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(Quatorze heures)
Etude de la situation énergétique du
Québec
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
Reprise des travaux de la commission parlementaire sur
l'énergie.
Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M.
Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau sera remplacé par M.
Forget (Saint-Laurent), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet
(Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), M. Joron
(Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier),
M. O'Gallagher (Robert-Baldwin). M. Bérubé (Matane) est
remplacé par M. Michaud (Laprairie) et M. Larivière est
remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal).
Les organismes qui se feront entendre aujourd'hui: M. Benoît
Taillon, M. Marcel Couture, M. Jean Gauthier, M. Ghislain Théberge;
deuxième groupe, Alcan Aluminium; troisième groupe, CSN;
quatrième groupe BP Canada; cinquième groupe, Shell Canada;
sixième, ASHRAE suivi de Canadian Fuel Marketers Ltd;
Société future de Montréal. J'appelle le groupe de M.
Benoît Taillon. Vous avez 45 minutes, messieurs, pour votre
exposé, la période de question incluse. Si vous voulez identifier
les membres qui sont avec vous.
Taillon, Couture, Gauthier et Théberge
M. Taillon (Benoît): M. le Président, je suis
Benoît Taillon. Je suis le porte-parole de trois autres concitoyens qui
sont ici avec moi aujourd'hui. A ma gauche, M. Marcel Couture, à ma
droite, au fond, M. Jean Gauthier et, à côté, M. Ghislain
Théberge.
Ces personnes se sont réunies expressément pour participer
à cette élaboration de politique québécoise sur
l'énergie. Notre mémoire est essentiellement celui-ci. Il
s'intitule Energie et environnement.
Historiquement, la consommation et les besoins en énergie des
pays ont augmenté parallèlement aux progrès
économiques. Malheureusement, il existe une relation entre la
consommation de l'énergie et la dégradation du milieu
naturel.
La révolution industrielle s'est réalisée
grâce à l'énergie tirée des combustibles
accumulés dans le sous-sol durant des millions d'années, causant
des rejets thermiques et des matières polluantes dans l'eau et
l'atmosphère. Par ailleurs, les moyens de transport ont
été complètement transformés avec
l'avènement du moteur à essence entraînant ainsi des
changements radicaux dans l'utilisation du territoire (conurbation,
villégiature, autoroutes, aéroports, etc.). Tels sont les
exemples d'utilisation du territoire à changements radicaux.
A notre avis, la politique énergétique du Québec
doit garantir un approvisionnement minimum en énergie et en même
temps protéger le milieu naturel, deux conditions essentielles,
croyons-nous, pour assurer une qualité de vie acceptable à la
population québécoise actuelle et future.
L'obligation de répondre aux besoins énergétiques
et biologiques de l'homme nous oblige à considérer quatre types
de moyens: une économie de la consommation d'énergie; une mise en
oeuvre de technologies douces; un programme pour minimiser les
répercussions sur l'environnement des projets énergétiques
à technologies dures; une participation de la population dans le domaine
énergétique.
Il n'est pas dans notre intention ici d'élaborer une liste de
moyens pour réduire la consommation d'énergie. Nous voulons
plutôt vous proposer un outil pour les planificateurs dans le domaine
énergétique, qui permet de choisir les moyens les plus avantageux
pour économiser l'énergie.
Pour faciliter ce choix, on aurait avantage à utiliser l'analyse
énergétique. Par cette méthode, on cherche à
évaluer le coût énergétique attaché à
toute transformation faisant intervenir de l'énergie, des
matières premières, du travail et l'utilisation du territoire. On
remonte ainsi toute la séquence des processus de fabrication ou de
réalisation de projet. A chacune de ces séquences, on fait la
comptabilité de la quantité utilisée et perdue. Cette
comptabilité énergétique s'inspire de l'analyse
économique, en particulier des matrices intrant-extrant par projet.
Cette méthode a l'avantage de comptabiliser l'énergie
utilisée, tant au niveau des matières premières, du
travail que de l'utilisation du territoire.
A)Au niveau des matières premières, l'analyse
énergétique nous montre comment notre technologie, dite
industrielle et efficace, se comporte lorsque nous tenons compte d'une
comptabilité énergétique.
Production alimentaire. Dans les pays pauvres à caractère
agricole, il faut une calorie pour produire cinq à cinquante calories
alimentaires alors que dans les pays industriels, il faut cinq à dix
calories pour produire une calorie de nourriture.
B)Au niveau du travail, l'analyse énergétique peut
également servir à l'étude des conséquences de la
substitution du travail humain par l'énergie. Le problème de la
création d'emplois s'y rattache. Par exemple, la construction
d'autoroutes exige 55,4 billions de kilocalories et fait travailler 256 000
personnes pour un programme de $5 milliards.
Par ailleurs, un programme d'investissement semblable, dans le
réseau de voies ferrées, consommerait 20,1 billions de
kilocalories et ferait travailler 264 000 personnes.
C)Au niveau de l'utilisation du territoire, cette analyse dégage
une relation très étroite entre la
consommation d'énergie et l'usage que l'on fait du territoire,
ceci, particulièrement dans le milieu urbain.
Il est, selon nous, impératif d'être conscients qu'une
politique de l'énergie ne peut être valable sans faire le rapport
zonage/énergie. Ainsi, on doit analyser, sur une base matricielle, les
principales sources d'énergie utilisée par une ville selon les
secteurs d'utilisation. Cette matrice pourrait être
élaborée de façon à retrouver en ordonnées
le gaz naturel, le pétrole, l'électricité et les autres
sour* ces d'énergie et en abscisse, les utilisations comme les
résidences, les commerces, les industries, le transport public, le
transport privé.
A partir de cette matrice, la consommation d'énergie est
développée selon plusieurs scénarios qui, eux, sont
basés sur l'utilisation du territoire. On utilise alors les variables
spatiales, telles que la grandeur du terrain par résidence, la
densité d'emploi par kilomètre carré, la distance en
kilomètres du travail à la résidence, selon des
scénarios de zonage urbain, soit en forme de corridors, en forme de
cercles concentrés, en rectangles regroupés, etc.
Ces scénarios nous montrent la façon la plus rationnelle
de faire l'aménagement urbain plus humain, tout en utilisant un minimum
d'énergie possible, évalué suivant la méthode de la
comptabilité énergétique. Dans cette approche pour une
analyse énergétique, on rejette le concept conventionnel,
c'est-à-dire linéaire, de production de l'énergie qui fait
en sorte qu'il y a une perte d'environ 66% d'énergie
transformée.
On retient plutôt le concept circulaire de production de
l'énergie lequel est basé sur le principe de
l'écosystème énergétique et diminue ainsi les
pertes énergétiques.
En résumé, la comptabilité
énergétique qui devrait être réalisée par
l'organisme responsable de la politique énergétique au
Québec permettrait de déterminer les moyens les plus efficaces et
rationnels de l'utilisation de l'économie de l'énergie, ceci
à la condition expresse que cet organisme puisse avoir une influence
déterminante sur la production de biens, le développement de
moyens de transport, la rationalisation de l'utilisation du territoire et
l'utilisation des richesses naturelles.
Deuxième point: Une mise en oeuvre des technologies douces. Nul
n'ignore les impacts environnementaux des technologies dites dures, comme le
nucléaire, l'hydroélectrique et le thermique.
On aurait donc avantage à développer et à
rentabiliser les sources d'énergie douce, telles que l'énergie
solaire,, l'énergie éolienne, d'autant plus qu'elles sont
renouvelables. Bien que très peu développé par le
Québec, c'est le type d'énergie qu'il faudra apprendre à
exploiter, car c'est celui qui implique le moins de désavantages sociaux
et environnementaux.
Il y a deux moyens pour atteindre ce but: a) II faut
nécessairement développer dès aujourd'hui une technologie
typiquement québécoise. Les importations de technologie, en plus
d'être très onéreuses, sont souvent inappropriées
aux conditions climatiques du Québec. b) Se mettre au travail et
réorienter la recherche vers une technologie plus appropriée aux
besoins énergétiques et environnementaux du Québec. Dans
cette optique, il faut former nos propres équipes de chercheurs.
Actuellement, plus de 85% des sommes sont consacrés à la
recherche dans le domaine nucléaire, alors que l'on accorde un peu plus
de 1% pour l'énergie de sources renouvelables. Il y aurait lieu de
modifier cette proportion pour développer et rentabiliser les
technologies douces.
Troisièmement, un programme pour minimiser les
répercussions sur l'environnement des projets énergétiques
à technologies dures. Le développement et l'installation
d'équipement pour exploiter l'énergie solaire et éolienne
ne présentent pas de risques graves pour l'environnement. Toutefois, les
grands ouvrages hydroélectriques, les centrales thermiques et
nucléaires et les lignes de transport de l'énergie ont des
répercussions très importantes sur l'environnement, incluant les
aspects écologiques, sociaux et esthétiques. Nous ne ferons pas,
ici, une liste de ces effets puisque plusieurs spécialistes l'ont
déjà faite.
Cependant, il y a lieu, dans le cadre d'une politique
énergétique, de prévoir les mécanismes pour
évaluer toutes les conséquences des projets de
développement énergétique. A cette fin, les promoteurs
dans le secteur énergétique devraient être tenus de
soumettre aux responsables de l'application des politiques environnementales et
énergétiques une étude donnant à la dimension
écologique et sociale une place égale à celle
accordée aux considérations économiques et techniques. De
plus, ils devraient inclure, dans leur programme d'investissement, les fonds
nécessaires à la réalisation des objectifs de protection
de l'environnement.
Quatrièmement, une participation de la population dans le domaine
énergétique. Jusqu'à présent, l'énergie fut
entre les mains des promoteurs qui ont joué le jeu de l'offre et de la
demande dans un contexte où les ressources étaient
inépuisables. Face à une crise, le système de libre
entreprise oblige les gouvernements à réagir en termes de
subventions, bien que la philosophie de ce système souhaite un minimum
d'interventions du gouvernement.
Dans une nouvelle politique de l'énergie, nous aimerions que le
jeu de la libre entreprise soit complété par des interventions
à deux niveaux. Un premier niveau, par le gouvernement, incitant les
entreprises à se préoccuper non seulement de l'offre et de la
demande, mais aussi des impacts sur l'environnement, sur le gaspillage de
l'énergie et sur le développement circulaire de l'énergie.
Un deuxième niveau où les citoyens pourront réagir non
seulement face à l'offre d'énergie produite, mais à la
planification et à l'utilisation de cette énergie.
Ainsi, la politique énergétique québécoise
devra fournir au citoyen, d'une part, des informations telles que: le profil
des ressources, le profil écologique, le profil socio-économique,
l'analyse des différentes planifications, et, d'autre part, le citoyen
devrait avoir la possibilité d'intervenir avant
la phase d'implantation de projets importants qui ont une incidence sur
les ressources énergétiques.
Un premier effort dans la mise en oeuvre de cette pratique
démocratique doit être au niveau de nos élus. Ceux-ci
doivent être à même d'avoir accès aux informations
quant aux réels besoins en énergie.
Si de nouvelles installations sont nécessaires, les
députés doivent être en mesure de véritablement
participer à l'établissement des alternatives de localisation de
ces installations, avec la participation des promoteurs et des citoyens. Ce
mécanisme de participation publique est nécessaire à la
prise de conscience par les citoyens de la très grande difficulté
pour les élus de concilier des impératifs divergents. En plus, il
ajouterait une autre variable dans les plans et les calculs des promoteurs qui,
souvent, n'ont eu, dans le passé, qu'un critère de rendement
optimum qui négligeait la dimension énergétique,
environnementale et sociale de leur projet.
En conclusion, le développement économique et la
consommation d'énergie ont été intimement liés
jusqu'à maintenant. Le moment est venu de dissocier produit national
brut et qualité de vie et de considérer davantage les milieux
naturels. La politique énergétique du Québec devrait
être basée sur trois considérations essentielles pour
garantir une qualité de vie souhaitable pour les
Québécois:
A- Beaucoup d'activités humaines créent un impact
écologique irréparable malgré les mécanismes de
récupération des écosystèmes et les interventions
protectionnistes de l'homme.
B- L'inhibition des problèmes environnementaux se fera d'une
façon de plus en plus onéreuse.
C- Economiquement, il ne peut y avoir de profit maximum si
l'environnement n'est pas protégé. A long terme, il ne faudra pas
se retrouver dans un cercle vicieux où les profits
réalisés doivent être complètement réinvestis
pour dépolluer notre milieu afin de vivre.
Il faut repenser tout notre système et notre développement
actuel et futur en fonction de la comptabilité
énergétique. Cela revient à dire qu'il faut avoir une
philosophie plus sociale relativement à l'économie de
l'énergie, la planification et à l'aménagement du
territoire ainsi qu'à l'utilisation de l'énergie. Cela ne peut se
faire sans une participation active de tous les citoyens aux processus
décisionnels.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Joron: Messieurs, je pense qu'il est opportun de souligner que
votre mémoire n'a peut-être pas tenté de couvrir tous les
sujets dans le détail et a évité de répéter
des informations que d'autres mémoires contenaient pour se centrer sur
une question plus précise.
Je pourrais vous dire ceci juste en guise de bref commentaire, en
commençant par votre conclusion peut-être, où vous dites
que le moment est venu de dissocier produit national brut et qua- lité
de la vie et considérer davantage le milieu naturel. Je suis
passablement en accord sur cette conclusion. Sans répéter ce
qu'on disait à ce sujet, hier, je pense qu'une des tâches
d'information que nous avons devant nous, c'est, avant de déposer une
politique énergétique, de faire comprendre aux citoyens qu'il n'y
a pas une relation directe entre la consommation maximale d'énergie et
le niveau de bien-être, ce qu'on appelle plus généralement
le niveau de vie. On a montré par plusieurs exemples, hier, qu'une
réduction de la croissance dans la consommation d'énergie pouvait
avoir un effet d'entraînement au Québec, une
accélération considérable du développement
économique dans d'autres secteurs, un effet créateur d'emplois.
C'est un point fondamental dont il va falloir parler et reparler pas mal dans
les mois qui viennent.
J'ai quelques questions à vous poser, si vous le permettez, que
soulève votre rapport. Une très générale, au
début. Vous dites qu'à votre avis la politique
énergétique du Québec doit garantir un approvisionnement
minimum en énergie et en même temps protéger le milieu
naturel. Premièrement, je voudrais vous demander je peux vous
dire que j'ai deux ou trois questions que j'ai l'intention de vous poser vous
pourrez y répondre par la suite ce que vous entendez par un
approvisionnement minimum. Pourriez-vous élaborer un peu sur ce
minimum?
Ensuite, quant aux suggestions que vous nous faites, plusieurs entre
autres concernent des moyens d'analyse comme l'analyse
énergétique, par exemple, l'établissement d'un rapport
zonage-énergie. Ce sont des suggestions qui me paraissent fort valables
et nous avons, évidemment, l'intention de nous servir de ces instruments
d'analyse.
Les pages ne sont pas numérotées, mais à la page
qui commence par C, intitulée: Au niveau de l'utilisation du territoire,
il y a un autre endroit, au quatrième paragraphe, où vous dites:
Ces scénarios nous montrent la façon la plus rationnelle de faire
l'aménagement urbain plus humain tout en utilisant le minimum
d'énergie possible évalué suivant la méthode de la
comptabilité énergétique. Dans cette approche pour une
analyse énergétique, on rejette le concept conventionnel,
c'est-à-dire linéaire, de produire de l'énergie qui fait
en sorte qu'il y a une perte d'environ 66% d'énergie
transformée.
Pourriez-vous vous expliquer là-dessus? Je n'ai pas compris
d'où venait cette perte de 66%. Commençons donc par cela.
J'aurais plusieurs autres questions, mais je pense qu'il y a bien d'autres
personnes que moi qui voudront en poser aussi. Cela va sûrement
s'enchaîner.
M. Gauthier (Jean): Je vais commencer par la dernière
question et puis on tentera aussi de compléter sur l'énergie
linéaire, le concept, c'est-à-dire, et puis le concept de
l'énergie circulaire. On est habitué à penser en termes,
nous autres, d'un "output" donné, d'un profit. Qu'on prenne les
ressources naturelles, les ressources humaines, en fin de compte, elles sont
prises glo-
balement pour un "output". On n;a jamais
considéré l'ensemble de ces ressources, on a toujours
considéré le "output" final.
Je donne un exemple. On prend l'énergie électrique
produite par le pétrole. On prend l'exemple des Iles-de-la-Madeleine,
disons. Ici, l'Hydro-Québec a considéré l'énergie
électrique qui doit sortir, de sorte que les
génératrices... Si on prend un pourcentage de 100% de
pétrole, toute la chaleur qui se dégage de ces
génératrices n'est pas récupérée. On
pourrait s'en servir pour l'eau chaude ou quoi que ce soit. Le transport. Dans
le transport, il y a toute une énergie, aussi, qui n'est pas
récupérée de sorte que, mathématiquement, si on
part de 100%, on arrive au bout avec 30% d'utilisation de l'énergie.
M. Joron: Dans le cas de l'électricité.
M. Gauthier: Oui et, en fin de compte, cela, c'est un cas
précis pour l'électricité mais on peut prendre à
peu près n'importe quel exemple. On prend l'exemple de l'aréna,
ici, à Sainte-Foy. Il y a une machine qui refroidit l'eau pour en faire
de la glace, qui dégage de la chaleur et on envoie cela dehors. Par
contre, on a une autre machine qui réchauffe. Le concept est simplement
circulaire. C'est récupérer l'ensemble pour avoir, globalement,
X% d'énergie. Je pense que cela reflète toute notre
mentalité industrielle.
Ce qui est arrivé, c'est qu'en spécialisant les domaines
dans la grosse industrie... C'est ce qui arrive à l'Hydro-Québec
aussi. Lorsqu'on est très gros, on a tel travail à faire, on a
une spécialité; le reste, en fait, n'a plus d'importance. Alors,
si on se reporte dans un contexte plus petit où on voit l'ensemble de ce
qu'on fabrique, fatalement on va récupérer cela. Je prends
l'ancien forgeron qui avait son bout de métal, qui était chez
lui; avec le feu, il chauffait sa boîte et les bouts de métal qui
tombaient, il les récupérait. Mais à cause de notre
nouveau concept de l'industrie, on a spécialisé et, en
spécialisant, on a oublié des choses.
Là, nous on dit que, dans le concept d'une analyse
énergétique, il faut revenir ou encore il faut aller vers un
ensemble et puis cela pourra se poser tant sur le plan biologique que sur le
plan d'à peu près n'importe quoi. Alors, cela serait l'aspect
circulaire et linéaire.
M. Joron: Et vous estimez que, dans un système
linéaire, il se perd jusqu'à 65%, 66% de l'énergie
produite?
M. Gauthier: En fin de compte, moi personnellement, ce sont des
lectures que j'ai faites et des gens que j'ai rencontrés qui ont dit
cela. Sur l'énergie électrique, c'est vrai, c'est
vérifiable.
M. Joron: Là, c'est à cause de la forme
particulière de transport de l'électricité.
M. Gauthier: C'est cela, oui.
M. Joron: Mais cela ne doit sûrement pas être un
pourcentage aussi élevé dans les autres fermes d'énergie.
Dans l'électricité, je sais, mais...
M. Gauthier: Maintenant, s'ajoute à cela un aspect qui
s'attache ces questions au zonage, c'est-à-dire que l'énergie est
en fonction des gens qui l'utilisent, du transport qu'on y fait et puis aussi
de l'utilisation du territoire. Je donne l'exemple ici du centre-ville de
Québec. On bâtit le complexe G, donc on démolit des
résidences. Là, il faut que les gens aillent ailleurs. On
bâtit une autoroute; là, les gens il faut qu'ils partent de dix,
quinze, vingt milles et consomment plus d'énergie pour venir travailler
au centre-ville. C'est un concept justement qui est linéaire,
c'est-à-dire qu'on a un objectif, c'est le complexe G et qu'on a
oublié tout l'autre ensemble. On se dit que, dans l'utilisation du
territoire, il y a une économie extraordinaire d'énergie qu'on
pourrait faire.
D'ailleurs, dans le district de Washington, on a fait plusieurs
études là-dessus et on démontre qu'en développant
Washington par concentration et non pas par éparpillement on va
économiser au-delà de 25% de l'énergie au point de vue
résidence et au-delà de 50% de l'énergie au point de vue
transport. C'est un lien très direct. Il y a aussi nos terres arables.
Lorsqu'il y a des terres qui sont fertiles, on met une industrie là et
on essaie de rendre fertiles d'autres terres à des coûts
extraordinaires. Cela, c'est une question d'utilisation du territoire.
Alors on se dit, nous: Dans une politique énergétique du
Québec, on doit se préoccuper de cela et le gouvernement doit
insister pour que l'intégration du territoire soit faite non pas
seulement en tenant compte de l'économie, mais en tenant compte d'autres
facteurs dont l'environnement et l'énergie.
M. Joron: Si vous me le permettez, je voudrais ajouter une petite
chose sur le même sujet pour qu'on ne s'éparpille pas trop. On
faisait ressortir cela, justement, hier, en ce sens qu'une politique globale de
l'énergie allait avoir des répercussions sur le type de
développement économique, sur l'aménagement du territoire
et bien d'autres aspects aussi qui touchent la vie de tous les jours des
Québécois. Vous y faites allusion, dans un paragraphe où
vous dites: "En résumé, la comptabilité
énergétique qui devrait être réalisée par
l'organisme responsable de la politique énergétique au
Québec j'imagine que vous présumez d'un éventuel
ministère de l'Energie, par exemple permettrait de
déterminer les moyens les plus efficaces et rationnels d'utilisation de
l'économie de l'énergie, à la condition expresse que cet
organisme ce ministère ou cet éventuel ministère
puisse avoir une influence déterminante sur la production de
biens, le développement des moyens de transport, la rationalisation de
l'utilisation en territoire et l'utilisation des richesses naturelles." Vous en
faites un regroupement de bien des préoccupations des activités
de l'Etat.
Je suis bien conscient qu'une politique énergétique touche
à tous ces aspects. Le livre blanc
qu'on publiera va certainement affecter tous ces secteurs et on va faire
cela en collaboration avec les ministres concernés. J'aimerais que vous
précisiez un peu ce que vous voyez en disant que cet organisme devrait
avoir une influence déterminante sur tous ces autres secteurs. Vous
faites du ministre de l'Energie une espèce de superministre qui
chapeaute tous les autres.
M. Gauthier: C'est parce que nous, on considère qu'une
politique énergétique n'est pas une politique qui doit se
préoccuper avant tout soit du pétrole ou de
l'électricité. C'est un aspect. Nous, on considère qu'une
politique énergétique c'est une politique sociale,
c'est-à-dire que cela va toucher le mode de vie des gens. Cela va
toucher le niveau de vie des gens, la qualité de vie des
Québécois.
A partir de là, si on considère que c'est social, on se
dit que l'organisme qui va s'occuper de cet aspect qui va toucher le social
doit avoir sûrement une politique qui va toucher les domaines sociaux et
les domaines de l'emploi. Je verrais très mal, par exemple, que cet
organisme soit opérationnel, qu'il s'occupe lui-même de la mise en
marche de l'exploitation, mais je verrais fort bien qu'il développe des
politiques d'ensemble et qu'on laisse au ministère choisi de mettre cela
en oeuvre. Ceci, parce qu'on se rattache toujours à notre dernier point
qui est bien important, c'est la participation des citoyens.
Une politique énergétique, nous trouvons que ce ne serait
pas valable si c'est fait pour un ensemble global, point. On dit qu'il doit
avoir de la place pour la régionalisation. Le concept d'énergie,
à Québec, ce n'est pas la même chose à
Montréal, ce n'est pas la même chose en Abitibi et à
Rimouski. On trouve qu'il serait essentiel que dans cette politique on laisse
une place à la décentralisation. A cet égard, on aurait
souhaité qu'une commission comme la vôtre soit itinérante
et qu'elle aille un peu partout dans la région.
M. Joron: J'avais pris note de cette question de la participation
pour une autre question sur laquelle on pourra peut-être revenir. Vous
pourriez élaborer plus longuement sur la façon dont vous voyez
ces mécanismes de participation; peut-être qu'un autre pourrait la
poser à ma place, je ne voudrais pas priver les autres membres de la
commission de leur droit de parole. Pourriez-vous répondre à la
première question que je vous posais sur votre concept
d'approvisionnement minimum en énergie?
M. Taillon: A ce point de vue, on n'a pas fixé comme tel
une quantité minimale d'énergie qui devrait être
disponible, à savoir 26 000, 30 000, 40 000 mégawatts. Il n'en
est pas question pour l'instant.
Disons qu'à court terme notre position est de favoriser les
économies d'énergie qui seraient très appréciables.
A long terme, descendre vers une croissance zéro. Cette question
d'approvisionnement minimum soulève cette question de la crois- sance.
Plusieurs personnes se sont adressées à vous pour vous demander
de la réduire ou encore de la conerver au niveau où elle est.
Pour nous, il s'agit essentiellement d'assurer que des biens essentiels soient
produits, qu'il y ait de l'énergie disponible pour la production de ces
biens, qu'on puisse utiliser également une énergie suffisamment
abondante pour pouvoir chauffer des maisons, tempérer les habitations.
Il s'agit, en fin de compte, de rechercher dans ce sens des moyens qui
découragent des pratiques de gaspillage.
M. Joron: Est-ce que vous permettez que je vous interrompe? En
somme, dans un premier temps cela rejoint un peu une déposition
qui a été faite hier vous suggéreriez de tout miser
sur la rationalisation de l'utilisation que l'on fait à l'heure actuelle
de l'énergie, c'est-à-dire apprendre à l'économiser
et en tirer le meilleur parti possible.
Donc, dans une première période évidemment,
cela ne se fait pas en criant lapin de tendre vers une croissance
zéro parce qu'il y a beaucoup à récupérer, il y a
une période de récupération d'énergie
gaspillée, d'une part, avant de déterminer ensuite, un autre
rythme de croissance ou de non-croissance. C'est à peu près
ça que vous voulez dire?
M. Taillon: Comme je vous l'ai signalé, à court
terme il y a des mesures très importantes qui peuvent être mises
de l'avant afin de décourager, justement, le gaspillage de
l'énergie et favoriser des économies très
appréciables.
M. Gauthier: On pourrait aussi ajouter à cela que notre
mémoire spécifie fort bien qu'on voudrait que la méthode
de l'analyse énergétique soit employée pour
vérifier exactement l'énergie que ça nous prend et
l'énergie que l'on consomme. A partir de là, je pense que si on
faisait un effort pour utiliser cela on pourrait savoir quel serait le minimum
d'énergie essentiel pour le Québec.
Pour nous, c'est bien embêtant de lancer des chiffres. Nous n'en
connaissons pas et on ne le sait pas non plus parce que ces méthodes ne
sont pas utilisées.
M. Joron: Je pense que vous n'êtes pas les seuls à
ne pas savoir, la plupart des mémoires lancent des chiffres et,
finalement, à force de questionner, on n'arrive pas à savoir sur
quoi c'est fondé et à quels besoins doit répondre cette
croissance de la production énergétique.
M. Couture (Marcel): Si vous permettez, un point sur le
rôle du ministère de l'énergie vis-à-vis des autres
secteurs. Je veux simplement dire que le ministère de l'énergie
pourrait jouer un rôle comme le ministère de l'Industrie et du
Commerce qui exige, par exemple, une comptabilité administrative,
c'est-à-dire une analyse bénéfices/coûts, quand il
lance un projet de développement industriel, des choses comme ça.
Le ministère de l'énergie ou le groupe responsable d'une
politique
d'énergie pourrait demander une comptabilité
énergétique et évaluer s'il n'y a pas moyen de
réduire la consommation lorsqu'on présente des projets
importants.
En fait, c'est un rôle qui pourrait poser des questions,
plutôt.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je vous remercie. Je voudrais
remercier le groupe qui, si je comprends bien, a accepté de reporter sa
présentation d'une journée. J'aimerais attirer l'attention de la
commission sur une observation qui paraît dans ce mémoire, qui me
semble tellement pertinente, sur laquelle on a peut-être trop peu
insisté jusqu'à maintenant et qui consiste à souligner que
précisément lorsqu'il est question d'économie
d'énergie il y a l'économie directe d'énergie, mais il y a
aussi l'économie indirecte d'énergie, et qu'il ne faut pas se
lancer sans l'avantage ou le bénéfice d'études assez
considérables dans des politiques qui, superficiellement seulement,
pourraient nous amener dans un état de conservation de
l'énergie.
Un exemple est facile à imaginer, celui de l'utilisation de
formes d'énergie dite douce puisque, par exemple, pour la construction
d'éoliennes puisqu'il a été question de cela, ici,
dans plusieurs mémoires à cette commission on va produire
de l'énergie pour installer de tels appareils et les accumulateurs qui
sont nécessaires. On va absorber l'énergie. On va utiliser de
l'énergie pour produire, et ainsi de suite ad infinitum, en quelque
sorte. Il n'est pas du tout assuré, à moins qu'on ait fait
l'exercice que, effectivement, à la fin, on soit dans une position qui
soit préférable à la situation actuelle. Du moins, on ne
peut pas le présumer a priori.
Mais ce raisonnement que vous tenez, je pense qu'il est très
valable, sur lequel il était nécessaire d'attirer l'attention de
la commission et du ministre, est-ce qu'il n'entre pas un peu en contradiction
avec une autre partie de votre mémoire? Je m'explique. Vous plaidez,
dans ce mémoire, pour une approche peut-être très technique
du problème d'économie de l'énergie, en ce sens qu'en
attirant l'attention justement sur l'utilisation de l'énergie, les
bilans énergétiques ou, comme vous le dites, la
comptabilité énergétique et en insistant sur l'objectif
d'économie et de conservation de l'énergie, vous semblez laisser
entrevoir qu'il y a, dans toute situation, une solution technique d'utilisation
minimum d'énergie et que c'est cette solution qui devrait
prévaloir, qui devrait être préférée.
J'imagine que c'est là le sens d'un certain nombre des exemples que vous
donnez: construction de routes versus chemins de fer, etc.
Par ailleurs, vous terminez votre mémoire en faisant appel au
désir de voir la population, par ses élus, mais aussi j'imagine
plus directement, s'intéresser et participer aux décisions
relativement à l'utilisation de l'énergie. Or, cela tend à
laisser croire que vous sentez qu'il n'y a pas seu- lement une solution
technique et que cette participation du public pourrait nous amener, justement,
à ne rien changer du tout aussi, parce qu'il y a une dimension qui
m'apparaît peut-être un peu ignorée dans votre
mémoire. C'est, dans le fond, la dimension, on pourrait presque
caricaturer et l'appeler la dimension de l'énergie humaine.
Une grande partie du progrès technique, de l'histoire du
progrès technique, a consisté à économiser l'effort
physique, l'effort musculaire qui est une forme d'énergie et qui,
curieusement, n'apparaît dans aucun bilan, difficile à quantifier
d'ailleurs, mais qui, dans l'esprit de presque tout le monde, est
identifié au progrès lui-même, dans ce sens que
l'évolution, depuis l'âge de pierre, a consisté à
traiter de moins en moins les hommes comme des bêtes de somme et de plus
en plus comme quelque chose d'assez spécifique par rapport au monde
animal. C'est très fortement enraciné dans notre culture.
Est-ce que cet appel à la participation ne risque pas, justement,
de nous laisser, dans le fond, sans conclusion, je veux dire vis-à-vis
de votre mémoire? Vous dites: Ecoutez, il y a une solution technique qui
est l'utilisation minimum de l'énergie et d'un autre côté,
il faut consulter tout le monde. On sait très bien qu'on est, de
façon invétérée, lié à la notion que
l'accroissement dans l'utilisation, je dirais même dans l'utilisation
efficace de l'énergie, c'est la définition même presque du
progrès humain.
M. Gauthier: Pour nous, on ne voit pas tellement de dichotomie
entre les deux. Prenons l'aspect technique que vous soulevez. Je vais faire une
comparaison avec l'aspect économique. L'aspect économique, si on
commence à étudier les bilans et tout ce qui entre
là-dedans, pour l'ensemble d'une population, on peut dire que c'est bien
technique et que les gens ne comprennent rien. Mais, dans l'ensemble, les gens
se promènent avec $1 dans leur poche et ils savent quoi faire avec et
ils se débrouillent avec cela. C'est absolument la même chose,
c'est le même concept au point de vue de l'énergie. Il y a des
méthodes qui sont techniques, mais, en fait, qui ont un principe fort
simple. Il s'agit que l'organisme responsable ou le gouvernement comme tel
prenne ses responsabilités face au citoyen et qu'il fasse voir au
citoyen bien ordinaire qu'il y a une relation entre ce qu'il fait et
l'énergie. Lorsque la personne touche l'interrupteur électrique
pour faire de la lumière, là, inconsciemment, elle ne se pose
aucune question. Je pense que c'est facile de montrer à la population
qu'il y a une relation entre cela et le barrage électrique. Il ne s'agit
pas de comprendre toutes les technicités, malgré que ce sont des
concepts simples, mais il s'agit que le citoyen ordinaire fasse une relation
entre l'utilisation qu'il fait et les alternatives que cela peut poser aux
promoteurs et au gouvernement.
Je reviens à mon exemple de tantôt. Il y a un paquet de
choses que les citoyens font et ils font instinctivement ou encore parce qu'on
leur a enseigné à faire une relation. Or, ils ne connaissent pas
la technique et cela n'a pas d'importance.
M. Forget: Et vous croyez que cet appel à la prise de
conscience vis-à-vis de l'utilisation de l'énergie est un facteur
déterminant. En somme, l'information ou l'éducation populaire
vis-à-vis des problèmes d'énergie est un facteur
déterminant pour ce qui est de l'utilisation future de
l'énergie.
M. Gauthier: C'est très déterminant. Je prends un
exemple personnel. Lorsque j'étais à la maison, c'est un puits
qu'on avait, puis on se servait du robinet. Lorsque cela coulait pour rien, on
disait: Le puits, parce qu'on va en manquer ou... Mais lorsque tu es en ville,
à un moment donné, tu n'as plus les mêmes relations,
lorsque tu ouvres le robinet, il y a quelqu'un qui s'en occupe puis tu paies.
Mais étant donné qu'on n'a pas valorisé cela, ou bien
qu'on n'a pas préparé la population pour qu'elle pense en termes
de relations à ce qu'elle fait, mais en termes simplement d'un "output"
en disant: On prend de l'eau parce qu'on veut arroser, puis c'est bon, c'est un
concept plus global, plus social qu'a forcé la population de
négliger. Je pense que si on revient à cela, la population va
être attentive.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Anjou.
M. Johnson: Oui, j'aurais deux questions.
La première est une question de définition. La notion de
technologie douce me semble être définie comme étant
essentiellement celle qui n'est pas dure et celle qui est dure est celle qui a
des effets perturbateurs sur l'environnement. Est-ce qu'en gros, c'est exact,
c'est comme cela que vous le voyez?
M. Théberge: Je pense que ce n'est pas tout à fait
cela. Je pense qu'on a dit dans la conclusion que toute intervention, toute
activité humaine va créer des perturbations, qu'on le veuille ou
non. Maintenant, ce qui arrive c'est qu'entre l'une et l'autre, il y en a une
qui a des effets moins grands, moins importants par rapport à l'autre.
D'autant plus qu'il y en a une où il y a des chances qu'on voie plus
qu'on peut récupérer ce qui est perdu. On peut en profiter au
maximum, tandis que dans l'autre, comme on le disait tantôt, on vise un
objectif, un "output" puis on néglige tout ce qui est à
côté, tout ce qu'on peut recycler. On a des pertes énormes.
Il s'agit de minimiser les pertes, en fait.
M. Johnson: D'accord. Dans cette perspective, vous faites de
l'énergie solaire une technique douce. Pourtant, hier, on a entendu les
gens de l'Hydro-Québec qui se référaient à la
nécessité d'espaces considérables pour les accumulateurs
d'énergie, etc. Est-ce que vous...
M. Gauthier: Cela se rattache toujours à un principe ou un
concept. A l'Hydro-Québec, les gars qui ont bâti les gros
barrages, ils sont bons là-dedans, puis ils voient gros, ils voient tout
centralisé. C'est une grosse équipe de personnes, puis cela bouge
en gros. Dans ce concept pour eux, l'énergie solaire ne vaut rien, parce
que cela prend des étendues immenses pour capter la chaleur, parce
qu'ils veulent centraliser. Mais nous, on se dit: II y a un autre concept qui
se rapproche des gens, qui est plus petit. Les maisons à énergie
solaire sont des maisons uniques avec chacune son capteur particulier, et puis
les éoliennes, c'est la même chose. Lorsqu'on regarde cette
énergie, l'énergie douce, puis qu'on a une série de
barrages institutionnels, je pense que c'est là le problème. On a
un barrage assez extraordinaire.
Le gars de l'Hydro-Québec disait, hier parce que j'ai
assisté à la journée d'hier que sur tel domaine
d'éoliennes, au point de vue de l'électricité, le Code du
bâtiment serait un empêchement. Ce sont toutes les barrières
institutionnelles, le Code du bâtiment, le Code de
l'électricité. On n'a pas de loi pour le droit au soleil,
à l'heure actuelle. Lorsque cela va commencer à marcher, cette
affaire-là, si un gars bâtit un édifice de quatre
étages devant toi et te dis qu'il te coupe ton chauffage, le droit au
soleil, il va falloir légiférer là-dessus.
Je pense que c'est toute une série de barrières
institutionnelles qui font en sorte qu'on néglige, du revers de la main,
ces choses qui sont vraiment fort intéressantes parce qu'on a un concept
de grandeur, de gigantisme.
M. Johnson: Finalement, pour revenir à un sujet qui m'a
préoccupé hier et qui continue de me préoccuper
aujourd'hui, qui est celui de la dimension de là recherche dans le
secteur de l'énergie, je voudrais votre avis. Vous dites, au paragraphe
2, à la mise en oeuvre des technologies douces, qu'il faut
nécessairement développer, dès aujourd'hui, une
technologie typiquement québécoise. Les importations de
technologies, en plus d'être très onéreuses, sont souvent
inappropriées.
Compte tenu des ressources relativement limitées, si on compare
les sommes d'argent qu'on peut injecter à ce niveau-là à
ce que les Américains, les Japonais et l'ensemble des Européens
peuvent faire, pensez-vous qu'on doit s'attaquer à l'ensemble des
méthodes? Est-ce qu'on doit se lancer dans la recherche dans l'ensemble
des secteurs? Si on doit se spécialiser, quel est le domaine de
prédilection dans lequel vous croyez qu'on doit se
spécialiser?
M. Théberge: Premièrement, d'abord, on ne s'est
jamais arrêté pour y penser. Justement, je pense, dans tous les
congrès, on parle des scientifiques du Québec de langue
française, de l'ACFAS, et le problème en question, de recherche
et du développement de quelque chose de typiquement
québécois, a été soulevé. La recherche est
reliée souvent au côté financier.
On a soulevé, hier aussi, le problème qu'on n'avait pas
d'argent. On a quelques organismes IREQ, CENTREAU, INRS qui
fonctionnent d'une façon, disons, autonome en majeure partie, mais on a
seulement ces organismes-là. On dit qu'ils n'ont pas les moyens
financiers nécessaires. On ne leur donne pas tous les moyens pour
s'exprimer. On voudrait qu'on mette l'accent là-dessus, sur ces
organismes-là,
qu'on développe aussi des groupes de chercheurs.
On a, dans certaines pointes, dans le domaine médical, quelques
bons chercheurs, des petits noyaux, mais on n'a pas formé de grosses
écoles, à l'intérieur même de notre territoire, qui
puissent se concurrencer. On a quelques personnes qui percent, ici et
là, mais je pense qu'on devrait former de bonnes équipes. Cela,
je pense que plusieurs chercheurs se sont penchés là-dessus, des
chercheurs qui se sont appliqués au domaine pratique, par exemple.
On est toujours obligé d'importer de la technologie, on est
toujours obligé d'aller ailleurs et, souvent, cette technologie n'est
pas appropriée, surtout si on parle de la technologie douce. Or, on ne
s'est jamais arrêté pour y penser, puis je ne pense pas que je
sois vraiment en mesure, moi, de dire quelle et quelle technologie. Mais il
faudrait qu'il y ait des groupes, des comités qui y pensent puis qu'on
s'arrête puis qu'on se mette au travail là-dessus. On ne l'a
jamais fait.
M. Gauthier: Moi, j'ajouterais à ceci, que dans le secteur
comme tel, c'est bien difficile pour nous de le préciser, mais, par
exemple, il y a l'aspect recherche qu'on devrait régionaliser ou
décentraliser. A l'heure actuelle, la recherche est centralisée
surtout à partie de l'Hydro-Québec, c'est le nucléaire qui
vient d'Atomic Canada qu'eux prennent de tout l'aspect militaire
international.
Donc, on se rattache à cela et puis en fait on se
préoccupe peu des besoins des Québécois. Moi je me dis que
sur l'aspect recherche, sans savoir dans quel domaine on doit aller, on devrait
décentraliser puis laisser les gens des Iles-de-la-Madeleine ou de
l'Abitibi ou d'un autre secteur, voir un petit peu ce qu'ils peuvent faire. On
sera peut-être surpris des résultats des recherches.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski, il reste cinq minutes.
M. Marcoux: Lorsque vous avez parlé d'économie
d'énergie en vous basant sur l'exemple des Iles-de-la-Madeleine, je
trouve que vous êtes tombés sur un bon exemple. On consomme du
pétrole pour fabriquer l'électricité qu'on amène
aux maisons, alors que moi je sais que l'Hydro-Québec a un rapport,
depuis au moins cinq ans, suivant lequel il a proposé de subventionner
à 50% la consommation de l'huile à chauffage dans les domiciles
juste avec l'économie d'intérêt sur les emprunts qu'ils
doivent faire pour investir dans des moteurs diesel, pour fabriquer cette
énergie. Juste en se servant de l'intérêt sur les emprunts,
ils pourraient subventionner toute la consommation d'huile à chauffage
aux Iles-de-la-Madeleine à 50% puis ils feraient encore des
économies.
La tradition, comme vous le dites, la vieille pensée continue et
on implante l'investissement pour plusieurs millions en moteurs diesel dans les
prochaines années. Ce n'est que quelques millions; quand on pense
à des milliards, cela a l'air ridicule, mais pour les
Iles-de-la-Madeleine on complique tout le projet à cause de cela,
à cause d'une vieille mentalité. Alors, je trouve que vous avez
un bon exemple, le linéaire, les conséquences en termes de
coût par rapport à l'épargne possible.
C'est une remarque. Maintenant, ma question-commentaire dans le
prolongement de la question du député de Saint-Laurent,
concernant la participation. Je trouve que l'aspect nouveau de votre
mémoire par rapport aux autres mémoires que nous avons eus depuis
deux semaines, c'est l'insistance que vous mettez sur la question de la
participation.
Le député de Saint-Laurent vous a présenté
les difficultés et c'est vrai qu'elles existent. Lorsqu'on est
habitué à fonctionner dans une société
technocratique où la discussion se fait entre spécialistes,
arriver à concevoir une société de participation ou,
même sur des questions qui ont des implications hautement techniques,
impliquer la participation populaire, c'est difficile à imaginer et
à concevoir même si c'est souhaitable.
