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(Quatorze heures et dix minutes)
Etude de la situation énergétique du
Québec
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Reprise des travaux de la commission parlementaire sur l'énergie,
avec comme membres: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M.
Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M.
Garneau (Jean-Talon) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Giasson
(Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M. Fontaine
(Nicolet), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron
(Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M.
Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).
Les organismes qui vont se faire entendre aujourd'hui sont: l'Ecole
polytechnique de Montréal, la Fusion Energy Foundation, l'Association
des industries forestières, Joseph Debanné; Trans-Canada Pipe
Lines.
J'appelle maintenant l'Ecole Polytechnique de Montréal.
Bonjour, monsieur. Vous avez environ 45 minutes pour votre exposé
et la période des questions.
Ecole Polytechnique de Montréal
M. Amyot (Laurent): Merci. M. le Président, MM. les
membres de la commission, au début de 1976, l'Office de planification et
de développement du Québec confiait au Groupe interuniversitaire
de prospective québécoise une étude sur le système
du Québec et son évolution probable jusqu'en l'an 1995. Il
revient dans ce cadre au Groupe de prospective technologique de l'Ecole
polytechnique d'effectuer l'analyse du sous-système technologique. On ne
s'étonnera pas que l'énergie...
Le Président (M. Laplante): Excusez, monsieur, est-ce que
vous voudriez vous identifier, s'il vous plaît?
M. Amyot: Ah oui! Laurent Amyot, je suis directeur de l'Institut
de génie nucléaire et professeur titulaire à l'Ecole
Polytechnique de Montréal.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur.
M. Amyot: Je ne suis pas ici spécifiquement à titre
de directeur de l'Institut de génie nucléaire, mais à
titre de représentant de l'Ecole Polytechnique. Il revint dans ce cadre
au Groupe de prospective technologique de l'Ecole Polytechnique d'effectuer
l'analyse du sous-système tech- nologique; on ne s'étonnera pas
si l'énergie fut singularisée comme l'un des secteurs
témoins qui devait être soumis à un examen plus
fouillé.
Avec la constitution d'une commission parlementaire sur la politique
énergétique et à la suite de l'appel lancé par le
ministre délégué à l'énergie, il a
semblé que les résultats de ces travaux récents pouvaient
dans quelque mesure enrichir les débats en cours. M. Gilles Lebel,
directeur général adjoint de l'OPDQ, a gracieusement
accordé son approbation. C'est donc, avec des modifications relativement
mineures, le texte du rapport sur l'énergie préparé par
l'OPDQ qui est reproduit à l'intention de votre commission.
Le mandat défini par l'OPDQ distingue trois phases successives de
réalisation, la première s'adresse à l'analyse du
présent, identifie les éléments de l'avenir et le regroupe
en des esquisses préliminaires des décennies qui viennent. La
seconde et la troisième doivent tracer respectivement une série
de scénarios exploratoires et normatifs. Seule l'étape initiale a
été franchie et c'est d'elle uniquement qu'il s'agira ici.
La présentation orale s'adressera d'abord à la perception
du présent, puis mettra en relief les tendances lourdes, les
déséquilibres et tensions, les faits porteurs d'avenir qui
déterminent dans une large mesure l'évolution de l'énergie
au Québec. Elle tentera enfin de mettre en regard deux options que,
partout dans le monde, les politiques en voie d'élaboration cherchent
à concilier: La recherche du moindre coût et celle de l'autarcie
maximale.
Au Québec, la répartition de la consommation entre les
sources d'énergie et les usagers s'est montrée remarquablement
stable durant les quinze dernières années. Mis à part le
phénomène socio-économique de tertiarisation et
l'effacement du charbon, observés dans presque tous les pays
occidentaux, exception faite aussi de l'insertion timide du gaz naturel, aucun
changement majeur ne ressort à l'examen. La structure bipolaire,
où s'imposent le pétrole avec 70% et la houille blanche avec
présentement 22%, se maintient durant toute cette période. De
fait, avec 28% de la population et à peu près le quart de la
dépense énergétique canadienne, le Québec consomme
aujourd'hui le tiers du pétrole et de l'électricité, mais
seulement 9% du charbon et 5% du gaz naturel utilisés dans l'ensemble du
pays. Puisque l'hydroélectricité reste l'unique forme importante
d'énergie produite en territoire québécois, la province
est tributaire de sources extérieures pour plus de 75% de son
approvisionnement. L'industrie de l'énergie échappe
elle-même, davantage encore que les ressources, au contrôle
québécois, bien qu'il convienne d'excepter et de souligner la
contribution importante de l'Hydro-Québec et la présence active
de la SOQUIP.
Par rapport à la valeur totale des biens et services produits
dans la province, la part de la consommation énergétique
s'élève à 5% ou 6%. Il
semble, aujourd'hui, que ce soit plutôt près de 7% ou 8%.
Elle entraîne une saignée de capitaux qui affecte
déjà lourdement la balance des paiements. C'est néanmoins
par les immobilisations qu'elles consacrent annuellement au renouvellement et
à la croissance de l'équipement que les industries de
l'énergie influent de la façon la plus immédiate sur
l'économie: Le quart des investissements effectués par les
secteurs public et privé s'adresse présentement aux installations
énergétiques.
A la faveur d'un pétrole bon marché et confiant en
l'abondance de sa houille blanche, le Québec est devenu, compte tenu de
sa population, l'un des plus forts consommateurs d'énergie au monde. Or,
l'incertitude et la cherté sont désormais les notes principales
qui caractérisent les marchés du pétrole sur les plans
international et canadien. Ce fait nouveau, plus que toute autre
considération, entraîne pour le Québec, si fortement soumis
aux tribulations de l'or noir, la nécessité pressante de
reconsidérer ses options énergétiques.
La demande d'énergie a, depuis la dernière grande guerre,
connu un essor extraordinairement rapide au Québec. Bien que ralenti, il
semble que cet accroissement se poursuivra dans l'avenir. L'extrapolation
tendancielle de la consommation passée indique déjà un
fléchissement attribuable à la stagnation de la population et
à l'expansion du secteur tertiaire. La flambée des prix devrait
normalement diminuer encore le taux de croissance et les mesures de
conservation provoqueront vraisemblablement un freinage ultérieur.
Mais, dans cette province que, en exagérant sans doute, on a pu
situer à la fois au bas de l'échelle des pays
industrialisés et à l'avant-garde des régions
sous-développées de la planète, la croissance nulle ne
paraît guère souhaitable à brève
échéance; il semble plausible d'admettre que la consommation
présente d'énergie y sera multipliée par un facteur
compris entre 1.75 et 3.0 au cours des vingt prochaines années.
Le chiffre de 1.75 est associé à une croissance annuelle
de 3,5%. C'était la valeur la plus basse qui a été obtenue
au niveau fédéral l'an dernier, et c'est cette valeur que
recommande la SODE dans sa dernière publication qui vient de
paraître. Le chiffre 3.0 correspond à la tendance historique.
L'inertie du système, les longs délais (d'un quart de
siècle en ordre de grandeur) qu'exige la mise en route d'alternatives
valables maintiendront la domination du pétrole dont la part du
marché ne saurait guère avant l'an 2000 être ramenée
beaucoup en deça de la moitié. Ce pétrole aléatoire
continuera vraisemblablement à provenir de l'étranger, les
ressources canadiennes se révélant insuffisantes ou trop
onéreuses; toutefois, le plateau continental au large du Labrador offre
des perspectives intéressantes qui, pour une fois, placeraient le
Québec en tête de réseau.
Sollicité de réduire la pression sur les hydrocarbures,
l'électricité unique espoir d'une autarcie accrue
pourra, avant la fin du siècle, porter au tiers sa quote-part des
approvisionnements énergétiques; elle devra, pour ce faire, ne
plus s'en remettre au seul apport hydraulique, appelé à plafonner
en valeur relative vers 1990, puis à redescendre à son niveau
présent d'environ un cinquième dans la seconde moitié de
la décennie suivante.
En somme, les deux pôles traditionnels de l'offre se dresseront
toujours au-dessus du marché mais, pour compenser leur érosion
graduelle, ils devront s'accompagner au tournant du siècle d'autres
formes d'énergie dont l'importance ne sera plus négligeable.
C'est à l'Etat qu'il incombe, en pratique, de résoudre le
dilemme posé par l'utilisation optimale des ressources et
d'établir à tout moment un compromis acceptable entre la
conservation et le développement. Ni l'amélioration du rendement
technologique, ni le jeu spontané du marché ne paraissent aptes,
en effet, à assurer, au rythme et dans la mesure souhaitables,
l'intégration des coûts sociaux, la protection du milieu physique
et humain, l'assainissement des comptes nationaux minés par des
importations massives d'énergie. Sans que les structures actuelles de
l'entreprise économique en soient bouleversées,
l'évolution de la conjoncture énergétique exigera une
présence plus active des instances gouvernementales et l'adoption
systématique de mesures incitatrices, coercitives et normatives.
La détermination de la demande, en particulier, sera
vraisemblablement soumise à un effort de rationalisation tant au niveau
québécois que fédéral. Quant à l'offre, des
tensions et déséquilibres s'y manifestent aussi bien dans le
secteur des combustibles que dans celui de l'électricité. Pour se
soustraire à la domination du pétrole, le Québec se doit
d'augmenter les apports, aujourd'hui minimes, du gaz naturel et
peut-être, mais l'espoir est moins fondé, du charbon, quoique le
Québec possède des ressources non négligeables de tourbe
qu'on n'a jamais exploitées à des fins
énergétiques, mais qu'il serait peut-être bon de
considérer.
L'éloignement des ressources et leur prix souvent peu attrayant
au regard du pétrole ont empêché jusqu'à
présent ces deux combustibles fossiles de jouer au Québec un
rôle comparable à celui qu'ils exercent ailleurs au Canada et dans
le reste du monde. Or, le renchérissement du pétrole et les
nouvelles perspectives de l'approvisionnement gazier militent en faveur d'un
changement que réclame, d'ailleurs, la sidérurgie
québécoise.
L'électricité, appelée d'aucuns disent
abusivement à remplacer les combustibles dans nombre d'usages qui
leur sont aujourd'hui réservés en propre, est elle-même, on
vient de le voir, confrontée à un problème majeur, la
saturation, puis la relève de l'hydraulique. C'est durant la
période de référence, voire dès maintenant, que
doit s'effectuer la transition graduelle vers les solutions de l'avenir parmi
lesquelles la fission nucléaire, de par la maturité de sa
technologie, tient forcément le premier rang.
On classera logiquement sous deux rubriques les faits porteurs d'avenir
qui, durant les deux décennies qui viennent, conjugueront leurs
effets
aux tendances lourdes. Relative à l'offre, la première
s'adresse aux filières de substitution appelées à
remplacer petit à petit le pétrole et
l'hydroélectricité. La seconde, associée de plus
près à la demande, mais également à l'offre, visera
la technologie de la conservation.
Les ressources promises par la vallée du Mackenzie, dans une
certaine mesure le produit du sous-sol québécois, mais surtout
les débits nouveaux en provenance de l'Arctique pourraient plus que
doubler la part du gaz naturel dans l'approvisionnement
énergétique du Québec à l'horizon 2000. La
gazéification du charbon de l'Ouest ou des Maritimes apportera
possiblement un nouveau recours. Naturel ou artificiel, ce combustible doit de
toute façon se frayer une voie vers le marché de l'acier
québécois, privé de réducteur.
Dans le même temps que le gaz naturel augmentera sa
pénétration, la fission nucléaire réalisera sa
première percée d'envergure au Québec, car, en
dépit des controverses engendrées le plus souvent par une
information déficiente que suscite cette filière, malgré
l'adoption souhaitable de programmes majeurs de conservation, la conscience
accrue des avantages propres à cette forme d'énergie et l'absence
d'alternatives valables au niveau de la production imposeront son intervention.
Elle pourra assouvir le tiers des besoins en électricité au
début du siècle qui vient. Les ressources indigènes
d'uranium lui accorderont, ce n'est pas improbable, un avantage comparatif
auquel il convient d'ajouter la longue expérience de la grande industrie
mécanique du Québec, étroitement associée au
progrès du système CANDU. La fourniture d'eau lourde, comme
peut-être celle de l'uranium enrichi, donnera lieu à une industrie
satellite d'assez grand volume.
Quant aux filières dites nouvelles, certaines produiront leurs
premiers fruits durant la période de référence qui restera
néanmoins, dans l'ensemble, une longue gestation. La fusion
thermonucléaire justifiera des efforts québécois sur
quelques problèmes spécialisés dans le cadre d'une
collaboration internationale. La valeur d'échange de ces contributions
pourra, dans deux ou trois décennies, s'avérer un atout
précieux. L'énergie marémotrice ne s'installera pas au XXe
siècle, bien que la baie d'Ungava offre des promesses. L'éner-ie
solaire s'introduira peu à peu sur le marché du chauffage
résidentiel, mais il est improbable qu'elle se diffuse largement avant
le début du XXIe siècle. L'énergie éolienne
à vocation restreinte pourra toutefois s'emparer du pourtour du golfe
Saint-Laurent et peut-être du Nouveau-Québec. La pile à
combustible présentera, le moment venu, une alternative à
l'allongement illimité des lignes de transport de
l'électricité, mais apportera auparavant un complément
à la tubomachine en centrale: son succès déterminera, en
partie du moins, l'avenir des combustibles articifiels, de l'hydrogène
surtout, en qui d'aucuns voient un successeur des hydrocarbures classiques.
Enfin, la pyrolyse des déchets soulagera les problèmes de
l'environnement physique, en outre de contribuer un apport mineur, mais non
négligeable, à la satisfaction des besoins
énergétiques.
L'amélioration du rendement technologique au niveau de la
production et de l'utilisation constitue une condition minimale que doit
respecter tout schéma rationnel de conservation. La réduction du
taux d'autoconsommation au sein de l'industrie énergétique
elle-même s'effectuera surtout dans le cas du Québec grâce
aux progrès réalisés dans le transport et le stockage de
l'électricité. A la charnière entre la production et la
mise en oeuvre, les schémas d'énergie totale (dans les usines et
les grands immeubles) permettront une intégration optimale de la chaleur
et de l'électricité en même temps que leur application
donnera lieu à de nouvelles entreprises.
Dans les foyers, l'isolation thermique mérite qu'on lui consacre
une attention majeure, puisque 15% de l'énergie consommée au pays
s'adresse au chauffage domiciliaire. La remarque vaut, a fortiori, pour le
secteur tertiaire où l'absence de normes relatives à l'isolation
thermique donne libre cours à tous les caprices architecturaux.
L'introduction de la pompe à chaleur dans les immeubles commerciaux
promet des économies appréciables.
Le secteur du transport échappe en grande partie à
l'initiative québécoise, mais des gains très substantiels
peuvent être acquis sur l'efficacité de l'automobile
conventionnelle. La mise au point de la voiture électrique, même
confinée au milieu urbain, pourrait, vers la fin de la période de
référence, produire un impact sur la consommation d'essence sans
grever indûment l'industrie de l'électricité.
Cependant, durant les deux prochaines décennies, le transport en
commun dans les villes continuera de s'appuyer sur le métro et l'autobus
diesel ou électrique, sans qu'on puisse escompter des progrès
marquants sur le plan de l'économie de l'énergie. Sur les moyens
et longs parcours entre les villes, le souci d'épargner le
pétrole impose respectivement la renaissance du rail et la diffusion des
aérobus. Au-delà du siècle qui s'achève, un
aménagement plus rationnel des espaces urbains et le progrès des
télécommunications constitueront des mécanismes de
conservation plus élégants et radicaux.
Quant à l'industrie manufacturière, elle devra
réviser ses procédés, définis très souvent
en retenant pour critères exclusifs les frais initiaux de
l'installation, les exigences en matières premières et en
main-d'oeuvre. La récupération de la chaleur résiduelle et
le recyclage des matériaux y tiendront désormais une place
importante.
Dans l'ensemble, et au terme d'une période de transition qui
pourra s'étendre sur un quart de siècle, il semble tout à
fait possible de réaliser une épargne globale d'à peu
près 25% sur la dépense énergétique affectée
à des besoins donnés, sans que le système des valeurs des
Québécois ait à subir de transformations radicales. L'OCDE
dont les prédictions étaient de 10% à 15% dans le document
qui avait été publié en 1975, a maintenant
révisé ses projections à la hausse et prétend qu'il
sera possible de réaliser une économie de 20% pour 1985, à
cause des augmentations que les
combustibles ont subies dans l'intervalle et qui vont rentabiliser les
nouvelles économies.
Si des impératifs comme la protection du milieu et
l'aménagement du territoire doivent, en bonne gestion, constituer de
fortes contraintes, il est de fait que les politiques de l'énergie en
voie d'élaboration un peu partout à travers le monde
hésitent entre deux objectifs principaux: la recherche du moindre
coût et celle de l'autarcie maximale. Les deux options ne s'excluent pas
mutuellement et, d'ailleurs, la seconde n'est qu'imparfaitement
réalisable, mais la marge de manoeuvre dont jouit le Québec donne
place à une évolution propre de quelque ampleur entre ces
pôles extrêmes.
En toute hypothèse, qu'il s'agisse de réduire la
dépense ou la dépendance énergétique, l'adoption
d'un programme de conservation représente un commun dénominateur
des alternatives à considérer.
Un scénario de moindre coût insistera
préférentiellement sur l'économie de
l'électricité qui dévore les capitaux en frais de premier
investissement, mais devra, ce faisant, tenir compte des retombées
potentielles des placements énergétiques sur l'économie
générale. Il éprouvera moins de réticence à
confier l'avenir au pétrole et, dans le dosage des filières de
substitution, préférera dans la mesure du possible l'expansion du
gaz naturel à la progression des centrales nucléaires Axé
sur le court terme, il sera tenté de repousser à plus tard les
choix difficiles, au risque de compromettre la possibilité de choix
futurs.
Un scénario d'autarcie maximale s'appuiera forcément sur
l'acquis québécois. Il placera l'accent de la conservation sur
les hydrocarbures, le pétrole surtout, qui drainent vers
l'extérieur les épargnes nationales. Il cherchera, certes,
à valoriser les ressources indigènes de gaz naturel et voudra
monnayer l'expertise québécoise en matière
d'hydroélectricité contre un approvisionnement pétrolier
mieux garanti. Mais il verra surtout à assurer en temps utile la
relève de la houille blanche et, élargissant la part de
l'électricité, se ménagera un accès éventuel
aux combustibles artificiels. L'impulsion qu'en recevra l'industrie
québécoise lui paraîtra une contrepartie valable des
immobilisations consacrées à l'énergie. Tendu vers un
avenir plus lointain, il devra composer dans l'immédiat avec d'autres
exigences sociéta-les et imposera une définition claire des
aspirations collectives.
Maintien d'une confiance aveugle envers le pétrole ou
développement résolu de filières nouvelles et, en l'un ou
l'autre cas, détermination des parts accordées respectivement au
gaz naturel et à la fission nucléaire, telles sont, en
définitive, les question essentielles. Car, pour impérieuses
qu'elles soient, les mesures de conservation ne sauraient dispenser le
Québec de recourir à chacune de ces trois sources
d'énergie, sans porter atteinte à sa structure
socio-économique.
Autant et plus que les ressources matérielles, les ressources
humaines exerceront leur poids dans les décisions prochaines. Exception
faite de l'hydroélectricité, le Québec manque d'experts
techniques qu'il est urgent de former aussi bien dans le domaine
général de l'énergie que dans celui de filières
spécifiques comme celles du pétrole, du gaz naturel et de la
fission nucléaire. Or, il arrive que l'acquisition des connaissances
soit bien plus lente que l'obtention des capitaux, mais tout aussi
nécessaire.
L'ampleur des tâches à accomplir et la longueur des
délais exigés par le développement des ressources
matérielles et humaines imposent que les transitions à
ménager s'amorcent sans retard.
M. le Président, j'aimerais répéter, encore une
fois, que je suis ici en tant que représentant de l'Ecole polytechnique
et que, dans la préparatior de ce document-ci, j'ai essayé
d'avoir le maximum d'impartialité. Cependant, je suis directeur d'un
institut de génie nucléaire et ma perception est qu'à
cette commission plusieurs questions ont porté sur le domaine
nucléaire.
Alors, je serais particulièrement prêt à
répondre à des questions, si la commission le souhaite, dans les
trois domaines suivants: Sur les effets possibles d'un moratoire dans le
secteur nucléaire, sur la question de sûreté
associée aux implantations nucléaires, sur les besoins en
main-d'oeuvre associés au secteur nucléaire. Cela ne veut pas
dire que je ne suis pas disposé à répondre à des
questions qui sont d'autres domaines.
Le Président (M. Laplante): Vous avez le droit de choisir
un petit peu.
M. Amyot: Pardon?
Le Président (M. Laplante): Vous avez le droit de choisir
un peu, dans le domaine de ce qui vous touche le plus. M. le ministre.
M. Joron: M. Amyot, même si vous portez aujourd'hui votre
chapeau de l'Ecole polytechnique, et non pas celui de l'Institut de
génie nucléaire, il faut dire quand même qu'à la
lecture du mémoire, cela paraissait un peu que vous aviez un
deuxième chapeau quelque part.
M. Amyot: Je dois dire que, dans le groupe de prospective
technologique de l'Ecole polytechnique, j'étais le seul ingénieur
nucléaire, que les hu autres n'étaient pas du secteur, que mon
document a reçu une assez large diffusion avant de quitter l'Ecole
polytechnique et que ce n'est pas à ma demande qu'il est
présenté ici; c'est à la demande du président de
l'école, de sorte que...
M. Joron: D'accord, j'avais compris cela.
M. Amyot: ... cela indique qu'on accorde un certain
crédit...
M. Joron: J'en conclus que vous avez beaucoup d'influence sur vos
collègues. Evidemment, votre mémoire se situe, et vous le dites
vous-même, je pense, à la dernière page, dans un
scénario qui ne porte pas atteinte à la structure
socio-économique du Québec telle qu'on la connaît
aujourd'hui. A un autre moment aussi, dans le mémoire, vous dites: "Sans
changement dans nos valeurs ou la définition de nos besoins
fondamentaux." Alors, vous posez donc le problème dans des termes de
référence qui sont ceux du passé ou d'aujourd'hui, selon
les schèmes de développement auxquels on est habitué. On
peut discuter à la fois dans ce cadre et, bien que ce soit un exercice
plus difficile, dans un exercice de prospective de ce que pourrait être
une structure socio-industrielle économique différente. Pour
l'instant, je voudrais vous poser une première question. Vous semblez,
dans un sens, il se dégage de votre mémoire que vous nous invitez
finalement, en nous disant qu'on ne peut échapper à toutes les
sources alternatives qu'il faut chercher: augmentation du gaz naturel, fission
nucléaire, et qu'il faut toutes les rechercher...
Ce qui m'impressionne, ce qui ressort de votre mémoire, c'est que
cela a l'air encore plus pressant, plus urgent peut-être que ce que
d'autres mémoires avant vous avaient pu laisser transparaître. Par
contre, je m'étonne qu'il y ait ce caractère d'urgence parce que,
d'autre part, vous estimez que l'augmentation de la demande globale de
l'énergie au Québec sera quelque part entre 1,75% et 3%, mettons
2% ou 2,25% en moyenne, ou quelque chose comme cela. L'Hydro-Québec, par
contre, en estimant une demande deux fois plus rapide que ce que vous nous
dites, pour l'ensemble de l'énergie, pas seulement
l'électricité, arrivait à nous dire que les ressources,
actuellement, économiquement exploitables, hydrauliques ou
conventionnelles, nous menaient en 1993 à peu près comme date
limite à laquelle on aura fini, épuisé toute
l'hydraulique.
Donc, dans à peu près 17 ans d'ici, en employant un taux
de croissance la moitié moins rapide, il semblerait se dégager de
votre taux de croissance que l'hydraulique pourrait nous porter non pas
à 17 ans d'ici, mais à 34 ans d'ici. Là, on serait rendu
quelque part autour de 2010. Pourquoi cette urgence, si vous prévoyez un
taux de croissance beaucoup plus faible même que celui
qu'annonçait l'Hydro-Québec? Peut-être qu'en 2010...
Pourquoi cette urgence sur la fission nucléaire alors que bien des gens
nous ont dit que, surtout au-dela.de l'an 2000 ou 2010, on est
déjà dix ans dans l'an 2000, la fusion nucléaire serait
peut-être disponible à ce moment-là?
M. Amyot: J'ai comparé les valeurs de mes taux de
croissance moyens avec ceux de l'Hydro-Québec et ça m'a
donné, dans mon cas, 2,2% et, dans le cas de l'Hydro-Québec,
2,3%. Il se peut que les extrêmes soient un peu plus grands.
M. Joron: Cela dépend, parce que l'Hydro employait trois
scénarios possibles, un faible, un moyen et un fort. Là, vous
parlez du faible, bien entendu.
M. Amyot: Oui, je crois que la différence essentielle,
c'est que, dans le cas de l'Hydro, on a supposé comme probable que la
part de l'électricité dans la panoplie énergétique
serait de l'ordre de 45%, alors que, dans mon cas, je dis un tiers, à
peu près. C'est de là que vient la différence, mais pas
pour le taux moyen de croissance. Si je parais plus préoccupé que
d'autres sur la date à laquelle on va prendre les décisions,
c'est probablement ma fonction d'éducateur qui entre en jeu. Parce que,
pour qu'on puisse lancer des initiatives dans un secteur comme celui de la
fission nucléaire, par exemple, il faut d'abord préparer des
gens, il faut préparer une industrie et il faut avoir une
infrastructure. Or, il se trouve que ces échéances sont longues,
elles sont même très longues. C'est ce qui m'amènerait
à parler, si vous le souhaitez, de la question du moratoire dont j'ai
parlé tout à l'heure.
Pourquoi l'Hydro-Québec est-elle arrivée à un
pourcentage de 45%, par exemple, dans la panoplie énergétique de
l'an 2000, et pourquoi, en fait, maintiendrait-elle cette panoplie pour un bon
bout de temps? La valeur relative de la contribution de
l'électricité, elle la détermine en se basant sur la
compétitivité, sur le plan économique, entre
l'électricité et d'autres formes d'énergie, le
pétrole et le gaz naturel. Là-dessus, je ne suis pas sorcier et
je ne peux pas prévoir très bien l'évolution des prix
d'ici l'an 2000. Je suppose que son argument peut être justifié.
Mais je crois que ça reflète aussi autant une volonté
accrue d'augmenter le pourcentage d'autarcie au Québec, car,
étant donné qu'on n'a pas de combustible fossile, c'est la seule
voie possible. Cela, c'est pour la valeur relative.
Quant au taux de croissance, le Club de Rome, dans son premier rapport,
a lancé un cri d'alarme qui s'appliquait à tout le monde sur
toute la terre, et on nous a dit que nos ressources étaient
limitées et qu'on devait faire halte à la croissance. Je crois
que ce fut un appel très salutaire. Dans son deuxième rapport, le
Club de Rome a cependant corrigé un peu cette première impression
en introduisant le concept d'une croissance différenciée. Une
étude régionale qui a été faite pour
l'Amérique du Sud par le groupe de Ba-riloche est aussi arrivée
à la conclusion que la croissance pouvait être justifiée
dans certains secteurs et était même permise par l'état des
ressources sans trop de problèmes.
Je crois que le cas du Québec n'est pas celui des pays les plus
fortement industrialisés, avec la structure économique la plus
forte de la planète, bien au contraire. Nos meilleurs économistes
nous disent que l'économie du Québec est en déclin depuis
plusieurs générations maintenant. Est-ce que le Québec
doit, dans une redéfinition de sa structure, se départir ou
affaiblir la contribution de ses industries lourdes, par exemple, en se
convertissant avec des industries plus douces de type technologiquement
modeste, selon le terme consacré dorénavant? Je ne le sais pas.
Cela ne m'apparaît pas être la situation la mieux adaptée,
disons, à la situation du Québec.
Ensuite, est-ce que la conservation nous permettra vraiment de
réduire les taux de croissance autant qu'on pourrait le souhaiter
idéalement? La
conservation coûte de l'argent. Sur le plan de l'argent, je pense
qu'on a déjà démontré que cela coûte moins
cher d'économiser de l'énergie que de produire de
l'énergie, mais cela coûte aussi du temps. Les sommes d'argent et
le temps que l'industrie mettra à convertir ses équipements pour
les rendre plus erficaces, elle pourra aussi les mettre pour augmenter la
productivité. Alors, il y aura un choix à faire. Autrement dit,
l'effort qu'on va consacrer au développement de la conservation, il
n'est pas sûr qu'on pourra en même temps le consacrer au
développement économique et je ne suis pas sûr que,
lorsqu'on fera ie bilan, cela pèsera nécessairement dans le sens
de la conservation maximale. Il y a un gaspillage qui est évident pour
tout le monde, mais doit-on pousser à la conservation maximale en
faisant abstraction dorénavant du concept de développement
économique? Personnellement, j'en doute.
