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Régies gouvernementales
Politique salariale
(Dix heures et dix minutes)
M. GRENIER (président): A l'ordre!
Alors, peut-être certaines recommandations au tout début ou
quelques notes. Nous avons l'article 429: « Ni les étrangers, ni
les députés qui ne sont pas membres d'un comité
spécial ne peuvent, sans l'autorisation du comité ou de la
Chambre, adresser la parole au comité ou poser des questions à un
témoin qui dépose devant le comité. »
M. LAPORTE: M. le Président, je demande immédiatement,
avec votre permission, que tous les députés, membres de
l'Assemblée législative, qu'ils soient ou non membres du
comité, soient autorisés à adresser la parole devant ce
comité.
M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai aucune objection à
ce que les membres du comité et les autres députés qui
sont présents, représentants du peuple au même titre que
nous et qui n'ont pas, comme on le sait, suivant la règle, le droit de
vote à la Chambre ou au comité soient autorisés à
adresser la parole devant le comité, lorsque les exposés auront
été faits, que les interrogatoires auront lieu. J'accepte la
proposition du député de Chambly.
M. LAPORTE: Je remercie le premier ministre et je demande,
deuxièmement, que toute personne qui se présentera volontairement
devant ce comité et qui aura quelque opinion à exprimer sur les
problèmes que nous avons à étudier, soit d'avance certaine
qu'elle pourra être entendue par le comité.
M. BELLEMARE: C'est en vertu de notre règlement, à
l'article 405, et je suis persuadé que nous ne pouvons pas passer
outre.
M. LE PRESIDENT: Très bien.
M. LAPORTE: M. le Président, je m'excuse, le comité peut
certainement passer outre puisqu'il y a deux choses dans ce règlement:
la première partie du règlement dit que, sans la permission de
l'Assemblée législative, un comité permanent n'a pas le
droit de requérir la présence de témoins ou de faire
déposer des documents. La deuxième partie de notre
règlement donne au comité la permission et le règlement
dit « peut ». Etant donné que tout le monde semble bien
d'accord pour que nous fassions toute la lumière sur cette question
très épineuse, je voudrais que d'avance toute personne qui
pourrait avoir des opinions à exprimer, des faits à dire à
ce comité, ait la certitude que si elle se présente devant ce
comité, elle sera entendue.
M. BERTRAND: M. le Président, à la fin des quelques
remarques que je prononcerai, j'indiquerai le mandat qui a été
confié à ce comité. Pour le moment, la demande du
député de Chambly je dois utiliser une expression que
j'utilise depuis quelques jours est peut-être
prématurée. Il s'agira, pour le comité, de décider
si tel témoignage ou telle déclaration ou telle intervention
s'exerce à l'intérieur de la limite du mandat que j'ai
proposé au comité et qui a été accepté
à l'unanimité par les députés de la Chambre.
M. LAPORTE: M. le Président, je regrette de devoir commencer une
réunion de ce caractère par des remarques de procédures
mais je pense qu'il est essentiel que nous établissions bien clairement
sur quel terrain nous allons engager la discussion de ce matin. Si vous
permettez, je n'ai qu'un mot à ajouter à ce que j'ai
déjà dit, je ne parle plus du droit d'entendre les témoins
mais notre règlement dit, si vous voulez le vérifier, que tout
comité permanent de la Chambre n'est pas tenu...
M. GABIAS: Quel article?
M. LAPORTE: Je vais vous citer l'article, ne vous inquiétez pas.
« Tout comité permanent de la Chambre, même s'il a
reçu des instructions de la Chambre, n'est pas tenu de s'en tenir quant
à l'éventail de son travail aux instructions reçues. Il
peut aborder toute question qui normalement relève de sa
compétence. » Si vous voulez absolument savoir quel article...
M. BERTRAND: Je n'ai pas besoin de l'article. Cela suffit pour nous.
Nous allons commencer dans un climat de quiétude! de
tranquillité...
M. LAPORTE: D'accord.
M. BERTRAND: ... de très grand calme et nous allons
procéder par étapes. M. le Président, j'ai l'honneur de
vous demander la parole.
M. LESAGE: Un mot seulement, M. le Président, sur la
procédure de l'Opposition. Cela va se faire sans chicane, sans
difficulté. Je voudrais simplement attirer l'attention
j'espère qu'il est présent du député de
Saint-Jean, président du comité de l'éducation, quant
à la
procédure qui vient d'être adoptée en ce qui
concerne l'octroi du droit de parole aux députés non-membres du
comité. J'espère qu'il a sa leçon ce matin.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. GABIAS: Fantastique!
M. BERTRAND: ... M. le Président, les remarques du chef de
l'Opposition, quant à moi, sont déplacées.
M. LESAGE: D'accord! Je l'ai dit d'avance.
M. BERTRAND: II aurait pu les faire au comité parlementaire de
l'éducation...
M. LAPORTE: Nous l'avons fait, remarquez bien!
M. BERTRAND: II a choisi de les faire ici. Le Président d'un
comité et les membres du comité sont devant ce comité,
disons à la lumière des règlements, les maîtres de
leurs décisions.
M. LESAGE: D'accord, c'est ce que je viens de dire.
M. BERTRAND: M. le Président, je vous demande la parole.
UNE VOIX: Partisane.
M. LE PRESIDENT: M. le Premier ministre.
M. BERTRAND: M. le Président, M. le chef de l'Opposition, chers
collègues membres du comité et chers collègues membres de
l'Assemblée législative, messieurs les représentants du
syndicat de la RAQ, messieurs les représentants du monde ouvrier,
représentants de toute nature qui vous intéressez à ces
travaux importants que nous voulons accomplir au comité, à tous,
quant à moi, bienvenue. Egalement, à tous les membres qui
représentent les média d'information de la presse, de la radio et
de la télévision.
Une courte déclaration. Au terme des ententes signées en
février 1965 entre la Régie des alcools d'une part et ses
syndicats, les conventions collectives étalent en vigueur jusqu'au 31
octobre 1967, c'est-à-dire il y a un an.
Les négociations de renouvellement ont été vraiment
entreprises en février 1968. Le 21 mai, un conciliateur nommé par
le ministre du Travail rencontrait les parties et, le 25 juin, la grève
éclatait.
Je tiens à souligner aux membres du comité que le code du
travail voté à l'unanimité par le Parlement a
été intégralement respecté. Il y a quelques
semaines, il y a eu un vote chez les employés qui ont
décidé de poursuivre une grève déjà longue
de quatre mois. Le gouvernement s'est penché à nouveau sur le
problème et nous avons décidé, je l'ai dit en Chambre,
jeudi dernier, d'agir. Cette action a consisté a convoquer le
présent comité, comité des Régies gouvernementales
à caractère commercial et industriel. Il s'agit d'un premier
geste du gouvernement. Y en aura-t-il d'autres? Chose certaine, s'il doit y en
avoir d'autres, le gouvernement prendra ses responsabilités; le cabinet
formulera ses politiques et le gouvernement les fera connaître en temps
et lieu.
Pour l'instant, il s'agit de faire la lumière sur le
problème soumis. « Avis a été donné que le
comité des Régies gouvernementales à caractère
industriel ou commercial se réunirait mercredi, 30 octobre
aujourd'hui de 10 heures à 1 heure en la salle des comités
de l'Assemblée législative pour étudier la politique
salariale du gouvernement et ses incidences sur la grève de la
Régie des alcools du Québec. » C'est une initiative
nouvelle du gouvernement que de soumettre une de ses politiques
générales, en l'occurence la politique salariale et ses
conséquences, à l'attention d'un comité qui siège
alors que nous sommes dans une situation de conflit.
Aussi, la prudence avec laquelle nous agissons est-elle, nous le croyons
honnêtement légitime. Nous sommes assurés que les membres
du comité reconnaîtront que le temps n'est pas et je me
l'applique comme aux autres à la démagogie mais à
la rationalité. Il est à l'examen sérieux, serein et
objectif d'une situation difficile au sein de ce comité qui nous
paraît l'endroit approprié pour aller au fond du
problème.
Pourquoi un examen de la politique salariale du gouvernement et de ses
incidences sur la grève de la RAQ? Parce qu'il nous est apparu, par les
renseignements que le ministre de la Fonction publique,
délégué du cabinet délégué
à l'époque où mon prédécesseur était
premier ministre, délégation que nous avons, nous les membres du
nouveau gouvernement, entérinée -...les renseignements que ce
ministre, l'honorable M. Masse, a reçus régulièrement et
qu'il a communiqués aux membres du cabinet, établissent que le
noeud du problème dans le présent conflit était la
politique salariale et ses applications. Depuis quelques mois, dans les
journaux, par suite de déclarations de part et d'autre, des questions
ont été posées, des réponses
ont été données, des opinions ont été
émises, mais il semble que toutes les réponses pertinentes n'ont
pas été apportées.
Ce sera donc le travail du présent comité
d'éclairer et d'informer. Le comité n'est ni une table de
négociation, ni un conseil d'arbitrage. Il n'est donc pas appelé
à prendre de décisions. A chacun ses libertés, à
chacun ses responsabilités. Ici, je le répète, il s'agit
de faire la lumière, de voir la situation réelle, objective, dans
ce conflit. Donc, informations... éclairer informer! Eclairer: mieux
faire connaître ce qui ne l'est pas suffisamment! Nous avons donc
décidé de faire le grand jour, même dans une période
tourmentée; c'est peut-être la meilleure manière de ramener
les situations à la normale. Parce que nous n'avons pas l'intention ni
moi, ni mes collègues, ni les membres du gouvernement, ni non plus
je le crois les membres de l'Opposition. Nous n'avons pas
l'intention les uns de gouverner en catimini et les autres de critiquer en
catimini.
M. LAPORTE: Ah, non!
M. LESAGE: Nous n'en avons pas l'habitude!
M. BERTRAND: Nous voulons le faire à ciel ouvert, visières
levées. Le processus démocratique, ordonné,
méthodique, sous notre gouverne va jouer à plein.
Cette réunion, je le sais, en sera un exemple. Dans le domaine
politique, je ne crois pas aux dogmes. Toutefois, nous soumettons et nous
soumettrons que notre politique en matière de salaire, et ses incidences
sur la g`ève de la RAQ, concilie à la fois les
intérêts des travailleurs que nous respectons, et de leurs
familles, et que cela se concilie avec les impératifs du bien commun,
compte tenu d'un devoir que nous devons remplir devant la population du
Québec, compte tenu des impératifs du bien commun, et en
particulier d'une saine gestion des finances publiques. Car, ne l'oublions pas,
c'est le peuple qui, toujours, en assume les conséquences.
M. le Président, voilà la déclaration d'ouverture.
Il était de mondevoir,je crois,de le faire. J'ai dit que le cabinet
avait délégué le ministre d'Etat, M. Masse, pour s'occuper
de ce champ très vaste des relations de l'Etat employeur avec le secteur
que l'on appelle public, fonction publique, etc je n'ai pas besoin
d'entrer dans les détails, vous connaissez très bien cela
et le secteur parapublic. Or, M. le Président, étant donné
que le premier ministre quel qu'il soit ne peut être partout en
même temps il doit partager les responsabilités et
déléguer l'autorité. C'est ce que nous avons fait. Je vous
demande- rais, M. le Président, de bien vouloir, avec la permission de
nos collègues, permettre à M. Masse d'exposer les fondements de
la politique salariale du gouvernement.
De nouveau, à tous, bienvenue, et que cette journée soit
profitable non seulement pour le monde du travail, mais également pour
tous les parlementaires, en vue de bien éclairer l'opinion publique
québécoise. Merci.
M. LESAGE: M. le Président, M. le Premier ministre, mes chers
collègues, mesdames, messieurs. Le premier ministre vient d'exposer
l'attitude du gouvernement en regard de la procédure à suivre
à ce comité, et de l'attitude générale à
adopter. Je voudrais tout de suite l'assurer des excellentes dispositions des
députés de l'Opposition.
Nous n'avons aucunement l'intention de nous servir de ce comité,
certainement pas pour faire de la démagogie, et pas même pour
faire de la politique partisane.
Le premier ministre a déclaré que la situation
était difficile. C'est vrai. Elle est difficile pour tout le monde. Elle
est difficile pour les grévistes, elle est difficile pour la
Régie des alcools, elle est difficile pour le gouvernement et elle est
difficile pour la population en général.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LESAGE: Dans le conflit qui oppose la Régie des alcools et le
gouvernement, d'une part, la CSN et les grévistes des employés de
la Régie des alcools, d'autre part, le résultat des
négociations aura certainement des répercussions sur les
relations de travail, au moins dans le secteur public. Je pense que tout le
monde admet cela.
M. BERTRAND: C'est cela.
M. LESAGE: C'est-à-dire que cela va plus loin que les
résultats de la négociation qui, je l'espère, recommencera
le plus tôt possible. Le résultat aura des effets profonds sur les
relations du travail dans tout le secteur public.
Cette situation difficile, le premier ministre l'a dit, elle est due
principalement à la politique salariale du gouvernement. Je pense que
c'est inutile de nous faire des illusions. C'est là qu'est le noeud du
problème: la politique salariale du gouvernement et ses incidences sur
les salaires, la rémunération des employés de la
Régie des alcools, dans le cas qui nous occupe.
Cette politique salariale du gouvernement, elle est essentielle, je ne
dis pas telle qu'elle
est parce que je ne la connais pas, mais qu'une politique salariale soit
essentielle, je suis parfaitement d'accord. D'ailleurs, je l'ai
déclaré à maintes reprises et je l'ai
déclaré alors que j'occupais une autre fonction que celle que
j'occupe maintenant, alors que j'étais de l'autre côté de
la table.
Encore faut-il la connaître, cette politique salariale. C'est
pourquoi les députés de l'Opposition ont insisté depuis le
début de la session pour que le gouvernement expose dans le
détail sa politique salariale. Le gouvernement a accepté
d'exposé cette politique au comité qui est réuni ce matin,
nous en sommes heureux et nous espérons que cette politique sera
expliquée dans le détail, qu'il ne s'agira pas simplement d'un
cours élémentaire de droit administratif. Nous espérons
que le ministre en charge de la Fonction publique qui est un homme intelligent,
c'est le moins que nous puissions dire de lui,...
M. LOUBIER: II n'est pas laid non plus.
M. LESAGE: ... ira réellement au fond des choses.
M. LAPORTE: Vous aviez dit que vous ne feriez pas de politique
partisane.
M. LESAGE: C'est loin d'en être, M. le député de
Chambly.
M. BERTRAND: Timeo Danaos...
M. MALTAIS (Saguenay): Et « Bona » ferentes.
M. LESAGE: Du côté du gouvernement on dit « et
« Bona » ferentes ».
M. BERTRAND: ... et « Bona »?
M. LESAGE: Et « Bona » ferentes.
M. BERTRAND: Voulez-vous parler de Bona?
M. LESAGE: Non, mais...
UNE VOIX: Le député de Saguenay, lui, dit que c'est
« dona ».
M. LESAGE: Alors, M. le Président, j'espère que le
ministre d'Etat à la Fonction publique nous expliquera d'une
façon pratique le pourquoi des 15% pour trois ans. Pourquoi 7.5% pour 18
mois? Pourquoi 15% plutôt que 12% ou 18%? Quelles sont les bases du
calcul? Je crois que c'est ça que nous n'avons jamais su. Je pense que
les députés entendront avec intérêt les explications
du ministre et celles du gouvernement, par sa voix, sur ce point.
Je suis sur, parce que le ministre l'a dit, le premier ministre me l'a
dit également, que, par la suite, le ministre nous expliquera comment
cette politique salariale s'applique dans le cas qui nous préoccupe ce
matin...
M. BERTRAND: C'est ça.
M. LESAGE: ...qu'il y aura des comparaisons de salaires de faites non
seulement pour des fonctions similaires dans la Fonction publique et dans le
secteur privé ici au Québec, mais des comparaisons de faites avec
les salaires payés pour des fonctions équivalentes à la
Régie des alcools, dans les «liquor boards» des autres
provinces, comme par exemple l'Ontario, la Colombie canadienne, le Manitoba,
etc.
C'est alors que nous pourrons réellement ê-tre
éclairés. Et, par-delà nous, l'opinion publique pourra
être éclairée et sera en mesure de se former un
jugement.
Je pense que c'est important. Le premier ministre a dit qu'il
était du devoir du gouvernement, en appliquant la politique salariale,
de concilier l'intérêt des travailleurs avec les impératifs
du bien commun, d'accord. Cela veut dire que le gouvernement a un jugement
à porter dans ce domaine. Je suis sûr que les expressions
d'opinion qui viendront des membres du comité, de même que des
personnes qui connaissent bien le problème et qui seront en mesure de
nous éclairer, eh bien, pourront influencer le gouvernement dans la
décision qu'il aura à prendre.
Il est clair que nous ne sommes pas ici à une table de
négociation. C'est clair. Je pense que nous sommes ici à un
«fact finding committee», c'est le processus démocratique
parlementaire que nous connaissons. C'est de cette façon que, nous ici
au Canada et dans le Québec, nous croyons que nous pouvons le mieux
vivre la démocratie. C'est l'exercice auquel nous nous appliquerons ce
matin et au cours des séances à venir. Il est bienvenu et, quant
à nous, c'est avec sérieux, avec objectivité que nous
voudrons tenter d'apporter notre modeste apport à la solution possible
de ce conflit qui a trop duré, puisque nous en sommes aujourd'hui
à quatre mois et quatre jours de grève.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Lesage. Alors, tel que convenu et
demandé par le chef de l'Opposition et le premier ministre, M. Masse va
expliquer la politique salariale du gouvernement. M. Masse.
M. MASSE: M. le Président, à la demande du premier
ministre, je vais justement expliquer la question. Il est dans l'habitude des
avocats de plaider debout et dans celle des enseignants de plaider assis.
Alors, si vous me le permettez, je vais rester à l'intérieur de
ma profession.
M. LESAGE: Surtout quand je vois le paquet de documents que vous avez
devant vous, je pense que ce serait...
M. MASSE: M. le Président, je suis parfaitement d'accord avec et
le chef de l'Opposition et le gouvernement sur le déroulement de la
manoeuvre au comité. Nous ne sommes pas ici à une table de
négociation, mais nous sommes ici pour connaître, le plus au fond
possible, l'ensemble de la politique et de ses incidences, dans le domaine
salarial, pour le gouvernement.
Je suis parfaitement d'accord, également, sur les étapes
que nous devons franchir pour arriver à la compréhension la plus
totale possible. J'ai noté, de l'exposé du chef de l'Opposition,
ces é-tapes avec lesquelles je suis parfaitement d'accord et que je
résumerai ainsi: D'abord poser le problème dans ses principes
pour l'ensemble de l'élaboration de la politique salariale puis, la RAQ
à l'intérieur de ce système et puis, troisièmement,
la RAQ comme telle.
Ces différents exposés, parce que ce seront
différents thèmes, ne devront pas se dérouler
nécessairement dans le premier exposé que je ferai, si on veut
pouvoir en discuter étape par étape. Nous commencerons donc, avec
votre permission, par un exposé de principes généraux de
la politique salariale du gouvernement pour l'ensemble des négociations
puis la RAQ dans ce système et finalement la RAQ comme telle.
J'espère que ce ne sera pas un cours élémentaire de
droit administratif, mais que de plus en plus nous nous dirigerons, au fur et
à mesure de nos discussions, de vos questions, vers des faits de plus en
plus concrets pour pouvoir comparer les manutentionnaires ou d'autres postes
dans la RAQ comme telle.
Vous n'ignorez pas, M. le Président, que le gouvernement du
Québec est de loin le plus important employeur du Québec puisque,
relié directement ou indirectement à son budget, soit par son
budget comme tel pour ses propres fonctionnaires, soit par
l'intermédiaire de subventions versées à des institutions
dans le domaine hospitalier, dans le domaine scolaire, dans le domaine de
raffinerie de betteraves à sucre, dans le domaine de
l'Hydro-Québec ou dans d'autres domaines, ce qui touche plus ou
près de 250,000 employés dans ces secteurs directement publics ou
parapublics.
Cet aspect de la gestion des choses de l'Etat a pris, depuis quelques
mois, un important relief dans l'actualité pour, à mon avis, deux
raisons. C'est que le gouvernement a fait de cette question une question de
politique gouvernementale, avec de plus en plus une structure administrative
pour discuter et pour appliquer cette politique gouvernementale. La
deuxième raison, à mon avis, c'est que nous sommes, cette
année, dans l'année de renouvellement de la quasi-totalité
des conventions collectives avec ces personnes, de sorte que nous avons plus de
vingt tables de négociation différentes en vue de conclure ces
conventions collectives de travail.
Il faut souligner que, dans plusieurs cas, ces négociations ont
été commencées et ont été même
terminées par des signatures de convention. Ainsi, je vous le rappelle
pour la compréhension du problème, que nous avons signé la
convention collective avec les fonctionnaires à l'emploi de l'Etat, avec
les professeurs des écoles techniques et des écoles normales,
enfin, les écoles de l'Etat, le groupe de SPEQ. Nous avons
également, en collaboration avec d'autres secteurs,
négocié les conventions collectives dans les collèges
classiques, avec le syndicat de SPE. Nous avons signé la semaine
dernière et j'en ai informé le Parlement la
convention collective avec les agents de la paix, et d'autres conventions
collectives. D'autres sont nécessairement en cours, en particulier,
trois conventions importantes, celle du secteur hospitalier, la convention
collective avec les enseignants à l'emploi des commissions scolaires et
également la négociation dans un secteur de régie, celui
de la Régie des alcools.
Il faut noter que le gouvernement négocie selon deux techniques,
soit qu'il est seul à la table de négociation comme dans le cas
de SPEQ ou comme dans le cas des fonctionnaires, soit qu'il a conclu des
ententes avec les responsables administratifs dans les secteurs
subventionnés, comme par exemple les hôpitaux où la table
de négociation est conjointe; il y a le gouvernement et les
administrateurs des hôpitaux. Il en a été de même
pour la question de l'enseignement des commissions scolaires. La table est
conjointe, les commissions scolaires catholiques et les commissions scolaires
protestantes et catholiques anglaises ainsi que le gouvernement. Il y a donc
deux mécanismes de négociation.
Le gouvernement n'a pas entrepris ces négociations au hasard. Il
ne pouvait pas le faire, s'il voulait avoir une politique juste en faveur de
tout le monde y compris les contribuables. Il ne les a pas menées d'une
façon aléatoire. Il a, au contraire, voulu les intégrer
dans un ensemble beaucoup plus vaste et selon certains principes directeurs,
précis et légitimes. Parce qu'il faut égale-
ment être informé que le gouvernement poursuit en
parallèle un autre aspect de sa politique de gérance, dans le
secteur de la gestion du personnel, une politique de refonte quasi
complète de la loi régissant le secteur de la fonction publique.
Ceci nous a amenés à réétudier les structures de
gestion du personnel, ce qui nous a conduit à déterminer, dans le
domaine des négociations, des principes qui sont reliés à
notre politique de gestion du personnel que nous voulons non pas identique
partout mais que nous voulons moderne dans tous les domaines, basée sur
des principes modernes et de gestion donc, également, de clauses
normatives et de clauses salariales dans les conventions collectives.
Il faut, également, je ne dirais pas comprendre mais accepter,
que la politique salariale du gouvernement ne vise pas, quant à nous,
dans le secteur de la fonction publique, à établir une politique
des revenus pour l'ensemble de l'économie québécoise ni
même une politique salariale pour tous les Québécois. Il
n'a jamais été, dans aucun gouvernement au monde, de la
responsabilité de la fonction publique d'établir une politique de
revenus pour l'ensemble des contribuables administrés par ce
gouvernement. Il n'a jamais été dans notre intention de le faire
et ça n'a jamais été dans notre mandat d'avoir cette
responsabilité.
Ce que nous comprenons, quant à nous, par politique salariale
à l'intérieur de notre responsabilité, c'est d'apporter
autant de cohérence possible dans l'établissement des traitements
de ceux dont le niveau de rémunération est directement ou
indirectement relié au budget gouvernemental, donc aux impôts
perçus dans la population.
La politique salariale du secteur public, ce n'est donc pas une
politique salariale pour tous les contribuables. Mais elle se doit d'être
fondée sur un certain nombre de normes, un certain nombre de principes
dont certains relèvent de la justice sociale au même titre que
pourrait relever une politique des revenus pour l'ensemble de la
population.
J'aimerais d'abord vous exposer ces principes, y revenir parce que j'ai
eu l'occasion d'en parler. Je crois que, pour la bonne compréhension du
comité, il faudrait recommencer, pendant quelques minutes, à
revoir ces principes pour que tout le monde les ait à l'esprit dans les
discussions qui vont venir.
Le premier principe, que nous avons mis de l'avant dans
l'élaboration de notre structure de traitements, consiste à
aligner les traitements, à aligner les salaires qu'offre le gouvernement
soit à ses propres tables de négociations, soit dans ses tables
conjointes, sur ceux que versent ou que verseraient les employeurs du
même genre que lui, pour des emplois analogues, compte tenu du reste de
la convention collective, c'est-à-dire des heures de travail et des
conditions de travail, ce qui inclut le nombre de congés statutaires,
les bénéfices sociauxpar assurance-maladie, assurance-vie ou
autres, ce qui inclut également des facteurs qu'on retrouve très
rarement dans le secteur privé, comme par exemple la
sécurité d'emploi qui doit représenter pour un travailleur
un pourcentage de revenu sur longue portée que n'aurait pas un
travailleur dans le secteur privé quin'apas cette assurance à
longue portée pour son revenu.
Nous devons également tenir compte, dans ce premier principe, des
données générales de l'économie du Québec,
aussi bien du budget de l'Etat des sommes que l'Etat doit verser dans un
des postes particuliers de son budget que ce que l'économie verse
en général dans l'entreprise privée pour les postes de
traitement par rapport aux postes des investissements de l'industrie
concernée»
Graduellement, le niveau des traitements, pour un grand nombre
d'employés du secteur public, a atteint ou dépassé ce que
des em= ployeurs du même genre ou ce que l'économie en
général paie pour des emplois analogues. Une des
conséquences évidentes de cette analyse, de cet alignement sur le
secteur extérieur pour des emplois analogues est qu'à certains
endroits il doit y avoir du rattrapage avant d'arriver à appliquer les
normes générales d'augmentation, comme par exemple dans le
secteur des gardiens de prison. Voilà pourquoi, dans la dernière
convention collective que nous avons signée, celle des agents de la
paix, le phénomène de rattrapage était plus important que
dans d'autres conventions collectives, parce que nous considérions que
cette étape qui aurait pu être franchie dans la première
convention collective, mais, pour des raisons que nous n'avons pas, à ce
moment-ci, à discuter nous avons cru que cette étape n'avait pas
été franchie dans le cas particulier des agents de la paix pour
un secteur déterminé, celui des gardiens de prison, nous avons
cru donc dans ce domaine avoir un rattrapage important.
Alors que, au contraire, dans la plupart des autres secteurs,
l'alignement des salaires était, à notre avis,
réalisé, ce rattrapage était fait à l'étape
précédente de la négociation, en particulier dans le
secteur de la fonction publique ou, nous le verrons, au cours de nos
discussions, dans la plupart des cas, dans le secteur de la RAQ, ce rattrapage
était à notre avis réalisé compte tenu de ce
premier principe.
Le second principe peut être formulé ainsi:
A travail égal, salaire égal. Ceci implique donc que les
taux de rémunération les taux de traitement de salaire
seront sensiblement les mêmes pour des emplois qui ont les
mêmes caractéristiques, à l'intérieur de notre
groupe des 250,000. Ainsi, par exemple, la secrétaire au gouvernement,
qu'elle soit secrétaire dans un hôpital, qu'elle soit
secrétaire au ministère de la Justice, qu'elle soit
secrétaire dans un collège d'enseignement, qu'elle soit
secrétaire du gouverneur d'une prison, ou secrétaire ailleurs,
nous croyons que, la fonction étant identique, les exigences d'admission
dans cette fonction étant similaires, et que la
rémunération doit autant que possible être
équivalente.
Par contre, la majeure partie du secteur public n'a pas une
productivité aisément calculable. C'est un des points difficiles
sur lesquels nous nous devons souvent de porter un jugement, étant
donné que les instruments de calcul de la productivité dans le
domaine public en majorité des cas est difficile à
réaliser,... Si bien, qu'il n'est pas possible de
rémunérer des commis qui travaillent pour l'Etat, par exemple, en
fonction de la productivité propre de ce sous-secteur des commis dans un
domaine de telle direction générale où ils sont
embauchés. On ne peut donc pas se servir de la norme de
productivité pour établir notre traitement.
Ce principe ne peut évidemment pas se traduire
instantanément dans les faits en raison des différences
considérables de taux tels qu'ils existaient il y a encore fort peu de
temps.
Par contre la ronde de négociations que le
précédent gouvernement avait entreprise en 1966, que nous avons
continuée à la fin 1966 et au début 1967 et cette nouvelle
série de négociations de 1968, ceci a permis aux deux
gouvernements de réduire les écarts de façon très
prononcée dans ces domaines. Ainsi, alors que l'écart de
rémunération pour des emplois à peu près identiques
avant la première ronde de négociations que le
précédent gouvernement avait entreprise et que nous avons donc
continuée - pouvait atteindre entre 300% et 400% pour des emplois qui
devaient être jugés similaires.
Présentement, à la suite de la première ronde des
négociations, celle que nous avons entreprise et des offres que nous
avons faites là où ce n'est pas encore signé, cet
écart, compte tenu de l'ensemble d'autres facteurs comme les heures de
travail, l'éloignement ou d'autres choses semblables, ne
dépassera pas 20%. Alors, je crois bien que, dans ce domaine, les deux
gouvernements ont réussi une mise en ordre nécessaire qui
était une justice pour les individus qui, eux, avaient des emplois
pratiquement analogues mais, parce qu'ils n'avaient pas la chance de travailler
au même endroit, avaient des écarts qui pouvaient aller de 300%
à 400%.
Un corollaire de ce deuxième principe, c'est la
non-discrimination entre hommes et femmes, puisque nous avons travaillé
afin que, pour des emplois identiques, à travail égal soit
donné un salaire égal, il nous fallait, à plus forte
raison, mettre fin à cette injustice qui était causée
à des gens qui faisaient un travail identique mais qui ne recevaient pas
une rémunération égale, parce que c'était une femme
plutôt qu'un homme.
Dans ce domaine-là, en particulier par le bill 25 dans le secteur
de l'enseignement, nous avons fait un rattrapage d'un seul coup. Un rattrapage
énorme qui aurait pu être fait avant et que, pour des conditions
sociales que vous connaissez comme moi, n'avait pas été fait.
C'était une justice importante à rendre mais elle a
coûté beaucoup en le faisant d'une seule fois.
Hommes et femmes auront donc les mêmes traitements s'ils ont les
mêmes emplois. Dans ce cas, des progrès considérables ont
donc été faits puisqu'il ne restera plus, après cette
ronde de négociations, de discrimation ni dans le secteur de
l'enseignement sur la base des offres actuellement faites par les
commissions scolaires et le gouvernement - et que les quelques cas de
discrimination qui restaient dans les hôpitaux depuis la dernière
convention collective de juillet 1966, seront, à toutes fins pratiques,
éliminés à l'occasion des négociations en cours
dans le secteur, très important, des hôpitaux. Donc,
deuxième principe: travail égal, salaire égal.
Le troisième principe a trait à l'établissement
d'écarts importants de rémunération entre des emplois non
spécialisés et des emplois spécialisés. En d'autres
termes, le gouvernement tient à maintenir des incitations très
importantes par ses traitements, à la spécialisation avant
d'entrer dans les secteurs publics ou au perfectionnement à la suite de
la rentrée dans le secteur public
Certaines des conventions négociées et acceptées il
y a quelques années avaient réduit d'une façon beaucoup
trop nette ces écarts entre les traitements versés aux
spécialisés et aux non-spécialisés.
Dans l'enseignement, à l'Hydro-Québec, à la
Régie des alcools, les négociations avaient eu souvent tendance
à négliger ce facteur de taux de rémunération pour
les emplois spécialisés, soit parce que ces individus,
était au sommet de la pyramide dans l'unité des
négociations, étaient donc moins nombreux, soit parce que
c'est un jugement suggestif - ils étaient moins militants.
II va de soi qu'un gouvernement, quel qu'il soit, serait en propre
contradiction avec sa politique d'enseignement s'il ne consentait pas à
verser des sommes importantes dans le traitement des gens
spécialisés, compte tenu du fait que ce même gouvernement,
par un autre ministère, verse des sommes également
considérables dans le développement de l'enseignement secondaire,
de l'enseignement technique et de l'enseignement supérieur.
Dans l'esprit et dans le portefeuille des individus qui sont
passés par ces secteurs, qui ont donc amélioré leur niveau
de scolarité avant d'entrer dans le secteur public, ou par le
perfectionnement lorsqu'ils sont déjà dans le secteur public, il
faut donc que tout ceci entraîne également des
améliorations dans le niveau de traitement.
Si l'on admet le bien-fondé des investissements de fonds publics
dans le secteur de la formation professionnelle, il est donc, à mon
avis, tout à fait logique, de rémunérer plus un homme de
métier qu'un manoeuvre, de rémunérer plus un technicien
qu'un homme de métier, etc.
C'est en vertu de ce troisième principe que,
systématiquement, au début de l'année lorsque nous avons
établi nos grilles de traitements pour les offres aux tables de
négociation, les offres gouvernementales pour les métiers, pour
les cadres moyens, ou même pour certaines catégories de
techniciens, ont présenté des taux de rémunération
très élevés par rapport à ce qui était
offert à la main-d'oeuvre non spécialisée. Ceci, non pas
en vertu d'un principe de rattrapage, de fonctions plus ou moins identiques
avec le secteur privé ou d'autres secteurs publics, mais à cause
de ce troisième principe de l'augmentation de l'écart de
rémunération entre les spécialisés et les
non-spécialisés.
Ceci, il va sans dire, n'a pas été une politique facile
à suivre. Elle heurte des habitudes enracinées dans
l'élaboration des grilles de traitements, l'habitude étant des
augmentations plus ou moins égales pour tout le monde. Elle n'en est pas
moins, à notre avis, le complément indispensable que nous devons
apporter aux politiques d'enseignement du ministère de l'Education, et
aux politiques d'entraînement d'un futur ministère de la Fonction
publique, d'entraf-nement ou de perfectionnement, pour ses propres
employés.
Si l'efficacité des services publics est désirée de
tous, il faut admettre un certain nombre de postulats fondamentaux, entre
autres la compétence des serviteurs publics. Or, celle-ci s'acquiert
soit par la hausse des exigences à l'entrée dans le secteur
public, exigences qui ont été haussées avec les nouveaux
plans de clas- sification acceptés par le gouvernement en
décembre 1967, et qui ont été également
retouchés dans le secteur hospitalier, retouchés au
ministère de l'Education pour l'entrée des enseignants dans le
secteur de l'Education, et dans les autres domaines.
Hausse de scolarité, donc, avant l'entrée pour
accessibilité au service, également politique de formation par
les différents responsables, soit le ministère de l'Education et
les commissions scolaires pour augmenter le perfectionnement, ceci par des
subventions aux enseignants, ou à l'intérieur même de notre
propre fonction publique, par une politique de perfectionnement
subventionnée par l'Etat. Ceci doit donc toujours se représenter
à notre avis, dans la grille de traitements, par l'augmentation de
l'écart dans les offres de traitements entre les
spécialisés et les non-spécialisés.
Voilà donc le troisième principe qui a apporté des
changements dans les grilles et qui, pour certains, a été
interprété comme du rattrapage. Mais il ne s'agit pas de cette
sorte de rattrapage, c'est de l'augmentation de l'écart.
Le quatrième principe a trait aux écarts régionaux.
Traditionnellement, au Québec, comme aussi ailleurs, nous avons eu une
certaine tendance vers la facilité, une tendance à avoir, dans
les grands centres urbains, des niveaux de traitement nettement
supérieurs à ceux qui se payaient dans les régions
périphériques ou les régions rurales.
Le résultat net de cette politique a été souvent de
drainer, vers les centres urbains, malheureusement, le personnel efficace ou le
plus compétent. Exemple: les infirmières et les institutrices
pourtant requises dans les hôpitaux et dans les écoles des petites
villes ou des petits villages, émigraient ou se sentaient
obligées d'émigrer vers les grands centres urbains pour avoir une
augmentation de traitement, c'est-à-dire une augmentation du niveau de
vie.
Nous avons cru nécessaire et même important de mettre fin
à cette migration continue des talents, mieux formés au point de
vue d'investissements par la scolarisation, vers les grands centres urbains.
Ceci allait contre une autre politique gouvernementale qui est celle de
l'aménagement du territoire pour donner une chance égale à
tous les citoyens, peu importe où ils demeurent.
Nous avons commencé à appliquer ce principe dans le bill
25 et nous avons continué pour l'ensemble de nos tables de
négociations.
Quand il s'agit de services publics, il n'y a, à notre avis,
vraiment pas de raisons pour qu'une telle politique d'écarts
régionaux soit maintenue.
En outre, là, c'est un problème de statistiques. Chacun
peut avoir les siennes. Il est de plus en plus difficile de prétendre
que le coût de la vie dans les régions excentriques soit
nécessairement plus faible qu'à Montréal. Le genre de vie
peut y être différent, mais le coût de la vie, selon le
niveau de vie est souvent aussi élevé, parfois même
davantage dans les régions périphériques.
De toute façon, si nous ne voulons pas dans le domaine du secteur
public, l'hospitalier comme celui de l'enseignement, vider la province pour ne
faire que Montréal et un désert, il fallait, à notre avis,
mettre fin à ces écarts régionaux que nous trouvions dans
la plupart des conventions collectives. C'était, à notre sens,
aller d'une façon dangereuse contre les intérêts de
l'ensemble du territoire.
Dans ces conditions, et conformément à une nouvelle
structure de négociation qui apparaissait pour la première fois,
c'est-à-dire une structure de négociation à
l'échelon québécois, nous avons systématiquement
fait disparaître ces écarts régionaux.
Il est évident qu'antérieurement, il était
très difficile pour un gouvernement quel qu'il soit d'arriver à
appliquer ce principe-là, même si nous avions été
d'accord. Il n'avait comme instrument de négociation que le secteur
public, il n'avait pas de négociations conjointes avec le secteur
scolaire qui négociait au niveau de chacune des commissions scolaires
régionales, et n'avait pas, au niveau du secteur hospitalier qui
négociait avec chacune des administrations, le nombre d'instruments
qu'il s'est donné pour pouvoir appliquer cette politique de disparition
des écarts régionaux.
Par contre, à l'inverse, nous nous devons d'élaborer un
système de primes d'éloignement, compte tenu du fait qu'il y a
quand même certaines zones en périphérie qui posent des
problèmes particuliers, même si ce n'était que Fort Chimo,
de SPEQ au point de vue de l'enseignement, au point de vue du secteur
hospitalier, ou je ne veux pas donner l'ensemble des villes
d'autres régions où il y a réellement un problème
d'éloignement qui causerait des difficultés quand il s'agit de
combler la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée dans ces
régions éloignées.
Donc, tout en faisant disparaître une politique d'écarts
régionaux, nous l'avons remplacée par une politique de primes
d'éloignement. Voilà donc pour le quatrième principe, les
écarts régionaux.
Cinquième principe. Celui-ci a trait à l'organisation des
carrières professionnelles à l'intérieur du service
public. Nous savons tous que, de plus en plus, en agrandissant le secteur
public, une partie importante des employés de l'E- tat est formée
de professionnels, avocats, comptables et autres, pour lesquels une
carrière normale doit être aménagée. Il s'en faut de
beaucoup pour que cela ait été le cas dans le passé. Il
n'y a pas, à notre avis, de raison véritable pour laquelle, par
exemple, une institutrice aurait une ligne de carrière construite autour
de quinze échelons par quinze années, tandis que
l'infirmière était, jusqu'à récemment,
limitée à une très courte échelle, alors qu'on sait
fort bien que le niveau de scolarité, le niveau de formation pour avoir
accès à cette ou ces professions est plus ou moins identique.
Si, autre exemple, le comptable au service du gouvernement pouvait
bénéficier d'un système d'augmentation et d'avancement
organisé à l'intérieur d'un plan de classification dans le
secteur de la fonction publique de l'Etat, le comptable au service d'un
hôpital, avec formation identique et exigences similaires pour entrer,
lui, n'avait rien de semblable.
Il s'agit de faire en sorte que, soit par le régime des
augmentations annuelles sur rendement satisfaisant d'après le jury, soit
selon un processus d'examen annuel ou autres, examen de promotion, des lignes
de carrières soient systématiquement organisées pour
l'ensemble du personnel professionnel dans l'ensemble du secteur public ou
parapublic. C'est-à-dire: comptable à une régionale,
exigences similaires pour entrer, comptable dans un hôpital, exigences
similaires pour entrer, comptable au Revenu, exigences similaires pour entrer,
qu'on retrouve, encore une fois, compte tenu des autres distinctions, un plan
de carrière juste et équitable pour l'ensemble de ces
individus.
Il va de soi que ces lignes de carrières doivent donc être
compatibles d'un secteur à un autre, d'un genre d'institution à
un autre puisque, finalement, c'est toujours, au fond, le même
gouvernement percevant des mêmes contribuables et il doit avoir la
même politique pour les professions semblables. C'était donc le
cinquième principe. Lignes de carrières professionnelles justes
et équitables.
