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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, March 16, 2023 - Vol. 47 N° 4

Special consultations and public hearings on Bill 11, an Act to amend the Act respecting end-of-life care and other legislative provisions


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte.

Alors, pour notre troisième journée... deuxième journée, pardon, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Garceau (Robert-Baldwin) est remplacée par Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis) et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) par Mme Labrie (Sherbrooke).

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, nous entendrons ce matin les organismes suivants Partenaires neuro ainsi que l'Ordre des psychologues du Québec. Alors, madame, messieurs, bienvenue à cette audition particulière. Alors, si vous êtes des habitués, vous savez que vous avez une période de 10 minutes, d'abord, pour vous présenter chacun, chacune ainsi que le temps qui vous est imparti pour faire votre présentation. Ensuite, les auditions particulières vont se poursuivre avec la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, le temps commence maintenant pour vous.

M. Mena Martinez (Diego) : Mme la ministre, chers élus présents aujourd'hui, mon nom, c'est Diego Mena Martinez. Je suis le directeur général de la Société canadienne de la sclérose en plaques, division du Québec. Et, aujourd'hui, on s'adresse... en fait, avec vous, je m'adresse à vous au nom de Parkinson Québec, de la Société de la sclérose latérale amyotrophique, de Huntington Québec, et de la Société canadienne de la sclérose en plaques au Québec. Ces organisations font partie de Partenaires neuro.

Partenaires neuro, c'est un regroupement d'organismes, en fait, qui porte la voix d'environ 200 000 personnes qui sont touchées et atteintes par des maladies neurologiques évolutives au Québec. Et, au nom de ces 200 000 personnes, en fait, on tient à vous remercier pour l'accueil d'aujourd'hui et aussi pour l'intérêt porté à un sujet qui est, pour nous, certes délicat, mais important, comme celui de l'aide médicale à mourir. Pour les personnes touchées et atteintes par des maladies neurologiques évolutives, nous...

M. Mena Martinez (Diego) : ...nous espérons que... souhaiter, en fait, qu'une guérison puisse voir le jour. Malheureusement, ce n'est pas le cas actuellement. Les maladies neurologiques évolutives sont incurables. C'est de lors là l'importance de pouvoir donner le choix aux personnes qui sont atteintes de maladies neurologiques évolutives menant à l'inaptitude de pouvoir avoir le choix de se procurer l'aide médicale à mourir, et ce, avant même que leurs états de santé se détériorent. Pour nous, c'est une question avant tout d'équité et aussi de dignité.

Pour Partenaires neuro, le libre choix est une valeur fondamentale. Les personnes qui sont atteintes de maladies neurologiques évolutives doivent avoir le choix entre une option très personnelle, qui est celle de l'aide médicale à mourir, ou bien de poursuivre, en fait, leurs vies avec des soins qui sont souvent invasifs et permanents.

Je laisserai la parole à ma collègue Caroline pour la suite de l'intervention.

Mme Champeau (Caroline) : Bonjour. Je suis Caroline Champeau, directrice générale de Parkinson Québec. Je suis ici, tout comme mon collègue Diego Mena, à titre de représentante de Partenaires neuro.

D'entrée de jeu, nous tenons à souligner combien la vie, y compris à la fin, doit être vécue dans la dignité. Pour ce faire, les personnes atteintes de maladies neurologiques évolutives doivent être placées au centre de leur choix. L'aide médicale à mourir est l'option ultime. Ainsi, nous voulons que cette option soit accessible pour permettre aux personnes gravement malades d'abréger leurs souffrances si elles le souhaitent, mais nous favorisons la mise en place de programmes qui feront en sorte que le moins de personnes y feront recours... seront contraintes d'y faire recours et que le plus grand nombre pourra vivre avec une certaine qualité de vie.

Par ce fait, nous encourageons la mise en place de programmes et politiques adaptés aux maladies neurologiques évolutives. Tout d'abord, soins à domicile et soins à la personne. En deuxième lieu, hébergement adapté et surtout formation du personnel. Troisième, soutien à la proche aidance, car ces proches aidants sont la véritable extension du réseau de la santé. En toute fin, l'accélération à l'accès aux traitements novateurs ainsi qu'aux essais cliniques, car ceux-ci, lorsque reçus en temps opportun, peuvent prolonger la vie ou la qualité de vie de ces personnes. Merci.

Je cède maintenant la parole à une personne atteinte de la maladie neurologique évolutive, Mario.

M. Hudon (Mario) : Bonjour. Moi, mon nom, c'est Mario Hudon. Je suis atteint de la SLA, sclérose latérale amyotrophique.

En décembre 2020, on m'annonce que j'ai la SLA et que mon espérance de vie est de deux à cinq ans. On me précise que deux à cinq ans, c'est la fin de la vie, ça ne dit pas la qualité de vie que je vais avoir, parce que, la SLA, on devient prisonnier de notre corps. Notre esprit roule à 100 milles à l'heure, mais notre corps, lui, c'est un bazou, il arrête d'avancer. Mais, très tôt, on a eu la discussion «où la vie est acceptable pour moi?» avec ma conjointe, mes enfants et même mes petits-enfants. On a décidé que, quand je ne respirerai plus par moi-même, j'aurai besoin d'air ou d'avaler, on va prendre l'assistance à mourir.

• (11 h 40) •

Au début de l'année 2022, la progression de la maladie a été vraiment fulgurante. Je ne pensais pas avoir à être là aux fêtes, à Noël, mais, en juillet, j'ai eu accès à un médicament...

M. Hudon (Mario) : ...le premier qui peut peut-être ralentir la maladie de la SLA, et il n'a pas été accepté au Québec en encore mais au Canada, oui, mais je l'ai eu, et la maladie a ralenti, parce que je suis là, devant vous, aujourd'hui. Donc, l'importance de l'avoir rapidement pour les prochains, c'est important.

Mais on est en processus de voir à quel moment je vais avoir besoin de l'assurance de mourir, parce que je veux être prêt puis je veux la dignité. Le respect de ma décision est superimportant pour moi. Ça ne me donne rien d'être un bibelot qu'on dépoussière de temps en temps. Je ne bouge plus, ça fait que je n'ai plus de qualité de vie. Donc, c'est important, la décision que les gens qui ont des maladies comme la mienne prennent, il faut respecter leur choix même si, à un moment donné, ils sont moins capables de l'exprimer. Donc, merci de m'avoir écouté.

M. Mena Martinez (Diego) : Merci, Mario, pour ton témoignage de cœur. Et merci, Nancy, aussi, la femme de Mario, pour être ici présente. C'est une proche aidante, et, dans le contexte aussi du projet de loi, je pense qu'on joue un rôle important.

Comme tu le dis bien Mario, c'est grâce à l'accès à des traitements novateurs, aux soins aux personnes, comme disait aussi ma collègue, Caroline, à l'hébergement, tous ces services, tout cet accès, en fait, à ces traitements, c'est un synonyme de qualité de vie, mais, lorsque la souffrance devient grave, l'aide médicale à mourir devient ce dernier recours, ce recours unique pour pouvoir soulager des souffrances qui sont insupportables et qui, des fois, progressent avec le temps. Donc, c'est pour cette raison que, pour nous, c'est important de pouvoir donner le choix aux personnes de se procurer l'aide médicale à mourir, aux personnes touchées par des maladies neurologiques évolutives menant à des inaptitudes pour pouvoir se procurer de l'aide médicale à mourir, et ce, en toute liberté. C'est pour cette raison, en fait, que Partenaires neuro accueille favorablement, en fait, le projet de loi 11.

Donc, merci beaucoup, en fait, pour le temps accordé. On serait prêt, en fait, à une période de questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Tout d'abord, Monsieur Hudon, un gros merci pour votre témoignage, et très, très important pour mes collègues et moi, puis ainsi que les gens qui assistent à toutes ces auditions. C'est très important, c'est important qu'on puisse directement avoir le pouls de votre opinion. Merci beaucoup pour votre présentation également.

Alors, on va commencer les échanges, maintenant, avec les parlementaires. Puis, pour le bénéfice de tout le monde, je n'ai pas les temps... Excusez, le temps est disparu. Je pense, à peu près 15 minutes pour le gouvernement, puis après ça, au prorata, là, pour... je vous les donnerai au fur et à mesure. Alors, on va commencer tout de suite avec Mme la ministre. Le temps est à vous.

Mme Bélanger : Oui, Mme la Présidente. Monsieur Mena Martinez, madame Champagne, M. Hudon, et votre conjointe et proche aidante, madame Nancy, bonjour. Ça me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui. On a eu l'occasion de vous rencontrer il y a environ trois semaines. Vous avez fait un événement ici même, à l'Assemblée nationale, plusieurs avaient été invités, plusieurs collègues avaient été invités, puis j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec vous.

Alors, un grand merci pour le mémoire qui est déposé. Puis, Monsieur Hudon, un grand merci pour, dans le fond, votre présentation aussi ce matin. Je pense que vous avez amené des éléments extrêmement importants. Vous avez parlé de soutien, de l'importance du soutien à domicile, de l'importance de l'hébergement, des proches aidants, et c'est fondamental pour les personnes qui ont des maladies neurodégénératives. Et vous avez parlé de traitements novateurs aussi, alors bravo, on sait comment c'est important, puis vous avez eu l'occasion de nous le souligner...

Mme Bélanger : ...je comprends que, dans le mémoire que vous nous déposez, vous êtes en faveur, en grande partie, de l'ensemble des éléments, là, qui sont prévus dans le projet de loi n° 11. J'aimerais vous entendre, parce qu'on parle de handicap neuromoteur, de personnes ayant des handicaps neuromoteurs. Est-ce que... Parce que je sais que vous êtes en regroupement, vous représentez différentes associations, est-ce que, pour vous, la notion de handicap neuromoteur est assez précis? Est-ce que vous avez, à l'intérieur de vous groupes, parce que, je répète, vous êtes un grand regroupement, des personnes qui ne se classifieraient pas dans cette catégorie de handicap neuromoteur?

M. Mena Martinez (Diego) : Merci, Mme la ministre, pour la question. Pour Partenaires neuro... le plus important pour nous, c'est de pouvoir donner accès à l'aide médicale à mourir à l'ensemble des personnes qui sont touchées par des... sont atteintes de maladies neurologiques évolutives, qui ont un handicap moteur, en fait, neuromoteur ou d'autres types de handicaps ou d'autres problèmes de santé, et pour la simple raison que ces maladies sont incurables. Donc, de façon à pouvoir soulager, justement, au moment d'avoir des souffrances graves, et soulager ces moments de souffrance, là, il nous paraît important que l'ensemble, en fait, des personnes qui sont touchées par des maladies neurologiques évolutives puissent avoir le libre choix de choisir, au moment donné, de ce dernier recours, en fait, à la fin de leur vie, là.

Mme Bélanger : Merci. On a parlé tantôt des proches aidants. Comment voyez-vous le rôle des proches aidants dans la demande d'aide médicale à mourir?

Mme Champeau (Caroline) : Bien, si vous me permettez, et peut-être que Nancy pourrait d'ailleurs mieux répondre à cette question-là que moi, pour côtoyer des proches aidants, des personnes atteintes, je dirais, j'aurais le goût de vous répondre que l'important, c'est que le couple puisse avoir libre choix d'arriver à cette décision-là. Parce que, oui, la personne atteinte, elle a des volontés, mais je suis convaincue que cette personne en discute avec son proche aidant, sa proche aidante, parce qu'au final la personne qui est proche aidante, elle vit la maladie par procuration. C'est 365 jours par année, 24 h sur 24. Souvent, ce sont des amoureux, des amoureuses où est-ce que la vie prend un autre tournant, où est-ce que des questions ultimes arrivent, où est-ce qu'on veut prendre le temps d'avoir une bonne réflexion, un bon jugement et se respecter de part et d'autre. Donc, moi, je dirais que le proche aidant est au cœur de la décision avec la personne atteinte. Est-ce que, Mario, tu aurais le goût de témoigner?

• (11 h 50) •

M. Hudon (Mario) : Comme le disait Caroline, les proches aidants subissent une maladie. Ils ne sont pas malades, mais ils vont subir la maladie. Eux, dans le fond... prend la décision de prendre l'aide à mourir, leur donner... enlever le fardeau qu'ils ont. Ils s'occupent de nous parce qu'ils nous aiment, mais eux aussi ont besoin de... de vie. Un moment donné, trop, c'est trop, donc il faut leur donner la chance. Ils vont respecter notre décision parce qu'ils nous aiment, ils ne veulent pas qu'on continue à vivre si on n'a pas de qualité de vie. Donc, oui, c'est important qu'ils soient partie prenante de notre décision.

Mme Bélanger : ...question. Est-ce que, dans ce processus-là, toute la réflexion qui est faite, vous sentez que vous êtes bien accompagné par...

Mme Bélanger : ...votre médecin, votre équipe médicale, par votre équipe professionnelle.

M. Hudon (Mario) : Moi, le processus est enclenché et, vraiment, les gens sont très à l'écoute de ce que je veux, donc mes limites et le moment quand ça sera décidé. Moi, j'ai décidé de donner mon cerveau et la moelle épinière pour la recherche. Donc, les gens sont très près de nous, nous accompagnent très bien, et, à ce moment-là, moi, pour l'instant, je n'ai pas de problème, parce que j'ai bien toute ma tête. Donc, c'est peut-être plus facile de faire respecter ce que je leur demande. Mais que ce sera dans trois, quatre, cinq mois, je pense qu'avoir à être clair sur le moment que je veux qu'on procède.

Mme Bélanger : O.K.. Merci beaucoup. Très apprécié. Je suis très reconnaissante. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, monsieur. Je vous remercie, Mme la ministre. Je pense qu'il y a des questions de la députée de Soulanges. La parole est à vous.

Mme Picard : Merci beaucoup pour votre apport aux travaux de la commission. Je pense que votre témoignage et votre apport à la commission est super important pour l'ensemble d'entre nous pour se faire une meilleure idée. Vous l'avez dit, Monsieur Mario, quand vous avez parlé au début, vous avez mentionné qu'on va prendre l'aide médicale à mourir. C'est vraiment un «on». C'est vraiment une équipe, c'est votre conjointe, c'est vos enfants, vos petits-enfants, peu importe. Je me pose la question parce qu'on peut se le dire qu'on se projeter de ce moment-là. Votre conjointe, qui va être près de vous, ça serait peut-être elle sera désignée comme tiers de confiance, comme personne de confiance, a levé le drapeau, ou avec l'équipe médicale. Est-ce que vous ne pensez pas que ça devrait, justement, peut-être être quelqu'un qui a un petit peu plus de recul que les gens devraient choisir pour ne pas être trop émotionnellement dans la situation, ou on ne devrait pas...

M. Hudon (Mario) : Bien, je ne sais pas si quelqu'un de l'extérieur pourrait décidé pour nous. Tu sais, le respect de ma décision, j'ai beaucoup de chance avec ma conjointe, mes enfants que mon choix soit respecté que quelqu'un que ça ne le touche pas vraiment. Eux savent mes limites, eux sont au courant de ce que je veux, puis j'ai une tête de cochon, j'aimerais ça qu'ils respectent ça.

Mme Picard : J'ai peut-être juste une petite question rapide aussi pour être le regroupement. Est-ce que... C'est vraiment juste une question informative, là. Est-ce que toutes les maladies que vous représentez mènent à l'inaptitude, ou il y en a peut-être un ou deux qui ne mène pas à l'inaptitude?

M. Mena Martinez (Diego) : Toutes les maladies sont incurables.

Mme Picard : Incurables, mais est-ce qu'elles mènent à l'inaptitude? Est-ce que les gens perdent conscience, en quelque part, à la fin?

M. Mena Martinez (Diego) : À un stade avancé, oui. Ces maladies neurologiques évolutives ont ça en commun.

Mme Picard : Parfait. Merci.

Mme Champeau (Caroline) : Puis, peut-être en complément, il y a certaines personnes qui vont développer la maladie neurologique évolutive de façon fulgurante, il y en a que ça va s'échelonner sur plusieurs années, mais ce sont des maladies incurables.

Mme Picard : Une autre petite question - j'avais dit que c'était ma dernière : Est-ce que vous pensez qu'on devrait enclencher... en fait, on devrait proposer ou en parler avec les patients dès l'annonce du diagnostic aussi, ou ça va de soi, les gens...

M. Mena Martinez (Diego) : Je pense que l'important pour nous, c'est vraiment de leur donner le libre choix, le libre choix, et le libre choix, ça veut dire de mettre, comme disait Mario, la personne au centre de ses préoccupations, de pouvoir lui donner ce pouvoir d'agir et de décider, et de comprendre que, dans son parcours qu'ils vont vivre avec la maladie, ils vont avoir ce choix et cette option, qu'on dit très personnels, de se procurer l'aide médicale à mourir ou de poursuivre, en fait, le parcours de leur vie avec soins plus invasifs, ou non. Mais le fait de pouvoir se projeter dans le temps, ça fait en sorte aussi que cette épée de Damoclès, là... Parce que c'est des maladies qui, du jour au lendemain, ça peut changer radicalement, et, comme disait Caroline, ça peut devenir d'un jour au...

M. Mena Martinez (Diego) : ...ça peut venir vraiment avec des souffrances graves et des conditions physiques et cognitives, aussi, difficiles. Donc, de pouvoir, au moins, avoir ce choix de dire, dans mon parcours, si j'ai cette maladie, au moment de mon diagnostic, je sais qu'à long terme je pourrai avoir ce choix, de pouvoir choisir, en option. Moi, je pense que ça, c'est une question fondamentale, qui va certainement soulager, aussi, la pression sur la personne, de dire, bon, j'ai le diagnostic, mais, à long terme, si je dois me projeter, je peux me projeter pour un choix qui est personnel et un choix qui est aussi de ma propre famille. Donc, il y a quelque chose, là-dessus, qu'il faut... Il faut le saisir, oui, à travers la notion du libre choix, là.

Mme Champeau (Caroline) : Si vous me permettez, je crois que des organismes comme les nôtres, ce qu'on souhaite, c'est de fournir le maximum d'informations aux personnes atteintes ainsi qu'à leurs proches aidants pour qu'eux, ensuite, appliquent le libre choix, puissent avoir le temps d'y réfléchir, de jongler avec la situation. Et puis, un peu, tantôt, la question qui était soulevée : Est-ce que vous pensez que c'est le proche aidant qui est le mieux placé? Bien, le fait qu'on ait ce temps-là, le fait que la loi pourrait permettre ce temps de réflexion là vient que ça devient une discussion, une réflexion, ensemble, pour arriver à une décision commune. Puis, effectivement, vous l'avez soulevé, Mme la ministre, ou Mario s'est exprimé, on a pris la décision. Je crois que, dans la réponse de Mario, on entend la voix des autres personnes atteintes des maladies neurologiques évolutives.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...allez-y, allez-y.

M. Hudon (Mario) : Pour la... Dans le cas de la SLA, on garde 100 % de notre capacité à réfléchir. Le corps ne suit plus, mais notre tête est là tout le temps. Donc, la décision, c'est juste de respecter la nôtre, parce que ma décision, elle est prise. Mais les gens les mieux placés pour qu'on exécute mes volontés, ce sont mes proches, ce sont les gens avec qui je vis. Mais ça, c'est bien important qu'on soit... qu'on respecte ça.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, merci pour ces réponses. Il reste encore 1 min 20 s pour une petite réponse... une petite question, réponse comprise. Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous d'être présents, et surtout, à M. Hudon, c'est très touchant de vous savoir ici, avec nous, et de partager votre histoire, ainsi qu'à votre conjointe. J'aimerais savoir qu'est-ce que... s'il y a une chose qu'on devrait faire attention, dans le moment de demander et de procéder à une demande et de traiter une demande, s'il y a un élément, pour vous, là, qui était vraiment, là, central.

• (12 heures) •

M. Hudon (Mario) : ...difficile de trouver un moment, parce que chacun le vit à sa façon. Moi, je l'ai décidé rapidement, mais pour d'autres, c'est inacceptable de passer la situation qu'ils vivent. Mais il faut y aller au rythme des familles, des gens. Puis jusqu'où la maladie est acceptable, c'est propre à chacun. Mais il faut faciliter l'accès à ça pour ceux qui sont prêts à le demander. On peut tout préparer, puis sans fixer la date, mais qu'on soit prêts.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est la fin du premier bloc d'échange. Merci, Mme la ministre, merci, Mme la députée. Je me tourne maintenant du côté de la députée de Westmount-Saint-Louis, je m'excuse, pour une période de 9 min 18 s. La parole est à vous.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, un plaisir de vous revoir également...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Maccarone : ...témoin, et j'ai participé à l'événement que vous avez organisé ici, à l'Assemblée nationale. Ce que vous partagez avec nous aujourd'hui est très important, très émotionnel, très personnel. Je vous remercie, M. Hudon, Mme Hudon. Je sais que vous êtes récemment mariés. Je ne sais pas si vous avez gardé votre nom de fille. Mais... Oui? Bon, bien, voilà. Je sais que ce n'est pas facile de partager nos histoires personnelles. Puis il y a beaucoup de gens qui nous écoutent aujourd'hui. Alors, merci pour ce précieux partage, puis merci aussi de représenter la voix de beaucoup de personnes, comme monsieur Hudon et sa conjointe.

Vous avez parlé de dignité. Vous avez parlé d'équité. Je souhaite que ce soit clair, votre vision en ce qui concerne la définition de la notion de handicap dans une loi qui sera éventuellement adoptée. Présentement, c'est un handicap neuromoteur. Quand vous parlez d'équité, pensez-vous qu'il y aura des gens qui n'auront pas le choix de... autodéterminé de choisir s'ils souhaitent avoir accès à l'aide médicale à mourir, si on se limite avec la définition d'un handicap neuromoteur dans l'adoption d'une loi éventuelle?

M. Mena Martinez (Diego) : Nous ne sommes pas nécessairement des experts en faits cliniques pour pouvoir définir la notion de handicap, mais la chose qu'on est claire, c'est que les maladies et les personnes qui sont atteintes par des maladies neurologiques évolutives sont dans une situation dans laquelle leur propre maladie, elle, par définition... en fait, elle est par définition incurable. Donc, si cette maladie est incurable, toutes ces personnes devraient avoir le choix de pouvoir choisir, peu importe si ça représente un handicap neuromoteur ou d'autres types de handicaps, de pouvoir choisir, au bout d'un moment, lorsque les souffrances sont graves, et lorsqu'ils deviennent, en fait... les mène, en fait, dans un état d'inaptitude, de pouvoir avoir ce choix entre... de se procurer de mourir, et, de l'autre côté, de choisir aussi, s'ils veulent, de poursuivre, en fait, leur parcours de vie avec des soins, comme je le disais tantôt, qui peuvent être parfois, souvent invasifs et permanents. Donc, pour nous, c'est important. Et de ce qu'on entend, justement, des personnes, c'est cette se dire : On représente toutes les personnes qui sont atteintes de maladies neurologiques évolutives, de pouvoir dire que toutes ces personnes puissent un jour voir ce choix dans leur parcours de vie. Et, bien évidemment, on n'est pas des experts pour la définition exacte du handicap, mais je pense que de se fier sur cette valeur fondamentale de Partenaire neuro, le libre choix, est pour nous crucial, oui.

Mme Maccarone : Pensez-vous que ce serait important d'entendre... parce que, veux veux pas, puis le processus que nous avons ici en commission parlementaire est très important, mais d'avoir un comité d'experts qui pourrait se pencher sur la question? On n'a jamais fait le débat en ce qui concerne l'application de l'aide médicale à mourir en ce qui concerne les personnes en situation de handicap. On suit qu'est-ce qu'ils font au niveau fédéral. Alors, on parle un peu d'harmoniser avec... les lois. Pensez-vous que ce serait important d'avoir un forum? Je l'ai évoqué hier. Alors, j'étais perplexe un peu par les réponses aujourd'hui qui disaient que... J'étais surprise parce que j'ai fait un point de presse ce matin. Moi, je pense, personnellement, ce serait important. Je trouve que je ne suis pas équipé pour prendre une décision. Le seul consensus que nous avons actuellement en commission, c'est qu'il n'y a pas de consensus en ce qui concerne la définition de handicap. Est-ce vous seriez intéressé à participer peut-être dans un tel forum? Et est-ce que vous trouvez important que la voix des personnes en situation de handicap soit exprimée et entendue avant qu'on prenne une décision finale en commission?

M. Mena Martinez (Diego) : Il nous paraît que, déjà, les instances comme celles-ci nous permettent de pouvoir passer notre message et de pouvoir, justement, livrer les arguments, en fait, qu'on veut mettre de l'avant, notamment celui de libre choix. Pour toute question complexe, bien évidemment, ça nécessite, en fait, des visions distinctes et différentes qui nous permettent de prendre, en fait, une décision qui puisse être certes délicate, comme celle d'aujourd'hui, de l'aide médicale à mourir, mais importante pour la société. Je pense que les commissions comme celles-ci jouent un rôle important. On serait bien évidemment... Nous, on serait toujours prêts à pouvoir collaborer, à mettre de l'avant, en fait, nos arguments, mais on remercie vraiment ces instances, comme celles d'aujourd'hui, pour pouvoir le mettre en évidence, en face, là.

Mme Maccarone : Je souhaite revenir sur le rôle...

Mme Maccarone : ...Du tiers de confiance, vous avez parlé des proches aidants. Ce n'est pas tout le monde qui est entouré par un membre de la famille ou un ami proche qui pourront occuper ce rôle important. Comment voyez-vous le rôle du tiers de confiance quand ce n'est pas un proche aidant? Est-ce qu'il y a un mécanisme, une personne en particulier? Comment voyez-vous l'accompagnement d'une personne qui a fait une demande anticipée et le rôle de tiers de confiance?

Mme Champeau (Caroline) : J'aurais le goût de répondre : pourrions-nous nous imaginer que le libre choix vient aussi au fait de donner le choix à la personne atteinte de choisir la personne qui l'accompagnera, qu'elle soit conjoint, conjointe ou toute autre personne de confiance? Parce que je pense que c'est ça, là, l'enjeu, c'est d'être entouré de personnes de confiance. Pour certains, c'est le conjoint, la conjointe, pour une autre personne, ça peut être un frère, une sœur, un ami, quelqu'un de confiance. Alors, je me remets au lien du libre choix, que la personne atteinte puisse choisir, avec jugement, réflexion et dignité, de la façon qu'il veut terminer son parcours de vie, mais aussi avec qui il va être accompagné.

