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(Quatorze heures six minutes)
Etude de la situation énergétique du
Québec
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames,
messieurs!
La commission permanente des richesses naturelles et des terres et
forêts continue ses travaux.
Les membres désignés aujourd'hui sont: M. Baril
(Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Dussault (Châteauguay)
remplace M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Brochu
(Richmond), M. Garneau (Jean-Talon), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet
(Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Laberge (Jeanne-Mance)
remplace M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Michaud (Laprairie)
remplace M. Landry (Fabre), M. Forget (Saint-Laurent) remplace M.
Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier),
M. O'Gallagher (Robert Baldwin).
Les organismes qui se feront entendre aujourd'hui sont: le Conseil
québécois de l'environnement, l'INRS, Northern and Central Gas
Corporation, Gulf Oil Canada Ltée, Benoit & Associés,
Petrofina Canada Ltée.
Le premier organisme à qui je demande de se présenter est
le Conseil québécois de l'environnement. Vous avez environ 45
minutes pour faire votre présentation et pour la période des
questions. Je vous demanderais de présenter les gens qui sont à
vos côtés.
M. Maldague (Michel): Si j'ai bien compris, c'est 45 minutes pour
la présentation.
Le Président (M. Laplante): Non. Pour la
présentation et la période des questions, environ.
Conseil québécois de
l'environnement
M. Maldague: M. le ministre, MM. les députés, avant
de commencer l'exposé, je voudrais vous présenter les personnes
qui m'accompagnent. A ma gauche, Mme Bazaar, première
vice-présidente du Conseil québécois de l'environnement,
membre du conseil exécutif pour le Club de Rome et membre du conseil
exécutif de l'Association canadienne pour les Nations Unies.
A sa gauche, le Dr Michel Jurdant qui est directeur à
Environnement Canada pour les questions d'inventaires écologiques
intégrés, membre de notre bureau de direction, et, à ma
droite, M. Daniel Waltz qui est le président du comité de
coordination du bureau scientifique du Conseil québécois de
l'environnement. Je m'excuse, je n'ai pas vu qu'à mon extrême
droite se trouvait M. Yvon Pageau, directeur du département des sciences
de la terre de l'Université du Québec à
Montréal.
Comme vous avez tous eu l'occasion de disposer du document, je ne vais
pas prendre le temps de le lire intégralement. Je vais vous en faire un
exposé, insistant sur certaines questions plus que sur d'autres.
Dans le document du Conseil québécois de l'environnement
se trouvent trois parties: la première porte sur le contexte
énergétique du Québec dont je dirai quelques mots; la
deuxième porte sur la problématique et la troisième partie
porte sur la demande de moratoire.
Je passerai très rapidement sur la première partie,
c'est-à-dire sur le contexte énergétique du Québec,
parce qu'il y en a de beaucoup plus qualifiés que nous qui auront
axé leurs interventions sur ce plan. Nous rappelons dans ce document que
le bilan énergétique du Québec comprend actuellement 2%
pour ce qui est du charbon, le gaz naturel intervient pour 6%, le
pétrole 70% et l'électricité 22%. Cette
électricité vient surtout sous forme
d'hydroélectricité. Vous trouverez les quelques chiffres qu'il y
a dans le document.
Nous nous attardons également quelques instants sur la croissance
de la demande énergétique et nous estimons, en tout cas notre
conseil estime que les pronostics actuels qui consistent à supposer que
cette croissance va doubler tous les dix ans ne nous semblent pas
réalistes.
Et, pour les trois raisons que je vais vous mentionner, le conseil
estime que nous devrions pouvoir nous fixer un potentiel de puissance
électrique pour l'an 2000 sur une base qui nous semble réaliste
de 35 000 mégawatts, considérant qu'actuellement, la puissance
installée est de 11 500. Ce qui nous justifie dans ce chiffre, qui est
hypothétique, bien entendu, ce sont trois ordres de
considération. Le premier, c'est qu'il serait utile de mettre dans le
circuit énergétique l'énergie venant de nouvelles formes
d'énergie.
Donc, cela est un des premiers arguments. Le deuxième, c'est
qu'il sera utile d'utiliser une politique de conservation de l'énergie,
notamment dans le domaine des transports et dans le domaine de l'isolation
thermique des bâtiments. Le troisième argument que nous utilisons
est le fait que nous pourrions utiliser beaucoup plus le gaz qui vient,
notamment, de l'Ouest et qui se trouve en quantité
considérable.
Nous estimons donc que et c'est un des points de ce contexte
énergétique, à notre avis de toute façon
nous ne pouvons pas continuer une utilisation exponentielle de l'énergie
comme dans certains cas on suppose que cela devrait être.
Nous ajoutons également une chose. Sur le plan de
l'hydro-électricité, le Québec est bien pourvu,
étant donné qu'on sait qu'il existe un potentiel non
aménagé de 25 000 à 30 000 mégawatts pour lesquels
on reconnaît que 15 000 à 20 000 mégawatts pourraient
être facilement aménagés.
Nous mentionnons également le coût extrêmement
élevé que représenterait un équipement
électronucléaire. Nous soulignons le caractère re-
lativement précaire des ressources en combustible
nucléaire et, finalement, nous faisons appel également, sur ce
plan-là, au manque de personnel qualifié dans ce domaine.
Par conséquent, si on a en tête cette idée de
potentiel réaliste, de demandes réalistes et le fait que le
Québec est très riche en certaines sources d'énergie, nous
estimons qu'il est relativement possible de disposer d'un répit, presque
calculable mathématiquement, de quinze années. Au bout de ces
quinze années, deux choses peuvent se produire: Ou bien on aura
trouvé une sorte de consensus parmi les experts internationaux qui
diront: II n'y a plus de problèmes non résolus. Dans ce
cas-là, nous aurons le temps, puisque nous avions assez de ressources
pour nous engager dans cette voie, ou bien, d'ici quinze ans et même plus
tôt, on se sera rendu compte que cette voie de l'énergie
nucléaire est à peu près la pire chose qu'on puisse
imaginer et qu'on affirmera non seulement ici, mais presque universellement.
Ceci représente à peu près notre première partie,
le contexte énergétique.
Dans une deuxième partie, très rapidement ici, je
n'insiste véritablement pas nous prônons un vigoureux
programme d'économie de l'énergie.
Troisièmement, nous mentionnons que dans le contexte canadien il
y a énormément de ressources énergétiques,
notamment 500 milliards de barils de pétrole, 1500 kilomètres
cubes de gaz, réserves prouvées, et 118 milliards de tonnes de
charbon.
J'en arrive à la deuxième partie de notre document, la
problématique du domaine nucléaire. Je commencerai par attirer
l'attention de vous-mêmes, messieurs les députés, sur
quatre dimensions fondamentales de ce problème. La première est
ce que nous avons appelé l'interférence potentielle avec
révolution humaine. En deux mots, cela veut dire que, depuis 1942, nous
sommes dans une nouvelle phase de l'histoire humaine. On ne peut donc pas
parler de recommencement. 1942 est la date où l'on a montré que
la réaction en chaîne pouvait se faire et qu'il y avait donc
possibilité d'exploiter l'énergie potentielle de l'atome. C'est
un fait évident. Vous allez voir comment on doit relier ceci à la
question de l'évolution humaine.
Deuxième grande dimension, c'est le facteur temps. Dans le
domaine qui nous occupe, le temps doit être considéré sous
une tout autre échelle que celle où nous avons eu l'habitude de
le considérer. Cette échelle n'est pas une invention; c'est
simplement le fait qu'avec l'énergie nucléaire nous mettons dans
la biosphère des éléments, j'en citerai un en particulier,
le plutonium qui a une demi-vie de 24 000 ans. Cela veut dire que, si ma montre
était un morceau de plutonium aujourd'hui, dans 24 000 ans, il
rayonnerait encore 50% de sa radioactivité. Ce qui veut dire que, pour
que ce plutonium ne soit plus dangereux, il faut compter 20 fois la demi-vie,
multiplier 20 par 24 000, cela vous fait à peu près un
demi-million d'années.
Par conséquent, nous devons ici, si nous vou- lons raisonner
proprement, utiliser des échelles de temps que nous n'avons pas
l'habitude de manipuler, qui sont des échelles de temps
géologique. Ce n'est pas une invention; c'est une donnée
scientifique élémentaire.
Troisième donnée fondamentale du problème, c'est la
question de la liberté et de la responsabilité. De toutes les
espèces animales, aussi curieux que cela puisse paraître de
rappeler cela dans cette assistance, l'homme est la seule espèce qui est
douée de la capacité de réflexion et de conscience.
C'est-à-dire que, contrairement aux animaux, nous sommes devenus
responsables des décisions que nous prenons. Dans une
société animale prenons, pour fixer les idées, les
termites, une erreur n'est pas possible. Un insecte ne peut pas se tromper. Un
animal ne se trompe pas. Au contraire, l'homme est devenu libre de ses
automatismes instinctifs et il est en face de ses responsabilités. Ceci
est très important, puisqu'il s'agit d'engager éventuellement des
décisions qui vont avoir des répercussions sur plusieurs
centaines de milliers d'années.
Ici, je me permets de lire une phrase qui n'est pas de moi, mais du
professeur Grasse, célèbre zoologiste qui écrit: "Si la
sagesse consiste à prévoir et à prévenir les
conséquences de nos actes, notre époque est bien folle car elle
ne cesse dagir et de plus en plus vite sans s'interroger sur ce que produiront
ses actes, sur ce qui adviendra de ses entreprises, sur ce qui découlera
de ses lois. En vérité, ajoute-t-il, l'homme pense, mais pas
assez et dans l'incohérence ".
Quatrième dimension, la dimension éthique. Cette dimension
éthique vient du fait que ce qui est en cause dans le problème
qui nous concerne actuellement, au CQE, et dont je vous parle, ce qui est en
cause n'est ni plus ni moins que deux choses. La première de ces choses,
c'est de préserver les conditions fondamentales d'existence sur la
terre, et la deuxième chose est de ne pas porter de
détérioration à l'homme et à ses descendants. Par
conséquent, toutes ces questions, pour être traitées,
encore une fois, proprement, ne peuvent l'être qu'à travers une
perception éthique des choses. Si on fait fi de ces
considérations éthiques, il n'y a plus moyen évidemment
d'avoir la moindre discussion valable.
A ce point de vue, je voudrais faire une petite allusion à une
chose qui est très banale, c'est la rareté de la vie humaine. Les
recherches de ces dernières années ont permis, notamment, de
considérer que la probabilité de trouver des conditions propices
à l'existence humaine dans une autre planète était
extrêmement rare. Ceci veut dire que la vie humaine est une chose rare et
précieuse. Par conséquent, ce dont nous parlons doit être
considéré à un prix infini. Ceci est très important
si on veut utiliser des arguments de nature économique. Ce qui est en
jeu, ce sont nos conditions de survie et la valeur de la vie humaine.
Ceci étant dit, quels sont les caractères de cette
pollution radioactive avant d'en arriver aux problèmes non
résolus. Ces caractères sont spécifiques à la
pollution nucléaire pour différentes raisons. La première,
ce sont les durées d'acti-
vite je vous ai déjà fait allusion à cela
je ne rappelle plus le cas de plutonium, un demi-million
d'années, donc une très grande échelle de temps.
Deuxièmement, il est question ici d'influence sur la santé
humaine, et cette influence sur la santé humaine revêt deux
dimensions. Je vais comparer, si vous voulez, rapidement, les effets d'une
pollution radioactive avec les effets d'autres pollutions.
Au point de vue de l'effet de la santé, on peut distinguer deux
types de réactions, des réactions somatiques et des
réactions génétiques.
Des réactions somatiques sont les réactions d'un polluant,
par exemple, qui affectera les organes anatomiques ou physiologiques. Je prends
un exemple, ici, d'un polluant très répandu, le DDT, le PCB
dérivé du DDT, qui n'a aucun effet, ni génétique,
ni somatique. Quiconque d'entre vous avez dans votre tissu adipeux une certaine
quantité de déchets de dérivés de DDT, etc., cela
n'affecte pas, semble-t-il, l'homme. Il y a des volontaires qui ont
absorbé des quantités considérables de ce produit sans,
apparemment, se trouver en mauvais état.
Or, le DDT et ses dérivés ont été interdits,
alors que l'homme n'y est pas tellement sensible, parce que ces produits
affectaient la capacité de reproduction des oiseaux et des poissons.
Mais disons que pour l'homme ce n'était pas bien grave.
Les PCB, eux-mêmes, font actuellement l'objet, au niveau
d'Environnement Canada, de restrictions très grandes. Donc, pas d'effets
génétiques et, encore, pas d'effets somatiques et encore moins
d'effets génétiques.
Je prends maintenant le cas de pollution ou d'atteintes qui ont des
effets somatiques. Ces effets somatiques peuvent être temporaires ou
permanents. Cas d'un effet temporaire: Vous absorbez de l'eau qui contient des
germes, vous pouvez avoir une affection gastro-intestinale mais, une fois que
la cause aura disparu, il ne restera plus de traces.
Il peut y avoir également des effets somatiques plus ou moins
durables suivant la durée d'exposition au phénomène en
question. Je prends deux exemples: Un cas, c'est celui où vous inhalez
de l'air qui aurait en suspension de petites particules qui sont susceptibles
d'affecter vos tissus pulmonaires. C'est le cas de l'amiante et de l'amiantose.
Vous pouvez avoir des effets durables, somatiques qui vont même aller
jusqu'à la mort.
Un autre cas: Vous exposez des gens à des bruits insupportables
pendant un certain temps; ils pourront avoir des lacunes auditives ou des
surdités, donc des effets somatiques permanents.
Dans le cas de la radioactivité, vous avez non seulement des
effets somatiques immédiats, qui peuvent aller jusqu'à la mort,
mais vous pouvez avoir également des effets génétiques.
Quant aux précédents, quelqu'un peut avoir été
accidentellement assourdi, ses enfants ne seront pas sourds, bien entendu.
Mais, dans le cas des polluants radioactifs, vous avez des effets sur l'homme,
lui-même, actuel, et sur les générations à
venir.
On a remarqué, à ce point de vue, premièrement,
l'inexistence d'une dose-seuil; c'est-à-dire que, quelle que soit la
dose de radiation à laquelle on affecte quelqu'un, si minime soit-elle,
il y a des effets nuisibles possibles.
Deuxièmement, le danger des doses cumulées. Ceci veut dire
que pour un enfant, ce qui est dangereux, ce n'est pas le rayonnement qu'il y
aura directement, mais c'est la dose totale de rayonnement que ses parents
auront reçue depuis qu'ils auront été eux-mêmes
conçus, c'est-à-dire que vous avez une accumulation qui se fait
tout au cours de la vie de chaque génération.
Troisièmement, grande sensibilité des tissus
embryonnaires, troisième dimension aux caractéristiques de la
pollution radioactive, le fait que vous ne pouvez pas l'interrompre. Une fois
qu'elle a commencé il n'y a rien qui vous permet de l'arrêter sauf
le temps qui permet d'en réduire les effets, des temps qui sont à
l'échelle géologique.
Quatrièmement, les rayonnements sont inodores, incolores,
insipides et silencieux, c'est-à-dire qu'on ne les perçoit pas
par les sens, ce qui donne à cette pollution un caractère
particulièrement insidieux. Il y a des cas, exactement, qui se sont
produits où, grâce à ces propriétés, on a
camouflé au public certaines pollutions.
Cinquième caractéristique, le fait que ces polluants
radioactifs, comme d'autres, d'ailleurs, entrent dans la chaîne
alimentaire, c'est-à-dire, qu'en passant d'un stade au stade suivant de
la chaîne trophique dont l'homme est souvent le consommateur terminal,
vous avez des coefficients d'enrichissement, des concentrations qui se font et,
précisément, la principale voie de contamination chez l'homme,
c'est la chaîne alimentaire.
Problèmes non résolus et risques encourus. D'une
façon générale, la technique et la science doivent viser
à assurer la sécurité: la sécurité des
ouvrages, la sécurité des moyens d'exploitation, la
sécurité des machines, des procédés, etc. Or, dans
le cas qui nous occupe ici, affirmer qu'il n'y a pas de technologie qui permet
notamment le stockage indéfini des déchets radioactifs est
difficilement réfutable.
Je vais me permettre, ici, de vous mentionner les dix problèmes
qui ne sont pas résolus et cette liste est faite en nous
référant à un nombre considérable de documents.
Premièrement, la possibilité de contamination radioactive
grave de l'environnement provoquée par les rejets inévitables de
déchets gazeux et liquides. Cette contamination doit être
considérée en regard du phénomène de concentration
biologique dont je viens de vous parler.
Deuxièmement, les risques liés à la
sécurité des centrales; les accidents potentiels qui pourraient
être catastrophiques aboutiraient au rejet massif de déchets
radioactifs dans la biosphère.
Troisièmement, l'élimination des déchets
radioactifs durant les opérations normales entraînant des fuites
aux centrales. Il y a toujours des fuites aux centrales, même en
opération normale.
Quatrièmement, le stockage, la manipulation, le transport de
déchets solides, spécialement ceux de haute activité; les
risques d'accident au cours
de toutes les phases de l'exploitation, de l'utilisation et du transport
augmentent en fonction de la multiplication des centrales et des usines de
traitement.
Cinquièmement, le contrôle absolu du plutonium, le risque,
justement, également, du vol de produits radioactifs.
Sixièmement, l'isolement et l'emmagasinement perpétuels et
sûrs des déchets radioactifs de haute intensité à
des échelles de temps qui dépassent de très loin la
durée des cultures humaines. Si je vous dis que le plutonium est
dangereux pendant un demi-million d'années, rappelons-nous que notre
espèce elle-même, l'homme, a une durée qu'on fait remonter
à peu près à 100 mille ans.
Huitièmement, l'élimination de la chaleur
rési-duaire. Je n'insiste pas.
Neuvièmement, les risques de défaillances humaines.
Dixièmement, le contrôle permanent qu'une telle
société exigerait, on pourrait courir le risque d'une
société nucléaire ou d'un état policier.
Nous estimons par conséquent, au nom de la raison, que le fardeau
de la preuve de l'innocuité d'une telle technologie devrait être
fait avant d'être imposé.
J'en arrive à la troisième partie de notre document, que
je vais me permettre de vous lire, cette fois-ci, intégralement et qui
s'intitule: Demande d'un moratoire sur l'électronucléaire. En se
plaçant sur le double plan de la démarche scientifique et de
préoccupations d'ordre éthique, le Conseil
québécois de l'environnement estime, en conséquence, qu'il
n'est pas justifié de voir le Québec s'engager dans la voie de
l'exploitation de l'énergie nucléaire, alors que tant de
problèmes cruciaux ne sont pas résolus. Par suite de leurs
répercussions potentielles sur l'espèce humaine et sur la
poursuite de l'évolution socio-culturelle de l'homme, ces
problèmes sont en réalité les plus graves que le monde ait
jamais connus.
Nous n'assistons pas, dans le cas présent, à une
quelconque répétition de l'histoire, mais entrons, bien au
contraire, dans un âge nouveau, l'âge de l'atome, à l'aube
duquel la raison devrait s'opposer à toute précipitation.
Le CQE se refuse à assister sans réagir à
l'acheminement de l'humanité vers un futur périlleux,
édifié au mépris même de la science, de
l'éthique et de la dignité de l'homme. Aussi, après
s'être penché durant plusieurs années sur les
problèmes que posent au Québec les options
énergétiques, le Conseil québécois de
l'environnement estime qu'il est urgent d'informer la population de la position
qu'il entend défendre par les moyens dont il dispose.
Premièrement, le CQE s'oppose à toute précipitation
dans les décisions visant à engager le Québec dans la voie
de l'électronucléaire, rappelle ses prises de positions
antérieures et condamne toute utilisation de cette forme
d'énergie pour la production d'électricité dans les
conditions actuelles.
Deuxièmement, le CQE estime inacceptable, voire immorale, car
contraire à l'éthique, la dé- marche qui consiste à
proposer et, a fortiori, à imposer à un pays une technique qui
présente de nombreux problèmes non résolus
scientifiquement.
Troisièmement, le CQE fait appel aux citoyens pour exiger un
moratoire suspendant tout projet d'implantation de centrale
électronucléaire au Québec.
Quatrièmement, le CQE estime que la durée de ce moratoire
dépend du moment où se sera dégagé au sein de la
communauté scientifique internationale un consensus sur
l'acceptabilité de l'électronucléaire.
Cinquièmement, à cet égard, le CQE fait appel
à la conscience du gouvernement du Québec et insiste pour qu'il
encourage et développe des recherches scientifiques orientées
vers les aspects sécuritaires de l'électronucléaire, en
vue de hâter la solution des problèmes actuels, une solution
acceptée pouvant mener ipso facto à la levée du
moratoire.
Sixièmement, le CQE demande que le gouvernement du Québec
tienne les citoyens informés de toutes les décisions qu'il entend
prendre dans le domaine de l'électronucléaire et des raisons qui
le motivent. Dans sa détermination à apporter des changements
favorisant l'équilibre de la société
québécoise, le gouvernement ne devrait-il pas, dans le cas de
l'énergie, étudier et retenir une série d'options
intégrées qui permettraient de résoudre les
problèmes énergétiques sans avoir recours à une
voie qui ne pourrait manquer d'engendrer, sur le plan social aussi bien que
biophysique, d'innombrables difficultés?
Si le gouvernement du Québec acceptait la demande de moratoire,
il témoignerait de l'importance qu'il attache au respect de la vie et
à la dignité de l'homme ainsi qu'à la confiance qu'il
n'hésite pas à placer dans l'esprit créateur de
l'espèce humaine et dans la capacité innovatrice du peuple
québécois. Le Québec est le pays de la terre le plus riche
en eau douce per capita. Conscient d'une situation aussi
privilégiée, ne serait-il pas logique et cohérent qu'il
donne la preuve de ce qu'il est capable d'imaginer et d'appliquer des solutions
humaines, utilisant rationnellement ses ressources naturelles et se refusant
à recourir à la réaction de fission nucléaire pour
faire bouillir de l'eau alors même que la terre se trouve inondée
d'énergie perdue?
Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: M. Maldague, j'aimerais, en commençant par une
des dernières parties de votre mémoire, vous poser plusieurs
questions qu'on peut peut-être résumer en une, le chapeau
étant la suivante. Vous dites que nous devrions adopter une politique
énergétique en tenant compte d'une option intégrée.
J'aimerais que vous développiez un peu ce que vous entendez par cette
option intégrée et, en particulier, que vous nous apportiez
quelques informations sur les points suivants. Vous avez évoqué,
par exemple, les nouvelles for-
mes d'énergie douce. Quel pourcentage voyez-vous ces formes
d'énergie nouvelle occuper dans le bilan énergétique
québécois à la fin du siècle, par exemple, ou plus
tôt, si vous avez un chiffre pour une autre date?
D'autre part, vous avez également mentionné que les
ressources hydro-électriques québécoises facilement
exploitables pourraient, si on les développait toutes, totaliser une
puissance de production installée de quelque 35 000 mégawatts
vers... que le montant de puissance installée possible est à peu
près de 35 000 mégawatts plus, disons, les 5000 mégawatts,
ou un peu moins, que nous tirons de Churchill Falls, ce qui fait un total
d'à peu près 40 000 mégawatts.
Encore, il faudrait fixer ou rattacher cela à une date; parlons,
si vous voulez, de 1990 ou de l'an 2000. Si ces 40 000 mégawatts
étaient développés, quel pourcentage est-ce que cela
représenterait, encore une fois, dans le bilan énergétique
global? En d'autres mots, ma question se relie à la première que
vous avez soulevée, qui est le rythme de croissance dans la demande
énergétique. Quel rythme estimez-vous possible, compte tenu des
options qui sont les vôtres? Quel rythme de croissance estimez-vous
possible, d'ici la fin du siècle, par exemple? Plus
particulièrement, seriez-vous capable de développer un peu le
point suivant? Je ferai une hypothèse pour bien illustrer la question
que je veux vous poser.
Si on devait, à la fin du siècle, avoir d'énergie
disponible per capita la même chose que ce qu'on a aujourd'hui; en
d'autres mots, la croissance de l'énergie à partir d'aujourd'hui
ne serait que reliée à l'augmentation naturelle de la population,
quelles conséquences voyez-vous à cela sur le taux de
développement de la croissance économique, d'une part? Quelle
incidence est-ce que vous y voyez sur le développement
économique? En d'autres mots, est-il possible de ne pas augmenter
l'énergie disponible par habitant et en même temps d'augmenter
considérablement le bien-être économique ou le niveau de
vie quantitatif je ne parle pas de qualité, toujours des
citoyens, sans augmenter nécessairement la consommation per capita
d'énergie?
M. Maldague: Pour la première question, qu'est-ce que nous
entendons par option intégrée, cela signifie, en fait, trois
choses, parce que ce n'est pas uniquement sur le plan de la production
énergétique qu'il faut voir cette notion d'option
intégrée, ces trois choses étant une diversification des
sources d'énergie. Cette diversification, elle existe
déjà, je vous l'ai dit, mais elle pourrait peut-être
prendre encore d'autres dimensions; étant donné que nous n'avons
pas encore l'intervention, par exemple, de certaines formes d'énergie
douce, dans l'option intégrée, il faudrait les faire intervenir
progressivement au fil des ans.
Deuxièmement, il y a des formes d'utilisation d'énergie
qui ne sont pas utilisées comme elles pourraient éventuellement
l'être. Je vois, par exemple, 6% pour le gaz naturel. D'autre part, il y
a également, dans cette option donc, à côté de la
diversification des sources d'énergie, le fait qu'il faut éviter
ce que nous faisons à l'heure actuelle, soit du gaspillage
d'énergie. Il est à peu près évident que nous
pourrions récupérer un bon pourcentage qui serait peut-être
difficile à chiffrer ici en évitant les gaspillages et en
réorientant certaines choses qui ne nuiraient pas au mode de vie.
J'entends par là, par exemple, une rationalisation sérieuse du
transport en commun qui est une chose dont on parle pour différentes
raisons et pas seulement pour des raisons d'économie d'énergie,
mais pour des questions d'aménagement urbain ou d'aménagement du
territoire en général. Ce sont des choses qui peuvent avoir des
objectifs multiples, polyvalents. On pourrait résoudre à la fois
certains problèmes d'aménagement du territoire, certains
problèmes énergétiques. Par conséquent, cette
rationalisation énergétique sur le plan de l'économie du
transport doit être considérable. Vous savez combien d'efforts se
font dans de multiples pays pour utiliser des transports en commun
confortables, rapides, non polluants, etc.
Deuxièmement, cela signifie également que, dans certains
domaines, il faudrait et ici, j'ai fait allusion à cela dans
notre document essayer de montrer au public qu'il faut changer de
conception. Cela ne veut pas dire qu'il faut réduire le niveau de vie.
Entendons-nous bien, j'ai compris votre question. Vous me demandez: que
faudrait-il faire, sans pour cela, quantitativement, diminuer notre niveau de
vie? Et bien! on pourrait très bien ne pas modifier quantitativement le
niveau de vie tout en épargnant énormément
d'énergie tout simplement par l'économie que chaque individu
pourrait faire. Pas nécessairement par des moyens coercitifs, bien qu'il
ne serait pas mauvais, dans certains cas, d'agir sur la tarification de
l'énergie, mais tout simplement en insistant sur l'éducation,
comme on devrait d'ailleurs le faire, l'éducation mésologique,
l'éducation en environnement, en général, pour que chaque
citoyen devienne conscient de ses responsabilités. Il y a
également dans cette option énergétique d'autres choses
qui interviennent. Toute la question du recyclage.
Voilà bien une chose sur laquelle l'humanité en
général, et peut-être l'Amérique du Nord, en
particulier, ne s'est jamais beaucoup souciée. Nous avons
exploité les ressources, c'est-à-dire que nous avons franchi une
partie du cycle, toujours le même. On parle économiquement parlant
de la marchandise. Et on n'en parle plus, une fois que la marchandise n'est pas
utilisée, mais tout l'impact et l'astreinte écologique sur ce qui
a été nécessaire pour faire la marchandise et ce que la
marchandise devient après, est passé sous silence. C'est un
concept qui doit intervenir dans cette option intégrée, un
concept de recyclage, de recyclage à tous les points de vue.
Par conséquent, ceci permettrait certainement de faire une
économie d'énergie que, malheureusement et ici, je vous
l'avoue bien franchement je ne pense pas que nous puissions, que
n'importe qui, d'ailleurs, pourrait chiffrer. Pourquoi? Parce que cela
dépend des options qu'on décidera de faire. Si nous
décidons de rationaliser les transports, d'éviter le gaspillage
de l'énergie à
toutes les étapes, de faire des recherches sur de nouvelles
formes d'énergie, d'utiliser notre énergie hydroélectrique
convenablement, de recycler tout ce qui se produit, c'est évidemment,
une nouvelle conception de notre attitude vis-à-vis de l'environnement
qu'il faut faire et qui ne va pas, à mon avis, nécessairement,
contre le niveau de vie des individus, c'est-à-dire que,
quantitativement, nous pourrons vivre à peu près comme nous
vivons maintenant, mais on peut vivre aussi bien sans gaspiller. C'est une
question, ici, évidemment, d'éducation.
En ce qui concerne les ressources hydroélectriques du
Québec, nous avons eu des informations à plusieurs reprises de la
part de personnes de l'Hydro Québec mentionnant les énormes
ressources qui subsistaient au Québec. Je vous ai mentionné le
chiffre tantôt, et on ajoute toujours ceci, on ajoute, de ces ressources
là, qui sont, à peu près, de 30 000 mégawatts, on
pourra en utiliser assez facilement 15 000 à 20 000, mais, ajoute-t-on
toujours, il peut y avoir des raisons économiques, écologiques et
sociales qui s'opposeraient a la mise en valeur de tout le potentiel
énergétique. Mais je n'ai jamais été capable de
comprendre ce que ces personnes avaient en tête quand elles disaient des
oppositions d'ordre écologique, économique et social.
Je pense que ce sont ces points qui pourraient constituer des
contraintes, que je ne connais pas, qu'il faudrait absolument étudier.
Je trouve qu'il est presque inadmissible qu'on ne sache pas, à l'heure
actuelle, d'une certaine façon, assez précise, ce que nous
pourrions utiliser comme ressources énergétiques et comme
ressources hydroélectriques. A mon avis, ce sont des chiffres qui sont
encore extrêmement vagues. On joue ici avec plusieurs milliers de
mégawatts sans se donner, apparemment, la peine d'examiner à fond
les facteurs limitants afin de pouvoir éventuellement utiliser, d'une
façon plus complète, les ressources énergétiques
dont nous disposons.
Le rythme de croissance. Qu'est-ce que devrait être le rythme de
croissance? Il y a une chose qu'il faut mentionner, c'est que le rythme de
croissance historique, dont on parle depuis longtemps, et qui est estimé
à 7.75%, est, évidemment, une extrapolation, la plus simple que
l'on puisse imaginer. On voit ce qui s'est passé dans le passé et
on continue.
Sans même entrer quantitativement dans des détails, cette
espèce de vision des choses ne peut être que condamnée
parce qu'il est tout à fait évident qu'on ne peut pas continuer
à doubler tous les dix ans. Par conséquent, encore ici, il va
falloir que, dans le cadre d'une politique et c'est bien ce que vous
cherchez ici à définir on puisse, grâce à une
option intégrée, grâce à toutes les ressources dont
nous pouvons disposer, voir à diminuer le rythme de croissance. Je pense
que dans les années futures, il faudra accepter un rythme de croissance
qui soit encore de 7% à 8%, parce que le mouvement n'est pas
donné. Mais il faudrait, aujourd'hui, que vous décidiez, un beau
jour le plus tôt serait le mieux qu'on commence à
prendre des mesures qui vont, d'an- née en année, au lieu de
l'augmenter, le diminuer relativement pour qu'on arrive, peut-être vers
la fin du siècle, vers les années 90 je vous donne ici un
chiffre qui est évidemment basé sur rien, parce qu'il s'agirait
de mettre en marche de nombreux ordinateurs pour cela à penser
qu'un rythme de 3% à 4% devrait être raisonnable avec une
politique d'économie qui soit acceptée par la population et qui
n'entre pas en opposition avec son mode de vie.
Je crois, d'ailleurs, qu'il y a des études suédoises qui
ont démontré très bien qu'on pouvait réduire de 30%
les besoins ou les demandes énergétiques sans porter
préjudice au niveau de vie des gens.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier,
en premier lieu, le Conseil québécois de l'environnement pour son
exposé qui est d'un genre très différent de ceux que nous
avons entendus jusqu'à maintenant, puisqu'il s'est situé
d'emblée sur le plan des grandes orientations d'une politique de
l'énergie, alors qu'inévitablement, bien sûr et sans faire
de reproches aux groupes qui vous ont précédés, il
s'agissait, dans la plupart des cas, d'éléments ou de
contributions particulières à une politique de l'énergie.
On attirait notre attention tantôt sur le rôle du transport
automobile, tantôt sur l'importance des besoins en chauffage et la
contribution de certains agents économiques dans ce secteur ou dans le
secteur du gaz naturel, mais il s'agissait, encore une fois, de contributions
partielles.
Vous attirez notre attention sur la philosophie qui doit inspirer
l'orientation d'une politique de l'énergie et vous nousfaites, à
ce sujet, des propositions, vous avancez des thèses qui sont absolument
capitales.
J'aimerais poursuivre un peu la question qui vous a été
posée par le ministre pour bien saisir si la première affirmation
que vous faites, à savoir que le développement des sources
énergétiques au Québec, et en particulier la production
d'électricité, devrait se limiter, jusqu'à la fin du
siècle, au développement d'une capacité de 35 000
mégawatts.
Il est clair que, d'après le raisonnement que vous tenez au long
de votre mémoire, cette limitation de la capacité de
génération de l'électricité paraît
souhaitable. Je crois que le ministre a, dans sa question, cherché
à vous faire préciser si, en plus de vous paraître
souhaitable ce qui est évident et pour des raisons qui sont
également évidentes une telle restriction vous
paraît possible.
J'aimerais vous l'entendre redire, peut-être en d'autres mots,
parce qu'on peut envisager de deux façons l'affirmation que vous faites.
Ou il s'agit d'un jugement de fait, même s'il ne s'agit que d'une opinion
que vous exprimez avec beaucoup de confiance ou avec une confiance
mitigée ceci, vous pourrez le préciser ou il s'agit
d'une opinion sur un fait dis-je vous croyez qu'effectivement ceci est
possible ou il s'agit
d'une hypothèse de travail et vous laissez à d'autres le
soin de la vérifier ou de la contredire.
Etant donné la composition du Conseil québécois de
l'environnement, il me paraît particulièrement important et utile
pour la commission de savoir si vos membres, ayant considéré
cette affirmation, se sont persuadés eux-mêmes, étant
donné la connaissance qu'ils ont de différents champs d'action
sur le plan scientifique, sur le plan de l'ingénierie, sur le plan des
problèmes de l'énergie, présumément aussi, s'ils se
sont persuadés eux-mêmes qu'il s'agit là d'un jugement de
fait.
M. Maldague: Je pense que la manière dont ce chiffre de 35
000 mégawatts paraît dans le document est à la fois une
hypothèse de travail et un jugement de fait. Je pense qu'il serait
difficile de préciser cet objectif si on ne dispose pas en même
temps d'un ensemble de moyens qui permettraient de se fixer une politique.
J'essaie d'expliciter ceci. Si vous décidez que vous vous fixez
cette valeur de 35 000 mégawatts, il faudrait, bien entendu, prendre une
série de moyens pour vouloir arriver à cela. C'est évident
que si on laisse aller les choses, pour des lois très simples, on a
beaucoup plus de facilité à gaspiller de l'énergie
qu'à la conserver. C'est la loi physique, le deuxième principe de
la thermodynamique, l'augmentation de l'entropie.
Par conséquent, le Conseil québécois de
l'environnement a mentionné ce chiffre de 35 000 mégawatts
d'électricité, en considérant qu'actuellement il y avait
à peu près je vous ai dit le chiffre tantôt
11 500 mégawatts d'installés au Québec, plus bientôt
7000; cela veut dire qu'on a environ actuellement 23 000 mégawatts. On
pourrait donc au moins doubler ce que nous avons déjà
d'installé actuellement. Ceci n'aurait pas de sens, si on ne
décide pas en même temps de compléter cela par d'autre
chose. C'est pour cela que nous avons dit ici vous allez me dire: Vous
flottez dans l'utopie qu'il faudrait utiliser d'autres formes, notamment
l'énergie douce. C'est tout à fait évident que si on veut
arriver à ces 35 000, pour que cela ne reste pas un jugement de fait
mais que cela devienne un objectif, il faudrait l'assortir d'une série
de prises de décisions. C'est pour cela que nous revenons à notre
idée d'option intégrée.
Ne croyez pas que nous venons de vous dire que ce chiffre de 35 000, on
l'a sorti quelque part comme cela, comme une vérité. Nous ne le
connaissons pas, mais nous estimons que nous sommes dans une situation
suffisamment dangereuse pour que la politique ne soit pas le résultat,
si vous voulez, d'une conséquence, d'une situation qui avance un peu
n'importe comment, mais qu'on puisse la diriger et la fixer dans une certaine
direction. Cette direction pour nous, c'est ce chiffre réaliste de 35
000 mégawatts d'hydroélectricité ou
d'électricité installée. Cela veut dire qu'on pourrait y
arriver si on veut y mettre les moyens, faire des recherches sur les
énergies douces. Toutes les questions dont je vous ai parlé,
c'est cela qui exigerait de faire une politique énergétique.
C'est pour cela que notre document s'intitule: Contribution à la
politique énergétique.
Par conséquent, ce n'est pas un chiffre absolu, ce n'est pas un
chiffre qui est prouvé, c'est une hypothèse réaliste qui
pourrait devenir un objectif si on le voulait.
M. Forget: Si vous me permettez, M. le Président, d'aller
un peu dans le même sens, et pour bien être sûrs que nous
comprenons ce que vous venez nous dire. Vous répondez à ma
question: Est-ce une hypothèse de travail ou un jugement de fait?
Effectivement, c'est un jugement de fait, mais conditionnel.
C'est-à-dire que c'est une prédiction de ce qui peut se
réaliser et c'est ici que j'aimerais encore peut-être une
précision additionnelle, étant donné les derniers propos
que vous venez de tenir une prédiction qui peut se
réaliser à partir de décisions qui seraient prises
d'engager des moyens connus. Des moyens qui ne sont pas indûment
restrictifs de la liberté des individus et qui n'impliquent pas une
chute brutale ou un arrêt complet de toute espèce de croissance
économique. Si on fait, en fait, de telles affirmations, on a une
conclusion très importante. Si, par ailleurs, vous y avez fait un peu
allusion, vous dites: C'est un jugement de fait sur ce qu'il est possible de
réaliser, mais pourvu qu'on fasse des recherches, ce qui sous-entend
qu'il y a un certain nombre de moyens qui sont inconnus à l'heure
actuelle qui, seuls, nous permetttraient de réaliser cet objectif,
alors, évidemment, ce n'est plus tout à fait le même genre
de raisonnement. C'est un peu plus une hypothèse que ce ne le serait
dans le cas contraire.
M. Maldague: Je suis bien d'accord avec cela. En fait, cette
prédiction pourrait se réaliser parce que nous avons tous les
moyens de le faire si nous le voulons. Cela n'exigerait pas d'aller dans le pur
inconnu. Il suffirait d'utiliser les mille et un moyens qui existent
déjà à notre disposition. Je ne fais que vous citer le
rapport 23 du Conseil des sciences du Canada, de Nelman, sur la politique de
conservation de l'énergie. Mettons-nous à appliquer tous ces
points dont certains sont archi-simples, ou va déjà facilement
récupérer des milliers de mégawatts sans se fatiguer. Si,
en plus de cela, on se lance dans la recherche de nouvelles formes
d'énergie qui sont également connues, parce que des capteurs
solaires, c'est une affaire aussi banale que n'importe quoi... On nous dit:
Cela coûte cher. C'est comme si votre voiture automobile était
faite uniquement pour vous; elle coûterait un prix astronomique. Mais
attendez qu'on arrive à faire ces choses en série, et cela ne va
pas tarder. D'ici quelques années, nous pourrons certainement
récupérer, je pense, si je ne me trompe pas, 50% du chauffage des
habitations. Vous avez d'autres formes d'énergie qui ne sont
pratiquement pas utilisées non plus. Nous avons d'ailleurs appelé
ce chiffre réaliste parce qu'il n'y aurait rien qui s'opposerait
à y aller. La grande chance que le Québec a, et c'est
peut-être le seul
pays au monde qui a cette chance, ce sont les ressources
énergétiques qu'il a et qu'il a encore.