La relève de l'hydraulique. Les recommandations de l'OCDE sont
qu'on mette dans les pays qui font partie de l'OCDE l'accent sur le
nucléaire le plus rapidement possible. Le nucléaire a
été freiné récemment pour différentes
raisons. Il y a eu des contestations dont certaines étaient parfaitement
justifiées.
Il y a eu des difficultés de faire des investissements, de
trouver des capitaux en temps utile. Il y a eu un certain freinage de la
demande dû à des mesures de conservation. Il reste que,
jusqu'à la fin du siècle encore, l'OCDE prône le
développement de l'énergie nucléaire.
Personne ne parle des avantages intrinsèques de l'énergie
nucléaire, mais il y en a. Il y a d'abord le fait que c'est une
technologie qui est mûre présentement, qui fonctionne avec 5% ou
6% d'électricité à travers le monde, avec quasiment 20% de
l'électricité produite en Ontario, la compétitivité
est prouvée, il me semble.
Sur le plan de l'autarcie, on l'a mentionné à plusieurs
reprises, il n'y a pas d'autres ressources qui pourraient prendre la
relève de l'hydraulique à brève échéance au
Québec.
Sur le plan de la propreté, sur le plan de la
sûreté, j'aimerais bien mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit
d'un concept extrêmement relatif et qu'il y a beaucoup de gens qui
prétendent, à l'heure actuelle, que l'énergie
nucléaire a des avantages, sur le plan de la propreté, sur toutes
les autres sources énergétiques en existence. Je ne parle pas des
sources dont l'application est purement potentielle.
Enfin, si on retardait l'avènement de l'énergie
nucléaire, qu'arriverait-t-il? D'abord, alors que maintenant on a
environ 40% des industries nucléaires qui participent au programme
canadien qui sont installées au Québec, contre 60% en Ontario,
alors qu'à l'heure actuelle les deux tiers du contenu économique
d'une centrale nucléaire sont québécois, il y aurait,
certainement, une tendance à ce qu'on perde une partie de cette
contribution.
Il est déjà extrêmement difficile de sensibiliser
les PME québécoises à s'aventurer dans ce secteur.
En mai dernier, on avait à l'Ecole polytechnique un colloque
réunissant 200 participants de quatre provinces où l'industrie
était particulièrement conviée sur le défi que pose
l'introduction de l'énergie nucléaire à l'industrie
québécoise. Or la participation des PME québécoises
était faible, pas autant que celles de l'Ontario, qui en plusieurs cas
nous ont remercié d'avoir organisé un colloque semblable parce
qu'il démontrait énormément de potentiel pour
l'avenir.
Alors, si on retarde, cela demande une transition vers des
tolérances beaucoup plus grandes sur des machines, vers des
précisions auxquelles notre industrie n'est pas habituée. Si on
retarde des décisions, notre industrie ne s'équipera pas en temps
utile. Ce qui est vrai de l'industrie l'est encore beaucoup plus des gens. Cela
demande du temps de préparer des gens. Cela demande d'acquérir
des connaissances spécialisées dans n'importe quel domaine
nouveau et dans le secteur nucléaire, en particulier.
On parle d'une dizaine d'années de préparation. Si on
retardait l'avènement de l'énergie nucléaire
jusqu'à l'an 2000, le manque à gagner de l'industrie
Québécoise, au prix qui était valide en dollars canadiens
de 1975, le manque à gagner de l'industrie québécoise, en
retardant l'avènement de l'énergie nucléaire
jusqu'à l'an 2000, se situerait dans l'ordre de $20 milliards minimum en
tenant compte uniquement des prix qui étaient en vigueur à ce
moment-là qui vont certainement monter, en tenant compte uniquement du
secteur énergétique lui-même. Si on affecte cela à
l'effet multiplicateur pour l'ensemble de l'économie, cela veut dire un
manque à gagner de l'ordre de $50 milliards pour l'économie
québécoise.
L'effet sur l'emploi, selon le programme qui était
présenté par l'Hydro-Québec, ce serait de l'ordre de 40
000 emplois qu'on aurait en l'an 2000 dans le secteur nucléaire. C'est
directement affecté à la production, ce ne sont pas les emplois
qui sont suscités par la présence de cette énergie. Il
reste seulement la justification proprement morale. Or, le concept de
sécurité, le concept de sûreté, c'est un concept
qu'il convient de relativiser. Il n'existe pas de technologie qui soit
absolument sûre, il n'en existe pas non plus dont les dangers soient
parfaitement connus. On connaît moins bien, aujourd'hui, les dangers qui
sont associés à la présence de particules nocives dans
l'air que les dangers qui sont associés à la présence de
radiations émanant de centrales nucléaires. Je pense que je vais
arrêter là.
M. Joron: Vous avez soulevé pas mal de questions. J'en
avais bien d'autres qui me venaient à l'esprit et vous me faites penser
à un plus grand nombre.
Je vous disais tout à l'heure que vous situiez l'urgence encore
plus rapidement dans le temps que l'Hydro-Québec et que cela
m'apparaissait curieux parce que vous fondiez cela sur un taux de croissance
plus faible. J'avais oublié d'ajouter que cela m'apparaissait d'autant
plus curieux que vous prévoyiez la possibilité d'une
économie globale,
s'il y a des mesures de conservation ou d'économie, de
rationalisation de l'utilisation de l'énergie pouvant aller
jusqu'à 20% ou 25% en l'an 2000, alors que l'Hydro-Québec n'est
pas contre dans une aussi large proportion de la soustraction que cette
rationalisation-là peut amener à la demande totale. Ce qui veut
dire que vous qui accordez, dans votre mémoire, une soustraction
à cet effet-là assez importante, cela implique que vous
êtes encore plus pressé même que vous en avez l'air.
M. Amyot: Non, je ne dis pas que ce n'est pas possible de se
passer éventuellement de toute contribution de l'énergie
nucléaire avant l'an 2000. Il est possible de concevoir un schéma
où on va utiliser toute l'énergie hydraulique jusqu'à la
dernière goutte et ensuite passer à l'énergie
nucléaire, par exemple. Si on fait cela, on va avoir perdu toute
possibilité de faire concurrence, non seulement de faire concurrence
mais d'entrer de plain-pied, si on veut, dans le secteur nucléaire,
parce que l'avance ontarienne va être insurmontable, il n'y a absolument
aucun doute. Ensuite, on va avoir adopté un schéma qui ne nous
permettra pas de transformation graduelle et le plus économique possible
du personnel et de l'industrie qui sont impliqués actuellement dans le
secteur hydraulique. On va promouvoir un certain essor du secteur hydraulique
et tout d'un coup on va dire à tous ces gens-là, à toutes
ces industries. Là on arrête et on passe à autre chose.
Cela m'apparaîtrait beaucoup plus rationnel qu'il y ait une transition le
plus graduelle possible pour permettre une conversion des personnes et des
industries impliquées.
M. Joron: Je pense que c'est le noyau de votre argumentation.
M. Amyot: Oui, c'est vrai.
M. Joron: Donc, si c'est inévitable et s'il faut y venir,
cette argumentation-là se comprend. Mais ce que je mets en doute c'est
que ce soit inévitable et qu'il faille nécessairement y venir
jamais. Vous avez mentionné vous-même qu'un des facteurs qui va
conditionner le taux de croissance de la demande d'ici la fin du siècle
c'est ce qui va arriver à la structure économique du
Québec. On est tous d'accord et cela on l'entend depuis des
années pour dire qu'elle est inadéquate, qu'elle vieillit
et ainsi de suite. Il faut aller vers autre chose. Nous avons
déjà une structure qui est énergivore, très
énergivore parce qu'elle est fondée sur la transformation
primaire de matières premières dans une étape qui
coûte extrêmement cher en énergie; toute l'industrie
primaire, métallurgique ou l'industrie des pâtes et papiers.
S'il faut aller vers autre chose, on va s'en aller, au contraire, non
pas vers des industries plus énergivores encore, mais infiniment moins
énergi-vores. Les modifications inévitables à la structure
industrielle du Québec nous conduisent automatiquement vers un
modèle économique qui consomme beaucoup moins d'énergie,
ce qui nous reporte encore plus loin dans le temps. Je ne pense pas que vous
puissiez faire valoir la nécessité de la reconversion
industrielle du Québec comme étant un argument qui sous-tend une
augmentation de la croissance énergétique, au contraire.
M. Amyot: La raison pour laquelle on a actuellement cette
structure industrielle est basée en partie sur la disponibilité
d'une énergie bon marché. Elle est basée aussi sur
d'autres avantages comparatifs dont disposait le Québec
traditionnellement, par exemple, sur la présence de forêts dans le
cas des pâtes et papiers. Et ce facteur va demeurer à
l'avenir.
Alors, je ne sais pas si c'est le seul facteur qu'on devrait
considérer dans une transformation de notre économie d'un type de
société industrielle à un type de société
dit postindustriel.
M. Joron: Disons qu'on peut situer trois types de niveau de
développement industriel. Nous sommes peut-être au stade, au
Québec, du passage d'une société, à certains
égards, sous-développée, de par certaines faiblesses
structurelles de notre économie, à une structure industrielle
mature. Je prends l'exemple d'un pays comme la Suède, qu'on emploie
parce qu'il est commode pour toutes sortes de comparaisons. C'est une structure
industrielle mieux équilibrée, plus avancée que la
nôtre, davantage dans le domaine secondaire, et ainsi de suite. C'est une
industrie qui consomme beaucoup moins d'énergie que la nôtre. Si
on doit passer à un stade plus éloigné, vous avez
évoqué ça, je trouvais cela curieux qu'on
peut même passer à une structure industrielle qu'on pourrait
appeler postindustrielle et vous avez dit: vers des industries de nature douce
ou technologiquement peu avancées.
Mais il me semble qu'au contraire, l'étape ultérieure, si
on pense à des industries de pointe, l'électronique ou des choses
comme ça, ce n'est pas ce qu'on peut appeler technologiquement facile ou
peu avancé. Au contraire, elles sont parmi les industries les plus
technologiquement avancées de toutes et qui consomment encore moins
d'énergie que des industries secondaires.
M. Amyot: Mais le terme n'est de moi, je mettais ça entre
guillemets, c'est un terme qu'on emploie actuellement, qui est à la mode
pour parler des technologies qui sont mieux adaptées aux énergies
dites douces.
Pour revenir au cas de la Suède, je crois qu'une des raisons
principales pour lesquelles la Suède, actuellement, a un taux de
consommation d'énergie per capita qui est beaucoup inférieur au
nôtre et un rendement énergétique global pour l'ensemble de
l'économie qui est de beaucoup meilleur que le nôtre, c'est
qu'elle a eu une énergie qui était depuis longtemps très
chère, de sorte qu'elle a eu une motivation forte pour augmenter son
rendement dans le secteur industriel et dans tous les secteurs.
Elle a, par exemple, le chauffage urbain de façon assez
généralisée dans une grande partie; ce
n'est pas nécessairement dû au fait qu'elle a changé
de structure.
M. Joron: C'est dû à plusieurs facteurs, c'est
évident.
M. Amyot: Oui, mais je veux dire qu'une bonne partie de ce gain
nous est accessible sans qu'on change la structure de notre
économie.
M. Joron: Un mot aussi sur les réserves hydrauliques
possibles m'amène à vous poser une autre question.
L'Hydro-Québec mentionnait, on tient tous ces chiffres pour acquis,
qu'après la baie James, il reste 15 000 mégawatts
économiquement aménageables, plus 10 000 autres qui pourraient
l'être, qui, compte tenu de la différence des prix entre les
différentes formes d'énergie, ne paraissent pas aujourd'hui
rentables, mais pourraient bien l'être dans 10 ou 15 ans, qui seraient
économiquement aménageables à ce moment-là. Comment
est-ce qu'on peut prévoir... et ça dépendrait
essentiellement du coût des autres formes d'énergie. Le
pétrole, Dieu sait où il sera rendu en 1990, et le coût
d'installation d'une centrale nucléaire, Dieu aussi sait où il
sera rendu en 1990.
A ce moment-là, peut-être que les autres 10 000
mégawatts qui ne paraissent pas rentables aujourd'hui le seront
devenus.
Un autre point aussi, c'est que vous avez, dans une seule phrase, dit
que l'énergie marémotrice, on envoie ça au XXIe
siècle.
Il y a des choses qui fonctionnent, que les Allemands ont
trouvées pendant la guerre. Pour des raisons de sécurité,
des espèces de petites turbines qui fonctionnent, non pas dans ce
sens-là, mais comme une palette à eau et que vous coulez dans le
fond d'une rivière à faible débit, ce qui se trouvait
à être caché des yeux des avions de reconnaissance et des
bombardiers; cela était inat-teignable. Cela produit peu
d'électricité par unité, cette affaire-là.
Par contre, il y a la possibilité d'en mettre toute une
succession en cascades, aussi long que le fond du lit d'une rivière,
tout le long du parcours d'une rivière. S'il y a un développement
technologique d'importance à cet égard, on peut imaginer
multiplier peut-être par deux le potentiel hydroélectrique que
l'on pense être celui du Québec aujourd'hui. Si jamais cela
arrivait avant l'an 2000... La fission nucléaire est reportée
encore à 2050, on est rendu loin en maudit.
M. Amyot: Si vous voulez, je vais répondre à la
deuxième question avant de répondre à la première.
Dans le cas de l'énergie marémotrice, le seul projet qui existe
dans le monde est celui qui existe à l'embouchure de la Rance, en
France, et qui remonte à 1966, qui faisait l'utilisation effectivement
des groupes-bulbes. On a parlé de cela comme étant une
monstruosité sur le plan économique et une réussite
merveilleuse sur le plan technique. Cela fonctionne très bien, c'est
beau. C'est loin d'être à point, cette technologie.
M. Joron: Mais là, vous êtes dans l'eau
salée.
M. Amyot: C'est cela.
M. Joron: La raison pour laquelle cela ne s'est pas
avéré un succès, c'est à cause de la corrosion. Si
on parle des unités dans de l'eau douce, on n'a plus ce
problème.
M. Amyot: Exactement. On pourrait prendre ces mêmes
turbines qui ont été mises au point dans le cadre du programme
marémoteur et les placer sur des rivières. Effectivement, dans le
cadre de cette étude, j'ai discuté de cette question avec les
gens de l'IREQ qui expriment beaucoup de scepticisme quant à la
possibilité de rentabiliser l'utilisation de ces turbines à
faible tête d'eau sur les rivières québécoises.
Il semble que c'est quelque chose qui vaut la peine d'être
étudié, peut-être, mais ce n'est pas quelque chose sur quoi
on peut compter. Le fond de la question, à mon point de vue, c'est qu'il
ne faut pas que le Québec s'enlève la possibilité de faire
des choix. Il n'est peut-être pas exclu qu'un jour, on puisse ralentir,
dans l'ensemble du monde, parce que je ne pense pas que c'est le Québec
qui va nécessairement dicter la façon dont le continent
nord-américain va se comporter. On est lié très fortement
à l'économie des Etats-Unis.
Il est fortement concevable que, dans l'ensemble du monde, on trouve
moyen de ralentir, de diminuer le taux d'utilisation de l'énergie
nucléaire. Je ne dis pas que c'est nécessairement souhaitable. Je
dis que c'est possible qu'on arrive à le faire. Ce qui est certain,
c'est que ce sera exclu, pour autant que le Québec est concerné,
si on ne se donne pas la possibilité de le faire. Repousser les choix,
cela peut être les repousser pour toujours. C'est ce que je dis.
M. Joron: Je ne suis absolument pas d'accord avec vous
là-dessus. Vous avez, entre autres, à cet égard,
signalé que, si on ne faisait pas cela, il y aurait un manque à
gagner de $20 milliards...
M. Amyot: Oui.
M. Joron: ... étant donné les retombées
économiques du développement d'une industrie nucléaire au
Québec...
M. Amyot: C'est cela.
M. Joron: ... qu'il y aurait un manque à gagner objectif
de $20 milliards et, compte tenu des effets multiplicateurs, qui pourrait aller
jusqu'à $50 milliards. Honnêtement, je trouve que c'est charrier
un peu fort. Si on ne fait pas ce développement pour répondre
à une demande énergétique, on va en faire un autre type de
développement économique.
M. Amyot: Quel autre?
M. Joron: Quand vous nous dites que cela représente X
milliards de moins qu'on met en circulation dans l'économie et que ce
serait 40 000 emplois qui ne seraient pas créés, je ne suis pas
du
tout d'accord. Les 40 000 emplois, ils vont être affectés
ailleurs, à ce moment-là, à la production d'autres formes
d'énergie. Ce n'est pas un manque à gagner, c'est un
déplacement, c'est une substitution.
M. Amyot: C'est-à-dire que tout cela est basé sur
la prémisse qu'on n'a pas d'autres possibilités de produire de
l'électricité que de faire cela, que de recourir au
nucléaire. Si, donc, on élimine toute la traction
nucléaire, on a réduit notre production énergétique
d'autant. C'est là-dessus que c'est basé. Je dis qu'on a
réduit notre production énergétique d'autant. Evidemment,
si on avait la possibilité de remplacer le nucléaire par autre
chose, je vous donne parfaitement raison.
M. Joron: Mais c'est cette possibilité, en tout cas, pour
l'an 2000, je pense qu'elle existe. C'est pour cela que je n'accepte pas cette
partie de l'argumentation. C'est le point fondamental de votre mémoire
aussi. Vous nous dites que si on ne commence pas tout de suite, que cela arrive
en 1992 ou 1993, comme disait l'Hydro-Québec, en 2000 ou en 2024, peu
importe, si on laisse filer le temps, on va être tellement en retard par
rapport à l'Ontario, à titre d'exemple, que cela va être
final. Je ne le vois pas comme cela. Ce ne m'apparaît pas un objectif de
courir après tout le monde sur la planète seulement pour le
plaisir de courir après eux autres. Eux autres, ils n'ont pas le choix,
ils n'ont pas d'alternative, nous autres, on en a. Ce n'est pas un objectif en
soi de courir après. On a déjà dit d'ailleurs qu'il y
avait des avantages parfois à être en retard. Je ne le sais pas,
si on a les moyens de s'en passer pendant quarante ans et que la technologie,
dans quarante ans, est rendue à la fusion ou à quoi que ce soit
d'autre, ou n'importe quelle autre forme d'énergie dite douce a pu
être développée, je ne vois pas en quoi on serait
pénalisé, à ce moment. C'est qu'on aurait profité
du répit que peuvent nous donner des réserves que d'autres n'ont
pas pour attendre que la technologie mondiale... Vous le signalez
vous-même, ce n'est pas un peuple de 6 millions qui peut penser se
substituer à la planète entière.
M. Amyot: Non.
M. Joron: J'ai bien l'impression que s'il y a de grands
"break-through", fort probablement ailleurs, cela a plus de chances
mathématiquement, en tout cas, de se passer ailleurs qu'au
Québec. Elle nous serait disponible à ce moment-là. Je
veux dire que les ingénieurs qu'on n'aura pas formés ou les
techniciens, ou les spécialistes qu'on n'aura pas formés dans ce
domaine, on va les occuper à autre chose. Ne vous inquiétez pas,
on ne fermera pas l'Ecole polytechnique à cause de cela.
M. Amyot: Non, mais il me semble qu'on fonde l'avenir du
Québec dans le secteur énergétique sur des technologies
potentielles, alors que, dans ce cas, il agit d'une technologie existante. On
se bouche, on se ferme la possibilité d'y recourir.
M. Joron: Excusez-moi, pourvu que vous fassiez la preuve de
l'urgence et du manque d'alternative; c'est ce qui m'apparaît sujet
à caution.
M. Amyot: Mais quelle autre alternative? Vous dites la
conservation.
M. Joron: Vous avez établi un corollaire. D'abord, il y a
une chose qui prendrait probablement beaucoup de temps à être
défrichée. Cela dépend de notre consommation de l'an 2000
qui va dépendre, on l'a déjà dit, de notre structure
industrielle. Vers quel type de structure industrielle s'en va-t-on?
Peut-être qu'on aura une structure industrielle en l'an 2000 qui
procurera aux Québécois un revenu per capita
considérablement supérieur à celui d'aujourd'hui en
consommant moins d'énergie par contre. C'est possible. Il n'y a pas une
équivalence directe entre la croissance énergétique et la
croissance économique. Je le refuse catégoriquement.
Votre argumentation est fondée presque sous la menace d'un
retranchement économique s'il n'y a pas la croissance
énergétique. Je pense que cela est loin d'être
prouvé.
M. Amyot: On serait le premier pays dans le monde, en tout cas,
à réussir à le faire. Je ne dis pas que ce n'est pas
possible; je dis que je suis en sympathie avec les objectifs qui ont
été formulés par le Club de Rome. Je crois qu'il faut
qu'on s'oriente vers cette direction, mais je doute que cela puisse être
le Québec qui exerce un leadership dans ce secteur sur le continent
nord-américain, c'est tout. Je ne dis pas que c'est exclu, je dis qu'on
vit dans un contexte tel que cela nous sera très difficile de convertir
notre société à nous quand celle autour de nous se
convertit probablement à un taux plus lent.
M. Joron: C'est exact. C'est une difficulté, j'en
conviens. Je pense qu'il ne faudrait pas situer la difficulté cependant,
et accompagner ce problème d'une menace ou, si vous voulez, d'une
prophétie de diminution de niveau de vie. Ces éléments ne
me paraissent pas du tout liés directement l'un à l'autre.
Là encore, de la façon qu'on mesure ces choses
aujourd'hui, on les mesure à partir de critères qui sont bien
conventionnels. A partir de l'utilisation d'aujourd'hui, si on soustrayait en
disant: II faut que le produit national brut augmente, dans la mesure du
bien-être de l'humanité, du bien-être matériel, je ne
parle pas du bonheur national brut ou de quelque autre formule plus
poétique, la mesure du bien-être matériel de
l'humanité, on la pense directement liée au produit national
brut, tel qu'on l'a défini aujourd'hui. Mais c'est loin d'être
sûr, parce que, dans ce produit national brut, il y a des tas
d'activités qui sont incluses dans ce chiffre qui sont des
activités pour répondre et pour remédier aux gaffes
d'autres activités. C'est le processus de "je m'active pour
réparer la gaffe que mon activité précédente a
créée".
Cela n'augmente pas le bien-être matériel. Cela
paraît dans les chiffres, mais cela ne corres-
pond pas du tout à une augmentation réelle du
bien-être des gens. C'est pourquoi je mets hautement en doute toutes ces
corrélations entre produit national brut per capita et croissance
d'énergie per capita égalent bien-être matériel.
M. Amyot: Non, je pense que la position conventionnelle
là-dessus, c'est que les gens doutent qu'il y ait une relation de cause
à effet entre les deux, mais il y a une corrélation qui est
observable, cependant.
M. Joron: Oui, qui l'a été aujourd'hui dans la
mesure où on a des critères pour mesurer cela qui sont
adéquats. La plupart des économistes dans le monde les remettent
fortement en question. C'est la même chose quand on compare le produit
national brut des Etats-Unis avec celui du Zaïre. Je veux dire que cela
fait apparaître des différences de 1% à 50% ou des choses
comme cela. Tous les économistes sont d'accord pour dire que, dans des
comparaisons semblables, le PNB per capita ne vaut à peu près
absolument rien. Je lisais encore le rapport de l'année dernière
de la Banque mondiale qui le signalait très justement. Il n'est pas
sûr qu'on ait aujourd'hui non plus des mesures d'appréciation qui
soient adéquates ou enfin. Je vais laisser la parole aux autres.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Une brève
question au départ sur votre mémoire. A la page 3, vous indiquez
que la consommation présente d'énergie sera multipliée par
un facteur compris entre 1,75% et 3% au cours des 20 prochaines années.
Pourriez-vous, seulement pour m'aider, peut-être que vous l'avez dit
déjà, mais je n'ai pas pu vraiment savoir si c'était cela
dont vous parliez, nous donner le taux annuel implicite que cette fourchette
de...
M. Amyot: Dans le cas de 1,75%, c'était en
considérant 3,5% de croissance annuelle et en appliquant le taux de 25%
d'économie possible en l'an 2000. Le taux de 3,0% correspond à
peu près à la tendance historique observée durant les
quinze dernières années.
M. Forget: A la fin de votre mémoire, et je vais
peut-être couvrir une partie du territoire que vous venez de couvrir avec
le ministre, malgré tout, il y a certains aspects qui m'échappent
un peu dans votre raisonnement. A la page 9, vous nous dites: II y a deux
scénarios, un scénario de moindre coût et, d'autre part, le
scénario d'autarcie maximale. Vous semblez assez explicitement rejeter
le scénario de moindre coût. Comparons votre position à
celle de l'Hydro-Québec. L'Hydro-Québec dit: II faut
développer le nucléaire, parce qu'il y a une tendance historique
de la demande et il faut se mettre en position d'y satisfaire de façon
continue. Vous, vous dites: Là-dessus, on n'est pas trop sûr qu'il
y a une urgence au point de vue des besoins, mais il faut développer le
nucléaire pour un autre motif. Il faut un peu accepter à court
terme de payer plus cher pour l'énergie pour s'acheter une espèce
de police d'assurance, parce qu'on va peut-être en avoir besoin à
une date qu'on ne connaît pas. Il faut avoir le capital humain, en
quelque sorte, avoir constitué le capital humain pour le faire. Cela me
paraît un peu comme le jeu que les enfants jouent: Est-ce que tu as peur
de traverser en face d'un autobus ou quelque chose dans ce genre? C'est une
question de degré. Cela dépend de la vitesse de l'autobus et
à quelle distance il se trouve au moment où on traverse la rue.
Il me semble que votre argument ne nous fait pas assez sentir la question de
degré. Ce que j'aimerais vous dire, c'est: Supposons que le
Québec veuille s'engager dans le nucléaire pour des raisons de
besoins énergétiques prévisibles, mais en se disant
toujours: il est possible qu'on n'en ait pas besoin en l'an 2000, cela peut
être plus tard ou peut-être jamais. Mais, comme on ne le sait pas,
on veut malgré tout ne pas être absent de cela. Pour ne pas
être absent au moment où on en aura besoin, il faut constituer une
espèce de masse critique minimum. C'est justement cela.
Par comparaison au programme de l'Hydro-Québec, qui est un
programme de développement du nucléaire, est-ce qu'il n'y a pas
un scénario de présence minimale qui pourrait nous assurer que la
fenêtre du nucléaire reste ouverte, ou que la porte reste ouverte,
sans que nécessairement on franchisse le seuil? Vous savez ce que je
veux dire. Qu'on conserve cette potentialité, mais pas seulement comme
sujet d'étude dans les universités, mais qu'on y mette la main
à la pâte suffisamment pour générer une expertise?
Ou est-ce que cela n'est pas possible? Il faut y aller ou ne pas y aller. Il
n'y a pas moyen d'y aller à moitié.
M. Amyot: Vous avez posé plusieurs questions. D'abord,
pour ce qui est des deux scénarios, ce n'était pas mon intention
d'exclure l'un plutôt que l'autre. Je crois que ce n'est pas possible
d'adopter résolument et entièrement un scénario d'autarcie
maximale sans engager le Québec ou n'importe quel pays dans des
investissements massifs qui compromettraient les autres programmes
"sociétaux." Cela coûte très cher. Un programme d'autarcie
maximale coûte nécessairement très cher. Il faut
nécessairement mettre de l'eau dans son vin même si on veut faire
ça, même si on visait ça comme objectif prioritaire. Donc,
le scénario du moindre coût entre toujours en jeu. Je dis qu'il
faut concilier ces deux objectifs.
Je crois que dans les projections de l'Hydro-Québec, il y a,
implicite, le fait qu'on suppose que le taux de croissance de la demande
énergétique va continuer d'être plus élevé
que mes projections et qu'aussi il va y avoir une volonté grande de
viser à i'autarcie énergétique, en ce qui touche le
Québec, et que ces deux facteurs vont conduire à une contribution
forte de l'énergie nucléaire. Je crois qu'une contribution
minimale de l'énergie nucléaire suffirait, en ce qui me concerne
là, je ne parle pas comme auteur d'une étude sur les
prospectives énergétiques du Québec pour
nous laisser le choix ouvert, à un moment donné, pour permettre
qu'on adopte la filière nucléaire si on s'aperçoit qu'on
en a besoin à tel moment plutôt qu'à tel autre. Cela prend
certainement une présence minimale, à ce moment, pour...
