est la
scierie.
M. Bérubé: Dans le but d'aider justement les
députés dans les comtés où la forêt
représente une ressource importante, j'ai demandé que l'on fasse
imprimer des cartes qui sont préparées présentement par le
groupe consultants COGEF. Ce sont des cartes en couleur qui nous montrent
l'utilisation de la forêt, la surutilisation ou la sous-utilisation de la
forêt, et l'original est prêt. On travaille présentement au
processus d'impression pour être capable de rendre toutes ces
différentes teintes et je pense qu'on pourra mettre ces cartes à
la disposition des députés des comtés où la
forêt joue un rôle, et là ils auront une idée du
potentiel qu'offre la forêt. D'après ce que je comprends
maintenant du problème, il semble d'opinion assez
généralisée dans tous les villages où je suis
passé que du bois, il y en a. Cependant, chaque fois que je rencontre
les fonctionnaires de mon ministère, on me dit: Ecoutez, il y en a, mais
il est donné en garantie. En d'autres termes, il faut quand même
calculer qu'une usine doit fonction-
ner sur un certain nombre d'années. Effectivement, il y a du
bois, mais s'il est coupé dans cinq ans, ce bois n'est pas disponible
présentement.
Donc, il semble, je pense, assez répandue au Québec que du
bois, il y en a et que par conséquent on peut construire à
l'infini des usines. Or, l'opinion unanime au ministère, c'est que dans
un grand nombre de régions au Québec, présentement, nous
avons des problèmes d'approvisionnement, mais il y a des régions
où, au contraire, on pourrait quand même justifier l'implantation
de nouvelles usines. C'est donc pour permettre aux députés de
répondre aux interrogations qui leur viennent sans doute de gens de leur
municipalité, pour leur permettre de répondre aux questions que
je compte mettre à leur disposition ces cartes qui vont leur permettre
de juger d'un coup d'oeil si, d'une façon générale, les
demandes qui leur viennent sant doute d'à peu près toutes les
municipalités de leur comté, sont justifiées ou non.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Est-ce sur le point de sortir?
M. Bérubé: Oui, dans quelques semaines.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Dans quelques semaines on va les avoir. Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Clair): Le député de
Berthier.
M. Bérubé: M. le Président, je voudrais
apporter une correction à un chiffre qui a été
donné tout à l'heure quant au volume de bois feuillu mis en
disponibilité via le plan d'allocation. On a dit tout à l'heure
que c'était 28 millions de p.m.p. qui étaient mis sur le
marché pour une possibilité d'usinage de 52 millions. Il s'agit
là du chiffre pour les bois de déroulage seulement. Le volume
total des bois-feuillus mis sur le marché est de 140 millions de
p.m.p.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Berthier.
M. Mercier: A l'élément 4 on constate que le budget
du gouvernement du Québec pour 1976 est de $4 000 095...
M. Bérubé: II s'agit de 4.4. Je me demande si
l'ensemble des députés serait d'accord pour adopter certains
éléments avant de se rendre au 4.4?
Le Président (M. Clair): On pourrait peut-être
appeler le...
M. Giasson: Nous n'avons pas analysé encore en profondeur
la situation de toute l'industrie du sciage au Québec. Si on adopte tous
les éléments précédant le 4.4, après on nous
dira... Bien, il fallait en discuter à ce moment-là.
M. Bérubé: A ce moment-là il faudrait
peut-être...
M. Giasson: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on passe sur
les éléments 1, 2, 3, si le député de Berthier a
des propos à tenir sur l'élément 4.
M. Bérubé: II me semble qu'il est
préférable de s'en tenir peut-être à chaque
élément de programme. Ce qui se produit, c'est que nous avons de
très longues discussions puis nous avons peut-être l'impression de
ne pas progresser. On pourrait continuer 4.1, qui est le problème de la
planification de l'utilisation et quand on arrivera à 4.4 on pourra
peut-être aborder cette question.
M. Mercier: Très bien.
Le Président (M. Clair): Je pense que ce serait
raisonnable, parce qu'il faudrait à un moment ou l'autre adopter
quelques-uns de ces éléments du programme 4.
Est-ce que vous avez encore d'autres questions sur
l'élément 1 du programme 4?
M. Giasson: La planification de l'utilisation. Le
Président (M. Clair): Oui. M. Giasson: Assurément.
Le Président (M. Clair): Alors allez-y, M. le
député de Montmagny.
M. Giasson: M. le Président, nous savons qu'au cours des
dernières années, l'industrie du sciage s'est
développée au Québec. D'abord, les capacités
d'usinage se sont accrues, la plupart des petites scieries que nous avions au
Québec ont eu des difficultés mais, par contre, l'industrie du
sciage a développé des complexes beaucoup plus importants, plus
vastes, et nous avons ainsi accru de façon assez importante, compte tenu
de la demande qui s'amplifiait, et le phénomène de la
construction a demandé de plus en plus de ressources.
Cette industrie du sciage a contribué surtout à soutenir
des économies de petites municipalités ou localités qui,
souvent, constituaient, à l'intérieur de ces zones, la principale
activité économique. Par contre, en dépit de cette
situation, nous déplorons, depuis environ un an, ce n'est pas la
première fois que l'industrie du sciage a connu des problèmes,
loin de là, mais nous déplorons le fait qu'il y ait des
difficultés de plus en plus grandes du côté de l'industrie
du sciage, que ce soit au niveau du marché de consommation du bois de
sciage, du bois scié comme on l'appelle communément, que ce soit
vis-à-vis de la disposition de certains résidus du sciage, tels
les copeaux.
Le phénomène le plus inquiétant face à des
collectivités au Québec qui comptaient sur de petites
unités de transformation du bois, c'est de voir les monstres s'amplifier
ce qu'on appelle les monstres sont les usines d'importance
peut-être au détriment de l'économie de beaucoup de nos
paroisses. Cela ne manque pas d'être inquiétant. Je crois
d'ailleurs que le Parti québécois qui forme
le gouvernement est sensibilisé à cela puisqu'il s'est
fait le parrain du développement de la petite entreprise et de la
moyenne entreprise chez nous. On sait que dans bien des régions, et le
ministre a fait allusion à la région de l'Est du Québec
tout à l'heure, s'il faut que le mouvement de disparition des petites
usines se maintienne, nous aurons des problèmes nouveaux au
Québec.
J'aimerais savoir quelle est la position du ministre vis-à-vis de
cette volonté de soutenir de petites industries de sciage que nous avons
dans certaines régions, devant le phénomène qui s'est
développé récemment, soit l'amplification sans cesse
croissante d'usines de sciage beaucoup plus importantes que celles que nous
trouvons dans les régions qui vivent surtout de l'économie
forestière axée sur le sciage. Quel est l'essor que le
gouvernement entend donner à la petite et moyenne entreprise qu'il veut
soutenir, surtout dans le secteur des usines de sciage.
M. Bérubé: II semble, dans le cas de la petite et
moyenne entreprise dans le domaine du sciage, que celle-ci puisse
s'avérer encore rentable, à une condition évidemment,
c'est que le propriétaire de l'usine soit à la fois le comptable,
le gérant, le mécanicien en chef, le responsable de la mise en
marché, en d'autres termes, que le propriétaire de l'usine
minimise au grand maximum ses frais d'administration. Dans de telles conditions
nous avons de petites scieries au Québec qui fonctionnent avec
profit.
Cependant, il faut se dire une chose, et à cela nous ne pouvons
à peu près rien, c'est que le gros de notre industrie du sciage
au Québec est quand même exporté. Sur les marchés
d'exportation, nous devons faire face à une forte concurrence. En
conséquence, nous sommes soumis à des prix qui ne sont
peut-être pas au niveau où nous aimerions les voir.