M. Forget: M. le Président, si je peux encore insister,
avec votre permission, je crois que c'est là une affirmation
extrêmement importante que les membres de la commission voudront retenir,
puisque s'il est possible de réaliser un tel objectif à
même des moyens connus, pourvu que les décisions
appropriées soient prises, c'est sans aucun doute à la
lumière d'une affirmation comme celle-là que nous voudrons
examiner la formulation éventuelle d'une politique de l'énergie
pour le Québec.
J'aimerais toucher, le plus brièvement possible, le
deuxième aspect de votre exposé alors que vous faites état
des risques qui existent dans l'exploitation de l'énergie
nucléaire et qui, selon vous, sont si graves que l'on doit absolument
observer ce moratoire que vous recommandez avant de prendre une décision
de développement.
Je m'inquiète un peu de la façon dont vous
définissez le problème. Elle préjuge, en quelque sorte, ou
presque, de la conclusion à laquelle on doit arriver. L'on sait qu'il
est très difficile de faire une preuve négative, et la
façon dont vous formulez le problème équivaut presque
à dire qu'il ne faut rien faire dans ce secteur à moins d'avoir
la preuve de l'innocuité ou de l'absence de danger d'une telle
méthode de production de l'énergie électrique.
Or, il est assez difficile d'imaginer les preuves négatives. On a
beau accumuler l'expérience que l'on voudra de l'absence d'accident
absolument catastrophique, il est toujours impossible d'éliminer une
possibilité ou de prouver qu'elle n'existe pas. Il est plus facile de
faire une preuve positive, bien sûr. Est-ce que ce n'est pas un peu
repousser vers un avenir indéfini une décision qui,
peut-être, un jour ou l'autre de toute manière, risque de devenir
inévitable que de formuler le problème de cette façon? Ou
peut-être ai-je mal compris la façon dont vous l'avez
exprimée.
M. Maldague: Je crois que vous l'avez bien compris.
C'est-à-dire que le raisonnement que nous tenons est très simple.
Nous avons affaire à quelque chose qui est tellement dangereux, parce
que les conséquences sont fondamentales, je pense que tout le monde
reconnaît cela, qu'il ne nous semble pas normal qu'on s'engage dans cette
voie aussi longtemps que l'on a tous ces problèmes qui ne sont pas
résolus. Parce que ce qu'on fait actuellement c'est, en fait, c'est dans
le texte aussi, une sorte de pari technologique ou de confiance absolue dans le
fait qu'éventuellement nous allons pouvoir trouver des solutions.
Je regrette, mais il ne me semble pas que ce soit une attitude
scientifique. Cela veut dire: allons-y carrément, on a assez
d'intelligence pour trouver des solutions au fur et à mesure. Cela
pourrait se faire dans des cas où l'enjeu n'est pas aussi
considérable, mais actuellement l'enjeu est trop
considérable.
Nous sommes, ne l'oublions pas, au début d'une exponentielle de
l'industrie nucléaire.
Il n'y a pas encore beaucoup de centrales, plusieurs sont
fermées, notamment. On s'attend à ce qu'il y en ait quelques
milliers d'ici à l'an 2000, c'est-à-dire une véritable
exponentielle, avec j'ai le chiffre dans des dossiers, ici des
nombres considérables de déchets radioactifs dont on ne sait pas
quoi faire. Par conséquent, imaginez ce que le problème va
devenir d'ici aux prochaines années. On aura pris une voie sans avoir
les solutions et les enjeux sont considérables. Par conséquent,
je ne comprends pas comment, en toute objectivité, on puisse accepter
cela, scientifiquement parlant. Ce n'est pas étonnant pour cela de voir
que, dans de nombreux pays du monde, des groupes de scientifiques se sont
réunis pour dire à peu près ce que nous disons ici.
Ce qu'il me semble utile de mentionner ici, c'est que c'est une voie
irréversible. Ce n'est pas comme quelque chose qu'on pourrait
arrêter. Admettons, on a mis du DDT sur toute la planète, on
arrête en 1970. Il y en aura encore pendant quinze ou vingt ans et puis
il va s'éliminer de lui-même de la chaîne trophique. Il
n'aura pas fait de grands dégâts chez l'homme, aucun pratiquement,
et on l'aura arrêté à temps. Je prends souvent cet exemple.
Voilà un polluant qui a été mis dans la biosphère
en 1942, qui a été commercialisé et qu'on a
arrêté trente ans après parce que les poissons et les
oiseaux en souffraient.
Ici, notre industrie électronucléaire est neuve. Elle est
née, d'ailleurs ici, je me permets de faire cette remarque,
à mon sens, claire d'un sous-produit de recherches militaires.
Evidemment, comme il y avait, par la voie de la facilité, une ressource
énergétique facilement utilisable, on s'est
précipité dessus sans avoir pris les précautions de la
tester. Il ne me semble pas qu'on puisse accepter cela et ce sont ceux qui
s'estiment le droit de compromettre la vie humaine et la biosphère qui
devraient prendre leurs responsabilités. S'ils ne le font pas, cela, je
ne peux pas les forcer, mais les populations entières devraient l'exiger
et, un beau jour, ne plus accepter cela. On joue avec quoi? On joue avec la
vie. C'est incontestable, à mon point de vue. Comment voulez-vous
laisser jouer avec la vie si on ne vous fait pas les preuves de
l'innocuité. Or, ici, on est très loin des preuves de
l'innocuité. On n'a aucune preuve sur rien; on a simplement la chance
qu'il n'y ait jamais eu un grand accident de centrale nucléaire. C'est
à peu près tout ce qu'on a eu comme chance, avec un très
petit nombre d'années
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît.
M. Garneau: Juste une question. Elle sera relativement
brève. Les centrales nucléaires je pense bien que c'est
une vérité de La Palice ce ne sont pas les hommes
politiques qui les ont inventées. Ils en seraient incapables,
probablement, mais elles existent.
Ce sont donc des scientifiques comme vous, comme votre groupe, qui les
ont inventées. Pourquoi, après ce que vous nous dites, ces
mêmes
scientifiques, parce que ce sont encore eux qui les construisent,
continuent-ils d'en faire?
M. Maldague: Ici, M. Garneau, la réponse est très
facile. C'est que le scientifique peut avoir des capacités
intellectuelles, mais vous pouvez avoir, parmi les scientifiques, comme parmi
n'importe qui, des gens qui ont le sens moral ou qui ne l'ont pas. Vous pouvez
avoir des scientifiques pour lesquels l'éthique a une signification et
d'autres pour lesquels il n'y en a pas. Autrement dit, vous pouvez avoir des
scientifiques mercenaires et des scientifiques qui ne le sont pas.
Par conséquent, vous avez des scientifiques qui ont les
capacités de faire une centrale nucléaire, qui vont la faire et
qui ne vont pas réfléchir aux conséquences à long
terme de leurs actes. C'est un des grands problèmes que nous avons
actuellement; c'est qu'il y a des esprits qui ont la propension de penser
à long terme et il y a des esprits qui n'ont pas la propension de penser
à long terme et qui sont autant valables sur le plan scientifique les
uns que les autres. Il y en a pour lesquels le sens des responsabilités,
ils ne l'ont pas de la même manière. Il y en a qui peuvent aussi
bien dire: Admettons que le problème ne soit pas résolu, ce n'est
plus notre affaire. On nous demande de faire une centrale. Voilà la
centrale. Les autres scientifiques se casseront la tête avec les
problèmes. Voyez-vous.
Ici, je pense que ce n'est pas une question d'être scientifique
pour être pour ou contre. Vous pouvez avoir des scientifiques pour et des
scientifiques contre, suivant l'orientation de ces scientifiques.
M. Garneau: Quand vous vous réunissez entre scientifiques,
y a-t-il un point d'accord ou s'il n'y en a pas, sur cette question? Parce que
je suis bien prêt à admettre l'hypothèse que vous faites
que certaines personnes peuvent avoir une éthique, une conscience morale
plus articulée que d'autres, mais j'imagine qu'il y en a aussi qui
travaillent là-dedans et qui ont une perception de ces dangers. Quand il
y a des colloques là-dessus, il doit y avoir des pour et des contre.
Tous les gens, même ceux qui auraient une conscience morale moins
développée, admettent-ils les dangers qui subsistent, quand
même? Les admettent-ils ou si...
M. Maldague: La réponse ici est assez complexe. D'abord,
vous n'avez pas nécessairement unanimité là-dessus. Je
vais vous parler de certains très bons esprits que j'estime
énormément, des scientifiques nucléaires, des physiciens
nucléaires qui, dans un texte que je possède d'ailleurs, tentent
par tous les moyens d'être objectifs, mais, lorsque vous examinez le
texte dans ses moindres détails, vous constatez que le maximum qu'ils
peuvent vous offrir comme objectivité, c'est une sécurité
qui va jusqu'à cent ans.
Voilà des gens qui estiment que les conteneurs dans lesquels on
pourrait mettre les déchets, etc., pourraient résister cent ans.
La plupart vont vous dire: On sait d'ailleurs que cent ans, c'est beaucoup. Ils
essaient de faire un effort pour montrer qu'on a fait un effort pour au moins
protéger pour cent ans. Pour d'autres, cela n'a plus de sens, des
arguments pareils. Alors, on ne peut pas taxer un tel scientifique de mauvaise
volonté, il fait tout ce qu'il peut, mais il se limite forcément.
Maintenant, parmi les scientifiques chevronnés, vous avez
là-dedans des gens d'abord qui hésitent, il y en a. Je ne veux
pas dire de noms ici, vous avez un professeur de physique nucléaire au
Collège de France qui est tout à fait contre l'utilisation
électro-nucléaire qu'on fait. Vous en avez d'autres qui ne sont
ni pour ni contre, et qui essaient de jouer, qui essaient de donner parfois des
arguments qui ne sont pas honnêtes, d'ailleurs. Je pourrais vous donner
des noms, mais je préfère ne pas le faire maintenant.
Alors, vous avez là différentes opinions et il est
très difficile de parler de consensus. C'est pour cela que nous avons
dit: Nous demandons un moratoire. Nous le lèverons lorsqu'il y aura un
consensus qui se sera dégagé. Cela veut dire quoi? Cela veut dire
qu'on n'entend pas ce qu'on entend maintenant. Un groupe de 400 scientifiques
français qui ont fait une demande, des groupes aux Etats-Unis, des
ingénieurs nucléaires responsables de la sécurité
qui démissionnent, une commission britannique qui vient de mettre, si
vous voulez, en garde contre l'installation de surgénérateurs,
les phénix français qui sont arrêtés, d'ailleurs,
les problèmes qui se posent dans de nombreux pays avec l'utilisation
qu'on peut faire de ces sous-produits nucléaires. Donc, on ne peut pas
dire qu'actuellement... Le seul consensus qu'il n'y a pas actuellement, c'est
qu'il n'y a pas un consensus pour l'utilisation de ce genre de fission.
M. Garneau: Le moratoire que vous demandez, est-ce qu'il
s'applique également à Gentilly 1 et 2 ou s'il s'applique
à un éventuel Gentilly 3?
M. Maldague: Ecoutez, pour être bien franc, disons qu'on
pourrait passer sous silence Gentilly 1 et 2, puisqu'ils existent
déjà et que cela n'est jamais intervenu pour grand-chose dans la
production hydroélectrique du Québec. Utilisons-le, Gentilly,
point 5 de notre demande, pour les recherches sécuritaires. Laissez-les
fonctionner et que cela devienne des centres expérimentaux pour tester
la sécurité, mais alors d'une façon totale et
objective.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Laprairie.
M. Michaud: A la lumière de votre mémoire et au nom
de la raison, il va de soi qu'il faudrait éviter tout recours à
l'énergie électronucléaire. J'aimerais poser une question
assez courte et avoir une réponse assez précise aussi. Est-ce que
vous avez fait une étude d'impact de l'énergie
électronucléaire par rapport aux stocks d'armements
nucléaires qui existent ou qui ont été utilisés? Je
veux dire, la pollution qui pourrait arriver finalement avec les usines
d'énergie électronucléaire et la pollution qui pourrait
arriver avec les armements en stock présentement.
M. Maldague: Non. Je vous avoue que nous ne pouvons pas, et je
crois que c'est impossible de tenir compte de la dimension que
représentent les armements nucléaires existant à la
surface de la terre. Parce que si on en arrive là, la phrase de Grasse
s'applique parfaitement. Il faut avouer que si on raisonne sur ce plan, l'homme
est devenu fou. Parce que tout le monde sait qu'il y a assez d'armes
nucléaires sur la terre actuellement pour faire sauter la planète
plusieurs fois et supprimer tous ses milliards d'habitants. Plusieurs fois. Par
conséquent, nous sommes sur une poudrière. Il faut espérer
qu'une espèce d'équilibre...
Donc, c'est un point que nous excluons totalement de nos raisonnements.
La seule chose que je vous ai dite tantôt, c'est que ce
développement de l'énergie nucléaire s'est fait en grande
partie à cause de découvertes militaires qui sont
déjà, en elles-mêmes, très regrettables et qui,
évidemment, risqueraient, sur un plan non militaire, de nous
entraîner dans une voie qui n'est pas acceptable.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre.
M. Joron: Oui. J'aimerais revenir sur la question du taux de
croissance non pas uniquement de l'électricité, mais de
l'énergie en général. Vous avez dit, au tout début,
qu'une croissance exponentielle, en utilisant le chiffre de croissance
historique de l'électricité, par contre, de 7% ou 8% par
année, 7 1/2% ou 7 3/4%, faisait doubler la production à tous les
dix ans.
Je veux bien croire que c'est impensable d'imaginer qu'on peut continuer
à ce rythme pendant trois ou quatre générations encore.
Avant que la plupart d'entre nous soient morts, il y aurait probablement 500
centrales nucléaires sur le territoire du Québec à ce
rythme.
Vous avez ensuite avancé le chiffre d'un taux de croissance plus
réaliste de 3% ou 4%, ce qui est déjà encore beaucoup plus
élevé que la croissance de la population au Québec, qui
est en bas de 1% finalement, maintenant, et qui est prévue pour rester
à peu près à ce niveau par les démographes
jusqu'à la fin du siècle. 3% ou 4%, c'est à moitié
moins. 3 1/2%, prenons la moyenne, là, on double à tous les vingt
ans. Cela m'apparaît tout aussi insoutenable. C'est deux fois plus, me
direz-vous, mais, quand même, il va arriver, dans le temps, un moment
où ce ne sera plus possible non plus.
Je veux revenir sur la question que je vous posais. Est-il possible
d'imaginer de réduire davantage le taux de croissance? Parce que
même aux 3% ou 4% que vous mentionnez, on n'y arrivera pas avec le 35 000
mégawatts. Ces 35 000 mégawatts ne représenteraient, si le
taux de croissance était de 3% à 4% jusqu'à la fin du
siècle et, qu'à la fin du siècle on avait 35 000
mégawatts, l'électricité compterait pour un pourcentage
probablement moindre qu'aujourd'hui dans le bilan énergétique
québécois... Ce qui veut dire qu'on serait dépendant
à 80% sur des sources alternatives qui, elles, si on ne compte pas la
technologie nouvelle, cela ne peut pas être un facteur très
très important avant la fin du siècle, on compterait donc sur des
sources non renouvelables qui s'épuisent à un rythme effarant
dans le reste du monde.
Là, je me sens coincé quand vous parlez de cela. Et, je
reviens à ma question, à savoir peut-on aller plus loin encore
dans la diminution du taux de croissance, la ramener au même taux que la
croissance même de la population? Et, à ce moment, c'est la
première question que je vous posais qui me paraît la plus
importante. Si on faisait un tel choix, est-ce que la quantité de biens
et services disponibles par habitant, elle, pourrait augmenter, sans que
l'énergie disponible par habitant n'augmente?
M. Maldague: Je voudrais donner l'occasion peut-être
à M. Pageau de répondre au moins à la première
partie de votre question.
M. Pageau: La cible de 35 000 mégawatts en
hydroélectrique, nous savons que les types d'énergie ne sont pas
interchangeables absolument. Nous en aurions 100 000 mégawatts, cela ne
fera pas avancer ma voiture. Donc, il faut que ce soit complémentaire,
c'est un train d'options énergétiques qu'il faut organiser.
SOQUIP a présenté l'idée que le Québec n'utilise
que 6% de gaz naturel; en Ontario, il y en a 30% et 32%; pourtant le bilan
énergétique de l'Ontario est beaucoup plus grand que celui du
Québec, cela représentait presque 50% du bilan
énergétique. Le gaz existe, les réserves sont
considérables et on pourrait compter sur lui pour remplacer une tranche
de pétrole, première tâche.
Le charbon est encore considérable au Canada, cela peut
être également utilisé, il peut être
gazéifié et on y revient dans plusieurs pays du monde, il
faudrait y revenir et on peut y revenir en assurant l'écologie,
l'environnement. Plattsburg a son ciel bleu et les plus grandes
sidérurgies du monde y sont centralisées. Le ciel est devenu de
nouveau bleu, puis cela marche toujours au charbon. Enfin, le pétrole
des sables bitumineux, il est exploité, le pétrole sort
actuellement.
M. Joron: En petite quantité, mais il faudrait
savoir...
M. Pageau: Mais je suis convaincu que d'ici dix à quinze
ans, il sera rentable sur les marchés canadien et
québécois.
M. Joron: Tout dépend à quel prix. Je veux dire si
"if price is no object", comme on le dit.
M. Pageau: A quel prix M. le ministre. L'énergie
nucléaire, la première usine d'eau lourde commerciale au Canada,
Glace Bay, Nouvelle-Ecosse, a coûté un milliard. Faite par des
grands ingénieurs et des grandes maisons, elle a été
presque démantelée parce qu'on avait oublié que l'eau
salée était corrosive. On en a construit une autre, il y a quatre
ans, à Peterborough, Nouvelle-Ecosse, pour la remplacer. On en fait une
à La Prade, maintenant. Là, le fédéral a
arrêté
ses fonds. Nous sommes rendus à des prix de 3/4 de million, ce
n'est pas fini...
M. Joron: 3/4 de milliard.
M. Pageau: 3/4 de milliard, pardon! L'industrie nucléaire,
ça se fait, mais cela ne sera pas bon marché.
M. Joron: Je ne vous posais pas la question en relation avec
l'obligation de faire du nucléaire. Remarquez, les sources alternatives
dont vous parlez: gaz, elles sont limitées dans le temps aussi. On
prévoit trente ans, vingt-trois ans, vingt-sept ans, trente-deux ans,
peu importe, c'est l'avenir qu'on est en train de construire. On n'essaie pas
de régler le problème d'une génération. Ce
gaz-là aussi s'épuisera. Les sables bitumineux, on ne sait pas
à quel prix, mais même encore là, disons que cela nous fait
faire un autre cinquante ans; mais après? Vous n'avez pas répondu
à ma question. Ce n'est peut-être pas de votre compétence
d'y répondre, mais la question que je veux poser est: Est-ce que,
d'après vous, il y a relation directe entre la croissance
énergétique et la croissance économique? C'est cela, ma
question.
M. Maldague: M. le ministre, ici, je voudrais vous donner un
élément de réponse et céder la parole à
Michel Jurdant. Je crois, ici, que vous avez demandé en fait si nous
parvenions a baisser encore le taux de croissance, et je suis d'accord avec
vous, quand on dit 3% et 4% d'ici les vingt-cinq prochaines années, mais
il faudra arriver pratiquement à le baisser encore, qu'est-ce que cela
aura comme effet sur le niveau de biens et de services qu'on va donner aux
gens. Je crois que la réponse est la suivante: Quand on discute de cette
question de taux de croissance, ce n'est pas tellement pour savoir si la
croissance est bonne ou mauvaise, mais ce qu'il va falloir faire, c'est la
réorienter. C'est-à-dire que des choses qui sont des biens et des
services que les gens veulent maintenant, ne devraient peut-être plus
être à leur disposition parce qu'au fond, ce n'est pas tellement
bien que cela.
Je voudrais demander cependant à Michel Jurdant, qui vient
d'écrire un livre sur le sujet, de répondre peut-être un
peu à ces questions de niveau de vie.
M. Jurdant: Je peux répondre surtout à votre
question fondamentale, que j'estime la plus fondamentale. Il y a deux volets,
donc le taux de croissance de 1%, est-ce qu'un taux de croissance de 1% serait
acceptable; d'un autre côté, les quantités de biens et
services. Tout est, en fait, dans la définition de ce qu'on entend par
biens et services pour les Québécois. Le Québécois,
le Québec et, par l'intermédiaire de son gouvernement, se doit de
se définir dans une politique énergétique qu'est-ce qu'on
entend par un bien et par un service. C'est aussi simple que cela. La politique
énergétique est liée intimement à cette
définition fondamentale.
Le Président (M. Laplante): C'est tout? Merci, madame,
merci, messieurs. Les membres de cette commission vour remercient de l'apport
et de l'éclairage que vous avez voulu apporter.
M. Maldague: Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): L'Institut national de la
recherche scientifique. Vous avez le même temps, environ 45 minutes.
Veuillez identifier les gens qui vous accompagnent.
Institut national de la recherche scientifique
M. Lemay (André): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés. Je suis accompagné ici cet
après-midi d'un groupe de professeurs de l'INRS-Energie. INRS veut dire
Institut national de la recherche scientifique. Ce groupe de professeurs de
l'INRS-Energie, en apprenant la tenue de ces auditions, a bien voulu
préparer un mémoire que le professeur le Dr Jacques Martel vous
lira dans quelques instants. J'ai aussi à ma gauche M. Michel
Desjardins, qui est le directeur du groupe INRS-Pétrole, qui lui aussi a
bien voulu s'adresser à vous cet après-midi. J'ai cru bon
expliquer un peu la situation un peu particulière de l'Institut national
de la recherche scientifique par rapport aux autres universités. J'ai,
à mes côtés, je crois, le professeur Tudor Johnston, de
l'INRS-Energie, le professeur Benoît Jean; j'ai à ma gauche le
professeur Héroux, de l'INRS-Pétrole. Il y a un groupe de quatre
professeurs et un étudiant de troisième cycle de l'INRS-Energie
qui nous accompagnent.
L'INRS est une constituante de l'Université du Québec qui
a, selon ses lettres patentes, comme objectif principal la recherche
fondamentale et appliquée ainsi que l'enseignement, mais toutefois un
enseignement limité aux deuxième et troisième cycles. De
plus, l'INRS doit constituer, en liaison avec les organismes publics
compétents, des centres de recherche ordonnée au
développement économique, social et culturel du
Québec.
Ce mandat qui a été confié à l'INRS fait de
nous une institution différente des autres établissements
universitaires. Une approche thématique, toujours multidisciplinaire,
caractérise chacun de nos centres ou groupes de recherche
déjà existants et ceux-ci sont répartis sur le territoire
du Québec. A ce jour, huit centres ou groupes ont été
institués et deux ont des programmes de recherche touchant directement
au secteur prioritaire de l'énergie, soit l'INRS-Energie et
l'INRS-Pétrole. L'INRS-Energie est situé à Varennes,
voisin de L'IREQ; alors, il y a eu une collaboration établie avec
l'institut de recherche de l'Hydro-Québec depuis plusieurs années
déjà et là, on poursuit des programmes de recherche
appliquée en relation avec l'éventuelle production
d'énergie par fusion thermonucléaire.
Là est peut-être l'après auquel M. le ministre
faisait référence il y a quelques instants. L'interaction
laser-matière, le confinement magnéto-électrique et la
technologie des réacteurs à fusion
sont des projets ayant actuellement cours. De plus, on y poursuit
plusieurs études sur l'application des plasmas, toujours dans le domaine
de l'énergie. Le groupe INRS-Pétrole a déjà
collaboré étroitement avec la SOQUIP, le ministère des
Richesses naturelles du Québec, SOQUEM et bien d'autres organismes, dont
plusieurs sont étrangers au Québec. Il poursuit des recherches
associées aux problèmes techniques d'exploration
pétrolière, sans toutefois négliger l'étude de
problèmes généraux rencontrés en
sédimentologie et même en exploration minière.
L'INRS, comme un tout, est donc disponible et prêt à aider
le gouvernement du Québec dans tous ses efforts visant à
résoudre les problèmes énergétiques présents
et futurs. Je vais donc demander, pour l'instant, au professeur Martel de vous
résumer le mémoire présenté par les professeurs de
l'INRS-Energie. Professeur Martel, s'il vous plaît.
M. Martel (Jacques): Je ne sais trop si je dois me
présenter comme un de ces bons ou mauvais scientifiques au
départ. J'avoue que je n'ai jamais considéré cette
question sous cet aspect. Quand on a su qu'il y avait justement une commission
parlementaire, tous les professeurs du centre, chez nous, ont
décidé: Peut-être qu'on pourrait donner quelques
idées. Je ne pense pas qu'il était question, à ce
moment-là, d'élaborer une politique en deux semaines. Cela aurait
été un peu prétentieux. D'autre part, on a dit: On va
essayer de faire participer, parce que ça fait quand même cinq ans
que nous nous penchons sur les problèmes énergétiques.
D'accord, on "trip " peut-être un peu plus sur la fusion, mais
c'est tellement loin que, pour tout de suite, ce n'est pas trop grave. On se
concentre dans des domaines un peu plus réalistes. On essaie surtout, je
pense que c'est ça qui est important, de les appliquer au domaine
québécois.
On a été tenté d'intituler notre petit texte "Notre
pays, c'est l'hiver ", pour plusieurs raisons, surtout parce que cela donne une
connotation particulière au problème québécois, qui
est vraiment différent d'un problème au Mexique. On y reviendra
peut-être un peu plus tard pour les questions d'énergie solaire,
les technologies bucoliques ou douces, je ne sais, pour savoir exactement ce
qu'on doit faire.
Je vais passer le texte rapidement; je crois que vous avez tous
celui-ci. Ce qu'il faut au départ, et je pense que c'est le rôle
de cette commission, c'est de faire une évaluation globale. Il ne faut
pas considérer énergie synonyme d'électrique et tout
à coup, synonyme de pétrole, mais il faut avoir une vue
d'évolution. On mentionnait qu'il y a certaines énergies qui sont
interchangeables, d'autres non. Mais il faut quand même savoir où
on s'en va et ce que cela nous donne.
En particulier, prenons le contexte québécois. Je vais
essayer de faire ressortir un exemple. On compare souvent le Québec
à la Suède. Cela semble être un exemple qui se tient assez
bien.
Les données de 1971, parce qu'il s'adonnait que c'étaient
celles-là qui étaient complètes pour les trois pays, nous
montrent que la Suède, pays reconnu pour son économie, consomme
52 000 kWh par habitant. Les Etats-Unis, le gros gaspilleur d'énergie,
en consomment 96 000, donc, énormément plus...
M. Garneau: Excusez, quand vous dites cela, est-ce que vous avez
converti toute l'énergie en kilowatts?
M. Martel (Jacques): Oui, ceci inclut toutes formes
d'énergie, électrique, pétrole, ainsi de suite, pour
l'industrie, le commercial, le domestique; enfin, c'est un bilan total. Donc,
96 000. Où se situe le Québec là-dedans?
On a 56 000 comparativement à 52 000 pour la Suède. Est-ce
que cela veut dire et c'est cela notre point qu'on consomme plus?
Qu'on ne gaspille pas beaucoup? Ce qu'on prétend, c'est qu'en fait, on
ne le sait pas, parce que les gens qui ont fait l'étude et la
comparaison entre la Suède et les Etats-Unis, allaient beaucoup plus
dans le détail de la consommation. Cela dépend de l'industrie, du
type d'industrie, des modes de production, du climat, évidemment. S'il
faut se chauffer ou ne pas se chauffer, c'est un apport.
Donc, cette étude détaillée de la structure de
l'économie, du climat, doit être faite. Elle doit être faite
en disant: Non, ou oui, c'est bien, mais en allant dans les détails,
dans chacun des coins, pour savoir où sont les dépenses
d'énergie.
Premier point, avant de vraiment aller trop loin dans une étude,
sachons où nous sommes. Evidemment, c'est bien beau de trouver des
solutions à ces problèmes une fois qu'on connaît les
départs, mais il faut aussi évoluer vers ces solutions et cela
peut être très long. Quand on écrivait le texte, on se
demandait si un gouvernement pouvait prévoir beaucoup plus que quatre
ans d'avance. Dans ce cas-ci, il va falloir le faire, je ne sais pas trop
comment, mais il y a quand même une évolution, une ligne, parce
que ce ne sont pas des problèmes à résoudre
immédiatement.
Il nous apparaît essentiel d'établir un programme
d'évaluation, de recherche et d'éducation avant d'établir
une politique globale, ou, en fait, de la terminer complètement. Cela ne
veut pas dire qu'on ne peut pas l'amorcer, mais la terminer. C'est d'ailleurs
notre proposition majeure en fait de recommandation. Nous espérons
évidemment pouvoir vous aider dans ce domaine.
Je vais peut-être élaborer un peu sur ce qu'on entend par
cette évaluation, cette recherche et cette éducation. Ce qui nous
apparaît d'abord primordial, c'est de déterminer ou de fixer les
objectifs sociaux des gens, c'est-à-dire ce que la personne veut. On a
peut-être tendance, souvent, et d'un côté et de l'autre des
différentes controverses énergétiques, à prendre
nos désirs pour des réalités. Est-ce que vraiment tout le
monde veut vivre dans une arche de Noé où il fait tout
lui-même sans se fier à personne, etc.?
D'autre part, est-ce qu'on veut vraiment avoir tout automatique et tout
contrôler à distance, en consommant énormément
d'énergie? Je pense que les niveaux sont à déterminer.
Préfère-t-on
vraiment, dans un exemple banal, faire de la motoneige tous les soirs ou
veut-on faire du ski de fond? Ce n'est pas à nous d'imposer aux gens
nous ne le croyons pas nos goûts.
D'abord, déterminer où on veut aller au point de vue
social; deuxièmement, bien comprendre qu'il n'y a pas de solution
magique. Toutes les solutions qui sont proposées ont des
désavantages et des avantages. On n'en a jamais eu d'ailleurs, mais on
est plus conscient du fait qu'on n'aura jamais rien pour rien.
Il faut être prudent dans l'évaluation de nouvelles
solutions. Il faut connaître les risques, les impacts, quels qu'ils
soient, bien les déterminer. Il y a beaucoup d'erreurs qui circulent
facilement. Nous devons donc considérer les impacts, mais bien les
connaître objectivement. Il faut que cela soit fait, si possible avant de
faire la chose. C'est aussi préférable.
Un autre point, je pense, qu'il faut mentionner dans ce système,
c'est la fiabilité des modes de production. Le pétrole, l'huile
à chauffage qu'on a chez nous, on fait des stockages locaux
d'énergie. On n'a pas d'heure de pointe dans le chauffage à
l'huile. Malheureusement, alors qu'on est quasiment autonome au point de vue de
la sécurité, on est obligé d'avoir de
l'électricité pour faire marcher notre fournaise à
l'huile, de sorte que si on n'a pas d'électricité, pif! on n'a
plus de chauffage.
Or, le chauffage' si vous parlez aux gens de Buffalo de ce temps-ci, ils
aimeraient peut-être en avoir un peu plus. Ne pourrait-on pas, dans des
solutions simples de départ, trouver des mécanismes pour faire
fonctionner des choses en état de difficultés ou faire
fonctionner à 50% de chaleur? Est-ce qu'on peut baisser certaines
choses? On fonctionne beaucoup dans des systèmes où c'est tout ou
rien.
Donc, dans la recherche, il y a des solutions qui ne sont pas
nécessairement magiques et immenses à faire là-dedans,
mais il y a du travail à faire de ce côté. Evidemment, il
faut avoir des scénarios d'évolution. Nous sommes bien d'accord
qu'il y aura des taxes à imposer ou des rations. Si on décide de
mettre une immense taxe sur la bière et qu'on ne donne pas de choix, les
gens vont continuer à prendre de la bière. Si on a un choix entre
le vin et la bière, peut-être que, là, ils continueront au
vin. C'est bien beau d'augmenter, le prix du pétrole a doublé.
Cela n'a pas empêché grand-monde de se promener dans sa voiture.
On peut le tripler peut-être, mais cela ne changera pas grand-chose.
Alors, il faut donner des options. Il faut toujours se souvenir aussi, par
exemple, que, dans le transport, un autobus est pire qu'une voiture à
six. Ce n'est pas toujours évident qu'elle est la meilleure solution.
Donc, évoluer vers cela. Il faut tenir compte, comme on le mentionnait,
des facteurs particuliers au Québec. Il faut donc développer une
politique qui nous est propre, qui réponde à nos aspirations,
à nos besoins et à nos ressources.
J'aimerais peut-être parler un petit peu d'un domaine qui attire
beaucoup de monde, c'est l'énergie solaire. Quand on présente
l'énergie solaire, on présente toujours une maison unifami-
liale, en banlieue, si possible, plus loin des arbres et des forêts,
parce qu'évidemment, on ne veut pas d'arbres devant nos collecteurs
solaires. Cela part mal. On en présente très rarement sur la rue
Duluth à Montréal, avec des gros collecteurs solaires, je ne sais
pas où. Donc, au départ, qu'est-ce qu'on veut solutionner comme
problème avec cela? Oui, comme besoin de montrer qu'on peut se servir de
choses faciles, qui ne coûtent "rien", je veux dire, la vitre est
très dispendieuse, surtout l'isolante contre le soleil. C'est $10 le
pied carré. Mettons que cela descende à $7 ou $6 le pied
carré, installé, on reste avec des coûts exorbitants. Je ne
veux pas entrer dans les chiffres, mais on a pris un exemple des maisons
solaires françaises, etc., dans le texte, où on indique que,
finalement, on est quatre fois plus mal placé, c'est-à-dire qu'on
a deux fois moins de soleil, qu'il fait deux fois plus froid. Donc, eux, ont
60%, nous, on a 15%. L'unifamiliale, en banlieue, il n'y en a pas tant que
cela. En supposant que tout l'unifamilial, du jour au lendemain, se transforme
à l'énergie solaire, on sauve 1% ou 2% du bilan
énergétique total du Québec. Est-ce qu'on veut mettre tous
nos efforts de ce côté? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de trouver
une solution mieux adaptée au problème de chez nous, du
Québec? Est-ce qu'on a des choses? Alors, on ne dit pas qu'il y a des
solutions, mais, sachant où on veut aller, qu'est-ce qu'on va sauver
avec cela? Donc, la recherche de solutions technologiques au problème de
l'énergie doit, tout en faisant appel à des connaissances
internationales, se trouver un style québécois dans ses
applications.
Rapidement, quelles sont nos composantes d'abord pour lancer un
programme? Il existe actuellement non pas une politique
énergétique québécoise, mais un fait
énergétique québécois. On doit donc partir de
là pour aboutir. Pour ce faire, on a préparé en
fait, c'était fait l'an dernier on a accolé à notre
mémoire une série de tableaux sur l'évaluation des
sources. Alors, on a mentionné toutes les nouvelles sources possibles,
imaginables.
On ne prétend pas, que ce tableau soit exhaustif, ni complet,
mais, enfin, on a essayé de faire un bilan assez global dans lequel on a
mis tous les éléments, le coût, qu'on peut estimer
actuellement. Tout cela n'est évidemment pas faisable en même
temps, mais, dans ces tableaux il y en a trois pages sur le
stockage, la transformation rationnelle, qu'est-ce qu'il y a d'application chez
nous? Par exemple, est-ce que, si on est obligé d'aller au
nucléaire, pour des raisons... On est très conscient des dangers
ou des problèmes. Est-ce qu'on veut construire du nucléaire
où on rejette 60% de la chaleur dans la rivière? Ne serait-il pas
tout simplement préférable de retarder un peu et d'utiliser cette
chaleur pour l'hiver, pour le chauffage domestique ou l'eau chaude, et
l'été, pour accélérer certains processus
biochimiques ou biologiques? Allonger la saison agricole dans certains coins,
se servir de cette eau chaude pour dégeler le sol plus rapidement,
prolonger une récolte, enfin, ne pas la gaspiller. Utilisons-la pour une
chose en hiver, pour une autre chose en été.
On va être obligé d'importer. Est-ce qu'on peut exporter
quelque chose avec cette énergie qu'on acquiert d'ailleurs? Donc, bien
évaluer et peut-être retarder certaines choses pour les appliquer
avec une efficacité ou une utilisation rationnelle plus grande.
Pour ce faire, il faudra peut-être changer certains buts ou
l'orientation de certains organismes, en ce sens que l'Hydro-Québec doit
produire de l'électricité et non de la chaleur et non de
l'énergie en général. Quand on fait ce genre de choses
avec les centrales thermiques ou nucléaires, ça n'a pas
d'importance, on a tendance à diminuer l'efficacité de production
électrique pour obtenir une chaleur un petit peu plus
élevée à la sortie; donc, perte d'un côté,
gain de l'autre. Au point de vue purement électrique, ce n'est pas bon.
C'est une perte totale. Il n'y a aucune compagnie d'électricité
qui veut le faire, naturellement. Mais ça, c'est à voir.
Il faut aussi voir tous les réseaux de distribution, les
réseaux de stockage. On mentionne que l'hydroélectrique a
actuellement des gros problèmes de pointe de cinq à sept heures.
Mais pourquoi? Est-ce qu'on l'a voulu? Qu'est-ce qu'il y a à faire?
Est-ce qu'on ne peut pas trouver un système de stockage temporaire, des
méthodes de déclencher, d'arrêter les chauffe-eau, par
exemple, directement ça se fait et ça peut se faire
d'un point et d'empêcher les gens de chauffer leur eau de cinq heures
à sept heures? L'eau chaude, on n'en a pas besoin de cinq heures
à sept heures. On peut attendre à sept heures et demie pour faire
ce qu'on avait à faire à six heures et demie. Pardon?
M. Grégoire: ... de cinq heures à sept heures.
M. Martel (Jacques): C'est ça. Donc, ne pas se servir de
l'eau chaude.
M. Grégoire: C'est l'heure où il se demande le plus
d'eau chaude.
M. Martel (Jacques): Pour faire cuire, on n'a pas besoin d'eau
chaude. Pour laver la vaisselle, on la fera à sept heures et demie. Elle
est déjà chaude, d'ailleurs. Ce n'est pas une question de
réchauffer l'eau.
M. Grégoire: C'est l'heure de pointe de l'eau chaude.
M. Martel (Jacques): Oui, mais vous n'avez pas besoin de 100
gallons. Vous pourrez peut-être vous contenter de 40. Enfin, on pourra en
discuter plus longuement. Finalement, la consommation et la conservation. Je
pense bien que personne n'est contre la conservation. Ce serait vraiment
être contre le sirop d'érable, je ne sais pas. Mais, où
économiser? Où est-ce valable d'économiser? Est-ce qu'on
sait vraiment, à part dire: Oui, c'est mieux une maison R-28 qu'une
maison R-20... Bon! Enfin, pourquoi avoir deux codes d'isolation dans les
maisons? Cela m'apparaît un peu fort de dire: Certaines maisons peuvent
être moins bien que les autres. Mais jusqu'où doit-on isoler?
Enfin, tout ça, ça pose beaucoup plus de questions, et je pense
que c'est ça qui est notre affaire. La politique qui doit être
mise sur pied doit s'adresser certainement précisément aux
problèmes à court terme. Certaines mesures peuvent être
mises en oeuvre rapidement et sans bouleversement majeur. Il est
impératif d'arrêter le gaspillage et de freiner une consommation
démesurée et superflue.
Il faut peser, au meilleur des connaissances actuelles, les avantages et
les inconvénients des systèmes d'énergie. Mais cette
politique doit aussi intégrer des mécanismes d'évolution
qui permettent l'évaluation et la recherche de solutions à long
terme. Cette partie est essentielle car les délais pour la
découverte et la mise en application d'une nouvelle technologie sont
grands.
Une Voix: Peut-être que...
Le Président (M. Laplante): Juste un moment. Il vous reste
environ vingt minutes pour la période des questions, parce qu'on va
avoir des questions à vous poser probablement, s'il peut être
assez court dans son exposé.
M. Lemay: Le directeur, Michel Desjardins, de
l'INRS-Pétrole, a un énoncé très court.
M. Desjardins (Michel): Merci. Effectivement, cela peut
être très court. D'ailleurs, si vous regardez le mémoire
qui a été présenté à la commission, il ne
contient que deux pages et je vous ferai grâce de le lire.
Mon intervention, pour reprendre un peu l'introduction de mon
collègue de l'INRS-Energie, va sûrement...
Le Président (M. Laplante): Le micro, s'il vous
plaît, monsieur.
M. Desjardins: Pardon. Cela va mieux?
Alors, mon intervention, pour reprendre l'introduction de mon
collègue de l'INRS-Energie, va sûrement vous faire paraître
les scientifiques de l'INRS-Pétrole comme des mauvais scientifiques,
dans le sens que je ne vous parlerai pas de conservation, de réduction
de consommation d'énergie, etc., mais plutôt de recherches et
spécialement de recherches de pétrole, tout
particulièrement au Québec.
