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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, September 27, 2023 - Vol. 47 N° 30

General consultation and public hearings on the consultation document entitled : Planning of Immigration to Québec for the 2024-2027 Period


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Gendron, Châteauguay est remplacée par Mme Bogemans,  Iberville; Mme Garceau, Robert-Baldwin est remplacée par M. Derraji, Nelligan; Mme Prass, D'Arcy-McGee est remplacée par Mme Lakhoyan Olivier, Chomedey et Mme Massé, Sainte-Marie-Saint-Jacques est remplacée M. Cliche-Rivard, Saint-Henri-Sainte-Anne.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, mesdames, messieurs les élus, bienvenue. Nous entendrons donc ce matin les groupes suivants : l'Association des industriels de l'automobile du Canada et Québec réunifié.

Je souhaite donc la bienvenue à notre premier intervenant, monsieur... Attendez que je me retrouve, M. Jean-François Champagne, président-directeur de l'Association des industriels de l'automobile du Canada. Bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens.

Alors, M. Champagne, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé et nous allons par la suite procéder à la période d'échanges avec les parlementaires. Alors, votre 10 minutes commence maintenant.

M. Champagne (Jean-François) : Parfait. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, encore une fois, permettez-moi de me présenter. Jean-François Champagne, président-directeur général de l'Association des industries de l'automobile du Canada. Nous sommes... connus sous la version abrégée comme étant AIA Canada. En fait, l'association a pour principale mission de porter la voix des acteurs de l'industrie du marché secondaire de l'automobile partout au pays. Cette industrie, essentiellement, englobe tous les biens et services offerts après la vente initiale d'un véhicule au consommateur. Donc, on parle notamment de l'entretien préventif, de la réparation du véhicule et de la conception et de la vente de pièces de rechange. C'est une industrie d'une importance considérable au Canada. Elle génère à elle seule près de 37,8 milliards de dollars chaque année. Avec plus de 4 000 membres à travers le pays, dont une importante proportion au Québec, l'AIA Canada est la voix officielle des détaillants et fournisseurs de pièces de rechange automobiles, des carrossiers et des ateliers et des garages indépendants partout au Canada.

Au Québec, l'industrie secondaire de l'automobile est particulièrement dynamique. On estime qu'elle contribue à 7 milliards de dollars au PIB de la province à chaque année. Elle compte 5 895 ateliers de réparation et d'entretien automobile et 1 524 entreprises dans la chaîne d'approvisionnement qui sont enracinés aux quatre coins de la province. Et donc en tout et pour tout, l'industrie secondaire de l'automobile au Québec, c'est actuellement plus de 100 000 emplois, que ce soit des techniciens, des approvisionneurs, des commis aux pièces, des carrossiers, et autres.

Donc, l'AIA Canada est bien heureuse de pouvoir intervenir aujourd'hui dans le cadre de la consultation générale sur le document de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période de 2024 à 2027. Nous tenons particulièrement à remercier les parlementaires pour cette opportunité et espérons que nos commentaires et recommandations contribueront à alimenter leurs réflexions.

Historiquement, le marché secondaire de l'automobile a toujours représenté une porte d'entrée de choix pour les nouveaux arrivants québécois, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que les métiers de l'automobile sont accessibles, bien rémunérés, ils sont stables et offrent des très bonnes perspectives. Ensuite parce que les savoirs permettant à un individu d'oeuvrer dans notre secteur sont pour la plupart universels, c'est-à-dire qu'ils se transportent très bien d'un endroit à l'autre du monde. La mécanique des véhicules, c'est essentiellement de la même nature à travers le monde. Les voitures sont souvent les mêmes ou se ressemblent beaucoup. Donc, la mise à niveau requise lors de l'arrivée au Québec pour quelqu'un ayant déjà travaillé dans le secteur de l'automobile dans un autre pays est accessible, ce qui permet une intégration rapide au marché du travail et une contribution rapide...

M. Champagne (Jean-François) : ...à la société d'accueil. Et même quand un candidat à l'immigration ne dispose pas des prérequis dès son arrivée au Québec, celui-ci peut, s'il le désire, se qualifier adéquatement en complétant une formation spécialisée. Finalement, notre secteur représente un environnement de travail idéal pour les nouveaux arrivants en processus de francisation. Grâce à leurs interactions avec leurs collègues et superviseurs, qui leur serviront souvent de mentors et d'enseignants informels, ceux-ci peuvent se familiariser progressivement avec l'usage de la langue française en mettant en pratique les notions vues en classe. Compte tenu que plusieurs emplois au sein de notre industrie ne nécessitent pas d'interaction directe avec le client, le tout se fait sans impact sur la qualité des services offerts, laissant le temps à un nouvel arrivant de s'implanter dans son nouveau milieu de travail.

• (11 h 20) •

Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, au cours des dernières décennies, de nombreux nouveaux arrivants ont joint les rangs de notre industrie. Ces responsabilités d'accompagnement et de soutien dans l'accueil, l'intégration et la francisation des nouveaux Québécois, nos membres s'en acquittent depuis toujours avec grande fierté. À l'heure où le Québec consulte sur les orientations futures en matière d'immigration, nos membres tiennent à exprimer leur volonté de poursuivre dans cette voie. Pour eux, ce n'est pas seulement une option, c'est une nécessité, notamment pour faire face aux transformations majeures qui attendent notre industrie au cours des prochaines années. La principale est évidemment l'arrivée massive des véhicules électriques sur nos routes. Au Québec, d'ici 2035 ans, c'est 100 % des véhicules neufs vendus qui devront être électriques. Pour vous donner une petite idée, l'année dernière, au Québec, il s'est vendu 370 000 nouveaux véhicules au Québec, donc c'est énorme. Si on veut que ce virage souhaité par tous soit une réussite, il est essentiel que nos membres aient, dans leur coffre, tous les outils nécessaires. Alors, quels sont ces outils? Bien, essentiellement, l'accès aux données, l'accès à la formation de nos travailleurs actuels et finalement un accès accru à de nouveaux travailleurs.

En ce qui concerne l'accès aux données des conduites, bien, le gouvernement a déposé et nous tenons à le saluer encore une fois, un projet de loi qui forcerait les fabricants à partager ces données cruciales pour l'entretien et la réparation de nos voitures intelligentes. J'ai d'ailleurs eu le plaisir récemment de présenter aux élus les recommandations de l'AIA Canada à ce chapitre.

Concernant la mise à niveau des compétences de nos travailleurs et, même s'il reste du travail à faire, les investissements récents dans le programme Compétences... ont définitivement été très appréciés par nos membres. Pour le virage électrique, notre industrie aura finalement besoin d'un dernier élément, soit un nombre important de nouveaux travailleurs qualifiés au cours des prochaines années. En effet, les professions de la mécanique automobile n'échappent pas à la pénurie de main-d'oeuvre qui frappe le Québec. Encore aujourd'hui, notre secteur éprouve des séquelles de la pandémie de COVID-19. Lors des deux premières vagues, nous avons perdu plusieurs travailleurs qualifiés qui se sont réorientés vers d'autres corps d'emploi. À cela s'ajoute évidemment le vieillissement naturel de notre main-d'œuvre actuelle. Plusieurs de nos travailleurs sont, à quelques années seulement, d'accrocher leurs outils. D'ailleurs, pas moins de 35 % d'entre eux pourraient prendre leur retraite au cours des cinq à sept prochaines années, ce qui illustre le besoin criant de main-d'oeuvre dans notre industrie. À l'heure actuelle, il est de plus en plus difficile d'attirer et de retenir des travailleurs qualifiés. Il s'agit d'ailleurs d'un problème majeur pour la grande majorité de nos membres. C'est particulièrement vrai pour les ateliers qui sont situés en région où le bassin de travailleurs qualifiés est encore plus précaire. Et paradoxalement, ce sont justement dans ces régions, dans ces petites communautés, où les concessionnaires automobiles ne sont pas présents, que nos services sont encore plus essentiels.

Il n'y a pas juste nos travailleurs qui approchent de l'âge de la retraite, c'est aussi le cas de plusieurs propriétaires de garages et d'ateliers indépendants. Pour eux, trouver une relève est un casse-tête, à tel point que certains sont carrément obligés de reporter ad vitam aeternam leur départ, faute de pouvoir y parvenir. Notre industrie n'a pas seulement besoin de davantage de travailleurs, elle a également besoin de davantage de repreneurs. Au cours des dernières années, nous avons pu observer que... il y a des garages, et des ateliers dépendants ont été en mesure de poursuivre leur activité grâce à des repreneurs issus de l'immigration. Bien souvent, ces repreneurs ou leurs parents ont été accueillis à leur arrivée au Québec au sein de notre secteur et y ont travaillé plusieurs années. Pour elles et eux, le repreneuriat devient avant tout un moyen de poursuivre...

M. Champagne (Jean-François) :  ...cette histoire d'amour qui les lie à leur communauté d'accueil. Pour toutes ces raisons, donc, l'AIA Canada est favorable à une augmentation des seuils d'immigration au Québec. Des deux scénarios présentés dans l'étude, nous avons ainsi une nette préférence pour celui qui prévoit une augmentation des seuils à 60 000 d'ici trois ans. Et compte tenu des besoins criants de notre industrie nous appelant même le gouvernement du Québec, si possible, à revoir son échéancier afin d'atteindre cet objectif encore plus rapidement. En terminant et quelles que soient les orientations retenues, nous tenons à assurer le gouvernement qu'il pourra compter sur notre pleine et entière collaboration pour assurer de l'accueil, une intégration et d'une francisation réussie de nos nouveaux arrivants au Québec. Nous sommes maintenant prêts, Mme la Présidente, à répondre aux questions des parlementaires. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Champagne pour votre exposé. On va donc, comme vous le disiez, commencer la période d'échange avec les parlementaires. Alors, du côté du gouvernement, je me tourne vers la ministre pour une période de 16 min 30 s qui commence maintenant.

Mme Fréchette : Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, M. Champagne, de prendre part à cet échange, à cet exercice démocratique sur un thème d'importance transversale. On le voit bien, votre industrie est touchée également, là, par l'enjeu... en fait la rareté des talents, et c'est intéressant de voir en fait comment votre secteur s'adapte. Alors bien, justement, j'aimerais ça que vous nous en parliez avec un peu plus de détails. Là, vous mentionniez dans votre mémoire, à la page 4 notamment, que, bon, vos membres ont déployé, là, beaucoup d'efforts pour attirer davantage de travailleurs de l'étranger. Et vous dites même que certaines se sont tournées, là, vers des agences spécialisées dans le but de recruter des mécaniciens, par exemple, à l'étranger. J'aimerais ça que vous parliez à la fois des démarches, là, qui sont entreprises par vos membres. Comment ça se passe? Est-ce qu'ils devraient faire d'ailleurs au soutien du ministère? Parce que nous, on peut les accompagner dans ces démarches de recrutement à l'international. Est-ce que, par exemple, ils participent à la Journée Québec? Et puis, quels types de conditions salariales sont associés aux principales professions pour lesquelles il y a du recrutement à l'étranger? J'aimerais ça que vous nous dressiez un portrait de tout ça?

M. Champagne (Jean-François) : Certainement. Écoutez, je n'ai pas des particularités, là, des engagements de divers membres envers les différents services du gouvernement. Je peux vous dire que c'est certain qu'ils font des grands efforts pour attirer de la relève étrangère. Effectivement, ils font l'utilisation de certaines tierces pour les aider dans cet accompagnement-là. Pour la plupart, ce sont des petites et moyennes entreprises donc qui n'ont peut-être pas les capacités internes de le faire. Vous avez parlé... on a parlé de mécaniciens, de techniciens en atelier, beaucoup dans le domaine également de la carrosserie, dont des peintres, des débosseleurs et ainsi de suite. Donc, il y a une très grande pénurie. C'est très difficile de recruter ce genre de types d'employés spécialisés.

Au niveau des compensations, ce sont des bons emplois bien rémunérés, et parfois il faut faire attention, dans bien des secteurs, les salaires payés sont déterminés par les comités paritaires dans les différentes régions. Mais il faut comprendre que les comités paritaires ont des seuils minimums, et donc souvent la compensation en fait que l'on offre est supérieure à ce qui est en fait, là, les taux minimums qu'on retrouve, là, par les comités paritaires de l'automobile. Donc, des bons emplois bien rémunérés et évidemment une activité, là, accrue de nos membres pour faire ce recrutement-là à l'extérieur du pays.

Mme Fréchette : Et du côté des formations d'appoint à aller chercher. Est-ce que vous avez des échos assez positifs? Parce qu'il y a des secteurs pour lesquels là, c'est plus long, où ce n'est pas nécessairement facilement accessible. De votre côté, est-ce que vous avez un écho?

M. Champagne (Jean-François) : Il y a encore du travail à faire. Notre secteur économique a des doubles enjeux parce que non seulement on a des grands changements technologiques. Nos voitures d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'elles étaient il y a cinq ans, puis ça va continuer... ça continue avec l'électrification. Le gouvernement investit beaucoup dans la transformation électrique, dont les formations VE, compétence VE. Fantastique! D'ailleurs, le gouvernement du Québec est en avance sur beaucoup de juridictions à travers l'Amérique du Nord à ce sujet-là. Par contre, c'est sûr qu'au niveau de la capacité et de la disponibilité, ça reste quand même des enjeux. Mais je vous dirais que, de notre point de vue, on voit les efforts au Québec de façon positive. Il faut continuer à les faire plus dans le futur. Mais je pense qu'on est sur le bon chemin ici.

Mme Fréchette : Par rapport au repreneuriat, vous l'avez mentionné, là. Donc près de 70 % des entreprises familiales de votre industrie, là, ne vont pas survivre au-delà de la première génération. Donc, je voulais m'assurer que vous ayez vu, là, le projet de création d'un volet pour le repreneuriat dans le cadre de notre réforme de l'immigration économique. Donc, on veut s'assurer que la filière d'immigration puisse offrir une solution potentielle au phénomène de repreneuriat...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Fréchette : ...Là, j'entends que c'est quelque chose qui est déjà établi dans votre secteur, de regarder à l'international, de ce côté-là? Puis est-ce que vous avez eu des échos aussi de la pertinence du nouveau volet qu'on a mis de l'avant dans le cadre de notre réforme de l'immigration économique?

• (11 h 30) •

M. Champagne (Jean-François) : Au niveau du repreneuriat, je vous dirais que c'est quelque chose qu'on a observé de façon organique dans l'industrie. Donc, très souvent, les gens qui vont venir travailler dans nos entreprises vont souvent avoir l'opportunité, dans le futur, de reprendre l'entreprise. Et c'est quelque chose qu'on a vu s'évoluer avec les arrivées de certains immigrants qui ont eu l'opportunité de faire ce repreneuriat-là de ces entreprises-là. Et, encore une fois, ce n'est pas quelque chose qu'on a fait de façon systémique, mais qu'on observe, et, je pense, qui est un élément qu'on ne parle pas assez parce que ce n'est pas juste des travailleurs qu'on amène ici pour venir nous aider, ce sont également des gens qui vont être capables d'être les prochains leaders des... de nos petites et moyennes entreprises, là, partout au Québec.

Et donc on applaudit, finalement, les efforts du gouvernement dans ce sens-là, et que, oui, ce n'est pas juste d'amener des travailleurs, mais également d'amener des gens qui vont être nos entrepreneurs de demain également. Ce sont des points très positifs, de notre point de vue.

Mme Fréchette : Est-ce que les mesures de francisation sont par ailleurs assez monnaie courante chez vous? Parce que nous, on va mettre de l'avant beaucoup de mesures, à travers francisation Québec, notamment des mesures en lien avec la francisation en milieu de travail. Est-ce que votre secteur se prête bien à cette idée d'avoir de la francisation en lieu de travail? Est-ce que vous êtes déjà passablement engagés, là, vous et vos membres, pour la francisation?

M. Champagne (Jean-François) : Bien, c'est ça, au niveau de la francisation, comme on l'a dit dans mon exposé, on offre des environnements de travail, je pense, qui sont très propices pour aider à l'intégration, à la francisation des nouveaux arrivants puisqu'encore une fois dans bien des cas les rôles ne requièrent pas un accès, une présence directe devant les clients ou la population, donc ils sont capables de travailler en collaboration avec des collègues de travail, des superviseurs. Et je pense que ce sont des éléments qui permettent une bonne intégration, une bonne francisation et permettent, là, une transition qui est bonne pour les nouveaux arrivants.

Et toutes les initiatives que le gouvernement peut mettre de l'avant pour aider nos petites et moyennes entreprises à activer et accélérer cette francisation-là, évidemment, sont tout à fait bienvenues.

Mme Fréchette : O.K. Bien, merci. Je vais céder la parole à des collègues, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, la députée de Vimont désire prendre la parole. Il vous reste 10 minutes 12 secondes.

Mme Schmaltz : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Champagne. Merci de votre présence avec nous.

Bon, écoutez, je vais reparler avec vous un peu de la question de l'électrification des transports. Tantôt vous avez mentionné, en termes d'outils nécessaires, l'accès aux données. Pourriez-vous un petit peu juste élaborer davantage là-dessus, comment ça pourrait, finalement, vous vous aider?

M. Champagne (Jean-François) : Absolument. Écoutez, on applaudit encore une fois la vision du gouvernement du Québec sur l'introduction de la Loi 29 sur l'obsolescence programmée et la réparabilité des biens. Et, bien que beaucoup de gens pensent à leur téléphone cellulaire, leur télévision, leur électroménager, leur voiture également est un élément important, où, pour être capables de continuer à réparer les véhicules d'aujourd'hui et de demain, on doit de plus en plus avoir accès aux données, hein? On est encore passés, une fois, d'une voiture qui, quelques générations... C'était de la mécanique beaucoup, alors qu'aujourd'hui ce sont des ordinateurs sur roues.

Alors, que ça soit un changement d'huile, un changement de pneus, un entretien régulier, de plus en plus, il est nécessaire d'accéder aux ordinateurs de bord. Et donc on vit dans un monde où est-ce qu'on doit garantir que les fabricants continuent de rendre l'information nécessaire pour faire le diagnostic, les réparations de ces biens-là. Et nous, évidemment, dans le marché secondaire, c'est critique qu'on ait accès à ces informations-là.

Et, encore une fois, le projet de loi n° 29 va dans le bon sens en disant : Bien, écoutez, le manufacturier automobile se doit, et, évidemment, avec le contrôle de l'OPC, l'Office de la protection du consommateur, de rendre disponible toute l'information nécessaire aux propriétaires, locataires à long terme ou à son mandataire, donc, dans ce cas-ci, les ateliers de réparation que nous avons partout à travers le Québec. Et donc c'est un élément très important pour pouvoir réparer nos véhicules électriques de demain, qui sont tous des ordinateurs sur roues, qu'on continue d'avoir accès à l'information nécessaire pour faire le bon entretien et les réparations.

Mme Schmaltz : C'est intéressant, ce que vous mentionnez, justement, parce que là, on parle beaucoup de... est-ce qu'on peut parler d'automatisation dans le secteur automobile? Est-ce qu'on... Parce que, oui, l'immigration est un élément intéressant pour votre secteur, mais, si on parle en termes d'automatisation, de robotisation du milieu automobile, est-ce que ça peut être envisagé?

M. Champagne (Jean-François) : Donc, il s'agit d'un aspect qui est beaucoup plus applicable à ceux qui fabriquent les véhicules. Donc, on ne représente pas les fabricants de véhicules automobiles, je ne peux pas parler en leur nom, évidemment. Eux, évidemment, beaucoup, beaucoup au niveau de la...

M. Champagne (Jean-François) : ...l'automatisation, il y a beaucoup de mouvement à ce moment-là. Au niveau de l'entretien et réparation des véhicules ou des services de carrosserie, c'est assez particulier. Vous avez un accident, votre accident est très différent de celui à côté. Donc, il y a certaines techniques, évidemment, qu'on utilise pour être plus efficaces, mais de dire on peut automatiser ou robotiser l'ensemble des fonctions, pas dans... dans un futur proche. Ça va être très difficile à faire à cause de la spécificité, beaucoup de modèles, différents véhicules. Donc, ce n'est peut-être pas un modèle qui s'applique très, très bien à notre secteur d'activités.

Mme Schmaltz : Présence humaine est encore indispensable?

M. Champagne (Jean-François) : Oui, effectivement, absolument.

Mme Schmaltz : Oui, je comprends. Est-ce qu'il y a des bassins de travailleurs à l'international qui vous paraissent prêts pour, justement, ce virage-là? Est-ce que vous avez, j'imagine, déjà peut-être regardé?

M. Champagne (Jean-François) : Vous parlez en termes de géographie?

Mme Schmaltz : À l'international, oui, oui. Oui.

M. Champagne (Jean-François) : Oui. Je n'ai pas d'information pertinente spécifiquement sur ce sujet, sinon de dire qu'évidemment où est-ce qu'on peut recruter des gens qui ont déjà une spécialisation, évidemment, qui ont déjà eu une éducation dans notre secteur... Puis, comme j'ai dit dans mon énoncé, les concepts de réparation de voiture sont à peu près universels. Donc, c'est assez facile d'aller faire un petit peu partout le tour du monde et de trouver des gens qui ont une formation de base ou spécialisée qui s'applique très bien à notre secteur économique. Donc, je me pose la question à voix haute, là, mais je ne peux pas vous dire s'il y a des bassins particuliers qui ont été explorés à ce niveau-là. On se fera un plaisir de faire un suivi là-dessus.

Mme Schmaltz : Mais est-ce qu'il y a des pays qui sont davantage... qui ont peut-être davantage de connaissances, peut-être, qu'ici? Est-ce qu'il y a des gens plus spécialisés ailleurs qu'au Québec?

M. Champagne (Jean-François) : De façon générale, les enseignements nécessaires pour faire une réparation, un diagnostic d'un véhicule sont assez universels, et donc, peu importe où on va dans le monde, vous allez retrouver des bassins de gens qui ont ces genres de qualifications-là aujourd'hui. On n'a pas besoin d'aller dans des pays ou des régions spécifiques pour obtenir ces qualifications-là.

Mme Schmaltz : D'accord. Je vais parler un petit peu avec vous de la francisation. Vous l'avez évoquée tantôt dans votre mémoire. D'ailleurs, la ministre aussi vous en a... a échangé un petit peu là-dessus. Ce qu'on voit, c'est... Vous ne vous prononcez pas directement sur les orientations. Par contre, de ce que j'ai compris... tantôt, dans votre présentation, était que l'apprentissage du français directement sur place pouvait être envisagé. Est-ce que vous êtes tout de même intéressés par la francisation en entreprise? Est-ce que c'est un élément qu'on ajoute ou c'est l'apprentissage sur place, de façon brute? Je ne sais pas si vous comprenez ma...

M. Champagne (Jean-François) : Oui, oui, je vous comprends. Mais nous, ce qu'on observe, évidemment, c'est... La formation brute, là, sur le temps, si on veut, là, d'être exposé à un environnement de travail dans lequel un superviseur, un collègue de travail permet des échanges et... donc, ça, naturellement, on observe que ça permet une intégration, une francisation. C'est sûr qu'on accueille d'un bon oeil des programmes, soit en entreprise ou à l'extérieur, pour permettre l'adaptation, la francisation des nouveaux arrivants. Et, effectivement, nous, ce qu'on vient dire dans notre représentation, c'est dire : Écoutez, c'est un bon complément à ce qui peut être également appris en classe. Et donc c'est certain qu'elle permet de supporter nos nouveaux arrivants, avec des programmes de francisation. Je pense, ça continue à être important et puis c'est quelque chose qu'on voit d'un très bon oeil.

Mme Schmaltz : Quand on parle de francisation en entreprise, on parle de francisation pendant les heures de travail ou après les heures de travail?

M. Champagne (Jean-François) : Bonne question. À chaque fois qu'on parle de formation, de façon générale, dans le cas de nos membres, on fait vraiment face à des problèmes, des enjeux d'emploi. Souvent, la formation, quelle qu'elle soit, sera de vous... offerte à l'extérieur des heures de travail, simplement parce que, pendant le jour, on veut s'assurer de réparer les véhicules des Québécois, des Québécoises, qu'ils aient des véhicules sécuritaires à conduire. Et donc, de façon générale, sans avoir consulté mes membres là-dessus, tout programme de formation générale va se retrouver souvent à l'extérieur des heures de travail, simplement à cause des besoins criants qu'on a présentement, là, pour assurer, là, le service.

• (11 h 40) •

Mme Schmaltz : Je vous comprends. Par contre, on a entendu plusieurs organismes qui nous faisaient part, justement, de cet enjeu-là. Les gens, souvent, bon, ils arrivent, ils ont... il y a tout l'avis aussi de l'immigration, et puis naturellement, des fois, les gens sont fatigués après des journées de travail, donc la... c'est plus difficile, disons, de pouvoir envisager des cours de francisation après les heures de travail, donc. Mais est-ce que, pour vous, pour votre industrie, c'est faisable...

M. Champagne (Jean-François) : ...mais il se fait de la formation continue. Que ce soit dans des cas de partage études-travail, il y a déjà certains cadres qui existent dans lesquels ça peut coexister. Je pense qu'on pourrait explorer, effectivement, là, différents modèles dans ce cas-là, mais c'est certain que ce qu'on attend de nos membres, souvent, c'est de dire, quand vient le temps d'arrêter, si on veut, d'offrir un service à la clientèle pour faire de la formation, que ce soit pour un véhicule électrique ou la francisation, ça crée des tensions qui sont difficiles, là, à aller concilier, c'est certain.

Mme Schmaltz : Vous avez tantôt... J'ai encore un peu de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...

Mme Schmaltz : Une minute? Deux minutes. D'accord. Tantôt, vous avez mentionné au tout début qu'il s'était vendu 370 000 nouveaux véhicules. Au Québec?

M. Champagne (Jean-François) : Oui.

Mme Schmaltz : Véhicules électriques?

M. Champagne (Jean-François) : Non, ce n'est pas la majorité, c'est l'ensemble des véhicules vendus au Québec.

Mme Schmaltz : D'accord. 370 000, c'est un chiffre... C'est élevé. Il me semble que c'est énorme.

M. Champagne (Jean-François) : Bien, il y a 26 millions de véhicules sur les routes au Canada. L'âge moyen d'un véhicule sur les routes au Québec, présentement, est à peu près de 10 ans. Donc, vous voyez la courbe de remplacement. Oui, on... parfois, on a de la misère à saisir l'ampleur de notre industrie, mais c'est lié directement au fait qu'il y a des millions de véhicules sur nos routes au Québec et puis il va falloir faire un remplacement. Et, si on veut, en 2035, atteindre nos objectifs de 100 % de nouveaux véhicules neufs qui sont électriques, ça va faire un nombre élevé de nouveaux véhicules sur nos routes qu'il va falloir faire un entretien, réparation, Effectivement, oui. C'est pour ça que ça prend 100 000 personnes dans notre secteur économique, là, pour assurer cette sécurité pour les Québécois, les Québécoises.

Mme Schmaltz : C'est exactement la question que je voulais vous poser, si vous aviez chiffré, justement, en nombre. Donc, on parle de 100 000 personnes.

M. Champagne (Jean-François) : Oui, 100 000 personnes.

Mme Schmaltz : 100 000 personnes. D'accord. Alors, j'imagine que j'ai terminé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 30 secondes.

Mme Schmaltz : Il reste 40 secondes. Alors, écoutez, je vais vous souhaiter une belle journée.

M. Champagne (Jean-François) : Merci à vous aussi. Merci beaucoup du bon travail.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. On se tourne maintenant, M. Champagne, du côté de l'opposition officielle qui a une période de 16... de 12 minutes 23 secondes avec la députée de Chomedey.

Mme Lakhoyan Olivier : Bonjour.

M. Champagne (Jean-François) : Bonjour.

Mme Lakhoyan Olivier : D'abord, merci d'être là. Et puis c'est alarmant, ce que vous dites aujourd'hui. C'est alarmant, le fait qu'on a besoin de 100 000 employés. Et vous parlez de 7 milliards de dollars annuellement. Est-ce que c'est au Québec, le 7 milliards, ou c'est au Canada?

M. Champagne (Jean-François) : 7 milliards au Québec, près de 38 milliards au Canada dans le marché secondaire, oui. Et 100 000 personnes, il faut comprendre, c'est l'ensemble des gens qui travaillent dans notre secteur économique présentement.

Mme Lakhoyan Olivier : Je comprends. 7 milliards de dollars annuellement dans la province du Québec, c'est beaucoup d'argent. Ça fait vivre des familles, ça fait vivre toute notre économie, les restaurants, les lieux touristiques, on peut nommer. Donc, 7 milliards, c'est beaucoup d'argent. Et puis, si on a besoin de 100 000 personnes maintenant, dans cinq ans, on aura besoin de combien? Je suis en train de faire les mathématiques, le x, là. C'est alarmant. Et on n'a pas de temps à perdre, si je comprends bien.

M. Champagne (Jean-François) : Écoutez, c'est dur toujours de mettre un chiffre sur les besoins de main-d'oeuvre. On sait qu'on n'a pas été capable de ramener les mêmes taux d'emploi qu'on avait dans notre secteur avant la pandémie, on sait qu'avec le tournant au niveau de l'électrification on va avoir à d'autres besoins et, évidemment, on a des employés présentement, dans le secteur, évidemment, qui sont près de la retraite, donc il va falloir également assurer qu'on est capables de remplacer ces travailleurs qualifiés là au cours... Principalement, là, les 5 à 7 premières prochaines années vont être critiques, c'est certain, pour notre secteur.

Mme Lakhoyan Olivier : Je comprends ça. J'ai de la famille dans les garages, carrosseries, mécanique, «body shop», rembourreurs, vitriers, j'en ai dans ma famille immédiate, et puis, je sais, ils travaillent sept jours semaine, ils ont de la difficulté de garder des employés. Les gens ne sont pas intéressés. On n'a pas... On dirait, on n'a pas ces employés-là ici. Je ne sais pas où ils sont, mais il y en a qui vont prendre leur retraite d'ici cinq ans. Il n'y a pas de relève. Donc, je vous entends très clairement pour le repreneuriat et le manque d'employés. Est-ce que la précondition de connaître le français avant d'arriver au Québec pour combler les emplois et reprendre...

Mme Lakhoyan Olivier : ...pour combler les emplois et reprendre les garages, est-ce que vous trouvez, dans votre opinion, que ça freine... ça freinerait notre économie si on met prérequis : la langue française?

M. Champagne (Jean-François) : Bien, écoutez, nous, on est ici pour exprimer une opinion sur la proposition du gouvernement. C'est certain que nous supportons beaucoup la deuxième option, de dire qu'on doit augmenter les seuils d'immigration à 60 000 personnes. On comprend l'objectif du gouvernement de vouloir faire ça à travers un objectif également de francisation. Mais je suis mal placé pour dire : On va-tu être capables d'attirer 60 000 personnes avec des demandes de francisation? Je pense que c'est l'intention du gouvernement. Et donc, sur ce point-là, nous, ce qu'on dit : Ça nous prend des gens dans notre secteur économique. Nous sommes confiants qu'avec l'option qui est offerte à travers l'accélération des seuils d'immigration à 60 000, c'est un pas en avant, et d'ailleurs on encourage le gouvernement, on fait la recommandation dans notre mémoire de dire : Est-ce que... s'il n'est peut-être pas capable d'accélérer l'échéancier pour arriver aux 60 000, peut-être le faire en deux ans au lieu de trois, par exemple?

Mme Lakhoyan Olivier : C'est quoi, les... D'après vous, c'est quoi, les enjeux d'intégration que vous pouvez remarquer dans cette industrie-là? L'intégration, est-ce que ça se fait bien?

M. Champagne (Jean-François) : Bien, c'est sûr qu'on a des enjeux, parce qu'encore une fois on fait face à des enjeux au niveau de la technologie, au niveau des outils, j'ai parlé de l'accès à l'information... est un. L'autre, évidemment, c'est la transformation de notre industrie. Donc, ça crée des enjeux au niveau de la connaissance et de la formation continue. Donc, ça, je pense que ça reste pour nous des enjeux importants dans des... souvent, en région, des petites et moyennes entreprises qui n'ont peut-être pas accès à un bassin de main-d'oeuvre qualifiée autant qu'ils en auraient besoin, puis vous l'avez dit, d'ailleurs, certains entrepreneurs se retrouvent à travailler non pas cinq jours-semaine, mais bien six ou sept.

Alors, je pense que c'est ça qui vient peut-être causer un petit peu certains enjeux au niveau de l'intégration. C'est qu'il faut prendre le temps de former nos nouvelles personnes, nos nouveaux arrivants, mais évidemment on a des contraintes, là, compétitrices en même temps, là, au niveau du futur de notre industrie. Je pense que ça va être ça, les enjeux devant nous, c'est d'assurer de tout faire ça pendant qu'on continue à offrir un service de qualité aux Québécois et Québécoises pour faire l'entretien et réparation de leurs véhicules.

Mme Lakhoyan Olivier : C'est deux fois le temps de changer nos pneus puis changement d'huile, là. Il faut prendre nos réservations deux mois d'avance, même si j'ai des cousins là-dedans.

M. Champagne (Jean-François) : Absolument. Écoutez, si on peut faire une recommandation aujourd'hui, c'est dire à nos gens, nos Québécois : Prenez... Changez vos habitudes. Entrez en contact avec votre atelier de choix, assurez-vous d'avoir une date cédulée. Ça optimise un peu le processus. On a parlé de l'automatisation tantôt. Bien, c'est peut-être une des façons de le faire, un peu, pour tous les Québécois de dire : On prend rendez-vous en avance. Ça optimise nos baies de services et ça nous permet d'offrir un meilleur service aux Québécois.

Mme Lakhoyan Olivier : Je suis... Bien, j'ai remarqué, à la page 3, vous mentionnez que ces employés-là, ils ne sont pas appelés à avoir l'interaction avec les clients, parce qu'ils ont plutôt des commis réceptionnistes, service à la clientèle, comptabilité, donc ils ont des gens qui font affaire avec la clientèle. Donc, il n'y a pas une urgence tout de suite de s'inquiéter pour la francisation, mais que... Est-ce que vous trouvez, avec cet énoncé, vous trouvez qu'avec le temps ils vont apprendre le français, ils vont s'intégrer dans notre société? Et dans combien de temps vous pensez qu'ils seront plutôt à l'aise avec la société québécoise?

