Journal des débats (Hansard) of the Committee on Citizen Relations
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Wednesday, March 29, 2023
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Vol. 47 N° 8
Special consultations and public hearings on Bill 11, an Act to amend the Act respecting end-of-life care and other legislative provisions
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-quatre minutes)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.
La Commission est réunie afin de
poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet
de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres
dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente : madame Picard, Soulanges, est remplacée par madame
Guillemette, Roberval; Madame Garceau, Robert-Baldwin, est remplacée par Madame
Maccaron, Westmount—Saint-Louis; et madame Massé, Sainte-Marie-Saint-Jacques,
est remplacée par madame Labrie, Sherbrooke.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous allons entendre les
personnes suivantes : madame Michèle Marchand ainsi que madame Delphine
Roigt.
Alors, pour l'heure, nous allons débuter
avec madame Marchand. Bienvenue, madame Marchand, à la commission. Je vais vous
inviter à vous présenter et vous allez disposer d'une période de 10 minutes
pour faire votre exposé, par la suite les membres de la commission vont entamer
avec vous une période d'échanges. Alors, la parole est à vous.
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
allons-y. Alors, moi, je me représente moi-même, je ne fais plus partie... je
ne représente plus un organisme, sauf que j'ai été, de 1999 à 2015, conseiller
en éthique auprès de la direction générale du Collège des médecins. Alors, j'ai
été partie prenante de tout le travail qui a été fait autour de l'aide médicale
à mourir. Je vous remercie donc de l'invitation parce que ce n'était pas obligé
du tout, je ne fais pas partie des demandes habituelles.
Comme j'arrive à la fin de l'exercice, j'ai
tout suivi ça pour voir où ça s'en allait et je trouve que... Vraiment, là, je
n'aimerais pas ça être à votre place. Parce qu'il y a eu une foison de bonnes
idées...
Mme Marchand (Michèle) : ...mais
je pense que c'est difficile de les ramener et de les ramasser pour en faire
quelque chose. Et vous autres, vous êtes obligée de trancher à un moment donné,
donc c'est extrêmement difficile. Moi-même qui suis dans le dossier, là, depuis
que j'ai arrêté, là, j'ai arrêté en 2015, mais je n'ai pas arrêté d'y penser,
là, mais ça fait à peu près 15, 20 ans je pense à ça, puis c'est encore
compliqué, je trouve. Ça fait que je vais essayer de ramasser les idées plutôt
qu'aller sur des détails, hein? Je ne suis pas juriste, il y a des juristes qui
vous en parler. J'ai été clinicienne, mais je ne suis pas une spécialiste des
soins palliatifs ni de l'aide médicale à mourir. Donc, c'est plutôt à titre de
philosophe, on va dire, en se disant que les philosophes n'ont pas de réponse,
mais, des fois, ils aident à faire de l'ordre dans les idées qu'on a. Donc,
c'est ça que je vais essayer de faire.
Je pense qu'on a entendu plein, plein,
plein de bonnes idées. Et... C'est ça, mais... Par exemple, je vais vous donner
une idée, moi, qui m'a fait changer d'idée jusqu'à un certain point, là.
Heureusement qu'on a des organismes qui défendent les droits des handicapés
puis qui leur offrent des services, mais non seulement ils leur offrent des
services, mais franchement ils ont développé une bien bonne réflexion par
rapport à ça. Donc, eux, ce qui nous on fait... moi, ce qu'ils m'ont fait
comprendre, je ne sais pas, vous autres, quelles conclusions vous allez en
tirer, mais c'est que, quand on veut savoir ce qu'est une personne, la personne
concernée, veut, on veut savoir, dans le fond, ce qui la fait souffrir. On ne
veut pas savoir si on va lui donner l'aide médicale à mourir au moment où elle
nous dit ça. Ce qu'on veut savoir, finalement, c'est qu'est-ce qui la fait
souffrir de son point de vue et comment on va l'aider à ce qu'elle souffre
moins pour ne pas demander l'aide médicale à mourir. Si on n'y arrive pas, bien
là, il y aura une demande d'aide médicale à mourir. Je pense que c'est cette
idée-là que les... plusieurs organismes qui sont venus présenter, qui
représentent des personnes handicapées ont... ont voulu faire valoir, mais, en
tout cas, moi, j'ai compris cette idée-là.
Ça fait que la question qu'on se posait
par rapport, par exemple, aux directives médicales anticipées, ce n'est pas si
est-ce qu'on va faire ce que le patient a écrit dans sa demande, c'est que la
demande est importante parce qu'on veut savoir comment on va cheminer dans les
soins pour essayer de ne pas arriver à la demande, mais, si on n'y arrive pas,
il faut être assez fin pour baisser les bras puis dire... ne pas baisser les
bras, mais dire : Bien là, je pense que c'est le temps de l'aide médicale
à mourir. Donc, cette idée-là n'était pas claire, jusqu'ici, je trouve, parce
qu'on disait : Il faut des douleurs objectivables. Il ne faut pas juste
des douleurs objectivables, il faut que la personne nous ait dit ce qu'elle
craint comme souffrances... Des souffrances objectivables, excusez-moi, ce n'était
pas douleur, là. Mais il faut qu'elle nous ait dit ce qu'elle craint comme
souffrance pour qu'on sache avec elle qu'est-ce qu'on va faire avec puis ne pas
sauter tout de suite sur l'aide médicale à mourir quand ça va se présenter.
Ça fait que je vais vous expliquer après,
je l'ai expliqué dans mon mémoire, pourquoi je trouve le projet de loi
n° 11 de beaucoup supérieur au projet de loi n° 38. Parce que là on
passait d'un à l'autre. À mon avis, c'était une dérive. En tout cas, ça, je
vous expliquerai ça un peu... un peu plus loin. Donc, je pense que la
discussion qui implique beaucoup de monde, dont des organismes publics, à un
moment donné, il faut que ça ait une fin, là, bien, ça a une utilité parce
qu'on apprend ensemble, on apprend ensemble, comme celle qui va me suivre, là,
sûrement qu'elle va nous parler des comités d'éthique cliniques. On n'a pas
pensé à ce mécanisme-là, hein, on n'y a pas pensé, mais peut-être qu'on devrait
y penser pour les handicaps, pour les maladies mentales.
• (11 h 30) •
Donc, je pense que c'est la même chose
pour la démence. Les gens, on veut savoir pour essayer de mieux les traiter,
pour éviter. C'est probablement la même chose pour les maladies mentales, et ça
va être la même chose pour plein d'autres pathologies, plein d'autres
pathologies même s'il n'est pas question du tout de directives médicales
anticipées, ça peut être une demande contemporaine. Puis là, bien, c'est pour
ça qu'on veut savoir ce que les gens veulent, ce n'est pas pour l'appliquer
bêtement puis dire : Bien, c'est ça qu'il veut, c'est ça je vais faire,
même après, quand ça va se réaliser. Ce n'est pas ça, l'idée.
Et ça, cette idée-là, là, de ne pas
dire : Elle demande ça, je vais le faire, c'est ça qui était à la base de
notre loi. Ce n'était pas une loi sur l'aide médicale à mourir, ce ne l'est pas
encore, là, elle n'est pas encore amendée, puis elle n'est pas... Tu sais, elle
est là. Ce n'est pas une loi sur l'aide médicale à mourir, c'est une loi sur
les soins de fin de vie. Donc, on voulait faire une loi qui nous disait qu'on
va faire... on ne mettra pas la charrue devant les bœufs, là, on va mettre les
ressources qu'il faut pour essayer que les gens ne le demandent pas. Puis,
s'ils l'ont demandé, ce n'est pas de respecter tout de suite leur demande, c'est
de voir comment on peut les aider assez pour qu'on n'en arrive pas...
11 h 30 (version non révisée)
Mme Marchand (Michèle) : ...l'aide
médicale à mourir. Je pense que c'est l'idée fondamentale qui avait derrière
la... notre loi québécoise. Je ne sais pas si vous allez être d'accord avec ça,
mais il me semble fondamental, puis je pense que c'est l'idée qu'il faut
essayer de garder, qu'il faut essayer de ne pas perdre. Mais c'est difficile
parce que plus on ouvre à de multiples pathologies, bien là, multiples
problèmes de santé - excusez, des fois, je parle un peu comme un docteur, là -
à de multiples problèmes de santé, mais là, plus c'est difficile de savoir
comment on va faire ça, comment on va s'assurer qu'il y a des soins
progressivement assez adéquats pour essayer de ne pas en arriver sur l'aide
médicale à mourir.
Moi, là, j'étais parmi ceux qui voulaient
ouvrir à l'aide médicale à mourir, mais pas comme quelque chose que quelqu'un
demande parce que c'est son droit, comme quelque chose qui s'impose quand
quelqu'un a des problèmes de santé, puis qu'on n'en vient pas à bout que, même,
malgré tout ce qu'on veut faire, on n'en vient pas à bout, puis ça, c'est un
gros, gros, gros défi parce que, là, il faut s'assurer que les soins sont
donnés et non seulement l'aide médicale à mourir. C'est la grande différence,
je trouve, avec la loi canadienne qui, elle, dit : Bien là, il faut avoir
informé le patient des recours. Bien oui, il faut avoir informé. Tu sais ce que
je veux dire, si on veut qu'il ait vraiment un choix puis qu'il exerce, qui
exerce son autonomie, là, encore faut-il... Il n'est pas juste informé, mais
que ça existe ces recours-là. Il faut que ça existe. Puis comme société, bien, il
faut l'assurer.
Est-ce qu'on peut faire ça dans une loi
qui concerne seulement les soins de fin de vie? Je ne sais pas. Je vous le dis
là, je ne le sais pas. On va-tu complexifier cette loi-là de sorte qu'elle va
finir par être une loi sur les soins? ....Il ne faut pas que ça arrive, là, mais
comment on va faire pour garder l'idée que l'AMM devrait toujours arriver en
dernier recours après des tentatives pour soustraire les gens qui sont
souffrants ou qui ont peur de l'être de demander l'aide médicale à mourir? Je
ne sais pas si je me fais comprendre, là, parce que ce n'est pas toujours... ce
n'est pas simple. Ce n'est pas simple à comprendre. Ce n'est pas simple non
plus à mettre en application. Ce n'est pas simple pragmatiquement parce qu'on
ne va pas juste dire : Qu'est ce que vous voulez? Puis là, on va le faire.
Là, il faut voir est ce que nos soins sont adéquats. Puis là, là, quand on
commence à parler de maladie mentale ou de handicap, ils nous l'ont clairement
dit ce n'est plus des soins médicaux, là, c'est des ressources sociales, c'est
tout.... c'est toutes sortes de choses qui dépassent de beaucoup les soins et
de beaucoup, beaucoup, beaucoup l'aide médicale à mourir.
On n'est pas les seuls à avoir fait ça,
là, les Pays-Bas, ça a commencé comme un droit, mais ça a fini finalement comme
un soin. Tu sais, là, ça a été revendiqué comme un droit, mais finalement, c'est
encadré comme un soin. Et les gens, ce n'est pas parce qu'ils demandent quelque
chose qu'automatiquement ils vont l'avoir. Oh! my, il me reste une minute. Bon,
bon, c'est ça. Ça fait qu'il faut essayer... c'est l'idée fondamentale et, à
mon avis, il faut la garder. Ce n'est pas simple parce qu'il faut avoir les
moyens de ses ambitions. C'est ça que je veux dire surtout. Et ce n'est pas
simple non plus, parce qu'il s'est greffé toutes sortes de conflits là-dedans.
Je viens de lire ce matin que le gouvernement fédéral vient de publier le Guide
de pratique pour l'aide médicale à mourir chez... dans les cas de maladie
mentale. Charmant, n'est-ce pas? Bon. Ça fait que c'est... il y a toutes
sortes, là, de difficultés qui se pointent.
Il y a des gens aussi qui ont opté pour un
autre l'idée qui est celle du suicide assisté. Là, c'est le patient qui le
demande, la personne qui la demande, puis on le fait. Mais ce n'était pas ça l'idée
de notre loi, et j'espère que ce ne sera pas ça, mais c'est permis par la loi
fédérale. Bon, je vais m'arrêter là. Je voulais prendre point par point sur le
projet de loi, mais on va répondre à des questions, puis je pense que ça va y
être.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Dre Marchand. Je m'excuse, tantôt, je n'ai
pas mentionné votre tire, mais vous êtes... C'est Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Ah!
non, non, c'est correct.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour cette cette... ce... voyons, je m'en
allais dire ce «topo», mais je ne vais pas utiliser le mot «topo», mais le...
Cet exposé. Donc, on va commencer la période d'échange, ça va vous permettre,
justement, de poursuivre point par point. On va commencer avec la ministre pour
une période de 16 minutes 30 secondes.
Mme Bélanger : Madame
Marchand, Dre Marchand, grand merci d'être là, c'est... c'est intéressant de
vous entendre. Et puis c'est vrai qu'on a un travail important à faire, qui est
fort complexe. Et vous allez peut-être avoir l'occasion de revenir avec...
Mme Bélanger : ...que vos...
dans vos éléments de réponse, avec vos point par point, parce que je suis
curieuse de voir chacun de vos points. Mais ma première question, c'est ... Je
comprends que vous avez maintenant... Vous dites : J'ai évolué dans tout
ça. Ça fait que, donc, est-ce que je comprends que vous avez maintenant des
réserves quant à l'inclusion de l'handicap neuromoteur grave et incurable,
versus handicap? J'aimerais ça vous entendre à ce sujet-là.
Mme Marchand (Michèle) : Ah!
C'est clair pour moi. Je l'ai dit, je pense... je ne sais pas si je l'ai dit
dans mon mémoire. C'est clair pour moi qu'il ne faut pas mettre neuromoteur,
mais je pense que c'est clair pour moi, il y a plus d'affaires que... c'est
pire que ça. Je pense que ça va être difficile, maintenant que ça a pris
l'orientation de pas faire de discrimination de personne, là, ça va être
difficile, même, de ne pas mettre les handicaps. Bon, les directives médicales
anticipées, on n'était pas obligés de mettre ça, là, ça, ça a été, puis, je
pense, à juste titre, parce que la démence, c'est un vrai problème. On pourra
en reparler, puis je pense qu'on a bien fait de l'attaquer, mais les handicaps,
là, je pense qu'on n'aura pas le choix. Ça fait qu'il faut le faire aussi
subtilement qu'on a été capables de le faire pour les directives médicales
anticipées. Quelle procédure, quelle façon on va prendre pour que le
handicap... c'est-u en le définissant mieux? Je ne le sais pas, là, je n'ai pas
la solution, mais c'est-u en le définissant mieux... mais c'est surtout en
évitant que le fait d'être handicapé donne une priorité à quelqu'un. C'est le
fait d'être handicapé qui peut donner des souffrances qui, elles, vont donner
accès. Et, pour ça, je pense... C'est pour ça que je résume ça dans mon mémoire
en disant : Plus on ouvre l'accès, là, plus il faut être ferme, il faut
être strict sur les conditions de souffrance, pas de négliger la souffrance des
gens, mais de bien évaluer si on a pris les moyens adéquats pour éviter ça. On
va le faire. Ce qu'on disait aux personnes en fin de vie, là, ce n'est
pas : Bon, vous avez le cancer, vous ne voulez pas vivre ça, on va
procéder. Ce n'est pas ça qu'on disait, on disait : il y a des soins
palliatifs. Vous avez essayé les soins palliatifs, tout le monde va essayer. Tu
sais, je veux dire, le monde ne veulent pas mourir, en général. Ça fait que,
là, ils vont essayer les soins palliatifs, mais on leur promettait que si ça
allait mal... C'est ça qu'on fait dans notre... qu'on fait encore. On leur
promet que, si ça va mal, on va le faire. C'est ça qu'on promet. Mais encore
faut-il que ça aille mal.
Ça fait que, là, c'est la même chose pour
les handicaps. Mais comment on va faire ça? Ça a été compliqué. Moi, je trouve,
le projet de loi n° 11, il est bon là, mais il est compliqué, hein, parce
que, là, fallait voir comment on va avoir des informations de la personne,
comment ça va évoluer dans les soins, comment ça va peut-être finir en AMM. On
ne veut pas que ça finisse... même jamais, mais on veut que ce soit le moins souvent,
le moins souvent possible. Comprenez-vous un peu l'idée?
Mme Bélanger : Tout à fait.
Mme Marchand (Michèle) : Mais
ça, trouver cette voie de passage là, là, ce n'est pas évident. Pour les
maladies mentales, je vais vous répondre à l'autre question que vous n'avez pas
posée, pour les maladies mentales, pour les maladies mentales, je pense que ça
va peut-être être plus simple parce que, déjà, ça a été étudié au fédéral, là,
je suis un peu enragée, là, que... je ne trouve pas ça... en tout cas, qu'ils
publient les guides de pratique. Mais c'est étudié, et ça, ça ressemble plus à
ce qu'on fait habituellement quand on évalue une maladie évolutive ou
intraitable, qui va mal. Tu sais, ça, je pense que c'est... ça va peut-être...
Ça va être difficile parce qu'il faut éviter les dérives, parce que, là, on a
peur... on a peur de l'AMM chez les gens handicapés, puis on a raison puis on a
peur de l'AMM les malades... les pathologies mentales. On a raison, hein, on a
peur de ça depuis qu'on sait qu'il y a de l'AMM. Puis c'est des craintes
justifiées pour lesquelles il faut trouver des raisons.
• (11 h 40) •
Les directives médicales anticipées, on a
raison de craindre ça, ça peut être dangereux, et c'est pour ça qu'on l'a
limité. C'est pour ça qu'on l'a... On a essayé que ce soit juste des gens qui
ont des diagnostics pour qu'ils puissent nous informer de ce qui les craint...
ce qu'ils craignent, ce qu'ils ne veulent pas vivre, mais ce n'est pas parce
qu'ils ne veulent pas le vivre qu'ils ne le vivront pas. On va essayer de
trouver des moyens d'amenuiser leurs craintes au fur et à mesure. Puis, si ce
n'est pas possible, bien, c'est ça.
C'était vrai pour les soins palliatifs,
mais les soins palliatifs, on savait à quoi on s'adressait comme soins. Puis, même
ça, on n'a pas réussi 100 %. Je vais vous dire quelque chose, là, tu sais,
même les soins palliatifs, on disait : il faut que les soins palliatifs
soient développés et non seulement l'AMM. Ce n'est pas un succès 100 %,
là. Donc, il faut bien voir que ça va être la même chose avec les handicaps,
s'ils sont... Ils vont être inclus. À mon avis, là, moi je vois ça venir, ils
font des normes de pratique tout de suite, là, c'est sûr que, tu sais, ça fait
que ça va arriver, là. Ça fait qu'il va falloir trouver une façon qu'on ne va
pas aller trop vite avec le handicap ou avec le... avec les traumas.
Mme Bélanger : Oui. Mais, ce
matin, la discussion, là, que vous nous amenez est vraiment importante. En
fait, vous nous dites, à la lumière de ce qu'on a...
Mme Bélanger : ...beaucoup
aussi avec les personnes en situation de handicap, qui ont mis l'emphase sur
les services, dans le fond.
Mme Marchand (Michèle) : Bien
oui!
Mme Bélanger : C'est ça
qu'ils sont venus nous dire...
Mme Marchand (Michèle) : Bien
oui!
Mme Bélanger : ...les soins
puis les services.
Mme Marchand (Michèle) : Bien
oui!
Mme Bélanger : Puis, à partir
de là, l'idée jaillit de dire : O.K. Donc, faisons tout pour donner les
soins et services.
Mais revenons... Dans le fond, l'aide
médicale à mourir devrait arriver quand on est rendu à une situation qui
s'impose de soi...
Mme Marchand (Michèle) : Voilà.
Mme Bélanger : ...en fait,
parce que les souffrances sont...
Mme Marchand (Michèle) : C'est
ça.
Mme Bélanger : ...inapaisantes,
intolérables, que tout a été fait et qu'on... On le sait, là, comme êtres
humains, il y a des souffrances qui ne se soulagent pas, rendues à un certain
niveau...
Mme Marchand (Michèle) : Mais
il y a... il y a d'autres...
Mme Bélanger : ...dans une
maladie ou dans une situation, et ça, je pense que, comme êtres humains... Puis
je vais faire un parallèle qui est peut-être... peu indécent, mais, quand même,
quand on voit des animaux souffrir, humainement, on va être tenté de les
soulager parce qu'on les voit souffrir. Bien, moi, je ramène ça aussi à ça,
puis je ne veux pas faire ce parallèle-là, là, mais je veux juste quand même...
c'est pour créer une image. Dans le fond, vous nous dites : La souffrance
devrait être extrêmement bien évaluée, une fois qu'on a tout fait, là, les
services, l'organisation, etc., et cet élément-là est très, très important.
Mme Marchand (Michèle) : Et
surtout éclairé par ce que la personne elle-même a dit. C'est ça qu'on a mis,
qu'on a rajouté aux directives médicales anticipées, on veut qu'il nous dise ce
qu'il... pour pouvoir le traiter et pour pouvoir en disposer, et non pas lui
dire : Bien, si c'est ça que tu veux, c'est... quand ça va arriver, on va
le faire. Tu sais, il y a moyen. Quelqu'un qui dit : Moi, je ne sais pas,
là, je ne veux pas être incontinent, là, puis il écrit ça, il dit ça, là, il
faut que quelqu'un l'accompagne pour dire : Écoute, là, il y a quand même
des moyens, peut-être, de vivre avec l'incontinence, tu sais, là, puis
peut-être, en fin de compte, qu'elle va tellement... puis que l'incontinence va
faire partie du tableau, puis qu'il n'y a plus rien à faire, puis que... tu
sais, là, je veux dire, puis que quelqu'un va décider de bonne foi de procéder.
Mais encore faut-il — c'est ça
que les représentants des organismes de personnes handicapées nous ont dit — encore
faut-il qu'on ait des ressources pour passer au travers ou pour pallier les
incapacités qu'on a. Mais ça, là, ce n'est pas nouveau, là — eux
autres nous ont dit ça pour le handicap — c'est ça qui était sous la
Loi concernant les soins de fin de vie, de dire : Il faut des bons soins
palliatifs avant de penser à l'aide médicale à mourir. Et c'est cette idée-là,
moi, que je souhaite qu'on ne perde pas, parce que, si on focusse juste sur
l'aide médicale à mourir, bien, on perd... on met la charrue de... et, je sais,
c'est bête, là, comme.... mais on met la charrue devant les bœufs, et puis on
va être surpris par ce que la charrue va ramasser, là, tu sais, là, je...
Mme Bélanger : Exactement.
Mme Marchand (Michèle) : Il y
a bien du monde, là, qui aimerait mieux mourir que souffrir, là, puis, si on ne
les aide pas, bien, ils vont vouloir mourir, puis, si on ouvre, bien, ils vont
l'avoir. Ça fait que, là, tu sais, là...Ça fait que je pense que c'est cette
idée-là.
Moi, je ne suis pas une opposée, là, je ne
suis pas une opposante à l'aide médicale à mourir, au contraire. Mais, je
pense, la pente glissante que tout le monde nous mettait en garde, là, elle
existe, et c'est vrai que, quand on commence à vouloir ôter une souffrance,
pourquoi pas l'autre, quand on commence une affaire, pourquoi pas l'autre,
pourquoi pas les inaptes, les demandes anticipées? Moi, je suis d'accord, mais
il faut y aller avec prudence, parce que sinon, on va débouler carré, là. Tu
sais, la pente glissante, c'est ça, c'est que le nombre augmente, le nombre
augmente. Je ne sais pas, là, on n'en a pas discuté, mais le nombre augmente.
Ça fait que, moi, à mon avis, il faut être
bien ferme sur les conditions... les autres conditions, la souffrance, là, puis
le déclin avancé, la souffrance inapaisable puis le déclin avancé, parce que,
sinon, on va se ramasser avec quelque chose de surprend... pas surprenant, là,
de... c'est ça, oui, qu'on n'aimera pas.
Mme Bélanger : Très, très
intéressant. Je vais laisser la place à mes collègues.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la ministre. Avant de poursuivre dans les
discussions, je me dois de vous demander le consentement pour aller au-delà de
l'heure prévue, compte tenu que nous avons amorcé nos travaux avec un peu de
retard. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Nous allons donc... Il n'y a pas de
problème, vous allez pouvoir continuer vos... les travaux. Alors, je donne donc
la parole à la députée d'Abitibi-Ouest pour une période, encore, de
7 min 10 s Le temps est à vous.
Mme Blais : Merci, Mme la
Présidente, Dre Marchand, merci d'être parmi nous. Vous parlez beaucoup de la
souffrance. J'aimerais qu'on démystifie la souffrance, parce que dans votre
discours vous dites : La chose la première, c'est de pallier à la
souffrance. Alors, lorsqu'on est porté... lorsqu'on reçoit un diagnostic qui
est soit un cancer ou un pronostic qui est très sombre, souvent, on a une
souffrance, on a la souffrance physique et on a...
Mme Blais : ...la souffrance
psychologique. Avons-nous tous les ressources nécessaires pour pallier à la
souffrance psychologique? Parce qu'on sait que physique, on a des soins
palliatifs.
Mme Marchand (Michèle) : Non.