Je pense que le problème que vous soulevez, dans le cas d'une
industrie d'exportation, c'est un problème de
compétitivité avec les étrangers. On pourrait imaginer
peut-être que les petites scieries pourraient alimenter le marché
local, mais même là, d'une façon générale,
ils produisent trop pour le marché local. Elles doivent donc exporter
vers Montréal et même vers l'extérieur.
Je pense qu'en un sens c'est presque irréversible, compte tenu du
fait que nous devons entrer en concurrence avec l'industrie de sciage
américaine et celle de la Colombie-Britannique, c'est presque
irréversible qu'avec les années seules les plus grandes
entreprises arrivent à être rentables et que les plus petites
aient des difficultés.
C'est une des lois du marché économique, et seule,
finalement, la fermeture du Québec, en instaurant des barrières
tarifaires sévères, pourrait permettre de rentabiliser la petite
industrie. Je pense que, sur le strict point de vue économique, cela ne
me semblerait pas acceptable.
Par conséquent, je pense qu'il va forcément y avoir de
petites entreprises de sciage qui devront disparaître. Je pense que c'est
irréversible, sauf quand elles sont favorisées par le fait
qu'elles sont à proximité d'un approvisionnement en bois et
qu'elles sont très bien administrées par le
propriétaire.
M. Giasson: Le ministre a fait allusion, tout à l'heure,
au cours des débats, que le climat incertain en matière
économique était le fait de l'Opposition, qu'effectivement cela
allait bien au Québec comme dans le meilleur des mondes, et que seule
l'Opposition créait un climat d'incertitude.
Comment peut-il concilier certaines prises de position et de
déclarations de spécialistes, spécialement dans
l'industrie du sciage, qui nous disent, malgré tout, que cela ne va pas
si bien que cela? Sont-ce là d'autres prophètes de malheur que
nous avons au Québec?
Je regarde, par exemple, une déclaration du directeur
général de l'Association des manufacturiers de bois de sciage, M.
Létourneau, qui, à la toute fin de décembre,
déclarait que le marché du bois de sciage était mauvais et
que s'il n'y avait pas amélioration de ce marché au cours des
prochains mois, plusieurs entreprises fermeraient leurs portes et que d'autres
seraient à vendre. Est-ce encore dans l'imagination du directeur de
l'association que cela n'aille pas bien dans l'industrie du sciage ou est-ce un
phénomène réel, selon l'avis du ministre?
M. Bérubé: Non, je ne pense pas. Je pense que
là il s'agit d'une déclaration que j'estimerais plus objective
que celle du député de Robert-Baldwin, en soulignant que ce n'est
pas un problème politique, ce problème d'insécurité
dans l'industrie du sciage, mais un problème de coût, un
problème d'approvisionnement, un problème de prix de vente et
peut-être un problème de volume de vente.
Il demeure néanmoins que, présentement, le prix de vente
du bois n'est pas mauvais. Il n'est pas ce qu'il a été en 1974,
mais lorsque l'on sait que l'industrie du sciage est une industrie très
fortement cyclique, que le prix passe continuellement à des hausses
presque exagérées pour passer par des baisses qui sont aussi
dramatiques, je pense que, compte tenu qu'il s'agit d'une industrie cyclique,
il serait nécessaire que les industriels du sciage profitent des bonnes
années pour se constituer un fonds de roulement susceptible de leur
permettre de passer à travers les années difficiles. Or, je pense
que, malheureusement, au cours des années 1974, beaucoup d'industriels
en ont profité pour investir massivement dans leurs usines, pour se
lancer dans différentes entreprises, appauvrissant ainsi leur fonds de
roulement, ce qui rend en ce moment leur viabilité difficile.
Mais il reste néanmoins qu'une consultation des chiffres, que
j'ai pu voir d'ailleurs cette semaine, sur la fluctuation des prix dans
l'industrie du sciage me montrerait présentement que peut-être les
prix, en ce moment, sont légèrement supérieurs à ce
qu'ils devraient être en moyenne si on extrapolait une montée
normale au cours des années. En d'autres termes, le prix de vente du
bois de sciage n'est pas mauvais pour nos industriels,
et les volumes ne sont pas non plus trop bas puisque, finalement, les
stocks ne sont pas exagérés dans l'industrie du sciage, compte
tenu de la situation.
Donc, je ne pense pas que l'industrie du sciage soit en si mauvaise
posture à l'échelle du Québec, mais les problèmes
locaux sont différents. Je pense que dans l'Est du Québec, le
vieillissement, l'approvisionnement causent un problème. Je pense que
dans dix ans, par exemple, dans l'unité d'aménagement de la
forêt de cèdres, il ne fait aucun doute que s'il nous reste dix
années d'approvisionnement, dans neuf ans on nous posera sans doute la
question: Qu'allez-vous faire pour ces industriels du sciage qui n'ont plus de
bois à scier? Evidemment, je pense qu'à ce moment-là nous
n'aurons sans doute pas de réponse, sauf si nous avons investi une somme
substantielle dans l'aménagement de la forêt domaniale afin qu'on
puisse regénérer la forêt.
Donc, quand vous me dites que l'industrie du sciage est en très
mauvaise posture, l'impression que j'en ai, au contraire, en rencontrant les
industriels, c'est qu'elle n'est peut-être pas en si mauvaise posture que
l'industrie des pâtes et papiers.
M. O'Gallagher: J'ai l'impression que le ministre...
M. Giasson: Ecoutez, je n'ai pas fait d'études
personnelles approfondies sur l'état de l'industrie du sciage. Je m'en
remets à des visions, à des perceptions des problèmes
vécus par ceux qui sont a l'intérieur de ce secteur. Sont-ce des
oiseaux de malheur? J'avais quelques industriels du sciage dans mon
comté, chez moi, et j'ai des contacts de temps à autre avec ces
gens, et on m'a informé de la façon dont va l'industrie. Ou ces
gens s'abusent ou cela ne va pas dans un sens aussi optimiste que vient
d'exprimer le ministre.
En 1966, on avait 2000 usines de sciage au Québec, si je ne fais
pas erreur. En 1976, c'est tombé à 500 mais j'aimerais savoir,
sur les 500 usines qui existent encore au Québec, combien il y en a qui
fonctionnent.
M. Bérubé: Nous avons encore une capacité de
sciage qui double la capacité forestière. La réponse, vous
l'avez. Nous avons encore trop d'usines par rapport à ce que notre
forêt est capable de produire en bois de sciage. C'est là le
problème particulier. Je pense que le problème
d'approvisionnement est un problème réel.
M. Giasson: Combien d'usines fonctionnent présentement au
Québec en 1977? Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus?
M. Bérubé: M. le Président, actuellement, il
y a 1000 usines de sciage qui sont inscrites comme fonctionnant mais, de ces
usines, il y en a à peu près 500 qu'on peut considérer
comme commerciales. Alors, cela veut dire que les 500 autres vont fonctionner
pendant un mois ou deux et fermer.
Les usines qu'on classe comme non commerciales sont bien souvent des
usines qui échangent le bois avec les cultivateurs. Sur ce plan, ces
usines n'ont pas trop de difficultés d'approvisionnement. Ce sont de
petites usines. C'est plutôt pour les 500 autres que c'est plus
dramatique concernant l'approvisionnement et le marché. La
capacité installée, comme le ministre le mentionnait, est du
double des marchés. Nécessairement, le prix de revient est
beaucoup plus élevé et il y a des difficultés de vente et
de coût.
M. Giasson: Quelles sont les prévisions pour
l'année 1977, l'année en cours, du pourcentage de bois de sciage
produit au Québec qui sera vendu à l'extérieur du
Québec?
M. Bérubé: Bon an, mal an, ce qui sort du
Québec est d'environ 40% à 45%. Alors, de ces 45% une partie va
aux Etats-Unis, la plus grosse partie, le reste va dans l'Ontario et un peu
dans les Maritimes.