Mme Maccarone : Et en ce qui concerne un refus, un changement rendu au moment de l'application, comment voyez-vous ce processus?

Mme Champeau (Caroline) : Vous parlez d'un refus de la personne atteinte?

Mme Maccarone : De... Oui, tout à fait, rendu au moment d'appliquer et de poursuivre avec l'aide médicale à mourir. Peut-être, M. Hudon, si vous souhaitez?

M. Hudon (Mario) : C'est dur. Comme moi, dans le processus, je le sais que je vais aller vers là, mais il n'y a pas de date prédéfinie, parce que, si c'était ça, je serais mort en décembre, l'année dernière. Mais ça a évolué, comme je vous dis. C'est important, chacun le vit à sa façon. On ne peut pas laisser un tiers décider pour nous. Moi, mon processus est celui-là, un autre, ça va prendre un peu de temps. Moi, la première journée, j'ai annoncé à mes proches que j'avais la... la SLA. Mais un autre va prendre des mois avant de l'annoncer autour de lui. C'est un processus très personnel, il faut laisser aux gens malades leurs gens de confiance, cette décision, de prendre... et de prendre les actions quand ce sera le temps. On ne peut pas laisser un juge ou quelqu'un qui ne nous connaît pas prendre cette décision-là, cette décision très personnelle. Donc, il faut laisser ça aux... aux gens atteints, aux gens, aux proches, à ces gens-là de prendre la décision de, oui ou non, pas à un juge ou à quelqu'un de l'extérieur qui ne nous connaît pas.

• (12 h 10) •

Mme Maccarone : Alors, je présume que, dans le formulaire, pour vous, ce serait important que, exemple, dans votre cas, si vous... Si vous décidez à une dernière minute que vous avez changé d'avis, parce que, vous, dans votre cas, comme vous avez dit, vous allez rester apte malgré que votre corps ne suivra pas, ça va être important que ce soit clairement identifié dans un formulaire pour s'assurer que vos droits puis vos choix sont respectés?

M. Hudon (Mario) : Bien, moi, quand je vais prendre la décision, elle va venir de moi, je vais être capable de l'exprimer, sinon, mes... mes proches, ma conjointe, mes enfants sont très au courant de la limite que j'ai fixée. Tout est... Est-ce que je veux changer d'idée? Peut-être, mais ça sera moi. Si je... si je perdais mes capacités, mes proches vont appliquer ce que j'aurai demandé, mais dans mon cas, ça ne s'applique pas, hein, on m'a dit que je vais garder toute ma tête, ce que je n'ai pas toujours eue au cours de ma vie...

M. Hudon (Mario) : ...là, je l'ai.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. Hudon. Donc, cette partie, cette deuxième partie du bloc d'échange étant terminée, je vais laisser maintenant la parole à la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 6 s La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Ça me touche quand même, la façon dont vous avez parlé de votre processus décisionnel, du fait que c'est un choix, je vais dire, collectif avec vos proches. Dans le fond, vous l'avez nommé comme ça. Puis vous avez même dit que c'était le reflet de l'état d'esprit de beaucoup de gens. Quand on parle de libre choix, évidemment, il faut observer les options puis la qualité des services à domicile, par exemple, la qualité des soins qu'on peut obtenir joue, mais je vous entends puis je sens que l'impact sur vos proches, ça joue vraiment beaucoup aussi dans le processus décisionnel. Donc, j'imagine que l'accès à du répit pour les proches, c'est également quelque chose qu'il faut s'assurer de mettre en place, à la hauteur de la demande, pour s'assurer de permettre un libre choix parfaitement éclairé, là, pour la personne.

M. Hudon (Mario) : C'est sûr que, pour nous, c'est important que ma conjointe ne vive pas 24 heures sur 24 ma maladie. Tu sais, c'est moi qui la subis, mais il faut... je ne sais pas comment exprimer ça, mais il faut avoir un équilibre. On ne peut pas vivre dans la maladie tout le temps. Donc, c'est important qu'ils puissent sortir de ça puis vivre autre chose, mais on ne peut pas leur imposer de s'occuper de moi quand il y a rien que les yeux qui bougent. Ça ne donne rien. Je n'ai jamais été très bibelot, ça fait que ça n'ira pas dans ce sens-là encore.

Mme Labrie : Donc, il y a des personnes pour qui ça crée de la souffrance, en soi, de savoir ce que vous venez de me décrire, là.

Mme Champeau (Caroline) : Puis peut-être un complément d'information, si vous me permettez, oui, il y a des moments de répit, mais il y a les soins à la personne et à domicile. Donc, d'avoir des soins à la personne qui sont adaptés aux besoins des personnes et non répartis par région et non répartis par : est-ce qu'il y a un proche aidant qui est là 24 heures sur 24, qui fait en sorte que ça diminue les soins à la personne. Puis on insiste sur les soins à la personne et non sur les soins à domicile pour ne pas que ça soit uniquement rattaché à une adresse postale. Ces personnes-là ont également une vie. Ils souhaitent sortir de façon convenable de leur domicile puis que les soins qu'ils ont besoin par leurs conditions de vie suivent. Donc, je voudrais qu'on ne retienne pas juste répit. Ce que Partenaires neuro encourage, c'est la mise en place de programmes et de politiques qui vont fournir des soutiens à la personne de qualité et en nombre d'heures suffisant.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions pour ce bloc. On termine avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de 3 min 6 s La parole est à vous.

Mme Tardif : Bonjour. Merci. Merci à vous quatre. Merci beaucoup. C'est quand même difficile, ce que vous faites, mais c'est honorable. Vous nous avez amenés, tous les trois... tous les quatre, je dirais, vers plusieurs sujets de réflexion, dont l'aide à la recherche, dont la reconnaissance des traitements novateurs, des traitements cliniques, et, comme vous le dites, là, le soutien à la personne, adapté en fonction du malade et adapté en fonction de la région, qui est très important, parce que les services sont différents d'une région à l'autre. Moi, en Mauricie, on a des petits villages.

Et c'est ces maladies-là, je dirais, comme toutes les maladies, frappent à la porte des gens, peu importe leur statut social, peu importe leur richesse. Et je vous partage quelque chose d'assez personnel, mais vous allez comprendre. J'avais un oncle qui était doyen de la Faculté d'administration à l'Université Laval et qui était atteint... qui a été atteint de la sclérose latérale amyotrophique. Et, dans ce temps-là, il y a quelques années, ce n'était pas opportun et on ne pensait pas à l'aide médicale à mourir, d'autant plus qu'il avait été frère, donc religieux auparavant. Peu importe, je ne sais pas s'il aurait choisi ça ou pas, mais tout ça pour dire que je l'ai vu pendant plus de 10 ans...

Mme Tardif : ...et j'ai vu son corps se dégrader, et j'ai vu son esprit rester alerte. Et il avait un crayon dans la bouche et il m'écrivait des mots, quand j'allais le voir. Et je lui massais les pieds. Il n'était plus capable de bouger, mais je savais que ça lui faisait du bien. J'espère... Justement, vous parliez des yeux, vous parliez... il essayait de bouger son crayon. Évidemment, après 10 ans, 12 ans, 15 ans, il n'était plus capable de bouger, mais l'esprit était là. Et c'est cette force que vous avez en même temps, d'accepter ça, mais c'est la souffrance mentale de ces gens-là. Et cette souffrance-là, nous la prenons en compte aussi dans le futur... dans le projet de loi, parce que je crois que c'est une souffrance qu'on doit respecter. Et je vous demanderais, madame, au niveau des soins à domicile ou des soins, qu'est-ce que vous aimeriez qu'on améliore par rapport à ce que vous avez présentement, ou comment vous vivez ça?

Mme Bérubé (Nancy) : C'est sûr que c'est du 24 heures...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Madame, je vais vous inviter, si vous voulez répondre, à venir au micro à ma droite, votre gauche. Vous allez devoir vous présenter.

Mme Bérubé (Nancy) : Je ne pensais pas parler aujourd'hui. Bonjour. Mon nom est Nancy Bérubé. Je suis la conjointe à Mario Hudon, qui est atteint de la SLA. Oui, on en a des ressources, mais, comme Mario disait tout à l'heure, quand le processus est enclenché, ça va bien, mais c'est d'y arriver. On a la chance, au Québec, en tout cas, d'être très bien entouré avec les CLSC, les coops, et tout, je suis... l'appui, et tout. Je me suis renseignée. Depuis le tout début, je me renseigne. J'essaie autant que possible de brasser... pas de brasser des choses, mais de me faire entendre avec les institutions qui peuvent nous donner... J'ai récemment recommencé à travailler. Ce n'est pas de mon propre gré, pour l'instant, mais ça me fait du bien. Ça me fait du bien. J'ai du monde qui s'occupe de Mario, du très bon monde qui s'occupe de Mario. Je pars la tête tranquille. Mais je travaille à demi-temps pour commencer. J'ai de la misère de voir que je vais partir 40 heures semaine. J'ai besoin d'être avec lui. C'est là que'on demande d'avoir de l'aide pour...

Mme Tardif : N'hésitez pas, par la suite aussi, parce que vous allez avoir besoin aussi des organismes.

Mme Bérubé (Nancy) : Exact. Oui, mais j'ai beaucoup de bon monde alentour de moi aussi.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci beaucoup pour cet important témoignage. Je m'excuse, j'ai oublié votre nom de famille. Madame? Bérubé. Merci beaucoup, madame Bérubé. Merci beaucoup, évidemment, Monsieur Hudon, Madame Champeau et monsieur Martinez. C'est ce qui met fin à notre audition aujourd'hui. À nouveau merci. Il me reste à vous souhaiter une bonne fin de journée.

Et pour l'heure, je vais suspendre le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

(Reprise à 12 h 25)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons pour l'heure le groupe... l'Ordre, en fait, l'Ordre des psychologues du Québec, qui sont représentés... Je vais les laisser se présenter, ça va être beaucoup plus efficace.

Donc, mesdames, vous allez avoir 10 minutes pour d'abord vous présenter chacune ainsi que pour exposer votre point de vue sur le projet de loi numéro 11. La parole est à vous.

Mme Grou (Christine) :Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, membres de la Commission, nous vous remercions de cette invitation pour l'audition sur le projet de loi 11, la loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives. Je suis le docteur Christine Grou, neuropsychologue, psychologue clinicienne, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Je suis accompagnée par maître Édith Lorquet, directrice des affaires juridiques de l'Ordre, et par la docteure Isabelle Marleau, directrice de la qualité et du développement de la pratique.

Alors, d'entrée de jeu, je voudrais saluer le projet de loi 11 et je tiens à...

Mme Grou (Christine) :...les améliorations notables au projet de loi depuis le projet de loi n° 38. Alors, le projet de loi 11 a répondu à plusieurs questions et commentaires qu'on avait soulevés dans les mémoires antérieurs. Notamment, on y reconnaît le trouble neurocognitif, on reconnaît que c'est un trouble mental. On reconnaît le diagnostic du trouble neurocognitif comme pouvant donner accès à l'aide médicale à mourir dans la demande contemporaine et anticipée. On a décidé de ne pas exclure le tiers de confiance qui pouvait avoir un intérêt financier dans le patrimoine pour aider la personne à remplir le formulaire, ce qui est un facteur de protection psychologique puisque les proches aidants sont déterminants pour les personnes impliquées. On y voit la reconnaissance de la compétence des professionnels autres que les médecins à évaluer l'inaptitude à consentir. Et on reconnaît qu'une manifestation clinique n'est pas nécessairement associée à un refus de consentir pour la demande anticipée. Donc, ce sont des avancées très importantes. J'ajouterais que la démarche mise vraiment sur l'implication des différentes parties prenantes, ce qui est beaucoup plus conforme aux bonnes pratiques en éthique clinique.

Cela dit, le projet de loi soulève encore quelques questions que je voudrais porter à votre attention. Alors, d'abord, deux éléments sur la demande contemporaine. Bon, j'attire votre attention sur l'exception qui est prévue à la loi qui permet, dans certaines circonstances, de recevoir l'aide médicale à mourir de façon contemporaine alors que la personne est devenue inapte. Évidemment, on salue, on a tous des images de quelqu'un qui, malheureusement, finit sa vie dans des douleurs atroces parce qu'il ne veut pas devenir inapte à consentir jusqu'à la fin. Alors donc, on salue cette nouvelle disposition là. Toutefois, dans le projet de loi, on a laissé la condition d'être en fin de vie. Et ce qu'on souhaitait porter à votre attention, c'est que... est-ce qu'il se pourrait qu'une personne qui n'est pas en fin de vie puisse en faire la demande, puisse être admissible, mais qu'en raison de ses douleurs puis du traitement de ces douleurs-là, elle devienne inapte en cours de processus. Donc, on s'est questionné à savoir : Est-ce que le critère de fin de vie ne devrait pas être retiré?

Deuxième élément pour la demande contemporaine. Alors donc, tout comme pour la demande anticipée, nous recommandons que la manifestation clinique ne soit pas automatiquement associée à un refus parce qu'il se pourrait que les personnes aient aussi des manifestations cliniques dans un contexte de demande contemporaine qui ne soit pas l'expression d'un refus. Et on pense qu'il faudrait une harmonisation, donc des deux conditions.

• (12 h 30) •

Maintenant, deux éléments sur la demande anticipée. Alors d'abord, on a reconnu la complexité de l'évaluation des souffrances une fois l'administration dans la demande anticipée. Et ça par rapport au projet de loi n° 38, il y a eu un changement de vocab important, c'est-à-dire qu'on demande maintenant à la personne de décrire les souffrances qui sont à considérer, mais on l'informe que la constatation qu'elle semble objectivement éprouver ses souffrances ne permettra pas à elle seule l'administration de l'aide médicale à mourir. Alors, je pense qu'on en est tous, soulagés. On le salue, c'est un facteur de protection de plus. Le projet de loi nous permet donc de tenir compte de la situation clinique contemporaine. Mais ceci va nous amener d'autres défis sur lesquels je vais revenir un peu plus loin.

Deuxième élément pour la demande anticipée. Alors, encore là, dans un contexte où il y a un refus au moment venu, nous croyons plus avisé de surseoir à la demande plutôt que de la radier. Parce que nous croyons que de la radier, ce serait de contrevenir au respect de l'autonomie de la personne qui l'a manifesté au moment où elle en était capable.

Maintenant, un mot sur les groupes interdisciplinaires de soutien. Pour nous, ça a toujours été essentiel de soutenir les équipes, de soutenir les organisations et tout au long de la réponse à apporter à la demande d'aide médicale à mourir. On l'a dit dans tous nos mémoires, on salue le fait que les GIS sont inclus dans la loi. Le constat sur le terrain, c'est que ça demeure à composition et à géométrie variable. Et compte tenu des difficultés et des enjeux de complexité auxquels on va avoir à faire face, nous sommes d'avis que nous devrions inclure psychologues et neuropsychologues dans les GIS. Et je m'explique. Maintenant, qu'on dit à la personne qu'elle va devoir, dans la demande anticipée, déterminer qu'est-ce qu'il faut prévoir, mais qu'on lui dit que c'est une fois la souffrance objectivée qu'il va falloir s'y attarder, et bien il va falloir évaluer justement cette souffrance-là. Et là, évidemment, je m'attarde à la souffrance psychologique puisque c'est...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Grou (Christine) :...un champ d'expertise qui me préoccupe. Il va falloir évaluer la souffrance psychologique. La souffrance psychologique, ça s'évalue par l'observation, ça s'évalue par l'analyse du comportement, ça s'évalue par l'analyse des facteurs environnementaux, par les interactions. Il va aussi falloir évaluer si cette souffrance-là, elle est intolérable. Et, pour faire ça, il va falloir aider les équipes à neutraliser leurs propres projections. Projection, c'est un mécanisme de défense qui fait qu'on se met à la place de l'autre et on projette en l'autre la douleur qu'on éprouve pour lui. Il va falloir évaluer aussi si, sur le plan psychologique, tous les traitements possibles ont été administrés et s'il y a encore des aménagements possibles de l'environnement, de l'horaire et des interventions, sans, bien sûr, parler d'acharnement. Alors donc, ce sont des facteurs qui vont devoir être considérés parce que la douleur psychologique, son irréversibilité, son intensité dans les contextes de demande anticipée et dans les syndromes comportementaux de la démence, ce n'est pas simple. Donc, croyez-moi sur parole.

Pour ce qui est des demandes contemporaines pour les troubles neurocognitifs, bien, dans les cas complexes... Puis, croyez-moi, il existe beaucoup de cas complexes où l'aptitude à consentir ne sera pas si claire que ça, ça ne sera pas blanc ou noir, et, dans ce contexte-là, évidemment, l'éclairage du neuropsychologue est souvent essentiel. Alors donc, il faut, dans ces cas-là, évaluer le fonctionnement de la cognition, évaluer, justement, si le refus est l'expression d'une manifestation clinique ou non, et avoir une bonne compréhension des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, c'est souvent la conséquence d'une émotion qui, chez la personne démente, ne s'exprime pas autrement. C'est une expression mal adaptée. Ça engendre évidemment... Souvent, ça se traduit en problèmes de comportement. Ça peut engendrer de la détresse, mais ça peut aussi nous la signifier.

Alors donc, pour cette raison-là, on recommande l'intégration de psychologues, neuropsychologues dans les... mais également dans la commission sur les soins de fin de vie. L'intégration comme membre de la commission sur les soins de fin de vie à l'article 39 nous paraît pertinente. On est d'avis que ça l'aurait toujours été dès la première mouture de la loi, mais l'évolution de la loi et l'ouverture aux demandes anticipées pour le trouble neurocognitif, l'évaluation de l'aptitude puis la réflexion à venir sur les troubles mentaux nous portent à croire que la demande est d'autant plus légitime. Alors, nous recommandons qu'au moins un membre soit nommé après consultation de l'Ordre des psychologues.

En conclusion, je le répète, le projet de loi traduit des avancées majeures dans la réflexion. Ça traduit bien toute la réflexion qui a eu cours autour des enjeux qui sont pour nous tout aussi majeurs. Mais c'est précisément la nature de ces enjeux qui nous amène à vous demander l'intégration de l'expertise psychologique au sein du... et l'intégration d'un psychologue comme membre de la commission. Je le répète, l'évaluation de la douleur psychologique, la distinction entre la manifestation clinique et le refus, les cas où l'évaluation de l'aptitude sera complexe dans les demandes contemporaines pour les troubles neurocognitifs, l'évaluation des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, l'évaluation des interventions à effectuer et leur portée, le soutien aux équipes dans la charge émotive associée à l'administration d'une personne inapte, qui seront donc des enjeux à considérer.

Et finalement, un dernier mot sur le fait que nous comprenons très bien toutes les raisons de ne pas inclure à ce stade-ci les troubles mentaux autres que les troubles neurocognitifs dégénératifs, mais ça ne doit pas soustraire le législateur à la nécessité, donc, d'accélérer la réflexion à laquelle nous offrons toute notre collaboration. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dre Grou, pour cette présentation. Donc, nous en sommes rendus à la période d'échange avec les parlementaires. Par contre, je me dois... pour pouvoir assurer suffisamment de temps pour qu'on puisse avoir des bons échanges, je me dois de demander le consentement pour aller au-delà de l'heure prescrite, qui était 12 h 50. Est-ce que j'ai le consentement? Consentement. Parfait. Alors, je vais vous donner vos nouveaux temps. On va commencer par la ministre, avec le groupe ministériel, pour une période de 14 minutes. Le temps est à vous.

Mme Bélanger : Oui. Alors, bonjour, Dre Grou. Bonjour, mesdames. Merci de participer à notre commission et merci pour le mémoire et la présentation. Je suis contente de votre conclusion parce que j'avais cru comprendre, au début de votre présentation, que vous aviez compris que le trouble mental était inclus dans le projet de loi n° 11, mais ce n'est pas le cas, là. J'ai cru entendre ça au début de votre présentation, mais c'est correct, parce que je voulais juste être certaine, là, qu'on parlait de la même chose. Alors, vous êtes en...

Mme Bélanger : ...d'un ensemble d'éléments. Vous faites les recommandations, entre autres, celle autour du groupe interdisciplinaire, je voulais... je voudrais revenir à ce sujet-là et l'importance d'y intégrer un psychologue ou neuropsychologue, donc, au sein des équipes interdisciplinaires. Parce que vous savez que notre volonté, c'est qu'il y ait, là, vraiment des équipes de soutien dans chacun des établissements.

En fait, une petite question très pratico-pratique : dans le contexte où on a vraiment beaucoup de postes vacants, de psychologues et de neuropsychologues dans le réseau public, est-ce que vous croyez que nous avons la capacité d'intégrer des psychologues dans nos équipes interdisciplinaires en lien avec le... les... L'aide médicale à mourir et les soins de fin de vie?

Mme Grou (Christine) :Oui. D'abord, juste une petite précision sur le premier élément de votre question, madame Marois. Nous avions argumenté que le trouble neurocognitif faisait partie des troubles mentaux, alors on a bien compris qu'on excluait les autres troubles mentaux.

Mme Bélanger : Excusez. Allez. Excusez-moi. Continuez.

Mme Grou (Christine) :Vous m'entendez bien?

Mme Bélanger : Oui, oui, très bien.

Mme Grou (Christine) : D'accord.

Mme Bélanger : Revenons sur les troubles mentaux, oui.

Mme Grou (Christine) :Non. Donc, ce que je vous expliquais, en fait, c'est qu'il faudrait retourner à notre autre mémoire pour comprendre l'argumentaire. Mais on a bien compris que les autres mentaux n'étaient pas inclus dans ce présent projet de loi, d'accord?

Donc, au regard des... de la composition, oui, moi je pense qu'il y a encore suffisamment de psychologues et de neuropsychologues dans le réseau. Mais, cela dit, mon objectif, c'est d'avoir des GIS qui sont le plus compétents possible pour soutenir les équipes. Et quand je vous nomme les enjeux auxquels on va devoir faire face, je pense qu'il faut peut-être faire une priorité d'avoir des GIS compétents. Alors, j'aurais tendance à dire : d'abord, il en reste assez dans le réseau public, mais, s'il n'y en avait pas, il faudrait certainement les attirer et les retenir. Mais il en reste quand même suffisamment pour qu'on puisse en intégrer, à mon avis, dans tous les GIS.

Mme Bélanger : D'accord. Je vous remercie. Je vais laisser les questions à mes collègues.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci, Mme... Dre Grou. Je passe maintenant la Parole à la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Bonjour, mesdames. Vous avez parlé tantôt que la souffrance psychologique, on peut... bien, enfin, on l'évalue sur plusieurs critères tout en étant objectif, c'est-à-dire en ne... en faisant abstraction de nos propres émotions lorsqu'on est en contact, donc, avec une personne. Cette souffrance, ce... Cette évaluation-là, est-ce qu'elle est, comment dirais-je, est-ce que... est-ce qu'on la personnalise envers chaque patient? C'est-à-dire qu'une personne ayant une souffrance qu'elle va considérer moindre, alors que par... vos critères à vous sont... sont... sont élevés par rapport à sa propre... À ce que la personne, elle ressent. Est-ce qu'on peut, au final, personnaliser ces souffrances-là selon l'état de la personne? Et dans ma question, vous mentionniez tantôt de... Est-ce que c'est juste un psychologue, en fait, qui est capable d'évaluer ces critères-là ou ça peut être l'équipe médicale, ça peut être le médecin traitant ou c'est vraiment uniquement un psychologue slash peut-être un psychiatre qui est en mesure d'évaluer?

• (12 h 40) •

Mme Grou (Christine) :D'abord, loin de moi l'idée de dire que seulement le psychologue peut évaluer la douleur psychologique, mais c'est son expertise, c'est son champ d'expertise.

Ce que je dis, c'est que la douleur psychologique d'une personne qui est devenue inapte et qui ne s'exprime plus nécessairement en mots, c'est extrêmement complexe. Et la façon de le faire, c'est souvent en faisant des observations systématiques dans le milieu, c'est-à-dire il faut être présent et il ne faut pas juste passer de temps en temps à la chambre du patient, il faut être présent pour observer. Il faut observer les manifestations comportementales, les manifestations émotionnelles, il faut les interpréter correctement. Il faut être capable d'aller recueillir aussi de l'information auprès des professionnels soignants et il faut être capable de déterminer est-ce qu'il n'y a pas des éléments contextuels dont, si on les modifie, on va changer justement le cursus de la souffrance. Et, ça, ça s'appelle l'observation systématique. Alors, donc il y a une analyse comportementale à faire, il y a une analyse qui, à mon avis, doit être soutenue par l'expertise pour que les professionnels puissent le faire comme il se doit. Mais surtout, il faut avoir une bonne compréhension des symptômes comportementaux et psychologiques des démences, parce qu'il faut comprendre que quelqu'un qui a un trouble neurodégénératif ne va pas la manifester de la même manière que quelqu'un qui n'en a pas. Alors, parfois, vous savez, avoir un mouvement de retrait, frapper quelqu'un, insulter quelqu'un, crier, c'est une manifestation...

Mme Grou (Christine) :...détresse, mais pas toujours, puis il faut être capable de faire la distinction. Et la seule façon de le faire, c'est d'être capable d'observer et de faire une analyse comportementale. Et c'est là où, je pense, si on veut s'assurer d'avoir des balises de protection qui soutiennent les équipes, bien, l'expertise du psychologue ou du neuropsychologue, parce que des expertises différentes, un sur la douleur psychique, l'autre sur les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence et sur la cognition, l'aptitude, donc ce sont des expertises qui vont vraiment être un facteur de protection, pour moi, et pour les personnes qu'on va administrer et pour les équipes qui auront à le faire.

