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(Quatorze heures sept minutes)
Etude de la situation énergétique du
Québec
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
La commission permanente des richesses naturelles et des terres et
forêts se réunit aujourd'hui pour étudier la politique
d'énergie du Québec.
Je vais faire appel aux organismes qui doivent être
présents cet après-midi et ce soir. Merci.
Les membres de la commission, aujourd'hui, sont: M. Baril (Arthabaska),
M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon); M. Forget
(Saint-Laurent) remplace M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet
(Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Johnson (Anjou), absent, M.
Joron (Mille-Iles), M. Landry (Fabre), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier);
M. Ciaccia (Mont-Royal) remplace M. O'Gallagher (Robert Baldwin).
Présentation de mémoires Club Automobile
du Québec
Le Président: Est-ce que le Club Automobile du
Québec est présent? Albert et Cie Ltée? Merci. Aigle d'Or
du Canada Ltée? Merci. Le Chapelier, Pierre? ELF Hydrocarbures du
Québec Ltée, pour ce soir. Le Comité de protection de
l'environnement de Lotbinière.
Le premier organisme à entendre est le Club Automobile du
Québec. Vous avez environ quarante-cinq minutes pour votre exposé
et les questions.
M. Dufresne (Jean-Claude): Alors, M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, juste un mot pour vous dire que le
Club Automobile du Québec est un organisme sans but lucratif qui
comprend 70 000 membres, et nous parlons aussi pour le Towing Club de
Montréal qui est notre contrepartie dans l'île de Montréal
et qui, lui, a 42 000 membres.
Cependant, nous n'avons pas consulté nos membres et notre
position, aujourd'hui, n'en n'est pas une de défense à outrance
de l'automobile, mais c'est plutôt une position assez rationnelle, compte
tenu des problèmes de l'énergie et du fait que la
prolifération des voitures ne pourra pas se faire continuellement sans
restriction.
C'est donc non pas à titre d'experts que nous sommes ici, mais
plutôt à titre de personnes impliquées dans les
problèmes d'automobiles puisque la raison d'être de notre
organisme est de rendre service à l'automobiliste, de lui offrir des
services. Je voudrais vous présenter notre délégation. A
ma gauche, M. Marcel Laliberté, qui est vice-président du club et
qui est en même temps et à temps plein directeur du service de
circulation de la ville de Québec. A ma droite, Mme Monique Tardif, qui
est directrice de notre service de protection du consommateur automobiliste
dont l'une des raisons d'être est de protéger nos membres contre
d'autres organismes de protection du consommateur. Enfin, M. John Grierson,
à sa droite, qui est un ingénieur en transports pour
l'Association canadienne des automobilistes dont nous sommes l'un des membres
constituants. J'invite Mme Tardif à vous faire part des vues du
club.
Mme Tardif (Monique): Dans cette ère de communications
dans laquelle nous vivons, l'automobile a pris une place de plus en plus
importante dans l'ensemble des moyens de transport. Sa popularité est
d'ailleurs un état de fait constaté par les plus récentes
statistiques annuelles du gouvernement provincial puisque, en 1975, près
de 3,5 millions de véhicules ont été immatriculés
au Québec. De ce nombre, près des deux tiers étaient
utilisés par des particuliers comme véhicules de promenade. Un
Québécois sur trois et un adulte sur deux posséderait donc
sa propre voiture.
L'importance de l'utilisation de l'automobile par les voyageurs
découle en grande partie de la souplesse qu'elle offre dans son emploi
puisqu'elle permet, entre autres choses, à son utilisateur de choisir
ses points précis de départ et d'arrivée et qu'elle
l'avantage d'une flexibilité d'horaire totale.
Le Québécois moyen possède donc une voiture et il
n'accepterait de s'en priver que devant de grands impératifs
économiques. Nécessité fait loi. Cependant, une solution
aussi draconienne ne sera sans doute jamais nécessaire pour peu qu'il
soit possible d'évaluer à moyen et à long terme les
rigueurs des conditions du marché du pétrole pour le
Québec et que l'on puisse planifier en conséquence.
Jusqu'à présent, les rapports sont demeurés
contradictoires en ce qui a trait aux réserves mondiales de
pétrole. Les projections les plus alarmistes égalent en nombre
les perspectives optimistes. Quelle sera la quantité de pétrole
disponible dans 10, 30 ans et à quel prix? Une réponse,
même approximative, à ces deux questions permettrait de trouver
des solutions appropriées à la nature ou à l'ampleur du
problème, mais, pour le moment, faute de données, il ne saurait
être question d'autre chose que d'appliquer des mesures
préventives. Il ne s'agit donc pas d'imposer dès maintenant des
contraintes ou des restrictions, mais de proposer d'encourager vivement la
lutte contre un certain gaspillage d'énergie qui ne saurait profiter
à personne.
La préoccupation croissante des spécialistes de
l'environnement face à la pollution automobile s'est traduite, à
partir des années soixante-dix, par des modifications technologiques de
plus en plus poussées dans le but de réduire les
émanations toxiques. Ces changements ont fait surgir un problème
tout aussi épineux, celui d'un accroissement de la consommation
d'essence. Pour pallier ce nouveau handicap, le gouvernement canadien a
émis certaines normes de rendement qui devront rencontrer un
échéancier déterminé; 1980 sera la date finale pour
parvenir à un premier objectif de 24 milles au gallon pour l'ensemble de
la flotte d'une compagnie, tandis que, pour 1985, le second échelon est
fixé à 33 milles au gallon.
Les retombées de ces décisions se sont déjà
fait sentir au niveau de la production automobile américaine puisque
General Motors vient de franchir, en septembre, la première étape
de son programme de réduction de poids de ses modèles dans le but
d'obtenir une diminution de la consommation d'essence. Le président de
cette compagnie déclarait même que, pour l'ensemble de la flotte
automobile, la consommation d'essence allait décliner progressivement
pour atteindre, en 1980, un niveau inférieur à celui de 1973.
D'autre part, rappelons qu'afin d'inciter les Canadiens à acheter
des véhicules plus légers, le gouvernement fédéral
impose, depuis 1975, une taxe d'accise progressive sur les véhicules
dont le poids dépasse certains barèmes établis. Ce fait
est très peu connu des acheteurs éventuels puisque cette taxe est
incluse, comme les autres taxes fédérales, dans le prix global.
Déjà, dans ces normes, le gouvernement fédéral
avait prévu, au dépôt du budget, au mois de mai, que la
table du poids des véhicules serait décroissante en allant vers
3000 livres pour 1980. On sait qu'actuellement, ce qui s'est finalement
passé, c'est qu'on est resté, pour les normes de 1977, à
4425 livres, ce qui n'est pas un gros avantage sur ce qu'on avait en 1976.
Comment va-t-on faire pour atteindre des normes de consommation d'essence
très faibles en 1980, je ne le sais pas si on ne passe pas d'abord par
le poids des véhicules qui est le facteur important dans la consommation
d'essence?
Dans le contexte actuel où les normes de fabrication
relèvent entièrement du gouvernement fédéral,
l'action du gouvernement québécois pourrait se situer au niveau
de l'information au consommateur des coûts supplémentaires que
représente le poids excédentaire de certains véhicules et
le coût total de l'essence pour un parcours annuel moyen de 15 000 milles
selon la moyenne de consommation de ces véhicules. Ce sont là les
données les plus significatives qui pourront inciter l'acheteur à
reconsidérer son choix et à acheter des voitures plus
légères.
Un frein au gaspillage. L'aspect de la circulation automobile aux heures
de pointe, dans les centre-ville, est un des phénomènes les plus
symp-tomatiques de l'utilisation inconsidérée que l'on fait de ce
moyen de transport. Plus de 60% des conducteurs aux Etats-Unis, on parle
même d'au-delà de 80% se servent de leur automobile pour se
rendre au travail.
Si le point d'arrivée est le même pour presque tous, c'est
au point de départ que le problème se pose différemment.
D'une part, nous avons les personnes qui demeurent dans la région plus
ou moins immédiate du centre-ville, par ailleurs, nous avons celles qui
proviennent de nos banlieues qui se sont multipliées au cours des
dernières années, mais qui ont conservé une faible
densité de population. Selon les circonstances, certaines solutions
ayant une incidence sur la consommation d'essence pourraient être
retenues.
Par exemple, l'horaire flexible. L'implantation de ce système
aurait l'avantage immédiat de permettre la décongestion de nos
artères aux heures de pointe. L'échelonnement des heures
d'arrivée et de départ des travailleurs, là où la
chose est possible, pourrait souvent se faire sans trop d'inconvénients.
Le phénomène habituel du pare-chocs à pare-chocs et de
l'étranglement de nos artères de circulation sur le coup des neuf
et cinq heures pourrait être ainsi éliminé en grande
partie. Plusieurs trajets de trois quarts d'heure pourraient facilement
être effectués en quinze minutes si la circulation se faisait
normalement, et beaucoup d'essence pourrait être
économisée, si les moteurs ne tournaient pas si souvent
inutilement au ralenti.
Le transport en commun. Depuis que l'automobile est devenue accessible
à presque tout le monde, le transport en commun joue de plus en plus un
rôle de parent pauvre. Il y a moins de 25 ans, il était normal de
prendre l'autobus pour les déplacements en ville. La situation est
maintenant complètement renversée. La conséquence directe
de cet état de choses, c'est que l'offre s'est ajustée à
la demande décroissante et que les services donnés actuellement
ne pourraient satisfaire une clientèle plus exigeante. C'est au niveau
de chacune des agglomérations que pourraient être trouvées
des solutions qui correspondent à leurs besoins particuliers. Deux
approches simultanées seraient alors à envisager,
l'amélioration et l'adaptation du service du transport en commun aux
besoins réels des communautés et la démotivation des
citadins à employer leur voiture pour certains de leurs
déplacements.
Le transport en groupe offre un moyen terme entre l'automobile et le
transport en commun. Bien que le système de "carpooling" soit, pour
ainsi dire, vieux comme l'automobile elle-même, on y a porté, au
cours des dernières années, un intérêt croissant et
proportionnel à la montée des coûts d'utilisation d'une
voiture. Il serait donc à la portée de plusieurs
propriétaires de voiture de contribuer à la conservation de
l'énergie, tout en divisant leurs coûts de transport.
La ville de Vancouver a mis sur pied un projet pilote de transport en
groupe. Le programme qui a débuté en juin dernier demeurera en
vigueur pour une période d'un an et pourrait être prolongé,
si l'expérience est satisfaisante. Il sera sans doute intéressant
pour le gouvernement du Québec de suivre l'évolution de ce
dossier, et d'étudier la possibilité de l'adapter à notre
situation en collaboration avec certaines municipalités.
Pour sa part, notre organisme a déjà entamé des
discussions à ce sujet avec le directeur du
service de la circulation de la ville de Québec. Le "taxi
collectif" et le système "park and ride", parcs-autos de dissuasion se
raccordant à un moyen de transport en commun, sont d'autres programmes
qui pourraient être envisagés.
La limitation de vitesse. C'est un fait reconnu que la consommation
d'essence augmente en fonction de la vitesse. Pour la plupart des autos, la
consommation d'essence est à son minimum aux alentours de 40 milles
à l'heure ou moins. Rares sont les exceptions. Au-dessus de 50 milles
à l'heure, la consommation d'essence s'accroît rapidement. Des
études récentes ont révélé que la
consommation d'essence est de 30% plus élevée à 70 milles
à l'heure qu'à 50 milles à l'heure. Pour certains
modèles, cette différence dépasse même 50%. Si tous
les automobilistes conduisaient à 55 milles à l'heure ou moins,
on économiserait environ 3% de la consommation globale de
l'énergie requise pour toute l'industrie automobile.
Sur le rapport vitesse consommation d'essence, un tableau a
été préparé par le gouvernement américain
qui donne la consommation d'essence pour les véhicules d'un poids
donné, à une vitesse donnée. On considère que de 30
à 40 milles à l'heure, c'est le point zéro. Si on regarde
l'augmentation moyenne ce n'est pas réellement une moyenne, c'est
l'ensemble des véhicules qui ont été utilisés
cela donne 31,26 d'augmentation comparativement au point zéro qui
se situe entre 30 milles et 40 milles à l'heure. Ce problème de
consommation d'essence a un rapport avec la vitesse. C'est probablement
pourquoi c'est un facteur important, parce qu'un petit véhicule,
à 70 milles à l'heure, même si sa consommation d'essence
augmente de 50%, ne consommera pas autant d'essence que le véhicule de
5000 livres qui va également à 70 milles à l'heure,
même si la courbe du véhicule de 5000 livres est beaucoup moins
diversifiée.
Une modification au Code de la route. Il pourrait y en avoir d'autres,
il s'agit de les trouver. La majorité des Etats américains et des
provinces canadiennes ont apporté des modifications à leur Code
de la route afin de permettre le virage à droite aux feux rouges. Une
étude évalue que dans le seul Etat de la Virginie près de
trois millions de gallons d'essence pourront être ainsi
économisés annuellement.
Des feux de circulation synchronisés. Ce n'est pas sans raison
que l'on obtient, lors des tests de consommation d'essence, un rendement
nettement inférieur pour la circulation en ville puisqu'elle se
caractérise par des "stop and go" incessants. Ces arrêts et
départs répétés pourraient être
diminués simplement par la synchronisation des signaux lumineux.
Nous n'avons certes jamais été économes en
matière d'énergie. On nous a tellement
répété que notre pays était doté de
ressources inépuisables que nous le croyons mordicus.
Pourtant notre utilisation per capita se classe au deuxième rang
dans le monde entier. Chaque Canadien consomme par année
l'équivalent de 55 barils de pétrole. Au cours d'une seule
décennie, à savoir de 1961 à 1971, notre consommation
d'énergie s'est accrue d'environ 50%. A ce rythme, la demande
d'énergie doublera tous les dix ans.
Notre soif insatiable d'énergie trahit notre désir de
maintenir ce que nous considérons être un minimum quant à
la qualité de la vie, alors qu'une grande proportion de nos ressources
énergétiques se perd inutilement. Pareille situation ne saurait
durer longtemps. La première condition qui s'impose est de
connaître nos ressources énergétiques, nos besoins et nos
possibilités. Comme les automobiles sont responsables d'environ 15% de
la consommation totale d'énergie et que les automobilistes peuvent
décider du nombre de milles qu'ils parcourront et du type de voiture
qu'ils achèteront, l'utilisation rationnelle de l'essence pourrait
devenir pour nous un objectif tout naturel.
D'ailleurs, l'Association canadienne des automobilistes, dont le Club
Automobile du Québec fait partie, a publié, de concert avec
l'Office de conservation de l'énergie du gouvernement du Canada, des
dépliants éducatifs pour inciter les automobilistes à
participer à une campagne de conservation de l'énergie.
Si le ministère des Richesses naturelles jugeait qu'il est
à propos maintenant de demander la collaboration de tous les
Québécois dans le domaine de la conservation de l'énergie,
nous serions heureux de lui apporter tout notre appui.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie, madame, pour
votre mémoire. M. le ministre.
M. Joron: Je pense que vous avez fort bien fait le tour de la
question. Comme vous le signalez, il y a un pourcentage extraordinaire, 15% de
l'énergie totale qui est dépensée, qui relève des
automobilistes eux-mêmes. Le secteur des transports au sens large couvre
pas loin de 30% de tous nos besoins énergétiques. C'est presque
tout cela mis ensemble, la moitié du pétrole qu'on consomme
chaque année, alors, c'est sûr qu'aucun programme de conservation
ou d'économie d'énergie ne pourrait fonctionner sans qu'on
commence par le principal, et c'est là le principal.
Vous avez plusieurs suggestions qui sont intéressantes dans tout
cela. Je pense qu'il est utile de signaler peut-être au départ, de
rappeler, pour montrer à quel point cela peut avoir une incidence sur la
consommation globale d'énergie, que, en Suède par exemple, je
mentionnais, hier que la consommation d'énergie par habitant
était presque la moitié moindre que celle du Québec.
Entre autres, pour ce qui est des véhicules, la moyenne de milles
au gallon des véhicules suédois est de l'ordre de 24, alors que
c'est encore 13,5 en Amérique du Nord. On voit qu'il y a une marge
extraordinaire de jeu qui pourrait nous permettre de faire des grands pas en
avant.
J'aurais, entre autres, deux questions plus précises à
vous poser, je vous les donne toutes les deux. D'une part, en ce qui concerne
le transport en commun, vous avez parlé d'un programme de
démotivation des automobilistes à utiliser leur vé-
hicule pour se rendre à leur travail. Je voudrais vous demander
d'élaborer un peu là-dessus. Quels sont les points principaux qui
pourraient servir à ce programme et comment le gouvernement pourrait-il
collaborer avec, entre autres, le Club Automobile du Québec pour mettre
sur pied un tel programme?
D'autre part, vous faites allusion à la taxe d'accise
fédérale relative au poids excédentaire. Dans les pouvoirs
actuels du gouvernement québécois, il y a moyen d'aller beaucoup
plus loin que cela. Plusieurs ont évoqué dans le passé la
possibilité de fixer le coût annuel de l'immatriculation du
véhicule d'une façon plus progressive selon le poids du
véhicule ou la cylindrée. A cet égard, je voulais vous
demander d'une part quelle importance il faut attacher au poids par rapport
à la cylindrée du moteur, dans cette évaluation; d'autre
part, comment verriez-vous une telle mesure? Il n'y a pas de doute qu'il y a un
manufacturier automobile sur le territoire québécois, mais qui
manufacture pour un marché qui n'est pas spécifiquement
québécois. Finalement, l'essentiel des véhicules au
Québec sont importés. On ne peut pas, nous, donner des normes aux
manufacturiers et leur dire: Vous allez faire des voitures qui vont faire tant
de milles au gallon. Les pays producteurs d'automobiles peuvent faire cela.
Nous, on ne peut pas.
Mais ce qu'on peut faire, c'est évidemment inciter les
consommateurs à se diriger vers les plus petites voitures ou les
voitures plus légères. Alors, une incitation possible et cette
espèce de coût d'immatriculation décourageant, plus le
véhicule est lourd. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Tardif: D'accord. Alors, pour répondre à votre
première question, la question de démotivation de l'automobiliste
et de la motivation vers le transport en commun, une des expériences qui
a été tentée dans la ville de Québec, ce sont les
voies réservées aux autobus.
Dans la même mesure où on va améliorer le service en
commun et où on va le rendre plus rapide, l'automobiliste pourra voir la
différence entre utiliser son propre véhicule, être pris
dans la circulation et voir passer les autres qui sont capables de se rendre
beaucoup plus rapidement que lui. La première des motivations, c'est de
lui prouver qu'il y en a d'autres qui sont capables de se rendre plus
facilement où il veut se rendre et en moins de temps. C'est la seule
façon parce qu'à ce moment, c'est une question de production et
de rapidité et il n'y a pas d'autre moyen d'en arriver à diminuer
la circulation urbaine que celui de promouvoir un meilleur service de transport
en commun.
Du côté de l'immatriculation, la taxe d'accise, quand j'ai
apporté ce point, c'était surtout parce que la plupart des gens
qui achètent s'imaginent que, parce que la voiture est plus
chère, ils en ont plus pour leur argent. Si on était capable de
leur faire une répartition de ce qu'ils donnent en taxe selon la
grosseur du véhicule qu'ils achètent, ils s'apercevraient qu'ils
n'en ont pas plus pour leur argent et ce serait peut-être suffisant pour
un début de démotivation.
Quant à l'immatriculation, on sait que, l'an dernier, on est
passé à ce genre d'immatriculation. On a une immatriculation
à $0.01 la livre jusqu'à 3000 livres, $0.02 la livre de 3000
à 4000 livres et $0.03 en haut de 4000 livres. Alors, on a
déjà cette table progressive reliée au poids du
véhicule qui est établie dans la province de Québec. Je
pense que le seul endroit où cela existe, c'est ici à
Québec. On l'a déjà, finalement.
M. Joron: ... quand même déjà timide parce
que, même ce que cela finit par coûter à enregistrer,
immatriculer un véhicule de 5000 livres, même si le principe est
croissant...
Mme Tardif: Cela va aller à $60, $70. Ce n'est pas
tellement...
M. Joron: Bien, c'est cela, pour...
Mme Tardif: C'est peut-être le double; finalement, on n'y
porte pas attention. Cela reste des petits montants. C'est bien sûr. Il y
aurait certainement quelque chose de ce côté, mais je me demande
si ce serait aussi motivant que de savoir ce que je donne au gouvernement
fédéral en taxe d'accise sur le poids de mon véhicule.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Votre mémoire est fort différent de
ceux qu'on a entendus jusqu'à aujourd'hui, mais il s'inscrit bien, je
crois, dans la préoccupation de votre organisme.
La question que j'ai à poser est en continuité avec celle
qui vient d'être posée. Est-ce que vous croyez que le
mécanisme des prix, dans le domaine de l'automobile, et l'utilisation de
l'automobile par rapport au transport en commun, sont des
éléments suffisants pour convaincre les gens de modifier leurs
habitudes de vie?
Est-ce que c'est par ce mécanisme ou, dans le fond, comme nous
vivons dans une société où les citoyens sont libres de
leurs faits et gestes, est-ce que ce n'est pas plutôt et presque
uniquement par une éducation populaire très intense que l'on peut
véritablement modifier les habitudes de vie? Vous savez, on a perdu les
élections, nous, le 15 novembre, je n'ai plus de chauffeur, je prends de
temps à autre l'autobus et ce n'est pas drôle; je peux vous dire
cela, ce n'est pas drôle, et je me dis que ce n'est certainement pas pour
des raisons de prix que je n'ai pas pris mon auto, j'avais une femme qui en
avait besoin.
C'est pour cette raison que je me demande si, dans le fond, quand on
parle de prix, que ce soit l'immatriculation de l'automobile, que ce soit une
taxe quelconque, dans le fond, il y a de l'habitude. Peut-être le
savez-vous, parce que vous êtes en contact avec les automobilistes dans
cet aspect de l'utilisation de la voiture. Est-ce que ce n'est pas plutôt
du côté de l'éducation populaire que l'on peut
véritablement atteindre un objectif ou si le mécanisme des prix
pourrait jouer?
M. Dufresne: Je peux peut-être dire que, sur le plan de
l'éducation populaire, nous sommes très pessimistes. Nous avons
l'impression aussi que ceux qui pouvaient se procurer des véhicules
coûteux avant le font encore. Par contre, on voit une
prolifération des petites voitures, et, en général, nous
sommes très pessimistes, je pense, même sur les mesures que nous
vous proposons aujourd'hui, parce qu'elles touchent simplement ce qui nous
apparaît être une petite partie du problème, compte tenu des
prévisions les plus pessimistes sur l'avenir du problème
d'énergie.
Alors, toutes ces mesures que nous suggérons sont incitatives et
dans l'espoir qu'on ne soit pas obligé d'en venir à des
contraintes imposées par des lois. Je serais porté à
être d'accord avec vous que le prix de la voiture n'est peut-être
pas l'argument le plus frappant, tout au moins encore jusqu'ici, à
cause, si vous voulez, du train de vie que l'on a et l'importance que l'on
accorde à la voiture. D'après les perceptions qu'on en a,
même les familles les plus pauvres ont leur voiture, et avant qu'on
démystifie ce véhicule, ce moyen de transport, je pense que cela
prendra tout un travail d'éducation.
Je voyais d'autres statistiques qui disaient que les voyages
inter-cités se feront, dans une proportion de 94%, en auto, ce qui veut
dire que l'on peut tenir pour acquis que, dans la majorité des cas, les
automobilistes ignorent même par exemple, le coût d'un voyage
Québec-Montréal par la Transcanadienne, qui est sûrement
plus élevé qu'un transport par autobus. C'est tellement
ancré dans notre civilisation et notre pays est construit autour de
l'automobile.
Nous allons avoir tout un problème d'éducation si on veut
les convaincre de rester à la maison pour épargner de
l'énergie; aux Etats-Unis quand il y a eu la pénurie que vous
connaissez, par la force des choses, les gens ont moins voyagé et le
taux d'accidents a diminué lui aussi. Il y avait vraiment une contrainte
qui les obligeait à courir les diverses stations pour trouver de
l'essence. Tant que cela va rester des mesures incitatives et
d'éducation populaire, moi, je vous avoue que je suis très
pessimiste.
M. Garneau: Est-ce que vous avez pu constater, dans le mode de
transport et l'utilisation de la voiture, une modification quelconque à
la suite de l'augmentation du prix de l'essence ou si, là aussi, le prix
n'a pas de signification? Cela devient-il la première priorité
dans le budget, que ce soit une personne pauvre, moins pauvre, riche ou plus
riche et, finalement, cela passe-t-il avant autre chose? Même si on
mettait le prix de l'essence à $1.50 le gallon, demain matin, il n'y
aurait peut-être pas beaucoup de modifications dans l'usage ou le
comportement des individus.
M. Dufresne: Moi, c'est l'impression que j'ai. Je ne sais pas
si...
Mme Tardif: Simplement la tendance. Il y a à peu
près cinq ans, on calculait, comme parcours moyen annuel d'un
véhicule, 10 000 milles et, actuellement, on est rendu à 15 000
milles. Plus cela va, plus on utilise l'automobile.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Dufresne: ... au transport en commun. Un exemple nous a
été fourni tantôt par M. Grierson. J'aimerais
peut-être qu'on vous le répète. Permettriez-vous à
M. Grierson de s'exprimer en anglais?
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Grierson (John): En anglais?
M. Dufresne: Ou en français.
M. Grierson (John): Je vais essayer en français. Prenez,
par exemple, la petite Toyota. Elle peut gagner 30 milles par gallon, mais,
avec trois personnes, cela donne environ 90 milles/personne par gallon. Un
avion, par exemple, donne 20 milles par gallon pour chaque personne, mais les
autobus donnent seulement environ de 4 milles à 6 milles/passager Dar
gallon. Il y a des raisons qui expliquent ceci. Dans une journée, le
matin, pour aller au bureau, si l'autobus est plein de passagers, il y a
toujours le voyage de retour, quand l'autobus est vide. Cela donne seulement
50% de capacité, au total.
Pour cette raison, nous pensons que l'automobile est la meilleure forme
de transport quand il y a plus de 1,1 à 1,3 personnes qui utilisent
l'automobile maintenant. Toute la question est de changer l'activité des
individus pour bien utiliser les autos. Ce n'est pas une question de
technologie, c'est un problème social. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Rimouski. Ce ne sera pas long. Monsieur.
M. Marcoux: Je voudrais d'abord vous féliciter pour
l'objectivité de votre mémoire, je pense que tous les membres de
la commission l'auront noté, ainsi que pour la façon dont vous
défendez les intérêts des consommateurs. Cela semble
davantage leur intérêt à moyen terme et à long terme
que, peut-être, leur intérêt immédiat, et je pense
qu'il faut l'apprécier. La question ou le thème, vous l'avez
déjà abordé à la suite des questions du ministre
Joron et du député de Jean-Talon, que j'aimerais vous voir
préciser est à propos des contraintes. Vous écrivez,
à la page 3: "II ne s'agit donc pas d'imposer dès maintenant des
contraintes ou des restrictions à la consommation, mais de proposer et
d'encourager vivement la lutte contre un certain gaspillage d'énergie
qui ne saurait profiter à personne ". J'aimerais vous voir
préciser, parmi l'ensemble des suggestions que vous faites il en
faut quand même des contraintes quelle est la part que vous faites
à l'éducation populaire, à la formation du consommateur,
parce que, évidemment, c'est cela qui vous préoc-
cupe, et aux contraintes que, finalement, il va peut-être falloir
imposer. Vous parlez, par exemple, d'une vitesse idéale de 50 ou 55
milles à l'heure. Jusqu'à quel point doit-on faire une
contrainte, une loi ou un règlement obligatoire?
Par rapport à l'ensemble de vos suggestions, l'impression reste
ambiguë dans votre rapport à savoir si on doit mettre le paquet du
côté de la formation et de l'éducation des consommateurs ou
s'il doit y avoir un dosage, à la fois de contraintes, d'obligations et
de formation ou surtout, finalement, d'obligations de fait aux consommateurs.
Votre rapport semble très souple sous ces aspects. Pourriez-vous
préciser quelles sont, quand même, l'attitude que vous pensez que
le gouvernement devrait adopter?
Mme Tardif: Quand on parle de contraintes ou de restrictions, on
parle de rationnement tout court.
M. Marcoux: D'accord.
Mme Tardif: II n'y en a plus et il faut rationner
l'énergie. On n'est quand même pas rendu là. Alors, si on
pouvait obtenir, pour revenir à l'exemple de M. Grierson, si on peut
faire comprendre aux automobilistes qu'une personne dans une automobile, cela
coûte trop cher, qu'il faut augmenter le ratio d'une personne par
automobile. Il y a de l'éducation à faire qui est peut-être
une incitation de la part des employeurs en diminuant un peu les
stationnements, en augmentant les coûts de stationnement. C'est sûr
que cela ne fera pas l'affaire de tout le monde, mais c'est une incitation
à augmenter le nombre des personnes dans les véhicules et c'est
de cette façon qu'on pourrait contribuer à la conservation
d'énergie.
M. Marcoux: Et c'est davantage des mesures incitatives que des
mesures obligatoires.
Mme Tardif: Cela revient à cela. Tant qu'il n'y a pas de
normes bien strictes, tant qu'on ne sait pas qu'on a une véritable
pénurie, il est très difficile d'arriver à une
obligation...
M. Marcoux: Même pour le millage, 55 milles/heures, par
exemple, est-ce que vous souhaiteriez que cela devienne obligatoire sur toutes
les routes du Québec, maximum 55 milles/heure ou 50 milles/heure,
disons, on pourrait discuter sur cela, ou si vous souhaitez qu'on intensifie la
publicité pour faire comprendre aux automobilistes qu'à 50
milles/heure, ils économiseront?
M. Dufresne: Dans le cas des 55 milles/heure, cela existe
déjà sur les routes secondaires depuis quelques mois. Par contre,
sur la transcanadienne, il n'existe pas de limite, même si la route est
conçue pour une vitesse de 85 milles/heure parce qu'on n'a pas de
surveillance policière au Québec. C'est à peu près
la seule province, le seul endroit en Amérique du Nord où on peut
vraiment circuler en toute liberté. Mais là, il y a une autre
implication, c'est le taux d'accidents. Comme vous savez. nous avons le plus
fort taux d'accidents. Alors, là, dans l'implication des 55
milles/heure, il n'y a pas seulement l'épargne d'énergie, il y a
aussi la question de sauver des vies. Cela sous-tend qu'il devrait y avoir une
présence policière au Québec qui, à toutes fins
pratiques, est à peu près inexistante. Si elle l'est, c'est
beaucoup plus autour des restaurants pour prendre des tasses de café, on
n'a vraiment pas cette présence sur les routes qu'on sent partout
ailleurs, en Amérique du Nord.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, le Club Automobile, je pense,
a pour principal objectif la protection et l'aide à l'automobiliste.
Devant cette commission, nous parlons de l'économie de l'énergie.
Cela va, dans votre rapport, c'est très bien, vous préconisez le
transport en commun. Mais j'imagine que vous ne préconisez pas le
transport en commun pour protéger l'automobiliste, c'est là que
je vois le...
M. Dufresne: Non, en fait, le transport en commun, je pense qu'on
se convainc qu'il ne serait pas normal qu'une famille qui a quatre voitures
décide de partir, à quinze minutes d'avis, pour aller au Grand
Théâtre pour un spectacle. Il y a un non-sens naturel
là-dedans. Même chose que les contraintes du centre-ville dont
pourrait nous parler M. Laliberté. Il va falloir se limiter. C'est un
peu comme le problème pour aller voir les Nordiques, si vous me
permettez l'exemple terre à terre. Lorsque cela nous prendra une heure
pour atteindre le Colisée, on fera comme certains font, on louera un
autobus et on se rendra au Colisée en autobus.
M. Goulet: Croyez-vous possible une loi qui obligerait les
citoyens à utiliser le transport en commun? Tantôt, le ministre a
parlé de la Suède, mais la réduction de l'énergie
en Suède n'est-elle pas venue d'une loi obligatoire? Et il y a un autre
exemple, je crois que c'est dans l'Etat de la Californie; tout près de
Los Angeles, sur certaines grandes routes qui mènent à la ville
de Los Angeles, entre sept heures et neuf heures du matin on n'a pas le droit
de se promener seul dans sa voiture. Mais il faut que cela vienne par une loi.
Croyez-vous, si on renseigne la population là-dessus, que
d'elle-même elle va...
M. Dufresne: Je pense que ce qu'on propose, en fait, c'est
d'essayer l'éducation populaire, mais on reste un peu convaincu
qu'à long terme cela va prendre des lois. Pour le cas de la
Suède, je ne sais pas si cela est un facteur, mais les distances
à parcourir ne sont pas du tout les mêmes qu'ici au Canada.
M. Laliberté, je pense, avait des commentaires à ajouter
là-dessus.
M. Laliberté (Marcel): Evidemment, on peut
préconiser certaines lois; par exemple, la ville de Québec l'a
fait pour une meilleure utilisation du
transport en commun. Mme Tardif parlait tout à l'heure des voies
réservées qui ont été instaurées à
Québec pour encourager le transport en commun. Je ne pense pas que ces
voies réservées, lorsqu'elles ont été faites,
avaient pour but de nuire à l'automobiliste même si elles se
voulaient une promotion du transport en commun. En fait, les résultats
ont été extrêmement positifs. Je suis convaincu les
statistiques sont là pour le prouver que beaucoup
d'automobilistes ont décidé d'eux-mêmes d'abandonner leur
automobile et d'utiliser cette forme de transport qui est moins coûteuse
et qui accélère leur périple entre la maison et le lieux
de travail. C'est une expérience de nature assez limitée, parce
que c'est un essai que nous faisions pour voir si les gens de la région
de Québec étaient pour l'utiliser. Je pense que cela ouvre la
porte à toutes sortes d'espoirs sur d'autres façons de
rationaliser le transport, que ce soit par les autobus ou l'automobile. On
entend beaucoup parler de l'automobile, ces années-ci; je ne pense pas
qu'on doive opposer l'automobile au transport en commun, parce que ce n'est
peut-être pas tout à fait le même genre d'usagers dans les
automobiles que dans les transports en commun.
D'ailleurs, les gens qui patronnent ou qui administrent le transport en
commun savent bien que jamais 100% de la population n'utiliseront le transport
en commun. Je ne crois pas qu'on devrait légiférer dans ce sens,
mais on peut, par des mesures d'incitation, tel qu'on le préconisait
tout à l'heure dans le mémoire, par mesures législatives
municipales-provinciales arriver à accélérer le
déplacement des voitures dans des voies réservées, par
exemple lorsqu'elles contiennent plus de 1,2 ou 1,3 personne en moyenne.
Si on regarde la façon dont l'automobile est utilisée
aujourd'hui dans les centre-ville, ce n'est pas tellement rationnel, c'est
même très illogique. Je pense que c'est un gaspillage
d'énergie qui pourrait sûrement être amélioré
considérablement sans arriver avec des mesures coercitives. Je pense
qu'il faut, en somme, prêcher par l'exemple envers les gens et leur
montrer qu'il y a des façons de faire les choses qui sont à leur
avantage, soit pour devenir un usager du transport en commun ou pour demeurer
dans l'automobile. Mais, une personne par automobile qui fait 15 ou 10 milles
au gallon, je pense que c'est absolument inacceptable. Aujourd'hui, on ne peut
plus se permettre cela. Je pense que des mesures comme celles-là, il
faudra y arriver beaucoup plus...
Le Président (M. Laplante): Le député de
Berthier.
M. Mercier: On constate, depuis plusieurs années, un fort
mouvement d'émigration des villes vers les banlieues et même cela
peut aller, dans certains cas, jusqu'à 50 ou 60 milles, ce qui oblige
les gens à se déplacer sur une longue distance pour aller
travailler. Dans bien des cas, les deux personnes travaillent. Parfois, il y en
a même trois ou quatre dans la même famille ou, quand il y a une
personne qui reste au foyer, à chaque fois qu'elle veut aller au
marché elle doit constamment utiliser son automobile. Bref, les
activités qu'on constatait bien souvent dans les villes, maintenant,
à la campagne, elles ont un rythme de vie qui est très
urbanisé et qui rend l'automobile peut-être beaucoup plus
nécessaire qu'elle ne l'était il y a quelques années.
Avez-vous réfléchi à ce problème-là? Quelle
solution, pensez-vous, pourrions-nous envisager de façon à
diminuer un peu cette utilisation de l'automobile à l'extérieur
des grandes villes pour des activités soit de travail, de loisir
ou...
Mme Tardif: Si on parle réellement de milieu rural, c'est
bien sûr que dans un milieu rural l'automobile est pratiquement le seul
moyen de transport. Si on parle de banlieue de grande ville, à ce
moment-là on pourrait revenir, par exemple, avec le transport en groupe.