• (11 h 50) •

M. Champagne (Jean-François) : Bien, écoutez, je pense que la meilleure façon de voir ça, c'est très... Dans certains secteurs économiques, on reconnaît qu'il y a une interaction directe avec le public, et donc ça crée des beaucoup plus gros enjeux au niveau de la francisation et l'intégration, alors qu'on a, nous, dans notre secteur, la balance des deux, c'est-à-dire que, oui, on a certains emplois qui requièrent une interaction directement avec la population, mais en même temps on a beaucoup, beaucoup d'emplois, que ce soit de travailler dans un atelier, de travailler dans un entrepôt, qui permettent une intégration plus.... je vais utiliser un anglicisme : plus «smooth», donc de faire une intégration qui est plus harmonieuse pour les nouveaux arrivants. Et donc, je pense qu'on est encore une fois un secteur économique qui peut très bien bénéficier et permettre une intégration et une francisation de nouveaux arrivants, là, qui se fait d'une façon, là, harmonieuse.

Mme Lakhoyan Olivier : Est-ce que vous trouvez que le fait qu'au Québec l'éducation est gratuite, quasi gratuite à nos enfants...

Mme Lakhoyan Olivier : ...l'éducation est gratuite, quasi gratuite à nos enfants. Et puis les gens prônent l'éducation au cégep, université. De ce fait, on a moins de gens intéressés à aller dans les garages, l'emploi de garagiste. Est-ce que vous pensez, c'est la raison que, dans notre population, il n'y en a pas d'engouement là-dedans?

M. Champagne (Jean-François) : Il y a plusieurs facteurs, c'est certain. Par contre, je peux vous dire que... Parfois, je dis à nos membres : J'ai... autour de cette table aujourd'hui, on me dit : Oh mon Dieu, 370 000 nouveaux véhicules, 100 000 personnes. Peut-être qu'on ne fait pas le meilleur effort pour valoriser les emplois qu'on a dans notre secteur économique. On a des bons emplois, ils sont bien rémunérés, ils sont à la... un petit peu à l'abri des changements économiques. Nous sommes un service essentiel qui a continué à opérer pendant la pandémie. On a plein de beaux atouts, peut-être qu'on ne les valorise pas assez et je pense que c'est la responsabilité de tous de dire à nos amis, nos enfants, nos parents, dans nos familles, de dire : Aïe, il y a des beaux emplois dans nos industries, telles que l'automobile. Je pense que c'est un message positif qu'il faut donner. On a des beaux emplois et il faut attirer plus de gens, c'est certain. Mais dans le secteur, dans les conditions qu'on a présentement, c'est sûr qu'on va devoir combler ça, avec aussi des apports au niveau de l'immigration pour le futur.

Mme Lakhoyan Olivier : Mais vous avez raison pour la valorisation, ce n'est pas la première fois que je l'entends. J'ai entendu en Mauricie quand on a parlé de l'emploi des couturières, j'ai entendu dans l'industrie du tourisme pour les massothérapeutes. Donc, vous dites la même chose. Donc, peut-être que nous, en tant que gouvernement, on devrait travailler à valoriser ces industries-là.

Les travailleurs que vous allez chercher, ce sont... est-ce que ce sont des temporaires ou des permanents?

M. Champagne (Jean-François) : Donc, c'est une combinaison des deux. C'est sûr qu'il y a des immigrants temporaires qui font partie de notre écosystème. Dans le cas de la consultation aujourd'hui, évidemment, on vient ajouter la composante... ça nous prend également des immigrants permanents pour notre secteur économique. Donc, c'est une combinaison des deux.

Mme Lakhoyan Olivier : Combinaison des deux, toutefois, la proportion, vous diriez... qu'est-ce que vous diriez pour la proportion, le pourcentage?

M. Champagne (Jean-François) : Je ne pourrais pas m'avancer à vous donner un chiffre, j'avoue, là. Je ne sais pas. On fera un suivi avec les membres du comité, là, pour vous donner peut-être un peu plus d'indications à ce niveau-là. Je n'ai pas ces informations-là avec moi, malheureusement.

Mme Lakhoyan Olivier : ...fonctionne avec le repreneuriat. Est-ce que vous trouvez des investisseurs pour le Québec de l'extérieur, pour le repreneuriat? Est-ce que vous êtes au courant ou?

M. Champagne (Jean-François) : Bien, moi, ce que j'observe, c'est que, dans le changement générationnel, nos entrepreneurs qui passent le bâton un petit peu à la prochaine génération le font de toutes sortes de différentes façons, que ce soit avec des partenariats, encore une fois avec du repreneuriat, à l'intérieur de leur entreprise qui, parfois, inclut également des nouveaux arrivants, des immigrants. C'est une combinaison d'un petit peu de tout. C'est certain qu'il y a également des consolidations qui s'offrent également. Donc, il y a des entrepreneurs qui vont décider d'opérer deux ou trois centres de services et qui vont racheter évidemment certains centres, mais je vous dirais que le repreneuriat à travers l'entreprise, c'est quelque chose qui continue de s'observer, encore une fois, parfois, la génération suivante ou parfois à travers des nouveaux arrivants qui ont pris place dans l'entreprise et qui veulent la reprendre et continuer cette histoire d'amour qu'ils ont avec leur région d'accueil.

Mme Lakhoyan Olivier : C'est bien. En attendant, mon frère va travailler sept jours au garage, vitrerie et rembourrage, mon cousin à la carrosserie puis mon autre cousin qui est en mécanique, ils vont faire sept jours jusqu'à ce qu'on le comble avec des nouveaux employés. Est-ce que vous êtes en ce moment en contact avec des compagnies, je pense, qui amèneraient des travailleurs ici, au Québec?

M. Champagne (Jean-François) : Donc, l'association elle-même ne le fait pas. Par contre, on sait que beaucoup de nos membres, eux, le font avec diverses tierces pour aider, faciliter le recrutement et l'intégration de ces arrivants-là pour venir combler ces postes-là pour espérer que certains membres de votre famille vont être capables de se rendre, là, pour le souper de famille. Parce que s'ils travaillent sept jours, ça doit être plus difficile, là. Mais, oui, effectivement, ça se fait beaucoup à travers, là, certains de nos membres qui sont en partenariat avec diverses entreprises.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Le temps...

Mme Lakhoyan Olivier : J'ai apprécié votre présence. Merci de les représenter.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci Mme la députée. M. Champagne, compte tenu que vous voulez faire le lien avec les membres de la commission, si vous avez des réponses additionnelles à donner...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...je vous invite à communiquer avec le secrétariat de la commission pour déposer des documents additionnels. Merci.

Alors on va terminer cette ronde d'échange avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour quatre minutes sept secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Vous avez parlé beaucoup de repreunariat, c'est intéressant. En juin 2023, là, il y a une réforme qui a été publiée au volet trois du programme de repreunariat du MIFI. je me demandais si vous aviez des commentaires. Est-ce que vos membres utilisent ça, le programme de qualification permanente de repreunariat? Est- ce que ça fonctionne? Comment ça va?

M. Champagne (Jean-François) : Je n'ai pas de statistiques non plus là-dessus, donc c'est quelque chose... on fera un suivi également. Je sais qu'également... Que les Comités sectoriels de l'automobile, entre autres, on fait la promotion de ces programmes-là. Je suis difficilement capable de vous donner vraiment des chiffres concrets, à savoir est-ce que ça a été bien reçu, bien utilisé, et du... Des commentaires spécifiques sur ce programme-là. Je n'en ai malheureusement pas.

M. Cliche-Rivard : Pas de problème. Le guide parle par contre qu'il y avait un arriéré assez important, là, dans la catégorie des gens d'affaires, on parle d'à peu près 15 000 dossiers en attente avec des projections, pour 2025, 2026, 2027, d'à peu près 450 dossiers, annuellement. Bref, je veux dire, on peut faire la règle de trois, là, ça va faire plusieurs, plusieurs. Plusieurs années d'attente. J'imagine que pour vous, du repreunariat, ça doit se faire dans un délai raisonnable, là, pas dans un programme d'immigration qui va prendre 10 ans de traitement, là?

M. Champagne (Jean-François) : Il faut comprendre qu'il y a beaucoup d'outils dans le coffre d'outils lorsque vient le temps du repreunariat. Souvent, on va avoir des regroupements, entre autres, qui facilitent ces échanges-là. Donc, il y a plusieurs gens, dans notre écosystème, qui sont capables également de fournir de l'accompagnement, du support, de l'information aux divers entrepreneurs qui décident, là, de commencer la transition pour leur entreprise. Donc, c'est certain que, où il y a des programmes gouvernementaux qui sont accessibles, on veut évidemment être capables de les offrir, les utiliser. Encore une fois, je n'ai pas de statistiques comme telles, mais je vous dirais par contre qu'on est un secteur économique qui a quand même accès, lui-même a des ressources pour se... être capable d'offrir, là, de ce genre d'accompagnement, de support et de services à leurs membres.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Je me demandais, la réforme du programme de l'expérience québécoise travailleur, qui... (panne de son) ...les postes moins qualifiés, là, les jobs moins qualifiées du PEQ, est-ce que ça, ça a eu un impact sur vos membres? Est-ce que vous avez eu de la misère à les qualifier pour la résidence permanente ou, si, finalement, les travailleurs ont trouvé une autre porte de chemin... Ou un autre chemin pour se qualifier pour rester avec vous?

M. Champagne (Jean-François) : Le son de cloche qu'on entend souvent au niveau de la reconnaissance, qualification de la main-d'œuvre, c'est certain que ça reste quelque chose qui est toujours un petit peu ardu. Je n'ai pas de données spécifiques récentes, mais je vous dirais simplement que, de façon générale, on veut toujours faire reconnaître que notre secteur économique, que ce soit, encore une fois, des peintres, que ce soit des carrossiers, des mécaniciens, ce sont des secteurs économiques qui sont en grande demande. On veut, évidemment, des... au niveau de la reconnaissance des acquis, pour ces gens-là, le plus possible. Donc, où on est capable d'alléger le plus possible ces reconnaissances-là pour être plus capable d'intégrer rapidement et de reconnaître la qualification de ces travailleurs-là, c'est toujours, évidemment, là, bienvenu.

M. Cliche-Rivard : Et vous êtes capable de garder les travailleurs, et ils restent, au Québec, malgré... des fois, on parle des délais qui augmentent, des fois, on parle de la difficulté de rester, de la difficulté de faire venir les familles. Est-ce que vous le sentez, ça, ou vous sentez que ça va bien, généralement?

M. Champagne (Jean-François) : De façon générale, notre secteur économique continue l'attraction, et la rétention continue d'être difficile quand même. Il y a énormément de facteurs qui contribuent à ça. Je reviens, encore une fois, nos besoins de formation et de mise à jour des enjeux technologiques de notre secteur sont, évidemment, tous des éléments de pression, beaucoup de compétitivité dans le secteur également. Donc, c'est sûr qu'on doit continuer à travailler très fort, non seulement au niveau de l'attraction, mais aussi rétention, pour s'assurer que ces gens-là sont capables, là, de bien s'intégrer et de rester dans notre secteur économique.

M. Cliche-Rivard : Vous diriez que c'est quoi, le principal défi de la rétention...

M. Champagne (Jean-François) : Aujourd'hui, je pense qu'au niveau de... particulièrement dans le secteur économique, là, au niveau de la rétention, ça reste, encore une fois, la mise à jour des connaissances, la disponibilité, les outils, donc toute la transition qui se fait dans le type de travail qu'on doit faire. Souvent, on pense, un technicien en atelier est un mécanicien. On tapait sur un parechoc en métal...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Sur ce...

M. Champagne (Jean-François) : ...puis là on est rendu avec des parechocs en plastique, avec de la technologie derrière, donc ça a beaucoup changé.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup, M. Champagne. C'est ce qui met fin à cette audition. Merci beaucoup pour l'apport à nos travaux.

Mesdames et messieurs les élus, nous allons suspendre la commission quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 01)


 
 

12 h (version non révisée)

(Reprise à 12 h 05)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc le groupe Québec réunifié avec ses quatre représentants, représentantes. Bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens, mesdames, Messieurs. Je vais vous demander d'abord de vous présenter et vous allez bénéficier d'une période totale de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, on va échanger avec les parlementaires. Alors, le temps débute maintenant.

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Bonjour à tous. Alors, je tiens tout d'abord à exprimer notre profonde gratitude pour l'opportunité qui nous est offerte aujourd'hui. C'est avec un sentiment de devoir civique et un engagement profond envers notre société, surtout envers les Québécois parrainant leur partenaire de vie et enfants que nous, les membres du Collectif Québec réunifié avons répondu à votre invitation.

Alors, moi, je m'appelle Rydia Lévesque Martinet, je suis née et j'ai grandi au Québec. Je suis fille d'immigrants et j'attends la résidence permanente de mon mari du Brésil depuis plus d'un an, sans nouvelles. Notre collectif, que j'ai fondé le 22 juin 2023, a été créé avec la vision de défendre les droits et le bien-être des familles du Québec. Ce collectif réunit plus de 500 personnes concernées par le regroupement familial au Québec. Donc, aujourd'hui, je suis en compagnie de Cyndi Fiata, notre responsable des communications, ainsi que de Kiyoshi Mukaï et Nathalie Coursin, deux membres de notre collectif. Et, encore une fois...

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : ...merci de nous avoir donné l'occasion de partager notre perspective. Je laisse la parole à Cyndi.

Mme Fiata (Cyndi) : Alors, bonjour. Aujourd'hui, je souhaite vous raconter mon histoire. Je suis originaire d'une petite île de la Caraïbe et je suis arrivée au Québec le 15 août 2009 avec un permis d'étude. Ce ne fut pas facile, mais je me suis accrochée, j'ai complété mes études et obtenu mon diplôme. J'ai par la suite obtenu ma résidence permanente et ma citoyenneté canadienne. D'ailleurs, l'un des plus beaux jours de ma vie fut le 29 avril 2016, lors de retour de voyage et qu'un agent frontalier à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau m'a dit : Bienvenue chez vous! Quel soulagement! Enfin, je me sentais acceptée et reconnue par la province que j'ai choisie. Les années ont passé, j'ai même complété deux maîtrises et je continue de travailler dans mon domaine, l'enseignement, en tant qu'enseignante au primaire et chargée de cours à l'université. Je suis propriétaire et cofondatrice d'une entreprise qui aide les enseignants.

J'estime personnellement avoir un parcours exemplaire, mais pourtant, aujourd'hui, j'ai l'impression qu'aux yeux du gouvernement, j'ai commis une erreur : celle d'être tombée en amour avec un ressortissant étranger. Au bout de quatre ans de relation, 16 mois de traitement de résidence permanente et deux visas visiteurs refusés, notre relation et ma vie a heurté un mur le 22 juin 2023, à la découverte des nouveaux délais de traitement de 24 mois au Québec au lieu de 13 mois pour le reste du Canada.

S'en est suivi une série de douches froides. Premièrement, la découverte de la mise en place d'un quota de 10 600 pour l'année 2023 et, pire, l'annonce d'une diminution de ce quota à 10 400 pour les années 2024-2027. N'oublions pas les nombreuses lectures et auditions d'histoires familiales, plus dramatiques les unes que les autres. Mais ce mur, je ne suis pas la seule à l'avoir heurté, et cette douche froide, je ne suis pas la seule à l'avoir subie.

Mme Coursin (Nathalie) : Bonjour à tous. En effet, Cyndi n'est pas un cas particulier. Nous sommes nombreux à subir ces délais. Comme vous le savez, au moins 36 800 personnes sont dans l'attente de validation de la résidence permanente dans notre catégorie au Québec. Pour pouvoir vous restituer un portrait fidèle de ces personnes, Québec réunifié a mené une enquête en interne auprès de 132 personnes en cours de parrainage au Québec. Avant la présentation de ce portrait, je tiens à dire que, pour ma part, je suis demandeur principal, d'origine française, en attente de la résidence permanente depuis maintenant 19 mois. Donc, permettez-moi d'utiliser le pronom «nous» pour parler de l'ensemble des demandeurs principaux.

Nous sommes majoritairement des demandes externes, c'est-à-dire que nous vivons à l'extérieur du Canada et nous subissons une séparation physique longue avec notre partenaire québécois. Nous voyons d'ailleurs actuellement nos demandes de visas visiteurs trop souvent refusées, malgré les dernières directives fédérales. Nous sommes aussi des demandes internes qui... même si vivre avec notre partenaire peut apparaître plus facile, nous subissons aussi diverses conséquences de cette longue attente. Nous sommes majoritairement francophones et francophiles puisque nous sommes 88 % à pouvoir entretenir a minima une conversation basique en français. Nous provenons de multiples pays comme le Maroc, le Sénégal, la France, les États-Unis, le Liban, le Brésil, le Guatemala ou même le Mexique. Nous avons des métiers diversifiés et dont certains sont en pénurie au Québec. Nous sommes mécaniciens, infirmiers, policiers, ingénieurs, professeurs, architectes et bien d'autres. Nous irons nous installer avec nos parrains dans leurs logements partout au Québec. Bien sûr, nous irons à Montréal et sa grande région, comme 42 % de la population actuelle au Québec, mais aussi à Québec, Sainte-Marcelline-de-Kildare et même Rimouski. Nous sommes jeunes, puisque nous avons majoritairement moins de 35 ans. Nous sommes très nombreux à avoir notre CSQ en main et nous sommes 17 % qui l'ont depuis un an et plus.

Enfin, nous devons attendre bien trop longtemps pour rejoindre notre partenaire québécois et commencer notre vie familiale. Cette attente a des conséquences sur notre vie et notre santé physique et mentale. Et je laisse Cyndi et Kiyoshi vous les présenter.

• (12 h 10) •

Mme Fiata (Cyndi) : En effet, il est important de comprendre que nous considérons le délai de 24 mois comme ne prenant pas en compte l'ensemble du portrait des étapes de la demande. Il est important de noter que, pour les familles, le délai commence réellement lors de la prise de décision d'immigrer au Québec. À ceci s'ajoute la préparation du mariage pour certains, le temps qu'il faut pour rassembler les documents, les traduire, au besoin, la prise de contact avec un avocat, au besoin, l'acte de compléter la demande et, enfin, le dépôt de cette dernière. N'oublions pas de nommer les dossiers qui peuvent être retournés et la possibilité de CSQ non envoyé au fédéral.

Pendant tout ce temps, nos vies sont littéralement mises sur pause. Nous repoussons nos projets d'enfant, d'achat de maison et de célébration des fêtes de fin d'année, entre autres. En ce qui a trait à la santé mentale, toujours selon notre enquête interne, 77 % des parrains souffrent d'anxiété et d'angoisse. De plus, 58 % des parrains souffrent d'un état dépressif. À cela s'ajoute la détérioration de la santé physique de 45 % des parrains et demandeurs, qui se retrouvent dans l'obligation d'effectuer des séjours à l'hôpital...

Mme Fiata (Cyndi) : ...les membres de leur famille. N'oublions surtout pas la souffrance subie par les demandeurs externes qui sont en danger dans leur pays. Enfin, de nombreux membres ont témoigné leur envie de quitter le Québec ou ont déjà quitté la province en raison des quotas et des longs délais. Ils ne peuvent plus supporter la séparation. Et le Québec perd donc de la main-d'œuvre qualifiée.

M. Mukaï (Kiyoshi) : Bonjour, je m'appelle Kiyoshi Mikaï, je viens des États-Unis et je suis résident permanent issu du volet Travailleurs économiques du Québec. Je vais maintenant vous parler des délais qui ont un impact direct sur l'appauvrissement des familles. Pour les cas externes, les couples sont séparés et doivent élever une famille depuis deux pays différents. De ce fait, un budget important est alloué au voyage pour maintenir la relation familiale. Pour les cas internes, vous n'êtes peut-être pas au courant que les époux et les conjoints en attente de leur résidence permanente n'ont habituellement pas accès à la RAMQ pendant un long moment. Durant ce temps, les familles espèrent que personne ne tombe gravement malade ou, dans le cas des femmes, qu'elles ne deviennent pas enceintes.

Saviez-vous que sans RAMQ, un accouchement au Québec pourrait coûter jusqu'à 20 000 $? Autre exemple, les demandeurs en attente de la résidence permanente et du CSQ en interne sont considérés comme des étudiants internationaux et doivent payer des frais de scolarité extrêmement élevés s'ils veulent combler les exigences pour évaluer et exercer leurs métiers réglementés. Et maintenant, je laisse la parole à Rydia pour vous donner une proposition pour mieux prendre en compte notre catégorie pour votre futur plan d'immigration.

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Alors, avant de vous rappeler les demandes du collectif, je vais vous citer un extrait de l'article 392 du Code civil du Québec, les cas qui sont tenus de faire vie commune. De plus, les Québécois vont continuer à rencontrer leurs âmes sœurs aux quatre coins de la planète parce que le monde ne connaît pas de frontières. Le regroupement familial continuera ainsi de faire partie du portrait québécois pour de nombreuses années, apportant une richesse, une main-d'oeuvre qualifiée et des familles multiculturelles permettant le développement de notre belle province que tant de gens choisissent avec leur cœur. Nous souhaitons tout de même prendre un instant pour souligner la sensibilité à notre cause et les efforts de la CAQ pour ajuster à la hausse le quota de 2020 à 2022 afin de rattraper les effets de la COVID et aussi actuellement, pour les 7 665 résidents permanents... sur le Québec depuis le début de l'année, ce sont des... 31 juillet.

Donc, voici donc nos deux demandes. Premièrement, nous demandons le traitement prioritaire et immédiat des demandes actuelles qui détiennent déjà un CSQ en travaillant conjointement avec le RCC pour assurer un traitement juste et équitable selon l'ordre logique du premier arrivé, premier servi. Et deuxièmement, après avoir réglé le point précédent, nous demandons la mise en place d'un seuil raisonnable pour permettre de traiter les futures demandes dans un délai de 12 mois dans votre futur plan. On a un entretien avec le représentant, un représentant du bureau de Marc Miller et il a avoué que le RCC serait capable de terminer le traitement des dossiers très rapidement si le Québec le permettait.

Souhaitant collaborer avec le gouvernement afin d'élaborer des solutions, nous avons également une question pour vous, Mme la ministre. Que proposez-vous comme stratégie pour apaiser les souffrances de ces familles québécoises? Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation, pour vos témoignages, également. Ils vont certainement susciter plusieurs questions. Alors, on va commencer avec la banquette gouvernementale, donc par la ministre, avec une période de 16 min 30 s Le micro est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, merci à vous quatre de prendre part à cet exercice sur un thème qui est d'importance collectivement, qui vous est cher, bien sûr. Donc, merci de votre engagement dans la société québécoise, votre engagement dans ce débat, dans cet exercice démocratique qui est d'importance. Alors, merci de partager aussi votre... votre expérience, votre vécu, vos propositions. C'est particulièrement intéressant dans le cadre de cette commission parlementaire. Donc, un grand merci pour ça.

Vous dire dans un premier temps que je suis très sensible au stress vécu par vous, par les familles en général qui sont en attente de décisions pour des demandes, donc, dans le programme de regroupement familial. Alors, c'est quelque chose qui me touche. Et bien sûr, c'est quelque chose qui est à prendre en considération dans le cadre des discussions que l'on a dans le cadre de cette commission. J'ai constaté... En fait, avant de commencer sur des questions, j'aimerais apporter, là, une précision par rapport à un élément qui apparaît dans votre mémoire à la page 4. En fait, vous faites mention, là, que la non-maîtrise du français serait la raison principale expliquant le seuil actuellement fixé par le Québec dans la catégorie du regroupement familial, et donc que de très nombreux candidats, là, francophones ou bilingues n'ont toujours pas obtenu la résidence permanente. Alors, je voudrais juste clarifier les choses pour indiquer qu'en fait la...

Mme Fréchette : ...maîtrise du français ne constitue pas un critère de sélection qui est établi par le gouvernement fédéral dans la catégorie du regroupement familial. En fait, donc, le Québec n'applique pas ce critère et il n'a pas été question non plus de le faire dans un futur rapproché. Donc, il n'y a pas d'obstacle qui est posé par cet élément que vous soulevez dans le mémoire. Donc, je tenais à préciser ça pour bien clarifier les choses puis, voilà, que tout le monde soit sur la même longueur d'onde. En fait, le niveau, là, le niveau d'admission que le Québec prévoit dans la catégorie de regroupement familial est établi en tenant compte, là, d'une variété de facteurs, mais la connaissance du français, là, n'en fait pas partie.

J'aimerais aussi préciser qu'il y a d'autres voies d'immigration, là, pour certains membres de la famille. Par exemple, il ne faut pas oublier que les travailleurs qui souhaitent venir avec leurs conjoints et leurs enfants peuvent les inclure dans leur demande de permis de travail. Donc, ça, on va ouvrir, là, nos programmes économiques plus vastes, une plus vaste gamme de travailleurs et de profils. Vous l'avez vu, j'imagine, avec la réforme des programmes d'immigration économique qu'on a mis de l'avant au printemps dernier. Donc, je sais que ce n'est pas quelque chose qui peut aider et qui peut être une solution pour tous les cas, mais, néanmoins, je tenais à le souligner, qu'il y a cette possibilité-là également d'inclure des membres de la famille.

En page six de votre mémoire, vous mettez l'accent sur l'importance, là, de réussir l'intégration des personnes immigrantes issues du regroupement familial. Bon, si on met à part, là, la question des délais, parce que je vous entends très clairement quant aux délais que vous souhaitez voir raccourcis, qu'est-ce que vous diriez qui sont les conditions de succès d'une intégration réussie en matière de regroupement familial? J'aimerais que vous me partagiez votre vision des choses là-dessus.

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Bien, alors, déjà, de un, je... en fait, vous relater de mon expérience personnelle en tant qu'intégration. J'ai été immigrante moi-même au Brésil pendant deux ans, et, en fait, quand tu es dans un contexte familial, l'intégration se fait très facilement. Bon, mon mari vient de la campagne, au Brésil, en région, et moi-même, bien, quand j'ai vécu là-bas, bien, il m'a aidée, il m'a fait apprendre le portugais, sa famille m'a aidé, il m'a intégré dans sa culture, donc tout ce qui a rapport avec la nourriture, les coutumes, et tout. Donc, niveau intégration, ça se fait facilement quand même, d'une certaine manière. Et surtout qu'en ce moment au Québec, bien, le Québec met beaucoup d'emphase sur la francisation. Ils ont... Le gouvernement a mis beaucoup d'efforts sur l'intégration. Donc, moi, personnellement, je ne vois pas beaucoup de problèmes sur l'intégration de nos familles, surtout qu'on est déjà ici, au Québec, on a déjà un pied au Québec, un logement, et, du coup, bien, c'est quelque chose qui se fait naturellement, sans problème.

Mme Fréchette : Interventions sur le sujet, d'autres réactions?

M. Mukaï (Kiyoshi) : Oui, moi aussi, je peux donner mon point de vue sur l'intégration qui est faite au Québec. Comme j'ai mentionné dans notre présentation, moi-même, je viens des États-Unis, je suis entré en tant que travailleur économique ici, au Québec, je suis maintenant résident permanent. Je parlais déjà le français avant d'arriver, donc je ne devais pas faire la francisation, mais ma femme, que je parraine, elle vient du Guatemala, donc elle a fait de la francisation. Et nous deux, on était dans le programme Objectif emploi qui est... Objectif emploi qui aide les immigrants avec leur insertion au marché de travail. Et ce qu'on a trouvé, ça, c'est selon notre expérience, les initiatives et les objectifs du gouvernement sont bons par rapport à ça. Par contre, la manière dont le système fonctionne, ça ne fonctionne pas très bien. On sait déjà qu'avec la francisation il y avait beaucoup de problèmes avec les gens qui sont en attente de la francisation, je pense que Le Devoir a parlé de ça, continués à la rentrée scolaire. Ma femme a fait ses cours de francisation dans un centre qui avait, selon elle, une trentaine d'étudiants pour une seule prof. Il n'y avait pas beaucoup de gens qui travaillaient là-bas, les étudiants devaient passer le temps à nettoyer les salles de classe, parce qu'il n'y avait pas de personnel, au lieu d'apprendre le français. Et la prof, quand elle était affectée par la COVID, elle avait une forte fièvre et devait continuer à enseigner en présentiel.

• (12 h 20) •

Donc, je pense qu'avec la francisation il y a comme a des choses... peut-être on pourrait améliorer, parce que l'on connaît beaucoup de gens, dans la communauté latino aussi, qui veulent apprendre le français, mais, des fois, le français n'est pas toujours accessible. Il faut aussi avoir un CSQ ou un permis de travail avant de pouvoir...

M. Mukaï (Kiyoshi) : ...des cours de francisation gratuitement et, pour ça, dépendant de la situation, il n'y a pas tout le monde qui a le permis de travail, le CSQ à temps pour prendre avantage de ce cours-là. En termes... côté objectifs d'emploi, vous savez probablement que la manière dont ça fonctionne, c'est qu'il y a beaucoup d'organismes indépendants à travers le Québec qui gèrent ces programmes-là. Et le MIFI donne de l'argent et finance ses organismes aide aux immigrants pour embaucher des conseillers, pour aider les gens avec l'insertion au marché du travail.

Encore une fois, c'est juste nos expériences. Nous, on avait... nous avons passé par deux de ces organismes-là. Il y avait des conseillers qui n'étaient vraiment pas très bien formés, probablement mal équipés, mal qualifiés, ils ne répondaient pas nécessairement quand on les appelait pour avoir une mise à jour sur le dossier. Et il y avait aussi beaucoup de conseillers qui démissionnent assez souvent. Je pense que ma femme, elle avait une ou deux conseillères qui ont démissionné, pour ça, c'est difficile de prendre... pour un autre conseiller après, de prendre le relais. Ma femme travaille dans le domaine de la construction. Elle était architecte au Guatemala. Et, ce qu'on a trouvé, c'est qu'avec... les conseillers ne savent pas comment... quelles sont les étapes à suivre pour les métiers réglementés.

Nous avons reçu heureusement plus d'infos des conseillers d'Accompagnement Québec, qui... directement Québec avec le MIFI, mais avec les organismes, pas vraiment. Ils sont aussi supposés d'avoir une base de données... base d'emplois avec les employeurs qui cherchent à embaucher des immigrants, mais aussi ça n'a pas marché. Donc, il semble qu'il y a peut-être des lacunes entre peut-être entre le MIFI et le gouvernement et tous ces organismes à but non lucratif. Personnellement, je ne sais pas quelles sont les solutions. Peut-être qu'on a besoin d'un organisme de contrôle qui peut vérifier l'avancement et la qualité des conseillers, qui peuvent faire le suivi pour être certain que les... des immigrants qui sont dans ces programmes-là sont... réussissent dans la carrière. Je sais pour certains, parce que c'est quelque chose que ma conseillère m'a dit, qu'il ne peut pas fermer les dossiers avant que cette personne-là soit placée dans un emploi de leur profession. C'est-à-dire, moi, je travaille en relations publiques. Je devais prendre un emploi dans une boulangerie juste pour avoir un salaire alimentaire au début, puis elle m'a dit que ça ne comptait pas. Donc, ils ont laissé mon dossier ouvert.

Donc, il devrait y avoir ces données-là pour savoir combien de temps ça prend pour les immigrants de réussir dans leur profession, ou si ça prend beaucoup de temps, ou s'ils ne réussissent pas, finalement, mais peut-être ça serait une bonne idée de regarder les données pour donner... pour déterminer, encore une fois, où sont les lacunes et qu'est-ce qui pourrait être mieux fait pour les aider avec la réussite dans leur carrière. Aussi, les gens qui connaissent un peu comment fonctionnent les métiers réglementés... qui peut être un processus extrêmement complexe ici, au Québec.

Mme Fréchette : Effectivement, bien, justement, au sujet des organismes réglementaires, dans le cadre de la réforme que l'on a présentée au printemps dernier, on resserre, en fait, la collaboration qu'il y a entre le gouvernement et les différents organismes réglementaires pour être certain que ça ne crée pas de mauvaises surprises et que, déjà, le processus de reconnaissance et d'analyse, en fait, qui doit être effectué par l'organisme réglementaire soit débuté avant que la personne arrive, de telle sorte que les choses sont claires pour l'un et l'autre partie. Donc, bien, merci d'avoir partagé vos commentaires. Mme la Présidente, je vais la parole à des collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Alors, je cède la parole à la députée d'Iberville. Il vous reste six minutes, 12 secondes.

Mme Bogemans : Parfait. Merci beaucoup. Vos témoignages sont vraiment touchants. Je suis moi-même mère de trois jeunes enfants, là, je peux imaginer le stress occasionné par les longs délais, là, des réunifications. Merci aussi de l'avoir partagé avec nous. Récemment, j'ai accompagné, avec la députée de Vimont, Mme la ministre, dans les Rencontres régionales sur l'immigration, et puis on a pu témoigner un petit peu partout, dans chacune des régions aussi, la réalité des femmes et des enfants au Québec, là, d'immigrants. Et puis, je pense qu'il faut mettre de l'avant aussi leurs besoins particuliers.

Mme la ministre a eu un intérêt là-dessus, puis déjà elle est en action, puis on a des solutions qui sont transversales au gouvernement, entre autres, je sais que Mme la ministre, avec la ministre de la Famille, se sont unies pour mettre sur pied des haltes-garderies, par exemple, puis qu'il y a des plans aussi pour, de manière plus ludique, mettre les tout-petits en contact avec la langue française à travers le jeu, par exemple. Donc, je sais que ma question... on ne pose pas directement sur le regroupement, mais quand même sur les familles qui sont récemment arrivées au Québec. Que pensez-vous de ces mesures-là qui sont mises en place...

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : ...bien, en fait, ces mesures-là sont très bonnes, niveau... on parle de l'intégration, de tout ce qui a rapport avec les écoles, les garderies, et tout. Nous, nos enfants, ils vont aller à l'école en français. Moi, par exemple, je n'ai pas encore d'enfant parce que... bien, un, on n'est pas physiquement ensemble, de un, et, de deux, bien, on n'a pas... de manière permanente, donc on ne peut pas envisager avoir des enfants dans cette situation-là, mais. Dès que le moment se présentera, on aura des enfants, ils vont parler français, portugais et anglais. Donc, déjà, trilingue... C'est un atout, en tant que personne, de parler trois langues, et, bien, le fait que le Québec met beaucoup d'emphase sur les pogrammes d'intégration, sur les écoles, sur les garderies, et tout pour aider les jeunes enfants, et tout, bien... c'est vraiment important que nos enfants puissent bénéficier de ces choses-là.

Mme Bogemans : Parfait. Puis Mme Cyndi, vous êtes en plein dans le milieu, donc quel est...

Mme Fiata (Cyndi) : ...écoutez, oui, tout à fait je suis dans le domaine, et les recherches le prouvent, que les enfants ont besoin, donc, de socialiser dès le plus jeune âge. Donc, effectivement, de pouvoir mettre l'emphase sur les haltes-garderies, sur, bien évidemment, le préscolaire, ce sont des stratégies gagnantes pour les familles immigrantes, tout à fait, pour permettre la francisation dès le plus jeune âge. Donc, oui, je suis en accord avec, oui, cette stratégie.