Mme Schmaltz : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci pour cette réponse. Je vais passer maintenant la parole à la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, Mme la Présidente. Merci d'être avec nous pour qu'on puisse encore éclaircir certaines choses. Et je suis très contente de vous entendre dire que vous êtes en accord avec les bonifications qui ont lieu dans le projet de loi n° 11. J'ai par contre un questionnement. Est-ce que vous considérez qu'un handicap neuromoteur, c'est un trouble mental? Est-ce que c'est un diagnostic du DSM-V? Je cherche juste à comprendre. Vous semblez dire qu'on autorise les troubles mentaux, mais, en fait, ce n'est pas ça, là.

Mme Grou (Christine) :Non, en fait, ce que je dis... Je vais essayer d'être claire. Ce qu'on a dit dans une commission préalable pour le p.l. 38, c'est que le trouble neurocognitif, dans les classifications diagnostiques reconnues internationalement, c'est un trouble mental, c'est classifié dans les troubles mentaux, O.K.? Donc, on a reconnu que le trouble cognitif était un trouble mental et on a exclu les autres troubles mentaux. Donc, c'est un pas significatif pour les demandes anticipées. En ce qui concerne le trouble neuromoteur, là, le trouble neuromoteur, pour moi, c'est un trouble physique, qui n'est pas dans notre champ d'expertise, mais qui, par ailleurs, peut s'accompagner d'un trouble cognitif également. Alors, si vous prenez, par exemple, quelqu'un qui a une maladie de Parkinson ou encore une sclérose en plaques, ou encore ce qu'on appelle la sclérose latérale amyotrophique, c'est-à-dire la maladie de Lou Gehrig, bien, il se peut que ces troubles-là s'accompagnent aussi de troubles cognitifs.

Mme Guillemette : Parfait. Et ça m'amène à vous demander... Bon, dans le projet de loi, on autoriserait les handicapés neuromoteurs. Est-ce que vous... Comment vous voyez ça? Et est-ce que vous pensez qu'en encadrant on encadre trop, justement? Est-ce que, d'après vous, si on enlève un handicap, ça pourrait être plus... moins discriminatoire pour certaines personnes?

Mme Grou (Christine) :En fait, je vous dirais qu'on ne s'est pas penché spécifiquement sur le trouble neuromoteur puisqu'il relève du champ d'expertise médicale.

Mme Guillemette : O.K., parfait. Est-ce que j'ai d'autres collègues qui ont des questions?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui. Donc, c'est terminé pour vous. Je vois la collègue d'Abitibi-Ouest qui aurait une question pour vous.

• (12 h 50) •

Mme Blais : Oui, bonjour, madame. Merci pour votre mémoire. Moi, j'aimerai... Ce qui devient difficile dans une situation comme ça, c'est la souffrance, souffrance psychologique, souffrance physique. Alors, j'aimerais qu'on démystifie cette souffrance-là, parce que pour le personnel, pour les proches, c'est difficile. Est-ce que la souffrance physique engendre une souffrance psychologique, et vice versa? Alors, j'aimerais qu'on puisse démystifier ou donner des outils.

Mme Grou (Christine) :Alors, je vais donner un début de réponse et je vais passer la parole à ma collègue docteure Marleau pour complément, donc, pour m'assurer d'être clair. Il est certain qu'il y a une relation qui est assez connue dans la littérature sur la souffrance physique qui peut engendrer des souffrances psychologiques, c'est-à-dire que quelqu'un, là, qui souffre la majorité du temps et qui vit avec des douleurs, des douleurs chroniques par exemple, ou encore quelques quelques problèmes qui va causer des souffrances, c'est certain qu'il va y avoir des répercussions, donc, sur le psychisme, et on sait qu'il y a une relation entre les deux. Je ne sais pas si c'est ça, le sens de votre question. Et je laisserai la parole à Dr Marleau pour un complément.

Mme Marleau (Isabelle) :Oui, merci. En fait, la souffrance, qu'elle soit physique ou psychologique, c'est profondément subjectif comme concept, et je pense que c'est probablement de là d'où provient aussi votre question et...

Mme Marleau (Isabelle) :...et c'est extrêmement difficile de l'objectiver, donc d'où l'ensemble des mécanismes de protection et d'où l'ensemble des professionnels et des... du tiers de confiance, et de toute l'histoire, de se pencher aussi également sur l'histoire de la personne, qu'il y a un impact sur le sens qu'elle donne à sa vie. Donc, on va toucher à des concepts, là, extrêmement subjectifs et variables d'une personne à l'autre.

Donc, c'est pour ça que c'est difficile de vous donner des balises concrètes ou par rapport à ça. Maintenant, on sait qu'il y a certains thèmes, là, qui vont être abordés pour la souffrance psychique, justement, là, la capacité de donner un sens, la perte de sens, la capacité de vivre selon ses valeurs, bon, etc. Donc, on nage, là, dans ces eaux-là quand on parle de souffrance psychologique ici, et d'où l'ensemble, là, des garde-fous, des facteurs de protection, là, qu'on veut mettre en place.

Mme Grou (Christine) :J'ajouterais que la souffrance psychologique, ce n'est pas quelque chose... c'est quelque chose qui évolue dans le temps, d'où l'importance de bien évaluer les interventions qu'on fait auprès de la personne, leur succès, parce que parfois c'est des succès partiels, et les... Vous savez, quand on fait de l'expertise en psychologie, c'est souvent la question qu'on nous pose : Quels sont les traitements qui ont été effectués? Quelle est votre évaluation de ces traitements-là? Quels seraient les autres traitements qui pourraient être jugés nécessaires puis qu'on pourrait tenter? Donc, c'est là-dessus qu'il faut faire du cas par cas. Et il faut être capable de l'évaluer comme il faut parce que c'est... en fait, ce qu'on essaie, c'est de prendre justement, que ce soit physique ou psychologique, un élément qui est subjectif et de l'objectivité, et c'est possible de l'objectiver. Il faut le faire comme il faut. C'est ça qui va être un facteur de protection.

Mme Blais : Merci beaucoup, mesdames.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si c'est tout du côté de... merci beaucoup, Mme la ministre, merci, Mesdames les députées, je vais me tourner du côté de l'opposition officielle pour une minute... une période de 8 min 24 s. La députée de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

Mme Prass : Merci beaucoup... bienvenue, Mesdames, et merci pour votre participation. Donc, ma première question, ça va être à propos d'une de vos recommandations, à propos du refus qui est proposé dans le projet de loi. Je ne sais pas si, comme moi, vous êtes venues à la même conclusion qu'il y avait une incohérence là-dedans, parce que c'était... dans le cadre des demandes anticipées, bien, on demande que la personne soit apte au moment où ils vont justement faire la demande, mais qu'une fois qu'ils sont jugés inaptes, donc l'aide médicale à mourir va de l'avant, s'ils refusent, donc là, la demande est radiée. Je pense qu'on est un petit peu sur la même longueur d'onde, parce que ce que vous suggérez, c'est plutôt que ça soit radié, de permettre que ça soit suspendu temporairement. Donc, ma...

Une voix : Exactement.

Mme Prass : Je suis assez d'accord avec vous, mais ma question pour vous serait : Par exemple, une personne qui a une démence heureuse, une personne, encore une fois, qui est en situation d'inaptitude, combien de fois est-ce qu'on essaie de les approcher avec le processus d'aide médicale à mourir? Comment est-ce que vous vous voyez ça, comment est-ce ce que vous voyez? Parce que je suis d'accord avec vous qu'un refus de cette personne dans l'état dans lequel ils sont n'est pas un refus lorsqu'ils étaient aptes. Donc, comment est-ce que vous voyez ça? Est-ce qu'on essaie ça à plusieurs reprises? Quel est l'intervalle entre les différents essais? Je voudrais vous entendre davantage là-dessus.

Mme Grou (Christine) : Écoutez, je pense que... On s'entend, la personne a manifesté un désir alors qu'elle était apte, donc, au moment de l'administrer, elle ne l'est plus. Donc, vous avez raison, le refus n'est pas un refus puisque la personne n'est pas apte. Le refus, c'est le pendant du consentement, hein? Alors, si on n'est pas apte à consentir, on n'est pas nécessairement apte à refuser. Mais ce qu'on ne veut pas, c'est voir des scènes horribles où on contraint. Tu sais, on ne veut vraiment pas contraindre à la mort puis on ne veut vraiment pas violenter les gens, même psychologiquement. Donc, les gens qui vont avoir à administrer, on ne veut pas ça. Alors donc, c'est pour ça qu'on recommande d'y surseoir.

Maintenant, dans quel intervalle de temps? Bien, écoutez, je pense que, dans le contexte de l'organisation des soins et services, tu sais, on peut revenir quelques jours après, quand la personne est calme, on peut revenir quelques heures après, on peut revenir... Il n'y a pas nécessairement de délai de temps prescrit, il va falloir se les donner, ces balises-là. Mais il est certain que, quand on revient quelques jours après... Puis, vous savez, des fois, dans un contexte de troubles neurocognitif, qu'ils s'agitent. La raison de l'agitation, on ne la connaît pas toujours, mais on sait que l'agitation oscille avec des moments de calme. Alors, il faut juste être capable d'avoir un contexte de moment de calme, justement, une accalmie, pour ne pas que ce soit...

Mme Grou (Christine) :...considéré comme un refus, mais d'où l'importance d'y surseoir. Je ne pense pas que ce soit nécessaire d'y revenir des mois après. Je pense que quelques jours après, une semaine après, c'est amplement suffisant.

Mme Prass : Et, si jamais, disons, quelques jours plus tard, ça se réessaie, la personne refuse toujours, est-ce qu'il y a un nombre de fois qu'on devrait essayer avant d'abandonner, selon vous?

Mme Grou (Christine) :Bien, encore là, à partir du moment où ce n'est pas l'expression de l'autonomie de la personne, tu sais, je pense que c'est à peu près impossible qu'il n'y ait pas des moments de calme. Et donc d'autant que je pense que ce qui est important aussi, c'est de voir la perception de la famille, du tiers de confiance, de l'équipe de soins qui est au chevet pour voir est-ce que tout le monde a cette même impression de calme, et que, bon, ça serait le temps d'administrer. Mais je ne pense pas qu'il y ait un nombre de fois, tu sais, où on dit : Bien non, après trois fois, si ça ne fonctionne pas... Puis là, je vais vous dire pourquoi je dis ça, parce que j'ai vu tellement de cas où les manifestations des symptômes comportementaux, justement, de la démence faisait en sorte que, quand on les approche, surtout à plusieurs puis avec du matériel clinique, puis qu'on ouvre la lumière, puis bon, et cetera, la personne a un mouvement de recul, puis elle se rebiffe et elle s'agite, c'est-à-dire que les changements dans l'environnement, le changement de pièce pour une personne, ça va générer de l'agitation. Et donc ce serait extrêmement triste de voir qu'en raison de ça, on recule. Alors, je pense que si, justement, on désensibilise cette personne-là à cette agitation, qu'on change de lieu, qu'on change, des fois, de personnel, qu'on l'approche différemment, à mon avis, il y aura toujours une fenêtre où tout le monde va être confortable. Et et je pense qu'il faut respecter cette volonté. Sinon, c'est-à-dire que, bien, la demande anticipée n'a pas beaucoup de valeur, parce que l'expression des symptômes comportementaux d'agitation, elle est très risquée.

Mme Prass : Dans ce cas-là, pensez-vous que le formulaire que nous attendons de voir ne devrait pas comprendre un élément qui, justement, précise le fait que, même en cas de refus de ma part de la part de la personne en situation inapte, qu'on aille de l'avant, ou que le tiers de confiance qui est désigné puisse avoir, justement, ce pouvoir-là d'accepter au nom de la personne, une fois qu'ils sont inaptes?

Mme Grou (Christine) :Je peux vous dire que c'est un énorme poids de s'en remettre au tiers de confiance seulement, c'est un énorme poids. Je ne suis pas certaine... Je n'ai pas réfléchi là-dessus sur le plan de l'éthique clinique, mais je ne suis pas certaine que c'est un facteur de protection pour la personne qui a fait la demande, mais de prévoir, à la limite, si je manifeste un refus... Il va falloir expliquer à la personne qu'un refus, ça pourrait ne pas être un vrai refus. Tu sais, il va falloir expliquer à la personne ce que c'est que l'inaptitude, et c'est ça, rationnel de la demande anticipée. Donc, à partir du moment où on admet que l'inaptitude rend la personne incapable de prendre une décision éclairée, bien, on l'admet autant pour sa façon de consentir que pour sa façon de refuser, mais on ne veut pas contraindre, on ne veut pas que l'action soit perçue comme étant violente. Ça serait traumatisant pour tout le monde de toute façon.

Mme Prass : Là, je voudrais élaborer sur l'idée du formulaire parce, que vous le soulevez à un moment donné, et, justement, comme j'ai dit, je pense que, là, vous amenez des aspects intéressants qu'on n'aurait pas... on n'a pas entendus jusqu'à présent sur toutes les questions, justement, psychologiques. Donc, est-ce qu'il y a des éléments, par exemple, que vous pensez serait nécessaire d'être inclus dans le formulaire pour s'assurer que la personne a vraiment fait le tour des éléments?

Mme Grou (Christine) :On a eu des discussions extrêmement intéressantes sur cette question-là. Puis c'est pour ça qu'on est content du changement de vocable, justement, dans le projet de loi n° 11, c'est parce que c'est impossible, au moment où je vous parle, pour moi, qui connaît bien les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, qui connaît bien les troubles cognitifs dégénératifs, c'est impossible pour moi de savoir si, au moment où je serai rendu là, je souffrirai de ce que je pense que je souffrirais maintenant. Autrement dit, je vais essayer de traduire ça d'une façon plus claire, je ne serai plus la même personne à ce moment-là, je n'aurai plus la même vision, je n'aurai plus la même réflexion, je n'aurai plus les mêmes éléments qui me font souffrir. Si au moment où je vous parle, il me fait souffrir de penser que je ne reconnaîtrais plus mes enfants et il me fait souffrir puis c'est une profonde atteinte à ma dignité de penser que je serai incontinente, je n'ai aucune idée de la façon dont je vais évoluer dans le trouble neurocognitif et de la façon dont j'en souffrirai à ce moment-là. C'est pour ça que, dans le fond, on a un peu pelleté par en avant. Mais c'est un facteur de protection, l'évaluation, l'objectivation de la souffrance. Et c'est....

Mme Grou (Christine) :...essentiel de le faire puis ça va être essentiel de le faire comme il faut. Alors, même si on demandait à la personne d'élaborer, puis, croyez-moi, quand on essaie d'élaborer tous les scénarios, moi, je pourrais vous dire aujourd'hui : Si je suis accidentée puis je perds l'usage de mes jambes, moi, qui est une grande marcheuse, je ne suis pas certaine que je vais vouloir vivre, mais je peux absolument vous assurer qu'il y a des bonnes chances que, dans deux ans, trois ans après la réadaptation, j'aie retrouvé un sens à ma vie. Mais je ne le sais pas au moment où j'ai cet accident. C'est la même chose pour les troubles neurocognitifs. C'est très difficile de savoir comment la personne va s'adapter et il vaut mieux ne pas tenter de tout prévoir parce qu'on le prévoit avec le cerveau qu'on a maintenant dans la connaissance qu'on a maintenant. Mais on n'a pas une connaissance de nous dans ce qu'on sera à ce moment-là.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dre Grou, c'est tout ce que nous avions comme temps pour cette portion d'échange. Je me tourne maintenant du côté de la députée de Sherbrooke pour une période de deux minutes 48 secondes.

Mme Labrie : Merci. Donc, ça va être assez court comme échange. Vous nous avez expliqué avec éloquence pourquoi vous auriez votre pertinence à prendre plus de place dans les groupes interdisciplinaires de soutien. Je vous ai entendus. Est-ce que ce que vous nous demandez, c'est de détailler dans la loi la composition de ces groupes interdisciplinaires? Parce qu'en ce moment, la composition, elle n'est pas prévue dans la loi puis, vous l'avez nommé, il y a quand même une grande variété de composition sur le territoire. Donc, tu sais, pour la Commission sur les soins de fin de vie, si on veut vous y ajouter, ça prendrait un changement législatif, mais pour les groupes interdisciplinaires... est-ce que c'est ce que vous nous demandez ou vous demandez plutôt un changement de pratique sur le terrain?

Mme Grou (Christine) :Bien, en fait, moi, je demande... en fait, le plus grand facteur de protection, c'est justement de le déterminer. Parce que vous savez, des groupes interdisciplinaires qui sont à géométrie variable, c'est des groupes qui ont une expertise variable. Alors, moi, je pense que ce serait... d'abord ce serait équitable pour l'ensemble des gens de la population. Mais surtout, ça serait un facteur de protection, de dire : Bien, écoutez, il faut que tous ces groupes aient différentes expertises puis il faut se pencher justement sur les expertises dont on a besoin et faire en sorte que ces gens-là soient disponibles. Je pense que ça serait un facteur de protection.

Mme Labrie : Si je vous comprends bien, ça serait un facteur de protection de détailler, dans la loi, la composition de ces groupes-là pour assurer une certaine... peut-être pas une uniformité, mais disons quelque chose qui s'en approche, là, sur le territoire.

Mme Grou (Christine) :Oui, c'est-à-dire... puis je pense que, vous savez, on fait appel pour l'évaluation de l'inaptitude dans les cas complexes, systématiquement, au neuropsychologue. Je pense que... Mais il ne faudrait pas risquer que, s'il n'y en a pas, on n'y pense pas. C'est-à-dire que je pense qu'étant donné les nouveaux enjeux dont j'ai fait mention tantôt, il va falloir intégrer cette expertise-là dans les groupes interdisciplinaires. Alors oui, on recommande fortement que ce soit écrit dans la loi.

Mme Labrie : Merci, c'est bien clair.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup Mme la députée. Alors, pour le dernier bloc d'échange, je m'adresse à la députée de Laviolette-Saint-Maurice pour une période de deux minutes 48 secondes.

Mme Tardif : Ça va être très court. Premièrement, merci beaucoup, mesdames, merci pour votre travail aussi. J'en profite pour remercier l'ensemble des psychologues et des neuropsychologues du Québec. Je pense que vous avez du travail, on le voit, les listes d'attente sont longues, les gens ont besoin de vous. Donc, merci.

Ce que je retiens, entre autres parce que votre rapport est assez étoffé, mais j'entends bien que, lors d'un refus, après une acceptation, bien entendu, il serait plus avisé de surseoir la décision plutôt que de l'annuler. Donc, ça, c'est un point très important que vous apportez et vous nous soulignez aussi l'importance, entre autres, pour les cas, les comportements, les cas plus complexes, et on comprendra que c'est assez complexe, là, quand on joue dans les émotions et dans le cerveau des gens, l'importance que les psychologues ou les neuropsychologues soient présents sur le comité interdisciplinaire, c'est bien ça?

• (13 heures) •

Mme Grou (Christine) :Exact.

Mme Tardif : Parfait. Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, c'est ce qui conclut cette séance, Mesdames, merci énormément de ce que vous apportez comme éclairage à la commission.

Et, pour nous, les membres de la commission, nous allons ajourner jusqu'à 14 heures. Je vous souhaite une bonne fin de journée, mesdames.

(Suspension de la séance à 13 h 01)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 05)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des relations avec les citoyens va reprendre ses travaux.

Je vais en profiter pour rappeler le mandat. Nous poursuivons donc les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi numéro 11, loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d'autres dispositions législatives.

Donc, de... L'ordre du jour de cet après-midi, nous allons recevoir dans un premier... premier Temps M. Luc Bisaillon, une personne qui est atteinte de la sclérose latérale amyotrophique. Nous allons également recevoir l'Association des médecins psychiatres du Québec ainsi que la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Donc, nous allons débuter avec Monsieur Luc Bisaillon. Bonjour, Monsieur Bisaillon.

M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Vous allez me permettre de vous remercier d'être avec nous aujourd'hui. Donc, je vais vous laisser dans quelques secondes la parole pour une période de 10 minutes pour exposer votre point de vue sur le projet de loi ainsi que, bien évidemment, de vous... de vous...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : ...à nous les parlementaires. Par la suite, va s'ensuivre une période de discussion. Alors, la parole est à vous, M. Bisaillon.

M. Bisaillon (Luc) : Bonjour, à vous tous! Je me présente encore, je m'appelle Luc Bisaillon. Je suis atteint de la sclérose latérale amyotrophique. Je ne fais partie d'aucune association. Moi, depuis trois ans que j'ai commencé à avoir les symptômes, depuis deux ans et demi qu'on me l'a diagnostiqué. Puis il faut comprendre, c'est que je suis un travailleur autonome, je travaillais entre 40 et 60 heures par semaine, j'avais un commerce. Et depuis deux ans, bien, je suis à la maison parce que mes poumons sont affaissés, puis mon bras gauche ainsi que ma main gauche, mon bras gauche au complet est affaissé. Vous savez quand on a arrêté de travailler du jour au lendemain, là, pour quelqu'un de 54 ans, là, c'est assez... c'est assez, c'est assez difficile. Donc, ça devient... C'est très dur pour mes... je deviens un fardeau pour mes proches. Cette maladie nous enferme dans notre... dans mon corps tout en laissant le... mon cerveau actif. C'est ce qui est le plus dur dans la maladie parce que mon cerveau est toujours là, mais le corps n'est plus là. Je... C'est une une prison, là, je suis pris dans mon corps puis c'est évident que je ne peux pas aller faire de la marche, je ne peux pas... je n'ai pas assez de... je ne suis plus capable de prendre de marches, donc je suis limité à ma maison puis je peux marcher de ma fenêtre à ma chambre, là. Bien, subir ça, bien, il faut comprendre qu'il y a des idées suicidaires qui sont venues puis qui viennent bousculer, là, à tous les jours, là. Tu sais, là, du jour au lendemain, là, tu te retrouves chez toi, là. Puis vous savez, mes amis, ils ont mon âge, les gens... les gens qui ne travaillent pas à mon âge, il n'y en a pas, ce qui fait qu'à un moment donné, j'ai eu des moments de... suicidaires parce que mon bras droit commence... ça s'en va... la maladie s'en va dans mon bras droit, donc, pensant me suicider, j'avais déjà fait mon scénario. Puis, à un moment donné, j'ai un travailleur social qui est venu à la maison qui vient du CLSC puis, écoute, je lui ai dit que mes... ce que je voulais faire, de quelle façon c'était pour la faire, puis là ils ont comme pesé sur un piton, puis je peux vous dire que le lendemain, j'avais une infirmière en... spécialiste en aide médicale à mourir, puis elle m'a tout expliqué, là, les fonctions, comment ça va fonctionner. Là, elle m'a offert d'appeler un médecin ou qu'un médecin m'appelle, spécialiste, qui fait justement l'aide médicale à mourir, puis je me souviens que c'était un mardi... bien, le mardi après-midi, le médecin m'a rappelé, puis il m'a rassuré, puis il m'a expliqué que la SLA était... Vous savez, l'aide médicale à mourir, c'est comme... c'est un consensus de médecins... Puis elle m'a dit que la SLA était vraiment comme considérée, ça fait qu'elle m'a dit : Peu importe votre condition, M. Bisaillon, on va vous la... on va vous la donner.

• (16 h 10) •

Donc, il n'y a aucun remède pour soigner cette maladie-là. Tout ce que j'ai, moi, actuellement, c'est une... c'est des médicaments qui vont... qui prolongent ma vie, donc, entre trois et six mois, en autant que je décide d'aller jusqu'au bout. Donc, je ne peux plus rien faire depuis deux ans, là, c'est... Ma vie actuellement consiste à rester à la maison puis à regarder la télévision. J'attends... à tous les jours, j'attends après ma mort. Tu sais, c'est difficile, la maladie, dans mon cas, elle est lente, ça fait que ce qui fait que... bien, j'attends, j'attends, le temps tourne, le temps tourne, puis j'attends que la bibitte, elle me mange. Vous savez, je n'ai plus aucun défi, sauf celui de dire aux gens à l'alentour de moi que je les aime, faire des câlins. Les gens que je rencontre, je sors beaucoup de positif, c'est... Là, je vous ai enlevé un masque, là, il y a bien des gens qui ne sont pas au courant de ce que je vous parle là parce que je ne laisse pas... je ne montre pas aux gens que je suis là, là.

J'ai fait une campagne de... pas de sensibilisation pour ramasser des sous, puis prochainement... ça fait que ça m'aide à me garder occupé autrement de ça, là. Moi, la vie, je n'en ai rien à cirer. Je vous le dis, c'est comme Le jour de la marmotte, que je me lève le lundi, le mercredi, le samedi, qu'il neige, qu'il pleuve, moi, ça ne change rien. Puis, vous savez, je remercie ma femme, je remercie mes proches, les gens qui s'occupent de moi à chaque jour. Tu sais, moi, j'ai une entreprise, j'ai un commerce, puis ma femme, elle continue de le gérer, c'est un commerce qu'on a construit ensemble. Donc, moi, je suis tout seul à la maison. Vous savez, je marche encore, mais j'ai une main qui est semi-fonctionnelle puis j'ai...

M. Bisaillon (Luc) : ...j'ai mon... mon Bipap qui me tient, c'est une machine qui remplace mes poumons, que pendant peut-être 10 h par jour, 8 h, je dors avec, puis 2 h l'après-midi.

Vous savez, là, ce qui est important, dans la vie, là, c'est de partir dans la dignité. Moi, des menteries puis des mensonges, là, je n'en ai plus à conter. La vérité, là, c'est moi. Ce que je vous dis aujourd'hui, là, c'est vraiment ce que je ressens.

Autre chose aussi. Vous savez, on a... on a des gens... Moi, je... On parle souvent de... de... des hôpitaux, puis tout ça. Moi, dans mon cas, je n'ai rien, absolument rien à dire. Je ne veux pas faire de politique, là, mais j'ai eu des médecins, j'ai la... la clinique Neuro, dont M... M. Massie est directeur, là, c'est vraiment des... c'est... bien, c'est de l'or en barre, c'est... tu sais, ils sont toujours là pour nous autres, les ergos, les physios, les... Tout le monde est là. La même chose pour mon... mon CLSC local de Vaudreuil-Dorion, ils sont toujours là, les ergos, les physios, les TS, tout le monde est là. Je les appelle, ils me répondent, ils viennent ici. Donc...