M. Giasson: Cela serait donc reconnaître que le
marché québécois absorbe facilement au moins 55% de tout
le bois usiné au Québec.
M. Bérubé: Mais c'est sur une base annuelle.
Suivant les permis de construction, c'est relié étroitement
à la construction.
M. Giasson: Dans l'état du prix au marché
présentement, est-ce que le prix sur le marché
québécois se compare bien avec le marché extérieur
du Québec, soit l'Ontario et les Etats-Unis, et même le
marché d'exportation, parce qu'on commence à vendre du bois au
Moyen-Orient, on commence à développer un certain marché
d'exportation en dehors du continent?
M. Bérubé: II y a peu de développement sur
les marchés européens. Peu d'usines du Québec
approvisionnent les marchés européens. Il y a un problème
de dimensions. Je pense que ce problème va se stabiliser quand on aura
le système métrique. C'est très difficile pour une
entreprise, par exemple, de faire une partie de sa production à une
journée donnée pour le marché européen, et
après quelques heures de modifier ses équipements pour produire
pour le marché américain. Je pense que cette possibilité
d'exportation éventuelle sur le marché européen sera
beaucoup plus intéressante quand le système métrique sera
en vigueur.
M. Giasson: Vous soutenez que, présentement, il y aurait
500 usines dites commerciales qui sont en activité au Québec en
1977. Est-ce que ce sont 500 usines ou 500 permis?
M. Bérubé: II y a plus de permis que cela. Il y
a...
M. Giasson: Je parle d'usines commerciales. Oublions les usines
qui sont alimentées principa-
lement par de petits propriétaires, des cultivateurs...
M. Bérubé: Les 1000 usines doivent avoir un
permis.
M. Giasson: Elles ont toutes un permis mais est-ce qu'elles
fonctionnent toutes...
M. Bérubé: Non, pas toutes les 1000. Comme je vous
le disais tout à l'heure, au moment où je vous parle, je n'ai pas
le décompte, il y en a peut-être 450 ou 400. La semaine prochaine,
il va peut-être y en avoir 500 ou 600.
M. Giasson: Quelle orientation le ministère entend-il
prendre vis-à-vis du renouvellement de ces permis? Je pose la question
à la suite des commentaires que le ministre a faits, soutenu par le
fonctionnaire, que présentement la capacité d'usinage double le
potentiel d'approvisionnement aux usines. Est-ce que le ministère entend
retirer graduellement, avec le temps, les permis aux petites usines qui
n'auraient pas cette vocation commerciale ou si on maintient une
stabilité dans l'attribution des permis ou le renouvellement des permis
sur une base annuelle?
M. Bérubé: Actuellement, les vues du
ministère sont qu'on favoriserait un regroupement des petites usines, ce
qui aurait pour effet de diminuer le nombre d'usines, et ce n'est pas sûr
que cela aurait un effet aussi comparable du côté de la
capacité installée.
Il faut quand même dire que la capacité installée,
dans ce cas, compte tenu du fait que bon nombre d'usines fonctionnent sur une
base plutôt temporaire, risque de nous conduire, un petit peu, vers des
conclusions qui pourraient être prématurées à moins
d'avoir été étudiées d'une façon très
approfondie.
M. Giasson: Je pose également la question parce que j'ai
vécu ce phénomène, l'an dernier, dans ma région,
où un industriel qui achetait le bois des cultivateurs s'est vu refuser
l'attribution d'un permis. Il a continué quand même à scier
le bois. A un -moment donné, il a fait face à des amendes, donc
il était en infraction. Il exploitait une industrie de sciage qui
utilisait dix employés. Il a fait face à des avis, les premiers
avis, qui ont débouché sur des ordres formels d'arrêter,
sinon cela lui coûtait, je pense, $100 par jour. Comme cet industriel
s'alimentait uniquement de bois venant de petits propriétaires, j'ai mal
compris qu'on ait refusé. Il ne demandait aucune garantie
d'approvisionnement venant des terres publiques. Aucune. Il voulait travailler
tout simplement à partir de bois venant de propriétés
privées. On lui a refusé totalement la possibilité
d'obtenir un permis pour sa petite usine. Ce n'était pas gros, je le
concède, mais c'étaient dix emplois qui sont tombés le
jour où, pour ne pas payer des amendes trop onéreuses, il a
décidé de cesser les opérations.
M. Bérubé: Vous faites état d'une situation
très malheureuse, mais l'expérience nous a enseigné au
ministère que dans la plupart des cas, ces petites usines sont
possédées par des propriétaires ayant une certaine
compétence et une certaine audace et il y a une tendance naturelle
à grossir si bien qu'éventuellement, les gens c'est la
procédure normale demandent un permis d'usinage en pensant
s'approvisionner dans les forêts privées, puis, avec leurs
caractéristiques d'agressivité et d'efficacité, ils
réalisent qu'ils pourraient faire un profit s'il y avait plus de bois
à usiner et, à ce moment, le surplus de bois qui pourrait leur
amener un surplus de profit, c'est du bois qui proviendrait de forêts
publiques où, actuellement, il y a un surplus. C'est l'expérience
qu'on a connue.
M. Giasson: Je regrette, ce n'est pas le cas qui est en cause,
d'aucune façon.
M. Bérubé: Je ne parle pas du cas
précis.
M. Giasson: II s'agit d'un petit entrepreneur qui ne veut
absolument pas, ni immédiatement ni dans l'avenir, obtenir des garanties
d'approvisionnement. Il alimente son usine uniquement à partir de
petites quantités de billots: 20 000 pieds chez un producteur, 20
p.m.p., 25 000 pieds là, 10 000 pieds là. L'objection qu'on
m'apporte ne tient pas. Je connais trop bien cette situation.
M. Bérubé: Sans plus d'information que ce que vous
nous donnez, il me semble difficile de porter un jugement. Je vous dirai que je
suis en entier accord avec la position que vous défendez, pour la raison
très simple que, si on nous le présente comme le petit industriel
qui fait vivre dix personnes, qui n'a jamais fait de mal à personne, qui
n'empêche personne de respirer à côté, c'est inhumain
de la part du gouvernement de lui refuser son permis alors qu'il ne nuit pas. A
ce moment, je dis que vous avez raison. Si vous nous disiez le nom de cet
industriel et que l'on puisse examiner le dossier, peut-être qu'on vous
dira qu'il y a d'autres facteurs.
M. Giasson: Quel facteur, par exemple? Donnez-moi des exemples.
Autour de l'usine qu'il exploitait, vous avez, dans un rayon d'à peu
près 15 milles, d'autres industries de sciage qui, elles, sont
entièrement alimentées par du bois qui vient de l'Etat du Maine.
Lui, il n'ira pas en acheter du bois venant du Maine. Il alimente son usine
à partir de petits propriétaires.
M. Bérubé: Pourriez-vous nous donner le nom de cet
industriel pour qu'on fasse examiner le cas?
M. Giasson: II s'agit de M. Léopold Lemieux, de Lemieux et
Proulx et de l'usine qu'il exploitait à Sainte-Perpétue,
comté de L'Islet. Oui.
M. Bérubé: Parce qu'il sera beaucoup plus facile de
vérifier ce qui s'est produit, et s'il y a injustice, on corrigera.
M. Giasson: Dans tout le secteur, il y a une usine qui est
alimentée par la forêt publique du Québec, il s'agit de
Lafontaine Lumber qui va chercher la très forte majorité de ses
approvisionnements dans le comté du député de Kamouraska,
dans la forêt domaniale du Grand Portage. On sait que la forêt
domaniale des Appalaches est sous mandat d'exploitation uniquement par REXFOR.
