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Etude du projet de loi no 121
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des richesses naturelles se réunit pour poursuivre
l'étude article par article du projet de loi no 121, Loi modifiant la
Loi constituant la Société nationale de l'amiante.
Les membres de la commission sont: M. Bérubé (Matane), M.
Bordeleau (Abitibi-Est) remplacé par M. Parizeau (L'Assomption); M.
Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenanc),
M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt
(Saint-François), M. Raynauld (Outremont).
Les intervenants sont: M. Dubois (Huntingdon), M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre), M. Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. O'Gallagher (Robert
Baldwin), M. Paquette (Rosemont).
Chez les membres: M. Raynauld (Outremont) est remplacé par M.
Ciaccia (Mont-Royal); M. O'Gallagher (Robert Baldwin), chez les intervenants
est remplacé par M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).
Acquisition par voie d'expropriation (suite)
Nous allons reprendre à l'article 1, paragraphe 20. Un amendement
avait été présenté, qui avait été
voté. Alors, on revenait au paragraphe 20 original de l'article 1.
M. Forget: M. le Président, quant à moi, je suis
prêt à passer au vote sur le paragraphe 20.
Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 20 est
adopté.
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 21 ?
M. Forget: A moins que le ministre n'ait une déclaration
à faire sur l'article 21...
Le Président (M. Marcoux): Adopté?
M. Forget: Non, M. le Président. On se souviendra, M. le
Président, que jusqu'à maintenant, si on ignore le travail fait
sur la fin du projet de loi, enfin sur tous les articles techniques sur le
mécanisme de l'arbitrage comme tel, nous avons successivement
présenté deux motions d'amendement qui ont été
rejetées, bien sûr, par la majorité ministérielle
dans chacun des cas. J'en rappelle brièvement le sens pour montrer qu'il
y a un cheminement entre les deux amendements qui ont déjà
été rejetés et le troisième que nous allons
présenter relativement au paragraphe 21.
Dans le premier cas, il s'agissait, on s'en souviendra, à titre
de motion préliminaire, de permettre aux membres de la commission de se
former une opinion indépendante quant aux probabilités qui
doivent être rattachées aux différentes estimations du
coût d'acquisition. Une invitation était adressée par cette
motion aux experts des deux parties à venir s'expliquer sur les
différences qui ressortent de la lecture de leurs rapports
respectifs.
Cette motion étant rejetée, nous avons
suggéré au gouvernement qu'il désigne lui-même des
experts de son choix de manière que, cette fois, non plus
l'Assemblée nationale, mais des experts désignés par le
gouvernement se livrent à un exercice analogue et communiquent leurs
conclusions, leurs observations, à l'Assemblée nationale, avant
même que ne s'enclenche le processus d'expropriation, pour que, dans ce
contexte aussi, il soit possible à l'opinion publique, aux
parlementaires, de savoir de quoi il retourne sur le plan des
probabilités qu'on doit, encore une fois, attacher aux deux estimations
qui sont en présence l'une de l'autre.
Devant un nouveau refus, ce que nous faisons, en troisième lieu,
c'est de suggérer que le gouvernement, au moment où il exprime
l'avis prévu par l'article 20 et l'article 21, autrement dit, au moment
où il décide d'aller à l'expropriation comme on le
sait, ce moment-là n'est pas le même que le moment où la
loi est sanctionnée, ce peut être un moment subséquent, le
délai étant, bien sûr, laissé entièrement
à la discrétion du gouvernement avec un délai de
quelques jours, qu'il saisisse l'Assemblée nationale et l'opinion
publique de ses conclusions à lui. Autrement dit, on ne lui demande
même pas de participer à cette évaluation par la commission
parlementaire, on ne lui demande même pas de le faire par des experts, on
lui demande, en tant que gouvernement, d'exprimer, quant à lui, une
espèce de bilan de sa négociation, mais de façon assez
officielle et assez complète. Par définition, s'il a choisi
d'exproprier, il sera en mesure de le faire et d'exprimer, vis-à-vis des
différentes évaluations en présence, des
hypothèses, son analyse à lui. Par écrit, qu'il se
mouille, en quelque sorte, sur le plan politique, en nous disant ce que, comme
gouvernement, il juge être l'issue la plus probable et pourquoi; non
seulement l'issue la plus probable quant à l'avenir, mais qu'il fasse un
certain retour en arrière pour dire: Voilà ce qui s'est
passé, voilà le déroulement. (10 h 15)
II faut bien se rendre compte que jusqu'à maintenant ce genre de
bilan, ce genre d'évaluation a été fait de façon
très sommaire. Je comprends d'ailleurs pourquoi puisque chaque fois, on
nous a prévenus que la négociation était toujours en
cours, qu'il ne fallait pas préjuger de son issue, qu'il ne fallait pas
faire des déclarations qui pourraient gêner cette
négociation. Par définition, lorsque le gouvernement en aura
assez, qu'il sera satisfait que toutes les issues aient été
épuisées, il me semble qu'il serait décent, face
à l'opinion publique, de lui tracer un bilan qui soit
véritablement complet et de donner quelques jours pour que l'opinion
publique puisse digérer cela avant que la décision finale soit
actualisée par la publication, j'imagine, dans la Gazette officielle
je ne sais pas quelle est la procédure exacte qu'on a en vue
officielle et irrévocable.
C'est le sens d'une troisième motion qui, évidemment, est
beaucoup moins exigeante que les deux premières. Il ne s'agit pas, pour
les membres de l'Assemblée nationale, encore une fois, de faire cela
pour leur propre compte, indépendamment. Il ne s'agit pas de demander
que le gouvernement le fasse en quelque sorte par experts interposés
mais qu'il le fasse lui-même, directement, mais qu'il le fasse aussi
complètement que possible. Il y aura quand même à ce
moment-là, c'est un moment qui peut être reculé d'un mois,
de trois mois, de six mois pour toutes sortes de raisons qui tiennent à
la dynamique même d'une négociation... Il se sera passé
forcément des choses; des offres, des contre-offres auront
été faites. Je pense que le contribuable a le droit à ce
moment-là, puisque cela ne peut plus porter préjudice à la
négociation, d'avoir la version gouvernementale, en étant bien
conscient qu'il s'agit d'une version gouvernementale; il ne s'agit pas d'un
jugement venant de Sirius, il ne s'agit pas non plus d'une tentative
d'influencer le conseil d'arbitrage parce que tout le monde sait bien que le
gouvernement a sa position à lui, je pense que ce n'est pas un secret
pour personne. La loi est explicite, il y a l'arbitrage qui doit y
succéder. Mais, pour donner un avant-goût en quelque sorte du
plaidoyer que le gouvernement va faire devant le conseil d'arbitrage mais qu'il
doit faire d'abord et avant tout devant le tribunal de l'opinion publique, si
on veut, de manière qu'on ne puisse pas dire après c'est
important que le gouvernement s'est engagé là-dedans, il a
posé des gestes essentiellement irréversibles étant
donné leur nature, sans vraiment qu'à aucun moment il ne fasse
vraiment son bilan, qu'il ne donne vraiment d'indication complète et
circonstanciée des cheminements qui l'ont conduit là où il
s'est finalement dirigé et éviter également qu'on dise
après que le résultat de l'arbitrage sera connu: II s'agit
là d'une surprise ou d'un développement non anticipé,
surprenant. Je pense que le public aurait le droit de se plaindre si un
gouvernement prenait une décision qui l'entraînerait dans un
enchaînement de circonstances qui apparaissent hors de son
contrôle. M. le Président, je pense que tout le monde peut voir
les avantages, pour les fins d'une bonne gestion de ce dossier, que le public
soit dûment informé.
La motion que je vais faire adopte une formule il faut être
bien clair là-dessus, M. le Président qu'on
considère entièrement discutable, en ce sens que si le ministre
des Finances ou le ministre des Richesses naturelles y voient des
possibilités de faire des modifications pour en améliorer
l'efficacité ou corriger certains dangers qu'ils pourraient y avoir et
qui auraient échappé à notre attention au moment de la
rédaction, je pense qu'ils doivent tenir pour acquis au départ,
comme c'est arrivé lors de notre discussion de vendredi
après-midi, je crois, à l'occasion d'une ou deux motions que j'ai
eu l'occasion de présenter, quand le ministre des Richesses naturelles
les a reprises, en quelque sorte, à son compte en suggérant des
modifications que nous avons volontiers acceptées que c'est la
même chose qui vaut ici.
La notion principale que l'on veut mettre de l'avant, c'est qu'il y a
là une étape importante qui sera franchie au moment où le
gouvernement en arrivera à ses conclusions et dira: II faut exproprier.
Je crois qu'il faut plus à ce moment-là, par exemple, qu'une
simple déclaration ministérielle à l'Assemblée
nationale. Une telle déclaration, ordinairement, comporte deux ou trois
pages, est extrêmement sommaire. Ce n'est pas le format qui est, la
plupart du temps, approprié pour véritablement expliquer un
cheminement et présenter un certain nombre d'arguments. Je pense que
cela se borne ordinairement à une annonce publique d'une décision
sans vraiment aller très profondément dans ses motifs et dans son
explication. Mais encore une fois, je ne voudrais pas après avoir
dit qu'on était large d'esprit quant à la formulation
exclure quoi que ce soit si on nous fait une argumentation en ce sens que telle
ou telle formule serait plus appropriée pour le gouvernement. Pourvu que
le principe que le public, les contribuables, les électeurs du
Québec soient mis au courant d'un bilan gouvernemental
circonstancié avant la décision finale d'exproprier, je pense que
nous serions satisfaits.
A tout événement, l'amendement tel que
rédigé se lit de la façon suivante: "Que le paragraphe 21
de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la deuxième ligne du
premier alinéa, après le mot "expropriés", les mots:
"Cette signification ne peut se faire que lorsque l'Assemblée nationale
siège"; et en ajoutant, après le premier alinéa,
l'alinéa suivant: "Huit jours avant la signification de l'avis, le
gouvernement doit déposer à l'Assemblée nationale un
document relatif aux négociations. Ce document doit contenir, entre
autres, les renseignements suivants: la chronologie détaillée des
événements, y compris les rencontres de négociations, un
sommaire des offres et des contre-offres, ainsi que la position finale des deux
parties."
Encore là, sur le plan de l'énumération des
éléments, c'est pour essayer de dégager les
éléments principaux d'information qui semblent pertinents. Il y
en a peut-être d'autres que nous avons omis, mais que j'ai
mentionnés, malgré tout, dans mes remarques d'introduction. Par
exemple, il arrive fréquemment que, dans une
prénégociation, les écarts se rétrécissent
sans, malgré tout, se rejoindre. On pourrait supposer que c'est la
situation dans laquelle on sera au moment d'une décision
d'expropriation. Si c'était le cas, je pense que cela constituerait une
information extrêmement pertinente. D'ailleurs, c'est ce que je
suggère ici en disant: "un sommaire des offres et des contre-
offres," bien sûr, avec peu d'explications alentour, un peu de
chair alentour pour permettre de comprendre quel est le raisonnement qui a
servi aux parties à rétrécir l'écart de leurs
estimations.
Enfin, c'est assez, généralement, un ensemble de
données qui permettrait aux contribuables de dire: Voici une
décision qui, finalement, est la seule possible dans les circonstances.
Il est assez manifeste que la négociation ne pouvait pas aller plus
loin. Il est manifeste également que le gouvernement mainteint
vis-à-vis du propriétaire antérieur une position qui est
basée sur tel et tel éléments qui sont inconciliables pour
lesquels il faudra qu'un arbitre tranche. Voici l'objet du litige. Dans le
fond, c'est pour permettre un jugement éclairé de la population
sur une décision qui je suis sûr que c'est le point de vue
du gouvernement a une certaine importance historique et qu'il serait
déplorable de laisser largement inexpliquée.
Autrement, on se rend compte qu'à défaut d'une telle
déclaration, on se trouve devant un geste administratif qui est pris en
dehors de toute possibilité de débat parlementaire et qui, dans
la mesure où il est suivi presque immédiatement d'une
négociation sur l'indemnité mais dans le contexte d'une
expropriation ou d'un arbitrage qui peut se faire à huis clos, va nous
amener une période considérable, peut-être plusieurs mois,
où toutes les suppositions sont possibles indépendamment des
suppositions où, de toute façon, l'opinion publique risque
d'être dans une obscurité considérable parce qu'il est bien
clair qu'au moment où l'arbitrage sera véritablement
engagé, ce ne sera pas un moment propice pour les déclarations
publiques. Chaque parti va vouloir respecter, dans le fond, le jugement
indépendant du tribunal et le gouvernement sera placé dans la
position de ne pas vouloir sembler faire pression sur le déroulement de
l'arbitrage. Mais, au moment de prendre la décision, il y a là
une fenêtre ouverte pour faire un certain nombre de déclarations,
et la fenêtre se referme aussitôt, en quelque sorte, dans les jours
qui suivent dès que le conseil d'arbitrage est formé. Le conseil
d'arbitrage peut siéger un bon nombre de mois. Ce sont des choses qui se
trouvent. Je pense que c'est l'occasion dont le gouvernement devrait profiter
pour éclairer l'opinion publique.
C'est tout, M. le Président, je pense que notre point de vue est
adéquatement exprimé et nous sommes fort intéressés
à voir si le gouvernement au moins va accepter cette demande minimale
qui vise à informer le public.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
suspendre quelques minutes de façon qu'on puisse examiner l'amendement,
ou est-ce que c'est anormal de vous le demander?
Le Président (M. Marcoux): Comme il y a consentement, nous
allons suspendre.
M. Laplante: C'est normal, on peut passer à un autre
article en attendant que vous étudiiez cet amendement.
M. Parizeau: J'aimerais, d'autre part, qu'on soit seul si on
pouvait.
Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses
travaux pour quelques minutes.
Suspension de la séance à 10 h 27
Reprise de la séance à 10 h 28
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! La commission
reprend ses travaux. M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, il y a, dans l'amendement
qui nous a été proposé, certaines choses qui me paraissent
acceptables, d'autres qui, à mon sens, le sont moins. Que le public soit
mis au courant quelques jours avant qu'on procède, huit jours comme on
le suggère, de la chronologie des événements et du
résultat des négociations, cela peut, effectivement, clarifier
des choses dans l'opinion publique; je n'en disconviens pas et cela ne me
paraît pas anormal que ce soit demandé. Cependant, que ce soit
rendu public alors que l'Assemblée nationale siège, cela veut
dire qu'en pratique on ne peut pas bouger avant le mois d'octobre. Alors
là, je voudrais expliquer, comment dire, des questions que la commission
ne sait peut-être pas mais une question de fait se pose; la direction de
General Dynamics, c'est-à-dire le président de la compagnie et le
vice-président exécutif, MM. Lewis et Fiske, sont en voyage
autour du monde jusqu'au 24 juin, jusqu'à la Saint-Jean-Baptiste, dans
des pays tels, n'est-ce pas, qu'on voit assez mal les tractations se faire par
téléphone autour de cette question.
C'est d'ailleurs à leur demande que, pour ce qui a trait à
cette voie la plus récente de négociations, on s'est entendu pour
que des travaux soient faits sous la direction du sous-ministre des Finances,
ici, d'une part, et sous la direction du trésorier de la compagnie, M.
Wells, d'autre part, étant entendu cependant que ce n'est qu'à
leur retour, le 24, que l'on apprécierait le fait de savoir si la voie
que nous explorons à l'heure actuelle et qui semble intéressante
pour les deux parties, enfin, à prime abord, vaut la peine d'être
poursuivie ou non. (10 h 30)
Donc, on est certain à cause de cet événement que
le rapport en question ne pourrait pas être déposé avant
l'ajournement de la Chambre, ce qui reporterait tout au mois d'octobre. Ceci me
paraît à la fois malsain et potentiellement dangereux en ce sens
que nous allons savoir quand même très vite après le 24
juin si la voie que nous explorons est porteuse d'un règlement ou
pas.
Normalement, en l'espace de très peu de temps quand je dis
très peu de temps, je veux dire quelques semaines on va le
savoir. Alors là, deux choses peuvent se produire. Ou bien,
effectivement, il y a une entente de gré à gré, ou bien il
n'y a pas d'entente. S'il n'y a pas d'entente et qu'on s'en rend compte,
disons, le 15 juillet, on attend jusqu'en octobre. Cela veut dire trois mois
où les deux parties savent ou sauraient qu'il n'y a pas d'entente
possible et où la compagnie, dans ces conditions, pendant ces trois
mois, pourrait faire n'importe quoi. Quand je dis n'importe quoi, cela peut
être sur le plan aussi bien des dividendes que des ventes, que du
marché. Il n'y aurait, à ce moment, qu'une certitude que la
compagnie aurait, c'est qu'elle va être expropriée, mais que
l'expropriation n'aura pas lieu avant trois mois. Cela ne me paraît pas
sain que, dans les rapports que nous pouvons avoir avec l'Asbestos Corporation,
la compagnie, pendant trois mois, puisse être certaine qu'elle va
être expropriée et que, pendant ces trois mois, elle puisse
littéralement, sur le plan de ses activités, de son
marché, de son financement, de ses dividendes à payer, faire
n'importe quoi.
Dans ce sens, ce que l'on pourrait peut-être accepter, c'est
qu'effectivement un rapport, un peu dans le sens de celui qui est
demandé par l'amendement, soit rendu public, mais dès que le
gouvernement jugera bon de le faire, et non pas en s'imposant à
lui-même d'attendre jusqu'au mois d'octobre.
Nous sommes en train de préparer une forme d'amendement à
l'amendement. Dès qu'il sera prêt, on pourra peut-être le
mettre sur la table.
M. Forget: Très brièvement, M. le Président,
en attendant les modifications suggérées par le ministre, je
reconnais avec plaisir son acceptation de principe de l'idée qu'un
document officiel fasse état d'un certain nombre de choses,
préalablement à l'avis d'expropriation, pourvu que le
délai ne soit pas trop long et qu'il contienne à peu près
en gros les éléments suggérés.
Pour ce qui est du problème de la non-disponibilité de
l'Assemblée nationale en tout temps, qui est soulevé, je me
permettrais de rappeler une chose que, je pense bien, tout le monde
connaît malgré tout. C'est qu'on pourrait retrouver que durant les
quinze dernières années, à un moment ou l'autre,
l'Assemblée nationale a été convoquée pour une
question importante, en juillet, en août, en septembre, pour des
séances d'une journée, deux ou trois au maximum. Malheureusement,
la plupart du temps, il s'agissait de voter une loi de retour au travail dans
le cas d'une grève soit des pompiers je ne sais pas si les
pompiers ont été là-dedans, mais enfin, par
hypothèse des infirmières ou des transports en commun.
Cela n'a jamais présenté de difficultés
considérables sur le plan logistique, en ce sens qu'à
l'intérieur de quelques jours, les convocations sont faites et on trouve
que, même si c'est la période des vacances, la plupart des
députés sont rejoignables assez facilement. De toute
façon, le problème de quorum ne s'est jamais posé à
ces occasions. Cela ne dure pas très longtemps, mais cela permet, dans
le fond, de pallier l'absence de l'Assemblée nationale durant ces
périodes. Même avec le nouveau règlement, on sait que
même s'il y a des dates qui sont prévues pour les séances
de l'Assemblée nationale, on peut siéger en tout temps,
même en dehors de ces dates, avec une simple motion d'urgence. Il est
assez évident qu'aucun parti d'Opposition ne trouverait justifié
de débattre longuement une motion d'urgence visant à faire
siéger l'Assemblée nationale sur un sujet autour duquel il y a eu
de si longs débats.
Je pense qu'à la fois mon collègue de l'Union Nationale et
moi-même pouvons spontanément donner au gouvernement l'assurance
que, s'il voulait faire siéger l'Assemblée nationale pour
entendre un pareil rapport, il n'y aurait véritablement pas de
débat pour s'y opposer. On serait, au contraire, tout à fait
heureux de fournir au gouvernement l'occasion de faire son bilan avant de
passer à l'acte d'expropriation.
Je le mentionne pour que cela ne soit pas oublié. Je pense que
l'objection du ministre des Finances, si ce n'était de cette
possibilité, est tout à fait justifiée. Même si la
radio lui attribuait je pense que c'est vendredi matin, au réseau
anglais de Radio-Canada une déclaration qu'il n'a peut-être
pas faite, d'ailleurs, à savoir que rien ne se ferait du
côté de l'expropriation avant la fin de l'été; en
fin de semaine, il a dit quelque chose qui s'interprète
différemment, soit que cela se ferait plus rapidement.
M. Parizeau: Bien sûr.
M. Forget: Quoi qu'il en soit, il semble y avoir un peu
d'imprécision là-dessus. Je pense bien que le ministre des
Finances ne peut pas, à ce moment-ci, s'engager définitivement
sur une date; c'est contaire à la logique même de la position
gouvernementale là-dessus. Quoi qu'il en soit, même si cela ne
prend pas trois mois, auquel cas il n'y aurait pas de problème, si
ça prend moins de trois mois, il y a toujours l'autre possibilité
que je viens de mentionner, qui est véritablement une chose très
facile qui a été faite dans le passé et qui continue
d'être une possibilité.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Là-dessus, je voudrais quand même
signaler que, quand on réunit le Parlement d'urgence, c'est, comme le
disait le député de Saint-Laurent, pour adopter une loi et c'est
vraiment une situation d'urgence. Là, il n'y a pas de loi à
adopter puisqu'elle serait adoptée. Le gouvernement n'a pas à
demander d'autorisation additionnelle, puisque ce n'est pas le sens de
l'amendement. Donc, on réunirait l'Assemblée nationale
essentiellement pour déposer un rapport et, j'imagine, en discuter
pendant X temps.
D'abord, je ne suis pas certain que cela corresponde du tout à
l'esprit des convocations de
l'Assemblée nationale en dehors des périodes
prévues ou même à la lettre de notre règlement
là-dessus. Mais je ne le connais pas suffisamment, de façon assez
précise pour me prononcer là-dessus. Encore une fois, il serait
très difficile de justifier qu'on réunisse l'Assemblée
nationale simplement pour lui présenter un rapport. Ce serait,
d'ailleurs, un précédent assez remarquable qu'on n'invoque pas
l'urgence, qu'on n'invoque pas une crise, qu'on n'invoque surtout pas la
nécessité d'adopter une loi rapidement pour réunir
l'Assemblée. Je ne suis pas certain que nos amis de l'Opposition
officielle aimeraient beaucoup que le gouvernement lui-même
établisse un précédent pareil. On pourrait la
réunir sur bien des choses pendant l'été. Encore une fois,
il n'y aurait pas de loi à adopter, il n'y aurait pas de pouvoirs
additionnels à demander à l'Assemblée nationale, car, en
vertu de cette loi, elle les aurait donnés.
M. Forget: On pourrait réunir une commission
parlementaire, cela se fait couramment.
M. Parizeau: Ce qu'on pourrait sans doute proposer, c'est
d'inscrire quelque chose comme ceci à l'article 21 : Le gouvernement
doit, avant de signifier l'avis, rendre public un document contenant les
renseignements suivants: la chronologie détaillée des
événements et un sommaire des négociations et de leur
résultat. Cela implique effectivement que le gouvernement doit expliquer
publiquement ce dont il s'agit.
Une des raisons pour lesquelles je suis peut-être un peu moins
spécifique que le texte original présenté par le
député de Saint-Laurent, c'est qu'il peut être très
difficile pour le gouvernement, par exemple, d'expliquer ce qu'est la position
finale de l'autre partie. Dans le sens d'une chronologie, on peut dire: Voici,
enfin, la dernière qu'ils nous ont exprimée. Est-ce que
c'était vraiment leur position finale ou non? Allez donc savoir. Le
gouvernement ne peut tout de même pas, à un moment donné,
préjuger des intentions de la partie d'en face. Si elle décide de
bluffer au cours des derniers jours, je ne prendrais pas la
responsabilité de signer un document qui consiste à dire:
Voilà la position finale de l'autre partie. Je ne vois pas comment je
pourrais faire cela.
Mais en indiquant le sommaire des négociations et de leur
résultat, là évidemment cela implique que le gouvernement
présente sa version de la façon dont les négociations ont
évolué, les positions prises par chacun et les résultats
que cela a donné mais sans avoir à préjuger du
caractère final ou pas de ce que General Dynamics a offert. D'autant
plus que puisqu'il y aurait quelques jours entre le document et l'avis et que
c'est l'avis qui détermine à partir de quel moment le
gouvernement ne peut pas revenir en arrière, il serait toujours possible
qu'entre le résultat, enfin, un document comme celui-là rendu
public par le gouvernement et l'avis, la compagnie, dans les dernières
48 heures, décide de changer son fusil d'épaule. Le gouvernement
aurait l'air particulièrement intelligent d'avoir annoncé trois
jours avant que la position finale de la compagnie c'était ceci, et 48
heures plus tard, que la compagnie décide de la changer. On discute en
termes de quelques jours; je ne joue pas au poker pour être capable de
deviner à ce point quelle est la position finale de l'autre partie.
M. Forget: Cela n'existe jamais, d'ailleurs, sauf par
référence au calendrier.
M. Parizeau: C'est cela, la plus récente, oui, la
finale.
M. Forget: Finale à telle date.
M. Parizeau: C'est cela. C'est pour cela que je dis: la
chronologie détaillée des événements. Cela, bien
sûr, la chronologie, or peut le dire.
M. Bérubé: ... de parler même de proposition
irrévocable; on sait à quel point c'est
éphémère.
M. Parizeau: Bien sûr.
M. Forget: Vous risquez d'être en train de l'apprendre.
M. Bérubé: Vous l'avez déjà
appris.
M. Parizeau: Et dans d'autres circonstances et dans un autre
contexte, je l'ai appris aussi, longuement. Je pense que l'idée, quand
même, que le gouvernement rende public une sorte de rapport avant
d'envoyer l'avis, c'est une idée à laquelle je me rangerais
volontiers, M. le Président.
M. Brochu: M. le Président, si vous permettez, j'aurais
une question: Pourquoi a-t-on enlevé dans la motion de sous-amendement
l'idée d'inclure au sommaire la question des offres et des
contre-offres?
M. Parizeau: C'est la même chose, je ne suis pas certain
qu'on puisse décrire les offres de l'autre partie comme on décrit
les siennes propres. Je voudrais être en mesure, si un rapport comme
celui-là est présenté, d'indiquer, comme le gouvernement
les voit, les offres ou contre-offres qui ont été
présentées par la compagnie, mais en laissant à tous
égards le droit à la compagnie de corriger le lendemain en
disant: Ecoutez vous avez présenté ma position comme étant
complètement de travers.
M. Brochu: Si je comprends bien, il ne s'agit pas d'une
interprétation des offres, mais simplement de données factuelles
en ce qui concerne le contenu même de ce qui a été offert
de part et d'autre.
M. Parizeau: C'est très difficile pour...
M. Brochu: Est-ce qu'on ne risquerait pas un peu de se retrouver
dans une situation similaire à
celle qu'on a déplorée au point de départ? On
disait: General Dynamics dit qu'il n'y a pas eu négociation. Le
gouvernement dit qu'il y a eu négociation. On est resté sur deux
prix fixes et, à toutes fins utiles, on n'a pas su plus que cela.
M. Parizeau: Voici pourquoi. Il y a des offres et des
contre-offres qui sont à ce point discutées par suffisamment de
techniciens et de consultants pour qu'on puisse considérer qu'elles ont
été vraiment explorées jusqu'à leur
conséquence ultime. Les chiffres ont été calculés.
Des papiers, même, ont été préparés de part
et d'autre et cela a été confronté à une table. On
en est arrivé à la conclusion que cela intéresse
peut-être une partie et cela n'intéresse pas l'autre. Donc/'cette
voie est éteinte. Elle s'arrête là. Dans d'autres cas, vous
avez des offres ou des contre-offres qui sont rigoureusement exploratoires, qui
commencent au téléphone et où le résultat est
très rapide: Non, cela ne nous intéresse pas. Et là, on ne
va pas commencer à écrire au long, de chaque côté,
le papier qui désigne cette offre et cette contre-offre, parce qu'il est
apparu en dix minutes qu'une des deux parties n'est absolument pas
intéressée.
J'irai plus loin que cela. Il est arrivé qu'un prix soit
simplement lancé au téléphone pour voir comment l'autre
réagit, sujet, bien sûr, à l'acceptation par des instances
plus élevées et où la réponse vient tout de suite:
Non, pas au prix original et pas à ce prix-là non plus. Est-ce
qu'on écrit tout cela? En somme, ce que je veux dire, c'est qu'il y a
des offres et des contre-offres qui ont été très
très fouillées et sur lesquelles il y a des foules de papiers. Il
y a une base matérielle sur laquelle on peut s'appuyer et il y a des
offres et des contre-offres qui ont été simplement le
résultat et j'imagine que cela va continuer comme cela de
sondages. Si on dit: Les offres et les contre-offres, c'est tout, la
totalité de tout cela, avec la possibilité de discussions
sempiternelles: Non, ce n'est pas ce que je vous ai dit au
téléphone. Oui, c'est ce que vous m'avez dit au
téléphone, on n'en sort plus. Il y a aura nécessairement
dans un mémoire comme celui-là, c'est pour cela que je dis un
sommaire des négociations et de leur résultat... Ce qu'il
faudrait mettre là-dedans, ce sont des choses qui ont été
quand même assez longuement explorées. Moi, c'est un peu comme
cela que je l'interprétais, c'est-à-dire ce qui a donné
lieu quand même à pas mal de discussions et une certaine
préparation technique de la part des équipes des deux
côtés. Oui, cela, il faut en faire état, bien
sûr.
M. Brochu: L'essentiel de l'ossature de...
M. Parizeau: C'est cela. C'est cela, mais pas tous les appels
téléphoniques...
M. Ciaccia: Mais pour donner...
M. Parizeau: ... parce que, là, on entre dans des
appréciations subjectives dont on ne sortira jamais.
M. Ciaccia:... un portrait exact de ce qui s'est passé, si
c'est une question d'information publique, l'élément essentiel au
public n'est pas seulement que vous vous êtes rencontrés et que
vous ayez négocié. Je pense qu'on le présume.
L'élément essentiel n'est-il pas que nous avons offert X dollars,
que cela a été refusé et la compagnie a demandé X
dollars et nous l'avons refusé? N'est-ce pas là l'essentiel de
l'information?
M. Parizeau: Oh! non. Non, parce que...
M. Ciaccia: Un des points principaux devrait être le prix.
Si vous écartez le prix, les offres et les contre-offres, je pense
que...
M. Parizeau: Non. Je vais vous donner un exemple de ce que je
veux dire. Une des offres qui nous ont été faites j'ai eu
l'occasion d'en faire état à l'Assemblée nationale
a été ceci: un certain prix et un honoraire de gestion,
l'honoraire de gestion étant tel qu'en fait, assez rapidement, la
compagnie retrouvait le prix qu'originairement elle avait demandé. Ce
qui était correct en soi. Je veux dire que c'est une position de
négociation comme une autre. Donc, cela n'est pas une question de: "Je
vous offre un prix et vous me répondez par un prix". C'est qu'il y a eu
des tas de façons de définir disons pas seulement
le prix, mais la compensation ultime de la compagnie. Etablir la compensation
ultime de la compagnie, il y a bien des façons de faire cela.
M. Ciaccia: Cela fait partie de l'offre et de la contre-offre,
que ce soit seulement le prix de X dollars l'action ou X dollars pour les
actifs, incluant...
M. Parizeau: Plus ceci, moins cela, etc. Bien sûr.
M. Ciaccia: Ne trouvez-vous pas que ce serait essentiel que le
public sache cela?
M. Parizeau: C'est la raison pour laquelle je veux un sommaire
des négociations et de leurs résultats. C'est dans ce
sens-là que je le comprends. C'est indiqué que le sommaire des
négociations doit être normalement un résumé de
chacune des voies qui ont été abordées, enfin, les voies
importantes qui ont été examinées sérieusement
je ne parle pas des appels téléphoniques parce qu'au
téléphone on ne s'en sortira jamais, d'autant plus qu'il s'en
fait à tous les niveaux et que je serais bien embarrassé
d'être certain que chaque appel téléphonique a
été noté avec son contenu chacune des voies qui ont
été explorées et le résultat que cela a
donné.
M. Ciaccia: Je n'ai pas à donner un chiffre à ces
résultats-là. De la façon dont votre amendement est
rédigé, il n'y a aucun engagement de votre part de donner le prix
ou de donner l'offre concrète. Vous dites: Un résultat. On a
exploré une telle possibilité et cela a abouti à une
non-avenue;
cela n'a rien donné. Il n'y a aucune obligation de faire le point
sur les chiffres réels et les dollars réels.