En quelques mots, un bref historique. Créé en 1972,
l'INRS-Pétrole avait pour mission tout principalement d'aider je
fais une parenthèse pour dire qu'il a été
créé en paternité conjointe avec le ministère des
Richesses naturelles, la SOQUIP et, bien entendu, le ministère de
l'Education puisque nous sommes universitaires avait donc pour but
d'aider l'exploration pétrolière au Québec. Ce travail a
été fait en grande partie et on arrive, aujourd'hui, au point
où on se pose la question qui n'a pas encore été
posée je me permets de le faire Est-ce qu'il y a du
pétrole au Québec? Déjà, la SOQUIP est intervenue
pour dire qu'il y avait du gaz; on a trouvé du gaz. Les études
qui ont été faites à l'INRS-Pétrole ont
montré que, de
Montréal jusqu'à la vallée de la Matapédia,
les formations sédimentaires contiennent un potentiel de gaz non
négligeable. A l'est de la vallée de la Matapédia, il y a
un potentiel de pétrole non négligeable. Entre le potentiel
pétrole et le potentiel réservoir, il y a toute une
différence.
Quels sont les moyens qui ont été mis en oeuvre
jusqu'à présent pour essayer de découvrir ce potentiel
pétrolier dans la province de Québec? On a mis je ne
citerai pas de chiffres précis des centaines de milliers de
dollars, alors que présentement, sur la côte du Labrador où
l'INRS-Pétrole intervient en tant que consultant, on a mis des millions
de dollars. Pour la petite histoire, lors d'une conversation
téléphonique récente un collègue me disait:
Attention, les Russes sont allés en Chine je ne compare pas les
Russes avec la SOQUIP ou les multinationales qui viennent au Québec et
je ne compare pas la Chine au Québec et avec les moyens du bord,
parce que cela date de quelques années, en sont partis en disant: II n'y
a pas de pétrole. Aujourd'hui, la Chine exporte du pétrole. Elle
fournit sa propre consommation et elle en exporte.
Nous croyons qu'il y a du pétrole au Québec. Combien y en
a-t-il? Cela reste à déterminer. Comment déterminer s'il y
en a et quelles sont les choses? C'est une question de moyens. Je ne veux pas
créer de polémique, mais lorsque, pour des raisons comme le
déficit des Jeux olympiques, de simples petites études et du
bricolage de l'ordre de $20 000 ou $30 000 sont annulés, on se demande
où sont les priorités.
Personnellement, nous croyons que, si on veut évaluer le
véritable potentiel pétrolier je parle, entre autres, de
la Gaspésie présentement ou même, peut-être, il
faudra penser au golfe plus tard et aux côtes en "off shore", il faudra y
mettre des millions et des millions de dollars.
Un autre argument que je veux faire valoir devant la commission, c'est
celui de je pourrais utiliser le mot indépendance; je
préférerais utiliser celui de autonomie l'autonomie
scientifique. Le fait d'avoir à l'intérieur du Québec un
groupe de spécialistes, directement reliés aux questions
d'exploration pétrolière je parle bien de recherches et
non de conservation nous met dans une situation favorable. Je vous
mentionnais, par exemple, tout à l'heure que l'INRS-Pétrole a
servi et continue de servir les multinationales qui font de l'exploration sur
les côtes du Labrador et sur les côtes des provinces maritimes. Ce
fait d'avoir l'expertise au Québec nous place donc dans une position de
pouvoir de négociation avec les gens. Il n'en demeure pas moins que, du
point de vue promotion-exploration, si on veut que les gens viennent faire de
l'exploration au Québec, il faudra que les organismes impliqués y
mettent les budgets appropriés.
Je voudrais tout simplement terminer en résumant dans une phrase
le mémoire que nous avons présenté: Nous existons,
grâce au gouvernement; nous avons travaillé au Québec et
nous sommes disponibles pour l'aider. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Joron: J'ai deux questions, une, au premier intervenant, une,
au second. Pour le premier mémoire qui a été
présenté, il couvrait de multiples choses, enfin on n'essaiera
pas de les couvrir toutes car le temps nous presse. Je voudrais seulement vous
demander si vous pouvez, succinctement, nous dire ce que vous entendez quand
vous nous invitez à développer une politique
énergétique proprement québécoise, basée sur
nos aspirations et nos ressources. Quelles sont ces aspirations et ces
ressources? Qu'est-ce que cela veut dire? Je relie cela avec un autre
énoncé que vous faites. Vous proposez une recherche de style
québécois; qu'est-ce que cela veut dire? Vers quoi, dans quels
domaines vous voyez cette recherche-là?
M. Martel (Jacques): Pour être très bref, si on
prend fusion, est-ce qu'on doit absolument ne rien faire en fusion au
Québec? On n'a certainement pas les moyens de développer une
technologie complète de la fusion. D'autre part, est-ce qu'il est
valable de prendre une certaine police d'assurance, au cas où la fusion
marche en l'an 2000? Quelle doit être l'intensité de cette police?
C'est-à-dire est-ce qu'on doit tenir des "washing briefs"? Est-ce qu'on
doit faire un peu de recherche ou pas du tout pour se garantir une
entrée, lorsque la technologie sera disponible, qu'on aura des gens
formés ou en partie formés pour l'appliquer à nos besoins?
A ce moment-là, ce n'est pas nécessaire de faire ce que les
Américains ou X ou Y font, mais de le faire pour nos besoins. Cela vaut,
pour chez nous, tant d'argent ou tant d'hommes. C'est sous cet
aspect-là. Il y a aussi un aspect peut-être plus pratique de la
technologie pour le Québec; on ne fera pas des collecteurs solaires
horizontaux au Québec, parce que le premier va dire: Bien, cela va
être plein de neige, il n'y aura pas d'espoir. On va les mettre
verticaux, parce que le soleil, en hiver, ne lève pas haut. Cela est une
application d'un extrême à l'autre.
M. Joron: Quand vous dites: Développer une politique
tenant compte de nos ressources propres, vous voulez dire quoi par
ressources?
M. Martel (Jacques): Bien, nos ressources ou l'absence de nos
ressources.
M. Joron: Tenant compte de ce qu'on a et de ce qu'on n'a pas.
D'accord. Pourriez-vous nous donner une idée très brève de
la ventilation des efforts déployés par INRS-énergie selon
les différents secteurs énergétiques ou les
différentes formes d'énergie. Est-ce qu'il y a moyen de savoir
quel poucentage de vos activités, en termes d'hommes, d'heures,
d'années, peu importe, mais grosso modo, à quoi passez-vous votre
temps?
M. Martel: Je dirais, d'une façon globale, sur la fusion,
technologie, laser, enfin, tout l'aspect
fusion thermonucléaire, on passe de 60% à 75% de notre
temps. On a un intérêt un peu particulier de l'ordre de 10%
à 15% dans le solaire, surtout parce qu'il y a beaucoup de monde qui en
parle de ce temps-ci; et, évidemment, quant au reste, le fait
d'établir des dossiers comme nous l'avons fait. Je n'irai pas dans les
raisons pour lesquelles c'est comme cela.
M. Joron: C'est seulement pour voir où était
l'accent; vous avez bien répondu, je vous remercie.
Je voulais seulement, poser une question par rapport au pétrole,
rapidement. Vous avez évoqué des liens entre
l'INRS-pétrole et SOQUIP. Est-ce que cette collaboration continue,
existe toujours et quelle forme prend-elle?
Quand vous dites, partant de votre conviction qu'il y a un potentiel
pétrolier au Québec, mais que tout dépend de l'effort
d'exploration qu'on y mettra, par qui voyez-vous cet effort
réalisé et qu'est-ce que cela peut impliquer comme ordre de
grandeur au point de vue...? Evidemment, on parle de sous. Qu'est-ce que vous
voyez comme ordre de grandeur?
M. Desjardins: Pour répondre à la première
partie de votre question, j'ai mentionné au tout début que,
jusqu'à un certain point, la SOQUIP, le ministère des Richesses
naturelles et le ministère de l'Education, puisque nous sommes des
universitaires, sont les parrains de l'INRS-Pétrole. Le besoin se
faisait sentir, entre autres, par la SOQUIP, d'obtenir des expertises de
laboratoire sur le pe-tentiel en pétrole et en gaz au Québec. Ces
études étant de nature confidentielle, la SOQUIP se devait de les
faire au Québec. Le ministère des Richesses naturelles, d'un
autre côté, voulait promouvoir au Québec l'exploration
pétrolière, c'est-à-dire voulait inciter les compagnies,
entre autres la SOQUIP, les multinationales, en leur donnant des
résultats montrant un potentiel favorable. Enfin, le ministère de
l'Education avait accepté qu'un dossier sur le pétrole s'ouvre
à l'intérieur de l'institut. Cette coopération a
continué et diminué considérablement durant la
dernière année, ou durant les deux dernières
années, pour des raisons que je ne vais pas analyser en grandeur. Elles
sont sûrement, entre autres, d'ordre budgétaire, elles sont
sûrement aussi, de la part de la SOQUIP, parce qu'elle est entrée,
jusqu'à un certain point, dans une période de production,
spécialement... on vous a mentionné les gisements de
Saint-Flavien, etc., et, lors de la production, les interventions
d'INRS-Pétrole sont toujours possibles, mais moins importantes que dans
les périodes d'exploration.
Finalement, il est assez difficile d'évaluer, de chiffrer
globalement, ce qu'il faudrait faire pour regarder le potentiel
pétroligène de la Gaspésie. Si on le regarde du
côté INRS-Pétrole, c'est sûrement des centaines de
milliers de dollars. Si on le regarde du côté des
sociétés pouvant explorer là-dedans, alors là, il
faut penser à des millions, des dizaines de millions de dollars.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Seulement une question, messieurs. Hier, devant cette
commission, nous avons parlé d'énergie douce et d'énergie
solaire. Il est venu également un scientifique, mais, je ne sais pas si
ses formules étaient empiriques. Il a essayé de nous
démontrer, même de nous prouver avec des formules que pour
conserver l'énergie au Québec actuellement, une maison
chauffée à l'aide des rayons solaires, même il a fait
mention de prix, on pouvait épargner jusqu'à 50%. Dans votre
rapport, j'ai pris connaissance que vous arrivez et vous démontrez de 1%
à 2%. Si cela avait été de 5% à 10%, je n'aurais
pas parlé, mais il me semble que c'est beaucoup et lui avait des
formules également. J'aimerais simplement savoir... Même ses
données étaient basées sur des prototypes de maisons au
Québec, non pas en France, au Québec, dont une à
Sainte-Flavie, en tout cas, près du fleuve Saint-Laurent, et une autre
maison, à Montréal, nous avions même la photo de la maison;
mais je vois à la page 8 que vous êtes rendus à 1% ou 2%
et, hier, c'était 50%.
On a répondu à une question que j'ai posée,
à savoir combien ça coûterait pour modifier une maison,
actuellement, unifamiliale, pour... Qui est président de la
commission, monsieur? ...pour modifier une maison unifamiliale, on m'a
dit qu'on pourrait modifier une maison, actuellement, pour $5000. Or, vous
arrivez avec les mêmes prix, $10 du pied carré, les
résultats seraient dans l'ordre de 10% à 15%; mais si ce sont
toutes les maisons unifamiliales au Québec 40% des gens demeurent
dans des maisons unifamiliales ce serait une économie de 1% ou
2%. Les chiffres ne concordent plus, je ne comprends plus. Est-ce que vous
pouvez m'expliquer?
M. Martel (Jacques): Je vais demander à Benoît Jean
de nous expliquer ça un peu plus.
M. Jean (Benoît): Un pour cent, ici, il s'agit d'un
pourcentage sur le bilan énergétique total de la province.
C'est-à-dire qu'on ne parle pas d'économiser, je crois, 50% de
toute l'énergie de la province en utilisant l'énergie solaire
pour le chauffage, puisque le chauffage lui-même ne représente pas
50%.
M. Goulet: Non, mais vous donnez 10% à 15% pour une
maison; lui donnait 50%.
M. Jean: Nous avons basé ces chiffres sur des
évaluations faites en particulier à Odeillo et que j'ai eu
l'occasion justement de revérifier la semaine dernière en
visitant deux projets importants de l'électricité de France,
où on a construit, dans le nord de la France, au Havre, et dans le sud,
près de Marseille, à Aramon, des groupes, non pas des maisons
individuelles, des groupes de maisons parmi un développement d'une
cinquantaine de maisons où on a pu faire, à ces endroits, des
bi-
lans énergétiques très bien évalués,
en ce sens que non seulement on en fait des bilans d'évaluation
scientifique en mesurant des températures et en mesurant des pertes
d'énergie, mais également en comparant à des maisons
exactement similaires et en comparant les bilans énergétiques de
chacun.
Or, au Havre et à Aramon, on arrive avec des rendements de
l'ordre de 40% à 50%. Je ne sais pas si vous êtes capable de
comparer le climat de la région de Marseille avec celui de la
région de Montréal. Il est assez évident, simplement en
regardant le nombre de degrés-jour dans les deux régions, que
nous sommes défavorisés par au moins, au départ, un
facteur deux. L'ensoleillement dans les régions sud de la France est
beaucoup plus élevé qu'ici. De plus, dans notre évaluation
de 10% à 15%, on n'a pas tenu compte d'expériences qu'on a
suggéré de faire, à savoir de déterminer
l'influence des phénomènes météorologiques comme la
neige, le verglas, le givre, que l'on rencontre dans nos régions et qui
se rencontrent très peu dans ces régions.
Or, justement, chez nous, le verglas se produit à des
températures extrêmement basses. On va nous répondre
généralement que ce verglas, sous l'action du soleil, va fondre
puisque le capteur va réémettre une partie de son énergie.
Si c'est le cas, ce capteur est inefficace. Par contre, si le capteur est
très efficace, il sera donc froid, le verglas ne partira pas, son
efficacité tombera.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Je voudrais revenir, M. le Président,
très brièvement, au pétrole dans la Gaspésie. Y
a-t-il d'autres moyens que le forage pour vérifier l'existence du
pétrole, sur le plan scientifique?
M. Desjardins (Michel): Au départ, pour être bref
encore une fois, il y a des études de terrain qui doivent être
faites pour déterminer si les formations qu'on va rencontrer au sous-sol
sont susceptibles d'avoir donné du pétrole. C'est ce qu'on
appelle le potentiel pétroligène des formations, c'est la
première chose que l'on fait d'habitude. La deuxième, c'est une
campagne sismique, c'est-à-dire qu'on envoie sur le terrain des camions
qui émettent des ondes et qui déterminent la séquence que
l'on rencontre au sous-sol et la troisième, c'est le forage.
Les campagnes sismiques dans la Gaspésie, il y en a eu
quelques-unes de faites, ça demande des moyens non négligeables.
Il faut construire des routes pour se rendre sur place, faire les études
et ça coûte très cher. Finalement, lorsqu'on voit des
pièges, il faut forer. Ces forages étant faits, qu'ils soient
secs ou pas, il faut faire une étude globale pour évaluer les
réservoirs et c'est à ce moment-là que nous,
IRS-Pétrole, on intervient, au départ, sur les campagnes de
terrains, lors de l'étude des échantillons de forage et, à
la fin, pour faire une synthèse globale.
M. Garneau: Quand vos deux premières opérations
donnent des indications de formation géologique où il pourrait
exister éventuellement du pétrole et que vous faites des
forages... Vous parliez de budget tout à l'heure, j'en ai discuté
déjà avec les gens de SOQUIP. J'avais l'impression qu'ils
jouaient à la roulette russe, parce qu'ils font des trous dans la terre
et, à un moment donné, c'est sec ou ce n'est pas sec. Je crois
que c'est une des raisons poor lesquelles on avait augmenté leur budget,
leur capitalisation, pour leur permettre de faire certaines opérations
de forage.
Mais y a-t-il un moyen scientifique de démontrer que si vous avez
fait un forage ici et que vous en faites un à 2000 pieds plus loin ou
à 3000 pieds plus loin, dans le fond, pour être sûr qu'il
n'y en a pas, il faudrait en faire à tous les 200 ou 300 pieds? C'est un
peu cela que je disais quand j'avais l'impression qu'ils jouaient à la
roulette russe. C'est une figure de style. Je comprends qu'il fallait bien
qu'ils le fassent, mais y a-t-il des moyens scientifiques de
déterminer... Quelle est la distance la plus rapprochée entre
deux forages pour faire la preuve qu'il n'y a réellement pas de
pétrole? Est-ce que, dans le fond, vous creusez ici et que si vous aviez
creusé 300 pieds plus loin, vous en auriez trouvé?
M. Desjardins: Non.
M. Garneau: Cela devient très difficile dans
l'établissement des priorités budgétaires, à un
moment donné, de dire: Est-ce que c'est $15 millions? Est-ce que c'est
$5 millions? Est-ce que c'est $500 000? Est-ce que c'est $10 millions? Vous,
vous nous dites qu'il y a possiblement du pétrole en Gaspésie.
Mais quand vous avez des ressources limitées, il peut y avoir des
erreurs de parcours dans l'utilisation des ressources budgétaires de
l'Etat. Ce n'est certainement pas déterminé à l'avance,
ces erreurs. Jusqu'où faut-il aller pour le savoir? Sur le plan
scientifique, y a-t-il une technique développée pour dire que
lorsqu'on a creusé des trous à tous les 3000 pieds, on est
sûr qu'il n'y en a pas, ou s'il faut en creuser à tous les 50
pieds?
M. Desjardins: Je vais essayer d'être le plus précis
et le plus bref possible. Forer à tous les 300 pieds, c'est impensable,
à moins qu'il y ait un problème très particulier de
production, et non d'exploration. On fore s'il y a des structures. Quand je
parle de structures, je parle donc de la forme des sédiments sous la
terre, qui permettent de penser qu'il y a pu y avoir accumulation de
pétrole.
De plus, on sait, au départ, que les formations qui sont
là, qu'on a déjà reconnues en surface, possèdent un
potentiel pétroligène élevé. Alors, quand vous me
posez la question: Est-ce que c'est jouer à la roulette? Non. C'est
aller forer sur des structures et de la façon la plus précise
possible. Pour cela, ce sont des études sismiques, de
géophysique, qui entrent en jeu. Je ne sais pas si cela répond
à votre question.
M. Garneau: Je comprends très bien ce que vous dites. J'ai
déjà eu le même genre d'explication. C'est bien difficile
pour une personne ou un gouvernement qui a à déterminer les
allocations budgétaires de dire: On arrête ou on continue.
Si vous me dites qu'il y en a, mais qu'il s'agit de le trouver, on peut
peut-être décider de mettre $20 millions. Mais si, après
les $20 millions, il n'y en a pas, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on continue
encore parce que vous croyez qu'il y en a? Qu'est-ce qu'on fait?
M. Desjardins: J'aimerais préciser ici que je n'ai pas dit
qu'il y avait du pétrole. J'ai dit qu'il y avait un potentiel
pétroligène. Mais j'ai posé la question: Est-ce qu'il y a
des réservoirs? Pour savoir s'il y a des réservoirs, il faut
forer. En surface, on peut dire: Oui, telle roche peut contenir du
pétrole, c'est-à-dire qu'elle a la porosité, la
perméabilité qui permettent au pétrole de s'incruster dans
la roche et de former un réservoir.
Le potentiel pétroligène, on peut le déterminer
facilement. On regarde la quantité de matière organique qu'il y a
dans les sédiments, on regarde sa maturité, autrement dit, la
pression et la température qu'a subies cette matière organique.
On dit: Oui, il y a eu formation de pétrole. Où est-il
allé? Est-ce qu'il a migré? Est-ce qu'il est allé vers un
réservoir? C'est là où les forages entrent en ligne de
compte.
Il ne faut pas se leurrer. A partir du moment où on trouve une
belle structure, on va la forer, on va courir le risque de la forer, mais les
forages sur terre, présentement, peuvent aller jusqu'à $200 000
ou $300 000. Dans la mer du Nord, on a foré une centaine de trous avant
de pouvoir dire quelque chose de vraiment intéressant sur
l'étendue des réservoirs. Dans d'autres endroits, dans la mer du
Labrador, il y a eu moins de forages, parce qu'on a eu un peu plus de chance,
mais il va se forer des centaines de trous et il va se dépenser des
centaines de millions de dollars.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Au début, vous vous êtes demandé
si vous étiez des bons ou des mauvais scientifiques. Pour permettre
à la commission de vous classer, est-ce que je pourrais vous demander ce
que vous pensez en tant que scientifiques de la demande de moratoire suspendant
tout recours à l'électronucléaire présenté
par le Conseil québécois de l'environnement?
M. Martel (Jacques): En tant que scientifiques ou en tant
qu'individus?
M. Brassard: Scientifiques.
M. Martel (Jacques): Je pourrais vous faire la réponse
classique d'un scientifique: En tant que scientifique, je n'ai pas d'opinion
comme telle. Je pense que, finalement, ce qui est important je ne sais
pas si le moratoire comme tel est le mode c'est de savoir si on peut
faire autre chose que du nucléaire. Si oui, à quel prix?
Préfère-t-on importer du pétrole?
Préfère-t-on importer du gaz? Quelles vont être les
pénalités? Il faudrait que ceci soit expliqué clairement
aux gens. On a mentionné hier un type de référendum ou une
autre forme de consultation. Il faudrait que les détails soient
clairement définis. Ce n'est pas à moi de prendre une
décision là-dessus. Ce n'est pas aux scientifiques de prendre une
décision.
Si on n'a pas le nucléaire, qu'est-ce que cela implique? Cela
implique peut-être que l'hiver il faudrait chauffer moins, avoir des
maisons plus froides? Est-on prêt, préfère-t-on avoir des
maisons plus froides et porter un chandail que d'avoir du nucléaire?
C'est au peuple de décider si c'est cela qu'il veut. Si c'est cela qu'il
veut, faisons-le. S'il aime mieux, par exemple, les risques étant
connus, avoir des centrales nucléaires et garder un certain niveau
énergétique, si on peut parler de comportement
énergétique, c'est à lui de le décider, parce que,
finalement, ce sont ses choix, ses priorités. C'est un peu cela que je
mentionnais en disant que c'était une détermination, proprement
la nôtre, du peuple comme tel.
Je ne peux pas vous dire: Personnellement, cela ne me ferait rien de
vivre à côté d'une centrale ou, personnellement, je ne veux
pas vivre à côté d'une centrale nucléaire. C'est mon
choix en tant qu'individu que j'exprimerai à ce moment mais, en tant que
scientifique, je n'ai qu'à exposer les choix, en le faisant bien.
M. Brassard: En tant que scientifique justement.
M. Martel (Jacques): Le plutonium, c'est une chose; les produits
radioactifs, c'en est une autre. Le plutonium, c'est un combustible. Il se
brûle. Son problème, c'est de le transporter, le stocker,
jusqu'à temps qu'on le fasse brûler à nouveau. Une fois
brûlé, il disparaît. Il n'y en aura plus de plutonium. Il va
en produire d'autre par l'uranium 238. Il faut savoir... Je ne sais pas, la
demi-vie de l'uranium naturel dans la terre est de dix millions ou cinquante
millions d'années.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président! C'est dans la
même ligne de pensée, mais sans vouloir lier un débat entre
des groupes qui se succèdent; ce serait un peu injuste, puisque vous
n'avez pas les uns vis-à-vis des autres des droits de réplique.
Il reste, sur le terrain des jugements scientifiques, des possibilités.
Evidemment, vous pouvez me dire que vous n'êtes peut-être pas en
mesure de répondre à cela, parce que c'est une affirmation qui
est très large. On nous a dit tout à l'heure vous
étiez présent, je crois que, si on se borne à la
production de l'énergie électrique avec des moyens connus qui
n'impliquent aucune restriction indue du libre choix des individus et aucune
baisse de notre niveau de vie, il est possible de
restreindre à des proportions qui ont été
mentionnées je pense que c'est 35 mégawatts la
demande globale d'énergie électrique pour la fin du
siècle.
Comme scientifique, connaissant présumément ces
mêmes moyens d'économie d'énergie et supposant que les
décisions nécessaires seraient prises pour utiliser ces moyens,
êtes-vous d'accord que ceci est possible actuellement? Ou, plutôt,
indiquez-vous qu'il y a toutes sortes de recherches à faire avant
d'être vraiment sûr que c'est possible ou pas?
M. Martel (Jacques): Une réponse complète
demanderait une étude du type d'industries et tout cela, parce qu'elles
aussi en consomment. Je crois qu'on peut faire un gain. Dans le fond, la
conservation, c'est une nouvelle source d'énergie, parce que cela nous
permet de sauver 10%; en produire 10% de plus ou en sauver 10%, c'est la
même chose. Le chiffre exact, c'est très difficile. Je
préférerais ne pas répondre à cela, parce que je
n'ai pas les chiffres ou les données en main. L'Hydro-Québec est
peut-être capable de le faire. Surtout, pour les chiffres dans le domaine
électrique, c'est tellement échangeable, les sources
d'énergie, que vraiment je préfère ne pas répondre
à cette question.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: C'est à la fois une question et un
commentaire. Ce n'est pas à tous les mémoires qu'on a l'occasion
de se poser des questions qui touchent à la fois une certaine
philosophie sociale, une philosophie politique, une certaine conception de la
société, en somme, qui doit diriger nos gestes et nos choix. Il y
a une chose, je pense, un des postulats sur lesquels vous fondez un peu votre
attitude et vos opinions cet après-midi, qui est hautement discutable.
C'est celui de savoir que vous affirmez que la science est neutre. C'est un
sujet hautement discuté parmi les scientifiques, mais, pour employer
l'expression d'une autre langue, je pense que la science est "value oriented"
ou "free oriented", ou plutôt "value free". On dit qu'elle est soit
orientée vers des valeurs ou qu'elle n'est pas orientée par des
valeurs. Il y a un débat entre les scientifiques sur le sujet. Vous
êtes un partisan évident de l'optique qui fait que la science est
censément neutre, "objective", qu'elle n'est pas liée à un
système de valeurs, alors que je pense que l'histoire de la science
montre l'inverse. La science a toujours été liée à
des choix faits par des sociétés, faits par des systèmes
économiques ou des systèmes politiques et les hommes de science
eux-mêmes ont été partie liée. Ce ne sont pas des
abstractions dans notre système social, dans notre système
économique, dans notre système technique. Je reviens. On a
posé la question, je ne la reposerai pas directement, mais je vais
plutôt faire un commentaire, en fait, et dire que je crois qu'il est
inacceptable de la part d'un scientifique de ne pas répondre à la
question sur le nucléaire. On vous a dit: On nous propose un choix qui
est de stopper le nucléaire au Québec, un moratoire. Vous avez
dit: Sur cette question, en tant qu'homme de science, finalement, je n'ai rien
à dire, alors que, dans d'autres mémoires, des hommes de science
nous disent beaucoup de choses et des choses qui doivent influencer notre
jugement, à mon sens. Quand on nous dit que je peux choisir d'aller dans
une voiture à cheval ou de prendre une auto, cela a des
conséquences sur le rythme de vitesse, mais si je choisis de me lancer
dans le nucléaire plutôt que dans l'hydroélectrique, on
introduit la notion de temporalité, tantôt la notion de temps. Je
n'ai pas la même référence au niveau du temps et des
conséquences. Ce sont des choses que les hommes de science doivent dire
et qui ont des conséquences qui, en fait, déterminent les choix
et impliquent des choix. Alors, sous cet aspect, vous aurez le dernier mot,
vous aurez la réplique, après le long commentaire-question, je me
tairai. Mais votre mémoire me déçoit, je dirais, parce
qu'il indique qu'il faudrait se poser beaucoup de questions, mais il nous dit
finalement qu'en même temps, jusqu'à maintenant, vous n'avez pas
le cadre des réponses.
M. Martel (Jacques): Vous nous dites, d'une part, que les
scientifiques orientent la science par différents moyens. Lorsqu'ils ne
le font pas, vous nous dites: Oui, mais vous ne nous dites pas ce qu'on doit
faire. Est-ce que vous pensez vraiment que les scientifiques aiment travailler
sur les bombes, que c'est un gros "fun" et qu'ils veulent que tout le monde se
tire des bombes par la tête? Quand même pas. On est orienté
énormément par des décisions politiques, beaucoup plus
peut-être que les politiciens ne le réalisent, et l'argent
disponible dans un domaine fait que tranquillement la science se dirige vers ce
domaine. Il y a beaucoup d'exemples à cet effet. Peut-être qu'il
faudrait connaître un petit peu plus chacun son domaine pour savoir.
D'autre part, je pense bien que, le reste, on peut le laisser comme
débat. Personnellement, je suis d'accord qu'un scientifique doit, dans
la mesure du possible, donner tous les faits qu'il connaît, les
présenter le plus objectivement possible. Ce que je voulais dire,
c'était uniquement qu'il doit présenter les faits et tout ce
qu'il connaît, mais il n'a pas à choisir pour les autres.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre.
M. Joron: Oui. Je voulais poser au monsieur qui a
présenté le mémoire de INRS-Pétrole une simple
question. Vous semblez croire très fortement à un potentiel
pétroligène élevé dans la Gaspésie,
peut-être aussi, et par extension, dans le golfe Saint-Laurent. Vous
pourrez peut-être apporter une précision là-dessus. Mais ce
qui m'étonne, dans cette affirmation, c'est que dans une époque
de pénurie ou enfin de quasi pénurie, surtout à une
époque où les pays consommateurs sont, disons, très
inquiets de leur dépendance vis-à-vis des pays de l'OPEP et
qu'ils engagent des fonds considérables dans l'exploration de nouvelles
res-
sources, comment se fait-il, si votre affirmation est exacte, qu'il n'y
a pas une nuée de gens prêts à faire du forage dans cette
région?
M. Desjardins: Dans mon mémoire, je parle de
découvertes faciles. Au point de vue géologique, on va diviser la
province en deux: le nord du Saint-Laurent et le sud. Au nord, il n'y a pas de
pétrole, c'est du cristallin, on le sait. Il reste le sud. C'est petit.
Il y a des bassins sédimentaires qui sont non négligeables et
considérés par les multinationales encore comme une "frontier
area", c'est-à-dire un endroit où il sera difficile de trouver du
pétrole, beaucoup plus difficile qu'à d'autres endroits, à
cause de la complexité géologique. Les problèmes
géologiques n'ont pas encore été assez
étudiés, et c'est là où entrent les études
géologiques au Québec, pour susciter cette exploration vers la
province de Québec. C'est mon opinion.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de la
coopération que vous avez apportée à cette commission.
J'appelle maintenant le groupe Northern and Central Gas Corporation.
Vous avez environ le même temps pour votre exposé et
période de questions.
Northern and Central Gas Corp. Ltd
M. Leroux (Jean-Jacques): M. le Président, messieurs,
avant de vous donner un exposé de notre mémoire, permettez-moi de
me présenter. Mon nom est Jean-Jacques Leroux, ingénieur,
président de Northern and Central Gas Corporation, localisée
à Toronto, et filiale à part entière de Nor-son Energy
Resources Limited.
A ma droite, Me René Amyot, notre avocat, procureur et
également vice-président et administrateur d'une filiale
appelée le Gaz Provincial du Nord du Québec, qui opère
dans la région de Rouyn-Noranda, et à ma gauche, M. Les Hartford,
qui est vice-président aux opérations, qui avait la
responsabilité de la préparation de ce mémoire, et M.
Sharp, qui est président des conseillers en matière
d'énergie de Zinder and Associates of Canada, et nous sommes à
votre disposition, après notre exposé, pour répondre
à vos questions.
M. le Président, nous sommes heureux de l'occasion qui nous est
donnée de présenter notre mémoire devant la commission
parlementaire ici réunie. La société Northern and Central
Gas Corporation Limited oeuvre depuis l'année 1965 dans l'industrie du
gaz naturel au Québec. Au début, elle distribuait du gaz naturel
dans la région de Rouyn-Noranda sous la raison sociale du Gaz Provincial
du Nord du Québec Limitée.
Après avoir fait l'acquisition, en 1967, des actions de Gaz
Métropolitain, nous avons étendu notre activité par le
truchement de Gaz du Québec, qui est maintenant implanté dans la
ville de Sherbrooke où on distribue du gaz propane.
En dehors du Québec, notre société opère
également des réseaux de distribution de gaz naturel en Ontario
et au Manitoba, principalement dans la région communautaire de
Winnipeg.
En raison même de ces intérêts que nous
détenons, nos préoccupations se situent avant tout dans le
domaine du gaz naturel.
Nous pensons que la demande du gaz naturel et d'autres sources
d'énergie ne cessera de s'accroître dans la province de
Québec et qu'elle engendrera, du même coup, des difficultés
d'approvisionnement. Si nous voulons trouver des solutions à ce
problème d'importance majeure, c'est avec fermeté et un souci de
centralisation que nous devons aborder l'étude d'une politique de
l'énergie qui prenne en considération l'offre et la demande.
Jusqu'à maintenant, le gaz naturel n'a pas joué un
rôle important dans le tableau énergétique du
Québec. Je crois que, précédemment, quelqu'un avait
mentionné que c'était à peu près 5% de
l'énergie totale consommée au Québec.
Nous sommes d'avis que ce combustible favorisera l'essor
économique du Québec, dans la mesure où cette province
pourra en disposer en qualité suffisante.
J'aimerais demander maintenant à Me Amyot s'il peut vous donner
un court résumé des points importants de notre
mémoire.
M. Amyot: M. le Président, MM. les membres de la
commission, permettez-moi de vous rappeler au tout début que la
Corporation Northern & Central Gas, en raison des liens étroits
qu'elle a ici, au Québec, avec Gaz Métro, Gaz du Québec et
Gaz provincial du nord, est profondément engagée dans le secteur
de l'énergie. La corporation estime souhaitable la réalisation
d'une étude globale ayant pour but de prévoir les
quantités, les prix de l'énergie, ainsi que le rôle que le
gaz naturel sera appelé à jouer à long terme. Il faut
éviter, par contre, que les objectifs à long terme, quels qu'ils
soient, compromettent ou retardent les changements que nous devons implanter
dans l'immédiat ou à court terme pour améliorer la
disponibilité de l'énergie.
Les besoins de gaz des clients actuels ou potentiels doivent être
assurés. Les conséquences et l'importance des engagements
financiers pour les projets d'approvisionnement en gaz à long terme,
tels la Canadian Arctic Gas Pipeline et le projet de Polar Gas, doivent retenir
l'attention d'une façon particulière. Ce sont deux choses
extrêmement importantes, je crois, pour l'avenir du Québec ici,
principalement le projet de Polar Gas. Evidemment, il reste à voir de
quel côté de la baie d'Hud-son cette ligne pourra se faire, soit
à l'ouest, soit à l'est, du côté du
Québec.
Mais, un approvisionnement en gaz doit être solidement
établi pour les consommateurs actuels et éventuels de ce
combustible. Le Québec pourrait disposer d'approvisionnements
assurés si le Canada réduisait ses exportations de gaz naturel;
le Québec, par substitution, exporterait davantage
d'électricité. En prévision des pénuries possibles
d'énergie, il faut envisager des programmes de répartition
susceptibles d'assurer la protection des consommateurs. Il faut notamment
prévoir une répartition rationnelle des diverses sources
d'énergie, de manière à favoriser les rendements
et les économies d'échelle pendant la croissance
anticipée des besoins en énergie.
Bien qu'un régime de réglementation prévoie des
mécanismes de contrôle assurant aux consommateurs une protection
satisfaisante, des améliorations peuvent être envisagées
dans ce domaine. Notre corporation estime que votre commission devrait
étudier les effets des sources d'énergie non
réglementées sur les sources d'énergie qui le sont,
c'est-à-dire à l'égard desquelles des prix ont
été établis et font l'objet d'une surveillance. Il est
souhaitable, par contre, de préconiser le recours au stockage souterrain
et d'utiliser dans une plus large mesure des réservoirs de gaz naturel
liquéfié. Ce type de stockage offre, entre autres avantages, une
sécurité d'approvisionnement pour le consommateur et des
coûts de transport inférieurs.
Le prix réel de l'énergie à la consommation doit
être examiné à la lumière des différences
at-tribuables aux impôts provinciaux et aux taxes municipales que paient
les fournisseurs. Il y aurait lieu également d'étudier les
rapports entre les coûts du pétrole et du gaz au point de
livraison, tels que définis dans les règlements établis en
vertu de la Loi sur l'administration du pétrole.
Malgré le caractère particulier de l'exposé de la
corporation Northern & Central Gas, cette corporation apprécie
l'occasion qui lui est offerte d'exprimer ici son point de vue sur la nouvelle
politique de l'énergie que le gouvernement du Québec doit mettre
en place. Gaz Métro, comme on le mentionnait tout à l'heure, est
bien une filiale à 82% de notre société, qui se classe en
tête parmi les services de distribution de gaz naturel au Québec.
Elle a déposé, comme vous le savez, un mémoire sur la
question qui nous préoccupe aujourd'hui. En effet, Gaz Métro, je
pense, sera entendue le 17 février prochain.
La corporation désire ajouter que notre présence,
aujourd'hui, indique que la société Northern and Central Gas
apportera à sa filiale principale, Gaz Métro, l'appui financier
dont la compagnie aura besoin dans le rôle qu'elle aura à jouer au
sein d'une nouvelle politique énergétique. Cet appui tiendra
compte de la possibilité, pour Gaz Métro et Northern and Central,
de se procurer, à un coût raisonnable, les fonds
nécessaires.
Ce mémoire, nous le croyons, aidera ou, nous l'espérons,
pourra aider, d'une façon ou d'une autre, ceux qui ont pour tâche
de statuer sur cette nouvelle politique énergétique. Nous
profitons de cette occasion pour assurer l'entière collaboration de la
compagnie à la commission et au gouvernement. Nous vous remercions de
votre attention et, encore une fois, M. le Président, si vous avez
certaines questions qui peuvent être dirigées, nous tenterons d'y
répondre.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Joron: Vous venez tout juste de dire que Northern and Central
Gaz est prête à apporter à sa filiale, Gaz Métro,
tout l'appui financier nécessaire à son expansion. Je relie cela
à deux questions que vous avez soulevées, celles de la
répartition et de la place que doit occuper le gaz naturel dans le bilan
énergétique du Québec. Compte tenu des sources
d'approvisionnement possibles, à l'heure actuelle, celles qui sont
prévisibles pour les années quatre-vingt et ainsi de suite,
à combien estimez-vous la part raisonnable que pourrait occuper le gaz
naturel dans le bilan global énergétique du Québec?
M. Leroux: M. le ministre, les prévisions à long
terme d'utilisation de gaz naturel au Québec, ou n'importe où
ailleurs dans la province, comme vous pouvez facilement le constater, sont une
question très délicate et très difficile à
déterminer simplement en regardant la question du côté
compétitif entre les diverses sources d'énergie, ou des sommes
qui sont disponibles, à certains tarifs, aux utilités dans
certaines régions, et aussi, le genre de promotion et le genre de
contrôle qui peuvent exister sur une source d'énergie, qui
n'existe pas sur une autre... En d'autres mots, je ne puis dire directement, et
exactement ce qu'il va y avoir dans la province. Un chiffre de grandeur serait
que, si l'élan qui existe actuellement en Al-berta où de plus en
plus, il y a un accroissement continuel depuis certainement, il y a eu un
relâchement en 1973-74... en 1976, plus de 4700 puits ont
été forés et beaucoup ont été des puits
producteurs. Les réserves ont sensiblement monté dans des
réserves qui ne se qualifient peut-être pas comme des
réserves à très long terme, comme les réserves,
dans le temps, des champs Leduc, etc. Si on prend aussi en considération
le fait, au point de vue de la conservation d'énergie, que les
utilités publiques, les industries, de même que les consommateurs
ont mis "en force", je dirais avec force... nous, comme utilité
publique, travaillons dans trois provinces au Canada, et pouvons vous dire
présentement, comme récemment à Winnipeg, où il y a
eu une conservation d'énergie, un programme par le gouvernement assez,
je pourrais dire, féroce, que nous voyons que, en 1976, la consommation
moyenne, sur une base normale de température, a baissé de 7.6%,
contre 1976 qui est un chiffre assez phénoménal. Nos hommes de
service, lorsqu'ils entrent dans les maisons, nous disent qu'ils constatent que
les thermostats, durant le jour, sont à 68 ou 65 degrés. On
remarque aussi qu'on a des demandes, on a des programmes de financement qui
facilitent, rendent disponibles des fonds aux propriétaires pour
améliorer l'isolation thermique des maisons, encore une fois, pour
réduire la consommation de gaz.