C'est donc autour de ces cinq principes que nous avons mis de l'avant
que vous voyez facilement se dessiner un certain nombre de sous-secteurs
d'idées. C'est autour de ces cinq principes que les offres du
gouvernement ont été faites dans l'ensemble des
négociations que nous avons entreprises dans cette ronde 1968.
Il s'agit là d'une structure facilement recon-naissable et,
lorsque dans un secteur donné, une situation est décelée
et que cette situation est en opposition nette avec l'un ou l'autre des
principes que nous avons énoncés, les administrateurs
gouvernementaux comme les responsa-
bles des syndicats, comme les syndiqués savent maintenant que les
offres du gouvernement, ou les offres avec ces conjoints, tant dans certaines
clauses normatives que dans certaines clauses monétaires, tendront
à corriger la situation que nous avons jugée à l'encontre
de nos principes.
Nous la corrigerons, soit immédiatement par la convention
à négocier, soit par étapes, s'il est difficile pour
toutes sortes de raisons de l'appliquer automatiquement. Il va de soi, qu'en
1966 et 1967, une telle réorganisation de la structure a fait que
certains groupes d'employés ont reçu des augmentations
considérables sous l'étiquette « rattrapage » ou
à l'intérieur de certaines de ces idées, alors que
d'autres recevaient fort peu de chose ou même, dans certains cas, rien du
tout, au niveau de ces sortes de rattrapage.
Il ne faut donc pas s'étonner des difficultés que le
gouvernement, et des difficultés que des dirigeants de certains
syndicats ayant pris leurs responsabilités, ont éprouvées
pour faire approuver des conventions collectives par les individus
intéressés.
Cette réforme en profondeur était, par contre,
inévitable. D'autre part, elle devait être faite le plus
rapidement possible compte tenu des possibilités budgétaires des
années différentes. Si on avait trop attendu pour corriger ces
situations ou si on avait cherché à étendre les
corrections sur un trop grand nombre d'années, les règles
normales de pression, les règles normales d'offres et d'emplois, les
règles normales de négociation auraient probablement
empêché qu'elles puissent un jour être
réalisées. Il faut rendre ici hommage, non pas uniquement
à l'équipe gouvernementale, mais à l'équipe des
dirigeants d'un grand nombre de syndicats, qui ont accepté le
défi de ces responsabilités, qui l'ont expliqué à
leurs membres et qui l'ont fait comprendre, de sorte qu'il nous a
été possible, dans les années précédentes
comme dans cette année, d'appliquer même si c'était
difficile une rationalisation de la structure des traitements
évitant ainsi l'anarchie des négociations qui conduisaient de
toute façon à une destruction importante de l'équilibre
budgétaire de l'administration québécoise.
Cette normalisation des structures correspond à la
première phase de la politique salariale gouvernementale. Elle permet
d'égaliser les conditions de travail, elle permet d'éliminer les
disparités, dans les taux de traitement s'appliquant à des
fonctions comparables, et de mettre de l'ordre dans les échelles de
salaire, en les simplifiant.
C'est ainsi, par exemple, que dans un domai- ne celui de
l'enseignement nous sommes passés, en quelques mois, de plusieurs
milliers d'échelles de traitements à dix, ce qui est
à mon avis aussi juste pour l'enseignement que pour le
gouvernement,,
Cette normalisation ainsi effectuée, il s'agit maintenant
d'entrer dans la deuxième phase qui consiste à réaliser
ces sortes de rattrapage étant exécutées le
relèvement régulier des salaires, au fur et à mesure des
années, c'est-à-dire l'augmentation générale dans
une négociation basée sur le niveau de vie et les autres. Donc,
la deuxième phase de la masse salariale.
Idéalement, une fois terminée la normalisation des
structures dans le sens des principes que nous avons énoncés dans
cette première partie de notre exposé, nous ne devrions plus
avoir qu'à y toucher régulièrement, non pas à
l'intérieur de la structure mais uniquement par l'augmentation
générale. Il suffirait donc d'appliquer d'année en
année un taux d'augmentation approprié et cela réglerait
toutes les autres négociations. Evidemment, ce serait beaucoup trop
simple, pour des raisons qui tiennent à des pénuries, à un
moment donné dans certains emplois, soit parce que l'emploi continue
mais que le nombre de personnes formées diminue, soit au contraire parce
que l'emploi est nouveau et que le nombre de personnes formées est
restreint. Exemple de ce deuxième secteur: l'informatique. La demande du
gouvernement dans le secteur public pour des spécialistes en
informatique est élevée et le nombre d'individus formés
dans le secteur de l'informatique est réduit, compte tenu du fait que
cela commence.
Donc, pour un ensemble de raisons, il y a, à un moment
donné, pénurie pour certains emplois, ou bien, il y a une
modification apportée dans l'administration gouvernementale par une
décision soit d'une nouvelle loi qui introduit de nouveaux principes ou
soit tout simplement par un réaménagement administratif de
ministères, ou soit encore de nouveaux programmes gouvernementaux. Pour
toutes ces raisons et quelques autres que vous devinez nous
pouvons avoir à ajuster, de temps à autre, la structure
même des salaires à l'intérieur d'une
négociation.
Néanmoins, à partir du moment où, en
général, la structure des traitements a été
normalisée, le principal objet des négociations devient quand
même le rythme annuel d'augmentation des salaires.
On suppose, évidemment, que le niveau de la structure n'implique
plus le rattrapage généralisé ayant été fait
soit à la première ronde
de négociations ou soit à l'intérieur de nos cinq
principes.
Ce qu'il s'agit donc de déterminer, deuxièmement, c'est le
rythme de croisière des augmentations. Dans le secteur privé, on
cherche à déterminer l'augmentation générale des
traitements à partir d'un double critère qui est celui, d'une
part, de l'augmentation du coût de la vie, donc d'un problème de
l'individu et, deuxièmement, de l'augmentation de la productivité
de l'industrie, donc le problème de l'administration industrielle.
On a déjà souligné, à l'intérieur de
cet exposé, que dans le secteur public l'indice de productivité
ou l'indice d'augmentation de la productivité d'une structure
particulière dans l'administration gouvernementale est pratiquement
impossible à mesurer. Comment peut-on mesurer l'augmentation de la
productivité des vérificateurs d'impôt d'une
négociation à l'autre ou bien dans d'autres domaines? Le secteur
public a donc une difficulté importante dans l'analyse de la
productivité.
Il s'agit donc de se déterminer d'autres règles pour
évaluer notre augmentation générale des traitements»
Il nous reste l'augmentation du niveau de vie, puisqu'on n'a pas l'augmentation
de productivité, mais par contre on peut suppléer à cette
difficulté en faisant participer la main-d'oeuvre ou l'ensemble des
fonctionnaires du secteur public à la croissance des revenus de
l'ensemble de la population du Québec.
Tout le monde sait fort bien que l'enrichissement général
des contribuables entraîne automatiquement un accroissement dans le
rendement des impôts même si les taux sont constants, même
s'il n'y a aucune augmentation de taxes de vente ou de taxes d'impôt. Le
rendement des taxes déjà votées va être
supérieur si l'indice de richesse de la collectivité a
augmenté. Il serait donc possible de faire bénéficier les
employés publics d'une partie ou de la plus grande partie de
l'augmentation de l'indice de richesse de la collectivité,
c'est-à-dire, au fond, de faire suivre au secteur public l'augmentation
de la productivité du secteur privé, augmentation qui se traduit
pour nous par l'augmentation des revenus.
Il semblerait donc, à première vue, simple et facilement
calculable de poser que l'accroissement de la masse salariale, de la
totalité des traitements que l'on paie, devra s'établir au
même niveau que l'accroissement des ressources fiscales, le rattrapage
ayant été réglé et payé en partie, soit par
des augmentations d'impôt, soit par des changements de programme.
En somme, si dans une année, l'augmentation de la rentrée
des impôts, sans imposer de nouveaux impôts, l'augmentation
uniquement due à l'augmentation de productivité de la
collectivité, s'accroît de huit à neuf pour cent
c'est une hypothèse la masse salariale à distribuer aux
employés du secteur public et parapublic s'accroîtrait du
même pourcentage.
Cette solution simple ne peut pas s'appliquer peut-être parce que
trop simple. En effet, la masse salariale d'un gouvernement est
constituée d'une part des traitements payés aux employés
en place, et d'autre part, de l'accroissement des effectifs en cours
d'année de convention. Or, l'accroissement des effectifs peut provenir
de deux sources: soit de la mise en vigueur de nouveaux programmes votés
par le Parlement ou décidés par l'administration.
Donc, l'on ne voit pas pourquoi les employés mis en place
à l'occasion de ces nouveaux programmes ne recevraient pas la même
augmentation de traitement que ceux déjà en place pour
exécuter des programmes décidés antérieurement.
A l'inverse, on ne peut pas donner, comme augmentation de salaire au
personnel en place, une hausse égale en pourcentage aux ressources
fiscales, parce que l'augmentation, l'arrivée, en cours de
négociation, de nouveaux programmes doit jusqu'à un certain point
être prévue dans la masse salariale, profiter sur les
années à venir. A l'inverse, on ne peut pas donner, comme
augmentation de salaire au personnel en place, une hausse égale en
pourcentage à celles des ressources fiscales.
En premier lieu, il faut de toute façon accroître le nombre
de fonctionnaires même sans changer aucun programme, uniquement pour
satisfaire les besoins parce que la population a augmenté.
C'est-à-dire que même si le gouvernement n'apporte aucun programme
nouveau dans le secteur élémentaire, le seul fait de
l'augmentation de la population va augmenter le nombre des traitements globaux
à verser dans le secteur de l'enseignement
élémentaire.
En second lieu, il est impossible à un gouvernement quel qu'il
soit de renoncer pour la durée d'une convention collective, à
tout nouveau programme, c'est tout à fait impossible. Dans ces
conditions, on pourrait construire le modèle suivant: Une masse
salariale est projetée sur les années à venir en supposant
qu'elle comporte un taux d'accroissement des effectifs, donc de l'augmentation
du personnel qui n'est pas supérieur au taux de croissance de l'ensemble
de la population. La population s'accroît de tant pour cent à
l'intérieur des programmes du gouvernement, l'augmentation des effectifs
pourrait s'accroître idéalement d'un pourcentage
identique pour répondre par ses services antérieurs
à cette nouvelle population. C'est-à-dire que plus la population
augmente, plus les polices vont augmenter indépendamment des nouveaux
programmes.
L'accroissement de cette masse salariale sera proportionnel à
l'augmentation des revenus du gouvernement à cause de l'augmentation de
la population. Si l'on suppose, par exemple, que l'augmentation annuelle de la
population est de 1 1/2% et que les projections des ressources fiscales du
gouvernement, à taux d'impôt constant, révèlent une
augmentation annuelle, par exemple de 8%, alors l'augmentation des salaires du
personnel en place serait donc de 6 1/2%, le reste étant accordé
à l'augmentation des effectifs qui va suivre l'augmentation de la
population. Il va de soi que les chiffres que je mentionne sont
hypothétiques et doivent être revisés
régulièrement, parce que, nécessairement les
données changent. La population n'augmente pas d'une façon
régulière d'une année à l'autre, et les taux
constants d'impôts non plus.
M. LESAGE: Le ministre, depuis deux minutes, ne tient plus compte de
nouveaux programmes.
M. MASSE: Nous allons y revenir.
M. LESAGE: Oui, depuis deux minutes, vous n'en n'avez pas tenu
compte.
M. BERTRAND: Cela va.
M. MASSE: J'ai admis que l'on ne pouvait pas renier, pour la
durée de la convention, un nouveau programme, ce qui est évident.
On en aura toujours.
M. LESAGE: C'est évident. Exemple, le ministère de
l'Immigration.
M. MASSE: Exemple, le ministère de l'Immigration ou
peut-être un jour celui de la Fonction publique.
M. GABIAS: Un excellent exemple. M. MASSE: Ainsi, par exemple...
M. LESAGE: Ce sont des ambitions bien normales pour un jeune homme
intelligent.
M. MASSE: Ce sont des ambitions déjà en partie
satisfaites.
M. BERTRAND: Merci.
M. LESAGE: Cela vous donne une chance de souffler...
M. MASSE: Parce que, dans l'enseignement, les cours étaient de 45
minutes et on avait le droit à un Deo grattas.
M. BERTRAND: M. le Président, je crois que je répondrais
au voeu de l'Opposition et au vôtre en assurant à M. le professeur
Marcel Masse, professeur très pratique, cinq minutes de repos de
même qu'à tout le monde. Ainsi nous pourrons en profiter pour nous
détendre.
Reprise de la séance à 11 h 42
M. GRENIER (président du comité): A l'ordre!
M. BERTRAND: M. le Président, certains dossiers viennent
d'être distribués aux membres du comité. Je tiens à
déclarer immédiatement que tous les députés de
l'Assemblée législative, des deux côtés, recevront
un dossier semblable qui renferme des renseignements fort précieux qui
seront de nature à éclairer tous les députés. C'est
seulement parce que nous avons dû aller au plus pressé que ce
matin nous avons fait compléter ces dossiers. Les autres seront
complétés dans le cours de la journée et seront remis aux
députés.
M. MASSE: Oui.
M. LE PRESIDENT: Alors, la parole est à M. Masse.
M. MASSE: M. le Président, il est certain que les remarques que
j'ai dû tenir depuis le début et que je vais devoir tenir pendant
encore quelques minutes, sont c'est le moins qu'on puisse dire
abstraites. Je pense que nous nous étions entendus au départ sur
cette idée qu'il fallait d'abord faire un débroussaillement des
principes généraux et les principes sont
nécessairement abstraits pour au fur et à mesure des
travaux du comité se diriger de plus en plus vers l'état concret,
en particulier celui de la RAQ. Je m'excuse de l'abstraction de mon
discours...
M. BERTRAND: II n'y a pas d'excuse...
M. MASSE: ... mais je pense que, pour la bonne compréhension du
comité, la bonne marche du comité, il fallait d'abord poser ces
données.
Nous avons donc vu la question de l'augmentation des impôts
à taux constant avec augmentation des effectifs dans le domaine de
l'augmentation versus l'augmentation de population. Ainsi, par exemple, dans
l'enseignement on peut envisager, au moins dans l'abstrait, que le nombre des
enseignants ne s'accroît pas plus rapidement que le nombre des habitants
du Québec pour fins de calculs de la masse salariale. Si, par contre, le
gouvernement décide d'accélérer la diffusion de
l'enseignement secondaire ou d'établir un programme d'extension de
l'enseignement pour les adultes, ou bien que le gouvernement décide
d'établir un réseau scolaire au niveau des maternelles, il s'agit
dans ces trois cas de programmes nouveaux qui doivent faire partie de la
politique générale du gouvernement et qui seront financés
à même les ressources existantes ou en demandant aux
contribuables, parce que ce sont des programmes nouveaux, une augmentation de
leur fardeau fiscal pour défrayer le coût demandé ou
accepté, par la population, pour des programmes nouveaux.
Il est entendu que, lorsque l'on suppose un rythme de progression, pour
reprendre l'exemple de tout à l'heure, de 6 1/2%, il faut tenir compte
de toute une série de facteurs qui s'additionnent ou se
soustraient» C'est ainsi, par exemple, qu'un fonctionnaire disposant
d'augmentations statutaires annuelles se verra nécessairement offrir un
pourcentage d'accroissement de son échelle de traitement à
l'occasion de la convention collective, une augmentation inférieure au
pourcentage d'augmentation que nous offrons à celui qui n'a pas,
à l'intérieur d'une convention collective, d'augmentation
statutaire prévue annuellement. De même, chaque année, des
fonctionnaires en fin de carrière prennent leur retraite à des
salaires relativement élevés dans leur domaine puisque, dans la
majorité des cas, ils sont dans le haut de leur échelle, pour
être remplacés par des jeunes, des nouveaux fonctionnaires qui,
eux, ne se situent pas dans le haut de cette échelle, mais
majoritairement dans le bas de l'échelle, ce qui nous fait une
réserve monétaire dont nous devons tenir compte dans la question
des effectifs.
De tels facteurs, parmi d'autres, doivent être combinés
pour en arriver à cette progression hypothétique de 6 1/2% dans
le taux moyen de la rémunération globale pour le personnel en
place, le rattrapage étant réglé.
Les principes étant posés, il ne reste maintenant
c'est ce que nous allons faire au fur et à mesure de l'avancement des
travaux du comité qu'à les transcrire dans les offres
monétaires que le gouvernement présente aux tables de
négociation.
Il est évident que la politique salariale adoptée au
Québec ne peut pas être établie dans un vase clos, sans
tenir compte de décisions prises par d'autres gouvernements, celui du
Canada aussi bien que les gouvernements municipaux, qui peuvent avoir des
incidences sur les taux de traitement du personnel, des secrétaires ou
autres. Par contre, il est évident que deux gouvernements peuvent, d'une
façon importante, influencer notre politique salariale; c'est celui
d'Ottawa qui a, à l'Intérieur du Québec, un grand nombre
de fonctionnaires qui
ont des fonctions plus ou moins identiques avec les nôtres et
celui de l'Ontario qui sert souvent, pour une raison ou pour une autre, de
point de comparaison pour toutes ces questions fiscales de programmes et
même de politique salariale.
Dans la mesure, par exemple, où ces gouvernements
accroîtraient leurs taux de traitement beaucoup plus rapidement que le
Québec supposons, par exemple que le gouvernement d'Ottawa, pour
des raisons qui lui sont propres, décide d'augmenter de $1,000 à
l'occasion d'une convention collective, les sténodactylos à
l'emploi du gouvernement fédéral il est évident que
cela nous poserait un certain nombre de problèmes, puisque
sténodactylo pour sténodactylo, en principe, elles doivent avoir
des traitements plus ou moins similaires. Le Québec serait donc
éventuellement forcé de modifier sa politique salariale,
même si cela impliquait des augmentations d'impôt, parce que cela
deviendrait un programme nouveau mais pas dû au gouvernement du
Québec, mais à d'autres gouvernements, et cela devra être
payé par le Québec, par une augmentation des impôts.
Il est remarquable, et il faut le souligner, que des consultations entre
ces gouvernements n'ont jamais eu lieu, dans cette question de
l'élaboration des grilles de traitements pour leurs fonctionnaires et
que, par contre, certains gouvernements, par des attitudes adoptées
à l'occasion de l'une ou de l'autre de leurs négociations,
certains médiateurs ont adopté des politiques qui peuvent
gêner terriblement les autres gouvernements. Je fais ici, encore une
fois, appel à ce besoin de consultation entre les trois gouvernements
dont l'influence est directement sensible dans cette politique, entre autres
celui de l'Ontario et celui d'Ottawa. Parce qu'il est évident que s'il
n'y a pas une certaine consultation dans ce domaine-là, ce sera
contraire aux intérêts de ces gouvernements. Et vous pouvez
être assurés, pour notre part, que nous avons exprimé ce
désir à maintes reprises jusqu'à maintenant.
Nous croyons de l'intérêt des gouvernements d'avoir une
politique beaucoup plus suivie dans ce domaine, qui n'est peut-être pas
sensationnel, mais un domaine quand même important parce que souvent cela
comprend presque 50% du budget de ces gouvernements qui vont au poste des
traitements.
Si les gouvernements se consultent pour avoir des politiques similaires
dans le domaine de la voirie ou les autres domaines, je crois qu'il serait
temps que ces gouvernements se consultent pour ce qui est, au fond, presque 50%
de leur budget.
M. LESAGE: Croyez-vous les consultations possibles avec les grandes
villes?
M. MASSE: Je pense que les grandes villes devraient également
être à l'intérieur de cela. Je pense à celles qui
ont un réservoir de personnel suffisamment important pour avoir une
politique salariale qui a des incidences sur leur propre budget ou bien sur le
budget des autres gouvernements. Je pense qu'il devrait y avoir une table ronde
de ces gouvernements, ce serait à l'avantage des fonctionnaires qui
bénéficieraient d'une politique beaucoup plus juste pour des
postes identiques, et également de l'économie canadienne au sens
large, parce que 50% du budget de ces gouvernements, cela commence, à
mon avis, à être suffisamment important pour que les gouvernements
condescendent non pas à avoir une politique identique parce qu'il y a
dans chacun des gouvernements des conditions particulières, mais
à avoir quand même une espèce d'acceptation
générale des principes. Et c'est qu'il va en découler,
nécessairement, en pratique, beaucoup plus de cohérence dans ce
domaine là.
D'ailleurs, nous avons réussi à avoir cette
cohérence dans un niveau de gouvernement qui nous touche, les
commissions scolaires, et nous croyons qu'il serait bon - et d'ailleurs, je
dois vous dire ici que nous avons amorcé des discussions, au niveau du
ministre, avec le ministère des Affaires municipales d'avoir une
certaine cohérence dans les politiques de traitements au niveau des
municipalités, compte tenu du fait que, vous le savez fort bien, une
partie importante du budget des municipalités provient d'un ensemble de
subventions de toutes sortes qui sont finalement réparties - il n'y a
pas de subventions directes du gouvernement pour les fonctionnaires municipaux
mais dans l'ensemble de leur budget, il y a une partie importante des
subventions.
Je pense que nous allons arriver à cela. Le ministère des
Affaires municipales, par la voie de son ministre, a été
sensibilisé et a été très intéressé
à cette question, et nous devions procéder à des
consultations plus importantes afin d'établir une structure.
D'autre part, un gouvernement particulier, celui de l'Ontario -
puisqu'on y réfère souvent, nous devons en traiter quelques
instants dispose pour sa part d'un rendement sur ses impôts
beaucoup plus élevé que dans le Québec, en raison de
revenus personnels plus importants en Ontario. Dans la mesure où le
niveau absolu
des salaires au Québec est dans l'ensemble assez voisin du niveau
absolu des salaires en Ontario, il découle ou bien que le niveau des
impôts au Québec sera plus élevé, ou bien encore que
les programmes de dépenses seront moins nombreux. Cela est
inévitable compte tenu des différences de rendement des
impôts.
Le cas de l'Ontario présente également d'autres
particularités. La structure des traitements en Ontario y est encore
souvent aussi désordonnée qu'elle pouvait l'être au
Québec, il y a quelque temps. La faiblesse des structures de
négociation dans certains secteurs est jusqu'à un certain point
responsable de cet état de choses.
D'autre part, les structures de négociation sont restées
en Ontario beaucoup plus traditionnelles et beaucoup plus fragmentées
qu'au Québec, le gouvernement n'ayant pas, pour des raisons qui lui sont
propres, passé les mêmes lois qu'au Québec dans ce secteur
des négociations.
Si bien que certains groupes d'employés en Ontario peuvent de
temps à autre obtenir des salaires très différents de ceux
qui sont obtenus dans d'autres organismes ontariens par des employés qui
font substantiellement la même tâche. Ce que nous évitons le
plus possible ici au Québec. Mais pour eux, ça se présente
souvent à cause d'une structure de négociation moins rationnelle
que celle du Québec. Cette situation d'absence de structures de
négociation a existé au Québec, a existé beaucoup
trop longtemps pour que l'on puisse s'étonner de ce qui se produit
ailleurs.
Néanmoins, cette différence de situation entre le
Québec et l'Ontario indique clairement que, dans le Québec, pour
le Québec, par ces négociations, nous ne pouvons
systématiquement nous aligner sur nos voisins ontariens dans tel poste
particulier ou tel organisme particulier. Etant donné, qu'eux n'ont pas
de politiques générales bien établies, on pourrait fort
bien, à un moment donné, s'aligner sur des sténodactylos
de telle régie ou des commis de telle régie, mais, pour ce faire
il faudrait analyser avant, si dans la province voisine, ces commis ont un
niveau de traitement identique à d'autres commis dans des emplois
similaires du même gouvernement. Ce qui ne se produit pas, compte tenu du
fait qu'ils n'ont pas de grille de traitements s'approchant d'une régie
à l'autre, de la grille de traitements la plus identique possible.
Nous pourrions toujours plaider, d'un côté, qu'il faudrait
nous aligner sur un et puis, nous, plaider de nous aligner sur l'autre. Je
pense que cela pourrait faire un beau plaidoyer mais ce ne serait
peut-être pas une politique des plus effi- caces. Ce serait renoncer,
pour nous, à toute réorganisation de notre structure. Ce serait,
au fond, renoncer à la politique que nous avons tenté d'appliquer
et qui est basée sur les cinq principes du début. Au fond:
travail égal, justice égale.
Nous ferions par cela bien des comparaisons et des acceptations. Nous
rétablirions des situations que nous avons tenté et que nous
avons réussi de corriger, parce que, justement ici, nous les croirions
injustes. Le problème n'est donc pas de savoir si, organisme par
organisme, emploi par emploi, le Québec et l'Ontario s'alignent, mais,
au contraire, si dans l'ensemble des structures de traitements, le
Québec est inférieur, égal ou supérieur à ce
qui se paie dans POntario.
Or, il est certain que la structure des traitements dans le secteur
public québécois a été relevée au niveau
général ontarien avec, évidemment, des taux plus
élevés dans certains domaines et des taux moins
élevés dans d'autres domaines, compte tenu de la
différence des structures de négociations. La politique salariale
est donc basée sur cinq principes que nous avons mentionnés au
début et le calcul du rythme de croisière des augmentations est
fait selon les principes que nous venons de voir dans notre deuxième
partie. La phrase de rat-trappage est, en général,
terminée. La normalisation, dans certaines clauses, est, à toutes
fins pratiques, achevée. Nous entrons donc dans la seconde phase de la
politique salariale, au cours de laquelle il s'agit, de convention en
convention, d'opérer un relèvement régulier des niveaux de
traitements, compte tenu de l'augmentation du coût de la vie, du
rendement des impôts, de l'augmentation des effectifs dûs à
des programmes nouveaux ou de l'augmentation de la population.
Il est certain que les négociations des conventions de travail
restent, à l'heure actuelle, à l'intérieur d'un
schéma conventionnel qui est celui que j'ai reçu lorsque nous
avons commencé. Ce schéma ou cette structure de
négociations peut évidemment être changée. Cela
amènerait une nouvelle structure énoncée par le
gouvernement ou des changements au code du travail ou aux lois existantes.
Là-dessus, je sais que le premier ministre a des choses à
dire et, avec votre permission, je lui laisserai le soin d'exposer cette partie
de la politique gouvernementale qui serait projetée dans le futur.
En terminant, je rappelle un certain nombre de choses de
l'exposé. Il est normal que le gouvernement s'inspire de certains
principes dans ses offres de salaires qui sont présentées
à l'oc-
casion des différentes négociations avec les
employés du secteur public, c'est-à-dire avec ceux dont le
salaire émarge directement ou indirectement au budget de l'Etat.
Je rappelle ces principes. Alignement pour des emplois analogues avec
les employeurs du même genre que lui, compte tenu des heures et d'autres
conditions de travail et de l'économie générale du
Québec.
Conséquence, dans certains cas, un rattrap-page se fait. Exemple,
les agents de la paix. Cela signifie un rattrapage, mais cela signifie, dans
d'autres cas, qu'il n'y a pas de rattrapage compte tenu de ces principes,
celui-ci ayant été fait avant.
Deuxièmement, normalisation de la structure des salaires,
c'est-à-dire taux de rémunération sensiblement les
mêmes pour des emplois qui ont les mêmes caractéristiques.
Exemple, un employé de secrétariat, dans le gouvernement, est
à nos yeux un employé de secrétariat identique à
celui qu'on retrouve à l'hôpital ou qu'on retrouve dans un
collège d'enseignement, si les conditions d'admissibilité
à cet emploi sont identiques. Bref « equal pay for equal job
».
M. LESAGE: « Equal work ».
M. MASSE: Autre point, élimination de la discrimination contre
les femmes. Exemple, les instituteurs, les institutrices, aux yeux de l'Etat,
doivent avoir le même poids. Egalement, selon ce principe, écart
entre employés non spécialisés et employés
spécialisés, écart que nous tendons à augmenter
compte tenu de notre politique d'éducation.
Egalement, élimination des différences régionales
pour garder du personnel compétent sur l'ensemble du territoire, peu
importent les régions. Exemple, les infirmières dans les
hôpitaux doivent être gardées aussi bien dans les centres
moins populeux que dans les régions métropolitaines. Autre point,
aménagement des carrières professionnelles pour maintenir la
stabilité nécessaire de ce type de main-d'oeuvre professionnelle,
coûteux à entraîner pour l'Etat et la population et à
qui nous devons offrir, à l'intérieur du secteur public, des
possibilités de travail.
Ensuite, le rythme de croisière, hausse des niveaux de salaires
à un certain rythme compatible avec la croissance des revenus de
l'ensemble de la population en tenant compte de la structure des
échelles. Exemple, les catégories qui ont une échelle
où il y a moins d'augmentations annuelles peuvent recevoir à la
négociation un montant plus élevé.
Depuis que la ronde des négociations dans le secteur public est
ouverte, c'est-à-dire depuis le début de cette année,
plusieurs syndicats ont accepté ces principes et ont accepté
leurs conséquences inscrites dans les propositions du gouvernement. Ces
principes ont été les mêmes pour toutes les tables de
négociation et leur application a été la même et
nous avons conclu des conventions avec les fonctionnaires du gouvernement,
20,000 syndiqués, avec les ouvriers du gouvernement, 10,000
syndiqués, avec les agents de la paix, 2,200 syndiqués, avec les
professionnels au service de l'Etat dont la convention n'est pas signée
mais en totalité paraphée, 2,500 syndiqués, avec le
personnel des agences sociales sur l'ensemble du territoire, les professeurs de
l'Etat, 4,000 syndiqués, les professeurs du SPEQ, les professeurs des
collèges privés, SPE, certains collèges publics avec
lesquels on a une convention collective de signée, au CEGEP de
Sainte-Foy également chez les employés de la raffinerie de sucre
et, dans d'autres domaines, les négociations se poursuivent.
Nous osons croire et nous espérons que d'autres groupes
accepteront également ces offres bientôt dans le secteur de
l'enseignement et dans le secteur des hôpitaux. Il est vrai que les
principes ou les fondements de notre politique n'ont pas été
connus publiquement jusqu'à maintenant, dans ses moindres
détails. Mais je pense qu'il est toujours difficile de demander à
un général de faire connaître, avant un important
mouvement, la totalité de ses munitions et la totalité de ses
réserves.
Je termine en disant que cette politique que je viens d'énoncer
l'a déjà été, en particulier au congrès des
jeunes chambres de commerce de Montréal à l'Estérel, que
le résumé de ce texte a été publié. Pour sa
part, le cabinet, nécessairement, avait approuvé cette politique
avant, mais je crois qu'il était nécessaire, à l'ouverture
de ce comité, pour compréhension, d'en revenir à ces
principes déjà exposés, pour pouvoir continuer les deux
phases suivantes qui sont la phase de cette politique dans la RAQ et notre
troisième phase sur laquelle nous nous sommes entendus, la RAQ comme
telle.
Ces choses ont pu peut-être être lourdes, mais je crois
qu'elles étaient nécessaires et je remets la parole au
président du comité.
M. LE PRESIDENT: M. Lesage.
M. LESAGE: J'aurais une question sur une question de principe. Est-ce
que le gouvernement, dans l'établissement de sa politique salariale,
c'est-à-dire sa mise en oeuvre si vous
voulez et je parle en général, je ne parle pas de
la RAQ fait en sorte que la partie rattrapage de l'opération soit
inscrite dans l'échelle de salaires qui vient en vigueur
immédiatement à la signature de la convention ou bien si la
partie rattrapage peut être divisée sur la période de 36
mois?
M. MASSE: Oui, les deux formules existent, selon la négociation,
selon ce que nous croyons possible de faire dans un domaine ou dans l'autre.
Compte tenu du marché du travail et de tout, les deux principes sont
appliqués. Dans certains domaines, le montant de rattrapage est beaucoup
plus fort au départ, dans d'autres, il est échelonné sur
les trois ans, dans d'autres, il apparaît surtout à la
deuxième année, dans d'autres à la troisième
année et même, dans certaines négociations, on a
calculé, sans nécessairement toujours l'inscrire, une
possibilité de rattrapage sur un plus long terme même que celui de
la convention collective.
M. LE PRESIDENT: M. Michaud.
M. MICHAUD: Le ministre a-t-il l'intention, plus tard, d'expliquer pour
le cas précis de la Régie des Alcools...
M. MASSE: Oui, oui.
M. MICHAUD: ... du Québec les mécanismes...
M. BERTRAND: Oui, oui.
M. MASSE: Je tiens à le répéter pour que l'on se
comprenne bien, trois étapes: d'abord les principes
généraux ensuite nous pouvons en discuter
deuxième étape, l'application dans la RAQ et troisième
étape, la RAQ comme telle.
M. CHOQUETTE: M. le Président, j'aurais une question à
poser au ministre.
M. LE PRESIDENT: M. Choquette.
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous pourriez nous dire quel est le taux de
croissance moyen des ressources fiscales sur la période des huit
dernières années? Je répète la question: Est-ce que
le gouvernement a mesuré le taux de croissance moyen des ressources
fiscales avec un système fiscal qui n'aurait pas varié sur la
période des huit dernières années? Pouvez-vous me dire le
résultat de ce calcul?
M. MASSE: Je pense bien qu'un gouverne- ment qui ne calculerait pas la
rentabilité de ses impôts serait un gouvernement qui aurait de la
difficulté à payer ses comptes.
M. CHOQUETTE: Pourriez-vous me le dire, s'il vous plaît?
M. MASSE: Le taux de rentabilité des impôts?
M. CHOQUETTE: Le taux de croissance moyen...
M. MASSE: Vous avez dans le sens...
M. CHOQUETTE: ... sur une période X d'années, j'ai huit
années parce que je pars de 1960, mais on pourrait partir
antérieurement si vous le voulez. Je veux savoir le taux de croissance
moyen du rendement des impôts compte tenu qu'on aurait un système
fiscal qui n'aurait pas varié durant ces années-là.
M. MASSE: C'est ce qui est publié à chaque année
dans certains rapports, entre autres, je pense le rapport du ministère
de l'Industrie et du Commerce qui est déposé annuellement ou dans
d'autres rapports.
M. CHOQUETTE: Je vois que M. Parizeau est derrière vous et je
pense qu'il pourrait vous inspirer une réponse si vous daignez vous
tourner vers lui parce qu'il me semble que, dans l'élaboration de cette
politique salariale, il y a un fait fondamental, c'est le taux de croissance
moyen dans le passé du système fiscal.
M. BERTRAND: Nous pourrons, M. le Président, fournir ce
renseignement d'une manière très précise pour le
passé et, deuxièmement, les prévisions pour l'avenir, si
mon collègue, le député d'Outremont, veut attendre et s'il
veut me permettre de faire au président une suggestion.
M. CHOQUETTE: Bien, écoutez, je suis content que le premier
ministre prenne la question au sérieux, plus au sérieux que le
ministre...
M. BERTRAND: Non, non.
M. CHOQUETTE: ... et je suis content aussi que le premier ministre
ajoute à ma question et il a raison, je pense les
prévisions pour l'avenir du rendement du système fiscal en tenant
pour acquis que nous maintiendrions en vigueur exactement les mêmes
impôts que nous avons aujourd'hui.
M. BERTRAND: J'ai répondu au député d'Outremont. M.
le Président,...
M. MASSE: Apporte-moi ton chèque, je vais f expliquer ce qu'il
faut faire.
M. BERTRAND: ... il me semble qu'après avoir entendu le
représentant, le porte-parole délégué du cabinet,
sur les éléments fondamentaux, les critères et les
principes qui en sont le fondement, que nous devrions, avec la permission du
comité bien entendu, entendre les négociateurs syndicaux ou ceux
qu'ils choisiront et qui sont les plus directement mêlés à
ce problème de politique salariale et de ses incidences sur la RAQ. Je
leur laisse le choix de leurs représentants avec la permission du
comité...
M. LESAGE: Maintenant, après...
M. BERTRAND: ... à l'heure actuelle, sur ce qu'on appelle la
politique salariale, les principes qui viennent d'être
énoncés. Après quoi nous franchirons l'autre étape
indiquée et nous entrerons dans la RAQ. Messieurs les membres...
M. LESAGE: Je pense qu'il s'agit pour nous de laisser le choix.
M. BERTRAND: C'est ce que J'ai dit.
M. LESAGE: Parce qu'il est fort possible que M. Pepin, M. Parent, M.
Lalancette et leurs collègues préfèrent entendre le
ministre parler de l'application de ces principes au cas de la Régie des
alcools avant d'intervenir, mais il est fort possible aussi qu'ils aient des
commentaires à faire sur l'exposé de principe de la politique
salariale. Alors je pense que ce serait juste, comme le premier ministre l'a
dit. Evidemment si le député veut m'empêcher de marquer mon
accord avec le premier ministre il peut nous interrompre et nous
contredire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Il ne faudrait pas briser le climat dans
lequel la réunion a débuté, si on est bien d'accord.
M. BERTRAND: Dans ma proposition appuyée par le chef de
l'Opposition, nous laissons aux principaux intéressés le choix de
leurs porte-parole sur ces principes.
M. LE PRESIDENT: M. Pepin, vous avez la parole.
M. PEPIN: M. le Président, M. le premier ministre, M. le chef de
l'Opposition, Messieurs les députés, je voudrais au point de
départ, avant d'aller au fond du problème dont M. Masse a
donné l'explication théorique ce matin, vous signaler que pour
moi il n'y a pas de dogme. Le premier ministre a pris la peine de dire qu'en
politique il n'y avait pas de dogme, j'ajouterai, quant à moi, que je ne
connais pas la politique, et je dirai qu'en négociations non plus, il
n'y a pas de dogme. Et quand on essaie d'ériger en dogmes certaines
politiques, certaines positions, je vous assure que cela conduit,
pres-qu'à coup sûr, à une impasse, à des
difficultés très sérieuses.
Avant d'aller au fond du problème, si le président du
comité, si les membres du comité le permettent, je
préfère, comme ce n'est pas une question de dogme, pour moi, M.
le premier ministre et messieurs les membres du comité, entendre,
puisque M. Masse a si bien commencé, la version du gouvernement sur tous
les points.
Immédiatement après, je serai, bien sûr,
disposé à intervenir et voici le genre d'intervention que je
suggère au président et aux membres du comité. Lorsque le
gouvernement aura terminé son exposé sar les trois aspects
décrits par M. Masse, un de ces aspects étant terminé,
j'ai l'intention, si les membres sont d'accord, d'intervenir et de faire
à mon tour un exposé qui sera peut-être moins complet que
celui que M. Masse a fait mais qui contiendra sans doute des
éléments. Peut-être que nous nous rejoindrons sur cervains
aspects, mais il est probable aussi que nous nous distancerons sur certains
autres.
Lorsque les membres du comité, après cet exposé,
voudront en savoir plus au niveau technique, au niveau de la connaissance des
problèmes, ils auront à leur disposition le secrétaire
général de la CSN qui est présent, depuis quelques
semaines au moins, à la table des négociations. Il y a le
négociateur en chef, M. Jean-Paul Lalancette, il y a les deux
président s de syndicats qui sont ici: celui du syndicat des ouvriers et
celui du syndicat des fonctionnaires. Ces personnes seront à la
disposition complète de tous les membres du comité.
Donc, la requête que je vous fais, M. le Président, de
même qu'aux membres du comité, quant à moi, c'est de
laisser voir comment la politique, maintenant, celle qui a été
appelée politique, s'inscrit dans les faits, et par la suite
j'interviendrais, et sur les questions de principe et sur les questions
pratiques, si vous me le permettez.
M. GRENIER: M. Pepin, M. Bertrand de-
mande la parole.
M. BERTRAND: M. le Président, il est vrai, et je ne retire pas
l'expression, que j'ai dit qu'il n'y avait pas de dogmes. Toutefois, et j'ai
bien ajouté, que, premièrement, une politique salariale du
gouvernement existe. Deuxièmement, que cette politique, et les principes
qui ont été énoncés par mon collègue, M.
Masse, concilient d'après nous, les intérêts fondamentaux
des travailleurs, concilient ce problème, avec, également, les
impératifs du bien commun et une saine gestion des finances publiques,
conforme aux intérêts du peuple, car en fait, j'ai conclu que
c'est le peuple qui paie les impôts. Or, cette prise de position du
gouvernement on l'a noté, M. Masse en a donné des exemples
ces principes ont été appliqués dans plusieurs
conventions collectives qui ont été signées depuis
quelques mois.
C'est pourquoi j'aurais aimé, à ce moment-ci,
indépendamment du conflit particulier qui fait l'objet des travaux de ce
comité, entendre les représentants du syndicalisme sur les
principes fondamentaux. Nous leur en avons laissé le choix. C'est
pourquoi nous voulions procéder par étapes. J'ai également
déclaré tantôt et je pense que tous en conviendront
que ce comité n'est pas, ne doit pas être et ne sera pas,
quant à nous, je pense que je peux parler au nom de tous les
députés une table de négociations pas plus qu'un
conseil d'arbitrage; il n'aura pas non plus, le rôle de conciliateur, de
négociateur ou de médiateur. Ce n'est pas notre rôle. C'est
pourquoi, M. Pepin, j'aurais aimé, quant à moi, vous entendre sur
les principes fondamentaux qui ont été énoncés.