Mme Bogemans : Parfait. Trouvez-vous que ce qu'on fait en termes de francisation et d'inclusion est suffisant pour les accompagnateurs, généralement, par exemple les femmes et les enfants? Trouvez-vous... Avez-vous des suggestions pour nous?

Mme Fiata (Cyndi) : Malheureusement, pour l'instant, c'est sûr que ce n'est pas forcément un sujet sur lequel je me suis penchée, donc c'est un petit peu difficile de donner une réponse tout de suite.

De mon expérience, c'est sûr qu'au niveau de la francisation... L'article qui est sorti à la rentrée scolaire, avec les difficultés, donc, de pouvoir donner des places aux personnes pour la francisation, c'est sûr que c'est quelque chose qui choque et qui fait... qui présente une donnée qui nous montre qu'il y a des choses à faire dans cette matière-là, à ce niveau-là. Mais, malheureusement, pour les femmes et pour les enfants, ce ne sont pas des données que j'ai forcément sur les mains, présentement.

Mme Bogemans : Parfait. Et, au niveau des nouvelles initiatives de francisation, on sait qu'on a mis en place Francisation Québec au 1ᵉʳ juin, avec... en fait, on a élargi les formules, les horaires, aussi la disponibilité même des cours, là, la façon dont on peut les transmettre. On voulait savoir qu'est-ce que vous pensiez, par exemple, de la francisation outremer, avant l'arrivée des immigrants?

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Alors ça, ça va être... c'est beau à voir sur papier, mais, en réalité, ce n'est pas nécessairement facile à appliquer parce que, pour bien s'intégrer dans une culture, apprendre la langue, il faut baigner dans la culture, il faut baigner dans le pays, en la nation. Moi, par exemple, quand j'ai vécu au Brésil, avant d'aller au Brésil, j'ai appris du portugais, tu sais, et j'étais en contact... mon mari, ma... Portugaise, j'étais en contact avec ses amis, j'apprenais des trucs sur YouTube ou sur Internet. On a la technologie pour le faire, mais ce n'est pas avant de vraiment habiter là-bas puis de vivre ma vie de tous les jours que j'ai maîtrisé la langue.

Donc, oui, c'est important, je crois, de mettre en place un certain système pour faciliter, comme on pourrait dire, comme, l'apprentissage de la langue avant de rentrer, mais de là à expecter que les gens... de maîtriser la langue de manière... comme si c'était leur langue maternelle avant d'arriver... c'est très difficile. Il faut vraiment être dans la culture pour le comprendre.

Mme Bogemans : Parce qu'on...

Mme Coursin (Nathalie) : Là, je voudrais rajouter...

Mme Bogemans : Ah! allez-y, Mme.

Mme Coursin (Nathalie) : Oui, pardon. Excusez-moi. Je voulais rajouter parce que, là, on parle déjà de l'intégration des gens qui ne sont pas encore là. Nous, vraiment notre sujet qui nous importe aujourd'hui, c'est les délais, qu'est-ce que vous êtes capables de faire pour les délais. On est conscient qu'il va y avoir plein de choses qui vont être faites pour nos conjoints ici, qui peuvent déjà progresser avant un Français ou pour s'intégrer, mais nous, ce qui nous importe et ce qu'on s'est vraiment penché et qu'on a étudié, c'est les délais, donc, ce qu'est capable de faire le gouvernement pour baisser les délais, et nous, qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider à baisser ces délais.

• (12 h 30) •

Après, on est conscients que, quand même, quand nos partenaires seront présents ici, ou moi-même, puisque je pars de... je suis en interne, donc, on est conscients que ça se fera très facilement puisqu'ils seront avec leurs familles, donc ils pourront parler en français.

Donc, c'est ça, c'était juste que je voulais recentrer un petit peu le peu de temps de parole que nous avons sur notre priorité numéro un, qui est d'abaisser les délais.

Une voix : ...merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est ce qui met fin à cette première portion des...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...avec les parlementaires. On poursuit avec les députés de l'opposition officielle. Le député de?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : De Nelligan, d'accord, pour une période de 12 minutes 23 secondes. Le temps est à vous.

M. Derraji : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, avocates. Je vais me permettre de vous saluer en premier lieu. Vous saluer pourquoi? Parce que c'est très beau de voir que, quand il y a un enjeu de société, il y a des gens qui se mobilisent. Et ça, déjà, vous êtes en train d'envoyer un beau message que ça ne va pas, et ça, on doit le prendre en considération. Donc déjà, vous êtes en train de prendre le leadership nécessaire sur le regroupement familial.

Je ne sais pas si vous avez suivi un peu les consultations, mais hier ou avant-hier, si ma mémoire, elle est bonne, je ne voulais surtout pas avoir un débat de chiffres parce qu'il s'agit d'êtres humains. J'ai 12 minutes. Je sais c'est quoi votre agenda et vous méritez un temps de qualité. Vous savez, prenez le temps nécessaire pour parler des êtres humains qui sont derrière les chiffres que vous représentez, les drames que vous vivez. Entendre qu'il y a des gens ou des femmes qui avortent, d'autres qui retardent leur projet de bébé, d'autres qui ne peuvent pas savoir s'ils doivent acheter une maison ou pas, parfois, on peut être très rationnels, pragmatiques avec l'immigration, mais des fois, il y a ce côté humain qu'on doit savoir.

Alors, je vous cède la parole. Partagez avec les membres de la Commission vos réelles préoccupations et pourquoi aujourd'hui on doit vous écouter, surtout quand il s'agit d'êtres humains.

Mme Fiata (Cyndi) : Si vous permettez, je vais prendre la parole, parce que, depuis le mois de juin, je suis en contact avec de nombreuses familles, et, comme je l'ai expliqué dans ma présentation, ce sont des histoires les plus dramatiques les unes que les autres que j'écoute, que j'entends.

Pas plus tard qu'en fin de semaine, j'ai eu une femme du Sénégal qui est donc parrainée par son époux, ici au Québec, en pleurs, en larmes, m'expliquant que son mari est au bord du suicide, qu'il a des pensées suicidaires parce qu'il est découragé par les délais. Il ne sait plus quoi faire. Il ne se sent pas aidé ni soutenu.

Non, c'est une des histoires. J'ai quelqu'un qui attend depuis 2018, dont sa femme est au Maroc, qui a subi des conséquences en lien avec le séisme, qui se retrouve à la rue, qui ne sait plus quoi faire, a déjà parlé au député, déjà parlé au fédéral. Ça fait déjà maintenant depuis 2018, donc largement dépassé les 24 mois, et qu'il n'est toujours pas avec sa femme ni ses enfants.

Nous avons, bien évidemment, le cas de Lauriane, qu'on a présenté, mais ce n'est pas la seule, des personnes qui souffrent, qui ont des enfants, que les enfants grandissent sans leur père, des femmes qui accouchent à l'hôpital sans leur mari, des enfants qui connaissent leur père seulement à travers d'un écran de téléphone, des personnes qui ont des pensées suicidaires, qui souffrent d'insomnie, d'angoisse, pour lesquelles le site d'IRCC devient une obsession, à savoir quand est-ce qu'on va recevoir une réponse, quand est-ce qu'on va avoir un courriel pour savoir quand est-ce que ça va être notre tour? Et, quand on voit des personnes de 2023 qui reçoivent leur résidence permanente avant les personnes de 2022, 2021, ça aussi, ça n'arrange rien, strictement rien à la situation.

Donc, tout mon été a été d'écouter des histoires de personnes qui souffrent, qui sont au bord de la dépression, qui me disent : je suis là, j'ai été choisi par le Québec, je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas être réunie avec ma famille, avec la personne, les personnes que j'aime, je n'ai qu'une envie, c'est de quitter le Québec.

Il y en a qui ont déjà quitté le Québec, qui sont partis en Ontario, qui sont partis au Nouveau-Brunswick et qui ont eu leur résidence permanente un mois après leur départ. Tandis que nous, nous restons par choix au Québec et nous subissons ces quotas et ces délais.

M. Derraji : Oui. Ça a été ça, ma question, parce que, pour le bénéfice des membres de la Commission, cette situation est unique au Québec. C'est juste au Québec que les délais, je les ai vus en ligne. D'ailleurs, je vous remercie pour votre campagne et continuez à la marteler. Il y a des gens qui ont reçu un message que la durée est passée de 18 à 24 mois. Nous sommes rendus à 24 mois aujourd'hui. Avec l'arriéré...

Mme Fiata (Cyndi) : 24 et 25 mois.

M. Derraji : Hein?

Mme Fiata (Cyndi) : Pardon, 24 et 25 mois. Donc, 24 en externe, 25 en interne.

M. Derraji : Et 25 en externe. Excellent. Donc, si je rajoute l'inventaire qui existe avec le rythme de traitement de dossiers, nous sommes...

M. Derraji : ...si quelqu'un veut avoir son conjoint, sa conjointe avec lui sur du trois, quatre ans. C'est ça, hein?

Une voix : Oui.

M. Derraji : O.K. S'il vous plaît.

Une voix : Ça peut être...

M. Derraji : Si vous vous étiez dans une autre province canadienne, pas le Québec, pouvez-vous éclairer les membres de la commission? Le délai sera de combien de jours?

Mme Fiata (Cyndi) : Six mois, huit mois, 12 mois, peut-être 15 mois, maximum.

M. Derraji : O.K. Donc, max 12 mois. Et là, pour cerner l'enjeu du problème, c'est que vous êtes dans la catégorie des seuils. Et c'est pour cela que la machine fédérale ne peut pas aller plus vite que ce que le Québec lui demande. Parce que ça, je vous invite à l'expliquer. Parce que les Québécois, quand on va leur dire ça n'a aucun bon sens de briser des coeurs, de séparer des familles, de laisser, séparer l'enfant de son père ou de sa mère, il n'y a personne qui va être d'accord, mais les gens ne comprennent pas le processus. Ce n'est pas tout le monde qui est expert en immigration. Donc, expliquez pourquoi vous payez les frais et vous payez un prix que vous n'avez pas cherché. Ce que vous avez fait, c'est avoir quelqu'un avec qui vous voulez faire votre vie, qui était de l'extérieur, c'est la seule chose. Mais là, quand vous arrivez à cette bureaucratie, vous payez les frais et le prix des seuils. Je vous laisse,0ncour si vous voulez répondre.

Mme Coursin (Nathalie) : J'ai quelque chose en plus à rajouter parce que je voulais répondre à Mme la ministre tantôt. Quand elle parle des travailleurs qui peuvent venir avec leur conjoint avec un permis ouvert, ce n'est pas possible de demander juste un permis ouvert quand on est résident permanent ou citoyen pour son conjoint ou sa conjointe que l'on vient de rencontrer. Donc, déjà aussi, ça, c'est une aberration. On ne peut même pas être regroupé comme ça, alors qu'on est citoyen canadien. Moi, par exemple, je suis mariée à un «born and raised in» Québec... pardon pour mon français, je ne sais pas pourquoi c'est sorti comme ça, mais je n'ai pas pu demander un permis de travail ouvert juste parce que je l'avais épousé. Donc, ça aussi, ça fait partie des aberrations. Parce que donc, oui, un étranger, un travailleur qualifié qui a été choisi par le Québec, lui, peut venir avec femme et enfants. Alors que nous, citoyens et résidents permanents du Québec, nous n'avons pas l'opportunité de faire ça. Je voulais juste rappeler ça aussi parce que ça fait partie des choses importantes du débat aussi qu'il y a ici. Et je suis désolé, je me suis perdu dans la question. Donc, je crois que Cyndi a le fils.

Mme Fiata (Cyndi) : Donc, pour vous répondre, M. Derraji, merci pour cette question. Donc, c'est effectivement avec le quota de 10 600 qui est pour l'année 2023, dès qu'on dépose une demande de regroupement familial, on rentre dans un système qu'on appelle de loterie cachée, déguisée et c'est une file d'attente interminable. Donc effectivement, l'IRCC reçoit des directives de la province. Donc, il y a un maximum de 10 600 qu'ils doivent traiter pour l'année 2023 et, malheureusement, il ne peut pas dépasser ce nombre-là.

M. Derraji : Je vais vous arrêter là. Je vais vous arrêter là. 10 000 par année sur des seuils...

Mme Fiata (Cyndi) : 10 600.

M. Derraji : 10 600 sur des seuils, soit 50 000 ou 60 000. L'inventaire est de combien maintenant?

Mme Fiata (Cyndi) : Alors, malheureusement, maintenant, nous n'avons pas cette donnée. Mais nous savons qu'au mois de mai, il y avait 36 800 dossiers qui étaient sur le bureau...

M. Derraji : Est ce qu'un groupe... est ce qu'un groupe, vous me confirmerez, c'est ce qu'un groupe disait hier, c'est aux alentours de 30 000.

Une voix : 36.

M. Derraji : 36 000. Si on prend uniquement ces chiffres, parce moi, je veux juste comprendre et ramener vos doléances aux membres de la commission. C'est ça notre rôle. Un, ce que vous demandez, et je l'ai vu, augmenter le seuil dans la catégorie du regroupement familial afin de traiter l'ensemble des demandes ayant déjà reçu un CSQ. Ça, c'est une demande urgente. Mais j'aimerais bien vous entendre sur les arriérés. Est-ce que c'est normal, laisser les gens séparés pendant trois ans? Moi, je pense que c'est inacceptable. C'est un problème bureaucratique. Il faut le régler. Il faut le régler très rapidement. Deuxième...

Mme Coursin (Nathalie) : Oui, c'est ca, pour que... Oui, pardon...

M. Derraji : Allez-y, allez-y. Pas de problème, allez-y.

• (12 h 40) •

Mme Coursin (Nathalie) : Non, mais c'est pour ça que notre deuxième demande justement était quand on aura réglé cet arriéré. C'est-à-dire que nous, ce qu'on demande, c'est de nettoyer cette ardoise qui est là, des gens qui attendent. Et après, effectivement, c'est d'établir un seuil qui soit assez grand pour que l'on puisse traiter les demandes comme le reste du Canada en 12 mois. Donc, on ne demande pas vraiment... On ne parle pas vraiment de quotas, mais on parlerait quand même de quelque chose qui est donc juste sur nous, des temps de délais de 12 mois. On ne peut pas parler de quotas, on veut juste parler de 12 mois. Déjà... Pensez-vous... Imaginez-vous êtes séparé de votre femme, de vos enfants pendant plus d'une année, ne pas faire les fêtes de fin d'année encore cette année-là. Ici, là, c'est vraiment compliqué, là. C'est ça, nous, notre vraie doléance au final.

M. Derraji : Oui. Donc, là, il y a le délai de 12 mois. Mais s'il vous plaît, moi, avant d'aller sur le futur, j'ai un problème...

M. Derraji : ...à court terme. Le problème que j'ai, c'est que j'ai 30 000, 30 000, c'est un énorme poids sur vous, sur les familles que vous représentez. Vous dites que, dans votre mémoire, le collectif regroupe 300 familles, mais j'en suis sûr et certain que... Oui, allez-y.

Mme Fiata (Cyndi) : Je pense que c'est le point que vous aviez apporté, vous êtes sûr et certain que le nombre a déjà beaucoup plus augmenté, oui, nous sommes déjà passés à plus de 500 familles. Et n'oublions pas que nous avons été créés au mois de juin. C'est un collectif extrêmement jeune, mais nous sommes déjà...entre juin et septembre, on a déjà 500 familles qui nous suivent et qui attendent des résultats.

M. Derraji : Bien, au nom de votre groupe, au nom de ces familles, Québec réunifié, moi, je formule la demande officielle à ce que Mme la ministre et son équipe travaillent avec le gouvernement fédéral très rapidement parce que ça n'a aucun bon sens. Moi, j'en suis sûr et certain, personne, autour de la table, ne va entendre que des cœurs brisés et que des gens avortent à cause d'une séparation. Moi, je ne pense pas que quelqu'un va rester insensible à une séparation pareille. Je pense que nous avons tous les moyens de régler ce problème. Comme nous étions capables de penser autrement pour le PEQ, pensons à vous, pensons à ces gens qui sont séparés, chacun de l'autre côté de l'Atlantique.

Maintenant, une fois ça, c'est réglé... est réglé, avec la question des seuils avec le fédéral, ce que vos demandez, c'est que, dorénavant, pour les futures demandes, que le Québec et le fédéral respectent le délai qui était même avant de 12 mois, donc revenir à ce qu'on avait avant, parce que ça marchait avant. Est-ce que c'est clair? Est-ce que c'est ce que vous voulez?

Mme Fiata (Cyndi) : Oui, oui, oui, tout à fait.

M. Derraji : O.K. Bon.

Mme Coursin (Nathalie) : Ça marchait avant la COVID, oui.

M. Derraji : Ça marchait même dans le passé... Ça marchait même dans le passé, le regroupement familial. Écoutez, moi, j'ai terminé mes questions, mais je vais prendre quelques minutes pour vous dire merci pour votre beau travail. Vous avez une voix à l'Assemblée nationale. On va continuer à marteler ce message d'injustice à l'égard de ces familles séparées, et vous pouvez toujours compter sur nous. Et de ramener vos préoccupations à l'Assemblée nationale. Merci à vous quatre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, cette période d'échange avec l'opposition officielle est terminée. On va finaliser le tout avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour une période de quatre minutes 8 secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir pris la parole de façon très courageuse aujourd'hui, mais aussi la semaine dernière, vous étiez dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Donc, merci beaucoup. Je vous remercie, mais vous ne devriez pas avoir à être là, hein, c'est très clair, vous ne devriez pas être obligés d'être ici. Ça devrait être évident, ça devrait être réglé déjà. Vous devriez pouvoir être au boulot, en ce moment, à enseigner à nos enfants notamment. Et vous ne devriez pas avoir à prendre congé, vous expliquer pour ce qui est si essentiel, pour ce qui est si clair.

Par ailleurs, pour ceux qui nous écoutent, qui seraient intéressés, je souligne que je parraine votre pétition, soutenant vos revendications, qui est disponible sur le site de l'Assemblée nationale du Québec. Vous êtes des centaines à nous écrire sur nos réseaux sociaux. Toutes les familles nous écrivent aussi. Alors, je vois qu'il y a beaucoup de gens qui sont mobilisés.

Je voudrais revenir, comme vous l'avez fait, sur ce que Mme la ministre a souligné tout à l'heure par rapport au programme économique puis intégrer ou inclure des personnes à charge. Vous l'avez très bien dit, il faut être résident permanent ou citoyen canadien pour parrainer. On ne peut pas avoir une demande économique en cours. Les programmes économiques, ça n'a aucun rapport avec la réunification familiale. Sincèrement, sincèrement, je sais que la ministre est très bien entourée. Je ne la comprends pas, cette explication-là, ça ne tient pas la route. Des Québécois qui sont séparés de leurs enfants, de leurs conjoints, de leurs époux, et seul le Québec est responsable de ça, en raison de ces seuils. Leur détresse est immense, votre détresse est immense. Mme la ministre se dit sensible, mais, en même temps, c'est elle qui a tout le pouvoir entre ses mains pour corriger la situation. On est les seuls au Canada à séparer des familles aussi longtemps, c'est vraiment tragique. Il y a des vies qui sont en suspens, vous l'avez dit, des projets de famille qui sont retardés.   Vous avez parlé de la détresse, de la déprime, des frais, c'est vraiment troublant. 25 mois, 25 mois, pour le Québec, versus quoi, 10 mois dans les autres provinces. Et, quand on sait qu'il y avait, en mai, 36 000 demandes en attente, peut-être aujourd'hui 40 000, je ne sais pas, on peut penser que les délais vont monter à 36, 40 mois. Et ça, juste de penser que 24, en ce moment, là, c'est la pointe de l'iceberg, c'est vraiment très troublant. C'est beaucoup trop long. Sur son site, Immigration Canada dit, et j'ouvre les citations : «En raison de l'accord Canada-Québec, si vous désirez habiter à Québec, au Québec, le gouvernement du Québec doit aussi traiter votre demande...

M. Cliche-Rivard : ...Le délai de traitement indiqué est donc différent pour cette province. C'est la seule province qui a cette mention-là. Moi, je n'ai jamais vu ça. Je n'ai jamais vu IRCC jeter le blâme comme ça. C'est parce que la situation est grave. J'ai pratiqué dans ce domaine du droit pendant des années et je n'ai jamais vu ça. Donc, j'espère sincèrement que quelque chose va être fait. Vous lancez un cri du cœur, moi aussi, j'en lance un, cri du cœur, bien sincèrement. C'est terrible. J'espère que vous serez entendus, sincèrement.

Et je vous laisse la dernière minute qu'il nous reste pour vous adresser directement en conclusion à Mme la ministre.

Mme Coursin (Nathalie) : O.K. Merci beaucoup, M. le député, pour votre soutien. Je faisais partie des personnes qui avaient... qui étaient là la semaine passée à l'Assemblée nationale. Et voilà, je pense que vous avez tout dit. Vous avez compris qu'on est sur un cri du cœur. Cindi, Rydia, Kiyoshi, n'hésitez pas à dire ce que vous pensez là.

Mme Fiata (Cyndi) : Je voudrais rebondir sur un point. On parle beaucoup de 24 mois et de 36 mois, mais c'est important de savoir que le moment ne commence pas au moment de déposer la demande. C'est vraiment au moment où on prend la décision d'immigrer. Donc, 24 mois, c'est un faux délai, on rajoute des années auparavant. C'est important de le comprendre. C'est important de le prendre en note.

Et nous sommes ouverts à travailler avec le gouvernement pour apporter de vraies solutions aux familles qui sont dans le désespoir, qui sont au bord du suicide. Je le rappelle parce que c'est la réalité dans laquelle nous sommes, présentement. Des...

Mme Lévesque Martinet (Rydia) : Oui. C'est l'une des raisons pourquoi j'ai fondé ce collectif-là. En fait, c'est que, quand j'ai vu les délais qui ont été mis à jour sur le site d'IRCC, bien là, écoute, déjà, de un, c'était... c'est un coup de poing dans la face. Grosse... gros Choc, dépression, j'étais... je ne savais pas... Il n'y avait pas de lumière au bout du tunnel. Moi, ça fait 15 mois que j'attends et il n'y a même pas un agent qui est assigné à mon dossier. Donc...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois malheureusement vous arrêter. Tout le temps que nous avions pour cette audition vient de passer. Il me reste à vous remercier pour l'apport à nos travaux, vous souhaiter une bonne fin de journée.

Et, pour les membres de la commission, je suspends jusqu'à 15 h, si ma mémoire est bonne. Bon dîner.

(Suspension de la séance à 12 h 49)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 04)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le cahier de consultation intitulée La planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Cet après-midi, nous entendrons les organisations suivantes : le Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec, que je vois devant moi, bienvenue mesdames, messieurs, le Groupe Orientation emploi, Axtra, l'Alliance des centres-conseils en emploi, ainsi que le Réseau des services spécialisés de main-d'œuvre. Donc, je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous aurez 10 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, vos recommandations, somme toute, et ensuite nous allons échanger avec les parlementaires, mais je vais aussi vous demander dans ce 10 minutes-là de vous présenter. Alors, le temps est à vous.

M. Pellerin (Daniel) : Merci. Bonjour, Merci, Mme la Présidente, merci de nous accueillir à votre commission. Alors, effectivement, il nous fait plaisir, pour le Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles d'être ici présent. Mon nom, c'est Daniel Pellerin. Je suis président du conseil d'administration, à ma droite, Mme Mélanie Gauvin est directrice adjointe, Michel Pilon, M. Michel Pilon, directeur général, puis Mme Denise Gagnon, vice-présidente, finances. Alors, bien, en deux mots, le réseau d'aide, on a entendu parler un peu dans les médias récemment, mais tout d'abord c'est un ensemble d'associations citoyennes qui se sont regroupées pour se donner une force nationale au niveau du Québec. Et puis...

M. Pellerin (Daniel) : ...puis la mission principale, évidemment, c'est d'accueillir les travailleurs immigrants agricoles dans les fermes, tout ça, qui viennent, là, travailler dans nos fermes, les accueillir, les accompagner aussi, les soutenir à travers les diverses situations de vie qu'ils vivent. Puis, évidemment, bien, ça va jusqu'à la défense collective des droits. En plus, bien, on souhaite que la société québécoise développe un sentiment de sympathie... de respect, d'abord, et de sympathie à leur égard, puis même, tant mieux si ça peut aller jusqu'à un mouvement de solidarité.

C'est un travail à travers les médias, c'est un travail... bien, d'abord, un travail directement auprès des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, mais un travail aussi auprès des médias, la population en général puis aussi au plan des institutions concernées, notamment les institutions politiques.

Bon, je pense que ça fait le tour de la présentation. Je donnerais la parole, maintenant, à Mélanie, pour le reste de la présentation.

Mme Gauvin (Mélanie) : Bonjour. Merci beaucoup de nous recevoir. D'entrée de jeu, ce qu'on souhaiterait un peu mettre de l'avant avec vous, c'est qu'on est dans des consultations sur des seuils d'immigration, et, pourtant, il y a toute une frange qui fait partie de notre système d'immigration qui est complètement mise à l'écart dans ces consultations-là, et on parle des travailleuses, travailleurs étrangers temporaires.

Moi, je vous amènerais à regarder le recueil statistique qui a été fourni en même temps que le document de consultation, sur lesquels on vient témoigner aujourd'hui. À la page 85, on a un très beau portrait, sur une base annuelle, du nombre de permis de travail temporaires qui sont émis. En 2016, il y avait 12 200 permis qui avaient été délivrés, des permis de travail temporaires. En 2023, on est à 38 500 permis délivrés de travailleurs étrangers temporaires.

Donc, quand on se questionne et qu'on se consulte sur des seuils d'immigration, est-ce qu'ils vont être de 40000, 50000 ou 60 000, je pense qu'on ne peut pas non plus passer à côté que, bien, en 2022, il y en avait près de 40 000 qui avaient des permis temporaires de travail. Donc, ils doivent être inclus dans ces consultations-là, on doit en tenir compte par la suite, pour la suite des travaux.

Et je vous dirais que seulement que par le RATTMAQ, on en a accueilli 17 500 à l'aéroport de Montréal depuis le 1ᵉʳ janvier 2023. Donc, ça ne tient pas compte de ceux qui sont arrivés avant, mais on a une très bonne comptabilisation statistique des travailleurs qu'on rencontre depuis le 1ᵉʳ janvier et on est à 17 500 en date d'hier.

Alors, aussi, ça m'amène à souligner l'importance du financement des organismes, du financement des organismes qui interviennent auprès de ces travailleurs. Et, également, si on peut se permettre de dire l'importance aussi d'aller récupérer les fonds fédéraux pour qu'ils soient remis à des organismes du Québec et non répartis par des organismes qui assurent la transition de ces sommes-là. Donc, l'importance d'aller chercher les sommes aussi accordées par le fédéral pour les ramener et les injecter dans les bons organismes ici, au Québec.

M. Pilon (Michel) : Alors, Michel Pilon, directeur général du RATTMAQ. Je fais une autre partie, moi, je m'occupe beaucoup des questions de droits de ces travailleurs-là. On les défend d'ailleurs devant les tribunaux, donc, Tribunal du travail, principalement, et on dépose des plaintes aux normes et des cas d'accident de travail non déclarés. C'est plus de 522 dossiers, actuellement, au RATTMAQ, qu'on a travaillés au cours de la dernière année, c'est quand même énorme, et ce n'est que la pointe de l'iceberg, dans le sens que les travailleurs en général ont peur de déposer des plaintes, parce que, justement, ils ont des permis fermés. De là mon propos sur les permis fermés. Le RATTMAQ veut l'abolition des permis fermés. Pour nous, c'est de l'esclavagisme moderne tel que dit par le rapporteur général, tout dernièrement, d'ailleurs — le RATTMAQ a fait des représentations auprès du rapporteur général le 2 septembre dernier.

• (15 h 10) •

Autre chose aussi qu'on demande, c'est, bien sûr... la promotion, bien sûr, des droits des travailleurs. Les informer de leurs droits, c'est important. C'est ce qu'on fait, d'ailleurs, à l'aéroport de Montréal, en leur donnant un agenda, que je peux d'ailleurs vous montrer ici, un bel agenda avec toutes les informations, avec des codes QR sur les droits ici, au Québec. Ça leur permet aussi de mettre leurs heures de travail, parce que, si jamais il y avait une problématique, devant les tribunaux, quand c'est pris d'une façon contemporaine, c'est considéré comme une preuve. Alors, c'est quand même quelque chose d'intéressant.

Autre chose aussi, on demande aussi la régularisation des personnes. Nous sommes...

M. Pilon (Michel) : ...d'accord, et bien sûr, à cette régularisation-là. On souhaite, bien sûr, un statut plus large, inclusif et permanent pour les travailleuses et travailleurs migrants agricoles et de la transformation alimentaire. Beaucoup, malheureusement, se sont retrouvés comme des sans-papiers du jour au lendemain à cause du système de permis fermé, et malheureusement, on est obligés... souvent, ils sont obligés, eux autres, de travailler au noir. Comme par exemple, du côté de la Ferme Jean Lemay, là, je ne sais pas si vous avez vu La facture cette semaine, ça a été assez éloquent de la manière qu'on traite ces personnes-là. Malheureusement, M. Lemay continue encore ses frasques si... Vous allez encore à Saint-Jude, il y a encore des autobus de travailleurs qui n'ont aucun permis de travail et qui vend un peu partout, bien sûr, encore aujourd'hui.

Enfin, on parle, bien sûr, d'accorder à l'ensemble des travailleurs étrangers un accès égal et inclusif à la résidence permanente. Ce que nous souhaitons, c'est que ces travailleurs puissent avoir accès. Et je vous donne un exemple, comme Edyn, dans le film Essentiels, qui a été ici pendant 10 ans, qui a appris le français, qui a réussi son niveau huit et qui n'a pas accès à la résidence pendant, qu'il voudrait que sa famille viennent vivre ici, et je pense que c'est un candidat qui serait très intéressant pour le Québec. Alors c'est quand même quelque chose d'important.

Et, quand on parle de régionalisation, il est dans les régions, alors ses enfants iraient étudier dans des écoles francophones, dans des villages francophones, et deviendraient des francophones du jour au lendemain.

Enfin, je vais conclure avec ça, nous demandons, bien sûr, une augmentation progressive, là, de la résidence permanente en 2024. On souhaiterait qu'on augmente, bien sûr, le nombre d'immigrants ici, au Québec. Moi, je pense que c'est une question aussi, par rapport au reste du Canada, où le Québec pourrait perdre, dans le fond, aussi son poids démographique par rapport au reste du Canada. C'est quand même important qu'on le fasse, mais qu'on le fasse bien, avec la francisation. Le niveau de français que nous, nous souhaitons... on souhaiterait un niveau quatre pour les travailleurs, bien sûr, agricoles. Il faut comprendre qu'on n'a pas besoin... un niveau 7, pour un travailleur agricole qui travaille dans le champ, un simple niveau quatre, un français fonctionnel pour pouvoir travailler je pense que ça serait, pour nous, suffisant.

Mme Gagnon (Denise) : Merci. Bonjour. Denise Gagnon, je suis vice-présidente par intérim. On sort, en fin de semaine, de notre assemblée générale, donc on a des renouvellements au C.A. Moi, j'ai une expérience beaucoup en solidarité internationale, ça fait qu'à ce titre-là, évidemment, je suis en appui, là, au conseil d'administration, sur les questions de normes fondamentales du travail, les conventions internationales. D'ailleurs, cette année, on organise, au mois de décembre, le jour... le 18 décembre, Jour mondial des travailleurs migrants, une conférence internationale sur le sujet dans le cadre du 20ᵉ anniversaire de la convention, non ratifiée par le Canada, sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles. Donc, il y aura des invités du Guatemala, du Mexique, et tout ça.

Donc, à ce titre là, évidemment, vous allez constater dans le mémoire, on demande la ratification. Le Québec siège à côté du Canada, Genève. Moi, j'y ai été quelques années, donc je sais qu'on a notre voix aussi concernant les normes fondamentales du travail et qu'on peut influencer le gouvernement canadien sur ces questions-là, et notamment les travailleurs et les employeurs, pour ce qui est du travail. Donc, les conventions 97, 143.

Sur les permis, bien, on est enchantés, cette semaine, de constater une certaine ouverture à des alternatives aux permis fermés, parce que c'est vraiment un modèle toxique, puis pas juste au Canada, dans d'autres pays aussi, qui amène les travailleurs à ne pas dénoncer les sévices qu'ils subissent, ou les abus, ou les problèmes de droits, et tout ça. Et puis, à cet égard-là, on remercie beaucoup le ministère de l'Immigration qui soutient notre travail aussi. On a plusieurs autres financements, mais on arrive quand même, de l'aéropot jusqu'à leur retour, à les accompagner là-dedans, et ça nous permet, là, d'appuyer les démarches du Québec dans l'application des droits, comme Michel l'a mentionné. Donc, on va vous laisser les questions.

Sur la question du français, bon, moi, je ne suis pas une spécialiste de là, question, mais je sais très bien qu'on a... dans nos rangs, puis même à notre conseil d'administration, on a un travailleur étranger qui a appris son français par des trucs Internet, là... Lingo, puis tout ça, et puis il a un français excellent. Il a travaillé dans plusieurs firmes, autant à Rimouski qu'à Chicoutimi. On a été faire la tournée à Saint-Félicien, et les gens veulent s'intégrer. Ils sont déjà dans les régions. Alors, si j'en crois M.... qui nous dit récemment, dans l'Actualité, que régionaliser, c'est difficile...

Mme Gagnon (Denise) : ...bien, nous autres, là, avec les travailleurs qu'on représente actuellement, ils sont dans les régions, ils sont associés aux différents groupes de la société civile, que ce soit, des fois, au niveau religieux aussi, au niveau de l'Amérique latine, c'est très... une communauté très pratiquante. Des fois, c'est par ce réseau-là ou d'autres réseaux. Donc, on vous invite à considérer sérieusement cette masse de personnes qui veulent être ici, qui veulent continuer à travailler et ne pas négliger la question de la réunification familiale. Parce que ce... un défi majeur, là, quand tu laisses tes enfants puis tu ne les vois pas avant qu'ils soient rendus à l'université, là. Ça pose un problème, là, sérieux de santé mentale aussi pour ces personnes-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation. Alors, sans plus tarder, je vais me tourner du côté de la ministre qui a laissé un petit peu le temps aller, là, pour vous laisser terminer votre présentation. Alors, Mme la ministre, il vous reste 14 minutes 56 secondes.