Personne ne peut y aller faire des opérations, sauf s'il obtient un
mandat de REXFOR, ce qui est le cas de la coopérative de
Sainte-Apolline, et REXFOR a sa politique de vendre du bois, qui lui est
propre, à des usines qui existent dans le territoire. La demande
à laquelle je fais allusion, qui a été refusée et
qui a débouché sur des amendes parce que le bonhomme a
continué d'exploiter son usine, au moins pour scier les billots qu'il
avait déjà en sa possession, cela ne vient pas changer quoi que
ce soit aux approvisionnements des autres usines dans le secteur de
L'Islet-Sud.
Lafontaine Lumber s'alimente dans la forêt domaniale du Grand
Portage, Medex s'alimente entièrement dans l'Etat du Maine,
Matériaux Blanchet, même phénomène,
entièrement dans l'Etat du Maine. Je n'ai vraiment pas compris qu'il y
ait des raisons logiques qui se tiennent pour refuser le permis à cette
petite usine de sciage qui sera alimentée dans l'avenir uniquement par
l'achat ou la livraison de bois venant de cultivateurs ou de petits
propriétaires.
M. Bérubé: Je voudrais savoir si le
député de Montmagny-L'Islet suggère que le
ministère devrait émettre des permis à tout le monde, sans
aucune considération de quelque nature que ce soit, ou s'il pense que
nous devons utiliser un certain nombre de critères pour
l'émission de permis.
M. Giasson: Je suis d'accord sur l'utilisation d'un certain
nombre de critères, mais en allant voir ce qui existe effectivement sur
place; pas décider à partir de Québec sans avoir une
étude approfondie de la situation qui prévaut dans la
région.
M. Bérubé: Nous n'avons, évidemment, pas
fait l'étude exhaustive, mais il paraît que, dans le cas du M.
Lemieux en question, celui-ci a d'abord décidé de construire son
usine sans permis, d'une part, qu'il y a eu des protestations d'autres
industriels du sciage dans la même région, sur la même
route, le voisin.
M. Giasson: Lafontaine Lumber?
M. Bérubé: Non, Napoléon Gagnon. On pourra
vérifier les noms. Il y a donc eu des protestations...
M. Giasson: Napoléon Gagnon n'existe plus. Il était
alimenté entièrement par du bois venant de Robinson Lumber,
aujourd'hui M. Marquis, qui est du bois coupé entièrement dans
l'Etat du Maine.
M. Bérubé: On me souligne, là...
M. Giasson: II y avait peut-être l'objection de la scierie
du Gallion qui est située tout à côté, mais elle est
en faillite depuis trois ans. Je ne vois pas le problème; elle est
disparue de la carte, puis le permis doit être retiré.
M. Bérubé: Ce qu'on va faire, c'est qu'on va le
vérifier. Mais ce que je vous dis, c'est qu'on me dit
présentement qu'il y aurait eu des protestations justement à
propos de l'émission d'un nouveau permis, étant donné que
la forêt privée arrivait difficilement à fournir
l'approvisionnement en bois d'une usine au moins voisine existante, et que, par
conséquent...
M. Giasson: C'est ce que j'aimerais savoir. Puisqu'on est sur le
cas, vous avez demandé le nom du propriétaire à qui on
refuse un permis. On est dans le dossier, qu'on me donne les usines
voisines.
M. Bérubé: Comme vous admettez avec moi qu'il y a
au-delà de 500 usines, au-delà de 1000 en fait, je pense qu'on
n'a pas tous les éléments du dossier avec nous
présentement. Je vous dis tout simplement que, dans un cas comme
celui-là, c'était l'évaluation que le ministère a
faite que la forêt privée ne justifiait pas de nouvelles
installations dans la région. Cet industriel, en dépit de l'avis
qu'il avait reçu du ministère, a
délibérément choisi de construire sans permis. Par
conséquent, il s'exposait donc à une décision.
Maintenant, si effectivement il y a aujourd'hui, par suite de la
faillite d'un ou deux ou trois industriels dans la région, de nouvelles
données qui permettent, au contraire, maintenant de justifier
l'émission d'un nouveau permis, je n'ai absolument aucune objection
à ce que nous réétudions le cas. La seule chose sur
laquelle j'insisterai, c'est qu'il est absolument nécessaire de veiller
à ne pas émettre de permis quand la forêt privée ne
peut pas approvisionner cette usine.
M. Giasson: Au moins, est-ce que vous connaissez les raisons pour
lesquelles il s'est porté acquéreur d'une petite usine?
M. Bérubé: C'est parce qu'il avait du bois du
Gallion...
M. Giasson: C'est cela.
M. Bérubé: ...qu'il a voulu scier, mais
c'était une usine transportable.
M. Giasson: Du Gallion a failli. Les billots étant dans la
cour du Gallion, il était pris avec ce bois et il fallait qu'il l'usine.
Pour régler son problème au départ, il a dit: Je vais
m'acheter une usine. Comme il avait les capacités d'acheter encore des
petits propriétaires environnants, il a dit: II y a une
possibilité d'exploiter mon usine. C'est une petite usine, il y a dix
emplois à l'intérieur de cela.
M. Bérubé: C'est une usine transportable.
M. Giasson: Oui.
M. Bérubé: A l'époque, il n'avait pas eu de
permis, mais il avait eu une espèce de tolérance pour scier le
bois du Gallion; c'était convenu qu'il sciait le bois du Gallion, puis
c'était tout. Après, il a continué à acheter des
propriétaires et des cultivateurs. Par contre, il y a beaucoup d'usines
dans la région qui, elles, ne fonctionnent pas à l'année
parce qu'elles n'ont pas suffisamment de bois.
M. Giasson: II n'y a pas d'autres usines, que je sache, dans tout
le secteur.
M. Bérubé: Pas dans la paroisse même, mais
dans toutes les paroisses de l'endroit.
M. Giasson: On va prendre tout le secteur de L'Islet sud. Il y
avait la scierie de la côte du sud qui n'exploite plus, qui est
disparue.
M. Bérubé: Qui a fait faillite.
M. Giasson: II y avait Napoléon Gagnon, Tourville,
disparu.
M. Bérubé: Cela ne fait pas longtemps.
M. Giasson: Vous aviez du Gallion, disparu. Il y a la petite
usine de M. Lemieux.
M. Bérubé: En d'autres termes, vous avouez qu'elles
disparaissent toutes, faute de bois.
M. Giasson: A part cela, vous avez Lafontaine Lumber.
M. Bérubé: Elles ferment toutes parce qu'elles
manquent de bois.
Vous avez un grand nombre d'usines qui disparaissent, faute de bois,
puis vous nous reprochez de ne pas avoir émis un permis pour une
nouvelle usine.
M. Giasson: Non. Les usines disparues étaient des usines
alimentées par le bois des petits propriétaires. Vous
reconnaissez cela? Elles ne sont plus là. Lafontaine Lumber était
alimenté par la forêt publique pour une partie, l'autre partie
vient du Maine. Medex, alimenté par le Maine; Matériaux Blanchet,
alimenté par le Maine.
M. Bérubé: II y a beaucoup d'usines qui
achètent des deux, qui achètent ce que le cultivateur offre, s'il
en a.
M. Giasson: II y a une usine qui est alimentée par le
Maine et qui va faire des achats chez les petits propriétaires, c'est la
scierie Aurèle Lord.
M. Bérubé: Aurèle Lord aussi, oui.
M. Giasson: A Sainte-Perpétue. Là, on a fait le
tour de toutes les usines de ce qu'on appelle L'Islet Sud.
M. Bérubé: II n'y a pas un autre Lord, un peu plus
loin?
M. Giasson: Ce n'est pas dans la même région. C'est
sur la route 285 qui va de l'Islet-sur-mer à Saint-Adalbert. Ce n'est
pas la même zone. Vous avez la zone 285 et la zone 204.
M. Bérubé: Ce sont des zones que je ne connais pas.
Vous voulez dire la route?
