Journal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Wednesday, September 27, 2023
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Vol. 47 N° 30
General consultation and public hearings on the consultation document entitled : Planning of Immigration to Québec for the 2024-2027 Period
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11 h (version non révisée)
(Onze heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale
sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au
Québec pour la période 2024-2027.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme Gendron, Châteauguay est remplacée par Mme Bogemans,
Iberville; Mme Garceau, Robert-Baldwin est remplacée par M. Derraji,
Nelligan; Mme Prass, D'Arcy-McGee est remplacée par Mme Lakhoyan
Olivier, Chomedey et Mme Massé, Sainte-Marie-Saint-Jacques est remplacée
M. Cliche-Rivard, Saint-Henri-Sainte-Anne.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, mesdames, messieurs les élus,
bienvenue. Nous entendrons donc ce matin les groupes suivants : l'Association
des industriels de l'automobile du Canada et Québec réunifié.
Je souhaite donc la bienvenue à notre
premier intervenant, monsieur... Attendez que je me retrouve, M. Jean-François
Champagne, président-directeur de l'Association des industriels de l'automobile
du Canada. Bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens.
Alors, M. Champagne, vous allez
bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé et nous allons
par la suite procéder à la période d'échanges avec les parlementaires. Alors,
votre 10 minutes commence maintenant.
M. Champagne (Jean-François) : Parfait.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, encore une fois, permettez-moi de me
présenter. Jean-François Champagne, président-directeur général de l'Association
des industries de l'automobile du Canada. Nous sommes... connus sous la version
abrégée comme étant AIA Canada. En fait, l'association a pour principale
mission de porter la voix des acteurs de l'industrie du marché secondaire de l'automobile
partout au pays. Cette industrie, essentiellement, englobe tous les biens et
services offerts après la vente initiale d'un véhicule au consommateur. Donc,
on parle notamment de l'entretien préventif, de la réparation du véhicule et de
la conception et de la vente de pièces de rechange. C'est une industrie d'une
importance considérable au Canada. Elle génère à elle seule près de 37,8 milliards de
dollars chaque année. Avec plus de 4 000 membres à travers le pays,
dont une importante proportion au Québec, l'AIA Canada est la voix officielle
des détaillants et fournisseurs de pièces de rechange automobiles, des
carrossiers et des ateliers et des garages indépendants partout au Canada.
Au Québec, l'industrie secondaire de l'automobile
est particulièrement dynamique. On estime qu'elle contribue à 7 milliards de
dollars au PIB de la province à chaque année. Elle compte 5 895 ateliers
de réparation et d'entretien automobile et 1 524 entreprises dans la
chaîne d'approvisionnement qui sont enracinés aux quatre coins de la province.
Et donc en tout et pour tout, l'industrie secondaire de l'automobile au Québec,
c'est actuellement plus de 100 000 emplois, que ce soit des
techniciens, des approvisionneurs, des commis aux pièces, des carrossiers, et
autres.
Donc, l'AIA Canada est bien heureuse de
pouvoir intervenir aujourd'hui dans le cadre de la consultation générale sur le
document de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec
pour la période de 2024 à 2027. Nous tenons particulièrement à remercier les
parlementaires pour cette opportunité et espérons que nos commentaires et
recommandations contribueront à alimenter leurs réflexions.
Historiquement, le marché secondaire de l'automobile
a toujours représenté une porte d'entrée de choix pour les nouveaux arrivants
québécois, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que les métiers de
l'automobile sont accessibles, bien rémunérés, ils sont stables et offrent des
très bonnes perspectives. Ensuite parce que les savoirs permettant à un
individu d'oeuvrer dans notre secteur sont pour la plupart universels, c'est-à-dire
qu'ils se transportent très bien d'un endroit à l'autre du monde. La mécanique
des véhicules, c'est essentiellement de la même nature à travers le monde. Les
voitures sont souvent les mêmes ou se ressemblent beaucoup. Donc, la mise à
niveau requise lors de l'arrivée au Québec pour quelqu'un ayant déjà travaillé
dans le secteur de l'automobile dans un autre pays est accessible, ce qui
permet une intégration rapide au marché du travail et une contribution
rapide...
M. Champagne (Jean-François) : ...à
la société d'accueil. Et même quand un candidat à l'immigration ne dispose pas
des prérequis dès son arrivée au Québec, celui-ci peut, s'il le désire, se
qualifier adéquatement en complétant une formation spécialisée. Finalement,
notre secteur représente un environnement de travail idéal pour les nouveaux
arrivants en processus de francisation. Grâce à leurs interactions avec leurs
collègues et superviseurs, qui leur serviront souvent de mentors et
d'enseignants informels, ceux-ci peuvent se familiariser progressivement avec
l'usage de la langue française en mettant en pratique les notions vues en
classe. Compte tenu que plusieurs emplois au sein de notre industrie ne
nécessitent pas d'interaction directe avec le client, le tout se fait sans
impact sur la qualité des services offerts, laissant le temps à un nouvel
arrivant de s'implanter dans son nouveau milieu de travail.
• (11 h 20) •
Pour toutes ces raisons et pour bien
d'autres, au cours des dernières décennies, de nombreux nouveaux arrivants ont
joint les rangs de notre industrie. Ces responsabilités d'accompagnement et de
soutien dans l'accueil, l'intégration et la francisation des nouveaux
Québécois, nos membres s'en acquittent depuis toujours avec grande fierté. À
l'heure où le Québec consulte sur les orientations futures en matière
d'immigration, nos membres tiennent à exprimer leur volonté de poursuivre dans
cette voie. Pour eux, ce n'est pas seulement une option, c'est une nécessité,
notamment pour faire face aux transformations majeures qui attendent notre
industrie au cours des prochaines années. La principale est évidemment
l'arrivée massive des véhicules électriques sur nos routes. Au Québec, d'ici
2035 ans, c'est 100 % des véhicules neufs vendus qui devront être
électriques. Pour vous donner une petite idée, l'année dernière, au Québec, il
s'est vendu 370 000 nouveaux véhicules au Québec, donc c'est énorme. Si on veut
que ce virage souhaité par tous soit une réussite, il est essentiel que nos
membres aient, dans leur coffre, tous les outils nécessaires. Alors, quels sont
ces outils? Bien, essentiellement, l'accès aux données, l'accès à la formation
de nos travailleurs actuels et finalement un accès accru à de nouveaux
travailleurs.
En ce qui concerne l'accès aux données des
conduites, bien, le gouvernement a déposé et nous tenons à le saluer encore une
fois, un projet de loi qui forcerait les fabricants à partager ces données
cruciales pour l'entretien et la réparation de nos voitures intelligentes. J'ai
d'ailleurs eu le plaisir récemment de présenter aux élus les recommandations de
l'AIA Canada à ce chapitre.
Concernant la mise à niveau des
compétences de nos travailleurs et, même s'il reste du travail à faire, les
investissements récents dans le programme Compétences... ont définitivement été
très appréciés par nos membres. Pour le virage électrique, notre industrie aura
finalement besoin d'un dernier élément, soit un nombre important de nouveaux
travailleurs qualifiés au cours des prochaines années. En effet, les
professions de la mécanique automobile n'échappent pas à la pénurie de
main-d'oeuvre qui frappe le Québec. Encore aujourd'hui, notre secteur éprouve
des séquelles de la pandémie de COVID-19. Lors des deux premières vagues, nous
avons perdu plusieurs travailleurs qualifiés qui se sont réorientés vers
d'autres corps d'emploi. À cela s'ajoute évidemment le vieillissement naturel
de notre main-d'œuvre actuelle. Plusieurs de nos travailleurs sont, à quelques
années seulement, d'accrocher leurs outils. D'ailleurs, pas moins de 35 %
d'entre eux pourraient prendre leur retraite au cours des cinq à sept
prochaines années, ce qui illustre le besoin criant de main-d'oeuvre dans notre
industrie. À l'heure actuelle, il est de plus en plus difficile d'attirer et de
retenir des travailleurs qualifiés. Il s'agit d'ailleurs d'un problème majeur
pour la grande majorité de nos membres. C'est particulièrement vrai pour les
ateliers qui sont situés en région où le bassin de travailleurs qualifiés est
encore plus précaire. Et paradoxalement, ce sont justement dans ces régions,
dans ces petites communautés, où les concessionnaires automobiles ne sont pas
présents, que nos services sont encore plus essentiels.
Il n'y a pas juste nos travailleurs qui
approchent de l'âge de la retraite, c'est aussi le cas de plusieurs
propriétaires de garages et d'ateliers indépendants. Pour eux, trouver une
relève est un casse-tête, à tel point que certains sont carrément obligés de
reporter ad vitam aeternam leur départ, faute de pouvoir y parvenir. Notre
industrie n'a pas seulement besoin de davantage de travailleurs, elle a
également besoin de davantage de repreneurs. Au cours des dernières années,
nous avons pu observer que... il y a des garages, et des ateliers dépendants
ont été en mesure de poursuivre leur activité grâce à des repreneurs issus de
l'immigration. Bien souvent, ces repreneurs ou leurs parents ont été accueillis
à leur arrivée au Québec au sein de notre secteur et y ont travaillé plusieurs
années. Pour elles et eux, le repreneuriat devient avant tout un moyen de
poursuivre...
M. Champagne (Jean-François) : ...cette
histoire d'amour qui les lie à leur communauté d'accueil. Pour toutes ces
raisons, donc, l'AIA Canada est favorable à une augmentation des seuils
d'immigration au Québec. Des deux scénarios présentés dans l'étude, nous avons
ainsi une nette préférence pour celui qui prévoit une augmentation des seuils à
60 000 d'ici trois ans. Et compte tenu des besoins criants de notre industrie
nous appelant même le gouvernement du Québec, si possible, à revoir son
échéancier afin d'atteindre cet objectif encore plus rapidement. En terminant
et quelles que soient les orientations retenues, nous tenons à assurer le
gouvernement qu'il pourra compter sur notre pleine et entière collaboration
pour assurer de l'accueil, une intégration et d'une francisation réussie de nos
nouveaux arrivants au Québec. Nous sommes maintenant prêts, Mme la Présidente,
à répondre aux questions des parlementaires. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Champagne pour votre exposé. On va donc,
comme vous le disiez, commencer la période d'échange avec les parlementaires.
Alors, du côté du gouvernement, je me tourne vers la ministre pour une période
de 16 min 30 s qui commence maintenant.
Mme Fréchette : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, M. Champagne, de prendre part à cet
échange, à cet exercice démocratique sur un thème d'importance transversale. On
le voit bien, votre industrie est touchée également, là, par l'enjeu... en fait
la rareté des talents, et c'est intéressant de voir en fait comment votre
secteur s'adapte. Alors bien, justement, j'aimerais ça que vous nous en parliez
avec un peu plus de détails. Là, vous mentionniez dans votre mémoire, à la
page 4 notamment, que, bon, vos membres ont déployé, là, beaucoup
d'efforts pour attirer davantage de travailleurs de l'étranger. Et vous dites
même que certaines se sont tournées, là, vers des agences spécialisées dans le
but de recruter des mécaniciens, par exemple, à l'étranger. J'aimerais ça que
vous parliez à la fois des démarches, là, qui sont entreprises par vos membres.
Comment ça se passe? Est-ce qu'ils devraient faire d'ailleurs au soutien du
ministère? Parce que nous, on peut les accompagner dans ces démarches de
recrutement à l'international. Est-ce que, par exemple, ils participent à la
Journée Québec? Et puis, quels types de conditions salariales sont associés aux
principales professions pour lesquelles il y a du recrutement à l'étranger?
J'aimerais ça que vous nous dressiez un portrait de tout ça?
M. Champagne (Jean-François) : Certainement.
Écoutez, je n'ai pas des particularités, là, des engagements de divers membres
envers les différents services du gouvernement. Je peux vous dire que c'est
certain qu'ils font des grands efforts pour attirer de la relève étrangère.
Effectivement, ils font l'utilisation de certaines tierces pour les aider dans
cet accompagnement-là. Pour la plupart, ce sont des petites et moyennes
entreprises donc qui n'ont peut-être pas les capacités internes de le faire.
Vous avez parlé... on a parlé de mécaniciens, de techniciens en atelier,
beaucoup dans le domaine également de la carrosserie, dont des peintres, des
débosseleurs et ainsi de suite. Donc, il y a une très grande pénurie. C'est
très difficile de recruter ce genre de types d'employés spécialisés.
Au niveau des compensations, ce sont des
bons emplois bien rémunérés, et parfois il faut faire attention, dans bien des
secteurs, les salaires payés sont déterminés par les comités paritaires dans
les différentes régions. Mais il faut comprendre que les comités paritaires ont
des seuils minimums, et donc souvent la compensation en fait que l'on offre est
supérieure à ce qui est en fait, là, les taux minimums qu'on retrouve, là, par
les comités paritaires de l'automobile. Donc, des bons emplois bien rémunérés
et évidemment une activité, là, accrue de nos membres pour faire ce
recrutement-là à l'extérieur du pays.
Mme Fréchette : Et du côté
des formations d'appoint à aller chercher. Est-ce que vous avez des échos assez
positifs? Parce qu'il y a des secteurs pour lesquels là, c'est plus long, où ce
n'est pas nécessairement facilement accessible. De votre côté, est-ce que vous
avez un écho?
M. Champagne (Jean-François) : Il
y a encore du travail à faire. Notre secteur économique a des doubles enjeux
parce que non seulement on a des grands changements technologiques. Nos
voitures d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'elles étaient il y a cinq ans,
puis ça va continuer... ça continue avec l'électrification. Le gouvernement
investit beaucoup dans la transformation électrique, dont les formations VE,
compétence VE. Fantastique! D'ailleurs, le gouvernement du Québec est en avance
sur beaucoup de juridictions à travers l'Amérique du Nord à ce sujet-là. Par
contre, c'est sûr qu'au niveau de la capacité et de la disponibilité, ça reste
quand même des enjeux. Mais je vous dirais que, de notre point de vue, on voit
les efforts au Québec de façon positive. Il faut continuer à les faire plus
dans le futur. Mais je pense qu'on est sur le bon chemin ici.
Mme Fréchette : Par rapport
au repreneuriat, vous l'avez mentionné, là. Donc près de 70 % des
entreprises familiales de votre industrie, là, ne vont pas survivre au-delà de
la première génération. Donc, je voulais m'assurer que vous ayez vu, là, le
projet de création d'un volet pour le repreneuriat dans le cadre de notre
réforme de l'immigration économique. Donc, on veut s'assurer que la filière
d'immigration puisse offrir une solution potentielle au phénomène de
repreneuriat...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Fréchette : ...Là, j'entends
que c'est quelque chose qui est déjà établi dans votre secteur, de regarder à l'international,
de ce côté-là? Puis est-ce que vous avez eu des échos aussi de la pertinence du
nouveau volet qu'on a mis de l'avant dans le cadre de notre réforme de l'immigration
économique?
• (11 h 30) •
M. Champagne
(Jean-François) : Au niveau du repreneuriat, je vous dirais que c'est
quelque chose qu'on a observé de façon organique dans l'industrie. Donc, très
souvent, les gens qui vont venir travailler dans nos entreprises vont souvent
avoir l'opportunité, dans le futur, de reprendre l'entreprise. Et c'est quelque
chose qu'on a vu s'évoluer avec les arrivées de certains immigrants qui ont eu
l'opportunité de faire ce repreneuriat-là de ces entreprises-là. Et, encore une
fois, ce n'est pas quelque chose qu'on a fait de façon systémique, mais qu'on
observe, et, je pense, qui est un élément qu'on ne parle pas assez parce que ce
n'est pas juste des travailleurs qu'on amène ici pour venir nous aider, ce sont
également des gens qui vont être capables d'être les prochains leaders des...
de nos petites et moyennes entreprises, là, partout au Québec.
Et donc on applaudit, finalement, les
efforts du gouvernement dans ce sens-là, et que, oui, ce n'est pas juste d'amener
des travailleurs, mais également d'amener des gens qui vont être nos
entrepreneurs de demain également. Ce sont des points très positifs, de notre
point de vue.
Mme Fréchette : Est-ce
que les mesures de francisation sont par ailleurs assez monnaie courante chez
vous? Parce que nous, on va mettre de l'avant beaucoup de mesures, à travers francisation
Québec, notamment des mesures en lien avec la francisation en milieu de
travail. Est-ce que votre secteur se prête bien à cette idée d'avoir de la
francisation en lieu de travail? Est-ce que vous êtes déjà passablement
engagés, là, vous et vos membres, pour la francisation?
M. Champagne
(Jean-François) : Bien, c'est ça, au niveau de la francisation, comme
on l'a dit dans mon exposé, on offre des environnements de travail, je pense,
qui sont très propices pour aider à l'intégration, à la francisation des
nouveaux arrivants puisqu'encore une fois dans bien des cas les rôles ne
requièrent pas un accès, une présence directe devant les clients ou la
population, donc ils sont capables de travailler en collaboration avec des
collègues de travail, des superviseurs. Et je pense que ce sont des éléments
qui permettent une bonne intégration, une bonne francisation et permettent, là,
une transition qui est bonne pour les nouveaux arrivants.
Et toutes les initiatives que le
gouvernement peut mettre de l'avant pour aider nos petites et moyennes
entreprises à activer et accélérer cette francisation-là, évidemment, sont tout
à fait bienvenues.
Mme Fréchette : O.K.
Bien, merci. Je vais céder la parole à des collègues, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, la députée de
Vimont désire prendre la parole. Il vous reste 10 minutes 12 secondes.
Mme Schmaltz : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Champagne. Merci de votre présence avec nous.
Bon, écoutez, je vais reparler avec vous
un peu de la question de l'électrification des transports. Tantôt vous avez
mentionné, en termes d'outils nécessaires, l'accès aux données. Pourriez-vous
un petit peu juste élaborer davantage là-dessus, comment ça pourrait,
finalement, vous vous aider?
M. Champagne
(Jean-François) : Absolument. Écoutez, on applaudit encore une fois la
vision du gouvernement du Québec sur l'introduction de la Loi 29 sur l'obsolescence
programmée et la réparabilité des biens. Et, bien que beaucoup de gens pensent
à leur téléphone cellulaire, leur télévision, leur électroménager, leur voiture
également est un élément important, où, pour être capables de continuer à
réparer les véhicules d'aujourd'hui et de demain, on doit de plus en plus avoir
accès aux données, hein? On est encore passés, une fois, d'une voiture qui,
quelques générations... C'était de la mécanique beaucoup, alors qu'aujourd'hui
ce sont des ordinateurs sur roues.
Alors, que ça soit un changement d'huile,
un changement de pneus, un entretien régulier, de plus en plus, il est
nécessaire d'accéder aux ordinateurs de bord. Et donc on vit dans un monde où
est-ce qu'on doit garantir que les fabricants continuent de rendre l'information
nécessaire pour faire le diagnostic, les réparations de ces biens-là. Et nous,
évidemment, dans le marché secondaire, c'est critique qu'on ait accès à ces
informations-là.
Et, encore une fois, le projet de loi n° 29
va dans le bon sens en disant : Bien, écoutez, le manufacturier automobile
se doit, et, évidemment, avec le contrôle de l'OPC, l'Office de la protection
du consommateur, de rendre disponible toute l'information nécessaire aux
propriétaires, locataires à long terme ou à son mandataire, donc, dans ce
cas-ci, les ateliers de réparation que nous avons partout à travers le Québec.
Et donc c'est un élément très important pour pouvoir réparer nos véhicules
électriques de demain, qui sont tous des ordinateurs sur roues, qu'on continue
d'avoir accès à l'information nécessaire pour faire le bon entretien et les
réparations.
Mme Schmaltz : C'est
intéressant, ce que vous mentionnez, justement, parce que là, on parle beaucoup
de... est-ce qu'on peut parler d'automatisation dans le secteur automobile?
Est-ce qu'on... Parce que, oui, l'immigration est un élément intéressant pour
votre secteur, mais, si on parle en termes d'automatisation, de robotisation du
milieu automobile, est-ce que ça peut être envisagé?
M. Champagne
(Jean-François) : Donc, il s'agit d'un aspect qui est beaucoup plus
applicable à ceux qui fabriquent les véhicules. Donc, on ne représente pas les
fabricants de véhicules automobiles, je ne peux pas parler en leur nom,
évidemment. Eux, évidemment, beaucoup, beaucoup au niveau de la...
M. Champagne (Jean-François) : ...l'automatisation,
il y a beaucoup de mouvement à ce moment-là. Au niveau de l'entretien et réparation
des véhicules ou des services de carrosserie, c'est assez particulier. Vous
avez un accident, votre accident est très différent de celui à côté. Donc, il y
a certaines techniques, évidemment, qu'on utilise pour être plus efficaces,
mais de dire on peut automatiser ou robotiser l'ensemble des fonctions, pas
dans... dans un futur proche. Ça va être très difficile à faire à cause de la
spécificité, beaucoup de modèles, différents véhicules. Donc, ce n'est
peut-être pas un modèle qui s'applique très, très bien à notre secteur
d'activités.
Mme Schmaltz : Présence
humaine est encore indispensable?
M. Champagne (Jean-François) : Oui,
effectivement, absolument.
Mme Schmaltz : Oui, je
comprends. Est-ce qu'il y a des bassins de travailleurs à l'international qui
vous paraissent prêts pour, justement, ce virage-là? Est-ce que vous avez,
j'imagine, déjà peut-être regardé?
M. Champagne (Jean-François) : Vous
parlez en termes de géographie?
Mme Schmaltz : À
l'international, oui, oui. Oui.
M. Champagne (Jean-François) : Oui.
Je n'ai pas d'information pertinente spécifiquement sur ce sujet, sinon de dire
qu'évidemment où est-ce qu'on peut recruter des gens qui ont déjà une
spécialisation, évidemment, qui ont déjà eu une éducation dans notre secteur...
Puis, comme j'ai dit dans mon énoncé, les concepts de réparation de voiture
sont à peu près universels. Donc, c'est assez facile d'aller faire un petit peu
partout le tour du monde et de trouver des gens qui ont une formation de base
ou spécialisée qui s'applique très bien à notre secteur économique. Donc, je me
pose la question à voix haute, là, mais je ne peux pas vous dire s'il y a des
bassins particuliers qui ont été explorés à ce niveau-là. On se fera un plaisir
de faire un suivi là-dessus.
Mme Schmaltz : Mais est-ce
qu'il y a des pays qui sont davantage... qui ont peut-être davantage de
connaissances, peut-être, qu'ici? Est-ce qu'il y a des gens plus spécialisés
ailleurs qu'au Québec?
M. Champagne (Jean-François) : De
façon générale, les enseignements nécessaires pour faire une réparation, un
diagnostic d'un véhicule sont assez universels, et donc, peu importe où on va
dans le monde, vous allez retrouver des bassins de gens qui ont ces genres de
qualifications-là aujourd'hui. On n'a pas besoin d'aller dans des pays ou des
régions spécifiques pour obtenir ces qualifications-là.
Mme Schmaltz : D'accord. Je
vais parler un petit peu avec vous de la francisation. Vous l'avez évoquée
tantôt dans votre mémoire. D'ailleurs, la ministre aussi vous en a... a échangé
un petit peu là-dessus. Ce qu'on voit, c'est... Vous ne vous prononcez pas
directement sur les orientations. Par contre, de ce que j'ai compris... tantôt,
dans votre présentation, était que l'apprentissage du français directement sur
place pouvait être envisagé. Est-ce que vous êtes tout de même intéressés par
la francisation en entreprise? Est-ce que c'est un élément qu'on ajoute ou
c'est l'apprentissage sur place, de façon brute? Je ne sais pas si vous
comprenez ma...
M. Champagne (Jean-François) : Oui,
oui, je vous comprends. Mais nous, ce qu'on observe, évidemment, c'est... La
formation brute, là, sur le temps, si on veut, là, d'être exposé à un
environnement de travail dans lequel un superviseur, un collègue de travail
permet des échanges et... donc, ça, naturellement, on observe que ça permet une
intégration, une francisation. C'est sûr qu'on accueille d'un bon oeil des
programmes, soit en entreprise ou à l'extérieur, pour permettre l'adaptation,
la francisation des nouveaux arrivants. Et, effectivement, nous, ce qu'on vient
dire dans notre représentation, c'est dire : Écoutez, c'est un bon
complément à ce qui peut être également appris en classe. Et donc c'est certain
qu'elle permet de supporter nos nouveaux arrivants, avec des programmes de
francisation. Je pense, ça continue à être important et puis c'est quelque
chose qu'on voit d'un très bon oeil.
Mme Schmaltz : Quand on parle
de francisation en entreprise, on parle de francisation pendant les heures de
travail ou après les heures de travail?
M. Champagne (Jean-François) : Bonne
question. À chaque fois qu'on parle de formation, de façon générale, dans le
cas de nos membres, on fait vraiment face à des problèmes, des enjeux d'emploi.
Souvent, la formation, quelle qu'elle soit, sera de vous... offerte à
l'extérieur des heures de travail, simplement parce que, pendant le jour, on
veut s'assurer de réparer les véhicules des Québécois, des Québécoises, qu'ils
aient des véhicules sécuritaires à conduire. Et donc, de façon générale, sans
avoir consulté mes membres là-dessus, tout programme de formation générale va
se retrouver souvent à l'extérieur des heures de travail, simplement à cause
des besoins criants qu'on a présentement, là, pour assurer, là, le service.
• (11 h 40) •
Mme Schmaltz : Je vous
comprends. Par contre, on a entendu plusieurs organismes qui nous faisaient
part, justement, de cet enjeu-là. Les gens, souvent, bon, ils arrivent, ils
ont... il y a tout l'avis aussi de l'immigration, et puis naturellement, des
fois, les gens sont fatigués après des journées de travail, donc la... c'est
plus difficile, disons, de pouvoir envisager des cours de francisation après
les heures de travail, donc. Mais est-ce que, pour vous, pour votre industrie,
c'est faisable...
M. Champagne (Jean-François) : ...mais
il se fait de la formation continue. Que ce soit dans des cas de partage
études-travail, il y a déjà certains cadres qui existent dans lesquels ça peut
coexister. Je pense qu'on pourrait explorer, effectivement, là, différents
modèles dans ce cas-là, mais c'est certain que ce qu'on attend de nos membres,
souvent, c'est de dire, quand vient le temps d'arrêter, si on veut, d'offrir un
service à la clientèle pour faire de la formation, que ce soit pour un véhicule
électrique ou la francisation, ça crée des tensions qui sont difficiles, là, à
aller concilier, c'est certain.
Mme Schmaltz : Vous avez
tantôt... J'ai encore un peu de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...
Mme Schmaltz : Une minute?
Deux minutes. D'accord. Tantôt, vous avez mentionné au tout début qu'il s'était
vendu 370 000 nouveaux véhicules. Au Québec?
M. Champagne (Jean-François) : Oui.
Mme Schmaltz : Véhicules
électriques?
M. Champagne (Jean-François) : Non,
ce n'est pas la majorité, c'est l'ensemble des véhicules vendus au Québec.
Mme Schmaltz : D'accord.
370 000, c'est un chiffre... C'est élevé. Il me semble que c'est énorme.
M. Champagne (Jean-François) : Bien,
il y a 26 millions de véhicules sur les routes au Canada. L'âge moyen d'un
véhicule sur les routes au Québec, présentement, est à peu près de 10 ans.
Donc, vous voyez la courbe de remplacement. Oui, on... parfois, on a de la
misère à saisir l'ampleur de notre industrie, mais c'est lié directement au
fait qu'il y a des millions de véhicules sur nos routes au Québec et puis il va
falloir faire un remplacement. Et, si on veut, en 2035, atteindre nos objectifs
de 100 % de nouveaux véhicules neufs qui sont électriques, ça va faire un
nombre élevé de nouveaux véhicules sur nos routes qu'il va falloir faire un
entretien, réparation, Effectivement, oui. C'est pour ça que ça prend 100 000
personnes dans notre secteur économique, là, pour assurer cette sécurité pour
les Québécois, les Québécoises.
Mme Schmaltz : C'est
exactement la question que je voulais vous poser, si vous aviez chiffré,
justement, en nombre. Donc, on parle de 100 000 personnes.
M. Champagne (Jean-François) : Oui,
100 000 personnes.
Mme Schmaltz : 100 000
personnes. D'accord. Alors, j'imagine que j'ai terminé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 30 secondes.
Mme Schmaltz : Il reste 40
secondes. Alors, écoutez, je vais vous souhaiter une belle journée.
M. Champagne (Jean-François) : Merci
à vous aussi. Merci beaucoup du bon travail.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. On se tourne maintenant, M.
Champagne, du côté de l'opposition officielle qui a une période de 16... de 12
minutes 23 secondes avec la députée de Chomedey.
Mme Lakhoyan Olivier : Bonjour.
M. Champagne (Jean-François) : Bonjour.
Mme Lakhoyan Olivier : D'abord,
merci d'être là. Et puis c'est alarmant, ce que vous dites aujourd'hui. C'est
alarmant, le fait qu'on a besoin de 100 000 employés. Et vous parlez de 7
milliards de dollars annuellement. Est-ce que c'est au Québec, le 7
milliards, ou c'est au Canada?
M. Champagne (Jean-François) : 7
milliards au Québec, près de 38 milliards au Canada dans le marché secondaire,
oui. Et 100 000 personnes, il faut comprendre, c'est l'ensemble des gens qui
travaillent dans notre secteur économique présentement.
Mme Lakhoyan Olivier : Je
comprends. 7 milliards de dollars annuellement dans la province du Québec,
c'est beaucoup d'argent. Ça fait vivre des familles, ça fait vivre toute notre
économie, les restaurants, les lieux touristiques, on peut nommer. Donc, 7
milliards, c'est beaucoup d'argent. Et puis, si on a besoin de 100 000
personnes maintenant, dans cinq ans, on aura besoin de combien? Je suis en
train de faire les mathématiques, le x, là. C'est alarmant. Et on n'a pas de
temps à perdre, si je comprends bien.
M. Champagne (Jean-François) : Écoutez,
c'est dur toujours de mettre un chiffre sur les besoins de main-d'oeuvre. On
sait qu'on n'a pas été capable de ramener les mêmes taux d'emploi qu'on avait
dans notre secteur avant la pandémie, on sait qu'avec le tournant au niveau de
l'électrification on va avoir à d'autres besoins et, évidemment, on a des
employés présentement, dans le secteur, évidemment, qui sont près de la
retraite, donc il va falloir également assurer qu'on est capables de remplacer
ces travailleurs qualifiés là au cours... Principalement, là, les 5 à 7
premières prochaines années vont être critiques, c'est certain, pour notre
secteur.
Mme Lakhoyan Olivier : Je
comprends ça. J'ai de la famille dans les garages, carrosseries, mécanique,
«body shop», rembourreurs, vitriers, j'en ai dans ma famille immédiate, et
puis, je sais, ils travaillent sept jours semaine, ils ont de la difficulté de
garder des employés. Les gens ne sont pas intéressés. On n'a pas... On dirait,
on n'a pas ces employés-là ici. Je ne sais pas où ils sont, mais il y en a qui
vont prendre leur retraite d'ici cinq ans. Il n'y a pas de relève. Donc, je
vous entends très clairement pour le repreneuriat et le manque d'employés.
Est-ce que la précondition de connaître le français avant d'arriver au Québec
pour combler les emplois et reprendre...
Mme Lakhoyan Olivier : ...pour
combler les emplois et reprendre les garages, est-ce que vous trouvez, dans
votre opinion, que ça freine... ça freinerait notre économie si on met
prérequis : la langue française?
M. Champagne (Jean-François) : Bien,
écoutez, nous, on est ici pour exprimer une opinion sur la proposition du
gouvernement. C'est certain que nous supportons beaucoup la deuxième option, de
dire qu'on doit augmenter les seuils d'immigration à 60 000 personnes. On
comprend l'objectif du gouvernement de vouloir faire ça à travers un objectif
également de francisation. Mais je suis mal placé pour dire : On va-tu
être capables d'attirer 60 000 personnes avec des demandes de francisation? Je
pense que c'est l'intention du gouvernement. Et donc, sur ce point-là, nous, ce
qu'on dit : Ça nous prend des gens dans notre secteur économique. Nous
sommes confiants qu'avec l'option qui est offerte à travers l'accélération des
seuils d'immigration à 60 000, c'est un pas en avant, et d'ailleurs on
encourage le gouvernement, on fait la recommandation dans notre mémoire de
dire : Est-ce que... s'il n'est peut-être pas capable d'accélérer
l'échéancier pour arriver aux 60 000, peut-être le faire en deux ans au lieu de
trois, par exemple?
Mme Lakhoyan Olivier : C'est
quoi, les... D'après vous, c'est quoi, les enjeux d'intégration que vous pouvez
remarquer dans cette industrie-là? L'intégration, est-ce que ça se fait bien?
M. Champagne (Jean-François) : Bien,
c'est sûr qu'on a des enjeux, parce qu'encore une fois on fait face à des
enjeux au niveau de la technologie, au niveau des outils, j'ai parlé de l'accès
à l'information... est un. L'autre, évidemment, c'est la transformation de
notre industrie. Donc, ça crée des enjeux au niveau de la connaissance et de la
formation continue. Donc, ça, je pense que ça reste pour nous des enjeux
importants dans des... souvent, en région, des petites et moyennes entreprises
qui n'ont peut-être pas accès à un bassin de main-d'oeuvre qualifiée autant
qu'ils en auraient besoin, puis vous l'avez dit, d'ailleurs, certains
entrepreneurs se retrouvent à travailler non pas cinq jours-semaine, mais bien
six ou sept.
Alors, je pense que c'est ça qui vient
peut-être causer un petit peu certains enjeux au niveau de l'intégration. C'est
qu'il faut prendre le temps de former nos nouvelles personnes, nos nouveaux
arrivants, mais évidemment on a des contraintes, là, compétitrices en même
temps, là, au niveau du futur de notre industrie. Je pense que ça va être ça,
les enjeux devant nous, c'est d'assurer de tout faire ça pendant qu'on continue
à offrir un service de qualité aux Québécois et Québécoises pour faire
l'entretien et réparation de leurs véhicules.
Mme Lakhoyan Olivier : C'est
deux fois le temps de changer nos pneus puis changement d'huile, là. Il faut
prendre nos réservations deux mois d'avance, même si j'ai des cousins
là-dedans.
M. Champagne (Jean-François) : Absolument.
Écoutez, si on peut faire une recommandation aujourd'hui, c'est dire à nos
gens, nos Québécois : Prenez... Changez vos habitudes. Entrez en contact
avec votre atelier de choix, assurez-vous d'avoir une date cédulée. Ça optimise
un peu le processus. On a parlé de l'automatisation tantôt. Bien, c'est
peut-être une des façons de le faire, un peu, pour tous les Québécois de
dire : On prend rendez-vous en avance. Ça optimise nos baies de services
et ça nous permet d'offrir un meilleur service aux Québécois.
Mme Lakhoyan Olivier : Je
suis... Bien, j'ai remarqué, à la page 3, vous mentionnez que ces employés-là,
ils ne sont pas appelés à avoir l'interaction avec les clients, parce qu'ils
ont plutôt des commis réceptionnistes, service à la clientèle, comptabilité,
donc ils ont des gens qui font affaire avec la clientèle. Donc, il n'y a pas
une urgence tout de suite de s'inquiéter pour la francisation, mais que...
Est-ce que vous trouvez, avec cet énoncé, vous trouvez qu'avec le temps ils
vont apprendre le français, ils vont s'intégrer dans notre société? Et dans
combien de temps vous pensez qu'ils seront plutôt à l'aise avec la société
québécoise?