Dans notre perspective, dans le programme de notre gouvernement,
créer une société de participation, je crois que c'est un
objectif auquel on doit viser. Le député de Saint-Laurent posait
le problème et je trouve que, dans votre réponse, vous avez comme
reculé. Vous avez dit: La participation, on la voit, entre autres, dans
l'utilisation que les gens font; qu'ils prennent conscience que, lorsqu'ils
pressent un bouton, ils consomment de l'énergie et qu'ils pourraient
peut-être en économiser ou des choses comme cela. Ce qu'il y avait
vraiment de nouveau parce que la participation à
l'économie dans la consommation, tous les autres mémoires nous en
ont parlé dans votre mémoire, c'est que vous vouliez que
la participation se fasse, je dirais, à l'"input" plutôt
qu'à l'"output", au début autant qu'à la fin. Ce qu'il y
avait de nouveau et d'important, c'est que vous proposiez que, face à
tout choix important dans le domaine énergétique, on implique les
députés, la population et que la décision se prenne en
impliquant la participation.
La question que je vous posais, c'est sur le fait que vous laissiez
entrevoir quelques mécanismes qui devraient être mis en place.
J'aimerais que vous développiez cet aspect des mécanismes
nécessaires à cette participation, compte tenu qu'il ne faut pas
rejeter la technocratie et les spécialistes comme tels. Peut-être
pourriez-vous illustrer cela à partir d'un cas que vous connaissez
probablement, par exemple, la rivière Jacques-Cartier. Vous aviez un
projet de l'Hydro, ici, qui était de faire de l'énergie de
pointe; je ne veux pas vous rappeler tous les détails. Suite à
des pressions populaires, on a abandonné le projet. On pourrait donner
plusieurs autres exemples. Dans le domaine du nucléaire, cela commence
à se poser à différents endroits. Quels sont les
mécanismes, d'après vous, à mettre en place pour la
participation face aux objectifs; quels sont les moyens à
déterminer aussi et quel est le rôle des sociétés
gouvernementales impliquées, soit dans le domaine du gaz, du
pétrole ou de l'hydroélectricité?
Quel est le rôle du gouvernement lui-même? Comment ajuster
tout cela?
M. Taillon: D'abord, II faut dire que le système
gouvernemental qu'on connaît ici, en soi, c'est un système de
représentation populaire. Je ne pense pas que vous soyez ici à
titre personnel. Moi, je suis ici à titre personnel, toutefois. Notre
système est supposé favoriser l'expression des opinions des gens
de vos circonscriptions.
Cependant, il y a des obstacles. Vous les connaissez probablement mieux
que moi. Vous avez cité l'exemple de la Jacques-Cartier, on y reviendra
tout à l'heure. Cependant, on pense qu'à l'intérieur de
notre pensée générale, de la participation populaire,
notre système politique pourrait, en revalorisant le rôle du
député, permettre que les articulations populaires soient mieux
amenées ici, qu'on en tienne compte dans l'élaboration des
politiques et des lois.
Le député, selon nous, doit avoir un rôle de leader
et être capable d'établir une position claire correspondant aux
voeux de la population. Je ne pense pas que personne ici, devant moi,
réfute cette position. Cependant, au niveau régional on
reviendra tantôt au mot régionalil pourrait y avoir des
mécanismes de participation et de consultation qui pourraient être
mis sur pied. Ces mécanismes de participation pourraient avoir comme
principe directeur, comme précepte de faire du député, ou
des groupes régionaux de députés, des personnes qui soient
à même de faire la synthèse...
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y aurait
possibilité, monsieur, vu qu'il ne reste à peu près pas de
temps, d'être très bref dans votre réponse?
M. Taillon: De faire la synthèse, dis-je, des opinions
émises par l'interaction des promoteurs, des citoyens et des
spécialistes concernés afin de favoriser une décision qui
reflète véritablement les opinions des citoyens plutôt que
des impératifs ou des intérêts strictement
d'ingénierie ou de planificateurs, des essais, si je pouvais dire, le
prestige d'avoir réalisé...
Le Président (M. Laplante): Le député de
Laprairie, dernière intervention.
M. Michaud: Vous pouvez compter sur moi, premièrement,
pour revaloriser la fonction de député.
Question très courte. Vous placez
l'hydroélectricité dans les technologies dites dures, mais
puisque l'hydroélectricité est renouvelable est-ce qu'elle
pourrait se situer un peu entre les deux?
M. Couture (Marcel): Quand on parle de technologie dure, c'est
surtout au niveau de l'impact sur l'environnement. Quand on fait de gros
barrages, cela a de plus gros impacts que l'éolienne ou du solaire.
C'est dans ce sens, mais on ne l'exclut pas quand même parce que c'est
une ressource qui existe au Québec et je pense qu'il va falloir
continuer de l'exploiter. Mais ce qu'on voudrait, c'est que, dans une politique
énergétique, on oblige ceux qui font du développement, par
exemple, de gros ouvrages au moins à soumettre leur projet à des
spécialistes, à la population qui se préoccupe de
l'environnement. Ces gens peuvent apporter des changements, des modifications
qui vont réduire les répercussions sur l'environnement. En fait,
c'est dans ce sens qu'il faudrait travailler.
M. Michaud: Merci.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient, messieurs. On s'excuse de ne pas aller encore plus
loin, mais il en reste encore sept après vous. Merci.
Alcan Aluminium. Bonjour, messieurs. Vous avez quarante-cinq minutes
pour exposé et période de questions. Maintenant, identifiez les
gens qui vous accompagnent.
Société Alcan Limitée
M. Phillips (Roger): Merci, M. le Président. Je m'appelle
Roger Phillips. Je suis ici comme président de la Société
d'électrolyse et de chimie Alcan Limitée, et aussi, comme
vice-président, directeur général de Aluminium du Canada
Limitée. A ma droite, M. François Senécal-Tremblay,
vice-président de la Société d'électrolyse et de
chimie Alcan Limitée et directeur général de
l'électrolyse pour Alcan Canada. A sa droite, M. Dale Madill,
vice-président à l'énergie, aussi pour SECAL. A gauche, M.
Richard Sharratt, vice-président aux finances, Aluminium du Canada
Limitée.
Pour commencer j'aimerais lire certaines phrases de notre
mémoire, mais après cela on va vous donner un sommaire beaucoup
plus bref. Je pense qu'il est très important que l'on souligne certaines
opinions de l'Alcan. Premièrement, nous suggérons que le
gouvernement devrait tenir compte des facteurs suivants dans l'exploitation
d'une politique d'ensemble en matière d'énergie: A. Une telle
politique devrait permettre à tous les citoyens du Québec de
pouvoir compter sur un approvisionnement d'énergie électrique
susceptible de répondre à tous les besoins individuels,
commerciaux et industriels.
B. Elle devrait permettre à tous les citoyens du Québec de
se procurer à prix concurrentiels les ressources
énergétiques importées pour combler leurs besoins, et
assurer la sécurité d'approvisionnement en énergie aux
industries qui participent activement au développement économique
du Québec et qui se sont taillé une place enviable sur les
marchés domestiques et internationaux.
C'est ainsi qu'au double titre d'industrie manufacturière et de
producteur privé d'énergie hydroélectrique au
Québec Alcan estime que, au moment d'élaborer une politique
énergétique, l'Etat devrait énoncer clairement ses
intentions à long terme en ce qui a trait aux installations
hydroélectriques privées et à l'approvisionnement
des autres ressources énergétiques, cela veut dire:
centrales thermiques et nucléaires, charbon, pétrole et les
autres.
Dans notre mémoire, nous parlons d'un vaste programme de
reconstruction qui serait, naturellement, financé par la capacité
d'Alcan de générer des profits. C'est pour cette raison que la
sécurité d'approvisionnement d'énergie et le coût de
l'énergie sont très importants pour Alcan.
Nous retournons maintenant aux débuts de l'Alcan. 1901:
Shawinigan. C'est là que l'Alcan vraiment est née. Dans cette
année, la compagnie a construit une usine d'électrolyse et ont
suivi, aussi à la même époque, une usine de transformation,
une câblerie. On me dit que, encore aujourd'hui, la première
production de cette câblerie-là est encore en marche dans une
ligne de transmission entre Montréal et Joliette.
En 1926, Alcan est arrivée dans la région du Saguenay et
nous avons commencé la construction d'une usine d'électrolyse
à Arvida. Entre parenthèses, je devrais mentionner que, au
début des années trente, nous avons transféré notre
siège social de Toronto à Montréal.
Dans les années quarante, avec la deuxième guerre
mondiale, on a vu une expansion très très grande de nos usines
d'électrolyse dans le Saguenay. A la même époque, nous
avons construit un vaste complexe chimique qui, aujourd'hui, est probablement
un des plus vastes complexes chimiques inorganiques au Canada.
Les années soixante ont vu une expansion de l'Alcan au
Québec, du côté de la transformation. Nous avons construit
deux usines de transformation dans le Saguenay et une autre à Laval,
près de Montréal.
Alors, aujourd'hui, qu'est-ce que c'est Alcan au Québec? Nous
avons 12 000 employés; des salaires annuels d'à peu près
$160 millions. Notre capacité de production de métal brut est
presque de 700 000 tonnes. Nous avons la capacité de transformer 200 000
tonnes de cet aluminium dans les produits semi-finis au Québec. Nous
avons une capacité de 1,5 million de tonnes courtes de produits
chimiques. Nous ne sommes pas exactement concurrents avec nos clients. Alors,
Alcan n'est pas exactement dans le domaine manufacturier de produits finis,
mais il y a deux exceptions. Nous avons une compagnie qui fabrique des bateaux
de plaisance à Princeville et comme partenaire, avec deux autres
compagnies, nous avons développé des trains wagons-voyageurs
qu'on appelle LRC léger, rapide, confortable et ces trains vont aider
à économiser de l'énergie. 75% de notre métal brut
sont exportés, 25% restent au Canada. La valeur ajoutée dans la
province de Québec est de $325 millions par année.
Il faut peut-être dire quelques mots sur notre production
transformée dans la province de Québec. En 1975, la valeur de
notre production transformée, cela veut dire les produits semi-finis,
était à peu près de $112 millions. La compagnie Alcan a
importé d'autres usines ailleurs au Canada, d'autres produits d'une
valeur de $37 millions au Québec, mais, en même temps, nous avons
exporté de la province $65 millions. Cela veut dire, comme on dit en
anglais, "there is a trading balance between Québec and the rest of
Canada. "
II faut toujours penser à nos actionnaires. J'ai mentionné
nos employés. On travaille aussi pour nos actionnaires. Alcan Aluminium
Ltée, la compagnie mère, est la seule compagnie qui a des actions
en commun sur le marché. 19,5% de ces actions, à la fin de
l'année passée, étaient dans les mains des
Québécois, 33% ailleurs au Canada. Cela veut dire qu'un peu plus
de 50% des actions sont dans les mains des Canadiens.
L'industrie de l'aluminium est une industrie qui a une
compétition très serrée. Les cinq dernières
années, cela veut dire se terminant en 1975, le rendement sur l'avoir
des actionnaires des quatre plus grandes compagnies en Amérique du Nord,
incluant l'Alcan, était de 8,2% selon une revue américaine,
Forbes magazine, comparé à 15,9% pour General Motors. Nos
concurrents principaux sont en général mieux situés envers
les matériaux pour approvisionner leurs usines et, en
général, ils sont plus proches de leur marché. Alors, sur
à peu près 500 000 tonnes courtes d'aluminium qu'on va exporter
de Québec cette année, le total de notre coût de transport
pour importer les matériaux nécessaires, les frais
d'expédition et les frais de douane sont d'à peu près $65
millions. Je voudrais mentionner à ce moment-ci que nous ne sommes pas
les seuls dans le monde à avoir nos propres centrales
hydroélectriques. Une compagnie assez renommée dans notre
industrie, Aluminum Company of America, produit déjà près
de 50% de son électricité.
Nous sommes maintenant, la compagnie Alcan au Québec, à un
carrefour. Nous avons un programme d'expansion, de modernisation et
d'amélioration de nos usines au Québec, qui va naturellement
dépendre de la disponibilité de fonds sur les marchés
mondiaux, de la stabilité des relations du travail, et je devrais
souligner, la sécurité de l'approvisionnement
d'énergie.
Maintenant, j'aimerais demander à M.
Sénécal-Tremblay de nous expliquer ce qu'est au juste ce
programme d'expansion et comment ça touche à nos besoins
d'énergie chez Alcan.
M. Sénécal-Tremblay (François): Messieurs,
en quelques minutes, j'aimerais vous donner un peu plus de détails sur
le programme de reconstruction et le programme d'amélioration que M.
Phillips a mentionné.
D'abord le programme d'amélioration est déjà en
cours depuis quelques années et a pour objectif principal
d'améliorer considérablement les conditions de travail sur le
plancher, les conditions dans lesquelles nos employés ont à
travailler chaque jour et atténuer les effets sur l'environnement que la
vieillesse de nos installations a tendance à avoir sur les
communautés qui nous entourent. Le programme est principalement
axé sur deux choses; d'abord, l'augmentation très
considérable de la ventilation à l'intérieur des salles de
cuves chez nous, ce qui, à toutes fins pratiques, règle
considérablement le problème des conditions de travail sur le
plancher.
En plus, il y a une deuxième phase ou un deuxième volet du
programme qui est l'installation d'épurateurs de gaz additionnels sur
les usines existantes, ce qui fait que les conditions de l'environnement de nos
usines deviennent effectivement très acceptables.
En plus, le programme d'amélioration touche aussi au remplacement
ou à l'amélioration, mais dans quelques cas c'est la
reconstruction intégrale de certaines usines de soutien, comme les
usines de fabrication de pâte anodique par exemple et d'autres usines
connexes à nos activités dans tout le Québec. Sans oublier
toute une série de projets qui concernant l'amélioration du
complexe chimique auquel M. Phillips a fait référence il y a
quelques instants.
Nous investissons depuis quelques années des sommes de l'ordre de
$30 millions à $40 millions par année dans ces projets dans le
cadre du programme d'amélioration des installations existantes. Nous
envisageons en 1977, et nous l'avons budgétisé à ce poste,
des dépenses en capitaux de l'ordre de $38 millions. Lorsque les travaux
seront complétés, et nous croyons qu'au début de 1980 ou
1981, normalement, le programme d'amélioration devrait être
complété, nous aurons dépensé au total près
de $200 millions sur ces différents projets.
Toutefois, le programme d'amélioration est réellement une
phase de transition, parce que ce que nous sommes appelés à
faire, c'est la reconstruction intégrale d'à peu près
toutes les installations que nous avons dans tout le Québec. Ce
programme de reconstruction, qui est beaucoup plus ambitieux, qui
s'étale nécessairement, vu la capitalisation énorme que
cela va nécessiter, sur une période assez longue, de l'ordre de
20 à 25 ans, verrait le remplacement graduel d'à peu près
toutes les usines québécoises par des usines ultra-modernes
consistant en des cuves précuites de très grande dimension.
L'attrait principal de ces nouvelles installations est le fait que vous
effectuez, de cette façon, une amélioration très
considérable aux conditions de travail pour les employés. De
fait, vous touchez à des conditions de travail qui sont certainement les
meilleures dans l'industrie de l'aluminium dans tout l'univers, dans le
moment.
Vous avez aussi des conditions d'environnement qui, effectivement,
répondent à tous les standards, les standards les plus
serrés qui existent où que ce soit, en Amérique du Nord,
et vous récoltez aussi deux choses qui ne sont pas sans leur importance
respective. Il y a une bien meilleure productivité de la main-d'oeuvre
et, finalement, une meilleure utilisation de l'électricité dans
notre procédé. On prévoit des économies en
électricité, de l'ordre de 15%. Ces économies sur nos
installations, nous permettent d'envisager une augmentation substantielle de la
production totale d'aluminium au Québec par l'Alcan.
A la fin du programme de reconstruction, nous verrions une production
québécoise qui aurait passé de 700 000 tonnes
à peu près 700 000 qu'elle est aujourd'hui à tout
près de 1 million de tonnes, et, en somme, située dans quatre
grandes usines ultra-modernes, chacune ayant une capacité de l'ordre
d'environ 200 000 tonnes, plus une capacité résiduelle sur le
site existant d'Ar-vida, d'environ 150 000 à 175 000 tonnes.
La première étape de ce programme de reconstruction, c'est
l'usine de Grande-Baie, dont certains d'entre vous ont probablement entendu
parler. Nous avons fait l'acquisition, il y a deux ans, de terrains assez
considérables, 2500 acres, dans la "vicinity" de la ville de la Baie,
autrefois Port-Alfred et Bagotville, et nous avons déjà, depuis
deux ans et demi, fait beaucoup de travaux préparatoires au lancement de
ce projet. Nous avons déjà dépensé $12 millions
pour amener le travail d'ingénierie conceptuel à terme. Ceci est
terminé, et nous prévoyons, en 1977, des investissements ou une
mise de fonds additionnelle minimale de l'ordre de $11 millions pour
arrêter les dessins d'ingénierie détaillés à
un point tel que l'on puisse lancer le projet.
L'usine de Grande-Baie aurait une capacité nominale de l'ordre de
190 000 tonnes, serait construite à un coût total d'environ $325
millions et emploierait, directement sur le site, tout près d'un millier
d'employés.
Le programme de reconstruction, au total, réparti sur une
période de vingt ans, demanderait une mise de fonds dépassant les
800 millions, en dollars d'aujourd'hui. Je vous laisse deviner ce que ce sera
en dollars de 1985 ou de 1990.
Il est évident que ce genre d'immobilisation en capital devrait
être financé chez nous, un financement comme
celui-là se chiffre à peu près par un rapport 50-50
entre les emprunts et les avoirs des actionnaires. Il est donc capital pour
l'entreprise d'être assurée de pouvoir compter sur les sources de
revenus continuelles lui permettant d'accumuler les bénéfices
qu'elle peut réinvestir dans un tel programme de construction et lui
permettant aussi d'aller sur le marché de la finance et de justifier les
emprunts à long terme.
Par ailleurs, on avait parlé de notre position,
évidemment, comme un des plus grands je crois que nous sommes le
plus grand producteurs privés d'électricité au
Québec et, à la fois, le plus grand consommateur privé
d'énergie au Québec.
Il est bon de rappeler qu'entre les six centrales installées sur
la rivière Saguenay et la rivière Péribonka, au nord du
lac Saint-Jean, notre puissance en kilowatt est de 2,7 millions de
kilowatts-heures, approximativement, ou 2700 mégawatts.
Nous avons, au fil des années, établi, avec
l'Hydro-Québec, des rapports, je pense, qui demeurent excellents et nous
avons passé des ententes permettant à ces deux corporations de
faire une utilisation, ou enfin l'utilisation que nous croyons la plus
intelligente possible, de leurs ressources hydroélectriques
respectives.
Par exemple, nous avons à Shawinigan et à Beauharnois les
usines d'électrolyse que nous ne pouvons pas approvisionner à
même nos ressources d'énergie électrique du Saguenay,
à moins d'avoir soit notre propre ligne de transmission ou d'emprunter
celle de l'Hydro-Québec.
Par contre, l'Hydro-Québec, dans le Saguenay, est
présentement incapable de suffire aux besoins de la communauté
qu'elle doit desservir. Alors, il y a donc une entente entre les deux, qui fait
que l'Hydro-Québec, d'une part, nous approvisionne en
électricité, à Shawinigan et à Beauharnois, tandis
que nous lui versons une quantité d'énergie équivalente
dans le Saguenay, qu'elle se charge de distribuer à ses propres
consommateurs.
De la même façon, il y a une entente aussi qui fait que,
durant les périodes de pointe de consommation, lorsque nous pouvons
disposer de surplus d'électricité ou que nous pouvons mettre des
génératrices en marche additionnellement à nos propres
besoins, cette électricité est versée sur le réseau
de l'Hydro-Québec qui l'achemine là où elle en a besoin,
que ce soit au Saguenay ou que ce soit dans la région de
Québec.
Si notre programme de reconstruction devait être mené
à terme, nos besoins en énergie électrique,
évidemment, en seraient accrus d'une façon assez
considérable. Dans le moment, en énergie électrique, nous
consommons environ 1600 mégawatts de courant électrique. A la fin
du programme, nos besoins seraient de l'ordre de 1900 à 1940
mégawatts. Notre puissance installée présentement est de
2700 mégawatts. Toutefois, pour les besoins de l'industrie de
l'aluminium, nous ne pouvons compter que sur ce que nous appelons la
capacité assurée, c'est-à-dire la capacité que bon
an mal an, indépendamment du niveau de précipitation durant
l'hiver ou quoi que ce soit, le réseau peut fournir d'une façon
garantie. La capacité assurée est beaucoup moins forte que la
capacité installée et se chiffre à peu près
à 1950 mégawatts, ce qui veut dire qu'au terme de notre programme
de reconstruction nos besoins en énergie électrique et notre
capacité assurée seraient à peu près en
équilibre.
Dans notre mémoire, nous avons un tableau qui indique les besoins
actuels et les besoins futurs en énergie de toute sorte pour l'ALCAN
vis-à-vis de sa production, lorsque la capacité de production
serait rendue à tout près de 1 million de tonnes. Je n'ai pas
l'intention de repasser cela ici, mais je crois qu'il est bon de souligner que,
pour chaque tonne d'aluminium produite au Québec, il y a
l'équivalent d'une tonne d'hydrocarbures qui est employé sous une
forme ou sous l'autre, soit sous forme de pétrole, soit sous forme de
dérivé du pétrole, coke ou encore goudron. Alors, une
tonne d'aluminium égale à peu près une tonne
d'hydrocarbures. Comme vous le savez, la totalité de ces hydrocarbures
est importée de l'extérieur du Québec. De là,
l'importance pour nous d'avoir une position relativement claire et à
long terme sur la politique énergétique provinciale
vis-à-vis des hydrocarbures autant que sur le côté
hydroélectrique.
Présentement, nos approvisionnements en sources
énergétiques venant de l'extérieur du Québec sont
de 35%. Une fois le programme de reconstruction terminé, ce rapport
aurait augmenté et nous aurions importé, de l'extérieur du
Québec, 42% de nos besoins énergétiques, et tout
ça, effectivement, sous la forme d'hydrocarbures ou de
dérivés d'hydrocarbures. Ceci, je pense, met un terme à ce
que je voulais vous expliquer sur le programme d'amélioration et de
reconstruction.
M. Phillips: Alors, en conclusion, Alcan suggère au
gouvernement du Québec: a) De faire connaître, le plus tôt
possible, ses intentions à long terme en ce qui a trait à la
production privée d'énergie, compte tenu des ententes
contractuelles en vigueur dans ce domaine, b) De tenir compte du fait qu'Alcan
devrait importer plus d'un million de tonnes de produits combustibles, comme M.
Sénécal-Tremblay a dit, jusqu'à 42% de nos besoins
énergétiques futurs, et que, de ce fait, toute mesure
législative ayant trait à la consommation et à la
conservation d'énergie devrait être élaborée de
façon à maintenir un climat favorable à l'importation de
ces produits essentiels à la transformation de l'aluminium au
Québec.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur! M. le
ministre.
M. Joron: M. Phillips, messieurs, il y a plusieurs questions qui
mériteraient d'être éclaircies. Je ne sais pas trop dans
quel ordre les prendre, mais avant de faire une grande question globale ou
synthèse, si vous voulez, il y a peut-être quelques petits
éléments qu'il serait bon de mettre sur la table pour qu'on
puisse savoir exactement de quoi on parle.
Est-ce que vous pourriez reprendre ce que vous dites sur vos besoins en
importations d'hydrocarbures? Quels sont vos besoins actuels? C'est du
pétrole dont vous parlez?
M. Sénécal-Tremblay: Effectivement, M. le
ministre...
M. Joron: Qu'est-ce que vous consommez en hydrocarbures dans le
moment? Moi, j'avais l'impression que vous ne consommiez, en termes
d'énergie, à peu près que de
l'électricité.
M. Sénécal-Tremblay: C'est souvent l'impression que
les gens ont, mais le procédé de l'électro-lyse, sans vous
embêter avec les détails, consiste en une cuve qui est
revêtue d'un revêtement massif de carbone, de coke, qui consiste en
un mélange de coke, de goudron, etc. Tout cela est cuit. Vous avez
par-dessus un anode qui pèse tout près, je pense, de 35 000
à 40 000 livres dans chaque cuve et qui est elle-même construite
à peu près à partir des mêmes matériaux,
coke, goudron de différentes qualités.
Encore une fois, ceci est cuit. Durant le processus
d'électrolyse, ce qui se produit est que l'oxyde d'aluminium, au passage
du courant électrique, se dissocie, la molécule d'oxygène
se combine avec le carbone de l'anode et tout cela s'en va dans
l'atmosphère sous forme de CO2. C'est de là que vient le gros de
notre consommation en hydrocarbures ou en dérivés
d'hydrocarbures. Cela vient de la consommation fondamentale à
l'intérieur du procédé dans la cuve même.
Additionnellement, nous employons aussi une quantité assez
importante d'huile, cette fois-ci de pétrole, de mazout assez grossier
dans la calcination du tri-hydrate d'alumine qui est une phase
intermédiaire dans l'extraction de la bauxite. Alors, vous partez de la
bauxite pour arriver à un produit qui peut être introduit dans la
cuve électrolytique. Vous avez ce processus qui se termine par une
calcination à haute température et je pense que la consommation
est de l'ordre d'environ trois quarts de baril par tonne, ce qui n'est pas loin
de trois quarts de tonne en lui-même.
Il y a aussi énormément de vapeur dans ce processus,
vapeur qui peut être soit générée
électriquement ou par de l'huile, alternativement, selon
l'économique de la situation.
C'est là que vient cette grande consommation en hydrocarbures ou
en dérivés du pétrole.
M. Joron: D'où viennent vos approvisionnements en
hydrocarbures actuellement? Sous quelle forme sont-ils? C'est principalement du
pétrole?
M. Sénécal-Tremblay: On a le pétrole d'une
part et on reçoit aussi énormément de coke qui vient des
Etats-Unis pour la grande majorité. Il y a quelques années, il y
avait du coke qui venait d'Amérique latine, mais ces approvisionnements
ont été coupés et on a remplacé cela par du coke
américain.
M. Joron: Le pétrole, lui?
M. Sénécal-Tremblay: Le pétrole, je pense,
vient...
M. Joron: Sous quelle forme? C'est du "bunker C"...
M. Sénécal-Tremblay: C'est du "bunker C". La
presque totalité du pétrole que nous consommons est du "bunker
C".
M. Joron: Quand vous mentionnez dans votre mémoire
qu'étant donné cette composante hydrocarbures dans votre "input"
énergétique, vous avez besoin de savoir les orientations du
gouvernement à long terme en matière d'hydrocarbures, en
particulier, pourriez-vous être plus précis? Qu'est-ce qu'il vous
faut savoir à l'égard des hydrocarbures?
M. Sénécal-Tremblay: Je pense qu'il va falloir
être rassuré sur le fait que les politiques d'importation de ces
hydrocarbures, qui jouent un rôle assez important dans l'économie
totale de la province, ne seront pas modifiées substantiellement, de
sorte qu'on se retrouve à un moment ou l'autre avec une
rentabilité totalement différente, étant donné que
c'est une partie de nos coûts qui est assez substantielle.
M. Joron: Comme vous savez que le Québec ne produit pas
d'hydrocarbures et est essentielle- ment dépendant des marchés
extérieurs dans ses approvisionnements, je vois mal comment le
gouvernement du Québec peut répondre à votre question
parce que, en fait, je ne peux pas vous répondre quant à la
sécurité des approvisionnements. Il faudrait s'adresser à
l'Arabie Saoudite. Je ne peux pas vous répondre pour les prix non plus.
Il faudrait aller voir le cheikh Yamani probablement. Quant à savoir si
on va en importer, cela me semble évident tant qu'on en aura les moyens
ou qu'il y aura du pétrole disponible.
C'est pour cela que je vois mal, en fait, quelle assurance ou quelle
information le gouvernement du Québec peut vous apporter dans le domaine
des hydrocarbures, outre... La seule chose que je peux voir, cela serait une
interdiction d'importation d'hydrocarbures ou de choses semblables. Dans des
temps de guerre ou des choses comme cela. Enfin.
M. Phillips: Je pense que c'est surtout le climat. On savait,
premièrement, que le fait qu'on ait un assez grand besoin
d'hydrocarbures n'était pas connu. Alors, on voulait le mentionner.
Deuxièmement, je pense que c'est le climat international ou même
le climat en Amérique du Nord; chaque gouvernement peut jouer un
rôle pour assurer que nous ayons un climat dans lequel ces produits
peuvent traverser les frontières sans grands problèmes. Dans les
années 1973, 1974, avec la crise de l'énergie aux Etats-Unis, il
y eut un temps où on voyait que peut-être les Américains
allaient imposer certains quotas. Naturellement, le gouvernement du
Québec ne peut pas leur demander de ne jamais le faire, mais il nous
faut un climat qui fait que les pays qui nous fournissent ces produits voient
que nous sommes de bons clients comme une autre place. C'est seulement une
question de climat, je pense, M. le ministre.
M. Joron: Je comprends. D'ailleurs votre intérêt,
comme celui de n'importe quel consommateur québécois
d'hydrocarbures, et les intérêts du gouvernement se rejoignent
à ce moment-là. C'est bien sûr que nous souhaitons tous des
approvisionnements à très long terme en très grande
quantité et le meilleur marché possible, c'est évident.
N'étant pas producteur de pétrole, il faut bien se
débrouiller, on est dans le marché.
M. Sénécal-Tremblay: Je pense qu'on voulait aussi
faire le point parce que justement on était un peu conscient du fait que
très peu de gens sont au courant de notre dépendance
vis-à-vis des hydrocarbures.
M. Joron: Cela m'a surpris moi-même. Je l'ignorais. La
production actuelle est de 700 000 tonnes par année au Québec.
Dans un long programme de reconstruction de vos installations vous pensez la
porter à près de un million. En même temps, votre
consommation actuelle d'électricité... C'est-à-dire que
cela représente une augmentation de pas loin de 40%.
M. Sénécal-Tremblay: C'est cela.
M. Joron: Votre consommation d'électricité
passerait de 1600 mégawatts à 1950 mégawatts, pour une
augmentation d'à peu près 15%. C'est donc que vous
améliorez le rendement...
M. Sénécal-Tremblay: Le nouveau
procédé utilise l'électricité d'une façon
beaucoup plus efficace que celui avec lequel nous procédons dans le
moment.
M. Joron: Et ceci vous permet de rester autosuffisant en
matière électrique, à peu près tout juste.
M. Sénécal-Tremblay: A peu près tout
juste.
M. Joron: Des 700 000 tonnes brutes que vous produisez à
l'heure actuelle, 200 000 sont vendues au Québec, sont retraitées
au Québec et aboutissent sous forme de produits que vous appelez
semi-finis. Est-ce que vous pourriez être un peu plus explicite sur ce
qu'on entend par un produit semi-fini? Quel genre de produit cela peut
être et, d'autre part, pouvez-vous nous dire aussi ce que vous vendez en
dehors de ces 200 000 tonnes? Je comprends que vous les traitez
vous-mêmes dans vos propres usines pour en faire vous-mêmes des
produits semi-finis. C'est exact?
M. Sénécal-Tremblay: A peu près.
M. Joron: En gros. Bon. Est-ce qu'on pourrait savoir combien
d'autres tonnes, au-delà de ces 200 000, sont vendues à des
clients québécois, à des clients qui transforment ou qui
transformeraient au Québec à partir de lingots achetés de
l'Alcan?
M. Phillips: Pour répondre à la première
question, ce serait un produit profilé en aluminium qu'on vendrait
à une compagnie qui fabrique des fenêtres. Le profilé est
plus avancé qu'un lingot, on l'appelle un produit semi-fini. Un autre
exemple serait la tôle d'aluminium qui est vendue à quelqu'un qui
va fabriquer le revêtement, par exemple. Alors, ça c'est le
semi-fini. Un autre serait la tige qu'on vend à une compagnie qui
s'appelle Câble industriel, ici à Québec, pour faire le
câble. La tige est un produit entre le lingot et le câble fini, si
vous voulez.
Maintenant, si vous avez d'autres questions, je vais chercher dans mes
papiers pour les chiffres que vous avez demandés.
M. Joron: C'est juste pour avoir une idée approximative
des 7Ô0 000 tonnes de lingots qui peuvent sortir de vos usines sous
forme, disons, primaire, ce ne sont peut-être pas les termes exacts. Il y
en a 200 000 que vous traitez dans une phase secondaire au Québec.
Est-ce que d'autres de vos clients en traitent au-delà de ces 200 000
aussi? Le total de ce qui peut être traité, soit par vous ou par
d'autres au Québec, pourrait être quoi, de ces 700 000 tonnes?
M. Sénécal-Tremblay: Je pense que M. Phillips a des
chiffres plus précis là-dessus, alors on va le laisser fouiller
dans ses paperasses.
M. Phillips: Je regrette, mais je ne peux pas vous dire au juste.
J'ai certains chiffres en dollars de la valeur de la production
transformée au Québec, $112 millions. En plus de ça, on a
importé un autre groupe de produits semi-finis, d'autres usines ailleurs
au Canada, qui valaient $37 millions. Qn en a vendu 65 au Québec. Le
reste, on l'a exporté en produits semi-finis à d'autres provinces
ou à l'extérieur du pays.
M. Joron: Quand vous avez mentionné, un peu plus
tôt, que la valeur ajoutée de votre production au Québec
était de $325 millions, vous avez mentionné ce chiffre, ça
couvrait quoi?
M. Phillips: La valeur ajoutée au total de tout notre
commerce au Québec, ça veut dire...
M. Joron: Indistinctement du degré de transformation,
à partir du bauxite qui arrive, la valeur ajoutée totale est de
$325 millions.
Seriez-vous en mesure de nous donner une approximation de vos intentions
à l'égard... Vous nous avez dit que vous vouliez accroître
d'à peu près 40% la production primaire de vos usines
québécoises. Pourriez-vous nous donner l'ordre de grandeur de
l'accroissement dans le domaine des produits finis ou semi-finis, ce que vous
entrevoyez au cours de la même période?
M. Phillips: C'est une question assez difficile, parce qu'il y a
plus d'une sorte de produits semi-finis, si vous voulez. Je devrais souligner
une autre chose. Ces produits semi-finis, cela n'ajoute pas tellement en
valeur. La main-d'oeuvre pour changer un lingot ou le métal en fusion en
un de ces produits semi-finis, ce n'est pas si large qu'on le penserait. Il y a
beaucoup plus de main-d'oeuvre dans la production de l'aluminium
lui-même. Mais si on peut parler de la première étape,
ça veut dire l'usine de Granby, que M. Sénécal-Tremblay a
mentionnée. Notre idée serait d'installer des usines de
transformation de la même capacité, à peu près 200
000 tonnes de plus.
M. Joron: Ce qui aurait pour effet d'augmenter le pourcentage de
production de produits semi-finis par rapport à votre production
primaire totale.
M. Phillips: Certainement oui.
M. Joron: Pourrait-on avoir une idée des emplois, à
l'heure actuelle? Vous parlez des 12 000 employés de l'Alcan au
Québec. Comment se répartissent-ils, d'une part, entre ceux qu'on
pourrait appeler les emplois du siège social, de nature bureaucratique,
administrative ou financière et les emplois en usine et, d'autre part,
en usine, est-ce qu'il y a moyen d'avoir une idée si vous n'avez pas
le chiffre exact, entre les emplois qu'on pourrait rattacher à la
partie primaire des opérations et ceux qu'on pourrait rattacher à
la partie secondaire des opérations de transformations en produits
semi-finis?
M. Phillips: Oui, certainement. Pour commencer, nous avons
à peu près 1000 employés au siège social de
Montréal. Je peux même mentionner les chiffres de chaque usine,
parce que c'est plus facile. Ils ne sont pas ajoutés ici. A Shawini-gan,
pour le total de l'aluminerie, c'est à peu près 600 emplois.
M. Sénécal-Tremblay: A peu près 675.
M. Phillips: Et dans l'usine de câble à peu
près 300. Cela dépend de l'année, mais à peu
près 300, côté transformation à Shawinigan. A
Montréal, dans notre usine de profilé et les usines de produits
de bâtiments, nous avons à peu près 300 personnes. C'est
dans les produits semi-finis aussi.
A Beauharnois, à peu près 250 emplois.
M. Sénécal-Tremblay: A peu près.
M. Phillips: Dans l'aluminerie, cela veut dire
l'électrolyse. A Princeville, pour les bateaux de plaisance, à
peu près 75 employés. A Arvida, dans les deux usines de
transformation, c'est-à-dire le laminoir à chaud et le laminoir
par partie, comme on l'appelle, nous avons à peu près 175
employés. Le reste de l'emploi dans le Saguenay est à peu
près...
M. Sénécal-Tremblay: 5500 à peu près.
A Arvida, vous avez à peu près 5500 employés.
Là-dessus, vous pouvez compter, dans la partie primaire de
l'opération qui est la transformation de la bauxite en alumine et, de
là, de l'alumine en métal, presque 4500 bonshommes qui sont
occupés à cela, mais qui ne sont pas tous... c'est l'ensemble de
l'affaire. Additionnellement, il y en a à peu près 1200 qui
s'occupent de l'infrastructure, c'est-à-dire de tout le service de ce
système. Ces 1200, englobent les employés du port, à
Port-Alfred, et les employés du Roberval-Saguenay, le chemin de fer dont
on se sert pour transporter nos marchandises.
Additionnellement, vous avez tous les employés qui sont
affectés à la génération des pouvoirs. C'est un
nombre respectable, mais quand même beaucoup moins grand que ce dont on
parle.
M. Joron: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée du
coût? Une livre d'aluminium dans le moment cela se vend combien? $0.45?
$0.50? Combien cela se vend-il?
M. Phillips: Le prix? M. Joron: Oui.
M. Phillips: La livre d'aluminium aux Etats-Unis, aujourd'hui,
c'est $0.48 livrée au client.
M. Joron: Dans ces $0.48, quel est le... C'est un prix de vente,
ce n'est pas un prix de revient à vous. Quel est le contenu
énergétique dans une livre d'aluminium?
M. Phillips: C'est difficile de mesurer cela. Comme valeur?
M. Joron: Oui.
M. Phillips: Comme vous le savez, notre énergie, du
côté électrique, c'est tout en place, c'est tout
installé. C'est un coût d'immobilisation, pas un coût direct
dans le sens de... Notre système de comptabilité ne traite pas
dans l'autre sens.
M. Joron: Est-ce que vous avez une idée du coût
énergétique de vos concurrents?
M. Phillips: Oui, nous en avons une idée. On dirait par
exemple que la compagnie Alcoa, dans ses propres centrales
hydroélectriques, devrait avoir à peu près les mêmes
coûts que nous. D'autres concurrents ont des contrats qui sont
publiés. Il me semble que dans le Nord-Est des Etats-Unis, selon les
contrats qui sont publiés, le prix est de 3.3 cents/mill, ce qui veut
dire .33 cents kWh.
M. Joron: A ce moment-là, j'ai vu quelque part vous
me corrigerez si ce n'est pas exact que cela prend 16 000 kilowatts pour
fabriquer une tonne d'aluminium.
M. Phillips: C'est approximatif.
M. Joron: Ce n'est pas fou ce que je viens de dire là?
Cela a du bon sens?
M. Phillips: Oui.
M. Joron: Si on calcule à 3.3 mills, par exemple, cela
veut dire quoi? 16 000 kilowatts à 3.3 mills? C'est $50? Est-ce que
c'est cela?
M. Sénécal-Tremblay: A peu près quelque
chose de l'ordre de $60.
M. Joron: Une tonne l'aluminium, cela vaut quoi?
M. Sénécal-Tremblay: Cela vaut passablement plus
cher aujourd'hui que cela valait il y a quelques années.
M. Joron: Oui. C'est parce que j'essaie d'établir la
relation entre...
M. Phillips: $960 la tonne.
M. Joron: $260?
M. Phillips: Non, $960 la tonne, livré au client.
M. Joron: $960!
M. Phillips: Le coût de transport inclus
là-dedans.
M. Joron: Au coût de production... On voit, en tout cas, un
ordre de grandeur de l'importance du coût énergétique dans
la fabrication de l'aluminium. Une dernière question que je voulais
soulever pour avoir un autre renseignement. Ce sont des questions un peu
éparses, mais c'était pour essayer de constituer les principaux
éléments avant d'arriver au coeur de la question. Vous avez
mentionné, dans votre déposition d'ouverture, le rendement moyen
sur l'avoir des actionnaires de l'année dernière, je pense. C'est
ce que vous avez dit?
M. Phillips: Des cinq années se terminant à la fin
de 1975.
M. Joron: La moyenne des cinq dernières années.
C'était le chiffre moyen des quatre principaux producteurs.
M. Phillips: Oui, cela veut dire Alcan, Aluminum Company of
America, Kaiser et Reynolds.
M. Joron: Dans le cas d'Alcan, c'était quoi? M.
Phillips: Dans la même période, 6,9%.
M. Joron: 6,9%. Voici la dernière petite remarque que j'ai
à faire, pour éviter de tourner autour du pot. Vous savez notre
souci, évidemment, sachant ce que cela coûte aujourd'hui pour
produire de l'énergie nouvelle, de l'économiser, d'en
rationaliser l'utilisation et tout cela. Vous êtes dans une industrie qui
consomme beaucoup d'énergie, énormément d'énergie.
Cela représente, à l'heure actuelle, les 2700 mégawatts
installés. L'Alcan représente quoi? Pas loin de 18% de la
puissance installée au Québec?
M. Sénécal-Tremblay: Oui.
M. Joron: C'est un pourcentage énorme, évidemment,
pour une seule industrie. Je comprends que c'est une industrie très
importante et que vous êtes, sinon le plus important employeur
industriel, peut-être le deuxième ou le troisième au
Québec, enfin, parmi les plus importants, mais quand même. C'est
le genre d'industrie, dans un sens, que peu de pays ont les moyens de se
permettre aujourd'hui, en termes énergétique. On est soucieux,
vis-à-vis de l'avenir, d'essayer d'augmenter considérablement la
transformation en produits secondaires vous vous attendiez à
entendre cela, j'en suis bien convaincu parce que le contenu
énergétique dans les transformations subséquentes est
infiniment moindre et beaucoup plus générateur d'emplois en
proportion de chaque dollar investi. Je vous posais toutes ces questions pour
essayer de situer dans quelle voie Alcan entend se développer au
Québec et je voulais vous demander dans quelle mesure elle était
consciente... Nous sommes conscients vous en avez bien fait
l'exposé de plusieurs bénéfices que la
présence de l'Alcan amène au Québec, mais j'espère
que vous êtes conscients aussi des embêtements
énergétiques que votre présence nous cause
également.
Il faut arriver à trouver un compromis à cet
égard.
M. Phillips: Nous sommes certainement conscients de ces
faits.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. A la page 2 de votre
mémoire, vous demandez à l'Etat d'énoncer clairement ses
intentions à long terme en ce qui a trait aux installations
hydroélectriques privées. Il y a une demande, par certains
groupes, de nationaliser vos centrales hydroélectriques. Je ne crois pas
que ce soit une nouvelle que je vous apprends. Ce sont des demandes qui sont
faites publiquement.