M. Giasson: Oui, la route. L'une est sur un côté du
comté et l'autre sur l'autre côté.
M. Bérubé: De fait, la loi est spécifique,
elle dit tout simplement que "tout utilisateur doit avoir un permis d'usine
pour opérer". Le ministre des Terres et Forêts donne un permis
s'il juge l'approvisionnement suffisant. C'est en vertu de cela que
l'approvisionnement n'a pas été jugé suffisant et le
permis n'a pas été accordé aux agences Lemieux. A
l'époque, d'ailleurs, Napoléon Gagnon était là. La
scierie du Gallion venait juste de fermer, mais il y a beaucoup de scieries qui
ont fermé parce que... Ce qu'ils nous disaient à l'époque,
c'était la région de Québec.
M. Giasson: La dernière année de fonctionnement du
Gallion a été 1974. La dernière année de
fonctionnement de Gagnon était 1975.
M. Bérubé: La raison fondamentale est le manque
d'approvisionnement.
M. Giasson: Les usines disparues, ce n'est pas une question de
manque d'approvisionnement. Il y en avait, du bois.
M. Bérubé: Le manque d'approvisionnement du bois de
sciage.
M. Giasson: II y avait du bois de sciage. Du Gallion n'a jamais
manqué de bois, Gagnon, de Tourville, n'a jamais manqué de bois.
Quand ils en manquaient, de la forêt privée de la région,
ils allaient s'alimenter chez M. Marquis, bois coupé dans le Maine,
approvisionnement du Maine.
M. Bérubé: Doit-on comprendre que,
présentement, les cultivateurs de la région de votre comté
n'arrivent pas à vendre leur bois de sciage?
M. Giasson: Ils finissent par le vendre, leur bois de sciage,
personne ne garde ses billots. Le cultivateur qui, aujourd'hui, a besoin de ses
billots pour ses propres besoins n'a pas le choix: il est obligé de
vendre ses billots et retourner acheter le bois scié dont il a besoin
dans le commerce.
M. Bérubé: Les recommandations que nous fait
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec,
présentement, c'est de ne plus émettre de permis au
Québec, étant donné que l'approvisionnement des usines est
déjà largement insuffisant, ce dont nous avons fait état
déjà à plu-
sieurs reprises au cours de nos discussions. Par conséquent, en
ce moment, au ministère, je pense qu'il est normal qu'on examine avec
énormément de réserves toute nouvelle demande
d'approvisionnement. Or, si vous nous dites que les cultivateurs de votre
comté sont présentement capables de vendre leur bois et de le
faire scier ailleurs...
M. Giasson: Non, ils ne peuvent pas le faire scier ailleurs. Il
faut qu'ils vendent les billots, mesure ronde, et quand ils ont besoin de bois,
ils rachètent du bois scié au prix du marché; c'est
l'exploitation dans la zone en cause. Si vous allez dans la partie nord du
comté, c'est un autre phénomène parce qu'il reste encore
deux petites usines de sciage, à peu près du volume de celles
dont on parle, qui scient le bois des cultivateurs. Le cultivateur qui en a
besoin pour se bâtir une remise ou agrandir ses bâtiments, il peut
apporter ses billots. Il n'a pas besoin de les vendre, il les transporte
à la scierie, il les fait scier et il rapporte son bois scié.
M. Bérubé: Je ne vous cache pas qu'une erreur
administrative peut toujours se produire. Au moment où cette
évaluation a été faite, il y a deux ans maintenant, il y
avait déjà d'autres industriels qui effectuaient du sciage, qui
ont fait faillite depuis, et que, par conséquent, la situation ayant
évolué, aujourd'hui, il manque d'usines de services pour scier le
bois des cultivateurs dans votre région. C'est tout à fait
possible. Auquel cas, si, effectivement, un industriel s'avérait
intéressé à partir une telle usine, je pense que le
ministère, en soi, n'aurait pas d'objection.
D'une façon générale, on me signale que le
ministère s'efforce d'émettre les permis nécessaires pour
qu'il y ait, dans chaque région, des usines de services, mais non en
excès. En d'autres termes, si, présentement, il n'est pas
possible pour les cultivateurs de faire scier leur bois et qu'il existe un
volume suffisant dans la région pour justifier une usine, à ce
moment-là, il pourrait y avoir une émission de permis. Mais si le
volume de bois de sciage, dans la région, n'est pas suffisant pour
justifier l'émission d'un permis, je pense que la décision
resterait la même. Mais il faudrait s'assurer qu'il y a le volume.
S'il y avait le volume de bois, je pense que cela il n'y a personne qui
le remet en question.
M. Giasson: Pas d'une grosse usine, elle fonctionne environ cinq
mois par année, elle peut scier au cours de cette saison 1,5 million de
p.m.p.
M. Bérubé: Nous allons reprendre le dossier et le
regarder à nouveau, parce qu'effectivement, avec les autres faillites,
peut-être que là maintenant la situation est
différente.
M. Giasson: Elles n'ont pas toutes failli, du Gallion a failli,
Gagnon n'a pas failli, puis...
M. Bérubé: Gagnon a été vendu.
M. Giasson: Cela a été vendu. Cela a
été vendu pour la machinerie et non pas pour le fonctionnement de
l'usine à Tourville.
M. Bérubé: Côte-du-Sud a failli.
M. Giasson: Côte-du-Sud a failli. Mais Côte-du-Sud on
n'est plus dans le même secteur...
M. Bérubé: Puis elle a été six mois
en fonctionnement. C'est sur la même route.
M. Giasson: ...Côte-du-Sud, vous êtes dans L'Islet
nord. Saint-Omer.
M. Bérubé: C'est à peu près 20
milles, je crois.
M. Giasson: Oui, mais vous ne demanderez pas à des
producteurs, des cultivateurs de Saint-Omer et de Saint-Adalbert de descendre
des billots à Saint-Aubert, de chercher cela et de remonter cela. Il y a
des dimensions locales qu'il faut voir aussi. Du Gallion pouvait scier le bois
des petits propriétaires habitant la partie nord du comté, des
paroisses comme Saint-Damase, Saint-Aubert, Saint-Eugène, L'Islet,
Saint-Cyrille.
M. Bérubé: Mais les industries Lemieux ne font pas
que scier pour les cultivateurs, ils achètent, ils commercent aussi.
M. Giasson: C'est cela, le cultivateur qui veut vendre des
billots à Lemieux, vend des billots, celui qui veut faire scier du bois
pour ses propres besoins, il fait scier du bois chez la scierie Lemieux.
M. Bérubé: Puis le ministère calculait la
possibilité sur les inventaires forestiers et non sur les offres des
cultivateurs de billots. Ce que le ministre a dit tantôt...
M. Giasson: Ils ne vous demandent aucun approvisionnement venant
d'un autre endroit que le bois des petits propriétaires.
M. Bérubé: ...il n'y a pas d'usine de sciage. Oui
la loi couvre les forêts privées et les forêts publiques, la
loi d'utilisation.
M. Giasson: Oui mais je comprends que la loi le couvre mais,
quand on le voit dans la situation qui est propre à Lemieux, de ne pas
compter sur d'autres fournitures que le bois qu'il peut acheter des petits
propriétaires ou le bois qu'il peut scier pour les besoins de petits
propriétaires, il me semble que ce n'est pas... Pour prendre un terme
qui est souvent utilisé par le premier ministre, ce n'est pas sorcier
cela.
M. Bérubé: Pour les besoins, c'est cela.
En tout cas, ce que je m'engage à faire c'est de reprendre
l'étude de ce cas particulier, compte tenu de l'approvisionnement et
compte tenu de la disparition d'un certain nombre d'usines qui pour-
raient effectivement aujourd'hui justifier l'implantation d'une usine de
service.