M. Parizeau: Pas nécessairement, en effet, parce que je ne
voudrais pas qu'on écrête... Je ne voudrais pas qu'à un
moment donné, par exemple, on ait tendance à plaider devant le
tribunal d'arbitrage la meilleure partie de chaque offre ou de chaque
contre-offre. Il est évident que chaque offre et que chaque contre-offre
peut comporter un prix bas, un autre type de compensation, un prix plus
élevé et pas de compensation du tout. Je ne suis pas du tout
certain que tous les chiffres, pour toutes ces offres et pour toutes ces
contre-offres, doivent être mis sur la table parce que, à ce
moment-là, ce n'est pas la pression... On peut facilement commencer
à plaider qu'il faut ramasser la meilleure partie de chaque offre. Je ne
suis pas du tout certain que...
M. Ciaccia: Cela peut oeuvrer contre General Dynamics aussi,
parce que la même chose peut se produire.
M. Parizeau: Sauf que General Dynamics ne présente pas un
rapport. Elle ne présente pas un rapport de cela. En tout cas, elle peut
bien le présenter ou ne pas le présenter, mais elle ne s'engage
pas. N'oubliez pas que c'est un engagement que je prends d'après la
loi.
M. Ciaccia: C'est un engagement de...
M. Parizeau: Si je prends un engagement comme celui-là, je
veux quand même avoir un minimum de latitude parce que la compagnie ne
s'est pas engagée à faire la même chose.
M. Ciaccia: Non, mais l'engagement n'est pas seulement de
dévoiler vos offres. L'engagement est également de
dévoiler la position de la compagnie et cela devient, je dirais, presque
l'information que la compagnie aurait donnée parce que...
M. Parizeau: La compagnie peut fort bien nier.
M. Ciaccia: A moins que la compagnie ne dise: "Non, je n'ai pas
dit cela".
M. Parizeau: Je n'ai pas dit cela. M. Ciaccia: Alors,
à ce moment-là...
M. Parizeau: J'irai plus loin. J'irai plus loin encore. C'est
que, normalement ou logiquement, dans cet esprit, si on veut faire un travail
correct, on devrait fournir une espèce de rédaction
préliminaire, un papier comme celui-là à la compagnie, en
disant: Est-ce que vous êtes d'accord que c'est un résumé
honnête? A un moment donné, elle peut bien dire: Ecoutez! Oui,
mais si vous mentionnez telle chose, cela peut être préjudiciable
à ma présentation devant un tribunal d'arbitrage; je ne veux pas
que vous parliez de cela. J'aurais à décider si j'en parle ou si
je n'en parle pas. Ce que je veux dire, c'est que, encore une fois, ce n'est
pas parce qu'on écrirait un amendement comme celui-là dans la loi
que la compagnie pourrait se sentir liée de quelque façon que ce
soit. A un moment donné, j'aurais à apprécier le contenu.
C'est assez clair. Ou présenter quelque chose qui me paraît
correct, quitte à m'engager à ce qu'il y ait un débat
public avec la compagnie, ou bien de chercher à sortir un papier qui,
autant que possible, pour les deux parties, représente un
résumé honnête de ce qui s'est passé.
Donc, je ne peux pas m'engager dans l'article de la loi à une
description trop précise du contenu, tout en respectant, cependant, je
pense, ce que vous avez suggéré. Je pense que ce n'est pas une
mauvaise idée qu'effectivement le public soit mis au courant avant qu'on
procède.
M. Laplante: A l'Hydro-Québec, qu'est-ce qui
s'était passé à ce moment-là? Il n'y avait pas de
loi d'expropriation, mais est-ce qu'on a publicise l'accord et le
désaccord entre les compagnies? Il a dû y avoir des
désaccords pour certaines compagnies?
M. Parizeau: Avec la Shawinigan, il y en a eu
d'extraordinaires.
M. Laplante: Est-ce qu'on a publicisé cela?
M. Parizeau: Non, il n'y avait pas eu quelque chose d'aussi
formel.
M. Ciaccia: Cela a été déposé.
M. Parizeau: Cela a été une offre, mais une offre
sur le marché. Comme il n'y avait pas de groupe qui contrôlait un
intérêt majoritaire dans le cas de la Shawinigan, c'est une offre
qui a été faite à la Bourse, alors qu'au contraire, dans
le cas de Northern Power ou de la Compagnie de pouvoir du Bas-Saint-Laurent, il
y avait des actionnaires majoritaires et cela a été une
transaction de gré à gré qui a été
simplement annoncée après. On a dit: On s'est entendu pout tel
prix.
M. Laplante: C'est dangereux, ce qu'on fait pour votre
crédibilité et la crédibilité du gouvernement.
M. Parizeau: C'est la raison pour laquelle je veux quand
même me laisser un peu de latitude.
M. Forget: J'ai bien l'impression que les arguments que donne le
ministre des Finances, premièrement, sur la question de savoir
jusqu'à quel point les déclarations qu'il ferait pourraient
être interprétées en sa faveur au moment de l'arbitrage ne
tiennent pas davantage que dans le cas des déclarations qui seraient
prêtées à la compagnie. Il est coutumier dans des
négociations de faire des offres et des contre-offres sans
préjudice. D'ailleurs, c'est souvent l'expression qui est
utilisée
étant donné qu'on ne peut pas porter préjudice
à sa cause, même s'il est question d'aller en cour. On sait
très bien qu'on peut presque faire des admissions de
responsabilité, implicitement au moins, dans des offres de
règlement hors cour, qui ne peuvent pas être retenues comme des
admissions de responsabilité si, effectivement, cela va devant le
tribunal. Je ne pense pas, non plus, qu'il faille exagérer l'importance
que l'on donne dans une situation de négociation à des
déclarations qui sont faites dans ce contexte. Lorsqu'après il
est saisi d'une cause, un tribunal qui vaut son sel sait très bien que
chacune des parties est prête, pour obtenir un règlement de
gré à gré, à faire des concessions qu'elle ne fera
pas dans un autre contexte.
D'un autre côté, si le gouvernement est persuadé
qu'il doit être extrêmement prudent dans une telle
déclaration, cela nous place dans une situation extrêmement
difficile parce qu'il est clair que le libellé qu'on nous propose est un
libellé extrêmement modeste, extrêmement restrictif, dans le
fond, par les domaines qu'il mentionne explicitement; il y en a très
peu. On serait mal placé, après coup, de condamner le
gouvernement pour en avoir fait une interprétation extrêmement
restrictive si on y souscrit d'avance. Je pense que le gouvernement, par la
bouche du ministre des Finances, a manifesté qu'il était d'accord
en principe pour dire quelque chose au moment où il prendra sa
décision finale d'exproprier. D'ailleurs, il est fort possible qu'il va,
de toute façon, devoir dire quelque chose. Un gouvernement, après
tout, ne prend pas une décision comme celle-là dans le silence le
plus complet. D'un autre côté, des éléments...
M. Parizeau: Ce n'est pas le tonnerre de Zeus, cela.
M. Forget: ... essentiels se trouvent à manquer. D'une
part, plus j'écoute le ministre des Finances plus il devient incertain
qu'il va y avoir suffisamment d'information là-dedans pour que cela soit
véritablement utile pour permettre aux citoyens de savoir où on
s'en va dans cet arbitrage. Deuxièmement, il n'y a aucune
possibilité d'échanges et de débat parlementaire, ce qui
veut dire que l'Assemblée nationale, là-dedans, n'est qu'un
témoin passif et muet de ce que le gouvernement décide de faire.
Pour ces deux raisons, je serais porté à dire: Laissons le
gouvernement assumer ses responsabilités et le faire de la façon
qu'il le voudra et laissons le public et l'Assemblée nationale le juger
subséquemment quant à la façon de s'exécuter. (11
heures)
Si nous ne sommes pas pour aller plus loin que cela, dans le fond, ce
qu'il y a dans cet amendement modifié n'est rien d'autre que ce qu'on
peut déduire des principes généraux du fonctionnement d'un
gouvernement démocratique, c'est-à-dire, qui doit s'expliquer.
Mais s'il n'est pas astreint à des explications précises dans un
contexte de débat parlementaire, dans le fond, l'amende- ment perd un
peu sa raison d'être et je serais porté, quant à moi, sous
réserve de ce que mes collègues peuvent avoir à ajouter
là-dessus, à dire: Cela n'en vaut peut-être pas la
peine.
M. Parizeau: Si le député de Saint-Laurent, M. le
Président, juge que cela n'en vaut pas la peine, moi je n'avais pas
présenté formellement l'amendement précisément pour
sonder la réaction de nos amis d'en face. S'ils jugent que ce n'est pas
nécessaire, je n'y tiens pas. Il est évident, comme le disait le
député de Saint-Laurent, que je vois très mal, de toute
façon, le gouvernement émettre un avis d'expropriation à
16 heures, un après-midi, sans explication aucune. Ce serait quand
même assez baroque. C'est le moins qu'on puisse en dire.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous êtes
prêts à voter l'amendement?
M. Brochu: Si j'ai bien compris, le député de
Saint-Laurent retire la proposition d'amendement qu'il avait faite?
M. Forget: On ne retire pas la proposition, la commission aura
à se prononcer sur l'amendement tel que présenté.
M. Parizeau: On ne discutait que de l'amendement.
M. Ciaccia: J'ai demandé si le ministre a donné des
raisons pour lesquelles il ne peut pas convoquer l'Assemblée nationale
ou s'il va envoyer un avis durant l'été avant que
l'Assemblée nationale soit ajournée. Il a donné ses
raisons, je pense qu'elles étaient assez valables. Est-ce que le
ministre nous dit qu'il refuse de convoquer une commission parlementaire pour
déposer un tel document? Cela se fait. Les commissions parlementaires se
convoquent durant l'été et cela ne crée pas de
précédent.
M. Bérubé: M. le Président, je pense que
lorsqu'on consulte la presse, on se rend compte d'un commentaire assez
universel suivant lequel les discussions entourant le présent projet et
le projet de loi no 70 créant la Société nationale de
l'amiante ont permis de faire ressortir à peu près tout ce qu'il
y avait d'arguments pour et contre. D'ailleurs, la presse souligne assez
fréquemment depuis quelque temps le peu de nouveauté des
arguments, tant du gouvernement que de l'Opposition. Par conséquent, il
n'apparaît pas, en tous les cas, que les présentes discussions
fassent progresser de façon significative tant la thèse du
gouvernement que la thèse de l'Opposition, dans la mesure où il
s'agit d'une opposition un peu politique, à savoir: doit-on faire appel
à un moyen pour promouvoir le développement de l'industrie de
l'amiante ou non, l'Opposition étant favorable au principe de la
transformation, mais estimant qu'il n'est pas nécessaire de
posséder une mine pour la transformation. C'est le débat de
fond.
En ce qui concerne le prix à payer, le présent projet de
loi vise à constituer un tribunal d'arbitrage qui permettra de fournir
un mécanisme neutre pour évaluer ce qu'est la juste valeur
marchande pour l'entreprise, advenant le cas où la négociation a
achoppé. Nous n'avons donc pas à nous substituer à ce
tribunal, mais nous devons tout simplement le constituer, lui définir
des critères sur lesquels il doit évaluer l'expropriation et le
laisser jouer son rôle d'arbitre. Ce n'est pas à
l'Assemblée nationale de décider quel est le prix à payer.
C'est d'ailleurs la position du gouvernement depuis le début. Nous
préférons un tribunal d'arbitrage à caractère
juridique plutôt qu'un débat politique avec toutes les passions
que l'on connaît et les opinions personnelles qui, finalement,
prévalent sur une saine justice, une saine objectivité.
Par conséquent, je ne vois pas l'utilité d'un nouveau
débat concernant l'expropriation, d'autant plus qu'advenant
l'hypothèse où la société General Dynamics n'aurait
pas accepté les recommandations du Parti libéral et n'aurait pas
choisi de publier ses études, donc, advenant cette situation, la
population ne serait guère plus éclairée qu'elle ne l'est
présentement.
Le Parti libéral, évidemment, n'a pas intérêt
à avoir la publication de ces documents de General Dynamics puisqu'ils y
ont accès couramment, facilement et qu'ils ont toute l'information
nécessaire. Donc, ils connaissent très bien les
différences entre la position gouvernementale et la position de General
Dynamics puisque la société les a mis au courant. Ils sont
d'ailleurs les seuls dans cette situation, parce que les députés
de notre formation politique n'ont pas accès à cette information
et les députés de l'Union Nationale non plus.
Donc, dans la mesure où la société General Dynamics
choisirait de ne pas rendre publiques ces études, nous ne serions pas
plus avancés. Nous nous retrouverions à nouveau dans la situation
où, sans avoir plus d'information que ce que nous avons en main
présentement, nous voudrions entreprendre un débat. Ce
débat risquerait non pas de tourner court, parce qu'on connaît la
facilité avec laquelle ces débats peuvent être
prolongés pendant des heures et des heures, mais je pense qu'on
éclairerait fort peu l'opinion publique. Elle ne le serait certainement
pas plus qu'elle ne l'est déjà, car, présentement, il faut
quand même reconnaître que nous avons déposé nos
propres études; la population sait que nous estimons à $42 un
prix juste, la juste valeur marchande est évaluée à $42.
Nous sommes fermement convaincus que c'est une évaluation
généreuse et que, par conséquent, nul ne pourra nous en
faire reproche.
Nous avons fourni à l'Assemblée nationale plus même
que ce que l'Opposition a réclamé; l'Opposition a
réclamé trois experts choisis par le gouvernement, nous avons
fait appel à des experts neutres véritablement de
l'extérieur en les mandatant de nous faire une analyse qui
résisterait à toute contestation juridique. Dans ces conditions,
nous sommes fermement convaincus que nous disposons d'une très bonne
base de discussion, une très bonne base de départ, et nous ne
voyons pas en quoi une discussion à l'Assemblée nationale va
faire progresser l'étude plus que cela, sinon qu'elle va lasser les gens
d'entendre l'Opposition réitérer, réitérer ad
nauseam les mêmes arguments qui ne permettent pas de faire avancer les
débats, en aucune façon.
M. Ciaccia: C'est le non le plus long que j'aie jamais entendu.
J'accepterais s'il avait dit seulement non. Il a fait certains commentaires
qu'on ne peut laisser passer. Si je comprends bien le ministre, on pourrait
venir à la conclusion qu'une commission parlementaire c'est absolument
inutile. Toutes les commissions parlementaires que nous avons eues, soit sur le
projet de loi no 70, soit sur l'expropriation, cela aurait pu se faire par
l'entremise des journaux, et voir si la presse va informer la population.
Cela ne vous fait rien si je suis un peu en désaccord sur ce
point de vue. Le débat aux commissions parlementaires, le débat
à l'Assemblée nationale, c'est là où nous avons pu
obtenir certaines informations, où nous avons pu démontrer qu'on
n'avait pas d'information, qu'on manquait d'information, et c'est de cette
façon que nous avons pu informer le public.
Le but de la commission parlementaire que vous pourriez convoquer
à l'été ne serait pas de reprendre le débat
complètement sur toutes nos raisons pour ou contre l'expropriation. Nous
avons déjà donné le but de cette commission parlementaire,
ce serait l'information, donner de l'information au public et nous permettre
à nous de poser certaines questions. Juste déposer un document
donnant le point de vue du gouvernement, je ne pense pas que ce soit de cette
façon que l'information se donne. Ce serait un genre d'information
biaisée. Le but des commissions, c'est de permettre de faire ressortir
certains points, ou que vous avez omis, ou que vous auriez dû inclure.
C'est seulement de cette façon qu'on peut informer la population.
On dirait que vous craignez, selon toutes vos remarques, cette
commission parlementaire. Vous voulez que le moins d'information possible soit
donnée au public. Nous ne pourrions pas, à la suite d'une telle
commission, où nous étudierions l'état des
négociations ou les positions et l'information que vous allez donner,
reprendre tout le débat. Ce serait justement de maintenir un peu la
confiance. Les gens de l'extérieur, à la façon avec
laquelle le gouvernement se comporte, parce que cela affecte la
confiance...
Pour ceux qui sont soucieux de cela, je pense qu'une fois qu'on a admis,
on est contre l'expropriation, mais une fois que vous en aurez pris la
décision, nous voulons seulement nous assurer que toutes les mesures
possibles, que toutes les précautions, que toute l'information a
été donnée non seulement pour informer la population, mais
aussi pour démontrer à ceux qui sont en dehors du Québec
que le gouvernement a vraiment fait tout son possible et qu'il a
procédé seulement quand c'était final, qu'il n'y avait pas
d'autre choix. C'est pour ces raisons que nous avons voulu une
commission parlementaire pour étudier un document, mais non un
document qui ne donnerait pas de détail. Nous aurions voulu le document
qui était spécifié dans la motion d'amendement du
député de Saint-Laurent pour nous permettre de poser les
questions nécessaires et pour donner aussi l'information
nécessaire au public.
M. Forget: Est-ce que le ministre pourrait nous donner le
résultat de la réflexion qu'il nous a promis de faire, je pense,
vendredi soir, relativement à la publication de l'étude maison,
de l'évaluation maison? On a appris vendredi qu'une évaluation
maison avait été faite préalablement à la
conclusion de l'étude Kidder, Peabody pour un montant de $46.80 ou
$46.20, je ne me souviens plus exactement. Le ministre a dit qu'il
réfléchirait à l'opportunité de déposer,
avec certaines omissions relatives aux données fiscales, ce document.
Est-ce qu'il y a une conclusion, de ce côté-là, qu'on
pourrait connaître?
M. Bérubé: Nous sommes présentement à
regarder l'étude en question et à vérifier la nature des
informations qui pourraient être de caractère confidentiel, de
manière à pouvoir y apporter des corrections. A la lumière
de cela, nous pourrons juger si le document n'est pas à ce point
dénaturé qu'il perd sa valeur, ce qui éviterait à
l'Opposition de jouer les vierges offensées et protester contre
certaines soustractions un peu trop généreuses.
M. Forget: Vous pensez que d'ici quelques jours vous allez en
arriver à une conclusion là-dessus? On pourra revenir à
l'Assemblée nationale avec une question.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Au sujet de ce que disait tout à l'heure le
député de Mont-Royal, je voudrais faire quelques commentaires.
D'abord, il disait qu'il faut prendre un certain nombre de précautions,
et je suis bien d'accord avec lui là-dessus. Il faut prendre des
précautions de tout genre et, surtout, il ne faut pas jouer les
naïfs. Il y a des précautions qu'on doit prendre, quand ce ne
serait qu'à l'égard de l'argent des contribuables. Cela aussi,
c'est important. Il va arriver, à un moment donné, quand les
directeurs de General Dynamics vont revenir de leur voyage, où, assez
rapidement, ils auront à se prononcer sur cette voie que nous avons
ouverte. J'imagine qu'ils vont demander un délai. D'ailleurs, ce serait
normal. Je ne vais pas m'imaginer qu'en 48 heures ils vont donner une
réponse, ce ne serait pas raisonnable. Ils vont donc demander un
délai. Au bout de ce délai, ça marche ou ça ne
marche pas. Je reviens sur ce que je disais précédemment.
Supposons qu'on constate que ça ne marche pas et qu'on va à
l'expropriation, à partir de ce moment, à partir du moment
où les deux parties savent bien qu'il n'y a plus de voie à
explorer, qu'on va vers l'expropriation, là, il faut faire attention
pour ne pas perdre de temps. Là, on serait naïf de réunir
une commission parlementaire qui siégerait une couple de jours, une
semaine; ensuite, une journée, une deuxième semaine; ensuite, un
rapport public; ensuite, plusieurs jours plus tard, l'avis.
Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards
sauvages! Une compagnie qui sait qu'elle va être expropriée,
à partir du moment où il est clair qu'elle va l'être, il ne
faut pas lui donner trop de temps pour se retourner.
M. Bérubé: II y a la spéculation.
M. Parizeau: Je ne veux, d'aucune espèce de façon,
porter des accusations à l'égard de qui que ce soit, mais il ne
faut pas être naïf non plus, n'est-ce pas?
D'autre part, le député de Mont-Royal disait: II faut
s'assurer, auprès des gens qui sont hors du Québec, qu'ils
sachent qu'on a procédé correctement. Je voudrais revenir sur une
chose que j'ai déjà soulignée à l'Assemblée
nationale. On dit que je ne donne pas beaucoup de renseignements, mais sous
l'effet des questions du député de Saint-Laurent, j'en donne
régulièrement. Je reviendrai d'ailleurs là-dessus tout
à l'heure.
Je rappellerai au député de Mont-Royal que j'ai
procédé à quelque chose qui est assez unique sur ce plan
lorsque certaines interrogations nous sont venues de l'ambassade des
Etats-Unis. Je leur ai dit: Envoyez donc un observateur aux discussions. On ne
fait pas cela toujours, vous savez. C'est assez inédit comme
proposition. Que l'ambassadeur des Etats-Unis ait décidé de
refuser mon offre, bon, parfait, cela le regarde. Mais qu'on ne vienne pas nous
dire qu'on tient toutes ces histoires cachées et qu'on cherche à
procéder par des voies détournées. Le rapport de Kidder,
Peabody est public; toute une série de questions ou d'interrogations au
sujet des voies de négociation qui ont été ouvertes et
puis fermées, tout cela est finalement sorti. Que des inquiétudes
que pouvaient avoir certains milieux politiques américains se soient
traduites par des démarches de l'ambassadeur, bien sûr, on lui a
fourni toute possibilité de se renseigner sur la façon dont cela
évoluait et cela me paraissait, d'ailleurs, normal. Qu'il n'ait pas
suivi cela, cela le regarde.
Quatrièmement, il ne faut quand même pas se faire
d'illusions, non plus, sur les répercussions réelles que cela a
à l'extérieur du Québec. Les milieux financiers à
New-York, qui sont après tout un baromètre extrêmement
précis de la nervosité ou de l'absence de nervosité qu'il
peut y avoir aux Etats-Unis, sont comment dire parfaitement au
courant de ce que nous faisons depuis fort longtemps, en fait depuis le
discours du premier ministre à l'Economic Club au début de 1977.
Certaines des conversations que nous avons eues avec ces milieux financiers de
New York donnent des résultats absolument étonnants. Est-ce que,
effectivement, on se sent nerveux là-bas? Réponse: Bien non, cela
fait deux ans que vous nous répétez la même chose. Je vous
avouerai que cette réaction hors Québec des milieux financiers
me
paraît quand même la réaction majeure; c'est
celle-là qui, pour nous, a le plus d'importance et le plus d'impact.
Est-ce qu'ils comprennent où on va? Est-ce qu'ils se rendent compte de
ce qu'on veut faire? Ils nous répondent: Certainement, on le sait, cela
fait deux ans que vous nous l'avez dit; il n'y a rien de
particulièrement nouveau dans tout cela.
Alors, l'impression que nous avons à tous égards, M. le
Président, c'est que, jusqu'à maintenant, on a fourni beaucoup de
renseignements, on a rendu publiques beaucoup de choses, mais que là on
arrive vraiment à l'échéance; il reste une voie à
examiner et, si elle ne marche pas, il faut procéder. On ne peut pas
reporter constamment les échéances. A un moment donné,
quand on commence à reporter les échéances, cela devient
de notre part simplement une preuve de naïveté. Alors, qu'on essaie
de nous présenter cela comme une preuve de sérieux du
gouvernement qu'il franchisse à nouveau d'autres étapes, il
arrive un moment où ce n'est pas une preuve de sérieux; encore
une fois, c'est une preuve de candeur, pour ne pas dire de
naïveté.
M. Grégoire: M. le Président, je crois qu'il serait
bon aussi de soumettre ici le point de vue du milieu, de la région,
à ce sujet. Quand on a l'occasion de rencontrer les syndiqués,
les travailleurs de l'amiante, quand on a l'occasion également de
rencontrer la direction de la mine, on s'aperçoit que c'est une
situation qui traîne déjà depuis assez longtemps et que
tout délai nouveau apporté à une solution entraîne
une dégradation du moral de ceux qui travaillent dans le milieu. On sait
qu'une mine, ce n'est pas comme une entreprise; il y a de l'entretien à
faire quand c'est souterrain. Si la compagnie s'attend à un changement,
à être expropriée, on néglige l'entretien et
même les directeurs des opérations à Thetford Mines
reconnaissent qu'il y a une négligence de ce côté. Ceux qui
sont sous-entrepreneurs des mines pour voir à l'entretien reconnaissent
que cela fait énormément diminuer la vie économique dans
ce secteur à Thetford et les syndiqués mêmes sont les
premiers à s'en plaindre. Pour toutes ces raisons, je crois que des
délais nouveaux, après toutes les discussions qu'il y a eu depuis
deux ans à ce sujet, seraient préjudiciables à
l'économie de la région.
M. Forget: M. le Président, j'aurais juste une question
à poser au ministre des Finances; après quoi, quant à
nous, on serait prêt à voter sur l'amendement et sur l'article. Le
ministre des Finances a dit, en réponse à mon collègue de
Mont-Royal, que du côté américain on était satisfait
de la bonne marche de la négociation, qu'on n'y voyait rien
d'inquiétant ou d'anormal. La-dessus, il a certainement des
informations...
M. Parizeau: Je parlais des milieux financiers.
M. Forget: ... de meilleure source que nous, puisque nous ne
sommes pas en relation avec ces milieux de la même façon qu'il
l'est pour les fins de l'administration gouvernementale. Il a cependant fait
une allusion à la participation possible, comme observateurs, des
services de l'ambassade américaine au Canada, et il a laissé
entendre que c'était une initiative qu'avait prise l'ambassade
auprès du gouvernement du Québec, à la demande de General
Dynamics. Est-ce bien ce qu'il faut comprendre, que l'initiative procède
dans ce sens-là, c'est-à-dire: de General Dynamics,
démarche auprès du gouvernement américain ou les milieux
diplomatiques américains, et à son tour, démarche de
l'ambassadeur auprès du gouvernement du Québec?
M. Parizeau: M. le Président, on disait tout à
l'heure qu'il faut présenter un résumé des offres et des
contre-offres. Je disais: II faut faire attention, cela peut mener dans des
ambiguïtés d'interprétation extraordinaires. Là, on
en a un très bon exemple. Je ne peux savoir, moi, qui a fait des
démarches auprès de qui pour obtenir tel résultat. Je peux
avoir mes convictions, mais des convictions, ce n'est pas une
démonstration. Ce que je sais, c'est que l'ambassadeur des Etats-Unis
est venu me voir.
M. Forget: II a pris l'initiative de venir vous voir...
M. Parizeau: Oui.
M. Forget:... sans que personne au gouvernement du Québec
ne le pressente au départ?
M. Parizeau: Pas que je sache, non. Cela s'est fait en deux
temps. Moi, j'ai eu le deuxième temps. Le premier temps si je
comprends bien il a rencontré M. Bérubé et un ou
deux autres ministres...
M. Bérubé: Et M. Morin.
M. Parizeau: C'est cela. Alors, comme je ne pouvais pas assister
à la réunion, j'ai eu le deuxième temps. Il est venu me
voir à Montréal et m'a dit: J'aimerais être davantage au
courant de ce qui se passe dans cette négociation. Il est apparu assez
clairement qu'il avait comment dire certaines inquiétudes
sur la façon dont cela pouvait se dérouler. Je lui ai donc
répondu: II n'y a pas de raison que vous ayez des inquiétudes sur
le déroulement. Tenez! Il y a des réunions qui recommencent...
C'était à New York, je pense? C'est cela?
M. Bérubé: Oui.
M. Parizeau: A New York, deux ou trois jours après.
Pourquoi n'envoyez-vous pas quelqu'un regarder? Parlez-en à General
Dynamics. Pour moi, en tout cas, de mon côté, cela ne
présentait aucun problème. Et il y avait à cette
réunion ce n'est pas là, encore une fois, une conversation
téléphonique ou une réunion, comment dire, à deux,
sans témoin, il y avait... C'était Clark?
M. Bérubé: C'est cela.
M. Parizeau: II y avait M. Clark, qui est conseiller
économique de l'ambassade des Etats-Unis, qui assistait à la
réunion, et le sous-ministre des Finances, M. Caron. Et encore une fois,
il n'y a rien là-dedans qui me paraît anormal. Quand des gens ont
des inquiétudes ou peuvent avoir des inquiétudes sur la
façon dont on procède, la façon la plus simple est de
dire: Venez voir.
M. Forget: II n'y a rien d'anormal, M. le Président. Le
seul but de ma question est de savoir qui avait fait le premier pas, parce que
cela a quand même un certain intérêt. Je comprends que le
ministre ne peut pas savoir s'il s'est passé quelque chose ou dans quel
ordre cela s'est fait entre General Dynamics et l'ambassade. Ce n'est
évidemment pas l'objet de ma question. Mais pour ce qui est des contacts
qu'il y a eu entre l'ambassade américaine et le gouvernement du
Québec, il est extrêmement intéressant de savoir si c'est
l'ambassade qui a pris l'initiative de la première démarche ou si
c'est peut-être le gouvernement du Québec qui l'aurait faite.
M. Parizeau: Je laisserai M. Bérubé répondre
parce qu'encore une fois, il était du premier temps de cette
opération.
M. Bérubé: Essentiellement, c'est le consulat de
Québec qui a ménagé une rencontre non officielle autour
d'une table où, à cette occasion, l'ambassadeur des Etats-Unis
était présent d'ailleurs. Nous ignorions le but de la rencontre
comme telle. C'était une invitation amicale à laquelle,
d'ailleurs, nous sommes habitués puisque les relations sont bonnes entre
le consul américain et plusieurs membres du gouvernement et
moi-même, je dois dire. Donc, à l'occasion d'un dîner,
purement et simplement l'ambassadeur américain était
présent nous avons discuté de quantité de choses.
Ce qui est apparu concernant le cas plus précisément qui nous
intéresse en ce moment, étant donné certaines
déclarations publiques de la société General Dynamics
à savoir qu'il n'y avait pas eu vraiment de négociations entre le
gouvernement et la société, l'ambassadeur américain
voulait se renseigner personnellement, à savoir si, effectivement, il y
avait eu négociation. Il s'était même offert, non pas
à négocier à la place du gouvernement, mais si nous avions
des problèmes de contacts avec l'entreprise, il s'offrait à
assurer de telles rencontres. Nous lui avons fait savoir à ce
moment-là qu'au contraire, les contacts avaient été
multiples entre l'entreprise et le gouvernement et que ce n'était pas
une question de contacts, mais plutôt une question de désaccord
quant à la valeur de l'entreprise.
M. Forget: Cette rencontre était la première entre
un membre du gouvernement du Québec et l'ambassade américaine au
sujet de... Elle n'avait été précédée par
aucun autre contact par aucun de vos collègues, y compris le ministre
des Affaires intergouvernementales?
M. Bérubé: Non. A ma connaissance, à notre
connaissance, non.
M. Forget: A votre connaissance. Est-ce que c'est seulement
à votre connaissance ou si c'est une affirmation catégorique que
cela n'a pas été précédé d'une autre...
M. Bérubé: Pour autant que le premier ministre, le
ministre des Affaires intergouvernementales, le ministre des Finances et
moi-même sommes concernés, c'était la première
rencontre.
M. Parizeau: C'est cela.
M. Forget: La première rencontre et le premier
échange.
M. Bérubé: Oui.
M. Forget: Y compris les premiers échanges
téléphoniques sur le sujet.
M. Parizeau: Maintenant, comme je ne pouvais pas assister
à cette première réunion, il y a donc eu un
deuxième temps, car je n'y étais pas.
M. Forget: Alors, M. le Président, satisfait de ces
assurances du gouvernement, à savoir qu'il ne s'agissait pas d'une
initiative du gouvernement du Québec pour faire intervenir l'ambassade
américaine dans une négociation qui s'étirait ou qui
allait mal, mais que c'était une question légitime que pose un
représentant de n'importe quel gouvernement auprès d'un
gouvernement étranger, on n'a pas d'autres questions sur le sujet. Je
pense qu'il serait peut-être approprié qu'on vote sur notre
amendement pour passer à autre chose.
Le Président (M. Marcoux): J'appelle le vote
enregistré. L'amendement apporté est le suivant: "Que le
paragraphe 21 de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la
deuxième ligne du premier alinéa après le mot
"expropriés." les mots "Cette signification ne peut se faire que lorsque
l'Assemblée siège."; et en ajoutant après le premier
alinéa, l'alinéa suivant: "Huit jours avant la signification de
l'avis, le gouvernement doit déposer, à l'Assemblée
nationale, un document relatif aux négociations. Ce document doit
contenir, entre autres, les renseignements suivants: la chronologie
détaillée des événements y compris les rencontres
de négociations, un sommaire des offres et des contre-offres ainsi que
la position finale des deux parties."