Mme Fréchette : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, merci, un grand merci à vous quatre. Je suis très contente d'avoir l'occasion de vous revoir. On s'était rencontré déjà, à nos bureaux et M. Pilon aussi lors de mes rencontres régionales en région. On s'est revu quelques fois, donc merci beaucoup et surtout merci pour votre travail. Merci pour votre engagement parce que vraiment vous travaillez à diffuser une information qui est cruciale pour la qualité de vie des personnes qui viennent travailler ici d'une manière saisonnière. Donc, un immense merci pour ça, parce que ça joue positivement sur des parcours de vie, des trames de vie. Puis je pense que vous permettez de mieux faire connaître la société québécoise dans ce qu'elle a à offrir en termes de protection des droits. Et ça, c'est important que les gens associent le Québec à une protection des droits pour des travailleurs étrangers également. Donc, un grand merci pour ça. Bien contente que vous participiez à cet exercice. Vous nous l'aviez annoncé, M. Pilon, et que vous alliez être là, alors on y est. Et merci aussi pour, bien, votre appui, vos commentaires positifs, là, sur la démarche que l'on a entreprise avec le Comité des partenaires du marché du travail, c'est un exercice qui va être important de mener et de voir à bien identifier l'ensemble des alternatives... bien, des impacts, d'une part, dont vous nous parlez régulièrement, des permis de travail fermés, des situations de vulnérabilité que ça peut faire surgir, et puis également des alternatives, des voies de solution qu'on pourra considérer. Nous, c'est sûr que, par la suite, bien, on verra à travailler ça avec le fédéral, qui est celui, donc, qui émet les permis de travail. Donc, il y a des discussions importantes qui seront à venir par la suite, mais au moins d'avoir un portrait clair sur les outils qui sont à notre disposition pour des alternatives, ça, ça va être un exercice important. Donc merci pour ça.

Je vous amène à partir d'ici sur, bien, votre mémoire en fait. Bien, vous avez vu notamment qu'avec le programme de sélection des travailleurs qualifiés, le PSTQ, qui remplacera le PRTQ, on a vraiment veillé à développer une passerelle qui permettrait à des gens pour qui la résidence permanente, actuellement, est très difficile d'accès, d'avoir un pont, une passerelle, donc, qui les mènera vers la résidence permanente. Donc, ça, c'est une création qu'on a présentée au printemps dernier. J'aimerais vous entendre sur la réelle possibilité que ça offrira, de votre point de vue, pour les personnes qui ont des compétences manuelles et intermédiaires pour atteindre la résidence permanente. Puis on a justement veillé à moduler la connaissance, les exigences en matière de français. Donc, on les a rabaissées au niveau cinq pour la connaissance orale et il n'y a pas d'exigence pour la connaissance du français écrit... qui soit associé, donc, aux professions à compétence, soit manuelle ou intermédiaire. Donc, est-ce que, pour vous, d'une part, vous voyez ça positivement? Et quel est votre... l'impact que vous prévoyez, là, quant au développement de ce volet deux du PSTQ?

M. Pilon (Michel) : Bien, grosso modo, Mme la ministre, que ce soit le niveau cinq ou le niveau quatre, on parle du niveau quatre, nous, parce que, dans le reste du Canada, c'est un niveau quatre qu'on demande. Alors, pourquoi ce serait différent au Québec? Mais là... c'est-tu à cause du français? Je n'ai pas de problème. Si vous me parlez que le niveau cinq, c'est seulement à l'oral, c'est déjà quelque chose d'intéressant...

Mme Fréchette : À l'écrit, il n'y a rien de prévu.

• (15 h 20) •

M. Pilon (Michel) : Oui, oui, tout à fait, au niveau... si jamais... uniquement au niveau de l'écrit, là, je me poserais des questions, mais je pense que ce qu'on a besoin, au niveau de ces travailleurs-là, c'est un français fonctionnel oral, simplement. Et de ce côté-là, on est prêt à reconnaître cette partie-là sans aucun problème. Comme je vous dis, la... d'emblée, avant, ces travailleurs-là n'avaient même pas accès à la résidence permanente. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'ils l'aient. Comme je vous dis, je pense que vous avez vu le film Essentiels, Eddy a vu sa famille trois mois sur 10 ans, ce n'est pas normal, c'est... écoutez, il est ici 11 mois et demi par année à travailler et il retourne deux semaines, c'est...

M. Pilon (Michel) : ...Semaines de vacances ou, quand il a eu trois ans, c'étaient trois semaines, là, il retournait trois semaines, mais ce n'est pas une vie familiale, ça. Lui, ce qu'il veut, c'est voir sa famille, ses enfants, voir ses enfants, apprendre le français puis de venir vivre ici. Puis je pense qu'il a fait un très bon travail. Il a prouvé ici aux Québécois qu'il avait sa place ici.

Et c'est dans ce sens-là que je souhaite cette ouverture-là vers les travailleurs temporaires, tout simplement, et de bas salaires. Parce que, bien sûr, on parle, bien sûr, ces travailleurs-là, de bas salaires. Parce qu'on en a autant besoin, d'eux, que des universitaires puis des ingénieurs, et tout ça, là, bien, je pense qu'on a autant besoin d'eux qu'on a besoin de médecins puis d'ingénieurs ou d'infirmières ou de préposés aux bénéficiaires. Donc, c'est dans ce sens-là. On veut, dans le fond, qu'on reconnaisse le droit à tous les travailleurs temporaires, quelle que soit la manière qu'ils sont arrivés ici ou sur quel programme, à la résidence permanente.

On est très conscients qu'il faut qu'ils apprennent le français. Puis moi, je suis un francophile, j'y crois aussi. Moi, je pense qu'un immigrant doit apprendre le français lorsqu'il vient vivre au Québec, et ça fait partie, bien sûr, de notre ADN.

Et d'ailleurs on... Peut-être, tu pourrais peut-être en rajouter un petit peu plus.

Mme Gauvin (Mélanie) : J'aurais peut-être quelque chose à compléter.

M. Pilon (Michel) : Vas-y.

Mme Gauvin (Mélanie) : si je peux me permettre aussi de dire que ça va être important, on a beau dire qu'on abaisse le niveau de français et que ça va être un Français oral et non écrit, mais il faut aussi donner des moyens aux entrepreneurs, aux entreprises, à nos agriculteurs d'être capables d'accorder des temps de francisation. Il y a des programmes, il y en a un, récent, entre autres, où est-ce qu'on peut libérer des gens pour qu'ils puissent faire de la francisation en milieu de travail, mais les programmes, bien qu'ils peuvent exister, il faut qu'ils soient utilisés. Et donc il y a du travail à faire à ce niveau-là, ce qui n'est pas du ressort de notre mission à nous. Mais, même obtenir un niveau de français 5, ça a... c'est quand même... Il y a quand même des niveaux de difficulté de liés à ça. Pour des travailleurs qui vont faire des 15 h par jour, des 60, 70 h par semaine, trouver les 3 h par jour nécessaires à faire un peu de francisation, ça peut s'avérer difficile. Le processus peut être long, même si c'est seulement qu'à l'oral. Donc, il faut absolument que ces programmes-là soient mis en œuvre ou que... des programmes spécifiques de mis en œuvre. Il y a de la grille francisation, oui, mais il faut encore développer davantage pour qu'ils puissent réussir à obtenir leur niveau de français.

Mme Gagnon (Denise) : S'il y a une chose que la covid nous a apprise, parce qu'on sort d'une période quand même assez difficile, là, sur les chaînes d'approvisionnement mondiales, c'est que la question de la sécurité alimentaire implique aussi des travailleurs qualifiés. On a beau dire bas salaires, non qualifiés, mais il n'en demeure pas moins, et puis ça, on s'entend, la table de concertation avec l'UPA puis les différents partenaires, que c'est un travail qualifiant, tu sais. Tu vas travailler dans une ferme ou dans une usine de transformation alimentaire, ça exige des qualifications professionnelles aussi. Ça fait que je veux juste ne pas tomber dans «ce n'est pas des travailleurs qualifiés». Non, ils ont leurs qualifications propres.

Et ce qu'on a appris, c'est que... ce qui a donné suite au film Essentiels, cette chaîne d'approvisionnement là, elle est majeure. L'Association québécoise de coopération internationale tient, toute cette année, son thème sur la sécurité alimentaire, puis on va participer avec eux, là, pour ce secteur-là pour faire des échanges.

L'autre chose qu'on a apprise aussi pendant la covid, c'est qu'on dit aux employeurs : Il faut libérer les gens un peu sur leur temps de travail. Peut-être avant qu'ils commencent leur travail, une semaine ou deux avant, pour au moins qu'ils apprennent les droits civiques, un peu, les principes de français. On en fait un peu, de francisation, on n'est pas un organisme de francisation, mais on en fait. Et on avait développé, avec un organisme communautaire, un modèle particulier d'accueil. Puis là, il nous disait : Bien non, ce n'est pas possible, là. Alors, la covid... on a fait venir les travailleurs deux semaines à l'avance pour les isoler puis leur dire comment prendre soin puis ne pas contaminer personne, puis tout ça. On pourrait faire la même chose pour qu'ils aient un apprentissage minimal de base sur ne serait-ce que la culture du travail en français.

Prenez par exemple la lecture des produits toxiques dangereux, les pesticides. Bien, Si tu ne peux pas lire les consignes de danger, tu mets ta santé et sécurité en péril, là. On a vu, on a un travailleur, on a gagné une cause qui est maintenant bien connue sur la contamination d'un travailleur. Bien, peut-être, s'il avait été en mesure de comprendre ces consignes-là, il aurait eu moins de difficultés ou moins de contamination.

Donc, on pense que oui, c'est faisable. La covid nous a enseigné qu'ils sont des travailleurs essentiels, ils sont qualifiés, puis il y a moyen, avec les employeurs, qu'on s'entende. Parce qu'actuellement ils n'ont pas de voix, ceux qui ne sont pas syndiqués, surtout, parce qu'en plus on les a désyndiqués dans le Code du travail, là, pour les petites fermes. Alors, il faut leur donner cette voix-là puis la possibilité de s'organiser pour accéder à ces belles passerelles, là, qu'on vient d'ouvrir, là, pour eux...

Mme Fréchette : ...Bien, je suis contente de vous entendre parce que ça allait être ma prochaine question. La francisation, quand j'en entends parler en lien avec le milieu agricole, on me dit : Ah, non, mais ça, il faut oublier ça, ce n'est pas possible, là, ils n'auront pas le temps, ils n'auront pas le temps. Vous, vous pensez qu'il y aurait moyen quand même de dégager un peu de temps quand ils sont ici? Mais moi, je pense qu'aussi en amont, avant même qu'ils n'arrivent au Québec... puis là vous parlez de peut-être arriver quelques jours avant, ça, c'est une option, peut-être, mais aussi avant qu'ils ne quittent leur pays d'origine, s'ils peuvent avoir des cours de francisation, ça aidera pour leur intégration quand ils arrivent ici, ou peut-être une fois qu'ils sont retournés aussi, de poursuivre la francisation.

Mme Gagnon (Denise) : Oui, de poursuivre effectivement, parce que le modèle... Je sais que les syndicats, les... notamment, ont négocié au Mexique, là, dans le cadre de nos accords de libre-échange, et tout ça, mais avec les États pour savoir où ils venaient travailler. S'ils viennent au Québec, c'est sûr que c'est une dynamique différente que dans les autres provinces. Ça fait qu'il y a moyen de faire un peu de travail en amont, puis il y a moyen de faire un peu notre travail à l'accueil aussi, puis dans le cadre des fonctions. Au moins, il y a des fonctions essentielles qui doivent être comprises dans le français, là, en matière de prévention des lésions professionnelles.

Mme Fréchette : Est-ce qu'il y en a qui le font déjà pendant les semaines où les travailleurs sont ici? Est-ce que des mesures de francisation, ça existe?

Mme Gagnon (Denise) : Oui, oui, ça existe. On en fait à Québec.

M. Pilon (Michel) : Oui, on en donne actuellement. On en fait à Québec et on a un projet pilote actuellement à l'Île d'Orléans. C'est très populaire. Je vous dis que les travailleurs veulent apprendre le français, ils désirent... Bien sûr, quand tu travailles 12 heures par jour, ce n'est pas toujours évident, mais leur journée de congé, ils la passent à venir à nos ateliers de français à l'Île d'Orléans. Il y a eu un reportage d'ailleurs de Radio-Canada là-dessus qui était vraiment excellent. Et c'est l'équipe du RATTMAQ, d'ailleurs, de Québec qui a parti ce projet pilote et c'est très populaire. Et maintenant, on a des bénévoles aussi qui viennent nous donner un coup de main aussi au centre communautaire à l'Île d'Orléans. C'est vraiment exceptionnel. Il faudrait les reproduire ces types de situations là.

Mme Fréchette : Propager la bonne nouvelle.

M. Pilon (Michel) : Oui.

Mme Fréchette : Vous êtes bon là-dedans, là, diffuser l'information, ça fait que si vous pouvez la diffuser au sein de votre réseau, ça donnera l'idée à d'autres, certainement, sachant que ça se fait.

M. Pilon (Michel) : Exact, exact, mais je vous le dis, les travailleurs veulent apprendre le français, ils veulent.

Mme Fréchette : Oui. Bien, ça, on le constate parce que, quand on regarde la ruée qu'il y a eu pour les inscriptions à Francisation Québec, manifestement les gens répondent à l'appel, puis ils veulent être en action, et il y a beaucoup de travailleurs temporaires qui se sont inscrits.

Mme Gauvin (Mélanie) : Mais avec la participation des employeurs aussi, il y a moyen de libérer des travailleurs, d'aller chercher des fonds pour ne pas qu'ils ne soient perdants puis qu'en même temps, ils puissent les libérer sur leurs heures de travail pour faire quelques heures de francisation, ça serait gagnant-gagnant aussi. Tu sais, nous, on a des formes d'ateliers, mais... oui, c'est une forme de francisation, mais on est... on n'est pas... ce n'est pas comme faire une francisation, là, sur une base... à tous les jours, 2 heures par jour ou 3 heures par jour, là. Donc... mais puis ça, il y a des programmes qui existent. On nous en a présenté un il y a à peine quelques mois, là, où est-ce que c'est possible de faire des demandes pour être capable de libérer sur les heures de travail, puis que l'employeur ne soit pas perdant là-dedans, puis en même temps que les personnes puissent se former en français, mais il faudrait publiciser ça, puis il faudrait qu'il y ait aussi un engagement de leur part, là, de ce côté-là pour faire en sorte que ces travailleurs-là puissent apprendre le français.

Mme Gagnon (Denise) : À Montréal, on avait un projet qu'on a déposé au fédéral, mais qui est tombé lettre morte, là, sur un programme adapté à l'accueil, là, des travailleurs avec Judith Giguère, là, et son organisation, puis on n'a pas pu aller plus loin que ça. Parce que, là, bon, Mélanie l'a mentionné tout à l'heure, je pense qu'on devient contre-productif, là, si on ne prend pas notre place dans l'Accord Canada-Québec puis aller chercher ce dont on a besoin au Québec pour franciser notre monde, là. Je pense que ça, c'est important.

Mme Fréchette : Bien, merci pour ça. Alors, Mme la Présidente, je vais céder le droit de parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, je me tourne du côté de la collègue de Lotbinière-Frontenac. Il vous reste 1 min 45 s.

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : D'accord. Merci. Justement, ma question portait sur la francisation. Comment vous voyez l'engagement des employeurs?

• (15 h 30) •

M. Pilon (Michel) : Bien, je ne vous cacherai pas que c'est difficile avec les employeurs. Pour les employeurs, ces travailleurs-là sont là pour travailler et, bien sûr, ils veulent le maximum d'heures là-dessus, que ce soit bien sûr au profit des... Alors, la journée où on leur parle de les libérer, ça devient un peu plus problématique. Alors, dans ce sens-là, Mélanie en a parlé, ce qu'on souhaite, c'est des programmes qui vont permettre justement à ces travailleurs-là... à l'employeur de ne pas perdre et, d'un autre côté, aux travailleurs de pouvoir se faire franciser. Donc, ça, c'est des temps de libération pour les travailleurs. Il n'y a pas d'autre manière de le faire. On le fait, comme je vous dis, d'une façon... à l'Île d'Orléans, d'une façon...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Pilon (Michel) : ...vraiment sommaire. Ce n'est vraiment pas quelque chose qui est pour obtenir nécessairement un niveau quatre, là, mais c'est un français de base qu'on commence avec eux. Puis éventuellement, lorsqu'ils vont prendre des cours, ils vont pouvoir améliorer, bien sûr, leur niveau pour se rendre au niveau quatre. Parce que l'objectif des travailleurs, c'est de venir vivre avec leur famille ici, c'est... et beaucoup pensaient que, ces dernières années, que les travailleurs, non, non, voulaient retourner, ils ne voulaient pas revenir ici. Ils envient beaucoup notre système d'éducation, de santé, ce qu'ils n'ont pas au Guatemala, là. Et ils ont envie de voir leur famille. Ils ont envie que leurs familles viennent vivre ici, qu'ils apprennent le français puis qu'ils deviennent des Québécois et Canadiens comme tout le monde. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Alors, on va... on a fini cette première portion d'échange. On va se tourner du côté de l'opposition officielle avec 12 minutes 23 s., et c'est le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous quatre. Je vais prendre quelques secondes pour vous remercier. Je sais que vous êtes un acteur... je parle de vous M....

M. Pilon (Michel) : ...

M. Derraji : Pilon, merci pour votre intervention et surtout tout ce que vous faites au nom de ces travailleurs temporaires étrangers. Je vous suis depuis quand même un bout et je tiens à vous saluer et à saluer les membres qui vous accompagnent. J'ai été interpellé par votre intervention. Vous êtes en commission parlementaire où il y a deux scénarios sur la table, depuis le mois de mai, je disais qu'il y a un scénario qui est absent, c'est le scénario des travailleurs temporaires étrangers. D'ailleurs, j'ai déposé un projet de loi. Je ne sais pas si vous l'avez vu, si vous ne l'avez pas vu, je peux vous l'envoyer. Et aujourd'hui pour le bénéfice des membres, vous avez dit que vous êtes allé chercher vous-même, votre organisme, 17 000 personnes à l'aéroport.

Mme Gauvin (Mélanie) : ...depuis le 1ᵉʳ janvier 2023.

M. Derraji : Non, mais... faire la division par jour, là, c'est énorme.

Mme Gauvin (Mélanie) : En fait, c'est qu'on est présent pour les accueillir, on leur remet l'agenda que tantôt Michel vous a présenté. Et puis systématiquement, on a comme raffiné nos procédures et nos processus et on obtient leur accord pour prendre leur nom et leurs coordonnées, ce qui nous permet de développer des tableaux de bord par la suite pour savoir où ils s'en vont. Parce que c'est... ici, on parle... il y a des enjeux de données quand on parle de travailleurs étrangers temporaires.

M. Derraji : Bravo!

Mme Gauvin (Mélanie) : Je crois qu'on n'est pas les seuls à vouloir ces données-là. Donc, ça nous permet aussi de dresser des portraits sur... dans quelle région, dans quelle entreprise... on a même les données par MRC par la suite. On a une équipe qui fait un travail extraordinaire là-dessus et c'est 17 500 à qui on a remis quelque chose.

M. Derraji : Je tiens à vous remercier au nom de ces personnes. Vous êtes la porte d'entrée pour ces travailleurs qui nous aident à avoir les prix qu'on a sur nos tablettes. C'est beaucoup de travailleurs agricoles, si ma mémoire, elle est bonne. D'ailleurs, je tiens à saluer un organisme sur la Rive-Sud, complexe X, je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, qui a organisé un grand tournoi de soccer, j'étais invité à la finale. C'était merveilleux de voir beaucoup de jeunes travailleurs et ça a été des célébrations magnifiques et je partage ce que vous avez dit sur leur volonté. Ils veulent... une bonne partie veulent rester, veut savoir comment, et c'est là où je veux... j'aimerais vous ramener. Ce n'est pas toutes les catégories à qui on peut donner une suite pour une résidence permanente. Ça, vous le savez. Maintenant, vu l'absence de la discussion sur les travailleurs temporaires étrangers... en fait, on en discute, il y a beaucoup de groupes, vous n'êtes pas le premier groupe qui nous ont sensibilisés par rapport à ça. S'il y a quelque chose que vous aimeriez avoir dans la planification qui ne figure pas par rapport aux travailleurs temporaires étrangers, ça serait quoi?

M. Pilon (Michel) : Bien, une façon... on l'a dit dans notre mémoire, ce qu'on souhaite, c'est que ces travailleurs-là aient accès, au moins un accès à la résidence permanente avec le niveau de français qu'ils ont besoin. La plupart... on a... en fin de semaine, on avait une petite exposition sur des travailleurs. C'est une photographe qui a fait un peu l'histoire de ces travailleurs-là. Il y en a au total 54, mais on en avait une vingtaine à peu près, là, en fin de semaine à l'île d'Orléans. Et une des particularités de ce que les travailleurs nous parlaient, c'est de vouloir être avec leur famille, de vouloir que leurs familles viennent au Québec, y vivre. Je pense que c'était... ils étaient unanimes. Ils se disaient tous la même chose. Ils voulaient que leurs familles viennent ici, ils s'ennuient leur famille. Vous savez, il y a des travailleurs ici qui sont 11 mois et demi... ils ont des contrats de deux ans...

M. Pilon (Michel) : ...sont 11 mois et demi par année ici. Ce n'est pas normal qu'un père de famille ne voie pas sa famille pendant 11 mois et demi de temps. C'est ça que moi...

M. Derraji : ...les débats hier et aujourd'hui, notamment, je fais référence à Québec réunifié, le groupe de ce matin, nous sommes rendus à 36 000...

Des voix : ...

M. Derraji : Québec réunifié. 36 000, 36 000 demandes en attente au fédéral par rapport au regroupement familial. Le regroupement familial, comme vous le savez, fait partie des seuils aussi. Donc, c'est comme un cercle vicieux. Et c'est là où votre présence dans cette commission, cette fois-ci, elle est tellement importante parce que cette réalité de travailleurs temporaires étrangers, ce n'est pas tout le monde qui est au courant. Ça nous a pris un grand effort pour vulgariser ça. Les gens pensent qu'il y a un seul moyen d'entrer, tout le monde devient en tant qu'immigrant. Il y a beaucoup de catégories. Le problème, c'est que nous sommes en train d'agir et de répondre à des besoins permanents. Quand vous êtes en train de me dire que c'est des deux ans, des contrats, avant, les gens avaient en tête des travailleurs agricoles saisonniers, trois, quatre mois. Quand on est rendus sur des deux ans avec des permis fermés, vous avez bien évoqué les problèmes des permis fermés, là c'est du permanent.

Et là, j'ai le goût de vous poser une question : Est-ce qu'avec les employeurs que vous êtes en contact et vous parlez, est-ce que les prévisions futures, c'est des besoins permanents ou des besoins temporaires?

M. Pilon (Michel) : Bien, ce que je peux vous répondre là-dessus, c'est que dans le domaine agricole, il y a deux sortes, hein? Là, on parle du saisonnier, le saisonnier dans le maraîcher, par exemple, ils sont à peu près ici huit mois, quand qu'on parle, bien sûr, des Mexicains. Avec le programme des travailleurs saisonniers, le PTET, là, qu'on appelle le travailleur temporaire, eux peuvent être là plus longtemps.

Et, dans le domaine animal, par exemple, porc, poulet, les oeufs, tout ça, c'est du 12 mois par année qu'ils sont ici. Dans les serres, c'est du 12 mois par année, c'est de l'agricole. Et je ne vous parlerai même pas de toute la transformation alimentaire. Quand qu'on parle d'Olymel, quand qu'on parle, les centres d'abattage, et tout ça, ces travailleurs-là ont des contrats de trois ans. Ils retournent seulement deux semaines par année voir leur famille.

C'est ça, la situation. C'est pour ça qu'on souhaite que ces travailleurs-là puissent avoir accès à cette résidence et d'améliorer leur sort aussi. C'est un peu normal de vouloir améliorer son sort puis améliorer le sort de leur famille, qui est dans des... malheureusement, qui sont dans des pays pauvres. Et ce n'est pas normal pour moi qu'un père de famille, moi-même je suis père de famille, je suis même grand-père, et ce n'est pas normal de ne pas voir ses enfants pendant 11 mois et demi de temps. C'est ça qu'on veut, que ça change. On veut qu'on reconnaisse le droit de ces travailleurs-là de pouvoir immigrer en apprenant le français, bien sûr, et qu'ils puissent avoir accès, avoir un accès à la résidence permanente.

M. Derraji : ...Vous voulez... elle veut ajouter quelque chose, oui.

Mme Gagnon (Denise) : Écoutez, c'est difficile de dire une chose parce qu'il y a des enjeux. Moi, j'ai une vision de droit, hein, je suis juriste. Ça fait que moi, si on respecte le droit au travail décent puis nos engagements internationaux à l'égard du travail décent... ce qui veut dire quoi? Ce qui veut dire respect des normes du travail, égalité en emploi, protection sociale, ça, le Québec l'a. Là où on n'est pas, c'est dans le dialogue social. Nous, on est la porte d'entrée, vous le dites, bien, on veut être capable d'apporter notre voix. On a essayé d'approcher, voilà deux ans, la Commission des partenaires du marché du travail, on dit : On ne s'occupe pas de ça, c'est des temporaires. Ça fait que le dialogue social...

M. Derraji : ...attendez, attendez, si vous permettez, je vais vous arrêter une seconde.

Mme Gagnon (Denise) : Oui, bien sûr.

M. Derraji : Vous avez vu le communiqué de presse de Mme la ministre hier. Là, ils parlent de donner le mandat à la CPMT d'étudier... Mais vous êtes en train de me dire qu'ils vous ont dit, ils ne s'occupent pas des travailleurs temporaires.

• (15 h 40) •

Mme Gagnon (Denise) : Non, non, non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit que, par le passé, parce qu'on n'en tenait pas compte. La Commission des partenaires du marché du travail a dit : Bien, non, vous ne pouvez pas être à la table. Mais nous, on pense que... on a insisté pour être à la table parce que... vous avez vu la quantité, à tous les deux ans, ça double et ça tourne dans tous les secteurs, on a une expertise puis on veut la faire valoir. On est à la table des partenaires, des TET, avec AGRIcarrières, mais je pense qu'on a cette expertise-là aussi dans chaque MRC, où sont les travailleurs, quels sont leurs besoins? Ça fait qu'on veut être associés à ça. Moi, si je sortais d'ici, un voeu que j'aurais, c'est qu'on soit associé à ce dialogue social puis c'est le quatrième pilier du travail décent, c'est de donner une voix aux travailleurs qui ne sont pas attendus.

M. Derraji : Et je vous le dis, en tout respect, continuez ce combat. C'est un combat qui est juste parce qu'on parle des travailleurs...

M. Derraji : ...elle n'est pas une marchandise, c'est des gens qui choisissent de venir. Ils font confiance. On parle du Canada, à l'échelle internationale, on parle du Canada, les gens ont le choix d'aller ailleurs, mais ils ne veulent pas aller ailleurs, ils choisissent de venir travailler chez nous. Mais, quand on voit que, pour la première fois, un rapporteur des Nations unies vient au Canada et au Québec dire des choses pareilles, écoutez, ce n'est pas bon pour l'image de marque du Canada. Et je ne dis pas, vous l'avez très bien dit dans le reportage hier... c'est que je ne dis pas que c'est tous les employeurs qui font ça, il y a une minorité, mais il ne faut pas que le gouvernement mette des lunettes qui lui empêchent... qui l'empêchent, plutôt, de voir la réalité de ces travailleurs.

Et c'est là où j'aimerais vous ramener, et sentez-vous bien à l'aise de me répondre. Pourquoi, selon vous, le gouvernement du Québec favorise plus l'arrivée des temporaires que du permanent, sachant que, vous l'avez très bien dit, les besoins sont d'ordre permanent? Ce sont des jobs où on donne des contrats de deux, trois ans. Donc, on sait que c'est permanent, mais on accepte de donner des... travailleurs temporaires, leur donner deux semaines pour aller voir leurs enfants, leurs femmes, leurs familles, etc. Parfois, c'est des couples séparés.

Mme Gauvin (Mélanie) : ...je pense que c'est de questionner aussi les décisions qui ont été prises au niveau politique, au niveau fédéral, et même peut-être au niveau provincial, mais le questionnement vient de beaucoup plus loin. Pourquoi avoir axé sur la main-d'œuvre étrangère plutôt que d'axer sur une main-d'oeuvre permanente qui vienne s'établir ici? Donc, moi, je pense que... Et on parle de pénurie de main-d'oeuvre, pénurie ponctuelle de main-d'oeuvre, pénurie temporaire de main-d'oeuvre, mais, en fait, on voit que la pénurie, elle est plutôt permanente, et c'est vraiment lié aux différentes politiques qui ont été mises en place il y a peut-être 10 ans ou 15 ans. Mais on ne se cachera pas que la venue de travailleurs étrangers, ça nous permet... vous avez parlé de marchandisation. Ce n'est pas des marchandises, ces travailleurs-là, donc...

M. Derraji : Il ne me reste pas beaucoup de temps. Je veux juste rectifier quelque chose. Le nombre qu'on voit maintenant, c'est du jamais vu. Ils n'étaient pas là, ça fait 10 ans, je tiens à rectifier ça. Parce que s'il y avait... il y a 10 ans, en tout respect, le débat sera ailleurs. C'était du permanent, on n'a jamais eu les résultats pareils. D'ailleurs, Statistique Canada vient de le démontrer, je vous invite à aller lire le dossier dans La Presse aujourd'hui, l'explosion du temporaire. Vous-même, vous l'avez mentionné.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui, je suis d'accord avec vous.

M. Derraji : Vous avez accueilli 17 000 personnes.

Mme Gauvin (Mélanie) : Oui, mais ce que je veux dire, c'est que les programmes actuels que nous avons... le programme des travailleurs étrangers temporaires a été, est le volet peu spécialisé, au bas salaire, maintenant, c'est...

M. Derraji : Ça a été le dernier mandat.

Mme Gauvin (Mélanie) : Ça date de 10 ou 15 ans. Ça a commencé par un projet pilote, on s'est rendu compte que, ah bien, c'est le fun, ils viennent, mais ils repartent aussi, on n'est pas obligé de les garder, donc, et on a... et la facilité aussi d'accéder à cette main-d'œuvre là. C'est beaucoup moins long faire venir un travailleur étranger temporaire que de faire venir quelqu'un sur une base permanente. Et là on parle à la fois des démarches au niveau fédéral et au niveau fédéral, là. Voilà.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est terminé. Merci beaucoup. Merci pour ces réponses. On va terminer cette ronde d'échange avec les parlementaires avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour 4min 8s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci énormément pour votre travail et merci pour tout ce que vous faites. Vous nous mettez vraiment les images, les cas au quotidien, là. Il y a l'émission La Facture, mais il y a toutes les autres interventions. Vous avez parlé du film, Les essentiels. Je veux dire, on est vraiment capable, avec vous, de voir les histoires, de voir ces gens-là, de voir leur vie, puis ça permet un éveil de certaines personnes ou... de plusieurs personnes qui n'ont pas accès à ça autrement. Donc, vraiment, je veux saluer votre travail.

J'ai une question. Je pense notamment aux abus de différents employeurs, notamment, que vous mettez de temps en temps, là, de l'avant, et l'IRCC, Immigration Canada, ne semble pas vraiment bien saisir ou, en tout cas, ne semble pas saisir l'urgence, souvent, d'intervenir. Vous avez dit, bon, il y a le permis de travail ouvert pour personnes vulnérables qui est hautement inefficace ou très souvent inefficace. Je me pose la question, qu'est-ce que vous pensez d'une autorisation de travail qui serait émise par le Québec? Après tout, les normes de travail, c'est de compétence provinciale. Pourquoi le Québec ne prendrait pas les devants pour régler ça, une autorisation de travail québécoise? Votre employeur est abusif, nous, on n'accepte pas de perpétuer ces conditions de travail là. Voilà, je vous la dessers, votre façon de travail. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Pilon (Michel) : Bien, nous, on pense que le Québec doit prendre sa juridiction puis on est d'accord avec votre proposition par rapport à ça. Moi, je pense qu'une autorisation du Québec devrait tout à fait... On fait des CAQ, là, pour pourvoir... ces travailleurs-là. Même, on utilise le contrat de travail du MIFI...

M. Pilon (Michel) : ...la plupart des employeurs qu'on retrouve, c'est le contrat de travail du MIFI. Mais c'est quoi, un contrat de travail face à un permis fermé ou quel est le pouvoir du travailleur de négocier ses conditions de travail, et tout ça, bien que Code civil, quand même, prévoit qu'il y a deux parties, l'employeur, l'employé? Mais l'employé, lorsqu'il a un permis fermé, il n'a pas le choix, ça s'appelle : Tu signes là puis tu te fermes la boîte, là. C'est aussi simple que ça.

M. Cliche-Rivard : Puis il y a d'autres scénarios. Je veux dire, on voyait récemment avec Olymel, par exemple, il y a des fermetures d'usine. Le fédéral ne semble pas vouloir bouger. Malgré qu'il y ait une motion unanime de l'Assemblée nationale pour qu'on leur octroie des permis de travail ouvert, ça ne se passe pas. Donc, le Québec pourrait régler son problème en émettant : Moi, j'autorise les travailleurs à avoir un permis de travail, et on aurait une autorisation. Je veux dire, il y a les cas d'abus mais aussi tous les autres cas où, finalement, la PME n'est pas nécessairement... où l'entreprise n'est pas toujours fautive mais où, finalement, ce sont encore les travailleurs et travailleuses qui écopent, qui...

M. Pilon (Michel) : Mais moi, j'irais même plus loin que ça, le Québec a le pouvoir aussi. Il accorde des CAQ, hein? Donc, si on peut passer par la CAQ puis dire au fédéral : Il n'y aura pas de CAQ à quelqu'un qui a un permis fermé... puis que, dorénavant, nous demandons, nous, des permis ouverts, puis qu'on va accorder les CAQ à seulement des permis ouverts.

M. Cliche-Rivard : Exact, pas de CAQ, pas de permis.

M. Pilon (Michel) : Exactement. Donc, on n'aura pas le choix. Là, le fédéral devront le faire, il y a...

M. Cliche-Rivard : Donc, on est capables de le demander?

M. Pilon (Michel) : On est capables de le demander puis de l'imposer au fédéral en disant : Nous, c'est une double juridiction, donc, compte tenu de la double juridiction, nous, ce qu'on demande, c'est qu'au niveau de nos CEQ, c'est des permis ouverts, point.