Non. On le sait tous, non, on n'a pas ça, les ressources. Non. On a de la
misère à traiter... Tu sais, je veux dire, on n'a pas ces ressources-là. C'est
pour ça que l'orientation de la loi est très importante, parce que, si on se
met à faire l'aide médicale à mourir puis les ressources sont manquantes,
autant pour le handicap que pour les maladies mentales... Bien, moi, là, ce
n'était pas ça qui était prévu, hein, ce n'était pas ça qui était prévu.
Mme Blais : J'aimerais
peut-être...
Mme Marchand (Michèle) : Peut-être...
C'est ça qui est prévu en Suisse, en Suisse, c'est ça qui est prévu, mais
encore faut-il que, les personnes aptes, il faut qu'ils aient une maladie, puis
là, bien... Eux autres, c'est comme ça qui ont conçu, là. Mais, nous autres,
là, ce n'est pas ça du tout, c'était en continuité avec les soins, puis c'est
pour ça que les médecins se sont impliqués, c'est pour ça que la profession
médicale a été partie prenante positivement. Mais là... Là, là, c'est sûr qu'il
y a des médecins qui vont s'impliquer, c'est sûr, il y en a, là, mais c'est
concentré, là, comprenez-vous. Mais moi, je trouve ça triste. Parce qu'on a
réussi à ce que tout le monde, même les opposants, se disent : Ah! bien,
coudon, tu sais, ça a du bon sens ça, il y a des fois qu'on n'y arrive pas,
puis on est ausi bien d'aider le monde, mais il faut aider le monde avant.
Mme Blais : Mais, lorsqu'on
parle de soins palliatifs, la ligne, elle est très mince vers la mort... vers
l'injection, la dernière injection finale. La ligne, elle est mince, parce
qu'on sait que l'État est moribond et, lorsqu'on donne des doses
d'analgésiques, le patient peut faire un arrêt, éventuellement, dans sa
condition de santé, là. J'aimerais que vous démystifiiez la ligne qui est très,
très mince.
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
oui, oui. Ça, là, il faut... Ça, c'est un point d'obscurité qu'il faut... qui
est facile... qui est assez facile à allumer, je pense. Bon, deux, j'aurais
deux réponses à dire. Les soins palliatifs, là, on a plus l'habitude de dire,
les soins palliatifs, c'est les soins qu'on donne aux gens qui ont un pronostic
vital court, hein, c'est... Puis c'est ça qui se passe. Les maisons de soins
palliatifs, là, les gens, il leur reste deux semaines, ça va... Tu sais, ils
ont un pronostic vital, là, très raccourci, ils vont mourir incessamment. C'est
ça que l'on conçoit comme les soins palliatifs. Mais les... Un soin palliatif,
par définition, ce n'est pas ça, c'est un soin qui veut soulager sans guérir
puis sans précipiter la mort non plus. C'est ça, un soin palliatif. Ça fait que
ça peut être pour n'importe quoi. Sauf qu'on s'est habitués à... on s'est
habitués, la loi... notre loi a été faite comme ça, puis les soins palliatifs
se sont développés comme ça. Il y a très peu de gens qui ont des maladies
mentales qui sont en soins palliatifs.
Moi, je n'en... je veux dire, il n'y en a
pas, il n'y a pas de monde qui... Des handicapés, ils ne vont pas dans une
maison de soins palliatifs, puis j'espère qu'ils n'iront pas. Les maisons de
soins palliatifs, là, je le dis dans mon mémoire, elles en ont déjà plein les
bras avec les gens sur le bord de la... Tu sais, ce n'est pas financé, ce n'est
pas... Ça n'a pas des finances illimitées, ça, là. Si tout le monde qui veut
l'aide médicale à mourir se pointe dans les maisons de soins palliatifs, on se
tire dans le pied, là. Bon.
Ça fait que, là, il faut imaginer
l'équivalent des soins palliatifs pour des personnes handicapées. Mais là il
faut que ça soit chez eux, il faut qu'il y ait... tu sais, il que ce soit dans
un établissement, il faut faut que les patients... Les patients atteints de
démence, il faut que les lieux qui les accueillent soient capables d'offrir
l'aide médicale à mourir... autre chose que l'aide médicale à mourir d'abord,
puis l'aide médicale à mourir aussi. Il faut rehausser la qualité des lieux où
ces personnes-là se retrouvent.
Ça fait qu'on veut... L'idée, ce n'est pas
d'envoyer tout le monde dans des maisons ou dans des unités de soins
palliatifs, c'est d'avoir l'équivalent d'une approche palliative pour des
choses qui ne sont pas des maladies mortelles. Puis ça, je ne pense pas qu'il
faut être contre ça, mais encore faut-il être capable de faire ça. On se
sentait capables de risquer ça pour les gens qui avaient un pronostic vital
court. C'étaient les soins palliatifs. On voulait les développer. Comme je vous
le dis, ce n'est pas 100 % réussi. Est-ce qu'on peut se donner le défi de
faire la même chose pour des personnes qui ont des handicaps, qui ont des
maladies mentales puis qui ont plein d'autres choses, parce que, là, s'il n'y a
plus de critère de fin de vie, là, ça ouvre à pas mal d'affaires, bien, tu
sais, là, il n'y a pas mal de monde qui sont... bon.
• (11 h 50) •
Mme Blais : Merci, Mme
Marchand. Je vais laisser la place à mes collègues.
Mme Marchand (Michèle) : Bon,
quand je pars, j'arrête difficilement. Excusez-moi, arrêtez-moi.
Mme Blais : On va poursuivre.
Je vais juste vous mentionner qu'il reste 2 min 20 s. Et la parole est au... au
docteur, même, je vous appelais docteur, là. Merci, Dre Marchand. Puis la
députée de Roberval la parole est à vous.
Mme Guillemette : Merci.
Merci, Mme la Présidente. Merci, Dre Marchand, d'être avec nous aujourd'hui.
J'aurais une question, mais comme on a juste deux minutes, je voudrais
savoir : Est-ce qu'il y a quelque chose que vous ne nous avez pas dit, que
vous n'avez pas eu le temps dans votre 10 minutes puis que vous voudriez
vraiment nous partager aujourd'hui?
Mme Marchand (Michèle) : Ah
oui! O.K. Un détail pratique que les gens n'aimeront pas. La commission devrait
être plus ferme sur le respect des...
Mme Marchand (Michèle) : ...de
la souffrance pour le respect des autres critères. Si on ouvre aux critères, il
faut se trouver des façons d'être sûrs qu'on va limiter... Si on ouvre à
l'entrée, je vais vous simplifier ça, il faut être sûrs qu'à la sortie, là, il
va y avoir un goulot en quelque part. Puis là on a conçu ça... Dans les pays où
ça a été légalisé, l'euthanasie, si... Ils réfèrent ça aux instances
judiciaires. Moi, je ne tiens pas à ce que le docteur aille en prison, c'est le
dernier de mes vœux. Mais le message doit être clair auprès de la population.
Ce n'est pas vrai que c'est laissé à la discrétion des patients, dans une
directive anticipée en particulier, ni quand ils sont aptes. Ce n'est pas vrai
que c'est laissé à leur discrétion : Moi, je veux ça puis je vais l'avoir,
là. Ce n'est pas vrai que c'est ça. Puis ce n'est pas vrai non plus que ça va
passer. Tu sais, là, c'est... Mais, si ça... Là, ils réfèrent au Collège des
médecins. Vous avez vu la position du Collège des médecins actuellement. Ça
fait que je ne sais pas, mais moi, j'aimerais ça être sûre qu'il y a quelqu'un
qui va... qui va nous avertir s'il y a quelque chose qui dérape, là, parce ça
peut facilement déraper.
Mme Guillemette : ...le rôle
de la commission des soins de fin de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Pour
le moment, ce n'est pas de rôle, mais en général, où ça a été légalisé, là,
c'est un rôle de contrôle, et puis ils réfèrent aux instances judiciaires quand
vraiment ça dépasse les bornes.
Mme Guillemette : Mais la
Commission des soins de fin de vie qui analyse chaque année tous les cas
doivent aviser la ministre ou doivent aviser s'il y a une...
Mme Marchand (Michèle) : Non,
le collège...
Mme Guillemette : Ils avisent
le collège.
Mme Marchand (Michèle) : Le
collège ou les CMDP des établissements.
Mme Guillemette : Donc,
est-ce qu'on devrait ajouter un mandat à la Commission de soins de fin de vie?
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Mme Guillemette : Merci.
Merci beaucoup, Dre Marchand.
Mme Marchand (Michèle) : Je
ne me ferai pas aimer, là, je vous le dis, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Merci, Dre Marchand. On
poursuit par contre nos échanges avec l'opposition officielle, Mme la...
Westmount Saint-Louis, j'imagine? Mme la députée de Wesmount Saint-Louis, vous
bénéficiez d'une période de 12 min 23 s. Vous commencez.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Dre Marchand, merci pour vos remarques, pour votre mémoire
puis pour les échanges qui sont très constructifs et très intéressants, entre
autres. Je ne veux pas reposer les mêmes questions de mes collègues, mais je
trouve très intéressants les échanges. Dans vos remarques préliminaires, vous
avez dit que... d'abord, pour renchérir un peu là-dessus, que, dans le fond, il
faut tout faire avant d'arriver à offrir un soin de fin de vie, puis c'était le
sens qu'on voulait avoir dans la première mouture de la première loi. Mais vous
avez aussi dit, puis c'est vrai, là, on a eu une demande croissante de
demandes, même que Québec est au premier rang mondialement pour les demandes
d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Alors, est-ce que c'est un échec à
quelque part? Est-ce qu'on n'a pas rempli l'admission de ce qu'on souhaitait
dans la première loi?
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
je pense que ça a été une réussite. J'avais intitulé mon dernier mémoire L'AMM
victime de son succès. Je pense, ça a été une réussite quand c'étaient encore
les personnes en fin de vie, là, quand c'étaient des gens qui avaient un
pronostic vital limité. Je pense, ça a été un plus, ça a été une réussite...
pas totale, parce que je pense qu'on n'a pas réussi à ce que les soins
palliatifs... on le voit, là, avec les plaintes qu'il y a maintenant, que les
soins palliatifs ne sont pas toujours accessibles, là. Donc, ce n'est pas une
réussite totale.
Mais je pense que ça a fait consensus,
tout le monde s'y est mis. Moi, je pense que ce n'est pas un échec, ce n'est
pas un échec. Sauf que, si on n'est pas capables de faire la même... Il faut
faire la même chose, là, pas mal plus largement. Est-ce qu'on est capables de
faire ça? Je ne le sais pas. Je vais même jusqu'à dire, comme madame Hivon a
écrit dans son mémoire, moi, si on n'est pas capable... Si on pense qu'on n'est
pas capables de faire ça, là, on est aussi bien de garder la loi sur les soins
de fin de vie pour les personnes en fin de vie puis se référer à autre chose,
le Code criminel pour les autres... Tu sais, là, si on n'est pas capables,
là... La bonne nouvelle, c'est qu'on a été capables pour les directives
anticipées, je pense, en tout cas, j'ai hâte de voir ce que ça va donner, parce
qu'il va falloir être ferme sur le suivi de ça.
Mais, si on le fait comme on a fini par le
concevoir, là, par le... sur le... l'obliger, le suggérer, mais je pense que ça
ne dérape pas. Il va falloir voir. Mais il ne faut pas se lancer, là,
tête-bêche là puis la fuite en avant parce que je pense qu'on va avoir des
méchantes surprises. Sinon, on est mieux de rester juste avec notre loi de
soins de fin de vie qui nous est particulière. Et, si c'est juste sur l'aide...
Si c'est une loi juste sur l'aide médicale à mourir, concevoir autre chose, se
rapprocher plus de la loi canadienne ou quelque chose là.
Mme Maccarone : Bien, c'est
sûr, si... On ne parle plus des soins de fin de vie, on... Vous l'avez dit, on
enlève la condition de l'État...
Mme Marchand (Michèle) : Bon.
Moi...
Mme Maccarone : ...puis là on
est rendus à une maladie. Alors, je vous entends quand on parle des conditions,
puis, oui, c'est vrai, c'est très important, mais, selon vous, côté éthique,
parce que c'est votre expertise...
Mme Maccarone : ...Une
personne en situation de handicap qui a perdu l'utilisation de ses jambes, qui
souffre, est-ce que c'est la même souffrance qu'une personne qui a perdu
l'utilisation de ses bras? Parce qu'on est face à un grave problème, on n'est
pas capables d'avoir une définition de la notion de handicap puis de
souffrance.
Mme Marchand (Michèle) : Oui.
Mais je pense que c'est justement ça, il ne faut pas comparer un handicap par
rapport à l'autre. Il faut voir comment, pour une personne, on a réussi à
pallier son handicap pour que la vie soit vivable. Et, ça, c'est plus... C'est
plus... C'est plus pertinent que de savoir, bien, l'autre, que perdu... Tu
sais, peut-être, il y en a un qui va perdre tout, là. On a vu des
quadriplégiques intubés qui sont venus présenter, puis il y en a d'autres
qu'une petite perte va avoir un grand impact. Il faut comprendre pourquoi la
petite perte a un grand impact, est-ce que... Est-ce qu'on a essayé d'avoir
tous les moyens? Peut-être que ça ne passera jamais chez cette personne-là puis
qu'elle va vouloir le réclamer, mais... Puis je ne suis pas contre qu'elle...
Mais il faudrait être bien, bien sûrs qu'on a tout essayé... Comprenez-vous un
peu le... l'idée?
Mme Maccarone : Oui, oui,
oui, je comprends, oui.
Mme Marchand (Michèle) : Une
autre affaire, je veux vous dire aussi, c'est que les gens ont quand même le
droit, ça, ça a été mis dans les DMA puis c'est un droit inaliénable, de
refuser des traitements. Il y a un droit de... ça, c'est une autre
clarification que je veux absolument faire, parce que, là... Les gens ont le
droit, dans notre régime de consentement, de consentir ou refuser un soin qui
leur est proposé. Ils n'ont pas le droit d'exiger un soin, ils ne peuvent pas
exiger l'aide médicale à mourir, pas plus qu'on peut demander une amputation,
là, tu sais. Si, toi... Moi, je juge, je veux être amputée, là, bien, il n'y a
personne qui va me faire une amputation. On va dire : Bien, voyons donc,
tu sais, bien, penses-y deux minutes. Ce n'est pas l'équivalent, mais quelqu'un
qui n'est pas capable d'endurer, par exemple, qui a perdu un bras, bien, là, il
faut essayer de le convaincre qu'on va essayer d'autres choses, tu sais, là, je
veux dire, puis il faut essayer fort. Puis, ça, on n'a peut-être pas toutes les
ressources pour essayer de faire ça fort. C'est les groupes de personnes
handicapées qui sont obligés de le faire.
Mme Maccarone : Bien... Puis
vous dites avec justesse, puis j'espère qu'on va avoir cette notion qui... Que
ça soit très clair, surtout aussi dans le guide de pratique, parce que, ça
aussi, ça devrait en faire partie, de notion de comment nous allons traiter les
personnes qui souhaitent qu'ils fassent une demande.
Avant de passer la parole à mes collègues
qui souhaitent aussi vous poser des questions, le rôle de tiers de confiance,
vous nous avez posé une question dans votre mémoire, mais vous... nous n'avons
pas clarifié votre position. Est-ce qu'on peut avoir un remplacement? Est-ce
que ça devrait être un membre de la famille ou non? C'est qui, qui devrait
accompagner la personne? Est-ce que ça devrait être une obligation facultative?
Plein de questions.
Mme Marchand (Michèle) : C'est
fou, mais je vais vous décevoir parce que je ne sais pas quoi répondre à toutes
ces questions, ce... pas «secondaires», dans le sens de... Mais la question...
la réponse prioritaire que je vous donnerais, là, c'est qu'on ne veut pas, en
AMM, d'avoir de consentement substitué pour le moment. C'était... C'est ça qui
est dangereux puis c'est ça qu'il faut avancer prudemment. Il faut avancer
prudemment de... sur les demandes anticipées parce que c'est ça qui est
dangereux, le consentement, que ce ne soit plus la personne qui... Qui décide,
le moindrement.
Là, on avance tranquillement parce que
c'est des gens qui sont capables de décider pour le moment. On est capables de
parler avec eux autres, là, ça fait qu'il faut profiter qu'on peut parler avec
eux autres pour savoir comment on va s'orienter par la suite. Mais quelqu'un
qui n'est pas capable, là, là, ça veut dire que c'est un consentement
substitué. C'est de ça dont il faut s'éloigner.
Est-ce qu'il faut que ce soit une...
telle... Je ne sais pas, est-ce qu'il y en ait un, deux, là, je vous le dis,
là, ça. C'est sûrement des questions importantes, là, mais je pense qu'il faut
réfléchir, c'est de dire : Ça, on ne fait pas ça par consentement
substitué pour le moment, puis, si jamais ça vient, on va faire bien attention.
Mme Maccarone : Même si c'est
clairement identifié dans la demande anticipée. Tu sais, on a entendu aussi hier,
tu sais, on... Qu'est-ce qu'on fait face à un cas de résistance? Vous avez
aussi fait la mention. Les omnipraticiens qui ont passé en commission hier nous
ont demandé d'avoir le droit d'offrir une contention chimique. Alors,
éthiquement, est-ce qu'on fait fausse route ou est-ce que c'est la manière de
procéder?
• (12 heures) •
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
ce que je suis certaine... il y a des affaires que je suis certaine, des
affaires que je ne suis pas sûre, il y a... D'abord, éthiquement, là, tu sais,
on dit toujours : Il y a une réponse éthique. Je ne suis pas sûre parce
que ça dépend. Bon. Je pense qu'il ne faut pas invalider la demande pour
autant, c'est sûr, parce que ce n'est pas comme... Ce n'est pas un refus
catégorique, là, il faut être capable de l'interpréter... Mais il faut être
capable de l'interpréter pour essayer, on a vu la madame de Carpe Diem, là,
qui... pour essayer de calmer le jeu, pour essayer de calmer le jeu, sans
nécessairement qu'ils aillent dans le protocole, peut-être, dans le protocole,
il va falloir mettre de la sédation. D'ailleurs, il y en a où... il y en a un
petit peu dans le protocole une fois la procédure commencée, mais peut-être
que... peut-être il va falloir. Mais la première affaire, c'est d'essayer de
trouver des façons plus, plus, plus douces un peu de... si c'est possible. Si
ce n'est pas possible, peut-être il faut aller jusqu'à la sédation. Il faut
quand même être cohérents, là, si on a décidé de le faire, c'est parce que...
Ce n'est pas parce que la patiente l'a demandé, le patient l'a demandé, c'est
parce qu'on est convaincus qu'il faut le faire.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, docteure Marchand. On poursuit donc avec la députée
de La Pinière. Je vous...
12 h (version non révisée)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...je vous indique qu'il reste 4 min 24 s.
Mme Caron : D'accord. Alors,
je vais y aller en rafale avec deux questions. La première, c'est qu'hier
quelqu'un nous a parlé... nous suggérait une terminologie inclusive qui s'énonçait
comme suit : "déficience et incapacité grave et incurable". Et
je vois qu'en page 7 de votre mémoire vous faites référence à une terminologie
semblable, en fait, du Code criminel : affecté par des problèmes de santé
graves et irrémédiables ou bien atteints d'une maladie, d'une affection ou d'un...
grave et incurable. Alors, j'aimerais savoir si vous trouvez que
"déficience et incapacité grave et incurable" pourrait être
intéressant plutôt que de parler de handicap.
Et ma deuxième question, en lien avec la
question qui a été posée par ma collègue : Est-ce que vous avez des
recommandations précises sur la composition et le rôle de la Commission sur les
soins de vie qui serait idéale à votre avis?
Mme Marchand (Michèle) : Oui,
je vais répondre à la deuxième question, je l'ai mise dans mon mémoire. Je
pense que, si on veut étendre à des catégories de personnes comme les gens
qui... il faut mettre des gens qui oeuvrent auprès de ces patients-là ou
connaissent bien ce domaine-là, la maladie mentale, les handicaps. Là, je pense
que, pour le moment, c'est des représentants plutôt des organismes, tu sais, on
pourrait s'organiser... C'est la même chose pour... Je pense qu'il faut mettre
des gens qui sont habitués avec les personnes démentes, les malades... tu sais,
qui oeuvrent auprès de ça, pour la composition. Votre première question, c'était
quoi?
Mme Caron : C'était à propos
de la terminologie...
Mme Marchand (Michèle) : Ah!
la terminologie. Moi... Bon, moi, je pense que ce serait plus... Moi, là, il ne
faut pas se lancer dans des batailles fédérales-provinciales, on en a assez,
sans en inventer, tu sais. Si on est capable de définir... de mettre le
handicap comme ils l'ont mis puis de définir, en axant sur les incapacités qui
sont reliées beaucoup à l'environnement, c'est vrai puis qu'on veut pallier, on
veut que ce soit pallié avant de penser à des solutions comme les médicaments,
on veut démédicaliser ça aussi, bien, je pense, je pense... je n'en ferais pas
une bataille, là, fédérale-provinciale. Je mettrais «handicap» puis je serais
ferme... je ne sais pas si je le mettrais dans la loi, mais, en tout cas, sur
une définition du handicap qui est celle qu'ils nous ont proposée et qui est la
conception moderne, je pense, des handicaps et qui nous fait décrocher. Ce n'est
pas des maladies, ça là, là ce n'est pas évolutif. Nous autres, là on n'est
pas habitués. Notre loi, là, c'est pour des gens qui vont mourir. C'était non
seulement évolutif, ils étaient pour mourir. Là, on tombe de : Ils vont
mourir à évolutif, là, on tombe d'évolutif à pas évolutif, mais les gens, même
si ça n'évolue pas, ils sont souffrants pareil. Ça fait que là, tu sais, il
faut changer un peu notre... non seulement le vocabulaire, mais la façon... ça
fait que je pense que, si on décrit ou si on conçoit les handicaps comme ça
ailleurs que dans la loi, peut-être, mais dans la façon dont ça va être
réglementé. Moi, pour être franche, là où on en est, là, je pense que l'aspect
des directives médicales des demandes anticipées est assez bien travaillé pour
prendre une chance, tu sais, moi je suis prudente, là, mais pour prendre une
chance. Je pense que le reste, ça ne l'est pas. Est-ce qu'il faut faire un
moratoire? Est-ce qu'il faut... Je ne sais pas, là, jusqu'à quel point, mais je
pense qu'on peut s'inspirer. Les travaux sont vraiment plus avancés du côté
fédéral, c'est parce qu'il y a des... puis les Québécois y ont participé,
docteur...
Et, tu sais, je pense qu'on pourrait s'inspirer
de ce qui a été fait ailleurs puis pas recommencer à zéro pour ce qui est des
maladies mentales, et, pour le handicap, bien, s'inspirer de ce qui est connu,
chez les handicaps, que, dans le fond, la souffrance est reliée beaucoup à l'incapacité
et l'impossibilité d'avoir des ressources pour les pallier.
Mme Caron : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On va poursuivre avec... Ah! il reste 44
secondes. C'est parfait. Allez-y.
Mme Prass : Justement, dans
le cadre du refus, pensez-vous qu'il devrait y avoir un élément, y compris dans
le formulaire, qui dit explicitement s'il y a une manifestation de refus de la
part de la personne, une fois qu'ils sont rendus inaptes, qu'on devrait quand
même procéder avec l'administration de l'AMM?
Mme Marchand (Michèle) : Je
pense que ça pourrait être une façon, je pense que ça pourrait être une façon.
Mme Prass : Parfait. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. On est efficaces. Donc, on termine, Dre
Marchand, avec la députée de Sherbrooke. Et vous avez une période... une
période de temps de quatre minutes huit secondes. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Dans votre mémoire, vous nous invitez à insister sur les ressources
à déployer pour pallier les incapacités. C'est ce que vous venez d'exposer ici.
Je vous sens craintive. Je sens que vous trouvez qu'on n'est pas prêts
socialement à offrir des alternatives en termes de soins, puis ça fait écho,
quand même, à ce que plusieurs sont venus nous dire ici, là. Pour qu'on parle
de libre choix, il faut qu'il y ait un choix, donc il faut qu'il y ait d'autres
types de service pour pallier les incapacités.
Est-ce que vous pensez qu'on devrait, dans
le processus législatif, bon, définir le handicap, prévoir les modalités pour
ça, mais se laisser un temps...
Mme Labrie : ...l'entrée en
vigueur de ça pour déployer les ressources, investir dans tout ce qui permet,
en matière de services de soins, de pallier les incapacités avant de faire
entrer en vigueur cet article-là.
Mme Marchand (Michèle) : Ah
oui! parce que... Oui. Puis je me demande... Tu sais, il y a des gens qui ont
émis l'idée d'un moratoire, là, je pense qu'on n'est pas prêts, là. Tu sais, ça
a été difficile pour les directives anticipées... les demandes anticipées, puis
c'était un problème majeur. Mais ça nous a pris combien de temps, là, puis
combien de commissions, puis tout ça? Puis là on a jugé, mais on n'est pas
encore... On n'est pas plus prêts, là. Il y a eu des discussions intéressantes,
mais de là à traduire ça dans la loi, là, je pense qu'on ne l'a pas, là. Tu
sais, on a pogné quelque chose, mais on ne l'a pas encore traduit dans une loi,
là, ça fait que, là... Je ne sais pas si c'est l'idée d'un moratoire, là, j'ai
l'air à ne va pas savoir grand-chose, mais je pense qu'il faut vraiment prendre
notre temps. Je pense qu'il faut vraiment prendre notre temps si on ne veut pas
se ramasser : Ce n'est pas correct.