D'ailleurs vous les connaissez vous-même, puisque vous avez
été mêlé d'assez près aux négociations
dans d'autres secteurs publics et même, à l'heure actuelle
sans aucun doute - para-publics. Ces principes ont été
déjà publiés, ils ont été repris ce matin
avec plus de détails, c'est pourquoi nous aurions aimé vous
entendre à ce stade de cette première étape. Est-ce qu'il
est possible de vous entendre?
M. LE PRESIDENT: M. Pepin.
M. PEPIN: Je ne sais pas s'il est possible de me comprendre; c'est une
autre affaire!
M. BERTRAND: Nous allons essayer.
M. LESAGE: Il faut bien comprendre l'attitude de M. Pepin car,
après tout, il aime mieux aller au pratique. Il aimerait bien discuter
d'un coup l'application pratique des prin- cipes d'une politique salariale. Il
me semble que c'est bien compréhensible; si j'étais à sa
place c'est comme ça que je ferais moi aussi.
M. BERTRAND: Oui, mais étant donné que vous n'êtes
pas à sa place et qu'il a l'habitude de garder la sienne, je lui laisse
le soin de décider si ce ne serait pas une bonne façon de
procéder.
M. CHOQUETTE: Vous le mettez dans une situation embarrassante.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: Je préfèrerais de beaucoup, et je sais qu'il
en est capable, que celui à qui je m'adresse réponde. S'il a
besoin de vos conseils il vous les demandera.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je demande la parole.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. Pepin.
M. CHOQUETTE: Je suis membre du comité et j'ai droit de
parole.
M. LE PRESIDENT: Les députés ont droit de parole, bien
sûr, mais la parole est actuellement à M. Pepin. Je la donne
à M. Pepin.
M. LESAGE: J'ai invoqué le règlement...
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a le droit?
M. LESAGE: Oui, certainement...
M. LE PRESIDENT: A quel article?
M. LESAGE: ... vous n'avez pas le droit...
UNE VOIX: On va vous envoyer à l'école, M. le
Président.
M. BERTRAND: M. le Président, il y a des remarques qui sont
faites et qui sont de nature à gâter l'atmosphère de ce
comité. Sachons donc tous, il me semble, garder la maîtrise de nos
nerfs et laisser le président répondre à la demande du
député d'Outremont.
M. LESAGE: C'est le président qui m'a demandé si nous
avions le droit, en comité, de soulever une question de
règlement. J'ai dit oui.
M. BERTRAND: Laissons donc le président répondre à
la demande que formule le député d'Outremont.
M. LESAGE: M. Choquette va répondre.
M. CHOQUETTE: Voici, M. le Président, je formule cette demande
parce qu'il me semble qu'en toute justice pour ceux qui sont à la barre,
nous devrions leur demander d'exposer leur point de vue...
M. GABIAS: Ce n'est pas un point de règlement, ça!
M. CHOQUETTE: M. le Président, le député de
Trois-Rivières en profite pour m'interrompre!
M. GABIAS: Oui! Voici, M. le Président,...
UNE VOIX: On n'interrompt pas quelqu'un qui ne parle pas.
M. GABIAS: ... le député d'Outremont se lève,
disant: J'ai un point de règlement à soulever. Il est clair - et
il paraît évident à tout le monde - que ce qu'il expose
présentement n'en n'est pas un. Il est de mon devoir de rappeler le
député d'Outremont au règlement.
M. CHOQUETTE: Merci, M. le Président. J'insiste. Lorsque
quelqu'un comparait à la barre, que ce soit à celle d'un
comité de la Chambre ou d'un tribunal, on ne lui demande pas de diviser
son argumentation en deux parties après que quelqu'un a fait un
exposé, pour revenir à la charge plus tard. Il me semble que,
puisque nous sommes ici pour entendre les données de la politique
salariale du gouvernement concernant la Régie des alcools, que le
ministre devrait faire son exposé au complet. Après cela, les
représentants du syndicat pourront à leur tour faire un
exposé sur l'ensemble de la situation.
M. GABIAS: M. le Président, si vous le permettez... Le
député d'Outremont est un avocat brillant. Il sait fort bien
parce qu'il prend comme exemple une procédure devant les
tribunaux ordinaires qu'une procédure commence par une
déclaration, qu'il y a ensuite une défense qu'il y a ensuite une
réponse, et qu'il y a ensuite une réplique.
M. MALTAIS (Saguenay): Il y a des délais de moins!
M. GABIAS: Or, le ministre attaché à la Fonction
publique...
M. MALTAIS (Saguenay): Il y a des délais aussi!
M. GABIAS: Mais contrairement à ce qui se passe dans les
tribunaux, je crois que tout le monde est intéressé à ce
que les délais soient mis de côté.
M. MALTAIS (Saguenay): Le plus court possible, en tout cas! Du
côté le plus court possible!
M. GABIAS: C'est ça! Que ce soit vraiment le côté
qui permettra d'en arriver à une solution.
M. MALTAIS (Saguenay): C'est bon, cela.
M. GABIAS: Je dis donc que le ministre délégué
à la Fonction publique a exposé la politique salariale. Il est
donc normal, et je le soumets au comité, que M. Pepin fasse
connaître à ce stade, s'il est oui ou non d'accord avec la
politique salariale. Quand entrera la question dite pratique, je crois
comprendre que le délégué à la Fonction publique
exposera la politique du gouvernement en ce qui concerne la question pratique.
Ensuite, M. Pepin pourra y répondre. Je crois que cela, c'est logique et
dans l'ordre; je pense que le président de la CSN conviendra que c'est
une façon logique de procéder.
M. CHOQUETTE: M. le Président... DES VOIX: A l'ordre! A
l'ordre!1
M. LE PRESIDENT: Un instant, M. Choquette. Nous avons perdu, la semaine
dernière, au comité de l'éducation des heures et des
heures sur la procédure. Alors, nous sommes en train de nous engager
dans la même voie aujourd'hui. Il me semble qu'il y aurait moyen dans un
climat comme celui dans lequel nous avons commencé cette réunion
ce matin, qu'il serait si simple de savoir ce qu'a à dire M. Pepin. Il
pourrait tout simplement nous dire: Oui, je veux prendre la parole ou, non!
Donc, pourquoi ne pas l'entendre d'abord?
M. Pepin.
M. PEPIN: Merci, M. le Président. Vous comprendrez qu'à la
barre, on ne sait pas trop lorsqu'un député se lève, si on
doit se rasseoir ou si on doit parler même si vous nous donnez la parole.
Alors, comme nous ne sommes pas habitués dans ces
procédures...
M. BERTRAND: Gardez-la pendant que vous l'avez, M. Pepin!
M. PEPIN: Si j'en vois un qui se lève, M. le Premier ministre, je
vais faire comme je fais avec vous, je vais répondre
immédiatement, rapidement, pour ne pas la perdre. Le moins possible!
Mais, je voudrais avant de donner une réponse
négative ou affirmative essayer d'expliquer un peu mon point de
vue. Si vous me le permettez!
M. BERTRAND: Avec plaisir.
M. PEPIN: Voici pourquoi je vous suggère que nous
procédions un peu différemment de ce qu'a suggéré
le premier ministre et l'honorable député de
Trois-Rivières. Je sais qu'il m'a placé dans une situation en
disant; Si vous voulez être logique, procédez de cette
façon. Cela, je le comprends. Seulement moi, je ne pars pas de la
même façon que le gouvernement pour arriver à ses
conclusions. Le gouvernement, apparemment d'après ce que nous
avons compris ce matin de l'exposé théorique de l'honorable
ministre lui, il est parti avec un grand schéma théorique,
puis il est descendu après. Nous, dans les organismes syndicaux, je vais
vous dire que nous ne procédons pas toujours ainsi. C'est que nous
pouvons aussi regarder les cas qui sont devant nous. Et avec l'exposé
que j'ai à formuler devant le comité, je serai constamment
arrêté, parce que vous allez me dire: Cela touche à la
deuxième partie, cela c'est vraiment de la première partie.
Voilà pourquoi. Parce que moi, je n'ai pas suivi exactement le
plan fait par l'honorable ministre je n'ai pas suivi ce plan-là.
J'ai le droit au moins d'avoir mon propre plan! Donc, je serai pris dans une
espèce de camisole, non parce que vous voulez qu'il en soit ainsi! Mais,
si j'avais suivi exactement le même plan; très bien! Mais comme,
de mon côté, lorsque je parlerai, si je vous parle sur le cas
même de la RAQ, vous allez dire: Attends une minute, tu en reparleras un
peu plus tard!
Alors, pour ces motifs, je vous suggère mais si le
comité dit: Parle tout de suite: bien sûr, je parlerai tout de
suite qu'il serait plus approprié que nous écoutions
l'autre partie, et après cela, que nous puissions y revenir.
Maintenant, je ne veux froisser personne. Je veux être absolument
agréable et garder un ton serein, comme d'habitude.
M. BERTRAND: M. Pepin, M. le Président, si vous me permettez! M.
Pepin, personne ne sera offensé, au contraire.
Si, dans la réponse, dans l'énoncé de vos
principes, vous faites comme le ministre a fait tantôt, vous dites: Ce
principe-là, par exemple, ne s'est pas appliqué au sujet des
fonctionnaires, ce principe-là ne peut pas s'appliquer à la RAQ,
personne ne vous accusera. Quant à moi, parlant pour moi-même,
personne ne vous accusera de franchir une étape qui ne le devrait pas.
Autrement dit, nous allons mettre les « avocasseries » de
côté et, si vous voulez vous exprimer sur le fond, je crois que
et d'ailleurs, vous le savez beaucoup plus que moi comme
président d'une grande centrale syndicale, vous portez des
responsabilités dans ce domaine. Même si vous êtes
relié aux négociations, vous avez au nom de votre centrale des
principes que vous exposez, que vous avez exposés. Ce matin, vous avez
l'occasion, à ce stade-ci, sur des points assez précis,
d'apporter ce que l'on appelle les arguments contraires ou les arguments qui
s'opposent ou les admissions.
Voilà pourquoi nous avions trouvé que c'était non
seulement logique mais raisonnable de vous fournir cette occasion dès le
départ, après l'exposé de la politique du gouvernement.
Est-ce que cela vous convient?
M. PEPIN: Ah, oui, je peux commencer immédiatement.
M. MICHAUD: M. le Président, à deux reprises, le
président de la CSN vient de dire qu'il souhaiterait que le
ministre...
M. BERTRAND: Il est prêt.
M. MICHAUD: ... d'Etat à la Fonction publique continue...
M. BERTRAND: M. Pepin l'a dit,... UNE VOIX: La discussion s'engage.
M. LESAGE: Vous voulez le faire dévoiler ses batteries, et puis
après cela le mettre en boîte.
M. MICHAUD: Est-ce que nous ne pourrions pas continuer comme cela? Le
ministre...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. LESAGE: Bien oui, c'est clair.
UNE VOIX: Mais que la discussion va s'engager après.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: M. le Président, M. Pepin est prêt. Laissez le
donc parler!
M. LESAGE: C'est parce que cela fait votre affaire.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. PEPIN: Alors, M. le Président, messieurs les membres du
comité, je voudrais cependant me garder, non pas un privilège, je
n'en ai aucun ici, mais je voudrais savoir, si lorsque monsieur je n'ai
pas le droit de l'appeler par son nom, je pense, en Chambre...?
M. MALTAIS (Saguenay): Marcel pour les intimes.
M. PEPIN: Je voudrais savoir si lorsque M. Masse aura parlé sur
la deuxième ronde nous pourrons aussi y revenir?
M. BELLEMARE: D'accord.
M. LE PRESIDENT: Avec plaisir.
M. GABIAS: Le gouvernement a changé.
M. MALTAIS (Saguenay): Cela va changer encore.
M. BERTRAND: A l'ordre!
M. PEPIN: Je suppose que ce sont des choses politiques qui se sont
dites. Moi, je n'ai rien compris.
M. MALTAIS (Saguenay): Il n'y a pas de précédent.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! M. Pepin.
M. PEPIN: Je me vois forcé au point de départ d'essayer de
dire qui nous représentons dans ce conflit pour le relier comme vous le
verrez à la question de la politique dite salariale du gouvernement.
Je dois aussi vous prévenir que cet exposé que je fais,
pour l'instant impromptu, n'aura pas un ordre aussi chronologique qu'il aurait
dû avoir, mais je vais essayer de me faire comprendre le plus clairement
possible.
Je voudrais vous rappeler d'abord qui sont les employés de la
Régie des alcools, parce que, si on essaie de leur appliquer une
politique salariale, il faut au moins savoir à qui on l'applique.
D'après les chiffres que nous avons, ce sont des gens dont l'âge
moyen est de 43 à 65 ans.
D'après ce que je comprends des chiffres qu'on m'a fournis, il y
a 2,627 hommes, 88% donc de la clientèle ou des employés sont
masculins et de ce nombre 82% sont mariés. On me dit aussi que la
famille moyenne est de deux adultes et deux enfants, ce qui veut dire une
famille moyenne, dans ce cas-là, de quatre personnes. On m'informe qu'il
y a des employés qui sont distribués de la façon suivante
quant à leur situation maritale. Il y en a 109 de sept à douze
dépendants, il y en a 72 ayant six dépendants, 96 ayant cinq
dépendants, 139 ayant quatre dépendants, 276 ayant trois
dépendants.
Je pense que c'est important pour les membres du comité, pour
essayer de comprendre la source du conflit, quel est le problème exact
qui se pose. Je voudrais aussi signaler aux membres du comité quel est
le salaire moyen de chacun des groupes. Je pense que cela aussi s'inscrit dans
les choses que votre comité doit savoir. Cela va rejoindre
éventuellement la question de politique générale.
On m'informe que les salaires moyens, au 31 octobre 1967, date
d'expiration de la convention vous comprendrez aisément pourquoi
j'ai choisi cette date, puisque c'est la date d'expiration dans les
bureaux, d'après nos chiffres à nous, c'est $81.25; dans les
magasins, $81.88; dans les entrepôts, $78.23. Ensemble, si l'on fait une
moyenne pondérée, d'après nos calculs, on en arrive
à une moyenne de $80.30, salaire net.
DES VOIX: Brut.
M. PEPIN: Brut. Net, j'y reviendrai dans un moment, messieurs. Je sais,
d'autre part, et je voudrais éviter un débat sur une
question de moyenne que les gens de la RAQ, les employeurs
prétendent que le salaire moyen, au lieu d'être de $80.30 serait
de $81.63. Nous ne sommes pas tellement éloignés quant aux
chiffres. Je voudrais aussi vous dire que ce salaire est un salaire brut. Quand
on le décompose on en arrive à un autre taux, à un autre
montant Je pense que c'est intéressant pour vous d'avoir les chiffres.
Parce que, pourquoi y a-t-il un conflit? Pourquoi les gens n'acceptent-ils pas
une prétendue politique salariale? Bien, parce qu'ils ont des
problèmes quant à nous et, parmi ces problèmes-là,
la question du revenu.
Si les chiffres que je viens de mentionner sont vrais, cela voudrait
dire que le salaire moyen annuel est de $4,171.96. Si on enlève toutes
les déductions, dont la cotisation syndicale au cas où
vous n'y auriez pas pensé, moi j'y pense, vous comprendrez que c'est
là qu'est mon revenu si on enlève toutes les
dé-
ductions: le régime des rentes, le fonds de pension, la
cotisation syndicale, l'assurance-maladie, l'assurance-décès,
l'impôt provincial, l'impôt fédéral, parce qu'il
s'agit d'un salaire moyen qui excède légèrement les $4,000
donc l'impôt provincial vient là-dessus, alors, on enlève
au total, $588.20. Ce qui veut dire qu'on resteavec un revenu annuel, un
salaire annuel moyen de $3,583.76. Ce qui veut dire, par semaine, $68.91. Que
l'on ne soit pas surpris, si avec de telles conditions et même si on me
dit qu'il y a d'autres employés qui reçoivent exactement le
même montant, qu'on ne soit pas surpris, s'il y a un dur conflit qui
prend du temps à se régler.
J'ai mentionné, précédemment, à ma
première intervention, qu'on ne peut pas régler ces genres de
problèmes d'une façon dogmatique. Quand f ai dit cette chose, ce
n'est pas du tout en rapport avec ce que l'honorable premier ministre avait
mentionné au point de départ. Comme il Pavait utilisé et
que je l'avais dans mes notes, tout simplement, je m'en suis servi, moi
aussi.
On ne peut pas régler ces problèmes d'une façon
dogmatique. Je ne connais pas d'entreprises qui vont se faire une politique
dite salariale et qui vont l'appliquer à tout le monde et tout le temps
pour le reste de leurs jours.
Pour ça, il faudrait faire extrêmement attention,
même au gouvernement. Je sais bien qu'il peut me dire: On va changer la
politique éventuellement. Mais qu'il la change comme il l'a
fabriquée cette année, et vous comprendrez que nous nous sentons
un peu isolés, nous les syndicats ouvriers. Parce que nous ne sommes pas
présents nulle part. Même si nous sommes d'accord sur certains
principes, même si nous sommes d'accord, par exemple, pour qu'à
travail égal soit payé un salaire égal, il n'y a pas de
problème là-dessus. Ce que je voudrais que vous sachiez, ce n'est
pas une question de politique salariale à ce moment-là. Ce n'est
pas de la politique salariale en tant que telle.
A mon avis, les principes qui ont été émis par
l'honorable M. Masse ne font pas partie en tant que tels de ce que je pourrais
comprendre être une politique salariale. C'est une façon de
déterminer des traitements au niveau d'un groupe de salariés, de
ce que je pourrais appeler une politique où, à ce
moment-là, on aurait des critères ou des données de base
qui seraient beaucoup plus larges et beaucoup plus étendues que ce que
nous avons entendu ce matin de l'honorable M. Masse.
Lorsque vous parlez des écarts régionaux, lorsque vous
parlez du travail égal à salaire égal, lorsque vous parlez
de l'incitation du problème suivant lequel les employés qui sont
disons dans une catégorie de machinistes doi- vent être mieux
payés que ceux qui sont des journaliers, je ne crois pas, M. le
Président, messieurs les membres du comité, que nous puissions
dire que c'est vraiment cela une politique salariale.
Est-ce que le gouvernement du Québec décide d'être
considéré comme un bon employeur dans le sens « good
employer »? Est-ce que le gouvernement du Québec entend être
à la fine pointe de la rémunération? Est-ce que le
gouvernement du Québec a, de ce côté, une politique
à faire valoir? Cela, il me semble que ce serait encore beaucoup mieux
que de traiter des autres éléments, des critères
énoncés par M. Masse, ce matin.
Ce que je voudrais vous dire aussi, c'est que dans les critères
qui ont été mis de l'avant par M. Masse, je ne vois rien
concernant un salaire décent aux employés. Si les employés
avec qui on les compare, sont des employés mal payés, si ces gens
reçoivent des salaires ridicules parce que l'entreprise privée
les paie mal, parce que les syndicats ne sont pas organisés, pour une
foule de raisons ou parce que l'entreprise n'est pas capable de payer,
qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? C'est que le gouvernement va
dire: Moi, je vais les payer comme les autres.
Et si les gens ne peuvent pas vivre avec cet argent, s'ils ne peuvent
pas vivre d'une manière décente avec l'argent qu'on leur donne,
ce n'est pas très important, cela n'entre pas dans les cadres des
critères généraux inscrits dans la politique salariale du
gouvernement. Il me semble que cet élément du salaire
décent, du salaire convenable, est un des articles très
importants, surtout dans le cas d'espèce qui nous concerne.
Il n'y en a pas un parmi nous qui peut vivre d'une manière
convenable avec un revenu de $3,500 ou de $3,800 par année. Il n'y en a
pas un qui est capable de faire une vie raisonnable, à ce
moment-là.
Donc, on a pas examiné, à ce moment-là, un des
éléments de base, ce qui m'apparaît, moi, comme l'essentiel
à assurer à tout le monde, aux employés de l'Etat,
sachant, comme on l'a dit à deux ou trois reprises ce matin, qu'en
définitive c'est le peuple qui paie. Je ne vois pas pourquoi le peuple,
la population ne serait pas en accord pour accorder à ses serviteurs
publics un salaire leur permettant de faire une vie, non pas luxueuse, mais
à peu près décente.
Par les' taux actuels, par les propositions qui ont été
faites par la régie, donc par le gouvernement, moi je vous dis que ce
n'est pas raisonnable de dire: On va considérer que notre politique
salariale est tellement rigide, tellement forte, qu'ils ont beau s'arranger
comme ils
voudront. Hs ont beau faire des grèves la durée qu'ils
voudront, ce n'est pas important. II va falloir, nous autres, s'en tenir
à ces principes essentiels qui sont nos critères et qui, à
ce moment-là, ne permettent pas aux gens de vivre d'une manière
convenable.
Je crois donc que l'instrument qui s'appelle le rattrapage, dont il sera
question sans doute dans la deuxième période, sera un instrument
à examiner aussi de très près. Je voudrais aussi, au
niveau des principes, M. le Président et messieurs les membres du
comité, vous rappeler que ce n'est pas uniquement une politique
salariale qu'il faut établir, c'est une politique de toute
l'administration. Et les travailleurs, les salariés du gouvernement,
quand ils auront l'impression ou que dans certains cas, ils ont la
quasi-certitude que c'est uniquement dans leur cas qu'on serre les vis, qu'on
ne les serre pas ailleurs, quand on a l'impression que la machine
administrative n'est pas totalement structurée ou organisée, mais
que dans le domaine de la Fonction publique, parce que cela représente
probablement 50% au total du budget ou des budgets, on voit que c'est
uniquement au niveau des salaires que cette politique devient très
rigide et qu'on n'a pas de politique générale d'administration
pour administrer vraiment le mieux possible tout ce que l'on a à
administrer, je ne prête pas ici d'intention de mauvaise foi mais
j'espère que je me fais bien comprendre.
Je sais que parfois on part de loin dans l'administration publique, de
très loin. Alors, il y a des habitudes qui se sont créées.
Cependant, toute la réforme qui a été, j'espère,
bien commencée et qui s'accélérera, c'est une
réforme qui, à ce moment-là, ne doit pas commencer
à geler uniquement du côté des salaires.
Je voudrais aussi vous dire ce que j'ai compris de l'exposé
général, sur certains points. Je voudrais vous mentionner qu'il
me semble que la partie syndicale est complètement en dehors du jeu. Je
sais bien qu'on nous a affirmé qu'en 1971 enfin nous serions là.
On nous l'avait dit en janvier 1968 qu'on serait là cette année.
On nous avait dit que tous les dossiers de recherche seraient ouverts aux
parties, ouverts au public. On nous a dit cela dans cette même salle,
ici.
On nous avait dit à ce moment-là qu'il fallait engager un
dialogue. Je voudrais que vous sachiez en plus qu'il n'y a aucun syndicat ayant
signé une convention collective qui, effectivement, a accepté la
politique salariale du gouvernement parce qu'il n'y en a pas un qui la
connaissait. Ils ont accepté des taux de rémunération, ils
ont accepté des conditions de travail, ils ont fait la somme des
avantages et la balance des inconvénients. Ils ont décidé,
non pas d'accepter les principes, non pas d'accepter la théorie
ce n'était même pas expliqué quand cela a commencé
ils ont accepté designer un contrat parce que dans le temps
ça faisait leur affaire.
Lorsque l'honorable Masse nous mentionne qu'éventuellement il
doit y avoir consultations avec le gouvernement d'Ottawa, le gouvernement de
l'Ontario, avec les grandes municipalités, lorsque ceci se
présentera, moi je vous dis: N'oubliez pas dans vos consultations qu'il
y a des employés et que ces employés-là n'accepteront pas
tout le temps de ne pas être consultés et d'être
complètement mis au rancart.
Je voudrais aussi que vous sachiez que, dans le cas de la Régie
des alcools du Québec, il nous a semblé, nous, du
côté syndical, qu'à certains moments, ce n'étaitpas
le gouvernement qui menait tous les jeux, qu'à d'autres moments
c'était la Régie des alcools du Québec et on a
été assez mal pris, dans le fond, parce qu'on ne savait pas
exactement où tout cela pouvait mener.
Quand la Régie des alcools du Québec négociait,
quand on a eu un négociateur suivant l'autorité actuelle de la
loi, vous comprendrez aisément que cela a pris pas mal de temps avant
que nous ayons effectivement une réponse, à savoir si vraiment
c'est le gouvernement qui décide de la politique salariale dans le cas
de la Régie des alcools du Québec.
On me permettra aussi d'ajouter un certain nombre d'autres
considérations. On a accusé dans bien des milieux, M,, le
Président, les employés de la Régie des alcools du
Québec et j'en parle parce que ça fait toujours partie de
la politique salariale puisque l'argument de productivité a
été longuement soulevé par l'honorable M. Masse
d'être des gens qui n'étaient pas très, très
compétents. On a laissé courir ces bruits-là.
On n'est pas ici pour négocier et ce n'est pas du tout mon
intention mais je veux vous rappeler que, lorsque nous négocions un
contrat de travail, je ne connais pas encore d'entreprises ni privées,
ni publiques qui ont été d'accord pour nous dire: On va faire de
la cogestion ensemble.
Non! Ce qui se passe, c'est que l'entrepreneur qu'il soit
privé ou public dit : Négocie le plus durement possible.
Mais il y a une chose que tu ne toucheras jamais, ce sont mes droits de
gérance! Cela m'appartient. Tu vas les garder. Quand ce n'est pas
inscrit dans le contrat, quand ce n'est pas marqué dans le contrat, je
vous rappelle que le code civil est quand même encore là, que les
droits appartiennent à l'employeur. Or, lorsqu'on vient nous dire que,
s'il
y a de l'inefficacité à la Régie des alcools, c'est
la faute des employés que nous représentons.
Ce que je veux que vous sachiez, s'il y a de l'inefficacité, ce
n'est pas lafaute des employés; c'est la faute des administrateurs! Je
n'ai pas à nommer personne! Pourtant, je vous dis que c'est là la
source du mal. S'il y a un mal, s'il y a de l'inefficacité! Dans
certains milieux, on nous a même reproché qu'il n'y a pas de
terrains de stationnement près des magasins comme si, nous autres, nous
pouvions acheter des terrains de stationnement pour que les gens viennent
acheter de l'alcool aux magasins de la régie.
Je voudrais aussi vous rappeler que, si l'on parle de la
productivité je le souligne à M. Masse qui le sait sans
doute - dans le cas d'un service public comme celui de la régie, le
calcul de la productivité peut se faire d'une certaine façon. Je
parle très rapidement mais je pense que je touche un certain nombre de
sujets. Je voudrais vous mentionner en plus, qu'on a accusé encore
d'être un nid à favoritisme... Mieux vaut se parler aussi
clairement que possible, parce que cela fait partie de la question salariale,
si l'on reproche, au groupe que nous représentons, d'être des gens
qui ont été placés par faveur politique ou autrement,
bien, je regrette, mais là-dessus j'entends ajouter que ce n'est pas
nous, ce ne sont pas les syndicats qui embauchent à la Régie des
alcools. Ce n'est pas nous qui les engageons sur une base temporaire pendant
des semaines et des semaines, qui les mettons à pied puis les reprenons
pour éviter qu'ils soient permanents; ce n'est pas nous qui pouvons
faire ces choses-là! Quand on oppose toute la politique salariale
à une situation comme celle-là, et quand on est surpris qu'il y
ait de la résistance pour accepter une présumée politique
salariale - pour l'instant, ce n'est pas encore entériné
en disant: Comment cela se fait-il qu'ils ne sont pas raisonnables, bien, ils
ont une série de problèmes, comme ceux que je viens de
décrire et plusieurs autres que je pourrais aussi décrire.
Je voudrais maintenant, M. le Président, messieurs les membres du
comité, en parlant de cette question de politique salariale, vous
mentionner qu'à mon humble avis, le gouvernement ne respecte pas,
à l'heure actuelle, sinon la lettre du moins l'esprit du code du
travail. Je vais essayer de m'expliquer.
Le code du travail - je ne vous parle pas des délais de
prescription, je pense que vous allez bien me comprendre le code du
travail prévoit que les parties doivent, et c'est une obligation,
négocier de bonne foi. Quand une partie déclare que la politique
est décidée et qu'elle ne négociera pas sur ce point
je ne suis pas avocat, je ne veux pas faire d' «avocasseries
» non plus - il me semble que ce n'est pas là une façon de
négocier. En outre, il me semble qu'il est beaucoup plus raisonnable que
les parties puissent s'expliquer des choses et voir comment on peut
régler un problème plutôt que de dire: Nous ne
négocierons pas sur la politique salariale. Je vous rappelle aussi que,
dans certains milieux, qui ne sont pas exclusivement québécois,
moi, j'y attache pas mal d'importance.
Vous savez, nous avons l'impression que des problèmes peuvent se
régler de haut, et que des problèmes peuvent se résoudre
quand on envoie des formules automatiques ou mécanisées. C'est
une façon de régler des problèmes mais c'est une
façon de régler des problèmes sur une base purement,
exclusivement temporaire.
Il y a, dans certains milieux, dans certains autres pays, des endroits
où l'on ne voulait pas leur accorder plus que 1,5%, 1,8% d'augmentation
par année. Ce n'était pas possible. Il ne fallait pas augmenter
la masse salariale. Il s'est produit des événements durs,
très durs. Sans doute que le pays a été bouleversé
mais, le lendemain, les accords ont conduit à une augmentation des
traitements de cette année-là de 10%, dans d'autres cas de 30%.
Il faut faire attention, dans ce domaine, pour ne pas ériger en dogme
tout ce que nous pouvons croire et tout ce que nous pouvons
considérer.
Je dis donc, M. le Président, que dans cette question de
politique salariale, s'il y en a une véritable, ce n'est pas en fonction
des critères qui sont devant nous. Lorsqu'on parle du travail
égal, salaire égal, ça, je crois, que ça peut d'une
façon déterminer les revenus ou les salaires au niveau d'une
entreprise. Je voudrais que vous notiez que ces principes de «travail
égal, salaire égal», nous n'y avons, au contraire, aucune
objection et nous espérons que ce sera applicable aussi à la
Régie des Alcools.
Je voudrais, aussi, que vous sachiez qu'il n'y a pas beaucoup de
personnes qui peuvent s'objecter à ce qu'il y ait des écarts qui
soient établis entre le minimum et le maximum. Cela me paraît
convenable. Le montant, cependant, reste toujours, à mon avis, à
discuter et à négocier et c'est au moment de l'imposer qu'on
arrive, justement, dans des conditions difficiles. Les écarts
régionaux, comme je vous le dis, pour moi, c'est encore une façon
de déterminer, de programmer, comment est-ce qu'on va répartir
l'argent dont on dispose? Les écarts régionaux, nous nous sommes
assez battus dans le passé pour que les revenus soient égaux
d'une région à une autre, que nous ne pouvons pas nous y
objecter.
Le point essentiel dans la politique salariale, telle qu'elle nous a
été expliquée, c'est qu'on n'a pas tenu compte de ce que
j'appelle, moi, le salaire décent des employés. On n'a pas tenu
compte de ce point fondamental. Si on n'en tient pas compte avec le
déroulement qui nous a été proposé par M. Masse,
qu'est-ce que ça voudra dire? M. Masse nous fait de la théorie
à la fin. Il nous dit idéalement: Cela devrait conduire de la
façon suivante, mais tout le monde continuera à augmenter
à 6%, 6 1/2% ou 7%, ça dépend des chiffres.
C'étaient des hypothèses qu'il a formulées. Mais si on
part d'une mauvaise base, M. le Président, si on part d'une base
où ça ne nous permet pas de vivre, eh bien, on ne vivra pas plus
parce que les pourcentages d'augmentation qui sont prévus sont des
pourcentages qui suivent l'évolution, le progrès de la vie.
Je voudrais aussi mentionner un point qui m'apparaît crucial.
Lorsque vous décidez ou lorsque le gouvernement décide que sa
politique est de 15% pour trois ans et qu'il applique les 15% à toutes
les catégories de revenus, je comprends qu'il maintienne ses
écarts entre le minimum et le maximum et je comprends qu'à ce
moment-là la valeur relative des emplois reste la même.
Notez fort bien que si vous appliquez 15% à un revenu de $30,000
et si vous appliquez 15% à un revenu de $3,500 ou $4,000, nous sommes
dans une situation complètement différente et complètement
distincte.
Je pense que ce point, le gouvernement, lorsqu'il nous a exposé
sa politique ce matin, n'en a pas tenu compte sauf en nous mentionnant que,
dans certains cas, il doit y avoir du rattrapage. Et ce rattrapage, il semble
aussi qu'il l'ait décidé unilatéralement.
M. BERTRAND: M. Pepin, je ne veux pas vous interrompre, vous continuerez
si vous n'avez pas terminé. Je voulais et j'ai parlé avec
le chef de l'Opposition que nous continuions les travaux cet
après-midi, après la re- prise des travaux à 3 heures en
Chambre, le feuilleton, les affaires du jour, la période des questions,
et nous reviendrons ici.
Alors, je ne voudrais pas que vous vous sentiez à la hâte.
Prenez votre temps. Et si, à ce moment-ci, vous préférez
ajourner, vous nous suggérez d'ajourner. Je vais proposer que le
comité soit ajourné à cet après-midi, après
l'appel des affaires du jour, et nous continuerons avec M. Pepin. Je vois qu'il
y a des mains levées pour savoir si d'autres personnes pourront
être entendues, nous déciderons à ce moment-là,
après que M. Pepin aura fini son exposé.
M. PEPIN: Alors, vers quelle heure, M. le Premier ministre?
M. BERTRAND: Nous allons revenir ici vers 3 h 30.
M. GABIAS: Cela dépend de l'Opposition!
M. BERTRAND: Le chef de l'Opposition m'a dit que 3 h 30...
M. LESAGE: Non, je n'ai rien dit! M. LAPORTE: M. le
Président.
M. BERTRAND: Que 3 h 30 n'est peut-être pas acceptable, c'est ce
que vous avez dit.
M. LESAGE: Je n'ai rien dit!
M. LAPORTE: On va revenir dès qu'on va être prêt!
M. PEPIN: Nous serons ici, nous vous attendrons.
UNE VOIX: Le peuple attendra les élus du peuple!
(12 h 55)
Reprise de la séance à 16 h 42
M. GRENIER (président du comité): A l'ordre,
messieurs!
M. BERTRAND: M. le Président, je crois... M. LE PRESIDENT: A
l'ordre!
M. BERTRAND: Je crois qu'il serait à propos,
immédiatement, après entente avec le chef de l'Opposition, dont
le parti doit tenir un caucus à 5 h 30 et, comme d'habitude, les partis
tiennent des caucus à peu près en même temps que nous ayons
nous aussi un caucus comme d'habitude. Nous en avons un chaque semaine, le
mercredi. Au lieu de le tenir à 6 heures, nous le tiendrons à 5 h
30 comme nos amis, et les travaux de ce comité reprendront, au
consentement unanime de la Chambre, demain matin à 10 heures, et se
continueront jusqu'à 1 heure. Toutefois, demain après-midi, nous
devrons reprendre les travaux réguliers de la Chambre.
M. le Président, je crois que M. Pepin avait la parole.
Deuxièmement, je formule immédiatement une demande qui m'a
été présentée, elle l'a peut-être
été aussi à d'autres, à l'effet que, sur le fond de
la politique salariale, M. Raymond Laliberté, qui a levé la main
ce matin, serait désireux de nous entretenir durant une vingtaine de
minutes. Il succéderait donc à M. Pepin, au moins au micro.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, sans faire la moindre
obstruction, je désire seulement poser une question. Moi,
évidemment, j'ai consulté mon caucus. Il n'y a pas de
problème là-dessus.
M. BERTRAND: Avez-vous consulté le nouveau député
indépendant?
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais j'ai cherché son fauteuil et je
ne l'ai pas trouvé.
M. BERTRAND: C'était un fauteuil mouvant qu'il avait cet
après-midi.
M. BELLEMARE: Vous en avez déjà perdu un.
M. LEVESQUE (Laurier): Vous là, occupez-vous de vos pertes et
puis laissez-nous avec les nôtres.
M. BELLEMARE: Vive la victoire!
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, j'ai dit, avant que le
ministre du Travail commence à semer le désordre, comme
d'habitude, que je ne voulais pas faire d'obstruction, que je voulais seulement
poser une petite question...
M. BELLEMARE: D'accord, vous n'êtes pas un semeur de
désordre.
M. LEVESQUE (Laurier): Si possible, vu que c'est un cas qui dure tout de
même depuis 4 mois, qu'il y a des gens qui se sont dérangés
pour venir de Montréal, très nombreux d'ailleurs, je ne sais pas.
Est-ce qu'il serait inconcevable, les caucus se tenant vers 5 h 30, et le
cabinet ayant ses choses à faire lui aussi, que, vers 8 hres ou 8 h 30,
on puisse avoir une séance du soir quand même?
M. BERTRAND: Je dois déclarer que l'administration de la
province, des problèmes extrêmement urgents, en particulier une
conférence fédérale-provinciale des ministres des
Finances, exigent que je m'absente...
M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes à peu près le
seul...
M. BERTRAND: Je sais que cela ne vous intéresse plus. Mais
ça nous intéresse encore. Et vous, après la
réalisation des espoirs que vous formulez, il vous faudra quand
même établir des relations...
M. LEVESQUE (Laurier): Ne commencez pas un débat!
M. BERTRAND: Donc, j'arrête. Je voudrais que l'on comprenne que,
ce soir, nous sommes accaparés par ces besognes, mais je voudrais, au
moins, qu'on ne perde pas de temps.
Quelqu'un me fait une remarque qui est fort à propos. Pour avoir
plus d'argent au Québec, malheureusement à l'heure actuelle, il
faut non seulement en chercher dans les goussets du contribuable
québécois, mais il faut également aller exiger d'Ottawa
que l'on nous rende ce que l'on appelle une partie de notre butin.
Alors, nous poursuivons jusqu'à 5 h 30 et nous continuerons
demain matin, comme nous l'avons dit, à compter de 10 heures.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela nous ramène dans le passé.
M. GABIAS: Ce n'est pas si mauvais. M. LE PRESIDENT: M. Pepin.
M. PEPIN: Merci. M. le Président, messieurs les membres du
comité, comme tout le monde fait un caucus à 5 h 30, nous ferons
un caucus des grévistes, nous aussi.
M. le Président, messieurs les membres du comité, je ne
voudrais pas abuser du droit de parole que vous m'avez accordé. Je
voudrais tout simplement, au point de départ, revenir sur quelques
points que j'ai signalés ce matin, et après cela enchaîner
avec d'autres sujets au niveau, encore, de la politique
générale.
Je voudrais d'abord vous rappeler, M. le Président, messieurs les
membres du comité, qu'une des assises fondamentales à laquelle
nous croyons énormément, c'est cette question du salaire
décent, un salaire minimum convenable. Je pense que cet
élément n'est pas venu en ligne de compte dans la politique qui
nous a été expliquée ce matin.
Je voudrais aussi vous rappeler un point que je mentionnais, M. le
Président, c'est le problème que lorsqu'on applique des
mêmes pourcentages à des salaires différents, cela donne
fatalement des résultats qui ne sont pas différents, parce que
nous regardons la relation d'un emploi par rapport à un autre, nous
regardons la valeur relative, la comparaison relative reste la même,
mais, au niveau des chiffres absolus, vous comprendrez aisément, comme
moi, que celui qui gagne déjà $15,000 ou $16,000 par
année, qui reçoit, lui, 15% ou 7 1/2% et puis l'autre qui gagne
$3,000 ou $4,000 par année, à qui on dit: Bien, toi aussi, tu es
dans cette même politique de 7 1/2% ou de 15%, qu'en chiffres absolus, il
trouve ça gentil, que cela garde les relations entre les deux, mais
qu'effectivement, cela donne énormément moins en chiffres absolus
pour acheter le lait, chaque jour, ou pour acheter le beurre ou les autres
denrées.
Je pense bien que je suis resté dans l'ordre. Je suis
resté juste dans la limite probablement de ce qui pourrait s'appeler
l'ordre.
M. LEVESQUE (Laurier): Ce n'est pas parce que ce n'est pas une question
urgente...
M. MALTAIS (Saguenay): Il y a un petit relais.
M. PEPIN: Voulez-vous me permettre, s'il vous plaît, de vous dire
que moi, je ne suis pas en haut, je suis en bas présentement.
M. LEVESQUE (Laurier): Vous êtes chanceux, vous.
M. PEPIN: II n'en dépend que de vous de l'être autant.
Maintenant, ce que je voudrais mentionner, M. le Président, c'est
qu'une politique salariale comme telle ne peut, à mon avis,
s'établir sans qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une politique plus
large.
Je sais que M. Masse, ce matin, a essayé de bien circonscrire le
problème pour nous dire: Quand nous faisons une politique salariale,
nous ne faisons pas une politique de revenus. Quand nous faisons une politique
salariale au niveau des employés de l'Etat, nous ne faisons pas une
politique salariale pour les autres salariés qui vivent au
Québec.
Je pense que je peux peut-être dire certaines choses sur ce point.
Quant à moi, une politique salariale ne peut pas s'établir comme
telle sans qu'on ait vraiment, ce que j'appelle une politique
générale de revenus. On peut établir des taux de salaire,
des taux de rémunération, mais on ne peut pas essayer de
circonscrire le problème ou le débat en disant: On va faire une
politique salariale, mais il n'y aura pas une politique générale
de revenu, il n'y aura pas de politique qui va viser donc à
établir qu'il y ait une politique de prix aussi, qu'il y ait aussi une
politique de profit.