• (11 h 50) •
M. Champagne (Jean-François) : Bien,
écoutez, je pense que la meilleure façon de voir ça, c'est très... Dans certains
secteurs économiques, on reconnaît qu'il y a une interaction directe avec le
public, et donc ça crée des beaucoup plus gros enjeux au niveau de la
francisation et l'intégration, alors qu'on a, nous, dans notre secteur, la
balance des deux, c'est-à-dire que, oui, on a certains emplois qui requièrent
une interaction directement avec la population, mais en même temps on a
beaucoup, beaucoup d'emplois, que ce soit de travailler dans un atelier, de
travailler dans un entrepôt, qui permettent une intégration plus.... je vais
utiliser un anglicisme : plus «smooth», donc de faire une intégration qui
est plus harmonieuse pour les nouveaux arrivants. Et donc, je pense qu'on est
encore une fois un secteur économique qui peut très bien bénéficier et permettre
une intégration et une francisation de nouveaux arrivants, là, qui se fait
d'une façon, là, harmonieuse.
Mme Lakhoyan Olivier : Est-ce
que vous trouvez que le fait qu'au Québec l'éducation est gratuite, quasi
gratuite à nos enfants...
Mme Lakhoyan Olivier : ...l'éducation
est gratuite, quasi gratuite à nos enfants. Et puis les gens prônent
l'éducation au cégep, université. De ce fait, on a moins de gens intéressés à
aller dans les garages, l'emploi de garagiste. Est-ce que vous pensez, c'est la
raison que, dans notre population, il n'y en a pas d'engouement là-dedans?
M. Champagne (Jean-François) :
Il y a plusieurs facteurs, c'est certain. Par contre, je peux vous dire que...
Parfois, je dis à nos membres : J'ai... autour de cette table aujourd'hui,
on me dit : Oh mon Dieu, 370 000 nouveaux véhicules,
100 000 personnes. Peut-être qu'on ne fait pas le meilleur effort
pour valoriser les emplois qu'on a dans notre secteur économique. On a des bons
emplois, ils sont bien rémunérés, ils sont à la... un petit peu à l'abri des
changements économiques. Nous sommes un service essentiel qui a continué à
opérer pendant la pandémie. On a plein de beaux atouts, peut-être qu'on ne les
valorise pas assez et je pense que c'est la responsabilité de tous de dire à
nos amis, nos enfants, nos parents, dans nos familles, de dire : Aïe, il y
a des beaux emplois dans nos industries, telles que l'automobile. Je pense que
c'est un message positif qu'il faut donner. On a des beaux emplois et il faut
attirer plus de gens, c'est certain. Mais dans le secteur, dans les conditions
qu'on a présentement, c'est sûr qu'on va devoir combler ça, avec aussi des
apports au niveau de l'immigration pour le futur.
Mme Lakhoyan Olivier : Mais
vous avez raison pour la valorisation, ce n'est pas la première fois que je
l'entends. J'ai entendu en Mauricie quand on a parlé de l'emploi des
couturières, j'ai entendu dans l'industrie du tourisme pour les
massothérapeutes. Donc, vous dites la même chose. Donc, peut-être que nous, en
tant que gouvernement, on devrait travailler à valoriser ces industries-là.
Les travailleurs que vous allez chercher,
ce sont... est-ce que ce sont des temporaires ou des permanents?
M. Champagne (Jean-François) : Donc,
c'est une combinaison des deux. C'est sûr qu'il y a des immigrants temporaires
qui font partie de notre écosystème. Dans le cas de la consultation
aujourd'hui, évidemment, on vient ajouter la composante... ça nous prend
également des immigrants permanents pour notre secteur économique. Donc, c'est
une combinaison des deux.
Mme Lakhoyan Olivier : Combinaison
des deux, toutefois, la proportion, vous diriez... qu'est-ce que vous diriez
pour la proportion, le pourcentage?
M. Champagne (Jean-François) : Je
ne pourrais pas m'avancer à vous donner un chiffre, j'avoue, là. Je ne sais
pas. On fera un suivi avec les membres du comité, là, pour vous donner
peut-être un peu plus d'indications à ce niveau-là. Je n'ai pas ces
informations-là avec moi, malheureusement.
Mme Lakhoyan Olivier : ...fonctionne
avec le repreneuriat. Est-ce que vous trouvez des investisseurs pour le Québec
de l'extérieur, pour le repreneuriat? Est-ce que vous êtes au courant ou?
M. Champagne (Jean-François) : Bien,
moi, ce que j'observe, c'est que, dans le changement générationnel, nos
entrepreneurs qui passent le bâton un petit peu à la prochaine génération le
font de toutes sortes de différentes façons, que ce soit avec des partenariats,
encore une fois avec du repreneuriat, à l'intérieur de leur entreprise qui,
parfois, inclut également des nouveaux arrivants, des immigrants. C'est une
combinaison d'un petit peu de tout. C'est certain qu'il y a également des
consolidations qui s'offrent également. Donc, il y a des entrepreneurs qui vont
décider d'opérer deux ou trois centres de services et qui vont racheter
évidemment certains centres, mais je vous dirais que le repreneuriat à travers
l'entreprise, c'est quelque chose qui continue de s'observer, encore une fois,
parfois, la génération suivante ou parfois à travers des nouveaux arrivants qui
ont pris place dans l'entreprise et qui veulent la reprendre et continuer cette
histoire d'amour qu'ils ont avec leur région d'accueil.
Mme Lakhoyan Olivier : C'est
bien. En attendant, mon frère va travailler sept jours au garage, vitrerie et
rembourrage, mon cousin à la carrosserie puis mon autre cousin qui est en
mécanique, ils vont faire sept jours jusqu'à ce qu'on le comble avec des
nouveaux employés. Est-ce que vous êtes en ce moment en contact avec des
compagnies, je pense, qui amèneraient des travailleurs ici, au Québec?
M. Champagne (Jean-François) : Donc,
l'association elle-même ne le fait pas. Par contre, on sait que beaucoup de nos
membres, eux, le font avec diverses tierces pour aider, faciliter le
recrutement et l'intégration de ces arrivants-là pour venir combler ces
postes-là pour espérer que certains membres de votre famille vont être capables
de se rendre, là, pour le souper de famille. Parce que s'ils travaillent sept
jours, ça doit être plus difficile, là. Mais, oui, effectivement, ça se fait
beaucoup à travers, là, certains de nos membres qui sont en partenariat avec
diverses entreprises.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Le temps...
Mme Lakhoyan Olivier : J'ai
apprécié votre présence. Merci de les représenter.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci Mme la députée. M. Champagne, compte tenu que
vous voulez faire le lien avec les membres de la commission, si vous avez des
réponses additionnelles à donner...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je vous invite à communiquer avec le secrétariat de la
commission pour déposer des documents additionnels. Merci.
Alors on va terminer cette ronde d'échange
avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour quatre minutes sept secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Vous avez parlé beaucoup de
repreunariat, c'est intéressant. En juin 2023, là, il y a une réforme qui a été
publiée au volet trois du programme de repreunariat du MIFI. je me demandais si
vous aviez des commentaires. Est-ce que vos membres utilisent ça, le programme
de qualification permanente de repreunariat? Est- ce que ça fonctionne? Comment
ça va?
M. Champagne (Jean-François) : Je
n'ai pas de statistiques non plus là-dessus, donc c'est quelque chose... on
fera un suivi également. Je sais qu'également... Que les Comités sectoriels de
l'automobile, entre autres, on fait la promotion de ces programmes-là. Je suis
difficilement capable de vous donner vraiment des chiffres concrets, à savoir
est-ce que ça a été bien reçu, bien utilisé, et du... Des commentaires
spécifiques sur ce programme-là. Je n'en ai malheureusement pas.
M. Cliche-Rivard : Pas de
problème. Le guide parle par contre qu'il y avait un arriéré assez important,
là, dans la catégorie des gens d'affaires, on parle d'à peu près 15 000
dossiers en attente avec des projections, pour 2025, 2026, 2027, d'à peu près
450 dossiers, annuellement. Bref, je veux dire, on peut faire la règle de
trois, là, ça va faire plusieurs, plusieurs. Plusieurs années d'attente.
J'imagine que pour vous, du repreunariat, ça doit se faire dans un délai
raisonnable, là, pas dans un programme d'immigration qui va prendre 10 ans de
traitement, là?
M. Champagne (Jean-François) : Il
faut comprendre qu'il y a beaucoup d'outils dans le coffre d'outils lorsque
vient le temps du repreunariat. Souvent, on va avoir des regroupements, entre
autres, qui facilitent ces échanges-là. Donc, il y a plusieurs gens, dans notre
écosystème, qui sont capables également de fournir de l'accompagnement, du
support, de l'information aux divers entrepreneurs qui décident, là, de
commencer la transition pour leur entreprise. Donc, c'est certain que, où il y
a des programmes gouvernementaux qui sont accessibles, on veut évidemment être
capables de les offrir, les utiliser. Encore une fois, je n'ai pas de
statistiques comme telles, mais je vous dirais par contre qu'on est un secteur
économique qui a quand même accès, lui-même a des ressources pour se... être
capable d'offrir, là, de ce genre d'accompagnement, de support et de services à
leurs membres.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Je me demandais, la réforme du programme de l'expérience québécoise
travailleur, qui... (panne de son) ...les postes moins qualifiés, là, les jobs
moins qualifiées du PEQ, est-ce que ça, ça a eu un impact sur vos membres?
Est-ce que vous avez eu de la misère à les qualifier pour la résidence
permanente ou, si, finalement, les travailleurs ont trouvé une autre porte de
chemin... Ou un autre chemin pour se qualifier pour rester avec vous?
M. Champagne (Jean-François) : Le
son de cloche qu'on entend souvent au niveau de la reconnaissance,
qualification de la main-d'œuvre, c'est certain que ça reste quelque chose qui
est toujours un petit peu ardu. Je n'ai pas de données spécifiques récentes,
mais je vous dirais simplement que, de façon générale, on veut toujours faire
reconnaître que notre secteur économique, que ce soit, encore une fois, des
peintres, que ce soit des carrossiers, des mécaniciens, ce sont des secteurs
économiques qui sont en grande demande. On veut, évidemment, des... au niveau
de la reconnaissance des acquis, pour ces gens-là, le plus possible. Donc, où
on est capable d'alléger le plus possible ces reconnaissances-là pour être plus
capable d'intégrer rapidement et de reconnaître la qualification de ces
travailleurs-là, c'est toujours, évidemment, là, bienvenu.
M. Cliche-Rivard : Et vous
êtes capable de garder les travailleurs, et ils restent, au Québec, malgré...
des fois, on parle des délais qui augmentent, des fois, on parle de la
difficulté de rester, de la difficulté de faire venir les familles. Est-ce que
vous le sentez, ça, ou vous sentez que ça va bien, généralement?
M. Champagne (Jean-François) : De
façon générale, notre secteur économique continue l'attraction, et la rétention
continue d'être difficile quand même. Il y a énormément de facteurs qui
contribuent à ça. Je reviens, encore une fois, nos besoins de formation et de
mise à jour des enjeux technologiques de notre secteur sont, évidemment, tous
des éléments de pression, beaucoup de compétitivité dans le secteur également.
Donc, c'est sûr qu'on doit continuer à travailler très fort, non seulement au
niveau de l'attraction, mais aussi rétention, pour s'assurer que ces gens-là
sont capables, là, de bien s'intégrer et de rester dans notre secteur
économique.
M. Cliche-Rivard : Vous
diriez que c'est quoi, le principal défi de la rétention...
M. Champagne (Jean-François) : Aujourd'hui,
je pense qu'au niveau de... particulièrement dans le secteur économique, là, au
niveau de la rétention, ça reste, encore une fois, la mise à jour des
connaissances, la disponibilité, les outils, donc toute la transition qui se
fait dans le type de travail qu'on doit faire. Souvent, on pense, un technicien
en atelier est un mécanicien. On tapait sur un parechoc en métal...
La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) :
Sur ce...
M. Champagne (Jean-François) : ...puis
là on est rendu avec des parechocs en plastique, avec de la technologie
derrière, donc ça a beaucoup changé.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup, M. Champagne. C'est ce qui met fin à
cette audition. Merci beaucoup pour l'apport à nos travaux.
Mesdames et messieurs les élus, nous
allons suspendre la commission quelques instants pour accueillir le prochain
groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 01)
12 h (version non révisée)
(Reprise à 12 h 05)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc le groupe Québec
réunifié avec ses quatre représentants, représentantes. Bienvenue à la
Commission des relations avec les citoyens, mesdames, Messieurs. Je vais vous
demander d'abord de vous présenter et vous allez bénéficier d'une période
totale de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, on va échanger avec
les parlementaires. Alors, le temps débute maintenant.
Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Bonjour
à tous. Alors, je tiens tout d'abord à exprimer notre profonde gratitude pour l'opportunité
qui nous est offerte aujourd'hui. C'est avec un sentiment de devoir civique et
un engagement profond envers notre société, surtout envers les Québécois
parrainant leur partenaire de vie et enfants que nous, les membres du Collectif
Québec réunifié avons répondu à votre invitation.
Alors, moi, je m'appelle Rydia Lévesque
Martinet, je suis née et j'ai grandi au Québec. Je suis fille d'immigrants et j'attends
la résidence permanente de mon mari du Brésil depuis plus d'un an, sans
nouvelles. Notre collectif, que j'ai fondé le 22 juin 2023, a été créé
avec la vision de défendre les droits et le bien-être des familles du Québec.
Ce collectif réunit plus de 500 personnes concernées par le regroupement
familial au Québec. Donc, aujourd'hui, je suis en compagnie de Cyndi Fiata,
notre responsable des communications, ainsi que de Kiyoshi Mukaï et Nathalie
Coursin, deux membres de notre collectif. Et, encore une fois...
Mme Lévesque Martinet (Rydia) : ...merci
de nous avoir donné l'occasion de partager notre perspective. Je laisse la
parole à Cyndi.
Mme Fiata (Cyndi) : Alors,
bonjour. Aujourd'hui, je souhaite vous raconter mon histoire. Je suis
originaire d'une petite île de la Caraïbe et je suis arrivée au Québec le 15
août 2009 avec un permis d'étude. Ce ne fut pas facile, mais je me suis
accrochée, j'ai complété mes études et obtenu mon diplôme. J'ai par la suite
obtenu ma résidence permanente et ma citoyenneté canadienne. D'ailleurs, l'un
des plus beaux jours de ma vie fut le 29 avril 2016, lors de retour de voyage
et qu'un agent frontalier à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau m'a dit :
Bienvenue chez vous! Quel soulagement! Enfin, je me sentais acceptée et
reconnue par la province que j'ai choisie. Les années ont passé, j'ai même
complété deux maîtrises et je continue de travailler dans mon domaine,
l'enseignement, en tant qu'enseignante au primaire et chargée de cours à
l'université. Je suis propriétaire et cofondatrice d'une entreprise qui aide
les enseignants.
J'estime personnellement avoir un parcours
exemplaire, mais pourtant, aujourd'hui, j'ai l'impression qu'aux yeux du
gouvernement, j'ai commis une erreur : celle d'être tombée en amour avec
un ressortissant étranger. Au bout de quatre ans de relation, 16 mois de
traitement de résidence permanente et deux visas visiteurs refusés, notre
relation et ma vie a heurté un mur le 22 juin 2023, à la découverte des
nouveaux délais de traitement de 24 mois au Québec au lieu de 13 mois pour le
reste du Canada.
S'en est suivi une série de douches
froides. Premièrement, la découverte de la mise en place d'un quota de 10 600
pour l'année 2023 et, pire, l'annonce d'une diminution de ce quota à 10 400
pour les années 2024-2027. N'oublions pas les nombreuses lectures et auditions
d'histoires familiales, plus dramatiques les unes que les autres. Mais ce mur,
je ne suis pas la seule à l'avoir heurté, et cette douche froide, je ne suis
pas la seule à l'avoir subie.
Mme Coursin (Nathalie) : Bonjour
à tous. En effet, Cyndi n'est pas un cas particulier. Nous sommes nombreux à
subir ces délais. Comme vous le savez, au moins 36 800 personnes sont dans
l'attente de validation de la résidence permanente dans notre catégorie au
Québec. Pour pouvoir vous restituer un portrait fidèle de ces personnes, Québec
réunifié a mené une enquête en interne auprès de 132 personnes en cours de
parrainage au Québec. Avant la présentation de ce portrait, je tiens à dire
que, pour ma part, je suis demandeur principal, d'origine française, en attente
de la résidence permanente depuis maintenant 19 mois. Donc, permettez-moi
d'utiliser le pronom «nous» pour parler de l'ensemble des demandeurs
principaux.
Nous sommes majoritairement des demandes
externes, c'est-à-dire que nous vivons à l'extérieur du Canada et nous
subissons une séparation physique longue avec notre partenaire québécois. Nous
voyons d'ailleurs actuellement nos demandes de visas visiteurs trop souvent
refusées, malgré les dernières directives fédérales. Nous sommes aussi des
demandes internes qui... même si vivre avec notre partenaire peut apparaître
plus facile, nous subissons aussi diverses conséquences de cette longue
attente. Nous sommes majoritairement francophones et francophiles puisque nous
sommes 88 % à pouvoir entretenir a minima une conversation basique en
français. Nous provenons de multiples pays comme le Maroc, le Sénégal, la France,
les États-Unis, le Liban, le Brésil, le Guatemala ou même le Mexique. Nous
avons des métiers diversifiés et dont certains sont en pénurie au Québec. Nous
sommes mécaniciens, infirmiers, policiers, ingénieurs, professeurs, architectes
et bien d'autres. Nous irons nous installer avec nos parrains dans leurs
logements partout au Québec. Bien sûr, nous irons à Montréal et sa grande
région, comme 42 % de la population actuelle au Québec, mais aussi à
Québec, Sainte-Marcelline-de-Kildare et même Rimouski. Nous sommes jeunes,
puisque nous avons majoritairement moins de 35 ans. Nous sommes très nombreux à
avoir notre CSQ en main et nous sommes 17 % qui l'ont depuis un an et
plus.
Enfin, nous devons attendre bien trop
longtemps pour rejoindre notre partenaire québécois et commencer notre vie
familiale. Cette attente a des conséquences sur notre vie et notre santé
physique et mentale. Et je laisse Cyndi et Kiyoshi vous les présenter.
• (12 h 10) •
Mme Fiata (Cyndi) : En effet,
il est important de comprendre que nous considérons le délai de 24 mois comme
ne prenant pas en compte l'ensemble du portrait des étapes de la demande. Il
est important de noter que, pour les familles, le délai commence réellement
lors de la prise de décision d'immigrer au Québec. À ceci s'ajoute la
préparation du mariage pour certains, le temps qu'il faut pour rassembler les
documents, les traduire, au besoin, la prise de contact avec un avocat, au
besoin, l'acte de compléter la demande et, enfin, le dépôt de cette dernière.
N'oublions pas de nommer les dossiers qui peuvent être retournés et la
possibilité de CSQ non envoyé au fédéral.
Pendant tout ce temps, nos vies sont
littéralement mises sur pause. Nous repoussons nos projets d'enfant, d'achat de
maison et de célébration des fêtes de fin d'année, entre autres. En ce qui a
trait à la santé mentale, toujours selon notre enquête interne, 77 % des
parrains souffrent d'anxiété et d'angoisse. De plus, 58 % des parrains
souffrent d'un état dépressif. À cela s'ajoute la détérioration de la santé
physique de 45 % des parrains et demandeurs, qui se retrouvent dans
l'obligation d'effectuer des séjours à l'hôpital...
Mme Fiata (Cyndi) : ...les
membres de leur famille. N'oublions surtout pas la souffrance subie par les
demandeurs externes qui sont en danger dans leur pays. Enfin, de nombreux
membres ont témoigné leur envie de quitter le Québec ou ont déjà quitté la
province en raison des quotas et des longs délais. Ils ne peuvent plus
supporter la séparation. Et le Québec perd donc de la main-d'œuvre qualifiée.
M. Mukaï (Kiyoshi) : Bonjour,
je m'appelle Kiyoshi Mikaï, je viens des États-Unis et je suis résident
permanent issu du volet Travailleurs économiques du Québec. Je vais maintenant
vous parler des délais qui ont un impact direct sur l'appauvrissement des
familles. Pour les cas externes, les couples sont séparés et doivent élever une
famille depuis deux pays différents. De ce fait, un budget important est alloué
au voyage pour maintenir la relation familiale. Pour les cas internes, vous n'êtes
peut-être pas au courant que les époux et les conjoints en attente de leur
résidence permanente n'ont habituellement pas accès à la RAMQ pendant un long
moment. Durant ce temps, les familles espèrent que personne ne tombe gravement
malade ou, dans le cas des femmes, qu'elles ne deviennent pas enceintes.
Saviez-vous que sans RAMQ, un accouchement
au Québec pourrait coûter jusqu'à 20 000 $? Autre exemple, les
demandeurs en attente de la résidence permanente et du CSQ en interne sont
considérés comme des étudiants internationaux et doivent payer des frais de
scolarité extrêmement élevés s'ils veulent combler les exigences pour évaluer
et exercer leurs métiers réglementés. Et maintenant, je laisse la parole à
Rydia pour vous donner une proposition pour mieux prendre en compte notre
catégorie pour votre futur plan d'immigration.
Mme Lévesque Martinet
(Rydia) : Alors, avant de vous rappeler les demandes du collectif, je
vais vous citer un extrait de l'article 392 du Code civil du Québec, les
cas qui sont tenus de faire vie commune. De plus, les Québécois vont continuer
à rencontrer leurs âmes sœurs aux quatre coins de la planète parce que le monde
ne connaît pas de frontières. Le regroupement familial continuera ainsi de
faire partie du portrait québécois pour de nombreuses années, apportant une
richesse, une main-d'oeuvre qualifiée et des familles multiculturelles
permettant le développement de notre belle province que tant de gens
choisissent avec leur cœur. Nous souhaitons tout de même prendre un instant
pour souligner la sensibilité à notre cause et les efforts de la CAQ pour
ajuster à la hausse le quota de 2020 à 2022 afin de rattraper les effets de la
COVID et aussi actuellement, pour les 7 665 résidents permanents...
sur le Québec depuis le début de l'année, ce sont des... 31 juillet.
Donc, voici donc nos deux demandes.
Premièrement, nous demandons le traitement prioritaire et immédiat des demandes
actuelles qui détiennent déjà un CSQ en travaillant conjointement avec le RCC
pour assurer un traitement juste et équitable selon l'ordre logique du premier
arrivé, premier servi. Et deuxièmement, après avoir réglé le point précédent,
nous demandons la mise en place d'un seuil raisonnable pour permettre de
traiter les futures demandes dans un délai de 12 mois dans votre futur plan. On
a un entretien avec le représentant, un représentant du bureau de Marc Miller
et il a avoué que le RCC serait capable de terminer le traitement des dossiers
très rapidement si le Québec le permettait.
Souhaitant collaborer avec le gouvernement
afin d'élaborer des solutions, nous avons également une question pour vous, Mme
la ministre. Que proposez-vous comme stratégie pour apaiser les souffrances de
ces familles québécoises? Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation, pour vos
témoignages, également. Ils vont certainement susciter plusieurs questions.
Alors, on va commencer avec la banquette gouvernementale, donc par la ministre,
avec une période de 16 min 30 s Le micro est à vous.
Mme Fréchette : Merci,
Mme la Présidente. Alors, bien, merci à vous quatre de prendre part à cet
exercice sur un thème qui est d'importance collectivement, qui vous est cher,
bien sûr. Donc, merci de votre engagement dans la société québécoise, votre
engagement dans ce débat, dans cet exercice démocratique qui est d'importance.
Alors, merci de partager aussi votre... votre expérience, votre vécu, vos
propositions. C'est particulièrement intéressant dans le cadre de cette
commission parlementaire. Donc, un grand merci pour ça.
Vous dire dans un premier temps que je
suis très sensible au stress vécu par vous, par les familles en général qui
sont en attente de décisions pour des demandes, donc, dans le programme de
regroupement familial. Alors, c'est quelque chose qui me touche. Et bien sûr,
c'est quelque chose qui est à prendre en considération dans le cadre des
discussions que l'on a dans le cadre de cette commission. J'ai constaté... En
fait, avant de commencer sur des questions, j'aimerais apporter, là, une
précision par rapport à un élément qui apparaît dans votre mémoire à la
page 4. En fait, vous faites mention, là, que la non-maîtrise du français
serait la raison principale expliquant le seuil actuellement fixé par le Québec
dans la catégorie du regroupement familial, et donc que de très nombreux
candidats, là, francophones ou bilingues n'ont toujours pas obtenu la résidence
permanente. Alors, je voudrais juste clarifier les choses pour indiquer qu'en
fait la...
Mme Fréchette : ...maîtrise du
français ne constitue pas un critère de sélection qui est établi par le
gouvernement fédéral dans la catégorie du regroupement familial. En fait, donc,
le Québec n'applique pas ce critère et il n'a pas été question non plus de le
faire dans un futur rapproché. Donc, il n'y a pas d'obstacle qui est posé par
cet élément que vous soulevez dans le mémoire. Donc, je tenais à préciser ça
pour bien clarifier les choses puis, voilà, que tout le monde soit sur la même
longueur d'onde. En fait, le niveau, là, le niveau d'admission que le Québec
prévoit dans la catégorie de regroupement familial est établi en tenant compte,
là, d'une variété de facteurs, mais la connaissance du français, là, n'en fait
pas partie.
J'aimerais aussi préciser qu'il y a d'autres
voies d'immigration, là, pour certains membres de la famille. Par exemple, il
ne faut pas oublier que les travailleurs qui souhaitent venir avec leurs
conjoints et leurs enfants peuvent les inclure dans leur demande de permis de
travail. Donc, ça, on va ouvrir, là, nos programmes économiques plus vastes,
une plus vaste gamme de travailleurs et de profils. Vous l'avez vu, j'imagine,
avec la réforme des programmes d'immigration économique qu'on a mis de l'avant
au printemps dernier. Donc, je sais que ce n'est pas quelque chose qui peut
aider et qui peut être une solution pour tous les cas, mais, néanmoins, je
tenais à le souligner, qu'il y a cette possibilité-là également d'inclure des
membres de la famille.
En page six de votre mémoire, vous mettez
l'accent sur l'importance, là, de réussir l'intégration des personnes
immigrantes issues du regroupement familial. Bon, si on met à part, là, la
question des délais, parce que je vous entends très clairement quant aux délais
que vous souhaitez voir raccourcis, qu'est-ce que vous diriez qui sont les
conditions de succès d'une intégration réussie en matière de regroupement
familial? J'aimerais que vous me partagiez votre vision des choses là-dessus.
Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Bien,
alors, déjà, de un, je... en fait, vous relater de mon expérience personnelle
en tant qu'intégration. J'ai été immigrante moi-même au Brésil pendant deux
ans, et, en fait, quand tu es dans un contexte familial, l'intégration se fait
très facilement. Bon, mon mari vient de la campagne, au Brésil, en région, et
moi-même, bien, quand j'ai vécu là-bas, bien, il m'a aidée, il m'a fait
apprendre le portugais, sa famille m'a aidé, il m'a intégré dans sa culture,
donc tout ce qui a rapport avec la nourriture, les coutumes, et tout. Donc, niveau
intégration, ça se fait facilement quand même, d'une certaine manière. Et
surtout qu'en ce moment au Québec, bien, le Québec met beaucoup d'emphase sur
la francisation. Ils ont... Le gouvernement a mis beaucoup d'efforts sur
l'intégration. Donc, moi, personnellement, je ne vois pas beaucoup de problèmes
sur l'intégration de nos familles, surtout qu'on est déjà ici, au Québec, on a
déjà un pied au Québec, un logement, et, du coup, bien, c'est quelque chose qui
se fait naturellement, sans problème.
Mme Fréchette : Interventions
sur le sujet, d'autres réactions?
M. Mukaï (Kiyoshi) : Oui, moi
aussi, je peux donner mon point de vue sur l'intégration qui est faite au
Québec. Comme j'ai mentionné dans notre présentation, moi-même, je viens des États-Unis,
je suis entré en tant que travailleur économique ici, au Québec, je suis
maintenant résident permanent. Je parlais déjà le français avant d'arriver,
donc je ne devais pas faire la francisation, mais ma femme, que je parraine,
elle vient du Guatemala, donc elle a fait de la francisation. Et nous deux, on
était dans le programme Objectif emploi qui est... Objectif emploi qui aide les
immigrants avec leur insertion au marché de travail. Et ce qu'on a trouvé, ça,
c'est selon notre expérience, les initiatives et les objectifs du gouvernement
sont bons par rapport à ça. Par contre, la manière dont le système fonctionne,
ça ne fonctionne pas très bien. On sait déjà qu'avec la francisation il y avait
beaucoup de problèmes avec les gens qui sont en attente de la francisation, je
pense que Le Devoir a parlé de ça, continués à la rentrée scolaire. Ma femme a
fait ses cours de francisation dans un centre qui avait, selon elle, une
trentaine d'étudiants pour une seule prof. Il n'y avait pas beaucoup de gens qui
travaillaient là-bas, les étudiants devaient passer le temps à nettoyer les
salles de classe, parce qu'il n'y avait pas de personnel, au lieu d'apprendre
le français. Et la prof, quand elle était affectée par la COVID, elle avait une
forte fièvre et devait continuer à enseigner en présentiel.
• (12 h 20) •
Donc, je pense qu'avec la francisation il
y a comme a des choses... peut-être on pourrait améliorer, parce que l'on
connaît beaucoup de gens, dans la communauté latino aussi, qui veulent
apprendre le français, mais, des fois, le français n'est pas toujours
accessible. Il faut aussi avoir un CSQ ou un permis de travail avant de
pouvoir...
M. Mukaï (Kiyoshi) : ...des
cours de francisation gratuitement et, pour ça, dépendant de la situation, il
n'y a pas tout le monde qui a le permis de travail, le CSQ à temps pour prendre
avantage de ce cours-là. En termes... côté objectifs d'emploi, vous savez
probablement que la manière dont ça fonctionne, c'est qu'il y a beaucoup
d'organismes indépendants à travers le Québec qui gèrent ces programmes-là. Et
le MIFI donne de l'argent et finance ses organismes aide aux immigrants pour
embaucher des conseillers, pour aider les gens avec l'insertion au marché du
travail.
Encore une fois, c'est juste nos
expériences. Nous, on avait... nous avons passé par deux de ces organismes-là.
Il y avait des conseillers qui n'étaient vraiment pas très bien formés,
probablement mal équipés, mal qualifiés, ils ne répondaient pas nécessairement
quand on les appelait pour avoir une mise à jour sur le dossier. Et il y avait
aussi beaucoup de conseillers qui démissionnent assez souvent. Je pense que ma
femme, elle avait une ou deux conseillères qui ont démissionné, pour ça, c'est
difficile de prendre... pour un autre conseiller après, de prendre le relais.
Ma femme travaille dans le domaine de la construction. Elle était architecte au
Guatemala. Et, ce qu'on a trouvé, c'est qu'avec... les conseillers ne savent
pas comment... quelles sont les étapes à suivre pour les métiers réglementés.
Nous avons reçu heureusement plus d'infos
des conseillers d'Accompagnement Québec, qui... directement Québec avec le
MIFI, mais avec les organismes, pas vraiment. Ils sont aussi supposés d'avoir
une base de données... base d'emplois avec les employeurs qui cherchent à
embaucher des immigrants, mais aussi ça n'a pas marché. Donc, il semble qu'il y
a peut-être des lacunes entre peut-être entre le MIFI et le gouvernement et
tous ces organismes à but non lucratif. Personnellement, je ne sais pas quelles
sont les solutions. Peut-être qu'on a besoin d'un organisme de contrôle qui
peut vérifier l'avancement et la qualité des conseillers, qui peuvent faire le
suivi pour être certain que les... des immigrants qui sont dans ces
programmes-là sont... réussissent dans la carrière. Je sais pour certains,
parce que c'est quelque chose que ma conseillère m'a dit, qu'il ne peut pas
fermer les dossiers avant que cette personne-là soit placée dans un emploi de
leur profession. C'est-à-dire, moi, je travaille en relations publiques. Je
devais prendre un emploi dans une boulangerie juste pour avoir un salaire
alimentaire au début, puis elle m'a dit que ça ne comptait pas. Donc, ils ont
laissé mon dossier ouvert.
Donc, il devrait y avoir ces données-là
pour savoir combien de temps ça prend pour les immigrants de réussir dans leur
profession, ou si ça prend beaucoup de temps, ou s'ils ne réussissent pas,
finalement, mais peut-être ça serait une bonne idée de regarder les données
pour donner... pour déterminer, encore une fois, où sont les lacunes et
qu'est-ce qui pourrait être mieux fait pour les aider avec la réussite dans
leur carrière. Aussi, les gens qui connaissent un peu comment fonctionnent les
métiers réglementés... qui peut être un processus extrêmement complexe ici, au Québec.
Mme Fréchette : Effectivement,
bien, justement, au sujet des organismes réglementaires, dans le cadre de la
réforme que l'on a présentée au printemps dernier, on resserre, en fait, la
collaboration qu'il y a entre le gouvernement et les différents organismes
réglementaires pour être certain que ça ne crée pas de mauvaises surprises et
que, déjà, le processus de reconnaissance et d'analyse, en fait, qui doit être
effectué par l'organisme réglementaire soit débuté avant que la personne arrive,
de telle sorte que les choses sont claires pour l'un et l'autre partie. Donc,
bien, merci d'avoir partagé vos commentaires. Mme la Présidente, je vais la
parole à des collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Alors, je cède la parole à la
députée d'Iberville. Il vous reste six minutes, 12 secondes.
Mme Bogemans : Parfait. Merci
beaucoup. Vos témoignages sont vraiment touchants. Je suis moi-même mère de
trois jeunes enfants, là, je peux imaginer le stress occasionné par les longs
délais, là, des réunifications. Merci aussi de l'avoir partagé avec nous.
Récemment, j'ai accompagné, avec la députée de Vimont, Mme la ministre, dans
les Rencontres régionales sur l'immigration, et puis on a pu témoigner un petit
peu partout, dans chacune des régions aussi, la réalité des femmes et des
enfants au Québec, là, d'immigrants. Et puis, je pense qu'il faut mettre de
l'avant aussi leurs besoins particuliers.
Mme la ministre a eu un intérêt là-dessus,
puis déjà elle est en action, puis on a des solutions qui sont transversales au
gouvernement, entre autres, je sais que Mme la ministre, avec la ministre de la
Famille, se sont unies pour mettre sur pied des haltes-garderies, par exemple,
puis qu'il y a des plans aussi pour, de manière plus ludique, mettre les
tout-petits en contact avec la langue française à travers le jeu, par exemple.
Donc, je sais que ma question... on ne pose pas directement sur le
regroupement, mais quand même sur les familles qui sont récemment arrivées au
Québec. Que pensez-vous de ces mesures-là qui sont mises en place...
Mme Lévesque Martinet (Rydia) : ...bien,
en fait, ces mesures-là sont très bonnes, niveau... on parle de l'intégration,
de tout ce qui a rapport avec les écoles, les garderies, et tout. Nous, nos
enfants, ils vont aller à l'école en français. Moi, par exemple, je n'ai pas
encore d'enfant parce que... bien, un, on n'est pas physiquement ensemble, de
un, et, de deux, bien, on n'a pas... de manière permanente, donc on ne peut pas
envisager avoir des enfants dans cette situation-là, mais. Dès que le moment se
présentera, on aura des enfants, ils vont parler français, portugais et
anglais. Donc, déjà, trilingue... C'est un atout, en tant que personne, de
parler trois langues, et, bien, le fait que le Québec met beaucoup d'emphase
sur les pogrammes d'intégration, sur les écoles, sur les garderies, et tout
pour aider les jeunes enfants, et tout, bien... c'est vraiment important que
nos enfants puissent bénéficier de ces choses-là.
Mme Bogemans : Parfait. Puis
Mme Cyndi, vous êtes en plein dans le milieu, donc quel est...