L'autre affaire, par exemple, il y a
quelqu'un qui nous a dit hier qu'il ne faut pas que ça dépende juste de l'État.
Ils sont capables de s'organiser, tu sais, là, il ne faut pas attendre non plus
qu'on va avoir un système... Les soins palliatifs, là, m'a te dire, ils se sont
organisés tout seuls, hein? Tu sais, ce n'est pas venu trop, trop, trop de
l'État. Il faut qu'ils soient financés quand même ,là.
Mme Labrie : Comment on va
faire pour savoir si on est prêts? Si on dit, par exemple : Bon, bien,
voici comment on définit le handicap, les modalités, on dit ça, ça entre en
vigueur quand... Tu sais, c'est quoi, les conditions à réunir pour se dire :
O.K., quand ça, ça va entrer en vigueur, c'est vraiment un libre choix, puis il
y a vraiment des manières de pallier l'incapacité? Comment on peut l'évaluer?
Mme Marchand (Michèle) : Je
ne sais pas, mais je pense qu'il faut... Je ne sais pas quand est-ce qu'on va
pouvoir le mettre en application, mais je pense que, dans... d'ici... bon, de
toute façon, il y a un an, là, pour les maladies mentales, je ne comprends pas
qu'ils fassent le guide de pratique tout de suite, mais en tout cas. Il faut
que le message soit clarifié auprès de la population, là, puis il faut que, sur
le handicap puis la pathologie mentale dire : Écoutez, ce n'est pas ça,
notre loi, là, nous autres, là, c'est... tu sais, là, il faut que ça arrive,
là, quand ça va bien mal. Ça fait que... bon, mais il y a déjà... bon, c'est
une position, ça, il y a des gens qui ne pensent pas ça. Il y a des gens qui
veulent, là, qu'ils disent que, quand les gens sont tannés, c'est eux autres
qui décident et puis c'est tout, tu sais, là. Mais ça, là, moi, qu'on rentre le
docteur là-dedans, je trouve ça vraiment bizarre parce que ce n'est pas comme
ça habituellement qu'on gère des soins puis qu'on a des gens, tu sais, ce n'est
pas de leur dire : Bien là, si c'est ça que tu veux, ni... Les personnes
handicapées, elles ne veulent pas qu'on leur dise : Bon, bien, si c'est ça
que tu veux, tu vas l'avoir, ils veulent pouvoir demander des ressources puis
dire eux-mêmes : Là, je pense que, tu sais...
Mme Labrie : Est-ce qu'il me
reste du temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 45 secondes.
Mme Labrie : Bien, je ne sais
pas s'il y a autre chose que vous n'avez pas eu le temps de mentionner que vous
voulez ajouter. Non.
Mme Marchand (Michèle) : Mais
il y en a plein, là, je ne saurais pas choisir...
Mme Labrie : Mais vous
estimez, en tout cas, le...
Mme Marchand (Michèle) : ...mais
je vous invite à lire mon mémoire.
Mme Labrie : Oui, bien, je
l'ai lu. Donc, la Commission sur les soins de fin de vie, ils nous l'ont dit
quand même, qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires par rapport à
l'ampleur que ça prenait. Vous, ce n'est pas juste au niveau des ressources,
c'est que le mandat carrément qui devrait être modifié en ce qui les concerne.
Mme Marchand (Michèle) : Moi,
j'aimerais que le message soit le même partout, que c'est un soin de dernier
recours, puis un message ferme. Parce que les gens se sont imaginé que c'est la
meilleure façon de mourir, donc, je vais la demander, puis, si je la veux, je
vais l'avoir, et je pense que ce n'était pas ça, l'orientation du projet de
loi, puis moi, je n'aimerais ça devienne ça, là.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Dre Marchand, merci beaucoup pour
votre mémoire, pour l'échange que nous avons eu aujourd'hui, c'était fort
intéressant. Alors, c'est ce qui met fin à cette rencontre.
Et, pour l'heure, je suspends le temps
quelques secondes, en fait, le temps de recevoir notre prochaine intervenante.
Merci beaucoup, docteure Marchand.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Les travaux de la
commission... des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous
recevons, donc, pour la prochaine heure de maître Delphine Roigt, conseillère
en éthique. Bienvenue, maître Roigt. Alors, lorsqu'on s'est rencontrées
quelques secondes auparavant, je vous expliquais, vous allez avoir
10 minutes pour exposer vos constats. Et, par la suite, nous allons
procéder à une période d'échanges avec les membres de la commission. Alors, le
temps est à vous.
Mme Roigt (Delphine) : Parfait.
Bien, je remercie... Je vous remercie, Mme la Présidente. Députés de
l'Assemblée nationale et membres de la Commission des relations avec les
citoyens, merci beaucoup de cette opportunité que vous m'offrez de pouvoir vous
faire part un peu de mes réflexions.
Pour me présenter, d'abord, bien, je suis
avocate et éthicienne clinique dans le réseau de la santé et des services
sociaux depuis plus de 25 ans. J'ai travaillé dans tous les types
d'établissements. J'ai été impliquée dans des milliers de situations cliniques
qui font vivre des malaises éthiques aux soignants, aux équipes et aux
gestionnaires de même qu'aux usagers et leurs proches. Les principales
situations au cœur de ces consultations en éthique, bien, c'est celles qui
concernent effectivement l'aptitude, le consentement, le refus de soins, la
proportionnalité des soins, l'acharnement thérapeutique, le consentement
substitué, le rôle du représentant légal et aussi la fin de vie. Donc, on est
vraiment au cœur de l'application de la loi concernant les soins de fin de vie.
J'ai eu le privilège de présenter lors des
auditions en 2013 et, en préparation de la présente audition, je suis allée
revoir ou relire le mémoire qu'on avait présenté à l'époque avec l'Association
québécoise en éthique clinique. Notre principal commentaire général sur le
projet de loi à l'époque était la nécessité de profiter de l'entrée en vigueur
de la loi pour bonifier l'offre de soins palliatifs et l'étendre à l'ensemble
du Québec, ce qu'on disait à l'époque, si j'ouvre les guillemets : «D'une
part, les soins palliatifs, que l'on parle d'approche palliative ou d'unités de
soins palliatifs, sont loin d'être accessibles. Manque de lits destinés aux
soins palliatifs, manque de professionnels formés, difficulté de plusieurs
médecins de passer des soins curatifs aux soins palliatifs, préjugés des
soignants, des patients et des proches, de même que refus des patients et des
proches d'une approche palliative et difficulté de la société en général à
accepter la fin de vie.» Je ferme les guillemets. Je reprends ces constats mot
pour mot parce que, malheureusement, la loi n'a pas eu les effets escomptés,
sauf pour la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir.
Rappelons-nous les éléments centraux de
l'article un de la loi, hein, le droit à des soins de fin de vie dans un
continuum de soins, un soulagement des souffrances et la primauté des volontés
de la personne avec l'instauration des directives médicales... L'intention du
législateur et des parlementaires et le consensus citoyen étaient pourtant
clairs : éviter l'acharnement thérapeutique, respecter l'autonomie le plus
possible et assurer une fin de vie digne à tous en créant un droit à des soins
de fin de vie dans un continuum de soins. On a ainsi un peu tenu pour acquis
que tout était déjà en place pour les soins palliatifs et de fin de vie, qu'il
n'y avait qu'à instaurer l'aide médicale à mourir. Force est de constater que
malheureusement, près de 10 ans plus tard, les mêmes obstacles subsistent,
les mêmes limites perdurent et les usagers ne reçoivent pas les soins
palliatifs et de fin de vie auxquels ils ont droit. Ils ne savent pas en quoi
ils consistent ni même certains soignants, et un nombre encore trop important
de personnes ne savent pas qu'elles sont en fin de vie. Il faut donner un coup
de barre important.
Je vous ferai ainsi part de mes
inquiétudes, de mes réflexions dans un format sans fard, direct et droit au
but. Je ne me prononcerai pas sur le libellé spécifique des articles. Je ne me
prononcerai pas non plus sur la question spécifique de l'élargissement de
l'aide médicale à mourir. Il se fera. J'espère apporter à la Commission des
éléments de réflexion et de considération supplémentaires dans la mise en œuvre
de l'ensemble de la loi dans le souci du respect effectif au droit à des soins
palliatifs et de fin de vie, à une vie... à une fin de vie digne dans un
continuum tout au long de la vie. Je cherche une réflexion sur différentes
valeurs, l'idée étant de ne pas promouvoir que l'autonomie mais d'en assurer
l'exercice dans les meilleures conditions, dans le meilleur intérêt de la
personne. On ne veut plus de situations comme celle de madame André eSimard,
veuve de Robert Bourassa. Les soins palliatifs et de fin de vie ne devraient
jamais être une question d'être au bon étage dans la bonne chambre, d'habiter
la bonne région avec le bon code postal...
Mme Roigt (Delphine) : ...on
ne veut plus dire : Mon patient n'est pas rendu là. On ne veut plus de
personnes en fin de vie qui ne savent pas qu'elles le sont, qui arrivent dans
des unités de soins palliatifs pour les dernières 24 heures. On ne veut
plus de proches qui empêchent le soulagement adéquat de la douleur, qui
enfreignent le droit de la personne à des soins palliatifs ou à une fin de vie
digne. Et enfin on ne veut plus de professionnels de la santé ou de proches qui
vont à l'encontre de directives médicales anticipées ou des volontés de fin de
vie manifeste quant au refus de l'acharnement thérapeutique.
Alors, j'ai sept prémisses à vous
présenter dans ma réflexion. La première, bien, les soins palliatifs et de fin
de vie sont méconnus de tous et pas assez accessibles. Alors, dans la mesure où
le critère de fin de vie est devenu inopérant pour l'aide médicale à mourir, il
devrait l'être pour l'accès aux soins palliatifs. Il faut renverser cette
perception que les soins palliatifs n'arrivent qu'à la toute fin d'une longue
maladie. Il est démontré depuis longtemps qu'une approche précoce de soins
palliatifs améliore la qualité de vie et même parfois augmente la vie des
personnes qui en ont... qui y ont accès. Les critères de un, trois, six mois de
pronostic pour être admis en soins palliatifs sont devenus des dogmes qui
empêchent l'accès en temps opportun à la prise en charge de la douleur et des
symptômes dans ce continuum jusqu'à la fin de la vie.
D'ailleurs, le critère de fin de vie pour
l'AMM parlait d'un pronostic pouvant aller jusqu'à un ou deux ans à l'époque.
La question à poser est : Seriez-vous surpris que cette personne décède
dans la prochaine année? Les critères d'accès aux soins palliatifs s'avèrent
donc plus restreints que pour obtenir l'AMM. Les soins palliatifs devraient
intervenir dès la récidive d'un cancer, dès le stade terminal de maladie
chronique, dès la présence de douleur, souffrance physique ou psychique qui ne
semble pouvoir être apaisée, ou à la demande de la personne elle-même,
évidemment, qui a droit d'être bien évaluée et de recevoir les soins requis par
son état. Il faut avoir la même ardeur à donner accès aux soins palliatifs et
de fin de vie que celle dévouée à l'aide médicale à mourir.
Deuxième prémisse, les directives
médicales anticipées doivent être rédigées avec le soutien d'un professionnel
de la santé et faire l'objet d'une discussion plus tôt dans le processus et en
continu. Bien que la loi soit entrée en vigueur depuis 2015, un rapport de la
Commission sur les soins de fin de vie portant sur la période de 2015 à 2018
indique que seulement 0,5 % de la population québécoise avait des
directives médicales anticipées inscrites au registre, donc à peu près
30 000 personnes sur 6 millions d'adultes que compte le Québec.
Selon le même rapport, le registre est consulté illégalement par les médecins
selon les régions.
Si la fin de vie est importante, il faut
en parler, pas qu'une seule fois, pas qu'à quelques jours de la fin, dans un
continuum de soins, lorsqu'une personne est atteinte de maladies chroniques,
d'un cancer, d'une maladie neurodégénérative. Le faible taux de complétion
démontre que les gens doivent être accompagnés. Le fait qu'il y a des cas où
des proches ont pu exiger des soins que la personne n'aurait pas voulu démontre
la nécessité de donner les moyens d'assurer leur respect. La loi doit être plus
ferme à cet égard, pas seulement pour les directives anticipées d'AMM. Les DMA
seront le début de la réflexion qui va peut-être mener à des directives
anticipées pour l'aide médicale à mourir.
Il faut aussi élargir notre interprétation
des directives médicales anticipées, qui sont actuellement beaucoup trop
restrictives, dans le formulaire de l'INESSS... dans le formulaire qui est
prévu avec avec, voyons, mon Dieu!, la Régie de la santé et qui sont... ne
permettent pas de dire et de nommer les souffrances que l'on veut éviter.
Pouvoir notamment demander spécifiquement les soins palliatifs et la sédation
palliative à l'avance dans les DMA, ça permettrait de nous assurer d'un meilleur
consensus à cet égard et éviter de créer un système où seule la médicale à
mourir a un statut particulier.
• (12 h 20) •
Troisième prémisse, le niveau
d'intervention médicale, qu'on appelle le NIM, est essentiel à la planification
des soins de fin de vie et doit être mieux encadré. Pourquoi une personne peut
demander l'aide médicale à mourir et se retrouver à un NIM A, soit les soins
maximaux alors qu'on oblige une personne qui veut avoir des soins palliatifs
d'être en niveau de soins D. Pourquoi une personne pourrait avoir des
directives médicales anticipées qui refusent tous les soins, mais se retrouver
en un niveau de soins A? Pourquoi une personne ayant clairement manifesté son
refus de la réanimation cardiorespiratoire dans une DMA la reçoit quand même si
les paramédics et ambulanciers sont appelés à son chevet?
Les NIM ne sont pas un buffet duquel une
personne choisit des soins, mais bien le résultat d'une réflexion et une
discussion entre un patient et un soignant sur les objectifs de soins réalistes
et appropriés en lien avec des objectifs de vie aussi réalistes et actualisés.
Il faut que les discussions amenées par le patient ou le soignant abordent
nécessairement les deux, les NIM et les DMA, pour aider à faire sens et assurer
la cohérence des soins, mais aussi le respect, le plus possible, des volontés
du patient tout au long du continuum des soins.
Quatrième prémisse, les directives
médicales anticipées et le niveau d'intervention médicale sont des outils
essentiels et complémentaires pour planifier la fin de vie et faire
connaître...
Mme Roigt (Delphine) : volonté
et soins... de soins et de vie. Comme pour les... les DMA devraient collaborer
dans le contexte d'une relation thérapeutique et faire l'objet de discussions
avec un soignant dans une évaluation interdisciplinaire. Présentement, les
directives médicales anticipées peuvent être complétées par une personne chez
elles, sans discussion avec son médecin, parce qu'on présume qu'elle a parlé
avec son médecin. Alors que, pour les directives anticipées d'aide médicale à
mourir, on a exigé ou on pense exiger cette discussion, cet accompagnement. Il
serait très difficile pour un soignant qui ne connaît pas du tout le patient de
tenter d'interpréter ces DMA. Les recherches démontrent d'ailleurs qu'en cas de
conflit, même lorsque la loi est claire, les médecins respectent davantage les
volontés des familles qui menacent de les poursuivre si les soins sont cessés,
même si cela va à l'encontre des volontés écrites et connues du patient. Et ça,
on l'a mentionné en 2013.
Les volontés de la personne doivent être
respectées afin d'éviter l'acharnement thérapeutique et assurer un
accompagnement et un soulagement adéquat pour permettre une fin de vie digne.
Il faut y mettre autant de poids que ce qui est déployé pour l'aide médicale à
mourir. Prévoir les soins que l'on voudrait recevoir au moment où l'on
deviendrait inaptes et que la fin de vie est envisagée ou qu'un traumatisme
subi nous laisse dans un état que l'on jugerait inacceptable est une chose,
déterminer à l'avance les soins et services que l'on voudrait recevoir en cas
d'inaptitude de manière générale en est une autre. Il faudrait envisager une
révision à une certaine fréquence, par exemple aux cinq ans, pour assurer leur
validité et leur actualisation.
Cinquième prémisse. Il faut développer un
plan québécois pour une approche intégrée des soins palliatifs et de fin de vie
obligatoires et accessibles à tous. Il faut une réflexion globale sur les soins
palliatifs et de fin de vie, mettre en œuvre les plans développés au cours des
années. Les médias relatent à plus soif des situations où les personnes ne
reçoivent pas les soins palliatifs et de fin de vie de soulagement de la
douleur, n'ont pas accès aux soins et services nécessaires pour leur permettre
de demeurer à la maison. Il faut être sérieux à cet égard, d'autant qu'on l'a
été avec la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir.
Sixième prémisse. Le refus de soins ne
doit pas avoir des applications légales différentes selon que la personne
demande l'AMM ou un autre soin. La proposition est l'effet de pouvoir passer
outre le refus de la personne inapte ou le refus catégorique, dans un contexte
de directives anticipées de la... d'aide médicale à mourir, de même d'envisager
prévoir qu'elle puisse demander à l'avance d'être contentionnée et sédationnée
pour recevoir l'AMM représente un changement drastique à l'État du droit, il se
doit d'être bien évalué. Il s'agit d'un écart important au droit civil tel qu'on
le connaît et à la protection dévolue aux personnes inaptes. Dans le droit
actuel, pour passer outre le refus de l'inapte, il faut recourir au tribunal
pour l'autorisation de soins, même avec un consentement substitué. La mesure
telle que présentée et les avis de certaines personnes ayant présenté des
mémoires feraient en sorte de ne pas avoir à recourir au tribunal. Pourquoi
créer une telle exception? J'estime que la même protection doit s'appliquer
pour tous les soins et pour toute personne inapte, et donc que l'autorisation
du tribunal soit nécessaire pour procéder à l'AMM par la demande anticipée, si
la personne la refuse au moment de la faire. Cette idée qu'une manifestation
clinique découlant de la situation médicale de la personne ne constitue pas un
refus de recevoir l'aide médicale à mourir qu'on retrouve au
paragraphe 29.19 du projet de loi est novatrice, certes, mais crée un
précédent important dans l'État du droit et dans les valeurs qui sous-tendent
le droit civil en ce qui a trait à la protection des personnes vulnérables et
inaptes, le recours à l'autorisation du tribunal constitue une mesure de
sauvegarde essentielle et évite de créer deux catégories de personnes, celles
qui peuvent recevoir l'AMM, malgré un refus, sans l'autorisation du tribunal,
et celles dont l'autorisation du tribunal est nécessaire pour des soins visant
leur bien-être et leur sécurité, mais qu'elles refusent. Je crois aussi, comme
toute... comme d'autres personnes l'ont proposé, qu'un protocole clinique clair
doive être élaboré pour soutenir les soignants dans l'administration à des
personnes inaptes et à l'interprétation d'un refus de soins et d'un refus
catégorique.
Finalement, septième prémisse, importance
d'avoir accès à des ressources de réflexion en éthique. Je vais prêcher pour ma
paroisse un petit peu. Je réitère la recommandation effectuée il y a
10 ans. Plusieurs conseillères en éthique participent aux réflexions de
fin de vie dans leurs établissements, mais leur présence n'est pas égale
partout, ni dans tous les lieux. Comme le mentionne Dr David Lussier à la
page 23 de son mémoire, si on veut s'assurer que les... remplissent bien
leur rôle, il faudra leur donner les moyens de le faire avec des membres
libérés en partie de leurs autres tâches, des professionnels de diverses
disciplines ayant une formation adéquate et surtout la possibilité de se
référer à une personne-ressource pour leur communiquer une information fiable
et précise. Il n'est pas rare que les cliniciens soient mal informés ou mal
conseillés par les… qui ne possèdent pas l'expertise ou la connaissance
nécessaire. Les conseillères en éthique sont impliquées à tous les jours et
dans toutes les circonstances, à la jonction des questions soulevées par la loi
concernant les soins de vie. Le document de référence pour la constitution des
groupes interdisciplinaires de soutien prévoit la présence d'une ressource en
éthique. Il faudrait à tout le moins que les... aient des liens formels avec
les services en éthique...
Mme Roigt (Delphine) : ...dans
chaque établissement si la conseillère en éthique n'y siège pas. L'éthique est
utile au-delà du prescrit, afin de déterminer ensemble avec les parties
concernées et en fonction des valeurs qu'elles portent, qu'est ce qui est le
mieux dans les circonstances.
En conclusion, l'engagement à l'égard de
la société québécoise en 2013 était que la loi allait assurer un continuum de
soins jusqu'à la de vie. On doit constater un échec à cet égard. L'AMM devenue
la mort que l'on souhaite par-dessus tout, celle qui se permet d'être digne.
Aussi, on avance très vite pour l'élargissement de l'accès à la l'AMM, mais on
se questionne peu sur les ressources requises.
Déjà, plusieurs établissements ont de la
difficulté à assurer une couverture optimale, surtout avec l'élargissement aux
cas de mort naturelle dans les non raisonnablement prévisibles. De plus, il
faut réfléchir à l'impact de prendre des ressources précieuses en clinique de
la douleur, en gériatrie et en clinique de la mémoire pour des évaluations
d'AMM. Ce sera alors un choix de société. Il faut revenir vers l'angle
relationnel du soin pour tout le continuum de fin de vie et non une autonomie
s'exerçant pour exiger des soins faute de mieux ou seulement pour des demandes
d'AMM. Et voilà!
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Me Roigt. Vous avez des réflexions qui vont
certainement susciter des questions. Alors, on va commencer tout de suite la
période d'échange avec la députée de Roberval. On a pris un peu de temps sur le
temps du gouvernement pour que vous puissiez aller jusqu'au bout de vos
réflexions. Alors, il vous reste 11 min 40 s
Mme Guillemette : Merci,
Mme la Présidente. Merci, Me Roigt, d'être avec nous aujourd'hui. Le côté
éthique est très important, là, dans le projet de loi présent. Donc, dans le
projet de loi sur l'aide médicale à mourir qu'on a aujourd'hui, on soulève des
considérations. Et est-ce qu'il y a des considérations éthiques que le projet
de loi n'aurait pas prises en compte, là? Est-ce qu'il y a des angles morts que
vous auriez vus, que vous aimeriez nous lever un drapeau?
Mme Roigt (Delphine) : Il
y en a probablement plusieurs. L'enjeu principal que... Bien, évidemment, je
rejoins... J'ai quand même écouté plusieurs personnes qui ont soumis des mémoires.
La question des souffrances actualisées et la question de limiter toute la
réflexion par rapport à l'ouverture pour les demandes anticipées et
différencier les symptômes, par exemple, comme l'incontinence, à la souffrance
que causerait l'incontinence. Vous avez probablement eu plusieurs exemples qui
vous ont été donnés de faits de cette nature-là. Donc, c'est très important,
tout ça, parce qu'une personne... On a tous comme individus de la difficulté à
se projeter s'il nous arrivait des choses. Puis on est tous surpris quand
quelque chose nous arrive de dire : Ah, mon Dieu! je ne pensais pas que je
passerais au travers.
Donc, la question de l'actualisation, la
question donc aussi de bien s'assurer que l'offre clinique, elle est là. Parce
que, présentement, et c'est ce qu'on disait en 2013, je trouve que le projet de
loi, encore une fois, met beaucoup d'accès sur l'autonomie, en tenant pour
acquis que les gens font des choix tous... tout éclairés. Mais on a tous nos
chambres d'échos, on a tous nos biais aussi. Et à tous les jours, je vous dis,
à tous les jours, j'ai encore des gens qui ne savent pas ce que sont les soins
palliatifs, qui ne savent pas qu'ils pourraient y avoir accès.
• (12 h 30) •
Donc, pour moi, vraiment démystifier ça...
Et c'est pour ça que, tout le long de mon propos, je parle bien de soins
palliatifs et de fin de vie parce que, pour moi, c'est deux choses différentes.
On peut être en soins palliatifs très longtemps. Je vais vous donner un
exemple. Ma cousine Claire est née avec sept malformations au cœur. Claire,
c'est une miraculée de l'Institut de cardiologie de Montréal. Claire est née en
fin de vie parce que Claire, elle savait que jamais elle ne guérirait de son
cœur.
Donc, quand on essaie de regarder la
personne sur son continuum de soins puis qu'on dit : Est-ce qu'elle est
dans le guérir, stabilisée ou en fin de vie? Claire était en stabilisé pendant
très, très longtemps. Elle est décédée à 59 ans, il y a déjà trois ans. Et
on l'a accompagnée, notre famille, ma cousine et moi, dans sa fin de vie. Et
Claire croyait que les soins de fin de vie, croyait que les soins palliatifs,
c'était pour le mouroir, aux dernières minutes. Claire a réussi... On a réussi
à la convaincre d'en bénéficier pendant moins de 24 heures. Dès que sa douleur
a été soulagée correctement, elle s'est laissée aller. Mais elle a souffert les
dernières années. Et donc, moi, en tant que cousine, en tant que membre d'une
famille, en tant qu'éthicienne, je ne peux faire autrement que de dire :
Par ses croyances et par les croyances...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Roigt (Delphine) : ...partagé
aussi par l'équipe médicale à quelques égards, et je ne porte pas de jugement
sur l'équipe médicale parce que c'est des équipes médicales qui se sont suivies
pendant les 59 ans de vie de Claire, mais Claire n'avait jamais vraiment
compris qu'elle était née en fin de vie, et donc c'est ça, le biais. Et donc on
a beaucoup de travail à faire avec toutes les personnes qui ont des... qui ont
des maladies terminales chroniques, des cancers, etc., etc., parce qu'on a
rarement, très peu de discussions avec elle à des moments précis pour les
accompagner.
