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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Wednesday, March 29, 2023 - Vol. 47 N° 8

Special consultations and public hearings on Bill 11, an Act to amend the Act respecting end-of-life care and other legislative provisions


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-quatre minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

La Commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : madame Picard, Soulanges, est remplacée par madame Guillemette, Roberval; Madame Garceau, Robert-Baldwin, est remplacée par Madame Maccaron, Westmount—Saint-Louis; et madame Massé, Sainte-Marie-Saint-Jacques, est remplacée par madame Labrie, Sherbrooke.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous allons entendre les personnes suivantes : madame Michèle Marchand ainsi que madame Delphine Roigt.

Alors, pour l'heure, nous allons débuter avec madame Marchand. Bienvenue, madame Marchand, à la commission. Je vais vous inviter à vous présenter et vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite les membres de la commission vont entamer avec vous une période d'échanges. Alors, la parole est à vous.

Mme Marchand (Michèle) : Bon, allons-y. Alors, moi, je me représente moi-même, je ne fais plus partie... je ne représente plus un organisme, sauf que j'ai été, de 1999 à 2015, conseiller en éthique auprès de la direction générale du Collège des médecins. Alors, j'ai été partie prenante de tout le travail qui a été fait autour de l'aide médicale à mourir. Je vous remercie donc de l'invitation parce que ce n'était pas obligé du tout, je ne fais pas partie des demandes habituelles.

Comme j'arrive à la fin de l'exercice, j'ai tout suivi ça pour voir où ça s'en allait et je trouve que... Vraiment, là, je n'aimerais pas ça être à votre place. Parce qu'il y a eu une foison de bonnes idées...

Mme Marchand (Michèle) : ...mais je pense que c'est difficile de les ramener et de les ramasser pour en faire quelque chose. Et vous autres, vous êtes obligée de trancher à un moment donné, donc c'est extrêmement difficile. Moi-même qui suis dans le dossier, là, depuis que j'ai arrêté, là, j'ai arrêté en 2015, mais je n'ai pas arrêté d'y penser, là, mais ça fait à peu près 15, 20 ans je pense à ça, puis c'est encore compliqué, je trouve. Ça fait que je vais essayer de ramasser les idées plutôt qu'aller sur des détails, hein? Je ne suis pas juriste, il y a des juristes qui vous en parler. J'ai été clinicienne, mais je ne suis pas une spécialiste des soins palliatifs ni de l'aide médicale à mourir. Donc, c'est plutôt à titre de philosophe, on va dire, en se disant que les philosophes n'ont pas de réponse, mais, des fois, ils aident à faire de l'ordre dans les idées qu'on a. Donc, c'est ça que je vais essayer de faire.

Je pense qu'on a entendu plein, plein, plein de bonnes idées. Et... C'est ça, mais... Par exemple, je vais vous donner une idée, moi, qui m'a fait changer d'idée jusqu'à un certain point, là. Heureusement qu'on a des organismes qui défendent les droits des handicapés puis qui leur offrent des services, mais non seulement ils leur offrent des services, mais franchement ils ont développé une bien bonne réflexion par rapport à ça. Donc, eux, ce qui nous on fait... moi, ce qu'ils m'ont fait comprendre, je ne sais pas, vous autres, quelles conclusions vous allez en tirer, mais c'est que, quand on veut savoir ce qu'est une personne, la personne concernée, veut, on veut savoir, dans le fond, ce qui la fait souffrir. On ne veut pas savoir si on va lui donner l'aide médicale à mourir au moment où elle nous dit ça. Ce qu'on veut savoir, finalement, c'est qu'est-ce qui la fait souffrir de son point de vue et comment on va l'aider à ce qu'elle souffre moins pour ne pas demander l'aide médicale à mourir. Si on n'y arrive pas, bien là, il y aura une demande d'aide médicale à mourir. Je pense que c'est cette idée-là que les... plusieurs organismes qui sont venus présenter, qui représentent des personnes handicapées ont... ont voulu faire valoir, mais, en tout cas, moi, j'ai compris cette idée-là.

Ça fait que la question qu'on se posait par rapport, par exemple, aux directives médicales anticipées, ce n'est pas si est-ce qu'on va faire ce que le patient a écrit dans sa demande, c'est que la demande est importante parce qu'on veut savoir comment on va cheminer dans les soins pour essayer de ne pas arriver à la demande, mais, si on n'y arrive pas, il faut être assez fin pour baisser les bras puis dire... ne pas baisser les bras, mais dire : Bien là, je pense que c'est le temps de l'aide médicale à mourir. Donc, cette idée-là n'était pas claire, jusqu'ici, je trouve, parce qu'on disait : Il faut des douleurs objectivables. Il ne faut pas juste des douleurs objectivables, il faut que la personne nous ait dit ce qu'elle craint comme souffrances... Des souffrances objectivables, excusez-moi, ce n'était pas douleur, là. Mais il faut qu'elle nous ait dit ce qu'elle craint comme souffrance pour qu'on sache avec elle qu'est-ce qu'on va faire avec puis ne pas sauter tout de suite sur l'aide médicale à mourir quand ça va se présenter.

Ça fait que je vais vous expliquer après, je l'ai expliqué dans mon mémoire, pourquoi je trouve le projet de loi n° 11 de beaucoup supérieur au projet de loi n° 38. Parce que là on passait d'un à l'autre. À mon avis, c'était une dérive. En tout cas, ça, je vous expliquerai ça un peu... un peu plus loin. Donc, je pense que la discussion qui implique beaucoup de monde, dont des organismes publics, à un moment donné, il faut que ça ait une fin, là, bien, ça a une utilité parce qu'on apprend ensemble, on apprend ensemble, comme celle qui va me suivre, là, sûrement qu'elle va nous parler des comités d'éthique cliniques. On n'a pas pensé à ce mécanisme-là, hein, on n'y a pas pensé, mais peut-être qu'on devrait y penser pour les handicaps, pour les maladies mentales.

• (11 h 30) •

Donc, je pense que c'est la même chose pour la démence. Les gens, on veut savoir pour essayer de mieux les traiter, pour éviter. C'est probablement la même chose pour les maladies mentales, et ça va être la même chose pour plein d'autres pathologies, plein d'autres pathologies même s'il n'est pas question du tout de directives médicales anticipées, ça peut être une demande contemporaine. Puis là, bien, c'est pour ça qu'on veut savoir ce que les gens veulent, ce n'est pas pour l'appliquer bêtement puis dire : Bien, c'est ça qu'il veut, c'est ça je vais faire, même après, quand ça va se réaliser. Ce n'est pas ça, l'idée.

Et ça, cette idée-là, là, de ne pas dire : Elle demande ça, je vais le faire, c'est ça qui était à la base de notre loi. Ce n'était pas une loi sur l'aide médicale à mourir, ce ne l'est pas encore, là, elle n'est pas encore amendée, puis elle n'est pas... Tu sais, elle est là. Ce n'est pas une loi sur l'aide médicale à mourir, c'est une loi sur les soins de fin de vie. Donc, on voulait faire une loi qui nous disait qu'on va faire... on ne mettra pas la charrue devant les bœufs, là, on va mettre les ressources qu'il faut pour essayer que les gens ne le demandent pas. Puis, s'ils l'ont demandé, ce n'est pas de respecter tout de suite leur demande, c'est de voir comment on peut les aider assez pour qu'on n'en arrive pas...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Marchand (Michèle) : ...l'aide médicale à mourir. Je pense que c'est l'idée fondamentale qui avait derrière la... notre loi québécoise. Je ne sais pas si vous allez être d'accord avec ça, mais il me semble fondamental, puis je pense que c'est l'idée qu'il faut essayer de garder, qu'il faut essayer de ne pas perdre. Mais c'est difficile parce que plus on ouvre à de multiples pathologies, bien là, multiples problèmes de santé - excusez, des fois, je parle un peu comme un docteur, là - à de multiples problèmes de santé, mais là, plus c'est difficile de savoir comment on va faire ça, comment on va s'assurer qu'il y a des soins progressivement assez adéquats pour essayer de ne pas en arriver sur l'aide médicale à mourir.

Moi, là, j'étais parmi ceux qui voulaient ouvrir à l'aide médicale à mourir, mais pas comme quelque chose que quelqu'un demande parce que c'est son droit, comme quelque chose qui s'impose quand quelqu'un a des problèmes de santé, puis qu'on n'en vient pas à bout que, même, malgré tout ce qu'on veut faire, on n'en vient pas à bout, puis ça, c'est un gros, gros, gros défi parce que, là, il faut s'assurer que les soins sont donnés et non seulement l'aide médicale à mourir. C'est la grande différence, je trouve, avec la loi canadienne qui, elle, dit : Bien là, il faut avoir informé le patient des recours. Bien oui, il faut avoir informé. Tu sais ce que je veux dire, si on veut qu'il ait vraiment un choix puis qu'il exerce, qui exerce son autonomie, là, encore faut-il... Il n'est pas juste informé, mais que ça existe ces recours-là. Il faut que ça existe. Puis comme société, bien, il faut l'assurer.

Est-ce qu'on peut faire ça dans une loi qui concerne seulement les soins de fin de vie? Je ne sais pas. Je vous le dis là, je ne le sais pas. On va-tu complexifier cette loi-là de sorte qu'elle va finir par être une loi sur les soins? ....Il ne faut pas que ça arrive, là, mais comment on va faire pour garder l'idée que l'AMM devrait toujours arriver en dernier recours après des tentatives pour soustraire les gens qui sont souffrants ou qui ont peur de l'être de demander l'aide médicale à mourir? Je ne sais pas si je me fais comprendre, là, parce que ce n'est pas toujours... ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple à comprendre. Ce n'est pas simple non plus à mettre en application. Ce n'est pas simple pragmatiquement parce qu'on ne va pas juste dire : Qu'est ce que vous voulez? Puis là, on va le faire. Là, il faut voir est ce que nos soins sont adéquats. Puis là, là, quand on commence à parler de maladie mentale ou de handicap, ils nous l'ont clairement dit ce n'est plus des soins médicaux, là, c'est des ressources sociales, c'est tout.... c'est toutes sortes de choses qui dépassent de beaucoup les soins et de beaucoup, beaucoup, beaucoup l'aide médicale à mourir.

On n'est pas les seuls à avoir fait ça, là, les Pays-Bas, ça a commencé comme un droit, mais ça a fini finalement comme un soin. Tu sais, là, ça a été revendiqué comme un droit, mais finalement, c'est encadré comme un soin. Et les gens, ce n'est pas parce qu'ils demandent quelque chose qu'automatiquement ils vont l'avoir. Oh! my, il me reste une minute. Bon, bon, c'est ça. Ça fait qu'il faut essayer... c'est l'idée fondamentale et, à mon avis, il faut la garder. Ce n'est pas simple parce qu'il faut avoir les moyens de ses ambitions. C'est ça que je veux dire surtout. Et ce n'est pas simple non plus, parce qu'il s'est greffé toutes sortes de conflits là-dedans. Je viens de lire ce matin que le gouvernement fédéral vient de publier le Guide de pratique pour l'aide médicale à mourir chez... dans les cas de maladie mentale. Charmant, n'est-ce pas? Bon. Ça fait que c'est... il y a toutes sortes, là, de difficultés qui se pointent.

Il y a des gens aussi qui ont opté pour un autre l'idée qui est celle du suicide assisté. Là, c'est le patient qui le demande, la personne qui la demande, puis on le fait. Mais ce n'était pas ça l'idée de notre loi, et j'espère que ce ne sera pas ça, mais c'est permis par la loi fédérale. Bon, je vais m'arrêter là. Je voulais prendre point par point sur le projet de loi, mais on va répondre à des questions, puis je pense que ça va y être. 

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dre Marchand. Je m'excuse, tantôt, je n'ai pas mentionné votre tire, mais vous êtes... C'est Dre Marchand.

Mme Marchand (Michèle) : Ah! non, non, c'est correct.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour cette cette... ce... voyons, je m'en allais dire ce «topo», mais je ne vais pas utiliser le mot «topo», mais le... Cet exposé. Donc, on va commencer la période d'échange, ça va vous permettre, justement, de poursuivre point par point. On va commencer avec la ministre pour une période de 16 minutes 30 secondes.

Mme Bélanger : Madame Marchand, Dre Marchand, grand merci d'être là, c'est... c'est intéressant de vous entendre. Et puis c'est vrai qu'on a un travail important à faire, qui est fort complexe. Et vous allez peut-être avoir l'occasion de revenir avec...

Mme Bélanger : ...que vos... dans vos éléments de réponse, avec vos point par point, parce que je suis curieuse de voir chacun de vos points. Mais ma première question, c'est ... Je comprends que vous avez maintenant... Vous dites : J'ai évolué dans tout ça. Ça fait que, donc, est-ce que je comprends que vous avez maintenant des réserves quant à l'inclusion de l'handicap neuromoteur grave et incurable, versus handicap? J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là.

Mme Marchand (Michèle) : Ah! C'est clair pour moi. Je l'ai dit, je pense... je ne sais pas si je l'ai dit dans mon mémoire. C'est clair pour moi qu'il ne faut pas mettre neuromoteur, mais je pense que c'est clair pour moi, il y a plus d'affaires que... c'est pire que ça. Je pense que ça va être difficile, maintenant que ça a pris l'orientation de pas faire de discrimination de personne, là, ça va être difficile, même, de ne pas mettre les handicaps. Bon, les directives médicales anticipées, on n'était pas obligés de mettre ça, là, ça, ça a été, puis, je pense, à juste titre, parce que la démence, c'est un vrai problème. On pourra en reparler, puis je pense qu'on a bien fait de l'attaquer, mais les handicaps, là, je pense qu'on n'aura pas le choix. Ça fait qu'il faut le faire aussi subtilement qu'on a été capables de le faire pour les directives médicales anticipées. Quelle procédure, quelle façon on va prendre pour que le handicap... c'est-u en le définissant mieux? Je ne le sais pas, là, je n'ai pas la solution, mais c'est-u en le définissant mieux... mais c'est surtout en évitant que le fait d'être handicapé donne une priorité à quelqu'un. C'est le fait d'être handicapé qui peut donner des souffrances qui, elles, vont donner accès. Et, pour ça, je pense... C'est pour ça que je résume ça dans mon mémoire en disant : Plus on ouvre l'accès, là, plus il faut être ferme, il faut être strict sur les conditions de souffrance, pas de négliger la souffrance des gens, mais de bien évaluer si on a pris les moyens adéquats pour éviter ça. On va le faire. Ce qu'on disait aux personnes en fin de vie, là, ce n'est pas : Bon, vous avez le cancer, vous ne voulez pas vivre ça, on va procéder. Ce n'est pas ça qu'on disait, on disait : il y a des soins palliatifs. Vous avez essayé les soins palliatifs, tout le monde va essayer. Tu sais, je veux dire, le monde ne veulent pas mourir, en général. Ça fait que, là, ils vont essayer les soins palliatifs, mais on leur promettait que si ça allait mal... C'est ça qu'on fait dans notre... qu'on fait encore. On leur promet que, si ça va mal, on va le faire. C'est ça qu'on promet. Mais encore faut-il que ça aille mal.

Ça fait que, là, c'est la même chose pour les handicaps. Mais comment on va faire ça? Ça a été compliqué. Moi, je trouve, le projet de loi n° 11, il est bon là, mais il est compliqué, hein, parce que, là, fallait voir comment on va avoir des informations de la personne, comment ça va évoluer dans les soins, comment ça va peut-être finir en AMM. On ne veut pas que ça finisse... même jamais, mais on veut que ce soit le moins souvent, le moins souvent possible. Comprenez-vous un peu l'idée?

Mme Bélanger : Tout à fait.

Mme Marchand (Michèle) : Mais ça, trouver cette voie de passage là, là, ce n'est pas évident. Pour les maladies mentales, je vais vous répondre à l'autre question que vous n'avez pas posée, pour les maladies mentales, pour les maladies mentales, je pense que ça va peut-être être plus simple parce que, déjà, ça a été étudié au fédéral, là, je suis un peu enragée, là, que... je ne trouve pas ça... en tout cas, qu'ils publient les guides de pratique. Mais c'est étudié, et ça, ça ressemble plus à ce qu'on fait habituellement quand on évalue une maladie évolutive ou intraitable, qui va mal. Tu sais, ça, je pense que c'est... ça va peut-être... Ça va être difficile parce qu'il faut éviter les dérives, parce que, là, on a peur... on a peur de l'AMM chez les gens handicapés, puis on a raison puis on a peur de l'AMM les malades... les pathologies mentales. On a raison, hein, on a peur de ça depuis qu'on sait qu'il y a de l'AMM. Puis c'est des craintes justifiées pour lesquelles il faut trouver des raisons.

• (11 h 40) •

Les directives médicales anticipées, on a raison de craindre ça, ça peut être dangereux, et c'est pour ça qu'on l'a limité. C'est pour ça qu'on l'a... On a essayé que ce soit juste des gens qui ont des diagnostics pour qu'ils puissent nous informer de ce qui les craint... ce qu'ils craignent, ce qu'ils ne veulent pas vivre, mais ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas le vivre qu'ils ne le vivront pas. On va essayer de trouver des moyens d'amenuiser leurs craintes au fur et à mesure. Puis, si ce n'est pas possible, bien, c'est ça.

C'était vrai pour les soins palliatifs, mais les soins palliatifs, on savait à quoi on s'adressait comme soins. Puis, même ça, on n'a pas réussi 100 %. Je vais vous dire quelque chose, là, tu sais, même les soins palliatifs, on disait : il faut que les soins palliatifs soient développés et non seulement l'AMM. Ce n'est pas un succès 100 %, là. Donc, il faut bien voir que ça va être la même chose avec les handicaps, s'ils sont... Ils vont être inclus. À mon avis, là, moi je vois ça venir, ils font des normes de pratique tout de suite, là, c'est sûr que, tu sais, ça fait que ça va arriver, là. Ça fait qu'il va falloir trouver une façon qu'on ne va pas aller trop vite avec le handicap ou avec le... avec les traumas.

Mme Bélanger : Oui. Mais, ce matin, la discussion, là, que vous nous amenez est vraiment importante. En fait, vous nous dites, à la lumière de ce qu'on a...

Mme Bélanger : ...beaucoup aussi avec les personnes en situation de handicap, qui ont mis l'emphase sur les services, dans le fond.

Mme Marchand (Michèle) : Bien oui!

Mme Bélanger : C'est ça qu'ils sont venus nous dire...

Mme Marchand (Michèle) : Bien oui!

Mme Bélanger : ...les soins puis les services.

Mme Marchand (Michèle) : Bien oui!

Mme Bélanger : Puis, à partir de là, l'idée jaillit de dire : O.K. Donc, faisons tout pour donner les soins et services.

Mais revenons... Dans le fond, l'aide médicale à mourir devrait arriver quand on est rendu à une situation qui s'impose de soi...

Mme Marchand (Michèle) : Voilà.

Mme Bélanger : ...en fait, parce que les souffrances sont...

Mme Marchand (Michèle) : C'est ça.

Mme Bélanger : ...inapaisantes, intolérables, que tout a été fait et qu'on... On le sait, là, comme êtres humains, il y a des souffrances qui ne se soulagent pas, rendues à un certain niveau...

Mme Marchand (Michèle) : Mais il y a... il y a d'autres...

Mme Bélanger : ...dans une maladie ou dans une situation, et ça, je pense que, comme êtres humains... Puis je vais faire un parallèle qui est peut-être... peu indécent, mais, quand même, quand on voit des animaux souffrir, humainement, on va être tenté de les soulager parce qu'on les voit souffrir. Bien, moi, je ramène ça aussi à ça, puis je ne veux pas faire ce parallèle-là, là, mais je veux juste quand même... c'est pour créer une image. Dans le fond, vous nous dites : La souffrance devrait être extrêmement bien évaluée, une fois qu'on a tout fait, là, les services, l'organisation, etc., et cet élément-là est très, très important.

Mme Marchand (Michèle) : Et surtout éclairé par ce que la personne elle-même a dit. C'est ça qu'on a mis, qu'on a rajouté aux directives médicales anticipées, on veut qu'il nous dise ce qu'il... pour pouvoir le traiter et pour pouvoir en disposer, et non pas lui dire : Bien, si  c'est ça que tu veux, c'est... quand ça va arriver, on va le faire. Tu sais, il y a moyen. Quelqu'un qui dit : Moi, je ne sais pas, là, je ne veux pas être incontinent, là, puis il écrit ça, il dit ça, là, il faut que quelqu'un l'accompagne pour dire : Écoute, là, il y a quand même des moyens, peut-être, de vivre avec l'incontinence, tu sais, là, puis peut-être, en fin de compte, qu'elle va tellement... puis que l'incontinence va faire partie du tableau, puis qu'il n'y a plus rien à faire, puis que... tu sais, là, je veux dire, puis que quelqu'un va décider de bonne foi de procéder.

Mais encore faut-il — c'est ça que les représentants des organismes de personnes handicapées nous ont dit — encore faut-il qu'on ait des ressources pour passer au travers ou pour pallier les incapacités qu'on a. Mais ça, là, ce n'est pas nouveau, là — eux autres nous ont dit ça pour le handicap — c'est ça qui était sous la Loi concernant les soins de fin de vie, de dire : Il faut des bons soins palliatifs avant de penser à l'aide médicale à mourir. Et c'est cette idée-là, moi, que je souhaite qu'on ne perde pas, parce que, si on focusse juste sur l'aide médicale à mourir, bien, on perd... on met la charrue de... et, je sais, c'est bête, là, comme.... mais on met la charrue devant les bœufs, et puis on va être surpris par ce que la charrue va ramasser, là, tu sais, là, je...

Mme Bélanger : Exactement.

Mme Marchand (Michèle) : Il y a bien du monde, là, qui aimerait mieux mourir que souffrir, là, puis, si on ne les aide pas, bien, ils vont vouloir mourir, puis, si on ouvre, bien, ils vont l'avoir. Ça fait que, là, tu sais, là...Ça fait que je pense que c'est cette idée-là.

Moi, je ne suis pas une opposée, là, je ne suis pas une opposante à l'aide médicale à mourir, au contraire. Mais, je pense, la pente glissante que tout le monde nous mettait en garde, là, elle existe, et c'est vrai que, quand on commence à vouloir ôter une souffrance, pourquoi pas l'autre, quand on commence une affaire, pourquoi pas l'autre, pourquoi pas les inaptes, les demandes anticipées? Moi, je suis d'accord, mais il faut y aller avec prudence, parce que sinon, on va débouler carré, là. Tu sais, la pente glissante, c'est ça, c'est que le nombre augmente, le nombre augmente. Je ne sais pas, là, on n'en a pas discuté, mais le nombre augmente.

Ça fait que, moi, à mon avis, il faut être bien ferme sur les conditions... les autres conditions, la souffrance, là, puis le déclin avancé, la souffrance inapaisable puis le déclin avancé, parce que, sinon, on va se ramasser avec quelque chose de surprend... pas surprenant, là, de... c'est ça, oui, qu'on n'aimera pas.

Mme Bélanger : Très, très intéressant. Je vais laisser la place à mes collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Avant de poursuivre dans les discussions, je me dois de vous demander le consentement pour aller au-delà de l'heure prévue, compte tenu que nous avons amorcé nos travaux avec un peu de retard. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Nous allons donc... Il n'y a pas de problème, vous allez pouvoir continuer vos... les travaux. Alors, je donne donc la parole à la députée d'Abitibi-Ouest pour une période, encore, de 7 min 10 s Le temps est à vous.

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente, Dre Marchand, merci d'être parmi nous. Vous parlez beaucoup de la souffrance. J'aimerais qu'on démystifie la souffrance, parce que dans votre discours vous dites : La chose la première, c'est de pallier à la souffrance. Alors, lorsqu'on est porté... lorsqu'on reçoit un diagnostic qui est soit un cancer ou un pronostic qui est très sombre, souvent, on a une souffrance, on a la souffrance physique et on a...

Mme Blais : ...la souffrance psychologique. Avons-nous tous les ressources nécessaires pour pallier à la souffrance psychologique? Parce qu'on sait que physique, on a des soins palliatifs.

Mme Marchand (Michèle) : Non. Non. On le sait tous, non, on n'a pas ça, les ressources. Non. On a de la misère à traiter... Tu sais, je veux dire, on n'a pas ces ressources-là. C'est pour ça que l'orientation de la loi est très importante, parce que, si on se met à faire l'aide médicale à mourir puis les ressources sont manquantes, autant pour le handicap que pour les maladies mentales... Bien, moi, là, ce n'était pas ça qui était prévu, hein, ce n'était pas ça qui était prévu.