M. Cliche-Rivard : Excellent. Je vous amène sur un autre terrain. Votre mémoire parle de régularisation de statut. Vous parlez de personnes sans statut au sens large, inclusif et permanent, mais, vous dites, pour les travailleurs, travailleuses immigrants agricoles et transformations alimentaires. Est-ce que vous limitez votre proposition à ces deux cadres d'emploi ou vous êtes inclusifs et larges?

M. Pilon (Michel) : Non. Non, on ne limite pas nécessairement. Mais, pour l'instant, c'est certain que notre créneau, nous, c'est la transformation alimentaire et agricole. C'est quand même beaucoup de monde, là. Quand on parle de 38 000 agricoles, on peut parler à peu près de 20 000 en matière de transformation alimentaire, donc à peu près 52 000, si je me souviens bien, là, au total. Le travailleur temporaire qui travaille dans les deux...

M. Cliche-Rivard : Ça, c'est ceux qui sont répertoriés.

M. Pilon (Michel) : Exactement. Alors, dans tout ce qu'on appelle l'agroalimentaire, là, c'est quand même beaucoup de monde qui viennent, à chaque année, là, travailler dans les usines de transformation.

M. Cliche-Rivard : Parce que, dans le film, on voit qu'il y en a plein, de sans-permis, aussi. Alors, c'est ça, on...

M. Pilon (Michel) : Oui, oui, tout à fait, il n'y en a plein.

M. Cliche-Rivard : Ça, c'est ceux qu'on sait avec permis.

M. Pilon (Michel) : Ah oui, tout à fait. Puis on en voit... M. Jean Lemay, pour ne pas... lui, à La facture, on le voit très bien, il allait chercher les travailleurs directement dans les hôtels puis il les recrutait directement dans les hôtels. Il n'avait aucun permis puis il les faisait travailler ou il les fait venir, parce qu'il y avait son agence de recrutement au Mexique, avec des permis de touriste, du Mexique pour les faire travailler au noir. Et ça a été que ça. Il y a deux ans, quand on a sorti les travailleurs là-bas, là, c'est le RATTMAQ qui les a sortis, là, les travailleurs, c'est 243 travailleurs qu'on a sortis de là, qui étaient carrément... C'était de la traite humaine, point à la ligne, là. Alors, à un moment donné, il faut que ça cesse, cette affaire-là.

M. Cliche-Rivard : Il faut que ça cesse.

M. Pilon (Michel) : Il faut que ça cesse. Et la seule manière pour nous de...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

M. Pilon (Michel) : ...de revenir... Oh! excusez.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Écoutez, merci, mais, oui, le temps est écoulé. Écoutez, merci beaucoup pour l'apport à nos travaux, je pense qu'il y a beaucoup de réflexion à l'intérieur de ça. Mme Gagnon, M. Pilon, M. Gauvin, M. Pellerin, il me reste à vous souhaiter une bonne fin de journée.

Et je suspends les travaux le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

(Reprise à 15 h 54)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons donc le Groupe Orientation emploi. Alors, bienvenue messieurs à la Commission des relations avec les citoyens pour cette... cette... Voyons! J'allais dire pour ces auditions publiques. Merci. Alors, je vais vous accorder une période de 10 minutes pour vous présenter et présenter les grandes lignes de votre mémoire, vos recommandations. Ensuite, nous allons discuter avec les parlementaires. Le temps est à vous.

M. Noredine (Mohamed) : Merci beaucoup. Merci pour l'invitation. Mon nom est Mimoun Mohamed Noredine. Je suis coordinateur du Forum jeunesse Saint-Michel. C'est un organisme dans le quartier. Mais j'interviens en tant que président du conseil d'administration du Groupe Orientation emploi et je suis accompagné par...

M. Chikhi (Ferid Racim) : Ferid Chikhi, directeur général du Groupe Orientation emploi.

M. Noredine (Mohamed) : Alors, voilà. Le Groupe Orientation emploi, c'est un organisme qui, depuis 1994, soutient les chercheurs d'emploi issus des minorités visibles immigrantes. Nous n'allons pas aborder la question des seuils et ces chiffres, ce n'est pas notre domaine, mais plutôt on va parler de... on va mettre en avant les effets, les conséquences et les interpellations qu'ils provoquent au sein des organisations qui ont la charge d'accueillir, d'orienter et de soutenir les immigrants quant à leur intégration socioculturelle et la réinsertion socioprofessionnelle. Nous aborderons aussi les liens avec la société d'accueil. Par conséquent, ce sera un exposé plus sociologique qu'économique parce que l'immigration a des effets non seulement sur la société d'accueil, mais aussi sur la communauté ethnoculturelle.

Pourquoi aborder l'aspect sociologique? Tout simplement parce que nous observons que les conséquences sont multiples. Et l'une des plus graves est celle de voir se reproduire encore et encore des sociétés...

M. Noredine (Mohamed) : ...se reproduire encore et encore une société québécoise à plusieurs strates sociales séparées, une société en silos.

Ainsi, parler du nombre seulement en termes d'emplois tout en mettant de côté les profils et les qualités des immigrants, c'est selon nous naviguer sans boussole et sans orientations pertinentes, tant les besoins d'intégration à la société d'accueil sont tangibles. Rien qu'à distinguer dans les quartiers les plus multiethniques de Montréal comment sont séparées parfois les communautés, la question qu'on se pose : Comment réussir l'inclusion si chère à beaucoup, si à la base les communautés en provenance de bien des régions du monde sont séparées par les barrières avérées et évidentes?

Sur le plan professionnel, les habitudes de travail changent, et le facteur humain doit être observé autrement que par le passé. L'apport de l'immigration est certes essentiel dans un Québec qui a besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer, mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son identité, à la formation d'une société industrielle nouvelle?

M. Chikhi (Ferid Racim) : Les effets de la pandémie. Depuis fort longtemps, particulièrement depuis la fin de la pandémie et les conséquences sur le monde du travail, il est question de l'augmentation des seuils de l'immigration, notamment pour combler les déficits en main-d'œuvre, et particulièrement en région. Toutefois, le débat nous paraît biaisé, parce que les hypothèses démographiques du Québec nous semblent mal appréhendées. À titre indicatif, les causes de la décroissance, au double sens humain et organisationnel, ne sauraient confirmer le manque de main-d'œuvre ou, si l'on veut être positif, la création de plus en plus d'emplois par les capitaines d'industrie. Pourquoi, nous nous demandons... Si la solution réside dans l'augmentation des seuils d'immigration, alors que fait-on des milliers d'immigrants qui sont déjà mal employés ou qui ne sont pas du tout employés?

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, rien n'est dit sur l'intégration des nouveaux arrivants, si ce n'est leur francisation et leur insertion professionnelle dans des emplois que les Québécois ne veulent pas. Le travail de création et d'innovation des concepteurs, par exemple, dans le monde de l'industrie des arts et de la culture ne doit pas être réduit aux seuls emplois qu'occupent les Québécois et occulter ceux dont ils ne veulent pas faire. On entend par là qu'il y a des dizaines et des dizaines d'artistes, de peintres, de musiciens qui ne sont pas vus, si ce n'est au sein de leur communauté. C'est un exemple que nous prenons à titre indicatif.

Le monde du travail change, et en particulier par les technologies. La numérisation, la robotisation, l'utilisation des ordinateurs ont bien entendu des effets multiples sur les individus, que ce soit en rapport avec l'organisation professionnelle ou la société dans son ensemble.

M. Noredine (Mohamed) : L'Immigration doit être évaluée en quantité, mais aussi en qualité. Nous nous demandons si l'avenir n'est pas dans le changement du profil citoyen, ce Québécois nouveau qui... à l'horizon. L'apport de l'immigration est certes essentiel dans un Québec qui a un besoin nécessaire et vital de se refaire et de se régénérer, mais peut-il le faire sans tenir compte des éléments les plus sensibles liés à son histoire, à son identité, à la formation d'une société nouvelle? Le Québec peut se refaire en changeant les attributs des citoyens. Toutefois, l'apport de l'immigration doit tenir compte des paramètres communs et des paramètres spécifiques pour ne pas générer un Québec... un Québécois hybride qui fonctionne avec deux entités en lui.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Pourquoi parler aussi de la planification à ce stade de la réflexion? Parce que nous avons cherché dans le document portant... Planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027 des indicateurs, des projections, des anticipations, nous n'avons pas vu cela. Et on se dit : Bon. On connaît le nombre de postes de travail ou d'emplois vacants au Québec, qui s'estime à peu près à 200 000. Pourquoi ne tient-on pas compte de ces chiffres-là, de ces indicateurs et, en fonction des besoins par région, par secteur d'activité, lancer le recrutement dans les bassins qui nous intéressent, qui intéressent le Québec, en particulier ceux de la francophonie? Nous n'avons pas vu, donc, ces indicateurs de recrutement et nous n'avons pas vu les indicateurs des besoins des régions par domaine d'activité. On aurait voulu que les statistiques données par Statistique Québec et Statistique Canada apparaissent dans le projet ou dans le plan qui est prévu.

• (16 heures) •

On parle souvent d'insertion socioprofessionnelle, donc d'intégration en emploi. Nous, on inverse, on parle de l'intégration socioculturelle versus le cloisonnement et l'enfermement des communautés culturelles. Dans nos programmes, nous avons inclus un segment relatif à la connaissance de la société d'accueil. Nous la résumons comme suit : «La société d'accueil n'est pas structurée comme les sociétés d'origine, qu'elles viennent d'Asie, d'Afrique, d'Europe, du Moyen-Orient, des immigrants, que ce soit sur le plan social, culturel, identitaire et communautaire. C'est de ça qu'est composée toute la société québécoise, bien entendu avec...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Chikhi (Ferid Racim) : ...Québécoise, bien entendu, avec les Québécois natifs. La cellule de masse, soit la famille, est totalement rénovée en fonction des changements sociétaux qu'a connus le Québec depuis la Révolution tranquille, ce qui n'est pas le cas des autres cellules de base des immigrants. L'égalité des droits y est encore consacrée. L'apport des communautés est réduit à une simple présence dans la société, sans les effets positifs qui devraient découler d'une participation citoyenne, d'où l'enfermement et le cloisonnement. Même les jeunes immigrants, qu'ils soient arrivés avec leurs parents ou nés ici, finissent tous par s'enfermer dans leur communauté et deviennent les témoins d'un rejet qu'ils n'ont jamais voulu et contre lequel ils finissent par s'ériger.

M. Noredine (Mohamed) : Par ailleurs, l'immigrant qui arrive dans la province vit plusieurs chocs largement commentés par des recherches souvent ponctuelles et dont les recommandations, lorsqu'elles existent, sont sans effets concrets sur les groupes sociaux. Le plus connu de ces chocs et celui de la culture, divisé en choc du départ et choc de l'arrivée. Mais aucune recherche, du moins à notre connaissance, ne parle des chocs industriels, du choc thermique, du choc technologique, du choc de la non-reconnaissance des acquis hors de Québec et du grand choc social.

En effet, l'immigrant observe et constate, par exemple, que le fonctionnement des familles au Québec n'a rien à voir avec celui qui est le sien. Et pour cause, d'où qu'il vienne, le nouvel arrivant ne connaît que l'organisation patriarcale à qui il appartient. Il s'agit d'un premier choc identitaire qui le confronte dans son nouveau pays.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Je vais parler juste deux minutes de... Au-delà du choc technoculturel, de l'apprentissage du français pour les allophones et pour les monolingues. Une fois au Québec, les demandeurs d'asile, les réfugiés et les résidents permanents ne comprennent pas, n'écrivent pas et ne parlent pas ou très peu le français. Les services de francisation les reçoivent pour leur apporter le soutien nécessaire afin qu'ils échangent, écrivent et qu'ils puissent parler le français. Cependant, très souvent, il s'avère que cela leur est... ce qui leur est dispensé est insuffisant, pour ne pas dire inadapté à leur besoin de se faire comprendre et connaître. Ce que nous suggérons, entre autres, c'est que ce soit réparti par segments en fonction de l'origine, parce que quelqu'un qui vient d'Afrique francophone peut comprendre le français, peut apprendre très vite le français, mais quelqu'un qui vient d'Asie, des Philippines ou, je ne sais pas, du Pakistan, la structure linguistique n'est pas la même, la phonétique n'est pas la même. Lorsqu'elles viennent d'Amérique latine, c'est la même chose, des personnes qui sont là depuis 20 ans, 30 ans, parlent un peu le français, mais avec un fort accent latino, et on finit par ne pas les comprendre.

On va arrêter là et puis on pourra débattre des questions qui se seraient posées. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Ah, mais vous savez, ce n'est pas un débat, c'est ça, ce sont des échanges. Merci beaucoup pour votre présentation. Alors, on va tout de suite commencer avec la ministre et la banquette gouvernementale pour une période de 16 min 30 s. Mme la ministre, le micro est à vous.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, merci à vous deux pour prendre part à cet exercice sur l'immigration. Donc je voulais vous apporter, là, des dimensions nouvelles, là, par rapport aux orientations que l'on avait soumises. Je voyais que vous mentionnez que le ministère, en fait, ne fait rien pour les nouveaux arrivants en termes de formation, sur les étapes historiques, culturelles, identitaires, industrielles et politiques qui ont façonné la société québécoise, et vous recommander, en fait, une formation, là, en lien avec ces sujets-là, mais j'aimerais vous rappeler, en fait, qu'il existe la cession Objectif Intégration qui permet aux personnes immigrantes, là, de se familiariser avec les valeurs démocratiques québécoises, les codes culturels, le monde du travail au Québec. Et on n'a pas moins de 49 organismes qui sont partenaires du ministère pour donner ces sessions de formation qui sont d'importance pour nous. Alors, je me demandais si vous connaissiez ces sessions d'information puis, si oui, bien, quelles améliorations vous verriez qu'on doit y apporter pour répondre davantage à vos préoccupations.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Oui, personnellement, je connais, M.... aussi il connaît, on travaille sur ça, mais la manière dont c'est présenté, vous savez, les fameux huit modules, ou 10 peut-être, qui composent cette formation à la société québécoise, à la société d'accueil sont répartis à partir de données, disons le mot, plutôt théoriques. Dans la pratique, pratiquement aucun immigrant ne s'en rappelle parce que c'est lourd comme activité. Ce que nous faisons, c'est que nous...

M. Chikhi (Ferid Racim) : ...en divisant cette information, cette formation à la culture québécoise, à l'identité, aux valeurs, en petits ateliers, avec des débats, qui invitent les gens à faire la comparaison entre, par exemple, les valeurs du Québec et les valeurs de leur pays d'origine. Et là il y a une véritable véritable discussion qui émerge et on invite les gens à aller, justement, sur le terrain pour rencontrer les Québécois et les Québécoises. Et souvent, les gens des organismes communautaires de la société québécoise les accueillent avec intérêt. Parce qu'ils sont curieux, parce qu'ils apprennent un peu plus, parce qu'ils se rapprochent de la société. Mais si vous venez à Saint-Michel, Villeray, Parc-Extension, Montréal-Nord, même Côte-des-Neiges, les gens sont séparés les uns des autres. Entre communautés, ils ne sont même pas ensemble. Et là le problème se pose. Qu'est-ce qui se passe au niveau de la formation qu'on leur donne par le ministère de l'Immigration, par les organismes, alors qu'ils sont normalement outillés pour aller vers les gens de la société d'accueil? Et quand nous refaisons cette formation, nous qui sommes plutôt un organisme de soutien aux chercheurs d'emploi et qu'on fait la comparaison entre leur pays d'origine, la société d'accueil et le monde industriel, là, on voit la différence. Et je vous assure qu'on le sent et ils le disent, ils le disent.

Mme Fréchette : Il faut croire qu'il y a différents points de vue qui cohabitent, parce que pas moins que... En fait, jeudi dernier, on recevait une personne en audience, là, comme vous, qui est sur le terrain dans les Laurentides et qui nous vantait les mérites de cette formation objectif intégration et qui nous nous disait : C'est une occasion... en fait, elle le voit, elle nous disait : Ça change des vies, carrément, cette formation-là. Elle dit : Je le vois, je l'entends, on me le confirme. Donc, bon, il faut voir qu'il y a différentes écoles de pensée, vous ne vous ralliez pas à cette perspective, mais...

M. Chikhi (Ferid Racim) : ...je me permets, mais entre des gens qui vont dans les régions, qui acceptent la mobilité et ceux qui restent là où ils arrivent, il y a une grande différence, parce qu'ils retrouvent tout de suite leur communauté et ça efface tout ce qui a été appris.

Mme Fréchette : Je vous entends. Je vous amènerais à la page 15 de votre mémoire. Vous recommandez une révision des contenus des formations d'apprentissage du français dispensées en fonction, et là je cite, des problématiques aussi bien linguistiques que phonétiques. Donc, je voulais que vous m'expliquiez un peu ce que vous entendiez par cette recommandation-là et comment est-ce que le ministère pourrait adapter son offre en fonction de votre proposition.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Je l'ai déjà dit là aussi, quelqu'un qui vient de Colombie ou de Panama ou du Chili est hispanophone. Il arrive et il a quelques bribes de mots en français dans l'espagnol qu'il connaît, mais son accent reste très fort. La phonétique qu'il utilise pour prononcer les mots fait que ça devient incompréhensible. C'est la même chose pour un Asiatique, qu'il vienne d'Afghanistan, des Philippines, du Pakistan, de l'Inde. Par contre, c'est plus facile pour quelqu'un qui vient d'un pays d'une ancienne colonie française. L'Afrique de l'Ouest, du Sénégal, du Mali, du Niger, ils connaissent déjà le français. Le bar sonore existe. C'est plus facile pour eux d'apprendre le français. Alors, on dit que, pour apprendre une langue, il faut commencer par connaître son histoire et, pour la prononcer, il faut connaître la phonétique. Et c'est ce qui n'existe pas actuellement. On a des groupes d'immigrants qui viennent de partout dans la même classe, avec un seul enseignant qui enseigne le français deuxième langue, et les gens sont perdus. Alors, ils restent trois mois, quatre mois, six mois, je ne sais plus combien d'heures ils ont en formation en français, et ils sortent. Les meilleurs, bien sûr, arrivent à maîtriser le maximum, mais il y en a beaucoup qui ne le font pas. Et c'est pour ça qu'on dit : Ça serait bon qu'il y ait une adaptation, ne serait-ce que par des groupes homogènes, des gens qui viennent de la même région, qui parlent la même langue maternelle et à qui on apprend le français en tenant compte des sons de la phonétique en général.

Mme Fréchette : Vous subdiviseriez les groupes par pays d'origine ou, en fait, langue d'origine.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Par régions, ne serait-ce que ça. C'est beaucoup plus facile...

Mme Fréchette : Pour que l'apprentissage tienne compte de la langue d'origine.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Exact.

Mme Fréchette : Je comprends. Mme la Présidente, il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il reste 10 minutes.

• (16 h 10) •

Mme Fréchette : 10 minutes. Je vais vous poser une dernière question. Bien, vous proposez aussi des cours d'initiation à l'informatique et aux technologies du travail. Donc, est-ce que vous verriez que ce soit, en fait, le gouvernement du Québec qui donne ses cours d'utilisation de la technologie ou que ce soit plutôt des partenaires? Comment est-ce que vous verriez la mécanique?

M. Chikhi (Ferid Racim) : Bien... Mais parce qu'on a...

M. Noredine (Mohamed) : ...on a vécu, dans la période... pendant la période de COVID, l'écart qu'il y a et le décalage qu'il y a entre les personnes qui ne maîtrisent pas l'informatique et le reste de la population, et, dans un monde qui change, bien, il y a beaucoup... on a découvert qu'il y a beaucoup de gens qui ne maîtrisent pas l'informatique, et spécialement les gens qui fréquentent l'organisme. L'idée, c'est que... de mettre à jour les gens qui arrivent et mettre l'informatique comme une priorité, comme la langue, parce que beaucoup de personnes qui sont à la recherche d'emplois sont obligées d'utiliser les moyens informatiques pour soit faire leur entrevue, soit mettre leur CV à jour, soit se trouver dans les réseaux sociaux professionnels. Donc, dans les formations de base, moi, je trouve, il faut inclure le soutien informatique, parce que c'est devenu vraiment un outil de travail, en fait. C'était... Peut-être on le sentait moins avant le COVID, mais après le COVID, c'est devenu vraiment essentiel de maîtriser l'outil informatique, comme maîtriser la langue, par exemple.

Mme Fréchette : Je vois. Merci. Je vais céder la parole à mes collègues.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Mais je pourrais ajouter, Mme la ministre, si vous voulez bien... Tous les immigrants ont un cellulaire entre les mains. Tous téléphonent, utilisent WhatsApp, utilisent Viber, utilisent tout... tout ce qui peut être fait par le téléphone. Mais, dès que vous les mettez devant un ordinateur, ils sont complètement out, ils ne savent plus comment faire. Malgré le fait qu'on leur explique que le clavier, c'est le même que celui qu'ils ont dans le cellulaire, ils ne savent pas naviguer pour aller chercher de l'information de la même manière qu'ils font sur le cellulaire, ils sont perdus. Et, quand on leur demande d'aller ne serait-ce que dans la suite Microsoft, ça, c'est complètement out.

Alors, des cours de base en informatique, que ce soit par les organismes financés par le ministère de l'Immigration, ça serait une bonne chose, ça. Ça ne va pas alourdir le ministère de l'Immigration, que ce soient les régions, les directions régionales ou les bureaux. Mais, au niveau des organismes, on gagnerait à leur offrir ça.

Mme Fréchette : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Je me tourne... Bien, merci, Mme la ministre. Je me tourne du côté de la députée d'Iberville. Il vous reste 7 min 35 s. 

Mme Bogemans : Merci beaucoup. Vous avez raison, vous avez commencé en disant que l'immigration, c'est le facteur humain en premier, l'histoire, les relations, les ambitions puis ensuite la qualification. Je pense que c'est ce qui rend le débat autour de l'immigration aussi passionnant puis aussi polarisant et essentiel pour le futur de notre communauté québécoise. Donc, moi, je voulais... Vous avez soulevé quelques points qui m'intéressent, qui sont étonnamment reliés aux orientations 7 et 8, 7 qui favorise l'intégration sur le marché du travail des personnes issues de toutes les catégories d'immigration, et l'orientation 8 qui était de bonifier les actions visant la reconnaissance des compétences des personnes immigrantes pour qu'elles puissent accéder rapidement au marché du travail selon leur qualification d'origine. Donc, je voulais vous amener sur ces deux sujets-là, de voir vraiment quelles sont vos impressions.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Il y a beaucoup... vous savez... On va rester dans les technologies de l'information. Beaucoup d'immigrants viennent avec beaucoup de connaissances, beaucoup d'acquis, par exemple en informatique. Mais l'informatique qu'on utilise dans nos pays d'origine, on ne les utilise pas de la même manière qu'ici, au Québec. La recherche de l'efficacité est un élément essentiel ici. Ailleurs, c'est peut-être juste un outil d'appoint. Ce n'est pas tout le monde qui est à la quatrième génération ou à la cinquième génération. Ce n'est pas tout le monde qu'il y a des ordinateurs très, très développés, même si ça existe. Dans les grandes entreprises, dans les grandes institutions, ça existe. Une mise à niveau est nécessaire là aussi. Donc, la personne qui vient en quelque part, en tout cas, nous le faisons, on leur apprend que l'industrie ne fonctionne pas de la même manière que dans les pays d'origine, que nous avons des exemples de capitaines d'industrie qui ont réussi, qui ont fait des choses extraordinaires. Le cas de Jean Coutu de Saint-Hubert est cité tout le temps pour dire : Écoutez, c'est parti de rien du tout. Regardez, c'est un monde, là, et c'est quelque chose d'extraordinaire. Et ils voient la différence.

L'organisation des entreprises, que ce soit le statut fédéral, provincial, municipal, les multinationales, quand on leur parle, par exemple, de ce qu'on appelle l'aérospatiale, on a à Saint-Hubert, bien, une toute une organisation et une entreprise qui a réalisé le bras, qui a pu faire réparer, etc. C'est des choses qui n'existent pas dans nos pays d'origine. On a des avions, oui, qui vont dans les aéroports, qui volent et qui... mais le niveau de qualification, le niveau d'acquis professionnel n'est pas le même, et c'est cette mise à jour qui ferait qu'on gagnerait à avoir des stages pour tous les immigrants qui commenceraient à travailler. Ça existe dans certains secteurs de main-d'œuvre, mais ce n'est pas pareil...

M. Chikhi (Ferid Racim) : ...il faut que... Ça devrait être généralisé. Voilà un paramètre parmi tant d'autres.

M. Noredine (Mohamed) : En même temps, bien, le fait qu'il n'y a pas cette possibilité, bien, beaucoup d'immigrants, ils vont changer de secteur d'activité. Donc, ils vont commencer à zéro dans des formations, pas par intérêt, mais par défaut, parce qu'ils n'arrivent pas à avoir cette reconnaissance dans leur domaine, ce qui parfois crée un problème au niveau même de la famille... moi, qui s'occupe des jeunes dans un autre organisme, je vois qu'il y a des jeunes qui sont frustrés parce que leurs parents ne peuvent pas exercer leur profession qu'ils ont exercée dans leur pays d'origine. Et ça change de statut social, parce que, quand ton père était ingénieur, ta maman était médecin, et tu trouves ici à faire... pas un sot métier, mais tu fais une formation comme adjointe administrative. Bien, déjà, ça n'a rien à voir avec la formation et le statut que tu avais dans ton pays d'origine.

Et j'ai remarqué que, plus tard, bien, ce sera une pression sur les enfants, parce que les parents qui sont... qui répètent toujours à leurs enfants qu'on est venu pour vous, bien, ils vont mettre tous leurs espoirs sur leurs enfants pour réussir. Et là on se trouve avec des jeunes qui se trouvent avec une responsabilité énorme. Ce n'est pas eux qui ont décidé de venir ici, mais leurs parents vont leur faire sentir qu'on est venu pour vous, et vous devrez réussir dans des domaines, parfois, qu'ils n'ont pas le choix de choisir. C'est leurs parents qui décident pour eux, par frustration, d'aller dans... être ingénieur, un futur ingénieur ou un futur médecin. Voilà.

Mme Bogemans : Oui, je peux comprendre ça parfaitement. Pensez-vous qu'au niveau de la reconnaissance des acquis, on pourrait mettre, par exemple, dans certains domaines plus précis de formation professionnelle, collégiale, universitaire... faire des voies de passage facilitantes?

M. Noredine (Mohamed) : Exactement, parce qu'on peut le faire par secteur. Comme Ferid parle de certains secteurs, peut-être que oui, certains secteurs, il y a une grande différence. Moi, je pense qu'un médecin qui a exercé en Algérie, qui est francophone, qui a exercé la médecine pendant 20 ans, quand il arrive ici, on lui dit : Bien, tu mets tout ça de côté, bien, soit tu vas refaire ta formation ou tu vas choisir un autre domaine, moi, je pense qu'il y a une différence. On parle d'une mise à jour, il peut... on peut lui offrir la possibilité de connaître le système, le côté légal, par exemple, de la médecine. Toutes les choses qui sont différentes d'un pays à un autre, mais on ne va pas lui demander de refaire les choses. Il y a beaucoup de médecins qui vont aller faire soins infirmiers, par exemple, par défaut, parce que... ça rapproche, mais, à la base, c'étaient des médecins. Et quand je leur demande : Est-ce que vous trouvez un plaisir à faire la formation? Mais pas du tout, eux, ils étaient médecins, chirurgiens. Ils se trouvent à faire soins infirmiers, par défaut, pas parce qu'ils ont choisi ça.

Mme Bogemans : Ça amène un peu le sujet des cohortes que nous avons eues d'infirmières, exemple, puis la mise à niveau d'un an qui est mise de l'avant. Est-ce que vous trouvez que c'est quelque chose qui pourrait être appliqué dans d'autres domaines?

M. Chikhi (Ferid Racim) : Oui, c'est une chose qui peut être très utile dans tous les domaines d'activité. Écoutez, moi, j'ai travaillé en Algérie, 25 ans dans une compagnie aérienne, dans la compagnie aérienne. J'arrive ici, je vois qu'il y a beaucoup de choses qui se ressemblent parce qu'il y a l'avantage d'avoir l'Agence internationale des transports aériens, qui protocole un petit peu, qui coordonne les activités de toutes les compagnies aériennes. Je n'ai pas besoin de mise à niveau. Mais quelqu'un qui est dans un domaine spécifique de l'industrie, par exemple, l'industrie sidérurgique, ce n'est pas la même chose. Il est obligé de se mettre à niveau, mais que cette mise à niveau ne mette pas de côté tous ses acquis expérientiels.

M. Noredine (Mohamed) : Mais il y a aussi le fait que... dans le processus d'immigration, il y a des années, à attendre le dernier document ou le dernier visa pour venir. Pourquoi on ne profite pas de cette période-là pour donner l'occasion à ces futurs immigrants d'avoir une mise à jour par rapport à un secteur, par exemple, recherché? Maintenant, on utilise les Zoom, on utilise les moyens de communication à distance. On peut très bien offrir la possibilité à ces futurs immigrants de suivre, par exemple, des formations pour être mieux informés.

Moi, je connais plein de monde qui arrive ici, mais ils ne sont pas vraiment informés, qu'est-ce qu'ils peuvent faire, qu'est-ce qu'ils ne peuvent pas faire. Ça prend quelque temps pour réaliser qu'il faut faire un deuil sur leur ancienne carrière et de recommencer à zéro ou d'abandonner pour aller dans un secteur où ils peuvent juste gagner leur vie. C'est comme ça qu'il arrive souvent.

• (16 h 20) •

Mme Bogemans : Parfait. C'est super. Je pense que j'arrive au bout du temps, malheureusement...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...il reste cinq secondes.

Mme Bogemans : ...j'ai plusieurs autres questions pour vous. Merci beaucoup. C'était superintéressant.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On poursuit les discussions avec le député de Nelligan pour une période de 12 minutes 23 secondes.

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Vous allez me permettre, premièrement, de saluer la présence du... de nos invités, Groupe Orientation emploi. Excellent travail sur le terrain. Je connais, depuis plusieurs années, Noredine. Merci pour tout ce que vous faites auprès des jeunes. J'ai aussi le plaisir d'entendre monsieur....

M. Derraji : ...bienvenue en commission parlementaire. Merci d'avoir pris le temps d'écrire un mémoire, de venir en commission parlementaire présenter vos préoccupations.

J'ai lu votre mémoire, je suis... vu la nature de votre action, et ce n'est pas quelque chose que nous avons entendu beaucoup en commission. Je vais plus vous ramener à la page 13 : qu'en est-il des jeunes? Et, vous savez, tout ce qu'ont fait, les membres de la commission sont tous interpellés, quand on dit intégration... parce qu'on veut que nos jeunes s'intègrent, on veut, et on passe, on est là, aujourd'hui, mais, demain, je ne sais pas où on va être. Il va y avoir une deuxième, troisième, quatrième, cinquième génération.

Et vous avez beaucoup insisté sur la langue française, sur l'intégration, mais j'ai le goût d'entendre M. Noredine nous parler. Le contexte a beaucoup changé. Et j'ai posé cette question à deux reprises, mais je veux vous la reposer. Quand on utilise des mots pour décrire l'immigration, ça a un impact sur les jeunes. La classe politique... il y a une joute politique, hein, on le sait aussi, il ya  une joute politique. Qu'on soit à l'opposition ou au gouvernement, il y a une joute politique. Mais vous étiez au cœur de beaucoup de choses, depuis la première réforme du PEQ jusqu'aux dernières déclarations de la dernière campagne électorale. Vous êtes très proche de ces jeunes. J'aimerais bien qu'avec les membres de la commission... si vous puissiez nous partager l'impact de ces mots sur les jeunes.

M. Noredine (Mohamed) : Bien, souvent, quand il y a un événement politique ou une déclaration politique, nous, on essaie de commenter l'actualité avec les jeunes parce qu'on sait qu'ils vont toujours sentir l'événement ou l'actualité d'une façon différente par rapport aux adultes. Alors, dans notre travail, ce qu'on fait, c'est qu'on va vérifier avec eux c'est quoi, l'impact d'un tel propos, d'une telle déclaration ou d'un changement dans la loi. J'ai parlé avec Ferid, avant de rentrer ici, je lui ai dit : Il faut qu'on parle de l'image qu'on donne par rapport à l'immigration. Il faut qu'on regarde toujours l'immigration comme un atout, et non comme un fardeau, et non comme quelque chose qui est négatif.

Et malheureusement il suffit parfois d'une déclaration malheureuse, dans un contexte, pour faire un effet négatif sur les jeunes. Ça joue beaucoup sur le sentiment d'appartenance, en fait, c'est ça qui est le plus touché chez les jeunes. C'est vraiment par rapport à est-ce qu'on est vraiment les bienvenus ici? Parce qu'un jeune qui voit déjà ses parents dans la galère au quotidien, d'aller faire des formations de mise à jour, de trouver un emploi en parallèle pour faire vivre la famille, et, dans les médias ou dans un contexte politique, même dans des élections, si on va entendre des propos négatifs par rapport à l'immigration, bien, ça remet en cause toujours la question de l'appartenance à la société d'accueil. Est-ce qu'on est toujours les bienvenus dans cette société où, souvent, on n'a pas décidé, comme jeune, d'être là, c'est les parents qui ont décidé ça? Mais ça remet en cause, en fait, ce sentiment-là.

C'est que nous, on travaille au quotidien d'augmenter ce sentiment d'appartenance, et dire aux jeunes que : Non, non, on est toujours les bienvenus. Et, parfois, on explique aussi ce que vous avez entamé : c'est un jeu politique, c'est un enjeu politique, ce n'est pas toujours réel, c'est comme ça que ça se passe. Mais, chez les jeunes, ça laisse parfois une trace vraiment dure à dépasser. Et, un an, deux ans après le propos, ça va sortir toujours comme une blague, parce que les gens ne travaillent... parce que les immigrants ne travaillent pas... ne veulent pas s'intégrer, parce que... Ça sort dans les blagues, ça laisse des traces.

M. Derraji : Dites-moi une chose, parce que... Là, la classe politique doit être responsable, parce qu'au-delà d'une consultation sur l'immigration, quand on dit : On va tous travailler pour franciser, intégrer, la classe politique a aussi une responsabilité. Peser les mots avant de les prononcer vient annihiler un peu vos efforts sur le terrain. Je me mets à la place d'un jeune. Je sais que vous êtes très impliqués à Saint-Michel. Précarité, problèmes d'insertion sociale, logement. En fait, les conditions et les chances de réussite ne sont... je ne vais pas dire... il n'y a pas... ce n'est pas optimal. Vous essayez de relever, de se relever ensemble. Je vous suis, je sais ce que vous faites sur le terrain, vous faites un travail exceptionnel et vous aidez... et vous essayez d'aider ces jeunes. Quand un politicien, qui est probablement responsable d'un dossier de l'immigration, ou un premier ministre fait une sortie très calculée, ciblée, avec des propos pareils...