Si on réussit, par des motivations, à inciter les automobilistes
à se grouper pour venir au travail, il est possible qu'il y en ait qui
vont laisser leur véhicule à la maison qui pourra servir à
d'autres fins, pour de courts voyages pendant ce temps. Une façon de le
faire, on parlait tout à l'heure de lois, mais avant d'arriver aux lois,
il y aurait quand même des incitations; par exemple, le stationnement. Un
véhicule qui a quatre passagers aurait priorité dans le
stationnement, l'endroit le plus près, le plus facile. On a même
vu, aux Etats-Unis, pour inciter les gens à se grouper pour aller au
travail, donner des réductions sur les primes d'assurance. C'est
réellement de l'incitation à faire quelque chose. On n'a pas
besoin d'arriver avec une loi pour cela; cette motivation va suffire à
changer le concept qu'on a de l'utilisation de l'automobile.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Joron: II me paraît qu'il y a une entente à
travers tout le monde, qu'il y a un consensus sur les objectifs que l'on
poursuit ici, mais il y a plusieurs moyens d'y arriver. Le député
de Jean-Talon posait une question un peu plus tôt sur l'incidence que
peuvent avoir les prix. Vous vous êtes montré sceptique dans votre
réponse. Même si cela coûtait trois fois plus cher
qu'aujourd'hui pour immatriculer une grosse voiture, est-ce que les
consommateurs qui acceptent de payer $8000, $9000 ou $10 000 pour une grosse
voiture ne le feraient pas quand même? J'ai tendance à croire que
oui, également. On a vu que même dans les pays où le prix
de l'essence... On pourrait imaginer mettre une taxe prohibitive ou presque sur
l'essence. Si cela doublait et que cela passait de $1 à $2 le gallon,
j'ai l'impression, finalement, que cela aurait un effet très temporaire.
On l'a vu aux Etats-Unis, au moment de la crise de la fin de 1973. Dans les six
premiers mois de l'année suivante, les petites voitures se sont bien
vendues et aussitôt que ... elles sont revenues et même davantage.
En 1975, dès l'année suivante et encore en 1976, l'année
dernière, le pourcentage des grosses voitures par rapport aux petites
est plus élevé qu'il ne l'avait jamais été,
même auparavant, même avant la crise de l'énergie.
D'autre part, vous semblez également pessimiste quant à
l'incitation, aux programmes d'éducation. Il faut commencer par
là, j'en conviens. Est-ce que c'est de là qu'il faut attendre des
miracles? Moi aussi, comme vous, j'en doute.
Finalement, on en arrive aux contraintes de la réglementation. On
peut imaginer toutes sortes de choses. Il y a des pays qui ont
été obligés de le faire, à un moment donné,
quand il y a eu pénurie physique des stocks de pétrole.
Rationnement, vous avez droit à tant de gallons par semaine,
interdiction de circuler le samedi et le dimanche, ou interdiction de circuler
dans les centre-ville. Il y a toutes sortes de choses qu'on peut imaginer. Tout
le monde répugne, bien entendu, aux contraintes, je le conçois
moi aussi. Sauf qu'il faut bien se rendre comte qu'il va quand même
falloir faire quelque chose, parce que le problème à plus long
terme est même encore pire que celui-là.
Il ne faudrait peut-être pas faire de la science politique fiction
trop loin dans l'avenir, de la prospective du XXI siècle, mais il y a un
jour où il n'y aura plus de pétrole. Peut-être que la
technologie fera marcher les voitures avec d'autre chose, mais peut-être
qu'elles seront ou beaucoup plus petites ou beaucoup moins nombreuses. De toute
façon, il faut déjà commencer à penser à
tout un réaménagement d'une façon de vivre. Cela implique
l'aménagement du territoire. Les citoyens ont l'impression d'être
libres, à l'heure actuelle, de choisir ce qu'ils veulent et ils
répugnent aux contraintes. Mais, dans le fond, on ne se rend pas compte
qu'il y a des contraintes quand même, parce que le réseau routier,
qui est un investissement public, est déjà une contrainte au
départ. S'il n'y a pas de réseau routier, inutile d'acheter des
automobiles, on ne peut pas se promener.
Sans le savoir, on est déjà très contraint. Par
rapport à cette illusion de liberté, parce qu'il faut souligner
que... Cela me rattache à la question précédente du
député de Berthier. La façon dont on a construit nos
villes, la façon dont les développeurs immobiliers ont
acheté des terrains à l'extérieur des villes pour faire
des développements de banlieue, des maisons unifamiliales, la
façon dont ils ont fait des centres commerciaux, ce sont toutes des
formes d'aménagement du territoire qui obligent, à ce
moment-là, le citoyen à avoir une automobile, pas parce qu'il l'a
choisi, mais parce qu'il n'est plus capable de vivre autrement.
Je pense qu'on a tout un exercice à faire qui implique beaucoup
plus que diminuer la vitesse ou faire ci, faire ça, mais qui va,
ultimement, jusqu'à l'aménagement global du territoire. J'ai
comme l'impression que, face à ces problèmes, les banlieues
telles que nous les avons connues, surtout dans les vingt-cinq dernières
années, c'est probablement fini à tout jamais.
La question que je voulais vous poser, plus spécifique à
cela, c'est quel pourcentage avez-vous pu, peut-être, attribuer à
ce qu'on appelle le gaspillage ou la perte d'énergie qui provient de ce
fait, de la circulation autour des grandes villes, des banlieues vers
l'intérieur? Est-ce que c'est là un des principaux points de
gaspillage?
Mme Tardif: On sait quand même, au départ, que le
véhicule qui circule sur une faible distance consomme deux fois plus
d'essence que celui qui s'en va sur la grand-route. Alors, déjà,
c'est un point. Si je viens de la banlieue, je vais commencer à
consommer beaucoup plus d'essence à mesure que je m'infiltrerai dans la
circulation. Alors, la première partie du trajet n'a pas tellement de
conséquences. Cela revient à une des idées que nous
n'avons pas tellement développées parce que nous ne connaissons
pas d'exemple de ce moyen. C'est d'avoir des stationnements en banlieue
où laisser le véhicule. Passablement de gens venant des banlieues
seraient peut-être prêts à le faire s'il y avait un
transport en commun à partir d'un endroit donné pour aller au
centre.
Ce serait une des façons de régler le problème des
gens qui viennent des banlieues. C'est bien sûr qu'à
l'intérieur même de leur banlieue, c'est comme les gens du milieu
rural, à un moment donné, il n'y a pas d'autres façons de
se déplacer. Les transports en commun ne peuvent pas se rendre partout
dans ces milieux. On ne sera jamais capable d'aller contre ce
développement qui a déjà été fait.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Pontiac-Témiscamingue, le dernier intervenant.
M. Larivière: A la page 7 de votre mémoire, vous
mentionnez que la ville de Vancouver a mis sur pied un projet pilote de
transport en groupe. Pourriez-vous nous donner des exemples de ce programme, la
forme de ce programme?
Mme Tardif: Le programme a d'abord été
établi par le Club Automobile de la Colombie-Britannique. Il est
né du programme d'initiatives locales du gouvernement
fédéral. La promotion est faite par la ville de Vancouver. Le
programme est en application depuis juin. C'est encore difficile de
connaître le résultat de ce programme. Il reste encore six mois de
fonctionnement à l'essai. Mais, il y aurait une certaine augmentation
d'utilisation du nombre de personnes par véhicule qui a
été apportée.
Le Président (M. Laplante): Madame, messieurs, les membres
de cette commission vous remercient de la coopération que vous avez bien
voulu leur accorder. Merci.
J'appelle Albert et Cie Ltée. Vous avez environ 45 minutes pour
votre exposé et les questions.
S. Albert et Cie Limitée
M. Aboud (Samuel): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, mesdames et messieurs, le présent
mémoire vous est présenté par S. Albert et Cie
Ltée, distributeur de combustible liquide ainsi que d'équipement
de combustion et de chauffage. La compagnie a été fondée
en 1909 par M. Abraham Albert. De distributeurs de bois de chauffage et de
charbon, nous sommes devenus l'un des plus gros distributeurs d'huile et
d'équipement de chauffage dans la ré-
gion de Montréal. M. Albert prit part active dans la gestion de
son entreprise jusqu'à sa mort. Il fit aussi partie du Comité
canadien des combustibles, en temps de guerre. Il fut un pionnier dans son
domaine en lançant de nombreuses innovations.
Depuis le décès du fondateur, la maison est dirigée
par M. Daniel Albert, fils du précédent président, et par
M. Norman Specter, vice-président exécutif.
Signalons que ces deux personnes sont diplômées de
l'Université McGill et de l'Institut de technologie de New York. Fait
à noter également, M. Maurice Richard est administrateur et
vice-président des ventes.
Sous l'impulsion des trois cadres que nous venons de nommer, la
compagnie fait preuve depuis de nombreuses années d'un esprit
d'initiative hors du commun. Elle encourage aussi la conservation de
l'énergie, la protection du milieu et l'assainissement de l'air. Elle a
entre autres lancé la fournaise tous combustibles, précieuse en
cas de pénurie de pétrole. Elle a aussi mis au point une voiture
électrique qui a réussi divers essais et qui pourrait être
fabriquée en série.
MM. Albert et Spector sont aussi les auteurs de "L'homme et sa maison",
guide pratique à l'intention du propriétaire foncier. Le livre
donne, entre autres, la liste complète des moyens de réduire la
consommation d'énergie sans perte de confort. "L'homme et sa maison"
s'obtient auprès de S. Albert et dans certaines librairies. En outre,
MM. Albert et Spector ont signé le dépliant "Economiser de
l'argent, économiser de l'énergie", dont le titre est
significatif.
Toujours dans le domaine des publications, S. Albert et Cie met à
la disposition du public un dépliant publicitaire décrivant une
foule d'articles vendus par la maison. Il s'agit d'objets et de dispositifs
éprouvés, la plupart conçus par S. Albert, et qui
contribuent à épargner du combustible. L'économie peut
atteindre 35% et la moyenne est d'environ de 15% à 18%. Il y a notamment
le brûleur domestique Spec-AI qui a une vitesse de rotation de 3450 tours
à la minute, qui réduit la fumée et la suie de 92% et qui
augmente la combustion d'au moins 15% à 20%. Il y a aussi la fournaise
tous combustibles, l'échangeur de chaleur pour cheminées, le
registre motorisé et le reste. Ce dernier dispositif empêche la
fournaise de se refroidir et la chaleur de s'échapper par la
cheminée une fois le brûleur arrêté.
Cela nous amène à l'un des principaux buts du
présent mémoire: Vous faire connaître les
possibilités d'économie de combustible des brûleurs offerts
actuellement sur le marché. Nous nous en tiendrons surtout aux
brûleurs à l'huile, puisque c'est le mode de chauffage le plus
répandu au Québec.
Du point de vue technique, pour qu'un combustible comme l'huile de
chauffage donne une combustion efficace, il faut que la vaporisation soit
complète et que le mélange air-combustible soit le meilleur
possible. Il faut augmenter l'arrivée de l'air pour qu'il n'y ait pas de
fumée, si l'air en question n'entre pas de la bonne manière ou
que l'intensité de son mouvement n'est pas parfaite. Or, en augmentant
l'air, on perd de l'efficacité. Heureusement, les brûleurs actuels
donnent un bon mélange air-combustible avec un minimum d'air et leur
rendement est d'au moins 15% à 20% supérieur aux anciens.
Quand on applique cette économie de 15% à 20% aux 600 000
brûleurs du Québec, qui consomment en moyenne de 1000 à
1200 gallons d'huile par année, on obtient une épargne totale de
l'ordre de 200 millions de gallons ou de $90 millions à $100 millions
par année. Prenons un cas précis. Il peut coûter environ de
$300 à $400 pour remplacer un brûleur désuet, vieux de
quinze à vingt ans. En reprenant nos chiffres précédents,
soit une économie moyenne de 18% et une consommation dé 1200
gallons par année, nous obtenons une épargne de 216 gallons. A
$0.48 le gallon, cela donne $105 par année. L'amortissement du nouveau
brûleur demande donc de trois à quatre ans. Nous ajoutons
aussitôt que le nouveau brûleur réduit la fumée et la
suie d'au moins 90%. Les données qui précèdent sont
fondées sur des comparaisons réelles entre des installations
modernes et de vieux brûleurs.
Tout ce que nous venons de voir s'applique aux maisons privées.
S. Albert et Cie est consciente aussi des épargnes possibles dans
l'industrie et le commerce. Nous avons récemment remplacé une
installation vieille de quarante ans par un nouveau brûleur industriel
à tirage forcé et à mélange air-combustible par
atomisation à la vapeur haute pression. La vieille installation
était du genre à atomisation mécanique et à tirage
naturel. La consommation est réduite depuis de 25% à 30%. En
chiffres, la consommation antérieure était de 180 000 gallons par
année. L'économie est donc de 45 000 à 50 000 gallons
d'huile lourde à $0.28 ou $0.30 le gallon. Dans ce cas, l'amortissement
peut se faire en deux ans et demi ou trois ans. Nous croyons qu'il y a des
milliers d'installations commerciales et industrielles désuètes
qui gaspillent des milliers de gallons de combustible. Les propriétaires
de telles installations sont plus ou moins conscients de ce gaspillage et moins
conscients encore de la pollution de l'air que cela entraîne. En effet,
un mauvais rendement vient surtout d'une mauvaise atomisation et d'une mauvaise
combustion, d'où émission de combustible non brûlé
et de particules solides ou suie.
La maison S. Albert estime à 4000 ou 5000 le nombre des
édifices commerciaux et industriels qui font un tel gaspillage, à
raison de 25 000 à 50 000 gallons par année, et nous ne tenons
pas compte des émanations nocives et polluantes.
Les gaz chauds (ou la fumée) qui s'échappent par la
cheminée représentent une source importante d'énergie
récupérable. La Cie Albert étudie actuellement des moyens
efficaces et relativement simples de faire cette récupération. On
pourrait retrouver de la sorte environ 10% de l'énergie initiale.
En général, l'équipement nécessaire
s'amortit dans une période allant de deux ans et demi à quatre
ans à même les économies réalisées.
Nous attirons l'attention de la commission sur les divers dispositifs
illustrés dans notre dépliant, Conservation de l'énergie
par la technologie, que l'on trouvera en annexe. Nous aimerions voir ces
appareils soumis à des analyses techniques qui en détermineraient
la valeur économique et leur apport en matière de
conservation.
Signalons tout particulièrement le registre motorisé
Spec-AI et le chrono de conservation du combustible, dont
l'intérêt est tout particulièrement grand dans le domaine
de la conservation de l'énergie.
La maison S. Albert croit donc que les moyens d'économiser
l'énergie que nous venons de décrire brièvement ont
quelques mérites. Les économies possibles ne peuvent que prendre
de la valeur si le combustible devait continuer à subir des hausses de
prix. On pourrait éviter tout rationnement éventuel en prenant
immédiatement certaines mesures précises.
En conclusion, nous souhaitons donc recommander une étude
approfondie de la part de la Commission de l'énergie du Québec
sur la question que nous exposons. Si l'étude en question devait se
révéler concluante, nous recommandons également que des
subventions et des incitations soient accordées aux personnes et
organismes qui voudront collaborer à vos efforts.
Merci beaucoup!
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: Je vous remercie, monsieur. M. Aboud, en donnant un
exemple peut-être, vous nous faites des suggestions dans le cadre d'un
programme d'économie de l'énergie qui coïncide bien avec les
intérêts particuliers de votre maison, une façon de lier
l'utile à l'agréable.
Je retiens deux recommandations sur lesquelles je voudrais avoir des
précisions. Vous mentionnez à la page 5 que vous aimeriez voir
ces appareils soumis à des analyses techniques qui en
détermineraient la valeur économique et le rapport en
matière de consommation.
Voulez-vous dire que le gouvernement, ou le département de
l'énergie, pourrait avoir avantage à soumettre tout appareil du
genre, brûleur, etc., à une inspection, l'amenant à en
déterminer le rendement par rapport à la combustion
d'énergie possible? Est-ce ce genre de choses que vous voyez, d'une
part?
M. Aboud: Je pourrais demander à mon copain...
M. Joron: Volontiers.
M. Aboud: ... de me donner des précisions, parce que je
suis un peu sourd.
Oui, je demanderais que des tests ou des épreuves soient
entrepris par des organismes provinciaux ou des organismes officiels pour
déterminer précisément ce que seraient ces épargnes
pour le bénéfice de tout le monde et non seulement pour les
organismes commerciaux, tels que le nôtre.
M. Joron: D'accord. Je vous remercie de votre suggestion.
J'aurais une deuxième question. A la toute fin, vous dites: "Si
l'étude en question devait se révéler concluante, nous
recommandons également que des subventions ou des incitations soient
accordées aux personnes et organismes qui voudront collaborer à
vos efforts."
Que voyez-vous plus précisément qui pourrait être
fait à cet égard?
M. Aboud: Etant donné que l'installation de nouveaux
appareils pourraient épargner du combustible, ce qui est très
important pour la province, nous avions pensé, peut-être, qu'il
pourrait y avoir des exemptions de taxe ou des subventions à même
l'impôt sur le revenu, ou de telles choses.
M. le ministre, je ne peux pas préciser...
M. Joron: Non. Je comprends l'idée.
M. Aboud: Je crois que nous laisserions à votre
discrétion le fait d'encourager ces propriétaires ou organismes
commerciaux qui voudraient bénéficier de ces
économies.
M. Joron: Vous penseriez à des choses comme, par exemple,
peut-être soustraire partiellement ou complètement à la
taxe de vente des brûleurs efficaces, alors que les brûleurs non
efficaces seraient taxés, ou des choses qu'on a évoquées,
comme enlever la taxe de vente sur les matériaux isolants et ce genre de
mesures.
Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, il semble que votre compagnie
ait fait beaucoup de recherches dans ce domaine de la conservation de
l'énergie par le moyen d'épargnes sur les équipements
existants, mais il me semble que le public est un peu sceptique. Mes remarques
ne touchent pas du tout votre compagnie; ce n'est pas un jugement ou une
critique que j'apporte à votre compagnie, mais je sais qu'il y a
plusieurs compagnies qui font de la réclame en disant que, par
l'entremise de certains objets, de certains appareils qui peuvent être
vendus et attachés à l'équipement existant, on peut faire
des épargnes considérables.
J'ai deux questions. Premièrement, je crois que c'est un moyen
très efficace pour conserver de l'énergie; au lieu d'imposer des
contraintes par des lois, des contraintes à un mode de vie, à un
standard de vie que nous avons et que nous ne voulons pas voir baisser, on
pourrait utiliser les équipements que vous proposez. Alors, il y a un
problème d'éduquer le public en lui disant que ces formes de
conservation et ces équipements existent. Mais le problème, je
crois, le plus important, c'est que, si je suis membre du public et que les
compagnies m'offrent de tels équipements, comment puis-je juger,
moi-même, que c'est vraiment efficace et que ce n'est pas seulement du
"marketing" ou que ce n'est pas seulement un moyen pour me vendre un
équipement addition-
nel? Comment le public pourrait-il, d'une façon, être
certain que le rendement va être tel que le dit la compagnie qui fait les
représentations, que cela va être exact?
M. Aboud: C'est un problème, M. le député,
de faire la différence entre le "marketing", comme vous le dites, et la
vérité. C'est pourquoi je me demande s'il y a des organismes
provinciaux officiels qui pourraient confirmer ces preuves, parce que je crois
que notre maison est très intéressée à la
conservation de l'énergie. Il y a réellement, ici, une anomalie.
Vous avez une compagnie d'huile qui prêche la conservation de
l'énergie, ce qui semble être contraire à ses principes de
faire des profits.
Mais, réellement, la compagnie a prouvé depuis très
longtemps, qu'elle voulait prêcher en faveur de la conservation de
l'énergie, et le public ne se rend pas compte de la franchise, si ces
personnes sont réellement franches ou non; c'est pourquoi votre question
est très à point. Je me demande comment cela pourrait se faire.
C'est pourquoi je me demande s'il n'y aurait pas un moyen officiel pour que le
gouvernement aide à éduquer le public.
M. Ciaccia: II y aurait moyen, premièrement, que le
gouvernement aide à l'éducation du public dans ce domaine, sans
favoriser une compagnie ou l'autre. Seulement, le principe de l'épargne
de l'énergie, par l'entremise d'équipement, tel que vous le
démontrez dans votre mémoire... Il y aurait peut-être lieu
de recommander au ministre on peut faire cette recommandation avec vous
d'explorer cette question de conservation d'énergie par le moyen
de système de combustion plus efficace.
Deuxièmement, il serait peut-être plus important
d'instituer un office de certification qui pourrait certifier au public qu'un
appareil sur le marché, dont le manufacturier prétend qu'il a
certaines qualités et qu'il aura une certaine performance, a cette
performance ou non. Je crois que ce serait une façon de protéger
le consommateur.
Par ailleurs, nous sommes dans le domaine de la conservation de
l'énergie, qui est un domaine très important. C'est un moyen de
faire la conservation de l'énergie sans imposer de contraintes, sans
imposer de lois au public, sans changer nécessairement son mode de vie
et son confort. Je recommanderais au ministre d'explorer la possibilité
d'instituer un tel office de certification pour certains appareils.
M. Aboud: M. le député, vos paroles sont
très à point, je crois que ma visite ici aide à souligner
et à amener des suggestions. Celle que vous faites maintenant est
peut-être meilleure que celle des subventions ou des incitations. Je vous
remercie beaucoup pour votre suggestion.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Je vois au bas de la page 1 de votre
mémoire que vous avez mis au point une voiture électrique qui a
réussi divers essais et qui pourrait être fabriquée en
série. Je vois également dans votre dépliant que cette
voiture électrique peut atteindre une autonomie de 40 milles. J'aimerais
savoir où vous en êtes rendus dans ces recherches. Est-ce que vous
en faites toujours? Est-ce qu'il y a plusieurs autres compagnies qui, de leur
côté, font des recherches dans ce domaine?
Je vois que cette autonomie était possible en 1974. J'aimerais
savoir également quelle est, à l'heure actuelle, à la
suite des autres recherches, la distance d'autonomie permise et quelles sont
vos prévisions à brève échéance. J'aimerais
savoir si je peux toujours poser des sous-questions sur cette même
question.
Vous dites que cette voiture pourrait être fabriquée en
série. J'aimerais savoir si vous avez l'intention de développer
une industrie de ce genre ici au Québec et si ça peut
éventuellement remplacer l'essence. Quelle serait, à ce
moment-là, la dépense d'énergie qu'occasionnerait une
voiture...?
M. Aboud: Je ne suis pas...
M. Grégoire: Je vous pose plusieurs questions, parce que
je dois vous avouer que...
M. Aboud: ... tellement familier, trop familier avec la voiture
électrique parce que je suis surtout un ingénieur
spécialisé en combustion. Je prends en note votre question et je
désire la soumettre à notre organisme, mais je vous assure que
fabriquer une voiture électrique ou un véhicule de la sorte n'est
pas une petite affaire. Cela doit se faire avec un organisme très bien
financé et je ne crois pas que nous soyons à point pour dire que
nous lancerions un véhicule en production à ce moment même.
C'est pourquoi je me réserve le droit de soumettre votre question
à nos principaux intéressés, à nos administrateurs,
et j'aimerais vous répondre par écrit, si c'est possible.
M. Grégoire: Si je peux me permettre également une
autre question, comme vous dites que ça prend des organismes financiers
assez forts, est-ce que vous avez fait des demandes, est-ce que vos recherches
sont assez avancées pour avoir fait des demandes à certains
paliers de gouvernement pour avoir de l'aide pour développer un tel
moyen de transport?
M. Aboud: Encore une fois, je ne peux pas vous répondre,
mais je ne le crois pas. Cela a été fait en guise
d'expérimentation.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Seulement une petite question, M. le Président.
A la page 2, vous parlez de "registre motorisé" et vous mettez entre
parenthèses, "cer-
taines villes du Québec interdisent toutefois son usage dans leur
territoire". J'aimerais savoir pourquoi en interdit-on l'usage, si c'est
efficace pour réduire la consommation d'énergie?
M. Aboud: C'est parce que, dans presque tous les cas, on n'aime
pas restreindre l'ouverture qu'il y a dans une cheminée. C'est
considéré dangereux s'il n'y a pas un appareil ou un dispositif
électrique pour avertir si le registre est fermé. Il y a toujours
le danger que le dispositif électrique fasse défaut.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Berthier.
M. Mercier: Vous êtes spécialiste en combustion. En
fait, on constate que le fonctionnement des nouveaux appareils de combustion
est directement lié à celui de l'électricité. Je
suis dans une région où on a assez régulièrement
des pannes électriques. Est-ce qu'il y a des appareils qui existent ou
est-ce qu'il y a de la recherche qui se fait, de façon à pallier
un peu les défectuosités, les pannes d'électricité,
de façon à permettre aux appareils de continuer à
fonctionner quand même? Parfois, on a des pannes de deux ou trois
jours.
M. Aboud: Oui, c'est une fournaise qui a un foyer au-dessous; on
y brûle l'huile en haut, d'une façon conventionnelle. En bas, nous
avons un foyer où nous pouvons brûler des bûches ou du
charbon avec une grille. Cela peut chauffer en cas de panne
d'électricité. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de la
commission vous remercient.
M. Servart (Azarias): M. le Président, pour faire suite
à une question qui a été posée plus tôt, il y
a la Société ASHRAE, chapitre de Montréal, qui se
présentera probablement cette semaine. Les associations de
manufacturiers vont commencer à exiger que les manufacturiers, sur la
plaque signa-létique de chaque appareil, indiquent le rendement de
combustion ou le rendement de consommation d'énergie et que cela fasse
partie intégrale des normes. Comme dans le mémoire de
l'automobile, on y demande que des minimums soient atteints pour 1978-1980 et
cela sera soumis à votre attention.
Une grande partie du gaspillage de l'énergie dans les trente
dernières années est due au fait que les grands offices de
normalisation et les ministères du gouvernement du Québec qui en
font partie ont permis de vérifier et d'étiqueter des appareils
qui étaient commercialement corrects et sûrs au point de vue de
dommage à la santé.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que cela ferait partie
de votre mémoire actuellement?
M. Servart: Cela fait partie des appareils qu'on décrit
là. Cela va avoir des conséquences dans la consommation de
l'énergie, M. le Président. Ce qui arrive, c'est qu'on a
vérifié cet appareil-ci pour savoir s'il était dangereux,
mais on ne s'est pas soucié de savoir s'il était efficace. On n'a
pas indiqué les prescriptions dans lesquelles cet appareil pourrait
demeurer efficace. Cela devrait faire partie des plaques signalétiques.
Quelle sorte de combustible? A quel régime et dans quelle condition?
Merci!
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs!
M. Brochu: Est-ce que la commission se termine avec le
mémoire qui nous est présenté? J'aimerais peut-être
faire seulement un petit commentaire, ce qui n'est pas une question en fait,
pour souligner l'intérêt que suscite le mémoire qui est
présenté aujourd'hui dans la démarche que la compagnie
Albert a quand même faite, parce que je pense qu'elle a
dépassé son souci premier qui est quand même la
distribution pour aller du côté de la prévoyance. Je pense
que le contenu du mémoire qui nous est présenté s'inscrit
très bien dans le cadre de cette commission et je pense qu'on pourrait
même profiter de l'occasion pour souhaiter que davantage d'organismes
aillent au-devant des coups pour ainsi dire en matière
énergétique, parce que vous avez clairement
démontré, je pense, par les recherches que vous faites d'avance,
même dans des domaines qui ne sont pas directement reliés à
la distribution comme l'automobile électrique, etc., votre
intérêt et votre souci d'en arriver à trouver des solutions
avant que les problèmes se posent peut-être de façon
irrémédiable.
De ce côté, je pense qu'il convient, M. le
Président, de souligner ce travail et de souhaiter que peut-être
d'autres emboîtent le pas dans ce domaine, dans le contexte
énergétique qu'on passe actuellement.
Le Président (M. Laplante): M. Pierre Le Cha-pellier.
Allez-y.
M. Pierre Le Chapellier
M. Le Chapellier (Pierre): Bonjour, messieurs. Je m'excuse de ce
petit retard. Je me présente, parce que, sur le papier que vous avez, je
ne représente pas d'organisme précis ici au Québec.
Néanmoins, je représente une espèce de conscience sociale,
en ce sens qu'il y a passablement de gens qui adhèrent à la
pensée qui est dans le texte que vous allez avoir.
Je m'appelle Pierre Le Chapellier, oui. Je suis architecte et
ingénieur et je suis progressivement passé, depuis 1970, à
l'étude des problèmes écologiques, à la fois au
niveau énergétique et au niveau du bâtiment. Le texte que
vous pouvez lire a été composé très rapidement
à partir de notes, de réflexions et ne peut pas être tenu
pour une pensée structurée ou pour une recherche universitaire.
Ce sont des notes de travail. Ainsi, ce que vous allez entendre ne suivra pas
nécessairement le texte qui est là sur lequel j'ai eu l'occasion
d'affiner un petit peu ma réflexion depuis qu'il a été
donné à l'impression. En gros, je me suis permis
de venir vous ie présenter, bien que je sois Français de
nationalité, parce que j'ai eu connaissance, lorsque j'étais au
congrès de l'ERDA à Boston, au mois de décembre 1976, des
études de l'économiste Amory Lovins, concernant les voies du
futur et les choix énergétiques. Ces documents, ces
renseignements, ces chiffres s'opposaient, représentaient une dimension
d'opposition, de contestation relativement importante par rapport aux objectifs
de l'ERDA. Je précise que l'ERDA, c'est l'Energy Research and
Development Administration, donc l'office américain qui s'occupe de
l'énergie. Aussi, vous avez le paragraphe A qui s'appelle Energie: les
voies du futur, suivi d'un paragraphe B qui ne figure pas dans le document qui
est spécifique à ce qui existe déjà dans l'Est du
Canada actuellement du point de vue pratique alternative, mais dont je ne
voudrais pas trop charger la présente réunion.
Je vais donc faire une espèce de résumé sur les
voies du futur. Il y a deux voies que nous pouvons suivre ici comme ailleurs
pour les années à venir. La première, extrapolation du
passé récent, vise à perpétuer l'expansion. La
deuxième combine le changement du mode de vie de manière à
limiter les besoins par effet de nature, avec l'utilisation des énergies
renouvelables. J'ai écrit: "La première voie mène à
la destruction généralisée, fascisme, violence,
éclatement. La deuxième voie, par les changements progressifs
dans l'état de dégradation, peut mener à l'harmonie des
rapports de l'homme et de la nature." Je vais m'expliquer. Je vais me permettre
cinq minutes de contenu culturel, disons de ligne philosophique. Dans les
années 68, il y a eu le printemps de Prague, il y a eu une espèce
de révolution culturelle en Chine et à Paris. Il y a donc eu un
mouvement de contestation qui a failli passer à l'utopie
réalisée en divers endroits du monde.
Ce mouvement était basé sur un mode d'analyse du
système économique en général, qui est de
rechercher les pailles, les défauts et de les rajouter aux
vérités officielles, de manière à faire progresser
le niveau de vérité, et ceci a amené ce qu'on a
appelé la contestation. Au-delà de la contestation, on demandait,
à l'époque, à ceux qui la pratiquaient: Mais qu'est-ce que
vous voulez d'autre comme société, si vous ne voulez pas la
société de consommation? Et, en 1968, il était bien
difficile de répondre. C'est pourquoi s'est développé par
la suite un mouvement culturel dans tous les pays du monde, qui s'est
appelé le mouvement utopique. Il ne s'est pas appelé comme
ça, mais c'est ça qui se produisait. C'est-à-dire que des
gens ont commencé à produire des visions du monde qui avaient un
aspect imaginatif, c'est vrai, mais qui avaient aussi un aspect critique, qui
avaient aussi un aspect constructif et un aspect libérant,
c'est-à-dire qui permettaient de dépasser les pesanteurs d'un
système qu'on voudrait voir évoluer.
Elles ont amené progressivement, et ces tout derniers temps
surtout, compte tenu des menaces qui pèsent sur l'avenir au point de vue
énergétique, à ce qu'un certain nombre de gens disent:
Bon! On a assez parlé. L'utopie a donné ses fruits. Les
choses poussent. Maintenant, c'est la construction, c'est la renaissance. Il
s'agit d'enrayer la dégradation. Bon! Ainsi, les documents, en
général, que je présente se réfèrent
à cette tendance culturelle actuelle. Je ferai quelques petits ponts au
cours de cette présentation. J'essayerai d'être le plus simple
possible, de ne pas vous charger.
Je vais d'abord décrire une voie que, visiblement,
l'Amérique du Nord s'apprête à abandonner, qui s'appelle la
voie dure. Jusqu'à la fin de l'administration Nixon-Ford, donc,
jusqu'à la période où je suis allé à Boston,
au congrès de l'ERDA, les buts officiels de la politique
américaine énergétique étaient de soutenir la
croissance et de diminuer les importations de pétrole,
c'est-à-dire qu'on ne parlait pas encore de conservation. Il s'agissait
de sauvegarder la valeur essentielle du système, le veau d'or avec ses
oeillères, qui réclame l'utilisation du charbon, du
pétrole, du gaz arctique, de la fission nucléaire. Le
pétrole local aux Etats-Unis, nous savons tous que les Américains
entendent se le réserver pour les mauvaises années de l'avenir.
Voir la tempête qui a eu lieu ces derniers temps; on n'a pas du tout
envisagé de rouvrir ou d'augmenter la production des puits
américains.
L'ERDA riait de l'hydraulique, du solaire, qui étaient
rejetés dans l'avenir et qui étaient tenus pour quantité
négligeable, ainsi que des économies d'énergie
immédiate. En 1985, elle envisageait 900 nouvelles sources de
pétrole "off-shore" en Alaska, 170 nouvelles mines de charbon produisant
200 millions de tonnes par an, 100 nouvelles mines d'uranium, etc. Il
s'agissait de doubler, en dix ans, la consommation énergétique.
Pour cela, il fallait 180 nouvelles centrales à charbon de 10
mégawatts, 40 réacteurs nucléaires de 1000
mégawatts. Il était prévu que cela puisse occuper 100 000
ingénieurs et 600 000 ouvriers. Tout était pour le mieux dans
cette optique de grande consommation. Pour l'an 2000, délire des
chiffres: 800 réacteurs nucléaires, la moitié de cette
belle énergie, d'ailleurs, gaspillée en route du fait de la
centralisation et des transformations qu'elle subit avant d'arriver aux
consommateurs. Pour fournir l'équivalent d'un nouveau baril de
pétrole chaque jour, il fallait $3000 en 1960; il fallait $10 000 en
1976. Il faudra $25 000 en 1980. Ainsi, il est de plus en plus difficile de
fabriquer des équivalents de barils de pétrole, à l'heure
actuelle. Pour le charbon et l'électricité, on arrive à
$150 000, et, pour le nucléaire, à $300 000 pour fabriquer
l'équivalent d'un baril de pétrole chaque jour. Je reviendrai sur
ces chiffres, surtout au point de vue du nucléaire.
Ainsi, $300 000, c'est 100 fois le coût d'une centrale à
fuel des années soixante de même puissance si on regarde le
coût réel du kilowatt utilisateur.
Au Danemark, dans les années 1950, donc, après la guerre,
il y avait toute une fraction, de l'ordre de 20%, je crois, peut-être un
peu moins, de l'énergie éolienne, de l'énergie qui
était fournie par éoliennes.
Seulement, à $3000 le prix de la centrale à
fuel, le prix de production du kilowatt par le fuel, enfin, vu le bas
prix du pétrole, il devenait absurde de continuer à s'occuper
d'énergie alternative.
De la même façon, pendant la guerre, aux Etats-Unis, il y a
eu l'expérience de Grand Pass Knobs pour tester l'énergie
éolienne et elle a été un échec pour
différentes raisons dont je pourrais débattre, si vous voulez, et
il était évident qu'avec le bas prix du pétrole et des
centrales à pétrole d'après-guerre, il était tout
à fait inutile de continuer à s'occuper d'énergie
alternative. Bien entendu, les temps ont changé.
En tout cas, il s'agit de dépenser aux Etats-Unis, d'ici 1985, un
million de millions de dollars pour fabriquer ces nouvelles centrales
c'est toujours du temps de Nixon-Ford; du temps de Carter, c'est en train de
changer et très vite soit les trois quarts de l'investissement
privé prévu, c'est-à-dire que, par rapport à
l'investissement prévu, l'investissement industriel, il a
été prévu par l'ERDA de la NASA d'en
dépenser les trois quarts pour fabriquer de l'énergie. Donc, les
dix prochaines années étaient considérées comme
objectif prioritaire... Tout cela, par l'électricité,
d'ail-t leurs.
L'économiste Amory Lovins a noté qu'en réduisant
tout simplement de 6,5% à 5,5% le taux de croissance électrique,
on pouvait économiser 18% de l'investissement. Or, cet investissement
est très lourd et Lovins... Je ne suis pas économiste, je
n'insiste pas; je reprends directement les arguments de Lovins qui
considère qu'on est au bord du désastre financier en raison d'une
boucle de "feedback".