Puis, dernière chose, bien, je voudrais remercier madame Picard. Vous savez, Mme Picard, je l'ai rencontrée, moi, il y a un an. Puis, quand qu'on a la maladie comme la mienne, on a... je ne sais pas si ce n'est pas un sixième sens ou un autre oeil, là, mais on voit des choses que les gens ne voient pas. Puis, moi, cette dame-là, là, moi, je l'ai sentie vraie. Donc, c'est certain que, si je serais là, je lui aurais fait un câlin. Mais vous pouvez être... tous être fiers, parce que je sis que vous travaillez avec elle, quand vous la voyez, là, vous ne pouvez pas lui faire un câlin, évidemment, mais dites-vous que cette personne est une personne vraie. Puis, ça, c'est ce que moi j'ai ressenti. Ça fait que, regardez-la puis regardez-la d'un oeil différent comme moi, je la regarde parce que, moi, j'ai senti que c'était une... vraiment une bonne personne.

Donc, j'ai... je pense, j'ai pas mal fini. J'ai fait le tour de pas mal des choses.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, monsieur Bisaillon. Bien, la députée de, de Soulanges est ici avec nous. D'ailleurs, je suis certaine qu'elle va avoir quelques petites questions à vous poser. Merci pour le courage que vous déployez aujourd'hui pour nous parler. Ça va nous éclairer énormément. Alors je vais laisser maintenant la parole, le... les droits de parole à mes... à mes collègues. Je vais commencer par la ministre qui va certainement vous poser plusieurs questions, ainsi qu'on va faire le tour ensuite de tous les groupes parlementaires. Mais on débute avec Mme la ministre. La parole est à vous.

Mme Bélanger : Oui. Bonjour, bonjour, Monsieur Bisaillon. Un grand merci d'être avec nous aujourd'hui. Je pense que votre témoignage va nous aider à mieux faire notre travail pour bien... en fait, parce qu'on veut bien comprendre la situation des personnes qui, comme vous, malheureusement, avez vit une maladie qui est une maladie incurable et qui est extrêmement difficile.

Vous avez parlé tantôt, vous avez dit : Pour moi, je n'ai plus de cachettes à faire, je veux que l'on se dise les choses. Puis vous avez dit : Pour moi, ce qui est important, c'est vraiment de partir dans la dignité. J'aimerais ça vous entendre là-dessus, si vous permettez, là. J'ai l'impression de rentrer dans votre intimité, là, puis je m'en excuse, mais ça va nous permettre de mieux comprendre.

M. Bisaillon (Luc) : Partir dans la dignité, là, c'est... c'est que les gens respectent mes choix. C'est que les gens... Vous savez, ça fait un an que je le sais que ma maladie est là. La Journée que je vais décider de partir, je vais tout avoir parlé, tous les gens alentour de moi, puis ils vont tous être au courant. C'est certain qu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord, il y en a d'autres qui vont être d'accord, mais c'est mon choix à moi puis ça reste à moi. Je ne sais pas si ça répond à votre question?

Mme Bélanger : Oui, oui. Puis peut-être aussi, c'est votre... C'est le choix de la personne, et puis je pense que c'est important. Puis c'est aussi ce qu'on a prévu dans... dans le projet de loi. On parle ici d'autodétermination, de... de capacité de pouvoir choisir pour soi-même, puis vous le traduisez...

(Interruption) Excusez-moi, là... différemment. J'aimerais ça vous entendre, quand vous dites : c'est mon choix, est-ce que... quel est le rôle de vos proches par rapport à votre décision? Comment vous voyez ça, le rôle, soit d'un conjoint, conjointe ou autre proche?

M. Bisaillon (Luc) : Moi, ce que j'ai fait, là, j'ai tout réglé, tous mes problèmes. Ça fait quand même 2 ans, 3 ans que je suis... Ça fait que j'ai tout réglé mes problèmes d'assurance, de funérailles. J'ai... vous savez, ma femme, je sais qu'elle est heureuse, mes assurances, mon garçon, il va bien, il a pris ma place au magasin. Ça fait que, des interrogations, j'en... j'ai tout comme réglé, vous voyez. Je n'ai pas de petits-enfants, ça, c'est une chose. Peut-être que je... parce que les autres personnes qui ont la SLA, que j'ai vues, elles ont souvent des petits-enfants...

M. Bisaillon (Luc) : ...et eux vont jusqu'au bout dans la maladie. Moi, je n'en ai pas. Pas que... mais comprenez-vous? Ça fait que je n'ai rien qui m'attache à la vie. Oui, ma femme, oui, mon garçon, mais en sachant que tout est beau puis tout est correct. J'ai une maison... tu sais. Je regarde en arrière, moi, toute ma vie, je l'ai toute checkée, ma vie, là, j'ai fait le... puis je n'ai rien... je suis heureux de ce que j'ai fait, je suis content de ce que j'ai fait. Je ne peux pas rien changer au passé, O.K.? Donc, qu'est-ce qui me reste? Quand je me lève le matin ou l'après-midi puis je suis assis dans mon divan, là, c'est quoi je fais? La vie, elle n'a plus rien à m'apporter.

Je ne peux pas aller... Je veux dire, peut-être... Bien, on en a fait un, voyage, au mois de novembre, mais, tu sais, sur le moment, tu as des bons moments, mais les bons moments ne compenseront pas pour les mauvais, je ne sais pas si vous comprenez? On fait un souper de deux heures, c'est le fun, c'est... Mais après ça, le lendemain, c'est un autre lendemain, c'est un autre jour de la marmotte pour moi, là. C'est un autre jour que j'attends que la maladie mange. Combien de temps que ça va prendre pour qu'elle m'amène au bout? Pas c'est un supplice, mais, comme je vous dis, je pourrais acheter le temps. Je ne peux pas en acheter, de temps. Je suis obligé d'attendre, je suis obligé d'attendre, puis j'attends pour qui? J'attends parce que, le temps que je suis là, ma femme est heureuse. Puis moi, je suis malheureux de regarder ma femme, là, aller pelleter, là, trois fois la semaine passée dans... Moi, là, je faisais tout ça, là. Je ne fais plus rien.

Tu sais, en plus de la maladie, bien, ça fait mal de voir les gens alentour de vous, là, s'occuper de toi, là. Comme je vous dis, moi, ça fait trois ans, là. Moi, ma limite, je ne sais pas quand elle va aller, mais elle n'est pas loin, là, je peux vous dire. Mais, par contre, comme je vous dis, je fais des oeuvres de charité, ça fait que ça, ça me tient. Parler avec vous autres, ça m'aide, tu sais, ça peut... Ça fait que c'est comme ça que je compense un peu.

Une voix : ...

Mme Bélanger : Peut-être, juste pour continuer, je vais y aller avec une dernière question, puis je vais laisser, là, mes collègues par la suite, mais tantôt vous nous avez dit ça fait deux ans et demi, trois ans que vous avez eu le diagnostic. Puis j'imagine, c'est tout un choc, recevoir un diagnostic comme ça. Puis comment vous avez réagi quand vous avez vu, là... Ça fait quand même quelques mois, là, qu'on parle de la loi sur les soins de fin de vie, de l'aide médicale à mourir. Il y a eu une loi qui a été adoptée en 2015. Il y a eu une commission par la suite. Il y a eu des personnes, même, qui sont présentes ici, qui ont participé à une commission spéciale sur les soins de fin de vie. On voyait passer ça, là, dans les journaux, dans les médias. Comment vous réagissez, là, par rapport au fait qu'on a déposé un projet de loi qui nous permet d'aller... d'ouvrir davantage les critères pour l'accès, d'améliorer l'accès à l'aide médicale à mourir? Comment vous percevez ça?

M. Bisaillon (Luc) : En parlant de moi ou ce que je vois à travers de tout le monde?

Mme Bélanger : De façon générale. Allez-y comme vous comprenez la question.

M. Bisaillon (Luc) : Bien, la première idée qui me vient en tête, c'est l'Alzheimer, tu sais, puis je me dis, tu sais, la personne qui est Alzheimer ne peut pas la demander, câliboire, parce qu'elle n'est plus là. Ça fait que mettons que... Puis, écoutez, j'y ai pensé parce que je me suis dit : Il y a quelqu'un qui va me la poser, la question. Mettons que j'aurais l'Alzheimer, là, moi, ce que je ferais... puis j'ai écouté la madame, l'année dernière, qui en a parlé, là, à votre commission, moi, ce que je ferais, c'est que je demanderais probablement à ma femme... Moi, ce que je voudrais, c'est que, la journée que je ne reconnais plus ma femme, j'aimerais avoir l'aide médicale à mourir. Évidemment que ma femme serait là, parce que je lui demanderais de la demander, mais peut-être qu'elle, elle ne voudrait pas le faire ou les autres personnes alentour ne seraient pas... ne voudraient pas. Mais c'est là qu'il y a de l'importance d'en parler. Comme moi, j'en parle ouvertement à ma famille.

Puis je mettrais peut-être un médecin à travers de ça, parce que le médecin, il va peut-être dire à ma femme : Aïe... Parce qu'elle ne voudrait peut-être pas me laisser partir, mais le médecin va dire : Aïe! Il a demandé ça, ça fait que là, il ne te reconnaît plus, comprends-tu? Ça fait que, tu sais, je sais que c'est vague, là, ce que je vous dis là, mais, moi, c'est comme ça que je vois un petit peu la situation. Je ne sais pas si ça répond à votre question, là.

Mme Bélanger : Oui, c'est très clair. Merci beaucoup, monsieur Bisaillon.

M. Bisaillon (Luc) : Ça fait plaisir.

• (16 h 20) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, M. Bisaillon. On va poursuivre avec la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci beaucoup, M. Bisaillon, d'être avec nous cet après-midi. J'apprécie vraiment beaucoup notre échange. Vous avez parlé en tout début que vous aviez eu une période suicidaire, où vous aviez un plan, là, tout était clair dans votre tête. Bon, il y a une équipe qui est arrivée. On vous a parlé d'aide médicale à mourir, on vous a expliqué qu'est-ce qu'il en était. Le fait que vous ayez accès à ce soin-là, est-ce que ça vous a apaisé?

M. Bisaillon (Luc) : Bien oui. Bien, certain.

Mme Guillemette : Puis ça fait qu'aujourd'hui vous êtes avec nous.

M. Bisaillon (Luc) : Bien oui, bien oui, parce que, vous savez, moi, le suicide, depuis le début de ma vie, j'y pense. Sauf qu'à un moment donné, j'ai été à ma clinique puis je me suis fait tester. Au mois d'août, j'avais testé, mettons...

M. Bisaillon (Luc) : ...zéro avec ma main gauche, puis j'avais testé 45. Après ça, je suis retourné, au mois de novembre, là, il me restait juste 27 de force dans ma main droite. Ça fait que, là, je me suis rendu compte : si je perds ma main droite, je peux plus me suicider, là, ça va me quelqu'un. J'ai dit : Il n'y a pas personne qui va m'aider à me suicider. C'est là que j'ai pris... Le lundi matin, j'ai appelé mon TS, il est venu. Là, lui, il surfait, il n'était pas trop sûr, mais le lendemain, après ça... Puis là, c'est là que j'ai appris que j'aurais droit à l'aide médicale. Ça, ça apaise, ça t'enlève... parce que, c'est ça, quand on a une maladie, on a plusieurs questions, on a toujours un questionnement. Comme je vous expliquais, là, on essaie de régler tout, puis ça... là, c'est réglé dans ma tête à moi, ce qui fait que j'ai encore moins de choses à penser.

Mme Guillemette : Et la situation fait que vous êtes encore avec nous. Vous choisirez le bon moment pour vous, qui peut être dans trois mois, dans six mois, dans un an, le plus tard possible, on le souhaite, pour vous et votre famille, mais cet aspect-là fait en sorte que ça vous a apaisé puis ça vous a enlevé ces idées-là.

M. Bisaillon (Luc) : Énormément. Le poids... Bien, moi, j'avais pensé d'aller en Suisse ou en Norvège, là.

Mme Guillemette : Parfait. Merci beaucoup.

M. Bisaillon (Luc) : ...qu'il l'avait au Québec. Ça fait plaisir.

Mme Guillemette : Merci d'être avec nous.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Maintenant, je vais laisser la parole à la députée de Soulanges, que vous connaissez bien.

Mme Picard : Bonjour, M. Bisaillon. Ça va bien?

M. Bisaillon (Luc) : Bonjour. Ça va bien. Vous?

Mme Picard : Merci. Vous me faites rougir. Je ne m'attendais pas à ça, mais, bon, je vais quand même faire un... je vais rentrer dans le professionnel, si vous me permettez bien. J'aimerais savoir, selon vous, le formulaire, admettons que vous avez à faire une demande anticipée, vous avez peut-être perdre l'aptitude éventuellement, dans votre formulaire, qu'est-ce que vous aimeriez? Comment vous le voyez, ce formulaire-là? Est-ce que vous voyez des cases? Est-ce que vous voyez plein de lignes pour vraiment écrire, décrire les souffrances que vous pourriez avoir? Est-ce que c'est... Comment vous, vous pourriez vous projeter dans certaines souffrances, où est votre limite? J'ai posé plein de questions, mais je vous laisse aller.

M. Bisaillon (Luc) : Dans mon cas à moi, ma limite, moi, j'ai vu quelqu'un qui a la SLA puis qui a perdu ses deux bras, ce qui fait... Généralement, c'est les bras, c'est les jambes, ça va partout, mais j'ai vu quelqu'un avec les deux bras affaissés qui ne peut pas manger. Tu sais, il s'est assis, sa femme lui a sorti une gourde, puis le monsieur, il se promène, puis... Moi, ma limite... je n'irai pas jusque là. Moi, de toute façon, je ne vois pas en couches, ça, c'est sûr. Au départ, j'avais dit que je n'irais pas dans un fauteuil roulant, mais j'ai pensé que ma jambe gauche... puis, tu sais, je me suis donné de l'espoir, mais quand j'ai vu ma main droite, c'est là que j'ai pensé au suicide, parce que... Ça fait que, oui, vous dites des cases. Moi, ça serait... je cocherais, en tout cas, dans mon cas à moi, bien, la perte d'autonomie du bras droit, bye bye, là. D'Abel. Là, les gens alentour de nous autres, là, sont... Tu sais, tu te fais habiller, tu te fais déshabiller, tu te fais laver, tu te fais... Non, non, non.  Ça, c'est une souffrance, là, c'est vraiment une souffrance de voir les gens alentour de toi, là, c'est... Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Picard : Oui, merci.

M. Bisaillon (Luc) : Vous êtes sûre?

Mme Picard : Bien oui. J'en ai d'autres. J'en ai d'autres. Dans la loi, on parle d'un tiers de confiance, donc d'une personne que vous allez pouvoir sélectionner, peu importe, ça pourra être votre conjointe, votre enfant ou quelqu'un complètement de l'externe, le travailleur social peut-être, ou même le neurologue, là, que je crois que vous avez une belle relation avec lui. En fait, le tiers de confiance va pouvoir lever le drapeau au moment où il pense que c'est le bon moment que vous avez décrit pour avoir l'aide médicale à mourir. Comment on peut enlever le plus possible de poids à cette personne-là, qui a une lourde tâche? C'est sûr que, quand c'est une conjointe ou un enfant, les émotions embarquent un peu. Selon vous, ça serait quoi la meilleure transition pour les aider dans le processus? Je sais que vous, en tant que patient, vous aidez à ce que les autres autour de vous soient paisibles, aussi, à travers votre décision. Ça ne doit pas être facile. Mais je veux savoir, c'est ça, comment on pourrait faire en sorte qu'il y ait moins de poids sur leurs épaules.

M. Bisaillon (Luc) : C'est certain que, si tu prends ta conjointe, tu ne veux pas la laisser partir, tu sais, tu veux la... puis ça, c'est normal. Je pense que c'est tout à fait normal, parce que... Écoute, comme moi, ma femme, elle m'a dit : Tu es mon amour de ma vie. Tu sais, ça fait 40 ans qu'on est ensemble. Ça fait que c'est sûr que, peut-être, me voir partir... C'est pour ça que je me dis qu'en mettant un médecin dans ça, tu vas pouvoir aider, parce que c'est sûr que mon garçon puis mes amis vont en vouloir à ma femme, si elle lève le drapeau, puis elle dit : Aïe! C'est ce qu'il voulait...

M. Bisaillon (Luc) : ...ça fait qu'à quelque part, en matière de médecin, qu'il va peut-être ouvrir les yeux, puis là je parle encore, peut-être, de quelqu'un qui est... en tout cas, mais il va aider la personne parce que c'est sûr que perdre... puis tout le monde va en vouloir à ma femme. Par contre, moi, j'en parle, ce qui fait que... J'en parle alentour puis je lui dis que je suis malheureux. Tu sais, à un moment donné, la journée que je vais peser sur le piton, bien, je vais peser sur le piton, ça fait que... Mais, si je ne parlerais pas, mes yeux parleraient probablement beaucoup, là. Puis, si je n'aurais pas de conscience, bien, j'espère qu'il me ferait partir. Tu sais, comme on disait, bien, c'est de partir dans la dignité. Bien, moi, si je ne voudrais pas... Si je dis : Bien, je ne reconnais pas ma femme, bien, c'est ça, c'est là que je veux aller puis je ne veux pas aller plus loin que ça. Puis les gens, puis les médecins, puis tous les gens d'alentour doivent le savoir.

Mme Picard : Merci beaucoup, monsieur. D'ailleurs, j'ai d'autres collègues qui veulent poser des questions, donc je vais vous partager. Merci.

M. Bisaillon (Luc) : Ça me fait plaisir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. J'ai la députée de Laporte qui a levé sa main.

M. Poulin : ...Bonjour, Monsieur Bisaillon.

M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.

M. Poulin : Merci beaucoup pour votre témoignage, votre courage, je le salue. J'avais une question concernant le refus. Vous êtes bien entouré, vous avez mentionné que votre choix... Mon choix à moi et ça reste à moi. En cas de refus, quel est... Comment vous pouvez nous... Bon, dans le projet de loi, c'est mentionner qu'un seul refus, c'est radié, la demande, elle est radiée. Vous, votre opinion par rapport à cet enjeu-là quel est-il?

M. Bisaillon (Luc) : Vous voulez dire que si j'ai un refus?

M. Poulin : Par rapport à vous, vous changez d'idée, là. Je le vois que vous ne changerez pas d'idée, là, mais par rapport à d'autres personnes. Dans le P.L.11... mentionne que, juste après un refus, la demande est radiée. Vous, votre opinion par rapport à ça, par rapport à vos gens qui vivent la même affaire, comment vous entrevoyez ce texte-là, cette demande-là... ce refus-là, pardon, une seule fois? Est-ce que vous pensez que quelqu'un pourrait revenir? Est-ce qu'il pourrait avoir une deuxième, troisième demande d'aide médicale à mourir sans qu'il y ait un refus catégorique après une seule fois?

M. Bisaillon (Luc) : Écoutez, moi, je trouve qu'un refus, ce n'est pas assez. Je veux dire, les gens, il y a... je veux dire, il y a juste les fous qui ne change pas d'idée, là, mais ça se peut qu'à un moment donné tu aies un questionnement ou que tu aies une bulle dans ton processus, ça se peut que tu as encore un questionnement. Puis je pense que, si tu as encore quelque chose qui ne fonctionne pas puis tu refuses, probablement qu'il que tu ailles régler ça, puis tu pourras revenir. Comprenez-vous? Tu sais, là, toutes les questions, je les ai toutes réglées, toutes mes affaires, je les ai toutes réglées. Mais que je parte, là, je ne l'aurai plus, le questionnement. Puis je pense que la personne qui va peut-être avoir un refus, c'est peut-être parce qu'elle a encore quelque chose, il y a encore une question ou il y a encore quelque chose de pas réglé.

Donc, j'ai laissé... qu'il y avait une loi que je ne savais même pas, une chance, parce que je trouve que ce n'est pas assez. Je trouve que ce n'est pas assez parce que... Écoutez, comme je vous le dis, là, tu sais, on est des humains, puis il n'y a pas personne qui ne change pas d'idée, tu sais. Puis d'y donner l'espérance de, puis que, là, elle n'aie plus le droit, bien, je trouve ça un petit peu... excusez, là, mais je trouve ça un petit peu moche.

M. Poulin : O.K. Parfait. Merci beaucoup. Merci.

M. Bisaillon (Luc) : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, Monsieur Bisaillon, un premier bloc d'échange qui est terminé. Je vais me tourner du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis pour un deuxième bloc d'échange d'une durée de 9 min 54 s. La parole est à vous.

• (14 h 30) •

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Monsieur Bisaillon. Merci beaucoup de votre présence avec nous. Merci beaucoup de votre témoignage. Je partage l'avis de mes collègues, votre présence ici est très importante puis je vous remercie d'avoir partagé votre histoire très personnelle. Je veux aussi prendre la balle au bond de la question de ma collègue de Laporte. Dans un cas de refus, puis si on parle d'une demande anticipée, comment voyez-vous le retrait ou le changement d'avis? Parce que, là, je comprends, dans votre situation, ce n'est pas nécessairement une demande anticipée, mais, quand la loi sera adoptée, si des collègues sont en accord avec la mouture actuelle, mais on aura des demandes anticipées qui pourront être faites d'avance. Comment voyez-vous ce processus dans le cas d'une personne qui souhaite changer d'avis?

M. Bisaillon (Luc) : Bien, écoute, on ne peut pas... vous ne pouvez pas... On ne peut pas jouer au yoyo, quand même, là. Il faut vraiment, tu sais... Mais une fois, moi, je ne suis pas d'accord avec ça, une... tu sais, un deuxième avis... bien, la personne qui l'a demandé....


 
 

14 h 30 (version non révisée)

M. Bisaillon (Luc) : ...c'est la personne... qui l'a demandé ou sa proche aidante ou la personne qui est désignée, décide de ne pas lui donner. C'est ça que vous voulez dire?

Mme Maccarone : Ben non, dans le fond, c'est la personne concernée. Exemple dans le cas d'une personne qui a un diagnostic d'Alzheimer précoce. Puis cette personne décide de remplir une demande anticipée, d'avoir l'aide médicale à mourir dans le moment où elle rejoint tous les critères qu'elle aurait identifiés dans sa demande. Mais, entre-temps, cette personne change d'avis, alors elle souhaite retirer sa demande. Comment voyez-vous ce processus? Parce que ça se peut que cette personne sera rendue dans une situation d'inaptitude dans le cas d'Alzheimer, comme vous avez parlé. Comment voyez-vous ce processus d'accompagnement de la personne concernée?

M. Bisaillon (Luc) : Je crois que... tu sais, c'est sûr que je ne suis pas un médecin puis je ne suis pas... je crois que l'intervention justement d'un médecin dans ce cas-là, ou d'un psychologue ou d'un psychiatre pourrait sûrement aider. Vous savez, comme je vous dis, moi, je ne suis pas un médecin, je ne suis pas...  mais...

Mme Maccarone : Puis la raison de ma question, c'est… comme personne concernée, quand une personne qui a fait la demande, c'est une... puis vous avez parlé d'autonomie, de la dignité, de... le respect de votre choix. C'est pour ça que je voulais peut-être vous entendre, mais si vous n'êtes pas à l'aise de répondre, il n'y a pas de malaise.

M. Bisaillon (Luc) : Bien, comme je vous dis, c'est une question qui est assez pointue. Je suis d'accord avec vous, mais...

Mme Maccarone : Bien, j'ai une autre question pour vous.

M. Bisaillon (Luc) : Allez-y.

Mme Maccarone : Quand vous avez parlé de la période où vous avez levé la main pour dire que je suis rendu à un point où le suicide pour moi, c'est rendu à une demande, un besoin. Puis ils vous ont offert l'aide médicale à mourir. On a entendu d'autres groupes qui ont dit que...  Je ne le savais pas, où il y a plein de personnes qui ne seront pas au courant que l'aide médicale à mourir, c'est un soin qui est offert à des personnes qui sont en train de souffrir puis qui sont atteintes des maladies incurables et où on ne peut pas leur aider pour contrôler leur souffrance. La sensibilisation de la population, comment voyez-vous ça? Mais avant de répondre, en ce qui concerne la sensibilisation, pour assurer que tout le monde sont au courant de c'est quoi, leurs droits puis les options. J'espère qu'ils vous ont offert aussi l'aide médicale à vivre jusqu'aux dernières minutes parce que la façon que c'était décrit dans votre témoignage, j'ai eu le choc ou l'impression que c'était rapide. Vous avez levé la main, puis, au lieu de vous offrir autres soins, ils sont venus tout de suite à dire : Ah! Mais voilà, on a quelque chose pour vous.

M. Bisaillon (Luc) : Bien, j'ai quand même eu... Aie, ça fait un an que j'ai eu mon diagnostic, puis évidemment que je ne le savais pas que j'avais le droit à ça. C'est pour ça que je vous dis que mon option, dans mon cerveau, là, c'était de m'en aller en Suisse ou en Norvège ou je ne sais pas quel pays qui le fait, là. Puis à mon grand, écoutez, désespoir de savoir que je suis accepté ici, au Québec, là, mais il faut être prêt pour ça, là, il faut se préparer, là. Je ne peux pas... Je ne pouvais pas faire en claquant des doigts, là, il faut que je fasse un geste réfléchi. Donc la journée que je vais peser sur le piton, moi, là, là, je le sais que je ne reviendrai plus, c'est 10 jours, ça fait qu'il faut que je me convainque, c'est ça qui me prend un an puis qui va me prendre un an et demi, mais c'est sûr que mes journées, c'est très plate, mais il faut que tu veuilles l'avoir, là, tu sais, vous savez, puis encore là, au niveau... je ne le savais même pas que j'avais le droit, puis je suis convaincu qu'il y a un paquet de personnes qui ont ma maladie, qui ne sont même au courant.

Mme Maccarone : Que devons-nous faire pour assurer que la population sont au courant? Parce que vous comprendrez que c'est aussi sensible, on ne veut pas nécessairement aussi encourager la population. Ce n'est pas le but. On espère que c'est vraiment un dernier recours. On souhaite aussi protéger des personnes en situation de vulnérabilité. Alors comment voyez-vous la façon que nous pouvons sensibiliser la population, mais aussi protéger la population en même temps, dans les cas comme le vôtre?