Mme Blais : J'aimerais peut-être...

Mme Marchand (Michèle) : Peut-être... C'est ça qui est prévu en Suisse, en Suisse, c'est ça qui est prévu, mais encore faut-il que, les personnes aptes, il faut qu'ils aient une maladie, puis là, bien... Eux autres, c'est comme ça qui ont conçu, là. Mais, nous autres, là, ce n'est pas ça du tout, c'était en continuité avec les soins, puis c'est pour ça que les médecins se sont impliqués, c'est pour ça que la profession médicale a été partie prenante positivement. Mais là... Là, là, c'est sûr qu'il y a des médecins qui vont s'impliquer, c'est sûr, il y en a, là, mais c'est concentré, là, comprenez-vous. Mais moi, je trouve ça triste. Parce qu'on a réussi à ce que tout le monde, même les opposants, se disent : Ah! bien, coudon, tu sais, ça a du bon sens ça, il y a des fois qu'on n'y arrive pas, puis on est ausi bien d'aider le monde, mais il faut aider le monde avant.

Mme Blais : Mais, lorsqu'on parle de soins palliatifs, la ligne, elle est très mince vers la mort... vers l'injection, la dernière injection finale. La ligne, elle est mince, parce qu'on sait que l'État est moribond et, lorsqu'on donne des doses d'analgésiques, le patient peut faire un arrêt, éventuellement, dans sa condition de santé, là. J'aimerais que vous démystifiiez la ligne qui est très, très mince.

Mme Marchand (Michèle) : Oui, oui, oui. Ça, là, il faut... Ça, c'est un point d'obscurité qu'il faut... qui est facile... qui est assez facile à allumer, je pense. Bon, deux, j'aurais deux réponses à dire. Les soins palliatifs, là, on a plus l'habitude de dire, les soins palliatifs, c'est les soins qu'on donne aux gens qui ont un pronostic vital court, hein, c'est... Puis c'est ça qui se passe. Les maisons de soins palliatifs, là, les gens, il leur reste deux semaines, ça va... Tu sais, ils ont un pronostic vital, là, très raccourci, ils vont mourir incessamment. C'est ça que l'on conçoit comme les soins palliatifs. Mais les... Un soin palliatif, par définition, ce n'est pas ça, c'est un soin qui veut soulager sans guérir puis sans précipiter la mort non plus. C'est ça, un soin palliatif. Ça fait que ça peut être pour n'importe quoi. Sauf qu'on s'est habitués à... on s'est habitués, la loi... notre loi a été faite comme ça, puis les soins palliatifs se sont développés comme ça. Il y a très peu de gens qui ont des maladies mentales qui sont en soins palliatifs.

Moi, je n'en... je veux dire, il n'y en a pas, il n'y a pas de monde qui... Des handicapés, ils ne vont pas dans une maison de soins palliatifs, puis j'espère qu'ils n'iront pas. Les maisons de soins palliatifs, là, je le dis dans mon mémoire, elles en ont déjà plein les bras avec les gens sur le bord de la... Tu sais, ce n'est pas financé, ce n'est pas... Ça n'a pas des finances illimitées, ça, là. Si tout le monde qui veut l'aide médicale à mourir se pointe dans les maisons de soins palliatifs, on se tire dans le pied, là. Bon.

Ça fait que, là, il faut imaginer l'équivalent des soins palliatifs pour des personnes handicapées. Mais là il faut que ça soit chez eux, il faut qu'il y ait... tu sais, il que ce soit dans un établissement, il faut faut que les patients... Les patients atteints de démence, il faut que les lieux qui les accueillent soient capables d'offrir l'aide médicale à mourir... autre chose que l'aide médicale à mourir d'abord, puis l'aide médicale à mourir aussi. Il faut rehausser la qualité des lieux où ces personnes-là se retrouvent.

Ça fait qu'on veut... L'idée, ce n'est pas d'envoyer tout le monde dans des maisons ou dans des unités de soins palliatifs, c'est d'avoir l'équivalent d'une approche palliative pour des choses qui ne sont pas des maladies mortelles. Puis ça, je ne pense pas qu'il faut être contre ça, mais encore faut-il être capable de faire ça. On se sentait capables de risquer ça pour les gens qui avaient un pronostic vital court. C'étaient les soins palliatifs. On voulait les développer. Comme je vous le dis, ce n'est pas 100 % réussi. Est-ce qu'on peut se donner le défi de faire la même chose pour des personnes qui ont des handicaps, qui ont des maladies mentales puis qui ont plein d'autres choses, parce que, là, s'il n'y a plus de critère de fin de vie, là, ça ouvre à pas mal d'affaires, bien, tu sais, là, il n'y a pas mal de monde qui sont... bon.

• (11 h 50) •

Mme Blais : Merci, Mme Marchand. Je vais laisser la place à mes collègues.

Mme Marchand (Michèle) : Bon, quand je pars, j'arrête difficilement. Excusez-moi, arrêtez-moi.

Mme Blais : On va poursuivre. Je vais juste vous mentionner qu'il reste 2 min 20 s. Et la parole est au... au docteur, même, je vous appelais docteur, là. Merci, Dre Marchand. Puis la députée de Roberval la parole est à vous.

Mme Guillemette : Merci. Merci, Mme la Présidente. Merci, Dre Marchand, d'être avec nous aujourd'hui. J'aurais une question, mais comme on a juste deux minutes, je voudrais savoir : Est-ce qu'il y a quelque chose que vous ne nous avez pas dit, que vous n'avez pas eu le temps dans votre 10 minutes puis que vous voudriez vraiment nous partager aujourd'hui?

Mme Marchand (Michèle) : Ah oui! O.K. Un détail pratique que les gens n'aimeront pas. La commission devrait être plus ferme sur le respect des...

Mme Marchand (Michèle) : ...de la souffrance pour le respect des autres critères. Si on ouvre aux critères, il faut se trouver des façons d'être sûrs qu'on va limiter... Si on ouvre à l'entrée, je vais vous simplifier ça, il faut être sûrs qu'à la sortie, là, il va y avoir un goulot en quelque part. Puis là on a conçu ça... Dans les pays où ça a été légalisé, l'euthanasie, si... Ils réfèrent ça aux instances judiciaires. Moi, je ne tiens pas à ce que le docteur aille en prison, c'est le dernier de mes vœux. Mais le message doit être clair auprès de la population. Ce n'est pas vrai que c'est laissé à la discrétion des patients, dans une directive anticipée en particulier, ni quand ils sont aptes. Ce n'est pas vrai que c'est laissé à leur discrétion : Moi, je veux ça puis je vais l'avoir, là. Ce n'est pas vrai que c'est ça. Puis ce n'est pas vrai non plus que ça va passer. Tu sais, là, c'est... Mais, si ça... Là, ils réfèrent au Collège des médecins. Vous avez vu la position du Collège des médecins actuellement. Ça fait que je ne sais pas, mais moi, j'aimerais ça être sûre qu'il y a quelqu'un qui va... qui va nous avertir s'il y a quelque chose qui dérape, là, parce ça peut facilement déraper.

Mme Guillemette : ...le rôle de la commission des soins de fin de vie?

Mme Marchand (Michèle) : Pour le moment, ce n'est pas de rôle, mais en général, où ça a été légalisé, là, c'est un rôle de contrôle, et puis ils réfèrent aux instances judiciaires quand vraiment ça dépasse les bornes.

Mme Guillemette : Mais la Commission des soins de fin de vie qui analyse chaque année tous les cas doivent aviser la ministre ou doivent aviser s'il y a une...

Mme Marchand (Michèle) : Non, le collège...

Mme Guillemette : Ils avisent le collège.

Mme Marchand (Michèle) : Le collège ou les CMDP des établissements.

Mme Guillemette : Donc, est-ce qu'on devrait ajouter un mandat à la Commission de soins de fin de vie?

Mme Marchand (Michèle) : Oui.

Mme Guillemette : Merci. Merci beaucoup, Dre Marchand.

Mme Marchand (Michèle) : Je ne me ferai pas aimer, là, je vous le dis, là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Dre Marchand. On poursuit par contre nos échanges avec l'opposition officielle, Mme la... Westmount Saint-Louis, j'imagine? Mme la députée de Wesmount Saint-Louis, vous bénéficiez d'une période de 12 min 23 s. Vous commencez.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Dre Marchand, merci pour vos remarques, pour votre mémoire puis pour les échanges qui sont très constructifs et très intéressants, entre autres. Je ne veux pas reposer les mêmes questions de mes collègues, mais je trouve très intéressants les échanges. Dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que... d'abord, pour renchérir un peu là-dessus, que, dans le fond, il faut tout faire avant d'arriver à offrir un soin de fin de vie, puis c'était le sens qu'on voulait avoir dans la première mouture de la première loi. Mais vous avez aussi dit, puis c'est vrai, là, on a eu une demande croissante de demandes, même que Québec est au premier rang mondialement pour les demandes d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Alors, est-ce que c'est un échec à quelque part? Est-ce qu'on n'a pas rempli l'admission de ce qu'on souhaitait dans la première loi?

Mme Marchand (Michèle) : Moi, je pense que ça a été une réussite. J'avais intitulé mon dernier mémoire L'AMM victime de son succès. Je pense, ça a été une réussite quand c'étaient encore les personnes en fin de vie, là, quand c'étaient des gens qui avaient un pronostic vital limité. Je pense, ça a été un plus, ça a été une réussite... pas totale, parce que je pense qu'on n'a pas réussi à ce que les soins palliatifs... on le voit, là, avec les plaintes qu'il y a maintenant, que les soins palliatifs ne sont pas toujours accessibles, là. Donc, ce n'est pas une réussite totale.

Mais je pense que ça a fait consensus, tout le monde s'y est mis. Moi, je pense que ce n'est pas un échec, ce n'est pas un échec. Sauf que, si on n'est pas capables de faire la même... Il faut faire la même chose, là, pas mal plus largement. Est-ce qu'on est capables de faire ça? Je ne le sais pas. Je vais même jusqu'à dire, comme madame Hivon a écrit dans son mémoire, moi, si on n'est pas capable... Si on pense qu'on n'est pas capables de faire ça, là, on est aussi bien de garder la loi sur les soins de fin de vie pour les personnes en fin de vie puis se référer à autre chose, le Code criminel pour les autres... Tu sais, là, si on n'est pas capables, là... La bonne nouvelle, c'est qu'on a été capables pour les directives anticipées, je pense, en tout cas, j'ai hâte de voir ce que ça va donner, parce qu'il va falloir être ferme sur le suivi de ça.

Mais, si on le fait comme on a fini par le concevoir, là, par le... sur le... l'obliger, le suggérer, mais je pense que ça ne dérape pas. Il va falloir voir. Mais il ne faut pas se lancer, là, tête-bêche là puis la fuite en avant parce que je pense qu'on va avoir des méchantes surprises. Sinon, on est mieux de rester juste avec notre loi de soins de fin de vie qui nous est particulière. Et, si c'est juste sur l'aide... Si c'est une loi juste sur l'aide médicale à mourir, concevoir autre chose, se rapprocher plus de la loi canadienne ou quelque chose là.

Mme Maccarone : Bien, c'est sûr, si... On ne parle plus des soins de fin de vie, on... Vous l'avez dit, on enlève la condition de l'État...

Mme Marchand (Michèle) : Bon. Moi...

Mme Maccarone : ...puis là on est rendus à une maladie. Alors, je vous entends quand on parle des conditions, puis, oui, c'est vrai, c'est très important, mais, selon vous, côté éthique, parce que c'est votre expertise...

Mme Maccarone : ...Une personne en situation de handicap qui a perdu l'utilisation de ses jambes, qui souffre, est-ce que c'est la même souffrance qu'une personne qui a perdu l'utilisation de ses bras? Parce qu'on est face à un grave problème, on n'est pas capables d'avoir une définition de la notion de handicap puis de souffrance.

Mme Marchand (Michèle) : Oui. Mais je pense que c'est justement ça, il ne faut pas comparer un handicap par rapport à l'autre. Il faut voir comment, pour une personne, on a réussi à pallier son handicap pour que la vie soit vivable. Et, ça, c'est plus... C'est plus... C'est plus pertinent que de savoir, bien, l'autre, que perdu... Tu sais, peut-être, il y en a un qui va perdre tout, là. On a vu des quadriplégiques intubés qui sont venus présenter, puis il y en a d'autres qu'une petite perte va avoir un grand impact. Il faut comprendre pourquoi la petite perte a un grand impact, est-ce que... Est-ce qu'on a essayé d'avoir tous les moyens? Peut-être que ça ne passera jamais chez cette personne-là puis qu'elle va vouloir le réclamer, mais... Puis je ne suis pas contre qu'elle... Mais il faudrait être bien, bien sûrs qu'on a tout essayé... Comprenez-vous un peu le... l'idée?

Mme Maccarone : Oui, oui, oui, je comprends, oui.

Mme Marchand (Michèle) : Une autre affaire, je veux vous dire aussi, c'est que les gens ont quand même le droit, ça, ça a été mis dans les DMA puis c'est un droit inaliénable, de refuser des traitements. Il y a un droit de... ça, c'est une autre clarification que je veux absolument faire, parce que, là... Les gens ont le droit, dans notre régime de consentement, de consentir ou refuser un soin qui leur est proposé. Ils n'ont pas le droit d'exiger un soin, ils ne peuvent pas exiger l'aide médicale à mourir, pas plus qu'on peut demander une amputation, là, tu sais. Si, toi... Moi, je juge, je veux être amputée, là, bien, il n'y a personne qui va me faire une amputation. On va dire : Bien, voyons donc, tu sais, bien, penses-y deux minutes. Ce n'est pas l'équivalent, mais quelqu'un qui n'est pas capable d'endurer, par exemple, qui a perdu un bras, bien, là, il faut essayer de le convaincre qu'on va essayer d'autres choses, tu sais, là, je veux dire, puis il faut essayer fort. Puis, ça, on n'a peut-être pas toutes les ressources pour essayer de faire ça fort. C'est les groupes de personnes handicapées qui sont obligés de le faire.

Mme Maccarone : Bien... Puis vous dites avec justesse, puis j'espère qu'on va avoir cette notion qui... Que ça soit très clair, surtout aussi dans le guide de pratique, parce que, ça aussi, ça devrait en faire partie, de notion de comment nous allons traiter les personnes qui souhaitent qu'ils fassent une demande.

Avant de passer la parole à mes collègues qui souhaitent aussi vous poser des questions, le rôle de tiers de confiance, vous nous avez posé une question dans votre mémoire, mais vous... nous n'avons pas clarifié votre position. Est-ce qu'on peut avoir un remplacement? Est-ce que ça devrait être un membre de la famille ou non? C'est qui, qui devrait accompagner la personne? Est-ce que ça devrait être une obligation facultative? Plein de questions.

Mme Marchand (Michèle) : C'est fou, mais je vais vous décevoir parce que je ne sais pas quoi répondre à toutes ces questions, ce... pas «secondaires», dans le sens de... Mais la question... la réponse prioritaire que je vous donnerais, là, c'est qu'on ne veut pas, en AMM, d'avoir de consentement substitué pour le moment. C'était... C'est ça qui est dangereux puis c'est ça qu'il faut avancer prudemment. Il faut avancer prudemment de... sur les demandes anticipées parce que c'est ça qui est dangereux, le consentement, que ce ne soit plus la personne qui... Qui décide, le moindrement.

Là, on avance tranquillement parce que c'est des gens qui sont capables de décider pour le moment. On est capables de parler avec eux autres, là, ça fait qu'il faut profiter qu'on peut parler avec eux autres pour savoir comment on va s'orienter par la suite. Mais quelqu'un qui n'est pas capable, là, là, ça veut dire que c'est un consentement substitué. C'est de ça dont il faut s'éloigner.

Est-ce qu'il faut que ce soit une... telle... Je ne sais pas, est-ce qu'il y en ait un, deux, là, je vous le dis, là, ça. C'est sûrement des questions importantes, là, mais je pense qu'il faut réfléchir, c'est de dire : Ça, on ne fait pas ça par consentement substitué pour le moment, puis, si jamais ça vient, on va faire bien attention.

Mme Maccarone : Même si c'est clairement identifié dans la demande anticipée. Tu sais, on a entendu aussi hier, tu sais, on... Qu'est-ce qu'on fait face à un cas de résistance? Vous avez aussi fait la mention. Les omnipraticiens qui ont passé en commission hier nous ont demandé d'avoir le droit d'offrir une contention chimique. Alors, éthiquement, est-ce qu'on fait fausse route ou est-ce que c'est la manière de procéder?

• (12 heures) •

Mme Marchand (Michèle) : Moi, ce que je suis certaine... il y a des affaires que je suis certaine, des affaires que je ne suis pas sûre, il y a... D'abord, éthiquement, là, tu sais, on dit toujours : Il y a une réponse éthique. Je ne suis pas sûre parce que ça dépend. Bon. Je pense qu'il ne faut pas invalider la demande pour autant, c'est sûr, parce que ce n'est pas comme... Ce n'est pas un refus catégorique, là, il faut être capable de l'interpréter... Mais il faut être capable de l'interpréter pour essayer, on a vu la madame de Carpe Diem, là, qui... pour essayer de calmer le jeu, pour essayer de calmer le jeu, sans nécessairement qu'ils aillent dans le protocole, peut-être, dans le protocole, il va falloir mettre de la sédation. D'ailleurs, il y en a où... il y en a un petit peu dans le protocole une fois la procédure commencée, mais peut-être que... peut-être il va falloir. Mais la première affaire, c'est d'essayer de trouver des façons plus, plus, plus douces un peu de... si c'est possible. Si ce n'est pas possible, peut-être il faut aller jusqu'à la sédation. Il faut quand même être cohérents, là, si on a décidé de le faire, c'est parce que... Ce n'est pas parce que la patiente l'a demandé, le patient l'a demandé, c'est parce qu'on est convaincus qu'il faut le faire.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, docteure Marchand. On poursuit donc avec la députée de La Pinière. Je vous...


 
 

12 h (version non révisée)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...je vous indique qu'il reste 4 min 24 s.

Mme Caron : D'accord. Alors, je vais y aller en rafale avec deux questions. La première, c'est qu'hier quelqu'un nous a parlé... nous suggérait une terminologie inclusive qui s'énonçait comme suit : "déficience et incapacité grave et incurable". Et je vois qu'en page 7 de votre mémoire vous faites référence à une terminologie semblable, en fait, du Code criminel : affecté par des problèmes de santé graves et irrémédiables ou bien atteints d'une maladie, d'une affection ou d'un... grave et incurable. Alors, j'aimerais savoir si vous trouvez que "déficience et incapacité grave et incurable" pourrait être intéressant plutôt que de parler de handicap.

Et ma deuxième question, en lien avec la question qui a été posée par ma collègue : Est-ce que vous avez des recommandations précises sur la composition et le rôle de la Commission sur les soins de vie qui serait idéale à votre avis?

Mme Marchand (Michèle) : Oui, je vais répondre à la deuxième question, je l'ai mise dans mon mémoire. Je pense que, si on veut étendre à des catégories de personnes comme les gens qui... il faut mettre des gens qui oeuvrent auprès de ces patients-là ou connaissent bien ce domaine-là, la maladie mentale, les handicaps. Là, je pense que, pour le moment, c'est des représentants plutôt des organismes, tu sais, on pourrait s'organiser... C'est la même chose pour... Je pense qu'il faut mettre des gens qui sont habitués avec les personnes démentes, les malades... tu sais, qui oeuvrent auprès de ça, pour la composition. Votre première question, c'était quoi?

Mme Caron : C'était à propos de la terminologie...

Mme Marchand (Michèle) : Ah! la terminologie. Moi... Bon, moi, je pense que ce serait plus... Moi, là, il ne faut pas se lancer dans des batailles fédérales-provinciales, on en a assez, sans en inventer, tu sais. Si on est capable de définir... de mettre le handicap comme ils l'ont mis puis de définir, en axant sur les incapacités qui sont reliées beaucoup à l'environnement, c'est vrai puis qu'on veut pallier, on veut que ce soit pallié avant de penser à des solutions comme les médicaments, on veut démédicaliser ça aussi, bien, je pense, je pense... je n'en ferais pas une bataille, là, fédérale-provinciale. Je mettrais «handicap» puis je serais ferme... je ne sais pas si je le mettrais dans la loi, mais, en tout cas, sur une définition du handicap qui est celle qu'ils nous ont proposée et qui est la conception moderne, je pense, des handicaps et qui nous fait décrocher. Ce n'est pas des maladies, ça là, là ce n'est pas évolutif. Nous autres, là on n'est pas habitués. Notre loi, là, c'est pour des gens qui vont mourir. C'était non seulement évolutif, ils étaient pour mourir. Là, on tombe de : Ils vont mourir à évolutif, là, on tombe d'évolutif à pas évolutif, mais les gens, même si ça n'évolue pas, ils sont souffrants pareil. Ça fait que là, tu sais, il faut changer un peu notre... non seulement le vocabulaire, mais la façon... ça fait que je pense que, si on décrit ou si on conçoit les handicaps comme ça ailleurs que dans la loi, peut-être, mais dans la façon dont ça va être réglementé. Moi, pour être franche, là où on en est, là, je pense que l'aspect des directives médicales des demandes anticipées est assez bien travaillé pour prendre une chance, tu sais, moi je suis prudente, là, mais pour prendre une chance. Je pense que le reste, ça ne l'est pas. Est-ce qu'il faut faire un moratoire? Est-ce qu'il faut... Je ne sais pas, là, jusqu'à quel point, mais je pense qu'on peut s'inspirer. Les travaux sont vraiment plus avancés du côté fédéral, c'est parce qu'il y a des... puis les Québécois y ont participé, docteur...

Et, tu sais, je pense qu'on pourrait s'inspirer de ce qui a été fait ailleurs puis pas recommencer à zéro pour ce qui est des maladies mentales, et, pour le handicap, bien, s'inspirer de ce qui est connu, chez les handicaps, que, dans le fond, la souffrance est reliée beaucoup à l'incapacité et l'impossibilité d'avoir des ressources pour les pallier.

Mme Caron : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On va poursuivre avec... Ah! il reste 44 secondes. C'est parfait. Allez-y.

Mme Prass : Justement, dans le cadre du refus, pensez-vous qu'il devrait y avoir un élément, y compris dans le formulaire, qui dit explicitement s'il y a une manifestation de refus de la part de la personne, une fois qu'ils sont rendus inaptes, qu'on devrait quand même procéder avec l'administration de l'AMM?

Mme Marchand (Michèle) : Je pense que ça pourrait être une façon, je pense que ça pourrait être une façon.

Mme Prass : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. On est efficaces. Donc, on termine, Dre Marchand, avec la députée de Sherbrooke. Et vous avez une période... une période de temps de quatre minutes huit secondes. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous nous invitez à insister sur les ressources à déployer pour pallier les incapacités. C'est ce que vous venez d'exposer ici. Je vous sens craintive. Je sens que vous trouvez qu'on n'est pas prêts socialement à offrir des alternatives en termes de soins, puis ça fait écho, quand même, à ce que plusieurs sont venus nous dire ici, là. Pour qu'on parle de libre choix, il faut qu'il y ait un choix, donc il faut qu'il y ait d'autres types de service pour pallier les incapacités.

Est-ce que vous pensez qu'on devrait, dans le processus législatif, bon, définir le handicap, prévoir les modalités pour ça, mais se laisser un temps...

Mme Labrie : ...l'entrée en vigueur de ça pour déployer les ressources, investir dans tout ce qui permet, en matière de services de soins, de pallier les incapacités avant de faire entrer en vigueur cet article-là.

Mme Marchand (Michèle) : Ah oui! parce que... Oui. Puis je me demande... Tu sais, il y a des gens qui ont émis l'idée d'un moratoire, là, je pense qu'on n'est pas prêts, là. Tu sais, ça a été difficile pour les directives anticipées... les demandes anticipées, puis c'était un problème majeur. Mais ça nous a pris combien de temps, là, puis combien de commissions, puis tout ça? Puis là on a jugé, mais on n'est pas encore... On n'est pas plus prêts, là. Il y a eu des discussions intéressantes, mais de là à traduire ça dans la loi, là, je pense qu'on ne l'a pas, là. Tu sais, on a pogné quelque chose, mais on ne l'a pas encore traduit dans une loi, là, ça fait que, là... Je ne sais pas si c'est l'idée d'un moratoire, là, j'ai l'air à ne va pas savoir grand-chose, mais je pense qu'il faut vraiment prendre notre temps. Je pense qu'il faut vraiment prendre notre temps si on ne veut pas se ramasser : Ce n'est pas correct.