M. Derraji : ...est-ce que ça ne vient pas encore une fois encourager le repli? Parce que, nous, ce qu'on veut, c'est l'intégration, pas le repli. Ce qu'on veut, c'est l'implication citoyenne, et non pas le repli. C'est ça que j'aimerais bien, que votre organisme... et surtout ce que vous faites sur le terrain, que vous puissiez le partager aujourd'hui autour de cette table, parce qu'il y a plusieurs élus, il y a au moins trois formations politiques autour de la table qu'on doit être responsable de nos mots parce que les mots ont un impact sur les jeunes.

M. Noredine (Mohamed) : En fait, ce qui va arriver aussi, c'est que les jeunes, actuellement, et je sais que la société ici aussi, regardent beaucoup ce qui se passe en Europe. Et, s'il y a une chose qu'on ne veut pas, c'est qu'on ne veut pas ressembler à l'exemple européen d'intégration des nouveaux arrivants ou des jeunes de première, deuxième, troisième génération. Ce n'est pas vraiment le bon modèle, en tout cas, pour nous, sur le terrain. Et les jeunes regardent ce qui se passe en Europe avec la crainte qu'on va vivre la même chose, et les adultes aussi regardent la même chose, ils disent : Est-ce qu'on va vivre la même problématique avec la deuxième, troisième génération?

Moi, je pense que l'immigration, il ne faut pas que ce soit un enjeu politico-politique, il faut que ça soit un enjeu nourri par des études objectives, par des commissions, par des témoignages, que ce ne soit pas un enjeu où, sur le dos des immigrants, bien, on va sortir une phrase, on va faire quelque chose juste pour dépasser le moment.

M. Derraji : Je vais juste me permettre de lire un passage qui m'a beaucoup marqué : "Ce que nous observons tous les jours malgré l'éducation nationale, souvent inadaptée aux attentes des familles", vous avez mis en gras, ça, "c'est l'incertitude, l'inquiétude, la frustration innommable qui génère des attitudes, des comportements... pas mal documentés pour y faire face, ces nouveaux arrivants et leurs enfants se réfugient dans leur bulle et ne participent pas au développement et au progrès de la société québécoise, si ce n'est que pour se défendre contre des problèmes éducatifs, communautaires et, par extension, sociaux, sans risque de bénéficier des bienfaits du système qui ne profite qu'à ceux qui ont compris les rouages et les failles." C'est quand même fort. C'est un constat fort.

Une voix : Oui. Oui.

M. Derraji : Mais c'est parce que j'essaie juste de comprendre comment le ministère... Nous, en tant qu'élus, on doit être plus connectés, sortir nous-mêmes de la bulle. Parce que, si vous dites les enfants ou les familles se réfugient dans leur bulle, il ne faut pas que les élus tapent dans une bulle et commencent à lancer des mots qui ont un impact beaucoup plus grave sur ces jeunes.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Alors, il y a un paramètre, il y a un élément qui est important, on l'a souligné, la structure familiale des immigrants, toutes origines confondues, n'est pas la même que celle du Québec, de la société québécoise. Depuis le début de la Révolution tranquille, on a affaire à une cellule familiale fragmentée, une cellule familiale qui est découpée en morceaux. La cellule familiale de l'immigrant, qu'il vienne d'Amérique latine, d'Asie ou d'Afrique, est la même, elle est patriarcale.

Alors, quand on va à l'école, on envoie nos enfants à l'école, qu'est ce qui se passe? Les programmes scientifiques, mathématiques, tout ça, l'histoire, la poésie, la culture, la littérature, c'est bon, ça passe. Mais dès le moment où on rentre dans des domaines où il y a des implications sociales, il y a des conséquences sociales sur la famille elle-même, ça pose problème. Le dernier exemple, c'est l'introduction du cours de sexualité. Et vous le savez très bien, ce n'est pas perçu de la même manière, ce n'est pas perçu de la même manière. S'il y avait un travail de préparation sociale, communautaire, peut-être que ça irait. Il n'y aurait pas d'opposition. Mais imaginez à Saint-Michel que vous connaissez. À Villeray, à Montréal-Nord, il y a plus d'immigrants, d'enfants d'immigrants, que de Québécois dans les salles de cours.

M. Noredine (Mohamed) : Et le fait que les parents ne sont pas impliqués dans le processus, c'est ça qui fait que les parents ne comprennent pas le rouage et comment ça fonctionne à l'école.

• (16 h 30) •

M. Derraji : Très important, ce point. Donc, vous ne dites pas qu'ils sont contre, c'est que la cellule familiale n'est pas impliquée. Le rejet, l'obstruction, la non-adhésion... J'essaie de juste... je ne vous mets pas des mots, j'essaie de vraiment réfléchir avec eux pour qu'on puisse comprendre les enjeux. Mais vous nous dites : Attention, ils sont civilisés, pu c'est la famille pour sortir de la bulle.

M. Noredine (Mohamed) : Parce que, depuis quelque temps, on parle beaucoup des écoles qui ont des problèmes, à Saint-Michel, par exemple, qui ont des problèmes avec...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Noredine (Mohamed) : ...des jeunes issus de l'immigration, comme d'autres jeunes, mais le problème, c'est qu'il n'y a pas de communication entre, parfois, l'institution scolaire et les parents de ces jeunes jusqu'à... jusqu'au moment où il faut exclure l'enfant. Là, on va convoquer les parents pour la sanction, mais parfois les parents ne sont pas concernés par ce qui est arrivé avant. Et c'est là où je parle souvent, il faut qu'il y ait une collaboration entre le milieu scolaire, le milieu communautaire, les parents, parce que c'est là où ça se passe. Si on n'arrive pas à créer ce filet de sécurité autour de nos jeunes, bien, ce qui va arriver, c'est tout ce qu'on est en train de vivre par rapport à la violence, par exemple. 

M. Derraji : Un excellent point, et merci beaucoup pour ces informations. Il me reste une minute. J'aimerais bien vous entendre sur la lutte contre le racisme, je sais que vous étiez très impliqué. Le gouvernement parle d'un comité.  Localement, vous avez fait beaucoup d'initiatives, notamment avec la clinique juridique, et cetera, où vous êtes rendus.

M. Noredine (Mohamed) : Moi, le racisme, je le vois dans ces deux volets, dans le volet de l'éducation des gens, pour qu'ils comprennent que, souvent, on a des préjugés sur les gens parce qu'on ne les connaisse pas, parce qu'on ne regarde pas ce qu'il faut regarder, parce qu'on ne connaît pas vraiment son voisin, et plutôt on regarde ce qui s'écrit ou ce qui se diffuse, par exemple, sur les réseaux sociaux. Mais il y a le volet aussi réparation, donc c'est comment outiller les jeunes qui sont victimes de racisme pour ne pas aller dans un processus de violence ou d'isolement par rapport à la société, mais plutôt aller vers un processus de réparation, donc d'aller vers des institutions juridiques pour demander réparation. Donc, on est dans ces deux volets-là. Donc, on essaie de faire des ateliers d'éducation pour les gens, mais on essaie aussi d'outiller les jeunes à travers la clinique juridique ou d'autres pour qu'ils soient outillés pour...

M. Derraji : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : C'est très bien. Merci beaucoup. Alors, on termine cette cette audience... cette audition avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour quatre minutes huit secondes.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation et pour le mémoire. Ça m'a aussi beaucoup touché, ce qui est écrit là-dedans. Vous utilisez des mots durs quand même, "enfermement", ostracisation", c'est quand même grave. Vous dites aussi "témoins d'un rejet qu'ils n'ont pas voulu". Ça fait quand même... C'est quand même difficile à lire. Là, j'étais à réfléchir aussi, mais je me disais, puis là j'essaie d'être optimiste dans tout ça, là, j'imagine qu'il y a aussi des bons modèles, il y a aussi des réussites. Je pense à... je ne sais pas, moi, on connaît Mehdi Bouzaidan, on connaît Wajdi Mouawad, Félix Auger-Aliassime, Adib Alkhalidey, Mariana Mazza, Manuel Tadros, Mani Soleymanlou. Donc, il y en a plein, des des exemples que ça fonctionne aussi.

Bref, j'aurais voulu vous entendre aussi sur ce côté-là. On est capable de réussites aussi, non... je pense.

M. Noredine (Mohamed) : Moi, au quotidien, je dois être optimiste, parce que, sinon, je ne me lèverais pas le matin pour aller faire mon travail. Je suis intervenant sur le terrain et je dois croire au potentiel de nos jeunes. Et c'est ça qui me fait, parfois, mal parce que c'est, parfois, de voir le potentiel de quelqu'un, immigrant, qui arrive dans ce pays comme adulte ou comme et ne pas être bien accompagné pour réussir. Et il croit à son processus au début, mais qu'il va lâcher un peu. Mais il y a beaucoup d'histoires de réussite.

Moi, je parlais avec une jeune fille issue de l'immigration, elle déteste le mot "intégration" parce qu'elle dit : Moi, je ne m'intègre pas. Moi, je suis née ici, j'ai grandi ici, mais mes parents, oui. Et elle est étudiante à Oxford, donc elle a commencé sa première semaine à Oxford, à Londres, parce qu'elle a eu une grande bourse ici, et c'est une fille qui est issue de l'immigration. Et j'ai plein de jeunes leaders positifs qui prennent... qui sont conscients de l'enjeu de l'intégration et de la réussite de leur génération, mais qui sont conscients aussi de la difficulté, justement, à jongler entre des cultures et surtout à supporter tout l'héritage des processus migratoires. Et souvent leur peur numéro un, en tout cas, pour les jeunes spécialement, c'est que la pauvreté ne soit pas un héritage. C'est ça que les jeunes me répètent souvent. Ça veut dire : Est-ce qu'à un moment donné on va étudier, on va réussir, mais on aura des difficultés à trouver un emploi à la hauteur, par exemple, de nos compétences.

Et moi, je leur dis : Profitez de temps qu'on vit actuellement, parce qu'il y a manque de main-d'œuvre, et vous aurez plus la chance, peut-être, que vos parents de trouver un emploi à la hauteur de vos espérances et de vos compétences.

M. Cliche-Rivard : Et ça, généralement, vous le sentez que la pauvreté n'est pas un héritage.

M. Noredine (Mohamed) : N'oubliez pas que nous, on travaille avec les gens les plus vulnérables, c'est pour ça qu'on vous présente les choses de cette façon-là. Mais il y a beaucoup de personnes qui réussissent aussi et, peut-être, qu'ils n'ont même pas besoin de nous, parfois...

M. Noredine (Mohamed) : ...il passe par d'autres voies pour réussir.

M. Cliche-Rivard : Vous voulez ajouter?

M. Chikhi (Ferid Racim) : ...Peut-être. Vous savez, les concepts ont plusieurs facettes. On parle beaucoup d'inclusion, mais pour un jeune ou un immigrant, lorsqu'on lui dit : Bien, écoute, on va t'inclure, ça veut dire qu'on vient vers toi et on veut te récupérer. Et, des fois, c'est mal perçu, d'accord? Par contre, lorsqu'on parle d'intégration mutuellement avantageuse, c'est autre chose : je viens vers toi, tu as des choses à me donner, et moi, j'ai des choses à te donner. Ça change complètement.

C'est pour ça, quand on parle d'intégration socioculturelle, ça passe d'abord au sein de la société. Parce que la première chose que fait un immigrant quand il arrive ici, il retrouve sa communauté et il retrouve... Et il découvre le Québec, d'accord?

M. Cliche-Rivard : Bien sûr. Il faut qu'il y ait un échange.

M. Chikhi (Ferid Racim) : Ensuite, on va le faire rentrer dans le travail. On va procéder à une insertion. C'est pour ça qu'on parle de stage qui pourrait aider, pendant trois à quatre mois, la personne à s'habituer au monde industriel, commercial, agricole, et cetera. On peut les préparer, quand il est dans la communauté, à aller en région, et pourquoi ne pas préparer les gens à aller en région avant qu'ils n'arrivent ici? C'est ce que disait Mohamed. Pourquoi on ne leur dit pas : Écoutez, vous n'allez pas à Montréal, on va vous envoyer plutôt... vous arrivez à l'aéroport de...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois malheureusement vous arrêter. Le temps est écoulé. Merci. Merci infiniment pour cet apport à nos travaux.

Alors, je suspends la commission pour quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 16 h 38)

(Reprise à 16 h 43)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux.

Nous recevons donc les représentants de l'Axtra, l'Alliance des centres-conseils en emploi. Mesdames, bienvenue à la commission. Alors, les 10 prochaines minutes seront à vous d'abord pour vous présenter, ensuite pour vous donner les grandes lignes, j'imagine, de vos recommandations de votre mémoire, ensuite nous allons procéder à un échange avec les parlementaires. Alors, le temps est pour vous.

Mme Roy (Valérie) : Merci. Enchantée, chers membres de la commission. Mon nom est Valérie Roy, directrice générale d'Axtra, l'Alliance des centres-conseils en emploi. J'ai le plaisir d'être accompagnée aujourd'hui par Mme Lyne Laplante, directrice générale de l'organisme Droit à l'emploi, Mme Rosalie Di Lollo, directrice générale de l'organisme Centre Génération emploi, et de Mme Johanne Allaire, directrice générale de l'organisme Perspective Carrière. Donc, merci beaucoup de nous accueillir pour vous présenter aujourd'hui notre mémoire L'immigration comme projet de vie et de société : Le rôle de l'intégration professionnelle.

Vous l'aurez compris, Axtra, l'Alliance des centres-conseil en emploi, nous sommes un regroupement provincial de 100 organismes d'aide à l'emploi, 100 centres-conseils en emploi répartis à travers la province qui offre à près de 100 000 personnes, plus de 90 000 personnes chaque année des services d'intégration et de maintien en emploi. Tout particulièrement, une trentaine d'organismes, là, membres d'Axtra répartis un peu partout sur le territoire québécois sont spécialisés auprès de la clientèle immigrante pour leur intégration et le maintien en emploi et ils ont des ententes à la fois avec le ministère de l'Immigration et le ministère de l'Emploi.

Donc, comme vous l'avez sûrement constaté à la lecture de notre mémoire, nous avons vraiment regroupé sous trois enjeux clés, trois grands enjeux prioritaires pour nous, les recommandations que nous vous présentons aujourd'hui.

Donc, le premier, un leadership gouvernemental ciblé. Alors, on a... depuis plusieurs années, on le nomme, vous ne serez pas surpris de lire dans notre mémoire les nombreuses embûches que les personnes immigrantes mais aussi les personnes intervenantes, dans leur écosystème... les des embûches qu'on doit faire face tous les jours par rapport à l'accès aux services, par exemple, et à des structures administratives qui s'alourdissent. On a besoin de lois qui sont plus flexibles, mieux adaptées aux besoins réels de la population immigrante. Également, on a besoin d'avoir des emplois décents pour tous, particulièrement les travailleurs étrangers ou travailleuses étrangers temporaires, mais aussi, pour des personnes immigrantes qui arrivent ici, les nouvelles personnes nouvellement arrivées, il faut avoir des emplois décents avec des conditions de travail équitables. Et, aussi, vous comprendrez qu'on continue la lutte et la sensibilisation pour contrer les obstacles systémiques.

Alors, pour ce qui... en ce qui a trait aux structures administratives, un élément qu'on a fait ressortir dans le mémoire, quand on parle d'embûches administratives, c'est clair que l'accès à la francisation est un enjeu. Vous l'avez entendu par d'autres intervenants devant cette commission, il faut accélérer l'accès à la francisation, il faut aussi pouvoir faire un effort pour que les personnes puissent avoir... une fois qu'ils ont accès, qu'ils ont les professeurs. On dirait, il y a une pénurie, par rapport aux classes en immigration, aux professeurs, aux enseignants. Ça, c'est un enjeu...

Mme Roy (Valérie) : ...auquel les personnes immigrantes doivent se buter, malheureusement. Également, les permis de travail, c'est important d'avoir un assouplissement en ce qui a trait au permis de travail et les modalités de permis de travail fermés. Il faut également aussi travailler avec vos homologues fédéraux par rapport à ça. Donc, je laisserai la parole à Mme Line Laplante va également vous souligner quelques enjeux terrain par rapport au thème un.

Mme Laplante (Lyne) : Merci, Valérie. Ce qu'on remarque, sur le terrain, c'est que malgré l'offre accrue en francisation, les délais pour débuter sont souvent longs et la nouvelle obligation de s'inscrire via la plateforme électronique, uniquement en français devient déterminante. Comment une personne qui n'a pas accès à l'informatique et qui ne comprend pas encore la langue peut-elle accéder à la francisation si elle est incapable de s'inscrire? Ce sont les organismes terrain qui se retrouvent à les accompagner pour le faire. Ensuite, la personne doit attendre d'obtenir sa place. Tout cela en gardant en tête qu'elle n'a que six mois avant d'obtenir des services uniquement en français.

Un autre enjeu, très parlant, touche les permis de travail fermés versus ouverts. Au-delà de l'obligation où se retrouvent les travailleurs face à l'employeur, lorsque celui-ci ne peut leur offrir du travail à temps plein tel que prévu lors de l'embauche, le permis de travail fermé les empêche de trouver un autre travail pour combler le manque à gagner. Et, pour réussir à changer la situation, il faut porter plainte, ce qui les rend très mal à l'aise par loyauté à l'employeur.

Mme Roy (Valérie) : Oui, voilà. Donc, c'est pour ça qu'on recommande, nos deux premières recommandations, c'est vraiment la mise en place d'un cadre réglementaire pour... assorti de mécanismes de surveillance et de sanction pour protéger davantage les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, assurer des conditions de travail décentes, et aussi notre deuxième recommandation est de reconnaître l'existence d'obstacles systémiques auxquels ces personnes font face, malheureusement, lorsqu'elles arrivent et y consacrer une orientation spécifique dans le... votre présent exercice, là, de planification de l'immigration au Québec.

Si on va vers l'enjeu deux, des milieux d'accueil ouverts... inclusifs, c'est sûr qu'il y a encore un enjeu de sensibilisation. Il y a encore un manque de sens, de sensibilisation. Il faut pallier à ce manque. Donc, il faut continuer à promouvoir l'acceptation, la différence culturelle, la tolérance, le dialogue. Et ça, bien sûr, à l'échelle de la société, mais beaucoup, beaucoup dans les milieux de travail et aussi dans des équipes, pas seulement par rapport à la haute direction, mais aussi dans toutes les strates des milieux de travail. C'est très important que les employeurs aient les bons outils, une fois que les personnes sont intégrées, les personnes nouvellement arrivées, personnes immigrantes, mais aussi pour les maintenir en emploi. Malheureusement, sur le terrain, on constate encore des préjugés qui existent. Donc, c'est important de déployer les efforts et je vous dirais aussi de sensibiliser par des moyens de communication publique de plus grande envergure, là. Vous le savez, dans le mémoire, si vous avez lu cette section-là, vous savez qu'on parle... on vous donne l'exemple d'une campagne nationale de sensibilisation des avantages de l'immigration, comme celle qui a été faite, là, à l'instar de celle qui a été faite en Ontario sur la santé mentale et la santé-sécurité en milieu de travail. Donc, je laisserais ma collègue Rosalie Di Lollo vous entretenir également sur notre enjeu deux.

Mme Di Lollo (Rosalie) : Oui, merci Valérie. Or, nous, ce que nous remarquons sur le terrain, c'est que le système d'immigration québécois est conçu et fonctionne dans une perspective très nord-américaine. Il est à caractère hautement procédural, technologique et individualiste, ce qui contraste avec la majorité des personnes immigrantes reçues au Québec qui, elles, viennent de systèmes plus collectifs. Ils sont souvent structurés de manière moins procédurale et moins technologique. Une inclusion réussie, durable et en français des personnes immigrantes demanderait que le système québécois s'attarde plus longuement sur la mise en place d'initiatives et sur le déploiement de ressources s'inspirant du domaine de l'équité, de la diversité et de l'inclusion. L'application des principes de l'EDI au plan d'immigration du Québec aiderait à soutenir plus adéquatement l'intégration des personnes immigrantes en favorisant des chances égales pour tout le monde. Nous croyons donc qu'un système de transition qui permet aux personnes immigrantes de mieux comprendre notre société à travers des référents qui leur sont plus familiers est un processus gagnant pour toutes les sphères de la société.

• (16 h 50) •

Mme Roy (Valérie) : Et voilà pourquoi notre troisième recommandation est le déploiement d'une campagne de sensibilisation sur l'apport des personnes immigrantes en ciblant le public, le grand public plus largement puis les entreprises et les équipes de travail. C'est une recommandation qui avait été faite devant cette commission voilà quelques années de la part d'Axtra et la recommandation quatre est de recourir à l'expertise des personnes expertes, des personnes intervenantes au sein des centres-conseils en emploi spécialisés en immigration pour accompagner les entreprises, surtout les PME, petites entreprises, dans une réelle application des principes d'équité, de diversité et d'inclusion en milieu de travail. Donc, si on va vers le troisième thème, des services accessibles, flexibles et adéquatement financés, bien, on ne vous cachera pas qu'il faut assouplir les critères d'admissibilité, ils doivent évoluer au même rythme que les profils des personnes...

Mme Roy (Valérie) : ...nouvellement arrivé évolue, il faut les accompagner, il faut avoir une flexibilité dans le financement. On ne parle pas nécessairement de hauteur, mais de flexibilité dans l'utilisation des fonds pour mieux intégrer et maintenir en emploi l'ensemble des... On dit notamment dans notre mémoire que l'ensemble des travailleuses et travailleurs temporaires devraient avoir accès au service public d'emploi, qu'importe la nature, là, la durée restante de leur permis de travail. Donc, on a des nouvelles personnes en sol québécois avec des nouveaux profils, des nouveaux contextes. Il faut adapter rapidement les critères d'admissibilité au service. Et je laisserais ma collègue, Johanne Allaire, finaliser notre intervention sur l'enjeu 3.

Mme Allaire (Johanne) : Oui, merci, Valérie. En ce qui me concerne, j'aimerais vous entretenir sur les personnes demandeuses d'asile. On dit qu'on veut offrir un emploi décent pour tous, alors que les demandeurs d'asile qui ont un permis de travail ne savent ni comment commencer, par où commencer et ni comment fonctionne le monde du travail au Québec. Durant leur présence sur le territoire, l'emploi est un enjeu prioritaire pour ces personnes vulnérables car elles disposent généralement de peu de ressources financières à leur arrivée au Québec. Même si elles souhaitent ardemment contribuer à la société qui les accueille, elles se trouvent confrontées à des barrières importantes en matière d'intégration professionnelle et de maintien en emploi. Face à tous ces enjeux, une approche globale est nécessaire afin de prendre en compte les aspects professionnels, familiaux, éducationnels, culturels et économiques de ces individus.

Il est irréaliste de penser que le parcours d'intégration en emploi de toutes les personnes nouvellement arrivées en sol québécois puisse être linéaire, simple et terminé après seulement quelques semaines d'accompagnement. Il est donc primordial que le gouvernement élargisse rapidement l'accès aux services publics d'emplois à toutes les personnes immigrantes en droit de travailler, et ce, dans une approche globale accompagnée par des spécialistes qui ont développé leur expertise depuis plusieurs années. Merci.

Mme Roy (Valérie) : Oui, Mme Allaire vient de le dire, c'est notre recommandation 5, d'offrir des services publics d'emplois à toutes les personnes immigrantes, peu importe le statut ou la nature de leur permis de travail. Deux dernières recommandations, 6 et 7, on parle de la plus grande flexibilité donnée aux organismes qui interviennent sur le terrain pour offrir cette prestation de services publics d'emplois là aux personnes et accroître leur capacité d'intervention et d'adaptation et d'augmenter le financement pour les organismes qui accompagnent les personnes immigrantes et les entreprises aussi, en portant une attention particulière aux besoins régionaux et avec les besoins particuliers, partout au Québec.

Donc, ce serait la clôture de notre présentation. Je vous remercie beaucoup. Et je conclurais en disant que, bien, on a un impact significatif quand même sur les différentes communautés des membres d'Axtra qui interviennent auprès de la clientèle immigrante. Et je pense qu'autant la mission d'Axtra, des organismes qu'on représente que ceux de votre ministère, on a la même mission, mais je pense qu'il faut vraiment se concentrer sur les besoins des individus qui sont pris malheureusement dans des structures parfois trop rigides qui ne vont pas assez vite pour répondre aux besoins. Merci de votre écoute.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, mesdames. Alors, on en est déjà rendu à la période d'échange avec les parlementaires. On va tout de suite s'engager auprès du gouvernement avec la ministre qui vous a accordé quelques petites secondes pour terminer votre présentation. Alors, Mme la ministre, vous avez 15 min 40 s.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bonjour à vous quatre. Merci de contribuer à cet échange et cet exercice démocratique. On vous sent très engagées dans votre mandat professionnel. C'est beau à voir. Donc, merci de partager votre perspective, vos visions et propositions.

Je me plongerais dans votre mémoire en commençant par la page 10. Puis, en fait, Mme Roy, vous y avez fait référence, c'est quant à la création, en fait, de campagnes de sensibilisation. Donc, vous nous invitez à orchestrer, là, une campagne à l'échelle nationale sur les avantages de l'immigration. Alors, bien, je voulais souligner dans un premier temps que le ministère, le MIFI, a eu l'occasion d'organiser une campagne de cette nature là pas plus tard qu'en mars dernier, en fait, on en a amené quelques-unes, mais la plus récente était en mars dernier, avait pour titre, là : D'ailleurs et d'ici, nous avons le Québec en commun. Donc, c'est une campagne qui présentait une série de portraits de Québécois issus de l'immigration puis qui avaient eu un processus d'intégration réussi. Et on a aussi l'occasion, depuis 20 ans, à tous les ans, là, d'organiser les célébrations autour de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles où on remet des prix à des personnes, des organisations qui se sont distinguées en lien avec l'intégration des personnes immigrantes ou encore la diversité ethnoculturelle. Alors, je me demandais si c'était des exemples de ce que vous aviez en tête quand vous nous invitez à mettre de l'avant des campagnes de sensibilisation.

Mme Roy (Valérie) : Oui, bien sûr, c'étaient des bonnes campagnes, mais on veut...

Mme Roy (Valérie) : ...qu'elle continue ces campagnes-là.

Puis on mettait aussi beaucoup d'accent, dans notre mémoire, sur l'importance d'avoir des outils pour les employeurs. Parce que, je le répète, au Québec, c'est souvent des petites et moyennes entreprises, elles n'ont pas peut-être tous les outils qu'il faut pour bien sensibiliser leurs personnes, leur entourage, de la part des personnes immigrantes à l'économie, et tout ça, québécoise, au tissu social.

Mais oui, effectivement, les campagnes que vous avez nommées, on les a vues. On pense qu'il faut davantage... Il faut les poursuivre, il faut en donner... C'est pour ça qu'on donnait, par exemple, on donnait celle, là, qui avait eu lieu en Ontario. Il y en a... je sais que cette province-là en fait depuis plusieurs années. Parce que nous, on était venus devant cette commission-là, voilà quelques années, on avait demandé de... d'investir dans des campagnes de sensibilisation grand public. On salue les efforts qui ont déjà été faits. On veut les poursuivre.

Et, pour représenter des organismes qui travaillent, et j'insiste, avec des employeurs aussi, parce qu'il faut outiller les employeurs au Québec à bien intégrer et bien garder en emploi et bien former ces personnes-là, ils ont besoin d'outils de sensibilisation.

Puis je peux peut-être laisser une de mes collègues, là, qui travaillent avec des entreprises dans la région, de compléter mon intervention.

Mme Laplante (Lyne) : Bien, je peux peut-être me permettre d'ajouter, Valérie. Tu fais référence aux petites et moyennes entreprises, c'est effectivement une réalité, où, quand il y a seulement quelques travailleurs et qu'on intègre une nouvelle personne issue de la diversité, quelquefois, les préjugés racistes, les... la discrimination dont peut faire l'objet le nouveau travailleur vient affecter directement le milieu de travail. Ça fait que, oui, les publications ou les campagnes de publicité à grande échelle sont superimportantes, mais il faut aussi aller travailler vraiment terrain pour préparer le milieu à accueillir la personne qui va se joindre. Parce qu'on entend trop souvent des situations où ça... la discrimination va se vivre une personne à la fois, là.

Mme Fréchette : Vous pensez, par exemple, à des guides d'intégration des personnes immigrantes dans le milieu de travail, préparation des équipes déjà en place, qui vont cohabiter?

Mme Laplante (Lyne) : Formation, oui.

Mme Fréchette : Oui, j'ai vu ça dans plusieurs régions, là, des guides qui font connaître la région, mais aussi qui donnent des repères sur la culture d'entreprise organisationnelle, et tout ça. O.K.

Mme Laplante (Lyne) : Oui. C'est sûr que les programmes de... Les PAC, les programmes d'appui aux collectivités, quand on vient donner de la formation en milieu de travail pour préparer la nouvelle communauté ou le nouveau groupe de travail à accueillir la personne, ça peut juste être bénéfique pour tout le monde.

Mme Fréchette : O.K. Bien, merci. Je vous amènerais maintenant la page trois, puis il y a un... des commentaires que vous avez eus tout à l'heure aussi dans votre présentation.

Vous mentionnez, en fait, que... bon, d'une part, vous avez mentionné que Francisation Québec n'était disponible qu'en français. J'aimerais tout de même souligner, là, qu'on a des capsules linguistiques en anglais et en espagnol pour aider les personnes à compléter les formulaires pour s'inscrire dans le processus de Francisation Québec. Donc, c'est important de le faire savoir parce que je pense que ça peut être très utile pour les personnes concernées.

Vous mentionnez, donc, qu'Accompagnement Québec et Francisation Québec viennent, en fait, complexifier le parcours des personnes immigrantes et puis que certaines, en fait, n'oseraient pas demander l'aide de l'État par crainte, en fait, de travailler, collaborer avec une instance gouvernementale. Donc, est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus sur ces craintes que vous percevez? Puis quelles mesures de solution vous verriez à mettre de l'avant?

Mme Roy (Valérie) : Bien, je vais laisser mes collègues répondre. C'est quelque chose qui est observé sur le terrain, effectivement.

• (17 heures) •

Mme Laplante (Lyne) : Oui. Bien, c'est sûr et certain qu'il y a plusieurs personnes issues de la diversité qui vont nous arriver avec une crainte ou une peur du gouvernement, ça fait que ça, c'est quelque chose qu'on va entendre souvent. Ça fait qu'à partir du moment où on leur dit qu'ils doivent s'inscrire via la passerelle officielle du gouvernement, qui... Puis je souligne, entre autres, oui, les capsules sont disponibles en anglais, en espagnol, mais le formulaire, lui, est uniquement en français, ça fait que la personne a besoin de soutien pour être capable de le compléter. Parce qu'ils ont toujours peur, quand ils vont faire affaire avec le gouvernement ou une instance, de... de peur de représailles ou de subir des problématiques en lien avec ça. Ça fait que c'est sûr que, quand on leur dit que c'est le gouvernement, qu'on doit s'inscrire, donc on doit passer, bon, l'AI, la plateforme Arrima, et ensuite de pouvoir découler dans les services, on la sent, cette crainte-là de plusieurs personnes issues de l'immigration.

Ça fait que nous, ce qu'on dit, c'est, quand on arrive à mettre une personne en lien qui est terrain avec la personne pour la rassurer, pour bien l'accompagner, pour l'aider à compléter ses formulaires, ses demandes, obtenir l'ensemble de ses papiers, de ses reconnaissances, de tout ce qu'elle...


 
 

17 h (version non révisée)

Mme Laplante (Lyne) : ...besoin pour pouvoir bien s'intégrer, ça vient la rassurer. Parce que nous, au Québec, on est habitués comme Nord-Américains, comme Rosalie disait tout à l'heure, de faire affaire avec les différentes instances gouvernementales, mais ce n'est pas le cas pour tout le monde.

Mme Fréchette : Oui, je peux comprendre la perspective différente, là, des personnes immigrantes. Aux pages quatre et cinq, vous mentionnez qu'en exigeant que les employeurs se conforment à des normes strictes, le gouvernement pourrait réduire les risques d'exploitation ou de traitement injuste que pourraient subir certains travailleurs. Donc, j'aimerais vous entendre, en fait, sur les améliorations que vous proposez dans l'encadrement, là, parce qu'il y a déjà un encadrement qui est offert par... assuré par le gouvernement, notamment, bon, les EIMT, l'escouade qui a été mise en place avec la CNESST. Donc, qu'est-ce que vous verriez comme mesures additionnelles qu'on puisse mettre en place pour avoir un encadrement plus complet?

Mme Roy (Valérie) : Bien, dans le mémoire, on parlait notamment d'avoir d'assouplir, là, les permis de travail, qu'ils soient ouverts ou, du moins, de façon sectorielle, les ouvrir davantage, parce que c'est sûr que ce qu'on entend beaucoup de la part de nos collègues sur le terrain, c'est qu'il y a quand même beaucoup, malheureusement, de situations où la personne immigrante est quand même prise, vous l'avez entendu souvent devant cette commission, elle n'a pas de recours, donc... Et le problème avec tout ça, c'est que je pense que le gouvernement a quand même une responsabilité de... Oui, vous avez parlé des escouades, vous mettez des moyens en place, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a encore beaucoup de personnes immigrantes qui n'ont pas... ne peuvent pas changer d'emploi, elles sont prises dans des situations plus précaires et aussi... bien, quand ils arrivent ici, souvent, l'emploi, il va être alimentaire ou il va être au noir, donc... Et ça s'ajoute un peu à ce qu'on disait tout à l'heure par rapport, des fois, aux ruptures qu'ils ont avec les institutions dans leur pays d'origine, donc, ça, ça vient alimenter peut-être la crainte aussi de prendre davantage un pas de l'avant et de changer de travail, de dénoncer des situations. Donc, je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter par rapport à ça, ce qu'on dit dans le mémoire.