Les hauts capitaux entraînent un "cash flow" médiocre,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'argent dans les caisses, ce qui implique
une augmentation des prix du kilowatt-heure. Il faut investir
énormément. Il n'y a pas d'argent dans la caisse. Donc, on
augmente le prix du kilowatt-heure. Vous n'avez aucun mal, surtout ici,
à savoir que l'Hydro-Québec est en train d'augmenter
régulièrement ses prix et, d'après Lovins, elle sera
amenée à tripler de $0.02 à $0.06 le prix du
kilowatt-heure d'ici 1986, dans l'optique où l'on resterait dans
l'hypothèse d'une voie dure, de gaspillage, à 6% de consommation,
6% d'accroissement par an de la consommation énergétique.
En Grande-Bretagne et jusqu'à des temps très
récents, les officiels, puisqu'on ne leur présente que ces
dossiers, ne rêvent, effectivement, qu'au nucléaire, n'entrevoyant
rien d'autre pour combler le problème énergétique.
J'ai écrit: "On se demande si les oeillères qui sont
manifestées sont réelles ou bien si elles sont "tenues",
c'est-à-dire si elles "afférent" au système de production,
à la nécessité de produire et aux multinationales.
On oublie donc trop facilement qu'il existe la possibilité d'un
monde alternatif et qu'il existe aussi très facilement la
possibilité de faire des économies d'énergie. Je crois que
les autres personnes et vous-mêmes êtes tout à fait
persuadés de l'utilisation des techniques fixes, c'est-à-dire de
la nécessité de faire des économies d'énergie, tout
comme de la possibilité d'évoluer progressivement vers un mode de
vie relativement différent, c'est-à-dire qui puisse utiliser les
technologies à faible impact et, surtout, qui puisse enrayer
progressivement et, espérons-le, revenir en arrière sur le
processus de dégradation écologique
généralisée. Il y a, en effet, deux voies pour faire plus
avec moins d'énergie. J'en donnerais pour exemple éclatant ce
qu'on appelle la pompe a chaleur dans le bâtiment, qui permet
d'économiser jusqu'à trois fois la quantité
d'énergie pour le chauffage de locaux. Donc, nous voyons qu'on peut
disposer de technologies. S'il y a des gens qui veulent me poser
immédiatement des questions, je serais très content que cela se
fasse, plutôt que de parler pendant une heure, puis que vous notiez.
Le Président (M. Laplante): C'est parce que vous n'aurez
pas une heure. Vous avez encore environ quinze à vingt minutes. Il
serait bon de faire un exposé rapide; après cela, on va vous
poser des questions.
M. Le Chapellier: Bon! D'accord. Donc, je vais voir
spécifiquement le problème québécois, à ce
moment-là. S'il me reste si peu de temps, je vais voir très
très vite la voie intermédiaire, c'est-à-dire ce qui a
l'air de tourner à la voie officielle, tout au moins au niveau d'Ottawa,
comme au niveau des Etats-Unis; la voie intermédiaire, c'est la
société de conservation.
La société de conservation utilise les techniques fixes;
elle cherche à faire plus avec moins d'énergie; elle va
contrôler les pertes de température dans les immeubles; elle va
prôner l'efficience énergétique de tous les produits, aussi
bien à l'élaboration, à la production qu'à
l'utilisation; elle va lancer et développer le charbon,
c'est-à-dire les nouvelles techniques du charbon qui permettent des
rendements énergétiques de plus de 85% en utilisant les
systèmes délits-filtrants avec du chlore; elle va jusqu'à
prôner la congénération énergétique. Or,
cela, c'est une notion fondamentale et extrêmement culturelle. La
cogénération énergétique est de 4% aux Etats-Unis;
elle est de 12% en Allemagne. Cela veut dire que les utilisateurs, les usines,
les industriels et même les groupes d'habitants ou d'usagers peuvent
être amenés à produire, eux-mêmes, leur courant.
C'est un très important facteur d'économie.
Ainsi, l'utilisation décentralisée des forces de la
nature: hydro, solaire, éolienne, peut être reliée au
réseau, comme il est déjà fait aux Etats-Unis, et
constitué, par la multiplication du phénomène, un
excellent moyen d'enrichir et de garantir les potentialités vitales du
pays.
Bon, je passe le nucléaire; vous pourrez trouver les arguments,
en tout cas, qui permettent d'arriver, ici, à $200 000 par baril
journalier économisé. Enfin, c'est une esquisse de coûts
d'Amory Lovins, mais qui au moins a l'avantage de faire le tour des
différents coûts. Je passe.
Croissance zéro. Un mot sur la croissance zéro qui a
été prônée par les courants officiels, du moins qui
a été envisagée par les analystes économistes
officiels, c'est un miasme. C'est un miasme parce qu'on est à un
état, à un niveau de
dégradation tel de l'écologie et du mode de vie,
c'est-à-dire que l'état du Saint-Laurent, l'état des
rivières du nord est tel, il y a un tel processus de dégradation
que, si on arrivait à la croissance zéro, on continuerait
à dégrader, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune issue pour
l'avenir. Donc, la croissance zéro est à rejeter. Les
écologistes, que je représente en fait ici, réclament une
croissance, mais une croissance véritable qui tienne compte des
richesses ambiantes élémentaires sur les lieux de vie, qui
réclament le recyclage complet des déchets industriels, complet.
Parce que si on laisse des déchets qui ne peuvent pas être
résolus on peut penser en particulier aux déchets
nucléaires on va accroître le niveau de dégradation
du pays.
Le Québec est un pays peu atteint, c'est vrai en apparence. Mais,
de toute manière, il sera amené à subir l'ensemble des
pollutions qui affectent notre civilisation.
A ce moment-là, si on veut une croissance harmonieuse, si on veut
lancer des techniques qui non seulement font économiser de
l'énergie, mais soient susceptibles d'enrayer le processus de
dégradation et de l'inverser puisque c'est cela réellement
le fond du problème, si nous voulons assurer un monde possible pour
l'avenir, c'est d'inverser le processus de dégradation il faut
laisser tomber la voie de conservation, parce que la voie de conservation,
qu'est-ce qu'elle conserve? Elle conserve les structures de production de
marchandises, elle conserve le mode de consommation, elle conserve aussi le
principe de dégradation.
Les ministères de l'Environnement, au Québec comme
ailleurs, ont eu beaucoup de paroles mais sont impuissants dans l'état
actuel des choses à enrayer quoi que ce soit. J'en reparlerai tout
à l'heure de toutes les manières, mais quant à leur
action, je prendrai l'exemple japonais avec les doses de poison
tolérées dans les poissons. Après Minamata on a interdit
pendant quinze jours la vente d'un certain nombre de poissons, mais ensuite on
a relevé les doses et depuis, tous les ans, on relève les doses
limites. Cela veut dire qu'on laisse les gens s'empoisonner. Passons.
Il s'agit de ne pas s'engager, à mon avis, dans la voie de
conservation. Je vais donc présenter la voie douce. Il existe en effet
un ensemble de modes et de techniques qui sont adaptées ici pour le
Québec, qui sont flexibles, résilientes, éprouvées
et qui s'opposent à la voie dure. Elles ont un inconvénient sur
le plan social. C'est qu'elles tendent à provoquer progressivement une
évolution du mode de vie, c'est-à-dire que le système des
supermarchés, le système de la consommation d'objets
obsolètes et d'ailleurs très peu efficients en énergie va
progressivement s'enrayer. Mais il est indispensable qu'il s'enraye si on veut
espérer, d'ici deux ou trois générations, laisser quelque
chose à nos enfants.
Je vais laisser tomber le texte de fond, que vous pourrez lire plus
à loisir, et je vais prendre des arguments spécifiquement
québécois. Aux Etats-Unis, il y a 300 entreprises actuellement
qui se préparent à faire du solaire ou qui en font
déjà et 60 qui s'occupent du vent. Dans l'est du Canada, ce qui
se passe actuellement, conformément à ce que je disais tout
à l'heure, est l'affaire de gens qui ont dépassé le stade
utopique, qui sont intéressés à l'esprit de conservation,
mais qui l'ont dépassé aussi parce qu'ils sont ouverts aux
problèmes dont le groupe Gamma a déjà parlé
donc je ne reviendrais pas là-dessus c'est-à-dire la
nécessité de la décentralisation, de la ruralisation de la
production, de la ruralisation de la production énergétique et de
la production des marchandises, de la décentralisation administrative,
de la décentralisation économique.
On distingue trois sortes d'activités au Québec
actuellement, celles liées à la recherche fédérale
ou académique, celles liées à la recherche
appliquée, celles liées à la mise en oeuvre. Or, on voit
quoi? L'Institut pour l'homme et ses ressources qui s'occupe de conservation,
on trouve l'arche du New Alchemist à Prince Edward Island, on trouve le
Brace Institute, on trouve le Low Cost Using Operation, l'Ecole polytechnique,
l'Université de Sherbrooke qui cherche à chauffer avec le vent et
qui va probablement y arriver, quoique, en fait, on n'est pas très
avancé. On va parler du vent.
Je vais donc parler successivement des possibilités du
Québec. Du point de vue social, ce pays a réellement et
c'est pour cela que je suis venu après le 15 novembre, avec le
sens rural qui existe ici, avec les potentialités que vous avez de
diriger votre avenir, les potentialités que vous avez d'être plus
ou moins libérés de l'emprise des multinationales, avec les
potentialités qu'ont les gens, vraiment tous les gens très
souvent auxquels je parle, d'avoir un fond rural, avec les potentialités
que vous avez du point de vue des énergies renouvelables je pense
essentiellement à l'Hydro-Québec, je pense aussi au solaire,
à l'éo-lien, au biomasse et au charbon.
Avec l'ensemble de ces potentialités, le Québec peut
s'engager sans crainte sur la voie douce qui pourra assurer sa
pérennité, mais la société de conservation
n'assurera rien du tout. C'est un but à court terme et, dans 20 ans, il
n'y a rien, même dans peut-être moins de temps.
L'Hydro-Québec et le vent. L'Hydro-Québec et l'IREQ ont
entrepris un certain nombre d'analyses sur le vent et, pour expliquer le
problème du vent, je vais citer ce qui se passe aux Iles-de-la-Madeleine
actuellement. Il y a environ 13 000 habitants et une centrale Diesel de 26
mégawatts. D'après les analyses et les études de
Bonneville, de l'IREQ, la consommation ne descend jamais en dessous de 10
mégawatts. On est en train d'installer je pense que ce n'est pas
encore fait, pour diverses raisons une éolienne de 200 kilowatts
de puissance maximum.
Cela veut dire qu'on pourrait mettre jusqu'à 50 de ces
éoliennes qui pourraient donner leur puissance maximum...
Le Président (M. Laplante): Excusez-moi, est-ce qu'il y
aurait possibilité de vous résumer? Vous n'aurez pas le temps de
répondre à des questions actuellement. Est-ce que vous
pourriez
venir aux suggestions? Il vous reste cinq minutes encore.
M. Le Chapellier: Cinq minutes? Bon, alors, je vais pousser
directement aux conclusions, quoique cela m'ennuie évidemment beaucoup,
parce que le texte est résumé. Je dirais simplement ceci, pour
les gens qui veulent des chiffres: le mètre carré de capteur
solaire vaut actuellement $120. Il peut fournir 700 kilowatts-heures par an. Au
prix actuel du kilowatt-heure, on aboutit à $14 par année
d'économie, donc l'amortissement en huit ans. Toutefois, si on utilise
les capteurs solaires uniquement pour chauffage, ainsi qu'il est fait dans la
maison de Jacques Sicotte c'est-à-dire que ce n'est pas une
rêvasserie ce que je vous présente là avec 50
mètres carrés de capteur, on peut obtenir 20 000 kilowatts-heures
par année, ce qui provoque un amortissement en seize ans. Le prix de
l'amortissement se calcule par la méthode de la microéconomie
avec la valeur actualisée habituelle. Enfin, je ne m'occupe pas de
ça personnellement.
L'énergie pour le chauffage domestique dépasse 28% de
l'énergie totale du Québec actuellement. De cette
quantité, on peut espérer fournir d'ici 20 ans le quart par
l'énergie solaire, soit 7% de l'énergie totale du pays.
Pour le vent, j'ai une carte ici qui représente les
potentialités québécoises en matière de vent. Je ne
peux pas dire quel est le pourcentage de l'énergie
québécoise qui peut être fournie par le vent. Je ne peux
pas le dire pour un certain nombre de raisons, en particulier pour la raison de
la rentabilité et du prix de revient des éoliennes qui se situent
actuellement sur une plage très très large. Il est très
difficile, en l'absence d'expériences, de savoir; par contre, ce que
j'ai fait, j'ai donné les potentialités
énergétiques. Vous trouverez, page 18, une carte donnant la
vitesse moyenne annuelle du vent. Vous trouverez, page 22, une étude du
nombre de kilowatts disponibles par mille carré. On sait qu'à la
baie James, si au lieu d'avoir fait le projet qu'il y a actuellement on avait
mis des éoliennes, on aurait pu économiser; en tout cas on aurait
pu produire au moins autant d'énergie... Je m'excuse, je ne retrouve pas
mes papiers, je suis un peu débordé. Bon, je passe.
En tout cas, il y a ici des possibilités avec le vent qui
demandent à être développées. Du point de vue
photovoltaïque, les prix baissent tous les jours, 26% en six mois. Donc,
le prix de l'électricité d'origine solaire baisse environ, depuis
les trois dernières années, chaque année, d'environ 50%.
En outre, un nouveau procédé a été mis au point par
l'Université de Delaware l'an dernier, ou plutôt il n'a pas
été mis au point, il a été sorti,
c'est-à-dire qu'ils ont amélioré l'efficience.
On peut demander, puisque ce marché risque d'être
énorme au niveau de la cogénération dans les dix
années à venir, que des programmes de recherche
spécifiquement québécois soient lancés
là-dessus, que vous ne soyez pas obligés d'acheter vos cellules
au supermarché américain. C'est faisable.
Il y a des composantes. Par exemple, les composantes silicone, on est
obligé de les acheter aux multinationales pour des questions de
production en rubas. Bon, je coupe.
Maintenant, les mesures à prendre pour le Québec
spécifiquement, j'ai proposé qu'on effectue une étude
détaillée concernant la voie énergétique douce au
Québec et l'agencement d'une période transitoire pour y
aller.
J'ai proposé et je propose qu'on conçoive et qu'on
réalise des habitations autonomes afin de sonder, au niveau du
quotidien, les ressources de l'environnement en énergie renouvelable,
c'est-à-dire d'obtenir des chiffres réels, pour des maisons
totalement autonomes, du point de vue énergétiques; pas à
80%, mais totalement, c'est-à-dire une partie par
l'électricité et une partie en chauffage, et de voir le prix de
revient que cela coûte.
J'ai proposé de suspendre tout investissement et tout programme
nucléaire qu'on peut considérer comme dangereux et cher en temps
de paix et qu'on peut considérer comme effrayant en temps de guerre.
J'ai proposé qu'on encourage l'agriculture organique. Pourquoi?
Parce que l'agriculture biologique ou organique consomme trois fois moins
d'énergie que l'agriculture chimique. En outre, les engrais chimiques
augmentent sans cesse. Donc, aussi bien au niveau énergétique
qu'au point de vue des produits, l'agriculture organique est adaptée
à la décentralisation.
J'ai proposé qu'on développe un programme d'aide à
l'investissement solaire éolien à l'échelle individuelle
et industrielle, ce qui permet d'améliorer les tests et les
connaissances et ce qui permet aussi de commencer à mettre en route le
principe de la cogénération.
L'énergie autonome renouvelable, c'est-à-dire qui revient
à chaque année, où il n'y a rien, il n'y a pas de mine
à creuser; dans mille ans, dans deux mille ans, il y en aura encore
quand même, probablement. Enfin, on ne sait jamais.
Enfin, les facteurs d'économie et de conservation. Ils doivent
être encouragés au niveau des investissements et au niveau fiscal.
Actuellement, Ottawa détaxe les produits d'équipement solaire.
C'est une information que j'ai prise à Jacques Sicotte. Il paraît
qu'il vend des produits solaires et qu'il a une détaxe d'Ottawa. Je n'ai
pas très bien compris. Il paraît que ce mouvement est en route; il
ne s'inscrit pas vraiment dans une politique douce, mais au moins dans une
politique de conservation. C'est vraiment un premier pas, c'est encourager le
développement des énergies alternatives. Je précise que ce
développement est favorable du point de vue militaire et du point de vue
de la protection civile.
En vue de l'aménagement d'une période transitoire,
j'aimerais qu'il soit étudié au Québec l'installation de
générateurs de l'ordre du mégawatt éolien, ce qui a
été réalisé au Danemark par une université
qui a réussi à faire une machine de deux mégawatts
à $300 le kilowatt. Imbattable. Absolument imbattable. Les gens qui ne
me croient pas ou qui doutent, je pourrais produire les papiers
là-dessus.
Pour terminer, j'aimerais préciser qu'il serait
bien de développer les industries décentralisées
à petite échelle, en y ajoutant, de préférence, des
implications agricoles et surtout d'étudier le recyclage des pollutions
industrielles décentralisées.
Je crois que j'ai terminé. J'était un peu comprimé.
Excusez-moi. C'est un peu haché, mais j'en avais pour trois heures.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Monsieur le
ministre.
M. Joron: J'irais même dire que vous en aviez pour trois
mois. Votre mémoire diffère passablement de ce qu'on a entendu
jusqu'à maintenant, parce qu'il était beaucoup plus ambitieux.
Vous avez voulu couvrir les aspects culturels, sociaux et tout cela, dans une
projection qui nous mène finalement jusqu'au XXIe siècle. En ce
sens-là, votre déposition est reçue avec beaucoup
d'intérêt par les membres de la commission, même si le temps
nous presse un peu.
Je voudrais vous dire, avant de vous poser une question, que nous sommes
enfin, moi, je le suis particulièrement bien conscients
quand vous mentionniez au tout début qu'il y avait plusieurs
façons d'aborder ce problème, ou bien on faisait une
extrapolation du passé et on continuait sur les rythmes
antérieurs de croissance dans la même voie.
Il m'est apparu depuis longtemps, je me suis même permis
d'écrire un petit bouquin à ce sujet, que c'était une
aberration mentale, qu'on ne pourrait absolument pas y arriver. Vous mentionnez
un exemple qui est utile.
Vous mentionnez un aspect de cette projection, si elle devait se
continuer, qui nous amènerait, par exemple, à canaliser les trois
quarts des investissements à la seule fonction de produire de
l'énergie, évidemment, ce qui mettrait tout le reste de
l'activité humaine, économique et sociale à terre
complètement. Il ne resterait rien pour faire autre chose que de
l'énergie. Cela deviendrait une fin pour une fin. Cela n'a aucun sens.
C'est évident.
Je suis moi-même un ardent lecteur du professeur Lovins et entre
la voie dure, qui m'apparaît nettement impraticable, et la voie douce, la
question se faufile entre les deux. Vous avez assez bien expliqué la
période de transition que serait la conservation. En tout cas,
personnellement, je réalise très bien qu'on ne fera pas trois
siècles dans la vie de l'humanité sur le principe de la
conservation. La conservation avec tous ses éléments et tout le
raffinement technologique qu'on pourrait y apporter, qu'on y introduise la
cogénération, qu'on parte à la recherche de toutes les
sources d'énergie alternatives, tout cela ne fait, je pense, que...
M. Le Chapellier: Reculer.
M. Joron:... prolonger l'agonie dans un sens à long
terme.
M. Le Chapellier: C'est cela.
M. Joron: II m'apparaît inévitable, peut-être
pas tel qu'on l'entrevoit aujourd'hui, parce qu'on n'est peut-être pas en
mesure de poser des questions et d'avoir aussi des réponses
adéquates sur toutes les voies dites douces de production
d'énergie dans le passé, il faudrait se rendre compte qu'il y a
une étape à franchir qui est peut-être la plus importante
dans toute l'histoire de l'humanité. C'est quelque chose d'une ampleur
considérable, parce que ce passage fait appel non pas seulement à
un réaménagement physique du territoire, non pas seulement
à un réaménagement de la machine économique du
système de production actuel, mais fait appel à de nouvelles
valeurs, à une révolution culturelle, finalement.
Il faut bien être réaliste et se rendre compte que cela ne
se fera pas en trois mois, certainement pas pendant un mandat de gouvernement,
en tout cas. Quand cette transition sera finie, j'ai bien l'impression que je
ne serai plus ministre, en tout cas!
La question que je veux vous poser...
Une Voix: ...
M. Joron: Non, mais c'est parce que cela va être beaucoup
plus long que vous le pensez, la transition. Mais, c'est cela que je veux lui
demander. J'en arrive à ma question, justement. De façon
réaliste, combien de temps peut durer la période de transition?
Vous allez avoir la réponse à votre question, du même coup.
Dans quel délai? Il faut bien se rendre compte qu'il y a des
équipements d'installés qui ont été payés
par les gens, des investissements qui ont été faits et qu'il faut
amortir sur une période de temps, qui prendront vingt ou trente ans
à être amortis, avant que, graduellement, d'autres formes
d'aménagement remplacent les anciennes. On ne peut pas faire, comme on
dit en anglais, un "write-off", rayer cela des livres tout d'un coup. C'est la
ruine financière pour une société. Evidemment, il y a une
période de transition...
M. Le Chapellier: Voilà!!
M. Joron: ... qui nécessairement va être longue et
qui ne dépend pas uniquement non plus de gestes que peut poser un
gouvernement aussi...
M. Le Chapellier: C'est exact.
M. Joron: ... et qui dépend en large partie de ce qui se
passe dans la tête de chaque individu, finalement, des mentalités,
et à quel rythme cela évolue.
Pour lancer le débat, je veux vous demander combien de temps vous
voyez, quel délai?
M. Le Chapellier: Première réponse parcellaire,
prenant la toute fin de votre question, je parle, dans le chapitre je
n'ai pas eu le temps d'en parler beaucoup et c'est pour cela que j'avais fait
une introduction culturelle des problèmes des pesanteurs
sociologiques qui existent. Par
exemple, actuellement, il y a des problèmes avec les
égouts, de sombres histoires d'autonomie des maisons et des
problèmes de gens qui ne peuvent plus construire des maisons
individuelles parce qu'ils n'ont plus de permis d'égouts, enfin des
histoires comme cela. Ce sont des affaires de pesanteur sociologique qui
existent aussi bien dans les administrations que dans l'esprit des gens en
général, c'est vrai, mais un gouvernement conscient peut, par les
exemples, par les promotions, par les recherches qu'il fait entreprendre, faire
évoluer ou, au contraire, freiner rapidement cette évolution de
l'esprit qui est indispensable. Je suis d'accord avec vous.
Cela dit, si j'en réfère aux graphes d'Amory Lovins,
à la page 16, nous voyons qu'il considère que la diminution du
taux d'utilisation du charbon comme principal fournisseur d'énergie
peut, après une augmentation jusque vers cette époque, commencer
à tourner à partir de l'an 2000. Il espère que les
alternatives douces enfin, il espère, quand il espère, ce
n'est pas un espoir, c'est une étude biothermiques, solaires,
éoliennes, géothermiques, etc., pourront suffire si on s'engage
dans une période transitoire vers la société douce, et non
pas dans une société de conservation figée; ce sont deux
choses bien différentes. Si on s'engage dans une période de type
transitoire dès maintenant, on peut arriver en 2025 à ce que le
monde se satisfasse du renouvellement annuel des énergies par des
énergies renouvelables. C'est une date. Vous m'avez demandé une
date. Je vois le virage et il y a deux courbes. Si vous regardez à la
page 16, vous verrez la courbe de la voie dure, vous verrez ce qui se passe
vers l'an 2025, c'est le délire complet. Précisons que...
M. Joron: 2025, vous avez noté?
M. Le Chapellier: Je crois que j'ai répondu un peu
à ce que vous me demandiez.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse, s'il vous plaît.
M. Goulet: Seulement une question; vous parlez d'énergie
solaire...
M. Le Chapellier: Oui.
M. Goulet: ... pour une maison ici au Québec. Vous donnez
des exemples dans la région de Rimouski. Est-ce que vous avez tenu
compte de la neige et de la glace? Qu'est-ce que cela fait là-dedans?
C'est possible?
M. Le Chapellier: Absolument. J'ai fait toutes les études,
enfin, cela a été publié dans le Soleil, il y a eu
quelques articles. Tous les samedis, l'avancement de mes propres calculs, au
fur et à mesure que cela sort, enfin quand je peux, avec tout ce dont je
m'occupe, je les fais publier, parce qu'il y a une demande assez pressante en
ce moment là-dessus. Quand je sors un graphique, je tiens compte des
statistiques relatives à la neige qui, en fait, augmente
l'énergie solaire. Pour ce qui est du captage en mur sud et en toit sud
à forte pente, c'est un facteur ce qu'on appelle l'albédo
qui augmente la réflexion de la partie du soleil qui chauffe, qui
n'entre pas dans la neige, mais qui est reflétée. A ce moment,
sur un mur sud, compte tenu de l'éclairement direct, on peut doubler
l'énergie grâce à la neige. D'autre part je l'ai vu,
j'ai été en décembre aux maisons construites dans l'Est du
Canada et aux Etats-Unis, dans le Vermont, près de la frontière,
enfin, un climat bien similaire en moyenne le temps de chute de la glace
et de la neige sur des toits à 70 degrés, 60 degrés, c'est
quatre heures, à 70 degrés, on arrive à ce que les
manteaux de glace et de neige au-dessus des capteurs solaires disparaissent en
deux heures ou deux heures et demie. Je crois que je réponds à
votre question.
M. Goulet: Maintenant, lorsque vous parlez de maisons totalement
autonomes, vous parlez de biothermiques, solaires, énergies
éoliennes, géothermiques...
M. Le Chapellier: Biomasses.
M. Goulet: Est-ce que vous affirmez, d'après vos
connaissances, qu'une maison totalement autonome, c'est possible et que
l'énergie dont vous parlez, ce serait les cadeaux du ciel dont faisait
allusion hier mon collègue de Jean-Talon? Est-ce que c'est possible une
maison totalement autonome ici, au Québec? Ne parlons pas de la France,
ni des Etats-Unis...
M. Le Chapellier: Non, je n'ai pas parlé de la France.
M. Goulet: Nous voulons vivre ici au Québec, nous autres,
encore jusqu'à l'an 2000...
M. Le Chapellier: Non, je n'ai à aucun moment absolument
parlé de la France. J'ai parlé de ce qui se passait de l'autre
côté de la frontière, puisqu'ils sont plus avancés.
Ils ont plus de techniques.
M. Goulet: Pour répondre à ma question, M. Le
Chapellier, est-ce que c'est possible, d'après vos connaissances, ici au
Québec, sur le territoire québécois, une maison totalement
autonome?
M. Le Chapellier: Si vous voulez une maison autonome à
Gaspé, je vous la fais. Le coût actuellement d'un chauffage
solaire totalement autonome oscille aux alentours de $60 000 à
Toronto.
M. Goulet: $60 000 comparativement à...
M. Le Chapellier: Si on le veut à 100% solaire, mais c'est
absurde.
M. Goulet: Non, ce n'est pas cela. $60 000 comparativement au
coût d'une construction aujourd'hui de $60 000 ou de $40 000.
M. Le Chapellier: Bon, allons-y. Une petite maison actuellement,
de type bungalow, coûte dans les $40 000 en construction simple.
Actuellement, Nick Nicholson, dans la région de Sherbrooke, demande de
$3000 à $4000 pour assurer 45% du chauffage par l'énergie
solaire, $3000 à $4000 de plus. L'ingénieur Sicotte demande $6000
pour une maison de $40 000 pour assurer 50% du chauffage par l'énergie
solaire. Jacques Sicotte, sa maison est à peu près à
mi-chemin entre Montréal et Québec, en latitude 46 degrés.
Donc, ici, on peut arriver à faire des maisons à 50% solaire,
tout au moins d'après les possibilités de l'environnement et les
possibilités techniques qu'on a vues sur les autres maisons il
faut en faire, c'est indispensable mais 50% pour $6000 ou $7000 en
comptant le stockage, cela ne baissera pas tellement.
Ce qui va baisser, par contre, c'est l'électricité.
C'est-à-dire qu'il faut dès maintenant prévoir que dans
cinq ans à sept ans, disons, dans sept ans d'ici on est en 1977,
vous verrez en 1984 si je me suis trompé, ce sera probablement
avant l'électricité solaire aura atteint environ $1 le watt
de pointe, ce qui la rendra rentable, parce que cette électricité
solaire coûtera moins cher que ce que coûtera l'Hydro à ce
moment-là. Donc, à ce moment-là, on aura
intérêt à s'acheter des capteurs pour faire de
l'électricité solaire. Donc, il faut que les toits des maisons,
dès maintenant, soient prévus pour cette
électricité solaire. Si je demande à faire une maison
autonome, je compte utiliser une partie de mon chauffage au bois. Je ne m'en
cache pas. C'est une "biomasse". Pourquoi pas? Ah oui! Une maison autonome...
Bien sûr, on peut tout faire avec ce qu'il y a dans l'environnement
immédiat, je vous le dis, mais ça va coûter de l'argent. Je
préfère être dans le camp réaliste où on a un
chauffage annexe, mais qui provient de l'environnement quand même,
c'est-à-dire qu'avec les résidus de sciage, avec certains
résidus du bois, on peut fournir le chauffage accessoire.
Si vous voulez une maison 100% autonome avec ce qu'il y a dans le vent
bien tiens! le vent, comme chauffage annexe je peux vous la faire
autonome avec du vent et du soleil, et le coût d'une éolienne de 5
kilowatts, donc mettons 5, 8 kilowatts actuellement... Attendez, il faut que je
fasse un petit transfert d'argent. Je crois que la compagnie Graumon Aerospace
vend sa machine de 15 kilowatts, $20 000, mais c'est un coût très
élevé, contre lequel on ne peut rien faire actuellement, mais
contre lequel même le Québec, avec sa petite taille, avec ses
petits moyens... enfin, sa petite taille, par le nombre d'habitants et les
potentialités immédiates, quoi, peut agir à la grande
échelle, c'est-à-dire qu'il est très difficile, tout de
suite, de fabriquer des petites éoliennes bon marché, mais il est
possible de l'envisager. Trop long... Bon, bien voilà...
M. Goulet: Regardez, M. Le Chapellier, c'est parce que nous
considérons une maison unifamiliale...
M. Le Chapellier: Oui.
M. Goulet: $25 000 supplémentaires sans être encore
autonome. Mais vous nous parlez de bois. Le bois dans Louis-Hébert, ici,
ou dans Westmount, il est rare.
M. Le Chapellier: Oui.
M. Goulet: Les résidus de bois aussi.
M. Le Chapellier: Oui.
M. Goulet: J'espère que vous avez tenu compte de
ça.
M. Le Chapellier: Bon! Attendez! Je vais reprendre ça
autrement, parce qu'on s'est un...
M. Goulet: ... ou j'ai mal compris.
M. Le Chapellier: ... peu... Je me suis mal exprimé.
M. Goulet: Ah bon!
M. Le Chapellier: Je dis: Pour avoir 50% autonome, ça
coûte, c'est-à-dire très simple, ça va coûter
$6000, $6500 et ça s'amortit en quinze ans. Bon! Pour le reste, le
complément, le chauffage annexe il faut le fournir par une
méthode ou par une autre si nous nous plaçons dans
l'esprit autonome, il faut le fournir ici par le vent. Cela correspond aux
études que fait l'Université de Sherbrooke et ça peut
être assez facilement développé. Toutefois, je ne vous
garantis pas que l'éo-lienne sera au-dessus de la maison. Elle sera
peut-être sur la colline à côté. Peut-être
qu'elle desservira 10 maisons ou 20 maisons. C'est ça que je veux dire.
Mais tout au moins, si c'est une maison autonome, on mettra une éolienne
pour cette maison. Mais, en tout cas, on fera 100% d'autonomie, y compris
l'électricité domestique pour la cuisson des aliments.
Le Président (M. Laplante): Dernière question, le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je me demande si c'est
possible d'avoir une précision sur un des aspects que vous avez
soulevés. Comme vous le savez, nous sommes ici pour prendre et recevoir
autant de renseignements que possible, et être éclairés sur
les sujets que présentent les mémoires. Vous avez fait
référence, par exemple, à l'Hydro-Québec. Je crois
que l'Hydro-Québec aussi doit se présenter devant cette
commission, et vous pouvez être assuré que les sujets qui sont
soulevés, nous allons les étudier avec elle. Par exemple, vous
avez mentionné que d'ici 1986, le coût de l'Hydro doit tripler.
Vous avez mentionné de $0.02 le kilowatt-heure à $0.06 le
kilowattheure. Vous pouvez être assuré que nous allons interroger
les représentants de l'Hydro pour voir
quelles sont leurs prévisions. Mais ce à quoi je veux en
venir, c'est un autre aspect que vous avez mentionné vers la fin de
votre mémoire, de votre discours.
Vous avez mentionné le projet de la baie James et vous avez dit
que cela pouvait être, vous prétendez que cela aurait pu
être remplacé... Je ne sais pas si c'est écrit dans votre
mémoire... si j'ai bien entendu. Corrigez-moi si j'ai mal entendu... que
ça pouvait peut-être être remplacé par des
méthodes éoliennes.
Prétendez-vous que le projet de la baie James aurait pu
être remplacé par des moulins à vent? Si oui, pourriez-vous
décrire comment cela aurait pu être fait? On serait très
intéressé à poser des questions aux représentants
de l'Hydro-Québec à ce sujet lorsqu'ils comparaîtront
devant cette commission.
M. Le Chapellier: Deux réponses. D'abord, j'ai dit que le
prix du kilowatt-heure devait tripler à condition qu'on reste dans le
voie dure, mais, d'ores et déjà, il semble que l'on s'engage dans
une voie de conservation, mais peut-être, avec un peu d'espoir, dans une
voie transitoire.
Donc, nous n'arriverons pas à ce triplement. On arrivera
peut-être au doublement, peut-être moins si ça va.
Première chose. Deuxième chose, le vent. Je m'excuse, je n'ai pas
ici les paperasses, mais on s'est basé sur des modèles, tel celui
des Iles-de-la-Madeleine, c'est une machine de 200 kilowatts qui, produite en
série, ne coûterait pas plus de $100 000 à $150 000.
D'après la carte qui est ici, presque à la fin, à
la page 22, nous voyons qu'on tire en moyenne, dans la zone de la baie James,
environ 400 kilowatts par mille carré au sol. On peut tirer 400
kilowatts sans abîmer l'écosystème avec des machines. Donc,
Rangi South et Templin, qui s'occupent de la recherche éolienne à
Ottawa, du Conseil national de la recherche, ont étudié le
problème et ont compté le nombre d'éoliennes qu'il fallait
pour faire l'équivalent du projet de la baie James. Ils ont
compté aussi ce que cela allait coûter. Ils ont dit: Actuellement,
l'éolienne n'est pas rentable. C'est vrai. Je ne le conteste pas. Il
faut progresser du point de vue technologique. C'est tout ce que je peux vous
dire. Je ne connais pas, non plus, le nombre exact d'éoliennes. J'ai les
documents, mais je ne les ai pas sous la main. Mais c'est possible,
techniquement, par exemple.
J'en ai discuté avec Bonneville de l'IREQ, de la recherche de
l'Hydro-Québec. Il m'a dit que c'était parfaitement possible,
South et Templin sont aussi d'accord pour admettre cette possibilité.
C'est uniquement une possibilité économique actuellement.
M. Grégoire: Seulement une courte question, M. le
Président. Les tests qui ont été faits ont-ils
donné de bons résultats? Ont-ils été efficaces?
M. Le Chapellier: Où?
M. Grégoire: Pardon? Comme maison semi-autonome.
M. Le Chapellier: Pour ce qui est des maisons solaires tout
simplement, c'est-à-dire des maisons pour Monsieur Tout-le-Monde, la
maison de La Macaza comme les autres maisons, je n'ai encore pas vu, aussi bien
dans les rapports scientifiques internationaux que dans les interviews
d'utilisateurs, des gens mécontents. C'est au point que, pour une maison
française construite par Jacques Michel qui justement doit avoir un
contrat pour le Québec c'est un de mes collègues
construite très en avance sur les autres avec des très petits
moyens, le système n'a pas fonctionné. Il y a des petits volets.
Ils ont rouillé. Donc, le système ne fonctionnait pas bien, mais
les gens étaient contents quand même. La seule chose qui les
mécontente, ce sont les visiteurs, c'est-à-dire qu'on n'a jamais
eu encore, sauf dans les maisons à haute technologie... Vous avez la
maison expérimentale de l'université. Là oui. La maison de
Löf en 1956 avait seulement 30% d'énergie, alors que
l'investissement financier restait très compliqué.