L'autre affaire, par exemple, il y a quelqu'un qui nous a dit hier qu'il ne faut pas que ça dépende juste de l'État. Ils sont capables de s'organiser, tu sais, là, il ne faut pas attendre non plus qu'on va avoir un système... Les soins palliatifs, là, m'a te dire, ils se sont organisés tout seuls, hein? Tu sais, ce n'est pas venu trop, trop, trop de l'État. Il faut qu'ils soient financés quand même ,là.

Mme Labrie : Comment on va faire pour savoir si on est prêts? Si on dit, par exemple : Bon, bien, voici comment on définit le handicap, les modalités, on dit ça, ça entre en vigueur quand... Tu sais, c'est quoi, les conditions à réunir pour se dire : O.K., quand ça, ça va entrer en vigueur, c'est vraiment un libre choix, puis il y a vraiment des manières de pallier l'incapacité? Comment on peut l'évaluer?

Mme Marchand (Michèle) : Je ne sais pas, mais je pense qu'il faut... Je ne sais pas quand est-ce qu'on va pouvoir le mettre en application, mais je pense que, dans... d'ici... bon, de toute façon, il y a un an, là, pour les maladies mentales, je ne comprends pas qu'ils fassent le guide de pratique tout de suite, mais en tout cas. Il faut que le message soit clarifié auprès de la population, là, puis il faut que, sur le handicap puis la pathologie mentale dire : Écoutez, ce n'est pas ça, notre loi, là, nous autres, là, c'est... tu sais, là, il faut que ça arrive, là, quand ça va bien mal. Ça fait que... bon, mais il y a déjà... bon, c'est une position, ça, il y a des gens qui ne pensent pas ça. Il y a des gens qui veulent, là, qu'ils disent que, quand les gens sont tannés, c'est eux autres qui décident et puis c'est tout, tu sais, là. Mais ça, là, moi, qu'on rentre le docteur là-dedans, je trouve ça vraiment bizarre parce que ce n'est pas comme ça habituellement qu'on gère des soins puis qu'on a des gens, tu sais, ce n'est pas de leur dire : Bien là, si c'est ça que tu veux, ni... Les personnes handicapées, elles ne veulent pas qu'on leur dise : Bon, bien, si c'est ça que tu veux, tu vas l'avoir, ils veulent pouvoir demander des ressources puis dire eux-mêmes : Là, je pense que, tu sais...

Mme Labrie : Est-ce qu'il me reste du temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 45 secondes.

Mme Labrie : Bien, je ne sais pas s'il y a autre chose que vous n'avez pas eu le temps de mentionner que vous voulez ajouter. Non.

Mme Marchand (Michèle) : Mais il y en a plein, là, je ne saurais pas choisir...

Mme Labrie : Mais vous estimez, en tout cas, le...

Mme Marchand (Michèle) : ...mais je vous invite à lire mon mémoire.

Mme Labrie : Oui, bien, je l'ai lu. Donc, la Commission sur les soins de fin de vie, ils nous l'ont dit quand même, qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires par rapport à l'ampleur que ça prenait. Vous, ce n'est pas juste au niveau des ressources, c'est que le mandat carrément qui devrait être modifié en ce qui les concerne.

Mme Marchand (Michèle) : Moi, j'aimerais que le message soit le même partout, que c'est un soin de dernier recours, puis un message ferme. Parce que les gens se sont imaginé que c'est la meilleure façon de mourir, donc, je vais la demander, puis, si je la veux, je vais l'avoir, et je pense que ce n'était pas ça, l'orientation du projet de loi, puis moi, je n'aimerais ça devienne ça, là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Dre Marchand, merci beaucoup pour votre mémoire, pour l'échange que nous avons eu aujourd'hui, c'était fort intéressant. Alors, c'est ce qui met fin à cette rencontre.

Et, pour l'heure, je suspends le temps quelques secondes, en fait, le temps de recevoir notre prochaine intervenante. Merci beaucoup, docteure Marchand.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

(Reprise à 12 h 12)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la commission... des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons, donc, pour la prochaine heure de maître Delphine Roigt, conseillère en éthique. Bienvenue, maître Roigt. Alors, lorsqu'on s'est rencontrées quelques secondes auparavant, je vous expliquais, vous allez avoir 10 minutes pour exposer vos constats. Et, par la suite, nous allons procéder à une période d'échanges avec les membres de la commission. Alors, le temps est à vous.

Mme Roigt (Delphine) : Parfait. Bien, je remercie... Je vous remercie, Mme la Présidente. Députés de l'Assemblée nationale et membres de la Commission des relations avec les citoyens, merci beaucoup de cette opportunité que vous m'offrez de pouvoir vous faire part un peu de mes réflexions.

Pour me présenter, d'abord, bien, je suis avocate et éthicienne clinique dans le réseau de la santé et des services sociaux depuis plus de 25 ans. J'ai travaillé dans tous les types d'établissements. J'ai été impliquée dans des milliers de situations cliniques qui font vivre des malaises éthiques aux soignants, aux équipes et aux gestionnaires de même qu'aux usagers et leurs proches. Les principales situations au cœur de ces consultations en éthique, bien, c'est celles qui concernent effectivement l'aptitude, le consentement, le refus de soins, la proportionnalité des soins, l'acharnement thérapeutique, le consentement substitué, le rôle du représentant légal et aussi la fin de vie. Donc, on est vraiment au cœur de l'application de la loi concernant les soins de fin de vie.

J'ai eu le privilège de présenter lors des auditions en 2013 et, en préparation de la présente audition, je suis allée revoir ou relire le mémoire qu'on avait présenté à l'époque avec l'Association québécoise en éthique clinique. Notre principal commentaire général sur le projet de loi à l'époque était la nécessité de profiter de l'entrée en vigueur de la loi pour bonifier l'offre de soins palliatifs et l'étendre à l'ensemble du Québec, ce qu'on disait à l'époque, si j'ouvre les guillemets :  «D'une part, les soins palliatifs, que l'on parle d'approche palliative ou d'unités de soins palliatifs, sont loin d'être accessibles. Manque de lits destinés aux soins palliatifs, manque de professionnels formés, difficulté de plusieurs médecins de passer des soins curatifs aux soins palliatifs, préjugés des soignants, des patients et des proches, de même que refus des patients et des proches d'une approche palliative et difficulté de la société en général à accepter la fin de vie.» Je ferme les guillemets. Je reprends ces constats mot pour mot parce que, malheureusement, la loi n'a pas eu les effets escomptés, sauf pour la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir.

Rappelons-nous les éléments centraux de l'article un de la loi, hein, le droit à des soins de fin de vie dans un continuum de soins, un soulagement des souffrances et la primauté des volontés de la personne avec l'instauration des directives médicales... L'intention du législateur et des parlementaires et le consensus citoyen étaient pourtant clairs : éviter l'acharnement thérapeutique, respecter l'autonomie le plus possible et assurer une fin de vie digne à tous en créant un droit à des soins de fin de vie dans un continuum de soins. On a ainsi un peu tenu pour acquis que tout était déjà en place pour les soins palliatifs et de fin de vie, qu'il n'y avait qu'à instaurer l'aide médicale à mourir. Force est de constater que malheureusement, près de 10 ans plus tard, les mêmes obstacles subsistent, les mêmes limites perdurent et les usagers ne reçoivent pas les soins palliatifs et de fin de vie auxquels ils ont droit. Ils ne savent pas en quoi ils consistent ni même certains soignants, et un nombre encore trop important de personnes ne savent pas qu'elles sont en fin de vie. Il faut donner un coup de barre important.

Je vous ferai ainsi part de mes inquiétudes, de mes réflexions dans un format sans fard, direct et droit au but. Je ne me prononcerai pas sur le libellé spécifique des articles. Je ne me prononcerai pas non plus sur la question spécifique de l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Il se fera. J'espère apporter à la Commission des éléments de réflexion et de considération supplémentaires dans la mise en œuvre de l'ensemble de la loi dans le souci du respect effectif au droit à des soins palliatifs et de fin de vie, à une vie... à une fin de vie digne dans un continuum tout au long de la vie. Je cherche une réflexion sur différentes valeurs, l'idée étant de ne pas promouvoir que l'autonomie mais d'en assurer l'exercice dans les meilleures conditions, dans le meilleur intérêt de la personne. On ne veut plus de situations comme celle de madame André eSimard, veuve de Robert Bourassa. Les soins palliatifs et de fin de vie ne devraient jamais être une question d'être au bon étage dans la bonne chambre, d'habiter la bonne région avec le bon code postal...

Mme Roigt (Delphine) : ...on ne veut plus dire : Mon patient n'est pas rendu là. On ne veut plus de personnes en fin de vie qui ne savent pas qu'elles le sont, qui arrivent dans des unités de soins palliatifs pour les dernières 24 heures. On ne veut plus de proches qui empêchent le soulagement adéquat de la douleur, qui enfreignent le droit de la personne à des soins palliatifs ou à une fin de vie digne. Et enfin on ne veut plus de professionnels de la santé ou de proches qui vont à l'encontre de directives médicales anticipées ou des volontés de fin de vie manifeste quant au refus de l'acharnement thérapeutique.

Alors, j'ai sept prémisses à vous présenter dans ma réflexion. La première, bien, les soins palliatifs et de fin de vie sont méconnus de tous et pas assez accessibles. Alors, dans la mesure où le critère de fin de vie est devenu inopérant pour l'aide médicale à mourir, il devrait l'être pour l'accès aux soins palliatifs. Il faut renverser cette perception que les soins palliatifs n'arrivent qu'à la toute fin d'une longue maladie. Il est démontré depuis longtemps qu'une approche précoce de soins palliatifs améliore la qualité de vie et même parfois augmente la vie des personnes qui en ont... qui y ont accès. Les critères de un, trois, six mois de pronostic pour être admis en soins palliatifs sont devenus des dogmes qui empêchent l'accès en temps opportun à la prise en charge de la douleur et des symptômes dans ce continuum jusqu'à la fin de la vie.

D'ailleurs, le critère de fin de vie pour l'AMM parlait d'un pronostic pouvant aller jusqu'à un ou deux ans à l'époque. La question à poser est : Seriez-vous surpris que cette personne décède dans la prochaine année? Les critères d'accès aux soins palliatifs s'avèrent donc plus restreints que pour obtenir l'AMM. Les soins palliatifs devraient intervenir dès la récidive d'un cancer, dès le stade terminal de maladie chronique, dès la présence de douleur, souffrance physique ou psychique qui ne semble pouvoir être apaisée, ou à la demande de la personne elle-même, évidemment, qui a droit d'être bien évaluée et de recevoir les soins requis par son état. Il faut avoir la même ardeur à donner accès aux soins palliatifs et de fin de vie que celle dévouée à l'aide médicale à mourir.

Deuxième prémisse, les directives médicales anticipées doivent être rédigées avec le soutien d'un professionnel de la santé et faire l'objet d'une discussion plus tôt dans le processus et en continu. Bien que la loi soit entrée en vigueur depuis 2015, un rapport de la Commission sur les soins de fin de vie portant sur la période de 2015 à 2018 indique que seulement 0,5 % de la population québécoise avait des directives médicales anticipées inscrites au registre, donc à peu près 30 000 personnes sur 6 millions d'adultes que compte le Québec. Selon le même rapport, le registre est consulté illégalement par les médecins selon les régions.

Si la fin de vie est importante, il faut en parler, pas qu'une seule fois, pas qu'à quelques jours de la fin, dans un continuum de soins, lorsqu'une personne est atteinte de maladies chroniques, d'un cancer, d'une maladie neurodégénérative. Le faible taux de complétion démontre que les gens doivent être accompagnés. Le fait qu'il y a des cas où des proches ont pu exiger des soins que la personne n'aurait pas voulu démontre la nécessité de donner les moyens d'assurer leur respect. La loi doit être plus ferme à cet égard, pas seulement pour les directives anticipées d'AMM. Les DMA seront le début de la réflexion qui va peut-être mener à des directives anticipées pour l'aide médicale à mourir.

Il faut aussi élargir notre interprétation des directives médicales anticipées, qui sont actuellement beaucoup trop restrictives, dans le formulaire de l'INESSS... dans le formulaire qui est prévu avec avec, voyons, mon Dieu!, la Régie de la santé et qui sont... ne permettent pas de dire et de nommer les souffrances que l'on veut éviter. Pouvoir notamment demander spécifiquement les soins palliatifs et la sédation palliative à l'avance dans les DMA, ça permettrait de nous assurer d'un meilleur consensus à cet égard et éviter de créer un système où seule la médicale à mourir a un statut particulier.

• (12 h 20) •

Troisième prémisse, le niveau d'intervention médicale, qu'on appelle le NIM, est essentiel à la planification des soins de fin de vie et doit être mieux encadré. Pourquoi une personne peut demander l'aide médicale à mourir et se retrouver à un NIM A, soit les soins maximaux alors qu'on oblige une personne qui veut avoir des soins palliatifs d'être en niveau de soins D. Pourquoi une personne pourrait avoir des directives médicales anticipées qui refusent tous les soins, mais se retrouver en un niveau de soins A? Pourquoi une personne ayant clairement manifesté son refus de la réanimation cardiorespiratoire dans une DMA la reçoit quand même si les paramédics et ambulanciers sont appelés à son chevet?

Les NIM ne sont pas un buffet duquel une personne choisit des soins, mais bien le résultat d'une réflexion et une discussion entre un patient et un soignant sur les objectifs de soins réalistes et appropriés en lien avec des objectifs de vie aussi réalistes et actualisés. Il faut que les discussions amenées par le patient ou le soignant abordent nécessairement les deux, les NIM et les DMA, pour aider à faire sens et assurer la cohérence des soins, mais aussi le respect, le plus possible, des volontés du patient tout au long du continuum des soins.

Quatrième prémisse, les directives médicales anticipées et le niveau d'intervention médicale sont des outils essentiels et complémentaires pour planifier la fin de vie et faire connaître...

Mme Roigt (Delphine) :  volonté et soins... de soins et de vie. Comme pour les... les DMA devraient collaborer dans le contexte d'une relation thérapeutique et faire l'objet de discussions avec un soignant dans une évaluation interdisciplinaire. Présentement, les directives médicales anticipées peuvent être complétées par une personne chez elles, sans discussion avec son médecin, parce qu'on présume qu'elle a parlé avec son médecin. Alors que, pour les directives anticipées d'aide médicale à mourir, on a exigé ou on pense exiger cette discussion, cet accompagnement. Il serait très difficile pour un soignant qui ne connaît pas du tout le patient de tenter d'interpréter ces DMA. Les recherches démontrent d'ailleurs qu'en cas de conflit, même lorsque la loi est claire, les médecins respectent davantage les volontés des familles qui menacent de les poursuivre si les soins sont cessés, même si cela va à l'encontre des volontés écrites et connues du patient. Et ça, on l'a mentionné en 2013.

Les volontés de la personne doivent être respectées afin d'éviter l'acharnement thérapeutique et assurer un accompagnement et un soulagement adéquat pour permettre une fin de vie digne. Il faut y mettre autant de poids que ce qui est déployé pour l'aide médicale à mourir. Prévoir les soins que l'on voudrait recevoir au moment où l'on deviendrait inaptes et que la fin de vie est envisagée ou qu'un traumatisme subi nous laisse dans un état que l'on jugerait inacceptable est une chose, déterminer à l'avance les soins et services que l'on voudrait recevoir en cas d'inaptitude de manière générale en est une autre. Il faudrait envisager une révision à une certaine fréquence, par exemple aux cinq ans, pour assurer leur validité et leur actualisation.

Cinquième prémisse. Il faut développer un plan québécois pour une approche intégrée des soins palliatifs et de fin de vie obligatoires et accessibles à tous. Il faut une réflexion globale sur les soins palliatifs et de fin de vie, mettre en œuvre les plans développés au cours des années. Les médias relatent à plus soif des situations où les personnes ne reçoivent pas les soins palliatifs et de fin de vie de soulagement de la douleur, n'ont pas accès aux soins et services nécessaires pour leur permettre de demeurer à la maison. Il faut être sérieux à cet égard, d'autant qu'on l'a été avec la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir.

Sixième prémisse. Le refus de soins ne doit pas avoir des applications légales différentes selon que la personne demande l'AMM ou un autre soin. La proposition est l'effet de pouvoir passer outre le refus de la personne inapte ou le refus catégorique, dans un contexte de directives anticipées de la... d'aide médicale à mourir, de même d'envisager prévoir qu'elle puisse demander à l'avance d'être contentionnée et sédationnée pour recevoir l'AMM représente un changement drastique à l'État du droit, il se doit d'être bien évalué. Il s'agit d'un écart important au droit civil tel qu'on le connaît et à la protection dévolue aux personnes inaptes. Dans le droit actuel, pour passer outre le refus de l'inapte, il faut recourir au tribunal pour l'autorisation de soins, même avec un consentement substitué. La mesure telle que présentée et les avis de certaines personnes ayant présenté des mémoires feraient en sorte de ne pas avoir à recourir au tribunal. Pourquoi créer une telle exception? J'estime que la même protection doit s'appliquer pour tous les soins et pour toute personne inapte, et donc que l'autorisation du tribunal soit nécessaire pour procéder à l'AMM par la demande anticipée, si la personne la refuse au moment de la faire. Cette idée qu'une manifestation clinique découlant de la situation médicale de la personne ne constitue pas un refus de recevoir l'aide médicale à mourir qu'on retrouve au paragraphe 29.19 du projet de loi est novatrice, certes, mais crée un précédent important dans l'État du droit et dans les valeurs qui sous-tendent le droit civil en ce qui a trait à la protection des personnes vulnérables et inaptes, le recours à l'autorisation du tribunal constitue une mesure de sauvegarde essentielle et évite de créer deux catégories de personnes, celles qui peuvent recevoir l'AMM, malgré un refus, sans l'autorisation du tribunal, et celles dont l'autorisation du tribunal est nécessaire pour des soins visant leur bien-être et leur sécurité, mais qu'elles refusent. Je crois aussi, comme toute... comme d'autres personnes l'ont proposé, qu'un protocole clinique clair doive être élaboré pour soutenir les soignants dans l'administration à des personnes inaptes et à l'interprétation d'un refus de soins et d'un refus catégorique.

Finalement, septième prémisse, importance d'avoir accès à des ressources de réflexion en éthique. Je vais prêcher pour ma paroisse un petit peu. Je réitère la recommandation effectuée il y a 10 ans. Plusieurs conseillères en éthique participent aux réflexions de fin de vie dans leurs établissements, mais leur présence n'est pas égale partout, ni dans tous les lieux. Comme le mentionne Dr David Lussier à la page 23 de son mémoire, si on veut s'assurer que les... remplissent bien leur rôle, il faudra leur donner les moyens de le faire avec des membres libérés en partie de leurs autres tâches, des professionnels de diverses disciplines ayant une formation adéquate et surtout la possibilité de se référer à une personne-ressource pour leur communiquer une information fiable et précise. Il n'est pas rare que les cliniciens soient mal informés ou mal conseillés par les… qui ne possèdent pas l'expertise ou la connaissance nécessaire. Les conseillères en éthique sont impliquées à tous les jours et dans toutes les circonstances, à la jonction des questions soulevées par la loi concernant les soins de vie. Le document de référence pour la constitution des groupes interdisciplinaires de soutien prévoit la présence d'une ressource en éthique. Il faudrait à tout le moins que les...  aient des liens formels avec les services en éthique...

Mme Roigt (Delphine) : ...dans chaque établissement si la conseillère en éthique n'y siège pas. L'éthique est utile au-delà du prescrit, afin de déterminer ensemble avec les parties concernées et en fonction des valeurs qu'elles portent, qu'est ce qui est le mieux dans les circonstances.

En conclusion, l'engagement à l'égard de la société québécoise en 2013 était que la loi allait assurer un continuum de soins jusqu'à la de vie. On doit constater un échec à cet égard. L'AMM devenue la mort que l'on souhaite par-dessus tout, celle qui se permet d'être digne. Aussi, on avance très vite pour l'élargissement de l'accès à la l'AMM, mais on se questionne peu sur les ressources requises.

Déjà, plusieurs établissements ont de la difficulté à assurer une couverture optimale, surtout avec l'élargissement aux cas de mort naturelle dans les non raisonnablement prévisibles. De plus, il faut réfléchir à l'impact de prendre des ressources précieuses en clinique de la douleur, en gériatrie et en clinique de la mémoire pour des évaluations d'AMM. Ce sera alors un choix de société. Il faut revenir vers l'angle relationnel du soin pour tout le continuum de fin de vie et non une autonomie s'exerçant pour exiger des soins faute de mieux ou seulement pour des demandes d'AMM. Et voilà!

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Me Roigt. Vous avez des réflexions qui vont certainement susciter des questions. Alors, on va commencer tout de suite la période d'échange avec la députée de Roberval. On a pris un peu de temps sur le temps du gouvernement pour que vous puissiez aller jusqu'au bout de vos réflexions. Alors, il vous reste 11 min 40 s

Mme Guillemette :    Merci, Mme la Présidente. Merci, Me Roigt, d'être avec nous aujourd'hui. Le côté éthique est très important, là, dans le projet de loi présent. Donc, dans le projet de loi sur l'aide médicale à mourir qu'on a aujourd'hui, on soulève des considérations. Et est-ce qu'il y a des considérations éthiques que le projet de loi n'aurait pas prises en compte, là? Est-ce qu'il y a des angles morts que vous auriez vus, que vous aimeriez nous lever un drapeau?

Mme Roigt (Delphine) :    Il y en a probablement plusieurs. L'enjeu principal que... Bien, évidemment, je rejoins... J'ai quand même écouté plusieurs personnes qui ont soumis des mémoires. La question des souffrances actualisées et la question de limiter toute la réflexion par rapport à l'ouverture pour les demandes anticipées et différencier les symptômes, par exemple, comme l'incontinence, à la souffrance que causerait l'incontinence. Vous avez probablement eu plusieurs exemples qui vous ont été donnés de faits de cette nature-là. Donc, c'est très important, tout ça, parce qu'une personne... On a tous comme individus de la difficulté à se projeter s'il nous arrivait des choses. Puis on est tous surpris quand quelque chose nous arrive de dire : Ah, mon Dieu! je ne pensais pas que je passerais au travers.

Donc, la question de l'actualisation, la question donc aussi de bien s'assurer que l'offre clinique, elle est là. Parce que, présentement, et c'est ce qu'on disait en 2013, je trouve que le projet de loi, encore une fois, met beaucoup d'accès sur l'autonomie, en tenant pour acquis que les gens font des choix tous... tout éclairés. Mais on a tous nos chambres d'échos, on a tous nos biais aussi. Et à tous les jours, je vous dis, à tous les jours, j'ai encore des gens qui ne savent pas ce que sont les soins palliatifs, qui ne savent pas qu'ils pourraient y avoir accès.

• (12 h 30) •

Donc, pour moi, vraiment démystifier ça... Et c'est pour ça que, tout le long de mon propos, je parle bien de soins palliatifs et de fin de vie parce que, pour moi, c'est deux choses différentes. On peut être en soins palliatifs très longtemps. Je vais vous donner un exemple. Ma cousine Claire est née avec sept malformations au cœur. Claire, c'est une miraculée de l'Institut de cardiologie de Montréal. Claire est née en fin de vie parce que Claire, elle savait que jamais elle ne guérirait de son cœur.

Donc, quand on essaie de regarder la personne sur son continuum de soins puis qu'on dit : Est-ce qu'elle est dans le guérir, stabilisée ou en fin de vie? Claire était en stabilisé pendant très, très longtemps. Elle est décédée à 59 ans, il y a déjà trois ans. Et on l'a accompagnée, notre famille, ma cousine et moi, dans sa fin de vie. Et Claire croyait que les soins de fin de vie, croyait que les soins palliatifs, c'était pour le mouroir, aux dernières minutes. Claire a réussi... On a réussi à la convaincre d'en bénéficier pendant moins de 24 heures. Dès que sa douleur a été soulagée correctement, elle s'est laissée aller. Mais elle a souffert les dernières années. Et donc, moi, en tant que cousine, en tant que membre d'une famille, en tant qu'éthicienne, je ne peux faire autrement que de dire : Par ses croyances et par les croyances...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Roigt (Delphine) : ...partagé aussi par l'équipe médicale à quelques égards, et je ne porte pas de jugement sur l'équipe médicale parce que c'est des équipes médicales qui se sont suivies pendant les 59 ans de vie de Claire, mais Claire n'avait jamais vraiment compris qu'elle était née en fin de vie, et donc c'est ça, le biais. Et donc on a beaucoup de travail à faire avec toutes les personnes qui ont des... qui ont des maladies terminales chroniques, des cancers, etc., etc., parce qu'on a rarement, très peu de discussions avec elle à des moments précis pour les accompagner.