M. Bérubé, Matane, pour ou contre l'amendement?
M. Bérubé: Contre l'amendement de l'Opposition
libérale.
Le Président (M. Marcoux): M. Parizeau, L'Assomption?
M. Parizeau: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Brochu, Richmond?
M. Brochu: Pour.
Le Président (M. Marcoux): M. Forget, Saint-Laurent?
M. Forget: Pour.
Le Président (M. Marcoux): M. Grégoire,
Frontenac?
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Laplante, Bourassa?
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Ouellette, Beauce-Nord? M.
Rancourt, Saint-François? M. Ciaccia, Mont-Royal?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Marcoux): Alors, l'amendement est
rejeté: 4 contre et 3 pour. Alors, nous revenons au paragraphe original
21.
M. Forget: M. le Président, j'ai un autre amendement au
sujet du paragraphe 21 dont le sens va être apparent. Par le biais d'un
amendement, c'est de poser, dans le fond, une question très formelle au
gouvernement pour obtenir une indication d'intention. Je vais lire
immédiatement cet amendement: "Que le deuxième alinéa du
paragraphe 21 de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la
troisième ligne après les mots "le sont." les mots "Toutefois,
les biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs
à l'exploitation continue des mines et moulins situés à
Thetford Mines."
L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Si les biens du
propriétaire ne sont expropriés qu'en partie, l'avis
d'expropriation contient soit la description de biens qui ne sont pas
expropriés, soit la description de ceux qui le sont. Toutefois, les
biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs
à l'exploitation continue des mines et moulins situés à
Thetford-Mines."
Il est devenu apparent, M. le Président, dans le cours de nos
débats la semaine dernière que le gouvernement n'a pas
l'intention si jamais nous avons mal compris, c'est l'occasion de
manifester que nous avons mal compris, de la part du gouvernement
d'acheter l'usine située en Allemagne de l'Ouest. Il y a eu un long
débat, à savoir si c'était une impossibilité
juridique ou si c'était une décision gouvernementale. Il est
évident qu'à défaut d'une opinion juridique
circonstanciée qui aurait été rendue disponible aux
membres de la commission nous en sommes restés sur une divergence de
points de vue. Nous croyons qu'il est légalement possible d'exproprier
des actions et ceci repose sur une interprétation de droit international
privé quant au situs des actions. Mais je n'entrerai pas dans le
détail. Nous demeurons persuadés, jusqu'à preuve du
contraire. Encore une fois, seulement un avis juridique circonstancié
pourrait constituer une preuve adéquate qu'il est légalement
possible d'exproprier les actions de la filiale Asbestos qui est
propriétaire de l'usine en Allemagne.
Mais que ce soit une impossibilité juridique comme le
prétend le gouvernement ou que ce soit une décision comme nous le
prétendons, je pense qu'il est assez clair que le gouvernement a dit
qu'il n'achèterait pas l'usine de l'Allemagne de l'Ouest. C'est la
prémisse sur laquelle se fonde l'amendement que nous présentons
ici. (11 h 30)
Nous croyons que si le gouvernement n'achète pas l'usine en
Allemagne de l'Ouest, il serait très imprudent, pour le moins, de se
porter acquéreur d'une mine qui a essentiellement un seul marché
possible, un seul client captif lui aussi, mais la captivité joue des
deux côtés. Demain matin, s'il n'était pas possible
d'écouler la production de la mine qui est située dans l'Ungava,
à Baie Déception, en livrant sa production en totalité
à Nordenham, en Allemagne de l'Ouest, la mine de Baie Déception
devrait fermer ses portes. Il n'est pas impossible, si l'expropriation ne porte
pas sur l'ensemble des biens, y compris la filiale en Allemagne de l'Ouest,
qu'il y ait un battement, un moment d'incertitude quant à la
possibilité de continuer à écouler cette production.
Même si on continue à l'écouler, il n'est pas impossible
que cela se fasse dans des conditions qui rendent beaucoup moins avantageuse
l'opération continue de la mine à Baie Déception, ce qui
forcerait le gouvernement à faire un investissement nouveau et
considérable pour une usine située près d'un port de
mer.
Devant l'alternative de devoir construire une usine au Québec,
soit à Matane ou Dieu sait où, pour traiter le minerai, s'il doit
y avoir un port de mer dans le Bas-du-Fleuve je pense qu'on est en train
d'en construire un à Godbout ou dans la région il faudrait
donc construire une usine près d'un port de mer puisque le minerai, par
définition, arrive imparfaitement traité par la voie maritime. Ce
n'est pas du tout une allusion malencontreuse au fait que le ministre est
député du comté de Matane; je pense que c'est un peu la
géographie qui le voudrait ainsi. De toute façon, peu importe
où serait située l'usine, c'est un investissement
considérable. A cet investissement considérable devrait s'ajouter
un autre investissement considérable qui est imminent dans le cas de
Baie Déception puisqu'il faut, comme le ministre l'a d'ailleurs
indiqué, envisager, étant donné que les pentes ont
été maintenues assez abruptes, si on veut continuer
l'exploitation à ciel ouvert, des dépenses de décapage et
de redressement des pentes qui constituent un investissement
considérable ou, alors, il faut faire un investissement
considérable pour aller sous terre. L'ordre de l'investissement
impliqué est probablement de $50
millions pour la mine souterraine et, évidemment, avec une usine
sur un port du Saint-Laurent, on peut peut-être compter un investissement
analogue, au prix d'aujourd'hui, ce qui fait un investissement très
lourd de $100 millions peut-être. Alors, le pouvoir de marchandage de la
Société nationale de l'amiante qui serait propriétaire de
la mine dans le Nouveau-Québec n'est pas très fort si elle n'est
pas en même temps propriétaire de l'usine de traitement du minerai
en Allemagne de l'Ouest. Cela risquerait de se refléter dans des prix
pour le minerai partiellement traité qui seraient loin d'être
avantageux et qui pourraient, d'ailleurs, mettre en péril assez
facilement la rentabilité de la mine en question.
Devant cet alternative, le ministre lui-même a fait allusion au
fait que le gouvernement pourrait préférer développer, par
exemple, une mine dans la région de l'Abitibi, puisqu'il y a un
dépôt qui est propriété de Brinco, pour lequel on
cherche un partenaire, etc. Devant cet alternative, il semble qu'il n'est pas
prouvé que l'acquisition de la mine de Baie Déception soit
avantageuse, loin de là. La Société nationale de l'amiante
serait placée dans une situation qui, apparemment, est assez
vulnérable. Ce n'est pas toujours un argument valable que de dire: Oui,
mais la société Asbestos, qui continuerait d'être
propriétaire de l'usine en Allemagne de l'Ouest, serait aussi dans une
position difficile puisque sa seule source d'approvisionnement serait la mine
de Baie Déception ou n'importe quelle autre mine qui serait prête
à lui livrer du minerai seulement partiellement traité, ce qui
n'est pas inconcevable. Malgré tout, on a vu des situations où,
à la suite d'arbitrages ou de négociations non concluantes ou
dont les résultats ne sont pas appréciés de façon
égale par les deux parties, des gens et même des
sociétés commerciales se sont fait mutuellement tort. D'ailleurs,
la perspective de pouvoir le faire constitue un élément de la
négociation, comme on le sait très bien.
Il est possible que General Dynamics, dans un tel contexte, veuille
prouver un point. Si on a raison de croire qu'ils ne veulent vraiment pas
vendre, comme ils l'affirment, il n'est pas exclu de croire qu'ils veuillent,-
en quelque sorte, montrer de quel bois ils se chauffent par une
négociation extrêmement difficile sur la question du prix de
transfert du minerai en provenance de l'Ungava. Devant un tel contexte, il me
semble qu'il serait imprudent pour la Société nationale de
l'amiante de se porter acquéreur en même temps des mines de
Thetford Mines et de cette mine, toujours dans le contexte qu'on
n'achète pas l'usine en Allemagne de l'Ouest, ce que nous
prétendons représenter une décision politique plus qu'une
nécessité juridique. Le débat ne se pose pas vraiment
là. On tient pour acquis que l'usine de l'Allemagne de l'Ouest, encore
une fois, ne sera pas acquise.
De manière à limiter la surface d'exposition, si on veut,
à diminuer les risques possibles de se trouver dans des situations
difficiles pour la Société nationale de l'amiante face à
un actif dont la valeur serait assez chancelante dans ce contexte, nous disons:
II faut mieux limiter cela à ce qui est très certainement l'actif
le plus valable d'ailleurs, c'est le gros de la production et
envisager comme un problème entièrement nouveau la question de
savoir si les investissements nouveaux sont possibles; considérer de
novo, en quelque sorte, le problème en se demandant: Est-ce qu'il vaut
mieux investir en Abitibi, est-ce qu'il vaut mieux, dans une deuxième
étape, penser à un échange quelconque ou à une
entente quelconque avec la General Dynamics vis-à-vis de l'ensemble du
problème du Nouveau-Québec relativement à cette question?
Autrement dit, prendre le problème par étapes plutôt que
d'un coup sec.
Il est vrai que l'investissement envisagé dans l'Abitibi
c'est tout près d'Amos, je pense, que le gisement se trouve n'est
pas de la même envergure que l'investissement nécessaire dans le
cas même de la mise en exploitation souterraine et même de la
construction d'une nouvelle usine pour l'exploitation du nord. Là, les
chiffres ne sont pas entièrement comparables; même s'il est vrai
que ce n'est pas de la même envergure, cela ne veut pas
nécessairement dire que, parce que le projet est plus gros, il n'est pas
plus rentable. Il peut très bien être plus rentable, même
s'il est deux fois ou trois fois plus gros en termes bruts. Pour ce qui est des
mises de fonds, cela ne veut pas, non plus, dire que les mises de fonds sont
très différentes parce que, dans le cas d'une
société, d'une mine comme celle de Baie Déception
où il faut aller en souterrain et construire une nouvelle usine, tout
dépend des mécanismes de financement utilisés. Quelle est
la part de l'équité et de la dette à long terme, etc?
Donc, a priori, il ne faut pas faire des comparaisons trop simplistes en
disant: On compare un investissement de $300 millions avec un investissement de
$100 millions. Effectivement, les deux choses devraient être
regardées à leur mérite en fonction de leur
rentabilité respective. C'est l'esprit de cet amendement. Autrement dit,
on demande au gouvernement indirectement, par la présentation de cet
amendement: Démontrez-nous la logique de votre position. Une fois que
vous avez décidé de ne pas acheter l'usine en Allemagne de
l'Ouest, il nous semble que vous vous placez dans une situation
extrêmement vulnérable et, pour une première étape,
nous croyons qu'il est plus acceptable de limiter cette première
démarche. A moins que le gouvernement ne puisse nous faire la
démonstration qu'il n'y a pas du tout de vulnérabilité
dans sa position, que c'est clairement avantageux.
Ce sont, je dois dire, M. le Président, des doutes qui
n'existaient pas dans notre esprit avant d'aborder l'étude article par
article, mais qui ont été soulevés, suscités
largement par les remarques du ministre des Richesses naturelles relativement
à cette question. Il nous a semblé envisager des choses qui,
clairement, posent un problème. C'est pour cela que nous attendons avec
une très grande curiosité les explications que le ministre des
Richesses naturelles va nous fournir pour peut-être faire sien cet
amendement ou pour le re-
jeter. Encore une fois, il y a un élément d'information
qui fait sérieusement défaut du côté de la
population et des membres de l'Assemblée nationale.
M. Brochu: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: ... si vous permettez quelques remarques
également sur la proposition d'amendement qui est devant nous
maintenant. Je pense qu'elle vient juste à point et elle s'inscrit
également dans la ligne des préoccupations que j'ai souventefois
manifestées soit à l'Assemblée nationale ou soit
même dans les travaux de cette commission parlementaire depuis que nous
avons commencé l'étude article par article du projet de loi no
121.
On se rappellera que le projet initial du gouvernement, qui avait
été rendu public, au point de départ, devait inclure
l'ensemble des actifs de I'Asbestos Corporation. C'était
présenté, à ce moment on me corrigera si mes
remarques sont inexactes comme un tout pratiquement indissociable. On
liait même je crois ce projet comme un tout à sa
rentabilité comme telle. C'est dans ce sens que s'inscrivent maintenant
mes préoccupations et les quelques questions que j'aimerais poser au
ministre sur ce projet, puisque cela a changé en cours de route. Au
point de départ, on disait: On va exproprier l'ensemble des actifs de
l'Asbestos Corporation, cela va être un projet rentable et on a besoin
c'est ce que sous-entendait le projet depuis le début et les
propos mêmes de ceux qui le défendaient d'exproprier les
ensembles d'actifs de l'Asbestos Corporation pour mettre notre projet de
l'avant et arriver à la rentabilité maximale dans ce secteur.
Maintenant, il arrive qu'en cours de route, on s'aperçoit et on a
pu s'en rendre compte par le dépôt même du projet de loi no
121 où il y avait une porte ouverte de ce côté que
le gouvernement tend maintenant à laisser de côté certains
actifs de l'Asbestos Corporation. Il y a une porte ouverte dans le projet de
loi actuellement pouvant permettre d'agir de la sorte et d'éviter
d'acquérir l'ensemble des actifs d'Asbestos Corporation.
Il y a donc une atrophie, en ce qui concerne le projet initial, d'une
partie du projet lui-même. Cela, évidemment, a certaines
implications financières et certaines implications au niveau de la
rentabilité du projet comme tel également. C'est sur ce point que
j'aimerais peut-être avoir beaucoup plus d'explications maintenant
je pense que c'est le temps maintenant de la part du gouvernement dans
ce sens. J'ai posé la question lors de mon discours en deuxième
lecture à l'Assemblée nationale et les réponses ne sont
pas venues. On est peut-être maintenant rendu à la tribune
idéale pour pouvoir obtenir les éclaircissements dont on a
besoin. Je pense que, dans ce sens, je vais appuyer la motion sans
réserve, puisque ces questions, j'avais l'intention de les poser
directement au ministre des Finances en particulier, au cours des travaux de
cette commission parlementaire.
On sait, au point de départ, que les installations de la mine de
Baie Déception présentent un produit particulier dans le domaine
de l'amiante, produit qui est acheminé vers l'usine de Nor-denham, en
Allemagne. Là-bas, les installations comportent des techniques
particulières pour le traitement de cette fibre. C'est d'ailleurs
là-dessus qu'on a assis toute l'argumentation voulant que l'une et
l'autre ne peuvent être dissociées. C'est-à-dire qu'on ne
peut pas dissocier la mine de l'Ungava des installations particulières
de l'usine de Nordenham. Donc, cela va de soi qu'on doit les considérer
dans l'ensemble et la décision du gouvernement a donc des implications
dans ce sens. On se rappellera également que, dans le dernier rapport
qui vient d'être remis aux actionnaires de l'Asbestos Corporation, on
disait que suivant l'action du gouvernement, General Dynamics verrait, s'il y a
lieu, à s'approvisionner ailleurs, que cela semblait être
possible, peut-être sous-entendant même le raisonnement de changer
l'équipement, l'installation là-bas pour traiter d'autres fibres,
donc de mettre fin, en fin de compte, à l'approvisionnement de fibres
venant de la mine de l'Ungava, ce qui mettrait en péril les 500 emplois
qui sont tributaires de l'exploitation de cette mine.
Donc, cela a une importance assez grande et j'insiste sur ce fait
auprès du ministre, puisque cette question est vraiment
interreliée de façon directe. Je comprends, par exemple, que dans
le contexte des négociations dans lequel on se trouve actuellement, il y
a peut-être un peu plus de fumée qu'il a y de feu dans les
discussions qui ont cours et dans ce qu'on lance de part et d'autre dans une
négociation comme celle-là. Par contre, il y a des données
réelles qui demeurent les mêmes, c'est que l'usine de Nordenham,
avec son installation particulière, et la sorte de fibre qu'on extrait
du sous-sol de l'Ungava sont interreliés de façon directe, ce qui
veut dire que si, dans les faits, on coupait l'approvisionnement ou si le
gouvernement ne se portait pas acquéreur, comme cela semble être
le cas de l'usine de Nordenham, il devrait, s'il veut continuer d'exploiter la
mine de l'Ungava, s'il veut s'en porter acquéreur, reconstruire une
usine avec l'installation spécifique particulière pour traiter la
sorte de fibre qu'on extrait là-bas. Cela a donc certaines implications
assez importantes. (11 h 45)
C'est dans ce sens que je me permets de poser ces questions au ministre
et de demander maintenant: Quelles sont vraiment les intentions du gouvernement
en ce qui concerne les mines de l'Ungava. Est-ce que le gouvernement a vraiment
l'intention d'acquérir, de gré à gré, ou
d'exproprier seulement les actifs de l'Asbestos Corporation comprenant les
mines et les installations de Thet-ford, ce qui est le sens de la motion, ou
s'il a l'intention d'acquérir également les mines de l'Ungava? A
ce moment-là, quelles implications financières, au niveau de la
rentabilité, cela a-t-il
pour le gouvernement? Est-ce que cela a été
étudié, est-ce que le ministre est maintenant en mesure de nous
donner certaines réponses en ce qui concerne ce plan? Plus
précisément, si le gouvernement acquiert les mines de l'Ungava,
est-ce son intention de reconstruire une usine neuve et d'effectuer sa propre
transformation dans ce domaine plutôt que d'essayer de maintenir le
marché européen? C'est la question que je pose. Quel impact cela
a-t-il sur le projet total en termes de rentabilité puisqu'au point de
départ je le rappelle en terminant mes propos le
gouvernement semblait faire de son projet un tout indissociable auquel il liait
la rentabilité de l'ensemble de son entreprise en voulant
s'ingérer dans le domaine de la transformation de l'amiante via
l'acquisition d'entreprises et des actifs surtout de l'ensemble de la
société Asbestos?
M. Parizeau: Je pourrais peut-être présenter
certains éléments de réponse aux questions qui ont
été posées. Ensuite, le ministre des Richesses naturelles
complétera sur des questions qui relèvent davantage de ses
attributions et de sa compétence.
Commençons d'abord par la question de savoir si on peut
nationaliser des actions. L'aspect juridique est important ici, en ce sens que
c'est douteux ou discutable. Donc, parce que c'est douteux ou discutable, on
pourrait fort bien, en cherchant à nationaliser des actions, s'embarquer
dans des procès qui seraient tels qu'alors là toute
possibilité pour le gouvernement de bouger pourrait être
bloquée pendant des années. Il est évident qu'on ne peut
soutenir que les avis juridiques sont unanimes et qu'il est absolument
impossible de nationaliser des actions, mais personne n'a le goût de
plaider pendant des années. Dans ces conditions, c'est donc une voie
qu'on ne choisit pas parce que juridiquement elle est trop douteuse. C'est pour
cela d'ailleurs que le projet de loi parle, dans son esprit en tout cas,
d'actifs. Même si le mot "biens" puisse être ambigu, en fait, on
pense à des actifs physiques et financiers, bien sûr. Des actifs,
des valeurs d'actifs, des valeurs de bilan.
Deuxièmement, la question de Nordenham. Le député
de Saint-Laurent dit qu'il va y avoir, dans la mesure où le gouvernement
met la main sur les gisements du nord, des investissements à faire pour
les pentes, possiblement, et un développement souterrain, bien
sûr. Cela a été inclus dans les études
d'évaluation des deux parties, mais pas au même rythme; il y a une
divergence ici. Nous croyons qu'effectivement il va falloir refaire les pentes
et la compagnie soutient que non. Cela devient sans doute une question de fait
au niveau des techniciens, mais cela devient aussi une question de surveillance
des mines. J'allais dire qu'il y a une façon bien facile d'avoir raison
dans ce domaine, c'est de dire, du point de vue du gouvernement: Les pentes
sont dangereuses. Et donc, de faire en sorte que les rectifications se fassent.
Bien sûr, c'est incorporé dans l'évaluation que nous
faisons des actions.
Deuxièmement, la compagnie prévoit de faire les
investissements dans la mine souterraine plus que nous, dans les
évaluations. Elle voit cela très rapidement; nous voyons cela un
peu plus lentement. Cela aussi a certaines conséquences sur
l'évaluation des actions, remarquez, assez mineures par rapport aux
grandes divergences qui nous séparent sur les prix. Mais ce que je veux
dire ici, c'est que dans l'évaluation des deux côtés, ces
investissements ont été incorporés; il n'est pas
nécessaire de les ramener une deuxième fois. Ils ont
été examinés et incorporés dans les
évaluations par les deux parties.
Nous, comme gouvernement, avons intérêt et je pense
que l'optique à cet égard n'a pas changé et nous
avons toujours l'intention d'exproprier l'ensemble des mines. Mais lors des
négociations que nous avons eues avec General Dynamics, je n'ai pas du
tout exclu qu'on puisse examiner, à un moment donné, la
possibilité de ne garder pour le gouvernement de Québec que
Thetford. Cela a fait partie des négociations à un moment
donné. Effectivement, c'est une voie que la compagnie n'a pas beaucoup
explorée, je pense qu'on peut dire cela. Cela n'avait pas l'air de
l'intéresser farouchement.
Cela ne veut pas dire que cela change l'intention du gouvernement. Cela
veut dire que dans une négociation on explore toute espèce de
voie. Mais l'objectif du gouvernement reste le même, c'est-à-dire
prendre le contrôle de l'ensemble des mines appartenant à cette
compagnie au Québec. Advenant que des discussions aient pu
déboucher sur une sorte de partage il y a un mois ou cinq
semaines, on discutait de cela je pouvais manifestement ne pas
être contre qu'on explore la division de Thetford, au gouvernement, et
les mines du nord, mais gardées sous un contrôle quelconque de la
compagnie. Mais cela n'a pas l'air de l'intéresser plus que cela.
La position qu'elle a prise à ce moment-là est
peut-être une position d'attente, je n'en sais rien. Mais comme les
négociations ne sont pas terminées, c'est bien difficile de se
brancher. Quant à savoir dans quelle position cela met le gouvernement
sur le plan du marchandage de contrôler la mine et pas Nordenham, c'est
l'évidence même qu'on ne pourra pas contrôler Nordenham si
on exproprie les actifs; on ne peut pas aller exproprier les actifs en
Allemagne, dans un pays étranger. Alors, où est la position de
force et où est la position de faiblesse là-dedans? Si on prend
le contrôle de la mine du nord, nous avons devant nous plusieurs
possibilités de faire traiter ce minerai dans une usine, à
Nordenham ou ailleurs. On peut avoir une usine du genre de Nordenham dans le
nord. On peut en avoir une autre, non pas Dieu sait où, comme Matane,
comme disait le député de Saint-Laurent... J'aurais pensé
qu'il puisse dire: Dieu sait où, par exemple Nordenham, mais Dieu sait
où, par exemple Matane! Il y a beaucoup de gouvernements qui n'auraient
pas accepté un "deal" comme celui-là et qui auraient fait en
sorte que l'usine au moins soit dans le pays d'origine du minerai. J'y
reviendrai tout à l'heure d'ailleurs.
Matane, ce n'est pas Dieu sait où, c'est chez nous.
Donc, il y a une deuxième possibilité qui consiste
à établir une usine quelque part le long du Saint-Laurent. Il y a
une possibilité d'en arriver à un arrangement avec un
consommateur pour l'achat de Nordenham tout seul, parce que Nordenham, entre
les mains de General Dynamics, sans sa source d'approvisionnement j'y
reviendrai tout à l'heure c'est un éléphant
blanc.
Quatrièmement, il y a une possibilité même de
revendre la propriété de l'Ungava à celui qui
contrôle Nordenham. Ce que je veux dire, c'est que même sur ce
plan, une fois qu'on a nationalisé, il y a des tas de
possibilités de négociation. Il faut donc se garder toutes les
portes ouvertes.
Quelles sont les chances qu'effectivement General Dynamics puisse
trouver une autre source pour Nordenham? On a fait regarder cela de
façon assez précise et la seule source possible qu'on trouve ce
serait le projet du développement d'un gisement d'amiante en
Grèce, à Zidani. C'est le seul qu'on trouve qui puisse être
tel que cela pourrait se brancher sur Nordenham.
Mais il y a un certain nombre d'obstacles. D'abord, ce n'est pas fait,
cette opération, parce que le gisement est très loin de la mer,
100 milles. Deuxièmement, la fibre est d'une nature tout à fait
différente et, donc, cela impliquerait des changements majeurs à
Nordenham. Troisièmement et c'est la beauté de la chose
le projet est développé par le gouvernement grec qui ne
semble pas avoir, à l'égard du traitement de la fibre à
l'étranger, le genre de mollesse que les gouvernements
québécois antérieurs ont pu avoir. Il n'est pas du tout
certain que le gouvernement grec accepterait ce que, au Québec, on a
accepté, c'est-à-dire de faire traiter la fibre ou d'extraire la
fibre du concentré à l'étranger. Il y a des gouvernements
qui se tiennent plus debout que d'autres, qu'est-ce que vous voulez! Donc,
c'est la seule source qu'on peut trouver qui pourrait peut-être s'adapter
à cela. Notre estimation, c'est qu'elle n'a pas beaucoup de chances de
se matérialiser. Donc, General Dynamics est "poigné" avec
Nordenham littéralement comme éléphant blanc. Il est
évident que, dans ces conditions, nous avons tout intérêt
à garder les portes de discussion avec General Dynamics au sujet de
Nordenham ouvertes.
Je conclus en disant simplement ceci: Notre objectif demeure le
même: prendre le contrôle des installations minières au
Québec. Deuxièmement, je ne nie pas que, dans des
négociations qui ont eu lieu, mais qui ont avorté, la question de
la division des deux groupes de mines ait été examinée.
Troisièmement, je soutiens que, dans la mesure où le gouvernement
du Québec contrôle l'Asbes-tos Hill, il place General Dynamics au
sujet de Nordenham dans une situation de négociation qui n'est vraiment
pas forte. Je conclus en disant que, d'autre part, à supposer, pour
prendre l'hypothèse du député de Saint-Laurent, que par
mauvaise humeur General Dynamics dise: J'ai un éléphant blanc et
je le garde remarquez que je ne sais pas combien de temps ses
actionnaires accepte- raient de faire cela, mais, enfin, à supposer que
la mauvaise humeur soit la caractéristique dominante on a
d'autres possibilités. Dans ces conditions, je tiens pour acquis que
notre jeu de cartes est pas mal meilleur que le leur.
M. Brochu: Comme sous-question justement là-dedans, si
vous me le permettez, M. le Président...
M. Parizeau: J'avais dit tout à l'heure que le ministre
des Richesses naturelles compléterait ma réponse.
M. Bérubé: M. le Président, si M. le
député de Richmond me le permet...
M. Brochu: Oui, oui.
M. Bérubé: ... quelques notes rapides. D'une part,
ce que je n'aime pas dans l'amendement tel que proposé, c'est qu'il
prête à contestation juridique. Lorsque l'on dit: "Toutefois, les
biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs
à l'exploitation continue des mines et "moulins" situés à
Thetford Mines", il est bien évident que l'entreprise qui ne
désire pas être expropriée pourra trouver là motif
à contestation juridique pour souligner que tel bâtiment
n'était pas absolument nécessaire à l'exploitation
continue, que tel document technique n'était pas absolument
nécessaire, impliquait de l'information à la fois sur l'Asbestos
Hill et sur Thetford et, par conséquent, donnait un avantage indu
à un concurrent. On pourrait donc trouver un grand nombre de motifs
permettant une contestation juridique uniquement à partir des mots
"comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue
des mines et "moulins" situés à Thetford Mines". A titre
d'exemple, la maison du président ou du directeur ou le club de golf,
par exemple, pour permettre au député de Frontenac d'avoir les 18
drapeaux, comme le disait l'Opposition. Enfin, il y a un certain nombre, comme
cela, d'actifs qu'il n'est certainement pas évident qu'il est absolument
nécessaire d'avoir pour l'exploitation continue. Par conséquent,
cela pourrait prêter à un débat. Donc, la formulation comme
telle est, à mon avis, trop obscure pour qu'elle soit acceptable.
Mais on peut revenir sur le fond du problème soulevé par
l'Opposition pour s'interroger à savoir s'il est intéressant ou
non de ne pas exproprier l'Asbestos Hill, quels sont les avantages et les
inconvénients. Le ministre des Finances a indiqué qu'il
était très avantageux pour nous de récupérer la
mine de l'Asbestos Hill. Cela nous met dans une position de force
vis-à-vis de la compagnie puisque celle-ci se retrouverait avec une
usine de traitement de la fibre inutilisée, inutilisable; par
conséquent, des pertes financières importantes. (12 heures)
Effectivement, il y aurait même des inconvénients à
ne pas exproprier l'Asbestos Hill. D'une part, nous permettrions à un
concurrent de plus
sur le marché, qui a déjà établi une
clientèle, qui a donc certains avantages que nous risquerions de
perdre... Si vous vous souvenez, nous avons, à l'article 28,
indiqué que le personnel actuellement à l'emploi de la
société Asbestos devient automatiquement employé de la
Société nationale de l'amiante. Dans l'hypothèse où
nous distinguons entre le gisement de Thetford et le gisement de l'Asbestos
Hill, il va de soi que cet article 28 doit maintenant être amendé;
il doit être modifié. Car quelle distinction fera-t-on entre un
ingénieur minier qui réside normalement à Thetford,
puisque toutes les opérations minières sont dirigées de
Thetford, et qui, quelques mois par année, va séjourner à
l'Asbestos Hill pour diriger l'exploitation de la mine? Il va de soi qu'il
faudrait distinguer entre cet employé qui travaille à mi-temps
à Thetford et à mi-temps à l'Asbestos Hill, et
décider s'il est employé à mi-temps de la
société Asbestos ou employé à mi-temps de la
Société nationale de l'amiante. On voit la complexité du
problème et on se rend bien compte que l'article 28, qui nous permettait
avec élégance de faciliter le transfert des employés de la
société Asbestos à la Société nationale de
l'amiante, devient maintenant complètement obscur et très
difficile d'application.
Donc, ceci nous laisserait un concurrent qui serait même dans une
position pour aller chercher une partie du personnel, peut-être le
personnel le plus intéressant, pour le transférer aux
opérations de l'Asbestos Hill; ce qui permettrait d'ailleurs de
vérifier une des assertions de l'Opposition, à savoir qu'on n'est
nullement certain de voir le personnel présentement à l'emploi de
l'Asbestos Corporation continuer avec la Société nationale de
l'amiante. Cela deviendrait véritablement dangereux.
Présentement, cela ne l'est pas avec le projet de loi, tel qu'il est
présenté, dans la mesure où la société
General Dynamics n'ayant aucune opération minière dans le domaine
de l'amiante, on voit mal quel genre de poste elle pourrait offrir à du
personnel technique qui n'est valable que dans la mesure où il
opère dans un contexte d'exploitation minière. Donc, cette fuite
du personnel nous apparaissait fort douteuse, d'autant plus que les contacts
que nous avons eus avec le personnel actuel de l'entreprise ne nous indiquent
pas leur désir de quitter l'emploi. Mais on pourrait imaginer une
campagne de maraudage féroce, advenant l'obligation pour General
Dynamics de continuer les opérations à l'Asbestos Hill et devant
chercher à récupérer le plus de personnel compétent
possible. Il pourrait y avoir une campagne de maraudage qui serait
néfaste pour le bon fonctionnement des opérations de Thetford
Mines.
Donc, l'hypothèse que le député de Saint-Laurent
soumet en est une, à mon avis, dangereuse et il est, je pense, utile
d'exproprier l'Asbestos Hill de manière à disposer de la fibre.
Je pense que ce qui est important à retenir, dans le domaine minier,
c'est que ce qu'il est utile d'avoir dans l'industrie minière, ce n'est
pas une usine, mais une mine. Celui qui détient la mine détient
finalement la seule raison d'être d'une installation de transformation du
minerai.
Dans la mesure où il existe des réserves suffisantes pour
encore un bon nombre d'années à l'Asbestos Hill, il va de soi que
l'existence de ces réserves en soi justifie le développement
d'une mine. On pourrait s'interroger: Est-il plus intéressant de
développer cette mine en construisant une usine de transformation dans
la région de l'Asbestos Hill ou je pense plus logiquement
dans le sud? Est-il logique de préférer cette approche
plutôt que de développer un nouveau gisement, par exemple, qui
serait le gisement d'Abitibi? Il ne fait aucun doute que le gisement d'Abitibi
va coûter entre $400 millions et $450 millions et que, évidemment,
il n'y a aucune commune mesure entre le développement de ce nouveau
gisement et la simple construction d'une usine de transformation au
Québec. Par conséquent, il nous apparaît, en tout cas,
qu'il est beaucoup plus intéressant de posséder la mine que de
posséder un moulin. Ce sera, dans le cas de la société
Asbestos, un problème passablement insoluble que de se voir pris avec un
moulin à Nordenham et aucune source d'approvisionnement, alors que, de
notre côté, évidemment, la possession d'un gisement
souterrain de très grande valeur peut, en soi, constituer un avantage
important.