Peut-être me direz-vous: Nous ne sommes pas dans une province,
dans un Etat où nous sommes à diriger l'ensemble de
l'économie. Je comprends parce qu'il y a pas mal d'anarchie dans toutes
les sphères de l'activité économique. On fait à peu
près ce qu'on veut, sauf dans le domaine des salaires. Si on acceptait,
nous, qu'il y ait une politique salariale qui soit complètement
indépendante d'une politique générale de revenus,
politique qui doit tenir compte aussi du problème des prix, du
problème des profits de ceux qui vivent dans l'agencement
économique présent.
A mon avis, M. le Président et je voudrais insister
là-dessus ce que le gouvernement fait et ce qui a
été dit ce matin, ce n'est pas tellement comme je l'ai
déjà mentionné une politique salariale en tant que telle.
C'est une politique budgétaire qui est faite et le gouvernement, tous
les gouvernements, quels qu'ils soient, doivent tenir compte des contraintes
ordinaires. On a une somme de revenus, on n'en a pas plus. On peut en avoir
plus si on pose tel geste, mais on a une somme de revenus, cela se
comprend.
Mais à ce moment-là, et c'est le point qui
m'apparaît important, ce n'est pas tellement une politique salariale. Le
gouvernement se trouve tout simplement à établir sa politique
budgétaire et il n'y a personne au monde qui, à mon avis, peut
s'opposer à ce que le gouvernement, quel qu'il soit, définisse
une certaine
politique budgétaire. Cependant, il ne faudrait pas confondre et
il ne faudrait pas en arriver à dire: C'est là une politique
salariale alors que vraiment, c'est purement et simplement une politique
budgétaire.
Je voudrais maintenant, M. le Président, vous donner certaines
conditions préalables, à mon avis, à
l'établissement d'une politique salariale.
Il me semble qu'il y a deux choses que l'on devrait exeminer ensemble et
là, je ne parle pas au niveau des négociations, des tractations
entre le comité et nous; ce n'est pas du tout cela.
Il me semble qu'il y a deux préalables essentiels. Le premier
préalable, c'est que l'on doit faire un effort commun et que le
gouvernement doit faire un effort pour en arriver à assainir les
finances publiques.
Premièrement, dans cet effort d'assainissement, il doit
rationaliser les dépenses publiques. On me dira, sans doute: On en fait
constamment des efforts de ce côté-là. On pose des gestes
constamment pour y arriver. Je voudrais tout de même rappeler, sans
m'étendre trop longuement là-dessus, qu'on pose des gestes dans
cette province, qui, perçus par les travailleurs, ne sont pas dans un
sens où nous croyons qu'il y a une véritable rationalisation des
dépenses publiques. Lorsque le gouvernement, quel qu'il soit,
décide que des hauts gradés de l'administration doivent
être maintenus en poste, mais que leur travail doit être
exécuté par d'autres et qu'à ce moment-là il se
trouve à payer double salaire pour le même emploi, moi, je vous
dis que, quant à nous, ce n'est pas là rationaliser les
dépenses publiques. Je pense que le gouvernement, l'Opposition et tout
le monde peuvent facilement être d'accord avec cette
proposition-là.
Jusqu'à quel montant ceci peut-il représenter une
dépense considérable ou non? Je ne suis pas en mesure de le dire,
mais je sais quand même qu'il y a eu des cas analogues à celui que
je viens de mentionner. Sans aller plus loin, je voudrais, au moins, mentionner
que, si l'on veut assainir les finances publiques, on doit faire un effort et
plus qu'un effort pour arriver à rationaliser les dépenses
publiques.
Je voudrais, en deuxième lieu, vous dire que, quand on fait un
effort pour assainir les finances publiques, il faut utiliser au maximum toutes
les sources de revenus que l'on a et il faut faire en sorte que s'accroissent
les revenus par une stimulation réelle de la croissance
économique. C'est peut-être un jargon, mais ce que je veux faire
comprendre, c'est que, s'il y a des sources de revenus qui ne sont pas
exploitées, comme le problème des gains de capital... Dans cette
province et dans ce pays, les travailleurs ont toujours l'impression et,
quand on fait l'examen des chiffres, ça devient une certitude
qu'ils ne sont pas traités comme tout le monde.
Us sont traités pire que tout le monde, parce qu'ils sont
taxés au maximum pour tout leur revenu. La très grande
majorité des travailleurs n'ont, comme revenu, que le travail qu'ils
exécutent, que la rémunération de leur travail, alors que,
ceux qui spéculent à la bourse, eux, leur gain de capital n'est
pas taxé.
Peut-être, me direz-vous que ça ne fait pas partie du
débat qui est devant nous. Au contraire, quant à moi, cela en
fait rigoureusement partie, parce que, si l'on est pour établir une
politique salariale, quels qu'en soient les critères, si l'on ne
commence pas au point de départ par ces préalables qui sont
nécessaires, moi, j'ai l'impression que les travailleurs auront toujours
la conviction qu'ils se font un peu tricher dans toute cette histoire.
UNE VOIX; Un peu beaucoup.
M. PEPIN: Un peu, beaucoup, merci beaucoup. Je voudrais aussi, en
deuxième lieu, vous dire que la politique salariale, si elle a à
être établie, ne peut l'être unilatéralement, je l'ai
déjà mentionné. Cependant, il m'apparaît, M. le
Président, qu'on pourrait envisager l'ensemble, de faire cela à
deux niveaux, mais de le faire vraiment, cependant. Le premier niveau offrirait
vraiment de la politique salariale, en déterminant la masse salariale.
Et, à ce moment-là, ça ne peut se faire du
côté du gouvernement exclusivement. Ils peuvent avoir leurs
projets, leur programme, ils peuvent soumettre ce qu'ils veulent. C'est bien
entendu, c'est leur droit Mais nous, du côté des salariés,
nous devons être en mesure de discuter avec eux de cette
détermination de la masse salariale. C'est ce qui ne s'est pas fait,
c'est ce qui devrait se faire. Je voudrais vous dire, et là, on arrivera
peut-être à ce que le gouvernement appelle maintenant sa politique
salariale, qu'en deuxième lieu, on peut à un autre niveau,
s'occuper de la répartition de la masse salariale. Et là, on peut
tenir compte du problème des écarts régionaux, du
problème travail égal, salaire égal.
J'essaie tout simplement de vous dire que, lorsque, ce matin, j'ai dit
que pour moi, ce n'était pas vraiment une politique salariale,
c'était une façon de payer les taux de salaire, une façon,
pour le gouvernement, de rémunérer les employés. C'est
qu'en un premier temps, pour moi, on détermine la masse salariale en
tenant compte de l'indice du coût de la vie, de la
productivité, d'autres éléments dont nous pourrons tenir
compte tout le monde ensemble, et qu'en deuxième lieu, on en fait la
répartition.
M. le Président, je voudrais bien essayer tout de même,
dans cet exposé que je terminerai dans quelques minutes, de vous faire
comprendre que, pour moi, on ne peut invoquer une politique salariale, si elle
existe vraiment et en présumant qu'elle existe. On ne peut l'invoquer
contre des gens dont le revenu est trop faible, on ne peut pas l'invoquer, leur
opposer une politique salariale, contre des gens qui gagnent ce que f appelle
en dessous d'un salaire décent ou même, dans certains cas, d'un
salaire vital. Il me semble qu'à l'heure actuelle, le conflit, c'est le
résultat de la prétention du gouvernement de s'en tenir à
une telle politique, et je crois que tout le monde va comprendre que le
salarié, que le travailleur, dans ces conditions, ne peut que la
refuser.
Le fait aussi qu'il y ait une telle ténacité de la part
des grévistes, vous me direz que cela ne prouve rien, c'est absolument
irrationnel comme argumentation, ce n'est pas décidé à
l'avance, ce n'est pas automatique. Il me semble quand même que la
ténacité des grévistes doit nous faire comprendre que
cette politique qu'on essaie d'imposer et d'imposer vraiment, c'est une
politique que les gens ne trouvent pas à l'échelle des
êtres humains et ce n'est pas soutenable qu'on puisse la maintenir.
Je sais bien que ni le gouvernement, ni le Parlement, ni ce
comité ne voudraient que ces choses se règlent par la force. Sans
doute ne veut-on pas non plus que ça se règle; quand j'entends le
mot force, je n'entends pas la violence physique ni l'épuisement des
troupes, mais par la force, la brutalité. Je pense bien que ce n'est pas
cela qu'on veut. Tout le monde veut avoir un règlement, mais un
règlement convenable.
Et je ne voudrais pas, quant à moi, que le règlement que
l'on recherche, tout le monde ensemble, soit un règlement basé
sur l'exploitation des pauvres, de ceux qui sont vraiment mal pris dans la
société. Et, règle générale, M. le
Président, lorsque nous avons des conflits de travail, des conflits
sociaux, des conflits ouvriers, qu'est-ce qui arrive quand il y aune
résistance, quand il y a une ténacité qui ne lâche
pas? C'est que la libre négociation conduit, quant à moi,
à une justice sociale accrue. Ce n'est pas ce qui se passe à
l'heure actuelle. Je ne crois pas qu'il soit sage pour personne, dans cette
communauté, que nous acceptions qu'il y ait une répression et
qu'on s'arrange pour refouler ces gens-là en leur disant, qu'au nom
d'une politique salariale, on n'acceptera pas de considérer leurs
demandes. Personne ne peut accepter ce genre de répression.
Je pense que nous avons tous ensemble un désir de justice assez
élevé pour comprendre les données fondamentales du
problème qui se pose quant à nous.
Cependant, on nous oppose parfois, dans certains milieux, M. le
Président, des comparaisons avec d'autres désavantagés de
la société. Est-ce que vous croyez vraiment que le fait de se
comparer avec d'autres gens qui sont mal pris, peut régler le cas de
ceux qui sont actuellement dans ce litige? Je ne le pense pas. On nous a dit
à maintes reprises, et avec raison: Organisez les non-organisés,
organisez les non-syndiqués puis, c'est juste! On fait des efforts et
tout le monde est d'accord là-dessus le gouvernement, l'Opposition et
toute la société. Mais l'organisation syndicale ne crée
pas la richesse. Si elle créait la richesse, les gars de la régie
ne seraient peut-être pas en grève. L'organisation syndicale
permet des relations ordonnées; elle nous permet de voir ensemble
comment nous allons régler les problèmes. Mais lorsqu'on nous
dit: Organisez les non-syndiqués et qu'au même moment les
comparaisons que l'on veut faire pour régler le problème des
syndiqués, on les fait avec les non-syndiqués, fussent-ils du
commerce ou d'ailleurs, il me semble à moi que ce n'est pas là un
point de comparaison que l'on devrait accepter tout le monde ensemble.
M. le Président, ce matin j'ai mentionné brièvement
que la politique salariale telle qu'elle nous a été
énoncée ce matin a été conçue à
l'avance, j'en suis convaincu, par le gouvernement. Elle n'a pas
été expliquée cependant sauf ce matin et des bribes
antérieurement à aujourd'hui. A mon avis et on tend de
nouveau à l'imposer j'ai référé au code du
travail, ce matin, et je voudrais vous rappeler que c'est l'article 41 qui,
d'après moi, s'applique en l'espèce il me semble que le
gouvernement ne devrait pas maintenir cette position de ne pas négocier
sa politique salariale. '
M. le Président, ne serait-il pas possible lorsque nous avons des
négociations particulières, de ne pas nous imposer des
négociations générales? Si on veut faire la
négociation générale dans la fonction publique ou dans
d'autres secteurs, nous sommes prêts, nous allons la faire, mais le grave
problème est le suivant, c'est qu'on négocie d'une manière
particulière à la RAQ. Le code du travail prévoit
ça: nous n'avons pas le choix, c'est ça. On nous impose une
politique générale qui n'a même pas été
négociée
par personne, puis on dit: « C'est infranchissable, il faut que
ça arrête là ». Il me semble qu'on ne peut pas en
l'espèce nous parler de politique salariale générale alors
qu'on nous entraîne à une table de négociations par une loi
adoptée à l'unanimité par le Parlement. On nous
entraîne à négocier sur une base particulière.
Peut-être que cet argument ne sera pas retenu par vous mais
à moi, il semble capital. Ce n'est pas la faute des gars de la
régie ni des négociateurs, ni des employeurs ou des
employés. Ce n'est sûrement pas la faute de la CSN non plus. Nous
avons essayé de négocier, mais on négociait d'une
manière particulière et puis on nous a opposé une attitude
générale de la part du gouvernement, attitude que personne ne
connaissait. Cela fait quatre mois que ces travailleurs luttent avec beaucoup
de courage. On leur a dit d'ailleurs que pendant l'instance de la grève,
c'était la position du gouvernement et que c'était uniquement
cette position-là qui allait être maintenue.
M. le Président, ce que je pense, c'est que la situation actuelle
me permet de vous dire qu'il me semble qu'on a induit en erreur les
salariés jusqu'à un certain point. On leur a dit: Exercez vos
droits. Mais on essaie de leur nier toute espèce d'effet dans l'exercice
de ces droits.
Bien sûr que ça n'a pas été volontaire.
J'espère en tout cas que cela a été involontaire,
peut-être même inconscient mais il reste que les travailleurs ont
l'impression d'être pris dans une espèce de traquenard. On ne
pourrait pas nous dire aujourd'hui: Ce que vous réclamez aujourd'hui, on
va le faire en 1971. On nous a d'ailleurs déjà dit, l'hiver
dernier, qu'on le ferait au cours des présentes négociations. Je
ne pense pas que cela puisse être là une réponse
satisfaisante aux problèmes que nous soulevons.
Avant de m'asseoir, M. le Président je ne sais si cela va
être rigoureusement dans l'ordre je sais que nous ne faisons pas
de négociation et je n'ai pas l'intention d'en faire avec vous, mais il
me semble que, pour régler un problème comme celui-là, il
y a un bon nombre de chemins que l'on peut suivre. Je n'ai pas l'intention
d'explorer avec vous aucun des chemins, mais je pense que le premier ministre,
le chef de l'Opposition, les autres membres du comité, de même que
le président, doivent bien comprendre qu'il doit y avoir des moyens pour
résoudre ce conflit. Le comité des régies gouvernementales
en est peut-être un. Moi, je ne le sais pas, mais, comme il n'y a pas de
négociation, je ne vois pas comment cela pourrait en être un.
Nous avons demandé un médiateur spécial. On nous a
opposé que cela mettrait en cause la politique salariale du
gouvernement. Je ne le crois pas. Mais, disons qu'en dehors de ce moyen, il y a
d'autres moyens que l'on peut facilement envisager et qui peuvent
entraîner un règlement de ce conflit dans un avenir qui, je
l'espère, ne sera pas trop éloigné. Cependant, si nous
sommes aux prises constamment et quel que soit le moyen avec une
attitude qui vient soit du cabinet, soit du gouvernement qui nous dit: On ne
touche à rien, cela ne se règlera pas de cette
façon-là. Et, si on est prêt à faire certaines
choses, à voir comment les problèmes humains... Quant à
moi, ce sont vraiment des problèmes humains, pas autre chose que cela.
Ceux qui peuvent avoir dans la tête que nous essayons, par ce conflit, de
régler d'autres conflits éventuels, détrompez-vous! Nous
essayons tout simplement de régler le problème des
employés de la Régie des alcools, et pas d'autre que
celui-là. Si nous avions une autre attitude, je pense que ceci ne serait
pas correct. Il faut voir le problème tel qu'il existe, et pas d'autres
problèmes.
Je ne sais pas quelle sera éventuellement l'attitude de ce
comité. Ce sera à vous d'en décider, mais je voudrais
quand même, avant de m'asseoir, essayer de faire un certain appel. Je
sais qu'il n'est pas question pour la plupart d'entre vous, sinon tous
de sauver la face ou de perdre la face, mais bien de régler
certains problèmes que nous avons au niveau des employés de la
régie qui veulent être payés davantage, et de régler
certaines autres questions qui, comme vous vous en doutez, sont encore en
litige.
Je me demande si, au niveau de ce comité, comme au niveau de
certaines autres instances parlementaires, on ne doit pas avoir une attitude
ouverte pour régler les problèmes. Et même, je vous
suggère, M. le Président, quoique ce ne soit pas à moi de
suggérer cela, qu'il y a une possibilité que le débat soit
ouvert indépendamment des partis politiques ou des intérêts
politiques qui peuvent être en jeu. Il y a un problème social qui
est grave, qui est sérieux et il me semble qu'il y a des chemins que
l'on peut suivre pour le régler. Alors, je vous remercie, M. le
Président.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
Alors, il faudrait bien accepter, comme règle connue et toujours
appliquée, qu'au comité, comme à l'Assemblée
législative, il ne doit pas y avoir de manifestations de la part de
l'assistance, ni pour, ni contre, bien sûr. M. Raymond
Laliberté.
UNE VOIX: Nous nous en fichons, nous, de cela.
M. LALIBERTE: M. le Président, messieurs les membres du
comité. J'aimerais, d'abord, non pas remercier le gouvernement de nous
donner la parole, car je pense que, sans être un droit, c'est une chose
normale, en l'occurrence. J'aimerais quand même prendre la parole, non
pas sur le fond de la question de la grève de la Régie des
alcools, quoique, àl'occasion,jepuis-se aussi y faire
référence, non pas même sur le fond de la
négociation actuellement en cours entre les trois organismes
d'enseignants, d'une part, et les deux fédérations de commissions
scolaires et le gouvernement, d'autre part, mais sur le fond même de ce
que le gouvernement appelle une politique salariale qui, à juste titre,
a été dénoncée comme n'en étant pas une par
mon confrère, M. Pepin, au cours de la journée.
M. le Président, vous me direz que je ne le suis pas, mais si
j'étais membre de ce comité, aujourd'hui, je n'aurais pas
procédé comme vous l'avez fait. J'aurais invité, d'abord,
le ministre d'Etat délégué à la Fonction publique,
le responsable de cette politique salariale, non pas à siéger
à l'intérieur du comité, mais à venir s'asseoir
à la barre, ici, avec nous, et à parler avec nous, ici. Et voici
pourquoi.
Ce que le ministre d'Etat délégué à la
Fonction publique a exposé dans son discours aux jeunes chambres, il y a
une dizaine de jours, et qu'il a répété ce matin, ce que
le gouvernement appelle une politique salariale, pour moi et pour les
enseignants, et pour la CSN comma on l'a expliqué aujourd'hui, ce n'est
pas une politique gouvernementale. Ce n'est pas une invention
québécoise, c'est strictement une politique d'employeurs. Ni
plus, ni moins.
Je n'ai pas besoin de rappeler, d'ailleurs, à l'honorable
ministre qu'il a lui-même utilisé, dans son exposé de ce
matin et antérieurement, des expressions par lesquelles il se
défendait justement de vouloir faire de cette politique salariale une
politique de revenus, et même par lesquelles il se défendait
également de vouloir faire de cette politique salariale une politique de
salaires pour l'ensemble des salariés du Québec.
Ce seul exemple, que nous donne lui-même le ministre Masse,
justifie à lui seul, l'affirmation que je viens de faire, à la
suite d'ailleurs de M. Pepin, à l'effet qu'il s'agit strictement d'une
politique d'employeurs. Toutes les grandes industries nord-américaines
et européennes, également, ont déjà depuis
longtemps de telles politiques de rémunération de leurs
employés.
Ce n'est pas nouveau au Québec, ce n'est pas nouveau au Canada,
ce n'est pas nouveau en Amé- rique du Nord. Ce qu'il y a de nouveau, ici
et cela tient à une attitude,, à un état d'esprit
qui existe chez-nous, au niveau gouvernemental c'est qu'ici nous sommes
dans une situation où l'employeur ou encore le quasi-employeur est un
gouvernement, et qu'il joue constamment sur une ambiguïté
fondamentale qui risque de mêler les problèmes, qu'il a d'ailleurs
fort bien mêlés depuis déjà plusieurs mois.
Il ne s'agit pas ici, même si elle a été
approuvée par le conseil des ministres, d'une politique de l'Etat
québécois. Autrement, l'Etat n'aurait pas le droit de n'avoir
établi que ce qu'il a établi. Il ne s'agit ici que d'une
politique du ministre, ou du ministère, le ministre au sens des
rêves parlementaires, d'une politique du ministre
délégué à la Fonction publique, d'une politique du
ministre responsable au nom du gouvernement qui subventionne, responsable des
négociations à une vingtaine de tables, nous a-t-il dit ce
matin.
Que ses collègues du conseil des ministres aient endossé
une telle politique d'employeur n'en fait pas plus une politique de l'Etat, pas
plus, qu'antérieurement. Et là je vais me référer
à un autre geste qui avait été posé le 14 octobre
1966, pas plus, qu'antérieurement, par l'adoption des « fameuses
» normes du 14 octobre 1966 qui ont créé la crise scolaire
du temps. Pas plus alors la décision du conseil des ministres ne faisait
pour autant une décision officielle de l'Etat en tant qu'Etat.
Cette ambiguïté, M. le Président, M. le Premier
ministre, elle joue constamment dans les relations des syndiqués avec le
gouvernement. Vous ne l'avez pas du tout éclairée
récemment. Au contraire, j'ai l'impression, j'espère me tromper,
que vous ajoutez à l'ambiguïté. Quand on utilise comme
argument des mesures mathématiques comme celles de la progression des
budgets gouvernementaux, comme celles de la progression des sources de revenus
gouvernementales, comme celles de la progression de la population, on donne
l'impression à la population que c'est l'Etat, en l'occurrence, qui
élabore une politique à caractère quasi législatif
évidemment, ce n'est pas législatif encore du
moins, à caractère quasi législatif.
Je souhaite ardemment qu'enfin vous réussissiez, que vous
cherchiez au moins à démêler cet écheveau. Qu'enfin
vous cessiez d'utiliser vos pouvoirs successivement d'Etat-gouverne-ment,
d'Etat-législateur pour imposer vos orientations d'employeur. Vous
n'avez pas plus le droit que n'importe quel autre employeur d'utiliser des
mesures qui vous sont données par ailleurs en tant
qu'Etat-législateur ou conseil des ministres, du gouvernement officiel.
Vous
n'avez pas plus le droit d'utiliser ces moyens qu'une industrie aurait
le droit de poser des gestes équivalents dans son secteur contre le
groupe des salariés avec lesquels elle négocie.
Je suis bien conscient, M. le Président et M. le Premier
ministre, qu'il s'agit là d'une question difficile. Je suis bien
conscient que cela ne se règle pas dans l'espace de quelques secondes.
Mais, je n'ai pas encore vu, moi, un effort de la part du gouvernement pour
démêler cet écheveau-là. Je reprends mon affirmation
d'une politique d'employeur, pour dire qu'en l'occurrence et, je voyais
le ministre d'Etat délégué à la Fonction publique,
je crois, accepter d'un signe de la tête qu'il s'agissait bien d'une
politique d'employeur - vous n'avez absolument pas le droit, à moins de
nier le syndicalisme, de déclarer qu'une telle politique ne se
négocie pas. Aucun employeur, de quelque pays que ce soit, qui accepte
le syndicalisme ne peut, comme cela, utiliser son prestige celui que
vous donne, ici, votre fonction de législateur et de conseiller
ministériel pour déclarer qu'une telle politique ne se
négocie pas.
Vous avez, d'ailleurs, été, d'une certaine façon,
logique en établissant cette politique d'employeur, sans consultation
avec les employés. Mais, soyez logique jusqu'au bout. Acceptez qu'elle
soit négociée, déclarez égalementqu'elle peut
être négociée et clarifiez cette situation-là
auprès de la population.
En agissant ainsi, vous trouverez probablement des moyens de
régler la grève de la Régie des alcools et les autres
tables de négociations en cours ou à venir, également.
M. le Président, si, par ailleurs, on voulait établir une
véritable politique salariale de l'Etat, vous devriez multiplier par 10
et par 20, sans aucun doute, les efforts de rationalisation, de coordination et
de planification que vous devriez faire pour, alors, inscrire une
véritable politique, au nom de la société
québécoise.
Je n'entreprendrai pas de lire le document que certains d'entre vous,
membres du comité, avez reçu. On l'a fait distribuer ce matin, et
il comporte je pense une série intéressante de questions
adressées à l'honorable ministre d'Etat
délégué à la Fonction publique. D'ailleurs, tous
les députés, je crois, en auront reçu une copie
aujourd'hui. Mais, j'espère que vous vous pencherez sérieusement
sur cet ensemble de questions et qu'un jour nous obtiendrons réponse
à ces questions-là.
D'autant plus que l'actuel ministre d'Etat délégué
à la Fonction publique est devenu, récemment, ministre
responsable de la coordination du plan. Je ne sais pas comment, d'ailleurs, il
va faire les deux sans, encore une fois, mêler les écheveaux, mais
je sais bien qu'en tant que ministre responsable de la coordination du plan, il
n'a pas le droit de refuser ou de s'abstenir de répondre à la
série de questions que nous posons dans ce document-là.
M. le Président, c'était un premier point.
Un deuxième point. Même dans cet énoncé de
politique salariale d'employeur, j'ai entendu, ce matin, certaines affirmations
de l'honorable ministre Masse, que j'aimerais nuancer en les mesurant à
la lumière de nos propres négociations dans le secteur de
l'enseignement. Je serai bref là-dessus. Je soulignerai certains points
seulement. Je soulignerai, par exemple, une affirmation qu'il a faite je
ne sais plus trop à quelle heure dans laquelle il disait que,
dans l'enseignement, par exemple il le donnait comme exemple on
avait tendance à négliger les taux de rendement pour les emplois
spécialisés. J'aimerais souligner aux membres de ce comité
que, lors de l'adoption du bill 25 mesure législative, cette
fois-ci;premiêre étape d'une politique salariale d'employeur; dans
notre cas, imposée par législation, double rôle,
ambiguïté, etc. - les gens qui recevaient justement les
augmentations les plus faibles, étaient les plus scolarisés:
à partir de la quinzième année de scolarité
jusqu'à la vingtième. J'aimerais affirmer également
et on pourra fournir des chiffres aux hauts fonctionnaires, conseillers du
gouvernement, s'ils désirent entrer en dialogue avec nous à ce
sujet-là que, dans les nouvelles échelles qu'on nous a
proposées le printemps dernier et pour lesquelles, probablement, nous
allons faire l'accord, incessamment nous sommes vraiment, je pense, en
train de nous rejoindre. Il reste des choses fondamentales, mais pour les
échelles comme telles, en termes de montant d'argent, je crois que nous
nous rejoignons dans ces nouvelles échelles, en les approuvant,
en les acceptant, notons tout de suite, que l'on n'approuve pas, pour autant,
la politique salariale du gouvernement.
On négocie des échelles de traitements dans une situation
donnée, point. Que même dans ces échelles-là, les
groupes d'enseignants, encore les moins susceptibles de recevoir des hausses de
traitements sont encore une fois les plus scolarisés: quinze ans de
scolarité et plus. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on a proposé
et réussi à obtenir un tout petit minimum d'augmentation par
tranche de 18 mois de l'ordre de 5% soit 10% sur une période de trois
ans plus ou moins, à peine la hausse de l'indice des prix à la
consommation et rien du tout sur la hausse des revenus, disons, du produit
national brut.
Quand on nous dit, donc, que dans l'enseignement on a tendance à
négliger les taux de
rendement pour les emplois spécialisés et que la politique
salariale du gouvernement veut corriger cet aspect-là, moi je dis: On a
mal mesuré la situation dans le monde de l'enseignement du secteur des
commissions scolaires parce que ni le bill 25, ni les nouvelles offres ne
répondent à cet objectif.
Deuxième point également là-dessus. On nous dit que
la politique salariale est un complément aux diverses politiques des
différents ministères. Politique d'enseignement, par exemple, de
la part du ministère de l'Education. Or, dans les propositions qui nous
sont faites, on fait perdurer les conditions existantes ou même on
diminue les conditions qui existaient auparavant alors que le règlement
no 1 et les collectives et l'éducation active nécessitent des
conditions nouvelles.
D'un côté, le ministère de l'Education pousse vers
le renouveau scolaire de l'autre la politique salariale veut faire durer des
situations où veut détériorer des situations
existantes.
Un troisième point. On nous dit également que dans cette
politique salariale, on met un accent sur le perfectionnement. Or, dans le cas
qui nous concerne, dans notre négociation, c'est le même montant
ou le même taux de la masse salariale qui est proposé en terme de
perfectionnement de ce qui existait depuis deux ans.
On nous dit également qu'on veut arrêter les écarts
régionaux, ce avec quoi nous sommes pleinement d'accord. Cependant, on
nous propose des primes d'éloignement qui ne correspondent pas à
la réalité. Je n'entrerai pas... moi non plus, je ne suis pas en
train de négocier. Je dis simplement que nous voyons, et je l'affirme,
des failles dans la politique salariale de l'employeur dans notre cas. On ne
tient pas compte des situations comme celle de la Cote-Nord, par exemple. On ne
tient pas compte de ces régions où le personnel enseignant a
besoin d'avoir un attrait particulier sérieux pour y demeurer, si on
veut offrir, au nom de l'équité sociale, même chance
à tous les étudiants du Québec.
Bien sûr, on propose quelque chose, mais on ne vas pas
suffisamment loin dans ce domaine-là. Je déclare donc ici qu'en
termes de disparition des écarts régionaux, d'accord, mais
conversation cependant et renversement de la vapeur sérieux, si on veut
rendre toutes les régions du Québec aussi attrayantes les unes
que les autres.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Comme il est cinq heures trente, je ne sais
pas si le comité déciderait qu'on laisse continuer M.
Laliberté ou s'il serait mieux de reprendre demain matin.
M. LALIBERTE: M. le Président, j'en aurais vraiment pour cinq ou
six minutes à peine.
M. BERTRAND: Alors, très bien.
M. LE PRESIDENT: Très bien, M. Laliber-té, continuez. Vous
avez la liberté de continuer.
M. LALIBERTE: M. le Président, évidemment, c'est
embarrassant de soulever dans un contexte de discussions au sujet de la
Régie des alcools, un autre contexte, celui de la négociation des
enseignants. Je sais bien que c'est embarrassant. Je sais bien que je peux
donner l'image, à un moment donné, de faire détourner le
débat. Ce n'est pas ce que je veux faire.
M. BERTRAND: On comprend.
M. LALIBERTE: Tout cela, c'était pour prouver à ma
manière que même la politique salariale d'employeur comporte des
failles importantes et que ces failles-là, on ne peut pas les
ériger en système en disant: Ce n'est pas négociable.
Finalement, M. le Président, j'aimerais expliquer et je
rejoins les principes pourquoi en tant qu'Etat, en tant que gouvernement
responsable de la coordination de la société, de
l'évolution de la société, pourquoi nous croyons que
l'Etat devrait et très rapidement et avec toutes les mesures de
consultation et même de négociation appropriée,
établir une véritable politique salariale d'Etat.
Dans le document auquel je faisais allusion tout à l'heure, vous
trouverez certaines questions qui mettent en parallèle les politiques de
salaires et les politiques de revenus.
M. le Président, je n'ai pas envie de faire un cours magistral
là. Je suis, moi aussi, enseignant et puis, comme Marcel, j'ai des
déformations. J'aimerais néanmoins souligner que, si nous faisons
référence à une politique de revenus, c'est que, dans une
économie, il y a divers agents et que ces agents n'ont pas tous la
même source de rémunération.
Pour les salariés, la rémunération, c'est le
salaire; pour les chefs d'entreprises, c'est le projet; pour les
propriétaires fonciers et autres, ce sont les loyers, les rentes, etc;
pour les propriétaires de capitaux, c'est l'intérêt, ce
sont les dividendes, etc.
Même s'il est plus facile de rejoindre le groupe des
salariés et, en particulier, le groupe des salariés du
secteur de la fonction publique, parce qu'ils sont organisés et parce
que le gouvernement peut jouer une influence sur eux en établissant une
politique salariale
d'employeur qui constitue, à peu près, 70% du
revenu national total pour le Québec en 1966 d'après les
chiffres que j'ai on ne fera pas une véritable coordination de
l'évolution économique de la société si l'on ne
rejoint pas les rémunérations des autres agents de
l'économie. Je les rappelle: les chefs d'entreprises, les
propriétaires fonciers et autres, et le camp des propriétaires de
capitaux.
Nous pourrions, en tant qu'Etat, choisir ou bien une planification
globale et totale ou bien des mesures qui seraient parcellaires, qui n'iraient
pas jusqu'à la planification totale et globale.
Nous avons déjà déclaré à la CEQ, le
printemps dernier, qu'une mesure nous agréerait en termes de
planification qui ne serait pas totale et globale» Ce serait celle de
négocier, avec les représentants de tous les groupes de
salariés, syndiqués et autres, à l'intérieur de
plans, toutes leurs sources de revenus, non pas seulement leurs salaires, mais
également toutes les autres sources de revenus à caractère
social.
Exemple, ce que coûte ou ce que ne coûte pas la santé
pour un individu. Exemple, ce que coûte ou ce que ne coûte pas
l'habitation pour un individu, etc.
Il n'y a qu'une partie du revenu total d'un individu salarié qui
lui vient de son salaire, même si c'est la partie la plus importante.
Vous ne réussirez pas à faire une coordination réelle et
vous ne réussirez pas à faire intégrer tous les mouvements
de l'économie, si vous ne touchez pas aux autres sources de revenu de
ces salariés.
Et notre proposition, le printemps dernier, que nous ramenons à
nouveau à l'Etat c'est la suivante : Nous serions prêts à
négocier, et j'emploie à dessein le mot négocier, pour
éviter le mot consulter. Nous serions prêts à
négocier avec les porte-parole autorisés, gouvernement et autres,
toutes les sources de revenu des salariés, salaires et autres
allocations de toutes sortes, c'est une mesure très parcellaire,
très parcellaire, qui ne va pas à la planification totale, c'est
loin du socialisme, M. le Président.
On pourrait aller plus loin et, cette fois-là, parler en termes
de coordination et de planification des revenus des agents de
l'économie. Et on pourrait encore aller plus loin, et parler en termes
de coordination et de planification des revenus et des salariés et des
autres agents non salariés de l'économie, et là, on serait
rendu dans la planification globale.
C'est ce que j'essaie de démontrer, M. le Président, par
des questions. Evidemment, je dois traiter très rapidement, et puis, en
fin de journée, dans la fumée, dans la fatigue et tout cela, j'ai
bien conscience, comme professeur, on sent si nos élèves marchent
ou ne marchent pas. J'ai bien conscience que je n'ai plus beaucoup
d'audience.
M. LE PRESIDENT: On vous écoute.
M. BERTRAND: M. Laliberté, loin de nous la pensée de vous
empêcher de continuer, nous vous avons proposé il y a quelques
instants...
M. LALIBERTE: J'ai terminé, M. le Président.
M. BERTRAND: ... de reprendre demain matin, nous voudrions que vous
reveniez, comme vous dites, plus reposé, vos élèves plus
attentifs, nous croyons l'être, mais si vous croyez qu'il est
préférable...
M. LALIBERTE: J'ai terminé, M. le Président.
M. BERTRAND: ... d'aller à demain matin, nous sommes prêts
à reprendre avec vous, demain matin.
M. LALIBERTE: J'ai terminé, M. le Président, je terminais
mon laïus, puisque ça en est un avec ces mots.
M. LEVESQUE: Mais à quelle heure voulez-vous corriger nos
devoirs, ce soir?
M. LALIBERTE: N'importe quand si vous voulez me les fournir. M. le
Président, je termine simplement avec ces mots-ci: Je suis bien
conscient qu'avec ces paroles cet après-midi et dans un contexte qui ne
s'y prête pas, je n'aurai pas réussi à faire accepter par
l'Etat, du côté du gouvernement et probablement du
côté de l'Opposition aussi, ces dernières orientations que
j'indiquais. Mais si, au moins, je réussissais à vous
inquiéter sur ce qu'est une véritable politique salariale, M. le
Président, je n'aurais pas perdu et je pense que je ne vous aurais pas
fait perdre non plus les vingt-cinq minutes qu'on m'a accordées.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laliberté. Maintenant, je pense que M.
Laberge aurait quelques minutes pour dire deux mots.
M. LABERGE: M. le Président, je demanderais l'indulgence des
membres du comité et du premier ministre. Malheureusement, je ne peux
pas être présent demain matin et si vous m'accordiez deux minutes,
je pense que je pourrais vous dire la pensée de la FTQ en deux
minutes.
M. BERTRAND: En deux minutes?
M. LABERGE: Oui.
M. BERTRAND: Nous vous prenons au mot.
M. LABERGE: Merci. Alors, M. le Président, vous allez admettre
qu'en deux minutes, je ne peux pas faire la revision des données de la
politique salariale du gouvernement, même si je puis y trouver des
lacunes assez sérieuses, par exemple lorsqu'un des cinq principaux
principes énoncés était la disparition des écarts
régionaux et que la Loi du salaire minimum en a créé de
plus grands. Evidemment, je pourrais parler de cela, mais je n'en parlerai
pas.
M. LEVESQUE: 30 secondes.
M. LABERGE: Une chose est sûre ici, c'est que la grève de
la RAQ dure depuis trop longtemps. J'ai écouté religieusement, ce
matin, le premier ministre et l'honorable ministre qui est affecté
à ces négociations nous décrire dans les détails
tout ce qui s'est passé au niveau du gouvernement pour établir
cette politique salariale. Le gouvernement me semble convaincu que ses
données sont justes et exactes. Si tel est le cas, pourquoi le
gouvernement craint-il la nomination d'un médiateur impartial? Si ses
données sont exactes et justes, il n'a aucune raison de craindre. Sans
aucun doute, tous les médiateurs qu'on pourrait nommer et qui
connaissent quelque chose ne pourraient que lui donner raison. Si,
évidemment, il y a des failles, le médiateur les trouvera et
cela, je pense, serait à l'avantage de tout le monde. Enfin, moi, je
pense que toute la population, que tous les travailleurs, non seulement les
travailleurs de la RAQ, non seulement les travailleurs du secteur public, non
seulement les membres de la CSN ou de la CEQ mais les membres de la FTQ et tout
le monde veulent que le conflit se règle.
Et il me semble que, quand il y a un échec à la
négociation, à la conciliation et cela s'est fait dans
tous les grands conflits majeurs, au niveau fédéral autant qu'au
niveau provincial un médiateur spécial est nommé.
Evidemment, si on pense à qui va se sauver la face, on va laisser crever
encore longtemps 2,800 gars de faim. Mais non, je pense que l'on ne les
laissera pas crever de faim. Je pense que tous les travailleurs
syndiqués vont se trouver assez de coeur au ventre pour aider ces
travailleurs à continuer la lutte.
Merci, M. le Président.
M. BERTRAND: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laberge. Alors voici...
M. MASSE: M. le Président, je demanderais l'ajournement du
débat à demain, tel qu'entendu, 10 heures.
M. LE PRESIDENT: M. Masse demande l'ajournement pour demain à 10
heures et la parole sera à M. Masse.
M. BERTRAND: Un instant. Voici, pour accommoder les deux
côtés, les membres des comités, au lieu de 10 heures, 10
heures trente, demain matin, pour accommoder les députés en
général.
M. LE PRESIDENT: La séance est ajournée à 10 heures
trente.
(17 h 36)
Séance du 31 octobre 1968
(Dix heures et trente deux minutes)
M. GRENIER (président du comité): A l'ordre,
messieurs!
Voici, j'ai cru comprendre hier soir que M. Pepin et M. Laliberté
avaient fini d'exprimer leurs vues sur cette première étape de
l'exposé de M. Masse. Est-ce que quelqu'un d'autre aurait à
prendre la parole? Sinon, nous allons demander à M. Masse de donner sa
deuxième partie.
M. BERTRAND: A moins, qu'à ce stade-ci le chef de l'Opposition ne
veuille, sur les principes qui ont été énoncés par
M. Masse, faire la déclaration qu'il jugera à propos.
M. LESAGE: Je n'ai pas de déclaration à faire, à ce
moment-ci; j'aimerais mieux attendre que le ministre nous dise d'abord comment
se présente l'application des principes qu'il a énoncés
hier, d'une façon générale à tout le secteur
public. Ensuite qu'il nous dise quelle est l'incidence, particulièrement
sur la RAQ. J'ai, par exemple, posé une question de nature
générale, qui ne s'applique pas seulement à la RAQ,
lorsque j'ai souligné que nous aimerions savoir pourquoi le gouvernement
a décidé que c'était 15% pour 36 mois, au lieu de 12% ou
de 18% ou de 10%. Cela s'applique généralement. Et ensuite
l'incidence, particulièrement sur la RAQ.
Il n'y a pas de doute cependant que j'ai retenu un point, qui a
été mentionné par M. Pepin hier, sur lequel il a beaucoup
insisté en parlant des critères. Il a alors appuyé avec
force sur le fait qu'un des critères de la politique salariale du
gouvernement devrait nécessairement être la
nécessité d'assurer d'abord un salaire minimal et vital. Je pense
que j'ai bien retenu ce que M. Pepin a dit hier: que cela doit être un
critère et un des premiers critères à être
appliqué dans l'établissement d'une politique salariale.
Est-ce que l'on peut appeler cela un critère? Est-ce que l'on
doit considérer plutôt cela comme une modalité
d'application? Il y a ce point sur lequel j'ai insisté à
quelques reprises et je pense que Me Lalancette a insisté
également avec ses collègues là-dessus c'est l'effet
de la clause d'exclusion à $4,000 dans notre loi d'impôt sur le
revenu des particuliers, sur les augmentations offertes.