Vous parliez tantôt d'un climat. Vous vous êtes
référé à la question d'un climat dans le pays qui
pourrait promouvoir les investissements. Si on parle de nationalisation, quel
serait l'effet sur l'entreprise privée, quant aux investissements
à venir, d'un tel geste de nationalisation par un gouvernement?
M. Phillips: Je pense qu'il y a deux réponses.
Premièrement, supposons qu'après avoir parlé avec le
gouvernement, après avoir étudié les marchés de
l'argent, on décide de commencer notre nouvelle aluminerie de
Grande-Baie, et qu'en plein milieu du projet, quelqu'un arrive et dit:
Là, on a décidé de nationaliser
l'électricité de l'Alcan. L'investisseur américain qui
détient un fort pourcentage de nos obligations va se demander ce qui se
passe. Toujours, pour les investisseurs, quelque chose qui n'a pas
été prévu, ils n'aiment pas cela. Sa réponse
serait, à l'avenir, de ne plus investir d'argent à cet endroit.
Alors, c'est une sorte de nationalisation.
Maintenant, l'autre sorte, ce sont les investisseurs qui n'ont pas
acheté le nombre d'obligations qu'ils ont dans la compagnie,
récemment. Quand on arrive à la nationalisation plus
modérée scientifiquement, étape par étape, quelle
serait l'attitude des investisseurs? Je ne sais pas.
Si vous voyez nos états financiers, regardez les chiffres qu'on
vous a soumis. C'est clair que la raison pour laquelle nous sommes ici au
Québec, c'est parce que le coût économique de notre
énergie équilibre certains autres coûts, le transport, en
particulier, qui a augmenté, depuis trois ou quatre ans, assez vite.
Alors, il faut équilibrer tous nos coûts. Est-ce que les
investisseurs veulent mettre de l'argent dans une compagnie où ces
coûts sont plus élevés que les revenus? Je ne sais pas. Je
ne pense pas. Alors, dans une affaire comme cela, il faudrait calculer le
coût qui sera chargé à la compagnie pour déterminer
exactement ce que l'investisseur ferait.
M. Ciaccia: La raison pour laquelle je pose la question sur cet
aspect particulier, c'est que je
suis un peu surpris que vous demandiez quelles sont les intentions du
gouvernement. Je pensais que le premier ministre du Québec avait
clairement énoncé ses intentions quant à la
nationalisation, lors de son discours à New York, quand il a dit que ce
n'était pas l'intention du gouvernement du Québec de nationaliser
l'entreprise privée. La seule exception qu'il avait donnée,
c'était l'industrie de l'amiante. Je voudrais demander au ministre si
cette déclaration s'applique encore ou si l'Alcan est une exception
à la déclaration du premier ministre.
M. Joron: Les installations hydroélectriques de l'Alcan ne
sont pas une exception à la déclaration du premier ministre. J'ai
moi-même déjà répondu en Chambre, au mois de
décembre, à cette question en indiquant clairement que ce
n'était pas du tout dans les priorités du gouvernement.
Si vous me permettez une sous-question en rapport à la
vôtre, en fait, ce que vos prêteurs éventuels, les acheteurs
éventuels d'obligations, de l'Alcan ou du capital équité
d'Alcan, voudraient savoir finalement, dans toute cette affaire, ce qui les
intéresse dans tout cela, c'est le prix que vous coûte
l'électricité. La propriété du barrage, disons, n'a
pour effet que de vous assurer un prix fixe à long terme. C'est dans
cette mesure que cela intéresse les investisseurs.
Il serait exact, pourrait-on dire que si l'histoire s'était faite
autrement et que vous n'étiez pas propriétaires de ces barrages,
mais par contre que vous étiez liés à
l'Hydro-Québec, par exemple, qui, elle, aurait pu être, si cela
s'était passé autrement, propriétaire des barrages, mais
que vous étiez liés avec l'Hydro-Québec dans un contrat de
fourniture, à long terme et à un prix fixe, de
l'électricité, à ce moment-là, l'effet est le
même sur l'opinion que les investisseurs peuvent se faire. C'est le
point. C'est le prix que vous coûte l'électricité que les
investisseurs veulent savoir finalement. Mais à cet égard...
M. Phillips: Ou la rentabilité de la compagnie en
général qui est reliée à ça, oui.
M. Joron: Je voulais simplement vous poser une question
là-dessus. Cela amène des déductions, ce que vous venez de
dire là, dans le sens que, évidemment, tout le monde sait que vos
installations, datant de plusieurs années, ont été
construites à un moment où ça coûtait relativement
bon marché et que votre coût de revient
d'électricité est probablement très bas. Je pense que ce
ne serait pas une mauvaise devinette de dire que c'est peut-être le plus
bas de quelque aluminerie que ce soit au monde. C'est un de vos avantages
compétitifs. A d'autres égards, vous avez des désavantages
face à vos concurrents. Vous disiez tout à l'heure que le
rendement moyen sur l'avoir des actionnaires avait été de 6,9% au
cours des cinq dernières années. On peut dire que,
évidemment, si ça n'avait pas été du fait que vous
avez de l'électricité qui vous coûte relativement peu cher,
par rapport à vos concurrents, ce pourcentage aurait été
encore beaucoup plus faible.
M. Phillips: Même peut-être négatif.
M. Joron: Dans un sens, votre situation historique, qui vous a
fait un producteur d'électricité au Québec, est finalement
la clef, presque, on pourrait dire, de la rentabilité de l'Alcan.
M. Phillips: C'est exact.
M. Ciaccia: Pour revenir à la question de la
nationalisation, je prenais ça dans le sens le plus large. Je ne voulais
pas dire spécifiquement seulement que la province se déclarerait
propriétaire des barrages. Il y a différentes formes de
nationalisation. On peut laisser la propriété à la
compagnie et prendre d'autres moyens, l'augmentation de prix, etc., et les
effets sont les mêmes. Ma question de nationalisation portait globalement
sur les effets économiques, non seulement sur qui sera le
propriétaire du barrage.
M. Joron: Si vous voulez que je réponde plus loin à
votre question, je n'ai pas d'objection. En même temps, quand la question
avait été posée, j'avais également mentionné
non pas le loyer pour les terrains, mais les redevances, selon la loi des eaux
je ne sais pas le nom exact de la loi que paie Alcan à
l'heure actuelle et qui sont, je pense, de $2,8 millions par année,
c'est exact?, moins les taxes scolaires que vous pouvez déduire de
ça.
M. Phillips: Oui, c'est de l'ordre de $3 millions ou quelque
chose comme ça.
M. Joron: Autour de $3 millions et ça, c'était par
rapport à une loi qui avait établi le taux en 1946 et qui n'a pas
été changée depuis. Je sais que l'ancien gouvernement
étudiait ce dossier aussi. Je pense bien que les prix de 1946, surtout
compte tenu de ce que coûte l'énergie aujourd'hui, personne ne
s'attend que ça dure et vos prêteurs non plus ne s'y
attendent pas comme ça encore pendant 30 ans. Je l'ai
indiqué. On aura l'occasion de discuter ça ensemble. A ce
moment-là, on sera en mesure de mesurer le quantum des "dollars and
cents".
M. Ciaccia: Je voulais seulement faire ressortir les vues de
chaque partie sur la question de nationalisation, parce que je crois que
l'attitude du gouvernement à cet égard est très
importante, parce que, de plus, nous voyons, par le mémoire d'Alcan, que
plusieurs questions très importantes, je dirais même qu'elles vont
à la base même de notre société, sont
soulevées.
Dans votre mémoire, vous soulevez les questions de relation entre
l'entreprise privée et le gouvernement et les relations avec les chefs
syndicaux et l'entreprise syndicale. Ce qui apporte les commentaires qui ont
été faits par plusieurs autres compagnies, plusieurs autres
personnes qui ont présenté des mémoires, c'est que cette
politique
énergétique est à la base de notre
développement économique, à la base même, si on
veut, de notre mode de vie.
Plusieurs mémoires nous ont été
présentés, qui traitaient d'investissements dans l'avenir, et je
ne sais pas si vraiment on a pu prendre connaissance de l'importance pour notre
économie des décisions qui sont prises par les entreprises
privées quant à l'avenir, non seulement de leurs
décisions, mais de la nécessité de ces décisions.
Par exemple, si, dans cinq ou dix ans, vous avez besoin de certains
investissements ou que vous avez certains plans à faire
même, vous les préconisez dans votre programme aux pages 14 et 15
devez-vous commencer dès maintenant à faire la
planification pour ces investissements? J'ai l'impression que le public,
certains secteurs du public ne saisissent pas l'importance d'avoir des
politiques du gouvernement claires et précises afin que vous puissiez
prendre vos décisions aujourd'hui qui auront un effet dans cinq ou dix
ans. Ce sont des décisions importantes au point de vue de
l'économie.
La question vous a été posée: Combien d'emplois
à votre siège social? Vous avez dit: II y en a 1000. Je ne sais
pas combien de gens réalisent l'importance économique d'avoir un
siège social à Montréal plutôt qu'à Toronto
ou dans une autre ville du Canada. Il y en a qui pensent que les compagnies
doivent faire affaires au Québec et qu'elles vont continuer à
faire affaires.
Je crois qu'il y a une différence entre faire affaires au
Québec et y avoir son siège social qui fait affaires non
seulement dans tout le Canada, mais internationalement.
Ici, on reçoit des mémoires de tous les groupes de notre
société. Il y a des contestataires. Il y a ceux qui parlent
contre l'entreprise privée et, parfois, on semble donner l'impression
qu'on ne veut pas trop toucher, qu'on ne veut pas trop amener le point de vue
de l'entreprise privée.
Hier, M. le ministre, on parlait de l'option indépendance. Je ne
parlerai pas de l'option indépendance, mais, même s'il y en a, il
peut y avoir l'option indépendance vers la droite et l'option
indépendance vers la gauche.
Les groupes qui sont contestataires, qui sont plutôt contre
l'entreprise privée, se font entendre. Pouvez-vous faire un commentaire
sur les méthodes ou ce que pourrait faire l'entreprise privée,
premièrement, pour nous faire comprendre l'importance de vos
investissements, l'importance d'avoir des décisions précises et
claires et l'importance de créer ce climat où il y aura plus de
sympathie pour l'entreprise privée qu'il ne semble y en avoir
maintenant? J'ai l'impression que, plus on va, moins il y a de sympathie pour
l'entreprise privée, tandis que, si on regarde notre niveau de vie au
Canada, en Amérique du Nord, cela a été créé
par l'entreprise privée. Cela n'a pas été
créé par l'Etat. Si on regarde d'autres pays où l'Etat a
pris le contrôle, où l'Etat commence à prendre le
contrôle, on voit qu'ils n'ont pas notre niveau de vie, qu'ils n'ont pas
nos libertés personnelles, non plus. Alors, je crois que cela serait un
devoir pour l'entreprise privée de se faire entendre.
Pouvez-vous faire un commentaire? Y a-t-il quelque chose que vous pouvez
faire à ce sujet?
M. Phillips: C'est une question à laquelle on pourrait
répondre par un discours de quelques heures, mais il me semble que,
fondamentalement, la plupart des gens d'aujourd'hui n'ont aucune idée de
ce qu'est le profit et où va le profit. Comme la plupart des profits des
grandes industries sont réinvestis dans leurs propres immobilisations,
cela n'est pas connu, mais il faut retourner à l'école. On
n'enseigne pas l'économie aujourd'hui.
Le Président (M. Laplante): Excusez, monsieur. Vu que le
temps avance, y aurait-il possibilité de s'en tenir à
l'énergie pour la commission? J'ai encore cinq interventions et le temps
est déjà écoulé et on a encore sept autres groupes
qui n'ont pas été entendus.
M. Ciaccia: Si vous me le permettez, M. le Président, cela
se rapporte aussi à l'énergie parce que si, dans le domaine
énergétique, on ne comprend pas l'importance de l'investisseur
privé, l'entreprise privée, cela va avoir des retombées
qui pourraient être pas mal dangereuses pour nous si on s'en va avec
l'idée que l'Etat va tout faire, que tout va nous tomber cuit dans la
bouche et qu'on va mettre de côté l'entreprise privée.
Alors, je crois bien que les commentaires de ce monsieur sont...
Le Président (M. Laplante): Pour satisfaire le
député de Montréal, est-ce que vous seriez capable d'avoir
une réponse très courte, s'il vous plaît.
M. Brochu: M. le Président, avant que monsieur ne donne sa
réponse, j'aimerais, sur la directive que vous avez donnée,
demander une autre directive en ce qui concerne la commission. Je pense que la
question qui a été soulevée par le député de
Mont-Royal mérite quand même une attention, vu l'importance du
mémoire qui a été présenté. Je pense qu'on
le situe maintenant dans l'enveloppe globale de la politique du Québec.
Je pense que cela mérite quand même qu'on y réponde aussi
et j'aimerais qu'on laisse le temps aux personnes de répondre.
M. Phillips: On pourrait prendre des heures sur ce sujet, mais je
pense qu'il faut retourner à l'éducation. Si tout le monde
travaille avec la même information, d'habitude on arrive avec la
même conclusion, mais il n'existe pas, pour moi, nulle part en
Amérique du Nord, aujourd'hui, même au niveau primaire, où
on devrait commencer, des classes où on étudie ces sujets. On
étudie les aspects sociaux, mais on n'étudie pas
l'économique dans le sens de la marche d'une entreprise, où va
l'argent, etc.
M. Ciaccia: Très bien, merci.
Le Président (M. Laplante): Le député du
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: L'hypothèse de la nationalisation
étant écartée, comme l'a dit le ministre tout à
l'heure, ma question est la suivante. Est-ce qu'une augmentation substantielle
des redevances, des droits et redevances que l'Alcan devrait payer à
l'Etat pour les sites de la Péribonka, parce que, si je comprends bien,
les sites du Saguenay, les sites hydroélectriques, il n'y a pas de
droit, il n'y a pas de redevances là-dessus, ils ont été
achetés...
M. Joron: II y en a. Il y a deux...
M. Brassard: II y en a. En tout cas. Donc, advenant le cas
où l'Etat impose une augmentation substantielle des redevances, qui
entraînerait évidemment une hausse du coût de
l'électricité pour l'Alcan, est-ce que vous réviseriez
votre programme d'expansion et d'immobilisation? C'est ma première
question. La deuxième question porte sur certains chiffres que la CSN
donne dans son mémoire. Je ne veux pas susciter de polémique
entre la CSN et l'Alcan. Elles n'ont pas besoin de moi pour cela. Elles sont
habitués à "polémiquer". La CSN estime que le coût
de production de l'électricité dans ces centrales, coût de
production pour l'Alcan, se chiffre à $18,6 millions, ce qui donne un
coût net du kilowatt de $0.12 et donne à l'Alcan ce que la CSN
appelle une rente de situation de l'ordre de $74,5 millions par rapport
à ses concurrents, par rapport à la Reynolds, par exemple, qui
achète son électricité de l'Hydro-Québec à
$.50 le kilowatt. Est-ce que ces chiffres vous les contestez ou s'ils sont
exacts? $18,6 millions pour le coût de production total de
l'électricité, $0.12 le kilowatt, rente de situation de $74
millions? Parce que vous avez sûrement analysé le mémoire
de la CSN. Il est présenté cet après-midi. Il va suivre
tout à l'heure, mais il est connu depuis avant les Fêtes, il a
été connu avant les Fêtes pour l'essentiel. Une entreprise
comme l'Alcan a sûrement analysé ces chiffres-là.
M. Sénécal-Tremblay: La façon dont vous
posez la question, M. Brassard, nous engage très dangereusement sur la
voie d'une polémique ouverte et publique avec la CSN, et je pense que ce
n'est pas notre objectif cet après-midi.
M. Brassard: Mais est-ce que vous avez analysé ces
chiffres? Est-ce que vous contestez ces chiffres?
M. Senécal-Tremblay: Je pense que M. Madill est en
position de dire qu'il contesterait ces chiffres. En plus, je pense que, si
vous enquêtez sur la situation de la compagnie Reynolds à
Baie-Comeau, ce n'est pas exactement qu'ils sont acheteurs de toute leur
énergie. Mais l'hydro-Québec ou la compagnie Reynolds sera en
mesure de vous expliquer de quelle manière elles obtiennent leur
énergie électrique. Mais il me semble qu'au moins les deux tiers
ne sont pas achetés comme tels. Mais ce n'est pas à nous de vous
expliquer ces choses. Il faut qu'on souligne le point qu'il y a certains
avantages à être ici au Québec, mais il y a certains
désavantages. Si on veut éliminer tous les avantages, et disons
que le chiffre de $74 millions était exact, avec quoi va-t-on payer les
coûts de transport? C'est une question de balance d'économie.
On ne pouvait pas prendre tous les avantages et laisser...
M. Brassard: Je reviens à ma première question. Si
on augmente substantiellement les redevances que vous payez à l'Etat de
façon à réduire cet écart, est-ce que cela aura des
effets sur votre programme d'expansion économique?
M. Sénécal-Tremblay: Je pense, M. Brassard, que la
seule façon de vous répondre là-dessus tient dans la
notion que vous avez de substantiel.
M. Brassard: Justement, à ce moment-là, est-ce que
ça signifie que l'Alcan a hâte, est empressée de
connaître les nouvelles redevances que l'Etat va lui imposer, parce qu'il
semble qu'il y en aura de nouvelles?
M. Phillips: Disons qu'on parle d'à peu près $3
millions; si c'était doublé à $6 millions, est-ce que
doubler c'est substantiel ou non? Soustraire $3 millions par an de l'argent
qu'il nous faut pour notre expansion, c'est presque rien en pourcentage. Mais
soustraire $100 millions, on ferait banqueroute; alors c'est une question de
balance. Mais en principe, chaque fois que nos coûts montent, c'est $1
qu'on ne va pas dépenser. On n'est pas magiciens, les dollars ne
viennent pas du ciel. Les dollars qu'on va investir viennent des profits qu'on
va faire.
Le Président (M. Laplante): Question substantielle sur le
même sujet.
M. Giasson: Dans le sens de la question posée par le
député du Lac-Saint-Jean, j'aimerais savoir si je vous ai bien
compris tout à l'heure lorsque vous avez énoncé un
coût, au kilowatt-heure, de $0.03.3; est-ce exact?
M. Phillips: 3 mills, mais ça ne fait rien, ça
va.
M. Giasson: S'agissait-il d'un chiffre qui représente le
coût de l'énergie électrique pour vous autres dans le
secteur Saguenay-Lac-Saint-Jean ou s'il s'agissait d'un chiffre de
compétiteur qui aurait un coût énergétique
électrique assez bas?
M. Phillips: C'était le coût pour nos concurrents
qui ont des usines aux Etats-Unis, dans le Nord-Ouest des Etats-Unis.
M. Giasson: Le coût pour vous autres est de combien?
M. Phillips: Je vais reposer la question, si vous avez une maison
à vous, quel est le loyer que vous payez? C'est votre maison, alors vous
avez investi de l'argent, peut-être y a-t-il des hypothèques dans
l'affaire, mais vous ne payez pas un cent. Alors, dans ce sens, on n'a pas de
coût du tout, sauf...
M. Giasson: Dans l'exemple que vous donnez, je suis capable d'en
faire des coûts tout de même, si je veux les faire.
M. Phillips: Vous pouvez calculer le coût basé sur
le taux d'intérêt, etc., etc. Alors, quel taux
d'intérêt est-ce que vous voulez choisir? Il faut travailler
à ça, il faut parler aussi de certaines méthodes de
comptabilité. Est-ce qu'on va parler du coût de remplacement ou
quelle sorte de comptabilité pour arriver à un coût? C'est
difficile de répondre à votre question. Notre méthode
interne chez Al-can pour mesurer, c'est qu'on prend tous nos coûts pour
fabriquer l'aluminium en lingot, on prend tout l'investissement, incluant
l'investissement dans les centrales hydroélectriques, on prend nos
revenus, on calcule un profit et on dit: Bon, on a fait tel pourcentage sur
tout l'argent investi dans l'entreprise. Une grande partie de cet argent
investi l'est naturellement dans les centrales hydroélectriques. On
arrive à un rendement au lieu d'un coût. C'est pour cela qu'on n'a
pas, dans nos livres, une réponse facile.
M. Giasson: Mais, tout de même, si vous savez ce que
coûte aux compétiteurs l'énergie... Au taux que vous avez
donné, on a fait des calculs tout à l'heure; 16 mills
multiplié par 3,3, cela donnait en moyenne un coût
d'énergie de $50 la tonne.
Si vous savez ce que cela coûte à vos concurrents, vous
devez certainement avoir déterminé ce que cela vous coûtait
à vous autres, parce que, dans le jeu de la compétition, ce sont
des éléments que vous ne pouvez pas ignorer. Vous êtes des
hommes d'affaires, vous ne pouvez pas ignorer cela.
M. Phillips: Vous n'avez pas compris. On prend nos revenus, on
soustrait les coûts actuels qu'on paie en argent et ce qu'il en reste. On
fait un profit sur l'élément de l'énergie dans notre
aluminium, mais ce n'est pas différencié. On regarde le profit
total. Ceci est comparé avec notre investissement.
Il faut prendre en considération qu'on a donné un exemple
des concurrents. A l'Aluminum Company of America, 50% de leur
électricité sont générés par cette
compagnie, dont la moitié de cela est générée de la
même façon qu'à l'Alcan. Leurs coûts sont exactement
comme les nôtres pour 25% de leur capacité.
Alors, vous ne pouvez pas prendre seulement un groupe de producteurs et
dire: Ils ont tel coût. Partout dans le mondp, les coûts sont
différents.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Anjou.
M. Johnson: J'aurais deux questions et même trois. La
première, peut-être pour faire suite à l'échange que
vous venez d'avoir. Est-ce qu'il serait possible à l'Alcan de fournir ce
"breakdown" des coûts, en termes énergétiques, comme c'est
le cas de ses compétiteurs? Est-ce qu'éventuellement c'est un
calcul qui pourrait se faire?
M. Phillips: Je n'ai pas bien compris votre question.
M. Johnson: Ce à quoi vous amenait mon collègue
tout à l'heure, c'est de vous dire que, dans le cas de Reynolds, par
exemple, ou dans le cas de vos compétiteurs américains, on peut
calculer le coût en termes d'énergie, à l'intérieur
du coût total de la production d'un lingot ou d'une tonne d'aluminium.
Vous pourriez arriver à ce même calcul, en prenant la même
grille comptable que vos compétiteurs, la même grille
d'analyse.
M. Phillips: On fait toutes sortes de calculs, selon la
façon dont on voit nos concurrents, mais on ne sait pas s'ils regardent
leurs affaires dans le même sens. Mais il y a toutes sortes d'analyses.
Les Américains, surtout, font des analyses sur tous les aspects des
coûts. Je n'aimerais pas publier mon opinion de nos coûts à
nous. C'est quelque chose d'assez confidentiel, mais je suis très
certain que vous pourriez demander à votre ministère de
l'Industrie et du Commerce de vous fournir les rapports de Oppenheimer and Co
de New York. Il y a un analyste qui s'appelle Stewart Spector, qui est connu
dans l'industrie comme étant assez expert dans ses estimations des
coûts de toutes les grandes compagnies. Comme cela, vous auriez quelque
chose d'assez neutre, pas l'opinion de l'Alcan, mais l'opinion d'un analyste
neutre.
M. Johnson: Ma deuxième question est la suivante. Ma
troisième sera très brève. Vous établissez que le
coût d'énergie est pour vous l'avantage majeur de votre situation
dans la Saguenay et que, par contre, vous avez l'inconvénient du
transport, ce qui n'est pas un inconvénient pour certains de vos
compétiteurs américains. Finalement, vous dites que c'est une
sorte d'enveloppe globale ou de "package deal", on fait le calcul des
inconvénients et on dit: II y a des avantages à y être.
Cependant, vous semblez avoir établi bien clairement que vos
compétiteurs, pour 25% seulement de leur approvisionnement en
énergie, sont dans la situation dans laquelle vous êtes, à
savoir qu'ils ont immobilisé, il y a X années, à un prix
qui était ridicule, compte tenu des prix actuels et surtout compte tenu
des prix de remplacement qui s'en viennent. Il demeure quand même que 75%
de leurs ressources énergétiques ont sans doute été
soumises à des augmentations considérables depuis quelque temps.
Si c'est un fait, à ce moment-là, je me dis que vous n'êtes
plus tout à fait dans la même situation en termes d'avantages et
d'inconvénients. Je m'explique.
Si, en 1946, ce qui faisait que, pour vous, c'était avantageux
d'être ici, avec vos propres barrages, c'est le coût de
l'énergie, je me dis que le coût de l'énergie, qui est
resté stable pour vous depuis 1946, a lui, augmenté pour une part
de 75% des opérations énergétiques de vos
compétiteurs. Je serais curieux de voir ce que cela rétablit
M. Phillips: Pour commencer, ce n'est pas si simple, j'ai dit
qu'une compagnie, Aluminum
Company of America, a 25% de son énergie hydroélectrique,
et les autres 25% dans les centrales non pas nucléaires mais de gaz
naturel et de charbon.
En 1946, il n'y avait que deux compagnies qui fabriquaient l'aluminium
en Amérique du Nord: Aluminum Company of America et Alcan. Depuis ce
temps, il y a beaucoup plus de gens qui nous font concurrence. Prenez le cas,
comme j'ai dit, du nord-ouest des Etats-Unis où les gens ont des
contrats, à long terme, pour 3,2 mills, cela veut dire $0.0032. Ces
installations emploient à peu près 40% du nombre de nos
employés.
Elles ont décidé de bâtir, dans différentes
circonstances, quand les sciences furent plus avancées. Comment
pouvez-vous comparer quelqu'un dans ces positions et Alcan qui a fait quelque
chose en 1946? C'est un sujet très complexe. Je ne veux pas donner des
réponses très simplistes, parce que cela ne sert à rien.
Mais, d'un autre côté...
M. Johnson: Je ne voudrais pas non plus que vous croyiez que ma
question voulait sursimplifier le problème. Ma dernière question
sera la suivante: Vous avez fait état que vous avez transporté
votre siège social de Toronto à Montréal dans les
années trente. Est-ce que vous avez l'intention de faire le
contraire?
M. Phillips: Du tout.
M. Johnson: D'accord. Merci. Je tenais beaucoup à ce que
vous nous donniez une réponse à ce sujet, parce que, dans le
public, certaines personnes s'amusent à laisser planer des rumeurs, on
parle du déménagement du siège social de l'AI-can. J'ai
bien compris que vous avez dit non, ce ne sera pas dans vos projets.
M. Phillips: C'est cela.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Depuis quelques
minutes, la commission s'engage peut-être sur une voie qui
l'éloigne de son objectif. Il ne s'agit pas tellement de faire des
débats sur les méthodes comptables. La compagnie Alcan semble
préférer la méthode de calculer des taux de rendement sur
le capital investi. Si je comprends bien le ministre et nos amis d'en face, ils
sont peut-être en train de faire un exercice pour déterminer les
profits de situations ou autres qui résultent de la
propriété pour l'Alcan de sources productrices
d'électricité, de façon peut-être à, sans
tuer la poule aux oeufs d'or, calculer le montant maximal des redevances que le
ministre des Richesses naturelles pourrait suggérer à son
confrère des Finances. Mais notre problème, ici à la
commission, n'est pas de savoir comment on peut augmenter plus facilement, avec
le moins de dommages, les recettes fiscales du gouvernement, il s'agit de
savoir, quand on regarde des diverses utilisations des sources
énergétiques au Québec, parmi les- quelles figure, de
façon importante, l'industrie de l'aluminium, si, en se tournant vers
l'avenir cela continue ou cela va continuer d'être une utilisation
profitable, dans le sens très large, pour l'ensemble de la
société, sans s'interroger à ce moment-ci pour savoir
comment se divisent ces profits pour la société, si cela va
entièrement à la compagnie ou une partie à la
collectivité vis-à-vis des impôts.
Autrement dit, est-ce que cette décision d'investir dans une
industrie, haute consommatrice d'énergie, est une décision qui
est dans l'intérêt public? Etant donné que vous faites de
nouveaux investissements, c'est une question qu'on peut se poser à bon
droit.
Ce qui me frappe, M. le Président j'arrive à ma
question c'est que je constate que vous avez calculé un taux de
rendement de 6,9% pour les cinq dernières années, pour ce qui est
de l'Alcan. Evidemment, quand le ministre nous dit qu'il n'a pas l'intention de
nationaliser, je le comprends un peu, parce qu'il se trouverait à
emprunter de l'argent à 10% pour vous permettre de l'investir
après à 6,9%. Je crois que ce serait un assez mauvais calcul,
mais il reste que ce chiffre de 6,9% me semble bas pour justifier de continuer
à investir dans un secteur industriel qui consomme tellement
d'énergie, dans une période où l'énergie devient
rare et où ses autres utilisations sont également
extrêmement importantes.
Je regarde ici vos états financiers des dernières
années. On aurait pu croire qu'à partir de 1973-74, avec la
hausse des prix de l'énergie, il y aurait eu un bond assez spectaculaire
dans les bénéfices enregistrés par votre compagnie. Je
comprends que vous nous avez donné là une moyenne de 1970
à 1975, donc cela précède la crise de l'énergie.
J'imagine que le taux de 6,9% n'est pas représentatif de ce qu'on a pu
observer plus récemment, quoique encore là, les derniers chiffres
qui nous sont donnés dans votre mémoire indiquent qu'il y a eu
une hausse assez sensible en 1974 et, après cela, une chute en 1975...
Enfin, il y a toutes sortes de facteurs. J'imagine on peut bien vous
faire confiance là-dessus que les perspectives sur le
marché de l'aluminium sont assez bonnes pour justifier des
investissements, mais je crois que n'importe quel gouvernement est
justifié de se demander si, étant donné d'autres
utilisations qu'on va avoir pour l'énergie électrique,
étant donné la faiblesse observée de ce taux de rendement,
à moins que ce ne soit pas un bon indice du futur, il n'y a pas d'autres
usages de l'électricité qui seraient plus intéressants,
peut-être même absolument essentiels.
J'aimerais que vous fassiez des commentaires là-dessus. J'imagine
que vous devez être plus confiant que cela au point de vue des prix de
l'aluminium dans l'avenir et des possibilités de gain pour la
société que vous représentez.
M. Phillips: Premièrement, naturellement, c'est votre
devoir de prendre ces décisions pour la province. Le seul point qu'on
soulevait, c'est qu'on aimerait savoir, au moins, l'opinion du gouvernement
dans ce domaine. Naturellement, on ne
construirait pas une nouvelle usine si on pensait que le rendement
serait de 6,9% à la fin du monde. Depuis 1974, on a trouvé que
nos coûts sont montés plus vite que nos revenus. Les pays
producteurs de bauxite ont décidé de former un petit cartel dans
le genre de l'OPEP, alors le prix de la bauxite a augmenté beaucoup plus
vite que le prix de l'aluminium, et aussi, la demande est tombée en
1975. Ce ne serait pas sûr, l'histoire qu'on proposerait un
investissement. En plus, on le ferait étape par étape, cela veut
dire qu'on ne va pas décider à un moment donné d'implanter
tout ce programme, d'aller de 700 000 tonnes jusqu'à 1 million de
tonnes. Il faut le prendre par tranches. La première tranche, ce serait
une usine de 190 000 tonnes à peu près. Le jour où on
déciderait de continuer, il faudrait qu'un investissement comme cela
soit justifié pour à peu près 25 ans. Alors, on
regarderait les 25 ans dans le futur. On essaierait de dire: Oui, est-ce qu'on
va avoir une rentabilité suffisante pour le faire? C'est à ce
moment seulement qu'on prend notre décision. Après que cela est
construit, si cela fonctionne, on étudie la deuxième
étape.
M. Forget: Oui, mais ma question va un peu plus loin que cela,
dans le sens qu'il y a, bien sûr, des décisions qui
relèvent de la compagnie. Je comprends que, dans une certaine mesure,
cela fait partie de votre stratégie. Vous pouvez difficilement en faire
état en détail, mais il reste qu'il y a trois ingrédients
qui sont nécessaires pour produire de l'aluminium: il y a
l'énergie qui se trouve au Québec; il y a les hydrocarbures qui
ne s'y trouvent pas; et la bauxite qui ne s'y trouve pas non plus. Il y a donc,
de votre part, un jugement, vous l'avez dit, sur la possibilité
d'importer des hydrocarbures sans difficulté. Il y a un jugement qui est
posé également sur la sécurité des
approvisionnements de bauxite et sur la possibilité de continuer
à obtenir des matières premières de pays
sous-développés qui ont eu des attitudes beaucoup plus
restrictives.
Ces investissements, une fois faits, seront évidemment là
pour longtemps. Je pense que ce sont des facteurs qu'il est important de
pouvoir juger avant de consacrer, pour encore 25 ans, l'utilisation de
ressources énergétiques qui sont importantes c'est
près de 20% du potentiel actuellement développé
avant, encore une fois, de consacrer, pour encore 25 ans, des investissements
qui vont enlever à d'autres usages une source si importante
d'énergie électrique.
Est-ce que vous êtes raisonnablement certain de la
possibilité de continuer, du point de vue de la bauxite, par exemple,
l'approvisionnement pour 25 ans à venir?
M. Phillips: II y a certainement assez de bauxite dans le monde.
C'est un des minerais les plus abondants. En plus, on travaille à
certaines possibilités qui ne sont pas dans nos mains à l'heure
actuelle mais, comme vous avez mentionné les trois ingrédients,
il faut aussi mentionner notre technologie. La question de la bauxite, cela va
toucher tous nos concurrents. Alors, en balance, on va être correct si
ça va toucher les autres producteurs d'aluminium dans le même
sens. On ne veut pas que nos prix soient tellement hauts qu'on ne puisse pas
concurrencer l'acier ou un autre matériel, mais, en
général, on voit qu'il y a assez de bauxite, et on peut
concurrencer les autres. Dans le moment, pour les 25 ans qui s'en viennent,
nous pensons que nous sommes dans une bonne position pour faire des profits qui
seront assez acceptables afin qu'on puisse continuer notre industrie et la
nourrir avec d'autre argent. M. Sénécal-Tremblay a
mentionné que, même dans le Saguenay, ils dépensent
à peu près $30 millions à $40 millions par année en
immobilisations seulement pour améliorer les conditions dans les
alu-mineries existantes. C'est quelque chose qu'il faut faire dans le futur
aussi. Il faut qu'on voie qu'il y ait assez d'argent qui va entrer pour faire
marcher notre industrie. Mais, en ce moment, on voit que, oui, Alcan est bien
placée pour compléter une telle expansion. On n'a pas encore
complété toutes nos études, et, naturellement, on se
réserve le droit, jusqu'au dernier moment, de changer d'idée. A
l'heure actuelle, on pense que, oui, le Québec, c'est une bonne place
pour fabriquer de l'aluminium.
M. Forget: Est-ce qu'il serait juste de dire c'est ma
dernière question, M. le Président que durant les deux ou
trois dernières années, alors qu'il y a eu une hausse
considérable des prix des hydrocarbures, du pétrole,
l'espèce de rente économique qui aurait normalement dû se
produire au bénéfice, par exemple, de l'Alcan, au Canada et au
Québec, a été, dans une certaine mesure,
éliminée par la hausse des prix d'approvisionnement en bauxite?
Donc, les deux facteurs auraient joué, de manière qu'on se
retrouve du moins, c'est ce qu'on croirait à regarder certains de
vos chiffres dans une position nette qui n'est pas plus avantageuse
maintenant qu'en 1972, disons.
M. Sénécal-Tremblay: Effectivement, durant la
période à laquelle vous faites référence, 1972, on
se souvient, par exemple, que le prix courant de l'aluminium était de
l'ordre d'à peu près $0.22, $0.23, et aujourd'hui on dit: Le prix
courant est à $0.48 sur le marché américain. Cela a
doublé, donc, c'est extraordinaire. Les profits de toute l'industrie de
l'aluminium devraient évoluer à peu près dans le
même sens. Voici ce qu'on oublie, en regard de ce que j'ai dit un peu
plus tôt, la forte consommation d'hydrocarbures que nous faisons pour la
production de l'aluminium. Les produits de pétrole, vous savez ce qui
leur est arrivé au point de vue du prix, cela a presque
quadruplé. Mais, dans le cas de la bauxite, il y a eu un
phénomène semblable aussi. Le coût de la bauxite a
augmenté d'une façon extraordinaire dans une espèce de
mini-cartel, genre OPEP. Cela semble, dans le moment, se stabiliser, et
surtout, je pense, les producteurs de bauxite traditionnels commencent à
repenser leur philosophie à long terme avec l'arrivée sur le
marché de sources assez importantes de bauxite venant d'Amérique
du Sud, du Brésil en
particulier. Il y a, évidemment, les réserves
énormes de l'Australie, qui peuvent être toujours amenées,
elles, sur le marché, avec un effet de modération assez
considérable.
Mais il y a eu ces augmentations du prix de l'huile, des
dérivés du pétrole, de la bauxite et de la même
façon, la soude caustique qui, elle, joue avec ces facteurs. Et il y a
eu une augmentation très considérable du coût de la
main-d'oeuvre et tout cela, en définitive, a donné un
marché qui est plus ou moins bon une année ou enfin, plus ou
moins mou, et vous avez des résultats comme ceux qu'on a connus depuis
quelque temps qui sont loin d'être à la hauteur de ce qu'on aurait
pu s'attendre.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient de la coopération que vous avez voulu leur
apporter. Merci messieurs.
M. Sénécal-Tremblay: Merci monsieur.
Le Président (M. Laplante): J'appelle le groupe de la CSN.
Bonjour messieurs.
M. L'Heureux (André): André L'Heureux.
Le Président (M. Laplante): Vous avez environ 45
minutes...
M. L'Heureux: Oui.
Le Président (M. Laplante): ... pour votre exposé
et la période des questions. Voulez-vous identifier les gens qui sont
avec vous?
Confédération des syndicats
nationaux
M. L'Heureux: Merci, M. le Président. André
L'Heureux, vice-président de la CSN. Kemal Wassef, directeur du service
de recherche de la CSN, et Pierre Dupont, président de la
Fédération des travailleurs des produits chimiques des mines et
de la métallurgie à la CSN à qui je demanderais, si vous
le permettez, de présenter aussi certains officiers de syndicats dans
l'aluminerie et certains conseillers techniques qui sont ici.
M. Dupont (Pierre): Messieurs, je voudrais vous présenter
les gens de la région du Saguenay: permanent à la
fédération, Laurier Fortin, permanent également à
la fédération, Gérard Gingras; Service d'information de la
CSN, Michel Rioux; président du syndicat de Shawinigan, Laurent Boucher;
Marcel Boudreault, des chemins de fer de l'Alcan au Saguenay; Reynald Tremblay,
chemins de fer de l'Alcan au Saguenay; Gérard Thé-riault, de
Shawinigan, ainsi que Jean Dufour, attaché à la CSN
régionale à Shawinigan.
M. L'Heureux: J'ai l'impression que le débat qui va suivre
poursuit ou est une suite logique à ce qu'on vient de discuter ici.
L'énergie électrique est un facteur essentiel du
développement économique. Les Québécois ont compris
le rôle important de l'électricité dans le
développement de la province et, au cours de la dernière
décade, ont procédé à développer, à
rationaliser et à distribuer cette ressource naturelle qui se trouve en
abondance chez nous. La nationalisation de l'électricité a
été un mouvement déclenché pour donner au
Québec les moyens d'assurer le développement et l'utilisation de
cette ressource en fonction de nos intérêts en propre.
Actuellement, l'avenir économique du Québec repose en
grande partie sur l'utilisation intelligente des ressources électriques
de la province et leur développement futur. Ceci est d'autant plus vrai
que le Québec est un importateur net de ressources
énergétiques quand on examine le bilan total de la consommation
québécoise d'énergie sous toutes ses formes:
pétrole, gaz, charbon, électricité.
Cette situation n'est pas nouvelle. Toutefois, elle revêt une
autre dimension à la lumière des récentes hausses de prix
du pétrole, du gaz et du charbon.
De plus en plus, collectivement, les Québécois doivent
consacrer une plus grande partie de leurs revenus pour faire face à
leurs dépenses énergétiques. Et inversement, de plus en
plus, le Québec doit songer à équilibrer notre
consommation d'énergie sous toutes ses formes.
Aussi, la CSN propose particulièrement deux mesures
immédiates: Premièrement, interdire à
l'Hydro-Québec d'approvisionner en électricité, par
contrat à long terme, le marché des Etats-Unis.
Deuxièmement, égaliser la participation financière
des Québécois à l'effort nécessaire pour le
développement de cette forme d'énergie en nationalisant les
centrales hydrauliques de l'Alcan au Québec.
La place de l'énergie électrique dans les politiques du
gouvernement du Québec est importante. En effet, c'est la seule
ressource énergétique qui, au niveau de la production de la
consommation, s'intègre totalement aux activités
économiques du Québec. L'électricité est donc un
outil important dans la politique énergétique globale du
Québec.
De nombreuses propositions ont été mises de l'avant qui
visent à une meilleure conservation de l'énergie. Les travaux de
la commission toucheront sans doute cet aspect du problème. Il est clair
que le gouvernement du Québec peut et doit orienter la consommation
future des Québécois par l'élaboration d'un ensemble de
mesures visant à diminuer la consommation d'énergie et à
améliorer l'utilisation et la consommation.
Le prix de l'électricité vendue par l'Hydro-Québec
est le plus bas en Amérique du Nord. Ce sont les
Québécois, tous ensemble, qui ont contribué à
réaliser cette opération. Ils y ont contribué
techniquement par les travaux de génie complexes qu'il leur a fallu
bâtir. Ils y ont contribué financièrement par l'achat
d'obligations de l'Hydro-Québec et le prix qu'il faut payer pour
développer cette forme d'énergie. Il est normal que
l'électricité coûte moins cher au Québec. En effet,
nous payons ensemble des prix plus élevés pour les autres formes
d'énergie que nous importons. Le prix
de l'électricité vendue au Québec compense
partiellement pour le prix du pétrole, du gaz, du charbon qui
coûtent plus cher au Québec. Il y a ici trois paragraphes qui ne
paraissent pas dans le texte qu'on vous a remis.
A cet égard, la CSN constate que les tarifs de l'énergie
vendue par l'Hydro-Québec devront faire l'objet d'un remaniement
important afin de concilier le prix de vente de l'électricité
avec les nouvelles politiques du gouvernement. Aujourd'hui, les tarifs de vente
de l'Hydro-Québec accordent une prime aux gros consommateurs
d'énergie au Québec en leur fournissant de
l'électricité à un meilleur prix. La CSN condamne cette
attitude de l'Hy-dro. Il ne s'agit pas de renverser la situation, mais de
définir un ensemble de nouveaux critères qui permettraient de
rationaliser la distribution et le financement de l'énergie
électrique plus adéquatement. De tels critères, en ce qui
concerne les gros consommateurs industriels de l'énergie, seraient
fondamentalement axés sur le type de productions et d'emplois que de
telles industries contractent au Québec.
L'avenir de l'électricité au Québec dépend
essentiellement du prix de vente de cette énergie pour l'ensemble de la
population utilisatrice: consommation domestique, commerciale, industrielle, et
également du rôle que ce secteur sera appelé à jouer
dans les activités économiques de la province pour diminuer le
drainage continu de nos moyens financiers vers l'extérieur.