M. Forget: Comment définissez-vous, quantitativement, une
présence minimale? Est-ce que c'est faire construire une centrale par
cinq ans, ce qui nous en fait, jusqu'à la fin du siècle, je ne
sais pas, cinq plutôt que 50. Je ne sais pas si c'est 50, le chiffre de
l'Hydro-Québec. Enfin, là, il y a un ordre de grandeur de un
à dix. Est-ce que ce serait autrement que vous définiriez une
présence minimale?
M. Amyot: Je veux dire, une présence minimale qui serait
telle qu'elle permettrait d'assurer une présence de l'industrie
québécoise dans ce secteur, de telle sorte qu'il y aurait
possibilité de s'approvisionner au Québec des composants
énergétiques, et aussi...
M. Forget: II faut qu'il y ait toujours des projets en
construction, à ce moment-là.
M. Amyot: Oui, mais pas nécessairement dans la même
quantité. Aussi, de garder intactes des équipes qui aient la
chance de se perfectionner continuellement. Dans un climat d'incertitude
où les gens ne savent pas si, dans cinq ans d'ici, il va encore y avoir
du nucléaire ou si on va abandonner le nucléaire de façon
définitive, les gens ne sont pas très motivés à
rester dans le secteur. Le peu de spécialistes qu'on a ici, au
Québec, actuellement, ne resteront pas. Cela va fermer la porte, disons,
à cette option. Je ne dis pas que c'est une raison en soi, mais je dis
que pour le Québec, ça peut être quelque chose de pas mal
important, par exemple.
M. Forget: Une dernière question, M. le Président,
un peu en m'adressant à vous avec l'autre chapeau, si je comprends bien.
Vous avez fait une réponse, tout à l'heure, ou anticipé
une question d'une façon qui me laisse un peu sur mon appétit
lorsque vous avez parlé des risques du néclaire. Vous avez dit:
II y a bien des choses qui se sont dites. Effectivement, vous avez raison. Il y
en a beaucoup, particulièrement à cette commission-ci, sur les
risques associés au développement du nucléaire. Vous avez
fait une réponse qui est une réponse sans en être une,
à ces arguments, en disant: II n'y a aucune filière
énergétique, il n'y a aucune méthode de produire de
l'énergie qui est sans risque que quelque chose aille mal. En termes de
probabilité, je peux comprendre votre raisonnement à savoir qu'il
n'y a aucune espèce d'installation industrielle où on peut dire:
Tout va bien aller sans aucune espèce de problème ou de
défaut, il y a un problème de probabilité qui s'attache
à un événement, tel qu'un mauvais fonctionnement. A
ça, vous avez répondu. C'est valable. Mais il y a aussi la nature
de ce à quoi s'attache cette probabilité. Le risque d'avoir un
accident dans une centrale thermique est peut-être plus
condidérable que le risque d'avoir un accident dans une centrale
nucléaire. Mais ce n'est pas le même risque. Du moins, c'est ce
que les gens nous disent. Dans le fond, votre réponse, ce n'est pas une
réponse à ce qenre d'inquiétude.
Si on a risque de 1 sur 1 million d'avoir un accident nucléaire
qui soit catastrophique, on va l'évaluer comme plus grave que la chance
de 1 sur 1000 d'avoir un accident dans une installation thermique qui, dans le
fond, peut faire peut-être 1000 morts, en mettant les choses au pire,
mais ce ne sont que 1000 morts. Ce n'est pas une génération qui
est condamnée, ou Dieu sait quoi. Cela est assez percutant quand on nous
fait part de cela, parce qu'on a beau réduire le risque, la
probabilité du risque à un chiffre très bas, il faut
presque multiplier par zéro une chose infinie comme dommage pour
produire la certitude qu'on n'a rien à craindre. Dans le fond, c'est
cela tout le problème du nucléaire. Le risque est très bas
en termes de probabilité, mais le risque est très grand en termes
de dommages possibles.
Alors, c'est assez difficile à évaluer.
M. Amyot: Je suis tout à fait d'accord. Je trouve que la
question est très bien posée. Pourquoi les gens
s'inquiètent-ils à propos de la sûreté des centrales
nucléaires? En principe, il y a trois raisons principales. La
première, qu'on retrouve encore, en dépit du fait qu'on entend
dire à la radio, à la télévision et on le lit dans
les livres et les journaux... La plupart des gens doivent avoir entendu
quelqu'un s'exprimer de cette façon à un certain moment.
En dépit du fait qu'on dit qu'il est impossible qu'une centrale
nucléaire explose comme une bombe nucléaire, on entend encore,
continuellement, cette association maintes fois réaffirmée.
Il y a l'association donc, plus ou moins consciente, avec la bombe
nucléaire. Dans une enquête que l'Association nucléaire
canadienne a faite l'an dernier au Canada cela avait été
fait par l'Université York de Toronto en collaboration avec le Centre de
sondage de l'Université de Montréal on a fait cette
enquête en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick, il s'est
révélé qu'il y avait encore à peu près 20%
de la population qui faisait cette association inconsciente, ou plus ou moins
consciente, avec la bombe.
La deuxième raison est, je pense, la nature assez
ésotérique des processus qui sont en jeu. Il est facile de voir,
de s'imaginer en tout cas, comment on peut produire de l'énergie en
voyant de l'eau tomber, en voyant du charbon brûler; mais un neutron qui
frappe un noyau, même les spécialistes ne voient pas cela de la
même façon. On peut l'écrire au tableau, on peut se faire
de petits dessins, mais ce n'est pas aussi facile à visualiser.
Une troisième raison, je pense que c'est justement celle que vous
venez de dire, est qu'il y a une perception des risques associés aux
installations nucléaires comme étant quantitativement et
qualitativement différents de ceux qui sont associés aux autres
sources d'énergie et aux autres technologies en
général.
Or, je crois que cela n'est pas fondé complètement, en
tout cas. Quelles sont les solutions? Je vais d'abord parler de la façon
dont j'envisage les solutions et, après cela, je vais vous dire pourquoi
cela n'est pas fondé.
Les solutions, c'est d'informer le public; bien sûr, ce n'est pas
très facile, mais c'est obligatoire. Je crois que c'est une
responsabilité de tous les gens qui sont dans le secteur
nucléaire et des gouvernements probablement aussi de voir à cette
tâche.
D'abord, si on regarde les faits, il y a actuellement dans le monde 174
réacteurs qui fonctionnent avec un total de 80 000 mégawatts.
C'est à peu près l'équivalent d'une fois et demie toute la
puissance électrique de n'importe quelle origine qui fonctionne au
Canada, à l'heure actuelle. On ne peut plus dire que c'est une
technologie qui est dans sa première enfance. Cela fournit entre 16% et
20% de l'électricité en Ontario. Je dis 16% à 20% parce
qu'il y a une centrale qui est en train de démarrer et je ne sais pas
exactement combien de puissance elle développe à l'heure
actuelle, mais ce n'est pas négligeable. Cela fonctionne.
Il y a eu l'équivalent de plusieurs centaines de
réacteurs-an de fonctionnement. Or, pendant ces centaines de
réacteurs-an de fonctionnement, on n'a pas encore pu accumuler de
statistiques sur les accidents causant des pertes de vie parce qu'il n'y en a
pas eu.
Alors, à ce moment, évidemment, on est obligé de se
baser sur des données de type probabilités. On est obligé
de faire des évaluations, de faire des calculs de probabilité
pour voir quelles sont les possibilités pour qu'il y ait des
accidents.
Quand on regarde d'autres technologies qui existent depuis longtemps
comme l'énergie hydraulique, il y a des statistiques accumulées
et ces statistiques, en fait, conduisent à des risques associés
à l'usage de l'énergie hydraulique qui sont autrement plus grands
que ceux qui sont associés à l'énergie nucléaire.
Le risque est à peu près 1000 fois plus grand qu'il y ait une
perte de vie associée à l'hydraulique quand on considère
la rupture des grands barrages dans le monde entier. Il y a plusieurs barrages
aux Etats-Unis mêmes dont la rupture pourrait entraîner la perte de
200 000 vies, en Californie en particulier. C'est vérifiable sur des
bases statistiques. Il y a des données là-dessus. Il n'y en a pas
dans le cas du nucléaire. Donc, il n'y a pas de statistique
vécue, on peut seulement faire des estimations de type probabiliste.
Ensuite, il y a des affirmations erronées qui se
perpétuent. Pour quel motif? Je crois qu'en général les
contestataires sont des gens extrêmement bien motivés,
honnêtes, mais pas toujours compétents. Pourquoi ces affirmations
erronées se perpétuent-elles? Je ne le sais pas, mais ce qu'on
remarque, c'est qu'en dépit de toutes les corrections qu'on fait, on
voit ces affirmations répétées d'une fois à
l'autre.
Ensuite, les décisions ne peuvent pas être purement
technologiques et il faut nécessairement que les populations soient
consultées, soit par des mécanismes institutionnels, comme ceux
dont vous faites partie certainement, soit par d'autres mécanismes. Je
ne crois pas que la décision puisse être purement technologique.
Tout ce qu'un ingénieur peut faire, c'est de calculer des
probabilités, de montrer quels peuvent être les risques, mais pas
autre chose.
Si je pouvais seulement donner une réponse à la question
de M. Forget, sur la différence quantitative des risques et non plus
qualitative seulement. Combien de temps?
Le Président (M. Laplante): Un petit peu plus court dans
vos réponses, parce qu'on manque de temps.
M. Amyot: D'accord, je m'excuse. Je n'ai pas regardé ma
montre depuis un bon bout de temps.
On parle souvent, par exemple, de la question des déchets comme
étant un problème crucial attaché au développement
de l'énergie atomique. En un sens, c'est vrai, c'est-à-dire que
c'est le problème le plus important auquel il reste à apporter
une réponse complète et définitive. Pourquoi? C'est tout
simplement qu'à l'heure actuelle il n'y a pas encore beaucoup de
déchets qui ont été accumulés, mais il reste qu'on
doit prévoir une solution définitive à cela. Sur quoi
est-ce basé? C'est basé sur le fait qu'il y a des
éléments radioactifs qui ont des demi-vies extrêmement
longues. Dans le cas du plutonium, 25 000 ans et au bout de 500 000 ans il
restera encore un peu de radioactivité. Or, il faut penser que les
déchets non radioactifs, les déchets de type chimique classique,
les poisons, comme le mercure, par exemple, ont des demi-vies, non pas de 25
000 ans, mais infinies. On pense toujours que c'est un temps extrêmement
long pour stocker et garder des substances très dangereuses, mais il y a
d'autres substances dont la durée de vie est infinie et pour lesquelles
on ne se pose pas le même problème. Il y a aussi le fait que ces
déchets sont en volumes extrêmement faibles. On a calculé
que si on extrayait les déchets de toutes les centrales
nucléaires projetées, en incluant le programme de
l'Hydro-Québec, jusqu'en l'an 2000, si on extrayait les déchets
de cela, pas seulement les éléments nucléaires, mais les
déchets, cela suffirait à remplir une grande piscine olympique.
Or, c'est un problème. Il faut le faire, mais ce n'est pas un
problème insoluble.
Au Gabon, en Afrique, on a découvert un réacteur
nucléaire naturel qui a développé des déchets parce
que c'est un réacteur nucléaire naturel et qui a
spontanément produit des déchets de fission radioactifs. Cela
existe depuis des millénaires, depuis des centaines de milliers
d'années. Or, on a observé, quand on a découvert ce
réacteur naturel, que les déchets radioactifs n'avaient pas
progressé au-delà de quelques centimètres ou quelques
mètres à partir de l'endroit où ils étaient mis
quand ils ont été produits.
Le stockage dans des configurations géologiques profondes comme
celle qui est préconisée actuellement par les industries
nucléaires, ce n'est pas quelque chose de si farfelu que ça, ce
n'est pas quelque chose qui n'a pas de chance de fonctionner; la nature nous en
offre au moins un
exemple. Il y a donc des solutions possibles au problème. Sur la
base des probabilités, comme vous l'avez dit, on peut montrer que les
probabilités sont généralement plus faibles que les
phénomènes naturels ou autres qui sont associés et,
quantitativement, ce n'est pas nécessairement si différent.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
à la question du taux de croissance économique et du taux de
croissance énergétique et voir s'il y a un lien entre les deux.
Il y a eu certains groupes qui font des représentations qui semblent
prendre position en disant qu'on peut avoir un taux de croissance
économique sans avoir un taux de croissance énergétique.
D'après les commentaires du ministre, j'ai cru comprendre que même
le ministre semble se pencher dans cette direction. Il parle de changement de
notre structure industrielle où on pourrait changer certaines choses et
réduire le taux d'utilisation de l'énergie tout en augmentant le
développement économique.
Maintenant, ça devient un problème très crucial.
S'il y a un lien entre les deux et si le gouvernement croit vraiment qu'on peut
augmenter notre économie sans augmenter l'utilisation de
l'énergie, les politiques du gouvernement vont se diriger dans ce sens
et ça peut être assez désastreux, même à court
terme et certainement à long terme. Le gouvernement a le pouvoir de
retarder certains projets, le projet de la baie James, retarder des politiques
pour l'introduction du gaz naturel, une série de décisions que le
gouvernement pourrait prendre.
Voici ce que je voudrais savoir de vous; je pense que vous l'avez dit,
mais je voudrais avoir un éclaircissement. Dans le contexte où
nous vivons je suis heureux de voir que vous avez été
assez réaliste pour souligner le fait que nous sommes en Amérique
du Nord et que nous avons certaines habitudes et certaines contraintes du fait
que nous faisons partie de la société nord-américaine
est-ce qu'il y a un lien entre la croissance économique et
l'utilisation d'énergie? Autrement dit, est-ce possible d'augmenter
l'économie de la province en réduisant, pas en réduisant
parce qu'il y a des moyens de conservation d'énergie, mais en ayant un
"zero growth rate" dans l'énergie et en s'attendant que le
développement économique va continuer et va répondre aux
besoins de notre société?
M. Amyot: Tout ce qu'on peut répondre à ça,
c'est qu'historiquement on a observé qu'il y avait effectivement une
corrélation assez étroite entre les deux quantités, entre
le produit national brut et la dépense d'énergie per capita. Il a
été impossible d'établir, et c'est même fortement
contesté à l'heure actuelle par les économistes qu'il y a
une relation de cause à effet dans un sens ou dans l'autre; on ne peut
pas prouver ça. C'est-à-dire que, si vous augmentez la
quantité d'énergie, vous n'allez pas automatiquement augmenter le
produit national brut de la même quantité.
Historiquement, ça s'est vérifié avec une
précision plus ou moins grande depuis assez longtemps. C'est
l'état actuel des connaissances là-dessus. Il se fait beaucoup de
recherches sur cette question, on n'est pas complètement sûr. On
sait que des pays comme le Canada et comme les Etats-Unis surtout se situent
tout à fait en haut et que certains pays africains et autres se situent
tout à fait en bas de la courbe et qu'au milieu on va retrouver les pays
qui sont industrialisés à un degré moindre que le Canada
et les Etats-Unis. Il y a certainement une corrélation entre les
deux.
M. Ciaccia: Mais est-ce qu'il y a des endroits où il y a
eu une hausse économique et une baisse de la croissance
énergétique?
M. Amyot: C'est possible dans des cas comme M. le ministre
mentionnait, de la Suède où, pour des raisons d'ordre
économique, on va faire énormément attention au rendement
énergétique global du système. C'est vrai également
pour l'Allemagne de l'Ouest. On observe qu'on a une dépense
énergétique moindre pour un produit national brut plus grand par
rapport à ce que nous aurions. C'est possible de le faire, mais
c'est...
M. Ciaccia: Par rapport à ce que nous avons, mais cela n'a
jamais été en diminuant, cela a toujours été en
augmentant.
M. Amyot: C'est-à-dire que pour une moindre dépense
énergétique, vous pouvez avoir un produit national brut plus
grand que ce que nous avons dans notre système présent, en
adoptant des mesures de conservation.
Autrement dit, si vous rendez tout votre système plus efficace,
si, pour faire fonctionner vos systèmes de chauffage, vous
dépensez moins de pétrole, moins de gaz naturel, moins
d'électricité, juste parce que vous avez amélioré
le rendement de vos choses c'est ce que les Suédois et les
Allemands ont fait vous pouvez avoir alors un rapport plus grand.
M. Ciaccia: C'est une question d'efficacité
d'éviter le gaspillage.
M. Amyot: C'est cela.
M. Ciaccia: Mais compte tenu d'éviter le gaspillage, on ne
peut pas augmenter le développement économique et réduire
les dépenses énergétiques à moins qu'on veuille
tricoter des tapis ou faire du "basket-weaving". Quant au développement,
dans la société industrielle, s'il y a un développement
économique' nécessairement, cela prend de l'énergie. On
peut éviter le gaspillage, mais cela en prend de l'énergie.
M. Amyot: Je peux simplement répondre qu'il n'y a aucune
indication historique qui nous permettrait de dire le contraire.
M. Ciaccia: Oui.
M. Amyot: II n'y a aucune expérience historique qui nous
permettrait de dire que cela nous serait possible d'augmenter notre produit
national brut en diminuant notre dépense énergétique.
M. Ciaccia: C'est quelque chose dont une politique
énergétique doit tenir compte pour répondre aux besoins du
développement économique du Québec.
M. Amyot: Oui.
M. Ciaccia: Dans votre mémoire, celui que vous aviez
soumis à l'OPDQ, vous avez fait référence à
l'utilisation du gaz naturel. Vous avez dit, de fait: "L'offre limitée
de gaz freine ou menace la croissance de certaines industries." Vous avez
donné un exemple à ce moment-là. Je pense que cela fait
quelques années que ce mémoire avait été
écrit.
Est-ce que vous voyez un rôle pour le gaz naturel, par exemple,
dans l'industrie pétrochimique? Si oui, quelles mesures le gouvernement
devrait-il prendre pour réduire ou pour augmenter le rôle de
l'industrie ou le développement industriel quant à l'utilisation
du gaz naturel? Quelles mesures immédiates le gouvernement pourrait-il
prendre?
M. Amyot: Pour augmenter les contributions du gaz naturel au
Québec, étant donné que le gaz naturel dépend, en
très large mesure, de sources extérieures, les seules mesures qui
sont accessibles dans l'immédiat, ce serait d'exercer des pressions sur
les fournisseurs présents. Dans l'immédiat, il n'y a pas d'autres
possibilités.
Une importation par grand méthanier est extrêmement
coûteuse, de sorte que cela ne peut pas être un recours auquel on
peut penser pour très bientôt. Il reste à penser aux
ressources québécoises. Elles ne sont pas négligeables par
rapport à celles du pétrole. Cela pourrait avoir un certain sens
d'extraire ce qu'on a ici, au Québec, ça ne sera pas dans
l'immédiat. Quant aux ressources canadiennes, soit celles de la
vallée du Mackenzie ou des îles de l'Arctique, cela non plus ne
sera pas dans l'immédiat. Seulement, il semble que les ressources
classiques de l'Alberta sont un peu plus grandes que celles qu'on avait
estimées au départ, de sorte que peut-être, si on
exerçait des pressions sur les fournisseurs, il y aurait moyen d'obtenir
des volumes plus grands que ceux que le Québec obtient
présentement.
Le Président (M. Laplante): Monsieur, les membres de cette
commission vous remercient de votre témoignage fort
intéressant.
M. Amyot: Merci Beaucoup.
Fusion Energy Foundation
Le Président (M. Laplante): Madame, vous avez au plus 45
minutes pour l'exposé de votre mémoire et la période des
questions. Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.
Mme Tobin (Susan): My name is Susan Tobin. I am a representative
of the Fusion Energy Foundation, which is an organization including leading
physicists and engineers in United States and Canada. We are calling for a
crash program in development of controlled thermonuclear fusion.
We have just concluded a very important fusion energy conference in
Montreal and we are also presenting now a proposed bill to the Canadian
Parliament calling for this type of rapid fusion development.
Specifically, what we propose is that Canada, Quebec, and United States
commit sufficient scientific and financial resources in order to have a working
experimental thermonuclear fusion reactor by 1985 and, further to that, that
within twenty years time we be operating on the basis of a fully fusion powered
economy.
In order to do this, it obviously requires a major investment of our
scientific and financial resources which I will detail in a budgetary form
later. In the meantime, over this twenty year period, we propose not only an
expansion of use of existing fossil fuel and hydro-electric sources, but as
well a rapid expansion in the use of nuclear energy, fission energy, the CANDU
reactor program in particular.
Now, in the light of the recent proposed budget, in the United States,
made by James Carter which will very drastically cut available monies for
fusion and fission research and development, it is all the more crucial that
the Government of Quebec make a very open political statement in favour of
continued nuclear development. In specific, the Carter proposal, will actually
cut budgeting, for the coming year, on the order of 20%, which will cripple
some of the most important laboratories in the United States. Similarly the
overall energy commitment now being proposed by the American Government, will
be to cut overall consumption of all forms of energy on the order of 30% across
the board. This was a proposal made by John O'Leary who is the Federal Energy
Administrator in Washington.
Now, in Europe, we see a very, very different situation. The European
Governments as a whole have very specifically indicated their commitment to an
expansion both of their fission technology and, as well a more long-term
commitment to development of controlled thermonuclear fusion. The best example
of this right now is the firm commitment of the West German Government to
continue to consummate its sale of nuclear reactors to Brazil, in spite of what
can only recall strong-arming tactics from the American Government to prevent
that sale. Similarly, France is continuing with its proposed sales to
Pakistan.
Now, what I want to lay out in this presentation to the Parliamentary
Commission is what is the essence of a competent or scientific energy policy as
opposed to what has been bandied about as a viable energy policy in many
quarters.
Specifically, I make the statement that the
survival, and development of mankind depends most emphatically on a
regular and continuous increase in the rate of energy consumption and that if
we are not committed to such an increase, we will likely see ourselves faced
with an economic and ecological crisis worse than the one that faced North
America in the 1930's and very probably comparable to what hit the world in the
Fourteenth Century, when we saw bubonic plague wip-ping out half of Europe in
about two years time.
The history of the development of the biosphere is very simply the
history of the more efficient capture and use of energy for productive
activity. Perhaps the best example of that would be the development of
photosynthesis from earlier forms of energy used by the biosphere itself. This
represented a very exciting new technology, the development of plant life,
whereby solar energy could be actually converted to sugars and used for
biological growth. Man is no exception to the biosphere, man is the crowning
achievement of the biosphere and it is his specific capability to wilfully
evolve the biosphere in a positive direction.
I heard recently a good analogy that would perhaps be useful for
explication here. There are those who are saying that there should be energy
conservation, that energy consumption should be cut back. You can think of,
perhaps, an airport officer, an airport controler, who in the interest of
saving energy has dictated that no airplanes may go beyond the speed of 55
miles per hour until they are aloft. Under these circumstances we would have a
mad dash down the airway and probably a crash at the end of the runway without
any possibility for actual take-off.
In this circumstance the laws governing the requirements for economic
take-off and growth can be determined just as scientifically as the
aerodynamics of an airplane. I want to lay out what it would look like if we
actually did what the conservationists propose and cut energy consumption or
even keep it at an even keel.
The best example that we can have, in a very sensuous way, of what it
looks like in an industrial economy is what happened to the United States two
or three weeks ago during their natural gas shortage. Within the space of less
than one week there were two million unemployed workers in major industrial
states. Corporations were threatened with major financial crisis. There were
numerous cases, up to 100 reported, of people who froze to death in their
homes, schools, factories or whatever because of lack of energy for actually
keeping bodily functions going.
But it is actually much more damning to look at the effects of energy
conservation when you are thinking in global terms. For example, if the third
world is now to undertake any type of actual economic development they must
develop the technologies that they are justified, obviously, in attaining.
On a world scale you would need something on the order of a sixfold
increase of present energy consumption. In other words, if you actually
extrapolate what is needed as regards production of tractors, of fertilizers,
of irrigation sys- tems and then, all the industrial infrastructure that goes
before that including steel mills, machine tool factories and so on you will
find that to cut energy consumption or to keep it at an even keel will simply
be to write out a death warrant for the third world population, tell most of
the human race that they simply have no right to eat.
And if you think it would stop at the third world, this is the point
when it is useful to look at the 14th century example. If you deliberately
lower living standards of a population in any one part of the world, creating
conditions of famine and thereby creating conditions of epidemic disease, those
conditions will tend to boomerang on even the most advanced sectors of the
world society. II would not be impossible to find, even in countries like
Canada, raging epidemics of the sort previously seen in human history.
The other aspect of this that is most serious is that to undertake any
cutback in energy consumption for North America or any other industrial sector
will necessarily mean a return to pick and shovel technology, technology last
seen perhaps in the 1930's or more importantly in centuries past that. We would
see a devolution, a deindustrializa-tion of our society and at the same time we
would irreparably damage not only living standards for the population today but
we would cripple our possibility for development for the future.
We will drive out of productive employment our scientific cadre who are
absolutely crucial for human development and we will also rob children of the
education they need in order to become productive citizens of the future.
There has been much discussion around the fact that we are faced with a
crisis of limited energy, of limited resources and in only one sense is that
notion true. Any one resource is limited, that is correct. Gas, natural gas, is
limited. Uranium is limited. Wood, as a source of energy is limited. But what
is not limited is man's creative ability to develop new technologies.
The human mind is infinite. The human mind is capable of creatively
solving problems that directly affect the future of humanity, and by developing
new technologies, man effectively defines new resources. For example, in the
period when we had merely fossil fuels, coal, gas and so or. uranium was not
seen as a resource. It was one more bit of rock among every other bit of rock
in the ground. But after the Manhattan project that brought us the atom bomb,
all of a sudden uranium became something that was a very important resource,
both for energy and industries who began to mine it.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait
possibilité de vous en tenir à votre mémoire?
Mme Tobin: Oui.
Le Président (M. Laplante): Votre mémoire a deux
pages.
Mme Tobin: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Laplante): II faudrait... Mme Tobin:
Well, the...
Le Président (M. Laplante): Parce que vous posez la
question et vous y répondez en même temps.
Mme Tobin: Right, but what I prefer to do...
Le Président (M. Laplante): C'est complètement en
dehors du texte, ce que vous nous donnez là.
Mme Tobin: Exactly, but we did not understand that we had to
actually have the full prepared text that I would read here. In other words,
that was a résumé.
Le Président (M. Laplante): Combien de temps pourriez-vous
prendre pour ça?
Mme Tobin: Vous m'avez dit qu'on avait 45 minutes avec les
questions.
Le Président (M. Laplante): Incluant les questions.
Mme Tobin: Et puis, les questions...
Le Président (M. Laplante): Parce que, si votre temps est
écoulé, quand vous aurez fini, il n'y aura pas de questions.
Mme Tobin: All right, well, I'll plan accordingly. O.K.? But I
have 45 minutes, is that correct?
M. Joron: Including the question period.
Mme Tobin: O.K. I will leave time for questions. I'll leave time
for questions. O.K.
What I was saying is that man has the capability of define new
resources. That is perhaps our most important capability. That is what we are
faced with at this point.
Now, in specific, I want to call your attention to a concept developed
by the Nobel prize-winning, soviet physicist Peter Kapitsa, who defined
something called "energy density throughput". Specifically, what this refers to
is the kilowatts or energy produced per square meter of resource, and what I
call your attention to is a graph that was, I hope, passed out. It is a small
sheet aside from the "mémoire". Did the people get that? It is a
separate sheet of paper. Yes, that is the one. O.K.
On the lower left-hand side, there is a graph that compares the "energy
density throughput" of solar energy versus fossil fuels, versus fission, versus
fusion. What it describes is the fact that fossil fuels energy density is on
the order of 50 000 times that of solar energy. What that means in graphic
terms is that in order to run an economy based on solar energy, you have to
expend massive amounts of materiel, manpower, resources of all sorts, including
energy resources, to produce the same amount of energy that would be much more
efficiently and cheaply produced by fossil fuels.
Fission adds another seven orders of magnitude to the fossil fuel
proposal, and fusion adds something on the order of several million times that
in its potentiality. The initial reactors would be less efficient than ones
that could be made in a second and third generation.
Similarly, if you look at the top graph, you compare the energy input
costs of solar energy versus other types of energy and you find that it is on
the order of... Well, you can do the calculation yourself, but what I point out
to in particular, is that if you build an energy plant, a fusion plant, it
would take you on the order of four-tenths of a year to produce as much energy
out of your system as you put into building it, including all the materiels for
the construction. For a solar energy system, it would take you a minimum of
eight and a maximum of fifty years to get as much energy out of this system as
you put in it. Normally, within eight years' time, you are talking about
sometimes changing your technology or revamping. Certainly, by 50 years' time,
you would be describing a system with zero energy production.
Solar energy is an incompetent policy. It could not work. It could not
make Québec work. If we want to have energy sufficient for industrial
production, we must look to that type of system that will vastly accelerate the
rate of available energy for production.
There is one other example that I will give very briefly, which is the
question of wood. Now there has been, in a number of places both in Canada and
in the United States the discussion: Well, can we not return to something like
a wood-based technology?