Autrement dit, les solutions simples, les solutions à basse
technologie qui sont simplement une nouvelle façon de construire les
enveloppes, mais avec très peu de moteurs ou pratiquement pas,
celles-là, jusqu'à maintenant, pour tous les rapports que j'ai
eus, vont toutes dans le même sens d'un contentement de l'utilisateur et
vont au-delà des prévisions optimistes.
Le Président (M. Laplante): C'est bien. On vous remercie,
monsieur. La commission suspend ses travaux jusqu'à 16 h 30.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
Reprise de la séance à 16 h 31
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et
messieurs!
La compagnie Aigle d'Or, s'il vous plaît.
Aigle d'Or Canada Limitée
M. Deschennes: Monsieur le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, permettez-moi de me présenter. Mon nom est
Hector Deschennes, je suis vice-président exécutif de la
société Aigle d'Or et mon collègue, à ma droite,
c'est le Dr John Robinson, directeur de la planification au sein de notre
organisme.
Un bref aperçu de la compagnie Aigle d'Or. Cette
société a commencé ses activités au Québec
en 1960-1961 et nous avons présentement un réseau de quelque 500
stations de service. Nous contribuons aussi à la livraison d'huile
domestique, communément appelée huile à chauffage, dans
les résidences privées et les édifices commerciaux. Nous
avons aussi de l'huile lourde pour l'industrie lourde. Notre siège
social est localisé à Montréal. Nous employons quelque 750
personnes.
Nous soumettons aux membres de la commission le mémoire suivant
concernant nos
vues sur la politique énergétique du gouvernement. La
politique provinciale de l'énergie devrait avoir comme point de
départ des prédictions raisonnables sur la consommation de
l'énergie pour une période suffisamment longue, mais
limitée quant à son échéance.
Par conséquent, dans le présent mémoire, certaines
hypothèses ont été avancées en regard d'une
prévision à long terme de la consommation totale de
l'énergie et de son aspect général.
Les prévisions. Les prévisions de consommation de
l'énergie totale au Québec jusqu'au milieu des dix prochaines
années s'établissent à un taux d'augmentation annuelle de
3 1/2%, pour ensuite diminuer à moins de 3% par suite de la
décroissance de la natalité ainsi que du niveau incertain de
l'immigration et des pratiques de conservation. Le pourcentage du marché
de l'énergie desservi par le gaz naturel et l'électricité
augmentera, mais pas à un taux suffisant pour permettre une
réduction absolue de la dépendance du Québec sur le
pétrole en tant que source d'énergie. Le tableau ci-dessous
fournit un relevé approximatif du profil énergétique de
1975 et une prévision pour 1980. Ces données sont en
considération d'une augmentation de la consommation
d'électricité et de gaz naturel à un taux respectif de 4
1/2 % et de 6 % par année et d'une augmentation de 3 % de la demande
totale d'énergie.
La différence, par conséquent, est comblée par le
pétrole qui démontre lui-même une augmentation dans sa
demande de plus de 2% par année. Le tableau indique en 1975 au rang
pétrole 72% par rapport à 68% pour 1980; le charbon ou coke 2% en
1975 par rapport à 3% en 1980; le gaz naturel 5% en 1975 par rapport
à 6% en 1980; et l'électricité 21% en 1975 par rapport
à 23% en 1980.
L'augmentation de la consommation de pétrole devrait ralentir
après 1982 avec l'introduction dans le système du gaz naturel en
provenance de l'Arctique.
Sécurité d'approvisionnement. La
vulnérabilité à des restrictions d'approvisionnement en
pétrole brut provenant de l'Ouest canadien ou de l'OPEP peut être
minimisée en assurant un degré élevé de
flexibilité quant à la source et à la méthode
d'approvisionnement de toutes les formes d'énergie.
Le pétrole. Présentement, le Québec est
approvisionné en pétrole brut à deux sources distinctes,
soit l'Ouest canadien et les marchés mondiaux (pays de l'OPEP). La
demande du consommateur québécois est assumée par les
services de sept raffineurs et autres gros importateurs de produits
raffinés.
Il est généralement reconnu qu'à long terme, le
pétrole brut de l'Ouest canadien ne pourra plus répondre à
la demande du territoire situé à l'ouest de la vallée
d'Ottawa et qu'une fois de plus l'Est canadien devra dépendre des
sources d'importation. D'un autre côté, le pétrole
découvert sur les côtes de l'Est canadien sera raffiné
à de meilleures conditions au Québec en considération de
l'économie réalisable dans les coûts de transport.
Parmi les raffineurs opérant dans la province de Québec,
cinq des plus grandes sociétés pétrolières
multinationales sont représentées et, à elles seules,
elles s'approprient sur une base mondiale de 45% du total annuel des achats
effectués des pays de l'OPEP, alors que la consommation du Québec
en produits pétroliers représente moins de 2% de la production de
l'OPEP.
Il est donc avantageux pour le consommateur québécois
d'être approvisionné par de telles sociétés qui,
individuellement et collectivement, exercent une certaine influence sur les
pays producteurs et, de ce fait, sont en mesure d'assurer une
flexibilité globale pouvant maximiser la sécurité
d'approvisionnement. Ce même degré de sécurité ne
peut être atteint par une agence ou un gouvernement qui ne
représenterait les intérêts que d'un petit nombre de
consommateurs.
Gaz naturel. Compte tenu du fait qu'aucune découverte
pétrolière d'importance n'a été effectuée
récemment, le développement des champs gaziers frontaliers et
côtiers fait partie de la politique fédérale de
l'énergie.
En conséquence, le Québec devrait maintenant poursuivre sa
participation à l'exploration et à la production de ces sources
d'hydrocarbures à l'extérieur de la province, lorsque de tels
projets ne peuvent être entrepris exclusivement par le secteur
privé. Spécifiquement, le développement des champs gaziers
côtiers en coopération avec les provinces de l'Atlantique devrait
être révisé favorablement.
Electricité. Nous sommes d'accord avec la position du
gouvernement à l'effet que la priorité devrait être
accordée au développement des ressources hydroélectriques
de la province, compte tenu du fait que les coûts de cette forme
d'énergie devraient, à la longue, s'avérer moindres que
ceux du pétrole importé (aux prix mondiaux).
Protection du consommateur et fixation du prix de l'énergie. Les
facteurs suivants doivent être pris en considération lorsqu'il
s'agit de déterminer s'il devrait ou non y avoir intervention dans la
fixation du prix de l'énergie.
Premièrement, les intérêts des consommateurs de
produits pétroliers sont protégés par la
compétition qui restreint les prix, grâce à la commission
royale sur la fixation des prix des produits pétroliers. Alors qu'il
existe un surplus de capacité de raffinage dans l'Est du Canada, il
semble que le marché demeurera compétitif, favorisant ainsi le
consommateur, selon cependant la disponibilité du pétrole brut
à des prix mondiaux. Conséquemment, les marges de profits bruts
réalisés par les secteurs de raffinage et de marketing des
sociétés pétrolières sont peu élevées
en relation du coût du produit.
Deuxièmement, il en va de l'intérêt du consommateur
que les prix puissent augmenter au niveau mondial au cours d'une période
assez courte. Cette période, cependant, doit être suffisamment
longue pour éviter que le taux de croissance de l'économie ne
soit l'objet de contraintes excessives.
Troisièmement, les tendances de la consom-
mation doivent répondre aux normes globales d'approvisionnement
et de prix à long terme si la société doit être
protégée au maximum possible contre les conséquences de
nouvelles augmentations des prix mondiaux et de pénuries de
produits.
Quatrièmement, normalement, le contrôle des prix de
certains produits pétroliers affecteraient les prix de certains produits
dérivant du pétrole brut. La distorsion du système qui en
résulterait pourrait avoir, à long terme, des implications
néfastes, particulièrement en regard du développement de
sources alternatives d'énergie.
Cinquièmement, les sociétés
pétrolières doivent être autoriséees à
maintenir des niveaux raisonnables de profit afin qu'elles puissent
réinvestir dans l'exploration et la production, même si ses
activités peuvent être localisées à
l'extérieur de la province et financer les besoins grandissants de
capitaux.
Cette société est d'avis que toute intervention directe ou
indirecte d'un gouvernement dans la fixation des prix et des produits peut
militer à rencontre des intérêts des consommateurs en
modifiant la nature de l'industrie et du marché.
Développement économique. Les profits financiers
anticipés des projets gouvernementaux doivent répondre aux
rigoureux critères d'investissements maintenant à être
établis.
Il a été indiqué récemment que le
gouvernement était intéressé à favoriser le
développement de l'industrie pétrochimique au Québec. En
plus des difficultés à attirer dans la province le courant des
investissements additionnels nécessaires, certains autres facteurs
indiquent qu'il ne semblerait pas qu'un tel investissement réponde aux
critères requis: Premièrement, dépendance accrue sur le
pétrole brut importé; deuxièmement, le stage avancé
du développement atteint, dans d'autres régions du Canada,
à la lumière de demandes à long terme en Amérique
du Nord; troisièmement, l'allocation d'une grande quantité de
capitaux.
Investissements optimum. La rationalisation des réseaux de
raffinage et de marketing existant présentement au Québec devrait
être activement poursuivie où l'investissement est justifiable par
le taux des critères de profit.
En raison du surplus de capacité de raffinage dans la province et
du coût d'installation d'une nouvelle raffinerie, on peut présumer
que les marchés provinciaux des produits pétroliers devraient
être desservis à partir de deux centres distinctifs de raffinage,
soit Montréal et Québec, ainsi que de sources d'importation.
Des économies considérables dans le coût du
transport peuvent être réalisées si les centres de
raffinage sont en mesure de répondre aux demandes du marché
à l'intérieur des régions économiques que ces
centres devraient approvisionner à des coûts comparatifs, selon
les considérations de produits.
Les installations d'Aigle d'Or à Saint-Romuald qui ne sont pas
utilisées à leur pleine capacité sont idéalement
situées pour approvisionner en produits pétroliers un nombre de
régions économiques distinctes, dont le centre est la ville
de
Québec, et incluant tous les points de la province vers le nord
et vers l'est. Par conséquent, l'étude présentement en
cours pour l'obtention d'un raffinage mieux équilibré à
Saint-Romuald devrait être activement poursuivie.
Protection de l'environnement. Il devrait exister un degré
élevé de connaissances quant à l'efficacité du
coût des besoins, particulièrement en ce qui concerne les normes
de contrôle des dégagements, alors que celles-ci pourraient
être mises en vigueur sur une base générale.
Il est donc recommandé qu'une étude complète des
concentrations des polluants soit menée par régions
géographiques avant que des règlements soient stipulés.
Une plus grande importance devrait être accordée au nettoyage des
installations des usagers en regard de tous les dégagements, mais sans
exclure le contrôle des normes de produits.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: J'aurais, si vous le permettez, trois questions
à vous poser, après avoir souligné que les perspectives
que vous dégagez sont peut-être à plus court terme que
d'autres qu'on a entendues. Vous signalez, en page 3, que vous êtes
d'accord avec l'idée de développer au maximum les ressources
hydroélectriques. Dans l'horizon de 1980, qui n'est pas bien loin, vous
démontrez que même si on développe au maximum les
ressources hydroélectirques, il est clair que la dépendance du
pétrole reste quand même assez considérable.
On va donc parler du pétrole. Vous mentionnez en page 2. C'est
une de mes premières questions. J'en ai une par rapport à la
régionalisation dont vous parlez et une autre par rapport à la
pétrochimie. La première a trait aux approvisionnements.
J'aimerais vous demander des éclaircissements. Vous dites qu'il est donc
avantageux pour le consommateur québécois d'être
approvisionné par de telles sociétés, en parlant des
multinationales, qui, individuellement et collectivement, exercent une certaine
influence sur les pays producteurs et, de ce fait, sont en mesure d'assumer une
flexibilité globale pouvant maximiser la sécurité
d'approvisionnement.
C'est un peu, en somme, l'argument que faisait valoir l'Imperial Oil,
hier soir. Cependant, on n'a peut-être pas eu l'occasion, hier, de
souligner le fait suivant, par rapport à la sécurité des
approvisionnements.
Je comprends que l'intérêt d'une multinationale
établie ici, qui a une raffinerie ici, qui a un réseau de
distribution, c'est évidemment de faire marcher ses installations. Elle
a des consommateurs, elle veut vendre; donc, elle va vouloir
s'approvisionner.
Par contre, à cet égard peut-être, la situation de
votre société diffère des "Sept Soeurs" ou des plus
grandes multinationales. C'est là-dessus que je voudrais vous demander
un éclaircissement. On pourrait toujours, à la rigueur, prendre
la compagnie Gulf à titre d'exemple.
Gulf est contrôlée par Gulf US. D'accord, elle a une
installation ici, elle voudrait bien fournir. Elle achète au Koweit.
Mais arrive une pénurie, par exemple, puisqu'on parle de
sécurité d'approvisionnement, et le gouvernement
américain, qui ne s'est jamais trop préoccupé de
l'extra-territorialité de ses lois, dit à ses citoyens, à
ses "cooperate citizens", à ses compagnies, que les approvisionnements
doivent venir aux Etats-Unis d'abord parce qu'il y a pénurie aux
Etats-Unis.
La sécurité d'approvisionnement via une multinationale
pourrait être compromise par le fait que le gouvernement, le pays dans
lequel réside la société mère peut, pour des
raisons d'intérêt national, exiger que l'approvisionnement vienne
d'abord chez lui, avant d'aller dans les filiales, dans les pays
étrangers.
Comment vous situez-vous par rapport aux autres multinationales à
cet égard? Vous êtes différents dans un sens.
M. Deschennes: C'est complètement différent pour
nous.
M. Joron: Je voudrais que vous explicitiez un peu cela et que,
d'autre part, vous nous disiez quelles sont vos sources actuelles
d'approvisionnement. Comment envisagez-vous, à long terme, puisque tout
le monde évoque des difficultés éventuelles
d'approvisionnement dans l'avenir, comment Aigle d'Or sera-t-elle en mesure
d'assurer une sécurité d'approvisionnement? Ou est-ce que vous
allez...
Je peux peut-être la relier à une deuxième question.
Vous dites, par exemple, qu'un taux de profit normal doit être maintenu,
de façon à permettre aux sociétés de
réinvestir dans l'exploration. Malheureusement, il n'y a pas de
pétrole, ou il ne semble pas y en avoir trop au Québec. Si on
doit réinvestir dans l'exploration pour des sources
pétrolières à l'extérieur des frontières, je
vous poserais la question suivante: Où, d'une part, et est-ce qu'il y a
sécurité? Où sont les endroits sûrs dans le monde
où on peut faire cela pour avoir une garantie d'approvisionnement? Et,
d'autre part, est-ce qu'on ne serait pas mieux de réinvestir ces profits
dans les développements de sources autochtones locales de production
d'énergie qui ne sont pas nombreuses? Enfin, tout cela...
M. Deschennes: Pour répondre à votre question, M.
le ministre, si je connaissais les endroits où nous sommes sûrs de
frapper, comme on dit communément dans le métier, je ne crois pas
que je serais ici cet après-midi.
Le mémoire dit bien qu'on aimerait être capable de jouir de
nos profits de façon à pouvoir réinvestir et faire de
l'exploration, même à l'extérieur de la province.
Actuellement nous sommes à faire de l'exploration en
Indonésie.
M. Joron: Ce n'est pas à la porte.
M. Deschennes: Ce n'est pas à la porte et cela coûte
énormément cher. Mais pour revenir à la question à
savoir où nous nous approvisionnons présentement, c'est chez les
cinq multinationales dont nous avons fait référence ici.
M. Joron: Est-ce que c'est le brut? M. Deschennes:
Deux.
M. Joron: Deux. Qui vient d'un peu partout, Moyen-Orient,
Venezuela et...
M. Deschennes: Qui vient d'un peu partout. Je ne voudrais pas me
faire le porte-parole d'autres compagnies que la nôtre. Je crois que la
nôtre, le gros champ d'activité, au point de vue marketing, est au
Canada, dans la province de Québec et l'Ontario, de même
qu'à Terre-Neuve. Je ne veux pas me faire le porte-parole d'autres
compagnies, mais j'imagine que d'autres compagnies auraient droit à leur
prorata. Même s'il y avait une pénurie aux Etats-Unis et au Canada
en même temps, le même prorata serait respecté ici au
Canada.
M. Joron: Comment voyez-vous vos approvisionnements à long
terme? Etes-vous liés par des contrats à long terme avec vos
fournisseurs actuels?
M. Deschennes: Oui, à long terme. Nous transigeons
à long terme.
M. Joron: Quand on dit long terme, on parle de quoi?
M. Deschennes: Cela peut être dix ans, mais il y a un
certain pourcentage qui a une flexibilité.
M. Joron: Vous ne pouvez pas être en mesure de savoir loin
dans l'avenir ou au-delà de dix ans d'où, physiquement ou
géographiquement, viendraient vos approvisionnements?
M. Deschennes: Définitivement, non.
M. Joron: D'accord. Mes deux autres questions, une porte sur la
pétrochimie. A un endroit dans votre mémoire, vous mentionnez, si
je l'interprète correctement, que la raffinerie de Saint-Romuald ne
fonctionne pas à sa pleine capacité à l'heure actuelle.
Cela se relie à l'autre question que j'avais à poser sur la
régionalisation. Vous parlez d'une façon de peut-être
régionaliser des marchés qui doivent être desservis par
telle ou telle raffinerie; compte tenu qu'il y en a une dans la région
de Québec, jusqu'où allez-vous dans cette idée de
régionalisation, d'en faire un territoire privilégié
attaché à une...
M. Deschennes: Non, pas nécessairement. M. Joron:
D'accord.
M. Deschennes: C'est simplement pour illustrer que la province de
Québec, présentement, est totalement couverte au point de vue de
la distribution.
M. Joron: Justement. Que souhaitez-vous qu'on fasse au point de
vue de la régionalisation dans le but d'optimiser le rendement de la
raffinerie de Saint-Romuald, par exemple?
M. Deschennes: Non, on ne peut pas exiger que... Saint-Romuald
fait partie de la province de Québec, aussi bien que Montréal
fait partie de la province de Québec. Ce qu'on veut illustrer ici, c'est
simplement que la province de Québec est entièrement couverte au
point de vue de raffineries, que s'il arrivait des raffineries additionnelles
cela pourrait créer des problèmes.
M. Joron: Ah bon, d'accord! Quand vous parlez de régions,
vous parlez de l'ensemble du Québec.
M. Deschennes: De l'ensemble du Québec.
M. Joron: Vous ne parlez pas de créer à
l'intérieur du Québec des régions où on alloue le
produit des raffineries selon...
M. Deschennes: De l'ensemble du Québec.
M. Joron: Ah bon, d'accord! Finalement, ma dernière
question se relie au fait que vous mentionnez, un excédent de
capacité de production à l'heure actuelle. Vous n'avez pas
pensé, comme débouché possible, à la
pétrochimie justement? Vous excluez assez rapidement, dans un
paragraphe, la question. Vous n'avez pas l'air de croire beaucoup à la
possibilité d'un développement pétrochimique, au
Québec dans son ensemble, d'une part, et il semble que vous ne
l'entrevoyez pas non plus comme un débouché pour
l'excédent de capacité que vous avez vous-mêmes en ce
moment.
Pourriez-vous nous en dire plus long? Pourquoi pensez-vous que la
pétrochimie, ce n'est pas là que se situe l'avenir?
M. Deschennes: Nous trouvons que la solution n'est pas exactement
là, à cause de l'innovation de la pétrochimie
dernièrement dans tout le Canada. Il y a beaucoup d'installations de
pétrochimie qui se sont développées dans tout le Canada.
Il faut se conformer à la demande concernant la pétrochimie.
M. Joron: Vous dites qu'il y a un surplus de production
pétrochimique?
M. Deschennes: II n'y a pas un surplus, mais on s'en va vers un
surplus. Il faudrait excessivement de précautions avant de la lancer et
de l'exploiter.
M. Joron: Votre conclusion à cet égard
provient-elle seulement d'une analyse du marché canadien ou si vous
tenez compte du marché mondial, du développement
pétrochimique également dans le reste de l'Amérique du
Nord? Possiblement, ce qui m'apparaît très important, c'est qu'il
semble y avoir un mouvement vers l'installation de la production
pétrochimique très près de sources mêmes du
pétrole. Les pays producteurs, les pays de l'OPEP sont en train
d'essayer de monter des industries pétrochimiques assises presque
directement sur les gisements de pétrole, comme on voudrait en asseoir
sur les gisements de gaz dans l'Est. Est-ce par le fait que le Québec
est éloigné des sources de production que vous pensez que ce
n'est pas logique d'installer la pétrochimie au Québec?
M. Deschennes: Non, la pétrochimie est tout à fait
logique ici en Amérique du Nord, malgré qu'on ne soit pas assis
sur les puits de pétrole. Ce n'est pas la raison, c'est que l'industrie
pétrochimique a pris un essor considérable dans les
dernières années. Il ne faudrait pas surcharger un
marché.
M. Joron: Vous pensez que toute expansion dans ce secteur...
M. Deschennes: Pas nécessairement, mais il faudrait
que...
M. Joron: ... pour les quelques années à venir,
ajouterait ou créerait un excédent de capacités, tout
simplement, qui ferait chuter les peix.
M. Deschennes: C'est fort possible.
M. Joron: Pour combien de temps voyez-vous ce scénario
valable, parce que cela peut être vrai pendant trois ou quatre ans, et
pas nécessairement dans dix ans?
M. Deschennes: Non, je dirais une période assez
longue.
M. Joron: Pour une longue période... M. Deschennes: Assez
longue. M. Joron: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, à la page 2 de votre
mémoire, vous dites que "l'augmentation de la consommation de
pétrole devrait ralentir après 1982 avec l'introduction dans le
système de gaz naturel en provenance de l'Arctique". Vous
présumez qu'il va y avoir ce développement de la consommation du
gaz de l'Arctique. Autrement dit, si nous n'avons pas les sources de gaz de
l'Arctique, la consommation du pétrole ne baissera pas.
M. Deschennes: Elle ne baissera pas, mais si nous avons ces
sources...
M. Ciaccia: La consommation de l'énergie va
s'accroître.
M. Deschennes: Oui.
M. Ciaccia: Si nous n'avons pas le gaz de l'Arctique, que ce soit
du delta ou des îles de l'Arctique, nous allons être obligés
de nous fier plus sur le pétrole sur les marchés mondiaux.
M. Deschennes: C'est une charge additionnelle qui va tomber sur
le pétrole.
M. Ciaccia: Je crois que c'est important de souligner cela, parce
que...Est-ce que votre compagnie est impliquée directement ou
indirectement dans le développement de sources
énergétiques comme le gaz naturel?
M. Deschennes: Non, M. le député.
M. Ciaccia: Elle n'est pas dans le gaz naturel. Il est important
de noter dans votre bref mémoire que vos intérêts sont dans
le pétrole. Vous n'êtes pas dans le gaz naturel, mais,
malgré cela, vous voyez la nécessité d'augmenter
absolument les sources d'énergie autres que le pétrole.
Autrement, ce n'est pas... Si je peux dire cela d'une autre façon, c'est
rare qu'une compagnie va encourager la concurrence. Si c'étaient des
marchés normaux, vous n'encourageriez pas le gaz naturel.
M. Deschennes: Lorsqu'on parle de pétrole, M. le
député, il faut être parfaitement conscient que le
pétrole va en diminuant.
M. Ciaccia: Exactement. Vous réalisez que cela peut mener
à une crise et c'est pour cela...
M. Deschennes: Alors, on parle d'énergie en
général.
M. Ciaccia: Cela revient à la question des sources
d'énergie. Je crois que c'est la question que M. le ministre posait
avant moi. Il vous questionnait sur vos sources d'énergie. Je crois que,
durant la crise du pétrole, il y a plusieurs compagnies, peut-être
la vôtre aussi, qui n'avaient pas de source directe, qui n'avaient pas de
source assurée; il a fallu qu'elles aillent acheter sur le marché
aux enchères. Elle ont payé jusqu'à $30 le baril durant la
crise du pétrole.
Le point à signaler est que même si on avait une autre
compagnie, que ce soit SOQUIP ou une autre, il y aurait les mêmes
problèmes. Ce qui est important pour nous corrigez-moi si je me
trompe c'est de contrôler les sources, non seulement de
pétrole, mais les sources d'énergie. Nous contrôlons la
source hydroélectrique au Québec. C'est pour cela que c'est
important, les sources canadiennes. Nous avons des avantages qu'aucun pays n'a.
Nous avons le gaz naturel dans l'Ouest et dans l'Arctique; nous avons les
sables bitumineux.
Je crois que l'accent ne devrait pas être mis tellement sur une
question, à savoir si ce sont les multinationales, si c'est telle
compagnie qui va approvisionner. Il s'agirait plutôt de savoir quelles
mesures le Québec doit prendre pour contrôler les sources, parce
qu'une fois que vous contrôlez la source de pétrole, peu importe
quelle compagnie va faire l'approvisionnement. C'est là le point que
nous avons soulevé hier. Je pense que ce n'est pas une
répétition. Nous avons des avantages qu'aucun autre pays n'a et
c'est à nous de nous diriger vers le développement du gaz naturel
dans l'Arctique. Parce que le ministre avait dit hier: Nous contrôlons la
valve. C'est une question de géopolitique. Je crois que la valve du
pétrole qui ne se situe pas à Montréal va se situer
à Portland, Maine, parce que c'est là que le pipe-line se
fait.
L'autre remarque que je voudrais faire se rattache aussi au
développement de l'industrie de la pétrochimie. Je trouve, moi
aussi, que vous sem-blez abandonner cette industrie dans les remarques
contenues dans votre mémoire. Vous ne semblez pas attacher d'importance
à la croissance de l'industrie; même s'il y a la concurrence,
même s'il y a eu d'autres raffineries qui se sont construites, le fait
demeure que Montréal est le deuxième lieu d'importance au Canada.
Après Sarnia, l'industrie de la pétrochimie la plus importante au
Canada se trouve à Montréal. Est-ce que le fait, par exemple, que
c'est Sarnia qui a pris l'avance, c'est parce que Petrosar, par exemple, a
construit une raffinerie intégrée de 170 000 barils, un
investissement approximatif de $300 millions? Ce qui détermine la
localisation de l'industrie, c'est d'avoir des sources garanties de
pétrole brut. Petrosar a pu implanter sa raffinerie où elle l'a
fait parce qu'elle a des sources garanties de l'Ouest. Est-ce que c'est
ça, vraiment, le problème? Ce n'est pas seulement la question de
la capacité de votre raffinerie qui n'est pas utilisée à
plein?
M. Deschennes: M. le député, je m'excuse si notre
mémoire vous a induit partiellement en erreur en vous laissant croire
qu'on se désintéressait complètement de l'industrie
pétrochimique, parce que ce n'est pas l'intention de la compagnie de se
désintéresser de l'industrie pétrochimique. Cependant, il
nous faut être extrêmement prudents pour deux raisons: la
rentabilité d'une telle industrie à présent, au moment
donné, et aussi la deuxième raison que vous venez de mentionner,
l'approvisionnement des matières premières.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est vraiment ça la plus
importante, l'approvisionnement, la garantie des sources de pétrole?
M. Deschennes: Je dirais que les deux sont d'égale
importance. Mais ce n'est certainement pas l'idée de la
société de délaisser complètement l'idée de
l'industrie pétrochimique; loin de là.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Vous avez indiqué que votre raffinerie de
Saint-Romuald fonctionne en dessous de sa capacité prévue. Est-ce
que ce manque à gagner, puisque j'imagine que cela se reflète sur
la rentabilité de l'investissement, est-ce que c'est une période
qui était prévue depuis le début, en ce sens que vous avez
construit un peu pour l'avenir et que vous passez par une période
d'attente, en
quelque sorte, ou est-ce qu'il y a des développements qui ont
fait que l'utilisation prévue de la capacité est en
deçà de ce qui était souhaité au départ? Si
oui, pourriez-vous nous décrire ce qui a fait que le tableau a
changé pour votre compagnie?
M. Deschennes: Le tableau total a changé pour la compagnie
à cause du marché, premièrement, qui a changé
considérablement concernant les huiles lourdes par rapport aux huiles
distillées ou les huiles raffinées. Lorsqu'on fait mention, dans
le mémoire, qu'on va apporter un meilleur équilibre à
notre production à la raffinerie de Saint-Romuald, on veut indiquer par
là que nous projetons apporter les changements nécessaires,
établir notre raffinerie afin qu'elle puisse répondre à la
demande actuelle du marché.
Lorsque la raffinerie de Saint-Romuald a été construite en
1971, l'huile brute était en demande considérable sur les
marchés mondiaux alors que, depuis, ces marchés ont cessé.
Alors, il faut retourner l'équilibre de production de la raffinerie de
façon à satisfaire le marché québécois.
M. Forget: Sont-ce les mêmes raisons qui expliquent les
mésaventures de la raffinerie de Terre-Neuve, à votre
connaissance?
M. Deschennes: Je ne voudrais pas me porter à la
défense de la raffinerie de Terre-Neuve. Je crois que c'est plutôt
l'état financier de la société qui a fait
défaut.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Rimouski.
M. Marcoux: J'aurai d'abord trois brèves questions et une
quatrième question plus globale. Voici ma première question. Vous
parlez d'une augmentation des prix du pétrole pour rejoindre le plus
rapidement possible les prix mondiaux et vous parlez d'une courte
période. Dans l'esprit de votre compagnie, qu'est-ce qu'une courte
période pour rejoindre les prix mondiaux?
M. Deschennes: Une courte période peut
s'échelonner... C'est assez difficile à déterminer, mais
le mémoire veut dire que, pour en arriver à un coût et se
mettre au même niveau que les prix mondiaux...
M. Marcoux: Mais pour avoir un ordre de grandeur, c'est en termes
d'années?
M. Deschennes: Cela serait plutôt en termes
d'années.
M. Marcoux: En bas de cinq ans, trois ans?
M. Deschennes: Trois ans.
M. Marcoux: Deux ou trois ans?
M. Deschennes: Deux ans à trois ans.
M. Marcoux: Très bien. Vous parlez du gaz naturel et vous
êtes conscient qu'il y aura probablement une expansion de ce
côté. Hier, SOQUIP nous suggérait deux mesures visant
à promouvoir une expansion dans le domaine du gaz naturel; d'abord, la
suppression de la taxe de 8% à la consommation du gaz naturel et,
deuxièmement, de maintenir un écart de prix de 15% entre le
pétrole et le gaz. Que pensez-vous de ces deux mesures proposées
à notre commission?
M. Deschennes: C'est discriminatoire, pour une chose,
vis-à-vis du pétrole et des autres mesures.
M. Marcoux: En fait, vous ne seriez pas favorable à ces
mesures?
M. Deschennes: Non.
M. Marcoux: Vous considérez que cela doit être le
libre marché dans...?
M. Deschennes: Le libre marché doit exister en pays
démocratique.
M. Marcoux: Une troisième brève question en ce qui
concerne l'environnement. Vous dites: "II est donc recommandé qu'une
étude complète des concentrations des polluants soit menée
par région géographique". Je considère que votre texte
n'est pas très clair. Je voudrais savoir si vous considérez, si
l'étude prouve, ce qui sera probablement prouvé, que, dans la
région de Québec, c'est moins pollué que dans la
région de Montréal-Est. Donc, on devrait appliquer des normes
différentes ou quelque chose du genre. Voulez-vous arriver à des
normes différentes par région selon le degré de pollution
dans le secteur du raffinage?
M. Deschennes: Ce n'est pas seulement dans le secteur du
raffinage lorsqu'on parle de disséquer certaines régions au point
de vue des polluants. C'est simplement l'idée que vous allez prendre une
ville comme Montréal, où la population est presque de deux
millions, si ce n'est davantage, lorsque vous vendez des huiles lourdes
à teneur de soufre élevé d'ailleurs,
Montréal a un règlement dans ce sens qui ne le permet pas en haut
d'un certain pourcentage ces populations devraient être plus
protégées que si vous vendez ce même produit à une
usine qui est isolée de 25 milles à la ronde. Les dangers de
pollution ne sont pas les mêmes. C'est pour cela qu'au lieu d'avoir une
règle qui va embrasser l'ensemble de la province, il vaut mieux que cela
soit divisé par régions.
M. Marcoux: Alors, les normes devraient être
différentes.
M. Deschennes: Différentes.
M. Marcoux: Dernière question plus globale.
La commission a été convoquée parce que, dans
différents milieux, on croyait qu'il y avait des problèmes
d'énergie par rapport à l'avenir, cinq ans, dix ans, quinze ans
ou vingt ans. A la lecture de votre mémoire, comme le ministre Joron l'a
dit, il se situe dans une perspective à court terme, mais quand
même, on se demande pourquoi la commission a été
convoquée. On a l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de
problèmes dans le secteur de l'énergie, du moins de
l'énergie liée au pétrole.
Je voudrais savoir s'il y a quand même des changements qui,
d'après vous, devraient être apportés à la politique
énergétique. Dans quel sens devraient aller les changements qui
devraient avoir lieu? Ce n'est pas tellement décrit. A la lecture de
votre mémoire, on a l'impression qu'il n'y a pas grands changements
à apporter. Au-delà de cela, y a-t-il des changements qui,
d'après vous, sont nécessaires par rapport à une politique
d'énergie globale?
M. Deschennes: Les changements sont à l'intérieur
du mémoire, lorsqu'on dit, ici, protéger le consommateur. La
politique énergétique du gouvernement se résume à
la protection du consommateur. Lorsqu'on dit que le meilleur moyen de garantir
au consommateur la fourniture des produits dont il a besoin au point de vue
pétrole, c'est de passer à travers les cinq multinationales qui
sont représentées, ici, au Québec, qui représentent
45% des achats de l'OPEP. On a certains pouvoirs d'achat. Si la province allait
vis-à-vis l'OPEP, alors que la consommation provinciale est de 2%, la
totalité de l'OPEP...
M. Marcoux: Si je comprends bien...
M. Deschennes: J'imagine que le pourcentage est assez frappant
pour savoir qui a le pouvoir d'achat.
M. Marcoux: Vous proposez le statu quo dans cela, vous ne
proposez pas un changement.
M. Deschennes: On ne propose pas. On n'a pas l'intention de
proposer des changements. On donne notre opinion sur ce que la politique
éner-aétique de la province devrait être.
Le Président (M. Laplante): M. le député du
Lac Saint-Jean.
M. Brassard: Cela porte sur la protection de l'environnement.
Vous effleurez à peine ce problème, dans votre mémoire.
C'est un problème important, quand on pense que l'industrie
pétrolière est une des plus polluantes. Deux questions
relativement à la protection de l'environnement.
Les services de protection de l'environnement ont publié un
projet de règlement sur le rejet de certains contaminants par les
raffineries de pétrole. C'est un projet qui devrait être
appliqué incessamment. Alors ma question est: Votre compagnie est-elle
prête à appliquer ce projet de règlement sur le rejet des
contaminants, comme les huiles et graisses, phénols, sulfures, etc., ou
si elle a l'intention de s'y opposer, comme le lui permet la loi?
Deuxième question, votre raffinerie reçoit son
pétrole par bateau qui est reçu à un quai que vous
possédez à Saint-Romuald. C'est bien exact? Dans
l'éventualité d'un déversement accidentel de
pétrole à votre quai de Saint-Romuald, soit le bris d'un navire
ou d'un réservoir, êtes-vous en mesure de limiter les
dégâts qui seraient causés à l'environnement par un
accident de ce genre? Etes-vous équipé, actuellement, pour
limiter les dégâts causés à l'environnement par un
déversement de pétrole à votre quai de Saint-Romuald?
M. Deschennes: Je réponds à votre deuxième
question immédiatement. Oui, nous sommes équipés, le cas
échéant.
M. Brassard: Qu'est-ce que vous avez comme équipement?
M. Deschennes: Là, les équipements, je ne suis pas
un technicien en la matière, mais nous avons les équipements
nécessaires qui sont exigés, même, par les gouvernements,
au cas où il y aurait un accident quelconque au point de vue polluant
dans le fleuve.
Pour répondre à votre deuxième question, loin de
combattre les règlements que le gouvernement veut passer concernant les
polluants des raffineries, nous sommes entièrement en faveur, nous
sommes prêts à coopérer à 100%. Si on se reporte
à une édition du Soleil de la semaine dernière, il a
été écrit dans le Soleil que la raffinerie de
Saint-Romuald répondait déjà aux normes exigées par
le gouvernement.
M. Brassard: Les nouvelles normes?
M. Deschennes: Les nouvelles. On ne voit pas le Soleil souvent,
mais le journal était là,...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci M. le Président. Lorsqu'on parle de
sécurité d'approvisionnement, depuis le début de cette
commission nous parlons de sécurité d'approvisionnement de
pétrole, pour votre raffinerie de Saint-Romuald, j'aimerais parler de
voies de sécurité d'approvisionnement.