Actuellement, le Québec consomme seulement 20% de ses besoins
énergétiques sous forme d'électricité. Cette part
est demeurée stable à travers les années. Une étude
il sernble, d'après ce que l'Hydro-Québec a
présenté ici hier, que c'est amorcé devrait
être entreprise afin d'examiner les possibilités de substitution
des autres formes d'énergie utilisées au Québec par
l'électricité et les bénéfices annuels d'une telle
conversion à long terme sur notre économie. En attendant, le
gouvernement devra réglementer étroitement les ventes
d'énergie de l'Hydro-Québec aux Etats-Unis, notamment en
interdisant la vente d'électricité par contrat
d'approvisionnement à long terme.
Il existe au Québec un courant d'idées à
très courte vue. Selon les tenants de ces idées, la vente de
l'électricité aux Etats-Unis contribuerait à
réduire le déficit provoqué par les autres achats
énergétiques contractés à l'extérieur. C'est
la solution facile. En effet, ce courant d'idées ignore que la vente
d'électricité aux Etats-Unis exportera des emplois du
Québec vers l'étranger. En passant, il faut mentionner que
l'expansion de l'Hydro-Québec au cours des quinze dernières
années s'est manifestée dans la production d'énergie
électrique. Il est temps que la vocation de ces entreprises d'Etat soit
élargie dans des champs de la recherche appliquée sur les usages
domestiques, commerciaux et industriels de l'électricité, et sa
conservation.
Nationalisation des centrales hydrauliques de l'Alcan. Beaucoup
d'efforts ont été consacrés à faire de
l'électricité un instrument important dans l'avenir du
Québec, mais on a laissé l'Alcan bénéficier de
privilèges que l'on ne retrouve nulle part ailleurs, ni dans le secteur
industriel, ni au niveau du contribuable. En effet, les centrales hydrauliques
de cette compagnie sont demeurées sa propriété directe et
ont échappé au mouvement de nationalisation. Aujourd'hui, l'Alcan
jouit d'une situation réellement privilégiée en
Amérique du Nord et évidemment au Québec. Elle profite
d'une rente injuste tirée de la poche des Québécois et des
autres entreprises industrielles, petites ou grosses, consommatrices
d'énergie électrique. C'est une rente de situation que la CSN ne
peut tolérer, d'autant plus qu'elle ne se justifie d'aucune
façon. En effet, l'opération qui consiste à faire payer
par les Québécois tous ensemble un prix plus élevé
pour leur énergie électrique nous vient d'une autre
époque, une époque où l'industrie de l'aluminium passait
souvent par des périodes de surcapacité et où ne
manquaient pas les prétextes pour que l'Alcan maintienne ses
privilèges. On sait qu'à cette époque le prix de
l'aluminium demeurait relativement stable et n'était soumis qu'à
des pressions à la baisse. On sait aussi qu'à cette époque
l'Alcan entreprenait une expansion importante à travers le monde, en
Australie, en Amérique du Sud, en Europe et aux Etats-Unis. Aujourd'hui,
le prix de la livre d'aluminium est de $0.48. Dans les mois qui viennent, on
s'attend à une nouvelle hausse qui portera le prix de la livre
d'aluminium à près de $0.55. En 1972, le prix de la livre
d'aluminium était de $0.32.
L'utilisation accrue de l'aluminium au Canada et ailleurs dans le monde
a modifié totalement la situation. Cette croissance de la consommation,
ajoutée à l'épuisement, en 1974, des stocks
accumulés en temps de surcapacité, place l'industrie de
l'aluminium dans une conjoncture où il y a effectivement rareté
du métal, sans parler du récent lock-out
décrété par l'Alcan contre ses travailleurs du Saguenay et
de ses manoeuvres pour le moins douteuses à Shawinigan.
L'importance de l'énergie électrique pour l'industrie de
l'aluminium. La production d'une tonne d'aluminium au moyen des
procédés habituels de l'électrolyse requiert 16 000
kilowatts-heures d'énergie électrique.
Aussi, le principal facteur de localisation de l'industrie de
l'aluminium a été, de tout temps, la disponibilité de
grande quantité d'énergie électrique propre au
développement de l'industrie. Comme le Québec recèle
d'immenses possibilités dans ce domaine, il n'est donc pas
étonnant qu'il se soit spécialisé industriellement dans ce
secteur d'activité économique, d'autant plus que le coût de
production de l'énergie électrique se compare très
avantageusement avec les coûts de production établis ailleurs en
Amérique du Nord et en Europe.
Pour l'Alcan, l'histoire de son expansion dans la production d'aluminium
s'accompagne d'une expansion parallèle dans le secteur de
l'énergie électrique. Actuellement, selon les données
établies par Statistique Canada, la puissance totale installée au
Québec par l'Alcan est de 2 350 000 kilowatts.
La centrale l'Isle-Maligne est la plus vieille du groupe, avec une
puissance installée de 337 000
kilowatts. Construite au début des années vingt,
aujourd'hui elle est totalement amortie et ses coûts de production se
limitent à son entretien à sa surveillance.
Chute-à-Caron possède une puissance installée de
180 000 kilowatts. Elle a été construite vers la fin des
années vingt, au commencement des années trente. Dans quelques
années, cette centrale sera elle aussi totalement amortie et ses
coûts de production se limiteront à son entretien et à sa
surveillance.
La centrale hydraulique de Shipshaw a été construite
pendant la deuxième guerre mondiale. On peut déjà imaginer
de quelle sorte d'assistance financière considérable elle a
profité dans l'effort de guerre des gouvernements canadien et
américain. Puissance installée, 717 000 kilowatts.
L'expansion de l'Alcan dans le secteur énergétique a
repris au cours des années cinquante-soixante avec la construction des
centrales de Chute du Diable et de Chute-à-la-Savane au début de
la décade, avec une puissance installée de 187 250 kilowatts
respectivement. Chute-des-Passes, avec une puissance installée de 742
500 kilowatts devait être construite au cours de la deuxième
partie de la décade.
Une comparaison établie à partir des données de
1973 entre la puissance hydraulique installée de l'Alcan par rapport aux
autres producteurs d'énergie électrique du Québec permet
de qualifier nettement l'importance du réseau électrique de la
compagnie en propre.
Selon ces données, l'Alcan possède un réseau
hydraulique équivalant à 22,4% du réseau hydraulique du
secteur public du Québec. M. le Président, je vous avoue que
quand on a appris ce chiffre, ça nous a tous surpris.
On sait que le producteur d'énergie électrique du public
du Québec est l'Hydro-Québec et que la puissance installée
de cette commission a connu, au courant des années 1965/1973, une
expansion importante. Malgré cette expansion, le réseau
électrique Alcan représente près du quart de la puissance
hydraulique installée du secteur public.
Parmi tous les producteurs du pouvoir hydraulique du secteur
privé du Québec, la seule puissance hydraulique installée
de l'Alcan représente 70,7% du total hydraulique. Les pouvoirs de
l'Alcan, Manicouagan, Power Co, McLarren Québec Power Co, Price,
Aujourd'hui filiale d'Abitibi Paper et d'Abitibi Paper Ltd. combinés
ensemble représentent 93,8% de toutes les sources privées de
pouvoir électrique hydraulique. Les autres sources de pouvoir
électrique sont atomisées puisque 25 entreprises produisent les
6,2% qui restent.
A elle seule, l'industrie de l'aluminium accapare 80% de tout le pouvoir
électrique privé de source hydraulique. En effet, en plus de la
puissance installée de l'Alcan, il faut ajouter la centrale Manicouagan
Power qui est une propriété partagée entre les compagnies
Reynolds Metals et Quebec North Shore à Baie-Comeau. Toutefois, les
ressources électriques de la Manicouagan Power Co. ne suffisent pas aux
besoins de la Reynolds qui s'approvisionne également auprès de
l'Hydro-Québec.
Il en coûtera $18,6 millions à l'Alcan pour produire
l'année prochaine 13,7 milliards de kilowatts-heure, soit $0.136 cents
le kilowattheure. C'est, et de loin, un prix d'énergie à bon
marché inégalé en Amérique du Nord. Les coûts
d'une centrale électrique se décomposent de la façon
suivante: droits et redevances, coûts de la construction, coûts du
financement, coûts d'entretien et de la surveillance.
Les centrales hydrauliques de l'Alcan sont situées sur deux
rivières: le Saguenay et le Péri-bonka. Isle-Maligne,
Chute-à-Caron et Shipshaw constituent le point de départ de la
production électrique de l'Alcan dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ces
trois centrales hydrauliques sont situées sur la rivière Saguenay
dont les droits d'eau sont la propriété de la compagnie.
Kemal Wassef me souligne qu'au niveau des redevances, d'après les
chiffres qui ont été soumis tantôt, il y a peut-être
une différence de quelques millions avec ce qu'on a obtenu, parce que
pour essayer d'analyser ce qui se passe dans une compagnie, on l'a vu un peu
tantôt, c'est assez difficile, ça prend un travail de
détective ou d'analyse d'interprétation.
M. Joron: Si vous vous étiez adressé au
gouvernement, on vous les aurait fournis, parce qu'on sait ce qu'ils nous
payent, ce sont des chiffres publics.
M. L'Heureux: Je suis d'accord.
L'histoire de la main-mise par l'Alcan sur le Saguenay ne manque pas de
saveur. Il suffit de rappeler que des spéculateurs en firent l'achat du
gouvernement du début du siècle pour un montant total
n'excédant pas $40 000. En 1913, James Duke, un industriel
américain rachètera ces concessions. Il lui en coûtera,
dit-on, $1 million.
Duke avait conçu le projet d'aménager une centrale
hydroélectrique et fonda, avec William Price, un industriel dans la
région, la Duke-Price Company. En 1924, la construction de la centrale
hydroélectrique d'Isle-Maligne est commencée. Duke projetait
également de construire une aluminerie. Toutefois, l'Alcoa, maison
mère de l'Alcan à cette époque, achètera l'ensemble
des concessions possédées par celui-ci sur la rivière
Saguenay, à l'exception de la centrale d'Isle-Maligne, au prix modique
de $17 millions payés sous forme d'actions de l'Alcoa. De plus,
après la mort de Duke et la faillite de Price, en 1926/27, l'Alcan
prendra le contrôle de la Duke-Price Company qui changera de nom pour
s'appeler la Saguenay Power Co.
De la Saguenay, l'Alcan tire près de la moitié de sa
production totale d'électricité. Cette électricité
n'est même pas soumise aux droits et redevances habituels qui frappent
l'utilisation de l'eau pour produire de l'énergie électrique.
Le développement hydroélectrique de l'Alcan devait se
poursuivre dans les années 1950-1960. A ce moment, elle allait obtenir
du gouvernement une loi autorisant et facilitant l'aménagement
hydroélectrique de la Péribonka.
Aujourd'hui, l'Alcan paie des droits d'eau et
des redevances de l'ordre de $1,2 million peut-être trois
pour produire près de 6,77 milliards de kWh annuellement sur la
Péribonka.
Ce montant représente à peine $0.0002 du kWh produit par
les centrales hydrauliques harnachant cette rivière. Si on ajoutait la
production des centrales harnachant la Saguenay, le prix des droits et
redevances par unité de kWh produit par toutes les installations
hydroélectriques de l'Alcan au Québec tomberait à
$0.0001.
Les experts de l'Hydro-Québec s'accordent, en
général, pour dire que l'investissement nécessaire pour la
production d'un kilowatt est passé d'un niveau relativement stable de
$200, avant 1950, à $250 à $300 entre les années
1950-1960. Aujourd'hui, il en coûterait $1200 pour la production d'un
kilowatt.
Au point de départ, de telles estimations nous ont permis
d'établir l'ordre de grandeur des investissements requis pour la
construction et l'équipement du système hydroélectrique de
l'Alcan au Québec. Une première étude avait
été réalisée à partir des hypothèses
formulées plus haut. Toutefois, depuis ce temps, la CSN a entrepris de
nombreuses recherches pour établir plus précisément les
investissements réalisés par l'Alcan à ce chapitre. Comme
les coûts de construction d'une centrale hydraulique et son financement
représentent près de 95% du coût total de fonctionnement du
système, il est clair que la précision dans ce domaine est
essentielle.
Les recherches entreprises à partir de coupures de journaux, de
documents historiques et des textes officiels de la société ont
permis d'établir de façon précise que l'Alcan a investi
dans son propre groupe hydroélectrique le montant total de $345,4
millions.
Ainsi, un prospectus de la Saguenay Power Co., en 1935, nous a permis
d'isoler le prix de la centrale d'Isle-Maligne, en réseau
électrique étendu et ses droits d'eau. A cette époque, les
actifs immobilisés par la Saguenay Power Co. se montaient à $57,4
millions. Selon les méthodes comptables reconnues par la Federal Power
Commission des Etats-Unis, aujourd'hui, cette installation est totalement
amortie et ses frais se résument au coût d'entretien et de
surveillance.
A l'origine, Chute-à-Caron et Shipshaw devaient être
réalisés en même temps. De nombreuses études de
rentabilité furent entreprises par l'Alcan. Un ingénieur de
l'Aluminum Co. of America avait calculé à l'époque qu'il
en coûterait $65 par CV en moyenne pour aménager les forces
hydrauliques de la région et que le coût de revient
s'élèverait à $5 par CV par année. A la même
époque, l'aménagement hydroélectrique en Ecosse, en
Allemagne et aux Etats-Unis exigeait un investissement de l'ordre de $110
à $220 par CV et le coût de revient variait entre $10 et $16 par
CV par année.
La centrale hydroélectrique de Chute-à-Caron fut
construite au début des années trente au prix de $19,5 millions.
Toutefois, la deuxième étape du projet devait être
retardée jusqu'en 1940. La dépression économique au cours
de ces années a été invoquée pour expliquer le
retard. Ce retard devait permettre à l'Alcan de réaliser une
affaire en or pendant la guerre. En effet, la centrale de Shipshaw fut
construite en un temps record de deux ans, au prix de $62,5 millions et
à coups de subventions justifiées par l'effort de guerre.
Sans verser dans la prose, il s'agit de retenir que même des
prisonniers de guerre furent utilisés pour mener à terme les
travaux. L'aide financière fut, elle, considérable. Le
Royaume-Uni avança à l'Alcan $55,6 millions à un taux
d'intérêt de 3%. Les Etats-Unis d'Amérique
contractèrent un contrat d'approvisionnement d'aluminium important et
financèrent les investissements requis pour l'expansion des usines
d'Arvida et Shipshaw sous forme de prêt sans intérêt,
l'avance remboursable sur livraison. Le gouvernement du Canada consentit une
autre forme de subvention, soit l'amortissement accéléré,
afin de réduire les profits réalisés à cette
époque.
Malgré les aides directes et indirectes qui ont contribué
à faire de la centrale hydroélectrique de Shipshaw la centrale la
moins chère du groupe hydroélectrique Alcan, nous avons
établi le coût en capital et intérêt de Shipshaw,
conformément aux méthodes comptables empruntées par les
autres centrales.
Les centrales de Chute-du-Diable et Chute-à-Savane furent
construites à un prix unitaire de $28 millions. Selon les rapports
financiers de l'Alcan à cette époque, ce montant tient compte de
l'extension nécessaire au réseau électrique. Il en est de
-même de Chute-des-Passes qui fut aménagée à la fin
de 1957 au prix de $150 millions.
Coût du financement. Pour cette année, nous avons
utilisé la moyenne du taux de rendement des obligations industrielles
établies aux Etats-Unis selon le Moody's. L'utilisation du taux de
rendement des obligations industrielles plutôt que celui des obligations
des services publics a pour conséquence d'accroître de
façon significative le coût du financement. Les moyennes qui
apparaissent pour chaque centrale au tableau 6 sont les moyennes des trois
années précédant le début de la production
électrique des centrales. Au total, le coût estimé du
financement de toutes les centrales hydrauliques de l'Alcan est de 3,82% par
année. Ce coût, comme celui du coût de la construction, ne
peut que régresser dans l'avenir, dans la mesure où la
société amortit totalement le coût de capital.
Mentionnons, au passage, qu'une telle donnée est purement
théorique, puisque l'Alcan possède de nombreux moyens pour
entreprendre ses investissements à meilleur marché. Il est bien
connu que l'Alcan a recours à des émissions d'actions
privilégiées et communes dont les risques sont assumés par
les acquéreurs. D'autre part, l'Alcan possède les ressources
nécessaires pour financer en propre une partie de ces
investissements.
En capital et intérêts, il en coûtera à
l'Alcan $10,74 millions, l'année prochaine.
Coût de la main-d'oeuvre. Le coût annuel de la
main-d'oeuvre, 380 travailleurs et cadres, requise à l'entretien et la
surveillance des centrales de l'Alcan au Québec, selon la convention
collec-
tive renouvelée par ce groupe, se monte à $6,7
millions.
La rente de situation de l'Alcan. En ajoutant au coût annuel en
capital et en intérêts le coût annuel de la main-d'oeuvre,
des droits et redevances, le coût de production annuel des centrales
hydrauliques de l'Alcan s'établit à $18,6 millions.
Comme la production électrique de l'Alcan s'établit
à 13,7 milliards de kilowatts-heures par année, qu'elle en vend
à l'Hydro-Québec une partie excédant sa consommation en
propre et évaluée à 1 milliard de kilowatts-heures pour le
montant de $3 millions, le coût net d'un kilowatt-heure fabriqué
par l'Alcan pour sa consommation en propre s'établit à
$0.00123.
A ce prix, l'Alcan jouit d'une rente enviable vis-à-vis des
autres gros consommateurs d'énergie au Québec, vis-à-vis
de la concurrence étrangère dans l'industrie de l'aluminium.
C'est une rente que seuls des Québécois mal informés, ou
particulièrement intéressés, ont consentie à cette
société qui a exporté continuellement ses profits
québécois pour les investir à l'étranger.
En demeurant propriétaire de ses centrales électriques,
l'Alcan retire du Québec un avantage renouvelable chaque année de
l'ordre de $75 millions. En effet, si on compare le prix d'achat moyen d'un
kilowatt-heure de toutes les industries québécoises grosses
consommatrices d'énergie électrique au prix net d'un
kilowatt-heure de l'Alcan pour sa consommation en propre, le résultat
indique que la société économise directement $0.00588 le
kilowatt-heure, ce qui représente pour une consommation de l'ordre de
12,7 milliards de kilowatts-heures le montant total de $75 millions.
Par rapport à toute l'industrie
électrométallurgique qui jouit au Québec d'un prix
nettement favorable pour sa consommation électrique, puisque celle-ci se
situe en moyenne à $0.00543 le kilowatt-heure, l'Alcan conserve une
rente de situation de l'ordre de $53,9 millions.
En considérant seulement le cas de la Reynolds Metals Aluminum
Company de Baie-Comeau, qui a acheté en 1975 pour 892 millions de
kilowatts-heures à l'Hydro-Québec au prix de $0.00509, l'Alcan
garde un avantage comparé de l'ordre de $49 millions.
Je dois peut-être souligner que la compagnie Reynolds Aluminum
paie ses travailleurs de Baie-Comeau environ $1 l'heure de plus que ceux de la
région du Saguenay et de Shawinigan.
Il est à noter que la rente de situation de l'Alcan a
été évaluée en comparant le coût actuel net
de kilowatt-heure produit par la société au prix d'un
kilowatt-heure vendu en 1975 par l'Hydro-Québec à l'industrie
québécoise grosse consommatrice d'énergie. Comme le prix
de l'énergie vendue par l'Hydro a été augmenté au
1er janvier 1976 et au 1er janvier 1977, la rente de situation de l'Alcan s'est
encore accrue.
Par rapport aux Etats-Unis où le prix de l'énergie
utilisée par les gros consommateurs industriels est, selon la
région, de deux à sept fois le prix moyen de vente de
l'électricité au Québec, on peut imaginer facilement la
rente de situation que retire l'Alcan au niveau international de ses
opérations.
Même par rapport au prix de vente de la Bon-neville Power
Administration de Portland, qui alimente 35% de la production d'aluminium des
Etats-Unis et qui se situe présentement à $0.00350 le
kilowatt-heure, l'Alcan conserve un avantage marqué de l'ordre de
près de $29 millions.
Les contrats à long terme qui lient les producteurs d'aluminium
du nord-ouest des Etats-Unis avec la Bonneville Power viennent à
échéance entre 1984 et 1988. On s'attend donc que le prix de
vente de l'énergie électrique, même dans cette
région, grimpe de façon très importante pour
refléter le véritable prix du marché de
l'électricité aux Etats-Unis.
Conclusion. Il est temps pour le Québec de se doter d'une
politique énergétique qui tienne compte de notre
développement économique futur. Une telle politique devra
équilibrer notre consommation d'énergie, les moyens financiers
qui nous sont nécessaires en fonction des réalités
économiques contemporaines. La CSN propose la nationalisation des
centrales hydrauliques de l'Alcan à leur valeur réelle. En effet,
la CSN estime que l'accroissement des droits et redevances frappant l'Alcan ne
règlerait qu'une partie du problème. En effet, le Québec a
déjà cédé ses droits sur le Saguenay. La CSN
renouvelle sa demande portant sur la rétroactivité de la
nationalisation au 1er juin 1976, afin que le produit des ventes
d'énergie réalisé par l'Alcan au cours de la
période juin-décembre 1976, soit versé à un fonds
d'indemnisation des travailleurs frappés par les lockout et
grèves au prorata des jours perdus et jusqu'à concurrence des
revenus tirés de leur emploi.
La CSN demande que le prix de l'énergie électrique vendue
au Québec tienne compte des désavantages qui frappent les
consommateurs québécois au chapitre des autres formes
d'énergie et qu'une nouvelle tarification de l'électricité
soit étudiée afin de concilier le taux de
l'électricité vendue par l'Hydro à la nouvelle politique
du gouvernement.
La CSN se prononce contre l'exportation, par contrat à long
terme, de l'énergie électrique à l'extérieur du
Québec.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Joron: M. L'Heureux, je voudrais vous donner, avant de vous
poser quelques questions, mes impressions générales sur votre
mémoire. Dans un sens, je trouve qu'il y a une bien petite partie qui
porte véritablement sur le sujet qui occupe cette commission, qui est la
politique énergétique du Québec. Vous parlez des ventes
aux Etats-Unis dans un bref paragraphe, au début, et vous le mentionnez
à nouveau à la.fin, c'est tout. L'essentiel du mémoire
porte sur l'Alcan, bien sûr, via sa production
d'électricité. L'argumentation que vous apportez pour la
nationalisation des installations hydroélectriques de l'Alcan, n'est pas
fondée sur la qualité de l'utilisation que l'on fait de
cette énergie, ce qu'on pourrait faire avec ailleurs. Elle est
uniquement fondée sur une argumentation qui tourne autour des prix et
des bénéfices. En somme, on a l'impression, en tout cas, c'est
l'impression qui se dégage de votre mémoire, que ce contre quoi
vous en avez dans un certain sens, c'est uniquement les profits que l'Alcan
réalise. Cela me semble être à peu près cela, mais
en tout cas, je reviendrai sur ce point. Je vais prendre le premier d'abord,
sur la politique d'exportation.
Vous avez raison de dire qu'une politique d'exportation à long
terme d'énergie n'est pas souhaitable pour le Québec; on est bien
conscient de cela, on l'a déjà dit, on ne veut pas s'embarquer
là-dedans, sauf que je ne sais pas exactement à quoi vous faites
allusion. Si vous faites allusion au contrat qui existe à l'heure
actuelle, qui va marcher pendant cinq ans environ, avec le Power Authority of
the State of New York, pour la fourniture d'électricité de
l'ordre de 800 mégawatts, ou quelque chose comme cela, il faut bien se
rendre compte je tiens à préciser ceci que ce
contrat couvre de la fourniture d'électricité dans les mois
je ne sais pas les dates exactes de juin, juillet, août,
septembre, en gros, dans la période où on a un surplus
considérable d'électricité. On ne vend pas
l'électricité à l'Etat de New York pendant le mois de
décembre où on en a considérablement besoin. Cela fait
partie d'un premier contrat. J'aimerais en voir d'autres qui
prévoiraient des échanges d'électricité.
Je pense que ce n'est pas exact. Vous ne pouvez pas dire que des
contrats de ce type, ce sont les seuls du genre que nous avons à l'heure
actuelle, avec les Etats-Unis, qui constituent une exportation d'emploi vers
l'extérieur, parce que si on ne la vendait pas dans ces mois, cette
électricité j'allais être grossier, j'allais dire:
on n'aurait que faire sinon se la mettre à quelque part de toute
façon, à ce moment, la demande sur la capacité du
réseau n'est même pas de 50%. Alors, ou bien, on laisse couler
l'eau, on n'en tire pas un cent, ou bien, on la vend à New York qui en a
besoin, parce que sa pointe est pendant l'été.
Je ne vois pas sous quel biais on peut attaquer ce principe. Ou bien de
laisser couler l'eau dans la rivière, ou bien d'en retirer un
bénéfice, parce que cela s'adonne qu'à ce moment, eux en
ont besoin et nous, on en a trop. On n'en aurait que faire, de toute
façon.
Si notre demande était très égalisée et si
on en avait besoin à tout moment, ou si vous me disiez qu'il y aurait
des utilisateurs industriels au Québec qui pourraient prendre, pendant
l'été, toute cette charge-là, ce serait une tout autre
paire de manches. Ce serait vrai que continuer de vendre à
l'étranger constituerait une exportation d'emplois ou ainsi de suite.
Mais les contrats qui lient l'Hydro-Québec, à l'heure actuelle,
à l'étranger, en tout cas, moi, vous pourrez expliciter davantage
sur le sujet, je ne vois pas comment ils constituent une exportation. Je suis
bien d'accord avec vous qu'il faut s'abstenir d'en vendre aux mois de
décembre, janvier, février, mars et ainsi de suite. Mais ce qu'on
vise à faire avec l'Etat de New York, et j'espère qu'on va
pouvoir y arriver, c'est de vendre à ces gens ce qu'on ne peut pas
utiliser pendant l'été, alors qu'eux ont leur pointe; en
échange, qu'eux nous en retournent pendant notre pointe à nous,
qui est leur creux à eux, parce qu'eux, c'est plus des problèmes
de climatisation que de chauffage. Donc, c'est l'été qu'ils ont
leur pointe et, en décembre, il y aurait des surplus, décembre et
janvier.
A l'heure où nous, on a de grands surplus, pour nous
éviter d'avoir à construire des installations seulement pour
répondre à cette pointe, qui dure finalement une courte
période de l'année, il serait fort avantageux de ne pas avoir
à faire des investissements colossaux pour produire de la puissance qui
ne sert finalement que pour deux ou trois mois et pouvoir retrouver en hiver ce
qu'on aurait vendu en été à l'Etat de New York. En tout
cas, c'est comme ça que je vois le problème.
Maintenant, par rapport à l'Alcan, comme je vous le disais, j'ai
l'impression que vous n'avez pas basé votre argumentation pour soutenir
la nationalisation des barrages hydro-électriques à partir d'une
politique de fond. Vous nous avez mis là-dedans des tas de chiffres
dont, d'ailleurs, je m'excuse, plusieurs sont erronés. Je vais en
souligner un, fondamental, et qui est au départ même de toute
votre argumentation.
Le fondement du départ aussi et la description historique que
vous faites de l'Alcan visent à placer le débat dans la situation
suivante: Voici une compagnie qui faisait bien pitié il y a 30 ans,
à une époque où il y avait des surcapacités
d'aluminium dans le monde, ainsi de suite, et où la tendance des prix de
l'aluminium était à la baisse; donc, on pouvait concevoir,
à cette époque, qu'on soit plus large vis-à-vis... Mais,
à une époque aujourd'hui où vous dites qu'il y a une
rareté du métal et où les prix sont à la hausse,
ces privilèges ne seraient plus explicables.
Je vous ferai remarquer que la situation globale de l'Alcan,
contrairement à ce que laisse croire votre rapport, est loin de
s'être améliorée depuis 20 ans, et ce n'est pas exact de
dire qu'on est dans une situation de rareté de ce métal à
l'heure actuelle. La rentabilité de l'Alcan, aujourd'hui, par rapport
à ce qu'elle était il y a 20 ou 30 ans, s'est
considérablement détériorée, et la meilleure preuve
de ça, le meilleur reflet de ça, ce sont les marchés
financiers eux-mêmes. On n'a pas besoin de s'embarquer dans des analyses
extrêmement compliquées et de faire appel à une multitude
de chiffres. Vous n'avez qu'à faire appel à ce qu'en pensent le
public et les investisseurs, ceux qui achètent ou vendent des actions de
l'Alcan, et voir les cotations en bourse sur le marché de l'Alcan.
Moi, je me souviens, il y a 20 ans, la première "job"
d'été que j'ai eue, c'est exactement il y a 20 ans;
j'écrivais les cotations sur un tableau chez un courtier. Je me souviens
qu'en 1957, les actions de l'Alcan se vendaient $55 l'action. Elles se vendent
$27 aujourd'hui. La moitié moins, depuis 20 ans. On ne peut pas dire que
la situation de la compagnie s'est tellement améliorée. Son taux
de rendement, sur l'avoir des actionnaires, a fléchi
considérablement. Il était bien au-delà de 10%
à
cette époque. Il est rendu à 6,9% depuis les cinq
dernières années.
Je pense que le départ trace un portrait qui n'est pas conforme
du tout avec l'historique des choses qui se sont passées. Bon!
Maintenant, il y a un chiffre capital, parmi beaucoup trop de chiffres
peut-être ou d'interprétations de chiffres dans votre rapport,
quant à moi. C'est le suivant, qu'on lit à la page 12, où
vous dites: Et si on ajoutait la production des centrales "harnachant" la
Saguenay, le prix des droits et redevances, par unité de kilowatt-heure
produit par toutes les installations hydroélectriques de l'Alcan,
tomberait à un mill; c'est ça? A 0.0001, exactement un mill par
kilowatt-heure. Or, les redevances que paie l'Alcan, et qui sont
déjà, comme je n'ai pas hésité à les
identifier, insignifiantes, par rapport aux prix d'aujourd'hui, si elles n'ont
pas été changées depuis 1946, cela ne restera pas ainsi,
c'est évident.
C'est ce que je vous disais tout à l'heure. Si vous nous l'aviez
demandé, on aurait pu vous fournir ces chiffres et peut-être que
le rapport aurait été tout autrement.
Elle paie deux choses. D'abord, elle paie des redevances sur les
installations même où elle est propriétaire des sites. Il y
a deux choses. Il y a un loyer et redevance payables sur les sites
loués. Ce loyer et cette redevance, elle ne les paie pas,
évidemment, là où elle est propriétaire du fonds.
C'est une chose.
Ensuite, il y a une taxe sur l'énergie produite qui est autre
chose, soit .015 le kilowatt-heure. L'année dernière ou
peut-être était-ce en 1974 ou 1975 enfin, peu importe
puisque la consommation d'électricité n'a pas tellement
varié dans le temps et les redevances non plus les redevances et
loyers que payait l'Alcan étaient de $1 866 272. C'est une chose.
Ensuite, la taxe de .015 par kilowatt-heure produisait un montant brut de $2
628 853, pour un total brut de $4 495 125, soit exactement 26 mills par
kilowatt-heure. C'est 26 fois votre chiffre. Comment peut-on arriver à
des écarts semblables? Quand on parle d'une différence de 1
à 26, ouf! Cela met sérieusement en doute la
crédibilité d'un paquet d'autres chiffres qu'on retrouve dans
votre mémoire.
Je regrette, mais je suis obligé de vous le dire. Ce sont les
chiffres exacts. C'est cela qu'elle a payé pour les dernières
années. Ecoutez, je ne sais plus par quel bout prendre votre proposition
sur l'Alcan. J'attendrai vos commentaires après, mais peut-être
qu'il vous serait plus facile, dans un premier temps, de répondre
à la question que je vous posais d'abord, la première, sur les
exportations aux Etats-Unis.
M. L'Heureux: Je trouve étrange que le ministre estime,
lorsqu'on parle avec insistance du fait... Moi, comme citoyen
québécois, j'ai toujours cru, comme la majorité des
Québécois, qu'en 1962 on avait nationalisé toutes les
centrales hydrauliques au Québec. Je regrette, M. le Président.
C'est une impression que j'avais et je pense que la majorité des
Québécois ne le sait pas. Il n'est pas indifférent,
à ce moment, d'apprendre que 25% de l'une de nos sources
d'énergie les plus importantes, surtout avec tous les problèmes
que pose justement la question que vous analysez ici...
Il n'est pas indifférent, ni inopportun de rappeler ce fait;
étant donné l'importance de cette source d'énergie
c'est le sujet de l'étude de la commission il est important que
soit rapatrié, dans les plus brefs délais, l'ensemble des
centrales électriques et que l'Hydro-Québec développe au
maximum les ressources hydrauliques au Québec.
A moins qu'on ne discute de l'an 2000... J'aime bien les discussions sur
l'an 2000, mais j'aime bien qu'on parle concrètement aussi de ce qui va
se faire dans les années qui viennent par rapport à ce qu'on a pu
vivre depuis des dizaines d'années.
Il n'est pas indifférent, quant à nos chiffres...
Tantôt, quand même, quand l'autre groupe était là, le
problème qu'on avait, c'était une pénurie de chiffres.
Qu'on conteste et c'est ce que j'espère bien les chiffres
qui sont ici, il est sûr qu'avec les moyens qu'on a... Mais, dans
l'ensemble, je suis convaincu qu'on va pouvoir démontrer je ne
sais pas dans quelle mesure; nous, on prétend que c'est de l'ordre de
$75 millions que l'Alcan bénéficie, annuellement, d'un
privilège de cet ordre. Son concurrent on pourra faire les
calculs aussi. Je ne sais pas si vos spécialistes ou vos assistants les
ont analysés Reynolds Aluminium, qui doit acheter son
électricité à un prix supérieur de
l'Hydro-Québec, est dans une position, d'un point de vue de stricte
concurrence, défavorable par rapport à celle
privilégiée de l'Alcan.
Au surplus, je vous rappelle, parce qu'on a dit cela tantôt, que
cette usine qui a été fermée par la compagnie cet
été dans le Saguenay paie, malgré tous ses
privilèges, des salaires inférieurs aux travailleurs du Saguenay
par rapport à ceux de Baie Comeau. On nous parle aussi des
problèmes de transport, ceux-là qui peuvent être
irritables, mais Baie Comeau et le Saguenay, je ne sais pas quel
problème Reynolds a aussi de ce point de vue-là.
Quant à l'exportation à long terme...
M. Wassef (Kemal): Je voudrais soulever tout de suite la question
des 26 mill. J'ai fait un petit calcul ici et cela ne modifie pas, en
multipliant cela par 100, le résultat. Tout ce que cela fait, c'est que
cela le multiplie par trois. C'est cela. C'est $4 millions. Ils produisent 13
700 000 000 de kilowatts par année. C'est à peu près la
production annuelle et vous venez de me dire que les redevances qu'ils paient
sont de $4 495 000. Cela donne...
M. Joron: Je m'excuse, il faut dire que les taxes payées
aux commissions scolaires régionales sont déductibles de cela et
qu'elles représentent environ $600 000. Le montant net qu'ils paient, il
faut en soustraire les taxes; cela représente donc $3 800 000 à
peu près.
M. Wassef: Alors, cela a pour objet tout simplement de multiplier
par trois le chiffre que vous voyez à la sixième ligne.
Simplement, au lieu d'être un dixième de mill, c'est trois
dixièmes de mill.
M. Joron: Ce n'est pas trois dixièmes de mill.
C'est...
M. Wassef: Vous avez 13 milliards de kilowatts produits et vous
avez $4 495 000 ou $3 millions.
M. Joron: Ecoutez, peut-être qu'il serait utile de tirer
cela au clair, pour ne pas discuter inutilement, pour qu'on sache bien de quoi
on parle. Ce que je lisais en page 12 c'est que le prix des droits et
redevances par unité de kilowatt-heure produit par toutes les
installations hydroélectriques de l'Alcan tomberait à 0.0001.
C'est cela?
M. Wassef: Oui, c'est cela.
M. Joron: Alors que ce qu'ils ont payé ici c'est 0.26.
M. Wassef: Oui, mais c'est 0.26 mill. Alors, cela veut dire
simplement ce que je viens de vous dire. C'est 0.3. Je vous ai donné 3,
parce que j'ai fait un calcul rapide.
M. Joron: Je m'excuse, je ne vous suis pas.
M. Wassef: C'est parce qu'on parle de mill et c'est exactement
les mêmes données sauf que vous ajoutez simplement... Cela ne se
lit plus .001, mais .003.
M. Joron: ... le zéro, d'accord. Il y a une
différence de un à trois là-dedans. Je le vois
là.
M. Wassef: Mais on parle de dixième de cent. M. Joron:
Oui.
M. L'heureux: Mais, M. le Président, prenez le discours
qu'a tenu le ministre sur les chiffres et la crédibilité de ce
mémoire. J'estimerais important que le ministre, avec les
spécialistes de l'Hydro-Québec et du ministère, et cela
dans un bref délai j'estime que c'est important qu'on soit
appelé à s'expliquer avec ces gens-là fasse venir
aussi les chiffres qu'il a vainement tenté d'obtenir tantôt de
l'Alcan, qu'il obtienne les chiffres de l'Alcan, et à partir de ceux de
la CSN aussi, qu'on révise et qu'on publie, à brève
échéance, le résultat de cette analyse.
M. Joron: J'espère bien que toute l'information... mais
que tout le monde ait la même information. C'est cela qui est le point de
départ. Souvent, on se fait charrier d'un bord et de l'autre parce que
tout le monde ne joue pas avec les mêmes chiffres et les
interprète d'une autre façon. C'est cela que je soulignais. Le
danger dans un mémoire comme le vôtre, c'est que justement quand
il y en a trop, plus personne ne s'y retrouve. S'il y en a un qui est
erronné, il met la crédibilité de tous les autres en doute
et on ne s'y retrouve jamais. Mais le point que je voulais faire valoir
là-dedans au départ, en signalant d'une part ce... Quand vous
voulez estimer ce que cela leur coûte par année, je vous l'ai dit,
c'est $4 495 125, moins les taxes scolaires. Mais de quoi est-ce qu'on discute
là? C'est cela que j'aimerais savoir. Vous nous disiez tout à
l'heure qu'en 1962 on a décidé de nationaliser
l'électricité et ainsi de suite. Vous souhaitez la
nationalisation des barrages hydroélectriques. Je ne vous reproche pas
de souhaiter cela. Je pourrais même peut-être personnellement
penser la même chose, mais ce n'est pas cela qui est en cause.
Ce que je voudrais que vous m'expliquiez, c'est pourquoi vous voulez
cela. Combien pensez-vous que ça va coûter? Quels
bénéfices on en retirerait, autres que de faire une argumentation
exclusivement basée sur les supposés énormes profits de
l'Alcan, qui ne se justifient pas non plus quand on regarde leur rendement sur
leurs avoirs. Vous vous êtes enfermés vous-même dans une
argumentation qui est liée à l'immense rentabilité ou aux
profits excessifs de l'Alcan. Moi, je vous dis: Si vous embarquez
l'argumentation sur cette ligne, je pense que vous n'irez pas loin, parce que
la compagnie n'est pas immensément rentable. Et ce n'est pas avec cette
argumentation que vous allez convaincre les membres de la commission et le
public du bien-fondé de votre objectif.
C'est pour ça que je me demandais si vous voudriez, ça
n'apparaît pas dans le mémoire, ajouter d'autres raisons autre que
celle des bénéfices financiers ou de l'absence de
bénéfices financiers que ça peut représenter pour
la compagnie. On n'est pas pour faire une discussion comptable. Il y a bien
d'autres moyens. Tout ce qu'il s'agit de faire, c'est de
récupérer un profit excessif, c'est bien moins compliqué
que d'aller acheter les barrages. On a juste à adopter une loi fiscale
qu'on va demander au ministre du Revenu, et il va vous régler ça
en un temps, deux mesures, trois coups de crayon. Ce ne sera pas long.
Alors, c'est ça que je veux savoir, quels objectifs on poursuit
et pourquoi?
M. L'Heureux: Je vais demander à Kemal Wassef d'y
répondre, peut-être qu'il va réussir à être
plus clair que je ne le suis, sauf que je regrette, je n'accepte pas du tout
l'évaluation très larmoyante que vous avez faite de la situation
financière de l'Alcan. Peut-être parce que vous êtes
boursier, c'est ça que vous connaissez un peu, que vous êtes
allé à cette conclusion à cause de ça. Mais je
pense qu'on pourrait démontrer, comme on l'a déjà fait,
que l'Alcan est une opération très rentable.
M. Joron: Ecoutez, c'est peut-être bon de mettre les points
sur les i, justement pour le bénéfice de tout le monde. Je ne
suis pas là pour larmoyer sur Alcan non plus.
M. L'Heureux: C'est ce que vous avez fait.
M. Joron: C'est ce que j'ai fait et je pense que vous ne larmoyez
pas à la bonne place. Vous sortez un élément dans le total
des opérations d'une entreprise, qui est évidemment très
avantageux
pour la compagnie, c'est clair, tout le monde le sait. On ne contestera
pas ça, qu'ils ont l'électricité le meilleur marché
du monde. Il n'y a pas un producteur d'aluminium au monde qui a ces avantages,
tout le monde le sait, c'est entendu. Mais vous tirez un aspect des
opérations de la compagnie pour le mettre en exergue, pour montrer que
c'est scandaleux, mais une compagnie ne se défait pas morceau par
morceau. C'est-à-dire que c'est l'ensemble des résultats finals
d'une année qu'il faut considérer. Mais ce que je vous dis, ce
que j'ai l'impression que vous refusez de considérer, c'est l'ensemble
du résultat net des opérations d'Alcan. Et encore là, en
continuant ça, on est encore tous les deux enfermés dans une
discussion comptable, à savoir si elle a un bon taux de rendement ou pas
assez, moyen, petit, etc.
Je ne suis pas convaincu qu'on doive poursuive dans cette ligne, mais en
tout cas, pour tirer ça au clair. Vous dites que vous estimez à
$75 millions l'avantage; ils ne font même pas ça de profit net par
année. C'est donc qu'ils en perdent énormément ailleurs,
conséquemment. Le résultat global, final de l'entreprise n'est
pas si brillant que ça. Je ne le dis pas pour larmoyer, c'est quelque
chose qui est connu publiquement. Comme c'est une compagnie publique, ils
publient leurs états financiers. J'imagine que vous les avez vus et que
vous les avez regardés, à moins que vous vouliez les mettre en
doute, leurs rapports financiers, leurs rapports annuels. Cela, vous avez bien
le droit de le faire, si vous voulez, ce serait peut-être
intéressant de vous entendre là-dessus. Mais je ne pense pas que
ce soit une façon d'aborder le problème quand vous fondez une
argumentation sur la rentabilité d'une entreprise et que, pour prouver
votre point, vous sortez, de toutes les opérations de la compagnie, la
seule qui est véritablement très payante ou qui lui procure un
avantage. Je trouve ça curieux.
M. Wassef: Je vais essayer de répondre à la
question. Nous pensions, au fond, que vous aviez trouvé rapidement les
avantages que l'on signale dans ce texte. Les Québécois sont pris
avec un problème, celui de développer une forme d'énergie
qui s'appelle l'électricité.