Parce que, d'après les échelles que j'ai vues, il y en a
beaucoup qui ont, actuellement, des salaires en dessous de $4,000, et qui
recevront des salaires au-dessus de $4,000 et, à ce moment-là,
ils paieraient en impôt tout ou une bonne partie de l'augmentation qu'ils
recevraient.
Pour certaines classes, cela voudrait dire des augmentations qui, en
fait, ne seraient que de 10%, 20%, 30%, 50%, quelque fois 60% ou 70%, en argent
reçu, en revenus additionnels.
Je pense que M. Lalancette, c'est un peu le point que vous avez fait,
n'est-ce pas?
J'ai fait des calculs moi-même et j'ai déjà,
d'ailleurs, parlé de cela. Ce sont les deux points sur lesquels
j'aimerais bien entendre le ministre.
M. BERTRAND: C'est très bien.
M. LESAGE: Ce ne sont pas des déclarations que je veux faire. Je
veux surtout poser des questions.
M. BERTRAND: C'est ça.Alors, nous allons, M. le Président,
donner la parole à M. Masse.
M. LE PRESIDENT: M. Masse.
M. MASSE: J'aimerais, tout d'abord au début de l'exposé,
attirer l'attention sur certains commentaires qui ont été faits
dans l'exposé de M. Pepin ou celui de M. Laliberté, hier. Et
puis, pour entrer dans des détails beaucoup plus techniques, je
demanderai à un des conseillers du gouvernement de prendre la
parole.
Disons tout d'abord que M. Pepin, au début de son exposé,
a attiré l'attention sur les traitements qui étaient payés
à la RAQ, à la fin de la convention collective. Il va sans dire
que nous sommes d'accord, en partie, avec le fait que ces traitements de $78,
$81, $81, étaient trop bas, puisque la régie même offre des
augmentations de traitements qui portent les salaires moyens de $78 à
$99, de $81 à $96, de $81 à $94, au début même. Nous
aurons l'occasion de revenir sur ces chiffres-là. Mais je tenais
à dire que la Régie des alcools, nécessairement, n'offre
pas les même traitements que ceux qui étaient à la fin de
la convention.
Nous avions également insisté énormément
dans l'exposé préliminaire pour poser bien clairement que ce que
nous appelions la politique salariale du gouvernement n'était pas
cela n'a jamais été notre intention une politique de
revenus pour l'ensemble des Québécois. Ce n'est pas la
responsabilité d'un ministre responsable de la Fonction publique, pour
le bien des conventions collectives et des employés de l'Etat,
d'établir une politique des revenus. C'est pour ça que nous avons
toujours été d'accord pour dire que notre responsabili-
té était à l'intérieur du budget
québécois et que c'était une mise en ordre dans nos
offres, c'était assurer une cohérence dans une politique
budgétaire du gouvernement.
Il peut y avoir et je ne le nie pas des problèmes
de revenus pour l'ensemble des Québécois. Mais c'est un
problème qui dépasse la Fonction publique comme telle, qui n'a
pas, comme organisme, les instruments ni la responsabilité de
résoudre ces problèmes.
Egalement, j'avais cru être suffisamment explicite dans la
question à l'effet que l'offre gouvernemetale, n'ayant plus,
d'année en année, qu'à assurer un rythme de
croisière dans les augmentations, serait un carcan « ad vitam
eaternam ». Au contraire, je ne voudrais pas reprendre l'exposé.
Mais nous avons dressé tout un tableau pour dire
qu'indépendamment du rattrapage que nous considérons comme
pratiquement terminé dans la plupart des secteurs, à chacune des
négociations, à chacune des tables, avant d'ajuster avec un
rythme de croisière d'augmentations, il y aura toujours à
étudier d'abord la grille comme telle, compte tenu du marché du
travail, compte tenu de ce qui s'est produit depuis trois ans dans ce secteur,
en comparaison avec le secteur privé, en comparaison avec d'autres
secteurs publics, en comparaison avec ce dont on a besoin comme personnel et
l'offre qu'on a, enfin un ensemble de points qui, à chacune des
négociations, devront d'abord être discutés,
étudiés, pour ensuite arriver à l'augmentation
générale pour l'ensemble des tables de négociations.
Ce qui veut dire qu'il ne peut pas y avoir, « ad vitam eaternam
», un cadre rigide et qu'on augmente à chaque année un
pourcentage.
Un autre point qui a été soulevé et qui me semble
fondamental, c'est la question suivante: L'Etat doit-il être le meilleur
employeur au Québec?
Disons tout d'abord que l'Etat au Québec peut représenter
plusieurs employeurs. Le Fédéral peut avoir des dizaines de
milliers de fonctionnaires dans le Québec. Il en est ainsi des
gouvernements municipaux et scolaires, et également du gouvernement du
Québec.
Pendant de nombreuses années, le gouvernement du Québec a
payé des salaires qui, dans un très grand nombre de cas il
faut avoir la justice de le souligner en faisaient souvent un des plus
mauvais employeurs. Mais les changements apportés au code du travail et,
soulignons-le, l'effort des syndicats pour organiser les employés du
secteur public, ont amené des pressions salariales qui, la plupart du
temps, étaient nécessaires et inévitables.
Graduellement, le niveau des salaires pour un très grand nombre
des employés du secteur public a atteint ou dépassé ce que
des employeurs du même genre ou ce que l'économie du Québec
en général paient pour des emplois analogues. En même
temps, une réorganisation et une simplification des structures des
salaires ont permis de remettre de l'ordre dans ce qu'il faut bien convenir
d'appeler le désordre extraordinaire qui avait prévalu
jusqu'alors.
Lorsque cette étape est atteinte, et ça été
l'étape 1966-1967, le gouvernement doit déterminer s'il convient
de chercher à être le meilleur ou un des meilleurs employeurs du
milieu et servir ainsi de guide au secteur privé, ou s'il doit se
contenter d'un objectif plus modeste qui consiste à se situer dans la
bonne moyenne ou disons dans les trois quarts de la structure des salaires.
L'inconvénient réel pour un gouvernement cherchant
à être le meilleur employeur vient de ce que le financement des
salaires qu'on verserait à ces gens pour les porter au plus haut niveau,
ne peut se faire que par une augmentation des impôts ou bien par une
réduction ou un ralentissement des programmes existants de
dépenses.
Le gouvernement doit-il être l'employeur qui paie le plus cher les
sténodactylos au Québec? Nous croyons que, si l'on fait cela,
nous allons être obligés de hausser les impôts en prenant
l'argent chez les sténodactylos, entre autres, payées moins cher
dans le secteur privé.
Lorsque les salaires dans le secteur public sont, par contre, à
un niveau très bas, nettement inférieurs à ce que la
plupart des autres employeurs peuvent payer, il ne peut y avoir
d'inconvénient à relever les impôts pour élever ces
salaires parce que là c'est une situation injuste. D'autant plus que
nous aurions un personnel, partout, de moins bonne qualité.
A partir du moment, cependant, où cette situation est
corrigée, toute augmentation destinée à faire du
gouvernement le meilleur employeur exigerait de la part de l'ensemble des
contribuables québécois, soit un effort fiscal additionnel, soit
une diminution des services qu'ils reçoivent pour augmenter des salaires
qui sont supérieurs aux leurs.
Il est évident qu'avant qu'une telle situation soit atteinte,
n'importe quel gouvernement va se poser de sérieuses questions. Enfin,
si le gouvernement veut influencer les salaires dans le secteur privé,
il dispose d'autres instruments qui ont des effets beaucoup plus directs, que
ce soit le salaire minimum, que ce soit les questions de sécurité
sociale ou autres. Voilà pour cette question de la fine pointe. Oui.
M. LESAGE: Malheureusement, M. Bourassa est arrivé une ou deux
minutes après moi
et il aurait voulu sur les critères généraux...
M. MASSE: Il aurait voulu prendre la parole peut-être. Oui,
allez.
M. BERTRAND: Avec plaisir.
M. BOURASSA: Je comprends que vous présumez que le taux de
croissance de la masse salariale doit être basé sur le taux de
croissance des ressources fiscales en soustrayant l'augmentation des
fonctionnaires qui serait de 1 1/2%. Alors, est-ce que cela est un premier
point que vous acceptez? L'augmentation du nombre de fonctionnaires et
l'augmentation correspondante de la population, c'est-à-dire 1 l/2%?
Sauf, évidemment les nouveaux programmes qui seraient financés
par de nouveaux impôts.
M. MASSE: Cela peut être vrai en général, mais ce
n'est pas vrai, service par service.
M. BOURASSA: Dans certains services, par exemple, on mentionnait qu'il
peut y avoir des réductions de 800 employés. Je pense que c'est
M. Laliberté qui, dans ses questions, mentionnait une déclaration
du premier ministre à l'effet qu'il pourrait y avoir une
réduction d'employés. Dans un ministère, il y aurait 800
employés de trop.
M. MASSE: II y a évidemment une tendance et j'allais en parler
dans la réforme administrative.
M. LESAGE: On nous fait signe qu'on nous entend très peu à
l'autre extrémité.
UNE VOIX: On en entend d'autres.
M. BERTRAND: II y en a d'autres qui parlent.
M. MASSE: II y a des tables d'écoute.
M. BOURASSA: Ce que je veux soulever ou la question que je veux poser,
amènerait des explications plus précises du ministre, car cela
m'apparaît une présomption assez discutable de fixer le taux
d'augmentation de salaire sur le taux d'augmentation des resssources fiscales
moins ce qui peut correspondre à l'augmentation de la population.
M. MASSE: J'ai bien dit hier que les pourcentages apportés
étaient des pourcentages hypothétiques pour l'illustration du
raisonnement.
M. BOURASSA: Que les chiffres étaient hy- pothétiques mais
l'affirmation elle-même était de 8% pour cette année.
M. MASSE: Les pourcentages de 8%, 6 1/2%, 1 1/2% étaient
hypothétiques pour la démonstration de
l'énoncé.
M. BOURASSA: Oui, mais les critères, eux ne sont pas
hypothétiques.
M. MASSE: Il est évident que, selonles services, il y a des
services qui, à cause de l'évolution technologique peuvent se
réformer au point de vue du personnel beaucoup plus facilement. Il est
évident que, dans les ministères comme le ministère du
Revenu par exemple, la mécanographie et l'informatique ont amené
une diminution de personnel.
M. BOURASSA: Au Fédéral cela a diminué de 3
à 1 en quelques années. Alors c'est pour ça...
M. MASSE: Par contre, il y a des services qui requièrent de plus
en plus de personnel, comme par exemple l'enseignement et l'agriculture avec
l'assurance-récolte. Alors, il y a des services qui, plus nous
avançons, plus on nous demande de personnel technique alors que d'autres
services traditionnels se trouvent à avoir moins de personnel parce que
la mécanographie apporte un soulagement.
M. BOURASSA: Je suis d'accord avec ce que le ministre a signalé
hier à l'effet que les chiffres étaient hypothétiques.
Mais que les critères, eux, étaient définis et que l'un de
ces critères était que le taux de l'augmentation des salaires
devait correspondre, si j'ai bien compris, au taux d'augmentation des
ressources fiscales,...
M. MASSE: Oui.
M. BOURASSA: ...que le taux d'augmentation de la masse salariale globale
devait correspondre au taux d'augmentation des ressources fiscales et qu'il
fallait distinguer...
M. MASSE: C'est ça.
M. BOURASSA: ... entre le taux d'augmentation de la masse salariale et
le taux d'augmentation des salaires eux-mêmes et que, pour
déterminer le taux d'augmentation des salaires, il fallait soustraire un
pourcentage qui correspondait à l'augmentation de la population.
M. MASSE: Oui, l'augmentation de la population va amener une
augmentation des effectifs pour les services rendus, sans programme nouveau
à la même population.
M.BOURASSA: Oui, d'accord. Mais je trouve que c'est un peu
arbitraire.
M. MASSE: Peut-être, mais c'est un facteur dont nous devons tenir
compte, parce qu'il faut quand même payer les nouveaux fonctionnaires qui
entreront dans des services déjà existants, uniquement à
cause de l'augmentation de la population. Ce n'est pas une hypothèse,
celai
M. BOURASSA: Oui. Il reste que je pense que nous prenons un
critère, là, qui ne pourrait pas correspondre aux exigences d'une
situation donnée.
M. MASSE: Evidemment nous pourrions ne pas en tenir compte, mais
l'arrivée des fonctionnaires pour des programmes anciens, arrivée
due à l'augmentabion de la population, serait payée comme
étant un service nouveau, par une nouvelle imposition. Ce que nous
croyons injuste devant la population puisque ce sont des services
déjà payés, déjà existants et dont le
coût augmente uniquement par l'augmentation de la population. Alors
l'augmentation de la population nous donne une augmentation de rendement des
impôts déjà perçus et une partie de ces impôts
doit donc servir non pas à financer des programmes nouveaux mais
à aider à financer des programmes anciens, à
l'intérieur desquels il y a eu augmentation des effectifs due à
l'augmentation de la population. Nous pourrions ne pas en tenir compte mais
nous en tenons compte...
M. BOURASSA: D'accord. Je voulais souligner au ministre, en examinant
les normes de sa politique salariale, que des critères comme ça
me paraissent un peu arbitraires. Ainsi en tenant compte des ressources
fiscales, c'est clair que, dans certains cas, l'élasticité
si je peux employer cette expression des impôts peut être
beaucoup plus élevée dans le cas de certains impôts comme
les impôts directs, notamment l'impôt sur le revenu des
particuliers ou l'élasticité peut être de 1.5% ou 1.4 %,
alors que pour d'autres impôts ça peut être inférieur
au taux de croissance du produit national brut. Alors, je pense que les
salariés se trouvent, dans la formulation ou dans les salaires qu'ils
obtiennent, à dépendre de circonstances qui sont...
M. LE PRESIDENT: Je pense qu'on avait demandé de poser une
question. C'est peut-être préférable d'attendre que M.
Masse finisse d'expliquer son point de vue. Ensuite on aura grand avantage
à entendre...
M. MASSE: De toute façon, je tiens à dire à M.
Bourassa, c'est-à-dire au député de Mercier, comme
à ceux qui ont prétendu hier que c'est un dogme: Ce n'est pas un
dogme. C'est l'élaboration d'une politique qui est discutable, qui est
discutée et ce n'est pas un dogme.
M. LESAGE: Des « guide-lines ».
M. MASSE: C'est une politique gouvernementale.
M. BERTRAND: C'est plus que ça! C'est beaucoup plus que
ça.
UNE VOIX: Il faut partir quelque part. M. BERTRAND; Je suis au courant
de ça! M. LE PRESIDENT: M. Masse.
M. CHOQUETTE: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une
question au ministre? M. le Ministre, j'ai compris dans votre discours, hier,
qu'à un moment vous avez dit que dans le secteur public et dans
l'élaboration de votre politique salariale, vous teniez compte du
facteur de la plus grande sécurité d'emploi dans le secteur
public par rapport au secteur privé. Est-ce que j'ai bien compris ce que
vous avez affirmé dans ce sens-là?
M. MASSE: Nous tenons compte d'un ensemble de facteurs, y compris les
heures de travail, y compris la sécurité d'emploi, y compris la
sécurité d'assurance et toutes les clauses normatives. Un contrat
de travail, c'est un ensemble et non uniquement un article
monétaire.
M. CHOQUETTE: Oui, mais en termes économiques, comment
calculez-vous la supériorité de la sécurité
d'emploi dans le secteur public par rapport au secteur privé?
M. MASSE: Cela se calcule difficilement en piastres et cents, mais c'est
un facteur important au point de vue de la stabilité d'emploi d'un
individu et l'assurance qu'il peut avoir que, ce montant, il l'aura en principe
jusqu'à sa retraite. C'est drôlement important pour
l'individu.
M. CHOQUETTE: Je comprends ce que vous voulez dire, mais jusqu'à
quel point le facteur de sécurité entre-t-il en ligne de compte,
en pourcentage d'un salaire moindre ou d'un revenu moindre pour les
employés du secteur public par rapport aux employés du secteur
privé?
M. MASSE: Ce n'est pas calculé comme valant tant de cents
l'heure.
M. CHOQUETTE: Alors, comment en tenez-vous compte puisque vous nous
dites que vous en tenez compte? Cela doit représenter un
pourcentage.
M. MASSE: Nous en tenons compte selon deux éléments:
premièrement, l'intérêt que le syndiqué
lui-même attache à ce facteur; deuxièmement, dans les
comparaisons avec d'autres gouvernements qui ont le même système
de sécurité. Nous n'avons pas à discuter longuement avec
des syndiqués ou des fonctionnaires pour voir jusqu'à quel point
la permanence ...
M. BERTRAND: Et la sécurité.
M. MASSE: ... et la sécurité sont des facteurs...
M. BERTRAND: Fondamentaux.
M. MASSE: ...fondamentaux dans leur esprit au point de vue de
travail.
M. CHOQUETTE: Je comprends que cela l'est. Cela l'est sûrement. Le
ministre a raison, ça l'est sûrement. Par contre, je me
demande...
M. MASSE: Mais comment! M. LE PRESIDENT: A l'ordrel
M. MASSE: Cela ne vaut pas tant de cents. C'est clair.
M. LE PRESIDENT: Nous sommes encore revenus...
M. LESAGE: Vous considérez que c'est un impondérable.
M. MASSE: C'est un impondérable sauf dans les comparaisons avec
des gouvernements qui ont une grille de traitements à l'intérieur
desquels la permanence existe.
M. BERTRAND: Impondérable, mais fondamental.
M. MASSE: C'est fondamental.
M. LESAGE: Est-ce que cela veut dire que, par exemple, à la
Régie des alcools, pour les caissiers, les employés de magasin,
nous pourrions avantageusement comparer les salaires avec les salaires
payés à ceux qui occupent les mêmes fonctions en Colombie,
en Ontario, chez nos voisins?
M. BERTRAND: Ou ici, dans la province.
M. LESAGE: C'est seulement de cette façon que nous voudrions
essayer de pondérer le facteur.
M. MASSE: Je vous vois fort bien venir.
M. LESAGE: Comment, vous me voyez venir! Je ne m'en viens pas!
UNE VOIX: II n'est pas encore parti.
M. MASSE: Mais on y reviendra, si vous voulez!...
Je termine avec quelques remarques au sujet de la question de la
réforme administrative. Il est évident que la population, en
général, a toujours formulé un certain nombre de critiques
dans tous les pays, au sujet de l'appareil administratif de l'Etat, ce n'est
pas nouveau, c'est à travers l'histoire et c'est à travers la
géographie.
On peut résumer ces critiques rapidement, autour de deux ou trois
thèmes. Généralement l'opinion reproche aux bureaux,
à l'administration, d'occuper beaucoup trop de monde, et de gaspiller
ainsi des ressources qui pourraient être investies ailleurs. L'opinion,
en général, reproche également à l'administration
avec un grand A que ses services, ses bureaux interviennent
beaucoup trop dans la vie des citoyens par des formulaires « tatillonneux
», ou par des politiques « tatillonneuses » même, comme
gestes de l'administration.
Ce que l'opinion, en général, dans le monde
également, reproche à l'administration, aux bureaux, c'est
d'être irresponsables devant la population dans l'application de cette
politique pour conclure que l'administration et les bureaux sont ceux qui, en
réalité, gouvernent, parce que, en pratique, ce sont eux qui ont
un lien direct, très souvent, avec le citoyen; exemple, c'est le
percepteur d'impôt, par son formulaire, qui est directement dans la
maison du contribuable. Ce n'est pas le ministre du Revenu.
Ce sont des problèmes qui ont fait l'objet de beaucoup
d'études et qui ont fait l'objet de beaucoup de critiques, plus ou moins
drôles de la part des grands auteurs, décrivant un monde absurde
également. Le député de Gouin, qui n'est pas ici, a
certainement pris connaissance des « Plaideurs » de Racine, du
texte de Courte-line: « Messieurs les Ronds de Cuir », d'«
Oli-
ver Twist » de Dickens, de « l'Héritage » de
Maupassant, ou bien, sur le plan de l'absurde, du « Procès »
de Kafka.
UNE VOIX: De Beckett.
M. LEVESQUE (Laurier): Vous avez des lectures!
UNE VOIX: Cela ne réglera pas la grève à la
Régie!
M. MASSE s Devant ces problèmes de la réforme
administrative, puisqu'on les a abordés, je tiens à vous dire que
c'est le problème universel de l'augmentation des services de l'Etat
par, de plus en plus, l'augmentation des responsabilités de l'Etat
Nous avons, depuis quelques mois, au gouvernement du Québec, mis
de l'avant certains travaux pour alléger, dans notre secteur particulier
de la fonction publique, les procédures d'administration du personnel.
Le gouvernement prépare également un projet de loi pour la
création d'une structure qui sera responsable de la gestion du
personnel: le ministère de la Fonction publique.
Nous croyons que, du moins en principe, ces travaux dans la
procédure administrative, et ces travaux, comme principe de
responsabilité par un ministère, vont alléger les
structures dans les questions de gestion du personnel.
Nous ne craignons pas de dire quand même, au départ, que
nous ne réussirons pas au Québec là où tout le
monde, depuis toujours et partout, a des problèmes importants au point
de vue de la lourdeur de l'ensemble de l'appareil de l'administration.
Nous sommes pris, non pas dans des carcans, mais dans certains faits
difficiles à briser, dans certaines traditions. Mais les efforts que
nous tentons dans ce domaine-là sont quand même du domaine du
positif.
Pour ce qui est de la participation à l'élaboration de la
politique salariale du gouvernement, nous tenons à dire que le
gouvernement a respecté depuis le début, dans cette ronde de
négociations de 1968, l'ensemble des mécanismes légaux qui
ont été acceptés par les Parlements antérieurs.
Nous n'avons pas voulu rompre les règles du jeu pour ne pas être
accusés de nous servir de règlements que nous pouvions
contrôler sous prétexte que l'autre bras de l'Etat comme employeur
était en négociations. De part et d'autre,...
M. LESAGE: II serait peut-être difficile, tout de même, de
se servir de l'article 99 pour dire que la santé publique était
en danger parce qu'il ne se vendait pas d'alcool,
M. MASSE: Et de part et d'autre,...
M. BERTRAND: Est-ce que nous l'avons dit...
M. LESAGE: Non, mais on vient de le laisser sous-entendre.
M. MASSE: Pour l'ensemble des négociatons, nous les avons faites
à l'intérieur des lois qui existaient. Ce qui ne veut pas dire
que ceux qui ont la responsabilité patronale, au point de vue du
gouvernement, sont en totalité d'accord avec l'ensemble des lois ou
l'ensemble des règlements que nous respectons maintenant.
Nous aurions, nous également, comme responsabilité
patronale dans le secteur de la fonction publique, un mémoire à
présenter au ministère du Travail en temps et lieu sur ce que
nous croyons être des difficultés dans la bonne marche des
négociations dans le secteur qui nous concerne, le secteur public. Et je
suis parfaitement au courant qu'il en est de même du ministre du Travail
qui, lui aussi, est bien au courant des déficiences des textes
législatifs qu'il se doit d'administrer tant et aussi longtemps que le
Parlement ne les aura pas changés.
Mais il est clair qu'à la fin de cette ronde de
négociations, la Fonction publique aura des remarques et même des
revendications à faire devant les lois existantes. Je ne dis pas que
nous serons entendus parfaitement par le ministère du Travail, ce sera
à lui de juger, bras neutre de l'Etat, ce sera à lui de juger si
ce que nous préconisons, nous, bras patronal...
M. LESAGE: Où est-il le bras neutre? Est-ce le ministère
du Travail?
M. MASSE: ... est juste.
M. LESAGE: Il ne faudrait tout de même pas...
M. MASSE: Je parle du ministère du Travail...
M. LESAGE: ... pousser trop fort.
M. MASSE: ... comme principe. La participation à
l'élaboration de la politique salariale, à l'intérieur de
la réglementation puisque nous avons, selon les lois, à
négocier syndicat par syndicat à des tables de
négociations devions-nous nier l'autonomie de ces syndicats
â
l'intérieur du code du travail tel que connu et refuser de
négocier directement, avec ce qui a été pour nous
jusqu'à maintenant, des interlocuteurs valables et des interlocuteurs
légaux? Pour nous, interlocuteurs valables, avant de faire part à
ces organismes, à nos tables de négociations avec ces syndicats,
est-ce que nous aurions dû les frustrer d'être les premiers
à prendre connaissance de la position patronale dans leur secteur
particulier, frustrer ces syndicats en s'adressant directement à des
centrales syndicales qui ne sont pas, au point de vue légal,
l'interlocuteur premier de la partie patronale du gouvernement?
Nous avons cru qu'il était logique de respecter jusqu'à ce
point la légalité et nous avons discuté, table de
négociations par table de négociations, avec le syndicat
responsable devant nous, syndicat avec lequel nous avons négocié
et syndicat avec lequel nous avons conclu des conventions collectives dans la
majorité des cas.
Certes, avec ua certain nombre de syndicats, ce n'est pas
terminé. Avec un syndicat en particulier, il y a une grève.
Aurions-nous évité cette grève en ne respectant pas
intégralement les règles du jeu qui nous sont imposées par
la légalité? C'est une question à laquelle nous aurions pu
répondre différemment, mais nous nous en sommes tenus à ce
que nous croyons de la part de ces syndicats, être leur désir,
puisque ce ne sont pas les syndicats qui nous ont demandé d'en discuter
d'abord avec la centrale, mais c'est la centrale qui nous demandé d'en
discuter avant le syndicat.
Cela aurait pu être autrement. Nous croyons que notre position de
respect de la légalité est peut-être une position
discutable, mais je pense que c'était, pour le moins, une position
raisonnable. Comme nous l'avons mentionné, nous avons, nous aussi, des
remarques à formuler sur les lois actuelles. Ce qui veut dire que, dans
l'avenir, nos remarques ne seront pas dans le sens des demandes des centrales
syndicales. Ce qui ne veut pas dire que nos remarques n'appuieront pas les
remarques formulées par MM. Pepin,
Laliberté et Laberge, hier. Mais, nous n'avons pas, pour nous,
à les formuler immédiatement.
J'ai relevé dans un exposé et je tiens à le dire:
II n'a jamais été lancé nulle part, à ma
connaissance, de la part du gouvernement ou de ses représentants
dûment mandatés, d'accusations d'incompétence envers
personne. Nous croyons que tous les syndicats et les syndiqués avec
lesquels nous négocions sont respectables dans les fonctions qu'ils
occupent. Il n'a jamais été mentionné, pour notre part,
que nous devions calculer des taux de traitements selon l'opinion que les gens
se formaient sur la compétence de ces individus. Ce n'est pas pour nous
un facteur de négociation que des choses semblables et je n'ai, à
ma connaissance, connu personne de responsable qui ait mentionné des
facteurs d'incompétence de la part de qui que ce soit.
Je termine ces quelques remarques. Le gouvernement n'a pas imposé
une négociation générale. Il a négocié
à l'intérieur des lois, syndicat par syndicat, table de
négociations en table de négociations. Le gouvernement devait
avoir une politique, appelez cela budgétaire ou salariale, le
gouvernement ne pouvait pas se lancer, lorsque 50% de son budget sont en jeu,
dans une négociation, sans agir comme responsable, c'est-à-dire
sans avoir une politique dans ce secteur. Les syndicats et les centrales
auraient été les premiers à reprocher au gouvernement de
ne pas avoir de politique lorsque 50% de son budget sont en jeu.
Peut-être que cette politique, en l'occurence, est une politique
qui pose des problèmes aux centrales syndicales, peut-être que
c'est une politique qui pose des problèmes à certains syndicats.
Mais nous croyons que les centrales auraient été les premiers
organismes à nous reprocher de ne pas avoir de politique lorsque 50% du
budget sont en jeu.
Au fond, le problème est le suivant. Lorsqu'un syndicat dit: Ce
que j'ai obtenu à telle table de négociations, je le veux
à telle table de négociations, tout le monde comprend bien le
syndicat. Lorsque, par contre, la partie patronale, le gouvernement dit: Ce que
le syndicat a accepté à telle table de négociations,
pourquoi ne l'accepterait-il pas à telle table de négociations?
Là, tout le monde se pose la question. La politique du gouvernement est
douteuse.
Nous croyons que ce qui est vrai pour l'argument A, doit l'être
également, à mon avis, pour l'argument B.
Je demanderais maintenant, avec la permission du comité et avec
votre permission, M. le Président, à un des conseillers du
gouvernement de bien vouloir venir témoigner dans cette question de la
politique générale, afin d'exposer ses idées et de
répondre aux questions que vous voudrez bien lui poser.
M. BERTRAND: Est-ce que, M. le Président, on aurait objection
à ce que M. Parizeau s'installe ici à la table, au micro? Il est
également professeur, il préfère peut-être parler
assis.
M. LE PRESIDENT: Qu'est-ce qu'en pense l'Opposition?
M. LESAGE: C'est ce que nous faisons ordinairement.
M. PARIZEAU: Alors, M. le Président, on a demandé hier un
certain nombre de renseignements au sujet de l'évolution des ressources
du gouvernement.
Etant donné qu'il y a un bon nombre de chiffres qui sont mis en
cause, je préférerais lire ce texte, quitte à poursuivre
ensuite sur des notes, tout simplement.
M. LESAGE: Est-ce que vous avez des copies, M. Parizeau, des chiffres
que vous avez, ce qui nous éviterait d'avoir à prendre des
notes?
M. BELLEMARE: Vous allez l'avoir dans le journal des Débats.
M. PARIZEAU: Je pourrais en faire faire, on va les avoir demain
seulement.
M. BERTRAND: Non, mais il y en aura certainement.
M. PARIZEAU: On pourra en faire faire des copies.
M. LESAGE: II serait très simple de passer cela au Xerox.
M. BERTRAND: La Xerox, c'est la langue du jour.
M. MASSE: Laquelle Xerox, la votre ou la nôtre?
M. LESAGE: L'officielle.
M. BERTRAND: L'originale.
M. LE PRESIDENT: M. Parizeau.
M. PARIZEAU: On m'a demandé de calculer le rythme d'augmentation
des ressources du gouvernement, depuis huit ans, en supposant que la structure
fiscale n'ait pas été modifiée. Alors, sur la base de la
structure fiscale actuelle, celle de 1968, et en adoptant un taux moyen
d'élasticité du rendement des impôts au produit national
brut de 1.18 tel qu'il ressort des travaux du comité du régime
fiscal, on obtient les taux d'accroissement suivants pour les rentrées
d'impôt seulement. J'insiste à nouveau sur le fait que ce sont
seulement les rentrées d'impôt; je parlerai de la
péréquation tout à l'heure.
Alors, en 1961, 7.3%; 1962, 8.4%; 1963, 6.6%; 1964, 14.7%; 1965, 12.2%;
1966, 12.0%; 1967, 8.8% et la projection pour 1968 est de 8.3%.
La base de calcul du produit national brut ayant été
changée en 1963, le pourcentage appli- cable à 1964 est
probablement trop élevé. Les 14.7% dont j'ai parlé tout
à l'heure sont probablement aberrants, parce que la comptabilité
nationale étant relativement nouvelle dans le Québec, ayant
commencé en 1960 en fait, en 1963, la décision a
été prise de changer la base, si bien que le chiffre de 1964 est
probablement douteux. Pour le reste, cela peut aller.
A partir des projections présentées dans le dernier
discours du budget du ministre fédéral des Finances sur
l'augmentation du produit national brut canadien, il semblerait que le
pourcentage applicable à 1969 sera du même ordre que celui de
1968. Les ressources gouvernementales comportent d'autres
éléments que les impôts, en particulier, les transferts du
gouvernement fédéral. Parmi ces transferts, le poste qui est de
loin le plus important est la péréquation qui représentera
en 68/69 environ 14% du montant total des ressources du gouvernement du
Québec.
M. BOURASSA: Général?
M. PARIZEAU: Général spécial.
Le rendement de la formule actuelle de péréquation
adoptée en 1967 ne peut être calculé pour les années
antérieures sans de très longs calculs. Alors là, je
signalerai simplement à M. Choquette que ce serait possible de
recalculer ce que la formule de 1967 aurait rapporté en 1960, mais
probablement après des semaines de calculs, et probablement avec une
réunion d'une conférence fédérale-provinciale.
Cette formule est, en effet, déterminée par le rendement de tous
les impôts, dans toutes les provinces. C'est le caractère original
de la formule de 1967 et c'est ce qui fait qu'il est tellement difficile de
remonter en 1960.
Avec une conférence fédérale-provinciale, il y
aurait probablement moyen.
Bien que, en raison même de la base de calcul, les projections
soient particulièrement difficiles, on ne peut prudemment donner aux
transferts du fédéral, péréquation et autres
transferts, un coefficient d'élasticité de plus de 1 par rapport
au produit national brut.
Pour les années 1968, 1969 et 1970, c'est-à-dire, les
années de base des conventions signées ou en cours de
négociations, on a utilisé un rythme de progression du produit
national brut de 7.5%, dans l'hypothèse où la hausse des prix ne
dépasserait pas 3% par an.
Le taux moyen d'augmentation des ressources fiscales serait donc de 8.5%
par année. Or, l'augmentation de la population est actuellement voisine
de 2%, mais son rythme tombe légèrement surtout à cause de
la chute du taux de na-
talité. D'autre part, il faut se garder une marge d'erreur au cas
où l'on aurait sous-estimé le rythme de progression des
ressources, en particulier pour ce qui a trait à la
péréquation. On a donc retenu aux fins du calcul un rythme
d'augmentation de 1.5% de la population, pour se laisser une marge d'erreur de
0.5%. Dans ces conditions, l'augmentation de la masse salariale pour le
personnel en place, ne peut dépasser 7% par an en y incluant les
augmentations d'après échelle, les augmentations statutaires, les
forfaitaires et divers autres coûts dérivés de la
convention.
Si la hausse du coût de la vie dépassait 3%, en chacune des
années de ces contrats de trois ans, une augmentation des ressources
fiscales du gouvernement s'ensuivrait. On pourrait donc payer davantage. C'est
la raison pour laquelle les conventions, qui ont été
signées jusqu'à présent, prévoient un ajustement
automatique dans ce cas-là. En somme, les offres qui sont faites aux
tables de négociations, jusqu'à maintenant, comportent une clause
d'ajustement automatique si le coût de la vie dépassait 3%, en
l'une ou l'autre des années du contrat. Parce que, si l'augmentation du
coût de la vie dépasse 3%, les ressources fiscales du gouvernement
montent automatiquement.
UNE VOIX: Ah, c'est signé?
M. LEVESQUE (Laurier): Seulement à ce propos-là, entre
parenthèses, est-ce vrai ou faux - je n'ai pas eu le temps de
vérifier qu'il y aurait eu 5% d'augmentation officielle au cours
des douze mois de 1967 à 1968 se terminant vers juin, ou quelque part
par là?
M. PARIZEAU: Non, je pense que c'est inférieur. C'est
supérieur à 4%, mais ce n'est pas 5%.
M. LEVESQUE (Laurier): Mais ce n'est pas tout à fait 5%.
M. PARIZEAU: Non, ce n'est pas tout à fait 5%. Il faut ici faire
très attention à une chose quand on utilise le coût de la
vie. Le coût de la vie que nous allons utiliser est celui de
Montréal, parce que c'est le seul qui soit calculé dans la
province de Québec. Nous n'utilisons pas l'indice du coût de la
vie du Canada tout entier pour la raison que les taxes de vente au
détail entrent dans le coût de la vie, si bien que si l'Ontario
augmente sa taxe de vente au détail, ça fait monter l'indice
canadien du coût de la vie. Il est alors évident que ça ne
rapporte rien au gouvernement de la province et ça ne coûte rien
aux habitants de la province.
Donc, l'indice du coût de la vie utilisé est celui de
Montréal.
Bon, ceci étant dit, on m'a demandé d'autre part, de
discuter de ce principe d'augmentation...
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous avez terminé sur ce
sujet-là? J'aurais une question à vous poser.
M. PARIZEAU: Oui, certainement.
M. CHOQUETTE: Voici, M. Parizeau. Les offres gouvernementales, dans le
secteur public, sont de 7.5% par période de 18 mois, n'est-ce pas?
M. MASSE: On va y revenir.
M. PARIZEAU: C'était la question que je voulais
spécifiquement traiter maintenant!
M. CHOQUETTE: Non, le fait auquel je veux arriver, c'est qu'en somme
ça revient à une offre de 5% par année, n'est-ce pas?
UNE VOIX: Oui, d'accord.
M. CHOQUETTE: Sept et demi pour cent par 18 mois, ça fait 5% par
année?
M. PARIZEAU: Sept et demi pour cent par 18 mois, ça fait 5% par
année.
M. CHOQUETTE: Bon. Alors, si je comprends bien, vos prévisions
pour les années 68/69/70 sont des prévisions qui, je le devine,
doivent être assez conservatrices. Vos prévisions sont de 8.3% par
année d'augmentation, tenant compte de l'augmentation de la
productivité et d'une augmentation du coût de la vie de pas plus
de 3%, n'est-ce pas? Par conséquent, est-ce que les employés du
secteur public, au bout de trois ans, si les choses se passent tel que
prévu et ça ce n'est pas assuré est-ce que
à toutes choses égales, d'ailleurs, les employés du
secteur public ne sont pas dans un état pire au bout de trois ans qu'ils
ne le sont actuellement?
M. PARIZEAU: Non. Il faudrait donc revenir à cette question des
7.5%. Que les 7.5% représentent la politique salariale du gouvernement,
je vous avouerai que je ne sais pas d'où ça vient. Les ouvriers
du gouvernement ont-ils reçu 7.5% par an? Les fonctionnaires, oui. Les
ouvriers ont reçu 7.5% par 18 mois.
M. LESAGE: Non par an: par 18 moisi
M. PARIZEAU: C'est ce que je disais. Alors, est-ce que les ouvriers du
gouvernement ont reçu 7.5% par 18 mois? Pas du tout! Pour un bon nombre
d'entre eux, la première opération a consisté à
réduire la semaine de travail de 48 heures à 40 heures. Pour
d'autres, de 44 heures à 40 heures. En plus de cela, le rythme
d'augmentation est de 7% par an, n'est-ce pas?
UNE VOIX; C'est ça.
M. PARIZEAU: Non, je parle des taux applicables aux ouvriers du
gouvernement. L'augmentation est de 7% trois fois pendant la durée du
contrat. Pour les fonctionnaires, c'est 7.5% pour 18 mois. Bien!
Prenons un autre exemple. Pour les agents de la paix, le taux est bien
supérieur à 7.5%.
Nous étions en face d'un groupe qui avait traditionnellement pris
un retard considérable par rapport aux autres échelles de
salaire, et où les augmentations n'ont aucun rapport avec 7 1/2% par 18
mois. C'est supérieur à cela.
Les gens de la raffinerie de sucre de Saint-Hilaire qui étaient
encore à des taux, pour un manoeuvre, de $1.28 et de $1.55, ils sont
portés par la convention à $2.29 à la fin du contrat. Il
n'y a pas de 7 1/2% là-dedans.
M. LE SAGE: M. Parizeau, vous prenez comme exemple le cas des agents de
la paix qui est d'autant plus intéressant qu'il est plus récent,
et vous dites que c'est beaucoup plus que 7 1/2% pour 18 mois. J'ai fait
certains calculs rapides, et sur la deuxième période de 18 mois,
j'arrive aux conclusions suivantes, aux résultats suivants: Echelon 1,
$4,000, premier barreau, $4,600 et ce sera $5,000 au bout de 18 mois, cela veut
dire une augmentation de 8.2% et ce qu'il y a d'extraordinaire, si vous prenez
à l'échelon 2, c'est $4,800, ce sera $5,250, ça veut dire
9.4%. L'échelon 3, $5,000 ce sera $5,500; ça veut dire 10%.
L'échelon 4, $5,200 -$5,750, 10.5% et quand on arrive à
l'échelon 7, c'est 14%.
Ce que je trouve extraordinaire, c'est que plus on monte
d'échelons, plus l'augmentation est considérable, non seulement
en dollars et en cents, mais en pourcentage. C'est cela que je ne comprends pas
très bien, alors qu'il me semble, à la suite de ce que M. Pepin
disait hier quant à l'importance du salaire minimum vital, que ce
seraient peut-être les petits salariés auxquels il faudrait
accorder les plus gros pourcentages d'augmentation.
M. PARIZEAU: Si vous me permettez, M. Le-sage, à ce
sujet-là, dans un cas comme celui de la convention des agents de la
paix, nous nous trouvions à avoir affaire à un certain nombre de
rectifications dans ce qu'on appelle les augmentations statutaires. Il est
évident que, il faut d'une façon générale à
l'intérieur du secteur public, faire en sorte que des gens qui gagnent,
par exemple, entre $4,000 et $5,000 ou entre $5,000 et $6,000 aient des
statutaires à peu près de même ordre. Ce serait tout
à fait aberrant de constater que, un groupe qui a une échelle
entre $5,000 et $6,000 a des statutaires, par exemple, de $400. Poussons la
chose à la limite, disons de $500 par année. Il y aurait donc 3
barreaux, alors qu'au contraire, un autre groupe irait de $5,000 à
$6,000 avec des augmentations statutaires de $100. Il y a donc des
rectifications à faire dans les statutaires et dans le cas des agents de
la paix, il y en avait pas mal. C'est ce qui donne le résultat que vous
venez de signaler.