Donc, du côté conservation, on peut s'attendre que ceci va
libérer certaines quantités de gaz qui peuvent devenir
disponibles pour un accroissement de la demande actuelle. Mais nous ne pouvons
pas, comme on dit en anglais, "hang your hat" dans cet élément.
Cela va prendre du gaz qui va venir de sources autres que l'Alberta d'ici 1982,
1983. Si on regarde les réserves de pétrole et de gaz, nous
voyons que dans un avenir pas si lointain, peut-être 1985, l'Alberta sera
loin, de suffire aux exigences des marchés actuels au
Canada. Il faut donc, comme M. Annyot le disait tout à l'heure,
que les gouvernements, fédéral et provinciaux, prennent une part
active à l'apport sur leurs marchés d'une source d'énergie
qui est en assez grande quantité, mais non encore prouvée. Tout
de même, dans le delta du Mackenzie, présentement, il y a à
peu près cinq à six trillions de pieds cubes de gaz à
prouver, avec un potentiel éventuel aussi grand que 200 à 250
millions.
Un projet tel que le Canadian Arctic Gas Pipeline Ltd., comme vous le
savez, est à l'étude et a soumis une demande de
réalisation à Ottawa, à l'Office national de
l'énergie. Ceci amènerait sans aucun doute une relève ou
un soulagement, tous les services publics exprimant au Canada actuellement le
désir d'investir des fonds à long terme. Lorsqu'on va chez un
prêteur et qu'il dit: Je vous avance en première hypothèque
$1 million, il y a dix ans ou quinze ans, on avait des termes de remboursement
de dette qui allaient jusqu'à 25 ans. Aujourd'hui, on est chanceux
d'avoir quinze, seize ou dix-sept ans. Pourquoi? Parce qu'il se dit: C'est bien
beau ce réseau de distribution, mais si, au bout de quinze ou seize ans,
il n'y a plus de ressources de gaz naturel, qu'est-ce qu'ils vont en faire?
M. le ministre, il y a un point cependant que j'aimerais préciser
qui, peut-être, éclairerait un peu mieux la question de
philosophie ou de principe, je crois, comme vous me l'avez demandé. Au
point de vue de l'énergie, je crois que tout pays, tel que le Canada,
les Etats-Unis ou la Suède, qui ont été mentionnés
tout à l'heure, ne peut avancer, progresser de toutes les façons,
au point de vue culturel, au point de vue du sport, de la science, etc., que
s'il a à sa disposition une source d'énergie appréciable
pour répondre aux exigences de la technologie des années 1975 qui
vont augmenter encore plus lorsqu'on va entrer dans les années 2000,
2100. Je m'avance peut-être loin dans l'avenir, mais je me rappelle que
quand j'étais jeune et que je regardais les bandes dessinées
"cartoons" de Buck Rogers, je trouvais cela un peu enfantin, parce que
j'étais enfant, mais aujourd'hui je trouve que demain nous serons
peut-être tous dans ces avions. Par cet exposé, j'essaie
d'établir le fait que l'énergie est requise si nous voulons
rester en vie. Il y a des questions de prix relativement aux besoins lorsqu'on
parle d'énergie, qui ne sont pas aussi sensibles que le débit
d'un type d'énergie qui est utilisé d'une façon ou d'une
autre. Un exemple: l'électricité est utilisé pour le
chauffage considérablement au Québec, un peu moins en Ontario,
mais tout de même... Si on regarde le prix unitaire par BTU, par
unité de chauffage unitaire, on remarque peut-être que le prix est
presque une fois et demi sinon deux fois le prix du gaz naturel ou du
pétrole. La personne choisit cela parce que c'est cela qu'elle veut
avoir. Par contre, s'il n'y a pas suffisamment d'énergie de tous les
genres, gaz, pétrole, nucléaire, électricité, en
quantité suffisante pour répondre à tous les besoins
énergétiques, le prix n'entre presque plus en
considération.
Chez vous, si vous avez une famille, vous avez le devoir de garder votre
famille en santé, de la loger, de chauffer les lieux où vous
habitez, etc. Si vous dites: Moi, j'aime mieux le gaz naturel, mais le gaz
naturel, il n'y en a plus et il n'y a que de l'huile à $10 le gallon, je
crois que vous allez acheter l'huile à $10 le gallon; vous ne pouvez pas
vous en passer. Peut-être allez-vous vendre votre Cadillac, marcher
à pieds avec de bonnes chaussettes.
En d'autres mots, ce que je veux dire, c'est que lorsque
l'énergie est abondante, comme elle l'a été dans les
premières années de la découverte du gaz naturel, du
pétrole en Alberta, il y a, comme on peut dire, un gros gaspillage de
l'énergie. Aujourd'hui, ces gaspillages sont terminés et on est
dans une période de conservation assez importante.
Le genre d'économie qu'on peut considérer au point de vue
industriel, commercial dans un pays qui est plutôt industrialisé,
commercialisé, comme de raison, est beaucoup plus considérable
que dans un pays qui a à sa base, comme le Brésil,
l'agriculture.
M. Joron: M. Leroux, si vous permettez. Si on prenait un pari,
par exemple, si on comptait sur les nouvelles sources d'approvisionnement de
gaz venant du delta du Mackenzie ou de l'Arctique vers 1980 ou 1985. A ce
moment-là, à quel coût estimez-vous le prix de ce gaz
livré à Montréal, par exemple, en 1983, 1984 ou 1985, dans
ce coin-là? D'autre part, si on devait étendre
considérablement le réseau de distribution de gaz naturel au
Québec, parce qu'on ne peut pas l'acheter s'il n'y a pas un
réseau pour le distribuer, ce qui implique qu'il faut faire des
investissements, il y a un pari à prendre. A ce moment-là, il
faut être sûr qu'on va avoir du gaz qui va nous être
livré. Dans quelle mesure votre société, d'une part, peut
nous assurer ces approvisionnements? Et finalement, étant donné
que vous avez des filiales qui distribuent du gaz naturel dans le Nord de
l'Ontario, Winnipeg, et il y en a peut-être d'autres que j'oublie, par
quel mécanisme décidez-vous de la répartition des
investissements de vos filiales? Quels critères guident Northern and
Central Gas pour décider si on prolonge le réseau de Greater
Winnipeg Gas ou Gaz Métro, ainsi de suite?
M. Leroux: Très bonne question. Au point de vue du
coût du gaz de l'Arctique, je suis certain que les compagnies comme Gulf,
Shell ou Petro-fina qui vont nous suivre sont beaucoup plus au courant de
ça, mais nous sommes membre, comme vous le savez, du consortium qui se
propose de construire cette ligne. Je dirais que dans la région
Toronto-Montréal, au commencement, le prix va être plus
élevé jusqu'à ce qu'on ait atteint la capacité de
charroyage, j'utilise cette expression, du pipe-line, qui est prévu pour
le Canada à 2,5 millions de pieds cubes de gaz par jour. Je dirais qu'au
commencement le coût serait peut-être de $3.25 ou $3.50. Lorsqu'on
aura le transport au complet, l'utilisation maximum du pipe-line, ce serait
peut-être à $2.75.
M. Joron: Juste en passant. Si on devait, par exemple, doubler ou
tripler le volume de gaz
qu'on achète actuellement au Québec, quel effet cela
aurait-il sur la capacité de transport de Trans-Canada Pipe Lines?
Est-ce que physiquement...
M. Leroux: II n'y a aucun doute que TransCanada Pipe Lines, pour
satisfaire aux nouvelles exigences, va être obligée de dessiner ou
de construire des facilités additionnelles pour prendre soin de ces
nouveaux débits.
M. Joron: Pourriez-vous me dire...
M. Leroux: Ce prix-là est compris dans le prix que je vous
ai donné.
M. Joron: D'accord. Pourriez-vous répondre aux deux autres
questions que je vous ai posées? Quel rôle pouvez-vous jouer pour
assurer des approvisionnements? La deuxième question, comment
répartissez-vous vos investissements entre vos filiales, à partir
de quel critère?
M. Leroux: L'assurance d'approvisionnement, comme vous avez si
bien dit, il n'y a aucun doute qu'aucun système de distribution ne
devrait, comme je l'ai dit tout à l'heure, s'étendre sans savoir,
premièrement, s'il y a un approvisionnement à long terme pour
satisfaire aux besoins des consommateurs qui vont se rattacher à ce
système de distribution.
Je crois que si nous avons le gaz requis à long terme et si un
marché existe au Québec ou ailleurs, au Québec surtout,
s'il y a une demande pour notre produit, étant donné son prix, et
j'ai fait la nuance que cela n'avait pas tant d'importance que cela, ce qui
existe, cependant, c'est le fait qu'un système de distribution, comme un
système de distribution électrique, ne peut être profitable
ou rentable que s'il y a une certaine saturation rattachée à ce
système. L'électricité, c'est simple, toutes les maisons
ont des lumières, toutes les maisons ont des cadrans, ont des
téléviseurs, ont ceci et cela.
Mais, au point de vue du gaz, si je bâtissais un système de
distribution et que je n'avais un client qu'à toutes les cinq ou six
heures, je ne crois pas que le projet serait rentable, parce que la
capitalisation requise par dollar de revenu serait insuffisante et il faudrait
automatiquement un certain subside de la part d'un autre groupe de clients qui
seraient plus concentrés.
En d'autres mots, un exemple, c'est que le marché de
Montréal, avec sa concentration, qui est un marché assez
appréciable, servirait de subside à un développement de
gaz naturel dans la ville de Québec pendant un certain temps. Cela ne
peut pas être autrement que cela pour autant que je suis concerné.
Il faudrait, autant que possible, que le Québec ait un seul distributeur
pour pouvoir englober tout cela.
Prenons Sherbrooke comme exemple. Nous avons dit tout à l'heure
que nous avons une filiale qui fait affaires à Sherbrooke.
Présentement, nous sommes en voie d'abandonner peut-être le projet
de Sherbrooke. Premièrement, nous n'avons pas le gaz naturel à
Sherbrooke, nous perdons des clients continuellement; alors, il n'y a pas lieu
d'introduire du gaz naturel à Sherbrooke demain, avec la construction
d'une ligne de 100 ou 120 milles de Montréal, sans savoir si on a du gaz
à long terme et, deuxièmement, si on va avoir une certaine
saturation. C'est cela le gros point.
C'est pour cela que, dans notre mémoire, nous parlons je
ne sais pas si c'est le bon mot français, "allocation"
"d'allocation". Déterminer qu'une région va peut-être...
D'accord, dans cette région, nous allons promouvoir l'utilisation de
l'électricité; dans cette autre région, qui est
essentiellement industrielle, nous allons promouvoir le gaz naturel ou l'huile,
etc.
Il va falloir absolument que des considérations comme cela soient
faites. J'en viens encore au fait que l'investissement est rattaché
complètement à la saturation du réseau, la même
chose que dans le réseau éjecté ou dans le facteur de
charges.
Maintenant, dans votre dernière question, combien alloue-t-on de
fonds, je crois que c'est cela que vous aviez à l'esprit. Ce n'est pas
comme cela, M. le ministre, que l'on détermine, à Northern and
Central ou Norcen, si on a tant d'argent dans nos coffres, en disant; Toi,
voici $5, $15, etc. Chaque compagnie est autonome. Montréal et Winnipeg
sont complètement autonomes au point de vue de leur budget et
déterminent, d'après l'exigence de la concession qu'elles
exploitent, le marché qu'elles entendent rattacher durant cette
année-là, le montant qui sera requis pour la construction afin de
rattacher ce marché et, en plus de cela, la construction requise pour
maintenir le réseau dans un état sécuritaire et qui rend
service aux clients comme ils en ont besoin.
Lorsque ces budgets sont présentés, la compagnie alloue
les fonds nécessaires après approbation, par chaque bureau de
direction de chaque compagnie, du budget et d'une capitalisation requise, d'un
fonds de roulement requis, pour faire cette construction. Ce n'est pas la
question de dire que nous n'avons que tant de dollars et de dire à un
client: On ne te fournit pas le gaz, ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'argent.
Je ne crois pas que nos concessions nous donnent cette liberté aussi
claire.
Je crois que c'est un principe très simple. En d'autres mots, ce
que vous voulez dire, en supposant que le profit sur le dollar investi à
Winnipeg est plus grand que celui investi à Montréal ou à
Québec, on dirait: On va investir notre dollar là et Winnipeg et
Montréal, elles, n'en auront pas. Ce n'est pas comme cela. Les demandes
sont déterminées, nous satisfaisons aux exigences de nos
concessions.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Laurent. Est-ce qu'il y aurait possibilité, dans vos
réponses, d'être assez bref et le plus clair possible, s'il vous
plaît?
M. Leroux: Oui.
M. Forget: Vous indiquez dans votre mémoire, avec raison
d'ailleurs, que le gaz naturel est une source énergétique
très importante pour l'industrie. Il y a donc un intérêt
considérable à ce que le prix du gaz naturel, en provenance de
l'Ouest du pays, qui est livré dans les zones industrielles, par
exemple, du Québec par rapport aux zones industrielles de l'Ontario,
respecte un certain équilibre ou soit sur une base de parité.
Tout à fait à la fin de votre mémoire, aux pages 16
et 17, vous faites certaines recommandations de changement dans la
méthode de détermination des prix, présumément par
l'Office national de l'énergie. Seriez-vous assez bon d'expliquer aux
membres de la commission un peu comment jouent les critères actuels et
comment joueraient, dans ce sens d'un équilibre Ontario et
Québec, les critères que vous proposez?
M. Leroux: Oui, la question est que c'est un rapport que nous
faisons avec ce qui pourrait exister dans l'industrie du gaz qui existe depuis
un certain temps au point de vue de l'huile. En d'autres mots, il y a un prix
fixé d'huile, OPEP, qui entre à Montréal, et la
différence entre cela et l'huile qui vient de l'Alberta est
subventionnée par le gouvernement fédéral.
La relation que nous faisons ici est une relation semblable qui pourrait
exister au point de vue industriel seulement, je crois. Par le fait que nous
sommes réglementés, nos prix sont fixés. Nous n'avons
aucune latitude. Lorsqu'une compagnie d'huile arrive avec un surplus d'huile no
6, elle peut dire à un client: Je comprends, notre contrat est de $0.25
le gallon, mais j'en ai sur les bras, voici $0.22 et je te le donne. Nous ne
pouvons pas faire cela. Les prix sont fixes. C'est le rapport que nous essayons
de faire ici. Je ne sais pas si ce sera faisable, mais c'est une suggestion que
nous faisons qui devrait être étudiée.
M. Forget: Dans le cas du gaz naturel, il n'y a pas
d'importation, à l'heure actuelle, au Canada. Tout vient de
l'Alberta.
M. Leroux: D'accord.
M. Forget: La même règle ne pourrait pas s'appliquer
de la même façon, du moins. C'est le mécanisme...
M. Leroux: Elle pourrait s'appliquer vis-à-vis de
l'huile.
M. Forget: Oui, elle s'applique vis-à-vis de l'huile,
puisque, bien sûr, la subvention qui est versée relativement
à l'huile importée est financée, au moins en partie, par
certaines taxes et certains prélèvements sur l'huile domestique,
y compris celle qui est exportée aux Etats-Unis.
Dans le cas du pétrole, on voit mal que votre suggestion soit
identique, c'est plutôt une réglementation qui produirait par
elle-même et à un niveau uniforme de prix pour l'usage industriel,
à Montréal, pour prendre cet exemple, à Toronto par un
mécanisme qui obligerait les compagnies distributrices à se
subventionner elles-mêmes, à subventionner un marché avec
le produit de l'autre, en quelque sorte.
M. Leroux: Non, ce n'est pas tout à fait notre intention,
M. Forget. Je crois que ce qu'on suggère plutôt ici, c'est que le
gouvernement du Québec peut-être, dans l'intérêt de
la province, au point de vue d'expansion industrielle, au point de vue d'amener
une source d'énergie dans une certaine région où autrement
ce n'est pas faisable, accorde une subvention semblable. C'est plutôt
cela que nous voulons dire dans notre mémoire.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le
député de Matane.
M. Bérubé: Essentiellement, vous nous avez
parlé de votre implication au niveau des réseaux de distribution.
J'aimerais savoir dans quelle mesure vous comptez investir dans le
développement des sources de gaz, du côté de l'exploration
et de l'exploitation des puits, soit dans le Mackenzie. Quels sont vos
programmes de recherche de ce côté? Je poserai une deuxième
question après.
M. Leroux: Northern and Central Gas Corporation elle-même
ne fait pas d'investissements directement dans l'exploration ou le
développement de production d'une réserve d'huile ou de gaz. Tout
ce travail est fait par la compagnie mère, Norcen Energy Resources Ltd.
Celle-ci investit en moyenne, annuellement, entre $45 millions et $65 millions
dans la recherche de l'huile et du pétrole. Ce que notre compagnie a
fait et continue à faire, ce sont des investissements dans le consortium
de Canadian Gas Arctic Pipeline qui va amener du gaz naturel.
M. Bérubé: La deuxième question porte
essentiellement sur un problème qui résulte finalement de la
présentation du mémoire de SOQUIP. SOQUIP propose,
évidemment, une part plus importante à jouer par le gaz dans la
contribution énergétique au Québec. La question que je me
pose, parce que j'ai l'impression que M. Cloutier devait avoir des
visées de pénétration sur le marché, sans quoi il
n'en aurait pas parlé, c'est: Quelle est la possibilité de faire
fonctionner les deux compagnies simultanément dans la distribution du
gaz à l'intérieur du Québec?
M. Leroux: Excusez-moi, la dernière partie?
M. Bérubé: Comment pouvez-vous faire cohabiter
Norcen et SOQUIP à l'intérieur du Québec dans le
réseau de distribution?
M. Leroux: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que
j'ai insinué que la possibilité de la rentabilité de deux
compagnies distributrices de gaz naturel dans la province de Québec ne
serait pas dans le meilleur intérêt de la province. Par exemple,
supposons que toute l'expansion serait faite
par SOQUIP en dehors du territoire que nous avons à
Montréal présentement; je crois sincèrement qu'il en
serait coûteux énormément à la province, parce que
tous ces projets sont de petits projets; ce sont de petites villes, il n'y a
pas le gros marché de Montréal avec une concentration. Alors, ce
serait très cher. En d'autres mots, je comparerais cela, à ce qui
arrivait dans le temps où j'étais à l'Hydro où on
avait l'électrification rurale. C'était toujours fait par le
gouvernement. Pourquoi? Parce que ce n'était pas rentable. Alors, je ne
dis pas qu'il n'y a pas de place pour deux entreprises au Québec, mais
je dirais que ce ne serait pas la meilleure solution.
M. Bérubé: Peut-être une dernière
question. Etant donné que vous êtes impliqué dans la
question du pipe-line, pouvez-vous me dire quel tracé vous favorisez
pour le pipe-line de gaz venant de l'Arctique? Il y a deux hypothèses
pour le tracé du pipe-line.
M. Leroux: Pour le gaz ou... M. Bérubé:
Oui.
M. Leroux: Pour le gaz, je crois que le tracé
dépend beaucoup plus d'une question technique ou d'une question de
choix. La question technique, ce sont les traversées entre les
îles de certaines mares d'eau, qui deviennent très critiques, en
d'autres mots, qui pourraient peut-être annuler le projet au complet.
Personnellement, comme président de ma compagnie, je ne crois pas avoir
aucune préférence pour une ou pour l'autre. D'après les
données et les estimations, ils disent que cela va coûter plus
cher de passer par le Québec. Par contre, cela dépend où
est le marché futur. Si jamais le Québec passe de 5% à
20%, je suis pas mal certain que cela devrait passer par le Québec,
aucun doute. Ce sont toutes des choses à venir. Il va falloir voir
où le tracé va dans l'avenir.
M. Bérubé: Vous ne pensez pas au choix du
tracé.
M. Leroux: Non. Nous ne sommes pas dans le Polar Gas. Nous sommes
dans le Canadian Arctic Gas Pipeline qui amène le gaz. Il y a deux
champs d'action pour ce qu'on appelle le "frontier gas". Il y a la question du
delta du Mackenzie où il y a des réserves prouvées. Il y a
la question de l'Arctique, les îles de l'Arctique et surtout
Pétro-Canada qui est là, avec Panarctic Oils. Nous avons des
investissements dans Panarctic Oils au point de vue de l'exploration. Nous
participons au défraiement des coûts des puits, etc. Nous sommes
propriétaires de certains permis d'exploitation dans les eaux et les
terres de l'Arctique.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Si vous étiez ministre des Finances du
Québec et que vous aviez à faire l'alloca- tion des ressources
qui sont certainement limitées, quel serait votre choix en ce qui
regarde le gaz naturel? Est-ce que vous tenteriez d'investir dans l'achat
d'approvisionnement ou dans l'achat de distribution? On nous a proposé,
en d'autres mots, de nous porter acquéreur de Gaz Métropolitain
et de développer le marché. On pourrait employer l'expression:
Est-ce que c'est la poule qui vient avant l'oeuf ou l'oeuf qui vient avant la
poule? Est-ce qu'on doit commencer par s'assurer des approvisionnements en
termes d'investissements et de les transporter ou si on doit commencer
si on ne peut pas faire les deux, à moins qu'on soit capable de faire
les deux par tenter de développer un marché?
M. Leroux: Non, il faut nécessairement avoir je
crois que c'est mettre l'oeuf avant la poule d'ici à 1980 ou
à 1982, des expansions phénoménales dans des nouveaux
territoires au Canada. Même s'aventurer dans des industries
complètement nouvelles qui vont demander 50 millions ou 100 millions de
pieds cubes de gaz par jour, je ne crois pas que ce soit faisable, parce que la
quantité de gaz n'est pas là. Personne ne va bâtir une
usine, disons, d'ammonium, qui ne donne du gaz que pour cinq ans. Ce n'est pas
rentable.
Je crois que vous ne pourriez pas financer un système de
distribution à moins d'avoir des garanties de gaz à long
terme.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre Joron.
M. Joron: Oui. C'est une brève question. Je voudrais vous
demander la relation dans le prix du gaz entre le coût de production du
gaz et le prix lui-même. On sait que le prix du gaz, comme celui du
pétrole maintenant, est essentiellement déterminé par des
facteurs politiques. Tout à l'heure, vous parliez de $3.25
peut-être, au début, pour du gaz venant du Mackenzie en 1983,
1984, quelque chose comme ça. Vous y incluiez un coût de
transport, évidemment, mais quel est le coût réel de ce
gaz? Si les gouvernements n'intervenaient pas, d'une part, pour
réglementer artificiellement le coût du gaz par rapport à
celui du pétrole et ensuite avec les fixations arbitraires du coût
du gaz, ce serait quoi, le coût du gaz?
M. Leroux: Personnellement, je n'ai aucune connaissance ou
expertise dans ce domaine, mais, récemment, à l'assemblée
nationale du bureau de l'Energie à Ottawa, sur la question de Gas
Arctic, je crois que la compagnie Gulf a dit que ça lui prendrait, en
incluant la construction des équipements pour purifier le gaz avant de
le mettre dans le pipe-line, $1.50. Imperial Oil, je crois, a parlé de
$1, $1.25, quelque chose comme ça. Le tout va dépendre du
coût final de construction et du coût de construction des usines
nécessaires à la purification du gaz, ce qu'on appelle les "gas
stripping plants".
M. Joron: C'est tout. Mercil
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient, messieurs, de la coopération que vous avez
voulu leur apporter.
Maintenant, nous allons suspendre nos travaux pour dix minutes, pour
donner une chance à Gulf de se préparer pour l'audition du
prochain mémoire.
(Suspension de la séance à 16 h 53)
Reprise de la séance à 17 h 1
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Faute de temps, nous sommes obligés de nous abstenir. On devait
présenter un petit film, un document audio-visuel qui devait durer
environ deux heures et trente. La commission n'a pas tout ce temps; on
s'excuse, messieurs.
Maintenant, vous pouvez commencer à présenter votre
mémoire.
Gulf Oil Canada Limitée
M. Blais: Premièrement, M. le Président,
permettez-moi de me présenter et de présenter également
les collègues qui m'accompagnent, ici, aujourd'hui. Je suis Louis Blais,
directeur des relations institutionnelles. A ma droite, M. Michael Bregazzi,
directeur régional du service de Marketing pour l'Est du Canada, y
compris le Québec et les provinces maritimes. Près de lui, M.
Allan Short, de nos bureaux à Toronto. Ce dernier est responsable pour
beaucoup de données qui paraissent dans notre mémoire. A ma
gauche immédaitement, M. Benoît Champagne, de Montréal,
chef du service du contentieux pour l'Est du Canada. M. Champagne m'aidera
à faire la lecture du texte. A côté de lui, M. Gordon
Connell, de nos bureaux de Calgary. M. Connell est directeur des études
énergétiques pour le service d'exploration et de production. Il
est ici avec nous, aujourd'hui, au cas où vous auriez des questions
à poser dans les domaines d'exploration et de production.
Gulf Canada Limitée a l'honneur de s'adresser à la
commission parlementaire chargée d'étudier la politique en
matière d'énergie.
Nous croyons que l'évaluation réaliste des orientations
actuelles et futures de la politique énergétique du Québec
ne peut être effectuée qu'en fonction de son contexte, à
savoir la conjoncture énergétique tant au Canada que sur le plan
mondial. Voilà pourquoi nous allons commencer notre présentation
par un exposé des perspectives d'avenir dans le monde et au Canada, pour
ensuite transposer cette étude sur le plan provincial.
Après l'analyse de la demande totale du Québec en
énergie, nous allons examiner l'offre et la demande en pétrole et
en gaz naturel, car ce sont deux sources d'énergie dont Gulf peut
traiter en toute connaissance de cause. Encore une fois, nous ferons autant que
possible un parallèle entre la situation en contexte canadien et en
contexte québécois.
La prochaine étape consistera en une étude du commerce
international du Canada en matière de pétrole brut et de gaz
naturel, ainsi que des prix du pétrole brut sur les plans national et
international.
Nous traiterons ensuite du rapport entre la capacité de raffinage
et la demande en produits raffinés, pour terminer par une étude
des questions d'exploration et de mise en valeur. En conclusion, nous avons
formulé des orientations que nous nous permettons de juger favorables
pour le Québec.
Etant donné la longueur du mémoire, nous n'avons pas
l'intention de le lire au complet. Nous ne ferons que souligner les points
saillants de chacune des sections. Je demanderais à M. Benoît
Champagne de lire les résumés.
M. Champagne: M. le Président, M. le ministre. Le premier
chapitre de notre mémoire traitait de la situation
énergétique mondiale. Voici, à notre avis, les points
importants qu'il y aurait lieu de retenir.
Premièrement, la demande d'énergie mondiale continuera
d'augmenter à un rythme élevé. Elle doublera pendant la
période de 1975 à 1990. Deuxièmement, le pétrole et
le gaz naturel réunis compteront encore pour la plus grande partie de la
demande d'énergie, soit près de 70% en 1990.
Troisièmement, la demande sera encore concentrée dans les pays
industrialisés, notamment dans ceux qui ont le niveau d'autosuffisance
le moins élevé, ce qui en fait les plus vulnérables.
Quatrièmement, les pays membres de l'OPEP possèdent 70% des
gisements de pétrole traditionnel dans le monde. Tant qu'ils formeront
un cartel, ils continueront d'avoir une importante influence sur l'offre et les
prix du pétrole brut.
Au deuxième chapitre, le mémoire traitait de la demande
d'énergie primaire au Canada. On en retient, premièrement, que la
demande totale d'énergie du Canada a augmenté de 70% au cours des
dix dernières années. Elle aura presque doublé en 1995,
malgré les premières mesures visant à la conservation de
l'énergie. Il est prévu que la croissance dans l'Est du Canada
sera légèrement inférieure, la demande devant augmenter de
70% de 1975 à 1995. Le pétrole et le gaz qui, réunis,
accaparaient 77% de la demande canadienne en 1975 compteront pour 72% de la
demande en 1995. L'apport du pétrole diminuera cependant, passant de 50%
à 44%, tandis que celui du gaz, qui était de 22%, grimpera
à 28%. Quatrièmement, les besoins en pétrole de l'Est du
Canada dépasseront largement ceux du reste du Canada en 1995. Le
pétrole comptera alors pour 66% de la demande d'énergie et le gaz
pour seulement 9%. L'apport du charbon à la demande totale passera, de
11% qu'il était en 1975, à 14% en 1995, surtout en raison de
l'augmentation de la production des centrales thermiques de l'Ouest canadien.
D'ici à 1995, toutefois, le charbon ne comptera que pour
1% de la demande totale de l'Est du Canada. Ce qui montre la
rareté de cette source d'énergie dans cette région et
l'importance que peut y avoir l'énergie hydroélectrique.
Finalement, dans l'ensemble, les mesures visant à la conservation
de l'énergie influenceront davantage la demande dans le secteur du
transport que dans les autres domaines. Il s'ensuivra que le pourcentage de la
demande du secteur du transport passera, de 25% qu'il était en 1975,
à 16% en 1995.
Troisièmement, notre mémoire a traité de la demande
d'énergie primaire au Québec. En résumé, selon nos
prévisions, la demande d'énergie totale, au Québec,
augmentera d'environ 70% de 1975 à 1995. Le pétrole sera encore
la source d'énergie la plus utilisée. En 1995, il accaparera 62%
de la demande québécoise, alors qu'il comptera pour 44% de la
demande à l'échelle du Canada.
L'énergie hydroélectrique et l'énergie
nucléaire réunies viendront au deuxième rang au chapitre
de la demande, le rapport global passant de 22% qu'il était en 1975
à 29% en 1995. On utilisera de plus en plus l'énergie
nucléaire. La demande de charbon deviendra négligeable, si bien
que nous n'en tenons plus compte dans nos prévisions de 1995. Le gaz
naturel comptera d'ici 1995 pour 9% de la demande estimative totale.
L'utilisation grandissante de cette source d'énergie sera liée
à la mise en valeur éventuelle des gisements des régions
frontalières et à l'aménagement d'un réseau de
gazoducs nécessaire à l'acheminement du gaz. La diminution de la
demande dans les secteurs du transport est attribuable aux mesures visant
à la conservation de l'énergie. L'électricité et le
gaz naturel augmenteront leur part de la demande dans les domaines
résidentiels et commerciaux au détriment du pétrole. Au
niveau de l'offre et de la demande du pétrole brut, nous avons retenu
les points suivants. Au fur et à mesure de la baisse de la production
des gisements traditionnels et même après l'élimination des
exportations, l'écart entre l'offre et la demande ne cessera de
s'élargir, surtout dans l'Est du Canada, et devra être
comblé par les importations ou mieux encore par la production
tirée de nouveaux gisements. Deuxièmement, les gisements de
sables bitumineux et de pétrole lourd sont très importants, mais
leur mise en valeur nécessite un temps considérable et
l'utilisation de techniques coûteuses. L'extraction des réserves
secondaires et tertiaires ne fournissent qu'une solution à court terme.
Selon nos prévisions, les mesures de conservation de l'énergie
pourraient faire en sorte qu'en 1995 la demande de produits pétroliers
serait de 77% du niveau qu'elle aurait atteint sans l'application de ces
mesures.
Le Canada ne peut espérer remédier quelque peu à
cette insuffisance avant 1986 car on ne compte pas commencer plus tôt
l'exploitation des gisements du delta du Mackenzie ni de la côte
atlantique. Pour que soit assuré le succès de la politique
fédérale visant à l'autarcie en matière
d'énergie l'autarcie consistant ici à ne compter sur les
importations que pour satisfaire le tiers des besoins politique
fédérale à laquelle adhère Gulf Canada, il faut
d'abord accentuer l'importance des mesures de conservation de l'énergie.
Deuxièmement, appliquer des mesures incitatives spéciales pour
pousser plus avant la mise en valeur des gisements de sables bitumineux;
appliquer d'autres mesures incitatives spéciales pour promouvoir
l'extraction des réserves secondaires et tertiaires. Au Canada, le seul
espoir d'autarcie en matière de pétrole brut réside dans
le potentiel extractif de l'Arctique et de la côte atlantique. Par
conséquent, il faudra absolument appliquer des mesures incitatives et
des règlements en matière territoriale afin que l'industrie soit
en mesure d'effectuer les dépenses énormes qu'exige
l'exploitation, la mise en valeur des gisements et l'aménagement de
pipe-lines. Maintenant, au niveau du gaz naturel, offre et demande, les
prévisions sont plus encourageantes qu'en matière de
pétrole, mais à long terme l'autosuffisance du Canada
dépendra largement des questions suivantes. L'exploration qu'on devra
poursuivre dans le delta du Mackenzie, la mer de Beaufort, les îles de
l'Arctique ainsi qu'au large de la côte atlantique. L'exploration et la
mise en valeur continue des régions frontalières, ce qui
nécessite l'adoption de règlements gouvernementaux encourageant
l'exécution de ces travaux dans le Nord du Canada. Enfin,
l'aménagement d'un réseau de gazoducs comme celui du Canadian
Arctic Gas, ou celui qui est projeté pour le pôle Arctique, rendu
nécessaire pour l'acheminement du gaz vers les marchés.
Même si on devait remplir toutes les conditions déjà
mentionnées, on ne pourrait avoir un excédent qu'en 1988 au plus
tôt, avec la production provenant des îles de l'Arctique. Au niveau
des échanges commerciaux du Canada avec l'étranger, en raison de
la nécessité croissante des importations de pétrole pour
l'Est du Canada, le pays connaît une balance commerciale de plus en plus
déficitaire que l'on ne réussit à compenser que
partiellement par les exportations de gaz naturel provenant de l'Ouest
canadien.
Deuxièmement, le programme de compensation du gouvernement
fédéral a protégé l'Est du Canada des
montées en flèche du prix du pétrole brut étranger
par l'égalisation des prix du pétrole importé et du
pétrole canadien livré à Toronto.
Troisièmement, Gulf Canada appuie le gouvernement
fédéral qui soutient que le prix du pétrole canadien
devrait, le plus rapidement possible, augmenter jusqu'au niveau du prix mondial
et que celui du gaz naturel devrait grimper de façon à devenir
compétitif avec celui du pétrole et des autres combustibles, sans
toutefois imposer de nouvelles contraintes, ni à l'industrie, ni au
consommateur.
En comblant l'écart entre le prix du pétrole canadien et
celui du pétrole importé, on permettrait une baisse des
crédits nécessaires au maintien du programme
fédéral de compensation. En supposant, en outre, que les
producteurs touchent un pourcentage raisonnable des nouveaux revenus, on
constaterait également une augmentation
des capitaux destinés à l'exploration et à la mise
en valeur de nouveaux gisements, ce qui réduirait les importations.
Au chapitre de la capacité de raffinage et de la demande de
produits, le Québec et l'Est du Canada accusent un excédent
considérable de capacité de raffinage et cette situation ne
pourra que s'accentuer avec le ralentissement progressif de la croissance de la
demande et l'augmentation de la capacité de raffinage que
connaîtra l'Ontario dès l'an prochain. Cette capacité
excédentaire alliée à la dépendance de l'Est
canadien face au dumping de produits raffinés importés a
nettement influé sur le rendement des capitaux consacrés au
raffinage et à la commercialisation des produits.
Quant au rendement des capitaux que Gulf a investis au Québec, il
s'est révélé insuffisant depuis plusieurs années.
En raison de ces facteurs, il plane un certain doute quant à l'intention
de toute société pétrolière d'investir dans ce
secteur de l'économie québécoise.
Finalement, au niveau de la production et de l'exploration, Gulf Canada
s'est vu concéder, pour fins d'exploration, des territoires dans les
régions offrant les meilleures possibilités de découvertes
et de production. Les faibles possibilités du Québec qui ne
soutiennent pas la comparaison avec celles de ces régions ne
justifieraient aucunement une reprise des travaux d'exploration sur son
territoire. Actuellement, le prix du baril du pétrole brut canadien en
tête de puits est de $9.75 et après qu'on a déduit les
frais d'exploitation de $0.70 par baril, les redevances de $0.15 par baril, les
provinces productrices et le gouvernement fédéral
reçoivent 74% des revenus, tandis que les producteurs n'en touchent que
25,7%.
Les sommes nécessaires à la poursuite des travaux
d'exploration et de mise en valeur sont très importantes. Elles
totalisent $31 milliards pour les dix prochaines années, outre le
coût des pipelines qui se chiffrera par $25 milliards. Ces capitaux
doivent provenir de la production de séries de gisements
déjà exploités dans les provinces productrices. Les
mesures d'incitation ou réinvestissement dans l'exploration et la mise
en valeur sont raisonnablement généreuses. Toutefois, l'industrie
ne sera véritablement motivée à effectuer ces
dépenses que si elle entrevoit la sérieuse perspective d'un
rendement satisfaisant proportionnel aux risques courus advenant la
réussite de l'exploration et la mise en valeur des gisements.
Je demanderais maintenant à M. Blais d'énoncer les
conclusions et les recommandations qui se trouvent dans notre
mémoire.
M. Blais: En conclusion, nous croyons qu'il serait
prétentieux de notre part de vouloir établir en détail une
politique énergétique pour la province de Québec.
Cependant, à la lumière des renseignements fournis, plusieurs
orientations s'offrent au Québec. Nos prévisions
s'échelonnent sur vingt ans.
Cependant, nous devons nous rappeler que les combustibles fossiles ne se
renouvellent pas et qu'ils seront donc vite épuisés. Nous ne
croyons pas que l'apport de sources d'énergie nouvelles et
renouvelables, telles que l'énergie solaire, éo-lienne et
marémotrice, soit important avant la fin du siècle. Nous devrons
continuer à miser sur le pétrole et le gaz naturel pour
répondre aux trois quarts de la demande d'énergie du
Québec et du reste du Canada. Cependant, à long terme, nous
devrons nous tourner vers des sources d'énergie renouvelables pour
répondre à la demande. Nous encourageons donc la poursuite de
recherches dans les domaines qui semblent les plus prometteurs.
Chose certaine, l'énergie, quelle qu'elle soit, coûtera
plus cher dans l'avenir. C'est pourquoi nous devrons trouver un juste
équilibre parmi nos orientations en tenant compte des techniques
actuelles et des frais à engager.
Puisque le Québec dispose des richesses et des connaissances
techniques nécessaires, il semble logique qu'il concentre ses efforts,
au cours des vingt prochaines années, sur le développement
optimal de l'énergie électrique. Le pétrole et le gaz
naturel doivent cependant demeurer les deux options principales pour le
Québec, car ces deux sources d'énergie devront continuer à
satisfaire plus de 70% des besoins énergétiques d'ici 1995.
A notre avis, le Québec doit encourager tous les consommateurs
à utiliser plus efficacement la forme d'énergie qui répond
le plus à leurs besoins. Par exemple, le gaz naturel pour le chauffage,
le charbon, l'électricité et l'énergie nucléaire
pour l'industrie et les matières brutes pour le transport. L'utilisation
rationnelle de l'énergie et l'application de programmes efficaces de
conservation sont de première importance pour la province de
Québec, si elle veut en arriver à réduire le rythme de
croissance de la demande.
D'une façon plus concrète, nous suggérons les
orientations suivantes qui, selon nous, sont à la fois réalistes
et réalisables.
Conservation. La conservation est l'une des façons les plus
raisonnables et les moins coûteuses d'alléger le fardeau de
l'approvisionnement en énergie dans les années qui viennent. Nous
disposons actuellement de techniques qui peuvent nous faire réaliser des
profits importants et ce, à un coût relativement peu
élevé. Une étude menée récemment
démontre que près de 50% de l'énergie utilisée au
Canada est gaspillée.
L'industrie peut vraisemblablement réduire sa consommation
d'énergie de 15% à 40%. Au Canada, l'industrie du raffinage a
réussi à réduire sa consommation de près de 10% et
ce chiffre pourrait éventuellement passer à 20%. Dans nos
édifices publics, nous pouvons immédiatement diminuer la
consommation d'énergie de 10% simplement en abaissant la
température et en réduisant les heures d'éclairage.
Comme nous l'avons mentionné précédemment, le
transport est le secteur qui se prête le plus à la conservation de
l'énergie. L'application de mesures visant à réduire la
vitesse limite sur nos routes et à diminuer la consommation d'essence,
alliées à l'augmentation du prix de l'es-
sence, permettront une conservation accrue de l'énergie.
Nous aimerions souligner que, selon nos prévisions pour 1995, la
demande d'énergie ne représente que 77% de ce qu'elle aurait
été sans programme de conservation. Pour ce qui e.st du
pétrole seulement, ceci représente, au Canada, une
économie de 700 000 barils par jour en 1995, ce qui équivaut aux
besoins de tout l'Est du Canada en 1976. Pour le Québec seulement,
l'économie serait de l'ordre de 200 000 barils par jour en 1995. Ceci
veut dire que si nous ne tenons pas compte de la conservation, le Québec
aurait à débourser, en 1995, un montant additionnel de $1
milliard en pétrole, lequel est évalué au prix actuel.