Suite à votre demande pour le dragage du Saint-Laurent qui vous a
été refusée et je suis convaincu que c'est
pertinent aux débats; je ne vous demande pas de les nommer, mais je vous
demande de me répondre par oui ou non est-ce que, d'après
vous, il y a d'autres compagnies, d'autres groupements, d'autres provinces ou
d'autres pays ou des multinationales, appelez cela comme vous voulez, en tout
cas d'autres groupes qui auraient intérêt à ce que vous
ayez de la difficulté à vous approvisionner par le Saint-Laurent,
étant donné que vous êtes la seule raffinerie dans la
région immédiate de Québec? Est-ce qu'il y a d'autres
groupements qui auraient un tel intérêt? Pourquoi, d'après
vous, on vous a refusé cela?
Parce que c'est une sécurité d'approvisionnement. Si vous
ne pouvez plus passer avec vos bateaux, même si vous avez du
pétrole... Si je ne me trompe pas, à Saint-Romuald, vous ne vous
approvisionnez pas par voie de pipe-line; c'est par voie de bateaux
seulement.
M. Deschennes: Oui. Pour répondre à votre question,
M. le député, je ne crois pas qu'aucune pression ait
été faite par quiconque pour nous créer des ennuis
concernant le passage de la traverse nord. A présent, c'est beaucoup
dire qu'on nous coupe les approvisionnements complètement. On ne nous
coupe pas les approvisionnements, mais, lorsqu'on nous refuse le dragage, on
nous empêche d'entrer des bateaux à fort tonnage où cela
pourrait être rentable pour nous. Mais on peut entrer des bateaux plus
petits. Ce sont des ennuis, des difficultés.
M. Goulet: On vous crée des difficultés. A ce
moment-là, ce sera plus difficile pour vous d'être
compétitif.
M. Deschennes: Exactement.
M. Goulet: C'est ce que je voulais dire. Mais vous ne voyez pas
pourquoi on vous refuse cela? Pourquoi le gouvernement vous l'a-t-il
refusé? Vous ne voyez pas pourquoi?
M. Deschennes: Non, nous ne voyons pas pourquoi, parce que c'est
un précédent.
M. Goulet: D'accord, merci.
M. Deschennes: Je ne voudrais pas m'embarquer sur...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: Concernant la pollution dans le fleuve Saint-Laurent,
le député du Lac-Saint-Jean a évoqué cette question
qui m'intéresse passablement. Elle m'intéresse parce que je vis
dans la région immédiate de Québec, mais aussi en ce qui
regarde l'avenir. Vous avez transporté, depuis l'ouverture de la
raffinerie, du pétrole par bateaux. A ce que je sache, il n'y a pas eu
encore d'incident déplorable, heureusement. Est-ce que vous seriez en
mesure de dire jusqu'à quel point la grosseur du navire qui transporte
le pétrole peut être un facteur croissant de danger de pollution
ou de danger d'accident, compte tenu du type de navigation qu'on a sur le
fleuve?
M. Deschennes: Non. La grosseur du navire n'est pas tellement
importante puisqu'à la grosseur du navire s'appliquent certaines normes
de construction pour rencontrer les exigences de la navigation.
M. Garneau: Mais les bateaux qui ont eu des accidents sur la
côte est des Etats-Unis, j'imagine qu'ils devaient avoir également
des certificats de navigation et qu'ils étaient construits pour
transporter le pétrole qu'ils transportaient. Qu'est-ce qui s'est
produit?
M. Deschennes: II faut toujours regarder l'âge de ces
navires et les conditions dans lesquelles ces navires naviguaient...
M. Garneau: Oui, mais quand votre entreprise transporte ou fait
transporter je ne sais pas si vous engagez des transporteurs
est-ce qu'on peut vous assurer que ce sont de jeunes bateaux ou de vieux
bateaux?
M. Deschennes: Oui, on peut savoir l'âge des bateaux et
dans quelle condition le bateau peut être.
M. Garneau: Mais est-ce que c'est une chose à laquelle
votre compagnie s'intéresse? Quel genre de précautions
prenez-vous?
M. Deschennes: Certainement, parce que nous ne sommes pas
intéressés à créer de la pollution ou à
causer des dommages dans le fleuve ou ailleurs.
M. Garneau: Actuellement, le tonnage des bateaux, en moyenne, est
de combien, ceux qui viennent à Saint-Romuald? Le plus gros était
de quel tonnage? La moyenne est de quel tonnage?
M. Deschennes: C'est en bas de 90 000 tonnes. Quoiqu'avec le
creusage du chenal on prévoit monter en haut de 100 000 tonnes à
peu près.
M. Garneau: Mais, jusqu'à maintenant, le plus gros qui est
entré est entré à 90 000 tonnes.
M. Deschennes: En bas. Oui, à 90 000 tonnes, mais...
M. Garneau: Mais, à ce moment-là, est-ce qu'il doit
suivre le déplacement de la marée ou s'il peut entrer
facilement?
M. Deschennes: Non, il entre avec la marée.
M. Garneau: II entre avec la marée. Hier, a
été évoquée la possibilité d'une
capacité limitée éventuellement du pipe-line
Portland-Montreal. A la page 2 de votre mémoire, au paragraphe 1, vous
parlez d'une nécessité d'approvisionner l'est de la vallée
de l'Outaouais par de l'importation uniquement. Je comprenais, en lisant votre
mémoire, que, même du côté ouest, il y aurait des
difficultés. Hier, avec d'autres intervenants, on évoquait la
possibilité d'un pompage à rebours entre Montréal et
Sarnia lorsque le pipe-line sera ouvert. Advenant une telle possibilité
qu'un pipe-line de 250 000 barils-jour puissent être renversé vers
Sarnia, est-ce que les possibilités de navigation sur le fleuve ne
seraient pas à ce point encombrées que le danger de pollution
deviendrait un élément important?
En fait, est-ce que, dès maintenant, avec les autorités
fédérales et les autres intéressés au dossier, on
doit poursuivre ou non l'établissement d'un port pétrolier plus
à l'est sur le Saint-Laurent pour minimiser éventuellement, si le
cas se présentait, les dangers de pollution dans les régions
comme la nôtre?
M. Deschennes: Concernant le renversement du pipe-line pour aller
de Montréal à Sarnia, nous n'en avons pas fait l'étude.
D'ailleurs, cela ne nous concerne pas. Ce qui nous concerne, c'est simplement
la traverse nord pour venir à Saint-Romuald. Le pipe-line de
Portland-Montréal étant à pleine capacité,
j'imagine que si on doit renverser du produit pour le remonter plus à
l'ouest, ce produit va nécessairement monter par eau, à moins
qu'on additionne les pipe-lines.
M. Garneau: Je veux savoir si votre expérience de la
navigation vous incite à croire qu'un accroissement de la navigation sur
le Saint-Laurent pour transporter du pétrole obligerait les
gouvernements à déplacer vers l'est la voie d'entrée pour
utiliser un autre mode de transport que la voie maritime, compte tenu des
dangers de pollution. On en a vu l'expérience récente sur la
côte américaine. Cela m'inquiète beaucoup.
M. Deschennes: S'il y avait nécessité de monter
autant de produit dans la région de Montréal, par eau,
assurément qu'il y aurait un effort fait du côté du
port.
M. Garneau: Du côté du dragage, lorsque la
première opération s'est faite, il y a quelques années,
les bateaux passaient à ce moment-là. Si je comprends bien, le
chenal qui a été creusé s'est rempli, c'est ça
l'histoire? Le dragage qui serait nécessaire pour remettre le chenal en
opération, comme il était prévu au début,
savez-vous quelle sorte d'investissement ça prend?
M. Deschennes: Non, je ne pourrais pas dire. Je sais qu'il y a
trois pieds à nettoyer.
M. Garneau: II y a seulement trois pieds à nettoyer.
M. Deschennes: II est à 38 pieds alors qu'il devrait
être à 41 pieds.
M. Garneau: Sur un autre sujet. Hier, on a posé ces
questions à d'autres personnes, à d'autres entreprises. Il y a
une augmentation vous en faites écho dans votre
mémoire nécessaire du prix du baril de pétrole pour
le porter au prix mondial. Vous savez qu'il y a eu une augmentation de $0.70 le
baril à partir du 1er janvier. Est-ce l'intention de votre entreprise de
passer l'augmentation à la clientèle dès le 1er mars?
M. Deschennes: Oui. Il y a 60 jours qui nous ont
été demandés...
M. Garneau: Et votre entreprise compte pouvoir
bénéficier en passant... la proportion de vos ventes d'huile
à chauffage est de quel ordre de grandeur par rapport à
l'essence?
M. Deschennes: A peu près 30% d'huile à chauffage
par rapport, à peu près, à 21% de gazo-line.
M. Garneau: Et à ce moment-là, en passant ces
augmentations à l'huile à chauffage, ça représente
combien au gallon?
M. Deschennes: C'est $0.02 le gallon, je pense.
M. Garneau: Est-ce que ça veut dire que dans la
région de Québec, il y aurait une augmentation de l'huile
à chauffage à partir du 1er mars.
M. Deschennes: A partir du 1er mars, mais il ne faut pas oublier
que cette augmentation, les raffineurs en subissent l'effet depuis le 1er
janvier.
M. Garneau: Hum, hum! Est-ce que le ministre va laisser la
région de Québec être pénalisée parce qu'il
n'y a qu'un député libéral?
M. Joron: Ah mon Dieu, il y a beaucoup de députés
péquistes à Québec aussi!
M. Garneau: J'espère que le ministre pourra
utiliser...
M. Joron: On ne vous laissera pas tout seul dans votre petit
coin, ne vous inquiétez pas.
M. Garneau: Je l'espère bien, parce qu'hier, j'ai compris
qu'il n'était pas sûr que d'autres entreprises passent à la
clientèle cette augmentation. Ça deviendrait extrêmement
discriminatoire pour une région, si par le fait de votre situation dans
la région, vous nous pénalisiez et que ceux qui sont
ailleurs...
M. Deschennes: Ecoutez, j'aimerais apporter une clarification. Si
la région de Québec est augmentée, la région de
Montréal va être augmentée elle aussi. Ce n'est pas un cas
régional.
M. Garneau: Est-ce que vous êtes en mesure de faire face
à la compétition si vous augmentez et que les autres n'augmentent
pas?
M. Deschennes: Si j'augmente ici à Québec et que
les autres n'augmentent pas, je ne serai pas plus avancé que si
j'augmente à Montréal et que les autres n'augmentent pas.
M. Garneau: Cela veut dire une chose, s'il y a une entreprise qui
n'augmente pas, qui ne passe pas à la clientèle l'augmentation
qui est accordée depuis le 1er janvier, les autres entreprises ne
peuvent pas l'augmenter, autrement, elles perdent leur clientèle.
M. Deschennes: Pas nécessairement. Vous connaissez le jeu
de la compétition.
M. Garneau: Oui, c'est pourquoi je vous pose la question.
M. Deschennes: Ce n'est pas nécessairement un qui va faire
balancer les autres. Si la proportion devient assez forte...
M. Garneau: Si vous savez que c'est...
M. Deschennes: Ce qui n'est pas logique, en somme, parce que
nous, comme raffineurs, nous avons cette augmentation depuis le 1er
janvier.
M. Garneau: Oui.
M. Deschennes: On nous demande de respecter 60 jours, de
façon à écouler nos inventaires. Mais connaissant les
rigueurs de l'hiver que nous traversons, les inventaires en ont pris un bon
coup.
M. Garneau: Je comprends votre position, mais ce que j'essaie de
voir, c'est jusqu'à quel point les entreprises qui contrôlent
l'approvisionnement d'huile à chauffage... Vous savez, on a
été assez marqués, au Québec, par rapport à
l'Ontario, au moment où nous n'avions pas de loi autorisant le
gouvernement à intervenir. On a payé plus cher au Québec
qu'en Ontario, parce que là-bas il y avait une loi. On l'a
adoptée aussitôt qu'on a été capables. Je ne
voudrais pas qu'on se fasse reprendre dans la même situation cette
année et qu'on soit toujours les dindons de la farce.
Je ne voudrais pas non plus voir les entreprises, volontairement ou
involontairement, s'organiser pour que, selon les capacités de mise en
marché, certaines augmentent les prix et que d'autres ne les augmentent
pas, rendant ainsi pour les consommateurs québécois la situation
différente d'une région à l'autre, selon la
capacité de distribution des entreprises. Ma question, dans le fond, ne
devrait pas vous être adressée, mais elle devrait l'être
beaucoup plus au ministre. C'est d'ailleurs par votre entremise, M. le
Président, que je la lui transmettais.
Le Président (M. Laplante): Dernière intervention,
M. le ministre.
M. Joron: Je voulais revenir sur un point que soulève le
problème des approvisionnements d'Aigle d'Or par bateau à
Québec et toute la question qui se rattache au renversement du pipe-line
éventuel et à une plus grande circulation par bateau.
Cela se relie à deux questions, cela éclaire deux
questions. Il y a la question, qu'a évoquée le
député de Mont-Royal tout à l'heure, de la position
stratégique du Québec dans ce réseau de pipe-line si le
pipe-line est renversé. Il y a peut-être des précisions
à apporter par rapport aux chiffres de capacité de ces
pipe-lines, parce qu'il ne faudrait pas que se glissent de mauvaises
informations.
La situation, dans le moment, est la suivante. A Montréal, vous
avez une capacité de raffinage approximative de 500 000 à 600 000
barils. Vous avez un pipe-line de Portland à Montréal qui a cette
capacité, donc, qui est en mesure de fournir, et pas plus, le
marché de Montréal.
Actuellement, il fonctionne à 350 000 barils au lieu de 600 000
barils, parce qu'il y a 250 000 barils qui viennent en sens inverse, de Sarnia
à Montréal. Le jour où le pipe-line est renversé,
Portland ne pouvant fournir exclusivement que Montréal, si tout ce qui
arrive de Portland à Montréal y est raffiné, c'est
sûr qu'il n'en reste plus à renverser dans le pipe-line en
question. Le pipe-line devient vide.
La capacité du pipe-line n'est pas de 250 000 barils. Il y a 250
000 barils dedans, dans le moment, mais la capacité est de 500 000
barils.
M. Garneau: Je parlais de la capacité de celui qui va de
Montréal à Sarnia.
M. Joron: C'est cela. La capacité est de 500 000 barils,
non pas de 250 000 barils. Il y a 250 000 barils dans le moment, mais la
capacité est de 500 000 barils et peut même être
portée à 700 000 barils par un système de pompage
amélioré. La capacité théorique, en somme, n'est
pas loin de 700 000 barils.
Cela voudrait dire que Montréal serait éventuellement aux
confins de deux pipe-lines. Un qui arrive de Portland et qui ne peut fournir
que Montréal et, d'autre part, un qui part de Montréal et qui
s'en va vers Toronto et Sarnia, qui peut, lui, faire couler 700 000 barils.
Mais il faut le remplir. C'est sûr qu'on ne pourrait pas imaginer des
bateaux remontant jusqu'à Montréal. Il faut ajouter une bouche
à ce pipe-line plus loin dans le fleuve jusqu'où? c'est
cela qu'on ne sait pas pour éviter...
Cela n'a peut-être pas posé un grand problème
jusqu'à maintenant, heureusement, d'approvisionner la raffinerie de
Saint-Romuald par bateau. Mais si on parle de 600 000 barils à 700 000
barils par jour qu'il faut décharger, c'est un tout autre
problème. Il va falloir aller le faire beaucoup plus loin; autrement,
les risques de la navigation deviennent gigantesques.
Dans cette optique, possiblement que votre raffinerie elle-même
serait branchée sur ce pipeline et ne serait plus approvisionnée
par son système actuel.
M. Deschennes: Eventuellement, ce pipe-line passerait à la
porte de notre raffinerie.
M. Joron: C'est cela. Il passerait devant chez vous, exactement.
Alors vous seriez raccordés à ce pipe-line. C'est cela que je
voulais signaler aussi. Ce jour va venir. L'histoire du renversement du
pipe-line m'apparaît inéluctable, d'une part, parce que les
réserves conventionnelles connues de l'Ouest canadien vont
s'épuiser avant 1985. Elles ne seront pas remplacées, à
moins de vouloir le faire à un coût qui serait beaucoup plus
élevé que les prix mondiaux, par le développement de tout
ce qui reste des sables bitumineux de l'Atha-baska. C'est bien loin dans
l'avenir.
D'autre part, la substitution des formes d'énergie n'est pas si
grande que cela. On peut toujours s'imaginer qu'on va passer, pour le
chauffage, au gaz ou ainsi de suite, mais pour le transport, qui
représente 30% à 35% de notre consommation
énergétique globale, soit presque toute la moitié de tout
ce qu'on consomme en pétrole, on n'a pas le choix. Tout à l'heure
on entendait parler de la voiture électrique de M. Albert, mais ce n'est
pas pour demain.
Le pipe-line, sans aucun doute, va être renversé
très bientôt, avant probablement cinq ou six ans. C'est de
là que je soulignais la position stratégique favorable qu'occupe
le Québec que lui a conférée la géographie.
M. Ciaccia: Je m'excuse, M. le Président! Seulement une
petite clarification. Une présomption que vous faites, M. le ministre,
c'est que dans ce rechange du pipe-line, vous présumez qu'il n'y aura
pas de gaz naturel qui va venir de l'Ouest. Vous présumez le
même...
M. Joron: Mais non!
M. Ciaccia: ...nombre de barils d'huile qui sont utilisés
maintenant et vous ne présumez pas qu'une partie des demandes
pétrolières vont être remplacées par le gaz
naturel.
M. Joron: Oui, effectivement.
M. Ciaccia: Si elles sont remplacées par le gaz naturel,
ce ne sera pas le même besoin qui, nécessairement, va aller...
M. Joron: Ce n'est pas le même pipe-line non plus, ce n'est
pas dans la même région.
M. Ciaccia: Non, mais il n'y aura pas le même besoin pour
le montant. On a aujourd'hui 600 000...
M. Joron: Pour le pétrole.
M. Ciaccia: ...pour le pétrole, oui.
M. Joron: Ah oui! c'est ce que je dis. C'est qu'il peut y avoir
des substitutions jusqu'à un certain point, mais compte tenu...
M. Ciaccia: Vous pouvez le réduire en deux.
M. Joron: ...de tout le secteur du transport qui ne peut pas
avoir... Peut-être je ne sais pas, en l'an 2000, on aura les voitures
électriques...
M. Ciaccia: Oui, mais avec la planification, vous pouvez
réduire de 50% la demande pétrolière. Au lieu de 70%, cela
peut venir à 35% en le remplaçant par...
M. Joron: Sur une très longue période, parce qu'on
ne convertira pas tous les systèmes de chauffage, ni les installations
industrielles en l'es- pace... parce qu'il y a tout l'amortissement de ce qui
est déjà là.
M. Ciaccia: Sur une période d'années.
M. Garneau: M. le Président, sur la question du pipe-line
évidemment, on a participé à bien des discussions
depuis la crise de l'énergie, soit ici en commission parlementaire ou
ailleurs j'ai toujours été frappé par la situation
du pipe-line Portland-Montreal. Tout à l'heure le ministre
évoquait, je crois que cela pourrait être une possibilité
qu'à un moment donné, dans une crise énergétique,
des pays comme les Etats-Unis se disent: On a besoin d'une allocation plus
considérable. D'après moi, le danger est beaucoup plus grand, par
une voie détournée, qui est celle de la pollution, qu'ils ferment
la valve à Portland. Cela m'apparaît beaucoup plus important. Cela
nous placerait, si la planification n'est pas assurée d'une option de
rechange, dans une situation fort délicate.
C'est pourquoi je considère que, sans suggérer que des
investissements immédiats soient faits dans l'établissement d'un
superport pétrolier ou d'un port pour superpétroliers, comme on
voudra l'appeler, les études qui ont été entreprises se
poursuivent afin d'être prêts, le cas échéant,
à agir assez rapidement, parce que ce n'est pas tant la question de la
construction d'un port, qui peut peut-être se faire assez rapidement, que
la question du tracé du pipe-line et des investissements qui y sont
reliés.
C'est pourquoi je pense que, dans une politique
énergétique, même si cela n'amène pas des
décisions immédiates, même si le Parti
québécois, lorsqu'il était dans l'Opposition, aurait
aimé que nous prenions une décision l'an passé ou il y a
deux ans, je trouve que cela doit faire partie des documents qui sont sur les
tables à dessin et prêts à être mis en branle si la
situation devenait de plus en plus critique.
Le Président (M. Laplante): Là, c'est fini. Les
membres de cette commission vous remercient, messieurs, de l'apport que vous
avez voulu leur donner.
M. Deschennes: Merci!
M. Ciaccia: M. le Président, ce n'était pas un
sujet contradictoire, c'était une clarification sur le port
pétrolier à Portland. Un des problèmes, c'est que ce port
n'a peut-être pas été conçu pour recevoir les
superpétroliers de 200 000 ou 300 000 tonnes. Quand on parle d'une
capacité de pipe-line de 600 000 barils par jour, peut-être
qu'avec les lois sur l'environnement, à Portland, on ne permettra pas
les superpétroliers.
Premièrement, physiquement, je ne pense pas qu'ils puissent y
aller; et même élargir les lois de l'Etat du Maine, les Etats-Unis
ne le permettront pas. C'est une autre raison de plus pour penser au superport
sur le Saint-Laurent face à ces problèmes existants à
Portland.
Le Président (M. Laplante): J'accepte votre explication,
M. le député de Mont-Royal. Maintenant, Hydrocarbures, s'il vous
plaît! C'est bien, monsieur, allez-y!
Elf Hydrocarbures du Québec Ltée
M. LeGouar (Yves): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, si vous me permettez, je ferai mon exposé en
deux parties, puisque j'ai, d'une part, la question qui traite des
approvisionnements et de la protection du consommateur et, d'autre part, la
sauvegarde de l'énergie, tout comme dans le deuxième
mémoire qui est présenté par UTEC-CANADA. Je me permettrai
de vous présenter mes collaborateurs, M. Lebeuf, qui est notre directeur
commercial, qui est ingénieur de l'Ecole polytechnique de
Montréal, et M. Dela-porte, qui est ingénieur, spécialiste
en génie climatique.
Je vais prendre le premier exposé qui est présenté
par Elf Hydrocarbures du Québec. Elf Hydrocarbures du Québec est
une compagnie incorporée en vertu des lois du Québec et qui
opère depuis 1971. Le capital-actions de EHQ est détenu par Elf
Union, une filiale du groupe français Elf Aquitaine dont les actions
sont contrôlées majoritairement par l'Etat français. Elf
Aquitaine poursuit des activités d'exploitation, de production et de
distribution de pétrole dans le monde et dispose d'actifs de l'ordre de
$8 milliards.
L'implantation du groupe Elf Aquitaine au Québec s'inscrit dans
le prolongement des activités d'exploitation et de production
commencées il y a une vingtaine d'années dans l'Ouest canadien.
Au départ, EHQ a regroupé des distributeurs
québécois à une époque où il devenait de
plus en plus difficile pour les indépendants de taille moyenne de
survivre. Depuis janvier 1977, nos activités se sont
développées pour inclure celle de grossiste avec la mise en
marche d'un terminal marin d'entreposage de produits finis d'une
capacité de 25 millions de gallons à Montréal-Est.
En effet, les études du marché québécois
menées précédemment avaient fait ressortir que, pour
être en mesure de développer nos activités commerciales, il
fallait avoir une garantie de stocks et de prix que seul un terminal
pétrolier en dehors d'une raffinerie était en mesure de donner. A
cette époque, grâce à la concurrence possible
d'importation, la marge entre l'achat local d'une cargaison et l'achat de
produits finis par camion en raffinerie variait suivant les saisons de $0.03 et
$0.04 le gallon.
Ce terminal représentant un investissement de $7 millions environ
a été entièrement construit par une entreprise
québécoise qui a bénéficié de l'appui
technique des services spécialisés dans ces constructions d'Elf
France.
Le départ des opérations de ce terminal se fait à
une période particulièrement critique pour les
indépendants et c'est pour cette raison que nous aimerions vous
présenter certaines causes de nos difficultés afin que vous
puissiez en tenir compte dans l'élaboration d'une politique
québécoise de l'énergie. Nos propos vont cependant se
limiter au pétrole, domaine dans lequel nous croyons pouvoir apporter
une contribution.
Sécurité des approvisionnements. Dans un contexte
où il n'y a pas autosuffisance en pétrole, le premier
critère de sécurité des approvisionnements réside
dans la diversification des sources et le second dans la quantité de
réserves constantes exprimées en nombre de jours de
consommation.
Diversification des sources. Présentement, le Québec a
accès au pétrole canadien par le pipeline de
Calgary-Sarnia-Montréal et le reste, soit la majorité de ses
besoins, lui est fourni par les importations, tant de l'Amérique du Sud
que du Moyen-Orient.
Mais à part la raffinerie de Saint-Romuald, ces réceptions
de brut se font aux Etats-Unis d'où le produit est acheminé par
pipe-line. Il faut donc noter que, sauf pour Saint-Romuald, aussi bien pour le
brut venant de l'Ouest que pour celui importé, il y a transit par le
pays voisin.
Une fois assurée cette diversification de l'approvisionnement en
pétrole brut, il faut s'intéresser à la fourniture de
produits finis qui, eux, peuvent être obtenus de deux manières: le
raffinage du pétrole brut ou encore l'importation de produits finis.
Depuis un an, la politique du gouvernement fédéral oriente
la fourniture de produits finis d'une seule manière, soit le raffinage
local du pétrole brut. La technique utilisée consiste à
donner une subvention aux importateurs de pétrole brut plus importante
($3.35 le baril) elle a varié depuis le 1er février; elle
est passée à $3.80 que celle accordée aux
importateurs de produits finis ($1.85 le baril) de telle sorte que le brut
mondial nous arrive au même prix que le brut canadien, mais que les
produits finis importés sont plus chers que ceux raffinés
localement.
Cette politique occasionne deux inconvénients:
Au cas de défaillance d'une raffinerie, elle crée une
tension sur le marché causée par la rareté de produits
finis qui, en l'absence de réserves suffisantes qui n'ont pu être
constituées par des importations de produits finis, peut entraîner
un manque de produits soit général, soit particulier à
certains revendeurs qui ne peuvent plus s'approvisionner auprès des
raffineurs.
Elle assure un monopole aux raffineurs qui peuvent ainsi à la
fois contrôler les prix aux consommateurs par leurs activités
directes très importantes de distribution et la marge brute des
revendeurs par leurs prix de cession à ces derniers.
Cet état de fait empêche toute compétition
réelle sur le marché puisque les raffineurs ne laissent pas assez
de marge aux revendeurs pour que ceux-ci puissent leur faire une
compétition sérieuse.
A titre d'exemple, le 30 août 1976, une augmentation de $0.045 le
gallon des produits raffinés a été autorisée. Une
partie de cette augmentation (environ $0.032) était pour compenser
l'augmentation du prix du pétrole brut intervenue
le 1er juillet 1976, augmentation destinée en principe au
financement de l'exploration.
En fait, si les compagnies majeures ont bien appliqué cette
augmentation intégralement dans leur prix de vente en raffinerie aux
revendeurs, elles ont consenti un rabais au consommateur de $0.032,
écrasant ainsi la marge des revendeurs.
Ensuite, en décembre, les prix de vente en raffinerie ont de
nouveau augmenté, continuant à comprimer la marge et ce n'est
qu'en janvier, au moment où la période de prospection de la
clientèle était en sommeil, que les sociétés
majeures ont augmenté leurs prix de vente aux consommateurs.
Par ailleurs, l'encouragement au raffinage local, qui peut sembler,
à première vue, un avantage économique augmentant l'emploi
et la valeur ajoutée localement, devient un inconvénient dans la
mesure où il est impossible de forcer les raffineurs de s'ajuster
à l'occasion aux pressions du marché extérieur. Le
maintien de la concurrence entre les raffineurs et les importateurs de produits
finis aurait précisément cet effet modérateur sans
toutefois nuire à l'emploi puisqu'à prix égal ou
légèrement supérieur, il est toujours
préférable de transiger localement.
Il est donc important que la politique du gouvernement vise à
maintenir en vie l'activité des pétroliers indépendants
dont les investissements, s'ils ne sont pas aussi importants que ceux des
raffineurs, ne représentent pas moins des immobilisations
considérables et très utiles au pays pour la constitution de
stocks de réserve qui permettent de moduler les approvisionnements et
d'éviter des à-coups toujours générateurs de
spéculation. Bien entendu, les possibilités d'importation des
indépendants doivent être contrôlées et
ajustées en fonction d'un pourcentage du marché estimé
justement nécessaire au maintien d'une saine compétition.
De plus, les dépôts des indépendants devraient
offrir aux revendeurs la possibilité d'y stocker leurs produits
moyennant une juste rémunération, ce qui leur donnerait une
garantie de stock et de prix durant une saison et leur permettrait de pouvoir
traiter des ventes par contrat et de répondre sans risque à des
appels d'offres.
Réserves de brut et de produits finis. Il est du ressort de
l'Etat de déterminer quelles devraient être les réserves
détenues tant en pétrole brut qu'en produits finis.
Présentement, en l'absence de contraintes, les raffineurs
décident des quantités à stocker selon les
spéculations qu'ils font quant à l'évolution des prix et
décident de plus s'il est avantageux pour eux de stocker des produits
finis ou du brut.
Si les raffineurs décident que la conjoncture économique
favorise le stockage du brut plutôt que celui des produits finis, nous
nous retrouvons devant le même risque de défaillance du raffinage
d'où rareté de produits et danger de carence.
Ainsi, avant le 1er janvier 1977, en perspective de la hausse
annoncée sur les prix du pétrole brut, les raffineurs ont
gardé leur stock à un niveau maximum tout en ayant une
activité de raffinage normale.
Depuis le 1er janvier 1977, alors qu'on se trouve dans la période
de haute consommation, ils ne poussent pas leur activité de raffinage,
car l'augmentation du prix officiel des produits finis ne sera autorisée
que le 1er mars 1977. Ils vivent donc en partie sur les stocks
constitués durant le second semestre de 1976.
Par contre, les sociétés indépendantes n'ont pas eu
la possibilité de constituer les mêmes stocks d'une part parce
qu'elles ne pouvaient importer des produits et d'autre part parce que les
raffineurs n'ont pas voulu leur vendre des produits autrement que par
camions.
Il a suffi qu'une raffinerie connaisse des ennuis de production pour
qu'il s'ensuive une pénurie de produit depuis la mi-janvier 1977. Les
revendeurs ont été les premiers rationnés, voire
totalement "coupés" et les prix en raffinerie sont passés pour
certains de $0.35 le gallon à $0.39. (Huile à fournaise
Fuel No 2).
La politique actuelle qui consiste donc à laisser
entièrement aux mains des raffineurs le monopole des approvisionnements
semble mettre en péril la sécurité des approvisionnements
et en tous les cas favoriser la spéculation. Si elle devait se
poursuivre sans aucune modification, elle ferait disparaître, dans un
premier temps, les indépendants et, dans un second temps, les revendeurs
et avec eux un élément important de compétition dans les
prix et les services.
Si, au contraire, le gouvernement souhaite que les indépendants
puissent continuer à opérer, il faut leur verser la même
indemnité pour leurs importations que celles versées aux
raffineurs, à savoir $3.35 le baril.
Compétition, mise en commun et protection des consommateurs. La
résultante des politiques présentement en place assure un
monopole aux compagnies majeures dont l'effet est de comprimer les marges des
revendeurs, sans toutefois ni assurer la sécurité des
approvisionnements, ni entraîner un prix final au consommateur qui soit
moins élevé.
Au contraire, la création et le maintien de raretés
fictives occasionnent des hausses de prix d'abord auprès des revendeurs
et ensuite en clientèle. De plus, la compression des marges brutes des
revendeurs et l'absence de stabilité découlant
d'approvisionnements sûrs cause une dégradation de la
qualité des services d'entretien des brûleurs
généralement fournis par les revendeurs artisans.
Nous allons bientôt connaître au niveau des distributeurs
d'huile à chauffage le même problème que celui
présentement vécu pour les garages de quartier. La disparition de
leurs revenus d'appoint que constituaient les marges sur la vente de gazoline
les amène soit à fermer leurs portes, soit à remercier
leurs mécaniciens compétents de sorte que le coût total de
l'entretien d'une voiture s'en trouve augmenté.
Dans le domaine de l'huile à chauffage, l'artisan qui assure
à la fois la fourniture d'huile et le service d'entretien a tout
intérêt à voir au bon fonctionnement de celui-ci pour
maintenir sa clientèle, puisque la qualité du service est son
principal facteur de vente. Une installation de
chauffage mal entretenue, un brûleur mal réglé
entraînent un gaspillage d'énergie, sans compter les risques
d'incendie et de pollution.
Enfin, l'encouragement à la mise en commun de l'infrastructure du
pétrole, tels que les dépôts et les raffineries, permettra
ainsi aux revendeurs d'avoir leur propre stockage, contribuera à la
garantie des approvisionnements, à la stabilité, à la
réduction des prix, de même qu'à un meilleur service.
D'une part, le regroupement des moyens de stockage et les raffineries en
participation assurait l'efficacité propre aux grands ensembles, tant au
niveau des coûts qu'à celui d'une meilleure protection de
l'environnement, tout en contribuant à briser les monopoles sur la
vente.
D'autre part, l'utilisation flexible de dépôts
répartis à travers le Québec aurait une incidence directe
sur ces coûts de livraison et limiterait les quantités à
transporter. Il est anormal, en effet, de voir une compagnie approvisionner un
secteur, à partir d'une base éloignée, alors qu'il lui
suffirait de faire un échange ou de participer dans une installation
existante dans le secteur.
Cette façon de procéder existe depuis un certain temps en
Europe où il existe des installations communes à plusieurs
compagnies, et cette politique est poursuivie en Afrique en cours
d'industrialisation où les compagnies sont associées pour
construire dans certains pays une raffinerie unique, répondant aux
besoins de ce pays.
Nous ne pouvons entrer, ici, dans les détails à savoir
comment de telles mises en commun de moyens de stockage ou de raffineries
peuvent se concrétiser. L'objet de nos commentaires est de souligner les
avantages qu'une telle politique conférerait au Québec, de telle
sorte que vous considériez cet aspect dans l'élaboration d'une
politique québécoise de l'énergie.
En conclusion, il apparaît que la politique de la libre
concurrence doit être favorisée dans le domaine des
approvisionnements, mais qu'il doit être établi des règles
qui permettent d'utiliser au mieux les moyens existants et d'en suivre leur
développement. Cette politique devrait assurer au Québec une
sécurité d'approvisionnement et maintenir une saine
compétition dont profitent finalement les consommateurs, tant au point
de vue prix que service.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: J'aimerais savoir, si vous permettez, quel sens aurait
pris votre rapport si nous étions en 1981, que les prix canadiens
n'étaient plus contrôlés et si on connaissait ici les prix
mondiaux. Parce qu'en fait, une des suggestions, enfin, une des demandes que
vous faites s'adresse au gouvernement fédéral, au gouvernement
d'Ottawa, qui est responsable des subventions différentes selon que le
pétrole est brut ou un produit fini. Le gouvernement du Québec,
à l'heure actuelle, pourrait certes faire des représentations
à cet égard, mais ce n'est pas de son ressort d'en
décider.
Dans une situation éventuelle où nous serions partout aux
prix mondiaux, à ce moment-là, quel avantage de prix... Pour ce
qui est de maintenir une saine concurrence, dans le but de permettre aux
consommateurs d'avoir le meilleur choix possible et les prix les plus bas
possible, quel pourrait être l'avantage de prix que les pétroliers
indépendants, qui importent des produits finis, pourraient offrir par
rapport aux raffineurs locaux? En quoi la compétition serait-elle
meilleure, s'il n'y avait pas cet écart artificiel créé
par un contrôle de prix? C'est une première question.
J'en ai une deuxième, tout de suite. En fait, deux autres aussi.
A la page 5, vous mentionnez un certain pourcentage qui devrait être
accordé aux produits finis. Quel est ce pourcentage que vous voyez?
Finalement, le dernier point que je voulais souligner, c'est cette mise en
commun des dépôts. Vous mentionnez aussi des raffineries. Cela est
un peu moins clair. Les dépôts, je vois assez bien ce que vous
voulez dire par là, mais, quand vous dites mise en commun de
l'infrastructure incluant les raffineries, j'aimerais peut-être que vous
explicitiez davantage.