Mme Fiata (Cyndi) : ...écoutez,
oui, tout à fait je suis dans le domaine, et les recherches le prouvent, que
les enfants ont besoin, donc, de socialiser dès le plus jeune âge. Donc,
effectivement, de pouvoir mettre l'emphase sur les haltes-garderies, sur, bien
évidemment, le préscolaire, ce sont des stratégies gagnantes pour les familles
immigrantes, tout à fait, pour permettre la francisation dès le plus jeune âge.
Donc, oui, je suis en accord avec, oui, cette stratégie.
Mme Bogemans : Parfait.
Trouvez-vous que ce qu'on fait en termes de francisation et d'inclusion est
suffisant pour les accompagnateurs, généralement, par exemple les femmes et les
enfants? Trouvez-vous... Avez-vous des suggestions pour nous?
Mme Fiata (Cyndi) : Malheureusement,
pour l'instant, c'est sûr que ce n'est pas forcément un sujet sur lequel je me
suis penchée, donc c'est un petit peu difficile de donner une réponse tout de suite.
De mon expérience, c'est sûr qu'au niveau
de la francisation... L'article qui est sorti à la rentrée scolaire, avec les
difficultés, donc, de pouvoir donner des places aux personnes pour la
francisation, c'est sûr que c'est quelque chose qui choque et qui fait... qui
présente une donnée qui nous montre qu'il y a des choses à faire dans cette
matière-là, à ce niveau-là. Mais, malheureusement, pour les femmes et pour les
enfants, ce ne sont pas des données que j'ai forcément sur les mains, présentement.
Mme Bogemans : Parfait. Et,
au niveau des nouvelles initiatives de francisation, on sait qu'on a mis en
place Francisation Québec au 1ᵉʳ juin, avec... en fait, on a élargi les
formules, les horaires, aussi la disponibilité même des cours, là, la façon
dont on peut les transmettre. On voulait savoir qu'est-ce que vous pensiez, par
exemple, de la francisation outremer, avant l'arrivée des immigrants?
Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Alors
ça, ça va être... c'est beau à voir sur papier, mais, en réalité, ce n'est pas
nécessairement facile à appliquer parce que, pour bien s'intégrer dans une
culture, apprendre la langue, il faut baigner dans la culture, il faut baigner
dans le pays, en la nation. Moi, par exemple, quand j'ai vécu au Brésil, avant d'aller
au Brésil, j'ai appris du portugais, tu sais, et j'étais en contact... mon
mari, ma... Portugaise, j'étais en contact avec ses amis, j'apprenais des trucs
sur YouTube ou sur Internet. On a la technologie pour le faire, mais ce n'est
pas avant de vraiment habiter là-bas puis de vivre ma vie de tous les jours que
j'ai maîtrisé la langue.
Donc, oui, c'est important, je crois, de
mettre en place un certain système pour faciliter, comme on pourrait dire,
comme, l'apprentissage de la langue avant de rentrer, mais de là à expecter que
les gens... de maîtriser la langue de manière... comme si c'était leur langue
maternelle avant d'arriver... c'est très difficile. Il faut vraiment être dans
la culture pour le comprendre.
Mme Bogemans : Parce qu'on...
Mme Coursin (Nathalie) : Là,
je voudrais rajouter...
Mme Bogemans : Ah! allez-y,
Mme.
Mme Coursin (Nathalie) : Oui,
pardon. Excusez-moi. Je voulais rajouter parce que, là, on parle déjà de
l'intégration des gens qui ne sont pas encore là. Nous, vraiment notre sujet
qui nous importe aujourd'hui, c'est les délais, qu'est-ce que vous êtes
capables de faire pour les délais. On est conscient qu'il va y avoir plein de
choses qui vont être faites pour nos conjoints ici, qui peuvent déjà progresser
avant un Français ou pour s'intégrer, mais nous, ce qui nous importe et ce
qu'on s'est vraiment penché et qu'on a étudié, c'est les délais, donc, ce
qu'est capable de faire le gouvernement pour baisser les délais, et nous,
qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider à baisser ces délais.
• (12 h 30) •
Après, on est conscients que, quand même,
quand nos partenaires seront présents ici, ou moi-même, puisque je pars de...
je suis en interne, donc, on est conscients que ça se fera très facilement
puisqu'ils seront avec leurs familles, donc ils pourront parler en français.
Donc, c'est ça, c'était juste que je
voulais recentrer un petit peu le peu de temps de parole que nous avons sur
notre priorité numéro un, qui est d'abaisser les délais.
Une voix : ...merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui met fin à cette première
portion des...
12 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...avec les parlementaires. On poursuit avec les députés de
l'opposition officielle. Le député de?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : De Nelligan, d'accord, pour une période de 12 minutes
23 secondes. Le temps est à vous.
M. Derraji : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, avocates. Je vais me permettre de vous saluer en
premier lieu. Vous saluer pourquoi? Parce que c'est très beau de voir que,
quand il y a un enjeu de société, il y a des gens qui se mobilisent. Et ça,
déjà, vous êtes en train d'envoyer un beau message que ça ne va pas, et ça, on
doit le prendre en considération. Donc déjà, vous êtes en train de prendre le
leadership nécessaire sur le regroupement familial.
Je ne sais pas si vous avez suivi un peu
les consultations, mais hier ou avant-hier, si ma mémoire, elle est bonne, je
ne voulais surtout pas avoir un débat de chiffres parce qu'il s'agit d'êtres
humains. J'ai 12 minutes. Je sais c'est quoi votre agenda et vous méritez
un temps de qualité. Vous savez, prenez le temps nécessaire pour parler des
êtres humains qui sont derrière les chiffres que vous représentez, les drames
que vous vivez. Entendre qu'il y a des gens ou des femmes qui avortent, d'autres
qui retardent leur projet de bébé, d'autres qui ne peuvent pas savoir s'ils
doivent acheter une maison ou pas, parfois, on peut être très rationnels,
pragmatiques avec l'immigration, mais des fois, il y a ce côté humain qu'on doit
savoir.
Alors, je vous cède la parole. Partagez
avec les membres de la Commission vos réelles préoccupations et pourquoi aujourd'hui
on doit vous écouter, surtout quand il s'agit d'êtres humains.
Mme Fiata (Cyndi) : Si vous
permettez, je vais prendre la parole, parce que, depuis le mois de juin, je
suis en contact avec de nombreuses familles, et, comme je l'ai expliqué dans ma
présentation, ce sont des histoires les plus dramatiques les unes que les
autres que j'écoute, que j'entends.
Pas plus tard qu'en fin de semaine, j'ai
eu une femme du Sénégal qui est donc parrainée par son époux, ici au Québec, en
pleurs, en larmes, m'expliquant que son mari est au bord du suicide, qu'il a
des pensées suicidaires parce qu'il est découragé par les délais. Il ne sait
plus quoi faire. Il ne se sent pas aidé ni soutenu.
Non, c'est une des histoires. J'ai quelqu'un
qui attend depuis 2018, dont sa femme est au Maroc, qui a subi des conséquences
en lien avec le séisme, qui se retrouve à la rue, qui ne sait plus quoi faire,
a déjà parlé au député, déjà parlé au fédéral. Ça fait déjà maintenant depuis
2018, donc largement dépassé les 24 mois, et qu'il n'est toujours pas avec
sa femme ni ses enfants.
Nous avons, bien évidemment, le cas de
Lauriane, qu'on a présenté, mais ce n'est pas la seule, des personnes qui
souffrent, qui ont des enfants, que les enfants grandissent sans leur père, des
femmes qui accouchent à l'hôpital sans leur mari, des enfants qui connaissent
leur père seulement à travers d'un écran de téléphone, des personnes qui ont
des pensées suicidaires, qui souffrent d'insomnie, d'angoisse, pour lesquelles
le site d'IRCC devient une obsession, à savoir quand est-ce qu'on va recevoir
une réponse, quand est-ce qu'on va avoir un courriel pour savoir quand est-ce
que ça va être notre tour? Et, quand on voit des personnes de 2023 qui
reçoivent leur résidence permanente avant les personnes de 2022, 2021, ça
aussi, ça n'arrange rien, strictement rien à la situation.
Donc, tout mon été a été d'écouter des histoires
de personnes qui souffrent, qui sont au bord de la dépression, qui me disent :
je suis là, j'ai été choisi par le Québec, je ne comprends pas pourquoi je ne
peux pas être réunie avec ma famille, avec la personne, les personnes que j'aime,
je n'ai qu'une envie, c'est de quitter le Québec.
Il y en a qui ont déjà quitté le Québec,
qui sont partis en Ontario, qui sont partis au Nouveau-Brunswick et qui ont eu
leur résidence permanente un mois après leur départ. Tandis que nous, nous
restons par choix au Québec et nous subissons ces quotas et ces délais.
M. Derraji : Oui. Ça a été
ça, ma question, parce que, pour le bénéfice des membres de la Commission,
cette situation est unique au Québec. C'est juste au Québec que les délais, je
les ai vus en ligne. D'ailleurs, je vous remercie pour votre campagne et
continuez à la marteler. Il y a des gens qui ont reçu un message que la durée
est passée de 18 à 24 mois. Nous sommes rendus à 24 mois aujourd'hui.
Avec l'arriéré...
Mme Fiata (Cyndi) : 24 et 25 mois.
M. Derraji : Hein?
Mme Fiata (Cyndi) : Pardon,
24 et 25 mois. Donc, 24 en externe, 25 en interne.
M. Derraji : Et 25 en
externe. Excellent. Donc, si je rajoute l'inventaire qui existe avec le rythme
de traitement de dossiers, nous sommes...
M. Derraji : ...si
quelqu'un veut avoir son conjoint, sa conjointe avec lui sur du trois, quatre
ans. C'est ça, hein?
Une voix : Oui.
M. Derraji : O.K. S'il
vous plaît.
Une voix : Ça peut être...
M. Derraji : Si vous
vous étiez dans une autre province canadienne, pas le Québec, pouvez-vous
éclairer les membres de la commission? Le délai sera de combien de jours?
Mme Fiata (Cyndi) : Six
mois, huit mois, 12 mois, peut-être 15 mois, maximum.
M. Derraji : O.K. Donc,
max 12 mois. Et là, pour cerner l'enjeu du problème, c'est que vous êtes
dans la catégorie des seuils. Et c'est pour cela que la machine fédérale ne
peut pas aller plus vite que ce que le Québec lui demande. Parce que ça, je
vous invite à l'expliquer. Parce que les Québécois, quand on va leur dire ça
n'a aucun bon sens de briser des coeurs, de séparer des familles, de laisser,
séparer l'enfant de son père ou de sa mère, il n'y a personne qui va être
d'accord, mais les gens ne comprennent pas le processus. Ce n'est pas tout le
monde qui est expert en immigration. Donc, expliquez pourquoi vous payez les
frais et vous payez un prix que vous n'avez pas cherché. Ce que vous avez fait,
c'est avoir quelqu'un avec qui vous voulez faire votre vie, qui était de
l'extérieur, c'est la seule chose. Mais là, quand vous arrivez à cette
bureaucratie, vous payez les frais et le prix des seuils. Je vous laisse,0ncour
si vous voulez répondre.
Mme Coursin (Nathalie) : J'ai
quelque chose en plus à rajouter parce que je voulais répondre à Mme la
ministre tantôt. Quand elle parle des travailleurs qui peuvent venir avec leur
conjoint avec un permis ouvert, ce n'est pas possible de demander juste un
permis ouvert quand on est résident permanent ou citoyen pour son conjoint ou
sa conjointe que l'on vient de rencontrer. Donc, déjà aussi, ça, c'est une
aberration. On ne peut même pas être regroupé comme ça, alors qu'on est citoyen
canadien. Moi, par exemple, je suis mariée à un «born and raised in» Québec...
pardon pour mon français, je ne sais pas pourquoi c'est sorti comme ça, mais je
n'ai pas pu demander un permis de travail ouvert juste parce que je l'avais
épousé. Donc, ça aussi, ça fait partie des aberrations. Parce que donc, oui, un
étranger, un travailleur qualifié qui a été choisi par le Québec, lui, peut
venir avec femme et enfants. Alors que nous, citoyens et résidents permanents
du Québec, nous n'avons pas l'opportunité de faire ça. Je voulais juste
rappeler ça aussi parce que ça fait partie des choses importantes du débat
aussi qu'il y a ici. Et je suis désolé, je me suis perdu dans la question.
Donc, je crois que Cyndi a le fils.
Mme Fiata (Cyndi) : Donc,
pour vous répondre, M. Derraji, merci pour cette question. Donc, c'est
effectivement avec le quota de 10 600 qui est pour l'année 2023, dès
qu'on dépose une demande de regroupement familial, on rentre dans un système
qu'on appelle de loterie cachée, déguisée et c'est une file d'attente
interminable. Donc effectivement, l'IRCC reçoit des directives de la province.
Donc, il y a un maximum de 10 600 qu'ils doivent traiter pour
l'année 2023 et, malheureusement, il ne peut pas dépasser ce nombre-là.
M. Derraji : Je vais
vous arrêter là. Je vais vous arrêter là. 10 000 par année sur des
seuils...
Mme Fiata (Cyndi) : 10 600.
M. Derraji : 10 600
sur des seuils, soit 50 000 ou 60 000. L'inventaire est de combien
maintenant?
Mme Fiata (Cyndi) : Alors,
malheureusement, maintenant, nous n'avons pas cette donnée. Mais nous savons
qu'au mois de mai, il y avait 36 800 dossiers qui étaient sur le
bureau...
M. Derraji : Est ce
qu'un groupe... est ce qu'un groupe, vous me confirmerez, c'est ce qu'un groupe
disait hier, c'est aux alentours de 30 000.
Une voix : 36.
M. Derraji : 36 000.
Si on prend uniquement ces chiffres, parce moi, je veux juste comprendre et
ramener vos doléances aux membres de la commission. C'est ça notre rôle. Un, ce
que vous demandez, et je l'ai vu, augmenter le seuil dans la catégorie du
regroupement familial afin de traiter l'ensemble des demandes ayant déjà reçu
un CSQ. Ça, c'est une demande urgente. Mais j'aimerais bien vous entendre sur
les arriérés. Est-ce que c'est normal, laisser les gens séparés pendant trois
ans? Moi, je pense que c'est inacceptable. C'est un problème bureaucratique. Il
faut le régler. Il faut le régler très rapidement. Deuxième...
Mme Coursin (Nathalie) : Oui,
c'est ca, pour que... Oui, pardon...
M. Derraji : Allez-y,
allez-y. Pas de problème, allez-y.
• (12 h 40) •
Mme Coursin (Nathalie) : Non,
mais c'est pour ça que notre deuxième demande justement était quand on aura
réglé cet arriéré. C'est-à-dire que nous, ce qu'on demande, c'est de nettoyer
cette ardoise qui est là, des gens qui attendent. Et après, effectivement,
c'est d'établir un seuil qui soit assez grand pour que l'on puisse traiter les
demandes comme le reste du Canada en 12 mois. Donc, on ne demande pas
vraiment... On ne parle pas vraiment de quotas, mais on parlerait quand même de
quelque chose qui est donc juste sur nous, des temps de délais de 12 mois.
On ne peut pas parler de quotas, on veut juste parler de 12 mois. Déjà...
Pensez-vous... Imaginez-vous êtes séparé de votre femme, de vos enfants pendant
plus d'une année, ne pas faire les fêtes de fin d'année encore cette année-là.
Ici, là, c'est vraiment compliqué, là. C'est ça, nous, notre vraie doléance au
final.
M. Derraji : Oui. Donc,
là, il y a le délai de 12 mois. Mais s'il vous plaît, moi, avant d'aller
sur le futur, j'ai un problème...
M. Derraji : ...à court terme.
Le problème que j'ai, c'est que j'ai 30 000, 30 000, c'est un énorme poids sur
vous, sur les familles que vous représentez. Vous dites que, dans votre
mémoire, le collectif regroupe 300 familles, mais j'en suis sûr et certain que...
Oui, allez-y.
Mme Fiata (Cyndi) : Je pense
que c'est le point que vous aviez apporté, vous êtes sûr et certain que le
nombre a déjà beaucoup plus augmenté, oui, nous sommes déjà passés à plus de
500 familles. Et n'oublions pas que nous avons été créés au mois de juin. C'est
un collectif extrêmement jeune, mais nous sommes déjà...entre juin et
septembre, on a déjà 500 familles qui nous suivent et qui attendent des
résultats.
M. Derraji : Bien, au nom de
votre groupe, au nom de ces familles, Québec réunifié, moi, je formule la
demande officielle à ce que Mme la ministre et son équipe travaillent avec le
gouvernement fédéral très rapidement parce que ça n'a aucun bon sens. Moi, j'en
suis sûr et certain, personne, autour de la table, ne va entendre que des cœurs
brisés et que des gens avortent à cause d'une séparation. Moi, je ne pense pas
que quelqu'un va rester insensible à une séparation pareille. Je pense que nous
avons tous les moyens de régler ce problème. Comme nous étions capables de penser
autrement pour le PEQ, pensons à vous, pensons à ces gens qui sont séparés,
chacun de l'autre côté de l'Atlantique.
Maintenant, une fois ça, c'est réglé...
est réglé, avec la question des seuils avec le fédéral, ce que vos demandez,
c'est que, dorénavant, pour les futures demandes, que le Québec et le fédéral
respectent le délai qui était même avant de 12 mois, donc revenir à ce qu'on
avait avant, parce que ça marchait avant. Est-ce que c'est clair? Est-ce que
c'est ce que vous voulez?
Mme Fiata (Cyndi) : Oui, oui,
oui, tout à fait.
M. Derraji : O.K. Bon.
Mme Coursin (Nathalie) : Ça
marchait avant la COVID, oui.
M. Derraji : Ça marchait même
dans le passé... Ça marchait même dans le passé, le regroupement familial.
Écoutez, moi, j'ai terminé mes questions, mais je vais prendre quelques minutes
pour vous dire merci pour votre beau travail. Vous avez une voix à l'Assemblée
nationale. On va continuer à marteler ce message d'injustice à l'égard de ces
familles séparées, et vous pouvez toujours compter sur nous. Et de ramener vos
préoccupations à l'Assemblée nationale. Merci à vous quatre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, cette période d'échange avec l'opposition officielle
est terminée. On va finaliser le tout avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne
pour une période de quatre minutes 8 secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir pris la parole de façon
très courageuse aujourd'hui, mais aussi la semaine dernière, vous étiez dans
l'enceinte de l'Assemblée nationale. Donc, merci beaucoup. Je vous remercie,
mais vous ne devriez pas avoir à être là, hein, c'est très clair, vous ne
devriez pas être obligés d'être ici. Ça devrait être évident, ça devrait être
réglé déjà. Vous devriez pouvoir être au boulot, en ce moment, à enseigner à
nos enfants notamment. Et vous ne devriez pas avoir à prendre congé, vous
expliquer pour ce qui est si essentiel, pour ce qui est si clair.
Par ailleurs, pour ceux qui nous écoutent,
qui seraient intéressés, je souligne que je parraine votre pétition, soutenant
vos revendications, qui est disponible sur le site de l'Assemblée nationale du
Québec. Vous êtes des centaines à nous écrire sur nos réseaux sociaux. Toutes
les familles nous écrivent aussi. Alors, je vois qu'il y a beaucoup de gens qui
sont mobilisés.
Je voudrais revenir, comme vous l'avez
fait, sur ce que Mme la ministre a souligné tout à l'heure par rapport au
programme économique puis intégrer ou inclure des personnes à charge. Vous
l'avez très bien dit, il faut être résident permanent ou citoyen canadien pour
parrainer. On ne peut pas avoir une demande économique en cours. Les programmes
économiques, ça n'a aucun rapport avec la réunification familiale. Sincèrement,
sincèrement, je sais que la ministre est très bien entourée. Je ne la comprends
pas, cette explication-là, ça ne tient pas la route. Des Québécois qui sont
séparés de leurs enfants, de leurs conjoints, de leurs époux, et seul le Québec
est responsable de ça, en raison de ces seuils. Leur détresse est immense,
votre détresse est immense. Mme la ministre se dit sensible, mais, en même
temps, c'est elle qui a tout le pouvoir entre ses mains pour corriger la
situation. On est les seuls au Canada à séparer des familles aussi longtemps,
c'est vraiment tragique. Il y a des vies qui sont en suspens, vous l'avez dit,
des projets de famille qui sont retardés. Vous avez parlé de la détresse, de
la déprime, des frais, c'est vraiment troublant. 25 mois, 25 mois, pour le
Québec, versus quoi, 10 mois dans les autres provinces. Et, quand on sait qu'il
y avait, en mai, 36 000 demandes en attente, peut-être aujourd'hui 40 000, je
ne sais pas, on peut penser que les délais vont monter à 36, 40 mois. Et ça,
juste de penser que 24, en ce moment, là, c'est la pointe de l'iceberg, c'est
vraiment très troublant. C'est beaucoup trop long. Sur son site, Immigration
Canada dit, et j'ouvre les citations : «En raison de l'accord
Canada-Québec, si vous désirez habiter à Québec, au Québec, le gouvernement du
Québec doit aussi traiter votre demande...
M. Cliche-Rivard : ...Le délai
de traitement indiqué est donc différent pour cette province. C'est la seule
province qui a cette mention-là. Moi, je n'ai jamais vu ça. Je n'ai jamais vu
IRCC jeter le blâme comme ça. C'est parce que la situation est grave. J'ai
pratiqué dans ce domaine du droit pendant des années et je n'ai jamais vu ça.
Donc, j'espère sincèrement que quelque chose va être fait. Vous lancez un cri
du cœur, moi aussi, j'en lance un, cri du cœur, bien sincèrement. C'est
terrible. J'espère que vous serez entendus, sincèrement.
Et je vous laisse la dernière minute qu'il
nous reste pour vous adresser directement en conclusion à Mme la ministre.
Mme Coursin (Nathalie) : O.K.
Merci beaucoup, M. le député, pour votre soutien. Je faisais partie des
personnes qui avaient... qui étaient là la semaine passée à l'Assemblée
nationale. Et voilà, je pense que vous avez tout dit. Vous avez compris qu'on
est sur un cri du cœur. Cindi, Rydia, Kiyoshi, n'hésitez pas à dire ce que vous
pensez là.
Mme Fiata (Cyndi) : Je
voudrais rebondir sur un point. On parle beaucoup de 24 mois et de
36 mois, mais c'est important de savoir que le moment ne commence pas au
moment de déposer la demande. C'est vraiment au moment où on prend la décision
d'immigrer. Donc, 24 mois, c'est un faux délai, on rajoute des années
auparavant. C'est important de le comprendre. C'est important de le prendre en
note.
Et nous sommes ouverts à travailler avec
le gouvernement pour apporter de vraies solutions aux familles qui sont dans le
désespoir, qui sont au bord du suicide. Je le rappelle parce que c'est la
réalité dans laquelle nous sommes, présentement. Des...
Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Oui.
C'est l'une des raisons pourquoi j'ai fondé ce collectif-là. En fait, c'est
que, quand j'ai vu les délais qui ont été mis à jour sur le site d'IRCC, bien
là, écoute, déjà, de un, c'était... c'est un coup de poing dans la face.
Grosse... gros Choc, dépression, j'étais... je ne savais pas... Il n'y avait
pas de lumière au bout du tunnel. Moi, ça fait 15 mois que j'attends et il
n'y a même pas un agent qui est assigné à mon dossier. Donc...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois malheureusement vous arrêter. Tout le temps que
nous avions pour cette audition vient de passer. Il me reste à vous remercier
pour l'apport à nos travaux, vous souhaiter une bonne fin de journée.
Et, pour les membres de la commission, je
suspends jusqu'à 15 h, si ma mémoire est bonne. Bon dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 49)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 04)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques
dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation
intitulée La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.
Cet après-midi, nous entendrons les
organisations suivantes : le Réseau d'aide aux travailleuses et
travailleurs migrants agricoles du Québec, que je vois devant moi, bienvenue
mesdames, messieurs, le Groupe Orientation emploi, Axtra, l'Alliance des
centres-conseils en emploi, ainsi que le Réseau des services spécialisés de
main-d'œuvre. Donc, je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous aurez 10 minutes
pour présenter l'essentiel de votre mémoire, vos recommandations, somme toute,
et ensuite nous allons échanger avec les parlementaires, mais je vais aussi
vous demander dans ce 10 minutes-là de vous présenter. Alors, le temps est
à vous.
M. Pellerin (Daniel) : Merci.
Bonjour, Merci, Mme la Présidente, merci de nous accueillir à votre commission.
Alors, effectivement, il nous fait plaisir, pour le Réseau d'aide aux
travailleuses et travailleurs migrants agricoles d'être ici présent. Mon nom, c'est
Daniel Pellerin. Je suis président du conseil d'administration, à ma droite, Mme
Mélanie Gauvin est directrice adjointe, Michel Pilon, M. Michel Pilon,
directeur général, puis Mme Denise Gagnon, vice-présidente, finances. Alors,
bien, en deux mots, le réseau d'aide, on a entendu parler un peu dans les
médias récemment, mais tout d'abord c'est un ensemble d'associations citoyennes
qui se sont regroupées pour se donner une force nationale au niveau du Québec.
Et puis...
M. Pellerin (Daniel) : ...puis
la mission principale, évidemment, c'est d'accueillir les travailleurs
immigrants agricoles dans les fermes, tout ça, qui viennent, là, travailler
dans nos fermes, les accueillir, les accompagner aussi, les soutenir à travers
les diverses situations de vie qu'ils vivent. Puis, évidemment, bien, ça va
jusqu'à la défense collective des droits. En plus, bien, on souhaite que la
société québécoise développe un sentiment de sympathie... de respect, d'abord,
et de sympathie à leur égard, puis même, tant mieux si ça peut aller jusqu'à un
mouvement de solidarité.
C'est un travail à travers les médias,
c'est un travail... bien, d'abord, un travail directement auprès des
travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, mais un travail aussi
auprès des médias, la population en général puis aussi au plan des institutions
concernées, notamment les institutions politiques.
Bon, je pense que ça fait le tour de la
présentation. Je donnerais la parole, maintenant, à Mélanie, pour le reste de
la présentation.
Mme Gauvin (Mélanie) : Bonjour.
Merci beaucoup de nous recevoir. D'entrée de jeu, ce qu'on souhaiterait un peu
mettre de l'avant avec vous, c'est qu'on est dans des consultations sur des seuils
d'immigration, et, pourtant, il y a toute une frange qui fait partie de notre
système d'immigration qui est complètement mise à l'écart dans ces
consultations-là, et on parle des travailleuses, travailleurs étrangers
temporaires.
Moi, je vous amènerais à regarder le
recueil statistique qui a été fourni en même temps que le document de
consultation, sur lesquels on vient témoigner aujourd'hui. À la page 85, on a
un très beau portrait, sur une base annuelle, du nombre de permis de travail
temporaires qui sont émis. En 2016, il y avait 12 200 permis qui avaient été
délivrés, des permis de travail temporaires. En 2023, on est à 38 500 permis
délivrés de travailleurs étrangers temporaires.
Donc, quand on se questionne et qu'on se
consulte sur des seuils d'immigration, est-ce qu'ils vont être de 40000, 50000
ou 60 000, je pense qu'on ne peut pas non plus passer à côté que, bien, en
2022, il y en avait près de 40 000 qui avaient des permis temporaires de
travail. Donc, ils doivent être inclus dans ces consultations-là, on doit en
tenir compte par la suite, pour la suite des travaux.
Et je vous dirais que seulement que par le
RATTMAQ, on en a accueilli 17 500 à l'aéroport de Montréal depuis le 1ᵉʳ
janvier 2023. Donc, ça ne tient pas compte de ceux qui sont arrivés avant, mais
on a une très bonne comptabilisation statistique des travailleurs qu'on
rencontre depuis le 1ᵉʳ janvier et on est à 17 500 en date d'hier.
Alors, aussi, ça m'amène à souligner
l'importance du financement des organismes, du financement des organismes qui
interviennent auprès de ces travailleurs. Et, également, si on peut se
permettre de dire l'importance aussi d'aller récupérer les fonds fédéraux pour
qu'ils soient remis à des organismes du Québec et non répartis par des
organismes qui assurent la transition de ces sommes-là. Donc, l'importance
d'aller chercher les sommes aussi accordées par le fédéral pour les ramener et
les injecter dans les bons organismes ici, au Québec.
M. Pilon (Michel) : Alors,
Michel Pilon, directeur général du RATTMAQ. Je fais une autre partie, moi, je
m'occupe beaucoup des questions de droits de ces travailleurs-là. On les défend
d'ailleurs devant les tribunaux, donc, Tribunal du travail, principalement, et
on dépose des plaintes aux normes et des cas d'accident de travail non
déclarés. C'est plus de 522 dossiers, actuellement, au RATTMAQ, qu'on a
travaillés au cours de la dernière année, c'est quand même énorme, et ce n'est
que la pointe de l'iceberg, dans le sens que les travailleurs en général ont
peur de déposer des plaintes, parce que, justement, ils ont des permis fermés.
De là mon propos sur les permis fermés. Le RATTMAQ veut l'abolition des permis
fermés. Pour nous, c'est de l'esclavagisme moderne tel que dit par le
rapporteur général, tout dernièrement, d'ailleurs — le RATTMAQ a fait
des représentations auprès du rapporteur général le 2 septembre dernier.
• (15 h 10) •
Autre chose aussi qu'on demande, c'est,
bien sûr... la promotion, bien sûr, des droits des travailleurs. Les informer
de leurs droits, c'est important. C'est ce qu'on fait, d'ailleurs, à l'aéroport
de Montréal, en leur donnant un agenda, que je peux d'ailleurs vous montrer
ici, un bel agenda avec toutes les informations, avec des codes QR sur les
droits ici, au Québec. Ça leur permet aussi de mettre leurs heures de travail,
parce que, si jamais il y avait une problématique, devant les tribunaux, quand
c'est pris d'une façon contemporaine, c'est considéré comme une preuve. Alors,
c'est quand même quelque chose d'intéressant.
Autre chose aussi, on demande aussi la
régularisation des personnes. Nous sommes...
M. Pilon (Michel) : ...d'accord,
et bien sûr, à cette régularisation-là. On souhaite, bien sûr, un statut plus
large, inclusif et permanent pour les travailleuses et travailleurs migrants
agricoles et de la transformation alimentaire. Beaucoup, malheureusement, se
sont retrouvés comme des sans-papiers du jour au lendemain à cause du système
de permis fermé, et malheureusement, on est obligés... souvent, ils sont
obligés, eux autres, de travailler au noir. Comme par exemple, du côté de la
Ferme Jean Lemay, là, je ne sais pas si vous avez vu La facture cette semaine,
ça a été assez éloquent de la manière qu'on traite ces personnes-là.
Malheureusement, M. Lemay continue encore ses frasques si... Vous allez encore
à Saint-Jude, il y a encore des autobus de travailleurs qui n'ont aucun permis
de travail et qui vend un peu partout, bien sûr, encore aujourd'hui.
Enfin, on parle, bien sûr, d'accorder à
l'ensemble des travailleurs étrangers un accès égal et inclusif à la résidence
permanente. Ce que nous souhaitons, c'est que ces travailleurs puissent avoir
accès. Et je vous donne un exemple, comme Edyn, dans le film Essentiels, qui a
été ici pendant 10 ans, qui a appris le français, qui a réussi son niveau huit
et qui n'a pas accès à la résidence pendant, qu'il voudrait que sa famille
viennent vivre ici, et je pense que c'est un candidat qui serait très
intéressant pour le Québec. Alors c'est quand même quelque chose d'important.
Et, quand on parle de régionalisation, il
est dans les régions, alors ses enfants iraient étudier dans des écoles
francophones, dans des villages francophones, et deviendraient des francophones
du jour au lendemain.
Enfin, je vais conclure avec ça, nous
demandons, bien sûr, une augmentation progressive, là, de la résidence
permanente en 2024. On souhaiterait qu'on augmente, bien sûr, le nombre
d'immigrants ici, au Québec. Moi, je pense que c'est une question aussi, par
rapport au reste du Canada, où le Québec pourrait perdre, dans le fond, aussi
son poids démographique par rapport au reste du Canada. C'est quand même
important qu'on le fasse, mais qu'on le fasse bien, avec la francisation. Le
niveau de français que nous, nous souhaitons... on souhaiterait un niveau
quatre pour les travailleurs, bien sûr, agricoles. Il faut comprendre qu'on n'a
pas besoin... un niveau 7, pour un travailleur agricole qui travaille dans le
champ, un simple niveau quatre, un français fonctionnel pour pouvoir travailler
je pense que ça serait, pour nous, suffisant.
Mme Gagnon (Denise) : Merci.
Bonjour. Denise Gagnon, je suis vice-présidente par intérim. On sort, en fin de
semaine, de notre assemblée générale, donc on a des renouvellements au C.A.
Moi, j'ai une expérience beaucoup en solidarité internationale, ça fait qu'à ce
titre-là, évidemment, je suis en appui, là, au conseil d'administration, sur
les questions de normes fondamentales du travail, les conventions
internationales. D'ailleurs, cette année, on organise, au mois de décembre, le
jour... le 18 décembre, Jour mondial des travailleurs migrants, une conférence
internationale sur le sujet dans le cadre du 20ᵉ anniversaire de la convention,
non ratifiée par le Canada, sur les droits des travailleurs migrants et de
leurs familles. Donc, il y aura des invités du Guatemala, du Mexique, et tout
ça.
Donc, à ce titre là, évidemment, vous
allez constater dans le mémoire, on demande la ratification. Le Québec siège à
côté du Canada, Genève. Moi, j'y ai été quelques années, donc je sais qu'on a
notre voix aussi concernant les normes fondamentales du travail et qu'on peut
influencer le gouvernement canadien sur ces questions-là, et notamment les
travailleurs et les employeurs, pour ce qui est du travail. Donc, les
conventions 97, 143.
Sur les permis, bien, on est enchantés,
cette semaine, de constater une certaine ouverture à des alternatives aux
permis fermés, parce que c'est vraiment un modèle toxique, puis pas juste au
Canada, dans d'autres pays aussi, qui amène les travailleurs à ne pas dénoncer
les sévices qu'ils subissent, ou les abus, ou les problèmes de droits, et tout
ça. Et puis, à cet égard-là, on remercie beaucoup le ministère de l'Immigration
qui soutient notre travail aussi. On a plusieurs autres financements, mais on
arrive quand même, de l'aéropot jusqu'à leur retour, à les accompagner
là-dedans, et ça nous permet, là, d'appuyer les démarches du Québec dans
l'application des droits, comme Michel l'a mentionné. Donc, on va vous laisser
les questions.
Sur la question du français, bon, moi, je
ne suis pas une spécialiste de là, question, mais je sais très bien qu'on a...
dans nos rangs, puis même à notre conseil d'administration, on a un travailleur
étranger qui a appris son français par des trucs Internet, là... Lingo, puis tout
ça, et puis il a un français excellent. Il a travaillé dans plusieurs firmes,
autant à Rimouski qu'à Chicoutimi. On a été faire la tournée à Saint-Félicien,
et les gens veulent s'intégrer. Ils sont déjà dans les régions. Alors, si j'en
crois M.... qui nous dit récemment, dans l'Actualité, que régionaliser, c'est
difficile...
Mme Gagnon (Denise) : ...bien,
nous autres, là, avec les travailleurs qu'on représente actuellement, ils sont
dans les régions, ils sont associés aux différents groupes de la société
civile, que ce soit, des fois, au niveau religieux aussi, au niveau de
l'Amérique latine, c'est très... une communauté très pratiquante. Des fois,
c'est par ce réseau-là ou d'autres réseaux. Donc, on vous invite à considérer
sérieusement cette masse de personnes qui veulent être ici, qui veulent
continuer à travailler et ne pas négliger la question de la réunification
familiale. Parce que ce... un défi majeur, là, quand tu laisses tes enfants
puis tu ne les vois pas avant qu'ils soient rendus à l'université, là. Ça pose
un problème, là, sérieux de santé mentale aussi pour ces personnes-là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. Alors, sans plus
tarder, je vais me tourner du côté de la ministre qui a laissé un petit peu le
temps aller, là, pour vous laisser terminer votre présentation. Alors, Mme la
ministre, il vous reste 14 minutes 56 secondes.