Pétrole. Nous prévoyons qu'au .Québec le
pétrole continuera d'être au premier plan en matière
d'énergie. Il devra satisfaire, d'ici à 1995, à plus de
60% de la demande totale d'énergie. Il est également important de
souligner que la quantité de pétrole canadien acheminé par
l'oléo'duc Sarnia-Montréal sera insuffisante et que nous devrons
compter sur l'importation pour combler la demande; le pétrole
importé sera donc soumis aux décisions du cartel de l'OPEP.
La baisse des réserves de pétrole traditionnel du pays
devra être compensée par l'exploitation du pétrole
synthétique provenant des sables bitumineux, et ce, conformément
aux prévisions que nous avons faites afin d'assurer l'approvisionnement
de l'oléoduc Sarnia-Montréal. La possibilité d'un
approvisionnement supplémentaire reposera sur l'extraction des
réserves secondaires et tertiaires des gisements traditionnels de
l'Ouest.
Mais qu'advient-il du pétrole de l'Arctique canadien et des
régions frontalières situées au large des côtes?
Nous croyons que la production de pétrole de ces régions
n'atteindra un niveau suffisamment élevé que vers 1986. La
quantité de pétrole disponible dépendra en grande partie
du dynanisme avec lequel l'industrie mènera ses travaux d'exploration
qui sont directement reliés aux règlements en matière
territoriale.
Nos géologues estiment qu'il est très peu probable qu'il
existe, à l'intérieur des limites territoriales de la province de
Québec, des gisements importants de pétrole. Il existe ailleurs,
et de façon certaine, d'autres sols riches en pétrole qui
méritent d'être considérés.
Ceci impliquerait qu'en plus de faire un usage judicieux des produits
pétroliers, le Québec devrait inciter fortement le gouvernement
fédéral à adopter les règlements qui s'imposent en
matière d'exploitation des régions frontalières et
même prendre part activement à l'exploration de ces régions
par l'intermédiaire de SOQUIP, sa propre société
pétrolière.
Le Québec devrait également prendre part, et de
façon active, à la mise en valeur des sables bitumineux et des
huiles lourdes, et préconiser l'adoption de mesures visant à
surmonter les obstacles à l'exploitation des réserves secondaires
et tertiaires des gisements de pétrole traditionnels.
Nous estimons que les réseaux de distribution du pétrole
brut dans l'Est du Canada peuvent ré- pondre adéquatement aux
besoins futurs et sommes d'avis que les capitaux prévus pour des
installations additionnelles devraient être consacrés à
l'exploration, de façon à assurer un approvisionnement
adéquat au pays.
Gaz naturel. Les perspectives à court terme en ce qui a trait au
gaz naturel sont encourageantes, puisque, sur le plan national, l'offre
excède la demande et n'est que légèrement insuffisante
pour répondre aux exportations que le pays s'est engagé à
faire. Les perspectives à long terme sont d'autant plus encourageantes
qu'elles laissent entrevoir la possibilité pour le Canada de disposer de
surplus rassurants à compter de 1988, année qui devrait marquer
le début de l'exploitation des gisements de l'Arctique. Toutefois, la
mise en valeur de ces gisements et la disponibilité du gaz
dépendent de la mise au point définitive des règlements
fédéraux relativement aux territoires des régions
frontalières et à la construction des conduites
nécessaires à l'acheminement du gaz vers les centres de
consommation.
Ainsi, le Québec devrait fortement promouvoir l'adoption de la
politique territoriale fédérale et devrait aussi affermir sa
position face au mode d'acheminement du gaz.
Nous nous permettons d'appuyer les travaux sur le pipe-line du Canadian
Arctic Gas. Nous croyons qu'il fournit le moyen le plus économique de
transporter le gaz du delta du Mackenzie et de la mer de Beaufort. Nous serions
heureux de pouvoir vous remettre une documentation plus poussée sur
cette question.
L'apport du gaz naturel des régions frontalières sera
d'une importance significative pour le Québec, puisqu'il permettra, pour
la première fois, de structurer la demande provinciale en
énergie. Moyennant le prolongement de ses gazoducs, la province se
verrait en mesure de promouvoir l'utilisation du gaz dans les secteurs
où il est le plus efficace, à savoir, dans les domaines
résidentiel et commercial. L'application de ces mesures se solderait par
la diminution de la dépendance face à l'électricité
qui nécessite d'importantes dépenses en immobilisation et au
pétrole importé qui exige de fortes sorties de capitaux du
pays.
Intervention gouvernementale. Avant de déterminer les
orientations du Québec en matière d'énergie, le
gouvernement doit sérieusement évaluer la portée d'une
intervention accrue dans le domaine de l'industrie, car une intervention trop
importante pourrait décourager le secteur privé. L'industrie
possède déjà l'expérience, les effectifs et le
matériel nécessaires à un fonctionnement des plus
efficaces. Le gouvernement fédéral, le Québec, ainsi que
plusieurs autres provinces sont actuellement directement engagés dans
l'exploration et la production de gaz et de pétrole. Le succès
des sociétés d'Etat comme SOQUIP dépend, en
définitive, de la mesure dans laquelle elles contribuent ou elles
nuisent à la réalisation de l'objectif fixé. Par exemple,
si SOQUIP s'engageait dans les secteurs du raffinage et dans la
commercialisation en construisant une nouvelle usine, elle contribuerait
à accentuer l'excédent déjà important de la
capacité de raffinage. De plus, si les sociétés
d'Etat jouissaient de privilèges particuliers, elles provoqueraient la
baisse des investissements provenant du secteur privé.
Nous croyons que ces sociétés devraient axer leurs
activités principalement sur l'exploration et la mise en valeur dans les
régions que le gouvernement trouve essentielles à la satisfaction
de la demande future, car ces travaux, étant donné leur envergure
ou leur durée, peuvent manquer d'intérêt aux yeux des
investisseurs du secteur privé. D'une façon plus
générale, des projets de l'ordre de plusieurs milliards de
dollars, tels que la construction d'usines de traitement des sables bitumineux
et de l'huile lourde, la mise en valeur des régions frontalières,
l'aménagement des pipe-lines dans les régions du nord
nécessiteront un appui financier de la part du gouvernement.
En conclusion, si nous devions formuler ce que Gulf Canada juge
prioritaire relativement aux orientations de la politique
énergétique, nos objectifs seraient les suivants:
premièrement, redoublement des efforts en ce qui a trait aux programmes
de conservation; deuxièmement, accroissement des travaux d'extraction
des réserves secondaires et tertiaires; troisièmement, incitation
à une exploration approfondie dans l'Ouest du Canada en vue de la
découverte de gisements; quatrièmement, approbation dans le plus
bref délai possible de la construction du pipe-line de l'Arctique;
cinquièmement, poursuite des travaux de traitement des sables bitumineux
au rythme prévu; sixièmement, poursuite à un rythme
accéléré de l'exploration dans les régions
frontalières.
Nous croyons qu'il serait opportun que la commission établisse
les mesures qu'elle juge prioritaires pour le Québec. Nous tenons
à assurer la commission de notre entière collaboration pour toute
demande d'information relativement aux sujets abordés et à toute
autre question passée sous silence dans le présent document.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Joron: Messieurs, permettez-moi d'abord de souligner la
qualité de votre mémoire qui contient des tableaux, annexes, etc.
Visiblement, vous y avez apporté un soin considérable, nous
l'apprécions. D'autre part, ce qui me frappe, c'est que, somme totale,
bien que les sources des approvisionnements varient dans le temps, le portrait
que vous nous tracez pour 1995 n'est pas substantiellement différent de
celui d'aujourd'hui. Il est fondé sur un taux de croissance quasi
historique, un peu décroissant après 1985. La part des
différentes sources d'énergie ne varie guère,
l'électricité passant de 22 à 29, alors que la plupart des
autres dépositions semblaient indiquer une part beaucoup plus grande
pour l'électricité. D'autre part, par voie de conséquence,
pétrole et gaz naturel, additionnés ensemble, comptent à
peu près, grosso modo, pour la même proportion qu'aujourd'hui dans
le bilan énergétique. En somme, vous ne voyez pas beaucoup de
changement dans l'évolution globale.
M. Blais: Est-ce que vous parlez pour la province de
Québec?
M. Joron: Oui. Cela semble indiquer que vous ne voyez pas de
changements bien fondamentaux, somme toute, tout en prônant la
conservation.
En introduisant le facteur conservation, en fait, on peut dire que
ça repose sur une extension des taux de croissance qu'on a pu
vérifier dans le passé et la part de chacune des formes
d'énergie ne semble pas se modifier beaucoup dans votre bilan. D'autre
part, il y a une particularité et, là, je pense que c'est
peut-être le premier mémoire qui diffère, à cet
égard, des autres. Vous ne semblez pas, vous, croire que le pipe-line
Sarnia-Montréal va être renversé, en ce sens que vous
attachez beaucoup plus d'importance que tous les autres déposants avant
vous à l'avenir des sables bitumineux, entre autres. C'est probablement
la raison pour laquelle vous pensez que le flot va continuer dans le même
sens, alors qu'à peu près tout le monde témoignait d'un
intérêt beaucoup plus mitigé vis-à-vis des sables
bitumineux. Ils pensaient, évidemment, que l'on serait obligé
d'en importer; c'est ce qui leur faisait dire que le pipe-line serait
renversé.
J'aimerais ça. Pour commencer, je vais vous poser ces
questions, l'une, par rapport au pétrole, l'autre, par rapport au gaz
que vous parliez davantage de votre foi dans l'avenir des sables
bitumineux et que vous nous parliez aussi des prix. En effet, il est toujours
théoriquement possible de sortir du pétrole, mais ça
dépend du prix qu'on est disposé à payer. Comment
voyez-vous aussi l'évolution des prix, compte tenu de ça, d'une
part? Ceci pour le pétrole. Deuxièmement, pour le gaz, vous
invitez le gouvernement du Québec à intervenir dans la question
de l'acheminement du gaz naturel. C'est un point que vous avez soulevé,
je ne me souviens plus à quelle page de votre mémoire. J'aimerais
que vous élaboriez un peu sur ce que vous attendez du gouvernement du
Québec à cet égard, quand vous l'invitez à
intervenir par rapport à l'acheminement du gaz.
M. Blais: Vous me posez plusieurs questions à la fois, M.
le ministre.
Je vais traiter de la situation du pipe-line Sarnia-Montréal, si
vous voulez. Ce qu'on pourrait faire, peut-être, c'est de retourner
à la page D-9. Il y a un graphique qui démontre, en fin de
compte, ce à quoi on s'attend. Il faut souligner que ce sont les
projections de Gulf Canada. Il faut absolument qu'on s'assure que les
découvertes prévues dans les régions frontalières
vont être réalisées c'est très important
et aussi dans la période prévue. Aux alentours de 1986, on
voit l'exploitation des gisements des Territoires du Nord-Ouest, de Beau-fort
et aussi de la côte atlantique. A défaut, maintenant, de
découvertes sur la côte atlantique, il faudrait, à ce
moment, qu'on fasse davantage d'importation de produits. Si on regarde en
haut,
pour l'année 1995, la section colorée en bleu, il faudrait
importer environ 317 000 barils par jour, toujours. Si les découvertes
de la côte atlantique ne se réalisent pas, en fin de compte,
ça voudrait dire qu'il faudrait importer, de surplus, 280 000 à
300 000 autres barils par jour. Cela voudrait dire, enfin, qu'on serait rendu
à environ 600 000 barils par jour, encore davantage si les
découvertes dans les Territoires du Nord-Ouest et dans la mer de
Beaufort ne se réalisent pas. En 1995, il faudrait importer 700 000
autres barils par jour, ce qui voudrait dire qu'effectivement le Canada, et
plutôt l'Est du Canada, parce que c'est ici qu'on se sert des huiles
importées, aura besoin d'importer environ 1 300 000 barils par jour. A
ce moment-là, les besoins pour l'Est du Canada se chiffreront
peut-être par environ 800 000 barils par jour, ce qui voudrait dire que
le reste serait acheminé vers l'Ontario probablement. Dans ce cas, il
faudrait sans doute renverser le pipe-line. Tout est basé sur le fait
que les découvertes vont être réalisées en temps et
lieu, selon les prédictions que la compagnie a faites.
Maintenant, M. le ministre, nous pensons que toute décision
concernant la question des facilités, superport et ainsi de suite,
devrait être prise seulement après qu'on aura une idée
à savoir si les découvertes vont se réaliser. Et cela, on
devrait le savoir d'ici à quelques années. Il me semblerait qui
si on frappe dans la mer de Beaufort, cela devrait être cette
année ou l'année prochaine, ou bien il faudrait aller examiner ou
explorer ailleurs.
M. Joron: Voulez-vous, avant de parler de l'acheminement du gaz,
dire un mot par rapport au prix, l'évolution des prix du pétrole?
Comment voyez-vous l'avenir de ce côté? Prix internationaux d'une
part, mais les prix canadiens y seront probablement reliés très
bientôt, et la relation...
M. Blais: Au niveau international?
M. Joron: Oui, d'une part, et au niveau canadien aussi, si le
prix canadien est décroché et varie selon le prix mondial. La
relation aussi entre coût et prix. Par exemple, pour le pétrole
venant de la mer de Beaufort, des îles de l'Arctique ou des sables
bitumineux, les différences de coût d'exploitation de ces
différents champs pétroliers.
M. Blais: Bien, premièrement, pour ce qui a trait au
pétrole brut, au prix international, c'est difficile à dire,
naturellement. Mais nous croyons que, probablement, on pourrait s'attendre que
le prix du pétrole brut international monte à peu près au
même rythme que l'inflation. On a vu, cette année, que les pays de
l'OPEP avaient un peu de problèmes pour s'accorder au point de vue des
hausses. Il y en avait quelques-uns qui voulaient monter de 10% et d'autres de
5%. Il nous paraît que cela va chiffrer alentour de 7%. C'est cela qu'on
attend de voir d'ici à l'avenir. On pourrait s'attendre de voir le prix
international monter à peu près au même rythme que
l'inflation, ce qui voudrait dire peut-être de 7% à 8% par
année.
Maintenant, pour le gaz naturel provenant du delta du Mackenzie, c'est
une question que vous avez déjà posée d'ailleurs, disons
que le gaz provenant du delta du Mackenzie doit être assez coûteux,
parce qu'il faut se rendre compte du fait que, premièrement, cela vient
des régions frontalières, donc un endroit où l'exploration
est extrêmement coûteuse. Je pourrais vous donner un exemple.
L'année passée, on a participé avec d'autres compagnies
à du forage dans la mer de Beaufort. Nous avons fait seulement un trou,
foré seulement un trou. Ce trou a coûté à Gulf $35
millions. On est en train de faire du forage au large du Labrador.
Le coût moyen d'un trou, sur la côte du Labrador, est aux
alentours de $10 millions. C'est extrêmement coûteux, le forage
dans les régions frontalières. Les conditions sont
inclémentes et, disons même, si vous voulez, que le transport des
matériaux nécessaires pour faire le forage est extrêmement
coûteux, parce que, d'habitude, c'est fait par avion ou quoi que ce
soit.
Maintenant, la deuxième chose. Après une
découverte, cela prendrait un genre d'usine de traitement pour le gaz.
Les mêmes considérations s'appliquent parce que cela va être
extrêmement coûteux pour bâtir, dans le delta du Mackenzie,
une usine de traitement; on peut même imaginer au point de vue des
matériaux nécessaires et le transport, etc. La main-d'oeuvre est
extrêmement coûteuse. Ce n'est pas tout le monde qui veut aller
travailler dans le Nord. Il y a cela.
Maintenant, les systèmes de transport, les pipe-lines, en fin de
compte, vont être énormément chers, parce qu'ils sont
extrêmement longs. Il y a des estimations qui sont faites pour la
Canadian Arctic Gas Pipelines, qui se chiffrent par un peu plus de $7
milliards, pour la construction de cette usine. Il faut qu'il y ait un genre de
rendement.
Il y a l'autre aspect qui se rattache plutôt en particulier
à la province de Québec. C'est qu'elle se retrouve, donc,
à l'extrémité, si vous voulez, du pipe-line. Tous ces
facteurs ensemble voudraient dire que le gaz va coûter cher. On
prévoit, nous autres, que cela pourrait se chiffrer aux alentours de $4
à $4.50 par mille pieds cubes, rendu aux concessions, ici à
Montréal. Ceci équivaut, si vous voulez, à $23, $26 pour
le baril d'huile équivalent. Maintenant, disons qu'on pourrait
peut-être attendre d'avoir le gaz ici.
M. Joron: En quelle année, cela?
M. Blais: Cela devrait être vers les années
1985-1986, disons. Alors, maintenant, le prix de l'huile brute, à ce
moment-ci, le prix international, est aux alentours de $14. Ce qui voudrait
dire qu'il y aurait une hausse aux alentours de $9, si vous voulez, durant une
période de huit à neuf ans. Cela entre en ligne de compte avec
l'inflation, on s'attendrait de voir que cela pourrait aussi affecter le prix
international. Cela devrait entrer en ligne de compte pour rivaliser avec le
prix de l'huile brute.
M. Joron: Est-ce que vous souhaitez une in-
dexation du prix du gaz par rapport à celui de l'huile brute?
Pensez-vous que les deux prix doivent être reliés l'un à
l'autre?
M. Blais: Oui. On dirait que, pour leur valeur de chaleur en BTU
qui devrait être l'équivalent, si vous voulez, je crois que le gaz
naturel se chiffrera autour de 85% de la valeur... Il y a peut-être des
raisons aussi autour de cela. Il faut comprendre d'ailleurs que le gaz naturel,
en comparaison avec les autres combustibles, le charbon, le mazout lourd, si
vous voulez, parce qu'assez souvent on essaie de comparer le gaz naturel avec
le mazout lourd, n'est pas réellement comparable parce que le gaz
naturel est d'une haute qualité, presque non polluant, tandis que le
soufre qui se trouve toujours dans le mazout lourd est un polluant. Ils ne sont
pas nécessairement comparables, il nous semble.
Il me semblerait qu'avec ces considérations le gaz naturel
devrait sûrement avoir une prime au-dessus du pétrole au point de
vue du prix. L'équivalence, c'est assez. Il me semblerait que ces choses
devraient être prises en considération pour la fixation des prix.
D'ailleurs, ce ne sont pas les compagnies pétrolières qui fixent
les prix. A ce stade-ci, c'est le gouvernement des pays producteurs à
l'extérieur du Canada ou cela pourrait être le gouvernement
fédéral en collaboration avec les gouvernements provinciaux. Je
ne sais pas si j'ai répondu adéquatement, M. le ministre.
M. Joron: Merci.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, moi aussi j'aimerais
souligner l'appréciation de la qualité du document qui nous est
présenté. Je voudrais revenir à un point que l'on
retrouve, je crois, dans la section H et qui touche la fiscalité et la
répartition du prix du baril de pétrole entre les gouvernements
provinciaux, le gouvernement fédéral et les compagnies. Quand
vous nous donnez, par exemple, au tableau de la page H-4, pour un baril de
pétrole, au 1er janvier, $9.75, et que vous dites que la compagnie
reçoit $2.28, ce sont $2.28 pour extraire le pétrole à la
tête du puits de pétrole?
M. Blais: II y a les $0.70 qui comprennent ce qu'on appelle les
coûts de "collect", les coûts qui sont associés directement
avec l'extraction après que le puits est en marche, si vous voulez.
C'est un coût d'exploitation plutôt. Maintenant, les $2.28 sont les
profits, effectivement, qui reviennent au producteur.
M. Garneau: C'est cela que j'essayais de savoir. Est-ce un profit
ou une allocation du prix qui doit couvrir les dépenses d'exploitation
d'une société comme la vôtre?
M. Blais: Ce n'est pas un profit net.
M. Garneau: C'est une allocation du prix...
M. Blais: Un profit brut, si vous voulez, qui nous revient. C'est
avec cet argent, avec les $2.28 que Gulf est en train de faire ses programmes
capitaux d'exploration, ainsi de suite. Pour donner une idée, notre
compagnie a des dépenses de capitaux projetés d'environ $900
millions dans les trois prochaines années, au total. C'est de là
que vient la majeure partie de notre profit.
M. Garneau: Oui, mais j'ai de la misère à saisir
ça. C'est une question qui nous est souvent posée, comme hommes
publics. On nous dit: Les multinationales font d'immenses profits, elles
exploitent les pauvres consommateurs, etc. C'est une argumentation qui est
souvent servie aux hommes politiques, pour essayer d'intervenir davantage dans
l'industrie du pétrole, et on nous dit que les profits sont
énormes, les marges sont grandes. Je ne suis pas sûr de comprendre
le sens des $2.28 que vous donnez. Vous dites que ce sont les profits bruts,
mais de quoi? De votre opération générale, ou uniquement
avant que le pétrole entre dans la raffinerie, ou si c'est le profit
brut à partir du pétrole qui sort du puits après les frais
d'exploitation et qui se termine par le prix de vente à quelqu'un,
à un moment donné.
Je voudrais essayer de savoir à quel endroit vous faites vos
profits? Est-ce que c'est au niveau du raffinage, de la distribution au
consommateur, que représente, $2.28? On dit que le prix du baril est de
$9.75 au 1er janvier 1977, je ne suis pas sûr de comprendre ce que
signifie $2.28.
Tout à l'heure, je vais en venir à d'autres aspects en ce
qui regarde l'intervention de l'Etat par rapport au libre commerce et c'est
pourquoi je voudrais bien comprendre ce que signifient ces $2.28. On va prendre
votre société à titre d'exemple.
M. Blais: Oui.
M. Garneau: Vous achetez du pétrole, si vous n'êtes
pas propriétaire du puits, vous achetez du pétrole et il est
payé $9.75. Là-dessus, il y en a une partie qui va en
"royautés", une partie au gouvernement fédéral et il vous
reste $2.28, qu'est-ce que vous faites avec ça? Quelle genre
d'opération menez-vous pour arriver à un profit net?
M. Blais: Premièrement, M. Garneau, disons que Guld ne
produit qu'à peu près 1/3 du besoin du pétrole brut, ce
qui voudrait dire qu'on doit acheter à peu près 2/3 de nos
besoins ailleurs, d'autres compagnies. Premièrement, l'huile brute se
vend par l'entremise du Alberta Marketing Oil. Ce qui arrive, c'est que tout le
monde, ceux qui ont des puits, soit des indépendants qui n'ont pas
nécessairement des opérations de commercialisation ou de
raffinage, mais enfin, tout le monde vend sa production à l'Alberta
Marketing Oil et ensuite, on la rachète, au besoin.
Maintenant, dans le cas où c'est un puits qui nous appartient,
qu'on a foré, qu'on a découvert et qu'on a
développé, mis en valeur. Le profit que nous allons retirer,
quand le produit, l'huile brute, se vend $9.75, c'est $2.28. Maintenant, la
plupart
de nos profits, qui se chiffraient aux alentours de $176 millons l'an
dernier, provenaient de la production. C'est là qu'il faudrait qu'on
trouve nos fonds pour réinvestir et trouver d'autres gisements.
M. Garneau: Je constate qu'il est six heures et qu'on doit
ajourner. Je reviendrai, à moins qu'il y ait autre chose.
Le Président (M. Laplante): On va finir, parce que...
M. Blais: Je ne sais pas si je vous réponds
adéquatement.
M. Garneau: Bien...
M. Blais: J'ai mal compris votre question. C'est plutôt un
profit, donc, il n'y a pas taxe. On entre en ligne de compte tous les frais
d'exploitation d'une compagnie pétrolière, comme
l'administration, etc. Les coûts qui sont associés ici sont les
coûts directement reliés à l'exploitation de ce puits.
M. Joron: Si vous me permettez, cela ne tient pas compte du
rendement sur le capital ni des frais d'administration globaux de la compagnie.
Les $0.70, c'est ce que cela coûte strictement pour l'extraction, un
point c'est tout. Cela ne tient pas compte de votre salaire par exemple?
M. Blais: Seulement à ce puits... M. Joron:
D'accord.
M. Blais: Moyennement, cela coûte aux alentours de $0.70
pour extraire un baril de pétrole sous la terre.
M. Garneau: Mais sur ces $2.28 je comprends qu'on doive
terminer...
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez terminer.
M. Garneau: Les $2.28, vous les interprétez
vous-même, dans vos propres termes, comme étant un profit brut et
non pas... Si moi, je vends une chaise comme cela $100, je reçois $100;
c'est une entrée de fonds, ce n'est pas un profit brut. Vos $2.28, vous
ne les interprétez pas comme étant une entrée de fonds
provenant d'une vente, mais comme un profit brut, si j'ai bien compris.
M. Blais: Oui.
M. Garneau: Alors, quelles sont les principales catégories
de dépenses, en très grandes lignes je ne veux pas vous
demander votre salaire qui s'enlèvent sur ces $2.28 avant d'en
arriver au profit net de l'entreprise?
M. Blais: Ah! mon Dieu. Il y a tous les salaires des
employés, qui sont de 10 000 à peu près.
M. Garneau: Vous parlez de toute l'exploitation, y compris vos
raffineries?
M. Blais: Oui.
M. Garneau: De toute l'exploitation jusqu'à ce que votre
huile à chauffage soit rendue, soit chez le consommateur, chez le
grossiste détaillant ou encore à la station de service?
M. Blais: Peut-être en le mettant dans un autre contexte,
si vous voulez. Je n'ai par le rapport annuel avec moi, mais vous allez en
recevoir une copie. Nous autres, on fait à peu près $0.01 le
gallon.
M. Garneau: $0.01 de profit net?
M. Blais: $0.01 de profit net le gallon.
M. Garneau: Cela veut dire que, sur un baril de pétrole il
y a 30 gallons, 33 gallons, 35 gallons. Combien est-ce exactement?
M. Blais: 35 gallons.
M. Garneau: 35 gallons. Cela veut dire que, sur un baril de
pétrole, il vous reste comme profit net, sur un montant de $9.75,
$0.35?
M. Blais: Oui, environ.
M. Garneau: Environ. C'est avec ces $0.35 que vous financez vos
dépenses d'exploration ou si vos dépenses d'exploration, compte
tenu de tous les dédales de la fiscalité, vous pouvez les
soustraire avant d'arriver au profit net?
M. Blais: Toutes les dépenses viennent par après.
On ne sépare par les opérations comme telles. Si le service de
production était complètement séparé à la
compagnie et si le service de marketing était complètement
séparé ainsi que les autres secteurs, ce serait peut-être
plus facile de répondre à votre question. A ce moment, on
s'attendrait que le service d'exploration ou de production, en fin de compte,
fasse des profits assez élevés. On avait inclus un genre de
charte, un graphique qu'on a ici, qui démontre un peu le rendement sur
les capitaux pour le marketing, qui est aux alentours de 6%.
M. Garneau: J'ai été surpris par la faiblesse de
ces rendements.
M. Blais: C'est décourageant.
M. Garneau: C'est pour cela que je pose autant de questions.
M. Blais: Cela veut dire qu'effectivement c'est la production qui
supporte le marketing.
M. Garneau: C'est aussi ma conclusion. Si j'étais
investisseur, je n'investirais probablement pas chez vous, compte tenu du
faible taux de rendement.
M. Blais: Exactement.
M. Garneau: C'est ce qui se produit?
M. Blais: C'est exactement ce qui se produit.
M. Garneau: La raison pour laquelle je vous posais ces questions,
c'est que... Est-ce que dans le fond...
M. Blais: Pardon?
M. Garneau: Est-ce que, dans le fond, ce sont les gouvernements
qui empêchent le secteur privé de nous garantir les
approvisionnements par une capacité de recherche et d'exploration plus
grande? Je vais arriver tout à l'heure au dernier aspect de ma question
qui va être le suivant, peut-être que cela va vous aider.
Voici ma deuxième question: Est-ce que ce sont les gouvernements
qui, à cause de leur fiscalité trop élevée,
empêchent les entreprises d'investir plus lourdement dans la recherche,
dans l'exploration, parce qu'ils n'ont pas suffisamment de capitaux pour les
financer? Si votre réponse est affirmative ou négative, peu
importe, là où je veux en arriver, c'est de savoir si, dans le
système économique dans lequel on vit, sur le continent
nord-américain, et aussi dans la plupart des pays industrialisés,
l'Europe, etc., on doit faire supporter cette exploration et ces
dépenses pour aller découvrir des sources d'énergie et les
mettre à profit, si on doit les faire payer par l'utilisateur, qui est
le consommateur de pétrole sous toutes ses formes, ou si on doit le
faire payer par le contribuable.
Si, comme membre d'un gouvernement ou de l'Assemblée nationale,
j'appuie un projet de loi pour taxer encore plus lourdement le pétrole,
ce n'est pas pour le plaisir uniquement de le faire. Cela peut peut-être
être pour financer temporairement un budget, mais il peut y avoir aussi,
comme philosophie d'approche, le fait qu'on juge que c'est plus pratique ou
plus équitable de faire financer l'exploration et la recherche par
l'ensemble de la collectivité via la fiscalité, plutôt que
de le faire via les utilisateurs du pétrole. J'ai cru saisir, dans votre
mémoire, que vous optiez pour la première solution, en disant:
Donnez-nous une marge de $2.28, on va faire cela un tiers, un tiers, un tiers,
peut-être que ce sera déjà une amélioration. On va
être capable d'accélérer sans doute nos programmes de
recherche et mettre au point les nouvelles découvertes.
Si on faisait cela, est-ce que ce n'est pas un risque énorme de
la part d'un pays comme le Canada, puisqu'il faut le voir sur le plan global
et en tout cas, tant qu'on n'aura pas trouvé le pétrole au
Québec, on est mieux de le regarder sur ce plan est-ce que ce
n'est pas un risque pour une société comme la
société canadienne de s'en mettre un peu à votre bon
jugement et de dire: On espère qu'en leur donnant les capitaux, ils vont
faire l'exploration et, tôt ou tard, on aura notre part des
approvisionnements dans le monde. C'est cela la situation dans laquelle les
gouvernements sont placés.
M. Blais: C'est vrai.
M. Garneau: Comment peut-on avoir ces garanties si, comme membre
de l'Assemblée nationale, je dis au nouveau gouvernement on n'est
pas grand-chose ici disons qu'on part une campagne et qu'on dise au
gouvernement fédéral: Vos $2.39, cela n'a ni queue, ni
tête. Prenez donc une piastre et laissez le reste aux entreprises.
Probablement que vous allez applaudir, mais je ne suis pas sûr que vos
applaudissements vont me donner du pétrole dans vingt ans.
M. Blais: Oui.
M. Garneau: Comment réagissez-vous face à cette
argumentation?
M. Blais: II y a plusieurs façons de répondre, mais
je crois que, premièrement, c'est le gouvernement qui, en fin de compte,
a tous les pouvoirs nécessaires. Si vous êtes capables, que ce
soit au niveau provincial ou au niveau fédéral, d'avoir des
conditions pour vous assurer que les profits sont effectivement
dépensés dans l'exploration, vous n'avez qu'à introduire,
faire des lois ou des arrangements fiscaux pour vous assurer que nous allons
débourser cet argent en faisant d'autres explorations. Le pouvoir, c'est
à vous, enfin.
On peut dire aussi que, si on regarde je crois que c'est
indiqué à la page H-8, qui est un peu un historique des
investissements et des dépenses en immobilisation, en exploration de
l'industrie pétrolière, à partir de 1965 jusqu'à
1975 on verra qu'en 1965, il y avait environ $0,75 milliard qui ont
été dépensés. Maintenant, en 1975, cela a
monté, je crois, à un milliard et demi de dollars. On pourrait
dire que, pour employer une expression anglaise, le "track record"
n'était pas si pire. Si on tourne la page encore, à H-9, on verra
des chiffres qui sont des projections, si vous voulez. Cela prendrait environ
$31 milliards dans les dix prochaines années afin d'effectuer les
explorations nécessaires pour vous tenir, moyennement, dans une position
d'autarcie. Ce ne sont pas nos chiffres, en fin de compte, ce sont des chiffres
publiés par M. Gillespie, une stratégie énergétique
pour le Canada. En plus de cela, ce sont les $25 milliards qu'on aura besoin de
trouver quelque part pour construire des pipe-lines, etc., dont on aura besoin
d'ici une dizaine d'années.
M. Garneau: Est-ce possible, monsieur, de mettre...
M. Blais: En allant un peu plus loin, si vous me permettez, M.
Garneau, on dit aussi que... C'est démontré à la page H-6
que les encouragements à réinvestir sont assez
généreux de la part du gouvernement.
M. Garneau: Est-ce que vous avez terminé, M. Blais?
M. Blais: Oui.
M. Garneau: Est-ce que, sur les $11 milliards et les $31
milliards, est-ce qu'il est possible parce que là vous parlez de
dépenses réelles, du moins pour les $11 milliards de
mettre au-dessus de cela un chiffre en dollars le baril qui soit en relation
avec les $2.28 ou si ce n'est pas possible ou si cela n'aurait aucune
signification?
M. Blais: Franchement, je ne sais pas la réponse à
cette question.
M. Garneau: Un pourcentage du moins?
Si, par exemple, l'industrie pétrolière canadienne avait
financé les $11 milliards d'investissements qu'elle a faits avec un
pourcentage, $2.28 sur $9.95, cela fait quoi? C'est 22% à peu
près? Est-ce cela?
M. Blais: C'est de là que viennent les fonds, enfin.
M. Garneau: Oui, je comprends. Quel pourcentage net de recettes a
produit les revenus suffisants pour financer les $11 milliards par baril, c'est
cela?
M. Blais: Oui, oui.
M. Garneau: Je voudrais essayer de savoir, dans le fond, si on
prend le pari le "on" collectif, c'est-à-dire tout le monde
ensemble au Canada de faire confiance aux entreprises du secteur
privé pour assurer l'approvisionnement en pétrole au Canada pour
l'avenir, quel serait le pourcentage moyen qu'il faudrait vous donner, à
moyen terme, et que vous le sachiez non pas uniquement pour une année
pour le baisser ensuite selon les circonstances, mais de quel genre de
pourcentage du prix du baril de pétrole auriez-vous besoin pour
être capables de financer ces $31 milliards? J'ai compris que les $2.28,
c'était une proportion qui vous paraissait difficile, ce serait quoi, au
lieu de 22%, est-ce que ce serait 27%, 30%?
M. Blais: On n'aura pas la réponse à cette
question, M. Garneau. J'essaie de trouver peut-être quelque chose pour
vous donner une idée et relier l'affaire des $11 milliards avec les $31
milliards.
M. Garneau: Je vous pose la question.
M. Blais: Pour relier l'affaire du $11 milliards, si vous voulez,
avec le $31 milliards. Là, il faudrait que je parle complètement
dans le contexte de Gulf Canada, à ce moment-ci, et non pas au nom de
l'industrie. Mais pour une période d'à peu près vingt ans
jusqu'à 1974 environ, ce qui veut dire à partir de 1954
jusqu'à 1974 environ, le rendement sur l'investissement de notre
compagnie n'a jamais dépassé 6%. Maintenant, c'est durant la
période dont on parlait, ici, en arrière, historique- ment, qu'on
avait fait des investissements aux alentours de $11 milliards, à peu
près. Naturellement, on aurait été mieux, comme compagnie,
d'acheter des obligations; on aurait fait de l'argent. Dans les
dernières années, prenez l'année passée, notre
rendement sur l'investissement avait augmenté jusqu'aux alentours de
14%. Maintenant, on pourrait dire: qu'est-ce que cela prend comme rendement,
pour une compagnie pétrolière, pour passer à travers? Ceci
est aussi difficile à dire. Peut-être que ce qu'on devrait faire
serait de diviser nos opérations.
On avait dit, tantôt, que pour faire l'exploration cela prend
beaucoup de risques. Disons que les capitaux que nous investissons dans
l'exploration, il faudrait qu'ils soient générés à
l'intérieur de l'entreprise. Ce n'est pas une question d'aller à
la banque, d'emprunter de l'argent pour aller faire de l'exploration. Ce serait
la même chose ou l'équivalent d'aller à la banque et de
demander au gérant de nous prêter $1000 pour aller jouer à
Blue Bonnets. C'est à peu près la même chose. Vous ne
faites pas de "gambling", en fin de compte, si vous n'êtes pas capable de
l'aborder.
Il me semblerait, avec les risques qu'il y a à l'intérieur
du secteur de l'exploration, que sûrement, dans cet endroit, les fonds
sont générés par la production et que, dans la production,
le rendement devrait être supérieur. Maintenant, je ne suis pas
pour vous donner une "figure", mais il y a des études qui ont
été faites par des individus, des écoles et des
universités qui diraient que dans ce genre d'activités, les
rendements sur les investissements devraient être, peut-être, aux
alentours de 30%. Maintenant, prenez le secteur de commercialisation ou de
raffinage, sûrement les risques sont moindres. On a beaucoup plus de
contrôle aux alentours des circonstances. Si on a bien choisi notre coin
de rue, cela va être profitable, notre poste de service. Dans ce cas,
peut-être que les risques sont moindres, mais au moins on devrait avoir
un rendement qui équivaut à la valeur du capital, qui est aux
alentours de 12%, aujourd'hui. Il me semblerait que les compagnies
pétrolières seraient assez contentes avec ce genre de
rendement.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski, dernière intervention.
M. Marcoux: J'ai également été
étonné, disons, par la qualité de votre mémoire
où s'alignent des chiffres très précis, autant par la
qualité de la présentation que par le contenu lui-même.
Une chose qui m'a frappé, tout de même, comparativement
à d'autres personnes qui sont venues nous rencontrer depuis deux jours,
c'est que la plupart soulignaient que ce n'était presque pas possible de
prévoir de façon très précise l'évolution
pour les vingt, vingt-cinq prochaines années, alors que, dans votre
rapport, on trouve des chiffres très précis, 14%, 22%. L'avenir
des vingt prochaines années est assez clair. C'est même
très, très clair, par opposition à ce qu'on pouvait nous
affirmer dans les autres dépositions.
M. Blais: Vous laissez entendre que nous avons une boule de
cristal pour regarder le futur.
M. Marcoux: En tout cas, vous avez une bonne équipe de
recherchistes. La première question que je voudrais poser est
reliée à la page 2 de votre conclusion. Vous indiquez ceci: "Une
étude menée récemment démontre que près de
50% de l'énergie utilisée au Canada est gaspillée".
Lorsqu'on lit le reste du rapport, on a l'impression que vous ne tenez pas
compte de cette donnée-là. C'est comme si vous disiez: Dans
l'avenir, ça va continuer à peu près comme on a
fonctionné depuis quinze ou vingt ans. Mais j'ai l'impression que l'on
ne pourra plus fonctionner, dans les quinze ou vingt prochaines années,
comme on a fonctionné dans le passé. A partir du moment où
l'on sait que l'on gaspille, où l'on gaspille et comment on pourrait
économiser, autant les gouvernements que les autres corps publics
n'auront pas le choix d'intervenir ou non pour limiter au maximum le
gaspillage.
Ce que je trouve paradoxal dans votre mémoire, avec vos
raisonnements et les chiffres que vous avancez, c'est comme si c'était
le statu quo qui allait être maintenu ou à peu près; une
diminution de la croissance, bon, tout le monde le sait, en particulier au
Québec.
Alors, comment, en somme, pouvez-vous fonder votre politique d'avenir
sur une espèce de statu quo, alors que, par ailleurs, vous affirmez
qu'on gaspille, donc qu'il va y avoir des mesures antigaspillage? Cela est ma
première question.
La deuxième question, c'est à propos de la page 6 de la
conclusion également où vous indiquez: "L'application de ces
mesures (concernant le gaz, entre autres) se solderait par la diminution de la
dépendance face à l'électricité, qui
nécessite d'importantes dépenses en immobilisations, et au
pétrole importé qui exige de fortes sorties de capitaux du
pays."
Vous êtes le premier groupe qui proposez au gouvernement du
Québec de diminuer sa dépendance face à
l'électricité. Disons que les motifs sur lesquels vous vous
fondez ne sont pas tellement explicites. J'aimerais connaître quels sont
les... Vous êtes le premier groupe qui nous recommande de diminuer notre
dépendance face à l'électricité...
M. Blais: Oui. Face à l'électricité,
oui.
M. Marcoux:... comme source énergétique. Je ne
trouve pas dans le rapport les motifs qui fondent ce voeu de votre groupe.
J'aimerais savoir pourquoi le Québec devrait se fixer comme objectif de
diminuer sa dépendance face à l'électricité. Cela
m'apparaît paradoxal par rapport à tout ce qui a été
dit au Québec depuis dix ou quinze ans à ce sujet.