M. LeGouar: Alors, je vais y répondre dans l'ordre. La
première question, à partir du moment où il y a une
liberté des approvisionnements, il apparaît qu'approvisionner en
pétrole brut est toujours moins cher que d'approvisionner en produits
finis parce que les transports se font en plus grande quantité, donc les
taux de fret sont plus intéressants et les pertes également, en
cours de transport, sont moindres. Cependant, il existe toujours des surplus de
produits finis dans des raffineries qui peuvent se trouver en Europe, qui
peuvent se trouver aux Caraïbes. A partir du moment où il y a une
liberté d'importation, à certains moments, cela permet aux
indépendants d'importer une cargaison à un prix inférieur,
parce qu'en quelque sorte il y a un surplus sur le marché. D'autre part,
à partir du moment où il y a cette concurrence, il y a cette
compétition, les raffineries locales calculent leur prix de cession aux
indépendants de façon à se trouver en compétition
avec d'éventuelles importations. Il se trouve donc que pouvoir importer
des grosses quantités permet d'avoir un prix de revient
inférieur, alors qu'actuellement, où il y a $1.50 entre le
pétrole brut et le pétrole raffiné, les raffineurs locaux
ont une marge de $1.50 pour leur cession aux indépendants qui, donc, ne
peuvent pas acheter des produits à un prix compétitif puisqu'ils
ne peuvent pas mettre en compétition et dire a un raffineur: Si vous ne
me vendez pas de produit, je vais en importer. Et le raffineur peut dire: Moi,
je veux bien vous vendre du produit quand c'est le temps, mais à un prix
supérieur à celui que vous paierez si vous l'enlevez par camion.
De cette façon, donc, l'indépendant ne peut pas constituer de
stocks et, quand il y a ces fameuses augmentations, les bénéfices
sur stock ne sont pas faits par les indépendants qui avaient là
une possibilité d'amortir des investissements pourtant importants.
M. Joron: D'accord, mais c'est une situation temporaire qui va
éventuellement prendre fin.
M. LeGouar: Qui ne prendra pas fin tant qu'il y aura toujours
cette différence de prix.
M. Joron: Mais, je veux dire, puisque c'est l'intention
déclarée du gouvernement d'Ottawa d'amener les prix
intérieurs au niveau international et, après cela, possiblement
de les décrocher de ce mécanisme qui les tient rigides, à
partir de ce moment-là...
M. LeGouar: Mais cela peut durer longtemps et vous avez des
indépendants actuellement qui n'ont plus les moyens de vivre. D'autre
part, on ne sait pas s'il n'y aura pas, le moment venu, une protection au
raffinage, par exemple, sous forme de droits plus forts sur les importations de
produits raffinés que sur les importations de pétrole brut.
M. Joron: Alors, vous recommandez au gouvernement de
Québec de faire des représentations auprès du gouvernement
d'Ottawa à cet égard.
M. LeGouar: Si vous le voulez. Si le gouvernement du
Québec estime que pour la compétition du marché il doit
diversifier ses sources, c'est-à-dire il décide soit de donner le
monopole des approvisionnements aux sociétés et aux raffineurs ou
de laisser une partie, pour assurer une compétition, à des
indépendants qui sont nécessaires pour maintenir cette
compétition. La preuve en est que si vous regardez ce qui se passe dans
les autres pays, aux Etats-Unis, par exemple, il y a une protection des
indépendants: ou ils perçoivent des allocations, ou ils ont droit
d'importer des produits, ou les raffineurs sont obligés de leur faire
des cessions de produits. En France, cela s'est passé de la même
façon. Au moment de la crise de 1973, on pouvait dire que les
indépendants n'avaient plus de possibilité d'importer des
produits, donc les raffineurs se sont dit: Cette fois-ci, ces
indépendants qui nous cassent les pieds en faisant toujours des rabais
et en nous obligeant à nous aligner, on va les avoir puisqu'ils ne
peuvent pas importer. Là, le gouvernement français a
obligé les raffineurs à vendre des produits aux
indépendants pour que les indépendants puissent continuer
à assurer la saine compétition du marché. Cela s'est
passé de la même façon en Allemagne. Il y a de nombreux
exemples comme ça.
Quant au pourcentage, on peut estimer qu'il varie entre 5% et 10%, parce
qu'il est évident que l'intérêt du pays est d'encourager le
raffinage et, donc, il est normal que les raffineurs aient la grosse partie des
approvisionnements, qui doit donc tourner entre 90% et 95%, mais le danger est
de leur donner 100%.
Pour la troisième question, vous avez des dépôts qui
sont donc mis en commun, parce qu'il est prouvé que ça
coûte moins cher de passer à plusieurs dans un dépôt
plutôt que d'être un seul, surtout si c'est dans une même
localité. Pour les raffineries, vous avez deux façons de
procéder. Vous avez trois, quatre ou cinq sociétés qui
s'associent et qui construisent une raffinerie; les parts dans la raffinerie
sont fonction de la part du marché dans le pays ou bien dans la
région.
J'ai aussi des exemples où Elf est en participation. Par exemple,
en Côté d'Ivoire, vous avez Elf qui a 20%, Texaco qui a 10%, Mobil
Oil qui a 15%, BP qui a 12%, Shell qui doit avoir 14%, enfin, toutes les
sociétés se sont groupées et ont fait une raffinerie.
Donc, ça coûte beaucoup moins cher puisque ces raffineries
tournent aux maximum de leur capacité.
La deuxième façon, c'est que quelqu'un qui est
propriétaire d'une raffinerie, accorde ce qu'on appelle du traitement
à façon traduit de l'anglais "processing" et passe
un contrat pendant quatre ou cinq ans, disant: Voilà, vous allez traiter
pour moi 200 000 tonnes de brut, vous me donnerez tant de produit
raffiné en échange; évidemment, vous prenez un coût
de traitement qu'on appelle le "processing fee". Cela, évidemment,
diminue aussi les frais d'une raffinerie, parce que si ses propres
débouchés ne permettent pas de tourner à 100%, en passant
des contrats à façon, elle arrive à avoir un rendement
maximum. Donc, un coût qui est diminué.
M. Joron: Est-ce que votre société a de tels
contrats de "processing" avec des raffineries?
M. LeGouar: Ici, non. Nous avons essayé d'en traiter, nous
n'avons pas réussi, bien que nous soyons producteurs de pétrole
brut en Alberta.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'ai deux questions. La première se rapporte au
corps principal de votre mémoire et l'argument que vous venez de
développer. La deuxième, c'est véritablement une question
qui a trait à la facture de votre mémoire. Il semble qu'il y ait
une annexe qui y soit ajoutée.
M. LeGouar: Oui, c'est la deuxième partie justement. Vous
voulez dire le mémoire présenté par UTEC?
M. Forget: C'est ça.
M. LeGouar: Oui. Bien, si vous permettez, je peux vous le lire
maintenant.
M. Forget: Je ne sais pas si nous aurons le temps avant la
suspension des travaux, mais de toute manière j'aimerais, avant que nous
passions à ce deuxième sujet, si nous devons le faire, vous poser
des questions relativement à l'argumentation que vous venez de
développer quant à l'attrait que présenterait, pour le
consommateur québécois, une liberté de commerce plus
grande, c'est-à-dire une non-discrimination vis-à-vis de
l'importation de produits finis.
On sait que la distillation du pétrole brut engendre un certain
nombre de produits et la détermination des prix, dans des cas comme
ceux-là, entre les différents types de sous-produits du
pétrole est, dans une certaine mesure, assez arbitraire. Les conditions
du marché sont assez déterminantes.
L'argumentation que vous avez faite tend à être
extrêmement résumée, en traitant tous les produits
pétroliers comme s'ils étaient absolument homogènes.
Cependant, est-il vrai qu'une entreprise comme la vôtre ou une entreprise
analogue, un importateur, est également intéressée
à l'importation de tous les produits finis dérivant du
pétrole? Et est-ce que les gains, pour le consommateur auquel vous avez
fait allusion, par une plus grande concurrence, ne s'évanouiraient pas
si les raffineurs domestiques, devant la pression sur les prix que les
importateurs exerceraient, étaient tout simplement portés
à augmenter le prix d'autres produits pour lesquels l'importation de
produits finis est beaucoup moins avantageuse, peut-être même pas
possible, dans certains cas?
M. LeGouar: Je ne pense pas, parce que justement, comme je vous
le disais, les importations se font au moment où il y a un surplus de
produits. Donc, on profite de meilleurs coûts et ces importations sont
saisonnières, suivant les consommations. On peut importer de l'essence
en hiver parce qu'en général il y a un surplus de production
d'essence et que les raffineries font le maximum de diesel. Et on peut importer
du diesel en été, parce que la production maximum se fait sur
l'essence.
Comme vous le dites fort justement, le pétrole brut, suivant ces
caractéristiques, donne des produits qui s'échelonnent du gaz
jusqu'au fuel lourd. Mais les importateurs, actuellement, sont en mesure
d'importer tous les produits et ils importent au moment où la
conjoncture d'importation est plus favorable que des achats locaux.
Mais il ne faut pas oublier que le pourcentage des importations est
extrêmement faible, puisque je vous disais qu'on peut situer à 95%
les besoins par le raffinage et 5% environ par les importations.
C'est donc une espèce de modulation qui vous garantit contre une
pénurie et évite, comme je le disais, des spéculations
puisque, n'ayant pas pénurie, ayant des stocks pleins, on ne se trouve
pas à acheter cher parce qu'il y a une rareté de produits.
M. Forget: Cependant, ce pourcentage que représentent les
importations n'est pas également réparti dans toutes les
catégories de produits pétroliers. J'imagine qu'en pratique cela
se fait dans certains secteurs, dans certains marchés bien
déterminés, comme le mazout, l'huile à chauffage ou
certains Droduits bien déterminés
M. LeGouar: Sur trois produits de pointe, si vous voulez. Elle se
fait sur de l'essence en été; elle se fait sur du diesel, de
l'huile à fournaise en hiver. Le fuel lourd est beaucoup plus
capricieux, parce que c'est en fonction des marchés et aussi des
qualités de brut qui sont importées.
M. Forget: J'aimerais, M. le Président, attirer
l'attention de la commission sur le deuxième mémoire. Je ne sais
pas si nous aurons le temps d'en discuter, parce qu'il me semble que cela
soulève certains points de droit, effectivement, de droit
québécois qui semblent d'après le mémoire je
crois que c'est un fait qu'on a pu constater au Québec depuis quelques
années gêner le développement de certaines
entreprises intégrées. Il y a un aspect paradoxal au moins dans
cette présentation, puisqu'on serait porté à croire que
ceux qui contrôlent la température à l'intérieur des
édifices, des maisons d'habitation en particulier, sont ceux qui
déterminent plus que n'importe qui l'économie ou la
dépense totale d'énergie pour ces fins, alors qu'on semble
prétendre, dans ce mémoire, que, par la méthode d'un
contrat de chauffage, il est possible de rentabiliser ou de conserver
l'énergie de façon supérieure à toute autre
méthode. C'est bien là votre prétention?
M. LeGouar: Ce sont des méthodes qui ont fait leurs
preuves dans tous les pays européens, mais il est une chose qui est
très importante, justement; pour que cela fonctionne, il faut supprimer
le thermostat individuel par pièce.
M. Forget: Ah bon!
Le Président (M. Laplante): Votre deuxième
document, seriez-vous capable d'en donner un résumé sans le lire?
Sans cela, on sera obligé de suspendre, probablement, pour aller...
M. LeGouar: Je préférerais, si vous voulez,
à ce moment, que nous attendions que nous revenions.
Le Président (M. Laplante): Combien de temps cela peut-il
prendre?
M. LeGouar: Je pense que je peux vous le lire en cinq
minutes.
Le Président (M. Laplante): En cinq minutes? M.
LeGouar: Oui.
Le Président (M. Laplante): D'accord, on va prendre les
cinq minutes.
M. LeGouar: Si vous estimez que l'on doit...
Le Président (M. Laplante): Nous pouvons continuer encore
pour une quinzaine de minutes, pour finir d'entendre votre mémoire afin
de vous donner la chance de retourner à Montréal
après.
M. LeGouar: C'est très aimable. Je vous remercie beaucoup.
J'ai été un peu surpris. Je pensais que c'était à 2
heures. C'est pour cela que j'avais pris des dispositions pour entrer, mais je
suis quand même à votre disposition. C'est trop important.
Le Président (M. Laplante): Allez-y, monsieur.
UTEC-Canada
M. LeGouar: Le désir de créer au Québec une
entreprise d'exploitation de chauffage et de conditionnement de l'air remonte
aux années 1973-
1974, époque à laquelle l'augmentation considérable
du coût des différentes formes d'énergie a conduit les deux
compagnies fondatrices d'UTEC-Canada à estimer que les nouvelles
conditions économiques ainsi apparues allaient très rapidement
conduire les responsables concernés à rechercher une meilleure
utilisation et la conservation de cette énergie.
La Compagnie générale de Chauffe, société
anonyme française, au capital d'environ $10 millions, dont le chiffre
d'affaires consolidé a été, en 1975, de $225 millions, a
été la première entreprise, il y a maintenant plus de
quarante ans, à concevoir et à développer la formule de
l'exploitation de chauffage, d'abord en France, puis ensuite en Europe. Partie
de bases artisanales, elle regroupe maintenant plus de 6000 personnes et s'est
adjoint, par ailleurs, des filiales dans tous les autres pays de l'Europe
occidentale. La Compagnie générale de Chauffe apporte à
UTEC-Canada son expérience de presque un demi-siècle dans la
bonne gestion de l'énergie et l'appui de ses différents services
techniques spécialisés. C'est le type même de la moyenne
entreprise qui est partie d'un stade artisanal et qui a pris la taille de la
grosse et de la moyenne entreprises, aussi bien en France qu'en Allemagne,
qu'en Angleterre, que dans le Bénélux. Alors, je passe pour
elles, puisque j'en ai déjà parlé.
La formule de l'exploitation de chauffage à contrat, nouvelle au
Québec, s'est révélée, dans chacun des pays
d'Europe où elle a été introduite, constituer une solution
éminemment bénéfique pour la collectivité. Cet
intérêt se manifeste dans de multiples domaines.
Economies d'énergie: La prise en charge de la fourniture du
combustible sur une base forfaitaire annuelle constitue la seule formule dans
laquelle une entreprise spécialisée est intéressée
à obtenir de meilleurs rendements de combustion possible et à
éliminer sans relâche des causes de gaspillage de
l'énergie. Ces économies constituent, en effet, pourrait-on dire,
sa raison et son principal moyen de vivre.
Confort des usagers: En majeure partie, les propriétaires
d'immeubles ne disposent pas de personnel de maintenance attitré et
confient la surveillance de leurs installations de chauffage à un
gardien qui ne peut avoir la qualification requise pour assurer un entretien
judicieux et un fonctionnement régulier. En cas d'incident, il est fait
appel à une entreprise extérieure qui intervient coup par coup.
Seul l'exploitant de chauffage, de par sa spécialisation, peut disposer
d'un personnel d'entretien qualifié et bien encadré, et lui seul
est intéressé à intégrer ses interventions dans le
cadre de son programme d'entretien et de renouvellement.
Par ailleurs, il peut être amené, grâce à la
durée de son contrat, à envisager de modifier et améliorer
tout ou une partie de l'installation, il en résulte de tout cela un
meilleur fonctionnement des installations et une diminution sensible du nombre
des arrêts et incidents qui se traduisent par un plus grand confort des
usagers.
Rentabilité des équipements: Grâce à
l'utilisation d'une main-d'oeuvre qualifiée et au recours à des
programmes d'entretien préventifs, l'exploitant de chauffage parvient
à allonger notablement la durée de vie des installations qui lui
sont confiées. Il contribue ainsi à assurer une meilleure
rentabilité de ses équipements. . Pollution: Sa
spécialisation amène l'exploitant de chauffage à rester au
courant des normes sanitaires et techniques et de leur évolution et
à s'en faire un des meilleurs propagateurs. Par son souci constant de
conserver des rendements de combustion élevés, il limite à
leur minimum les émissions de polluants et d'imbrûlés
gazeux et solides. Il participe également à la lutte contre la
pollution de l'eau et contre les sources de bruits.
Sécurité: La compétence technique de l'exploitant
de chauffage et l'entretien méthodique qu'il réalise sur les
installations qui lui sont confiées contribuent à accroître
très fortement leur sécurité. Il en résulte,
notamment, pour les usagers, une forte diminution des risques d'incendie, mais
également des risques d'accidents par électrocution ou explosion.
Cela se traduit aussi, pour le personnel de conduite, par une diminution du
nombre et de la durée des accidents du travail.
Diminution des coûts: Par la rationalisation qu'il introduit entre
les différents services concourant au chauffage d'un immeuble,
l'exploitant de chauffage parvient à diminuer les coûts
d'exploitation, tout en améliorant la qualité du service rendu
aux usagers, et il constitue ainsi un facteur actif de lutte contre
l'inflation.
Emploi: La recherche d'économies dans les consommations de
combustibles et de prolongation de la durée de vie des
équipements, qui est la raison d'être de l'exploitant de
chauffage, ne peut se concevoir sans un accroissement corrélatif du soin
et du temps consacrés à l'entretien et à l'ajustement des
systèmes. Il en résulte une augmentation du nombre des emplois
rattachés à cette activité.
Sur le plan de la qualité de la main-d'oeuvre, l'exploitation de
chauffage à forfait devrait entraîner la création d'une
qualification professionnelle de spécialistes en entretien de
systèmes mécaniques.
Il apparaît ainsi que l'action de l'exploitant de chauffage n'est
pas seulement bénéfique aux propriétaires ou
gérants des immeubles pris sous contrat; elle apporte au niveau de la
collectivité des améliorations très nettes. Une partie
d'entre elles peut se traduire en termes financiers et leur influence sur
l'économie nationale peut s'avérer non négligeable.
D'autres portent sur des facteurs beaucoup moins quantifiables bien qu'aussi
importants, et peuvent jouer un rôle important dans la recherche d'une
meilleure qualité de la vie.
La progression rapide et constante de la Compagnie
générale de chauffe, puis ensuite de toutes ses filiales
étrangères, témoigne de l'intérêt et des
possibilités du concept d'exploitation de chauffage et de
conditionnement de l'air.
Il est donc possible de conclure que l'introduction au Québec de
la formule d'UTEC-Canada
constitue une innovation dans un secteur actuellement très mal
structuré. Elle ne peut qu'être éminemment profitable
à la bonne gestion des ressources énergétiques du pays et
à son économie en général.
Cependant, pour pouvoir atteindre son plein développement, il
serait nécessaire de réviser certaines réglementations
comme:
L'impossibilité actuelle, pour une entreprise d'exploitation de
chauffage, d'employer en son sein des plombiers et des électriciens; la
nécessité d'enregistrer un contrat d'exploitation de chauffage ou
de conditionnement d'air pour assurer sa pérennité en cas de
vente de l'immeuble; l'impossibilité, pour une compagnie d'exploitation
de chauffage, de constituer à son bilan des provisions pour risques
contractuels au titre de la garantie totale.
J'ajouterai que ce chauffage au forfait intéresse aussi bien les
chauffages à l'huile que les chauffages au gaz et les chauffages
à l'électricité.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Joron: Je peux peut-être vous demander... Le
député de Saint-Laurent a déjà posé la
question. Ce sont principalement des implications légales que vous
soulevez. Vos services juridiques, j'imagine, ont dû se pencher sur la
question. Quelle est l'incompatibilité actuelle avec les lois telles que
nous les connaissons, et où des modifications seraient-elles
nécessaires?
M. LeGouar: Si vous permettez, je vais dire à M. Delaporte
de vous répondre.
M. Joron: Avant que vous répondiez, peut-être que le
député de Saint-Laurent voudrait compléter la question ou
y ajouter. En gros, c'est la même chose.
M. Delaporte: Si on fait un petit peu la philosophie du
problème, il faut dire que le Québec a vécu,
jusqu'à il y a quelques années, dans une période
d'euphorie énergétique, dans le sens que l'énergie
coûtait très bon marché et, en quelque sorte, les
structures, aussi bien au point de vue de l'organisation du marché et
l'organisation de la gestion des systèmes énergétiques,
etc., et également donc les structures administratives ou
légales, ont été faites un petit peu en fonction de cela.
On a actuellement un marché qui est très mal structuré,
dans ce sens qu'une quantité d'entreprises qui n'ont aucun lien entre
elles interviennent dans la gestion et l'entretien des systèmes de
chauffage et de conditionnement d'air, et, dans le cas présent, il y a
non seulement ce qui est notre travail, un problème de
présentation commerciale et de mise en route de notre formule, mais il y
a également des difficultés, qui ne sont pas majeures, qui
tiennent à des points de droit ou de réglementation, qui font
qu'il y a des obstacles qui ne sont pas, encore une fois, je le dis,
rédhibitoi-res, mais qui constituent simplement des handi- caps. Nous en
avons cité quelques-uns. On pourrait aller plus loin, en donner
davantage. Mais je pense que les principaux sont dus au fait que notre formule
n'est valable que s'il y a pérennité du contrat. Il est
évident que quand vous prenez un contrat pour un service sur quelque
chose pour un an, le principal souci qu'on a, c'est de dépenser le moins
d'argent possible et de passer la chose au suivant, l'année
suivante.
Mais, quand vous arrivez dans une installation et que vous la prenez en
gestion pour dix ans, on a une conception tout à fait différente.
La première chose qu'on fait, c'est de faire une espèce de
véritable inspection, comme quand vous allez passer un examen
médical, on examine l'installation, je dirais presque de la tête
aux pieds, et on n'hésitera pas à investir, à remplacer
des équipements qui sont visiblement défectueux ou non
efficients. On n'hésitera pas, non plus, à prendre toutes les
mesures d'isolation etc., qui sont rentables sur une période de dix
ans.
Pour que justement l'exploitant de chauffage puisse faire ses
investissements, il faut qu'il soit donc assuré de la
pérennité de son contrat. Dans cette intention, il faut
absolument qu'on ait une garantie. La garantie est simple, elle peut se faire
en faisant ajuster le contrat. Donc, juridiquement, il y a déjà
des formules. Mais, l'expérience européenne prouve, en
particulier en France, que l'intérêt de la formule a
été tellement perçu par le législateur, par le
gouvernement, que depuis maintenant à peu près une quinzaine
d'années, un contrat d'exploitation de chauffage, à partir de
l'instant où, de façon générale... un contrat
d'entretien sur des installations mécaniques dans un immeuble est
automatiquement enregistré, en quelque sorte, il est dispensé des
droits d'enregistrement et il fait partie de l'immeuble. Ce qui autorise toute
entreprise c'est vrai pour des systèmes de protection incendie,
c'est vrai pour toute autre série de système mécanique des
immeubles chargée de la gestion de ces systèmes, pendant
une longue période, à faire les investissements et à
prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires dans ce sens que
justement il y aura pérennité de son contrat.
Maintenant, il y a un deuxième obstacle qui n'est, à mon
avis, que temporaire, puisqu'il devrait être levé dans quelques
années, c'est le fait qu'actuellement, pour employer un
électricien ou un plombier, il faut que dans le capital de l'entreprise,
il y ait physiquement un plombier qualifié ou un électricien
qualifié à la concurrence d'un certain pourcentage du
capital.
Il est évident qu'une compagnie d'exploitation de chauffage ou de
système climatique en général ne peut pas, dans son
capital, additionner une fois 35% de plombiers, plus 35% d'électriciens,
plus éventuellement 35% de frigoristes etc., parce qu'on a vite
dépassé les 100%. Il est donc impossible, dans une entreprise
comme la nôtre, d'avoir directement des électriciens ou des
plombiers. Il y a, encore une fois, des biais juridiques possibles, mais le
seul recours, c'est soit de sous-traiter, soit de constituer une entreprise de
plomberie qui sera
une filiale plus ou moins indépendante, soit de constituer une
entreprise d'électricité, etc.
Vous voyez que ce sont de petits obstacles, cela tient à peu de
choses, en général. Il suffit quelquefois d'une partie de phrase,
sur le plan juridique ou sur le plan du règlement, pour que notre
formule puisse se développer. Je pense que vous avez certainement
dû sentir vous-mêmes qu'elle présente un
intérêt certain pour la communauté, dans ce sens qu'elle
apporte vraiment la prise en charge par une personne technique de tous les
problèmes de conservation de l'énergie et une bonne gestion dans
l'ensemble mécanique dans des immeubles.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je vais peut-être un peu renchérir, parce
qu'il m'apparaît qu'on est ici dans un secteur malgré tout assez
limité au confluent d'un certain nombre de problèmes. Nous avons
eu, ce matin d'ailleurs mon collègue le signalait une
présentation par une entreprise de chauffage et on a signalé la
difficulté, pour le consommateur individuel, de s'y retrouver dans des
prétentions qui peuvent appartenir au marketing aussi bien qu'à
la vérité. Toute politique de conservation de l'énergie,
au niveau du chauffage, suppose quelque part des spécialistes, une
certaine expertise.
Par ailleurs, hier, nous entendions certaines représentations des
fournisseurs indépendants d'huile à chauffage où on
retrouvait, où on retrouve encore beaucoup de fournisseurs artisans qui,
à cause, je pense, d'une retombée dans un décret de la
construction je pense qu'il y a un lien là-dedans, sans pouvoir
l'affirmer absolument ont dû se départir des
spécialistes en entretien qu'ils avaient et ont été des
proies un peu plus faciles pour les grandes compagnies depuis quelque temps.
Donc, il y a là plusieurs problèmes et, dans un pays comme le
Canada et particulièrement au Québec et particulièrement
cet hiver, la question du chauffage comme une des utilisations majeures de
l'énergie est, sans aucun doute, très importante et il y a
là, peut-être, des obstacles plus faciles que les autres à
supprimer parce que ce sont des obstacles réglementaires ou
légaux à une certaine forme d'entreprise qui peut se faire au
niveau artisanal et qui permet à l'utilisateur domestique d'avoir
accès à une expertise qui n'est pas accessible autrement.
M. LeGouar: C'est pourquoi je me permettais justement tout
à l'heure d'insister sur l'intérêt de maintenir en vie les
indépendants et les distributeurs; c'est que le Québec, par
rapport au reste du Canada, représente une situation assez
particulière. Si vous regardez dans les autres provinces, il y a
beaucoup moins de petits distributeurs, il y a beaucoup moins de revendeurs que
vous n'en trouvez au Québec, et je suis certain que cela
représente plusieurs milliers de personnes et plusieurs milliers
d'emplois, tout ce genre de petites activités dans le domaine de la
distribution de détail et de l'entretien des appareils de chauffage.
Le Président (M. Laplante): II n'y a pas d'autres
questions? Messieurs, les membres de cette commission vous remercient de votre
coopération.
M. LeGouar: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Bon retour. M. LeGouar:
Merci.
Le Président (M. Laplante): La séance est suspendue
jusqu'à 20 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 22)
Reprise de la séance à 20 h 35
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!
Mesdames et messieurs, j'invite le Comité de protection de
l'environnement de Lotbinière à nous présenter son
mémoire.
Comité de protection de l'environnement de
Lotbinière
M. Lemay (Roger): M. le Président, messieurs les membres
de la commission, permettez-moi, avec quelques autres membres de notre
comité, de faire la lecture de notre mémoire. Les personnes qui
m'accompagnent sont...
Le Président (M. Laplante): Voulez-vous nous
présenter les personnes qui sont avec vous?
M. Lemay: Oui. Les personnes qui m'accompagnent sont, à ma
droite, M. Serge Payette, professeur agrégé en écologie
à l'Université Laval; à ma gauche: M. Serge Ouellet,
producteur agricole et administrateur de la Fédération de
Québec-Ouest pour l'UPA, M. Jean-Louis Coquereau, étudiant et
secrétaire du comité.
Notre comité se veut le porte-parole d'un peu M. Tout-le-Monde
afin de refléter les questions et les craintes en ce qui concerne
l'énergie pour l'avenir.
Dans le passé, il n'en était pas tout à fait ainsi.
Au début, il fallait faire la lutte contre les grands carnassiers; telle
était, il y a 300 ans, la vie de nos ancêtres, vie qui avait
néanmoins l'avantage d'être parfaitement intégrée
à l'environnement et de ne pas comporter de déficit
énergétique.
Depuis ce temps, bien des choses ont changé et l'on peut, entre
autres choses, noter une amélioration appréciable du mode de vie
de la société. Cet état de choses est, en grande partie,
dû à la découverte et à l'utilisation de certaines
ressources énergétiques telles que le charbon, le pétrole
et l'électricité.
Ces sources d'énergie n'ont évidemment pas apporté
que des choses positives et valables. Elles ont, en effet, introduit
l'apparition de grandes catastrophes techniques et écologiques comme,
par exemple, le naufrage des pétroliers. Considérant les
avantages supérieurs aux désavantages, la société
contemporaine conserva et encouragea donc l'utilisation de ces trois sources
d'énergie que sont la houille, l'or noir et
l'électricité.
Au Québec, depuis le 12 novembre 1970, date où, à
Gentilly, eut lieu le premier fractionnement d'atomes, s'est amorcée une
étape importante et déterminante dans l'histoire
énergétique québécoise, celle du
nucléaire.
Depuis déjà 30 ans, avec l'apparition de l'énergie
nucléaire, ce qui a le plus caractérisé cette
découverte est probablement tout le secret l'entourant. Cela est sans
doute dû à ses origines et à ses implications militaires,
ainsi qu'à son énorme complexité. Un peu comme les
sorciers amérindiens du temps de nos ancêtres, les sorciers, les
magiciens de l'électronucléaire se sont regroupés,
enfermés, cloîtrés au sein d'un "estabblishment"
nucléaire.
Aux Etats-Unis, cet "establishment" symbolisé par les compagnies
multinationales Westinghouse et General Electric est, au Canada,
représenté par le monopole de l'Energie atomique du Canada
Limitée qui se comporte, et l'on peut le constater par les pots-de-vin
offerts à certains agents étrangers pour faciliter la vente de
réacteurs à l'Argentine et à la Corée du Sud, comme
des concurrents privés.
Il est ici important de noter que les deux seuls autres endroits
où l'Energie atomique du Canada Ltée a réussi à
vendre des réacteurs CANDU du type de ceux vendus aux deux endroits
ci-haut mentionnés sont au Québec, à Gentilly et, au
Nouveau-Brunswick, à Pointe Lepreau.
L'Hydro-Québec, elle aussi membre de cet "establishment", pousse
son insolence jusqu'à affirmer les politiques énergétiques
du gouvernement avant que celui-ci ne se soit prononcé sur cette
question. En effet, de quel droit, par quel mandat l'Hydro-Québec
fait-elle de la publicité en faveur de l'énergie
nucléaire? Cette société de la couronne, dans son annonce
publicitaire du samedi 22 janvier 1977, dit ceci: "Mais la stratégie
fondamentale et l'orientation générale du programme demeureront
les mêmes et s'inscriront dans le cadre des politiques gouvernementales
en matière d'énergie." Comment l'Hydro-Québec
pourrait-elle savoir déjà que la politique
énergétique du gouvernement prévoit "une transition
graduelle et harmonieuse entre l'hydraulique et le nucléaire de 1985
à 1995"?
On sait que l'Hydro-Québec est présentement à
l'étude de six sites concernant l'implantation de nouvelles centrales
nucléaires. L'étape immédiate est la demande
d'autorisation au gouvernement québécois de construire une autre
de ces centrales nucléaires à Gentilly.
A cause des nombreux problèmes de réchauffement du fleuve
Saint-Laurent, l'expansion nucléaire doit donc se faire tout le long de
ce cours d'eau. Ce programme d'implantation massive prévoit la
construction de 35 centrales nucléaires d'ici 23 ans. Les sites
présentement à l'étude sont: Montmagny,
Saint-Roch-des-Aulnaies, Rivière-du-Loup, Valleyfield, Grondines et
Sainte-Croix.
La population, qui manque d'ailleurs énormément
d'information, n'est cependant pas prête à se laisser ainsi
manipuler. Voici pourquoi et comment plusieurs personnes du comté de
Lotbinière se sont réunies en un comité de protection de
l'environnement:
Début de juin 1975: L'Hydro-Québec organise une
réunion avec le conseil municipal, les commerçants et les
personnes influentes de Sainte-Croix de Lotbinière afin de leur proposer
l'implantation d'une usine thermonucléaire.
Octobre 1975: L'Hydro-Québec demande à plusieurs
propriétaires de Sainte-Croix l'autorisation d'effectuer des sondages
pour fins d'expertise. A cette date, en plus de n'avoir pas consulté
la population, la société d'Etat envoie des lettres de
remerciements, pour permission de forage, à des personnes n'ayant
même pas accordé cette permission. 21 octobre 1975: C'est pour ces
raisons qu'un groupe de citoyens de Sainte-Croix demande à
l'Hydro-Québec, par pétition, d'abandonner tout simplement son
projet. A la présentation de la pétition, il est convenu que
l'Hydro-Québec vienne donner le 20 janvier 1976 une soirée
d'information pour les futurs expropriés seulement. 20 janvier 1976: La
soirée d'information a effectivement lieu et la société
d'Etat tente de lancer la discussion uniquement sur des questions techniques et
économiques d'expropriation. Elle évite et détourne
soigneusement les quelques questions posées sur la protection de
l'environnement. Au cours de la soirée, l'Hydro-Québec promet,
pour le mois d'avril, le résultat de ses études techniques quant
au choix du futur site nucléaire.
Janvier 1976: Mécontentes de la réunion du 20 janvier et
commençant à se poser de sérieuses questions sur le
nucléaire et ses applications, plusieurs personnes du comté de
Lotbinière décident de former le Comité de protection de
l'environnement de Lotbinière qui aura pour objectif:
De protéger l'environnement;
De rechercher l'information pour la distribuer ensuite à la
population et aux organismes publics;
De faire office d'intermédiaire entre la population et les
organismes publics, en ce qui a trait à la protection de
l'environnement;
D'assurer le plus possible par les objectifs précédents
une vie saine aux citoyens du comté et du Québec.
Avril 1976: Notre comité assiste au quatrième symposium du
Conseil québécois de l'environnement portant sur l'utilisation de
l'énergie nucléaire.
Mai 1976: Notre comité attend toujours le résultat des
études techniques de l'Hydro-Québec que cette
société nous avait pourtant promis pour le mois d'avril. 14
septembre 1976: Notre comité organise une soirée d'information
à laquelle sont invités l'Hydro-Québec, le Conseil
québécois de l'environnement, la population du comté de
Lotbinière, les maires des différentes localités du
même comté et la presse. L'Hydro-Québec refuse notre
invitation.
Le Conseil québécois de l'environnement, par les
présences de MM. Maldague et Pageau, accepte notre invitation. Au cours
de la soirée, il est proposé et accepté unanimement, par
plus de 300 personnes, que le gouvernement définisse au plus tôt
sa politique énergétique et plus spécifiquement celle
concernant le nucléaire. A la suite de cette réunion, notre
comité s'élargit et prend de l'essor.
Depuis le début de sa formation, notre comité s'est
rapidement rendu compte de la complexité, mais surtout des dangers
réels que comporte la construction d'une usine
électro-nucléaire. Ses craintes s'appuient non sur
l'émotivité, mais sur des données et des faits
précis et exacts.
Maintenant, M. le Président, si vous me permettez, j'inviterais
M. Payette à continuer la lecture du document.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez
l'intention de lire tout le document, quoi?
M. Lemay: Oui.
Le Président (M. Laplante): Le temps alloué ne
donnerait peut-être pas la possibilité de lire tout le document,
parce que les personnes de la commission aimeraient probablement vous poser des
questions. Est-ce qu'il y aurait possibilité pour vous de donner un
résumé verbal de votre mémoire?
M. Payette: Bien oui.
M. Lemay: Soit accélérer la lecture ou bien
résumer...
Le Président (M. Laplante): Combien de temps pensez-vous
que cela peut prendre?
M. Lemay: C'est parce que, naturellement, on n'était pas
préparé pour en faire un résumé. Cela nous
amène des complications.
Le Président (M. Laplante): II y a déjà 28
ou 30 pages à lire.
M. Lemay: Cela peut durer à peu près jusqu'à
et quart, et vingt; ce sera pas mal terminé.
Le Président (M. Laplante): Allez-y!
M. Payette: Les prévisions concernant nos futurs besoins
énergétiques sont-elles réalistes?
L'Hydro-Québec justifie son programme nucléaire par une
croissance géométrique de la demande- Cette demande,
prévue actuellement, n'est qu'une extrapolation des tendances du
passé. Lorsque l'on cherche à prévoir les besoins futurs
en énergie, il est fondamental de se demander quel type de
société nous voulons construire, quel type de croissance nous
souhaitons.
Or, notre société occidentale est érigée sur
la base du gaspillage, cela étant encore plus vrai en Amérique du
Nord, et plus particulièrement au Québec où nos
possibilités hydroélectriques nous ont permis de rêver en
couleurs et cela depuis de nombreuses années.
Si nous fondons nos futurs besoins énergétiques à
partir des données actuelles et de nos moeurs actuelles, il est fort
possible, et cela est très facile de le vérifier dès
maintenant, que nous débouchions sur une monstrueuse absurdité
qu'est l'utilisation de l'électro-nucléaire.
Il faut parfois savoir s'arrêter. Si nous ne faisons pas les
premiers pas librement, on peut se demander si les déboires de notre
exploitation nucléaire ne nous obligeront pas à faire ces
quelques pas vers une politique sérieuse d'économie
d'énergie.
Ces déboires et éléments de catastrophe sont
déjà parmi nous et augmentent chaque jour avec la marche d'une
centrale atomique. La cumulation des déchets nucléaires engendre
irréversiblement des changements dans la nature terrestre, ce qui fait
naître en nous des questions et des craintes.