M. Giasson: M. le Président, vous avez fait état de
la faiblesse de l'industrie du sciage dans l'Est du Québec; on pourrait
croire que le phénomène de difficultés peut s'appliquer
également dans d'autres régions telles que le
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais, si nous demeurons du côté de l'Est
du Québec, où en est la situation d'usines de sciage que vous
connaissez assez bien? Il y en a même dans le comté que vous
représentez. . Qu'est-ce qu'il advient de l'économie des
municipalités ou des petites villes touchées par la situation
d'usines de sciage qui ont eu des difficultés? Est-ce que le
gouvernement entend intervenir directement vis-à-vis de ces
problèmes qui touchent des régions données comme cela a pu
être fait dans le passé? On avait demandé à REXFOR
de venir sauver l'économie de certaines régions qui
n'étaient pas nécessairement dans l'Est mais on est même
allé en Abitibi; qu'est-ce qui en est de la scierie Lepage par exemple
à Saint-Anne-des-Monts? Je pense qu'il s'agit d'une municipalité
de votre comté.
M. Bérubé: A la scierie de Louis Lepage? M.
Giasson: Oui.
M. Bérubé: Je pense qu'il n'est pas question pour
l'instant de fournir une garantie d'approvisionnement pour la scierie Louis
Lepage, comme telle, ni de donner des subventions non.
M. Giasson: C'est une scierie fermée
définitivement, il n'y a pas de retour possible de ce
côté?
M. Bérubé: Je ne crois pas.
M. Giasson: Pour quel motif? Il n'y a pas assez
d'approvisionnement dans le secteur? Ou les approvisionnements sont
situés trop loin de l'usine, c'est quoi le phénomène?
M. Bérubé: II y a des problèmes
d'approvisionnement dans les régions qui sont assez évidents, je
pense, c'est ce qui nous a fait hésiter à réinvestir.
D'abord, précisons la pensée du ministère ou du moins du
ministre en ce qui a trait à l'aide financière à apporter
à certaines usines de sciage au Québec. Si, dans une
région donnée, il n'y a pas d'approvisionnement ou
l'approvisionnement est difficile, je pense que vous comprendrez maintenant,
à la lumière des discussions, que le ministère
n'encouragera pas la construction de nouvelles usines. D'autre part, il est
possible que, pour des raisons uniquement de création d'emplois
temporaires, le gouvernement décide de soutenir une scierie, dans
l'attente d'un projet comme on peut l'envisager. Par exemple, dans un village
où l'approvisionnement serait très difficile, où la
qualité du bois serait mauvaise, où les installations seraient
vétustés, et où on ne pourrait pas prévoir de
rentabiliser une industrie du sciage et que où non plus nous n'avons pas
de façon prévisible de plan de développement
économique pour ce village en particulier, n'ayant pas de proposition
sous les yeux, dans ce cas je ne pense pas que le gouvernement interviendrait
pour soutenir artificiellement une scierie.
De ce côté, ma position est assez ferme. Pour que le
gouvernement décide de soutenir une scierie, comme dans le cas Samoco,
de Béarn et de Taschereau, il faut qu'il y ait possibilité
d'approvisionnement en bois, il faut que la qualité du bois soit
suffisante, il faut que l'on puisse estimer et rentabiliser cette exploitation.
Le critère de rentabilité économique est important.
Dans une région où la rentabilité n'est pas
établie, à ce moment, je pense que le gouvernement accepterait
d'intervenir uniquement s'il existe des projets de développement
économique dans cette région qui, temporairement, ne peuvent pas
naître du jour au lendemain. Il faut leur donner un certain nombre
d'années pour naître. A ce moment, le gouvernement pourrait
intervenir. C'est le cas de la Richardson, en particulier, à
Cap-Chat.
M. Giasson: Dans le cas de Lepage, quels sont les
problèmes qui empêchent véritablement de faire produire
cette usine, étant donné qu'il s'agissait d'une usine qui
était rentable? Est-ce une absence d'approvisionnement? Quel est le
phénomène?
M. Bérubé: Dans le cas de la scierie de M. Lepage,
il est venu me voir pour demander une subvention du gouvernement pour l'aider
à relancer son industrie. Comme M. Lepage a l'habitude de bouffer des
subventions gouvernementales c'est ce qu'on m'avait dit, en tout cas
je me suis dit que ce n'était peut-être pas, disons,
raisonnable pour le gouvernement d'aller subventionner un industriel du sciage
localement.
M. Giasson: Qu'est-ce que M. Lepage a pu bouffer vis-à-vis
de la caisse du gouvernement du Québec dans le passé?
M. Bérubé: Je n'ai pas vérifié. On
m'a dit qu'il avait bénéficié de subventions dans le
passé.
M. Giasson: Vous affirmez cela. Qu'est-ce qu'il a touché
du gouvernement provincial?
M. Bérubé: Je n'ai pas d'idée. Je vous dis
simplement que c'est ce qu'on m'avait dit à ce moment-là.
M. Giasson: Le problème quand même...
M. Bérubé: Je vois que c'est de toute façon
un ami personnel de votre conseiller qui est assis derrière vous.
M. Giasson: Cela a une importance absolument secondaire dans le
cas de l'usine en cause.
M. Bérubé: Cela a une importance assez grande sur
la sympathie que je pouvais manifester au moment où il est venu me
voir.
M. Giasson: II n'y a rien de changé en ce monde.
M. Bérubé: Pour les subventions, oui.
M. Giasson: C'était une incapacité
d'approvisionnement dans le secteur. Quelle en était la cause?
M. Bérubé: II y avait une demande de subvention qui
m'était faite d'un industriel et je lui ai dit que le gouvernement
n'envisageait pas de subvention à des individus pour le financement de
leur entreprise.
M. Giasson: Mais supposons faisons une hypothèse
que le propriétaire est prêt à exploiter son usine
pour autant qu'on lui fournisse des approvisionnements, est-ce que le
ministère est prêt à lui accorder des
approvisionnements?
M. Bérubé: Pour autant qu'il y en a, oui.
M. Giasson: Dans le présent cas, y a-t-il absence
d'approvisionnement dans le secteur environnant cette usine?
M. Bérubé: Dans ce secteur le volume de bois
susceptible d'approvisionner les usines est là, mais il s'agit la
plupart du temps de volume de bois beaucoup plus propice à un autre
usage qu'au sciage à cause, surtout, de la dimension des billes, pour
une part, mais le plus gros facteur est le taux de défilement des billes
qui sont relativement courtes. Une bille diminue de dimension en
diamètre très vite si bien que... disons pointue...
M. Giasson: Si l'arbre est court, la bille à sa base est
assez large et quand vous arrivez au petit bout, comme on l'appelle en termes
de métier, c'est diminué considérablement.
M. Bérubé: C'est pour cela d'ailleurs, je pense,
autant que je m'en souvienne, qu'une des dernières années
où M. Lepage a fonctionné on avait dû, au ministère,
lui accorder une réduction de droit de coupe pour tenir compte des
difficultés d'exploitation qu'il avait connues, du fait que son bois
s'usinait plus ou moins bien.
M. Giasson: Comme cela, il y aurait des approvisionnements dans
le secteur? C'est l'état de l'essence elle-même.
M. Bérubé: S'il était
intéressé à ouvrir une usine de pâtes, il y aurait
peut-être plus d'approvisionnement, je pense.
M. Giasson: Oui, mais il est équipé pour le
sciage.
M. Bérubé: Oui, il n'y a pas de bois de sciage. Je
tiens à souligner que, n'étant pas un spécialiste des
approvisionnements forestiers, je pourrais difficilement porter un jugement sur
l'approvisionnement en forêt. Néanmoins, ayant eu a discuter en
long et en large du problème de la relance d'une industrie de sciage
dans la région de Cap-Chat, il est très vite apparu que
l'approvisionnement en bois ne justifiait pas une nouvelle usine, donc la
reconstruction de l'usine de Cap-Chat, d'une part, et que même
l'approvisionnement des usines existantes posait de réels
problèmes, compte tenu de la présence du parc à
l'arrière, donc compte tenu de la situation générale de la
forêt.