Mme Guillemette : Ça m'amène
à vous demander... je vais faire un lien avec ce que vous venez de dire,
comment faire? Est-ce qu'il y a des moyens à mettre en place pour ne pas que la
demande d'aide médicale à mourir soit en lien avec un manque de services ou un
manque de... Est-ce qu'il y a des choses qu'on peut mettre concrètement, là,
dans notre projet de loi?
Mme Roigt (Delphine) : Mon
réflexe, ce serait de vous dire... O.K., mon réflexe, ce serait vous dire qu'il
faudrait que la personne ait essayé ou ait vraiment eu accès à des soins
palliatifs et de fin de vie pour qu'elle voie. Un peu comme le lien que vous
faites avec les troubles... les troubles... les handicaps ou les troubles
neuromoteurs quand on... j'ai beaucoup entendu... les gens disent : Bien
là, elle ne pourra pas demander l'AMM si elle n'a pas tenté une certaine
réadaptation, il faut qu'elle se laisse du temps. Mais c'est la même chose au
niveau des autres soins. Les gens ne savent pas que leur douleur peut être
apaisée si on ne leur a jamais offert et s'ils n'ont jamais essayé ce qui peut
leur permettre de ne pas souffrir. Bon, une fois que je dis ça, je vais avoir
tous les avocats de la planète, y compris moi qui suis avocate, qui vont vous
dire : Ça va à l'encontre de l'autonomie, la personne a le droit de
refuser. Oui, mais comment savoir que ses souffrances ne sont pas...
Mme Guillemette : Apaisables.
Mme Roigt (Delphine) : On ne
peut pas... Apaisables dans des conditions optimales si, les conditions
optimales, tu ne les as jamais essayées. Ça fait que je le sais que ça a l'air
très simpliste ce que je vous dis, mais, présentement, et c'est ce qu'on voit
dans les médias, et je n'aime pas reprendre juste les médias parce qu'il y a
du... du sensationnalisme là-dedans puis c'est réducteur, c'est une chambre d'écho
ça aussi, mais il y a beaucoup de gens à qui on offre l'AMM parce qu'on ne sait
pas qui pourrait être admissible. Donc, quand je vous parle des critères de un,
trois, six mois qu'il faut enlever, là, pour avoir accès au... il faut... il
faut changer cette dynamique-là, il faut... il faut dire quelqu'un qui présente
une situation qui serait admissible à demander l'AMM, bien, c'est parce qu'elle
est aussi admissible à demander des soins palliatifs. Ça fait que je ne sais
pas ce qu'il faut changer dans la loi, mais ça, il faut que ça soit clair dans
le libellé, dans la façon dont on nomme les choses. Il faudrait que je fasse un
exercice peut-être plus attentif pour vous aider plus en détail, mais,
assurément, il faut que ça soit clair.
Mme Guillemette : Parfait.
Merci. Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Oui. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. Merci beaucoup,
Me Roigt. En va poursuivre la discussion avec la députée d'Abitibi-Ouest. Il
reste 4 min 38 s.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Maître. Je voudrais vous entendre sur la dignité des individus, alors la
demande médicale à mourir, la souffrance, j'aimerais vous entendre, avoir votre
point de vue à ce sujet.
Mme Roigt (Delphine) : Bien
là, c'est l'éthicienne qui ne connaît pas assez bien ses philosophes, ça va...
ça va peut-être vous faire rire ou faire rire certains, moi, je crois vraiment
à la dignité intrinsèque de la personne. La dignité, c'est... c'est la personne
elle-même qui décide ce qui est digne pour elle ou pas, ce n'est pas dans le
regard de l'autre. Donc, cette idée que c'est indigne d'être incontinent, que c'est
indigne de se ramasser en CHSLD, que c'est... je veux dire, je trouve ça triste
comme société qu'on porte ce jugement-là, qu'on n'ait pas le goût de se
retrouver là comme personne ou que... qu'on trouve ça difficile, que nos parents
se soient retrouvés dans ces situations-là, c'est une chose, mais... mais d'en
faire un critère de dignité... Pour moi, l'indignité, c'est la personne qui n'a
pas accès aux soins dont elle a besoin. L'indignité, c'est que, comme société,
justement, comme on a vu un peu dernièrement que... parce que tu n'es pas dans
le bon code postal, tu ne puisses pas recevoir les soins à domicile qui te
permettraient de rester à domicile et de mourir, la façon que tu veux mourir.
Donc, je suis très stricte là-dessus. Pour moi, la... la dignité, elle est
intrinsèque. Chaque humain, chaque...
Mme Roigt (Delphine) : ...être
humain est digne. Et c'est... c'est cette approche personnalisée, hein, qui est
prévue d'ailleurs dans la loi sur les services de santé et services sociaux,
qui... approches personnalisées avec toutes les dimensions de la personne puis
qui vont nous permettre de voir qu'est-ce qui est digne pour vous. Qu'est-ce
qui est important pour vous? Qu'est-ce qui fait sens? Qu'est-ce qui
constituerait un non négociable que vous... auquel vous ne voulez absolument
pas arriver? Et c'est ça, les discussions qu'on doit avoir avec les personnes
en fin de vie, avec les personnes qui veulent de l'aide médicale à mourir ou
même l'aide anticipée à l'aide médicale à mourir. Il faut que ça fasse sens
pour elles, et c'est ce travail-là qu'il faut faire avec elles.
Mme Blais : Que répondez-vous
à une famille lorsque la personne est... elle a un diagnostic de cancer et elle
dit : Moi, je ne veux pas être un fardeau pour ma famille, je veux en
finir le plus vite possible? Quelle est votre réponse?
Mme Roigt (Delphine) : Bien,
chaque famille a son histoire, hein, chaque famille a fait une fois. Mon
expérience de plus d'un millier de consultations en éthique me démontre que
même... même quand les familles sont épuisées, ce temps-là qu'elles ont avec
leurs proches en fin de vie, surtout si elles sont accompagnées, donc
accompagnées par des soignants, accompagnées par des soins et des services, par
des bénévoles... Il y a tellement de services qui sont offerts. Le problème,
c'est d'y avoir accès. Donc...
Mais c'est... ce que je réponds, c'est que
ça serait le fun d'avoir une discussion où un tiers un peu neutre vous
accompagnerait, tu sais, la personne malade et ses proches, pour venir avoir
cette discussion-là. Il y a des gens qui font ça, il y a des thanadoulas qui
font ça, il y a des travailleuses sociales qui font ça. Il y a plein de gens
dans le réseau qui permettent ces discussions-là pour venir vraiment dire :
Tu n'es pas un poids ou voici ce que je trouve difficile, ou... C'est des
conversations qui sont... qui sont difficiles à avoir, effectivement.
Mme Blais : Je vous remercie
beaucoup.
Mme Roigt (Delphine) : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée d'Abitibi-Ouest. Maître
Roigt, on va poursuivre nos discussions avec l'opposition officielle qui
bénéficie de 12 minutes 23 secondes. Je crois que c'est la députée de
Westmount-Saint-Louis qui va prendre la parole.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup. Bonjour.
Mme Roigt (Delphine) : Bonjour,
Mme Maccarone.
• (12 h 40) •
Mme Maccarone : Merci
beaucoup de nous aider dans notre réflexion, Maître Roigt, c'est très
intéressant de vous entendre parler. Merci beaucoup pour votre mémoire. Je veux
vous ramener sur la question de demande anticipée. Vous l'avez abordée un peu
dans vos remarques ainsi que dans votre mémoire. Vous parlez de : ils
doivent être rédigés avec un soutien d'un professionnel de la santé. On a
entendu plusieurs points de vue là-dessus. L'ordre des notaires, évidemment,
ils pensent que ça va être important que ça soit fait avec eux. Pas une
question d'être pour ou contre, je souhaite vous entendre là-dessus.
Parce que, dans le but de protéger les
personnes qui se retrouvent souvent en situation de vulnérabilité face à faire
une demande anticipée... Puis on a aussi entendu, hier, lors des... les
omnipraticiens, les médecins qui ont dit qu'eux, ils ne souhaitent pas être responsable
de déposer ces demandes dans le registre. Vous dites aussi qu'ils ne sont pas
consultés d'une façon équitable, dans le fond, puis c'est sérieux. Alors, les
balises que nous avons besoin en ce qui concerne les demandes anticipées...
Puis de toujours garder la notion on veut que ça soit facile, accessible. On a
aussi parlé de c'est qui qui devrait accompagner la personne. Vous avez parlé
d'un renouvellement à chaque cinq ans, mais, quand on est en fin de vie,
peut-être. Puis on fait une demande anticipée, peut-être cinq ans, c'est trop
long dans certains cas. Alors, un peu votre vision là-dessus.
Mme Roigt (Delphine) : Merci
de votre question. Les directives médicales anticipées actuellement, tel
qu'elles ont été conçues, elles ne... elles ne remplissent pas l'objectif,
selon moi, pour... pour plein de raisons. Et là je vais vous référer au... au
temps où j'étais à mes études de doctorat, que je n'ai pas complété, mais quand
même. J'avais étudié l'équivalent américain, là, des directives, les «advance
directives», de tout ça. Et ce qui était dit à l'époque, c'était : un, le
médecin attend que le patient amène la question, que le patient attend que le
médecin aborde la question. Donc, on se ramasse avec deux groupes ou deux
personnes qui attendent que l'autre aborde la question. Et...
Mme Roigt (Delphine) : ...la
finalité était que peu importe qu'on ait... ce qui était écrit, si la famille
contestait, bien, le médecin avait peur des poursuites et finalement ne faisait
pas ce qui était écrit dans les directives médicales anticipées. Donc, tout ça,
moi, à l'époque, m'avait amené à réfléchir. Puis, dans le fond, c'est un bel
effort qui a été fait avec la première mouture de la loi, mais, comme je le
mentionne, de mettre juste quatre ou cinq soins avec est-ce qu'on accepte ou on
refuse, je trouve que ce n'est pas suffisant. Ça ne nous donne absolument
aucune idée sur le sens de la vie de la personne, ce à quoi elle aspire en
fonction d'une maladie à venir. Donc, il faut amener la personne à se projeter.
Et la personne, quand elle parle, bien, selon qu'elle est en pleine santé... en
pleine forme ou en bonne santé, versus quelqu'un qui serait déjà atteint d'une
maladie, bien, vous allez avoir des directives médicales anticipées qui vont
être particulières.
Et donc, moi, je pense qu'il y a quelque
chose qui faut qui soit revu à ce niveau-là, complètement, parce que juste
dire : Je veux être réanimé ou pas, je veux de la dialyse ou pas, je veux
être alimenté artificiellement ou pas, ce n'est pas approprié, parce que tu
peux vouloir être... Tu sais, moi j'ai toujours dit : Moi, je suis prête à
être réanimée ou qu'on tente de me réanimer, si je suis à l'hôpital puis que
vous me trouvez dans les 10 prochaines... dans les 10 minutes que je
ferais mon arrêt cardiorespiratoire, mais, si vous ne savez pas quand est-ce
que ça s'est passé, bien, je ne veux pas qu'on tente de le réanimer. Mais je
n'ai pas l'espace pour expliquer ça dans les directives médicales anticipées
telles qu'elles sont rédigées. Et là pourquoi je demande qu'il y ait une
discussion, c'est que toute cette idée de sens-là, présentement, il est discuté
pour les directives anticipées d'aide médicale à mourir, on n'a pas refait la
réflexion, on ne le repropose pas pour les directives médicales anticipées
normales, entre guillemets, là, sans AMM.
Donc, je pense qu'avant d'aller vers les
directives médicales anticipées pour l'AMM, il faut revoir notre façon de faire
les directives médicales anticipées. Je pense qu'il faut que ça fasse l'objet
d'une discussion obligatoire en interdisciplinarité, surtout quand on a déjà
des problèmes de santé. Si on est en pleine forme, on est en pleine santé, ça
pourrait être autre chose à ce moment-là peut-être. Puis il y aurait les
directives médicales anticipées pour l'aide médicale à mourir. Mais, comme je
l'ai dit aussi dans mon document, il faut qu'il y ait une cohérence entre les
directives puis le niveau de soins, tu sais, s'assurer que, si je ne veux pas
d'acharnement thérapeutique, bien, il faut que ça soit clair partout, que je ne
veux pas d'acharnement thérapeutique puis que je ne veux pas être réanimé sous
aucun prétexte. Là, présentement, on a différents documents qui peuvent avoir
des contradictions. Puis bien, bien honnêtement, ça fait en sorte que, dans les
faits, les médecins, ils ne voudront pas le faire contre les familles. Donc, on
a beaucoup encore de demandes d'acharnement thérapeutique, à la demande des
familles. C'est ça, la réalité.
Mme Maccarone : Ça m'amène à
une autre question. Parce que vous avez abordé la question du refus versus
refus catégorique - je pose la question, au fur et à mesure, aux groupes qui
viennent témoigner - puis vous avez introduit une notion que je trouve
intéressante. Si, mettons, la différence entre refus et refus catégorique...
Parce que, là, on n'arrime pas avec le Code civil, puis on peut se retrouver
devant le tribunal parce qu'on a des familles qui vont dire : Bien, ça,
c'était un refus catégorique ou un refus, mais la personne est inapte, rendue à
ce moment-là. Je trouve très complexe, cette notion de refus. C'est-u une
résistance? Est-ce qu'il y a une façon que nous devons l'aborder dans la loi
pour assurer qu'il n'y a pas de dérive puis qu'on ne fait pas fausse route, des
amendements peut-être pour assurer que les personnes qui souhaitent refuser
sont aussi pleinement protégées, ainsi que leurs proches?
Mme Roigt (Delphine) : Bien,
j'ai deux options pour vous. La première, je la nomme, c'est de demeurer... de
garder la balise qui est celle du recours au tribunal, l'autorisation du
tribunal en cas de perception de refus. Ce qu'il faut comprendre, là, tout le
monde a le droit de refus, ça c'est clair, mais le Code civil, en 1992, quand
il a été réformé, l'idée, c'était : On veut ajouter un degré supplémentaire,
hein? Nous, on sortait, là, en 1992, il faut se rappeler de ça, de l'intention
de l'utilisateur, le refus catégorique de l'inapte, c'était pour permettre aux
gens qui étaient en institution de... ils refusaient des soins, de ne pas
finalement le faire contre leur gré, et donc d'aller chercher l'autorisation du
tribunal. On voulait protéger nos personnes en institution qui avaient subi des
abus. Puis il y avait eu, hein, des scandales...
Mme Roigt (Delphine) : ...c'est
quoi, un refus catégorique d'une personne devenue inapte? Nous, autant en
soins, qu'en éthique, qu'en droit, moi ce qu'on m'enseigne c'est quand la
personne se débat. Là, ce que j'entends, dans certains mémoires, de bouche à
oreille, c'est : Ah! bien, on va la contentionner puis on va la
sédationner pour lui donner, parce qu'elle refuse catégoriquement. Ah! O.K. Ça
fait qu'on fait ça pour l'AMM, mais quand on a une personne qui a des troubles
de santé mentale, qui demande... qui a besoin de soins, mais qui les refuse
catégoriquement, elle, on va continuer à aller chercher l'autorisation du
tribunal, parce qu'elle veut vivre, parce qu'on veut qu'elle vive. Ça ne marche
pas, là, il y a quelque chose... Pour moi, ça ne fonctionne pas.
Ça fait que ça, c'est autorisation du
tribunal, ou mettre en place ce que j'appelle un bureau du consentement de
l'inapte. Il y a ça aux États-Unis, il y a ça en Ontario. Il faudrait que je
fouille la question un peu plus, mais est-ce qu'on pourrait, à ce moment-là,
avoir...
Mme Maccarone : Nous sommes
en train de fouiller avec vous.
Mme Roigt (Delphine) : Oui,
quelque chose de mitoyen, qui permette, finalement, d'éviter le tribunal, qui,
pour certains, constitue quelque chose d'assez lourd, pour aller chercher
vraiment le sens du soin puis d'être capables d'avoir aussi, peut-être, une
certaine jurisprudence plus sérieuse des cas, pour être capables de bien
manœuvrer là-dedans. Donc, c'est une option.
Mme Maccarone : Merci des
précisions, très intéressantes, puis nous sommes en train, je pense, tout le
monde, autour de la table, de faire une petite recherche.
Une dernière question pour vous, éthique.
On a entendu aussi hier, les médecins souhaitent ne pas être obligés d'offrir
l'aide médicale à mourir, alors, la notion qu'eux aussi peuvent refuser de
l'appliquer. Mais, en contresens, dans la loi, on exige maintenant, auprès de
toutes nos maisons de soins palliatifs, d'offrir l'aide médicale à mourir.
Est-ce que ça se peut que nous ferons face à une situation où les médecins qui
oeuvrent dans une maison de soins palliatifs peuvent tous refuser de l'offrir?
Éthiquement, c'est quoi, notre rôle, comme législateur, pour s'assurer que les
soins sont offerts équitablement à travers le réseau, mais qu'on respecte aussi
les personnes professionnelles de la santé, parce qu'eux aussi ils ont des
valeurs qu'ils amènent à la table, puis on souhaite avoir, quand même, un
équilibre dans cette loi? Mais ça peut être une réalité. Comment devons-nous le
traiter dans la loi?
• (12 h 50) •
Mme Roigt (Delphine) : Ça
demeure un dilemme éthique pour moi. L'objection de conscience, peu importe la
raison, existe pour les professionnels de la santé, première chose. Deuxième
chose, il faut se rappeler que c'était une loi sur les soins de fin de vie, que
c'était un soin, dans un continuum de soins, qui fonctionnait, parce qu'on
était en fin de vie. Là, on enlève la fin de vie, on élargit, puis là on veut
élargir encore. Mettez-vous à la place des soignants, et pas les plus
rébarbatifs. Moi, je parle avec tout le monde, là, puis j'ai des médecins de...
médecins généralistes, j'ai des médecins spécialistes, j'ai toutes sortes de
médecins qui me parlent puis qui me disent : Moi, là, Delphine, là, le
donner en directive médicale... en directive avancée à quelqu'un qui serait,
comme on les appelle, un Alzheimer heureux ou un dément heureux, je ne sais pas
comment je vais... je débarque. Ça fait que ça, c'est un exemple.
L'autre exemple que j'ai, c'est, depuis
l'arrivée du critère de mort non raisonnablement prévisible, là, le... là,
qu'on voit avec la loi canadienne, et tout ça, il y a vraiment une
complexification des cas, il y a vraiment une complexité, il y a vraiment... et
pour plein, plein, plein de raisons. Et déjà, il y a beaucoup de médecins qui
me disent : Aïe! ce n'est pas pour ça que j'avais signé, là. Moi,
j'embarquais, puis ça faisait du sens, parce que je soulageais quelqu'un qui
souffrait, puis ce que j'avais à lui offrir ne fonctionnait pas, puis je
l'accompagnais là-dedans. Là, j'ai des gens qui sont... tu sais, qui ne sont
pas en fin de vie, qui ont des handicaps, qui ont des problèmes de santé,
certes, graves, mais qui n'ont pas accès à un ascenseur, qui n'ont pas accès à
un appartement adapté, qui ont plein d'autres facteurs. Et, oui, il y a une souffrance
qui est là, mais c'est long à évaluer.
Et donc déjà, on sent que... hein, je le
disais dans mon document, il y a beaucoup d'établissements qui, présentement,
n'arrivent pas ou... En tout cas, moi, j'ai fait, même, des réflexions, avec
certains établissements, sur est-ce qu'on devrait avoir une liste de
priorisation de nos cas d'AMM, un peu comme on a dû le faire pour les
chirurgies...
Mme Roigt (Delphine) : ...en
cas de pandémie, parce qu'on... Parce qu'il y en a beaucoup, il y a une
augmentation quand même de 30 % par année. Puis vous remarquerez que le
nombre de médecins augmente, mais pas proportionnellement non plus.
Donc, vous me demandez quoi faire, dans
votre... dans le projet de loi. C'est un soin, il devrait être offert partout,
mais on ne pourra jamais, tu sais... Si vous me dites : je ne peux pas
forcer... Tiens, je vais vous faire un parallèle puis je n'ai pas la réponse.
Si vous me dites : Je ne peux pas forcer quelqu'un à essayer des soins
Pal, s'il ne veut pas, parce que son autonomie prime, je ne vois pas comment je
peux forcer un médecin. Je trouve que le soin n'a pas de sens pour lui, dans
ces conditions-là, de le donner, le médecin ou IPS, par ailleurs.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Je dois vous quitter... de... «vous quitter», vous... Je ne
vous quitterai pas, je suis encore là, je dois vous couper, par contre. Le
temps de l'opposition est terminé, mais on a encore un quatre minutes 8 s avec
la deuxième opposition représentée par la députée de Sherbrooke. Alors, vous
allez avoir encore du temps pour exprimer vos pensées. Le temps commence pour
vous maintenant.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
Vous êtes habituée d'être confrontée à des
situations difficiles. On a des gens qui sont venus témoigner ici qu'elles
avaient été, soit elles-mêmes ou d'autres personnes, non informées de leur
droit d'avoir accès à l'aide médicale à mourir dans des situations assez
émotives, là, où parfois certains ont tenté d'attenter à leurs jours eux-mêmes
sans savoir qu'ils avaient accès à ce soin-là, déploraient que leur médecin ne
leur en avait pas parlé. On a d'autres personnes qui ont témoigné de la
violence aussi de se faire proposer l'aide médicale à mourir, de se faire
parler de ce soin-là, alors que ce n'est pas du tout là où ils sont rendus ou
en tout cas que ce n'est pas leur intérêt de réfléchir à ça. Vous nous avez
mentionné que les soins palliatifs ne sont pas toujours bien compris non plus,
qu'il faudrait en parler aux gens. J'imagine que, compte tenu des préjugés qui
existent sur les soins palliatifs, ce n'est pas toujours facile d'aborder ça
non plus avec quelqu'un qui n'est pas préparé, pour qui ça veut dire : je
vais mourir. Comment on peut trouver l'équilibre entre bien informer les gens
de leurs droits, s'assurer qu'ils connaissent leurs droits, mais en même temps,
s'assurer de ne pas non plus les heurter ou que ou que ce soit reçu... Parce
que, tu sais, le mot «violence» a été utilisé, là, par rapport à recevoir de
l'information... (panne de son) ...Non sollicitée.
Mme Roigt (Delphine) : Tout
ça se fait dans une relation thérapeutique. Donc, si, à la base, il y a... Tu
sais, puis, ça, c'était une des questions qu'on avait soulevées en 2013 :
c'est la responsabilité de qui? Quand quelqu'un présente plusieurs troubles de
santé, il y a plusieurs professionnels, c'est la responsabilité de qui? Puis ce
n'est pas toujours la personne avec laquelle on a le plus de lien qui va, des
fois, aborder ces questions-là, ça va être, tu sais, peu importe, puis le
moment ne sera pas très bien choisi.
Je pense que, si on est sérieux, je
reviens à peut-être certains indices que je vous ai donnés tout au long du
document, si on est sérieux avec cette idée d'une loi concernant les soins de
fin de vie dans un continuum, bien, il faut mettre toute la gomme pour avoir
des équipes dédiées, pour avoir des gens formés, pour avoir des déclencheurs
dans le dossier de l'usager, de la personne, qui nous permettent de dire :
Oups! O.K., là, par exemple, son cancer, il y a une récidive de son cancer,
bon, bien, la discussion, il faut qu'elle ait lieu. Ça n'a jamais eu lieu, il
faut qu'elle ait lieu, si elle a déjà eu lieu, il faut qu'on la reprenne. Si
quelqu'un arrive, que ce soit une maladie rénale, cardiaque, pulmonaire, mais
qu'on arrive au stade terminal, le stade terminal, ça ne veut pas dire que tu
vas mourir demain matin, le stade terminal, ça veut dire tu étais dans guérir,
là, tu as une maladie chronique, eh bien, tu es dans stabiliser parce que tu ne
guériras jamais de ta maladie chronique. Puis, éventuellement, ton stabiliser,
il commence à moins fonctionner, puis là, il faut commencer à envisager un soin
de fin de vie. Mais, le stabiliser, c'est, finalement, le début de la discussion,
parce que, dès que c'est chronique, ça veut dire qu'il faut que tu apprennes à
vivre avec la maladie, que tu apprennes à vivre avec... Donc, si on ne le fait
pas en continu... Puis là, bien, il va y avoir des médecins qui vont vous le
dire : on ne veut pas leur faire perdre l'espoir, tout ça, tout ça. Je le
comprends, c'est toujours un balancier. Mais je pense qu'en ayant des équipes
dédiées et en ayant une réflexion vraiment proche de la personne, bon, la
personne va nous dire qu'est-ce qu'elle a le goût d'entendre. Qu'est-ce que
vous connaissez de votre maladie? Qu'est-ce que... qu'est-ce que vous avez...
Qu'est-ce que vous avez comme questions? Tu sais, il y a des.... Il y a
tellement de façons d'aborder ces questions-là, ce n'est pas tous les médecins
qui sont formés là-dessus, hein? Les discussions de fin de vie, là, il ne faut
pas se leurrer, là, ce n'est pas tous les... tu sais, je veux dire, les
médecins l'apprennent dans leur formation, puis là, je parle juste des
médecins, mais ça vaut pour les autres professionnels, mais ils n'ont pas
beaucoup de... d'occasions pour...