In other words, is it possible to go back in time, possible to say that
we do not really need new technologies? We can take advantage of one that we
have used several centuries back.
Now, for historical reference, I will just note this has happened in the
14th Century in England during the first iron ore production blast furnaces;
they used wood as their fuel and these blast furnaces consumed only in the
order of one acre of forest land a day, for very very small amount of actual
iron ore output.
Now, today the same policy is being incredibly implemented in Brazil
where large parts of the Amazon, the most important, perhaps energy
concentration in the world, large parts of the Amazon are simply being stripped
with not only a resulting collapse of the agriculture in that area, the
environment in that area, but as well, it has actually shifted global climatic
patterns. Over Brazil, there are now dought situations in areas that used to be
lush jungle that also shifted all over the South Atlantic, this also shifted
weather patterns over the United States creating the type of major energy
crises we have seen in the last couple of weeks, major climatic crisis.
Now for anybody to propose denuding North American forests as a viable
method of energy production is someone who simply says not only: We will not
provide energy needs for industrial
production, but we will actually physically destroy our biosphere in the
process of not doing anything at all.
Now, I was listening to the gentleman before discussing this question of
nuclear fission. May I add several things. One is that as regards pollution and
environmental and safety questions, fission is probably the most safe
technology we have at this point, precisely because it has been a subject of
the most sophisticated advanced engineering design policies for the last decade
or more and that we are faced with the situation as regard to nuclear waste
like plutonium, just as we are faced with a problem for our waste of any other
industrial process.
There are large amounts of chlorine, large amounts of ammonia in lethal
doses released into the atmosphere on a regular basis, not actually released
into the atmosphere but hidden away, etc.
The technologies involved in actually getting rid of these wastes is by
no means as advanced as what we have developed for nuclear waste. For men to
say that because something is poisonous he cannot use is merely to retreat from
science, to retreat from the type fo technological problems that can and must
be solved.
The real problem with fission is not a question of nuclear waste. The
problem with fission is that it is limited. The resources are limited. Uranium
will run out and though plutonium is undoubtedly very very useful and very
necessary, even so, we cannot probably generate plutonium rapidly enough to run
the rate of industrial development needed.
The conclusion that I would make regarding the other energy forms is
that we must understand the fact that a steady state economy, a zero growth
energy economy is an impossibility, and that to try to do that would inevitably
drive us backwards in time, drive us to lower and lower technologies and
standards of living.
Now, what I would like to briefly do is describe what the potential for
fusion, both in terms of a timetable, a budget and just now, in terms of its
potential for developping our industrial base.
Fusion would provide virtually unlimited energy for industrial
production. The source for the fusion process is deuterium, a heavy isotope of
hydrogen that is found in heavy water in both salt and sea water on the order
of one part for six to seven thousands. We are right now producing in Nova
Scotia heavy water for the CANDU reactors system as a lodent which if used for
actually fuelling fusion reactors would be approximative^ enough to fuel all of
North America. So in that sense, the capability obviously exists.
The two major types of fusion reactors, the magnetic confinement and the
inertial confinement reactors. In both of these technologies and in general
theoretical research, the Soviets are now very much advanced vis-à-vis
the North American effort and I would note on the side that this has very
serious military implications as well.
The most important thing that we have to be doing at this point is not
only solving specific engineering problems concerning containerisation of the
plasma, etc., but as well there are many important and very exciting problems
in theoretical physics, including plasma physics that should be dealt with at
an accelerated rate. The fusion available in terms of the world ocean capacity
will provide millions of times the present world consumption of energy for
millions and millions of years. So there should be no confusion about the
relative amount of energy available from this technology compared to
hydroelectric technology, compared to uranium or anything of that sort. We are
talking about literally an infinite resource from our present standpoint for
definition of that.
Now, the other aspect of fusion, that is very very crucial, are the
spin-off technologies that would effectively introduce a new industrial
revolution for Canada and for the world. For example, because of the very high
temperatures that fusion takes place at, it would be possible to use the fusion
reactor as a center for mining. In another words, you could throw in virtually
any rock and because of the very high temperatures ionize the material, break
it down to the atomic level, and then extract whatever elements you want, for
whatever chemical process afterwards. That would make large parts of our
mountain sides which are now used for tourist attractions resources by
definition.
Similarly, we have a fusion torch technology capability which would
allow for the fusing of materials into various chemical compounds. Another
aspect of the fusion technology, another immediate spin-off would rellect the
virtually unlimited amount of energy available for industrial production. Many
types of technology that we do not now engage in because of restrictions on
availability of energy become a feasibility. For example, large scale
desalination projects are very energy-intensive, but under a fusion based
economy, it would be feasible even to irrigate an area like the Sahara desert
in Africa. It would no longer be an outrageous or an impossible project. It
would not only be very feasible but very usefull because the Sahara includes
some of the most fertile land in the world.
As a final note about the spin-off technologies I will make a point for
those environmentalists who are still quaking in their boots, that maybe a
little bit of uranium or plutonium might leak out of a container somewhere in
the world after use in fussion plant. Fusion has the capability of transmuting
radioactive elements. In other words, transferring them into non-radioactive
elements or elements that will decompose much more rapidly than plutonium. In
other words you have a permanent disposal system for radioactive wastes, both
for the radioactive wastes being produced in minuscule amounts by present
fission reactors, as well as radioactive wastes in the form of the B-52 bombers
that run around the sky with pay loads of hydrogen bombs. Now, as regards
to...
Le Président (M. Laplante): Mademoiselle.
Mme Tobin: Yes.
Le Président (M. Laplante): On va aller à la
période des questions. A moins de vous résumer
complètement, parce que, actuellement, vous êtes partie sur une
conférence.
Mme Tobin: Je vais résumer très vite la fin avec le
budget et l'horaire, d'accord?
Le Président (M. Laplante): Parce que, en somme, ce n'est
pas...
Mme Tobin: D'accord, je vais le faire dans cinq minutes, puis
attendez. D'accord.
As I said before, our timetable is to have an experimental reaction in
1985. This is not out of the blue, this is the Soviet's projected target date
and they have shown every indication of the capability to arrive at that point
by 1985. This was reiterated by Edward Teller who is the former head of ERDA,
the Energy Research and Development Administration in the United States. They
gave a joint press conference with Dr Velikov, head of the Soviet projectfor
fusion in November 1976, where for the first time Teller announced that it was
possible for the United States, in conjunction with other countries, to attain
a workable experimental reactor by 1985, but that, that had very clear
implications for budgetary and other policy making priorities. The only
approach that could actually get us fusion by that period, would be one
comparable to the Apollo project, comparable to the Manhattan project in an
earlier period. In other words in a project for which the nations, or the
continent's resources are placed at the disposal of an urgent scientific
effort, the attitude to take is not: "It cannot be done. There are too many
problems, there are too many technological road blocks", and so on. But rather
pose the question as follows: "It must be done.
What, therefore, must we do in order to insure that it will be done,
that we will have it within the time frame needed by Québec and needed
by the world.
Now, we are proposing a $6 billion program a year in the United States
with a regular yearly increments to be on the order of $20 billion at the point
the 1985 experimental reactor is reached. In Canada, the first year budget we
have proposed is on the order of $600 million.
What we are additionnaly proposing is the following: regardless of what
the Canadian government does or does not do with this proposal, the province of
Québec itself could commit something on the order of $100 million in the
first year of a research and development project, concentrating in particular
at the very useful scientific installations at Varennes, outside of
Montréal, and also emphasizing very significantly the need to develop a
rapidly increasing number of scientifically educated individuals who can be the
phycicists, the engineers and so on of the future.
My final note is that the outlook of the Fusion Energy Foundation is
that the notion of progress, the idea of progress that was a direct outgrowth
of the outlook of the European Renaissance, in 16th century, is just as true
today as it was in that period. As those people looked over the previous
century of diseases and epidemics, they decided exactly what was the essential
quality by which man could avoid seing that type of catastrophy again. Their
conclusion was that it was man's mind, his creative ability. In our times, the
implication of that outlook is that man must use his mind to develop ever new
technologies ever new energy resources, going always to the frontiers of modern
science and finally for the continuous development of mankind.
In that sense, it is urgent that the province of Québec commit
major scientific and financial resources for a crash program in development of
thermonuclear controlled fusion.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Joron: Well, your presentation does not leave much room open
for questioning. I think I will refrain and just tell you that I will be
meditating on the bubonic plague for the next few weeks and that I will
transmit to the minister of Finances your recommendations while he is making up
his new budget that we put emphasis on research and development in the fusion
theory.
Might I just add, because you have thrown good many figures on the
table, that if we accept the principle, some of the principles underlining your
presentation and that we hope for a situation one day when the whole world
would have the same energy consumption per capita as the United States have
today for example, plus on top of that, the continuous growth rate that we have
seen in the past, I am just playing around with figures and that would mean
that by the year 2000, we would need anywhere from between 30 times to 40 times
the amount of energy on the world scale that we have today.
From 30 to 40 times; now, I wonder that could come from. No doubt that
if such a scenario was thought to be possible, that oil would have run out,
total world reserve would have run out probably by the end of next year and
natural gas the year after and that we would have, by the year 2000, not 174
nuclear reactors now in service throughout the world, but probably 174 000
reactors. How much money would that mean to finance such investments? Where
would the money come from? Would there be any one cent left for anything else
in the world?
That would mean, if we follow your logic, that every penny, plus those
that nobody has, would have to go into such investments. It means not only
tapping the Arab money, but probably tapping the Moon market or the Mars
market. I do not think that your presentation leaves much room for
questioning.
Mme Tobin.: Let me just comment on your comment.
M. Joron: Yes, please do.
Mme Tobin: There are two major points. It, is true, we will use
up much more rapidly than is currently predicted, existing fossil fuels,
uranium re-
sources, etc. you can expect instead of a slow incremental increase in
use a much more rapid, verging on a exponential increase in use.
But that can only be sustained if you are planning on having an
effective fusion-based economy by the late 1990's. Otherwise, you are obviously
digging your own grave. What we are pointing out is that since an increase in
energy consumption is necessary for development, we must commit our resources
to bring fusion on line, in the later part of this century.
But the other aspect of it is this. Money generation or something like
that is the reflection or should be a reflection of the industrial activity
going on around the world. The effect of having a fusion based economy would be
to allow a rapid and virtually exponential increase in industrial production.
Our energy resources will probably be increasing on the order of 20% a year.
There have been many different estimates on the same subject.
Under those circumstances, the market that we would have under
appropriate financial arrangements, monetary arrangements, etc., would include
not only our own consumers, our own industries in North America, but a very
rapidly increasing market in the underdeveloped sector, which right now
virtually has no capability for undertaking the development it actually
needs.
Le Président (M. Laplante): Les membres de la commission
vous remercient, madame, de l'apport que vous leur apportez.
Association des industries forestières. Bonjour monsieur. Vous
avez environ 45 minutes. Si vous voulez bien vous identifier, s'il vous
plaît.
Association des industries forestières du
Québec
M. Lachance (Paul-E): M. le Président, M. le ministre,
messieurs, mon nom est Paul-E. Lachance, Conseiller à l'Association des
industries forestières du Québec.
L'industrie forestière du Québec est d'avis que les
intentions du gouvernement du Québec en matière de politique de
l'énergie devraient dépasser le cadre de la distribution et de
l'usage des combustibles courants, comme les produits pétroliers, le gaz
naturel, le charbon et l'électricité.
De plus, l'industrie forestière propose à l'Etat que ses
intentions portent également sur l'utilisation comme sources
d'énergie des matières telles les déchets industriels et
ménagers, en particulier les résidus de bois, les sous-produits
industriels et autres ressources thermogènes moins connues, parmi
lesquelles on peut classer la tourbe.
Toute politique efficace doit également insister sur l'importance
de préserver les réserves actuelles de combustibles et de
ménager l'énergie sous toutes ses formes, ce qui aura pour effet
ae ralentir le taux de croissance de sa consommation.
Il est compréhensible que les objectifs de chaque province ne
soient pas nécessairement les mêmes et qu'une politique nationale
d'ensemble ne puisse répondre entièrement aux diverses situations
régionales dans ce domaine. C'est pourquoi, si l'on doit appliquer les
divers programmes provinciaux visant à stimuler l'usage de toutes les
sources d'énergie viables, ceux-ci doivent aussi être compatibles
avec d'autres programmes canadiens afin d'éviter le gaspillage d'efforts
et les malentendus.
Voici comment peuvent se résumer les opinions de l'industrie
forestière du Québec en ce qui a trait à une politique de
l'énerqie.
Sécurité d'approvisionnement. Dans toute recherche d'une
politique de l'énergie au Québec, nous estimons que la
sécurité d'approvisionnement occupe le permier rang. Les membres
de l'Association des industries forestières du Québec ont
établi, pour 1974, leur consommation d'énergie par
catégorie, de la façon suivante, et les chiffres demeurent
sensiblement les mêmes aujourd'hui: Energie électrique, 12
milliards de kilowatts-heures; charbon, 85 000 tonnes; produits
pétroliers, 12 millions équivalant en barils de brut; gaz
naturel, négligeable.
Notre industrie compte parmi les grands consommateurs d'énergie,
mais nous nous efforçons activement, depuis 1973, d'utiliser celle-ci de
façon plus efficace.
Energie électrique. Le Québec est heureusement doté
de ressources hydroélectirques plus abondantes que la plupart des autres
régions. Toutefois, la demande d'énergie électrique
augmente actuellement, d'après l'Hydro-Québec, de 7,7% par
année, ce qui laisse prévoir que, dans les années à
venir, le potentiel hydroélectrique ne suffira plus aux besoins du
Québec. Il sera donc nécessaire de recourir à d'autres
sources énergétiques, comme la fusion et la fission
nucléaires ou même les centrales thermiques.
Produits pétroliers. Les produits raffinés du
pétrole brut constituent la plus importante source de combustible pour
l'industrie forestière du Québec. Toutefois, les
possibilités d'usage de combustibles de rechange sont fort restreintes.
Cette ressource énergétique provient soit du brut étranger
raffiné au Québec ou de produits raffinés importés
tels quels. C'est dire que la sécurité des approvisionnements est
quelque peu précaire, assujettie qu'elle est, en grande partie, aux
importations du Moyen-Orient et des Caraïbes, et, à un degré
moindre, aux livraisons de l'Ouest canadien par le pipe-line de Sarnia. Ce
dernier peut répondre à 25% environ des besoins actuels de
l'industrie pétrolière du Québec.
Charbon. Bien que le charbon ne soit que peu utilisé par
l'industrie du Québec, il offre quelques promesses du fait que les
réserves mondiales et celles du Canada sont considérables par
rapport au pétrole. Le charbon pourrait donc, jusqu'à un certain
point, réduire les besoins en produits pétroliers
importés. Cependant, la conversion au charbon des facilités
brûlant l'huile nécessiterait d'importantes dépenses en
immobilisations. Et, du reste, cette conversion ne serait réalisable
qu'en certains endroits favorables. Elle ne ferait, au mieux, qu'étaler
les risques et non les supprimer puisqu'il s'agirait toujours d'échanger
une forme
d'énergie venant de l'extérieur pour une autre que le
Québec ne possède pas. Néanmoins, ce risque pourrait
être moindre que celui posé par l'ampleur de notre
dépendance actuelle vis-à-vis des produits pétroliers.
Tourbe. On devrait développer au Québec une industrie de
la tourbe dont le potentiel thermique paraît significatif, ce qui
pourrait libérer la province d'une partie de sa dépendance
vis-à-vis des combustibles venant de l'extérieur, tout en
créant de nouveaux emplois au Québec. L'industrie des pâtes
et papiers étudie ce potentiel, mais les investissements imposés
par une exploitation à grande échelle seraient
considérables sans qu'on puisse encore, à l'heure actuelle, les
justifier du seul point de vue économique.
A ce sujet, je peux ajouter ceci. D'après M. Antoine Simard, de
la division des tourbières du ministère des Richesses naturelles,
des études faites jusqu'ici montrent que le Québec disposerait
d'environ 200 milles carrés de tourbières commerciales. Elles
seraient concentrées surtout dans Ni-colet, Lotbinière,
Lévis et Bellechasse. Les prévisions de réserves totales
seraient de 150 000 acres, contenant quelque 135 millions de tonnes de tourbe.
On trouve actuellement au Québec quelque 45 producteurs qui vendent
environ 150 000 tonnes de tourbe par année, dont 80% sont vendues aux
Etats-Unis. Elles servent surtout en horticulture pour amender les sols trop
légers ou trop lourds.
Par contre, en Europe, la très grande partie de la tourbe est
utilisée pour la production d'énergie. En URSS, 65% de la
production est utilisée pour générer 30% de
l'électricité. En Irlande, 99% de la production de tourbe est
utilisée pour générer 50% de
l'électricité.
Conservation de l'énergie. Il va de soi que les organismes
publics se doivent d'encourager la conservation de l'énergie et
l'autonomie d'approvisionnement, mais aussi doivent-ils tenir compte que les
projets à capitaux intensifs sont difficiles à justifier
présentement, en raison des ressources financières restreintes.
Les possibilités offertes à l'industrie des pâtes et
papiers, quant à la conservation de l'énergie, ont
été exposées dans un mémoire au gouvernement
fédéral dont copie est jointe.
Protection du consommateur. Les membres de l'Association des industries
forestières du Québec reconnaissent la nécessité de
protéger dans toute la mesure du possible le consommateur particulier ou
familial, pour ce qui est de la consommation d'énergie. On peut
cependant suggérer que les secteurs industriels et commerciaux, en tant
que consommateurs d'énergie, devraient peut-être
bénéficier d'une protection particulière. S'ils
étaient obligés de réduire leur consommation au point
d'affecter l'emploi, on pourrait ainsi compromettre les possibilités de
consommation du particulier ou de la famille. Quelle que soit la politique
adoptée en matière de protection du consommateur, elle ne sera
réalisable que si le Québec parvient à atteindre une
certaine sécurité d'approvisionnement. Nous suggérons que
toute protection accordée au consommateur exige de ce dernier qu'il
fasse preuve d'un sens réel de ses responsabilités en l'incitant
à ménager la ressource que l'on entend protéger. Comme
exemple, nous estimons que le chauffeur qui roule à 90 milles à
l'heure, au lieu de 55 milles à l'heure c'est plus
économique ne devrait pas avoir droit à toute l'essence
qu'il veut. Nous recommandons au ministre délégué à
l'Energie d'insister sur l'autodiscipline du consommateur.
La méthode adoptée devrait comporter l'intervention des
pouvoirs publics dans le cadre de leur juridiction sur les règlements de
la circulation, les limites de vitesse, les rapports puissance-poids des
véhicules, ainsi que sur l'introduction, par l'intermédiaire des
autorités municipales habilitées, d'améliorations au Code
de la construction. Nous entendons par là que l'on devrait faire en
sorte que les constructions domiciliaires ou autres tiennent compte d'une
utilisation plus rationnelle de l'énergie. Dans certaines grandes villes
de divers pays, on a recours au chauffage de secteurs entiers a l'aide de
combustible à faible entropie provenant des déchets de services
publics et d'industries diverses. Mentionnons, notamment, la
récupération de la chaleur produite par l'incinération des
ordures ménagères dont on se sert aussi parfois pour fondre la
neige au lieu de l'enlever à l'aide de machines et de camions.
A ce sujet, je me permets de mentionner ("incinérateur de la
Communauté urbaine de Québec, par exemple, qui a
brûlé 240 000 tonnes de déchets en 1976. Il a produit 1,380
milliard de livres de vapeur, dont 80% ont évé vendues à
la papeterie Reed.
La meilleure protection dont puisse bénéficier le
consommateur, consiste a éviter autant que possible le gaspillage des
ressources d'énergie non renouvelables, notamment les combustibles
fossiles. Le meilleur moyen d'en arriver à cette fin réside dans
un usage plus efficace des ressources fournies par les mines, les puits de
pétrole et les cours d'eau. Tous les efforts dirigés en ce sens
nous paraissent logiques, mais ils ne devraient pas aboutir à la
division arbitraire des consommateurs en catégories et au rationnement
empirique des sources d'énergie brute ou transformée entre ces
catégories.
Développement économique. Toute prise de position
concernant l'énergie doit s'inspirer de l'impérieuse
nécessité du développement économique de la
province. Le Québec, avec des ressources naturelles
considérables, assure et devra continuer d'assurer ce
développement.
L'attribution naturelle et les effets des temps qui changent rendront
désuète une partie de nos moyens de production et nous devrons
les remplacer. De plus, il est important de réaliser les progrès
économiques que les citoyens du Québec sont en droit d'attendre.
Ce scénario se traduit implicitement par une augmentation des besoins
globaux d'énergie qu'il faudra combler. En optant pour de nouvelles
sphères d'activités, il faudra avoir comme objectif premier
l'utilisation la plus rationnelle des ressources d'énergie domestiques
ou achetées. Cependant, il faut commencer par jauger l'ampleur du
développement au Québec.
L'on doit constater que l'augmentation du PB n'a pas rattrappé
celle de l'inflation. En ce qui concerne l'industrie forestière, nous
voyons quelques gros obstacles à franchir avant de retirer le maximum
d'avantages des ressources forestières.
Nous nous attarderons surtout aux perspectives de développement
de l'industrie du bois d'oeuvre et de celle des pâtes et papiers. De
façon générale, en ce qui a trait au secteur forestier,
les perspectives immédiates d'investissement au Québec ne sont
guère favorables pour plusieurs raisons dont nous citerons les
principales: Premièrement, la productivité de notre industrie au
Québec est de 59% inférieure à celle des Etats-Unis, et le
prix de la main-d'oeuvre, dans l'industrie forestière, est d'environ 20%
supérieur. Ceci explique en partie les coûts plus
élevés du bois.
Deuxièmement, le fardeau fiscal global porté par
l'industrie, aux divers échelons gouvernementaux, est plus lourd que
dans la plupart des autres pays, y compris les Etats-Unis, le Brésil, la
Suède, nos principaux concurrents.
Troisièmement, les frais de transport de nos produits finis sont,
dans la plupart des cas, plus élevés au Québec, parce que
nous sommes plus éloignés des marchés d'importance.
Quatrièmement, les coûts de la construction sont
très élevés au Québec, surtout à cause de la
main-d'oeuvre, mais aussi en raison de sa situation géographique et de
son climat, beaucoup moins favorable que celui du sud des Etats-Unis, par
exemple.
Tels sont les points faibles d'une industrie qui devrait être la
pierre angulaire du développement du Québec, en raison de
l'abondance des forêts.
En 1975, notre industrie représentait 8% du PB, qui était
de $38 milliards. Pour la plus grande partie, ce revenu nous vient de
l'extérieur du Québec et, comme tel, constitue un revenu
réel.
Nous sommes inquiets des perspectives de développement de
l'industrie forestière pour les raisons précédentes et
malgré le fait que le coût de l'énergie au Québec
soit inférieur à celui de la plupart des pays du monde. Pour
continuer à contribuer favorablement au développement
économique du Québec, nous devrons d'abord résoudre le
problème de nos prix de revient, tel que reflété par les
quatre points ci-haut mentionnés. Ce n'est qu'alors, et alors seulement,
que nous pourrons dire de notre industrie qu'elle est en mesure d'utiliser les
ressources domestiques d'énergie comme un levier pouvant servir au
développement optimum du Québec. Ceci nous permettra
également de maintenir notre position concurrentielle sur les
marchés internationaux.
Dans une perspective plus prometteuse, il existe des chances
réelles pour nous d'améliorer le rendement de nos ressources
d'énergie à l'aide de la contre-pression des centrales
thermiques. C'est-à-dire la pression utilisable après le passage
de la vapeur à haute pression dans une turbine de
générateur électrique et sa réduction à une
pression de sortie plus basse. Cette technique, déjà bien au
point, est en usage au Canada, mais plus encore aux Etats-Unis et en
Europe.
Elle peut produire de l'électricité en absorbant la
moitié moins d'énergie par kilowatt-heure que la puissance
produite par une turbine à condensation. Le coût total, y compris
l'amortissement à 10% des capitaux investis, peut, dans certains cas,
être de 10 à 15 milles par kilowatt-heure, chiffres qui se
comparent avantageusement avec les coûts avancés quant au
coût possible de l'énergie de la baie James.
Dans le passé, l'industrie n'a guère été
encouragée à s'orienter de ce côté, en raison de
complications de liaison avec le service public d'électricité.
Nous croyons savoir que le problème ne se pose plus et que
l'Hydro-Québec est en faveur de l'énergie de contre-pression.
La réalisation de ces possibilités exigera des
investissements considérables qui devront concurrencer les demandes non
moins considérables pour la modernisation de l'industrie et la lutte
contre la pollution.
Nous remercions le ministre et le président de cette
assemblée d'avoir donné à l'Association des industries
forestières l'occasion de s'exprimer sur le sujet de l'énergie.
L'approvisionnement d'énergie intéresse tous les citoyens et est
indispensable à l'existence même de notre industrie.
Nous félicitons le gouvernement d'avoir reconnu la
nécessité de mettre au point une politique provinciale qui
devrait permettre aux Québécois de prévoir et
d'administrer avec plus de confiance leurs ressources
énergétiques.
Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. Monsieur le
ministre.
M. Joron: M. Lachance, vous avez présenté,
quelquefois en dehors des préoccupations proprement
énergétiques, des points de vue très intéressants
sur la situation de l'industrie forestière comme telle.
Je serais tenté de vous poser des questions sur ce sujet, mais je
vais quand même m'en abstenir parce que cela déborde un peu le
cadre immédiat. Je peux vous assurer, par contre, que probablement chez
bien des membres de cette commission autour de cette table, qui est la
commission des richesses naturelles et des terres et forêts, vous avez
suscité certainement un intérêt par rapport aux questions
de l'industrie forestière. C'est peut-être dans un autre
forum...
M. Lachance: C'est ce que j'allais dire. N'importe quand, M. le
ministre, nous sommes à votre disposition pour discuter avec vous de ces
problèmes économiques très importants pour nous.
M. Joron: Ceci dit, je vais me limiter à vous poser des
questions plus directement reliées aux aspects
énergétiques de votre présentation. J'ai trois petites
questions, en fait, que je voudrais vous poser.
Vous avez évoqué le fait que la productivité de
notre industrie forestière au Québec est beaucoup moindre que
celle des Etats-Unis. Puis-je vous demander quelle est l'importance du facteur
énergie dans l'industrie forestière, au point de vue
coût?
M. Lachance: Oui.
M. Joron: Quelle importance cela occupe-t-il? Vous avez
mentionné, je pense, que les coûts en énergie au
Québec sont relativement plus bas que dans l'ensemble du monde,
finalement.
M. Lachance: Je vais demander à mes conseillers de
s'approcher. Ce sont des gens de la technique qui pourraient peut-être me
guider pour que je ne fasse pas d'erreurs dans mon exposé. Je ne veux
pas dépasser le temps. Je pense que tout va bien.
Le Président (M. Laplante): Ils peuvent s'asseoir avec
vous. Vous n'avez qu'à les identifier.
M. Lachance: 5% à 6% du coût.
M. Joron: Et compte tenu du fait que c'est ici. C'est
peut-être plus élevé dans le sud des Etats-Unis. Serait-il
juste de présumer que c'est possiblement plus élevé dans
le sud des Etats-Unis?
M. Lachance: Je crois que oui.
M. Joron: Donc, en somme, si vous n'aviez pas cet avantage d'une
énergie légèrement meilleur marché, la
différence de productivité serait encore plus grande. L'industrie
québécoise est-elle efficace, en termes
énergétiques? Ce que je veux dire par là, c'est: Est-ce
que, pour une même production, par rapport à ce qui peut exister
dans d'autres pays je ne suis pas un spécialiste en la
matière consomme-t-on plus d'énergie ici pour faire des
produits, soit de la pulpe, par exemple, que d'autres pays en consomment? En
d'autres mots, nos méthodes de production sont-elles modernes au point
de vue réduction du contenu énergétique?
M. Lachance: Oui, M. le ministre. M. Joron: Elles le
sont.
M. Lachance: Notre dépense par tonne de production se
compare très bien avec celle des autres endroits producteurs...
M. Joron: N'importe...
M. Lachance: Même avec la Suède, parce que
j'écoutais, il y a un moment, les propos où il était
question de la Suède, je suis certain que, dans les années
à venir, la consommation de l'industrie papetière de Suède
en énergie aura tendance à monter parce que, jusqu'à
présent, ils ne s'y faisait que de la pâte, la grosse production
du pays était surtout en pâte qu'on vendait dans des pays
d'Europe. Les pays eux, transformaient la pâte en différents
produits alors que, depuis un certain temps, la politique de la Suède
est plutôt de transformer en Suède la pâte qu'on y produit.