Il faut prévoir des exploitations en forêt à
près de 2000 pieds en altitude. Par conséquent, de l'avis de
REXFOR, les approvisionnements sont extrêmement limités et c'est
confirmé par l'opinion des fonctionnaires du ministère ici et
même, semble-t-il, par l'opinion assez généralisée
de la population locale.
Par conséquent, je pense que les problèmes
d'approvisionnement sont réels, mais la demande de M. Lepage
n'était pas une demande d'approvisionnement; c'était une demande
de subvention que j'ai reçue avec le sourire.
M. Giasson: Du côté de Cap-Chat, il n'y a pas de
possibilité d'approvisionnement, non plus?
M. Bérubé: On a fait des études
d'approvisionnement pour l'usine de la Richardson et, présentement, nous
ramassons dans la région absolument tout le bois que l'on peut
imaginer.
M. Giasson: II est ramassé pour les pâtes et
papiers, quand vous dites que vous ramassez tout le bois?
M. Bérubé: Non, pour la reprise des
activités de Grande Vallée, de celles de la Richardson à
Sainte-Anne-des-Monts et de l'usine de rabotage de Cap-Chat.
M. Giasson: Autrement dit, dans tout le secteur, il y en a assez
présentement pour la capacité d'usinage, pour le potentiel du
milieu.
M. Bérubé: C'est cela. Compte tenu de notre
philosophie politique, si nous avons à subventionner, nous
subventionnerons plutôt les coopératives qu'un industriel
proprement dit.
M. Giasson: Faut-il croire que les solutions, qui étaient
possibles et existantes lors de la dernière campagne électorale,
pour Cap-Chat, sont disparues?
M. Bérubé: Dans le cas d'une construction d'une
usine de sciage nouvelle, il ne fait aucun doute qu'il était
inadmissible pour un gouvernement d'accepter, même dans le comté
du ministre des Terres et Forêts, de financer une nouvelle
usine en appliquant les critères que nous venons de discuter en
long et en large ce matin.
M. Giasson: Vous vous êtes aperçu de cela
après le 15 novembre.
M. Bérubé: Non, au contraire. L'un des charmants
auguments de la dernière campagne électorale, c'était que
l'arrêté en conseil, adopté à la vapeur le 25
octobre, sans que personne ne soit trop au courant à l'intérieur
du ministère des Terres et Forêts, était un geste plus
électoral qu'économique.
M. Giasson: Quelle était la teneur dudit
arrêté en conseil?
M. Bérubé: II avait été
présenté comme étant l'engagement du gouvernement à
construire une nouvelle usine de sciage. Lu soigneusement cependant, cela
revenait, en fait, à dire que le gouvernement acceptait de faire une
étude.
M. Giasson: L'arrêté en conseil exprimait une
volonté d'étude sur la situation dans ce milieu.
M. Bérubé: Oui, il pouvait être
interprété comme cela. Il n'était pas
présenté comme cela par l'ex-député, je dois
dire.
M. Giasson: II y a des politiciens dans le bout.
M. Bérubé: Celui-là même qui vous
conseille, mon cher collègue, de Montmagny.
M. Giasson: La situation à Roberval, c'est la scierie
Gagnon et Frères qui est fermée. Le nombre d'emplois, pour toutes
les activités de cette entreprise, était de 600. Qu'est-ce qu'il
va advenir de cela?
M. Bérubé: D'après ce que je vois, nous
faisons face de nouveau à la même difficulté. Nous avons
offert à la scierie Gagnon et Frères de leur fournir, à
partir de concessions révoquées, de la Console, je crois, un
emplacement où le bois est de meilleure qualité, ce qui pourrait
augmenter la rentabilité de l'usine. Malheureusement, cet emplacement
est situé à une distance presque aussi grande que là
où ils prélèvent présentement leur bois. Par
conséquent, le problème du transport du bois demeure réel,
d'une part.
M. Giasson: C'est une distance de combien de milles?
M. Bérubé: 160 milles.
M. Giasson: Le chantier est à 160 milles de l'usine?
M. Bérubé: C'est cela. Donc, d'une part, le
ministère était prêt à faire ce geste. D'autre part,
également, le ministère était prêt, dans le cadre de
son programme de voirie, donc en mettant un peu plus d'accent que
nécessaire sur la région, à investir pour un montant de
l'ordre de $1,5 millions en voirie forestière, de manière,
justement, à faciliter les opérations de la compagnie. Egalement,
à la suite d'une rencontre avec M. Rodrigue Tremblay, M. Dinsmore,
sous-ministre à l'Industrie et au Commerce, et M. Jean-Noël Poulin,
nous avons discuté des possibilités d'intervention
gouvernementale autre que subventionnaire.
Parmi les hypothèses retenues, il y a eu celle de la
participation au capital-actions de l'entreprise. A la suite de contacts
téléphoniques et de plusieurs rencontres, d'ailleurs, au
ministère, entre les autorités de la compagnie et les
autorités du ministère, réunion à laquelle je
n'assistais cependant pas, cette proposition a été faite. La
société a souligné qu'elle ne cherchait pas tellement de
subventions comme telles, qu'elle recherchait plutôt une subvention ou un
prêt sans intérêt qu'une participation au capital-actions,
étant donné la structure de la compagnie qui ne se prêtait
pas à l'émission d'actions au gouvernement.
Dans ces conditions, le gouvernement n'a pas jugé bon
d'intervenir davantage sauf sous les formes que je vous ai
présentées.
M. Giasson: Quelles sont les solutions de rechange que vous avez
mises de l'avant comme gouvernement pour ramener au travail les 600
travailleurs de l'industrie Gagnon?
M. Bérubé: Une des solutions de rechange,
évidemment, c'est avec le démarrage de l'usine de
Saint-Félicien. Il y aura quand même la création d'un bon
nombre d'emplois directs et indirects dans la région, ce qui est
déjà un point important.
Il faut quand même souligner que, dans le cas de la scierie Gagnon
et Frères, les hauts fonctionnaires du ministère m'ont
rappelé qu'au moment où Gagnon et Frères a choisi
d'agrandir son usine, de la moderniser, on lui a souligné le fait que
l'approvisionnement n'existe pas dans la région, que tout était
donné en garantie d'approvisionnement et que, par conséquent, il
courait d'énormes risques financiers. Cet industriel, c'était
sans doute au cours de l'année 1974, je crois...
Une Voix: Avant cela.
M. Bérubé: ... un peu avant, le prix du bois
étant relativement bon, a jugé qu'il pouvait opérer dans
la région de Chibougamau et expédier son bois par voie
ferrée. Il a donc choisi de courir le risque économique.
Malheureusement, le prix du bois ayant repris un niveau un peu plus
normal, il s'est trouvé en difficulté. De là,
évidemment, à dire que le gouvernement devrait maintenant
intervenir et le subventionner, alors qu'au contraire le gouvernement lui avait
déjà souligné les dangers des gestes qu'il prenait! Si
vous me demandez si le gouvernement doit assumer le déficit, c'est que
le gouvernement, s'il assume le déficit, devra devenir
propriétaire de l'usine.
M. Giasson: Dans la proposition que le ministère a faite
à la compagnie Gagnon, là-bas, vous avez proposé, je
présume qu'il s'agit d'une offre ferme, par écrit, de consacrer
un montant de $1,5 million en coût de voirie forestière pour
accéder aux nouvelles ressources?
M. Bérubé: Ceci a été fait par
écrit. De même que la nouvelle aire de coupe qui lui a
été offerte, ceci a été fait par écrit.