Mme Roigt (Delphine) : ...vraiment
le tester, puis de se faire évaluer puis d'avoir une rétroaction. C'est quelque
chose qui s'apprend. Et donc d'espérer que la TS de l'équipe va le faire ou
que, tu sais... Il faut qu'il y ait une mobilisation là-dessus dans nos équipes
pour éviter tout ce que vous avez dit, pour éviter que, si on l'aborde trop tôt
puis que la personne n'est pas contente, bien, il faut récupérer. Est-ce que...
est-ce qu'on l'a abordé trop tôt parce qu'on ne connaissait pas bien le
diagnostic et les pronostics ou c'est parce que, vraiment, la personne n'était
pas au courant? Tu sais, il y a plein, plein, plein de facteurs qui rentrent en
ligne de compte dans ce que vous me dites.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, c'est tout le temps que nous avions.
Au nom des membres de la commission, à nouveau, un grand merci pour ces
réflexions. Ça va alimenter les nôtres, évidemment.
Alors, pour les membres de la commission,
je suspends jusqu'à 15 h, où nous allons entamer la dernière ronde de
rencontres pour notre mandat. Merci beaucoup, tout le monde. Bon dîner.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 03)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux en ce mercredi 29 mars.
Nous avons encore deux rencontres. Nous allons commencer par celle qui est
représentée par Monsieur Steven Laperrière et Monsieur Laurent Morissette, c'est-à-dire
le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec. Bienvenue messieurs!
Alors, comme vous pouvez voir, nous sommes
un bon groupe de parlementaires qui sommes prêtes, parce que c'est toutes des
femmes, à vous entendre, vous allez disposer d'une période de 10 minutes
pour présenter votre... les grandes lignes de votre mémoire et va suivre
ensuite une période d'échange avec les parlementaires, les membres de la
commission. Alors, le temps commence pour vous dès maintenant.
M. Morissette (Laurent) : Merci.
Merci, Mme la Présidente et mesdames les membres de la Commission. Comme vous
le savez, mon nom est Laurent Morissette, je suis trésorier du RAPLIQ qui est,
comme vous le savez, le Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec
qui est un organisme national fondé en 2009, qui accompagne et fait part de
revendications pour les gens en... pour la défense des droits des personnes en
situation de handicap depuis 2009. Et puis, sur un plan personnel, je peux vous
dire que je suis avec le RAPLIQ depuis 2011, mais le RAPLIQ a su susciter chez
moi un esprit de pugnacité pour la défense des droits des personnes en
situation de handicap. Et puis je ne peux qu'être honoré d'être ici aujourd'hui
pour discuter de l'enjeu fondamental... des enjeux fondamentaux qui couvrent ce
projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Et puis, sur ça, je laisse la
parole à mon collègue, le directeur du RAPLIQ, monsieur Steven Laperrière.
M. Laperrière (Steven) : Merci
Laurent, mesdames les parlementaires, premièrement, merci beaucoup de nous
accueillir et de nous inviter à exprimer notre opinion parmi... dans le cadre
de ces travaux fort importants. Cette opinion qu'on vient porter aujourd'hui
aujourd'hui, c'est une opinion qui vient d'un peu partout au Québec, de nos
membres, de nos partenaires, de nos fournisseurs, de nos amis. Alors, on a
vraiment travaillé à vous amener de meilleures opinions qu'on pouvait... les
meilleures inquiétudes puis les meilleures questions.
Au cours de la rédaction de ce mémoire et
de la préparation de cette audience, deux valeurs fondamentales ont guidé notre
préparation, c'est-à-dire la plus importante sera toujours la qualité de vie et
la deuxième valeur, la dignité au moment du départ. En préparation de ce
mémoire, on a essayé de trouver la meilleure définition possible du terme
handicap, car la définition du handicap peut varier selon les contextes et les
perspectives. En général, le handicap se réfère à une limitation physique,
mentale ou sensorielle qui affecte les activités quotidiennes d'une...
M. Laperrière (Steven) : ...et
qui peut poser des obstacles à sa participation pleine et entière dans la
société. Il est important de noter que le handicap ne doit pas être considéré
comme une caractéristique intrinsèque de la personne mais plutôt comme le
résultat d'une interaction complexe entre les limitations de la personne et les
barrières sociales et environnementales. En d'autres termes, le handicap est
une construction sociale qui est influencée par les attitudes et les normes de
société, et ces barrières sont présentes aussi dans le système de santé. Il est
important de noter, et c'est un des principes qui a guidé nos travaux aussi...
de noter que des personnes atteintes d'un handicap ont les mêmes droits que les
autres membres de la société et doivent être traitées de manière égale et
équitable. Nous souhaitons, évidemment, que les travaux que vous menez tiennent
compte de cet aspect.
Un autre constat général, quand on pense
au handicap, c'est que, souvent, les discussions que nous avons entre nous et
avec des partenaires, membres, et tout ça, c'est que, souvent, ces
discussions-là se concluent avec comme seule logique que les personnes
handicapées coûtent cher à la société, que ce soit en soins de santé, que ce
soit en hébergement, en institution ou soins à domicile, d'aide à la mobilité,
etc., sans parler des adaptations, accommodements physiques qu'on doit apporter
au lieu, que ce soient les cliniques, que ce soient des appareils tels des
lève-personne, tels des tables d'examen accessibles ou des équipements à rayons
X où il faut nécessairement être debout pendant longtemps, bien, pour des
personnes comme Laurent, ça ne fonctionne pas. Alors, il faut penser à tout ça,
et c'est toujours des coûts exceptionnels. Et, ceci expliquant cela, j'imagine
que vous n'êtes pas sans savoir, un fort pourcentage de la population des
personnes handicapées décèdent de d'autres causes que celles qui les
handicapent par manque d'accès au système de santé. C'est une réalité. On
pourrait faire des cliniques de mammographies, entre autres. Contradictoirement
à ça, les personnes handicapées représentent une source de revenus constante et
importante aux médecins spécialistes et surtout aux chercheurs. Alors, il y a
une contradiction puis c'est une contradiction qui est présente dans le
discours des personnes en situation de handicap.
Revenons à l'aide médicale à mourir, un
petit rappel historique auparavant. Est-ce que... Lorsqu'on lit toutes les
interventions, est-ce que nous n'avons pas appris du décès de Monsieur Gabriel
Bouchard, qui, en 2015, se sentant abandonné par le système et face à des
perspectives de vie inacceptables en institution pour lui, dans des conditions
assez incroyables, préféra se laisser mourir de faim, alors qu'il aurait pu
vivre encore une dizaine d'années avec un système de support adéquat?
Malheureusement, on en est aujourd'hui à parler de ça et on espère que c'est...
des travaux que vous menez vont apporter une solution à ça.
Lorsqu'on parle d'aide médicale à mourir,
on a peur aux abus, on a peur aux dérives. Je vous raconte une histoire vécue
d'un de nos membres qu'on connaît très bien. Un homme d'une soixantaine
d'années, malade, vivant seul, sans un vrai système de support familial, outre
le soutien de sa famille du RAPLIQ, parce qu'il est sur notre CA puis il nous considère
comme sa famille, qui se fait dire par le responsable de son équipe
interdisciplinaire : Écoute, tu prends plus d'une trentaine de pilules par
jour, ton état ne s'améliore pas, tu veux continuer comme ça encore longtemps?
Tu auras peut-être une grande décision à prendre bientôt. Il s'est fait dire ça
par son infirmière pivot. Avec quoi vous pensez qu'il est reparti chez eux?
Coudon, elle est-tu en train de me demander de prendre la piqûre, là? C'est
avec cette impression-là qu'il est parti. Est-ce que c'est ça qu'elle voulait
dire? Je ne peux pas le dire, puis lui non plus, mais c'est l'impression qu'il
a eue.
• (15 h 10) •
Quand on entend ce genre de propos, et
malheureusement on l'entend plus souvent qu'on le voudrait, ce n'est pas un cas
unique... À lire certains mémoires et certains commentaires émis ici en
personne, il est à se demander si certains ne sont pas en train de se
substituer à Mère Nature ou à quelconque Dieu, ou pire encore, de vous demander
de réfléchir à légaliser une nouvelle action T4 maquillée. C'est l'impression
qu'on a en lisant certains mémoires. Dans ce contexte, doit-on vraiment se
surprendre du nombre croissant de mémoires et d'exécutions de ces demandes? Le
rapport annuel de la Commission sur les soins de vie révèle ces statistiques,
en 2021-2022, 5 % des Québécoises et des Québécois qui sont décédés ont
reçu l'aide médicale à mourir dans leur trajectoire vers le décès, ce qui
représente 3 663 personnes. C'est quand même un nombre assez
important.
Et, plus haut, nous mentionnons que le
débat que nous tenons est signe d'une société saine. Et je le pense vraiment,
les débats qu'on a aujourd'hui, c'est sain, mais nous avons presque envie de
reprendre ces mots, car est-il vraiment sain qu'une société accorde plus
d'importance à l'aide médicale à mourir qu'à l'aide médicale à vivre? Pire
encore, comme je le mentionnais dans le cadre, là, de monsieur qui est un de
nos membres, pire encore, que cette future loi suggère à chaque individu et
parfois subtilement, comme ça a été le cas, encouragé par le système...
M. Laperrière (Steven) : ...précédemment,
laissé à lui-même, sans système de support familial, amical, social ou médical,
l'encourager... est-ce qu'on l'encourage à vivre ou est ce qu'on l'encourage à
mourir? La question se pose.
Alors, bien que favorable à l'aide
médicale à mourir pour éviter une fin de vie indigne et des douleurs
intenables, le RAPLIQ émet des craintes quant à l'élargissement des critères
d'admissibilité proposés par le gouvernement. Il recommande que les patients
aient accès à des soins palliatifs de qualité et que leur décision d'opter pour
l'AMM soit éclairée et volontaire. Les soins palliatifs, qui peuvent également
aider les patients à trouver un sens et une signification à leur vie alors
qu'ils arrivent à la fin de celle-ci, nous vous invitons, chers parlementaires,
à réfléchir à cette situation comme si vous étiez vous-mêmes en situation de
handicap.
Une autre contradiction qu'on a notée,
discrimination, on pourrait dire aussi, c'est le handicap neuromoteur grave. On
cherche à comprendre pourquoi rendre plus accessible de l'aide médicale à
mourir aux personnes avec un handicap neuromoteur grave. Sur quelle base
factuelle se permet-on de proposer cela, alors qu'il y a plein de personnes à
handicap neuromoteur grave qui n'ont pas de souffrance, qui n'ont pas de
douleur intense qui les rend... qui leur donnent le goût de ne pas vivre? On
peut penser à deux personnes atteintes de sclérose en plaques progressives
depuis à peu près le même nombre d'années et ayant à peu près le même âge. Une
de ces deux personnes peut être extrêmement souffrante et, on le sait, on
connaît cette personne-là, et une autre personne qui ne l'est pas.
Alors, pourquoi ouvrir la porte plus... plus
facilement vers l'aide médicale à mourir à des personnes atteintes d'un
handicap neuromoteur alors que, bien, une personne sourde peut avoir un cancer,
peut avoir des grosses souffrances puis vouloir l'aide médicale à mourir? Donc,
est-ce qu'on est en train de discriminer les personnes handicapées jusque dans
les soins de fin de vie? S'il vous plaît, dites-moi de ça que ça ne se peut
pas, là. Alors, c'est un peu ça, un des points importants.
Puis on parle de handicap, handicap
neuromoteur, mais, comme je le disais aussi, il y a des gens qui sont
handicapés, toutes sortes de handicaps confondus, que ce soit intellectuel,
physique, peu importe, et nous croyons... et si nous croyons qu'il est
primordial de maintenir les critères de mort naturelle raisonnable prévisible
et de fin de vie, comme prévu dans les lois, il faut garantir, comme on disait,
un de nos critères fondamentaux, il faut garantir le respect réel de la
personne et de la dignité humaine. Et cette question fait débat. Au sein de
notre C.A., nous avons perdu des membres, et au sein de nos membres aussi, on a
perdu des gens qui ont choisi l'aide médicale à mourir parce que même si la fin
de vie n'était pas prévisible, ils n'en pouvaient plus, ils n'en pouvaient
juste plus, puis ça se voyait, puis on le sentait, puis c'était une certaine
déchéance.
Alors... alors, tu sais, en tant que
regroupement, nous sommes favorables à l'utilisation de l'aide médicale à
mourir pour les personnes dont la douleur est avérée et médicalement
incontrôlable ou incurable. Cependant, ce qu'on veut être sûr, c'est que s'ils
en font la demande et que la fin de vie n'est pas imminente, nous reconnaissons
également la nécessité d'encadrer, de réglementer rigoureusement cette pratique
pour assurer la protection de tous les individus concernés. Et on ajouterait
même une question : Sur les comités consultatifs qui prennent la décision
à savoir est-ce qu'on accepte une demande ou pas, est-ce qu'une personne
handicapée siège sur ces comités-là? Parce que la vision puis la perspective
d'une personne handicapée est forcément un peu différente de quelqu'un qui ne
l'est pas. Alors, la question est posée.
Et le dernier point j'aimerais faire... je
ne sais pas combien de temps il me reste, mais j'achève.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...a accepté de prendre du temps. Allez-y. Allez-y.
M. Laperrière (Steven) : D'accord.
Mais c'est mon dernier point. Une chose, un angle qui est complètement évacué
jusqu'ici, c'est le don d'organes. On a des gens qui ont demandé l'aide
médicale à mourir qui auraient voulu donner leurs organes viables, et la
coordination entre le centre qui donnait... qui exécutait à l'aide médicale à
mourir et Transplant Québec, ça n'a pas été possible. Puis ça a l'air que ça ne
sera pas possible non plus. Alors, j'aimerais que... j'aimerais que vous vous
penchiez sur cette question-là, parce que, de pouvoir donner ses organes,
c'est... pour la personne qui le fait, si c'est son souhait, c'est un... c'est
un baume sur une fin de vie imminente, c'est faire quelque chose de bien pour
la société, puis ça peut être un baume aussi pour la famille. Alors, je tenais
à rajouter ce point-là.
Et, en conclusion, mesdames, nous croyons
que ce mémoire touche plusieurs points qui ont des sources... qui sont des
sources d'inquiétude pour les personnes handicapées. Notre souhait est que ce
mémoire, au même titre que celui de nos collègues d'autres organismes et
individus, aura su vous éclairer sur les différentes sensibilités et craintes
en regard de ce projet de loi. Nous espérons que vous, Mesdames les
commissaires, qui êtes aussi élus et législatrices...
M. Laperrière (Steven) : ...aurai
le discernement, la sagesse et le courage de faire les bonnes recommandations
et de voter en faveur de ce qui est le mieux pour les concitoyens et
concitoyennes handicapés, car la fin de vie de tous les Québécoises et
Québécois est entre vos mains. Bonne réflexion.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, M. Laperrière. Vous en mettez beaucoup sur
nos épaules, mais vous avez raison, c'est notre devoir. Merci pour cette
présentation. Je vous rappelle très, très respectueusement que notre objectif,
c'est de bonifier le projet de loi qui est déposé, un projet de loi, c'est
perfectible, on le dit souvent. Alors, je vais donc entamer avec mes consœurs
la période d'échanges avec vous. On va commencer par Mme la ministre et il
reste 14 min 9 s.
Mme Bélanger : Oui. Alors,
Monsieur Laperrière, monsieur Morissette, un grand merci de participer à notre
commission, votre rapport est très clair, je veux le mentionner, ainsi que les
recommandations, et merci pour cette belle présentation.
Je voudrais quand même juste peut-être
revenir sur le fait... et peut-être vous rassurer, puis je comprends toutes les
appréhensions, là, que vous mentionnez, c'est que l'intention qu'on a eue de...
et la proposition, de rendre accessible à mourir aux personnes ayant un
handicap neuromoteur grave et incurable n'était pas basée sur le fait
d'ostraciser les personnes ayant un handicap, mais plutôt sur le fait,
justement, comme vous l'avez mentionné, de dire que les personnes vivant
avec... ou étant en situation de handicap, je comprends bien qu'il y a une
nuance, là, donc les personnes étant en situation de handicap ont les mêmes
droits justement que les autres personnes, et de reconnaître qu'elles peuvent
elles aussi vivre des souffrances physiques, psychiques puis naturellement tous
les autres critères qui sont dans la loi.
Et c'est pour ça qu'on s'est questionné. Puis
vous savez qu'au niveau fédéral la notion de handicap est incluse, et donc ici,
au Québec, par devoir de prudence puis pour éviter justement, je dirais
peut-être, des dérapages. Il y a eu beaucoup de réflexions, notamment avec des
ordres professionnels, mais aussi avec des organismes qui donnent des services
aux personnes handicapées, et il y a eu, à un moment donné, un consensus de
dire : O.K., on va spécifier. Mais l'objectif de le spécifier, c'était
vraiment, justement, par devoir de prudence puis aussi suite à l'affaire
Truchon-Gladu, O.K., c'est de là que tout ça part.
Une voix : Je comprends.
Mme Bélanger : Mais on
comprend qu'en faisant ça, ça a créé, puis avec raison, avec raison, vous
faites bien de le mentionner, puis il y a d'autres groupes qui nous l'ont
soulevé, des questions, puis on est très sensibles à tout ce qu'on entend
aujourd'hui. Ma question est... Je comprends que vous dites, dans le fond, il
ne faudrait pas que l'aide médicale à mourir soit un soin de dernier recours parce
qu'on n'a pas reçu les services psychosociaux, les services de santé, les
services dans la communauté, etc. Puis vous amenez même le fait que le
médecin... puis là je vais rajouter... j'ajoute l'IPS parce
qu'éventuellement... Vous savez qu'on a intégré dans le plan... dans le projet
de loi que l'IPS pourrait aussi, au même titre que le médecin, procéder. Vous
intégrer le fait que le médecin devrait s'assurer, dans le cadre du processus,
que la personne qui demande l'aide médicale à mourir... Parce que l'élément
essentiel, c'est qu'il faut que ça vienne de la personne, en plus, hein,
l'autodétermination...
• (16 h 20) •
Une voix : Exact.
Mme Bélanger : Mais que le
médecin s'assure que la personne ne demande pas l'aide médicale à mourir et... parce
qu'il y a un manque de services médicaux, un manque de services sociaux ou des
services de soins palliatifs inappropriés. J'aimerais ça vous entendre
là-dessus, bien, je trouve que cet élément-là est très important.
M. Laperrière (Steven) : Exact.
C'est le point... C'est certainement un des points les plus importants. Puis,
une des plus grandes craintes des personnes en situation de handicap, en tout
cas, que moi, je connais, je ne connais personne qui veut mourir dans la
déchéance puis l'indignité, handicapé ou pas, mais personne ne veut mourir
parce qu'on n'a pas été au bout du chemin, c'est-à-dire que, quand un... que ce
soit un problème de santé mentale ou n'importe quoi, si la personne est dans
des douleurs intenses, intenables, incontrôlables et avérées, incurables et
incontrôlables par un médecin, à ce moment-là, on veut bien considérer l'aide
médicale à mourir s'il n'y a pas d'autre chose à faire, si la personne le veut.
Mais, encore là, comment faire en sorte... comment baliser le tout, Mme la
ministre, pour faire en sorte de s'assurer que le médecin accomplit vraiment le
devoir de...
M. Laperrière (Steven) : ...regarder
toutes les options avant d'arriver à l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas
médecin, je ne peux pas vous dire comment faire, mais je peux vous dire ce que
les gens ressentent par exemple, et la peur que les gens ont, c'est celle-là,
c'est que les médecins n'iront pas au bout.
On fait juste penser, Mme la ministre, à
la... En période de pandémie, il était question que... est-ce qu'on donne des
ventilateurs aux personnes en situation de handicap? Là, je comprends qu'on
n'est pas dans la même situation. Je le comprends. Je ne veux pas comparer des
pommes avec des carottes, là, mais cette discussion-là a déjà eu lieu. Alors,
je pense que l'inquiétude, elle est raisonnable, elle est palpable.
Et, quand je parle de lourde
responsabilité qui est sur vos épaules à tous, communément, bien, c'est
celle-là. C'est de prouver aux personnes handicapées, de baliser tout ça, que
le médecin va vraiment être obligé d'aller au bout de la démarche
thérapeutique, tout ce qui peut être fait pour aider quelqu'un avant
d'encourager ou... pas d'encourager, mais peut-être de promouvoir l'aide
médicale à mourir, dans un cas comme dans l'autre, pour éviter des
situations... qui est arrivée à notre monsieur, là.
Mme Bélanger : ...préciser,
là, parce que je veux être sûre de bien comprendre. Je pense qu'on est tous
soucieux, là, puis on est conscients de la responsabilité qu'on a, des décisions
qu'on a à prendre. Mais est-ce que vous êtes à l'aise... Là, je comprends que,
«neuromoteur», vous nous dites : N'allez pas là, enlevez ça, c'est
discriminant, puis... Bon. Est-ce que vous êtes à l'aise qu'on mette dans le
projet de loi les personnes vivant en situation de handicap ou vous aimez mieux
qu'on ne le mette pas et qu'on tienne compte des critères comme par exemple la
volonté de la personne, l'aptitude à consentir, le déclin irréversible, le
caractère incurable, la maladie physique, souffrance, la souffrance physique...
Est-ce que vous aimeriez mieux qu'on ne mette pas du tout le volet handicap
ou... Je veux vous entendre là-dessus.
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
je... Bien, Laurent, peut-être, tu veux dire quelque chose là-dessus?
M. Morissette (Laurent) : Bien,
écoutez, je... Bien, je ne sais pas si je vais être complètement à côté de la
plaque, mais ce que moi, j'ai toujours dit en tant que participant dans la vie
civile, c'est que ce qui nous définit, ce n'est pas nécessairement notre
handicap. Je veux dire, ce qui nous définit, c'est notre désir profond de
participer à la société. Je veux dire... Donc, ce qui... Si on considère que ce
qui nous définit en tant qu'être vivant, ce n'est pas notre handicap, bien, il
faudrait aussi appliquer cette même logique lorsqu'il est question de soins de
fin de vie.
Je veux dire, moi, personnellement, j'ai
eu un oncle qui est mort pendant la pandémie, justement, qui a eu affaire aux
soins de fin de vie. Et puis, parce que c'était un contexte de pandémie, tout
ça, ça a été un petit peu expédié.
Donc, moi, personnellement, je... Sans
dire qu'il faudrait complètement évacuer les questions relatives au handicap,
je pense que ça ne devrait pas être le point central de la... des prises de
position.
M. Laperrière (Steven) : Et,
pour faire un peu de pouce là-dessus, Mme la ministre, un peu dans le même
sens, je pense que la loi sur l'aide médicale à mourir, là, ça concerne tout le
monde. Je veux dire, moi, vous, ça peut être n'importe qui. Donc, c'est un...
Moi, je le pense toujours comme un projet général, mais, en quelque part, je
pense qu'il est bien de... je pense que le handicap devrait rester une notion
présente dans le texte de loi de façon à protéger les personnes handicapées,
qui sont peut-être plus vulnérables que d'autres, qui ont parfois un système de
support familial, social un peu moins grand que d'autres. J'en connais plein,
de personnes handicapées, qui sont toutes seules puis qui n'ont personne au
monde.
Alors, je pense qu'on doit le garder dans
les textes de loi, Mme la ministre, les parlementaires, mais beaucoup par
mesure de protection puis de s'assurer encore, un peu comme on le disait tantôt
aussi, au risque de me répéter, de bien baliser le travail des médecins puis
des professionnels pour être sûr qu'on aille au bout des options de traitements
disponibles pour chaque personne. C'est ce que je souhaiterais, Mme la
ministre.
Mme Bélanger : O.K. Merci.
Peut-être une dernière question, là, de mon côté. Vous évoquez la notion de
comité consultatif, c'est ce que vous avez mentionné, sur l'aide médicale à
mourir. À quoi faites-vous référence exactement? Qu'est-ce que vous proposez?
M. Laperrière (Steven) : Bien,
je comprends... Et peut-être que ma compréhension est erronée, je l'avoue, donc
je n'avance rien, mais je comprends que, lorsqu'il y a une demande d'aide
médicale à mourir qui est formulée, il y a comme un genre de comité de quelques
personnes qui analyse... Dites-moi que ce n'est pas juste une personne, s'il
vous plaît, là. Dites-moi que ce n'est pas ça.
Mme Bélanger : O.K.
Parlez-vous de la commission des soins de fin de vie... la commission des soins
de fin de vie ou un comité consultatif interne?
M. Laperrière (Steven) : Exact.
Qu'il y ait au moins une personne en situation de handicap qui siège pour avoir
la perspective d'une personne handicapée, parce qu'une personne handicapée...
M. Laperrière (Steven) : ...bien
comprendre le désespoir d'une autre personne. Je pense que, ça, elle peut mieux
le comprendre que moi.
Mme Bélanger : O.K.
Merci beaucoup.
M. Laperrière (Steven) : Voilà.
Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuivre avec
la députée d'Abitibi-Ouest, qui a quelques questions pour vous. Il reste
4 min 40 s
Mme Blais : Merci, Mme
la Présidente. M. Laperrière, M. Morrissette, merci de votre
présence. M. Morissette, j'aimerais qu'on parle de souffrance, souffrance
et douleur, parce qu'il existe des souffrances physiques et il existe aussi des
douleurs physiques dues à la mobilité, ces choses-là, et aussi des grandes
souffrances psychologiques. Quel genre de souffrance vous avez vécue?