M. Blais: Oui. Disons que, premièrement, selon
l'étude à laquelle on se réfère, 50% de
l'énergie est gaspillée. Disons que c'est une étude
théorique. Premièrement, c'est une étude qui a
été en- treprise par le ministère de l'énergie de
l'Ontario sous la direction du ministre, M. Timbrell. Si cela vous
intéresse, je suis certain que vous êtes capable d'en avoir une
copie. Maintenant, cela rendait compte de l'efficacité des appareils,
comme des appareils de combustion. Prenez, disons, dans la fournaise, chez
vous, si vous êtes alimenté par l'huile, une efficacité aux
alentours de 75% est probablement le maximum. Dans cette étude, on a dit
qu'il y avait 25% qui était gaspillé, qui montait dans la
cheminée. C'est encore pire quand on en vient aux centrales thermiques
pour l'électricité. Nous autres, on trouve que c'est
épouvantable de voir du gaz naturel pour alimenter un système ou
une centrale thermique, parce qu'il y a à peu près 70% de
l'énergie qui monte à travers la cheminée. C'est du
gaspillage épouvantable.
Maintenant, pour donner un peu les hypothèses que nous avions
incluses dans notre présentation qui reflète un peu la
conservation, vous pouvez peut-être regarder, la page D-8, pour vous
rendre compte qu'au moins dans le secteur de l'huile brute, on démontre
ici la différence entre un programme de conservation et sous
conservation.
Vous voyez le secteur rose: cela démontre ce qu'on aurait
épargné au point de vue de la conservation. Quelles sont les
présomptions employées pour arriver à ces chiffres?
Premièrement, dans le secteur du transport, on estimait que le millage
par gallon, en 1976, était d'à peu près 17,5, tandis qu'en
1985, on avait évalué que c'était pour être environ
23 milles au gallon et en 1995, 30 milles au gallon. C'est à cause de la
législation fédérale qui traitait spécifiquement de
l'industrie de l'automobile. On a fait des hypothèses au sujet du poids
des véhicules à moteur qui serait moins lourd, des vitesses
limites sur les routes. Il faut aussi faire des hypothèses autour du
nombre de personnes par automobile, parce qu'il semblerait qu'on est en train
de se servir de plus en plus des automobiles. On avait estimé que le
point de saturation serait atteint vers les années quatre-vingt et il
serait, à ce moment-là, autour de deux personnes par auto.
Tous ces facteurs cumulatifs représentaient environ 40%
d'épargne. Quant aux domaines résidentiels et commerciaux, les
facteurs cumulatifs étaient de 20% jusqu'à 1995 et ce que nous
avions inclus là-dedans, c'étaient les révisions des codes
de construction, c'est-à-dire que, probablement, les normes ou les
exigences, au point de vue de l'isolation, seraient fixées, soit 3
pouces ou 4 pouces au lieu de 2 1/2 pouces de laine pour les murs.
Il y avait aussi de nouvelles normes concernant les appareils
domiciliaires. Acheter des brosses à dents électriques, il me
semble que cela devrait disparaître.
Il y avait le facteur d'isolation, comme tel, qui avait influencé
jusqu'à 15% à 30% d'épargne. Alors, c'est très
important. Maintenant, on avait aussi estimé ou inclus que 40% des
domiciles devront avoir leur isolation améliorée d'ici 1980, ce
qui voudrait dire qu'il devrait y avoir une incitation à la
collectivité ou un encouragement à améliorer l'isolation
dans les maisons.
Dans l'industriel, on avait évalué les facteurs cumulatifs
qui pouvaient rapporter une épargne aux alentours de 21% en 1995. Et ces
facteurs-là reposaient plutôt sur le coût de
l'énergie. A mesure que le coût de l'énergie montera, si ce
sont des hommes d'affaires, naturellement, ils essayeront de faire le mieux
possible pour épargner. Alors, dans le secteur industriel, c'est
plutôt une question de prix.
Maintenant, j'ai oublié votre deuxième question.
M. Marcoux: Pourquoi nous recommandez-vous de diminuer notre
dépendance, face à l'hydroélectricité?
M. Blais: Cela revient un peu aux projections que nous avions
faites pour la province de Québec. Je vous réfère à
la page C-1, où on parle de demande d'énergie primaire, les
sources d'énergie. Vous allez voir ce qui revient à
l'énergie nucléaire. Ce qui est inclus dans les données
pour 1975 c'est à l'usine nucléaire de Gentilly, 1%.
Maintenant, entre 1985 et 1995, on avait prévu qu'il y aurait une
centrale nucléaire bâtie par année durant cette
période. Effectivement, à peu près une dizaine de
centrales nucléaires...
Il me semble qu'un coût d'à peu près $1 milliard par
usine n'est pas extraordinaire.
M. Joron: En somme, il faut faire la distinction entre
l'hydroélectricité et l'électronucléaire. Quand
vous combinez les deux, vous parlez de l'électricité comme telle,
globalement.
M. Blais: Oui.
M. Joron: Vous prévoyez quand même une
légère augmentation de la part de l'électricité
dans le bilan énergétique.
M. Blais: Oui. Ils sont réunis.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, il me reste
à vous remercier au nom des membres de cette commission pour l'apport
que vous avez voulu leur apporter.
La séance est suspendue jusqu'à 8 h 15. Il y a une
cafétéria au sous-sol pour ceux qui veulent manger.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
Reprise de la séance à 20 h 19
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
J'inviterais M. Fernand Benoît à venir présenter son
rapport. M. Benoît, environ trente minutes pour votre exposé.
Question?
Benoît et Associés
M. Benoît: Merci, monsieur. Alors, je me présente:
Fernand Benoît, de Benoît ? Associes.
Présentation spontanée sur l'énergie-Québec
1977.
La communauté a permis à Benoît &
Associés d'étudier et de connaître à fond les
richesses naturelles du Québec et nous pouvons et voulons en faire
profiter les Québécois à la seule condition qu'ils le
veuillent bien. Pour nous, et par ordre d'importance, l'énergie du
Québec peut se classer comme suit: hydroélectrique en grand,
projets gigantesques en cours, en moyen et petit, à développer.
Deuxièmement, température et biogaz de la biogradation des
matières organiques, déchets urbains, déchets agricoles,
bous d'égouts, autres matières organiques. Troisièmement,
minéraux radioactifs. Quatrièmement, gaz et pétrole.
Cinquièmement, solaire-éolienne.
Je précise que je parle pour l'énergie du
Québec.
L'énergie des groupes 1, 2 et 5 est renouvelable et non polluante
et cette présentation traitera surtout de l'énergie renouvelable
de température et gaz produite par la biodégradation des
matières organiques.
Energie-Québec: hydroélectrique en grand. L'énergie
qui est et qui sera produite grâce au grand projet hydroélectrique
est plus importante aux Québécois que le pétrole l'est aux
Arabes du fait surtout que cette énergie est renouvelable et non
polluante. Mentionnons seulement que, pour des experts en géologie
appliquée, il est incompréhensible et presque scandaleux que l'on
persiste à nous imposer des techniques de construction de barrages
où l'on doit combattre le froid plus de neuf mois par année au
lieu d'utiliser des techniques beaucoup plus économiques, qui pourraient
combattre une température moins froide moins de trois mois par
année.
Hydroélectrique en moyen et petit. Benoît &
Associés a commencé à étudier très
sommairement l'utilisation facile et économique de notre potentiel
hydroélectrique pour des besoins locaux, pour des communautés
moyennes à petites: municipalités, industries, individus,
etc.
Nous avons au Québec tous les éléments essentiels
pour développer cette source d'énergie très peu ou pas
utilisée. Le développement de cette richesse renouvelable nous
permettrait même d'être des exportateurs d'ici quelques
années de moyennes et petites centrales hydroélectriques,
etc.
La page 3 a été corrigée
légèrement.
L'ignorance et l'abondance nous ont fait oublier ce développement
logique des potentiels hydroélectriques et mécaniques, moyens et
petits.
Ces deux facteurs sont responsables en partie du fait que l'industrie
québécoise ne fabrique pas encore d'équipement pour
transformer sans pollution la puissance de ce potentiel, moyen à petit,
en énergie nécessaire qui est devenue aujourd'hui très
dispendieuse depuis peu.
Energie, température et biogaz de la biodégradation des
matières organiques. Nous savons que la biodégradation
aérobique (eau et air) produit surtout de la chaleur (115oF à
160oF ou 46oC à 171oC correction) et que la biodégradation
anaérobique (eau sans air, température optimum 85oF à
105oF ou 30oC à 40oC) produit surtout des biogaz à plus de 50% de
méthane CHU.
D'après le rapport du comité sur la gestion des
déchets solides du 19 décembre 1972, le Québec produit par
année quelque 6 762 000 tonnes de déchets urbains, 8 579 000
tonnes de déchets agricoles de végétaux et quelque 21 573
000 tonnes de déchets agricoles d'animaux pour un grand total de quelque
36 915 000 tonnes de matériaux principalement constitués de
matériaux organiques biodégradables.
A ces quantités viendront s'ajouter sous peu le potentiel de
millions de tonnes de boues d'égouts et des quantités
inestimables de végétaux et autres matières organiques non
utilisées et renouvelables.
Chaque tonne de déchets urbains libère par
biodégradation plus de 4 millions de BTU gaz et chaque tonne de
déchets agricoles (100% organique ou presque) encore beaucoup plus. J'ai
une étude pratique en cours présentement.
En supposant qu'un gallon de pétrole de 180 000 BTU coûte
$0.42, ceci nous donne une valeur d'énergie en gaz de plus de $9 la
tonne et un potentiel de valeur d'énergie de plus de $60 millions/an
pour les déchets urbains du Québec seulement, plus de $270
millions/an pour les déchets agricoles et des multimillions pour les
boues d'égouts et les matières organiques disponibles au
Québec.
Les déchets urbains. Depuis dix ans, nous avons
étudié et calibré en pratique les réactions
aérobiques, température, et anérobiques de
dépotoirs de déchets urbains par biodégradation. Durant
cette période, nous nous sommes intéressés activement
à la solution idéale pour le Québec de disposer de ses
déchets urbains. Cette étude nous a fait conclure positivement
que l'enfouissement sanitaire en milieu biodégradant
contrôlé était de loin la solution et condamnait
l'incinération, méthode déjà désuète,
et la pyrolyse, méthode de demain.
Nous avons constaté qu'en milieu géologique donné
il est moins dispendieux de procéder à un enfouissement sanitaire
biodégradable capteur d'énergie et antipolluant que de
procéder à un enfouissement dit sanitaire
antibiodégradant, tel que proposé au Québec.
Cette technique, en plus de fournir une énergie facilement
utilisable près du site, tend vers l'obtention d'une masse inodore et
exempte de virus pathogènes qui recèlera une source de
métaux et d'autres matières inorganiques exploitables. A cause de
la crise de I énergie, on exploite le biogaz de certains
dépotoirs américains avec un certain succès, mais il faut
mentionner que ces dépotoirs furent faits de façon à
éviter les conditions biodégradantes. Depuis dix ans, nous avons
pu étudier et combattre les éléments nécessaires
à la production du biogaz des dépotoirs dans des conditions
pourtant très peu favorables. Depuis 1976, nous avons
décidé qu'au lieu de combattre cette biodégradation nous
l'optimiserions. Dans des conditions géologiques favorables, il est
moins dispendieux de procéder à la fabrication d'une pile
bioénergétique optimum ou digesteur que de procéder
à l'enfouissement sanitaire normal.
En pratique, nous espérons appliquer la captation de cette
énergie au site de Delson, comté de Châteauguay, qui
pourrait être utilisé en tout ou en partie pour la culture en
serres. Ce site, dit D-1 référence 11, que je mentionne
dans mon rapport contiendra sous peu plus de 740 000 tonnes de
déchets urbains qui recèlent théoriquement plus de 4
millions de BTU en gaz par tonne ou l'équivalent de plus de 22 gallons
de pétrole. Cette énergie équivaut donc à une
valeur de plus de $9 la tonne pour un total de plus de $6 millions exploitables
dans une période de moins de cinq ans à plus de dix ans, selon la
demande, car la méthode est contrôlable.
Les déchets agricoles. L'utilisation du méthane de la
biodégradation du fumier a cours dans plusieurs pays à court
d'énergie: 8000 fermes en Chine, 2000 fermes connues en Inde, etc.
Présentement, une fosse expérimentale a été
préparée par Benoît et Associés et entrera en
opération au printemps 1977. Nous savons que nous pourrons prouver
qu'avec un investissement de moins de $500 nous pourrons
récupérer plus de $2000 d'énergie, tout en fabriquant un
engrais de première qualité. Les piles
bioénergétiques de matières organiques à 100% dans
des conditions optimum produisent plus de $30 la tonne, basé sur 180 000
BTU égale $0.42, de valeur de CH4 et les résidus sont des engrais
de première qualité. Nous espérons qu'en 1976 plusieurs
cultivateurs pourront se suffire en énergie électrique et chaleur
et pourront même cultiver des légumes en serres de dimensions
proportionnelles à leurs opérations.
Les boues d'égouts. Quelques petites usines de traitement des
eaux d'égouts sont déjà en exploitation au Québec
sans qu'aucune, à notre connaissance, ne récupère
l'énergie produite. Cependant, la construction en cours de l'usine de la
CUM dans l'île de Montréal justifie à elle seule une
étude pratique sur la captation de l'énergie à cet
endroit.
Mentionnons seulement qu'on rapporte que l'usine de traitement des eaux
d'égouts Mogden, à Londres, produit, depuis 1935, du biogaz qui
recèle de 600 à 700 B.T.U. par pi.3 et que l'ordre de grandeur de
la production actuelle est de 8 millions de pi.3/jour. Si 180 000 B.T.U.
égalent $0.42, cette production peut donc représenter une valeur
de $11 000 à $13 000 par jour. d) Autres matières organiques.
Beaucoup
d'autres matières organiques, telles les récoltes
avariées ou tout autre bien de consommation avarié, etc., seront
utilisées dans les "digesteurs" que nous proposerons.
Ce domaine trop vaste ne peut être discuté dans cette
présentation spontanée.
Minéraux radio-actifs. En tant que nous sommes concernés,
cette énergie polluante au possible est une richesse vendable et est,
à l'heure actuelle, de loin beaucoup moins économique que notre
énergie renouvelable.
Gaz et pétrole. Souvenez-vous, messieurs, que c'est du
combustible fossile. Comme pour le charbon il n'y en a pas beaucoup. Cela a
été produit avec des micro-organismes aussi, des "bibi-tes".
Notre potentiel en pétrole est relativement faible, mais notre gaz
naturel devrait être développé pour l'utilisation
très locale par des individus ou autres.
Energie solaire-éolienne. La biodégradation des
végétaux est indirectement une utilisation de l'énergie
solaire qui est de loin la façon la plus favorable pour notre climat
d'accumuler cette énergie solaire.
L'énergie éolienne est certainement intéressante
à plusieurs points de vue, mais nous voyons l'utilisation de cette
énergie comme énergie parallèle à une autre source,
telle celle de la biodégradation, de nos cours d'eau, etc.
L'énergie hydroélectrique, c'est aussi du soleil et du
vent. Si on n'avait pas de soleil et de vent, messieurs, on n'aurait pas de
rivières ni de lacs. Si on n'avait pas de montagnes non plus.
Conclusion. Les problèmes d'énergie et d'environnement
favorisent grandement les Québécois et les obligent à
inventorier leurs richesses naturelles renouvelables le plus rapidement
possible.
L'application immédiate de la récupération de la
température et du biogaz combustible dans des conditions
géologiques données pour des utilisations locales mais qui
seraient possibles pour chaque Québécois résoudrait
plusieurs problèmes d'énergie, d'environnement, d'agriculture,
d'économie et même de politique.
Messieurs, ayons la sérénité d'accepter les choses
que nous ne pouvons pas changer, mais le courage de changer les choses qu'on
peut, et la sagesse d'en connaître la différence. Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Benoît, M. le
ministre.
M. Joron: M. Benoît, c'est la première fois, depuis
trois jours que la commission siège, qu'on a l'occasion de se pencher
sur cette ressource naturelle qu'on avait oubliée jusqu'ici.
Je voudrais vous demander d'expliciter davantage la façon dont
vous avez construit une fosse expérimentale. Comment est-ce qu'on sort
de la chaleur du gaz? C'est du gaz que l'on peut sortir. Expliquez-nous donc
cela avec plus de détails. Quelle est l'utilisation la plus rationnelle
à laquelle cela peut servir? Au chauffage du district avoisi-nant? A
quoi au juste?
M. Benoit: Pour un début, je vous mentionne qu'à
Lachine j'ai les recettes d'ailleurs qu'un de mes copains de Lachine va
vous fournir on a 8000 fermes, à cet endroit, pour les
déchets agricoles. J'ai la documentation et je me ferais un plaisir de
vous la donner. On a une cellule de 5 pieds sur 5 pieds sur 5 pieds sur 6 pieds
et une fosse à côté de la moitié de la grandeur.
Avec le fumier de deux cochons, on produit assez de bio-gaz pour faire de la
nourriture pour ciq à six Chinois. Cela va durer tant que les cochons
vont être là. C'est aussi cocasse que cela. Cela fait du bien de
rire un peu de toute façon. Avec tous mes diplômes... D'ailleurs,
si je suis ici, c'est que j'ai été à la baie James et un
type qui faisait un travail...
Présentement, j'ai un de mes copains qui est un Italien, qui a
150 cochons. Je lui ai dit: Si cinq Chinois vivent avec deux cochons, un
Italien c'est un millionnaire avec 150 cochons. Je perds du temps. Vous me
volez du temps.
Une Voix: Et ils ne sont pas obligés de tuer les
cochons!
M. Benoît: Présentement, à Sainte-Biaise,
chez Grégoire Ferry, j'ai une fosse de 80 pieds de long, de 25 pieds de
large et de 10 pieds de profond. Les conditions, je les connais très
bien. Un cheval, à ma connaissance, ne marche pas, ni avec la
radioactivité, ni avec du pétrole, ni avec de
l'électricité. Du foin puis de l'eau et cela fonctionne. C'est de
l'énergie, messieurs. On rit, mais c'est cela.
Le cultivateur sait très bien que son foin est mouillé.
S'il le met dans la grange, cela fait de la chaleur et il peut mettre le feu.
Cela, c'est de l'aérobie: chaleur, matière organique, eau et air.
J'enlève l'air, c'est simplement du gaz surtout. Ici, au Québec,
j'ai vécu trois expériences: Première étude,
école de Verdun; deuxièmement, stationnement Victoria, cinq
jours, solution. On trouvait même les endroits dangereux par le biogaz
produit par les dépotoirs, cinq jours avant, avec un essai à la
flamme, une nouveauté au Québec. Troisième
expérience: Cell-Rock, deux ans de temps, condamné à $2
millions de réparations. On l'a fait pour $200 000. J'ai vécu les
faits, je sais.
A un moment donné, j'ai pompé 5 millions de gallons d'eau
à 90 degrés Farenheit en plein hiver. Je faisais fondre la neige
dans la rue Murray. C'est devenu, à cause de la chance que j'ai eue, de
constater des faits... Alors, si j'ai 5 millions de gallons à 90
degrés... la semaine passée, j'ai eu la chance de participer
à un séminaire international sur l'enfouissement sanitaire, les
vidanges. On m'a rapporté 140 degrés Farenheit à un
endroit, à cause de la biodégradation. Je vous
répète encore que le gaz et le pétrole dont on parle, cela
a été fait avec des forêts il y a quelques années.
Ce n'est pas de la roche. On les a, les forêts, on les a, les
végétaux. Ignorance et abondance, peut-être, mais c'est
là. Comme je vous dis, non, je ne pourrai pas le dire tout de suite, je
vous le dirai après. Il y a beaucoup d'expériences. Vous
fonctionnez. On a du biogaz, messieurs. On a de la chaleur aussi. Ce n'est rien
de nouveau.
Aux Indes, et j'ai des articles ici, un poulailler
de volailles fournit son électricité avec une
génératrice. Ils font l'incubateur et tout cela. Cela se fait
partout, ce n'est pas nouveau, ce que je vous dis.
M. Garneau: Comment cela se fait-il? Comment font-ils cela? Ils
mettent le fumier à une place et...
M. Benoît: D'accord. Les bous d'égouts, je crois,
seraient peut-être la meilleure solution, parce qu'on a beaucoup de
documentaire qui se fait sur les bous d'égouts. Quand je dis Mogden,
à Londres, ce sont mes Chinois qui m'ont répété
qu'à Londres j'ai vérifié, c'est vrai les
bous d'égouts, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? J'ai envie de
vous le donner tout de suite, M. Garneau.
M. Garneau: Ce ne sont pas les mêmes Chinois que tout
à l'heure.
M. Benoît: Cela fait du bien, en fait, après un
dîner ou un souper. Messieurs, je l'ai vécu. J'avais six
cheminées pour pomper mon dépotoir à Cell-Rock, sur la rue
Murray, à Saint-Hubert. J'allumais mes cheminées tous les soirs.
J'ai des photos de mes cheminées sur le stationnement Victoria. Les gens
de la Gazette parlaient de volcans et tout cela. C'est du biogaz, messieurs.
Même étudiants, vous avez peut-être fait des concours de
biogaz. C'est simple comme cela. C'est là. Encore une fois, le
pétrole... Tout ce dont je vous parle, énergie, cela vient du
soleil et du vent. On cherche des sources d'énergie, et on les a
là. Je vous dis que le Québec, d'après moi, dans ma petite
tête, c'est qu'on a mis sur un radeau une bouteille d'eau et on a dit:
C'est seulement cela que tu as. Goûtez l'eau alentour du radeau, c'est un
lac limpide et cristallin. Pourquoi se battre pour une bouteille d'eau? C'est
technique, pour répondre à M. Garneau, pour le moment, je ne veux
pas aller chercher l'énergie et la ramener à un endroit
donné et la retourner. Je n'amènerai pas la montagne aux gens.
Les serres dont je vous parle, j'ai parlé avec M. Harnois, de Joliette,
d'une industrie prometteuse au Québec, qui a été
coupée justement à cause du coût du pétrole. Je
connais plusieurs types qui ont acheté des serres Malheureusement, c'est
en faillite aujourd'hui à cause du prix du pétrole. Ces serres,
le site Delson dont je vous fais mention, pourraient facilement alimenter, sans
être optimiste, plusieurs acres de serres.
Je disais l'an passé: Mon rêve, c'est de vendre des oranges
aux gens de la Floride. J'ai peut-être raison, avec la température
qu'ils ont eue cette année. C'est comique, c'est vrai. Mais c'est
peut-être plus vrai qu'on ne le pense. La seule chose qu'on demande,
c'est d'essayer. Présentement, j'ai présenté un projet au
fédéral malheureusement, le "timing" n'était pas
bon sur le site de Cell-Rock. En renouvelable, on essaie de cacher nos
vidanges pour que ça ne réagisse pas. Aux Etats-Unis,
présentement j'ai des articles que j'ai eue la semaine
passée; je ne les avais pas lors de ma présentation
spontanée on extrait le gaz qu'on place dans un circuit normal de
gaz naturel. On dit M. Brunet, un Haïtien, à Mountain View,
je crois, en Californie que leur coût est identique à celui
du gaz qu'ils achètent du Canada présentement, qui est $2.57 les
mille pieds cubes. On dit ça dans l'article. Mais pensez bien que ces
enfouissements sanitaires ont été faits pour éviter qu'il
ne se forme du gaz. J'ai vécu, depuis dix ans, la même chose, ici,
au Québec. Le coût, quand on parle de coût... Je commence
avec des cultivateurs dans des endroits imperméables. Autrement dit, je
n'ai pas de nappe d'eau. Même si les types mettent du béton, je
n'ai pas de nappe d'eau. Je ne peux pas polluer. J'évite le béton
ou les matières... la piscine, autrement dit. C'est le défi que
je relève et je vous inviterai avec plaisir, au printemps, à
manger du steak cuit au biogaz qui ne sent pas, une fois qu'on le capte. Avec
un investissement de $500, le type personnellement, sur une ferme, peut sortir
un minimum de $2000. Je suis très sécuritaire lorsque je vous
parle de BTU. Ce sont des articles de M. Berman, de France, récemment,
dans Géologie au futur, revue 2000.
Présentement, je fais ma ferme chez un cultivateur de
Sainte-Biaise, mon Italien, qui est un chic copain. J'aimerais avoir la
chance... J'ai envoyé six copies à M. Lévesque pour le
site de Deslon où, je crois, on peut appliquer cette technique. Je crois
que la meilleure façon, c'est de le prouver enfin Cela élimine
beaucoup de théories et de placo-tage.
M. Joron: A Delson, justement, on pourrait s'en servir pour quoi,
pour le chauffage?
M. Benoit: Mon but, c'est de chauffer des serres à Delson
pour prouver un point, qu'au Québec on peut... Cela vient d'une
drôle de façon. Je connais des types qui ont quitté la
culture en serres à cause du coût de l'énergie et qui
travaillent dans des industries. Ce n'est pas leur place. Ce sont des
génies en culture en hiver, mais, malheureusement, on ne leur donne pas
la chance de le faire. Delson, c'est un endroit où beaucoup de gens
s'intéressent à la culture en été.
M. Joron: J'en retiens que l'application première que vous
y voyez, c'est d'abord en milieu rural, sur la ferme, pour assurer une certaine
autonomie énergétique à une ferme. C'est la culture en
serres surtout que vous voyez comme preuve.
M. Benoit: Mon premier but immédiat, oui, mais ça
laisse des latitudes, étape par étape. C'est du gaz naturel,
encore une fois. Dans le moment, aux Etats-Unis, il y a trois endroits
où on le fait.
C'est du gaz naturel. Il y a traitement pour enlever l'eau, mais aux
Etats-Unis on a fait des essais sur des génératrices avec 40% de
CH4. Si on obtient plus de 50% ou 70%, on le réduit à 40%. Cela
me fait plaisir, M. Harnois, ce sont des ouvrages et les gens vont travailler.
Deuxièmement, c'est qu'on ne donne pas du poisson au cultivateur. Mon
rêve, c'est de lui installer son équipement et il ne paiera qu'un
montant de 10% à 25% de ce qu'il va recevoir. S'il ne peut pas
récolter du gaz, il ne paie pas.
M. Joron: Recommencez donc cela, le financement de ces
installations.
M. Benoît: Je répète. Moi, je cherche un
moyen de financement. D'abord, je ne veux pas donner, ce n'est pas bon. Vous
avez mis 100 feuilles aujourd'hui, je suis venu pour en chercher, il n'y en
avait plus, c'était gratuit. Vendez-les dix cents, j'en aurai une au
moins. Il ne faut pas donner. Mais, mon rêve c'est d'installer à
ce cultivateurs une fosse. Lorsqu'ils récupèrent
l'énergie, ils me paient sur ce qu'ils récupèrent ou ils
paient à un organisme quelconque. Seulement s'il y a des..
M. Joron: Vous avez besoin de trouver un banquier...
M. Benoît: Non, je n'en veux pas, j'ai de la misère
avec eux, beaucoup.
M. Joron: ... Imaginatif.
M. Benoît: J'ai essayé de manger un billet de $1000
avec du ketchup et ce n'est pas bon. Je m'excuse, il faut des valeurs
naturelles. Je crois qu'on a les richesses naturelles et je crois que notre
dollar vaut beaucoup. Il s'agit de le prouver maintenant. Je crois que cette
façon d'approcher le problème... Je cherche encore une
façon logique, sans donner, de permettre aux gens qui ont des talents
d'avoir la chance de les développer. C'est tout. Je cherche encore la
solution.
M. Giasson: Quand vous dites qu'une fosse expérimentale a
été préparée par Benoît et associés et
entrera en exploitation au printemps 1977, cela veut dire que vous avez
lancé une expérience?
M. Benoît: Oui, je m'excuse, cela devrait marcher. J'ai
deux tuyaux de 100 pieds que j'ai utilisés pour envoyer de l'eau d'un
endroit à l'autre, parce que je ne veux pas dépasser mes $500.
J'ai une fosse, présentement, avec mes tuyaux verticaux et, après
quinze jours, je voulais avoir un bélier mécanique parce qu'il y
avait une partie du fumier qui était gelée. Vous allez dire:
Comment se fait-il que cela gèle?
M. Giasson: Cette fosse, vous l'exploitez à quel endroit
au Québec?
M. Benoît: A Sainte-Biaise, dans le rang deux, je pense. Je
pourrais vous donner l'adresse exacte. Présentement, j'ai une fosse que
j'ai fait-creuser, 80 pieds de long et 25 pieds de creux.
M. Giasson: Mais lorsque vous parlez de l'expérience des
Chinois qui font surir du fumier de porc, ce n'est pas dans un but de produire
de l'énergie.
M. Benoit: Certainement.
M. Giasson: C'est tout simplement une opération de
compostage.
M. Benoît: Non, je m'excuse. Est-ce que je peux me
permettre de vous remettre... Je n'ai malheureusement pas tout... j'avais
même le dessin de la fosse ici. Est-ce que je peux me permettre de vous
l'apporter? Je vous le donnerai tantôt. Les Chinois n'ont pas les
problèmes qu'on a. Ils sont obligés de se déniaiser avec
ce qu'ils ont. Ils ont trouvé que cela allait bien pour chauffer, ils
n'en prennent pas beaucoup, ils ont le fameux plat chinois dont vous avec la
photographie. D'une part, ils récupèrent assez d'énergie
pour eux, ils fonctionnent à 10% dans ces cas.
C'est simplement de l'eau et du fumier dans un trou, avec une plaque en
zinc, parce qu'ils ont du zinc, et un petit tube en U pour garder la pression.
Cela doit leur coûter à peu près $9.95, s'ils ont un sol
imperméable. Présentement, cela se fait sur 8000 fermes. J'ai
l'article ici. Cela me fera plaisir de vous le distribuer. Mais, d'un autre
côté, cela améliore, c'est qu'on enlève...
Imaginez-vous tous les déchets; on parle de mines, tous les
déchets qu'on jette. On ne peut pas les manipuler, on a eu des mauvaises
expériences parce que cela ne sent pas bon. Mais, une fois que ma
réaction est terminée, cela sent bon. Il vous reste des
protéines, des métaux, qu'on cherche ailleurs et qu'on a
là, et du sol. Alors, à Delson, il y a deux sites qu'on pourrait
exploiter. On fait cinq ans à un endroit. On peut la réinjecter
aussi. Si on la réinjecte à un endroit imperméable, encore
une fois... A Delson, c'est un site idéal parce qu'imperméable.
La nappe d'eau ne passe pas. Je peux réinjecter. On a eu des fois vingt
voyages de raisin avarié, vous réinjectez cela dans votre
dépotoir, c'est de l'énergie.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski, s'il vous plaît.
M. Marcoux: Le moins qu'on puisse dire, c'est que je pense qu'il
faut noter l'imagination qu'il y a dans votre mémoire. Je pense que cela
stimule l'imagination de tous les membres de la commission.
J'ai toutefois certaines questions. La première question, un bout
que je n'ai pas du tout compris, un des bouts que je n'ai pas du tout compris.
A la page 2, vous dites: "On persiste à nous imposer des techniques de
construction de barrage où l'on doit combattre le froid pour plus de
neuf mois par année au lieu d'utiliser des techniques beaucoup plus
économiques qui pourraient combattre une température moins froide
pour moins de trois mois par année". Franchement, là, je...
M. Benoît: En 1972, j'étais à la baie James
pour Québec Engineering. D'ailleurs, j'ai fait, sur le pont, les
premiers 21 milles, Simard & Denis, Cie Ready-Mix, Lajeunesse, j'ai
localisé six des sept carrières, je suis allé pour
Québec Engineering pour les portails amont et aval de LG 2. Le 22
juillet 1972, si je me souviens bien, j'ai pris une photographie sous six
pouces de mousse, j'avais de la glace où le camp des hommes est
installé. On combat le froid, croyez-le ou non. Le noyau du barrage
à LG 2, à l'automne, on le recouvre de
gravier et de glace artificielle pour qu'il ne gèle pas. Au
printemps, on revient et on enlève la partie qui a gelé quand
même. Quand il pleut, on ne travaille pas sur le noyau. On nous impose...
Si je vous donne de l'argent, je vais dire oui, mais il faut que je te
surveille. C'est malheureux. J'ai mis cette entrée peut-être pour
une autre commission parlementaire. Mais, au Québec,
présentement, les barrages sont faits dans des conditions pour combattre
le froid dans le moment. On ne veut pas que les noyaux gèlent, tandis
qu'en Russie, présentement, on fait des barrages gelés.
Là-bas, l'eau qui arrive n'est pas chaude. Vous irez vous baigner en
plein été dans La Grande, vous verrez que c'est froid. S'il y a
40 pieds de roc gelé, mais on nous impose quand même des barrages.
L'énergie hydroélectrique, c'est la faute de personne. C'est
peut-être de l'ignorance comme j'en avais. Quand on le sait, j'ai
mentionné cela, peut-être, pour une ouverture, pour un autre
projet que j'ai en tête.
M. Marcoux: En tout cas, disons que vous avez essayé de
m'expliquer et je n'ai pas compris.
M. Benoît: Et je m'excuse, mais j'ai soumissionné
pour Caniapiscau. J'avais suggéré comme l'habitant, son foin
mouillé fait de la chaleur; je voulais que la tourbe soit
mouillée et qu'on fasse de la chaleur. Malheureusement, mon correcteur
n'a pas eu le contrat.
M. Marcoux: Voici ma deuxième question. Si on mettait en
application l'ensemble des techniques de récupération de la
chaleur que vous proposez dans votre mémoire, par rapport à la
consommation globale du Québec, je ne sais pas, dans une dizaine
d'années, cela représenterait quoi comme valeur d'énergie?
l%, 2%?
M. Benoît: Vous êtes beaucoup plus pessimiste que ma
femme. Je vous réponds...
M. Marcoux: Non, je vous pose une question.
M. Benoît: Oui, d'accord, c'est très clair, je vous
comprends très bien. Le type m'a dit: Fer-nand, combien de temps va
durer l'énergie des Chinois? Tant que les cochons vont vivre. La
personne qui est là, elle a un besoin, elle fait quelque chose. La
matière organique, c'est là.
Je n'ai pas parlé non plus de transformation en alcool de bois,
de débris de bois, de bran de scie, je ne parle pas de cela. C'est
proportionnel à la capacité. Si je vous dis que chaque
cultivateur peut s'autosuffire, cela va enlever un poids pour donner de
l'énergie aux industries. Je peux même pousser jusqu'à
aller voir Miron à Montréal. C'est fantastique l'énergie
qu'il y a là. Mettons-la dans des conditions favorables.
M. Marcoux: Vous semblez connaître votre secteur. Dans
votre mémoire, partout, il y a des chiffres, 18 000 BTU, 37 000, c'est
rempli de chiffres. Je voudrais quand même avoir un ordre de grandeur. Si
on utilisait les techniques que vous proposez de récupération de
la chaleur dans votre mémoire, les techniques qu'on n'utilise pas
jusqu'à maintenant, qu'est-ce que cela pourrait représenter par
rapport à l'ensemble des besoins?
M. Benoit: Je vous jure que si on applique les techniques
hydroélectriques, grand, moyen, petit et biodégradation, on n'a
pas besoin d'autre énergie. Regardez notre pays, c'est impensable...
M. Marcoux: D'accord. Cela répond à ma question.
Une dernière question. Que le fumier chauffe, je pense que...
M. Benoit: Tout le monde sait cela.
M. Marcoux: ... l'on n'a pas découvert cela aujourd'hui.
Nos parents l'avait découvert, nos grands-parents, nos
arrière-grands-parents. Le problème, c'est la
récupération de cette chaleur. Comment procédez-vous,
quelles sont les techniques de récupération de cette chaleur?
M. Benoit: On a plusieurs techniques, comme je vous l'ai dit
tantôt. Je vous parlais des Chinois, je pourrais vous dire qu'ils
récupèrent 10%. Présentement, à Saint-Biaise, c'est
un trou dans une terre imperméable, 80 pieds de long. Cela va prendre un
maximum de $200 de tuyau de polythène, de PVC, et un polythène
croisé avec de la terre noire. Pour le mélange du fumier, il me
faut toujours la température important la
perméabilité c'est pour cela que le fumier de vache
gèle, il n'y a pas de perméabilité
deuxièmement, le pH c'est naturel, cela se tient là comme cela.
Et pour isoler, dans notre climat, c'est en aérobie, par-dessus je mets
de l'aérobie, ce sont des matériaux avec de l'eau et de l'air.
C'est pour tenir isolé mon milieu biodégradant. Je ne vais pas
chercher de méthodes compliquées, absolument pas. Cela s'applique
immédiatement dans des régions où le sol est
imperméable, toute la région de Napierville, Saint-Blaise,
Châteauguay, c'est presque le cas. Toute la rive sud pour les
enfouissements sanitaires, on est dans du "shale ", une zone
imperméable. On n'a pas besoin de béton ou de masse
imperméable. Pour les régions comme Joliette où il y a du
sable, des bonnes sources d'eau, c'est différent, mais il faudrait
prouver le coût de rentabilité et si ce coût le justifie,
mettre des fosses en béton, en polythène, etc.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, c'est un plaisir pour moi de
constater que l'esprit inventif des Québécois rentre en partie
à l'Assemblée nationale aujourd'hui grâce à
quelqu'un qui vient de mon comté. M. Benoît, la méthode,
quand même, dont vous nous parlez aujourd'hui a l'air d'une
méthode maison. Vous parlez de polythène et de tuyaux et d'un
trou que vous faites. Est-ce que c'est quand même une méthode qui
pourrait être rationalisée à un coût peu
considérable et qui pourrait être utilisée plus largement
que le fait de chauffer une serre, par exemple?
M. Benoît: Certainement. D'ailleurs, des ingénieurs
essaient de codifier et on ne peut pas codifier les choses. On doit prendre les
éléments qu'on a et une fois qu'on a les éléments,
le faire. C'est pour cela que je ne peux pas. J'aimerais bien vous donner la
recette miracle, mais elle n'existe pas. Cela dépend du climat. Autant
une maison en Floride et une maison au pôle nord sont différentes,
autant ma méthode. Je le répète encore, si c'est de
l'énergie pour des individus, chaque individu, quand il jette...
Dans un pays d'abondance, on a des déchets. C'est autosuffisant.
C'est définitif, encore une fois, que je ne remplace pas l'apport, mais
quand on parle de croissance de l'énergie, je crois qu'on peut, de
beaucoup, la freiner. On m'a rapporté qu'un type, près de
Montréal, avait son propre... Cela lui a coûté $6000 il y a
dix ans, et il s'éclaire et se chauffe avec 40 ou 50 bêtes
à cornes. Malheureusement, je n'ai pas pu le voir. Ce que je vous dis
s'est fait dans plusieurs pays. Souvent, c'étaient des recettes
secrètes qui n'ont rien de secret une fois qu'on connaît les
éléments de base. Ce qu'il manque, en fait, ce n'est pas
l'énergie, ce sont les techniciens pour l'appliquer. Il faudrait former
des gens qui puissent aider les autres.
M. Dussault: J'aurais une deuxième question. Vous avez
parlé de l'eau. Vous avez dit qu'il faut tirer l'eau du gaz qu'on tire
de cette technique. Est-ce que cela peut créer un gros problème
d'eau au niveau du traitement de l'eau?
M. Benoît: Absolument pas. Je vais vous donner un article
qui est tout récent, que j'ai lu la semaine passée, encore une
fois, dans un séminaire international, d'un endroit aux Etats-Unis. Je
crois que c'est... De toute façon, c'est de Los Angeles que j'ai
l'article ici. Un article dans lequel on traite du gaz. Eux sont assez
audacieux, ils veulent faire recirculer le gaz dans le gaz naturel qui est
à 90% en méthane et plus. Ils ont réussi, avec ce
système, d'après eux, à en arriver à un coût
égal à celui qui l'achète du Canada présentement.
Malheureusement, je n'ai pas fait assez d'études
spécialisées; je veux en faire. Commencer par une petite
étape et aller d'étape en étape.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Robert-Baldwin.
M. O'Gallagher: Pourriez-vous nous décrire la technique
utilisée à Londres? Vous avez mentionné dans votre rapport
qu'à Londres, dans une usine d'épuration, on se sert des boues
d'égouts pour faire du gaz. Quelle technique ils utilisent pour
cela?
M. Benoit: Je peux vous donner la technique sur des digesteurs
normaux. Je crois que même à New York on le fait. Malheureusement,
Mogden, cela provient des références à cette
documentation-ci. Je vais vous la lire textuellement. Je n'ai pas la technique,
mais je suis certain que c'est très simple. De toute façon, je la
ferai très simple.
On dit textuellement ici: "The Mogden sewage plant in London has been
producing a methane reached 600, 700 BTU cubic feet gas since 1935. Total
production at Mogden is now almost 8 million cubic feet per day and in Germany,
most major cities have been generating much gas from sewage using and similar
approach since the turn of the Century." En tout cas, je vous laisse le soin de
regarder cela.