M. Bisaillon (Luc) : Je pense que si nos médecins... pas... je sais que mon médecin, Dr Messier, en tout cas, je lui en ai parlé, puis lui, il n'est pas tellement content de ça, mais peut-être que les médecins pourraient commencer à nous en parler, nous ouvrir, mettons, juste une petite brèche, nous dire : Aie! Peut-être que tu aurais droit à l'aide médicale à mourir. Vous comprenez? Ça fait que ça ouvre... publiciser ça, ce ne serait pas bon, là, parce qu'il y a un paquet de gens qui vont embarquer là-dedans, que ce soient des dépressions, mais, par contre, les médecins qui nous souhaitent... Nous, je ne le sais pas... la sclérose en plaques, ou peu importe la maladie, si eux peuvent ouvrir une porte... ils ne sont pas obligés...

M. Bisaillon (Luc) : ...d'ouvrir complètement, mais... petite parenthèse: si un jour, peut-être... Ça fait que ça te permet... Parce que, tu sais, comme je vous dis, moi, là, là, quand j'ai su ça, là, c'est comme: Ouf! Ça a fait, là... Aïe! Regarde, là, un souci de moins! Parce qu'on a un paquet de problèmes, hein? Mais c'est un souci de moins pour moi.

Mme Maccarone : J'ai une dernière question. Peut-être... j'ai deux, mais je ne sais pas combien de temps qu'il me reste, mais...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Trois minutes.

Mme Maccarone : O.K. On va aller vite. Comment rendre simple et peu coûteuse la demande de formulation d'une demande anticipée ainsi que le retrait? Est-ce que vous avez des suggestions pour ça aussi? Vous avez parlé de votre conjoint, de votre famille, mais... puis la collègue a aussi parlé de la formulation. Comment rendre ça peu coûteux, accessible et facile?

M. Bisaillon (Luc) : Bien, moi, j'ai rencontré une infirmière qui est spécialiste en aide médicale à mourir et à travers elle j'ai appris énormément, puis je suis convaincu que, si elle serait assise avec moi puis elle m'aurait... on aurait pris peut-être ce questionnaire-là, j'aurais été vraiment, vraiment à l'aise, parce que, probablement, je ne suis pas capable de le remplir. Mais elle était tellement... C'était une très bonne madame. Donc, peut-être que je remettrais ça, peut-être, à un groupe de personnes comme ça que, eux, peuvent te diriger puis peuvent t'aider.

Mme Maccarone : Puis vous, est-ce que vous avez été accompagné par un proche, par votre tiers de confiance? Parce qu'on a entendu aussi la recommandation que la personne concernée qui va remplir une demande anticipée devrait être accompagnée par une personne, deux personnes. On a plusieurs avis. Vous, votre recommandation sera quoi?

M. Bisaillon (Luc) : Bien, il me semble que, moi, ils m'ont dit que ça me prenait deux personnes lorsque je vais faire ma demande. Je n'ai pas de problème avec ça, moi, et puis les gens alentour de moi, je n'aurai pas de misère à trouver quelqu'un, non.

Mme Maccarone : Ça... C'est qu'il y a des gens qui sont quand même isolés. Ce n'est pas tout le monde qui a la chance d'avoir une famille autour d'eux, comme vous, et plein d'amis dont... On les salue aussi, parce que, pour eux aussi, ça représente beaucoup de courage, puis vous venez aujourd'hui pour votre témoignage.

J'aurais une dernière question, puis, si c'est trop personnel, pas besoin de répondre. Mais vous avez parlé de vos assurances aussi. C'est une question que... dans le fond, qui a été soulevée par une de mes collègues: Dans le cas où une personne demande d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, qu'arrive-t-il avec vos assurances, assurances-vie, etc.? Est-ce que vous pouvez parler un peu de votre cas?

M. Bisaillon (Luc) : Moi, on m'a diagnostiqué le jeudi que j'avais la SLA. Le lundi matin, j'ai fait venir mon agent d'assurance et je lui ai demandé: Écoute... comment qu'étaient mes assurances. Il m'a répondu que les 30 premiers jours, j'avais le droit de... je n'avais pas le droit de me suicider, mais après ça j'étais correct. Donc, je sais que mes assurances sont bonnes, et j'ai souscrit, vu que je suis travailleur autonome, à une assurance-invalidité, parce... ce qui me permet aujourd'hui de ne pas me casser la tête sur le niveau monétaire.

Mme Maccarone : Bien, c'est important de démystifier... Il y a plusieurs gens qui se posent la même question: Qu'est-ce qui va arriver pour ma famille dans l'éventualité que je fais une telle demande? Merci. Merci beaucoup.

M. Bisaillon (Luc) : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la députée. Alors, M. Bisaillon, on va poursuivre maintenant avec un... dans un troisième groupe, pour la suite de nos échanges, avec la députée de Sherbrooke, qui va avoir une période de 3 min 18 s avec vous. Allez-y, Mme la députée.

• (14 h 40) •

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Ce qui me frappe le plus, M. Bisaillon, dans votre témoignage, c'est... vous l'avez mentionné plusieurs fois, vous ne connaissiez pas votre droit à l'aide médicale à mourir, vous y aviez accès sans le savoir, puis vous avez, je crois bien comprendre, assez tôt après le diagnostic, réfléchi à la question du suicide, vous avez posé la question à votre assureur dans les jours qui ont suivi le diagnostic. J'étais contente que ma collègue vous pose la question.

Donc, si je comprends bien, pour vous, ce serait vraiment aux professionnels de la santé de parler de la possibilité d'avoir ce soin d'aide médicale à mourir. À quel moment est-ce que ça vous semble approprié de le faire? Parce qu'au moment du diagnostic, est-ce que c'est peut-être un peu tôt? Mais, en même temps, vous, vous étiez déjà en train de poser des questions sur le suicide aussi rapidement que dans les jours qui ont suivi le diagnostic. Comment on fait pour trouver l'équilibre entre informer les gens de leurs droits, parce qu'ils doivent absolument les connaître, mais en même temps ne pas donner l'impression de les pousser vers cette option-là?

M. Bisaillon (Luc) : Bien, vous savez, le médecin, c'est lui qui le voit, hein? Ça fait que, tu sais, à un moment donné, il sait comment est-ce que tu vois, puis, si ça ne va pas ou si ça va bien, il voit ta condition, il peut poser des questions, il peut... Tu sais, comme je vous dis, ce n'est pas de lui dire: Tu as le droit à l'aide médicale à mourir, mais juste ouvrir peut-être une petite porte puis dire: Aïe! Si jamais tu veux y penser, c'est peut-être une option. Comprenez-vous? Sans ouvrir la porte grande. Puis, comme moi...

M. Bisaillon (Luc) : ...Si je l'aurais su, bien, c'est certain que je me serais renseigné. Puis là, ça a pris quasiment...

Mme Labrie : Mais votre médecin ne vous l'a pas dit, si j'ai bien compris, votre médecin ne vous l'a pas dit.

M. Bisaillon (Luc) : Non. Non.

Mme Labrie : Puis même, il vous envoyait des signaux qui n'étaient pas nécessairement en faveur de ça, si j'ai compris votre réaction, tout à l'heure.

M. Bisaillon (Luc) : Oui. Parce que quand je l'ai su, que je pouvais l'obtenir, on m'a dit : il faut... Il faut que tu avises un autre médecin. Puis, quand je lui en ai parlé, bien, j'ai vu qu'il était comme froid à l'idée, ça fait que... ça fait que ce n'est pas tous les médecins qui sont capables d'en parler, tu sais. Mon... mon... moi, mon propre médecin, là, il est rendu à... à sa pension. Lui, je lui en ai parlé, puis lui, il m'a dit que, lui, il n'en faisait pas. Ça fait que j'ai compris que ce n'est pas tout le monde. Bien, à la base, la médecine, si vous partez les jeunes à 21, 22 ans, puis vous commencez à les... À les... les préparer à ça, leur dire : Écoutez, là, c'est pour offrir une... une Chance aux gens qui sont quand même malades d'une telle ou telle ou telle maladie, de commencer à en parler tranquillement, bien, c'est... ce n'est pas pour faire une grosse publicité dans les plaques... pleine page, là, mais peut-être les gens qui sont nés ont l'Alzheimer, peut être les gens qui ont sclérose en plaques, les gens qui sont... qui ont l'Alzheimer, peut-être les gens qui ont la sclérose en plaques, les gens qui sont comme moi. Là, je ne sais pas les autres maladies, là, mais, tu sais. Puis là, je vois... Avez-vous une autre question? Parce que, moi, je suis parti, là.

Mme Labrie : Allez-y, continuez, continuez, je vous écoute.

M. Bisaillon (Luc) : tu sais, quelqu'un qui a le cancer, ce n'est pas comme moi, là. Moi, je suis jaloux de quelqu'un qui a le cancer, là, parce qu'ils peuvent s'accrocher à quelque chose. Tu sais, ils peuvent s'accrocher à des chimios, ils peuvent s'accrocher à... Tu sais, là, ils... Mais moi, là, je n'ai rien, rien, rien. Ce que je fais aujourd'hui, là, je ne le fais pas pour moi, là je le fais pour ceux en arrière, ceux qui s'en viennent en arrière de moi. Parce que, moi, c'est foutu, là, ils ne trouveront rien, là. Ça fait que je travaille pour le prochain, puis ça me fait plaisir de le faire. Comme je vous dis, je le fais pour, tu sais, c'est... 4000 personnes. Puis, ça, c'est une autre chose, là. Il faut... un être humain, il cherche à comprendre, essayer de comprendre pourquoi j'ai eu cette maladie-là. Moi, pour régler ce problème-là, ce que je me suis dit, c'est qu'il y a 4000 Canadiens qui l'ont, par année, il y a quelqu'un qui a pigé mon numéro. Ça fait que ça... Écoute, il n'y en a pas d'autre, je l'ai tournée, la question, puis je l'ai tournée, la question, il n'y a pas d'autre... Ça fait que, pourquoi j'ai la maladie? Parce qu'il y a quelqu'un qui a pigé mon numéro.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, monsieur Bisaillon. Merci, Mme la députée. Je me dois de... de... de vous dire qu'on va terminer dans quelques minutes, mais il reste un dernier bloc de... de Questions avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice, qui a trois minutes et 18 secondes avec vous.

M. Bisaillon (Luc) : Bonjour.

Mme Tardif : Bonjour, monsieur Bisaillon. Vous pouvez nous appeler à tous les jours, si ça peut prolonger un peu votre sourire, parce que, nous, ça nous fait du bien de vous entendre parler. Mais moi, ce que je vois en vous, c'est une personne extrêmement déterminée. Vous avez été déterminée et vous avez su ce que vous vouliez toute votre vie. Et encore là, vous êtes... Vous gérez, vous gérez votre mort comme vous avez géré votre commerce. C'est... ça fait que, votre force mentale, elle est là, et c'est ce qu'on retient de cette... De cette maladie-là.

Par contre, vous nous confrontez, en tout cas, moi, vous me confrontez, un peu comme votre médecin. Et je lisais la lettre qu'on a eue des... je vous amène sur une pente peut-être glissante, là, mais on a à peu près le même âge, donc qu'on a été élevés avec un sens de la vie qui est un sens de la vie profonde. Et on a reçu ce matin l'avis des évêques du Québec. Et comme on s'y attendait, comme je m'y attendais, c'est évident que, peu importe la religion, ça ne fait pas partie d'une religion, d'accepter de laisser... de... de... De partir avant, avant les souffrances, avant d'avoir gagné le ciel. Comment vous vivez, comment quelqu'un comme vous, avec la force que vous avez, comment votre relation avec... Parce que vous vous êtes posé des questions, là, ce n'est pas juste une décision rationnelle. Il y a... il y a quelque chose après ou il n'y a rien. Mais comment on vit quand on sait qu'on décide le jour qu'on va mourir puis on a toute notre tête?

M. Bisaillon (Luc) : Ce qu'il faut comprendre, là, c'est qu'en avant de moi, il y a un trou, O.K.. Puis moi, moi, je suis sûr de partir. La différence entre vous puis moi, vous, vous pouvez traverser la rue puis vous pouvez vous faire frapper. Moi, je le sais que je vais partir, ça fait que, le trou, il est en avant de moi. Un mois, trois mois, six mois : Qu'est-ce que ça va m'apporter d'attendre six mois? La raison de vivre, là, je n'en ai plus, la... c'est de la souffrance. Ça fait que, que je parte la semaine prochaine ou que je parte dans un mois ou dans six mois, ça ne change rien pour moi. Je n'ai plus... La vie, elle ne m'apporte plus rien.

Je suis d'accord, je suis chrétien, mais au-delà de ça... Puis, vous savez, moi, je le sais, où est-ce que ça mène, cette maladie-là, parce que j'ai... j'ai le... le Mari de ma... de ma cousine est décédé, puis il a été jusqu'au bout. Puis les deux personnes que je connais, là, ils ont envoyé leur femme faire le... faire une commission, puis ils ont enlevé le masque. Ils l'ont fait...

M. Bisaillon (Luc) : ...moi, la seule différence, c'est que je vais décider quand je vais le faire.

Mme Tardif : Est-ce que votre souffrance, M. Bisaillon, aujourd'hui, là, elle est davantage morale, elle est davantage psychologique que physique?

M. Bisaillon (Luc) : C'est un mélange des trois, c'est vraiment un mélange des trois. Tu sais, tout fait en sorte que... Comme je vous disais, tu sais, qu'est-ce qui m'attend demain? Qu'est-ce qui m'attend après-demain? Il n'y a rien. Il n'y a rien qui va faire que je suis heureux, que je ne suis... J'aime la vie, je mords à travers la vie, moi. Comme je vous dis, qu'il neige, qu'il fasse soleil, ça ne change rien pour moi.

Mme Tardif : Vous avez soulevé le point que les gens qui sont en dépression, vous ne conseilleriez pas que ces gens-là aient accès à l'aide médicale à mourir. Parce que j'essaie d'analyser, là, parce qu'on écrit le projet de loi, puis qu'est ce qu'on entre, qu'est ce qu'on n'a pas en fonction des demandes qu'on a, donc c'est très rationnel.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Très rapidement, s'il vous plaît, le temps est écoulé. Très rapidement, s'il vous plaît, monsieur Bisaillon.

M. Bisaillon (Luc) : Maladie mentale, écoutez, je ne suis pas un professionnel, ça fait que, tu sais, je ne peux pas vous dire. Mais moi, je pense qu'une dépression, selon moi, on est capable d'arriver à faire quelque chose, là, avec ça. Je ne pense pas que l'aide médicale... Rendu là, là, c'est vous autres qui allez décider, puis les médecins, là, mais sûrement que... Moi, je ne pense pas.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, monsieur Bisaillon. Écoutez, c'est le temps que nous avions. Il va me rester à vous remercier encore infiniment pour votre contribution à nos travaux. Votre témoignage va fort probablement nous aider beaucoup, beaucoup dans les décisions qu'on va prendre.

Alors, pour les parlementaires, je vais suspendre quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 53)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons, pour les prochaines 45 minutes, l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui sont représentés... En fait, je vais vous laisser le soin, mesdames, de vous présenter. Donc, vous allez avoir une période de 10 minutes pour vous présenter, donc, ainsi que pour votre exposé, et nous allons ensuite poursuivre avec les parlementaires qui sont assis autour de la table pour échanger avec vous. Alors, je vous cède la parole.

Mme Gamache (Claire) : Merci beaucoup. Alors, bonjour, les membres de la commission. Je suis docteure, donc, Claire Gamache, présidente de l'Association des médecins psychiatres du Québec, qui est évidemment psychiatre. Et je vous présente Dre Mona Gupta, qui est psychiatre aussi, et qui travaille... On travaille toutes les deux à Montréal et nous sommes toutes les deux professeures à l'Université de Montréal. On remercie énormément les membres de la commission pour l'invitation puis l'opportunité, là, de venir échanger avec vous sur le projet de loi n° 11.

L'AMPQ, dans le fond, l'Association des médecins psychiatres du Québec, est une des 35 associations affiliées à la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui regroupe 1 200 psychiatres. L'association est évidemment un syndicat qui vise, là, les conditions de pratique optimales pour ses membres, mais elle s'intéresse aussi énormément à l'organisation des soins, à l'accès aux services en santé mentale et à l'amélioration de la littératie populationnelle pour les troubles mentaux.

L'AMPQ a été interpellée et s'est impliquée depuis le début de la conversation sur l'aide médicale à mourir, et Dre Gupta a été très présente, là, dans ces discussions-là depuis 2020. Entre autres, l'AMPQ a participé et est intervenue, là, au niveau des consultations du projet de loi C-7, à la présentation de l'énoncé de position du Collège des médecins du Québec, à la présentation du document de réflexion Accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles mentaux à la Commission des soins de fin de vie, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, au Forum national sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, et, finalement, à la commission spéciale, là, en mai 2021.

L'objectif de ces interventions-là de l'AMPQ, c'est évidemment surtout, là, de faire connaître la réalité des personnes atteintes de troubles mentaux, la réalité de leurs proches et des soignants qui soutiennent cette clientèle-là. Le principal objectif est de lutter contre la stigmatisation, en utilisant notre expertise et notre expérience auprès de cette clientèle-là qui est très vulnérable. Notre expérience démontre que les troubles mentaux demeurent méconnus et leurs effets sont souvent mal connus du public. Et on voit beaucoup, dans l'espace public, des gens qui ont des troubles anxieux, des gens qui ont des troubles dépressifs, mais on voit moins des gens desquels on va vous parler aujourd'hui, qu'on suit souvent pendant des décennies, et qui ont tenté de multiples thérapies et de multiples traitements pour leurs problèmes de trouble mental.

La définition du trouble mental, vous en avez une, là, dans notre mémoire qui est de l'Organisation mondiale de la santé, mais un peu pour améliorer notre littératie, c'est donc un trouble qui atteint généralement une ou plusieurs sphères...

Mme Gamache (Claire) : …chez l'individu, la sphère cognitive, donc, en troublant les pensées, la sphère affective, en troublant les émotions, la sphère perceptuelle, en faisant en sorte que parfois on a des hallucinations ou on a des perceptions erronées. Et la sphère comportementale et relationnelle. En général, ces perturbations-là vont survenir dans des périodes dans la vie des gens et ils nécessitent des épisodes de soins. Les origines du trouble mental sont multifactorielles. On parle d'origine biologique, hein, au niveau de certaines chimies, certaines problématiques cérébrales ou hormonales ou autres. On parle d'origine psychologique et on parle d'origine sociale. Et ça appelle des traitements et des approches interdisciplinaires et des approches biopsychosociales. Donc, on est souvent des équipes autour de cette clientèle-là.

Par contre, parfois, le trouble mental s'installe dans la durée, hein? On est moins dans les épisodes de soins, mais on est... ça s'installe de façon chronique et ça répond peu aux interventions reconnues. Au fil de la vie, les capacités relationnelles, cognitives et affectives peuvent se détériorer et affectent de plus en plus les personnes, ce qui finit par donner, là, une très, très grande souffrance au long cours.

Si on revient au projet de loi, donc, il est important de rappeler que le trouble mental suscite des souffrances, à notre avis, équivalentes aux souffrances reliées aux problèmes physiques. Et paradoxalement, fermer définitivement la discussion sur l'aide médicale à mourir, lorsque le trouble mental est le seul trouble évoqué, nous prive à notre avis de discussions cliniques thérapeutiques souvent très positives et porteuses de rétablissement chez nos patients. Il est également important de noter que les personnes ayant un trouble mental n'ont jamais été exclues de la loi québécoise concernant les soins de fin de vie. Puis c'est dans ce contexte que l'AMPQ relève une forme de discrimination, là, de la demande d'AMM à travers l'exclusion des patients dont le trouble mental est le seul trouble évoqué.

Toujours en fonction du projet de loi, évidemment que l'AMPQ ne fait pas la promotion de l'aide médicale à mourir pour les patients atteints de troubles mentaux, mais on trouve ça extrêmement important de reconnaître leur souffrance et leur autonomie. En les excluant systématiquement de l'accès à l'aide médicale à mourir, nous enverrons un message à toute la société que les droits des personnes atteintes de troubles mentaux ne sont pas des acquis, comme pour le reste de la société. À cet égard, comme toute autre personne dans notre société, on considère que les circonstances cliniques doivent déterminer l'admissibilité à l'aide médicale à mourir et nous croyons que les piliers de cet accès sont une meilleure compréhension des troubles mentaux par la population et les élus et qu'on ait des balises claires pour guider les professionnels de la santé sur l'admissibilité de l'aide médicale à mourir.

• (15 heures) •

Au niveau des... tu sais, on revient sur les travaux de la commission spéciale. L'AMPQ a donc participé aux travaux et a analysé certains critères d'admissibilité. On en retient deux importants, là, celui de l'incurabilité de la maladie et celui du déclin irréversible des capacités. L'AMPQ rappelle qu'en dehors du contexte de fin de vie, il est souvent extrêmement difficile, là, puis incertain de prédire le pronostic des maladies, autant physique que de trouble mental. Puis, devant cet enjeu, les psychiatres suggèrent trois critères importants, là, pour évaluer si le trouble mental est incurable et entraîne un déclin irréversible. Le premier critère serait la chronicité du trouble dont je viens de parler. Le deuxième porterait vraiment, sur toutes les tentatives antérieures de traitements et d'interventions pertinentes. Et le troisième critère serait de bien évaluer le refus de traitement. Et on en parle, dans notre mémoire, là, comment on doit... les psychiatres doivent bien évaluer, là, dans quel contexte ces refus-là sont actualisés, là, puis ils sont présents, là, dans le suivi des patients.

On veut vous toucher un mot sur la prévention du suicide, parce que ça fait partie des choses qui ont un peu préoccupé la Commission, là, les questions de distinction entre les idéations suicidaires et une volonté raisonnée d'obtenir l'aide médicale à mourir. Là aussi, on pense qu'il y a un peu de littératie à faire, là, dans la population. Première chose qu'on voudrait vous dire, c'est que le suicide est un phénomène rare et en diminution au Québec. Il y a 20 ans, là, en 1990, on avait 20 suicides sur 100 000 de population, alors que maintenant on est à 12 suicides sur 100 00. Donc on évolue bien en prévention du suicide, il y a...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Gamache (Claire) : ...beaucoup de choses qui ont été faites au Québec. En comparaison, 3 % de la population a des idées suicidaires sérieuses dans la dernière année. Donc, ça fait énormément de gens qui verbalisent des idées suicidaires. Alors, ça vous montre à quel point nous, on travaille avec des idées suicidaires constamment dans notre clinique quotidienne. Et l'autre chose importante à savoir, c'est que la majorité des patients qui complètent un suicide n'ont pas exprimé d'idées suicidaires ni à leurs proches ni à un intervenant ou à un professionnel de la santé, et ils en sont à leur première tentative de suicide. Alors, là aussi, ce qu'on voit dans l'espace public n'est pas nécessairement le quotidien, là, de ce qu'on voit dans notre clinique.

Enfin, un autre mot sur la prévention du suicide. L'évaluation du risque suicidaire sera toujours un défi complexe, à la fois pour les psychiatres que pour tous les professionnels de la santé. Cependant, pour nous, ce n'est pas un défi qui est spécifique aux personnes qui ont un trouble mental seulement. Il y a plein de gens dans la population qui ont des idées suicidaires sans avoir de trouble mental. Et, sur le terrain, les cliniciens doivent faire face aux demandeurs d'aide médicale à mourir qui ont des antécédents de tentatives de suicide. Et même dans le processus de demande d'aide et d'évaluation de la demande d'aide médicale à mourir, parfois il y a des idées suicidaires, et on doit travailler avec ça et s'en occuper comme on le fait quotidiennement dans notre travail.

Le suicide d'une personne témoigne d'un échec collectif à dépister la détresse de cette personne-là, à offrir une aide rapide et adaptée pour répondre à la souffrance de la personne. Et, pour nous, il faut mieux travailler en amont, dépister précocement, intervenir rapidement et collaborer plus efficacement. Et, pour l'Association des psychiatres du Québec, c'est un projet de société à poursuivre sans relâche, la prévention du suicide. Et, pour nous, on est dans des enjeux qui sont complémentaires, mais qui ne font pas partie, là, du même univers, là, de réflexion. On aura des cas à vous présenter, là, mais il y en a... il y a trois cas, dans notre mémoire, là, qu'on vous a préparés.

Alors, notre proposition pour l'encadrement, dans le fond, de l'aide médicale à mourir pour les troubles mentaux, c'est d'utiliser notre expertise psychiatrique. Et souvent des gens vont avoir été suivis, comme on vous dit, là, plusieurs décennies. Alors, c'est clair que les psychiatres vont être présents. Permettre une période d'évaluation prolongée. Alors, on ne parle pas de dépression d'un an ou deux, d'un trouble alimentaire d'un an ou deux, on parle de gens qui ont été suivis très longtemps. Et on propose une coordination provinciale pour assurer l'accès aux traitements, au bon déroulement du processus et une surveillance prospective, là, sur toutes les demandes d'AMM complexes, incluant les demandeurs quand le trouble mental est le seul problème médical évoqué, pour rassurer les cliniciens impliqués et s'assurer qu'on demeure dans les meilleures pratiques.

En conclusion, l'AMPQ croit que les personnes qui ont un trouble mental ne peuvent être considérées comme des citoyens différents sans le droit aux mêmes options en matière de soins de santé. Au Québec, nous pouvons constater notre capacité à évoluer dans ces questions dans un contexte de démocratisation de connaissances et de respect d'autrui. Ce que l'AMPQ propose un peu, c'est : au lieu d'empêcher les gens d'exercer leur droit, c'est qu'on encourage le législateur à construire une structure adéquate pour encadrer les demandes d'aide médicale à mourir lorsque le seul trouble mental est un... le seul problème médical évoqué. Et l'AMPQ va être au rendez-vous pour travailler ces choses-là avec le législateur et les parlementaires.