Mme Allaire (Johanne) : Oui. J'aimerais ajouter un élément qu'on a vécu, nous, d'un participant. On les appelle les participants. Il est arrivé au pays avec toute sa famille avec un permis de travail fermé. Et alors qu'il est arrivé à l'avance pour se préparer à son nouvel emploi, il avait trouvé un... il logeait chez des amis, il est allé voir l'employeur pour préparer à l'avance. Et là l'employeur quand il est arrivé, bien, il dit : Bien non, ce n'est plus 32 $, c'est 17 $ de l'heure. Ça fait que là il dit : Bien, ça ne marche pas. Puis c'est un poste quand même... puis pas le même nombre d'heures. Donc, il a dit : Non, je regrette, je ne suis pas capable d'accepter ça. Mais là demander à cette personne-là, oui, il a des recours, mais ces personnes-là ne feront pas les recours. Puis ça faisait déjà... puis là il a fait des démarches incommensurables, c'est... je l'admire d'avoir toujours gardé son sang-froid dans toutes ses demandes de différents gouvernements, différents paliers, la CNESST, entre autres, les normes du travail, les députés provinciaux, fédéraux, municipaux. Et pour en arriver au bout du compte, il dit : Une chance que j'ai des amis qui m'ont appuyé financièrement parce que mes enfants commencent à s'habituer et à s'intégrer. Mais il dit : Je n'ai même pas la possibilité... Il a eu un permis de travail ouvert pendant trois mois, ce qui était temporaire.

Alors donc, la machine, elle est très, très... c'est très gros, là, et c'est beaucoup de demander à ces gens-là d'utiliser les ressources légales, je vais les nommer comme ça, là, ils ne le feront pas, ils ne veulent pas... ils ont peur d'être obligés de retourner dans leur pays d'origine. Alors, c'est un peu, là, les blocages qu'on a dans le terrain.

Mme Fréchette : O.K. Bien, je vous remercie d'avoir témoigné de ces situations. Je vais céder la parole à des collègues, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je me tourne du côté de la députée d'Iberville pour une période de 4 min 39 s.

Mme Bogemans : Parfait. En fait, moi, je voulais simplement vous remercier pour votre implication locale, là, ça fait une grande différence. On a de nombreux témoignages, là. Je connais peut-être un petit peu plus personnellement Mme Laplante, qui est de Saint-Jean-sur-Richelieu. Les cas ne manquent pas et les gens qui passent par le droit à l'emploi, là, ne manquent pas de bons mots à votre égard. C'est certain que, nous, la régionalisation est au coeur du déploiement de la politique d'immigration puis vous êtes des exemples, là, vraiment à prendre en compte pour la régionalisation, là, vous déployez plusieurs outils...

Mme Bogemans : ...comment croyez-vous qu'on peut aller plus loin puis comment que, par exemple, Accompagnement Québec, qui est un nouvel outil qu'on vient de déployer, pourrait mieux vous accompagner et accompagner les immigrants?

Mme Laplante (Lyne) : Bien, si ce... Merci, Audrey, de tous ces bons mots. C'est toujours un privilège, effectivement. Mais ce que je... Ce que je pourrais dire par rapport à l'enjeu qu'on va vivre en régionalisation, ce qu'on vit actuellement, c'est qu'avec la diminution du financement qu'on a connue dans la dernière année, l'ensemble des organismes ont dû faire des choix et de décider si on va continuer à mettre beaucoup d'argent en régionalisation ou si on va plus le consacrer en installation. Et nous, actuellement, dans la région, ça rentre tellement de partout en installation, les besoins et les demandes sont tellement criants que nos énergies vont beaucoup plus de ce côté là.

Notre souhait est de continuer à faire de la régionalisation, faire connaître la région. Là, on utilise... On a le privilège dans le Haut-Richelieu de pouvoir avoir une belle délégation et un milieu qui est hautement accueillant et qui s'est mobilisé pour aller recruter, je dirais, et convaincre les gens de s'en venir à Saint-Jean. Ça fait que ce n'est plus juste nous qui l'apporte, le volet régionalisation, mais c'est sûr qu'il faut... il faut être capable de bien accompagner les gens et qu'on ait le temps de le faire pour leur permettre de bien découvrir la société québécoise, de bien prendre le temps de s'enraciner dans le nouveau milieu dans lequel ils veulent être. Ça fait que c'est sûr que le financement est au cœur de nos préoccupations parce que, là, on va au plus urgent, à répondre aux besoins des humains qui se présentent en détresse à la porte. Ça fait que nos énergies sont plus tournées vers l'installation que la régionalisation.

Mme Bogemans : Merci beaucoup. Je voulais passer la parole maintenant à Mme la ministre.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci. Alors, je vais revenir à la ministre. Il vous reste 1 min 54 s

Mme Fréchette : Oui, merci. Alors, je voulais simplement vous signaler qu'on m'informe en fait que les formulaires d'inscription pour Francisation Québec sont également disponibles en anglais et en espagnol. Alors, on va s'assurer que les liens soient davantage visibles parce que vous n'êtes pas le premier groupe qui nous mentionniez que... mentionnez que ce n'était pas accessible. Alors, on va faire un petit ajustement pour faire en sorte que ce soit plus visible et accessible aisément. Merci, Mme la Présidente.

Une voix : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, la députée de Laviolette-Saint-Maurice, il vous reste 1 min 24 s

Mme Tardif : Merci. Bonjour, merci d'avoir pris le temps, là, de venir nous rencontrer et de préparer un mémoire. On sait que c'est quand même assez exhaustif. Vous avez soulevé bon nombre d'embûches, le temps de formation en francisation, vous parlez des problématiques pour s'inscrire sur le site Internet, les délais des cours, souvent, pour débuter les cours, sont trop longs, vous nous demandez d'accompagner davantage, etc., etc. Quelles sont les pratiques les plus prometteuses que vous avez vues sur le terrain? Avez-vous des exemples qui pourraient favoriser l'accueil au niveau de la collectivité?

Mme Roy (Valérie) : Est ce que vous avez un exemple à partager, Rosalie? Je pense que...

Mme Di Lollo (Rosalie) : Puis-je me permettre, oui, de répondre à cette question. Mais oui, Mme la députée, en fait, nous avons un exemple de l'Allemagne, un pays européen qui, lui, dans son service d'immigration, dans son système d'immigration, a systématiquement des personnes-ressources relais dans la communauté qui sont assignées à chaque personne immigrante qui entre dans le pays. Donc, on ne leur demande pas de s'inscrire à un service quelconque d'accompagnement, mais on leur offre cet accompagnement-là systématiquement dès l'entrée au pays. Donc, ils sont tout de suite associés à une personne-ressource relais dans la communauté, surtout les organismes communautaires, les organismes de terrain qui ont l'expérience et l'expertise, qui ont les ressources également pour vraiment pouvoir accompagner la personne. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup. Malheureusement, je dois terminer avec le premier groupe. Puis je me tourne maintenant du côté de l'opposition. On poursuit nos discussions pour 12 min 23 s avec la députée de Chomedey.

• (17 h 10) •

Mme Lakhoyan Olivier : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous! Très, très intéressant. Vous avez mentionné, Mme Roy, je pense, c'est vous qui a mentionné au début que vous avez aidé au maintien à l'emploi plus que 90 000 personnes. Wow!

Mme Roy (Valérie) : Ça, c'est dans... Ça, c'est globalement. Les personnes desservies par tous les services.

Mme Lakhoyan Olivier : Globalement, sur combien de temps?

Mme Roy (Valérie) : C'est annuellement, c'est annuellement. C'est... Bon an, mal an, là, c'est entre 80 000 et 100 000 personnes qui sont desservies par les services des centres...

Mme Roy (Valérie) : ...centres-conseils en emploi. Mais ce n'est pas tous en immigration par contre, là, c'est des gens qui viennent cogner pour avoir des services publics d'emplois ou bien via les organismes d'Axtra, les centres-conseils en emploi. Ça fait que c'est quand même beaucoup de personnes.

Mme Lakhoyan Olivier : Donc, vous trouvez de l'emploi pas seulement aux immigrants, mais aux citoyens aussi.

Mme Roy (Valérie) : Voilà, exactement. Et, sur les 100 organismes, il y en a quand même une trentaine, comme je disais d'entrée de jeu, là, effectivement, qui sont à la fois en entente avec le ministère de l'Immigration, donc qui ont la spécialité de l'accueil et l'établissement... et après assurer d'employabilité, là.

Mme Lakhoyan Olivier : Bon. C'est bien, merci. Je vais revenir à Mme qui n'a pas pu terminer qu'est-ce qu'elle parlait. Je ne me rappelle pas votre nom. Je crois que ça a un rapport avec votre point à la page trois, 1.1. Des structures administratives et des lois mieux adaptées aux besoins réels. Je pense que ça a rapport avec ça ce que vous disiez. Vraiment, vous parlez de beaucoup de manque d'organisations... organisationnel ou prise en charge, lourdeurs administratives. Je pense, vous alliez... en donnant l'exemple de l'Allemagne, vous étiez en train d'expliquer ça. J'aimerais que vous continuiez à nous expliquer votre exemple et nous parler un peu plus de ce 1.1. Comment on peut améliorer les services? La parole est à vous.

Mme Di Lollo (Rosalie) : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. En fait, oui, ma suggestion, ce qu'on... la bonne pratique de l'Allemagne recoupe... celui-ci aussi recoupe également l'expertise et l'expérience des centres-conseils en emploi dans l'accompagnement, et pas juste des centres-conseils en emploi, mais les centres qui ont des ententes avec le ministère de l'Immigration aussi. En fait, c'est... la personne-ressource ou relais est vraiment là pour aider la personne à faire une transition complète à la nouvelle société d'accueil, donc qui va vraiment être la personne qui va inculquer les nouvelles façons de penser, qui va informer sur les ressources, qui va accompagner vers ces ressources-là aussi. Donc, ce sont des personnes qui, généralement, sont des personnes de la communauté désignée, donc des organismes désignés qui ont le mandat d'accompagner les personnes systématiquement lorsqu'elles entrent au pays, en Allemagne. Et, en fait, ça vient... ça vient en fait... parce qu'on parle dans le mémoire de surresponsabilisation aussi des personnes immigrantes lorsqu'il en vient au système d'immigration et à leur intégration à la société québécoise.

Donc, on vient un peu enlever le fardeau sur la personne immigrante de tout faire individuellement seul, alors que, dans le pays d'origine, ce n'est peut-être pas comme ça qu'ils fonctionnaient, c'est... puisque ce sont des systèmes plus collectifs, c'est... Et on le voit sur le terrain aussi, les personnes immigrantes qui arrivent, elles sont habituées d'interagir avec des gens plutôt que des systèmes informatiques ou de la technologie. Ils sont habitués d'avoir quelqu'un à qui ils peuvent se référer directement, que ce soit pour les formulaires ou quoi que ce soit d'autre. Les systèmes d'autres pays, souvent, c'est l'accompagnement des humains qui est préconisé. Et donc, lorsqu'ils arrivent ici et qu'ils se butent à des systèmes technologiques, à des systèmes très individualistes et avec beaucoup de procédures, ils sont un peu perdus, ils sont confus et ils ont besoin de cet accompagnement-là pour les éclairer sur notre manière de fonctionner et sur notre système.

Mme Lakhoyan Olivier : Donc, vous parlez de l'Allemagne, mais là vous avez mentionné d'autres pays. Quels autres pays qui fonctionnent de cette manière, accompagnement en personne au lieu de système informatique?

Mme Di Lollo (Rosalie) : Je vais rephraser parce que je crois que mon commentaire a été mal compris. Ce que je dis, c'est que les personnes immigrantes, leur pays d'origine, ne fonctionnent pas comme le nôtre, donc, dans leur pays d'origine, ces personnes-là, pour beaucoup, elles vont vers des interactions en personne avec un contact humain pour faire ce genre de choses là et pour se faire accompagner dans toutes sortes de sphères de la société. Donc, c'est pour ça qu'on suggère, en fait, qu'il y ait cette personne-ressource, ce relais-là sur le terrain parce qu'en tant que tel ça va donner.... C'est un procédé, un processus qui va leur... qui est plus avec lequel ils sont plus familiers. Ce sont des référents avec lesquels ils sont plus familiers. Et les personnes-ressources sur le terrain, comme nos intervenants dans les centres-conseils en emploi, dans nos organismes communautaires, on a souvent des 10, 15, 20, 25 ans et plus même d'expérience terrain, d'expertise...

Mme Di Lollo (Rosalie) : ...donc on pourrait facilement accompagner ces personnes-là, faire le relais et les doter d'un système à référent plus familier afin d'effectuer une transition plus fluide.

Mme Lakhoyan Olivier : Donc, si je comprends bien, les gens qui arrivent ici, on les prend en main et puis on les dirige au bon organisme afin d'avoir un suivi, que cet immigrant, que ce soit un travailleur, n'importe quel statut, qui rentre, on prend en charge, le ministère ou le gouvernement va prendre en charge, on va pouvoir mieux les guider pour tout le reste qu'ils ont besoin à faire pour s'intégrer et bien vivre ici parmi nous.

Mme Di Lollo (Rosalie) : Voilà. Effectivement, on parle ici d'un accompagnement systématique et non pas de demander à une personne immigrante de s'enregistrer pour un accompagnement.

Mme Lakhoyan Olivier : J'ai déjà entendu avec d'autres groupes, du genre un comptoir, un comptoir d'immigration, là, mais en même temps, on aura les chiffres des gens qui rentrent, et c'est quoi, les statuts, où ils sont rendus, qu'est-ce qu'ils font, ils ne seront pas perdus dans la province. Et puis on va les aider de cette manière à réussir leur vie au Québec. On va prendre note, définitivement. Donc, vous parlez... il faut donner plus de flexibilité et des ressources aux organismes. Pouvez-vous élaborer là-dessus?

Mme Roy (Valérie) : Bien, je peux commencer, puis mes collègues qui dirigent les organisations terrain vont pouvoir le dire, là, il y a des efforts considérables qui sont faits, là, par le gouvernement pour financer tous ces programmes-là d'aide et d'accompagnement. On le reconnaît, mais on sent un resserrement dans les critères d'admissibilité. Et moi, j'aimerais le dire, là, les intervenants qui travaillent, on sait bien, là, c'est l'humain qui est au cœur de la problématique ici des personnes nouvellement arrivées, mais on voit... quand on parle de non-flexibilité, on parle aussi d'un accroissement des tâches administratives, une fonctionnarisation des personnes qui travaillent dans les organismes terrain. Donc, à ce moment-là, ça devient difficile, là, pour les intervenants. Ils doivent... les critères d'admissibilité sont plus... ne répondent pas nécessairement aux besoins. Puis on va pouvoir dans quelques secondes donner des exemples concrets par mes collègues, des profils qu'on ne peut pas desservir, parce que les critères d'admissibilité ne collent pas à la réalité ou aux nouvelles réalités. Et il faut de la reddition de compte, c'est des fonds publics, c'est primordial. Mais la raison pour laquelle on prolonge les services du gouvernement auprès de ces organismes terrain là, c'est justement pour être plus agile puis pour pouvoir donner un service efficace. Donc, on a... il y a une tendance lourde qui se décide sur les épaules des personnes terrain. Ils doivent de plus en plus se soumettre à une reddition de comptes qui vient, bien, amputer le temps d'intervention qu'ils ont carrément avec les personnes dont... bien, les personnes qu'ils desservent, donc peut-être, je ne sais pas qui voudrait donner un exemple concret.

Mme Allaire (Johanne) : Bien, si... je rajouterais un élément, bien sûr, parce que quand on... dans notre organisme, on a les cours de français à temps partiel, on a les... objectif intégration qu'on souhaiterait d'ailleurs que toute personne immigrante arrivant sur le territoire qui parle français puisse accéder, peu importe le statut. Ça en fait partie des valeurs communes de l'histoire du Québec, et donc faciliter l'intégration et déjà de se créer un réseau. Ces personnes-là qui viennent en français à temps partiel, une fois qu'ils comprennent un peu plus le français, on voudrait bien les intégrer, mais s'ils ont le statut de demandeur d'asile, on doit leur dire non. C'est un crève-cœur. On est déjà en relation d'aide. Puis on travaille tous, hein, autour de la table, sur écran, là, on est tous là pour la même mission, je crois, et j'aime le croire qu'on est tous là pour faciliter et réussir l'intégration et le maintien en emploi, au Québec, ça en fait partie.

Mme Lakhoyan Olivier : Vous mentionnez ici encore à la page 3, point e, elle néglige certains aspects de la réalité multidimensionnelle des personnes immigrantes, notamment tout ce qui est Francisation Québec et les délais imposés par la nouvelle loi 96. Comment la loi 96 affecte?

Mme Roy (Valérie) : Je pense que Rosalie va pouvoir y aller là-dessus, peut-être.

• (17 h 20) •

Mme Di Lollo (Rosalie) : Oui, très bien, merci. Donc, en fait, la loi... bon, les personnes immigrantes, quand elles arrivent ici, elles ont énormément de préoccupations, des préoccupations d'installation, des préoccupations financières, des préoccupations éducatives par rapport à l'école de leurs enfants, par rapport à toutes les sphères de notre société qui ont besoin d'être faites. Donc, ils ont énormément de préoccupations. Elles ont également, dépendamment des statuts, des préoccupations qui sont totalement différentes. Les demandeurs d'asile vont avoir souvent des préoccupations beaucoup plus élevées et beaucoup plus énormes que d'autres strates...

Mme Di Lollo (Rosalie) : ...de l'immigration simplement par leur statut, par leur parcours migratoire en tant que tel. Donc, souvent, il y a des stress post-traumatiques avec lesquels on doit gérer. Souvent, il y a des réalités également de devoir déposer un dossier pour se faire entendre à la commission des réfugiés dans les 45 jours suivant l'arrivée, avec toute la paperasse administrative qui vient avec ça.

Donc, en tant que tel, cette réalité-là fait en sorte que, lorsqu'on vient pour apprendre le français, et aussi, bon, le six mois, quand on parle de pénurie de professeurs en francisation, quand on parle de délais d'attente un peu plus longs...

Mme Lakhoyan Olivier : Excusez-moi. Donc, la loi 86, c'est la partie de six mois que vous n'êtes pas... vous ne trouvez pas pratique, c'est ça?

Mme Di Lollo (Rosalie) : Bien, effectivement, elle engendre des défis d'intégration quand même assez énormes, dus à ces réalités multidimensionnelles là et toutes les autres sphères de l'immigration. Donc, en six mois, si la personne... Nous, chez nous, ce qu'on remarque, c'est que, lorsqu'on essaie d'inscrire quelqu'un en francisation, souvent, ils doivent attendre deux, trois mois, si ce n'est pas même une session complète. Donc, lorsqu'une session complète est de trois, quatre mois, il ne reste que deux ou trois mois à la personne pour apprendre le français adéquatement avant de ne plus pouvoir recevoir de services dans une autre langue.

Mme Lakhoyan Olivier : Une dernière question avant la fin. Est-ce que les gens qui viennent ici veulent apprendre le français, oui ou non?

Mme Di Lollo (Rosalie) : Absolument. Absolument.

Mme Lakhoyan Olivier : Donc, le six mois, ce n'est pas grave, il faut donner le temps jusqu'à ce qu'ils soient à l'aise en français, c'est ça?

Une voix : Oui, tout à fait.

Mme Lakhoyan Olivier : Bien, j'apprécie beaucoup votre temps. Merci beaucoup.

Une voix : Merci à vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on termine cette audition avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne, pour une période de 4min 8 s.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Très intéressant. Un mémoire bien détaillé aussi, merci beaucoup. Je reviens à la page 5. Vous en avez parlé un petit peu tout à l'heure, sur les permis de travail fermés, les solutions au permis de travail fermé, bon. Vous avez lancé, dans votre mémoire, l'idée du permis sectoriel. Vous avez parlé un petit peu aussi qu'il pourrait être ouvert, tout simplement. Bref, est-ce que vous avez une position qui est fixe ou si, finalement, vous recommandez des assouplissements généraux en vous disant, bon : Il faut juste absolument sortir du régime actuel, finalement?

Mme Roy (Valérie) : Bien, rapidement, pour répondre clairement, on tend vers une ouverture. Notre position, c'est vraiment d'aller vers une ouverture des permis, pour toutes les raisons qu'on a nommées, et dans le mémoire et dans l'audition aujourd'hui, et particulièrement dans un contexte... le contexte actuel, le marché du travail qui est très serré, on ne peut pas se permettre, collectivement, de perdre des compétences. Et ce qu'on voit, là, on ne l'a pas nommé, mais je pense qu'il y a des intervenants, précédemment, devant cette commission-là qui l'ont fait, on regarde les profils de compétence, la hauteur de... le degré de scolarité des personnes demandeuses d'asile, et c'est quand même assez élevé. Il y a beaucoup de gens qui arrivent, en ce moment, ils sont pris aussi, les personnes nouvellement arrivées, elles ont des taux de diplomation élevés, on a vraiment... Il y a une adéquation entre les besoins du marché du travail, les compétences des individus... n'est clairement pas faite, et la non-ouverture des permis de travail vient vraiment freiner cette adéquation-là dont on a besoin collectivement en raison de la crise de main-d'œuvre. Je laisserais...

M. Cliche-Rivard : Parce que les demandeurs d'asile ont un permis de travail ouvert, et ça se passe bien, là, il n'y a pas de problématique. S'il y a un employeur abusif, ils le quittent, et voilà.

Une voix : Bien, c'est très court.

M. Cliche-Rivard : Comment?

Mme Laplante (Lyne) : Bien, ce que j'allais ajouter, c'est que, oui, pour les demandeurs d'asile, s'ils ont le permis ouvert, donc, ils peuvent quitter, mais ils n'ont pas accès aux services d'employabilité, les demandeurs d'asile.

M. Cliche-Rivard : Je comprends.

Mme Laplante (Lyne) : Mais, si on prend les travailleurs étrangers temporaires... Je vais vous donner un cas de figure qu'on a vécu dernièrement, où deux travailleurs étrangers sont arrivés avec un permis de travail fermé destiné à un employeur dans le secteur de la construction. Par le temps qu'ils arrivent, l'employeur a perdu certains contrats, donc ne peut plus leur garantir leurs 40 heures semaine. Résultat, ils travaillent en moyenne 15, 18 heures semaine, et l'employeur ne veut pas faire de mise à pied puisqu'il a déjà investi pour aller chercher les travailleurs.

M. Cliche-Rivard : Je comprends.

Mme Laplante (Lyne) : Il dit, bien, éventuellement, on va retrouver d'autres contrats, mais eux ne sont pas capables de subvenir à leurs besoins. Ça fait qu'on se prive de cette main-d'œuvre là parce qu'ils travaillent à temps partiel. Ils sont incapables de se nourrir, de payer leurs logements, et ils sont pris un peu dans une situation parce qu'ils ont un permis fermé. Ça fait qu'on ne peut pas les aider à trouver un autre travail pour venir combler le manque à gagner.

M. Cliche-Rivard : Puis Immigration Canada n'est pas particulièrement rapide à réagir ou à émettre un permis de travail dans une situation de vulnérabilité, là on le voit, vous êtes plusieurs groupes à l'avoir dénoncé. Il y a des demandes qui sont faites pour ouvrir le permis, il n'y a presque pas de réponse ou, en tout cas, c'est...

M. Cliche-Rivard : ...ou en tout cas, c'est très compliqué. Ce qui revient à ce qu'on proposait avec d'autres groupes, là, l'idée de faire une autorisation de travail québécoise, finalement, parce que, je veux dire, le Québec a énormément de compétence en matière de travail. Le Québec pourrait délivrer une autorisation par son ministère de l'Immigration, en disant : Vous savez quoi, moi? Moi, je réalise que vous êtes dans une position vulnérable, difficile et précaire. Moi, je vous permets, en tant que gouvernement du Québec, de travailler à tel autre endroit ou d'ouvrir votre permis. Parce qu'après tout, au final, je veux dire, le Québec est responsable de sa juridiction de compétence du travail. Vous en pensez quoi?

Mme Roy (Valérie) : Oui. Effectivement, ça pourrait, disons, solutionner beaucoup de délais. Mais j'aimerais mettre - parce que, là, on... - j'aimerais mettre, là, la lumière sur ce que ma collègue, Mme Laplante, a dit : c'est important pour les personnes demandeuses d'asile d'avoir accès à des services rapidement.

M. Cliche-Rivard : Parfait.

Mme Roy (Valérie) : Bien, c'est parce... Peut-être, j'aimerais juste... Parce qu'il y a des projets pilotes qui ont été financés dans le cadre du dernier budget provincial, on le salue. Mais c'est au compte-gouttes, c'est au compte-gouttes. Vous savez, les volumes, ça rentre à la pelletée, on les... il y a des listes d'attente. Il faut que les personnes demandeuses d'asile, au-delà du permis de travail, il faut vraiment qu'elles aient accès rapidement à des services d'employabilité.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup.

Mme Roy (Valérie) : Et ça, c'est timide, ce qui a été fait. Je suis désolée...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois...

Mme Roy (Valérie) : ...mais je veux vraiment insister là-dessus.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter, tout le temps que nous avions pour cette audition est écoulé. Mais je vous remercie infiniment pour avoir déposé votre mémoire, pour avoir expliqué vos recommandations aussi. Alors, sur ce, je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et, pour les membres de la commission, je suspends quelques instants, le temps de recevoir notre prochain groupe.

(Suspension de la séance à 17 h 28)

(Reprise à 17 h 31)

À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Alors, pour terminer cette journée, nous recevons le Réseau des...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...nous recevons le Réseau des services spécialisés de main-d'œuvre. Alors, Mme, M., bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Donc, vous allez bénéficier d'une période de 10 minutes pour votre exposé, mais, évidemment, pour vous présenter aussi auprès des parlementaires avec qui nous allons entamer par la suite une période de discussion. Alors, le micro est à vous.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mesdames et Messieurs les députés, bonjour à toutes et à tous. Nous tenons à vous remercier, mon collègue Emilien et moi-même, au nom des membres du Réseau de services spécialisés de la main-d'œuvre, le RSSMO, pour le temps accordé aux réflexions que nous vous proposons aujourd'hui en réponse à la consultation sur la planification de l'immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Permettez-nous tout d'abord de vous présenter brièvement notre réseau. Le RSSMO regroupe 45 organismes présents dans 14 régions du Québec et établis dans 90 points de services. Ils viennent en aide à plus de 25 000 personnes par année. Depuis 40 ans, leur mission première est le développement de l'employabilité visant l'intégration, la réintégration et le maintien en emploi des personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion socioprofessionnelle. Ils travaillent en partenariat avec les différents paliers du gouvernement pour offrir à la population des programmes et mesures personnalisés et adaptés à chaque individu.

L'objectif principal de notre mémoire est de mieux contextualiser la place des personnes immigrantes dans la société québécoise et d'approfondir la compréhension des obstacles à leur inclusion pérenne au Québec.

Nous proposons un ensemble de recommandations qui suivent cet objectif et les avons rassemblés en deux grandes parties. La première est les enjeux de pouvoir constitutif de l'immigration. Nous ciblons d'abord l'urgence de prendre acte des enjeux de pouvoir constitutif de l'immigration et du vécu des personnes racisées au Québec en les nommant, les reconnaissant publiquement et en mettant en place des mesures concrètes et contraignantes pour y apporter des solutions.

Notre première recommandation est de détacher l'immigration de la protection du français. Pour mieux réfléchir à la place qu'occupe le français dans nos politiques migratoires, nous citerons une étude réalisée en 2022 intitulée L'immigration et la pérennité du français au Québec, qui vise notamment à clarifier l'impact envisagé de l'immigration sur le déclin du français parlé au Québec. Je cite : «La conclusion que l'on peut dégager de ces simulations est très claire, quel que soit l'indicateur linguistique utilisé pour définir le groupe linguistique francophone, même des mesures extrêmes totalement utopiques ne permettent pas de renverser la tendance de long terme au sein de la société québécoise. Comme le soulignent les auteurs du rapport de l'OQLF publié en 2021, une modification... linguistique de l'immigration économique n'ajouterait donc que quelques milliers de personnes de langue française, tous indicateurs confondus, chaque année sur une population de plusieurs millions de personnes.»

D'où provient cette étude?, pourra-t-on se demander, du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'intégration, qui a mandaté, en 2022, le démographe Marc Termote, spécialiste des questions migratoires à l'Université de Montréal. Une étude qui rejoint les conclusions de l'Observatoire québécois de la langue française concernant l'impasse des politiques migratoires linguistiques visant à freiner le déclin du français dans la province. Bien que mandatée par le MIFI, cette étude présente une analyse concrète qui semble contrevenir à la fois aux propositions spécifiques du gouvernement, mais aussi à la stratégie en matière d'immigration articulée autour de la protection du français.

Pour nous, chaque individu est porteur de culture, peu importe ses origines. Et nous tenons à souligner que ce n'est pas parce qu'une personne parle une langue qu'elle comprend les us et coutumes et les cadres de référence de la société qui l'accueille et que, par conséquent, cette dernière a la responsabilité de mettre en œuvre un mécanisme cohérent et accessible à cet effet.

Dans une optique d'adéquation entre les valeurs de la société québécoise et celles des personnes que nous accueillons, le RSSMO recommande de s'engager dans une valorisation de la langue française comme pont entre les cultures et non comme condition d'acceptance et d'inclusion, une langue permettant l'adhésion et la contribution à la culture distincte de notre Québec.

Notre deuxième recommandation est la reconnaissance active du racisme et la discrimination systémique. Nous demandons une reconnaissance urgente du lien constitutif entre l'immigration et le phénomène du racisme et discrimination systémique, dont la dénégation régulière par le gouvernement nuit au vécu des personnes accueillies au Québec. Nous demandons donc le développement concret de formations pour l'ensemble des membres de la fonction publique et pour les personnes, institutions et organismes responsables de l'accueil des personnes immigrantes. Ce travail doit être effectué en dialogue et de concert avec les partenaires actifs dans la lutte contre le racisme et la discrimination systémique.

Notre troisième recommandation est d'accroître l'imputabilité concrète des pouvoirs publics. Nous recommandons la prise d'une posture de leadership ciblé et rassembleur du gouvernement dans l'accueil, l'intégration, l'accompagnement...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...maintien et l'inclusion des personnes immigrantes. Dans cette optique d'imputabilité, nous recommandons également la production d'indicateurs qualitatifs et de données qualitatives permettant la mesure et le suivi des faits évolutifs sur le terrain. Ensemble, ces trois mesures sont une étape primordiale d'analyse du vécu des populations immigrantes afin d'encourager une société québécoise qui sourit à toutes et à tous. Il s'agit d'un devoir envers la diversité qui, rappelons-le, avait déjà été identifiée il y a plus de 30 ans par le gouvernement de Robert Bourassa.

Notre deuxième partie est articulée autour d'une meilleure valorisation pour mieux inclure. Donc, nos quatre prochaines recommandations font l'ébauche du travail collectif d'inclusion et de valorisation des personnes immigrantes caractérisées par une approche solidaire, curieuse et humble.

Notre quatrième recommandation est donc de lutter contre la déqualification des professionnels immigrants. Le RSSMO rejoint les objectifs du gouvernement en matière d'attractivité et d'inclusion de la main-d'œuvre qualifiée étrangère, puisque le maintien en emploi est un des leviers principaux de la rétention de la population immigrante sur le territoire. Nous recommandons l'assouplissement, la facilitation et l'accélération de la reconnaissance des acquis et diplômes obtenus à l'étranger. Nous recommandons la mise en place d'un cadre référentiel commun contraignant aux ordres professionnels, aux établissements d'enseignement, aux organismes de réglementation et autres partenaires gouvernementaux, facilitant ainsi l'accès à une reconnaissance d'acquis des études et des compétences obtenues hors Québec.

Notre cinquième recommandation est de soutenir les organismes dans la réalisation de leur mission auprès des personnes immigrantes. Nos organismes membres appliquent une approche spécialisée, globale et individualisée auprès des personnes accompagnées qui répond à la nécessité de lier l'intégration sociale à l'intégration au marché de travail. Cette approche se caractérise par une méthode de communication et d'appréhension de problèmes débouchant sur des interventions adaptées qui prennent en compte la diversité. L'interaction qui tient compte des problématiques vécues par chaque personne sur les plans personnel, familial, culturel, financier et professionnel est déterminante dans la démarche d'intervention. Cette approche implique autant l'accompagnement des immigrants que les employeurs pour favoriser une intégration, un maintien en emploi et une inclusion dans l'entreprise, des étapes préliminaires à l'inclusion des personnes immigrantes dans notre société québécoise.

Cet accompagnement nécessite donc un financement adéquat à la réalisation de la mission des organismes qui oeuvrent auprès de ces personnes, garantissant un suivi continu dans toutes les régions de la province et limitant la possibilité de bris de service et de perte d'expertise dans les milieux communautaires à tous les niveaux.

Notre sixième recommandation est le développement de l'accessibilité et la flexibilité des services d'aide et d'accompagnement des personnes immigrantes. Nous rejoignons ainsi la réflexion du gouvernement concernant la complexité des services d'aide et d'accompagnement. Il n'est toutefois pas réaliste de penser que les plans d'action développés lors de l'accompagnement puissent se réaliser à très court terme sans passer par des étapes et une progression sur le long terme afin de permettre à ces personnes de comprendre les codes culturels, les savoir être requis pour une intégration et une inclusion réussie sur le marché de travail. Nous recommandons ainsi la mise en place de services compréhensibles, flexibles, accessibles et adaptés aux besoins spécifiques et réels des différents groupes qui composent notre population immigrante, incluant la possibilité de combiner des mesures de service ainsi que de maintenir des suivis nécessaires à la réalisation des objectifs.

Notre septième et dernière recommandation est l'accompagnement des milieux professionnels. Appuyer le développement et la disponibilité des ressources pour les employeurs dans l'objectif de favoriser l'inclusion en entreprise est un incontournable, selon nous. La création de milieux de travail qui respectent la personne immigrante par une sensibilité à sa vision du monde, à ses valeurs, à ses besoins, passe par une préparation à tous les niveaux. Des interventions qui mettent en œuvre certains principes de l'approche interculturelle sont aujourd'hui des impératifs et des incontournables. Un accompagnement adéquat de la part de nos ressources communautaires professionnelles, compétentes, qualifiées et expertes en matière de diversité et de gestion de la diversité offert à toutes les parties prenantes permettra d'outiller, d'améliorer les interactions et de créer des espaces réels de dialogue qui mèneront à une amélioration des pratiques et une inclusion à long terme dans les entreprises.

• (17 h 40) •

Pour conclure, les organismes du RSSMO oeuvrent auprès de leurs participants, toutes origines confondues, pour s'assurer de réaliser un accompagnement de choix, des interventions de qualité et la meilleure adéquation possible entre les personnes et les profils ainsi que les besoins du marché de travail. Donc, on parle ici de l'importance de l'emploi de qualité, une adéquation...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...qui nécessite un travail de fond, réflexif et constructif en lien avec l'accompagnement, la compréhension des défis personnels et professionnels, le placement en emploi, le maintien en entreprise et l'inclusion dans l'équipe de travail. Ce modèle en un qui, si appliqué à l'ensemble des acteurs de l'écosystème, mènera sans doute à la réalisation d'un vivre-ensemble de choix.