M. Morissette (Laurent) : C'est
une question assez particulière, si je peux me permettre, parce que, moi, comme
je l'ai dit tout à l'heure, ce qui me définit, ce n'est pas nécessairement mon
handicap, là. Et puis, évidemment, ce qui est drôle, parce que j'ai souvent des
discussions avec des amis à moi puis qui... Ils me disent : Ah mon Dieu!
j'ai mal à... J'ai mal aux dents, j'ai mal à ci... Mais je ne devrais pas me
plaindre parce que, toi, tu es une personne handicapée puis tu as... Tu sais,
tu es tout le temps assis, 16 heures par jour puis tout ça. Donc, tu as
vraiment beaucoup de douleurs... Bien moi, honnêtement, je n'ai pas... Je n'ai
pas plus de douleur que n'importe qui, sans dire que je n'en ai pas puis sans
dire aussi que ça... ça me... ça me rend... ça me rend meilleur par rapport à
quelqu'un d'autre, je veux dire. Tu sais, la plus... Je vous dirais, pour être
le plus simple possible, une... une des plus grandes douleurs que je ressens,
c'est que... c'est de savoir que mes... je n'aime pas les appeler comme ça,
mais que mes compatriotes, je veux dire, en situation de handicap vivent, sans
nul doute, un nombre incommensurable de douleurs psychologiques causées par le
fait qu'ils et elles ne peuvent pas s'accomplir pleinement en tant que citoyens
à part entière dans la société québécoise.
Je sais que ça ne répond pas nécessairement
à votre question, mais... mais plutôt que dire que j'ai seulement mal au dos,
mal aux fesses, j'ai voulu être vraiment être plus... plus, un petit peu
plus... plus... plus large, un peu plus... plus réaliste, honnêtement parce
qu'honnêtement je pense qu'au-delà des douleurs physiques qui peuvent, s'il y a
un système de support adéquat pour une personne, qui peuvent être mitigées et
atténuées si on s'assure que la personne est soutenue de façon adéquate, non
seulement par son réseau de proches aidants, mais également par des employés,
comme des préposés aux bénéficiaires qui sont payés adéquatement, je pense
qu'aujourd'hui le pourcentage que nous... que nous avons... que nous avons émis
de 5 %, on n'en serait probablement pas là actuellement. Disons que...
M. Laperrière (Steven) : Merci,
Laurent. Si je peux faire un petit mot là-dessus...
Une voix : Oui.
M. Laperrière (Steven) : On
parlait tantôt de handicap moteur versus handicap... handicap versus handicap
neuromoteur, pourquoi catégoriser les gens. Laurent fait extrêmement là-dedans.
Laurent, il a certains inconforts, il a certaines douleurs, mais il est loin
d'avoir des douleurs intenses, insupportables à base quotidienne. Il est un peu
l'exemple de ce que j'exprimais tantôt.
Mme Blais : Je vous
remercie beaucoup, M. Morissette, d'avoir pris le temps de répondre à ma
question qui était assez directe. Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Il reste
1 min 10 s. Très courte question pour la députée de
Laviolette-Saint-Maurice.
• (15 h 30) •
Mme Tardif : Certes,
M. Laperrière, je crois.
M. Laperrière (Steven) : Oui.
Mme Tardif : Merci
d'être venu. Merci de vous être déplacé. Merci d'avoir préparé ce rapport qui
est très complet. Ma question est très courte. Vous... On en revient au projet
de loi, là. Vous nous suggérez d'inclure les personnes avec des troubles de
santé mentale et de le rendre admissible. Pourriez-vous m'expliquer un peu
davantage votre opinion par rapport à ça?
M. Laperrière (Steven) : Avec
plaisir. Pour la simple et bonne raison que les troubles de santé mentale,
c'est aussi un handicap. Mme la ministre posait tantôt si on devait garder le
terme «handicap» dans les textes de loi. Bien, si on garde le texte «handicap»,
à notre sens, santé mentale fait partie des handicaps aussi. Je comprends que
c'est une game différente, c'est sur une façon de penser différente. Je le
comprends, mais ça demeure tout de même un handicap.Et on connaît des personnes
qui ont des troubles de santé mentale, qui ont de grandes souffrances
psychologiques, psychiques, un grand mal de vivre qui est incontrôlable,
incurable. Et encore là, je demanderais aux parlementaires de bien considérer
qu'avant de considérer un... Avant d'accorder un droit d'aide médicale à
mourir...
15 h 30 (version non révisée)
M. Laperrière (Steven) : ...de
s'assurer que le médecin spécialiste, peu importe, ait fait le tour de toute la
question, et qu'il n'y ait pas d'autre option. Parce que ces personnes-là sont
encore peut-être un petit peu plus vulnérables qu'une autre partie de la
population. Alors, j'espère que ça répond à votre question.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, monsieur Laperrière. Nous allons donc
poursuivre les discussions, cette fois avec l'opposition officielle, avec la députée
de...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : La Pinière. Merci. Vous avez une période de 12 minutes
23 secondes.
Mme Caron : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs, merci d'être présents avec nous. Une
question à propos du terme handicap. Donc, ce que j'ai bien compris dans votre
présentation et dans la réponse, tout à l'heure, c'est que, handicap... les
personnes handicapées ne devraient pas être traitées autrement que la
population en général. Donc, à ce chapitre-là, peut-être que vous retiriez le
terme handicap. Par contre, vous, vous le garderiez peut-être pour s'assurer
que les personnes handicapées non pas... elles ne sont pas mises dans une
situation où on leur propose, par exemple, l'aide médicale à mourir faute de
soins, que ce soit, peu importe quel soin ou aide à demeurer à domicile. Hier,
il y a une personne qui est venue et qui nous disait, plutôt que de parler de
handicap, peut-être plutôt de déficience et d'incapacité grave et incurable.
Est-ce que c'est quelque chose qui serait plus acceptable pour vous ou non?
M. Laperrière (Steven) : Non.
Et, pour la simple et bonne raison que, si on veut rentrer là-dedans, on va
commencer à catégoriser ce qu'est le handicap. Pour moi, quand on dit :
Handicap... tu sais, il y a des gens qui vont dire : Une personne en
situation de handicap. Moi, Laurent, là, je considère qu'il n'est pas
handicapé. Quand il est devant une marche, qu'il ne peut pas rentrer à quelque
part, là, il est en situation de handicap. Mais sinon, mon chum Laurent, là, c'est
une personne handicapée, point final. Il n'est pas blanc, il n'est pas noir, il
n'est pas catholique, il n'est pas... c'est une personne handicapée, c'est mon
chum, that's it. Donc, pour moi, le terme handicap englobe tout, que ce soit
handicap... là, parce qu'après ça, on peut aller à handicap moteur, handicap
cognitif, handicap... tu sais, je veux dire, on ne finit plus, là, on peut
catégoriser ad vitam aeternam. Mais handicap, ça définit bien, je pense, la
situation d'à peu près toutes les personnes, jusqu'à temps que quelqu'un me
prouve le contraire. Puis, ce jour-là, il n'est pas arrivé encore, je ne l'ai
pas vu.
Mme Caron : D'accord. Bien,
en fait, en fait, c'est ce que la personne nous disait également, c'est que le
handicap est situationnel. Donc, c'est au moment justement où la personne
arrive devant une marche qu'elle ne peut pas franchir... mais la personne dans
son entièreté n'est pas... n'est pas handicapé. Ma collègue avait proposé peut-être
qu'il y ait un forum qui soit organisé sur cette notion-là. Est-ce que c'est...
ou peut-être un comité pour définir le tout? Est-ce que vous seriez intéressés
à participer, peut-être, à ça?
M. Laperrière (Steven) : Mais
tellement, mais tellement. Et je vous en prie, si vous le faites, invitez-nous.
On va être des... on est partant de ça. Parce que... la définition du handicap
puis la vie des personnes handicapées, les défis au quotidien, c'est des choses
qui sont mal exprimées, qui sont mal comprises puis qui n'ont jamais été, à mon
sens, communiquées comme il faut. Alors oui, un comité comme ça, oui, s'il vous
plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît, et invitez-nous, on va être des
joueurs importants. Et, oui, s'il vous plaît, c'est ça, ma réponse.
Mme Caron : D'accord. Merci.
Et puis je reviens aussi dans votre recommandation numéro 11, à propos de
la présence d'au moins personne handicapée sur les comités consultatifs sur l'aide
médicale à mourir, donc vous parlez vraiment des comités locaux ou qui serait
appelé à...
M. Laperrière (Steven) : Bien
des gens qui sont... tu sais, je ne sais pas si le bon terme, c'est un comité,
mais, tu sais, comme je disais : J'espère que ce n'est pas juste une
personne qui décide, là, que ce soit un comité de deux, trois, quatre, cinq
personnes, whatever. J'espère que... J'aimerais que ça soit mandatoire que,
dans le cas où la demande d'aide médicale à mourir est faite par une personne
handicapée, qu'il y a au moins une personne handicapée qui fasse partie du
processus d'acceptation ou non de la demande.
Mme Caron : D'accord, je vous
remercie beaucoup et je laisserais la parole à ma collègue de D'Arcy-McGee,
si...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va poursuivre avec la collègue de
D'Arcy-McGee. Pour une période de huit minutes 39 secondes.
Mme Prass : Merci beaucoup.
Merci de votre présence aujourd'hui et du mémoire. Je vais renchérir sur votre
point de vue qui... bien, votre crainte que certains services ne soient pas
offerts plutôt que... et qu'on... plutôt l'aide médicale à mourir. Avez-vous
justement une crainte que, dans certains cas, il y aura des services, des soins
qui ne seront pas offerts? Parce qu'on se dit, comme vous avez fait état plus
tôt, que, bien, cette personne-là... s'en vont vers l'aide médicale à mourir.
Donc, pourquoi leur offrir les soins? Avez-vous une crainte que cette
mentalité-là se développe dans le système de la santé?
M. Laperrière (Steven) : Mais
clairement, mais clairement, absolument et totalement. La réponse à ça, c'est
un gros oui...
M. Laperrière (Steven) : ...parce
qu'on l'a vécu avec notre ami, qui a vécu, lui, la situation que je vous ai
rapportée. Il n'est pas en fin de vie, ce gars-là, là, puis c'est un actif pour
la société. Mais là, soudainement, en quelque part, il y a quelqu'un qui
décide : Écoute, mon ami, tu prends 38, 39 pilules, là, puis bien
vite je n'en aurai plus, de pilules pour toi, là, ça fait qu'il va falloir que
tu prennes une décision bientôt. Qu'est-ce qu'elle voulait dire, la personne?
On ne le sait pas. Elle voulait-tu dire : Bien, pense à l'aide médicale à
mourir?, ou peut-être : Change de médecin, parce que, moi, je peux... On
ne sait pas ce qu'elle a voulu dire. Mais je sais que notre ami, il est
ressorti de là en se disant : Bien, crime, elle m'a invité quasiment à
prendre la piqûre, là. Ça fait que, lui, c'est ça qu'il a compris.
Alors, oui, j'ai peur que parce qu'on n'a
pas assez de lits, j'ai peur que parce qu'on n'a pas assez de personnel, j'ai
peur parce que... Je ne sais pas comment... Je pourrais vous en parler pendant
deux heures, là. J'ai juste peur qu'un médecin, parce qu'il a une mauvaise
journée, parce qu'il est surchargé, parce que ça ne lui tente juste pas, puis
les personnes handicapées, ça l'écoeure, parce que ça arrive, croyez-moi, j'ai
juste peur qu'un médecin dise : Ah non! Là, on a... Je n'ai pas allé
jusqu'au bout, là, mais de toute façon, regarde, il achève, là, il reste deux
ans, trois ans, quatre ans. Oui, oui, aide médicale à mourir! Oui, j'ai peur de
ça, oui. Bien, en fait... pas moi qui ai peur, la communauté des personnes
handicapées qui a peur. C'est ce qu'on nous a communiqué, c'est ce qu'on nous a
dit.
Et c'est vrai, il y a des hôpitaux où l'accessibilité
est très déficiente, il y a des examens que... Un examen gynécologique, pour
une femme handicapée qui ne peut pas se transférer seule, ça peut être un
exploit d'en avoir un. Donc ça peut être un exploit d'en avoir un. Alors, ça,
c'est une réalité, madame, c'est une vraie réalité, une réalité vraie.
Alors, vous me demandez si on a peur, oui,
on a peur, définitivement, pour toutes ces raisons-là. On a peur que les
médecins n'aillent pas jusqu'au bout de toutes les ressources nécessaires pour
aider les personnes à vivre et non pas les aider, les encourager à mourir. On
voudrait qu'ils les encouragent à vivre en ayant la certitude qu'ils vont...
exploitent toutes les solutions.
Mme Prass : Dans ce cas-là,
pensez-vous qu'il y aurait place qu'il y ait une évaluation obligatoire de
s'assurer que tous les services ont été donnés à cette personne-là avant qu'on
commence... avant qu'on procède à l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
ça, je ne sais pas quoi répondre à ça. Idéalement, je pense qu'on...
Idéalement, je pense qu'on devrait avoir confiance en nos médecins, nos
spécialistes, notre système de santé, mais l'histoire nous prouve qu'on ne peut
pas toujours avoir cette confiance-là. Je... Puis de... Ce que vous proposez,
il me semble qu'il y a un potentiel que ça pourrait retarder le moment entre la
demande et l'exécution.
Je réfléchis avec vous, mais j'irais
peut-être avec une commission annuelle qui serait chargée de regarder, mettons,
un certain pourcentage des demandes qui ont été faites versus qu'est-ce qui a
été accepté ou refusé puis sur quelle base on s'enligne pour accepter ça. Il me
semble que, ça, ça serait plus acceptable, à mon sens. Puis là Je parle en mon
nom à moi, pas au nom du RAPLIQ, mais, à mon sens à moi, ce serait plus
acceptable de faire ça que de retarder des demandes d'aide médicale à mourir
qui souffrent parce qu'on veut faire trois fois sûrs qu'on est corrects, là. Je
pense qu'il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis. Quelqu'un qui
souffre, qui a mal, là, Il ne faut pas qu'on s'accroche les pieds dans les...
dans la bureaucratie. Mais une mesure d'examen annuel, ça, ça pourrait, ça
pourrait faire l'affaire, je pense.
• (15 h 40) •
Mme Prass : Et là, je voudrais
venir sur votre recommandation numéro neuf, qui est en lien avec la notion du
refus. On sait bien que la personne va faire leur demande quand ils sont en
état aptes. Et ça se peut qu'ils fassent un refus physique, vocal, et cetera,
une fois qu'ils sont considérés plus... Ils ne sont plus considérés aptes.
Donc, pensez-vous qu'il devrait y avoir justement un mécanisme pour que, même
s'il y a un refus, soit qu'on essaie de nouveau ou qu'il y ait un élément dans
le formulaire qui précise que, même si j'ai un refus physique, et cetera, qu'on
procède avec l'administration de l'aide médicale à mourir?
M. Laperrière (Steven) : Parlez-vous
dans un cas où le patient, la patiente en question aurait déjà donné son
accord?
Mme Prass : Exact.
M. Laperrière (Steven) : Oui,
absolument, oui, absolument. Et je pense même que, et on le mentionne en
quelque part, je pense même que chaque personne qui fait une demande anticipée
d'aide médicale à mourir devrait désigner une tierce personne de confiance
assermentée, notifiée, s'il faut, pour le... notifiée et... voyons, notariée,
pardon, c'était dur, ça, notariée afin que... qu'on... Les médecins sachent
clairement qui est l'interlocuteur principal et que cet interlocuteur principal
là représente la personne qui a besoin des soins d'aide médicale à vivre même
si elle n'est plus apte. Je pense que c'est essentiel, oui.
Mme Prass : Et qu'est-ce qui
arrive dans les...
Mme Prass : ...dans le cas où
la personne n'a pas désigné de tiers de confiance, c'est qui, qui devrait
reprendre ce rôle?
M. Laperrière (Steven) : ...peut
être la curatelle publique, je ne sais pas, ou peut-être son médecin de famille
pourrait peut-être, dans un cas comme ça, dans le cas échéant, où la personne a
un médecin de famille, ce qui est une denrée rare parfois. Mais j'irais vers
les médecins spécialistes qui l'ont suivi, parce que, si on parle d'une
personne en situation de handicap, règle générale, il y a un spécialiste qui
les suit à quelque part. Alors, il y a sûrement moyen, dans la chaîne, là, de
trouver... de trouver qui pourrait être cette personne responsable là et
confirmer le désir d'une personne qui demande l'aide médicale à mourir.
Mme Prass : Et, pour les
comités consultatifs, vous demandez qu'il y ait une participation d'une
personne handicapée qui siège là, est-ce que c'est plus pour un rôle de
surveillance ou un rôle de conseil pour parler justement au nom de cette
personne-là?
M. Laperrière (Steven) : C'est
pour parler au nom de la personne handicapée, parce que je pense que, sans
porter atteinte à personne, là, sans porter de jugement indu, il n'y a qu'une
personne handicapée qui peut comprendre une autre personne handicapée d'un
point de vue psychique, d'un point de vue mental, d'un point de vue de comment
on peut se sentir. Je le dis toujours, puis ça s'applique dans toutes les
choses qu'on fait, là, les plus grands experts du handicap, là, je m'excuse, ce
sont les personnes handicapées elles-mêmes. Et je ne pense pas qu'une autre... je
ne pense pas... Excusez-moi, je recommence. Je pense qu'une personne handicapée
doit faire partie de la discussion, lorsqu'on évalue une demande d'aide
médicale à mourir qui concerne une personne handicapée, qu'elle soit apte ou
pas à donner son consentement. Je pense que c'est absolument nécessaire, c'est
une nécessité, ça doit être fait.
Mme Prass : Il reste combien
de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Une minute. Conclusion.
Mme Prass : Ensuite, donc...
Ah oui! Excusez-moi. Vous avez mentionné la question de don d'organes.
M. Laperrière (Steven) : Oui.
Mme Prass : Est-ce que vous
voyez... Vous avez dit qu'il y avait eu un problème... entre les deux,
avez-vous une suggestion de comment ça pourrait mieux se faire pour s'assurer
que ces organes sont bien...
M. Laperrière (Steven) : Écoutez,
entre le moment où il y a une aide médicale à mourir et l'exécution...
l'acceptation de celle-ci et l'exécution de celle-ci, il y a quand même un
certain délai obligatoire. Alors, je ne peux pas croire qu'en 2023, je ne peux
pas croire qu'il n'y a pas un centre qui dit : Écoutez, on fait... on
donne une aide médicale à mourir. Monsieur, madame voudrait donner ses organes,
ils sont viables. Parce que, souvent, on pense que, parce que la madame... la
personne, la personne demande l'aide médicale à mourir, que ses organes ne sont
plus viables parce qu'elle est malade, parce qu'elle a un cancer,
"whatever", et ce n'est pas toujours le cas, hein?
Donc, il faut penser que ça peut arriver.
Et donc je ne peux pas croire qu'en 2023
il n'y a pas quelqu'un, à quelque part dans la chaîne, qui dit : Écoute,
on a une aide médicale à mourir, on s'apprête à l'accepter. Transplant Québec,
on pense l'exécuter à telle date à la demande du patient. Y a-tu moyen
d'organiser nos flûtes, de s'arrimer, puis d'aller prendre la personne,
l'amener tout de suite dans un centre, faire les prélèvements... en tout cas,
ce qu'il faut? Je ne suis pas médecin, là. Je n'ai peut-être pas les bons
termes, mais je pense que vous comprenez l'idée générale.
Alors... Alors, moi, je ne peux pas croire
que ça, ça ne peut pas arriver, et je pense que ce serait un très grand
sentiment de... je pense que les gens verraient ça d'un très bon oeil d'avoir
ce choix-là. Et parce que, quand on en a parlé, en fait, c'est quelqu'un qui
m'a amené ça, j'en ai parlé à quelques autres personnes. Là, on m'a dit :
Bien oui, mais c'est un must, il le faut. Si je peux aider quelqu'un avec mes
organes, à ma mort imminente, peut-être que je serais bien content de faire
quelque chose pour contribuer à ma société jusque dans la mort.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. D'accomplissements de fin de vie, hein?
M. Laperrière (Steven) : Oui.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup pour avoir répondu aux questions. On est
rendus, dans la dernière ronde, avec la députée de Sherbrooke qui bénéficie
d'une période de quatre minutes, huit secondes.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Quand ma collègue vous a questionné sur la possibilité d'un forum,
votre intérêt à participer, vous avez répondu : Oui, oui, oui, avec un
intérêt débordant, évident. J'aimerais ça savoir ce que vous aimeriez dire, ajouter
de plus que ce que vous avez mentionné dans votre mémoire ou ici, aujourd'hui,
dans le cadre d'un forum comme celui-là. Ça devrait être quoi, pour vous,
l'objectif d'un forum supplémentaire, là, si on en a organisé un?
M. Laperrière (Steven) : Là,
vous me faites plaisir que cette question-là. Je trouve que tous les dossiers
qui sont... tous les besoins des personnes en situation de handicap font
rarement partie des débats publics, rarement. Et ils font rarement partie des
décisions politiques aussi ou, s'ils le font, on n'en entend pas parler. Je ne
le dis pas comme un reproche, mais comme un fait, c'est ce qu'on voit, c'est ce
qu'on ressent. Alors, un forum comme ça pourrait faire comprendre,
premièrement, le handicap, là, ce n'est pas une tragédie. Puis les personnes en
situation de handicap n'ont pas besoin de la pitié du monde, ils n'ont pas
besoin de rien d'autre que...
M. Laperrière (Steven) : ...accommodement
pour pouvoir participer de façon pleine et entière à la société. Ce serait la
première chose que j'essayerais de comprendre.
La deuxième chose que je ferais, je
m'attarderais beaucoup, justement, aux accommodements. Les accommodements, tu
sais, Montréal, Québec, toutes les grandes villes, ça n'a pas été bâti en
pensant aux personnes handicapées. On doit faire du rétrofit. Ça coûte une
fortune, j'en suis conscient, mais il y a moyen de faire si tout le monde se
met main dans la main, qu'on trouve des solutions plutôt que de trouver des
obstacles. Parce que ces temps-ci, là, comment... Je vais essayer d'être clair
dans ce que je dis. Ces temps-ci, là, quand il y a une marche, ça ne devient
plus un obstacle, ça devient une raison pour ne rien faire. Il y a un
commerçant qui m'a déjà dit, vrai comme je suis là : Bien, écoute, mon
ami, des personnes en fauteuil roulant qui viennent dans mon commerce, je n'en
ai pas. Je le sais, tu as deux marches en avant de ton commerce.
C'est le genre de chose que j'essayerais
d'adresser dans cette commission-là pour que les gens comprennent mieux, pour
que la société comprennent mieux mon chum Laurent, mes autres amis handicapés
partout au Québec, pour qu'on commence à mieux les comprendre, qu'ils ne font
pas pitié, qu'ils ont juste besoin d'accommodements, puis il va aller s'en
acheter une, paire de jeans, dans ton magasin si tu aplanis tes marches. Je
sais qu'on est hors sujet, mais c'est... c'est votre question.
Mme Labrie : Non, mais, moi,
ça ne m'apparaît pas hors sujet. Bien, dans le fond, si je résume, vous sentez
un grand besoin, urgent même, d'avoir un forum pour permettre de faire entendre
les voix des personnes avec un handicap, qu'on puisse tout le monde mieux
prendre conscience de leurs besoins et des aménagements à faire pour répondre à
leurs besoins. C'est ça que... Oui.
M. Laperrière (Steven) : C'est
nécessaire. Ne serait-ce qu'en termes d'habitation, on parle d'habitations...
d'habitations à prix modique, de logement social. On parle jamais de logements
adaptés, jamais.
M. Morissette (Laurent) : Si
vous me permettez de faire un petit pouce là-dessus. Tu sais, on parle
d'accessibilité, d'accessibilité universelle, parce que c'est ça, le mot de M.
Laperrière, en gros, mais il ne faut pas se limiter à l'accessibilité. Il faut
aussi garantir aussi, comme je disais précédemment, une pleine... participation
pleine et entière à la société, mais ça passe aussi par l'éducation aussi.
Parce que, récemment, je... vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu des
coupures, récemment, au Centre de services scolaires de Montréal pour des élèves
en situation de handicap. Donc, si on ne garantit pas aux citoyens du Québec un
meilleur... en situation de handicap, un meilleur accès à l'éducation avec des
ressources plus adéquates, mieux financées...
• (15 h 50) •
Moi, j'ai été chanceux d'être... de faire
des études de génie, puis d'être professeur de maths très actif, et puis de
contribuer économiquement à la société, mais je me plais, malheureusement, à
dire que je suis l'exception qui confirme la règle. Puis je pense, aujourd'hui,
en 2023, c'est encore... pour moi, c'est inacceptable que j'entende, dans le
transport adapté, des personnes qui me disent : Ah! moi, j'ai 22 ans,
mais je n'ai rien fait parce que, bon, moi, j'ai dû quitter l'école secondaire
trois parce que, bon, on m'a dit que je n'avais pas de ressources puis je
n'étais pas capable de faire des affaires.