Les inconvénients à posséder le gisement d
'Asbestos Hill sans posséder les installations de Nordenham sont quand
même évidents. Je pense qu'ils ont été
soulignés. Je pense nue nous retrouver avec le gisement de l'Asbestos
Hill nous obligerait à chercher rapidement une solution à
l'écoulement de cette fibre, c'est-à-dire soit à chercher
à obtenir de gré à gré la possession de l'usine de
Nordenham, soit tenter d'établir un contrat de vente avec cette usine de
Mordenham qui demeurerait propriété de la société
allemande Asbestos ou soit, carrément, décider de construire une
nouvelle usine au Québec. On a dit Matane, ce pourrait être
Sainte-Anne-des-Monts; je n'ai pas d'objection, n'importe où.
M. Forget: ...
M. Bérubé: Oui, je n'ai pas d'objection. Le taux de
chômage est, de toute façon, élevé dans l'ensemble
du comté et je n'ai aucune objection à promouvoir une solution de
cet ordre. Mais il ne fait aucun doute, pour autant que je suis
concerné, que cela nous obligerait à prendre des décisions
rapidement, que cela pourrait représenter une décision de mise
dans les boules à mites du gisement de l'Asbestos Hill pendant un
certain nombre d'années si nous n'arrivons pas à négocier
et si, comme le disait le ministre des Finances, la mauvaise humeur de General
Dynamics est le facteur déterminant dans la négociation d'une
entente de commercialisation, par exemple, pour notre concentré et que,
par conséquent, on soit plus mal pris. Cependant, cela ne
représente tout de même pas une perte considérable parce
que, si on évalue la valeur des actifs associés comme tels au
gisement de l'Asbestos Hill, le fait de garder ces actifs inopérants
pendant un an ou un an et demi ne serait pas catastrophique pour la
rentabilité de toute l'opération.
M. Forget: M. le Président, très
brièvement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais en venir
à ceci: Dans la rédaction de l'amendement tel que
présenté, on dit: "Toutefois, les biens visés dans ce cas
comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue
des mines et moulins situés à Thetford Mines." Le
député de Saint-Laurent voudrait par cet amendement
établir à l'avance et immédiatement la règle que
tous les choix, toutes les possibilités qui s'offrent ne s'offrent plus
et ne se présentent plus. Il y en a des choix, il y en a des
possibilités mais, avant même qu'on puisse avoir l'occasion de les
étudier ne serait-ce que les étudier, ne serait-ce que
considérer si on n'y trouverait pas un avantage marqué on
cadenasse les portes, on se bâillonne à ce sujet, on se menotte
complètement, c'est définitif, on adopte la loi disons
d'ici le 23 juin et aussitôt, de par la loi, on ne peut plus
étudier aucune possibilité. Or, il y a des possibilités.
Je crois que le député de Saint-Laurent peut envisager certaines
de ces possibilités. Prenons un facteur: En Allemagne, contrairement au
Québec le ministre des Finances parlait à juste raison,
tout à l'heure, des gouvernements qui se tiennent plus solidement debout
que d'autres en mentionnant que la Grèce, normalement, va chercher
à transformer sa fibre chez elle...
M. Parizeau: Elle l'a déjà annoncé
d'ailleurs.
M. Grégoire: Elle l'a déjà annoncé.
Il y a ici un autre cas...
M. Forget: Elle a aussi un meilleur climat.
M. Grégoire: Oui, mais revenons au problème d'un
gouvernement qui se tient debout.
M. Forget: II y a moins de glace.
M. Grégoire: N'oublions pas une chose, au moment où
l'usine de Nordenham... A ce moment-là, il n'était pas encore
question de transformer les résidus et le gouvernement allemand a
imposé une clause que l'Asbestos Corporation a été
obligée de suivre. Elle est obligée d'enfouir de nouveau ses
résidus. Ils ont dit: C'est polluant; vous voulez faire de l'argent avec
la fibre d'amiante, vous voulez faire quelque chose, vous ne viendrez pas nous
polluer comme vous avez pollué au Québec. A ce moment-là,
il n'était pas question de transformer les résidus. On les oblige
à enfouir les résidus. Cela leur coûtait, en 1975, $7 la
tonne. Imaginez-vous, avec les centaines et les centaines de millions de tonnes
de résidus que nous avons dans le coin, ce que cela aurait
coûté. Simplement, ce phénomène des $7 la tonne en
1975 qui seraient répartis maintenant sur des coûts de transport,
peut-être additionnels mais qui ne seraient pas tellement
élevés, de prendre le minerai n'oublions pas que le
minerai d'Asbestos Hill est un minerai concentré et l'amener vers
Thetford, vers Asbestos ou East Broughton...
M. Bérubé: C'est ce qu'il faudrait faire avec
Sainte-Anne-des-Monts.
M. Grégoire: A ce moment, on n'aurait pas besoin de
bénéficier du coût, de la réduction de $7 la tonne
que représente le réenfouissement des résidus. Disons que
s'il y a une petite chicane à faire avec mon ministre, le ministre des
Richesses naturelles, on a déjà tellement une grosse richesse, au
sujet de laquelle le ministre nous déclarait en fin de semaine qu'un
avenir très prometteur se présentait à la région de
Thetford Mines, justement à cause de l'amiante, que je n'aurais aucune
hésitation à laisser des retombées dans le beau
comté de Matane si bien représenté par le ministre des
Richesses naturelles. M. le Président, c'est déjà un choix
que ces $7 nous apportent. Les $7 peuvent représenter en
définitive l'investissement requis pour la construction d'une nouvelle
usine adaptée à Matane. Ces $7 peuvent le représenter.
Pourquoi nous fermerions-nous cette porte? Pourquoi nous dirions-nous ici
aujourd'hui: Les amis, on ne pense plus à cela, on amende la loi et
là on se bouche toute ouverture nouvelle? Je ne crois pas que ce serait
normal. Je crois que ce serait même de la mauvaise gestion, de la
mauvaise administration et ne pas prendre les intérêts du
Québec.
Il y a une autre possibilité qui s'ouvre, M. le Président.
Il est question je ne dis pas que c'est une politique gouvernementale,
je ne dis pas que c'est décidé après 100 ans
d'exploitation des mines d'amiante, de nouveaux procédés...
M. Bérubé: Un non nuancé.
M. Grégoire: ... d'extraction de la fibre. Par exemple, on
a mis à l'essai, aux Etats-Unis, le procédé humide et on
parle d'étudier au moins la possibilité d'avoir une usine ultra
moderne à Thetford Mines, étant donné que celle de la mine
King Beaver a été détruite par le feu il y a quatre ans.
On parle d'un procédé humide qui permettrait de
récupérer entre 10% et 15% de plus de fibre, selon le rapport du
comité des mines des Cantons de l'Est dont le président
était un ingénieur à la Johns-Manville, M. Roger
Laliberté. On parle de ce procédé qui nous permettrait de
récupérer entre 10% et 15% de plus de fibre. Sur une production
totale de $500 millions de fibre d'amiante, cela peut commencer à
être important. A ce moment, on a déjà des usines qui
existent à la mine Normandie qui pourraient être
transportées à Matane, qui pourraient servir pour...
M. Brochu: C'est ce dont vous parliez l'autre jour.
M. Grégoire: II y en a de cela... dont l'Asbestos
Corporation est propriétaire et dont elle se sert à l'heure
actuelle pour aller récupérer justement ce pourcentage de fibre
qui est' dans les résidus. On a commencé à se servir des
résidus pour aller récupérer de la fibre parce
qu'autrefois le procédé d'extraction était moins bon. Il
reste pas mal de fibre dans ces tas de résidus, de la fibre qui peut
être exploitable, et on a de ces usines transportables. La Carey pense en
avoir une pour tous les tas qui sont échelonnés sur plusieurs
milles à East-Broughton. Alors, s'il y a des usines
récupérables comme cela, pourquoi se fermer une avenue? Je ne dis
pas que ce sont des choses qui vont arriver, mais je dis que ce sont des choses
qui sont "étudiables" et qui sont passibles. On nous demande
aujourd'hui, pour l'avenir, de se fermer toutes ces avenues. Je trouve cela
absolument inacceptable.
Je pense que si on considère ces points, on réalisera que
la rédaction et l'idée derrière la rédaction de
l'amendement du Parti libéral sont complètement
inacceptables.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Très brièvement, M. le Président.
Je pense qu'il y a deux choses qui se dégagent des remarques des
porte-parole du gouvernement, les deux ministres, relativement à cette
question. D'abord, l'argumentation du ministre des Richesses naturelles nous
porte presque à conclure qu'il est indispensable d'acquérir la
mine dans le Nouveau-Québec, à Baie Déception, parce qu'il
s'est longuement étendu sur les difficultés de partage,
l'intérêt et les avantages considérables qu'il y a
d'acquérir cette mine.
Remarquons qu'il n'a pas conclu pour autant que c'était
l'intention du gouvernement de l'acheter. D'ailleurs, le ministre des Finances
a très bien dit que la porte est ouverte à ce qu'il ne
l'achète pas. C'est donc dire que toute cette argumentation est un peu
spécieuse, c'est-à-dire qu'elle est un peu faite pour meubler
l'argumentation, plutôt que pour convaincre qui que ce soit, parce que le
gouvernement n'a pas nécessairement l'intention d'acheter la mine de
Baie Déception. Donc, il y a tous les arguments disant que cela
causerait des inconvénients, qu'il y a des difficultés; ce qu'il
ne mentionne pas, c'est qu'il peut y avoir aussi des difficultés de
l'acquérir.
Donc, je pense bien que le ministre n'avait pas l'intention de nous
persuader qu'il fallait acquérir cette mine, mais seulement qu'il y
aurait certaines conséquences peut-être désagréables
si on n'en faisait pas l'acquisition. Ce n'est pas du tout la
démonstration que notre amendement n'est pas approprié. Au
contraire, le gouvernement laisse la porte entièrement ouverte à
la non-acquisition de la mine de Baie Déception.
M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent
me permettrait-il... En fait, après avoir écouté le
député de Frontenac dans son argumentation extrêmement
étoffée, il m'a même tellement convaincu que je suis en
train de me poser la question: Est-ce que c'est bien d'exproprier Thetford ou
si on ne devrait pas simplement se contenter de l'Asbestos Hill.
M. Forget: Plaisanteries mises à part, il reste que je
pense bien que ni l'un ni l'autre des ministres ne vont nier qu'effectivement
ils n'ont pas voulu faire la démonstration qu'il était
nécessaire d'exproprier ou d'acquérir même la mine qui est
dans le nord du Québec. Bien sûr, il y a toutes sortes de
difficultés: il faut faire le partage des actifs, du personnel, etc.,
mais ce sont des hors-d'oeuvre, essentiellement. Le gouvernement ne
prétend pas avoir fait cette démonstration qu'il est
nécessaire d'acheter la mine.
Or, le deuxième point qui a été
développé par le ministre des Finances, c'est qu'il s'agit
essentiellement d'une partie de poker, si l'on veut, entre General Dynamics et
le gouvernement du Québec relativement à cette question. Si les
deux installations, celle de Baie Déception et celle d'Allemagne sont
détenues par des propriétaires différents, il est bien
clair que dans un cas on a une mine qui pourrait être inutilisée
et dans l'autre cas on a une usine qui pourrait être inutilisée.
Il est bien clair que quand on dit: Pourrait être inutilisée, cela
ne veut pas dire inutilisable, parce que là, il y a un problème
d'adaptation, de prendre d'autres décisions, de part et d'autre,
d'ailleurs, qui feraient qu'on trouve des solutions de rechange.
Le gouvernement du Québec dit: D'accord, il y a des
investissements additionnels. Autrement dit, dans ce jeu de poker, quels sont
nos atouts? Nos atouts, c'est qu'on peut toujours se débrouiller tout
seul pourvu qu'on le veuille bien. En plus des investissements qui sont de
toute façon nécessaires dans la mine, je veux bien croire qu'on
en tient compte dans le prix, mais il faudrait encore les débourser, les
$50 millions, le moment venu, pour aller sous terre à Baie
Déception. Parce que là, comprenons-nous bien, ce que le
gouvernement va acheter, c'est la mine, ce n'est pas l'ensemble des actifs y
compris le fonds de roulement et les comptes en banque, etc. Il va acheter
essentiellement une installation physique avec, évidemment,
l'équipement etc., mais il n'achète pas les actifs financiers,
les réserves financières lui permettant de dire: En achetant, on
a déjà tenu compte du besoin d'investir. On en a tenu compte
parce qu'on a peut-être payé $1 de moins, $2 de moins par action,
enfin, toute proportion gardée, mais ce n'est pas cela qui est capital,
c'est qu'il y aura une mise de fonds qui sera nécessaire de $50 millions
pour maintenir la production. Qu'on le fasse à la deuxième
année, dans trois ans, dans quatre ans, dans cinq ans, il reste que
c'est une chose qui s'en vient et qui s'en vient rapidement. En plus, il faudra
faire un investissement d'une cinquantaine de millions. Evaluer à $50
millions une usine de transformation, au prix actuel, ce n'est pas divaguer,
c'est dans un ordre de grandeur qui n'est pas absolument irréaliste.
M. Parizeau: Est-ce que le député de Saint-Laurent
me permettrait une intervention? Juste une question de fait.
M. Forget: Oui.
M. Parizeau: Les estimations que nous avons sont entre $25
millions et $40 millions.
M. Forget: On sait ce que les estimations donnent souvent. Quand
viendra le temps de construire, avec une inflation de 10% par année, les
estimations qui sont faites à cette date-ci en viendront à $40
millions ou $50 millions facilement. C'est l'ordre de grandeur que je
mentionnais.
M. Parizeau: Cela pourra être mieux surveillé que
les Jeux olympiques.
M. Forget: Oui, mais, même à cela, on va voir...
M. Bérubé: On n'invitera pas le
député de Marguerite-Bourgeoys, d'ailleurs, à surveiller
les...
M. Forget: II reste qu'on sait ce qui arrive des
évaluations de coût qui sont faites pour des projets non
répétitifs de cette nature. Il y a très souvent des
dépassements de coût. D'ailleurs, c'est heureux que le ministre le
mentionne parce qu'il devrait citer également le dépassement de
coût qui s'est réalisé au moment où la mine a
été installée à Baie Déception par General
Dynamics et non pas par le gouvernement. On avait envisagé une
dépense de $50 millions et cela a coûté $100 millions. Cela
est assez curieux, mais cela a coûté deux fois plus cher que
prévu. Evidemment, il y avait des conditions difficiles à Baie
Déception qu'on ne rencontrera certainement pas en Grèce, mais
c'est un fait.
Donc, on a du côté gouvernemental, dans son jeu, des atouts
qui ne sont pas absolument des as. On dit: On peut se passer de la mine en
Allemagne. Mais tout le monde sait très bien, et General Dynamics la
première, qu'il y a là une mise de fonds additionnels d'une
centaine de millions pour qu'on puisse vraiment dire qu'on va jusqu'au bout et
qu'on n'a absolument pas besoin de vous. Il y a une difficulté
additionnelle. On sait très bien que si du jour au lendemain, et pendant
une période de temps déterminé, il y avait une crise de
mauvaise humeur, comme le dit le ministre des Finances, cela ne durerait pas
nécessairement éternellement. On sait combien sont sensibles les
gouvernements à des mises à pied. Or, du jour où il y a
des difficultés d'approvisionner l'usine en Allemagne, parce qu'on ne
s'entend pas sur le prix, parce qu'on ne s'entend pas sur la façon de
faire le contrat, les mises à pied doivent se faire. Il y a 400 emplois
à Baie Déception, et tout le monde sait, General Dynamics la
première, que les gouvernements sont sensibles à ce genre de
chose. Ce n'est certainement pas une carte d'atout du côté du
Québec.
Du côté de la compagnie, on dit: Eux aussi sont mal pris,
on n'est pas les seuls à être mal pris avec cette question. Eux
aussi, ils seraient mal pris si nous nous portons acquéreurs de la mine
dans le Nouveau-Québec et qu'ils demeurent propriétaires de
l'usine. Ils seraient mal pris parce qu'ils ne trouveraient pas ailleurs
à s'approvisionner, du moins, pas facilement. Je veux bien que ce ne
soit pas absolument facile, qu'il y ait aussi des délais, mais je ne
suis pas absolument certain qu'à l'heure où on se parle il soit
si difficile qu'on le prétend, du côté gouvernemental, de
se procurer du minerai d'amiante qui a déjà été
épuré aux deux tiers. Bon, on dit: C'est seulement du
côté de la Grèce. Il reste à déterminer si
cette affirmation est juste. On sait, par ailleurs, que l'Union
soviétique possède de très gros gisements de minerai; elle
a d'ailleurs développé, depuis quelques années, la plus
grosse mine au monde, plus grosse encore que celle de la ville d'Asbestos au
Québec, dirigée par Johns-Manville. On sait également que
l'Union soviétique a beaucoup de difficultés, dans la finition de
la fibre, à produire un produit uniforme, gradé, avec les
qualités appropriées et demandées par les clients. Ils ont
énormément de difficultés à faire cela et il n'est
pas du tout impossible qu'ils trouveraient avantageux de desservir le
marché européen en ayant une usine à Nordenham qui
fonctionne probablement avec des standards d'uniformité des produits, de
classification homogène, etc. des différents grades de fibre.
Cela leur permettrait de satisfaire leur clientèle
européenne à des conditions probablement avantageuses et à
y trouver leur compte même parce qu'ils pourraient exiger un prix
probablement plus avantageux pour une fibre mieux classée, plus
uniforme, plus homogène que ce qu'ils ont pu obtenir jusqu'à
maintenant pour un produit qui est notoirement insatisfaisant sur le plan du
contrôle de la qualité.
Je mentionne tout ceci, M. le Président, pour dire deux choses.
Premièrement, dans tout ce que le gouvernement nous a dit sur cet
amendement, il n'a pas du tout fait son lit relativement à une
décision qui n'est évidemment pas prise de se porter
nécessairement acquéreur de la mine dans le
Nouveau-Québec. Il va peut-être l'acquérir, il ne
l'acquerra peut-être pas, ce qui démontre encore une fois que non
seulement on n'est au courant de rien quant au prix, on ne sait même pas
ce qu'on achète précisément et on ne sait même pas
quand on va l'acheter.
Mais voyons ce qui en est de ce jeu de poker. La décision de
l'acheter étant prise, quelle est l'équilibre des forces de
négociation entre General Dynamics et le gouvernement du Québec
dans cette situation? Tout ce qu'on a là-dessus, ce sont les
affirmations du gouvernement: Oh! cela va très bien, merci. Ce qu'on
sait, c'est que, pour vraiment que ce soit cru, il faut être prêt
à mettre $100 millions au-dessus et au-delà de ce qu'on va verser
pour l'acquisition de la mine, de toute manière. Les $100 millions, cela
ne court pas les rues au gouvernement du Québec de ce temps-ci, on le
sait abondamment parce qu'on vient de terminer l'étude des
crédits. On a évidemment très peu d'information quant aux
alternatives de la partie adverse mais on peut imaginer que,
l'ingéniosité hu-
maine étant infinie, il n'est pas dit que le fin mot de
l'histoire nous ait été donné là-dessus par le
ministre des Finances qui, évidemment et c'est de bonne guerre
n'est pas celui qui va faire la publicité des alternatives qui
sont ouvertes à General Dynamics là-dessus.
Alors, M. le Président, je pense que le sens de notre amendement
était très clair; c'était d'amener les ministres du
gouvernement à préciser leur position là-dessus.
Essentiellement, ils n'en ont pas de définitive, ils sont ouverts
à tout; ils n'ont pas fait leur lit quant à l'envergure des biens
dont ils vont faire l'acquisition et leur prétention, quant à
leur pouvoir de marchandage si jamais ils vont jusqu'à acheter la mine
dans le Nouveau-Québec, est assez fragile et est basée sur des
mises de fonds additionnels de l'ordre de $90 millions à $100 millions.
Quant à nous, nous sommes prêts à voter.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Sur le même sujet, M. le Président. Je
voudrais revenir sur les propos qui ont été tenus par le ministre
des Finances. D'abord pour rappeler la question que j'ai posée, à
savoir s'il était de l'intention du gouvernement d'acquérir, oui
ou non l'Asbestos Hill et les installations de l'Ungava. La réponse,
à toutes fins utiles, si j'ai bien compris les interventions du ministre
des Richesses naturelles et du ministre des Finances, a été oui
et non.
M. Forget: Peut-être bien que oui, peut-être bien que
non.
M. Brochu: Cela me surprend un peu, d'ailleurs, parce que j'ai
situé ma question au niveau des intentions. Si on se situe dans ce qui
se passe actuellement, le gouvernement a un projet politique, celui
d'acquérir une entreprise exploitant la fibre d'amiante pour
procéder à plus de transformation. Dans un premier temps, il
négocie avec une entreprise d'extraction de fibre d'amiante pour
acquérir ses actifs et, si cela ne fonctionne pas, avec l'instrument
qu'il se donne actuellement, il a l'intention de procéder à
l'expropriation. Donc, le résultat de tout cela, ce sera tout simplement
ce que le gouvernement a comme intention. Ce qu'il veut avoir au point de
départ, c'est qu'il aura au bout de la course, parce que, s'il ne peut
pas l'avoir de gré à gré, il l'aura avec la loi par la
force de l'expropriation. Ce qui me fait dire qu'on n'a pas répondu
à ma question et j'aimerais qu'on y revienne c'est que le
résultat dépend tout simplement de ce qu'est l'intention
réelle du gouvernement. Si cela dépend uniquement de l'intention
réelle du gouvernement, j'imagine qu'à ce stade-ci, étant
donné qu'on est presque à la toute fin de toute cette
démarche, le gouvernement doit être capable de cerner son
intention, de la définir exactement et de la livrer au moins aux membres
de la commission.
C'est de grande importance parce que je rattache cela à ce qui
avait été présenté comme un tout indissociable au
point de départ. Donc, si vous avez accepté en cours de route
d'en laisser tomber une partie ou si vous ouvrez la porte maintenant à
en laisser tomber une partie, c'est donc qu'il y a des raisons majeures et on
aimerait et la population aussi dans ce sens-là savoir
pourquoi et savoir aussi quel impact de rentabilité cela a sur le projet
total. Si c'est si important que cela de garder la mine de l'Ungava, dans la
partie du oui que vous m'avez donné, pourquoi exactement et, en termes
de rentabilité financière, cela veut dire quoi? Et si
lorsque je prends la partie non de votre réponse vous n'avez pas
l'intention de la garder, quel impact aussi cela a-t-il sur l'ensemble de votre
projet initial de vouloir acquérir l'ensemble des actifs de l'Asbestos
Corporation pour oeuvrer dans le domaine de la transformation? Je pose de
nouveau la question dans ces termes-là parce qu'il me semble, à
ce stade-ci, qu'on n'est pas plus avancé qu'on ne l'était. On
n'est pas plus avancé que lorsque j'ai posé la question
même en deuxième lecture, à savoir si c'était
l'intention du gouvernement d'acquérir les actifs de Nordenham, d'une
part, et les actifs surtout de l'Asbestos Hill dans le nord.
Il y a un autre aspect là-dedans et je reviens à la
question de l'humeur. Le ministre des Finances a dit que General Dynamics
pourrait se retrouver, si elle a une saute d'humeur, avec une usine non
exploitable en territoire européen, notamment en Allemagne, en
décrivant cette installation comme un éléphant blanc.
Ce n'est peut-être pas aussi simple que cela au point de
départ parce que, d'abord, le gouvernement a eu la préoccupation
d'aller voir ce qui existait. Il existe quelque chose en Grèce pouvant
alimenter cette usine. Donc, il y a une source d'approvisionnement. Que je
sache, il existait peut-être d'autres sources également. Le
député de Saint-Laurent y a touché lorsqu'il a
parlé de la production russe d'amiante. Ce n'est pas une situation
négligeable en ce qui concerne l'approvisionnement de l'usine de
Nordenham.
Maintenant, il y a également un autre élément. On a
parlé de la Grèce en disant que la Grèce se protège
avec des lois bien spécifiques, bien précises. Mais il ne faut
pas oublier un autre phénomène en Europe également.
Actuellement, il y a la construction des Etats-Unis d'Europe et la Grèce
n'est pas étrangère à cette situation, surtout avec les
derniers développements. On sait qu'avec la construction des Etats-Unis
d'Europe, il existe évidemment des lois sur ce continent qui
protègent les productions locales de l'un des pays de l'Europe des dix.
On doit maintenant l'appeler de cette façon puisque, à toutes
fins utiles, c'est réalisé. Alors, la garantie derrière
laquelle on semblait vouloir se retrancher, à savoir que la Grèce
protégerait unilatéralement son territoire, est beaucoup moins
forte qu'on était peut-être porté à le penser au
point de départ. On va penser davantage et je ne pense pas que le
cheminement puisse se retourner, à un moment donné.
Le cheminement de l'Europe, c'est de s'unifier, c'est de se renforcer et
de devenir une force économique pour faire un contrepoids à
d'autres
forces économiques et, en même temps, se préserver
contre la force des Etats-Unis. C'est la réalité dans laquelle on
se situe pour cette négociation. La question de la Grèce, celle
de l'absolue protection de la Grèce est un argument qui est, pour le
moins, discutable au point de départ. On peut, dès maintenant,
dire: C'est une forme de protection dans la situation actuelle. Mais en
considérant ce vers quoi l'Europe s'en va actuellement, la question
change de forme et elle se pose d'une tout autre façon. (12 h 30)
Dans ce sens-là, même les marchés j'ai eu
l'occasion de le souligner à différentes reprises
européens, en ce qui concerne les produits qui sont usinés ou
touchés en sol européen, sont protégés par une
entente qui existe entre l'Europe des neuf, avant même que la
Grèce y adhère directement. En sol européen, les pays de
la communauté s'engageaient à ne pas acheter les mêmes
produits qui étaient fabriqués dans d'autres pays
extérieurs à la communauté. Donc, c'est une forme de
garantie qu'on retrouve dans ce mouvement de renforcement d'une
fédération qui s'appellerait les Etats-Unis d'Europe.
Je pense que cela devient plus ou moins douteux de prétendre que
nous ici, de ce côté-ci de l'océan, puissions ne pas tenir
compte de ces situations et décider, de façon unilatérale,
ce qu'on va faire en disant: La General Dynamics va être mal prise avec
son usine là-bas.
Je ne pense pas qu'elle soit tout à fait dans la position qu'on
prétend à ce moment-là. Il y a aussi un autre
élément là-dedans. Supposons que General Dynamics se
retrouve avec l'éléphant blanc dont le ministre des Finances a
parlé tout à l'heure. Avec quel genre d'éléphant se
retrouverait-on ici puisqu'il est le partenaire du premier en ce qui concerne
la mine de l'Ungava? Le ministre des Richesses naturelles a bien dit tout
à l'heure qu'on pourrait, dans la partie du oui de la réponse,
acquérir la mine de l'Ungava et la laisser sans fonctionner pendant un
an, un an et demi, peut-être deux ans, mais avez-vous imaginé
qu'il y a un coût d'investissement qui va être là et qui va
dormir? Après cela, supposons qu'on construit une usine. Combien va
coûter votre usine? Peut-être $40 millions, $50 millions, $60
millions? Vous avez aussi la question d'aller sous terre pour l'exploitation,
ce qui est encore une valeur à surajouter à cela, et, un
élément qu'on n'a pas touché: Une fois que vous allez
avoir fait tout cela, qu'est-ce qui va vous assurer des marchés
européens vers lesquels va actuellement la fibre extraite du sous-sol du
nord du Québec, en particulier d'Asbestos Hill? A ce moment-là,
on va se retrouver dans le contexte où les ponts vont être
définitivement coupés entre General Dynamics et le gouvernement
du Québec s'il a procédé par expropriation et qu'il n'y a
pas eu entente même pour vendre la fibre là-bas. D'autre part,
pendant ce temps, l'Europe va continuer de s'autoprotéger dans ce
mouvement d'avoir une Europe unie beaucoup plus indépendante, beaucoup
plus forte et beaucoup plus autonome. Dans quelle position va-t-on se
retrouver? Avec une mine qu'on va avoir achetée, avec une usine qu'on va
devoir construire, avec des investissements à faire pour aller chercher
le minerai en sous-sol et avec des marchés qui sont loin d'être
garantis. C'est dans ce sens que je repose la question et je pense que le
gouvernement devrait maintenant être en mesure de nous donner la
réponse puisque c'est lui qui est le meneur de jeu et qui a lancé
ce projet d'aller dans le domaine de l'acquisition d'une entreprise. Est-ce
que, oui ou non, c'est l'intention du gouvernement, dans la partie où
c'est faisable c'est-à-dire Asbestos Hill, d'acquérir, dans sa
démarche d'expropriation ou d'entente gré à gré,
les installations d'Asbestos Corporation dans l'Ungava? De là
dépend, évidemment, l'ensemble de toutes les autres
questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je pense que, quand on lira la transcription des
débats de ce matin et qu'on reculera d'une demi-heure, trois quarts
d'heure, on se rendra compte que j'ai répondu très
spécifiquement à la question à la fois posée par le
député de Saint-Laurent à nouveau et par le
député de Richmond. C'est toujours l'intention du gouvernement
d'exproprier ou d'acheter la mine de l'Asbestos Hill. On s'entend bien? C'est
toujours dans les intentions du gouvernement. Deuxièmement, il est
parfaitement...
M. Brochu: Je m'excuse, je ne sais pas si le ministre me
permet.
M. Parizeau: Oui.
M. Brochu: Cela veut donc dire que ce n'est pas sujet à
faire partie des négociations, à savoir si cela va être
fait ou non; cela va être fait.
M. Parizeau: On trouvera aussi dans la transcription des
débats que j'ai dit il y a trois quarts d'heure qu'à un moment
donné on a examiné le fait de scinder les deux et que General
Dynamics n'a pas exprimé un intérêt particulier pour cela.
Il est évident que dans le cours des voies à explorer de deux
choses l'une: ou bien on dit que je n'ai pas négocié, ou bien on
dit que j'ai négocié. Si j'ai négocié, il est clair
comme de l'eau de roche que toute une série de roches, comme on dit en
anglais, ont été tournées pour voir ce qu'il y avait en
dessous et il y a un certain nombre de roches qui ont
révélé qu'il n'y avait rien en dessous. Cela en est une.
Au point de vue de la compagnie, cela n'a pas évoqué
d'écho particulier. Je répète que c'est toujours dans
l'intention du gouvernement d'exproprier ou d'acheter l'ensemble des
installations minières d'Asbestos au Québec.
Deuxièmement... Cela va?
M. Forget: Mais l'envergure de cela est négociable.
M. Parizeau: C'est-à-dire qu'on peut imaginer des tas de
choses. On peut imaginer à partir de là que si jamais General
Dynamics revient avec cette question et dit: Très bien, vous êtes
propriétaires de l'Asbestos Hill, mais on va s'entendre pour une sorte
de contrat de façon à relier sur une longue période de
temps avec un prix déterminé pour le minerai les rapports qu'il y
aura entre l'Asbestos Hill et Nordenham. On serait complètement fou de
dire: Non, on ne peut pas garder cela. Voyons, cela va de soi. Ce n'est pas
parce qu'on est propriétaire qu'on refuse de regarder toute
espèce de liaison entre l'usine allemande et l'usine Asbestos Hill. Ce
serait ridicule qu'on ne la garde pas. Si à un moment donné, il y
a des propositions à faire là-dessus, il n'y en a pas pour le
moment, très bien, cela viendra peut-être.
Deuxièmement, il est parfaitement inutile de revenir à
nouveau sur la question que cela pourrait coûter $100 millions
d'investissements et que $100 millions ne poussent pas sous des roches. On
verra aussi dans la transcription que j'ai clairement indiqué que dans
notre estimé de Kidder, Peabody, comme dans celui de Lazard
Frères, les investissements dans l'Asbestos Hill ont été
incorporés dans toutes les projections de "cash flow", dans toutes les
projections en somme de revenu net de l'entreprise, tout cela est
incorporé.
C'est ce qui explique on verra la transcription d'il y a à
peu près une heure parce qu'on envisage de faire les
investissements plus rapidement alors que General Dynamics le fait moins
rapidement. La projection de "cash flow" des deux rapports pour les
premières années est très différente, mais dans les
deux cas, c'est fait, c'est financé à même le "cash flow".