M. LESAGE: II n'y a pas trop d'erreurs.
M. PARIZEAU: Non, non. A l'opposé de cela, les enseignants ne se
sont pas vu offrir 7 1/2% par 18 mois. Les enseignants se sont vus offrir des
ajustements pour les hautes scolarités et à un rythme moyen de 6%
sur le point milieu des échelles.
M. LESAGE: Pour les enseignants. M. PARIZEAU: Oui, oui.
M. LESAGE: Pour les enseignants, et non pour les agents de la paix.
M. PARIZEAU: Non, non. Je parle des enseignants, ici. Comme les
enseignants ont des échelles statutaires très longues, le
pourcentage d'augmentation générale, de déplacement des
échelles pour les enseignants est évidemment beaucoup plus faible
que le pourcentage applicable, disons, à des ouvriers qui ont un taux,
quelle que soit leur ancienneté. Si bien que si l'on aborde les taux,
catégorie par catégorie, groupe par groupe, les 7 1/2%
apparaissent dans quelques-uns mais même pas dans la majorité des
conventions. Autre chose, les radiologistes je voyais que les
radiologistes ou les spécialistes étaient
représentés, hier n'opèrent pas, à l'heure
actuelle, avec 7 1/2% par 18 mois. En vertu de la dernière convention,
ils ont un taux annuel d'augmentation qui représente à peu
près 3%.
M. LESAGE: Dans le cas des radiologistes, vous prenez un cas bien
particulier où il y a eu une augmentation très brusque, à
un moment donné, il y a quelques années.
M. PARIZEAU: Je parle de la convention, ici, n'est-ce pas.
M. LESAGE: Le rattrapage, dans le cas des radiologistes, n'était
pas très fort.
M. BOURASSA: C'est comme le Congo et les Etats-Unis.
M. LESAGE: Quand vous parlez des radiologistes, vous ne parlez pas des
gens qui gagnent $3,600 ou $4,000 par année.
M. PARIZEAU: Je faisais volontiers le tour de l'ensemble des
conventions, le gouvernement ayant à signer des conventions avec toutes
espèces de gens.
M. CHOQUETTE: A la RAQ, quelle est l'offre?
M. PARIZEAU: L'offre est de 7 1/2% dans le cas de la RAQ, pour une
partie du personnel...
M. CHOQUETTE: ... soit les fonctionnaires.
M. PARIZEAU: ... et, pour l'autre partie du personnel,
c'est-à-dire les ouvriers ils se voient offrir la même chose que
les ouvriers du gouvernement. A la fin de la période, les taux
coincident sauf dans le cas des manoeuvres. Les manoeuvres de la RAQ auraient,
à la fin de la convention, $2.46 au lieu de $2.29 pour les ouvriers du
gouvernement. C'est bien ça? Bon. Alors, ce sont, pour tout le personnel
ouvrier, à la fin de la période, exactement les mêmes taux
que le personnel ouvrier du gouvernement sauf pour les manoeuvres où
c'est plus élevé dans le cas de la RAQ, parce qu'ils avaient,
déjà à la fin de leur convention, un taux très
élevé par rapport à celui des ouvriers du gouvernement.
Ils avaient $2.12 1/2, je pense.
M. CHOQUETTE: Au sujet de l'offre faite aux ouvriers, à la
Régie des alcools, est-ce qu'elle est basée sur un accroissement
de 7 1/2% par 18 mois ou sur d'autres considérations? Un rattrappage
d'une part et les 7 l/2%?
M. PARIZEAU: Non, on pourra revenir à cela dans la partie
qu'abordera le ministre attaché à la Fonction publique
tout-à-l'heure. Mais, dans le cas des employés de bureau, en
particulier, le déplacement, l'application des 7 1/2% les mettaient,
à peu près, alignés avec ce qui se paye ailleurs dans la
fonction publique. C'est pour ça que ç'a été
retenu.
M. CHOQUETTE: Et chez; les ouvriers?
M. PARIZEAU: Chez les ouvriers, alors là, on a changé la
formule. La formule de rémunération chez les ouvriers, qui est
offerte à la RAQ, est très différente de celle de
l'ancienne convention parce que l'ancienne convention avait des taux
extrêmement tassés entre les spécialisés et les
manoeuvres, en fait 20 cents. L'augmentation offerte aux ouvriers de la RAQ est
en somme la nouvelle échelle de salaires des ouvriers du gouvernement.
Alors elle est tout à fait différente de celle de l'ancienne
convention, poste par poste, les pourcentages sont très
différents aussi.
M. CHOQUETTE : M. Parizeau, je me suis laissé dire vous me
corrigerez si c'est inexact que la classification, chez les ouvriers de
la Régie des alcools, était très ancienne. Une
classification de 1959 qui ne correspond pas du tout à la classification
très récente et très moderne que nous avons chez les
ouvriers du gouvernement. Par conséquent, la comparaison entre les deux
groupes d'ouvriers est extrêmement difficile sinon impossible à
faire.
M. PARIZEAU: Mais non, c'est qu'il suffit là... Le versement du
personnel ouvrier dans les nouvelles classes, c'est une affaire qui ne prend
pas tellement de temps.
M. CHOQUETTE: Oui, mais il n'estpas question à la RAQ de faire
une nouvelle classification. Je pense que les autorités de la
Régie des alcools s'objectent à discuter d'une nouvelle
classification des employés.
M» PARIZEAU: II ne faut pas confondre la classification et le
versement. Le versement consiste à observer les caractéristiques
d'un individu, en particulier, d'un homme, constater qu'il part du niveau 2 ou
qu'il va au niveau 4 ou qu'il va au niveau 6. Or, cette opération de
versement s'est faite au gouvernement pour des milliers d'hommes. A la RAQ, il
se présente quand même un minimum de difficultés.
M. CHOQUETTE: D'accord, au gouvernement, on a d'abord
procédé à une nouvelle classification et après cela
au classement des ouvriers suivant leur catégorie et c'était
très bien je pense. En définitive, ça a apporté des
résultats fructueux, je pense, autant sur le plan de l'administration
gouvernementale que sur le plan de la justice entre les divers ouvriers. Mais
à la Régie des alcools, ce n'est pas la même situation. On
a une ancienne classification
qui est très peu détaillée par rapport à
celle du gouvernement où les classes: Par exemple dans la classe des
manoeuvres, vous avez 500 employés sans distinction du travail qu'ils
font. Par conséquent, la comparaison cloche complètement entre
l'étude des classes telles que prévues dans la classification du
gouvernement et les classes telles que prévues dans la classification
actuelle de la Régie des alcools.
M. PARIZEAU: Je pense que là vous exagérez beaucoup les
difficultés techniques de l'opération. Pour ce qui est, par
exemple, des hommes de métiers, eh bien, un peintre est un peintre. Si
le peintre est envoyé à tel niveau, en vertu de la nouvelle offre
ou de la nouvelle convention, son versement à ce niveau-là ne
présente pas de difficultés considérables.
Il y a un problème au niveau des manutentionnaires, n'est-ce
pas?
M. CHOQUETTE: Justement.
M. PARIZEAU: De la définition du manutentionnaire, mais c'est une
chose à règlera la table de négociations, celai
M. CHOQUETTE: Oui mais, à la Régie des alcools, sur un
personnel de 2,800 employés, vous avez 500 employés qui sont
classés manoeuvres, tout simplement. Or, dans cette catégorie de
manoeuvres, il y a une foule de fonctions qui sont remplies par ces
gens-là et qui sont variables au point de vue de la difficulté du
travail, de l'expérience requise, etc. Alors, par conséquent, la
classification employée par la Régie des alcools actuellement, et
à la table des négociations est très rudimentaire et ne
donne pas, ne réflète pas, en quelque sorte, le paysage
réel au point de vue des ouvriers et ainsi que s'effectue leur
travail.
M. PARIZEAU: Je préférerais, pour ce qui est de la
discussion de la division de la classe des manoeuvres, entre manoeuvres et
manutentionnaires, laisser ceux qui sont chargés de la table expliquer
l'état des négociations à cet égard.
Mais encore une fois, techniquement parlant, quand on pense que l'on a
reclassifié quelque chose comme 200,000 hommes en l'espace de quelques
années, vous comprendrez bien que la reclassification ou le reversement
de 500 personnes, ce n'est quand même pas une opération
majeure.
M. CHOQUETTE: Je trouve que cela a été très bien,
ce qu'on a fait au gouvernement, de reclassifier je ne sais pas combien
d'hommes, surtout dans les services administratifs du gouvernement,
peut-être, 40,000 ou 45,000 personnes. C'était excellent. Mais je
pense que la même opération devrait se poursuivre à la
Régie des alcools.
M. PARIZEAU: Cela, je le laisserai àla table de
négociations qui, j'imagine, expliquera les choses quand on en arrivera
à cette question.
Quoi qu'il en soit, ce que je tenais à signaler, c'est que le
rythme d'augmentation de 7 1/2% est une caractéristique de certaines
tables et même pas de la majorité des tables, àl'heure
actuelle. Nous avons une constellation de taux, un éventail de taux
considérable, mais qui ont tous cette caractéristique: c'est de
chercher à faire en sorte que des gens qui font substantiellement le
même travail gagnent substantiellement les mêmes taux. Alors, cela
implique, par définition, que les taux de progression vont être
différents, justement parce que certains ont de longues échelles
statutaires, que d'autres en ont de courtes, et que d'autres n'en ont pas du
tout. D'autres ont été, dans certains cas, oubliés;
certains, au contraire, étaient très en avance des
échelles.
M. LEVESQUE (Laurier): M. Parizeau, à propos de cette
espèce de comparaison entre la réalité des chiffres qui
peuvent s'appliquer dans telle ou telle catégorie, si on disloque un peu
l'ensemble des 7 1/2% qui sont devenus quasiment légendaires, vous avez
dit à propos de la RAQ que dans le cas des bureaux pour prendre
les deux grands blocs il sortirait de la convention si j'ai bien
compris, je voudrais être sûr que je comprends telle
qu'offerte jusqu'ici, dans ce domaine salarial, dans le cas des bureaux
à peu près alignés sur la fonction publique; dans le cas
des ouvriers, vous avez dit également que cela aboutirait avec
forcément des détails qui changent dans l'ensemble,
à les placer au même niveau, ou à un niveau comparable
à celui des ouvriers du gouvernement.
M. PARIZEAU: Ou mieux, pour les manoeuvres.
M. LEVESQUE (Laurier): Ou mieux, pour les manoeuvres.
Vous avez dit à propos des ouvriers du gouvernement que, en fait,
en plus d'une semaine de travail réduite, cela correspondait beaucoup
plus à 7% par an qu'à 7 1/2% par 18 mois.
M. PARIZEAU: C'est dans la convention. Pour les ouvriers du
gouvernement, c'est 7% par an.
M. LEVESQUE (Laurier): Maintenant, à cause du fait que les taux,
et puis enfin toute la discussion assez complexe sur laquelle il faudrait avoir
les chiffres, sur le tassement, les alignements, etc., est-ce que vous pouvez
nous dire à quoi correspond, pour les ouvriers de la Régie des
alcools, en gros, l'augmentation, par rapport aux 7 1/2% légendaires,
est-ce qu'il y a moyen de le savoir?
M. PARIZEAU: C'est 6.8% par année?
M. LEVESQUE (Laurier): C'est 6.8% par année?
M. PARIZEAU: Mais ça, il faut bien s'entendre. C'est tout
à fait moyen, étant donné que l'on parle d'une
échelle et que l'on s'en va vers une autre échelle, c'est un
pourcentage moyen.
M. LEVESQUE (Laurier): Et cela ne tient pas compte des manutentionnaires
dont vous dites que le cas peut encore être abordé, si j'ai bien
compris?
M. PARIZEAU: Oui, cela inclut la proposition faite par la table de
déplacer un certain nombre de manoeuvres comme manutentionnaires.
M. LEVESQUE (Laurier): Alors, cela impliquerait, comme bloc, pour les
ouvriers, peu importe la répartition finale dans le cas des versements,
au point de vue des manutentionnaires 6.8% par année, pour la
durée de la convention?
M. PARIZEAU: Par année, mais moyen.
M. CHOQUETTE: M. Parizeau, juste une petite question. Les commis de
magasin à la Régie des alcools, qui représentent un nombre
substantiel des grévistes, sont des ouvriers, n'est-ce pas?
M. PARIZEAU: Non.
M. CHOQUETTE : Us sont dans l'autre syndicat?
M. PARIZEAU: Us sont dans l'autre section.
M. CHOQUETTE: Alors les 7.5% s'appliquent à eux, n'est-ce
pas?
M. PARIZEAU: Substantiellement, oui, c'est cela, c'est la même
chose.
Ceci étant dit, comme les offres qui vont être faites aux
tables et qui sont faites aux ta- bles sont très différentes en
termes de pourcentage, et consistent à essayer d'aligner encore une fois
des emplois identiques sur à peu près des salaires de même
ordre, il va de soi qu'on ne peut pas négocier une politique salariale
à chaque table. J'ai été un peu surpris de voir hier un
des représentants syndicaux nous dire: Dans le cas de la table dont je
m'occupe, nous acceptons vos échelles, mais nous n'acceptons pas votre
politique salariale. Si j'ai bien compris, n'est-ce pas, c'était
à peu près l'expressionqui avait été
utilisée.
Eh bien, c'est exactement cela. Cela nous suffit. Ce que nous offrons
à chaque table, ce n'est pas une politique salariale, c'est un certain
nombre d'échelles qui sont coordonnées entre elles. Et alors,
dans ces conditions, la politique salariale, c'est quoi? C'est pour le moment
une espèce de document de régie interne du gouvernement qui fait
que les offres ne sont pas faites à chaque table d'une façon
désordonnée, qui fait que les offres sont toutes
coordonnées entre elles et correspondent toutes à un certain
nombre de principes qui ont été expliqués hier.
Alors, la politique salariale, c'est d'abord et avant tout, au point
où nous en sommes, un document interne qui fait que ceux qui
préparent les offres, par exemple, ne préparent pas des offres
qui sont absolument incompatibles les unes avec les autres, qui fait
qu'à une table on ne va pas augmenter considérablement la
rémunération des ouvriers spécialisés ou des hommes
de métiers, alors qu'à une autre table la préparation des
offres aboutira au résultat inverse.
Je ne dis pas qu'une politique salariale ne se négocie pas, comme
l'a dit le ministre tout à l'heure, au niveau, par exemple, des
centrales, mais cela, c'est une autre étape, c'est autre chose, c'est
autre chose qu'un corps de principes qui permet de construire des offres qui
sont présentées à une vingtaine de tables.
M. LEFEBVRE: Si vous le permettez, à l'intérieur d'un
scheme comme celui que vous venez de décrire où les
différentes offres comme vous le dites, sont coordonnées entre
elles, d'après vous quelle est la liberté de négociation
de chacune des tables? C'est un des problèmes que posait hier M. Pepin
et qui m'apparaît de plus en plus réel à mesure que je vous
écoute.
M. PARIZEAU: Elle est exactement de même ordre que ce qu'on
appelle « pattern bargaining » dans l'industrie privée. Il
est évident qu'à l'intérieur, soit d'une entreprise qui a
plusieurs succursales, soit à l'intérieur d'un secteur
industriel, l'automobile, le papier, ou autre chose, il se fait le même
genre de politique sa-
lariale interne; ce qui ne veut pas dire que le syndicat ne va pas
chercher à casser le « pattern », il peut essayer de casser
le « pattern » qui s'est établi, mais le « pattern
» qui s'est établi, la partie patronale cherche à le
maintenir.
M. CHOQUETTE: Est-ce qu'on peut identifier la situation de l'Etat
à celle de l'entreprise privée dans ce domaine-là? Est-ce
que cela est égal, d'après vous, est-ce que c'est la même
chose?
M. PARIZEAU: Je dirais que c'est encore plus prononcé pour le
gouvernement que pour l'entreprise privée, pour la raison qu'il faut
pouvoir assurer des qualités de service qui sont uniformes autant qu'il
est possible et, d'autre part, il faut faire très attention à ne
pas modifier l'incitation que l'on peut avoir à entrer dans l'une ou
l'autre des professions pour lesquelles le gouvernement est un très gros
employeur. Prenez par exemple le cas des rapports à maintenir entre la
rémunération de l'infirmière et la
rémunération de l'institutrice qui font des études
à peu près de même longueur. Nous avons là affaire
à des milliers, des milliers de jeunes filles, chaque année, qui
se présentent dans des écoles, soit pour devenir
infirmières, soit pour devenir institutrices.
Il est évident que si le gouvernement n'a pas un principe
directeur précis quant à la rémunération de ces
deux types de femmes, il risque d'avoir des surplus considérables
d'infirmières, d'ici un certain temps, et des pénuries
d'institutrices. Ou le contraire!
Donc, cette idée d'avoir un certain nombre de principes
coordonnés quant à l'établissement des offres est
probablement encore plus important pour le gouvernement qu'il l'est pour
l'entreprise privée. En somme, une entreprise privée qui
paierait, par exemple, beaucoup trop par suite d'une négociation,
qu'est-ce qu'il peut lui arriver? Il peut lui arriver de faire faillite. Si une
autre entreprise, au contraire, arrive à négocier des
augmentations de salaires faibles, qu'est-ce qu'il va lui arriver? Elle va
faire des profits qui peuvent être très élevés.
Mais, le gouvernement ne fait ni faillite, ni profits. Il a des services
à assurer.
M. CHOQUETTE: Mais, M. Parizeau, comme le laissait entendre mon
collègue d'Ahuntsic, est-ce que ce besoin de logique interne que vous
soulignez ne conduit pas à une position qui est tellement inflexible que
c'est la négation de la négociation?
M. PARIZEAU: Oh! inflexible? Ecoutez, entendons-nous! Tout dépend
ce que l'on entend par le terme. Il est évident que le gouvernement va
tenir à ce que la cohérence qu'il a cherché à
apporter dans le système soit, autant qu'il est possible,
respectée. Pour des raisons qui se comprennent fort bien!
Lorsque nous n'avions pas cette cohérence-là, nous sommes
arrivés à des structures de salaires qui n'avaient
littéralement pas d'allure. Je vous rappelle qu'il y a deux ans, au
début de 1966, à l'intérieur du gouvernement seulement
je ne parle pas du secteur public, mais du gouvernement seulement
le salaire du manoeuvre allait de $0.56 à $2, selon les cas, selon les
cas, selon les têtes, selon les individus.
M. LEVESQUE (Laurier): $0.56?
M. PARIZEAU: De $0.56! Le gouvernement s'était lui-même
exempté de l'application des lois du travail: Et c'était
inférieur au salaire minimal. Cela allait de $0.56 à $2.
M. BELLEMARE: 300%
M. LEVESQUE (Laurier): Ils en avaient laissé traîner
quelques-uns.
UNE VOIX: Vous ne saviez pas cela?
M. PARIZEAU: Nous en étions arrivés à une
situation, au sujet des infirmières il y a encore deux ou trois
ans où certains hôpitaux de province payaient des salaires
tellement faibles par rapport à ceux de Québec ou de
Montréal, qu'il y avait une rotation continuelle d'infirmières
dans ces hôpitaux-là. Y compris, par exemple, des hôpitaux
pour enfants anormaux ou pour malades chroniques qui, parce qu'ils
étaient éloignés des grands centres et parce que les
salaires y étaient très bas, n'arrivaient simplement pas à
avoir les infirmières dont ils avaient besoin.
L'absence de cohérence, nous savons très bien ce que nous
l'avons payée, en termes de désordre et en termes
d'incapacité de fournir des services appropriés! Donc, dans ce
sens, le gouvernement, évidemment, est inflexible. Mais cela
n'était pas nécessairement une inflexibilité au niveau des
tables de négociations. Je reprends, par exemple, la question des agents
de la paix. Dans le cas des agents de la paix je pense qu'il faut y aller
avec une certaine candeur, ici le représentant syndical nous est
arrivé pres-qu'à la fin des négociations en disant pour
deux groupes: Vous avez l'air de nous offrir moins
que ce que vous offrez à des fonctions comparables ailleurs. Il
est arrivé avec un certain nombre de graphiques là-dessus. Examen
fait, et l'examen était particulièrement difficile pour des
considérations de « matching», d'équivalences de
tâches: il avait raison! Il a eu ce qu'il demandait. Il était
clair que là, le «matching » qui avait été
fait entre deux occupations posait des problèmes assez difficiles qui
avaient probablement été mal interprétés. Bien,
cela a pris deux heures pour avoir la réponse. Il était clair que
dans ces deux-cas-là, le « matching » était mal
fait.
Nous pouvons peut-être considérer la position comme
étant inflexible, mais il reste, néanmoins, que pour toute une
série de tables jusqu'à maintenant elle a fort bien
marché, à l'exception de la Régie des alcools, cette
formule-là. Elle a été acceptée sur toute une
série de tables.
M. LEFEBVRE: En termes justement de « matching », comme vous
venez de le dire, M. Parizeau, vous avez dit tout à l'heure que l'offre
concernant les commis à la Régie des alcools par exemple,
était l'équivalent de ce qui a été offert et
accepté par les fonctionnaires pour ce que vous avez appelé des
tâches comparables. Est-ce que vous êtes convaincu que ces
comparaisons, dans le cas des employés de la Régie des alcools,
sont étanches en tout point? Est-ce que, par exemple, au sujet de la
sécurité d'emploi, elle est exactement la même pour les
employés de la Régie que celle dont bénéficient les
fonctionnaires de l'Etat?
M. PARIZEAU: La sécurité d'emploi est autre chose ici. Si
je ne m'adresse qu'aux salaires eux-mêmes et cela, je pense que
vous allez le voir tout à l'heure je ne veux pas dire que ce
n'est pas important, la sécurité d'emploi, je veux dire que quand
on présentera les salaires payés à la régie et ceux
qui sont payés dans la Fonction publique, vous allez voir que même
si on laisse de côté, pour le moment, la question de la
sécurité d'emploi, le «matching» pris dans ce sens me
semble a peu près correct. Je ne veux pas dire que la
sécurité d'emploi n'est pas importante. Ce que je veux dire,
c'est que c'est un autre problème. Cela n'entre pas dans les
salaires.
M. LEFEBVRE: Cela ne fait pas partie de la comparaison entre les deux
tâches. C'est ce que le ministre a dit lui-même hier.
M. PARIZEAU: Ecoutez, je pense que là où la
sécurité d'emploi intervient, c'est lorsqu'il y a des
écarts de sécurité très très
différents. Ce- la peut intervenir, mais il est évident que dans
le cas de la régie, on ne se trouve pas en face d'une industrie
hautement saisonnière où la main-d'oeuvre varie de presque rien
à plusieurs milliers d'ouvriers. Lorsqu'on parle de
sécurité d'emploi, je pense dans le sens que le ministre en
parlait tout à l'heure. Par exemple, si on veut comparer un
fonctionnaire avec un employé d'une conserverie, il est certain qu'on a
affaire à deux types d'emploi complètement différents. Un
emploi dans la conserverie qui apparaît pendant quelques mois et qui
disparaît complètement ensuite et un fonctionnaire qui, lui,
travaille et qui fait toute sa carrière au gouvernement, pour des
différences de sécurité aussi grandes, cela peut se
réfléter dans les structures de salaires.
M. CHOQUETTE: M. Parizeau, dans la même ligne de pensée que
la question qui vous a été posée par le
député d'Ahuntsic, est-ce que, au point de vue des heures de
travail, par exemple, la comparaison est égale entre les employés
de la Régie des alcools ou certaines catégories importantes de la
Régie des alcools et d'employés du gouvernement?
M. PARIZEAU: II est évident qu'on tient toujours compte
mais là arithmétiquement, quand je dis qu'on en tient compte,
n'est-ce pas on tient toujours compte arithmétiquement des
différences d'heures de travail, parce qu'on a effectivement, dans le
secteur public, des différences d'heures de travail qui sont
considérables, qui vont maintenant dans l'ensemble de 32 1/2 à 40
heures. Alors, selon que vous avez des gens qui travaillent 32 1/2 heures et 40
heures, même s'ils font le même emploi, vous ne pouvez pas les
payer les mêmes taux. Il faut faire l'ajustement en fonction des
heures.
M. CHOQUETTE: M. Parizeau, juste une dernière question je
prends pas mal de temps du comité mais je pense que ce sont les
questions, peut-être, qui vont au fond des choses. Même si je le
dis moi-même.
Tout à l'heure, on parlait de sécurité d'emploi au
sens large du terme, n'est-ce pas? Dans votre optique à vous, est-ce que
vous affecteriez un facteur négatif à l'égard du salaire
des employés de l'Etat ou du secteur public, étant donné
qu'ils ont une sécurité d'emploi qui vaut plus que celle que Pon
trouve dans le secteur privé?
Quelle est votre opinion à ce sujet?
M. PARIZEAU: Ecoutez, là, entendons-nous. Ce n'est pas facile de
répondre à une question comme celle-là, parce que la
sécurité a toute espèce de signification. Si on parle
d'une sécurité légale...
M. CHOQUETTE: Non, je ne parle pas de la sécurité
prévue par la convention collective, je parle plutôt de cette
sécurité qui vient du fait que...
M. PARIZEAU: Vous parlez de rentabilité.
M. CHOQUETTE: ... lorsque quelqu'un entre dans le secteur public, il y a
de bonnes chances, en général, qu'il ne sera pas mis à
pied, que le travail ne manquera pas et qu'il ne sera pas renvoyé. C'est
plus au sens économique de la chose que j'aborde le sujet.
M. PARIZEAU: Alors, pour répondre à votre question, il est
très difficile de donner une valeur arithmétique à ce
secteur-là, pour la raison suivante, c'est que l'instabilité de
l'emploi, parce que c'est de cela que vous parlez vraiment...
M. CHOQUETTE: Justement.
M. PARIZEAU: ... l'instabilité de l'emploi qu'on constate dans le
secteur privé donne lieu, soit, comme justification, à des
salaires très élevés ou bien à des salaires
très bas. L'instabilité dans l'industrie de la construction a pu
servir d'argument pour obtenir $3.32 pour le manoeuvre maintenant, à
Montréal. Donc un salaire qui, pour le manoeuvre, est très haut.
Mais, dans la conserverie dont je parlais tout à l'heure, là
où dans les usines de poisson, par exemple, on a un emploi tout aussi
instable, peut-être davantage, et qui donne lieu à des salaires de
quoi... $1.00, $1.15, $1.25, $1.30.
Alors, puisque l'instabilité dans le secteur privé donne
lieu à toute cette gamme de taux, de très bas à
très élevé, il n'estpas facile pour le gouvernement de
dire: Dans l'ensemble, les gens qui travaillent pour le gouvernement ne sont
pas caractérisés par une aussi grande instabilité, je vais
donc faire intervenir un facteur de temps à ce
phénomène-là.
M. CHOQUETTE: Alors, qu'est-ce que vous faites dans des circonstances
comme celles-là? Qu'est-ce que vous faites en pratique?
M. PARIZEAU: Pourquoi?
M. CHOQUETTE: Pour arriver, enfin, à faire une offre
concrète.
M. PARIZEAU: On tient compte de toute une série de facteurs qui
sont les suivants, à l'intétieur des principes que le ministre a
exposés: d'une part, ce que l'on chercher à être, non pas
le meilleur employeur comme il l'a dit mais, autant que possible,
à être mieux que la moyenne.
M. CHOQUETTE: On est bon enfant.
M. PARIZEAU: Le troisième quart. Pas le quatrième, le
troisième.
D'autre part, on tient compte de ce que payent d'autres employeurs de
même type que nous, c'est-à-dire surtout le gouvernement
fédéral et le gouvernement de l'Ontario, en corrigeant ça,
cependant, pour tenir compte du fait que le gouvernement de l'Ontario en
particulier, est très souvent au point où nous étions au
début de 1966.
C'est ce qui fait que, par exemple, il est hors de question que l'on
puisse toujours s'aligner sur l'Ontario, parce que ça donnerait des
choses absolument aberrantes. Je comprends que dans le cas de la régie,
on voudrait s'aligner sur les salaires de la Régie de l'Ontario, que
l'on donne en exemple.
UNE VOIX: C 'est monsieur Vincent Prince...
M. PARIZEAU: Mais, est-ce que l'on souhaiterait aussi que nous alignions
les salaires les prochaines offres des employés de service
dans les hôpitaux du Québec? Est-ce que l'on voudrait les aligner
sur certains des taux qui sont payés dans les hôpitaux de
l'Ontario aux employés de service?
M. LEVESQUE (Laurier): Exemple?
M. PARIZEAU: Bien il y a un certain nombre... On négocie
hôpital par hôpital, en Ontario, sauf pour les infirmières
et pour une partie du personnel de nursing. Le résultat, c'est que vous
avez des hôpitaux en Ontario où il y a encore du personnel de
service qui gagne $45 par semaine. Vous en avez d'autres qui sont beaucoup
mieux payés. Il est évident, par exemple, que l'hôpital
« Toronto General », va avoir des structures très
élevées, mais que des hôpitaux, qui sont un peu loin des
grands centres, ont des taux de salaire qui sont très inférieurs
aux nôtres.
Alors, il faudrait quand même faire attention à cette
analogie avec l'Ontario.
Nous cherchons à avoir un éventail de taux
coordonnés qui, dans l'ensemble, se situent à peu près au
niveau de ce que d'autres gouvernements, celui de l'Ontario par exemple,
peuvent payer. C'est dans l'ensemble. Mais, il n'est pas question, ou bien
d'aller chercher les pointes de l'Ontario ou bien descendre aussi bas que lui
dans certains domaines.
M. CHOQUETTE: M. Parizeau, juste...
M. LESAGE: M. Parizeau référant ces comparaisons avec
l'Ontario, s'il y a des faiblesses dans les structures de salaires en Ontario
exemple, dans le secteur des services dans les hôpitaux
c'est parce qu'il y a un retard. Je crois que, lorsque l'on fait des
comparaisons avec l'Ontario, il ne faut tout de même pas aller
jusqu'à faire des comparaisons dans des secteurs où l'Ontario est
certainement en retard parce qu'ils n'ont pas mis d'ordre dans leurs
affaires.
M. PARIZEAU: C'est la raison...
M. LESAGE: Dans les secteurs où l'Ontario a mis de l'ordre dans
ses affaires, dans un secteur public comme sa commission des liqueurs, c'est
totalement différent. La comparaison que vous venez de faire avec le
secteur des services dans les hôpitaux, à mon sens, boîte.
On ne saurait faire cette comparaison parce que, vous admettez vous-même,
nous sommes en retard et l'ordre n'a pas été établi.
M. PARIZEAU: Ce que je voulais dire, M. Lesage, c'est que ce n'est pas
que l'ordre n'a pas été établi seulement dans les
hôpitaux, l'ordre n'a pas encore été établi dans les
structures de salaires de l'Ontario, avec pour résultat qu'il y a des
pointes, dans un certain nombre d'endroits, et des trous dans d'autres
endroits. Les pointes se sont produites très souvent par accident ou
pour des raisons de pression, ou pour toute espèce de raisons
accidentelles. Les trous ont été laissés là,
souvent aussi, pour des raisons accidentelles. Le désordre, dans ce
sens-là, joue dans tous les sens.
Quand je vous disais que dans la fonction publique de la province de
Québec, il y a deux ans et demi ou trois ans, les salaires du manoeuvre
allaient de $0.56 à $2, les $2 étaient, si je peux m'exprimer
ainsi, tout aussi aberrant que les $0.56. Quelques-uns l'avaient pour
des raisons que très souvent on n'arrivait pas d'ailleurs, à
expliquer. Et ceux qui avaient $0.56 il y en avait pour des
raisons qu'on n'arrivait pas très bien à expliquer. La structure
des salaires de l'Ontario est souvent de ce type. Ainsi, par exemple, quand les
radiologistes nous indiquaient qu'en Ontario ils gagnaient nettement plus
à l'unité qu'au Québec, nous n'avons pas dit non.
C'était vrai. Mais, il y a 200 ou 300 médecins qui ont
réussi à obtenir de l'Ontario quelque chose de très
avantageux. Bon! C'est un groupe de 200 ou 300 personnes.
Est-ce que cela veut dire que, sous le prétexte qu'un groupe fait
une percée en Ontario à un moment donné, l'on se mette
à suivre, non pas seulement pour un groupe mais avec notre structure?
Parce que n'oubliez pas encore une fois que si on décidait de s'aligner
sur une pointe en Ontario pour un groupe, notre principe que l'on va payer
à peu près la même chose pour les mêmes emplois, il
continue de s'appliquer. Alors ça nous sert de levier, pour des dizaines
de milliers d'hommes. Je vous rappelle ici à titre d'exemple et
je pense qu'il est important de s'en souvenir que le chiffre d'un cent
l'heure dans le secteur public de la province de Québec coûte $4
millions et demi par année. Un cent l'heure...
M. LESAGE: Par année.
M. PARIZEAU: Alors avant de suivre des pointes pour remonter tout
cela...
M. LESAGE: Revenant à cette comparaison avec l'Ontario, il y a
des secteurs, c'est clair, où l'ordre n'a pas été
établi. Vous avez donné l'exemple du secteur hospitalier. Vous
avez donné l'exemple des radiologistes où il y a eu une
poussée pour une pointe. Mais sans doute que chez les fonctionnaires de
l'Ontario, d'après les renseignements que j'ai, c'est que la structure
des salaires est assez ordonnée et qu'il n'y a pas ces
différences aberrantes, pour me servir du terme que vous avez
employé, que l'on trouve dans le secteur hospitalier dont vous avez
donné des exemples.
M. PARIZEAU: Dans le secteur de la fonction publique proprement dite en
Ontario, c'est sûrement beaucoup moins désordonné je
parle ici des fonctionnaires travaillant au gouvernement c'est
probablement beaucoup moins désordonné que c'en a l'air dans les
hôpitaux, il n'y a pas l'ombre d'un doute. Encore que, leur structure de
salaire pour les professionnels, par exemple, soit à certains endroits
extrêmement curieuse. Il y a des relèvements qui s'expliquent plus
facilement que d'autres ou des trous ou des poids relatifs donnés
à certaines professions qui sont difficilement explicables. Il est
certain que pour ce qui est des fonctionnaires à l'emploi du
gouvernement de l'Ontario, c'est moins désordonné que ça
peut l'être dans les hôpitaux, c'est certain. C'est même
moins désordonné que ça peut l'être dans
l'enseignement.
M. CHOQUETTE: Dans votre appréciation des emplois similaires soit
dans l'industrie privée dans le Québec ou payés par
d'autres
gouvernements, qu'est-ce qui prime dans votre opinion? Est-ce que ce
sont les conditions de rémunération et de travail dans
l'entreprise privée au Québec ou est-ce que ce sont des
comparaisons avec des salaires payés par d'autres gouvernements ou dans
d'autres secteurs publics?
M. PARIZEAU: II s'agit de faire un arbitrage entre trois données.
J'étais rendu au deuxième élément qui entrait en
ligne de compte. Il y a un troisième élément qui a trait
à la capacité du gouvernement d'augmenter les salaires compte
tenu des ressources fiscales dont il dispose.
Alors il s'agit de faire un arbitrage entre ces trois
donnés-là. C'est-à-dire, qu'est-ce que cela implique
d'être un bon employeur? Qu'est-ce que les autres gouvernements arrivent
à faire dans l'ensemble? Et puis, de quelle somme d'argent
disposons-nous? Alors forcément, ces trois considérations entrent
en ligne de compte. A l'intérieur de ces trois choses-là, on
essaie de déterminer un certain nombre de taux particulièrement
importants. Mais une fois que ces taux particulièrement importants sont
établis, il est certain que le reste des taux y entre par intrapolation.
Il est clair, par exemple, que si on s'entend sur le taux du manoeuvre, qu'on
applique à ce taux de manoeuvre un certain pourcentage pour monter aux
mécaniciens de machine fixe, un certain nombre de corps de
métiers vont se situer par intrapolation entre ces deux
taux-là.
M. CHOQUETTE: Justement, M. Parizeau, c'est ma dernière question.
Quels sont, d'après vous, les taux les plus importants? Les points de
repère en quelque sorte de l'échelle salariale que vous
proposez?
M. PARIZEAU: Voyons! Vous allez me permettre d'en donner une liste.
J'aurais peut-être à y revenir. Il est possible que j'en oublie
un, ou deux, mais il y a clairement le taux ou les taux de la main-d'oeuvre non
spécialisée. Il y a, d'autre part, les taux maximums des
échelles des ouvriers spécialisés. Les $3.65, par exemple,
de la convention signée par le gouvernement avec ses ouvriers
correspondent aux mécaniciens de machines fixes, classe 1.
D'autre part, il y a le taux jumelé d'une institutrice de
quatorze ans de scolarité et d'une infirmière. Il y a d'autre
part le taux de départ de l'ingénieur qui est en somme symbolique
de toute une série de professions. Il y a maintenant dans les emplois de
bureau l'échelle du commis, ou des agents de bureau et un taux
féminin, qui peut être le taux de la dactylo. Je pense qu'il y en
a qui sont importants mais qui ne jouent pas le même rôle pour les
interpolations. Par exemple, le taux du commis principal qui, à
l'intérieur de l'unité de fonctionnaires représente
l'autre bout pour le personnel clérical. Mais en gros, ce serait
à peu près cela. Il y a des taux spécifiques, à
part ça, qui ont une certaine importance, par exemple, le taux du poseur
de lignes à l'Hydro représente un taux d'ouvriers
spécialisés très haut dont il faut tenir compte aussi.
Alors, il y a des taux importants et il y en a d'autres qui sont moins
importants et puis d'autres qui sont obtenus par intrapolation.
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous avezbâti, à partir de ces
taux, une échelle que vous seriez en mesure de déposer devant le
comité pour qu'on puisse apprécier la gradation de ces divers
points de repère?
M. PARIZEAU: Bien, écoutez, elles font partie des conventions,
vous allez retrouver tous ces taux-là dans les offres.
M. CHOQUETTE: Oui mais, enfin je pense que ça prendrait un
résumé puisque vous nous dites que ce sont vos points de
repère pour dresser votre échelle.
M. PARIZEAU: Si vous voulez seulement un résumé des
principales clauses dans les conventions signées, cela peut se
faire.
M. MICHAUD: M. Parizeau, si vous permettez, dans le cadre de la
négociation du gouvernement, avec des groupes d'employés et de
salariés qui comptent parmi les plus bas salariés du
Québec, est-ce que le gouvernement a établi ou pourrait
établir, en regard des offres soumises, ce qui pourrait être
et cela est revenu dans les interventions des chefs syndicaux un
revenu minimum décent? Est-ce que vous avez l'impression que les offres
actuelles pourraient correspondre à ce revenu minimum décent, si
jamais est établi le revenu minimum décent dans le cas des plus
bas salariés du Québec?
M. PARIZEAU: Cette question demande un certain nombre de
développements. Je m'excuse, M. le Président, je ne veux pas
prendre trop de temps mais la question posée demande un certain nombre
d'explications. Quand on parle d'un revenu minimum décent, on fait appel
à une motion de niveau de vie minimale, de niveau de vie
élémentaire. Ceci va dépendre, forcément, de la
situation de l'état civil de l'employé, du
fait qu'il soit marié ou non, qu'il ait des enfants ou non et
quel nombre.
Il est évident qu'un minimum comme celui-là, à
supposer qu'on puisse le déterminer, et Dieu sait, enfin, tout le monde
le sait, que les spécialistes peuvent se battre sur ces
chiffres-là, il faudrait l'établir pour le célibataire,
pour le couple marié sans enfants, pour le couple marié, avec un,
deux, trois, quatre enfants, etc. Bon, alors il n'est pas facile de vouloir
déterminer une échelle de salaires en fonction de l'état
civil, parce que cela donnerait, par exemple entre nous, cela a souvent
donné ça le résultat qu'on se dit que, dans tel
groupe d'employés, il y a surtout des gens mariés et ils ont
beaucoup d'enfants. Alors, on va monter, on va avoir des échelles de
salaires assez élevées pour ces gens-là. Tel autre groupe
fait à peu près le même genre de travail, mais il est
surtout composé de femmes, alors, on va faire l'hypothèse que, ou
bien elles sont mariées et leur mari gagne quelque chose, ou bien elles
sont célibataires, et on va les payer moins cher. Ce qui fait que le
jeune célibataire de 18 ans, dans le premier groupe, va avoir un salaire
élevé, et que la veuve, avec quatre enfants, dans le second
groupe, va avoir un salaire bas.
C'est ce que ça veut dire, monter des échelles de salaires
pour refléter un niveau de vie désiré. Si bien que la
question d'assurer un revenu décent relève de plus en plus du
revenu minimum garanti, par exemple, dont les gouvernements parlent. Cela
relève de la façon dont les allocations familiales sont faites,
de la façon dont la loi de l'impôt donne une compensation
suffisante ou non pour la femme mariée. Cela relève, en somme, de
la sécurité sociale dans le sens large du terme, y compris la loi
de l'impôt, beaucoup plus que la structure de salaires
elle-même.
Si on veut, par la structure de salaire, chercher à s'adapter
à des états civils différents, on crée des
injustices absolument invraisemblables.
M. LEFEBVRE: II s'agirait peut-être de faire la preuve qu'il n'est
pas tout à fait satisfaisant, pour un Etat qui se respecte, de
prétendre établir une politique salariale sans pousser un cran
plus loin et avoir une politique globale des revenus.