Nous avons, en ce moment, 14 millions de kilowatts installés qui
sont le produit du secteur public du Québec. Nous avons 10 millions de
kilowatts qui sont en train d'être développés quelque part
dans le nord, qui ne coûtent pas les prix que cela a coûté
dans le passé, et nous avons là des gens, une compagnie, une
société, qui s'appelle l'Alcan, qui profite de $75 millions par
année, tranquillement, pour ses propres fins, et les
Québécois, ensemble, doivent mettre aujourd'hui le prix fort.
Si on veut garder au Québec un avantage comparé sur
l'électricité, il faut qu'on fasse participer bien du monde
à cette affaire.
M. Joron: Là, on est sur la bonne voie, ça va. Si
vous embarquez dans ce type d'argumentation, on va se comprendre. Ce que vous
dites, en somme, c'est qu'on va avoir besoin de plus de puissance
électrique dans l'avenir. Il va donc falloir puisque
celle-là est privée, est accaparée uniquement pour la
production de l'aluminium en circuit fermé par Alcan quelque part
ailleurs, installer X mégawatts de plus, alors qu'il y en a là,
déjà installés, dont le coût de revient est
très bon marché, par comparaison à ce que cela nous
coûterait pour en installer l'équivalent, 2700 mégawatts
ailleurs qui seraient à 10 ou 20 fois le prix. D'accord, cela est
exact.
Donc, la discussion doit porter sur le type d'utilisation qu'on veut
faire de notre énergie au Québec. La question fondamentale que
vous posez, finalement, n'aurait pas dû être rattachée
simplement aux barrages électriques. La question fondamentale que vous
posez, c'est: Est-ce qu'il doit y avoir une industrie de l'aluminium au
Québec? C'est la question que vous posez. C'est la question que j'aurais
aimé que votre mémoire pose en clair, plutôt que par le
biais de tous les censés avantages financiers, comme je le disais tout
à l'heure.
Si c'est cela la question fondamentale que vous posez, je pense que
c'est une excellente question, que vous avez raison de la poser. On n'a pas de
préjugés quant à la réponse et j'aimerais cela vous
entendre là-dessus.
M. Wassef: Je ne pense pas qu'on met en doute l'existence de
l'industrie de l'aluminium quand on parle d'un prix de l'énergie qui
demeure considérablement bas malgré tout. Tout ce que l'on fait,
au moment où on se parle, on ne demande pas que le prix de
l'énergie vendue à l'aluminium soit plus élevé que
ce qui se passe en Amérique du Nord. On recommande même que le
coût de l'énergie, pour compenser d'autres formes d'énergie
que nous devons importer, demeure en bas de ce qui est payé en
Amérique du Nord. On ne dit pas quel sera ce prix, je pense que vous
êtes mieux équipé que nous autres pour sortir un prix. Tout
ce que l'on fait, c'est simplement de dire: Là, il existe une rente de
situation que les Québécois entendent aller chercher et
l'utiliser pour les fins de développement futur de cette personne, pour
baisser même le prix. C'est un cercle vicieux au fond.
Si on développe le prix de l'énergie tel qu'il est
aujourd'hui, sans mettre à contribution certaines industries qui se
trouvent très bien situées, on va payer plus cher pour cette
énergie. En retour, les autres industries qui pourront être
appelées à prendre leur place au Québec auront à
affronter ce prix plus élevé pendant que d'autres industries,
parce qu'elles sont plus vieilles, parce qu'elles ont profité de
privilèges à un moment donné, elles, continueront de
profiter de ce privilège, sans même être sûrs que nous
garderons cette rente au Québec. Ce n'est pas sûr du tout.
Regardons l'histoire de l'Alcan au cours des quinze dernières
années: deux usines, deux développements faits au Saguenay et qui
concernent à peu près 175 travailleurs, de même que l'usine
de Saint-Augustin qui implique à peu près $5 millions. Ce sont de
petites choses. Mais disons que...
M. Joron: Ecoutez. Là-dessus, il n'y a pas seulement les
usines nouvelles. Vous parlez des investissements de l'Alcan. Vous mentionniez
tout à l'heure, et c'est une autre chose que je conteste fortement: Ils
ont fait des profits au Québec pour aller les investir à
l'étranger. J'ai l'impression que cette affirmation n'est absolument pas
défendable parce que des investissements au Québec, ils en ont
fait un joli paquet depuis qu'ils sont là, bien plus que ce qu'ils ont
pu vendre d'aluminium au Québec. Les profits qu'ils font sur la vente
d'aluminium dans tous les marchés mondiaux, une grande partie de cela
est revenue, au contraire, au Québec et a été investie ici
pour changer la machinerie et l'améliorer.
M. L'Heureux: M. le Président, je ne suis pas du tout
d'accord avec le ministre, parce que, si on regarde même l'historique des
investissements tels que produits par la compagnie de 1960 à 1971, il
n'y a pas eu grand-chose dans les investissements.
On annonce un nouveau programme, un très gros programme
maintenant, mais...
Le Président (M. Laplante): Une minute! Je vais être
obligé de vous rappeler à l'ordre, à cause d'abord du
temps qu'on a. Je ne voudrais pas que ce soit le procès de l'Alcan qui
se fasse ici, c'est un procès énergétique qu'on a, d'un
besoin énergétique, de conservation énergétique.
Que cela se porte là-dessus. Ce sont surtout vos idées dont a
besoin. Actuellement, je crois qu'on est complètement à
l'encontre du règlement en essayant d'aller jusqu'à
l'investissement de l'Alcan, ce qu'elle a fait avec les ouvriers. Je crois
qu'il pourra y avoir d'autres occasions, où vous aurez à vous
prononcer sur cela.
J'en profite aussi pour vous dire de vous adresser, surtout lorsque vous
avez des remarques des fois assez dures vis-à-vis du ministre, au
président, pour être conforme au règlement.
M. Joron: Je crois qu'il vaut mieux... M. le Président, si
vous permettez, peut-être pour essayer d'en sortir, votre proposition, je
comprends bien, en la situant à nouveau dans notre débat sur
l'énergie laissons tomber les profits et les investissements de
l'Alcan et ces affaires pour le moment vous dites de nationaliser les
installations hydroélectriques, d'accord, l'Hydro-Québec devient
propriétaire des barrages. Ensuite, l'Hydro vendra à nouveau
l'électricité à l'Alcan à X prix qui serait
visiblement beaucoup plus cher, sans qu'on puisse être en mesure de le
déterminer, que le prix que vous estimez être le coût de
revient de son électricité actuellement produite.
Vous dites, je ne le sais pas, j'ai perdu la page, que c'est
équivalent à X mills par... Ce que je veux vous demander, c'est
à quel prix vous pensez, par rapport au prix actuel de revient de
l'électricité de l'Alcan qui est de... C'est de mémoire,
parce que je ne me le rappelle plus, c'est aux environs de 1 mill que vous avez
dit. Ne contestons pas le chiffre et prenons-le tel quel, environ 1 mill et une
fraction... 1,3?
M. L'Heureux: 1,23
M. Joron: 1,23 et disons qu'on le revend 5 mills, quatre fois le
prix, cela équivaut à combien de plus comme coût annuel
pour l'Alcan, mettons 4 mills de plus sur le nombre de kilowatts qu'elle
consomme? Y a-t-il quelqu'un qui est vite...
M. Wassef: Ce serait autour de $50 millions.
M. Joron: Cela fait une cinquantaine de millions de dollars, ce
qui a pour effet, selon son dernier exercice financier, finalement,
d'éliminer complètement ou à peu près le profit de
la compagnie.
Dans cette optique on revient à la question fondamentale
il est sûr que, financièrement, la compagnie ne serait pas
en mesure de financer la reconstruction de toutes ces unités. Je pense
que, à partir de là, à ces prix, il ne faut plus y penser,
parce qu'elle a perdu le seul grand avantage concurrentiel par rapport aux
autres producteurs d'aluminium dans le monde. Cinq mills, ce n'est même
pas le tarif industriel normal, c'est un tarif bien en bas de cela.
Déjà là, elle perd sa position concurrentielle et ses
profits tombent à peu près à rien. Du moins, cela
évolue évidemment selon le prix de l'aluminium, mais on n'est pas
capable de le savoir à l'avance, ce qui veut dire que, d'aller emprunter
ensuite, dans une compagnie qui n'a pas de rendement, sur l'avoir de ses
actionnaires, d'aller essayer de chercher de nouveaux capitaux pour refaire les
usines, il ne faut plus y penser.
Cela m'apparaît clair qu'il n'y aurait pas de programme de
reconstruction, ce qui équivaut à dire j'en reviens
à la question que je posais que les installations actuelles qui
sont relativement vieilles c'est parmi les plus vieilles, je pense, dans
l'industrie de l'aluminium au monde sont désuètes, d'une
part, jusqu'à un certain point, sont relativement
désuètes, sont hautement consommatrices d'énergie par
rapport à des installations plus modernes, alors que, normalement, on
assisterait à un "phasing out" des opérations et à la
clôture éventuelle des opérations de la compagnie.
C'est cela que je pose comme problème. Je ne vous dis pas que
cela est à être écarté du revers de la main, parce
qu'on peut se dire: Ne devrait-on pas réserver notre
électricité à d'autres fins industrielles que celles de
refaire, si vous voulez, complètement une aluminerie? Parce que c'est de
cela qu'il s'agit, le programme dont il parlait. C'est une question
fondamentale. Je suis bien d'accord avec vous. Il ne faut pas se conter de
peur. Le fait d'augmenter, dans les proportions qui apparaissent dans votre
mémoire, le coût de l'électricité Alcan a pour effet
de mettre un X dans le temps sur les opérations au Québec de la
compagnie. Cela m'apparaît certain. Alors, comment voyez-vous cela? Je ne
vous dis pas que cela ne peut pas être remplacé par d'autres types
d'industries qui suppléeraient à l'emploi et qui, finalement,
nous coûteraient énormément meilleur marché en
énergie, et ainsi de suite. Ce sont des choses qu'on peut très
librement débattre. On est ici pour entendre cela, justement.
M. L'heureux: M. le Président, si je poursuis dans la
même veine, je suppose que je ne serai pas déclaré "hors
d'ordre". Voici le premier principe, je pense, au niveau de la commission; on
l'a réitéré tantôt et on l'a écrit dans le
mémoire. Si l'électricité est importante pour les
Québécois, et il a fallu une élection nationale
générale pour le décider, il faudrait la compléter.
Si on veut vraiment développer l'électricité selon les
besoins collectifs, etc., et de façon rationalisée, il faut
compléter le contrôle par les Québécois, par le
truchement de l'Hydro, de tout le potentiel hydraulique au Québec. C'est
le premier principe.
Je reviens aux autres aspects que vous venez de souligner. Cela
soulève bien des questions. Une première question, une
première réponse. Si l'outillage de l'Alcan, comme vous le dites,
est si vieux que cela, c'est donc signe qu'il y a eu quelque part une mauvaise
politique de réinvestissement des profits pour assurer que l'outillage
soit constamment en état de fonctionner et n'exige pas au bout d'un
nombre X d'années comme c'est peut-être cela qui est en
train d'arriver avec des fois un peu le bâton et la carotte au bout de
ligne, tel qu'on a entendu la nécessité d'investissements
massifs. Qu'est-ce qui a été fait donc, puisque c'est vous qui
avez engagé le débat dans ce sens, des profits pendant cette
longue période qui fait que maintenant l'outillage est
dépassé? S'il y avait eu une politique rationnelle de
réinvestissements périodiques, l'Alcan ne serait pas dans la
position dans laquelle elle se trouve présentement. Cette question ne se
poserait pas.
Deuxièment, par rapport aux quelques cents sujets aux
vérifications qui, j'espère, seront faites je l'ai
demandé formellement à la suite de cette commission
qu'est-ce qu'on fait par rapport aussi au problème que pose, par
exemple, pour la Reynolds le fait qu'elle doit payer...
Le Président (M. Laplante): Monsieur, je suis
obligé de vous arrêter là.
M. L'heureux: M. le Président, je m'excuse, la question
m'a été posée par le ministre.
Le Président (M. Laplante): On va commencer par
répondre aux questions sur l'énergie. J'ai demandé tout
à l'heure...
M. L'heureux: M. le Président, mais...
Le Président (M. Laplante): Je passe au
député de Saint-Laurent pour d'autres questions concernant
l'énergie.
M. Forget: Merci, M. le Président. M. L'heureux, je vais
essayer de m'éloigner de l'attitude ou du sujet qui vient d'être
débattu et essayer de m'éloigner des querelles sur les points
techniques qui peuvent se trouver ou ne pas se trouver dans votre
mémoire, pour m'attacher aux deux affirmations que vous faites à
la page 2 de votre mémoire qui, quand on les lit ensemble, paraissent
extrêmement importantes, comme position officielle d'un mouvement
syndical. Dans la première affir- mation, vous dites que
l'Hydro-Québec devrait, de façon générale et
là, je ne veux pas m'attacher à la mise au point que fait le
ministre, je pense qu'il faut l'interpréter de façon plus
positive, comme une mise en garde ou en regardant vers l'avenir, ne pas
signer de contrats d'exportation à long terme. Vous expliquez,
d'ailleurs, pourquoi. Vous dites: C'est une façon d'exporter des
emplois. On pourrait poser bien des questions là-dessus mais, de la part
d'un mouvement syndical, c'est une position assez logique qu'on peut
comprendre. Lorsque vous arrivez au deuxième principe, cependant,
à la deuxième affirmation, c'est là que je ne suis pas
sûr de bien saisir votre pensée. Vous dites: On ne veut pas
exporter l'électricité à l'étranger, parce que cela
va créer des emplois à l'étranger. On s'attend que vous
allez enchaîner avec le même raisonnement en disant qu'on veut
garder l'électricité ici pour y créer des emplois.
Alors, comment peut-on créer des emplois? Comment peut-on, en
d'autres mots, faire profiter les travailleurs d'un avantage comparatif que le
Québec a, à cause de la grande abondance de l'énergie
hydroélectrique? On s'attend que vous disiez: II faut qu'il y ait,
vis-à-vis de la vente à long terme à des consommateurs
industriels, des politiques qui vont favoriser justement l'implantation
d'entreprises qui utilisent de grosses quantités d'énergie. On
s'attend presque, autrement dit, que vos conclusions soient, dans le fond,
exactement à l'opposé de celles auxquelles vous arrivez,
c'est-à-dire que vous recommandiez au gouvernement de consentir des
avantages à des employeurs potentiels ou actuels qui vont faire que ces
secteurs d'emploi où la consommation d'énergie est importante
vont se consolider et vont se développer.
Au lieu de ça c'est là que c'est intéressant
vous semblez suggérer que le gouvernement s'approprie cette
espèce de rente par des moyens fiscaux ou même par
l'expropriation, la nationalisation des sources d'approvisionnement d'une
compagnie en particulier. Mais je n'en suis pas sur l'Alcan comme telle. On
aurait pu supposer qu'un mouvement syndical aurait dit: Ecoutez! Non, on veut
que cette rente reste dans ces industries et que les travailleurs qui y gagnent
leur vie soient les premiers à bénéficier de la rente,
soit par les emplois que ça permet de créer, soit par un niveau
de salaire qui reflète justement une situation concurrentielle
avantageuse. Comme mouvement syndical, est-ce que, vraiment, vous indiquez que
cette rente économique doit aller au gouvernement plutôt que de
rester aux travailleurs? Cela me semble presque paradoxal et j'aimerais que
vous précisiez votre pensée là-dessus.
M. L'Heureux: M. le Président, il n'est pas dit,
justement, que, si on abandonne des privilèges à des entreprises
on ne mentionnera pas de nom il n'est pas dit que, si on le fait,
automatiquement, ce sont les travailleurs qui vont en bénéficier.
Je pense plutôt qu'au niveau d'une politique énergétique
hydroélectrique on a aussi mentionné le principe au
départ ce qui est important ce n'est pas dans le
mémoire, mais j'ai lu
les trois paragraphes traitant de ça c'est que, dans son
programme de tarification, l'Hydro et le gouvernement tiennent compte justement
du nombre d'emplois supérieur que pourrait créer tel type
d'entreprise qui consomme beaucoup d'énergie. C'est exactement ça
qu'on dit. Dans le cas de celles qui, pour des raisons historiques,
détiennent des privilèges particuliers, au moment où on se
parle, on dit qu'il est essentiel que cette situation soit corrigée, de
manière que tous les employeurs, toutes les entreprises et, selon les
critères de création d'emplois, quant au taux, soient
modifiés, parce qu'à l'heure actuelle je pense que le
gouvernement ou l'Hydro, en tout cas le gouvernement, du point de vue de
l'emploi, ne peut pas du tout utiliser les privilèges qui ont pu
être accordés dans le temps à certaines entreprises.
C'est cette situation, justement... Je ne sais pas en quoi vous voyez
une contradiction, parce que c'est exactement le sens de notre position:
rapatrier pleinement toutes les sources d'énergie électrique et
introduire, peut-être, au niveau de la tarification, de nouveaux
éléments qui tiennent compte de la création d'emplois.
J'insiste là-dessus. Il est entendu que, lorsque vous accordez un
privilège à une entreprise, il n'est pas dit, au contraire,
qu'automatiquement ça va bénéficier soit au
réinvestissement, soit à la création d'emplois, soit
à de meilleurs salaires. On a fait la démonstration. D'ailleurs,
je pense que c'est le contraire. Une aluminerie qui n'est pas dans une
situation privilégiée comme l'autre, dont je n'ai pas
mentionné le nom, paie actuellement des salaires supérieurs
à ceux payés par celle-là.
M. Forget: Alors, je pense avoir bien compris. Vous dites
effectivement: Cette rente, c'est le gouvernement qui doit se l'approprier pour
l'utiliser, selon son jugement, là où ça peut
bénéficier davantage et ce n'est pas au syndicat à faire
cette récupération, parce que ce n'est pas effectivement
possible, les conditions sont trop variables d'une industrie à l'autre,
et seul le gouvernement peut vraiment en juger.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Anjou.
M. Johnson: Je vais essayer de ramener encore le débat sur
la question fondamentale, M. L'Heureux. On sait, et ce sont vos chiffres... Je
vais essayer de demeurer dans la logique interne de ce que vous citez, sans
entrer, encore une fois, trop dans les chiffres.
Admettons qu'il y a 20% du courant hydroélectrique qui est entre
les mains de l'Alcan, en ce moment, pour tout le Québec. Les chiffres
varient selon les documents qu'on nous a soumis. C'est 21%, 22%, 24%. Vous avez
évoqué 25% tout à l'heure. Disons 20%, pour prendre une
hypothèse conservatrice.
On sait que l'Hydro-Québec vend pour à peu près $1
milliard par année. 20% de ce montant, cela fait $200 millions. Dans
l'hypothèse où on dit: On ferait un transfert d'énergie,
à savoir que les $200 millions actuellement à l'Alcan produisent
fi- nalement 12 000 emplois, on peut se demander si ces $200 millions qui
seraient utilisés en prenant les barrages de l'Alcan qui seraient
nationalisés ne serviraient pas carrément mieux à
être divertis entièrement d'une industrie qui a une très
haute consommation énergétique pour sa production vers une
industrie qui consomme moins d'énergie et produit plus d'emplois.
A mon avis, c'est le débat fondamental quand on parle d'une
politique énergétique. La conclusion politique bien
précise de cela mon collègue du Lac-Saint-Jean pourrait en
témoigner est que si on arrivait à un raisonnement comme
cela de façon théorique et qu'on refusait d'aller plus loin, on
mettrait une immense fermeture-éclair sur le Lac-Saint-Jean et on
fermerait cela parce qu'il y a 10 000 employés qui "dépendent"
(entre guillemets) de cette industrie à haute consommation
énergétique.
Mais le problème fondamental que cela pose, c'est bel et bien
celui-là, et c'est celui-là en 1977. En 1985, et toujours en
prenant une hypothèse très prudente, ces $200 millions
d'énergie, ils nous coûteront probablement quelque part pas loin
de $500 millions, parce qu'il faut construire d'autres barrages. Ceux-là
ont été construits il y a beaucoup d'années à des
coûts que vous avez démontrés comme étant presque
ridicules finalement quand on regarde la situation. Alors, si on se projette en
1985, cela vaut $500 millions. On peut dire que, si on augmente par deux le
nombre de personnes qui dépendent de l'industrie, on est rendu à
24 000 personnes ou 25 000 personnes. Est-ce que $500 millions, 20% de la
capacité énergétique, cela vaut plus que 24 000 emplois? A
priori, j'ai l'impression que oui, si on a affaire au secteur manufacturier.
C'est le débat que vous posez.
Finalement, il n'y a pas de vertu en soi dans la nationalisation. La
nationalisation d'une industrie, c'est un moyen qu'un Etat se donne dans un but
précis, et si le but est d'augmenter la tarification et que cela
plaçait l'Alcan, hypothétiquement, dans une position qui
l'empêche d'être concurrentielle parce que son avantage
fondamental, en étant au Lac-Saint-Jean, on sait que ce ne sont pas les
salaires, parce qu'ils sont plus élevés là que dans le
reste de l'Amérique du Nord; ce n'est pas non plus le fait qu'elle est
près des moyens de transport, parce que c'est cela son
inconvénient. Son avantage principal est donc le coût de
l'énergie, et, si on normalisait la position de l'Alcan, on arriverait
avec la conclusion qu'elle va probablement avoir le goût de fermer ses
portes. C'est peut-être un coût social considérable à
payer, mais je vous lance cela comme hypothèse de travail et de
réflexion.
Je ne pense pas que l'on puisse vider ce débat ici aujourd'hui,
mais je pense que c'est cela établir une politique
énergétique à long terme et cela a ce genre de
conséquences.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Vous avez deux principales recommandations à
la page 2. La première concer-
nant l'exportation, vous n'y êtes pas revenu, mais je pense qu'on
s'entend. Les explications qui ont été données, je pense
bien que vous devez les partager.
La deuxième recommandation consiste dans la nationalisation. Je
pense qu'il y a deux choses qu'on a confondues dans la discussion
peut-être, depuis trois quarts d'heure, c'est l'aspect des redevances, ce
que cela pourrait rapporter à l'Etat si on chargeait plus à
l'Alcan pour ses ressources énergétiques qu'elle obtient
actuellement à très bon marché. La question de la
nationalisation comme telle. On peut exiger plus de redevances sans
nationaliser et on peut faire les deux, et nationaliser et exiger plus. En
nationalisant ce serait presque automatique, évidemment.
La question que je vous posais c'était par rapport à
l'ensemble des mémoires que nous avons entendus depuis deux semaines,
depuis cinq jours en fait, qui nous ont fixé toutes sortes de
priorités, d'objectifs: consacrer de l'argent à la recherche,
consacrer de l'argent pour de nouveaux développements, parce que la
croissance de besoins, entre autres électriques, hydroélectriques
augmentent de 7,75% par année. Cela nécessite des
investissements. On nous a fait toute une série de suggestions. Vous
aviez probablement des gens qui ont assisté à la
présentation des mémoires. Si on additionne toutes ces
recommandations, il va falloir que le gouvernement du Québec prenne un
certain montant d'argent pour satisfaire ces priorités.
Je vais vous poser une question bête. Vous êtes à
notre place, au gouvernement, pour six mois, un an, et c'est vous qui avez
à déterminer la politique énergétique. Vous avez le
choix entre différentes recommandations possibles, par exemple, la
nationalisation qui pourrait impliquer un coût arbitraire. Vous parlez de
$345 millions, qui est le coût des installations jusqu'à
maintenant, mais $345 millions, si j'ai bien compris, c'est ce que cela a
coûté quand cela a été construit. Ce n'est pas la
valeur actuelle. La valeur actuelle c'est peut-être $5 milliards à
$6 milliards de production. Je ne sais pas. Alors, il faudrait
l'évaluer. Si on nationalise il faut donc payer... Le Québec a eu
un certain précédent de ce côté-là. Si on
nationalise, il va falloir payer la valeur marchande. Dans le passé on
n'a pas nationalisé en disant: On vous nationalise.
Vous avez le choix entre investir et un autre type de problème
auquel le gouvernement du Québec fait face, depuis 1965: les
investissements manufacturiers ont baissé comme cela, les
investissements sociaux faits par le gouvernement pour contrebalancer ont
augmenté comme cela, il faut donner un coup de barre dans le sens
inverse. Alors, vous avez des priorités économiques à
établir, vous êtes le ministre des Finances et vous avez à
travailler avec les autres ministères, par rapport aux autres objectifs
qui ont été fixés à cette même commission par
rapport à l'énergie, dans toutes sortes de secteurs et par
rapport aux autres objectifs plus globaux qui ne concernent pas seulement le
secteur de l'énergie, que doit poursuivre le gouvernement actuel pour
essayer de relancer d'autres types d'investissements que les investissements
exclusivement sociaux. Dans cette situation, est-ce que vous persistez vraiment
à penser que la nationalisation des pouvoirs hydroélectriques de
l'Alcan devraient être une priorité à court terme du
gouvernement du Québec?
M. L'Heureux: M. le Président, je répète ce
que j'ai dit au début. On a l'avantage d'avoir beaucoup de ressources
hydrauliques au Québec. C'est un de nos grands avantages.
Parfois, on a parlé de l'amiante comme étant notre
pétrole, mais je pense plutôt que c'est notre réservoir
hydraulique, notre potentiel sur ce plan qui constitue une forme
d'énergie renouvelable, inépuisable qui doit constituer l'un des
fers de lance de la politique énergétique au Québec.
Justement pour répondre à une autre question qui a
été posée tantôt, à ce qu'on a discuté
tantôt, si le gouvernement veut vraiment diversifier c'est
sûr qu'on ne veut pas fermer le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou les usines de
l'Alcan il serait sûrement en meilleure posture, même s'il
allait jusqu'à décider de maintenir des taux
préférentiels, pour avoir des réponses précises
quant à la nature, à la sorte de programmes d'investissement que
telle ou telle entreprise (je ne mentionnerai pas de nom) pourrait faire au
Québec. Il pourrait se servir de ce levier, de cette ressource justement
pour dire à l'Alcan ou à d'autres: D'accord, on te
reconnaît un taux préférentiel, mais, en même temps,
qu'est-ce que vous faites de votre planification, de votre diversification de
produits d'ici cinq ans, d'ici dix ans?
Je crois qu'à ce moment-là il n'y aurait pas seulement un
échange verbal entre le gouvernement et une société aussi
puissante que l'Alcan ou d'autres. Le gouvernement serait vraiment en posture
pour déterminer davantage, de façon beaucoup plus précise,
à la fois, parce que c'est important, le contrôle et
l'organisation de toutes nos ressources hydrauliques et, en même temps,
d'en faire bénéficier l'ensemble de l'économie du
Québec dans des termes très concrets et très réels
que lui permettrait ce pouvoir.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre.
M. Joron: En terminant, M. L'Heureux, je voulais simplement
signaler ceci. Je pense que, tout à l'heure, le député de
Saint-Laurent et le député d'Anjou, entre autres, posaient la
question fondamentale, parce que votre proposition principale, finalement dans
ses effets financiers les plus importants, c'est la récupération
de cette rente, de ce privilège. Evidemment, la nationalisation ne la
récupère pas complètement parce que ça
dépend du prix auquel, ensuite, on revendrait
l'électricité à l'Alcan. Mais, en fait, vous proposez
d'une part, si je vous comprends bien, une récupération d'une
partie, tout au moins, quelle que soit son importance, de cette rente.
Il y a plusieurs moyens pour le faire, parce qu'il y a des taux et
redevances qui vont être modifiés, on l'a déjà dit.
Par ce biais, il y a une récupé-
ration de cette rente ou d'une partie de cette rente qui peut être
faite de toute façon.
En nationalisant, outre les questions de priorités
budgétaires du gouvernement, ainsi de suite, vous n'avez pas
réglé le problème à long terme. En effet,
même si là c'est l'Hydro-Québec qui est propriétaire
des barrages, elle doit répondre à une demande
d'électricité de la part d'un manufacturier qui s'appelle
l'Alcan, qui va la vouloir, évidemment, au meilleur coût possible
pour rester le plus concurrentiel possible.
Mais l'Hydro, ou le gouvernement, si vous voulez, va se dire: Si je la
vends trop cher, je fais fermer l'usine. Si je la vends bon marché, elle
va peut-être durer et les projets de réinvestissement, de
modernisation vont se faire, etc. Mais d'une façon comme de l'autre, je
bloque X mille mégawatts à cette unique fonction. Et à
terme, la question reste posée toute entière, à savoir si
des industries de cette nature, consommatrices à un tel point
d'énergie, sont, à plus long terme, rentables pour une
économie dans le contexte d'une rareté
énergétique.
Des décisions comme celles-là, qui sont fondamentales, qui
vont changer considérablement la structure industrielle même du
Québec, il va falloir qu'on les prenne dans les mois et les
années à venir.
En terminant, je voulais juste vous dire ceci. Je réalise
très bien que le cadre des discussions qu'on a eues cet
après-midi, d'abord la limitation dans le temps, la position qu'on
occupe de ce côté-ci de la table, m'a peut-être permis
et je m'en excuse de déroger plus facilement aux
règles strictes de fonctionnement de la commission parlementaire qu'il
vous a été permis de le faire. En d'autres mots, j'ai eu
l'impression d'avoir le loisir de vous poser toutes les questions
embêtantes que je pouvais et que vous, vous n'avez peut-être pas eu
le loisir de me retourner toutes les réponses embêtantes que vous
auriez pu me retourner.
Je veux que vous sachiez que j'en suis conscient. J'espère que
dans d'autres forums moins formels, peut-être, cette discussion
fondamentale, non pas sur l'état des profits et pertes de l'Alcan pour
l'année 1975, mais sur l'orientation globale du développement
économique en rapport à des industries consommatrices
d'énergie, on va avoir le loisir de l'avoir ensemble
subséquemment.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, on vous remercie
messieurs. Excusez notre rigueur. Les membres de cette commission vous
remercient du témoignage que vous avez pu leur apporter.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à huit heures et on me dit que
le petit café du sous-sol est ouvert. On recommencera avec BP.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
Reprise de la séance à 20 h 15
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs! La
reprise de la séance. Le groupe BP, s'il vous plaît.
BP Canada limitée
M. Langelier (Jean): M. le Président, je voudrais vous
présenter mes collègues qui m'accompagnent ce soir, M. David
Deverell, vice-président en marketing du groupe BP et le Dr Joseph
Dagher, économiste, directeur général de la planification.
Je suis Jean Langelier, vice-président et avocat-conseil.
Le Président (M. Laplante): Je tiens à vous dire
que vous avez 45 minutes, pas une minute de plus, ce soir.
M. Langelier: M. le Président, nous sommes conscients,
après avoir assisté à plusieurs de vos séances et
lu le compte rendu de vos délibérations, que votre commission
s'est assidûment penchée sur tous les mémoires. C'est
pouruqoi nous n'avons pas l'intention, ce soir, de lire notre mémoire.
Nous nous limiterons à un survol de nos remarques et nous essaierons
d'extraire de notre mémoire ce que que nous considérons comme
notre perception de la politique énergétique du Québec
jusqu'à l'an 2000.
La question relative à la garantie de l'approvisionnement
nécessite la détermination de la demande probable en
énergie au Québec et l'apport des diverses formes
d'énergie à la demande totale et, en dernier lieu, d'où
proviendront ces sources d'approvisionnement.
Voyons maintenant quels sont les taux de croissance prévus pour
les différentes formes d'énergie. Je me reporte à la page
9 de notre mémoire. Nous avons établi le taux annuel de
croissance pour les années 1975 à 1990, comme suit:
L'électricité, 4,5%; le gaz naturel, 8,8%; le pétrole,
1,8%; le charbon, 2,9%. Leur contribution à l'approvisionnement total
serait comme suit: Se basant d'abord sur 1975, pour
l'électricité, 20% allant, en 1990, à 25,9%; le gaz
naturel, 5,4%, et se chiffrerait à 12,5% en 1990; le pétrole, que
nous avons arrêté en 1975 à 72,4%, sera de 60%; le charbon,
à 1,6%, demeurera stable en 1990; donc, à 1,6%. Mais d'où
proviendront ces approvisionnements?
Prenons, par exemple, l'année 1975 et cette période ultime
de 1990. En provenance du Québec, nous considérons que
l'approvisionnement serait de 17,5%, allant jusqu'à 25,9% en 1990. De
provenance à l'extérieur du Québec, mais au Canada, 10% en
1975 et 15,2% en 1990. Cette fois, à l'extérieur du Canada, en
1975, 72,5% et, en 1990, 58,9%. Per capita, la dépendance du
Québec sur des sources extérieures d'énergie est l'une des
plus élevées au monde, plus élevée encore que celle
du Japon, pays renommé pour son haut niveau de dépendance sur des
sources extérieures d'énergie.
Bien que l'on prévoie une augmentation graduelle et
appréciable de la proportion d'énergie produite dans notre
province, la dépendance sur des sources extérieures au
Québec demeurera toujours très forte. Après un
déclin marqué de la dépendance sur des sources
extérieures au Canada, en 1976, à cause de l'extension de
l'oléoduc interprovincial, il y aura inévitablement une forte
augmentation dans un avenir assez rapproché lorsque la
disponibilité de brut de l'Ouest ne suffira plus à alimenter les
raffineries de Montréal. Ceci sera suivi d'une réversion à
plus long terme vers des sources canadiennes, à mesure que seront
installés des réseaux de pipe-line pour le gaz naturel, à
partir des régions frontalières.
Il n'y a lieu de considérer les risques d'interruption des
approvisionnements qu'en ce qui a trait au pétrole. D'après nos
prévisions, M. le Président, la plus grande partie des
approvisionnements de produits pétroliers pour les consommateurs et les
industries du Québec proviendra des raffineries du Québec. Quant
à nos sources d'approvisionnement, jusqu'à récemment,
à l'exception de petites quantités de pétrole brut de
l'Ouest du Canada, obtenu au cours de l'embargo sur le pétrole en 1973,
tout le pétrole brut traité dans les raffineries du Québec
était importé d'ouvre-mer. A la suite de la mise en
opération, au milieu de 1976, du prolongement du réseau
interprovincial Samia-Montréal,. une partie importante du pétrole
brut traité dans les raffineries de Montréal consistera de brut
de l'Ouest canadien.
Présentement, le prolongement du pipe-line jusqu'à
Montréal fonctionne presque à sa capacité permise, soit de
250 000 barils par jour, pourvoyant ainsi à près de la
moitié de la demande en pétrole brut des raffineries. On ne
prévoit pas que cette source d'approvisionnement des raffineries de
Montréal continuera au-delà du début des années
quatre-vingt.
Compte tenu de nos prévisions, nous sommes d'avis qu'après
une période relativement courte durant laquelle une partie des besoins
en pétrole brut des raffineries du Québec proviendra de la
production de l'Ouest canadien, d'ici le milieu des années quatre-vingt,
tous ces besoins devront, encore une fois, être satisfaits par des
sources étrangères. Nous sommes aussi d'avis qu'avant la fin de
la prochaine décennie les approvisionnements mondieux en pétrole
brut pourront ne pas satisfaire la demande mondiale, ce qui constitue une
source de préoccupations pour tous les pays importateurs.
Tôt ou tard et certainement avant la fin du siècle, de
nouvelles formes d'énergie devront, en grande partie, remplacer le
pétrole. Bien qu'il soit possible d'envisager la situation avec
optimisme et de conjecturer que la transition peut être accomplie sans
recours à des mesures spéciales, nous inclinons vers un point de
vue plus circonspect. Il en coûtera beaucoup moins d'être dans
l'erreur en ayant opté pour une hypothèse pessimiste face aux
approvisionnements mondiaux que si on a envisagé la situation avec
optimisme.
Parmi les raisons qui invitent à la prudence relativement aux
approvisionnements mondiaux en pétrole, citons les facteurs suivants:
D'abord, une reprise de l'accroissement de la demande de pétrole.
Même au taux de 4% par année lequel serait près de la
moitié du taux enregistré durant la période de 1969
à 1973 augmenterait annuellement la demande mondiale en pétrole
de quelque 2 millions de barils par jour, ce qui nécessiterait chaque
année une découverte équivalente à celle de Prudhoe
Bay.
En deuxième lieu, on rapporte que l'excédent actuel de la
capacité mondiale de production de pétrole brut est de l'ordre de
6 millions à 8 millions de barils par jour. Ceci suffirait à une
croissance de 4% durant trois ou quatre années.
En troisième lieu, une très grande partie de
l'excédent actuel et potentiel se trouve en Arabie Saoudite. Que
celle-ci consente à permettre l'écoulement très
accéléré de ses réserves reconnues immenses est une
question de politique intérieure et on ne peut considérer ce fait
comme acquis.
D'autres producteurs, y compris les pays qui ne sont pas membres de
l'OPEP, ont adopté des politiques de limitation de la production et de
restriction des exportations.
Un quatrième point est qu'à part l'URSS et la Chine, les
principales sources majeures nouvelles d'approvisionnement indépendantes
de l'OPEP, telles l'Alaska et la Mer du Nord, précèdent d'au
moins cinq ans la crise de l'OPEP en 1973 et les activités d'exploration
datent naturellement depuis longtemps.
En cinquième lieu, il faudrait que d'importantes
découvertes soient faites maintenant si elles doivent contribuer d'une
manière appréciable aux approvisionnements du début des
années quatre-vingt.
Le Québec dépend largement de sources d'énergie
externes. Dans un monde où l'énergie se fera, vraisemblablement
de plus en plus rare, la politique devrait viser à développer des
sources domestiques économiques et appuyer entièrement le
développement d'autres sources canadiennes.
M. le Président, messieurs, les fonds dérivés des
prix élevés payés par les consommateurs devraient
être appliqués à la recherche de nouvelles sources
d'énergie et au plus grand développement des ressources connues
d'énergie.
Un montant disproportionnellement élevé de toute
augmentation des prix du pétrole brut domestique est actuellement
versé à la trésorerie publique. Ainsi, une hausse de $1 du
prix du pétrole brut domestique, suivant les arrangements actuels
concernant les redevances et les impôts, serait répartie comme
suit. Nous vous avons donné un tableau à la page 22 de notre
mémoire. Je résume. Supposons qu'aucune augmentation n'ait lieu
des frais d'exploration et que nous ayons l'autorisation d'une augmentation de
$1 le baril, le gouvernement des provinces productrices en retire $0.48, le
gouvernement fédéral $0.27 et l'industrie $0.25. Si nous allons
plus loin et prenons
cette comparaison, si une compagnie pétrolière
décide d'augmenter son investissement de $0.50 le baril, de ce dollar,
le gouvernement des provinces productrices retirera $0.44, le gouvernement
fédéral, $0.03 et l'industrie, $0.03.
Penchons-nous, M. le Président, pour quelques moments sur les
besoins du consommateur. Depuis les 20 années que BP fait partie de
l'industrie pétrolière au Québec, nous avons vu beaucoup
de changements s'opérer dans la façon dont notre industrie
pourvoit aux besoins du consommateur, de l'industrie et des gouvernements. Ces
changements ont été provoqués par la vigoureuse
concurrence et il en résulte que les produits et services sont
maintenant meilleurs, plus efficaces, plus sûrs et, dans la mesure du
possible, moins chers. Nous croyons que le consommateur est mieux servi lorsque
libre cours est donné à la concurrence et que la plupart du temps
l'intervention du gouvernement dans ce domaine porte atteinte aux
intérêts du consommateur. Nous avons illustré dans notre
mémoire, aux pages 24, 25 et 26, le rôle que joue la concurrence
dans l'amélioration des produits et des services et dans l'adaptation
aux besoins changeants des consommateurs ainsi qu'aux modifications des
conditions économiques.
En ce qui a trait à la sécurité, l'industrie est
très consciente des dangers possibles concernant la manutention du
pétrole et a mis au point des normes et des pratiques de
sécurité très sévères.
Nous avons collaboré régulièrement avec les
ministères du gouvernement pour établir des normes de
sécurité et sommes toujours prêts à faire part de
nos connaissances techniques et de notre expérience dans ce domaine. Ces
consultations ont largement contribué à assurer que des mesures
techniquement judicieuses et pratiques soient établies relativement
à la manutention en toute sécurité.
La distribution et la mise en marché de produits
pétroliers sont des éléments importants et très
concrets de notre économie et nous ne pouvons espérer en discuter
à fond dans un si court moment. Nous croyons toutefois qu'il serait
opportun de mentionner quelques-unes des principales constatations et
conclusions du rapport final de la Commission royale d'enquête de
l'Ontario sur le prix des produits pétroliers du 19 juillet 1976,
lesquelles, nous croyons, s'appliquent également aux activités de
l'industrie au Québec.
Sur l'aspect de la concurrence, la commission conclut que l'industrie
pétrolière est compétitive et, en ce qui a trait aux prix,
les consommateurs sont très bien servis.
Sur la question de rentabilité des principales
sociétés pétrolières en Ontario, la commission en
vient à la conclusion que les revenus et les rendements du capital des
sociétés engagées dans le raffinage et la mise en
marché en Ontario ne sont pas élevés comparativement
à ceux d'autres industries canadiennes et leurs bénéfices
sont inférieurs à leur coût en capital.
La conclusion de la commission sur la question des marchés
compétitifs ou à savoir s'il devrait y avoir des contrôles
des prix par les gouver- nements est la suivante: les marchés glissants
donnent un meilleur service aux consommateurs qu'il en résulterait d'une
réglementation continue des prix par le gouvernement et les prix
augmenteraient advenant une réglementation.
Sur la question de l'huile à fournaise et les produits
industriels et commerciaux, la commission Isbister en est venue à la
conclusion que les marchés de produits sélectionnés qui
ont été étudiés sont compétitifs et qu'ils
fonctionnent d'une façon raisonnablement efficace. Il n'y a aucun besoin
d'intervention gouvernementale.
Sur la question des taxes, des redevances et le prix des produits, le
commissaire conclut qu'un écart extraordinaire s'est produit entre les
opinions publiques concentrées de façon défavorable sur
l'industrie pétrolière seulement et, par contraste, les faits de
la situation actuelle.
Il y a des intérêts publics encore plus importants qui sont
impliqués dans les mesures fiscales des gouvernements
fédéral et provincial, lesquels sont les plus gros
prétendants au dollar dépensé par le consommateur pour les
produits pétroliers.
Voilà, en quelques mots, M. le Président, les conclusions
de cette commission d'enquête qui a siégé pendant plus de
six mois et qui a reçu les représentations de l'industrie
pétrolière et les représentations telles que vous en avez
reçues depuis le début de vos séances.
Un mot, si vous le permettez, sur la protection de l'environnement. Le
besoin urgent d'explorer pour trouver de nouvelles sources d'énergie et
de garder au minimum le coût du développement et de la mise en
marché de sources d'énergie nouvelles ou existantes, n'est pas
toujours compatible avec la préoccupation écologique aussi
importante du gouvernement, de l'entreprise et du public.
Le point de vue de l'industrie sur les questions de l'environnement peut
en tout temps, et de temps à autre, différer de celui du
gouvernement. C'est à cause du fait, généralement, que les
deux parties ont une perception différente des coûts et des
bénéfices. Cependant, étant donné que les
coûts devront finalement être défrayés par la
société, il est essentiel que de telles décisions soient
basées sur une analyse économique approfondie des coûts et
des bénéfices des mesures envisagées.