Alors, cela va demander une consommation d'énergie plus grande.
M. Joron: Donc, il serait juste de dire qu'en comparaison avec
les industries concurrentielles du même genre dans le monde, l'industrie
québécoise à cet égard...
M. Lachance: Est en bonne position. M. Joron: ...
économie d'énergie.
M. Lachance: Oui, malgré les recommandations que vous
verrez dans l'annexe qu'on y a mise, il y a encore bien des moyens de
réduire la consommation énergétique.
M. Joron: J'avais deux questions. Il y en a une peut-être
qui découle de cela. Dans quelle mesure est-ce que vous pourriez
utiliser pour vos propres besoins en énergie les résidus de
l'exploitation forestière?
M. Lachance: Actuellement, nous en utilisons beaucoup.
L'utilisation du bois fait qu'au Québec environ cinq millions de tonnes
d'écorce sont produites chaque année. Cependant, au cours du
transport il se perd de l'écorce, soit dans le transport par camion ou
autrement. On dispose donc d'environ deux à trois millions de tonnes
d'écorce aux usines de transformation au Québec.
M. Joron: Cela veut dire que vous récupérez
à peu près la moitié...
M. Lachance: Exactement.
M. Joron: ... de toute l'écorce impliquée dans
l'abattage des arbres dans tout le territoire et que vous brûlez cette
moitié-là.
M. Lachance: Oui. Sur 60 usines que nous avons au Québec,
nous en avons 25, et ce sont nos plus grosses, qui sont équipées
pour brûler l'écorce et les déchets de bois.
M. Joron: Quel pourcentage peut représenter cette source
d'énergie, par rapport à toute l'énergie que vous
consommez? Est-ce que c'est significatif, est-ce que c'est important, ou si
c'est très marginal?
M. Lachance: C'est assez faible, et on est limité par
l'usage des déchets dans un brûleur dont la source
d'énergie est l'huile, parce que l'écorce qu'on utilise n'est pas
séchée à 100%. Elle contient à peu près 60%,
65% d'eau. Elle est pressée évidemment, mais on ne peut pas
extraire toute l'eau qu'il y a là-dedans. Alors, en utilisant
l'écorce, cela nous prend une certaine quantité d'huile pour
d'abord l'assécher avant qu'elle puisse brûler. On est
limité de ce côté-là. On est limité aussi, et
on le sera davantage, par les standards d'émission de particules. C'est
un problème qui nous préoccupe. Parce que, dans les installations
actuelles que nous avons, où nous employons les déchets et
l'huile, il y a tendance, évidemment, à y avoir des
émissions de particules
plus grandes qu'autrement. Alors, si les standards sont trop
serrés, il va falloir trouver un moyen différent.
M. Joron: Est-ce qu'il y a des espoirs d'arriver à un
équipement, des brûleurs plus efficaces, ou des systèmes de
combustion plus efficaces qui permettraient d'envisager de hausser
considérablement le rendement thermique de cette opération?
NI. Lachance: Oui, il y a moyen. Si on y met le prix, il y a
moyen d'augmenter encore l'usage de l'écorce et des sous-produits. Vous
demandiez tantôt quel est le rapport d'une tonne d'écorce. Une
tonne d'écorce équivaut à peu près, au point de vue
calorifique, à un baril d'huile.
M. Joron: Un baril d'huile, cela prend bien des tonnes.
M. Lachance: Et évidemment, il y a des problèmes
à l'écorce. C'est la question d'espace. Cela demande beaucoup
d'espace, une tonne d'écorce, comparativement à l'huile.
M. Joron: II y a une autre question qui me passe par l'esprit. A
part l'écorce, j'imagine que, quand on abat un arbre en forêt, on
le débite et tout cela, il se perd une partie de l'écorce, il y a
une bonne moitié qu'on récupère, comme vous venez de nous
dire, mais les branches et enfin tout ce qui reste à terre, est-ce
envisageable que ce soit rentable de le ramasser?
M. Lachance: Cela pourrait se faire, mais je ne pense pas que ce
soit une bonne chose à faire, dans le moment en tout cas, parce que, en
laissant sur place les branches et les aiguilles et tout ce matériel
ligneux qui, somme toute, est une perte peut-être de matériel,
mais c'est ce qui fait...
M. Joron: C'est ce qui régénère la
terre.
M. Lachance: Justement, c'est ce qui nous procure l'engrais
naturel et qui renouvelle le sol. Alors, ce qu'on gagnerait d'un
côté, on le perdrait de l'autre.
M. Joron: J'ai juste une dernière question
embêtante, peut-être. Vous attachez une très grande
importance et vous avez dit que ça devrait être le premier
critère qui devrait nous guider, la sécurité des
approvisionnements.
J'allais vous demander, pour essayer de mesurer l'importance que vous
attachez à ce facteur, quelle augmentation de prix, quel prix vous
seriez prêt à payer, ou vous estimeriez qu'on devrait payer pour
avoir cette sécurité.
M. Lachance: Vous voulez dire au point de vue
sécurité d'énergie?
M. Joron: Oui. Est-ce que ça vaudrait la peine, pour vous,
de payer plus cher pour être sûr des approvisionnements?
M. Lachance: Je pense qu'on est lié à
l'énergie. Si on n'a pas l'énergie qu'il nous faut, il n'y a
aucun fonctionnement possible de notre industrie. Alors, quel que soit le
coût, il faudra le considérer.
M. Joron: II faudra le payer.
M. Lachance: Mais ce qui importe le plus, c'est la question de
commerce, pouvoir concurrencer les principaux pays ou le Sud des Etats-Unis,
entre autres et les pays Scandinaves quand il s'agit de l'Europe.
M. Joron: Ce que je voulais dire par là, c'est qu'on peut,
par exemple... Considérons le pétrole importé au
Moyen-Orient comme une source moins sûre que des sources locales, mais
peut-être, aujourd'hui, moins chère que des sources locales qu'on
pourrait développer. Votre choix irait de quel côté,
à ce moment-là? Payer un peu moins cher pour quelque chose qui,
à long terme, n'est peut-être pas sûr, ou payer un peu plus
cher pour quelque chose dont l'approvisionnement est mieux garanti?
Estimez-vous que ça vaudrait la peine de payer une prime pour cette
garantie?
M. Lachance: Je pense que ça vaut sûrement la peine
d'y penser, parce que si le coût de... l'huile, actuellement, est
meilleur marché que le charbon qui nous vient des Etats-Unis et meilleur
marché qu'autre chose. Evidemment, il y a l'écorce qui vient
automatiquement dans l'usine. Mais je pense qu'on ne peut pas négliger
d'étudier toutes les sources possibles d'approvisionnement autres que le
pétrole.
Mais la transformation vous me demandiez le coût
d'une génératrice dans une usine coûterait de $15 millions
à $20 millions dans le moment, pour pouvoir utiliser plus
d'écorce.
M. Joron: Dans l'ensemble de l'industrie?
M. Lachance: Oui, $15 millions à $20 millions par
usine.
M. Joron: Ah par usine. M. Lachance: Par usine.
M. Joron: Cela doit varier selon la taille de l'usine,
j'imagine.
M. Lachance: Oui, mais les petites usines ne pourront pas
utiliser l'écorce, seulement les grosses. C'est pour ça qu'il y
en a seulement 25 sur 60. Ce sont les plus grosses qui ont vu à utiliser
l'écorce en même temps que le pétrole.
M. Joron: D'accord, merci.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Vous avez
signalé, malgré que l'industrie québécoise des
pâ-
tes et papiers soit efficace sur un plan technique dans l'utilisation de
l'industrie, qu'il y avait des moyens d'utiliser encore moins d'énergie.
J'aimerais cependant vous poser la question, j'imagine aussi des moyens d'en
utiliser davantage, et je m'explique. Il semble que pour l'industrie, dans son
ensemble, si on regarde l'aspect forestier de cette industrie, votre
matière première a actuellement un rendement très faible
à l'acre.
On parle d'une ressource, le pétrole, qui est de plus en plus
rare, mais les matières ligneuses, j'imagine, appartiennent aussi
à la même grande catégorie des produits renouvelables,
ceux-là, heureusement, mais dont, à un moment donné, la
quantité est assez limitée, est finie et pour lesquelles les
seules possibilités de croissance consistent dans une meilleure gestion
des forêts. J'imagine qu'une meilleure gestion des forêts, une
productivité plus grande à l'acre, en termes de pieds cubes de
bois impliquerait une dépense d'énergie beaucoup plus
considérable. Enfin, vous pourriez peut-être nous éclairer
là-dessus. Peut-être pourriez-vous commencer en nous donnant une
idée du rendement des forêts au Québec, par rapport au
rendement en termes de bois ou de matières ligneuses que l'on trouve un
peu partout dans le monde, et du progrès qui reste à
réaliser.
M. Lachance: Pour ne s'en tenir qu'au Québec,
l'utilisation, c'est-à-dire la coupe que l'on fait annuellement est bien
en deça de la croissance de nos forêts. Il n'est pas question
d'épuisement de nos forêts dans le moment, à moins qu'il
nous arrive une catastrophe formidable comme...
Nous avons bien l'épidémie de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette qui nous a inquiétés et qui nous
inquiète encore. Mais même malgré cela dans le moment, si
on peut garder cette épidémie sous contrôle, nous sommes en
dedans de ce qu'est la possibilité des forêts du Québec. On
pourrait couper davantage, sans épuiser le capital ligneux, au point de
vue... Evidemment, plus l'aménagement sera intensif avec les
années, favorisant la croissance des peuplements, on en arrivera
peut-être à un volume à l'acre plus grand, ce qui ferait
que ce serait plus économique à couper, parce qu'on aura un
volume plus grand à l'acre.
De ce côté-là, je pense que nous sommes certains
qu'il n'y a pas de problème. Maintenant, au point de vue de
l'utilisation d'énergie dans les années à venir, je pense
qu'il y a toute cette liste de choses qu'on entend faire, présentement
et dans les années à venir, pour essayer de conserver le plus
possible l'énergie sous toutes ses formes.
Par contre, il y a une chose qui nous préoccupe passablement,
c'est la question de dépollution de l'air et de l'eau. C'est
évident qu'il va falloir y arriver. Pour y arriver, il faut changer
parfois et penser changer des procédés de transformation du bois
en pâte qui vont être plus coûteux en énergie que ceux
que nous utilisons dans le moment.
J'ai en tête, par exemple, les 22 usines que nous avons au
Québec, qui produisent du papier journal. Dans le moment, la plupart
d'entre elles fonctionnent avec un produit au bisulfite. Il faudra
éliminer, on pense éliminer ce procédé et le
remplacer par un procédé thermomécanique qui, lui,
demandera plus d'énergie que celui qu'on utilise dans le moment, mais
par contre nous permettra des eaux-vannes, des eaux qui soient
dépolluées.
M. Forget: Je reviens à ma question, je me permets
d'insister. Votre réponse rejoint une préoccupation qu'a
exprimée le ministre en certaines occasions à l'effet que, dans
les choix énergétiques, il faut aussi inclure des choix quant au
type de développement industriel. Je suis tout à fait d'accord
avec cette notion. Bien sûr, lorsqu'on pense à des industries
aussi importantes au Québec que l'industrie des pâtes et du
papier, on pense tout de suite à sa consommation d'énergie.
Vous répondez à ma question à savoir si le
rendement des forêts pourrait être considérable en disant:
Avec le rendement actuel, sans rien changer, on en a suffisamment pour que cela
se reproduise et qu'on n'ait pas de problème d'approvisionnement
à long terme.
La question se pose à savoir: Est-ce que, si l'on veut un
développement ou si on ne veut pas de développement futur de
l'industrie des pâtes et papiers, cela va poser, à ce
moment-là, le problème des rendements forestiers? La question de
l'énergie va apparaître à deux titres. D'une part, il va
falloir savoir jusqu'à quel point de l'énergie additionnelle peut
être rendue disponible pour un développement de cette industrie.
Mais de façon plus profonde encore parce que c'est
déjà connu, en quelque sorte, il s'agit de projeter ce qu'on
connaît déjà il s'agit de savoir quelle utilisation
accrue de l'énergie serait nécessaire pour augmenter le rendement
de nos forêts.
J'ai déjà vu des chiffres qui étaient presque
incroyables où on faisait une comparaison, encore avec la Suède;
ce n'est pas une fixation, mais c'est un pays forestier à peu
près sur les mêmes latitudes que nous. On disait que les
forêts suédoises rendaient sept fois le volume de bois par acre
que nos forêts peuvent rendre. Cela me semble un potentiel
considérable dans une ressource qui est propre au Québec et pour
lequel se pose la question d'utilisation de l'énergie. Mais, s'il faut
utiliser je ne sais pas combien d'énergie pour accroître le
rendement de nos forêts, on revient au point de départ. C'est la
raison de ma question.
M. Lachance: Mais il y a tout de même deux choses. D'un
côté, il y a l'exploitation du bois, l'exploitation de la
forêt et, de l'autre, la transformation. C'est entendu que nous ne sommes
pas encore... Vous savez que la forêt, cela prend du temps, cela prend de
60 à 80 ans à peu près avant de pouvoir retourner au
même endroit. Il n'y a pas de doute que dans le moment nos exploitations
sont de plus en plus éloignées des usines. C'est un fait. Cela
nécessite évidemment plus de transport, plus de consommation
d'énergie, si je pense à l'essence, ces choses-là, au
transport du matériel.
Pour encore un bon nombre d'années, la demande en carburant va
être plus grande, parce qu'on exploite à des endroits plus
éloignés, mais,
avec le temps, nous sommes en train de revenir vers les endroits qui ont
été coupés au début du siècle, tous les
endroits. A peu près en 1910 ou 1920, les gros de l'exploitation de
notre industrie, c'était déjà bien établi. Le
territoire qui a été coupé de 1910 à aujourd'hui,
on est à la veille d'y retourner et, même à certains
endroits, nous y allons déjà faire une deuxième coupe.
Tout de même, dans l'ensemble, on peut dire que, pour encore plusieurs
années, les coupes sont plus éloignées. Cela rejoint la
partie exploitation.
Au point de vue de la transformation à l'usine, par exemple,
c'est une autre chose. La seule consommation ou augmentation de consommation de
carburant vient du bien-être de l'industrie et de son
développement économique. Là, malgré toutes les
économies qu'on prévoit faire... Par exemple, il est question
qu'on essaie de réduire de 12% la consommation d'énergie sous
toutes ses formes d'ici 1980, par rapport à ce qu'on dépensait en
1972. Je pense qu'il en est question à la fin de ce mémoire.
C'est une économie qu'on entend réaliser par toutes sortes
d'améliorations dans l'usine même.
Par contre, si la production augmente, si d'autres usines viennent
s'installer au Québec ou que celles qu'on a en place augmentent leur
production, il y aura nécessairement un besoin accru d'énergie.
Je ne sais pas si je réponds à votre question.
M. Forget: Partiellement seulement, mais je n'insiste pas
davantage étant donné le temps. Il me semble qu'on a là
des problèmes qui sont intéressants, mais je ne veux pas les
poursuivre. Encore une fois, il y en a d'autres qui attendent. Il y aura
peut-être d'autres occasions.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient, monsieur, de ce que vous avez voulu leur apporter.
Mercil M. Joseph Debanné. M. Debanné, vous avez environ 45
minutes pour exposer votre rapport et pour la période des questions. Je
remarque qu'il a environ une quarantaine de pages. Je ne sais pas s'il y aura
possibilité pour vous de le synthétiser, parce qu'on me dit qu'il
y a des questions assez intéressantes à être posées
sur celui-là.
M.Joseph Debanné
M. Debanné (Joseph): Oui, certainement, M. le
Président. N'ayez crainte, le rapport qu'on vous a distribué
n'est pas celui que je vais vous présenter, mais, comme on m'a
téléphoné il y a trois jours pour me suggérer de
venir déposer à cette commission, j'ai improvisé en
faisant reproduire un vieux rapport que j'avais présenté à
une conférence organisée par le ministère des Affaires
urbaines à Ottawa, qui répond un peu à certains
problèmes auxquels la province de Québec a à faire face.
Comme j'habite le Québec moi-même et que cela m'intéresse
d'une façon très directe, je suis venu vous donner mon opinion,
basée sur les travaux que j'ai déjà faits dans ce domaine,
certains travaux d'ailleurs très récents qui ne sont pas du tout
couverts dans ce document qui est vieux déjà de deux ans.
Etant donné que ce document 74-13 que vous avez date
déjà de trois ans, je tâcherai de le mettre à jour,
par le biais de ce mémoire, que j'ai écrit dans l'avion
d'ailleurs, en tenant compte des études de planification
énergétique que j'ai entreprises depuis ce temps-là. Je
tâcherai aussi de tenir compte de l'évolution de la conjoncture
énergétique mondiale, nord-américaine, canadienne et
québécoise.
La situation mondiale. Bien que la demande mondiale en pétrole
continue à s'accroître et qu'elle soit appelée à
jouir d'un taux de croissance hélas! dépassant le taux de
croissance des réserves découvertes et des réserves
cumulatives trouvées, on perçoit une stabilité du prix
mondial du pétrole en termes réels, c'est-à-dire en tenant
compte des rattrapages périodiques du prix pour contrecarrer, tout au
moins en partie, le taux d'inflation.
Le rôle modérateur de l'Arabie Saoudite continuera à
jouer tant que les bons offices des Etats-Unis continueront à faire
progresser la situation au Proche-Orient vers la normalisation. Il y a de
bonnes raisons de croire que l'administration Carter a bien enregistré
le message de Riad à ce sujet. Donc, je suis optimiste que les prix vont
être stables et que, pour fins de planification à long terme
à moyen terme, certainement on peut tabler sur des prix
stables du pétrole, en termes réels. Il y aura du rattrapage,
naturellement, pour contrecarrer l'inflation.
Un autre facteur qui pousse l'Arabie Saoudite à la
modération des hausses de rattrapage est la situation économique
précaire des pays de l'OCDE. Donc, s'il y a une relance
économique, je m'attendrais à ce qu'ils soient un peu moins
stricts avec leurs partenaires concernant les autres rajustements qui se
feront. En général, ceci servira de volant économique. Je
pense qu'ils permettront des augmentations de prix dans la mesure où
ceci est compatible avec la situation économique des pays de l'OCDE.
Situation énergétique aux Etats-Unis: Naturellement, nous
avons une nouvelle administration. L'administration Carter va certainement
réviser les priorités énergétiques des Etats-Unis
et va rationaliser tout le processus de planification dans ce domaine. La crise
qu'il y a eu aux Etats-Unis dernièrement, des morts, des mises à
pied sérieuses, même catastrophiques dans certaines
régions, vont certainement appeler le gouvernement américain
à repenser, tout au moins à mettre au rancart toute une
série de recommandations d'études, toute une philosophie
basée sur des études économiques qui, à mon avis,
sont à la base, complètement aberrantes. Ces études ont
été faites par des collègues à moi, d'ailleurs, et
sont basées sur, en fait, le principe de la fonction de production
Cobb-Douglas, classique en économique, c'est-à-dire que vous
mettez de l'argent, ou vous mettez de la main-d'oeuvre, et vous obtenez de la
production. Ils n'ont pas tenu compte de l'aspect probabiliste et
aléatoire du processus de découvertes
pétrolières.
A ce sujet, je mentionnerai, en passant, que les études que
j'avais faites au Massachussets Institute of Technology, en 1974, pour le
compte du gouvernement américain, avaient prédit cette situation.
Ma recommandation était qu'ils devaient s'organiser pour faire venir le
pétrole de l'extérieur en quantité suffisante pour
éviter le genre de catastrophe qu'ils ont maintenant, qu'ils ont eue
cette année. Nous reviendrons à ce sujet.
Le président Carter a déjà indiqué certaines
de ses préférences. Comme vous le savez, il voudrait
décélérer l'emphase de ce que j'appelle la
nucléarisation. Il voudrait donner plus d'emphase au domaine de la
conservation et du développement des ressources alternatives
d'énergie. Je suis certainement d'accord avec lui avec tout simplement
un avis tout de même assez important. Il ne faudrait pas pousser le
développement des ressources alternatives à une cadence plus
rapide que nécessaire. Qu'est-ce que j'entends par ceci? J'entends que
nous avons déjà dans le monde, nous avons, tout le monde le sait,
des réserves pour facilement 25 ans. Par conséquent, ce n'est pas
nécessaire de pousser le changement technologique à une cadence
ruineuse pour l'Amérique du Nord en particulier.
On peut beaucoup plus tabler sur ces importations et travailler sur le
processus de changements nécessaires, graduellement. Le charbon, en
particulier, sera appelé à prendre la relève, et je dis
ceci parce que les Etats-Unis sont particulièrement bien nantis en
charbon, le Canada aussi d'ailleurs. La technologie du transport hydraulique du
charbon je suis, entre parenthèses, en train de faire une
étude pour le gouvernement américain à ce sujet a
fait des progrès remarquables. Nous en sommes au point, aujourd'hui, en
1975, 1977... Je dis 1975, parce que nos statistiques, en
général, sont deux années en arrière. En 1977, nous
en sommes au point où nous pouvons espérer transporter le charbon
pulvérisé dans des pipe-lines sous forme hydraulique,
c'est-à-dire mélangé à l'eau, à peu
près au même coût que la calorie ou le BTU de gaz naturel.
Donc, nous parlons d'un demi-cent par 1000 BTU par 100 milles de distance, ce
qui est un peu plus cher, pour le moment, que le coût de transport du gaz
naturel. Etant donné que les Etats-Unis ont des réserves de
charbon pour plusieurs siècles et que le Canada en a certainement pour
100 ans, je pense que le charbon sera appelé à prendre la
relève du secteur présentement servi par le pétrole, par
exemple, dans tout ce qui s'appelle génération thermique de
l'électricité. Ceci, à mon avis, est le cas du
Québec, qui n'a même pas besoin d'attendre cette nouvelle
technologie, parce que la plupart des régions consommatrices du
Québec peuvent être desservies par voie maritime. Je pense que
cette voie sera peut-être la moins onéreuse en termes de capitaux
pour maintenir des approvisionnements suffisants dans ces secteurs. Reste
naturellement le secteur des transports. Là, naturellement, comme vous
le savez, on ne voit pas de remplacement pour le pétrole, tout au moins
un remplacement économique pour bien des années à
venir.
Donc, il faudra toujours, pour au moins une vingtaine d'années,
25 ans, importer du pétrole en assez grande quantité, et, dans le
cas des Etats-Unis, le déclin de leur productivité et le
déclin des découvertes est inexorable. Nous en parlerons un peu
plus tard d'une façon beaucoup plus spécifique. Mais si les
Etats-Unis doivent importer de plus en plus de pétrole, ils devront le
faire. Ils n'ont pas le choix. L'Est des Etats-Unis pourrait très bien
être, en partie, alimenté à partir d'un port en eau
profonde, ou bien dans la région de la Nouvelle-Ecosse, Saint-Jean, ou
bien d'un port en eau profonde dans le Bas-Saint-Laurent.
Ce port pourra subvenir non seulement aux besoins accrus de la demande
à Montréal, mais aussi aux besoins de la région que
j'appelle la région des Grands Lacs, nord-est, centrée autour
d'Oswego, et aussi une partie de la Nouvelle-Angleterre qui est contiguë
au Québec et aux Maritimes. Comme les Etats-Unis n'ont pas de site pour
ports en eau profonde, la rive sud du Bas-Saint-Laurent ou la Nouvelle-Ecosse
pourrait offrir un tel site, tant pour l'importation que pour le raffinage.
Comme vous le savez, il n'y a pas une raffinerie en Nouvelle-Angleterre. Par
cela, j'entends le Massachusetts ou le Maine.
En dernière analyse, ce sera le gouvernement provincial le plus
anxieux d'avoir le port d'importation qui l'aura, en supposant une attitude
neutre à cet égard de la part du gouvernement central, ainsi que
du gouvernement américain.
La situation canadienne. Le coût marginal du nouveau baril de
pétrole ou son équivalent en gaz naturel dans l'Alberta a
déjà dépassé $20 le baril. Je parle maintenant du
baril nouveau. Naturellement, on arrive à produire du pétrole
à bien moins cher que cela dans l'Alberta, étant donné
qu'il y avait des réserves qui avaient été
découvertes à $1 et moins le baril, des découvertes
développées. Mais le nouveau baril de pétrole
trouvé en 1975 a coûté plus de $20 et le nouveau mille
pieds cubes de gaz naturel, en moyenne, l'équivalent, a
coûté plus de $3.50 les mille pieds cubes, de sorte que la
politique actuelle qui consiste à limiter les importations pour des
raisons dites économiques ne tient pas debout. A mon avis, elle est
ruineuse et on ne pourrait pas continuer pendant très longtemps à
dépenser, par exemple, ce qu'on a dépensé en 1975 dans
l'Alberta. On a dépensé plus d'un milliard de dollars en
exploration et en développement. Si on divise ce montant par les
nouvelles réserves trouvées, selon les chiffres officiels de la
Canadian Petroleum Association, nous arrivons au prix moyen de $16. Donc, pour
l'année, en fin d'année, le prix marginal monte
déjà à au-delà de $20 en 1975.
Je n'ai pas malheureusement de chiffres plus récents étant
donné que ce sont les dernières statistiques à notre
disposition.
Donc, si nous prenons l'Alberta comme région typique, les
vieilles, les régions tout au moins dites mûres de production du
Canada, c'est-à-dire la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan
et une partie du Manitoba, nous avons de loin déjà
dépassé le stade de l'exploration économique et du
développement de nouvelles réserves.
D'ailleurs, un calcul que je viens de faire établit que les
réserves ultimes avec la technologie actuelle ne dépasseront pas
148 000 TBTU, alors que nous en sommes déjà à 146 000
trillions de BTU découverts et trouvés en Alberta. Donc, il n'en
reste pas beaucoup.
Je dois donner d'ailleurs un papier qui est prêt à ce sujet
au congrès de l'Institut canadien des mines qui marquera le 30e
anniversaire de la découverte du champ de Leduc. Je mentionnerai en
passant que j'ai suivi ces travaux, ayant été moi-même
impliqué dans l'exploration en Alberta pendant des années, durant
le temps de Leduc et après.
L'existence, donc, des possibilités dans d'autres régions
dites régions frontières est naturellement beaucoup plus
intéressante, tout au moins, elle est plus prometteuse. Reste à
savoir si nous pouvons nous permettre l'optimisme que certains groupes
affichent en ce moment concernant la prospective de découvertes dans ces
régions.
A mon avis, on n'est pas encore en mesure d'être optimiste.
L'optimisme n'est pas justifié. Il y a certainement des
possibilités et je pense qu'un aspect dont on n'a pas suffisamment tenu
compte, comme on n'a pas encore tenu compte de cet aspect dans l'Alberta, c'est
l'aspect coût.
Monsieur Heatherington, le président de Pan-arctic,
annonçait, hier, des chiffres assez optimistes. Il faisait une
comparaison entre la situation en Alberta avant la construction du pipe-line
TransCanada et la situation de l'Arctique en ce moment, donc avant la
construction d'un pipe-line.
Il a remarqué que les réserves ont quintuplé depuis
la construction du pipe-line trans-Canada qui a permis l'écoulement des
réserves, donc, la rentrée de devises qui ont permis
l'exploration et la découverte de gaz naturel dans cette région.
Ils s'attendent donc à un quintuplage des réserves
déjà trouvées, donc, dix à quinze trillions de
pieds cubes dans la région des îles.
Je me permets de faire remarquer à M. Heatherington que les
réserves cumulatives, donc, la lancée des réserves
cumulatives qui a eu lieu dans l'Alberta après 1957, 1958, a
coïncidé avec deux grandes percées technologiques, la
fracturation hydraulique des gisements qui augmente leur productivité et
surtout les progrès que la géophysique a faits grâce
à l'ordinateur. Cette poussée des réserves, qui a maintenu
une très belle cadence de découvertes dans les années
soixante dans l'Alberta, a certainement été due à ces
progrès de technologie, surtout la géophysique. Or, Panarctic,
comme Imperial Oil, comme toutes les compagnies qui travaillent dans le nord,
ont profité en plein de cette technologie. Nous avons déjà
plus de 250 puits forés dans le nord et alors que je ne me permets pas
de faire le genre d'analyse et de conclusion que je puis faire au sujet de
l'Alberta, je ne me permets pas encore de la faire au sujet de l'Arctique, je
puis tout de même dire qu'on ne peut pas se permettre d'être
optimiste. On ne le sait pas, pas encore, mais on devrait pouvoir le savoir
bientôt, j'espère, en employant les mêmes techniques que
celles que nous avons développées pour anticiper des coûts
futurs de dé- couvertes et de développement de gaz et de
pétrole. Donc, je m'attends que le pipe-line qui a été
bâti de Sarnia à Montrréal soit renversé; en
d'autres termes, que l'écoulement aille de Montréal à
Toronto dans quelques années, étant donné la situation du
pétrole telle que nous la connaissons. Cet élément, je
pense, devrait donner à votre gouvernement un avantage
stratégique pour obtenir le port en eaux profondes, étant
donné qu'il y a déjà une partie des installations
déjà construites et qui devraient tout de même être
en activité dans un sens ou dans l'autre pour rester viables.