Mme Fréchette : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bien, merci, un grand merci à vous quatre. Je suis
très contente d'avoir l'occasion de vous revoir. On s'était rencontré déjà, à
nos bureaux et M. Pilon aussi lors de mes rencontres régionales en région. On
s'est revu quelques fois, donc merci beaucoup et surtout merci pour votre
travail. Merci pour votre engagement parce que vraiment vous travaillez à
diffuser une information qui est cruciale pour la qualité de vie des personnes
qui viennent travailler ici d'une manière saisonnière. Donc, un immense merci
pour ça, parce que ça joue positivement sur des parcours de vie, des trames de
vie. Puis je pense que vous permettez de mieux faire connaître la société
québécoise dans ce qu'elle a à offrir en termes de protection des droits. Et
ça, c'est important que les gens associent le Québec à une protection des
droits pour des travailleurs étrangers également. Donc, un grand merci pour ça.
Bien contente que vous participiez à cet exercice. Vous nous l'aviez annoncé,
M. Pilon, et que vous alliez être là, alors on y est. Et merci aussi pour,
bien, votre appui, vos commentaires positifs, là, sur la démarche que l'on a
entreprise avec le Comité des partenaires du marché du travail, c'est un
exercice qui va être important de mener et de voir à bien identifier l'ensemble
des alternatives... bien, des impacts, d'une part, dont vous nous parlez
régulièrement, des permis de travail fermés, des situations de vulnérabilité
que ça peut faire surgir, et puis également des alternatives, des voies de
solution qu'on pourra considérer. Nous, c'est sûr que, par la suite, bien, on verra
à travailler ça avec le fédéral, qui est celui, donc, qui émet les permis de
travail. Donc, il y a des discussions importantes qui seront à venir par la
suite, mais au moins d'avoir un portrait clair sur les outils qui sont à notre
disposition pour des alternatives, ça, ça va être un exercice important. Donc
merci pour ça.
Je vous amène à partir d'ici sur, bien,
votre mémoire en fait. Bien, vous avez vu notamment qu'avec le programme de
sélection des travailleurs qualifiés, le PSTQ, qui remplacera le PRTQ, on a
vraiment veillé à développer une passerelle qui permettrait à des gens pour qui
la résidence permanente, actuellement, est très difficile d'accès, d'avoir un
pont, une passerelle, donc, qui les mènera vers la résidence permanente. Donc,
ça, c'est une création qu'on a présentée au printemps dernier. J'aimerais vous
entendre sur la réelle possibilité que ça offrira, de votre point de vue, pour
les personnes qui ont des compétences manuelles et intermédiaires pour
atteindre la résidence permanente. Puis on a justement veillé à moduler la
connaissance, les exigences en matière de français. Donc, on les a rabaissées
au niveau cinq pour la connaissance orale et il n'y a pas d'exigence pour la
connaissance du français écrit... qui soit associé, donc, aux professions à
compétence, soit manuelle ou intermédiaire. Donc, est-ce que, pour vous, d'une
part, vous voyez ça positivement? Et quel est votre... l'impact que vous
prévoyez, là, quant au développement de ce volet deux du PSTQ?
M. Pilon (Michel) : Bien,
grosso modo, Mme la ministre, que ce soit le niveau cinq ou le niveau quatre,
on parle du niveau quatre, nous, parce que, dans le reste du Canada, c'est un
niveau quatre qu'on demande. Alors, pourquoi ce serait différent au Québec?
Mais là... c'est-tu à cause du français? Je n'ai pas de problème. Si vous me
parlez que le niveau cinq, c'est seulement à l'oral, c'est déjà quelque chose
d'intéressant...
Mme Fréchette : À l'écrit, il
n'y a rien de prévu.
• (15 h 20) •
M. Pilon (Michel) : Oui, oui,
tout à fait, au niveau... si jamais... uniquement au niveau de l'écrit, là, je
me poserais des questions, mais je pense que ce qu'on a besoin, au niveau de
ces travailleurs-là, c'est un français fonctionnel oral, simplement. Et de ce
côté-là, on est prêt à reconnaître cette partie-là sans aucun problème. Comme
je vous dis, la... d'emblée, avant, ces travailleurs-là n'avaient même pas
accès à la résidence permanente. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'ils l'aient.
Comme je vous dis, je pense que vous avez vu le film Essentiels, Eddy a vu sa
famille trois mois sur 10 ans, ce n'est pas normal, c'est... écoutez, il
est ici 11 mois et demi par année à travailler et il retourne deux
semaines, c'est...
M. Pilon (Michel) : ...Semaines
de vacances ou, quand il a eu trois ans, c'étaient trois semaines, là, il
retournait trois semaines, mais ce n'est pas une vie familiale, ça. Lui, ce
qu'il veut, c'est voir sa famille, ses enfants, voir ses enfants, apprendre le
français puis de venir vivre ici. Puis je pense qu'il a fait un très bon
travail. Il a prouvé ici aux Québécois qu'il avait sa place ici.
Et c'est dans ce sens-là que je souhaite
cette ouverture-là vers les travailleurs temporaires, tout simplement, et de
bas salaires. Parce que, bien sûr, on parle, bien sûr, ces travailleurs-là, de
bas salaires. Parce qu'on en a autant besoin, d'eux, que des universitaires
puis des ingénieurs, et tout ça, là, bien, je pense qu'on a autant besoin d'eux
qu'on a besoin de médecins puis d'ingénieurs ou d'infirmières ou de préposés
aux bénéficiaires. Donc, c'est dans ce sens-là. On veut, dans le fond, qu'on
reconnaisse le droit à tous les travailleurs temporaires, quelle que soit la
manière qu'ils sont arrivés ici ou sur quel programme, à la résidence
permanente.
On est très conscients qu'il faut qu'ils
apprennent le français. Puis moi, je suis un francophile, j'y crois aussi. Moi,
je pense qu'un immigrant doit apprendre le français lorsqu'il vient vivre au
Québec, et ça fait partie, bien sûr, de notre ADN.
Et d'ailleurs on... Peut-être, tu pourrais
peut-être en rajouter un petit peu plus.
Mme Gauvin (Mélanie) : J'aurais
peut-être quelque chose à compléter.
M. Pilon (Michel) : Vas-y.
Mme Gauvin (Mélanie) : si je
peux me permettre aussi de dire que ça va être important, on a beau dire qu'on
abaisse le niveau de français et que ça va être un Français oral et non écrit,
mais il faut aussi donner des moyens aux entrepreneurs, aux entreprises, à nos agriculteurs
d'être capables d'accorder des temps de francisation. Il y a des programmes, il
y en a un, récent, entre autres, où est-ce qu'on peut libérer des gens pour
qu'ils puissent faire de la francisation en milieu de travail, mais les
programmes, bien qu'ils peuvent exister, il faut qu'ils soient utilisés. Et
donc il y a du travail à faire à ce niveau-là, ce qui n'est pas du ressort de
notre mission à nous. Mais, même obtenir un niveau de français 5, ça a...
c'est quand même... Il y a quand même des niveaux de difficulté de liés à ça.
Pour des travailleurs qui vont faire des 15 h par jour, des 60, 70 h
par semaine, trouver les 3 h par jour nécessaires à faire un peu de
francisation, ça peut s'avérer difficile. Le processus peut être long, même si
c'est seulement qu'à l'oral. Donc, il faut absolument que ces programmes-là
soient mis en œuvre ou que... des programmes spécifiques de mis en œuvre. Il y
a de la grille francisation, oui, mais il faut encore développer davantage pour
qu'ils puissent réussir à obtenir leur niveau de français.
Mme Gagnon (Denise) : S'il y
a une chose que la covid nous a apprise, parce qu'on sort d'une période quand
même assez difficile, là, sur les chaînes d'approvisionnement mondiales, c'est
que la question de la sécurité alimentaire implique aussi des travailleurs
qualifiés. On a beau dire bas salaires, non qualifiés, mais il n'en demeure pas
moins, et puis ça, on s'entend, la table de concertation avec l'UPA puis les
différents partenaires, que c'est un travail qualifiant, tu sais. Tu vas
travailler dans une ferme ou dans une usine de transformation alimentaire, ça
exige des qualifications professionnelles aussi. Ça fait que je veux juste ne
pas tomber dans «ce n'est pas des travailleurs qualifiés». Non, ils ont leurs
qualifications propres.
Et ce qu'on a appris, c'est que... ce qui
a donné suite au film Essentiels, cette chaîne d'approvisionnement là, elle est
majeure. L'Association québécoise de coopération internationale tient, toute
cette année, son thème sur la sécurité alimentaire, puis on va participer avec
eux, là, pour ce secteur-là pour faire des échanges.
L'autre chose qu'on a apprise aussi
pendant la covid, c'est qu'on dit aux employeurs : Il faut libérer les
gens un peu sur leur temps de travail. Peut-être avant qu'ils commencent leur
travail, une semaine ou deux avant, pour au moins qu'ils apprennent les droits
civiques, un peu, les principes de français. On en fait un peu, de
francisation, on n'est pas un organisme de francisation, mais on en fait. Et on
avait développé, avec un organisme communautaire, un modèle particulier
d'accueil. Puis là, il nous disait : Bien non, ce n'est pas possible, là.
Alors, la covid... on a fait venir les travailleurs deux semaines à l'avance
pour les isoler puis leur dire comment prendre soin puis ne pas contaminer
personne, puis tout ça. On pourrait faire la même chose pour qu'ils aient un
apprentissage minimal de base sur ne serait-ce que la culture du travail en
français.
Prenez par exemple la lecture des produits
toxiques dangereux, les pesticides. Bien, Si tu ne peux pas lire les consignes
de danger, tu mets ta santé et sécurité en péril, là. On a vu, on a un
travailleur, on a gagné une cause qui est maintenant bien connue sur la
contamination d'un travailleur. Bien, peut-être, s'il avait été en mesure de
comprendre ces consignes-là, il aurait eu moins de difficultés ou moins de
contamination.
Donc, on pense que oui, c'est faisable. La
covid nous a enseigné qu'ils sont des travailleurs essentiels, ils sont
qualifiés, puis il y a moyen, avec les employeurs, qu'on s'entende. Parce
qu'actuellement ils n'ont pas de voix, ceux qui ne sont pas syndiqués, surtout,
parce qu'en plus on les a désyndiqués dans le Code du travail, là, pour les
petites fermes. Alors, il faut leur donner cette voix-là puis la possibilité de
s'organiser pour accéder à ces belles passerelles, là, qu'on vient d'ouvrir,
là, pour eux...
Mme Fréchette : ...Bien, je
suis contente de vous entendre parce que ça allait être ma prochaine question.
La francisation, quand j'en entends parler en lien avec le milieu agricole, on
me dit : Ah, non, mais ça, il faut oublier ça, ce n'est pas possible, là,
ils n'auront pas le temps, ils n'auront pas le temps. Vous, vous pensez qu'il y
aurait moyen quand même de dégager un peu de temps quand ils sont ici? Mais
moi, je pense qu'aussi en amont, avant même qu'ils n'arrivent au Québec... puis
là vous parlez de peut-être arriver quelques jours avant, ça, c'est une option,
peut-être, mais aussi avant qu'ils ne quittent leur pays d'origine, s'ils
peuvent avoir des cours de francisation, ça aidera pour leur intégration quand
ils arrivent ici, ou peut-être une fois qu'ils sont retournés aussi, de
poursuivre la francisation.
Mme Gagnon (Denise) : Oui, de
poursuivre effectivement, parce que le modèle... Je sais que les syndicats,
les... notamment, ont négocié au Mexique, là, dans le cadre de nos accords de
libre-échange, et tout ça, mais avec les États pour savoir où ils venaient
travailler. S'ils viennent au Québec, c'est sûr que c'est une dynamique
différente que dans les autres provinces. Ça fait qu'il y a moyen de faire un
peu de travail en amont, puis il y a moyen de faire un peu notre travail à
l'accueil aussi, puis dans le cadre des fonctions. Au moins, il y a des fonctions
essentielles qui doivent être comprises dans le français, là, en matière de
prévention des lésions professionnelles.
Mme Fréchette : Est-ce qu'il
y en a qui le font déjà pendant les semaines où les travailleurs sont ici?
Est-ce que des mesures de francisation, ça existe?
Mme Gagnon (Denise) : Oui,
oui, ça existe. On en fait à Québec.
M. Pilon (Michel) : Oui, on
en donne actuellement. On en fait à Québec et on a un projet pilote
actuellement à l'Île d'Orléans. C'est très populaire. Je vous dis que les
travailleurs veulent apprendre le français, ils désirent... Bien sûr, quand tu
travailles 12 heures par jour, ce n'est pas toujours évident, mais leur
journée de congé, ils la passent à venir à nos ateliers de français à l'Île
d'Orléans. Il y a eu un reportage d'ailleurs de Radio-Canada là-dessus qui
était vraiment excellent. Et c'est l'équipe du RATTMAQ, d'ailleurs, de Québec
qui a parti ce projet pilote et c'est très populaire. Et maintenant, on a des
bénévoles aussi qui viennent nous donner un coup de main aussi au centre
communautaire à l'Île d'Orléans. C'est vraiment exceptionnel. Il faudrait les
reproduire ces types de situations là.
Mme Fréchette : Propager la
bonne nouvelle.
M. Pilon (Michel) : Oui.
Mme Fréchette : Vous êtes bon
là-dedans, là, diffuser l'information, ça fait que si vous pouvez la diffuser
au sein de votre réseau, ça donnera l'idée à d'autres, certainement, sachant
que ça se fait.
M. Pilon (Michel) : Exact,
exact, mais je vous le dis, les travailleurs veulent apprendre le français, ils
veulent.
Mme Fréchette : Oui. Bien,
ça, on le constate parce que, quand on regarde la ruée qu'il y a eu pour les
inscriptions à Francisation Québec, manifestement les gens répondent à l'appel,
puis ils veulent être en action, et il y a beaucoup de travailleurs temporaires
qui se sont inscrits.
Mme Gauvin (Mélanie) : Mais
avec la participation des employeurs aussi, il y a moyen de libérer des
travailleurs, d'aller chercher des fonds pour ne pas qu'ils ne soient perdants
puis qu'en même temps, ils puissent les libérer sur leurs heures de travail
pour faire quelques heures de francisation, ça serait gagnant-gagnant aussi. Tu
sais, nous, on a des formes d'ateliers, mais... oui, c'est une forme de
francisation, mais on est... on n'est pas... ce n'est pas comme faire une
francisation, là, sur une base... à tous les jours, 2 heures par jour ou
3 heures par jour, là. Donc... mais puis ça, il y a des programmes qui
existent. On nous en a présenté un il y a à peine quelques mois, là, où est-ce
que c'est possible de faire des demandes pour être capable de libérer sur les
heures de travail, puis que l'employeur ne soit pas perdant là-dedans, puis en
même temps que les personnes puissent se former en français, mais il faudrait
publiciser ça, puis il faudrait qu'il y ait aussi un engagement de leur part,
là, de ce côté-là pour faire en sorte que ces travailleurs-là puissent
apprendre le français.
Mme Gagnon (Denise) : À
Montréal, on avait un projet qu'on a déposé au fédéral, mais qui est tombé
lettre morte, là, sur un programme adapté à l'accueil, là, des travailleurs
avec Judith Giguère, là, et son organisation, puis on n'a pas pu aller plus
loin que ça. Parce que, là, bon, Mélanie l'a mentionné tout à l'heure, je pense
qu'on devient contre-productif, là, si on ne prend pas notre place dans
l'Accord Canada-Québec puis aller chercher ce dont on a besoin au Québec pour
franciser notre monde, là. Je pense que ça, c'est important.
Mme Fréchette : Bien, merci
pour ça. Alors, Mme la Présidente, je vais céder le droit de parole à mes
collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, je me tourne du côté de la collègue de
Lotbinière-Frontenac. Il vous reste 1 min 45 s.
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) :
D'accord. Merci. Justement, ma question portait sur la francisation.
Comment vous voyez l'engagement des employeurs?
• (15 h 30) •
M. Pilon (Michel) : Bien, je
ne vous cacherai pas que c'est difficile avec les employeurs. Pour les
employeurs, ces travailleurs-là sont là pour travailler et, bien sûr, ils
veulent le maximum d'heures là-dessus, que ce soit bien sûr au profit des...
Alors, la journée où on leur parle de les libérer, ça devient un peu plus
problématique. Alors, dans ce sens-là, Mélanie en a parlé, ce qu'on souhaite,
c'est des programmes qui vont permettre justement à ces travailleurs-là... à
l'employeur de ne pas perdre et, d'un autre côté, aux travailleurs de pouvoir
se faire franciser. Donc, ça, c'est des temps de libération pour les
travailleurs. Il n'y a pas d'autre manière de le faire. On le fait, comme je
vous dis, d'une façon... à l'Île d'Orléans, d'une façon...
15 h 30 (version non révisée)
M. Pilon (Michel) : ...vraiment
sommaire. Ce n'est vraiment pas quelque chose qui est pour obtenir
nécessairement un niveau quatre, là, mais c'est un français de base qu'on
commence avec eux. Puis éventuellement, lorsqu'ils vont prendre des cours, ils vont
pouvoir améliorer, bien sûr, leur niveau pour se rendre au niveau quatre. Parce
que l'objectif des travailleurs, c'est de venir vivre avec leur famille ici, c'est...
et beaucoup pensaient que, ces dernières années, que les travailleurs, non,
non, voulaient retourner, ils ne voulaient pas revenir ici. Ils envient
beaucoup notre système d'éducation, de santé, ce qu'ils n'ont pas au Guatemala,
là. Et ils ont envie de voir leur famille. Ils ont envie que leurs familles
viennent vivre ici, qu'ils apprennent le français puis qu'ils deviennent des
Québécois et Canadiens comme tout le monde. Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Alors, on va... on a fini
cette première portion d'échange. On va se tourner du côté de l'opposition
officielle avec 12 minutes 23 s., et c'est le député de Nelligan.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à vous quatre. Je vais prendre quelques secondes pour vous
remercier. Je sais que vous êtes un acteur... je parle de vous M....
M. Pilon (Michel) : ...
M. Derraji : Pilon, merci
pour votre intervention et surtout tout ce que vous faites au nom de ces
travailleurs temporaires étrangers. Je vous suis depuis quand même un bout et
je tiens à vous saluer et à saluer les membres qui vous accompagnent. J'ai été
interpellé par votre intervention. Vous êtes en commission parlementaire où il
y a deux scénarios sur la table, depuis le mois de mai, je disais qu'il y a un
scénario qui est absent, c'est le scénario des travailleurs temporaires
étrangers. D'ailleurs, j'ai déposé un projet de loi. Je ne sais pas si vous l'avez
vu, si vous ne l'avez pas vu, je peux vous l'envoyer. Et aujourd'hui pour le
bénéfice des membres, vous avez dit que vous êtes allé chercher vous-même,
votre organisme, 17 000 personnes à l'aéroport.
Mme Gauvin (Mélanie) : ...depuis
le 1ᵉʳ janvier 2023.
M. Derraji : Non, mais...
faire la division par jour, là, c'est énorme.
Mme Gauvin (Mélanie) : En
fait, c'est qu'on est présent pour les accueillir, on leur remet l'agenda que
tantôt Michel vous a présenté. Et puis systématiquement, on a comme raffiné nos
procédures et nos processus et on obtient leur accord pour prendre leur nom et
leurs coordonnées, ce qui nous permet de développer des tableaux de bord par la
suite pour savoir où ils s'en vont. Parce que c'est... ici, on parle... il y a
des enjeux de données quand on parle de travailleurs étrangers temporaires.
M. Derraji : Bravo!
Mme Gauvin (Mélanie) : Je
crois qu'on n'est pas les seuls à vouloir ces données-là. Donc, ça nous permet
aussi de dresser des portraits sur... dans quelle région, dans quelle
entreprise... on a même les données par MRC par la suite. On a une équipe qui
fait un travail extraordinaire là-dessus et c'est 17 500 à qui on a remis
quelque chose.
M. Derraji : Je tiens à vous
remercier au nom de ces personnes. Vous êtes la porte d'entrée pour ces
travailleurs qui nous aident à avoir les prix qu'on a sur nos tablettes. C'est
beaucoup de travailleurs agricoles, si ma mémoire, elle est bonne. D'ailleurs,
je tiens à saluer un organisme sur la Rive-Sud, complexe X, je ne sais pas si
ça vous dit quelque chose, qui a organisé un grand tournoi de soccer, j'étais
invité à la finale. C'était merveilleux de voir beaucoup de jeunes travailleurs
et ça a été des célébrations magnifiques et je partage ce que vous avez dit sur
leur volonté. Ils veulent... une bonne partie veulent rester, veut savoir
comment, et c'est là où je veux... j'aimerais vous ramener. Ce n'est pas toutes
les catégories à qui on peut donner une suite pour une résidence permanente.
Ça, vous le savez. Maintenant, vu l'absence de la discussion sur les
travailleurs temporaires étrangers... en fait, on en discute, il y a beaucoup
de groupes, vous n'êtes pas le premier groupe qui nous ont sensibilisés par
rapport à ça. S'il y a quelque chose que vous aimeriez avoir dans la
planification qui ne figure pas par rapport aux travailleurs temporaires
étrangers, ça serait quoi?
M. Pilon (Michel) : Bien, une
façon... on l'a dit dans notre mémoire, ce qu'on souhaite, c'est que ces
travailleurs-là aient accès, au moins un accès à la résidence permanente avec
le niveau de français qu'ils ont besoin. La plupart... on a... en fin de
semaine, on avait une petite exposition sur des travailleurs. C'est une
photographe qui a fait un peu l'histoire de ces travailleurs-là. Il y en a au
total 54, mais on en avait une vingtaine à peu près, là, en fin de semaine à l'île
d'Orléans. Et une des particularités de ce que les travailleurs nous parlaient,
c'est de vouloir être avec leur famille, de vouloir que leurs familles viennent
au Québec, y vivre. Je pense que c'était... ils étaient unanimes. Ils se
disaient tous la même chose. Ils voulaient que leurs familles viennent ici, ils
s'ennuient leur famille. Vous savez, il y a des travailleurs ici qui sont 11 mois
et demi... ils ont des contrats de deux ans...
M. Pilon (Michel) : ...sont
11 mois et demi par année ici. Ce n'est pas normal qu'un père de famille
ne voie pas sa famille pendant 11 mois et demi de temps. C'est ça que
moi...
M. Derraji : ...les débats
hier et aujourd'hui, notamment, je fais référence à Québec réunifié, le groupe
de ce matin, nous sommes rendus à 36 000...
Des voix : ...
M. Derraji : Québec réunifié.
36 000, 36 000 demandes en attente au fédéral par rapport au regroupement
familial. Le regroupement familial, comme vous le savez, fait partie des seuils
aussi. Donc, c'est comme un cercle vicieux. Et c'est là où votre présence dans
cette commission, cette fois-ci, elle est tellement importante parce que cette
réalité de travailleurs temporaires étrangers, ce n'est pas tout le monde qui
est au courant. Ça nous a pris un grand effort pour vulgariser ça. Les gens
pensent qu'il y a un seul moyen d'entrer, tout le monde devient en tant
qu'immigrant. Il y a beaucoup de catégories. Le problème, c'est que nous sommes
en train d'agir et de répondre à des besoins permanents. Quand vous êtes en
train de me dire que c'est des deux ans, des contrats, avant, les gens avaient
en tête des travailleurs agricoles saisonniers, trois, quatre mois. Quand on
est rendus sur des deux ans avec des permis fermés, vous avez bien évoqué les
problèmes des permis fermés, là c'est du permanent.
Et là, j'ai le goût de vous poser une
question : Est-ce qu'avec les employeurs que vous êtes en contact et vous
parlez, est-ce que les prévisions futures, c'est des besoins permanents ou des
besoins temporaires?
M. Pilon (Michel) : Bien, ce
que je peux vous répondre là-dessus, c'est que dans le domaine agricole, il y a
deux sortes, hein? Là, on parle du saisonnier, le saisonnier dans le maraîcher,
par exemple, ils sont à peu près ici huit mois, quand qu'on parle, bien sûr,
des Mexicains. Avec le programme des travailleurs saisonniers, le PTET, là,
qu'on appelle le travailleur temporaire, eux peuvent être là plus longtemps.
Et, dans le domaine animal, par exemple,
porc, poulet, les oeufs, tout ça, c'est du 12 mois par année qu'ils sont
ici. Dans les serres, c'est du 12 mois par année, c'est de l'agricole. Et
je ne vous parlerai même pas de toute la transformation alimentaire. Quand
qu'on parle d'Olymel, quand qu'on parle, les centres d'abattage, et tout ça,
ces travailleurs-là ont des contrats de trois ans. Ils retournent seulement
deux semaines par année voir leur famille.
C'est ça, la situation. C'est pour ça
qu'on souhaite que ces travailleurs-là puissent avoir accès à cette résidence
et d'améliorer leur sort aussi. C'est un peu normal de vouloir améliorer son
sort puis améliorer le sort de leur famille, qui est dans des...
malheureusement, qui sont dans des pays pauvres. Et ce n'est pas normal pour
moi qu'un père de famille, moi-même je suis père de famille, je suis même
grand-père, et ce n'est pas normal de ne pas voir ses enfants pendant
11 mois et demi de temps. C'est ça qu'on veut, que ça change. On veut
qu'on reconnaisse le droit de ces travailleurs-là de pouvoir immigrer en
apprenant le français, bien sûr, et qu'ils puissent avoir accès, avoir un accès
à la résidence permanente.
M. Derraji : ...Vous
voulez... elle veut ajouter quelque chose, oui.
Mme Gagnon (Denise) : Écoutez,
c'est difficile de dire une chose parce qu'il y a des enjeux. Moi, j'ai une
vision de droit, hein, je suis juriste. Ça fait que moi, si on respecte le
droit au travail décent puis nos engagements internationaux à l'égard du
travail décent... ce qui veut dire quoi? Ce qui veut dire respect des normes du
travail, égalité en emploi, protection sociale, ça, le Québec l'a. Là où on
n'est pas, c'est dans le dialogue social. Nous, on est la porte d'entrée, vous
le dites, bien, on veut être capable d'apporter notre voix. On a essayé
d'approcher, voilà deux ans, la Commission des partenaires du marché du
travail, on dit : On ne s'occupe pas de ça, c'est des temporaires. Ça fait
que le dialogue social...
M. Derraji : ...attendez,
attendez, si vous permettez, je vais vous arrêter une seconde.
Mme Gagnon (Denise) : Oui,
bien sûr.
M. Derraji : Vous avez vu le
communiqué de presse de Mme la ministre hier. Là, ils parlent de donner le
mandat à la CPMT d'étudier... Mais vous êtes en train de me dire qu'ils vous
ont dit, ils ne s'occupent pas des travailleurs temporaires.
• (15 h 40) •
Mme Gagnon (Denise) : Non,
non, non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que, par le passé, parce qu'on
n'en tenait pas compte. La Commission des partenaires du marché du travail a
dit : Bien, non, vous ne pouvez pas être à la table. Mais nous, on pense
que... on a insisté pour être à la table parce que... vous avez vu la quantité,
à tous les deux ans, ça double et ça tourne dans tous les secteurs, on a une
expertise puis on veut la faire valoir. On est à la table des partenaires, des
TET, avec AGRIcarrières, mais je pense qu'on a cette expertise-là aussi dans
chaque MRC, où sont les travailleurs, quels sont leurs besoins? Ça fait qu'on
veut être associés à ça. Moi, si je sortais d'ici, un voeu que j'aurais, c'est
qu'on soit associé à ce dialogue social puis c'est le quatrième pilier du
travail décent, c'est de donner une voix aux travailleurs qui ne sont pas
attendus.
M. Derraji : Et je vous le
dis, en tout respect, continuez ce combat. C'est un combat qui est juste parce
qu'on parle des travailleurs...
M. Derraji : ...elle n'est pas
une marchandise, c'est des gens qui choisissent de venir. Ils font confiance.
On parle du Canada, à l'échelle internationale, on parle du Canada, les gens
ont le choix d'aller ailleurs, mais ils ne veulent pas aller ailleurs, ils
choisissent de venir travailler chez nous. Mais, quand on voit que, pour la
première fois, un rapporteur des Nations unies vient au Canada et au Québec
dire des choses pareilles, écoutez, ce n'est pas bon pour l'image de marque du
Canada. Et je ne dis pas, vous l'avez très bien dit dans le reportage hier...
c'est que je ne dis pas que c'est tous les employeurs qui font ça, il y a une
minorité, mais il ne faut pas que le gouvernement mette des lunettes qui lui
empêchent... qui l'empêchent, plutôt, de voir la réalité de ces travailleurs.
Et c'est là où j'aimerais vous ramener, et
sentez-vous bien à l'aise de me répondre. Pourquoi, selon vous, le gouvernement
du Québec favorise plus l'arrivée des temporaires que du permanent, sachant
que, vous l'avez très bien dit, les besoins sont d'ordre permanent? Ce sont des
jobs où on donne des contrats de deux, trois ans. Donc, on sait que c'est
permanent, mais on accepte de donner des... travailleurs temporaires, leur
donner deux semaines pour aller voir leurs enfants, leurs femmes, leurs
familles, etc. Parfois, c'est des couples séparés.
Mme Gauvin (Mélanie) : ...je
pense que c'est de questionner aussi les décisions qui ont été prises au niveau
politique, au niveau fédéral, et même peut-être au niveau provincial, mais le
questionnement vient de beaucoup plus loin. Pourquoi avoir axé sur la
main-d'œuvre étrangère plutôt que d'axer sur une main-d'oeuvre permanente qui
vienne s'établir ici? Donc, moi, je pense que... Et on parle de pénurie de
main-d'oeuvre, pénurie ponctuelle de main-d'oeuvre, pénurie temporaire de
main-d'oeuvre, mais, en fait, on voit que la pénurie, elle est plutôt
permanente, et c'est vraiment lié aux différentes politiques qui ont été mises
en place il y a peut-être 10 ans ou 15 ans. Mais on ne se cachera pas que la
venue de travailleurs étrangers, ça nous permet... vous avez parlé de marchandisation.
Ce n'est pas des marchandises, ces travailleurs-là, donc...
M. Derraji : Il ne me reste
pas beaucoup de temps. Je veux juste rectifier quelque chose. Le nombre qu'on
voit maintenant, c'est du jamais vu. Ils n'étaient pas là, ça fait 10 ans, je
tiens à rectifier ça. Parce que s'il y avait... il y a 10 ans, en tout respect,
le débat sera ailleurs. C'était du permanent, on n'a jamais eu les résultats
pareils. D'ailleurs, Statistique Canada vient de le démontrer, je vous invite à
aller lire le dossier dans La Presse aujourd'hui, l'explosion du temporaire.
Vous-même, vous l'avez mentionné.
Mme Gauvin (Mélanie) : Oui,
je suis d'accord avec vous.
M. Derraji : Vous avez
accueilli 17 000 personnes.
Mme Gauvin (Mélanie) : Oui,
mais ce que je veux dire, c'est que les programmes actuels que nous avons... le
programme des travailleurs étrangers temporaires a été, est le volet peu
spécialisé, au bas salaire, maintenant, c'est...
M. Derraji : Ça a été le
dernier mandat.
Mme Gauvin (Mélanie) : Ça
date de 10 ou 15 ans. Ça a commencé par un projet pilote, on s'est rendu compte
que, ah bien, c'est le fun, ils viennent, mais ils repartent aussi, on n'est
pas obligé de les garder, donc, et on a... et la facilité aussi d'accéder à
cette main-d'œuvre là. C'est beaucoup moins long faire venir un travailleur
étranger temporaire que de faire venir quelqu'un sur une base permanente. Et là
on parle à la fois des démarches au niveau fédéral et au niveau fédéral, là.
Voilà.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est terminé. Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. On
va terminer cette ronde d'échange avec les parlementaires avec le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne, pour 4min 8s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci énormément pour votre travail et merci pour tout ce que vous
faites. Vous nous mettez vraiment les images, les cas au quotidien, là. Il y a
l'émission La Facture, mais il y a toutes les autres interventions. Vous avez
parlé du film, Les essentiels. Je veux dire, on est vraiment capable, avec
vous, de voir les histoires, de voir ces gens-là, de voir leur vie, puis ça
permet un éveil de certaines personnes ou... de plusieurs personnes qui n'ont
pas accès à ça autrement. Donc, vraiment, je veux saluer votre travail.
J'ai une question. Je pense notamment aux
abus de différents employeurs, notamment, que vous mettez de temps en temps,
là, de l'avant, et l'IRCC, Immigration Canada, ne semble pas vraiment bien
saisir ou, en tout cas, ne semble pas saisir l'urgence, souvent, d'intervenir.
Vous avez dit, bon, il y a le permis de travail ouvert pour personnes
vulnérables qui est hautement inefficace ou très souvent inefficace. Je me pose
la question, qu'est-ce que vous pensez d'une autorisation de travail qui serait
émise par le Québec? Après tout, les normes de travail, c'est de compétence
provinciale. Pourquoi le Québec ne prendrait pas les devants pour régler ça,
une autorisation de travail québécoise? Votre employeur est abusif, nous, on
n'accepte pas de perpétuer ces conditions de travail là. Voilà, je vous la
dessers, votre façon de travail. Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Pilon (Michel) : Bien,
nous, on pense que le Québec doit prendre sa juridiction puis on est d'accord
avec votre proposition par rapport à ça. Moi, je pense qu'une autorisation du
Québec devrait tout à fait... On fait des CAQ, là, pour pourvoir... ces
travailleurs-là. Même, on utilise le contrat de travail du MIFI...
M. Pilon (Michel) : ...la
plupart des employeurs qu'on retrouve, c'est le contrat de travail du MIFI.
Mais c'est quoi, un contrat de travail face à un permis fermé ou quel est le
pouvoir du travailleur de négocier ses conditions de travail, et tout ça, bien
que Code civil, quand même, prévoit qu'il y a deux parties, l'employeur, l'employé?
Mais l'employé, lorsqu'il a un permis fermé, il n'a pas le choix, ça
s'appelle : Tu signes là puis tu te fermes la boîte, là. C'est aussi
simple que ça.
M. Cliche-Rivard : Puis il y
a d'autres scénarios. Je veux dire, on voyait récemment avec Olymel, par
exemple, il y a des fermetures d'usine. Le fédéral ne semble pas vouloir
bouger. Malgré qu'il y ait une motion unanime de l'Assemblée nationale pour
qu'on leur octroie des permis de travail ouvert, ça ne se passe pas. Donc, le
Québec pourrait régler son problème en émettant : Moi, j'autorise les
travailleurs à avoir un permis de travail, et on aurait une autorisation. Je
veux dire, il y a les cas d'abus mais aussi tous les autres cas où, finalement,
la PME n'est pas nécessairement... où l'entreprise n'est pas toujours fautive
mais où, finalement, ce sont encore les travailleurs et travailleuses qui
écopent, qui...
M. Pilon (Michel) : Mais moi,
j'irais même plus loin que ça, le Québec a le pouvoir aussi. Il accorde des
CAQ, hein? Donc, si on peut passer par la CAQ puis dire au fédéral : Il
n'y aura pas de CAQ à quelqu'un qui a un permis fermé... puis que, dorénavant,
nous demandons, nous, des permis ouverts, puis qu'on va accorder les CAQ à
seulement des permis ouverts.
M. Cliche-Rivard : Exact, pas
de CAQ, pas de permis.
M. Pilon (Michel) : Exactement.
Donc, on n'aura pas le choix. Là, le fédéral devront le faire, il y a...
M. Cliche-Rivard : Donc, on
est capables de le demander?