Alors, je vous remercie de votre attention, et Dre Gupta et moi, on est là et on vous remercie d'avance pour vos questions. Puis on espère qu'avec nos réponses on va pouvoir un peu démystifier toutes les questions de vie et de mort que nous abordons au quotidien avec notre clientèle.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dre Gamache. Un exposé vraiment intéressant. Un bon résumé aussi de votre mémoire. Alors, on va commencer la période d'échange, je vais me tourner du côté de la banquette ministérielle, avec la ministre, qui aura un temps total de 16 minutes 30 secondes. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Bélanger : Oui. Alors, bonjour, Dre Gamache. Bonjour, Dre Gupta. Ça me fait plaisir, là, de vous rencontrer aujourd'hui. Merci pour le mémoire, la clarté aussi de votre exposé. Quelques questions. Je vais débuter moi-même avec quelques questions, puis, par la suite, ne soyez pas surpris, là, mes collègues de ce côté-ci vont poursuivre.

En termes d'acceptabilité sociale dans la population, concernant l'aide médicale à mourir pour les personnes ayant des troubles mentaux, est-ce que vous considérez, selon votre perspective de...

Mme Bélanger : ... psychiatre que notre société au Québec est rendue là.

Mme Gamache (Claire) : Je pense que, puis on en a discuté, là, puis Mona pourra en... Dre Gupta pourra en parler aussi, là, en fait, on pense qu'effectivement la stigmatisation est partout, la stigmatisation est dans les équipes médicales, la stigmatisation est dans la population. On manque de connaissances par rapport aux troubles mentaux, alors effectivement que cette acceptabilité sociale là, il faut la travailler. Mais, en même temps, on est complètement conscient que c'est un travail à faire depuis très longtemps. Ça fait que, oui, il faut le travailler.  Puis peut-être qu'on pourra parler d'acceptabilité sociale pour les troubles neurocognitifs, parce que cette acceptabilité sociale là a l'air très, très importante, mais en même temps, c'est vrai que ça risque aussi d'être des enjeux éthiques importants, éventuellement, là.

Mme Bélanger : Oui, tout à fait. Est-ce que... Bien, vous avez dit tantôt, là, que votre association regroupait plus de 1 000 psychiatres. Est-ce qu'il y a un consensus parmi les membres de votre association?

Mme Gamache (Claire) : En fait, un peu comme les médecins à l'époque où on a ouvert l'AMM au Québec, on a une faible majorité des membres qui sont favorables à l'aide médicale à mourir pour les patients dont le trouble mental est la seule raison invoquée, puis il y en a quelques-uns qui sont plus réticents. Mais, dans l'ensemble, là, on a fait un sondage il y a quelques années, là, qui montrait qu'il y avait vraiment une ouverture, mais non, le consensus, je pense qu'on n'y arrivera jamais, un peu comme au niveau médical pour l'aide médicale à mourir en général, là.

Mme Bélanger : Oui, O.K. Et puis ce n'est pas une question piège, là, que je vous pose, parce que, bon, vous savez que c'est une question très importante, une décision qu'on doit prendre, puis on a un devoir de prudence. Et ce qu'on voit beaucoup dans l'évolution de l'aide médicale à mourir, au Québec, depuis 2012, là, que c'est un sujet très important qui a été... Bien avant nous tous autour de la table, là, ce sujet-là était discuté avec plusieurs groupes. Il y a eu toute une évolution au Québec. D'ailleurs, on a été quand même précurseurs avec la Loi sur les soins de fin de vie, avant même le reste des autres provinces canadiennes, là. Et donc on est dans une perspective d'assurer l'accessibilité. Puis c'est pour ça que le projet de loi que nous avons actuellement, que nous examinons, vise à améliorer l'accessibilité, puis surtout à ne pas discriminer. Puis je suis à la même place que vous, dans le fond, quand on regarde les critères qui sont prévus dans la loi, que ce soit l'autodétermination, la capacité de consentir, le fait de la maladie incurable, le caractère irréversible de la maladie, les souffrances physiques, psychologiques, et cetera. Donc je pense que ces éléments-là, ils sont très importants.

La question du consensus, parmi un cadre professionnel, ce n'est jamais 100 %, là, puis on le sait, puis même par rapport aux médecins aussi qui pratiquent l'aide médicale à mourir. Actuellement, il y a à peu près 1 400 médecins qui pratiquent l'aide médicale à mourir. Puis c'est correct, parce que ça demande... ce n'est pas juste un acte, ça demande de se spécialiser, d'une certaine façon, si je peux prendre ce terme-là, puis de bien comprendre, là, de bien travailler dans une équipe inter.

Moi, j'aimerais vous entendre sur les usagers. Est-ce que vous avez eu l'occasion, parmi soit des colloques, des symposiums ou des focus groups, de discuter de l'aide médicale à mourir avec vos patients, pas nécessairement vos patients à vous, là, mais avec des patients qui ont un trouble mental?

• (15 h 10) •

Mme Gamache (Claire) : Je peux peut-être vous laisser répondre, Dre Gupta, à cette question-là, ou... Vas-y donc, tu as l'air...

Mme Gupta (Mona) : Oui, oui, merci beaucoup pour la question. Oui, j'ai eu l'occasion d'entendre les patients parler dans les médias, il y en a qui donnaient des témoignages aux journalistes, mais j'ai aussi discuté avec mes propres patients. Et. Même ceux qui sont très souffrants, ce n'est pas qu'ils veulent aller chercher l'AMM, mais ils veulent savoir que c'est une option, si, éventuellement, ils se rendent là. Puis, comme tout le monde, personne ne veut se faire dire quoi faire. Donc, ils veulent avoir les mêmes options que tout le monde. C'est un peu ça, le message que j'entends régulièrement des patients. Bien sûr, ils sont également préoccupés avec un accès approprié dans le temps à des services de qualité. Mais je pense que les groupes, ce que j'ai compris, ce que j'ai entendu, ils comprennent...

Mme Gupta (Mona) : ...la distinction. Avoir l'option de l'AMM n'égale pas : on ne veut plus investir dans les services. Si on veut plus de services, il faut investir dans les services, et c'est compris. Et il n'y a rien qui exclut un investissement dans les services, juste parce que l'AMM est une option pour un petit pourcentage des patients qui sont vraiment au bout d'un parcours d'une maladie.

Mme Bélanger : O.K., c'est intéressant. J'aimerais vous amener sur la demande anticipée, parce que, dans notre projet de loi, il est aussi question de demande anticipée, c'est-à-dire de prendre une décision aujourd'hui, au moment où je n'aurai plus l'aptitude pour décider d'obtenir l'ultime soin, là, de l'aide médicale à mourir. Comment l'aide médicale... Comment la demande anticipée peut s'exercer dans un contexte d'une personne qui a un trouble mental, qui peut avoir des épisodes aigus ou de stabilité? En voyant un petit peu, il y a un niveau de complexité, là, à ce niveau-là, ce n'est pas simple. Peut-être que vous y avez réfléchi ou non, mais... Parce que la loi prévoit la demande contemporaine d'aide médicale à mourir, la façon la plus simple de l'expliquer : quelqu'un a un cancer, il sait qu'il a trois mois, six mois de pronostic, puis il va demander l'aide médicale à mourir, puis il va même choisir une date, éventuellement, avec ses proches, avec un médecin, mais il y a aussi la demande anticipée qui est intégrée dans notre projet de loi. Et puis là ça amène un niveau de complexité aussi. Et on le voit pour le handicap neuromoteur, notamment, mais comment on adresse ça en lien avec le trouble mental?

Mme Gamache (Claire) : Je peux peut-être laisser Mona répondre ensuite, là, mais, à notre avis, Mme la ministre, j'ai l'impression... On a l'impression que ça va être beaucoup moins fréquent. En fait, ça risque d'être très peu fréquent pour les patients qui ont un trouble mental, les demandes anticipées, hein? Je vous donnais l'exemple, quand on s'est rencontrés, d'une patiente qui a eu trois épisodes dépressifs très sévères, qui a eu trois fois des électrochocs, qui a passé six mois à l'hôpital, qui pourrait, après ces épisodes-là, dire à sa famille : Moi, je n'ai pas envie de revivre un quatrième épisode, une quatrième hospitalisation de six mois en psychiatrie, mais ça risque d'être l'exception.

À mon avis, on va avoir des gens qui sont vraiment en fin de course, de gros problèmes psychiatriques, un peu comme les cas qu'on vous a présentés dans notre mémoire, là qui sont vraiment dans une souffrance, il y a une fatigue de vivre extrême, qui n'arrive plus, là, à composer avec le quotidien. Donc, on a l'impression que nos patients qui vont demander de l'AMM ressemblent plus à ce qu'on voit actuellement sur le terrain, alors qu'on pense que la grosse nouveauté, ça va être pour les troubles neurocognitifs avec les demandes médicales anticipées.

Mme Bélanger : O.K. Je vous remercie.

Mme Gamache (Claire) : As-tu quelque chose à ajouter, Mona, là-dessus?

Mme Gupta (Mona) : Bien, je voulais, en fait, revenir sur la question sur l'acceptabilité sociale, si je peux me permettre. Je pense que les citoyens et citoyennes évoluent aussi dans leur réflexion. Et c'est sûr, si on suit les sondages, on voit des résultats variables selon le sondage, mais je pense que le dernier sondage que j'ai vu, qui sortait en février, qui a... ce qui était un sondage pancanadien mais qui avait les résultats par province, démontrait, en fait, que les citoyens, citoyennes du Québec a été favorable à l'idée de l'AMM pour les personnes atteintes de troubles mentaux s'il y avait un cadre approprié. Puis je pense que l'application stricte des critères que vous venez de mentionner, les critères dans la loi actuelle, s'ils sont interprétés et appliqués strictement, c'est ça qui soutient une acceptabilité. C'est les dérives qui inquiètent les gens, mais, si on réussit d'appliquer le cadre comme il faut, je pense que là on voit une acceptabilité parce que la population, en fait, finalement, fait moins une distinction entre les maladies qu'on croit.

Mme Bélanger : Merci. Très éclairant.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci, Mme la ministre. Merci, Dre Gupta. J'ai bien dit votre nom. On va poursuivre nos échanges avec la députée de Vimont.

Mme Schmaltz : Bonjour, mesdames. Quand on... Moi, j'ai l'impression... j'ai toujours eu cette impression, lorsqu'on parlait d'un trouble mental, qu'on pouvait soigner ça au moyen de la médication, que ça soit à court, moyen terme, dépendamment, naturellement, du trouble en question. Là, j'entends les maladies plus cérébrales comme la bipolarité, schizophrénie, et tout ça. Là, je me rends compte, avec les cartes que vous avez exposées...

Mme Schmaltz : ...que ce n'est pas nécessairement vrai, en fait, ma vision des choses. Et puis il y avait la question du dosage aussi. On voit des gens qui sont capables de bien... de bien vivre en société lorsqu'ils sont bien suivis, avec un bon dosage, une thérapie, etc., etc., même si c'est à long terme, parce que l'on comprend qu'il y a des maladies, justement, qui sont... qui... des troubles mentaux, là, qui ne se guérissent pas.

Est-ce qu'on connaît le pourcentage? Parce qu'on parle de cas très isolés. Est-ce qu'on connaît le pourcentage de gens à qui la médication ne fait pas effet pour des raisons inconnues ou peut-être... Je ne sais pas si vous avez des données là-dessus ou une explication, du moins.

Mme Gamache (Claire) : Vas-y, Mona.

Mme Gupta (Mona) : Oui, Bien, en fait, c'est difficile de faire une généralisation parce que chaque trouble est différent et ça prend un traitement différent, donc on ne peut pas faire une généralisation au travers de tous les troubles mentaux, comme on ne peut pas faire une généralisation au travers de tous les troubles physiques, mais on peut dire qu'il y a un pourcentage important des personnes atteintes des troubles mentaux les plus sévères, disons une dépression... troubles dépressifs majeurs sévères, la schizophrénie chronique, le trouble bipolaire, ils n'ont pas une réponse importante aux médicaments. Peut-être, il y a une légère amélioration, mais ce n'est pas une amélioration suffisante pour vivre une qualité de vie qui est acceptable pour eux, qui leur permet de fonctionner bien comme il veut fonctionner. Puis je dirais que ce n'est pas un mystère dans le sens où, pour chaque maladie, il y a un pourcentage... peu importe si c'est mental ou physique, il y a un pourcentage des patients qui, malheureusement, ne répondent pas aux traitements qui existent.

Cela dit, Dre Gamache avait déjà souligné le fait que les médicaments ne sont pas les seuls moyens de traitement. Et c'est très important de faire la distinction entre les symptômes d'une maladie non soulagée et un fonctionnement qui est en détérioration. Et c'est un fait qu'il y a des patients qui sont très symptomatiques, voire ils vont continuer d'avoir les hallucinations ou d'avoir les idées paranoïaques, par exemple, mais qui réussissent d'avoir un niveau de fonctionnement qui leur convient, qui leur permet d'avoir une bonne qualité de vie. Donc, en psychiatrie, on travaille toujours aux deux niveaux. Et la loi, c'est ça la beauté, en fait, de la structure des critères, ça exige une détérioration à ces deux niveaux. Donc, ce n'est pas juste les gens qui ne répondent pas bien aux médicaments, mais quelqu'un qui n'a pas réussi de répondre bien à toutes sortes d'interventions, incluant ceux qui visent le rétablissement.

Mme Schmaltz : J'ai... Est-ce que je peux... une dernière petite question. Par rapport... tantôt vous avez mentionné que c'est rare d'entendre une personne avec un trouble mental peut-être grave de demander l'aide médicale à mourir, alors pourquoi on le... pourquoi vous le proposez, si ce n'est pas une demande? Ou j'ai peut-être mal compris, là, je suis désolé, mais j'ai cette impression que ce n'était pas les... que ça ne venait pas de votre clientèle, non ou...

Mme Gamache (Claire) : Non. En fait, les patients nous en parlent beaucoup, hein, c'est un peu ce que disait Dre Gupta, les patients nous en parlent beaucoup, ils nous disent qu'ils voudraient que ce soit possible pour eux de demander l'AMM. En général, ça fait partie des discussions qu'on peut avoir sur... s'ils demandent l'AMM, c'est qu'il y a vraiment des choses à continuer de travailler avec eux puis à continuer de cheminer vers le rétablissement, mais on ne pense pas qu'il y a une grande proportion de nos patients qui vont être éligibles à l'AMM.

Mme Schmaltz : Mais il y a quand même une demande, ils le formulent, là, ils le formulent véritablement.

Mme Gamache (Claire) : Oh oui. Oui, oui.

• (15 h 20) •

Mme Schmaltz : Ah, d'accord.

Mme Gamache (Claire) : Moi, j'ai une patiente qui l'a demandé il y a quatre ans puis elle n'était pas éligible. Et là, elle attend, là, de voir ce qui va se passer pour la suite, là.

Mme Schmaltz : O.K., merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, mesdames. Merci, Mme la ministre. Alors, mesdames, je me tourne maintenant pour un deuxième bloc d'échanges du côté de la députée de Westmount—Saint-Louis pour une période de 9 min 54 s. La parole est à vous.

Mme Maccarone : Merci. Bienvenue, Dre Gamache. Un plaisir de vous revoir, Dre Gupta. Merci de votre présence, votre mémoire qui est fort clair, et merci aussi de nous emmener à un terrain où vous avez vous-même dit que c'est sensible, c'est difficile. Et vous avez évoqué que... et des collègues aussi, qu'il y a un manque de consensus et peut-être de compréhension en ce qui concerne les troubles mentaux et l'application, dans le fond, ou l'éligibilité des personnes qui souffrent des problèmes de troubles mentaux et à l'aide médicale à mourir. Comme vous le savez, ça ne fait pas actuellement partie de le projet de loi n° 11. Alors, si je saisis bien votre souhait, c'est que vous, vous souhaitez qu'on amende le projet de loi pour ouvrir l'accessibilité à les personnes qui souffrent d'un...

Mme Maccarone : ...d'un problème de trouble mental, puis en conséquence, d'abord, dans un an, par exemple, nous serons conséquents avec le cadre juridique au niveau fédéral.

Mme Gamache (Claire) : On souhaiterait que le cadre juridique soit effectivement harmonisé, hein? Mais ce qu'on propose, c'est surtout que l'on continue la réflexion. On ne voudrait pas une porte fermée complètement. On pense que la littératie et les connaissances doivent évoluer. On ne pense pas que les patients doivent être exclus d'emblée. Donc, on vous propose de continuer cette réflexion-là pour qu'éventuellement, effectivement, le cadre s'harmonise avec le fédéral. On va vraiment travailler. Nous, on est en train de prévoir des séances de discussion, de formation pour nos psychiatres. On va même avoir une journée, là, tous les spécialistes rassemblés, en novembre pour rediscuter de ça, à notre congrès de juin, on va en parler aussi. Donc, on veut vraiment faire partie de la discussion, là, pour que tous nos membres et le corps médical au complet discutent de cette problématique-là pour avancer et pour faire cheminer le consensus social.

Mme Maccarone : Mais je vous félicite parce que vous avez évoqué des termes qu'on utilise régulièrement ici, en commission parlementaire, l'autodétermination, la stigmatisation, la discrimination, puis je sais que ce n'est pas facile. Et merci aussi de nous rappeler qu'il faut renforcer toutes les mesures en service de prévention de suicide. Parce que l'aide médicale à mourir devrait être une demande de dernier recours, évidemment.

Mme Gamache (Claire) : Absolument.

Mme Maccarone : Selon vous, si, mettons, la loi a été ouverte aujourd'hui, puis merci pour les balises puis les critères que vous offrez, que vous avez partagés avec nous, comment pouvons-nous aussi éviter les interprétations autonomes sur le terrain? Malgré vos balises, ça reste que ça peut être interprété différemment d'un médecin à l'autre. Comment voyez-vous l'application? Si nous n'avons pas des définitions claires, par exemple parce que troubles mentaux, c'est large. Alors, votre avis là-dessus.

Mme Gupta (Mona) : Oui, si je peux me permettre, je vais partager avec vous le fait qu'il y a un travail qui est presque terminé sur un modèle de normes de pratique qui peut être utilisé par les régulateurs médicaux et les régulateurs en soins infirmiers pour les praticiens... infirmières praticiennes éventuellement. Et ce modèle de normes, comme vous le savez, une norme, c'est obligatoire, donc ça offre un cadre des définitions qui s'appliquent à tous les cas complexes, incluant les cas des personnes atteintes de troubles mentaux, comme seul problème médical invoqué, qui vont être des exigences pour des praticiens.

Donc, ça, c'est le moyen le plus important, le plus central dans l'harmonisation de la pratique entre les cliniciens. Puis le Québec a participé dans le développement, dans la révision de cette proposition de modèle de normes, et puis ça va être aux régulateurs du Québec de décider comment il veut intégrer ces éléments dans leur propre guide pratique. Mais je peux dire aussi que le CMQ, particulièrement avec ses partenaires, l'OIIQ, etc., ont joué un rôle très important dans l'harmonisation des pratiques au Québec avec le guide pratique. Donc, je pense que ça, c'est un instrument essentiel pour atteindre le but que vous avez mentionné.

Mme Maccarone : ...posé des très bonnes questions en ce qui concerne l'application de la demande anticipée avec une personne qui souffre d'un problème de santé mentale ou un trouble mental. Comment voyez-vous le rôle du tiers de confiance en ce qui concerne cette application? Parce qu'on sait que c'est un enjeu très sensible, on a entendu plusieurs points de vue, mais, dans le cas d'une personne qui souffre d'un problème de santé mentale, c'est peut être plus, encore plus compliqué. C'est qui qui devrait déclencher ce processus selon vous? Quel est le rôle de cette personne? Puis est-ce que ça devrait être un proche, un membre de la famille ou est-ce que, dans le cas d'une personne qui souffre d'un problème de santé mentale, ça devrait être obligatoirement, par exemple, un membre d'un corps professionnel de la santé?

Mme Gamache (Claire) : Peux-tu répondre, Mona.

Mme Gupta (Mona) : Honnêtement, je... Personnellement, dans ma pratique, je n'ai pas vu quelqu'un qui pourrait être admissible pour une demande anticipée dans le sens où c'est très rare, les patients qui ne vont jamais regagner leur aptitude. Donc, je pense que nous, en psychiatrie, on vise toujours pas juste à attendre le retour d'aptitude, mais de faciliter l'aptitude pour que...

Mme Gupta (Mona) : ...décisions peuvent être prises par la personne lui-même et c'est ça qu'on soutient ici, l'idée de quelqu'un qui demande dans la pleine autonomie. Donc, je pense que cette mesure s'applique plus ou moins aux troubles psychiatriques, ce dont on parle aujourd'hui.

Mme Gamache (Claire) : Je pense la même chose que... nos patients vont redevenir aptes. Puis c'est dans ces moments-là qu'on va discuter vraiment d'aide médicale à mourir.

Mme Maccarone : Merci. Ma collègue, elle aurait des questions.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, je passe la parole à la députée de D'Arcy-McGee pour trois minutes 30.

Mme Prass : Merci. Merci de votre présence aujourd'hui. Moi, j'ai une question. Je sais que vous représentez les médecins en psychiatrie, mais vous avez évoqué le suicide. Donc je vais vous poser une question un peu plus générale en termes de santé mentale.

On vient d'avoir une personne qui vient de témoigner de leur propre situation. Une personne qui a reçu un diagnostic neuromoteur grave, incurable. Et donc ces personnes-là, avant qu'ils ne sachent qu'ils avaient... qu'ils pouvaient se prévaloir de l'aide médicale à mourir, ils ont songé se suicider, justement. Et c'est une travailleuse sociale qui a discuté avec eux pour leur laisser savoir qu'il y avait d'autres options, et cetera. Donc, pensez-vous, deux questions, que lors d'un diagnostic d'une maladie terminale, que cette personne-là devrait avoir recours à un aide en santé mentale pour vraiment évaluer la situation et la façon dont ils vont aller de l'avant. Et également quand... avant qu'ils fassent... au moment qu'ils vont faire soit leur demande ou leur demande anticipée, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir, justement, encore une fois, au recours à un psychologue, un psychiatre, pour bien évaluer leur état d'esprit avant qu'ils peuvent aller de l'avant?

Mme Gamache (Claire) : Je ne pense pas qu'on a besoin d'un psychologue ou d'un psychiatre, mais je pense qu'effectivement d'avoir un intervenant psychosocial avec lequel on peut discuter quand on a un diagnostic, là, de maladie très grave, c'est tout à fait indiqué, là, on sait que des gens qui ont des diagnostics très sévères, là, au niveau médical vont avoir souvent des périodes d'extrême détresse, là, dans les premiers mois après les diagnostics. Donc, ça fait partie des choses, là, qu'on voit couramment.

Et, vous avez raison, on a un rapport du coroner, là, de... il y a deux, trois ans, d'un homme qui s'est pendu dans sa grange parce qu'il était en train... il avait une sclérose en plaques qui évoluait beaucoup. Puis il a voulu parler d'aide médicale à mourir avec son médecin, puis son médecin n'a pas beaucoup reçu la demande ou ne l'a pas beaucoup entendu. Alors, devant ça, ce monsieur-là, envahi de détresse... Mais il aurait dû rencontrer probablement rapidement quelqu'un pour vraiment discuter, là, de pourquoi il demandait l'AMM à son médecin puis dans quel contexte il pensait qu'il pourrait avoir recours à ça. Mais devant l'incompréhension, il a décidé rapidement, là, de poser un geste suicidaire.

Ça fait que les enjeux suicidaires doivent être questionnés extrêmement régulièrement, hein? Puis, en médecine, de plus en plus, on apprend aussi au médecin ou à tous les intervenants, là, qu'ils travaillent en oncologie, par exemple ou en diabète, de questionner sur la détresse psychologique puis sur les idées suicidaires. C'est des petites questions, là, très simples et ça fait partie, effectivement, des choses à mettre en place quand on pose des diagnostics de maladie très importante. Puis nous, ça fait partie des discussions qu'on a avec nos patients. Quand ils nous parlent de détresse importante, on va pouvoir discuter de toutes les options. L'aide médicale à mourir fera partie des options, mais c'est clair qu'on va continuer de traiter le suicidalité de tous nos patients tout le temps, comme on le fait maintenant.

• (15 h 30) •

Mme Gupta (Mona) : Mais si je peux ajouter quelque chose, je pense que votre question souligne très bien l'importance de ne pas se dépêcher dans une situation aiguë. Il faut prendre le temps, pour bien comprendre la situation, puis aussi laisser le temps passer... et laisser les personnes s'adaptent à leur situation. Et souvent, dans la discussion par rapport les maladies mentales, les gens vont évoquer l'idée... ah! Les personnes vont se présenter en crise, puis avoir accès à l'AMM, mais non, en fait, tout comme une personne qui vient de recevoir un diagnostic sévère en médecine, on ne va pas agir quand c'est une situation aiguë... C'est au contraire, comme vous avez mentionné, qu'on a besoin de soutenir la personne pour favoriser l'adaptation le mieux qu'on peut. Après ça, quand ça devient un souhait chronique au travers des années, là, on commence... on devrait avoir un esprit ouvert à la vision que la personne peut avoir sur sa propre vie, mais pas dans une situation aiguë.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, docteure. Merci beaucoup, mesdames. On va poursuivre nos échanges avec la députée de Sherbrooke pour une période de trois minutes 18 secondes. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous pour votre engagement à faire évoluer le consensus social là-dessus. Je ne le sens pas encore, mais je pense comme vous qu'on doit continuer d'y réfléchir collectivement pour...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Labrie : ...pas question des troubles mentaux, vous avez donné des... vous avez mentionné des données sur le suicide, qui est en diminution, dans votre présentation. Puis vous avez... vous venez de donner un exemple précis, là, de personne qui a mis fin à ses jours parce qu'elle n'avait pas accès à l'aide médicale à mourir, ou, en tout cas, elle ne savait pas qu'elle aurait pu y avoir accès, en réponse à ma collègue. Puis le témoignage précédent faisait aussi état de situations de personnes qui avaient mis fin à leurs jours d'une autre manière, disons, qu'avec l'aide médicale à mourir, dans des circonstances moins douces pour les proches, je vais dire ça comme ça. Est-ce que vous savez si ça a été documenté, étudié, l'impact de l'accès de l'accès à l'aide médicale à mourir, parce qu'il y a quand même plusieurs milliers de personnes par année qui y ont un recours, sur l'évolution du taux de suicide au Québec? Est-ce que ça a été mis en relation?