M. PARIZEAU: C'est-à-dire, non, pas une politique, il faut faire
attention au sens du mot politique de revenu.
M. LEFEBVRE: Déterminée par l'Etat.
M. PARIZEAU: Oui, il faut qu'un Etat ait une politique de
sécurité sociale et une politique de l'impôt.
M. LEFEBVRE: C'est cela.
M. PARIZEAU: Tout gouvernement en a une. Elle peut être
considérée comme bonne, elle peut être
considérée comme mauvaise, mais il ne peut pas ne pas en avoir.
On a une structure d'impôt, à l'heure actuelle, on a une structure
de sécurité sociale. Il est bien possible qu'elle ne
réflète pas correctement les diverses charges de famille des
gens. Alors c'est celle-là qu'il faut changer plutôt que de
s'imaginer qu'en mettant un désordre considérable dans les
structures de salaires, on évitera des injustices.
M. LEVESQUE (Laurier): M. Parizeau, pour revenir à votre tableau,
tout à l'heure, de la négociation par rapport à la
cohérence nécessaire que le gouvernement doit établir dans
son budget, vous parliez d'un « pattern bargaining ». Et
forcément, c'est ce qui est en train de s'établir du
côté du gouvernement.
Par ailleurs, comme disait le ministre délégué
à la Fonction publique, cela se répartit sur une série de
tables et c'est conforme à la loi actuelle. Mais dans votre esprit -
enfin je vous demande simplement une opinion cela ne mè-ne-t-il
pas et cela ne doit-il pas mener automatiquement à une
négociation générale? Parce que ce « pattern »
non seulement peut mais doit être mis en question par les syndicats qui
sont impliqués, il faut tout de même qu'ils sachent de quoi il
s'agit, et ils ont le droit que cela se sache publiquement. Il s'agit du
secteur public. Est-ce que cela ne mène pas automatiquement, si on ne
veut pas retomber dans un autre genre d'incohérence, à une
négociation générale le plus tôt possible?
M. PARIZEAU: II est évident qu'il serait d'autant plus facile de
se comprendre si l'on changeait le système de négociations et que
le gouvernement et les centrales s'entendraient avant le départ d'une
ronde de négociations ou bien sur les taux importants...
M. LEVESQUE (Laurier): Ou ne s'entendraient pas!
M. PARIZEAU: Ou ne s'entendraient pas, mais enfin, négocieraient,
ou bien des taux comme ceux dont on parlait tout à l'heure ou bien des
rythmes généraux d'augmentation, n'est-ce pas?
M. LEVESQUE (Laurier): Autrement dit, le gouvernement devrait ouvrir ses
livres?
Ce que je veux dire c'est que, dans l'ensemble, si on arrive à
une sorte de « pattern » où il y aurait de la
cohérence aussi dans les négociations, il faudrait que le
gouvernement négocie à livre ouvert, sur le rythme
d'augmentation, sur ses disponibilités, sur tout cet ensemble de
façon générale?
M. PARIZEAU: J'aimerais cependant présenter un point de vue, ici.
Ce n'est pas un point de vue personnel, c'est...
M. LEVESQUE (Laurier): Excusez, je veux juste expliquer. Je pense au
futur ministre de la Fonction publique qui disait hier, à un moment
donné, en employant une comparaison militariste qui sonnait un peu
curieusement: Un général ne doit pas expliquer ou dévoiler
d'avance l'état de ses munitions, etc. Dans le fractionnement des tables
actuelles, et le genre de négociations auxquelles on est tenu, cela
s'explique, mais dans une véritable cohérence de la
négociation, telle que vous l'évoquez en parlant du «
pattern », cela ne devrait pas s'appliquer comme cela.
M. PARIZEAU: Sauf qu'il faut quand même voir d'où on part.
On part du début de 1966 d'une situation où vulgairement parlant
une chienne n'irait pas retrouver ses petits. Il y a un désordre
absolument ahurissant dont les deux gouvernements ont d'ailleurs fait
état. Je me souviens aussi bien, M. Lesage que M. Johnson
décrivant la situation qui prévalait au début de 1966 dans
des termes extrêmement crus, les deux ayant fait état des
mêmes circonstances.
M. LE PRESIDENT: M. Pearson voudrait poser une question.
M. PARIZEAU: Oui. Je voudrais seulement finir ma réponse à
l'intention de M. Levesque.
Pendant un an et demi, et ça, tout le monde le sait, on est
passé par une série de grèves extraordinaires qui se
comprenaient d'ailleurs dans la mesure où les grosses opérations
de remise en ordre se faisaient, où des groupes recevaient des
augmentations mirobolantes, où des groupes recevaient des augmentations
très faibles, où il fallait arrêter des groupes parce
qu'ils étalent tellement loin en avant de tout le monde que l'on n'avait
pas les moyens de tout faire à la fois.
Cela a créé des problèmes épouvantables.
Nous avons eu des grèves dans je ne sais plus combien de secteurs, l'une
après l'autre. Mais le plus clair de l'opération de
réorganisation a pu se faire à ce moment-là.
La deuxième étape consistait à établir
maintenant certains rythmes, et puis à finir les plus grosses
corrections qui ont été amorcées en 66/67.
Maintenant, il y a une troisième étape à venir,
c'est évident que la troisième étape, si elle est le
moindrement possible, il faut l'essayer. Cette troisième étape
est celle où le gouvernement discutera des principes
généraux avec les centrales. Et si on arrive à le faire en
1971, cela veut dire qu'entre le désordre complet de 1966 où le
gouvernement, à titre d'exemple, ne savait pas combien il employait de
gens et puis une structure tout à fait modernisée de
négociations, il se serait passé pas tout à fait cinq ans.
Bien, ce n'est pas si mal.
M. CHOQUETTE: Je pense que ce que le député de Laurier
souligne, je pense qu'il l'a fait à très bon escient, C'est que
la technique de négociations dans le secteur public doit être
nécessairement complètement différente de la technique de
négociations dans le secteur privé. Dans le secteur public, je
pense que l'Etat qui a une politique salariale, qui doit avoir une politique
salariale, doit mettre ses cartes sur table. Et je pense que la réunion
de ce comité aujourd'hui est tardive, elle aurait dû avoir lieu
bien avant, et les chiffres auraient dû être connus bien avant. Je
pense que c'est au moins de juillet, qu'elle aurait dû avoir lieu. Je ne
dis pas que cela règle le problème, mais je souligne que c'est
une erreur de la part du gouvernement, et que le gouvernement est le principal
responsable de la durée de la grève à la Régie des
alcools.
M. MICHAUD: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. CHOQUETTE: C'est tellement court...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BERTRAND: M. le Président, des remarques comme celles que
vient de faire le député d'Outremont, remarques d'ailleurs qu'il
a commencées hier, ne sont pas de nature à aider aux travaux de
ce comité, à la tranquillité que nous y trouvons et
à la discussion ordonnée que nous avons depuis hier. S'il veut
faire de la politique dans le sens que nous indiquions hier, dans le sens de la
politique partisane, ce n'est pas l'endroit, il y a Bagot et
Notre-Dame-de-Grâce. Qu'il aille là et qu'il en fasse!
M. CHOQUETTE: Je me considère semoncé.
M. MICHAUD: M. Parizeau, ou le ministre d'Etat, très
rapidement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MICHAUD: II y a un mot qui revient...
M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Pearson.
M. PEARSON: Monsieur, j'aimerais avoir un éclaircissement sur un
des facteurs qui ont été invoqués dans la politique du
gouvernement. Au sujet de la capacité de payer.
Si le gouvernement a plus de services, à ce moment-là, sa
capacité devient moindre; si le gouvernement a moins de services, sa
capacité est plus grande. Mais est-ce qu'à ce moment-là,
si le gouvernement a besoin d'argent pour aller payer les services normaux,
est-ce qu'il ne va pas chercher cela normalement dans les impôts ou dans
les taxes? Alors, quel jeu se fait-il à ce moment-là pour
décider qu'il nous reste tant, pour les salaires, plutôt que
d'aller les chercher soit dans un impôt général, soit dans
les taxes?
M. PARIZEAU: Cette question-là réfère en fait
à un changement d'attitude, je pense, très important, entre les
deux rondes de négociations, celle de 1966-1967 et celle de 1968. Celle
de 1966-1967, nous nous y sommes engagés avec des programmes en cours,
des programmes annoncés, et une capacité de payer qui
n'était pas forte. Le résultat, c'est que constamment, en
1966-1967, on était forcé de table en table, de
négociation en négociation, de dire: On ne peut pas donner plus
que tant, il va falloir augmenter les impôts le lendemain. L'état
de la trésorerie et l'état du budget étaient tels
qu'effectivement nous ne pouvions pas faire autrement. Nous étions
rendus en cours de budget à se dire: Mais si nous cédons sur
telle demande et puis que nous l'étendons sur d'autres tables, c'est une
augmentation d'impôt qui va s'ensuivre automatiquement. Si bien que
systématiquement, nous ne pouvions pas faire autrement que de rendre les
syndicats responsables des augmentations de taxes. C'était une curieuse
façon de procéder.
A cette ronde-ci, nous avons essayé de monter, à partir du
petit modèle qui a été expliqué hier, une formule
qui dégage une somme disponible en salaire qui est telle qu'elle ne
suppose, qu'elle n'implique pas des augmentations d'impôt. Il reste, dans
la croissance du rende- ment des impôts, une somme affectée
à l'élargissement des programmes en cours et peut-être de
nouveaux programmes, enfin peu importants. Alors, à partir de là,
si le gouvernement veut créer de nouveaux programmes coûteux, il
doit clairement expliquer que ces nouveaux programmes coûteux vont
être établis, que cela va exiger des augmentations d'impôt
et celles-ci deviennent, à ce moment-là, le résultat,
comme cela doit l'être, je pense, des décisions quant aux nouveaux
programmes et non pas quant aux augmentations de salaires qui ont
été données.
La situation serait tout à fait différente si l'ensemble
des salaires dans le secteur public était à un niveau très
très bas. Si, par exemple, l'ensemble des salaires des manoeuvres au
gouvernement se situait, disons, au niveau du salaire minimum, là, on
pourrait faire une espèce de rattrapage massif général et
dire à la population en général: On fait un rattrapage
massif général et cela, c'est en somme un nouveau programme et
cela va coûter tant en impôt.
Mais, dans la formule telle qu'elle est montée cette
année, nous avons, en somme, développé une somme totale
à partir des critères qui vous ont été
expliqués, qui est telle que les impôts, s'ils montent, ne
monteraient que pour deux raisons. Ou bien, parce que les programmes en cours
se développent très rapidement, ou bien encore, parce que de
nouveaux programmes sont envisagés. L'augmentation d'impôt ne
serait pas la responsabilité directe des salariés du
gouvernement.
M. PEARSON: Cela veut dire que l'écart est suffisant entre les
deux?
M. MICHAUD: M. Parizeau vient de parler des salaires minimums. Il y a un
mot très joli qui est venu dans toutes les conversations et qui
était dans la bouche du ministre à toutes les cinq ou six
phrases, c'était le mot cohérence. Or, d'une part, la politique
salariale du gouvernement tend à niveler les disparités
régionales et ça, c'est un objectif louable et
d'autre part, le ministère du Travail, par son ordonnance sur la Loi du
salaire minimum, consacre et crée des conditions de
déséquilibre dans les disparités régionales, sur la
Loi du salaire minimum, par exemple, Montréal et le reste de la
province? Est-ce qu'il n'y a pas là des politiques qui entrent
directement en conflit, des politiques qui se confrontent et qui sont
inacceptables, entre la politique salariale, d'une part et la politique du
gouvernement, de l'autre, pour la Loi du salaire minimum?
M. BELLEMARE: Je vais avoir mon tour, d'ailleurs.
M. PARIZEAU: M. le Président, étant donné...
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, la réponse peut
difficile ment venir de M. Pari-zeau.
M. PARIZEAU: Je pense, d'une part, avoir exprimé en public mon
opinion là-dessus. Est-ce que je suis forcé de répondre
à cette ques-tion-là, étant donné que cela ne porte
pas sur le sujet du débat?
M. LE PRESIDENT: Pas nécessairement.
M. LEFEBVRE: J'aurais une autre question et j'aimerais faire le lien
entre la notion de capacité de payer, que vient d'évoquer M.
Pari-zeau, et la notion de participation à la productivité du
travail. Si le temps du comité n'était pas si restreint, j'aurais
quant à moi des réserves importantes à faire sur
l'exposé normatif qu'a fait le ministre hier, et en particulier, sur le
lien qu'il a établi entre la productivité dans le secteur
privé et le niveau des salaires dans le secteur public. Il a
semblé dire que la productivité dans le secteur public, non
seulement était difficilement déterminable ou quantifiable, mais
que, somme toute, elle était invariable et qu'on ne pouvait pas y
apporter d'amélioration, ce qui, pour ma part, me scandalise
fortement.
A tout événement, j'aimerais poser une question.
Enfin...
M. MASSE: Je n'ai pas dit cela.
M. LEFEBVRE: ... si on en avait le temps, nous pourrions relever votre
texte. Mais disons que je mets cela entre parenthèses pour un autre
débat, simplement pour ne pas allonger la discussion. J'aimerais poser
à M. Pa-rizeau une question spécifique concernant la RAQ qui,
cependant, a des incidences, sur la position normative ou
considérée comme telle du gouvernement en matière de
politique salariale.
Faisons l'hypothèse et j'admets au départ que c'est
une hypothèse que la Régie des alcools du Québec
est une entreprise dont la productivité pourrait être
améliorée. Plusieurs personnes semblent le prétendre.
Alors, faisons cette hypothèse et disons qu'il est prévisible
que, par suite de sages mesures recommandées par les conseillers du
gouvernement, on puisse prévoir à la Régie des alcools,
d'ici trois ans, une amélioration de 10% ou de 15% du rendement des
investissements ou de la productivité du travail.
A ce moment-là, est-ce que, à votre avis, il est
impensable que les travailleurs, les salariés de la Régie des
alcools, participent à cet accroissement de productivité? Parce
que, dans le cas de la Régie, vous ne pouvez certainement pas invoquer
une incapacité de payer, pas du moins si l'on considère les
profits de la régie comme lui appartenant en propre, du moins en
première instance.
M. PARIZEAU: Etant donné que la régie n'a finalement que
des revenus qui se substituent à des impôts, l'amélioration
de la productivité à la régie, accroît la
capacité du gouvernement d'augmenter les salaires dans le secteur
public. En somme, l'amélioration de productivité, à l'un
ou l'autre des points du secteur public, permet au gouvernement d'augmenter ses
salaires dans l'ensemble du secteur public, pas en un point en particulier.
L'amélioration de la productivité du personnel du
ministère du Revenu ne justifie pas des augmentations de salaires pour
les employés de ce ministère seulement. Il y a beaucoup d'autres
services gouvernementaux qui perçoivent ainsi des revenus pour le
gouvernement. Si on améliore le travail de ceux qui perçoivent
les droits de coupe, pour les compagnies forestières, ils ne vont pas
améliorer leurs revenus à eux, cela augmente la capacité
de payer pour le gouvernement.
A l'inverse, prenons le cas de la raffinerie de sucre à
Saint-Hilaire. Elle lait un déficit. Elle a toujours fait un
déficit. Ce n'est pas rare. Je n'ai pas vérifié si elle
l'a fait chaque année d'opération, disons qu'elle est en
situation traditionnelle de déficit La raffinerie de sucre de
Saint-Hilaire correspond à une décision gouvernementale de
créer une telle raffinerie. Est-ce que, dans ces conditions, on serait,
justifié de payer à ces gens, qui travaillent dans la raffinerie
de sucre de Saint-Hilaire, à la suite d'une décision
gouvernementale, d'en établir une, des salaires systématiquement
moins élevés qu'ailleurs? Je ne vois pas pourquoi. Si on
améliore la productivité de la raffinerie à Saint-Hilaire,
cela permettrait de réduire le déficit, donc d'améliorer
la capacité globale du gouvernement de payer.
M. LEFEVRE: D'accord, alors disons que j'accepte cette réponse,
pour le moment. Une dernière question, quant à moi. A ce
moment-là, est-ce qu'il n'aurait pas été logique de la
part du gouvernement, d'établir, comme un des critères de
sa politique salariale, une participation des employés de l'Etat
à l'accroissement de la productivité, de façon à
réaliser une sorte d'intéressement, si vous voulez, au rendement
du travail? Je ne comprends pas du tout le fait que dans les critères de
salaires, on ait complètement laissé de coté la notion de
productivité du travail du secteur public lui-même.
M. PARIZEAU: Non, écoutez, ce n'est pas tout à fait exact
dans la mesure où comment dire les offres faites par le
gouvernement sont liées à l'augmentation de ses ressources
totales. Dans la mesure où le gouvernement améliorerait d'une
façon considérable ses rendements, cela se verrait au niveau de
la progression de ses ressources et des ressources plus élevées
permettraient forcément d'accroître les offres.
Alors, de convention en convention, cela se verra. Si, pour une raison
ou pour une autre, on arrivait à améliorer
considérablement les rentrées de fonds, à ce
moment-là, le gouvernement aurait davantage d'argent pour payer.
L'augmentation de productivité, en somme, va se refléter dans les
ressources du gouvernement, au moins pour ce qui est d'une opération
comme celle de la régie.
M. LEFEBVRE: Oui, mais au plan psychologique, ce n'est pas du tout la
même chose, parce que si on tentait d'apprécier ce
facteur-là et d'en discuter en négociation, cela créerait
un climat différent.
M. PARIZEAU: Bien, oui et non, parce que il faut bien s'entendre
là il y a des endroits dans le secteur public où
l'amélioration de la productivité de l'individu n'a pas
d'incidence monétaire particulière.
M. MASSE : II y en aura.
M. PARIZEAU: Par exemple, la qualité de l'enseignement. Je ne
veux pas dire qu'il n'y a pas d'incidences. La qualité de l'enseignement
ne va pas faire en sorte que le gouvernement dépense moins d'argent ou
plus d'argent. La qualité des soins hospitaliers donnés,
l'amélioration du rendement dans le « nursing » par exemple,
peut avoir des incidences financières et peut ne pas en avoir. Cela
dépend de quel genre d'améliorations on parle. Si bien qu'on ne
peut pas dire à certains groupes: Vous, si vous améliorez votre
productivité, cela fait tout de suite rentrer de l'argent au gouverne-
ment, donc on va vous rémunérer davantage. Vous, autre groupe, si
vous améliorez votre productivité, vous donnez une meilleure
qualité de service, comme cela n'a pas d'incidence financière, on
ne vous améliorera pas votre niveau de vie. Ce n'est pas possible. Non,
parce qu'on se trouverait pris dans une situation qui serait terriblement
injuste.
M. BERTRAND: Nous avons dit hier que non seulement les membres du
comité pouvaient poser des questions mais que les autres
députés présents et, troisièmement, si M. Pepin ou
M. Laliberté ont des questions à poser à M. Parizeau,
quand nos collègues membres du comité et nos collègues
députés qui ne sont pas membres du comité auront
terminé, M. Pepin, vous pourrez poser les questions que vous
désirez de même que M. Laliberté.
UNE VOIX: Merci.
M. BERTRAND: Et également, si M. Laber-ge...
M. MASSE: II n'est pas ici. Il nous l'a dit hier.
M. BERTRAND: ... est ici, alors, M. Pari-zeau pourra répondre
également aux questions qui viendront de l'autre côté de la
barre.
M. LEVESQUE (Laurier): J'aurais une question très brève,
M. le Président, à poser à M. Parizeau. C'est une question
politique mais qui, je crois, est de politique très
générale. Je voudrais référer à ce que M.
Pepin disait hier en parlant de politique salariale. Peu importent les
définitions qu'on en donne, M. Pepin disait qu'il y a deux
préalables essentiels qui devraient toujours être gardés
à l'esprit si on veut que ça veuille dire quelque chose.
En substance, il dit que ça exigerait un effort pour assainir les
finances publiques, les rationaliser, c'est-à-dire être bien
sûr qu'on emploie l'argent au mieux. Aussi un effort pour utiliser au
maximum toutes les sources de revenus, évidemment, et aussi faire
croître les sources de revenus par une stimulation de l'économie.
Enfin, ce serait une politique économique de croissance là, etc.
Aussi, dans le même sens, rationaliser les impôts; par exemple,
faire entrer les impôts sur le gain de capital, l'une des choses que l'on
peut considérer comme scandaleuses parce que cela n'existe pas dans une
société comme la nôtre alors que la plupart des pays
civilisés en ont.
Tel que M. Pepin nous le présentait, lorsque
l'on parle de la capacité de payer de l'Etat, si on veut
être sérieux, ça implique que l'Etat soit surveillé
furieusement de façon que le gaspillage, le mauvais choix de
priorités, la négligence des sources possibles de revenus, pour
toutes sortes de raisons plus ou moins avouables, soient une des
préoccupations constantes. Est-ce que, dans votre opinion, ça
n'impliquerait pas qu'il serait de l'intérêt de tous les
employés du secteur public, en même temps que de faire leurs
revendications, d'avoir au moins une activité politique permanente qui
se développe et que leur activité politique qui est dans leur
propre intérêt, là, bien calculé, soit que
continuellement ils examinent les budgets des gouvernements, les critiquent et
que, jusqu'à un certain point, tout le monde se sente responsable? Parce
que cette capacité de payer, est-ce qu'elle n'est pas accrochée
justement à ces facteurs-là? Est-ce que M. Pepin n'avait pas
parfaitement raison? Est-ce que ce n'est pas, dans un sens, toute la population
à commencer par les employés, qui sont eux-mêmes
affectés, qui devrait activement s'en préoccuper?
M. PARIZEAU: Il y a deux éléments dans la question que
vous soulevez. Il y a des éléments qui sont purement d'ordre
politique et ça n'est pas mon rôle, ici, de les commenter et il y
a des éléments d'ordre technique qui, là,
présentent un intérêt très net...
M. LEVESQUE (Laurier): Au point de vue administratif, par exemple.
M. PARIZEAU: ... au point de vue administratif. C'est qu'il faut bien
comprendre que lorsque l'on a laissé, pendant une ou deux
générations, le secteur public se développer à peu
près n'importe comment, on en arrive à la situation à
laquelle je faisais allusion il y a deux ans ou deux ans et demi, où
l'on ne savait même pas combien on employait de gens.
La première opération consiste à remettre de
l'ordre dans les conditions de travail et la deuxième opération
consiste à remettre de l'ordre dans ce qu'on appelle les effectifs.
Un peu partout, il faut pouvoir déterminer combien il faut de
gens pour faire telle tâche. Il arrive que dans certaines conventions
ça soit négocié, il arrive que dans d'autres tables de
négociations ça ne l'est pas. Mais, en tout cas, et surtout dans
la fonction publique proprement dite, il y a un examen au niveau des effectifs
du personnel que ça prend pour faire telle tâche qui est une des
responsabilités importantes du ministre délégué
à la Fonction publique et à laquelle il a fait allusion et hier
et ce ma- tin, sauf erreur, n'est-ce pas? Mais j'insiste encore sur
l'intérêt de l'opération et la nécessité de
la faire. Ce n'est pas tout de compter les employés et ensuite de
réorganiser leurs conditions de travail. Il faut être capable
d'étudier les effectifs de chaque geste administratif posé.
Il y a des questions auxquelles il faut répondre. Si un
ministère a telle tâche de caractère administratif à
faire, qu'est-ce que ça prend comme cadres, comme adjoints aux cadres,
comme personnel de soutien, comme personnel de bureau? L'étude s'amorce,
elle est en train. Mais il ne faut pas s'imaginer qu'on va pouvoir donner des
réponses en deux mois à des questions comme celles-là.
Entre le moment où on ne savait pas combien on avait de gens sur la
feuille de paye, puis le moment où on va avoir des effectifs
fixés, il faut quand même laisser un petit peu de temps. Non pas
20 ans mais il ne faut pas s'imaginer qu'on puisse le faire en deux mois.
M. BOURASSA: Sur la question des gains de capital qui a
été soulevée par M. Pepin, M. La-liberté, M.
Levesque, c'est une question que j'ai eu l'occasion de discuter ou
d'étudier à plusieurs titres. Le ministre des Finances n'est pas
ici. Alors on peut en parler du moins sans parler en son nom, je pense sur ce
plan, qu'il n'y a pas tellement de désaccord. Au sujet des gains de
capital, il est clair que c'est un trou, une injustice fiscale actuellement
ils sont taxés aux Etats-Unis qu'ils ne soient pas
taxés. Je pense que tous admettent que, sur le plan de
l'équité, c'est une nécessité. Mais pour le
Québec, il faut quand même tenir compte de la concurrence
interprovinciale et je ne pense pas qu'il y aurait un gain net pour l'ensemble
de la population si le Québec imposait ses gains de capital et que ses
voisins ne l'imposaient pas. Je pense que, là, il faut tenir compte des
implications économiques et du rendement également. Si on prend
l'exemple des Etats-Unis, je pense que les gains de capital rapportent environ
5%, plus précisément 5.6% peut-être de l'impôt sur le
revenu des particuliers, et cela dans des circonstances normales quand c'est
applicable à tout le pays. Alors si c'était appliqué au
Québec seulement, sans que ce soit appliqué dans d'autres
provinces, il y aurait une source d'évasion qui naîtrait
automatiquement, qui diminuerait le rendement, qui favoriserait la partie
mobile de la population et du capital au détriment de ceux qui sont
obligés de rester ici, et diminuerait ainsi le rendement. Je pense que
nous sommes tous d'accord sur le principe mais que l'application ne peut pas
être partielle.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien écoutez, je dirais au
député de Mercier, sûrement là-dessus je ne
voulais pas entrer dans un débat que je suis d'accord avec lui et
que lorsque la société injuste qu'on nous fabrique et qu'on nous
perpétue se transformera un jour en société juste
j'ai des doutes là-dessus cela pourrait être vrai pour tout
l'ensemble du Canada. Moi, j'étais dans une optique où le
Québec était un pays. Je m'excuse, j'anticipais un peu.
M. BOURASSA: Mais même si le Québec était un pays,
je me demande si en pratique il pourrait le faire quand même. Mais
là, nous sortons du débat.
M. MASSE: On va revenir aux questions.
M. LE PRESIDENT: Al'ordre! Je comprends que les membres du comité
voudraient poser toutes leurs questions. Est-ce qu'il y a d'autres
députés... Il y en a qui ont pris la parole tout à
l'heure. Est-ce qu'il y en a d'autres qui veulent poser des questions?
M. BERTRAND: Sinon... M. Pepin. M. LE PRESIDENT: Alors, M. Pepin.
M. PEPIN: M. le Président, ce que je vous suggère, c'est
que Me Lalancette et probablement M. Parent fassent un peu comme le font les
députés, quelques commentaires avant d'arriver à la
question pour qu'elle soit bien comprise.
Alors, c'est Me Lalancette qui commencerait à poser la
question.
M. LALANCETTE: Au point de départ, c'est que M. Masse a
posé certaines questions à savoir pourquoi ne l'accepteraient-ils
pas? Je pense qu'il référait aux employés de la
régie.
Je voudrais intervenir sur quelques points et poser à M.
Parizeau, en passant, certaines questions.
D'abord, je pense qu'hier on a soulevé la question du salaire
décent. Les ouvriers de la Régie des alcools du Québec,
évidemment, lorsqu'ils contestent les offres qu'on leur fait, partent de
ce point de vue.
Hier, on a expliqué que 82% d'entre eux étaient
mariés, que la famille moyenne était d'environ quatre personnes
et que ça pouvait aller jusqu'à douze enfants dans certains cas;
évidemment, c'est sur ce point-là.
Au cours des négociations, nous n'avons pas eu beaucoup
l'occasion de discuter des différents points qui sont soulevés
ici ce matin. Pour ma part, je suis très heureux qu'on nous
éclaire. Mais, d'autre part, il me semble qu'au point de départ,
lorsqu'on fixe, par exemple, au niveau de la politique salariale et en
particulier au niveau des comparaisons les taux dont parlait tout à
l'heure M. Parizeau, il me semble que nous nous dirigeons vers une
espèce d'égalité mathématique au niveau des commis
de bureau ou des manoeuvres, par exemple.
Or, une politique salariale d'un employeur ne veut pas dire, à
mon sens, une égalité mathématique dans tous les cas. Me
référant, par exemple, à une industrie que je connais un
peu mieux, celle du papier, je me rappelle que dans le papier à
moins que ça ait changé, sauf erreur il y avait des taux
différents; au niveau du papier journal, du papier carton et du papier
fin; cela faisait partie d'une politique globale de salaires. Je me demande si
une politique globale de salaires, de la part de l'Etat employeur, ne doit pas
d'abord tenir compte de certaines inégalités. Maintenant, je
pense que je peux poser cette question à M. Parizeau: n'est-il pas quand
même vrai qu'en Amérique du nord, le salaire compte pour une
partie importante dans le revenu des employés, et je précise: la
plus grande partie du revenu des employés? Par conséquent, la
question du salaire décent se pose pour eux.
Sur la question des comparaisons, je viens de dire qu'on se
référait à un certain nombre d'égalités
mathématiques et à un certain nombre de critères. Ne
pourrait-on pas dans le cas, par exemple, de la Régie des alcools et des
employés de la Régie des alcools, faire des comparaisons avec
d'autres secteurs que ceux du gouvernement ou ceux de la régie
ontarienne?Il y a d'autres régies au Canada, il y a d'autres salaires au
Canada, et il y a aussi des secteurs comparables à la Régie des
alcools. Je pense que l'on ne trouve pas dans les emplois du gouvernement, en
particulier et je n'en prends que quelques uns des fonctions de
tonnelier, des gars qui font des tonneaux. On a ça à la
Régie des alcools. On en retrouve dans les distilleries et dans les
brasseries. Il y a des gars, évidemment, qui font aussi la
dégustation des vins. Ils n'ont pas le droit de les avaler... Cela se
fait également dans les distilleries et les brasseries. Il y a aussi des
chaînes de production...
M. LEVESQUE (Laurier): Comment font-ils pour déguster du vin sans
l'avaler?
M. LALANCETTE: Cest que, s'ils l'avaient, après ça,
ça ne vaut plus rien! Ils sont obligés de manger du fromage et de
se reprendre...
M. LEVESQUE (Laurier): Tu parles d'un « job plate »!
M. LALANCETTE: D'après les dégustateurs...
M. LEVESQUE (Laurier): Ils méritent une prime.
M. LALANCETTE: D'après les dégustateurs, lorsqu'on
déguste certains vins, c'est vraiment ennuyeux, parce que c'est
répugnant à première vue de porter ces vins-là
à ses lèvres.
M. GABIAS: II y a d'autres compensations!
M. LALANCETTE: Et le ministre sait de quoi il parle! Vous pourrez
demander cela aux gens de la Régie, ils vont vous instruire très
bien à ce sujet. De toute façon, ce que je disais, c'est qu'il y
a un certain nombre de facteurs qui peuvent être comparés,
lorsqu'on essaie de prendre un certain nombre en bon français
de « bench-marks » dans la fonction publique et de les
comparer à ceux de la Régie des alcools, je pense que, comme
ensemble, la Régie des alcools ne peut pas être comparée
à ce qui se fait dans les hôpitaux ou au gouvernement, ou
même à l'Hydro-Québec, s'il s'agit de fonctions tout
à fait spéciales. Il s'agit d'une entreprise d'un genre
particulier.
Evidemment, on peut être tenté de l'assimiler au commerce.
Quand on parle des commis, on peut être tenté d'assimiler le
salaire du manoeuvre de la régie à celui du manoeuvre du
gouvernement. Mais, je pense qu'à ce moment-là, il faut quand
même tenir compte d'un certain nombre d'autres choses. Et
évidemment, pour répondre encore à M. Masse, le point de
comparaison, justement que les ouvriers se sont fixé au départ,
ce sont des industries semblables: distilleries, brasseries, et ainsi de suite.
Et nous n'avons pas pris les plus hauts, justement. Nous avons pris une moyenne
générale. Nous avons fait à mon sens, comme
l'ingénieur qui mesure une forêt, pour savoir quelle est la
hauteur des arbres; il ne prend pas les plus hauts ou les plus bas, il prend la
moyenne. Ce que nous avons fait, nous, nous avons essayé
d'établir une moyenne parmi ces secteurs-là pour savoir quelles
seraient nos revendications de salaires. Nous l'avons fait, également,
au niveau des régies et du secteur général des
régies. La moyenne, au Canada, était de 98 et quelque chose, en
octobre 1967. Mais, nous avons essayé de voir aussi, du
côté des régies au Canada, si cela pouvait être
comparé. Par exemple, au niveau des employés de maga- sins, dans
l'ensemble du Canada, le salaire des commis de magasins est plus
élevé que celui des employés de la Régie des
alcools.
Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas tenir compte, justement, dans la
politique salariale, de ces différents éléments qui
feraient que la politique salariale n'est pas nécessairement une
égalité mathématique mais qu'elle comporte des
degrés?
Entre autres, je veux relever un certain nombre de points. Par exemple
je pense que M. Pa-rizeau l'a peut-être oublié au
niveau du taux du journalier, l'offre de la régie a été de
7 1/2% - 7 1/2% purement et simplement. Notre journalier a actuellement $2.12
1/2, il serait porté à $2.28 d'abord, et à $2.46, ce
quifait, il me semble 7 1/2% - 7 1/2%.
Evidemment, il y a aussi une chose. C'est que l'augmentation offerte du
côté ouvrier spécialement je ne parle pas des
employés de magasins et de bureaux 6.8% - 6.8%, c'est exact, le
calcul qu'il propose, sauf qu'il oublie une petite partie, une très
petite partie et parce que l'on nous a offert que la convention parte du
1er avril 1968, il oublie quand même la période du 1er novembre au
1er avril où les salaires restent au même taux. Or,
évidemment, dans l'offre générale, du côté
ouvrier, il faut en tenir compte.
Du côté des commis de magasins, si je me rappelle bien
si je fais erreur on pourra me corriger - l'offre a été de
7 1/2% - 7 1/2% sur le point milieu de l'échelle, ce qui veut dire $295
par année. C'est exactement la même chose du côté des
bureaux. Or, évidemment, je pense aussi je pose la question
à M. Parizeau lorsqu'il a parlé des entreprises
privées qui étaient obligées de hausser les salaires, il
pouvait arriver une faillite, il pouvait arriver aussi un certain nombre de
problèmes. Je pense qu'il a oublié un élément, en
tout cas, je luipose la question. Est-ce qu'il est possible que, dans
l'industrie privée, lorsque les salaires sont haussés à la
suite d'une pression syndicale, que l'on ne fasse pas de mécanisation ou
d'automation? Il me semble, et je pense que la direction de la régie
sera tout à fait d'accord avec moi, que, de ce côté, la
Régie des alcools a beaucoup à faire, pour améliorer le
service dans les magasins, en particulier. Elle a beaucoup à faire pour
augmenter sa productivité, elle a beaucoup à faire au niveau de
l'administration générale, au niveau de l'embauchage et au niveau
du personnel.
Il me semble que si l'on voulait régler le problème de la
productivité ou encore le problème de l'entreprise à la
Régie des alcools, il faudrait peut-être bloquer l'embauchage pour
cinq ans. Alors, c'est exactement la politique contraire de ce que l'on disait
hier: l'augmen-
tation des effectifs. C'est-à-dire que, dans le cas de la
Régie des alcools, si on veut vraiment arriver à la
sécurité d'emploi et à une productivité accrue, il
me semble que, au contraire, il faut bloquer les emplois pour cinq
années, pour avoir le temps, évidemment, de spécialiser le
personnel, de le transférer d'une place à l'autre et ainsi de
suite.
Lorsqu'on parle de sécurité d'emploi je pense que
M. Parizeau a peut-être oublié cela c'est que justement,
à la Régie des alcools, c'est un peu différent de la
sécurité d'emploi au niveau du gouvernement, justement pour ces
raisons-là. Je ne parlerai ni d'industries, ni de commerces, parce que
cela mêlerait les cartes, mais je parlerai d'entreprises.
Je pense que les économistes vont être d'accord pour dire
qu'il s'agit d'une entreprise et que, dans ce cas-là, si on veut
améliorer le système de l'entreprise, il faut bloquer les emplois
pour cinq ans et le problème de la sécurité d'emploi dans
ce sens-là est bien différent.
Evidemment, il y a une chose, aussi, qui a été
soulevée. Je pense que cela se pose comme question, également. Le
salaire moyen à la Régie des alcools est d'environ $4,196, comme
nous avons dit hier. C'est très près de la limite de
l'impôt, particulièrement.
La majeure partie des emplois, du côté des ouvriers et
d'une façon générale, se situe aux alentours de cette
limite, avec un salaire moyen de $4,196. Il y en a donc un bon nombre en bas et
puis il y en a quelques-uns en haut. Par exemple, autour de $4,100 se fixent
entre autres du côté des ouvriers, environ 980 employés sur
1,100. Ce qui veut dire qu'à partir de la moyenne, après cela, on
tombe dans les métiers un peu plus spécialisés. Alors, je
pense que la fameuse question d'impôt est extrêmement importante
parce qu'à ce moment-là, plus ils avancent, plus la charge
fiscale pour l'employé de la régie est importante.
Il y a une chose que je voudrais relever. N'est-il pas vrai je
pose la question à M. Parizeau même dans une
négociation générale au niveau de la fonction publique, ne
devrait-on pas tenir compte de certaines particularités, par exemple,
dans le cas de la régie et de l'Hydro, à mon sens? Parce que
là, je pense, que nous ne sommes vraiment pas chez les fonctionnaires,
dans les hôpitaux ou ailleurs, nous sommes au niveau d'une entreprise,
qui a une certaine productivité et peut l'améliorer. Il n'y a
aucun doute là-dessus.
D'autre part, je pense, que vouloir relier les salaires des ouvriers de
la Régie des alcools je parle des trois groupes ensemble
à l'ensemble de la fonction publique lorsqu'ils améliorent leur
productivité, je pense que les ouvriers de la régie seraient bien
fous d'améliorer leur productivité parce qu'ils ne seront pas les
premiers à en bénéficier.
M. LEVESQUE (Laurier): M. Lalancette, vous permettez? Forcément
vous faites un tableau d'ensemble dans lequel j'ai compté à peu
près huit ou dix questions spécifiques. On voit que vous voulez
établir...
ME LALANCETTE: J'ai fini.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, si vous pouvez me permettre. Je sais que M.
Parizeau pourrait vous répondre en faisant, sous forme d'une
dissertation où reviendraient tous vos points, une réponse
élaborée. Mais pour nous, je parle au nom des gens du
comité, peut-être, ce serait peut-être utile qu'en revenant
après, à vos questions, vous les preniez une par une, de
façon qu'on puisse avoir des réponses qui collent à vos
questions.
M. PARIZEAU: J'en tiens compte.
M. LEVESQUE: Je parle pour nous, non pour vous.
M. LESAGE: Il est déjà une heure moins dix. J'ai
l'impression qu'il va falloir ajourner. M. Parizeau pourra se préparer
à répondre aux questions.
M. PARIZEAU: Je pourrais tout de suite répondre à ces
questions d'ailleurs.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous acceptez que M. Parizeau
réponde?
M. LESAGE: M. Lévesque avait présumé que vous
feriez une longue dissertation?
M. PARIZEAU: Non, je pense que non.
M. LEVESQUE (Laurier): J'ai présumé qu'il était
capable de faire une dissertation où tous les points reviendraient. Je
ne suis pas sûr que nous allons nous démêler, nous.
M. LE PRESIDENT: M. Lalancette, est-ce que vous acceptez que M. Parizeau
réponde immédiatement?
M. LEVESQUE (Laurier): Si M. Lalancette n'a pas fini, je ne voudrais pas
l'interrompre.
M. LALANCETTE: Bien, j'ai fini. Je vou-
lais simplement dire ceci: J'aurais aimé que cette discussion se
fasse antérieurement avec M. Parizeau. Alors, je termine sur cela. Il y
a un certain nombre de questions et je souligne que M. Parent a aussi des
questions.
M. LESAGE: Est-ce qu'il ne serait pas mieux, M. Parizeau, que M. Parent
pose ses questions maintenant?
M. MASSE: II va répondre tout de suite, et ensuite, il
répondra à M. Parent.
M. PARIZEAU: C'est que cela va faire une série tellement longue.
Là, j'en ai déjà pas mal.
M. LEVESQUE (Laurier): Bien, c'est ça.
M. BERTRAND: Je crois qu'à l'heure où nous sommes rendus,
il serait peut-être préférable, étant donné
que vous avez les questions de M. Lalancette, non pas que vous ne puissiez pas
y répondre immédiatement, que M. Parent formule ses questions
immédiatement. Et, après je proposerai l'ajournement. Parce que
nous allons nous engager, nous avons à peine dix minutes. Je doute fort
que vous puissiez...
Alors, M. Parizeau, êtes-vous capable de donner, en quelques
minutes, les réponses à M. Lalancette? Cinq minutes.
M. LE PRESIDENT: M. Parizeau, veuillez répondre à M.
Lalancette immédiatement.