C'est ce qui explique, par exemple, que pour les quatre premières
années, le rapport Lazard conclut un "cash flow" d'à peu
près $20 millions par année net une fois ces investissements
faits, alors que le rapport de Kidder est beaucoup plus modeste sur le plan du
"cash flow" au cours des premières années, puisqu'on
prévoit de faire les investissements rapidement. Cela a
été incorporé, il ne sert à rien de le faire
réapparaître une deuxième fois. C'est dedans, c'est dans
les chiffres.
Pour ce qui a trait à la construction possible d'une nouvelle
usine, j'ai dit aussi tout à l'heure qu'on peut faire ou qu'on peut ne
pas le faire, il y a plusieurs voies possibles, soit par entente, soit par
construction et quand on dit les Grecs pourraient être amenés
à cause du développement de l'Europe unie à changer leurs
positions. Oui, mais il y a des choses qui ne vont pas changer. C'est que le
gisement est à 150 kilomètres de la mer. Cela, Europe unie ou pas
Europe unie, là il y a des frais de transport. Si c'est trop loin en
termes de transport, de promener des concentrés, les concentrés
ne se promèneront pas. De plus, cela implique nécessairement de
très grosses transformations à Nordenham. Il n'est pas du tout
certain que la compagnie va trouver que c'est rentable de faire des
transformations comme celles-là. En troisième lieu, comme je
disais, le gouvernement grec a déjà annoncé sa
position.
Alors, il ne faut pas confondre les préoccupations
d'intégration de l'Europe sur 20 ans et des préoccupations
immédiates sur la façon dont on traite un minerai et où. A
l'heure actuelle, les Russes sont dans une situation qui est
complètement renversée. Tout le monde s'attendait qu'ils envoient
énormément de minerai dans l'Ouest et c'est le contraire qui
s'est produit depuis une couple d'années. Avant qu'on commence à
extrapoler la position des Russes, il faudrait juste se rendre compte d'une
chose, c'est que leur position par rapport à il y a deux ou trois ans
est sensiblement modifiée. On s'attendait qu'ils inondent le
marché; ils ne l'inondent pas, ils reculent. S'imaginer que les Russes
vont s'amener avec des quantités de minerai sur le marché, je
comprends qu'il y a des tas de gens qui disent cela depuis trois ans, mais
c'est exactement le contraire qui s'est produit. Il semble qu'ils aient des
problèmes de développement de leurs gisements qui sont
passablement plus considérables que certains ne pouvaient le penser il y
a deux ou trois ans.
Dans ce sens, qu'est-ce que vous voulez, si ce que les membres de
l'Opposition veulent dire, c'est que la vie comporte normalement un certain
nombre de points d'interrogation, c'est vrai. Si ce qu'on veut dire, c'est que
l'avenir n'est pas parfaitement connu, c'est exact. Il n'y a que les
professeurs d'université à poser des hypothèses dans le
genre de : Supposons l'avenir parfaitement connu. Mais il reste qu'il s'agit de
savoir où les cartes sont les meilleures et où sont les positions
de force. Ce à quoi nous concluons, c'est que l'achat d'Asbes-tos Hill
nous met dans ce débat dans une position de force plus grande. Le fait
de ne pas l'acheter du tout risquerait de nous mettre dans une position de
force moins grande. Même une fois qu'on l'a achetée, c'est comme
les baïonnettes de Napoléon; on peut faire n'importe quoi avec sauf
s'asseoir dessus.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que je peux maintenant
appeler le vote sur l'amendement?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Marcoux): La proposition d'amendement est
la suivante: Que le deuxième alinéa du paragraphe 21 de l'article
1 soit modifié en ajoutant à la troisième ligne,
après les mots "ne sont", les mots "toutefois les biens visés
dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs à
l'exploitation continue des mines et moulins situés à Thetford
Mines."
Est-ce que vous êtes pour ou contre l'amendement? M.
Bérubé (Matane)?
M. Bérubé: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Parizeau (L'Assomption)?
M. Parizeau: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Brochu (Richmond)?
M. Brochu: Pour.
Le Président (M. Marcoux): M. Forget (Saint-Laurent)?
M. Forget: Pour.
Le Président (M. Marcoux): M. Grégoire
(Frontenac)?
M. Grégoire: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Laplante (Bourassa)?
M. Laplante: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Ouellette (Beauce-Nord)?
M. Ouellette: Contre.
Le Président (M. Marcoux): M. Rancourt
(Saint-François)? M. Ciaccia (Mont-Royal)?
La motion d'amendement est rejetée cinq à deux.
Nous revenons au paragraphe 21 tel que rédigé dans le
projet de loi. Est-ce que le paragraphe 21 est adopté?
M. Forget: Sur division, M. le Président. M.
Grégoire: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 22?
M. Forget: On ne l'a pas débattu, celui-là? M.
Grégoire: Le paragraphe 27.
Le Président (M. Marcoux): Un instant, là. Je l'ai
appelé de façon automatique.
M. Grégoire: II est adopté.
M. Forget: Je pense que cela va au paragraphe 27, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Une seconde. Oui, paragraphe
27.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Marcoux): Adopté?
M. Forget: Non, M. le Président. Je peux en faire la
lecture pour ceux qui n'ont pas le texte devant eux: "La société
assume, jusqu'à concurrence de l'indemnité, le paiement des
dettes se rapportant aux biens expropriés."
Il y a un deuxième paragraphe qui dit que quand il y a des dettes
contractées juste avant l'expropriation, il y a une certaine
procédure de contestation pour éviter que les actifs ne soient
évacués de façon pratiquement frauduleuse.
Le deuxième alinéa ne pose aucune espèce de
difficulté. Il y a évidemment la question du principe qui est
contenu au premier alinéa qui soulève chez nous un certain nombre
d'interrogations. En effet, on procède à une expropriation
d'actifs qui sont connus ou connaissables de manière certaine. Ce sont
des mines, ce sont des morceaux d'équipement, ce sont des choses qui
sont bien délimitées. D'un autre côté, on
crée par cet article, ce premier alinéa, un droit de
créance sans limite à la faveur, au bénéfice de
toute personne qui peut avoir ou qui peut prétendre avoir une
créance quelconque envers la société Asbestos Ltée.
Il y a plusieurs types de créances. Il y a des créances
certaines, connues, enregistrées, des créances
hypothécaires, des obligations, des emprunts bancaires ou des
prêts bancaires, dans le cas de créances, et cela est facile
à connaître parce que c'est mentionné au bilan financier.
On peut déterminer avec précision quelles sont ces dettes.
Mais il y a aussi toutes sortes de choses qui, à un moment
donné, peuvent ne pas avoir le même caractère de certitude:
des réclamations, des poursuites, toutes sortes de passifs contingents
qui peuvent se réaliser à une période future et, donc, qui
sont extrêmement difficiles à évaluer. Or, une
rédaction aussi généreuse pour le propriétaire
antérieur au bénéfice de General Dynamics nous semble
poser un certain nombre de questions. Qu'est-ce qu'on a à l'esprit quand
on dit cela, essentiellement? On a à l'esprit un certain nombre de
poursuites qui pourraient, dans l'avenir, être intentées à
la suite et tirant leur origine d'événements se produisant, par
exemple, aux Etat-Unis ou en Europe où on mettrait en doute la
possibilité que des utilisateurs éventuels, des travailleurs qui
sont employés par des usines de transformation à
l'étranger, aillent se prémunir auprès du fournisseur de
la fibre, fassent en quelque sorte une espèce de recours en garantie.
Cela existe déjà, il y a déjà un certain nombre
d'actions intentées par des utilisateurs américains contre des
fabricants américains, mais aussi contre le fournisseur de la fibre,
à l'origine. (12 h 45)
Le problème de l'amiantose est assez bien connu, je pense qu'il a
été assez bien circonscrit. Il est aussi exact de dire qu'il
touche principalement les travailleurs. Le problème du cancer, par
exemple, que certains allèguent être causé par la fibre
d'amiante, même chez des utilisateurs éventuels, dans certains
cas, pose une inconnue. Il nous paraît que la rédaction assez
large, même extrêmement large, de ce premier alinéa ouvre la
porte à ce que n'importe quand dans l'avenir, et en dehors de ce qui est
prévisible à court terme dans le cadre de la négociation,
on crée une créance qui n'a pas de limite. Dans dix ans, un
héritier d'une personne qui est morte de cancer et qui a
été un utilisateur dans un pays étranger pourrait dire:
Cette fibre venait du Canada, elle venait de la société Asbestos.
Finalement, c'est le fournisseur de la fibre qui n'a pas pris les
précau-
tions pour avertir les utilisateurs éventuels des risques, etc.
C'est une possibilité que tout un enchaînement de poursuites
produise des résultats comme ceux-là.
Je ne mentionne que celle-là, M. le Président, mais il y a
un aspect plus formel à tout ceci; c'est qu'il nous semble qu'au moment
où on va établir le quantum de l'indemnité il y a
un article subséquent qui dit que l'indemnité, c'est ce qu'on va
offrir, c'est la valeur marchande moins les dettes assumées il va
falloir connaître avec précision les dettes assumées. Or,
sur le plan de la procédure de divulgation des créances, on a
très peu de choses qui permettent de dire: Bien, voici, on a une
procédure qui doit être suivie pour faire sortir ces
créances, en connaître le montant, les vérifier en quelque
sorte et être sûrs que le chiffre de dettes assumées que
l'on a et que l'on soustrait du montant de la valeur marchande pour arriver
à l'indemnité, c'est vraiment un chiffre qui est
définitif, qui est certain, qui est précis.
Pour produire ce résultat, il nous semble que l'article 27
devrait être beaucoup plus prolixe. Il devrait contenir, justement, un
mode de détermination des créances vis-à-vis de la
société Asbestos Limitée, qui nous donnerait une assurance
qu'on ne s'en va pas dans une situation où on peut voir surgir tout
à coup un créancier dont le montant de la créance
était même contesté par la société Asbestos
qui a dit: Ecoutez, ce n'est pas une créance, vous n'assumez pas cela.
Nous nions toute responsabilité, nous ne devons pas cette somme; c'est
une prétention farfelue, etc. Ce n'est qu'une affirmation qui, à
défaut d'une procédure d'enregistrement des créances
vraiment rigoureuse, n'aurait aucune valeur en droit; on ne pourrait pas
opposer le fait qu'au moment de l'expropriation la société
Asbestos croyait ne pas être redevable d'un montant X.
Si un jour un tribunal dit: Non, il y a une responsabilité
civile, il y a une responsabilité pénale Dieu sait quoi
il y a un montant qui est dû, il faudrait pouvoir aller en
arrière et dire: Ecoutez, la loi d'expropriation prévoyait un
certain cheminement. Il y a des créanciers qui ont suivi ce cheminement
et ce sont ceux dont les créances sont protégées qui sont
pris en charge. Les autres ne perdent pas leur recours; la
société Asbestos Limitée continuera d'exister comme
entité légale et ils poursuivront le propriétaire
antérieur. Mais au moins, c'est pour limiter la responsabilité du
gouvernement du Québec, vis-à-vis des choses qu'on ne peut pas
connaître parce que le montant n'est pas liquidé, c'est
débattu, on n'en parle pas; la cause d'action est survenue, mais
l'action elle-même n'a pas été intentée, par
exemple. Cela, par définition, il n'est pas possible de le
prévoir. Donc, il faut que ce soit une définition limitative.
Encore une fois, nous n'avons pas toutes les ressources d'expertise
juridique nécessaires pour faire une rédaction qui soit
peut-être à l'épreuve de toutes les critiques de juristes,
mais je pense que l'intention est assez claire; c'est un texte d'ailleurs qui
est assez long. Là-dessus, si le gouvernement a une rédaction
différente à suggérer, il est bien entendu, M. le
Président, qu'on fait cette motion avec toute l'ouverture d'esprit qui
s'impose si jamais le gouvernement était d'accord avec notre souci de
protéger les intérêts du Québec pour éviter
d'ouvrir la porte trop large à la prise en charge des dettes même
non liquidées de la société Asbestos.
Alors, cela se lirait un peu comme suit: "Que le paragraphe 27 de
l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la deuxième ligne du
premier alinéa, après le mot "expropriés", les mots
"exigibles dans un délai d'un an à compter de la date
d'expropriation" et en ajoutant, après le deuxième alinéa,
les alinés suivants: "Toute autre obligation résultant d'un
contrat, d'une réclamation en responsabilité civile ou
pénale ou de toute autre source doit être divulguée
à la société par une déclaration à cet effet
qui lui est signifiée par le propriétaire antérieur dans
les 30 jours de l'avis prévu à l'article 21. Cette
déclaration doit contenir une indication des créanciers et de
leurs créances." C'est-à-dire l'identité du
créancier et le montant de la créance. "La société
doit, dans les 30 jours suivant l'expiration du délai mentionné
à l'alinéa précédent, signifier à chacun des
créanciers qui y sont visés ou dont les créances
apparaissent aux états financiers du propriétaire
antérieur une copie de l'avis prévu à l'article 21. "Sur
réception de la copie de l'avis signifié en vertu de
l'alinéa précédent, tout créancier du
propriétaire antérieur doit dans un délai additionnel de
30 jours signifier à la société le montant de sa
créance envers le propriétaire antérieur au moment de
l'expropriation. Les créances ainsi dûment vérifiées
sont réputées être des créances valables devant
être assumées par la société. Toutefois, s'il existe
un différend entre le propriétaire antérieur et un
créancier quant à l'existence ou au montant de l'obligation,
cette dernière ne peut être assumée par la
société, mais demeure à la charge du propriétaire
antérieur qui devra l'acquitter lui-même, le cas
échéant. "Si l'avis prévu à l'article 21 ne vise
pas l'ensemble des biens situés au Québec et appartenant au
propriétaire antérieur, la société n'assume que le
paiement des dettes se rapportant directement aux biens expropriés.
Cette relation s'établit par l'analyse de la provenance et de
l'utilisation des fonds et non pas en proportion de la valeur marchande des
biens expropriés par rapport à l'ensemble des biens du
propriétaire antérieur. "Quant aux dettes, quelle que soit leur
nature ou leur origine, non assumées par la société en
vertu de cet article, elles demeurent à la charge du propriétaire
antérieur et ne peuvent être prises en compte dans la
détermination de l'indemnité."
Je pense que c'est assez clair, M. le Président. Ce que nous
visons, c'est d'abord, dans le jeu des trois délais successifs et des
avis dûment signifiés aux parties intéressées,
d'établir une procédure qui sert à vérifier, en
dehors de toute contestation future possible, que tout le monde s'entend sur la
nature des créanciers et le montant des créances. C'est un peu
une procédure analogue qui est utilisée au moment d'une
liquidation d'une entreprise
ou d'une mise en faillite, etc., ou même d'une vérification
de routine qui donne lieu, parfois, de la part des vérificateurs,
à de pareilles demandes de renseignements aux créanciers d'une
entreprise qui fait l'objet de vérification. Donc,
généralement parlant et encore sous réserve
d'améliorations de forme qui seraient sans aucun doute possibles, encore
une fois, sur la base d'une expertise plus accessible, il s'agit de
déterminer une procédure qui nous dise: Voilà! On sait de
quoi il s'agit. On sait qu'il n'y aura pas de contestation. Donc, non seulement
on assume des dettes, mais on n'assume pas des procès à venir.
C'est essentiellement cela, le problème.
Enfin, il s'agit de préciser, dans les articles
subséquents, que s'il y a des différends, s'il y a des
procès en cours, etc., on n'assume pas des passifs contingents dont on
ne connaît pas le montant. Dans le fond, on va donner des dollars avec
100 cents dans la piastre quand il s'agira de verser une indemnité. Il
ne s'agit pas de prendre des responsabilités qui peuvent être
estimées à $0.25 et qui vont coûter $0.30 ou qui peuvent
être estimées à $10 et qui vont en coûter $150. Dans
la mesure où ce n'est pas liquidé, je crois que le gouvernement
du Québec, face au passé de la société Asbestos,
n'a pas à prendre en charge quelque dette que ce soit. Si les dettes
sont liquidées... Bien sûr, une dette qu'on prend en charge, c'est
l'équivalent d'une indemnité que l'on verse. Alors, là il
n'y a pas de problème.
M. Laplante: M. le Président, il serait peut-être
sage, aux fins du journal des Débats, que vous la jugiez recevable ou
non recevable.
M. Forget: Ah oui.
M. Laplante: Je m'excuse, M. le député de
Saint-Laurent. Ce n'est pas par méchanceté si...
M. Forget: Non, d'accord. Vous avez raison.
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il des membres de la
commission qui veulent...
M. Laplante: Non, on n'a pas d'objection.
Le Président (M. Marcoux): A mon avis, après la
présentation qui a été faite, je crois qu'elle est
recevable.
M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. C'est
essentiellement de ne pas assumer des procès, assumer des dettes
absolument vérifiables, et certaines quant à leur montant sur
lequel l'identité du créancier ne fait pas de débat non
plus, de manière à ne pas être pris dans des litiges. Dans
le fond, c'est un héritage du propriétaire antérieur qu'on
n'a pas besoin d'assumer. S'il y a des choses qui ne sont pas correctes dans
son passé, dans sa gestion, dans ses relations avec ses
créanciers, je ne vois pas pourquoi le gouvernement du Québec se
mettrait sur le dos des frais juridiques, etc.; seulement des choses
certaines.
Le problème, c'est que, tenant compte de l'incertitude, dans le
fond, quant à l'envergure de l'expropriation, il y a tout le
problème de ne pas non plus... Supposons qu'on n'achète pas tous
les actifs, qu'on achète seulement les actifs dans la région de
Thetford Mines, il serait important de ne pas assumer plus que la part des
dettes qui tire son origine de cette entreprise. Ce que je veux dire, M. le
Président, c'est un peu la chose suivante: il peut y avoir des emprunts
à long terme qui ont été contractés. Je n'en sais
rien, mais c'est une possibilité contre laquelle il faut se
prémunir, dans l'ignorance que l'on est, forcément, à
l'Assemblée nationale, de ces choses-là. Il est fort possible que
des emprunts à long terme aient été contractés au
moment de l'installation de la mine dans le Nouveau-Québec. Si on
n'achète pas la mine, je pense bien qu'il ne s'agit pas de dire: On va
prendre 60% des dettes à long terme, si 100% de ces dettes à long
terme ont été encourues pour la mine du Nouveau-Québec.
C'est, il me semble, un partage qui devrait être fait, pas en tenant
compte simplement du pourcentage des actifs, mais des fins pour lesquelles ont
servi ces sommes-là.
Cela a un certain intérêt, je pense, parce que, finalement,
ces éléments de passif vont se retrouver dans la structure
financière de la Société nationale de l'amiante. Il serait
déraisonnable de la grever. Supposons qu'on lui donne seulement une
partie des actifs, d'une part disproportionnée à ses actifs, de
la dette à long terme si la dette à long terme n'a pas servi
à leur constitution. Du moins, il me semble que c'est un principe qui a
un certain sens étant donné, encore une fois, l'incertitude qu'on
a à savoir à quoi va véritablement s'appliquer la mesure
d'expropriation. Je pense que j'ai essayé il y a peut-être
des éléments de doute qui restent dans les esprits de
prévenir un certain nombre de questions que cet amendement pourrait
soulever.
En terminant, notre objectif est très clair: Nous ne sommes pas
contre que le gouvernement, plutôt que de verser au comptant une
indemnité, préfère assumer pour une partie les dettes
déjà encourues de l'entreprise, mais nous tenons à ce que
ces dettes soient des dettes certaines, des dettes liquidées, des dettes
au sujet desquelles il n'y a pas de contestation possible.
Le Président (M. Marcoux): Avant de donner la parole au
ministre des Richesses naturelles, on me signale qu'il y a une faute de
français au deuxième paragraphe, à la deuxième
ligne. Il faudrait lire "de toutes autres sources", au pluriel, "doivent
être divulguées".
M. le ministre des Richesses naturelles.
M. Bérubé: Je constate qu'il ne reste que quatre
minutes avant le...
Le Président (M. Marcoux): On pourrait peut-être
adopter le paragraphe 27 avant l'ajournement?
M. Forget: Cela dépend un peu de l'issue. Je ne sais pas,
le gouvernement aimerait peut-être réfléchir un peu
à cette question de dettes.
M. Bérubé: Cela m'apparaît difficile. J'ai
l'impression qu'on voudra sans doute préciser, d'autant, plus qu'il
reste encore d'autres articles à débattre.
M. Forget: Essentiellement l'article 44, oui.
M. Bérubé: Donc, il ne faut pas s'attendre à
terminer avant 13 heures. Par conséquent, il faut donc envisager de se
retrouver ici en début d'après-midi vers 15 heures. Cependant,
aux fins de l'organisation des travaux, j'aurais aimé avoir, de la part
de l'Opposition, un avis d'intention concernant la possibilité que nous
terminions vers 18 heures ce soir, ceci pour permettre au leader de planifier
son horaire.
M. Forget: Je n'y vois pas de difficulté. Si je comprends
bien, cependant, on ne commencera pas à 15 heures parce qu'il y a la
période des questions, on va commencer vers 16 h 30, ce qui nous laisse
une heure et demie.
M. Bérubé: Oui.
M. Forget: Nous avons un autre débat si on veut
autour de l'article 44. On me dit qu'il reste deux amendements mais ils
sont tous les deux relatifs au même article 44 où il y a cette
notion de juste valeur marchande et les modalités de
détermination de la juste valeur marchande. Nous avons des suggestions
à faire au gouvernement mais, en une heure et demie, je pense qu'on peut
disposer à la fois de la motion qui vient d'être
déposée et de ces deux motions.
M. Bérubé: Je transmettrai cette information au
leader.
M. Forget: Avec la collaboration évidemment de tous les
membres de la commission.
M. Laplante: Pour aider à activer les travaux, est-ce que
vous pourriez leur donner les deux amendements pour qu'ils puissent y
réfléchir en même temps? Peut-être qu'ils auraient
des réponses positives à vous donner, à un moment
donné, sur les deux motions d'amendement.
M. Forget: Comme vous le savez, M. le Président, il n'est
pas coutumier, mais je pense que, pour une fois, je vais déroger
à la coutume et je vais communiquer aux ministres seulement ces deux
textes, parce qu'ils soulèvent également des points techniques
qu'ils voudront peut-être examiner avant. Je pense que cela peut
accélérer les travaux. (13 heures)
M. Parizeau: M. le Président, si je peux ajouter juste un
mot. Avant qu'on reprenne nos travaux, je suggérerais, cela pourrait
aussi accélé- rer les débats cet après-midi, que
l'Opposition regarde la note aux états financiers de la
société Asbestos au sujet de leurs assurances en cas de
poursuite. Cela nous éviterait d'avoir à lire cela cet
après-midi, parce que c'est... Je veux seulement m'assurer qu'elle l'a
lue.
M. Forget: Oui. J'ai déjà lu la note, mais je pense
qu'elle ne répond pas à 100% à l'objection qu'on
soulève parce qu'évidemment, est-ce qu'on va exproprier les
polices d'assurance? Cela semblerait être la réponse que le
ministre va nous faire, mais je ne pense pas.
M. Parizeau: Non, pas du tout, ce que je voudrais simplement,
c'est que nous, de notre côté, on va regarder l'amendement qui
vient de nous être donné d'ici 16 h 30 et, d'autre part, je pense
que cela ne serait pas mauvais que les gens de l'Opposition regardent la note
au bilan quant aux assurances, de façon qu'on puisse partir sur des
textes connus.
Le Président (M. Marcoux): La commission des richesses
naturelles ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 13 h 1
Reprise de la séance à 16 h 29
Le Président (M. Marcoux): La commission des richesses
naturelles est réunie pour poursuivre l'étude article par article
du projet de loi no 121, Loi modifiant la Loi constituant la
Société nationale de l'amiante.
Les membres de la commission sont: MM. Bérubé (Matane),
Bordeleau (Abitibi-Est), Brochu (Richmond), Forget (Saint-Laurent),
Grégoire (Frontenac), Laplante (Bourassa), Ouellette (Beauce-Nord),
Rancourt (Saint-François) remplacé par Parizeau (L'Assomption);
M. Raynauld (Outremont) remplacé par Ciaccia (Mont-Royal).
Les intervenants sont: MM. Dubois (Huntingdon), Fontaine
(Nicolet-Yamaska), Godin (Mercier), Landry (Fabre), Larivière
(Pontiac-Témiscamingue), Léger (Fontaine), Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), O'Gallagher (Robert Baldwin) remplacé
par Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Paquette (Rosemont).
Nous en étions à la discussion de l'amendement
proposé par le député de Saint-Laurent amendant le
paragraphe 27 de l'article 1. M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je tenterai de compléter les renseignements
quant à la discussion que nous avons eue ce matin relativement aux
réactions aux Etats-Unis, à l'égard de la mesure qui est
proposée par le projet de loi. J'ai essayé d'établir une
distinction entre la façon dont réagissent certains
éléments politiques aux Etats-Unis et la façon dont
réagissent les milieux financiers. J'ai eu l'occasion de
dire, ce matin, qu'effectivement ces milieux financiers étaient
relativement très calmes. Je voudrais simplement, à titre
d'illustration de ce calme, confirmer que depuis à peu près une
demi-heure nous avons fait signer aux Etats-Unis un emprunt de $200 millions
à l'Hydro-Québec, à 30 ans, à 10 1/8%. C'est, je
pense, la meilleure preuve qu'on puisse donner que le déroulement de ce
qui se produit au Québec laisse les marchés financiers de New
York, d'un calme imperturbable.
Le Président (M. Marcoux): Ceci étant dit,
est-ce... Je ne suis pas convaincu que c'est pertinent à l'amendement,
peut-être aux interrogations manifestées ce matin.
M. Bérubé: M. le Président, je voudrais
intervenir sur l'amendement tel que formulé. Dans la mesure où je
crois comprendre l'esprit qui préside à sa formulation, j'en
partage entièrement d'ailleurs, les préoccupations, à la
lecture attentive de l'amendement, il s'agit de s'assurer qu'en prenant... je
vais lire le texte tel quel: "La société assume jusqu'à
concurrence de l'indemnité le paiement des dettes se rapportant aux
biens expropriés." Je suppose donc que l'Opposition craint qu'en
assumant les créances, les dettes de l'entreprise, nous soyons pris avec
éventuellement même des poursuites judiciaires, avec toute sorte
de créances que possède la corporation.
Il faut dire, cependant, que ceci ne serait vraiment le cas que si nous
étions dans la mesure d'exproprier les actions détenues par
General Dynamics dans la société Asbestos, dans lequel cas, il
est tout à fait évident que nous deviendrions l'actionnaire
principal de la société Asbestos et nous devrions assumer,
forcément, les dettes corporatives. Toutefois, nous avons, au cours de
cette commission, discuté en long et en large de la probabilité
que nous puissions exproprier de telles actions et, à cause du
caractère de territorialité de nos lois, il paraît
impossible de pouvoir mettre une telle décision en application. Par
conséquent, on ne peut exproprier les actions de l'Asbestos; nous
pouvons tout au plus exproprier les biens, les actifs situés
géographiquement au Québec.
Dans ces conditions, lorsque nous assumons les créances, il
s'agit là de créances soit hypothécaires, soit
résultant du nantissement de biens spécifiques, je pense à
du matériel mobile; nous n'assumons en fait que les créances se
rapportant spécifiquement aux biens en question. Toute autre dette
corporative, comme devant résulter d'une poursuite judiciaire que
l'entreprise aurait perdue, toute autre dette qui ne fait pas l'objet d'une
créance sur les biens que nous exproprions, les actifs que nous
exproprions, évidemment, nous n'en prenons pas la
responsabilité.
De ce fait, l'article, tel que rédigé, vise
essentiellement et atteint les objectifs que l'Opposition poursuit en proposant
les amendements, car toutes les précautions qu'introduit l'amendement
présenté par le Parti libéral sont incluses dans l'article
27, puisque nous disons de façon très claire que la
société assume, à concurrence de l'indem- nité, le
paiement des dettes se rapportant aux biens expropriés. Il s'agit donc
de dettes rattachées aux biens; comme il s'agit d'une expropriation
d'actifs, forcément, nous ne pouvons assumer que les dettes qui sont
liées, soit par nantissement, soit par hypothèque, aux biens que
nous exproprions.
Evidemment, nous ne prenons pas à charge toute autre dette
corporative de l'entreprise, en ce sens que la société Asbestos
Corporation, en cas d'expropriation, va continuer à exister sur le plan
légal, elle va continuer à avoir des responsabilités
civiles suite à des poursuites judiciaires, par exemple, elle va
continuer à devoir assumer toute autre dette qui n'a pas
été contractée en échange d'un lien sur les biens
dont nous prendrions possession.
M. Forget: M. le Président, je prends note de
l'observation du ministre. Si l'interprétation que le gouvernement place
sur cet article est la bonne, évidemment, on ne le saura
qu'éventuellement, et, comme dans toutes les questions légales,
on n'est pas à l'abri d'une interprétation nouvelle ou d'une
jurisprudence créatrice qui pourrait introduire un élément
nouveau, mais dans la mesure où on nous dit que c'est une
interprétation la plus restrictive qui s'applique au premier
alinéa, c'est effectivement l'objectif que nous recherchions par
l'amendement.
Il s'est, malgré tout, glissé certains doutes dans notre
esprit, que cela pourrait être interprété peut-être
plus largement, cette belle distinction entre les responsabilités
corporatives et les dettes se rattachant directement aux biens. D'ailleurs, on
dit "se rapportant aux biens", on ne dit pas "se rapportant directement et
exclusivement aux biens."
Mais il reste que c'est une question d'interprétation.
L'Opposition a fait son devoir en soulignant que, selon elle, il pouvait
exister un problème. Evidemment, on remarque que, dans la note 9, sur
laquelle le ministre des Finances attirait notre attention, il y a
effectivement un passif contingent ou un passif éventuel qui est
considérable, encore que le sort que les tribunaux vont lui faire est
évidemment inconnu. Je cite cette note pour le bénéfice du
journal des Débats: "Les personnes travaillant ou ayant travaillé
pour des entreprises utilisatrices d'amiante, alléguant qu'une longue
exposition aux fibres d'amiante a porté atteinte à leur
santé, ont intenté, aux Etats-Unis, des poursuitesà
l'encontre de divers fournisseurs de fibres et de produits d'amiante. La
compagnie est l'un des nombreux fournisseurs de fibres d'amiante et fabricants
de produits d'amiante cités dans certaines de ces causes. La compagnie
n'admet aucune responsabilité, cela va de soi. Les procédures ne
sont pas encore très avancées et sont vigoureusement
contestées. Le total des dommages-intérêts
réclamé est très élevé. Mais, en cas de
jugement défavorable, les sommes que la compagnie pourrait devoir payer
seraient, quel qu'en soit le montant, couvertes en grande partie ou même
en totalité, par des prestations d'assurance."
Encore là, il y a, de la part de la compagnie, de la part des
vérificateurs, une déclaration qui est probablement strictement
vraie au moment où elle est faite, qui n'est pas nécessairement
vraie quelques années plus tard. A supposer que l'interprétation
de la compagnie soit que, dans le fond, comme elle a vendu les biens qui
donnent cause, qui ont donné naissance à ces actions, elle n'a
plus à maintenir ces primes dans ses polices d'assurance, qu'elle
appelle la recette d'un montant de $150 000 000 ou $175 000 000 du gouvernement
du Québec, décide, après quelques années,
essentiellement de liquider ses opérations, éventuellement,
qu'arrive-t-il de ces créances? Est-ce qu'elles s'éteignent ou
est-ce qu'il y a un droit de recours éventuel? On sait qu'on a affaire
à ce moment-là à des tribunaux qui ont devant eux des
travailleurs qui souffrent d'amiantose ou de cancer, etc., et, d'autre part,
à une compagnie qui exploite l'amiante et qui est désormais la
propriété d'un gouvernement. On sait que la sympathie naturelle
des juges, comme dans tous les cas d'assurance, va de manière à
trouver une signification dans la loi et dans les textes qui va faire qu'on va
permettre une compensation plutôt que de la refuser, étant
donné la disproportion des forces et le désanvatage énorme
qu'il en résulte pour des individus, alors que, pour un gouvernement, on
se dit: Mon Dieu, s'il est obligé de payer $25 millions ou $30 millions,
après tout, il en a déjà vu d'autres. Il y a quand
même cette pression sur les tribunaux. Mais, encore une fois, on n'est
pas ici pour faire des arguties juridiques, M. le Président; nous
voulions simplement faire le devoir qui nous incombe et qui est de dire: Quant
à nous, il nous semble qu'il y a peut-être un risque. Le ministre
nous dit qu'il est satisfait. C'est bien sûr lui qui a accès
à l'expertise juridique du gouvernement et de la fonction publique.