Mme Gupta (Mona) : Je dirai que... Excusez-moi. Claire, est-ce que...

Mme Gamache (Claire) : Vas-y, vas-y.

Mme Gupta (Mona) : Oui, c'est une question très, très difficile à répondre, en fait. Il y a des études, plutôt des études en Europe, par rapport... parce qu'ils ont plus d'années d'expérience avec l'euthanasie. Donc, ils ont plus un fil de temps pour comparer le changement dans les taux. Mais c'est une question qui est très, très difficile à étudier, parce que les facteurs qui affectent le taux de suicide sont tellement énormes, c'est... d'isoler juste l'arrivée de la pratique légale de l'euthanasie comme un facteur qui affecte le suicide, c'est très, très difficile. Je dirais que, pour le moment, on ne sait pas. Ça serait peut-être la réponse le plus honnête. Je pense que si vous allez demander, les chercheurs qui étudient ça, chacun va vous donner une interprétation différente des données. Mais il semble... si on regarde d'un dans la trajectoire du temps, mettons, au Canada, la collecte des chiffres sur le taux de suicide, on voit que ça n'a pas beaucoup changé depuis le début de la collecte de chiffres. On parle de 100 années, en fait. Donc, ça veut dire que l'arrivée... avec l'AMM, si on est rendu à 11 ou 12 pour 100 000, ça n'a pas beaucoup changé non plus.

Mme Labrie : Est-ce que cette collecte de données là, sur le suicide, des années passées était assez raffinée dans le détail pour connaître le contexte des situations de suicide puis pouvoir aller identifier, par exemple, les contextes où on parle d'une personne qui avait une maladie pour laquelle maintenant on aura accès?

Mme Gupta (Mona) : Vous mettez vos doigts sur une des questions les plus difficiles dans ce domaine de recherche. Souvent, c'est difficile de même savoir si un acte était un suicide. Donc, on doit toujours questionner, en fait, des chiffres de suicide, s'ils rattrapent vraiment les suicides, s'ils sont trop bas, s'ils sont trop grands, parce qu'il y a beaucoup de morts qui se passent, mais on ne sait pas exactement c'était quoi, l'implication de la personne elle-même dans l'acte ou dans la mort. Donc, je pense qu'il y a toujours... c'est pour ça ce domaine de recherche est difficile, en fait.

Mme Gamache (Claire) : Comme les chiffres sont très petits, c'est très difficile aussi de faire des grandes conclusions. En gros, la conclusion au Québec, c'est qu'on a fait une campagne très, très, très large pour outiller les intervenants psychosociaux partout au Québec, là, avec l'Association québécoise en prévention du suicide, et ça, il semble que ça a vraiment eu un impact pour... parce qu'on a beaucoup plus parlé de suicide dans les bureaux, partout, là. On a ouvert, puis on a dit : Là, il faut qu'on en parle puis on a donné des outils pour comment en parler aux gens. Et ça, il semble que ça a eu un impact important.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci docteure Gamache. Le temps est épuisé pour cet autre bloc. On termine avec un bloc de 3 min 18 s avec la députée de Laviolette-Saint-Maurice. La parole est à vous.

Mme Tardif : Merci. Bonjour, mesdames. Merci. Donc, par rapport au projet de loi qu'on étudie présentement le projet de loi n° 11, vous savez, et vous l'avez mentionné, on a les critères de maladie grave, incurable, un déclin avancé, irréversible. Et ce que je comprends de ce que vous nous présentez, c'est qu'il y a des maladies mentales qui ont ces caractéristiques-là aussi. Donc là, je comprends et j'entends bien votre demande d'ouverture, pour l'instant, et non d'inclusion obligatoire, mais d'ouverture, et de poursuivre la réflexion par rapport à ça. Et j'essaie de voir, là, si, éventuellement, dans 1 an, 2 ans, on essaie d'ajouter ça, est-ce qu'il y a beaucoup d'articles de loi qu'on devra changer, mais ça, ça sera autre chose, parce qu'on s'en tient quand même à une restriction qui est aussi obligatoire pour ne pas avoir les dérapages...

Mme Tardif : ...parce qu'un peu pour... comme pour les maladies physiques, on préconise la vie et non la mort. Donc, on s'en va vers quelque chose qui est un choix ultime de fin de vie, mais pour quelqu'un qui... qu'on sait qu'il va mourir, là. Donc, l'harmonisation avec le fédéral devra se faire. Vous allez continuer de votre côté à consulter vos membres. Est-ce que vous suggéreriez qu'il y ait un psychiatre éventuellement, si on ajoute ça dans le projet de loi, dans un autre projet de loi, dans le comité d'évaluation multidisciplinaire?

Mme Gamache (Claire) : Absolument.

Mme Tardif : Absolument, bon.

Mme Gupta (Mona) : Pour des demandes? Pour des demandes, vous voulez dire?

Mme Gamache (Claire) : Absolument, oui, oui, oui.

Mme Tardif : Ça fait beaucoup de monde, oui, parce que c'est quand même... c'est quand même un domaine assez spécifique qui ne peut pas être évalué par n'importe qui.

Mme Gamache (Claire) : Oui, puis comme... Vous avez tout à fait raison. Puis, comme on disait, la stigmatisation est partout, hein? Donc, nos collègues médecins qui... Puis la clientèle qu'on voit, nous... Il y a 3 %, là, des gens dans la société qui ont des problèmes de santé mentale importants, hein, on parle de... Ces gens-là ne vont pas tant que ça voir d'autres médecins que nous, hein? Souvent, ils ne vont pas tant que ça voir leur médecin de famille. Ils ne voient pas d'autres spécialistes. On sait que nos patients meurent 20 ans plus jeunes que les patients... que la population générale pour un paquet de raisons. Alors, effectivement que notre clientèle n'est pas très connue du reste de la population.

Mme Tardif : Et c'est avec vous que le lien de confiance est bâti. Je me permets un petit aparté parce que j'ai un citoyen de Shawinigan qui nous a écrit, il s'appelle Philippe Bégin Garti, et j'aimerais le remercier de son partage par rapport aux gens dans son entourage qui vivent avec la schizophrénie, qui se sont suicidés ou qui ont fait plusieurs tentatives de suicide, et des gens très près de lui. Donc, on entend votre demande aussi qui est la même que la vôtre. On entend sa demande pour nous demander d'explorer la possibilité d'élargir et de continuer à réfléchir à cette ouverture par rapport aux maladies psychosomatiques irréversibles.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. Mesdames Docteure Gamache, Docteure Gupta, merci infiniment pour l'apport à nos travaux. C'était fort intéressant. Ça va certainement nous aider à cheminer davantage. Alors, je vous souhaite une bonne fin de journée.

Et je vais suspendre les travaux pour quelques instants, le temps de recevoir le prochain groupe. Merci.

Mme Gamache (Claire) : Merci beaucoup de ces échanges.

Mme Gupta (Mona) : Merci à vous.

Mme Gamache (Claire) : Bonne suite.

Mme Gupta (Mona) : Au revoir.

(Suspension de la séance à 15 h 39)

(Reprise à 15 h 42)

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Nous recevons comme groupe maintenant la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Nous avons trois représentants. Je vais leur laisser le soin de se présenter. Alors, madame, messieurs, vous allez avoir une période de 10 minutes d'abord pour vous présenter, ensuite pour exposer votre point de vue, donc, j'imagine, le résumé de votre mémoire aussi aux parlementaires que nous sommes. Va s'ensuivre ensuite une période d'échanges avec eux... avec elles parce que c'est essentiellement féminin aujourd'hui. Alors, la parole est à vous pour une période de 10 minutes.

M. Oliva (Vincent) : Parfait. Donc, merci, Mme la Présidente de la commission. Donc, je me présente, Docteur Vincent Oliva, je suis président de la Fédération des médecins spécialistes. Je suis accompagné de Dr François Evoy, qui est neurologue, et de maître Marie Rouillard, qui est avocate à la Fédération.

Donc, Mesdames et Messieurs les parlementaires, bonjour à tous, bonjour à toutes. Nous voulons vous remercier et remercier la Commission pour l'invitation qu'on a reçue. Donc, la Fédération, c'est plus de 10 000 médecins spécialistes répartis en 59 spécialités. Et évidemment il y a des spécialités médicales, chirurgicales, d'imagerie et de laboratoire. La fédération a pris soin de consulter l'ensemble des spécialités médicales concernées dans sa réflexion sur l'élargissement de l'aide médicale à mourir. Pas moins de 21 spécialités sont directement impliquées dans l'aide médicale à mourir, et ils oeuvrent dans différentes unités de soins médicaux, chirurgicaux, des unités de soins palliatifs, des unités de soins gériatriques, dans les salles d'urgence. Ils sont hautement formés pour prodiguer des soins à leurs patients, ils sont présents pour les accompagner et les renseigner sur l'évolution de la maladie et ses impacts sur leur santé.

Par conséquent, bien qu'ils sont formés jusqu'aux limites de la science pour vaincre la maladie et prolonger la vie, la position des médecins spécialistes a évolué au fil des années. Ils sont confrontés quotidiennement à la réalité des patients, connaissent l'importance d'un encadrement des soins de fin de vie. La Fédération demeure partie prenante du consensus social et médical selon lequel il est acceptable pour une personne de demander la mort, soit devancer pour mettre fin à des souffrances persistantes, intolérables et sans issue.

Donc, nous accueillons très favorablement le retrait du critère de fin de vie et l'élargissement de l'accessibilité à l'aide médicale à mourir par voie de demande anticipée aux personnes atteintes d'une maladie grave et incurable menant à l'inaptitude. Nous saluons également l'introduction des dispositions visant à rendre admissibles à cette aide les personnes atteintes d'un handicap neuromoteur grave et incurable. Nous croyons que ces avancées s'inscrivent pleinement dans l'évolution logique de la loi actuelle et dans la volonté exprimée de notre société de pouvoir déterminer ce qui lui apparaît comme une fin de vie digne et respectueuse de ses valeurs.

Toutefois, nous sommes d'avis que certains aspects du texte méritent d'être clarifiés afin de garantir des normes de soins respectueuses de la dignité et de l'autonomie décisionnelle des patients, des valeurs au fondement de notre position qui ont continuellement guidé nos travaux depuis plus de 10 ans sur les soins de fin de vie. Je vais vous entretenir de trois éléments principaux sur lesquels on exprime des réserves et des recommandations qui sont toutes issues de réflexions interdisciplinaires.

En premier lieu, arrêtons-nous sur le handicap neuromoteur grave et incurable. La Fédération soutient que la souffrance constante, insupportable, inapaisante, qu'elle soit physique ou psychique, doit être le vecteur pour guider l'admissibilité...

M. Oliva (Vincent) : ...de toute demande. En ce sens, nous saluons l'ajout au projet de loi d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'un handicap neuromoteur grave et incurable. On est cependant préoccupés par le risque réel que constitue la coexistence de deux législations distinctes en la matière au Québec et au fédéral.

Cette discordance est susceptible d'entraîner une large confusion chez les patients et les professionnels de la santé appelés à évaluer et administrer l'aide médicale à mourir. Ça pourrait même conduire les patients à se tourner vers les tribunaux pour faire valoir leurs droits.

Par ailleurs, nous estimons qu'il est nécessaire de préciser la notion de handicap neuromenteur. Nos réserves proviennent d'un risque de dérapage dans l'interprétation qui pourrait y être donnée. La communauté médicale n'ayant pas encore établi de consensus sur ce critère, nous pensons que la prudence doit demeurer.

En deuxième lieu, nous souscrivons pleinement à l'ajout de nouvelles dispositions autorisant les demandes anticipées d'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie grave et incurable afin qu'elles soient libres de déterminer à quel stade ultérieur de la maladie elles souhaitent recevoir un tel soin, même si elles ne sont alors plus aptes à consentir.

Toutefois, cette possibilité comporte son lot de défis pour les soignants qui auront à accompagner ces personnes dans la rédaction de leur demande, mais aussi pour procéder à leur évaluation et, ultimement, administrer l'aide médicale à mourir qui s'ensuivrait.

C'est pourquoi nous souhaitons porter à votre attention certaines réflexions et préoccupations qui, selon nous, pourraient avoir une large incidence sur l'applicabilité des demandes anticipées.

Nous considérons d'abord que cette ouverture doit pouvoir rapidement s'accompagner d'une harmonisation des lois québécoises et fédérales encadrant l'aide médicale à mourir sur cette question aussi. Comme vous le savez, le Code criminel ne permet pas actuellement de formuler pareille demande, car l'obligation de fournir un consentement final avant de recevoir cette aide y est toujours énoncée.

Nous souhaitons donc que le législateur fédéral prenne en compte la position de son homologue québécois. Il nous apparaît important d'attirer votre attention sur ce point afin que vous puissiez faire des représentations qui s'imposent. De plus, l'autorisation des demandes anticipées revêt un enjeu majeur en ce qu'elle nécessite une évaluation de la souffrance par les professionnels compétents au moment où la personne l'ayant demandé n'est plus en mesure de conformer... confirmer ses volontés.

Ce faisant, les professionnels en question pourraient faire face à deux défis principaux aux différents stades d'exécution de la demande. Au premier niveau, au moment d'accompagner la personne dans la rédaction de sa demande, l'incertitude liée à l'évolution de l'état de santé du patient peut impacter la conformité de la demande anticipée avec les volontés réelles de la personne. Il est extrêmement difficile de prédire le rythme de progression et les effets d'une maladie, d'autant plus que les symptômes peuvent évoluer différemment d'une personne à l'autre.

Au deuxième niveau, au moment de constater objectivement les souffrances physiques et psychiques éprouvées par le patient, comme la manifestation de son consentement, l'incapacité de la personne à prévoir ce qu'elle pourrait trouver intolérable dans l'avenir et le manque de clarté avec laquelle elle pourrait faire état de ses volontés peut rendre particulièrement complexe l'évaluation menée par le professionnel compétent.

• (15 h 50) •

À la fédération, nous soulignons la nécessité que les directives inscrites au sein d'une demande anticipée soient suffisamment balisées et clairement rédigées de façon à ce que les professionnels de la santé soient en mesure de bien cerner et appliquer les volontés du patient. Nous invitons vivement les parlementaires à se pencher sur les recommandations formulées dans notre mémoire à cet égard.

Enfin, si nous comprenons que l'objectif du projet de loi est de faire la distinction entre un refus de l'administration de l'aide médicale à mourir et un geste ou une résistance pouvant se rapporter à la maladie du patient, nous sommes d'avis que la notion de refus de recevoir l'aide médicale à mourir suivant une demande anticipée telle que libellée dans le texte mérite davantage de précisions.

Nous rappelons que le professionnel compétent doit pouvoir aisément distinguer un refus de l'administration de cette aide et une manifestation clinique de la personne. Nous considérons important que les patients atteints d'une maladie grave et incurable qui voudraient formuler une demande anticipée rédigent prioritairement leurs directives médicales anticipées.

Finalement, et en troisième lieu, compte tenu de l'importante sensibilité et de la complexité que révélait discussion autour de l'ouverture de l'aide médicale à mourir aux personnes souffrant de troubles mentaux, nous tenons à préciser que nous soutenons la décision du législateur québécois de prendre le temps nécessaire pour débattre de la question en l'absence d'un consensus médical et sociétal. Au même titre que l'Association des médecins psychiatres du Québec...

M. Oliva (Vincent) : ...Nous croyons toutefois que ces personnes atteintes d'un trouble mental peuvent être tout aussi souffrantes que celles aux prises avec des pathologies physiques. Nous souhaitons également souligner qu'avec des critères d'admissibilité et d'application clairement définis et un cadre spécifique d'évaluation, un équilibre entre l'autodétermination de la personne et son besoin de protection pourrait être atteint. À cet égard, un comité multidisciplinaire de praticiens devrait être mandaté. Nous rappelons en effet que l'exclusion continue au projet de loi en la matière ne peut être définitive puisque, tôt ou tard, le législateur québécois sera saisi de cette question en raison du délai que s'est fixé le fédéral sur cette question. Nous invitons ainsi les parlementaires à se pencher dès maintenant non pas sur l'ouverture potentielle de l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrantes souffrant de troubles mentaux, mais plutôt sur comment l'offrir, l'encadrer, la baliser. La maladie mentale ne peut être tout simplement exclue d'emblée. Gardons-nous de la stigmatiser.

En conclusion, Mme la Présidente, Mesdames et Messieurs les parlementaires, la Fédération vous remercie de votre attention et de lui avoir donné l'opportunité de s'exprimer sur ces questions délicates et éminemment importantes pour nos concitoyens. Nous faisons confiance aux parlementaires pour que l'évolution de la loi soit toujours guidée par les valeurs de compassion et d'humanisme. L'objectif recherché doit être l'allègement de la souffrance dans le respect et la volonté du patient. Mais nous sommes d'avis que l'acceptabilité sociale ne peut être ignorée. Le législateur seul ne devrait pas décider d'exclure qui que ce soit de recourir à l'aide médicale à mourir, mais plutôt établir les balises afin que l'aide médicale à mourir soit dispensée dans un contexte humain, juste et équitable, qui prend en considération la réalité clinique de chaque individu. La Fédération vous invite également à clarifier et baliser davantage plusieurs volets du texte afin que les critères d'accessibilité en matière de soins soient concrètement applicables et respectueux des familles et de leurs... (panne de son) ...et espérons que notre contribution sera prise en considération. Sur ce, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Dr Oliva, Exposé fort intéressant, assez clair. Mais je suis persuadée qu'il y a des questions qui subsistent. Alors, je vais me tourner du côté de la ministre pour une période de 16 minutes, au moins, là, avec... Avec la députation également. Alors, la parole est... est à vous, Mme la ministre.

Mme Bélanger : Mme la Présidente, Docteur Oliva, Docteur Evoy, Maître Rouillard, merci, merci de votre présence cet après-midi. Merci pour le mémoire et la clarté de l'exposé. Alors, je pense que c'est vraiment intéressant. Comme vous le savez, on est rendus au jour trois de nos consultations particulières. On a rencontré plusieurs groupes, et je... j'entends bien, là, les, les différents éléments.

J'aimerais d'abord débuter sur la notion de handicap neuromenteur. Dans le fond, ce que je comprends, c'est que vous êtes favorable, mais vous précisez l'importance de mieux définir ce qu'est le handicap neuromoteur. C'est ce que je comprends. Et je profite peut-être, j'ai compris, docteur Evoy, que vous êtes neurologue, est-ce que... bien, je vais profiter de la situation, comme on dit, pour vous demander : selon vous, c'est quoi un handicap neuromoteur? Même si je comprends, là, qu'il n'y a pas de définition nécessairement très balisée là-dessus, mais j'aimerais ça vous entendre spécifiquement.

M. Evoy (François) : Vous m'entendez bien, oui?

Mme Bélanger : très bien.

M. Evoy (François) : Très bien. Bien, écoutez, je vais vous donner ma définition à moi, mais ça va être le défi de... Pour tous les médecins, parce que chacun va avoir sa définition, puis c'est justement ce qu'on ne veut pas. On veut qu'il y ait une définition commune. Mais, moi, ce que j'entends par un handicap neuromoteur grave, c'est quelqu'un qui a une paralysie, si on va dans des termes simples. Si je donne des exemples assez bien connus, quelqu'un qui serait par exemple quadriplégique suite à un traumatisme médullaire puis qui demeure quadriplégique, donc paralysé des quatre membres pour une longue période, qui est complètement dépendant pour plusieurs de ses activités ou quelqu'un de paraplégique, qui a, donc qui a perdu l'usage des... Des membres inférieurs, bien, ça, ce sont des handicaps neuromoteurs graves. Autre exemple, quelqu'un qui aurait subi un AVC, donc un trouble circulatoire au cerveau, avec une paralysie d'un côté du corps, qui serait très importante, irréversible, qui l'empêcherait de se déplacer adéquatement, de vaquer à ses occupations, donc qui aurait un impact très important dans sa vie quotidienne, on peut considérer ça comme un handicap neuromoteur grave. Et évidemment, si vous demandez à d'autres de mes collègues ou au patient lui-même si c'est grave ou pas, c'est là que... que ça devient un petit peu plus complexe. Et c'est là qu'on va...

M. Evoy (François) : ...besoin de définition plus claire pour, justement, comme le disait si bien docteur Oliva, éviter les dérapages et puis qu'on s'entende sur des définitions communes.

Mme Bélanger : Il y a un défi de définir, hein, dans le fond ce que c'est. Croyez-vous que c'est quelque chose qui est faisable de façon rapide et relativement... relativement rapidement et de façon efficace, de faire une définition ou c'est quelque chose qui demande des années de discussion, et de réflexion, et de consultation?

M. Evoy (François) : Bien, les médecins sont assez rapides quand on leur demande d'agir, là, donc là, quand il y a urgence, habituellement on est là. Alors, moi, j'ai l'impression que... si on nous demande, par exemple, les associations médicales, le Collège des médecins, d'établir un guide de pratique qui serait respectueux de la loi, bien, j'ai l'impression que les gens seraient tout à fait disponibles puis que ce serait possible d'agir assez rapidement.

Mme Bélanger : Donc, en passant par un guide de pratique et des modalités, là, de critères cliniques et... O.K., O.K. Bon, on a eu plusieurs groupes, j'en profite, là, pendant que vous êtes là, on a eu différents groupes, comme je le mentionnais. Certains nous ont mentionné que le fait de mettre le handicap neuromoteur peut créer un précédent pour les personnes ayant d'autres handicaps, ne sont pas des handicaps neuromoteurs. Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir à cela?

M. Oliva (Vincent) : Oui, bonjour, Mme la ministre. Oui, effectivement, on en a discuté à plusieurs groupes de spécialistes, plusieurs associations. En fait, dans cet aspect-là, la première chose qui nous agace, c'est le fait qu'il y ait une discordance entre la loi fédérale puis la définition provinciale. Ça fait que ça, c'est probablement l'aspect qui nous agace le plus. Effectivement, on a discuté du fait que ce soit limité à la portion neuromotrice du handicap.

Bon, en réalité, est-ce qu'il y en a beaucoup d'autres handicaps que neuromoteurs pour lesquels l'aide médicale à mourir serait applicable? C'est là que c'est discutable. Et c'est vrai que d'autres formes de problèmes sont probablement, disons, atteignables sous le parapluie d'une maladie, hein, donc d'une maladie grave, mais effectivement il serait intéressant, justement, de se pencher sur quels types de handicaps non neuromoteurs tomberaient dans la catégorie applicable? Je pense que c'est là qu'il faut se pencher. Je crois qu'il y a, effectivement, une certaine prudence qui doit être exercée puis je pense qu'il y a des cas qui ont fait polémique dans d'autres pays où, par exemple, il y a eu des demandes d'aide médicale à mourir pour des problèmes de surdité, si je ne m'abuse, ou de cécité, mais bref, c'est clair qu'il y a là controverse, mais nous, ce qu'on dit surtout, c'est : premièrement, la discordance entre la loi québécoise et fédérale, et, deux, nous devrions essayer de définir quels sont les handicaps non neuromoteurs pour lesquels ce serait applicable.

Mme Bélanger : O.K., je vous remercie. Peut-être au niveau... Dernière question de mon côté, puis je vais laisser, par la suite, mes collègues intervenir. Au niveau de l'acceptabilité au niveau des médecins spécialistes, au niveau du projet de loi qui est sur la table, qu'est-ce que vous en pensez? Comment les médecins réagissent, là, selon vous? Je comprends que vous n'avez pas fait de sondage, là, en lien avec la question particulière que je vous pose, mais pensez-vous qu'il y a une acceptabilité au niveau des différentes associations médicales par rapport au projet de loi qu'on a déposé?

• (16 heures) •

M. Oliva (Vincent) : Je dirais que oui, là. La réponse courte, ce serait oui. Puis oui, on a consulté très largement tout au cours de notre réflexion, et là encore un autre tour de roue plus récemment. Je peux peut-être laisser docteur Evoy compléter parce qu'évidemment, dans sa pratique, il en fait, de l'aide médicale à mourir. Donc, peut-être, François, tu pourrais compléter.

M. Evoy (François) : Oui, bien, c'est ça, bien, je pense qu'il y a un consensus parce qu'on est au service des patients, puis c'est une demande, hein, tout simplement. Donc, il faut répondre à la demande. La société évolue. L'aide médicale à mourir est un succès au Québec parce que les choses ont été bien faites, par étapes, puis on pense que la façon dont c'est présenté actuellement, ça va dans cette lignée-là, dans cette voie-là, bon.

Donc, les médecins sont d'accord, mais ce n'est pas parce que les médecins n'ont pas d'inquiétude. Il y a de l'inquiétude chez les médecins spécialistes, parce qu'il va falloir procéder, et le diable est dans les détails. Et c'est pour ça que nos recommandations, ça va être vraiment d'établir des balises qui sont extrêmement claires pour pouvoir nous aider à faire notre travail adéquatement. Je vais juste vous donner un petit exemple vécu. J'ai fait des aides médicales à mourir...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Evoy (François) : ...chez des patients qui avaient des troubles neurologiques. O.K. c'est des patients qui étaient tout à fait conscients, volontaires, qui pouvaient me donner leur consentement à la dernière minute, ça fait qu'ils donnent la force aux médecins de procéder. Mais imaginez, maintenant, avec ce qui s'en vient, des gens qui vont avoir des directives médicales anticipées pour l'aide médicale à mourir, qui, au moment où on va procéder, ne seront plus conscients, ne pourront plus donner leur consentement.

Pour plusieurs médecins, ça peut amener certaines objections de conscience. Même chose pour la question de la définition des troubles neuromoteurs ou de maladies, on veut absolument éviter les dérapages, comme il y a eu ailleurs. Donc, si les balises sont claires, ça va rendre les médecins beaucoup plus confortables. Alors, il y a du travail de fond à faire parce que la loi, on est d'accord, certainement, mais l'appliquer dans la vie... Il reste beaucoup de travail à faire, définitivement, pour que les médecins soient confortables avec la situation.