M. Pilon (Michel) : On est
capables de le demander puis de l'imposer au fédéral en disant : Nous,
c'est une double juridiction, donc, compte tenu de la double juridiction, nous,
ce qu'on demande, c'est qu'au niveau de nos CEQ, c'est des permis ouverts,
point.
M. Cliche-Rivard : Excellent.
Je vous amène sur un autre terrain. Votre mémoire parle de régularisation de
statut. Vous parlez de personnes sans statut au sens large, inclusif et
permanent, mais, vous dites, pour les travailleurs, travailleuses immigrants
agricoles et transformations alimentaires. Est-ce que vous limitez votre
proposition à ces deux cadres d'emploi ou vous êtes inclusifs et larges?
M. Pilon (Michel) : Non. Non,
on ne limite pas nécessairement. Mais, pour l'instant, c'est certain que notre
créneau, nous, c'est la transformation alimentaire et agricole. C'est quand
même beaucoup de monde, là. Quand on parle de 38 000 agricoles, on peut parler
à peu près de 20 000 en matière de transformation alimentaire, donc à peu près
52 000, si je me souviens bien, là, au total. Le travailleur temporaire qui
travaille dans les deux...
M. Cliche-Rivard : Ça, c'est
ceux qui sont répertoriés.
M. Pilon (Michel) : Exactement.
Alors, dans tout ce qu'on appelle l'agroalimentaire, là, c'est quand même
beaucoup de monde qui viennent, à chaque année, là, travailler dans les usines
de transformation.
M. Cliche-Rivard : Parce que,
dans le film, on voit qu'il y en a plein, de sans-permis, aussi. Alors, c'est
ça, on...
M. Pilon (Michel) : Oui, oui,
tout à fait, il n'y en a plein.
M. Cliche-Rivard : Ça, c'est
ceux qu'on sait avec permis.
M. Pilon (Michel) : Ah oui,
tout à fait. Puis on en voit... M. Jean Lemay, pour ne pas... lui, à La
facture, on le voit très bien, il allait chercher les travailleurs directement
dans les hôtels puis il les recrutait directement dans les hôtels. Il n'avait
aucun permis puis il les faisait travailler ou il les fait venir, parce qu'il y
avait son agence de recrutement au Mexique, avec des permis de touriste, du Mexique
pour les faire travailler au noir. Et ça a été que ça. Il y a deux ans, quand
on a sorti les travailleurs là-bas, là, c'est le RATTMAQ qui les a sortis, là,
les travailleurs, c'est 243 travailleurs qu'on a sortis de là, qui étaient
carrément... C'était de la traite humaine, point à la ligne, là. Alors, à un
moment donné, il faut que ça cesse, cette affaire-là.
M. Cliche-Rivard : Il faut
que ça cesse.
M. Pilon (Michel) : Il faut
que ça cesse. Et la seule manière pour nous de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
M. Pilon (Michel) : ...de
revenir... Oh! excusez.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Écoutez, merci, mais, oui, le temps est écoulé. Écoutez,
merci beaucoup pour l'apport à nos travaux, je pense qu'il y a beaucoup de
réflexion à l'intérieur de ça. Mme Gagnon, M. Pilon, M. Gauvin, M. Pellerin, il
me reste à vous souhaiter une bonne fin de journée.
Et je suspends les travaux le temps de
recevoir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 49)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît. La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc le Groupe Orientation
emploi. Alors, bienvenue messieurs à la Commission des relations avec les
citoyens pour cette... cette... Voyons! J'allais dire pour ces auditions
publiques. Merci. Alors, je vais vous accorder une période de 10 minutes
pour vous présenter et présenter les grandes lignes de votre mémoire, vos
recommandations. Ensuite, nous allons discuter avec les parlementaires. Le temps
est à vous.
M. Noredine (Mohamed) : Merci
beaucoup. Merci pour l'invitation. Mon nom est Mimoun Mohamed Noredine. Je suis
coordinateur du Forum jeunesse Saint-Michel. C'est un organisme dans le
quartier. Mais j'interviens en tant que président du conseil d'administration
du Groupe Orientation emploi et je suis accompagné par...
M. Chikhi (Ferid Racim) : Ferid
Chikhi, directeur général du Groupe Orientation emploi.
M. Noredine (Mohamed) : Alors,
voilà. Le Groupe Orientation emploi, c'est un organisme qui, depuis 1994,
soutient les chercheurs d'emploi issus des minorités visibles immigrantes. Nous
n'allons pas aborder la question des seuils et ces chiffres, ce n'est pas notre
domaine, mais plutôt on va parler de... on va mettre en avant les effets, les conséquences
et les interpellations qu'ils provoquent au sein des organisations qui ont la
charge d'accueillir, d'orienter et de soutenir les immigrants quant à leur
intégration socioculturelle et la réinsertion socioprofessionnelle. Nous
aborderons aussi les liens avec la société d'accueil. Par conséquent, ce sera
un exposé plus sociologique qu'économique parce que l'immigration a des effets
non seulement sur la société d'accueil, mais aussi sur la communauté
ethnoculturelle.
Pourquoi aborder l'aspect sociologique?
Tout simplement parce que nous observons que les conséquences sont multiples.
Et l'une des plus graves est celle de voir se reproduire encore et encore des
sociétés...
M. Noredine (Mohamed) : ...se
reproduire encore et encore une société québécoise à plusieurs strates sociales
séparées, une société en silos.
Ainsi, parler du nombre seulement en
termes d'emplois tout en mettant de côté les profils et les qualités des
immigrants, c'est selon nous naviguer sans boussole et sans orientations pertinentes,
tant les besoins d'intégration à la société d'accueil sont tangibles. Rien qu'à
distinguer dans les quartiers les plus multiethniques de Montréal comment sont
séparées parfois les communautés, la question qu'on se pose : Comment
réussir l'inclusion si chère à beaucoup, si à la base les communautés en
provenance de bien des régions du monde sont séparées par les barrières avérées
et évidentes?
Sur le plan professionnel, les habitudes
de travail changent, et le facteur humain doit être observé autrement que par
le passé. L'apport de l'immigration est certes essentiel dans un Québec qui a
besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer, mais peut-il le
faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à
son identité, à la formation d'une société industrielle nouvelle?
M. Chikhi (Ferid Racim) : Les
effets de la pandémie. Depuis fort longtemps, particulièrement depuis la fin de
la pandémie et les conséquences sur le monde du travail, il est question de
l'augmentation des seuils de l'immigration, notamment pour combler les déficits
en main-d'œuvre, et particulièrement en région. Toutefois, le débat nous paraît
biaisé, parce que les hypothèses démographiques du Québec nous semblent mal
appréhendées. À titre indicatif, les causes de la décroissance, au double sens
humain et organisationnel, ne sauraient confirmer le manque de main-d'œuvre ou,
si l'on veut être positif, la création de plus en plus d'emplois par les capitaines
d'industrie. Pourquoi, nous nous demandons... Si la solution réside dans
l'augmentation des seuils d'immigration, alors que fait-on des milliers
d'immigrants qui sont déjà mal employés ou qui ne sont pas du tout employés?
Aussi paradoxal que cela puisse paraître,
rien n'est dit sur l'intégration des nouveaux arrivants, si ce n'est leur
francisation et leur insertion professionnelle dans des emplois que les
Québécois ne veulent pas. Le travail de création et d'innovation des
concepteurs, par exemple, dans le monde de l'industrie des arts et de la
culture ne doit pas être réduit aux seuls emplois qu'occupent les Québécois et
occulter ceux dont ils ne veulent pas faire. On entend par là qu'il y a des
dizaines et des dizaines d'artistes, de peintres, de musiciens qui ne sont pas
vus, si ce n'est au sein de leur communauté. C'est un exemple que nous prenons
à titre indicatif.
Le monde du travail change, et en
particulier par les technologies. La numérisation, la robotisation,
l'utilisation des ordinateurs ont bien entendu des effets multiples sur les
individus, que ce soit en rapport avec l'organisation professionnelle ou la
société dans son ensemble.
M. Noredine (Mohamed) : L'Immigration
doit être évaluée en quantité, mais aussi en qualité. Nous nous demandons si
l'avenir n'est pas dans le changement du profil citoyen, ce Québécois nouveau
qui... à l'horizon. L'apport de l'immigration est certes essentiel dans un
Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer,
mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à
son histoire, à son identité, à la formation d'une société nouvelle? Le Québec
peut se refaire en changeant les attributs des citoyens. Toutefois, l'apport de
l'immigration doit tenir compte des paramètres communs et des paramètres
spécifiques pour ne pas générer un Québec... un Québécois hybride qui
fonctionne avec deux entités en lui.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Pourquoi
parler aussi de la planification à ce stade de la réflexion? Parce que nous
avons cherché dans le document portant... Planification de l'immigration au
Québec pour la période 2024-2027 des indicateurs, des projections, des
anticipations, nous n'avons pas vu cela. Et on se dit : Bon. On connaît le
nombre de postes de travail ou d'emplois vacants au Québec, qui s'estime à peu
près à 200 000. Pourquoi ne tient-on pas compte de ces chiffres-là, de ces
indicateurs et, en fonction des besoins par région, par secteur d'activité,
lancer le recrutement dans les bassins qui nous intéressent, qui intéressent le
Québec, en particulier ceux de la francophonie? Nous n'avons pas vu, donc, ces
indicateurs de recrutement et nous n'avons pas vu les indicateurs des besoins
des régions par domaine d'activité. On aurait voulu que les statistiques
données par Statistique Québec et Statistique Canada apparaissent dans le
projet ou dans le plan qui est prévu.
• (16 heures) •
On parle souvent d'insertion
socioprofessionnelle, donc d'intégration en emploi. Nous, on inverse, on parle
de l'intégration socioculturelle versus le cloisonnement et l'enfermement des
communautés culturelles. Dans nos programmes, nous avons inclus un segment
relatif à la connaissance de la société d'accueil. Nous la résumons comme
suit : «La société d'accueil n'est pas structurée comme les sociétés
d'origine, qu'elles viennent d'Asie, d'Afrique, d'Europe, du Moyen-Orient, des
immigrants, que ce soit sur le plan social, culturel, identitaire et
communautaire. C'est de ça qu'est composée toute la société québécoise, bien
entendu avec...
16 h (version non révisée)
M. Chikhi (Ferid Racim) : ...Québécoise,
bien entendu, avec les Québécois natifs. La cellule de masse, soit la famille,
est totalement rénovée en fonction des changements sociétaux qu'a connus le
Québec depuis la Révolution tranquille, ce qui n'est pas le cas des autres
cellules de base des immigrants. L'égalité des droits y est encore consacrée. L'apport
des communautés est réduit à une simple présence dans la société, sans les
effets positifs qui devraient découler d'une participation citoyenne, d'où l'enfermement
et le cloisonnement. Même les jeunes immigrants, qu'ils soient arrivés avec
leurs parents ou nés ici, finissent tous par s'enfermer dans leur communauté et
deviennent les témoins d'un rejet qu'ils n'ont jamais voulu et contre lequel
ils finissent par s'ériger.
M. Noredine (Mohamed) : Par
ailleurs, l'immigrant qui arrive dans la province vit plusieurs chocs largement
commentés par des recherches souvent ponctuelles et dont les recommandations,
lorsqu'elles existent, sont sans effets concrets sur les groupes sociaux. Le
plus connu de ces chocs et celui de la culture, divisé en choc du départ et
choc de l'arrivée. Mais aucune recherche, du moins à notre connaissance, ne
parle des chocs industriels, du choc thermique, du choc technologique, du choc
de la non-reconnaissance des acquis hors de Québec et du grand choc social.
En effet, l'immigrant observe et constate,
par exemple, que le fonctionnement des familles au Québec n'a rien à voir avec
celui qui est le sien. Et pour cause, d'où qu'il vienne, le nouvel arrivant ne
connaît que l'organisation patriarcale à qui il appartient. Il s'agit d'un
premier choc identitaire qui le confronte dans son nouveau pays.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Je
vais parler juste deux minutes de... Au-delà du choc technoculturel, de l'apprentissage
du français pour les allophones et pour les monolingues. Une fois au Québec,
les demandeurs d'asile, les réfugiés et les résidents permanents ne comprennent
pas, n'écrivent pas et ne parlent pas ou très peu le français. Les services de
francisation les reçoivent pour leur apporter le soutien nécessaire afin qu'ils
échangent, écrivent et qu'ils puissent parler le français. Cependant, très
souvent, il s'avère que cela leur est... ce qui leur est dispensé est
insuffisant, pour ne pas dire inadapté à leur besoin de se faire comprendre et
connaître. Ce que nous suggérons, entre autres, c'est que ce soit réparti par
segments en fonction de l'origine, parce que quelqu'un qui vient d'Afrique
francophone peut comprendre le français, peut apprendre très vite le français,
mais quelqu'un qui vient d'Asie, des Philippines ou, je ne sais pas, du
Pakistan, la structure linguistique n'est pas la même, la phonétique n'est pas
la même. Lorsqu'elles viennent d'Amérique latine, c'est la même chose, des
personnes qui sont là depuis 20 ans, 30 ans, parlent un peu le
français, mais avec un fort accent latino, et on finit par ne pas les
comprendre.
On va arrêter là et puis on pourra
débattre des questions qui se seraient posées. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Ah, mais vous savez, ce n'est pas un débat, c'est ça, ce
sont des échanges. Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, on va tout de
suite commencer avec la ministre et la banquette gouvernementale pour une
période de 16 min 30 s. Mme la ministre, le micro est à vous.
Mme Fréchette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bien, merci à vous deux pour prendre part à cet exercice sur
l'immigration. Donc je voulais vous apporter, là, des dimensions nouvelles, là,
par rapport aux orientations que l'on avait soumises. Je voyais que vous
mentionnez que le ministère, en fait, ne fait rien pour les nouveaux arrivants
en termes de formation, sur les étapes historiques, culturelles, identitaires,
industrielles et politiques qui ont façonné la société québécoise, et vous
recommander, en fait, une formation, là, en lien avec ces sujets-là, mais j'aimerais
vous rappeler, en fait, qu'il existe la cession Objectif Intégration qui permet
aux personnes immigrantes, là, de se familiariser avec les valeurs
démocratiques québécoises, les codes culturels, le monde du travail au Québec.
Et on n'a pas moins de 49 organismes qui sont partenaires du ministère
pour donner ces sessions de formation qui sont d'importance pour nous. Alors,
je me demandais si vous connaissiez ces sessions d'information puis, si oui,
bien, quelles améliorations vous verriez qu'on doit y apporter pour répondre
davantage à vos préoccupations.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Oui,
personnellement, je connais, M.... aussi il connaît, on travaille sur ça, mais
la manière dont c'est présenté, vous savez, les fameux huit modules, ou 10
peut-être, qui composent cette formation à la société québécoise, à la société
d'accueil sont répartis à partir de données, disons le mot, plutôt théoriques.
Dans la pratique, pratiquement aucun immigrant ne s'en rappelle parce que c'est
lourd comme activité. Ce que nous faisons, c'est que nous...
M. Chikhi (Ferid Racim) : ...en
divisant cette information, cette formation à la culture québécoise, à
l'identité, aux valeurs, en petits ateliers, avec des débats, qui invitent les
gens à faire la comparaison entre, par exemple, les valeurs du Québec et les
valeurs de leur pays d'origine. Et là il y a une véritable véritable discussion
qui émerge et on invite les gens à aller, justement, sur le terrain pour
rencontrer les Québécois et les Québécoises. Et souvent, les gens des
organismes communautaires de la société québécoise les accueillent avec
intérêt. Parce qu'ils sont curieux, parce qu'ils apprennent un peu plus, parce
qu'ils se rapprochent de la société. Mais si vous venez à Saint-Michel,
Villeray, Parc-Extension, Montréal-Nord, même Côte-des-Neiges, les gens sont
séparés les uns des autres. Entre communautés, ils ne sont même pas ensemble.
Et là le problème se pose. Qu'est-ce qui se passe au niveau de la formation
qu'on leur donne par le ministère de l'Immigration, par les organismes, alors
qu'ils sont normalement outillés pour aller vers les gens de la société
d'accueil? Et quand nous refaisons cette formation, nous qui sommes plutôt un
organisme de soutien aux chercheurs d'emploi et qu'on fait la comparaison entre
leur pays d'origine, la société d'accueil et le monde industriel, là, on voit
la différence. Et je vous assure qu'on le sent et ils le disent, ils le disent.
Mme Fréchette : Il faut
croire qu'il y a différents points de vue qui cohabitent, parce que pas moins
que... En fait, jeudi dernier, on recevait une personne en audience, là, comme
vous, qui est sur le terrain dans les Laurentides et qui nous vantait les
mérites de cette formation objectif intégration et qui nous nous disait :
C'est une occasion... en fait, elle le voit, elle nous disait : Ça change
des vies, carrément, cette formation-là. Elle dit : Je le vois, je
l'entends, on me le confirme. Donc, bon, il faut voir qu'il y a différentes
écoles de pensée, vous ne vous ralliez pas à cette perspective, mais...
M. Chikhi (Ferid Racim) : ...je
me permets, mais entre des gens qui vont dans les régions, qui acceptent la
mobilité et ceux qui restent là où ils arrivent, il y a une grande différence,
parce qu'ils retrouvent tout de suite leur communauté et ça efface tout ce qui
a été appris.
Mme Fréchette : Je vous
entends. Je vous amènerais à la page 15 de votre mémoire. Vous recommandez
une révision des contenus des formations d'apprentissage du français dispensées
en fonction, et là je cite, des problématiques aussi bien linguistiques que
phonétiques. Donc, je voulais que vous m'expliquiez un peu ce que vous
entendiez par cette recommandation-là et comment est-ce que le ministère
pourrait adapter son offre en fonction de votre proposition.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Je
l'ai déjà dit là aussi, quelqu'un qui vient de Colombie ou de Panama ou du
Chili est hispanophone. Il arrive et il a quelques bribes de mots en français
dans l'espagnol qu'il connaît, mais son accent reste très fort. La phonétique
qu'il utilise pour prononcer les mots fait que ça devient incompréhensible.
C'est la même chose pour un Asiatique, qu'il vienne d'Afghanistan, des
Philippines, du Pakistan, de l'Inde. Par contre, c'est plus facile pour
quelqu'un qui vient d'un pays d'une ancienne colonie française. L'Afrique de
l'Ouest, du Sénégal, du Mali, du Niger, ils connaissent déjà le français. Le
bar sonore existe. C'est plus facile pour eux d'apprendre le français. Alors,
on dit que, pour apprendre une langue, il faut commencer par connaître son
histoire et, pour la prononcer, il faut connaître la phonétique. Et c'est ce
qui n'existe pas actuellement. On a des groupes d'immigrants qui viennent de
partout dans la même classe, avec un seul enseignant qui enseigne le français
deuxième langue, et les gens sont perdus. Alors, ils restent trois mois, quatre
mois, six mois, je ne sais plus combien d'heures ils ont en formation en
français, et ils sortent. Les meilleurs, bien sûr, arrivent à maîtriser le
maximum, mais il y en a beaucoup qui ne le font pas. Et c'est pour ça qu'on
dit : Ça serait bon qu'il y ait une adaptation, ne serait-ce que par des
groupes homogènes, des gens qui viennent de la même région, qui parlent la même
langue maternelle et à qui on apprend le français en tenant compte des sons de
la phonétique en général.
Mme Fréchette : Vous
subdiviseriez les groupes par pays d'origine ou, en fait, langue d'origine.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Par
régions, ne serait-ce que ça. C'est beaucoup plus facile...
Mme Fréchette : Pour que
l'apprentissage tienne compte de la langue d'origine.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Exact.
Mme Fréchette : Je comprends.
Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il reste 10 minutes.
• (16 h 10) •
Mme Fréchette :
10 minutes. Je vais vous poser une dernière question. Bien, vous proposez
aussi des cours d'initiation à l'informatique et aux technologies du travail.
Donc, est-ce que vous verriez que ce soit, en fait, le gouvernement du Québec
qui donne ses cours d'utilisation de la technologie ou que ce soit plutôt des
partenaires? Comment est-ce que vous verriez la mécanique?
M. Chikhi (Ferid Racim) : Bien...
Mais parce qu'on a...
M. Noredine (Mohamed) : ...on
a vécu, dans la période... pendant la période de COVID, l'écart qu'il y a et le
décalage qu'il y a entre les personnes qui ne maîtrisent pas l'informatique et
le reste de la population, et, dans un monde qui change, bien, il y a
beaucoup... on a découvert qu'il y a beaucoup de gens qui ne maîtrisent pas
l'informatique, et spécialement les gens qui fréquentent l'organisme. L'idée,
c'est que... de mettre à jour les gens qui arrivent et mettre l'informatique
comme une priorité, comme la langue, parce que beaucoup de personnes qui sont à
la recherche d'emplois sont obligées d'utiliser les moyens informatiques pour
soit faire leur entrevue, soit mettre leur CV à jour, soit se trouver dans les
réseaux sociaux professionnels. Donc, dans les formations de base, moi, je
trouve, il faut inclure le soutien informatique, parce que c'est devenu
vraiment un outil de travail, en fait. C'était... Peut-être on le sentait moins
avant le COVID, mais après le COVID, c'est devenu vraiment essentiel de
maîtriser l'outil informatique, comme maîtriser la langue, par exemple.
Mme Fréchette : Je vois.
Merci. Je vais céder la parole à mes collègues.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Mais
je pourrais ajouter, Mme la ministre, si vous voulez bien... Tous les
immigrants ont un cellulaire entre les mains. Tous téléphonent, utilisent
WhatsApp, utilisent Viber, utilisent tout... tout ce qui peut être fait par le
téléphone. Mais, dès que vous les mettez devant un ordinateur, ils sont
complètement out, ils ne savent plus comment faire. Malgré le fait qu'on leur
explique que le clavier, c'est le même que celui qu'ils ont dans le cellulaire,
ils ne savent pas naviguer pour aller chercher de l'information de la même
manière qu'ils font sur le cellulaire, ils sont perdus. Et, quand on leur
demande d'aller ne serait-ce que dans la suite Microsoft, ça, c'est
complètement out.
Alors, des cours de base en informatique,
que ce soit par les organismes financés par le ministère de l'Immigration, ça
serait une bonne chose, ça. Ça ne va pas alourdir le ministère de
l'Immigration, que ce soient les régions, les directions régionales ou les
bureaux. Mais, au niveau des organismes, on gagnerait à leur offrir ça.
Mme Fréchette : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Je me tourne... Bien, merci, Mme la
ministre. Je me tourne du côté de la députée d'Iberville. Il vous reste 7 min
35 s.
Mme Bogemans : Merci
beaucoup. Vous avez raison, vous avez commencé en disant que l'immigration,
c'est le facteur humain en premier, l'histoire, les relations, les ambitions
puis ensuite la qualification. Je pense que c'est ce qui rend le débat autour
de l'immigration aussi passionnant puis aussi polarisant et essentiel pour le
futur de notre communauté québécoise. Donc, moi, je voulais... Vous avez
soulevé quelques points qui m'intéressent, qui sont étonnamment reliés aux
orientations 7 et 8, 7 qui favorise l'intégration sur le marché du travail
des personnes issues de toutes les catégories d'immigration, et
l'orientation 8 qui était de bonifier les actions visant la reconnaissance
des compétences des personnes immigrantes pour qu'elles puissent accéder
rapidement au marché du travail selon leur qualification d'origine. Donc, je
voulais vous amener sur ces deux sujets-là, de voir vraiment quelles sont vos
impressions.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Il
y a beaucoup... vous savez... On va rester dans les technologies de
l'information. Beaucoup d'immigrants viennent avec beaucoup de connaissances,
beaucoup d'acquis, par exemple en informatique. Mais l'informatique qu'on
utilise dans nos pays d'origine, on ne les utilise pas de la même manière
qu'ici, au Québec. La recherche de l'efficacité est un élément essentiel ici.
Ailleurs, c'est peut-être juste un outil d'appoint. Ce n'est pas tout le monde
qui est à la quatrième génération ou à la cinquième génération. Ce n'est pas
tout le monde qu'il y a des ordinateurs très, très développés, même si ça
existe. Dans les grandes entreprises, dans les grandes institutions, ça existe.
Une mise à niveau est nécessaire là aussi. Donc, la personne qui vient en
quelque part, en tout cas, nous le faisons, on leur apprend que l'industrie ne
fonctionne pas de la même manière que dans les pays d'origine, que nous avons
des exemples de capitaines d'industrie qui ont réussi, qui ont fait des choses
extraordinaires. Le cas de Jean Coutu de Saint-Hubert est cité tout le temps
pour dire : Écoutez, c'est parti de rien du tout. Regardez, c'est un
monde, là, et c'est quelque chose d'extraordinaire. Et ils voient la
différence.
L'organisation des entreprises, que ce
soit le statut fédéral, provincial, municipal, les multinationales, quand on
leur parle, par exemple, de ce qu'on appelle l'aérospatiale, on a à
Saint-Hubert, bien, une toute une organisation et une entreprise qui a réalisé
le bras, qui a pu faire réparer, etc. C'est des choses qui n'existent pas dans
nos pays d'origine. On a des avions, oui, qui vont dans les aéroports, qui
volent et qui... mais le niveau de qualification, le niveau d'acquis
professionnel n'est pas le même, et c'est cette mise à jour qui ferait qu'on
gagnerait à avoir des stages pour tous les immigrants qui commenceraient à
travailler. Ça existe dans certains secteurs de main-d'œuvre, mais ce n'est pas
pareil...
M. Chikhi (Ferid Racim) : ...il
faut que... Ça devrait être généralisé. Voilà un paramètre parmi tant d'autres.
M. Noredine (Mohamed) : En
même temps, bien, le fait qu'il n'y a pas cette possibilité, bien, beaucoup
d'immigrants, ils vont changer de secteur d'activité. Donc, ils vont commencer
à zéro dans des formations, pas par intérêt, mais par défaut, parce qu'ils
n'arrivent pas à avoir cette reconnaissance dans leur domaine, ce qui parfois
crée un problème au niveau même de la famille... moi, qui s'occupe des jeunes
dans un autre organisme, je vois qu'il y a des jeunes qui sont frustrés parce
que leurs parents ne peuvent pas exercer leur profession qu'ils ont exercée
dans leur pays d'origine. Et ça change de statut social, parce que, quand ton
père était ingénieur, ta maman était médecin, et tu trouves ici à faire... pas
un sot métier, mais tu fais une formation comme adjointe administrative. Bien,
déjà, ça n'a rien à voir avec la formation et le statut que tu avais dans ton
pays d'origine.
Et j'ai remarqué que, plus tard, bien, ce
sera une pression sur les enfants, parce que les parents qui sont... qui
répètent toujours à leurs enfants qu'on est venu pour vous, bien, ils vont
mettre tous leurs espoirs sur leurs enfants pour réussir. Et là on se trouve
avec des jeunes qui se trouvent avec une responsabilité énorme. Ce n'est pas
eux qui ont décidé de venir ici, mais leurs parents vont leur faire sentir
qu'on est venu pour vous, et vous devrez réussir dans des domaines, parfois,
qu'ils n'ont pas le choix de choisir. C'est leurs parents qui décident pour
eux, par frustration, d'aller dans... être ingénieur, un futur ingénieur ou un
futur médecin. Voilà.
Mme Bogemans : Oui, je peux
comprendre ça parfaitement. Pensez-vous qu'au niveau de la reconnaissance des
acquis, on pourrait mettre, par exemple, dans certains domaines plus précis de
formation professionnelle, collégiale, universitaire... faire des voies de
passage facilitantes?
M. Noredine (Mohamed) : Exactement,
parce qu'on peut le faire par secteur. Comme Ferid parle de certains secteurs,
peut-être que oui, certains secteurs, il y a une grande différence. Moi, je
pense qu'un médecin qui a exercé en Algérie, qui est francophone, qui a exercé
la médecine pendant 20 ans, quand il arrive ici, on lui dit : Bien, tu
mets tout ça de côté, bien, soit tu vas refaire ta formation ou tu vas choisir
un autre domaine, moi, je pense qu'il y a une différence. On parle d'une mise à
jour, il peut... on peut lui offrir la possibilité de connaître le système, le
côté légal, par exemple, de la médecine. Toutes les choses qui sont
différentes d'un pays à un autre, mais on ne va pas lui demander de refaire les
choses. Il y a beaucoup de médecins qui vont aller faire soins infirmiers, par
exemple, par défaut, parce que... ça rapproche, mais, à la base, c'étaient des
médecins. Et quand je leur demande : Est-ce que vous trouvez un plaisir à
faire la formation? Mais pas du tout, eux, ils étaient médecins, chirurgiens.
Ils se trouvent à faire soins infirmiers, par défaut, pas parce qu'ils ont
choisi ça.
Mme Bogemans : Ça amène un
peu le sujet des cohortes que nous avons eues d'infirmières, exemple, puis la
mise à niveau d'un an qui est mise de l'avant. Est-ce que vous trouvez que
c'est quelque chose qui pourrait être appliqué dans d'autres domaines?
M. Chikhi (Ferid Racim) : Oui,
c'est une chose qui peut être très utile dans tous les domaines d'activité.
Écoutez, moi, j'ai travaillé en Algérie, 25 ans dans une compagnie aérienne,
dans la compagnie aérienne. J'arrive ici, je vois qu'il y a beaucoup de choses
qui se ressemblent parce qu'il y a l'avantage d'avoir l'Agence internationale
des transports aériens, qui protocole un petit peu, qui coordonne les activités
de toutes les compagnies aériennes. Je n'ai pas besoin de mise à niveau. Mais
quelqu'un qui est dans un domaine spécifique de l'industrie, par exemple,
l'industrie sidérurgique, ce n'est pas la même chose. Il est obligé de se
mettre à niveau, mais que cette mise à niveau ne mette pas de côté tous ses
acquis expérientiels.
M. Noredine (Mohamed) : Mais
il y a aussi le fait que... dans le processus d'immigration, il y a des années,
à attendre le dernier document ou le dernier visa pour venir. Pourquoi on ne
profite pas de cette période-là pour donner l'occasion à ces futurs immigrants
d'avoir une mise à jour par rapport à un secteur, par exemple, recherché?
Maintenant, on utilise les Zoom, on utilise les moyens de communication à
distance. On peut très bien offrir la possibilité à ces futurs immigrants de
suivre, par exemple, des formations pour être mieux informés.
Moi, je connais plein de monde qui arrive
ici, mais ils ne sont pas vraiment informés, qu'est-ce qu'ils peuvent faire,
qu'est-ce qu'ils ne peuvent pas faire. Ça prend quelque temps pour réaliser
qu'il faut faire un deuil sur leur ancienne carrière et de recommencer à zéro
ou d'abandonner pour aller dans un secteur où ils peuvent juste gagner leur
vie. C'est comme ça qu'il arrive souvent.
• (16 h 20) •
Mme Bogemans : Parfait. C'est
super. Je pense que j'arrive au bout du temps, malheureusement...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...il reste cinq secondes.
Mme Bogemans : ...j'ai
plusieurs autres questions pour vous. Merci beaucoup. C'était superintéressant.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On poursuit les discussions avec le député
de Nelligan pour une période de 12 minutes 23 secondes.
M. Derraji : Merci, Mme la
Présidente. Vous allez me permettre, premièrement, de saluer la présence du...
de nos invités, Groupe Orientation emploi. Excellent travail sur le terrain. Je
connais, depuis plusieurs années, Noredine. Merci pour tout ce que vous faites
auprès des jeunes. J'ai aussi le plaisir d'entendre monsieur....
M. Derraji : ...bienvenue en
commission parlementaire. Merci d'avoir pris le temps d'écrire un mémoire, de
venir en commission parlementaire présenter vos préoccupations.
J'ai lu votre mémoire, je suis... vu la
nature de votre action, et ce n'est pas quelque chose que nous avons entendu
beaucoup en commission. Je vais plus vous ramener à la page 13 : qu'en
est-il des jeunes? Et, vous savez, tout ce qu'ont fait, les membres de la
commission sont tous interpellés, quand on dit intégration... parce qu'on veut
que nos jeunes s'intègrent, on veut, et on passe, on est là, aujourd'hui, mais,
demain, je ne sais pas où on va être. Il va y avoir une deuxième, troisième,
quatrième, cinquième génération.
Et vous avez beaucoup insisté sur la
langue française, sur l'intégration, mais j'ai le goût d'entendre M. Noredine
nous parler. Le contexte a beaucoup changé. Et j'ai posé cette question à deux
reprises, mais je veux vous la reposer. Quand on utilise des mots pour décrire
l'immigration, ça a un impact sur les jeunes. La classe politique... il y a une
joute politique, hein, on le sait aussi, il ya une joute politique. Qu'on soit
à l'opposition ou au gouvernement, il y a une joute politique. Mais vous étiez
au cœur de beaucoup de choses, depuis la première réforme du PEQ jusqu'aux
dernières déclarations de la dernière campagne électorale. Vous êtes très
proche de ces jeunes. J'aimerais bien qu'avec les membres de la commission...
si vous puissiez nous partager l'impact de ces mots sur les jeunes.
M. Noredine (Mohamed) : Bien,
souvent, quand il y a un événement politique ou une déclaration politique, nous,
on essaie de commenter l'actualité avec les jeunes parce qu'on sait qu'ils vont
toujours sentir l'événement ou l'actualité d'une façon différente par rapport
aux adultes. Alors, dans notre travail, ce qu'on fait, c'est qu'on va vérifier
avec eux c'est quoi, l'impact d'un tel propos, d'une telle déclaration ou d'un
changement dans la loi. J'ai parlé avec Ferid, avant de rentrer ici, je lui ai
dit : Il faut qu'on parle de l'image qu'on donne par rapport à
l'immigration. Il faut qu'on regarde toujours l'immigration comme un atout, et
non comme un fardeau, et non comme quelque chose qui est négatif.
Et malheureusement il suffit parfois d'une
déclaration malheureuse, dans un contexte, pour faire un effet négatif sur les
jeunes. Ça joue beaucoup sur le sentiment d'appartenance, en fait, c'est ça qui
est le plus touché chez les jeunes. C'est vraiment par rapport à est-ce qu'on
est vraiment les bienvenus ici? Parce qu'un jeune qui voit déjà ses parents
dans la galère au quotidien, d'aller faire des formations de mise à jour, de
trouver un emploi en parallèle pour faire vivre la famille, et, dans les médias
ou dans un contexte politique, même dans des élections, si on va entendre des
propos négatifs par rapport à l'immigration, bien, ça remet en cause toujours la
question de l'appartenance à la société d'accueil. Est-ce qu'on est toujours
les bienvenus dans cette société où, souvent, on n'a pas décidé, comme jeune,
d'être là, c'est les parents qui ont décidé ça? Mais ça remet en cause, en
fait, ce sentiment-là.
C'est que nous, on travaille au quotidien
d'augmenter ce sentiment d'appartenance, et dire aux jeunes que : Non,
non, on est toujours les bienvenus. Et, parfois, on explique aussi ce que vous
avez entamé : c'est un jeu politique, c'est un enjeu politique, ce n'est
pas toujours réel, c'est comme ça que ça se passe. Mais, chez les jeunes, ça
laisse parfois une trace vraiment dure à dépasser. Et, un an, deux ans après le
propos, ça va sortir toujours comme une blague, parce que les gens ne
travaillent... parce que les immigrants ne travaillent pas... ne veulent pas
s'intégrer, parce que... Ça sort dans les blagues, ça laisse des traces.