Quant à nous, nous n'avons pas l'intention de faire autre chose
que de dire: Mon Dieu, le problème est peut-être encore là,
mais le gouvernement nous assure qu'il en a tenu compte.
M. Bérubé: M. le Président, une petite note
pour illustrer le point que j'avançais il y a quelques instants. Un des
dangers, d'une part, de l'amendement tel que proposé, c'est de nous
rendre responsables d'un certain nombre de créances dont nous n'avions
pas l'intention de nous rendre, responsables, puisque, tel que
rédigé, l'amendement disait: "Toute autre obligation
résultant d'un contrat, d'une réclamation en
responsabilité civile ou pénale doit être divulguée
à la société." L'amendement proposait une procédure
qui aurait limité le nombre de telles poursuites dont la
Société nationale de l'amiante aurait pu se rendre responsable.
L'amendement tel que proposé, finalement, ouvre la porte à une
certaine responsabilité.
Or, si l'on se réfère, par exemple, à un texte de
Martel qui s'intitule "Les aspects juridiques de la compagnie au Québec"
et qui porte sur l'achat d'actions par opposition à l'achat d'actifs, on
y lit, à la page 578: "Si la compagnie acquérante se rend
responsable de dettes réelles, c'est-à-dire portant sur les biens
qu'elle a acquis, la compagnie acquise n'en demeure pas moins, sauf
dispositions au contraire, responsable des obligations ou dettes personnelles
qu'elle a contractées avant la vente de ses actifs alors qu'elle
était une compagnie productive."
En d'autres termes, la société Asbestos pourrait avoir
contracté des dettes, des créances qui ne sont pas
supportées par des hypothèques ou des liens sur les actifs, au
moment de l'expropriation desdits actifs, il va de soi que cette
société continuera à être responsable des
créances qu'elle a contractées. De ce fait, il est donc
préférable, par un amendement qui voudrait protéger le
gouvernement contre trop de créances dont nous n'aurions pas voulu nous
rendre responsables, de lui faire assumer des créances qui, normalement,
lorsqu'on procède par voie d'expropriation d'actifs, ne seraient pas
assumées par celui qui exproprie. En d'autres termes, la formulation
telle que l'article 27 le présente, avait l'avantage de nous reporter
à la façon normale d'interpréter la Loi des compagnies, et
faisait en sorte que nous ne nous portions responsables que des dettes
liées aux actifs, et non de toute autre forme de dette ou de toute autre
créance résultant, par exemple, de poursuites judiciaires.
A cet égard, je dirai même que l'article 27 est plus
restrictif encore que l'amendement avancé par le député de
Saint-Laurent qui se voulait lui-même un rempart contre des
excès.
M. Forget: Je suis conscient de cela. Je remercie le ministre de
ces éclaircissements. Bien sûr que l'amendement était fait
sur la base d'une lecture plus large du premier alinéa qu'il semble que
ce ne soit l'intention du gouvernement dans sa rédaction. Cependant, il
est probablement exact que dans le cas d'une opposition comme le texte qui est
cité, le fait entre une acquisition d'actifs et une acquisition
d'actions, il est probable qu'on puisse faire cette distinction, et qu'elle est
valable. De toute manière, il y a dans le cas d'une acquisition,
généralement, un contrat qui détermine justement
l'étendue des obligations qui seront assumées de part et
d'autre.
Donc, il y a là une certaine forme de garantie, la plupart du
temps explicite. Ici, on parle d'une loi d'expropriation. Dans le fond, on
crée des droits ou des obligations avec un alinéa de deux lignes.
On n'a pas d'autre contexte. On n'a pas une entente. On n'a pas une annexe
à la loi qui permette de constater exactement les biens sur lesquels...
Evidemment, il y aura un avis, si je comprends bien, qui sera émis par
le Conseil des ministres éventuellement quant à la
désignation des biens expropriés.
La loi dit: La désignation des biens expropriés et non pas
la spécification des biens expropriés et des dettes
assumées. Ceci veut dire qu'en définitive, si jamais il y avait
une difficulté légale, la seule base pour vérifier si une
dette a été assumée ou non se retrouverait dans ces deux
lignes de l'article 27 et il n'est pas sûr, encore que je ne fais
pas d'affirmation là, mais il ne me semble pas sûr,
à première vue, qu'on interprétera ces deux lignes, dans
une loi d'expropriation, comme ayant le même effet qu'une acquisition de
gré à gré accompagnée d'un contrat qui donne le
loisir aux parties d'être très explicite quant à la
description des biens, des actifs, des passifs, etc.
Encore une fois, M. le Président, je souscris, bien sûr,
à l'intention du ministre et j'espère que, effectivement, les
assurances qu'il nous donne sont à toute épreuve, parce que notre
intention, c'est effectivement d'être sûrs. Dans le fond, ce n'est
pas important combien de dettes on assume, pourvu qu'on en connaisse avec
certitude le montant. On peut les assumer toutes si on veut; pourvu qu'on sache
ce qu'on assume, on a d'autant moins à payer en termes
d'indemnités comptant. C'est la certitude qui est importante. C'est
être absolument sûr qu'il n'y aura pas de surprise. C'est ça
qui compte. (16 h 45)
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je ne voudrais surtout pas
qu'on comment dire? repousse du revers de la main les
propositions qui ont été faites par le député de
Saint-Laurent. Nous avons, pendant que la période des questions se
déroulait, fait examiner ou confirmer certaines des implications
légales que nous avions déjà examinées. Est-ce que
je pourrais demander la suspension pour quelques minutes pour qu'une
proposition puisse être regardée rapidement qui, peut-être,
satisferait le député de Saint-Laurent, si c'est possible?
Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement pour
suspendre?
M. Forget: ... la suspension ne soit pas trop longue, parce
que...
M. Parizeau: Trois minutes?
Ml. Forget: ... sans protester, on a accepté de
considérer, par ordre de l'Assemblée, que c'était notre
dernière séance. Alors, il nous reste une heure et quart pour
traiter d'un autre point assez important.
M. Parizeau: Je demande trois minutes, M. le
Président.
M. Forget: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Nous suspendons la
séance pour quelques minutes.
Suspension de la séance à 16 h 46
Reprise de la séance à 16 h 52
Le Président (M. Marcoux): Nous reprenons l'étude
du paragraphe 27.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que nous arrivons
peut-être à quelque chose qui introduirait... en tout cas, un
affidavit révélant les dettes dont il est question. Comme nous
venons cependant de procéder à une modification et qu'il nous
faudrait le temps nécessaire pour faire reproduire le texte en question
et le faire taper à la machine, pourrait-on sauter par-dessus, passer
à l'article suivant et revenir à la fin sur cette question?
M. Forget: Pas de problème, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Article 27, suspendu. Article
29.
M. Forget: M. le Président, à l'article 29, je
n'entreprendrai pas d'argumentation. Il y avait là également un
certain élément d'incertitude, quant au montant d'un passif ou
d'un actif possible, puisque la Société nationale de l'amiante se
substitue au propriétaire antérieur dans des poursuites, soit des
poursuites où la Société nationale de l'amiante est
défenderesse, soit dans des poursuites où elle est demanderesse,
mais, de toute façon, il s'agit là de montants inconnus de dettes
ou de créances qui introduisent donc dans le calcul de
l'indemnité une espèce de zone grise, parce qu'on ne sait pas
comment ça va tourner, comment ça va finir. Il nous semble que
ça représente le même genre de difficulté.
Evidemment, il est bien clair que si un client n'a pas payé la
dernière livraison de fibre et qu'on le poursuit sur compte, en quelque
sorte, je pense qu'on sait à quoi s'en tenir, il s'agit là d'une
simple réclamation commerciale.
Cependant, s'il y a des poursuites en responsabilité ou des
histoires qui peuvent... Je ne sais pas ce qui peut arriver, mais on a pu
intenter une poursuite contre un concurrent, parce qu'on croit qu'il a
utilisé un secret de fabrication qui avait été
breveté ou un procédé de fabrication qui était
breveté, sans payer la royauté nécessaire. On ne sait pas
comment ça peut tourner, ça peut vouloir dire des dizaines de
millions ou alors la société Asbestos pourrait aussi être
la cible d'une telle poursuite et ça pourrait impliquer $50 millions de
royautés, je ne sais pas, si ça fait huit ans qu'on utilise le
procédé.
Cela nous a inquiétés un peu, parce qu'on ne sait pas ce
qu'il y a là-dedans. Je pense que peut-être qu'on s'est satisfait,
du côté gouvernemental, que ça n'existait pas et qu'on peut
aller de l'avant dans cette substitution en cours d'instance.
Je préférerais que de telles substitutions n'aient pas
lieu, mais il est difficile d'y échapper. Enfin, je ne sais pas quelle
est la solution appropriée, remarquez que je ne fais que soulever le
problème. Cela me semble causer possiblement une difficulté, mais
on n'a pas les données qui nous permettraient, nous, du
côté de l'Opposition, d'en juger.
M. Parizeau: Concernant 29, M. le Président, je pense que
l'argumentation présentée par le
ministre des Richesses naturelles prend encore plus de portée. Il
ne peut littéralement y avoir que deux types de procédures
judiciaires: des procédures judiciaires à l'égard d'une
compagnie ou des procédures judiciaires à l'égard des
biens. Des procédures judiciaires à l'égard de la
compagnie ne concernent pas le gouvernement s'il a exproprié des biens.
Et s'il a exproprié des biens, les prochaines procédures
judiciaires ne peuvent porter que sur ces biens-là. Là, je ne
vois pas vraiment... Le 29 me paraît plus clair que le 27, à
certains égards. C'est l'un ou c'est l'autre. Si on achète la
compagnie de gré à gré, toute procédure judiciaire,
on se trouve à s'y substituer. Si on achète des biens, des
actifs, ce ne peut être que des procédures judiciaires sur ces
actifs eux-mêmes.
M. Forget: J'accepte cette explication, M. le Président,
on est prêt à adopter ça.
Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 29,
adopté.
Une Voix: Adopté.
Le conseil d'arbitrage
Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 31.
M. Forget: II y avait un problème apparemment de
délai, mais je pense que c'était à cause d'une mauvaise
lecture. On est prêt à l'adopter.
Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 31, adopté.
Paragraphe 38.
M. Forget: 38?
Le Président (M. Marcoux): Oui, le paragraphe 38 est
suspendu.
Une Voix: Vous deviez penser à faire un amendement. Vous
ne l'avez pas apporté, vous avez demandé de suspendre...
M. Parizeau: L'affidavit?
Le Président (M. Marcoux): Non, 38. 37 est
adopté.
M. Forget: Ce n'est pas nous qui avions demandé la
suspension, je pense.
M. Grégoire: C'est nous qui avions demandé la
suspension pour permettre au ministre de prendre un avis.
M. Forget: Au ministre de réfléchir à cette
question-là. Oui. On avait dit: Est-ce qu'il est possible de
circonscrire la possibilité, par exemple, de General Dynamics, de
demander le huis clos pour toute l'affaire, ce qui nous inquiétait, mais
sans donner ouverture à des arguties non plus...
M. Bérubé: Je me souviens de mon intervention qui
était plutôt opposée à une modification de
l'amendement, dans la mesure où, voulant définir les conditions
propres à un huis clos, on aurait ouvert la porte à certaines
contestations juridiques, alors que, dans le cas présent, le conseil
peut, de son chef, ordonner le huis clos.
J'ai sous les yeux un avis juridique manuscrit qui a été
préparé par notre conseiller juridique, que je n'ai
malheureusement pas eu le temps de lire. Si vous voulez passer à un
autre article, je vais le lire et...
M. Forget: On peut peut-être aller tout de suite à
l'article 44 et revenir à celui-là, parce que c'est un article
qui concerne plus directement le ministre des Finances, étant
donné qu'il s'agit de la question des indemnités.
L'indemnité
Le Président (M. Marcoux):
Alors, l'article 44.
M. Forget: L'article 44, c'est un article sibyllin, dans un
certain sens, puisqu'il dit que la grande question de $64 000, c'est le moins
qu'on puisse dire dans cette affaire, est tranchée en fonction d'un
critère, celui de la juste valeur marchande. L'indemnité est
calculée par le conseil selon le conseil d'arbitrage,
sous-entendu la juste valeur marchande des biens établie en
fonction de leur exploitation continue au moment où la
société en est devenue propriétaire.
Il est bien clair qu'en droit, comme l'a indiqué le ministre, en
citant d'ailleurs des précédents, mais ce n'était pas du
tout nécessaire de le faire, il y a un critère qui est toujours
utilisé, mais qui est probablement implicitement le critère, de
toute façon, que les deux maisons d'expertise ont utilisé
elles-mêmes pour arriver à leurs évaluations, comme on le
sait, fort divergentes. La juste valeur marchande des biens doit être
établie comme le prix qui eut été librement payé
à un vendeur qui n'est pas tenu de vendre par un acheteur qui n'est pas
tenu d'acheter. C'est une chose qu'on connaît très bien, mais, une
fois qu'on a dit ça, on s'est entendu, dans le fond, sur un concept de
non-obligation de part et d'autre, mais on n'a pas dit beaucoup sur la
façon de calculer ce qu'un vendeur ou un acheteur non contraint est
prêt à payer où à recevoir pour se départir
des biens.
Même s'il est utile de mentionner ce critère pour
éviter qu'au moins celui-là soit ignoré, il est dans la
jurisprudence, mais ça ne nuit pas de le mentionner, il reste qu'il y a
des dimensions différentes que l'on pourrait inscrire dans un projet de
loi. Par exemple, on peut et on devrait, nous semble-t-il, exclure
spécifiquement la perte de valeur qui peut résulter de la
non-expropriation. Ailleurs dans la loi d'ailleurs, on dit que "la perte qui
résulte de l'expropriation ne peut pas être prise en compte." (17
heures)
Autrement dit, General Dynamics ne peut pas dire: Comme vous nous
enlevez ça de force, vous
devez nous verser une espèce de prime pour la coercition. Mais il
n'y a pas de prime de coercition. D'un autre côté, s'il se
trouvait que le gouvernement du Québec n'exproprie que les actifs de
Thetford Mines ou même non... si elle exproprie également la mine
de Baie Déception dans le nord du Québec, il faut être bien
sûr que la société General Dynamics ne peut pas plaider que
l'indemnité doit comprendre un montant qui résulte de la perte de
valeur de son usine en Allemagne. On ne s'en occupe pas quand on parle de la
perte qui résulte de l'expropriation, parce que dans le fond, c'est la
perte qui résulte de la non-expropriation. C'est ce que nous cherchons
à prévenir par cet amendement. Si on n'exproprie pas tout, il
peut y avoir des pertes pour la partie qu'on n'exproprie pas. Dans
l'indemnité, on ne devrait pas inclure un montant pour dédommager
le propriétaire antérieur de cette soi-disant perte.
Il y a autre chose qu'on peut inclure. Là-dessus, nous avons
été particulièrement impressionnés et ce n'est pas
un piège que je tends au gouvernement, mais je pense que c'est un
problème qui va se présenter si on va à l'arbitrage. C'est
un problème qui peut être très sérieux si les faits
allégués par General Dynamics sont vrais. On allègue, du
côté de General Dynamics, que les méthodes de calcul et le
taux d'escompte utilisés dans l'étude de Lazard Frères,
sont les méthodes de calcul et le taux d'escompte qui ont
été utilisés lors d'un arbitrage volontaire qui a
été effectué à l'occasion de l'expropriation des
mines de potasse en Saskatchewan.
On sait que la différence d'évaluation entre General
Dynamics et le gouvernement, pour 22% du total le chiffre précis
m'échappe est attribuable au taux d'escompte. S'il fallait que
leur affirmation voulant que le taux d'escompte qu'ils ont utilisé, donc
qui sous-tend leur valeur de $99.75, en partie au moins, pas en
totalité, soit attribuable à un taux d'escompte et qu'il y a
déjà un précédent dans un arbitrage volontaire au
Canada, dans une prise de contrôle par un gouvernement d'une ressource
naturelle, je pense que le gouvernement du Québec, dans le fond, aurait
le fardeau de la preuve devant une cour, devant un tribunal d'arbitrage, de
démontrer que même si c'est valable pour la potasse, le même
taux d'escompte n'est pas valable dans le cas de la détermination de la
valeur de l'amiante. Cela nous inquiète passablement. Nous n'avons pas
fait d'enquête en Saskatchewan, quoiqu'il aurait été
probablement assez facile de le faire, pour savoir si oui ou non cette
allégation de General Dynamics est vraie.
Si elle est vraie, elle nous inquiète. Dans le fond, nous avons
utilisé la voie de l'amendement pour, ici aussi, susciter une discussion
en commission parlementaire et obtenir du gouvernement possiblement des
assurances que ce chemin, ils l'ont parcouru en entier et qu'ils peuvent
effectivement nous garantir que le taux d'escompte utilisé par General
Dynamics n'est pas celui qui a été utilisé dans des
arbitrages relativement à des achats de richesses naturelles par des
gouverne- ments, en particulier, celui de la Saskatchewan. Je pense que c'est
un argument lourd de conséquences.
Pour ce qui est de la méthode de calcul, la méthode des
"discounted cash flows" qui est typiquement celle qui produit le
résultat de General Dynamics, mais qui est aussi une méthode qui
a été retenue par Kidder, Peabody, évidemment, là
aussi, il y a un intérêt à prendre position
vis-à-vis de cette méthode.
Les deux références, à la fois à la
méthode de calcul et au taux d'escompte, sont des illustrations, mais
les deux meilleures illustrations, je pense, du genre de chose que l'Opposition
officielle a à l'esprit quand elle a dit, durant la deuxième
lecture, au gouvernement: Ne cherchons pas par une loi à
déterminer le prix de l'acquisition. Ce serait un geste odieux, parce
qu'il y a des jugements de valeur et il y a des jugements de fait. Or, il
n'appartient pas à l'Assemblée nationale de poser des jugements
de fait, de constater si oui ou non certains actifs existent, quelle est la
valeur sur un plan d'ingénierie minière, sur un plan
technique.
Il y a aussi un certain nombre de jugements de méthodologie
d'approche qui sont des jugements presque d'ordre politique, en fonction des
précédents, en fonction de ce qui se fait ailleurs, en fonction
de ce qui est ou non faisable dans des choses comme celles-là. Et nous
n'avons pas donné de précision à ce moment-là, mais
les choses que nous avions à l'esprit, c'étaient
précisément celles-là. Il serait concevable que dans une
loi, on dise: Voici, le conseil d'arbitrage se fera guider par une
méthode de calcul parmi d'autres, soit la méthode des flux
anticipés escomptés en valeur présente, ou alors une autre
méthode, le rapport du prix au rendement, etc., Dieu sait quoi, il y en
a quand même une certaine variété. Ce sera fait sur la base
d'une méthode que nous jugeons valable et ce raisonnement pourrait
être appuyé sur des précédents.
Cela restreindrait tout de suite l'écart. Tout de suite, il y
aurait moins de possibilité de divergences entre le gouvernement et
General Dynamics. C'est la même chose pour le taux d'escompte. Est-ce que
oui ou non les précédents qui ont été
établis dans cette matière sont pertinents? Je pense qu'encore
une fois, ce sont des illustrations de ce que nous avions à l'esprit en
disant: Le gouvernement a intérêt à ne pas laisser le champ
libre à des interprétations très divergentes de ce qu'est
la juste valeur marchande, parce qu'il est possible de contenir cela à
l'intérieur d'un certain corridor, pas en termes de prix, mais en termes
de méthode de calcul. Autrement, nous avons peur, très
franchement, qu'effectivement, les précédents utilisés,
les méthodes de calcul utilisées, auxquelles le gouvernement
lui-même a souscrit dans sa propre étude, c'est-à-dire le
"discounted cash flow", les taux d'escompte utilisés pour ces
choses-là dans des matières analogues dans le passé,
n'amènent un tribunal d'arbitrage à adjuger un prix qui ne soit
pas le prix de Lazard Frères, entendons-nous bien. Nous avons
nous-mêmes un
certain nombre de questions et de doutes dans notre esprit quant
à la validité de certaines prétentions dans l'étude
de Lazard Frères et je pense que c'est normal: c'est un document de
négociation, après tout.
Cela dit d'ailleurs, ce sont des doutes qu'on n'a pas pu
éclaircir, parce qu'on n'a pas eu l'occasion d'interroger les auteurs de
l'étude il reste qu'il demeure un noyau de conclusions et un
niveau de prix dans l'étude de Lazard Frères qui semble
appuyé très solidement sur des méthodes de calcul et sur
des taux d'escompte et, ce qu'on aimerait bien que le gouvernement nous dise,
en réponse, dans le fond, à l'amendement que je me propose
d'introduire, c'est que nous pouvons les exclure, nous pouvons exclure ces
possibilités de façon très explicite, à
défaut de quoi nous devrons conclure que ce que nous disons depuis le
début, c'est que la porte est ouverte très large à une
décision arbitrale qui paraîtrait étonnante pour l'opinion
publique au Québec, étant donné la position qu'a
adoptée le gouvernement du Québec que c'est vrai, que cela
existe, que ce risque-là existe, est très réel, qu'on ne
peut rien faire et qu'on ne trouve rien dans la loi pour l'écarter, le
restreindre ou le réduire.
Dans cet esprit, M. le Président, dans l'esprit d'obtenir du
gouvernement des assurances précises là-dessus, je formule un
amendement que j'ai d'ailleurs donné au ministre dès avant la
suspension de notre séance de ce matin: Que le paragraphe 44 de
l'article 1 soit modifié en ajoutant à la fin les alinéas
suivants: "La juste valeur marchande des biens expropriés doit
être établie comme étant le prix qui eût
été librement payé, au moment de l'expropriation, par un
acheteur qui n'est pas tenu d'acheter à un vendeur qui n'est pas tenu de
vendre."
Je pense que cela peut faire assez facilement l'unanimité. C'est
presque mot pour mot la jurisprudence qu'a citée le ministre, mais on
dit tout simplement: Cette jurisprudence est applicable, parce qu'il y a eu
aussi dans d'autres provinces un certain flottement à savoir si
c'était là la façon de l'établir. Cela fait entrer
toute la question de savoir si le fait que c'est une expropriation, que c'est
forcé, doit entrer comme facteur de compensation de la compagnie
expropriée, etc. Je pense que cela élimine ces
possibilités très clairement.
Deuxième alinéa, qu'on ajouterait à la fin de
l'article: "Dans la détermination de la juste valeur marchande, aucun
compte ne doit être tenu d'une perte, d'un dommage ou d'une diminution de
la valeur des biens, entreprises ou exploitations appartenant au même
propriétaire antérieur et non expropriés en vertu de la
présente loi." C'est pour empêcher la General Dynamics de dire:
Vous n'avez pas acheté ou exproprié, peu importe les raisons,
notre usine d'Allemagne. Vous nous faites faire une perte sur cette usine,
parce qu'elle n'a plus la même valeur pour nous qu'elle avait avant,
compensez-nous pour cela, même si vous ne l'avez pas expropriée.
On veut exclure cette possibilité.
M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent
me permettrait-il une question? A l'article 45 du projet de loi, il y a
déjà un article qui dit que, dans le calcul de
l'indemnité, on ne peut tenir compte d'aucun préjudice pouvant
résulter de l'expropriation. Est-ce que cela n'a pas le même
sens?
M. Forget: Cela n'a pas le même sens, parce que...
Là aussi, c'est un problème d'interprétation, mais on peut
interpréter de façon restrictive l'article 45 pour dire qu'on ne
peut pas demander une compensation pour un préjudice causé en
regard des biens qui sont expropriés, par le fait qu'on est forcé
de les vendre et que cela nous cause une perte, parce qu'on ne les vend pas au
bon moment, que cela ne fait pas notre affaire, qu'on a droit à une
espèce de compensation pour vente forcée sur les biens qui sont
expropriés, mais ce n'est pas nécessairement une exclusion d'une
perte qui serait due au fait qu'un bien n'est pas exproprié.
Evidemment, là, on entre dans le problème de
l'interprétation des textes. N'importe quel argument est bon, dans une
certaine mesure, quand il s'agit de millions de dollars. Je pense que, si cela
va sans dire, cela va toujours mieux en le disant, quand des
possibilités de litige existent comme celles-là.
Le troisième alinéa, c'est que, dans la
détermination de la juste valeur marchande, la méthode de calcul
de cette valeur, y compris le taux d'escompte utilisé, dans les
sentences arbitrales rendues en vertu de "An Act respecting the development of
potash resources in Saskatchewan, Statutes of Saskatchewan, 1975/76, chapitre
II" a valeur de précédent. Dans le fond, relativement au
troisième alinéa, ce qu'on voudrait, c'est que le gouvernement
nous dise que ce précédent n'existe pas. On ne veut pas
nécessairement que cet alinéa soit ce qui se produit. Dans le
fond, si on n'adopte pas un alinéa comme celui-là, on va avoir le
même effet s'il y a effectivement eu un précédent. Je suis
persuadé que, devant un conseil d'arbitrage, on va introduire en preuve
des arbitrages analogues dans des matières analogues. Si la
prétention de General Dynamics est vraie, à savoir que c'est un
taux d'escompte de 11%, selon le "discounted cash flow", déjà
General Dynamics a gagné 25% de sa cause. Cela nous inquiète un
peu. La solution, même si on n'adopte pas un tel article, n'est pas
là, parce que l'argument conserve sa valeur pour l'autre partie. Si ce
n'est pas cela qu'on veut, je pense qu'il faudrait voir ce que le gouvernement
veut. Il y a deux réponses à cela: Est-ce qu'un tel
précédent existe? S'il existe, comment concilier l'existence de
ce précédent avec la position actuelle du gouvernement du
Québec, relativement à la valeur de la société
Asbestos?
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, j'ai trois observations
à présenter sur chacun des paragraphes concernés ici. Dans
le premier cas, c'est-à-dire la définition, une espèce de
définition abstraite de la juste valeur marchande...
Le Président (M. Marcoux): Oui, l'amendement.
M. Parizeau: Cela va. Merci, M. le Président.
M. Laplante: Excusez-moi si je vous ai
réveillé.
M. Bérubé: ... prendre le président...
M. Parizeau: Nous n'avons pas mis l'équivalent d'une
définition de caractère abstrait, comme cela dans la loi, pour
une raison très simple: C'est, comme le disait le député
de Saint-Laurent, que la jurisprudence, quant à la définition de
la juste valeur marchande, est très claire. Cela s'échelonne dans
toute une série de causes, commençant par un jugement du Conseil
privé en 1914 jusqu'à maintenant. S'il y a un domaine où
la jurisprudence est assez claire, c'est bien celui-là. Dans ce sens,
cela nous paraissait, comment dire, inutile. Je reste persuadé que le
deuxième paragraphe est redondant. Il est couvert par l'article 45.
Quand on dit: On ne peut tenir compte d'aucun préjudice pouvant
résulter de l'expropriation, "aucun" a un sens très fort, qu'il
s'agisse à la fois des biens expropriés ou d'autres biens qui ne
le sont pas; quand on dit "aucun préjudice", c'est clair, "aucun". Dans
ce sens, cela me paraît assez largement redondant avec l'article 45.
L'article central, c'est le troisième. Je pense que ce que le
député de Saint-Laurent nous demande de faire est basé sur
une ambiguïté qui existe dans son cheminement dans ce dossier,
quant à la signification du taux d'escompte. (17 h 15)
Le taux d'escompte reflète, dans une bonne mesure, l'incertitude
des résultats escomptés. Si on est tout à fait certain de
l'augmentation des prix et de l'augmentation des coûts, on a un taux
d'escompte relativement faible, un taux d'escompte qui est très voisin
de ce qu'on paierait comme taux d'intérêt sur des obligations d'un
gouvernement. Quand on croit, au contraire, que les projections qu'on fait
surtout sur une longue période d'années sont aléatoires,
plus on pense que c'est aléatoire, plus le taux d'escompte va être
élevé.
Or, le problème majeur qu'il y a entre le gouvernement et General
Dynamics depuis le début, on le sait, c'est la projection du prix de
l'amiante par rapport à ses coûts pour les 20 ou 25 prochaines
années.
Personnellement, j'accepterais très volontiers la
démonstration de General Dynamics quant à sas prix prévus
pour l'avenir, mais j'y associerais un taux d'escompte tellement
élevé, parce que c'est tellement aléatoire, qu'à
toutes fins utiles, j'annulerais complètement, dans la valeur actuelle
de ses actions aujourd'hui, l'impact de cette augmentation de prix. Il
suffirait simplement que je monte je n'ai jamais fait le calcul
à 20% de taux d'escompte, et, à ce moment-là, qu'est-ce
que je dirais? Peut-être ont-ils raison de prévoir des
augmentations de prix aussi sensationnelles pour l'avenir. Mais c'est tellement
aléatoire, que je vais lier à ces augmentations de prix un taux
d'escompte très élevé et, alors, on arrivera au même
résultat que celui que le gouvernement du Québec a
suggéré.
En somme, dans ce sens-là, la potasse et l'amiante, l'amiante et
le cuivre, le cuivre et le pétrole, ça n'a pas du tout le
même degré d'aléatoire. Si on avait aujourd'hui à
dire: Quel va être le prix du cuivre pour les 20 prochaines
années? Cela a un caractère aléatoire très
considérable, parce que le prix du cuivre évolue de façon
prodigieuse. Il monte, il baisse, il s'effondre, il repart. S'il s'agissait de
faire des projections sur le prix du pétrole, on aurait un taux
d'escompte déjà un peu plus bas. S'il s'agissait de
déterminer le rendement escompté d'une maison d'habitation bien
placée, on aurait un taux d'escompte très bas. Parce qu'à
moins d'une catastrophe où il n'y a pas moyen de louer les locaux... On
sait quel a été le prix de la construction de l'immeuble, etc.
C'est-à-dire, en somme, que le taux d'escompte, en lui-même, n'a
pas de signification propre tant qu'on n'a pas posé un jugement de
valeur sur le caractère plus ou moins aléatoire des
projections.
C'est dans ce sens-là où toute allusion dans le projet de
loi quant au taux d'escompte devient une directive au Tribunal d'expropriation
qui peut littéralement être odieuse. Parce que là, le
gouvernement se trouve à être juge et partie. Il se trouve
à dire: Je vais donner au tribunal des instructions quant au taux
d'escompte, parce que non pas comme gouvernement, mais comme acheteur, je me
suis déjà fait une idée de la façon dont il faut
considérer certains facteurs comme aléatoires.
Prendre des mesures comme celles-là dans un texte de loi a
toujours été considéré, je veux dire dans un
certain degré de correction ou de civilisation comme étant
quelque chose qu'il ne faut pas faire, parce qu'alors là, le
gouvernement est clairement en conflit d'intérêts.
Il est évident que si tout ce qu'on cherche à faire, c'est
d'abattre toute démonstration de General Dynamics, on peut le faire dans
un projet de loi, mais cela a un petit air de république de bananes du
pire aloi. On peut bien donner des directives sur le taux d'escompte et, encore
une fois, en fonction de la démonstration que j'ai essayé de
faire tout à l'heure. Toute directive donnée quant au taux
d'escompte implique un jugement de valeur de l'acheteur quant au
caractère aléatoire des projections.
Je n'ai aucune espèce d'objection d'écrire un
paragraphe... Enfin, je n'ai pas d'objection... Je n'aurais pas d'objections
théoriques, mais j'en aurais de très pratiques à dire: On
va utiliser un taux d'escompte, ou des directives qui vont produire un taux
d'escompte très élevé. Mais, à toutes fins utiles,
je viens d'annuler, dans la loi, toute
possibilité pour General Dynamics d'aller faire la preuve, ou
d'essayer de faire la preuve ou la démonstration que le gouvernement
juge certaines perspectives très aléatoires, alors que General
Dynamics les trouve pas mal moins aléatoires. C'est là-dessus,
c'est sur ces démonstrations des deux parties devant les juges qu'un
taux d'escompte va apparaître.
Le taux d'escompte, c'est un résultat, ce n'est pas un point de
départ. Alors, quand je disais: Je n'ai pas d'objection
théorique; encore une fois, pratiquement, j'en ai beaucoup. J'ai des
objections très sérieuses à ce que le gouvernement du
Québec soit un gouvernement de république de bananes.
M. Forget: M. le Président, la réponse du ministre
des Finances...