Nous en arrivons maintenant à la politique générale
en matière énergétique telle qu'elle a été
conçue par le gouvernement libéral et en particulier telle
qu'elle a été formulée au temps de M. Daniel MacDonald,
quand il était ministre de l'Energie. A mon avis, d'ailleurs, je l'ai
dit par écrit, publié dans des livres que vous connaissez
peut-être, comme The Energy Question, j'ai critiqué en plein
l'idée de faire venir le pétrole jusqu'à Montréal
comme étant la façon la plus onéreuse d'alimenter
Montréal en pétrole. J'ai critiqué aussi, bien qu'en
général, ceci n'est pas compris dans les Maritimes et au
Québec, la politique des deux prix. D'ailleurs, le gouvernement
s'aperçoit qu'elle est intenable et il est en train de s'en
éloigner. En troisième lieu, je pense que la politique dite
d'autosuf-fisance, tout au moins partielle, à tout prix, est suicidaire
du point de vue économique. Nous ne pouvons pas le faire. J'aimerais au
contraire laisser beaucoup plus de liberté aux compagnies de
pétrole, sans leur donner le genre de dégrèvement de taxe
qu'on continue à leur donner en Alberta pour les encourager à
forer. D'ailleurs, c'est de l'argent gaspillé. De leur permettre de
trouver du pétrole ou du gaz et de le vendre pourvu que ce prix, dans le
marché, ne soit pas complètement en porte-à-faux, tel
qu'il est en ce moment. Qu'est-ce que j'entends par cela? J'entends par cela
que la politique des prix actuels, telle que pratiquée au Canada, par
exemple, défavorise le Québec par rapport à l'Ontario.
Le Québec a, de tout temps d'ailleurs, profité d'une
situation géographique, sa proximité de la mer, qui a permis,
pendant l'ère du pétrole, des prix plus bas du pétrole, et
donc des produits raffinés, tant au Québec que dans
l'Ontario.
Cette politique a été renversée maintenant et,
comme vous le savez, l'augmentation des tarifs du pipe-line
Sarnia-Montréal qui vient d'être approuvée il y a trois
semaines a encore accentué ce décalage et ce
porte-à-faux.
A mon avis, on devrait abandonner complètement ce dirigisme,
d'ailleurs qui s'est avéré, à mon avis, désastreux,
tant à court terme qu'à long terme si on le continue. La
politique actuelle du gouvernement est en train de favoriser des
dépenses insensées, dans certaines régions, qui n'auraient
pas lieu si on permettait à l'entreprise privée de faire sa part,
mais de la faire sans stimulation artificielle, telle que
dégrèvement de taxes qui encouragent un certain nombre de
compagnies, en ce moment, de forer des puits secs en Alberta, par exemple.
Nous en arrivons maintenant à un autre as-
pect de l'autosuffisance, c'est-à-dire les autres formes
d'énergie: la conservation. Et ceci s'applique autant au reste du Canada
qu'au Québec. Ma recommandation la plus forte, c'est que
l'activité et l'initiative la plus utile, la plus profitable, la plus
économique est la conservation. Les moyens de conservation, sous forme,
par exemple, de législation concernant l'isolation des maisons ou
même, dans une certaine mesure, la récupération d'une
certaine énergie solaire dans la mesure où on n'essaie pas
d'être trop ambitieux, pourraient aider.
D'un autre côté, je pense, comme je l'ai mentionné
plus tôt, que des études et l'implantation du charbon comme moyen
de remplacer le gas-oil et le fuel-oil dans les centrales thermiques serait
certainement un pas dans la bonne direction. Eventuellement, si le
Québec se dote d'une infrastructure pour le transport du gaz naturel, ce
même réseau de gaz naturel pourra servir aussi pour le gaz,
à partir du charbon. Il n'y a pas de raison de ne pas produire du gaz de
ville en partie et de produire de l'électricité avec cette
combustion imparfaite du charbon et permettre donc à l'infrastructure en
pipe-line, qui pourrait être ou bien acquise ou bien bâtie au
Québec, d'être rentable, même s'il n'y avait plus
suffisamment de gaz naturel à mettre dans ces pipe-lines.
Messieurs, si vous avez des questions, je suis à votre
disposition. Je m'excuse de n'avoir pas eu le temps de préparer un
dossier en règle. Je n'ai pas eu le temps de le faire étant
donné qu'on m'a téléphoné il y a trois jours.
Le Président (M. Laplante): Merci M. De-banné. M.
le ministre.
M. Joron: Merci M. Debanné. Pour reprendre le dernier
point, vous êtes l'un des rares qui avez insisté devant cette
commission sur le charbon. Il y a peu de gens qui nous ont parlé du
charbon. Vous y attachez beaucoup d'importance. Pourriez-vous nous en dire
davantage sur la provenance, d'une part, du charbon; deuxièmement, nous
dire quelques mots de ses prix, et troisièmement, des usages qui
pourraient en être faits au Québec, et peut-être
quatrièmement, de la part que le charbon, soit directement ou
indirectement s'il est gazéifié, pourrait occuper dans notre
bilan énergétique de l'avenir?
M. Debanné: Très bien, M. le ministre. Le charbon
peut naturellement être employé comme il est employé
aujourd'hui, comme vous le savez, dans des centrales de l'Ontario. Les
centrales thermiques de la région de Toronto emploient principalement le
charbon et ceci parce que c'est le combustible le plus économique.
Donc, avec les prix actuels, le charbon est plus économique que
le gaz naturel ou que le pétrole dans des régions qui peuvent
être desservies par voie maritime.
M. Joron: C'est pour cela que je vous posais la question. Venant
par voie maritime au Québec, d'où viendrait le charbon?
M. Debanné: Je ne suis pas en mesure de répondre
à cette question, mais je vous dirais ceci: Durant la période de
l'embargo aux Etats-Unis, j'étais à MIT à ce
moment-là, le Consolidated Edison, à Boston, avait
commencé des négociations pour le faire venir par bateau de
Pologne, parce que cela coûtait moins cher que de le faire venir
autrement.
M. Joron: II y a une autre possibilité qui a
été évoquée. Au pied des Rocheuses, en Alberta, il
y a des quantités considérables de charbon.
M. Debanné: Oui.
M. Joron: S'il faut les mettre dans des wagons de chemin de fer
pour les amener jusqu'au Québec, le coût de transport est
aberrant.
M. Debanné: Oui.
M. Joron: Mais on a évoqué la possibilité de
gazéifier ce charbon, peut-être pas pour en faire un gaz aussi pur
ou aussi intensif en énergie que le gaz naturel qu'on connaît
aujourd'hui, mais un gaz de moindre valeur, mais qui peut se substituer
à certains usages industriels. Ce gaz fait à partir du charbon
pourrait être transporté par les réseaux existants, quitte
à ce que la capacité de ces réseaux soit
augmentée.
M. Debanné: M. le ministre, quand vous faites du gaz de
ville, donc CO, vous avez fait une combustion imparfaite du charbon, il est
donc en partie brûlé. Le gaz est déjà en partie
brûlé. On peut y ajouter une molécule d'oxygène.
Vous allez obtenir à peu près la moitié des calories
à la combustion.
Si vous transportez ce gaz dans un pipe-line, disons celui de
TransCanada, le transport va coûter deux fois plus cher. Je ne pense pas
que ce serait une politique rentable. Par contre on pourrait le transporter
sous forme hydraulique dans ces mêmes pipe-lines, peut-être
adaptés il faudra certainement les adapter, il faudra mettre des
pompes à la place des compresseurs à peu près au
même coût qu'on transporte aujourd'hui la BTU ou la calorie de gaz
naturel.
M. Joron: A ce moment-là, vous changez l'utilisation du
gazoduc lui-même.
M. Debanné: Oui, certainement. Je pense que ce n'est pas
la peine de le faire venir des Rocheuses. On peut certainement le faire venir
de régions beaucoup plus proches. Si le charbon peut arriver à
Toronto par bateau, il peut certainement arriver par la voie maritime
jusqu'à Montréal.
M. Joron: Où se situent, géographiquement, aux
Etats-Unis, les principales réserves américaines qu'on dit
considérables?
M. Debanné: Les Américains ont de très
grandes réserves dans l'Ouest et ils en ont aussi dans la
Pennsylvanie...
M. Joron: La Virginie.
M. Debanné: ... l'Ohio et la Virginie. Je pense que
stratégiquement ils ont des réserves qui sont certainement
à distance économique, par voie maritime, du Québec,
comme, d'ailleurs, de l'Ontario. Aux Etats-Unis, au Nouveau-Mexique, il y a un
pipe-line qui fait déjà plus de 200 milles de long et qui a
déjà transporté plus de 200 millions de tonnes de charbon
par voie hydraulique, qui va directement à la centrale de
génération thermique à Mojave Station dans l'Arizona et
qui travaille depuis des années.
Nous parlons déjà de technologies qui sont avec nous et
qui vont certainement être perfectionnées. Etant donné la
différence de coût nécessaire en capitaux pour
générer de l'électricité, par exemple, à mon
avis, il n'y a aucune comparaison, surtout parce que la technologie
nucléaire est loin de s'être stabilisée.
Alors que nous parlons CANDU, en ce moment, en France, depuis septembre
ou octobre 1973, il y a la première centrale nucléaire à
surgénérateur, "breeder reactor" qui est en marche. Il y en a une
deuxième de bâtie et toutes les deux ont une moyenne de temps
utile qui est supérieure aux centrales classiques. Ce sont des centrales
qui rénégèrent leur combustible, qui sont peut-être
loin d'être les centrales de l'avenir, mais qui sont tout de même
bien plus avancées que celles qu'on considère en ce moment au
Canada comme aux Etats-Unis.
A mon avis, je pense que ce serait une erreur de se lancer trop
rapidement dans un domaine qui est en train d'avancer aussi vite que le domaine
nucléaire. Par contre, la technologie de la combustion du charbon a
été surtravaillée, je pense, et on sait très bien
comment construire le plus économiquement possible une centrale
thermique.
A part ce domaine, naturellement, il y a le côté des
technologies nouvelles pour la transformation du charbon en gaz riche, par
exemple, ou même en méthanol, en liquide. Je n'aime pas compter
les chiffres dans ce domaine, parce que je pense qu'on n'a pas de
véritable prototype suffisamment sérieux et qui a marché
pendant suffisamment longtemps pour nous donner des chiffres, comme dans le cas
des pipe-lines.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. Debanné, j'aimerais souligner en premier
lieu, mais sans m'y arrêter, que vos affirmations relativement à
l'importance possible du charbon dans le bilan énergétique
réparent en effet une carence ou un trou dans l'ensemble des
mémoires que nous avons reçus, quoiqu'il y ait un autre
mémoire qui y faisait indirectement allusion. J'aimerais toutefois
diriger mes remarques ou plutôt mes questions vers d'autres aspects non
pas du mémoire que vous avez soumis, mais plus particulièrement
de paroles que vous avez prononcées devant la commission. Vous avez en
particulier fait une affirmation qui me paraît singulière- ment
contestable, du moins dont les raisons ne sont pas apparentes.
Vous avez dit qu'il était possible d'envisager que
l'approvisionnement en pétrole de l'Est du continent, de l'Est des
Etats-Unis en particulier, pourrait très bien se faire via le
Québec qui dispose ou qui pourrait disposer de ports en eau profonde.
Sans aucun doute, physiquement parlant, c'est une possibilité, mais on
peut se demander quel avantage il pourrait bien y avoir là, étant
donné les risques écologiques dont on est particulièrement
conscients cette année. Il y a à peu près onze
pétroliers qui se sont effrités sur les côtes de
l'Atlantique. Quel avantage pourrait-il y avoir à absorber ces risques,
en quelque sorte, à encourir ces risques, alors qu'il ne s'agirait que
d'un port de transbordement? On voit mal une raffinerie s'ériger dans le
Bas-Saint-Laurent pour les besoins américains, puisque les produits
finis sont infiniment plus coûteux à transporter que la
matière première que constitue le pétrole brut. Quel
avantage voyez-vous dans un tel développement? Personnellement, je n'en
vois pas à première vue.
M. Debanné: Je commencerai par mentionner quelques mots
concernant le côté économique. Puisqu'il n'y a pas de port
en eau profonde aux Etats-Unis, il faut donc considérer, ou bien une
station en mer, ce qui est possible, mais les Etats limitrophes n'en veulent
pas, autant que je sache, aux Etats-Unis. Il reste donc le Canada.
D'après les études que j'ai faites, il n'y a pas d'avantage
à avoir le port à Saint-Jean, par rapport à Cap-Chat ou
Matane.
La raison est que, c'est drôle tout de même, plus on passe
vers le nord moins la distance est longue. Par conséquent, en milles
marins, c'est à peu près la même distance pour aller, par
exemple, du Moyen-Orient, du golfe Persique jusqu'à Saint-John, que
d'aller jusqu'à Cap-Chap, Cap-Chat étant la limite, parce que
l'idéal serait d'aller le plus en bas du fleuve que possible, mais
à partir de Cap-Chat, cela devient rocailleux. Donc, le pipe-line monte
en flèche.
Reste à savoir maintenant quel est l'avantage, puisque la
distance est presque la même entre Saint-John et cette région.
L'avantage, c'est que si vous mettez le pipe-line à Saint-John, il devra
repasser des montagnes. Donc, il va coûter cher. Cela donne un certain
avantage au bas du fleuve. Premier avantage.
Deuxième avantage, c'est le suivant, naturellement, en prenant le
risque écologique, il faudra qu'il y ait un bénéfice au
Québec ou bien à la région importatrice, donc, on
s'attendrait à ce que le raffinage se fasse sur place afin qu'il y ait
un coût ajouté, une plus-value qui profiterait à la
région qui va l'importer.
Troisièmement, étant donné
précisément ces risques écologiques, je m'attendrais
à ce que ceci donne l'occasion pour développer une industrie de
pétroliers bâtie selon les critères et standards
adéquats et qui serait probablement tributaire et cliente des chantiers
navals du Québec, par exemple. Si vous avez eu des accidents, il y en a
eu, en général, cela a été des bateaux battant
pa-
villon panaméen ou autres, qui n'étaient pas de
qualité à réduire le risque.
Quatrièmement, et ceci est peut-être la raison la plus
importante, pour importer du pétrole, il faut pouvoir le payer, et pour
le payer, la façon la plus évidente, c'est de développer
un marché d'export de technologie. Or, la région ou la province
qui va l'importer sera en position privilégiée pour profiter de
ce marché d'exportation de technologie aux pays exportateurs de
pétrole qui sont en train de se développer à une cadence
que vous connaissez. L'Arabie Saoudite, toute seule, déjà a un
plan de développement de cinq ans qui se chiffre par plus de $60
milliards; rien qu'un pays, vous voyez. Donc, je pense que l'importation
devrait donner à la région importatrice des entrées et
certains avantages pour l'exportation qui compenseraient les risques
écologiques ou autres.
M. Forget: Oui. C'est une question d'opinion. Votre
réponse nous indique que l'avantage pour la région est nul.
L'avantage pour les consommateurs éventuels du pétrole qui se
trouve aux Etats-Unis serait un avantage de prix pour lequel ils seraient
présumément disposés à négocier une
contrepartie. Donc, c'est un peu hypothétique, mais enfin, je vois le
sens de votre raisonnement. Dans un autre domaine, vous avez fait
également une affirmation qui me paraît surprenante. Vous avez
indiqué que le coût marginal du nouveau baril de pétrole
dans les régions classiques de l'AIberta, les régions de
production connues et déjà exploitées, était de
l'ordre de $20 en 1975. On sait très bien que le prix, même en
janvier 1977, n'a pas atteint ce niveau au Canada. Malgré tout,
d'après ce qu'on peut lire dans les revues spécialisées,
les journaux économiques, il n'y a jamais eu une telle activité
de recherche et d'exploration en Alberta que cette année. Il semble que
les producteurs ne font pas leur frais. Je comprends que vous avez
indiqué qu'il y avait des dégrèvements fiscaux qui
pouvaient motiver ces activités malgré tout, mais le tableau est
quand même plus compliqué que cela.
On nous a dit, ici, hier même, l'Association des producteurs
indépendants, que plus de la moitié de l'activité
d'exploration est le fait de producteurs indépendants qui, presque par
définition, ne sont pas ceux qui sont en mesure de
bénéficier des dégrèvements fiscaux. Donc, il
semble que les gens posent des gestes irrationnels, à première
vue au moins, en faisant des investissements qui, par définition, ne
peuvent pas être rentables.
M. Debanné: Vous avez complètement raison. Ce sont
des gestes irrationnels. L'exploration de gaz comme de pétrole est
à peu près équivalente, du point de vue économique,
à l'industrie de la loterie. Il y a des gens qui font un million de
temps en temps, mais, en moyenne, ce n'est pas rentable. Il y a certainement
des compagnies qui trouvent du gaz dans l'Alberta et, si elles le trouvent,
elles profitent d'une situation privilégiée. Mais, en
général, ce n'est pas le cas. Maintenant, il y a une partie de
ces dépenses qui ne va pas à trouver du gaz, mais plutôt
à augmenter la capacité de pro- duction. Donc, elles forent des
puits, elles prennent avantage, et c'est un fait, ceci. Toutes les compagnies,
mêmes des petites, en profitent. Elles peuvent, par exemple,
défalquer le coût du forage la première année, ce
qui n'est pas du tout permis dans une autre industrie et, pourtant, ce n'est
que du développement. Tout compte fait, moi, ce que j'ai fait, j'ai
additionné tous les coûts de production et de développement
de géophysique et de forage d'exploration dans l'Alberta et j'ai
divisé par ce qu'on a trouvé. Maintenant, le calcul est
peut-être un peu plus savant que ça. Je vous enverrai et, si vous
voulez, ça pourra faire partie de ma déposition, une copie de
cette étude, d'ailleurs, qui est à la frappe en ce moment, avec
les chiffres officiels, et qui établira que nous en étions
déjà, en moyenne, à $16 le baril ou l'équivalent en
gaz, en 1975, et c'est certainement monté depuis. Le fait qu'en moyenne,
le coût est plus haut que le prix ne devrait pas vous étonner. Aux
Etats-Unis, depuis des années, avant même l'augmentation, le
quadruplage du prix du pétrole, le coût moyen aux Etats-Unis
dépassait de loin le prix, et pourtant, pour des raisons fiscales, entre
autres forer avec des dollars de 50 cents, les gens le faisaient.
M. Forget: Oui, enfin, la situation est un peu différente.
Il y avait les quotas, il y avait tout un système qui permettait le
financement de cette activité. Mais, enfin, j'accepte votre
réponse, d'autant plus que vos données sont des données
annuelles dans une industrie qui, évidemment, est sujette à un
certain risque. Le même calcul fait une autre année pourrait
peut-être donner des chiffres différents.
M. Debanné: Vous avez bien fait de me rappeler ce point,
monsieur. Le modèle de prévision que nous avons mis au point a
prédit le coût total d'exploration et de développement
depuis l'année 1961 jusqu'à 1975 avec une erreur de moins d'un
quart de pourcent, n'importe quelle année. Donc, je suis très
sûr de mes chiffres.
M. Forget: J'aimerais, en terminant, prendre exception à
une affirmation que vous avez faite relativement à l'impact sur le
Québec de la construction du pipe-line Sarnia-Montréal.
Vous avez affirmé qu'il s'agissait là d'un
désavantage pour le Québec. Je me demande si vous avez tenu
compte de deux facteurs, puisque, essentiellement, vous avez basé votre
argumentation sur le fait réel qu'avant 1973, le système de la
ligne Borden permettait effectivement au Québec d'avoir accès
à du pétrole à meilleur compte que ce n'était le
cas à l'ouest de la ligne Borden Mais la situation est
complètement inversée depuis et je ne vois pas qu'on puisse
anticiper un retour à une situation où le pétrole
domestique est plus cher que le prix international.
Le plus qu'on va présumément voir, c'est une situation
où le prix domestique est égal au prix international. C'est,
d'ailleurs, l'objectif déclaré de la politique actuelle.
Donc, la possibilité de bénéficier de la même
situation avantageuse pour le Québec, indépen-
damment de la présence de réserves dans l'Ouest pour
alimenter le pipe-line en question c'est une question qui se pose fort
légitimementil demeure que c'est un passé révolu sur
lequel on ne peut pas revenir, du moins semble-t-il.
Mais, à tout événement, même en tenant compte
de cela et en se situant dans le contexte qui a présidé à
la construction du pipe-line Sarnia-Montréal, n'avez-vous pas
oublié la dimension sécurité d'approvisionnement?
Il est clair que, sur une question de prix, il n'y avait pas d'avantage
à construire ce pipe-line, mais, pour une question de
sécurité d'approvisionnement, il pouvait y avoir, dans le
contexte de l'époque où on voyait le problème de
pénurie comme étant un problème à court terme
je pense que c'était peut-être une erreur au moins
cette raison. Enfin, il y a aussi la question du gaz naturel. Il y a une
contrepartie à ce marché canadien du pétrole qui est
l'accessibilité au gaz naturel. C'est peut-être de notre faute
qu'on n'en ait pas profité davantage, mais il y a une contrepartie qui
est tout aussi réelle que la dimension pétrole; il y a la
dimension gaz naturel.
M. Debanné: Je vais tâcher de répondre
à toutes ces questions. Elles sont certainement dans le coeur du sujet.
Premièrement, du point de vue économique, même aujourd'hui,
le Canada... Quand je dis que cela fait du tort au Québec, je ne pense
pas avoir dit cela; en fait, cela fait du tort au Canada.
Cela fait du tort au Canada pour la raison suivante: pendant des
années, nous profitions quand je dis nous, c'est-à-dire le
Canada de l'avantage géographique, c'est-à-dire que
l'Alberta pouvait alimenter Chicago et profiter de la marge que Chicago aurait
dû payer si elle avait dû faire venir le pétrole d'un port
de l'Atlantique ou bien du golfe du Mexique par pipe-line.
C'était la période où on disait: Buy cheap, sell
expensive. Buy cheap, sell expensive pourrait continuer jusqu'à
aujourd'hui, monsieur. On pourrait continuer à envoyer le pétrole
de l'Alberta à Chicago et profiter de cette prime de transport qui
pourrait être distribuée pour égaliser les revenus au
Canada, tout ce que vous voulez. Mais le fait est que nous avons maintenant
perdu cet avantage et, par-dessus le marché, nous payons une prime
supplémentaire pour alimenter Montréal par la façon la
plus onéreuse.
Nous passons au problème de la sécurité.
Premièrement, je ne pense pas que le problème ait jamais
existé dans le cas du Canada, étant donné que le Canada
n'était pas impliqué dans la question de guerre au
Proche-Orient.
Deuxièmement je l'ai dit en 1973; je l'ai fait remarquer
dans un papier, d'ailleurs, que je devrai vous envoyer, à une
conférence à Sarnia nous avons dans l'Ouest canadien des
champs de pétrole dans le dévonien c'est une formation qui
a une très grande productivité qui sont comparables en
productivité avec les meilleurs champs du Proche-Orient, du
Moyen-Orient. Vous avez des puits qui peuvent facilement produire plusieurs
milliers de barils par jour.
D'ailleurs, le champ de Bonnie Glen ou de Wizard Lake produit en ce
moment par quelques puits. Les compagnies en question ont fermé le
reste. Ce n'est pas la peine. Dans ce papier, je disais que la façon
dont nous produisons au compte-gouttes le pétrole de ces champs n'est
pas intelligente du tout. C'est comme si on employait des moteurs de Ferrari
dans des autobus de ville.
Ces champs devraient servir pour la sécurité au cas
où il y a un pépin, comme celui que les Américains ont eu
cette fois-ci pour le gaz ou pour le pétrole en cas d'embargo. Le
pipe-line jusqu'à Montréal? Possiblement, même dans
l'hypothèse d'un embargo, il devrait pouvoir alimenter Montréal.
Très bien. Je recommande donc, d'ailleurs, je l'ai fait, qu'on ait des
pompes réversibles afin de pouvoir envoyer le pétrole dans un
sens ou dans l'autre, mais, si on le construit, autant continuer à
profiter de cet avantage géographique en envoyant le pétrole
à Toronto plutôt qu'à Montréal et profiter davantage
du marché de Chicago.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal. Dernière intervention, s'il vous plaît.
M. Ciaccia: Seulement pour revenir à la question de mon
collègue sur le prix de $20 le baril pour l'huile en Alberta.
Je me demandais comment vous conciliez cela avec les chiffres que j'ai
devant moi qui ont été produits par M. Horte, président du
Canadian Arctic Gas Pipe-Line Limited. Ce dernier évalue le prix de
l'huile importée, qui est à cette époque-ci à
environ $14 le baril, plus cher que le coût de production des Athabaska
Tar Sands; autrement dit, M. Horte déclare à la commission
d'énergie canadienne que le prix de production est moins cher que le
prix international, ou à peu près, dans les mêmes rangs et
qui n'est pas $20 le baril. Nous avons eu le témoignage du
représentant de Imperial Oil à cette commission qui a dit qu'il
pouvait... et qu'il produisait parce que ces gens font partie du
consortium qui produit au prix correspondant à la
compétition des prix internationaux. Aussi, le représentant de
Gulf disait que sur ses investissements, il retirait un retour de 7% qui
n'était pas exagéré, qui n'était peut-être
pas assez, mais qui certainement n'était pas un prix de production de
$20. Alors, je me demandais comment vos chiffres se conciliaient avec ceux de
ces gens qui nous ont produit des chiffres totalement différents.
M. Debanné: Très bien, monsieur.
Premièrement, en parlant de coût de développement et
d'exploration de pétrole ou de gaz en Alberta, je parle du
pétrole et du gaz conventionnels, et non pas des sables bitumineux.
Concernant les sables bitumineux, nous avons des usines pilotes en ce moment,
et les chiffres qu'on nous donne semblent monter chaque année, du prix
que cela va coûter. Donc, je ne me prononce pas sur les sables
bitumineux, mais par contre je puis vous donner des preuves à l'appui
concernant le pétrole et le gaz conventionnels.
Le problème, par exemple, des nouvelles
technologies pour augmenter la récupération et la
production dans la région de Lloydminster, ou bien dans la région
de Cold Lake et des sables de l'Athabaska, pour moi, jusqu'à un certain
point, j'aimerais avoir ces affirmations de plus près. Mais il y a
certainement quelque chose de sûr, c'est que si vous considérez
les besoins en capitaux, c'est-à-dire environ plus de $2 milliards par
capacité de production de 125 000 barils par jour, on s'aperçoit
très vite que, comme solution, c'est infaisable.
M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que prétendent les
producteurs...
Le Président (M. Laplante): M. Debanné, c'est
regrettable. Les membres de cette commission vous remercient de votre
témoignage.
M. Oebanné: Merci bien, monsieur, pour l'occasion de venir
vous présenter mes vues.
Le Président (M. Laplante): On l'espère. J'appelle
TransCanada PipeLines.
Messieurs, vous avez environ 45 minutes pour présenter votre
mémoire et pour la période des questions. Si vous voulez
identifier les messieurs qui sont avec vous, s'il vous plaît.
Trans-Canada PipeLines
M. Archambault (John): Oui, M. le Président. Je m'appelle
John Archambault, je suis vice-président du contentieux de TransCanada
PipeLines. A ma droite, se trouve George W. Woods, président; à
sa droite, M. Gordon A. Leslie, vice-président à
l'approvisionnement. A ma gauche, Michel Pop, analyste pour les études
de marché et, à sa gauche, M. Brian S. Hill, assistant du
vice-président directeur.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
TransCanada vous remercie de l'invitation qui lui a été
adressée de participer aux travaux de la commission. Nous reconnaissons
que l'orientation d'une politique énergétique affectant un
territoire aussi grand et une population aussi nombreuse que celle du
Québec provoquera nécessairement des répercussions dans
tous les secteurs concernés. TransCanada représente le secteur du
transport et de l'approvisionnement gazier pour les régions à
l'Est de l'Alberta. Nous serons donc particulièrement
intéressés aux orientations possibles de votre politique dans ce
secteur.
M. le Président et M. le ministre, s'il s'avère que les
données que nous vous faisions parvenir ont besoin d'une plus grande
analyse qu'il nous sera possible de vous donner aujourd'hui, dans la mesure
où nos connaissances ou notre technologie peuvent être mises
à l'oeuvre, nous voulons vous assurer de la plus entière
collaboration de notre personnel dans une étude ultérieure des
données.