Quant à la négociation sur la formule d'aide financière,
c'est suite, évidemment, à des négociations qui ont
montré que la société n'était pas du tout
intéressée à ce type d'intervention gouvernementale.
M. Giasson: II n'a pas été question de l'apport de
cet industriel de rapprocher son usine du territoire d'opérations
forestières?
M. Bérubé: C'est ce qui lui avait été
fait comme suggestion, il y a un certain nombre d'années.
Le Président (M. Clair): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, on parle de l'industrie du
sciage. REXFOR a un permis d'exporter du bois non ouvré à
l'extérieur du Québec. Est-ce que REXFOR en a exporté?
Elle n'a pas besoin de permis, elle peut en exporter. Est-ce que REXFOR a
exporté du bois qui aurait pu être ouvré, qui aurait pu
être scié au Québec et qui a été scié
à l'extérieur du Québec. Afin de je ne sais pas
ne créer aucun préjudice à l'industrie locale, si
vous voulez?
M. Bérubé: Les exportations de bois
effectuées par REXFOR remontent déjà à quelques
années alors qu'il y avait des surplus sérieux qui venaient
principalement du bois récupéré sur la Côte-Nord,
sur la Manicouagan. Actuellement, et depuis quelques années, REXFOR
n'expédie pas de matière ligneuse à l'extérieur. Il
y a eu des négociations, l'an dernier, pour évaluer la
possibilité d'expédier la matière ligneuse sous forme de
co-paux, compte tenu des excédents et de la difficulté de placer
les copaux de plusieurs industriels du sciage.
Il n'y a pas eu de suite à ces projets, parce que, d'une part,
les personnes qui auraient été acheteurs, ou les organismes des
pays étrangers qui auraient acheté avaient des exigences
inacceptables, particulièrement dans deux secteurs: d'abord au niveau
des prix où on exigeait des engagements qui auraient compromis la
rentabilité; deuxièmement, parce qu'on exigeait également
des engagements à long terme. Comme vous le savez, au Québec,
nous hésitons toujours à prendre des engagements
d'expédition d'une matière première à
l'extérieur, afin de ne pas compromettre des projets ou des
possibilités de transformation sur place ou au Québec
même.
Pour l'instant, c'est ce qui a fait qu'on peut dire que REXFOR
n'expédie pas, depuis quelques années, de matière ligneuse
à l'extérieur.
M. Goulet: Vous voulez dire quoi, quand vous parlez de billes de
sciage? Ce sont les billots, comme on les appelle communément? Ici, dans
le rapport, je vois qu'on en a expédié 600 000 pieds cubes. C'est
inscrit à la page 154 du rapport 1975/76. Vous dites qu'on n'en a pas
expédié, ce n'est pas la même chose.
C'est cela que je demande, est-ce que c'est...
M. Bérubé: Hors du Québec, dans les autres
provinces, il y a d'autres gens que REXFOR...
M. Goulet: Je m'excuse, c'est expédié dans d'autres
pays, un peu au Canada, soit 225 000, et 2588 fois 100 pieds cubes, soit 2 588
000 pieds cubes dans d'autres pays. C'est bien mentionné. Il y a
à peu près 10% qui sont expédiés au Canada et le
reste, c'est en dehors du pays, pas en dehors du Québec. A moins que
vous ne commenciez à appeler le Québec un pays, mais pour moi le
pays c'est le Canada, jusqu'à ce jour. C'est marqué là. Ou
il y a une erreur dans le rapport, je ne sais pas. Quand on dit que le nombre
d'industries de sciage qui ferment leurs portes, on aurait pu... Je ne dis pas
REXFOR.
M. Bérubé: Non, pas REXFOR.
M. Goulet: Je n'ai pas parlé de REXFOR. Tantôt, j'ai
demandé si REXFOR avait le droit d'en exporter. Mais avant de permettre
d'exporter du bois j'ai commencé avec REXFOR vous m'avez
dit: Elle n'en a pas exporté. Mais il y en a eu d'exporté en
dehors du Québec. Or, avant de permettre de l'exporter on ne pourrait
pas enlever ces permis. Parce que dans le rapport, on dit: Seule la
société REXFOR peut être autorisée à exporter
du bois non ouvré hors du pays. Alors si ce n'est pas REXFOR qui l'a
exporté, c'est qui? Pourquoi l'a-t-on permis?
M. Bérubé: Cela peut être du bois
partiellement ouvré ou cela peut aussi être des billes de sciage
non ouvrées, mais provenant de forêts privées. Les
expéditeurs, tout en n'étant pas assujettis à se procurer
un permis d'expédition ou d'exportation, quand le bois provient de
forêts privées, font quand même une demande au
ministère de façon à se protéger vis-à-vis
du receveur éventuel.
Il paraît que le gouvernement n'aurait pas, l'an dernier, en tout
cas, émis de permis pour l'expédition de billes de sciage
provenant de la forêt publique comme telle.
M. Goulet: Je m'excuse, on ne parle pas de forêt publique
ou privée dans le rapport. Si vous le permettez, M. le Président,
je vais juste lire un paragraphe. Vous allez dire que je suis peut-être
rendu loin, mais c'est toujours en regard du préjudice qu'on peut causer
à l'industrie du sciage. "Les bois qui sortent du Québec, qu'ils
soient ouvrés ou non, font l'objet d'un contrôle de la part du
ministère des Terres et Forêts. Il s'agit, ici encore, d'une
mesure visant à promouvoir une transformation plus complète de
cette matière première". On ne parle pas de forêt
privée ou publi-
que. "Ainsi, seule la société REXFOR peut être
autorisée à exporter des bois non ouvrés hors du pays".
Alors, il en est sorti.
M. Bérubé: La phrase n'est peut-être pas
complète.
M. Goulet: II en est sorti 5 626 000 pieds cubes. Pourquoi le
permet-on? C'est pour 1975/76. Cela m'a fait sursauter quand le sous-ministre a
dit qu'il n'en est pas sorti. Seule REXFOR est autorisée à en
sortir et puis...
M. Bérubé: En provenance de la forêt
publique.
M. Goulet: Vous auriez dû mettre cela dans le rapport.
Même là, pour la forêt privée, il me semble qu'on
devrait arrêter cela si nos industries de sciage sont en train de fermer.
On devrait le faire tout de suite.
M. Bérubé: M. le Président, je tiendrais
à souligner que mon collègue aura l'occasion, lors du
référendum, de voter "oui", ce qui permettra au gouvernement du
Québec de reprendre le contrôle de son marché
extérieur. Je tiens à souligner que la constitution ne permet pas
à l'Etat du Québec de contrôler les produits qui sont
propriété privée.
Le commerce extérieur est régi par un organisme
fédéral, par des lois fédérales.
M. Goulet: II y aurait un mot extrêmement important
à ajouter dans le rapport.
M. Bérubé: Le gouvernement peut interférer
sur le commerce des bois provenant de la forêt publique, parce que le
gouvernement est propriétaire de ses forêts, de la même
façon , le gouvernement peut légiférer dans le secteur du
commerce extérieur concernant les minerais parce que le gouvernement est
propriétaire, dans la plupart des cas, de son sous-sol. Mais, lorsque le
gouvernement n'est pas propriétaire de la ressource, comme les bois
provenant des boisés privés, le commerce de ces produits est
régi par des lois fédérales régissant le commerce
extérieur. Là-dessus, le gouvernement du Québec ne peut
pas intervenir, suivant la constitution que nous connaissons. Mais le
député de l'Union Nationale pourra, en tout temps, voter "oui",
lors du référendum, et, à ce moment-là, il nous
fera plaisir de modifier de telles lois.
Le Président (M. Clair): II est 13 heures et la commission
permanente des richesses naturelles et des terres et forêts ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 13 h 1)