Mme Guillemette : Ça m'amène à vous demander... je vais faire un lien avec ce que vous venez de dire, comment faire? Est-ce qu'il y a des moyens à mettre en place pour ne pas que la demande d'aide médicale à mourir soit en lien avec un manque de services ou un manque de... Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut mettre concrètement, là, dans notre projet de loi?

Mme Roigt (Delphine) : Mon réflexe, ce serait de vous dire... O.K., mon réflexe, ce serait vous dire qu'il faudrait que la personne ait essayé ou ait vraiment eu accès à des soins palliatifs et de fin de vie pour qu'elle voie. Un peu comme le lien que vous faites avec les troubles... les troubles... les handicaps ou les troubles neuromoteurs quand on... j'ai beaucoup entendu... les gens disent : Bien là, elle ne pourra pas demander l'AMM si elle n'a pas tenté une certaine réadaptation, il faut qu'elle se laisse du temps. Mais c'est la même chose au niveau des autres soins. Les gens ne savent pas que leur douleur peut être apaisée si on ne leur a jamais offert et s'ils n'ont jamais essayé ce qui peut leur permettre de ne pas souffrir. Bon, une fois que je dis ça, je vais avoir tous les avocats de la planète, y compris moi qui suis avocate, qui vont vous dire : Ça va à l'encontre de l'autonomie, la personne a le droit de refuser. Oui, mais comment savoir que ses souffrances ne sont pas...

Mme Guillemette : Apaisables.

Mme Roigt (Delphine) : On ne peut pas... Apaisables dans des conditions optimales si, les conditions optimales, tu ne les as jamais essayées. Ça fait que je le sais que ça a l'air très simpliste ce que je vous dis, mais, présentement, et c'est ce qu'on voit dans les médias, et je n'aime pas reprendre juste les médias parce qu'il y a du... du sensationnalisme là-dedans puis c'est réducteur, c'est une chambre d'écho ça aussi, mais il y a beaucoup de gens à qui on offre l'AMM parce qu'on ne sait pas qui pourrait être admissible. Donc, quand je vous parle des critères de un, trois, six mois qu'il faut enlever, là, pour avoir accès au... il faut... il faut changer cette dynamique-là, il faut... il faut dire quelqu'un qui présente une situation qui serait admissible à demander l'AMM, bien, c'est parce qu'elle est aussi admissible à demander des soins palliatifs. Ça fait que je ne sais pas ce qu'il faut changer dans la loi, mais ça, il faut que ça soit clair dans le libellé, dans la façon dont on nomme les choses. Il faudrait que je fasse un exercice peut-être plus attentif pour vous aider plus en détail, mais, assurément, il faut que ça soit clair.

Mme Guillemette : Parfait. Merci. Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup, Me Roigt. En va poursuivre la discussion avec la députée d'Abitibi-Ouest. Il reste 4 min 38 s.

Mme Blais : Merci beaucoup, Maître. Je voudrais vous entendre sur la dignité des individus, alors la demande médicale à mourir, la souffrance, j'aimerais vous entendre, avoir votre point de vue à ce sujet.

Mme Roigt (Delphine) : Bien là, c'est l'éthicienne qui ne connaît pas assez bien ses philosophes, ça va... ça va peut-être vous faire rire ou faire rire certains, moi, je crois vraiment à la dignité intrinsèque de la personne. La dignité, c'est... c'est la personne elle-même qui décide ce qui est digne pour elle ou pas, ce n'est pas dans le regard de l'autre. Donc, cette idée que c'est indigne d'être incontinent, que c'est indigne de se ramasser en CHSLD, que c'est... je veux dire, je trouve ça triste comme société qu'on porte ce jugement-là, qu'on n'ait pas le goût de se retrouver là comme personne ou que... qu'on trouve ça difficile, que nos parents se soient retrouvés dans ces situations-là, c'est une chose, mais... mais d'en faire un critère de dignité... Pour moi, l'indignité, c'est la personne qui n'a pas accès aux soins dont elle a besoin. L'indignité, c'est que, comme société, justement, comme on a vu un peu dernièrement que... parce que tu n'es pas dans le bon code postal, tu ne puisses pas recevoir les soins à domicile qui te permettraient de rester à domicile et de mourir, la façon que tu veux mourir. Donc, je suis très stricte là-dessus. Pour moi, la... la dignité, elle est intrinsèque. Chaque humain, chaque...

Mme Roigt (Delphine) : ...être humain est digne. Et c'est... c'est cette approche personnalisée, hein, qui est prévue d'ailleurs dans la loi sur les services de santé et services sociaux, qui... approches personnalisées avec toutes les dimensions de la personne puis qui vont nous permettre de voir qu'est-ce qui est digne pour vous. Qu'est-ce qui est important pour vous? Qu'est-ce qui fait sens? Qu'est-ce qui constituerait un non négociable que vous... auquel vous ne voulez absolument pas arriver? Et c'est ça, les discussions qu'on doit avoir avec les personnes en fin de vie, avec les personnes qui veulent de l'aide médicale à mourir ou même l'aide anticipée à l'aide médicale à mourir. Il faut que ça fasse sens pour elles, et c'est ce travail-là qu'il faut faire avec elles.

Mme Blais : Que répondez-vous à une famille lorsque la personne est... elle a un diagnostic de cancer et elle dit : Moi, je ne veux pas être un fardeau pour ma famille, je veux en finir le plus vite possible? Quelle est votre réponse?

Mme Roigt (Delphine) : Bien, chaque famille a son histoire, hein, chaque famille a fait une fois. Mon expérience de plus d'un millier de consultations en éthique me démontre que même... même quand les familles sont épuisées, ce temps-là qu'elles ont avec leurs proches en fin de vie, surtout si elles sont accompagnées, donc accompagnées par des soignants, accompagnées par des soins et des services, par des bénévoles... Il y a tellement de services qui sont offerts. Le problème, c'est d'y avoir accès. Donc...

Mais c'est... ce que je réponds, c'est que ça serait le fun d'avoir une discussion où un tiers un peu neutre vous accompagnerait, tu sais, la personne malade et ses proches, pour venir avoir cette discussion-là. Il y a des gens qui font ça, il y a des thanadoulas qui font ça, il y a des travailleuses sociales qui font ça. Il y a plein de gens dans le réseau qui permettent ces discussions-là pour venir vraiment dire : Tu n'es pas un poids ou voici ce que je trouve difficile, ou... C'est des conversations qui sont... qui sont difficiles à avoir, effectivement.

Mme Blais : Je vous remercie beaucoup.

Mme Roigt (Delphine) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Maître Roigt, on va poursuivre nos discussions avec l'opposition officielle qui bénéficie de 12 minutes 23 secondes. Je crois que c'est la députée de Westmount-Saint-Louis qui va prendre la parole.

Mme Maccarone : Merci beaucoup. Bonjour.

Mme Roigt (Delphine) : Bonjour, Mme Maccarone.

• (12 h 40) •

Mme Maccarone : Merci beaucoup de nous aider dans notre réflexion, Maître Roigt, c'est très intéressant de vous entendre parler. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je veux vous ramener sur la question de demande anticipée. Vous l'avez abordée un peu dans vos remarques ainsi que dans votre mémoire. Vous parlez de : ils doivent être rédigés avec un soutien d'un professionnel de la santé. On a entendu plusieurs points de vue là-dessus. L'ordre des notaires, évidemment, ils pensent que ça va être important que ça soit fait avec eux. Pas une question d'être pour ou contre, je souhaite vous entendre là-dessus.

Parce que, dans le but de protéger les personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face à faire une demande anticipée... Puis on a aussi entendu, hier, lors des... les omnipraticiens, les médecins qui ont dit qu'eux, ils ne souhaitent pas être responsable de déposer ces demandes dans le registre. Vous dites aussi qu'ils ne sont pas consultés d'une façon équitable, dans le fond, puis c'est sérieux. Alors, les balises que nous avons besoin en ce qui concerne les demandes anticipées... Puis de toujours garder la notion on veut que ça soit facile, accessible. On a aussi parlé de c'est qui qui devrait accompagner la personne. Vous avez parlé d'un renouvellement à chaque cinq ans, mais, quand on est en fin de vie, peut-être. Puis on fait une demande anticipée, peut-être cinq ans, c'est trop long dans certains cas. Alors, un peu votre vision là-dessus.

Mme Roigt (Delphine) : Merci de votre question. Les directives médicales anticipées actuellement, tel qu'elles ont été conçues, elles ne... elles ne remplissent pas l'objectif, selon moi, pour... pour plein de raisons. Et là je vais vous référer au... au temps où j'étais à mes études de doctorat, que je n'ai pas complété, mais quand même. J'avais étudié l'équivalent américain, là, des directives, les «advance directives», de tout ça. Et ce qui était dit à l'époque, c'était : un, le médecin attend que le patient amène la question, que le patient attend que le médecin aborde la question. Donc, on se ramasse avec deux groupes ou deux personnes qui attendent que l'autre aborde la question. Et...

Mme Roigt (Delphine) : ...la finalité était que peu importe qu'on ait... ce qui était écrit, si la famille contestait, bien, le médecin avait peur des poursuites et finalement ne faisait pas ce qui était écrit dans les directives médicales anticipées. Donc, tout ça, moi, à l'époque, m'avait amené à réfléchir. Puis, dans le fond, c'est un bel effort qui a été fait avec la première mouture de la loi, mais, comme je le mentionne, de mettre juste quatre ou cinq soins avec est-ce qu'on accepte ou on refuse, je trouve que ce n'est pas suffisant. Ça ne nous donne absolument aucune idée sur le sens de la vie de la personne, ce à quoi elle aspire en fonction d'une maladie à venir. Donc, il faut amener la personne à se projeter. Et la personne, quand elle parle, bien, selon qu'elle est en pleine santé... en pleine forme ou en bonne santé, versus quelqu'un qui serait déjà atteint d'une maladie, bien, vous allez avoir des directives médicales anticipées qui vont être particulières.

Et donc, moi, je pense qu'il y a quelque chose qui faut qui soit revu à ce niveau-là, complètement, parce que juste dire : Je veux être réanimé ou pas, je veux de la dialyse ou pas, je veux être alimenté artificiellement ou pas, ce n'est pas approprié, parce que tu peux vouloir être... Tu sais, moi j'ai toujours dit : Moi, je suis prête à être réanimée ou qu'on tente de me réanimer, si je suis à l'hôpital puis que vous me trouvez dans les 10 prochaines... dans les 10 minutes que je ferais mon arrêt cardiorespiratoire, mais, si vous ne savez pas quand est-ce que ça s'est passé, bien, je ne veux pas qu'on tente de le réanimer. Mais je n'ai pas l'espace pour expliquer ça dans les directives médicales anticipées telles qu'elles sont rédigées. Et là pourquoi je demande qu'il y ait une discussion, c'est que toute cette idée de sens-là, présentement, il est discuté pour les directives anticipées d'aide médicale à mourir, on n'a pas refait la réflexion, on ne le repropose pas pour les directives médicales anticipées normales, entre guillemets, là, sans AMM.

Donc, je pense qu'avant d'aller vers les directives médicales anticipées pour l'AMM, il faut revoir notre façon de faire les directives médicales anticipées. Je pense qu'il faut que ça fasse l'objet d'une discussion obligatoire en interdisciplinarité, surtout quand on a déjà des problèmes de santé. Si on est en pleine forme, on est en pleine santé, ça pourrait être autre chose à ce moment-là peut-être. Puis il y aurait les directives médicales anticipées pour l'aide médicale à mourir. Mais, comme je l'ai dit aussi dans mon document, il faut qu'il y ait une cohérence entre les directives puis le niveau de soins, tu sais, s'assurer que, si je ne veux pas d'acharnement thérapeutique, bien, il faut que ça soit clair partout, que je ne veux pas d'acharnement thérapeutique puis que je ne veux pas être réanimé sous aucun prétexte. Là, présentement, on a différents documents qui peuvent avoir des contradictions. Puis bien, bien honnêtement, ça fait en sorte que, dans les faits, les médecins, ils ne voudront pas le faire contre les familles. Donc, on a beaucoup encore de demandes d'acharnement thérapeutique, à la demande des familles. C'est ça, la réalité.

Mme Maccarone : Ça m'amène à une autre question. Parce que vous avez abordé la question du refus versus refus catégorique - je pose la question, au fur et à mesure, aux groupes qui viennent témoigner - puis vous avez introduit une notion que je trouve intéressante. Si, mettons, la différence entre refus et refus catégorique... Parce que, là, on n'arrime pas avec le Code civil, puis on peut se retrouver devant le tribunal parce qu'on a des familles qui vont dire : Bien, ça, c'était un refus catégorique ou un refus, mais la personne est inapte, rendue à ce moment-là. Je trouve très complexe, cette notion de refus. C'est-u une résistance? Est-ce qu'il y a une façon que nous devons l'aborder dans la loi pour assurer qu'il n'y a pas de dérive puis qu'on ne fait pas fausse route, des amendements peut-être pour assurer que les personnes qui souhaitent refuser sont aussi pleinement protégées, ainsi que leurs proches?

Mme Roigt (Delphine) : Bien, j'ai deux options pour vous. La première, je la nomme, c'est de demeurer... de garder la balise qui est celle du recours au tribunal, l'autorisation du tribunal en cas de perception de refus. Ce qu'il faut comprendre, là, tout le monde a le droit de refus, ça c'est clair, mais le Code civil, en 1992, quand il a été réformé, l'idée, c'était : On veut ajouter un degré supplémentaire, hein? Nous, on sortait, là, en 1992, il faut se rappeler de ça, de l'intention de l'utilisateur, le refus catégorique de l'inapte, c'était pour permettre aux gens qui étaient en institution de... ils refusaient des soins, de ne pas finalement le faire contre leur gré, et donc d'aller chercher l'autorisation du tribunal. On voulait protéger nos personnes en institution qui avaient subi des abus. Puis il y avait eu, hein, des scandales...

Mme Roigt (Delphine) : ...c'est quoi, un refus catégorique d'une personne devenue inapte? Nous, autant en soins, qu'en éthique, qu'en droit, moi ce qu'on m'enseigne c'est quand la personne se débat. Là, ce que j'entends, dans certains mémoires, de bouche à oreille, c'est : Ah! bien, on va la contentionner puis on va la sédationner pour lui donner, parce qu'elle refuse catégoriquement. Ah! O.K. Ça fait qu'on fait ça pour l'AMM, mais quand on a une personne qui a des troubles de santé mentale, qui demande... qui a besoin de soins, mais qui les refuse catégoriquement, elle, on va continuer à aller chercher l'autorisation du tribunal, parce qu'elle veut vivre, parce qu'on veut qu'elle vive. Ça ne marche pas, là, il y a quelque chose... Pour moi, ça ne fonctionne pas.

Ça fait que ça, c'est autorisation du tribunal, ou mettre en place ce que j'appelle un bureau du consentement de l'inapte. Il y a ça aux États-Unis, il y a ça en Ontario. Il faudrait que je fouille la question un peu plus, mais est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là, avoir...

Mme Maccarone : Nous sommes en train de fouiller avec vous.

Mme Roigt (Delphine) : Oui, quelque chose de mitoyen, qui permette, finalement, d'éviter le tribunal, qui, pour certains, constitue quelque chose d'assez lourd, pour aller chercher vraiment le sens du soin puis d'être capables d'avoir aussi, peut-être, une certaine jurisprudence plus sérieuse des cas, pour être capables de bien manœuvrer là-dedans. Donc, c'est une option.

Mme Maccarone : Merci des précisions, très intéressantes, puis nous sommes en train, je pense, tout le monde, autour de la table, de faire une petite recherche.

Une dernière question pour vous, éthique. On a entendu aussi hier, les médecins souhaitent ne pas être obligés d'offrir l'aide médicale à mourir, alors, la notion qu'eux aussi peuvent refuser de l'appliquer. Mais, en contresens, dans la loi, on exige maintenant, auprès de toutes nos maisons de soins palliatifs, d'offrir l'aide médicale à mourir. Est-ce que ça se peut que nous ferons face à une situation où les médecins qui oeuvrent dans une maison de soins palliatifs peuvent tous refuser de l'offrir? Éthiquement, c'est quoi, notre rôle, comme législateur, pour s'assurer que les soins sont offerts équitablement à travers le réseau, mais qu'on respecte aussi les personnes professionnelles de la santé, parce qu'eux aussi ils ont des valeurs qu'ils amènent à la table, puis on souhaite avoir, quand même, un équilibre dans cette loi? Mais ça peut être une réalité. Comment devons-nous le traiter dans la loi?

• (12 h 50) •

Mme Roigt (Delphine) : Ça demeure un dilemme éthique pour moi. L'objection de conscience, peu importe la raison, existe pour les professionnels de la santé, première chose. Deuxième chose, il faut se rappeler que c'était une loi sur les soins de fin de vie, que c'était un soin, dans un continuum de soins, qui fonctionnait, parce qu'on était en fin de vie. Là, on enlève la fin de vie, on élargit, puis là on veut élargir encore. Mettez-vous à la place des soignants, et pas les plus rébarbatifs. Moi, je parle avec tout le monde, là, puis j'ai des médecins de... médecins généralistes, j'ai des médecins spécialistes, j'ai toutes sortes de médecins qui me parlent puis qui me disent : Moi, là, Delphine, là, le donner en directive médicale... en directive avancée à quelqu'un qui serait, comme on les appelle, un Alzheimer heureux ou un dément heureux, je ne sais pas comment je vais... je débarque. Ça fait que ça, c'est un exemple.

L'autre exemple que j'ai, c'est, depuis l'arrivée du critère de mort non raisonnablement prévisible, là, le... là, qu'on voit avec la loi canadienne, et tout ça, il y a vraiment une complexification des cas, il y a vraiment une complexité, il y a vraiment... et pour plein, plein, plein de raisons. Et déjà, il y a beaucoup de médecins qui me disent : Aïe! ce n'est pas pour ça que j'avais signé, là. Moi, j'embarquais, puis ça faisait du sens, parce que je soulageais quelqu'un qui souffrait, puis ce que j'avais à lui offrir ne fonctionnait pas, puis je l'accompagnais là-dedans. Là, j'ai des gens qui sont... tu sais, qui ne sont pas en fin de vie, qui ont des handicaps, qui ont des problèmes de santé, certes, graves, mais qui n'ont pas accès à un ascenseur, qui n'ont pas accès à un appartement adapté, qui ont plein d'autres facteurs. Et, oui, il y a une souffrance qui est là, mais c'est long à évaluer.

Et donc déjà, on sent que... hein, je le disais dans mon document, il y a beaucoup d'établissements qui, présentement, n'arrivent pas ou... En tout cas, moi, j'ai fait, même, des réflexions, avec certains établissements, sur est-ce qu'on devrait avoir une liste de priorisation de nos cas d'AMM, un peu comme on a dû le faire pour les chirurgies...

Mme Roigt (Delphine) : ...en cas de pandémie, parce qu'on... Parce qu'il y en a beaucoup, il y a une augmentation quand même de 30 % par année. Puis vous remarquerez que le nombre de médecins augmente, mais pas proportionnellement non plus.

Donc, vous me demandez quoi faire, dans votre... dans le projet de loi. C'est un soin, il devrait être offert partout, mais on ne pourra jamais, tu sais... Si vous me dites : je ne peux pas forcer... Tiens, je vais vous faire un parallèle puis je n'ai pas la réponse. Si vous me dites : Je ne peux pas forcer quelqu'un à essayer des soins Pal, s'il ne veut pas, parce que son autonomie prime, je ne vois pas comment je peux forcer un médecin. Je trouve que le soin n'a pas de sens pour lui, dans ces conditions-là, de le donner, le médecin ou IPS, par ailleurs.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Je dois vous quitter... de... «vous quitter», vous... Je ne vous quitterai pas, je suis encore là, je dois vous couper, par contre. Le temps de l'opposition est terminé, mais on a encore un quatre minutes 8 s avec la deuxième opposition représentée par la députée de Sherbrooke. Alors, vous allez avoir encore du temps pour exprimer vos pensées. Le temps commence pour vous maintenant.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

Vous êtes habituée d'être confrontée à des situations difficiles. On a des gens qui sont venus témoigner ici qu'elles avaient été, soit elles-mêmes ou d'autres personnes, non informées de leur droit d'avoir accès à l'aide médicale à mourir dans des situations assez émotives, là, où parfois certains ont tenté d'attenter à leurs jours eux-mêmes sans savoir qu'ils avaient accès à ce soin-là, déploraient que leur médecin ne leur en avait pas parlé. On a d'autres personnes qui ont témoigné de la violence aussi de se faire proposer l'aide médicale à mourir, de se faire parler de ce soin-là, alors que ce n'est pas du tout là où ils sont rendus ou en tout cas que ce n'est pas leur intérêt de réfléchir à ça. Vous nous avez mentionné que les soins palliatifs ne sont pas toujours bien compris non plus, qu'il faudrait en parler aux gens. J'imagine que, compte tenu des préjugés qui existent sur les soins palliatifs, ce n'est pas toujours facile d'aborder ça non plus avec quelqu'un qui n'est pas préparé, pour qui ça veut dire : je vais mourir. Comment on peut trouver l'équilibre entre bien informer les gens de leurs droits, s'assurer qu'ils connaissent leurs droits, mais en même temps, s'assurer de ne pas non plus les heurter ou que ou que ce soit reçu... Parce que, tu sais, le mot «violence» a été utilisé, là, par rapport à recevoir de l'information... (panne de son) ...Non sollicitée.

Mme Roigt (Delphine) : Tout ça se fait dans une relation thérapeutique. Donc, si, à la base, il y a... Tu sais, puis, ça, c'était une des questions qu'on avait soulevées en 2013 : c'est la responsabilité de qui? Quand quelqu'un présente plusieurs troubles de santé, il y a plusieurs professionnels, c'est la responsabilité de qui? Puis ce n'est pas toujours la personne avec laquelle on a le plus de lien qui va, des fois, aborder ces questions-là, ça va être, tu sais, peu importe, puis le moment ne sera pas très bien choisi.

Je pense que, si on est sérieux, je reviens à peut-être certains indices que je vous ai donnés tout au long du document, si on est sérieux avec cette idée d'une loi concernant les soins de fin de vie dans un continuum, bien, il faut mettre toute la gomme pour avoir des équipes dédiées, pour avoir des gens formés, pour avoir des déclencheurs dans le dossier de l'usager, de la personne, qui nous permettent de dire : Oups! O.K., là, par exemple, son cancer, il y a une récidive de son cancer, bon, bien, la discussion, il faut qu'elle ait lieu. Ça n'a jamais eu lieu, il faut qu'elle ait lieu, si elle a déjà eu lieu, il faut qu'on la reprenne. Si quelqu'un arrive, que ce soit une maladie rénale, cardiaque, pulmonaire, mais qu'on arrive au stade terminal, le stade terminal, ça ne veut pas dire que tu vas mourir demain matin, le stade terminal, ça veut dire tu étais dans guérir, là, tu as une maladie chronique, eh bien, tu es dans stabiliser parce que tu ne guériras jamais de ta maladie chronique. Puis, éventuellement, ton stabiliser, il commence à moins fonctionner, puis là, il faut commencer à envisager un soin de fin de vie. Mais, le stabiliser, c'est, finalement, le début de la discussion, parce que, dès que c'est chronique, ça veut dire qu'il faut que tu apprennes à vivre avec la maladie, que tu apprennes à vivre avec...  Donc, si on ne le fait pas en continu... Puis là, bien, il va y avoir des médecins qui vont vous le dire : on ne veut pas leur faire perdre l'espoir, tout ça, tout ça. Je le comprends, c'est toujours un balancier. Mais je pense qu'en ayant des équipes dédiées et en ayant une réflexion vraiment proche de la personne, bon, la personne va nous dire qu'est-ce qu'elle a le goût d'entendre. Qu'est-ce que vous connaissez de votre maladie? Qu'est-ce que... qu'est-ce que vous avez... Qu'est-ce que vous avez comme questions? Tu sais, il y a des.... Il y a tellement de façons d'aborder ces questions-là, ce n'est pas tous les médecins qui sont formés là-dessus, hein? Les discussions de fin de vie, là, il ne faut pas se leurrer, là, ce n'est pas tous les... tu sais, je veux dire, les médecins l'apprennent dans leur formation, puis là, je parle juste des médecins, mais ça vaut pour les autres professionnels, mais ils n'ont pas beaucoup de... d'occasions pour...