Présentement, je suis impliqué avec un entrepreneur pour
soumissionner sur l'usine, les tunnels, etc. Je trouve décevant de voir
que ce n'est pas grave. On pourrait toujours la capter facilement. Capter du
gaz dans ces cas-là? Je me suis même laissé dire qu'avec un
polythène je m'excuse encore par-dessus, vous allez les
capter. Même les petites usines. Je connais même un type qui a
capté du gaz au-dessus d'un marais. Pour lui-même, cela lui
suffit.
Le Président (M. Laplante): Le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Si j'ai bien compris, vous transformez le fumier en
énergie?
M. Benoît: II se transforme, de toute façon. On
capte l'énergie qui se transforme. C'est cela.
M. Baril: Bon. Vous savez aussi que pour enrichir le sol, cela
prend de l'engrais organique ou de l'engrais chimique. Si on engraisse le sol
uniquement avec de l'engrais chimique, vous savez qu'il vient un temps
où le sol manque d'engrais organique, il n'y a plus de mucus. Donc, le
sol produira moins. Comment voyez-vous cela? On sait que dans l'Ouest,
actuellement, eux, ils fertilisent à peu près uniquement avec de
l'engrais chimique et c'est calculé que dans les années à
venir le sol sera beaucoup moins productif.
M. Benoît: Merci de la question. D'abord, il y a une chose.
Vous savez aussi que le fumier qu'on produit immédiatement, on ne le met
pas sur la terre tout de suite parce que ce n'est pas bon. On attend qu'il
vieillisse. Les Chinois me disent: Messieurs, on améliore la
qualité. Même les Chinois poussent plus loin.
Ils disent: Si on le pousse plus loin, c'est de la nourriture à
canards. Je ne rêve pas en couleur, messieurs. Vous enlevez quoi? Du
carbone et de l'hydrogène. L'hydrogène vient de l'eau. C'est du
pétrole qu'on met. Je ne rêve pas en couleur. L'engrais,
traité de cette façon, est amélioré. C'est aussi
stupide que cela.
M. Baril: Mais, cela ne détériore pas tout?
M. Benoît: Non, vous allez avoir un concentré
d'engrais de première qualité. Il ne se détériore
pas. Le carbone et l'hydrogène qui vient de l'eau, que j'enlève
de mon fumier, ce n'est pas cela que le sol veut. Il veut des protéines
et c'est cela qui reste. C'est pour cela que mes bibites à gaz, elles ne
mangent pas cela, elles le laissent là. Je m'excuse, mais c'est cela,
c'est aussi simple que cela.
M. Baril: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Juste une question, M. Benoît. Vous dites qu'un
investissement de $500 égale $2000 d'énergie; vous parlez
d'engrais. Est-ce qu'on peut savoir la quantité? Et je reviendrai avec
une petite question.
M. Benoît: Dans ce cas-là, j'ai mis une
rangée je m'excuse de la recette maison, mais en voici une
de balles de foin dont j'ai enlevé les broches, à la base, pour
la perméabilité, pour que mon eau y ait accès. J'ai des
tuyaux verticaux à tous les dix pieds. J'ai mis des arbres et
c'est mon gros secret pour que l'eau ait accès à toutes
les parties de la matière organique. Je vais avoir un tuyau à la
base et un tuyau en PVC, qui coûte très bon marché, en
surface. J'ai recouvert le tout d'un polythene.
Pour réactiver ma perméabilité, c'est le
"lead-shale " que, comme je vous le disais, j'ai pompé 5 millions de
gallons, que je peux utiliser pour mettre une perméabilité
là-dedans, pour que les bibi-tes, en tout temps, aient de l'eau. Coupez
l'eau et votre cheval meurt; donc, les bibites meurent.
Je tiens mon niveau d'eau sursaturé continuellement. C'est
anaérobique et cela fait du gaz. Pour le tenir, en hiver, je mets une
couche que je mouille; cela fait de l'aérobie, cela fait de la
chaleur.
Alors, j'ai de la paille, des arbres du fumier de cochon, qui est
mélangé avec un peu de paille ou de ripes de bois. Je connais les
quantités qu'il ne faut pas dépasser, parce qu'il y a un rapport
carbone, azote. Je vous fais grâce de toutes les fameuses formules. Mais
j'ai une chose. J'ai commencé par les vidanges. J'allumais mes tuyaux de
gaz tous les jours, en arrivant à l'Expo, et j'ai vu une flamme de huit
pieds. Je calcule mes quantités par la longueur d'une flamme qui
brûle continuellement. J'avais Cell-Rock que j'ai coupé. A
Cell-Rock, c'est simple, je l'ai recouvert d'une couche imperméable et
l'eau s'en va. Il n'y a presque plus d'eau dans mon dépotoir; donc, je
n'aurai plus de gaz d'ici un an. Mais je vais encore avoir de la matière
organique. Je veux de l'énergie, je réinjecte de l'eau. La
recette, c'est comme un gâteau, il faut la savoir.
M. Goulet: Juste une question... M. Benoît: C'est
simple.
M. Goulet: On rit, mais, actuellement, vos projets, vos essais
vont assez lentement. Pourquoi ne continuez-vous pas? Vous n'êtes pas
obligé de me répondre.
M. Benoît: Je vais vous répondre.
M. Goulet: Est-ce parce que vous n'avez pas de subvention ou que
vous manquez d'argent?
M. Benoît: Non, je manque de compréhension.
M. Goulet: Au Québec, il me semble que je
connaîtrais plusieurs personnes qui, si elles étaient capables de
faire $2000 plus de l'engrais avec $500, seraient intéressées; il
me semble que cela ne serait pas long.
M. Benoît: Cela ne fait pas longtemps que je l'ai appris
moi-même, au point de vue cultivateur. C'est pour cela que je veux
l'appliquer.
M. Goulet: II y a même j'imagine, de nos bons amis
journalistes qui seraient contents d'aller photographier cela, faire des
reportages et de vous faire connaître. A un moment donné, on
n'aurait même plus besoin de se réunir en commission parlementaire
pour conserver l'énergie, on en aurait... Je suis sérieux.
M. Benoît: Oui.
M. Goulet: Mais j'imagine que la commission va vous prendre au
sérieux et que, l'an prochain, à pareille date, on n'aura pas
besoin de réunir une commission parlementaire sur l'énergie,
parce que vous arrivez avec des solutions. Je dis encore ce que mon
collègue de Jean-Talon disait: C'est le bon Dieu qui nous envoie des
solutions magiques.
M. Benoît: Je ne me prends pas pour le Christ, mais c'est
déjà fait.
M. Goulet: Je ne ris pas, c'est sérieux.
M. Benoît: D'ailleurs, j'ai lu un article d'un journaliste
par hasard, dans la Presse du 30 décembre concernant la rive sud. M.
Pierre Gingras, c'est la première fois que je vois... Excusez-moi, les
journalistes, mais l'article est très bien. Je l'ai bien fourni.
Techniquement, je m'excuse. Techniquement, je n'ai pas de reproches à
faire. Je suis allé à la télévision aussi.
Je suis impuissant devant bien des choses, mais je sais une chose. Je
crois que je dois le faire à un endroit. Je veux surtout de la
coopération d'idées plutôt que de piastres. Si je dis que
ce n'est pas cher, je n'ai pas besoin de demander des millions de dollars.
J'avais demandé au gouvernement fédéral un budget de $150
000 très explicite sur le site Cell-Rock. Pour des raisons
différentes, on l'a refusé. Je l'ai ici. Cela me fera plaisir de
le laisser à la commission comme souvenir. J'étais sincère
et eux aussi étaient sincères. Mais le "timing" n'était
pas bon, disons.
A Delson, pourquoi? C'est que j'ai des conditions justement
idéales à cet endroit. Mais les gens ne me croient pas; ils ne
croient pas cela. Seulement la permission d'un et je suis certain... Je pense
que c'est la meilleure façon.
On pourrait parler des heures sur la théorie. La pratique,
voyons-la. Assurément qu'à l'été... Je vous jure
que les journalistes viendront photographier et que j'ai donné des
chiffres vrais. Je n'ai aucune raison...
M. Goulet: $150 000, si on tient compte des coûts de la
baie James, de tous les projets hydroélectriques et des centrales
nucléaires, il me semble que ce serait de l'énergie à bon
marché.
M. Benoît: Je sais bien, mais je pense que vous savez comme
moi que cela s'appelle la comédie humaine. Il faut vivre avec et je
l'aime d'ailleurs, sans cela ce ne serait pas intéressant. Non, je ne
parle pas là-dessus, je parlerai plus tard. Je ne veux pas être
négatif, Dieu sait qu'il faut être positif.
Le Président (M. Laplante): Les membres...
M. Brochu: Je m'excuse, si vous permettez. En somme, ce que vous
nous dites, si je comprends bien, c'est que, dans un certain sens, vous
êtes un innovateur au Québec à ce niveau. Est-ce que ce
dont vous nous parlez existe dans d'autres pays, est-ce que cela se fait?
M. Benoît: Plus que cela, cela existe au Québec et
on ne le sait pas. J'ai la chance, avec mes diplômes et ma place,
d'essayer de le promouvoir et je veux, je vais le promouvoir. J'aimerais bien
avoir de l'aide.
M. Brochu: Une des principales difficultés qui se posent
à vous actuellement, c'est peut-être de changer la conception que
l'ensemble des citoyens ont de l'énergie ou la non-connaissance de
l'utilisation du potentiel qui est là.
M. Benoît: Vous avez raison, c'est très
difficile.
M. Brochu: C'est un des écueils majeurs que vous frappez,
d'après ce que vous dites actuellement.
M. Benoît: Assurément. C'est nouveau, c'est
très dur, mais si on pensait comme cela, on n'aurait même pas de
tomahawk, parce que c'est nouveau et que ce n'est pas bon. Je crois qu'il y a
encore au Québec assez de personnes pour essayer des choses.
M. Brochu: II se fait un certain nombre de petites
expériences. J'ai eu connaissance de certaines...
M. Benoît: Oui, au Québec on en a plusieurs.
M. Brochu: ... sur un plan très artisanal, de la part de
gens qui, soit par intuition ou par un début de processus scientifique,
si vous voulez, à une très petite échelle...
M. Benoît: Assurément.
M. Brochu: ... même plus petitement que vous le faites,
tentent des choses ou des procédés dans ce domaine. Il semble que
le principe qu'il y a une foule de choses qui nous entourent qui sont de
l'énergie...
M. Benoît: Exactement.
M. Brochu: ... ou qui pourraient en être, si on appliquait
un processus utilisable, c'est une réalité.
M. Benoît: Vrai. Regardez à l'été,
avant l'automne, tout le soleil qu'il y a autour de vous. Du vert, des
mauvaises herbes, comme on les appelle, c'est de l'énergie solaire,
messieurs. Il s'agit de la capter.
M. Brochu: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que dans le
processus d'utilisation de l'énergie de la part des populations ou de
l'homme, de façon générale, dans l'histoire, on s'est
servi, au point de départ, de tout ce qui était le plus
facilement utilisable, tout simplement.
M. Benoît: C'est normal aussi. Si le pétrole
était à $0.10, je ne serais pas ici et vous autres non plus.
M. Brochu: D'accord. M. Benoît: C'est tout.
M. Brochu: C'est important qu'on situe peut-être exactement
là où vous en arrivez dans le processus de recherche de
l'énergie, parce que c'est quand même relativement nouveau comme
concept ici. Si on n'a pas.abordé plus à fond cette
démarche, c'est que peut-être il n'y en avait pas de besoin avant
aujourd'hui.
M. Benoît: Exact.
M. Brochu: Cela souligne en même temps qu'il faudrait
peut-être, par mesure de prévoyance, y regarder de plus
près.
M. Benoît: Assurément, le potentiel est là,
les outils sont là, il s'agit de s'en servir.
M. Brochu: Merci.
Le Président (M. Laplante): M. Benoît, les membres
de la commission vous remercient de cette nouvelle recette surtout: Comment
devenir millionnaire. Merci!
M. Benoît: Merci!
Le Président (M. Laplante): J'appelle Petro-fina, s'il
vous plaît. Bonsoir, messieurs! Comme tout autre groupe, vous avez
environ trois quarts d'heure.
Petrofina Canada Limitée
M. Nadeau (Pierre): M. le Président, on va essayer
d'être bref. L'heure avance, le Carnaval est en marche.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous eu la chance d'y
aller, monsieur?
M. Nadeau: M. le Président, M. le ministre
délégué à l'énergie, MM. les membres de la
commission, étant donné que vous avez déjà
reçu copie de notre mémoire, pour épargner un temps
précieux à la commission, je me limiterai à souligner les
grandes lignes et les principales conclusions du document qu'on vous a
soumis.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous pourriez
les...
M. Nadeau: Je vais vous présenter d'abord les membres de
mon équipe. J'ai ici, à ma droite immédiate, M. Roland
Redding, notre vice-président en marketing; à sa droite, M. J.J.
MacDonald, assistant au président; à ma gauche immédiate,
M. Van Son, vice-président aux approvisionnements et à la
distribution et M. Raymond Vien, conseiller juridique et membre de notre
contentieux.
Mon nom est Pierre Nadeau, je suis président de la compagnie
Petrofina.
Mon préambule étant fait, je vais donc au second
paragraphe. Le marché du Québec est manifestement d'une
extrême importance pour Petrofina car il exerce une influence
marquée sur les résultats d'ensemble et sur les projets d'avenir
de la société. Dans ce contexte, Petrofina est heureuse de
participer aux travaux de la commission parlementaire et elle souhaite que sa
collaboration puisse contribuer à l'élaboration de politiques
rationnelles en matière d'énergie au Québec.
Petrofina Canada est une société pétrolière
intégrée dont le siège social est établi à
Montréal. Constituée en vertu de la Loi des compagnies du Canada,
elle s'occupe principalement d'exploration et de production
pétrolières et gazières au pays, ainsi que de raffinage,
de transport et de commercialisation de produits pétroliers et
pétrochimiques. Depuis sa création en 1953 jusqu'à la fin
de 1975, les investissements faits au Canada par Petrofina, sous forme de biens
immobiliers, installations et équipement, excédaient $477
millions, dont plus de $212 millions étaient au Québec. En 1976,
Petrofina employait directement 2390 personnes et indirectement des milliers
d'autres, notamment les concessionnaires, détaillants, agents et
distributeurs. Parmi les employés de la société, 1560
étaient des citoyens du Québec et les 830 autres se
répartissaient en Alberta, en Ontario et dans les Maritimes.
La société exploite à Pointe-aux-Trembles une
raffinerie d'une capacité de production de 93 000 barils par jour et
commercialise ses produits au Québec, en Ontario et dans les Maritimes.
En 1975, 1460 postes de commerce de détail arboraient la marque
Fina.
En raison de la situation de sa raffinerie, toutefois, la plus grande
partie de sa clientèle se concentre au Québec.
Parallèlement aux gammes de carburants et de combustibles habituels, de
même que des produits pétrochimiques aromatiques pour le
marché canadien et l'exportation, elle commercialise un certain nombre
de produits chimiques spéciaux s'inscrivant sous 21 catégories
distinctes.
La question de l'approvisionnement en énergie est d'une
importance vitale pour le Québec. Selon les données statistiques
du Canada, la consommation d'énergie au Québec en 1974 se
répartissait de la façon suivante: Pétrole, 73,3%; gaz
naturel, 5%; charbon, 1,5%; hydroélectricité, 20,2%. On
prévoit que, d'ici la fin des deux prochaines décennies, la
consommation d'électricité hydraulique et nucléaire aura
atteint 30% et que celle du pétrole diminuera dans des proportions
correspondantes. A la condition que le gaz du bassin Beaufort-Mackenzie soit
disponible au début des années quatre-vingt-dix, et le gaz de
l'Arctique plus tard au cours de cette même décennie, les
approvisionnements de ce combustible seront suffisants pour permettre au
Québec de porter sa consommation à quelque 20% de la demande
totale d'énergie et peut-être même de se rapprocher du
niveau de 30% prévu pour l'ensemble du Canada en 1995.
Le pétrole continuera d'être la principale source
d'énergie au cours des deux prochaines décennies, et même
plus tard, alors que, pendant cette période, la consommation totale de
l'énergie du Québec est appelée à doubler.
Dans la pratique, le Québec ne peut compter que sur deux sources
pour son approvisionnement pétrolier: l'Ouest du Canada et
l'Organisation des pays exportateurs. Dans son rapport, l'offre et la demande
de pétrole canadien de septembre 1975, l'Office national de
l'énergie concluait que. d'ici 1983, l'Ouest du Canada ne sera plus en
mesure de satisfaire ses marchés habituels, dont les 250 000 barils par
jour expédiés à Montreal. On s'attend donc que, dès
les premières années de la décennie quatre-vingt, le
pétrole traité par les raffineries du Québec provienne
entièrement de sources étrangères, comme c'était le
cas avant 1976.
Dans l'étude de la planification de ses approvisionnements
d'énergie pour les années quatre-vingt, le Québec devrait
également tenir compte de la prévision de l'Office national de
l'énergie selon laquelle il se produira d'ici 1983, un écart de
300 000 barils par jour entre l'offre et la demande dans le secteur du
marché situé à l'ouest de la vallée de la
rivière Outaouais. Cet écart pourrait être comblé de
diverses manières, mais la façon la plus logique serait de faire
compléter les approvisionnements de la partie ontarienne du secteur en
cause par des sources d'outre-mer avec laide des installations de transport se
trouvant au Québec.
Pour sa part, Petrofina estime que les demandes combinées du
Québec et de l'Ontario vers la moitié de la décennie
quatre-vingt et par la suite présenteraient une occasion
d'économie d'importance dans le transport du brut, depuis la côte
de l'Est jusqu'aux centres de raffinage de Montréal et de Toronto.
Du point de vue de la disponibilité, les sources qui ont
approvisionné jusqu'ici le Québec en pétrole pourraient
satisfaire ses besoins essentiels pendant une période assez longue pour
lui permettre de s'habituer graduellement à utiliser davantage les
combustibles fossiles solides et les au-
très formes d'énergie auxquelles il devra faire appel pour
suffire à ses exigences.
Dans ce contexte, l'expansion de l'oléoduc
Portland-Montréal deviendrait nécessaire vers 1986, afin de
répondre à l'accroissement prévu de la demande. Par
ailleurs, l'écart de la disponibilité de brut de l'Ouest aux
raffineries ontariennes pourrait être comblé par le renversement
de ce qu'on appelle le prolongement montréalais de l'oléoduc
interprovincial.
En résumé, les observations suivantes s'imposent:
Le pétrole continuera d'être la principale source
d'énergie du Québec pendant encore au moins deux
décennies;
Le Québec est appelé à redevenir totalement
dépendant des importations de brut d'ici 1983;
La conservation des ressources rares impose l'utilisation d'un seul
réseau de transport pour amener le brut depuis la côte de l'Est
jusqu'à Montréal.
Pour ce qui est des raffineurs canadiens, au nombre de seize, au
début de 1976, leur capacité globale s'établissait
à 2 077 000 barils par jour. Par suite de l'entrée en production
de la raffinerie de Saint-Romuald et d'agrandissements importants
réalisés dans certaines raffineries montréalaises dans ces
dernières années, la position du Québec est plus que
convenable avec plus de 31.2% de la capacité nationale. Il est toutefois
à prévoir que cette proportion diminuera au cours des prochaines
années, à la suite de l'entrée en production de nouvelles
raffineries en Ontario, et d'expansions majeures dans les Maritimes.
La situation du marché pétrolier canadien pour la
période de 1966 à 1980 se caractérise de la façon
suivante: D'abord, avant 1973, la capacité canadienne de raffinage
était insuffisante, et les importations de produits finis ont atteint
les 200 000 barils-jour. Par suite de nouvelles mises en chantier et de fortes
expansions, le pays est devenu un exportateur net de produits finis. La
capacité de raffinage est maintenant excessive par rapport à la
demande en produits pétroliers, fortement réduite en raison de la
nouvelle conjoncture économique.
L'allure de marche ou la mise en oeuvre n'est que de 80%, et, à
moins d'une reprise économique sérieuse, ce pourcentage pourra
s'affaiblir encore davantage avec l'entrée en production des
installations construites plus récemment.
Les frais fixes d'exploitation sont proportionnellement
élevés par rapport aux frais variables chez les raffineurs, et
toute activité à une fraction de la capacité affecte la
rentabilité. Il en résulte une concurrence très forte dans
un marché affaibli.
En plus des problèmes de surcapacité de raffinage et du
ralentissement du taux d'accroissement de la demande, il faut ajouter
l'intervention de l'Etat comme troisième élément de
difficulté pour les raffineurs-distributeurs.
Le même profil se retrouve pour l'Est du Canada, mais il faut
noter l'importante de la surcapacité qui impose un taux d'utilisation de
moins de 75%. Pour ce qui est du Québec, il est desservi par sept
raffineurs, dont la capacité globale s'élève à 648
000 barils-jour, et la proportion de chacun n'excède pas 20% du total.
Un raffineur a ses usines à Saint-Ronuald et les six autres sont
établis dans l'Est de Montréal, le plus grand centre de raffinage
du pays.
Pour l'année 1974, le rapport importation-exportation de produits
finis représentait une balance favorable de quelque 12 000 barils-jour.
Pe-trofina est le seul raffineur dont toutes les installations de raffinage
sont au Québec. Le profil de la demande du Québec en produits
pétroliers pour l'année 1974 diffère singulièrement
du profil canadien par l'importance des distillats pour chauffage, par rapport
à l'essence. La cause en serait la faible disponibilité du gaz
naturel pour chauffage. Le haut rapport distillat-essence dans la demande au
Québec impose aux raffineurs des problèmes et des frais
d'exploitation plus importants, entre autres, les coûts en combustibles
utilisés en raffinerie.
Entre autres perspectives, on peut envisager les suivantes. D'abord, au
Québec, l'excès de capacité de raffinerie cessera d'ici
quelques années. Ensuite, le Québec, qui a longtemps
approvisionné en produits pétroliers la partie ontarienne de la
vallée de l'Outaouais, pourrait perdre ce marché, vu la forte
surcapacité de raffinage dans le sud de l'Ontario.
Enfin, la région de l'Atlantique exporterait ensuite vers le
Québec ces excellentes productions. En résumé l'industrie
pétrolière au Québec se limite aux opérations de
raffinage et de distribution. L'intense concurrence qui s'exerce sur le
marché est fonction directe de la surcapacité actuelle de
production et de la faiblesse de la demande. Cette situation se maintiendra par
suite de l'entrée en production de nouvelles installations dans l'Est du
Canada.
La rentabilité de raffinage et de distribution est soumise
à de fortes pressions que seule une amélioration des conditions
économiques ou une plus grande ouverture à l'exportation pourrait
alléger. En matière de distribution, selon les conditions
régionales et locales dans l'optique des meilleurs intérêts
des consommateurs, Petrofina utilise tous les moyens de transport et de
distribution des produits pétroliers depuis la raffinerie
montréalaise de la société jusqu'à ses 57
terminaux, installations de stockage et dépôts ruraux
répartis dans les divers centres de communication du Québec.
Les gros camions-citernes et les trains-remorques constituent le dernier
chaînon entre la société et près de 600
établissements de taille au Québec identifiés par
l'emblème Fina.
Petrofina est en mesure de témoigner du caractère
extrêmement concurrentiel du marché du Québec. Les
méthodes de distribution des produits pétroliers au Québec
offrent un excellent exemple des avantages assurés aux consommateurs par
un système concurrentiel de libre entreprise soumis aux exigences du
marché. La distribution est moderne, efficace et souple. Elle permet aux
consommateurs de choisir parmi un grand nombre de fournisseurs et donc
d'obtenir
les produits au meilleur prix possible. Elle s'adapte très
rapidement au changement dans les besoins et les demandes, comme elle l'a
démontré encore récemment par la création de postes
d'essence libre service et par la rapidité avec laquelle l'essence sans
plomb est devenue disponible.
Le consommateur sera servi au mieux par le maintien de ce système
dans sa forme actuelle avec le minimum de réglementation et de
contrôle par le gouvernement.
La question des prix n'a cessé d'être débattue ces
dernières années et elle continuera de l'être. Les niveaux
de prix du pétrole et du gaz naturel au Québec, comme dans le
reste du Canada, sont largement inférieurs à ceux observés
dans la plupart des pays industrialisés. Afin de stimuler le
développement de nouvelles ressources énergétiques et la
conservation de l'énergie, il serait souhaitable de rattraper le plus
rapidement possible les niveaux de prix mondiaux. Dans ce contexte, une
politique de prix de l'énergie devrait comprendre les
éléments suivants: Favoriser l'établissement de prix
relatifs tenant compte des qualités propres de chacune des formes
d'énergie et de leur intérêt pour le consommateur;
deuxièmement, alléger les nombreux contrôles ayant une
incidence plus ou moins directe sur le niveau des prix; troisièmement,
rattraper les niveaux de prix mondiaux le plus rapidement possible.
Petrofina est consciente que la plupart de ces éléments
ont trait à des mesures relevant du gouvernement fédéral
ou du gouvernement canadien ou d'ententes fédérales-provinciales.
Elle souhaite cependant que le gouvernement du Québec, soucieux de
l'impact des politiques actuelles, entreprenne les démarches
nécessaires pour obtenir les correctifs suggérés.
En termes de redressement, d'expansion et d'intégration
économique, il est reconnu que le Québec doit s'attaquer au
développement de sa base d'industries secondaires. Il lui faut
intéresser les entreprises financièrement solides, employant une
main-d'oeuvre nombreuse, à investir chez nous. Il ne faut pas perdre de
vue que ces entreprises n'entendent pas investir dans des régions
où se pratiquent à un haut degré les activités
syndicales de désorganisation et où le climat est incertain quant
aux politiques gouvernementales. Elles n'investiront pas, non plus, sans avoir
l'assurance d'un rendement satisfaisant sur le capital, ce qui implique, entre
autres facteurs, l'importance d'une solide base énergétique.
L'industrie pétrolière est bien consciente de ses
responsabilités à cet égard. A maintes reprises, elle a
fait la démonstration pratique de son attitude. Toutefois, si on tient
compte des hauts niveaux de consommation énergétique des
années antérieures, de la dépendance du Québec
à l'égard des sources extérieures d'énergie et de
la montée en flèche des coûts de toute forme
d'énergie, il est impossible d'envisager que les tendances
passées dans la consommation puissent continuer. En fait, le facteur
prix à lui seul imposera un réaménagement complet de tous
les secteurs de l'économie en vue d'une utilisation optimale de
l'énergie.
De plus, à mesure qu'augmenteront les prix et que diminuera la
disponibilité de cette ressource non renouvelable, le pétrole
deviendra trop précieux pour servir de combustible, en particulier pour
les usages où d'autres formes d'énergie peuvent lui être
substituées. On le réservera de plus en plus pour la
pétrochimie et les applications chimiques
spécialisées.
Avec l'encouragement du Québec, Petrofina est entrée dans
le domaine pétrochimique en 1964 et elle a continué à y
accroître ses immobilisations au cours des années. Dans cet
esprit, la société étudie à nouveau les
possibilités d'autres investissements au Québec. Si toutes les
nouvelles immobilisations étaient réalisées, elles
auraient pour effet d'accroître sa production actuelle et d'augmenter
encore la valeur de sa production pétrochimique. Cette orientation
exigera des mises de fonds d'au moins $20 millions d'ici à 1980.
Le gouvernement du Québec ne peut manquer de reconnaître
comment il serait important de voir se constituer une industrie
pétrochimique de base assez avancée. Son existence augmenterait
les possibilités d'attirer une foule d'entreprises concurrentes de
traitement ultérieur, de même que certaines autres axées
davantage encore sur la main-d'oeuvre. Une telle orientation renforcerait la
position de Montréal comme l'un des trois principaux centres canadiens
de la pétrochimie.
Aussi bien dans l'intérêt public que dans celui de ses
actionnaires et, en particulier, dans le contexte actuel, l'industrie
pétrolière doit viser à l'optimisation de ses
investissements.
Pour Petrofina, optimiser les investissements consiste à investir
son "cash-flow" de manière à obtenir le meilleur taux de
rendement sur l'investissement, non seulement à court, mais à
moyen et à long termes. Cette politique s'applique en tenant compte des
disponibilités financières et de l'intérêt des
projets envisagés: dépenser plus en exploration et en mise en
valeur, avec tous les risques que cela comporte ou en raffinage et en
commercialisation pour améliorer la performance ou accroître les
ventes. A ce sujet, il importe de souligner que les politiques actuellement
appliquées au Canada visent à encourager l'exploration et la mise
en valeur, de même qu'à réaliser toutes les
économies possibles d'énergie. L'ensemble des mesures fiscales
prises depuis deux ans favorise le réinvestissement,
particulièrement en exploration et en mise en valeur. Elles taxent
lourdement les sociétés se contentant de retirer des profits.
Il importe également de rappeler que le Québec, à
diverses reprises, notamment lors des conférences
fédérales-provinciales, a accepté les augmentations du
prix du pétrole et du gaz naturel à condition que le "cash-flow"
ainsi généré soit réinvesti de la façon
indiquée ci-dessus.
Les effets de ces politiques ont été les suivants.
D'abord, la rentabilité des opérations dites en amont,
c'est-à-dire l'exploration et la production, a largement
augmenté. Ensuite, la rentabilité des opérations dites en
aval, donc, le raffinage et la commercialisation, a diminué.
Les sociétés pétrolières disposant de moins
de production, dont Petrofina, ont été largement
affectées depuis deux ans par les effets d'une telle politique.
La concurrence est très forte dans les conditions ainsi
créées et le consommateur en bénéficie. Mais, par
la même occasion, le "cashflow" généré par les
activités en aval est moindre et, donc, le développement de la
société se trouve ralenti.
Comme le Québec redeviendra tôt ou tard complètement
dépendant de l'importation du pétrole, il serait
préférable de mieux équilibrer la rentabilité des
opérations en amont et en aval, de manière à rendre les
investissements plus intéressants en aval. Le Québec aurait tout
à y gagner: nouvelles expansions, accroissement d'emplois, etc.
Petrofina compte un certain nombre d'actionnaires au Québec dont
la Caisse de dépôt et placement et, depuis 1971, le cours de
l'action ordinaire s'est peu amélioré malgré
l'augmentation des activités de la société. Il s'est
particulièrement affaibli récemment, suivant en cela l'exemple de
l'ensemble de l'industrie. Au prix actuel de l'action, Petrofina se retrouve au
niveau des années 1960. Cette situation qui s'étend à
l'ensemble de l'industrie explique l'inquiétude des investisseurs.
Concrètement et à court terme, il nous semble qu'une
politique d'exportation plus ouverte contribuerait au raffermissement des
marges et, partant, à l'augmentation de la rentabilité des
opérations en aval. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec
prenne l'initiative de faire valoir auprès du gouvernement
fédéral les effets d'entraînement d'un accroissement de
rentabilité pour l'industrie au Québec.
La question de la conservation de l'énergie est forcément
à l'ordre du jour. A mesure que le prix de l'énergie va
s'accroître, il est à prévoir que les consommateurs,
particuliers et industries, intensifieront leurs efforts de conservation. Dans
le secteur industriel, les coûts croissants tendront à justifier
les mesures de conservation qui, dans le passé, ont été
négligées parce que les économies à réaliser
n'étaient pas proportionnées aux mises de fonds
nécessaires.
Le gouvernement du Québec peut favoriser la conservation en
adoptant des dispositions législatives appropriées dans le
secteur relevant de sa compétence. Le respect des limites de vitesse
pour économiser l'essence en est un bon exemple. Une législation
visant à la conservation de l'électricité pour les usages
industriels là où il n'existe pas d'autres sources satisfaisantes
d'énergie serait une autre mesure appropriée.
En matière de protection de l'environnement, Petrofina
prévoit que les mesures antipollution continueront d'être l'une
des principales préoccupations de l'industrie comme de l'Etat. Elle
entend continuer de collaborer avec le gouvernement chaque fois que des mesures
nouvelles s'imposeront. De son côté, le gouvernement du
Québec doit étudier soigneusement les avantages de nouvelles
mesures de contrôle en regard de leurs conséquences
économiques. En outre, lorsque plusieurs méthodes permettront
d'obtenir les résultats envisagés, chacune doit être
évaluée sous l'angle des meilleures possibilités de
conservation de l'énergie. Il faut également s'assurer que les
mesures proposées pour la protection de l'environnement correspondent
aux besoins réels du Québec et qu'elles ne soient pas
basées sur la législation étrangère, en particulier
celle des Etats-Unis qui ne peut guère être appropriée au
Québec.
M. le ministre, MM. les membres de la commission, je vous remercie
d'avoir bien voulu recevoir notre mémoire et de m'avoir permis de vous
en souligner les points saillants.
Mes collaborateurs et moi-même sommes maintenant à votre
disposition si vous voulez nous poser des questions.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Na-deau. M. le
ministre.
M. Joron: M. Nadeau, le mémoire que vous nous
présentez est peut-être le plus complet qu'on ait eu
jusqu'à maintenant sur les aspects pétroliers de la situation
énergétique au Québec. Il diffère
déjà d'un mémoire qu'on entendait cet après-midi
quant aux sources d'approvisionnement. Vous croyez que le Québec va,
dans un bref avenir, redevenir tributaire des sources d'approvisionnement
extérieures. A cet égard, j'ai quelques questions.
Commençons donc par celles-là, si vous voulez bien. Quelles
étaient, avant que le pétrole arrive de Sarnia, les sources
d'approvisionnement extérieures de Petrofina, quelles seront-elles
après que le pétrole redeviendra essentiellement du
pétrole importé et qu'est-ce que vous pouvez nous dire quant
à la sécurité des approvisionnements et peut-être de
leurs coûts?
M. Nadeau: Vous parlez de Petrofina en particulier et non pas de
l'industrie.
M. Joron: Oui.
M. Nadeau: Pour Petrofina, la source, traditionnellement, a
été le Moyen-Orient, en petites parties le Venezuela pour des
bruts spécialisés, pour manufacturer de l'asphalte ou des choses
semblables. Mais, en grande partie, cela venait des pays du Moyen-Orient.
Depuis la crise, cela a continué à être le Moyen-Orient.
Depuis l'avènement du prolongement de l'oléoduc interprovincial,
c'est en partie 35% de nos approvisionnements qui viennent de l'Ouest canadien
et lereste vient encore des pays du Moyen-Orient. Maintenant, la
troisième partie de votre question...
M. Joron: Quant à la sécurité de ces...
M. Nadeau: Quant à la sécurité
d'approvisionnement, à ce point de vue-là, nous n'avons aucune
inquiétude. Je crois que les pays du Moyen-Orient, enfin, les pays de
l'organisation, seront en mesure d'approvisionner le Canada pour encore au
moins une cinquantaine d'années. On n'est pas inquiet quant à
l'approvisionnement du brut, en ce qui nous concerne, nous.
M. Joron: Est-ce que votre brut, pour la partie qui vient du
Moyen-Oeient, est acheté directement
par Petrofina Canada au Moyen-Orient ou par Pe-trofina Belgique et
racheté par vous de la compagnie mère?
M. Nadeau: Petrofina Belgique, probablement à cause de son
rôle depuis sa fondation, n'a jamais été traditionnellement
un producteur de brut; elle a toujours été un acheteur de brut et
probablement l'un des plus gros acheteurs de brut, parce que, par sa nature
même, elle n'avait pas de production. Elle en a depuis récemment,
dans la mer du Nord, mais elle n'en avait pas avant. Nous avons
bénéficié ici, au Canada, des possibilités d'achat
de la compagnie mère ou de notre actionnaire majoritaire, si vous
voulez, nous avons acheté, par l'entremise de notre compagnie
mère aussi bien que directement. Nous achetons selon les conditions du
marché. Si nous obtenons des conditions meilleures à
l'extérieur de Petrofina Bruxelles, nous achetons tout simplement.
M. Joron: Votre confiance dans la sécurité de vos
approvisionnements, si je peux me permettre d'interpréter votre
réponse, est fondée sur le pouvoir d'achat considérable de
l'ensemble du groupe Petrofina dans le monde, d'une part; est-ce que je peux
vous demander s'il est lié avec des contrats à long terme qui
vous donnent cette confiance de sécurité d'approvisionnement?
M. Nadeau: Non, c'est tout simplement parce que nous croyons
fermement que les ressources des pays du Moyen-Orient ou des pays de l'OPEP, si
vous voulez, seront suffisantes pour nous approvisionner dans les cinquante
prochaines années, au moins.
M. Joron: A cet égard, votre opinion diffère aussi
d'autres sons de cloche entendus devant cette commission.
M. Nadeau: C'est possible.
M. Joron: Pour ce qui est des coûts, par exemple. Il y a
deux choses. Vous comprendrez que si le Québec doit accepter votre
proposition, c'est-à-dire qu'il maintient finalement une part relative
substantiellement importante aux produits pétroliers, on doit
forcément se poser la question de la sécurité de ces
approvisionnements-là et de leur coût aussi. Je ne sais pas si
vous pourriez nous donner votre opinion sur l'évolution de ces
coûts. Finalement, on parle des prix mondiaux, des prix
internationaux.
M. Nadeau: Evidemment, là, vous savez qu'on est un peu
soumis au cartel, les pays de l'OPEP, alors...
M. Joron: N'est-ce pas dangereux pour le Québec
d'être à la merci justement, autant quant aux approvisionnements
eux-mêmes que quant à leurs coûts...
M. Nadeau: Enfin, est-ce que c'est dangereux pour le
Québec? Je pense qu'on a comme objectif, ici, au Canada, d'abord, pour
notre huile domestique produite au Canada, c'est-à-dire notre brut de
l'Ouest, d'atteindre éventuellement, et dans un avenir pas trop
éloigné, le niveau mondial. Je ne pense pas qu'il y ait un danger
pour nous d'être assujettis, si vous voulez, au bon vouloir des pays de
l'OPEP, pas plus qu'il ne l'est pour tous les pays industrialisés,
d'ailleurs.
Cela peut avoir pour effet aussi... L'augmentation des prix du brut peut
avoir comme conséquence directe le développement d'autres
méthodes non conventionnelles, comme les sables bitumineux, par exemple,
ou les huiles lourdes et ces choses-là, qui sont aujourd'hui plus ou
moins rentables, mais qui pourraient le devenir avec l'augmentation des prix du
brut conventionnel.
M. Joron: J'aurais deux autres questions à vous poser, si
vous le permettez. Vous avez justement souligné que la
rentabilité des opérations en aval était passablement
moindre que celle des opérations en amont. Oui. Je veux vous demander
comment le Québec... Vous souhaitez que le gouvernement tente d'ajuster
cette situation. Comment, dans le cadre actuel des pouvoirs qui lui sont
conférés, le gouvernement du Québec peut-il faire quelque
chose pour changer cette situation-là?
M. Nadeau: La raison pour laquelle cette situation est aussi
désastreuse pour les opérations en aval, c'est qu'il y a une
surcapacité de raffinage dans l'Est du pays, notamment en Ontario, au
Québec et dans les Maritimes.
Le gouvernement fédéral nous impose certaines restrictions
sur les exportations de produits finis, ce qui veut dire que cette
surcapacité de raffinage doit être écoulée sur le
marché local. A ce moment-là, à cause de la
rentabilité des installations qui y sont, nous devons écouler ces
produits sur le marché local, étant donné que nos produits
à l'exportation ne sont pas compétitifs, concurrentiels, à
cause des taxes à l'exportation et des permis qu'on doit obtenir du
gouvernement fédéral.
Le gouvernement du Québec n'a aucune juridiction sur ces
exportations, on le reconnaît, mais c'est pour cela qu'on dit que le
gouvernement du Québec pourrait peut-être insister auprès
du gouvernement fédéral afin qu'on puisse libéraliser un
peu ces exportations vers l'étranger afin de nous rendre un peu plus
concurrentiels et de stabiliser un peu les marchés.
Parce qu'on fonctionne actuellement comme je l'ai dit dans mon
exposé à 75% de capacité, ceci rend la
rentabilité des raffi-neurs...
M. Joron: Marginale. Ceci m'amène à ma
dernière question qui a trait à la pétrochimie qui
pourrait être un débouché, étant donné cet
excédent de capacité actuel. Je voudrais que vous nous disiez
quelques mots sur la façon dont vous voyez... Vous pouvez nous dire
quelques mots, si vous voulez bien, des projets particuliers de Petrofina dans
le domaine pétrochimique et si vous pouvez aussi nous donner une
idée de la façon
que vous voyez la rentabilité. A quoi tient la rentabilité
d'une industrie pétrochimique au Québec? Je vous pose la question
parce qu'hier, un de vos concurrents, Aigle d'Or, a semblé balayer assez
rapidement la possibilité de rentabilité d'une expansion
pétrochimique au Québec. Aujourd'hui, vous nous présentez
tout à fait une opinion inverse.