M. Derraji : Dites-moi une
chose, parce que... Là, la classe politique doit être responsable, parce
qu'au-delà d'une consultation sur l'immigration, quand on dit : On va tous
travailler pour franciser, intégrer, la classe politique a aussi une
responsabilité. Peser les mots avant de les prononcer vient annihiler un peu
vos efforts sur le terrain. Je me mets à la place d'un jeune. Je sais que vous
êtes très impliqués à Saint-Michel. Précarité, problèmes d'insertion sociale,
logement. En fait, les conditions et les chances de réussite ne sont... je ne
vais pas dire... il n'y a pas... ce n'est pas optimal. Vous essayez de relever,
de se relever ensemble. Je vous suis, je sais ce que vous faites sur le
terrain, vous faites un travail exceptionnel et vous aidez... et vous essayez
d'aider ces jeunes. Quand un politicien, qui est probablement responsable d'un
dossier de l'immigration, ou un premier ministre fait une sortie très calculée,
ciblée, avec des propos pareils...
M. Derraji : ...est-ce que ça
ne vient pas encore une fois encourager le repli? Parce que, nous, ce qu'on
veut, c'est l'intégration, pas le repli. Ce qu'on veut, c'est l'implication
citoyenne, et non pas le repli. C'est ça que j'aimerais bien, que votre
organisme... et surtout ce que vous faites sur le terrain, que vous puissiez le
partager aujourd'hui autour de cette table, parce qu'il y a plusieurs élus, il
y a au moins trois formations politiques autour de la table qu'on doit être
responsable de nos mots parce que les mots ont un impact sur les jeunes.
M. Noredine (Mohamed) : En
fait, ce qui va arriver aussi, c'est que les jeunes, actuellement, et je sais
que la société ici aussi, regardent beaucoup ce qui se passe en Europe. Et,
s'il y a une chose qu'on ne veut pas, c'est qu'on ne veut pas ressembler à
l'exemple européen d'intégration des nouveaux arrivants ou des jeunes de
première, deuxième, troisième génération. Ce n'est pas vraiment le bon modèle,
en tout cas, pour nous, sur le terrain. Et les jeunes regardent ce qui se passe
en Europe avec la crainte qu'on va vivre la même chose, et les adultes aussi
regardent la même chose, ils disent : Est-ce qu'on va vivre la même
problématique avec la deuxième, troisième génération?
Moi, je pense que l'immigration, il ne
faut pas que ce soit un enjeu politico-politique, il faut que ça soit un enjeu
nourri par des études objectives, par des commissions, par des témoignages, que
ce ne soit pas un enjeu où, sur le dos des immigrants, bien, on va sortir une phrase,
on va faire quelque chose juste pour dépasser le moment.
M. Derraji : Je vais juste me
permettre de lire un passage qui m'a beaucoup marqué : "Ce que nous
observons tous les jours malgré l'éducation nationale, souvent inadaptée aux
attentes des familles", vous avez mis en gras, ça, "c'est
l'incertitude, l'inquiétude, la frustration innommable qui génère des
attitudes, des comportements... pas mal documentés pour y faire face, ces
nouveaux arrivants et leurs enfants se réfugient dans leur bulle et ne
participent pas au développement et au progrès de la société québécoise, si ce
n'est que pour se défendre contre des problèmes éducatifs, communautaires et,
par extension, sociaux, sans risque de bénéficier des bienfaits du système qui
ne profite qu'à ceux qui ont compris les rouages et les failles." C'est
quand même fort. C'est un constat fort.
Une voix : Oui. Oui.
M. Derraji : Mais c'est parce
que j'essaie juste de comprendre comment le ministère... Nous, en tant qu'élus,
on doit être plus connectés, sortir nous-mêmes de la bulle. Parce que, si vous
dites les enfants ou les familles se réfugient dans leur bulle, il ne faut pas
que les élus tapent dans une bulle et commencent à lancer des mots qui ont un
impact beaucoup plus grave sur ces jeunes.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Alors,
il y a un paramètre, il y a un élément qui est important, on l'a souligné, la
structure familiale des immigrants, toutes origines confondues, n'est pas la
même que celle du Québec, de la société québécoise. Depuis le début de la
Révolution tranquille, on a affaire à une cellule familiale fragmentée, une
cellule familiale qui est découpée en morceaux. La cellule familiale de
l'immigrant, qu'il vienne d'Amérique latine, d'Asie ou d'Afrique, est la même,
elle est patriarcale.
Alors, quand on va à l'école, on envoie
nos enfants à l'école, qu'est ce qui se passe? Les programmes scientifiques,
mathématiques, tout ça, l'histoire, la poésie, la culture, la littérature,
c'est bon, ça passe. Mais dès le moment où on rentre dans des domaines où il y
a des implications sociales, il y a des conséquences sociales sur la famille
elle-même, ça pose problème. Le dernier exemple, c'est l'introduction du cours
de sexualité. Et vous le savez très bien, ce n'est pas perçu de la même
manière, ce n'est pas perçu de la même manière. S'il y avait un travail de
préparation sociale, communautaire, peut-être que ça irait. Il n'y aurait pas
d'opposition. Mais imaginez à Saint-Michel que vous connaissez. À Villeray, à
Montréal-Nord, il y a plus d'immigrants, d'enfants d'immigrants, que de
Québécois dans les salles de cours.
M. Noredine (Mohamed) : Et le
fait que les parents ne sont pas impliqués dans le processus, c'est ça qui fait
que les parents ne comprennent pas le rouage et comment ça fonctionne à
l'école.
• (16 h 30) •
M. Derraji : Très important,
ce point. Donc, vous ne dites pas qu'ils sont contre, c'est que la cellule
familiale n'est pas impliquée. Le rejet, l'obstruction, la non-adhésion...
J'essaie de juste... je ne vous mets pas des mots, j'essaie de vraiment
réfléchir avec eux pour qu'on puisse comprendre les enjeux. Mais vous nous
dites : Attention, ils sont civilisés, pu c'est la famille pour sortir de
la bulle.
M. Noredine (Mohamed) : Parce
que, depuis quelque temps, on parle beaucoup des écoles qui ont des problèmes,
à Saint-Michel, par exemple, qui ont des problèmes avec...
16 h 30 (version non révisée)
M. Noredine (Mohamed) : ...des
jeunes issus de l'immigration, comme d'autres jeunes, mais le problème, c'est
qu'il n'y a pas de communication entre, parfois, l'institution scolaire et les
parents de ces jeunes jusqu'à... jusqu'au moment où il faut exclure l'enfant.
Là, on va convoquer les parents pour la sanction, mais parfois les parents ne
sont pas concernés par ce qui est arrivé avant. Et c'est là où je parle
souvent, il faut qu'il y ait une collaboration entre le milieu scolaire, le
milieu communautaire, les parents, parce que c'est là où ça se passe. Si on n'arrive
pas à créer ce filet de sécurité autour de nos jeunes, bien, ce qui va arriver,
c'est tout ce qu'on est en train de vivre par rapport à la violence, par
exemple.
M. Derraji : Un excellent
point, et merci beaucoup pour ces informations. Il me reste une minute. J'aimerais
bien vous entendre sur la lutte contre le racisme, je sais que vous étiez très
impliqué. Le gouvernement parle d'un comité. Localement, vous avez fait beaucoup
d'initiatives, notamment avec la clinique juridique, et cetera, où vous êtes
rendus.
M. Noredine (Mohamed) : Moi,
le racisme, je le vois dans ces deux volets, dans le volet de l'éducation des
gens, pour qu'ils comprennent que, souvent, on a des préjugés sur les gens
parce qu'on ne les connaisse pas, parce qu'on ne regarde pas ce qu'il faut
regarder, parce qu'on ne connaît pas vraiment son voisin, et plutôt on regarde
ce qui s'écrit ou ce qui se diffuse, par exemple, sur les réseaux sociaux. Mais
il y a le volet aussi réparation, donc c'est comment outiller les jeunes qui
sont victimes de racisme pour ne pas aller dans un processus de violence ou d'isolement
par rapport à la société, mais plutôt aller vers un processus de réparation,
donc d'aller vers des institutions juridiques pour demander réparation. Donc,
on est dans ces deux volets-là. Donc, on essaie de faire des ateliers d'éducation
pour les gens, mais on essaie aussi d'outiller les jeunes à travers la clinique
juridique ou d'autres pour qu'ils soient outillés pour...
M. Derraji : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : C'est très bien. Merci beaucoup. Alors, on termine cette
cette audience... cette audition avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour
quatre minutes huit secondes.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation et pour le mémoire. Ça m'a aussi
beaucoup touché, ce qui est écrit là-dedans. Vous utilisez des mots durs quand
même, "enfermement", ostracisation", c'est quand même grave.
Vous dites aussi "témoins d'un rejet qu'ils n'ont pas voulu". Ça fait
quand même... C'est quand même difficile à lire. Là, j'étais à réfléchir aussi,
mais je me disais, puis là j'essaie d'être optimiste dans tout ça, là, j'imagine
qu'il y a aussi des bons modèles, il y a aussi des réussites. Je pense à... je
ne sais pas, moi, on connaît Mehdi Bouzaidan, on connaît Wajdi Mouawad, Félix
Auger-Aliassime, Adib Alkhalidey, Mariana Mazza, Manuel Tadros, Mani
Soleymanlou. Donc, il y en a plein, des des exemples que ça fonctionne aussi.
Bref, j'aurais voulu vous entendre aussi
sur ce côté-là. On est capable de réussites aussi, non... je pense.
M. Noredine (Mohamed) : Moi,
au quotidien, je dois être optimiste, parce que, sinon, je ne me lèverais pas
le matin pour aller faire mon travail. Je suis intervenant sur le terrain et je
dois croire au potentiel de nos jeunes. Et c'est ça qui me fait, parfois, mal
parce que c'est, parfois, de voir le potentiel de quelqu'un, immigrant, qui
arrive dans ce pays comme adulte ou comme et ne pas être bien accompagné pour
réussir. Et il croit à son processus au début, mais qu'il va lâcher un peu.
Mais il y a beaucoup d'histoires de réussite.
Moi, je parlais avec une jeune fille issue
de l'immigration, elle déteste le mot "intégration" parce qu'elle dit :
Moi, je ne m'intègre pas. Moi, je suis née ici, j'ai grandi ici, mais mes
parents, oui. Et elle est étudiante à Oxford, donc elle a commencé sa première
semaine à Oxford, à Londres, parce qu'elle a eu une grande bourse ici, et c'est
une fille qui est issue de l'immigration. Et j'ai plein de jeunes leaders
positifs qui prennent... qui sont conscients de l'enjeu de l'intégration et de
la réussite de leur génération, mais qui sont conscients aussi de la
difficulté, justement, à jongler entre des cultures et surtout à supporter tout
l'héritage des processus migratoires. Et souvent leur peur numéro un, en tout
cas, pour les jeunes spécialement, c'est que la pauvreté ne soit pas un
héritage. C'est ça que les jeunes me répètent souvent. Ça veut dire :
Est-ce qu'à un moment donné on va étudier, on va réussir, mais on aura des
difficultés à trouver un emploi à la hauteur, par exemple, de nos compétences.
Et moi, je leur dis : Profitez de
temps qu'on vit actuellement, parce qu'il y a manque de main-d'œuvre, et vous
aurez plus la chance, peut-être, que vos parents de trouver un emploi à la
hauteur de vos espérances et de vos compétences.
M. Cliche-Rivard : Et ça,
généralement, vous le sentez que la pauvreté n'est pas un héritage.
M. Noredine (Mohamed) : N'oubliez
pas que nous, on travaille avec les gens les plus vulnérables, c'est pour ça qu'on
vous présente les choses de cette façon-là. Mais il y a beaucoup de personnes
qui réussissent aussi et, peut-être, qu'ils n'ont même pas besoin de nous,
parfois...
M. Noredine (Mohamed) : ...il
passe par d'autres voies pour réussir.
M. Cliche-Rivard : Vous
voulez ajouter?
M. Chikhi (Ferid Racim) : ...Peut-être.
Vous savez, les concepts ont plusieurs facettes. On parle beaucoup d'inclusion,
mais pour un jeune ou un immigrant, lorsqu'on lui dit : Bien, écoute, on
va t'inclure, ça veut dire qu'on vient vers toi et on veut te récupérer. Et,
des fois, c'est mal perçu, d'accord? Par contre, lorsqu'on parle d'intégration
mutuellement avantageuse, c'est autre chose : je viens vers toi, tu as des
choses à me donner, et moi, j'ai des choses à te donner. Ça change
complètement.
C'est pour ça, quand on parle
d'intégration socioculturelle, ça passe d'abord au sein de la société. Parce
que la première chose que fait un immigrant quand il arrive ici, il retrouve sa
communauté et il retrouve... Et il découvre le Québec, d'accord?
M. Cliche-Rivard : Bien sûr.
Il faut qu'il y ait un échange.
M. Chikhi (Ferid Racim) : Ensuite,
on va le faire rentrer dans le travail. On va procéder à une insertion. C'est
pour ça qu'on parle de stage qui pourrait aider, pendant trois à quatre mois, la
personne à s'habituer au monde industriel, commercial, agricole, et cetera. On
peut les préparer, quand il est dans la communauté, à aller en région, et
pourquoi ne pas préparer les gens à aller en région avant qu'ils n'arrivent
ici? C'est ce que disait Mohamed. Pourquoi on ne leur dit pas : Écoutez,
vous n'allez pas à Montréal, on va vous envoyer plutôt... vous arrivez à
l'aéroport de...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois malheureusement vous arrêter. Le temps est écoulé.
Merci. Merci infiniment pour cet apport à nos travaux.
Alors, je suspends la commission pour
quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 43)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux.
Nous recevons donc les représentants de
l'Axtra, l'Alliance des centres-conseils en emploi. Mesdames, bienvenue à la
commission. Alors, les 10 prochaines minutes seront à vous d'abord pour
vous présenter, ensuite pour vous donner les grandes lignes, j'imagine, de vos
recommandations de votre mémoire, ensuite nous allons procéder à un échange
avec les parlementaires. Alors, le temps est pour vous.
Mme Roy (Valérie) : Merci.
Enchantée, chers membres de la commission. Mon nom est Valérie Roy, directrice
générale d'Axtra, l'Alliance des centres-conseils en emploi. J'ai le plaisir
d'être accompagnée aujourd'hui par Mme Lyne Laplante, directrice générale de
l'organisme Droit à l'emploi, Mme Rosalie Di Lollo, directrice générale de
l'organisme Centre Génération emploi, et de Mme Johanne Allaire, directrice
générale de l'organisme Perspective Carrière. Donc, merci beaucoup de nous
accueillir pour vous présenter aujourd'hui notre mémoire L'immigration comme
projet de vie et de société : Le rôle de l'intégration professionnelle.
Vous l'aurez compris, Axtra, l'Alliance
des centres-conseil en emploi, nous sommes un regroupement provincial de
100 organismes d'aide à l'emploi, 100 centres-conseils en emploi
répartis à travers la province qui offre à près de 100 000 personnes,
plus de 90 000 personnes chaque année des services d'intégration et de maintien
en emploi. Tout particulièrement, une trentaine d'organismes, là, membres
d'Axtra répartis un peu partout sur le territoire québécois sont spécialisés
auprès de la clientèle immigrante pour leur intégration et le maintien en
emploi et ils ont des ententes à la fois avec le ministère de l'Immigration et
le ministère de l'Emploi.
Donc, comme vous l'avez sûrement constaté
à la lecture de notre mémoire, nous avons vraiment regroupé sous trois enjeux
clés, trois grands enjeux prioritaires pour nous, les recommandations que nous
vous présentons aujourd'hui.
Donc, le premier, un leadership
gouvernemental ciblé. Alors, on a... depuis plusieurs années, on le nomme, vous
ne serez pas surpris de lire dans notre mémoire les nombreuses embûches que les
personnes immigrantes mais aussi les personnes intervenantes, dans leur
écosystème... les des embûches qu'on doit faire face tous les jours par rapport
à l'accès aux services, par exemple, et à des structures administratives qui
s'alourdissent. On a besoin de lois qui sont plus flexibles, mieux adaptées aux
besoins réels de la population immigrante. Également, on a besoin d'avoir des
emplois décents pour tous, particulièrement les travailleurs étrangers ou
travailleuses étrangers temporaires, mais aussi, pour des personnes immigrantes
qui arrivent ici, les nouvelles personnes nouvellement arrivées, il faut avoir
des emplois décents avec des conditions de travail équitables. Et, aussi, vous
comprendrez qu'on continue la lutte et la sensibilisation pour contrer les
obstacles systémiques.
Alors, pour ce qui... en ce qui a trait
aux structures administratives, un élément qu'on a fait ressortir dans le
mémoire, quand on parle d'embûches administratives, c'est clair que l'accès à
la francisation est un enjeu. Vous l'avez entendu par d'autres intervenants
devant cette commission, il faut accélérer l'accès à la francisation, il faut
aussi pouvoir faire un effort pour que les personnes puissent avoir... une fois
qu'ils ont accès, qu'ils ont les professeurs. On dirait, il y a une pénurie,
par rapport aux classes en immigration, aux professeurs, aux enseignants. Ça,
c'est un enjeu...
Mme Roy (Valérie) : ...auquel
les personnes immigrantes doivent se buter, malheureusement. Également, les
permis de travail, c'est important d'avoir un assouplissement en ce qui a trait
au permis de travail et les modalités de permis de travail fermés. Il faut
également aussi travailler avec vos homologues fédéraux par rapport à ça. Donc,
je laisserai la parole à Mme Line Laplante va également vous souligner quelques
enjeux terrain par rapport au thème un.
Mme Laplante (Lyne) : Merci,
Valérie. Ce qu'on remarque, sur le terrain, c'est que malgré l'offre accrue en
francisation, les délais pour débuter sont souvent longs et la nouvelle
obligation de s'inscrire via la plateforme électronique, uniquement en français
devient déterminante. Comment une personne qui n'a pas accès à l'informatique
et qui ne comprend pas encore la langue peut-elle accéder à la francisation si
elle est incapable de s'inscrire? Ce sont les organismes terrain qui se
retrouvent à les accompagner pour le faire. Ensuite, la personne doit attendre
d'obtenir sa place. Tout cela en gardant en tête qu'elle n'a que six mois avant
d'obtenir des services uniquement en français.
Un autre enjeu, très parlant, touche les
permis de travail fermés versus ouverts. Au-delà de l'obligation où se
retrouvent les travailleurs face à l'employeur, lorsque celui-ci ne peut leur
offrir du travail à temps plein tel que prévu lors de l'embauche, le permis de
travail fermé les empêche de trouver un autre travail pour combler le manque à
gagner. Et, pour réussir à changer la situation, il faut porter plainte, ce qui
les rend très mal à l'aise par loyauté à l'employeur.
Mme Roy (Valérie) : Oui,
voilà. Donc, c'est pour ça qu'on recommande, nos deux premières
recommandations, c'est vraiment la mise en place d'un cadre réglementaire
pour... assorti de mécanismes de surveillance et de sanction pour protéger
davantage les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, assurer des
conditions de travail décentes, et aussi notre deuxième recommandation est de
reconnaître l'existence d'obstacles systémiques auxquels ces personnes font
face, malheureusement, lorsqu'elles arrivent et y consacrer une orientation
spécifique dans le... votre présent exercice, là, de planification de l'immigration
au Québec.
Si on va vers l'enjeu deux, des milieux
d'accueil ouverts... inclusifs, c'est sûr qu'il y a encore un enjeu de
sensibilisation. Il y a encore un manque de sens, de sensibilisation. Il faut
pallier à ce manque. Donc, il faut continuer à promouvoir l'acceptation, la
différence culturelle, la tolérance, le dialogue. Et ça, bien sûr, à l'échelle
de la société, mais beaucoup, beaucoup dans les milieux de travail et aussi
dans des équipes, pas seulement par rapport à la haute direction, mais aussi
dans toutes les strates des milieux de travail. C'est très important que les
employeurs aient les bons outils, une fois que les personnes sont intégrées,
les personnes nouvellement arrivées, personnes immigrantes, mais aussi pour les
maintenir en emploi. Malheureusement, sur le terrain, on constate encore des
préjugés qui existent. Donc, c'est important de déployer les efforts et je vous
dirais aussi de sensibiliser par des moyens de communication publique de plus
grande envergure, là. Vous le savez, dans le mémoire, si vous avez lu cette
section-là, vous savez qu'on parle... on vous donne l'exemple d'une campagne
nationale de sensibilisation des avantages de l'immigration, comme celle qui a
été faite, là, à l'instar de celle qui a été faite en Ontario sur la santé
mentale et la santé-sécurité en milieu de travail. Donc, je laisserais ma
collègue Rosalie Di Lollo vous entretenir également sur notre enjeu deux.
Mme Di Lollo (Rosalie) : Oui,
merci Valérie. Or, nous, ce que nous remarquons sur le terrain, c'est que le
système d'immigration québécois est conçu et fonctionne dans une perspective
très nord-américaine. Il est à caractère hautement procédural, technologique et
individualiste, ce qui contraste avec la majorité des personnes immigrantes reçues
au Québec qui, elles, viennent de systèmes plus collectifs. Ils sont souvent
structurés de manière moins procédurale et moins technologique. Une inclusion
réussie, durable et en français des personnes immigrantes demanderait que le
système québécois s'attarde plus longuement sur la mise en place d'initiatives
et sur le déploiement de ressources s'inspirant du domaine de l'équité, de la
diversité et de l'inclusion. L'application des principes de l'EDI au plan
d'immigration du Québec aiderait à soutenir plus adéquatement l'intégration des
personnes immigrantes en favorisant des chances égales pour tout le monde. Nous
croyons donc qu'un système de transition qui permet aux personnes immigrantes
de mieux comprendre notre société à travers des référents qui leur sont plus
familiers est un processus gagnant pour toutes les sphères de la société.
• (16 h 50) •
Mme Roy (Valérie) : Et voilà
pourquoi notre troisième recommandation est le déploiement d'une campagne de
sensibilisation sur l'apport des personnes immigrantes en ciblant le public, le
grand public plus largement puis les entreprises et les équipes de travail.
C'est une recommandation qui avait été faite devant cette commission voilà
quelques années de la part d'Axtra et la recommandation quatre est de recourir
à l'expertise des personnes expertes, des personnes intervenantes au sein des
centres-conseils en emploi spécialisés en immigration pour accompagner les
entreprises, surtout les PME, petites entreprises, dans une réelle application
des principes d'équité, de diversité et d'inclusion en milieu de travail. Donc,
si on va vers le troisième thème, des services accessibles, flexibles et
adéquatement financés, bien, on ne vous cachera pas qu'il faut assouplir les
critères d'admissibilité, ils doivent évoluer au même rythme que les profils
des personnes...
Mme Roy (Valérie) : ...nouvellement
arrivé évolue, il faut les accompagner, il faut avoir une flexibilité dans le
financement. On ne parle pas nécessairement de hauteur, mais de flexibilité
dans l'utilisation des fonds pour mieux intégrer et maintenir en emploi
l'ensemble des... On dit notamment dans notre mémoire que l'ensemble des
travailleuses et travailleurs temporaires devraient avoir accès au service
public d'emploi, qu'importe la nature, là, la durée restante de leur permis de
travail. Donc, on a des nouvelles personnes en sol québécois avec des nouveaux
profils, des nouveaux contextes. Il faut adapter rapidement les critères
d'admissibilité au service. Et je laisserais ma collègue, Johanne Allaire,
finaliser notre intervention sur l'enjeu 3.
Mme Allaire (Johanne) : Oui,
merci, Valérie. En ce qui me concerne, j'aimerais vous entretenir sur les
personnes demandeuses d'asile. On dit qu'on veut offrir un emploi décent pour
tous, alors que les demandeurs d'asile qui ont un permis de travail ne savent
ni comment commencer, par où commencer et ni comment fonctionne le monde du
travail au Québec. Durant leur présence sur le territoire, l'emploi est un
enjeu prioritaire pour ces personnes vulnérables car elles disposent
généralement de peu de ressources financières à leur arrivée au Québec. Même si
elles souhaitent ardemment contribuer à la société qui les accueille, elles se
trouvent confrontées à des barrières importantes en matière d'intégration professionnelle
et de maintien en emploi. Face à tous ces enjeux, une approche globale est
nécessaire afin de prendre en compte les aspects professionnels, familiaux,
éducationnels, culturels et économiques de ces individus.
Il est irréaliste de penser que le
parcours d'intégration en emploi de toutes les personnes nouvellement arrivées
en sol québécois puisse être linéaire, simple et terminé après seulement
quelques semaines d'accompagnement. Il est donc primordial que le gouvernement
élargisse rapidement l'accès aux services publics d'emplois à toutes les
personnes immigrantes en droit de travailler, et ce, dans une approche globale
accompagnée par des spécialistes qui ont développé leur expertise depuis
plusieurs années. Merci.
Mme Roy (Valérie) : Oui, Mme Allaire
vient de le dire, c'est notre recommandation 5, d'offrir des services
publics d'emplois à toutes les personnes immigrantes, peu importe le statut ou
la nature de leur permis de travail. Deux dernières recommandations, 6 et 7, on
parle de la plus grande flexibilité donnée aux organismes qui interviennent sur
le terrain pour offrir cette prestation de services publics d'emplois là aux
personnes et accroître leur capacité d'intervention et d'adaptation et
d'augmenter le financement pour les organismes qui accompagnent les personnes
immigrantes et les entreprises aussi, en portant une attention particulière aux
besoins régionaux et avec les besoins particuliers, partout au Québec.
Donc, ce serait la clôture de notre
présentation. Je vous remercie beaucoup. Et je conclurais en disant que, bien,
on a un impact significatif quand même sur les différentes communautés des
membres d'Axtra qui interviennent auprès de la clientèle immigrante. Et je
pense qu'autant la mission d'Axtra, des organismes qu'on représente que ceux de
votre ministère, on a la même mission, mais je pense qu'il faut vraiment se
concentrer sur les besoins des individus qui sont pris malheureusement dans des
structures parfois trop rigides qui ne vont pas assez vite pour répondre aux besoins.
Merci de votre écoute.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, mesdames. Alors, on en est déjà rendu à la
période d'échange avec les parlementaires. On va tout de suite s'engager auprès
du gouvernement avec la ministre qui vous a accordé quelques petites secondes
pour terminer votre présentation. Alors, Mme la ministre, vous avez 15 min 40
s.
Mme Fréchette : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, bonjour à vous quatre. Merci de contribuer à cet échange
et cet exercice démocratique. On vous sent très engagées dans votre mandat
professionnel. C'est beau à voir. Donc, merci de partager votre perspective,
vos visions et propositions.
Je me plongerais dans votre mémoire en
commençant par la page 10. Puis, en fait, Mme Roy, vous y avez fait
référence, c'est quant à la création, en fait, de campagnes de sensibilisation.
Donc, vous nous invitez à orchestrer, là, une campagne à l'échelle nationale
sur les avantages de l'immigration. Alors, bien, je voulais souligner dans un premier
temps que le ministère, le MIFI, a eu l'occasion d'organiser une campagne de
cette nature là pas plus tard qu'en mars dernier, en fait, on en a amené
quelques-unes, mais la plus récente était en mars dernier, avait pour titre,
là : D'ailleurs et d'ici, nous avons le Québec en commun. Donc, c'est une
campagne qui présentait une série de portraits de Québécois issus de
l'immigration puis qui avaient eu un processus d'intégration réussi. Et on a
aussi l'occasion, depuis 20 ans, à tous les ans, là, d'organiser les
célébrations autour de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles où
on remet des prix à des personnes, des organisations qui se sont distinguées en
lien avec l'intégration des personnes immigrantes ou encore la diversité
ethnoculturelle. Alors, je me demandais si c'était des exemples de ce que vous
aviez en tête quand vous nous invitez à mettre de l'avant des campagnes de
sensibilisation.
Mme Roy (Valérie) : Oui, bien
sûr, c'étaient des bonnes campagnes, mais on veut...
Mme Roy (Valérie) : ...qu'elle
continue ces campagnes-là.
Puis on mettait aussi beaucoup d'accent,
dans notre mémoire, sur l'importance d'avoir des outils pour les employeurs.
Parce que, je le répète, au Québec, c'est souvent des petites et moyennes
entreprises, elles n'ont pas peut-être tous les outils qu'il faut pour bien
sensibiliser leurs personnes, leur entourage, de la part des personnes
immigrantes à l'économie, et tout ça, québécoise, au tissu social.
Mais oui, effectivement, les campagnes que
vous avez nommées, on les a vues. On pense qu'il faut davantage... Il faut les
poursuivre, il faut en donner... C'est pour ça qu'on donnait, par exemple, on
donnait celle, là, qui avait eu lieu en Ontario. Il y en a... je sais que cette
province-là en fait depuis plusieurs années. Parce que nous, on était venus
devant cette commission-là, voilà quelques années, on avait demandé de...
d'investir dans des campagnes de sensibilisation grand public. On salue les
efforts qui ont déjà été faits. On veut les poursuivre.
Et, pour représenter des organismes qui
travaillent, et j'insiste, avec des employeurs aussi, parce qu'il faut outiller
les employeurs au Québec à bien intégrer et bien garder en emploi et bien
former ces personnes-là, ils ont besoin d'outils de sensibilisation.
Puis je peux peut-être laisser une de mes
collègues, là, qui travaillent avec des entreprises dans la région, de
compléter mon intervention.
Mme Laplante (Lyne) : Bien,
je peux peut-être me permettre d'ajouter, Valérie. Tu fais référence aux petites
et moyennes entreprises, c'est effectivement une réalité, où, quand il y a
seulement quelques travailleurs et qu'on intègre une nouvelle personne issue de
la diversité, quelquefois, les préjugés racistes, les... la discrimination dont
peut faire l'objet le nouveau travailleur vient affecter directement le milieu
de travail. Ça fait que, oui, les publications ou les campagnes de publicité à
grande échelle sont superimportantes, mais il faut aussi aller travailler
vraiment terrain pour préparer le milieu à accueillir la personne qui va se
joindre. Parce qu'on entend trop souvent des situations où ça... la
discrimination va se vivre une personne à la fois, là.
Mme Fréchette : Vous pensez,
par exemple, à des guides d'intégration des personnes immigrantes dans le
milieu de travail, préparation des équipes déjà en place, qui vont cohabiter?
Mme Laplante (Lyne) : Formation,
oui.
Mme Fréchette : Oui, j'ai vu
ça dans plusieurs régions, là, des guides qui font connaître la région, mais
aussi qui donnent des repères sur la culture d'entreprise organisationnelle, et
tout ça. O.K.
Mme Laplante (Lyne) : Oui.
C'est sûr que les programmes de... Les PAC, les programmes d'appui aux
collectivités, quand on vient donner de la formation en milieu de travail pour
préparer la nouvelle communauté ou le nouveau groupe de travail à accueillir la
personne, ça peut juste être bénéfique pour tout le monde.
Mme Fréchette : O.K. Bien,
merci. Je vous amènerais maintenant la page trois, puis il y a un... des
commentaires que vous avez eus tout à l'heure aussi dans votre présentation.
Vous mentionnez, en fait, que... bon,
d'une part, vous avez mentionné que Francisation Québec n'était disponible
qu'en français. J'aimerais tout de même souligner, là, qu'on a des capsules
linguistiques en anglais et en espagnol pour aider les personnes à compléter
les formulaires pour s'inscrire dans le processus de Francisation Québec. Donc,
c'est important de le faire savoir parce que je pense que ça peut être très
utile pour les personnes concernées.
Vous mentionnez, donc, qu'Accompagnement
Québec et Francisation Québec viennent, en fait, complexifier le parcours des
personnes immigrantes et puis que certaines, en fait, n'oseraient pas demander
l'aide de l'État par crainte, en fait, de travailler, collaborer avec une
instance gouvernementale. Donc, est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus
sur ces craintes que vous percevez? Puis quelles mesures de solution vous
verriez à mettre de l'avant?
Mme Roy (Valérie) : Bien, je
vais laisser mes collègues répondre. C'est quelque chose qui est observé sur le
terrain, effectivement.
• (17 heures) •
Mme Laplante (Lyne) : Oui.
Bien, c'est sûr et certain qu'il y a plusieurs personnes issues de la diversité
qui vont nous arriver avec une crainte ou une peur du gouvernement, ça fait que
ça, c'est quelque chose qu'on va entendre souvent. Ça fait qu'à partir du
moment où on leur dit qu'ils doivent s'inscrire via la passerelle officielle du
gouvernement, qui... Puis je souligne, entre autres, oui, les capsules sont
disponibles en anglais, en espagnol, mais le formulaire, lui, est uniquement en
français, ça fait que la personne a besoin de soutien pour être capable de le
compléter. Parce qu'ils ont toujours peur, quand ils vont faire affaire avec le
gouvernement ou une instance, de... de peur de représailles ou de subir des
problématiques en lien avec ça. Ça fait que c'est sûr que, quand on leur dit
que c'est le gouvernement, qu'on doit s'inscrire, donc on doit passer, bon,
l'AI, la plateforme Arrima, et ensuite de pouvoir découler dans les services,
on la sent, cette crainte-là de plusieurs personnes issues de l'immigration.
Ça fait que nous, ce qu'on dit, c'est,
quand on arrive à mettre une personne en lien qui est terrain avec la personne
pour la rassurer, pour bien l'accompagner, pour l'aider à compléter ses
formulaires, ses demandes, obtenir l'ensemble de ses papiers, de ses
reconnaissances, de tout ce qu'elle...
17 h (version non révisée)
Mme Laplante (Lyne) : ...besoin
pour pouvoir bien s'intégrer, ça vient la rassurer. Parce que nous, au Québec,
on est habitués comme Nord-Américains, comme Rosalie disait tout à l'heure, de
faire affaire avec les différentes instances gouvernementales, mais ce n'est
pas le cas pour tout le monde.
Mme Fréchette : Oui, je peux
comprendre la perspective différente, là, des personnes immigrantes. Aux pages
quatre et cinq, vous mentionnez qu'en exigeant que les employeurs se conforment
à des normes strictes, le gouvernement pourrait réduire les risques d'exploitation
ou de traitement injuste que pourraient subir certains travailleurs. Donc, j'aimerais
vous entendre, en fait, sur les améliorations que vous proposez dans l'encadrement,
là, parce qu'il y a déjà un encadrement qui est offert par... assuré par le
gouvernement, notamment, bon, les EIMT, l'escouade qui a été mise en place avec
la CNESST. Donc, qu'est-ce que vous verriez comme mesures additionnelles qu'on
puisse mettre en place pour avoir un encadrement plus complet?
Mme Roy (Valérie) : Bien,
dans le mémoire, on parlait notamment d'avoir d'assouplir, là, les permis de
travail, qu'ils soient ouverts ou, du moins, de façon sectorielle, les ouvrir
davantage, parce que c'est sûr que ce qu'on entend beaucoup de la part de nos
collègues sur le terrain, c'est qu'il y a quand même beaucoup, malheureusement,
de situations où la personne immigrante est quand même prise, vous l'avez
entendu souvent devant cette commission, elle n'a pas de recours, donc... Et le
problème avec tout ça, c'est que je pense que le gouvernement a quand même une
responsabilité de... Oui, vous avez parlé des escouades, vous mettez des moyens
en place, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a encore beaucoup de personnes
immigrantes qui n'ont pas... ne peuvent pas changer d'emploi, elles sont prises
dans des situations plus précaires et aussi... bien, quand ils arrivent ici,
souvent, l'emploi, il va être alimentaire ou il va être au noir, donc... Et ça
s'ajoute un peu à ce qu'on disait tout à l'heure par rapport, des fois, aux
ruptures qu'ils ont avec les institutions dans leur pays d'origine, donc, ça,
ça vient alimenter peut-être la crainte aussi de prendre davantage un pas de l'avant
et de changer de travail, de dénoncer des situations. Donc, je ne sais pas si
mes collègues veulent ajouter par rapport à ça, ce qu'on dit dans le mémoire.
Mme Allaire (Johanne) : Oui.