Mme Roigt (Delphine) : ...vraiment le tester, puis de se faire évaluer puis d'avoir une rétroaction. C'est quelque chose qui s'apprend. Et donc d'espérer que la TS de l'équipe va le faire ou que, tu sais... Il faut qu'il y ait une mobilisation là-dessus dans nos équipes pour éviter tout ce que vous avez dit, pour éviter que, si on l'aborde trop tôt puis que la personne n'est pas contente, bien, il faut récupérer. Est-ce que... est-ce qu'on l'a abordé trop tôt parce qu'on ne connaissait pas bien le diagnostic et les pronostics ou c'est parce que, vraiment, la personne n'était pas au courant? Tu sais, il y a plein, plein, plein de facteurs qui rentrent en ligne de compte dans ce que vous me dites.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous avions. Au nom des membres de la commission, à nouveau, un grand merci pour ces réflexions. Ça va alimenter les nôtres, évidemment.

Alors, pour les membres de la commission, je suspends jusqu'à 15 h, où nous allons entamer la dernière ronde de rencontres pour notre mandat. Merci beaucoup, tout le monde. Bon dîner.

(Suspension de la séance à 12 h 57)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 03)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux en ce mercredi 29 mars. Nous avons encore deux rencontres. Nous allons commencer par celle qui est représentée par Monsieur Steven Laperrière et Monsieur Laurent Morissette, c'est-à-dire le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec. Bienvenue messieurs!

Alors, comme vous pouvez voir, nous sommes un bon groupe de parlementaires qui sommes prêtes, parce que c'est toutes des femmes, à vous entendre, vous allez disposer d'une période de 10 minutes pour présenter votre... les grandes lignes de votre mémoire et va suivre ensuite une période d'échange avec les parlementaires, les membres de la commission. Alors, le temps commence pour vous dès maintenant.

M. Morissette (Laurent) : Merci. Merci, Mme la Présidente et mesdames les membres de la Commission. Comme vous le savez, mon nom est Laurent Morissette, je suis trésorier du RAPLIQ qui est, comme vous le savez, le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec qui est un organisme national fondé en 2009, qui accompagne et fait part de revendications pour les gens en... pour la défense des droits des personnes en situation de handicap depuis 2009. Et puis, sur un plan personnel, je peux vous dire que je suis avec le RAPLIQ depuis 2011, mais le RAPLIQ a su susciter chez moi un esprit de pugnacité pour la défense des droits des personnes en situation de handicap. Et puis je ne peux qu'être honoré d'être ici aujourd'hui pour discuter de l'enjeu fondamental... des enjeux fondamentaux qui couvrent ce projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Et puis, sur ça, je laisse la parole à mon collègue, le directeur du RAPLIQ, monsieur Steven Laperrière.

M. Laperrière (Steven) : Merci Laurent, mesdames les parlementaires, premièrement, merci beaucoup de nous accueillir et de nous inviter à exprimer notre opinion parmi... dans le cadre de ces travaux fort importants. Cette opinion qu'on vient porter aujourd'hui aujourd'hui, c'est une opinion qui vient d'un peu partout au Québec, de nos membres, de nos partenaires, de nos fournisseurs, de nos amis. Alors, on a vraiment travaillé à vous amener de meilleures opinions qu'on pouvait... les meilleures inquiétudes puis les meilleures questions.

Au cours de la rédaction de ce mémoire et de la préparation de cette audience, deux valeurs fondamentales ont guidé notre préparation, c'est-à-dire la plus importante sera toujours la qualité de vie et la deuxième valeur, la dignité au moment du départ. En préparation de ce mémoire, on a essayé de trouver la meilleure définition possible du terme handicap, car la définition du handicap peut varier selon les contextes et les perspectives. En général, le handicap se réfère à une limitation physique, mentale ou sensorielle qui affecte les activités quotidiennes d'une...

M. Laperrière (Steven) : ...et qui peut poser des obstacles à sa participation pleine et entière dans la société. Il est important de noter que le handicap ne doit pas être considéré comme une caractéristique intrinsèque de la personne mais plutôt comme le résultat d'une interaction complexe entre les limitations de la personne et les barrières sociales et environnementales. En d'autres termes, le handicap est une construction sociale qui est influencée par les attitudes et les normes de société, et ces barrières sont présentes aussi dans le système de santé. Il est important de noter, et c'est un des principes qui a guidé nos travaux aussi... de noter que des personnes atteintes d'un handicap ont les mêmes droits que les autres membres de la société et doivent être traitées de manière égale et équitable. Nous souhaitons, évidemment, que les travaux que vous menez tiennent compte de cet aspect.

Un autre constat général, quand on pense au handicap, c'est que, souvent, les discussions que nous avons entre nous et avec des partenaires, membres, et tout ça, c'est que, souvent, ces discussions-là se concluent avec comme seule logique que les personnes handicapées coûtent cher à la société, que ce soit en soins de santé, que ce soit en hébergement, en institution ou soins à domicile, d'aide à la mobilité, etc., sans parler des adaptations, accommodements physiques qu'on doit apporter au lieu, que ce soient les cliniques, que ce soient des appareils tels des lève-personne, tels des tables d'examen accessibles ou des équipements à rayons X où il faut nécessairement être debout pendant longtemps, bien, pour des personnes comme Laurent, ça ne fonctionne pas. Alors, il faut penser à tout ça, et c'est toujours des coûts exceptionnels. Et, ceci expliquant cela, j'imagine que vous n'êtes pas sans savoir, un fort pourcentage de la population des personnes handicapées décèdent de d'autres causes que celles qui les handicapent par manque d'accès au système de santé. C'est une réalité. On pourrait faire des cliniques de mammographies, entre autres. Contradictoirement à ça, les personnes handicapées représentent une source de revenus constante et importante aux médecins spécialistes et surtout aux chercheurs. Alors, il y a une contradiction puis c'est une contradiction qui est présente dans le discours des personnes en situation de handicap.

Revenons à l'aide médicale à mourir, un petit rappel historique auparavant. Est-ce que... Lorsqu'on lit toutes les interventions, est-ce que nous n'avons pas appris du décès de Monsieur Gabriel Bouchard, qui, en 2015, se sentant abandonné par le système et face à des perspectives de vie inacceptables en institution pour lui, dans des conditions assez incroyables, préféra se laisser mourir de faim, alors qu'il aurait pu vivre encore une dizaine d'années avec un système de support adéquat? Malheureusement, on en est aujourd'hui à parler de ça et on espère que c'est... des travaux que vous menez vont apporter une solution à ça.

Lorsqu'on parle d'aide médicale à mourir, on a peur aux abus, on a peur aux dérives. Je vous raconte une histoire vécue d'un de nos membres qu'on connaît très bien. Un homme d'une soixantaine d'années, malade, vivant seul, sans un vrai système de support familial, outre le soutien de sa famille du RAPLIQ, parce qu'il est sur notre CA puis il nous considère comme sa famille, qui se fait dire par le responsable de son équipe interdisciplinaire : Écoute, tu prends plus d'une trentaine de pilules par jour, ton état ne s'améliore pas, tu veux continuer comme ça encore longtemps? Tu auras peut-être une grande décision à prendre bientôt. Il s'est fait dire ça par son infirmière pivot. Avec quoi vous pensez qu'il est reparti chez eux? Coudon, elle est-tu en train de me demander de prendre la piqûre, là? C'est avec cette impression-là qu'il est parti. Est-ce que c'est ça qu'elle voulait dire? Je ne peux pas le dire, puis lui non plus, mais c'est l'impression qu'il a eue.

• (15 h 10) •

Quand on entend ce genre de propos, et malheureusement on l'entend plus souvent qu'on le voudrait, ce n'est pas un cas unique... À lire certains mémoires et certains commentaires émis ici en personne, il est à se demander si certains ne sont pas en train de se substituer à Mère Nature ou à quelconque Dieu, ou pire encore, de vous demander de réfléchir à légaliser une nouvelle action T4 maquillée. C'est l'impression qu'on a en lisant certains mémoires. Dans ce contexte, doit-on vraiment se surprendre du nombre croissant de mémoires et d'exécutions de ces demandes? Le rapport annuel de la Commission sur les soins de vie révèle ces statistiques, en 2021-2022, 5 % des Québécoises et des Québécois qui sont décédés ont reçu l'aide médicale à mourir dans leur trajectoire vers le décès, ce qui représente 3 663 personnes. C'est quand même un nombre assez important.

Et, plus haut, nous mentionnons que le débat que nous tenons est signe d'une société saine. Et je le pense vraiment, les débats qu'on a aujourd'hui, c'est sain, mais nous avons presque envie de reprendre ces mots, car est-il vraiment sain qu'une société accorde plus d'importance à l'aide médicale à mourir qu'à l'aide médicale à vivre? Pire encore, comme je le mentionnais dans le cadre, là, de monsieur qui est un de nos membres, pire encore, que cette future loi suggère à chaque individu et parfois subtilement, comme ça a été le cas, encouragé par le système...

M. Laperrière (Steven) : ...précédemment, laissé à lui-même, sans système de support familial, amical, social ou médical, l'encourager... est-ce qu'on l'encourage à vivre ou est ce qu'on l'encourage à mourir? La question se pose.

Alors, bien que favorable à l'aide médicale à mourir pour éviter une fin de vie indigne et des douleurs intenables, le RAPLIQ émet des craintes quant à l'élargissement des critères d'admissibilité proposés par le gouvernement. Il recommande que les patients aient accès à des soins palliatifs de qualité et que leur décision d'opter pour l'AMM soit éclairée et volontaire. Les soins palliatifs, qui peuvent également aider les patients à trouver un sens et une signification à leur vie alors qu'ils arrivent à la fin de celle-ci, nous vous invitons, chers parlementaires, à réfléchir à cette situation comme si vous étiez vous-mêmes en situation de handicap.

Une autre contradiction qu'on a notée, discrimination, on pourrait dire aussi, c'est le handicap neuromoteur grave. On cherche à comprendre pourquoi rendre plus accessible de l'aide médicale à mourir aux personnes avec un handicap neuromoteur grave. Sur quelle base factuelle se permet-on de proposer cela, alors qu'il y a plein de personnes à handicap neuromoteur grave qui n'ont pas de souffrance, qui n'ont pas de douleur intense qui les rend... qui leur donnent le goût de ne pas vivre? On peut penser à deux personnes atteintes de sclérose en plaques progressives depuis à peu près le même nombre d'années et ayant à peu près le même âge. Une de ces deux personnes peut être extrêmement souffrante et, on le sait, on connaît cette personne-là, et une autre personne qui ne l'est pas.

Alors, pourquoi ouvrir la porte plus... plus facilement vers l'aide médicale à mourir à des personnes atteintes d'un handicap neuromoteur alors que, bien, une personne sourde peut avoir un cancer, peut avoir des grosses souffrances puis vouloir l'aide médicale à mourir? Donc, est-ce qu'on est en train de discriminer les personnes handicapées jusque dans les soins de fin de vie? S'il vous plaît, dites-moi de ça que ça ne se peut pas, là. Alors, c'est un peu ça, un des points importants.

Puis on parle de handicap, handicap neuromoteur, mais, comme je le disais aussi, il y a des gens qui sont handicapés, toutes sortes de handicaps confondus, que ce soit intellectuel, physique, peu importe, et nous croyons... et si nous croyons qu'il est primordial de maintenir les critères de mort naturelle raisonnable prévisible et de fin de vie, comme prévu dans les lois, il faut garantir, comme on disait, un de nos critères fondamentaux, il faut garantir le respect réel de la personne et de la dignité humaine. Et cette question fait débat. Au sein de notre C.A., nous avons perdu des membres, et au sein de nos membres aussi, on a perdu des gens qui ont choisi l'aide médicale à mourir parce que même si la fin de vie n'était pas prévisible, ils n'en pouvaient plus, ils n'en pouvaient juste plus, puis ça se voyait, puis on le sentait, puis c'était une certaine déchéance.

Alors... alors, tu sais, en tant que regroupement, nous sommes favorables à l'utilisation de l'aide médicale à mourir pour les personnes dont la douleur est avérée et médicalement incontrôlable ou incurable. Cependant, ce qu'on veut être sûr, c'est que s'ils en font la demande et que la fin de vie n'est pas imminente, nous reconnaissons également la nécessité d'encadrer, de réglementer rigoureusement cette pratique pour assurer la protection de tous les individus concernés. Et on ajouterait même une question : Sur les comités consultatifs qui prennent la décision à savoir est-ce qu'on accepte une demande ou pas, est-ce qu'une personne handicapée siège sur ces comités-là? Parce que la vision puis la perspective d'une personne handicapée est forcément un peu différente de quelqu'un qui ne l'est pas. Alors, la question est posée.

Et le dernier point j'aimerais faire... je ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'achève.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...a accepté de prendre du temps. Allez-y. Allez-y.

M. Laperrière (Steven) : D'accord. Mais c'est mon dernier point. Une chose, un angle qui est complètement évacué jusqu'ici, c'est le don d'organes. On a des gens qui ont demandé l'aide médicale à mourir qui auraient voulu donner leurs organes viables, et la coordination entre le centre qui donnait... qui exécutait à l'aide médicale à mourir et Transplant Québec, ça n'a pas été possible. Puis ça a l'air que ça ne sera pas possible non plus. Alors, j'aimerais que... j'aimerais que vous vous penchiez sur cette question-là, parce que, de pouvoir donner ses organes, c'est... pour la personne qui le fait, si c'est son souhait, c'est un... c'est un baume sur une fin de vie imminente, c'est faire quelque chose de bien pour la société, puis ça peut être un baume aussi pour la famille. Alors, je tenais à rajouter ce point-là.

Et, en conclusion, mesdames, nous croyons que ce mémoire touche plusieurs points qui ont des sources... qui sont des sources d'inquiétude pour les personnes handicapées. Notre souhait est que ce mémoire, au même titre que celui de nos collègues d'autres organismes et individus, aura su vous éclairer sur les différentes sensibilités et craintes en regard de ce projet de loi. Nous espérons que vous, Mesdames les commissaires, qui êtes aussi élus et législatrices...

M. Laperrière (Steven) : ...aurai le discernement, la sagesse et le courage de faire les bonnes recommandations et de voter en faveur de ce qui est le mieux pour les concitoyens et concitoyennes handicapés, car la fin de vie de tous les Québécoises et Québécois est entre vos mains. Bonne réflexion.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Laperrière. Vous en mettez beaucoup sur nos épaules, mais vous avez raison, c'est notre devoir. Merci pour cette présentation. Je vous rappelle très, très respectueusement que notre objectif, c'est de bonifier le projet de loi qui est déposé, un projet de loi, c'est perfectible, on le dit souvent. Alors, je vais donc entamer avec mes consœurs la période d'échanges avec vous. On va commencer par Mme la ministre et il reste 14 min 9 s.

Mme Bélanger : Oui. Alors, Monsieur Laperrière, monsieur Morissette, un grand merci de participer à notre commission, votre rapport est très clair, je veux le mentionner, ainsi que les recommandations, et merci pour cette belle présentation.

Je voudrais quand même juste peut-être revenir sur le fait... et peut-être vous rassurer, puis je comprends toutes les appréhensions, là, que vous mentionnez, c'est que l'intention qu'on a eue de... et la proposition, de rendre accessible à mourir aux personnes ayant un handicap neuromoteur grave et incurable n'était pas basée sur le fait d'ostraciser les personnes ayant un handicap, mais plutôt sur le fait, justement, comme vous l'avez mentionné, de dire que les personnes vivant avec... ou étant en situation de handicap, je comprends bien qu'il y a une nuance, là, donc les personnes étant en situation de handicap ont les mêmes droits justement que les autres personnes, et de reconnaître qu'elles peuvent elles aussi vivre des souffrances physiques, psychiques puis naturellement tous les autres critères qui sont dans la loi.

Et c'est pour ça qu'on s'est questionné. Puis vous savez qu'au niveau fédéral la notion de handicap est incluse, et donc ici, au Québec, par devoir de prudence puis pour éviter justement, je dirais peut-être, des dérapages. Il y a eu beaucoup de réflexions, notamment avec des ordres professionnels, mais aussi avec des organismes qui donnent des services aux personnes handicapées, et il y a eu, à un moment donné, un consensus de dire : O.K., on va spécifier. Mais l'objectif de le spécifier, c'était vraiment, justement, par devoir de prudence puis aussi suite à l'affaire Truchon-Gladu, O.K., c'est de là que tout ça part.

Une voix : Je comprends.

Mme Bélanger : Mais on comprend qu'en faisant ça, ça a créé, puis avec raison, avec raison, vous faites bien de le mentionner, puis il y a d'autres groupes qui nous l'ont soulevé, des questions, puis on est très sensibles à tout ce qu'on entend aujourd'hui. Ma question est... Je comprends que vous dites, dans le fond, il ne faudrait pas que l'aide médicale à mourir soit un soin de dernier recours parce qu'on n'a pas reçu les services psychosociaux, les services de santé, les services dans la communauté, etc. Puis vous amenez même le fait que le médecin... puis là je vais rajouter... j'ajoute l'IPS parce qu'éventuellement... Vous savez qu'on a intégré dans le plan... dans le projet de loi que l'IPS pourrait aussi, au même titre que le médecin, procéder. Vous intégrer le fait que le médecin devrait s'assurer, dans le cadre du processus, que la personne qui demande l'aide médicale à mourir... Parce que l'élément essentiel, c'est qu'il faut que ça vienne de la personne, en plus, hein, l'autodétermination...

• (16 h 20) •

Une voix : Exact.

Mme Bélanger : Mais que le médecin s'assure que la personne ne demande pas l'aide médicale à mourir et... parce qu'il y a un manque de services médicaux, un manque de services sociaux ou des services de soins palliatifs inappropriés. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, bien, je trouve que cet élément-là est très important.

M. Laperrière (Steven) : Exact. C'est le point... C'est certainement un des points les plus importants. Puis, une des plus grandes craintes des personnes en situation de handicap, en tout cas, que moi, je connais, je ne connais personne qui veut mourir dans la déchéance puis l'indignité, handicapé ou pas, mais personne ne veut mourir parce qu'on n'a pas été au bout du chemin, c'est-à-dire que, quand un... que ce soit un problème de santé mentale ou n'importe quoi, si la personne est dans des douleurs intenses, intenables, incontrôlables et avérées, incurables et incontrôlables par un médecin, à ce moment-là, on veut bien considérer l'aide médicale à mourir s'il n'y a pas d'autre chose à faire, si la personne le veut. Mais, encore là, comment faire en sorte... comment baliser le tout, Mme la ministre, pour faire en sorte de s'assurer que le médecin accomplit vraiment le devoir de...

M. Laperrière (Steven) : ...regarder toutes les options avant d'arriver à l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas médecin, je ne peux pas vous dire comment faire, mais je peux vous dire ce que les gens ressentent par exemple, et la peur que les gens ont, c'est celle-là, c'est que les médecins n'iront pas au bout.

On fait juste penser, Mme la ministre, à la... En période de pandémie, il était question que... est-ce qu'on donne des ventilateurs aux personnes en situation de handicap? Là, je comprends qu'on n'est pas dans la même situation. Je le comprends. Je ne veux pas comparer des pommes avec des carottes, là, mais cette discussion-là a déjà eu lieu. Alors, je pense que l'inquiétude, elle est raisonnable, elle est palpable.

Et, quand je parle de lourde responsabilité qui est sur vos épaules à tous, communément, bien, c'est celle-là. C'est de prouver aux personnes handicapées, de baliser tout ça, que le médecin va vraiment être obligé d'aller au bout de la démarche thérapeutique, tout ce qui peut être fait pour aider quelqu'un avant d'encourager ou... pas d'encourager, mais peut-être de promouvoir l'aide médicale à mourir, dans un cas comme dans l'autre, pour éviter des situations... qui est arrivée à notre monsieur, là.

Mme Bélanger : ...préciser, là, parce que je veux être sûre de bien comprendre. Je pense qu'on est tous soucieux, là, puis on est conscients de la responsabilité qu'on a, des décisions qu'on a à prendre. Mais est-ce que vous êtes à l'aise... Là, je comprends que, «neuromoteur», vous nous dites : N'allez pas là, enlevez ça, c'est discriminant, puis... Bon. Est-ce que vous êtes à l'aise qu'on mette dans le projet de loi les personnes vivant en situation de handicap ou vous aimez mieux qu'on ne le mette pas et qu'on tienne compte des critères comme par exemple la volonté de la personne, l'aptitude à consentir, le déclin irréversible, le caractère incurable, la maladie physique, souffrance, la souffrance physique... Est-ce que vous aimeriez mieux qu'on ne mette pas du tout le volet handicap ou... Je veux vous entendre là-dessus.

M. Laperrière (Steven) : Écoutez, je... Bien, Laurent, peut-être, tu veux dire quelque chose là-dessus?

M. Morissette (Laurent) : Bien, écoutez, je... Bien, je ne sais pas si je vais être complètement à côté de la plaque, mais ce que moi, j'ai toujours dit en tant que participant dans la vie civile, c'est que ce qui nous définit, ce n'est pas nécessairement notre handicap. Je veux dire, ce qui nous définit, c'est notre désir profond de participer à la société. Je veux dire... Donc, ce qui... Si on considère que ce qui nous définit en tant qu'être vivant, ce n'est pas notre handicap, bien, il faudrait aussi appliquer cette même logique lorsqu'il est question de soins de fin de vie.

Je veux dire, moi, personnellement, j'ai eu un oncle qui est mort pendant la pandémie, justement, qui a eu affaire aux soins de fin de vie. Et puis, parce que c'était un contexte de pandémie, tout ça, ça a été un petit peu expédié.

Donc, moi, personnellement, je... Sans dire qu'il faudrait complètement évacuer les questions relatives au handicap, je pense que ça ne devrait pas être le point central de la... des prises de position.

M. Laperrière (Steven) : Et, pour faire un peu de pouce là-dessus, Mme la ministre, un peu dans le même sens, je pense que la loi sur l'aide médicale à mourir, là, ça concerne tout le monde. Je veux dire, moi, vous, ça peut être n'importe qui. Donc, c'est un... Moi, je le pense toujours comme un projet général, mais, en quelque part, je pense qu'il est bien de... je pense que le handicap devrait rester une notion présente dans le texte de loi de façon à protéger les personnes handicapées, qui sont peut-être plus vulnérables que d'autres, qui ont parfois un système de support familial, social un peu moins grand que d'autres. J'en connais plein, de personnes handicapées, qui sont toutes seules puis qui n'ont personne au monde.

Alors, je pense qu'on doit le garder dans les textes de loi, Mme la ministre, les parlementaires, mais beaucoup par mesure de protection puis de s'assurer encore, un peu comme on le disait tantôt aussi, au risque de me répéter, de bien baliser le travail des médecins puis des professionnels pour être sûr qu'on aille au bout des options de traitements disponibles pour chaque personne. C'est ce que je souhaiterais, Mme la ministre.

Mme Bélanger : O.K. Merci. Peut-être une dernière question, là, de mon côté. Vous évoquez la notion de comité consultatif, c'est ce que vous avez mentionné, sur l'aide médicale à mourir. À quoi faites-vous référence exactement? Qu'est-ce que vous proposez?

M. Laperrière (Steven) : Bien, je comprends... Et peut-être que ma compréhension est erronée, je l'avoue, donc je n'avance rien, mais je comprends que, lorsqu'il y a une demande d'aide médicale à mourir qui est formulée, il y a comme un genre de comité de quelques personnes qui analyse... Dites-moi que ce n'est pas juste une personne, s'il vous plaît, là. Dites-moi que ce n'est pas ça.

Mme Bélanger : O.K. Parlez-vous de la commission des soins de fin de vie... la commission des soins de fin de vie ou un comité consultatif interne?

M. Laperrière (Steven) : Exact. Qu'il y ait au moins une personne en situation de handicap qui siège pour avoir la perspective d'une personne handicapée, parce qu'une personne handicapée...

M. Laperrière (Steven) : ...bien comprendre le désespoir d'une autre personne. Je pense que, ça, elle peut mieux le comprendre que moi.