Les déchets nucléaires et leurs effets: Parmi toutes les
controverses sur le nucléaire, la question des déchets
nucléaires est peut-être l'élément qui revient le
plus souvent. C'est en effet une question qui est loin d'être
réglée et qui nous fait croire qu'à lui seul ce
problème exige l'arrêt immédiat de tout programme
nucléaire.
Les déchets nucléaires: La pollution nucléaire peut
se produire à tous les stades du cycle nucléaire, depuis
l'extraction de l'uranium jusqu'à l'élimination ultime des
déchets radio-actifs, en passant par la construction de la centrale, par
son fonctionnement, par la manipulation des déchets jusqu'à
l'usine de traitement, ainsi que par leur transport vers les lieux de stockage
ou d'élimination.
Au cours du cycle nucléaire, les plus importantes sources de
contamination se produisent lors du traitement et de la concentration des
déchets dans les usines de recyclage, lors de leur en-treposege et ou
lors de leur élimination.
Dans le premier cas, il y a émanation de gaz radioactifs tels que
le krypton, le xénon et l'iode. Ces éléments, ainsi que le
tritium sont aussi rejetés dans les affluents ou les cours d'eau
adjacents. Ces éléments sont accompagnés par une partie
des produits de fission, tels que le strontium, le césium, le
ruthénium.
Les déchets radioactifs concentrés dans des culasses
apparemment hermétiques présentent les plus grands risques de
pollution nucléaire. Le plutonium-239 dont la demi-vie est de 24 000 ans
est l'élément radioactif le plus dangereux et le plus important
de ceux contenus dans les culasses. Il n'existe pas d'endroit sur le globe qui
présente les garanties nécessaires contre toute fuite de
radiations. Les culasses n'ont pas une espérance de vie aussi longue que
l'élément radioactif qu'elles contiennent. Il faudra environ 500
000 ans avant que les déchets de plutonium ne deviennent inoffensifs. Il
semble inimaginable d'envisager une période aussi longue de risques
perpétuels de pollution nucléaire, d'autant plus que ces
déchets peuvent devenir un instrument de chantage militaire ou
terroriste.
Un rapport récent montre que les deux seuls moyens de se
débarrasser de façon définitive des déchets, et
encore là ce n'est pas prouvé, sont, d'une part, de les
expédier à l'aide de puissantes fusées vers le soleil ou
le cosmos. Quel en sera le coût? On estime que les Etats-Unis devront
envoyer, vers l'an 2000, environ 5 fusées par jour vers le soleil pour
se libérer des déchets produits par les quelque 2000 centrales en
opération. Le danger d'une explosion ou d'un retour vers la terre d'une
fusée bourrée de déchets radioactifs est évident et
le sérieux avec lequel cette solution possible est envisagée fait
preuve de l'ampleur du problème.
Un autre moyen serait évidemment la transmutation. Encore
là, il ne semble pas y avoir une sécurité maximum avec
cette technique qui, jusqu'ici, n'a même pas été accomplie
en laboratoire.
Ainsi, on peut dire qu'il n'existe aucune solution sécuritaire
vis-à-vis des déchets des centrales nucléaires. Ces
déchets figurent parmi les plus sérieux problèmes
d'environnement que le monde ait connus. On ne peut hypothéquer les
générations futures en utilisant le nucléaire. Il n'existe
aucun contrôle de la pollution. De plus, la période pendant
laquelle les radiations demeurent un danger important est d'ordre
géologique et l'avènement des futures glaciations sera un autre
facteur important à retenir dans l'établissement d'une politique
de contrôle.
Les effets des radiations. Suite au développement de
l'énergie nucléaire, toutes les radiations ionisantes dans la
biosphère sont un risque potentiel de lésions pathologiques et
génétiques. En effet, l'opération normale du CANDU
implique une émission constante de radioactivité selon des doses
jugées acceptables par les ingénieurs. Il faut cependant
souligner qu'il n'existe pas de dose sécuritaire; toute norme, si basse
soit-elle, n'est qu'un compromis entre les exigences techniques et les risques
de maladie.
Ce problème peut être lourd de conséquences quand on
sait que toute fuite de radioactivité dans la biosphère ne peut
être contrée actuellement. La seule façon pratique de faire
disparaître la radioactivité est de laisser aux radio-isotopes le
temps de se désintégrer.
En conséquence, la lutte contre la pollution nucléaire ne
s'engage que par la prévention. Le problème est de taille, car il
n'existe aucune possibilité, soit par biodégradation ou autre,
permettant de faire disparaître une telle pollution de
l'environnement.
Les effets de la pollution nucléaire chez l'homme. L'exposition
permanente à de faibles doses d'irradiation peut produire les effets
suivants: diminution de la vigueur physiologique reliée, entre autres,
à une diminution de croissance, à une diminution de
résistance aux poisons et à une perte de capacité de
défense immunitaire de l'organisme. Diminution de la
longévité. Apparition de mutations, souvent subléthales,
se manifestant entre autres, en deuxième et troisième
génération. Apparition de cancers, apparition de la
stérilité, surtout chez les femmes.
La mobilité des éléments radioactifs. Les
éléments radioactifs libérés dans
l'atmosphère sont entraînés par la circulation
atmosphérique globale et contaminent des territoires
éloignés. Ces éléments sont ramenés à
la surface du sol par les précipitations et sont alors
intégrés dans la circulation des éléments
minéraux des écosystèmes. A partir du sol, ils sont pris
en charge par les végétaux et assimilés par les animaux.
Ils circulent ainsi au sein des chaînes alimentaires et se concentrent
à des niveaux trophiques particuliers.
C'est le cas de plusieurs éléments radioactifs dont le
strontium et le césium. Le strontium, entre
autres, a une affinité pour les os, car il possède la
même physiologie que le calcium et, le césium a une
affinité pour les muscles.
Les jeunes possèdent un potentiel de rétention du
strontium plus grand que celui des adultes et, de ce fait, sont davantage
exposés à la pollution nucléaire des aliments.
D'autre part, on sait que la chaîne alimentaire traditionnelle des
Inuit de l'Alaska est polluée par le césium-137. Ce dernier,
provenant de retombées nucléaires, s'accumule dans les lichens;
ces végétaux sont mangés par les caribous qui concentrent
ce radionucléide en grande quantité; les consommateurs de viande
de caribou sont alors exposés à des doses plus importantes de
radiation.
Sachant que la résistance aux radiations varie
énormément d'un individu à l'autre, les seuils de
tolérance et de nocivité semblent actuellement inacceptables.
Toute exposition radionucléaire, faible ou importante, est cumulative,
ce qui permet de dire qu'elle présente un risque, à plus ou moins
long terme, d'apparition de cancer ou de mutations
génétiques.
Les dangers d'une contamination radioactive ne sont pas le seul fruit de
la marche normale d'une centrale nucléaire; ils peuvent aussi survenir
dans un cas d'accident impliquant cette même centrale. Mais nous allons
passer outre les accidents pour discuter, en page 16, des assurances.
Un indice très révélateur des risques
associés à l'exploitation du nucléaire est
l'assurance-accidents qui doit être achetée par les compagnies
exploitant l'électronucléaire.
Au Canada, la loi fédérale exige que chaque installation
nucléaire soit assurée pour $75 millions, ce qui a pour
conséquence que les contribuables doivent payer une prime annuelle de
l'ordre de $750 000 par site nucléaire. Aux Etats-Unis, chaque
installation atomique doit être couverte par une police d'assurance de
$560 millions.
Les dangers séismiques. Trois des six sites
étudiés, Montmagny, Saint-Roch-des-Aulnaies et .
Rivière-du-Loup, se trouvent au centre d'une des zones sismiques les
plus dangereuses au Canada.
Une combinaison d'un tremblement de terre et par conséquent d'un
accident nucléaire aurait des conséquences telles qu'elle
rendrait presque impossible toutes les opérations de secours et pourrait
ainsi forcer les sinistrés à demeurer dans la zone de
radioactivité pour éviter de contaminer le reste de la population
québécoise.
D'autres dangers. Il y a d'autres types de dangers associés au
transport des déchets, à l'entreposage de ces déchets
ainsi qu'à la vulnérabilité d'une centrale atomique. En
effet, il n'y a pas seulement l'erreur humaine qui soit à craindre. Il
est tout à fait concevable qu'un groupe terroriste puisse enlever un
camion transportant des déchets nucléaires afin d'en faire soit
un élément de chantage ou une bombe atomique.
Une centrale nucléaire pourrait même et le 28
novembre 1976, cela s'est produit en Suède être
visée par un quelconque groupe extrémiste.
Notre comité s'oppose donc à la construction de centrales
nucléaires pour toutes ces questions et craintes mais aussi à
cause de la rentabilité du nucléaire qui est loin d'être
encore prouvée.
M. Lemay: Si vous me permettez, M. le Président,
j'inviterais M. Serge Ouellet à continuer la lecture.
M. Ouellet: La rentabilité même de l'énergie
nucléaire. Certains affirment qu'effectivement, l'utilisation du
nucléaire comporte de nombreux risques, mais, parce que nous avons
besoin d'énergie, il faut s'y résigner.
Comment peut-on se résigner à l'utilisation d'une source
énergétique dont la rentabilité économique et
sociale n'est même pas prouvée? Dans les années 50, le
président de la Commission de l'énergie atomique des Etats-Unis,
M. Lewis Strauss, affirmait que l'électricité produite par
l'énergie nucléaire coûterait tellement peu cher que l'on
n'aurait plus besoin de compteurs. C'était il y a vingt ans.
Aujourd'hui, la réalité est tout autre. Il suffit de
mentionner les coûts de construction d'une centrale atomique de type
CANDU à Pointe Lepreau, au Nouveau-Brunswick, qui, selon l'Energie
atomique du Canada Limitée, sont actuellement de $635 millions. Avant
longtemps et selon certaines estimations, s'appuyant sur l'exemple des jeux
Olympiques et de la baie James, les coûts de construction d'une telle
centrale passeront facilement à plus de $1 milliard. Cet état de
choses est particulièrement dû à l'augmentation constante
des coûts des matériaux et de la main-d'oeuvre ainsi qu'à
la nécessité de rendre toujours plus sécuritaires les
systèmes de sécurité.
En ce qui a trait au coût du combustible, les prix de l'uranium
sont, selon L'Eldorado Nuclear Company, passés en l'espace des deux
dernières années de $8 à $40 la livre, et personne n'ose
prédire les taux des prochaines augmentations.
A ces coûts déjà importants et toujours grimpants,
il faut ajouter: le coût du loyer pour l'entreposage des déchets
nucléaires pour une période d'un demi-million d'années; le
coût de démantèlement d'une centrale atomique, après
sa courte vie de 30 ans, avec restauration du site qui, selon l'Institut
Economique et juridique de l'énergie de France, est au moins égal
au coût de construction; le coût d'opération et d'entretien
de la centrale ainsi que le coût des primes d'assurance dont nous avons
déjà parlé.
Il ne suffit pas, cependant, de mettre la seule rentabilité
économique en doute.
La rentabilité sociale. Quand nous voulons étudier
sérieusement l'implantation nucléaire, il est essentiel de
s'attarder à la rentabilité sociale d'une telle entreprise. C'est
ainsi que nous viennent en tête de nombreuses questions: Quels sont les
coûts médicaux nécessaires au traitement des nombreux cas
de cancer qui apparaissent avec l'utilisation du nucléaire? Les docteurs
John Gofman et Arthur Tamplin, de la Commission de l'énergie atomique de
Livermore, Californie, affir-
ment que même si les normes de fuites radioactives acceptables
sont respectées, 32 000 nouveaux cas de cancer et de leucémie
mortels, dus à cette radioactivité, apparaissent chaque
année aux Etats-Unis seulement.
Quels sont les coûts de la sécurité policière
nécessaire à la protection des sites de centrales
nucléaires et d'entreposage des déchets radioactifs ainsi
qu'à la protection de ces mêmes déchets et de l'uranium
durant le transport?
La remise en question de la rentabilité économique mais
surtout sociale de l'utilisation du nucléaire semble prendre toute sa
valeur lorsqu'on étudie les implications agricoles du programme
atomique.
Un exemple: l'agriculture. Le programme d'implantation massive du
nucléaire au Québec se réaliserait presque totalement le
long de la vallée du Saint-Laurent, là où se tiennent
justement les meilleures terres agricoles du Québec.
Alors que l'on considère à deux acres par habitant la
surface nécessaire à l'autosuffisance alimentaire d'un Etat, le
rapport est, au Québec, de 1,2 acre par habitant et cela, selon un
rapport de septembre 1976, du ministère de l'Agriculture du
Québec. L'implantation d'usines thermonucléaires au Québec
ne saurait améliorer cette précaire situation agricole.
Ce n'est pas tellement la construction de la centrale elle-même
qui viole les terres agricoles, mais bien toute l'infrastructure qui
l'accompagne. On n'a qu'à songer aux constructions de routes, de lignes
à haute tension et d'usines connexes.
Cette énorme infrastructure technique en territoire agricole
engendrerait aussi, et surtout, un impact social tellement grave et profond
qu'elle risquerait de changer toute une mentalité, tout un
système de valeurs, en faisant de l'agriculture une valeur sociale
désuète, inutile et bien vite abandonnée.
Le producteur agricole qui verrait, en effet, construire près de
chez lui une centrale nucléaire n'aurait-il pas tendance, à cause
des grandes difficultés financières qu'il a de par la nature
actuelle de son métier, à abandonner sa ferme pour tenter de s'y
trouver un emploi? Cela est fortement à craindre.
Plus loin, de nombreux autres producteurs devraient sans doute
être en partie expropriés pour faire place aux lignes de
transmission qui, à cause du caractère très
centralisé de la production énergétique nucléaire,
parcourraient et annihileraient de grandes superficies agraires.
C'est donc dire que la construction de 35 usines
thermonucléaires, sur les rives du Saint-Laurent, briserait
littéralement le contexte social et économique de nombreuses
régions agricoles.
Alors qu'au cours de la dernière campagne électorale le
Parti québécois a fait de l'agriculture un de ses principaux
thèmes, alors que le ministre Garon s'apprête à
déposer une loi sur le zonage agricole, afin, espère-t-on, de
protéger l'agriculture, permettra-t-on encore de détruire
certaines régions agricoles?
On oublie trop facilement que l'éloignement des centrales
nucléaires par rapport aux centres urbains ne règle en rien les
questions de sécurité, à cause du transport, de la
radioactivité par l'atmosphère et dans la nourriture.
Il n'y a qu'à se promener à Gentilly pour constater la
triste aventure d'une région agricole aux terres si bonnes et aux
possibilités si grandes. Peut-on réellement encore se permettre
de perdre, d'abandonner des terres agricoles au développement
nucléaire?
Notre comité affirme donc qu'en plus de ne pas être
sécuritaire du tout l'énergie électronucléaire
n'est pas rentable ni économiquement ni socialement et coûterait
beaucoup trop cher aux contribuables québécois.
Ce comité est-il le seul à remettre
l'électronu-cléaire en question? Non. Déjà depuis
plusieurs années, avec l'ouverture de certains dossiers, un nombre de
plus en plus imposant de personnes et d'organismes se posent de
sérieuses questions en ce qui a trait à l'utilisation de
l'énergie atomique.
M. Lemay: M. le Président, j'inviterais M. Jean-Louis
Coquereau à continuer la lecture.
M. Coquereau (Jean-Louis): Deuxième partie. Ailleurs dans
le monde.
En 1971, des associations écologiques américaines
renversent, par une décision de la cour basée sur les
règles du National Environmental Policy Act, une décision de la
commission. On donna gain de cause aux écologistes. C'est-à-dire
que c'est une décision qui a fait en sorte de ne pas construire un
surgénérateur sur le site de Calvert Cliffs.
En septembre 1973, par décision de la Cour fédérale
américaine, la centrale surgénératrice qui devait
être installée au centre d'Oak Ridge dans le Tennessee ne pourra
être construite tant que l'Atomic Energy Commission n'aura pas
présenté une étude complète des conséquences
de cette réalisation sur l'environnement.
Novembre 1974. Les docteurs John Gofman et Arthur Tamplin, de la
Commission de l'énergie atomique à Levermore en Californie,
déclarent au New York Times que l'Atomic Commission of Energy des
Etats-Unis s'emploie sciemment, depuis dix ans, à cacher aux citoyens
américains les réels dangers que leur font encourir les centrales
nucléaires.
Février 1975. 400 scientifiques français se
réveillent et tentent de réveiller la population sur le
problème du nucléaire.
Février 1976. L'ingénieur-chef, responsable de la
sécurité des opérations aux centrales d'Indian Point dans
l'Etat du Vermont, M. Pollard, invoque de graves erreurs de conception des
systèmes de sécurité que les autorités continuent
de vouloir ignorer. 1976. En Suède, durant la majeure partie de la
campagne électorale, les sociaux-démocrates ont été
sur la défensive face aux attaques du chef du parti du centre, M.
Faelldin. Opposant irréductible aux projets gouvernementaux en
matière de développement de l'énergie nucléaire, M.
Faelldin est parvenu à faire de cette question le sujet central des
élections et les a ainsi remportées.
En septembre 1976, en Grande-Bretagne, la Commission royale
d'enquête sur l'environnement publie son sixième rapport
intitulé La puissance nucléaire et l'environnement. Ce rapport
soulève de nombreuses questions et craintes face au développement
massif du nucléaire.
Par ces quelques exemples, il est facile de constater que le mouvement
antinucléaire s'est, depuis le début des années
soixante-dix, énormément développé.
Les solutions de rechange. Notre comité tentera, dans les lignes
qui suivront, non pas d'apporter des solutions techniques précises, mais
bien de proposer une démarche, une façon de voir
différente qui, si elle est adoptée, permettra au Québec
de sauter une étape énergétique qui s'avère
déjà courte et précaire, celle du nucléaire.
L'économie d'énergie. Notre comité croit, et les
analyses futures nous donneront sans aucun doute raison, qu'une partie
énorme de la solution à nos problèmes
énergétiques est l'adoption d'une politique d'économie et
de décentralisation de l'énergie.
En effet, la centralisation des sources d'énergie augmente
considérablement la dépendance des citoyens envers les
entreprises d'utilité publique, tout en constituant un honteux
gaspillage qui pèse lourd au niveau de l'écologie et de la dette
publique. Dans la même veine, on peut se demander si
l'Hydro-Québec n'est pas en train de devenir plutôt une entreprise
financière qu'un service d'utilité publique.
Le premier ministre Lévesque a lui-même, au cours d'une
conférence de presse, annoncé la création d'un bureau de
conservation de l'énergie. Ce premier pas vers une politique
énergétique globale permettra, s'il est bien dirigé, de
faire des économies substantielles d'énergie et donc de
capitaux.
Evidemment, ces actions ne pourront être jugées à
leur juste valeur que si elles sont accompagnées d'une politique de
sensibilisation et d'éducation de la population qui y verrait là
un moyen pratique de réduire sa consommation, donc ses comptes
d'électricité.
L'énergie douce. Les sources d'énergie douce sont, de par
leur définition, des sources d'énergie renouvelables, sans danger
pour le milieu, économiques et décentralisées.
Ces sources sont nombreuses et leur utilisation ne remonte pas à
hier. Depuis des millénaires, par exemple, l'homme, par le biais de
l'agriculture, utilise abondamment l'énergie solaire.
On peut nommer l'énergie solaire, l'énergie
éolienne, le méthane, l'énergie géothermique,
l'énergie hydroélectrique.
L'hydroélectricité a été la première
source énergétique importante au Québec.
De nombreux petits cours d'eau ont cessé, depuis quelques
années, de produire de l'énergie électrique. Pourtant,
c'était un moyen pratique et décentralisé qui, s'il
était réutilisé, permettrait lui aussi d'éviter la
période nucléaire de l'histoire énergétique
québécoise.
Il s'agirait de repenser son utilisation dans une optique
d'économie, afin d'éviter certaines er- reurs de gigantisme qui,
selon certains, posent de graves problèmes écologiques.
Il existe donc de nombreuses sources de production
énergétique renouvelables, inépuisables, propres et
gratuites. Cependant, de nombreuses sociétés, privées ou
publiques, s'emploient à nous prouver que l'énergie solaire, par
exemple, ne sera pas utilisable avant l'an 2000. Ces sociétés
veulent d'abord nous imposer l'atome, dit pacifique, afin de ne pas perdre le
nucléaire et tous les avantages qu'elles en retirent. Ainsi, selon le
député Abou-rezk, du Congrès américain, Shell a
acheté Solar Energy Systems et Exxon, Solar Power de Brain-tree,
Massachussetts, pour les mettre en banqueroute.
L'autosuffisance énergétique. Il nous semble que l'Etat du
Québec devrait tendre vers l'autosuffisance énergétique.
Pour cela, il est indispensable que le Québec se dote d'une politique
énergétique intégrée et rationnelle. Il est aussi
indispensable que le gouvernement du Québec détienne l'entier
contrôle de la politique énergétique sur son territoire.
Or, si le Québec investit dans l'énergie nucléaire
canadienne, il se rend par conséquent dépendant de la politique
nucléaire canadienne. Il aliène ainsi non seulement son
indépendance énergétique, mais aussi son propre
développement économique.
Notre comité croit donc nécessaire que le gouvernement
envisage dès maintenant une recherche et une utilisation des sources
d'énergie douce, ce qui nous éviterait de nombreux et graves
problèmes énergétiques, du moins ceux engendrés par
le nucléaire.
M. Lemay: M. le Président, le Comité de protection
de l'environnement de Lotbinière affirme donc qu'à cause de ces
nombreuses et néfastes implications écologiques, sociales et
économiques, l'utilisation de l'énergie nucléaire comporte
trop de risques et doit par conséquent être complètement
abandonnée.
Notre comité ne tient absolument pas à ce que la
population soit précipitée dans ce qui serait une aventure
technique coûteuse, dangereuse et inutile.
L'énergie est un bien, mais aussi un besoin collectif qui doit
devenir la responsabilité de tous. Cette question, ce problème
qu'est l'énergie, s'il demeure le monopole des seuls experts
impliqués dans le développement et l'utilisation de
l'énergie nucléaire, risque de nous entraîner vers des
erreurs, des catastrophes dont les effets sont irréversibles.
C'est dans cette optique, celle de la consultation, que notre
comité recommande au gouvernement: 1. Qu'un programme d'économie
de l'énergie soit imposé au plus tôt, afin de faire vivre
le Québec selon ses moyens énergétiques. Une vaste
campagne de sensibilisation serait, à cette fin, un moyen pratique pour
faire de ce programme une réussite. 2. Notre comité recommande
qu'une consultation permanente de la population et d'experts in-
dépendants soit assurée au sein d'une régie de
l'énergie. 3. Notre comité recommande que le Québec
investisse plus dans la recherche en énergie douce. 4. Notre
comité recommande que le Québec s'abstienne de toute autre
implantation d'usine nucléaire, y compris Gentilly III. Après
l'amiante, le mercure et l'arsenic, allons-nous nous laisser imposer le
nucléaire avec toutes ses conséquences? Quel type de
société voulons-nous donc construire?
Merci, M. le Président, merci, MM. les membres, de votre
attention.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Joron: En lisant la dernière phrase de votre
mémoire, j'hésite à prendre la parole. Vous ne soulevez
pas une mince question. Ecoutez, je ne sais pas trop, je vous avoue, par quel
bout prendre la chose au départ, mais commençons donc peut
être par ceci. J'aimerais que vous nous explicitiez davantage ce que vous
entendez quand vous parlez à la page 29 d'une politique
énergétique intégrée et rationnelle. S'il ne doit
pas y avoir de nucléaire dans les programmes de développement
futur, par quoi cela est-il remplacé? En somme, pourriez-vous vous
expliquer davantage sur cette politique intégrée et rationnelle?
Quels en sont les composantes, les orientations, les moyens d'action et toutes
ces choses? Pour commencer, disons, partons du plus général. J'ai
d'autres questions plus spécifiques, mais...
Une Voix: J'inviterais M. Payette.
M. Payette: Ce que je pourrais dire au départ, c'est que,
premièrement, on consomme beaucoup d'énergie actuellement et il
est à se demander si cette consommation est bien réaliste. On vit
peut-être au-dessus de nos moyens, effectivement, au point de vue
énergétique. On sait que les prévisions de l'Hydro, en
fait, pour justifier ses demandes, pour contruire, à partir, entre
autres, de 1985, et avoir des centrales nucléaires, c'est basé
sur une augmentation annuelle de la consommation de l'électricité
d'environ 7,5%. Alors, est-ce qu'effectivement cette hausse annuelle est
justifiée? On sait qu'aux Etats-Unis, entre autres, cette hausse est de
3,5%. Evidemment, cela voudrait dire qu'on consomme au moins deux fois plus que
les Américains. Il y a sûrement du travail à faire dans ce
sens de commencer à penser à une conservation de
l'énergie, parce qu'on a considéré jusqu'à
maintenant l'énergie comme étant un produit à vendre, un
produit commercialisable, alors que cela devient, en fait, un problème
de base. Notre société n'a plus le moyen de laisser, en somme,
des "politiques énergétiques", déterminées par des
multinationales ou des groupes privés tout au moins. Alors, sur ce plan,
je pense bien qu'une remise en question de notre type de consommation
d'énergie doit être envisagée. A ce moment, je ne crois pas
nécessairement que cette hausse annuelle de 7,5% soit justifiée.
Je ne dis pas qu'il ne doit pas nécessairement y avoir de hausse,
sûrement qu'il y a un besoin dans ce sens. Le problème auquel on
fait face actuellement, c'est qu'il n'y a jamais eu de prévisions
à long terme, en ce qui concerne l'utilisation et la consommation de
l'énergie. Evidemment, on arrive devant un état de fait, surtout
aux Etats-Unis, où c'est sûrement beaucoup plus crucial qu'ici.
Les Etats-Unis n'ont sûrement pas le choix de prendre le
nucléaire, parce qu'on n'a jamais suscité de recherches
importantes sur l'énergie douce, en général. Evidemment,
on arrive aujourd'hui et on réalise qu'il faut faire de la recherche
là-dessus. Probablement que les spécialistes ont raison dans une
certaine mesure de prétendre que cette énergie solaire, entre
autres, sera utilisable commercialement peut-être dans quinze ans ou dans
vingt ans.
Les Etats-Unis sont peut-être aux prises avec ce problème.
Ici, je ne pense pas nécessairement qu'on soit aux prises avec ce
problème. Je pense qu'avec une politique de conservation de
l'énergie entre autres, on pourrait diminuer dans une certaine mesure
cette augmentation annuelle et édu-quer les gens à prendre
conscience que cette énergie est difficile à avoir. On
réalise très bien que l'électricité coûte
plus cher aux particuliers et aux hôpitaux, alors que les compagnies
privées ont des coûts préférentiels. Cela
paraît aberrant au départ. D'ailleurs, plus elles consomment,
moins cela leur coûte cher. Je pense bien que, dans ce cadre, il faut
penser à une économie de l'énergie.
Maintenant, utiliser l'énergie, développer des sources
d'énergie, en fait, locales, décentraliser cette énergie,
c'est sûrement possible.
Je peux vous dire je pense bien que tous les
députés ici vont être de mon avis là-dessus
qu'on ne peut évidemment pas prévoir que s'il y a une
augmentation des activités industrielles qui nécessite une
augmentation importante de la consommation de l'énergie, bien sûr,
dans ce contexte, il y a certaines sources d'énergie qui devront
être mises de côté. Mais si on pense nécessairement
à la grande entreprise, il est possible que certaines sources
d'énergie comme le nucléaire soient utilisées. Je ne dis
pas qu'on est d'accord là-dessus, mais il est tout à fait
possible, et on va nous prouver par toutes sortes de chiffres et toutes sortes
de moyens, que ça va être valable.
Je pense donc que le premier point, c'est de s'arrêter et prendre
conscience que les augmentations projetées par l'Hydro-Québec
sont peut-être discutables, que la consommation de l'énergie par
les Québécois est peut-être trop forte. Les Suédois
ont un mode de vie identique à celui des Américains, et
consomment au moins deux fois moins d'électricité qu'eux. Ce
serait apparemment la même chose pour les Suisses chez eux. Je pense bien
que, dans une vingtaine d'années, un processus comme celui-là
pourrait être amorcé et on réutiliserait cette
énergie dépensée inutilement vers d'autres fins.
L'utilisation locale de certaines sources d'énergie, donc,
décentraliser. Je pense bien que
ça pourrait être réalisable. Maintenant, beaucoup de
travaux de base n'ont pas été faits dans ce sens-là, mais
je pense bien que le Québec a la chance actuellement de
développer cette recherche dans ces énergies douces.
Est-ce que vous avez d'autres choses à ajouter?
M. Joron: L'essentiel de votre argument est basé sur une
décélération de l'augmentation annuelle pour la demande
d'énergie. L'essentiel de votre raisonnement repose là-dessus.
Remarquez que ça ne résout pas nécessairement les
problèmes à très long terme, parce qu'une fois
épuisée toute l'hydroélectricité, et s'il n'y a
plus de pétrole sur le globe on parle peut-être
évidemment au 21e siècle il faudra, tôt ou tard, se
diriger vers d'autres choses. L'énergie douce, moi aussi, j'y crois, je
la souhaite, aussitôt qu'elle sera disponible. Mais il faudrait se rendre
compte qu'elle ne remplit pas toutes les fonctions. Elle peut servir au
chauffage partiel des habitations privées. Mais ça, c'est une
petite partie de notre bilan énergétique. Cela ne règle
pas le problème du chauffage en général. Cela ne
règle pas le problème de l'industrie qui est un grand
consommateur d'énergie, évidemment. Il y a le transport,
l'industrie et le domestique. L'énergie douce peut répondre
à une partie du problème. Pour l'instant, en tout cas, on ne voit
pas comment cela pourrait répondre à l'ensemble du
problème.
Je veux revenir sur votre question des taux de croissance. Vous faites
référence au plan de développement de
l'Hydro-Québec basé sur un taux de croissance de 7 1/2%, en fait,
c'est même 7 3/4% par année. C'est évidemment ce qui est
arrivé dans le passé projeté sur l'avenir, mais,
objectivement, moi aussi, si la part de l'électricité, dans le
bilan global, devait rester la même, j'aurais tendance à croire
que ce taux est exagéré. Mais ce qui se produit à l'heure
actuelle, c'est qu'il y a un déplacement d'anciennes formes
d'énergie vers l'électricité. Ce n'est pas que la demande
par habitant en électricité comme telle, pour même usage
l'année dernière, augmente à ce point, c'est qu'il y a des
maisons qui étaient au pétrole l'année dernière,
qui sont à l'électricité cette année. Les deux
tiers des nouvelles maisons construites l'an passé sont allées au
chauffage électrique. Il y a un déplacement d'autres types
d'énergie vers l'électricité qui fait une pression
considérable sur les besoins de l'Hydro-Québec. L'augmentation de
la demande, cette année, finalement, aura été voisine de
10%. C'est même au-delà des 7,75%. Dans certaines régions,
notamment celle des Laurentides, cela atteint quasiment le taux de croissance
de 25%.
Si, d'une part, on cherche à se prémunir contre une
pénurie ou des difficultés d'approvisionnement éventuelles
dans les sources non renouvelables comme le pétrole et le gaz naturel
qui, temporairement, peut boucher un trou, mais qui, éventuellement
aussi, finira par être épuisé, si on cherche à se
prémunir contre ça, d'une part, tout en souhaitant une plus
grande autosuffi- sance, c'est loin de faire baisser le taux de croissance pour
la demande électrique au Québec. J'ai bien l'impression que
ça pourrait avoir tendance à le faire augmenter, même
compte tenu de mesures et d'un succès inespéré d'un
programme de conservation d'économie d'énergie, simplement par le
jeu du déplacement dont je parlais tout à l'heure.
Sauf peut-être des scientifiques qui font un "trip", comme
on dit, sur le nucléaire et qui y tiennent absolument, personne ne va y
aller de gaieté de coeur nécessairement dans cette affaire, mais
ce qu'il faut savoir c'est: Est-ce qu'on va être pris, si on n'y va pas,
avec une pénurie, à un moment donné? Après avoir,
idéalement, exploité toutes les ressources
hydroélectriques possibles, est-ce que les sources nouvelles vont
arriver à temps pour nous faire franchir le pas? C'est une question que
je veux vous poser aussi. Toute votre argumentation contre la filière
nucléaire traite de la fission nucléaire. Je ne sais pas si vous
avez pensé à la fusion nucléaire qui ne pose pas les
mêmes problèmes de déchets et tous ces trucs-là.
Evidemment, la fusion nucléaire, ce n'est pas pour demain.
M. Payette: Ce n'est pas pour demain.
M. Joron: C'est pour le début du siècle prochain.
Si on avait le temps d'attendre et de faire le saut pour se dispenser d'une
étape, ce serait peut-être... Je voudrais savoir ce que vous
pensez de cette question et si vous avez mesuré le fait de ne pas entrer
dans un programme de fission nucléaire d'ici, par exemple, à la
fin du siècle, quelles répercussions cela aurait sur le taux de
croissance de la demande globale d'énergie? Qu'est-ce que cela
implique?
M. Ouellet: Dans votre commentaire, je veux relever quelques
points qui peuvent peut-être nous aider à répondre. Vous
parliez tout à l'heure d'énergie non renouvelable.
L'énergie nucléaire est une énergie non renouvelable.
C'est une énergie probablement temporaire aussi. Il est fort probable
qu'au rythme où cela va la matière première va manquer
assez rapidement.
Vous vous demandez: Est-ce qu'on peut attendre l'autre étape, en
sauter une? Pour une fois, est-ce que le Québec peut commencer un petit
peu avant les autres à mettre des choses en marche? Pas dire: C'est le
temps du nucléaire, un peu partout, c'est la mode, on va s'enligner en
arrière de cela.
La demande électrique vous êtes tous conscients de cela,
c'est une demande de pointe. J'ai visité les grands barrages, il y a
quelques années, je trouvais cela bien beau, mais, à neuf heures
et demie de la matinée, c'est effrayant ce qu'il ne se consomme pas
d'électricité. C'est une demande de pointe de quelques heures.
Est-ce que cela vaut la peine, en tant que Québécois, de dire: On
va essayer non pas de diminuer notre mode de vie ou de ralentir notre mode de
vie, mais de changer peut-être un petit peu notre mode de vie,
de penser à des moyens où ces fameuses heures de pointe ne
seraient pas aussi fortes. Seulement par là, je suis certain qu'on
retarde l'échéance de quelques années. C'est facile
à prouver. A cinq heures, l'après-midi, dans le mois de
décembre, cela prend de l'électricité. Cela en est une. Il
n'y aurait pas moyen, peut-être, de changer cela, de ne pas brancher
toutes nos autos à la même heure quand on arrive de travailler. Ce
sont toutes des choses qui peut-être, en tout cas, pourraient
éloigner un peu l'échéance.
Vous disiez: L'énergie douce? Oui, cela peut régler le
problème pour le chauffage un petit peu, mais partiellement. Mais il y a
d'autres moyens que le soleil. Il y a l'énergie éolienne, on en a
énuméré quelques-unes.
C'est bien entendu que, si on est assis comme cela, un comme l'autre, et
qu'on ne met pas d'argent dans le développement des énergies
douces, dans la recherche... Mais si on dit: Oui, l'énergie douce, cela
sera bon en l'an 2000, il est fort probable que l'énergie douce sera
bonne en l'an 2000. Ce sera comme il y a 30 ans, peut-être, alors que
c'était assez inexplicable, assez non plausible que la fission de
l'atome puisse nous donner de l'énergie.
Mais, parce qu'il y avait une commercialité probablement qui
était payante à faire, il y a un paquet de compagnies qui se sont
lancées dans la recherche et qui ont poussé là-dessus et
qui aujourd'hui viennent nous offrir un produit commercial, mais il faut bien
s'entendre, pour faire de l'argent. Elles n'ont probablement pas fait cela pour
nos beaux yeux.
Si le même processus s'engageait demain matin dans des recherches
par les énergies douces pour essayer de combler nos besoins, il est fort
probable que le Québec pourrait sauter cette étape, parce que
je pense que pas mal tout le monde en est conscient c'est une
étape dangereuse. Peut-être qu'on ne s'est pas attardé
longtemps sur les accidents.
On les a passés. Il y en a eu plusieurs et on aurait pu en parler
bien longtemps, mais il demeure quand mémo que vous mettez des
déchets dans la terre pour un demi-million d'années. Si quelqu'un
de la commission est prêt à me garantir que ce qu'il y a dans les
culasses va rester bien enfermé dans les culasses pendant un
demi-million d'années, je vais avoir moins d'objections, mais entre
nous... C'est sûr que ma longévité étant de
70 ans je n'aurai pas de problème avec cela; mais est-ce qu'on
doit hypothéquer les générations qui vont venir? On sait
ce qui se passe. Un demi-million d'années, ce n'est pas la porte, et une
demi-vie du plutonium, 24 000 ans, c'est quand même assez long. Personne
ne peut garantir qu'il n'y aura jamais de radioactivité qui
s'échappera de cela. Il y en a qui ont trouvé de bonnes solutions
avec les fusées Saturne V. Il faudrait de bons camions de vidange pour
aller porter cela ailleurs.