Tu sais, toute notre vie, on se fait dire
par un ou l'autre des personnes qu'on... que nous ne sommes pas comme les
autres. Et puis moi, je considère que, lorsque nous aurons mis tous les efforts
nécessaires pour assurer une inclusion pleine et entière de chaque personne en
situation de handicap ou non dans la vie de société, dans la vie du Québec,
on... je pourrai arrêter de penser que tous les efforts que nous faisons
actuellement, c'est un... c'est un constat d'échec actuellement. Parce que
pour... comme je vous dis, pour moi, c'est inconcevable que des comptables en
situation de handicap, des avocats en situation de handicap, des informaticiens
comme moi en situation... c'est... des gens qui ont une vie sexuelle en
situation de handicap, c'est encore...
M. Laperrière (Steven) : C'est
encore tabou.
M. Morissette (Laurent) : C'est
encore tabou. Puis moi, honnêtement, j'ai fait plusieurs conférences, puis, à
chaque fois que j'aborde ces questions-là, je cause la surprise.
Essentiellement, je mettrai les efforts de toute ma vie pour que le fait
d'aborder toutes ces questions-là que je viens de mentionner, ce ne soit plus
une surprise. Parce que, si je peux prendre comme exemple les combats
féministes...
M. Morissette (Laurent) : ...Pendant
40 ans, 50 ans, 60 ans. Que les femmes prennent leur place
causait une surprise. Encore... Donc, c'est sur le même piédestal pour les
personnes en situation de handicap actuellement, en 2023, dans une société
moderne, c'est... On en est encore là, puis, moi, non seulement je trouve ça
malheureux, mais comme je le disais, c'est inconcevable.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : écoutez, c'est... J'ai laissé... j'ai laissé... Vous aviez
un témoignage fort, fort intéressant et qui est tombé dans des bonnes oreilles,
bien entendu, j'ai laissé le temps aller, mais, malheureusement, on est allés
au-delà du temps qui est imparti pour cette audition. Il me reste, au nom de
mes collègues, à vous remercier pour l'apport à nos travaux. Sachez que c'est,
comme je disais il y a quelques secondes, c'est rentré dans les bonnes
oreilles. On va travailler avec ça. Merci beaucoup.
Et je suspends la commission le temps
qu'on installe le dernier groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
(Reprise à 15 h 58)
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations
avec les citoyens reprend ses travaux. Avant d'entendre notre prochain et
dernier groupe, je vais devoir vous demander votre consentement pour aller
au-delà de l'heure qui était prescrite. Consentement?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, M. Caouette et Mme Gauthier-Boudreault,
bienvenue à la Commission des relations avec les citoyens. Alors, vous êtes nos
derniers intervenants. Vous allez donc bénéficier d'une période de 10 minutes,
d'abord, pour vous présenter, ensuite, exposer vos idées, une partie de votre mémoire,
que nous avons tous consulté, mais, bien évidemment, vous allez avoir le temps
de nous en exposer les grandes lignes. Ensuite, va s'ensuivre une période de
questions avec les parlementaires. Alors, le temps commence pour vous
maintenant.
M. Caouette (Martin) : Parfait,
merci beaucoup. Donc, je tiens d'abord à remercier les membres de la
commission, en fait, pour l'invitation à intervenir sur cette importante
question que sont les soins de fin de vie. Donc, je suis Martin Caouette,
professeur au Département de psychoéducation et travail social de l'Université
du Québec à Trois-Rivières. Je suis accompagné également de ma collègue Camille
Gauthier-Boudreault, qui est professeure en ergothérapie, mais également la
sœur d'une personne polyhandicapée. On est tous les deux chercheurs à
l'Institut universitaire en déficience intellectuelle et en trouble du spectre
de l'autisme, mais également au Centre interdisciplinaire de recherche sur la
réadaptation et l'intégration sociale.
Donc, évidemment, notre propos va porter
plus particulièrement sur l'ouverture que le projet de loi fait aux handicaps
neuromoteurs graves et incurables comme justification de l'accès à l'aide
médicale à mourir. Alors, on va soutenir le point de vue que le handicap
devrait être retiré, à ce moment-ci, du projet de loi, pour être remplacé par
des termes plus consensuels, par exemple, les termes de déficience et
d'incapacité, donc, tels qu'ils sont définis dans le modèle de développement
humain, le processus de production du handicap, donc M. Fougeyrollas vous a
parlé hier. De plus, nous croyons que cette question devrait mener également à
un débat plus large concernant le soutien à apporter aux personnes qui sont
concernées par le handicap, afin d'en arriver à un consensus social qui serait
plus fort sur cette question.
Donc, en tant que titulaire de la Chaire
Autodétermination et handicap, il va de soi que la reconnaissance du droit de
toutes les personnes en situation de handicap d'exercer du contrôle et du
pouvoir sur leur vie, incluant la fin de celle-ci, est cohérente avec cette
volonté de leur permettre d'accéder à une pleine égalité de droits et de
chances et d'être des citoyens à part entière. Or, malgré les apparences, la
représentation qui est faite du handicap, au sein du projet de loi, n'y
contribue pas complètement.
• (16 heures) •
D'abord, l'adjectif «neuromoteur», qui est
accolé au mot «handicap», est un terme parapluie, qui pourrait recouvrir un
ensemble de conditions médicales dont le contour est très difficile à définir.
Au final, toute condition qui trouve son origine sur le plan neurologique et
qui provoque des limitations motrices pourrait être concernée par cette
définition. Ainsi, il en va de la personne qui compose avec une paralysie
cérébrale, de certaines personnes qui ont une déficience intellectuelle puis,
voire même, de certaines personnes autistes. Donc, l'expression "handicap
neuromoteur" est donc trop imprécise, car on peut difficilement y trouver
une définition qui serait consensuelle dans la littérature scientifique.
Maintenant, ce qui est encore plus
problématique, c'est le terme «incurable» qui s'ajoute à la phrase. Ce terme
signifie littéralement «qui ne peut être guéri». C'est donc dire que la vision
du handicap qui est mise de l'avant par le projet de loi est une vision qui est
essentiellement médicale. Donc, cette perspective nous place vraiment en
rupture avec l'état des connaissances actuelles, qui positionnent clairement le
handicap comme la rencontre des caractéristiques d'une personne et d'un
environnement qui est plus ou moins adapté et inclusif. D'ailleurs, le Québec
se positionne avantageusement à travers le monde par la vision sociale du
handicap qui a été promue, et qui est mise de l'avant, également, par l'Office
des personnes handicapées du Québec...
16 h (version non révisée)
M. Caouette (Martin) : ...concrètement,
c'est un modèle qui reconnaît qu'il y a des déficiences, des systèmes
organiques et la présence d'incapacités chez la personne sont des éléments
importants, bien sûr, pour comprendre le handicap, mais la seule composante
médicale est insuffisante pour comprendre ce qu'est le handicap. Il faut donc
porter notre regard sur un élément essentiel, c'est-à-dire l'environnement dans
lequel une personne évolue. Autrement dit, il faut savoir dire par quoi la
personne est handicapée. Donc, une personne qui est handicapée par des
préjugés, par un environnement physique inadapté, par l'absence de services
suffisants, c'est ce qui est en... c'est ce qui cause, au final, la situation
de handicap. Donc, référer à un handicap incurable, c'est donc faire fi du rôle
que joue l'environnement pour comprendre le handicap. Donc, prétendre que le
handicap découle, par exemple, nécessairement d'une maladie, c'est inexact.
Maintenant, si on aborde la question de la
souffrance qui est insoutenable et qui mènerait à l'accès à l'aide médicale à
mourir, notamment la souffrance psychologique. Donc, il va de soi que les
personnes en situation de handicap peuvent composer avec d'importantes
douleurs... avec d'importantes douleurs physiques sont liées à leurs
caractéristiques personnelles, mais si on reconnaît le fait que le handicap
découle d'une interaction entre une personne et son environnement, comme cela
est reconnu de façon très large dans la littérature scientifique, il faut aussi
considérer le fait que cette douleur peut trouver son origine du côté de l'environnement
de la personne et qu'elle peut être de nature psychologique. Autrement dit, la
difficulté d'accéder à un habitat qui correspond à ses besoins, les obstacles
pour s'inclure en emploi, les problèmes pour accéder à des services de
transport adapté, la complexité que peut représenter la gestion d'aide médicale
à domicile, la difficulté de s'imaginer vivre avec des incapacités dans une
société qui valorise la performance ne sont quelques... que quelques exemples
des sources de souffrance des personnes en situation de handicap. Je ne
prétendrai jamais m'exprimer à leur place, mais il faut reconnaître que ces
souffrances psychologiques peuvent être telles qu'elles peuvent mener une personne
à considérer la mort comme la seule option pour elle. À partir du moment où on
reconnaît que la souffrance, pour la personne en situation de handicap, peut
trouver son origine non seulement dans sa condition médicale, mais également
dans son environnement, il faut s'interroger sur ce qui est en place pour
prévenir cette souffrance. Ici, je crois qu'il est important de se rappeler que
l'accès à l'aide médicale à mourir pour une personne qui est atteinte d'une
maladie incurable s'inscrit dans un continuum de soins palliatifs et que cette
dernière dispose de certaines garanties pour lui permettre de vivre sa vie dans
la dignité. Ce continuum, il est essentiel pour prévenir la souffrance et
éviter de faire de l'aide médicale à mourir un acte qui est isolé. Donc, il est
essentiel de se poser la question, pour les personnes en situation de handicap,
du continuum qui existe avant d'en arriver à la décision d'accéder à l'aide
médicale à mourir. Puisque la mort n'est pas l'aboutissement logique d'une
situation de handicap, quelles sont les garanties dont dispose la personne en
situation de handicap pour prévenir et éviter des souffrances? Et, répétons-le,
ces souffrances sont plus souvent causées par un environnement physique et
social inadapté et non inclusif que par de strictes douleurs physiques. Or, le
projet de loi actuellement est muet sur la question d'un continuum de soins et
de soutien pour les personnes en situation de handicap. Poser la question de ce
continuum avant d'en arriver à l'aide médicale à mourir pour le handicap va
rapidement nous amener à nous poser une autre question, sommes-nous prêts à
accepter comme société qu'une personne en situation de handicap ait recours à l'aide
médicale à mourir parce que les souffrances qu'elle vit découlent de notre
incapacité à lui offrir socialement une réponse qui est suffisante à ses
besoins? Personnellement, je ne suis pas prêt à cette éventualité, mais ma
seule voix est insuffisante et je considère que cette... cette réponse doit
de... venir d'un débat social plus large que la seule étude du projet de loi ne
permet pas de faire.
Deux dernières remarques avant de laisser
la parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault. D'abord, il pourrait être
tentant d'aligner la législation québécoise sur celle du Canada au niveau de l'aide
médicale à mourir. Or, ce choix, en fait, ne viendrait pas régler un problème,
mais en causer un deuxième. La législation canadienne est problématique dans sa
forme pour les raisons que je vous ai décrites précédemment et par le fait qu'elle
se limite à une vision médicale du handicap qui est insuffisante. Deuxièmement,
le terme handicap fait l'objet de différentes définitions. Par exemple, du côté
de l'Europe, on désigne fréquemment la maladie mentale par l'expression
handicap psychique. Donc, si vous choisissez de conserver le terme handicap
dans le projet de loi, vous risquez, par la confusion que ce terme peut
apporter, d'ouvrir la porte pour accéder à l'aide médicale à mourir à des
personnes qui souffrent d'une maladie mentale, une porte qui a été fermée d'un
autre côté, notamment par le gouvernement fédéral.
Donc, je laisse... je vais céder
maintenant la parole à ma collègue Camille Gauthier-Boudreault, qui va s'exprimer
à la fois comme chercheuse, mais également soeur d'une personne polyhandicapée.
Mme Gauthier-Boudreault
(Camille) : Merci, Pr Caouette. Donc, laissez-moi vous raconter une
brève tranche de vie de ma soeur Anne qui a 30 ans maintenant. Donc, Anne, c'est
une personne heureuse, digne et fière d'elle, et ce, bien qu'elle présente...
Mme Gauthier-Boudreault
(Camille) : ...des incapacités graves sur le plan intellectuel, moteur
et langagier, et ce, depuis sa naissance. Et vous savez ce qui lui permet
d'être une si merveilleuse personne? Sa personnalité, oui, mais principalement
son environnement physique et social. Car quand Anne ne peut s'épanouir en
présence de ses amis dans les centres d'activités de jour, quand elle ne peut
s'accomplir au travers d'activités signifiantes et valorisantes et quand on ne
la considère pas dans les prises de décisions qui la concernent, elle peut
souffrir. Et le soutien de son environnement est un facteur important dans le
respect de sa dignité, de son autonomie et de son humanité. On ne parle pas ici
d'une souffrance liée à sa déficience intellectuelle profonde. Elle souffre
d'un environnement qui n'est pas adapté pour la soutenir dans l'atteinte de son
plein potentiel.
Cette souffrance, nous l'avons constatée
dramatiquement lors du confinement lié à la COVID-19. Avec l'arrêt des services
d'activités de jour, Anne est devenue apathique, impatiente, à fleur de peau,
et ce, même la présence de... et la stimulation des... de mes parents et de
moi-même ne suffisaient plus. Et on a retrouvé Anne, notre Anne, lorsque les
services sont revenus, qu'elle a retrouvé sa vie sociale et ses occupations
quotidiennes.
Donc, le problème de souffrance d'Anne
était l'absence de services. L'important ici n'est donc pas de se demander si
l'aide médicale à mourir serait une solution, mais plutôt de se questionner sur
ses besoins et les services que nous devons mettre en place pour y répondre. Au
lieu de mettre en place de nouveaux paradigmes qui nous amènent à se dire que
la mort serait une délivrance, portons davantage notre regard sur le soutien de
la communauté, la mise en place de services générés par une évaluation
biopsychosociale de la personne et de son environnement dans l'objectif de
créer des services qui soutiennent la famille et le développement optimal de
l'autonomie de la personne dans une vision d'inclusion.
Avec la modification de cette loi,
sommes-nous en train de favoriser l'accès à la mort au détriment de faciliter
l'accès à une vie, une vie qui laisse une pleine place à la personne, à ses
besoins et ce qu'elle peut apporter à la société?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Merci, professeurs. J'aurais dû le
mentionner dès le début. Professeur Caouette, professeure Gauthier-Boudreault.
Alors, on va entamer la période d'échange avec les parlementaires. On va
commencer avec la ministre, et vous avez une période de 16 minutes 30 secondes.
Mme Bélanger : Alors,
bonjour, monsieur Caouette, madame Gauthier-Boudreault. Merci pour le mémoire,
la présentation, le témoignage. En fait, je comprends de votre mémoire que vous
nous proposez de retirer le terme «handicap neuromoteur», mais aussi le
terme... le thème «handicap», dans les deux cas, et de remplacer par deux mots
qui sont plus appropriés, qui sont «déficience» et «incapacité», qui font
référence au MDH-PPH. C'est bien ça?
• (16 h 10) •
M. Caouette (Martin) : Tout à
fait, oui.
Mme Bélanger : O.K. On est
beaucoup dans la sémantique, là, les mots veulent dire quelque chose, dans un
projet de loi, puis c'est très important. On a eu, depuis trois jours,
plusieurs groupes représentant des personnes en situation de handicap qui sont
venus nous présenter, là, je veux dire, toute la vision, toute la recherche,
aussi, scientifique au niveau de la terminologie puis au niveau aussi de la
définition de ce que c'est, le handicap, notamment le professeur Fougeyrollas,
que vous connaissez sans doute, là, qui est très connu des chercheurs, et tout
ça, puis je sais que vous avez un volet recherche aussi.
Spontanément, je vous dirais, c'est
extrêmement intéressant et c'est important, puis je pense que vous nous avez
vraiment convaincus que les personnes vivant des situations de handicap ne
peuvent pas être apparentées à des personnes qui ont une maladie puis il ne
faut pas que ça soit considéré comme ça. C'est possible qu'il y ait des
maladies, ceci étant dit, mais là ce n'est pas de ça qu'on parle. Mais je vous
avoue que MDH-PPH, c'est un peu compliqué à écrire dans un projet de loi, O.K.,
parce que c'est un terme très clinique, là. Pour avoir géré l'Institut de
réadaptation de Montréal pendant quelques années, je comprends ce que ça veut
dire. C'est beaucoup dans le vocabulaire des cliniciens, des professionnels de
la réadaptation, des professionnels de la recherche. Je pense que vous vous
comprenez bien dans ce sens-là, puis probablement avec les personnes en
situation de handicap, mais, pour Monsieur, madame Tout-le-monde puis même
peut-être pour la législature, là, MDH-PPH, on s'entend qu'on est dans un
univers un peu plus spécialisé.
Moi, dans le fond, là, ce que je veux
entendre de votre part, vous...
Mme Bélanger : ...enlever
handicap neuromoteur, enlever un handicap, et remplacer par le terme déficience
et incapacité. Est-ce que ça, ça serait assez clair pour vous et pour les
personnes, les premières concernées, les personnes qui vivent en situation de
handicap, en sachant que déficience et incapacité font référence au modèle
conceptuel MDH-PPH? Est-ce que c'est bien ça que je comprends?
M. Caouette (Martin) : C'est
exactement ça. Parce qu'en fait il y a... la chose qui est importante
là-dessus, puis je suis tout à fait conscient que MDH-PPH, ça ne veut
absolument rien dire pour la majorité des gens, mais c'est le grand cadre, en
fait, qui organise déjà, au niveau de l'Office des personnes handicapées du
Québec, puis la loi à part entière, en fait, est organisée autour de cette
vision-là du handicap, qui est extrêmement importante parce qu'elle vient nous
dire : Le handicap, ce n'est pas juste quelque chose qui est inhérent à
l'individu, mais qui concerne aussi l'environnement. Quand on veut permettre
l'accès à l'aide médicale à mourir, à mon sens, en fait ce que j'en comprends,
c'est parce qu'on constate qu'il y a une souffrance qui est telle que
l'individu ne peut plus fonctionner. Cette souffrance-là, bien, elle trouve...
ce qu'on souhaite, c'est qu'elle trouve... en fait, ce qu'on considère, c'est
qu'elle trouve sa source du côté de l'individu. Quand on parle de déficience,
d'incapacité, bien, on est sur des facteurs individuels. Et là, évidemment, si
on a quelqu'un, par exemple, qui souffre d'une déficience organique et que
cette déficience-là lui cause une douleur telle qu'on en arrive à la conclusion
que l'aide médicale à mourir est la seule solution possible, bien, on ne sera
pas dans une situation où on présume que des changements environnementaux
auraient pu... auraient pu alléger ces souffrances-là. Donc maintenant, la
définition de déficience, c'est quand même quelque chose qui peut... qui est
assez clairement défini, là, notamment dans les modèles auquel on réfère.
Mme Bélanger : O.K. Peut-être
une autre. Parce que vous savez que, dans le projet de loi, on ne voulait pas
définir les maladies non plus, là, aussi. Ça fait qu'il y a aussi cet élément-là
auquel on est confronté. Mais je retiens, là, le terme déficience, incapacité,
qui fait référence au grand modèle conceptuel de la réadaptation, là. O.K..
Puis peut-être mes collègues vont pouvoir certainement clarifier ça, là, aussi.
Comme chercheur, vous êtes souvent en
contact avec d'autres chercheurs de d'autres centres de recherche canadiens ou
internationaux. Et donc, au niveau canadien, vous avez vu que le volet de
l'handicap est intégré, là, maintenant au Code criminel canadien. Puis le trouble
mental, en fait, la porte n'est pas fermée. En fait, ce qui est... ce qui est
prévu, c'est que ça va être examiné éventuellement d'ici un an. Mais ils l'on
inclut déjà. La terminologie est écrite dans le Code criminel, mais
l'application, là, à ce moment-ci, oui, la porte est fermée pour l'application
en attendant qu'il y ait des études à ce niveau-là.
Moi, j'aimerais revenir sur le mot
handicap au niveau canadien. Est-ce que... Comment vous voyez, là, si, dans le
projet québécois.... Puis là je veux juste votre impression de clinicien, là,
je ne suis pas en train de vous demander de faire des concordances juridiques.
Mais, si on met dans notre projet de loi «personne ayant une déficience et
incapacité», est-ce que, pour vous, cette terminologie, tu sais, québécoise,
francophone, de l'OMS peut-être, là, ça va être facile à comprendre par rapport
à quand on transpose ça au niveau canadien? Parce qu'il reste que le Code
criminel canadien est quand même là, là, on ne peut pas ne pas...faire comme is
ça n'existait pas. Est-ce que ça va être facile en termes de concordance?
M. Caouette (Martin) : Bien,
je pense que ça va être... que ça va être, oui, possible en termes de
concordance. Puis je pense même que ça va être plus efficace parce qu'on a
l'impression que le terme handicap en français et en anglais sont
nécessairement des synonymes puis on porte nécessairement le même bagage, mais
ce n'est pas si évident que ça. Lorsqu'on utilise, et là, bon, sans faire
nécessairement toutes les traductions, là, «disability» versus «deficiency»,
c'est quelque chose qui est... c'est un terme... c'est des termes qui n'ont pas
nécessairement des équivalents, là, qui sont très précis. Quand on va parler en
fait de déficience et d'incapacité, là, on est capable d'avoir un comparable en
anglais, parce que le modèle qui nous réunit, le modèle de processus de
production du handicap, bien, on est capable d'avoir son pendant anglophone,
puis d'être capable de faire un parallèle. Ça fait que de ce côté-là, moi, je
pense qu'on risque d'avoir une cohérence conceptuelle qui est plus large puis
de créer un consensus au niveau canadien qui va être plus, qui va être
défendable, là. Et je pense que, de ce côté-là, moi, ça m'apparaît la meilleure
solution.
Mme Bélanger : Alors, lorsqu'on
arrive au niveau canadien, le terme déficience et incapacité va être compris
aussi.
M. Caouette (Martin) : Oui,
tout à fait.
Mme Bélanger : D'accord.
Merci. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. On va donc poursuive la
discussion du côté de la banquette ministérielle avec la députée
d'Abitibi-Ouest.
Mme Blais : Merci beaucoup,
Mme Camille Gauthier-Boudreault ainsi que monsieur Caouette. Alors, merci
pour votre présentation. Lorsqu'on parle de déficience et incapacité...
Mme Blais : ...l'incapacité,
c'est large. Est-ce que vous... vous le coteriez, exemple, un sur 10,
capacité... vous mettriez un degré d'incapacité et puis un degré de déficience?
Parce que c'est large, le mot déficience et c'est large, le mot incapacité.
Comment on pourrait le faire pour être équitable?
M. Caouette (Martin) : Bien,
c'est très difficile en fait de venir poser un poids sur une déficience, là, de
venir mettre une mesure quantitative parce qu'en fait il peut y avoir une
déficience d'un système organique. Je peux avoir une déficience, par exemple
sur le plan visuel, mais l'impact, en fait, que cela peut avoir dans ma vie
peut être très variable. Donc, c'est sûr qu'on peut avoir des altérations qui
sont plus ou moins fortes, qui peuvent aller de légères à plus importantes, là,
quand il est question de déficience. Ça fait que c'est sûr, la quantification
est toujours un défi. C'est pour ça, notamment quand on parle de... quand on
met le mot grave dans le projet de loi, c'est très difficile aussi à... C'est
très difficile, en fait, à coté. Je pense que, peut-être Camille... Est-ce que
tu souhaites peut-être renchérir, là, parce que, je pense, sur le plan
d'ergothérapie...
Mme Gauthier-Boudreault
(Camille) : Oui, merci professeur Caouette. C'est une très bonne
question. En fait, je vous dirais que quantifier, c'est difficile parce que
l'incapacité... je peux quand même avoir une notion assez subjective selon la
personne qui va la décrire en fait. Et puis, un peu dans mon témoignage, je
mentionnais, là, l'importance de l'évaluation biopsychosocial, donc, oui,
d'avoir une vision médicale, mais aussi d'avoir une vision aussi de l'impact de
cette déficience et de cette incapacité d'un point de vue de professionnels de
la santé aussi, qui ont cette vision complémentaire et holistique de la
personne à travers sa vie aussi. Donc, je vous dirais : Ça serait
difficile, là, de pouvoir quantifier, mais d'avoir au moins une vision qui est
diverse, avec différentes lunettes aussi. Ça nous permet peut-être d'avoir une
vision plus globale de la personne et donc de son degré de déficience et
d'incapacité.
Mme Blais : Puis, en même
temps, le mot déficience, est-ce que ça ne vous inquiète pas d'ouvrir la porte
à beaucoup de pathologies?
M. Caouette (Martin) : Bien,
en fait, si on définit clairement qu'est-ce qu'une déficience, en fait, puis,
justement, ça va nous permettre d'avoir des contours qui sont plus clairement
définis. Pour moi, le mot handicap ouvre encore beaucoup plus large parce que
se retrouve en situation de handicap un nombre très important de personnes à
différents moments. Parce qu'un handicap c'est contextuel, c'est une situation
de handicap, donc qui met de l'avant des éléments personnels, mais aussi un
environnement. Tandis que, si on parle de déficience, bien là, on est
clairement sur des dimensions qui sont plus physiques, qui sont plus liées aux
organes, en fait, au corps humain. Et là ça nous permet de circonscrire
davantage de quoi il s'agit puis quelle est la cause également de la souffrance
qui est...
Mme Blais : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. On va poursuivre la
discussion avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice. Il reste six minutes.