M. Parizeau: Excusez-moi, 30 secondes pour compléter.
Je ferai remarquer que, d'autre part, en Saskatchewan, il y a eu tout ce
qu'on veut comme types de règlements et comme types de
négociations et que, en fait, des négociations ont
été à ce point différentes, sur le taux d'escompte
entre autres, que le gouvernement de la Saskatchewan n'a jamais rendu publique
l'analyse des résultats de la méthologie suivie dans le cas de
chacune des compagnies. Il y a eu une espèce de méthologie
d'ensemble, dont le gouvernement de la Saskatchewan a fait état à
un moment donné, mais les dossiers de règlement avec chacune des
compagnies, une par une, n'ont jamais été rendus publics et pour
une raison très simple, c'est que ça a été de la
négociation très dure, à partir d'arguments très
différents d'une compagnie à l'autre.
Alors, se servir de ça comme précédent me
paraît si je peux me permettre un mauvais jeu de mots, par rapport
à ce que je viens déjà de dire très
aléatoire.
M. Forget: On est justement dans l'aléatoire, M. le
Président, parce que, s'il n'y avait pas d'aléatoire, il n'y
aurait pas de débat. La question est de savoir quel genre de billet de
loterie on est en train de nous vendre. Evidemment, le ministre nous dit: C'est
un billet de loterie, on ne peut jamais connaître l'avenir et on verra
bien. Il reste, cependant, qu'il ne peut pas exclure que le coût de ce
billet de loterie là, on ne parle pas de gains possibles, mais de
coûts possibles, alors c'est dans le négatif qu'on fonctionne,
plutôt que dans le positif peut être singulièrement
plus élevé, étant donné cet élément
aléatoire considérable, que ce que prétend le
gouvernement. C'est le sens de tout le débat sur ce projet de loi. Le
gouvernement dit: Notre prix est de $42. Nous disons au gouvernement: Vous
mettez en marche un mécanisme qui, étant donné les
éléments aléatoires nombreux qui s'y trouvent, peut vous
donner un résultat fort différent de celui sur la base duquel
vous faites accepter, à la population du Québec, une telle
orientation.
Je ne suis pas rassuré par les exemples que le ministre des
Finances vient de donner parce qu'il vient de donner des exemples pour
justifier un taux d'escompte, celui de 15% que propose le gouvernement, en
disant: II y a des choses qui sont stables, qui sont prévisibles, il y
en a d'autres qui ne le sont pas, qui sont plus volatiles. Quand il s'agit d'un
prix très volatile, qui peut aller vers le haut et vers le bas, comme il
l'a fait de façon très sensible dans le passé, je suis
bien prêt à accepter n'importe quelle projection, mais avec une
prime de risque très élevée.
Or, ce raisonnement ne s'applique pas très bien au cas de
l'amiante qui est une matière qui a été l'objet d'une
très grande stabilité des prix pendant de longues années
et qui a subi des variations à la hausse, sans fluctuation, depuis
à peu près quatre ou cinq ans; des hausses très sensibles,
que le ministre des Richesses naturelles a d'ailleurs résumées
dans son discours de deuxième lecture, c'est un facteur de
multiplication de 3 ou 3,5 sur une période de cinq ans si on veut, de
300% à 350% du prix dans les montants cumulatifs.
Il y a donc là un facteur important, ce n'est pas comme dans le
cuivre, ce n'est pas comme le prix du sucre, il s'agit là d'un
matériau qui n'a pas subi de fléchissement de son prix au cours
des derniers 20 ans. Il y a eu une stabilité et, avec la hausse
générale de toutes les matières premières, il a
également vu une hausse assez sensible de son prix depuis quatre ou cinq
ans.
Quand on parle d'un taux de 11% ou 15%, qui sont, dans le fond, les taux
de la part des deux parties en présence, ça a l'air de taux
raisonnables. Le ministre disait tout à l'heure: On emprunte à
10%; mais on ne parle pas des mêmes choses, ce sont deux
phénomènes entièrement différents: Le taux
d'escompte dont on parle, c'est un taux d'escompte réel,
c'est-à-dire qu'on met de côté l'incertitude majeure que
constitue l'inflation; on dit: Même si les prix restaient, de
façon générale, absolument stables, il nous faut 11% de
plus, l'an prochain, pour compenser le fait qu'on reçoit une somme l'an
prochain plutôt que cette année. C'est énorme, parce que,
quand on emprunte à 10%, taux nominal, et que l'inflation est à
un taux de 10% il faut bien se rendre compte que le taux d'escompte pour les
obligations du gouvernement, c'est pratiquement zéro au taux actuel; le
taux réel d'escompte est pratiquement de zéro, on peut emprunter,
en termes réels, pour rien dans le moment, à toutes fins
utiles.
M. Parizeau: On a eu l'occasion de rappeler ça en
Chambre.
M. Forget: ... d'ailleurs, on l'utilise abondamment. Je pense
bien que je n'apprends rien au ministre des Finances. Quand on emprunte des
milliards dans une année, c'est effectivement parce qu'on a affaire
à une aubaine qui ne se refuse pas. Il reste que ce n'est pas ce dont on
parle, on parle d'un taux réel, un taux déduction faite de
l'inflation. Or, 11% ou 15%, c'est très élevé
quand on pense qu'à long terme, le taux d'escompte réel se
situe aux environs de 3%. C'est donc un ordre de grandeur de trois fois ce
qu'on exige pour un investissement qui serait considéré comme
absolument stable et, dans le fond, c'est 0% actuellement pratiquement dans
les... Je veux bien admettre que ce n'est pas un taux à long ternie, il
reste que ce n'est pas une expectative à long terme. Il reste qu'on est
déjà dans des choses assez astronomiques.
Le ministre a dit: "II y a eu bien des décisions qui ont
été rendues dans le cas de l'achat des ressources de potasse en
Saskatchewan." Sans doute, il y en a eu qui se sont faites plus facilement que
d'autres. Certaines se sont faites de gré à gré et on
s'est entendu sur un prix sans se donner la peine de savoir pourquoi on
s'entendait de part et d'autre sur le même prix. Peut-être qu'on y
arrivait par des chemins différents. De toute façon, pourvu qu'on
s'entende sur le prix, c'était tout ce qui comptait. Mais, dans un cas
particulier où on ne s'est pas entendu de gré à
gré, sauf dans le sens de vouloir aller en arbitrage, l'arbitrage a
donné lieu à des décisions qui, j'ai bien peur,
constitueront, devant un tribunal québécois, dans le domaine des
richesses naturelles, des précédents.
Or, si c'est vrai, on a déjà, du côté de
l'autre partie, celle qui négocie avec le ministre des Finances
actuellement, un bout de chemin de fait pour avoir raison. On a
déjà gagné une partie de sa cause.
Du côté des prix, M. le Président, j'ai dit tout
à l'heure que ce n'est pas un tableau d'extrême
instabilité, au contraire, de grande stabilité, en termes
réels, je pense que ça peut facilement se démontrer.
Evidemment, en termes nominaux, une augmentation sensible depuis quatre ou cinq
ans, c'est assez normal, mais une augmentation, je le souligne, qui est plus
sensible, plus considérable que l'augmentation des prix. Alors, de ce
côté-là aussi, on a un élément de
vulnérabilité. Mais, quelle que soit la question des prix, ce
n'est pas pertinent à notre débat, il reste que, sur le plan des
méthodes de calcul, à la fois le gouvernement et le
propriétaire s'entendent pour utiliser la méthode du "discounted
cash flow" des flux financiers escomptés en valeur présente. Sur
cette base-là, bien sûr, on doit se rendre compte que c'est la
base la plus propice au vendeur. C'est la plus propice au vendeur, à
l'exception, peut-être, de la valeur de remplacement, étant
donné l'inflation terrible dans le monde de la construction depuis un
certain nombre d'années. Donc, on met de côté, assez
délibérément... comme c'est une méthode de calcul
commune aux deux, à l'arbitrage, c'est certainement celle qui sera
retenue aussi, on se place délibérément sur un terrain qui
est propice au vendeur plutôt qu'à l'acheteur.
Or, des deux façons, je pense que l'article 44 tel qu'il est
formulé, avec sa référence "à la juste valeur
marchande", cette juste valeur marchande s'interprète de bien des
façons. Comme le texte de loi est silencieux sur les modalités
à adopter, il y a des choses qui vont jouer. Il y a d'abord les ententes
tacites entre les deux parties, l'utilisation du "discounted cash flow" qui
n'est pas du tout défavorable au vendeur, et un certain nombre de
précédents. Pour aucun de ces deux éléments peut-on
dire que le silence de la loi va être interprété en faveur
du Québec, en faveur du gouvernement du Québec. Au contraire,
c'est précisément de ce côté-là qu'on peut
s'attendre à des surprises désagréables, et je regrette,
pour ma part, qu'on n'aille pas plus loin.
Le ministre dit à plusieurs reprises: "C'est la république
de bananes que de vouloir aller plus loin." Je lui ferais remarquer que
l'article correspondant de la loi de Saskatchewan ne contient pas moins de huit
paragraphes. Je ne pense pas que personne ait jamais comparé la
Saskatchewan à une république de bananes, mais on a fait, dans
cette loi-là, un effort pour aller plus loin dans la
détermination de critères d'évaluation. Non pas parce
qu'on a voulu piper les dés de façon
délibérée en faveur du gouvernement, mais on s'est dit:
Quand on se lance dans un arbitragre, finalement, on met son sort, pour ainsi
dire, entre les mains d'un seul homme; on se fie à son jugement, parce
que c'est le président qui va finalement avoir à trancher. (17 h
30)
Est-ce qu'il est prudent, étant donné qu'il y a un si
grand nombre de jugements posés, de se fier si exclusivement au jugement
d'un seul homme ou est-ce que la loi, qui peut-être débattue
démocratiquement, etc., qui doit pouvoir être justifiée par
un gouvernement qui se respecte et qui tient à maintenir sa
réputation à l'étranger, peut malgré tout,
circonscrire les dégâts possibles?
Le jugement humain est faillible, M. le Président, il est
toujours possible qu'une erreur arrive, qu'un président d'un conseil
d'arbitrage saisisse mal le sens d'un certain nombre de
précédents, de certains sens d'expertises; cela est beaucoup plus
prudent, à mon avis, quand on sait que la juste valeur marchande, c'est
$40 l'action, mais c'est aussi $99.75.
Il y a des experts qui sont prêts à en jurer de part et
d'autre. Il est clair qu'un juge et le droit seul ne peuvent pas trancher.
M. Bérubé: ...
M. Forget: Le problème n'est pas là pour eux, il
s'agit de réclamer, il ne s'agit pas de payer. Mais il y a des experts
de réputation. Je ferais remarquer au ministre des Finances, je pense
qu'on peut attirer l'attention là-dessus, que les experts qui, sur le
plan de la géologie et sur l'expertise proprement technique, ont fait
l'évaluation pour General Dynamics sont ceux qui ont fait
l'évaluation pour le gouvernement de la Saskatchewan. D'ailleurs,
General Dynamics ne se fait pas faute de le souligner. Ils connaissent donc
assez intimement les méthodes utilisées pour ces
évaluations et ils seront en mesure d'apporter un très grand
nombre de lumières sur la manière dont un autre gouvernement, qui
n'était certainement pas un gouvernement acoquiné avec la grande
entreprise le gouvernement néo-démocrate de la
Saskatchewan n'a pas cette réputation sur la façon
dont
un gouvernement néo-démocrate au Canada a
procédé dans son évaluation et dans la
détermination finale du prix.
Alors, ce n'est pas une joute d'enfants d'école, ça va
être dur et l'arbitrage va être serré. Il y a des
précédents dans l'air. Je ne peux pas faire autrement que de
m'inquiéter d'une référence aussi généreuse
à l'endroit, premièrement, du président du tribunal
d'arbitrage, du conseil d'arbitrage, et généreuse, possiblement
par ses conséquences, à l'endroit de General Dynamics, soit le
dernier mot du gouvernement dans l'adoption de ce projet de loi. Il me semble
qu'on donne, comme on dit selon l'expression anglaise, des otages à la
fortune, des otages au sort. C'est aléatoire, c'est plein de risques, on
est même prêt à considérer une espèce de prime
de risques dans le taux d'escompte très grand. Mais le risque, il faut
bien s'en rendre compte, joue des deux côtés. Il ne joue pas
seulement à notre avantage, il joue également à notre
désavantage et c'est le président du tribunal d'arbitrage qui va
trancher. Pour trancher, c'est bien connu dans les bouquins qui ont
été écrits sur la façon d'approcher des arbitrages,
il y a deux façons qui sont classiques. Il y a d'abord de dire: Quand on
n'a aucun point de repère, on tranche la poire en deux et, comme
ça, on ne peut pas être accusé de parti pris. S'il n'y a
vraiment pas de possibilité de s'accrocher à quelque chose
d'objectif, on dit qu'on va aller à peu près à
moitié chemin, en éliminant des choses qui sont évidemment
incorrectes, erronées, etc. Mais c'est ordinairement une très
petite marge. On tranche la poire en deux.
Ou alors, si on peut s'accrocher à des éléments
objectifs tels que des précédents, tels que des façons de
faire qui semblent s'établir dans un domaine donné, on se dit:
Ecoutez, on ne peut pas être blâmé d'avoir fait ce que
d'autres ont fait, étant donné que leurs décisions, dans
ces cas-là, en appliquant ces critères, ont été
acceptées. Encore une fois, il semble qu'il y ait des
précédents que le ministre des Finances n'a pas niés
d'ailleurs; il a dit: La situation est complexe, il y a plusieurs choses qui se
sont produites. Mais il y a eu en particulier un arbitrage et le ministre des
Finances le sait très bien. Cet arbitrage a été
décidé selon les critères qui servent à General
Dynamics à établir son évaluation avec les mêmes
experts que ceux que le gouvernement de la Saskatchewan a utilisés pour
ce faire.
J'ai l'impression que, devant un tribunal d'arbitrage, le gouvernement
du Québec va avoir un fardeau de preuve qui est lourd à surmonter
et pour lequel il ne trouvera pas d'appui dans sa loi, parce que sa loi, encore
une fois, ouvre les portes extrêmement largement.
M. le Président, c'est essentiellement ça pour l'instant.
Je pense qu'on peut, là-dessus, étant donné que le
gouvernement ne semble pas prêt à aller plus loin que cette
allusion très vague de la juste valeur marchande, conclure l'argument
là-dessus, à moins qu'il n'y ait des éléments
nouveaux que le ministre des Finances veuille nous communiquer.
M. Bérubé: M. le Président, il y a deux
points que je soulèverai. D'une part, lorsque le député de
Saint-Laurent laisse entendre que la loi créant la corporation pour le
développement de la potasse de la Saskatchewan a prévu, au niveau
de la procédure d'expropriation, des détails beaucoup plus
explicites que la présente loi, je pense que, malheureusement, ce n'est
pas exact.
En effet, il ne fait aucun doute qu'à l'examen de la loi,
lorsqu'il dit que cette loi a huit articles, il a parfaitement raison.
Cependant, s'il compare la loi que nous discutons, il voit que certains de ces
articles correspondent tantôt à l'article 44 de notre loi,
tantôt à l'article 45, 46...
M. Forget: II y en a quelques-uns qui s'y retrouvent, mais pas
tous.
M. Bérubé: En d'autres termes, les
éléments importants nous apparaissent se retrouver dans le
présent projet de loi, et par conséquent, je pense que ce n'est
pas tout à fait exact de dire que, parce que le présent projet de
loi a préféré identifier en articles différents
chaque élément du processus d'expropriation, alors que la loi de
la Saskatchewan a regroupé dans un seul article, avec des
alinéas, je pense que c'est seulement une différence de
forme.
Ce que j'aimerais porter à l'attention du député de
Saint-Laurent, c'est la raison pour laquelle je suis assez peu chaud à
l'idée bien que les conseillers juridiques me disent que le
troisième alinéa n'a pas comme tel, de valeur, d'obligation, il
s'agit de dire que la méthode utilisée en Saskatchewan a
simplement valeur de précédent, on n'est pas obligé d'en
tenir compte d'introduire cela dans un alinéa pour lui donner une
valeur. Le juge va peut-être s'interroger: Pourquoi l'Assemblée
nationale a-t-elle voulu indiquer que cette loi d'expropriation et la
procédure qui a prévalu lors des règlements de gré
à gré entre la Saskatchewan et diverses compagnies
minières, a fait appel à certains taux d'escompte, a fait appel
à certaines méthodes de calcul, par conséquent on doive
sans doute y faire attention, puisque le gouvernement insiste pour le porter
à notre attention...
Je pense qu'il s'agit de deux cas totalement différents. Dans le
cas de la potasse, il n'y a qu'un seul exportateur dans le monde, c'est le
Maroc, dont la stabilité politique est à tout le moins
aléatoire. Tout récemment un article portait justement sur
l'évaluation du risque politique dans les investissements à
l'étranger. Et parmi les facteurs de risque politique, le facteur de
stabilité politique en est un très important. Les facteurs
géopolitiques sont des facteurs capitaux. Et le Maroc n'est certainement
pas considéré dans les régions du globe entièrement
à l'abri des fluctuations politiques qui pourraient affecter la libre
circulation des produits.
Donc, d'une part, vous avez un seul exportateur, situé en
Afrique, et dont la stabilité politique est à tout le moins
aléatoire.
D'autre part, on sait que tout industriel veut bien avoir une certaine
diversification de ses approvisionnements. On n'aime pas dépendre d'une
seule entreprise, surtout lorsque cette société est
gouvernementale, comme c'est le cas des phosphates siliceux.
Donc, il va de soi que tout industriel va chercher à diversifier
ses sources d'approvisionnement, on le voit d'ailleurs dans le cas du niobium.
Nous pouvons mettre en marché du niobium québécois pour
une raison très simple. Bien que notre niobium soit plus coûteux
que le niobium du Brésil, il demeure que les industriels
américains, nord-américains, n'aiment pas dépendre d'une
seule source d'approvisionnement qui peut être tarie par suite de
troubles politiques.
Ce désir des entreprises à diversifier leurs sources
d'approvisionnement est de nature à faciliter, favoriser, la mise en
marché du phosphate de la Saskatchewan.
Troisièmement, on ne découvre pas de nouvelles mines
importantes de potasse. Les utilisateurs demeurent dépendants des
sources traditionnelles, soit du Maroc et du Canada, et par conséquent,
on n'envisage pas de substitution à la potasse actuelle.
Quatrièmement, je pense que tous les économistes
s'entendent pour indiquer qu'un des graves problèmes que le monde doit
affronter présentement, c'est le problème de la malnutrition,
c'est le problème de l'approvisionnement en produits alimentaires dans
le monde.
Sachant que l'expansion de l'agriculture est prévue par
absolument tous les économistes dans le monde, sachant qu'on devra faire
appel à des techniques de plus en plus modernes en agriculture, donc
à l'utilisation d'engrais chimiques de toutes sortes pour
accroître la productivité de nos sols. Il faut donc s'attendre que
la potasse soit un produit appelé à un brillant avenir.
Dans ces conditions, il m'apparaît normal que l'on accepte de
postuler que le risque est faible et qu'on accepte donc 11% de taux
d'actualisation, mais lorsqu'on aborde le problème de l'amiante, on
n'aborde plus du tout le même problème, puisqu'il faut quand
même reconnaître qu'il y a cinq producteurs
québécois; il faut tout de même reconnaître qu'il y a
un producteur à Terre-Neuve, qu'il y a un producteur en
Colombie-Britannique, qu'il y a des producteurs en Afrique, qu'il y a un
nouveau producteur russe, enfin qu'il y a quand même des sources
d'approvisionnement diversifiées. Par conséquent, la
société Asbestos sera loin de contrôler l'ensemble des
approvisionnements de l'industrie du monde libre. Déjà,
première différence: les sources sont diversifiées et, par
conséquent, l'industriel n'est pas lié à une source en
particulier.
Deuxième problème: il est lié à la
substitution. Il ne fait aucun doute que la substitution représente
peut-être la principale menace à l'amiante, dans la mesure
où on reconnaît aujourd'hui qu'il existe des substituts qui ne
sont pas toujours tout à fait aussi économiques, qui ne sont pas
toujours des propriétés tout aussi intéressantes, mais
qui, néanmoins, talonnent l'amiante d'assez près. Par
conséquent, nous sommes limités quant à la l'expansion du
prix de l'amiante. Il ne faut pas s'attendre à une croissance trop
rapide dans les années à venir, parce qu'on ne fera qu'encourager
la substitution à un rythme encore beaucoup plus prononcé.
Troisièmement je pense que les députés de
l'Opposition n'ont pas manqué de le souligner les
problèmes de santé, de salubrité associés à
l'utilisation de la fibre, des fibres minérales et l'amiante en
est une sont des problèmes réels qui font planer au-dessus
de l'amiante certainement et je crois que je ne l'ai jamais caché
dans mon discours de réplique plus particulièrement une
menace. Même si on a des raisons d'être optimiste, il y a quand
même des menaces. Un pays comme la Suède a banni l'amiante. En
d'autres termes, on ne peut pas parler d'un avenir qui est absolument sans
nuages noirs à l'horizon.
Dans ces conditions, ayant fait cette comparaison, va-t-on utiliser un
taux d'actualisation supérieur, dans le cas de l'amiante, ou
inférieur à celui de la potasse? Il m'apparaît absolument
évident qu'on va utiliser un taux d'actualisation supérieur, dans
le cas de l'amiante, à celui de la potasse. Par conséquent, si je
devais utiliser le précédent de la Saskatchewan pour
définir mon taux d'actualisation, je m'en servirais comme
précédent pour dire que cela doit être un taux plus
élevé que celui de la Saskatchewan, alors que l'article tel que
rédigé pourrait prêter à n'importe quelle
interprétation, y compris une interprétation dans le sens
où on postulerait que le taux d'actualisation doit finalement, de l'avis
de l'Assemblée nationale, se situer autour de celui accepté dans
le cas de la potasse.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je vous avouerai qu'il y a dans toute cette
discussion-là quelque chose qui me gêne profondément, M. le
Président. Je regarde le projet de loi, enfin la loi plutôt
ce n'est pas un projet de loi de la Saskatchewan. Effectivement, elle a
huit alinéas, mais qui sont essentiellement couverts par nos articles
44, 45, 46, premier et deuxième alinéa du projet de loi que nous
avons devant nous. Il n'y a aucune indication, dans la loi de la Saskatchewan,
au sujet du taux d'actualisation ou du taux d'escompte, absolument rien. Il n'y
a pas un mot sur le taux d'escompte, rien du tout.
Les préoccupations de l'article 45 de la loi de la Saskatchewan
sont les préoccupations de nos articles 44, 45 et 46. Cela se recoupe.
Ils sont un petit peu plus verbeux que nous, mais cela arrive souvent dans la
rédaction des lois en anglais, qu'on est passablement verbeux et qu'on
essaie de couvrir tous les angles. Il arrive qu'un seul mot en français
suffise et rende exactement la même chose, ce n'est pas la
première fois que ce serait constaté. Mais il n'y a absolument
rien quant à
savoir de quel genre de taux d'escompte on doit se servir. D'autre part,
l'amendement qui nous est présenté, dans son troisième
paragraphe, dit: Dans la détermination de la juste valeur marchande, la
méthode de calcul de cette valeur, y compris le taux d'escompte
utilisé, dans les sentences arbitrales rendues en vertu de "An Act
respecting the development of potash resources in Saskatchewan", a valeur de
précédent. Je ne vois pas où ont été les
sentences arbitrales. (17 h 45)
On voudrait mettre d'abord dans notre loi quelque chose qui n'existe pas
dans la loi de la Saskatchewan, et nous lier à des sentences arbitrales
en Saskatchewan qui n'ont pas eu lieu. On cherche à faire
vérifier si. effectivement, il y a eu, à un moment donné,
une tentative d'arbitrage volontaire de la part des deux parties, mais, une
chose est claire, c'est que tout s'est réglé à l'amiable
finalement. On ne peut pas s'appuyer...
M. Forget: ... avec des arbitrages volontaires.
M. Parizeau: Je comprends, mais on ne peut pas s'appuyer sur une
sentence. Une sentence arbitrale, cela a un sens bien précis. On ne peut
pas s'appuyer sur une sentence arbitrale qui n'a pas eu lieu.
M. Forget: Ne jouons pas sur les mots. Elle a pu avoir lieu de
façon volontaire, mais elle est là quand même.
M. Parizeau: II faut bien s'entendre. Je voudrais dire qu'on se
lierait dans notre loi à un processus d'arbitrage volontaire qui aurait
eu lieu en Saskatchewan alors que la loi de la Saskatchewan ne prévoyait
rien à ce sujet?
Une Voix: Ce ne serait pas sérieux.
M. Forget: Non, mais la nôtre en prévoit.
M. Parizeau: En somme, je reviens à ce que je disais tout
à l'heure. La loi de la Saskatchewan ne donnait pas fondamentalement
d'autres indications à ces tribunaux d'arbitrage que ce que notre loi
donne. Nous nous situons, à cet égard, exactement sur le
même plan que la Saskatchewan. On ne leur en donne pas plus et on ne leur
en donne pas moins. C'est libellé différemment, mais
fondamentalement, c'est la même chose: 44, 45, 46, chez nous, reviennent
à 45 en Saskatchewan.
Dans ce sens, je reviens à ce que je disais tout à
l'heure. A mon sens, le premier paragraphe de l'amendement ne fait que
répéter ce que la jurisprudence a établi clairement; le
deuxième paragraphe est redondant avec notre article 45; pour le
troisième, je vous avouerai que je serai absolument opposé
à ce qu'un tribunal volontaire, fait d'arbitrages volontaires en
Saskatchewan, dans un tout autre contexte, ait pu avoir des recommandations que
nous placerions dans notre loi, alors que la Saskatchewan elle-même ne
les trouvait pas nécessaires.
M. Forget: M. le Président, le temps ne nous permet pas de
donner par chapitre et verset les points sur lesquels je pense qu'on fait une
lecture trop rapide de l'article 45 de la loi de la Saskatchewan, mais,
effectivement, il y a certaines précisions qui n'apparaissent pas dans
la loi québécoise. Encore une fois, le temps manque. En
particulier, ce qui est mentionné au deuxième alinéa
figure spécifiquement à la fois dans ce qui est dans l'article
45, et ce qui est dans le deuxième alinéa de notre amendement
figure spécifiquement dans deux alinéas distincts, comme il
s'agit de deux problèmes distincts de la loi de Saskatchewan,
c'est-à-dire le paragraphe 6 et le paragraphe 8. On nous dit, dans le
texte de 45 qui reproduit, dans le fond, seulement le paragraphe 6, qu'on a
tenu compte également du paragraphe 8. Cela pourrait être
débattu longuement, mais, évidemment, il n'en est pas question,
puisque nous n'avons pas le temps.
Il reste de tout ceci, M. le Président, que quelles que soient
les réactions de surprise du ministre des Finances relativement à
ce qui est contenu dans nos amendements, il y a fort eu de matière pour
accrocher la détermination de ce qu'est, en pratique, la juste valeur
marchande. On sait qu'il y a deux évaluations qui se prétendent
être la traduction en chiffres de la juste valeur marchande. Il y a entre
elles quelque chose comme $160 millions d'écart. Même en
précisant ce que veut dire la jurisprudence par juste valeur marchande,
on n'a pas fait un très grand progrès. Le ministre nous dit: Je
ne veux pas inscrire dans la loi des références à des
précédents qui ont pu exister ou ne pas exister. Ce que j'ai dit
au ministre, c'est que je n'avais pas l'intention de lui tendre un
piège. Le but de cet amendement est justement de susciter cette
discussion sur un cas précis. Mais, ce qu'il faut en retirer comme
leçon, M. le Président, c'est que le ministre ne peut pas nous
donner l'assurance que ce précédent, dans la mesure où il
existe et dans la mesure où on pourrait en faire la preuve, n'aura pas
une influence déterminante sur le jugement du conseil d'arbitrage. Ce
que nous disons, c'est qu'en ouvrant la porte aussi largement,
déjà, on n'est plus à un niveau de $40 ou $42 l'action ou
son équivalent en ternies de dollars pour l'ensemble des actifs
physiques, on s'approche déjà sensiblement d'une autre valeur
supérieure. On le regrette, parce qu'on aurait voulu avoir du ministre
des Finances des assurances qui nous auraient permis d'exclure cette
possibilité. Mais, que voulez-vous? Les précédents sont
là ou ils ne sont pas là. Je ne m'engagerai pas ici dans un
débat ce n'est pas le lieu pour faire la preuve que les
précédents existent. Ce sera fait dans un autre contexte. Mais,
justement, on ne peut pas, parce qu'on a prétendu qu'ils n'existaient
pas ici, les faire disparaître. Dans la mesure où ils existent, on
en fera bien la preuve un jour ou l'autre et c'est là que
l'intérêt du Québec est en jeu, parce que, s'ils vont dans
le sens dans lequel je crois qu'ils vont, encore une fois, sous le
bénéfice d'inventaire, il reste que, déjà, on va
payer chèrement l'existence d'un tel
précédent et la preuve que General Dynamics va, sans aucun
doute, tenter de faire.
Le fait que l'article, encore une fois, est vague, nous empêche de
fermer la porte à ces interprétations, nous permet de conclure
que les risques inhérents à cette aventure sont très
réels et, plus on approche justement de cette question, plus on voit
d'où ils peuvent venir. Toute la question des prix aussi, on pourrait
longuement s'y étendre et on se rendrait compte que les risques existent
dans ce secteur aussi, des risques très distincts dont dépend
d'ailleurs largement la différence d'évaluation.
Il est bien clair que, plus on prend un taux d'escompte
élevé, plus cette différence est diminuée, mais,
dans la mesure où le conseil d'arbitrage prendrait un taux d'escompte
bas, évidemment, la conséquence de ce qu'il trouverait, par
ailleurs, relativement à l'évolution future des prix, serait
d'autant plus importante. Ces deux facteurs ne jouent pas
indépendamment. Ils se renforcent l'un l'autre. Le gouvernement a choisi
de prendre l'option qui lui était la plus favorable. On ne jouerait pas
notre rôle, M. le Président, si on ne signalait pas que, de
l'autre côté, on se prépare à faire une lutte fort
impressionnante là-dessus. Peut-être que ce sera un échec
pour la General Dynamics et un succès pour le Québec. A ce
moment-là, bravo! Mais le risque est véritable, il est
très sensible et, malheureusement, il semble que l'Assemblée
nationale ne sera pas en mesure de faire quoi que ce soit pour le
rétrécir.
Alors, je serais prêt à adopter l'article 44, M. le
Président; comprenant que le ministre rejette notre amendement...
Le Président (M. Marcoux): D'abord, on va demander le
vote...
M. Forget: ... peut-être qu'on pourrait dire simplement:
Rejeté sur division.
Le Président (M. Marcoux): Bon! L'amendement
composé de trois alinéas est rejeté sur division.
M. Forget: Oui. Il y aurait un autre amendement, M. le
Président, que j'aimerais faire très brièvement.
Il s'agit d'un amendement qui porte encore sur le paragraphe 44 et qui
se lit de la façon suivante: là je pense qu'il n'y a
même pas d'explication nécessaire "L'indemnité doit
être diminuée de tout montant nécessaire au moment de
l'expropriation pour satisfaire complètement aux normes gouvernementales
relativement à l'environnement et à la santé ou à
la sécurité des travailleurs en vigueur à ce moment."
Le ministre peut répondre ceci: Nous en avons tenu compte dans
les évaluations, parce que le "cash flow" va permettre de payer pour
ça. Mais là n'est pas véritablement le problème; on
acquiert une entreprise qui est grevée, présumément, au
moment où on se parle, d'un certain nombre d'obligations dont
l'exécution est différée, parce que le gouvernement
accepte de différer, dans le temps, l'application de standards
d'hygiène et de salubrité en disant: Ce n'est pas possible de
faire ça d'un coup sec. Donc, il y a encore des travaux à faire,
en vertu des normes actuelles. C'est du moins l'hypothèse de travail que
nous devons retenir pour l'instant.
Dans cette mesure, de nous faire dire que les revenus sur lesquels on
compte, pour faire le développement de la transformation au cours des
années prochaines, le "cash flow" qui va résulter de
l'exploitation des mines, on va pouvoir l'utiliser pour ça, c'est nous
dire, dans le fond, que c'est nous, à titre de propriétaire
collectif, comme contribuables du Québec, qui allons devoir payer,
à l'avenir, à même ce "cash flow", pour lequel on va payer
d'ailleurs un prix certain, pour satisfaire à des normes de
salubrité qui sont présumément déjà
édictées, mais pour lesquelles on a permis à la compagnie
un certain délai.