M. Payette: C'est encore la même mentalité dans le
fond. On en parlait cet après-midi, on envoie cela ailleurs. Si ce n'est
pas sur la terre, on l'envoie dans le cosmos, c'est notre grande poubelle.
C'est encore cette mentalité-là. On va hypothéquer,
peut-être pour une période de 30 ans, les
générations futures, en ce qui concerne leur santé, c'est
bien sûr. Des fuites de radioactivité, il y en a eu dans les
culasses qui ont été mises au fond des océans et cela a
déjà été vérifié. Alors, quand on
veut avoir de l'électricité pour une période de 30 ans,
qu'est-ce que cela représente dans la vie d'une société?
Evidemment, on ne peut pas présumer ici qu'une société va
vivre pendant 10 000 ans, 500 millions d'années, mais il n'en demeure
pas moins qu'il faudrait être conséquent dans une politique
énergétique et penser, pour une fois, à long terme.
Je pense bien que notre collègue a touché un point
très important, les heures de pointe, entre autres, tout cela peut
être modifié; toute cette consommation, comme on disait tout
à l'heure, de l'énergie, peut être modifiée en
avertissant bien les gens. Je pense que ce n'est pas nécessairement un
gros problème en soi. C'est un problème moins grand, de toute
façon, que celui de l'exploitation du nucléaire.
M. Joron: Je comprends que votre opposition au nucléaire
est fondamentale. Ce n'est pas parce que vous vous appelez le Comité de
protection de l'environnement de Lotbinière; j'ai très bien
compris que ce n'est pas parce que vous ne voulez pas en avoir dans
Lotbinière, mais que cela ne vous ferait rien d'en avoir dans Nicolet ou
à côté. C'est une opposition fondamentale et de principe. A
cet égard, vous êtes impitoyables dans le sens que non seulement
vous dites qu'on ne doit pas s'engager dans un nouveau programme, mais vous
incluez même la possibilité, vous recommandez au gouvernement de
ne pas permettre à l'Hydro-Québec d'entreprendre Gentilly 3.
Je vais vous poser une question bien candidement. Changeons de place,
pour un instant, et vous avez la responsabilité du gouvernement ou du
destin, jusqu'à un certain point, en tout cas, de la
collectivité. Vous avez là un énorme pari à faire.
Dans un sens, si le gouvernement n'entreprend pas Gentilly 3, ce n'est pas une
décision qui pourrait être révisée six mois
après, parce que l'effet de cela, après que la construction de
Gentilly 2 sera terminée dans un an et demi environ, l'effet de cela
sera que la technologie accumulée au Québec, ce qu'on appelle le
"know-how ", les quelques centaines ou milliers de personnes qui ont acquis une
expertise dans la fission nucléaire au Québec, l'équipe se
débande à ce moment-là, disparaît, et c'est un
"know-how" qui est perdu, une capacité technologique et scientifique que
la collectivité perd jusqu'à un certain point. Je ne sais pas si
nécessairement ces gens-là iraient travailler ailleurs, s'ils se
recycleraient et iraient travailler dans une autre discipline, ou une
discipline peut-être connexe, mais peu importe.
Si vous revenez plus tard, cinq, dix ans plus tard et que vous vous
apercevez que vous n'avez pas réussi à contrôler votrp
demande en énergie, parce que la population ne vous a pas parce
que
le gouvernement ne décide pas tout, finalement, ce sont toujours
les citoyens qui finissent pas imposer ce qu'ils veulent et qu'il n'y a
pas encore, à ce moment-là, d'autres façons de
répondre à une demande que les citoyens veulent à telle
année, qu'il n'y a pas d'autres façons d'y répondre que la
fission nucléaire et qu'il faudrait, après avoir
décidé de ne pas s'embarquer là-dedans, y revenir. A ce
moment-là, vous avez accumulé un retard considérable, vous
êtes mal pris. Vous êtes pris les culottes baissées.
Est-ce que c'est un risque que le gouvernement peut faire courir
à une collectivité? Est-ce que l'assurance, voyons ça
comme ça, la prime d'assurance à payer, parce qu'il y a un prix
pour faire Gentilly 3 je ne ferai pas un prix en termes strictement
économiques ou financiers, il y a un prix eu égard à tout
ce que vous avez dit est-ce que ça ne vaut pas la peine de payer
cette prime d'assurance pour se prémunir contre la possibilité
d'être mal pris dix ans plus tard? Qu'est-ce que vous feriez à ma
place? Ou à la place du gouvernement plutôt, parce que ce n'est
pas le ministre de l'énergie tout seul qui va décider
ça.
M. Lemay: J'ai constaté que votre intérêt
à répondre aux besoins de la population est grand. Je comprends
que dans la situation où vous vous trouvez, c'est humain. Mais ce que je
ne comprends pas dans le nucléaire je ne suis pas un
scientifique, je suis M. Tout-le-Monde qui se pose des questions ce que
je ne m'explique pas, c'est que présentement on a les moyens techniques
de déclencher cette fission, mais on ne connaît pas le moyen de
l'arrêter après qu'elle soit partie. La preuve, c'est qu'on a de
la radioactivité pour un demi-million d'années. Je pense que tant
et aussi longtemps qu'on est capable de déclencher la fission et qu'on
n'est pas capable de l'arrêter, qu'on ne connaît pas les moyens
pour l'arrêter, la sécurité de la population demande de ne
pas le faire. Ce qui offre la plus grande garantie à la population, ce
n'est pas de le faire, c'est de ne pas le faire.
C'est pour ça qu'on recommande d'arrêter le
développement nucléaire. On n'a même pas pensé
à Gentilly 3. C'est pour cette raison. Parce qu'on n'a pas eu de
réponses à nos questions. On les a posées à
différentes reprises aux spécialistes de l'Hydro-Québec;
ils n'ont pas été capables de nous répondre. Ce sont eux
qui font le développement. Ils ne savent pas comment l'arrêter
après qu'elle soit partie. C'est sérieux.
M. Joron: A cet égard, je comprends qu'on a tous, comme
individus, comme citoyens, ces craintes et que des réponses, de toute
façon, je peux imaginer qu'on pourrait en avoir une
variété considérable de toutes sortes de scientifiques
à travers le monde. L'embêtement, c'est que lorsqu'on a les
réponses, on n'est peut-être pas en mesure de les comprendre non
plus.
M. Lemay: Elles sont toutes contradictoires, n'est-ce-pas, M. le
ministre?
M. Joron: Oui, souvent. C'est extrêmement difficile
à juger. Mai,s je n'irai pas plus loin. Je ne suis pas ici pour
répondre, en tant que scientifique, à vos questions. On est ici
pour enregistrer vos commentaires, vos suggestions et vos opinions, c'est ce
qu'on fait. Je vous en remercie, vous avez fort bien exprimé les
vôtres; vos opinions sont claires. Mais je voudrais juste dire ceci, par
contre, à la décharge de l'Hydro-Québec.
L'Hydro-Québec, dans le mandat que la loi actuelle lui confie, a pour
unique mandat de répondre à une demande et de s'arranger pour la
prévoir. Ce n'est pas à l'Hydro-Québec de
déterminer la politique énergétique du gouvernement. C'est
la responsabilité du gouvernement. L'Hydro-Québec est bien
consciente qu'elle devra s'ajuster parce que l'an passé, il n'y a
pas eu de politique énergétique globalement comme telle
à cette politique. Tout ce que l'Hydro-Québec a fait dans le
passé, c'est de faire des projections, prendre le passé et le
projeter dans l'avenir et dire: Après qu'on aura fini de
développer les trois rivières du Québec, tout ce qu'on
sait qui se fait actuellement dans le monde, c'est de la fission
nucléaire, alors apparaissent non pas des programmes qui ont
été décidés par l'Hydro-Québec, mais des
projections de ce que pourraient être des futurs programmes de
développement, dont aucun n'a été approuvé par le
gouvernement à l'heure qu'il est.
Je ne voudrais pas que, dans votre déposition, persiste ou dure
l'idée que l'Hydro-Québec est nécessairement et absolument
engagée dans le vaste programme des 35 centrales nucléaires dont
vous parlez le long du Saint-Laurent. L'Hydro-Québec n'est pas
engagée quand même à ce point-là; elle doit attendre
les directives du gouvernement. C'est quand même le gouvernement qui doit
approuver non seulement son budget annuel, mais ses programmes de
développement également.
M. Payette: Si vous me permettez de répondre à
votre question, du moins partiellement, c'est que la question que vous posez
vis-à-vis des 1000 personnes qui ont travaillé, depuis quelques
années, dans le domaine nucléaire...
M. Joron: Je ne sais pas combien il y en a...
M. Payette: Je vais vous donner un chiffre effectivement...
M. Joron: Oui.
M. Payette: Qu'est-ce qu'on va faire avec ces gens-là? Et
la demande dans cinq ans, si on ne la remplit pas, qu'est-ce qui va se passer?
Il y a au moins une chose, c'est que vous ferez un pacte avec le diable
sûrement à ce moment-là, parce que, si vous prenez le
nucléaire, vous ne serez pas assurés de la sécurité
des centrales construites. C'est le gros problème. Ce sera toujours la
même question. Vous ferez probablement un choix économique. De la
façon dont vous avez posé la question, on devinait, au
départ, que votre choix est économique. Mais est-ce que ça
devrait être cela? Je me pose la question.
M. Joron: Je me suis peut-être mal fait comprendre. Mon
choix, je ne le posais pas en termes économiques. Je le posais tout
simplement en termes politiques, dans un sens. Comment, à un moment
donné, faites-vous accepter à une population que de
l'énergie il y en a moins, parce que vous n'avez pas fait telle affaire,
il y a sept ou dix ans? Ce n'est pas une question de choix économique,
c'est une question purement sociale et politique.
M. Coquereau: Mais l'Hydro-Québec a fait accepter son
programme en demandant aux gens, par de la publicité, de prendre de plus
en plus d'électricité.
M. Joron: De quel programme voulez-vous parler?
M. Coquereau: Des programmes de publicité qu'on a connus
ces dernières années, "On est hydroquébécois".
M. Joron: Vous avez dit que l'Hydro a fait accepter son
programme.
M. Coquereau: Je dis qu'effectivement les gens consomment plus
d'électricité. Les gens se chauffent à
l'électricité. Cela est dû à une espèce de
publicité, "On est hydroquébécois", qui a eu cours ces
dernières années. Mais pourquoi ne pas faire une publicité
semblable dans le sens d'économiser de l'énergie?
M. Joron: Ils ont commencé à le faire dans le temps
de Noël. C'est sûr qu'on va voir cela à l'avenir. Comme je le
disais un peu plus tôt, le problème ne vient pas que les gens
gaspillent plus qu'autrefois, ils ont toujours gaspillé. Mais le taux de
gaspillage, en tant que tel, n'a pas nécessairement augmenté.
C'est qu'on a délaissé du pétrole, en ce qui concerne le
chauffage domestique, pour s'en aller vers l'électricité. Dans un
sens, on n'a guère le choix. Que voulez-vous?
L'électricité est devenue marginalement meilleur marché
que le pétrole. Autrefois, il y avait une différence de 1 pour 2
ou 1 pour 3 entre chauffer à l'électricité et chauffer au
pétrole. Mais le prix du pétrole a monté, on le sait,
depuis quatre ans; il a été multiplié par quatre ou cinq.
Le gaz naturel a suivi. L'électricité est loin d'avoir suivi.
Elle a augmenté aussi, mais dans des proportions infiniment moindres.
C'est peut-être le bas prix actuel de l'électricité qui
fait opérer un tel déplacement d'une forme vers l'autre.
M. Coquereau: Effectivement, mais le prix de
l'électricité qui provient du nucléaire sera probablement
beaucoup plus élevé dans quelques années que le prix de
l'électricité provenant de l'énergie douce.
M. Joron: Peut-être.
M. Coquereau: On peut se baser sur des hy- pothèses. Mais,
actuellement, le prix de l'uranium, entre autres, a grimpé
énormément.
M. Joron: Non?
M. Coquereau: Et il y a des embargos qui se produisent pour
l'Europe. On peut se poser toutes sortes de questions vis-à-vis de
cela.
M. Ouellet (Serge): M. le ministre, vous avez posé
tantôt une question candide. J'ai pratiquement envie de vous la
retourner. Je comprends la complexité du problème qu'il y a et la
situation dans laquelle vous êtes, mais moi, assis sur la chaise ici, je
vois la question comme cela: Est-ce que le gouvernement québécois
doit hypothéquer, en le sachant pas mal, la sécurité du
peuple québécois, pour lui garantir un bien-être
c'est encore relatif pour 20 ou 30 ans, pour garantir au gars qu'il va
pouvoir laisser ses lampes allumées dans toute sa maison et que son
thermostat sera à 75° au lieu de 68° ? Est-ce que le
gouvernement doit, demain matin, dire: Je ne peux pas empêcher les
Québécois d'avoir ce standing de vie, mais peu importent les
conséquences ultérieures. Vous avez demandé si l'assurance
est trop chère, moi, je la trouve trop chère, je ne la trouve pas
acceptable.
M. Joron: De toute façon, je pense que je l'ai
déjà indiqué précédemment, il y a
peut-être un mois déjà. Une hypothèque aussi lourde,
si on pense au programme de développement de toute une chaîne de
35 centrales le long du fleuve pour les 25 prochaines années ou quelque
chose comme cela, j'ai déjà indiqué que le gouvernement,
si vous appelez cela une hypothèque, ne prendra pas seul une
décision aussi capitale. C'est la population qui va la prendre. J'ai
dit, il y a déjà trois semaines, un mois, que le gouvernement,
certainement, ne s'embarquerait pas dans un tel programme, n'autoriserait pas
un tel programme, avant, d'une part, qu'une campagne de sensibilisation ou
d'information dans le public ait été menée et qu'un
référendum ait eu lieu sur la question.
Je l'ai déjà indiqué.
M. Garneau: Est-ce que je peux demander au ministre quand?
M. Joron: II aimerait cela savoir les dates des
référendums!
M. Garneau: Ce n'est pas cela. En même temps, cela me
permet de souligner qu'il est déjà 9 h 45 et qu'on n'a pas
été capable de poser une question de ce côté-ci.
M. Joron: Je réponds à votre invitation, M. le
député...
M. Garneau: Cela me permettrait d'entrer dans la situation...
M. Joron: ...de Jean-Talon et je me tais.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président! Je voudrais vous
donner une autre réaction, spontanée, à la suite de votre
mémoire. Premièrement, je crois que la commission, et moi
personnellement, devrions vous remercier d'avoir préparé ce
document et de porter à l'attention du public les dangers possibles. Je
ne suis pas en mesure de décider je ne crois pas que la
commission le fasse ce soir si toutes les données sont exactes,
s'il y a des méthodes pour contrecarrer les résultats
possiblement néfastes de l'énergie nucléaire, mais une
chose que je sais... Je me permets d'être un peu en contradiction avec le
ministre. Le ministre a demandé: Si ce n'est pas le nucléaire,
par quoi allez-vous le remplacer? Je ne trouve pas qu'on devrait situer la
question dans ce contexte parce que, si l'effet du nucléaire est aussi
terrible que vous le démontrez, ce n'est pas une question à
poser; on ne le remplace pas par cela. C'est comme demander à quelqu'un:
Est-ce que vous préférez la pendaison ou la chaise
électrique?
Vous m'excuserez, c'est ma réaction. C'est une réaction
spontanée. La vraie question que vous avez posée était:
Quel type de société voulons-nous construire?
Premièrement, on n'est pas au bout de l'épuisement de toutes les
autres sources d'énergie. Quelle sorte de type de société
voulons-nous? Voulons-nous construire des stations nucléaires pour
alimenter des brosses à dents électriques et des aspirateurs
électriques, avec le genre de répercussions que cela peut
avoir?
Ma réaction serait, à moins qu'on puisse prouver le
contraire de ce que vous venez de nous démontrer, qu'on devrait cesser
de construire le nucléaire. C'est trop terrible! C'est la destruction,
vraiment, la possible destruction de notre société, si ces choses
sont vraies. Je dis bien si les résultats et toutes vos données
sont corrects.
Par exemple, vous mentionnez les accidents. S'il y a un accident, vous
n'avez pas lu la section des accidents. Je veux seulement porter à votre
attention que, si un accident fait plus de 3000 morts, de 45 000
blessés, c'est vrai que ces résultats vont arriver seulement dans
le cas d'accidents, mais vous savez que des accidents sont possibles; on sait
tous que les accidents sont possibles. Est-ce qu'on peut prendre la
responsabilité de ces répercussions? Je croirais que c'est trop
terrible, les résultats. Quand on parle de Gentilly 3, on dit: Si on ne
construit pas Gentilly 3, on va être un peu en arrière avec la
technologie. Il y a une expression en anglais: "Keeping up with the Joneses".
Parce qu'un autre pays a une technologie, cela ne veut pas dire que nous devons
continuer dans cette voie.
Si la voie de cette technologie nous amène à la mort,
à la destruction, à de tels résultats, c'est absolument
terrible. Je croirais qu'il y a un devoir de la part du gouvernement, de la
part de l'Hydro-Québec, de démontrer à la population que
c'est vrai, ce que vous dites, et, si cela n'est pas vrai, de le prouver avant
qu'on continue dans cette voie. Je me souviens des commissions parlementaires
précédentes, et spécialement des commissions
parlementaires sur le projet de la baie Ja- mes, alors que le Parti
québécois poussait toujours sur le nucléaire, insistant
sur le fait que le gouvernement devait construire le nucléaire. La
position, à ce moment, c'était non. Puisons, premièrement,
à nos ressources hydrauliques qui n'offrent pas ces dangers. C'est pour
cette raison que le projet de la baie James a été lancé.
Mais, même à ce moment, on ne savait pas personnellement,
je ne le savais pas, peut-être que d'autres le savaient les
répercussions possibles que vous venez nous démontrer.
Franchement, c'est trop terrible même pour le concevoir. Des fois, on
tient pour acquis que le législateur sait tout, qu'on n'écoute
pas la population. C'est comme cela qu'on fait nos erreurs. Je crois qu'on
devrait éviter ces erreurs. Le législateur ne sait pas tout. Je
vous remercie d'avoir apporté ces faits à notre attention. Je
crois maintenant que c'est notre devoir ou de prouver que ce n'est pas exact,
ou, si cela l'est, d'arrêter le développement nucléaire et
de trouver d'autres moyens. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Jean-Talon.
M. Garneau: M. le Président, dans la question de
l'énergie, il y a un point qui a été soulevé, que
je trouve fort intéressant et qu'on aura certainement l'occasion de
reprendre avec l'Hydro-Québec. Il a été un temps où
les discussions avec l'Hydro-Québec, c'était l'Opposition qui les
menait, nous, on avait des discussions ailleurs. La prochaine fois, c'est nous
qui allons avoir les discussions avec l'Hydro-Québec en public. Il y a
une couple de points. Je sais qu'il y a toujours quelqu'un de
l'Hydro-Québec qui rapporte au président ce qui se passe dans les
commissions parlementaires. Je le voyais tout à l'heure quelque part
dans la salle. Il va sans doute faire rapport. Ce serait certainement une des
questions que je voudrais poser à l'Hydro-Québec, parce que
j'aimerais cela qu'elle réplique publiquement. C'est sur
l'énergie de pointe que vous avez: Quand on regarde la production de
l'énergie, je pense qu'on a une capacité de 10 000
mégawatts qui sont consommés probablement dans la période
de l'année comprise entre le 15 décembre et le 15 janvier. Je
trouve que, pour compléter le programme des besoins
énergétiques, surtout en
énergie-électricité, il n'est pas nécessaire
d'envisager des investissements qui dépasseraient largement le rythme de
croisière, qui est déjà élevé, des
dernières années. Il faudrait compléter la baie James,
abandonner le nucléaire, c'est l'autre question que je voudrais poser
à l'Hydro-Québec. D'après moi, c'est un chat qui court
après sa queue. Vous avez des gens qui travaillent dans le
nucléaire, et parce qu'il y a des gens qui travaillent dans le
nucléaire, il faut construire des centrales. Cela en prend un peu plus.
Alors, il faut garder tout ce monde. C'est une déduction que j'ai eue
déjà, pas avec le président, mais avec d'autres personnes
de l'Hydro. C'est une question que je veux poser à l'Hydro.
D'après moi, il faut briser le circuit. Si on veut faire de la recherche
nucléaire, on n'est pas obligé de le faire. On n'est pas
obligé
d'utiliser les fonds publics de l'Hydro-Québec et de s'embarquer
dedans pour faire de la recherche. Je pense qu'on va donner le quart du
coût d'une centrale aux milieux universitaires et ils vont en faire de la
recherche. On ne perdra pas tout le monde. Mais qu'on arrête de penser
que la seule façon de combler la différence qu'il y a entre
l'énergie de pointe de 10 000 mégawatts durant la période
d'hiver, alors qu'il y en a à peu près 6000 durant
l'année.
Il en reste encore 4000 ou 5000 qu'on peut, à mon sens,
aménager en changeant certaines habitudes de vie dans le monde de la
production industrielle. Je comprends que ce n'est pas facile, mais si on n'est
pas capable de l'aménager complètement, il y a d'autres formes de
production d'énergie de pointe qui pourraient être
utilisées. Je ne vois pas pourquoi, par exemple, on
accélérerait ou construirait dès maintenant, à
grands coûts, d'autres centrales hydroélectriques, alors qu'on
pourrait peut-être dépenser, je ne sais pas, moi, $150 millions.
Quand on fait des comparaisons, c'est bien peu. J'espère qu'on n'en fera
pas d'autres, par exemple, comme ils sont en train de nous faire,
malheureusement, même si les décisions ont été
prises dans le temps qu'on était ministre, comme le gaz naturel qui fait
un vacarme d'enfer, apparemment je n'ai pas écouté
ça mais c'est des moteurs d'avion énormes qui vont
accélérer pour l'énergie de pointe.
Mais il doit y avoir d'autres façons. Moi, je vous dis,
personnellement, si je regarde la balance des inconvénients, j'aime
mieux qu'on aménage comme il faut la Jacques-Cartier, en mettant les
prix qu'il faut pour que ce ne soit pas complètement
dégradé, que de voir, ici, à Gentilly ou à
Lotbinière, une centrale nucléaire, n'importe quel temps. La
balance des inconvénients, moi, j'opte pour une réserve
pompée ici ou ailleurs. Il y a la réserve pompée. Il y a
des centrales thermiques.
J'écoutais cet après-midi monsieur comment
s'appelle l'architecte qui est venu? Le Chapellier, bon! Evidemment,
pour certains, cela peut peut-être paraître du roman de fiction,
mais, d'après moi, cela n'en est pas. C'est tout simplement qu'il le
fait dans un contexte intuitif avec, évidemment, un certain nombre
d'expériences, de recherches qui ont été faites. Je ne
vois pas, moi, pourquoi ce ne serait pas ça. Le Québec,
d'après moi, n'a pas le moyen d'aller de l'avant dans le domaine de la
construction d'autres centrales nucléaires. On a trop besoin de nos
capitaux. Et avec six millions de population, je l'ai mentionné l'autre
fois, $40 milliards de produit national brut, on ne peut pas penser
gérer le monde demain matin et surtout pas dans un domaine où les
investissements sont aussi colossaux.
Il faut plutôt s'orienter dans des domaines un peu plus
contrôlables, et qu'est-ce que vous voulez, on va être comme... Je
le mentionnais tout à l'heure, on n'a pas inventé l'automobile et
on en utilise en "moses" au Québec. On le sait, on a un problème
d'énergie. Peut-être qu'on pourra utiliser l'énergie
solaire lorsque des sociétés plus fortes, plus nombreuses, avec
des capitaux plus grands, l'auront mise au point, si on n'est pas capable de le
faire. Moi, je ne trouve pas qu'on devrait utiliser une source d'énergie
aussi dangereuse que celle du nucléaire, dans le contexte de la
connaissance actuelle, utiliser des capitaux énormes uniquement pour
combler les besoins de pointe qui pourraient, à mon sens, être
comblés par d'autres formes, d'autres façons, des
investissements, au moins, en tout cas, qui n'ont pas les répercussions
qu'on a avec ce qu'il nous a dit et ce que j'ai déjà entendu
ailleurs.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez une
réponse là-dessus?
M. Garneau: II n'y a pas de question.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. En tant que membre d'un
parti politique qui a de la parenté dans Lotbinière, je suis
content de voir que certaines personnes ne veulent pas contaminer d'autres
personnes. Ma question est celle-ci: Etant donné qu'il y a
déjà une centrale au Nouveau-Brunswick, au Québec et aux
Etats-Unis... Est-ce que le chiffre 2000 est exact? Est-ce bien ce que j'ai vu
dans le rapport, ou c'est un projet aux Etats-Unis?
M. Payette: Les prévisions, en fait, pour 2020, en gros...
Il y en a plusieurs actuellement...
M. Goulet: A quel taux actuellement peut-on être
déjà contaminé, soit par les eaux ou poissons? D'ici dix
ans, si, même au Québec, on n'a pas de centrale nucléaire
autre qu'à Gentilly, si les Américains en ont 2000, ou le
Nouveau-Brunswick, ou l'Ontario, ou d'autres provinces, est-ce que cela peut
être dangereux pour nous, la zone de...
M. Payette: Pas nécessairement, en fait. Si c'est une
fuite depuis la centrale même... Il faut bien faire des nuances.
Evidemment. Ici, c'est stéréotypé...
M. Goulet: Pas la fuite, mais les retombées.
M. Payette: S'il y a une fuite dans la centrale, cela peut
affecter les alentours. De même manière, s'il y a une fuite dans
l'usine de traitement des éléments radioactifs, en fait, qui sont
des déchets, encore là, c'est encore plus dangereux. On aurait
tendance, apparemment, aux Etats-Unis, dans l'avenir, à mettre les
usines de traitement le plus près possible des centrales, ce qui n'est
pas nécessairement le cas actuellement. Vous voyez très bien le
problème potentiel que cela peut causer si au cours du transport,
évidemment, il y a perte de ces éléments.
Il y a actuellement on l'a noté ici des cancers qui
sont décelés uniquement par l'analyse statistique. On ne peut
donc pas dire que, par exemple, dans une région donnée, vous
allez
constater que par rapport à une autre région il y a plus
de cancers de tel type: la leucémie, le cancer des os, etc. On constate
que par analyse statistique il y a quand même une fréquence plus
élevée de cancers dans la zone périphérique aux
centrales nucléaires. De là, l'hypothèse de penser qu'il y
a une relation entre les deux. Actuellement, il n'y a quand même pas
beaucoup de centrales. Si cela devient de plus en plus important, vous voyez
les risques potentiels de contamination qui sont évidemment beaucoup
plus importants.
Jusqu'à maintenant, s'il y avait des bris dans les centrales,
cela causerait un problème important, mais le plus gros problème,
ce n'est pas celui-là. C'est celui qui concerne les déchets
nucléaires. Si ces déchets qui sont mis actuellement dans des
mines de sel ou dans d'autres endroits comme les fonds marins, ce qui est
très dangereux, s'il y a une fuite, là, vous avez du plutonium.
Ce plutonium peut contaminer pour longtemps les territoires possiblement
grands.
Chose certaine, c'est qu'actuellement, on constate que les radiations
nucléaires qui proviennent soit des bombes nucléaires ou des
pertes, suite à des bris dans les centrales, retombent surtout entre le
40e degré et le 50e degré de latitude nord. Cela veut dire dans
les latitudes tempérées, effectivement dans nos régions,
ici. Pour quelles raisons? C'est associé aux masses d'air, à la
circulation générale de l'atmosphère.
Il y a donc une contamination qui n'est pas importante au niveau global,
localement, oui. On entend une fois de temps à autres, on lit dans les
journaux qu'il y a une contamination à tel endroit, qu'une personne est
morte, deux personnes sont mortes ou que des gens ont été
obligés d'être hospitalisés. Cela demeure ponctuel,
actuellement, jusqu'au moment où il pourrait y avoir une fuite
importante, surtout à cause des déchets. C'est un risque qui
deviendra de plus en plus important lorsqu'on acceptera d'emblée de
construire des centrales de façon industrielle.
M. Goulet: Juste une petite question. Vous dites que le risque le
plus grand n'est pas que la centrale fasse défaut par elle-même,
mais qu'il y ait des fuites. Suite aux propos que tenait l'honorable ministre,
s'il y a 2000 centrales nucléaires aux Etats-Unis et que les
retombées peuvent être dangereuses pour nous, à ce
moment-là, qu'est-ce que cela change qu'il y en ait deux ou trois au
Québec? Si on considère les avantages en les comparant aux
désavantages, est-ce qu'on ne devrait pas prendre le risque au-lieu de
nous serrer la ceinture et de baisser notre chauffage à 68
degrés?
M. Payette: Je m'attendais à cette question.
M. Goulet: Mais, encore là, si on manque d'énergie,
tel que le mentionnait le ministre, je me demande si cela ne vaudrait pas la
peine. Je comprends que c'est bien dangereux, mais on est déjà
entouré pour faire image de bombes tout le tour de la
maison; je me demande ce que cela changerait d'en avoir une sur notre perron,
à ce moment-là. Comprenez-vous? Vous dites qu'il va y en avoir
2000 aux Etats-Unis et qu'on ne peut rien faire contre cela. A ce
moment-là, est-ce qu'on doit prendre le risque, pour une période
de 30 ans, que les Québécois manquent d'énergie?
Tantôt, j'aurais aimé que vous répondiez ce n'est
peut-être pas à moi de le demander à la question que
le ministre vous a posée. Je voulais poser la même question et je
n'ai pas eu la réponse encore.
M. Ouellet (Serge): Je vais répondre à la
première question. Vous dites: II y a des bombes tout le tour de nous et
cela ne fait rien d'en mettre dans la maison. C'est un raisonnement qui peut se
défendre. Je ne sais pas comment, mais peut-être. A la page 23, il
a été mentionné qu'il y a quand même, au niveau
mondial, à l'heure actuelle et ce n'est pas trop de dire mondial,
je peux charrier une contestation du nucléaire. Vous pouvez
être sûr que moi, en tout cas, j'espère de tout coeur qu'il
n'y en aura pas 2000 aux Etats-Unis. Il est probable, comme les choses vont
là, que cela puisse changer. Dans bien des pays, cela a changé.
En Suède, en tout cas, il n'y aura probablement pas de centrales
nucléaires, parce que le gouvernement qui voulait en mettre n'est plus
là et cela peut arriver dans pas mal de pays. Je me dis: Ce n'est pas
parce qu'il y a une "gang" qui se jette à l'eau, envoyons donc, on va
aller voir si l'eau est bonne. Je dis qu'il y a une contestation à faire
qui se fait mondialement. Si partout les gens réagissent à cela,
il y a bien des chances que cela change.
M. Garneau: Mais votre exemple n'est pas toujours vrai;
l'expérience du 15 novembre est juste l'inverse de ce que vous venez de
dire.
M. Ouellet (Serge): Pardon? Les élections n'ont pas
été faites là-dessus, je pense. Je ne suis pas sûr
encore, je crois.
M. Garneau: C'est cela, le danger de faire une élection
sur seulement un sujet.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre. M. Joron:
Non, je n'ai rien à ajouter à cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Juste un petit commentaire pour dire que le
problème qui est posé dans le mémoire est très bien
posé. Pour peu qu'on s'intéresse au développement et aux
recherches en matière nucléaire sur le plan mondial, les
expériences des autres pays sont assez concluantes aussi. Je pense que,
déjà, on peut corroborer une foule d'affirmations qui ont
été faites dans ce mémoire et qui doivent, au point de
départ, nous inciter à une très, très grande
prudence dans l'élaboration de toute politique qui pourrait, je pense,
avoir tendance à vouloir porter un oeil de convoitise sur la question du
nucléaire.
Le problème est posé, il est entier et je pense que les
risques sont là, non seulement de façon hypothétique, mais
de façon réelle aussi. Vous avez sauté, dans votre
mémoire, la section des événements qui se sont produits,
mais je pense qu'ils sont quand même probants. Ils sont là, ce
sont des événements qui se sont produits, qui sont
vérifiables et dont on doit tenir compte dans nos réflexions,
dans la démarche que la présente commission parlementaire fait
actuellement. Quand vous mentionnez les accidents qui sont arrivés, ces
accidents sont bel et bien arrivés.
Lorsque vous soulignez indirectement la possibilité d'utilisation
du nucléaire au point de vue d'armement, je pense que le risque est
également là, à un tel point que je pense qu'on n'a pas la
possibilité de retracer dans l'histoire de l'humanité une arme
possible, ou un moyen possible d'utiliser une arme qui ne l'a pas
été. Je pense que tout ce qui a pu ressembler, au cours de
l'histoire, à une arme en est devenue effectivement une à un
moment donné ou à un autre et qu'elle a servi. Je pense qu'on n'a
pas besoin d'aller tellement loin en arrière dans l'expérience
humaine pour le voir, à partir de la simple expérience de la
dynamite qui, pourtant, n'a pas été conçue dans un but
belliqueux. Mais les preuves ont bel et bien démontré que c'est
arrivé à ce résultat.
Je pense que la grande question qui se pose là-dedans, c'est:
Pour le peu de confort que pourrait procurer, pendant un certain nombre
d'années restreintes, l'utilisation du nucléaire, est-ce qu'on va
fermer les yeux sur les conséquences non pas possibles, mais
prévisibles de l'utilisation du nucléaire? Je pense que c'est
dans ces termes qu'il faut poser exactement le problème. Pas pour jouer
aux alarmistes, mais je pense qu'il faut être réalistes avant de
s'embarquer dans un corridor comme ça qui est, jusqu'à un certain
point, sans retour.
Parce qu'une fois embarqués, une fois qu'on aura, si vous voulez,
ces moyens de destruction entre les mains, avec les risques que cela comporte,
on ne pourra pas retourner en arrière. Une fois que les culasses, si
vous voulez, seront sous terre, on devra assumer le risque qu'elles apportent
avec elles.
Il y a le problème des déchets, il y a le problème
de l'utilisation militaire, il y a tout ça. Si vous voulez poser la
question de cette façon, si je caricature, ce serait à peu
près comme ceci: Si, dans une résidence, au cours de l'hiver, le
chauffage arrête, est-ce que je vais accepter d'allumer un feu dans une
des pièces pour me réchauffer?
C'est à peu près cela, sachant très bien que
tôt ou tard le reste de la maison va y passer et peut-être moi
aussi. Je pense qu'on peut caricaturer le problème, en le posant un peu
dans ce sens-là. Je suis porté à dire, à ce
moment-là: Dans le doute, abstiens-toi. Je pense que cela devient une
réalité assez claire.
La grande question qui se pose, après cela, je pense qu'on l'a
assez bien souligné, c'est du côté de la recherche. Est-ce
qu'on est prêt, maintenant, à investir, sur le plan de la
recherche, les sommes nécessaires? On peut les interpréter en
termes de pourcentage de ce coûterait une centrale nucléaire.
Est-ce qu'on est prêt à investir ces montants dans une recherche
sérieuse? Ou est-ce qu'on va vouloir trouver des moyens à court
terme pour remplacer ces énergies dont on a besoin? Sinon, je pense
qu'on risque simplement de se retrouver, en prenant le nucléaire, dans
la situation où on accepterait de s'hypothéquer pour s'acheter,
avec de l'argent qu'on n'a même pas, une menace continuelle.
Je pense qu'on peut poser le problème de cette façon.
Récemment, d'autres membres de la commission ont pu prendre une
émission télévisée qui avait trait au
nucléaire, où on posait le problème à son
extrême limite, dans sa totalité, de la façon suivante;
dans la recherche de la solution face à l'utilisation du
nucléaire, on cherche la sagesse, mais on trouve inévitablement
seulement la science.
Je pense que c'est peut-être poser le problème dans son
entité, mais il faut voir la réalité en face. Dans les
décisions qui seront prises à cette commission et dans les
négociations qu'il y aura avec l'Hydro-Québec pour les autres
moyens de trouver des énergies nouvelles, il ne faudra pas perdre de vue
ces réalités que vous avez assez bien décrites dans votre
mémoire.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, on termine
là-dessus, en vous remerciant au nom des membres de la commission de
l'éclairage nouveau que vous avez apporté.
Pour demain, jeudi, voici la liste des organismes qui auront à se
présenter: Le Conseil québécois de l'environnement, no
30M; l'INRS-Energie, no 40M; Northern and Central Gas Corporation, no 46M; Gulf
Oil Canada Limitée, no 36M; Benoît et Associés, no 73M;
Petrofina Canada Limitée, no 49M.
Nous ajournons à demain, jeudi, à deux heures.
(Fin de la séance à 22 h 4)