Mme Bélanger : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Alors, pour poursuivre cet échange, je me tourne du côté de la députée de Laporte. La parole est à vous. Il reste encore sept minutes 30.

Mme Poulet : Oui, merci, Mme la Présidente. Merci à vous trois. Merci beaucoup de votre participation. J'ai une question concernant votre recommandation un, concernant le délai. Alors, compte tenu qu'ils peuvent y avoir des maladies foudroyantes... des symptômes qui peuvent évoluer différemment. Vous l'avez mentionné d'une personne à l'autre, vous avez également mentionné que la société a évolué. On en parle entre amis, en famille. Vous mentionnez que l'essence même d'une demande anticipée... de respecter les volontés d'un individu. J'aimerais vous entendre. Pourquoi accorder un délai? Est-ce que ça ne vient pas en contradiction? Est-ce... j'aimerais vous entendre à cet effet?

M. Oliva (Vincent) : Bien, je peux me... bonjour, Mme la députée, donc je peux peut-être commencer l'élément de réponse, puis laisser mon collègue Dr Evoy compléter, mais en gros, quand un patient subit un changement de son état, c'est possible qu'il voit ça comme très négatif, très péjoratif et qu'il ne voit pas la lumière au bout du tunnel, mais qu'au bout d'une certaine période de temps il l'apprivoise et la voit différemment et soit capable de l'accepter et de vivre avec. Donc, ça, c'est la réponse courte. Je ne sais pas, François, Dr Evoy, si tu veux compléter.

M. Evoy (François) : Bien, tout à fait, c'est ça. Parce qu'écoutez on est un peu inquiets, des médecins qui font des réadaptations, imaginez les centres de réadaptation sont pleins de traumatisés médullaires, qui sont quadriplégiques, paraplégiques qui voudraient mourir le lendemain. Mais évidemment, il y a une question de deuil à faire, donc il y a un délai. Puis, en plus, il y a une question de pronostics. En neurologie, chez quelqu'un qui a une lésion aiguë, il peut y avoir de l'amélioration. Donc, il faut laisser le temps, autant au niveau physique que psychologique, de récupérer pour la vraie, pour avoir un vrai pronostic, d'une vraie idée de la finalité. Et puis on a des exemples. On a plein d'exemples autour de nous, de gens qui peut-être ont pensé au suicide, là, après un accident important qui a donné une quadriplégie ou une paraplégie, qui sont des champions olympiques maintenant, là, hein, et qui ont une vie absolument remplie puis extraordinaire. Voilà, tu sais, la vision des choses peut changer à travers un épisode qui peut paraître dramatique. Puis on veut laisser la possibilité aux gens d'avoir cette réflexion-là et cette possibilité-là et d'intervenir rapidement. J'ai l'impression que les gens n'auront probablement pas la possibilité de faire ce cheminement. Donc, encore une fois, c'est toujours une question de précaution de s'assurer le meilleur pour le patient dans son meilleur intérêt. Et aussi que le médecin soit confortable avec des situations qui pourraient devenir un peu difficiles émotivement.

Mme Poulet : Alors, pour vous, même si c'est une maladie dégénérative...

M. Oliva (Vincent) : ...peut-être meurtrière, Me Rouillard, avait un petit point à ajouter.

Mme Poulet : Ah! désolée.

Mme Rouillard (Marie) : En fait, je voulais juste ajouter que ça s'inscrivait également dans tout l'aspect du consentement éclairé du patient. C'est-à-dire que de prendre le temps de réfléchir à la condition que le patient vient de subir, ça fait juste en sorte que le moment venu, où est-ce qu'il va avoir peut-être à se poser la question si l'aide médicale à mourir pourrait être une option, son consentement va être plus éclairé. Donc, c'est dans cet aspect-là qu'on amenait aussi qu'un certain délai devait être accordé. Et ça peut s'inscrire aussi dans toute la réflexion sur la notion de la définition d'un handicap. Donc, dans les guides de pratique, par exemple, qui pourraient être adoptés.

Mme Poulet : Alors, même dans une maladie dégénérative, vous, vous proposez un délai. Et ce délai-là, vous le chiffrez de quelle façon? Pendant combien de temps? Quel serait le délai pour vous?

M. Evoy (François) : Vous parlez d'une situation comme d'une maladie neurodégénérative, là, c'est un peu différent de l'exemple que je vous ai donné. Je donne l'exemple d'un patient, bon, qui a...

M. Evoy (François) : ...une condition qui est relativement stable, par exemple une maladie comme la sclérose en plaques qui serait sévère avec un handicap neuromoteur très important, mais qui n'a pas la condition... que ce n'est pas quelqu'un qui a une mort imminente, donc qui n'a pas une mort prévue dans la prochaine année ou même qui n'a pas de risque de mortalité. Bien, évidemment, à travers le cheminement d'une demande d'aide médicale à mourir, on se rend compte, pour avoir accompagné des patients, qu'il y a des gens qui réfléchissent, puis même ceux qui le voudraient à court terme, qui ont des... qui ont une espérance de vie qui est de moins d'un an, il y a des gens qui reculent, hein, tout simplement parce qu'ils réfléchissent, puis, une fois qu'on a commencé à faire les démarches, on parle à nos proches, on parle aux gens autour de nous, et puis notre vision des choses peut changer. Donc, c'est de laisser cette possibilité-là.

Bon, le délai, je pense qu'il va falloir en discuter, là, mais ce qui est... le 30 jours actuel minimum m'apparaît quelque chose de tout à fait raisonnable, mais ça pourrait être discutable, évidemment, oui.

Mme Poulet : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Alors, si j'ai... Oui, une autre question?

Mme Guillemette : ...

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Oui, il reste encore deux minutes pour la députée de Roberval. La parole est à vous.

Mme Guillemette : Merci. Merci d'être avec nous cet après-midi. Moi, j'aimerais vous entendre sur votre recommandation 7, celle du refus. Vous nous dites qu'il faudrait préciser davantage la notion de refus. Qu'est-ce qui vous rendrait à l'aise pour ce niveau-là au soin du refus... au niveau du refus? Et il y a le refus catégorique, là, également. Qu'est-ce qui vous rendrait à l'aise?

M. Oliva (Vincent) : Bon, alors, ça, ça a été écrit dans la perspective où, par exemple, un patient fait une demande anticipée et dit : Moi, mettons, quand je vais arriver à un tel état, bien, je vais vouloir l'aide médicale à mourir, mais il l'écrit dans un état a puis il chemine vers un état b, mais, rendu à l'état b, O.K., il développe une démence, par exemple, et il y a des manifestations, comme par exemple de l'agitation, O.K.? Est-ce que l'agitation... le patient ayant de la difficulté à s'exprimer, est-ce que l'agitation est un refus ou l'agitation est une manifestation de sa démence? Alors, vous voyez que, dans ces situations-là, il pourrait y avoir un grand malaise. Ça fait que ça, c'est un exemple qui illustre cette recommandation-là.

Donc, faudrait-il préciser que, dans un cas de démence qui évolue, même si je deviens agité, je vais vouloir l'aide médicale à mourir? Parce que vous comprenez qu'il y a des situations très problématiques puis d'autres situations où, par exemple, un patient voudrait, voudrait refuser mais qu'il perdait l'usage de la parole, ça poserait problème.

Donc, je ne sais pas, François, si tu as d'autres exemples en tête qui pouvaient illustrer cette...

M. Evoy (François) : Oui, mais c'est exactement ça. Parce qu'à vrai dire, vous savez, quand un patient... on parle des patients qui ont fait des directives médicales anticipées, puis la maladie d'Alzheimer est extrêmement fréquente. Donc, ces situations-là vont arriver, là... ça va arriver tout le temps. C'est clair qu'il faut le prévoir. Puis je m'excuse, des fois, on veut donner un bain à quelqu'un qui a une démence, puis c'est difficile. Si on veut lui installer un soluté, là, pour injecter des médicaments, puis ce n'est pas un petit soluté, c'est beaucoup de médicaments, ça se pourrait que la personne ne soit pas tout à fait d'accord. Puis elle ne sera même plus consciente de pourquoi elle a demandé ça, elle ne sera pas consciente de ce qu'on est en train de faire.

Donc, le refus physique ou le refus... On doit savoir si le patient veut vraiment qu'on procède, mais il va falloir aussi établir des protocoles pour ce type de population là qui pourraient être plus respectueux. Donc, il y a des choses qui pourraient être faites, comme de la sédation à l'avance. Donc, est-ce que, dans sa directive médicale anticipée, le patient pourrait dire : Moi, peu importe, si je ne participe pas, je voudrais avoir une sédation préalable à l'installation du soluté, etc., donc des choses extrêmement pratiques, vous voyez, qui vont faire en sorte que le médecin et l'équipe soignante va se sentir beaucoup plus à l'aise de procéder. Parce que je peux vous jurer que ça risque d'être un peu traumatisant au départ. On s'habitue à tout, mais...

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci. Merci pour ces éléments de réponse. Le premier bloc d'échange venant de se terminer depuis quelques secondes, je me tourne, par contre, du côté de la députée Westmount-Saint-Louis pour un deuxième bloc d'échange avec vous, pour une période de 9 minutes 54 secondes. Le temps commence.

Mme Maccarone : Merci. Bonjour, Dr Oliva, Dr Evoy et Me Rouillard. Un plaisir de vous avoir avec nous. Merci pour votre témoignage, votre mémoire et les réponses à nos questions qui sont fort intéressantes puis qui vont sûrement nourrir notre réflexion rendu à l'étape de l'étude détaillée de cette loi.

Évidemment, je veux revenir sur la notion de handicap. Merci aussi pour les exemples que vous avez évoqués dans votre mémoire et que vous avez partagés avec nous. Je souhaite creuser...

Mme Maccarone : ...un petit peu plus en ce qui concerne la notion de handicap neuromoteur ou si on enlève la notion de neuromoteur. Mais votre exemple de quelqu'un qui subit un accident, par exemple, qui devient paraplégique, qui perdrait l'utilisation de ses jambes... Et je comprends qu'on souhaite évidemment une période de rétablissement puis de travail, parce que, comme vous avez dit souvent, c'est imprévisible, mais la notion de souffrance est très large, très subjective. Puis évidemment on parle aussi beaucoup du respect de choix de la personne concernée, l'autodétermination. Si c'était... encore une fois, je reviens à la notion de souffrance, si c'était la même personne, mais qui avait perdu l'utilisation de ses bras, et c'est une personne qui souffre parce que, dans la vie, c'est comme ça que cette personne gagne sa vie, travaille, il est musicien, par exemple, comment voyez vous l'applicabilité de l'aide médicale à mourir pour une telle personne, après une période de temps, comme vous avez dit, aura passé pour son rétablissement?

M. Oliva (Vincent) : Veux-tu répondre, François?

M. Evoy (François) : Oui, je peux répondre. Bien, à vrai dire, ça arrive, en neurologie, que quelqu'un va avoir... Puis là, j'ai donné quelques exemples, mais, après ça, il y a plein d'exemples. Puis comme ce que vous avez cité, ça peut arriver dans certaines maladies. Puis, moi, quelqu'un qui perd l'usage complet des bras, puis qui n'est plus capable de faire ses... de fonctionner, de faire ses activités quotidiennes... je pense que ça pourrait entrer dans... trouble neuromoteur grave. Mais, encore là, on a besoin de définition claire pour aider à baliser, hein, tout ça. Donc, oui, je pense que, dans une situation comme celle-là, ça pourrait très bien s'appliquer.

Mme Maccarone : Puis, quand vous parlez de baliser, vous avez fait mention d'un guide de pratiques. Est-ce que le guide de pratiques est quelque chose que nous devons enchâsser dans la loi, avoir un article qui fait référence à ce guide de pratiques?

M. Oliva (Vincent) : Maître Rouillard, voulez-vous...

Mme Rouillard (Marie) : Je crois...  puis, en fait, je ne pense pas que ce serait requis, dans le sens où est-ce que le Collège des médecins s'est déjà penché sur un tel guide de pratiques, sans nécessairement qu'il y ait une disposition législative qui le prévoyait. Il faut juste que ce guide de pratique là, ou d'autres qui s'ensuivrait, également que, maintenant, l'Ordre des infirmières aussi participe, considérant, là, l'ouverture, bien, dorénavant aux IPS, bien, je pense que ce guide de pratiques là doit être adapté, et même que d'autres pourraient, justement, s'ensuivre pour s'assurer que l'évaluation... l'application de l'aide médicale anticipée soit... se fasse aisément au niveau des professionnels de la santé, et aussi que ça soit une certaine... que ça soit rassurant pour les patients également, là, qu'il y ait des balises aussi pour qu'un soin qui est assez... en fait qui est irréversible. Donc, ça prend un encadrement qui est juste.

M. Oliva (Vincent) : Donc, autrement dit pas nécessairement qu'il soit enchâssé dans la loi, mais auquel la loi fait référence.

Mme Maccarone : Et je présume que ce serait... Bien, je ne devrais pas présumer. Selon vous, ce guide devrait être revu combien de fois, à chaque an, chaque deux ans? Parce que vous avez aussi fait... dans votre recommandation 6, vous parlez de formation pertinente, qui m'amène, dans le fond, à une question complémentaire à la première, c'est : Combien de temps avez-vous besoin pour avoir une formation avant que la loi vienne en vigueur? Combien de temps pensez-vous que nous devons avoir avant de revoir nos pratiques aussi, étant donné qu'on sait déjà, dans un an, si les troubles mentaux ne feront pas partie de cette loi, notre loi, ça se peut qu'elle sera considérée comme désuète?

M. Oliva (Vincent) : Bien, je pense que ce serait aux rédacteurs de ce guide de pratiques à faire des recommandations quant à la fréquence du renouvellement, parce qu'effectivement je pense que ce sont les experts qui vont se pencher là-dessus puis qui vont qui vont être à même de déterminer aux combien de temps estce qu'on devrait le réviser.

Mme Maccarone : Et le temps nécessaire pour... Je sais que j'ai posé plusieurs questions en même temps. Le temps pour la formation, avant l'entrée en vigueur de la loi, puis pour le retour aussi, pour revoir les pratiques, pour voir comment ça fonctionne sur le terrain aussi, vous avez besoin... L'an passé, nous avions prévu... dans le passé, c'était 18 mois. Est-ce que, pour vous, c'est suffisant, trop long, pas assez long...

M. Evoy (François) : ...peut-être... bien, à vrai dire, j'ai l'impression que... bon, poser la question des troubles nouveaux moteurs, ça peut se faire quand même assez rapidement, là, j'ai l'impression que c'est un sujet... C'est juste de s'entendre. Parce qu'une fois qu'on s'entend il n'y a pas besoin de formation, les gens vont savoir quoi faire. Donc, une fois que le guide est publié, qu'il y ait des balises, ce n'est pas si compliqué.

Pour les directives médicales anticipées, là, pour l'aide médicale à mourir, ça demeure un petit peu plus complexe. Je pense que ça l'aille en amont de faire au niveau de tout ce qui est formulaire ou qu'est-ce qu'on devrait faire avec le patient, lesquelles questions on devrait leur poser, comme on vous a dit, là, que... Donc, il faut être respectueux des volontés de la personne qui demande l'aide médicale à mourir, puis, pour ça, il faut qu'il puisse exprimer clairement. Donc, il va falloir que les formulaires soient extrêmement bien faits pour qu'on puisse avoir des balises. Puis moi, c'est plus le délai pour qu'on puisse organiser ça, donc...

Et l'autre point, c'est, il ne faudrait pas que l'aide médicale à mourir, ce soit la façon de mourir pour tout le monde au Québec quand on a un trouble neurocognitif. Il y a d'autres façons de mourir, j'espère, et il y a une loi sur les soins de fin de vie au Québec qui permet toutes sortes de soins qui sont tout à fait adéquats et qui ne nécessitent pas l'aide médicale à mourir.

Et, entre autres, la question de l'utilisation des niveaux de soins que l'on... Nous, on favorise que les gens qui sont en perte d'autonomie remplissent leurs formulaires de niveau de soins, qui remplissent les directives médicales anticipées en cas de maladie majeure et que ça, ça va baliser l'intensité des soins par la suite. Parce que, si on a bien balisé l'intensité des soins, bien, il est probable que l'aide médicale à mourir devienne quelque chose qui est assez marginal. Et nous, une réussite de la loi des soins de fin de vie, ce serait que l'aide médicale à mourir demeure quelque chose de marginal, présent mais marginal.

M. Oliva (Vincent) : Et, si vous permettez, Mme la députée, autrement dit, on croit beaucoup à la mort naturelle digne, donc de... peut-être plutôt d'éviter de s'acharner, hein, ça, c'est déjà une étape importante, et de permettre que ça se fasse dignement et que la norme ne devienne pas... bien, quand on est rendu à un stade x, on donne la mort de cette façon-là. Je pense qu'il y a des façons très dignes de mourir naturellement.

Mme Maccarone : Ça m'amène à une question très sensible. Parce qu'on a parlé beaucoup de comment sensibiliser la population. Il y a plusieurs personnes qui ne sont pas au courant, qui ont recours à l'aide médicale à mourir actuellement. Comment voyez-vous votre rôle en accompagnement? Comme vous avez dit, c'est une mort naturelle qu'on prône, mais on souhaite aussi avoir un continuum de soins. On souhaite toujours l'aide médicale à vivre et non l'aide médicale à mourir dans tous les cas. Comment voyez-vous votre rôle de sensibilisation de vos patients puis la population pour assurer une compréhension commune et aussi protéger les personnes vulnérables?

M. Oliva (Vincent) : Bien, on a un rôle comme médecins spécialistes, comme promoteurs de la santé et promoteurs des soins. Donc, on l'exerce déjà, puis c'est clair qu'à l'intérieur de nos formations on n'agit en ce sens-là pour s'assurer que les médecins sont au courant, bien formés. Puis, au niveau de la population aussi, on a une responsabilité. Évidemment, il faut comprendre que c'est une notion qui est en évolution. On en parle de plus en plus, puis, à ce titre-là, on conçoit que notre rôle est significatif.

• (16 h 20) •

Mme Maccarone : Merci de nous faire rappeler aussi de l'importance du formulaire. Nous avons tous hâte de voir le formulaire, en espérant qu'on va pouvoir contribuer avant l'adoption de la loi. Puis j'apprécie aussi beaucoup votre recommandation 4, de continuellement mettre à jour puis d'être accompagné, que ce soit par le tiers de confiance, que je sais qu'on n'a pas eu la chance d'en débattre, ou par le professionnel de la santé, pour assurer une compréhension commune. Merci beaucoup.

Une voix : Ça fait plaisir.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la députée. On va poursuivre, donc, nos échanges avec la députée de Sherbrooke pour une période de 3 min 18 s. La parole est à vous.

Mme Labrie : Merci, Mme la Présidente. Je vais vous questionner également sur le rôle des médecins pour informer les patients de la possibilité de la médicale à mourir. On a entendu tout à l'heure un témoignage assez troublant, je ne sais pas si vous l'écoutiez, d'un citoyen qui n'avait pas été informé par son médecin de la possibilité de l'aide médicale à mourir, où il souffrait au point d'avoir développé un projet suicidaire. Et c'est finalement une travailleuse sociale qui l'a informé de ses droits. Et, quand il en a parlé à son médecin, il a senti la froideur de son médecin à cette idée. De votre point de vue, c'est quoi, le niveau de responsabilité des médecins d'informer leur patient de l'éventail complet...

Mme Labrie : ...des soins auxquels ils ont droit, notamment l'aide médicale à mourir. Est-ce que c'est une responsabilité de le faire?

M. Oliva (Vincent) : Bien, je pense que c'est un rôle primordial. Maintenant, je le laisserais peut-être docteur Evoy compléter parce qu'il a de l'expérience clinique sous sa cravate.

M. Evoy (François) : Bien, à vrai dire, la loi prévoit qu'on doit informer le malade des possibilités de soins quand, évidemment, l'aide médicale à mourir devient une possibilité. Donc, ça fait partie de notre responsabilité, ça fait partie des soins comme l'informer de tous les soins de soins de fin de vie. Alors, oui, on est tenus de le faire quand la situation nous apparaît pertinente. Évidemment, les patients souvent, même les patients qui ne sont pas des candidats, ont le droit de poser des questions. Et il y a un travail d'éducation encore à faire à la population. Je dirais que c'est de moins en moins problématique parce que les gens abordent le sujet. Bon, on a vu un changement dans les dernières années qui est radical, là, les gens abordent la question très rapidement, même dans des situations qui ne sont pas appropriées. Ce n'est pas grave, ça nous fait plaisir de répondre.

Mais définitivement, quand la situation... quand il y a des maladies qui sont... qui fait en sorte que l'aide médicale à mourir devient une option, comme par exemple, en neurologie, la sclérose latérale amyotrophique, bien, écoutez, ça fait partie de la discussion rapide qu'on va avoir avec les malades.

Mme Labrie : O.K. Donc, l'objection de conscience à laquelle le médecin a droit, bien sûr, ne va pas jusqu'à faire en sorte qu'il pourrait décider de ne pas parler de ce soin-là à son patient.

M. Evoy (François) : L'objection de conscience, c'est pour procéder à l'acte et non pour informer le patient. L'objection de conscience ne doit pas aller jusque-là.

M. Oliva (Vincent) : Peut-être Me Rouillard voudrait rajouter quelque chose.

Mme Rouillard (Marie) : Oui, c'est exactement ce que je voulais ajouter comme point avant que vous le mentionniez, Mme la députée, c'est que le... c'est un devoir déontologique pour le médecin d'informer, mais ça doit s'agencer également avec son droit aussi de ne pas nécessairement prodiguer des soins qui iraient à l'encontre de ses valeurs, de ses volontés. Donc, ces deux choses, mais un peut aller avec l'autre, là, c'est clair.

Mme Labrie : Je le comprends. Donc, un... si on est informés, par exemple, nous, comme élus, d'un patient qui ne s'est pas fait informer de ça par son médecin, on pourrait l'inviter à avoir recours au Collège des médecins, par exemple, parce que ça pourrait être professionnel de ne pas avoir transmis l'information.

M. Oliva (Vincent) : Bien, ça, écoutez, je pense que c'est une question qu'il faudrait poser au Collège des médecins, comment procéder dans ce cas-là, mais ce qui est clair, c'est que, comme disait Dr François Evoy, c'est évident que c'est un soin qui est en évolution et donc nécessite encore de la formation. Donc, il ne faut pas nécessairement voir ça comme une faute, mais il faut voir ça peut-être comme, disons, un outil dont les médecins ne sont pas tous complètement conscients, il reste là de l'éducation à faire.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup. Merci pour toutes ces réponses, ma foi, éclairante. On va terminer, maintenant, notre séance avec un dernier bloc d'échanges qui... dont va prendre par la députée... la députée, pardon, de Laviolette-Saint-Maurice pour trois minutes 18 secondes. Allez-y, Mme la députée.

Mme Tardif : Merci. Bonjour. Merci d'être là avec nous cet après-midi. Vous parlez de mettre en place, je dirais... de la nécessité de mettre en place des formations pour les spécialistes mais aussi pour les membres du comité interdisciplinaire. Est-ce que, d'une part, vous voyez qu'on devrait ajouter ça dans la loi, cette nécessité-là? Et, deuxièmement, comment vous voyez cette formation-là? Parce que j'imagine que ça serait un peu comme le formulaire, il faudrait qu'il y ait des mises à jour qui soient faites de façon fréquente, mais là je ne veux pas mettre de mots dans votre bouche. Alors, comment voyez-vous ça?

M. Oliva (Vincent) : Bien, pour l'aspect de le rajouter dans la loi, je peux peut-être passer la parole à Me Rouillard, et puis ensuite laisser mon collègue Dr Evoy compléter.

Mme Rouillard (Marie) : Tel qu'on le mentionnait, là, un peu plus tôt, ce n'est pas nécessairement l'aspect qui est requis qui doit être inséré dans la loi, c'est-à-dire que, quand qu'on développe un guide de pratiques, par exemple, que l'ordre professionnel ou que le ministère débloque des lignes directrices, c'est important qu'il y ait un devoir d'éducation, d'information qui s'ensuive. Donc, c'est pour ça que vous mentionnez, dans le cadre de notre mémoire, qu'il devrait y avoir des formations pour expliquer...

Mme Rouillard (Marie) : ...et préciser des points pour les professionnels qui vont être appelés justement à évaluer des demandes très sensibles. Et justement, on parlait de, du devoir d'information de, avec la question précédente, d'informer le patient adéquatement sur les démarches qu'il va pouvoir faire et sur la façon par exemple, dont sa demande va être... va pouvoir être remplie. Donc, c'est plus dans ce sens-là qu'on le voyait.

M. Oliva (Vincent) : Je pense qu'il y a peut-être... ou... Le complément pour la formation.

M. Evoy (François) : Oui, pour la formation. Bien, écoutez, les... la commission de soins de fin de vie, les comités interdisciplinaires, tu sais, ils sont très utiles dans les établissements pour aider les médecins justement dans les décisions. Donc, ces gens-là sont comme nos points de repère. C'est par eux que ça doit passer, évidemment. Donc, une fois que les guides sont faits, eux les appliquent, les interprètent et puis ils vont être des personnes de référence, là, pour les médecins qui vont vouloir procéder. Donc, c'est un peu la façon dont je vois que ça va s'insérer. Puis, évidemment, bien, la mécanique est assez bien huilée, de façon générale. Il va y avoir une adaptation, c'est clair. Mais, tu sais, on n'est pas comme voilà cinq ans où tout était nouveau, tu sais, les choses ont changé. Je pense qu'on est capables de l'intégrer. Ça va être un gros défi, c'est certain. Mais le personnel qui est compétent pour le faire est là.

Mme Tardif : Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Voilà, c'est ce qui termine ce dernier bloc. Dr Oliva, Dr Evoy, Maître Rouillard, merci beaucoup pour votre participation et l'apport à nos travaux. Ce fut fort intéressant. Alors, je me permets de vous... Au nom de mes collègues ici présentes, de vous souhaiter une bonne fin de journée.

Et pour l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 21 mars 2023 à 10 h, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 16 h 28)


 
 

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