L'industrie peut contribuer à ce cheminement de deux
façons importantes, soit par ses capacités d'analyses techniques
et économiques, elle peut ainsi aider à la détermination
des coûts que comporte une mesure spécifique, et elle peut souvent
suggérer une alternative ou des moyens moins coûteux d'atteindre
les objectifs désirés.
Il est donc essentiel que ces objectifs soient atteints en utilisant le
capital le plus efficacement possible. Nous sommes d'avis que la politique de
protection de l'environnement du Québec devrait être basée
sur des principes bien définis. Le rôle du gouvernement devrait
être de contrôler la qualité de l'air et de l'eau, de
définir les régions géographiques nécessitant une
amélioration et de s'entendre avec l'industrie sur ce qui est
techniquement possible et à quel prix.
Le gouvernement aurait alors à décider s'il est prêt
à accepter ce coût au nom de l'entreprise québécoise
et des Québécois. C'est à ce moment, et non avant, que les
règlements sur l'environnement devraient être émis. Des
normes qui ont été attentivement établies sur la base de
ce principe ne devraient pas alors être sujettes à de
fréquents changements. Une incertitude quant à la portée
d'un règlement et des changements fréquents tendent à
freiner le développement de nouvelles sources d'énergie et,
effectivement, de l'industrie en général.
Les conclusions suivantes découlent de cette analyse et de
certaines questions connexes:
Premièrement, la disponibilité de sources additionnelles
d'énergie est essentielle au développement économique.
Etant donné la possibilité que les approvisionnements mondiaux en
énergie soient dans une position critique dans une décennie ou
deux, la politique à long terme de l'énergie du Québec ne
devrait pas être basée sur l'hypothèse que les
approvisionnements en pétrole étranger seront disponibles en
quantités requises. Le développement de sources d'énergie
internes doit être poursuivi activement. Ceci doit être le fer de
lance du développement des sources d'énergie du Québec, ce
qui, incidemment, donnerait une relance importante à l'emploi au
Québec. De plus, le maximum de coopération et d'appui devrait
être apporté aux projets de développement de
l'énergie ailleurs au Canada. Etant donné que le charbon jouera
incontestablement un rôle croissant dans la réponse à la
demande mondiale d'énergie, un effort devrait être fait dans le
sens d'obtenir l'accès à des sources sûres de ce
combustible.
Deuxièmement, étant donné l'ampleur de la
tâche que doivent accomplir les industries de l'énergie, il est
primordial que les gouvernements des provinces productrices, ainsi que le
gouvernement fédéral ne continuent pas d'accaparer d'aussi larges
parts du revenu dérivé des ventes actuelles d'énergie. De
plus, les conditions relatives à la découverte et à
l'exploitation de ressources énergétiques devraient être
aptes à stimuler cette activité et non à la retarder. Pour
les mêmes raisons, les provinces consommatrices devraient s'abstenir de
prendre des mesures injustifiées qui réduiraient l'encaissement
disponible aux industries de l'énergie et, de ce fait, la
possibilité qu'elles auraient d'entreprendre des projets toujours plus
coûteux.
Troisièmement, les sociétés d'Etat peuvent, dans
certains cas, jouer un rôle utile dans l'exploration du pétrole et
du gaz, mais, en général, nous ne croyons pas que de telles
sociétés soient adaptées à ce genre
d'activité.
Quatrièmement, étant donné l'existence d'un surplus
de capacité de raffinage dans le monde et l'Est du Canada, nous ne
voyons aucun rôle utile pour une société d'Etat dans le
domaine du raffinage et de la mise en marché.
Cinquièmement, étant donné les perspectives
substantiellement réduites de la demande de pétrole,
comparativement à ce que l'on envisageait il y a quelques années,
c'est-à-dire avant 1973, et particulièrement dans
l'hypothèse où les approvi- sionnements mondiaux en
pétrole brut pourraient être limités en moins d'une
décennie ou deux, nous voyons difficilement qu'un port en eau profonde
sur le Saint-Laurent puisse jouer un rôle important, comme installation
pétrolière.
Sixièmement, la conservation de l'énergie devrait
être une priorité absolue, afin de réduire la
possibilité de pénurie.
Septièmement, les consommateurs et les industries du
Québec ont été très bien servis par l'industrie
pétrolière sous le système concurrentiel de libre
entreprise. Il ne serait pas dans l'intérêt du consommateur ou du
Québec d'interférer dans ce processus.
Huitièmement, le consommateur est bien protégé par
les lois actuelles et en ce qui a trait à la qualité des
produits, ce qu'il obtient de l'industrie, et quant aux aspects de
sécurité relatifs au transport et à la manutention de ces
produits. L'industrie est toujours prête à fournir l'opinion de
ses experts sur tout changement qui peut être envisagé, et
effectivement, il devrait être pratique courante de la part du
gouvernement de discuter des changements proposés avec le groupe de
représentants de l'industrie pour déterminer si ces changements
sont pratiques et pour en évaluer le coût.
Neuvièmement, d'importantes améliorations ont
été faites au cours des dernières années dans le
domaine de la protection de l'environnement. La promulgation de nouveaux
règlements dans ce domaine devrait être
précédée de discussions entre le gouvernement et
l'industrie pour déterminer ce qui est techniquement possible et
à quel prix.
Dixièmement, qu'il nous soit permis de souligner qu'à
cause de l'évolution rapide de la situation nationale et internationale
de l'énergie, il est d'une importance primordiale qu'il y ait entre le
gouvernement et l'industrie un dialogue continu et des échanges de vues
sur l'énergie et sur les questions connexes.
M. le Président, messieurs, nous vous remercions de l'occasion
que vous nous avez donnée de comparaître devant votre commission
et nous espérons que notre modeste participation pourra contribuer
à éclairer le gouvernement quant au choix qu'il aura à
prendre dans l'élaboration de la politique énergétique du
Québec. M. le Président, messieurs, nous sommes prêts
à répondre à vos questions, mes collègues et
moi.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: Je vous remercie de votre présentation. Votre
rapport soulève plusieurs points intéressants. Certaines
suggestions avancées recoupent d'autres qu'on a déjà
entendues depuis une semaine et demie. D'autres, par contre, sont relativement
surprenantes. J'aimerais vous demander de préciser ou d'expliquer
davantage certains points que vous avez soulevés. Si je me permets
d'essayer de résumer le point fondamental sur lequel s'asseoit votre
perspective d'avenir pour la situation énergétique du
Québec, partant du scénario pour 1990, que vous avez
évoqué, où le pétrole compte toujours pour une
proportion d'environ
60% des besoins énergétiques du Québec, et du fait
qu'en même temps, vous nous dites qu'il y a là à ce
moment, on sera, bien entendu, retourné exclusivement au pétrole
étranger un risque d'approvisionnement certain, risque qui n'est
pas nécessairement particulier au Québec, mais qui est un risque
mondial, vous nous recommandez de développer au maximum de nouvelles
formes d'énergie, sauf que... Vous nous dites aussi un peu plus loin,
que vous souscrivez ou que vous trouvez plus prudent pour le gouvernement de
supposer une hypothèse pessimiste, qu'il nous en coûterait moins
cher de présumer une hypothèse pessimiste que de présumer
une hypothèse optimiste à cet égard.
Par contre, vous prévoyez qu'en 1990, nous sommes toujours
dépendant à 60% de pétrole étranger que vous
estimez très risqué.
Je voudrais vous demander si vous ne pensez pas qu'on devrait, bien
avant, tenter par la production domestique, que vous dites vouloir encourager,
de trouver de nouvelles formes d'énergie. Je vous demanderais, à
ce moment-là, auxquelles vous pensez plus précisément et
aussi, quand vous évoquez les nouvelles formes d'énergie, si vous
pensez exclusivement à l'hydroélectricité ou quoi.
Pourriez-vous expliciter un peu sur ce point?
Mais vous ne pensez pas qu'il serait plus prudent de commencer longtemps
avant si cette forme d'approvisionnement énergétique est
risquée? Le fait d'être à 60% dépendant du
pétrole étranger en 1990 ne m'apparaît pas très
sécuritaire et pas nécessairement conséquent aux
prémisses que vous avez posées. C'est une première
question, si vous voulez.
Une autre porterait sur le rôle des sociétés d'Etat
ou de l'intervention gouvernementale. Je trouve ça surprenant,
jusqu'à un certain point, que vous nous recommandiez relativement de
limiter les interventions gouvernementales dans le secteur et que vous
n'attribuiez pas aux sociétés d'Etat un rôle très
large. Enfin, tout au moins, vous ne souhaitez pas les voir intervenir dans le
domaine du raffinage et de la distribution.
Or, je trouve cela amusant de la bouche de British Petroleum qui, en
fait, n'est peut-être pas une société d'Etat à 100%,
mais dont un peu plus de la moitié des actions appartiennent au
gouvernement britannique. Vous êtes vous-mêmes une
société d'Etat, mais vous nous dites, jusqu'à un certain
point, que ce qui a pu être bon pour l'Angleterre ne serait pas
nécessairement bon pour le Québec. Si une société
d'Etat a pu remplir un certain rôle dans les problèmes
énergétiques de la Grande-Bretagne dans le passé, vous
dites que ce ne serait pas nécessairement bon pour le Québec.
Je vous avoue que je n'attendais pas ça de la bouche de BP.
J'aurais pu m'y attendre de la bouche de n'importe qui d'autre, mais pas
nécessairement de BP, surtout si on s'amuse à retracer l'histoire
de BP, sans remonter jusqu'au début du siècle, l'Anglo-lranian
Oil et tout ça. Il y a eu des interventions du gouvernement britannique
qui étaient très intimement et très directement
liées aux intérêts de ce qui est devenu, par la suite, Bri-
tish Petroleum. Pourquoi ne serait-ce pas nécessairement bon pour le
Québec? Sur ce point, puisque vous estimez les risques très
élevés d'approvisionnement futur de pétrole
étranger, je voudrais vous demander plus spécifiquement dans
quelle mesure BP peut intervenir ou aider le Québec à garantir
ces sources d'approvisionnement.
M. Langelier: M. le Président, M. le ministre, je vais
répondre, si vous permettez, à la dernière partie de votre
question en ce qui concerne la société d'Etat. Sur la
première partie de votre question et celle de l'approvisionnement, je
demanderais au Dr Dagher de vous donner plus de détails.
En effet, vous avez fait un peu l'historique de notre compagnie. British
Petroleum, bien entendu, a un capital-actions où son principal
actionnaire est le gouvernement anglais, 48,2%. Ceci est historique, et je
crois qu'il serait long d'expliciter cette histoire, comment cette
participation est venue en cause. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que,
lorsque le gouvernement anglais est devenu actionnaire majoritaire de la
compagnie, il a été convenu qu'il n'interférerait jamais
dans les activités commerciales de la compagnie et qu'il avait un droit
de veto seulement sur les questions stratégiques. Lorsqu'on retourne
à l'histoire, on sait que c'est en 1915 que Sir Winston Churchill, afin
d'assurer le pétrole pour la flotte britannique, avait exigé ceci
comme une des conditions de la participation du gouvernement anglais dans
l'entreprise British Petroleum.
Maintenant, un autre point pour montrer cette indépendance de
notre compagnie, ce qui m'a été confirmé encore
récemment, il n'y a eu aucune intervention depuis 1915 jusqu'à
nos jours par le gouvernement anglais. En effet, l'an dernier, lorsque le
gouvernement anglais a voulu assurer la sécurité nationale en ce
qui concerne la mer du Nord et qu'il a signé une entente par le
truchement de la National Oil Corporation, notre compagnie était incluse
parmi celles avec qui il a signé une entente.
Donc, si nous avions été une société d'Etat,
il n'y a aucune raison de négocier avec une de ces parties. Voilà
ce que je peux vous dire sur cette question. Nous ne considérons pas que
nous sommes une société d'Etat et jamais, dans l'administration,
le gouvernement anglais est-il intervenu dans nos pratiques.
M. Joron: D'accord. De toute façon, l'objet de la
séance de ce soir n'est certainement pas de faire l'historique de
British Petroleum, malgré que ce soit une histoire absolument
passionnante. Parlons, si vous voulez, des implications
québécoises des sociétés d'Etat, non pas de British
Petroleum.
Pourquoi, en principe, le gouvernement ne le ferait-il pas, par
l'intermédiaire de l'une de ses sociétés d'Etat, s'il juge
que c'est un meilleur moyen d'assurer des sécurités
d'approvisionnement? Et de quelle manière pouvez-vous nous dire que vous
êtes je sais bien que vous ne parlez pas pour vos concurrents
en meilleure posture pour garantir ces sources d'approvisionnement?
M. Dagher (Joseph): M. le Président, je vais essayer de
répondre à plusieurs questions du ministre. Je suis bien content
que le ministre ait posé le problème de l'approvisionnement en ce
sens qu'il y a deux hypothèses à faire, une de surplus et une de
pénurie.
Vous êtes là, messieurs, devant un dilemme que vous devez
trancher. Nous pensons que la prudence indiquerait de prendre, vis-à-vis
de ce dilemme, l'attitude du parieur de Pascal. Si cela marche, tant mieux; si
cela ne marche pas, on court mieux le risque en étant pessimiste qu'en
étant optimiste.
Je voudrais retourner à ce problème de
l'approvisionnement, des disponibilités futures en 1985 ou 1990. L'OCDE
vient de publier une étude approfondie que je n'ai pas encore lue, mais
dont j'ai lu quelques comptes rendus dans les journaux. Elle dit que la demande
de ces pays, les pays membres de l'OCDE, en 1985 pourrait se chiffrer par 35
millions de barils par jour, selon une hypothèse normale, avec des prix
élevés, etc., mais aucune mesure spéciale. Dans ce cas, il
y aurait pénurie, pas pénurie dans le sens qu'il y aurait un
manque de fourniture, mais que cela serait très serré. La demande
serait très proche de l'offre.
Par contre, cette même étude semble vouloir dire qu'il y a
certaines mesures à prendre, des mesures qui ne semblent pas
draconiennes, qui auraient un résultat que la demande de l'OCDE se
chiffrerait par 24 millions de barils par jour, un décalage de 10
millions de barils de demande potentielle ou possible de l'OCDE.
Alors, si l'OCDE arrive à mettre en place ces mesures et qu'elles
sont couronnées de succès on n'a vraiment pas de risques
d'approvisionnement. Mais pouvons-nous prendre ce risque que tous les pays
membres de l'OCDE, l'un après l'autre, mettront en place ces mesures,
qu'elles auront le succès qu'on espère et que nous nous
retrouverons en 1985 avec le surplus de 10 millions ou de 12 millions de barils
par jour dans les fournitures mondiales de brut. Nous pensons que c'est un
risque trop grand à prendre.
Vous me demandez ensuite, M. le ministre, comment il se fait que dans
cette perspective nous voyons encore la demande énergétique du
Québec en 1985 fournie à 60% par du pétrole.
On a essayé d'abord de maximiser les autres sources
d'énergie qu'on peut prévoir, qu'on peut voir. En 1985, ce n'est
plus de la prévision; c'est de la vision presque. On voit cela.
Il y a le gaz. Certains ont jeté le doute sur cette
possibilité. Nous sommes plus optimistes. Nous l'avons prise à
son maximum, en disant qu'entre 1980 et 1985 la part du gaz dans le
marché québécois croîtrait de 5% à 12 1/2%,
ce qui est un bond fantastique.
D'ailleurs, c'est la source énergétique qui croît au
plus haut rythme. L'hydroélectricité, on s'en est tenu au
programme de l'Hydro-Québec tel que présenté
récemment à l'Office national de l'énergie à propos
de sa demande d'exploration d'électricité à la PASNY.
Donc, c'est le maximum de gaz, c'est le maximum
d'électricité. Le charbon. On ne prévoit pas de mesures
spéciales prises par le gouvernement du Québec, par
l'Hydro-Québec, entre autres, pour s'approvisionner plus de cette source
de combustible. On l'a fait croître un peu, mais pas trop. On n'a pas
supposé qu'il y aurait une décision politique majeure de
s'approvisionner en charbon, de l'ouest ou même des Etats-Unis.
Le reste est nécessairement, inévitablement, du
pétrole.
M. Joron: Vous permettez que je vous interrompe un instant. Vous
dites, par exemple, qu'en ce qui concerne l'électricité, vous
avez pris ce que l'Hydro-Québec avait déposé, qui, en
gros, d'ici 1985, va à peu près doubler la production
électrique de l'Hydro-Québec. Ce pourcentage, quand même,
ne représente, dans vos chiffres, que 25,9% du bilan
énergétique total, alors que l'Hydro-Québec, avec la
même croissance de production, prétend que le pourcentage va
être au-delà de 30%. C'est donc que vous devez différer sur
le taux de croissance de la demande globale de l'énergie. Puis-je vous
demander quel taux de croissance global de l'ensemble de l'énergie
sous-tend les chiffres que vous nous avez présentés?
M. Dagher: M. le Président, d'ici à 1990, on
prévoit un taux de croissance de 3% par an. Il est plus
élevé au commencement, il diminue un peu, mais la moyenne sur
cette durée est de 3%. Quant au rythme de croissance de
l'électricité que nous avons dans ce tableau, qui est de 4,5%, il
diffère plus en apparence qu'en, réalité des chiffres que
l'Hydro-Québec mentionne. La raison est la suivante. Les fournitures
d'électricité au Québec proviennent, grosso modo, de deux
grandes sources: l'Hydro-Québec, qui génère la plupart de
ses besoins et de ses ventes et de ce qu'elle achète à Churchill
Falls. Cela constitue à peu près de 70% à 75% du
marché. Cette composante a, en effet, crû à 7,7% par an,
dans les six ou sept dernières années. Le reste est fourni par ce
que j'appellerais les autres générateurs, ceux qui font leur
propre électricité et l'emploient dans leurs propres usines.
Cette composante a décru au rythme de 2,3% par an. Les deux composantes
ensemble ont donné un taux de croissance à
l'électricité consommée au Québec de 5,7% par an,
ceci dans un contexte où l'énergie primaire entière
croissait à 5,2%, donc plus vite que l'énergie primaire, mais pas
tellement plus vite.
Nous prévoyons on peut dire nous espérons
faire face à un taux de croissance de 3% par an d'énergie et,
dans ce contexte, nous avons permis à l'électricité, nous
avons supposé que l'électricité croîtrait au rythme
de 4,5% par année. C'était une pénétration
relativement plus poussée de l'électricité dans le bilan
énergétique. Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas allés
complètement avec les chiffres qui seraient supposés par
l'Hydro-Québec? C'est parce que nous voyons qu'à mesure que la
pénétration de l'énergie électrique se fait dans
notre marché de l'énergie, une proportion de plus en plus grande
devrait être effectuée par la substitution à l'huile
à chauffage,
donc une plus grande pointe, donc plus de problèmes.
Alors, on a résolu ce problème de la
génération de l'Hydro-Québec, comparé à la
génération qui est sous-tendue dans nos chiffres, en supposant
que l'excédent, qui est à peu près de 10 000
mégawatts-heure, serait exploité. Parce qu'on trouve difficile
qu'avec la tarification présente, le rythme ou le taux de
pénétration de l'électricité soit encore plus
poussé qu'à un rythme de 4,5% dans une situation où
l'énergie entière croît à 3%.
M. Joron: Pourriez-vous développer un peu ce
point-là, parce que je ne vois pas directement la relation entre la
tarification actuelle et ce frein à une croissance plus poussée
que vous évoquez?
M. Dagher: Si le taux de pénétration du
marché, la demande énergétique, provient de la
substitution pour l'huile à chauffage, ou même le gaz le
gaz n'entre pas beaucoup en jeu dans cette perspective à ce
point-là une plus grande proportion en électricité
générée devrait être produite et vendue au
Québec en hiver. Donc, la vague ou le cycle serait beaucoup plus
élevé en hiver relativement à l'été. C'est
cet excédent qu'on est supposé exporter. 15 000 kilowatts
plutôt que les 5000 qui sont déjà assurés comme
exploitation aux Etats-Unis.
M. Joron: C'est un point de vue intéressant, c'est la
première fois que ce problème est soulevé devant la
commission; effectivement, c'en est un, s'il y a un transfert de chauffage trop
considérable, il y a des risques d'accentuation de la pointe qui vont
poser un problème éventuel.
Une dernière question, si vous permettez. Passons outre les
raisons pour lesquelles vous dites que la pénétration de
l'électricité ne peut se faire à un rythme plus
accéléré que ça...
M. Dagher: Selon les tarifications présentes.
M. Joron: J'allais vous demander justement quels changements
prévoyez-vous ou verriez-vous dans la tarification qui pourraient
accélérer la pénétration de
l'électricité? Je devrais relier ça à une question
préalable. Vous nous avez exposé une hypothèse pessimiste,
nous disant qu'on reste quand même pris avec une dépendance de 60%
de tout le bilan, face à des sources extérieures que vous estimez
risquées. Vous nous dites, sans trop préciser, de
développer les sources domestiques, de rechercher les nouvelles formes
d'énergie, mais, alors, pourriez-vous préciser vers quoi il faut
aller, vers quoi nous recommandez-vous d'aller s'il faut se soustraire à
cette dépendance risquée?
M. Dagher: M. le Président, je pense que, sans être
expert en la matière, il est possible qu'une tarification autre que
celle que nous avons permettrait une pénétration plus grande de
l'électricité. Ensuite, les autres sources...
M. Joron: Si vous me permettez, sur la tarification,
pourriez-vous préciser davantage quel type de modification favoriserait
une pénétration plus grande de l'électricité?
M. Dagher: Non, je crains que non, je ne pourrais pas donner de
précisions plus spécifiques que celles-ci. J'ai lu des rapports
qui semblaient dire qu'avec une tarification autre, il serait possible de
décréter la demande un peu plus facilement durant l'année
et même durant le jour.
M. Joron: Vous reliez la difficulté de
pénétration plus grande de l'électricité à
la possibilité de mieux exploiter la demande.
M. Dagher: C'est ça.
M. Joron: D'accord. On va essayer de se débrouiller avec
ça. Je crois qu'il y aurait une autre petite partie de réponse
à une question.
M. Dagher: Vous nous avez demandé, M. le ministre, quelle
contribution la compagnie BP pourrait apporter à la difficulté de
fournir du pétrole au Québec. Tout ce que je peux dire sur ce
sujet, c'est que nous faisons partie d'un groupe qui a été
extrêmement perspicace, qui a des ressources techniques
appréciables, ce qui rend les pays de l'OPEP intéressés
à commencer avec ce groupe. Aussi, c'est un groupe qui a eu une
perception assez vaste et assez distance du développement
énergétique futur et qui a été un assez Don
succès. Je voudrais citer trois exemples, si vous me permettez, M. le
Président.
En 1958, devant la commission Borden sur l'énergie au Canada, la
Commission royale d'enquête Borden, qui s'est penchée surtout sur
le problème des réserves canadiennes de l'Ouest qui ne semblaient
pas trouver de marché, la position que BP a prise à ce
moment-là était de ne pas trop s'exciter devant ces
excédents apparents et que, si on regardait un peu plus loin, il y a 20
ans de ça, le taux de découverte récent, depuis Leduc
jusqu'à ce point-là, ne justifiait pas un sens de
sécurité illusoire; on n'avait pas un excédent
énorme.
Un deuxième exemple, c'est que, tard dans les années
soixante, quand le monde semblait nager dans le pétrole, nos analystes,
nos collègues à Londres avaient prévu qu'il y aurait,
tôt ou tard et plutôt tôt que tard, une tension dans la
fourniture du brut au niveau mondial. C'est à partir de ces analyses
qu'ils ont décidé d'explorer en Alaska et dans la mer du Nord, ce
qui explique leur présence assez dominante dans ces régions.
Un troisième cas, nous avons maintenant à peu près
400 000 barils de production par jour chez BP, il y en a aussi beaucoup en
Alaska.
En juin 1973, bien avant la crise d'octobre 1973, nous sentions une
espèce de tension, une espèce de cahot dans les marchés.
Nous avons affrété des pénombres un petit pétrolier
qui était capable de naviguer sur le Saint-Laurent et nous nous sommes
mis à transporter du brut canadien de l'Ontario à Montréal
et cela, bien avant la crise.
C'est cette perspicacité, cette analyse profonde, distante et
perspicace de la situation qui, je crois, est une ressource très
réelle de notre compagnie.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, à la page 28 de votre
mémoire, vous parlez des prix. Vous dites que l'industrie
pétrolière est compétitive, en ce qui a trait au prix, les
consommateurs sont bien servis. Vous savez sans doute qu'il existe une loi qui
pourrait retarder la mise en application de certaines augmentations de prix.
Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est votre politique sur la hausse des
prix actuels qui peut avoir lieu dans l'avenir? Allez-vous augmenter? Quand? Et
si c'est possible, nous dire de combien. Quelle est votre politique sur ce
sujet maintenant?
M. Deverell (David): M. le Président, le prix des produits
pétroliers est réglementé par les lois du marché,
la loi concernant les mesures antiinflationnistes et l'entente survenue entre
le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces selon
laquelle il doit y avoir un décalage de 60 jours entre l'augmentation de
prix des produits et l'augmentation de prix du brut.
Le gouvernement fédéral, par l'entremise du
ministère de l'Energie, des Mines et des Ressources, détermine
aussi l'augmentation des prix des produits correspondant à une
augmentation donnée du prix du brut.
Etant donné l'augmentation du prix du brut qui a eu lieu le 1er
janvier 1977, la prochaine augmentation des prix due à cette
augmentation surviendra au début de mars. Il est évident que nous
essaierons d'augmenter nos prix à cette date et je crois que, pour les
mêmes raisons, les autres compagnies en feront autant.
L'augmentation due à l'inflation est sujette à
l'approbation de la commission anti-inflation. La plus efficace des compagnies,
celle qui aura soumis la moindre augmentation de coût établira un
plafond sur les prix du marché.
M. Ciaccia: Votre réponse, c'est que vous allez vous
prévaloir des 60 jours et, à la fin des 60 jours, vous allez
augmenter d'après les prix que toutes les autres compagnies vont
effectuer.
M. Deverell: C'est correct.
M. Ciaccia: Pour revenir un instant sur la question de
pénurie de pétrole, vous prévoyez qu'il va y avoir une
pénurie dans dix ou vingt ans. Et en même temps, vous nous dites
que 60% de nos besoins énergétiques seront dans le
pétrole. Quand vous avez fait votre analyse des dernières
années, est-ce que vous pourriez regarder dans votre boule de cristal
pour voir dans dix ou vingt ans? Est-ce que vous pouvez dire quelque chose de
plus concret dans le sens de garanties d'approvisionnement, ou est-ce qu'il y
aura des circonstances spécifiquement pour le Québec où
ces approvisionnements pourraient être plus faciles ou plus
difficiles?
M. Dagher: Je crois que sur ce chapitre, nous sommes dans le
même bateau que tous les pays à haute consommation de
pétrole. On n'est pas plus sécurisés qu'eux, ni moins non
plus. Nous avons la chance ou l'occasion de pouvoir essayer de
développer les sables bitumineux dans l'Alberta ou les
dépôts de pétrole lourd dans la région de Cold Lake
qui, eux, pourraient contribuer à rendre 60% qui, dans un certain sens,
est un résidu de la demande, pourraient être ouverts à un
plus grand degré du développement de ces sources de
pétrole de l'Ouest du Canada. Cela, il me semble, donnerait un
degré sécuritaire beaucoup plus appréciable au
Québec en ce qui concerne les fournitures de pétrole brut.
Sur la question des sables bitumineux, les fournitures possibles
à entrevoir de cette source d'énergie, présentement, il y
a à peu près 170 000 barils par jour de prévisibles, pour
l'année 1979. Il est possible, je crois, d'accélérer ce
rythme et de créer des ressources beaucoup plus appréciables,
à partir de ces dépôts de sables bitumineux.
M. Ciaccia: Faites-vous partie du développement de
Syncrude ou vous êtes-vous retirés de cela?
M. Dagher: Non, nous ne faisons pas partie du
développement de Syncrude. Nous avons une licence pour les sables
bitumineux de l'Athabaska. Nous concentrons, pour le moment, nos efforts sur la
région de Cold Lake. Nous avons commencé une usine pilote pour
essayer de voir si on ne peut pas extraire des quantités
appréciables des dépôts qui sont énormes dans cette
région.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski, dernière intervention.
M. Marcoux: C'est concernant le port en eau profonde sur le
Saint-Laurent. Vous ne le recommandez pas au gouvernement ou, en tout cas,
d'après vos prévisions, ce port serait inutile. Dans vos
chiffres, au tableau 9, vous indiquez que la consommation du Québec, en
1990, sera d'environ 597 000 barils par jour, ce qui concorde avec d'autres
chiffres qui nous ont été donnés. La plupart des
mémoires que nous avons entendus nous disaient: Vers 1981 ou 1982, il va
falloir inverser le sens du pipe-line Montréal-Sarnia. Comment
prévoyez-vous pouvoir amener ces approvisionnements jusqu'à
Sarnia? Le port de Portland, d'après vous, pourrait-il suffire? Quel est
votre avis à ce sujet?
M. Dagher: M. le Président, la réponse à
cette question, c'est qu'il y a d'autres moyens, que nous considérons
plus efficaces au point de vue économique, de fournir la région
de Sarnia et de Toronto, entre autres une expansion du pipe-line
Portland-Montréal, une expansion modeste. Je crois que sa
capacité peut être augmentée à... Je crois avoir lu
750 000 barils par jour.
Il y a aussi des moyens d'amener du pétrole étranger, du
Moyen-Orient disons, vers les raffineries de Toronto, par les systèmes
de pipe-lines qui existent déjà aux Etats-Unis, le système
Capline, par exemple, si la capacité existe ou si on peut augmenter
cette capacité.
Ce qui m'inquiéterait, personnellement, d'un superport, c'est la
mise en oeuvre, dans les années quatre-vingt, d'un pipe-line. On aurait
besoin d'une trentaine d'années pour couvrir ces frais. Cela nous
mènerait à l'année 2010 à peu près. Peut-on
miser sur des fournitures de pétrole étranger dans ces volumes? A
ce moment-ci, c'est la question que je me pose.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de
cette commission vous remercient. C'est tout pour ce soir.
J'appelle le groupe Shell Canada, s'il vous plaît! Messieurs, vous
avez environ 45 minutes.
Une Voix: Merci!
Shell Canada
M. Beauregard (Gaston): M. le Président, MM. les membres
de la commission, je voudrais tout d'abord vous présenter les personnes
qui m'accompagnent aujourd'hui. M. Gilles Bellefeuille, directeur des affaires
publiques; M. Larry Kor-chinski, directeur général en
approvisionnement, siège social; M. Dick Aberg, directeur
général planification, siège social; M. Dan Pegg,
directeur, services gouvernementaux, siège social; je suis Gaston
Beauregard, directeur de la région commerciale de l'Est.
L'approvisionnement et le prix de l'énergie sont les facteurs
clés de la croissance économique du Québec. Comme 76% de
ses besoins énergétiques d'utilisation finale sont comblés
par le pétrole et le gaz naturel, on attache à ces sources une
importance particulière.
Le Canada doit faire face à la perspective d'une
disponibilité décroissante de pétrole et de gaz naturel
et, au niveau des marchés mondiaux, envisager l'interruption possible
des approvisionnements ainsi que la hausse des coûts de l'énergie.
Le Québec a un rôle primordial à jouer dans
l'élaboration des politiques qui régiront l'évolution.
Shell a été un important fournisseur d'énergie
pétrolière au Québec depuis 1911 et, à ce titre,
est vivement préoccupée par les règles de conduite que le
gouvernement du Québec est en train d'étudier. Par
conséquent, nous sommes très heureux de l'invitation qui nous a
été faite par la commission de commenter le programme
énergétique du Québec et soumettre les recommandations que
notre expérience et nos connaissances nous inspirent.
Shell Canada Limitée est constituée en compagnie publique
en vertu de la Loi canadienne sur les corporations. Quelque 21% du capital
social est détenu par le public, et environ 79% par Shell Investment
Limited, une société canadienne qui, à son tour, est une
filiale à part entière de Shell Petroleum NV, une
société hollandaise. L'actif de cette dernière appartient,
dans une proportion de 60%, à la Royal Deutsch, une
société hollandaise, et 40% à la Shell Transport and
Trading Company Limited, une compagnie du Royaume-Uni. Les actions des deux
sociétés mères sont entre les mains des ressortissants de
plusieurs pays.
Shell Canada est une compagnie pétrolière
intégrée. Ses activités comprennent l'exploitation, la
production, le raffinage, le transport et la commercialisation du
pétrole et des produits pétroliers. Ses exploitations
s'étendent sur toutes les provinces et les deux territoires du Canada.
Elle embauche environ 6700 employés. Notre siège social est
situé à Toronto.
Notre organisation au Québec comporte trois entités
opérationnelles distinctes: le raffinage, la commercialisation et les
produits chimiques. Le nombre total d'employés au Québec est
d'environ 1300.
La raffinerie de Montréal-Est, avec sa capacité nominale
de raffinage de 120 000 barils par jour, représente 40% de la
capacité totale de Shell Canada. Cette raffinerie produit, en plus de la
gamme complète de produits pétroliers énergétiques,
des produits chimiques, du bitume et des huiles lubrifiantes. Enfin, nous
sommes la seule compagnie à raffiner des huiles lubrifiantes au
Québec. Le secteur raffinage occupe quelque 750 employés à
Montréal. Le bureau principal de la région commerciale de l'Est
est situé à Montréal. Le territoire relevant du bureau
régional est composé des quatre provinces de l'Atlantique et du
Québec.
Les ventes de produits finis au Québec représentent
environ 31% des ventes totales des produits finis au pays. Ce secteur, au
Québec, emploie environ 550 personnes travaillant dans 19
établissements situés à Montréal, Québec,
Sherbrooke, Arvida, Chicoutimi, Port-Alfred, Trois-Rivières,
Mont-Laurier, Quévillon, Matagami, Baie-Comeau, Sept-lles, Thetford
Mines et Chibougamau. Ces chiffres ne comprennent pas les établissements
qui s'occupent de la distribution et de la vente de produits pétroliers
à contrat et qui ne sont pas exploités par des employés
Shell, soit 27 dépôts à commission, 141 agents et 1245
stations-service au Québec.
Le service de vente des produits chimiques est situé à
Montréal. Les ventes de produits chimiques au Québec
représentent 17% des ventes de produits chimiques au pays. Les
investissements globaux de Shell au Québec sont de l'ordre de $445
millions.
A cause de la longueur de notre mémoire, nous nous bornerons
aujourd'hui à faire état des grandes lignes seulement et de vous
soumettre nos recommandations. Nous discuterons, tour à tour, de la
demande d'énergie au Québec, de la sécurité
d'approvisionnement, de la formation des prix de l'énergie, des
intérêts des consommateurs et de la protection de
l'environnement.
J'aimerais maintenant demander à M. Belle-feuille de poursuivre
notre présentation.
M. Bellefeuille (Gilles): M. le Président, messieurs les
membres de la commission, la première partie dont on veut vous parler ce
soir, c'est la demande d'énergie au Québec. Dans notre
planification, on a effectué deux études, mettant en
parallèle des facteurs de croissance démographique, des taux
d'emploi et de chômage et des niveaux de production par travailleur
différents, et, ainsi, on a dégagé des prévisions
économiques qui
étaient différentes. Elles ont indiqué un taux
estimatif de croissance économique de 4% et de 3% par année, en
termes de produit provincial brut réel, entre 1975 et 1990, selon qu'on
considère les variables maximales ou minimales.
Tout en reconnaissant qu'il est difficile de prédire l'avenir
avec exactitude, nous croyons que, pour les fins de la politique
énergétique, le taux le plus élevé de croissance
économique et la demande d'énergie correspondante devraient
être retenus lors de l'évaluation des besoins
énergétiques du Québec. Ceci, afin d'éviter des
décisions qui pourraient conduire à des pénuries.
L'argumentation de ce mémoire repose donc sur cet énoncé,
celui des 4%.
Nous désirons souligner que, même si le taux de croissance
économique le plus bas ne diffère que de 1%, il pourrait
signifier une réduction du niveau d'utilisation finale de
l'énergie d'environ 6% en 1990.
La demande d'énergie primaire: La demande d'énergie
primaire englobe toutes les formes d'énergie disponibles et tient compte
de l'apport d'énergie nécessaire pour satisfaire à la
demande finale des secteurs de consommation. Elle rend compte de l'utilisation
et des pertes entraînées par la conversion de l'énergie
primaire en combustibles et produits vendables, y compris la production de
l'électricité, de même que des besoins non
énergétiques. La demande d'énergie primaire au
Québec a augmenté à un taux annuel de 4,8% de 1960
à 1975, et nous croyons qu'elle augmentera de 2,8% par année
durant la période de nos prévisions, c'est-à-dire jusqu'en
1990.
Les points suivants font partie intégrante de ces
prévisions: Premièrement, le pétrole restera un des
principaux combustibles, mais on s'attend qu'il perde environ 5% de sa part du
marché. On suppose, naturellement, que le pétrole continuera
d'être facilement accessible, grâce surtout aux importations.
Deuxièmement, la consommation de gaz naturel connaîtra une
bonne croissance dans la région métropolitaine, mais nous n'avons
pas considéré d'autres marchés pour les besoins de cette
étude. Nous avons présumé qu'il y aurait suffisamment de
gaz naturel pour répondre à cette demande de la région
métropolitaine.
Troisièmement, le charbon n'aura probablement pas une grande
importance au Québec.
Quatrièmement, l'hydroélectricité demeure un des
principaux facteurs de l'énergie primaire, la demande
supplémentaire étant satisfaite, à notre avis, par le
projet de la baie James.
Cinquièmement, la demande d'énergie nucléaire
progressera avec modération selon les prévisions faites par
l'Hydro-Québec.
Passons maintenant à l'utilisation finale de l'énergie.
Les consommateurs de combustibles et d'électricité se regroupent
en quatre secteurs: résidentiel, commercial, industriel et transport.
Les prévisions reflètent, dans chaque cas, un taux de croissance
nettement plus bas que celui des quinze dernières années. On
attribue cette réduction aux raisons suivantes: Premièrement, un
ralentissement général de l'essor économique.
Deuxièmement, une forte croissance du secteur des services par
rapport au secteur de production des biens.
Troisièmement, un changement dans le secteur résidentiel,
les nouvelles constructions étant surtout des maisons de rapport qui
nécessitent moins d'énergie que les maisons unifamiliales.
Quatrièmement, l'application de mesures de conservation dans tous
les secteurs.
En regroupant ces quatre principaux secteurs, on en arrive a une
réduction du taux annuel de croissance de l'utilisation finale de
l'énergie au Québec de 2% pour la période de 1975 à
1990, comparativement à 4% à 5% pour les années
précédentes. Pendant cette période de prévision, le
pétrole accusera une perte dans les secteurs résidentiel,
commercial et industriel, tandis que le secteur transport continuera d'en
dépendre presque entièrement. C'est pourquoi nous disons que le
pétrole occupera donc, à l'avenir, une place importante au
Québec.
On s'attend que le gaz naturel se maintienne au même niveau dans
le secteur résidentiel et progresse dans les secteurs commercial et
industriel. Le charbon et l'électricité garderont leur part de la
demande industrielle et la demande de l'électricité augmentera
beaucoup, à notre avis, dans les secteurs résidentiel et
commercial.
De cette demande d'énergie, nous passons maintenant à la
demande de produits pétroliers.
Pendant les quinze dernières années, la demande de
produits pétroliers a connu une croissance considérable, mais nos
données futures reflètent une croissance plus
modérée. Nous prévoyons, par exemple, une réduction
de la demande d'essence, un accroissement de la demande de distillats et de
combustibles lourds et un accroissement aussi de la demande des autres
produits. Par autres produits, on veut dire le bitume, les lubrifiants, les
graisses, les charges d'alimentation pour usines pétrochimiques.
Maintenant, ceci pourrait nous apporter un problème. On remarque
que les raffineries sont conçues généralement pour
produire des essences et des distillats dans une proportion établie. Ce
rapport est connu en anglais sous le signe G/D qui, en français, a
été traduit essence par rapport à distillats.
Nos prévisions indiquent un rapport d'environ, en 1975 et, 64 en
1990. La plupart des raffineries du Québec ne peuvent respecter cet
écart du fait de leur conception, ce qui pourrait engendrer un
problème sérieux lorsque viendra le temps de satisfaire à
un nouvel équilibre de produits dans les années quatre-vingt,
quatre-vingt-dix.
Les raffineries pourraient être exploitées, d'une part, de
façon à satisfaire la demande d'essence en important les
distillats ou encore à respecter la demande de distillats et à
exporter l'excédent d'essence. Chacun de ces choix comporte des frais
qu'il faudra recouvrer sur le marché. A titre de solution de rechange,
on pourrait faire face à des rapports variables de la demande par un
afflux important de capitaux à chaque raffinerie pour permettre
l'installation d'un nouveau matériel
de traitement qui est la seule solution au problème, à
part les deux que je viens de mentionner.
Ceci naturellement imposera un lourd fardeau aux sociétés
et influera nécessairement sur le prix du marché.
J'aimerais maintenant passer à la sécurité
d'approvisionnement. Je voudrais vous parler, premièrement, du cas du
pétrole brut.
De 1969 à 1975, le Canada a été un exportateur net
de pétrole. Toutefois, les importations vers l'Est du Canada ont
assuré environ la moitié de nos besoins totaux. Pendant l'embargo
du pétrole en 1973/74, les efforts communs de l'industrie et du
gouvernement ont permis à l'Est du Canada de résister à
peu près entièrement à cette crise. Ces efforts se sont
spécialement traduits par des mesures temporaires dans le domaine des
transports et une production accrue de l'Ouest du Canada.
Cet embargo nous a fait constater la vulnérabilité de
l'Est du Canada aux interruptions d'approvisionnement de pétrole
découlant de gestes politiques et économiques de quelques
pays.
Une des mesures prises pour contrecarrer cette dépendance a
été le prolongement du pipeline Inter-Provincial jusqu'à
Montréal. La demande de brut pour approvisionner les raffineries du
Québec et les provinces atlantiques passera de 800 000 barils par jour
qu'elle est aujourd'hui à un montant total de 1 100 000 barils par jour
en 1990.
Depuis le milieu de 1976, le brut de l'Ouest du Canada est
acheminé par ce pipe-line, comme je l'ai dit tout à l'heure, et
remplace ainsi jusqu'à 250 000 barils par jour en importations
étrangères.
Cependant, on s'attend à une baisse de production des
réserves actuelles dans l'Ouest du pays, ce qui veut dire que de plus
grandes quantités de brut importé seront nécessaires pour
l'Est du Canada.
On exclut de nos prévisions les nouvelles découvertes dans
les régions traditionnelles, nouvelles découvertes que nous avons
incluses, mais qui ne sont pas encore réalisées. Nous accroissons
ainsi, en les excluant, la dépendance sur le brut importé.
Cet état de choses met en relief la question de la
sécurité d'approvisionnement et nous force à
considérer l'adoption de mesures compensatrices en vue de réduire
notre dépendance vis-à-vis des sources possiblement
incertaines.