Il ne s'agit pas de rédiger un code de bonnes pratiques, mais de réfléchir à des pistes communes concrètes où chacune et chacun explore, dans ses milieux respectifs, les limites et les avantages des pratiques d'inclusion. C'est avec cette approche globale que nous obtiendrons une adaptation des pratiques permettant à notre société et à nos entreprises d'évoluer et d'avancer pour combler non seulement les besoins de main-d'œuvre, mais aussi de prendre l'individu, dans son intégralité et dans son humanisme, en considération et ainsi que dans sa complexité, sa richesse et son apport.

La planification réfléchie de l'immigration nous mènera à mieux cibler nos seuils d'immigration, nos besoins humains, socioculturels et économiques. Elle doit encourager un changement des discours publics en lien avec les migrations qui nourrissent la vision de l'inclusion des personnes immigrantes dans notre société non plus comme une menace, mais comme un levier précieux de développement pour l'avenir du Québec.

Face à la complexité des défis humains, économiques et socioculturels auxquels fait face la société québécoise, l'immigration doit être perçue et présentée comme une opportunité à saisir plutôt qu'une problématique à résoudre.

Permettez-nous de finir en disant qu'il est temps de penser que le mot «immigration» rime avec solution.

Nous vous remercions de votre attention et avons hâte d'échanger avec vous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette présentation, pour ces propositions, qu'on va justement commencer à discuter avec la ministre pour une période de 14 minutes 59 secondes. Elle vous a laissé un petit peu de temps, justement. Le temps est à vous, Mme la ministre.

Mme Fréchette : Merci, Mme la Présidente. Bien, merci à vous deux de prendre part à cet exercice. Je suis contente qu'on ait l'occasion de vous entendre. Je commencerais par reprendre en fait la phrase de conclusion que vous avez amenée, parce qu'elle reprend intégralement une phrase qui avait été portée par... dites par le Premier ministre dans son discours inaugural, à l'effet que l'immigration est une solution, il l'a dit telle quelle. Alors, on est dans une vision convergente, bref, quand il s'agit d'immigrations. Donc, c'est vraiment la façon qu'on a eue d'aborder l'immigration dans le cadre de la réflexion sur la réforme à apporter au programme d'immigration économique. Donc, on a vraiment orienté nos travaux en fonction du fait qu'effectivement il y a possibilité pour l'immigration d'être une solution, notamment pour le fait français, de là l'intégration d'exigences en lien avec la connaissance du français.

J'aimerais faire un commentaire, là, sur un des thèmes que vous avez abordés. On voit qu'en fait un de vos objectifs, là, consiste à nous sensibiliser à la réalité migratoire et à offrir une meilleure connaissance, là, des obstacles à l'inclusion des personnes immigrantes dans la société et à faire en sorte que leur processus d'immigration soit une réussite, et j'aimerais souligner en fait qu'on a eu plusieurs actions, en tant que gouvernement, orientées vers cet objectif. Donc, on peut, par exemple, penser à la mise en œuvre, là, des recommandations du groupe d'action sur le racisme au Québec. On a un ministre responsable de la Lutte contre le racisme. On a aussi 22 projets qui ont été financés par le programme d'accompagnement des communautés dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine. Donc, ça, c'est une autre mesure qu'on a mise en place. Puis on a signé 183 ententes qui soutiennent des projets et des activités contre le racisme. Donc, ça, c'est un volet très important de notre action. Et j'ajouterais qu'il y a plusieurs formations obligatoires qui sont offertes au personnel du ministère, donc des formations en ligne sur l'homophobie, sur la transphobie ou sur le racisme pour les employés de l'État. Donc, bref, il y a plusieurs actions déjà qui s'inscrivent dans ce que vous mettez de l'avant comme perspective.

Comme première question, en fait, je vous amènerais la page 16, là, de votre mémoire. Vous recommandez... à la page 16, vous recommandez la production de données et d'indicateurs qualitatifs pour suivre des faits évolutifs sur le terrain. Donc, j'aimerais ça que vous me donniez des suggestions d'indicateurs auxquels vous pensiez pour que... que vous imaginez, donc, votre concept, là, d'inclusion pérenne des personnes immigrantes dans la société.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, c'est une excellente question. Merci, Mme la ministre. Dans le fond, quand on parle d'indicateurs en général, c'est parce que, pour nous...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...où il est très important de pouvoir avoir une sorte de tableau de bord avec des évolutions qu'on pourrait ne pas juste chiffrer, mais qu'on pourrait avoir comme document ou comme document qui va parler avec des détails de certains événements et de certaines situations bien définies au niveau de l'intervention. C'est très important pour nous d'avoir ces indicateurs qualitatifs plutôt que juste numériques, parce qu'on n'arrive plus à suivre avec la personne immigrante, malheureusement l'ensemble de ce qui se fait.

Je peux vous donner un exemple très concret à cet effet là. On peut parler par exemple d'une personne qui est arrivée il y a cinq ans au Québec puis qui a commencé sa démarche, elle s'est trouvé un emploi. Puis, à un moment donné, dans son parcours, elle s'est retrouvée face à la situation où elle perd son emploi. Elle n'a pas eu accès à l'ensemble de l'activité au niveau de la population, donc elle n'a pas fait de cours de francisation. Elle parlait déjà français. Donc, elle ne connaît absolument pas du tout le Québec. Donc, comment est-ce qu'on va pouvoir qualifier son intégration, cette personne-là? Comment est-ce qu'on va pouvoir faire un suivi avec elle? Comment est-ce qu'on va pouvoir noter et constater les différents éléments qui composent son profil professionnel et académique? Donc, pour nous, il est très important d'avoir ce qu'on appelle un tableau de bord par personne, et surtout pour que la personne ne soit pas dans l'obligation de répéter à chaque fois son histoire quand elle revient sur les différents... des indicateurs de choix pourraient être choisis en lien avec l'ensemble du travail qui peut être effectué puis surtout en lien avec les différents postes que pourrait occuper la personne par exemple.

Donc, je vous donne un exemple encore, un ingénieur qui arrive ici au Québec, qui va se retrouver en mode déqualification. Comment est-ce qu'on va pouvoir lui permettre de pouvoir accéder à son emploi? Est-ce qu'on peut aller avec des chiffres et des études plus concrètes qui vont le mettre de l'avant et qui vont lui permettre de comprendre comment est-ce qu'il peut avoir accès à ce marché de travail en fin de compte?

Mme Fréchette : Est-ce que je dois comprendre que ce serait des indicateurs personnalisés en fonction des aspirations de la personne, de ses compétences?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Absolument. Exactement, très diversifiée en fait pour qu'on puisse toucher l'ensemble de nos personnes immigrantes. Dans le fond, le gros défi, je pense que nous avons, c'est que si on va parler d'une immigration économique, l'ensemble des personnes qui arrivent chez nous n'ont pas du tout les mêmes profils, ni académiques ni professionnelles. Mais notre immigration économique se caractérise quand même par des personnes qui sont hautement diplômées et qualifiées. Donc, ces personnes là, malheureusement, se retrouvent très souvent à devoir reprendre des études parce qu'ils n'arrivent pas à se trouver des emplois à la hauteur de leurs compétences, ou, sinon, s'ils sont sur le marché de l'emploi, ils sont dans des postes qui sont sous-qualifiées par rapport à leurs capacités et leurs possibilités.

Ceci nous amène à une réflexion de dire : Comment est-ce qu'on va pouvoir avoir ces personnes-là au bon endroit, au bon moment et puis le plus rapidement possible? Donc, si on arrive à avoir ce que j'appelle justement un tableau de bord par profil, par métier, par individu, à la limite, ce serait vraiment beaucoup plus facilitant pour l'accessibilité à l'ensemble du marché de travail. Et ça va répondre aussi aux besoins spécifiques de nos employeurs. Parce qu'on s'entend que, si on prend la population actuelle des personnes immigrantes qui sont sur territoire québécois, bien, ce n'est pas tout le monde qui travaille dans son domaine, et j'en passe, j'en vois des dizaines, pour ne pas dire des centaines, qui parlent de diplomation qu'ils ont obtenue à l'international, mais qui ne travaillent absolument pas du tout dans leur domaine ici.

Mme Fréchette : D'accord. Merci. Il me reste combien de temps, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Huit minutes, 13.

Mme Fréchette : 8 minutes. Je vais y aller d'une deuxième question. Aux pages 16 et 17, là, vous affirmez en fait que la prépondérance que donne le gouvernement au fait français risque d'être préjudiciable, que ça pourrait nuire à l'attraction, à la rétention des étudiants étrangers ou aux objectifs qu'on a en matière de main-d'œuvre. Donc, est-ce que vous ne voyez pas en fait la connaissance du français comme un facteur de rétention de grande importance? Parce que quand on compare les indicateurs, justement, on réalise que le taux de rétention des personnes qui ne connaissent que l'anglais en comparaison du taux de rétention des personnes qui ne connaissent que le français, il y a un écart de 30 %. Alors, pour le gouvernement, c'est sûr que d'avoir des gens dont le projet risque de s'inscrire dans la durée, en termes de personnes immigrantes, bien, c'est sûr que c'est plus intéressant comme gouvernement d'opter pour des gens qui maîtrisent le français puisqu'il y a le taux de rétention qui est largement plus élevé. Alors comment est-ce que vous voyez ça de votre côté? Est-ce que ça ne devrait pas être un critère d'importance?

• (17 h 50) •

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, je vais peut-être partager ma réponse en deux, en deux parties. La première, c'est que je dois absolument souligner l'importance absolue...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...de la maîtrise de la langue française pour pouvoir accéder à n'importe quel type d'emploi et de poste ici, au Québec, ainsi que pour bien pouvoir vivre dans la société. Donc, ça, c'est absolument un incontournable dans notre vécu, dans notre quotidien. Cependant, ce que nous sommes en train de mentionner ou de citer et sur quoi on insiste, c'est qu'il va falloir donner le temps au temps et donner le temps à ces personnes de pouvoir bien parler le français, s'approprier le français, vivre en français, être en mode : J'apprends le français à travers la culture du Québec, être un mode : J'apprends le français parce que j'ai besoin d'apprendre le français. J'ai envie d'apprendre le français et pas du tout en mode coercitif et en mode obligation de : Tu dois absolument parler le français, sinon tu ne vas pas pouvoir fonctionner chez nous. Parce qu'il ne faut pas oublier que, quand ces personnes-là arrivent ici, pour un grand nombre d'entre eux, ils ne veulent pas se sentir chez nous, ils veulent sentir chez eux aussi. Donc, faire partie de la société passe nécessairement par l'adéquation linguistique. Cependant, il va falloir penser au temps qu'il va falloir accorder à nos personnes immigrantes pour qu'ils puissent se l'approprier.

Si je reviens, encore une fois, à la question de l'équité et la diversité et de l'inclusion, donc dans un deuxième temps, parler français n'est pas nécessairement... ne pas parler français devient un obstacle à une vie au quotidien dans... au Québec. Cependant, le fait de ne pas parler français ne devrait pas être pénalisant, si ce n'est pas un choix, mais il faut donner le temps à ces personnes-là. Tantôt, on parlait de la loi 96 justement, et, dans cette loi 96, l'équation des six mois est tellement difficile et complexe pour les gens qui viennent d'arriver. Plusieurs parmi eux sont dans l'obligation de mettre simplement du pain sur leur table. Donc, ils vont aller se chercher un premier emploi n'importe où, n'importe comment. Et ils n'ont pas le temps nécessairement... nécessaire d'accorder un temps plein pour la langue française.

Si je prends un autre exemple, nos demandeurs d'asile, les demandeurs d'asile, quand ils arrivent ici, même s'ils ont accès à ces cours de francisation, ils sont tellement en problématique autre, et ils ont tellement d'autres enjeux, d'autres soucis, qu'ils ne sont pas nécessairement en mode : Je vais apprendre la langue française aujourd'hui. Donc, ce que nous sommes en train de dire, c'est que, oui, la langue française, dont la planification peut être dommageable, entre guillemets, si elle nuit aux objectifs d'une main-d'œuvre qualifiée, mais elle fait aussi un... Il y a aussi un défi de, si jamais quelqu'un a étudié, par exemple, à Concordia ou à McGill, qu'on ne puisse pas le retenir, simplement, parce qu'il ne parle pas assez le français.

Donc, à notre avis, il serait intéressant de pouvoir créer, par exemple, un programme en fin d'études universitaires, qui va faciliter l'accès au marché du travail en francisant ces personnes-là qui ont étudié dans ce genre d'université, par exemple.

Mme Fréchette : On espère qu'ils référeront à Francisation Québec, qui leur est accessible le plus tôt possible dans le processus.

Mme Al Yahya (Nisrin) : On ne sait jamais...

Mme Fréchette : Je vais partager la parole avec les collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, je cède la parole à la députée... pardon, la députée d'Abitibi-Ouest, Ouest.

Mme Blais : Ouest. Merci, Mme la Présidente. Alors, vous savez, je suis une fille de région, je suis née en région et je vis en région. Alors, vous comprendrez que les régions, pour moi, c'est très important, et je tiens à vous remercier de votre présentation. Alors, à votre avis, comment la francisation et l'intégration des personnes immigrantes pourraient être facilitées en région? 

Mme Al Yahya (Nisrin) : Ah! c'est tellement une belle question. En fait, moi, ce que je voulais, tout simplement, c'est que la francisation ou parler français en région n'est même pas une option, là, il faut qu'on parle français pour qu'on puisse s'adapter puis vivre en région. Maintenant, comment est-ce qu'on peut faciliter l'arrivée déjà des personnes immigrantes en région? Le gros défi, que ces personnes-là ont, est un défi pratico-pratique. Je peux nommer quelque chose de très simple à la base, c'est que, pour la majorité de ces personnes qui viennent d'ailleurs, la région veut dire le fin fond de la brousse, alors que, chez nous, la région, c'est tout à fait autre chose. Québec est une région, alors on s'entend qu'on n'est pas du tout au fin fond de la brousse.

Quelque chose de très important à mentionner aussi, c'est qu'une fois qu'ils le pensent comme tel, ils peuvent ne pas vouloir venir s'installer dans ces régions-là. Donc, comment est-ce qu'on va améliorer l'attractivité pour notre région déjà initialement? Maintenant, je peux vous dire, très simplement, qu'il suffit qu'une seule personne d'une communauté arrive dans une province, qu'elle réussisse pour qu'elle ramène toute la famille de la communauté, pour qu'elle arrive dans cette même région. Donner accès à des épiceries multiculturelles...

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...accès à des petits services, à des petites fêtes, à des... juste des éléments de caractère humain qui vont permettre à ces gens-là de se sentir chez eux. Et puis, croyez-le ou non, plusieurs parmi eux viennent déjà des régions. Donc, pour eux, aller en région est la meilleure option possible. Je le citais moi-même ce matin en disant : J'aurais adoré être arrivée en région parce que c'est tellement agréable. C'est tellement familial.

Une voix : ...

Mme Al Yahya (Nisrin) : Assez frais.

Mme Blais : ...Abitibi-Témiscamingue. Il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste 1 min 25 s

Mme Blais : Quels sont les éléments qui pourraient contribuer à un sentiment d'appartenance et de fierté aussi?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Le sentiment d'appartenance ne peut venir que si jamais la dignité de l'individu est respectée. Et la dignité de l'individu passe nécessairement par un emploi de qualité, par une sécurité alimentaire, par des écoles de qualité pour ses enfants, pour des conditions de santé et de famille qui sont à la hauteur des attentes. Il n'y a pas personne qui immigre parce qu'il n'aime pas son pays. Les gens émigrent pour améliorer leurs conditions de vie. Donc, si tout cela est garanti, bien, peu importe la région, je pense que le sentiment de loyauté va être créé. Puis un sentiment d'appartenance au Québec ne peut être créé par une bonne connaissance de ces gens. Et c'est comme ça, je pense, que chacun d'entre nous ne peut se sentir que chez lui en fait.

Mme Blais : Bien, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, je me tourne maintenant du côté de l'opposition officielle avec le député de Nelligan, oui, pour une période de 12 min 23 s

M. Derraji : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Très heureux de vous recevoir au Parlement. On se connaît dans une autre vie. Je sais ce que vous faites sur le terrain depuis plusieurs années. Donc, mes questions vont être aussi... En fait, votre chapeau de D.G. du réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre, mais aussi votre connaissance du terrain au niveau de l'intégration et de la francisation.

Donc, premièrement, je tiens à vous remercier sur, au fait, d'avoir rédigé un mémoire. Je sais que c'est toujours un moment stressant pour la plupart des organismes. Nous, on a l'avantage d'avoir et de lire tous les mémoires, de les analyser, de voir qu'il y a un travail de fond qui a été fait. Donc, je tiens à vous féliciter parce que je sais qu'il n'y a même pas quelques mois que vous êtes à la tête de cet organisme. Donc, arriver à produire un tel document en si peu de temps? Bravo! Mes félicitations!

Vous avez ramené pas mal de nouveautés dans votre mémoire. Et sentez-vous bien à l'aise d'éclairer les membres de la commission, c'est ça le but de notre exercice. Vous avez dit : Il faut que les fonctionnaires soient sensibilisés et formés à la réalité des personnes immigrantes et que le ministère reconnaisse le racisme et le racisme systémique. Quand vous dites le ministère, vous parlez du ministère de l'Immigration.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui.

M. Derraji : O.K. Donc, pourquoi vous voulez que le ministère de l'Immigration reconnaisse le racisme et le racisme systémique?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, c'est très important de parler de ça. Merci pour la question, M. Derraji. En fait, je vais vous ramener vers le portrait des obstacles systémiques à l'emploi qui a été produit par le Comité consultatif personnes immigrantes en 2019. Donc, depuis ce jour-là, on n'a jamais voulu reconnaître qu'il y a ce qu'on appelle un racisme systémique. On a parlé d'obstacles systémiques à l'emploi. En ce qui nous concerne, reconnaître ces obstacles ou reconnaître ce racisme systémique va venir avec des solutions parce que quand on en nomme la problématique et qu'on la reconnaît, on peut aller entreprendre des démarches pour pouvoir l'éliminer, l'élaguer et trouver des pistes de solution.

Tant et aussi longtemps qu'on ne reconnaît pas l'existence de ce genre de racisme et d'obstacle systémique, bien, on ne peut pas travailler dessus, on ne peut pas creuser, on ne peut pas à les former. On s'entend que, par exemple, à la ville de Montréal, et vous vous rappelez tous qu'il y a eu comme tout un travail de fond qui a été fait là-dessus, nous avons un commissaire actuellement pour la lutte contre le racisme et la discrimination qui a fait évoluer les travaux de la ville de Montréal de façon très, très importante. Alors, à mon avis, reconnaître ça par notre ministère, par le gouvernement en général, de toutes les manières, ça ne pourrait qu'amener à une réflexion sur des pistes de fond, de solution.

• (18 heures) •

M. Derraji : Si j'étais de l'autre côté, et du gouvernement, je ne le suis pas, ils vont vous dire qu'il y a quelque chose, il y a un comité qui a été créé et il y a un ministre même responsable. Vous êtes sur le terrain. Avez-vous vu des... Avez-vous vu des résultats? Est-ce qu'on vous a consulté?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui. Bien, je vous dirais tout simplement...


 
 

18 h (version non révisée)

Mme Al Yahya (Nisrin) : ...que, pour nous, ce qui compte le plus, c'est la personne qu'on accompagne. Et, malheureusement, nous n'avons pas été dans cette démarche-là. Nous n'avons pas été présents dans cette démarche-là. Le fait d'avoir une personne ou un ministre qui va travailler sur ces enjeux-là, il faudrait qu'il parte du terrain. Parce que ce n'est pas une équation de : Je vais être dans mon bureau pour pouvoir travailler sur le sujet.

M. Derraji : Vous êtes en train de nous dire que vous n'avez jamais eu l'occasion de parler avec le ministre responsable de la Discrimination du racisme systémique?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Pour le moment, ça n'a pas été le cas, malheureusement.

M. Derraji : Vous êtes sur le terrain, ça fait quand même plusieurs années?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui, et j'aimerais bien, si c'est possible.

M. Derraji : La demande est formulée, je la formule officiellement. J'invite les collègues à faire le message au ministre parce que, j'en suis sûr et certain... j'ai entendu des collègues évoquer ce que le ministre est en train de faire. Je n'ai aucun doute qu'il y a un sérieux derrière l'initiative, donc je formule la demande à mes collègues de faire le message et qu'ils vous rencontrent parce que vous avez pas mal de choses à ramener, surtout sur le terrain de la discrimination.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Et ça va nous faire énormément plaisir de collaborer sur ce dossier-là. Certainement.

M. Derraji : Et j'en suis sûr et certain que mes collègues, de la partie gouvernementale, prennent le message.

Je vais vous ramener sur la francisation. Il n'y a pas longtemps, nous avons échangé pas mal sur la francisation. Pouvez-vous partager avec les membres de la commission, pourquoi on n'arrive pas à atteindre nos objectifs de francisation. Je veux qu'on parle de ça en premier lieu et, par la suite, j'aimerais bien que vous vous preniez un petit moment pour parler de Francisation Québec. Donc, parlez-moi de la francisation, surtout sur l'île de Montréal, les embûches, les choses qu'on doit améliorer, les choses qu'on ne doit pas faire. Et, par la suite, j'aimerais bien vous entendre sur Francisation Québec.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Parfait. Bien, en fait, en termes de francisation, comme je le disais tantôt, le gros défi que nous avons actuellement, bien, c'est au niveau des groupes déjà qui sont composés au niveau de la francisation. Je vais citer un exemple très, très simple. Pour l'ensemble des personnes qui actuellement vont dans des cours de francisation, c'est beaucoup plus un espace de socialisation que d'apprentissage de langue française. Oui, c'est une bonne chose parce que les gens apprennent un gros plan d'affaires, mais, cependant, ce que je pense qui serait très, très important au niveau de la francisation, c'est, d'une part, améliorer l'accessibilité, d'autre part, améliorer les délais, d'autre part encore, améliorer la qualité des évaluations qui vont être faites à la fin de la francisation. On parle aussi d'un niveau très, très avancé de langue française qui est demandé actuellement, on parle d'un niveau 7. Et puis je ne vous dirai pas que le niveau 7 parlé en langue française est vraiment quelque chose d'assez complexe parce que ça prend carrément la rédaction d'un document. Puis ce n'est pas tout le monde qui est capable de rédiger un document.

Maintenant, si je reviens à l'autre partie de la question concernant francisation Québec, ce que nous trouvons un peu complexe avec Francisation Québec malgré la très, très bonne intention avec laquelle c'est parti puis la pertinence d'avoir quand même un guichet unique... Et puis je vous entendais tout à l'heure, Mme la ministre, préciser que, oui, ça existait en d'autres langues, sauf qu'on n'a pas du tout ça sur le terrain. Cela a complexifié un petit peu le travail des organismes sur le terrain, et je m'explique.

La personne qui pouvait venir nous voir pour qu'on puisse l'aider et l'accompagner dans son inscription en francisation très rapidement, maintenant doit passer par tout un système dans lequel il faut qu'elle puisse avoir accès à un ordinateur. La littérature numérique n'est pas toujours facile chez les personnes immigrantes. Donc, cela donne des situations très difficiles pour l'accessibilité à Fancisation Québec.

Un autre point qui, je pense, va être important à citer ou à mentionner dans cette équation-là aussi, c'est la nature de l'accompagnement en termes de qualité de langue française. On se pose toujours la question par rapport à l'enseignement de la langue française dans les groupes de francisation. On trouve des personnes avec lesquelles on discute, puis on les rencontre, qui sont dans une même classe, mais qui ne sont pas du même niveau en termes de langue.

M. Derraji : Attendez juste une seconde. Parce que, là, c'est très, très, très important ce que vous êtes en train de nous dire. Parce qu'on essaie toujours de dire qu'on fait assez d'efforts, mais il y a des technicalités que, sur le terrain, ça ne marche pas. Et là, maintenant, vous êtes en train de dire : Faites attention. Mais là, le ministère, qu'est ce qu'il peut changer? Le ministère fait des alliances... bien, fait des alliances, fait des contrats, sous-traite, en quelque chose, la francisation, mais ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que ce n'est pas...

M. Derraji : ...pratique sur le terrain parce que ce n'est pas le même niveau. Le décrochage, il vient de ça, selon vous?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, le décrochage vient de plusieurs éléments, entre autres, par exemple, de plus en plus, maintenant, des personnes qui sont en train d'avoir des emplois sans même avoir besoin de passer par la francisation. Donc, ce qu'ils font, c'est qu'ils font de la francisation à temps partiel ou, éventuellement, ils décrochent complètement. Donc, là...

M. Derraji : Attendez. Vous êtes en train de me dire : Ils sont capables de trouver un emploi même s'ils ne maîtrisent pas la langue française.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Oui. Absolument.

M. Derraji : Donc, est-ce que vous êtes en train de me dire que c'est plus facile, trouver un emploi, si on parle anglais que quand on parle français?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Pas nécessairement. Pour le moment, la pénurie de la main-d'oeuvre qu'on a actuellement amène toutes les personnes à avoir accès à de l'emploi. Et, en fait, le gros défi que nous avons, comme organisme en employabilité, actuellement, c'est de pouvoir faire comprendre à nos personnes immigrantes qu'il ne suffit pas de trouver un emploi pour se dire qu'on est en emploi, qu'ils peuvent trouver beaucoup mieux et qu'ils peuvent avancer, mais sauf que, sans la langue française, ils ne vont pas pouvoir évoluer. Donc, avoir la langue... Et puis là on a parlé aussi de la francisation en entreprise. Maintenant, si on parle de francisation en entreprise... et ça, ça fait partie des super volets qui ont été initiés, mais est-ce que les entreprises sont capables de franciser pendant les heures de travail, vu cette pénurie de main-d'oeuvre? Est-ce que les entreprises sont prêtes à donner du temps supplémentaire, même si c'est payé par le ministère? Donc, la question est très complexe, dans le fond, en termes de francisation, au jour d'aujourd'hui.

M. Derraji : Vous savez que tout... de la francisation, au Québec, du français, et on ne peut pas, aujourd'hui, se permettre... en tant qu'élu, entendre cela et ne pas agir, là, sinon, tout ce qu'on fait comme effort... l'échec va nous suivre.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Tout à fait.

M. Derraji : C'est quand même énorme, là, ce que vous êtes en train d'énoncer, là, parce qu'on parle...

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, c'est la vérité du terrain, que je suis en train de vous dire. Ce qu'on voit de plus en plus, malheureusement, c'est que beaucoup de personnes, même s'ils ne parlent pas français, même s'ils ne sont pas assez francisés, peuvent se trouver des emplois, peu importe l'emploi. Donc, pour eux, qu'est-ce qui est la priorité? Bien, la priorité, c'est de se trouver un emploi pour pouvoir amener leurs familles, pour pouvoir nourrir leurs familles, pour pouvoir aider leurs familles. Et puis c'est valable dans beaucoup de domaines.

M. Derraji : Oui. Vous êtes un réseau qui est spécialisé dans des services... services spécialisés de main-d'œuvre. Est-ce que vous est en train de dire qu'il y a un lien direct entre trouver un emploi, francisation, décrochage, et ne pas suivre les cours de francisation?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Un lien direct, peut-être, oui. Mais pourquoi pas, je peux le nommer comme tel, oui, j'assume ce que je dis. En fait, effectivement... Bien, parce qu'en fait je vais vous ramener un petit peu en arrière dans le temps. Si jamais on parlait des années 2008, 2010, 2012, 2015, les personnes qui arrivaient à ce moment-là, il n'y avait pas assez d'emplois. On parlait vraiment d'un taux de chômage auprès des personnes immigrantes très, très, très élevé. Donc, à ce moment-là, qu'est-ce qui se faisait? On avait des personnes immigrantes qui prenaient les cours de francisation à temps plein, à temps partiel. Ils pouvaient avoir aussi une source de revenus avec ces cours-là. Et ils ne se trouvaient pas nécessairement du travail. Actuellement, la personne arrive chez nous, elle parle un tout petit peu français, elle se débrouille, elle a un C.V., elle postule, elle se trouve un emploi.

M. Derraji : Elle lâche les cours de francisation.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Elle lâche très souvent les cours parce qu'elle ne peut plus combiner les heures de travail avec les heures de cours, et c'est ça qui est très difficile et très complexe.

M. Derraji : Oui. Et c'est là votre réponse que... Oubliez la francisation sur les lieux de travail, ça ne peut pas fonctionner?

Mme Al Yahya (Nisrin) : En fait, je ne suis pas en train de dire : Oubliez la francisation sur les lieux de travail. Au contraire, je suis en train de dire : Il faut encourager la francisation. Sauf qu'il faudrait peut-être qu'elle ne soit pas sur le temps de travail. La question, ce serait beaucoup plus de comment est-ce que nos entreprises vont s'organiser entre elles pour pouvoir avoir de la francisation ensemble?

Moi, l'une des choses, peut-être, que... je veux revenir à la question des régions. Pourquoi est-ce que, par exemple, cinq, six, sept entreprises ne se mettent pas en offrir ces cours de français?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous arrêter, le temps est...

M. Derraji : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Le temps imparti à l'opposition étant terminé, on va toutefois finaliser cette ronde de discussion avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour une période de 4min 8 s.

• (18 h 10) •

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Excellent mémoire, c'était très différent, c'était très instructif. Merci. Justement, dans votre approche, là, sur les inégalités, sur l'intersectionnalité aussi, est-ce qu'on sait si les politiques d'immigration du Québec, finalement, vulnérabilisent ou perpétuent ces inégalités-là en fonction du genre, de l'origine, de la confession? Est-ce qu'on fait ces études-là? Est-ce que le MIFI fait ces études-là dans ses modifications de programmes?

Mme Al Yahya (Nisrin) : Je vais te laisser répondre.

M. Maubant (Emilien) : Je n'ai pas la réponse exacte, là, sur le moment, mais ce qu'il nous intéressait de réfléchir, à ce niveau-là, c'était, pour revenir un petit peu à...

M. Maubant (Emilien) : ...La question sur les marqueurs qualitatifs plutôt que les marqueurs quantitatifs, c'était justement sur ce besoin de réfléchir au fait que le vécu d'une personne immigrante comme moi, qui suis arrivé à 10 ans depuis la France, et le vécu d'une personne immigrante réfugiée de Syrie, le vécu d'une personne immigrante qui vient d'Ukraine ou je ne sais où n'est évidemment absolument pas le même, et que les formes de discrimination à leur arrivée, au moment de leur installation, par rapport à l'accès au logement, par rapport à l'accès à un emploi, par rapport à l'accès à des bourses de scolarité, s'ils veulent faire des études supérieures, évidemment, ce ne sera pas du tout la même égalité des chances.

Donc, c'est un petit peu sur ça qu'on a voulu insister en rédigeant le mémoire, sur le fait qu'il nous paraissait un petit peu limité de chercher à réfléchir à nos politiques d'immigration sans véritablement s'engager dans un travail de définition de qu'est-ce qui constitue l'expérience immigrante dans des dynamiques qui sont des dynamiques de pouvoir constitutif de l'expérience immigrante.

Le français, évidemment, rentre là-dedans, mais les questions...

M. Cliche-Rivard : Le travail qualifié, moins qualifié?

M. Maubant (Emilien) : Exactement, voilà.

M. Cliche-Rivard : Le rôle des femmes, le travail informel, le travail formel, le diplôme. Je veux dire, dans certains pays, je veux dire, l'accès aux études pour les femmes, c'est très compliqué.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Bien, en fait, j'aimerais souligner quelque chose de très important. C'est que la grande partie ou le grand nombre de personnes qui viennent d'ailleurs, de l'international, viennent avec une logique de... pas de compétence, mais de savoir, donc c'est une logique de diplomation. Nous sommes ici dans une logique de compétence. Donc, un médecin qui vient ici, qui se retrouve déqualifié parce qu'il ne peut pas avoir accès ni à sa... ni à son poste ni à son travail, et qu'il perd carrément son identité professionnelle, ne peut pas être traité de la même manière que M. et Mme Tout-le-monde. Mais malheureusement, dans la foulée, on perd cette expertise.

Et nous, ce qu'on voulait vraiment mettre de l'avant, c'est que ces enjeux-là sont au cœur de la déqualification professionnelle, sont au cœur d'un travail à double rythme.

On tenait absolument aussi à parler de la bidirectionnalité. Parce qu'on a préparé les personnes immigrantes, mais on a oublié de préparer la société d'accueil.

M. Cliche-Rivard : Tout à fait.

Mme Al Yahya (Nisrin) : Et aujourd'hui, ce qu'on demande vraiment très activement, c'est de préparer nos instances. Même si actuellement on parle de... oui, il y a des formations, mais est-ce que le fait de suivre une formation est assez pour que la personne pratique ce qu'elle est en train d'étudier? On va aller à plus que la sensibilisation et la formation, on parle d'une éducation par rapport à ces personnes-là, dans le fond.

M. Maubant (Emilien) : Et c'est pour ça qu'on a souligné aussi l'importance et la responsabilité des pouvoirs publics de savoir nommer et reconnaître ces éléments-là.

M. Cliche-Rivard : Exactement.

M. Maubant (Emilien) : Si on a des pouvoirs publics qui s'engagent de façon régulière dans une dénégation de l'existence de cette forme, de cette dynamique de pouvoirs, qui sont constitutifs de l'expérience immigrante, on est dans un recul en arrière qui est absolument inexcusable pour ces personnes-là.

La question du racisme systémique, la question des devoirs envers la diversité étaient incluses dans chacune des planifications gouvernementales de l'immigration dans des gouvernements depuis Robert Bourassa. Le gouvernement Charest en avait fait, le gouvernement de M. Couillard en avait fait également. C'était toujours inclus. Là, c'était absent, et on avait cherché à réfléchir pourquoi.

Pour rejoindre la question de Mme tantôt sur la régionalisation, la question du français joue là-dedans aussi. Si on veut accueillir et ajouter à l'attractivité des régions pour les personnes immigrantes, le français doit être présenté comme quelque chose aux bras ouverts et non comme une sommation : attention, si tu ne parles pas français, tu n'auras pas ta place ici.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Sur ces dernières paroles, je vous remercie, Mme Al Yahya, M. Maubant. Merci d'avoir participé aux travaux de la commission. Votre apport est incommensurable.

Alors, pour les membres de la commission, je... j'ajourne, en fait, les travaux jusqu'au jeudi 28 septembre 2023, après les avis touchant les travaux des commissions. Bonne soirée. 

(Fin de la séance à 18 h 15)


 
 

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