M. Nadeau: Nous, on y croit à la pétrochimie. Mais
vous savez que la pétrochimie, c'est à peu près, au
maximum, entre 5% et 6% du baril. C'est assez dispendieux de faire de la
pétrochimie. Quand on fait de la pétrochimie, forcément,
on doit, par la force des choses, produire des distil-lats, produire de la
gazoline, produire des huiles lourdes et ainsi de suite.
Si, en faisant de la pétrochimie, on est obligé de faire
marcher notre raffinerie à 100% de sa capacité et que, d'un
côté, on perd sur l'huile à chauffage, sur la gazoline ou
sur le mazout, on ne peut pas récupérer assez, dans les 5%, pour
rendre toute l'opération justifiable ou rentable.
Nous croyons à la pétrochimie parce que c'est
l'optimisation du processus de raffinage. On y croit, on est aujourd'hui
et on est fier de le dire le plus gros producteur de BTX ou
d'aromatiques au Canada. C'est le benzène, le toluène et le
xylène.
On aimerait aussi passer au stade ultérieur, à un stade
plus avancé, convertir ces "feed stocks" en des produits plus
raffinés encore. Cela ne peut se faire que s'il y a un climat qui est
favorable aux investissements que cela demande.
M. Joron: Pourriez-vous être un peu plus spécifique
en ce qui concerne le climat nécessaire?
M. Nadeau: Je ne parle pas de subsides de la part des
gouvernements, je parle de conditions économiques, je parle de
reconnaître la justification des profits. Il faut qu'on reconnaisse aussi
que, même si Petrofina est une multinationale, nous ne sommes pas ici
pour manger tous les petits Canadiens français et qu'on veut agir dans
un climat où le gouvernement nous fait confiance, où les unions
nous font confiance, où le public nous fait confiance. Un tel climat ne
peut être créé, je crois, que par l'institution qui domine
toutes les affaires de la province, donc, le gouvernement.
M. Joron: En terminant sur la pétrochimie, pourriez-vous
nous dire quelle serait la position concurrentielle de l'industrie
pétrochimique au Québec, par rapport à celle de Sarnia,
par exemple?
M. Nadeau: Celle du Québec, pour être
concurrentielle, pour être rentable, doit jeter un regard assez
sérieux sur les exportations. Evidemment, le marché du
Québec n'est pas suffisant pour absorber la totalité des produits
qui se feront ou qui se font actuellement. Même dans notre cas, on
exporte, nous autres, énormément de produits dramatiques, par
exemple, le "feed stock", tel que benzène, toluène et
xylène.
Pour qu'elle soit rentable, il faut qu'il y ait des
débouchés sur les marchés d'exportation,
nécessairement, parce que le marché du Québec ou de l'Est
du Québec n'est pas suffisant pour absorber une usine, par exemple, qui
sera d'une dimension nécessaire pour devenir concurrentielle, ce qu'on
appelle un "world scale plant".
M. Joron: Quels sont vos principaux marchés potentiels
d'exportation?
M. Nadeau: Les Etats-Unis, l'Europe et, cette année, on a
exporté au Japon la plus grosse cargaison de benzène qui s'est
jamais faite, du Canada vers le Japon. Il faut être assez alerte et assez
avide aussi pour pouvoir trouver ces marchés. C'est extrêmement
difficile, mais on a un avantage géographique, si vous voulez, que le
centre de Sarnia n'a pas, parce que son marché est le Canada, donc
l'Ontario ou une certaine partie des Etats-Unis, alors que, nous autres ici,
à cause de notre situation géographique, la voie maritime, la
navigation, évidemment un certain nombre de mois par année, on
peut exporter nos produits, en autant que les conditions s'y prêtent.
M. Joron: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: ...la sécurité dans la fourniture de ce
que vous appelez le BTX qu'une société comme la vôtre peut
fournir en vue de l'établissement d'une usine qui serait dans un stade
plus avancé de transformation, en termes de volume?
M. Nadeau: Je n'ai pas compris votre question. Au début,
vous n'aviez pas le micro, M. Garneau.
M. Garneau: Vous dites que votre société produit ce
qu'on appelle le BTX.
M. Nadeau: Oui.
M. Garneau: Combien de volume de cette production pouvez-vous
assurer? Vous êtes sans doute au courant des discussions et des
pourparlers qui ont déjà eu lieu et qui ont peut-être
encore lieu en vue de l'établissement d'usines de transformation
à un niveau plus élevé. Je ne connais pas toutes les
formules techniques. Avoir su que vous soulèveriez cette question, ce
soir, j'aurais apporté une documentation un peu plus volumineuse. Ma
connaissance là-dedans est très limitée, mais il m'est
apparu, avec la faible connaissance que j'avais du dossier, parce que ce
n'était pas un des miens durant le temps que j'étais de l'autre
côté de la table, qu'un des problèmes qu'il y avait, en
plus de l'assurance des débouchés, une fois les produits
transformés, une des difficultés, c'était justement de
s'assurer, pour une période assez longue, d'un volume de production de
ce benzène, les autres parties, je les oublie, mais qui forment le BTX,
cela m'apparaissait,
en tout cas, une des difficultés de l'établissement. Dans
l'éventuelle implantation d'une telle usine, il fallait, d'une
façon ou d'une autre, assurer soit par des approvisionnements garantis
par l'Etat ou par d'autres, de ce produit de base.
C'est pour cela que je vous demandais quel est le volume, la
quantité que Petrofina pouvait fournir, offrir sur le marché par
année de cette chose. En fabriquez-vous à l'occasion ou si...
M. Nadeau: Nous autres, on manufacture à peu près
1,5 million de barils par année de BTX, une partie est absorbée
sur le marché canadien, ce qui est à peu près 30% ou 40%,
selon les produits, suivant que c'est du benzène, du toluène ou
du xylène. Le reste est exporté. Je ne sais pas si je comprends
très bien votre question, mais nous manufacturons actuellement plus
qu'il est nécessaire pour satisfaire les marchés canadiens qui
nous sont accessibles, entendons-nous, parce qu'évidemment, on n'ira pas
exporter vers la Colombie-Britannique, parce que cela ne deviendrait pas
rentable et compétitif. Alors, pour les marchés qui nous
entourent, ceux qu'on peut supporter, on les satisfait très bien et on
exporte la différence, si vous voulez, vers les marchés d'Europe
ou vers le golfe du Mexique où sont les grandes usines de chimie.
Pardon?
M. Garneau: Une société comme la vôtre, en
fait, n'a pas d'objection à envisager, évidemment, des
fournitures à long terme de ce genre de produits.
M. Nadeau: Non, mais ce qu'on voudrait, nous autres, c'est une
transformation secondaire, si vous voulez, de ces produits dans des produits
plus avancés encore.
M. Garneau: Oui, c'est ce que...
M. Nadeau: C'est-à-dire de se servir de cette base, de ce
"feed stock " au Québec pour transformer davantage et avoir une valeur
additionnée plus élevée.
M. Garneau: Votre société elle-même, pour se
lancer dans de tels investissements, désire une certaine assurance de
rentabilité pour une période de temps dans un contexte
économique qui rencontre les objectifs qui font qu'une
société privée...
M. Nadeau: Economique, social, ouvrier et politique qui est
favorable à de l'investissement.
M. Garneau: Je ne poursuivrai pas là-dessus avoir
su cela, je me serais préparé autrement mais quand
même, je reviendrai peut-être à l'occasion d'autres
mémoires, M. le ministre, sur cette question. Je voudrais revenir sur la
complexité qu'il y a, pour des membres d'une commission comme la
nôtre, de juger de la valeur des opinions. M. le ministre, tout à
l'heure, en a souligné une, en tout cas, sur la question des
approvisionnements. Vous étiez dans la salle tout à l'heure
lorsqu'on a reçu, avant d'aller dîner, le mémoire d'une de
vos sociétés, une entreprise compétitrice à la
vôtre. En fait, on semblait nous indiquer que l'approvisionnement en
provenance du Canada, au moins pour tout l'ouest de la vallée de
l'Outaouais, était assuré jusqu'en 1995. Je ne sais pas si vous
aviez les tableaux, mais c'est comme cela que je l'ai compris; il y avait des
hypothèses, mais ils les donnaient d'une façon assez rassurante.
On me disait même que le renversement du pipe-line
Montréal-Sarnia, c'était quand même beaucoup plus
hypothétique. Dans votre cas, vous semblez dire qu'à partir de
1983, ce serait la situation.
Je comprends que vous êtes tous de bonne foi et que vous
travaillez avec une connaissance de votre secteur, mais si la commission
parlementaire ici avait fait une recommandation quelconque et qu'elle devait
savoir si on aura du pétrole après 1983 ou s'il n'y en aura pas,
on serait peut-être obligé de prendre un $0.05 et dire: Face,
c'est Petrofina et pile, c'est Gulf. On le tire en l'air et on le laisse tomber
et finalement, on est pris un peu dans cette situation. Je trouve cela assez
surprenant quand même qu'il y ait autant de différence dans les
appréciations.
M. Nadeau: Les réserves actuellement connues, et je ne
parle pas des réserves hypothétiques, de ce qu'on peut
découvrir dans la mer de Beaufort, ou dans l'Arctique ou dans ces
régions, mais si on prend les réserves connues, probables
même, et si on prend les nouvelles usines dont les mises en oeuvre
viendront sur le marché en 1977 et 1978, si on prend en
considération les projets de l'Alberta, disons, pour des usines
chimiques ou pétrochimiques, si on prend tout ça en
considération, je pense qu'on en viendra à la conclusion qu'en
1983, c'est certain qu'on ne recevra plus, dans le Québec, de
pétrole de l'Ouest canadien. Les probabilités sont que non
seulement on n'en recevra plus, mais que la région de l'Ontario n'aura
pas, non plus, suffisamment de pétrole brut de l'Ouest canadien pour
suffire à ses besoins. Donc, à ce moment, on devra renverser le
pipeline et envoyer là-bas du pétrole qui est importé et
qui viendra par Montréal ou par un autre pipe-line quelque part.
M. Garneau: Le deuxième point que je voulais soulever,
c'est votre appréciation concernant le transport. Vous n'avez pas relu
tout à fait dans le même ordre le mémoire. Cela faisait
quelque temps que je l'avais lu. Si ma mémoire est fidèle, vous
exprimez l'opinion qu'il y aurait avantage à renforcer la
capacité vous employez un terme que je ne comprends pas trop
la cadence. Je ne sais pas au juste si c'est la pression dans le tuyau
que vous vouliez dire, pour augmenter la capacité du pipe-line
Portland-Montréal, plutôt que...
M. Nadeau: En fait, ce qu'on voulait dire, c'est que plutôt
que de construire un nouveau pipe-line qui viendrait de l'est, parce qu'on
connaît maintenant les coûts du prolongement de l'interprovin-cial
de Sarnia à Montréal; on en connaît les coûts
d'exploitation, au lieu d'installer de nouveaux pipe-lines qui
viendraient d'oléoducs, qui viendraient soit du bas du Saint-Laurent,
soit des Maritimes, à un coût qui est énorme aujourd'hui,
ce serait peut-être mieux commencer dès maintenant les
négociations avec le port de Portland et les autorités de I Etat
du Maine, afin de pouvoir augmenter la capacité du pipe-line
Portland-Montréal. On pourrait, à ce moment, avec des coûts
beaucoup plus réduits, approvisionner l'Ontario par suite du manque de
pétrole canadien qu'il y aura à ce moment-là. Ce serait
beaucoup plus économique de le faire de cette façon que de
construire un nouveau pipe-line avec tous les risques que ça comporte,
de construire un nouveau port avec tous les risques que ça comporte. On
serait beaucoup mieux vus, si vous voulez, d'engager des négociations
avec les autorités des Etats concernés pour augmenter la
capacité du pipe-line de Portland.
M. Garneau: En termes de sécurité
d'approvisionnement, vous ne trouvez pas que ça peut être quand
même assez risqué pour une région comme la nôtre
d'avoir seulement un endroit, dans le fond, pour s'approvisionner, qui serait
Portland? Si c'est polluant dans le fleuve Saint-Laurent, ça peut
être polluant dans la région du Maine aussi, et, finalement, les
gens pourraient dire: C'est assez! X centaines de mille barils par jour,
ça suffit, et si vous voulez le doubler, ça ne marche plus.
M. Nadeau: C'est exactement pour ça que je vous dis qu'on
devrait commencer les négociations maintenant. Au point de vue
pollution, c'est sûr qu'il y a des risques. Nick, tu as les chiffres de
ce qui...
M. Van Son: De Portland.
M. Nadeau: ... tu peux peut-être les donner ici.
M. Van Son: L'année passée, il y avait un chiffre
de six gallons au total qui ont été perdus dans l'eau. C'est tout
le gaspillage dans le port de Portland.
M. Garneau: Six gallons?
M. Van Son: Six gallons. Ce n'est pas croyable, à la
fin.
M. Nadeau: Dans toute l'année. M. Van Son: C'est
six point quelque chose. M. Garneau: C'est beaucoup ou rien du tout. M.
Van Son: C'est rien. Cela fait...
M. Garneau: C'est-à-dire que quand un bateau
s'éventre, c'est beaucoup, mais...
M. Nadeau: Maintenant, écoutez! Il y aura certainement des
critères plus sévères qui seront éta- blis pour
l'entrée des vaisseaux, des navires dans le port de Portland et dans
tous les ports, d'ailleurs, de la côte de l'Amérique, que ce soit
chez nous ou ailleurs, à cause des événements
récents. Même avec ces critères et on devrait les
établir, parce qu'on doit protéger l'environnement de la
pollution, c'est sûr même avec ces critères
sévères, il y a encore moyen de négocier, si on n'attend
pas à la dernière minute, avec l'Etat du Maine pour augmenter la
capacité du port et du pipe-line. C'est quelque chose dont il faudra
s'occuper d'ici peu de temps. Sans cela, on sera pris dans une crise et on
devra construire un autre pipe-line qui nous viendra soit du Bas-Saint-Laurent
ce serait malheureux parce que les coûts seraient exorbitants, les
dangers seraient exorbitants aussi ou d'une ligne qui nous viendrait de
la Nouvelle-Ecosse ou du Nouveau-Brunswick.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Laprairie.
M. Michaud: Merci, M. le Président. M. Nadeau, si on part
d'une hypothèse que les importations du Moyen-Orient cessent du jour au
lendemain, supposons une guerre ou quelque chose, si, par accident
géographique ou autre chose, les importations de l'Ouest cessent aussi
en même temps, quelle est la réserve disponible ici, au
Québec, en entreposage, en milliers de barils ou en jours?
M. Nadeau: 60 jours.
M. Van Son: Cela dépend de la période de
l'année, mais disons 60 jours en moyenne, c'est un bon chiffre. Si
c'était à l'automne, ce serait beaucoup mieux, un peu mieux.
M. Michaud: D'accord, merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. Nadeau, nous avons parlé à cette
commission d'énergie et d'environnement. Il y a un point qui me surprend
dans votre rapport. Lorsqu'on parle d'essence sans plomb, est-ce que c'est
possible qu'on dise que cela coûte plus cher à la compagnie, donc,
davantage aux consommateurs et, en plus, cela oblige à des
déboursés supplémentaires à l'achat d'une
automobile. Cela n'améliore pas la conservation de l'énergie
parce que les résultats sont moindres que ceux de l'essence ordinaire.
Quant aux résultats sur la protection de l'environnement, c'est à
peu près nul ou cela ne donne pas les résultats escomptés.
Est-ce possible que cela soit...
M. Nadeau: Ces convertisseurs catalytiques dont on parle, sur les
automobiles, qui exigent une essence sans plomb ont été
conçus pour des régions dont la population est très dense,
comme, par exemple, Los Angeles. On a établi des normes pour une
région qui est très polluée, qui est très
condensée, dont la population est intense et on les applique, par
exemple, à travers l'Amérique du Nord. Je vous dis que c'est un
gaspillage parce que, d'abord, cela coûte plus cher de fabriquer de
l'essence sans plomb, le rendement est moindre pour l'automobile et on fait
cela à un coût plus élevé. Je me dis: Ce sont des
normes qui sont établies pour une région qui ne s'appliquent pas
nécessairement à une autre région parce qu'on n'en a pas
besoin réellement et que ce n'est pas prouvé encore...
Le spécialiste là-dedans, c'est M. MacDonald. Il est
spécialiste de l'environnement, de la pollution et de ces choses. Il a
été président de la société PACE, qui est un
organisme fondé au sein des compagnies de pétrole pour la
protection de l'environnement. Les études nous prouvent de façon
très définitive que ces normes, ces critères ne sont pas
nécessaires dans des régions comme les nôtres. Le pauvre
bonhomme, qui est en Gaspésie, s'il est obligé d'acheter une
voiture avec un convertisseur catalytique, le coût est plus
élevé. Deuxièmement, la pollution, il n'y en a pas.
M. Goulet: Mais je ne sais pas si vous avez des chiffres, disons,
au Québec ou au Canada ou même en Amérique. Si nous prenons
du brut, nous faisons tant de gallons d'essence. Si avec mon automobile, avec
dix gallons, je fais tant de milles et avec de l'essence sans plomb, j'en fais
moins. Si on arrive avec un chiffre global, combien y a-t-il de
différence, par exemple, au Québec ou au Canada? Avez-vous des
chiffres là-dessus de différence de gallons pour le même
usage? Avec de la matière brute, combien cela en prend-il de plus pour
faire le même usage ou le même travail ou développer le
même nombre...
M. Nadeau: Je vais vous laisser répondre. Il y a la
question de compression.
M. Goulet: Si vous dites que les résultats sont
moindres...
M. MacDonald: On a vu dans les deux dernières
années une augmentation de l'économie avec l'essence sans plomb.
Mais si vous compter l'année à partir de 1960, on a diminution de
l'économie avec l'essence au plomb. C'est seulement après
l'année 1974, après le convertisseur catalytique, qu'on a
été capable de régler le moteur pour faire une meilleure
économie. Le catalyseur mange tous les hydrocarbures, l'oxyde de
carbone. C'est seulement depuis les deux dernières années que
nous avons eu une augmentation dans l'économie. Avec la mesure de
conservation, pour faire l'essence sans plomb, cela coûte 4% en plus de
l'huile brute, pour faire un gallon sans plomb que pour un gallon avec
plomb.
M. Goulet: 4% à la base pour le brut et, à la fin,
cela peut donner combien, puisque c'est 4% globalement, on peut dire que c'est
4% de plus globalement, parce que vous parlez de brut. C'est cela ma
question.
M. Nadeau: C'est pour remplacer...
M. Goulet: L'économie est de combien en pourcentage?
M. Nadeau: II n'y pas d'économie avec l'essence sans
plomb...
M. Goulet: Non, il n'y en a pas...
M. Nadeau: ...mais il y a un coût d'à peu
près 4% plus élevé, parce qu'évidemment,
l'efficacité de la gazoline est basée sur le poids et non pas sur
le volume, et quand on extrait le plomb, on est obligé d'y
réingurgiter des aromatiques pour remplacer le plomb qu'il y avait
dedans.
M. Goulet: Mais les 4%, est-ce que c'est bien en matière
première? Je ne parle pas en argent, mais en matière
première.
M. Nadeau: C'est 4% de diminution dans votre rendement du baril
brut.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: Ma première question sera très
brève, parce que le député de Jean-Talon s'est
déjà avancé longuement sur le sujet. Simplement pour
ajouter un élément, si on entre dans votre hypothèse,
où il faudrait déjà commencer à négocier
avec les Etats-Unis pour accroître éventuellement l'importation de
pétrole à partir de Portland, sur quoi peut-on s'appuyer pour
négocier ceci? Vous savez qu'aux Etats-Unis il y a de forts groupes qui
veillent de plus en plus à l'environnement et le gouvernement
américain lui-même s'y intéresse de plus en plus, quels
sont les arguments? Quand on veut négocier, il faut qu'il y ait des
arguments des deux bords. Quel est le poids que le Québec peut mettre
dans la balance pour justifier qu'il y ait plus de bateaux qui puissent
décharger leurs cargaisons à Portland?
M. Nadeau: Le Québec en soi, je ne sais pas s'il peut
négocier avec force, mais une chose certaine, c'est que le Canada vient
de signer récemment un traité avec les Etats-Unis sur les
oléoducs et les gazoducs. Il ne faut pas oublier que, cet hiver
même, au moment où on se parle, il y a des Américains qui
gèlent. Il y a des usines qui ont été fermées. On a
exporté vers les Etats-Unis des surplus de gaz que nous avions ici au
Canada. C'est le temps d'échanger des idées et de
négocier: Si vous voulez, on va vous donner du gaz, mais donnez-nous
certaines possibilités de sécurité d'approvisionnement
par... et ainsi de suite. Comment cela peut-il se faire? C'est au niveau
politique. Vous êtes là-dedans, la politique, c'est à vous
de décider comment on peut faire cela, mais il y a certainement des
façons de le faire.
M. Marcoux: Quand il y a des arguments éco-
nomiques ou des arguments techniques, des choses comme cela qui aident,
cela aide l'homme politique à négocier.
M. Nadeau: Les arguments techniques. D'abord, vous avez tout de
suite un argument économique parce que le coût d'un pipe-line, qui
nous viendrait de Port Hawkesbury ou de Gros Cacouna... Il ne faut pas
rêver en couleur. Gros Cacouna, oublions cela. Ce serait un
désastre écologique, cette histoire-là. Le coût d'un
nouveau pipe-line, c'est assez pour justifier le commencement de
négociations de la part du gouvernement provincial ou
fédéral ou des deux ensemble, si cela peut se faire. Ce que je
veux dire, c'est qu'il ne faut pas attendre que le feu soit pris; il faut
prévenir et agir avant que l'incendie prenne. Il faut aller
négocier tout de suite si on veut avoir quelque chose dans cinq ans.
M. Marcoux: Sur cela, je pense que les membres de la commission
vont probablement être convaincus de votre idée. J'essayais de
savoir s'il y avait des arguments de poids qui pouvaient jouer en notre
faveur.
M. Nadeau: Un argument de poids, je pense bien, c'est que le
système est déjà là. Quant au pipe-line
lui-même, il n'y a aucun danger écologique, si vous voulez. On ne
fait qu'installer des lignes parallèles, augmenter la production,
augmenter les stations de pompage, etc. Il faut peut-être augmenter un
peu la capacité du port de Portland. C'est là que les dangers
écologiques peuvent venir ou les peurs, si vous voulez, au point de vue
de l'environnement. Je pense qu'il y a des compensations qui peuvent être
de considération assez importante pour qu'on puisse trouver des
arguments convaincants auprès des autorités de l'autre
côté de la clôture.
M. Marcoux: J'aurais le goût de pousser plus loin cet
aspect. Vous dites dans le Canada, mais, puisque vous parlez des besoins pour
1983, peut-être que la situation sera changée. Quant à
savoir s'il y a des arguments de poids, disons qu'on va laisser la question en
suspens.
Deuxième question. Vous parlez de la situation par rapport
à l'expansion économique et vous dites que cela va
dépendre des activités syndicales de désorganisation et du
climat politique ou des politiques gouvernementales. Ce que je voudrais savoir,
c'est si dans le passé, disons dans les dix dernières
années, le syndicalisme québécois a eu des effets sur les
décisions qui ont été prises, pas nécessairement
par votre compagnie, dans le secteur pétrolier au Québec.
M. Nadeau: Ah oui!
M. Marcoux: Je veux dire: Le syndicalisme québécois
a joué dans l'ensemble de notre société, dans le secteur
de l'enseignement, etc.
M. Nadeau: Ah oui! Surtout dans le domaine de la construction. Je
peux vous donner des exemples qui sont pertinents et qui nous affectent, nous
autres. On est entré dans un programme d'expansion, en 1971, à
peu près, qui devait nous coûter une trentaine de millions de
dollars. On était en plein milieu de notre construction quand on a eu
ces ralentissements voulus de la part de certains syndicats. C'était
tout simplement du chantage à droite et à gauche. Pour mieux
illustrer ma pensée, je dirais que j'ai posé la question,
à un moment donné, à un de nos bonshommes. Je lui ai
demandé: Tu vas m'illustrer cela de façon concrète pour
que je puisse comprendre ce que cela veut dire.
Il me dit: Par exemple, un bon soudeur les chiffres ne sont pas
exacts devrait souder 180 pouces par jour. Le gars de l'union, le
Stewart ou je ne sais pas trop qui, passe et lorsque le gars a soudé 30
pouces, il lui dit: Arrête, fume et prends ta tasse de café, c'est
fini pour la journée. C'est la productivité. C'étaient des
ralentissements voulus, commandés. C'est là que je parle de la
désorganisation.
Cela n'encourage pas le gars qui veut installer une usine et qui dit:
Pour installer une usine dans la province de Québec, cela va me
coûter 10% ou 20% de plus que si je l'installais dans une autre province
où il y a de l'organisation et où il n'y a pas de troubles
syndicaux. C'est cela que je veux dire par la désorganisation syndicale.
Je pense que c'est important qu'on mette une certaine priorité sur la
productivité des individus et qu'on commence à être fiers
de ce qu'on fait comme travail, tout le monde, que ce soit le briqueteur, le
soudeur, le menuisier ou, enfin, ce qu'on voudra.
M. Marcoux: Vous avez répondu à ma question. Je
voulais savoir si cela avait joué dans votre secteur. Vous me dites oui,
je vois que vous avez des exemples.
M. Nadeau: Oui.
M. Marcoux: Est-ce qu'il y a eu des politiques gouvernementales
lors des six, sept ou huit dernières années du gouvernement?
M. Nadeau: Vous voudriez que je fasse de la politique et je ne
suis pas ici pour cela.
M. Marcoux: Non, au cours des dix dernières années,
je veux dire des mesures fiscales, des mesures budgétaires ou des choses
comme cela qui ont eu des conséquences, ou des amendements à des
lois.
M. Nadeau: Des mesures fiscales, évidemment, on se plaint
toujours des taxes qu'on paie, c'est évident, mais ce n'est pas
là que j'en suis de façon spécifique. Je parle surtout des
conditions de travail, des relations de travail, si vous voulez au
Québec dans les dernières années, qui ont
été, à mon point de vue, désastreuses et qui ont
dû coûter au Québec un certain nombre d'industries.
M. Marcoux: Une dernière question concernant ce...
M. Nadeau: J'ai mentionné aussi, et je pense que vous avez
fait allusion à cela, une espèce de climat d'incertitude. Encore
une fois, je ne fais pas de politique, mais il y a un climat d'incertitude qui
existe aujourd'hui. Il faut tout de même réaliser que ceux qui
projettent ou qui veulent faire des investissements regardent la
rentabilité des capitaux qu'ils vont investir.
Le capital, c'est comme une espèce de fantôme, cela s'en va
et cela vient et on ne sait pas pourquoi. On sait pourquoi, c'est parce que la
rentabilité est meilleure à une place qu'à l'autre. Cela
s'en va de même.
Je dis qu'on devrait avoir ici au moins certains éléments
qui nous donnent une certaine certitude quant à l'avenir et qu'ils nous
disent: Ecoutez, les gars, c'est d'accord, venez investir chez nous, parce que
cela va être rentable. On ne vous changera pas les règles du jeu
à mi-chemin. C'est un peu ce que je voulais dire.
M. Marcoux: Ma dernière question concerne SOQUIP. En tout
cas, sauf erreur, dans votre mémoire, vous ne parlez pas comme telle de
cette institution québécoise. Partant du principe que le
gouvernement du Québec, dans sa nouvelle politique
énergétique, décide de favoriser le développement
de cette entreprise publique il décide de le faire, de toute
façon comme le député de Jean-Talon soulevait la
question, je crois, cet après-midi, qu'il y a le choix entre investir
davantage dans le secteur du raffinage ou de la distribution ou dans le secteur
de l'exploration, où lui conseillez-vous d'investir?
M. Nadeau: Je ne vous le conseille pas. Si vous regardez les
chiffres qu'on vous a soumis et que d'autres compagnies vont ont soumis, je ne
conseille pas à la compagnie d'Etat de se lancer dans le raffinage et la
distribution, parce qu'actuellement, c'est un désastre et cela a
été un désastre depuis déjà plusieurs
années. Je veux dire que le rendement sur le capital investi n'a jamais
été quelque chose à ne pas écrire à sa
grand-mère.
M. Marcoux: Comme les capacités de raffinage, dans
cinq...
M. Nadeau: Comme les...
M. Marcoux: ...six ou sept ans vont atteindre leur maximum,
à ce moment, cela peut devenir rentable.
M. Nadeau: Elles vont atteindre leur maximum dans le
Québec, mais, dans l'Est du pays, elles vont avoir encore une
surcapacité, parce que vous avez Petrosar qui s'en vient en Ontario,
vous avez Texaco qui s'en vient avec une raffinerie de 100 000 barils, vous
avez, dans l'Est, Irving qui s'en vient avec 240 000 barils-jour, de 120
à peu près. Vous avez une raffinerie qui est fermée
actuellement, qui est dans les boules à mites à Terre-Neuve,
Come-by-Chance, qui est un désastre. J'espère qu'elle n'ouvrira
pas tout de suite, parce que cela a été une des causes de la
chute, si vous voulez, des revenus plus ou moins raisonnables dans le raffinage
et dans la distribution. Si vous mettez tout cela ensemble et si vous embarquez
SOQUIP par-dessus cela et qu'elle se construit une raffinerie, bonne chance!
Vous allez peut-être en voir quelques-uns qui vont en fermer une autre,
je ne le sais pas, mais il n'y a pas de place.
M. Marcoux: Non pas par-dessus, mais à la place d'une ou
deux ou quelque chose du genre.
M. Nadeau: Comment voulez-vous que ce soit à la place,
à moins qu'elle en achète une. Pensez-vous que SOQUIP...
M. Marcoux: SOQUIP nous a demandé d'ouvrir le dossier.
M. Nadeau: Je n'ai rien contre les sociétés d'Etat.
Bernard Cloutier, c'est un de mes bons "chums". Il est parti.
M. Marcoux: C'est parce que SOQUIP nous a demandé d'ouvrir
le dossier.
M. Nadeau: Je ne pense pas que les sociétés d'Etat
puissent administrer le raffinage, la distribution de façon plus
efficace que l'entreprise privée. "Let us put it this way".
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Joron: J'ai une dernière question. Evidemment, vous
cherchez les moyens de vous sortir du désastre dans lequel se trouvent
les raffi-neurs et les distributeurs dans le marché de l'Est, à
l'heure actuelle. Vous suggériez un peu plus tôt ou vous
conseilliez au gouvernement du Québec de faire des pressions
auprès du gouvernement fédéral, de façon à
pouvoir, éventuellement, vous permettre à nouveau d'exporter des
produits finis à l'extérieur. Tant qu'on est sous un
contrôle des prix, comme le contrôle actuel, comment peut-on
justifier l'idée que... Parce que ces produits finis que vous faites
ici, vous les faites à partir de pétrole importé en
partie, majoritairement même, subventionné. Est-ce que cela
n'équivaut pas, à ce moment, à une subvention à
l'exportation?
M. Nadeau: Non, parce que, vous savez, quand on exporte, on perd
les subventions, automatiquement. Alors, cela n'a aucun effet sur les
subventions.
M. Joron: En d'autres mots, si vous...
M. Nadeau: Quand on exporte un baril d'huile, que ce soit
gazoline, distillat ou huile brute ou huile lourde, on perd automatiquement le
subside. On est obligé de le rembourser au gouvernement
fédéral. En plus de cela, c'est qu'il y a une taxe à
l'exportation qui vient s'ajouter à tout cela, ce qui rend notre produit
sur le marché exté-
rieur non compétitif avec celui qui est importé des
îles, par exemple, ou d'Europe ou d'ailleurs.
M. Joron: Les marchés extérieurs auxquels vous
pensez, c'est le Nord-Est américain?
M. Nadeau: Bien oui.
M. Joron: Quelle est la situation dans ce marché, le
raffinage par rapport à la demande, la capacité de raffinage par
rapport à la demande?
M. Nadeau: II y a une pénurie de capacité de
raffinage dans ce coin.
M. Joron: Qui est comblée d'où, à l'heure
actuelle?
M. Nadeau: Du golfe du Mexique, surtout. On exporte de la partie
Midwest des Etats-Unis vers l'Est.
M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais, je ne veux pas
venir à la rescousse de mon confrère qui s'est
présenté avant le dîner, mais la question des $2.28...
M. Garneau: Je vais vous dire...
M. Nadeau: Pour le bénéfice de la commission ou des
journalistes qui y ont assisté, j'ai été un peu malheureux
de la réponse que vous avez eue.
Le Président (M. Laplante): Allez-y. Cela nous
intéresse.
M. Nadeau: Les $2.28, ce n'est pas un profit. C'est un revenu
brut. Vous avez fait le parallèle avec la chaise que vous vendez
à $100. Evidemment, ces $2.28, c'est le revenu brut après le
"lifting-cost" ou le coût de production de $0.70 dont on a parlé;
c'est ce qui revient à la compagnie. Cela sert à éteindre
les puits secs, les "dry holes" qu'on a faits. Cela sert à faire du
travail sismique pour savoir où sont les structures à creuser.
Cela sert aussi à l'achat de location de terrains sur lesquels on peut
faire des travaux sismiques ou faire de l'exploration. Cela sert à
amortir, si vous voulez, tous les autres coûts qui viennent avec
ça.
C'est faux de dire que c'est un profit pour la compagnie de
pétrole, ces $2.28. En somme, il n'en reste pas beaucoup, à la
fin du compte, quand on a tout réinvesti dans toutes ces affaires. Ce
qui reste, c'est le "cash flow", et c'est ça qu'on investit pour trouver
de nouvelles sources de pétrole ou de gaz. Comme exemple ou
parallèle, une compagnie comme la nôtre pour faire la
différence entre le profit et le "cash flow" qui n'est pas
grosse, pas de l'envergure de celle qui s'est présentée devant
vous tantôt, on investira, par exemple, en 1977, en capitaux, pour
l'exploration, la production, le développement, le marketing et tout
ça, quelque chose comme $48 millions, en chiffres ronds, si vous voulez,
ou $50 millions, en chiffres ronds, et nos profits pour l'année 1976 se
situent à $22 millions. C'est avant qu'on ait payé les
dividendes. On est loin des $2.28 de profit net. J'espère que
l'explication...
M. Garneau: Non, d'ailleurs, je suis venu de moi-même
à la rescousse, parce que peut-être qu'il avait mal saisi le sens
de ma question. C'est pour ça que je donnais l'exemple de la chaise. Je
ne suis pas revenu ce soir, peut-être un peu parce que, au terme de la
soirée, on est un peu moins agressif...
Une Voix: Vous manquez de chaises...
M. Garneau: ... et un peu plus fatigué, mais je suis
content quand même que vous y reveniez, sauf que vous apportez une autre
ambiguïté en voulant y répondre.
M. Nadeau: Posez...
M. Garneau: Parce que là, vous m'obligez à me
réveiller pour vrai. Vous avez parlé des études sismiques,
comme vous les avez appelées, les "dry holes", etc., mais vous ne m'avez
pas parlé des raffineries.
M. Nadeau: Bien non, mais ce sont deux affaires
séparées. Les $2.28, c'est le revenu...
M. Garneau: Parce que si vous avez remarqué, cet
après-midi, peut-être qu'il y a réellement eu un dialogue
de sourds. Je ne sais pas, au juste, si moi, je m'expliquais mal, et comme je
n'étais pas au fait...
M. Nadeau: Séparez les deux opérations, d'abord, la
production, l'exploration, le développement, qui est la partie où
on extrait le brut, où on le vend, et tout ça, et l'autre partie,
qui est le raffinage et la distribution. Il faut séparer ces deux
éléments, définitivement. Cela, c'est le "lifting cost",
qu'on appelle...
Une Voix: Je sais ça...
M. Nadeau: ... c'est-à-dire que c'est le coût direct
pour extraire du sol un baril de brut.
M. Giasson: Le pompage du puits.
M. Nadeau: C'est ça.
M. Giasson: $0.70 du baril.
M. Nadeau: $0.70, et dans le Moyen-Orient, ça coûte
à peu près $0.05, parce qu'il est moins profond, il y a moins de
pompes, il y a plus de pression, il y a tout ce que vous voudrez. Mais dans
l'Ouest canadien, en moyenne, ça coûte $0.70 le baril pour sucer
un baril de pétrole du fond du trou, le monter à la surface,
à la tête du puits. Là, il reste $2.28 après
ça, et ces $2.28 sont un revenu brut. Avec cet argent, ces $2.28,
l'industrie réinvestit, fait des trous qui sont secs, ce qu'on appelle
les "dry holes". Ils creusent des trous un peu
partout et ils font des études sismiques. Il y a des
géologues, des géophysiciens, des géo-ci et des
géo-ça, tous ces gars font des travaux. Il faut les payer, et il
faut payer aussi l'amortissement de tous ces "dry holes", parce que c'est une
partie de poker, en fait, l'exploration pour le pétrole.
Nos géologues et nos géophysiciens nous disent: II y a une
structure à telle place, on a fait l'étude sismique, cela a
coûté tant. On a acheté le terrain ou on a loué le
terrain, ils appellent cela des "leases" et cela a coûté tant.
Après cela, ils disent: Peut-être qu'on a une chance parce qu'il y
a une belle structure. On s'en va là, par exemple, dans le delta du
Mackenzie, et on creuse un trou. Cela coûte $3,5 millions pour creuser ce
trou. A un moment donné, quand on est rendu à 13 000 pieds, il
n'y a rien. On a dépensé $3,5 millions juste pour creuser le
trou, on a dépensé deux autres millions ou $1,25 million pour
savoir qu'il y avait une structure là et qu'on arrive et que c'est de
l'eau salée, par exemple. Tout cela fait partie des $2.28. C'est
là que cela va. Ce n'est pas un profit net.
M. Garneau: J'étais convaincu que cela ne pouvait pas
être un profit net, ni même un profit brut.
M. Nadeau: Maudit, qu'on serait riche, si c'était un
profit net!
M. Garneau: J'imagine. Mais vous, est-ce que vous êtes un
peu plus "gambler" que votre prédécesseur? Etes-vous prêt
à nous dire quelle serait la répartition des $9.75 qui serait le
plus souhaitable pour l'économie de l'industrie?
M. Nadeau: Cela dépend de ce que l'on veut dans l'avenir.
Si on veut se maintenir ou se satisfaire que nos réserves s'en aillent
en décroissant, $2.28 cela va satisfaire à peu près ce
désir. Mais si on veut qu'on poursuive l'exploration, parce que les
moyens sont tout de même limités, on ne peut qu'opérer en
dedans d'un certain "cash-flow" et si le "cash-flow" n'est pas suffisant, on
n'ira pas faire les explorations dans les mers de l'Arctique et dans les mers
de la côte Est, dans les mers un peu partout et dans les régions
frontalières, on n'aura pas les moyens de le faire. On va être
obligé de se contenter de creuser des petits trous pour trouver un petit
peu de gaz en Alberta, c'est moins cher. On va faire cela. Mais si, par
exemple, le pays veut et cherche une espèce d'autonomie ou d'autarcie
dans le domaine du pétrole et du gaz, à ce moment-là, il
faudra que les compagnies de pétrole aient assez de "cash-flow" pour
pouvoir aller faire cette exploration. C'est là-dessus qu'on se bat
constamment contre les gouvernements provinciaux et le
fédéral.
On dit: Sur $9.75, vous prenez environ $6, laissez-nous en un petit peu
plus et on va faire plus d'exploration. Mais laissez-nous les moyens de le
faire. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral a institué une
espèce de système par lequel il surveille les investissements et
le "cash-flow" des compagnies et il nous demande des rapports suivant nos
résultats, ce qu'on retire et ce qu'on investit.
On gueule toujours contre les multinationales, mais celles qui sont
établies ici au Canada sont à peu près les seules qui
réinvestissent leur "cashflow" strictement au Canada. Et ce sont des
compagnies qui sont essentiellement canadiennes qui vont investir du
"cash-flow" en mer du Nord ou en Egypte ou en Italie ou ailleurs. Mais c'est un
fait.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de
cette commission vous remercient de la coopération que vous avez bien
voulu leur apporter. Nous ajournons cette séance au mardi 15
février, 14 heures, avec les organismes suivants: Hydro-Québec
37M, Sauvons Montréal 70M, Texaco Canada Ltée 58M, Canadian
Coalition for Nuclear 21 M, Association québécoise des
professionnels de la communication scientifique 71 M, Labrecque, Bissonnette
& Lemieux Ingénieurs 42M, Taillon Jean, Couture Marcel, Gauthier
Jean, Théberge Ghyslain 65M. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 21)