Mme Bélanger : O.K. Merci beaucoup.

M. Laperrière (Steven) : Voilà. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuivre avec la députée d'Abitibi-Ouest, qui a quelques questions pour vous. Il reste 4 min 40 s

Mme Blais : Merci, Mme la Présidente. M. Laperrière, M. Morrissette, merci de votre présence. M. Morissette, j'aimerais qu'on parle de souffrance, souffrance et douleur, parce qu'il existe des souffrances physiques et il existe aussi des douleurs physiques dues à la mobilité, ces choses-là, et aussi des grandes souffrances psychologiques. Quel genre de souffrance vous avez vécue?

M. Morissette (Laurent) : C'est une question assez particulière, si je peux me permettre, parce que, moi, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui me définit, ce n'est pas nécessairement mon handicap, là. Et puis, évidemment, ce qui est drôle, parce que j'ai souvent des discussions avec des amis à moi puis qui... Ils me disent : Ah mon Dieu! j'ai mal à... J'ai mal aux dents, j'ai mal à ci... Mais je ne devrais pas me plaindre parce que, toi, tu es une personne handicapée puis tu as... Tu sais, tu es tout le temps assis, 16 heures par jour puis tout ça. Donc, tu as vraiment beaucoup de douleurs... Bien moi, honnêtement, je n'ai pas... Je n'ai pas plus de douleur que n'importe qui, sans dire que je n'en ai pas puis sans dire aussi que ça... ça me... ça me rend... ça me rend meilleur par rapport à quelqu'un d'autre, je veux dire. Tu sais, la plus... Je vous dirais, pour être le plus simple possible, une... une des plus grandes douleurs que je ressens, c'est que... c'est de savoir que mes... je n'aime pas les appeler comme ça, mais que mes compatriotes, je veux dire, en situation de handicap vivent, sans nul doute, un nombre incommensurable de douleurs psychologiques causées par le fait qu'ils et elles ne peuvent pas s'accomplir pleinement en tant que citoyens à part entière dans la société québécoise.

Je sais que ça ne répond pas nécessairement à votre question, mais... mais plutôt que dire que j'ai seulement mal au dos, mal aux fesses, j'ai voulu être vraiment être plus... plus, un petit peu plus... plus... plus large, un peu plus... plus réaliste, honnêtement parce qu'honnêtement je pense qu'au-delà des douleurs physiques qui peuvent, s'il y a un système de support adéquat pour une personne, qui peuvent être mitigées et atténuées si on s'assure que la personne est soutenue de façon adéquate, non seulement par son réseau de proches aidants, mais également par des employés, comme des préposés aux bénéficiaires qui sont payés adéquatement, je pense qu'aujourd'hui le pourcentage que nous... que nous avons... que nous avons émis de 5 %, on n'en serait probablement pas là actuellement. Disons que...

M. Laperrière (Steven) : Merci, Laurent. Si je peux faire un petit mot là-dessus...

Une voix : Oui.

M. Laperrière (Steven) : On parlait tantôt de handicap moteur versus handicap... handicap versus handicap neuromoteur, pourquoi catégoriser les gens. Laurent fait extrêmement là-dedans. Laurent, il a certains inconforts, il a certaines douleurs, mais il est loin d'avoir des douleurs intenses, insupportables à base quotidienne. Il est un peu l'exemple de ce que j'exprimais tantôt.

Mme Blais : Je vous remercie beaucoup, M. Morissette, d'avoir pris le temps de répondre à ma question qui était assez directe. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Il reste 1 min 10 s. Très courte question pour la députée de Laviolette-Saint-Maurice.

• (15 h 30) •

Mme Tardif : Certes, M. Laperrière, je crois.

M. Laperrière (Steven) : Oui.

Mme Tardif : Merci d'être venu. Merci de vous être déplacé. Merci d'avoir préparé ce rapport qui est très complet. Ma question est très courte. Vous... On en revient au projet de loi, là. Vous nous suggérez d'inclure les personnes avec des troubles de santé mentale et de le rendre admissible. Pourriez-vous m'expliquer un peu davantage votre opinion par rapport à ça?

M. Laperrière (Steven) : Avec plaisir. Pour la simple et bonne raison que les troubles de santé mentale, c'est aussi un handicap. Mme la ministre posait tantôt si on devait garder le terme «handicap» dans les textes de loi. Bien, si on garde le texte «handicap», à notre sens, santé mentale fait partie des handicaps aussi. Je comprends que c'est une game différente, c'est sur une façon de penser différente. Je le comprends, mais ça demeure tout de même un handicap.Et on connaît des personnes qui ont des troubles de santé mentale, qui ont de grandes souffrances psychologiques, psychiques, un grand mal de vivre qui est incontrôlable, incurable. Et encore là, je demanderais aux parlementaires de bien considérer qu'avant de considérer un... Avant d'accorder un droit d'aide médicale à mourir...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Laperrière (Steven) : ...de s'assurer que le médecin spécialiste, peu importe, ait fait le tour de toute la question, et qu'il n'y ait pas d'autre option. Parce que ces personnes-là sont encore peut-être un petit peu plus vulnérables qu'une autre partie de la population. Alors, j'espère que ça répond à votre question.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, monsieur Laperrière. Nous allons donc poursuivre les discussions, cette fois avec l'opposition officielle, avec la députée de...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : La Pinière. Merci. Vous avez une période de 12 minutes 23 secondes.

Mme Caron : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, merci d'être présents avec nous. Une question à propos du terme handicap. Donc, ce que j'ai bien compris dans votre présentation et dans la réponse, tout à l'heure, c'est que, handicap... les personnes handicapées ne devraient pas être traitées autrement que la population en général. Donc, à ce chapitre-là, peut-être que vous retiriez le terme handicap. Par contre, vous, vous le garderiez peut-être pour s'assurer que les personnes handicapées non pas... elles ne sont pas mises dans une situation où on leur propose, par exemple, l'aide médicale à mourir faute de soins, que ce soit, peu importe quel soin ou aide à demeurer à domicile. Hier, il y a une personne qui est venue et qui nous disait, plutôt que de parler de handicap, peut-être plutôt de déficience et d'incapacité grave et incurable. Est-ce que c'est quelque chose qui serait plus acceptable pour vous ou non?

M. Laperrière (Steven) : Non. Et, pour la simple et bonne raison que, si on veut rentrer là-dedans, on va commencer à catégoriser ce qu'est le handicap. Pour moi, quand on dit : Handicap... tu sais, il y a des gens qui vont dire : Une personne en situation de handicap. Moi, Laurent, là, je considère qu'il n'est pas handicapé. Quand il est devant une marche, qu'il ne peut pas rentrer à quelque part, là, il est en situation de handicap. Mais sinon, mon chum Laurent, là, c'est une personne handicapée, point final. Il n'est pas blanc, il n'est pas noir, il n'est pas catholique, il n'est pas... c'est une personne handicapée, c'est mon chum, that's it. Donc, pour moi, le terme handicap englobe tout, que ce soit handicap... là, parce qu'après ça, on peut aller à handicap moteur, handicap cognitif, handicap... tu sais, je veux dire, on ne finit plus, là, on peut catégoriser ad vitam aeternam. Mais handicap, ça définit bien, je pense, la situation d'à peu près toutes les personnes, jusqu'à temps que quelqu'un me prouve le contraire. Puis, ce jour-là, il n'est pas arrivé encore, je ne l'ai pas vu.

Mme Caron : D'accord. Bien, en fait, en fait, c'est ce que la personne nous disait également, c'est que le handicap est situationnel. Donc, c'est au moment justement où la personne arrive devant une marche qu'elle ne peut pas franchir... mais la personne dans son entièreté n'est pas... n'est pas handicapé. Ma collègue avait proposé peut-être qu'il y ait un forum qui soit organisé sur cette notion-là. Est-ce que c'est... ou peut-être un comité pour définir le tout? Est-ce que vous seriez intéressés à participer, peut-être, à ça?

M. Laperrière (Steven) : Mais tellement, mais tellement. Et je vous en prie, si vous le faites, invitez-nous. On va être des... on est partant de ça. Parce que... la définition du handicap puis la vie des personnes handicapées, les défis au quotidien, c'est des choses qui sont mal exprimées, qui sont mal comprises puis qui n'ont jamais été, à mon sens, communiquées comme il faut. Alors oui, un comité comme ça, oui, s'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît, et invitez-nous, on va être des joueurs importants. Et, oui, s'il vous plaît, c'est ça, ma réponse.

Mme Caron : D'accord. Merci. Et puis je reviens aussi dans votre recommandation numéro 11, à propos de la présence d'au moins personne handicapée sur les comités consultatifs sur l'aide médicale à mourir, donc vous parlez vraiment des comités locaux ou qui serait appelé à...

M. Laperrière (Steven) : Bien des gens qui sont... tu sais, je ne sais pas si le bon terme, c'est un comité, mais, tu sais, comme je disais : J'espère que ce n'est pas juste une personne qui décide, là, que ce soit un comité de deux, trois, quatre, cinq personnes, whatever. J'espère que... J'aimerais que ça soit mandatoire que, dans le cas où la demande d'aide médicale à mourir est faite par une personne handicapée, qu'il y a au moins une personne handicapée qui fasse partie du processus d'acceptation ou non de la demande.

Mme Caron : D'accord, je vous remercie beaucoup et je laisserais la parole à ma collègue de D'Arcy-McGee, si...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre avec la collègue de D'Arcy-McGee. Pour une période de huit minutes 39 secondes.

Mme Prass : Merci beaucoup. Merci de votre présence aujourd'hui et du mémoire. Je vais renchérir sur votre point de vue qui... bien, votre crainte que certains services ne soient pas offerts plutôt que... et qu'on... plutôt l'aide médicale à mourir. Avez-vous justement une crainte que, dans certains cas, il y aura des services, des soins qui ne seront pas offerts? Parce qu'on se dit, comme vous avez fait état plus tôt, que, bien, cette personne-là... s'en vont vers l'aide médicale à mourir. Donc, pourquoi leur offrir les soins? Avez-vous une crainte que cette mentalité-là se développe dans le système de la santé?

M. Laperrière (Steven) : Mais clairement, mais clairement, absolument et totalement. La réponse à ça, c'est un gros oui...

M. Laperrière (Steven) : ...parce qu'on l'a vécu avec notre ami, qui a vécu, lui, la situation que je vous ai rapportée. Il n'est pas en fin de vie, ce gars-là, là, puis c'est un actif pour la société. Mais là, soudainement, en quelque part, il y a quelqu'un qui décide : Écoute, mon ami, tu prends 38, 39 pilules, là, puis bien vite je n'en aurai plus, de pilules pour toi, là, ça fait qu'il va falloir que tu prennes une décision bientôt. Qu'est-ce qu'elle voulait dire, la personne? On ne le sait pas. Elle voulait-tu dire : Bien, pense à l'aide médicale à mourir?, ou peut-être : Change de médecin, parce que, moi, je peux... On ne sait pas ce qu'elle a voulu dire. Mais je sais que notre ami, il est ressorti de là en se disant : Bien, crime, elle m'a invité quasiment à prendre la piqûre, là. Ça fait que, lui, c'est ça qu'il a compris.

Alors, oui, j'ai peur que parce qu'on n'a pas assez de lits, j'ai peur que parce qu'on n'a pas assez de personnel, j'ai peur parce que... Je ne sais pas comment... Je pourrais vous en parler pendant deux heures, là. J'ai juste peur qu'un médecin, parce qu'il a une mauvaise journée, parce qu'il est surchargé, parce que ça ne lui tente juste pas, puis les personnes handicapées, ça l'écoeure, parce que ça arrive, croyez-moi, j'ai juste peur qu'un médecin dise : Ah non! Là, on a... Je n'ai pas allé jusqu'au bout, là, mais de toute façon, regarde, il achève, là, il reste deux ans, trois ans, quatre ans. Oui, oui, aide médicale à mourir! Oui, j'ai peur de ça, oui. Bien, en fait... pas moi qui ai peur, la communauté des personnes handicapées qui a peur. C'est ce qu'on nous a communiqué, c'est ce qu'on nous a dit.

Et c'est vrai, il y a des hôpitaux où l'accessibilité est très déficiente, il y a des examens que... Un examen gynécologique, pour une femme handicapée qui ne peut pas se transférer seule, ça peut être un exploit d'en avoir un. Donc ça peut être un exploit d'en avoir un. Alors, ça, c'est une réalité, madame, c'est une vraie réalité, une réalité vraie.

Alors, vous me demandez si on a peur, oui, on a peur, définitivement, pour toutes ces raisons-là. On a peur que les médecins n'aillent pas jusqu'au bout de toutes les ressources nécessaires pour aider les personnes à vivre et non pas les aider, les encourager à mourir. On voudrait qu'ils les encouragent à vivre en ayant la certitude qu'ils vont... exploitent toutes les solutions.

Mme Prass : Dans ce cas-là, pensez-vous qu'il y aurait place qu'il y ait une évaluation obligatoire de s'assurer que tous les services ont été donnés à cette personne-là avant qu'on commence... avant qu'on procède à l'administration de l'aide médicale à mourir?

M. Laperrière (Steven) : Écoutez, ça, je ne sais pas quoi répondre à ça. Idéalement, je pense qu'on... Idéalement, je pense qu'on devrait avoir confiance en nos médecins, nos spécialistes, notre système de santé, mais l'histoire nous prouve qu'on ne peut pas toujours avoir cette confiance-là. Je... Puis de... Ce que vous proposez, il me semble qu'il y a un potentiel que ça pourrait retarder le moment entre la demande et l'exécution.

Je réfléchis avec vous, mais j'irais peut-être avec une commission annuelle qui serait chargée de regarder, mettons, un certain pourcentage des demandes qui ont été faites versus qu'est-ce qui a été accepté ou refusé puis sur quelle base on s'enligne pour accepter ça. Il me semble que, ça, ça serait plus acceptable, à mon sens. Puis là Je parle en mon nom à moi, pas au nom du RAPLIQ, mais, à mon sens à moi, ce serait plus acceptable de faire ça que de retarder des demandes d'aide médicale à mourir qui souffrent parce qu'on veut faire trois fois sûrs qu'on est corrects, là. Je pense qu'il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis. Quelqu'un qui souffre, qui a mal, là, Il ne faut pas qu'on s'accroche les pieds dans les... dans la bureaucratie. Mais une mesure d'examen annuel, ça, ça pourrait, ça pourrait faire l'affaire, je pense.

• (15 h 40) •

Mme Prass : Et là, je voudrais venir sur votre recommandation numéro neuf, qui est en lien avec la notion du refus. On sait bien que la personne va faire leur demande quand ils sont en état aptes. Et ça se peut qu'ils fassent un refus physique, vocal, et cetera, une fois qu'ils sont considérés plus... Ils ne sont plus considérés aptes. Donc, pensez-vous qu'il devrait y avoir justement un mécanisme pour que, même s'il y a un refus, soit qu'on essaie de nouveau ou qu'il y ait un élément dans le formulaire qui précise que, même si j'ai un refus physique, et cetera, qu'on procède avec l'administration de l'aide médicale à mourir?

M. Laperrière (Steven) : Parlez-vous dans un cas où le patient, la patiente en question aurait déjà donné son accord?

Mme Prass : Exact.

M. Laperrière (Steven) : Oui, absolument, oui, absolument. Et je pense même que, et on le mentionne en quelque part, je pense même que chaque personne qui fait une demande anticipée d'aide médicale à mourir devrait désigner une tierce personne de confiance assermentée, notifiée, s'il faut, pour le... notifiée et... voyons, notariée, pardon, c'était dur, ça, notariée afin que... qu'on... Les médecins sachent clairement qui est l'interlocuteur principal et que cet interlocuteur principal là représente la personne qui a besoin des soins d'aide médicale à vivre même si elle n'est plus apte. Je pense que c'est essentiel, oui.

Mme Prass : Et qu'est-ce qui arrive dans les...

Mme Prass : ...dans le cas où la personne n'a pas désigné de tiers de confiance, c'est qui, qui devrait reprendre ce rôle?

M. Laperrière (Steven) : ...peut être la curatelle publique, je ne sais pas, ou peut-être son médecin de famille pourrait peut-être, dans un cas comme ça, dans le cas échéant, où la personne a un médecin de famille, ce qui est une denrée rare parfois. Mais j'irais vers les médecins spécialistes qui l'ont suivi, parce que, si on parle d'une personne en situation de handicap, règle générale, il y a un spécialiste qui les suit à quelque part. Alors, il y a sûrement moyen, dans la chaîne, là, de trouver... de trouver qui pourrait être cette personne responsable là et confirmer le désir d'une personne qui demande l'aide médicale à mourir.

Mme Prass : Et, pour les comités consultatifs, vous demandez qu'il y ait une participation d'une personne handicapée qui siège là, est-ce que c'est plus pour un rôle de surveillance ou un rôle de conseil pour parler justement au nom de cette personne-là?

M. Laperrière (Steven) : C'est pour parler au nom de la personne handicapée, parce que je pense que, sans porter atteinte à personne, là, sans porter de jugement indu, il n'y a qu'une personne handicapée qui peut comprendre une autre personne handicapée d'un point de vue psychique, d'un point de vue mental, d'un point de vue de comment on peut se sentir. Je le dis toujours, puis ça s'applique dans toutes les choses qu'on fait, là, les plus grands experts du handicap, là, je m'excuse, ce sont les personnes handicapées elles-mêmes. Et je ne pense pas qu'une autre... je ne pense pas... Excusez-moi, je recommence. Je pense qu'une personne handicapée doit faire partie de la discussion, lorsqu'on évalue une demande d'aide médicale à mourir qui concerne une personne handicapée, qu'elle soit apte ou pas à donner son consentement. Je pense que c'est absolument nécessaire, c'est une nécessité, ça doit être fait.

Mme Prass : Il reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Une minute. Conclusion.

Mme Prass : Ensuite, donc... Ah oui! Excusez-moi. Vous avez mentionné la question de don d'organes.

M. Laperrière (Steven) : Oui.

Mme Prass : Est-ce que vous voyez... Vous avez dit qu'il y avait eu un problème... entre les deux, avez-vous une suggestion de comment ça pourrait mieux se faire pour s'assurer que ces organes sont bien...

M. Laperrière (Steven) : Écoutez, entre le moment où il y a une aide médicale à mourir et l'exécution... l'acceptation de celle-ci et l'exécution de celle-ci, il y a quand même un certain délai obligatoire. Alors, je ne peux pas croire qu'en 2023, je ne peux pas croire qu'il n'y a pas un centre qui dit : Écoutez, on fait... on donne une aide médicale à mourir. Monsieur, madame voudrait donner ses organes, ils sont viables. Parce que, souvent, on pense que, parce que la madame... la personne, la personne demande l'aide médicale à mourir, que ses organes ne sont plus viables parce qu'elle est malade, parce qu'elle a un cancer, "whatever", et ce n'est pas toujours le cas, hein?

Donc, il faut penser que ça peut arriver.

Et donc je ne peux pas croire qu'en 2023 il n'y a pas quelqu'un, à quelque part dans la chaîne, qui dit : Écoute, on a une aide médicale à mourir, on s'apprête à l'accepter. Transplant Québec, on pense l'exécuter à telle date à la demande du patient. Y a-tu moyen d'organiser nos flûtes, de s'arrimer, puis d'aller prendre la personne, l'amener tout de suite dans un centre, faire les prélèvements... en tout cas, ce qu'il faut? Je ne suis pas médecin, là. Je n'ai peut-être pas les bons termes, mais je pense que vous comprenez l'idée générale.

Alors... Alors, moi, je ne peux pas croire que ça, ça ne peut pas arriver, et je pense que ce serait un très grand sentiment de... je pense que les gens verraient ça d'un très bon oeil d'avoir ce choix-là. Et parce que, quand on en a parlé, en fait, c'est quelqu'un qui m'a amené ça, j'en ai parlé à quelques autres personnes. Là, on m'a dit : Bien oui, mais c'est un must, il le faut. Si je peux aider quelqu'un avec mes organes, à ma mort imminente, peut-être que je serais bien content de faire quelque chose pour contribuer à ma société jusque dans la mort.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. D'accomplissements de fin de vie, hein?

M. Laperrière (Steven) : Oui.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup pour avoir répondu aux questions. On est rendus, dans la dernière ronde, avec la députée de Sherbrooke qui bénéficie d'une période de quatre minutes, huit secondes.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Quand ma collègue vous a questionné sur la possibilité d'un forum, votre intérêt à participer, vous avez répondu : Oui, oui, oui, avec un intérêt débordant, évident. J'aimerais ça savoir ce que vous aimeriez dire, ajouter de plus que ce que vous avez mentionné dans votre mémoire ou ici, aujourd'hui, dans le cadre d'un forum comme celui-là. Ça devrait être quoi, pour vous, l'objectif d'un forum supplémentaire, là, si on en a organisé un?

M. Laperrière (Steven) : Là, vous me faites plaisir que cette question-là. Je trouve que tous les dossiers qui sont... tous les besoins des personnes en situation de handicap font rarement partie des débats publics, rarement. Et ils font rarement partie des décisions politiques aussi ou, s'ils le font, on n'en entend pas parler. Je ne le dis pas comme un reproche, mais comme un fait, c'est ce qu'on voit, c'est ce qu'on ressent. Alors, un forum comme ça pourrait faire comprendre, premièrement, le handicap, là, ce n'est pas une tragédie. Puis les personnes en situation de handicap n'ont pas besoin de la pitié du monde, ils n'ont pas besoin de rien d'autre que...

M. Laperrière (Steven) : ...accommodement pour pouvoir participer de façon pleine et entière à la société. Ce serait la première chose que j'essayerais de comprendre.

La deuxième chose que je ferais, je m'attarderais beaucoup, justement, aux accommodements. Les accommodements, tu sais, Montréal, Québec, toutes les grandes villes, ça n'a pas été bâti en pensant aux personnes handicapées. On doit faire du rétrofit. Ça coûte une fortune, j'en suis conscient, mais il y a moyen de faire si tout le monde se met main dans la main, qu'on trouve des solutions plutôt que de trouver des obstacles. Parce que ces temps-ci, là, comment... Je vais essayer d'être clair dans ce que je dis. Ces temps-ci, là, quand il y a une marche, ça ne devient plus un obstacle, ça devient une raison pour ne rien faire. Il y a un commerçant qui m'a déjà dit, vrai comme je suis là : Bien, écoute, mon ami, des personnes en fauteuil roulant qui viennent dans mon commerce, je n'en ai pas. Je le sais, tu as deux marches en avant de ton commerce.

C'est le genre de chose que j'essayerais d'adresser dans cette commission-là pour que les gens comprennent mieux, pour que la société comprennent mieux mon chum Laurent, mes autres amis handicapés partout au Québec, pour qu'on commence à mieux les comprendre, qu'ils ne font pas pitié, qu'ils ont juste besoin d'accommodements, puis il va aller s'en acheter une, paire de jeans, dans ton magasin si tu aplanis tes marches. Je sais qu'on est hors sujet, mais c'est... c'est votre question.

Mme Labrie : Non, mais, moi, ça ne m'apparaît pas hors sujet. Bien, dans le fond, si je résume, vous sentez un grand besoin, urgent même, d'avoir un forum pour permettre de faire entendre les voix des personnes avec un handicap, qu'on puisse tout le monde mieux prendre conscience de leurs besoins et des aménagements à faire pour répondre à leurs besoins. C'est ça que... Oui.

M. Laperrière (Steven) : C'est nécessaire. Ne serait-ce qu'en termes d'habitation, on parle d'habitations... d'habitations à prix modique, de logement social. On parle jamais de logements adaptés, jamais.

M. Morissette (Laurent) : Si vous me permettez de faire un petit pouce là-dessus. Tu sais, on parle d'accessibilité, d'accessibilité universelle, parce que c'est ça, le mot de M. Laperrière, en gros, mais il ne faut pas se limiter à l'accessibilité. Il faut aussi garantir aussi, comme je disais précédemment, une pleine... participation pleine et entière à la société, mais ça passe aussi par l'éducation aussi. Parce que, récemment, je... vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu des coupures, récemment, au Centre de services scolaires de Montréal pour des élèves en situation de handicap. Donc, si on ne garantit pas aux citoyens du Québec un meilleur... en situation de handicap, un meilleur accès à l'éducation avec des ressources plus adéquates, mieux financées...