J'aimerais ajouter un élément qu'on a vécu, nous, d'un participant. On les
appelle les participants. Il est arrivé au pays avec toute sa famille avec un
permis de travail fermé. Et alors qu'il est arrivé à l'avance pour se préparer
à son nouvel emploi, il avait trouvé un... il logeait chez des amis, il est
allé voir l'employeur pour préparer à l'avance. Et là l'employeur quand il est
arrivé, bien, il dit : Bien non, ce n'est plus 32 $, c'est 17 $
de l'heure. Ça fait que là il dit : Bien, ça ne marche pas. Puis c'est un
poste quand même... puis pas le même nombre d'heures. Donc, il a dit :
Non, je regrette, je ne suis pas capable d'accepter ça. Mais là demander à
cette personne-là, oui, il a des recours, mais ces personnes-là ne feront pas
les recours. Puis ça faisait déjà... puis là il a fait des démarches
incommensurables, c'est... je l'admire d'avoir toujours gardé son sang-froid
dans toutes ses demandes de différents gouvernements, différents paliers, la
CNESST, entre autres, les normes du travail, les députés provinciaux, fédéraux,
municipaux. Et pour en arriver au bout du compte, il dit : Une chance que
j'ai des amis qui m'ont appuyé financièrement parce que mes enfants commencent
à s'habituer et à s'intégrer. Mais il dit : Je n'ai même pas la
possibilité... Il a eu un permis de travail ouvert pendant trois mois, ce qui
était temporaire.
Alors donc, la machine, elle est très,
très... c'est très gros, là, et c'est beaucoup de demander à ces gens-là d'utiliser
les ressources légales, je vais les nommer comme ça, là, ils ne le feront pas,
ils ne veulent pas... ils ont peur d'être obligés de retourner dans leur pays d'origine.
Alors, c'est un peu, là, les blocages qu'on a dans le terrain.
Mme Fréchette : O.K. Bien, je
vous remercie d'avoir témoigné de ces situations. Je vais céder la parole à des
collègues, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je me tourne du
côté de la députée d'Iberville pour une période de 4 min 39 s.
Mme Bogemans : Parfait. En
fait, moi, je voulais simplement vous remercier pour votre implication locale,
là, ça fait une grande différence. On a de nombreux témoignages, là. Je connais
peut-être un petit peu plus personnellement Mme Laplante, qui est de
Saint-Jean-sur-Richelieu. Les cas ne manquent pas et les gens qui passent par
le droit à l'emploi, là, ne manquent pas de bons mots à votre égard. C'est
certain que, nous, la régionalisation est au coeur du déploiement de la
politique d'immigration puis vous êtes des exemples, là, vraiment à prendre en
compte pour la régionalisation, là, vous déployez plusieurs outils...
Mme Bogemans : ...comment
croyez-vous qu'on peut aller plus loin puis comment que, par exemple,
Accompagnement Québec, qui est un nouvel outil qu'on vient de déployer,
pourrait mieux vous accompagner et accompagner les immigrants?
Mme Laplante (Lyne) : Bien,
si ce... Merci, Audrey, de tous ces bons mots. C'est toujours un privilège,
effectivement. Mais ce que je... Ce que je pourrais dire par rapport à l'enjeu
qu'on va vivre en régionalisation, ce qu'on vit actuellement, c'est qu'avec la
diminution du financement qu'on a connue dans la dernière année, l'ensemble des
organismes ont dû faire des choix et de décider si on va continuer à mettre
beaucoup d'argent en régionalisation ou si on va plus le consacrer en
installation. Et nous, actuellement, dans la région, ça rentre tellement de
partout en installation, les besoins et les demandes sont tellement criants que
nos énergies vont beaucoup plus de ce côté là.
Notre souhait est de continuer à faire de
la régionalisation, faire connaître la région. Là, on utilise... On a le
privilège dans le Haut-Richelieu de pouvoir avoir une belle délégation et un
milieu qui est hautement accueillant et qui s'est mobilisé pour aller recruter,
je dirais, et convaincre les gens de s'en venir à Saint-Jean. Ça fait que ce
n'est plus juste nous qui l'apporte, le volet régionalisation, mais c'est sûr
qu'il faut... il faut être capable de bien accompagner les gens et qu'on ait le
temps de le faire pour leur permettre de bien découvrir la société québécoise,
de bien prendre le temps de s'enraciner dans le nouveau milieu dans lequel ils
veulent être. Ça fait que c'est sûr que le financement est au cœur de nos
préoccupations parce que, là, on va au plus urgent, à répondre aux besoins des
humains qui se présentent en détresse à la porte. Ça fait que nos énergies sont
plus tournées vers l'installation que la régionalisation.
Mme Bogemans : Merci
beaucoup. Je voulais passer la parole maintenant à Mme la ministre.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, merci. Alors, je vais revenir à la ministre. Il vous
reste 1 min 54 s
Mme Fréchette : Oui,
merci. Alors, je voulais simplement vous signaler qu'on m'informe en fait que
les formulaires d'inscription pour Francisation Québec sont également disponibles
en anglais et en espagnol. Alors, on va s'assurer que les liens soient
davantage visibles parce que vous n'êtes pas le premier groupe qui nous
mentionniez que... mentionnez que ce n'était pas accessible. Alors, on va faire
un petit ajustement pour faire en sorte que ce soit plus visible et accessible
aisément. Merci, Mme la Présidente.
Une voix : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, la députée de Laviolette-Saint-Maurice, il vous
reste 1 min 24 s
Mme Tardif : Merci.
Bonjour, merci d'avoir pris le temps, là, de venir nous rencontrer et de
préparer un mémoire. On sait que c'est quand même assez exhaustif. Vous avez
soulevé bon nombre d'embûches, le temps de formation en francisation, vous
parlez des problématiques pour s'inscrire sur le site Internet, les délais des
cours, souvent, pour débuter les cours, sont trop longs, vous nous demandez
d'accompagner davantage, etc., etc. Quelles sont les pratiques les plus
prometteuses que vous avez vues sur le terrain? Avez-vous des exemples qui
pourraient favoriser l'accueil au niveau de la collectivité?
Mme Roy (Valérie) : Est
ce que vous avez un exemple à partager, Rosalie? Je pense que...
Mme Di Lollo (Rosalie) : Puis-je
me permettre, oui, de répondre à cette question. Mais oui, Mme la députée, en
fait, nous avons un exemple de l'Allemagne, un pays européen qui, lui, dans son
service d'immigration, dans son système d'immigration, a systématiquement des
personnes-ressources relais dans la communauté qui sont assignées à chaque
personne immigrante qui entre dans le pays. Donc, on ne leur demande pas de
s'inscrire à un service quelconque d'accompagnement, mais on leur offre cet
accompagnement-là systématiquement dès l'entrée au pays. Donc, ils sont tout de
suite associés à une personne-ressource relais dans la communauté, surtout les
organismes communautaires, les organismes de terrain qui ont l'expérience et
l'expertise, qui ont les ressources également pour vraiment pouvoir accompagner
la personne. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Malheureusement, je dois terminer
avec le premier groupe. Puis je me tourne maintenant du côté de l'opposition.
On poursuit nos discussions pour 12 min 23 s avec la députée de
Chomedey.
• (17 h 10) •
Mme Lakhoyan Olivier : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour à vous! Très, très intéressant. Vous avez mentionné,
Mme Roy, je pense, c'est vous qui a mentionné au début que vous avez aidé
au maintien à l'emploi plus que 90 000 personnes. Wow!
Mme Roy (Valérie) : Ça, c'est
dans... Ça, c'est globalement. Les personnes desservies par tous les services.
Mme Lakhoyan Olivier : Globalement,
sur combien de temps?
Mme Roy (Valérie) : C'est
annuellement, c'est annuellement. C'est... Bon an, mal an, là, c'est entre
80 000 et 100 000 personnes qui sont desservies par les services
des centres...
Mme Roy (Valérie) : ...centres-conseils
en emploi. Mais ce n'est pas tous en immigration par contre, là, c'est des gens
qui viennent cogner pour avoir des services publics d'emplois ou bien via les
organismes d'Axtra, les centres-conseils en emploi. Ça fait que c'est quand
même beaucoup de personnes.
Mme Lakhoyan Olivier : Donc,
vous trouvez de l'emploi pas seulement aux immigrants, mais aux citoyens aussi.
Mme Roy (Valérie) : Voilà,
exactement. Et, sur les 100 organismes, il y en a quand même une
trentaine, comme je disais d'entrée de jeu, là, effectivement, qui sont à la
fois en entente avec le ministère de l'Immigration, donc qui ont la spécialité
de l'accueil et l'établissement... et après assurer d'employabilité, là.
Mme Lakhoyan Olivier : Bon.
C'est bien, merci. Je vais revenir à Mme qui n'a pas pu terminer qu'est-ce
qu'elle parlait. Je ne me rappelle pas votre nom. Je crois que ça a un rapport
avec votre point à la page trois, 1.1. Des structures administratives et des
lois mieux adaptées aux besoins réels. Je pense que ça a rapport avec ça ce que
vous disiez. Vraiment, vous parlez de beaucoup de manque d'organisations...
organisationnel ou prise en charge, lourdeurs administratives. Je pense, vous
alliez... en donnant l'exemple de l'Allemagne, vous étiez en train d'expliquer
ça. J'aimerais que vous continuiez à nous expliquer votre exemple et nous
parler un peu plus de ce 1.1. Comment on peut améliorer les services? La parole
est à vous.
Mme Di Lollo (Rosalie) : Merci
beaucoup. Merci, Mme la députée. En fait, oui, ma suggestion, ce qu'on... la
bonne pratique de l'Allemagne recoupe... celui-ci aussi recoupe également
l'expertise et l'expérience des centres-conseils en emploi dans
l'accompagnement, et pas juste des centres-conseils en emploi, mais les centres
qui ont des ententes avec le ministère de l'Immigration aussi. En fait,
c'est... la personne-ressource ou relais est vraiment là pour aider la personne
à faire une transition complète à la nouvelle société d'accueil, donc qui va
vraiment être la personne qui va inculquer les nouvelles façons de penser, qui
va informer sur les ressources, qui va accompagner vers ces ressources-là aussi.
Donc, ce sont des personnes qui, généralement, sont des personnes de la
communauté désignée, donc des organismes désignés qui ont le mandat
d'accompagner les personnes systématiquement lorsqu'elles entrent au pays, en
Allemagne. Et, en fait, ça vient... ça vient en fait... parce qu'on parle dans
le mémoire de surresponsabilisation aussi des personnes immigrantes lorsqu'il
en vient au système d'immigration et à leur intégration à la société
québécoise.
Donc, on vient un peu enlever le fardeau
sur la personne immigrante de tout faire individuellement seul, alors que, dans
le pays d'origine, ce n'est peut-être pas comme ça qu'ils fonctionnaient,
c'est... puisque ce sont des systèmes plus collectifs, c'est... Et on le voit
sur le terrain aussi, les personnes immigrantes qui arrivent, elles sont
habituées d'interagir avec des gens plutôt que des systèmes informatiques ou de
la technologie. Ils sont habitués d'avoir quelqu'un à qui ils peuvent se
référer directement, que ce soit pour les formulaires ou quoi que ce soit
d'autre. Les systèmes d'autres pays, souvent, c'est l'accompagnement des
humains qui est préconisé. Et donc, lorsqu'ils arrivent ici et qu'ils se butent
à des systèmes technologiques, à des systèmes très individualistes et avec
beaucoup de procédures, ils sont un peu perdus, ils sont confus et ils ont
besoin de cet accompagnement-là pour les éclairer sur notre manière de
fonctionner et sur notre système.
Mme Lakhoyan Olivier : Donc,
vous parlez de l'Allemagne, mais là vous avez mentionné d'autres pays. Quels
autres pays qui fonctionnent de cette manière, accompagnement en personne au
lieu de système informatique?
Mme Di Lollo (Rosalie) : Je
vais rephraser parce que je crois que mon commentaire a été mal compris. Ce que
je dis, c'est que les personnes immigrantes, leur pays d'origine, ne
fonctionnent pas comme le nôtre, donc, dans leur pays d'origine, ces
personnes-là, pour beaucoup, elles vont vers des interactions en personne avec
un contact humain pour faire ce genre de choses là et pour se faire accompagner
dans toutes sortes de sphères de la société. Donc, c'est pour ça qu'on suggère,
en fait, qu'il y ait cette personne-ressource, ce relais-là sur le terrain
parce qu'en tant que tel ça va donner.... C'est un procédé, un processus qui va
leur... qui est plus avec lequel ils sont plus familiers. Ce sont des référents
avec lesquels ils sont plus familiers. Et les personnes-ressources sur le
terrain, comme nos intervenants dans les centres-conseils en emploi, dans nos
organismes communautaires, on a souvent des 10, 15, 20, 25 ans et plus
même d'expérience terrain, d'expertise...
Mme Di Lollo (Rosalie) : ...donc
on pourrait facilement accompagner ces personnes-là, faire le relais et les
doter d'un système à référent plus familier afin d'effectuer une transition
plus fluide.
Mme Lakhoyan Olivier : Donc,
si je comprends bien, les gens qui arrivent ici, on les prend en main et puis
on les dirige au bon organisme afin d'avoir un suivi, que cet immigrant, que ce
soit un travailleur, n'importe quel statut, qui rentre, on prend en charge, le
ministère ou le gouvernement va prendre en charge, on va pouvoir mieux les
guider pour tout le reste qu'ils ont besoin à faire pour s'intégrer et bien
vivre ici parmi nous.
Mme Di Lollo (Rosalie) : Voilà.
Effectivement, on parle ici d'un accompagnement systématique et non pas de
demander à une personne immigrante de s'enregistrer pour un accompagnement.
Mme Lakhoyan Olivier : J'ai
déjà entendu avec d'autres groupes, du genre un comptoir, un comptoir
d'immigration, là, mais en même temps, on aura les chiffres des gens qui
rentrent, et c'est quoi, les statuts, où ils sont rendus, qu'est-ce qu'ils
font, ils ne seront pas perdus dans la province. Et puis on va les aider de
cette manière à réussir leur vie au Québec. On va prendre note, définitivement.
Donc, vous parlez... il faut donner plus de flexibilité et des ressources aux
organismes. Pouvez-vous élaborer là-dessus?
Mme Roy (Valérie) : Bien, je
peux commencer, puis mes collègues qui dirigent les organisations terrain vont
pouvoir le dire, là, il y a des efforts considérables qui sont faits, là, par
le gouvernement pour financer tous ces programmes-là d'aide et
d'accompagnement. On le reconnaît, mais on sent un resserrement dans les
critères d'admissibilité. Et moi, j'aimerais le dire, là, les intervenants qui
travaillent, on sait bien, là, c'est l'humain qui est au cœur de la
problématique ici des personnes nouvellement arrivées, mais on voit... quand on
parle de non-flexibilité, on parle aussi d'un accroissement des tâches
administratives, une fonctionnarisation des personnes qui travaillent dans les
organismes terrain. Donc, à ce moment-là, ça devient difficile, là, pour les
intervenants. Ils doivent... les critères d'admissibilité sont plus... ne
répondent pas nécessairement aux besoins. Puis on va pouvoir dans quelques
secondes donner des exemples concrets par mes collègues, des profils qu'on ne
peut pas desservir, parce que les critères d'admissibilité ne collent pas à la
réalité ou aux nouvelles réalités. Et il faut de la reddition de compte, c'est
des fonds publics, c'est primordial. Mais la raison pour laquelle on prolonge
les services du gouvernement auprès de ces organismes terrain là, c'est
justement pour être plus agile puis pour pouvoir donner un service efficace.
Donc, on a... il y a une tendance lourde qui se décide sur les épaules des
personnes terrain. Ils doivent de plus en plus se soumettre à une reddition de
comptes qui vient, bien, amputer le temps d'intervention qu'ils ont carrément
avec les personnes dont... bien, les personnes qu'ils desservent, donc
peut-être, je ne sais pas qui voudrait donner un exemple concret.
Mme Allaire (Johanne) : Bien,
si... je rajouterais un élément, bien sûr, parce que quand on... dans notre
organisme, on a les cours de français à temps partiel, on a les... objectif
intégration qu'on souhaiterait d'ailleurs que toute personne immigrante
arrivant sur le territoire qui parle français puisse accéder, peu importe le
statut. Ça en fait partie des valeurs communes de l'histoire du Québec, et donc
faciliter l'intégration et déjà de se créer un réseau. Ces personnes-là qui
viennent en français à temps partiel, une fois qu'ils comprennent un peu plus
le français, on voudrait bien les intégrer, mais s'ils ont le statut de
demandeur d'asile, on doit leur dire non. C'est un crève-cœur. On est déjà en
relation d'aide. Puis on travaille tous, hein, autour de la table, sur écran,
là, on est tous là pour la même mission, je crois, et j'aime le croire qu'on
est tous là pour faciliter et réussir l'intégration et le maintien en emploi,
au Québec, ça en fait partie.
Mme Lakhoyan Olivier : Vous
mentionnez ici encore à la page 3, point e, elle néglige certains aspects
de la réalité multidimensionnelle des personnes immigrantes, notamment tout ce
qui est Francisation Québec et les délais imposés par la nouvelle loi 96.
Comment la loi 96 affecte?
Mme Roy (Valérie) : Je pense
que Rosalie va pouvoir y aller là-dessus, peut-être.
• (17 h 20) •
Mme Di Lollo (Rosalie) : Oui,
très bien, merci. Donc, en fait, la loi... bon, les personnes immigrantes,
quand elles arrivent ici, elles ont énormément de préoccupations, des
préoccupations d'installation, des préoccupations financières, des
préoccupations éducatives par rapport à l'école de leurs enfants, par rapport à
toutes les sphères de notre société qui ont besoin d'être faites. Donc, ils ont
énormément de préoccupations. Elles ont également, dépendamment des statuts,
des préoccupations qui sont totalement différentes. Les demandeurs d'asile vont
avoir souvent des préoccupations beaucoup plus élevées et beaucoup plus énormes
que d'autres strates...
Mme Di Lollo (Rosalie) : ...de
l'immigration simplement par leur statut, par leur parcours migratoire en tant
que tel. Donc, souvent, il y a des stress post-traumatiques avec lesquels on
doit gérer. Souvent, il y a des réalités également de devoir déposer un dossier
pour se faire entendre à la commission des réfugiés dans les 45 jours suivant
l'arrivée, avec toute la paperasse administrative qui vient avec ça.
Donc, en tant que tel, cette réalité-là
fait en sorte que, lorsqu'on vient pour apprendre le français, et aussi, bon,
le six mois, quand on parle de pénurie de professeurs en francisation, quand on
parle de délais d'attente un peu plus longs...
Mme Lakhoyan Olivier : Excusez-moi.
Donc, la loi 86, c'est la partie de six mois que vous n'êtes pas... vous ne
trouvez pas pratique, c'est ça?
Mme Di Lollo (Rosalie) : Bien,
effectivement, elle engendre des défis d'intégration quand même assez énormes,
dus à ces réalités multidimensionnelles là et toutes les autres sphères de
l'immigration. Donc, en six mois, si la personne... Nous, chez nous, ce qu'on
remarque, c'est que, lorsqu'on essaie d'inscrire quelqu'un en francisation,
souvent, ils doivent attendre deux, trois mois, si ce n'est pas même une
session complète. Donc, lorsqu'une session complète est de trois, quatre mois,
il ne reste que deux ou trois mois à la personne pour apprendre le français
adéquatement avant de ne plus pouvoir recevoir de services dans une autre
langue.
Mme Lakhoyan Olivier : Une
dernière question avant la fin. Est-ce que les gens qui viennent ici veulent
apprendre le français, oui ou non?
Mme Di Lollo (Rosalie) : Absolument.
Absolument.
Mme Lakhoyan Olivier : Donc,
le six mois, ce n'est pas grave, il faut donner le temps jusqu'à ce qu'ils
soient à l'aise en français, c'est ça?
Une voix : Oui, tout à fait.
Mme Lakhoyan Olivier : Bien,
j'apprécie beaucoup votre temps. Merci beaucoup.
Une voix : Merci à vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on termine cette
audition avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour une période de 4min 8
s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Très intéressant. Un mémoire bien détaillé aussi, merci beaucoup. Je
reviens à la page 5. Vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, sur les
permis de travail fermés, les solutions au permis de travail fermé, bon. Vous
avez lancé, dans votre mémoire, l'idée du permis sectoriel. Vous avez parlé un
petit peu aussi qu'il pourrait être ouvert, tout simplement. Bref, est-ce que
vous avez une position qui est fixe ou si, finalement, vous recommandez des
assouplissements généraux en vous disant, bon : Il faut juste absolument
sortir du régime actuel, finalement?
Mme Roy (Valérie) : Bien,
rapidement, pour répondre clairement, on tend vers une ouverture. Notre
position, c'est vraiment d'aller vers une ouverture des permis, pour toutes les
raisons qu'on a nommées, et dans le mémoire et dans l'audition aujourd'hui, et
particulièrement dans un contexte... le contexte actuel, le marché du travail
qui est très serré, on ne peut pas se permettre, collectivement, de perdre des
compétences. Et ce qu'on voit, là, on ne l'a pas nommé, mais je pense qu'il y a
des intervenants, précédemment, devant cette commission-là qui l'ont fait, on
regarde les profils de compétence, la hauteur de... le degré de scolarité des
personnes demandeuses d'asile, et c'est quand même assez élevé. Il y a beaucoup
de gens qui arrivent, en ce moment, ils sont pris aussi, les personnes
nouvellement arrivées, elles ont des taux de diplomation élevés, on a
vraiment... Il y a une adéquation entre les besoins du marché du travail, les
compétences des individus... n'est clairement pas faite, et la non-ouverture
des permis de travail vient vraiment freiner cette adéquation-là dont on a
besoin collectivement en raison de la crise de main-d'œuvre. Je laisserais...
M. Cliche-Rivard : Parce que
les demandeurs d'asile ont un permis de travail ouvert, et ça se passe bien,
là, il n'y a pas de problématique. S'il y a un employeur abusif, ils le
quittent, et voilà.
Une voix : Bien, c'est très
court.
M. Cliche-Rivard : Comment?
Mme Laplante (Lyne) : Bien,
ce que j'allais ajouter, c'est que, oui, pour les demandeurs d'asile, s'ils ont
le permis ouvert, donc, ils peuvent quitter, mais ils n'ont pas accès aux
services d'employabilité, les demandeurs d'asile.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends.
Mme Laplante (Lyne) : Mais,
si on prend les travailleurs étrangers temporaires... Je vais vous donner un
cas de figure qu'on a vécu dernièrement, où deux travailleurs étrangers sont
arrivés avec un permis de travail fermé destiné à un employeur dans le secteur
de la construction. Par le temps qu'ils arrivent, l'employeur a perdu certains
contrats, donc ne peut plus leur garantir leurs 40 heures semaine. Résultat,
ils travaillent en moyenne 15, 18 heures semaine, et l'employeur ne veut pas
faire de mise à pied puisqu'il a déjà investi pour aller chercher les
travailleurs.
M. Cliche-Rivard : Je
comprends.
Mme Laplante (Lyne) : Il dit,
bien, éventuellement, on va retrouver d'autres contrats, mais eux ne sont pas
capables de subvenir à leurs besoins. Ça fait qu'on se prive de cette
main-d'œuvre là parce qu'ils travaillent à temps partiel. Ils sont incapables
de se nourrir, de payer leurs logements, et ils sont pris un peu dans une
situation parce qu'ils ont un permis fermé. Ça fait qu'on ne peut pas les aider
à trouver un autre travail pour venir combler le manque à gagner.
M. Cliche-Rivard : Puis
Immigration Canada n'est pas particulièrement rapide à réagir ou à émettre un
permis de travail dans une situation de vulnérabilité, là on le voit, vous êtes
plusieurs groupes à l'avoir dénoncé. Il y a des demandes qui sont faites pour
ouvrir le permis, il n'y a presque pas de réponse ou, en tout cas, c'est...
M. Cliche-Rivard : ...ou en
tout cas, c'est très compliqué. Ce qui revient à ce qu'on proposait avec
d'autres groupes, là, l'idée de faire une autorisation de travail québécoise,
finalement, parce que, je veux dire, le Québec a énormément de compétence en
matière de travail. Le Québec pourrait délivrer une autorisation par son
ministère de l'Immigration, en disant : Vous savez quoi, moi? Moi, je
réalise que vous êtes dans une position vulnérable, difficile et précaire. Moi,
je vous permets, en tant que gouvernement du Québec, de travailler à tel autre
endroit ou d'ouvrir votre permis. Parce qu'après tout, au final, je veux dire,
le Québec est responsable de sa juridiction de compétence du travail. Vous en
pensez quoi?
Mme Roy (Valérie) : Oui.
Effectivement, ça pourrait, disons, solutionner beaucoup de délais. Mais
j'aimerais mettre - parce que, là, on... - j'aimerais mettre, là, la lumière
sur ce que ma collègue, Mme Laplante, a dit : c'est important pour les
personnes demandeuses d'asile d'avoir accès à des services rapidement.
M. Cliche-Rivard : Parfait.
Mme Roy (Valérie) : Bien,
c'est parce... Peut-être, j'aimerais juste... Parce qu'il y a des projets
pilotes qui ont été financés dans le cadre du dernier budget provincial, on le
salue. Mais c'est au compte-gouttes, c'est au compte-gouttes. Vous savez, les
volumes, ça rentre à la pelletée, on les... il y a des listes d'attente. Il
faut que les personnes demandeuses d'asile, au-delà du permis de travail, il
faut vraiment qu'elles aient accès rapidement à des services d'employabilité.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup.
Mme Roy (Valérie) : Et ça, c'est
timide, ce qui a été fait. Je suis désolée...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois...
Mme Roy (Valérie) : ...mais
je veux vraiment insister là-dessus.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, tout le temps que nous avions pour
cette audition est écoulé. Mais je vous remercie infiniment pour avoir déposé
votre mémoire, pour avoir expliqué vos recommandations aussi. Alors, sur ce, je
vous souhaite une bonne fin de journée.
Et, pour les membres de la commission, je
suspends quelques instants, le temps de recevoir notre prochain groupe.
(Suspension de la séance à 17 h 28)
(Reprise à 17 h 31)
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Alors, pour terminer cette
journée, nous recevons le Réseau des...
17 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...nous recevons le Réseau des services spécialisés de
main-d'œuvre. Alors, Mme, M., bienvenue à la Commission des relations avec les
citoyens. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour
votre exposé, mais, évidemment, pour vous présenter aussi auprès des
parlementaires avec qui nous allons entamer par la suite une période de
discussion. Alors, le micro est à vous.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mesdames
et Messieurs les députés, bonjour à toutes et à tous. Nous tenons à vous
remercier, mon collègue Emilien et moi-même, au nom des membres du Réseau de
services spécialisés de la main-d'œuvre, le RSSMO, pour le temps accordé aux
réflexions que nous vous proposons aujourd'hui en réponse à la consultation sur
la planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.
Permettez-nous tout d'abord de vous
présenter brièvement notre réseau. Le RSSMO regroupe 45 organismes
présents dans 14 régions du Québec et établis dans 90 points de
services. Ils viennent en aide à plus de 25 000 personnes par année. Depuis 40 ans,
leur mission première est le développement de l'employabilité visant l'intégration,
la réintégration et le maintien en emploi des personnes rencontrant des
difficultés particulières d'insertion socioprofessionnelle. Ils travaillent en
partenariat avec les différents paliers du gouvernement pour offrir à la
population des programmes et mesures personnalisés et adaptés à chaque
individu.
L'objectif principal de notre mémoire est
de mieux contextualiser la place des personnes immigrantes dans la société
québécoise et d'approfondir la compréhension des obstacles à leur inclusion
pérenne au Québec.
Nous proposons un ensemble de
recommandations qui suivent cet objectif et les avons rassemblés en deux
grandes parties. La première est les enjeux de pouvoir constitutif de l'immigration.
Nous ciblons d'abord l'urgence de prendre acte des enjeux de pouvoir
constitutif de l'immigration et du vécu des personnes racisées au Québec en les
nommant, les reconnaissant publiquement et en mettant en place des mesures
concrètes et contraignantes pour y apporter des solutions.
Notre première recommandation est de
détacher l'immigration de la protection du français. Pour mieux réfléchir à la
place qu'occupe le français dans nos politiques migratoires, nous citerons une
étude réalisée en 2022 intitulée L'immigration et la pérennité du français au
Québec, qui vise notamment à clarifier l'impact envisagé de l'immigration sur
le déclin du français parlé au Québec. Je cite : «La conclusion que l'on
peut dégager de ces simulations est très claire, quel que soit l'indicateur
linguistique utilisé pour définir le groupe linguistique francophone, même des
mesures extrêmes totalement utopiques ne permettent pas de renverser la
tendance de long terme au sein de la société québécoise. Comme le soulignent
les auteurs du rapport de l'OQLF publié en 2021, une modification... linguistique
de l'immigration économique n'ajouterait donc que quelques milliers de
personnes de langue française, tous indicateurs confondus, chaque année sur une
population de plusieurs millions de personnes.»
D'où provient cette étude?, pourra-t-on se
demander, du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'intégration,
qui a mandaté, en 2022, le démographe Marc Termote, spécialiste des questions
migratoires à l'Université de Montréal. Une étude qui rejoint les conclusions
de l'Observatoire québécois de la langue française concernant l'impasse des
politiques migratoires linguistiques visant à freiner le déclin du français
dans la province. Bien que mandatée par le MIFI, cette étude présente une
analyse concrète qui semble contrevenir à la fois aux propositions spécifiques
du gouvernement, mais aussi à la stratégie en matière d'immigration articulée
autour de la protection du français.
Pour nous, chaque individu est porteur de
culture, peu importe ses origines. Et nous tenons à souligner que ce n'est pas
parce qu'une personne parle une langue qu'elle comprend les us et coutumes et
les cadres de référence de la société qui l'accueille et que, par conséquent,
cette dernière a la responsabilité de mettre en œuvre un mécanisme cohérent et
accessible à cet effet.
Dans une optique d'adéquation entre les
valeurs de la société québécoise et celles des personnes que nous accueillons,
le RSSMO recommande de s'engager dans une valorisation de la langue française
comme pont entre les cultures et non comme condition d'acceptance et d'inclusion,
une langue permettant l'adhésion et la contribution à la culture distincte de
notre Québec.
Notre deuxième recommandation est la
reconnaissance active du racisme et la discrimination systémique. Nous
demandons une reconnaissance urgente du lien constitutif entre l'immigration et
le phénomène du racisme et discrimination systémique, dont la dénégation
régulière par le gouvernement nuit au vécu des personnes accueillies au Québec.
Nous demandons donc le développement concret de formations pour l'ensemble des
membres de la fonction publique et pour les personnes, institutions et
organismes responsables de l'accueil des personnes immigrantes. Ce travail doit
être effectué en dialogue et de concert avec les partenaires actifs dans la
lutte contre le racisme et la discrimination systémique.
Notre troisième recommandation est d'accroître
l'imputabilité concrète des pouvoirs publics. Nous recommandons la prise d'une
posture de leadership ciblé et rassembleur du gouvernement dans l'accueil, l'intégration,
l'accompagnement...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...maintien
et l'inclusion des personnes immigrantes. Dans cette optique d'imputabilité,
nous recommandons également la production d'indicateurs qualitatifs et de
données qualitatives permettant la mesure et le suivi des faits évolutifs sur
le terrain. Ensemble, ces trois mesures sont une étape primordiale d'analyse du
vécu des populations immigrantes afin d'encourager une société québécoise qui
sourit à toutes et à tous. Il s'agit d'un devoir envers la diversité qui,
rappelons-le, avait déjà été identifiée il y a plus de 30 ans par le
gouvernement de Robert Bourassa.
Notre deuxième partie est articulée autour
d'une meilleure valorisation pour mieux inclure. Donc, nos quatre prochaines
recommandations font l'ébauche du travail collectif d'inclusion et de
valorisation des personnes immigrantes caractérisées par une approche
solidaire, curieuse et humble.
Notre quatrième recommandation est donc de
lutter contre la déqualification des professionnels immigrants. Le RSSMO
rejoint les objectifs du gouvernement en matière d'attractivité et d'inclusion
de la main-d'œuvre qualifiée étrangère, puisque le maintien en emploi est un
des leviers principaux de la rétention de la population immigrante sur le
territoire. Nous recommandons l'assouplissement, la facilitation et
l'accélération de la reconnaissance des acquis et diplômes obtenus à
l'étranger. Nous recommandons la mise en place d'un cadre référentiel commun
contraignant aux ordres professionnels, aux établissements d'enseignement, aux
organismes de réglementation et autres partenaires gouvernementaux, facilitant
ainsi l'accès à une reconnaissance d'acquis des études et des compétences
obtenues hors Québec.
Notre cinquième recommandation est de
soutenir les organismes dans la réalisation de leur mission auprès des
personnes immigrantes. Nos organismes membres appliquent une approche
spécialisée, globale et individualisée auprès des personnes accompagnées qui
répond à la nécessité de lier l'intégration sociale à l'intégration au marché
de travail. Cette approche se caractérise par une méthode de communication et
d'appréhension de problèmes débouchant sur des interventions adaptées qui
prennent en compte la diversité. L'interaction qui tient compte des
problématiques vécues par chaque personne sur les plans personnel, familial,
culturel, financier et professionnel est déterminante dans la démarche
d'intervention. Cette approche implique autant l'accompagnement des immigrants
que les employeurs pour favoriser une intégration, un maintien en emploi et une
inclusion dans l'entreprise, des étapes préliminaires à l'inclusion des
personnes immigrantes dans notre société québécoise.
Cet accompagnement nécessite donc un
financement adéquat à la réalisation de la mission des organismes qui oeuvrent
auprès de ces personnes, garantissant un suivi continu dans toutes les régions
de la province et limitant la possibilité de bris de service et de perte
d'expertise dans les milieux communautaires à tous les niveaux.
Notre sixième recommandation est le
développement de l'accessibilité et la flexibilité des services d'aide et
d'accompagnement des personnes immigrantes. Nous rejoignons ainsi la réflexion
du gouvernement concernant la complexité des services d'aide et
d'accompagnement. Il n'est toutefois pas réaliste de penser que les plans
d'action développés lors de l'accompagnement puissent se réaliser à très court
terme sans passer par des étapes et une progression sur le long terme afin de
permettre à ces personnes de comprendre les codes culturels, les savoir être
requis pour une intégration et une inclusion réussie sur le marché de travail.
Nous recommandons ainsi la mise en place de services compréhensibles,
flexibles, accessibles et adaptés aux besoins spécifiques et réels des
différents groupes qui composent notre population immigrante, incluant la
possibilité de combiner des mesures de service ainsi que de maintenir des
suivis nécessaires à la réalisation des objectifs.
Notre septième et dernière recommandation
est l'accompagnement des milieux professionnels. Appuyer le développement et la
disponibilité des ressources pour les employeurs dans l'objectif de favoriser
l'inclusion en entreprise est un incontournable, selon nous. La création de milieux
de travail qui respectent la personne immigrante par une sensibilité à sa
vision du monde, à ses valeurs, à ses besoins, passe par une préparation à tous
les niveaux. Des interventions qui mettent en œuvre certains principes de
l'approche interculturelle sont aujourd'hui des impératifs et des
incontournables. Un accompagnement adéquat de la part de nos ressources
communautaires professionnelles, compétentes, qualifiées et expertes en matière
de diversité et de gestion de la diversité offert à toutes les parties
prenantes permettra d'outiller, d'améliorer les interactions et de créer des
espaces réels de dialogue qui mèneront à une amélioration des pratiques et une
inclusion à long terme dans les entreprises.
• (17 h 40) •
Pour conclure, les organismes du RSSMO
oeuvrent auprès de leurs participants, toutes origines confondues, pour
s'assurer de réaliser un accompagnement de choix, des interventions de qualité
et la meilleure adéquation possible entre les personnes et les profils ainsi
que les besoins du marché de travail. Donc, on parle ici de l'importance de
l'emploi de qualité, une adéquation...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...qui
nécessite un travail de fond, réflexif et constructif en lien avec
l'accompagnement, la compréhension des défis personnels et professionnels, le
placement en emploi, le maintien en entreprise et l'inclusion dans l'équipe de
travail. Ce modèle en un qui, si appliqué à l'ensemble des acteurs de
l'écosystème, mènera sans doute à la réalisation d'un vivre-ensemble de choix.