Selon les normes mondiales, les réserves classiques connues du
Canada, qui s'élèvent à 8 milliards de barils, sont
modestes, mais peuvent être sensiblement augmentées si l'on
considère les possibilités offertes par les sables bitumineux,
soit 300 milliards de barils.
On peut en exploiter, à notre avis, environ 10% à ciel
ouvert par des méthodes reconnues efficaces. On devra, cependant,
effectuer des essais pour déterminer s'il est pratique d'adopter des
procédés de récupération pour les réserves
qui ne peuvent pas être exploitées par extraction
minière.
Ces essais devraient commencer sous peu. Les régions
frontalières offrent, à part les sables
pétrolifères, des possibilités de découvertes
impor- tantes, mais un pipe-line de taille serait alors nécessaire pour
transporter le produit vers les marchés consommateurs.
Nous croyons que les prochaines additions considérables aux
stocks canadiens de pétrole brut se feront à partir des sables
bitumineux et ce, vers le milieu des années quatre-vingt.
Shell Canada, à l'instar des autres sociétés,
importe du pétrole brut pour sa raffinerie québécoise. Les
prix du brut importé sont généralement établis par
l'OPEP, mais nous acceptons la responsabilité de négociations
visant à obtenir les meilleures conditions possible relativement au
genre de brut et aux modalités de paiement.
Dans notre cas, nous achetons dans la mesure du possible le brut qui
convient le mieux au programme de production de nos raffineries et nous avons
présentement des contrats avec une société gouvernementale
vénézuélienne pour le brut qui peut ravitailler la
raffinerie de Montréal-Est selon nos critères. Nous avons de plus
des relations à l'échelle internationale qui nous permettent
d'avoir accès à d'autres bruts sur le marché mondial, mais
leurs prix ne sont pas actuellement intéressants pour nous. Il nous
importe d'avoir, non seulement de multiples sources d'approvisionnement, mais
également la possibilité de choisir selon nos besoins
spécifiques. Par exemple, comme l'a dit M. Beauregard tout à
l'heure, notre raffinerie de Montréal-Est produit des huiles
lubrifiantes. Or, on sait que les huiles lubrifiantes nécessitent un
type de brut particulier et c'est pour cette raison précisément
que nous nous approvisionnons de brut vénézuélien.
Certains gouvernements ont proposé que l'achat de brut se fasse
au moyen d'ententes entre les Etats sans que l'industrie n'intervienne dans ces
transactions au niveau international. Rien n'indique à nos yeux que
l'adoption de cette proposition nous assurerait un approvisionnement
étranger plus sûr. D'un autre côté, il est possible
que ces ententes entre Etats conduisent à une moins grande
diversité de sources d'approvisionnement et en compromettent la
sécurité. Elle pourrait également entraîner une
perte d'avantages économiques si le brut ne satisfait pas aux
particularités de raffinage.
Passons maintenant au cas du gaz naturel. La perspective de la
production intérieure de gaz naturel est beaucoup plus encourageante que
pour celle du pétrole. Nos prévisions tiennent compte d'un
rendement accru des réserves actuelles en plus de nouvelles
découvertes dans les régions productrices actuelles. Nous avons
de plus établi que d'importantes réserves de gaz existent dans
l'Arctique, mais leur effet sur les prévisions dépend de gestes
politiques et de réglementation gouvernementale dans le cas du delta du
Mackenzie et en plus de l'établissement de réserves
supplémentaires dans le cas des îles de l'Arctique. Par
conséquent, ces réserves n'ont pas été incluses
dans nos prévisions dans le mémoire qu'on vous a soumis. Les
prévisions relatives à la demande incluent les exportations
autorisées vers les Etats-Unis, soit les volumes stipulés dans
les contrats
dont les dates d'expiration s'échelonnent de la fin des
années quatre-vingt jusqu'en 1994. Par suite de l'échéance
de certaines ententes à la fin des années quatre-vingt, la
demande connaîtrait une nette baisse pendant une brève
période. Dans cette optique, il est raisonnable de penser que la
production de gaz naturel de l'Ouest canadien pourrait suffire à la
demande nationale des réseaux de distribution existant et à la
demande étrangère applicable aux exportations autorisées
jusqu'au milieu des années quatre-vingt.
La formation des prix de l'énergie. Encore là, nous avons
divisé notre étude entre le cas du pétrole brut et le cas
du gaz naturel. Depuis l'automne 1973, l'économie canadienne a
été à l'abri d'une partie des effets de l'augmentation des
prix du pétrole brut dans le monde. Le prix actuel du brut canadien est
d'environ $3.80 le baril de moins que le prix mondial du pétrole
livré à Montréal. Au début de 1974, le gouvernement
fédéral a mis en application une politique de parité des
prix dans tout le pays par un système d'indemnisation. Ce système
d'indemnisation a eu l'avantage de garder le prix du brut canadien au-dessous
du prix moyen du pétrole de notre principal partenaire commercial, les
Etats-Unis, et de ce fait a contribué à maintenir en position de
concurrence les industries exportatrices canadiennes. Bien que nous sommes
d'accord sur ce point de vue, nous désirons apporter des
précisions. Premièrement, on doit considérer
l'énergie en fonction de coût globaux lorsqu'on étudie
l'aspect concurrentiel des industries exportatrices. En s'appuyant sur les
données de 1974, les dernières dont on dispose, on
s'aperçoit que les coûts accrus de l'énergie
représentaient alors environ 7,1% de la valeur ajoutée et les
salaires représentaient 38,3% de la valeur ajoutée. Il est donc
évident que l'énergie, tout en étant essentielle, est loin
d'être le facteur déterminant de la concurrence
économique.
Deuxièmement, à la longue, le pourcentage de brut à
faible prix, par rapport à la consommation globale des Etats-Unis
diminuera, occasionnant ainsi une hausse du prix moyen aux Etats-Unis. Par
conséquent, nous croyons qu'au début des années
quatre-vingt, les prix américains seront comparables aux prix
mondiaux.
Troisièmement, à notre avis, il est nécessaire
qu'on confirme l'intention d'adopter les prix mondiaux pour nous assurer que
soit mis sur pied les mécanismes de formation des prix qui,
d'après nous, sont nécessaires et qui donneront le signal pour
motiver le public le plus à conserver l'énergie.
Passons maintenant au cas du gaz naturel. Les prix du gaz naturel sont
maintenant régis en fonction du prix du brut avec comme unité de
référence le BTU. La ville repère est Toronto, mais les
zones tarifaires font que le prix du gaz livré à Montréal
est sensiblement le même qu'à Toronto. Nous appuyons le maintien
de la parité des prix au consommateur pour une équivalence
thermique. Cette mesure, nous vroyons, nous accordera un marché
compétitif, mais en même temps permettra à d'autres
facteurs, comme la sécurité d'approvisionnement, d'influer sur la
croissance.
Le gaz naturel est un combustible qui concurrence les produits
pétroliers dans les secteurs résidentiels, commerciaux et
industriels. L'huile de chauffage no 2 est sensiblement plus coûteuse que
le gaz naturel ou l'électricité, compte tenu des coûts du
combustible et aussi des coûts de l'amortissement du capital.
Il ne semble pas que le gaz puisse entrer en concurrence avec
l'électricité selon la tarification actuelle. Toutefois, si on
établit un parallèle avec les prix du pétrole, on constate
que les prix du gaz pourraient augmenter sans freiner la percée du gaz
sur le marché.
Comme nous l'avons dit précédemment, nous n'avons pas
étudié la portée économique de
l'élargissement des réseaux de distribution de gaz au
Québec. Si on ouvrait ces nouveaux marchés, le gouvernement
pourrait devoir intervenir pour compenser les désavantages
économiques inhérents à cette situation.
Je voudrais maintenant vous parler quelques instants de la section de
notre mémoire qui s'intitule Intérêts des consommateurs.
Afin de situer les besoins, les attentes et les droits des consommateurs dans
le contexte des réalités financières des entreprises de
raffinage et de commercialisation, nous désirons étudier les
intérêts des consommateurs sous trois chefs principaux:
premièrement, les fonctions de raffinage et de commercialisation;
deuxièmement, les prix des produits pétroliers et,
troisièmement, l'équité envers les consommateurs.
L'activité d'une société intégrée
telle que Shell Canada se divise en opérations qu'on dit habituellement
"upstream" et "downstream", en amont et en aval. Dans le cas du raffinage et de
la commercialisation qu'on appelle opérations en aval, ces
opérations représentent une entité commerciale distincte
à laquelle les consommateurs doivent se fier pour obtenir,
premièrement, un produit fini de haute qualité;
deuxièmement, fourni par des moyens sûrs et efficaces et,
troisièmement, un prix juste et raisonnable.
En retour de cet ensemble de produits et de services, les secteurs
raffinage et commercialisation doivent retirer des produits suffisants pour
leur assurer un rendement raisonnable de l'importante mise de fonds qu'ils ont
dû investir dans cette entreprise. Les procédés de
raffinage donnent des coproduits, c'est-à-dire qu'ils rendent
concurrement divers produits finis à partir d'une seule matière
première.
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse de vous
interrompre un peu. Tout ce passage, pouvez-vous le résumer assez vite?
Il touche un peu la mise en marché au consommateur actuellement.
M. Bellefeuille: D'accord.
Le Président (M. Laplante): C'est une longue partie
étant donné qu'il reste à peu près 18 minutes pour
recevoir des questions.
M. Bellefeuille: Si vous me permettez, M. le Président,
j'aimerais vous lire la partie qu'on a inti-
tulée: Equité envers le consommateur, et qui va prendre 30
secondes.
Les secteurs raffinage et commercialisation doivent soutenir la
concurrence, d'abord par l'efficacité de leurs opérations et par
les prix de leurs produits. Il s'agit maintenant de savoir si la concurrence a
favorisé les intérêts des consommateurs en mettant à
leur disposition une diversité de produits et de services à des
prix justes et raisonnables. Selon nous, elle y est parvenue.
Etant donné qu'on manque de temps, nous allons simplement vous
dire qu'on croit avoir fait la preuve de manière plus approfondie dans
le mémoire qu'on y est parvenu en se basant sur des critères
traditionnellement reconnus, notamment la présence évidente de la
concurrence, la comparaison entre le niveau des prix et l'indice des prix
d'autres produits et services soumis aux mêmes facteurs
économiques; troisièmement, la position du rendement
général de l'industrie par rapport à celle d'autres
industries et d'autres sociétés du même milieu
économique.
La dernière section de notre mémoire est intitulée:
La protection de l'environnement. Je voudrais la résumer à cause
du manque de temps en vous disant que les deux points principaux à
mentionner ici sont le fait que Shell est en train d'apporter des modifications
de l'ordre de $25 millions à sa raffinerie de Montréal-Est pour
améliorer la qualité des affluents déversés dans le
fleuve Saint-Laurent. Ce projet dont la mise en oeuvre a été
suivie de près par les services de protection de l'environnement est
terminé à 85%. De plus, Shell a investi l'année
dernière $2,5 millions pour la protection du milieu dans ses
installations de mise en marché au Québec.
Je voudrais maintenant céder la parole à M. Beauregard
pour le sommaire et les recommandations.
M. Beauregard: La demande d'énergie au Québec a
toujours connu un taux de croissance élevé et, ces
dernières années, le pétrole a satisfait aux deux tiers de
la demande finale. Cette dépendance importante vis-à-vis du
pétrole se prolongera pendant des années. Le Québec
dépend entièrement d'approvisionnements extérieurs,
surtout du brut importé. Chaque fois le Québec devrait
étudier la situation en fonction des facteurs suivants:
premièrement, demande de l'énergie. Elle pourra être
freinée par une prise de conscience de la part du consommateur, les
répercussions qu'entraîne une forte consommation et par la
motivation de tous les secteurs d'utilisation finale à
accélérer leurs efforts de conservation. Aussi par la mise en
oeuvre d'avantages fiscaux, par exemple un allégement d'impôts en
compensation d'une isolation améliorée et d'initiatives comme la
révision du Code du bâtiment pour favoriser et hâter
l'adoption de mesures de conservation.
Deuxièmement, sécurité de l'approvisionnement. Dans
l'optique d'une réduction de sa dépendance du brut
étranger, le Québec pourrait encourager: l'exploitation des
sables bitumineux, ce qui semble être le moyen le plus rapide d'assurer
des sources supplémentaires importantes et garanties de pétrole
brut; l'élaboration de programmes pratiques et immédiats de mise
en valeur des réserves de gaz du delta du Mackenzie et,
subséquemment, de celles des îles de l'Arctique qui pourraient lui
offrir la perspective d'une plus grande disponibilité de gaz naturel;
l'adoption de mesures fiscales et de réglementations qui favoriseraient
les initiatives de l'industrie dans les régions frontières de la
façon la plus pratique et rapide possible.
Troisièmement, la formation des prix de l'énergie. Le
Québec devrait appuyer les politiques de formation des prix qui, tout en
maintenant une économie concurrentielle, permettraient au prix du brut
canadien d'atteindre le niveau international aussi vite que possible et
encourageraient ainsi les efforts de conservation ainsi que d'exploitation de
nouvelles ressources canadiennes de pétrole et de gaz naturel.
Afin de faciliter la mise en valeur de nouvelles ressources qui
nécessitent de coûteux investissements, le Québec devrait
appuyer une meilleure répartition des revenus au profit de
l'industrie.
Dans le cas des produits pétroliers générateurs
d'énergie, la prise de contact avec le consommateur s'accomplit au
niveau des secteurs raffinage et commercialisation. C'est un domaine hautement
compétitif qui offre au consommateur un grand choix de produits et de
services à un prix qui, selon tous les critères habituels, est
tout à fait équitable et raisonnable. A notre avis, les secteurs
raffinage et commercialisation de l'ensemble de l'industrie ont bien servi les
intérêts des consommateurs. Mais, comme dans le cas d'autres
entreprises, ils ont dû, depuis quelques années, se soumettre
à des réglementations et à des contrôles
extérieurs. Nous croyons néanmoins qu'en principe, la nature
hautement concurrentielle des secteurs raffinage et commercialisation stimule
mieux la tendance à améliorer l'efficacité de rendement et
assure un meilleur contrôle des prix que la plupart des
réglementations gouvernementales. Par conséquent, toute nouvelle
intervention des gouvernements, à l'heure actuelle, ne saurait apporter
de plus grands avantages.
Shell préconise une stratégie de préservation du
milieu bien conçue, qui respecterait l'équilibre entre le prix au
consommateur et le degré de protection de l'environnement,
stratégie qui doit s'intégrer aux politiques d'investissement et
d'énergie.
M. le Président, je remercie les membres de la commission et je
suis à leur disposition pour répondre aux questions que notre
mémoire a suscitées.
Le Président (M. Laplante): Merci messieurs. M. le
ministre.
M. Joron: Messieurs, avant de vous poser quelques questions,
puisque vous êtes le dernier des sept raffineurs québécois
à nous présenter votre mémoire, c'est peut-être
l'occasion d'essayer
de faire le point sur les mémoires que nous ont
présentés les principales sociétés
pétrolières qui opèrent des raffineries au
Québec.
Ce qui me frappe, en écoutant votre mémoire de l'un
à l'autre, il y a eu des petites divergences. Il y en a qui ne croyaient
pas au gaz naturel, un autre croyait au charbon, enfin, chacun avait sa petite
particularité grosso modo, il y a une étonnante
ressemblance dans les mémoires que nous ont fournis les sept compagnies
de pétrole qui ont des opérations intégrées au
Québec.
Vous nous avez tous prédit un avenir pétrolier, dans une
proportion un peu moindre qu'aujourd'hui, mais pas beaucoup, pas beaucoup,
moindre. Aujourd'hui, on est dépendant du pétrole à 70%.
Certains nous ont dit que cela va baisser à 65%, comme vous le dites,
que cela va baisser de 5% environ. L'intervenant précédent disait
60%. Cela a toujours varié à peu près dans ces
chiffres-là.
Donc on va rester, pour beaucoup plus que la moitié,
dépendants de sources pétrolières. Vous êtes
à peu près tous d'accord pour dire que ces sources, à
partir du début des années quatre-vingt, seront des sources
étrangères, que ce soit du Moyen-Orient, du Venezuela ou
autres.
Vous nous avez dit que, s'il y a des risques, il y a des risques
théoriques de sécurité d'approvisionnement et que vous
êtes tous en mesure d'y répondre, parce que vous
représentez tous des sociétés très importantes qui
ont chacune leurs relations spéciales avec les pays de l'OPEP, etc. Vous
êtes tous en mesure de garantir les approvisionnements; vous êtes
tous en mesure de protéger les intérêts des consommateurs
les sept on dit cela de protéger l'environnement
également.
Personne d'entre vous ne veut voir l'intervention de l'Etat au niveau
des prix; personne d'entre vous ne veut voir SOQUIP dans le portrait, ni dans
le raffinage, ni dans la distribution.
Finalement, vous invitez le gouvernement à ne pas agir, sur aucun
plan, tout en nous disant que nous allons rester, au Québec,
dépendants, dans l'avenir, pour plus de 60% de nos ressources
énergétiques, du pétrole, mais que le pétrole,
c'est votre affaire, que vous allez vous en occuper et que vous allez
réussir à nous approvisionner, à bon compte et tous les
problèmes vont être réglés.
Mes remarques ne s'adressent pas spécifiquement à votre
mémoire, je ne voudrais pas que vous le preniez d'une façon
personnelle, mais je ne peux pas m'empêcher, puisque vous êtes le
dernier des sept raffineurs à me le dire. Il n'y a pas une
étonnante naïveté dans tout cela finalement, que de nous
inviter à dire: Messieurs, terminez donc cette commission. Nous, les
pétroliers, on va s'occuper des affaires énergétiques du
Québec. Ne pensez donc plus à cela. Vous nous dites tous... On
dirait en anglais: "You pay lip-service" à des objectifs qui semblent
faire l'unanimité au Québec. Vous nous dites tous, les uns
après les autres: II faut conserver l'énergie. C'est comme
être en faveur de la vertu et de la maternité. Il faut conserver
l'énergie, vous êtes tous d'accord sur cela. Vous nous dites aussi
qu'il faut développer nos sources locales. C'est pour flatter le
Québécois, l'Hydro-Québec qui sommeille en chacun de nous.
Vous nous dites: II faut développer l'électricité.
Finalement, je me demande, en écoutant tout cela, sur quoi on peut
asseoir notre avenir énergétique. Je ne le sais pas.
Ce sont des considérations d'ordre général. Si vous
voulez faire des commentaires là-dessus... Comme je vous dis, ce n'est
pas particulièrement à vous que cela s'adresse, c'est un
commentaire général qui ne vous vise pas directement, mais je
vous avoue que je n'ai pas trouvé beaucoup de substance sur laquelle
fonder une politique énergétique québécoise,
proprement québécoise ou qui répondrait à nos
incertitudes d'approvisionnement, etc.
Je vais donc me limiter, sans vous empêcher de faire des
commentaires sur les commentaires que je viens de faire vous êtes
parfaitement libre de le faire à vous poser une seule question
pour commencer. Vous semblez attacher passablement de confiance, de foi, dans
le développement des sables bitumineux de l'Athabaska. Pourrais-je vous
demander si vous prévoyez, et à quelle date environ, des
approvisionnements de pétrole brut venant de cette source, pouvant
éventuellement... puisqu'on dit qu'elle est énorme, mais on ne
sait pas à quel prix on peut la sortir de là, par contre, c'est
cela qui est le "hick", à quel prix voyez-vous l'exploitation
éventuelle des sables bitumineux? Peut-être plus loin dans
l'avenir, mais vous voyez ces sources pouvant remplacer à nouveau les
sources du Moyen-Orient, plus loin dans le temps, à quel prix, tout en
nous disant l'intérêt que votre société peut avoir
dans le développement des sables bitumineux...
M. Beauregard: Selon nos études sur les sables bitumineux,
le prix du baril de pétrole brut des sables bitumineux devient rentable
actuellement, aujourd'hui.
C'est à peu près le prix mondial pour l'huile brute, qui
est d'environ $13 à $14, livrée à Montréal,
malgré que, pour l'huile brute, dans l'Ouest du Canada, le prix comprend
des taxes, des impôts, des royautés. On sait que, même
aujourd'hui, maintenant, les gouvernements fédéral et provinciaux
sont en train de négocier quelque chose pour qu'on puisse s'entendre sur
un prix entre des compagnies comme nous autres et les gouvernements. On croit
qu'il faut avoir une réponse à ce problème. Si, par
exemple, ils sont prêts à prendre un peu de taxes sur un prix de
$13 ou $14, on peut continuer notre ouvrage, qui est déjà
commencé. Beaucoup d'argent a déjà été
dépensé pour les sables bitumineux par notre compagnie. On croit
qu'on peut avoir une troisième usine en place pour 1985.
M. Joron: Pour une production de combien de barils?
M. Beauregard: A peu près 125 000 barils par jour.
M. Joron: Quel est votre intérêt actuel dans les
sables bitumineux?
M. Beauregard: On a des baux là-bas, dans les sables
bitumineux. On a déjà fait des travaux, des expériences
sur ce terrain.
M. Joron: J'aurais une autre question à vous poser. A un
moment donné, dans votre rapport, je ne cite pas de mémoire, mais
vous souhaitez une équivalence de prix au consommateur entre les
différentes formes d'énergie. Comment se fait-il que vous ne
prévoyez pas une augmentation plus substantielle du gaz naturel que
cela, si vous présumez que le prix devrait être concurrentiel
à celui du pétrole ou de l'électricité? Toutes
formes d'énergie étant égales, comment se fait-il que vous
ne prévoyez pas une pénétration plus grande que celle du
gaz naturel au Québec?
M. Beauregard: Maintenant, le prix du gaz naturel est à
peu près à 85% du prix de l'huile à chauffage.
M. Joron: Ce n'est pas livré aux consommateurs. C'est
à City Gate à Toronto.
M. Beauregard: Oui, mais c'est la même chose pour
Montréal. Nous autres, on trouve, pour avoir une
pénétration plus grande que ce qu'on peut percevoir dans notre
mémoire, qu'il faut avoir une base assez large du secteur industriel,
parce que, naturellement, si vous construisez un système de
distribution, il faut amortir ces coûts durant toute l'année. Si
on se concentrait seulement sur le résidentiel, la courbe, durant
l'été, est naturellement bien basse. Maintenant, le prix
concurrentiel entre le prix pour le gaz naturel et le bunker, le mazout, est
à peu près égalisé maintenant, mais, quant au prix
du gaz naturel, on trouve qu'on peut commander peut-être un petit peu
plus, parce que le gaz lui-même, le combustible lui-même est un
"premium". On croit qu'il y a une chance de pénétrer à ce
niveau, mais pas assez pour commencer un nouveau système.
M. Joron: Est-ce que vous voulez dire par là que ça
ne justifierait pas un prolongement des canalisations, des infrastructures de
distribution?
M. Beauregard: Justement. C'est pour ça qu'on dit dans
notre mémoire qu'on pense que ça prendrait une intervention du
gouvernement pour le faire.
M. Joron: Quel type d'intervention?
M. Beauregard: Si l'affaire ne marche pas économiquement,
malheureusement ça prend peut-être une taxe ou un support
quelconque.
M. Joron: A part les prix, est-ce que c'est parce que vous avez
des craintes quant à l'approvisionnement à long terme en
quantité suffisante du gaz naturel? Vous n'avez pas de craintes de ce
côté-là?
M. Beauregard: Non, on pense qu'il y en aura bien assez, de gaz
naturel.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Avant de poser ma
question, un peu à l'exemple du ministre, je vais peut-être
revenir sur son affirmation de tout à l'heure. Il s'étonne de la
naïveté des réponses qu'il obtient à ses questions de
la part des compagnies pétrolières. Je me demande, M. le
Président, si les questions ne sont pas plus naïves que les
réponses, à moins, bien sûr, que le ministre n'ait voulu
restaurer un peu de neutralité dans ses interventions et traiter les
pétroliers comme il avait traité la CSN cet
après-midi.
Effectivement, je ne vois pas de naïveté surprenante, pour
reprendre les mots du ministre, dans ce que nous avons entendu, puisque, si
j'ai bien compris on peut me démentir dans le cas contraire
on nous dit et on affirme comme étant la conclusion à
laquelle on arrive du côté, au moins, des compagnies
pétrolières, quitte à contester leurs calculs, que quels
que soient les efforts gouvernementaux ou autres qui soient faits pour
conserver l'énergie ou restreindre la consommation de l'énergie
et stimuler d'autres formes ou d'autres sources d'énergie que
l'énergie d'origine pétrolière, le mieux qu'on puisse
faire, c'est de réduire notre dépendance de 10% sur une
période de dix ans ou de 5%, enfin, peu importe les chiffres exacts. On
estime que de toute façon, la marge de manoeuvre est assez
réduite et il faudra dépendre, dans dix ans comme aujourd'hui,
pour plus de la moitié de nos besoins, de sources extérieures au
Canada.
Si c'est ce que la réalité nous enseigne, il va falloir
l'accepter, même si tout le monde dit la même chose. Je dirais
peut-être à plus forte raison si tout le monde dit la même
chose. Mais ce n'est pas là ce qui me frappe le plus dans les
commentaires que j'ai entendus. C'est une argumentation qui me paraît
nouvelle de la part d'une compagnie pétrolière, mais dont on a,
si on y pense bien, déjà entendu des échos dans
l'exposé qu'a fait une autre compagnie qui fait des affaires au
Québec. En effet, on entend maintenant depuis assez longtemps les
compagnies pétrolières nous dire qu'il est temps que,
premièrement, le gouvernement fédéral permette au prix
canadien de s'élever au niveau du prix international, et surtout, en
même temps, qu'il accepte de prélever une part moins importante
sous forme de taxe ou de redevances du produit de la vente des produits
pétroliers, de manière à permettre le financement des
investissements absolument énormes ce n'est contesté par
personne qui sont nécessaires dans le domaine des sables, dans
les régions frontalières.
Bon! C'est un argument qui, sans aucun doute, a ses mérites. Il y
a des besoins d'investissements dans le domaine énergétique dont
on est devenu conscient depuis la crise de l'énergie, je pense, à
un degré insoupçonné avant. Mais il semble qu'il s'y
ajoute un nouvel argument qui,
lui, assez curieusement, découle d'une future politique
énergétique possible. Cela, ça m'inquiète un peu
plus, parce qu'avant d'adopter une telle politique énergétique il
faudrait savoir quels genres d'arguments on se prépare de la part de
l'industrie. Je pense, en particulier, à ce que vous dites au sujet de
cet équilibre du marché pour les produits dérivés
du pétrole, alors que la demande pour différents produits se
développe à des rythmes différents.
Vous avez parlé du ratio distillats-essence et vous avez
affirmé que, lorsqu'on construit une raffinerie, c'est comme si on
prenait un cliché, un instantané de la consommation, du profil de
consommation, à un certain moment, et qu'on fige ce profil dans un
profil de production et que, dix ans après, la raffinerie est toujours
là, mais le profil de consommation peut être différent et
sera différent dans la mesure où les politiques
énergétiques vont influencer, par exemple, la consommation de
l'essence vis-à-vis d'autres types de consommation.
A ce moment, il va falloir faire des investissements nouveaux pour
changer l'instantané en question, faire des retouches à la
photographie, mais ce sont des retouches particulièrement
coûteuses apparemment et cela sera un argument nouveau pour,
probablement, demander au gouvernement de hausser les prix ou de baisser ses
redevances ou Dieu sait quoi.
Cet argument m'étonne de la part de compagnies multinationales
qui fonctionnent non seulement ici, mais, par exemple, aux Etats-Unis et qui
devraient et c'est vraiment là qu'est le point d'interrogation
dans le mesure où il y a une liberté de commerce, non
seulement pour le brut, mais pour les produits finis et là, il y a un
point d'interrogation dans mon esprit: Est-ce que cela existe et, si cela
existe, croyez-vous que cela va s'arrêter un jour? Il devrait y avoir
possibilité, même pour une seule compagnie, Shell en particulier,
mais pour tous les gros producteurs, d'équilibrer leur profil de
production à l'aide des différentes unités de raffinage
qu'elles ont sur le continent, de manière à s'ajuster de
façon à peu près continue à l'évolution de
la demande, sans imposer aux consommateurs un surcroît de coût
à cause du fait qu'on essaierait de satisfaire la demande
québécoise et son évolution seulement avec les raffineries
qui existent au Québec, comme si le reste du monde n'existait pas.
Qu'est-ce qui vous empêche de faire cela? Je comprends qu'il y a
des coûts de transport, mais c'est malgré tout minime par rapport
à la reconstruction d'une raffinerie. Qu'est-ce qui empêche de
faire cela?
Je vous rappelle qu'on est déjà devant un problème
de ce genre puisqu'un autre exposé fait par un de vos concurrents ici,
celui du Québec, nous dit qu'il est actuellement à 50% de la
capacité pour cette raison et qu'évidemment, il y a eu des
importateurs qui sont venus et qui ont dit: Ce genre de
déséquilibre, permettez-nous à nous de faire l'ajustement
en important les surplus des raffineries d'ailleurs.
Tout cela risque de provoquer un surplus de capacité encore plus
considérable que celui qu'on a actuellement au Québec. Donc, il
semble y avoir, de la part des compagnies telles que la vôtre et pour le
consommateur et pour vous, comme compagnie, un très grand
intérêt à une liberté de commerce
considérable de ce côté. Qu'est-ce qui l'empêche?
M. Beauregard: On soulève cette possibilité
maintenant parce qu'on pense qu'il peut arriver qu'on ait un accroissement de
distillats assez fort avec une baisse d'essence dans les années
quatre-vingt-cinq à peu près.
Maintenant, si cela arrivait aujourd'hui, il y a un marché. Si on
voulait maximiser la production de distillats, on pourrait bien exporter les
surplus d'essence en Europe ou même aux Etats-Unis et, si on
décidait de maximiser la production d'essence, on aurait besoin de
trouver des importations de distillats. C'est un peu plus difficile
aujourd'hui.
On pense qu'en 1985, le prix de l'huile brute canadienne et le prix
mondial vont être égaux. On parle seulement du coût de
transport comme différence. Mais, s'il n'y a pas de marché, parce
que d'autres pays, comme les Etats-Unis... Ils vont trouver la même
affaire que nous, je crois.
Je suis sûr que même notre compagnie aux Etats-Unis pense
comme nous. Elle va avoir un accroissement de distillats et un léger
décroissement de gazoline. Si on n'est pas capable de faire ces
échanges, cela va prendre un investissement dans notre raffinerie de
Montréal-Est aux environs de $30 millions pour un système
d'hydrodragage et si on pense à toute l'industrie au Canada, c'est un
investissement de $1 milliard.
N'oubliez pas, on est un peu comme'l'Alcan, le rendement sur nos
investissements l'an passé était environ de 7%. On n'est pas
tellement intéressé à investir une somme de cette grandeur
à ces taux-là.
M. Forget: Dites-vous 17% ou 7%? M. Beauregard: 7%,
oui.
M. Forget: Votre réponse est dans le fond une autre
façon de reposer la question.
M. Beauregard: Je n'ai pas de réponse. Je soulève
le problème, seulement.
M. Forget: Si c'est cela, je vais l'accepter comme tel.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal. Une dernière intervention.
M. Ciaccia: M. le Président, je dois avouer moi aussi, des
mémoires qui ont été soumis par les compagnies
pétrolières que le ministre a eus, que je n'ai pas eu
l'impression que les compagnies pétrolières nous disent: Laissez
tout aller, on va s'arranger, on va continuer dans l'état que nous
sommes. Nous pouvons pourvoir aux besoins énergétiques des
Québécois. Je suis un peu surpris, j'espère que le
gouvernement va prendre connaissance des problèmes qu'ils ont
soulevés. Ils ont soulevé plusieurs problèmes, des
problèmes qui nécessitent des décisions du gouvernement.
Il n'y a aucun doute qu'il y a certaines activités où les
compagnies pétrolières disent: C'est nous qui pouvons faire ces
activités mieux que le gouvernement, et peut-être que vous avez
raison. Vous avez soulevé des problèmes, par exemple, quant au
gaz naturel. Ce n'est pas nécessairement vous qui pouvez c'est
l'impression que j'ai eu prendre ces décisions. Il va falloir soulever
des problèmes pour la province de Québec, dans quelle direction
se diriger en ce qui concerne le gaz naturel. Alors, ce sont des
décisions que la province de Québec va être obligée
de prendre. Vous soulevez quand je dis vous, je dis toutes les
compagnies les problèmes de la répartition, de
l'équilibre de l'énergie entre l'hydro-électrique, le gaz
naturel et le pétrole. Vous faites certaines prévisions qui
varient de 60% à 70%, mais vous soulevez un problème qui est
politique. Le gouvernement pourrait changer cet équilibre à long
terme, parce qu'on parle à long terme. Alors, non seulement vous
soulevez la question de l'équilibre entre différentes formes
d'énergie, mais vous soulevez aussi un certain équilibre entre
l'entreprise privée et le gouvernement. Nous ne sommes plus dans un
système où l'entreprise privée est totalement libre.
Alors, il y a un certain équilibre. Il y a ceux qui veulent plus de
contrôle, il y a ceux qui en veulent moins. Le mémoire de BP, les
explications qu'ils ont données sur la société d'Etat,
j'ai interprété cela comme voulant démontrer ce que
l'entreprise privée, sans l'intervention de l'Etat, pouvait faire, dans
quelle mesure et dans quelles limites il pouvait entrer dans ce domaine. Je
pense que, si on peut interpréter collectivement les mémoires des
compagnies pétrolières, peut-être le public serait mieux
servi dans les bras des "seven sisters" que de se mettre dans les mains de "big
brother". Cela peut être une interprétation. Tout cela, tout ce
problème...
Le Président (M. Laplante): Pourriez-vous poser votre
question, monsieur, s'il vous plaît, parce que...
M. Ciaccia: Encore 30 secondes, parce que la raison pour laquelle
je fais ce commentaire...
Le Président (M. Laplante): II y a des gens qui viennent
de loin et qui attendent.
M. Ciaccia: Seulement 30 secondes, s'il vous plaît, M. le
Président.
Tout cela veut dire que vous demandez au gouvernement de prendre
certaines décisions politiques et des décisions sur une politique
énergétique. Je n'irai pas dans tous les autres problèmes,
parce que M. le Président me fait signe que je devrais être plus
bref. Je veux seulement conclure que vous avez soulevé des
problèmes et je crois qu'on doit y répondre par une politique
énergétique.
M. Giasson: Mais la question du ministre demeure posée
quand même.
M. Ciaccia: II n'a pas vu de problème...
M. Giasson: Au Québec notre avenir c'est d'être ou
de ne pas être du côté pétrole et gaz à
l'intérieur d'une politique globale du Québec au point de vue
énergétique.
M. Ciaccia: Oui, mais cela va aussi...
Le Président (M. Laplante): Avez-vous une réponse
à donner à cet exposé? C'est votre dernière
réponse à une supposée question.
M. Bellefeuille: J'aimerais faire un commentaire sur le
commentaire initial du ministre Joron. J'ai pris des notes au moment où
vous faisiez votre commentaire, M. le ministre. Vous avez dit: à bon
compte, approvisionnement assuré, etc. A bon compte, je ne suis pas
sûr et il ne faudrait pas vous le garantir.
Approvisionnement sûr de l'étranger, ça non plus, on
n'est pas sûr. Mais je pense qu'on est relativement sûr du fait
qu'avec des mesures gouvernementales appropriées au niveau des
gouvernements provinciaux de l'ouest et du fédéral, on peut
développer les ressources des sables bitumineux et des ressources des
régions frontalières, pour assurer une plus grande
sécurité d'approvisionnement au Canada et, par le fait
même, au Québec. On a tous dit, il est vrai, qu'il faudrait de
plus en plus avoir recours au pétrole brut étranger dans les
années 80, mais c'est vrai parce que les ressources qui existent n'ont
pas été développées encore. Ce serait de moins en
moins vrai si elles sont développées. Je pense que c'est sur ce
point où, de concert avec d'autres gouvernements des autres parties du
Canada, il pourrait y avoir des efforts qui seraient faits pour assurer une
meilleure répartition des revenus pour que l'industrie
pétrolière ait plus d'argent à investir dans ces
énormes projets de sables bitumineux et de régions
frontalières.
M. Joron: Si M. le Président me permet, juste une courte
question. Finalement, je pense que c'est peut-être ça, vous l'avez
fort bien souligné, qui est peut-être le dénominateur
commun des mémoires présentés par toutes les compagnies
pétrolières. Vous nous dites, en somme: Les approvisionnements
étrangers, on ne peut pas les garantir, on pense qu'on peut essayer de
se débrouiller dans l'intervalle, mais il serait plus sûr de
développer les sables ou l'Arctique, ainsi de suite. Pour ce faire,
intervenez, si vous le pouvez, auprès du gouvernement
fédéral, dans la mesure où ça relève du
gouvernement fédéral, pour qu'ils ne nous maltraitent pas trop,
d'une part, et n'intervenez pas pour réglementer les prix au niveau
des
consommateurs de façon qu'on puisse faire une marge de profit
suffisante nous permettant, de façon interne, d'avoir assez
d'autofinancement pour investir ces sommes dans l'exploration à
l'extérieur des frontières du Québec.
Si ce processus pouvait nous garantir formellement, à long terme,
des approvisionnements sûrs et à un prix enfin pas trop
élevé on ne peut pas spéculer sur les prix, je
pense bien on souscrirait peut-être plus volontiers à ce
type d'argumentation. Mais il faut quand même se rendre compte que cette
source de financement que vous nous invitez à vous laisser, à
même les ventes aux consommateurs québécois, on pourrait
théoriquement l'employer peut-être à d'autres sources. Je
ne veux pas rouvrir le dossier nucléaire, mais s'il y avait suffisamment
d'hydroélectricité ou enfin s'il se développait une
nouvelle forme de production d'électricité, on pourrait faire le
même raisonnement. On pourrait dire: Sortons tout ce qu'on peut de la
poche des consommateurs québécois, mais au lieu de l'investir
dans les sables, investissons-le dans des centrales nucléaires au
Québec, comme ça, on va être encore plus sûr de la
source d'approvisionnement parce qu'on va être assis dessus
directement.
C'est pour ça que je disais que l'invitation que vous nous faites
semble relativement un peu loin des préoccupations immédiates des
Québécois.
M. Bellefeuille: Je pense que c'est loin des
préoccupations immédiates parce que justement l'accès
à ces sources de pétrole sont loin, relativement, dans le temps.
J'aimerais revenir à ce que vous disiez de l'investissement au
Québec, dans des sources d'énergie québécoise. Je
pense qu'on serait d'accord pour dire que c'est une politique valable.
Mais il ne faut pas, par contre, oublier que, même si
l'hydroélectricité ou l'électricité
nucléaire pouvait déplacer le pétrole, le gaz naturel dans
bien des secteurs, ce n'est pas possible dans le secteur du transport, en tout
cas pas maintenant.
M. Joron: C'est évident.
M. Bellefeuille: Et on aura toujours besoin, il me semble, pour
les X prochaines années, parce que M. le Président me fait signe,
de pétrole. Et il nous semble que, dans le moment, l'endroit le plus
sécuritaire pour l'obtenir, ce sont les réserves
pétrolifères de l'Ouest et'des régions nordiques.
M. Joron: Je vous remercie de vos suggestions. On va tenir compte
de vos avis.
M. Bellefeuille: Merci, mais...
M. Forget: M. le Président, on a fait beaucoup de
progrès depuis quelques minutes.
Le Président (M. Laplante): Merci de votre
coopération. J'appellerais maintenant le groupe ASHRAE.
Messieurs, c'est à regret que je suis obligé de vous
donner une demi-heure. Si vous voulez bien synthétiser le plus possible
votre partie de mémoire. On ne s'attendait pas à avoir
celui-là. En plus, on prendra la nuit pour l'étudier s'il le
faut. Si vous voulez bien être très brefs dans vos commentaires,
l'explication et le résumé.
Société ASHRAE
M. Bédard (Jean-Pierre): M. le Président,
permettez-moi d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent. A
ma droite, M. Claude Dumas, M. Jacques Archambault et, à ma gauche, M.
Yves Rousseau. Mon nom est Jean-Pierre Bédard.
M. le Président, MM. les membres de la commission, notre
société, l'ASHRAE, qui est une abréviation de l'American
Society of Heating Refrigerating and Air Conditioning Engineers, comprend 32
000 membres répartis à travers 120 pays. Nos membres sont, pour
la plupart, directement impliqués dans la conception des systèmes
de ventilation, d'air climatisé, de réfrigération et dans
l'utilisation et le contrôle de l'énergie dans les édifices
résidentiels, commerciaux et industriels.
Au Canada, notre société compte plusieurs chapitres dont
deux dans la province de Québec, soit un dans la ville de Québec
et un dans la ville de Montréal.
Au cours des années, les populations du Canada et des Etats-Unis
ont dû faire face à plusieurs situations alarmantes dans plusieurs
domaines. C'est maintenant par une pénurie d'énergie que nous
sommes inquiétés.
Lorsque nous considérons que plus du tiers de l'énergie
utilisée au Canada et aux Etats-Unis l'est dans les édifices
commerciaux et résidentiels et que 60% de l'énergie
résidentielle-commerciale est utilisée pour le chauffage et le
refroidissement de ces bâtisses, la société ASHRAE
réalise qu'elle doit assumer ses responsabilités dans ce
domaine.
Réalisant la situation, notre société a
préparé un manuel de normes appelé le Standard 90-75 sur
l'utilisation de l'énergie dans les nouvelles constructions et est
à préparer le Standard 100 couvrant les édifices
existants.
Si on considère la diminution de la disponibilité de
l'énergie, nous devons, comme société et citoyens de notre
pays et comme gouvernement, décider si nous devons considérer la
présente situation comme une crise réelle ou comme un
problème technique qui peut être solutionné.
D'un point de vue technique, notre société, en se servant
des principes d'ingénierie, considère la situation comme un
problème technique qui peut être solutionné, mais doit
être traité de façon urgente.
Dans la prochaine décennie, le nombre de nos édifices
commerciaux et résidentiels augmentera de 30% à 40%. Des codes et
des standards sont nécessaires pour guider les constructeurs, les
gouvernements et les corps publics à prendre des décisions dans
le but de conserver le plus d'énergie possible dans la conception des
plans de ces nouveaux édifices.
Si on commence immédiatement, sans tarder, à appliquer
certaines techniques de conservation
d'énergie dans ces nouvelles bâtisses, nous
prévoyons économiser environ 25% de l'énergie qui serait
autrement gaspillée inutilement.
Notre société a donc commencé à travailler
sur le standard 90-75 en février 1974, quand elle fut demandée
par le National Conference of States and Building Codes and Standards des
Etats-Unis pour préparer un guide de référence.
Le standard 90-75 est le résultat de ces efforts. Ce standard
ASHRAE a été développé en coopération avec
plus de 5000 architectes, ingénieurs, manufacturiers et experts en
construction dans tout le Canada et les Etats-Unis. C'est donc un document
valable, qui devrait être consulté dans la préparation d'un
nouveau code de la construction pour le Québec.
Notre société croit qu'elle devrait être
consultée dans l'élaboration de tout nouveau code dans le domaine
de la construction et qu'elle devrait être représentée aux
comités qui en sont responsables.