• (15 h 50) •

Moi, j'ai été chanceux d'être... de faire des études de génie, puis d'être professeur de maths très actif, et puis de contribuer économiquement à la société, mais je me plais, malheureusement, à dire que je suis l'exception qui confirme la règle. Puis je pense, aujourd'hui, en 2023, c'est encore... pour moi, c'est inacceptable que j'entende, dans le transport adapté, des personnes qui me disent : Ah! moi, j'ai 22 ans, mais je n'ai rien fait parce que, bon, moi, j'ai dû quitter l'école secondaire trois parce que, bon, on m'a dit que je n'avais pas de ressources puis je n'étais pas capable de faire des affaires.

Tu sais, toute notre vie, on se fait dire par un ou l'autre des personnes qu'on... que nous ne sommes pas comme les autres. Et puis moi, je considère que, lorsque nous aurons mis tous les efforts nécessaires pour assurer une inclusion pleine et entière de chaque personne en situation de handicap ou non dans la vie de société, dans la vie du Québec, on... je pourrai arrêter de penser que tous les efforts que nous faisons actuellement, c'est un... c'est un constat d'échec actuellement. Parce que pour... comme je vous dis, pour moi, c'est inconcevable que des comptables en situation de handicap, des avocats en situation de handicap, des informaticiens comme moi en situation... c'est... des gens qui ont une vie sexuelle en situation de handicap, c'est encore...

M. Laperrière (Steven) : C'est encore tabou.

M. Morissette (Laurent) : C'est encore tabou. Puis moi, honnêtement, j'ai fait plusieurs conférences, puis, à chaque fois que j'aborde ces questions-là, je cause la surprise. Essentiellement, je mettrai les efforts de toute ma vie pour que le fait d'aborder toutes ces questions-là que je viens de mentionner, ce ne soit plus une surprise. Parce que, si je peux prendre comme exemple les combats féministes...

M. Morissette (Laurent) : ...Pendant 40 ans, 50 ans, 60 ans. Que les femmes prennent leur place causait une surprise. Encore... Donc, c'est sur le même piédestal pour les personnes en situation de handicap actuellement, en 2023, dans une société moderne, c'est... On en est encore là, puis, moi, non seulement je trouve ça malheureux, mais comme je le disais, c'est inconcevable.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : écoutez, c'est... J'ai laissé... j'ai laissé... Vous aviez un témoignage fort, fort intéressant et qui est tombé dans des bonnes oreilles, bien entendu, j'ai laissé le temps aller, mais, malheureusement, on est allés au-delà du temps qui est imparti pour cette audition. Il me reste, au nom de mes collègues, à vous remercier pour l'apport à nos travaux. Sachez que c'est, comme je disais il y a quelques secondes, c'est rentré dans les bonnes oreilles. On va travailler avec ça. Merci beaucoup.

Et je suspends la commission le temps qu'on installe le dernier groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 52)

(Reprise à 15 h 58)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Avant d'entendre notre prochain et dernier groupe, je vais devoir vous demander votre consentement pour aller au-delà de l'heure qui était prescrite. Consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, M. Caouette et Mme Gauthier-Boudreault, bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Alors, vous êtes nos derniers intervenants. Vous allez donc bénéficier d'une période de 10 minutes, d'abord, pour vous présenter, ensuite, exposer vos idées, une partie de votre mémoire, que nous avons tous consulté, mais, bien évidemment, vous allez avoir le temps de nous en exposer les grandes lignes. Ensuite, va s'ensuivre une période de questions avec les parlementaires. Alors, le temps commence pour vous maintenant.

M. Caouette (Martin) : Parfait, merci beaucoup. Donc, je tiens d'abord à remercier les membres de la commission, en fait, pour l'invitation à intervenir sur cette importante question que sont les soins de fin de vie. Donc, je suis Martin Caouette, professeur au Département de psychoéducation et travail social de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Je suis accompagné également de ma collègue Camille Gauthier-Boudreault, qui est professeure en ergothérapie, mais également la sœur d'une personne polyhandicapée. On est tous les deux chercheurs à l'Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre de l'autisme, mais également au Centre interdisciplinaire de recherche sur la réadaptation et l'intégration sociale.

Donc, évidemment, notre propos va porter plus particulièrement sur l'ouverture que le projet de loi fait aux handicaps neuromoteurs graves et incurables comme justification de l'accès à l'aide médicale à mourir. Alors, on va soutenir le point de vue que le handicap devrait être retiré, à ce moment-ci, du projet de loi, pour être remplacé par des termes plus consensuels, par exemple, les termes de déficience et d'incapacité, donc, tels qu'ils sont définis dans le modèle de développement humain, le processus de production du handicap, donc M. Fougeyrollas vous a parlé hier. De plus, nous croyons que cette question devrait mener également à un débat plus large concernant le soutien à apporter aux personnes qui sont concernées par le handicap, afin d'en arriver à un consensus social qui serait plus fort sur cette question.

Donc, en tant que titulaire de la Chaire Autodétermination et handicap, il va de soi que la reconnaissance du droit de toutes les personnes en situation de handicap d'exercer du contrôle et du pouvoir sur leur vie, incluant la fin de celle-ci, est cohérente avec cette volonté de leur permettre d'accéder à une pleine égalité de droits et de chances et d'être des citoyens à part entière. Or, malgré les apparences, la représentation qui est faite du handicap, au sein du projet de loi, n'y contribue pas complètement.

• (16 heures) •

D'abord, l'adjectif «neuromoteur», qui est accolé au mot «handicap», est un terme parapluie, qui pourrait recouvrir un ensemble de conditions médicales dont le contour est très difficile à définir. Au final, toute condition qui trouve son origine sur le plan neurologique et qui provoque des limitations motrices pourrait être concernée par cette définition. Ainsi, il en va de la personne qui compose avec une paralysie cérébrale, de certaines personnes qui ont une déficience intellectuelle puis, voire même, de certaines personnes autistes. Donc, l'expression "handicap neuromoteur" est donc trop imprécise, car on peut difficilement y trouver une définition qui serait consensuelle dans la littérature scientifique.

Maintenant, ce qui est encore plus problématique, c'est le terme «incurable» qui s'ajoute à la phrase. Ce terme signifie littéralement «qui ne peut être guéri». C'est donc dire que la vision du handicap qui est mise de l'avant par le projet de loi est une vision qui est essentiellement médicale. Donc, cette perspective nous place vraiment en rupture avec l'état des connaissances actuelles, qui positionnent clairement le handicap comme la rencontre des caractéristiques d'une personne et d'un environnement qui est plus ou moins adapté et inclusif. D'ailleurs, le Québec se positionne avantageusement à travers le monde par la vision sociale du handicap qui a été promue, et qui est mise de l'avant, également, par l'Office des personnes handicapées du Québec...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Caouette (Martin) : ...concrètement, c'est un modèle qui reconnaît qu'il y a des déficiences, des systèmes organiques et la présence d'incapacités chez la personne sont des éléments importants, bien sûr, pour comprendre le handicap, mais la seule composante médicale est insuffisante pour comprendre ce qu'est le handicap. Il faut donc porter notre regard sur un élément essentiel, c'est-à-dire l'environnement dans lequel une personne évolue. Autrement dit, il faut savoir dire par quoi la personne est handicapée. Donc, une personne qui est handicapée par des préjugés, par un environnement physique inadapté, par l'absence de services suffisants, c'est ce qui est en... c'est ce qui cause, au final, la situation de handicap. Donc, référer à un handicap incurable, c'est donc faire fi du rôle que joue l'environnement pour comprendre le handicap. Donc, prétendre que le handicap découle, par exemple, nécessairement d'une maladie, c'est inexact.

Maintenant, si on aborde la question de la souffrance qui est insoutenable et qui mènerait à l'accès à l'aide médicale à mourir, notamment la souffrance psychologique. Donc, il va de soi que les personnes en situation de handicap peuvent composer avec d'importantes douleurs... avec d'importantes douleurs physiques sont liées à leurs caractéristiques personnelles, mais si on reconnaît le fait que le handicap découle d'une interaction entre une personne et son environnement, comme cela est reconnu de façon très large dans la littérature scientifique, il faut aussi considérer le fait que cette douleur peut trouver son origine du côté de l'environnement de la personne et qu'elle peut être de nature psychologique. Autrement dit, la difficulté d'accéder à un habitat qui correspond à ses besoins, les obstacles pour s'inclure en emploi, les problèmes pour accéder à des services de transport adapté, la complexité que peut représenter la gestion d'aide médicale à domicile, la difficulté de s'imaginer vivre avec des incapacités dans une société qui valorise la performance ne sont quelques... que quelques exemples des sources de souffrance des personnes en situation de handicap. Je ne prétendrai jamais m'exprimer à leur place, mais il faut reconnaître que ces souffrances psychologiques peuvent être telles qu'elles peuvent mener une personne à considérer la mort comme la seule option pour elle. À partir du moment où on reconnaît que la souffrance, pour la personne en situation de handicap, peut trouver son origine non seulement dans sa condition médicale, mais également dans son environnement, il faut s'interroger sur ce qui est en place pour prévenir cette souffrance. Ici, je crois qu'il est important de se rappeler que l'accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une maladie incurable s'inscrit dans un continuum de soins palliatifs et que cette dernière dispose de certaines garanties pour lui permettre de vivre sa vie dans la dignité. Ce continuum, il est essentiel pour prévenir la souffrance et éviter de faire de l'aide médicale à mourir un acte qui est isolé. Donc, il est essentiel de se poser la question, pour les personnes en situation de handicap, du continuum qui existe avant d'en arriver à la décision d'accéder à l'aide médicale à mourir. Puisque la mort n'est pas l'aboutissement logique d'une situation de handicap, quelles sont les garanties dont dispose la personne en situation de handicap pour prévenir et éviter des souffrances? Et, répétons-le, ces souffrances sont plus souvent causées par un environnement physique et social inadapté et non inclusif que par de strictes douleurs physiques. Or, le projet de loi actuellement est muet sur la question d'un continuum de soins et de soutien pour les personnes en situation de handicap. Poser la question de ce continuum avant d'en arriver à l'aide médicale à mourir pour le handicap va rapidement nous amener à nous poser une autre question, sommes-nous prêts à accepter comme société qu'une personne en situation de handicap ait recours à l'aide médicale à mourir parce que les souffrances qu'elle vit découlent de notre incapacité à lui offrir socialement une réponse qui est suffisante à ses besoins? Personnellement, je ne suis pas prêt à cette éventualité, mais ma seule voix est insuffisante et je considère que cette... cette réponse doit de... venir d'un débat social plus large que la seule étude du projet de loi ne permet pas de faire.

Deux dernières remarques avant de laisser la parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault. D'abord, il pourrait être tentant d'aligner la législation québécoise sur celle du Canada au niveau de l'aide médicale à mourir. Or, ce choix, en fait, ne viendrait pas régler un problème, mais en causer un deuxième. La législation canadienne est problématique dans sa forme pour les raisons que je vous ai décrites précédemment et par le fait qu'elle se limite à une vision médicale du handicap qui est insuffisante. Deuxièmement, le terme handicap fait l'objet de différentes définitions. Par exemple, du côté de l'Europe, on désigne fréquemment la maladie mentale par l'expression handicap psychique. Donc, si vous choisissez de conserver le terme handicap dans le projet de loi, vous risquez, par la confusion que ce terme peut apporter, d'ouvrir la porte pour accéder à l'aide médicale à mourir à des personnes qui souffrent d'une maladie mentale, une porte qui a été fermée d'un autre côté, notamment par le gouvernement fédéral.

Donc, je laisse... je vais céder maintenant la parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault, qui va s'exprimer à la fois comme chercheuse, mais également soeur d'une personne polyhandicapée.

Mme Gauthier-Boudreault (Camille) : Merci, Pr Caouette. Donc, laissez-moi vous raconter une brève tranche de vie de ma soeur Anne qui a 30 ans maintenant. Donc, Anne, c'est une personne heureuse, digne et fière d'elle, et ce, bien qu'elle présente...

Mme Gauthier-Boudreault (Camille) : ...des incapacités graves sur le plan intellectuel, moteur et langagier, et ce, depuis sa naissance. Et vous savez ce qui lui permet d'être une si merveilleuse personne? Sa personnalité, oui, mais principalement son environnement physique et social. Car quand Anne ne peut s'épanouir en présence de ses amis dans les centres d'activités de jour, quand elle ne peut s'accomplir au travers d'activités signifiantes et valorisantes et quand on ne la considère pas dans les prises de décisions qui la concernent, elle peut souffrir. Et le soutien de son environnement est un facteur important dans le respect de sa dignité, de son autonomie et de son humanité. On ne parle pas ici d'une souffrance liée à sa déficience intellectuelle profonde. Elle souffre d'un environnement qui n'est pas adapté pour la soutenir dans l'atteinte de son plein potentiel.

Cette souffrance, nous l'avons constatée dramatiquement lors du confinement lié à la COVID-19. Avec l'arrêt des services d'activités de jour, Anne est devenue apathique, impatiente, à fleur de peau, et ce, même la présence de... et la stimulation des... de mes parents et de moi-même ne suffisaient plus. Et on a retrouvé Anne, notre Anne, lorsque les services sont revenus, qu'elle a retrouvé sa vie sociale et ses occupations quotidiennes.

Donc, le problème de souffrance d'Anne était l'absence de services. L'important ici n'est donc pas de se demander si l'aide médicale à mourir serait une solution, mais plutôt de se questionner sur ses besoins et les services que nous devons mettre en place pour y répondre. Au lieu de mettre en place de nouveaux paradigmes qui nous amènent à se dire que la mort serait une délivrance, portons davantage notre regard sur le soutien de la communauté, la mise en place de services générés par une évaluation biopsychosociale de la personne et de son environnement dans l'objectif de créer des services qui soutiennent la famille et le développement optimal de l'autonomie de la personne dans une vision d'inclusion.

Avec la modification de cette loi, sommes-nous en train de favoriser l'accès à la mort au détriment de faciliter l'accès à une vie, une vie qui laisse une pleine place à la personne, à ses besoins et ce qu'elle peut apporter à la société?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci, professeurs. J'aurais dû le mentionner dès le début. Professeur Caouette, professeure Gauthier-Boudreault. Alors, on va entamer la période d'échange avec les parlementaires. On va commencer avec la ministre, et vous avez une période de 16 minutes 30 secondes.

Mme Bélanger : Alors, bonjour, monsieur Caouette, madame Gauthier-Boudreault. Merci pour le mémoire, la présentation, le témoignage. En fait, je comprends de votre mémoire que vous nous proposez de retirer le terme «handicap neuromoteur», mais aussi le terme... le thème «handicap», dans les deux cas, et de remplacer par deux mots qui sont plus appropriés, qui sont «déficience» et «incapacité», qui font référence au MDH-PPH. C'est bien ça?

• (16 h 10) •

M. Caouette (Martin) : Tout à fait, oui.

Mme Bélanger : O.K. On est beaucoup dans la sémantique, là, les mots veulent dire quelque chose, dans un projet de loi, puis c'est très important. On a eu, depuis trois jours, plusieurs groupes représentant des personnes en situation de handicap qui sont venus nous présenter, là, je veux dire, toute la vision, toute la recherche, aussi, scientifique au niveau de la terminologie puis au niveau aussi de la définition de ce que c'est, le handicap, notamment le professeur Fougeyrollas, que vous connaissez sans doute, là, qui est très connu des chercheurs, et tout ça, puis je sais que vous avez un volet recherche aussi.

Spontanément, je vous dirais, c'est extrêmement intéressant et c'est important, puis je pense que vous nous avez vraiment convaincus que les personnes vivant des situations de handicap ne peuvent pas être apparentées à des personnes qui ont une maladie puis il ne faut pas que ça soit considéré comme ça. C'est possible qu'il y ait des maladies, ceci étant dit, mais là ce n'est pas de ça qu'on parle. Mais je vous avoue que MDH-PPH, c'est un peu compliqué à écrire dans un projet de loi, O.K., parce que c'est un terme très clinique, là. Pour avoir géré l'Institut de réadaptation de Montréal pendant quelques années, je comprends ce que ça veut dire. C'est beaucoup dans le vocabulaire des cliniciens, des professionnels de la réadaptation, des professionnels de la recherche. Je pense que vous vous comprenez bien dans ce sens-là, puis probablement avec les personnes en situation de handicap, mais, pour Monsieur, madame Tout-le-monde puis même peut-être pour la législature, là, MDH-PPH, on s'entend qu'on est dans un univers un peu plus spécialisé.

Moi, dans le fond, là, ce que je veux entendre de votre part, vous...

Mme Bélanger : ...enlever handicap neuromoteur, enlever un handicap, et remplacer par le terme déficience et incapacité. Est-ce que ça, ça serait assez clair pour vous et pour les personnes, les premières concernées, les personnes qui vivent en situation de handicap, en sachant que déficience et incapacité font référence au modèle conceptuel MDH-PPH? Est-ce que c'est bien ça que je comprends?

M. Caouette (Martin) : C'est exactement ça. Parce qu'en fait il y a... la chose qui est importante là-dessus, puis je suis tout à fait conscient que MDH-PPH, ça ne veut absolument rien dire pour la majorité des gens, mais c'est le grand cadre, en fait, qui organise déjà, au niveau de l'Office des personnes handicapées du Québec, puis la loi à part entière, en fait, est organisée autour de cette vision-là du handicap, qui est extrêmement importante parce qu'elle vient nous dire : Le handicap, ce n'est pas juste quelque chose qui est inhérent à l'individu, mais qui concerne aussi l'environnement. Quand on veut permettre l'accès à l'aide médicale à mourir, à mon sens, en fait ce que j'en comprends, c'est parce qu'on constate qu'il y a une souffrance qui est telle que l'individu ne peut plus fonctionner. Cette souffrance-là, bien, elle trouve... ce qu'on souhaite, c'est qu'elle trouve... en fait, ce qu'on considère, c'est qu'elle trouve sa source du côté de l'individu. Quand on parle de déficience, d'incapacité, bien, on est sur des facteurs individuels. Et là, évidemment, si on a quelqu'un, par exemple, qui souffre d'une déficience organique et que cette déficience-là lui cause une douleur telle qu'on en arrive à la conclusion que l'aide médicale à mourir est la seule solution possible, bien, on ne sera pas dans une situation où on présume que des changements environnementaux auraient pu... auraient pu alléger ces souffrances-là. Donc maintenant, la définition de déficience, c'est quand même quelque chose qui peut... qui est assez clairement défini, là, notamment dans les modèles auquel on réfère.

Mme Bélanger : O.K. Peut-être une autre. Parce que vous savez que, dans le projet de loi, on ne voulait pas définir les maladies non plus, là, aussi. Ça fait qu'il y a aussi cet élément-là auquel on est confronté. Mais je retiens, là, le terme déficience, incapacité, qui fait référence au grand modèle conceptuel de la réadaptation, là. O.K.. Puis peut-être mes collègues vont pouvoir certainement clarifier ça, là, aussi.

Comme chercheur, vous êtes souvent en contact avec d'autres chercheurs de d'autres centres de recherche canadiens ou internationaux. Et donc, au niveau canadien, vous avez vu que le volet de l'handicap est intégré, là, maintenant au Code criminel canadien. Puis le trouble mental, en fait, la porte n'est pas fermée. En fait, ce qui est... ce qui est prévu, c'est que ça va être examiné éventuellement d'ici un an. Mais ils l'on inclut déjà. La terminologie est écrite dans le Code criminel, mais l'application, là, à ce moment-ci, oui, la porte est fermée pour l'application en attendant qu'il y ait des études à ce niveau-là.

Moi, j'aimerais revenir sur le mot handicap au niveau canadien. Est-ce que... Comment vous voyez, là, si, dans le projet québécois.... Puis là je veux juste votre impression de clinicien, là, je ne suis pas en train de vous demander de faire des concordances juridiques. Mais, si on met dans notre projet de loi «personne ayant une déficience et incapacité», est-ce que, pour vous, cette terminologie, tu sais, québécoise, francophone, de l'OMS peut-être, là, ça va être facile à comprendre par rapport à quand on transpose ça au niveau canadien? Parce qu'il reste que le Code criminel canadien est quand même là, là, on ne peut pas ne pas...faire comme is ça n'existait pas. Est-ce que ça va être facile en termes de concordance?

M. Caouette (Martin) : Bien, je pense que ça va être... que ça va être, oui, possible en termes de concordance. Puis je pense même que ça va être plus efficace parce qu'on a l'impression que le terme handicap en français et en anglais sont nécessairement des synonymes puis on porte nécessairement le même bagage, mais ce n'est pas si évident que ça. Lorsqu'on utilise, et là, bon, sans faire nécessairement toutes les traductions, là, «disability» versus «deficiency», c'est quelque chose qui est... c'est un terme... c'est des termes qui n'ont pas nécessairement des équivalents, là, qui sont très précis. Quand on va parler en fait de déficience et d'incapacité, là, on est capable d'avoir un comparable en anglais, parce que le modèle qui nous réunit, le modèle de processus de production du handicap, bien, on est capable d'avoir son pendant anglophone, puis d'être capable de faire un parallèle. Ça fait que de ce côté-là, moi, je pense qu'on risque d'avoir une cohérence conceptuelle qui est plus large puis de créer un consensus au niveau canadien qui va être plus, qui va être défendable, là. Et je pense que, de ce côté-là, moi, ça m'apparaît la meilleure solution.

Mme Bélanger : Alors, lorsqu'on arrive au niveau canadien, le terme déficience et incapacité va être compris aussi.

M. Caouette (Martin) : Oui, tout à fait.

Mme Bélanger : D'accord. Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuive la discussion du côté de la banquette ministérielle avec la députée d'Abitibi-Ouest.

Mme Blais : Merci beaucoup, Mme Camille Gauthier-Boudreault ainsi que monsieur Caouette. Alors, merci pour votre présentation. Lorsqu'on parle de déficience et incapacité...

Mme Blais : ...l'incapacité, c'est large. Est-ce que vous... vous le coteriez, exemple, un sur 10, capacité... vous mettriez un degré d'incapacité et puis un degré de déficience? Parce que c'est large, le mot déficience et c'est large, le mot incapacité. Comment on pourrait le faire pour être équitable?

M. Caouette (Martin) : Bien, c'est très difficile en fait de venir poser un poids sur une déficience, là, de venir mettre une mesure quantitative parce qu'en fait il peut y avoir une déficience d'un système organique. Je peux avoir une déficience, par exemple sur le plan visuel, mais l'impact, en fait, que cela peut avoir dans ma vie peut être très variable. Donc, c'est sûr qu'on peut avoir des altérations qui sont plus ou moins fortes, qui peuvent aller de légères à plus importantes, là, quand il est question de déficience. Ça fait que c'est sûr, la quantification est toujours un défi. C'est pour ça, notamment quand on parle de... quand on met le mot grave dans le projet de loi, c'est très difficile aussi à... C'est très difficile, en fait, à coté. Je pense que, peut-être Camille... Est-ce que tu souhaites peut-être renchérir, là, parce que, je pense, sur le plan d'ergothérapie...

Mme Gauthier-Boudreault (Camille) : Oui, merci professeur Caouette. C'est une très bonne question. En fait, je vous dirais que quantifier, c'est difficile parce que l'incapacité... je peux quand même avoir une notion assez subjective selon la personne qui va la décrire en fait. Et puis, un peu dans mon témoignage, je mentionnais, là, l'importance de l'évaluation biopsychosocial, donc, oui, d'avoir une vision médicale, mais aussi d'avoir une vision aussi de l'impact de cette déficience et de cette incapacité d'un point de vue de professionnels de la santé aussi, qui ont cette vision complémentaire et holistique de la personne à travers sa vie aussi. Donc, je vous dirais : Ça serait difficile, là, de pouvoir quantifier, mais d'avoir au moins une vision qui est diverse, avec différentes lunettes aussi. Ça nous permet peut-être d'avoir une vision plus globale de la personne et donc de son degré de déficience et d'incapacité.

Mme Blais : Puis, en même temps, le mot déficience, est-ce que ça ne vous inquiète pas d'ouvrir la porte à beaucoup de pathologies?

M. Caouette (Martin) : Bien, en fait, si on définit clairement qu'est-ce qu'une déficience, en fait, puis, justement, ça va nous permettre d'avoir des contours qui sont plus clairement définis. Pour moi, le mot handicap ouvre encore beaucoup plus large parce que se retrouve en situation de handicap un nombre très important de personnes à différents moments. Parce qu'un handicap c'est contextuel, c'est une situation de handicap, donc qui met de l'avant des éléments personnels, mais aussi un environnement. Tandis que, si on parle de déficience, bien là, on est clairement sur des dimensions qui sont plus physiques, qui sont plus liées aux organes, en fait, au corps humain. Et là ça nous permet de circonscrire davantage de quoi il s'agit puis quelle est la cause également de la souffrance qui est...