M. PARIZEAU: La première question avait trait au salaire comme
principal revenu des employés. C'est évidemment exact. Dans la
mesure où l'on considère que le salaire ne permet pas à
des gens ayant beaucoup de dépendants, de vivre convenablement, je
reviens sur ce que je disais avant, à savoir qu'il s'agit, à mon
sens, d'abord et avant tout d'une question d'impôt, d'une question de
sécurité sociale. Vouloir l'ajuster par les salaires, c'est
très dangereux, pour les raisons que j'ai dites tout à
l'heure.
Deuxièmement, la question des emplois spécifiques à
la Régie des alcools. A la Régie des alcools, il apparaît
des emplois on a mentionné la tonnellerie, par exemple ou
dégustateur qui sont spécifiques à la table de
négociations en question et que l'on ne retrouve pas aux autres tables.
C'est vrai de toutes les tables. Nous avons à toutes les tables des
emplois qui ne réapparaissent nulle part ailleurs.
On me mentionne comme exemple, les soins intensifs en psychiatrie. Cela
ferait une table.
Alors, il est certain que, même lorsqu'on s'est entendu sur des
rythmes généraux de progression, sur des taux de salaires pour
des postes qui apparaissent partout, il reste à déterminer ou
à négocier des postes comme ceux-là.
Même dans l'hypothèse où on irait à la
négociation avec les centrales pour rétablir un certain nombre de
« bench-marks », il est évident que chacune des tables
continuera de procéder dans les négociations, parce qu'il y aura
toujours des cas comme ceux-là à discuter, qui n'apparaissent
qu'à une table seulement.
Troisième chose, la comparaison avec les salaires moyens dans
l'entreprise privée. Le gouvernement a à définir une
politique générale de salaires. S'il commence à s'adapter,
secteur par secteur, poste par poste, à l'entreprise privée, il
faut bien se rendre compte de ce que cela va donner comme résultat
utile. Est-ce qu'on suggère, par exemple, que les employés du
ministère de l'Industrie et du Commerce, qui travaillent en
Gaspésie pour les pêcheries, gagnent les taux payés par les
usines de produits de la pêche en Gaspésie? Je vous signale que
cela réduirait leurs salaires de pas loin de 50%.
Si le gouvernement veut avoir une politique générale de
salaires et qu'il s'adapte à chaque niveau dans l'entreprise
privée, secteur par secteur, non seulement il rétablit le
désordre antérieur, mais il crée entre ses propres
employés des différences de niveau de vie et des
différences de situation intenables.
Quatrième chose, le taux du manoeuvre. On a dit que la
progression pour le manoeuvre était de 7 1/2% - 7 1/2%, c'est exact pour
ce taux-là. Ceci étant dit, un très grand nombre de ces
manoeuvres ancienne classification grimperaient d'un barreau, en
devenant manutentionnaires. D'autre part, pour les autres échelons de la
nouvelle classification des ouvriers, les augmentations sont bien plus fortes
que cela. Le taux applicable à l'électricien ou des gens de
même niveau, augmente de $2.48 à $3.31, ce qui représente
à peu près 35% d'augmentation.
M. LEVESQUE (Laurier): On n'a pas beaucoup de temps, cela fait deux fois
qu'on parle de manutentionnaire par rapport au manoeuvre. On dit manoeuvre, on
dit manutentionnaire. Apparemment, il peut y avoir une différence en
passant de manoeuvre à manutentionnaire...
M. PARTZEAU: Un échelon.
M» LEVESQUE (Laurier): La grève dure depuis quatre mois,
est-ce que cela a été abordé? Est-ce que cela a
été négocié?
M. PARIZEAU: M. Pepin pourrait indiquer exactement l'état des
négociations à la table sur ce point-là.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela a-t-il été abordé?
M. PARIZEAU: Oui. Maintenant, un autre point encore pour ce qui est du
paiement de l'équivalent des nouvelles échelles pendant la
période du 1er novembre au 1er avril. Il est entendu que l'offre
gouvernementale qui a été faite, en compensation pour cette
période-là, est forfaitaire dont on a dit à la table, si
je comprends bien, à plusieurs reprises, que c'était
négociable.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela n'a pas été
négocié?
M. PARIZEAU: Dernier point maintenant. Le concept de Régie des
alcools comme étant une entreprise. Là, il faut bien s'entendre,
parce que c'est central, sur cette question. La Régie des alcools n'est
une entreprise que dans un sens bien spécial. En fait, c'est un moyen
pour l'Etat de ramasser des revenus. On pourrait fort bien n'avoir qu'une taxe.
Le gouvernement fédéral tire des sommes considérables de
l'alccool, sans jamais toucher à une caisse. Donc, la Régie des
alcools est sans doute un moyen pour le gouvernement de vendre de l'alcool aux
particuliers, mais c'est aussi un moyen, pour le gouvernement, de faire de
l'argent exactement comme il fait de l'argent en recevant des taxes, de
recevoir des revenus.
Dans le cas de l'Hydro-Québec, le problème est encore plus
délicat. L'Hydro-Québec, effectivement, semble être une
entreprise, mais c'est une entreprise dont tous les emprunts sont garantis par
l'Etat. Qu'est-ce que ça Veut dire?
Dans l'hypothèse où l'Hydro-Québec accorderait des
salaires qui échapperaient complètement à la politique
salariale du gouvernement, donnerait des salaires extraordinairement
élevés, ça ferait ça de moins sur ses
rentrées d'argent chaque année. Ce qu'on appelle en anglais le
« cash flow ». Parce que si son « cash flow » tombe,
pour financer ses investissements, ils auront besoin davantage d'emprunts.
Donc, dans les montants que le gouvernement doit emprunter directement
ou par garantie chaque année, les besoins d'emprunt de l'Hydro
monteraient et, dans ces conditions, les ministères gouvernementaux
devraient se tasser pour faire la place.
C'est dans ce sens que le gouvernement, à l'Hydro-Québec,
tient à savoir ce qui s'y paie, tient à avoir la même
influence de ce côté-là qu'il a à la régie ou
qu'il a sur les autres tables de négociations. Ce sont, si l'on veut,
dans un certain sens, des entreprises, la Régie des alcools du
Québec et l'HydroQuébec, mais ce sont d'abord et avant tout des
institutions qui sont intégrées dans les finances publiques.
Voilà.
UNE VOIX: Très bien.
M. LE PRESIDENT: M. Bertrand, s'il vous plaît.
M. BERTRAND: M. le Président, M. Parent,...
M. LEVESQUE (Laurier): II reste la question de la limite d'impôt.
Là, $4,196, c'est proche de la limite d'impôt
M. PARIZEAU: Enfin, un mot, si vous voulez là-dessus. Sur la
limite d'impôt qu'est-ce que vous voulez? L'employé du secteur
public n'est pas dans une situation différente de l'employé du
secteur privé. Ceux qui traversent la ligne de $4,000, qu'ils soient
dans le secteur public ou le secteur privé, sont tous placés dans
la même situation.
M. LESAGE; Oui, mais vous admettrez que PEtat a tout de même
certaines responsabilités parce qu'il s'agit d'une de ses lois. Il ne
faudrait tout de même pas qu'une application rigide d'une politique
salariale soit de telle nature qu'elle ait pour effet de faire revenir à
l'Etat la plus grande partie des augmentations accordées. Moi, je
prétends que c'est une des choses dont l'Etat doit tenir compte dans ses
négociations, quand c'est lui qui négocie et qu'il s'agit d'une
de ses lois.
M. PARIZEAU: Mais étant donné que, s'il y a injustice,
étant donné que l'injustice peut apparaître à
l'égard de n'importe quel salarié, privé ou public, s'il y
a une injustice dans la loi de l'impôt, c'est la loi de l'impôt
qu'il faut changer.
M. LESAGE: D'accord, je l'ai dit bien des fois qu'il fallait venir au
système de dégrèvement pour éviter les injustices.
Mais simplement le gouvernement a choisi le système des exclusions
à $2,000 et $4,000. Le gouvernement, à mon sens, ayant choisi sa
voie, doit en tenir compte dans ses négociations, et non pas agir de
telle façon que dans un très grand nombre de cas, les
augmentations accordées reviennent au trésor.
M. PARIZEAU: Dans ce cas particulier-là.
M. LESAGE: C'est le cas particulier de la régie.
M. PARIZEAU: Et s'il y avait injustice, n'est-ce pas, elle est injustice
pour tout le monde.
M. LESAGE: Très bien, mais l'Etat a certainement, pour ses
employés ou encore pour les employés des régies, des
responsabilités additionnelles qu'il n'a pas vis-à-vis les
employés du secteur privé.
M. PARIZEAU: Mais, il y a des milliers et des milliers d'employés
du secteur public qui, cette année ou l'année prochaine, vont
traverser la barrière des $4,000. Il y en a à toutes les
tables.
M. LESAGE: Evidemment ce n'est pas vous qui êtes le maître
de la politique et je ne voudrais pas engager un débat à
caractère politique, je ne veux pas qu'il soit partisan mais à
caractère strictement politique. Je me demande sérieusement si
l'Etat ne devrait pas adopter vis-à-vis les employeurs du secteur public
une politique globale touchant ce que l'on appelle en anglais le «
notch-problem », dans le cas de l'impôt.
M. GABIAS: Est-ce que tous les citoyens ne sont pas égaux?
M. LESAGE: Tous les citoyens sont égaux devant l'impôt mais
le gouvernement ayant proposé et fait adopter une loi de l'impôt
qui crée une situation qui est mauvaise et nous en avons averti
le gouvernement dans le temps se doit de voir à ce que au moins
les employés du secteur public pour lesquels il a une
responsabilité tout à fait particulière n'en souffrent
pas.
M. BERTRAND: M. le Président, la réponse, je crois, a
été donnée au chef de l'Opposition. Il l'a lui-même
notée. Il s'agit là de politique du gouvernement. Or, la
politique du gouvernement il le sait, il a déjà
été premier ministre s'élabore d'abord au niveau du
conseil des ministres. C'est pourquoi, si nous abordions ce problème ce
matin, je crois que nous déplacerions totalement le sujet qui est soumis
à l'étude et à l'examen du comité. Non pas que,
vous n'aurez pas en temps et lieu les réponses qui s'imposent à
l'occasion d'un débat général en Chambre ou d'un
débat sur un sujet particulier. Mais, pour ce matin, nous sommes dans un
domaine, vous l'avez vous-même reconnu, où ça
dépasse les cadres du problème qui a été
référé pour étude au comité des
Régies gouvernementales.
M. LESAGE: C'est un des problèmes que j'ai mentionnés
comme un des facteurs importants à considérer dans les
négociations avec les employés de la Régie des alcools du
Québec. Cela, je l'ai fait depuis le début du conflit.
Je l'ai mentionné à la première séance et je
l'ai répété ce matin. Je ne l'aurais pas soulevé
à ce moment-ci, M. le Président, M. le premier ministre, s'il
n'avait pas été amené par d'autres. J'aurais attendu, pour
en parler, que nous soyons rendus à l'étude de l'incidence, sur
les salaires des employés de la Régie des alcools, de la
politique salariale du gouvernement. C'est parce qu'on en parlait et je pense
qu'il était de mon devoir de faire valoir mon opinion au moment
où l'on discutait cette question.
M. BERTRAND: M. le Président, je voudrais à la fin de ces
travaux, de cette première étape des travaux du
comité...
M. MICHAUD: Je suggère, M. le Président, que nous
écoutions M. Parent étant donné qu'on ne se réunira
pas...
M. BERTRAND: J'allais dire à M. Parent ceci: II est 1 heure et
nous avons dit que nous allions ajourner à 1 heure. M. Parent, vous avez
deux voies qui s'offrent à vous soit de formuler par écrit vos
questions si vous le désirez ou d'attendre à la reprise des
travaux où vous serez le premier à pouvoir interroger M.
Parizeau.
M. LEVESQUE: On reprendrait quand?
M. BERTRAND: Mercredi, immédiatement après...
M. PEPIN: Justement c'est sur le temps que je voudrais parler, c'est
très important pour moi.
M. BERTRAND: Cet après-midi il est clair que nous devons
continuer nos travaux en Chambre; demain matin, il y a un comité des
règlements qui siège à 9 heures et nous devons reprendre
également les travaux en Chambre à 11 heures pour ajourner demain
après-midi à 4 h 30. Lundi et mardi, quant à moi, je serai
absent, les 4 et 5 novembre. Je serai à la conférence à
Ottawa, conférence au sujet du régime fiscal.
M. LEVESQUE (Laurier): Parlez du dégrèvement d'impôt
à ce moment-là.
M. BERTRAND: Merci, on ne l'avait pas oublié.
M. LESAGE: Si Ottawa dégrève, Québec va prendre la
place. C'est le seul moyen quant à la situation de ceux qui sont
ici.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela rejoint l'argument de M. Bourassa, il faut
faire bien attention dans le contexte actuel.
M. BERTRAND: Ce n'est pas l'objet de notre rencontre ici. Mardi matin,
à neuf heures trente, le comité parlementaire de l'Education. A
onze heures, travaux en Chambre...
M. LEVESQUE (Laurier): Comme c'est parti là, ils vont être
en grève longtemps.
M. BERTRAND:... de même que dans l'après-midi et le soir.
Donc, nos activités parlementaires pressantes nous imposent
également de nous réunir pour le comité des régies,
mercredi avant-midi, à dix heures.
M. LEVESQUE (Laurier): Est-ce que le premier ministre a passé
par-dessus ce soir? Non?
M. BERTRAND: Ce soir, nous siégeons en Chambre. Nous avons des
travaux en Chambre.
M. LEVESQUE (Laurier): Oui, mais enfin, qu'est-ce qui est le plus
urgent?
M. BERTRAND: Tout est urgent!
M. MICHAUD: Si on prolongeait d'une demi-heure?
M. BERTRAND: M. le Président, mercredi prochain, nous pourrons
commencer mercredi avant-midi, à 10 heures, continuer mercredi
après-midi, et s'il le faut, jeudi matin, à 10 heures. Alors,
vous l'avez immédiatement... Et tout cela, c'est à la suite d'une
entente avec le chef de l'Opposition.
M. LEVESQUE (Laurier): M. le Président, je voudrais dire un mot,
très rapidement. C'est que je ne vois pas la logique peu
importent les ententes il y a une grève qui dure depuis quatre
mois, c'est une urgence assez incroyable. Il ne faut pas exagérer le
rôle de ce comité. Mais ce comité par le fait même
qu'il est continué, pour traduire littéralement de l'anglais,
à mercredi prochain, se trouve à créer une sorte de
« suspension », au moins psychologique, dans toute
l'évolution de cette grève.
On a une troisième lecture qui vient sur la Loi de l'immigration.
A part cela, je ne vois pas d'urgence et cela devrait pouvoir passer
cette après-midi qui fasse, à moins que le cabinet ait des
raisons que l'on ne connaît pas, que l'on ne peut pas revenir ce soir,
pour essayer de passer, même en allant jusqu'aux petites heures, à
travers le travail du comité qui, peut-être, ouvrirait la porte
à une reprise des négociations, et peut-être à un
règlement, pour des gens qui, quand même, depuis quatre mois sont
dehors.
M. BERTRAND: M. le Président, le chef de l'Opposition veut-il
répondre?
M. LESAGE: Non, non.
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai bien déclaré
dès le début de ces travaux que ce comité n'était
pas, ne devait pas être une table de négociations.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais je dis qu'il suspend
psychologiquement...
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre!
M. BERTRAND: M. le Président, j'ai laissé le
député de Laurier exposer son point de vue, qu'il me laisse
exposer le mien.
M. LEVESQUE (Laurier): Je m'excuse.
M. BERTRAND: Deuxièmement, que ce n'était pas non plus ici
un conseil d'arbitrage, que c'était d'abord et avant tout le
désir du gouvernement d'informer les parlementaires, d'abord d'informer
le public de sa politique et des incidences sur la grève de la RAQ.
Dès le moment où j'ai proposé que ce comité
siège, j'ai indiqué que la table de négociations pouvait
poursuivre ses travaux.
Elle peut les poursuivre quand même; cela ne dépend pas du
député de Laurier, pas plus que de moi, ni d'aucun des membres du
comité. Cela dépend des parties en cause. Je crois qu'elles
peuvent le faire.
UNE VOIX: Elles le peuvent!
M. BERTRAND: Elles le peuvent. Et je crois également, je vais
aller au-delà, je crois qu'elles veulent le faire.
Et à tout événement, quand j'ai dit entente avec le
chef de l'Opposition, il faut bien comprendre que, lorsqu'il s'agit des travaux
de la Chambre, des travaux des comités, il est élémentaire
que nous en discutions, soit le chef de l'Opposition et le premier ministre,
soit le leader parlementaire du gouvernement et le leader parlementaire de
l'Opposition. Voilà, je crois, des éléments d'ordre qui
nous permettent d'accélérer les travaux de la Chambre.
Deuxièmement, il faut permettre que les travaux des comités se
déroulent d'une manière ordonnée, sans toutefois paralyser
l'action législative du Parlement, ni, non plus, l'action administrative
des ministres, ni, non plus, les travaux qu'ils doivent élaborer
à l'occasion de conférences importantes comme celle qui se
tiendra à Ottawa les 4 et 5 novembre prochains. Il faut tenir compte de
tout cela si on est chef de gouvernement. Il faut s'assurer la
coopération, comme elle m'a été acquise, du chef de
l'Opposition.
M. LEVESQUE (Laurier): Je ne suis pas convaincu, je ne suis pas
convaincu.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. MICHAUD: Je demande la
parole.
M. LE PRESIDENT: Un instant, j'ai la parole en tant que
président. Alors, il faut bien noter qu'il y a certaines choses qui se
disent aussi, c'est parfois regrettable c'est que certains
demandent la parole et ignorent certaines choses qui ont été
dites, ici. C'est le cas de M. Michaud qui est entré ici, avec 55
minutes de retard. Il est bien sûr qu'à ce moment-là on
peut vouloir prolonger à la fin de la période... Maintenant, M.
Pepin a demandé la parole.
M. MICHAUD: M. le Président, ce n'est pas du tout...
M. PEPIN: M. le Président, sur la motion qui est devant vous,
concernant l'ajournement à mercredi prochain, je voudrais dire quelques
mots. Evidemment, ce n'est pas mon boulot à moi de décider si
cela ajourne ou si cela n'ajourne pas. Je me fais bien comprendre
là-dessus. Mais, je pense que tout le monde, tous ceux qui ont
participé depuis hier aux travaux de ce comité veulent une chose:
essayer d'en arriver à un terme, à un règlement, dans ce
conflit-là. Je pense, qu'on comprendra aussi que de l'ajournement,
d'aujourd'hui à mercredi prochain, il serait difficile à
mon avis, dans la situation actuelle, à moins que les mandats soient
modifiés de reprendre les négociations avec chance de
succès. Je vous dis que, la semaine passée, il y eut une
séance de négociations après l'annonce de la formation de
ce comité. Les rapports que j'ai, démontrent que la partie
patronale dit: Je n'ai pas d'autre mandat; nous allons essayer de voir sur quoi
nous ne nous entendons pas et cela finit là.
Alors, il serait peut-être illusoire dans ces conditions de
reprendre les négociations de la même façon qu'elles ont
été conduites depuis le point de départ. Aussi, j'ai une
suggestion à faire au comité, si vous me le permettez.
Il me semble que, d'ici mercredi prochain, il pourrait y avoir une
avenue nous permettant d'entreprendre des négociations, des discussions
qui seraient valables et qui ne priveraient en rien les droits des
parlementaires d'être le mieux informés possible. Cette avenue,
nous l'avons suggérée une première fois sous la forme d'un
médiateur spécial, ce qui a été refusé, je
n'y reviens pas. Mais je vous en suggère une autre.
Ce matin, on fait des recherches sur la condition des gens, comment cela
s'est déroulé, etc.. Pourquoi le gouvernement ou le comité
ici je pense qu'il aurait ce pouvoir-là ne
déciderait-il pas de mettre en marche, immédiatement, un
comité de cinq personnes. Deux qui seraient nommées par la
régie ou le gouvernement là, c'est à voir au niveau
des structures juridiques deux qui viendraient, l'un du syndicat des
fonctionnaires de la régie, l'autre du syndicat des ouvriers de la
régie et qu'on s'entendrait pour choisir une personne, en dehors des
parties, qui serait indépendante et qui verrait à examiner les
faits comme on les a eus ce matin, et d'autres que nous pourrons amener et que
le gouvernement ou la régie pourrait amener.
Ce comité de cinq pourrait voir s'il y a un règlement
possible ou s'il n'y en a pas. Mercredi prochain, s'il n'y a pas eu de
règlement, le comité pourra vous faire rapport en disant:
Messieurs, il n'y a pas eu de règlement et on continue.
Il me semble que, dans ces conditions, on pourrait faire quelque chose
de convenable et puis cela ne nuirait en rien aux prérogatives de cette
Chambre et de ce comité et cela permettrait vraiment d'envisager des
discussions qui ont des chances d'amener un règlement.
Je le suggère humblement, j'ai l'impression que ceci est une voie
qui pourrait aider tout le monde et qui empêcherait effectivement que les
grévistes soient là en attente, pendant une autre semaine, en
sachant bien que des négociations dans le même climat ne donneront
pas grand-chose de plus. En changeant les cho-
ses, cela peut améliorer la situation. C'est la suggestion que je
fais, M. le Président.
M. BERTRAND: Maintenant, le chef de l'Opposition.
M. LE PRESIDENT: M. Lesage.
M. LESAGE: On a suggéré que nous siégions ce soir.
Si nous siégeons ce soir, nous siégerons de 8 heures à 10
heures. J'ai discuté avec le premier ministre, tout à l'heure, de
l'ordre des travaux de la Chambre et de l'ordre des travaux du comité,
parce qu'il y a d'autres comités aussi, qui doivent siéger; il y
a le comité sur l'Education qui, lui aussi, est extrêmement
important. Les discussions à ce comité-là sont aussi
urgentes. N'oublions pas que, dans les deux cas, nous avons demandé des
débats d'urgence parce que nous considérions les deux comme
extrêmement urgents. Puis, il y a les travaux ordinaires de la Chambre.
C'est en examinant tout cela, comme a dit le premier ministre, que nous avons
cru qu'il valait mieux siéger mercredi prochain.
Ce ne sont pas deux heures de discussion ce soir qui vont changer la
situation. Nous ne terminerons pas. Je pense bien que M. Pepin et tous les
autres savent bien que continuer pendant deux heures cette
discussion-là, ce soir, ne nous permettrait pas de terminer. Alors j'ai
pensé qu'il était préférable que nous ayons un bloc
de séances du comité.
M. BERTRAND: C'est ça.
M. LESAGE: C'était la raison de la représentation que j'ai
faite au premier ministre. Deux heures ce soir, ça ne règle rien.
J'ai pensé que, pour l'avantage de tout le monde, nous pourrons avancer
beaucoup plus si nous avons un bloc de réunions du comité,
mercredi matin, mercredi après-midi, jeudi matin, jeudi
après-midi et jeudi soir prochain, si nous n'avons pas terminé,
jusqu'à ce que nous terminions.
Maintenant, M. le Premier ministre, je m'adresse à vous par
l'intermédiaire du président. Je trouve qu'il y a
énormément de bon dans la suggestion de M. Pepin. Et je voudrais
l'approuver comme membre du comité. Je me demande si on ne pourrait pas
gagner du terrain sur le chemin de l'entente, si les négociations
continuaient, la partie patronale ayant beaucoup plus de liberté qu'elle
n'en a eue jusqu'à maintenant, en ce qui concerne son attitude.
M. LEVESQUE (Laurier): Je suis sûr que M. Masse va terminer
probablement, mais comme c'est moi qui ai ouvert cette question-là, je
m'excuse, mais je ne pensais pas à 8 heures à 10 heures. Je suis
prêt à me rallier automatiquement à ce que vient de dire le
chef de l'Opposition. Je pensais plutôt à 8 heures à minuit
ou de 8 heures à 2 heures du matin.
M. LESAGE: Oui, mais ce ne sont pas mes heures, ça.
M. LEVESQUE (Laurier): Non, mais enfin, est-ce que c'est possible?
M. LESAGE: Je me lève le matin, moi.
M. LEVESQUE (Laurier): On a chacun nos différences sur nos heures
d'activité, mais enfin...
M. LE PRESIDENT: M. Masse.
M. LEVESQUE (Laurier): Je voulais simplement dire que je serais
d'accord, moi aussi, vu qu'il y a un climat de suspension psychologique. En
d'autres termes, c'est ce que M. Pepin nous a laissé entendre aussi.
Eux, ils sont au feu. Il me semble que la suggestion qui a été
faite, celle d'une « task force » qui ferait du « fact
finding », c'est-à-dire d'un groupe spécial qui,
peut-être, pourrait profiter des séances du comité et des
éclaircissements nombreux, pour essayer de voir s'il n'y a pas un
déblocage psychologique des négociations qui pourrait
s'effectuer.
Je suis sûr que les séances ont profité à
tout le monde, pas seulement aux membres du comité. Ce n'est pas
purement académique, ça. Cela a pénétré
aussi chez les parties, en particulier la séance de ce matin avec M.
Parizeau et M. Masse et tous les autres.
Il me semble que la suggestion de M. Pepin devrait être
considérée très sérieusement, pas tellement pour le
comité lui-même mais cela l'aiderait.
M. MASSE: Alors, M. le Président, si vous permettez. Je veux
informer également les membres du comité, parce que depuis le
début, le premier ministre a bien expliqué que le comité
était d'abord et avant tout un comité qui devait permettre au
gouvernement et à la Fonction publique de bien informer les membres du
comité et l'opinion publique sur notre politique salariale et ses
incidences à la RAQ.
Le premier ministre avait également demandé, lorsque cette
motion a été présentée en Chambre, que les
négociations reprennent. Effectivement, elles ont repris. Il peut y
avoir
blocage psychologique mais je peux vous assurer que ce n'est pas la
partie gouvernementale qui souffre de ce blocage psychologique.
D'autre part, il est important que les membres du comité soient
au courant qu'il y a beaucoup de choses qu'il est possible de négocier,
de régler indépendamment de l'information reçue au
comité.
Par exemple, il y a des clauses qui sont paraphées, il y a des
clauses qui sont réglées. Il y en a qui ne le sont pas et qui
peuvent être discutées et négociées.
Le statut de l'employé, par exemple, n'est pas encore
réglé bien que la discussion soit bien engagée.
Les heures de travail, ce n'est pas réglé. Bien que ce
soit indirectement relié à la question monétaire;
ça peut être discuté.
Le temps supplémentaire, la période des vacances, ce n'est
pas réglé bien que ce soit bien engagé.
La question des congés sociaux, ce n'est pas réglé.
Il n'y a pas de difficultés majeures. Il peut y avoir discussion,
entente et paraphe.
Il y a également la question du délégué en
chef qui n'est pas réglée et qui peut fort bien être
discutée.
Il y a la question des congés en cas de maladie, ce n'est pas
réglé. Il y a certaines difficultés, certaines
modalités sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord et qui demandent de
toute façon à être discutées.
Il y a la question de l'ancienneté qui n'est pas encore
réglée. Il y a la question de l'application de ces droits
d'ancienneté...
M. LEVESQUE (Laurier): Cela irait peut-être plus vite si vous nous
disiez ce qui est réglé.
M. MASSE: Je pourrais vous le dire mais vous allez voir qu'il y en a
plus.
Je vais vous le dire ce qui est réglé également. Ce
qui n'est pas réglé, ce sont également certaines
règles de discipline qui peuvent fort bien être
négociées et peuvent fort bien être discutées.
La question de l'automation et de la mécanisation, ce n'est pas
réglé bien que ce soit bien engagé.
Concernant la question du plan d'assurance-collective, il y a certaines
modalités qui ne sont pas encore complétées bien que les
principes soient acceptés.
Il y a nécessairement la question des salaires, une des
questions.
M. LEVESQUE (Laurier): Directement, dans les salaires, M. Masse, si vous
permettez, les manutentionnaires, les salaires, les forfaitaires, cela n'a pas
été abordé.
M. MASSE: Oui, vous allez voir.
Il y a la question également des ouvrages donnés à
contrat. Ce n'est pas encore réglé.
Il y a la question des droits de la direction, ce n'est pas
réglé bien que ce soit bien engagé.
Il y a également les questions de prestations de chômage
qui sont discutées, qui ne sont pas tout à fait
réglées dans toutes leurs modalités. Il y a d'autres
points à régler. Si vous voulez que je vous les donne pour votre
information, je pourrais les donner. Il y en a plus de réglés de
toute façon qu'il y en a qui ne sont pas réglés.
Et il faut également bien tenir compte que les gens qui sont
à la table de négociations sont mandatés d'un certain
nombre de choses où il nous a été rapporté que,
systématiquement, dans les derniers temps, on a refusé d'explorer
les possibilités de règlements à l'intérieur des
mandats que détiennent nos représentants. Cela me semble assez
clair que de vouloir utiliser de tels instruments à une table de
négociations, en refusant d'explorer toutes les possibilités de
règlement à l'intérieur des mandats, que ce soit dans le
domaine du forfaitaire, que ce soit dans le domaine des manutentionnaires, que
ce soit dans le domaine de l'allongement des conventions des choses semblables,
c'est vouloir faire en sorte que le problème soit porté à
un autre niveau que celui de la table de négociations, c'est rechercher
par la bande ce que la table de négociations peut offrir sous
prétexte que, il n'est pas possible de conclure à la table de
négociations. Et, nous avons jusqu'à maintenant, avec l'ensemble
des syndicats avec lesquels nous négocions, fait bien comprendre que
l'endroit où l'on règle, c'est à la table de
négociations. Autrement on tue la négociation. Et pendant des
mois on laisserait traîner psychologiquement des armes de conclusion de
négociations pour finalement avoir dans notre idée de ne pas
vouloir conclure là, mais de chercher des médiateurs, des
arbitres ou ailleurs.
Il est, dans notre esprit, clair et évident, que ceux qui
représentent le gouvernement à la table de négociations
ont un mandat suffisamment large présentement, si la partie syndicale
veut bien l'explorer, pour régler à la table de
négociations.
M. BERTRAND: C'est vrai.
M. LEVESQUE: C'est très grave ce que vous venez de dire.
M. LE PRESIDENT: Un instant.
M. LEVESQUE: C'est Inconcevable qu'il n'y ait pas une réponse,
c'est une accusation directe.
M. LE PRESIDENT: M.Lévesque,M.Parent a demandé la parole,
maintenant.
M. MASSE: Il faudrait également demander à
témoigner ceux qui nous représentent à la table de
négociations.
M. PARENT: Si vous permettez, j'ai assisté depuis un certain
temps à la table des négociations. Je n'ai pas participé
à toutes les séances. Cependant, quand je suis arrivé au
dossier, nous avons commencé à faire avec la partie patronale une
revue complète des points monétaires et non monétaires qui
étaient en suspens. Nous avons fait, le syndicat, il y a
déjà plus de trois semaines, des offres précises sur
chacune des questions non monétaires. Sur chacune des questions non
monétaires il y a eu des offres très précises.
Nous avons fait aussi, le 10 octobre, sur les questions
monétaires, une offre complète, très concrète,
très claire. Nous avons reçu, le 11 octobre, la réponse de
la date des négociations sur la partie non monétaire, nous disant
que l'ensemble des points que nous demandions ne fonctionnait pas mais qu'ils
étaient prêts à continuer les pourparlers, en changeant des
mots pour vouloir dire la même chose ou des trucs comme ceux-là,
sur les points qui sont généralement des points de dentelle. Mais
sur les points de la clause de droit de gérance, sur les points des
sous-contrats, sur les points de la clause d'ancienneté, ce n'est pas
seulement un blocage psychologique, c'est un blocage de fait qui a
été fait non pas par nous, mais par la partie patronale qui n'a
jamais répondu au mérite, même sur les questions non
monétaires.
A l'ouverture du congrès de la CSN, le 13 octobre, un des
ministres qui représentaient le ministre du travail, est venu pour nous
parler de beaucoup de choses et, entre autres, nous dire que dans des
négociations collectives, quand une proposition ne fait pas que l'autre
partie doit en faire une autre, que l'on doit faire tous les efforts pour
échanger plus de propositions et d'explorations. Le lendemain le
ministre attaché à la Fonction publique a fait une
conférence donnant les critères principaux de la politique
salariale. Le surlendemain, le 15 octobre, nous sommes retournés
à la table des négociations disant: Il y a de nouveaux
éléments. Un ministre déclare qu'il faut négocier
et né- gocier sérieusement en échangeant des propositions
puis le ministre attaché à la Fonction publique établit
des critères qui, en passant, ne sont pas respectés même
dans les offres patronales de cela nous en parlerons à la
prochaine séance, si ce n'est pas réglé avant qui
ne sont pas respectés, clairement. Nous sommes retournés à
la table le 15 octobre, la partie patronale nous a dit: Nous n'avons pas de
mandat et si vous voulez parler de la question monétaire et de la
politique salariale, allez voir M. Masse. C'est ce que la table des
négociations nous a dit.
Nous avons continué à la demande du premier ministre, la
semaine dernière. Nous sommes retournés à la table des
négociations. Nous avons posé à nouveau la même
question, nous nous sommes dit: Comme le premier ministre demande à
reprendre les négociations, cela doit impliquer que, quand même,
il y a un assouplissement de la part de la partie patronale. Il y a au moins la
volonté d'examiner au mérite et de nous dire pourquoi notre
proposition du 10 octobre ne fonctionne pas, en quoi elle ne fonctionne pas. La
seule réponse que nous avons eue, et ce n'est pas un blocage
psychologique, ç'a été: Non, nous n'avons pas de mandat
là-dessus et nous n'avons rien de nouveau à dire. Alors nous
avons parlé de la partie de hockey de samedi soir ou de dimanche pendant
un bon bout de temps.
M. LESAGE: M. Parent, croyez-vous qu'il soit possible d'ici mercredi
prochain d'avoir des séances intensives de négociations en
commençant par les clauses non monétaires et n'ayant pas
d'incidence monétaire?
M. PARENT: Ecoutez, c'est que la question de la sécurité
de l'emploi, la question de l'ancienneté, la question des sous-contrats,
c'est tout rayé à la classification des employés que nous
ne connaissons pas encore. Elle n'est pas déterminée parce que
les échelles ne sont pas négociées et c'est tout
rayé aussi à la sécurité de l'emploi parce qu'il y
a un problème d'heures, de cédule de travail qui peuvent
intervenir là-dedans.
A la dernière séance, d'ailleurs, le négociateur
patronal, le porte-parole, nous a dit: Je comprends très bien cela, que
ce soit difficile avant d'avoir passé à travers le
monétaire de faire autre chose. Cependant, dit-il, j'ai
conscience que si le monétaire était résolu, nous
pourrions parvenir à un règlement au cours d'une séance de
deux heures.
Je n'invoque pas mes affirmations, mais les affirmations patronales.
M. LEVESQUE (Laurier): Cela n'implique pas, alors, que le forfaitaire,
les manutentionnaires qui sont des choses directement monétaires,
devraient être abordées obligatoirement.
M. PARENT: Les deux seules questions sur lesquelles la partie patronale
s'est dite prête à bouger sur les questions monétaires sont
à l'effet que si nos gars acceptaient d'augmenter leurs heures de
travail, on pourrait donc parler à ce moment-là pour
certaines catégories d'augmentation d'heures de travail et de
rémunération. Aussi, on pourrait parler de
rétroactivité.
Mais tout le reste de la structure des salaires, tout le reste des quant
à, tout le reste des classifications permettant de voir si les
employés sont spécialisés, semi-spécialisés
ou ne le sont pas la hiérarchisation des fonctions cela
n'est pas un bloquage psychologique. C'est que la table de négociations
nous dit: Non, nous n'avons pas de mandat!
M. LE PRESIDENT: M. Renaud, négociateur de la RAQ.
M. RENAUD: M. le Président, je comprends que dans l'idée
de M. Parent, la question de répondre, la façon dont j'ai
répondu à sa demande, peut peut-être équivaloir
à « pas de mandat ». Mais, je n'ai jamais dit que l'on
n'avait pas de mandat. Je prends toute la responsabilité. Ce que j'ai
toujours dit, par exemple, c'est que les offres que nous avions faites
étaient à ce jour les offres maximales qui n'étaient pas
changées. C'est ce que j'ai dit. Et de fait, c'est la
réalité. C'est ce qui arrive sur les offres. Quant au
reste...
M. LEVESQUE (Laurier): Vous parlez directement des salaires?
M. RENAUD: Oui, oui, sur la question des salaires, il y a certainement
la question de définition du manutentionnaire; nous avons essayé,
à maintes fois, de la régler à la table des
négociations. Et plusieurs fois, l'offre de discuter a été
faite mais elle n'a jamais été acceptée. On visait
toujours à changer seulement la question des offres de salaires, soit
pour les employés de bureau, ou soit encore les offres pour
l'échelle de salaires que nous avons à offrir aux ouvriers.
Quant aux manutentionnaires, certainement plusieurs fois: Nous avons
même dit que nous étions prêts; nous avons même
parlé du nombre de ceux qui seraient probablement changés de
classification. Alors, je ne vois pas... Mais cela n'a jamais été
mené à bonne fin.
Quant à toutes les autres questions, plusieurs savent que ce
n'est pas la première fois que je négocie ce contrat. Je l'ai
négocié il y a trois ans. Les mêmes points qui ont
été difficiles il y a trois ans, qui ont peut-être
même prolongé assez longtemps une grève par l'attitude qui
était prise à la table des négociations, ces mêmes
points reviennent. Est-ce que je peux avoir une position différente sur
ces points que celle de la dernière fois lorsque les mêmes
problèmes existent, lorsque les mêmes choses existent?
M. CHOQUETTE: C'est sûr que vous pouvez avoir une position
différente! C'est pour cela que l'on négocie.
M. RENAUD: Bien oui!
M. CHOQUETTE: Sinon, les parties auraient adopté le même
contrat qu'il y a trois ans.
M. RENAUD: C'est ce que nous avons fait, M. le député
d'Outremont. Nous avons, exactement dans certaines choses - prenez, par
exemple, l'ancienneté pour les commis de bureau changé ce
qui existait autrefois. Alors qu'autrefois on prenait toujours l'attitude qu'il
fallait pour les fonctionnaires - pouvoir prendre le meilleur homme - dans le
cas des commis de magasin et même dans le cas des caissiers, on a
accepté une formule nouvelle. Mais si vous voulez dire, par exemple,
qu'il faut changer le principe qui est de prendre le meilleur homme comme pour
les employés de bureau, moi, je suis d'avis que ce n'est pas une bonne
chose de le faire.
M. CHOQUETTE: Mais, prenez par exemple, le statut de la permanence des
employés, est-ce que la régie ne doit pas bouger sur ce
plan-là?
M. RENAUD: Oui, mais écoutez, examinez le contrat. Prenez le
contrat - j'ai ma copie on ne peut toujours pas aller plus loin que
là! Ils ont la même permanence que les...
M. CHOQUETTE: Oui, mais, monsieur...
M. RENAUD: Laissez-moi finir ! Une minute ! Ecoutez, là, vous
soulevez un point... Laissez-moi une chance! Vous soulevez un point et je vous
réponds qu'ils ont exactement la même sécurité
d'emploi que les autres employés du gouvernement, ce qui est beaucoup
plus que n'importe où dans l'industrie privée. Alors ça,
c'est le cas des fonctionnaires.
Le cas des ouvriers est certainement... A
mon sens du moins, il n'y a rien comme ça dans l'industrie
privée, nulle part, au point de vue de la sécurité
d'emploi. Nous avons discuté de ça. Nous avons fait ce que nous
avions à faire dans certains domaines. Il y avait les points debase:
j'ai calculé que nous ne pouvions pas les laisser là.
M. LESAGE: Mais la sécurité d'emploi des ouvriers à
la régie! Est-ce que vous êtes prêts à accorder le
même degré de sécurité d'emploi qu'aux
employés du ministère des Travaux publics, secteur ouvrier.
M. RENAUD: Ce qu'on nous a demandé, M. Lesage, c'est la
même sécurité que pour les fonctionnaires. Cela, nous
l'avons refusé.
M. LESAGE: Je parle des ouvriers. Des fonctionnaires, secteur ouvrier.
Je prends comme exemple les Travaux publics. Ils ont la sécurité
d'emploi. Est-ce que le gouvernement, est-ce que la Régie des alcools
est prête à donner le même degré de
sécurité qu'aux ouvriers réguliers du ministère des
Travaux publics? C'est ma question.
M. RENAUD: Pour répondre à votre question, j'aimerais
mieux que cela ait été amené à la table des
négociations.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. MASSE: Il faut également tenir compte je demanderais au
chef de l'Opposition de relire la convention collective de la
façon dont cette sécurité est calculée et
appliquée...
M. LESAGE: Ne vous fâchez pas!
M. MASSE: Non, non, je ne me fâche pas... pour les ouvriers
à l'emploi du gouvernement...
M. LESAGE: Je vais la relire.
M. MASSE: ... c'est distinct des fonctionnaires.
M. LE PRESIDENT: Alors, voici...
M. LESAGE: Oui, c'est distinct des fonctionnaires, mais...
M. LE PRESIDENT: Le chef de l'Opposition comme les autres, à
l'ordret
M. LESAGEs Oui, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Alors, voici. C'est que nous sommes en train de faire
tourner, bien sûr, comme il est apparu fort probable, le comité en
table des négociations. Alors, il faudrait reprendre mercredi, à
10 heures.
M. BERTRAND: Mercredi matin, à 10 heures.
(13 h 32)