Je voudrais traiter de deux sujets dans les minutes qui suivront et nous
serons à votre disposition pour répondre à vos questions.
D'abord, je voudrais traiter brièvement de la nature et du sens de notre
mémoire. Ensuite, j'aimerais donner certaines explications relatives aux
projections qui ont été déposées ces jours
derniers.
La nature et le sens de notre mémoire. Hors l'aspect purement
historique, nous avons désiré, dans notre mémoire, faire
état des politiques existantes quant au gaz naturel et du rôle
TransCanada PipeLines. Ensuite, nous avons cru bon faire état d'un sujet
qui, a notre avis, mérite la priorité la plus importante en 1977,
c'est-à-dire obtenir les assurances nécessaires pour
l'approvisionnement des régions pionnières par l'entremise d'une
décision favorable de l'Office national de l'énergie du projet
Canadian Arctic Gas entérinée par le gouvernement
fédéral.
Discutons d'abord de la politique existante au Canada en matière
de gaz naturel et du rôle de TransCanada. Ce sujet est très
complexe et ceci, à cause des changements importants qui sont survenus
depuis quatre ans. Permettez-moi, dans cinq ou six minutes, de vous faire une
analyse de la petite histoire, depuis les dix dernières
années.
Durant les années soixante jusqu'au début des
années soixante-dix, TransCanada achetait le gaz en Alberta des
producteurs albertains. Après négociation, le prix était
arrêté et un contrat habituellement d'une durée de vingt
ans était signé. Ces contrats comprenaient tous, pour la plupart,
des clauses escalatoires de l'ordre du quart de cent du MCF, par année.
En plus, les contrats prévoyaient une renégociation tous les cinq
ans.
Le gaz, vers le milieu des années soixante, se vendait de $0.13
à $0.14 du mille pieds cubes et en un peu moins d'une décennie,
il est passé à $0.16 du mille pieds cubes. La production, en
Alberta, à cette époque, était adéquate et les
marchés se développèrent, sauf malheureusement le
Québec, pour des circonstances particulières.
Au début des années soixante-dix, une chose importante est
survenue pour notre compagnie, pour l'industrie, c'est que les tarifs de
TransCanada, c'est-à-dire les prix auxquels nous pouvions vendre le gaz
à nos clients distributeurs devaient être fixés par
l'Office national de l'énergie et ces tarifs incluaient le coût du
gaz.
Dès l'automne 1970, le prix des produits pétroliers a
commencé à augmenter. D'une période très stable sur
les années soixante, on commence les années soixante-dix avec une
légère augmentation des produits pétroliers. De cette
augmentation légère de 1970, il y en a eu une autre en 1971 et
plusieurs en 1972. Le prix du gaz, par contre, ne bougeait pas ou ne bougeait
à peu près pas. Ce qui est survenu, c'est qu'il y a eu une
audience très importante à Calgary sur la valeur du gaz naturel
albertain et nous avons retrouvé, en 1972, l'apparition de ce concept de
"commodity value", c'est-à-dire parité des prix du gaz.
La commission albertaine avait déterminé que la valeur du
gaz naturel à la tête du puits devait être de l'ordre de
$0.26, alors que le prix moyen payé par notre compagnie se trouvait de
$0.16.
L'Office national de l'énergie, en 1973, refusait d'accorder
à TransCanada un tarif permettant l'indexation des taux pour
refléter les augmentations de coût de gaz.
En juin 1973, il y eu un arbitrage dont on n'a à peu près
pas parlé mais qui a été très important dans
l'industrie. Nous n'avons pas attendu l'issue de cet arbitrage, mais, par
contre, on a négocié un prix et le coût effectif moyen, le
1er novembre 1973, passa d'environ $0.16 à $0.22 les mille pieds
cubes.
A ce moment, bien sûr, la province de l'AIberta n'était pas
contente. Elle refusa d'octroyer à TransCanada les permis d'exportation
de gaz naturel qui sont nécessaires et, d'autre part, nous avions
certains clients qui n'étaient pas très heureux des augmentations
ou enfin de projeter l'aspect d'augmentation quant à leurs propres
marchés.
Psychologiquement enfin, vous pouvez probablement saisir, si nous avions
arrêté un prix, en juin ou en août 1973, en
deçà des $0.26, ni plus ni moins, exigés par les
autorités albertaines, vous pouvez dis-je, imaginer le choc
psychologique lorsqu'en octobre 1973, après la crise au Moyen-Orient,
les prix du pétrole ont monté d'une façon
astronomique.
A ce moment-là, vous avez eu maintenant, je crois que tout
le monde connaît la suite le durcissement des positions entre le
gouvernement fédéral et le gouvernement albertain, l'un voulant
réduire le prix du pétrole canadien, l'autre voulant que le prix
du pétrole augmente le plus possible vers les prix mondiaux.
Il y a eu, quant au gaz naturel, le passage d'une loi d'arbitrage en
Alberta qui obligeait les arbitres à tenir compte de ce fameux concept
de la parité des prix. Le résultat fut indécision des
gouvernements, et de l'industrie, très grande incertitude. Les achats de
TransCanada ont diminué, l'exploitation a diminué et ce fut une
période assez noire dans l'industrie gazière.
Il y eut par la suite d'autres arbitrages, le premier avec la compagnie
Gulf pour le 1er novembre 1974. Le prix passait à $0.60, mais notre prix
moyen restait de $0.44, ce qui paraissait nettement insuffisant.
L'année suivante, un nouvel arbitrage, toujours avec la compagnie
Gulf, et le prix cette fois est de $1.15. Déjà, à cette
époque, le gouvernement fédéral avait mis en place la loi
de l'administration du pétrole et l'Office national de l'énergie
tenait des séances publiques, à cause de l'inquiétude qui
avait été manifestée, puisque l'exploration avait de
beaucoup diminué et on prévoyait une pénurie
véritablement prochaine.
Nous arrivons vraiment en 1976 et nous avons, d'une part, quant aux
prix, la Loi sur l'administration du pétrole, laquelle prévoit
que les prix du gaz naturel seront fixés en tenant compte de
critères qui sont la parité des autres sources d'énergie,
et ces prix seront fixés après entente entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement des provinces productrices. A toutes
fins pratiques, il s'agit de l'Alberta.
Donc, quant au prix, bien sûr, il n'y a plus d'incertitude,
c'est-à-dire que les cadres ou le système existe, il est bien en
place. Maintenant, quant à la valeur des prix, les dollars, bien
sûr, il s'agit de la résultante de la négociation du
gouverne- ment fédéral et du gouvernement albertain. D'autre
part, à la suite de cette audition dont j'ai parlé plus
tôt, de l'audition de l'Office national de l'énergie, qui
regardait les disponibilités de gaz, la production et les demandes, il
est apparu très clair qu'il était dans l'intérêt du
Canada que TransCanada transporte tout le gaz nécessaire qui pourrait
être approuvé, les besoins approuvés, et qu'il construise
les installations nécessaires pour transporter ce gaz vers les
marchés qui sont desservis par la compagnie. J'ai omis un facteur
important. C'est que, dans cette période, que j'appelais la
période noire, nos analystes avaient prévu véritablement
une pénurie de gaz, à tel point qu'on peut aujourd'hui dire que,
si l'hiver 1975 avait été aussi rigoureux que l'hiver qu'on vient
de passer, enfin, qu'on passe toujours, j'ai l'impression qu'on aurait pu
vraiment manquer de gaz dans nos marchés. Or, nous avions pris la
position pas facile d'aviser nos clients que jusqu'à ce que la situation
s'améliore, nous ne vendrions plus de gaz supplémentaire et nous
ne transporterions plus de gaz pour eux, mais nous respecterions les ententes
qui étaient intervenues entre nos compagnies.
Alors, je crois que c'est très important qu'on voie ce faisceau
d'orientations. Vous savez maintenant que les cadres existent. D'une part, vous
avez la loi sur l'administration du pétrole qui s'occupe du prix.
D'autre part, vous avez la politique gouvernementale et la politique que
TransCanada suit. C'est celle d'être prêt à vendre ou
à transporter tout gaz naturel pour ses clients canadiens pourvu que ces
demandes soient approuvées par l'Office national de l'énergie et,
bien sur, que les installations qui doivent être construites soient
approuvées par le même office. De toute façon, c'est la loi
de l'office qui l'exige.
Quant au deuxième point de notre mémoire, il s'agit de la
priorité de l'obtention des assurances d'approvisionnements gaziers des
régions pionnières ou des régions du delta et, le cas
échéant, l'autorisation pour la compagnie Canadian Arctic Gas de
procéder à la construction de son pipeline. Laissez-moi vous dire
qu'à très court terme, les approvisionnements sont largement
suffisants pour répondre à la demande des marchés
canadiens. Cela, il n'y a aucun doute pour les deux ou trois prochaines
années. Il n'y a aucun problème. Il y a même un
léger surplus, tel que vous faisait part, je crois, le
représentant de l'IPAC hier.
Cependant, il est inévitable qu'à moyen ou à long
terme, la productivité des puits de la région de l'Alberta soit
insuffisante pour répondre à la demande canadienne. Nous croyons
qu'en ce moment nous avons une véritable chance que la Canadian Arctic
Gas ait conçu un gazoduc unique pour le transport du gaz
américain et du gaz canadien. Les coûts sont meilleurs et, chose
dont on entend moins parler, c'est un gazoduc qui offrira au public, à
TransCanada et aux consommateurs canadiens, une flexibilité impossible
avec tout autre système. Si les livraisons de gaz canadien du delta du
Mackenzie s'avèrent trop fortes pour les marchés canadiens, parce
que c'est quand même deux milliards de pieds cubes par jour qui vont
ar-
river presque du jour au lendemain, à ce moment-là, nous
savons que nous avons un marché américain qui pourra absorber ces
volumes et les remettre plus tard, grâce aux réserves qui se
trouvent en Alaska. Alors, nous vous suggérons, si, vraiment, le
Québec désire avoir une part plus grande de gaz naturel dans son
bilan énergétique, de vous intéresser à ce projet
et d'encourager la décision la plus favorable et le plus rapidement
possible.
Passons brièvement, si vous voulez, aux prévisions de
consommation naturelle au Québec. TransCanada a préparé
deux séries de données relatives à la consommation future
de gaz naturel au Québec. L'une de ces deux prévisions est
définie comme développement faible et l'autre, comme
développement fort, et les deux sont montrées aux graphiques et
tableaux nos 1 et 2. Ce sont les graphiques bleu et rose qui ont
été produits auprès du secrétaire de la commission
un peu tard, mais j'espère que vous les avez en main.
Alors, il y a trois éléments de base dont il a
été tenu compte dans la préparation de ces
prévisions. D'abord, un approvisionnement adéquat en gaz naturel
pour répondre à la demande prévue. Ensuite, la situation
concurrentielle du gaz naturel au Québec, et, enfin, l'économie
d'énergie résultant de diverses mesures de conservation.
Les deux prévisions de la consommation de gaz naturel,
développement faible et développement fort, sont
présentées avec l'effet de la conservation dans le graphique et
le tableau nos 1 et sans l'effet de la conservation dans le graphique et le
tableau no 2. Les prévisions retenues par la compagnie sont celles
incluant l'effet de la conservation, donc celles montrées au graphique
et au tableau no 1.
Par contre, soulignons que les tableaux et graphiques no 2,
c'est-à-dire sans conservation, sont quand même le point de
départ de notre analyse. La conservation, étant un
phénomène nouveau, a été ajoutée comme
hypothèse de travail pour arriver aux prévisions qui sont
situées au tableau et au graphique no 1.
Alors, si vous regardez le développement faible,
l'hypothèse de base retenue dans le cas du développement faible
est le maintien du désavantage concurrentiel pour le gaz semblable
à celui qui a prévalu durant l'année 1976, et je dois dire
les premiers mois de 1977.
Ce désavantage, globalement, se situe entre $0.10 et $0.15 par
1000 pieds cubes, sans considérer l'effet de la taxe de vente dans les
secteurs résidentiel et commercial qui était de l'ordre de $0.06
à $0.08 les 1000 pieds cubes.
Les chiffres plus exacts sont les suivants: II y a en ce moment un
désavantage dans le résidentiel de $0.2.78; dans le commercial de
$0.9.93; l'industriel moyen $0.10.39; l'industriel grand débit $0.29.08.
Par contre, il y a un très léger avantage dans l'interruptible de
l'ordre du demi-cent, et cela fait un désavantage moyen
pondéré de $0.12.07. Ceci du reste est à comparer au
désavantage de $0.9.5 en mars 1976 et au désavantage de $0.05 en
décembre 1975, c'est-à-dire que la tendance va vers le
désavantage de plus en plus grand.
M. Joron: Si vous permettez, par rapport à quoi?
M. Archambault: C'est toujours par rapport à l'huile.
Comme conséquence de ce désavantage concurrentiel, il a
été considéré qu'il sera impossible pour le gaz
naturel de pénétrer en dehors des franchises existantes.
De plus, même à l'intérieur des franchises
actuelles, avec un tel désavantage concurrentiel, l'accroissement de la
consommation de gaz, bien que positive, sera relativement faible durant la
période prévue si l'on exclut la part de SIDBEC.
Dans le secteur résidentiel au Québec, la concurrence la
plus forte pour le gaz vient de la part de l'électricité. Les
systèmes de chauffage électrique sont présentement
installés dans 60% à 65% des nouveaux logements au Québec.
Durant l'année 1975, il y a eu également 10 000 logements
existants qui ont été convertis au chauffage électrique et
de son installation est meilleur marché que celui du gaz ou de l'huile,
surtout dans les maisons d'appartements.
Un autre facteur qui affecte la concurrence des combustibles au
Québec, c'est la taxe de vente de 8% sur les combustibles à
chauffage qui s'applique à l'électricité cette fois et au
gaz, mais non à l'huile pour fins de chauffage.
Dans ces conditions, l'acquisition de nouveaux marchés par le gaz
naturel, bien que réalisable dans les franchises existantes, demeure
très difficile. Ceci est démontré par la partie en bleu du
graphique no 1, surtout si on élimine la part de SIDBEC, et dans le
tableau no 1 par les données de la colonne du milieu, sous le titre de
Développement faible.
Si on considère l'année 1976 comme année de base et
si on exclut SIDBEC, l'augmentation absolue de 1976 à 1995 est de 69
milliards de pieds cubes avec un taux annuel moyen d'accroissement de 3,4%. Les
prévisions pour SIDBEC portent l'augmentation à 124 milliards de
pieds cubes avec un taux annuel moyen d'accroissement de l'ordre de 5%.
Deux mots sur les hypothèses qui ont été
utilisées. Dans la nouvelle construction, on a prévu que le gaz
naturel pénétrerait les marchés au taux de 12%,
c'est-à-dire que 12% par année de nouveaux logements dans la
franchise actuelle de Gaz métropolitain seront chauffés au gaz
naturel. De plus, il a été tenu compte de la probabilité
de la conversion de certaines installations qui deviennent vétustes. Au
point de vue commercial, nous avons tenu compte d'un historique des deux
dernières années et nous avons inclus une augmentation de l'ordre
du milliard de pieds cubes par année dans les premières
années de la prévision et passant à 1,5 milliard. Dans le
secteur industriel, considérant que 60% de l'énergie
consommée par le secteur industriel au Québec se trouve dans la
franchise actuelle de Gaz métropolitain, ce que nous avons fait, c'est
que, de ces 60%, nous avons estimé que le gaz naturel prendra 15% pour
toute la période.
Passons maintenant au développement fort,
qui est représenté par l'aire rouge. L'hypothèse
fondamentale de base utilisée dans le cas du développement fort
est le maintien pendant toute la période d'un avantage concurrentiel en
faveur du gaz de l'ordre de 10% à partir de 1981, quand de nouvelles
sources d'approvisionnement seront disponibles ou au moins quand on aura
sûrement l'assurance qu'elles seront disponibles et qu'il n'y aura plus
d'excédent de capacité de raffinage dans le Canada. Si les
assurances d'approvisionnement sont rendues plus tôt, évidemment,
on peut reculer le moment où la croissance peut augmenter. Avec un tel
avantage, il sera possible d'augmenter substantiellement la part de gaz naturel
non seulement dans les franchises existantes, mais également en dehors
de ces franchises dans les principales agglomérations urbaines entre
Montréal et la ville de Québec. A cet effet, nous avons tenu
compte de la construction d'un réseau de transmission à partir de
Beloeil allant à Saint-Hyacinthe, Drummondville, un embranchement vers
Sherbrooke, ensuite Bécancour, Trois-Rivières et Québec.
Nous avons également tenu compte d'un approvisionnement à
Saint-Jean, à Granby, Cowansville, Joliette, Saint-Jérôme
et Lachute. Les prévisions de consommation de gaz à
l'intérieur des franchises existantes sont identiques dans les deux
hypothèses, développements fort et faible, jusqu'à 1980.
À partir de 1981, dans le cas du développement fort,
l'accroissement de la consommation prévue dans le secteur
résidentiel et commercial du développement faible a
été doublé, c'est-à-dire qu'il est passé de
12% à 24%.
Dans le secteur industriel, l'accroissement de la consommation est
quatre fois plus grand dans le développement fort comparé
à l'hypothèse du développement faible, c'est-à-dire
qu'il passe de 15% à 80%.
La consommation de gaz prévue pour SIDBEC est la même dans
les deux cas.
Si 1976 est considérée comme année de base,
l'augmentation absolue de 1976 à 1995 est de 334 milliards de pieds
cubes avec un taux annuel moyen d'accroissement de 8,9%, après avoir
déduit l'effet de la conservation. Si on considère la
consommation totale d'énergie au Québec, au niveau du
consommateur ultime, moins le secteur du transport et toutes les
données, d'après ce que j'ai vu, vous ont toujours
été données avec le secteur du transport, nous l'avons
calculé sans le secteur du transport donc la consommation en
1995, la part du gaz naturel dans le bilan énergétique sera
d'environ 14% dans le cas du développement faible, et d'environ 23% dans
le cas du développement fort. En 1976, la part du gaz était
d'environ 9%.
Deux mots sur la conservation d'énergie. Il a été
estimé que les normes d'isolation plus élevées,
imposées depuis 1975 par le code national de la construction et qui
seront encore plus élevées à l'avenir, réduiront la
consommation de l'énergie par logement de 20%. Ce pourcentage a
été considéré raisonnable aussi pour les nouvelles
installations commerciales. Donc, 20% ont été appliqués
aux deux secteurs de consommation après 1975. Il a été
également considéré que l'améliora- tion de
l'équipement augmentera l'efficacité des systèmes de
chauffage. La réduction dans la consommation d'énergie pour tenir
compte de ce facteur a été de 1% par année pour les deux
secteurs, résidentiel et commercial. Comme résultat, dans la
cinquième année, la consommation d'énergie par
unité sera moindre de 5%, dans la septième année, 7%,
etc.
Ce facteur d'efficacité de l'équipement a
été appliqué à toute la nouvelle consommation
après 1975, ainsi qu'au remplacement d'appareils à raison de 5%
par année pour le secteur résidentiel et de 6,7% pour le secteur
commercial, en prenant pour base l'année 1975. Le facteur de
conservation employé dans le secteur industriel a été de
1% par année jusqu'à un maximum de 15% qui a été
atteint en 1990. L'effet global de la conservation sur la prévision de
la consommation de gaz naturel au Québec est montré au tableau no
3. Il est d'environ 1% par année. En termes absolus, en 1995, la
réduction de la consommation sera de 44 milliards de pieds cubes, dans
le cas du développement faible, et de 102 milliards de pieds cubes pour
le développement fort.
M. le Président, M. le ministre, nous sommes disponibles pour
répondre à vos questions.
Le Président (M. Laplante): Merci Monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: II y a beaucoup de questions soulevées par votre
mémoire, M. Archambault. Je ne sais pas trop par laquelle commencer. En
rétablissant les chiffres que vous mentionnez, vous calculiez la part
possible, à l'avenir, du gaz naturel selon les deux scénarios que
vous avez retenus en excluant le secteur du transport. J'ai essayé de
les retransposer, incluant le secteur du transport dans le bilan total avec
lequel on a eu l'habitude de discuter jusqu'ici, ça voudrait dire
quelque part entre 10% dans l'hypothèse faible et 16% dans
l'hypothèse forte par rapport au 6% actuel.
La possibilité, par contre, pour le Québec, d'envisager de
recourir davantage au gaz naturel à l'avenir, vous l'avez liée
très directement avec le transport du gaz du delta du Mackenzie.
Vous avez mentionné, à un moment donné, qu'il
faudrait que le gouvernement du Québec appuie ce projet s'il veut avoir
du gaz et qu'il serait stupide de se lancer dans une expansion du réseau
de distribution sans avoir cette garantie d'approvisionnement.
Quelle est la forme de cet appui que vous sollicitez de la part du
gouvernement du Québec?
M. Archambault: La décision quant à l'autorisation
de la construction de ce réseau sera une décision prise par le
gouvernement fédéral, si c'est recommandé par l'Office
national de l'énergie. Les auditions qui sont présentement en
cours portent sur des projets concurrentiels. L'Office national de
l'énergie fera sa recommandation au gouvernement et je suis
persuadé qu'à ce niveau-là il y a sûrement des
considérations politiques qui entrent en jeu, puisque la loi veut bien
que ce soit
le gouverneur général en conseil qui autorise la
construction.
M. Joron: J'aurais peut-être une question plus fondamentale
liée au prix. Vous avez mentionné le désavantage
concurrentiel actuel du gaz. Pourriez-vous élaborer un peu? Je veux vous
demander ce que vous pensez du principe actuel qui veut qu'il y ait une
relation déterminée, fixe, entre le prix du pétrole ou
l'équivalent de BTU d'un baril de pétrole et de X pieds de gaz,
qui est une relation de 85%, à l'heure actuelle, comme on dit "at city
gate", zone de Toronto, qui est la même que celle de Montréal.
Cela paraît curieux, mais il y a un escompte de 15%. Qu'est-ce qui fait
que, rendu chez le consommateur, il existe un désavantage? Est-ce
seulement la taxe de vente ou si c'est le coût de la distribution
municipale à l'intérieur de...
M. Archambault: C'est sûrement une foule de facteurs. C'est
une question qui, du reste, est posée assez souvent. Le 85% "city gate"
versus brut livré dans la région de Toronto...
M. Joron: Oui.
M. Archambault: ... en fait, ce n'est qu'une approximation. On a
trouvé cette formule comme étant une formule... En fait, tout le
monde pensait qu'effectivement la parité est de 100%, alors qu'elle
n'est clairement pas de 100%. A 85%, déjà, dans le cas de Gaz
Métropolitain, on est en dessous de la parité. Dans le cas des
distributeurs on-tariens, c'est à peu près juste à la
parité et c'est 85%.
M. Joron: Pourquoi?
M. Archambault: II faudrait que...
M. Joron: Rendu chez le consommateur, ce dont vous parlez?
M. Archambault: Oui, rendu chez le consommateur.
M. Joron: Ah! bon.
M. Archambault: Pour que ce soit égal, il faudrait que la
marge de la raffinerie et les coûts de distribution soient exactement les
mêmes. Or, ce serait vraiment une coïncidence incroyable que ce soit
les mêmes pour toutes les raffineries dans la région de Toronto et
les raffineries dans la région de Montréal. Ce n'est qu'une
approximation. On s'est servi de cette formule qui était plus commode.
La formule plus complexe, qui était celle des arbitrages, c'était
d'analyser vraiment chaque secteur au "burner tip" c'est-à-dire secteur
domiciliaire, commercial, appartement et tout. Là on faisait un amalgame
et on arrivait à un prix moyen.
Mais le problème avec cela, le résultat absurde, c'est que
le gaz naturel se serait vendu plus cher en Saskatchewan qu'à
Montréal, alors qu'il est transporté sur 2000 milles à
Montréal, ce qui n'était pas tout à fait acceptable pour
les gens de l'Ouest, j'en suis sûr.
M. Joron: II y a un autre facteur, je présume. La
distribution du gaz naturel dans une franchise constituait un monopole, alors
que la présence de plusieurs raffineries et un marché libre des
prix de détail font qu'on ne sait jamais exactement ce que seront les
prix de détail. Je vois que la comparaison est difficile.
Est-ce que vous avez une suggestion à cet égard? Vous avez
basé votre raisonnement, au départ, en disant: II ne
pénétrera pas, s'il n'est pas concurrentiel. Accroché au
système actuel, il ne le sera jamais. Que faut-il qu'il arrive pour
qu'il le devienne? Autrement, on va arrêter d'en parler.
M. Archambault: Je n'ai pas de solution précise, mais je
peux vous donner les parties de l'équation qu'il faut changer, d'une
part, parce que je dis que 85% est une mesure approximative. C'est quand
même une mesure. Si c'était moins de 85%, bien sûr, il y
aurait possibilité que, dans les marchés, le gaz naturel soit en
fait un avantage concurrentiel adéquat pour étendre les
réseaux et prendre une part du marché satisfaisante, ou si
l'huile, en fait, coûte plus cher dans les marchés, les produits
finis... Ce qui se produit à Montréal, c'est que vous avez
l'huile no 6 dans la région de Montréal, en particulier, qui se
vend beaucoup moins cher que le no 6 dans la région de Toronto et
même que le "crude". Un gallon d'huile no 6 se vend sensiblement moins
cher que le gallon d'huile non raffinée. C'est de l'huile
résiduelle, si vous voulez, mais il y a déjà eu un
traitement.
M. Joron: C'est en raison de l'équilibre de raffinage des
différentes...
M. Archambault: C'est cela.
M. Joron: ... raffineries qui produisent des surplus de "bunker"
et qui fait que...
M. Archambault: Voilà.
M. Joron: C'est difficilement contrôlable aussi.
M. Archambault: La première façon, changer le 85%
ou agir dans le cadre de la Loi sur l'administration du pétrole,
c'est-à-dire que, déjà, vous avez une loi,
déjà, vous avez une autorité politique qui existe, les
structures sont là. Augmenter ie prix de l'huile dans la région
de Montréal, je ne crois pas que les structures soient là. Il n'y
a pas de régie encore. Si vous créez une régie, à
ce moment, bien sûr que vous pouvez obtenir l'effet
désiré.
Troisième chose, c'est encore créer une structure
ce n'est pas une recommandation que je vous fais, je vous donne les moyens
et faire une espèce de péréquation entre les
sources d'énergie. Remarquez qu'au point de vue résidentiel, ce
n'est pas seulement l'huile maintenant, c'est l'électricité,
véritablement même si l'huile montait sensiblement, le
grand problème au point de
vue résidentiel qui est presque exactement au même
prix que le gaz naturel ou l'huile.
M. Joron: En somme, ce que vous nous dites, si on peut
résumer de façon peut-être un peu simple, c'est que la
pénétration du gaz naturel dépend d'une hausse
substantielle de prix du pétrole, d'une part, et d'une hausse
substantielle aussi des tarifs d'électricité.
M. Archambault: Et d'une hausse moins substantielle du gaz.
M. Joron: C'est cela. Que le taux de 85% tombe à 80% ou
à 75%, ce qui est un facteur que le gouvernement du Québec ne
contrôle pas, bien entendu, cela est une décision. Tout cela rend
assez aléatoire l'intérêt du Québec, à ce
moment, de se lancer vers le gaz naturel; il ne pourrait résider que
dans le fait que les approvisionnements ou la sécurité des
approvisionnements ou l'abondance des approvisionnements serait beaucoup plus
considérable que tout le reste; autrement, on n'en parlerait même
pas. Je reviendrai dans un petit moment sur la question des approvisionnements.
C'était ma deuxième question. Pour finir sur les prix, peut-on
imaginer le scénario suivant: En 1980-1981, présumons que les
intentions annoncées du gouvernement fédéral font que le
prix du brut canadien ait atteint les prix mondiaux, qui, déjà,
sont peut-être plus élevés à ce moment, mais que le
système de quasi-indexation du prix du gaz à celui du
pétrole, fait que la proportion reste la même, les deux montent,
mais l'un étant accroché à l'autre, il y a toujours cette
différence de 15%. Une fois que les prix intérieurs sont ceux des
prix mondiaux, et étant donné le fait qu'il y a une
surcapacité de raffinage au Québec, à l'heure actuelle, de
l'ordre d'à peu près 25%, et qu'on présume aussi que les
premiers effets peut-être ou parmi les premiers effets
d'une campagne d'économie d'énergie pourraient porter sur le
secteur du transport, sur l'automobile aussi, on pourrait imaginer que la
consommation d'essence en 1981, serait inférieure à ce qu'elle
est aujourd'hui. A ce moment, vous allez avoir un plus haut surplus encore dans
les raffineries et un plus grand déséquilibre encore, en somme,
du fait qu'ils vont produire plus d'huile de chauffage et de "bunker". Dans la
mesure où il n'y a pas de régie pour réglementer ces prix,
vous risquez d'avoir une quasi-situation de dumping plus grave encore que celle
qui existe aujourd'hui, rendant encore beaucoup plus difficile la concurrence
du gaz naturel.