Mme Blais : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. On va poursuivre la discussion avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice. Il reste six minutes.

• (16 h 20) •

Mme Tardif : Bonjour, ça me fait plaisir de vous voir, mon Dieu! Je vais reculer un petit peu mon micro. Bienvenue. Je connais Martin et je sais que c'est un chercheur émérite. Donc, on est bien contents... contentes de vous avoir tous les deux ici aujourd'hui. Je sais que vous faites des recherches et que vous êtes reconnus en Europe aussi. Donc, merci du temps que vous avez mis, là, pour préparer le rapport, ce n'est jamais facile, c'est fastidieux.

Vous mettez beaucoup d'emphase dans votre rapport, dans votre mémoire, avec raison, je dirais, sur notre capacité à offrir socialement tous les services qu'on doit offrir. Et vous avez donné un bon exemple, là, avec votre sœur. Donc par rapport à l'environnement aussi et par rapport aux services qu'on doit offrir. Ça, on l'a bien saisi. Ça fait partie d'un continuum, mais on a du travail à faire partout. D'ailleurs, vous le savez, là, le plan santé a été déposé aujourd'hui. J'aimerais vous amener vers le projet de loi dans son ensemble parce que, là, au niveau du handicap neuromoteur et de la terminologie et de la définition des mots, on en a parlé aussi, mais au niveau du projet de loi comme tel, est-ce que vous êtes pour ou vous êtes contre? Est-ce que vous êtes pour... disons que je suis plus spécifique. Est-ce que vous seriez pour que cette aide médicale à mourir là soit offerte dans les maisons de soins de fin de vie? Est-ce que vous êtes pour que ce soit... que les superinfirmières aient davantage de services pour servir les gens sur lesquels... pour lesquels vous faites des recherches? Donc, dans son ensemble, par rapport au projet de loi, comment vous positionnez-vous?

M. Caouette (Martin) : Bien, sje prends position personnellement...

M. Caouette (Martin) : ...oui, je suis en faveur, parce que, dans une perspective d'autodétermination, c'est aussi donner à l'individu, qu'il soit en situation de handicap ou pas, du pouvoir, en fait, sur cette étape-là de sa vie qui est... qui est essentielle, qui est fondamentale, en fait, qui peut être source de grande souffrance pour la personne ou pour ses proches, ou qui peut se vivre aussi avec dignité, puis avec... avec respect. Donc, personnellement, je suis tout à fait pour.

Ce que je trouve intéressant de l'aide médicale à mourir, c'est qu'elle s'inscrit, comme vous l'avez dit, dans un continuum. Donc, on offre à la personne, en fait, différentes options avant d'en arriver à cette éventualité-là qui, lorsqu'elle se présente, bien, s'inscrit dans la continuité de toute une démarche. Pour les personnes en situation de handicap particulièrement, ma crainte, en fait, c'est que cette éventualité-là d'accéder à l'aide médicale à mourir devienne un acte isolé, comme, finalement, une possibilité pour une personne qui doit composer subitement avec cette situation-là, alors que, pour moi, je pense que socialement il faut qu'on fasse aussi la démonstration de tout ce qui a été fait pour éviter d'en arriver à cette situation-là. Et, pour les personnes en situation de handicap, bien, la souffrance, c'est souvent extérieur. La souffrance vient souvent de tous les obstacles qui sont rencontrés.

Donc, pour moi, que les personnes puissent y accéder, puissent accéder à l'aide médicale à mourir, je suis tout à fait en faveur que ça... en faveur de ça mais pas comme une réponse à notre incapacité à leur donner accès à un environnement qui va leur permettre de se reconstruire une vie puis de pleinement participer socialement.

Mme Tardif : Puis, en ce sens, vous rejoignez parfaitement, là, plusieurs groupes qui sont venus, là, dont le dernier groupe, qui est le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec. Cependant, il y avait une... il y avait une grande différence, parce qu'il y avait quelqu'un qui vivait avec un handicap, un ingénieur qui est venu parler, là, juste avant vous, et eux, ils laissaient le terme handicap dans le projet de loi. Vous comprenez que là on a plusieurs défis, là. Un après l'autre, vous ne dites pas la même chose. Qu'est-ce que... Où est-ce qu'on s'en va?

M. Caouette (Martin) : Bien, en fait, là, moi, je pense que là où on va, c'est : on va vers la nécessité d'un débat social aussi puis d'un espace qui va permettre à toutes les personnes concernées par le handicap de pouvoir, justement, avoir... faire valoir, en fait, leur point de vue, leur perspective, puis faire émerger un consensus qui est plus fort. Là, à ce stade-ci, je pense qu'on est tous un peu surpris de voir apparaître le terme handicap neuromoteur.

Ça fait que, sur le fond des choses, je pense qu'on se rejoint, en fait, sur l'idée de dire : On veut que les gens aient l'opportunité d'avoir une vie pleine et entière. Maintenant, comment est-ce qu'on y arrive? Et, quand ce n'est pas possible parce que la personne est dans un tel état de souffrance, comment on nomme cet état de souffrance là? Comment on le caractérise? Où est-ce qu'on en met les limites? C'est ça, en fait, qui devient un défi puis qui, à mon sens, demande un débat social un peu plus grand pour en arriver à un consensus qui va être plus clair là-dessus. Et je vous rejoins, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense, ça pose un défi, à ce stade-ci, important.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on poursuit nos discussions avec la députée de Westmount-Saint-Louis pour une période de total de 12 minutes 23 secondes.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Professeur Caouette, un plaisir de vous revoir. Bonjour, Professeur Gauthier-Boudreault, un plaisir de vous découvrir. Merci pour... pour votre témoignage et votre mémoire. Je vais prendre la balle au bond. Vous dites que nous avons besoin d'avoir une discussion plus large, comme, mettons, dans un forum. J'avais fait la proposition d'un forum, est-ce que c'est de ce genre que vous proposez?

M. Caouette (Martin) : Absolument, je pense que c'est une excellente idée, c'est une excellente... Et puis je pense que ça va nous permettre... Bien, en fait, ce type de lieu là me semble aussi l'occasion de débattre un peu plus largement de ce qui est en place actuellement pour les personnes en situation de handicap, peut-être revoir aussi notre façon d'accompagner les personnes en situation de handicap à différentes étapes de la vie, pas simplement la fin de la vie, mais à différentes étapes de la vie. Donc, oui, moi, ça me paraît tout à fait indispensable, là, pour progresser sur cette question-là.

Mme Maccarone : Et est-ce que vous vous seriez aussi également intéressés s'il y avait un comité d'experts, par exemple, qui serait mis ensemble pour discuter de ce que nous avons besoin à l'intérieur de cette loi, comme définition de handicap, ou pas définition du handicap, ou l'inclusion de handicap neuromoteur? Est-ce que vous vous serez aussi disponibles et intéressés à participer?

M. Caouette (Martin) : Tout à fait, tout à fait, parce que je pense qu'il faut engager le dialogue autour de cette question-là. Et je pense qu'on travaille sur des perspectives complémentaires liées au handicap, c'est le cas de moi et ma collègue en ce moment. Donc, je pense qu'il faut ces multiples voix là pour en arriver à dégager un consensus qu'on est capable de porter ensuite puis qui est en adéquation...

M. Caouette (Martin) : ...avec ce que, socialement, on souhaite pour les personnes en situation de handicap.

Mme Maccarone : Excellent. Je veux revenir sur la notion d'autodétermination. Je sais que c'est une notion qui est très chère pour vous puis je souhaite vous entendre pour que ça soit vraiment clair. Mettons, si j'avais un triangle puis j'avais autodétermination, j'avais aptitude, j'avais souffrance, dans un monde parfait où on sait que, dans l'environnement de la personne en situation de handicap, on rejoint tout ce que nous pouvons, mais cette personne souffre, puis on souhaite aussi respecter la décision, l'autodétermination de la personne, que devons-nous prévoir? Qu'avons-nous besoin? Est-ce qu'on a besoin d'avoir quelque chose dans la loi pour avoir un respect des droits civils de ces personnes? Comment voyez-vous cette... Dans le fond, ça nous fait face à une problématique, mais comment devons-nous de la traiter?

M. Caouette (Martin) : Bien, l'autodétermination, ça nous amène à reconnaître la valeur de la voix de la personne sur sa situation personnelle, reconnaître, en fait, sa capacité à prendre des décisions pour elle-même. Maintenant, cette décision-là, puis c'est là qu'il faut avoir une vigilance, c'est qu'il faut s'assurer que cette personne... cette décision-là s'appuie vraiment sur une démarche personnelle, que la personne, elle a été accompagnée dans cette démarche-là, et que cette décision-là n'est pas influencée de façon indue ou disproportionnée par des raisons extérieures à elle.

Si, au final, c'est l'incapacité de m'imaginer vivre chez moi parce que je suis en situation de handicap et là que je viens de vivre un accident, que je me retrouve en fauteuil roulant, et je me dis : Moi, je ne peux pas vivre de cette façon-là, donc je souhaite... je veux accéder à l'aide médicale à mourir, bien, il y a aussi toute la question de comment est-ce que l'accompagnement a été offert à la personne pour lui permettre de se reconstruire, de reconstruire sa vie, compte tenu, en fait, de cette nouvelle réalité là avec laquelle elle doit composer.

Donc, pour moi, c'est là que les garanties doivent s'appliquer pour les personnes en situation de handicap. Qu'est-ce qu'on vient garantir comme possibilité à une personne en situation de handicap de pouvoir participer socialement? Quel type d'accompagnement? Et si, au terme de toute cette démarche-là d'accompagnement, la personne en arrive à la conclusion que la souffrance est insoutenable, ingérable et que l'accès à l'aide médicale à mourir, en fait, c'est la seule possibilité, bien là, on pourra venir s'inscrire dans un continuum où on dit :  On en est là pour cette personne-là à ce moment-là, et faire la démonstration que, oui, c'est une décision qui lui appartient, qui est mûrement réfléchie, qui correspond, en fait, à sa volonté réelle et non pas à une influence externe qui viendrait, là, fausser son jugement.

Mme Maccarone : Puis, en parlant d'influence externe, on souhaite... évidemment qu'on ne souhaite pas que ces personnes se ressentent comme un fardeau... ou d'avoir l'influence de la personne qui peut être à la charge de la personne en situation de handicap, qui prend une décision pour elle ou pour lui.

• (16 h 30) •

Comment voyez-vous le rôle du tiers de confiance dans une demande d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, peut-être, que ça soit une demande anticipée... Parce que, si on rouvre la loi à des personnes en situation de handicap... mais eux aussi vont avoir accès à faire des demandes anticipées, par exemple, parce que la souffrance contemporaine et la souffrance anticipée, c'est aussi important pour eux. Comment voyez-vous le rôle du tiers de confiance? Est-ce que ça doit être un membre de la famille ou pas un membre de la famille, quelqu'un qui représente le... un professionnel de la santé? Est-ce que ça devrait être notarié pour protéger la personne qui se retrouve en situation de vulnérabilité? Comment voyez-vous ce rôle qui est clé pour plusieurs personnes? Est-ce que... Puis aussi est-ce que ça doit être obligatoire ou facultatif?

M. Caouette (Martin) : Bien, moi, je pense qu'un tiers de confiance, dans une situation comme celle-là, c'est essentiel. Donc, j'aurais plutôt tendance à dire : C'est quelque chose qui doit être vraiment obligatoire. Un tiers de confiance... de... voilà, de confiance, c'est un proche, à mon sens, qui a une connaissance qui également est suffisante de la personne et qui est capable également de décoder chez elle ce qu'elle va manifester, c'est-à-dire capable de faire une lecture. Par exemple, dans le cas de personnes qui sont non verbales, et puis je pense que Camille pourrait très bien en témoigner, comment, par exemple, la reconnaissance... le mode de communication peut être très personnel, qu'un tiers de confiance, en fait, peut avoir ce rôle-là. Il faut prévoir le fait que certaines personnes sont isolées, que ce tiers de confiance là peut ne pas exister. Ça fait que je pense qu'il faut prévoir aussi des alternatives, mais je pense qu'aussi il doit y avoir la présence d'un professionnel, en fait, qui est capable de faire une lecture pas juste médicale de la situation, mais vraiment complète, holistique, biopsychosociale, donc qui est capable de voir aussi les... des enjeux plus physiques, des enjeux plus médicaux, mais qui est capable de faire une lecture aussi...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Caouette (Martin) : ... de la dynamique de la personne dans son environnement, pour venir aussi témoigner du fait que la décision du souhait de la personne, de ce qu'elle exprime, bien, découle d'une décision libre et éclairée, que cette personne-là en arrive à cette décision-là à travers l'exercice de son autodétermination, et non pas sous des pressions indues, même si ces pressions... de pressions indues, là, qui découleraient de son environnement.

Mme Maccarone : Ce serait quoi, votre opinion, en ce qui concerne un comité interdisciplinaire, par exemple, qui va accompagner la personne, rendus au moment où on va déclencher le processus de l'aide médicale à mourir? Qui devrait faire partie de ce comité, quand on parle des personnes en situation de handicap? Est-ce que c'est vous? Est-ce que c'est les membres de la famille? Est-ce que c'est... À part d'évidemment l'équipe de santé, qui devrait faire partie de ce comité?

M. Caouette (Martin) : Bien, je pense qu'il y a comme un trio ici. Il y a l'équipe médicale, en fait, qui est, évidemment, essentielle. Mais il y a les proches, les membres de la famille, ceux qui sont directement concernés, en fait, les proches de la personne. Puis un volet qui est plus psychosocial, en fait, qui doit être présent. Là, ici, on peut penser, notamment, bon, à certains groupes de professionnels, les travailleurs sociaux, les psychoéducateurs, certainement, et d'autres groupes. En fait, là, notamment, les ordres professionnels peuvent être sollicités, moi, je pense, sur ce plan-là, pour être capables d'identifier si leurs membres sont capables d'offrir ce type d'accompagnement là. Mais que ces groupes-là, en fait, doivent être clairement formés aussi à ce type d'accompagnement là. Je pense qu'on ne peut pas s'improviser dans cet accompagnement-là. Comprendre qu'est-ce que c'est, l'exercice de son autodétermination, comment elle s'exprime, puis accompagner, en fait, pour faire une lecture juste de la situation d'une personne, c'est important. C'est d'autant plus important si on reconnaît le droit à l'autodétermination, parce que là, on entre dans une zone qui est très intime.

Donc, si on refusait, par exemple, l'accès à l'aide médicale à mourir, il faut être tout à fait conscients de ce qu'on est en train de faire là, tout comme c'est un geste aussi important que d'accepter l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc il faut le faire, je dirais, avec une très, très grande rigueur. Puis le croisement de ces différents regards là, les proches, équipe médicale, équipe psychosociale, me paraît probablement l'avenue la plus pertinente pour y arriver.

Mme Maccarone : Vous savez, sans doute, qu'il y a un guide de pratique actuellement en place, pour les soins de fin de vie, incluant aide médicale à mourir, dans le continuum de soins pour une personne qui est en fin de vie. Là, on enlève la notion de l'état. Nous sommes rendus en maladie. Est-ce que, dans le passé, vous êtes consultés pour le développement de ce guide de pratique? Sinon, est-ce que vous pensez que ce serait juste que vous faites partie d'une telle consultation pour le développement d'un guide? Parce que, suite à l'adoption d'une loi, ou même, en concurrentiel avec ce que nous sommes en train de faire actuellement, bien, évidemment, le Collège des médecins ou, peut-être, d'autres experts sont en train de développer ce guide, puis, malgré qu'on a beaucoup de respect pour les équipes médicales... Mais votre collaboration puis votre participation me semblent essentielles, le côté éthique, le côté recherche, en ce qui concerne le développement de ce guide. Comment voyez-vous ça?

M. Caouette (Martin) : Bien, en fait, pour moi, un guide comme celui-là doit être au croisement de différents champs disciplinaires. Donc, un peu comme le handicap ne peut pas juste s'expliquer par une vision médicale, il faut aussi qu'il y ait d'autres disciplines. Ça fait que je pense que notre regard à tous les deux, oui, pourrait venir bonifier, apporter... du moins, là, compléter, en fait, ce qui est en train de se faire de ce côté-là.

Pour répondre à votre question, non, moi, je n'ai jamais été consulté là-dessus, je ne crois pas, du côté de ma collègue non plus. Mais je pense que ce n'est pas... Mourir, ce n'est pas un acte médical. Mourir, en fait, c'est une étape de la vie qui a des composantes psychologiques, qui a des composantes psychosociales, qui a des composantes, oui, médicales. Donc, si on est en train de s'intéresser à cette étape-là de la vie, qu'on songe à un guide de pratique qui accompagne, au cours de cette étape de vie là, oui, il faut le croisement de différents champs disciplinaires puis des gens qui, chacun, possèdent peut-être une expertise ou un regard spécifique, là, sur ces questions-là, pour y arriver.

Mme Maccarone : Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : 1 min 20 s.

Mme Maccarone : Bon, 1 min 20 s. J'étais pour vous offrir la balance de mon temps pour renchérir sur un point que vous n'avez peut-être pas pu élaborer. Mais avant de vous donner la parole, je veux juste vous dire que vous n'êtes pas la seule personne qui parle du continuum de soins. J'espère qu'on va pouvoir trouver un moyen d'intégrer cette notion dans la loi, parce que... sache qu'évidemment ce n'est pas ce qui est souhaité... c'est que, faute de son environnement à accès aux soins, qu'on comprend, on fait face à beaucoup de défis, actuellement, dans le réseau de santé... qu'une personne ferait demande de l'aide médicale à mourir.

Alors, il reste probablement 60 secondes. Le point, peut-être, le plus important que vous souhaitez...

Mme Maccarone : ...qu'on quitte avec.

M. Caouette (Martin) : Oui, bien, je ne sais pas si, Camille, tu souhaites renchérir à ce moment-là.

Mme Gauthier-Boudreault (Camille) : Pas nécessairement, dans le sens que je suis en... avec tout ce que Martin... bien, Professeur Caouette a mentionné. Je voulais peut-être juste renchérir, peut-être, sur le point du consentement éclairé aussi. Donc, parfois, on a accès... Les personnes qui... de qui on parle aujourd'hui, c'est des personnes vulnérables qui ont peut-être un niveau de littératie parfois plus limité. Donc, quand on parle de consentement éclairé, c'est aussi de leur donner toute l'information pour que cette décision-là, qui est très importante dans leur vie, bien, puisse être très bien comprise et qu'ils puissent être accompagnés en connaissance de tous les termes et les impacts que ça va avoir sur leur vie. Donc, c'était cette notion d'éclairé que je voulais ajouter.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va terminer la ronde... (Interruption) ...pardon, d'échanges avec la collègue de Sherbrooke. Il reste au total quatre minutes huit secondes. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Vous nous avez proposé de remplacer handicap par déficience et incapacité. Vous n'êtes pas les premiers à nous proposer cette formulation, quoique c'est arrivé sur le tard dans les consultations, une telle formulation. Je voulais vous demander... Dans votre mémoire, vous exprimez un certain problème avec l'utilisation du mot incurable en lien avec handicap. Là, vous nous proposez de remplacer complètement handicap par déficience et incapacité. Est-ce que, dans ce cas-là, on devrait garder incurable ou pas? C'est quoi, votre position, là, là-dessus?

M. Caouette (Martin) : Bien, c'est-à-dire que ce serait plus cohérent d'avoir le mot incurable quand il est question d'une déficience, parce que là on parle vraiment d'un élément lié à la santé. C'est-à-dire que, si on ne peut pas guérir d'une déficience, à ce moment-là, oui, on pourrait dire qu'elle est incurable. C'est quelque chose qui est permanent, en fait, chez la personne. Donc, ce serait plus logique. Un handicap incurable, en fait, et là je ne veux pas tomber dans quelque chose de trop théorique, mais conceptuellement, ce n'est pas possible de l'envisager comme ça. Ce n'est pas une... ce n'est pas deux termes qu'on peut associer, en fait. On ne peut pas avoir... Le handicap, ce n'est pas quelque chose qui est soit curable ou incurable. Donc, c'est pour ça que ce serait plus logique avec le terme de déficience qui, lui, effectivement, réfère à quelque chose qui est de nature physique.

Mme Labrie : O.K., donc vous nous recommandez d'inscrire dans la loi que la personne est atteinte d'une maladie grave et incurable ou elle a une déficience et une incapacité grave et incurable. Puis ça, ce serait une formulation qui viendrait éviter les risques de discrimination, permettre l'autodétermination des personnes?

M. Caouette (Martin) : Oui, et je me permets d'ajouter aussi, c'est que ça enverrait socialement un message, là, que le handicap, c'est quelque chose avec lequel on doit composer puis qui n'est pas quelque chose, en fait, qui constitue un terme à la vie, qui constitue une... qui rend impossible, en fait, le fait de vivre une vie pleine et entière. Il y a plusieurs personnes, là, qui se sentent concernées par le handicap. Quand on vient mettre le mot handicap comme source pour accéder à l'aide médicale à mourir, on envoie aussi un message socialement qui est quand même assez négatif pour toutes les personnes en situation de handicap qui réussissent malgré tout à relever le défi puis à continuer à avoir une vie pleine et entière. Ça fait que moi, je pense qu'aussi l'impact social, ce qu'on vient dire du handicap en le conservant dans le projet de loi dans sa forme actuelle, je pense que ça, c'est un élément aussi qui serait problématique.

Mme Labrie : Et pourquoi l'utilisation du mot incapacité n'est pas associée au même stigma que handicap?

M. Caouette (Martin) : Bien, parce qu'en fait la déficience organique, elle est organique, elle est physique, en fait. Concrètement, elle parle d'une altération, en fait, de certains systèmes organiques. Tandis que, quand on parle d'incapacité, en fait, on parle d'une difficulté d'accomplir une activité physique, d'une activité, en fait, bon, de la vie quotidienne, par exemple, en raison de la présence d'une déficience. Donc là, pour être bien clair, l'idée, c'est de dire : C'est la déficience qui est grave et incurable puis qui mène à différentes incapacités dans la réalisation des activités de la vie quotidienne. Donc, si moi j'ai une incapacité intellectuelle, par exemple, bien, j'ai peut-être une difficulté à faire certaines... certaines lectures, par exemple, j'ai peut-être la difficulté à poser un jugement sur certains éléments. Donc, j'ai des incapacités qui vont découler de la présence de certaines... de certaines déficiences chez moi, mais, si on met en place un certain nombre de soutiens, bien, je peux pallier à ces incapacités-là. Donc, je peux malgré tout être capable de vivre en appartement, par exemple.

• (16 h 40) •

Mme Labrie : Je comprends la distinction que vous faites sauf que je me demande en quoi c'est moins offensant ou blessant pour les personnes en situation de handicap qu'on utilise les mots que vous nous proposez plutôt que handicap dans la loi, même si, sur le fond, au niveau théorique, je comprends la différence, mais au niveau du symbole que ça représente.

M. Caouette (Martin) : Les gens ne se définissent pas comme des gens incapables. Il y a des personnes qui vont utiliser, par exemple, l'expression personne handicapée pour parler de soi, mais ce n'est pas un élément identitaire comme le mot... le mot incapacité. Donc, c'est là, en fait, que la nuance est extrêmement importante.

Mme Labrie : C'est maintenant beaucoup plus clair. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, professeur Caouette, professeure...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...Gauthier-Boudreault... «Boudreault», bien sûr, merci beaucoup de votre présence. Vous nous avez éclairés. Donc, on va continuer notre travail. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous souhaiter une bonne fin de journée.

Alors, merci beaucoup, mesdames. C'est un... C'était le dernier... nos deux derniers représentants. C'est un projet de loi qui a suscité beaucoup de questions, à cette étape-ci, beaucoup de... fixer aussi beaucoup de constats. Alors, on a encore énormément de travail à faire.

Mais, pour l'heure, les travaux de cette étape-ci étant terminés... Par contre, avant de lever la séance, je vais déposer, si vous me permettez, une trentaine d'autres mémoires additionnés à tous ceux que vous avez consultés et tous les gens que nous avons rencontrés. Alors, pour dire que c'est un projet de loi qui a suscité et qui va continuer à susciter beaucoup de... D'interrogations. Alors, voici.

Ceci étant fait, le dépôt des mémoires, la Commission, ayant donc accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 42)


 
 

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