• (16 h 20) •
Mme Tardif : Bonjour, ça me
fait plaisir de vous voir, mon Dieu! Je vais reculer un petit peu mon micro.
Bienvenue. Je connais Martin et je sais que c'est un chercheur émérite. Donc,
on est bien contents... contentes de vous avoir tous les deux ici aujourd'hui.
Je sais que vous faites des recherches et que vous êtes reconnus en Europe
aussi. Donc, merci du temps que vous avez mis, là, pour préparer le rapport, ce
n'est jamais facile, c'est fastidieux.
Vous mettez beaucoup d'emphase dans votre
rapport, dans votre mémoire, avec raison, je dirais, sur notre capacité à
offrir socialement tous les services qu'on doit offrir. Et vous avez donné un
bon exemple, là, avec votre sœur. Donc par rapport à l'environnement aussi et
par rapport aux services qu'on doit offrir. Ça, on l'a bien saisi. Ça fait
partie d'un continuum, mais on a du travail à faire partout. D'ailleurs, vous
le savez, là, le plan santé a été déposé aujourd'hui. J'aimerais vous amener
vers le projet de loi dans son ensemble parce que, là, au niveau du handicap
neuromoteur et de la terminologie et de la définition des mots, on en a parlé
aussi, mais au niveau du projet de loi comme tel, est-ce que vous êtes pour ou
vous êtes contre? Est-ce que vous êtes pour... disons que je suis plus
spécifique. Est-ce que vous seriez pour que cette aide médicale à mourir là
soit offerte dans les maisons de soins de fin de vie? Est-ce que vous êtes pour
que ce soit... que les superinfirmières aient davantage de services pour servir
les gens sur lesquels... pour lesquels vous faites des recherches? Donc, dans
son ensemble, par rapport au projet de loi, comment vous positionnez-vous?
M. Caouette (Martin) : Bien,
sje prends position personnellement...
M. Caouette (Martin) : ...oui,
je suis en faveur, parce que, dans une perspective d'autodétermination, c'est
aussi donner à l'individu, qu'il soit en situation de handicap ou pas, du
pouvoir, en fait, sur cette étape-là de sa vie qui est... qui est essentielle,
qui est fondamentale, en fait, qui peut être source de grande souffrance pour
la personne ou pour ses proches, ou qui peut se vivre aussi avec dignité, puis
avec... avec respect. Donc, personnellement, je suis tout à fait pour.
Ce que je trouve intéressant de l'aide
médicale à mourir, c'est qu'elle s'inscrit, comme vous l'avez dit, dans un
continuum. Donc, on offre à la personne, en fait, différentes options avant
d'en arriver à cette éventualité-là qui, lorsqu'elle se présente, bien,
s'inscrit dans la continuité de toute une démarche. Pour les personnes en
situation de handicap particulièrement, ma crainte, en fait, c'est que cette
éventualité-là d'accéder à l'aide médicale à mourir devienne un acte isolé,
comme, finalement, une possibilité pour une personne qui doit composer
subitement avec cette situation-là, alors que, pour moi, je pense que
socialement il faut qu'on fasse aussi la démonstration de tout ce qui a été
fait pour éviter d'en arriver à cette situation-là. Et, pour les personnes en
situation de handicap, bien, la souffrance, c'est souvent extérieur. La
souffrance vient souvent de tous les obstacles qui sont rencontrés.
Donc, pour moi, que les personnes puissent
y accéder, puissent accéder à l'aide médicale à mourir, je suis tout à fait en
faveur que ça... en faveur de ça mais pas comme une réponse à notre incapacité
à leur donner accès à un environnement qui va leur permettre de se reconstruire
une vie puis de pleinement participer socialement.
Mme Tardif : Puis, en ce
sens, vous rejoignez parfaitement, là, plusieurs groupes qui sont venus, là,
dont le dernier groupe, qui est le Regroupement des activistes pour l'inclusion
au Québec. Cependant, il y avait une... il y avait une grande différence, parce
qu'il y avait quelqu'un qui vivait avec un handicap, un ingénieur qui est venu
parler, là, juste avant vous, et eux, ils laissaient le terme handicap dans le
projet de loi. Vous comprenez que là on a plusieurs défis, là. Un après
l'autre, vous ne dites pas la même chose. Qu'est-ce que... Où est-ce qu'on s'en
va?
M. Caouette (Martin) : Bien,
en fait, là, moi, je pense que là où on va, c'est : on va vers la
nécessité d'un débat social aussi puis d'un espace qui va permettre à toutes
les personnes concernées par le handicap de pouvoir, justement, avoir... faire
valoir, en fait, leur point de vue, leur perspective, puis faire émerger un
consensus qui est plus fort. Là, à ce stade-ci, je pense qu'on est tous un peu
surpris de voir apparaître le terme handicap neuromoteur.
Ça fait que, sur le fond des choses, je
pense qu'on se rejoint, en fait, sur l'idée de dire : On veut que les gens
aient l'opportunité d'avoir une vie pleine et entière. Maintenant, comment
est-ce qu'on y arrive? Et, quand ce n'est pas possible parce que la personne
est dans un tel état de souffrance, comment on nomme cet état de souffrance là?
Comment on le caractérise? Où est-ce qu'on en met les limites? C'est ça, en
fait, qui devient un défi puis qui, à mon sens, demande un débat social un peu plus
grand pour en arriver à un consensus qui va être plus clair là-dessus. Et je
vous rejoins, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense, ça pose un
défi, à ce stade-ci, important.
Mme Tardif : Merci.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, on poursuit nos
discussions avec la députée de Westmount-Saint-Louis pour une période de total
de 12 minutes 23 secondes.
Mme Maccarone : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Professeur Caouette, un plaisir de vous revoir. Bonjour,
Professeur Gauthier-Boudreault, un plaisir de vous découvrir. Merci pour...
pour votre témoignage et votre mémoire. Je vais prendre la balle au bond. Vous
dites que nous avons besoin d'avoir une discussion plus large, comme, mettons,
dans un forum. J'avais fait la proposition d'un forum, est-ce que c'est de ce
genre que vous proposez?
M. Caouette (Martin) : Absolument,
je pense que c'est une excellente idée, c'est une excellente... Et puis je
pense que ça va nous permettre... Bien, en fait, ce type de lieu là me semble
aussi l'occasion de débattre un peu plus largement de ce qui est en place
actuellement pour les personnes en situation de handicap, peut-être revoir
aussi notre façon d'accompagner les personnes en situation de handicap à
différentes étapes de la vie, pas simplement la fin de la vie, mais à
différentes étapes de la vie. Donc, oui, moi, ça me paraît tout à fait
indispensable, là, pour progresser sur cette question-là.
Mme Maccarone : Et est-ce que
vous vous seriez aussi également intéressés s'il y avait un comité d'experts,
par exemple, qui serait mis ensemble pour discuter de ce que nous avons besoin
à l'intérieur de cette loi, comme définition de handicap, ou pas définition du
handicap, ou l'inclusion de handicap neuromoteur? Est-ce que vous vous serez
aussi disponibles et intéressés à participer?
M. Caouette (Martin) : Tout à
fait, tout à fait, parce que je pense qu'il faut engager le dialogue autour de
cette question-là. Et je pense qu'on travaille sur des perspectives
complémentaires liées au handicap, c'est le cas de moi et ma collègue en ce
moment. Donc, je pense qu'il faut ces multiples voix là pour en arriver à
dégager un consensus qu'on est capable de porter ensuite puis qui est en adéquation...
M. Caouette (Martin) : ...avec
ce que, socialement, on souhaite pour les personnes en situation de handicap.
Mme Maccarone : Excellent. Je
veux revenir sur la notion d'autodétermination. Je sais que c'est une notion
qui est très chère pour vous puis je souhaite vous entendre pour que ça soit
vraiment clair. Mettons, si j'avais un triangle puis j'avais autodétermination,
j'avais aptitude, j'avais souffrance, dans un monde parfait où on sait que,
dans l'environnement de la personne en situation de handicap, on rejoint tout
ce que nous pouvons, mais cette personne souffre, puis on souhaite aussi
respecter la décision, l'autodétermination de la personne, que devons-nous
prévoir? Qu'avons-nous besoin? Est-ce qu'on a besoin d'avoir quelque chose dans
la loi pour avoir un respect des droits civils de ces personnes? Comment
voyez-vous cette... Dans le fond, ça nous fait face à une problématique, mais
comment devons-nous de la traiter?
M. Caouette (Martin) : Bien,
l'autodétermination, ça nous amène à reconnaître la valeur de la voix de la
personne sur sa situation personnelle, reconnaître, en fait, sa capacité à
prendre des décisions pour elle-même. Maintenant, cette décision-là, puis c'est
là qu'il faut avoir une vigilance, c'est qu'il faut s'assurer que cette
personne... cette décision-là s'appuie vraiment sur une démarche personnelle,
que la personne, elle a été accompagnée dans cette démarche-là, et que cette
décision-là n'est pas influencée de façon indue ou disproportionnée par des raisons
extérieures à elle.
Si, au final, c'est l'incapacité de
m'imaginer vivre chez moi parce que je suis en situation de handicap et là que
je viens de vivre un accident, que je me retrouve en fauteuil roulant, et je me
dis : Moi, je ne peux pas vivre de cette façon-là, donc je souhaite... je
veux accéder à l'aide médicale à mourir, bien, il y a aussi toute la question
de comment est-ce que l'accompagnement a été offert à la personne pour lui
permettre de se reconstruire, de reconstruire sa vie, compte tenu, en fait, de
cette nouvelle réalité là avec laquelle elle doit composer.
Donc, pour moi, c'est là que les garanties
doivent s'appliquer pour les personnes en situation de handicap. Qu'est-ce
qu'on vient garantir comme possibilité à une personne en situation de handicap
de pouvoir participer socialement? Quel type d'accompagnement? Et si, au terme
de toute cette démarche-là d'accompagnement, la personne en arrive à la
conclusion que la souffrance est insoutenable, ingérable et que l'accès à
l'aide médicale à mourir, en fait, c'est la seule possibilité, bien là, on
pourra venir s'inscrire dans un continuum où on dit : On en est là pour
cette personne-là à ce moment-là, et faire la démonstration que, oui, c'est une
décision qui lui appartient, qui est mûrement réfléchie, qui correspond, en
fait, à sa volonté réelle et non pas à une influence externe qui viendrait, là,
fausser son jugement.
Mme Maccarone : Puis, en
parlant d'influence externe, on souhaite... évidemment qu'on ne souhaite pas
que ces personnes se ressentent comme un fardeau... ou d'avoir l'influence de
la personne qui peut être à la charge de la personne en situation de handicap,
qui prend une décision pour elle ou pour lui.
• (16 h 30) •
Comment voyez-vous le rôle du tiers de
confiance dans une demande d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, peut-être,
que ça soit une demande anticipée... Parce que, si on rouvre la loi à des
personnes en situation de handicap... mais eux aussi vont avoir accès à faire
des demandes anticipées, par exemple, parce que la souffrance contemporaine et
la souffrance anticipée, c'est aussi important pour eux. Comment voyez-vous le
rôle du tiers de confiance? Est-ce que ça doit être un membre de la famille ou
pas un membre de la famille, quelqu'un qui représente le... un professionnel de
la santé? Est-ce que ça devrait être notarié pour protéger la personne qui se
retrouve en situation de vulnérabilité? Comment voyez-vous ce rôle qui est clé
pour plusieurs personnes? Est-ce que... Puis aussi est-ce que ça doit être
obligatoire ou facultatif?
M. Caouette (Martin) : Bien,
moi, je pense qu'un tiers de confiance, dans une situation comme celle-là,
c'est essentiel. Donc, j'aurais plutôt tendance à dire : C'est quelque
chose qui doit être vraiment obligatoire. Un tiers de confiance... de... voilà,
de confiance, c'est un proche, à mon sens, qui a une connaissance qui également
est suffisante de la personne et qui est capable également de décoder chez elle
ce qu'elle va manifester, c'est-à-dire capable de faire une lecture. Par
exemple, dans le cas de personnes qui sont non verbales, et puis je pense que
Camille pourrait très bien en témoigner, comment, par exemple, la
reconnaissance... le mode de communication peut être très personnel, qu'un
tiers de confiance, en fait, peut avoir ce rôle-là. Il faut prévoir le fait que
certaines personnes sont isolées, que ce tiers de confiance là peut ne pas
exister. Ça fait que je pense qu'il faut prévoir aussi des alternatives, mais
je pense qu'aussi il doit y avoir la présence d'un professionnel, en fait, qui
est capable de faire une lecture pas juste médicale de la situation, mais
vraiment complète, holistique, biopsychosociale, donc qui est capable de voir
aussi les... des enjeux plus physiques, des enjeux plus médicaux, mais qui est
capable de faire une lecture aussi...
16 h 30 (version non révisée)
M. Caouette (Martin) : ... de
la dynamique de la personne dans son environnement, pour venir aussi témoigner
du fait que la décision du souhait de la personne, de ce qu'elle exprime, bien,
découle d'une décision libre et éclairée, que cette personne-là en arrive à
cette décision-là à travers l'exercice de son autodétermination, et non pas
sous des pressions indues, même si ces pressions... de pressions indues, là,
qui découleraient de son environnement.
Mme Maccarone : Ce serait
quoi, votre opinion, en ce qui concerne un comité interdisciplinaire, par
exemple, qui va accompagner la personne, rendus au moment où on va déclencher
le processus de l'aide médicale à mourir? Qui devrait faire partie de ce
comité, quand on parle des personnes en situation de handicap? Est-ce que c'est
vous? Est-ce que c'est les membres de la famille? Est-ce que c'est... À part d'évidemment
l'équipe de santé, qui devrait faire partie de ce comité?
M. Caouette (Martin) : Bien,
je pense qu'il y a comme un trio ici. Il y a l'équipe médicale, en fait, qui
est, évidemment, essentielle. Mais il y a les proches, les membres de la
famille, ceux qui sont directement concernés, en fait, les proches de la
personne. Puis un volet qui est plus psychosocial, en fait, qui doit être présent.
Là, ici, on peut penser, notamment, bon, à certains groupes de professionnels,
les travailleurs sociaux, les psychoéducateurs, certainement, et d'autres
groupes. En fait, là, notamment, les ordres professionnels peuvent être
sollicités, moi, je pense, sur ce plan-là, pour être capables d'identifier si
leurs membres sont capables d'offrir ce type d'accompagnement là. Mais que ces
groupes-là, en fait, doivent être clairement formés aussi à ce type d'accompagnement
là. Je pense qu'on ne peut pas s'improviser dans cet accompagnement-là.
Comprendre qu'est-ce que c'est, l'exercice de son autodétermination, comment
elle s'exprime, puis accompagner, en fait, pour faire une lecture juste de la
situation d'une personne, c'est important. C'est d'autant plus important si on
reconnaît le droit à l'autodétermination, parce que là, on entre dans une zone
qui est très intime.
Donc, si on refusait, par exemple, l'accès
à l'aide médicale à mourir, il faut être tout à fait conscients de ce qu'on est
en train de faire là, tout comme c'est un geste aussi important que d'accepter
l'accès à l'aide médicale à mourir. Donc il faut le faire, je dirais, avec une
très, très grande rigueur. Puis le croisement de ces différents regards là, les
proches, équipe médicale, équipe psychosociale, me paraît probablement l'avenue
la plus pertinente pour y arriver.
Mme Maccarone : Vous savez,
sans doute, qu'il y a un guide de pratique actuellement en place, pour les
soins de fin de vie, incluant aide médicale à mourir, dans le continuum de
soins pour une personne qui est en fin de vie. Là, on enlève la notion de l'état.
Nous sommes rendus en maladie. Est-ce que, dans le passé, vous êtes consultés
pour le développement de ce guide de pratique? Sinon, est-ce que vous pensez
que ce serait juste que vous faites partie d'une telle consultation pour le
développement d'un guide? Parce que, suite à l'adoption d'une loi, ou même, en
concurrentiel avec ce que nous sommes en train de faire actuellement, bien,
évidemment, le Collège des médecins ou, peut-être, d'autres experts sont en
train de développer ce guide, puis, malgré qu'on a beaucoup de respect pour les
équipes médicales... Mais votre collaboration puis votre participation me
semblent essentielles, le côté éthique, le côté recherche, en ce qui concerne
le développement de ce guide. Comment voyez-vous ça?
M. Caouette (Martin) : Bien,
en fait, pour moi, un guide comme celui-là doit être au croisement de
différents champs disciplinaires. Donc, un peu comme le handicap ne peut pas
juste s'expliquer par une vision médicale, il faut aussi qu'il y ait d'autres
disciplines. Ça fait que je pense que notre regard à tous les deux, oui,
pourrait venir bonifier, apporter... du moins, là, compléter, en fait, ce qui
est en train de se faire de ce côté-là.
Pour répondre à votre question, non, moi,
je n'ai jamais été consulté là-dessus, je ne crois pas, du côté de ma collègue
non plus. Mais je pense que ce n'est pas... Mourir, ce n'est pas un acte
médical. Mourir, en fait, c'est une étape de la vie qui a des composantes
psychologiques, qui a des composantes psychosociales, qui a des composantes,
oui, médicales. Donc, si on est en train de s'intéresser à cette étape-là de la
vie, qu'on songe à un guide de pratique qui accompagne, au cours de cette étape
de vie là, oui, il faut le croisement de différents champs disciplinaires puis
des gens qui, chacun, possèdent peut-être une expertise ou un regard
spécifique, là, sur ces questions-là, pour y arriver.
Mme Maccarone : Il me reste
combien de temps?
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : 1 min 20 s.
Mme Maccarone : Bon, 1 min 20 s.
J'étais pour vous offrir la balance de mon temps pour renchérir sur un point
que vous n'avez peut-être pas pu élaborer. Mais avant de vous donner la parole,
je veux juste vous dire que vous n'êtes pas la seule personne qui parle du
continuum de soins. J'espère qu'on va pouvoir trouver un moyen d'intégrer cette
notion dans la loi, parce que... sache qu'évidemment ce n'est pas ce qui est
souhaité... c'est que, faute de son environnement à accès aux soins, qu'on
comprend, on fait face à beaucoup de défis, actuellement, dans le réseau de
santé... qu'une personne ferait demande de l'aide médicale à mourir.
Alors, il reste probablement 60 secondes.
Le point, peut-être, le plus important que vous souhaitez...
Mme Maccarone : ...qu'on
quitte avec.
M. Caouette (Martin) : Oui,
bien, je ne sais pas si, Camille, tu souhaites renchérir à ce moment-là.
Mme Gauthier-Boudreault
(Camille) : Pas nécessairement, dans le sens que je suis en... avec
tout ce que Martin... bien, Professeur Caouette a mentionné. Je voulais
peut-être juste renchérir, peut-être, sur le point du consentement éclairé
aussi. Donc, parfois, on a accès... Les personnes qui... de qui on parle
aujourd'hui, c'est des personnes vulnérables qui ont peut-être un niveau de
littératie parfois plus limité. Donc, quand on parle de consentement éclairé,
c'est aussi de leur donner toute l'information pour que cette décision-là, qui
est très importante dans leur vie, bien, puisse être très bien comprise et
qu'ils puissent être accompagnés en connaissance de tous les termes et les
impacts que ça va avoir sur leur vie. Donc, c'était cette notion d'éclairé que
je voulais ajouter.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci beaucoup. Alors, on va terminer la ronde...
(Interruption) ...pardon, d'échanges avec la collègue de Sherbrooke. Il reste
au total quatre minutes huit secondes. La parole est à vous.
Mme Labrie : Merci, Mme la
Présidente. Vous nous avez proposé de remplacer handicap par déficience et
incapacité. Vous n'êtes pas les premiers à nous proposer cette formulation,
quoique c'est arrivé sur le tard dans les consultations, une telle formulation.
Je voulais vous demander... Dans votre mémoire, vous exprimez un certain
problème avec l'utilisation du mot incurable en lien avec handicap. Là, vous
nous proposez de remplacer complètement handicap par déficience et incapacité.
Est-ce que, dans ce cas-là, on devrait garder incurable ou pas? C'est quoi,
votre position, là, là-dessus?
M. Caouette (Martin) : Bien,
c'est-à-dire que ce serait plus cohérent d'avoir le mot incurable quand il est
question d'une déficience, parce que là on parle vraiment d'un élément lié à la
santé. C'est-à-dire que, si on ne peut pas guérir d'une déficience, à ce
moment-là, oui, on pourrait dire qu'elle est incurable. C'est quelque chose qui
est permanent, en fait, chez la personne. Donc, ce serait plus logique. Un
handicap incurable, en fait, et là je ne veux pas tomber dans quelque chose de
trop théorique, mais conceptuellement, ce n'est pas possible de l'envisager
comme ça. Ce n'est pas une... ce n'est pas deux termes qu'on peut associer, en
fait. On ne peut pas avoir... Le handicap, ce n'est pas quelque chose qui est
soit curable ou incurable. Donc, c'est pour ça que ce serait plus logique avec
le terme de déficience qui, lui, effectivement, réfère à quelque chose qui est
de nature physique.
Mme Labrie : O.K., donc vous
nous recommandez d'inscrire dans la loi que la personne est atteinte d'une
maladie grave et incurable ou elle a une déficience et une incapacité grave et
incurable. Puis ça, ce serait une formulation qui viendrait éviter les risques
de discrimination, permettre l'autodétermination des personnes?
M. Caouette (Martin) : Oui,
et je me permets d'ajouter aussi, c'est que ça enverrait socialement un
message, là, que le handicap, c'est quelque chose avec lequel on doit composer
puis qui n'est pas quelque chose, en fait, qui constitue un terme à la vie, qui
constitue une... qui rend impossible, en fait, le fait de vivre une vie pleine
et entière. Il y a plusieurs personnes, là, qui se sentent concernées par le
handicap. Quand on vient mettre le mot handicap comme source pour accéder à
l'aide médicale à mourir, on envoie aussi un message socialement qui est quand
même assez négatif pour toutes les personnes en situation de handicap qui
réussissent malgré tout à relever le défi puis à continuer à avoir une vie
pleine et entière. Ça fait que moi, je pense qu'aussi l'impact social, ce qu'on
vient dire du handicap en le conservant dans le projet de loi dans sa forme
actuelle, je pense que ça, c'est un élément aussi qui serait problématique.
Mme Labrie : Et pourquoi
l'utilisation du mot incapacité n'est pas associée au même stigma que handicap?
M. Caouette (Martin) : Bien,
parce qu'en fait la déficience organique, elle est organique, elle est
physique, en fait. Concrètement, elle parle d'une altération, en fait, de
certains systèmes organiques. Tandis que, quand on parle d'incapacité, en fait,
on parle d'une difficulté d'accomplir une activité physique, d'une activité, en
fait, bon, de la vie quotidienne, par exemple, en raison de la présence d'une
déficience. Donc là, pour être bien clair, l'idée, c'est de dire : C'est
la déficience qui est grave et incurable puis qui mène à différentes
incapacités dans la réalisation des activités de la vie quotidienne. Donc, si
moi j'ai une incapacité intellectuelle, par exemple, bien, j'ai peut-être une
difficulté à faire certaines... certaines lectures, par exemple, j'ai peut-être
la difficulté à poser un jugement sur certains éléments. Donc, j'ai des
incapacités qui vont découler de la présence de certaines... de certaines
déficiences chez moi, mais, si on met en place un certain nombre de soutiens,
bien, je peux pallier à ces incapacités-là. Donc, je peux malgré tout être
capable de vivre en appartement, par exemple.
• (16 h 40) •
Mme Labrie : Je comprends la
distinction que vous faites sauf que je me demande en quoi c'est moins
offensant ou blessant pour les personnes en situation de handicap qu'on utilise
les mots que vous nous proposez plutôt que handicap dans la loi, même si, sur
le fond, au niveau théorique, je comprends la différence, mais au niveau du
symbole que ça représente.
M. Caouette (Martin) : Les
gens ne se définissent pas comme des gens incapables. Il y a des personnes qui
vont utiliser, par exemple, l'expression personne handicapée pour parler de
soi, mais ce n'est pas un élément identitaire comme le mot... le mot
incapacité. Donc, c'est là, en fait, que la nuance est extrêmement importante.
Mme Labrie : C'est maintenant
beaucoup plus clair. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, professeur Caouette,
professeure...
La Présidente (Mme Lecours, Les
Plaines) : ...Gauthier-Boudreault... «Boudreault», bien sûr, merci
beaucoup de votre présence. Vous nous avez éclairés. Donc, on va continuer
notre travail. Alors, il me reste, au nom des membres de la commission, à vous
souhaiter une bonne fin de journée.
Alors, merci beaucoup, mesdames. C'est
un... C'était le dernier... nos deux derniers représentants. C'est un projet de
loi qui a suscité beaucoup de questions, à cette étape-ci, beaucoup de... fixer
aussi beaucoup de constats. Alors, on a encore énormément de travail à faire.
Mais, pour l'heure, les travaux de cette
étape-ci étant terminés... Par contre, avant de lever la séance, je vais
déposer, si vous me permettez, une trentaine d'autres mémoires additionnés à
tous ceux que vous avez consultés et tous les gens que nous avons rencontrés.
Alors, pour dire que c'est un projet de loi qui a suscité et qui va continuer à
susciter beaucoup de... D'interrogations. Alors, voici.
Ceci étant fait, le dépôt des mémoires, la
Commission, ayant donc accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 16 h 42)