Il ne s'agit pas de rédiger un code de
bonnes pratiques, mais de réfléchir à des pistes communes concrètes où chacune
et chacun explore, dans ses milieux respectifs, les limites et les avantages
des pratiques d'inclusion. C'est avec cette approche globale que nous
obtiendrons une adaptation des pratiques permettant à notre société et à nos
entreprises d'évoluer et d'avancer pour combler non seulement les besoins de
main-d'œuvre, mais aussi de prendre l'individu, dans son intégralité et dans
son humanisme, en considération et ainsi que dans sa complexité, sa richesse et
son apport.
La planification réfléchie de
l'immigration nous mènera à mieux cibler nos seuils d'immigration, nos besoins
humains, socioculturels et économiques. Elle doit encourager un changement des
discours publics en lien avec les migrations qui nourrissent la vision de
l'inclusion des personnes immigrantes dans notre société non plus comme une
menace, mais comme un levier précieux de développement pour l'avenir du Québec.
Face à la complexité des défis humains,
économiques et socioculturels auxquels fait face la société québécoise,
l'immigration doit être perçue et présentée comme une opportunité à saisir
plutôt qu'une problématique à résoudre.
Permettez-nous de finir en disant qu'il
est temps de penser que le mot «immigration» rime avec solution.
Nous vous remercions de votre attention et
avons hâte d'échanger avec vous.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation, pour ces propositions,
qu'on va justement commencer à discuter avec la ministre pour une période de
14 minutes 59 secondes. Elle vous a laissé un petit peu de temps,
justement. Le temps est à vous, Mme la ministre.
Mme Fréchette : Merci, Mme la
Présidente. Bien, merci à vous deux de prendre part à cet exercice. Je suis
contente qu'on ait l'occasion de vous entendre. Je commencerais par reprendre
en fait la phrase de conclusion que vous avez amenée, parce qu'elle reprend
intégralement une phrase qui avait été portée par... dites par le Premier
ministre dans son discours inaugural, à l'effet que l'immigration est une
solution, il l'a dit telle quelle. Alors, on est dans une vision convergente,
bref, quand il s'agit d'immigrations. Donc, c'est vraiment la façon qu'on a eue
d'aborder l'immigration dans le cadre de la réflexion sur la réforme à apporter
au programme d'immigration économique. Donc, on a vraiment orienté nos travaux
en fonction du fait qu'effectivement il y a possibilité pour l'immigration
d'être une solution, notamment pour le fait français, de là l'intégration
d'exigences en lien avec la connaissance du français.
J'aimerais faire un commentaire, là, sur
un des thèmes que vous avez abordés. On voit qu'en fait un de vos objectifs,
là, consiste à nous sensibiliser à la réalité migratoire et à offrir une
meilleure connaissance, là, des obstacles à l'inclusion des personnes
immigrantes dans la société et à faire en sorte que leur processus
d'immigration soit une réussite, et j'aimerais souligner en fait qu'on a eu
plusieurs actions, en tant que gouvernement, orientées vers cet objectif. Donc,
on peut, par exemple, penser à la mise en œuvre, là, des recommandations du
groupe d'action sur le racisme au Québec. On a un ministre responsable de la
Lutte contre le racisme. On a aussi 22 projets qui ont été financés par le
programme d'accompagnement des communautés dans le cadre de la Décennie
internationale des personnes d'ascendance africaine. Donc, ça, c'est une autre
mesure qu'on a mise en place. Puis on a signé 183 ententes qui soutiennent
des projets et des activités contre le racisme. Donc, ça, c'est un volet très
important de notre action. Et j'ajouterais qu'il y a plusieurs formations
obligatoires qui sont offertes au personnel du ministère, donc des formations
en ligne sur l'homophobie, sur la transphobie ou sur le racisme pour les
employés de l'État. Donc, bref, il y a plusieurs actions déjà qui s'inscrivent
dans ce que vous mettez de l'avant comme perspective.
Comme première question, en fait, je vous
amènerais la page 16, là, de votre mémoire. Vous recommandez... à la
page 16, vous recommandez la production de données et d'indicateurs
qualitatifs pour suivre des faits évolutifs sur le terrain. Donc, j'aimerais ça
que vous me donniez des suggestions d'indicateurs auxquels vous pensiez pour
que... que vous imaginez, donc, votre concept, là, d'inclusion pérenne des
personnes immigrantes dans la société.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
c'est une excellente question. Merci, Mme la ministre. Dans le fond, quand on
parle d'indicateurs en général, c'est parce que, pour nous...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...où
il est très important de pouvoir avoir une sorte de tableau de bord avec des
évolutions qu'on pourrait ne pas juste chiffrer, mais qu'on pourrait avoir
comme document ou comme document qui va parler avec des détails de certains
événements et de certaines situations bien définies au niveau de
l'intervention. C'est très important pour nous d'avoir ces indicateurs
qualitatifs plutôt que juste numériques, parce qu'on n'arrive plus à suivre
avec la personne immigrante, malheureusement l'ensemble de ce qui se fait.
Je peux vous donner un exemple très
concret à cet effet là. On peut parler par exemple d'une personne qui est
arrivée il y a cinq ans au Québec puis qui a commencé sa démarche, elle s'est
trouvé un emploi. Puis, à un moment donné, dans son parcours, elle s'est
retrouvée face à la situation où elle perd son emploi. Elle n'a pas eu accès à
l'ensemble de l'activité au niveau de la population, donc elle n'a pas fait de
cours de francisation. Elle parlait déjà français. Donc, elle ne connaît
absolument pas du tout le Québec. Donc, comment est-ce qu'on va pouvoir
qualifier son intégration, cette personne-là? Comment est-ce qu'on va pouvoir
faire un suivi avec elle? Comment est-ce qu'on va pouvoir noter et constater
les différents éléments qui composent son profil professionnel et académique?
Donc, pour nous, il est très important d'avoir ce qu'on appelle un tableau de
bord par personne, et surtout pour que la personne ne soit pas dans
l'obligation de répéter à chaque fois son histoire quand elle revient sur les
différents... des indicateurs de choix pourraient être choisis en lien avec
l'ensemble du travail qui peut être effectué puis surtout en lien avec les différents
postes que pourrait occuper la personne par exemple.
Donc, je vous donne un exemple encore, un
ingénieur qui arrive ici au Québec, qui va se retrouver en mode
déqualification. Comment est-ce qu'on va pouvoir lui permettre de pouvoir
accéder à son emploi? Est-ce qu'on peut aller avec des chiffres et des études
plus concrètes qui vont le mettre de l'avant et qui vont lui permettre de
comprendre comment est-ce qu'il peut avoir accès à ce marché de travail en fin
de compte?
Mme Fréchette : Est-ce que je
dois comprendre que ce serait des indicateurs personnalisés en fonction des
aspirations de la personne, de ses compétences?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument.
Exactement, très diversifiée en fait pour qu'on puisse toucher l'ensemble de
nos personnes immigrantes. Dans le fond, le gros défi, je pense que nous avons,
c'est que si on va parler d'une immigration économique, l'ensemble des
personnes qui arrivent chez nous n'ont pas du tout les mêmes profils, ni
académiques ni professionnelles. Mais notre immigration économique se
caractérise quand même par des personnes qui sont hautement diplômées et
qualifiées. Donc, ces personnes là, malheureusement, se retrouvent très souvent
à devoir reprendre des études parce qu'ils n'arrivent pas à se trouver des
emplois à la hauteur de leurs compétences, ou, sinon, s'ils sont sur le marché
de l'emploi, ils sont dans des postes qui sont sous-qualifiées par rapport à
leurs capacités et leurs possibilités.
Ceci nous amène à une réflexion de
dire : Comment est-ce qu'on va pouvoir avoir ces personnes-là au bon
endroit, au bon moment et puis le plus rapidement possible? Donc, si on arrive
à avoir ce que j'appelle justement un tableau de bord par profil, par métier,
par individu, à la limite, ce serait vraiment beaucoup plus facilitant pour
l'accessibilité à l'ensemble du marché de travail. Et ça va répondre aussi aux
besoins spécifiques de nos employeurs. Parce qu'on s'entend que, si on prend la
population actuelle des personnes immigrantes qui sont sur territoire québécois,
bien, ce n'est pas tout le monde qui travaille dans son domaine, et j'en passe,
j'en vois des dizaines, pour ne pas dire des centaines, qui parlent de
diplomation qu'ils ont obtenue à l'international, mais qui ne travaillent
absolument pas du tout dans leur domaine ici.
Mme Fréchette : D'accord.
Merci. Il me reste combien de temps, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Huit minutes, 13.
Mme Fréchette : 8 minutes. Je
vais y aller d'une deuxième question. Aux pages 16 et 17, là, vous
affirmez en fait que la prépondérance que donne le gouvernement au fait
français risque d'être préjudiciable, que ça pourrait nuire à l'attraction, à
la rétention des étudiants étrangers ou aux objectifs qu'on a en matière de
main-d'œuvre. Donc, est-ce que vous ne voyez pas en fait la connaissance du
français comme un facteur de rétention de grande importance? Parce que quand on
compare les indicateurs, justement, on réalise que le taux de rétention des
personnes qui ne connaissent que l'anglais en comparaison du taux de rétention
des personnes qui ne connaissent que le français, il y a un écart de 30 %.
Alors, pour le gouvernement, c'est sûr que d'avoir des gens dont le projet
risque de s'inscrire dans la durée, en termes de personnes immigrantes, bien,
c'est sûr que c'est plus intéressant comme gouvernement d'opter pour des gens
qui maîtrisent le français puisqu'il y a le taux de rétention qui est largement
plus élevé. Alors comment est-ce que vous voyez ça de votre côté? Est-ce que ça
ne devrait pas être un critère d'importance?
• (17 h 50) •
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
en fait, je vais peut-être partager ma réponse en deux, en deux parties. La
première, c'est que je dois absolument souligner l'importance absolue...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...de
la maîtrise de la langue française pour pouvoir accéder à n'importe quel type
d'emploi et de poste ici, au Québec, ainsi que pour bien pouvoir vivre dans la
société. Donc, ça, c'est absolument un incontournable dans notre vécu, dans
notre quotidien. Cependant, ce que nous sommes en train de mentionner ou de
citer et sur quoi on insiste, c'est qu'il va falloir donner le temps au temps
et donner le temps à ces personnes de pouvoir bien parler le français,
s'approprier le français, vivre en français, être en mode : J'apprends le
français à travers la culture du Québec, être un mode : J'apprends le
français parce que j'ai besoin d'apprendre le français. J'ai envie d'apprendre
le français et pas du tout en mode coercitif et en mode obligation de : Tu
dois absolument parler le français, sinon tu ne vas pas pouvoir fonctionner
chez nous. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand ces personnes-là arrivent
ici, pour un grand nombre d'entre eux, ils ne veulent pas se sentir chez nous,
ils veulent sentir chez eux aussi. Donc, faire partie de la société passe
nécessairement par l'adéquation linguistique. Cependant, il va falloir penser
au temps qu'il va falloir accorder à nos personnes immigrantes pour qu'ils
puissent se l'approprier.
Si je reviens, encore une fois, à la
question de l'équité et la diversité et de l'inclusion, donc dans un deuxième
temps, parler français n'est pas nécessairement... ne pas parler français
devient un obstacle à une vie au quotidien dans... au Québec. Cependant, le
fait de ne pas parler français ne devrait pas être pénalisant, si ce n'est pas
un choix, mais il faut donner le temps à ces personnes-là. Tantôt, on parlait
de la loi 96 justement, et, dans cette loi 96, l'équation des six mois est
tellement difficile et complexe pour les gens qui viennent d'arriver. Plusieurs
parmi eux sont dans l'obligation de mettre simplement du pain sur leur table.
Donc, ils vont aller se chercher un premier emploi n'importe où, n'importe
comment. Et ils n'ont pas le temps nécessairement... nécessaire d'accorder un
temps plein pour la langue française.
Si je prends un autre exemple, nos
demandeurs d'asile, les demandeurs d'asile, quand ils arrivent ici, même s'ils
ont accès à ces cours de francisation, ils sont tellement en problématique
autre, et ils ont tellement d'autres enjeux, d'autres soucis, qu'ils ne sont
pas nécessairement en mode : Je vais apprendre la langue française
aujourd'hui. Donc, ce que nous sommes en train de dire, c'est que, oui, la
langue française, dont la planification peut être dommageable, entre
guillemets, si elle nuit aux objectifs d'une main-d'œuvre qualifiée, mais elle
fait aussi un... Il y a aussi un défi de, si jamais quelqu'un a étudié, par
exemple, à Concordia ou à McGill, qu'on ne puisse pas le retenir, simplement,
parce qu'il ne parle pas assez le français.
Donc, à notre avis, il serait intéressant
de pouvoir créer, par exemple, un programme en fin d'études universitaires, qui
va faciliter l'accès au marché du travail en francisant ces personnes-là qui
ont étudié dans ce genre d'université, par exemple.
Mme Fréchette : On espère
qu'ils référeront à Francisation Québec, qui leur est accessible le plus tôt
possible dans le processus.
Mme Al Yahya (Nisrin) : On ne
sait jamais...
Mme Fréchette : Je vais
partager la parole avec les collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je cède la parole à
la députée... pardon, la députée d'Abitibi-Ouest, Ouest.
Mme Blais : Ouest. Merci, Mme
la Présidente. Alors, vous savez, je suis une fille de région, je suis née en
région et je vis en région. Alors, vous comprendrez que les régions, pour moi,
c'est très important, et je tiens à vous remercier de votre présentation.
Alors, à votre avis, comment la francisation et l'intégration des personnes
immigrantes pourraient être facilitées en région?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Ah!
c'est tellement une belle question. En fait, moi, ce que je voulais, tout
simplement, c'est que la francisation ou parler français en région n'est même
pas une option, là, il faut qu'on parle français pour qu'on puisse s'adapter
puis vivre en région. Maintenant, comment est-ce qu'on peut faciliter l'arrivée
déjà des personnes immigrantes en région? Le gros défi, que ces personnes-là
ont, est un défi pratico-pratique. Je peux nommer quelque chose de très simple
à la base, c'est que, pour la majorité de ces personnes qui viennent
d'ailleurs, la région veut dire le fin fond de la brousse, alors que, chez
nous, la région, c'est tout à fait autre chose. Québec est une région, alors on
s'entend qu'on n'est pas du tout au fin fond de la brousse.
Quelque chose de très important à
mentionner aussi, c'est qu'une fois qu'ils le pensent comme tel, ils peuvent ne
pas vouloir venir s'installer dans ces régions-là. Donc, comment est-ce qu'on
va améliorer l'attractivité pour notre région déjà initialement? Maintenant, je
peux vous dire, très simplement, qu'il suffit qu'une seule personne d'une
communauté arrive dans une province, qu'elle réussisse pour qu'elle ramène
toute la famille de la communauté, pour qu'elle arrive dans cette même région.
Donner accès à des épiceries multiculturelles...
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...accès
à des petits services, à des petites fêtes, à des... juste des éléments de
caractère humain qui vont permettre à ces gens-là de se sentir chez eux. Et
puis, croyez-le ou non, plusieurs parmi eux viennent déjà des régions. Donc,
pour eux, aller en région est la meilleure option possible. Je le citais
moi-même ce matin en disant : J'aurais adoré être arrivée en région parce
que c'est tellement agréable. C'est tellement familial.
Une voix : ...
Mme Al Yahya (Nisrin) : Assez
frais.
Mme Blais : ...Abitibi-Témiscamingue.
Il reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Il vous reste 1 min 25 s
Mme Blais : Quels sont
les éléments qui pourraient contribuer à un sentiment d'appartenance et de fierté
aussi?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Le
sentiment d'appartenance ne peut venir que si jamais la dignité de l'individu
est respectée. Et la dignité de l'individu passe nécessairement par un emploi
de qualité, par une sécurité alimentaire, par des écoles de qualité pour ses
enfants, pour des conditions de santé et de famille qui sont à la hauteur des
attentes. Il n'y a pas personne qui immigre parce qu'il n'aime pas son pays.
Les gens émigrent pour améliorer leurs conditions de vie. Donc, si tout cela
est garanti, bien, peu importe la région, je pense que le sentiment de loyauté
va être créé. Puis un sentiment d'appartenance au Québec ne peut être créé par
une bonne connaissance de ces gens. Et c'est comme ça, je pense, que chacun
d'entre nous ne peut se sentir que chez lui en fait.
Mme Blais : Bien, merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, je me tourne
maintenant du côté de l'opposition officielle avec le député de Nelligan, oui,
pour une période de 12 min 23 s
M. Derraji : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour à vous deux. Très heureux de vous recevoir au Parlement.
On se connaît dans une autre vie. Je sais ce que vous faites sur le terrain
depuis plusieurs années. Donc, mes questions vont être aussi... En fait, votre
chapeau de D.G. du réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, mais aussi
votre connaissance du terrain au niveau de l'intégration et de la francisation.
Donc, premièrement, je tiens à vous
remercier sur, au fait, d'avoir rédigé un mémoire. Je sais que c'est toujours
un moment stressant pour la plupart des organismes. Nous, on a l'avantage
d'avoir et de lire tous les mémoires, de les analyser, de voir qu'il y a un
travail de fond qui a été fait. Donc, je tiens à vous féliciter parce que je
sais qu'il n'y a même pas quelques mois que vous êtes à la tête de cet
organisme. Donc, arriver à produire un tel document en si peu de temps? Bravo!
Mes félicitations!
Vous avez ramené pas mal de nouveautés
dans votre mémoire. Et sentez-vous bien à l'aise d'éclairer les membres de la
commission, c'est ça le but de notre exercice. Vous avez dit : Il faut que
les fonctionnaires soient sensibilisés et formés à la réalité des personnes
immigrantes et que le ministère reconnaisse le racisme et le racisme
systémique. Quand vous dites le ministère, vous parlez du ministère de
l'Immigration.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui.
M. Derraji : O.K. Donc,
pourquoi vous voulez que le ministère de l'Immigration reconnaisse le racisme
et le racisme systémique?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
en fait, c'est très important de parler de ça. Merci pour la question,
M. Derraji. En fait, je vais vous ramener vers le portrait des obstacles
systémiques à l'emploi qui a été produit par le Comité consultatif personnes
immigrantes en 2019. Donc, depuis ce jour-là, on n'a jamais voulu reconnaître
qu'il y a ce qu'on appelle un racisme systémique. On a parlé d'obstacles
systémiques à l'emploi. En ce qui nous concerne, reconnaître ces obstacles ou
reconnaître ce racisme systémique va venir avec des solutions parce que quand
on en nomme la problématique et qu'on la reconnaît, on peut aller entreprendre
des démarches pour pouvoir l'éliminer, l'élaguer et trouver des pistes de
solution.
Tant et aussi longtemps qu'on ne reconnaît
pas l'existence de ce genre de racisme et d'obstacle systémique, bien, on ne
peut pas travailler dessus, on ne peut pas creuser, on ne peut pas à les
former. On s'entend que, par exemple, à la ville de Montréal, et vous vous
rappelez tous qu'il y a eu comme tout un travail de fond qui a été fait
là-dessus, nous avons un commissaire actuellement pour la lutte contre le
racisme et la discrimination qui a fait évoluer les travaux de la ville de
Montréal de façon très, très importante. Alors, à mon avis, reconnaître ça par
notre ministère, par le gouvernement en général, de toutes les manières, ça ne
pourrait qu'amener à une réflexion sur des pistes de fond, de solution.
• (18 heures) •
M. Derraji : Si j'étais
de l'autre côté, et du gouvernement, je ne le suis pas, ils vont vous dire
qu'il y a quelque chose, il y a un comité qui a été créé et il y a un ministre
même responsable. Vous êtes sur le terrain. Avez-vous vu des... Avez-vous vu
des résultats? Est-ce qu'on vous a consulté?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui.
Bien, je vous dirais tout simplement...
18 h (version non révisée)
Mme Al Yahya (Nisrin) : ...que,
pour nous, ce qui compte le plus, c'est la personne qu'on accompagne. Et,
malheureusement, nous n'avons pas été dans cette démarche-là. Nous n'avons pas
été présents dans cette démarche-là. Le fait d'avoir une personne ou un
ministre qui va travailler sur ces enjeux-là, il faudrait qu'il parte du
terrain. Parce que ce n'est pas une équation de : Je vais être dans mon
bureau pour pouvoir travailler sur le sujet.
M. Derraji : Vous êtes en
train de nous dire que vous n'avez jamais eu l'occasion de parler avec le
ministre responsable de la Discrimination du racisme systémique?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Pour
le moment, ça n'a pas été le cas, malheureusement.
M. Derraji : Vous êtes sur le
terrain, ça fait quand même plusieurs années?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui,
et j'aimerais bien, si c'est possible.
M. Derraji : La demande est
formulée, je la formule officiellement. J'invite les collègues à faire le
message au ministre parce que, j'en suis sûr et certain... j'ai entendu des
collègues évoquer ce que le ministre est en train de faire. Je n'ai aucun doute
qu'il y a un sérieux derrière l'initiative, donc je formule la demande à mes
collègues de faire le message et qu'ils vous rencontrent parce que vous avez
pas mal de choses à ramener, surtout sur le terrain de la discrimination.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Et ça
va nous faire énormément plaisir de collaborer sur ce dossier-là. Certainement.
M. Derraji : Et j'en suis sûr
et certain que mes collègues, de la partie gouvernementale, prennent le
message.
Je vais vous ramener sur la francisation.
Il n'y a pas longtemps, nous avons échangé pas mal sur la francisation.
Pouvez-vous partager avec les membres de la commission, pourquoi on n'arrive
pas à atteindre nos objectifs de francisation. Je veux qu'on parle de ça en
premier lieu et, par la suite, j'aimerais bien que vous vous preniez un petit
moment pour parler de Francisation Québec. Donc, parlez-moi de la francisation,
surtout sur l'île de Montréal, les embûches, les choses qu'on doit améliorer,
les choses qu'on ne doit pas faire. Et, par la suite, j'aimerais bien vous
entendre sur Francisation Québec.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Parfait.
Bien, en fait, en termes de francisation, comme je le disais tantôt, le gros
défi que nous avons actuellement, bien, c'est au niveau des groupes déjà qui
sont composés au niveau de la francisation. Je vais citer un exemple très, très
simple. Pour l'ensemble des personnes qui actuellement vont dans des cours de
francisation, c'est beaucoup plus un espace de socialisation que d'apprentissage
de langue française. Oui, c'est une bonne chose parce que les gens apprennent
un gros plan d'affaires, mais, cependant, ce que je pense qui serait très, très
important au niveau de la francisation, c'est, d'une part, améliorer l'accessibilité,
d'autre part, améliorer les délais, d'autre part encore, améliorer la qualité
des évaluations qui vont être faites à la fin de la francisation. On parle aussi
d'un niveau très, très avancé de langue française qui est demandé actuellement,
on parle d'un niveau 7. Et puis je ne vous dirai pas que le niveau 7
parlé en langue française est vraiment quelque chose d'assez complexe parce que
ça prend carrément la rédaction d'un document. Puis ce n'est pas tout le monde
qui est capable de rédiger un document.
Maintenant, si je reviens à l'autre partie
de la question concernant francisation Québec, ce que nous trouvons un peu
complexe avec Francisation Québec malgré la très, très bonne intention avec
laquelle c'est parti puis la pertinence d'avoir quand même un guichet unique...
Et puis je vous entendais tout à l'heure, Mme la ministre, préciser que, oui,
ça existait en d'autres langues, sauf qu'on n'a pas du tout ça sur le terrain.
Cela a complexifié un petit peu le travail des organismes sur le terrain, et je
m'explique.
La personne qui pouvait venir nous voir
pour qu'on puisse l'aider et l'accompagner dans son inscription en francisation
très rapidement, maintenant doit passer par tout un système dans lequel il faut
qu'elle puisse avoir accès à un ordinateur. La littérature numérique n'est pas
toujours facile chez les personnes immigrantes. Donc, cela donne des situations
très difficiles pour l'accessibilité à Fancisation Québec.
Un autre point qui, je pense, va être
important à citer ou à mentionner dans cette équation-là aussi, c'est la nature
de l'accompagnement en termes de qualité de langue française. On se pose
toujours la question par rapport à l'enseignement de la langue française dans
les groupes de francisation. On trouve des personnes avec lesquelles on
discute, puis on les rencontre, qui sont dans une même classe, mais qui ne sont
pas du même niveau en termes de langue.
M. Derraji : Attendez juste
une seconde. Parce que, là, c'est très, très, très important ce que vous êtes
en train de nous dire. Parce qu'on essaie toujours de dire qu'on fait assez d'efforts,
mais il y a des technicalités que, sur le terrain, ça ne marche pas. Et là,
maintenant, vous êtes en train de dire : Faites attention. Mais là, le
ministère, qu'est ce qu'il peut changer? Le ministère fait des alliances...
bien, fait des alliances, fait des contrats, sous-traite, en quelque chose, la
francisation, mais ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que ce n'est
pas...
M. Derraji : ...pratique sur
le terrain parce que ce n'est pas le même niveau. Le décrochage, il vient de
ça, selon vous?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
le décrochage vient de plusieurs éléments, entre autres, par exemple, de plus
en plus, maintenant, des personnes qui sont en train d'avoir des emplois sans
même avoir besoin de passer par la francisation. Donc, ce qu'ils font, c'est
qu'ils font de la francisation à temps partiel ou, éventuellement, ils
décrochent complètement. Donc, là...
M. Derraji : Attendez. Vous
êtes en train de me dire : Ils sont capables de trouver un emploi même
s'ils ne maîtrisent pas la langue française.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui.
Absolument.
M. Derraji : Donc, est-ce que
vous êtes en train de me dire que c'est plus facile, trouver un emploi, si on
parle anglais que quand on parle français?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Pas
nécessairement. Pour le moment, la pénurie de la main-d'oeuvre qu'on a
actuellement amène toutes les personnes à avoir accès à de l'emploi. Et, en
fait, le gros défi que nous avons, comme organisme en employabilité,
actuellement, c'est de pouvoir faire comprendre à nos personnes immigrantes
qu'il ne suffit pas de trouver un emploi pour se dire qu'on est en emploi,
qu'ils peuvent trouver beaucoup mieux et qu'ils peuvent avancer, mais sauf que,
sans la langue française, ils ne vont pas pouvoir évoluer. Donc, avoir la
langue... Et puis là on a parlé aussi de la francisation en entreprise.
Maintenant, si on parle de francisation en entreprise... et ça, ça fait partie
des super volets qui ont été initiés, mais est-ce que les entreprises sont
capables de franciser pendant les heures de travail, vu cette pénurie de
main-d'oeuvre? Est-ce que les entreprises sont prêtes à donner du temps
supplémentaire, même si c'est payé par le ministère? Donc, la question est très
complexe, dans le fond, en termes de francisation, au jour d'aujourd'hui.
M. Derraji : Vous savez que
tout... de la francisation, au Québec, du français, et on ne peut pas,
aujourd'hui, se permettre... en tant qu'élu, entendre cela et ne pas agir, là,
sinon, tout ce qu'on fait comme effort... l'échec va nous suivre.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Tout
à fait.
M. Derraji : C'est quand même
énorme, là, ce que vous êtes en train d'énoncer, là, parce qu'on parle...
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
c'est la vérité du terrain, que je suis en train de vous dire. Ce qu'on voit de
plus en plus, malheureusement, c'est que beaucoup de personnes, même s'ils ne
parlent pas français, même s'ils ne sont pas assez francisés, peuvent se
trouver des emplois, peu importe l'emploi. Donc, pour eux, qu'est-ce qui est la
priorité? Bien, la priorité, c'est de se trouver un emploi pour pouvoir amener
leurs familles, pour pouvoir nourrir leurs familles, pour pouvoir aider leurs
familles. Et puis c'est valable dans beaucoup de domaines.
M. Derraji : Oui. Vous êtes
un réseau qui est spécialisé dans des services... services spécialisés de
main-d'œuvre. Est-ce que vous est en train de dire qu'il y a un lien direct
entre trouver un emploi, francisation, décrochage, et ne pas suivre les cours
de francisation?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Un
lien direct, peut-être, oui. Mais pourquoi pas, je peux le nommer comme tel,
oui, j'assume ce que je dis. En fait, effectivement... Bien, parce qu'en fait
je vais vous ramener un petit peu en arrière dans le temps. Si jamais on
parlait des années 2008, 2010, 2012, 2015, les personnes qui arrivaient à ce
moment-là, il n'y avait pas assez d'emplois. On parlait vraiment d'un taux de
chômage auprès des personnes immigrantes très, très, très élevé. Donc, à ce
moment-là, qu'est-ce qui se faisait? On avait des personnes immigrantes qui
prenaient les cours de francisation à temps plein, à temps partiel. Ils
pouvaient avoir aussi une source de revenus avec ces cours-là. Et ils ne se
trouvaient pas nécessairement du travail. Actuellement, la personne arrive chez
nous, elle parle un tout petit peu français, elle se débrouille, elle a un
C.V., elle postule, elle se trouve un emploi.
M. Derraji : Elle lâche les
cours de francisation.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Elle
lâche très souvent les cours parce qu'elle ne peut plus combiner les heures de
travail avec les heures de cours, et c'est ça qui est très difficile et très
complexe.
M. Derraji : Oui. Et c'est là
votre réponse que... Oubliez la francisation sur les lieux de travail, ça ne
peut pas fonctionner?
Mme Al Yahya (Nisrin) : En
fait, je ne suis pas en train de dire : Oubliez la francisation sur les
lieux de travail. Au contraire, je suis en train de dire : Il faut
encourager la francisation. Sauf qu'il faudrait peut-être qu'elle ne soit pas
sur le temps de travail. La question, ce serait beaucoup plus de comment est-ce
que nos entreprises vont s'organiser entre elles pour pouvoir avoir de la
francisation ensemble?
Moi, l'une des choses, peut-être, que...
je veux revenir à la question des régions. Pourquoi est-ce que, par exemple,
cinq, six, sept entreprises ne se mettent pas en offrir ces cours de français?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous arrêter, le temps est...
M. Derraji : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci. Le temps imparti à l'opposition étant terminé, on va
toutefois finaliser cette ronde de discussion avec le député de
Saint-Henri-Sainte-Anne pour une période de 4min 8 s.
• (18 h 10) •
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Excellent mémoire, c'était très différent, c'était très instructif.
Merci. Justement, dans votre approche, là, sur les inégalités, sur
l'intersectionnalité aussi, est-ce qu'on sait si les politiques d'immigration
du Québec, finalement, vulnérabilisent ou perpétuent ces inégalités-là en
fonction du genre, de l'origine, de la confession? Est-ce qu'on fait ces
études-là? Est-ce que le MIFI fait ces études-là dans ses modifications de
programmes?
Mme Al Yahya (Nisrin) : Je
vais te laisser répondre.
M. Maubant (Emilien) : Je
n'ai pas la réponse exacte, là, sur le moment, mais ce qu'il nous intéressait
de réfléchir, à ce niveau-là, c'était, pour revenir un petit peu à...
M. Maubant (Emilien) : ...La
question sur les marqueurs qualitatifs plutôt que les marqueurs quantitatifs,
c'était justement sur ce besoin de réfléchir au fait que le vécu d'une personne
immigrante comme moi, qui suis arrivé à 10 ans depuis la France, et le
vécu d'une personne immigrante réfugiée de Syrie, le vécu d'une personne
immigrante qui vient d'Ukraine ou je ne sais où n'est évidemment absolument pas
le même, et que les formes de discrimination à leur arrivée, au moment de leur
installation, par rapport à l'accès au logement, par rapport à l'accès à un
emploi, par rapport à l'accès à des bourses de scolarité, s'ils veulent faire
des études supérieures, évidemment, ce ne sera pas du tout la même égalité des
chances.
Donc, c'est un petit peu sur ça qu'on a
voulu insister en rédigeant le mémoire, sur le fait qu'il nous paraissait un
petit peu limité de chercher à réfléchir à nos politiques d'immigration sans
véritablement s'engager dans un travail de définition de qu'est-ce qui
constitue l'expérience immigrante dans des dynamiques qui sont des dynamiques
de pouvoir constitutif de l'expérience immigrante.
Le français, évidemment, rentre là-dedans,
mais les questions...
M. Cliche-Rivard : Le
travail qualifié, moins qualifié?
M. Maubant (Emilien) : Exactement,
voilà.
M. Cliche-Rivard : Le
rôle des femmes, le travail informel, le travail formel, le diplôme. Je veux
dire, dans certains pays, je veux dire, l'accès aux études pour les femmes,
c'est très compliqué.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien,
en fait, j'aimerais souligner quelque chose de très important. C'est que la
grande partie ou le grand nombre de personnes qui viennent d'ailleurs, de
l'international, viennent avec une logique de... pas de compétence, mais de
savoir, donc c'est une logique de diplomation. Nous sommes ici dans une logique
de compétence. Donc, un médecin qui vient ici, qui se retrouve déqualifié parce
qu'il ne peut pas avoir accès ni à sa... ni à son poste ni à son travail, et
qu'il perd carrément son identité professionnelle, ne peut pas être traité de
la même manière que M. et Mme Tout-le-monde. Mais malheureusement, dans la
foulée, on perd cette expertise.
Et nous, ce qu'on voulait vraiment mettre
de l'avant, c'est que ces enjeux-là sont au cœur de la déqualification
professionnelle, sont au cœur d'un travail à double rythme.
On tenait absolument aussi à parler de la
bidirectionnalité. Parce qu'on a préparé les personnes immigrantes, mais on a
oublié de préparer la société d'accueil.
M. Cliche-Rivard : Tout
à fait.
Mme Al Yahya (Nisrin) : Et
aujourd'hui, ce qu'on demande vraiment très activement, c'est de préparer nos
instances. Même si actuellement on parle de... oui, il y a des formations, mais
est-ce que le fait de suivre une formation est assez pour que la personne
pratique ce qu'elle est en train d'étudier? On va aller à plus que la
sensibilisation et la formation, on parle d'une éducation par rapport à ces
personnes-là, dans le fond.
M. Maubant (Emilien) : Et
c'est pour ça qu'on a souligné aussi l'importance et la responsabilité des
pouvoirs publics de savoir nommer et reconnaître ces éléments-là.
M. Cliche-Rivard : Exactement.
M. Maubant (Emilien) : Si
on a des pouvoirs publics qui s'engagent de façon régulière dans une dénégation
de l'existence de cette forme, de cette dynamique de pouvoirs, qui sont
constitutifs de l'expérience immigrante, on est dans un recul en arrière qui
est absolument inexcusable pour ces personnes-là.
La question du racisme systémique, la
question des devoirs envers la diversité étaient incluses dans chacune des
planifications gouvernementales de l'immigration dans des gouvernements depuis
Robert Bourassa. Le gouvernement Charest en avait fait, le gouvernement de
M. Couillard en avait fait également. C'était toujours inclus. Là, c'était
absent, et on avait cherché à réfléchir pourquoi.
Pour rejoindre la question de Mme tantôt
sur la régionalisation, la question du français joue là-dedans aussi. Si on
veut accueillir et ajouter à l'attractivité des régions pour les personnes
immigrantes, le français doit être présenté comme quelque chose aux bras
ouverts et non comme une sommation : attention, si tu ne parles pas
français, tu n'auras pas ta place ici.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Sur ces dernières paroles, je vous remercie, Mme Al
Yahya, M. Maubant. Merci d'avoir participé aux travaux de la commission.
Votre apport est incommensurable.
Alors, pour les membres de la commission,
je... j'ajourne, en fait, les travaux jusqu'au jeudi 28 septembre
2023, après les avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 15)