Il me semble que, pour donner suite aux engagements que, à la
fois le ministre des Finances et le ministre des Richesses naturelles ont pris
dans le passé, c'est en moins prenant, immédiatement, au moment
de la transaction que ça doit se traduire, relativement à la
compagnie et au gouvernement. Il s'agit de déterminer ce qu'on lui
paierait, si elle avait satisfait toutes ces normes, en fonction du "cash
flow", du taux d'escompte et de tout ce qu'on voudra et dire: Maintenant, vous
avez à faire face, messieurs, à des obligations de
salubrité. On sait très bien que vous n'avez pas pu vous
exécuter tout d'un coup, ça prend du temps faire ces
investissements, mais il y a quand même là une somme de travail
à faire, un solde de responsabilités à assumer et,
ça, on va vous le déduire tout de suite du paiement qu'on vous
fait. Il est bien sûr que, éventuellement, on pourrait le faire
nous-mêmes, à même nos propres revenus, mais c'est contraire
au but même de l'exercice. Il nous semble que l'indemnité devrait
être diminuée, non pas des dettes qu'on assume, mais une
espèce de dette sociale de la compagnie envers la société
de respecter les lois et les règlements relatifs à la
salubrité dans le milieu. Ce sont des dettes qui ne sont peut-être
pas réalisées actuellement, parce qu'on n'a pas fait ces
dépenses, on a eu la permission de les différer dans le temps,
mais au moment où ça change de mains, il faut en tenir compte de
façon explicite.
On sait que ces dépenses sont estimées à des
montants d'ailleurs variables parce que je pense bien que ça
aussi ça peut être débattu entre $15 millions et $25
millions, si je comprends bien. Peut-être que je ne comprends pas les
expertises qui ont été faites là-dessus, mais je pense que
c'est bien de ça qu'il s'agit et, si c'est vrai, je pense que c'est un
montant qui devrait apparaître au compte final de l'opération
comme une déduction sur l'indemnité que le gouvernement va verser
à la société General Dynamics.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce qu'on peut me donner
30 secondes? Je pense qu'effectivement, on peut régler ça assez
rapidement.
Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses
travaux pour quelques minutes.
M. Parizeau: Comme il peut y avoir, et comme, en fait, il y a
plusieurs moyens de satisfaire aux normes gouvernementales avec des
déboursés différents, est-ce que le député
de Saint-Laurent accepterait qu'on mette: L'indemnité doit tenir compte
de tout montant nécessaire, doit être diminuée de tout
montant nécessaire? Cela veut dire qu'on met un montant
spécifique. On ne dit pas qu'il y a trois façons d'atteindre le
même objectif, il n'y en a qu'un. Si on met "doit être
diminuée de tout montant" ça veut dire qu'on détermine
qu'il y a une façon de le faire et pas d'autres, un coût pour le
faire et pas d'autres.
M. Forget: Quelles sont ces autres façons de faire, sauf
de diminuer l'indemnité?
M. Parizeau: Non, non. De toute façon, l'indemnité
doit être diminuée.
M. Forget: Oui.
M. Parizeau: Forcément, pour tenir compte de ça. Et
là, on dit: Doit être diminuée de tout montant, donc, on
s'entend qu'il n'y a qu'un seul montant significatif, alors qu'on sait
très bien que, selon qu'on choisit l'une ou l'autre méthode, dans
le cas de tel type d'équipement ça peut être $3 millions,
c'est-à-dire $3 millions d'équipement neuf ou $1 500 000 de
réparations d'équipement. On se trouve à avoir un choix
à faire quant à la méthode, trois mois plus tard ou deux
mois plus tard ou six mois plus tard, dépendant de
l'échelonnement des travaux, pour satisfaire les normes.
M. Forget: Vous avez à l'esprit "doit être
diminuée d'un montant nécessaire".
M. Parizeau: Pas seulement. L'indemnité doit tenir compte
de tout montant nécessaire, au moment de l'expropriation, pour
satisfaire complètement...
M. Forget: Oui, sauf que c'est une expression qui... On peut
tenir compte d'une chose en l'ignorant, mais en le disant.
M. Parizeau: Je comprends l'esprit. L'esprit, c'est qu'au moment
où le gouvernement détermine le montant de l'indemnité,
voici ce qu'on a... voici l'ordre de grandeur des montants qui nous paraissent
nécessaires pour satisfaire à ces normes-là. On veut que
ce soit mentionné et je n'ai pas d'objection particulière. C'est
un ordre de grandeur. Doit être diminuée, je ne voudrais quand
même pas qu'on soit amené à poser un acte illégal
parce que, tout à coup, trois mois plus tard, on se rendrait compte
qu'il y a $500 000 d'un côté ou $1 million de l'autre. Il y a des
travaux d'aménagement là-dedans qui vont se découvrir
à l'usage, quand on va être dedans.
M. Forget: Sans doute, mais on parle toujours de
dévaluation faite au moment du changement de propriété. Je
pense bien que si l'avenir s'avère différent, ça fera
partie des aléatoires et des impondérables.
M. Parizeau: II y aura aussi les normes du change. Je n'en suis
pas tellement à cela, c'est que c'est très astreignant sur le
plan comptable, cet article-là. Il doit être diminué de
tout montant pour satisfaire complètement... Donc, ça veut dire
un chiffre et un seul, précis à part ça.
M. Forget: De deux choses l'une, ou les parties s'entendront sur
le montant ou ça fera partie des choses qui seront arbitrées.
M. Parizeau: Non, pas en comptabilité. L'indemnité,
c'est quelque chose que le gouvernement déclare en même temps, par
les preuves, de façon presque concomitante au moment où il envoie
l'avis d'expropriation. Cela peut être changé par le tribunal par
la suite, mais c'est au fond un état... Là, on nous demande une
espèce d'état comptable dès le départ, avant
même d'avoir mis le pied dans l'usine. Evidemment, on a un ordre de
grandeur de ce que ça va représenter. Je comprends qu'on veuille
le faire sortir, cet ordre de grandeur.
M. Forget: Peut-être peut-on me suggérer un autre
endroit pour faire le même amendement. Je ne m'intéresse pas
tellement au montant de l'indemnité qui sera déclaré
initialement par le gouvernement, parce que ça fera partie de la petite
histoire de l'amiante au Québec un jour, mais cela n'aura
peut-être aucun autre intérêt.
M. Parizeau: Exactement.
M. Forget: Ce qui m'intéresse, c'est le montant qui sera
finalement payé, soit de gré à gré ou en vertu
d'une sentence arbitrale, et qui devrait tenir compte d'un montant
déterminé avec tout ce qu'on connaît, qui est le plus
certain possible et qui tient compte de ça.
M. Parizeau: Un instant! C'est une instruction, c'est donc
à l'article 44 qu'on fait cet amendement. Je m'excuse, cela m'avait
échappé. C'est une instruction qu'on donne au tribunal
d'arbitrage.
M. Grégoire: De tenir compte...
M. Forget: De tenir compte de façon explicite en disant:
On aurait versé tant, on aurait recommandé que soit versé
un montant de X, mais c'est un montant de X moins Y, y étant le montant
qui sera nécessaire aujourd'hui pour satisfaire complètement aux
normes de sécurité actuellement en vigueur. Evidemment, ce sera
une estimation, mais ce sera la meilleure estimation possible aux yeux du
conseil d'arbitrage.
M. Laplante: Et complètement présente... M.
Forget: Elle est présente si on veut, mais...
M. Laplante: Complètement à la satisfaction de qui,
si vous n'êtes pas satisfait et qu'on n'est pas satisfait? (18
heures)
M. Forget: Du tribunal d'arbitrage ou alors par entente. Si on
s'entend, on s'entend.
M. Bérubé: La proposition du ministre des Finances
est explicite: lorsqu'elle dit que l'indemnité doit tenir compte de tout
le montant nécessaire, on enjoint une directive au conseil, on enjoint
le conseil, c'est-à-dire...
M. Forget: C'est un peu comme les choses compensatoires devant
les cours. Quand il y a responsabilité partagée, on peut toujours
dire qu'on en a tenu compte, de la responsabilité partagée, on
donne 1% à un et 99% à l'autre. On en a tenu compte, sauf que
cela, dans le fond, ne veut rien dire.
M. Parizeau: Ce que l'on veut faire, si je comprends bien, c'est
de mettre de la pression sur le tribunal pour qu'il soit très explicite
là-dessus.
M. Forget: C'est ça.
M. Parizeau: Si on mettait: "L'indemnité doit tenir compte
explicitement de tout montant nécessaire au moment de l'expropriation
pour satisfaire..." Cela veut dire que le tribunal doit sortir un montant, ce
qu'il peut faire d'ailleurs. Tout à l'heure, je raisonnais dans
l'optique de la première indemnité et je disais: On peut nous
forcer à un exercice comptable pas futile, mais faux.
M. Forget: Non, cela n'a pas d'intérêt à ce
moment-là.
M. Parizeau: Cela n'a pas d'intérêt. Au niveau du
tribunal, il peut le savoir et l'idée, c'est de faire en sorte qu'il en
tienne compte explicitement. Je pense que c'est une instruction qu'on peut
donner au conseil sans les aspects républiques de bananes dont je
parlais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il nous dise: Pour
satisfaire aux normes, voici quel montant on a retenu.
M. Forget: Cela m'irait.
Le Président (M. Marcoux): L'indemnité doit tenir
compte explicitement de tout montant...
M. Parizeau: Nécessaire au moment de l'expropriation pour
satisfaire complètement...
Le Président (M. Marcoux): De tout montant
nécessaire au moment de l'expropriation pour satisfaire
complètement aux normes gouvernementales relativement à
l'environnement et à la santé ou à la
sécurité des travailleurs en vigueur à ce moment.
Est-ce que l'amendement sera adopté?
M. Parizeau: Un petit instant. J'ai des avis juridiques du
"vice-consul auriculaire".
Le Président (M. Marcoux): Nous suspendons la
séance pendant quelques minutes.
Suspension de la séance à 18 h 2
Reprise de la séance à 18 h 4
M. Bérubé: M. le Président, concernant un
amendement que nous avions gardé en suspens relativement à
l'article 38, est-ce qu'il serait possible pendant que nos légistes
approfondissent...
Le Président (M. Marcoux): On va revenir à
l'article 27, d'abord. Je pense qu'il y a... L'article 27. Vous avez un projet
d'amendement.
M. Parizeau: Est-ce qu'il y a des copies de l'article 27?
M. le Président...
Une Voix: Un instant!
M. Parizeau: On va distribuer las...
Le Président (M. Marcoux): D'abord, il faudrait disposer
de l'amendement à l'article 27 qui a été proposé
par le député de Saint-Laurent. L'amendement est
rejeté.
M. Forget: Je le retire, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Le nouvel amendement
proposé par le ministre des Finances...
M. Forget: Je pense qu'on nous présente une formulation
qui est valable.
Le Président (M. Marcoux):... à l'article 27, se
lirait comme suit: Remplacer le premier alinéa de l'article 27 par le
suivant: "Si le propriétaire antérieur fournit à la
société dans les soixante jours de la signification de l'avis
d'expropriation un affidavit contenant le nom et l'adresse de tous les
créanciers ainsi que le montant et la nature de la créance se
rapportant aux biens expropriés, la société assume
jusqu'à concurrence de l'indemnité le paiement des dettes en
résultant et se rapportant à ces biens."
Une Voix: Adopté.
M. Parizeau: Cela correspond à l'esprit de ce qui avait
été discuté ce matin.
M. Forget: C'est cela.
M. Parizeau: II est entendu cependant que, si pour une raison ou
pour une autre, le propriétaire il faut bien comprendre le sens
de l'amendement ne fournit pas d'affidavit, l'indemnité est
payable, mais il n'y a pas de créance assumée.
M. Forget: C'est cela, parfait.
Le Président (M. Marcoux): L'article 27 tel
qu'amendé est adopté?
Une Voix: Adopté. M. Forget: Adopté. Le
Président (M. Marcoux): L'article 38?
M. Bérubé: M. le Président, il s'agissait
d'un article que nous avions gardé en suspens pour avoir un avis
juridique concernant une possibilité d'amendement, amendement dans le
sens où nous aurions défini des conditions de huis clos. Le
député de Saint-Laurent avait craint qu'étant donné
que le conseil pouvait décider du huis clos qu'il puisse y avoir
éventuellement des décisions allant à l'encontre d'un
droit du public à l'information.
Essentiellement, j'avais montré une certaine réticence
à un tel amendement, dans la mesure où toute spécification
des conditions d'un huis clos aurait pu être arguée par une des
parties pour vice de forme, advenant une contestation du jugement. De fait,
pour vérifier, j'ai donc demandé une opinion juridique sur le
sujet. Effectivement, tel que rédigé, et en faisant appel
à la Loi d'interprétation, c'est-à-dire à l'article
51, où il dit que, chaque fois qu'il est prescrit qu'une chose sera
faite ou doit être faite, l'obligation de l'accomplir est absolue, mais
s'il est dit qu'une chose pourra ou peut être faite, il est facultatif de
l'accomplir ou non. Donc, dans le cas présent, nous avons laissé
le conseil parfaitement libre de décider ou non.
Il semble que vouloir restreindre la portée du présent
article au seul cas de la confidentialité, ce que le
député de Saint-Laurent avait proposé, c'est-à-dire
que, dans le cas où dommage pourrait résulter de la divulgation
en public de certains secrets de l'entreprise, à ce moment, le conseil
pourrait décréter le huis clos. Donc, l'introduction d'une telle
clause de confidentialité poserait des problèmes
d'interprétation, puisqu'il va de soi que la partie en désaccord
pourrait toujours invoquer la confidentialité des données qui
seront discutées et, par conséquent, pourrait rendre assez
difficile la décision par le conseil, d'autant plus qu'une telle
décision pourrait, à ce moment-là, être
contestée en vertu même de la loi.
On doit également constater que, tout au plus, lie-t-on le huis
clos à l'intérêt de la morale ou à l'ordre public,
en général. Donc, on reste très général,
très vague, quant aux conditions devant entourer le huis clos, justement
parce que de telles conditions pourraient facilement invalider toute
décision du tribunal, advenant un huis clos décrété
qui n'aurait pas reçu l'approbation des deux parties. Pour cette raison,
il me semble préférable de ne pas ajouter de conditions au
présent article et de laisser finalement au conseil d'arbitrage le soin
de décider du huis clos, de manière à ne pas ajouter de
conditions pouvant amener l'invalidation de la décision du juge.
Le Président (M. Marcoux): L'article 38 sera donc
adopté.
M. Forget: Je suis sensible à ces arguments, M. le
Président; il nous reste seulement à espérer que le
conseil ne se sentira pas obligé, dès qu'il en recevra la demande
d'une des parties, de décréter le huis clos. Encore là, je
pense qu'on remet notre sort entre les mains du conseil d'arbitrage de bien des
façons, alors, on n'en est pas à une façon près. Je
pense bien qu'on pourrait peut-être lui donner pleins pouvoirs dans ce
domaine aussi.
Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 38 est-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): Nous revenons donc au
paragraphe 44 et au projet d'amendement qui était présenté
par le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je vais simplement voir si
les conciliations sont faites.
M. Laplante: M. le Président, en attendant qu'il ait
fini.
Le Président (M. Marcoux): Non, nous sommes rendus
à l'article 44. Nous allons continuer dans l'ordre.
M. Parizeau: 45, 46... il y a un certain mérite à
les amener à se brancher... oui, laissez donc... si je comprends bien,
d'ailleurs, l'esprit de la chose. Je suggérerais, M. le
Président, la reformulation suivante. Je m'excuse, on n'en a pas de
copie, mais...
Le Président (M. Marcoux): Cela sera plus simple de la
lire tranquillement.
M. Parizeau: Plutôt que de faire l'amendement à
l'article 44, on ajouterait un deuxième alinéa à l'article
45...
Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous nous le lire tout
de suite?
M. Parizeau: ... qui se lirait ainsi: "Dans le calcul de
l'indemnité, on doit, cependant, tenir compte explicitement des
investissements nécessaires pour respecter les normes relatives à
l'environnement et à la santé ou la sécurité des
personnes liées à l'exploitation des biens expropriés. "
Donc, le juge...
M. Forget: Et en vigueur au moment de l'avis, peut-être,
pour éviter des confusions s'il y avait jamais des changements pendant
la période. Il s'agit de les tenir responsables au moment où
l'avis est donné.
Une Voix: Cela se pourrait peut-être.
M. Bérubé: Pour les normes en vigueur, le
problème est que, certainement, elles ne vont entrer en vigueur qu'en
1980 et 1981.
M. Forget: Alors, il s'agirait...
M. Parizeau: A partir du moment où le juge... Au fond, si
je comprends l'esprit de la proposition qui a été faite par le
député de Saint-Laurent, il veut que le juge discute
explicitement de cette question et dise: Moi, dans mon évaluation, j'ai
affecté tel montant ou tant de dollars par action pour tenir compte de
la mise en place de ces normes. Cela me paraît respecter...
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pourriez
répéter pour que je puisse le prendre en note? Je n'ai pas eu le
temps de tout noter.
M. Parizeau: "Dans le calcul de l'indemnité, on doit
cependant tenir compte explicitement des investissements nécessaires
pour respecter les normes relatives à l'environnement et à la
santé ou la sécurité des personnes liées à
l'exploitation des biens expropriés."
M. Grégoire: M. le Président, je voudrais poser une
question. Justement dans le cas des normes à respecter dans les mines et
les usines, on a établi une règle en 1977 ou 1978 qui dit: II
faudra que vous ayez satisfait à ces normes en 1981. On exproprie en
1979. En 1979, la compagnie n'était pas obligée d'avoir
terminé ses travaux et, souvent, tant que les travaux ne sont pas
terminés, les normes ne sont pas respectées. A ce
moment-là, la compagnie peut dire: En 1979, je n'étais pas tenue
à ce que mes usines ne dégagent pas plus de deux fibres par
centimètre cube. J'étais tenue à cela en 1981. Donc, vous
ne pouvez pas me déduire quoi que ce soit sur l'indemnité
à laquelle j'ai droit, parce que je ne devais avoir respecté mes
normes qu'en 1981, même si la loi avait été votée en
1977.
M. Brochu: C'est cela, c'est exact.
M. Grégoire: Est-ce qu'on laisse au tribunal, à ce
moment-là, le soin d'apprécier: Pour faire ces travaux dans les
autres mines, cela a pris quatre ans, vous n'en avez pas fait du tout? Est-ce
qu'on ne s'embarque pas dans... (18 h 15)
M. Parizeau: Non, ce qu'on force le tribunal à faire, je
pense, c'est de dire: La compagnie aurait dû, de toute façon,
procéder à tel type de travaux d'ici à 1981. C'est une
obligation juridique qui lui était faite. Comme tribunal d'arbitrage,
nous éva- luerons la valeur d'aujourd'hui, la valeur actuelle, de ces
travaux à faire pendant deux ans à tel montant et, alors que nous
étions prêts à donner X dollars par action, c'est X dollars
moins Y dollars que cela représente. En somme, nous ne disons pas au
tribunal: Voici comment vous allez les évaluer, mais vous allez dire
explicitement quel montant vous avez mis. C'était bien cela, au fond, le
sens de l'amendement.
M. Forget: C'est bien cela et je pense que cela répond
à la question du député de Frontenac qui était
aussi la question que j'allais poser, parce que dans le fond la valeur de ces
actifs physiques est aujourd'hui moindre, même si on a donné ce
délai. Le délai est à l'avantage de la compagnie, tant
qu'elle demeure propriétaire. Mais elle ne doit pas être une
espèce de chose qu'elle peut monnayer en quelque sorte; c'est un
délai qu'elle ne peut monnayer.
M. Parizeau: Qui est de nature juridique et les...
M. Forget: C'est ça.
M. Parizeau:... dépenses qu'elle fera en 1980 ou 1981, ont
une valeur aujourd'hui, avec un taux d'escompte.
Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 44 sera
adopté sans amendement, c'est-à-dire qu'on a retiré
l'amendement du député de Saint-Laurent et on revient au
paragraphe...
M. Forget: C'est-à-dire qu'il y en avait deux dont le
premier a été déjà rejeté.
Le Président (M. Marcoux):... on l'avait
rejeté.
M. Forget: D'accord, je le retire et j'accepte l'article 45 avec
l'amendement suggéré par le ministre.
Le Président (M. Marcoux): L'article 45 adopté avec
amendement. L'article 46.
M. Forget: Adopté.
Une Voix: 47 n'est pas adopté.
Le Président (M. Marcoux): On est rendu à 46.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Marcoux): II y a un amendement qui s'en
vient.
M. Bérubé: M. le Président, nous aurions un
amendement de nature fiscale, étant donné la très grande
compétence de mon distingué collègue des Finances dans ces
questions; je vais le laisser le défendre.
Le Président (M. Marcoux):... paragraphe 46.
M. Parizeau:... à la deuxième ligne de la page 7,
on dit: "de cette loi qui était applicable au moment de". On le remplace
par "en vigueur, au moment de". Après ça, il y a un changement
que je ne comprends pas.
Au 46, je m'excuse, M. le Président, je pensais que cela avait
déjà été passé, si bien que ça
explique les consultations de dernière minute. Donc, à l'article
46, le premier paragraphe est exactement le même que le premier
paragraphe de l'article 46, sauf que "applicable" dans l'avant-dernière
ligne du premier paragraphe de l'article 46, "applicable" est remplacé
par "en vigueur".
D'autre part, tout le reste de l'article 46 est remplacé par ce
que nous avons devant nous, c'est-à-dire le paragraphe qui commence par
"toutefois".
M. Forget: Le choix prévu par l'article 406 est de
réinvestir dans un délai donné le produit de cette
expropriation dans une autre entreprise analogue? De quel choix s'agit-il?
M. Parizeau: II s'agit essentiellement de ceci, c'est qu'on
prévoit dans le deuxième alinéa aux fins du calcul de
l'indemnité l'impôt qui serait payable dans l'année
d'expropriation et les années subséquentes et celui qui
résulterait du transfert des biens à une autre corporation., si
la société Asbestos pouvait faire le choix prévu à
l'article 406 de la loi sur les impôts et à l'article 85 de la Loi
de l'impôt sur le revenu. On traiterait Asbestos sur le plan fiscal
exactement comme si la vente aux fins de cet article avait
été faite de gré à gré. On lui permet de
rouler. Dans ce sens, cela ne lui est pas préjudiciable, mais cela
clarifie les choses.
M. Forget: En lui permettant de rouler, cela lui permet de ne pas
être imposée sur le gain de capital?
M. Parizeau: Ah! non, pas nécessairement. C'est simplement
aux fins de l'indemnité, du calcul de l'indemnité.
M. Forget: Je comprends...
M. Parizeau: Cela ne veut pas dire que sur le gain de capital on
ne sera pas taxé comme tout le monde.
M. Forget: Non, mais l'indemnité, étant
calculée en fonction d'une situation financière donnée, le
roulement permet, justement, de ne pas payer le gain de capital, en le taxant
par ailleurs.
M. Parizeau: En le taxant par ailleurs, c'est cela, on s'entend
bien.
M. Forget: Oui, oui.
M. Parizeau: D'accord, c'est seulement sur la façon du
calcul de l'indemnité.
M. Forget: Je comprends, ceci n'abroge pas la Loi des
impôts.
M. Parizeau: Non, non.
M. Forget: ... des finances. Mais on fait comme si ce paiement,
en le faisant rouler, justement, permettait d'évaluer, de faire la
cotisation aux fins d'impôt sur le gain de capital. Ceci se trouve, dans
le fond, à permettre... pour le calcul de l'indemnité, on estime
que la situation financière de la société Asbestos est
meilleure qu'elle pourrait effectivement être, si elle ne fait pas ce
choix en vertu des articles 406 et 85.
M. Parizeau: Je ne pense pas qu'on puisse tirer cette conclusion.
Cela roule, mais dans l'intérêt de qui?
M. Forget: Cela doit être dans l'intérêt de la
société Asbestos qui dispose d'un délai, je pense, pour
faire ce roulement d'actifs. Non?
M. Parizeau: Non, c'est l'année 1979. Or, l'année
1979 n'étant pas terminée... On va présenter des
explications, je pense que cela serait presque plus utile. 406 permet à
un contribuable qui exerce une entreprise seul de transférer ses biens
dans une corporation en ne réalisant pas ses actifs. Ici, l'effet de
l'amendement, c'est de donner au gouvernement la possibilité de
minimiser sur l'indemnité les impôts que cela coûterait,
parce qu'ici la société Asbestos ne peut pas rouler. Alors, les
impôts qu'elle paierait seraient très élevés. En
présumant que c'est un roulement, on se trouve à diminuer
l'indemnité en réduisant effectivement le montant des
impôts.
M. Forget: C'est cela. Je pense que j'avais bien compris. On
diminue le montant des impôts parce qu'il n'y a pas de
réalisation. Comme il n'y a pas de réalisation, la
société Asbestos est réputée, pour les fins du
calcul de l'indemnité, être dans une situation relativement
avantageuse. Comme la Loi de l'impôt n'est pas modifiée, il n'est
pas dit, par ailleurs, pour d'autres fins que le calcul de l'indemnité,
qu'elle ne sera pas tenue, effectivement, de payer...
M. Parizeau: Cela, c'est clair.
M. Forget: ... le gain sur la réalisation.
M. Parizeau: Cela, c'est tout à fait clair.
M. Forget: II y a évidemment là une situation assez
curieuse parce qu'on dit: Ecoutez, quand il s'agit de vous payer
l'indemnité, on va prétendre qu'on ne vous force pas à
faire une réalisation et qu'on n'ira pas vous chercher un impôt
sur le gain de capital que vous réalisez ainsi, mais, par ailleurs,
quand il s'agit de vous imposer, on va vous traiter comme ne faisant pas de
roulement, parce que ce n'est pas permis par la Loi de l'impôt dans ce
cas d'expropriation, ce n'est pas envisagé par la Loi de l'impôt,
donc on va vous imposer sur le gain de capital.
De la part du propriétaire antérieur, est-ce qu'on n'est
pas en droit de dire: Evidemment, c'est le gouvernement, il fait les lois, il
négocie, alors, il est dans une situation extrêmement avantageuse
pour se faire plaisir des deux façons?
M. Parizeau: Non, je ne pense pas.
M. Bérubé: J'avais l'impression que vous vouliez,
en général, qu'on paie moins cher.
M. Forget: Oui, mais il reste qu'il s'agit... Je veux bien
croire, mais dans un cas comme celui-là, je me soucie également
de ce qu'on peut dire de la manoeuvre.
M. Parizeau: Je pense qu'il faut être logique. On a dit
tout à l'heure: Ce qu'on demande au tribunal, c'est d'évaluer la
juste valeur marchande. On dit: La juste valeur marchande, un des
critères fondamentaux, c'est la valeur d'un vendeur qui n'est pas tenu
de vendre et d'un acheteur qui n'est pas tenu d'acheter. Si c'est cela qu'on
utilise pour déterminer la juste valeur marchande, il faut que, sur le
plan des impôts, on adopte le même critère, n'est-ce pas?
Introduire le principe du roulement ne fait que confirmer la définition
qu'on donnait de la juste valeur marchande.
En ce qui a trait au traitement fiscal du gain de capital, c'est une
toute autre paire de manches. La Loi des impôts ne va pas être
suspendue.
M. Forget: C'est logiquement distinct, c'est impeccable sur le
plan logique.
M. Bérubé: Cela aide, si vous me permettez, M. le
député.
M. Forget: Cela aide aussi, cela aide le gouvernement du
Québec. La question que je posais, c'est: Est-ce que, outre l'avantage
pour le gouvernement du Québec, d'une telle façon de calculer les
choses au double avantage du Québec diminue l'indemnité et
produit un rendement fiscal? Est-ce que ce n'est pas, à la limite, un
comportement qui pourrait être taxé de l'équivalent de
dicter au tribunal d'arbitrage une décision qui n'est manifestement pas
la décision la plus juste? Dans le fond, le ministre des Finances a eu
le louable souci de ne rien dicter au conseil d'arbitrage, il faut prendre cela
comme acquis, mais il reste que là, on lui dicte effectivement quelque
chose et on adopte une attitude qui est contradictoire. Quand on administre la
Loi de l'impôt, il y a une réalisation et il y a un impôt
qui est payable; quand on vient faire le calcul de l'indemnité, on dit:
Ecoutez, on va faire comme si on ne vous avait pas forcé à faire
cette réalisation et vous imposer un gain de capital. Il reste que, des
deux côtés, c'est le vendeur forcé qui paie. Cela
équivaut presque sur le plan de la réputation de
l'opération, de son image publique, au moins, à dicter une
indemnité inférieure à celle qu'elle devrait.
M. Parizeau: Ce que je ne vois pas exactement, ici, c'est comment
on pourrait défendre la juste valeur marchande, d'un côté,
l'indemnité basée sur la juste valeur marchande, dans le sens
où on l'a définie tout à l'heure, et dire: Du point de vue
fiscal, quant à la détermination de l'indemnité, on va
vous considérer comme un vendeur forcé. Il est forcé ou il
n'est pas forcé.
Si, dans l'évaluation de la juste valeur marchande, on le
considère comme un vendeur non forcé, il faut bien que du point
de vue fiscal du même calcul de l'indemnité, ce soit un mandat non
forcé, aussi.
M. Forget: Sur le plan logique, le ministre des Finances a tout
à fait raison, M. le Président, et je ne l'attaque pas du tout
là-dessus; d'ailleurs, je ne l'attaque pas du tout, je pense qu'il
veille admirablement, dans ce cas-ci, aux intérêts du fisc
québécois, mais je me dis: On peut avoir tort malgré la
logique, sur un plan du tableau que cela projette, d'une espèce
d'incohérence non pas une incohérence logique, bien
sûr, en fonction des lois, c'est comme cela que ça doit
s'appliquer mais une incohérence d'attitude où on prend
une logique pour déterminer la juste valeur marchande en disant: On fait
comme s'ils n'étaient pas forcés, et quand il s'agit de faire
l'imposition, on dit: Là, ils sont forcés, alors on va les
imposer comme s'ils étaient forcés.
Il reste que l'illogisme existe au moins à ce niveau. Il n'y a
peut-être pas de façon de le résoudre, à
l'intérieur, justement, du concept de juste valeur marchande qui, dans
la mesure où il y a expropriation, finalement, est une fiction juridique
commode, mais une fiction juridique qui contredit la réalité. (18
h 30)
M. Parizeau: Mais je dirais que cela pourrait être bien
pire si on était muet quant au traitement fiscal.
M. Forget: Oui, cela accroîtrait l'incertitude de toute
l'opération.
M. Parizeau: De toute l'opération.
M. Forget: Sans aucun doute. M. le Président, je pense que
le gouvernement décide de le faire comme cela et on ne plaidera pas avec
lui, parce qu'il a tout à fait raison. On a toujours plaidé pour
que ce soit limité plutôt vers le bas que vers le haut, mais il
serait tout aussi... D'abord, c'était mystérieux pour la plupart
des gens qui ont lu l'amendement. Maintenant qu'on a su ce que cela voulait
dire, je pense qu'on doit le laisser là, accepter l'amendement et
l'approuver quant à...
Le Président (M. Marcoux): En fait, c'est proposé.
Je pense qu'il vaudrait mieux lire le début: Remplacer le paragraphe 46
de l'article 1 de ce projet par le suivant. Est-ce que vous êtes
d'accord? Parce que le début est: Remplacer l'article 46 ajouté
par l'article 1 de ce projet. Je
pense que c'est... Cela va? Alors, le paragraphe 46 tel qu'amendé
est adopté?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Le nouveau paragraphe.
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): 48?
M. Forget: Approuvé, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): L'article 48 est adopté.
47 l'était déjà.
La commission a complété l'étude article par
article...
M. Laplante: Je propose l'article global, l'article 1, parce que
le premier paragraphe n'est pas adopté.
Le Président (M. Marcoux):... du projet de loi 121.
M. Laplante: M. le Président, il faudrait adopter
l'article 1 au complet, parce que le premier paragraphe, qui annonçait
l'article, n'a pas été adopté.
Le Président (M. Marcoux): L'article 1 est-il
adopté?
Une Voix: Adopté.
M. Forget: Sur division, M. le Président. Il y a assez de
composantes qu'on a adoptées sur division pour faire la même chose
sur l'article général.
M. Laplante: Tout de même, cela a été l'une
des plus belles journées. Les questions qu'on a posées ont
été instructives pour nous. Cela a été bien
agréable.
M. Forget: Un peu rapide, mais...
Le Président (M. Marcoux): La commission des richesses
naturelles a complété l'étude article par article du
projet de loi no 121. Je demanderais au rapporteur de faire part de nos travaux
à l'Assemblée nationale. Le projet de loi 121 a été
adopté avec amendements.
Des Voix: Adopté.
Fin de la séance à 18 h 34