M. Archambault: II n'y a aucun doute. Dans la mesure où
les producteurs de l'Alberta veulent vendre leurs produits gaziers, parce
qu'ils veulent bien les vendre, ils vous l'ont dit, hier, qu'ils veulent les
vendre, il faut constamment leur rappeler qu'une chose se vend à un
certain prix. Alors, ce qu'on vous dit... Depuis deux ou trois ans, les gens
nous disent: Vous ne construisez pas un réseau, pourquoi Gaz
Métro n'augmente-t-il pas plus? C'est une question de prix. Si le prix
est suffisamment bas, on ne dit pas de donner le gaz, le gaz va se vendre.
Comment rendre le gaz bas? Comme je vous ai dit, on peut aller des deux
côtés de l'équation. Il y a une autre chose que j'ai
oublié de vous mentionner, c'est que, bien qu'aujourd'hui, on se serve
de 85%, à Toronto encore, c'est bien commode, si vous avez suivi
l'évolution du "Commodity Value", ce qu'on recherchait, c'est de
créer un prix pour le gaz où, effectivement, il concurrence dans
chaque marché de la compétition.
Or, si on est des puristes, techniquement parlant, le gaz devrait
être moins cher à Montréal que n'importe où ailleurs
à l'est de l'Alberta. Vous pouvez faire des représentations
à cet effet. D'après moi, au point de vue philosophique de la
"commodity value", c'est tout à fait approprié. La formule de 85%
à Toronto n'est pas une formule sacro-sainte. Ce n'est pas la formule
qui est dans la loi. En fait, la loi est très flexible. Il y a trois ou
quatre critères. Mais si on regarde toutes les études
d'indexation qui ont été faites et les rapports et les
études très poussés qui ont été faits lors
des arbitrages avec Gulf, cela a été vraiment, je vous assure,
des travaux qui ont été faits de la part de Gulf et de la part de
TransCanada et qui ont été très poussés. On allait
tous vers le "Commodity value burner tip". A ce moment-là,
inéluctablement, chaque distributeur aurait un prix du gaz naturel, une
"commodity value" qui serait différente et, incidemment, comme je vous
ai dit, ce serait à Montréal que ce serait le plus bas.
M. Joron: Bon! Enfin, en résumé, je ne veux pas
poursuivre trop longtemps. La question des prix est loin d'être
réglée, à ce qu'on voit. Le problème est plus que
complexe.
Seulement un mot maintenant peut-être sur les approvisionnements.
Si le Québec s'en va plus fortement vers le gaz, quelles sont les
quantités dont on peut être assuré et pour combien de
temps, par rapport à ce qui viendrait du Mackenzie, d'une part, et,
d'autre part, quels problèmes cela pose-t-il, à vous, comme
transporteurs, au point de vue de votre capacité? Si on prend, par
exemple, votre scénario de développement fort, où on voit
plus que quadrupler d'ici 1995 la consommation de gaz au Québec,
même quintupler en chiffres absolus, êtes-vous en mesure, avec les
installations actuelles, de fournir cette capacité? Qu'est-ce que
ça implique comme altérations, investissements et
délais?
M. Archambault: Non, il n'y a aucun doute que les installations
actuelles ne suffiraient pas. Nous construisons des installations pour
répondre à peu près exactement aux exigences de nos
clients. On n'a pas de capacités excédentaires. On ne planifie
pas de capacités excédentaires. Evidemment, si les soupapes sont
à dix milles et qu'on a seulement besoin de cinq milles de tuyaux, on va
faire les dix milles pour faire une autre soupape qui va probablement
coûter très cher. Mais il n'y a vraiment pas de capacités
excédentaires importantes annuelles dans le réseau de
TransCanada.
Nous avons fait et soumis une étude, il y a à
peu près un an, un an et demi, auprès de l'office, et
cette étude prévoyait le transport de tout le gaz disponible du
delta. Maintenant, je ne peux pas vous dire exactement quelle était la
quantité du marché pour le Québec. Il faudrait que je
voie. Mais, à ce moment-là, nous estimions qu'en dollars 1981 ou
1982, nous devions construire environ pour $1 milliard d'installations par des
voies de ceintures et la compression additionnelle sur notre
système.
M. Joron: Essentiellement, ce n'est pas une question de
dédoublage du tuyau existant.
M. Archambault: Oui. Il faudra le dédoubler. M. Joron: II
faudra le dédoubler aussi? M. Archambault: Oui.
M. Joron: J'avais d'autres questions, mais je ne voudrais pas
monopoliser...
M. Forget: Vous avez exprimé dans votre mémoire un
point de vue assez prudent sur les possibilités d'expansion et vous vous
basez, comme vous l'avez dit, sur la nature compétitive quant au prix du
produit que vous transportez. Dans le marché du Québec, il y a
des prévisions qui sont basées sur cette argumentation.
J'aimerais avoir, cependant, vos indications ou les chiffres du gaz que vous
avez, la croissance des livraisons de gaz que vous avez faites au marché
de l'Ontario, disons depuis 1972.
Y a-t-il eu une croissance?
M. Archambault: Une croissance de livraison de gaz en Ontario
depuis 1972? Pour vous donner les chiffres précis... Je ne les ai pas
ici. En 1973, l'augmentation des livraisons de gaz en Ontario fut la même
qu'au Québec. Nous avions un problème, à ce moment. Dans
un permis albertain, précisément, on ne pouvait pas livrer
à nos clients tout le gaz dont ils nous avaient dit qu'ils avaient
besoin. Alors, il a fallu faire une "proration" qui n'a pas été
énorme, mais quand même il fallu faire une "proration" et celle-ci
s'est faite par rapport au pourcentage de la consommation annuelle de chaque
client. Donc, tout le monde est monté en pourcentage de la même
façon, en valeur absolue évidemment. L'Ontario, qui prend 500
BCF, a eu plus en valeur absolue que Québec ou Gaz Métro, qui en
prenait 60. En pourcentage, c'est la même chose.
M. Forget: Mais cela ne prouve rien, parce que c'est un
phénomène de rationnement.
M. Archambault: Depuis ce temps, l'augmentation en pourcentage a
été plus sensible au Québec.
M. Forget: Elle a été plus sensible au
Québec?
M. Archambault: Oui. En pourcentage? Ah oui. Surtout à
cause de SIDBEC.
M. Forget: Mais SIDBEC mise à part, non.
M. Archambault: SIDBEC mise à part... Il faudrait que je
regarde mes chiffres. L'augmentation depuis 1972 et 1973 au Québec est
assez forte en pourcentage, mais la base est très faible. Mon
collègue, M. Pop, faisait des études sur la concurrence et
regardait le marché. Il a téléphoné à un
collègue à Calgary pour connaître la concurrence
domiciliaire électrique, et le type lui a dit: Je viens de perdre 50% de
mon marché, mais il avait deux maisons. Il y en a une qui a passé
au gaz. Il a perdu 50%.
M. Forget: Mais, vous savez, tout cela peut s'interpréter
de bien des façons. Quand vous partez d'une base basse, ce n'est pas une
raison d'être pessimiste. C'est plutôt une raison d'être
optimiste parce que la seule façon de changer, c'est à la hausse
et la même chose... Le fait de la pénétration
considérable dans le marché de l'Ontario, les conditions de
concurrence entre le pétrole, l'électricité et le gaz, ce
ne sont quand même pas des mondes de différence. C'est une
question de degré.
Je comprends qu'il y a une question de taxes ici qui n'existe
peut-être pas de la même façon en Ontario, mais il reste que
c'est 8%. Ce n'est pas 20%, ce n'est pas 30%. Ce que je veux dire c'est qu'il y
a l'image d'une économie, dans le fond pas tellement différente,
celle de l'Ontario, où il y a une pénétration
considérable. Il y a un taux très bas de
pénétration au Québec, donc un potentiel qui semble
là. Il y a des conditions économiques pas tellement
différentes au point de vue prix, au point de vue concurrence des autres
sources d'énergie.
Tout cela nous amène à une conclusion, c'est qu'il y a un
potentiel considérable au Québec et j'ai de la difficulté
à concilier cela avec l'expression très réservée
que je retrouve dans votre mémoire. Je vais vous dire très
franchement que j'en arrive à ceci, c'est que nous avions, hier, en
commission, l'Association des producteurs indépendants de produits du
pétrole, Indépendant Petroleum Association, qui, eux, affirment
avoir des réserves, dans les régions classiques de l'Alberta,
suffisantes pour même doubler les livraisons au Québec. D'autres
organismes qui sont impliqués dans le transport du gaz nous ont
affirmé que c'était plausible, au moins que les facilités
actuelles, ceux qui vous fournissent, à vous, de l'Alberta, du gaz,
qu'il était plausible, mais que ce serait évidemment de vous
poser la question à vous d'augmenter considérablement la
capacité à un coût minime. (Tout cela était
conciliable parce que les contrats qui pouvaient être obtenus des
producteurs de l'Alberta étaient d'une durée de 15 ans, ce qui
paraissait, même si c'est plus court que ce qui s'est fait dans le
passé, suffisant pour amortir ce qui vous en coûterait à
vous d'investissement additionnel pour doubler la capacité).
Alors, finalement, on boucle le cercle et on en vient à la
question de Gaz Métropolitain qui a exprimé la même
réserve que vous sur les possibilités d'expansion du
marché au Québec. On en
vient presque à la conclusion qu'il manque peut-être un
coup de pied au bon endroit pour trouver tout à coup la recette qui va
faire se développer le marché du gaz au Québec.
M. Archambault: D'abord, pour ce qui est de la capacité et
des coûts minimums de transport, laissez-moi vous répéter
que si un distributeur nous demande de lui livrer tant de millions de pieds
cubes additionnels par jour, soit de lui vendre ou de transporter ce gaz qui
serait vendu par un autre en Alberta, nous sommes prêts à aller
devant l'Office national de l'énergie et construire les installations
nécessaires. Alors, cela est passé.
M. Forget: Avant quinze ans, il n'y a pas de problème.
S'il y a un contrat de quinze ans, pour vous cela ne pose pas de
problème.
M. Archambault: S'il y a un contrat de quinze ans, ce n'est pas
insurmontable. C'est moins bon que 20 ans, mais ce n'est pas insurmontable.
Ceci dit, pourquoi Gaz Métro, l'an dernier, nous a-t-il
demandé de construire des installations suffisantes pour transporter
16,7 BCF de plus. C'est parce que leur étude du marché,
l'augmentation de SIDBEC et tout faisait en sorte que c'est ce dont ils pensent
avoir besoin. Gaz Métropolitain, comme tout autre distributeur, veut
améliorer son service, veut grandir, cherche à
pénétrer les marchés. Parce que lui est pris à long
terme, quand même.
Il va être pris assez longtemps avec nous. Il veut absolument
s'assurer d'un marché pour son gaz. Toutes les études qu'on peut
faire, ça revient toujours à une question de prix. Vous disiez
qu'en Ontario c'est peut-être la même chose qu'au Québec,
mais, alors, qu'au Québec le désavantage moyen
pondéré est de l'ordre de $0.12, en Ontario, dans la
région de Toronto, l'avantage moyen pondéré est de $0.06.
C'est quand même une différence.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal, dernière intervention.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Au sujet du pipe-line
du Mackenzie, vous savez sans doute qu'il y a eu des auditions par la
commission Berger quant aux réclamations des autochtones et que le
gouvernement fédéral attend les recommandations de cette
commission. Qu'arriverait-il si les recommandations de la commission Berger
étaient à l'effet qu'il devrait y avoir un moratoire, qu'il ne
devrait pas y avoir de développement du pipe-line, premièrement,
avant que les réclamations des autochtones soient réglées
ou bien qu'ils fixent un délai de deux ans ou plus avant que vous
puissiez commencer des travaux sur le pipe-line? Quelle serait votre
position?
M. Archambault: On est un peu talonné par la situation
américaine. Vous savez, ce n'est même pas un secret de
polichinelle, les Etats-Unis sont en pénurie très grave de gaz
naturel en ce moment, très très grave. Ils ont de 20% à
25% ou 30%
TCF (mille milliards de pieds cubes) au nord de l'Alaska. Vous
êtes au courant que le juge de première instance "the presiding
judge" du Federal Power Commission a recommandé l'adoption du projet
Canadian Arctic Gas et, en second, celui d'EI Paso qui prévoit le
transport du gaz par pipeline de la côte nord de l'Alaska vers la
côte sud et, ensuite, liquéfaction et transport par bateau.
Il y a un appareil législatif qui est présentement en
place qui donne au président jusqu'au 1er septembre, je crois, pour
indiquer au Congrès son choix. Je crois que le Congrès a 60 jours
pour décider; ensuite, je me perds un peu dans leur procédure.
Mais, à tout événement, les Etats-Unis ont un
échéancier vraiment assez bref. Somme toute, vers la fin de 1977,
la décision doit être prise quant à eux. Cela ne fait aucun
doute que, si du côté canadien on dit: On va retarder trois ans,
quatre ans, cinq ans, ils vont prendre la décision d'aller à El
Paso; ils vont faire un pipe-line, ils vont faire des bateaux et ils vont
transporter leur gaz par voie maritime.
A ce moment-là, et c'est cela qui est très malheureux, il
est possible que le gaz qui se trouve dans le delta du Mackenzie y reste pour
très longtemps. Quant à la question de pipe-line unique pour le
marché canadien, le coût devient astronomique et il n'y a pas
cette flexibilité extraordinaire des marchés. A ce
moment-là, je ne sais pas quel sera le scénario des
approvisionnements futurs. Mais ce sera vraiment malheureux.
D'autre part, la question carrément canadienne, à savoir
ce qu'il arrive si on dit: Vous devez traiter avec les Indiens et arriver
à un compromis, à une entente. J'espère qu'on trouvera une
autre solution que celle-là. Le pipe-line, de toute façon, il
sera là pendant 20 ans, 25 ans, ou il produira pendant 30 ans. Je crois
que ce serait malheureux, tant pour les gouvernements qui sont
intéressés, tant pour les autochtones, d'avoir un
échéancier un peu trop sévère pour régler
leurs problèmes. S'ils ont des droits, ils en ont, ils sont là.
Ils sont là, indépendamment du pipe-line. Il serait souhaitable
de régler la compensation qui doit être faite avant la
construction, mais je ne crois pas que ce soit indispensable. Il faudrait, par
contre, trouver un modus Vivendi et assurer que les droits qu'on leur
reconnaît seront compensés dans une mesure juste et
équitable. Il faut, en fait, avoir bonne foi d'un côté et
de l'autre.
M. Ciaccia: Même si vous dites que ce serait difficile
je comprends votre échéancier de régler
avant la décision qui doit être prise, il y a les tribunaux
auxquels les Indiens peuvent avoir recours, comme ils ont fait dans d'autres
endroits de notre pays.
M. Archambault: Vous en savez quelque chose.
M. Ciaccia: La raison pour laquelle je vous demande ceci, c'est
que vous nous avez fait certaines recommandations, peut-être qu'on peut,
en réciprocité, vous en faire d'autres. Est-ce que votre
compagnie elle-même est impliquée avec les
autochtones? Est-ce que vous faites quelque chose pour essayer de
hâter, non pas de hâter, mais de contribuer à la solution
des problèmes qu'ont les autochtones dans les endroits où vous
voulez construire votre pipe-line? Ou est-ce que, comme la plupart des autres
développeurs dans telle situation, vous vous fiez que le gouvernement va
régler ces problèmes et que ce n'est pas un problème
vraiment vôtre directement, mais que c'est un problème dont le
gouvernement devrait se préoccuper?
M. Archambault: Non, nous croyons que c'est sûrement une
responsabilité sociale de l'exploitant du gazoduc. Il y a des programmes
qui ont été mis en route il y a déjà trois, quatre
ou même cinq ans, dans le but de prendre des autochtones et de les faire
travailler à Alberta Gas Trunk Line, nous en avons enfin
les intégrer et les intéresser au système de transport. Il
y a des programmes de ce côté-là.
M. Ciaccia: Je comprends. Ce sont des programmes
économiques que même d'autres compagnies essaient d'avoir.
J'allais un peu plus loin que cela. Vous n'avez pas essayé de
vous impliquer dans les réclamations mêmes des autochtones?
M. Archambault: Non. A TransCanada, même en tant que
participant à Canadian Arctic Gas, nous ne l'avons pas fait. Si Arctic
Gas l'a fait elle-même, je ne le sais pas. Apparemment, Arctic Gas ne l'a
pas fait non plus. Il n'y a pas de négociation directe entre
Arctic...
M. Ciaccia: S'il y avait un conseil qu'on pourrait vous donner,
ce serait de peut-être ne pas laisser ces questions totalement au
gouvernement.
M. Archambault: Je prends note de votre suggestion.
M. Ciaccia: Parce que cela peut être assez épineux,
à rencontre d'expériences dans d'autres parties du pays.
M. Archambault: Oui.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, sur ce dernier
conseil, les membres de cette commission vous remercient du travail que vous
avez apporté. Merci!
M. Archambault: Merci, monsieur! Le Président (M.
Laplante): M. le ministre. Conclusions
M. Joron: M. le Président, puisque là se terminent
nos travaux, il est peut-être opportun, non pas de faire le point, ni de
faire un grand discours, mais tout simplement de dire deux mots et quelques
remerciements d'usage aussi et peut-être une appréciation
très sommaire.
Brièvement, je voudrais dire trois choses, une première,
sur la forme, on pourrait dire une deuxième sur le fond. Sur la forme,
je pense qu'on peut tous se féliciter des séances de cette
commission, qui ont duré trois semaines et qui ont permis d'entendre une
quantité considérable d'intervenants. Je n'ai pas de statistiques
historiques des séances des commissions parlementaires à
l'Assemblée nationale du Québec, mais c'est certainement une des
commissions qui a entendu le plus grand nombre de participants et de provenance
nettement différente aussi. On pourrait appeler cela en quelque sorte un
exercice de participation du public à une des questions les plus
fondamentales de l'heure, cet exercice m'apparaît très valable et
très prometteur.
Je voudrais souligner aussi le grand intérêt que,
globalement, les mémoires qui nous ont été
présentés comportaient. Il n'y a pas de doute que tout cela sera
immensément utile dans la tâche qu'entreprend le gouvernement de
définir une politique énergétique au cours de
l'année qui vient.
C'était là une première étape, le
démarrage, si vous voulez, de ce processus d'élaboration d'une
politique énergétique qui a donc commencé par ce qu'on
pourrait appeler un vaste exercice de consultation auprès du public en
général.
Je pense qu'il faut souligner aussi que, alors qu'au début, la
question apparaissait peut-être à certains cela porte sur
le fond maintenantlimitée au secteur énergétique,
bien que tout le monde sache que le secteur énergétique est
déjà en soi très important, on s'est aperçu, au
cours de nos discussions des trois dernières semaines, que la question
s'ouvrait graduellement et que, finalement, les problèmes que
soulève la question énergétique ou sur lesquels cette
question nous amène à nous interroger débordent assez
largement ce qu'on pourrait appeler une stricte analyse
énergétique de nos problèmes et débouchent
fondamentalement sur des problèmes beaucoup plus vastes.
Ces problèmes, il faut le dire sans faire d'enflure verbale, vont
jusqu'à remettre en question le type de société dans
lequel on vit et fournissent l'occasion de commencer à s'interroger sur
un modèle différent, pas radicalement différent, mais
enfin, un nouveau modèle qui serait celui du contexte dans lequel on
vivrait, probablement, au XXIe siècle. Je pense que le débat
s'élargit. Ce sera là un grand débat qui ne se terminera
certainement pas avec la publication, plus tard au cours de l'année,
d'un livre blanc, bien que ce livre blanc contenant la politique
énergétique du gouvernement aura sans doute des incidences
très grandes sur ce débat, mais je pense que ce débat va
continuer dans les prochaines années. On ne le réglera pas en une
année. On ne règle pas un siècle en quelques mois, c'est
certain. Il est bon de souligner que les séances de notre commission
auront possiblement été le point de départ ou l'ouverture,
si vous voulez, à un beaucoup plus vaste débat auquel on ne peut
qu'inviter tous les citoyens à participer.
Mon dernier mot, c'est pour remercier les membres de la commission de
leur participation à
nos travaux depuis trois semaines. Je pense que, de chaque
côté de la table, la qualité des interventions a
été remarquable. Il faut souligner aussi qu'on a pu... C'est vrai
que c'était une grande question sérieuse et que, quand les
grandes questions fondamentales se posent, on met de côté la
partisanerie politique et ces choses. Je pense qu'on a vu un exemple de cela
ici, d'une commission qui fonctionnait admirablement bien, en dehors de toute
partisanerie politique. Et on peut croire, avant que la nouvelle session ne
commence, dans une dizaine de jours, que c'est peut-être de bon augure
sur le type de délibérations qui auront lieu dans ce nouveau
Parlement.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je voudrais m'associer aux
remarques du ministre, au moins en partie, pour remercier les nombreux groupes
qui ont, de leurs mémoires et de leur contribution verbale, tenté
d'éclairer, avec un succès qui reste à être
déterminé, les membres de la commission. Quand on pense à
la masse de travail que ceci représente, je crois qu'il y a sans aucun
doute une dette de reconnaissance, au moins, qui a été
contractée par les membres de l'Assemblée nationale envers tous
ces groupes. C'est une occasion de plus de voir que les commissions
parlementaires constituent de plus en plus, et ceci depuis quelques
années maintenant, un des mécanismes de base de l'examen des
problèmes, de l'évolution de la société. Lorsque le
ministre a fait allusion au livre blanc qui s'en vient, j'ai cru qu'il allait
enchaîner pour nous faire anticiper la possibilité que cette
commission soit saisie de ce document avant qu'il soit peut-être
absolument final, de manière que le sérieux et l'absence de
partisanerie qu'il a pu déceler dans nos travaux puissent avoir
l'occasion de se manifester à nouveau, de manière que,
peut-être même, certains groupes au moins qui sont venus ici et qui
pourraient contribuer, de façon plus spécifique, à ce
moment, avec des questions précises et des options clairement
délimitées' que tout cela puisse se faire avant que le
Québec s'embarque dans une politique énergétique. Je le
dis sans intention péjorative; au contraire. Le moment des choix va
venir et c'est ce moment qui est important.
J'espère que les membres de l'Assemblée nationale et des
groupes intéressés auront l'occasion de venir en discuter
à nouveau. L'ennui d'une commission comme celle-ci, malgré ses
avantages, c'est que tout le monde fonctionne un peu à vide. On apprend
en travaillant, en quelque sorte, mais la phase la plus importante, c'est le
moment où les choix sont posés. Pour ma part, j'ai
également beaucoup apprécié l'atmosphère dans
laquelle se sont déroulés nos travaux. J'attends, avec
impatience, la suite. Maintenant, pour ce qui est de l'absence de partisanerie,
je voudrais, à la fois, rassurer le ministre sur la pureté des
intentions de l'Opposition officielle, mais, en même temps, éviter
des illusions quant au climat qui va régner à l'Assemblée
nationale dans d'autres discussions.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: M. le Président, j'aimerais aussi, au nom de
mon groupement, souligner qu'on a apprécié de façon
particulière cette commission parlementaire qui a été
intéressante sous différents aspects. Je pense que les
mémoires qui nous ont été présentés, ont
apporté un éclairage passablement intéressant et assez
complet sur l'ensemble de la situation. On est passé par les compagnies
pétrolières, les tenants de l'énergie douce, du
nucléaire. On a touché un petit peu tous les aspects. Comme le
disait le ministre, on a élargi le débat jusqu'à un
certain point. Je pense que c'est dans ce contexte-là que le
gouvernement devra prendre les décisions pour l'avenir, parce qu'il se
dégage aussi de cette commission parlementaire le fait que des
décisions devront être prises à court terme, mais qui
engagent quand même tout un avenir. Dans ce sens, on ne peut pas
envisager la situation de façon sectorielle ou par brides. Je pense que
ce but heureux que les débats s'étendent de cette façon et
qu'on ait des gens de différentes écoles qui viennent nous
soumettre leurs préoccupations, leurs suggestions. Cela a eu comme effet
de nous sensibiliser au fond du problème, dans certains cas, et de nous
sensibiliser peut-être à des voies nouvelles qu'il faudrait
explorer. Dans ce sens, j'ai aimé l'ouverture des membres de la
commission à ce sujet, du ministre aussi. Il n'a pas eu peur de dire:
Oui, on est prêt à explorer, dans les domaines nouveaux, les
suggestions qui semblent peut-être un petit peu hors contexte même,
à un moment donné, mais il vaut la peine de regarder de ce
côté ou, du moins, d'envisager le bien-fondé de certaines
de ces propositions.
En ce qui nous concerne en matière de politique
énergétique globale, disons que ce n'est pas un
élément nouveau. On y croyait déjà, et on
espère que, de ce côté, il y aura des actions
concrètes de prises bientôt pour arriver à des
décisions globales où on saura davantage où on s'en va. Il
y a la question du livre blanc qui s'en vient bientôt. Je pense, à
ce sujet, que le ministre a passablement de pain sur la planche.
Ce que je retiens de l'ensemble de la commission aussi il faut le
souligner à ce stade-ci c'est la dépendance du
Québec en matière énergétique. Disons qu'on a
tracé, à travers nos discussions, une espèce de
radiographie de notre situation énergétique. Lorsqu'on
dégage, globalement les petits 22% de notre production totale en
matière d'électricité et notre potentiel maximal, qui peut
s'étendre à 30% ou 40% dans les années à venir si
on développe au maximum toutes nos possibilités, par rapport
à 70% de dépendance du pétrole de l'Ouest et du gaz
naturel à être exploité et également des pays du
Moyen-Orient qui peuvent jouer politiquement différentes cartes dans un
avenir plus ou moins rapproché, je pense que l'ensemble de cette
situation nous permet de tirer
comme conclusion que le Québec se trouve quand même
il faut se l'avouer dans une position de dépendance et d'une
certaine vulnérabilité. Si ce n'est pas immédiatement, du
moins à moyen terme, ce n'est quand même pas très
éloigné.
On peut dégager aussi, je pense, de l'ensemble de la commission,
le fait que la crise de l'énergie ou la course à
l'énergie, si on peut l'appeler ainsi, devient une réalité
permanente avec laquelle il faudra s'habituer à vivre. Et je pense que
dans ce sens, lorsque le ministre dit qu'il a l'intention d'élargir le
débat et de le continuer, il fait appel à cette conscience qu'il
a du fait que le problème devient permanent.
Je pense qu'on ne doit pas reculer devant ce fait et le voir tel quel.
Peut-être que cela fait appel aussi à certaines suggestions qui
ont été faites de maintenir une consultation permanente avec les
groupes intéressés pour, peut-être, arriver à
trouver les solutions les plus pratiques, les plus facilement applicables,
même à court terme, étant donné qu'on a quand
même des échéances à rencontrer de ce
côté.
Je tiens à souligner, de façon particulière, que
j'ai bien apprécié moi aussi la façon dont la commission
parlementaire a travaillé, en souhaitant aussi que les autres
commissions parlementaires, dans l'avenir, puissent fonctionner de la
même façon.
Je me rappelle avoir participé, dans le passé, à
des commissions parlementaires qui n'avaient pas la même qualité,
à cause peut-être d'attitudes. Je pense qu'ici, du moins ce que
nous avons vécu, je tiens à souligner de façon
particulière que je l'ai apprécié énormément
parce qu'on a travaillé au niveau du problème comme tel et sans
préjugé, mais avec la volonté de voir ce qu'étaient
les situations. Je pense que nous avions tous les désirs d'arriver aux
meilleures solutions possibles.
Dans ce sens, je tiens à remercier tous mes collègues de
la commission parlementaire et féliciter aussi tous ceux qui ont
présenté des mémoires pour leur valeur et pour
l'intérêt qu'ils ont porté aussi à cette
question.
En ce qui nous concerne, nous de l'Union Nationale, nous avons
l'intention de participer de très près aux décisions qui
seront prises de ce côté et même apporter des suggestions
qui nous semblent aussi les meilleures.
Je vous remercie.
Le President (M. Laplante): Merci messieurs. A titre de
président, il me reste aussi à remercier personnellement les
membres de cette commission. Comme première expérience que j'ai
eu à vivre, je l'ai vécue très agréablement en
travaillant avec chacun de vous.
Je souhaite avoir d'autres commissions parlementaires de ce genre. C'est
revalorisant pour une première expérience. Je souhaite de tout
coeur que cela continue dans cet esprit, quelles que soient les commissions
parlementaires. Sur ce, la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 19 h 3)