Nous croyons fermement que le nouveau code de construction, tout en
imposant des minimums de qualité et de sécurité dans les
nouvelles constructions, devrait se préoccuper de l'utilisation
rationnelle de l'énergie dans l'étude des coûts
d'exploitation de ces nouveaux édifices.
J'aimerais me référer ici à une annexe qui vous a
été donnée aujourd'hui, vous indiquant certains buts de la
société et certains détails concernant ce standard.
Pour résumer cette annexe, je dirais que les buts de la
société sont en résumé l'épanouissement des
sciences traitant du chauffage, de la réfrigération et de la
climatisation pour le bénéfice du public.
Nos membres sont directement impliqués dans la conception, la
réalisation et l'entretien de machinerie et de systèmes de
chauffage, ventilation, air climatisé, réfrigération.
Nous vous soulignons qu'une tranche de 40% de la cotisation annuelle de
nos membres est engagée dans des projets de recherche.
En plus de publier ce cahier de normes, l'ASHRAE a tenu l'an
passé des séminaires qui ont réuni plus de 100 000
personnes qui ont payé leur inscription, dont 151 à Québec
et environ 400 à Montréal.
Afin d'atteindre l'objectif de 25% d'économie dans les nouvelles
bâtisses, la norme 90-75 prescrit: 1)Des critères de confort et de
salubrité; 2)Des coefficients de performance pour la machinerie de
chauffage et de refroidissement, suivant leur puissance et suivant un
calendrier s'échelonnant jusqu'en 1980; 3) Des modes de construction et
d'isolation des murs extérieurs des résidences et des
édifices publics; 4)Des normes d'établissement des charges de
chauffage et de refroidissement; 5)Des choix de machinerie et de leurs modes de
contrôle en vue du confort général; 6)La
disponibilité et la consommation de l'eau chaude domestique;
7)L'intensité de l'éclairage intérieur et
extérieur; 8)L'obligation de soumettre un bilan
énergétique avant d'obtenir l'approbation des plans des
édifices de 20 000 pieds carrés et plus, consommant de
l'énergie non renouvelable.
Nous profitons de l'occasion pour remettre aux membres de la commission
un manuel du standard 90-75 et nous vous remercions sincèrement de nous
avoir permis de faire cet exposé.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur! M. le
ministre.
M. Joron: Monsieur, vos suggestions sont très
précises. Elles portent sur un domaine sans doute crucial. Je retiens
une des dernières choses que vous avez dites, d'exiger un bilan
énergétique avant de donner l'approbation à des permis de
construction, qui m'apparaît fort pertinente. Vos suggestions et les
normes que vous décrivez, que vous proposez, seront, n'en doutez pas,
transmises aux organismes gouvernementaux appropriés, lesquels feront
sûrement appel à vous, comme à d'autres d'ailleurs, dans
l'élaboration finale des normes que nous arons à édicter
en ce domaine. Je peux vous assurer de cela.
Seulement une petite question. Vous parlez de la norme 90-75 devant
s'appliquer aux nouvelles bâtisses. Puis-je vous demander si vous avez
été appelé à travailler dans des anciennes
bâtisses que l'on doit réaménager pour les rendre conformes
à ces normes? Qu'est-ce que cela peut représenter comme
investissement pour une ancienne bâtisse? Qu'est-ce que cela peut
coûter pour la rendre économe en énergie, si vous voulez,
et dans quel délai la récupération de cet investissement
initial peut-elle se faire sous forme d'énergie non
dépensée?
M. Bédard (Jean-Pierre): M. le Président, pour
répondre à la question de M. le ministre, la
société est à préparer un autre code qui couvre les
bâtisses existantes, étant donné que les bâtisses
existantes présentent des problèmes particuliers, souvent
à cause de leur âge, ou à cause de systèmes qui sont
déjà avancés au point de vue du bris et de ces choses.
Maintenant, au point de vue de l'étude des bâtisses existantes, il
existe quand même présentement énormément de
programmes faits par ordinateur pour l'étude de ces bâtisses
présentes. Nous croyons que la récupération de la
dépense qui est impliquée pour rénover ces bâtisses
peut être faite dans plusieurs cas dans un an.
M. Joron: Dans un an?
M. Bédard (Jean-Pierre): Oui. Dans certains cas, cela peut
être récupéré dans un an. Dans beaucoup de ces
bâtisses, il suffit de modifier simplement les systèmes de
contrôle. Dans d'autres cas, il suffit de modifier l'équipement ou
de l'opérer de façon différente. Dans certains cas, nous
croyons aussi qu'il suffit de les opérer de la
façon dont elles doivent l'être pour économiser un
montant d'énergie appréciable.
M. Joron: C'est très encourageant, ce que vous dites
là, au point de vue de l'économie possible.
M. Archambault: Si vous comptez que la plupart des
édifices gouvernementaux sont occupés à peu près
à 35% du temps, en fait.
M. Joron: Voulez-vous dire que les fonctionnaires ne travaillent
pas assez?
M. Archambault: Non, mais je veux dire que les fonctionnaires
occupent la bâtisse à peu près 48 heures par semaine, alors
qu'il y a 168 heures. En dehors de ces heures, vous n'êtes pas
obligé de maintenir les mêmes conditions de confort. Il y a des
endroits à Québec où on s'est penché sur le
problème et où on a mis simplement des horloges-programmes qui
permettent d'arrêter les systèmes, pour autant que c'est possible
de le faire. Déjà, les économies réalisées
sont tout de même assez impressionnantes, parce que, dans le fond, vous
utilisez votre bâtisse à 35% du temps. L'Université Laval a
un très gros programme. La Commission des accidents, je sais qu'elle en
a un aussi. Si vous pensez simplement, en fait, au taux d'utilisation des
bâtisses, vous allez voir qu'on peut se permettre là des
économies assez appréciables sans toucher au fondement du
système; simplement en les arrêtant, en essayant de pratiquer des
techniques que nos grands-parents utilisaient. Quand ils n'en avaient pas
besoin, ils ne chauffaient pas.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je vais vous poser une question simpliste, parce que
je dois dire que je suis impressionné et même intimidé par
vos normes techniques. A un profane qui vous demanderait: Est-ce que, comme
spécialiste, vous trouvez raisonnable, dans une période où
on veut économiser l'énergie, qu'il y ait plusieurs normes
différentes d'isolation des édifices résidentiels? On sait
tous, enfin, même les plus profanes d'entre nous, qu'il y a des normes
très exigeantes pour le chauffage à l'électricité,
imposées par l'Hydro-Québec comme condition de fourniture de
l'électricité pour le chauffage. Plutôt que d'aller
je pense surtout à la construction résidentielle dans des
complications pour faire approuver des plans et l'expertise, etc., est-ce qu'il
ne serait pas plus simple de rendre obligatoires pour toutes les constructions
résidentielles les normes les plus élevées qu'on connaisse
à l'intérieur du bon sens et qui seraient, sans aucun doute,
aussi attrayantes pour les chauffages de type conventionnel pour que
le-chauffage électrique?
M. Bédard (Jean-Pierre): M. le Président, pour
répondre à la question de M. le député, je pense
que les normes qui sont contenues dans ce cahier de normes ici,
préparé par l'ASHRAE couvrent des maximums de
sécurité au point de vue opération, des coûts
minimaux d'opération. Ils donnent quand même une certaine marge de
sécurité, mais ils donnent des normes qui prévoient une
utilisation minimale d'énergie pour un confort maximal. Je crois que si
on considérait à peu près toutes les normes qui existent,
vous avez raison, il existe toutes sortes de normes, chacun a donné ses
normes, mais l'ASHRAE a fait son possible pour faire une synthèse de
toutes ces normes à l'intérieur de ce manuel. Je crois que les
normes qui sont contenues ici couvriraient à peu près toutes les
autres normes qui pourraient exister.
M. Forget: Les normes supérieures, dans le sens qu'elles
pourraient s'appliquer uniformément à toutes les constructions
d'un même type.
M. Bédard (Jean-Pierre): Dans certains cas, elles doivent
être supérieures. Par contre, la société ne dit
jamais au gouvernement: Vous devez utiliser ces normes-ci, mais lui propose
quand même un manuel de travail et lui dit: Voici ce que nous pensons qui
doit être fait dans le domaine de la construction. C'est dans ce sens que
nous vous présentons ce document-ci ce soir. On vous le présente
comme un document de travail et non comme un document qui doit être
appliqué à la lettre, parce que nous croyons quand même que
toute norme doit s'appliquer selon les climats, selon les régions.
M. Forget: Enfin, notre climat ne changera pas. Ce à quoi
je veux en venir, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, il y a
plusieurs choix. Notre climat ne changera pas. Il est bien connu, même
s'il y a des variations d'une année à l'autre. On va faire des
normes pour notre climat. Le gouvernement peut prendre deux attitudes, soit
dire: Les plans doivent être approuvés, et obliger chaque
constructeur... Parfois un constructeur d'une maison individuelle a toutes les
frustrations qu'implique l'approbation de plans à la pièce, ou
alors, c'est une façon de faire des normes. C'est demander une expertise
ad hoc dans chacun des cas, ou alors, avoir des normes pour le chauffage
à l'électricité, le chauffage à l'huile, etc., ce
qui semble un peu aussi la situation actuelle implicitement, ou alors, avoir
une norme uniforme qui soit la plus exigeante, qui soit peut-être plus
exigeante que strictement nécessaire pour certaines constructions, mais
qui soit comprise de tout le monde et qui soit facile d'application et sans
frais. Evidemment, ça fait moins d'honoraires pour les experts, mais
c'est peut-être plus facile d'application. Est-ce que ça vous
semble aberrant, une norme qui s'appliquerait de façon uniforme, et
est-ce que celle que vous proposez est dans ce style?
M. Dumas: La norme proposée spécialement pour les
isolants ne fait pas de ségrégation à savoir qu'il y a une
meilleure isolation si vous chauffez à l'électricité ou si
vous chauffez à l'huile. Ce n'est pas ça qui est le
problème. L'important, c'est
d'avoir minimisé la consommation d'énergie. L'isolation
est fonction du type d'édifice et aussi c'est fonction du nombre de
degrés-jour. Le nombre de degrés-jour, c'est fixe pour une
certaine partie de la géographie du pays. Je pense que ça
ramène une assez forte unité là-dedans.
Une autre chose que j'aimerais mentionner, c'est que le gouvernement du
Québec a une façon par laquelle vous pouvez quand même
épargner énormément d'énergie. Dans un autre
comité, je suis responsable pour ASHRAE Montréal de la
révision de la Loi des opérateurs de machines fixes, ce qui
touche au ministère du Travail. Bon! Cette loi est très vieille,
et elle force les propriétaires d'édifices qui ont des
compresseurs ou des bouilloires de plus de 25 chevaux-vapeur à mettre un
opérateur qui va surveiller cette belle machine. En proposition, cette
loi ne connaît pas les machines à absorption. Des machines
à absorption, vous pouvez en poser des grosses, et c'est le gouvernement
du Québec qui est le gros propriétaire de ces machines. Par
contre, elles consomment 5.5 fois plus d'énergie "input" qu'un cycle
comparable de réfrigération mécanique. Si vous vous
dépêchez à modifier cette loi, qui est antique et qui force
tout le monde à faire des détours en dessous de la loi et
à prendre des solutions énergétiques qui sont affreuses,
vous pouvez épargner énormément d'énergie.
Seulement un exemple: J'ai fait un calcul pour des machines, disons, moyennes,
quelque chose comme 500 tonnes, et ça consomme quelque chose comme $9000
ou $10 000 d'huile basé sur un prix de $0.30 dans une saison de
refroidissement, qui est 18 semaines. Si on fait le même calcul pour une
machine avec un cycle électrique, compresseur et tout ça,
ça consomme quelque chose comme $2500 d'électricité,
basé sur $0.02 du kilowatt-heure pour tenir compte de la pointe. C'est
quand même effrayant quand ça se passe dans la province de
Québec, depuis des années.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal, dernière intervention.
M. Ciaccia: Une petite question: Combien votre standard 90-75 va
ajouter au coût de construction en pourcentage?
M. Bédard (Jean-Pierre): Pour répondre à
votre question, dans certains cas, cela peut ne rien ajouter à la
construction. Le standard va, par exemple, comparer l'enveloppe
extérieure d'une bâtisse où on pourra remplacer la vitre
par un peu plus de brique, remplacer le verre clair par un verre teinté,
etc., certaines choses qui n'amèneront pas nécessairement des
coûts d'augmentation de construction.
Evidemment, il n'y a pas de généralités de ce
côté parce que chaque bâtisse doit être
considérée de façon particulière, de façon
individuelle. Il y a un exemple qui est assez flagrant lorsqu'on
considère certaines écoles. Ici, on construit des écoles
de très grande surface et à un ou deux étages alors qu'on
pourrait construire des écoles à quatre étages à
très petite surface. Pour les mê- mes expositions de toit, on
aurait le même espace de plancher pour une économie
d'énergie très appréciable. Alors, le code est
plutôt dans ce sens, dans ce sens du genre de construction, qu'il soit
plus économique dans son ensemble, non pas nécessairement plus
cher de construction.
Le Président (M. Laplante): Un commentaire, monsieur?
M. Giasson: Oui. Une simple petite question. Nous sommes dans des
bâtiments ici. j'imagine que tous ceux qui y ont vécu vont le
reconnaître qui sont généralement
surchauffés, non seulement l'hiver, mais parfois l'été.
Faisons une hypothèse: On décide le vendredi, par exemple, de
réduire le degré de température. En présumant que
la température moyenne est à 80 degrés, on la
réduirait à 60 degrés et le dimanche, dans la
soirée, ou lundi, à bonne heure, on reporterait la
température à un degré égal à ce qu'il est
habituellement. Y aurait-il une économie réelle dans le
coût du chauffage s'il faut tenir compte qu'il y aurait un effort de
chauffage plus marqué au moment où monte la
température?
M. Bédard (Jean-Pierre): Je vais laisser M. Archambault
répondre à cette question.
M. Archambault: Oui, sûrement. Cela dépend du type
de bâtisse, mais si la bâtisse n'a pas trop de masse thermique ou
si on la refroidit, évidemment, après cela, il va falloir venir
la réchauffer mais, dans la plupart des cas, cela se
révèle économique. J'aimerais vous mentionner que le
standard est le petit volume qui est à l'intérieur de cela. Le
reste de la brochure qu'on vous a remise, ce sont des explications de nature
à intéresser les ingénieurs ou les techniciens. C'est un
complément. C'est une explication du standard. Le standard, c'est
simplement cela.
Il y a plusieurs Etats qui l'ont adopté dans leur
législation simplement. Peut-être qu'ici cela peut être fait
sous forme de publicité. Cela peut être fait peut-être sous
forme de loi, peu importe.
M. Bédard (Jean-Pierre): Le gouvernement
fédéral utilise le standard présentement dans la
préparation de ses nouvelles normes de construction.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, messieurs,
pour ces conseils. Nous regrettons de ne pas avoir plus de temps à vous
consacrer, mais soyez sûrs que la commission se penchera sur ces
recommandations.
M. Bédard (Jean-Pierre): Merci.
Le Président (M. Laplante): Canadian Fuel Marketers
Limited.
M. Gosselin (Gordon): M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Monsieur, si cela ne vous
ennuyait pas trop, nous avons pris
connaissance du début de votre mémoire. Vous êtes
une jeune société fondée en 1969 ayant pour but
l'emmagasinage surtout de marchandises. Votre compagnie est
indépendante, même si vous êtes une filiale de Shell...
M. Gosselin (Gordon): Royal Dutch Shell.
Le Président (M. Laplante): Auriez-vous objection à
en venir aux conclusions de votre mémoire ou à vos
recommandations, s'il vous plaît?
Canadian Fuel Marketers Limited
M. Gosselin (Gordon): Je suis Gordon Gosselin,
vice-président exécutif en charge de la région de
Montreal. Mon confrère est André Roy, vice-président
exécutif en charge de la région de Québec.
Premièrement, vous avez affaire à une compagnie qui existe
depuis 1878, formée ici à Québec par une famille
canadienne et, en 1969, elle a été vendue à Royal Dutch
Shell. Je voulais le souligner parce qu'il y en a parmi vous qui avez
été dans le pétrole et vous savez qu'il y a un fait
historique. Nous, simplement, nous agissons comme importateurs, comme
distributeurs en gros. Nous avons un réseau de compagnies de
détails au Canada, particulièrement au Québec et en
Ontario, et nous avons un réseau d'entrepôts maritimes et de
dépôts en vrac. Nous agissons, pour ainsi dire, un peu comme une
zone de protection entre le consommateur et les raffineries. Il fut un temps
où nous étions les plus gros importateurs de produits
raffinés au Canada.
Depuis quelques années, à cause des règlements
gouvernementaux, nous sommes maintenant limités à nos
importations à cause de la différence qui existe entre la
compensation du pétrole brut et la compensation pour le pétrole
raffiné qui représente $1.50 le baril. Nous croyons que cela
pourrait être désavantageux au Canada, particulièrement au
Québec, dans le moment, parce que, si la situation se développe
comme les gens de l'industrie du pétrole le veulent, c'est-à-dire
comme ils attendent, d'ici quelques années, avec une pénurie
d'approvisionnement de pétrole brut de l'Ouest, alors que nous
dépendrions des sources étrangères, dans notre position,
avec un réseau de dépôts maritimes et de
dépôts en vrac qui représentent au Canada environ dix
millions de barils et au Québec la moitié de ce volume, c'est un
facteur très important. Nous croyons qu'à la longue c'est au
bénéfice du Québec aussi bien que pour la
société et pour le consommateur, que ce soit au domestique aussi
bien que l'industriel. Nous croyons que le gouvernement fédéral a
agi d'une façon raisonnable, logique pour maintenir ce
différentiel en autant que l'industrie pétrolière au
Canada prenne ses responsabilités et produise les produits
raffinés en temps de besoin à un prix convenable.
Cela ne s'est pas produit cette année, parce qu'il y a certaines
déficiences dans les huiles légères et lourdes et que les
prix, par exemple, ont été majorés aux mois de
décembre et janvier. Nous ne sommes pas d'accord avec le gouvernement
fédéral et nous croyons que le gouvernement provincial devrait
être conscient de ce facteur. Franchement, pour mettre les faits
relativement simples, c'est notre position dans le moment. Nous croyons que
nous, comme facteur important dans le marché, aussi bien que d'autres
indépendants, devrions avoir une certaine reconnaissance ou protection,
comme il arrive justement aux Etats-Unis et la preuve en a été
faite récemment, où les indépendants, les distributeurs et
importateurs indépendants, ont eu une certaine protection de la part du
gouvernement américain pour les besoins de cet hiver justement.
Franchement, nous n'avons pas grand-chose à dire. Nous avons
passé la journée ici. Nous savons que, en bon canadien, vous en
avez plein le casque et nous aussi. Nos oreilles sont pas mal...
Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas que cela
vous empêche, par exemple, du moins de faire les recommandations que vous
avez, parce que chaque chose qui se dit, on y attache une attention toute
particulière, même si on a l'air fatigué. Parce qu'il y a
des faits que vous pouvez donner et qui n'ont pas été dits
encore; c'est important pour nous.
M. Gosselin (Gordon): Je n'ai pas compris tout à
fait...
Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas que
ça vous gêne ou que ça crée un malaise chez vous de
nous dire les recommandations que vous auriez à faire, c'est important
pour nous.
M. Gosselin (Gordon): Franchement, une des recommandations
assurément semblables à celles des raffineries, c'est que nous ne
croyons pas à l'intervention gouvernementale, parce que l'industrie du
pétrole existait bien avant que le gouvernement s'en mêle en 1973
et, depuis ce temps, ça n'a jamais été la même
chose. Ce n'est pas tout à fait au bénéfice du
consommateur ou du public. Je réalise que nous n'avons pas assez de
temps pour discuter ou débattre cette question, mais, tout de
même, c'est notre opinion. Nous croyons que la compensation devrait
être égale pour l'importation sur le produit brut aussi bien que
sur le produit raffiné.
Ce sont nos recommandations.
M. Roy (André): II serait sage de lire les recommandations
qui forment la conclusion de la présentation écrite qui vous a
été faite aujourd'hui. On recommande que le prix du
pétrole brut canadien atteigne aussi vite que possible la parité
avec les prix internationaux et que, dans l'intervalle, la compensation
accordée aux produits raffinés importés soit égale
à celle qui est accordée au pétrole brut importé.
Egalement, que les taxes sur les exportations de produits raffinés
soient égales aussi bien aux taxes sur les exportations de
pétrole brut qu'aux subsides sur les importations de pétrole
brut.
Que les contrôles du gouvernement sur l'in-
dustrie soient réduits au minimum ou entièrement
levés le plus tôt possible après l'établissement de
la parité avec le prix mondial du brut. Qu'une politique provinciale
bien définie soit adoptée en ce qui concerne les périodes
de gel des prix et qu'elle soit adaptée aux politiques
recommandées à cet égard par les organismes
fédéraux. Qu'aussi longtemps que les contrôles seront en
vigueur, on permette à l'industrie, après due
considération, des augmentations dans les prix qui ne soient pas
seulement reliées au coût du pétrole brut, mais aussi aux
autres éléments de coût découlant de l'escalade des
taux de rémunération, des frais concernant les véhicules,
de l'entretien, etc., tout particulièrement dans le domaine des
débouchés de détail où le petit commerçant
de produits pétroliers a de moins en moins de chances de survivre au
sein de cette industrie.
C'est, en résumé, les recommandations que notre compagnie
voulait faire à la commission.
Le Président (M. Laplante): Cela me fait plaisir que vous
les ayez données, monsieur. M. le ministre.
M. Joron: On ne vous soumettra pas à la torture de nos
questions trop longtemps. D'ailleurs...
M. Roy (André): ...
M. Joron:... les arguments que vous faites valoir comme
distributeur indépendant ont été évoqués la
semaine dernière à cette commission-ci et la présentation,
enfin, les arguments ont été assez largement exposés, de
quelle manière ces importations de produits finis peuvent, à
l'occasion, jouer en faveur du consommateur; on est bien conscient de
ça. D'autre part, d'après les recommandations que vous me faites,
vous êtes conscient que les taxes différentes à
l'importation ou à l'exportation de produits bruts ou raffinés ne
dépendent pas du gouvernement de Québec et, de toute
façon, ce sont des mesures temporaires qui vont disparaître
éventuellement le jour où les prix internationaux et internes
vont se rejoindre.
Pour mieux en évaluer l'effet dans un système qui n'avait
pas auparavant ces contraintes et qui ne les aura probablement plus dans
quelques années, je voudrais vous demander, dans le passé, avant
les contrôles, quel pourcentage de vos achats... D'abord, il y a
peut-être une question préalable, si vous êtes en mesure de
nous indiquer le pourcentage du marché que vous occupez dans la vente au
détail des produits d'huile de chauffage.
M. Gosselin (Gordon): Dans la province de Québec, notre
groupe représente environ 20% du marché d'huile à
chauffage. Nous ne parlons pas d'essence ou de pétrochimie, mais d'huile
à chauffage.
M. Joron: Et, dans le passé, avant les contrôles,
quel était, en moyenne je comprends que cela varie d'une
année à l'autre, à un moment donné, il y a des
surplus qui apparaissent sur les marchés internationaux, vous profitez
d'une occasion pour aller acheter à meilleur prix des huiles
légères, des huiles lourdes, etc., et le fait d'amener ces
produits sur les marchés locaux bénéficie aux
consommateurs mais quel a été, en moyenne, le pourcentage
de vos achats faits auprès des raffineries locales et faits sur les
marchés internationaux?
M. Gosselin (Gordon): Cela représentait environ 50%
d'importation et de local. Mais nous avions toujours, comme politique
générale, d'acheter des raffineries locales à prix
égal.
M. Joron: A prix égal.
M. Gosselin (Gordon): Oui. Et quand nos amis Texaco arrivaient et
disaient: Ecoutez, messieurs, on va être obligés de fermer la
raffinerie, cela nous prend 200 000 ou 300 000 barils de no 2, on disait oui.
Et, en conséquence, on ajustait nos volumes, nos achats, sur le
marché international. Cela représentait environ 50%.
M. Joron: D'accord. Tout cela nous aide à mieux comprendre
l'argumentation derrière vos recommandations. Mais il y a un point qui
doit être apporté et c'est le suivant: Vous êtes
reliés, pas directement, mais quand même assez étroitement,
à Shell, de par le fait que Canadian Import appartient à Royal
Dutch...
M. Gosselin (Gordon): Oui.
M. Joron: ...et que Shell Canada appartient aussi, via d'autres
subsidiaires, mais finalement, à la même source. Mais même
si nous n'étions pas en période de contrôle des prix et
qu'on pourrait jouer librement, comme on le faisait auparavant, dans la mesure
où vous appartenez finalement à la même compagnie
mère, ultimement, dans la mesure où, par exemple, la raffinerie
de Shell à Montréal a des surplus et que c'est
l'intérêt de Shell, bien que les prix des produits raffinés
qu'elle peut offrir à un moment donné ne soient peut-être
pas les mêmes que vous pourriez acheter quelque part sur les
marchés internationaux, l'intérêt de la compagnie
mère pourrait être ultimement de vous forcer à encourager
son autre filiale, qui est Shell Canada.
En d'autres mots, votre position d'indépendant doit quand
même être mise entre guillemets du fait...
M. Gosselin (Gordon): Pas tout à fait, M. le ministre,
parce qu'on pourrait dire ici c'est dommage que les gens de Shell ne
soient pas ici que nous achetons de toutes les raffineries et que les
gens avec qui nous avons le plus de difficulté sont les gens de Shell
Canada. C'est cela. Heureusement, Royal Dutch Shell n'a jamais agi de cette
façon parce que, au tout départ, elle a réalisé
qu'elle avait ici un groupe complètement différent de n'importe
quel autre groupe qu'elle avait dans le monde et que nous avions
déjà notre connaissance du marketing et nos connections in-
ternationales, y compris Shell aux Caraïbes et Esso International
Mobil, comme, à l'heure actuelle, nous achetons encore du Moyen-Orient
et de la Russie.
Elle a réalisé que nous avions des contacts, des
connections, des connaissances sur le marché international et elle nous
a laissés tranquilles. Si elle avait joué avec le noyau de CFM,
l'ancien groupe de Canadian Import, de Weaver, de Liquid Fuels, elle aurait
perdu la plupart de ses joueurs.
Heureusement, je peux vous dire en toute honnêteté qu'elle
n'a jamais essayé de nous forcer à acheter de Shell. Même
sur le marché international, nous achetions d'Asiatic Petroleum qui est
une subsidiaire de Shell International qui, elle, essayait de nous couper. Nous
achetions de celle-ci, à un temps, 12 millions de barils de produits par
année, ce qui faisait partie de nos importations. Dans les temps
difficiles, elle essayait de nous couper. On disait: On n'accepte pas cela. On
fait affaire avec vous sur une base légale, éloignée, les
affaires sont les affaires, et Shell International ne se mêlait jamais de
cette question.
Même dans l'industrie du pétrole, on pourrait dire qu'il y
a une farce au début, quand l'achat du groupe de compagnies a
été consommé, les gens disaient: Vos cousins jaunes de
Shell, parce qu'ils savaient que nous étions passablement
éloignés. Même dans le moment, on ne leur doit pas une
fleur, mais ils nous ont coupés, par exemple, à Montréal.
Parce qu'on a atteint notre volume local, ils nous ont coupés. Ce ne
servirait rien d'aller à Londres ou à La Haye. Rien n'arriverait.
Ils ont raison à part cela. C'est pour cela que votre question est
raisonnable et naturelle, mais il n'y a rien de ce côté qu'on a eu
à avoir à affronter jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Monsieur, il y a un parent pauvre dans nos discussions
sur l'énergie, c'est le charbon. J'ai vu dans le bref historique de
votre compagnie que vous avez commencé vos activités comme
importateur de charbon. On n'aura probablement pas l'occasion de poser cette
question à qui que ce soit d'autre. Vous semblez avoir
complètement quitté le domaine du charbon ou, du moins, ne pas en
faire état comme d'un secteur de croissance...
M. Gosselin (Gordon): Non, nous...
M. Forget: Est-ce que vous confirmez l'espèce de vision
assez négative qui se dégage de tous les mémoires,
à savoir que le charbon, ce n'est pas un combustible ou une source
d'énergie qui est prometteuse? Pourtant, il y a des réserves
très considérables dans le monde entier. On a un peu l'impression
qu'on parle du bois de chauffage, quand on parle du charbon. Est-ce une image
que vous partagez?
M. Gasselin (Gordon): Pas tout à fait, nous nous occupons
encore du charbon, sur une base assez inférieure, si vous voulez,
quoique M. Roy et moi-même sommes de vieux charbonniers on a eu
connaissance du charbon et on a toujours aimé le charbon mais le
charbon pourrait revenir, si vous voulez, mais seulement dans des applications
spéciales, comme un mélange qu'on appelle slurry, pour des
compagnies hydroélectriques ou pour des besoins métallurgiques
spéciaux. Pour la grande partie des besoins de chauffage, je ne crois
pas qu'on pourrait s'attendre à un retour, comparativement à ce
qu'on a connu dans le passé.
M. Roy (André): Les applications spécifiques sont
déjà revenues. Ici même dans la région de
Québec, il y a une couple d'industries, assez importantes, qui ont
complètement abandonné l'huile comme combustible, depuis un an,
au bénéfice du charbon.
M. Forget: Dans l'hypothèse des grands choix pour la
production d'énergie électrique, évidemment, il y a
l'hydroélectricité, mais c'est épuisable, dans le sens au
moins où les sites à aménager vont finir par ne plus
exister. Il y a évidemment la filière nucléaire, mais il y
a aussi la possibilité d'usines thermiques. Comment évaluez-vous
la sécurité d'approvisionnement en charbon, d'une qualité
suffisante et appropriée, pour alimenter des usines thermiques? Est-ce
une chose qu'on pourrait envisager comme étant une source sûre
pour un avenir presque indéfini?
M. Gosselin (Gordon): On croit que, d'après les
renseignements, les sources d'approvisionnement de charbon sont assez
encourageantes, comme dans l'Ouest canadien. Nos amis de BP ont
déjà fait des investissements, si vous voulez, au Cap-Breton
encore, mais cela prendrait, comme vous pouvez l'imaginer, certains
investissements, un montant assez substantiel. Encore aux Etats-Unis, les
sources de charbon sont très encourageantes.
Je dirais que le charbon pourrait représenter une source plus
stable sur le continent nord-américain que d'autres sources
d'énergie.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Montmagny.
M. Giasson: A la page 9 de votre mémoire, vous
déclarez que l'indépendant fonctionne à perte au
Québec. Est-ce en fonction de cette expérience que vous
déclarez que le gouvernement du Québec ne devrait pas s'impliquer
davantage dans le secteur du pétrole? Premier paragraphe, au haut de la
page 9.
M. Roy (André): II faudrait tout de même qualifier
qui est un indépendant actuellement. Il y a deux genres
d'indépendants: il y a l'importateur indépendant et il y a le
distributeur indépendant. Historiquement, notre groupe appartient aux
deux catégories d'indépendants, comme importateur et comme
distributeur.
M. Giasson: Mais cette opération...
M. Roy (André): L'importateur indépendant est
actuellement en danger et fonctionne à perte, c'est un fait.
M. Giasson: Cette opération déficitaire, la
connaissez-vous également en Ontario, parce que vous avez un gros volume
en Ontario aussi?
M. Roy (André): Cela peut arriver partout où on
agit comme importateur indépendant. On est actuellement injustement
traité par la différence de $1.50 dans le subside entre le
produit fini et le produit brut. C'est suffisant: $1.50 divisé par 35,
cela fait quatre beaux cents et quelque chose du gallon. Cela fait beaucoup
pour s'amuser.
M. Giasson: S'il n'y avait pas de changement dans les politiques
fédérales, vous entendez continuer quand même, même
si les opérations sont déficitaires?
M. Roy (André): On pourrait rejoindre les rangs. On n'est
pas encore sorti du rang des importateurs et des indépendants.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Un groupe, hier, nous a dit qu'il voyait
l'intervention gouvernementale au niveau des mesures d'urgence. Il disait
qu'actuellement, il y avait des stockages pour deux mois, advenant une
situation d'urgence. Il proposait au gouvernement de s'occuper de ce secteur
pour hausser à 90 jours ou 120 jours, quatre mois, le stockage dans le
domaine, si j'ai bien compris, de l'essence et du pétrole en
général. Dans votre secteur d'huile à chauffage, le
secteur de votre compagnie d'abord et peut-être en général,
si vous le savez, le stockage au niveau de l'huile à chauffage est pour
combien de jours ou combien de mois?
M. Gosselin: Franchement, selon la saison, mais au milieu de
l'hiver, nous croyons entre 40 et 45 jours au plus. Cette année, cela
n'a pas été le cas. Nous avons même dans le moment des
situations assez pénibles où nous disons faire des transferts de
produits de Québec à Montréal, faire des échanges
à Chicoutimi. On pourrait dire que, cette année, si on a eu 30
jours, on se compterait chanceux.
M. Roy (André): II faudrait tout de même bien
comprendre la question. Est-ce que vous parlez d'inventaire ou de
capacité d'inventaire en réservoir? Ce sont deux choses
différentes.
M. Marcoux: De capacité.
M. Roy (André): Ah! Si vous parlez de capacité,
c'est une tout autre chose. M. Gosselin va parler pour Montréal et je
parlerai pour l'Est du Québec, par la suite.
M. Gosselin: Nous avons une capacité d'entreposage pour
plus de 60 jours. Si on entrevoyait qu'il y aurait une pénurie, cela
deviendrait serré, assurément, mais, au coût du dollar,
aujourd'hui, on ne peut pas se permettre d'entreposer pour $100 millions pour
deux, trois ou quatre mois s'il n'y a pas nécessité de le
faire.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Richmond, dernière intervention.
M. Roy (André): J'aimerais continuer la réponse au
député de Rimouski si la présidence est d'accord. Dans
l'Est du Québec, on a 120 jours de capacité d'emmagasinage.
Le Président (M. Laplante): Merci. Le député
de Richmond.
M. Brochu: Ma question fait suite un peu à ce que le
député de Rimouski a soulevé. C'est un petit peu dans ce
sens. Il y a des gens qui sont quand même venus à la commission
parlementaire et qui ont souligné un peu notre fragilité ou notre
culnérabilité en termes de réserve. Etant donné que
vous autres, vous vous spécialisez, en particulier, dans le domaine de
l'entreposage, est-ce que vous prévoyez, dans un avenir assez
rapproché, peut-être d'augmenter votre stockage de
matériel? Compte tenu des risques qu'il y a d'approvisionnement,
à un moment donné, si, par exemple, en ce qui concerne le
Moyen-Orient ou d'autres pays, des situations politiques changeaient
brusquement, comme cela a déjà eu lieu et cela peut avoir lieu
encore dans l'avenir, est-ce que, face à cela, est-ce que, autrement
dit, vous considérez cette possibilité au point de vous
prévaloir de réserves supplémentaires ou si vous demeurez
plus du côté, peut-être, du monsieur qui le mentionnait
tantôt en disant: Si on en stocke trop, il y a quand même une
question de piastres et de cents? De quelle façon faites-vous votre
évaluation face à cela?
M. Gosselin: Si on anticipait une crise qui pourrait devenir
assez sérieuse, on n'hésiterait pas du tout à
s'approvisionner presque au maximum de notre système d'entreposage.
M. Brochu: A ce moment, disons...
M. Gosselin: Même à Richmond, monsieur.
M. Brochu: Merci beaucoup. Je vais transmettre les renseignements
aux gens de chez nous.
M. Gosselin: Vous avez vu nos réservoirs à
Richmond.
M. Brochu: Est-ce que, compte tenu de la situation, quand
même, sur le plan international il n'y aurait pas lieu de la mettre en
application, cette norme de sécurité maximale? Il y a quand
même un fait, c'est que, tôt ou tard, votre matériel va
être écoulé. Je comprends que c'est peut-être un
investissement tout de suite, mais est-ce que ça ne devrait pas
être une préoccupation, compte tenu des changements rapides dans
l'évolution des situations sur le plan international?
M. Gosselin (Gordon): C'est une préoccupation, M. le
député, mais quand vous avez, disons, un entreposage ou un
approvisionnement qui représente x millions de dollars, tout d'un coup,
on se réveille un matin et Imperial ont décidé, ils se
sont fâchés, et ils vont réduire le prix de $0.02 ou $0.03
du gallon. Nous, on n'a pas le choix, ni le reste du marché. On est
obligé de suivre. Mais si on a une centaine de millions de gallons
d'huile à fournaise, ça représente un magot à
avaler.
M. Brochu: C'est votre marge de manoeuvre financière, en
fait, qui vous oblige à agir de cette façon, tant et aussi
longtemps qu'il n'y aura pas vraiment une situation d'urgence qui sera
immédiate, de sorte qu'à ce moment-là, vous aurez
peut-être la collaboration aussi, dans une situation comme
celle-là, des entreprises qui font affaires avec vous.
M. Roy (André): II faudrait se garder de laisser à
la commission une fausse impression dans ce domaine. Jusqu'ici, on n'a pas eu
à mesurer à la piastre les quantités d'inventaire qu'on
tient. On est beaucoup plus limité à la capacité de faire
nos inventaires que de les payer actuellement, même si c'est très
dispendieux. On n'en est pas rendu au point de limiter nos inventaires parce
que ça coûterait trop cher à investir.
M. Brochu: Non, je comprends, mais disons que...
M. Roy (André): Cela pourrait venir à ça.
M. Brochu: D'accord!
M. Roy (André): II a été un temps où
tenir de l'inventaire à $3 du baril, 1 million et demi de barils,
c'était $3,5 millions. Mais le même million et demi de barils,
à $10 du baril, maintenant, ça fait un prix plus cher comme
inventaire. Les frais de services sont un jeu plus...
M. Brochu: Je pense que c'est important que vous fassiez cette
nuance pour bien clarifier la situation.
M. Roy (André): C'est très important, oui. Le
volume est là, la disponibilité de volume est là, la
disposition de volume, on la veut tout le temps jusqu'ici. Il n'est pas...
Le Président (M. Laplante): Un commentaire, M. le
ministre.
M. Joron: Comme on présume que vous êtes de bons
hommes d'affaires et que, d'autre part, comme vous nous avez dit que vous aviez
une capacité de stockage qui pouvait aller jusqu'à 120 jours,
peut-on présumer qu'avant que le prix ait été
augmenté le 1er janvier et qu'il commence à courir le
délai de 60 jours, vos réservoirs étaient bien pleins
à ce moment?
M. Roy (André): On vous invite à venir les voir.
Vous allez constater de très grands vides, fort malheureusement.
Le Président (M. Laplante): Les membres de la commission
vous remercient, messieurs.
M. Roy (André): Nous vous remercions.
Le Président (M. Laplante): Bonsoir! Maintenant, il reste
un groupe, Société future de Montréal. Vous êtes
brave, madame.
Société future de
Montréal
Mme Roberge (Suzanne): Oui. La société
montréalaise, en étude prospective, a voulu profiter de
l'occasion pour parler surtout de la participation qu'on... Est-ce que vous
m'entendez? Vous avez lu le document.Donc, je ne veux pas m'éterniser.
Ce qu'on aimerait, c'est surtout favoriser la planification et aussi la
recherche, l'analyse...
Le Président (M. Laplante): Excusez! Est-ce que vous
voulez vous identifier?
Mme Roberge: Certainement. Suzanne Roberge.
L'information et la participation. Est-ce que vous voulez poser des
questions?
M. Joron: Pouvez-vous, en deux mots peut-être, nous
résumer les points principaux que vous voulez apporter devant la
commission?
Mme Roberge: Et bien...
M. Joron: Le sens dans lequel vous intervenez, la raison pour
laquelle vous intervenez devant cette commission.
Mme Roberge: La raison principale, c'est que si nous nous
abstenons, nous pourrions passer pour des gens qui sont indifférents
à la situation. Puisque nous ne le sommes pas, on aurait aimé
préparer quelque chose de plus corse, mais, hélas, le temps nous
a manqué, ou enfin, on blâme un peu le fait qu'on n'a pas su
avant. Peut-être que les journalistes auraient pu mieux diffuser le fait
qu'il y avait une commission parlementaire sur l'énergie, mais on l'a
appris très tard. Donc, c'est important de participer parce que c'est ce
qu'on favorise. Donc je vous laisse la parole.
M. Joron: Dans votre mémoire, vous soulevez des points
comme, par exemple, incertitude, vulnérabilité, risque,
coût réel, etc.
Je pense, par exemple, au point vulnérabilité. Vous
insistez sur la nécessité de diversifier les sources
d'énergie afin d'atténuer la vulnérabilité du
Québec à cet égard. Vers quelles sources pensez-vous qu'on
devrait se diriger?
Mme Roberge: J'aimerais vous répondre en
connaissance de cause. On n'aimerait pas avoir de nucléaire
à cause des risques et, si on est obligé, évidemment, on
devra y aller, mais en dernière instance. On est conscient du
problème. Il reste que vous êtes là pour le résoudre
et on met notre confiance en vous évidemment. On aimerait que la
décision vienne de la population.
M. Joron: Pour arriver à ce but, quels mécanismes
voyez-vous?
Mme Roberge: Je n'ai pas de réponse à cette
question, mais, si vous voulez, je peux amener cette question à notre
société et on pourra peut-être vous apporter des
suggestions.
M. Joron: Vous suggérez, peut-être, que vous
puissiez entrer en communication avec nous. Ceci s'adresse à tous les
organismes, au vôtre comme à tous les autres. On ne l'a
peut-être pas assez dit: Nous sommes là pour recevoir, bien
sûr, la correspondance de tout le monde. Au fur et à mesure que
vous sentez le besoin de nous faire une communication, il est évident
que vous pouvez le faire et qu'on l'apprécierait.
Mme Roberge: Bon. D'accord.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Je n'ai pas sollicité les grâces de la
présidence.
Le Président (M. Laplante): Je m'excuse. Le
député de Mont-Royal. Y a-t-il d'autres interventions?
M. Joron: Peut-être auriez-vous une
suggestion-synthèse à nous faire avant de clore cette
comparution?
Mme Roberge: J'aimerais peut-être appuyer sur la tenue du
référendum. Maintenant, j'aimerais vous mettre en garde aussi sur
la manière de le faire. Puisque vous m'avez invité à
correspondre, peut-être qu'on pourra aussi vous apporter des suggestions
sur la façon de tenir le référendum.
M. Joron: On apprécierait.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, madame, au
nom de cette commission et, bon retour.
Mme Roberge: Merci.
Le Président (M. Laplante): Nous ajournons nos travaux
à demain, 14 heures. Les organismes convoqués sont; je les donne
dans l'ordre: Gaz métropolitain Inc., Société pour vaincre
la pollution.
M. Baril: Les numéros.
Le Président (M. Laplante): Les numéros sont: Gaz
métropolitain Inc., 35-M; Société pour vaincre la
pollution, 54-M; Office de protection du consommateur, 48-M; Coalition pour le
contrôle des prix de l'énergie, 26-M, A et B; SIDBEC, 74-M; STOP,
56-M et Calex, 20-M. Merci.
(Fin de la séance à 23 h 5)